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1794, 11-12, 1795, 01, t. 13, n. 13-24 (25, 30 novembre, 5, 10, 15, 20, 25, 30 décembre, 4, 9, 14, 19 janvier)
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LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
( N ° . 17. )
Quintidi 25
Frimaire ,
l'an troifième de la République.
( Lundi 15 Décembre 174 , vieux ftyle. )
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTÉRAIRE
Le prix de l'Abonnement ef de 42 livres
franc de port.
CALENDRIER
RÉPUBLICAIN.
FRIMAIRE.
Ere Républicaine.
La Lune de mois a 30 jours. Da I au 27 ,
les jours décr. mat. & foir de 20 m.
Ere
J.HASE S
de de la
Vulgaire LNE
.
Tems moyen
au Midi vrai
H. M. S.
I primedi Lete Décade. 21 vend. 29 4.90 45
2 duodi
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23 Dim
24 lundi
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3 merc. 12
4
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jeudi 13h. 8 m.
Svend. 14 du mat.
6 fam. 15
28
493
4.93 85
4.94 14
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4.90 65
4.90
84
31 4.91
N. 4.91
26
le 4 91 42
4.91 72
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4 91 96
8 92 21
9 4.92 47
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20 Décadi .
21
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23 tridi.
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9 mardi 18 le 16, 18 4 95
merc.19h 53 m
4.95 38
495 71
12 vend . 21 4.95
13 fam . 22
4 96
14
Dim. 23 4.96
IS15 lundi 24 le 24 à 7 4 97
16 mardi 25 h . 28 m.
17.
merc. 26.
18 jeudi . 27
1, vend. 28 19
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4.97 37
9841
68
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES.
Du Quintidis Frimaire , l'an troisieme
de la République.
( Mardi 25 Novembre 1794 ,
vieux style. )
TOME X II I.
ERT
MONACENETS
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins
1
No. 18.
TABLE des matieres littéraires , depuis le 26 septembre
jusqu'au 20 novembre 1794 , vieux style.
Potsir. OÉSIF . Sur l'invention du télégraphe .
Charade , Enigme....
Adreste et Nancy , etc. , anecdotes américaines .
Annonces de livres nouveaux .
Le Vengeur ( ode ) , par Philipon ...
Tonga et Peggy Nyiedon , anecdote américaine .
Annonces de livres nouveaux.
Sur le Muséum des Arts ...
Page
33.
Ibid .
34.
59.
65.
• 68.
70 .
97 .
La mort de Florian ( élégie ) , par Gretry filz. 129 .
Vers sur la mort de Florian , par Forestier. 130 .
Discours décadaires pour toutes les fêtes de l'année républicaine
, par Poultier ...
131.
Annance de livres nouveaux . 133.
Sur les abus des mots , etc. dans la révolution .
Annonces de livres , musique et gravure ..
161. •
168 .
Enigme et Logogriphe .... 193 .
Essai historique et politique sur l'état de Gênes..
Annonces de livres et de gravures .
194.
... 200 .
Vers sur la chute de Robespierre , par Lelong...
225.
Constitution des principaux états de l'Europe et des
Etats- Unis de l'Amérique , par Lacroix .. 226.
La nouvelle Chartreuse , etc. par Vigée . 227 .
Annonces de livres et gravures .. 232 .
Maximes de conduits ( stances ) . 257.
Instructions tirées de l'exemple des animaux . etc.. 258.
Annonces de livres , musique et gravure .. 264.
ཏི པཊྛཾ ༦
*
Suite du fragment sur l'abus des mots , etc. dans la révolution
...
289.
Le Tibre ( conte ) par Gretry fils.
321 .
Recherches sur les causes des principauxfaits physiques , etc.
par 7. B. Lamarck ...
322.
Voyage enAfrique et en Asie pendant les années 1770-1779.
Par C. P. Thunberg , Suédois ( 1er, extrait ) .
353.
Annonces de livres et de musique..
360 .
4
( N° 13. ) .
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDI 5 FRIMAIRE , Pau troisième de la République.
Mardi 25 novembre 1791 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Suite dufragment sur l'abus des mots et les différentes variations des
idées dans la révolution .
TROISIEME ÉPOQUE DEPUIS LE 31 MAI JUSQU'AU 10 THERMIDOR .
TOOT
OrEs les causes qui , depuis le to août , avaient plongé
la France dans un état continuel de tourmens et d'orage ont
influé sur le mouvement révolutionnaire du 31 mai . La face
tion d'Orléans croyait n'avoir plus qu'un pas à faire pour
arriver au "trône . La faction des ambitieux et des dominateurs
qui peut- être ne servait la premiere que pour profiter de ses
moyens , et la sacrifier au premier moment , s'était fortifiée de
tout l'ascendant que donne une popularité acquise par tous
les genres d'intrigue. La commune de Paris , liée sous plus
sieurs rapports avec la faction des ' dominateurs , suivait avec
activité le systême d'influence et de suprématie qu'elle ne prenait
plus la peine de déguiser. L'aristocratie appercevant la
royanté au bout des excès de la demagogie , les secondait de
toute son astuce . La faction de l'étranger , mettant à pprrofit
toutes les dissensions , les excitait avec un tel succès qu'on'
eût dit que tous les partis agissaient d'intelligence , tant leurs
moyens paraissaient se confondre.
2
La Convention n'avait cessé d'offrir le spectacle de la lutte
la plus affligeante entre la minorité et la majorité . On avançait
même une assertion bien étrange , et l'on posait comme un
principe incontestabie que la vertu , la raison et les lamieres
n'étant que le partage du plus petit nombre , c'était à lui à dicter
des lois et à jouir de la puissance , et ce qu'il y a de plus
étrange encore , s'est que ceux qui avançaient ce paradoxe
avaient pour eux l'expérience de la révolution , la minorité
avait toujours fini par subjuguer la majorité . La raison de ce
phénoméne politique était toute entiere dans la difference des
moyens n'employaient les chefs des différens partis."
Les uns concertant dans le secret toutes leurs mesures
marchant imperturbablement à leur but , prompts à falte naître
comme à saisir tous leurs avantages , avaient pour instrumens
une certaine opinion qu'ils avaient créée , un peuple qu'ils s'étaient
ཞ ཟ
A by
141
choisi , l'exagération des principes , sorte de jansénisme poli
tique qui séduit les ames ardentes qui ont plus le sentiment
que l'intelligence de la liberté , des meneurs distribués dans les
sections , dans les sociétés populaires , dans le conseil général
de la commune , dans toutes les tribunes , et pour auxiliairesvolontaires
cette nuée d'aristocrates qui s'étaient jeutés dans
le torrent populaire pour en augmenter l'impétuosité.
Les autres plus habiles à pasler sur les affaires qu'à les conduire
, à produire des impressions subites à la tribune qu'à
combiner des plans efficaces , plus ardens à irriter les passions
qu'à profiter de celles de leurs adversaires , éprouvant d'ail
leurs ce découragement secret qu'inspire la défaveur de l'opi
nion trompée , n'avaient pour eux qu'une éloquence impuis
sante , une majorité bien intentionnée , mais dont l'irrésolution
et la vertuense inexpérience des moyens révolutionnaires rendaient
les meilleures intentions inutiles , qui , fatiguée de tant de
débats et de personnalités qui nuisaient à la chose publique ,
était disposée à saisir la premiere issue qui s'offrirait pour en
sortir; une opinion nombreuse mais effrayée , et ce qui était
encore plus nuisible , une classe d'aristocrates qui ne se joignait
à eux pour crier contre les excès , que parce qu'ils savaient que
leurs clameurs ne feraient que les accroître , et rendre plus
ardent le foyer des discordes.
Comment voulez - vous , disait un parti à l'autre , que nous
croyions à votre patriotisme et à vos principes ? les aristocrates
ziennent le même langage . Vous êtes donc des aristocrates
comme eux ? Ces sophismes fesaient plus d'impression sur la
multitude que tous les raisonnemens de la logique - la plus
exacte; les plus clairvoyans savaient bien que c'était un piége
des aristocrates , mais le piége était adroit, et la crainte de se
voir confondus avec eux fermait leur bouche et glaçait leur
contage. His savaient qu'on pouvait répondre : Qu'importe que
des fourbes mêlent leur voix à celle de la raison et des pria
cipes ; les principes et la raison sont- ils dépendans de quelques
scélérats qui en prennent le masque ? Mais s'agit-il de raisonner
en révolution ? Le grand art des instigateurs du peuple a tonjours
été de saisir le côté qui lui fait impression , et le point
de contact par lequel les aristocrates semblaient se rencontres
avec ceux qui s'élevaient contre les abus , suffisait pour attirer´
aur ces derniers les impressions les plus défavorables.
Un autre abus de mots et de principes ne servit pas peu
favoriser le projet d'avilissement du parti qu'on voulait
perdre. Qu'est-ce , disait- on , qu'un représentant du peuple ?
Un simple mandataire , un fondé de procuration. Or , un mandataire
est comptable dans tous les instans de sa conduite
envers le peuple qui la nommé . Et comme chaque groupe ,
chaque société populaire , chaque section de la République
( quelqu'infiniment petite qu'elle fût en comparaison du tout )
se prétendait exclusivement le peuple ; il s'ensuivait qu'il n'y
avait pas une poignée d'individus en France qui ne se crût en
751
1
droit de eiter à son tribunal les représentans de la nation
entiere . Delà cette multitude d'adresses qui louaient où blamaient
au gré des passions de ceux qui les sollicitaient. Mais
sans examiner jusqu'à quel point ce principe de la nature des
mandats dans les affaires civiles peut être applicable au grand
mandat de la représentation nationale , sans considérer si l'on
peut demander compte d'une mission avant même qu'elle soit
remplie ( car la constitution n'était pas encore faite , et l'on
se rappelle de quelle maniere on éludait sans cesse ce grand
objet du mandat des représentans ) ; du moins pour être consé
quent au principe qu'on s'était fait , fallait - il de deux choses
l'une , on que ce fut la nation entiere qui dans les assemblées
primaires jugeât la conduite des représentans qu'on disait infi
deles , ou que ce fût chaque canton qui les avait nommés directement
; du moins fallait-il articuler contre eux les faits précis
de prévarication qu'on leur imputait , les entendre dans leur
justification , et suivre quelques formes légalement nationales.
Mais ce n'étaient ni les assemblées primaires , ni les corps
électoraux qui avaient nommé ces représentans qui les accu
saient; c'était à Paris seul qu'était le foyer de ces dénoncia❤
tions , d'où elles se répandaient dans les départemens ; elles
étaient concertées dans les conciliabules des mencurs et appuyées
par leurs agens. On ne voulait ni éclaircissemens , ni
formes légales , on ne voulait que des insurrections . Ceux
qu'on poursuivait avec autant d'acharnement appercevaient le
principe , et provoquaient souvent la convocation des assemblées
primaires , pour juger s'ils avaient perdu leur confiance
Mais cette motion , aussi indiscrete qu'infructueuse était une
arme puissante dont se servaient leurs ennemis pour la tourner
contre eux. Chacon sentait le danger de recourir aux assémblées
primaires dana des conjonctures aussi orageuses , d'aban
donner le gouvernement à sa faiblesse et à son incertitude aŭ
milieu du hoc des passions et des partis , des trahisous qui
éclatsient de toutes parts et des embarras d'une guerre géné
rale avec l'Europe , dont les opérations ne pouvaient être ni
suspendues , ni confiées à la direction de mains novices qui
n'en auraient pas eu le fil ; plus on renouvellait la motion da
l'appel aux assemblées primaires et plus elle jettait de défa
veur sur les représentans , qui croyaient faire taire les dénoncia
tions en provoquant cette mesure . vb Bona
Cet état de choses était trop violent pour être durable ; il
fallait , pour l'avancement des affaires , qu'un des deux partis
triomphât de l'autre , et avec la différence des moyens et des
ressources il était aisé de prévoir celui qui succomberait. Il ne ›
s'agissait que d'attendre les circonstances ou de les faire
naitre.
On a pu remarquer que chaque époque de crise ou dez
danger dans la révolution a toujours été celle de l'accroisse
ment de puissance d'une fiction . Au 10 août , le pouvoir muni
A 3
( 6 )
*« །་
cipal s'était élevé sur les débris du trône ; à la prise de Verdun,
Ta même faction , car celle de Robespierre agissait de concert
avec la municipalité , s'étaît signalée par la clôture des
barrieres , les incarcerations , les massacres de septembre ,
et le projet d'avilir le Corps Législatif. A la nouvelle de
Techiec d'Aix-la- Chapelle , même audace de la faction , mêmes
moyens même projet contre la majorité de la Convention .
Lors de la trahison de Dumourier , progression plus accélérée
de pouvoir dans le même parti , établissement du tribunal ,
de l'armée et des comités révolutionnaires ( devenus si fameux
par leurs brigandages et par l'oppression qu'ils ont exercée ) ,
clôture des barrieres , arrestations plus nombreuses de gens
appelles suspects , selon le vocabulaire des Marius et des Sylla
modernes. A la nouvelle des progrès alarmans des rebelles de
la Vendee , auxquels il est prouvé aujourd'hui que la même
faction usurpatrice a eu une part si influentielle , ce sont encore
le développement des mêmes mesures , la même insolence des
factieux , les mêmes manoeuvres , les mêmes menaces envers la
représentation nationale . C'est alors qu'en fait paraître et
reparaitre avec acharnement ces pétitions multipliées contre
des membres qui , s'ils avaient quelques torts , n'avaient pas
du moins elui de n'être pas redoutables aux factieux dont ils
penetraient les projets.
•
P
**
C'est ici qu'il importe de signaler l'abus qu'on a fait si fréquemment
dans le cours de la révolution , du nom et de l'autorité
du peuple , tantôt sous le voeu des sections de Paris , tantôt
sous celui de l'administration municipale . C'était une organisation
bien extraordinaire que celle d'une commune où représentés
et représentans délibéraient à la fois et constamment
quoique séparés ; les représentés , comme sections ; les repré
sentans comme corps municipal. Les sections se prétendaient
supérieures à la commune , parce qu'elles en avaient nommé
les membres ; la commune à son tour se croyait en droit de
casser les arrêtés des sections, et de faire même des actes législatifs
. Il devait en résulter une rivalité et un froissement continuels
qui nuisaient à la marche des affaires , favorisaient l'anarchie
et s'aggravaient encore par la permanence des sections .
Cette permanence avait été imaginée par les chefs de parti ,
comme des élémens toujours prêts à recevoir
1
sions. Cet abus aurait
pu être corrigé si tous less impres
citoyens, se
fussent rendus à leur section . Mais à force de clameurs , de
menaces et de persécutions contre les modérés , les hommes
et même
les gros boutiquiers qu'on traitait d'aristocrates , on était parvenu
à effrayer et à éconduire la majeure partie des citoyens
les plus intéressés au respect des lois et au maintien de l'ordre .
Alors les chefs de parti avec une poignée de meneurs dissémines
dans chaque section , faisaient faire les motions et prendre
les arrêtés qu'ils avaient eux-mêmes concertés dans leurs cond'état
, les hommes de loi , les honnêtes gens , les riches hommes
"
ciliabules . Et comme si l'on se fût encore défié de la droiture
du peu de citoyens qui fréquentaient les sections , c'était
toujours à la fin des séances , lorsque les citoyens paisibles ,
les peres de famille étaient rentrés dans leur asyle domestique
, que ces arrêtés étaient pris par une quarantaine d'intrigans
qui osaient se dire la section . Soudain ces arrêtés
étaient envoyés par des commissaires à toutes les autres sec
tions , où ils trouvaient des auxiliaires prêts à les appuyer.
On ne manquait pas d'assurer que plusieurs sections y avaient
déja adhéré ; si quelque honnête citoyen élevait la voix , il était
déclaré suspect et incarcéré . Surprenait- on par ces pratiques
odieuses l'adhésion d'un peu plus de la moitié des sections , le
maire venait pompeusement à la tête de la députation , présen-
-ter à la Convention comme le voeu du peuple de Paris , ce qui
n'était que l'ouvrage de deux ou trois cents agens de la faction
, et en derniere analyse , celui de deux ou trois chefs de
la faction même. Et voilà comment sous la tyrannie de Robespierre
, une cité qui contient une population de six cents.
mille citoyens , se trouvait populairement représentée . Telle,
lest l'idée juste qu'on peut se former de ces fameuses pétitions ,
avant- coureurs de la journée du 31 mai , pétitions que l'on
terminait toujours par la demande audacieuse , si la Convention
pouvait sauver la chose publique , tandis que les factieux
seals la mettaient en danger.
En vain ces pétitions furent- elles déclarées calomnieuses par
le corps des representaus ; en vain cette conjuration fat - elle
dénoncée ; en vain nomma - t - on la commission des 12 pour en
rassembler tous les fils . Elle fut choisie dans un parti' , et n'en
devint que plus odieuse à l'autre . Il était trop tard pour agir ,
et le plan était trop profondément organisé pour avoir le tems
de le dissoudre. An lien de recourir aux grandes mesures
comme on fit à Rome lors de la conjuration de Catilina , la
commission irrésolue et pusillanime ne ft aucun usage des
preuves qu'elle avait recueillies , et s'amusa à faire arrêter Hébert
pour de misérables pamphlets , quand il fallait tout dévoiler
à la tribune , frapper sur les vrais coupables , dissoudre la
municipalité conspiratrice et ce comité d'insurrection , que l'on
savait exister depuis plus d'un mois , tantôt à la mairie , tantôt à.
l'évêché, nommer un commandant de la force armée , et sur-tout se
confier d'avantage aux sections , les éclairer sur les détails du
complot , éclairer le Peuple par des proclamations promptes
et vigoureuses , et rallier tous les citoyens autour de la représentation
nationale . Tous les efforts de la commission n'aboutirent
qu'à faire ajouter ses membres à la liste des prescrip--
tions.
Ce qu'elle ne fit pas , ses ennemis le firent ; ils agirent quand
les autres délibéraient . Il fallait prévenir le rapport , et ils le
préviarent. Les députations se succéderent ; on força la
zommission à rendre à Hébert la liberté qu'il n'aurait pas dû
1
4
( 8 )
perdre, et il fut promené comme le martyr de la cause du
Peuple. Enfin , la commission crut tout appaiser en se démettänt
de ses pouvoirs , et ce dernier acte de faiblesse me fit qu'acs
eroître l'audace de la faction. Hanriot est nommé le nouveau
chef de la force armée ; le comité d'insurrection se transporte
à la commune , casse par un vain simulacre la municipalité
pour l'investir de nouveaux pouvoirs ; les insurgés , de leur
propre autorité , se déclarent adjoints des membres, de la
commune ; on forme un comité central qui prend le nom de
salut public , composé en majeure partie d'étrangers , et la représentation
nationale est à la merci de cette poignée de factieux .
Le tocsin sonne au milieu de la nuit , la générale bat , les
citoyens étonnés se rendent à leur section , et ce qui prouve
combien la grande masse du peuple était étrangere à ce mouvement
, c'est qu'il a fallu trois jours pour lui imprimer la
direction qu'on en attendait ; les sections armées , commandées
pour aller investir la représentation nationale , croyaient
au contraire la défendre , tandis qu'une centaine de brigands ,
Hanriot à leur tête , tournaient les canons contre les représcntans
du peuple , et leur arrachaient par la force un décret qui
livrait à la proscription 34 de leurs membres.
Oui , il est tems de dire la vérité toute entiere , les formes
de cette journée n'ont pas été seulement mauvaises , elles ont
été exécrables. C'était un triple mouvement de la faction d'Or-
Téans , impatient de régner ; de la faction de Robespierre et de
Danton qui voulaient dominer , et de la faction de l'étranger
qui aspirait à dissoudre la représentation nationale ; le peu de
patriotes qui soit passion ? soit desir de servir la chose publique
, s'étaient laissés entraîner à ce mouvement , n'en étaient
que les auxiliaires . Mais ces auxiliaires sont ceux- mêmes qui
ont détourné la direction de cette crise qui aurait dû avoir de
plus funestes résultats . Les divers chefs de parti , étonnés de
cette complication de causes et d'intérêts , s'appercevant qu'ils
étaient découverts les uns aux autres , ”´n'oserent poursuivre
l'exécution de leur projet , et la représemation nationale n'éprouva
qu'une atteinte particle dans quelques - uns de ses
membres.
་
Il était naturel que la nouvelle d'un événement aussi extraordinaire
pro duisît une grande agitation dans les départemens ;
on en ignoraît encore les détails ; on savait que la représentation
nationale avait été violée , et l'on ne pouvait prévoir quelle
´en serait la suite ; plus on était attaché à la liberté , et plus on
la croyait en péril . Delà , ces résolutions et ces mesures , que
l'on a qualifiées de fédéralisme , et qui n'étaient que le sentiment
in opiné de l'amour de la Republique et du respect pour la
représentation nationale. Gela est si vrai , que dans le premier
monvement d'effervescence , il ne fat question que d'envoyer
de nouveaux représentans à Bourges . Cela est sivrai ,
que du moque
l'infâme Couthon osa déclarer que la Gonvention était
ment
1
( 9. )
•
libre, et que la Convention le crut, les départemens , respectant
cette déclaration , vinrent se rallier autour d'elle . Il est vrai que
quelques- uns des représentans prescrits , qui étaient parvenus
'échapper , étaient allés porter dans les départemens de
l'Ouest lear ressentiment et l'espoir de la vengeance ; mais il
ne faut point confondre ce mouvement produit par des passions
violentes , avec l'inquiétude que manifesterent les autres
départemens . Rendons grace au genie tutelaire de la France
de l'avoir sauvée des horreurs de la guerre civile ; mais qui
pourra s'empêcher de faire cette réflexion , c'est que si le résultat
de ce mouvement avait produit alors la chûte des mêmes
chefs de faction , que leurs crimes ont précipités depuis dans
l'abyme , on aurait appellé vengeurs de la liberté ceux qui
n'ont été que des rebelles . C'est ainsi que dans les dissentions
civiles on est alternativement vertueux ou coupable , selon
le bon ou le mauvais succès des entreprises.
•
Quoi qu'il en soit , ce mouvement ne fut que partiel et
momentané ; bientôt tantes les parties de la Republique
vinrent se rattacher au centre commun , mais l'effet en fut
babilement saisi par les chefs du parti qui venait de triompher;
ils auraient été embarrassés de donner au fédéralisme quelque
apparence de réalité , ils ne le furent plus , et l'erreur de
quelques hommes les servit mieux que toutes les combinaisons
de leurs intrigues. Dès ce moment ils enrent un prétexte
- pour entretenir le peuple de cette grande conspiration des
fédéralistes , pour affermir leur antarité , égarer l'opinion publique
et perdre les représentans qu'ils avaient fait arrêter.
Q
Que des gens passionnés on qui n'osent encore s'avouer à
eux - mêmes leur intime conviction , répetent qu'on veut faire
le procès à cette immortelle journée ? Oui , sans doute , l'histoire
, l'incorruptible histoire jugera ceue époque de la révolu
tion avec la même inflexibilité que les autres ; elle en dira
les causes , les motifs et les résultats ; elle dira combien il
est dangeremx pour la liberté publique de porter atteinte à
la représentation nationale , et que lorsqu'une fois on a souffert
une premiere violation , il n'est plus possible de prévoir le
terne où elle doit s'arrêter . Mais cette même histoire , ton
jours juste dans sa sévérité , racontera le bien comme le mal ;
elle dira que la Convention , qui jusqu'alors avait été battue
par une continuelle tempête , a marqué le commencement de
ses travaux par cette époque ; qu'elle a pris une contenance
plus ferme et une marche mieux soutenue , qu'en moins d'un
mois une constitution fut présentée et adoptés par le peuple, et
que toutes les parties de l'administration reçurent une activité
et un ensemble dont elles avaient été privées jusqu'à ce
moment. Elle verra dans l'établissement du gouvernement
révolutionnaire , une de ces conceptions hardies qui , quoique
désavouée peut-être par les principes , était nécessaire pour
sortir le gouvernement de ce calos d'anarchie et de contraziétés
auquel il était livré.
( 10 )
Il fallait cette concentration de pouvoirs et cette sorte de
dictature comitiale pour dissiper les défiances , faire taire les
dénonciations dont le pouvoir exécutif et les généraux des
armées avaient été assaillis sans relâche , et lier tous les ressorts
du gouvernement à un centre commun . Depuis cette
époque , on ne voit plus ni indiscipline , ni incohérence , ni
lenteurs , ni trahisons dans nos armées ; car la guerre de la
Vendée , cette effroyable guerre appartient toate entiere à
Robespierre et à ses infâmes agens . Quel tableau pour l'histoire
que le plan de cette campagne , qui n'a jamais eu d'exemple
dans les annales d'aucun peuple , et dont le succès portera
l'étonnement et l'admiration jusqu'à la postérité la plus reculée
, qui creira revoir et se réaliser dans une seule époque
tous les prodiges des siacles héroïques !
Douze cent mille combattans évoqués et réunis à la voix
de la liberté , bravant tous les dangers , surmontant tous les
obstacles , aussi impétueux dans leur courage que patiens à
supporter la faim , la soif , le dénuement , les saisons , les
climats ; traversant des fleuves à la nage , emportant des villes
d'assaut , gravissant des monts hérissés de forts , de neige et
de glaces ; se consolant de lents fatigues ou préludant à la
victoire par des chants belliquens et ce sentiment de gaîté
qui n'appartient qu'à la nation Française ; offrant à la patrie
le sacrifice de leur vie , et mourant sur les champs de bataille
en dennant encore leurs derniers soupirs à la République
des généraux sortis de la classe si dédaignée par l'orgueil des
tyraus , triomphant de la renommée et du génie des plus ha
biles capitaines ; les avantages des positions , des retranchemens
, des redoutes , toutes les combinaisons de l'expérience
et de la tactique disparaissant devant les bayonnettes républi
caines ; toutes les puissances de l'Europe conjurées contre un
seul peuple , et ce peuple vainqueur de tous les efforts de
l'Europe ; voilà les armées françaises . Gloire immortelle leur
soit rendue C'est - là que le vrai patriotisme et le pur amour
de la liberté s'est montré , non par des discours , mais par
des faits éclatans ; c'est là que , tandis que de misérables conspirateurs
couvraient leur patrie de deuil et de larmes , et
élevaient leur pouvoir sur des monceaux de cadavres ; c'est- là
que le véritable honneur national s'était réfugié , sans que jamais
ces armées , toujours occupées de vaincre , aient pris aucune
part aux agitations intérieures . Nous avons besoin de nousreposer
sur ce spectacle consolateur , comme Tacite peignait
les moeurs d'Agricola , pour distraire sa plume fatiguée du
récit des crimes des Tibere et des Néron .
On demandera peut - être comment la direction de la
guerre extérieure a échappé à l'influence triumvirale de Robespierre
, Couthon et Saint-Just ? C'est que la gloire et le
succès de nos armées importaient à la réussite de leurs projets.
Il fallait occuper au loin des légions qui auraient pu devenir
( 11 )
redoutables pour eux si le théâtre de la guerre eût été plas
rapproché , il fallait détourner l'attention publique par des
triomphes et des conquêtes , et dérober sous des trophées et
des moissons de lauriers , les fers qu'ils préparaient en secret
à leur patrie . Ils ne voulaient pas que la République devînt
la proie de l'étranger ils voulaient en faire la leur. Ceux
qui aspirent au pouvoir n'aiment pas à regner sur des esclaves
avilis . Antoine , Lepide et Octave se disputaient l'empire
romain , mais ils le faisaient respecter au dehors et étendaient
ses limites : Cromwell aussi s'énorgueillisait de la puissance
de l'Angleterre ; c'était un nouveau lustre qu'il ajoutait à la
sienne. Mais quand ces modernes triumvirs , qui n'avaient
d'ailleurs avec ces hommes fameux d'autre ressemblance que
celle de l'ambition , jugerent qu'il était tems de s'emparer de
la direction des armées , n'a-t-on pas vu avec quel art perfide
ils chercherent à faire perdre la confiance à celui qui en avait
conduit les plans , et à envahir pour eux seuls toutes les fonctions
du comité de salut pablic ? Il est cependant un trait
qui prouve combien leur ame toujours occupée d'ams
bitieux projets , était étrangere au sentiment de la prospérité
commune , c'est qu'au milieu des plus brillans triomphes et des
chants de la victoire , ils n'avaient pas même l'adresse de
déguiser les dedains de leur insensibilité. Ils semblaient dans
leur orgueil , dire au peuple : Jouis avec ivresse de tes succès,
nous jouirons à notre tour de ton esclavage. Monstres trop
tard connus , de quelles calamités ils ont couvert la France
avant de subir le châtiment de leurs crimes !
XI
1 1
La fin dans un prochain numéro . } {
ANNONCES.
Tableau des nouvelles mesures républicaines déduites de la
grandeur du méridien terrestre , conformément au décret de la
Convention nationale ; avec l'explication des noms des mesures
et de leur valeur , comparées avec les anciennes . Prix ”, 10 sous .
A Paris , chez Bertrand , rue Paul , n . 224.
Catherine , ou la forêt de Lewin ; par l'auteur du Village de
Martindale ; seconde édition . Un volume in - 8º , de 232 pages .
Prix , I liv . 10 sols , franc de port pour toute la République.
A Paris , chez Courcier , imprimeur- libraire , rue Poupee , no . 5.
"
GRAVURE.
L'Egalité , patrone des Français ; dessinée par Spieard . Prix ,
3 liv . A Paris , chez Beljambe , graveur , rue des Petits Aagus- ,
tins , près celle du Colombier, fauxbourg Germain , no . 3 ; et chez
Jauffret , marchand d'estampes , galeries du jardin de l'Egalité.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE,
TOUTES
ALLEM A G N E.
De Hambourg, le 4 Novembre 1794.
OUTES les nouvelles continuent de confirmer que la Forte
Olomane est non-seulement décidée à se faire respecter des
puissances voisines , mais même qu'elle songe sérieusement à
se mettre en état de commencer avec avantage les hostilités , si
la Russie ou l'Autriche les provoque . C'est ce que l'on va voir
par les détails suivans , tirés d'une lettre de Constantinople ,
1er octobre .
Le divan , pour terminer les difficultés qui se sont élevées
à l'occasion du tarif des douanes , avait offert de s'en rapporter
à ce que l'impératrice de Russie déciderait elle - même.
Cette proposition n'a point eu l'issue qu'il attendait. Un cou
sier arrivé dernierement de Pétersbourg , a rapporté un refus
d'arrangement de la part de Catherine . Elle persiste à exiger
l'accomplissement du traité de Jassy ; et elle offre , de
son côté , de restituer ce qu'elle a pris sur les Turcs . L'ambassadeur
d'Angleterre , informé de cette circonstance , a dé
claré qu'il ne pouvait , suivant les instructions de sa cour ,
permettre que la nation payât les droits de douane à un taux
plus haut que les autres nations , sans en excepter même
les voisins de l'Empire , ipour lesquels on parlait de rétablir
l'ancien tarif. Depuis , le ministere ottoman a fait appeler
les dragomans de toutes les nations , et les a chargés de reporter
à leurs ministres respectifs , que la sublime Porte ayant
résolu de casser le nouveau réglement , elle allait rétablir
l'ancien sur le modele fixé , il y a deux ans , entre Hassan
Aga et l'ambassadeur des états-généraux des Provinces- Unies.
Cette résolution rend inutile un mémoire que ses ambassadeurs
avaient préparé.
Le mois dernier l'internonce de l'empereur a eu une cond
férence avec le Reis - Effendi , où se trouverent deux Ulémas
ou gens de lei. Elle doit avoir eu pour objet principal de s'oc
cuper des difficultés que les Autrichiens éprouvent à faire évaz
euer aux Bosniaques les places cédées par la Porte , en vertu
du dernier traité de paix. Le grand- seigneur a envoyé des
ordres à cet effet ; mais les habitans refusent de s'y soumettre ,
et on veut les traiter avee ménagement.
Tout semble annoncer que la Porte s'occupe de mettre ses
forces de terre et de mer sur un pied respectable. On met
( 13 )
en armement des vaisseaux de ligne et des frégates , Des ordres
ont été donnés pour qu'au mois de mars il y ait cent chaloupes
canonnieres prêtes . Les régimeus nouvellement levés s'exercent
journellement. On annonce qu'on prépare des magasins
dans la Moldavie et la Valachie , où de grandes forces doivent
être portées.
Depuis quelque tems ,le divan a de fréquentes conferences
avec les ministres étrangers , particulierement avec celui de
France.
3
Au reste , la Russie évitera , du moins d'ici à quelque tems ,
de rompre avee la Porte. La guerre contre la Pologne loccupe
assez pour lui faire porter de ce côté toutes ses forces ;
car les Polonais , malgré leurs derniers revers , conservent
une attitude imposante. Le conseil national a publié dernierement
une adresse au peuple , dans laquelle il expose les revers ›
que les armées polonaises ont essuyés et la perte qu'ils ont
faite de Kosciuszko pris par les Russes . Ces malheurs ne -luis :
semblent pas fejts pour décourager un peuple qui veut la
liberté. Il proteste pour lui , qu'il est dans la ferme intention
de continuer à remplir les devoirs que la nation lui a imposés ,
et qu'il est prêt à mourir à son poste. Ce même conseil continue
à faire vendre les starosties déclarées biens nationaux
sur lesquelles sont hypothéqués les assignats polonais il a
déféré le commandement en chef au géneral Warwreski l'un
des députés les plus distingués de la diete révolutionnaire ; l'ou
attend sa réponse ; mais il est probable qu'il acceptera. Le, a
compagnon d'armes et l'ami de Kosciuszko doit aussi savoir se
sacrifier pour la patrie. Quant à ce grand homine , tous less
détails qui le
9
e3 3
ne pouvoir nou, fernent ont droit
d'interesser , et nous croyonskog
dispenser de donner les suivans :
Le général polonais ayant appris l'avantage remporté près.
de Brzec en Lithuanie par les Russes Sous les ordres deve
Suwarow , sur un corps de Polonais , commandé par Sierakouwski
, se détermina à se mettre en marche , à la tête de
25,000 hommes. A quelques lieues de Varsovie , il détacha...
un corps de 10,000 hommes , à la tête duquel il se mit dans
le dessein de couper le général Fersen , qui , à la tête de
12,000 hommes , était en marche ponr rejoindre le général
Suwarow. Il laissa les autres 15,000 hommes contre ce der
nier , qui , croyant que l'armée entiere de Kosciuszko slapprochait
, jugea à propos de battre en retraite.
Kosciuszko se proposait , après avoir livré bataille au genérak
Fersen , de rejoindre sa premiere division de 15,000 hommes,
Il attaqua avec la plus grande vigueur. Les Polonais repous
serent deux fois les Russes ; mais , par suite d'un changement
de position , Kosciuszko se trouva avec un corps peu consi
dérable , coupé du reste de son armée. Celle- ci commença
alors à se débander, Il rallia plusieurs. fois les troupes qu'il
avait auprès de lui , avec la plus grandefinirépidité , et parat
( 14 )
}
A
toujours le premier à la charge. Depuis la confédération de
Cracovie , il portait ordinairement un habit de paysan : ce
jour-là même il était sous ce costume . Un cosaque qui ne
le connaissait pas , le blessa par derriere avec sa lance . II
tomba de cheval . Les Polonais s'appercevant de sa chûte ,
pousserent un cri d'effroi , et prononcerent son mom . Kosciuszko
se releva , fit encore quelques pas , lorsqu'an officier '
lui porta sur la tête un conp de sabre qui l'étendit par terre
sans connaissance . On croit qu'il ne survivra pas à son malheur
, ses blessures étant mortelles . Il avait ordonné aux siens , "
avant la bataille , de le fuer à coups de fusil , au moment
qu'ils le verraient prêt à tomber entre les mains des ennemis
et l'on assure qu'effectivement plusieurs Polonais lui ont rendu
le triste service de tirer sur lui , quand ils l'ont vu fait prisonnier.
Sans l'exclamation de ses compagnons , il aurait pu
demeurer ineonnu .
La nouvelle de sa captivité acheva de répandre le désordre
et la confusion parmi les Polonais . Le général Fersen fait
monter leur perte à 5 ou 6000 hommes : la sienne doit être
à- peu- près semblable . On n'a point encore appris qu'il se
soit réuni au général Sawarow .
Fier de ses victoires , le lieutenant-général russe , baron de '
Fersen , a écrit au roi de Pologue la lettre suivante :
, Sire , la défaite complette d'un corps polonais près de
Kameck ; la prise d'un grand nombre de soldats et d'officiers
de tous les rangs , jusqu'à des généraux - commandans , ajoutée à
celle du généralissime : voilà les heureuses suites du 10 octobre .
" Persuadé que V. M. et la république de Pologne sont
rentrés dans leurs droits primitifs , je m'empresse de m'adresser
aux autorités légitimes , pour demander la liberté de tous les
généraux , officiers , soldats et domestiqués russes , ainsi que
l'élargissement des membres du corps diplomatique , et des
femmes qui , en violation du droit dès gens , sont tenues en
arrestation. Je désire qu'ils soient renvoyés au corps que je
commande ; leur prompt renvoi ajoutera à l'envie que j'ai
de faire , de mon côté , tout ce qui me sera permis et pourra
dépendre de moi. 19
Dans l'espérance que des tentatives toujours infructueuses
feront place , en Pologne , à une paix aussi selide que salutaire ,
et que dans le courant de cette année , j'offrirai personnellement
à V. M. l'hommage de mon respect , je vous prie d'avance ,
ire , de daigner en agréer déja la manifestation et celle de tous
les sentimens avec lesquels je suis , etc.
}
Le roi a répondu , que la captivité du généralissime ne déci
dait encore de rien ; que cela ne pouvait le déterminer à renoncer
à une révolution à laquelle il avait juré , et aux principes
de laquelle il resterait fidele ; qu'il ne pouvait se rendre à lat
demande concernant la liberté des prisonniers , 'qu'autant'
que l'on consentirait à en faire un objet d'échange.
1
) 15 )
On ne peut dissimuler que la perte de Kosciusko n'ait jetté
du découragement et sur-tout de la confusion parmi les braves
Polonais . Mais la fermeté du conseil national est du plus heureux
augure , et les Polonais reprendront sans doute courage
l'exemple de leurs représentans . Ce qu'il y a de sûr , c'est que
Varsovie se prépare à faire une vigoureuse défense , et que les
incursions des troupes polonaises continuent à s'étendre dans
les possessions prussiennes.
D'ailleurs , la Russie et la Prusse trouveront un obstacle à conti
nner- la guerre ; dans la difficulté de se procurer des subsistances
qu'elles tiraient pour la plupart de la Pologne : elles sont
d'nne rareté extrême dans les provinces frontieres de la Russie ,
chargée de fournir à l'entretien de ses armées ; leur prix a
triplé et quadruplé . Il en est à - peu - près de même pour la
Prusse , dans une partie des possessions de laquelle la récolte
a été mauvaise cette année ; ce qui a fait hausser considérablement
le prix des grains , depuis qu'on n'en peut plus
tirer de Pologne .. Une ordonnance du roi de Prusse en a défendu
l'exportation à Danizick. 3000 lasts d'orge y avaient été
achetés pour
le Danemarck ; on les a fait débarquer au moment
même du départ.
*
1
Une lettre de la capitale de ce pays , écrite le 21 octobre ,
contient des nouvelles trop intéressantes pour la France pour
ne pas nous empresser de les donuer . Voici ce qu'elles portent :
On a reçu par le courier de Norwege des lettres de Bergen ,
en date du 4 de ce mois . Elles disent que l'escadre française
qui a croisé quelque tems dans la mer du Nord , est entrée
dans ce port. Cette escadre est composée de plusieurs vaisseaux
, fregates et autres bâtimens plus petits , qui , après avoir
stationné quelque tems dans cette mer , se sont réunis à Bergen
pour conduire de là en France les nombreuses prises
qu''
ils ont faites . Suivant les listes qu'on a reçues , les vaisseaux
arrivés sont le Tartare , de 44 canons ; la Bellonne , de
36 ; la Montagne , de 24 ; la Vengeance , de 30 ; le Requin , de
14 , et un autre brick arrivé peu de jours auparavant. On atten
dait encore , au premier jour , les vaisseaux français le Brutus ,
de 50 canons ; la Galathée , de 44 ; la Seine , de 44 ; la Nayade
de , 16 , et le Pandoure , de 14. Déja on travaillait à Bergen à
l'équipement des prises pour les conduire dans les ports de
France. Quelques jours avant l'arrivée de l'escadre française ,
une division anglaise s'était montrée dans ces parages ; mais.
elle est actuellement disparue . Il paraît qu'elle ne cherchera
pas à empêcher les Français d'emmener toutes ces prises
après leur avoir laissé la liberté de les faire . On s'étonne pa
reillement qu'elle n'ait point apperçu leur escadre . Cette cir
constance est attribuée aux mauvais tems qui ont régné dans
ces mers ; et l'on présume qu'ils auront contraint les Anglais
de se réfugier dans leurs ports.
Le gouvernement suédois songe à mettre ses forces de terre
} ) }
7
( 16 )
1
sur un pied respectable . L'artillerie suédoise est actuellement
divisée en quatre régimens. Le premier , sous le titre de
Suede , est composé de treize compagnies ; le second , sous
celui de Gothie , de neuf compagnies ; le troisieme , sous celui
de Nord- lande , de huit compagnies ; enfin le quatrieme , dit
de Finlande , de dix compagnies . Il y a en outre une brigade
d'artillerie volante : celle de la marine forme un corps à
part.
De Francfort-sur- le-Mein , le 7 novembre.
Suivant des lettres de Vienne , du 25 octobre , les bruits de
paix se soutiennent toujours dans cette capitale. On assuae
que c'est le voeu particulier de l'empereur qui , depuis sou
retour de Laxembourg , tient fréquemment des conférences
auxquelles assistent les ministres d'Angleterre ou de Hollande ,
soit ensemble , soit alternativement .
dé-
Il est en effet assez vraisemblable que le jeune empereur
sire la paix. Ila plus d'une raison pour la desirer : d'un côté, une
grande partie de ses possessions est menacée de la disette ; la
Gallicie et la Lodomerie sont sur- tout exposées à ce fléau : le
gouvernement rencontre chaque jour des indices qu'il existe une
fermentation sourde dans les esprits ; on vient de découvrir
dans la ville d'Inspruck une sorte de club secret , composé
spécialement de jeunes gens d'une autre part le mauvais état
de la santé du général Clerfayt , sur les talens militaires de
qui l'on fondait ses plus grandes espérances pour rétablir les
affaires , ne lui permeura pas encore long - tems de conserver
le commandement des armées ; et le baron de Thugut , pres
mier ministre , succombant sous le poids des affaires , demande
à se retirer ; on ne sait trop qui mettre à sa place , si ce n'est à
le comte de Metternich .
On remarque encore , entr'auters signes d'une paix prochaine,
que le landgrave de Hesse vient de suspendre l'exercice de
ses milices . Cependant il y a toujours des mouvemens et des
escarmouches entre les troupes de la République et celles des
puissances coalisées .
3
Voici la position des Allemands sur la rive droite du Rhin :
d'Ehrenbreitstein jusqu'à Raub et à l'Aa , le corps du géné
ral Melas ; à la droite de ce corps est celui du général de
Neuendorf, qui s'étend , par Neuwied , jusqu'à Unkel et Linz ;
ici commence la grande armée du général Clerfayt , qui
ccupe le terrein jusques par- delà Dusseldorf : à la gauche
du général Mélas se tronvent les Prussiens et les Saxons , faisant
front depuis l'As jusqu'au- dessous de Mayence , où la
ligne est continuée par l'armée de l'Empire et des cercles. On
estime que cela fait à - peu - près 200,000 hommès , qui en
ont peut-être 400,000 à qui ils doivent faire tête , si tant
est qu'il n'y en ait pas davantage. Nous ne laissons pas de
rester
( .17.
rester assez tranquilles . Les 200,000 Allemands ont campé
jusqu'ici pour la majeure partie ; mais il paraît qu'on va les
mettre en quartier , ou de cantonnement , ou d'hyver , qui
s'étendront jusques dans la Franconie. Une partie de låt
cavalerie en a déjà pris le chemin. La cavalerie du général
Mélas va dans les environs de Nassau : mais l'infanterie restera
près du bord du Rhin : le quartier-général en sera à Embs . Le
quartier-général du comte de Clerfayt doit être transféré à
Siegbourg.
Depuis le 24 du mois dernier les patrouilles françaises s'ap
prochent souvent , et de très- près , des ouvrages avancés de
Mayence , et engagent de pettits combats avec les troupes
allemandes ; its ont mis à contribution Marienborn et plus
sieurs autres lieux . Le 25 , après une escarmouche assez vive
du côté de Laubenheim , les Français réussirent d'abord à
s'emparer du poste de Weissenaur ; mais ils en furent ensuite
déloges . Le voisinage des Français a determine le roi
de Prusse a renforcer la garnison de notre ville de Francfots
de six bataillons ..
Les environs de Wesel ont déja eu la visite de quelques pa-.
trouilles françaises . Le 24 octobre , il en vint une nouvelle
de 40 hommes , qui s'approcha de l'isle du Rhin pour trou
bler les tirailleues , et se replia ensuite sur Rheinberg à l'arrivée
de forces prussiennes majeures..
ITALI E.
Des lettres de Gênes , du 30 octobre , disent que le citoyen
Villars , ministre de France , a fait des instances pour obtenir la
liberté de cinq Français , mis en arrestation , il y a huit mois ,
e qu'il l'a obtenue . Mais , à la réquisition du même ministre ,
cinq autres Français furent arrêtés , dans la nuit du 28 ,
comme distributeurs de faux assignats . Ils en avaient pour la
valeur de 400,000 liv. On les à conduits à la Tour , et des
ordres ont été donnés , pour l'arrestation d'autres distributeurs
qui se trouvent dans ans ces environs .
Suivant d'autres lettres de Milan , du 3 novembre , l'archiduc
y est de retour du camp d'Acqui depuis le 25. Le
bruit court dans cette capitale qu'il pourra y avoir un armistice
pour cet hiver cependant l'on ne dit rien de positif à.
cet égard. En général , les affaires militaires paraissent être
dans une sorte de stagnation . Diverses lettres reçues du Pie~
mont annoncent que la campagne semble être terminée pour
cette année . Les Français et les Autrichiens prennent leurs
quartiers d'hiver.
On mande de Rome que le trésor papal ne peut plus suffire
à l'entretien des prêtres Français émigrés . Pie VI a exigé ,
jusqu'à nouvel ordre , d'une confrairie dite des Stigmates , une
contribution de 500 écus par mois , pour subvenir à leurs plus .
pressans besoins . Dans la même ville , on a arrêté un prême
accusé d'avoir mal parlé du pape .
Tome XIII .
( 18 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris ) ..
Séance de septidi , 27 Brumaire.
La séance s'ouvre par la correspondance . Un grand nombre
de sociétés populaires et de communes félicitent la Convention
sur son adresse au peuple et sur la fermeté qu'elle a montrée
en abattant les tyrans . Elles adoptent avec enthousiasme les
grands principes de l'adresse ; elles demandent le maintien
du gouvernement révolutionnaire jusqu'à la paix ; que la Convention
n'épargne pas plus les ennemis du dedans , que nos
armées n'épargnent ceux du dehors ; qu'elle protege le commerce
, l'agriculture et les arts , et qu'elle maintienne toujours
la justice à la place de la terreur . Pour elles , leurs sentimens
sont le respect aux lois , une confiance entiere à la : eprésentation
nationale , et la résolution ferme de ne souffrir
aucune autorité entr'elle et le peuple .
Les administrateurs du district d'Arras écrivent : L'opinion
publique vient de remporter sa bataille de Fleurus . Le terrorisme
avait amoncelé autour de lui tous les monstres ; le crime
adossé au nom colossal des jacobin's avait osé proposer une
Jutte audacieuse contre le peuple et ses représentans ; mais
tel est le destin de tous les conspirateurs . Hier , les jacobins
existaient ; leur puissance alarmait encore l'innocence et le patriotisme
, aujourd'hui ils ne sont plus , et la liberté leur survit
Toujours . Vous méritez , législateurs , une couronne civique ,
et nous vous l'offrous , dans cette ivresse de joie que répand
autour de nous la victoire , qui serà l'époque la plus glorieuse
dans l'histoire de vos travaux. Anathême aux factieux , gloire
à la Convention , triomphe aux droits du peuple souverain !
Mention honorable , insertion au Bulletin .
Les membres de la société populaire de Montauban envoient
aussi une adresse de félicitation à la Convention qu'ils ont
signée individuellement ; mais ils représentent que beaucoup de
leurs freres ont témoigné à cette occasion leurs regrets de ne
pouvoir épancher avec eux leurs coeurs dans ceux des législateurs,
vu qu'ils ne savent pas signer . Ils ne doutent point que
jour heureux n'arrive , où nul citoyen n'éprouvera par aucun
genre d'ignorance la moindre difficulté dans l'exercice de ses
droits , mais en attendant ils demandent un mode d'après lequel
les citoyens qui ne savent pas écrire , puissent manifester leur
le
( 19 )
væn et adhésion aux adresses auxquelles ils voudront prendry
part.
La mention honorable de cette adresse , l'insertion au Bul
letin et le renvoi au comité d'instruction publique sont décrétés
.
Montmayon : On avait répandu le bruit que notre collegue
Goupilleau avait été assassiné à peu de distance de Paris sur
le grande route de Lyon . Le peuple inquiet s'est transporté
anx barrieres ; on a visité les passe- ports de tous ceux qui se
sont présentés. Le comité de sûreté générale a expédié un courier
à la municipalité de Villejuif. L'agent national a répondu que
c'étaient des voyageurs de Lyon qui avaient été attaqués , qu'on
les avait volés et tué lenr postillou . Le comité a pris des
mesures pour découvrir les coupables .
Un membre : Il n'est pas étonnant qu'on arrête sur la
route ; il ne s'exerce pas la moindre surveillance . Je viens de
faire 150 lieues pour me rendre à Paris , et l'on ne m'a pas
demandé une seule fois mon passe-port. Je demande que
mon observation soit renvoyée au comité de sûreté genérale
pour faire cesser cet abus et les malheurs qui en sont les
suites . Cette proposition est adoptée.
Une députation de la société populaire de Chartres se présente
à la barre :
>
L'orateur Votre décret qui ferme les jacobins a été reçu
parmi les amis de la liberté reunis à Chartres , avec cet enthous
siasme qu'inspire la reconnaissance d'une grande mesure
après la crainte d'un grand danger . Vous avez encore une fois
sauvé la patrie en anéantissant la horde impure qui osait balancer
votre autorité et usurper les pouvoirs du peuple . Encore
quelques tems et les portes des jacobius vont être mûrees , et leurs
clefs déposées entre vos mains serviront à fermer l'antre de
la guerre , en ouvrant pour jamais le temple de la paix . Suivent
204 signatures . ( Vifs applaudissemens . )
Le président : La Convention maintiendra les sociétés populaires
que garantit la constitution . La conspiration des jacobins
date du 9 thermidor. C'est depuis ce jour que le
peuple et la Convention ont les yeux ouverts sur cette société
; que l'orage ne vous effraie point . Ce sont les tempêtes
qui purifient les mers. La Convention ne souffrira pas que des
meneurs perfides abusent du caractere dont ils sont revêtus
pour égier les citoyens . Elle poursuivra ceux qui prennent le
nom de lion , parce qu'elle ne reconnaît que des hommes .
" Mention honorable , insertion au bulletin de l'adresse et de
la réponse du président .
Sur la demande d'Audouin , la Convention fixe à prime li
prochain l'ouverture de la discussien sur Carrier.
La discussion sur les écoles primaires continue . Nous don
nerons les articles decrétés , lorsque la rédaction en aura été
définitivement adoptée.
B &
120 )
Isoré , au nom du comité d'agriculture et des arts , fait rendre
le décret suivant :
Art, Isr . Il est défendu à qui que ce soit , et notamment
aux bouchers , de tuer aucune brebis qui n'a pas l'âge de
quatre ans..
II. Il est pareillement défendu à tout propriétaire de bêtes
à cornes de soumettre à la castration aucun agneau femelle ,
et ils soustrairont également à la castration un agneau mâle
par quarantaine de brebis .
99 III. Les municipalités sont chargées de surveiller et de
dénoncer les contrevenans . La police correctionnelle prononcera
une amende de 10 liv.
››› IV. Le comité d'agriculture est chargé de présenter des
moyens pour la propagation des bêtes à corne .
Séance d'octidi , 28 , Brumaire.
Couturier , au nom du comité des inspecteurs du Palais
national , fait décréter que les représentans du peuple qui
auront obtenu un congé par décret de la Convention nationale
, percevront à leur retour l'indemnité arréragée et frais
de transport pendant le tems de leur absence , sur les mandats
qui leur seront délivrés par le comité.
Richard , au nom du comité de salut public , fait part
des dernieres dépêches de l'armée du Nord et de Sambre et
Meuse. Les représentans Lacombe et Bellegarde écrivent que
l'armée du Nord est victorieuse partout où elle se présente. Le
général Moreau , commandant en chef par interim l'armée du
Nord , ayant su que la garnison de Wesel avait jetté dans
Burich un corps de 500 hommes qui s'y retranchait , donna
ordre de l'attaquer. La chose a parfaitement réussi , les retranchemens
ont été forcés , l'ennemi chassé avec perte de 450
hommes , dont 50 prisonniers . Dans la guerre de 7 ans , l'ennemi
, à la faveur de ce poste , passa le Rhin , et nous battit
peu de jours après.
Le 17 de ce mois , une division de nos braves freres s'est
approchée jusques sous les murs de Berg- op - Zoom. La garni
son les a accueillis d'une vive canonnade , et a fait une forte
sortie ; mais les Républicains les ont chargés avec la bayonnette
, et les ont obligés de rentrer bien vite avec une perte
de 200 hommes , dont 80 prisonniers. Nous n'avons perdu
qu'nn capitaine de grenadiers et un cavalier .
Le général en chef Dugommier , commandant l'armée des
Pyrénées orientales , écrit que la 5. division vient de prendre
la ville de Castella . Les Espagnols y avaient sept retranchemens
les uns derriere les autres , formes par des lignes de rochers
que la nature semblait avoir arrangés pour leur défense , Cas
sella se glorifiait d'un drapeau blanc que lui avait envoyé son
tyran , somme le prix de sa résistance ; mais tout cede à la
( 21 )
valeur républicaiue , et cette prise n'a cofité qu'on homme ,
neuf autres ont été blessés.
Cambacerés fait rendre le décret suivant :
Art . 1er . Dans la séance du 11 frimaire la discussion s'ouvrira
sur le projet du code civil présenté par le comité de
législation .
II. Elle continuera les duodi , sextidi et nonidi de chaque
décade. "
Carrier écrit à l'Assemblée et lui demande trois choses ; la
1ere . , que la Convention lui accorde une décade pour préparer
sa défense ; la 2e . , qu'elle lui communique le rapport
imprimé de la commission , et la 3e . , que l'accusateur public
soit tenu de lui faire passer les originaux ou les copies des lettres
de Tronc-Joly.
Il s'éleve une discussion dont le résultat est que l'Assemblee
passe
à l'ordre du jour sur la 1ere, demande et accorde
les deux autres.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , présente
la rédaction définitive du décret sur la formation des écoles
primaires.
"
La Convention nationale après avoir entendu le rapport de
son comité d'instruction publique a terminé la discussion
et l'adoption du projet de décret sur les écoles primaires que
l'on trouvera à la fin des séances .
Séance de nonidi , 29 Brumaire .
La correspondance n'offre d'abord qu'une lettre des citoyens
de Villefranche - sur- Saône , réuais en sociéte populaire . Ils
écrivent que la Convention nationale est pour eux l'unique
centre de réunion , le seul point de ralliement. Ils jurent une
haine éternelle aux tyrans , aux dominateurs et à toutes les
especes d'intrigans et de fripons . Ils ont applaudi à la chûte
des conspirateurs , et à la sublime adresse au peuple Français ;
ils promettent enfin que désormais pour eux les principes
Beront tout et les individus rien .
Beauchamp , au nom du comité de législation soumet à la
Convention la question de savoir , si les ecclésiastiques qui se
sont déportés , en exécution de la loi du 26 août , ont pu
disposer de leurs biens par actes authentiques . Toute la difficulté
consiste en ce que le décret du 17 septembre dernier
lès a assimilés aux émigrés , et que dès lors leurs biens ont
été acquis à la République , et que , par la loi du 17 mivôse ,
toutes les donations postérieures au 14 juillet 1789 sont annullées.
Mais le rapporteur démontre que la loi du 17 septembre
ne soumet à la confiscation que les biens de ceux qui
n'en avaient pas disposé dans les formes authentiques avant ledit
jour , et que celle du 17 nivôse n'est point applicable à l'espece
, parce qu'elle n'a été rendue qu'au profit des hériiers
B 3
"( 22 )
légitimes , et pour le maintien de l'égalité des partages . I
propose et la Convention décrete que les dispositions dont
il s'agit sont maintenues .
Les citoyens formant la société populaire de Bar- sur- Ornain
felicitent la Convention sur la cloture des jacobins , Ils disent
que ceue societé était autrefois l'asyle des patriotes , mais
qu'dle , était devenue l'antre des conspirateurs , et que c'est
d'elle que sont sortis les modernes Catilina , depuis Dumoujer
jusqu'à Robespierre . Ils pensent que les sociétés populaires
peuvent et doivent exister sans une société - mere .
Mention honorable et insertion au bulletin .
La secute populaire de. Nantes dénonce Carrier à la Con--
vention nationale . Eile l'accuse des plus grands forfaits . Carrier
a douué les pouvoirs les plus illimites , sur les habitans
de Nantes , à des kommts que réprouvait l'opinion publique.
Il a ordonné au tribunal . criminei du département de la Loire
inf. rieure , de faire guillotiner sans jugement des brigands.
pris , disait- il , les armes à la main , et parmi lesquels étaient
des femmes et des enfans de 13 et 14 ans ; il appellait ces
jeunes enfans des louveteaux qu'il fallait etouffer . Il dînait avec .
ses bourreaux sur les bateaux a soupape , et buvait à la santé
de ceux qui venaient, disait-il , de boire à la grande tasse . Il
s'abandonnait chaque jour à la débauche la plus effrénée , et
'interiompait ses orgies que pour dire ce qu'il faillait faire
des femmes et des enfans qu'on lui amenait : Belle demande ,
s'ecriait il ! qu'on les gorge , qu'on les noie , qu'on les fasse
boire dans le verre des calotins .
La Convention ordonne l'impression de cette lettre et le
renvoi à la commission des vingt un .
་
Bourdon & de l'Oise ) fait rapporter le décret du 27 sur la
castration des biebis , et ordonner le renvoi au comité d'agriculture
Je
Séance de décadi , 30 Brumaire .
Cette séance consacrée aux pétitionnaires n'a été employée
qu'à la lecture de la correspondance , et aux réclamations
des citoyens . f
Les membres composant le directoire du département du
Pas -de-Calais , la commune de Genevillers , la commune et
la societe populaire de Blaye félicitent la Convention sur son
adresse au peuple Français et sur la suppression des jacobins,
Mention honorable , impression et insertion au bulletin .
Une députation de la section de la Cité vient exposer les
malueurs d'une citoyenne de sa section , mere de famille et
épouse d'un conducteur de charrois à l'armée de la Moselle ,
Elle est plongée dans la misere la plus profonde , et elle m'a
aucune nouvelle de son mari ; la section a pensé qu'un conducteur
de charrois aux armies devait être assimilé aux défenscurs
de la patrie . Il assure les subsistances , et pour y par
( 23 )
venir , il conrt de grands dangers , il est souvent dans le cas
de combattre pour sauver les munitions . Elle conclut qu'il
est de la justice de la Convention de rendre un décret par
lequel elle déclare qu'elle appelle aux mêmes secours les
femmes des conducteurs que celles des défenseurs . Renvoi
au comité des secours .
La municipalité de Choisy demande la maison des Menus-
Plaisirs pour y placer toutes ses autorités constituées . Renvoi
au comité des domaines et de division .
Une députation du comité de bienfaisance de la section de
Popincourt est introduite . Elle vient faire le tableau déchirant
de la misere de 3000 de ses habitans : l'un , di - elle , couche
sur le plancher enveloppé de paille ; l'autre n'a que des lambeaux
pour se couvrir . La mere couche avec son fils , le
frere avec sa soeur , quoique dans l'âge de puberté. Les vieillards
, infirmes et estropiés , manquent du plus étroit néces
saire ; de ce nombre sont encore les meres chéries de leurs
époux , à qui la na'ure se joignant aux voeux de la République
, ordonne , sans consulter leurs besoins , d'augmenter
l'espoir de la patrie par la fécondité . Elle demande par quelle
fatalité la distribution des secours se trouve suspendue , et
elle espere que la Convention va se mettre à même de verser
le baume de la consolation dans l'ame de ces malheureux
concitoyens . Renvoi au comité des secours . --
Séance de primedi , 1er . Frimaire.
"
£7
Les sociétés populaires de la Rochelle et Cherbourg félicitent
la Convention sur les mesures qu'elle a prises pour la police
des sociétés populaires . Elles vouent à l'exécration les hommes
de sang ; elles demandent qu'elle continue de démasquer et
poursuivre les intrigans , et de signaler à l'opinion publique
ees contrebandiers de patriotisme , qui ne sont attachés au
char de la révolution que pour en arracher les dépouilles .
Mention honorable et insertion au bulletin .
Les sections de Paris demandent à être admises . Ce sont
les sections des Tuilleries , de Lepelletier , la Fontaine de
Grenelle , Mutius Scævola , des Droits de l'homme , la Montagne
, des Amis de la Patrie , de la Halle -aux - bles .
,,,
Les défenseurs de la patrie ne sont pas les seuls , disent
elles , qui remportent des victoires . Vous avez anéanti les jacobins
. Ce nouveau triomphe est d'ausant plus mémorable
que vous n'avez employé d'autre arme que votre amour pour
le peuple. Qu'il soit le signal de la chute de tous les intrigans
; que les caméléons politiques ne puissent plus changer
de forme , et que celle qu'ils conserveront malgré eux devienne
leur supplice.
Continuez à poursuivre ces tigres , ces lions qui , endormis
sur des monceaux de cadavres , ne devaient se réveiller que
pour déchirer et dévorer de nouvelles victimes .
B 4
( 24 )
Les sections renouvellent toutes le serment de défendre de
tous leurs moyens la représentation , nationale , et de combattre
la tyraunie sous quelque masque qu'elle se presente.
Jamais le peuple de Paris n'a parlé avec plus d'effusion de
coeur. Jamais la Convention n'a reçu de felicitations plus touchantes.
Les réponses du president ont été aussi énergiques
que ces adresses . Il a invité les sections à se serrer entr'elles
et à oublier les haines particulieres , pour ne voir que la patrie.
Le vaisseau de la République , a - t-il dit , vogue encore ,
inais quand on a un équipage comme vous , l'on est sûr de
l'amener au port.
"
La discussion s'ouvre sur l'affaire de Carrier. Il monte à
Ta tribune pour lire sa défense . Elle porte presque toute sur
des dénégations . Il fait à tous ses ennemis le reproche d'être
des contre-révolutionnaires , des royalistes et des federalistes .
Il ne précise aucun fair ; il prétend n'avoir jamais donné aucun
ordre au comité révolutionnaire de Nantes. Il nie d'avoir
épuisé tous les moyens pout fa're mettre la commune de Nantes
en état de rébelion . Il répond au reproche d'avoir déclaré la
guerre aux riches . Il soutient qu'aucune commune n'a à se
plaindre de lui , et que si celle de Nantes a éprouvé le régime
d'une surveillance rigoureuse , cette mesure a été commandée
par l'intérêt public , parce que les contre- révolutionnaires qui
se trouvaient en grand nombre dans cette commune , fournissaient
des armes , des munitions et des vivres aux brigands
de la Vendée .
Sa defense n'étant pas terminée à sept heures du soir , la
Convention décrete que la discussion reprendra demain à
midi.
CHAPITRE Ier. Institution des écoles primaires.
• Art. Ier . Les écoles primaires ont pour objet de donner
aux enfans de l'un et de l'autre sexe l'instruction nécessaire à
des hommes libres . '
II. Les écoles primaires seront distribuées sur le territoire
de la République à raison de la population ; en conséquence ,
il sera établi une école primaire par mille habitans .
III. Dans les lieux of la population est trop dispersée ,
il pourra être établi une seconde école primaire , sur la
demande motivée de l'administratián du district , et d'après
un décret de la Convention nationale .
IV . Dans les lieux où la population est pressée , une
seconde école ne pourra être établie que lorsque la popnlation
s'élèvera à deux mille individus la troisieme à trois mille
habitans complets , et ainsi de suite.
99 V. Dans toutes les communes de la République les
ci- devant presbyteres , non vendus au profit de la République ,
( 25 )
sont mis à la disposition des municipalités , pour servir , tant
au logement de l'instituteur , qu'à recevoir les éleves pendant
la durée des leçons ; en conséquence , tous les baux existans
sont résilies .
» VI . Dans les communes où il n'existe plus de ci - devant
presbyteres à la disposition de la nation , il sera accordé , sur
la demande des administrations du district , un local convenable
pour la tenue des ecoles primaires.
" VII . Chaque école primaire sera divisée en douze sections
, l'une pour les garçons , l'autre pour les filles ; en conséquence
, il y aura un instituteur et une institutrice .
CHAP. II. Jury d'instruction .
11
Art. Ier . Les instituteurs et institutrices sont nommés par
le peuple ; néanmoins , pendant le gouvernement révolutionnaire
, ils seront examinés , élus et surveillés par un jury d'instruction
composé de trois membres désignés par l'administration
du district , et pris hors de son sein , parmi les peres de
famille.
,, II . Le jury d'instruction sera renouvellé par tiers tous les
six mois.
› Le commissaire sortant pourra être réélu . 99
CHAP. III. Des instituteurs .
" Art. Ier. Les nominations des instituteurs et des institutrices
, élus par le jury d'instruction , seront soumises à l'administration
du district . s X
,, II. Si l'administration refuse de confirmer la nomination
faite par le jury , le jury pourra faire un autre choix .
" Ill . Lorsque le jury persistera dans sa pomination , et
l'administration dans son refus , elle désignera , pour la place
vacante , la personne qu'elle croira mériter la préférence : les
deux choix seront envoyés au comité d'instruction publique ,
qui prononcera définitivement entre l'administration et le
jury.
IV. Les plaintes contre les instituteurs et les institutrices
seront portées derectement au jury d'instruction .
SV. Lorsque la plainte sera en matiere grave , et après
que l'accusé aura été entendu , si le jury juge qu'il y a lieu à
destitution , la décision sera portée au conseil général de l'administration
du district , pour être confirmée.
" VI . Si l'arrêté du conseil général n'est pas conforme à
l'avis du jury , l'affaire sera portée au comité d'instruction
publique qui prononcera définitivement.
" VII . Les instituteurs et institutrices des écoles primaires
strent tenns d'enseigner à leurs éleves les livres élémentaires ,
composés et publiés par ordre de la Convention nationale .
" VIII. Ils ne pourront recevoir chez eux , commé pen(
26 )
sionnaire , ni donner de leçon particuliere à aucun de leurs
éleves : l'instituteur se doit tout à tous.
,, IX. La Nation accordera aux citoyens qui auront rendu
de longs services à leur pays dans la carriere de l'enseignement ,
une retraite qui mettra leur vieillesse à l'abri du besoin .
,, X. Le salaire des instituteurs sera uniforme sur toute la
surface de la République ; il est fixé à 1.200 liv pour les instituteurs
, et 1,000 liv . pour les institutrices . Néanmoins dans
les communes dont la population s'eleve au - dessus de vingt
mille habitans , le traitement de l'instituteur sera de 1,500 liv. ,
et celui de l'institatrice de 1,200 liv . 9
CHAP . IV. Instruction et régime des écoles primaires.
Art . Ier . Les éleves ne seront pas admis aux écoles primaires
, avant l'âge de six ans accomplis .
" II . Dans l'une et l'autre section de chaque école , on
enseignera aux éleves , 1º . à lire et à écrire , et les exemples de
lecture rappelléront leurs droits et leurs devoirs ; 2 ° . la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen , et la constitution
de la République Française ; 3° . on donnera des instructions
élémentaires sur la morale républicaine ; 4 ° . les élemens de
la langue française , soit parlée , soit écrite ; 5º . les regles du
calcul simple et de l'arpentage ; 60. les élémens de la geogra
phie et de l'histoire des peuples libres ; 7º . des instructions sur
les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles
de la nature, On fera apprendre le recueil des actions héroïques
et les chants de triomphe.
Iil . L'enseignement sera fait en langue française . L'idiome
de pays ne pourra être employé que comme un moyen auxiliaire
.
" IV . Les éléves seront instruits dans les exercices les plus
propres à entretenir la santé et développer la force et l'agilité
du corps ; en conséquence , les garçons seront élevés aux
exercices militaires , auxquels présidera un officier de la garde
nationale , designé par le jury d'instruction .
• " V. On les formera , si la localité le comporte à la
natation : cet exercice sera dirigé et surveillé par des citoyens
nommés par le jury d'instruction , sur la présentation des municipalités
respectives .
VI . Il sera publié des instructions pour déterminer la
nature et la distribution des autres exercices gymnastiques
propres à donner au corps de la force et de la souplesse , tels
que la course , la lutte , etc.
" VII. Les éleves des écoles primaires visiteront , plusieurs
fois l'année , avec leurs instituteurs , et sous la conduite d'un
magistrat du peuple , les hôpitaux les plus voisins .
,, VIII. Les mêmes jours ils aideront , dans leurs travaux
domestiques et champêtres , les vieillards et les parens des ,
défenseurs de la patrie.
"
( 27 ) .
" IX . On les conduira quelquefois dans les manufactures et
les ateliers , où l'on prépare des marchandises d'une consom .
mation commune , afin que cette vue leur donne quelque idée
des avantages de l'industrie humaine et éveille en eux le goût .
des arts utiles.
" X. Une partie du tems destiné aux écoles sera employée
à des ouvrages manuels de differentes especes utiles et communs.
,, XI. Il sera publié une instruction pour faciliter l'éxécution
des deux articles précédens , en rendant la fréquentation
des ateliers et le travail des mains vraiment ntiles aux éleves .
,, XII . Des prix d'encouragement seront distribués tous les
ans aux éleves , en présence du peuple , dans la fête de la jeunesse
.
" XIII. Le comité d'instruction publique est chargé de
publier , sans délai , des réglemens sur le régime et la discipline
interne des écoles primaires .
XIV. Les jeunes citoyens qui n'auront pas frequenté ces
écoles , seront examinés en présence du peuple à la fête de la
jeunesse ; et s'il est reconnu qu'ils n'ont pas les connaissances
nécessaires à des citoyens français , ils seront écartés , jusqu'à
ce qu'ils les aient acquises , de toutes les fonctions publiques .
" XV. La loi ne peut porter aucune atteinte au droit qu'ont
les citoyens d'ouvrir des écoles particulieres et libres sous la
surveillance des autorités constituées .
,, XVI et dernier. La Convention nationale rapporte toute
disposition contraire à la présente loi .
PARIS. Quartidi , 4 Frimaire , 3º . année de la République.
La discussion de l'affaire de Carrier a attiré à la Convenúion
une foule immense. C'était un spectacle aussi nouveau
qu'intéressant de voir un représentant accusé devant le peuple
des faits les plus graves , et ayant la liberté de faire entendre sa
justification dans sa plus grande latitude. Ce contraste avec
l'ancien ordre de choses n'est pas seulement une affaire de justice
, c'est un objet d'intérêt public . Si Carrier est coupable
il importe que chacun en ait la conviction intime . Tels doivent
être les accusations et les jugemens dans les républiques ; l'instruction
n'est véritablement utile que lorsqu'elle reçoit la plus
grande publicité , et si l'on se plaignait de la lenteur des formes ,
on oublierait qu'elles sont la sauve-garde de l'innocence , comme
moyen le plus sûr d'assurer le châtiment du crime. L'exemple
qui en résulte produit une impression plus profonde , et
c'est-là l'objet essentiel de toutes les lois pénales .
le
Carrier a été entendu dans le plus profoud silence ; il a parcouru
chaque chef d'accusation contenu dans le rapport avec
1.281
Jes pieces qui leur servent d'appui , et il a fourni sa réponse .
Il a fait consister sa défense à affaiblir les témoignages qui
s'élevent contre lui , en accusant les témoins d'être ou des fanatiques
, ou des fédéralistes , ou des royalistes , ou des contrerévolutionnaires
et des complices des brigaads de la Vendée ;
à convenir des faits peu importans , et à nier tous les autres .
Il a soutenu n'avoir jamais donné aucun ordre au comité révo
lutionnaire de Nantes ; toutes les atrocités que celui - ci a commises
, l'ont été sans sa participation , il n'a fait que se renfermer
dans l'exécution stricte des décrets de la Convention .
La suite de la discussion de cette affaire célebre apprendrá sans
doute ce qu'il faut croire de ses désaveux et de ses assertions .
Déja plusieurs députés l'ont rappellé au texte des décrets qu'il
invoquait , et dont il a outre-passé la lettre et l'esprit . Carrier
ne veut point être jugé sur des pieces simplement collationnées
; il a demandé l'apport des originaux qui sont à Nantes ,
et la Convention a ordonné qu'un courier extraordinaire les
irait chercher , sans que cependant la discussion puisse être
suspendue , ni la décision de la Convention retardée dans le cas
où elle serait suffisamment instruite .
Cependant , malgré le calme et la dignité qui regne dans la
Convention , et la sage disposition des esprits , des malveillans
s'agitent en tout sens pour exciter de l'effervescence ; on a fait
de vains efforts pour soulever les atteliers de Paris , et égarer
plusieurs sections . Pour faire cesser toutes les inquiétudes
les comités de sûreté générale et militaire ont jugé à propos
d'augmenter de 6,000 hommes la force armée de Paris . Tel est
l'état actuel de cette discussion qui ne parait pas devoir se prolonger
encore long-tems.
Raisson, vice - président des jacobins , et Tisson , autre membre
de cette société , ont été mis en état d'arrestation par ordre du
comité de sûreté générale. Hierchmann , émissaire de Robespierre
, a été aussi arrêté . Lorsqu'il s'est vu pris , il s'est ouvert
les veines avec des morceaux de verre qu'il a de suite broyés
et avaiés. On est parvenu étancher le sang et à lui donuer
du contre - poison .
La section du Muséum a pris un arrêté portant , qu'elle ne
prêterait plus sa salle au club électoral , où il s'était glissé plusieurs
de ces hommes qui sacrifient tout à l'esprit de passion
qui les anime , et n'ont pu encore se former une idée juste de
la liberté et de l'ordre public .
Fouquier - Thinville , détenu dans la maison d'arrêt dite
Duplessis , est devenu un objet d'exécration pour tous les prisonniers
, au point qu'il est obligé de n'ouvrir ni les portes ni
les fenêtres de sa chambre ; c'est dans cette situation que , seul
avec sa conscience , il attend que la justice prononce sur son
sort,
( 29 )
Quelques journaux ont parlé de la fin tragique de Jean-
Simon Loiserolles pere , guillotine le 3 thermidor ; mais il
s'est glissé dans le récit qu'ils en ont fait quelques inexactitudes
; je vais les reformer , j'ai vu les pieces .
Loiserolles pere était détenu à Saint- Lazare avec son fils .
Le systême des conspirations des prisous , si heureusement
imaginé au Luxembourg , venait d'être mis en pleine activité
à Saint-Lazare , et avait deja réussi complettement pour une
remiere fournée , par les soins de Vernet , concierge , qui
s'était formé sous Guyard , au Luxembourg.
On apprend à Saint-Lazare qu'une seconde liste de mort
allait commander une seconde fournée , et les malheureux
prisonniers attendaient dans le silence du désespoir le fatal
appel .
Le 7 thermidor , sur les quatre heures du soir , l'huissier
du tribunal se présente au tribunal avec la liste mortuaire.
On appelle Loiserolles , c'était Loiserolles fils que la mort
appellait ; Loiserolles pere n'hésite point à se présenter ; il ,
compare ses 61 ans aux 22 de son fils , il lui donne une
seconde fois la vie ; il descend , il est conduit à la Conciergerie
.
Il y reçoit l'acte d'accusation dressé par arrêté du comité
de salut public , et motivé sur une conspiration de prison .
Cet acte portait le nom de Loiserolles fils .
Le lendemain , le pere paraît à l'audience avec ses 25 compagnons
d'infortune ,
L'acte d'accusation , qui est joint aux pieces , porte François
Simon Loiserolles fils , âgé de 22 ans.
L'énoncé du jugement , dressé d'avance sur l'acte , portait
les mêmes désignations le greffier se contenta d'effacer le
nom de François , et d'y mettre aua dessus celui de Jean .
2
Enfin , les questions soumises pour la forme , aux jurés ,
et dressées d'avance sur le même acte d'accusation contenaient
les noms et la désignation portés dans l'acte d'accusation
; mais lors de l'appel , Coffinal s'est contenté d'effacer
le nom de François pour y substituer celui de Jean , d'effacer
le mot fils pour y substituer de pere ; il surcharge grossière
ment les deux chiffres , et de 22 , il en fait 61 ; et il ajoute
l'ancienne qualité du pere , dont l'acte d'accusation ne parle
point.
Et Jean -Simon Loiserolles , contre lequel il n'y avait point
d'acte d'accusation , a été mis à mort le 8 thermidor !
Et ce pere respectable a gardé le silence !
Lecteurs ; quel atroce assassinat ! quel sublime saerifice !
Signé , REAL..
( 36 )
NOUVELLES OFFICIELLES .
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE .
Au quartier-général à Ravestein , te 20 brumaire.
Larmée du Nord , chers collegues , est victorieuse par -tout
où elle se présente , soit dans les petites , soit dans les grandes
occasions ; nous vous envoyons encore deux succès partiels
qu'elle vient de remporter.
" Le général Moreau ,commandant en chef par interim l'armée
du Nord , ayant su que la garnison de Wesel avait jeté ún
corps d'environ 500 hommes dans Burich , qui commençait à
se retrancher , donna l'ordre au général Vendam de l'attaquer ,
et d'établir dans de local des batteries pour détruire les bateaux
et ponts velans établis devant cette ville .
,, L'ordre a été exécuté hier matin avec la plus grande
bravoure , les retranchemens ont été forcés , l'ennemi a été
chassé et a perdu 450 hommes , du nombre duquel sont 50 pri
sonniers .
Notre perte est peu conséquente ; le second bataillon de la
44. demi-brigade d'infanterie et le 14. bataillon de chasseurs
s'y sont particulierement distingués .
" C'est à la favenr du poste que nous avons enlevé , que , dans
la guerre de sept ans , l'ennemi passa le Rhin presqu'en présence
de l'armée française , et la battit peu de jours après .
,, Le 17 de ce mois , le chef de bataillon Watelette , du
10. bataillon du Calvados , commandant le bivac de Putten ,
informé que la garnisou de Berg op Zoom faisait souvent des
reconnaissances , résolut d'en enlever une : il prit de forts détachemens
du 25. régiment d'infanterie , du 3e . bataillon de
T'Oise , du 6e . de la Seine inférieure , du 10º . du Calvados ,
et deux détachemens de cavalerie du 26. régiment ; ils arriverent
au point du jour à une demie lieue de Berg - op - Zoom ,
et s'embarquerent ; ne voyant venir personne sur les huit heures
du matin , ils s'approcherent jusques sous les muis de la place ,
qui les accueillit d'une vive canonnade . La garnison fit une
forte sortie ; mais les Républicains Français , avares de poudre ,
les chargerent la bayonnette en avant , leur tuerent 100 hommes
et firent So prisonniers . Nous n'avons perdu qu'un cavalier et
un capitaine de grenadiers . C'est ainsi que nous amusons le tapis
en attendant que Mgr. le duc d'Yorck veuille accepter uue
affaire générale et décisive . " ( On applaudit , ) .
Signés , BELLEGARDE , LACOMBE ( de Tarn ) , représentans du peuple. ,
( 31 )
Au quartier - général de Lagullana , le 12 brumaire , l'an 3. de
la République Française..
sur
Citoyens représentans , je reçois à l'instant des nouvelles
de la 5. division ; elle vient d'avoir quelque succès . L'adjudant-
général Gilly me marque qu'il vient de faire , par ordre
du général Charlet , une reconnaissance très- avancée . Il s'est
porté successivement , avec les grenadiers et chasseurs ,
Otores et Dory ; de- là ils ont poussé jusqu'à Castella , qu'ils
ont enlevé de vive force. La prise de Castella est remarquable .
Les Espagnols avaient sept retranchemens les uns derriere lès
autres , formés par des lignes de rochers que la nature semblait
avoir arrangés pour sa défense . La résistance de ses habitans
avait toujours été si opiniâtre , qu'elle leur avait mérité ,
de la part de leur tyran , un drapeau blanc portant les armoiries
d'Espagne ; cette prise a malheureusement coûté la vie à
un brave Républicain , neuf autres ont été blessés . On a trouvé
dans Castella des caisses de munitions et du blé , que l'on n'a
pu emporter ; l'on y a mis le feu leur camp , leurs barraques ,
les maisons crenelées , tout a été détruit et renversé . Huit
Suisses ont quitté l'ennemi aux cris de vive la République ! Le
décret à mort a été exécuté sur tous les Espagnols qu'on a pu
atteindre. "
Signé , DUGOMMIER.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes:
Suite du 2 brumaire . Un jour , Joly m'apperçevant dit
N'est- ce pas là la veuve Mallet ? Elle est bien bonne pour
aller boire à la grande tasse .
Dans un autre tems , ma femme de confiance s'adressa à
Perrochaux pour obtenir quelques secours pour moi , celuicit
lui répondit : Tu es une bête ; lorsque cette b......
sera morte , tu y gagneras davantage , tu y seras à ton tour la
maîtresse. "
Quelque tems après ; des hommes vinrent briser au Bon-
Pasteur de superbes tableaux ; ils n'épargnerent que celui qui
représentait la mort : ils nous dirent avec ironie : contemplez
cette image.
Elle a terminé sa déclaration en faisant le tableau du régime
affreux des prisons , où des femmes étaient entassées les unes
sur les autres , et manquerent pendant long-tems du strict
nécessaire.
Le président a interpellé les accusés de répondre aux impu
tations qui leur étaient faites .
Bachelier a dit que les 70 mille livres de tabac avaient été
( 32 )
vendues par le district ; et qu'au Bon -Pasteur , il y avait
deux femmes du même nom , et que se fut par erreur que
la veuve Mallet , marchande de tabac , qui nous avait été
dénoncée par le comité de surveillance de la société populaire ,
fut mise en liberté au lieu et place de Victoire Mallet , femme
d'un tourneur .
Perrochaux est convenu d'avoir employé cette petite ruse ;
mais il a prétendu n'avoir pas dit : la guillotine guérira tout
cela , etc.
Jolly a affirmé qu'il n'avait pas parlé de la grande tasse .
On lui a observé qu'il a travaillé à ce qu'il appelle la grande.
tasse il a répondu qu'effectivement il avait lié les victimes
qui ont été noyées ; mais qu'à son tour d'autres l'ont garotté
pour le traduire au tribunal révolutionnaire , à Paris .
Gelin a déclaré que 200 mille livres de tabac , qu'il envoyait
à Paris , furent saisies par la compagnie Marat et vendues , et
qu'il fut incarcéré .
Thomas a attesté avoir vu Durassier faire des listes ,
au Bon-
Pasteur , jusqu'à onze heures du soir ; goo ,femmes qui y étaient
détenues , étaient dans les plus vives, alarmes , elles étaient persuadées
qu'on allait noyer pendant la nuit . Thomas alla se
revêtir à la hâte de son uniforme ; il s'arma d'un sabre , et
premit à ces femmes éplorées que l'on ne parviendrait à les
enlever qu'en passant sur son corps . ( Applaudi . )
( La suite au numéro prochain. J
P. S. Carrier devait continuer à être entendu dans ses
oyens de défense dans la séance du 3 ; il était plus de midi
qu'il n'était pas arrivé . Plusieurs membres se récrient contre ce
retard , d'autres cherchent à éluder ces observations. Quelque
tems après , Carrier fait dire qu'il est malade . Legendre quitte
le fauteuil , et déclare que les gens qui voulaient aux jacobins
faire un rempart de leurs corps à Carrier sont dans l'Assemblée
pour le sauver.Il demande qu'il soit intimé à Carrier l'ordre
de se rendre à la Convention , qu'autrement elle passera sur-
Te- champ à l'appel nominal . Décrété.
j.
Carrier paraît : il continue à nier les noyades , les fusillades ,
et toutes les horreurs qui lui sont imputees . Beaucoup de
membres lui font des interpellations sur des faits extrêmement
graves ; il nie tout , on tergiverse . Après que sa justification est
terminée , l'Assemblée suspend sa séance et décrete qu'elle sera
reprise à 7 heures , et qu'elle prononcera sans désemparer .
La séance est reprise et dure jusqu'à trois heures du matin ;
on procede à l'appel nominal . Sur 500 votans , 498 ont opiné
pour le décret d'accusation , 2 seulement ont présenté des
modifications.
1
( N° 14° )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 30 Novembre 1794 , vieux style . }
Voyage en Afrique el en Asie , principalement au Japon , pendant les
années 1770-1779 , servant de suite au voyage de D. Sparmann;
par Charles Pierre Thunberg , de l'ordre de Wasa , "professeur de
botanique à l'université d'Upsal , et membre de plusieurs sociétés
savantes . Traduit du Suédois , avec des notes du traducteur ;
in- 8° . de 550 pages ; broché , 7 liv . Chez Fuchs , libraire , quai
des Augustins , nº . 28.
Le
SECOND EXTRAIT.
E voyageur suédois quitte Batavia , et s'embarque pour le
Japon , le 20 juin 1773. Les deux vaisseaux de la compagnie
hollandaise qui faisaient ce trajet périlleux , après avoir passé
l'équatear le 3 juillet , apperçarent le 8 Puto Zapato , rocher
eu écueil assez connu dans ces mers . Le 10 , ils découvrirent
la terre ferme de la Chine ; le 12 , ils furent très - maltraites par
les tempêtes si funestes dans ces parages , que sur cinq vaisscaux
elles en font périr au moins un , suivant le relevé des
voyages qui ont été faits de Batavia au Japon ; le 29 , ils pas
serent devant l'isle Formose qui avait appartenu autrefois aux
Hollandais , mais dont les Tartares chinois se sont renda's
maîtres en 1662. Le 13 août au matin , on découvrit l'isle da
Meaxima située sur la côte du Japon. Dans l'après- dîner , les
vaisseaux se trouverent à la vue de la terre ferme du Japon
et à 3 heures on jetta l'ancre à l'entrée du port de Nangazacki
. Enfin , les voyageurs s'arrêterent dans la ville de la
petite isle de Dézima , sur laquelle est construit le comptoir
hollandais .
Depuis que la compagnie hollandaise fait le commerce exclus
sif du Japon , les équipages des vaisseaux qui y arrivent tous
les ans de Batavia , se trouvent assujettis à plusieurs formalités
humiliantes. Parmi les objets dont l'importation est défendue.
au Japon sous les peines les plus graves , les livres de religion
écrits en hollandais tiennent le premier rang . Le capitaine doit
dresser un rôle exact de son équipage , sur lequel l'âge et la
qualité de chaque individu sont inscrits . L'équipage était alors
composé de 144 personnes , y compris 34 esclaves . Avecce ,
rôle à la main , les officiers Banjoses ou Japonais passent sou-
Event en revue les voyagears , du moment qu'ils se sont rendus
Tome XIII.
( 34 )
t
à bord. On débarqua les animaux vivans apportés de Batavia ,
consistast en veaux , boeufs , cochons , chêvres , moutons et
chevreuils destinés à l'usage des personnes attachées au comptoir
hollandais , d'autant que les Japonais ne leur fournissent
que des végétaux . On ne connait au Japon ni péages , ni droits
de sortie ou d'eutrée ; néanmoins les visites y sont très - rigoufeuses
pour empêcher la contrebande .
La ville de Nangasaki est nne des cinq villes les plus florissantes
du Japon , à cause de son commerce et de ses liaisons
avec les étrangers. Elle appartient exclusivement à l'empereur
séculier. Nangasaki est ouvert de tous côtés , et n'a ni murs ,
ni remparts ; les rues en sont tortueuses , traversées par plu
sieurs eanaux qui reçoivent l'eau des montagnes voisines , et
qui la conduisent ensuite jusqu'à la mer . Au bout de chaque
rue se trouve une porte de bois que l'on ferme afin d'empê
cher toute communication ; chaque rue n'a pas au - delà de 30 à
40 toises de longueur elle est inspectée par un officier de
police . Peu de maisons ont un étage au- dessus du rez - dechaussée.
Les Portugais ont peuplé en partie cette ville , et y
font un commerce . L'isle de Dézima , où est le comptoir hollandais
, peut être considérée comme une des rues de la ville
de Nangasaki , dans laquelle on communique par un pont. La
compagnie y a établi ses magasins , ses boutiques , son hôpital
, son potager. Le séjour des Hollandais dans cette isle , où
ils sont continuellement surveillés et retenus par les Japonais ,
est véritablement un exil fort ennuyeux. Les marchandises
qu'on envoie au Japon consistent ordinairement en poivre ,
cassonade , bois de teinture , étain , plomb , fer en barres , indiennes
, draps , serges , étoffes de soie , girofles , écailles , safran ,
thériaque , suc de réglisse , lunettes , miroirs , montres , cornes
de Narval et quelques ducatons d'argent , et depuis 1685 , par
ordonnance de l'empereur du Japon , la valeur de ces marchandises
ne doit pas aller chaque année au- delà de 1,200,000 l .
Les Japonais les paient en especes monnoyées . La vente se
fait dans un encan public. C'est la corne de Narval qui se
vend le plus cher , à cause des vertus médicinales que les
Japonais lui attribuent. Le ninsi , ou ginseng , racine que les
Chinois apportent au Japon , est estimée aussi d'un grand prix ,
parce qu'on la croit très - favorable aux mysteres de l'amour.
Les marchandises qu'on remporte du Japon consistent princi
palement en riz , porcelaines , parasols , robes de soie , ouvrages
de lacque , cuivre , grands pets de terre , le soja qui est une
liqueur ou quintessence de différens ingrédiens aromatiques
propres à exciter l'appétit , en le mêlant en petite quantité avec
les sauces . Les objets défendus comme contrebande sont les
monnaies japonaises , les cartes géographiques , les livres imprimés
, toute espece d'armes , sur-tout les sabres si estimés et
si parfaits . Les Chinois sont mal reçus des Japonais dont ils
different par les moeurs , par le langage , par les habillemens .
( 35 )
Ils ne sont soufferts qu'à Nangasaki , et fort inspectés pendant
leur séjour. Lorsque leurs vaisseaux ont achevé leur cargaison ,
ils sont escortés par un grand nombre de barques japonaises
qui les suivent jusqu'à une certaine distance de la côte , pour
s'assurer de leur départ . Le renvoi des vaisseaux bollanda s
est également ordonné , et il n'est pas possible de différer un
iastant , quelque peu favorable que soit le tems pour la navigation
.
Cependant le voyageur suédois ayant le titre et faisant les
fonctions de chirurgien , avait eu pendant son séjour la permission
d'aller rechercher des plantes et des insectes dans quelques
petites isles et sur les montagnes voisines de Batavia , et
de s'en faire rapporter par ses éleves japonais à qui il enseignait
la chirurgie et la botanique . Il recueillit entr'autres
plantes le figuier nain qui produit de petits fruits bons à manger;
l'ipomea triloba , dont les racines sont employées au Japon
cómme purgatif ; le fagara piperita , arbuste dont les feuilles et
les baies sont aromatiques , et dont on se sert en guise de
poivre ; et deux especes d'orties ( nivea et japonica ) qui procurent
aux Japonais la matiere dont ils font leurs cordes. Les
Japonais eut coutume d'employer pour laver le linge de la
farine de fêve ; ainsi , lorsque le savon est rare , ou lorsqu'on
travaille sur des étoffes dont la couleur serait altérée par l'alcali
da savon , il serait possible d'y substituer les parties farineuses
du maronier et da gland.
Les chandeilis des Japonais sont faites avec l'huile exprimée
da rhus vernix , ou rhus succedanea de Linnée . Cette huile que
l'on the des graines par l'expression , acquiert une consistance
solide en la faisant bouillir. Ces chandelles , semblables à
celles de suif, coulent un peu , mais brûlent très - bien.
L'huile que les Japonais consomment dans leurs lampes est
tiree des graines de moutarde ei du dryunda cordata .
Quant aux moeurs des Japonais , elles sont fort libres ; les
filles publiques y sont permises , et trouvent ensuite des époux ,
sais que le déshonneur les accompagne. Les femmes mariées
se distinguent par le noir éclatant de leurs dents et par la teinture
de leurs levres avec le safranon .
les Japonais ne font point usage des cadrans pour mesurer
le tems ; une mêche allumée , torse en forme de cordes , pourvue
de noeuds à des distances régulieres , qui marquent les
heures , leur sert à cet usage . Le tems écoulé , ou l'intervalle
d'un noeud à l'autre est marqué par le son des cloches . Pendant
la nuit il y a des gardiens qui frappent deux morceaux de bois
l'un contre l'autre pour annoncer l'heure . Ou se sert aussi cn
guise d'horloge , d'une petite caisse remplie de cendres , longue
d'un pied sur six pouces de large. Dans ces cendres , les Japonais
font des impressions longitudinales ou des sillons avec des
sous- divisions régulieres . Ils remplissent ces silions d'une
poudre faite avec l'écorce de l'ilicium anisatum , qu'ils allument
CY
( 36 )
après avoir adapté le couvercle , dans lequel ils ne laissent qu'un
petit trou pour y introduire l'air nécessaire . La poudre de cette
écorce possede la propriété de ne brûler que très lentement et
d'une maniere assez uniforme ; c'est ce qui procure à ces gens
la facilité d'appercevoir , même dans l'obscurité , l'heure qu'ils
annoncent au public de la maniere dont on vient de le dire .
Parmi les fêtes des Japonais , il y en a une qui consiste à
fouter aux pieds le crucifix et l'image de la vierge . C'est aku
de découvrir ceux qui pourraient être gagnés ou attachés secrettement
au christianisme , et se préserver principalement du
zele des missionnaires Portugais .
Thunberg accompagne l'ambassadeur hollandais dans son
voyage pour Jeddo à la cour de l'empereur. Les voyageurs
distingués sont portés le long de la route a terre dans des norimons
ou chaises . Quand on approche d'une ville , les hôtes
viennent au - devant de la caravane avec des présens pour les
chefs . On traversa la province de Fisen , renommée à cause de
la porcelaine qu'on y fabrique , et qui passe pour la plus belle
du Japon . Le terre argilleuse qui fait la matiere premiere de
cette porcelaine , se trouve dans la même province . Dans tout
l'empire du Japon les grandes routes se trouvent dans un état
admirable ; et lorsqu'os approche des frontieres d'une province
, le gouverneur dépêche un officier pour présenter des
rafraîchissemens et des secours aux voyageurs .
Miako est une des villes capitales du Japon , elle est la plus
commerçante et la plus ancienne de l'empire . C'est la résidence
du Daïri ou de l'empereur ecclésiatique du Japon. Sa personne
est invisible , et s'il veut sortir de son palais , le peuple en est
averti , afin qu'il ne se présente aucun homme à sa rencontre.
Ce souverain est subordonné à l'empereur séculier qui a graud
soin de le retenir dans les bornes de son ministere . La ville renferme
une grande quantité de fabriques et de manufactures . On y
affine tout le cuivre du pays : toutes les monnaies du Japon
sont frappées à Miako .
Avant de se rendre à Jeddo , l'ambassadeur et sa suite fureut
arrêtés au pied de la montagne de Sakona , qui est un passage
fort étroit où l'on visite les voyageurs , afin de ne laisser
entrer , ni sortir aucune espece d'armes .
Jeddo , capitale de l'empire , est très -grande et très - peuplée ;
son port est tellement ensable , que les bâtimens sont souvent
obligés de rester à l'ancre à cinq lieues de là . L'ambassadeur
et sa suite furent logés dans une maison obscure , mais commode
, qui leur avait été préparée , et distribuée par des cloisons
, especes de paravans mobiles . L'empereur est retiré
dans une vaste enceinte hors de la ville ; son palais est entouré
de fossés , de murs et de remparts qui en rendent l'accès
difficile. Lorsque l'ambassadeur fut reçu à son audience , il
vit le souverain élevé sur une triple estrade , et à trente pas de
la place où il se présenta ; il se mit à genoux auivant la cou .
1
( 37 )
tume , plaça ses deux mains sur les nattes du plancher , et
inclina la tête vers la terre. Ce fut toute la cérémonie . Les
appartemens da palais sont absolument sans meubles ; ils sont
boisés , et assez richement dorés . Les planchers sont couverts
de nattes blanches . Les voyageurs eurent la permission à leur
retour de visiter dans plusieurs grandes villes les temples où
des figures bisarres et très colossales représentent leurs divinités
; ils assisterent à un spectacle où les acteurs représen
taient avec assez de naturel une intrigue amoureuse et une
action héroïque , suivies d'un ballet en contre danses exécutées
par des enfans des deux sexes .
Le moxa est une espece d'amadou que les Japonais retirent
de la partie duveteuse qui couvre les feuilles de l'armoise . On
en forme des flocons doux et soyeux , et les chirurgiens s'en
servent pour former des plaies sur la peau en y mettant le
feu ; espece de cautere qui réussit à dégager les parties du
corps affectées par des humeurs stagnantes.
L'empire du Japon qui comprend trois grandes isles et un
très -grand nombre de petites , est situé à l'est de l'Asie .
Il ne présente dans sa vaste étendue qu'une suite de montagnes
et de vallées , mais peu de plaines . La mer qui l'environne
est presque toujours orageuse ; la plupart de ses ports
sent inconnus aux Européens . Le sol de ceue contrée est en
général sableux et argilleux , mais fécondé par l'industrie active
des habitans .
Les Japonais sont bien faits , souples , adroits , simples dans
leurs moeurs , francs et hospitaliers ; ils ont le teint bazané et
jaunâtre , la tête grosse et les cheveux noirs et huilés . Cependant
les Japonaises , qui peuvent prendre soin de leur personne , sont
très -blanches . Tous les arts mécaniques et utiles sont cultivés
avec succès au Japon . L'habillement japonais peut être, considéré
comme national ; il sert à distinguer cette nation de toutes
les autres ; il est encore porté par tous indistinctement. C'est
la même coupe d'habit et presque la même étoffe . Il consiste
en une espece de robe longue et très - large , échancrée par le
haut , avec une ceinture. Il arrive souvent que les femmes
mettent 40 à 50 robes l'une sur l'autre . Leur nourriture ese
saine , sans être recherchée . Jaloux de leur indépendance , les
Japonais se sont mis à l'abri de toute usurpation étrangere par
des lois sages et une circenspection sans exemple . Ce peuples
n'a jamais été subjugué par aucune autre nation , et a toujours
su se défendre contre tous ceux qui l'ont attaqué .
ANNON CI S.
Almanach de la révolution française , pour l'an 3e . de la Répu
blique une et indivisible ; contenant les causes et les principaux
C. 3
( 38 )
détails de ce grand événement. Par le citoyen Richer , auteur de
plusieurs ouvrages de littérature ,
Tanta molis erat Gallorum condere gentem.
avec figure .
EN . lib. I.
A Paris , chez Rochette , imprimeur , rue Châlier , ci - devant
Sorbonne , nº . 382 .
L'auteur , rue Jacques , nº . 285 .
Leprieur , libraire , rue Savoie , nº . 12 .
Basset , rue Jacques , au coin de celle des Mathurins .
Get almanach offre le sommaire rapide et chronologique des
causes et des principaux détails du plus grand événement dont
les annales du monde fassent mention . On y voit l'Assemblée
constituante lutter avec force et courage contre l'impérienx
tyran , l'audacieux clergé et l'orgueilleuse noblesse ; on y voit
qu'elle les abat tous , en ouvrant au peuple le chemin à la liberté ;
y voit on l'Assemblée legislative lui succéder et marcher sur
ses traces ; arrive ensuite l'Assemblée conventionnelle
qui d'une main sûre et hardie prend la massue terrible du
peuple , renverse le trône , écrase la tyrannie , érige la France en
République , et avertit tous les peuples de la terre que l'Eternel
les a créés pour être libres , non pour être les esclaves de vils
tyrans.
Manuel des gouteux et des rhumatisans , ou l'art de se traiter
soi-même de la goutte et du rhumatisme , avec la maniere de
s'en servir , de s'en guérir , et d'en éviter la récidive ; par le
citoyen Gachet , médecin . A Paris , chez l'auteur , rue Beauregard
, no. 190, Prix , 2 volumes brochés , 6liv . , et 7 liv . 10 sous
franc de port .
GRAVURE.
Tombeau de Jean - Paul Marat , représentant du penple à la
Convention nationale , assassiné à Paris le 13 juillet 1793 par
la fille Corday ; dessiné par Pillement d'après le monument
élevé , cour des ci - devant Cordeliers , et gravé par Née . A Paris ,
chez Née , graveur , ue des Francs - Citoyens près la place
Michel , nº. 127
MUSIQUE.
Bataille de Jemmappe ou la prise de Mons par les Français ,
composé par le citoyen Pierre - Antoine César. Pour clavecin
ou piano forte . Prix , 4 liv . 4 sous . Se trouve chez le citoyen
Durien , professeur et marchand de musique , rue de Thionville
, nº . 42 , vis - à- vis Steinacher , apothicaire.
T
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 8 Novembre 1794.
Des lettres de Pétersbourg du 7 octobre , annoncent qu'il y
y est arrivé , le 1er. de ce mois , un courier expédié par le
général Repnin , apportant la nouvelle que le général Suwarow
a battu complettement , dans les environs de Brzesc , un corps
de 16,000 Polonais auxquels il a pris 2,000 hommes et 20
pieces de canon . Les détails de eette affaire , que l'on donne
pour décisive , sont attendus avec impatience .
Les forces maritimes ne feront probablement pas autant que
celles de terre ; car on vient d'apprendre que l'amiral Powalischin
a ramené l'escadre russe d'Archangel dans la rade d'Helsinger
, pour la conduire delà à Cronstadt . Ce n'est pas sans
surprise qu'on a vu ainsi l'escadre rentrer ; on croyait que
l'impératrice se proposait de la faire rester dans la mer du Nord,
et hiverner dans quelque port d'Angleterre : on est même sûr
qu'elle avait fait demander au cabinet de Londres son agrément
par un courier expédié il y a trois semaines . Peut- être le mauvais
état de la flotte n'a-t-il pas permis à l'amiral d'attendre
des ordres ultérieurs . Il en résultera que bientôt toutes les forces
maritimes de la Russie , après avoir pris ( comme en d'autres
années ) acte de leur présence sur les mers , se trouveront au
bout de cette montre inutile à leur point de départ , c'est -à-
-dire en hivernage dans les ports de Revel et de Cronstadt.
Le roi de Prusse vient de faire suspendre les préparatifs
pour mettre Dantzick en état de défense ; ils avaient été trèssérieux
, et annonçaient qu'on se défiait de la ville même ,
contre laquelle en eut soin de hiaquer du canon en même
tems qu'on en garnissait les remparts on paraît. paraît ne plus regarder
ces préparatifs comme si pressans , depuis qu'on est
informé de la défaite et de la prise de Kosciuszko . Les Russes
ont intercepté le courier envoyé par le conseil national , après
ce fâcheux événement , à Madalinski , pour lui porter l'ordre
de se replier en abandonnant la Prusse méridionale et occidentale
; mais cet officier , blanchi dans le service , a été instruit
d'ailleurs du changement des circonstances , et déja il vole au
secours de Varsovie . En outre , le général Poniatowski , laissé
en arriere avec le gros de l'armée , ne fut pas plutôt instruit
du danger que courait la capitale après la défaite du généralis
sime ,
, que couvrant le côté le plus faible de Varsovie , c'est - àdire
le fauxbourg de Prague , il a pris une excellente position
C 4
( 40 )
avec les 1516,000 hommes qui lui restent , et qui seront
vigoureusement soutenus par les habitans , déterminés , dit- on ,
à se défendre. La réduction de la capitale et de la Pologne ne.
sera point un jeu , une affaire de quelques semaines , comme
affectaient de le dire quelques flattenrs des puissances copar
tageantes ; il suffit en effet , pour démentir cette assertion de
considérer qu'indépendamment de cette armée principale , les
généraux Madalinski , Dombrowski et d'autres commandent des
corps separés , et que d'ailleurs toute la Pologne est couverte
d'habitans armés qui combattront avec enthousiasme pour la
cause de la liberté .
Dombrowski et Madalinski dans leur marche le long de
la Vistule ont combiné leurs mouvemens de maniere à pouvoir
se porter des secours réciproques , en cas de besoin . Quoiqu'ils
aient laissé des détachemens assez considérables à Schweis et
à Forsdam , il leur reste à chacun un corps assez considérable ,,
puisque celui de Dombrowski est évalué à 8,000 hommes.
"
Des avis du district de Gnesne , en date du 20 octobre ,
parlent de l'attaque prochaine de la ville de Thorn par les Polonais
. Deja ils ont rassemblé beaucoup de sacs à terre de
fascines et d'échelles ; tout se prépare pour un assaut. On
mande aussi de Lissa , qu'ils ont commencé à exiger de fortes
livraisons de fourages , et que la Silésie continue d'être menacée
de ce côté d'une invasion . Les insurgens ont eu grand soin
de faire conduire à Varsovie , comme ôtages , un grand nombre
de prisonniers civils et militaires , ramassés dans les différentes
possessions prussiennes . Il y a dans le nombre des têtes marquantes
, de sorte qu'ils ont matiere à échange .
Tout annonce à la France qu'elle ne tardera pas à reprendre
dans toute son étendue son utile commerce avec le Levant : elle
a deja repris auprès de la Porte Ottomane l'influence politique
dont elle jouissait avant la funeste alliance avec les maisons
d'Autriche que les Bourbens lui avaient fait contracter.
Des lettres de Constantinople , du 1er . octobre , disent :
Les Français continuent à être ici considérés . Les témoignages
d'attachement à leur égard se multiplient . Les menées , les
intrigues que leurs ennemis étaient parvenus à ourdir à force
d'or , sont déjouées chaque joxr . La confiance des Ottomans
s'accroit en raison des triomphes de la République . On ne
peut leur reprocher , dans leur maniere d'agir , que quelque
nonchalance , qui , de tout tems , semble être devenue pour
eux une habitude . Il n'y a plus parmi les Français qu'un
seul parti , celui du bien public , celui de l'intérêt de la
France .
Il y a quelque tems que ceux - ci célébrerent ici les victoires
de la République . A cet effet , il y eut un concert donné à la
maison nationale , auquel tons assisterent . Il fut annoncé par
21 coups de canons , tirés du seul vaisseau français qui se
trouvait alors dans la rade . On avait rassemblé , dans un cadre
assez aerré , le récit des principaux faits d'armes des soldats
( 41 )
9 de la République . Au premier coup de canon tous
les Français se levant spontanément entonnerent l'hymne de
la Liberté , et le concert s'ouvrit . Il fut terminé par la ronde
républicaine autour de l'arbre de la liberté . C'était sans doute
un spectacle de quelqu'intérêt , que celui de 200 Français , à,
700 lieues de leur patrie , s'unissant par la pensée à la joie de
leurs compatriotes , et à leur reconnaissance envers leurs défenseurs
. Une scene assez plaisante fit naître le rire au milieu
de l'enthousiasme . Le palais de Hollande et les maisons de
quelques- uns des ennemis de la France , dominent la cour du
palais national , où se trouve planté l'arbre de la liberté . Plusieurs
agens de la coalition , quelques femmes aristocrates ," se
montrerent pour tonsidérer la fête . Le dépit était sur toutes
ces figures . Par fois l'humeur les éloignait des fenêtres , mais
la curiosité plus forte les y ramenait toujours . Enfin les Frauçais
entonnerent le couplet suivant :
Monsieur Cobourg avait promis
De marcher tout droit à Paris ;
Quel diable de chemin ,
Il s'en va par Louvain .
Dansons la carmagnole , etc.
:
On n'y put décidément plus tenir les spectateurs s'enfuirent
avec précipitation ; et , pour cette fois , les fenêtres furent
fermées .
A Smyrne , une fête analogue a été célébrée : un vaisseau
du grand- seigneur qui se trouvait en rade , a tiré 11 coups de
canons ; les frégates nouvellement rentrées , et les bâtimens
neutres , l'ont appuyée de leur artilleric. Il regne peut - être
moins d'union entre les Français qui sont à Smyrne que parmi
ceux qui sont à Constantinople ; mais avec de la prudence et
de la fermeté , il sera facile de déjouer les projets des agitateurs
. On mande de ce comptoir , en date du 19 septembre ,
que le commandant de la division française y était de retour
de Constantinople ; il est accompagné d'ua commissaire de la
Convention nationale. On ignore encore le sujet de leur
mission.
L'ambassadeur anglais a présenté à la Porte un long mémoire
, pour se plaindre de ce qu'elle s'eloigne des principes
de la neutralité il dit qu'en a vu à Smyrne des bâtimens
s'armer pour aller en course contre les Anglais , sans le
moindre obstacle de la part du gouvernement ; que les vaisseaux
français ont fait des prises à la vue des forteresses
turcques ; qu'ils ont visité , pillé les neutres , et même les
sujets de la sublime Porte , et ont produit des certificats
pour prouver que les captures et visités ont eu lieu hors des
bornes fixées par leur neutralité ; mais
que les de
corruption qui ont produit ces certificats ne sont iguorés de
moyens
( 42 )
personne. Il ajonte que ce qui est permis à l'une des parties
paraîtrait devoir l'être à l'autre qu'un officier de la marine anglaise
a attaqué et pris une frégate ennemie , dans le pays de
la domination ottomane , qu'il était prealablement assuré qu'il
ne s'y trouvait ni fort , ni pavillon ture , afin d'éviter tout
ce qui pourrait s'appeler une insulte faite à la jurisdiction de
la Porte , et s'est résolu ensuite à compenser les habitans
des côtés , des dommages qu'il pourrait leur avoir causés .
Mais que les Français , comme s'ils avaient acquis des titres
et des priviléges exclusifs de la part du gouvernement turc ,
parlent de se venger de ceux qui ont suivi leur exemple ; qu'ils
menacent les habitans de Smyrne , se pourvoient d'armes
tiennent des assemblées pour se concerter . L'ambassadeur
termine en disant que la Porte doit faire cesser la partialité
ou la trop grande facilité de ses officiers et commandans ,
maintenir le bon ordre dans ses états , à l'aide d'une force
armée respectable , et qu'alors nul excès , nulle irrégularité ne
sera plus commise par les officiers britanniques .
De Francfort- sur - le - Mein , le 12 novembre .
L'empereur et le roi de Prusse sont bien fatigués de la
guerre tontes les nouvelles que nous recevons de Vienne et
de Berlin l'annoncent . Mais elles ajoutent ce que l'on savait
déja , que ces deux puissances n'en sentent pas moins la néecssité
de continuer les préparatifs de guerre , soit pour obtenir
des conditions de paix moins désavantageuses , soit pour
être en état de se défendre le moins mal qu'il sera possible
contre les armées victorieuses de la République Française , en
cas qu'elle ne veule pas entendre aux propositions d'accommodement
qui lui ont été faites , ou qu'on va lui faire . Quelques
politiques prétendent que si la France ne veut consentir
à la paix qu'en gardant ses conquêtes jusqu'au Rhin et les
Pays-Bas , les deux chefs de la coalition pourraient bien sacrifier
, et ce qu'ils ont dans ce pays , et ce que possedent les
électeurs et autres princes allemands , dans l'espérance de s'en
dedommager sur la Pologne qu'ils acheveraient de démembrer ,
on de partager tout- à - fait avec l'impératrice de Russie , à moins
que la Porte Ottomane ne vint , comme elle devrait le faire
pour ses propres intérêts , au secours des généreux polonais .
Quoi qu'il en soit , on apprend la marche prochaine de
15,000 Prussiens vers Wesel . Ce corps , tiré des possessions
de Frédéric Guillaume dans la Westphalie , est destiné à convrir
la portion de ses états voisine des Provinces - Unies . Oa
attend aussi sur les frontieres de la Hollande et de la Gueldre
près de 25,000 Autrichiens , tant cavalerie qu'infanterie . Le
général Clerfayt s'est même rendu à Arnheim pour s'abou
cher avec le statdhonder et le duc d'Yorck qui s'y trouvaient ,
ainsi que l'électeur de Cologne. Il a été question dans cette .
( 43 )
conférence d'aviser à défendre le Bas -Rhin , et par conséquent
les Provinces - Unies . Les bruits de paix continuent pourtant
à se soutenir ; c'est le voeu général de l'Allemagne . Quelques
feuilles prétendent qu'on va employer la médiation de la Suede
´et du Danemarck ; elles vont même jusqu'à dire que le coadjuteur
de Mayence doit aller incessamment à Paris travailler
a convenir d'une armistice et de quelques préliminaires de
paix .
Le 3 de ce mois , on a reçu la nouvelle que la veille les Français
s'étaient emparés de Saint- Goard et de la forteresse de
Rheinfelds avant que le landgrave de Hesse pût arriver au
secours de ces places . La majeure partie de ses troupes ira
renforcer l'aile gauche des Autrichiens , pour garnir la rive du
Rhin jusqu'à Mayence .
Des lettres de cette ville , du 9 , rendent compte des différens
mouvemeus des Français . Le 1er , ils s'emparerent des
auteurs de Hechtsheim ; le 2 , tls freut une reconnaissance
plus étendue que de contume , et conduisirent des canons
attelés de 18 et 20 chevaux sur cette montagne , dont ils ont
abattu les buissons ; vers le soir , un gros de leur cavalerie
attaqua les avant-postes allemands entre Zah.bach et Ste .- Croix ;
le 3 , on apperçut de grand matin des tirailleurs français à
deux endroits , au pied des hauteurs , et vers le soir on distingua
les préparatifs pour asseoit deux batteries ; le 4 , une
grande partie des troupes qui s'étaient avancées de Hechtsheim
sur la chaussée entra dans le bois de Gonsenheim . La petite
ville de ce nom fut mise le lendemain à contribution ; le 7 ,
ils escarmoucherent près de Bretzenheim , sans succès ou
même avec désavantage . Enfin , ajoutent les mêmes lettres ,
hier à 10 heures du matin , ils attaquerent et emporterent ,
après une terrible canonnade , la grande redoute de Zahlbach ,
defendue par 16 canons et 6 obusiers ; mais ils la reperdirent
quelques instans après , à la suite d'un nouveau combat des
plus sangians , sans pouvoir emmener ni enclouer les cauons .
Le succès de cette derniere affaire est dû à une division de
Michailowitz , qui vint renforcer les troupes allemandes . Les
Français avaient 15 bataillons et 15 pieces de canon . Suivant
le rapport de deux de leurs déserteurs arrivés le 7 , ils se
proposaient d'attaquer incessamment Mayence de trois côtés ,
avec trois colonnes , tandis que deux autres essayeraient de
passer le Rhin . On compté 80,000 hommes au moins , dont
plus de 10,000 de cavalerie dans l'armée française , qui s'étend
depuis Manheim et Coblentz vers Mayence , dont le gouverneur
, nommé Huff , a été frappé d'apoplexie dans la nuit
du 8 au 9.
Suivant les dernieres nouvelles de Vienne , l'empereur a demandé
de nouvelles troupes que l'Autriche , la Moravie et la
Bohêne doivent fournir. Il a aussi chargé d'une mission se-
=
( 44 )
erette le baron de Thugut , ministre des affaires étrangeres
et le comte de Cobentzel , qui sont déja partis .
Le landgrave de Hesse est si mécontent de la conduite du
général Resius , qui commandait à Rheinfelds quand cette place
s'est rendue aux Français , qu'il l'a fait conduire a la forteresse
de Hanau , pour y être jugé par un conseil de guerre ,
quoique cet officier ait obtenu une capitulation très - avantageuse
, puisqu'elle porte qu'il ne sera imposé aucune espece
de contribution ; que les propriétés , les opinions et le culte
seront respectés , et qu'on ne levera point de milice .
On mande de Carlsruhe qu'on vient d'y faire , le 5 et le
6 de ce mois , l'heureux essai d'un télégraphe de l'invention
du conseiller Bockmann . Le bruit court aussi dans cette
ville que le corps de Condé sera porté à 15,000 hommes et
passera à la solde de l'empereur.
-
PROVINCES -UNIES . De la Heye , le 6 novembre.
Les nouvelles reçues des frontieres annoncent que c'est surtout
vers la Hollande que les Français veulent aujourd hai
diriger leurs efforts . On ajoute que sur les bords du Rhin ,
depuis Manheim jusqu'à Wesel , ils se tiendront seulement sur
la défensive .
Les états généraux parlent de faire de grands efforts . Ils
attendent de grands secours . Hait mille Autrichiens étaient
déja arrivés , le 30 , aux environs de Duisbourg , et devaient
être suivis d'autres troupes impériales . Ce corps d'armée doit
s'établir entre Wesel et le fort de Scheck . Gelui des Prussiens
doit s'être mis en marche dès le 8 du mois dernier .
L'armée anglaise s'est divisée en plusieurs détachemens ,
derriere Nimegue , Tiek , Gorcum et Heusden , pour défendre
tous ces points . Le parti qui veut comprimer les patriotes
semble , dit- on , résolu à incuder la Hollande ; mais il parait
lui - même douter que cette mesure puisse s'exécuter . Plus de
soixante mille ames se trouveraient ainsi réduites à la misere ,
et obligées d'aller mendier dans les villes , où d'ailleurs une
nombreuse population serait exposée à manquer d'eau . On
ait qu'un des effets de l'inondation serait d'ailleurs d'infecter
d'eau de mer les fontaines et les puits , et l'on ne pourrait
avoir pour boisson que l'eau qu'on aurait eu la precaution
d'enfermer dans des tonneaux ; enfin , il s'ensuivrait la roine
des campagnes et des habitations dans les villages . Jamais le
peuple ne pourra consentir qu'on ait recours à ce moyen . It
faudra recourir à la force armée pour le tenter ; et voudra- t- elle ,
pourra- t - elle mème assurer son exécution ?
Suivant des lettres d'Utrecht , les inondations sont déja effec(
45 )
tuées en partie ; elles ont lieu depuis Rhernen jusqu'au Zuiderzée
; la terre est couverte de trois pieds d'eau . Les écluses
de Grep ont aussi été ouvertes ; et l'on envoie par la Frise des
troupes à la défense de l'Yssel . L'amiral Van Braam est désigné
pour commander les frégates chargées de défendre le
Zuiderzée . Les Français font des dispositions pour cerner
Breda , et l'on craint aussi pour Berg-op-Zoom , dont la garnison
n'est pas assez forte .
Le statdhouder a fait arrêter Van Staphorst et Fistrel , chefs .
du parti populaire . On a également arrêté beaucoup d'autres
personnes de marque à la requisition de l'ambassadeur d'Angieterte
.
ITALIE.
Des lettres de Naples de 23 octobre , rendent aussi compte
d'un événement qui avait été défiguré dans plusieurs journaux ,
mais dont voici le récit exact :
Il vient d'arriver ici un événement qui a eu les suites les plus
lamentables . Le 19 , on proceda , sur la place du château , à
l'exécution de trois individus condamnés à mort comme criminels
d'état. Une foule immense était rassemblée : après l'éxécution
, et lorsque le peuple commençait à se retirer , on entendit
un coup de feu parti du milieu de la place , aux environs de
l'échafaud. Il fut lâché par un sbire ; mais l'on ne sait pas $1
c'est par accident ou par suite d'une altercation entre lui et
quelqu'un des spectateurs. Ceux qui étaient les plus voisins du
coup se mirent aussitôt à fuir ; ceux qui étaient déja en train
de s'en aller , les voyant agir ainsi , les imiterent . Il y avait de
l'infanterie sous les armes , placée à l'ouverture de la rue , sur
la place . Les soldats ayant entendu le coup et voyant le peuple
se précipiter vers enx avec une apparence de violence , crurent
que c'était un signal de tumulte , ci qu'on se portait sur eux pour
les désarmer. Dans cette idée , et soit pour contenir le peuple ,
soit pour se défendre , ils se mirent à faire feu . Les commandans
accourureut bientôt , firent cesser le feu , et empêcherent qu'on
ne tirât les canons . Ils se donnerent de grands soins pour
vider la place avec le moins de désordre possible : mais déja au
milieu des ondulations de la presse , un grand nombre de
personnes étaient tombées , d'autres avaient été très - maltraitées
, plusieurs déchirées . On porte à quinze le nombre de
celles qui sont mortes sur- le - champ . Mais plus de deux cents
ont été transportées dans divers hôpitaux , avec des blessures ou
des fractures dangereuses . Le roia donné des ordres pour secourir
les blessés , et punir les coupables s'il en existe . Les commandans
de la troupe et les sbires ont été arrêtés : on procéde
aux plus rigoureuses recherches .
faire
( 46 )
la
Gênes , le 31 octobre . Le 19 , le ministre plénipotentiaire
français Villars s'est porté au palais pour complimenter le doge.
Il fut introduit avec toutes les formalités et distinctions ordinaires
, et reçut des marques de la plus grande considération de
part du doge et de celle des deux gouverneurs résidens dans
le palais et assistant le doge . Il s'exprima en ces termes : Je
viens au nom de la République Française resserrer encore plus
les ens qui l'unissent à la république de Gênes . La neutralité
que le gouvernement Gênois a conservée est une nouvelle
preuve de l'esprit de justice qui le dirige . Les Français ont eié
souvent calomniés et représentés comme des hommes qui renversent
toute espece d'ordre politique et social , et ressemblant
plutôt à une horde de cannibales qu'à un peuple civilisé . Les
hommes justes et sages ont rejetté ces insinuations perfides.
Les Français n'ignorent pas que leurs intentions ont été calomnices
, lorsqu'on les a vus passer sur le territoire de Gênes ; mais
je déclare, au nom de ces mêmes Français , dont je suis l'envoye,
que cette apparente invasion n'a eu d'autre objet que de maintenir
le bon voisinage avec la sérénissime république . Je renou.
velle le voeu solemnel que fait aujourd'hui la France , de maintenir
avec la sérénissime république de Gênes , cette communauté
d'intérêts , cette douce fraternité qui unit les deux
peuples ; et je proteste à votre sérénité que dans mes travaux
politiques avec le gouvernement Génois , j'aurai toujours pour
guide la loyauté , compagne inséparable de la vertu . ","
Le doge a répondu à ce discours . Le ministre Français
reçu depuis , selon l'usage , dans sa maison , la visite des
patriciens.
ANGLETEK E. De Londres , le 28 Octobre.
Les minitres continuent de s'assembler fréquemment : hier ,
il s'est tenu un conseil à l'office du sécrétaire d'état , auquel ils
ont tous assisté , et dont le résultat a été immédiatement envoyé
au roi à Windsor.
Lord Spencer est attendu ici de Vienne chaque jour .
Il est arrivé des dépêches de Vienne et de Berlin .
Le greffier des états de Hollande , Fagel , est à Londres .
L'opinion qu'il vient proposer à l'Angleterre de traiter de la
paix , a fait hausser hier les fonds d'un et demi pour cent .
Le Morning-Cronicle prétend qu'il est chargé de déclarer aux
ministres que , s'ils ne veulent concourir à cette négociation ,
les états -généraux traiteront de la paix séparément.
Le duc Portland et lord Fitz-William ont demandé à Pitt
une explication , pratique sur les conditions auxquelles ils
sont entrés dans le ministere . Ils insistent sur ce qu'on donne
( 47 )
au lord Fitz-William toute l'étendue de pouvoir qu'un : ā
promise , ce qui l'a fait consentir à accepter la lieutenance
d'Irlande . Ils ont menacé de donner leur démission , si les
choses ne sont arrangées aiusi qu'ils le desirent , dans le cours
de la semaine .
On annonce que l'ouverture du parlement est de nouveau
differée , et qu'elle n'aura vraisemblablement pas lieu avant
Noël.
Depuis deux ans , les ministres ont acheté des grains le plus
qu'il leur a été possible , pour en priver les Français . Les grains
ont été déposés dans des magasins où ils se sont entierement
gâtés. C'est une nouvelle perte à ajouter à celles que les Anglais
ont déja éprouvées , et qu'on peut évaluer à 150,000 liv .
sterling.
Le prince Ernest est parti pour aller rejoindre l'armée, de
son frere le duc d'Yorck.
Les primes accordées aux matelots qui s'engageront volon
tairement sur la flotte Royale ont été prolongées jusqu'au
1er. décembre; il parait que l'on craint d'avoir recours au moyen
violent de la presse .
sui-
Il faut pourtant des forces de mer , et beaucoup ; car ,
vant des lettres reçues au café de Lloyds , les Français ont pris
dans celle du Nord plus de cent bâtimens anglais .
Le gouvernement , pour consoler le peuple , fait courir le
bruit que
l'Isle -de - France est bloquée par quatre vaisseaux de
guerre , et qu'elle ne tardera pas à se rendre , parce qu'il
regne la plus grande mésintelligence entre les habitans .
Malgré l'avancement de la saison , la flotte de l'amiral Howe
a remis à la voile le 24 ; mais des avis de Torbay annoncent
que sa croisiere ne sera pas de longue durée. Cependant la
contre- amiral Rich continuera de tenir la mer avec cinq vaisseaux
de 74 canons .
( 48 )
REPUBLIQUE FRANÇAIS E
CONVENTION NATIONALE,
PRESIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris . )
Séance du duodi , 2 Frimaire.
Les sections de Paris continuent de se rendre à la Convention
pour la féliciter sur la suppression des jacobins .
La section de Guillaume Tell s'exprime ainsi : . Vous avez
rempli les voeux du peuple en fermant la société des jacobins ;
elle se disait populaire , et le peuple n'y était pas admis '; elle
se disait amic de la liberté , et elle la combattait ; elle se disait
amie de l'égalité , et elle s'attribuait les places et les priviléges ;
elle se disait amie de la Convention et de la République , et
elle protégeait les factieux ennemis de la Convention ; elle
excitait la guerre civile , elle applaudissait aux horreurs commises
sur les bords de la Loire , elle déclarait qu'elle ferait
un rempart impénétrable à l'auteur des crimes qui en ont rougi
les flots . "
Mention honorable et insertion au bulletin.
La section des Gardes - Françaises lui succede et exprime les
mêmes sentimens . Elle jure guerre à mort à tous les lions ,
tous les tigres , à tous les cannibales .
Celle des Amis de la Patrie vient désavouer l'adresse présentée
én son nom le 21 brumaire dernier , en faveur des jacobins
, par une poignée de factieux . Elle en a ordonné la radiation
de ses registres .
La section des Droits de l'Homme s'exprime ainsi : « Vous
avez bien mérité de la patrie en détruisant cette aggregation
monstrueuse qui voulait dominer la Convention nationale , et
faire un rempart à des hommes couverts du sang de l'innocence
. Nous demandons que leurs têtes , chargées de crimes ,
tombent sous le glaive de la loi . ,,
La section de Brutus se présente : Vous avez renversé le
tyran , dit l'orateur , mais ses complices existent encore ; la
faction des hommes de sang u'a pu voir avec indifférence le
triomphe de la justice ; elle s'est coalisée avec tous les crimes ;
la France entiere réclame leur châtiment. On a osé dire aux
jacobins que les partis étaient en présence , que l'on était sur
la brêche , que le lion sommeillait. Quels sont donc ces partis ?
Le peuple n'en connaît qu'an , celui de la République une et
indivisible , et de la représentation nationale ; tout autre parti
est
( 49 )
est un parti de révoltés . Enchaînez le lion , et que la liberté
ne soit plus couverte d'un crêpe funebre . "
La Convention ordonne la mention honorable de toutes ces
adresses et l'insertion au bulletin .
Elle reprend la discussion sur Carrier . Nos lecteurs attendent
sans doute de nous que nous leur donnions au moins un apperçu
de cette grande affaire , qui les mette à même de fixer leur
jugement sur cet accusé . Un secrétaire lit le rapport de la
commission des vingt- un , article par article , et Carrier répond
successivement à chacun d'eux .
Accusé par Giraud , directeur des postes à Nantes , d'avoir
proféré des imprécations contre les habitans de eette ville , et
sur-tout les négocians et les riches . Il nie avoir tenu ces propos,
et ajoute que Giraud est un royaliste er un fédéraliste .
Un de ses hommes de confiance lui reproche d'avoir dit
qu'il voudrait voir Nantes en contre - révolution , pour la traiter
comme Lyon. Il convient qu'il a pu dire que si Nantes était
en contre-révolution i la traiterait comme Lyon ; mais il n'en
a point exprimé le desir .
Thérouart l'accuse d'avoir dit Comment ce f.... comité
révolutionnaire travaille - t - il donc , il devait tomber 500 têtes
et je n'en vois pas encore une !
Carrier nie le fait , et ajoute que la déposition du témoin est
une vengeance , parce qu'il a fait traduire un de ses parens au
tribunal révolutionnaire .
Carrier avait mis dans le Morbihan , à la tête d'une armée
révolutionnaire , le nommé Bateux , homme féroce , qui avait
fait fusiller sans forme de procès , dans une commune , huit
habitans , sous prétexte d'un rassemblement. Le représentant
du peuple Thérouart , instruit de sa conduite , le fit arrêter ;
mais Carrier lui rendit aussi - tôt sa liberté , et défendit aux
autorités constituées de reconnaître Thérouart .
Il répond qu'il n'a point mis Bateux à la tête d'une armée
révolutionnaire , mais d'un bataillon de la colonne de Mayence ,
pour défendre Rhédon contre les brigands , et les empêcher
de pénétrer dans le Morbihan : il ne devait agir que contre
ceux qu'il trouverait les armes à la main. S'il a abusé de ses
pouvoirs , c'est à lui à en répondre et à se justifier. Il le croyait
excellent patriote , et l'on ne saurait lui faire un crime de
lui avoir accordé sa confiance . En ce qui concerne Thérouart ,
il convient qu'il ne le connaissait pas et qu'il ne l'avait ja
mais vu à la Convention nationale ; mais les plaintes graves
que plusieurs bons citoyens avaient portées contre lui , le
déterminerent à cette mesure . Il convient encore que l'arrêté
par lequel il défendit de le reconnaî re pour représentant
du peuple est mauvais , qu'il´´a eu grand tort de le
prendre ; et si la Convention pense qu'il mérite quelque
peine pour l'avoir fait , il s'y soumet.
Une lettre écrite de Tours le 28 fructidor , aux comités
Tome XIII. D
甫( 50 )
de sûreté générale et de salut public , prouve que Carrier
a confirmé la nomination des hommes immoraux que le
comité révolutionnaire avait choisis pour la recherche des gens
suspects .
Il répond que si ce comité l'a trompé en lui présentant des
hommes sans moeurs , il a cela de commun avec beaucoup
de ces collegues , qui l'ont été également dans quelquesuns
de leur choix , et que l'immoralité de ses agens ne doit
pas retomber sur lui.
Il résulte de la déposition de deux témoins et de la déclaration
de quelques accusés , que pendant le séjour de
Carrier à Nantes , le comité révolutionnaire a fait noyer
So prêtres réfractaires qui n'étaient condamnés qu'à la déportation
.
Carrier réplique en ces termes : J'ignore et j'ai toujours
ignoré si le comité révolutionnaire a pris la mesure dont il est
question. J'ai su l'événement dans le tems , et j'en ai fait part
à la Convention . On m'a dit qu'ils avaient péri tout naturellement
; mais j'ignore si le comité révolutionnaire a commis
un acte arbitraire ou non.
Le citoyen Orieux ( de Nantes ) a écrit à l'accusateur
public du tribunal révolutionnaire , que Carrier avait fait
noyer ces prêtres après une orgie avec le comité.
Des orgies , dit Carrier ! mes collegues qui me connaissent
depuis mon enfance savent que j'ai toujours vécu d'une maniere
frugale , que je n'ai jamais fait d'orgie , et que je n'ai
pas été une seule fois , ce qn'on appelle un peu gris . Je
nie ce fait . Orieux est un huissier dehonté , qui a fait trois
faux matériels , et qui est un commissionnaire reconnu .
Bachelier , l'un des prévenus , prétend que c'est Carrier qui
a ordonné la noyade.
:
Carrier Qui ne sait pas que Bachelier , comme les autres ,
reverse tout sur moi pour s'échapper ?
En exécution des deux arrêtés de Carrier , des 27 et 29 frimaire
, 24 enfans , dont 2 de 13 et 2 de 14 ans , ont été
exécutés sans jugement ; 27 autres brigands des deux sexes
l'ont été aussi sans jugement.
Carrier répond qu'il n'a jamais pris de pareils arrètés , qu'il
est cependant possible qu'il les ait signés de confiance . Il
donne lecture d'un arrêté pris par Bourbotte , Tureau et lui ,
le 12 nivôse , par lequel ils défendirent à la commission militaire
de mettre en jugement les enfans de 12 ans jusqu'à
16. Il ajoute qu'en supposant qu'il eût fait ce dont on l'accuse
, les décrets l'y autorisaient , et il cite celui du 17 mars ;
mais cette loi ne dit pas que ce sera sans jugement , aussi
il finit par dire qu'il ne croit pas que la Convention puisse
prononcer sur la foi de deux pieces qui ', quoique collationnées ,
ne sont que des copies. Il demande à vérifier la signature .
Get incident fait la matiere d'unc discussion assez vive , ter
( 51 )
•
minée par un décret qui ordonne l'apport des pieces restées
à Nantes et néanmoins que la discussion sera continuée , et
que la Convention pourra prononcer si elle se trouve suffisamment
éclairée .
Séance de tridi , 3 Frimaire.
Les sections des Champs - Elisées et du fauxbourg Montmartre
félicitent la Convention sui la clôture des jacobins.
La commune de Dijon écrit que presque toutes les signatures
apposées à la suite de l'adresse liberuicide de l'ancienue
société populaire de Dijon ont été arrachées par la terreur ,
et que les citoyens de cette commune n'ont jamais eu d'autres
principes que ceux de la Convention .
Mention honorable et insertion au bulletin .
Le président annonce que Carrier fait dire qu'il est malade
, et il demande la parole pour prouver qu'on veut sauver
Carrier. Je vais , dit-il , vous faire connaître ma pensée toute
entiere. Il m'est démontré que ceux qui ont juré aux jacobins
de faire à Carrier un rempart de leurs corps veulent le
sauver. On demande des preuves matérielles , en voulez - vous ?
faites refluer la Loire à Paris , faites-y amener les bateaux à
soupapes et les cadavres . La Convention ne doit pas se laisser
mener par des factieux . Si Carrier est malade , sa conduite
est inscrite sur le calendrier du crime . Je demande que Carrier
se rende dans le seiu de la Convention , et s'il refuse
qu'il soit procédé à l'appel nominal sur la question de savoir
s'il y a lieu ou non à áocusation contre lui .
·
La proposition de Legendre est vivement applaudie et décrétée
.
Un secrétaire lit une lettre de Goupilleau ( de Montaigu ):
datée des ruines de Bedouin auprès de Carpentras . Il écrit que
dans la nuit du 13 au 14 floréal , l'arbre de la liberté ayant été
coupé par cinq ou six scélérats , Maignet , représentant du
peuple dans le département de Vaucluse , justement indigné ,
fit des recherches inutiles , pour découvrir les auteurs de cet
attentat liberticide ; qu'alors il prit le parti de déclarer par un
arrêté du 17 , toute la commune en état de rébellion et les
municipalités voisines suspectes de complicité. Par un second
arrêté , il commanda le 4. bataillon de l'Ardêche pour incendier
ce bourg. Rien ne fut épargné , pas même les édifices
nationaux ' ; tout fut livre aux flammes , et les femmes et
les enfans obligés de se refugier dans les bois et les rochers.
Bientôt après , une commission extraordinaire fut créée et
composée d'hommes feroces , qui envoyerent à l'échafaud
66 habitans. C'est ainsi qu'une comune entiere qui a donné
à la patrie près de trois cents de ses defenseurs , a subi la peine
que méritaient cinq ou six scélérats , et que ses habitans errent
encore aujourd'hui dans les bois ou sur les débris fumans de
leur patrie . Goupilleau n'aurait pas manqué de révoquer les
D 2
1529
arrêtés de son prédécesseur ; mais ils ont été confirmés par n
décret surpris à la Convention , et dont il demande le rapport.
Maignet inculpé demande la parole. La lettre est renvoyée
aux comités réunis , et Carrier arrive et reprend sa défense .
On lit le 1er , chef d'ascusation qui porte qu'il a fait noyer des
femmes enceintes , une foule de bons patriotes , et un homme
qui nuisait au commerce qu'il avait avec sa femme.
Il répond que les noyades n'ont pas eu lieu seulement à
Nantes , mais à Saumur , Angers , Laval , et que si les représentans
du peuple de ces départemens les ont ignorées , il a
bien pu et même du ignorer eelles de Nantes . Prieur ( de la
Marne ) , observe qu'après la bataille de Savenay , étant instruit
des mesures extraordinaires que Carrier se proposait de
prendre à l'égard des brigands , il l'avertit et le fit avertir par
son sécrétaire de n'en rien faire et d'attendre l'arrivée de la
commission militaire , qui seule avait le droit de prononcer
sur leur sort ; que Carrier promit et ne tint pas sa parole.
Laignelot déclare que Carrier lui dit à Nantes : Tu pars pour
Brest , tu es bienheureux , tu auras un plus grand bassin que
moi et des bâtimens daus la rade. Carrier ne se rappelle ni de
l'avis de Prieur , ni le propos à Laignelot . Thuriot lui demande
l'explication des pouvoirs par lui donnés à Lamberti
pour une expédition secrete et de la défense aux autorités
constituées de l'entraver dans les opérations qu'elle exigerait.
Carrier répond qu'il s'agissait d'espionnage et de poignarder
Charrette. Thuriot lui observe , qu'un espionnage n'est point
une expédition , et que s'il a eu la scélésatesse de commander
ces cruautés , il faillait avoir la franchise de le déclarer dans ses
arrêtés . Bourdon ( de l'Oise ) , trouve que la preuve que Lamberti
n'était pas un espion , se tire de l'ordre lui -même . Merlin ( de
Donai ) : Ceite, discussion se prolonge trop . Je demande pour
les principes que la parole reste à Carrier tant qu'il voudra ,
et qu'on aille ensuite aux voix . Décrété .
Une lettre de Tours du 28 fructidor , au comité de salut
public , porte que Carrier a fait fusiller un bataillon de Cavalerie
ennemie qui se rendait aavvec armes et bagages sur la foi
d'une amnistie , des femmes , des filles et des enfans
venus de la Vendée , ont été fusillés indistinctement et sans
être interrogés . Des laboureurs qui cultivaient paisiblement
leurs champs ont éprouvé le même sort .
Carrier convient que les cavaliers dont il s'agit , demanderent
à servir la République ; mais il ajoute qu'il se garda
bien de les employer ; et au surplus il nie qu'il ait donné
l'ordre de les fusiller . Il s'explique de la même maniere sur les
laboureurs , les femmes et les enfans .
La séance est suspendue à 4 henres et reprise à 6. Carrier
paraît à la tribune . Un secrétaire lit :
Une femme se présente chez Carrier ; elle lui demande à voir
son frere détenu ; il la repousse à coups de plat de sabre,
( 53 )
A peine estrelle au bas de l'escalier qu'il l'a rappelle et lui fait
des propositions infâmes , auxquelles il attache le prix de la
délivrance de son frere.
Il répond que cette femme est une brigande à laquelle on ne
peut ajouter aucune foi ; que d'ailleurs la pureté de ses moeurs
est connue , et que la porte était fermée à toutes les femmes .
Il prend à témoin de ces faits toute l'armée de l'Ouest.
Il a donné ordre de laisser passer Fouquet et Lamberti avec
une foule de détenus destinés à être noyés .
Il déclare qu'il n'a point connu Fouquet ; il nie l'existence
de l'ordre , quoiqu'on lui représente une copie collationnée .
Il a également commandé de noyer des vieillards , des
femmes enceintes et des enfans sans jugement . Le tribunal
criminel par l'organe de son président , lui fait des représentations
sur une maniere aussi illégale de proceder.
Il lui replique : Tu veux juger ; eh bien ! si dans deux heures
tous les prisonniers ne le sont pas , je te ferai guillotiner
toi- même .
Le comité révolutionnaire de Nantes accuse Carrier de lui
avoir commandé verbalement les fusillades , noyades .
Carrier croit que le comité n'aurait pas éxécuté des ordres
verbaux . Il nie le fait .
Un marinier vint lui demander de lever l'embargo qu'il
avait mis sur les bateaux de Nantes .
Il reçut pour réponse des coups de sabre.
D'autres faits sont encore répétés à Carrier , que le défaut
d'espace ne nous permet pas de rapporter. La lecture du
rapport de la commission des vingt -un étant finie , il acheve
Ini - même la lecture de sa défense . Il voit une contre - révolution
bien prononcée dans la persécution qu'il éprouve . Toute sa
fureur s'exhale sur - tout contre Fréron et Tallien , qu'il accuse
d'être les auteurs de tous ses maux par leurs pamphlets infâmes .
La Convention procede à l'appel nominal sur la question
s'il y a lieu ou non à accusation contre lui , et à l'unanimité il
est décrété d'accusation .
Séance de quartidi , 4 Frimaire.
Les fatigues de la veille n'ont pas permis que cette séance
fût aussi remplie que les précédentes .
Le nombre des citoyens employés dans les commissions
exécutives s'est prodigieusement accru ; plusieurs membres
de la Convention le portent à sept mille et réclament contre
cet abus . Duquesnoy dit que beaucoup de ci-devant moines et
prêtres s'y sont introduits , de même que des jeunes gens de
la ere , réquisition . I demande qu'on les chasse et les remplace
par des peres de famille . Maure dit que si les nobles ,
les prêtres et les moines qui sont employés ont les talens requis
pour les parties dont ils sont chargés et qu'ils soient utiles , il
faut les maintenir dans leurs places ; qu'à l'égard des jeunes
D 3
( 54 )
gens de la 1ere , réquisition , ils doivent aller aux frontieres .
Cambacéres propose et l'Assemblée décrete de passer à l'ordre
dula jour , motivé sur les dispositions du décret qui charge les
comites réunis , d'épurer les commissions et de réduire les
commis au nombre nécessaire ..
Depuis quelques jours les ouvriers des différens atteliers de
Paris , quittent leurs travaux pour venir à la Convention porter
des plaintes sur ceux qui sont préposés à l'inspection et à la
direction de leurs travaux ; ils ont joint aux plaintes la demande
d'une augmentation du prix de leurs journées . Montmayon
croit que ce n'est là qu'un des moyens que les intrigans
emploient pour agiter Paris ; que les créatures de Robespierre
s'agitent dans tous les sens pour ramener une chance qui leur
devienne favorable . Sur sa motion , la Convention décrete que
les comites se réuniront et prendront des mesures pour rétablir
l'ordre dans les atteliers et déjouer ce nouveau moyen de
contre révolution .
Romme se plaint de ce que les décrets sur les secours accor
dés aux femmes et enfans des défenseurs de la patrie ne sont
pas executes dans le département de Paris . Massieu , rapporteur
du comité des secours publics , dit que Romme n'est pas bien
instruit rappelle les lois que la Convention à faites à ce
sujet sur son rapport . Bourbotte accuse de négligence à cet égard
la commission des secours ; le tout est renvoyé au comité des
#
secours.
Jean-Bon -Saint- André écrit à la Convention que l'armée
navale de la Méditerranée a reçu avec tous les transports de la
reconnaissance , le drapeau que la Convention lui a envoyé .
Par un concours heureux de circonstances , ce drapeau entrait
dans la ville , dans le même tems que l'escadre si long- tems
bloquée dans le golphe de Juan , entrait dans la rade . Ainsi
tous nos braves marins se sont trouvés réunis pour recevoir
ce signe sacré de notre liberté , ce prix de leur courage et ce
gage assuré de leurs victoires . La fête a été célébrée avec une
pompe simple à la vérité mais imposante par le respect religieux
qui y reguait . Nos freres d'armes y ont juré de défendre
jusqu'a la mort ce don précieux . Déjà ils brulent du desir de
encontrer l'ennemi et de laver dans son sang les crimes de
Toulon . La plus grande activité régne daus le port , la plus
parfaite discipline sur la flotte , et la haine des Anglais y est
profonde et générale.
Legendre ( de Paris ) expose que la commune de Beauvais ,
département de l'Oise , n'a jamais cessé d'être patriote et de
profeffer les bons principes . Il dit qu'elle a été calomniée . Il
demande et la Convention prononce qu'elle rapporte son
décret qui déclarait en état de rébellion la commune de
Beauvais .
Nos lecteurs nous sauront sans doute gré de leur faire conmaître
de quelle maniere ont veté certains députés dans l'affaire
( 35 )
de Carrier. Chaque député devait dire oui ou non , sur la
question y a-t- il lieu à accusation contre Carrier ?
`Lefiot : Oui , mais je demande que l'on n'admette point de
preuves testimoniales contre un représentant du peuple.
( Murmures. )
>
Duhem : Oui , mais je demande que la Convention se tienne
en garde contre la faction dictatoriale , de l'opinion publique ,
qui poursuit quelques membres de la Convention . Tallien et
Freron me semblent des conspirateurs encore plus criminels
que Carrier. ( Murmures . )
Lesage- Senault : Oui . J'ai des preuves au moins morales des
crimes de Carrier ; mais je ne pense pas que le tribunal révolutionnaire
, qu'il a accusé et par qui il l'a été , puisse juger
cette affaire . ( Improbation. )
Romme : Oui. Pendant le travail de la commission ma conscience
attendait la lumiere . Les débats m'ont suffisamment
éclairé ; mais j'invite la Convention à mettre un frein à la
rage des pamphlets .
Ingrand : Oui , avec douleur , je suis loin d'accuser les intentions
de Carrier.
Maure Oui. J'ai reconnu que Carrier avait autorisé on
souffert que la nature et l'humanité fussent outragées de la
maniere la plus atroce .
Bourbotte Oui , mais mon ame est atteinte d'un sentiment
d'oppression et de douleur , parce que je crois que , si Carrier
s'est rendu coupable des atrocités qu'on lui reproche ,
il n'en a pas eu l'intention , et que s'il a commis des crimes.
îls ont été ceux de l'erreur et d'un patriotisme délirant .
(Murmures. )
Cambon-Latour : Oui . Je crois Carrier agent ou complice
des anciens comités de salut public et de sûreté générale , et
de tous les bourreaux qui ont déchiré ma patrie .
Lecointre de Versailles ) : Oui , et je fais la même observation
que Cambon .
Gaston . Oui , mais que ses dénonciateurs soient séverement
examinés dans leur conduite , et que la section du tribunal
révolutionnaire qui a pris l'initiative dans cette affaire n'en
connaisse pas.
Bernard ( de Saintes ) : Oui , mais l'accusé peut récuser une
des sections du tribunal révolutionnaire.
Sur la proposition de Clausel , la Convention décrete que
l'appel nominal sera imprimé , euvoyé aux départemens et aux
armées , et distribué à tous les membres au nombre de six
exemplaires ; et sur celle de Raffron , que Carrier serą surle-
champ traduit à la Conciergerie.
Séance du soir , 4 frimaire.
L'on procede à l'appel nominal pour le renouvellement du
bureau Clauzel est élu président , et les citoyens Porcher
Boudin et Rovere , secrétaires .
D 4
( 56 )
Séance de quintidi , 5 Frimaire.
La correspondance présente un grand nombre d'adresses
de félicitations , qui seront mentionnées honorablement au
procès - verbal et insérées au bulletin .
Les sections de l'Indivisibilité et de la Cité félicitent la
Convention sur la clôture des jacobins .
La section du Muséum vient réclamer la liberté de deux
citoyens qui ont été faussement inculpés d'avoir pris part à la
conspiration du g thermidor.
Legendre de Paris ) : Un rapport général sur cet objet
devait être fait . On dit qu'il est prêt. Je demande qu'il soit
fait dans le cours de la décade prochaine . Il est afflgeant que
des peres de famille , des patriotes qui n'ont été qu'égarés ,
soient depuis si long- tems en prison , tandis que trois grands
coupables restent impunis ( on applaudit ) , tandis que les trois
amis de Robespierre , qui ne se sont brouillés avec lui que
sur le choix des victimes , sont dans le sein de la Convention
.
Billaud- Varennes Je demande la parole . Parle , s'écrie Legendre
, je demande à répliquer ; je vous accuse , malheureux.....
Montmayon On a signalé le parti du lion , je signale
celui des libelles ; tandis que des représentans du peuple se
sacrifient journellement pour le bonheur du peuple , la calomuie
les déchire . Si douze libellistes se distribuaient la représentation
nationale , ils l'anéantiraient . Vous avez abattu un
parti , il faut que l'autre se taise ; car tous les chefs de parti
doivent avoir ici leur tombeau . Je conclus à ce que le comité
de législation vous présente sous trois jours son rapport sur
la calomnie .
Bentabolle rappelle le décret de la Convention , qui porte
que les dénonciations contre ses membres seront portées aux
comités réunis .
Lecarpentier s'afflige de voir les représentans du peuple se
déchirer. Il dit que , si l'on a des dénonciations à faire , l'on
doit apporter des pieces à l'appui . Il demande que le comité
de législation présente , seus trois jours , son rapport sur la
calomnie ; celui de sûreté générale le sien sur les citoyens
incarcérés depuis le 9 thermidor , et qu'on passe à l'ordre
du jour sur le reste . Ces propositions sont décrétées .
Guerin , au nom de la commission des ving un , présente
l'acte d'accusation contre Carrier , conçu en ces termes :
La Convention nationale accuse Carrier d'avoir , le 27
frimaire de l'an 2 , donné à Phelippe , président du tribunal
criminel de la Loire inférieure , l'ordre de faire exécuter ,
sans jugement et sur- le - champ , 24 brigands arrêtés les armes
à la main et amenés à Nantes , dont 2 de 13 et 2 de 14 ans ;
de lui avoir réitéré le même ordre verbalement , malgré qu'il
( 57 )
lui eût représenté que c'était contraire à la loi ; d'avoir donné,
le 29 du même mois , audit Phelippe , l'ordre de faire exécuter
sans jugement 27 brigands , du nombre desquels étaient
sept femmes ; d'avoir autorisé une commission militaire à
fusiller les habitans des campagnes , dont une grande partie
n'avait jamais pris les armes ; d'avoir fait noyer ou fusiller
des brigands qui s'étaient rendus à Nantes , sur la foi de ,
l'amnistie ; d'avoir ordonné ou toléré les mariages républicains ,
les noyades on fusillades des enfans et des femmes enceintes ;
d'avoir défendu d'obéir aux ordres de Therouard , revêtu
des pouvoirs de la Convention , en le déclarant fédéraliste et
royaliste , parce qu'il avait fait mettre en arrestation le nommé
Lebatteux , qui , munis des pouvoirs illimités de Carrier ,
s'était livré à des actes arbitraires ; enfin d'avoir donné à
Fouquet et Lamberty des pouvoirs illimités , dont ils se sont
servis pour des noyades et fusillades . "
La Convention adopte la rédaction de l'acte d'accusation .
Un membre s'étonne de ce qu'on n'a pas inséré dans
l'acte la lettre par laquelle Carrier écrit au général Haxo
d'exterminer tous les habitans de la Vendée . Après quelques
débats , il est décrété que cette lettre sera un chef d'accusation
.
Richard , au nom du comité de salut public , annonce une
victoire de l'armée des Pyrénées orientales ,. mais qui a coûté
la vie au général Dugommier ; et divers avantages remportés
par l'armée de la Moselle . ( Voyez Nouvelles officielles . )
Letourneur fait part d'une lettre du général Dutertre , qui
lui marque que les mesures de justice et d'humanité que
l'on prend pour la Vendée , paraissent devoir fixer un terme
prochain à cette guerre désastreuse . Les Chouans se jettent
dans nos bras , depuis qu'on abbat les échafauds .
Séance de sextidi , 6 Frimaire.
Le comité des secours fait rendre plusieurs décrets en faveur
des parens des défenseurs de la patrie,
Cambon prend la parole , et demande avec véhémence si
l'on veut payer les dettes ou non . ( Murmures . ) Il reprend :
On veut perdre la Convention , on veut me perdre . Je démasquerai
les hommes du 2 septembre , les hommes qui veulent
ramener le royalisme , qui font des listes de proscription
contre plusieurs membres de la Convention ; changez , si
vous voulez votre systême de finances . Il est tems que le
soupçon ne plane plus sur la tête d'hommes qui ont tout fait
pour les améliorer. Je demande à faire un rapport sur les
finances,
Rafron fait une motion d'ordre . Il demande que la Convention
s'occupe de l'examen des crimes imputés à David et
Lebon. Il dit que s'ils sont innocens , ils ont droit de se
plaindre ; et s'ils sont coupables , que c'est le peuple qui se
( 58 )
plaindra et qui doit être écouté ; que Carrier lui-même du
fond de sa prison les accuserait . Il ajoute qu'il faut pénétrer
hardiment dans cet antre de Cacus , et que leurs travaux en
recevront la plus belle récompense , l'affermissement de la République
par la vertu . Il conclut à ce que l'examen de la conduite
de David et Lebon soit renvoyé à une commission
dans les formes décrétées pour en faire un prompt rapport.
Renvoyé aux comités réunis . *
La Convention , sur le rapport de ses comités de salut
public , des finances et de commerce , décrete que les den.
rees de premiere nécessité , importées de l'étranger , seront à
la libre disposition du proprietaire , ne pourront être soumises
à la requisition , et que le propriétaire ne sera soumis
qu'à faire la déclaration de leur quantité et qualité à la municipalité
du lieu , lors de leur arrivée .
Perrin ( des Vosges ) rend compte de sa mission dans les
départemens du Gard , de l'Aveyron et de l'Herault . L'esprit
public y est excellent , la confiance est rétablie , et la terreur
n'est plus que dans l'ame des machaus .
3
Sur le rapport du comité de sûrete genérale , la Convention
ordonne la mise en liberté des ouze administrateurs du district
de Sedan , arrêté en août 1792 .
Cambon reprend la parole. Apres avoir long- tems parlé des
dilapidations qui ont eu lieu dans les taxe , révolutionnaires ,
il propose des moyens pour en accélérer la rentrée dans le
trésor public . La Convention décrete l'impression et l'ajournement
du projet presenté .
+
2
1
PARIS . Nonidi , 9 Frimaire , l'an 3e . de la République.
à
On a pu s'étonner comment Carrier a été abandonné ,
l'appel nominal , de tous ceux qui paraissaient avoir pris sa
défense dans le cours de la discussion . Cela n'est pas aussi
difficile à imaginer qu'il le paraît au premier abord ; ce n'était
pas Carrier qu'on cherchait à sauver , c'était le systême qu'il
avait suivi , et qui a trouvé plos d'un imitateur , en lui laissant
cependant tout l'avantage de la supériorité . Il était naturel que
ceux qui ont quelques craintes , et qui trouvent dans leur
conscience un accusateur , employassent tous leurs efforts pour
plaider la cause de la nécessité des grandes mesures revolu
tionnaires . Mais une fois que l'opinion a paru irrévocablement
fixée , il eût été trop mal-adroit de braver la conviction de l'Assemblée
et l'assentiment universel ; il a bien fallu livrer Carrier,
sous peine d'être soupçonné d'un attachement trop peu désintéressé
, et d'arrêter trop les regards sur soi - même. Il paraît
néanmoins que le sacrifice a été pénible , à en juger par les
( 59 )
restrictions et les récriminations contre Tallien et Fréron auxquels
on ne pardonne pas leurs pamphlets acerbes .
On ne peut qu'être douloureusement affecte de voir s'élever
dans le sein de la Convention un certain esprit d'animosité
personnelle qui , s'il était prolongé , lui ferait perdre de cette.
union et de ce caractere majestueux qui lui a concilié l'estime
et la reconnaissance de la république entiere . Qu'on se souvienne
que ce sont les malheureuses dissentions entre les patriotes
qui ont été la source de tous les maux que nous avons
éprouvés . Il n'est pas douteux que si l'on veut faire passer
au creuset d'un examen rigoureux , la conduite rétroactive de
beaucoup de gens qui ont exercé le pouvoir , l'on ne puisse
multiplier le nombre des coupables ; mais en révolution , il
est des sacrifices à faire au ressentiment et à l'indignation même
de la justice et de la vertu . Il est bien plus doux et plus utile
de s'occuper à guérir les plaies que d'en creuser de nouvelles .
En politique , il n'y a de juste que ce qui est indispensablement
nécessaire pour le bonheur de tous ; ce sont les grands
coupables seuls qu'il faut atteindre ; autrement , il faudrait
faire rétrograder l'état civil à celui des sauvages , où les
haines et les vengeances se transmettent de famille en famille ,
de peuplade en peuplade. Hâtons - nous de sortir de l'état cruel
de guerre où nous sommes pour n'y jamais rentrer .
>
Les membres de l'ancien comité révolutionnaire de la section
du Bonnet-Rouge , accusés d'avoir falsifié et supprimé plusieurs
feuillets du registre de leurs arrêtés et délibérations
et d'avoir commis des dilapidations , viennent d'être jugés
par le tribunal criminel du département. Denx ont été acquittés ,
et dix condamnés à 20 ans de fers et à une exposition préalable
de six heures sur la place de Grêve. L'an d'entre eux s'est
donné un coup de couteau ; mais la blessure n'est pas dangereuse.
Dans un moment où les passions et les partis expirans cher
chent à se replier en tous sens pour égarer l'opinion et tâcher
de se ressusciter , il faut se défier extrêmement des bruits , des
discours et même des écrits aristocratiquement royalistes que
l'on ferait courir ou paraître . On connaît cette ressource si
souvent employée dans la révolution pour arrêter un mouvement
favorable à l'esprit publie , mais nuisible à ceux qui
veulent faire prévaloir leurs intrigues , c'est de faire répandre
dans les groupes des propos , et de fabriquer des pamphlets
injurieux aux vrais principes de liberté , afin de faire croire
que T'on veut faire rétrograder la révolution jusqu'à parler
ouvertement du rétablissement de la royauté. Cette ruse sera
aisément pénétrée par les hommes clairvoyans , et il est bon
que l'on soit averti de ces petits moyens . Point de brigands ni
d'égorgeurs ; mais point de composition avilissante pour la
liberté .
C'est avec la même précaution de prudence que l'on doit
( 60 )
se mettre en garde contre toutes ces gazettes allemandes qui
sont remplies de détail sur la défaite des Polonais , de la prise
et même de la mort de Kosciuszko . On est autorisé à croire ,
par des renseignemens qui méritent quelque confiance , que
toutes ces nouvelles sont des fables arrangées pour influencer
les bruits de paix , et obtenir de la France des conditions moins
rigoureuses.
Toute l'Europe a été instruite des malheurs de Trenck , l'une
des victimes le plus constamment opprimées par le despotisme' ;
fallait-il qu'après avoir supporté pendant 30 aus les plus horribles
persécutions de l'implacable Frédéric- Guillaume , il trouvât
la mort sur la terre de la liberté où il croyait achever sa
déplorable carriere . C'est un des crimes de plus à ajouter à
la longue liste de ceux du féroce Robespierre ! Nous croyons
intéresser nos lecteurs en leur faisant connaître la lettre que
cet infortuné a adressée à sa femme avant d'aller à l'échafaud .
Ma digne et chérie épouse , je marche à la mort avec le
seul regret de vous avoir quittée . C'est Cobourg qui m'a forcé
de me retirer en France . Je meurs innocent , vengez ma mort.
contre les scélérats qui me sacrifient ; oubliez , s'il se peut ,
chérie épouse , les malheurs que je vous ai causés pendant ma
déplorable vie , ainsi qu'à nos enfans à qui je vous recommande .
de partager toujours également vos tendresses. Adieu , ma digne
épouse , adieu mes chers enfans , que Dieu vous serve de pere !
Je vous donne ma bénédiction . Honorez ma cendre dans la
personne du bon vieillard qui vous remettra cette lettre,; il fut
mon compagnon dans ma prison en France , et le soutien de
ma triste vieillesse . Adieu pour jamais , ma chérie et digne
épouse ! Adieu ! adieu ! ,,
Signé , FREDERIC , baron de TRENck .
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES.
A Lagulana , le 28 brumaire.
Citoyens collegues , l'armée espagnole fut attaquée hier à
sa droite et à sa gauche , tandis que le centre était menacé
par une réserve proportionnée à nos forces . Par - tout les Républicains
ont combattu avec le plus grand acharnement . Notre
colonne de droite , commandée par le général de division .
Augereau , a exterminé toute la gauche de l'ennemi . L'artillerie
et les camps qu'il avait sur ce point sont en notre pou☛
voir. Nous ne connaissons pas encore le nombre de bouches
à feu qui ont été prises ; mais il doit être considérable. Les
( 61 )
tentes et effets de campement suffiraient pour dix à douże miſla
hommes. Le camp des émigrés se trouvait précisément dans
cette partie de l'armée ennemie ; nos freres d'armes les ont
traités suivant l'indignation et l'horreur qu'ils inspirent ; mais ,
fatigués sans doute de carnage , ils ont accordé la vie à millé
huit Espagnols ou Portugais qui ont posé les armes , et qu'on
a conduits à Perpignan . Les efforts de notre gauche sur la
droite des ennemis ont été vigoureux ; mais les ennemis ayant
singulierement renforcé ce point par plusieurs lignes de redoutes
, et la colonne qui les y attaquait n'ayant pu être bien
nombreuse , nous n'avons pas pénétré de ce côté - là . Le général
de division Laurec qui commandait notre gauche , s'est
conduit , dans ces attaques , avec toute la valeur et la prudeuce
d'un guerrier républicain expérimenté .
La colonne du centre n'a été occupée qu'à des diversions
. Les généraux commandans , officiers , soldats , tous
se sont conduits avec valeur ; notre artillerie à cheval , commandée
par le général Guillaume , et notre cavalerie , commandée
par le général Dugna , qui étaient en reserve sur le
centre , n'ont pas eu occasion de satisfaire à l'impatience qu'elles
avaient de se mesurer à leur fantaisie avec l'ennemi . Le général
Victor , chargé d'une fausse attaque sur Spouilles par le col de
Bagnol , l'a très - bien dirigée ; enfin , tous nos freres d'armes ont
combattu de maniere à mériter la reconnaissance publique . L'attaque
fut vive et meurtriere ; la défense fut opiniâtre . Nous
ignorons le nombre des morts et des blessés ennemis ; mais
il doit être considérable , notamment vers notre droite.
" Nous avons à regretter la mort du général Dugommier.
Nous étions sur la montagne Noire , où il était monté pour
être mieux à même de voir et de diriger les opérations. Les
ennemis jettaient sur cette montagne une quantité considérable
d'obus : une de ces obus tomba sur la tête du général ,
qui mourut sur le cosp . Je le fais enterrer sur le fort de Sud-
Libre. Je laisse à la Convention nationale le soin d'honorer sa
mémoire , et de secourir ses enfans .
" Ce n'est ici qu'un premier apperça de l'expédition d'hier :
nous vous ferons parvenir de plus grands détails aussi- tôt que
nous les aurons recueillis . "
Salut et fraternité.
Signé , DELBRET , représentant du peuple.
ARMÉE DE LA MOSELL E.
Saulveiller le 2 frimaire.
Citoyens représentans , aussi - tôt que la forteresse de
Rhinfelds fut au pouvoir de la République , je fis marcher
la division , sous les ordres du général Debrun , sur Luxembourg
, pour , avec les forces qui étaient déjà dans cette partie ,
en faire le blocus .
( 62 )
,, Le 29 brumaire , le général Debrun arriva avec les troupes
qu'il commande
, à la hauteur
d'Yenglester
; et , le 30 , il
poussa avec son avant-garde une reconnaissance
du côté de la
route de Luxembourg
à Liége . Il a rencontré
l'ennemi
près
de Blascheldt
et Lorentzeveiller
, au nombre
d'environ
douze
cents hommes
d'infanterie
et trois cents de cavalerie . La nôtre ,
qui n'était composée
que deux compagnies
de dragons
da
5. régiment
, a soutenu valeureusement
le choc , et a rechargé
à son tour et culbuté l'ennemi
, qui a eu douze hommes
de
tués , une trentaine
de blessés et six prisonniers
, ainsi que
seize chevaux pris par les deux compagnies
de dragons ; les
capitaines
Rovillais
et Fortier se sont conduits
avec la plus
grande bravoare
, ainsi que les grenadiers
du 28. régiment
et du er. bataillon des Vosges ; et en général toute la troupe
a montré le plus grand courage
dans cette action qui ne
nous a coûté qu'un dragon et un grenadier
blessés , avec quatre
chevaux aussi blessés ; l'adjudant
Debrez s'est parfaitement
comporté
; il a eu son cheval blessé d'un coup de feu :
le capitaine
Fortier a été blessé à la main et au pied .
Le premier frimaire , toutes les troupes se mirent ea
marche pour prendre position devant cette forteresse . La division
du général Debrun balaya la forêt de Grunesvald , ой
l'ennemi était fort d'environ 4000 hommes d'infanterie et 200
hussards , de l'artillerie et des abattis considérables . Le feu
fut vif de part et d'autre ; mais l'ennemi a été forcé de céder ,
malgré tous ses avantages , à la valeur républicaine , et de nous
abandonner trois pieces de canon , dont deux de 7 , et quatre
caissons ; on croit même qu'il a été obligé de laisser d'autres ,
objets dans la forêt de Strasser on en est à la recherche .
L'action a duré depuis 11 heures du matin jusqu'à la nuit.
L'ardeur emporta tellement nos freres d'armes , qu'ils ont fusillé
jusqu'aux palissades des ouvrages avancés .
" Les brigades sous les ordres des généraux Hust et Leduchelle
ont poussé l'ennemi avec la plus grande ardeur et avec
une telle précipitation , qu'il n'a pu se rallier que sous le
canon de la place , où il a fait résistance avec beaucoup de
perte. Elles lui ont pris 24 hommes d'infanterie et tué un plus
grand nombre. Par-tout la troupe s'est conduite avec la plus
grande bravoure . Toute la garnison de Luxembourg était
sortie , à l'exception d'un bataillon et de deux compagnies
d'un autre ; par-tout elle a été repoussée avec beaucoup de
perie.
" Nous occupons toutes les positions avantageuses autour
de la place , et éloignés d'une demi- lieue ou trois quarts de
lieue . "
Salut et fraternité ,
Signé , MOREAU , général , commandant l'armée de la Moselle.
( 63 )
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE:
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes, 2 brumaire.
Plucteau , femme de confiance de Bernard , concierge du
Buffay , a déposé à - peu-près des mêmes faits que Bernard .
Elle a déclaré de plus que Goullin et Grand-Maison monterent
dans une chambre au - dessus de la cuisine , ce dernier
ayant le sabre nud à la main , y enleverent les deux freres
Montreuil , ex - nobles d'Angers ; les deux Laurencin , ex- privilégiés
de Nantes , tous quatre condamnés à la déportation ,
et Lechauf , ex - noble de Guerrande , condamné à la détention
jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné
par la Convention
.
Bréjot , architecte à Paris , a été détenu au Cenitat , à
Nantes ; il y a vu passer des malheureux qui allaient être
fusillés les fusillades se faisaient à Gigaud ; il a entendu
des fusillades pendant 3 jours ; elles duraient 2 et 3 henres
de suite . Trois mois après le 8 frimaire , Gournay , chirur
gien à la Fosse à Nantes , lui dit qu'il avait sauvé un enfant de
11 ans , qu'on allait fusiller ; qu'un soldat humain jetta dans
les bras d'une citoyenne qui est devenue l'épouse de ce chirurgien
, un enfant de 11 mois , en lui disant , sauve cet innocent.
Il a ajouté qu'il avait entendu sept à huit fois , le soir ,
le bruit sourd d'une boîte qu'il présume que l'on mettait sous
la gabarre pour faire jouer la soupape qui s'ouvrait , et laissait
entrer une colonne d'eau qui submergeait les malheureuses
victimes renfermées dans ce bâtiment.
*
Fournier , vétéran , a articulé plusieurs griefs contre lo
comité révolutionnaire de Nantes , entr'autres d'avoir calomnié
la ville de Nantes , en supposant une conspiration tendante
à assassiner le représentant du peuple ; d'avoir fait battre la
générale le 25 brumaire , sans la participation du commandant
temporaire , ce qui ne fut qu'un prétexte pour l'arrestation
d'une foule de citoyens.
Chaux a rejetté sur Carrier et sur ses infâmes bourreaux
tous les crimes qui ont été commis , tous les massacres qui ont
été faits , tous les stratagêmes employés et toutes les conspirations
qui ont été formées à Nantes ; conspirations , a - t- il dit ,
qui n'ont été inventées que dans la mauvaise tête de Carrier ;
il a dit , en finissant : Carrier est encore libre , et domine encore
sur le peuple qu'il a assassiné ! ( Bruyans applaudissemens , et
plus bruyans que ceux dont la salle retentit hier , après la lecture
de la déclaration de Goullin contre Carrier ) .
Laillet , poissonniere à Nantes , et détenue pendant 3 mois
au Buffay , parce qu'on avait préicadu qu'elle était aristocrate
( 64 )
y servant en qualité de cuisiniere : elle a retracé avec énergie
toutes les horreurs qui furent commises dans la nuit du 24
au 25 frimaire .
( La suite au numéro prochain )
Séance du frimaire. Un instant après que les accusés ont
été arrivés dans la salle , on a amené à 11 heures moins un
quart J. B. Carrier , âgé de 37 ans , né à Yolet , près Aurillac
, homme de loi , et député à la Convention nationale .
Le greffier à donné lecture d'un procès - verbal du 6 , tendant
à l'interrogatoire de Carrier , d'où il résulte qu'il récuse le
président , l'accusateur public , la section des jurés qui instruit
le procès du comité , et qu'il a réfusé de répondre .
Il a aussi donné lecture d'un jugement du tribunal , qui
déclare qu'il statuera sur les moyens de récusation allégués
par Carrier.
On a donné lecture de l'acte d'accusation , Carrier a réclamé
deux formalités ; l'interrogatoire , et une liste de jurés au sort .
Le président a cité la loi du 22 vendémiaire , Carrier a
insisté .
L'accusateur public a démontré la faiblesse des moyens de
récusation ; il a demandé la continuation des débats .
Le tribunal , après un long délibéré , attendu la connexité
de l'affaire de l'accusé Carrier avec celle du comité , et que
l'article XIII de la loi du 3 septembre 1793 , déclare que la
même section connaîtra des affaires qui feront suite et seront
connexés , et attendu que les motifs de récusation sont vagues ,
a ordonné qu'il sera passé outre .
P. S. Dans la séance du 8 , on a annoncé une victoire complette
remportée sur les Espagnols le 27 brumaire , par l'armée
des Pyrénées orientales .
Des redoutes et des batteries sans nombre ont été emportées
à la bayonnette .
Après quatre heures de combat , l'ennemi a abandonné tous
ses camps , son artillerie , ses équipages .
Il y a des tentes pour 50,000 hommes.
Enfin , nous avons tout , écrivent les représentans du peuple .
Les Républicains ont fait un carnage horrible , et poursuivent
encore les Espagnols qui sont en pleine déroute .
en
La Convention a décrété dans cette séance l'envoi aux Etats-
Unis d'Amérique , d'un drapeau aux couleurs nationales ,
signe de l'union et de la fraternité éternelles des deux
peuples Américain et Français .
( N °. 15. )
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDI 15 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 5 décembre 1794 , vieux, style . )
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
Timoléon , tragédie en trois actes , avec des chaurs ; par Marie Joseph
Chenier , député à la Convention nationale musique de Méhul ;
précédée d'une ode sur la situation de la République durant l'oligarchie
de Robespierre et de ses complices . In - 8 ° . "de 69 pages .
Prix , 40 sols . A Paris , chez Maradan , libraire , rue du Cimeti
André- des - Arts , no.9 ; et chez Desenne , maison Egalité ?
I et 2 ; l'an troisieme de la République Française .
L'HOMME
F
t
Bascob
' HOMME de génie qui travaille pour le théâtre se propose
toujours un but moral dans la fable qu'il imagine et dans
les caracteres des personnages qu'il met en scene . C'est
ainsi que la curiosite et le plaisir même sour les appas
irrésistibles dont il se sert pour attirer les spectateurs à son
école des moeurs et des vertus . Oui , c'est par cet heureuxet
sublime artifice qu'il proclame de grandes vérités , et qu'il
sait éclairer l'esprit public d'une nation générense en lui
traçant de grands modeles à imiter , en faisant ressortir l'horreur
des vices hideux à éviter , et donnant dans le cours de
l'action dramatique d'importantes leçons à méditer. Nous ne
doutons point que telles ont été les vues du poëte philosophe
qui a dessiné avec tant d'art et de supériorité la plan de la
tragédie de Timoléon . Avec quelle energie il a exprimé dans
Timofane les remords devorants qui fatiguent sans cesse le
factieux qui ose conjurer contre sa patrie ! comme il a peint
l'inquiétude , triste compagne de l'ambition ; comme il a
mis à découvert toutes les passions turbulentes qui se disputent
entr'elles le dechirement de leur victime criminelle !
enfin , quelle utile leçon de voir ces clans continuels , mais
impuissans , qui emportent le ceur et les voeux du cons
pirateur vers la paix qui le fuit , et au- devant de Thonneur
qui le condamue ! D'autre part , quel contraste intéressant
dans le caractere de Timoléon , si modeste dans sa victoire ,
si grand dans son désintéressement , si satisfait d'avoir servi
sa patrie , et de l'avoir vengee de ses oppresseurs . Toutes
ses actions et ses discours retracent les sublimes vertus d'un
héros et d'un vrai Républicain , et les qualités touchantes d'un
Tome XIII,
( 66 )
citoyen généreux et d'un bon fils . Qu'il est respectable et
vieillard Ortagoras , qui ne respire que la gloire de la Répu
blique et la liberté de sa patrie ! Que sa colere est héroïque ,
quand il ne voit plus qu'ua infâme conspirateur dans le magistrat
qui abuse de son pouvoir , et qu'un ennemi à sacrifier
dans Toppretseur de Corinthe ! Eh ! qui ne s'indigne de la
fureur du factieux Auticles ? Il fait connaître tout le danger
des liaisons avec ces vils intrigans qui corrompent la jeunesse
crédule , et qui troublent l'état par leurs projets aussi cruel
qu'insensés.
On admire le patriotisme pur de Démariste , mere de Timeleon
et de Timophane. On l'entend avec intérêt exalter
à ses enfans les verius dont elle leur a donné les premiers.
élémens , et leur rappeller les grands exemples de conduite ,
de courage et de republicanisme qu'ils ont reçus de leur perce
et de leurs ancêtres . On partage sa joie quand elle voit Timo
léon revenir triomphant des ennemis de sa patrie , et sa douleur
lorsqu'elle reconnaît dans l'aîné de ses fils un traîtrė ,
dont elle demande elle-même la condamnation . .
Voilà le moral de cette tragédie dont les Français républi
cains
ont saisi avec enthousiasme les rapports avec leurs sentia
mens et leur situation . 1816 } 20 601
L'on n'a pas moins applaudi aux richesses de la poësie etzi
l'heureuse expression des pensées qui donnent tant d'éclat et
de grandeur à cette oeuvre dramatique mais essayons de faire
connaître ce beau poëme dans ses détails , autant que nous
permettent les bornes de ce journal.
Ainsi dans la scene premiere de l'acte premier , Timophane
paraît seul , et , par un retour sur lui-même , il laisse échapper
ces plaintes que lui arrache le souvenir de la paix et du bonheur
qu'il goûtait dans la pratique de ses devoirs.
Je plains l'ambitieux qui n'est pas insensible.
Vertu ! J'entends encor ton reproche inflexible .
Chaque jour qui s'écoule ajoute à mes ennuis ,
Et tout Corinthe , en pleurs , m'éveillé au sein des nuit
O souvenir d'un pere ! ô voix de la patrie !
Voix plus puissante encor d'une mere chérie ;
Exploits d'un frere ardent , mais toujours redouté ,
Vous pesez à la fois sur mon coeur agité.
Quoi ! né républicain , je prétends à l'empire
Timoleon combat , Timophane conspire ;
Par la soif de regner , Timophane est vaincu !
Timoleon plus jeune a déja plus vécu :
Aux bords Siciliens , sur les mers de l'Afrique ,
Son glaive heureux et pur défend la République.
Je crois déja le voir , libre de soins guerriers
( 67 )
Sout le roft pateruel dédaignant ses lauriers
Déposant à nos pieds ses marques de victoire ,
Modeste et triomphant m'accabler de sa gloire .
Faut-il que son nom seul m'épouvante aujourd'hui ?
Malheureux ! tu pouvais être aussi grand que lui .
Anticlès , un des chefs des conjurés , vient réveiller son m
bition , et combattre ses remords .
Demariste , sa mere , lui suceede ; elle ajoute à l'inquiétude
de ce fils coupable en lui révélant les motifs de sa gloire et de
son contentement.
Combien des immortels je ressens les faveurs !
Combien sur tous mes jours ils ont versé d'honneurak
Epouse fortunée , et plus heureuse mere ,
J'ai deux fils vertueux qui remplacent leur pere ;
Tous deux ont aux combats guidé nos étendards.
Maintenant le premier , brillant sous més regards
D'un magistrat du peuple exerce la puissance ;
L'autre , loin de mes yeux signalant sa vaillance
Des mains d'un peuple ami fera tomber les fers ,
Et du joug de Carthage affranchira les mers.
Timophane essaie de jetter de la défaveur sur les triomphea
de son frere .
Faut-il toujours braver la mort et les tempêtes ?
Toujours perdre du sang et rêver de conquêtes!
Et nos braves soldats ne pourront - ils jamais
Goûter dans leurs foyers les douceurs de la paix
Demariste lui répond :
La paix avec des rois ! la paix avec des traîtres !
Corinthe et Syracuse ont les mêmes ancêtres ,
Nos freres sans secours seraient abandonnés
Aux fureurs de Denys qui les tient enchaînés P
Non. Par leur liberté que la guerre s'acheve :
Ne parlons jusques-là , ni de paix , ni de trêve.
Quand un peuple asservi combat ses oppresseurs
Aussi bien que la paix la guerre a ses douceurs.
Anticles revient à la tête des conjurés , et vent entraîner
Timophane à l'exécution de leur complot. Tout- à -coup ils
demeurent interdits à la vue da vieillard Örtagoras qui annonce
le retour glorieux de Timoléon .
Les rayons d'un jour pur doraient la plaine humide;
Nous respirions au port le calme du matin ,
Et nos yeux contemplaient cet horison loinuin
168 1
la mer de Crissa désertant nos rivage
Ala mer d'Ionie apporte des orages.
Des navires nombreux s'avançaient sur les flots
Déja reconnaissant la voix des matelots ,
Le peuple saluaît , par des cris d'allégresse ,
Les habits , le langage et les chants de la Grèce
Et bientôt de plus près s'offrant à nos regards ,
Timoléon vainqueur aborde nos remparts.
Mon fils !
DÉMARISTE.
ま
Т1 МОРИANE .
3
Mon frere , o ciel !
ANTICLES .
Timoleon !
ORTAGORAS.
Lui-même.
I
-
Tandis qu'autour de lui nos citoyens qu'il aime
Serrés entre ses bras célébraient son retour ,
Ses yeux mouillés de pleurs parcouraient ce séjour ,
Et le front ombragé de palmes de victoire ,
Environné d'honneurs il ignorait sa gloire.
Simple avec dignité , modeste sans effort ,
Béni d'un peuple immense assemblé sur le port ,
Le seul Timoléon , fuyant sa renommée ,
Félicitait Corinthe et sa vaillante armée
Et sur tous nos guerriers rejettant son éclat
Opposait à son nom la splendeur de l'état.
Vers le toît paternel Timoléon s'avance .
Que les ambitieux rentrent dans le silence ,
Et que l'égalité de retour avec lui
Dans nos murs consolés refleurisse aujourd'hui .
Timoléon s'avance au milieu des chants d'allégresse du peuple
qui l'environne . Il dit :
Voici le toît paisible où j'ai reçu la vie .
Qu'il est doux de rentrer au sein de sa patrie ;
#
De revoir , d'embrasser tous ceux qu'on doit chérir ,
Lorsque devant leurs yeux on n'a point à rougir ¦
Mere , dont les vertus égalent la tendresse ,
remier né de mon pere , et toi dont la sagesse
1 69 f
Dans l'amour de nos lois m'a toujours affermi
Respectable vieillard , mon guide et mon ami
Au sein des immortels la victoire repose }
Ils ont de leur Olympe accueilli notre cause .
L'égide protectrice a marché devant moi ,
Les destins de Corinthe ont triomphe d'un roi,
• ?
Allez , braves guerriers ; suspendez dans la place
Ges garaus immortels de votre heureuse audace
Que leur aspect nourrisse au coeur de vos enfans
L'amour de la patrie et l'horreur des tyrans .
Le vieillard Ortagoras lui parle avec ce doux épanchemen
qui convient à la vieillesse et à la confiance .
1
des bons citoyens la plus chere espérance !
Je t'ai dit ; tu vaineras , lorsque dans ton enfance ,
Assis sur mes genoux , tu pleurais à ma voix ,
Qui d'Epaminondas récitait les exploits .
Ton ame fiere et tendre aux vertus destinée ,
Le suivait pas à pas aux champs de Mantinées
Là , sur son lit de mort tu lui tendait les bras ,
Et tes jeunes soupirs enviaient sou trépas . Y
Conserve à ce grand homme un souvenir fidele ;
Ceux qui viendront un jour te prendront pour modele,
Ta mere a comme moi prédit ton avenir
Avec elle un moment je veux t'entretenir.
Tu reviens , bénissons Corinthe et son génie .
On parle ici de paix , même de tyrannie !
Des esprits dangereux , plaignant un roi pervers ,
Osaient à notre armée annoncer des revers 1
Et sur tes débris même élevant leur pensée ,
Croyaient fouler ta gloire à tes pieds renversée j
Mais ta gloire est debout ; ils ont trop espéré ;
Tu parais dans Corinthe , et je suis rassuré
Sous le pouvoir du peuple écrase leur puissance .
Ces héros d'un instant , grands durant ton absence ,
Sont les feux de la nuit , dont l'éclat incertain
Disparait aux rayons de l'astre du matin,
par
des chants.
Cet acte se termine , à la maniere des Grees ,
dans lesquels le choeur célébre la gloire de Corinthe.
Dans le second acte , Anticlès et les conjurés s'efforcent encore
de détruire l'irrésolution de Timophane ; ils sont obligée
170 1
de se retirer àl'arrivée de Timoléon , qui , conduisant son frere
près du tombeau de leur pere , lui rappelle ses derniers conseils.
TIMOLÉ O N.
Près de son lit de mort quels furent nos sermena ?
TIMOPHANE .
De chérir la vertu , de suivre son exemple.
TIMOLEON.
Mon frere , il nous entend ; son regard nous contemple ,
Et d'un pere expirant chaque mot est sacre.
Quels furent ses discours , et qu'avons - nous juré !
Je te l'ai déja dit.
TIMOPHANE.
TIMOLÉON.
Est-ce tout ?
TIMOTHA NE.
Non , sans doute.
TIMOLÉO N.
Ee reste est loin de toi .
TIMOPHANE.
Peux-tu le croire ?
Écoute .
TIMOLÉON .
Tous deux il nous pressait dans ses bras languissans
C'est ainsi qu'il parla : « Soyez bons , mes enfans ;
Obéisses aux lois , adorez la patrie.
Est-il vrai ?
TIMOPHANE.
99
Tu dis vrai : j'entends sa voix ehérie,
Et si l'orgueil s'armait contre la liberté ,
» Périssez pour le peuple et pour l'égalité: A
Est-il vrai ?
TIMOPHANE.
Je
l'avoue .
TIMOLEON.
Et nous alors , mon frere ,
Les yeux noyés de pleurs , baisant les mains d'un peraj
171 )
Par le ciel et par fui nous jurames tous deux
D'aimer , de respecter un peuple généreux ;
De vouer aux tyrans une haine implacable ,
De n'en jamais souffiir , de frapper le coupable
Qui , pour l'ambition renonçant au devoir ,
Oserait usurper le suprême pouvoir.
Est-il vrai ?
Timophane cherche à se défendre des justes reproches de
son frere. Il se plaint de la haine du vieillard Ortagoras et de
la jalousie de ses adversaires ; il accuse Corinthe qui a méconnu
ses exploits ,
Timoléon lui répond.
fortune
L'état ne nous doit rien ,
Mais nous lui devons tout vertus , talens ,
Tout en nous appartient à la mere -commune .
Si nous comptons un jour nul pour la liberté ,
Nous lui volons le bien qu'elle nous a prêté .
Et le droit de verser ton sang pour la patrie ,
L'inestimable honneur de mourir pour nos lois ,
N'est- ce donc pas un prix plus grand que tes exploits
Tu n'as que de l'orgueil , tu n'aimes point la gloire .
Peux-tu compter pour rien une illustre mémoire ,
Les vierges , les viellards célébrant leur soutien ,
Pleurant sur le cercueil du guerrier- citoyen ;
Le chêne couronnant sa valeur qui succombe ,
Et l'immortalité qui s'assied sur sa tombe ?
Timophane ne peut dissimuler les remords qui le poursuivent
; il lui échappe même de nommer Anticlès et ses comprices.
Timoleon s'écrie :
Rentre dans ta vertu qu'ils voulaient conquérir ;
Arrache de leurs mains ta probité captive ,
Et reportant l'effroi dans leur ame craintive ,
A ces usurpateurs retirant ten appui ,
Rapproche-toi du peuple on n'est grand qu'avec lat.
Les citoyens de Corinthe s'assemblent.
TIMOLÉON dans la tribune.
Au peuple souverain je remets mon pouvoir.
Le peuple l'invite à rester encore le chef de l'armée , afin
de confondre les ennemis de la patrie . En effet , Anticlès
paraît à la tête d'un parti séditieux. On découvre un diaden
( 72 )
préparé pour Timophane . Les patriotes font éclater leur indignation.
Le traître est aussi - tôt proscrit .
•
Dans le troisieme acte , Timoléon abandonne son frere aux
avis de sa mere qui l'attendrit sans le faire renoncer à ses crimes .
Ortagoras a surpris une lettre de Denys-le-tyrau à Timophane ,
qui donne la pleine conviction de ses attentats contre la liberté
de Corinthe. Sa mort est décidée , s'il ne dénonce lui - même au
peuple sa trahison et ses complices . Timoléon fait encore un
effort pour rappeller son frere à la vertu , à ses devoirs ; et
ne pouvant rien obtenir , il se voile avec son manteau et lui
dit , Ton heure sonne , adieu.
Timophane sort , et tombe sous le poignard d'Ortagoras . La
République étant vengée et sauvée par la punition des conspirateurs
, Timoléon dit au peuple :
Que le poignard , vengeur de la cause commune
Sanglant et suspendu reste sur la tribune .
Si jamais dans ces murs il s'élevait un roi ,
Que son frere indigne se souvienne de moi.
L'égalité renaît ; que nos destins s'achevent ;
Qu'à son niveau sacré tous les fronts se relevent ;
Que la loi regne seule , et fonde parmi nous
Le bonheur de l'état sur la grandeur de tous .
Timoléon monte sur les vaisseaux avec les guerriers de
Corinthe.
Le Chaur chante .
Demi-dieux de la Grece antique ,
Vous qui de l'Hellespont abandonnant les bords
Sur le navire prophétique.
Courtes de Colchos enlever les trésors ;
Nous n'allons point chercher sur le lointain rivage
Un métal corrupteur , le prix de l'esclavage ;
Des cufans de Corinthe il blesse la fierté ;
Mais nous portons la mort à des rois homicides ,
Et nos voiles tyrannicides
Vont conquérir la liberté.
Par une heureuse et naturelle association de la déclamation
avec la musique , ainsi que les anciens poetes grecs en ont
donné l'exemple dans leurs tragédies , le poëte français a su
ajouter un prix infini à son oeuvre dramatique . En effet , la
déclamation , mere de la musique à qui elle fournit ou doit toujours
fournir tous ses motifs de chant , acquiert par ce concours
plus de force et d'énergie , comme la musique plus
d'éclat et d'expression. Elles se procurent l'une à l'autre des
( 73 )
repos pour se faire entendre avec plus d'avantages ; elle reçoivent
enfin dans leurs rapports des secours réciproques qui
les font valoir mutuellement . Si la musique réussit à exprimer
le sentiment et à peindre les passions , la déclamation a d'ailleurs
des inflexions plus délicates et des tons plus rapides , plus
rapprochés , et infiniment plus variés , pour parler à l'ame et
en suivre tous les mouvemens . On est tenté de dire comme
le philosophe Fontenelle , Musique , que me veux- tu ? Quand elle
veut chanter un récit ou exprimer avec les entraves de la mesure
et des accens notés , ce que la déclamation peut rendre avec
tant de vérité , de liberté , de rapidité et d'énergie . Mais que
ces deux arts sont admirables lorsque , se renfermant en quelque
sorte dans leur sphere , ils concourent à faire valoir un
ouvrage dramatique . C'est ce que les citoyens Chenier et Méhul
ont senti dans la distribution qu'ils ont faite des parties de la
tragédie qu'il fallait déclamer on chanter.
Les citoyens artistes , Talma , Baptiste , Monvel , Monville
et la citoyenne Vestris , ont parfaitement rempli leurs rôles
et jamais les choeurs de l'Opéra n'ont été si bien mis en action ,
et n'ont pu faire ressortir plus avantageusement la brillante
exécution et le charme de la musique. Aussi le public des amateurs
et des connaisseurs de la poésie et de la bonne musique
s'est- il empressé d'applaudir à ce nouvel accord des arts de la
déclamation et du chant , en se portant en foule aux représentations
nombreuses et soutenues de Timoléon ; tragédie qui
fera époque par l'expression mâle et pure de son républica
nisme , et par les beautés de différens genres qu'elle réunit
ANNONCES.
Euvres complettes de Winkelmann , en huit volumes in- 4 ° . ,
avec plus de 250 planches et un grand nombre de vignettes et
fleurons en taille - douce ; chez H , J. Jansen et compagnie , place
du Muséum , à Paris . On publie actuellement les tomes I et II ,
in-4° ., ornés de 64 planches et d'un grand nombre de vignettes
et fleurons en taille- douce . Ces deux volumes contiennent
1º . l'histoire de l'art chez les anciens , précédée de l'éloge de
Winkelmann , par le professeur Heyne , et d'un abrégé de sa
vie , par Huber ; 2 ° . remarque sur l'architecture des anciens ;
3º , remarque sur l'architecture de l'ancien temple de Girgenti.
Ce superbe ouvrage , parfaitement exécuté , ne peut manquer
d'être accueilli par les artistes , par les amateurs et par les
hommes de lettres qui tous regardent Winkelmann comme
le savant le plus instruit et le plus enthousiaste des beautés de
l'art dont il a parlé avec une chaleur et un amour bien propres
à électriser et à éclairer ses lecteurs .
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 13 Novembre 1794.
Las dernieres nouvelles de Pétersbourg , en date du ze he
tobre , présentent la cour ivre de ses succès en Pologne , et se
promettant bien de les pousser aussi loin qu'il sera possible ,
Cette joie a pourtant été un peu modérée par l'annonce des
préparatifs de la Porte Quomane , tant sur mer que sur terre.
On savait déja qu'elle se proposait d'avoir une marine respectable
; mais ce qu'on ne savait pas , c'est qu'elle rassemble et
veut tenir sur pied une armée de 180,000 hommes . La Russie
fait aussi de nouvelles levées , ou pour mieux dire , un recrutc
ment général , comme on le verra dans le second des deux
extraits suivans d'ordonnances émanées de l'impératice . On
remarquera que la population de l'empire ruste y est fort exa
gérée , même en y comprenant les provinces polonaises , qui net
lui appartiendront peut- être pas long - tems.
Une ukize vient de paraître pour reprimer les fréquens abus
des fabriques d'eau- de - vie , et les dommages qu'elles cansent
eux forêts. Il est dit dans cette ordonnince , que , d'après
les considérations que la ferme de l'em de vie établie dans les
gouvernemens de Tambow et de Toula , selon le nouveau projet
, a beaucoup contribué à Faccroissemment des revenus de
la couronne ; un pareil marché doit être concha dans tous
les autres gouvernemeus , et sur le même pied . Elle contient
en outre quatre articles . Le premier d termine la quantité
d'eau-de-vie que chaque noble pourra brûler pour son propre
usage . Le deuxieme anet les nobles à contracter pour cele
ferme avec le gouvernement. Le troisieme enjoint au sénat de
faire , d'après la confrontation des lois de ordonnance de
l'eau - de -vie , une ordonnance dans laquelle seront insérées
les augmentations nécessaires et les conditions auxquelles les
marchés doivent être conclus . Enfin , par le quatrieme , il est
ordonné aux gouverneurs généraux , aux administrateurs , à
ceux chargés de la police des villes et dans les districts , de se
Conner toutes les peines possibles pour prévenir et découvrit
foute espece de fraude dans les lieux où ils exercent leurs fonc
tions lorsque les marchés y auront été conclus de la maniero
prescrite par cette ukaze .
Deux ordonnances , en date du 11 septembre , adressées
an sénat dirigeant , decident, l'une , qu'il sera fait un Leer
175 )
tement dans tout le gouvernement de Russie , y compria
celui de Saint - Pétersbourg , pour completter les forces , de
terre et de mer ; l'autre , le mode qui sera employé pour
procéder à ce recrutement. On trouve dans la seconde
1 °. que les régimens de carabiniers de Moghilow , d'Ingrie
Riga , Jamsbourg , Rostow , Narra et Gargapol , ainsi que
quelques régimens de dragous de Saint Pétersbourg , Smefensek,
Kinbourn , Astracan , Waladinier , Nichegorod et Taganock
doivent dès ce moment et pour l'avenir , être complettés
par les bourgeois et des particuliers des gouvernemens
d'Isgislaslaw et Braslaw ; 2 ° . que les corps des chasseurs
de la Ruasie-blanche , de Catharicaslaw , d'Estemie , de Livonie
ét Finlande doivent être complettés par les gouvernemens de
Minski , Poletzk et Moghilow , des bourgeois , des paysans
de la Couronne et des particuliers ; 3 ° . que poor completter
les forces de terre , on doit livrer un recrue sur deux cente
ames , et ce , du 15 octobre de cette année au 1er janvier
1795 où la livraison doit être finie , et qu'à l'avenir on devra
fournir annuellement autant de recrues qu'il sera nécessaire
pour completter l'armée ; 4°. que les preposés des gouver
nemens d'Igeslaw , Braslaw , Minaki , Moghisow , après s'être
concertés avec le département de la guerre , doivent destiner
des cantonnemens pour completter la cavalerie et les corps
de chasseurs , et prendre tous les arrangemens nécessaires et
semblables à ceux qui seront prescrits aux gouvernemens de
Catharinoslaw , Charkow et les trois gouvernemens de la
petite Russie ; 5 ° . que les années de service de ceux qu'on
recrutera dans les gouvernemens d'Igislaw , Braslaw , Minski ,
Potozk et Moghelow sont fixés à vingt ; 6º . qu'on doit se régier
d'après l'ordonnance du 3 mai 1783 , relativement à la taxe
de 500 reubles que les marchands ont à payer pour chaque
recrue dans ces gouveraemens , et que les juifs doivent être
soumis à une taxe semblable ; 7 , enfin , que les régimens de cuirassiers
, en conséquence des préférences qui leur sont accor
dées , doivent être complettés des régimens de carabiniers et de
dragons .
On voit ici un dénombrement de tous les habitans måles
de la Russie . Il est fixé selon l'état de la derniere revision
des contribuables , d'après lequel on levé les revenus de la
couronne. Cet état est divisé co trois classes ; la premiere ,
des négocians , bourgeois et ouvriers , monte à trois cents
quarante-quatre mille quatre -vingt-onze hommes ; la seconde ,
des voituriers , à trente- sept mille sept cents onze hommes ;
et la troisieme , des paysans , à onze millions denx cents
trente -deux mille deux cents neuf hommes. D'après cet état ,
le nombre des hommes contribuables monte à onze millions
six cents quatorze mille onze . En y ajoutant un nombre égal
de femmes , la population de ces trois classes seules donne
ilions deux cents vingt-huit mille vingt-deux
( 76 1
ames ; ainsi , en y ajoutant celle qui se trouve dans les cinq
gouvernemens , de Koliwan , de Tobolsk , de Permsk et du
Caucase , les troupes de terre et de mer , leurs femmes et
enfans , les nobles , le clergé , les employés à la cour et aux
tribunaux , et leurs familles , les colons , les habitans des isles
Kasily , la population entiere peut être évaluée avec sûreté à
vingi-sept millions .
Les succès des Russes et des Prussiens dans la Pologne ne
sont pourtant pas encore assez décisifs pour que ces deux puissances
co- partageantes aient à se flatter de terminer bien promptement
cette guerre à leur avantage , et d'envahir le reste de
cette contrée . Il court différens braits qui annoncent de la
mésintelligence entre les généraux Russes . On pretend que
Denisow n'a point rejoint Suwarow qui , mécontent lui - même
de Fersen , s'est retiré à Léopold en Gallicie , dont les habitans
entretiennent des intelligences avec ceux des provinces
polonaises limitrophes ; ce qui ne laisse pas d'inquietter l'Autriche
sur le sort de cette province , laquelle n'a sans doute pas
encore eu le tems d'oublier qu'autrefois elle fit partie de cette
même Pologne qui tâche aujourd'hui de briser ses fers .
Dambrowski et Madalinski ont su échapper aux généraux
Russes et Prussiens จ et traverser leurs armées en laissant
battre quelques petits corps de la leur . Ils se sont rapprochés
de Varsovie , où l'on continue de prendre des mesures de défensc.
Le quartier général des insurgens , dans la Prusse méri
dionale , est à Kolo. Ils font delà des excursions sur les domaines
de Frédéric Guillaume qui a confié nouvellement le
commandement de ses troupes au général Favrat. Le conseil
national de la nouvelle république , plus digne aujourd'hui de
de noa , que quand des nobles y délibéraient tumultueusement
sur l'élection d'un roi , qui souvent avait acheté leurs suffrages ,
a rassuré les Polonais d'abord consternés de la perte de
Kosciuszko . Voici quelques anecdotes sur ce héros .
y
l'on
vues très-
L'on écrit de Varsovie que le conseil national y est parvenu
à consoler le peuple de la perte de Kosciuszko ,
et que
eric de nouveau : vaincre ou mourir ! On prétend même que
la captivité de Kosciuszko y est aujourd'hui un sujet de satisfaction
, attendu que l'on suppose à ce héros des
ambitieuses . Lorsque les Russes l'ont pris , il était étendu par
terre , et un cosaque se disposait à lui porter un dernier coup :
alors survint un officier russe , qui cria au cosaque : arrêtez !
courut à Kosciuszko et l'embrassa . Kosciuszko doit lui avoir dit:
Laisse- le faire , pourquoi m'envie- tu le bonheur de mourir ? L'officier
en question est , dit-on , Kutusoff , à qui Kosciuszko renvoya
si généreusement son épouse arrêtée à Varsovie cette
dame est venue elle-même en faire encore des remercimens
son libérateur.
Au surplus , les blessures de Kosciuszko n'ont pas été troumées
dangereuses ; on lui a fait prendre le chemin de Péters(
77 )
bourg. Le général Fersen l'a traité avec beaucoup d'égard ; il
lui dit d'abord que s'il n'avait point de confiance aux chirur
giens russes , il pourrait en faire venir de Varsovie ; et effec
tivement , on lui a envoyé de Varsovie le chirurgien Maignan .
Le grand porte- enseigne de Lithuanie , lieutenant- général
Wawrzewski , que l'on a donné pour successeur à Kosciuszko
dans le commandement , a fait son apprentissage en Prusse ,
où il a servi au régiment de Thiel . Peut -être est - ce par cette
raison seule que beaucoup de Polonais sont mécontens du
choix que l'on a fait de lui . Au reste , il n'est pas revêtu de
tous les pouvoirs qu'avait le généralissime . Kosciuszko come
mandait au conseil , Wawrzewski lui reste subordonné .
De Francfort-sur- le-Mein , le 16 novembre.
1
Suivant des lettres de Wesel , du 8 de ce mois , l'armée
autrichienne , forte d'environ 25,000 hommes qui avaient descendu
le Rhin sous les ordres du général Werneck , pour se
joindre à l'armée anglaise et hanovrienne , et défendre ainsi
les Provinces Unies , s'est coupée en deux grosses divisibus
qui retournent sur leurs pas. Un changement aussi subit au
premier plan arrêté dans la conférence d'Arnheim , étonne
le public qui en ignore les motifs.
Les ministres de l'empereur à la diete ont reçu des instruc
tions au sujet du rescrit de l'électeur de Mayence , envoyé
a Vienne. Depuis , ils ont fait différentes ouvertures , entre
autres celle- ci Que l'empereur , comme chef de l'Empire ,
ne mettrait aucun obstacle à ce qu'on s'occupât des moyens
d'opérer une paix convenable ; et qu'il attendrait la décision.
que l'Empire pourrait lui soumettre sur cet objet : qu'en sa
qualité de co - état , il pensait qu'on devait s'en tenir d'abord
à la premiere question : Si une proposition de paix doit avoir
lieu ; et renvoyer après la solution de la seconde question
Comment cette proposition doit- elle se faire ? Que cependant
la prudence exigeait que les préparatifs et la raise sur pied.
du quintuple ne fussent point suspendus ; qu'au contraire ,
on ne devait mettre que plus de zele et de célérité , pour
être en état de continuer la guerre s'il le fallait , et se prosurer
une paix convenable .
+
Voici les prétendues conditions auxquelles on croyait assez
généralement en Allemagne que la paix allait se faire. Nous
disons , an croyait ; car aujourd'hui ces bruits de paix si
répandus commencent à tomber : 1. la France rendia les
Pays -Bas autrichiens , non pas à l'Autriche , mais à un prince
de l'Empire quel qu'il soit ; 2 ° . toutes les conquêtes faites
par les armées françaises , sur la partie occidentale du Rhin ,
seront rendues à leurs possesseurs ; 3° . la navigation de l'Es
gaut et du Rhin sera libre et affranchie de tout péage ; 4º , on :
( 78 )
"
tendra à la France les iles qu'elle a perdues dans cette guèrrez.
50. les Hollandais n'auront plus de stadthouder.
Cependant les Français , formant une armée de 70 à 80,000
hommes , se préparent à investir Mayence , et cernent presqu'entierement
cette ville à une assez petite distance . L'élec
teur de Cologne , qui y était arrivé le 11 , est reparti quelques
heures après pour Mergentheim. Le délai fixé par le commissaire
de la Convention , dans la proclamation aux émigrés de
Cologne , à l'instar de celle faite à ceux de Coblentz , a été
prolongée de six semaines . Quant à cette derniere ville , elle
a fourni les 10 et 11 de ce mois , les 30,000 paires de sou
liers auxquelles elle était imposée . Mais ce n'a pas été sans
peine qu'elle s'est procurée le cair nécessaire . Les Français y
ont donné une fête civique à l'occasion de la prise de Rheinfelds
et de St. - Goard.
avant. --
for
Le 10 , à 3 heures après - midi , les Républicains ayant
repousse les avant postes des Valaques de Bretzenheim , le
même endroit où ils avaient escarmouché le 7 sans succès
on même avec désavantage , s'emparerent de cet endroit et
firent même avancer leurs piquets jusqu'au moulin en - deçà de
Zahlbach , redoute qu'un colonel de troupes mayençaises
s'empressa d'occuper pour les empêcher de pénétrer plus
Le 11 , le colonel Brechern fut chargé de les déloger
de Bretzenheim ; les Français tiurent long- tems dans la
cour de l'eglise contre la division des Valaques , renforcées
d'un bata llon de Serviens et d'un escadron de Waldeck. Mais
ils céderent en voyant leurs avant postes repoussés de tous
côtés par les Serviens . Le 13 , vers les 11 heures , toute
la réserve allemaude sortit de la ville à la suite d'une canon-)
nade accompagnée d'un feu de mousqueterie vivement exe
cutés . Leur poste de Sainte Croix , où ils ont une batterie
placée derriere un mur , et le Hardemberg , furent particulie
rement attaqués par l'artillerie allemande . Les Français ont
établi plusieurs canous du côté de Moabach ; après les avoir
fait jouer , ils ont tenté trois fois l'assaut sur le Nonnen avec
leur impétuosité connue . Mais cette fois ci elle a échoué
contre la bayouneue des Allemands plus nombreux .
---
·
On voit par ces détails que si Mayence est bien attaqué , il
est bien défendu. Cependant la garnison n'est pas tout -à -fait
aussi forte qu'elle devrait l'être ; car il n'y a que 14,000 hommies
au lieu de 20. Le duc de Saxe - Tescheu y est arrivé le 12 ; on
ne sait si cest pour emplacer le gouverneur , nommé Huff ,,
mort deraierement d'apoplexie . Mais il paraît constant que ce
prince se propose d'y rester. La coalition et les Français sentent
également le prix de cette place , d'où il a été si difficile do
déloger ces derniers , qui s'y maintiendront vraisemblablement
s'ils la reprennent , ce qui ne serait pas impossible , puisqu'ils.
l'ont déja cae et qu'ils ont pris en si peu de tems Mastricht ,
place encore plus forte dans son genre.
( 79 )
En attendant l'évenement , le landgrave de Hesse- Cassel est
arrivé avec ses gardes à Giessen , où doivent arriver incess
samment 14,000 hommes qui se porteront sur les bords du
Rhin. Il a fallu pour completter cette division , que le landgrave
fit servir jusqu'à ses gardes de classe
PROVINCES - UNIES . De la Haye , le 8 novembre..
Le stadhouder , qui voitantiver la fin de son regne , rés
double d'efforts pour empecher les Français de faire des progres
sur le territoire de la république des 17 Provinces - Unies ,
dout , grace à la corruption era la force , c'est -i- dire à son
argent et aux troupes de Frédérie- Guillaume son beau frere ,
il etait parvenu à laite un royaume . Ge prince ne met pas
moins de soin à interrompre toute espece de communication
entre les Français et les habitans des Provinces - Unies. Les
états de Hollande viennent de publier à son instigation an
placard , portant qu'afin de prevenir les fréquens voyages de
plasieurs personnes allant et venant aux villes et places
actuellement occupées par les Français , il ne sera désormais
permis à personne de venir du pays ennemi , ou des places
occupées par lui dans la république , ou de se rendre au
susdit pays ou places sans être pourvu de passe - port. Ges
passe - ports ne pourront être délivres que par les états , le
conseil- d'état ou le stadrhouder; il faudra les faire enregis
trer dans la derniere ville ou place du territoire des Pro
vinces-Unies,
Le gouvernement stadhoudélies ne se borne pas à ces
mesures il fait quelque chose de plus positif pour sa dés
fense. Le long de la digne du Waal et de celle du Rhin ,
près de Pannerden et plus haut , on a élevé par- tout des
batteries.
Ou a aussi de nouveaux détails sur les inondations qui
s'étendent depuis Rhenen jusqu'au Zuidersée . Non content
d'empêcher la décharge du ruisseau de Lunteren et autres
on a fait déborder Beau pour se décharger dans Eem . Une
grande étendue d'eau se trouve devant la province d'Utrecht ,
du côté de la Velwe , et peut parvenir à une hauteur et largeur
sousidérable , puisque celle qui découle de cette partie
de la Gueldre est arrêtée près de la ligne .
Il a été ondobué à tous les habitans de reinettre à l'hôtel de
ville d'Amsterdam des états exacts de tout ce qu'ils ont d'armes
de poudres , de balles , etc.
A la requisition de l'ambassadeur d'Angleterre , on a mis
en arrestation le ci-devant peusionnaire Vischer , Vander
Heyde , Vander Kolcker , Willem-Janssen , Keusker , et un
6. individu . Ginq autres personnes du nombre de celles qui
préscuterent la fameuse pétition ont pris la fuite. Elles ont été
sommées de comparaitre. Les six premiers ont été arrêtés au me
ment même où ils ont comparu , et chacun d'eux a été con
duit dans une prison séparée . Le prétexte mis en avant par
l'ambassadeur d'Angleterre pour demander l'arrestation de ces
personnes , c'est que dans la fameuse pétition du 14 , les
soldats anglaia sont traités de brigands et d'assassins .
en
On essaie aujourd'hui de faire croire qu'il est faux que
la province de Frise ait voulu se détacher de l'union ,
faisant une paix particuliere : elle a seulement déclaré , dit- on ,
que cette guerre était trop onéreuse pour elle ; et d'alleurs ,
on n'a pas tardé à la faire changer d'avis . Aujourd'hui la grande
majorité consent aux inondations et à une nouvelle levée de
troupes.
Le prince Ernest , fils du Roi d'Angleterre , est arrivé à la
Haye , et en est reparti sur -le - champ pour Utrecht , dans le
dessein de rejoindre l'armée du duc d'Yorck.
ITALIE. De Gênes , le 1er novembre.
On mande de Naples qu'on travaille continuellement dans
ce royaume , sur-tout à Castellamare , à mettre la marinet
sur un pied respectable. Les mêmes lettres disent qu'on en
fait autant pour la Sicile , et que les côtes voient leurs points"
les plus éloignés absolument garnis de tout ce que pent exiger
une bonne défense .
Un ordre du roi de Sardaigne enjoint de dresser avec
toute l'exactitude possible l'état de la population de Tarin .
Une lettre de Vintimille du 28 octobre , donne les nouvelles
suivantes .
La grande quantité de neige tombée de nouveau a forcé
les Français à abandonner le col de Tende ; les Piémontais
en ont fait autant de leur côté , et sout alles joindre les
Autrichiens à Acqui . Le 25 , il a passé par ici un bataillon
français , venant de Nice , et qu'na autre bataillon a suivi
aujourd'hui . Huit bataillons doivent arriver encore , sans
compter ceux qui ne sont plus nécessaire au col de Tende ,
et doivent hiverner sur territoire génois : c'est pour y renforcer
l'armée . Les lettres reçues de Nice nous disent trèspositivement
que l'ex -ministre Tilly s'y trouve encore , qu'il
occupe la même maison que les représentans du peuple ,
que ceux- ci ont pour lui mille égards , et l'appellent à toutes
leurs conférences ou conseils . 1
On apprend par des lettres de Rome que le cardinal de
Bernis vient d'y terminer sa carriere à l'âge de 79 ans , et dans
la 36. année de son cardinalat : il laisse trois cents mille
écus romains , tant eu argent qu'en meubles , bijoux et argenterie
. Son exécuteur testamentaire est le chevalier de Azara ,
ambassadeur d'Espagne à la cour de Rome , qui s'est chargé
de trouver un appartement aux tantes du dernier roi de France ,
logées ci - devant dans le palais du cardinal.
RÉPUBLIQUE
B
( 81 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE
CLAUSEL.
Séance du septidi , 7 Frimaire.
La correspondance offre toujours des félicitations sur la clô
ture des jacobins . Elles sont venues aujourd'hui des communes
de Chambery , Cherbourg , Dijon et de la section de
l'Observatoire.
Les représentans du peuple dans les départemens du Cher,
de l'Indre , du Puy - de - Dôme , du Cautal et de la Correze ,
informent la Convention de la situation de ces départemens.
Ils goûtent les bienfaits de la revolution du 9 thermidor ,
ils ne connaissent pour point de réunion que la Convention
nationale . Ils chérissent ses principes et sa justice . Les
intrigens et les agitateurs y sont démasqués et éloignés des
fonctions publiques ; dans le Cantal seul , le systême de
Robespierre avait jetté des racines plus profondes , ce n'a été
que trois mois après la glorieuse époque du 9 thermidor ;
que les rayons de la justice qui triomphe dans toute la France ,
out dissipe la terreur et l'effrei . Mais les hommes de sang et
les fripons viennent d'être confondus et le peuple rendu à ses
véritables sentimens , va désavouer les adresses liberticides que
lui avait arrachées la perfidie accompagnée de la terreur.
Menau , au nom des comités d'agriculture et de commerce ,
fait un rapport sur l'invention da citoyen Barneville , qui a pour
objet d'établir en France des manufactures de mousselines superfines
, à l'imitation de celles des Indes . Les armes de la
République , dit- il , terrassent l'Anglais sur le continent ,
la marine française approvisionne nos ports aux dépens des
marchands de Londres . Il est encore un autre genre de
succès que nous pouvons obtenir sur eux , et nous triompherons
par le génie de ce peuple orgueilleux , déja vaincu
par nos armes ; maître du Bengale , l'avare Anglais nous vend
au poids de l'or les mousselines des Indes jusqu'à présent
inimitables en Europe ; nous lui arracherons cette brauche de
commerce , et nous épargnerons quarante millions que nous
coûtent chaque année nos consommations en ce genre .
Le rapporteur fait ensuite le détail des offres du citoyen
Barnevelle , et la description de sa machine pour la filature
du coton . Elle est aussi simple qu'ingénieuse ; toutes les
broches et bobines sont mises en mouvement par une seule
roue , et l'on a néanmoins la faculté de ralentir ou d'accélérer
Tome XIII.
F
( 82 ),
à volonté la rotation de chacune d'elles , en sorte qu'une ou
vriere peut filer un fil extrêmement fin , tandis qu'une autre
fiera du fil moyen sur la même machine ; l'on peut aussi y
filer en même- tems du coton , du fil , de la soie , de la laine .
Les machines cornues ne donnent au plus que trente mille
aunes de fil par livre ; celle de Barneville en donne jusqu'à
cinquante mille. Dans l'Inde , l'ouvriere ne tire qu'un seul fil
à- la - fois , et avee cette machine chaque ouvriere en file deux .
Ménau développe enfin tous les avantages de célérité , d'économie
, de commodité et de perfection qui résultent de cette
invention , et la Convention decrete qu'il sera fait une avance
au citoyen Barneville de 200 mille liv . , sous caution , pour
l'établissement de sa manufacture , et qu'il jouira de cette
somme et d'un local propre sans intérêts pendant dix ans .
Portier , au nom du comité des finances , fait décréter :
Art . 1er . Toutes les pensions accordées par décret portant le
om des pensionnaires , seront payées par la trésorerie nationale
sur le vu du décret , sans autre formalité que la production
du certificat exigé par la loi du 6 germinal .
20. Les pensionnaires liquidés par décret , joindront à
l'extrait du décret un certificat de propriété du directeur général
de la liquidation .
30. Les certificats de résidence exigés pour les payemens à
faire à la trésorerie , seront valables pendant les six mois de la
date du visa du directoire de district.
Perès , au nom du comité de législation , fait un rapport
sur la question de savoir si dans les jugemens du tribunal criminel
du département du Nord , relativement aux prévenus
d'avoir ou favorisé l'invasion de l'ennemi , ou de lui avoir
adhéré , l'on doit proposer aux jurés la question d'intention .
Le doute provenait de ce que l'art. XXIV de la loi du 26 frinaire
an 2 la défendait , et que la loi de 24 vendémiaire dernier
paraissait l'avoir abrogée , en ordonnant aux tribunaux de ne
pas confondre l'erreur , l'égarement ou la faiblesse avec des
intelligences perfides , ou des trabisons caractérisées , et en
décrétant qu'à l'avenir dans toutes les affaires soumises à des
jurés de jugement , les présidens des tribunaux criminels seraient
tenus de poser la question relative à l'intention , et lès
jurés d'y prononcer par une déclaration formelle et distincte ,
à peine de nullité.
Le comité de législation , pénétré des grands principes de jus
tice et d'humanité , sans oublier ce qu'exige la rigueur du gouvernement
révolutionnaire , a pensé à l'unanimité que la loi du 26
frimaire était abrogée par celle du 14 vendémiaire ; mais il a jugé
en même tems cette question trop importante pour être decidée
par un simple arrêté , et il a cru devoir la soumettre à la
décision de la Convention .
66
Juger un prévenu , dit le rapporteur , sans en apprécier
l'intention , c'est blesser les premiers élémens de la raison et
( 88 )
de la morale ; l'envoyer à la mort ssns s'assurer qu'il l'a
méritée , c'est un attentat à la vie des citoyens ; c'est un
meurtre judiciaire . Si nous jugions de l'intention par l'événeiment
, si nous nous accoutumions à voir des crimes dans
toutes les actions nuisibles à la société , ne retomberions - nous
pas sous la tyrannie exécrable d'où nous sortons ? ne deviendrions-
nous pas aussi barbares que nos ancêtres qui faisaient
des procès en forme aux animaux malfaisans ? ne seriónsnous
pas aussi stupides que ce peuple de l'antiquité qui punissait
des statues dont la chûte avait écrasé quelque citoyen ?
et le
La Convention approuve l'arrêté du comité de legislation .
Garnier ( de Saintes ) demande la revision de la loi qui exclut
de Paris et des places frontieres les ci - devant nobles ,
rapport d'un arrêté du comité de salut public , par lequel
ils ont été exclas des départemens voisins de celui de la Vendée
. Plusieurs membres exposent que cette loi est due à Robespierre
dont le motif perce , et qu'étant aujourd'hui sans
objet et n'ayant produit que du mal sur - tout à Paris , il faut
la rapporter dans son entier .
Les propositions faites sont renvoyées aux trois comités .
Fourcroi , au nom des comités de salut et d'instruction publique
, fait un rapport vivement applaudi , dans lequel il
développe la nécessité d'avoir des écoles de médecine et de
chirurgie . Une des raisons qu'il fait sur- tout valoir , c'est l'obligation
de remplacer par des gens habiles les officiers
de santé morts dans nos armées . La Convention , dit -il , n'apprendra
point sans douleur , que plus de 600 d'entr'eux y sont
morts .
་
La Convention ordonne l'impression du projet et l'ajourne
ment à trois jours .
Ramel fait substituer dans le décret d'hier , qui exempte de
la réquisition les denrées venues de l'étranger , aux mots de
premiere nécessité , ceux de non prohibées .
Séance d'octidi , 8 Frimaire.
Le comité des secours propose et obtient plusieurs décrets .
Plusieurs communes et sociétés populaires expriment à la Convention
leur reconnoissance sur la clôtute des jacobins .
Le président du tribunal criminel du département de Paris ,
fait part à la Convention du jugement qu'il vient de rendré
contre les membres de l'ancien comité révolutiounaire de la
section du Bonnet- rouge , convaincus de vols et de dilapidations
et condamnés à vingt ans de fer , avec exposition pendant six
heures . Deux ont été acquittés .
Clausel , au nom du comité de sûreté générale , fait part de
plusieurs lettres venant du tribunal révolutionnaire , et relatives
à Carrier. Parmi elles , se trouve une de cet accusé , qui se
plaint de n'avoir pas été interrogé , et réclame le droit qu'a
lout accusé d'être jugé par des jurés tirés au sort . I demande
aussi à être jugé séparément , et recuse plusieurs juges et jurés .
F 2
( 84 )
Le président du tribunal fait en même-tems passer la copie da
jugement du tribunal , qui après délibere , déclare qu'attendu
la connexité de l'affaire de l'accusé Carrier avec celle du comité
révolutionnaire de Nantes , la même section connaîtra de l'accusation
portée contre Carrier.
Après cette lecture , le rapporteur invite la Convention à
prendre dans sa sagesse les mesures qu'elle croira convenables.
L'ordre du jour , s'écrie- t- on de toutes parts ; il est adopté
motivé sur ce que la marche que doit suivre le tribunal lui est
tracée par la loi.
Clausel , au nom du même comité , propose le remplacement
de quelques députés qui ont achevé leur mission dans
les départemens . Du nombre des membres désignés se trouve
Thuriot .
Bourdon de l'Oise ) , observe que Thuriot est membre des
comités du gouvernement. Clausel répond qu'il en sortira le 15 .
Bourdon reprend , et dit que c'est la marche des anciens comités
d'éloigner ceux qui ne plaisent pas .
Bernard de Saintes ) pense qu'avant tout l'on doit examiner
s'il est utile d'envoyer des représentans dans les départemens
. Il assure que les opinions particulieres des députés en
mission ont tellement influencé leurs opérations , que chaque
département paraissait avoir une législation particuliere , et
que l'exécution des lois et la marche du gouvernement en out
été entravés .
Clausel : Chacun sait le mal que les partisans de Robespierre
ont fait dans les départemens. Je puis assurer que le comité
de sûreté générale est avare de cette mesure , et qu'il ne la
prend que lorsque les circonstances l'exigent. Nous savons tous
jusqu'où ont été les efforts des hommes de sang ; c'est pour
mettre un baume salutaire sur les blessures encore saiguantes
des patriotes , pour comprimer les méchans et assurer l'exécution
des lois que le comité a cru devoir vous proposer ces
nominations .
Camboulas voudrait que le comité consultât les députations
des départemens sur le choix des sujets , avant de les présenter
à la Convention. Plusieurs députés y voient du fédéralisme ;
Delmas demande qu'un membre du gouvernement sortant des
comités, ne puisse être envoyé qu'un mois après en mission .
Bourdon trouve cette proposition monarchique ; et Guyemard
, démocratique , parce qu'elle empêche que les grands
pouvoirs restent long- tems dans les mêmes mains. La proposition
de Delmas est décrétée , et le décret présenté par Clausel
adopté , le nom de Thuriot en ayant été rayé.
Richard , au nom du comité de salut public , annonce les
nouvelles victoires remportées par l'armée des Pyrénées orientales
. (Voyez Nouvelles officielles. )
La Convention natiouale décrete que l'armée des Pyrénées
orientales ne cesse de bien mériter de la patrie .
Guyton-Morveanu , au nom du même comité , fait un rapport
( 85 )
sur l'état des manufactures d'armes de Paris ; il donne lien
une discussion . Il en résulte que l'éloignement où l'on est des
matieres premieres , les frais de transport et le salaire des ouvriers
, qui doit être proportionné à la cherté des denrées dans
une grande ville , augmentent beaucoup le prix des armes , sans
en bâter la fabrication , ni en assurer la qualité .
Cette discussion est terminée par un décret qui renvoie au
comité l'examen de la question de savoir s'il ne serait pas plus
convenable de répartir les ouvriers sur les divers points de
la Republique où se trouvent les matieres premieres , et où
l'on a établi des atteliers .
Merlin ( de Douay ) , au nom du même comité , rappelle à
la Couvention que la nation française a une dette sacrée à
acquitter envers le peuple Américain . Son drapeau flotte anx
voûtes du sénat français , et celui de la nation française ne lui
a point encore été envoyé , comme un gage d'une fraternite
réciproque.
La Convention rend le décret suivant au milieu des plus vifs
applaudissemens .
Art . Ier. Il sera , sans délai , envoyé aux Etats - Unis d'Amérique
un drapeau aux couleurs nationales de la République
Française .
" II . Ce drapeau sera présenté au congrès en signe de l'union
et de la fraternité éternelles des peuples Américain et Français ..
Séance de nonidi , 9 Frimaire.
› Thibaudeau , au nom du comité d'instruction publique ,
fait decréter :
1º . Il sera nommé un jury de 27 membres , pour juger les
Ouvrages de peinture , sculpture et architecture , remis au
concours en vertu de l'arrêté du comité de salut public , pris
dans le courant de germinal dernier.
20. Les citoyens qui concourront se réuniront le 15 frimaire
dans la salle du Laocóon , pour désigner 40 citoyens ,
dont 27 seront choisis par le comité d'instruction publique
pour le jury ; les autres seront suppléans .
30. Les objets apportés au concours seront déposés dans les
salles de la ci - devant académie de peinture et sculpture.
4° . Le jury s'assemblera le 26 frimaire pour délibérer à
l'appel nominal sur les prix à accorder. Les membres qui le
composeront motiveront leur opinion .
5°. Le comité d'instruction publique présentera incessamment
un rapport sur les moyens d'encourager les arts d'une
maniere utile à la République .
t
Le même membre fait décréter qu'il ne sera établi aucun
attelier d'armes , de salpêtre , ni aucun magasin de fourage ou
de matieres combustibles , dans les bâtimens où il y a des bibliotheques
, des cabinets d'histoire naturelle , et en général des
dépôts de sciences ou arts , et que dans les endroits où ces
F3
( 86 )
établissemens se trouvent réunis , ils seront séparés , on du
moins mis à l'abri des incendies . La commission des arts å
Paris et les agens nationaux dans les départemens sont chargés
de l'exécution du décret .
4
Reverchon , au nom du comité de sûreté générale , fait lecture
de deux arrêtés du réprésentant du peuple Isabeau en
mission à Bordeaux ; par le premier , il établit une commission
pour reviser les jugemens de la commission militaire ; et par
le second , il réhabilite la mémoire du nommé Lakte , tombé
sous le glaive de la loi , et arrête que ses biens confisqués seront
rendus à ses héritiers .
Le rapporteur propose de casser ces arrêtés et de rappeller
Isabeau .
Bourdon ( de l'Oise ) demande depuis quand la Convention
a délégue les droits de souveraineté à un de ses membres . Il
pense qu'Isabeau , témoin des jugemens de la Commission militaire
, a créé cette commission apparemment pour cacher ses
fautes , et qu'il n'est dû que des indemnités à ceux qui ont été
dépouilles injustement. appuie le projet de décret du comité.
Il est adepté.
Forestier , représentant du peuple , rend compte de sa mission
dans le département des Hautes - Pyrénées . Il y a fait succéder
la justice à la terreur , et les lois à l'anarchie .
La commune de Bordeaux exprime sa joie de la clôture
des jacobins . Elle déclare qu'elle renoncerait à la qualité de
révolutionnaire , s'il fallait être antropophage.
Oudot , au nom du comité de législation , fait un rapport
sur la position du citoyen Gris , maître de forge à l'Aire ,
district de Châtillon- sur-Seine , tendante à savoir si l'art. XII
de la loi du 29 septembre 1793 , relative au prix des denrées ,
qui confirme les marchés passés à des prix inférieurs au maximum ,
comprend aussi les marchés faits à longues années avant la
loi du maximum , et qui ont pour objet des marchandises non
fabriquées avant cette loi , et dont la fabrication est augmentée
par le salaire accordé aux ouvriers en vertu de cette même
loi.
Le citoyen Gris a venda le 4 novembre 1787 , aux citoyens
Georgin et Boromée , 400 mille livres de fonte en gueuse par
an , pendant huit ans , à commencer du 1er . mars 1788 ,
au prix de 68 liv . le millier , réduit par la suppression de
la marque des fers à 61 liv . 6 sols . La loi du 29 septembre'
ayant augmenté considérablement la main- d'oeuvre , les citoyens
Geargin et Boromée se sont refusés à toute augmentation , en
s'appuyant de la description de l'art. XII de la loi dont
il s'agit , et cependant les ouvriers exigent l'augmentation
de salaire portée par cette même loi .
Le rapporteur expose qu'il serait injuste de forcer à livrer
des marchandises qui n'auraient pas été fabriquées à l'époque
de la loi du maximum , à un prix inférieur , lorsque le prix
( 87 )s
et il
de la fabrication anrait été augmenté par cette même loi ,
propose de décréter dans tous les marchés antérieurs
que ,
à la loi du 29 septembre 1793 , qui avait pour objet des marchandises
qui n'étaient pas fabriquées à cette époque , et dont
la fabrication a augmenté par le prix du salaire des ouvriers
fixé par cette loi , les vendeurs pourront exiger une indemnité
, et que cette indemnité sera fixée de gié à gré par les
vendeurs et acheteurs , ou par experts , d'après l'augmentation
du prix des fabriques résultant de celle du salaire des ouvriers
qui a eu lieu en vertu de cette loi.
Ce projet de décret est adopté .
Dufay dénonce à la Convention une brochure de Gouly ,
député , ayant pour titre : Vues générales sur l'importance du commerce
des colonies et le caractere du peuple qui les cultive , ainsi
que sur les moyens de faire la constitution qui leur convient . Brochure
que ce membre vient de publier sous le nom de la Convention
nationale .
Il dit que si cet écrit , fait dans le sens des colons , grands
planteurs, propriétaires d'hommes , et ne voulant pas reconnaître
depuis cinq ans les lois françaises , est envoyé à St. Domingue
on y verra sous le nom de la Convention , que les colonies .
appartiennent à elles- mêmes et aux peuples qui les habitent,
malgré les décrets qui ont déclaré que les colonies faisaient
partie intégrante de la République Française , et la constitution
républicaine qui porte que la République est une et
indivisible. Il ajoute que dans cet écrit l'on révoque en doute
un des décrets qui honorent le plas la Convention qui a reçu
une sauction universelle et des félicitations de toutes les
parties de la République , le décret du 16 pluviôse , qui en
honorant l'humanité est un levier révolutionnaire , un volcan
qui doit dessécher bientôt les eaux de la Tamise , réduire, à
l'inaction les vaisseaux de l'Angleterre , et faire de la France.
la premiere puissance maritime et commerçante .
Dufay demande que la Convention déclare qu'elle ne donne
peint son approbation à l'ouvrage de Gouly, quoique imprimé
sous son nom , et qu'il n'est que l'opinion isolée d'un de ses
membres . 糌>
Bourdon ( de l'Oise ) pense qu'il n'entre dans l'idée d
personne de croire que la déclaration des droits de l'homme
ne s'applique qu'aux blancs seuls. 11 demande l'improbation
formelle de l'ecrit de Gouly.
Pelet s'étonne que Gouly , qui a assisté à la discussion qui
a eu lieu toute la nuit sur les colonies au comité de salut
public , ait publié un pareil cerit ; il n'a pas dissimulé à Gouly
lui-même sa façon de penser. Il appuie la proposition de Bourdon
, qui est décrétée .
Carpentier regarde cette mesure comme insuffisante ; il you
drait que l'écrit de Couly fût examiné par les trois comités ,
pour le faire punir s'il est coupable ; et il cite à l'appui l'as-
F 4
( 88 )
sertion de Gouly , que Saint - Domingue doit avoir une constitué
tion indépendante ; que les pouvoirs législatifs lui appartiennent ,
que s'il veut bien recevoir des conseils de la France , il ne doit
pas en recevoir des lois .
et
Pelet croit que la Convention a assez fait pour la chose ,
publique , en improuvant l'ouvrage de Gouly ; qu'aller au i
delà , ce serait attaquer la liberté d'opinion ; et sur sa motion ,
l'on passe à l'ordre du jour.
Ramel , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur les contributions de 1794 .
L'Assemblée ordonne l'impression du rapport , du projet
de décret , et ajourne la discussion .
Séance de décadi , 10 Frimaire .
Un secrétaire donne lecture des adresses qui sont du comité
révolutionnaire de Sedan , de la commune de Nancy , des
sociétés populaires de Sedan , Metz , Langres , de Rosney ,
le Puy , la section de la Liberté de Dijon , la commune d'Avallon
, les sociétés de Bapaume , Saint-Omer et Amboise. ,
Elles contiennent toutes des félicitations sur la clôture des
jacobins . Par - tout l'espérance du bonheur renaît ; l'image..
affreuse de la terreur , du sang , des échafands , des bourreaux
et des cachots fait place aux plus douces émotions de
la fraternité .
"
Charlier et Pocholle , représentans du peuple à Lyon .
écrivent qu'ils ont parcouru tout le pays environnant , qu'ils
ont va par-tout le peuple attaché à la Convention nationale ,
s'éclairant sur les vrais principes , ét rendant justice aux mesures
que prend la Convention pour faire renaître la sécurité
et le bonheur. Mais ils annoncent qu'ils ont découvert à
Montbrison une secte d'illamines , composée d'un mélange
de judaïsme , de christianisme et d'autres sectes et qui
se livrait à des extravagances dignes de pitié . Ces sectaires
ne parlaient que d'Isaac , Jacob , Moyse et Aaron . Plusieurs
se disposaient à partir pour Jérusalem , sous la conduite d'un
Moyse qui était une fille de mauvaise vie . Mais la voix de la
raison en a bientôt triomphé , tout est tranquille ; à Lyon ,
les travaux reprennent leur activité ; la sécurité renaît , et des
mesures sont prises contre tous les dilapidateurs .
"
Boudin demande que , dans tous les endroits où il y aura
du trouble , tous les prêtres constitutionnels ou non soient
mis en arrestation.
Duhem : Et les cl- devant nobles aussi.
•
Lecointre demande la question préalable sur cette propo
sition parce qu'elle ne tend qu'à exciter du trouble . Nous
avons besoin de tranquillité , dit-il , et l'on cherche à ramener
du désordre. A quoi servent les autorités constituées ? Pourquoi
ne surveillent - elles pas ?
J'appuie la question préalable , dit Guyomard ; ce n'est
}
( 89 )
point par la persécution qu'on ramenera les égarés , mais bien
par les lumieres, Eclairez donc ce n'est point en donnant
de l'importance au fanatisme que vous le détruirez ; vous
remplirez bien mieux votre but par les lumieres , Eclairez
donc , et bornez -vous là . Plus vous yous occuperez du fanatisme
, plus ilacquerra de force. L'ordre du jour est adopté .
Bentabolle Les comités sosont convaincus que ce n'est point
la persécution , mais les lumieres qui anéantiront le fanatisme.
Je demande que le comité d'instruction publique présente ,
dans le cours de la décade , son travail sur les fêtes décadaires,
La barre est ouverte aux pétitionnaires . Les éleves de David ,
peintre , demandent qu'il soit transféré chez lui sous la garde
de deux gendarmes , pour leur continuer ses instructions .
Chénier les appuient. La Convention passe à l'ordre du jour.
Des citoyens des Isles - du - Vent sollicitent de la Convention
l'échange de leurs freres prisonniers , transportés par les Anglais
dans Lisle de Guernesey, qu'ils réclament depuis longtems
en vain .
Renvoyé au comité de salut public .
Le surplus de la séance est employé à entendre, Iss autres
pétitions , qui ne présentent que des intérêts particuliers .
Séance de primedi , 11 Frimaire.
I
La correspondance contient un grand nombre d'adresses
de diverses communes , sociétés populaires et autorités constituées
qui toutes expriment à la Convention leur reconnaissance
d'avoir mis fin au regne de la terreur, et fait disparaître ces
monstrueuses bastilles qui couvraient et souillaient la terre de
la liberte . Les felicitations , sur la clôture des jacobins n'y sont
point omises .
Une députation de la commune de Brest est admise :
L'orateur trace le tableau des nombreux services rendus à
la liberté par cette commnne , et pour prix desquels le tyran et
ses complices lui donnerent un tribunal de sang qui s'est souillé
par toutes sortes d'atrocités . Il dénonce les membres qui
composaient ce tribunal , appelle la bienfaisance nationale sur
les veuves , lcs orphelins des victimes de la tyrannic . I repousse
les calomnies qui ont été dirigées contre cette commune,
et assure que c'est au courage de ses habitans qu'est due la
conservation du port de Brest .
;
Le président répond que Brest peut compter sur la justice
de la Convention ; que les coupables seront punis et les innocens
vengés.
Un membre rend témoignage du civisme des Brestois ; et
sur sa motion , l'insertion de l'adresse en entier au Bulletin et
de la réponse du président , et le renvoi au comité de sûreté
générale sont décrétés .
Les sections de Paris , a qui le grand acte de justice qu'a
7909
exercé la Convention , la decade derniere , n'avait pas permis
de se présenter , paraissent aujourd'hui et viennent lui payer
leur tribut de reconnaissance pour la mesure , devenue si néces
saire , de la clôture des jacobins.
Ces sections sont celles de la Réunion , de l'Homme-Armé ,
des Piques , Poissouniere , Révolutionnaire , des Arcis , de
Marat , Bonne-Nouvelle , Montreuil , la Fraternité , Contrat-
Social et l'Unité."
La section de la Fraternité s'exprime ainsi : « Elle n'existe
donc plus cette société, féconde en conspirateurs et en tyrans .
Vous avez dit un mot , et elle a disparu. Les lions et les
tigres dont la société des jacobins était le repaire , ont en
vain menacé de porter une dent meurtrière sur la représen
tation nationale . Vous avez bravé leur fureur ; conservez cette
energie. Que tous les conspirateurs tremblent ; et périsse
quiconque voudrait rivaliser avec la Convention nationale !
Maintenez la justice et l'humanité à l'ordre du jour. " 99 "
il
La section des Piques déclare que l'arrêté qu'elle a pris
Y a deux mois , en faveur des jacobins , lui avait été sur
prise par des intrigans .
P
La section de Marat félicite la Convention d'avoir fermé
l'antre du terrorisme , et d'avoir rappelé la justice sur le sol
de la liberté . Elle lui demande de frapper indistinctement
tous les scélérats .
Il faut , dit la section de l'Unité , principalement exiger
les comptes des deniers qui ont été perçus parr les anciens
comités révolutionnaires . Nommez une commission d'hommes
probes , laborieux , éclairés , pour recevoir ces comptes ; que
cette commission soit divisée par sections , et qu'elle aille
chercher par-tout les comptables . On trouvera bien des cou
pables , et il y a bien des milliards à faire restituer à la Ré
publique.
La Convention décrete l'insertion au bulletin de toutes ces
adresses et des réponses du président , dans lesquelles il a
sur-tout invité les bons citoyens à se rendre aux assemblées
de leurs sections , à y déjouer la malveillance , à se pardonner
les erreurs qui sont les effets d'une grande révolution ,
et à ne dénoncer que le crime."
Carnot obtient la parole , au nom du comité de salut public.
I fixe l'attention de l'Assemblée sur les contrées malheureuses
qui ont été si long - tems le théâtre de la guerre
civile , c'est- à - dire , la Vendée. Cette guerre , dit- il , n'a rien
d'alarmant pour la liberté . Les mesures les plus efficaces pour
la terminer ont été prises . De boas généraux ont été substitués
aux hommes de sang et aux amis de Robespierre . Des
dispositions militaires sont faites , et nous attendons des succès
; mais pour hâter la fin de cette guerre , nous croyons qu'il
faudrait accorder un pardon de leur faute , aux hommes séduits
on égarés qui voudraient poser les armes et rentrer dans leurs
( 91 )
foyers. Vous seuls , représentans du peuple , pouvez les rame-?
ner. Ils ont été si souvent trompes que rien : les rassure..
Vous seuls pouvez leur rendre de la confiance. Deja vos
commissaires annoncent que leurs mesures produisent un
heureux effet . Achevez votre ouvrage , ôtez du coeur de ces
hommes abusés l'idée de la mort que trois ou quatre de vos
décrets y ont gravée ; arrachez- en la rage et le désespoir. Le
comité a pensé que la mesure que vous aviez à prendre était
de leur adresser la proclamation suivante :
Carnot lit cette proclamation qui renferme une amnistie
pour ceux qui rentreront dans le sein de la République .
Lofficial dit que les députés nés dans les départemens dont
il s'agit , s'étaient réunis et avaient concerté des mesures dont
il pense que le comité de salut public eût pu tirer une grande
utilité . Il observe que le comité aurait dû consulter ces députations
, et il croit qu'il ne faut pas dans la proclamation parlert
des prêtres.
Carnot répond que cette proclamation a été rédigée d'après
les avis de plusieurs députés de ces contrées et des représentans
qui sont sur les lieux.
Lacroix pense qu'une proclamation ne suffit pas , et que
l'amnistie doit être prononcée par un décret formel. Cette
opinion est partagée par Launay. Le rapporteur l'adopte , et
invite les députations de ces contrées à se rendre ce soir au
comité de salut public , pour l'aider de leurs lumieres . La
proclamation , suivie d'un décret , sera représentée demain .
PARIS. Quartidi , 14 Frimaire , 3e . année de la République.
L'arrivée subite d'un officier Prussien a beaucoup intrigué
les spéculateurs de nouvelles . Après s'être rendu au comité de
salut public , dont il a reçu l'accueil le plus affectueux , it
est reparti pour Metz , sans qu'il soit rien transpiré de l'objet
de sa mission .
On écrit du port de la Montagne que les frégates la Minerve ,
l'Arthémise , et la Courageuse , ainsi que la corvette la Badine
et le schebeck le Jacobin ont mis à la voile sur l'ordre que
cette division a reçu du représentent Jean-Bon- Saint- André .
Le schebeck le Jacobin , qui est fort joliment peint , est , dit- on ,
destiné pour le bey de Tunis .
Nos ports sont aujourd'hui très - fréquentés par les Grecs
et les Barbaresques , qui s'empressent de , rendre hommage à
la République , en portant sur le coeur une cocarde tricolore .
Cinq vaisseaux de ligne et plusieurs frégates sont en construction
au port de la Montagne ; ils porteront les noms suivans
le Guillaume- Tell , le Francklin , le Formidable et le Jean-
Y
( 9% )
Jacques-Rousseau. Au printems prochain , le port fournira vingtvaisseaux
de ligne et un nombre compétent de frégates .
Des lettres du Midi portent que l'armée des Pyrénées
occidentales se dispose à faire le siege de Pampeluue , et qu'on
va démolir les fortifications de Fontarabie . Nos succès ont
facilité l'invasion de la basse Navarre , dont Pampelune est la
capitale , et dont la prise entraînera la conquête de tout ce
royaume ; car la fierté castillane , qui n'avait que des capitainesgénéraux
pour commander dans les différentes provinces , avait
conservé le titre de vice - roi au capitaine -général de la Navarre . *
L'armée avec laquelle nous faisons le siege de Mayence
dans le moment actuel , est d'environ quatre - vingt mille
hommes ; on évalue à quatorze mille la garnison de cette
place .
Le citoyen Verninac , ministre de la république en Suede ,
est nommé ambassadeur à la Porte - Ottomane ; il va y remplacer
le citoyen Descorches , qui est rappellé .
Le citoyen Oudard , nommé ministre plénipotentiaire auprès
des Etats - Unis , ayant donné sa démission , les comités du gouvernement
ont nommé pour le remplacer dans cette mission
importante , le citoyen Adet , ci - devant résident à Genêve.
*
--
Voici une anecdocte assez curieuse .... Un Nantais se rendait
à Paris pour déposer contre Carrier ; il fať arrêté , près d'Ancenis
, par une bande de Chouans qui lui demanderent où il allait.
Je vais , répondit-il , à Paris pour déposer contre Carrier.
Contre Carrier ? répliquerent les Chouans ; va , va
ta vie est en sûreté . Ce témoin est arrivé en effet , et il a
rapporté ce fait au tribunal .
Ces jours derniers , des filoux se sont introduits de nuit
dans la boutique d'un marchand bijoutier , maison de l'Egalité ,
et l'ont entièrement dévalisée .
Pendant le jour , d'autres voleurs ont crocheté l'appartement
du représentant Cambacéres , et lui ont enlevé , outre une somme
d'argent , tous les effets précieux qu'ils ont trouvés à leur convenance
.
D'autres accidens plus graves ont alarmé la tranquillité
publique de cette commune .
1
Il paraît certain que le gouvernement a pris des mesures pour
faire exercer une police sévere afin de réprimer les méfaits de
tant de scélérats sans asyle ou sans travail , que l'oisiveté on des
passions féroces poussent à des excès si coupables.
L'un d'eux , repris ces jours derniers par un officier de
polite , pour avoir injurié une femme honnête sous les galeies
de la maison Egalité , frappa , par derriere , l'officier d'un
grand coup de couteau dans les reius , et s'esquiva aussi - tôt
( 93 )
dans la foule. Peu de jours après , ce scélérat étant au théâtre
Feydeau , un de ses compatriotes italiens lui dit dans sa langue :
Prends garde , voilà un homme de police qui t'observe. Le
scélérat lui répondit effrontement : Qu'il vienne , je le traiterai
comme l'autre , en faisant le geste de la dague. Il fut aussitôt
appréhende et mené à la Force.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALE S.
A la Jonquiere , le 30 brumaire.
Gitoyens collegues , bataille et victoire complette dans la
journée du 27. La division de droite commandée par le général
Augereau s'était emparée de tous les camps de ganche de
l'armée espagnole , ainsi que je vous l'ai écrit le 28. Aujourd'hui
nous tenons le reste ; les Espagnols sont en pleine déroute , et
nous ne leur donnerons guere le tems de se rallier .
" Des redoutes , des batteries sans nombre , garnies d'une
artillerie formidable , ont été emportées à la bayonnette , et
la plupart sans tirer un coup de fusil . L'ennemi a résisté d'a {
bord avec opiniâtreté ; mais enfin , après quatre heures de
combat , il s'est vu forcer de céder à la valeur des républicains
. Il nous a abandonné tous ses camps , son artillerie et
ses équipages ; il y a au moins des tentes pour 50,000 hommes :
nous ignorons le nombre des bouches à feu et autres effets
qui nous restent. Le combat vient de finir , nous n'avons pas
eu le tems de compter ; mais nous avons tout .
,, Les républicains ont fait un carnage terrible . Demain nous
vous ferons connaître les détails , et en même-tems nous frapperons
de nouveaux coups sur ceux de nos ennemis qui n'auraient
pas eu la prudence de fair assez loin de nous . Soldats , officiers ,
généraux , tous se sont battus avec une intrépidité incroyable .
En vous faisant parvenir les détails , nous tâcherons de vous
faire connaître les principaux traits par lesquels on se sera
distingué , et ceux qui en sont les auteurs . "
Salut et fraternité .
Signés , VIDAL , DELBRET , représentans du peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Du 3 brumaire. Abraham, femme de Puchotte, aubergiste à Sê(
94 )
cherie , à Nantes , a déclaré que Lamberty , Fouquet et d'autres
individus , vinrent pendant la nuit , il y a un an ou 15 mois ,
établir dans sa maison un corps- de- corps ; que de- li , ils so
transporterent à la galliole où étaient les prêtres , qu'elle vit
alors amener une sabine ou chaland , dans lequel des charpen
tiers faisaient des ouvertures , sans connaître leur usage , suiwant
le rapport qui lui en fut fait par eux ; ce qui lui fit croire
que c'était pour noyer les prêtres , qui le furent effectivement .
Environ un mois après cet événement tragique , on amena
au port un grand nombre de femmes , dont plusieurs étaient
enceintes , et dont d'autres portaient leurs enfans sur leurs
bras : plusieurs citoyens s'empresserent de réclamer des femmes
enceintes et des enfans , et les obtinrent. Ces malheureuses
meres voyant qu'on les dépouillait ainsi de ce qu'elles avaient
de plus cher , avaient un pressentiment de leur derniere heure ;
elles embrassaient leurs enfans pour la dernière fois : est- il possible
, disaient- elles , que l'on veuille nous faire périr saus nous
entendre , et sans jugement ? La consternation et le silence
de la mort régnait par-tout.
Elles furent conduites à la fatale gabarre ..... Toutes les
victimes que j'y ai vues conduire , étaient impitoyablement
noyées deux ou trois jours après .
Nous ne croyons pas devoir porter plus loin l'analyse de
cette procédure qui s'est extrêmement prolongée , et occuperait
un espace immense dans ce journal ; elle n'a fait que
multiplier le nombre des témoignages sur des faits fuffisamment
constatés . D'ailleurs , depuis que Carrier est entré dans l'instruction
, les principales circonstances vont être reprises
et l'on trouvera la revue des évenemens avec l'acteur qui
y a joué le principal rôle .
INSTRUCTION. SUR CARRIER .
Séance du 7 frimaire . Une foule immense inondait le palais
de justice , et remplissait l'auditoire . Les premiers accusés
étaient depuis quelques momens en place. L'arrivée des juges
a commandé le plus profond silence .
A onze heures moins un quart , Carrier paraît.... A l'instant ,
et malgré les cris des huissiers qui appellaient le silence , un
murmure terrible , un mouvement d'indignation retentit dans
la salle . Carrier est conduit au gradin le plus élevé , vers la
partie haute de la salle ; il s'y assied entouré de gendarmes .
Le calme succede ; le président rappelle le peuple à sa dignité ,
et un silence profond regne dans l'assemblée .
Le président. Carrier , vos noms , demeure et qualité ?
Carrier. Président , veux - tu m'accorder la parole ?
Le président. Après la lecture des pieces.
Le Greffier a fait lecture du décret d'accusation .
Il fait ensuite lecture d'un procès - verbal du 6 , tendant à l'interrogatoire
de Carrier. Il résulte de ce procès - verbal que Carrier
, sur la premiere question , a déclaré qu'il récusait le président
du tribunal , l'accusateur public , le substitut Petit , et
la section des jurés qui instruit le procès du comité révolution
naire de Nantes , renvoyant , pour motifs de récusation , à son
dernier rapport fait à la Convention , et qu'il a refusé de répondre.
Le greffier a ensuite fait lecture d'un jugement rendu la veille
à la chambre du conseil du tribunal , par lequel délibérant
sur les récusations portées audit procès- verbal , la chambre
déclare qu'aux termes des décrets , le tribuual est compétent
pour prononcer , et prononcera sur les moyens de récusation .
Après cette lecture , le président a demandé à l'accusé s'il
voulait nommer un défenseur.
Carrier a hésité un instant , et a répondu qu'il n'en connaissait
pas.
Le tribunal a nommé pour défenseur de l'accusé le citoyen
Lafleutrie .
L'accusé a insisté pour obtenir la parole .
Le président lui a observé qu'il ne pouvait la lui accorder
qu'après la lecture de l'acte d'accusation .
Le greffier a fait lecture de cet acte. ( Voyez au numéro 14 ,
page 56. )
Carrier a observé qu'avant de le faire paraître en jugement
à l'audience , on aurait dû remplir plusieurs formalités : la
premiere , l'interrogatoire ; la deuxieme , la formation d'une
liste de jurés donnés par le sort . Aucune puissance au monde.
a dit Carrier , ne doit m'enlever le droit qu'a tout citoyen d'être
jugé par des jurés que le sort seul lui aura donnés , et contre
lequel il peut fournir ses moyens de récusation .
Le président lui a observé que le décret du 22 vendemiaire
ordonne au tribunal de juger sans délai les membres
composant le comité révolutionnaire de Nantes et leurs complices
, que l'instruction a été introduite contre les accusés.
En exécution de ce décret , a dit le président , plusieurs citoyens.
assignés comme témoins , étant ensuite présumés complices ,
soni montés au rang des accusés ; et c'est par suite des comptes
journaliers rendus par le tribunal aux comités , que vous êtes
traduitau tribunal , et que vous entrez dans l'instruction , comme
y sont entrés les témoins présumés complices .
Carrier a insisté et a dit je ne demande que la loi commune
à tous . Je le répete , aucune puissance au monde ne
peut me priver du droit accordé à tous citoyens français ;
je ne puis être jugé que par des jurés tirés au sort . D'après
votre raisonnement , président , il arriverait que je ne pourrais
pas même récuser les jurés qui me seraient donnés autrement
que par le sort ; et cependant est-il un seul homme
qui puisse être privé de ce droit , le plus beau de tous ceux
que puisse reclamer un citoyen. Je ne suis point traduit ici
( 96 )
\
:
comme complice du comité de Nantes ; je suis traduit
isolément l'acte d'accusation ne parle point de complicité;
j'arrive seul et réclamant , comme tout autre citoyen , l'exécution
de la loi je demande pour me juger, un jury qui
me soit donné par le sort , et contre lequel je puisse exercer
le droit de récusation que la loi m'accorde ..
Petit , substitut de l'accusateur public , a fait donner lecture
d'une lettre à lai adressée la veille par Carrier . Dans cette
lettre , Carrier en persistant dans ses moyens de récusations
générales , récuse particulierement parmi les jurés , les citoyens
Lambat , Topinot- Lebrun et Saulnier , comme amis particuliers
de Fréron , Tallien et Réal , qui sont ses ennemis ,
seuls auteurs des persécutions qu'il éprouve.
1
et
L'accusateur public a pris la parole ; et après avoir , en peu
de mots , démontré la faiblesse des moyens de récusation , a
demandé la continuation de l'instruction .
Le tribunal a déclaré qu'il allait se retirer à la chambre du
conseil , pour délibérer.
Carrier a demandé qu'en cas de difficulté , la Convention
fût consultée le jour même.
Le tribuual s'est retiré à la chambre du conseil . Après
un long délibéré , il est rentré. Le tribunal faisant droit
sur les conclusions de l'accusateur public , attendu la connexité
de l'affaire de l'accusé Carrier avec celle du comité , et que
T'article XIII de la loi du 5 septembre 1793 , déclare que
la même section connoîtra des affaires qui feront suite et seront
connexes , attendu que la loi du 22 vendémiaire , attendu .
que les motifs de récusation sont vagues , etc. etc. a ordonné
qu'il sera passé outre .
Le président a déclaré à Carrier qu'il avait toute la latitude
pour écrire à la Convention .
Lafleurie a exposé qu'il ne pouvait donner ses soins à la
défense de Carrier , attendu qu'il est chargé de celle de plusieurs
des accusés . Carrier ayant paru desirer un défenseur
qui ne fût chargé que de sa cause , et qui pût aller à son domicile
chercher des pieces dont il a besoin ; et ajoutant qu'il
ne connaissait aucun défenseur , le président lui a répondu
qu'après l'audience , il lui serait remis une liste des defenseurs
officienx , sauf à lui d'en choisir dans ou hors de cette liste ,
comme il le jugera convenable , et la séance a eté levée
pour être continuée demain à dix heures du matin ..
Nota . On se plaît quelquefois à faire des rapprochemens ;
en voici un frappant le 7 frimaire de l'année derniere , les
132 Nantais partirent de Nantes vers les 11 heures du matin ,
par ordre de Carrier et du comité révolutionnaire de Nantes ,
pour être transférés à Paris . Aujourd'hui 7 frimaire , à la même
heure , Carrier est monté au rang des membres accusés du
même comité .
( La suite au numéro prochain. )
( No. 16. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 FRIMAIRE , Fen troisieme de la République.
( Mercredi 10 décembre 1794 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Fin du fragment sur l'abus des mots et les différentes variations des
idées dans la révolution (1).
QUA
UAND un parti triomphe dans une révolution , on doit s'at
tendre à un débordement d'oppression d'autant plus violent
que la résistance aura été plus grande . Tout ce qui est soupçonné
avoir partagé directement ou indirectement les opinions
du parti vaincu , devient l'objet de la plus dure et de la plus
longue persécution . Le premier effet de la journée du 31 mai
se fit sentir sur la Convention elle - même. La majorité passa
sous le joug de la minorite . Robespierre , Daitton ; Marất et
les autres chefs de la Montagne exerceren une influence sans
bornes. Tous les comités furent renouvelles et organisés d'après
cette influence ; et comme si Fincarceration de trente - quatre
des principaux membres n'eût pas assez affaibli le parti qu'on
avait opprimé , on la fit suivre de celle de soixante et onze ,
dont tout le crime était d'avoir formé le projet , sans l'avoir
exécuté , de dire sur les événemens dont ils avaient été témoins
la vérité que tout le monde publie aujourd'hui . Dès ce moment
il n'y eut plus ni débats , ni discussions dans Passemblée des
représentans . Les comités faisaient les décrets ; la Convention
Jes adoptait de confiance . Robespierre parlait et voulait ; le
reste était presque compté pour rien . A entendre les adresses ,
les députations , les Jacobins et le troupeau imitateur des affiliés
, on eût dit que la Convention n'existait plus que dans la
montagne; et la montagne ( 2 ) souffrait que l'on aviliît une partie
(1) Voyez les numéros 6 , 10 et 13 .
(2 ) Il est toujours dangereux d'admettre dans les assemblées politiques
de ces dénominations particulieres dont l'objet est d'exciter
les haines , de favoriser l'esprit de parti , et de diviser les membres
d'un corps qui doit être un , et jouir de l'indépendance d'opinion la
plus absolue . Personne ne doute qu'il ne se soit rencontre dans la
portion qu'on a appellée la montagne d'excellens républicains qui
ont rendu de grands services à la liberté . Qui peut oublier que c'est
de la montagne que sont partis les premiers traits qui ont abattu la
Tome XIII, G
( 98 )
nombreuse de ses collegues , revêtus comme elle du caractere
auguste de la représentation nationale , et qu'on leur prodigust
les qualifications grossieres et outrageantes de crapauds du
marais , de limon fangeux , etc. etc.
Hors de la Convention , des représentans délégués allerent
porter en foule même esprit dans les départemens . Toutes
les autorités constituées furent recomposées dans le sens qui
convenait aux vues des chefs . On accorda aux sociétés populaires
une extension de pouvoir qui les transforma pour ainsi
dire en autorités constituées , et leur donna une part active au
gouvernement ; que dis-je ? elles furent , après la Convention ,
les corps les plus puissans qui aient jamais existé dans un ordre
social . Elles exerçaient leur influence sur la nomination à tous
les emplois , à tous les postes ; nul ne pouvait obtenir un certificat
de civisme sans prendre leur attache , et les représentans
eux-mêmes n'auraient pas été assez imprudens pour agir
saus les consulter ; plus d'une fois elles sont parvenues à faire,
rappeller ceux qui voulaient se débarrasser de leurs lisieres ;
elles surveillaient toutes les parties de l'administration , et n'étaient
surveillées par personne. Cette politique pouvait être fort
bonne pour faire passer toutes les places dans les mains des
jabobius , multiplier le nombre des proselytes , et affermir l'autorité
des nouveaux dominateurs ; mais elle corrompait l'institution
des sociétés populaires en les détournant de leur véri
table but ; elle en faisait des, instrumens de parti , quand elles
ne devaient être que l'asyle de la liberté et de l'indépendance
des opinions ; elle leur inspirait des vues ambitieuses , et
leur donnait une consistance politique qu'il était difficile de
leur faire perdre sans produire une espece de secousse toujours
dangereuse en révolution , lors même qu'elle est indispensable.
Tout devint révolutionnaire dans un moment où il ne pou
vait y avoir d'autre révolution que celle que préparaient à leur
profit les ambitieux et les usurpateurs ; comités révolutionnaires ,
armée révolutionnaire , tribunal révolutionnaire ; et comme Paris
était devenu le centre de toutes les impulsions , l'on vit bientôt
s'élever dans les départemens des établissemens similaires , et
Ja République compta 44,000 corps de surveillance , toujours
en activité , dont le moindre abus était de coûter à l'état ,
comme l'a calculé Cambon , 491 millious aunuellement .
De cet amalgame révolutionnaire sortit un systême d'opderniere
tyrannie ? L'union qui regne depuis cette époque parmi les
représentans prouve assez qu'ils n'avaient été divisés que par une suite
du plan d'intrigue et d'ambition de quelques chefs dont ils ont reconnu
l'imposture . Mais il n'en est pas moins vrai que c'était avilır
la Convention et porter atteinte à la souveraineté du peuple dans un
de ses droits les plus précieux , que de la voir toute entiere dans une
seule de ses parties .
( 99 )
pression , dont jamais la tyrannie n'avait fait l'essai sur aucun
peuple. Nous dirons bientôt avec quel inconcevable artifice il
fut combiné et soutenu , et corament une nation qui portait
le sentiment de la liberté dans le coeur , et prouvait assez søn
énergie en résistant à l'Europe entiere , a pu le supporter pendant
quinze mois . Nous ne nous occupons en ce moment qu'à
considerer les effets que ce systême a produits sur les idées
politiques , sur les mots et sur les choses .
On ne retrouve plus dans la langue de la liberté ni les patriotes
de 1789 , ni les destructeurs du trône , i les fondateurs
de la Republique . Tans les services sont oubliés , tous les principes
toutes les affections des ames libres , toutes les époques
les plus glorieuses de la, révolution disparaissent devant celle
du 31 mai. Elle scule devient la pierre de touche du patriotisme.
Quiconque est soupçonné de n'y avoir pris aucune part ,
ou d'en avoir prevu les déplorables effets , est signalé comme
mauvais citoyen ou federaliste . Elle ouvre une carriere sans bornes
à toutes les vengeances individuelles . La liberté , la sûreté , la
propriete sont à la merci d'une foule d'inquisiteurs , choisis
dans la classe la plus susceptible d'être égarée par l'enthopsiasme
, l'ignorance ou la cupidité , et de céder aveuglément
aux impulsions étrangeres . Avec la qualification vague
d'hommes suspects , il n'est pas un citoyen qui ne dut craindre
d'être arraché des bras de son épouse et de sa famille pour
être jetté dans ut: cachot. Cette mesure arbitraire prend une
latitude si abusive qu'on croit y remedier par la loi du, 17 sep
tembre , et cette loi est impunément violee par ceux qui soat
chargés de son exécution . On force tous les citoyens à afficher
sur leur porte leur nom , leur âge , leur profession , leurs
moyens d'existence , afin de choisir plus aisément les victimes ,
et de s'épargner la peine de les découvrir. On voit paraître une
foule d'intrigans et d'hommes nouveaux , aristocrates la veille
révolutionnaires le lendemain ; le fourbe échappe , l'honnête
homme seul est atteint . L'obéissance aux lois est regardée
comme un crime de contre- revolution . On voile ou l'on invoque
tour-a- tour la déclaration des droits , selon qu'elle est
contraire ou favorable aux projets révolutionnaires . Ca nourrit
sans cesse le peuple de craintes , de complots , de couspirations
découvertes , et ces annonces étaient si ressasées qu'elles
frappaient les oreilles sans qu'on daignât s'y arrêter . Toutes
les fautes , tous les écarts , tous les résultats de fausses mesures
étaient attribués à la malveillance ; c'était la porte banuale pour
échapper à tous les reproches . Nul ne pouvait s'eutretenir de
nouvelles politiques. Les comités de gouvernement avaient
seuls le droit d'en fixer le degré de créance . S'affectait- on d'un
mauvais saccès ? ou était alarmiste . En prévoyait- on d'heu
reux ? on était accusé d'un empressement coupable. Se renfer
mait- on dans une muette circonspection ? on était réputé égoïste.
Quelque parti que l'on puit , on ne pouvait se soustraire a l'ins
ር ና
( 100 )
quiétude soupçonneuse de ceux qui commandaient alors
l'opinion.
On peut réduire à trois caracteres principaux les effets
subversifs qu'a produits cette époque de la révolution sous
la direction de ceux qui l'avaient opérée une exagération
dans les idées politiques et morales , qui avait substitué l'em,
pire de la folie à celui de la raison ; une ignorance et une
barbarie qui menaçaient la France de l'extinction de toutes les
lumieres un esprit de déprédation et de ferocité qui semblait
avoir partagé la nation en deux classes , les fripons et les
oppresseurs , les spoliés et les opprimés .
Exageration dans les principes : on a peine à concevoir
jusqu'à quel point on avait poussé l'esprit de délire sous le
nom de philosophie politique . Un homme qui ne manquait
pas de finesse dans les idees , mais qui possédait sur- tout
dans le style ces formes originales et extraordinaires , si
propres à ébranler l'imagination des enthousiastes ignorans ,
s'était constitué l'orateur du genre humain , et n'en était pas même
un dans la Convention dont il était membre. Cet homme , qu'il
faut regarder comme une espece de fou politique , si l'on ne
veut pas en faire , un instrument de l'étranger , ne rêvait que
la république universelle . Il n'aspirait à rien moins qu'à munici
paliser toutes les villes de l'Europe , et à faire insensiblement
de toutes les parties du globe autant de départemens . Par une
contradiction bizarre , ce philantrope qui voulait fraterniser
avec le genre humain , était le même qui proposait de sang- fraid
de septembriser les prêtres , les nobles , tous les aristocrates , et
l'on sait quelle latitude ces messieurs donnaient à cette dénomination.
Ces folies avaient produit dans certaines têtes une telle fré
nésie qu'il n'était question que de révolutionner tout l'univers ;
nos armées devaient renverser tous les trônes , et forcer tous
les peuples à oublier leurs lois , leurs moeurs , leurs préjugés
leurs habitudes , pour adopter brusquement les principes de la
révolution française . Tandis que l'on prêchait cette doctrine de
la propagande et de la liberté universelle , on exerçait envers
Jes peuples conquis des vexations et des brigandages qui for
maient un contraste bien étrange avec cette fraternité et cette
égalité politique que l'on voulait établir à la maniere des
Mahomet et des Gengis . Enfin , on avait porté le délire jusqu'à
proposer une confrerie de tyrannicides qui devaient bientôt
affranchir le genre humain. Il semblait qu'on eût pris à tâche
de dégoûter les peuples des idées de liberté , et de susciter a
la France des ennemis nombreux et implacables. Robespierre
s'est élevé dans la suite contre ces extravagances , comme il
s'est élevé contre les exces.commis envers le culte religieux ;
mais les avait - il combattu dès leur naissance ? Il a sacrifié
Gloptz , comme il a imaolé tant d'autres exagérateurs , après,
avoir profité de leurs écarts .
( 101 )
Au dedans on avait donné aux idées démocratiques les
formes d'une demagogie si outrée qu'elle était devenue une
véritable aristocratie qui n'avait fait que changer de place ; car
il y a aristocratie toutes les fois que l'autorite se trouve exclusivement
dans une classe de la société quelle qu'elle soit .
En appellant dans tons les emplois tant de geus incapables ,
croyai- on par-la venger le peuple de la trop grande humilia
tion dans laquelle on l'avait laissé languir sous le régime
monarchique ? C'était transposer le ressentiment de l'ancien
ordre de choses dans le nouveau ; c'était altérer les principes
mêmes de la democratie , où tout est peuple tout est sansculotte
, quand il n'y a plus de castes privilegiées . Voulait- on
faire abstraction , dans l'etat démocratique , des riches , des propriétaires
, des manufacturiers , des commerçans , des artistes ,
de tous les gens instruits ? Ce n'était pas seulement une injus
tice criante envers une portion aussi nombreuse de la société
c'était nuire de la maniere la plus sensible à l'intérêt public qui
n'admet dans la distribution, des places d'autre préférence que
celle du mérite et des qualités propres à les remplir . Ce n'était
pas là le compte de ceux qui cherchaient à caresser le peuple
pour le maîtriser , mais c'était celui de l'intérêt général et de
la véritable démocratie .
Cette exagération avait passé , des idées politiques , aux idées
morales et religieuses . On parlait de moeurs , et l'on corrom
pait de mille maniere la morale publique et l'opinion . Des
feuilles écrites du style le plus grossier et le plus dégoûtant ,
étaient disséminées avec profusion dans toute la Républiques
on en infectait les armées , les corps administratifs , toutes les
classes du peuple. On eût dit que les Français , si renommés
par leur politesse et leur urbauité , ne connaissaient plus d'autre
langage que celui de la plas sale crapule et du cinisme le plus
déhouté ; chose scandaleuse ! les gouvernans d'alors achetaient
cent mille exemplaires des ordures du pere Duchesne , et faisaient
payer à la nation son avilissement et son déshonneur .
On ne lisait plus sur les murs des maisons , on n'entendait
plus dans les rues de Paris , dans les carrefours , les places
publiques , les jardins nationaux , que des prédications sanguinaires
, où les plus froides plaisanteries étaient associées sux
maximes des cannibales et des antropophages .
Sous prétexte de détruire le fanatisme et la superstition , on
sapait toutes les idées religieuses ; on effaçait toute espece de
culte public à la divinité , pour y substituer la doctrine cadavereuse
de l'athéisme et du néant . Le dogme consolateur , de
l'existence d'un Etre suprême était regardé comme une pensée
contre-révolutionnaire , ei l'on persécutait quiconque , en vertu
de l'article le plus inalienable de la déclaration des droits de
tous les peuples , voulait honorer Dieu selon son coeur et
sa conscience . Les monstres ! au milieu de leurs fureurs et de
leurs crimes ils auraient voulu öter à Phomme jusqu'au dernier
G 3
* ( 102 )
en
refuge contre l'oppression et le malhenr. Ils avaient raison ;
l'idée d'un juge et d'un vengeur incorruptible les importunait
trop , pour ne pas en étouffer le souvenir et l'espoir dans les
autres . On se rappelle toutes les hypocrites simagrees de Robes
pierre après ces dragonades modernes . Voulait- il affermir son
pouvoir en se faisant le restaurateur de la religion , ou
créer une lui- même ? L'un et l'autre flattait assez sa vanité ou
son intérêt pour être probable . Mais peu s'en est fallu qu'on
n'ait passé d'un excès à un autre , et que l'on n'ait persécuté avec
la même fureur ceux qui ne croyaient pas , comme on avait
persécuté ceux qui croyaient.
Les manieres , les usages , les habitudes ne furent point à
Tabri de cette influence exagératrice . On ne saurait blâmer les
differeus costumes qui ont éte successivement la livree du
patriotisme ; chacun , dans un état libre , a le droit de choisir
la forme d'habillement qui lui paraît la plus commode ou la plus
appropriée à son goût , et de choquer même les convenances
les plus générales , quoiqne l'esprit d'affectation soit rarement
la preuve d'un bon esprit . Mais , en vertu de cette même liberté,
da moins ne fillait - il pas regarder comme aristocrats ou mauvais
citoyen , quiconque ne se soumettait pas à cette affiche . Il
n'était pas plus raisonnable de juger du degré de civisme par
un habit troué au coude , des cheveux ronds et plats , et le
cinisme de la mal - propreté , qu'il l'était dans l'ancien régime
de juger de la probité d'un homme par l'elegance de ses vêtemeus
. Les hypocrites et les fiipons n'en ont jamais été à l'habit
près , et il etait plus aisé de se masquer en patriote , que d'en
avoir les principes dans le coeur.
Ces folies n'étaient que ridicules ; mais quand elles allaient
jusqu'à faire rougir du nom de ses peres , elles offensaient
les moeurs et les corrompaient. C'était à qui mettrait à contribution
l'histoire grecque et romaine , pour y chercher un
patron que l'on pût revolutionnairement avouer. Si cette
démence n'eût pas trouvé une sorte de retenue dans l'excès
même du ridicule , il eût fallu bientôt réformer tous les registres
qui constatent l'etat civil , refaire tous les contras , et
au bout de quelques années il eût été difficile de prouver qu'on
était le fils de son pere ou le mari de sa femme . Cette manie
des metamorphoses s'étant étendue jusqu'aux sections , aux
villes , aux rues qui en moins de trois ans ont changé cinq
ou six fois de nom . L'habitant de Paris se trouvait étranger
dans la cité où il avait passé sa vie ; le voyageur étonné ne
retrouvait plus , sa carte à la main , les lieux qu'elle Ini désiguait
. On ne trouvait par- tout que le surnom de la montagne ,
même au milieu des plaines les plus horisoutales . On n'eût
pas célébré une fête publique sans y figurer une montagne ; il
n'y avait pas une commune , pás un petit village qui ne fût
jaloux d'avoir sa montagne , et on n'eût pas cse envoyer , dans
ce tems , une adresse à la Convention , si elle n'eût été
( 103 )
,
ornée d'une métaphore ou d'une comparaison tirée de la montagne.
Ainsi , après avoir réformé tous les actes de la société
il cât fallu refaire l'histoire , la géographie et les vocabulaires ,
chaque fois qu'un événement ou une crise révolutionnaire
aurait amené de nouvelles idées et un autre objet d'idolâtrie .
A force d'exciter les défiances et les haines , on avait tellement
altéré le caractere des Français , qu'on ne rencontrait
que des figures sinistres qui se mesuraient d'un oeil inquiet et
farouche ; la terreur ou la menace était empreinte sur tous
les fronts . Plus de communications , plus de bienveillance ,
plus de fraternité , plus de ces sentimens qui font que l'homme
se confic à l'homme , et s'épanouit à la vue de son semblable.
Au silence effrayant qui régnait dans les cités , an soin que
l'on prenait à se fuir , on eût dit qu'on ne vivait qu'au milieu
d'un peuple d'espions et d'ennemis , et que l'espece humaine
avait changé de nature .
Enfin , on avait révolutionné jusqu'à la langue , et comme
les idées , les principes , les sentimens étaient exagérés , il
fallait bien que les expressions le fassent aussi , Au travers
des innovations et du néologisme le plus barbare , le caractere
qui s'est fait remarquer le plus fréquemment dans le style
révolutionnaire, ç'a été l'art très facile d'exprimer les choses les
plus simples d'une maniere gigantesque , et l'art très - dégoûtant
de n'emprunter les images que des objets de destruction ,
-de terreur
et de mort ; car pour l'art de traiter les matieres
politiques et de gouvernement en jeu de mots , en calembourgs
et en epigrammes , d'annoncer des victoires avec emphase , et de
ne parler de ses ennemis que dans les termes du plus profond
mépris , cet art ne supposait qu'une ame vide de
sentiment , et un esprit peu exercé aux convenances . C'était
avilir nos armées en même tems qu'on voulait en rehausser
la gloire . Heureux si l'on n'eût fait qu'offenser le goût , dénaturer
la langue , sans outrager l'humanité !
"
S'il fallait présenter le tableau des ravages de l'ignorance
et de la barbarie , pendant la durée de cette période révo-
Jutionnaire , ou verrait la liberté de la presse et des opinions
enchainée , les journaux supprimés ou réduits à une insi
guifiance ou une servitude déshonorante pour la pensée ,
craignant également de parler et de se taire ; une affectation à
dénigrer la philosophie et les philosophes comme s'ils eussent
été les ennemis du genre humain , parce qu'ils l'étaient des
fripons et des charlataus ; les écrivains morts , les plus célebres ,
déchirés et converts de mépris par ceue horde de vandales :
les hommes de lettres et les artistes vivans , dans les fers
ou conduits à l'échafaud ; les spectacles fermés à nos chefd'oeuvres
dramatiques , et livrés à uu déluge de productions
révolutionnairement dégoûtantes . Les monumens des arts et
des sciences dégradés , pillés , dévastés ; la guerre la plus
sauglaute déclarée au commerce à l'industrie et à l'agri
GA
( 104 )
culture ; les villes de manufacture détruites , et la vengeance
s'exerçant jusques sur la pierre insensible des édifices ; enfin ,
par un contraste insultant , les mêmes hommes qui appelaient,
la barbarie sur la France , qui se souillaient de sang , de
meurtres et de crimes , affecient de parler de la restauration
des sciencés et des arts , de justice , de meurs , de probité
et de verin.
Détournons nos regards des brigandages , des dilapidations ,
des taxes révolutiontraires , des vexations , des angoisses , des
emprisonnemens ; oublious , s'il est possible , ce cancer politique
de la Vendée qui a dévoré plus de trois cents mille hommes ,
ees lois monstrueuses qui dounaient à effet rétroactifà chaque
époque de la revolution , et ces tribunaux de sang qui avaieut
fait du temple de la justice l'autre de Poliphême , et ce
code barbare du 22 prairiai , et ces conspirations des prisons
qui en étaient l'horrible supplément et les formes acerbes de
ces Verrès qui ont outrage la pudeur , la nature et l'humanité
dans ses lois les plus saintes. L'histoire épouvantée de tant
d'horreurs n'oserà les décrire , et la postérité ne pourra les.
croire.
Tant d'excès effrayerent une partie de ceux qui leur avaient
imprimé le mouvement. Ils voulurent arrêter le torrent révolutionnaire
, et ils y furent engloutis . Robespierre a pu être
assez fourbs pour paraître approuver leurs projets ; il était
trop adroit pour ne pas les précipiter dans Tabyme ; c'etait
autant de marche- pieds sur lesquels il élevait sa puissance ,
et l'essai qu'il en fit sur Danton , Camille Desmoulins , Phelippeaux
ci les autres , lui avait trop bien réussi pour craindre
de rencontrer désormais aucun obstacle . Il se crat en droit
de tout over , et c'est dette ivresse de la vanité et cette erreur
de sa politique qui la perdu.
Faut - il , comme on l'a dit , n'attribuer la révolution du
9 au 10 thermidor , qu'à une querelle entre ceux qui se
disputient sur le choix des victimes ? serions - nous condamnés
à cette persuasion pénible que si la tête de quelques représentans
n'eût pas été menacée , la France gémirait encore
sous le jong de l'oppression ? C'est une question que nous
ne chercherons point à éclaircir au milieu des passions qui
fermeutent encore . Mais ce que nous savons , ce dont tout
le monde a pu se convaincre , c'est que la grande majorité
de las Convcation ne voyait Robespierre qu'avec horreur ,
que depuis long- tems elle épiait et observait sa marche ,
que la plus saine partie de ce qu'on appéliair la montagne
appercevait le précipice où la continuation de ce système
allait plonger la République , et qu'elle n'attendait qu'une
occasion pour faire éslater son énergie . Il est aisé d'en
juger à la célérité avec laquelle ce tyran fut dénoncé , attaqué ,
décrété , mis hors de la loi et executé en moins de trentesix
heures . Ce qu'il y a de sûr , c'est que la nation était rassasiéc
105 )
de la tyrannie qu'on exerçait sous le nom de la liberté
Outragee , et que si la durée de cette oppression se fûr
encore prolongee quelque tems , elle aurait trouvé infailliblement
son terme dans son excès . Le ressort était à son
denier degre d'intensité , il fallait qu'il se brisat .
Q'ctaient donc ces hommes qu'on a honoré du nom de
triumvirs ? Avalent- ils l'audace de Catilina , les grandes qualités
de Césa , l'eloquence d'Antoine , la souplesse politique
d'Octave , le génie de Cromwell ? Ce n'étaient que de misé
rables discoureurs , sans , consistance personnelle , sans aucun
de ces grands caracteres qui étonnent ou surprennent l'admi
ration des hommes , ou de ces qualités brillantes, qui font
pardonner le pouvoir ; d'un génie étroit en politique , d'un
talent médiocre à la tribune , d'une ame pusillanime et lâche
dans les conjonctures perilleuses . C'étaient des bouchers qui
ne savaient qu'intriguer , proscrire et égorger. Mais ces hommes
qui avaient si peu de moyens par eux -mêmes , tiraient toute
leur force des circonstances et d'une organisation révolutionnaire
préparée de longue main , qui , soit qu'elle ait été leur
ouvrage , soit qu'elle ait été suggérée par des inspirations
plus habiles , leur laissait toute la facilité d'en profiter.
D'après ces données de leur médiocrité , il est permis à
l'observateur de faire cette question : Quel était done le terme
de leurs esperances ? que voulait et que pouvait se promettre
ce Robespierre , qui paraît s'être attribué la plus grande part
dans cette horrible association ? Aspirait - il au pouvoir suprême
, à la dictature permanente , au protectorat ? A force
d'oppressions et de tyrannie exercées par ses agens , voulait-il
rejetter sur eux la haine publique , et se présenter tout-à- coup
comme un ministre de clémence et le libérateur de son pays ?
N'etait-ce qu'un de ces fanatiques atrabilaires , qui , dans le
délire feroce de sa pensée , croyait qu'on ne pouvait fonder
la République que sur les cadavres de la moitié du peuple
Français , ou bien avait-il été choisi par les puissances étran
geres comme l'instrument le plus propre , par sa vanité et ne
popularité acquise sur la classe la plus aveugle et la plus
passionate , à entraîner la chute de la liberté sous le poids
de l'anarchie ? Ce grand colosse d'un moment n'aurait- il été ,
sans le savoir , que la dupe de l'infame perfidie des cours ?
Au milieu de tant d'obscurités que dissipera peut- être le jour
lumineux de l'histoire , c'est l'opinion qui nous paraît à nous
la plus probable. La conviction de ce plan infernal , chefd'oeuvre
de l'affreuse politique de l'étranger , ne saurait être
équivoque pour quiconque voudra remonter aux causes et suivre
la marche des évenemeus .
Il fallait pour enchaîner la masse entière , isoler tens les
individus , intercepter toutes les relations , éteindre toutes les
lumieres , arrêter le courage de tous par la terreur de chacun .
Il fallait s'emparer de la Convention , sans que la majorité
( 106 )
1
pure eut la puissance d'agir , la diviser pour la perdre , se
servir de l'ambition des uns et de la fougue impétueuse de
plusieurs pour maîtriser les autres ; irriter les passions pour
avoir le droit d'accuser les principes , attaquer la liberte par
la liberté , le patriotisme par le patriotisme : porter l'art des
dénonciations jusqu'à forcer celui qui en était l'objet à des
écarts , afin de tirer d'une trahison ou réelle on amenée , la
supposition de mille autres ; transformer les patriotes en conspirateurs
et les conspirateurs en patriotes ; augmenter le
nombre des mécontens par les moyens pris pour les éprimer ;
faire passer tonte la puissance dans la classe qu'on savait être
la plus ignorante ou la plus corrompue , organiser dans toute
Ja Répull que un systême tel que le plus grand nombre fût à
la discrétion de la minorité , jusqu'à ce que l'édifice de la
Liberté s'écroulât sur lui - même : voilà le plan de l'étranger ;
en voici les moyens d'exécution ,
Avec les comités révolutionnaires , les armées révolutionnaires
, les tribunaux révolutionnaires , les sociétés de jacobins
, la violation du secret des lettres , les délations , l'espionnage
, les menaces , les incarcérations , les boucheries
judiciaires ou non judiciaires , l'égarement d'une multitude
aveuglée par le prestige des réputations ou par sa vanité , ou
par son intérêt ; la présence de proconsuls ( 1 ) revêturs d'une
autorité sans bornes dans les départemens , comment la majorité
de la nation qui ne se compose que des individus eûtelle
pu résister à un plan d'oppression dont toutes les parties
étaient si profondément liées ? Tout mouvement partiel cût
été impossible ; on ne pouvait ni parler , ni écrire , ni se
communiquer ; le moindre rassemblement était suspect ; lout
était aristocrate , excepté les meneurs et leurs instrumens ; on
opprimait au nom de la liberté ; elle était devenue entre les
mains des fripoas ou des ignorans , ou des enthousiastes , la
tête de Méduse . Agir c'eût été conspirer . On n'avait pas même
l'espoir de délivrer son pays , en se dévouant à l'ignominie
du supplice . Un mouvement spontanée comment l'espérer
quand les mouvemens particuliers étaient impraticables . Tous
les vrais amis de la liberté s'entendaient dans leurs voeux secrets
sans pouvoir se correspondre , et leur moralité servait de
garant à la tyrannic. Si du moins on eût été sûr qu'elle n'avait
qu'une seule tête ! mais .......... Il fallait que la réaction
partit du centre même d'où étaient émanés tous les désastres .
La faction de l'étranger espérait détruire la République par
la Convention , et la Convention a sauvé la République .
( 1 ) On se plaît à rendre justice à la droiture du plus grand
nombre des représentans délégués . Le grand art de la faction de
`T'étranger a été de faire découler ses moyens de nuire de la nature
même du systême qu'il était parvenu à faire établir.
( 107 ) 1
Immortelle journée du 9 thermidor ! elle a effacé quinze
mois de crimes et d'oppression . La nation française s'est retrouvée
ce qu'elle était , pleine d'amour pour la liberté et
d'horreur pour la tyrannie . Si toutes les ames eussent été
flétries et dégradées , eût- on remarqué cette joie simultanée ,
et ce concert de félicitations qui a éclaté d'un bout de la
France à l'autre. Un mouvement aussi rapide est l'indice
assuré de la régénération du peuple , et cet élan de l'esprit
public l'a vengé de sa trop longue servitude ; la honte en est
toute entiere à ses oppresseurs et à ces vils ministres des
crimes des rois , qui ont si long- tems tourmenté de guerres
intestines une nation qu'ils n'ont pu vaincre à force armée. Si
les débris d'un parti expirant se sont encore agités depuis
cette époque , ce ne sont plus que les derniers et impuissans
efforts d'un coupable qui se debat contre le châtiment qui le
presse. On craint que la révolution ne rétrograde ! certes !
voudrait- on la retenir à la hauteur de l'extravagance et du
crime ? On craint la reaction des aristocrates ! comme si le
rétablissement de l'ordre et le regne de la justice n'étaient
pas le plus sûr moyen d'en diminuer le nombre , et de rendre
leurs efforts inutiles et leur cause plus odieuse ! Nous avons
fait en politique et en révolution , un cours d'expérience bien
long et bien terrible ; quil ne soit point perdu pour notre
instruction . Tâchons de nous garantir désormais et de l'abus
des mots , et de l'erreur des choses , et de l'illusion des personnes
. Allons tous à la recherche des principes qui peuvent
affermir notre liberté et assurer la prospérité commune .
Tel est l'esprit dans lequel nous avons entrepris cel ouvrage
( 1 ).
(1 ) Les fragmens que nous avons cités servent d'introduction à
cet ouvrage actuellement sous presse , et qui a pour titre : Considérations
sur l'abus des mots et des choses dans la révolution , et sur les
principes qui peuvent la terminer.
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE .
QUE
ALLEMAGNE,
De Flambourg, le 18 Novembre 1794 .
UELQUE courage que les Polonais mettent à se défendre
contre les Russes , les Prussiens et même les Autrichiens , oa në
peut pas raisonnablement se flatter qu'ils résistent à tant de
forces réunies , à moins que la Porte Ottomane ne fasse une
puissante diversion en leur faveur. C'est ce que l'on n'ose
plus espérer ; et d'ailleurs il serait peut - être trop tard.
Toutes les nouvelles qu'on reçoit de ce pays inquiettent et
affligent les dernieres sur- tout sont faites pour parer le coeur
des amis de la liberté qui prenaient tant d'intérêt à sa cause
si heureusement soutenue d'abord par les généreux Polonais
que la fortune a trahis . Deja la Russie est parvenue à organiser
deux contre - fédérations en Lithuanie . A la tête de l'ane
est le général Branicki ; Pulawski et le prince Poninski commandent
l'autre.
Le bruit qui s'était répandu que des mécontentemens particuliers
avaient détermine les généraux Denisow et Swarow &
donner leur démission ne se confirme pas . Au contraire , ce
dernier auaqna , le 26 octobre au matin , à la vue du fauxbourg
de Prag , un corps de 4,000 Polonais commandés par
Bizewski ; il le chargea si vivement que très- peu de Polonais
parvinrent à se sauver sous les canons de Varsovie ; la petite
armée battue laissa neuf canons et plusieurs drapeaux entre
les mains des Russes . La suite naturelle de cette victoire a été
que les corps de Fersen , de Suwarow , de Cizianow et de Gallitzin
se sont approchés de plus en plus du, fauxbourg de
Prag.
On apprend dans ce moment que ce fauxbourg a été emporté
d'assaut par les Russes , qui ont pris aux Polonais
beaucoup de monde et de canons . On n'a point encore de
détails : c'est le 5 novembre que l'affaire a eu lieu . On sait
seulement qu'à cette attaque Suwarow commandait le centre ,
Fersen la droite , et Derfelden la gauche .
D'après des lettres de Pétersbourg , l'impératrice allone
400 roubles , pour frais de voyage , à tous les émigrés Français.
qui veulent s'enrôler dans l'expédition que l'Angleterre va encore
essayer de tenter contre les côtes de France . Le comte
de Capelle et le marquis de Choin sont de la partie proposée ,
qui d'ailleurs n'attire pas beaucoup d'émigrés. Le plus grand
( 109 )
nombre cherchent à se placer à Pétersbourg en qualité de
witchitels ou instituteurs . Malheureusement pour eux il n'y a
ni beaucoup de profit , ni beaucoup de consideration aca
chés à cet état.
L'escadre russe d'Archangel , commandée par l'amiral
Powalissin , est décidément rentrée dans le port de Cronstadt.
De Francfort-sur - le- Mein , le 21 novembre.
On sait enfin où doit aller le baron de Thugut , ministre
des affaires étrangeres , qui a quitte , Vienne depuis quelques
jours . Il se rend à Ratisbonne probablement pour assister aux
conferences de la diete ; car on dit aujourd'hui que le cabinet
impérial est mécontent des propositious faites par l'électeur de
Mayence pour arriver à la paix ; que les ministres Autrichiens
n'ont pas dissimulé à divers membres du corps. germanique
l'étonnement de l'empereur , de ce qu'après tant de sacrifices
on ne s'était pas adresse préalablement à lui , et que , quoique
décidé à laisser un libre cours aux délibérations , il n'y prene
drait ponrtant part en sa qualite , de co - états, que lorsqu'on en
sait l'examen de cette question ; la paix doit elle se faire ?
L'électeur de Saxe , le margrave de Baden , les landgraves de
Hesse- Cassel et de Hesse-d'armstadt et le duc de Wirtenberg
sont pour la négative . Ces quatre derniers out même écrit à
T'empereur qu'ils s'etaient engages particulierement au maintien
de la religion chretienne et de la constitution germanique
, et se proposaient d'inviter à suivre cet exemple , à
fournir les contingens , à former des milices et à empêcher
qu'on ne dissemine des écrits ou des principes anarchiques .
On ne croit plus à Ratisbonne même que la paix se fasse .
Cependant il est décidé qu'on levera les voix dans les trois
colleges de l'empire , sur la proposition de l'électeur de
Mayence , le 5 décembre prochain .
C'est le général Neu qui commande à Mayence , par inte
rim , depuis l'attaque d'apoplexie survenue au général Huff.
La garnison de ceite place est forte de 14 à 15,000 hommes.
Elle est composée des bataillons d'infanterie autrichienne de
Lascy , Ollivier-Wallee , Pellegrini , Wenckheim , Lattermann
un escadron des dragons de Waldeck , deux bataillons de
Valaques et un batailion du corps fianc de Servie ; les esciavons
, mineurs , sapeurs , pontoniers et canonniers . Il y a en
outre les troupes du contingent de d'Armstadt , de Deux- Ponts ,
de l'électeur Palatin , de Cologne et de Francfort , et l'on
attend encore à Mayence 4000 homines d'infanterie autrichienne
et deux régimens de hussards .
Le général d'artillerie Brown , mort à Vienne depuis quelque
tems , était , dit- on , destiné à remplacer le général Clairlays
( 110 )
dans le commandement en chef de l'armée impériale . Cet
officier laisse une riche succession à son frere , qui avait pris
du service en Russie , et vient d'obtenir de l'impératrice la
permission d'aller à l'armée du Rhin .
On est sûr aujourd'hui que le duc régnant de Brunswick
a refusé de commandement des troupes hauovriennes , hollan
daises et anglaises , qui lui avait ete offert .
ITALI E.
La campagne paraît terminée en Italie , et d'ailleurs les
efforts des divers états de cette contrée , soit pour l'attaque ,
soit pour la defense , ne sont pas assez marquans pour
compter dans les grands mouvemeus de la coalition . Cependant
les cours de Naples et de Turin font des préparatifs
assez considérables , sur- tout la premiere ; ce qui semble détruire
les bruits d'une pacification prochaine , et annoncer
que le roi de Naples se propose de prendre aussi l'année
prochaine une part active dans la guerre . C'est surtout par
sa marine qu'il le fera , s'il le fait réellement.
La marine de guerre se trouve actuellement composée de
40 bâtimens , ant vaisseaux de ligne que fregates , corvettes
et cutters. Il y a en outre 140 barques canonnieres en état
de service . On renforce les batteries le long des côtes , et
l'on cherche par toutes sortes de voies , à augmenter les
moyens de défense .
Voici ce que disent les dernieres lettres de Livourne , du
15 novembre : L'escadre anglaise qui gardait divers parages
de la Méditerranée , s'est retirée toute entiere dans le golphe
de Saint- Florent en Corse. On croit que ce sont les mauvais
tems qui l'ont forcée à cette détermination . Le biocus
dn golphe de Juan se trouvant ainsi levé , la division des
vaisseaux de ligne français qui y était en station depuis
long- tems , en est sortie et est arrivée à Toulon . Les forces
anglaises réunies à Saint- Florent sont portées à 17 vaisseaux
de ligne et à un grand nombre de frégates .
De Turin , 18 novembre .
Une ordonnance royale enjoint de procéder à la confection
d'un état de la population de cette ville . Les propriétaires des
maisons seront tenues de donner , dans le courant de ce mois ,
le nom de tous ceux qui habitent dans leurs maisons , en indiquant
leurs professions et leur pays . Il y a des peines prononcées
contre ceux des proprictaires qui n'exécuteraient
pas ceue ordonnance ou qui auraient fait de fausses déclarations.
Il y eut dernierement un mouvement contre les boulangers
( 111 ).
au bourg de Pallone et Piémont ; au moment où le duc de
Chablais y passat . Uae mulutude d'hommes et de femmes
l'entoura en criaut : du pain ! du pain ! Une grande disette se
fait effectivement sentir . On attendait de Sicile quatre-vingtdix
mille sacs de bled qui ont manqué . Pour remédier a cette
pénurie , on a commence à faire une nouvelle qualité de pain
mêlé de froment et d'orge .
Une lettre du camp d'Acqui , en date du 5 de ce mois , ap .
prend que les troupes ne sont point encore dans leurs quartiers
d'hiver. Il semble même qe'elles ne les prendront que
lentement , parce que l'on remarque des mouvemeus perpéuels
parmi les Français , et qu'on a d'ailleurs su qu'il leur
était arrivé de Marseille des renforts , de cavalerie et'd'infanerie
. Malgre ces eirconstances , les chefs viennent de déterminer
les lieux où les quartiers d'hiver seront établis , en
changeant plusieurs des endroits qui avaient déja éte désignés
à cet effet. Les troupes , avant de se rendre à ces quartiers
passeiont d'abord quelques semaines dans les villages et les
villes circonvoisines . Dans le moment actuel , les postes avan
ces restent des deux côtés parfaitement tranquilles . La raison
de cette inaction est dans le mauvais tems qui régne . Depuis
trois jours il ne cesse de tomber une pluie abondante .
Les troupes seront ainsi reparties dans la Lombardie et le
Piémont pour la prise des quartiers d'hiver. ,
Dans la Lombardie à Milan sera le quartier - général et
un bataillon de Thorn ; a Pavie , deux bataillons de Reinsky
et un de Brechenville , deux divisions de houlans et leur
état - major. A Lodi , deux bataillons de l'archiduc Antonio.
A Cremone , denx bataillons d'Alvinzy , un bataillon de
Jordis et une division de houlans . A Côme , un bataillon de
Stain .
En Piemont à Voghere , une division de houlans . A
Tortone , deux , bataillons de Nadasti . A Alexandrie , deux
bataillons de Strasoldo et un de Lattermann , A Acqui , Silvano
, Adorno et Concurranz , trois bataillons de croates .
Suivant une autre lettre d'Albe , du 6 novembre , l'armement
général de cette province commence à s'organiser . Il y
a cinq compagnies de formées , dont les capitaines sont nommés
, outre ceux du district . Cette lettre ajoute que les milices
et quelques croates occupent de nouveau les hauteurs
de Murialdo , Scaperia et Montenotte , et font des courses
jusqu'aux Malleres . Sur le mont Saint - Jacques , il y a un
détachement de Français , logé dans des baraques . On trouve
beaucoup de neige depuis Aoste jusqu'à la moutagne de Garresio
; mais il n'y en a point encore vers la riviere de
Gênes.
ESPAGNE.
Des nouvelles de ce pays , dont les dernieres de Madrid ,
( 112 )
portent la date du 20 octobre , disent qu'on a vu dans cette
ville un grand nombre de couriers expédiés des armées ou
destinés pour elles . Eiles ajoutent que jugeant du plan de
campagne par le peu de succès , on s'est décidé à le changer
entierement , et qu'on a envoyé en conséquence des instructions
aux commandans et aux généraux des places frontieres .
Le 15 on avait attendu à l'Escurial , jusqu'à minuit , le général
La Union , qui devait venir se concerter avec le
cabinet.
La gazette de Madrid dit que les Espagnols sont parvenus
à déloger , sans beaucoup de perte , les Français qui s'étaient
emparés du château d'Ondaurone dans la Biscaye . Ils ne se
sont pourtant retirés qu'au bout de trois heures d'un feu, trèsvif
, et en emmenant 20 des principaux habitans et quantité
d`ôtages . S'il faut en croire les bruits publics et les disposi
tions militaires , il paraît qu'on va faire des efforts pour reprendre
Tolose de Guipuzcoa .
Voilà tout ce que l'on savait jusqu'au 20. A cette époque
on n'avait encore aucune nouvelle particuliere des armées . Il
paraissait seulement que celle de Catalogne avaient reçu des
renferts depuis l'affaire de Bellegarde , et que , d'ailleurs on
était parvenu à la réorganiser. Le gouvernement ayant besoin
de ménager ses soldats a suspendu l'exécution des jugemens
qui en condamnaient un grand nombre à diverses peines , on
regardant aujourd'hui leur fuite en cette occasion , attribuce
d'abord à un manque de courage , comme forcée par l'ap
proche de deux colonnes françaises , entre les feux desquelles il
eût été imprudeat et inntile de tenir. An reste,
justice aux Français , et l'on s'accorde à dire qu'ils ont traité
avec beaucoup d'humanité la garnison de Bellegarde , dont une
partie était malade .
on rend
曩
On apprend de la Navarre que les Français viennent de s'y
renforcer considérablement. Les gardes - du- corps qui ont été
envoyés contre eux , se maintiennent toujours dans la ville de
la Vittoria où ils observent leurs mouvemens .
ནི ཏྟཱ ནོ ཏྟཱ
Un nouvel édit enjoint à tous les Français qui étaient restés
Madrid d'en sortir , sans aucune distinctión de personnes ,
d'ancienneté d'établissemens , ou de toute espece de prérogatives
et de priviléges .
Des lettres de Lisbonne du 15 octobre annoncent le retour
des malades des troupes portugaises jointes aux anglaises . On
s'occupe beaucoup dans cette capitale de préparatifs militaires .
11 y
est entré plusieurs régimens d'infanterie et de cavalerie
qui doivent en former la garnison , et l'on va organiser l'armée
sur un nouveau plan .
RÉPUBLIQUE
113 T
REPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE CLAUSEL .
Séance de duodi , 12 Frimaire.
Carrier écrit à la Convention que la commission militaire
établie à Nantes qui prétendait n'avoir jugé que quatre ou
500 brigands , en avoue déja 1800. Il soutient qu'elle en
jugeait 150 on 200 par jour , et il en conclut en comptant
les jours qu'elle en a au moins condamné 4000. Il demande
donc à la Convention qu'elle ordonne le depôt des registres
de la commission militaire au greffe du tribunal révolutionnaire
, sur le refus qu'en a fait ce tribunal , sous prétexte qu'il
ne cherche qu'à gagner du tems .
Baraillon dit que c'est une chicane de procureur ; que la
mission de l'Assemblée est finie , et qu'il appartient exclu
sivement au tribnual révolutionnaire de prononcer sur les
demandes de Carrier. Il demande l'ordre du jour ; il est
adopté .
Carnot , au nom du comité de salut public : Les députés
des départemens de l'Ouest , en exécution de voire décret
d'hier , se sont réunis à nous et nous avons concerté ensemble
les moyens de terminer la guerre de la Vendée . Voici la
proclamation et le projet de décret que je suis chargé de vous
présenter. ( Voyez à la suite des séances. )
L'Assemblée adopte ce projet de décret et la proclamation
au milieu des plus vifs applaudissemens .
Massien demande que l'amnistie ne s'étende pas aux chefs
de révoltés . La Convention passe à l'ordre du jour.
Charles de la Croix propose de délivrer à ceux qui remettront
leurs armes un certificat , pour qu'ils ne soient pas inquiétés
.
Baraillon croit que ce serait un moyen de les faire inquiéter
par la suite.
Taveaux pense aussi que la proposition faite tendrait à laisser
subsister des preuves de la rébellion de ceux qui auraient déposé
leurs armes .
Gaston craint qu'en donnant au décret une si grande lati- .
tude , la Vendée ne soit la voie par laquelle tous les émigrés
de Coblents , de l'Angleterre et d'ailleurs rentrent en
France .
Roux de la Haute -Marne ) Ne retirons pas d'une
main ce que nous donnons de l'autre. Les émigrés ne viendront
point déposer leurs armes . Il ne s'agit ici que des hommes
Tome XIII.
H
し
( 114 )
1
égarés qu'on a révoltés contre la République. Le décret que
vous avez rendu contient tout ce qu'il faut pour les détacher
de leurs chefs et pour ramener la paix . Je demande l'ordre
du jour sur toutes les propositions . Il est adopté .
Bidaud , au nom du comité de commerce , fait un rapport
sur les prises faites sur nos ennemis et leur vente au profit
de la nation. Il expose que les prises nous fournissent des
marchandises de premiere necesiité et de luxe , de consommation
et de prohibition ; mais qu'il est arrivé souvent que
l'insuffisance des lois a force de gardér et de laisser dépérir
dans les ports , ces marchandises . Il demande qu'on se hâte
de fixer leur destination et leur emploi , en classant les ma
tieres premieres utiles aux fabriques et manufactures et les
marchandises dont l'importation est prohibée par les lois ; de
fixer le mode de requisition sur les objets de consommation
et d'approvisionnemens ; de livrer à là circulation les ma
tieres nécessaires aux manufactures , et de disposer des marchandises
prohibées ; il pense que la liberté accordée aux
négocians de disposer de gré à gré de denrées et marchandises
non prohibées venant de l'étranger , doit s'étendre
aux prises faites sur nos ennemis , et que la nation en achetant
à très-haut prix des matieres premières pour alimenter les fabriques
, et les vendant à un prix très - inférieur , n'a fait que
l'avantage des spéculateurs avides qui revendaient ensuite au
quadruple. Il se résume en disant que la liberté du commerce est
la base de son activité , de son étendue et de ses ressources ; que
l'abondance et la prospérité publique en découlent nécesssairement
; que les entraves qu'on y apporte enchaînent la spéculation
, énervent l'industrie et détruisent les intérêts particuliers ,
qui dans ce cas composent l'intérêt général .
Il propose un projet de décret qui est adopté en ces
termès :
Art. Ier. Toutes les marchandises provenantes des prises
seront vendues en vente publique, au plus offrant et dernier enchérisseur.
Elles seront considérées , entre les mains de l'acquéreur
, comme produites du commerce extérieur ; en conséquence
, elles pourront être revendues au prix convenu de gré
á gré.
9 Art. II. Šont exceptées les denrées et matieres nécessaires
à l'approvisionnement de la marine et des armées , qui í
seront laissées à la disposition de commerce et approvision
nement , ainsi que les marchandises prohibées..
III. Toutes les denrées coloniales et marchandises venues
de l'étranger, par le commerce particulier, même celles actuellement
en requisition , resterent à la libre disposition des expéditeurs
ou commerçans qui pourront les vendre à prix convenu
et de gré à gré .
Porcher, au nom du comité de législation , fait un rapport
sur le renouvellement des membres des tribunaux et des autoxités
constituées . Il fait sentir combien est pénible la tâche
( 115 )
d'indiquer dans toute l'étendue de la France , des hommes
que des talens modestes et des vertus réelles jointes à un civisine
éprouvé , doivent appeller aux fonctions publiques , des
hommes qui uniquement occupés du bonheur du peuple n'aient
d'autre but que d'amener le vaisseau de l'état au port , et ne
ressemblent en rien à ces intrigans qui , usurpant la puissance
de la nation pour l'opprimer , ont ouvert la porte à tous
les crimes , ont dissipé la fortune publique et inondé la patrie
d'une foule de maux.
Le rapporteur invitees collegues à les seconder dans ces
importantes fonctions. Il croit que celui qui , dégagé de toutes
passions et de tout attachement personnel , a contribué à
donner à son département un juge integre ou un administra
teur vertueux , a bien mérité de la patrie.
Porcher présente ensuite plusieurs décrets qui sout adoptés .
Mathieu , au nom du comité de sûreté générale , vient donner
un démenti formel aux journalistes qui ont imprimé que le
comité avait pris des mesures pour l'instruction du fils de
Capet. I declare qu'elles se réduisent à une surveillance plus
exacte du Temple. Que ce bruit se lie parfaitement à un
autre répandu aussi , concernant les assignats démonétisés
à qui l'on veut , dit- on , rendre le crédit. Il croit devoir se
borner à dénoncer ce fait et à déclarer que le fils de Capet
ainsi que les assignats à effigie resteront démonétisés .
Cambon détruit également le bruit que la trésorerie nationale
achetait les louis jusqu'à 200 liv. , et il annonce que
depuis le 1er avril 1793 , elle n'a acheté aucun uuméraire .
le retour
Séance de tridi , 13 Frimaire.
Nouvelles félicitations sur la cloture des jacobins ,
de la justice et la destruction de la terreur. Ce sont les
sociétés populaires de l'Orient , Brignolles , Moulins , Licere
Neuville , la commune de Bourg et la section du Finistère , qui
expriment ces sentimens . Les sociétés de Conches et de Pau
y ajoutent que les jacobins leur ont envoyé des émissaires
pour les égarer .
Legendre de Paris ) saisit cette occasion de dénoncer les
mencurs de cette société éteinte , qu'il faut , dit- il , frapper et
non pas les peres de famille égarés. Il demande qu'on s'eccupe
à rendre à ceux- ci la liberté , et qu'on prenne des mesures
séveres contre les premiers. Cette proposition est renvoyée
aux comités réunis .
Les représentans du peuple nommés pour se rendre dans
la Vendée , pour l'exécution du décret relatif à ceux qui
poseront les armes et rentreront dans le sein de la République ,
sont Menuau , Delaunay , Gaudin , Lofficial , Morisson
Chaillou , Guesno et Guermeur.
On donne lecture d'nne adresse de la société populaire de
Renan , district de Brest ; elle ne contient que l'art. VII_des
H
'''
T
( 116 )
J
droits de l'homme et l'art . CXXII de la constitution , avee
ces mots en tête ; A la Convention sur la clôture des Jacobins.
Elle est suivie de 18 signatures .
André Dumont s'éleve avec force contre cette adresse . It
tépete ce qu'il avait déja dit , qne tous les conspirateurs n'étaient
pas morts le 10 thermidor : il ajoute que la Convention
en a une preuve dans l'adresse insultante qu'on lui envoie
, et qu'il faut enfin prendre des mesures pour anéantir
tous les brigands , quelque part qu'ils se trouvent. L'adresse ·
de Renan est revoyée au comité de sûreté générale.
Cochon , au nom du comité de salu public , rend compte
des mesures prises pour l'approvisionnement de Paris , celui
des grandes communes , et de tous les départemens où la
récolte n'a pas été abondante . Il dit que les travaux des
moissons et des semences avaient rallenti la rentrée des requisitions
, et´que d'autres obstacles étaient survenus , mais qu'ils
sont tous levés . L'ouverture du canal de Briard va fournir
Paris de bois , charbon et des denrées de premiere nécessité
que la Seine et la Loire lui procuraient.
Il propose et la Convention décrete qu'elle approuve la
conduite des representans Roux , Loiseau , Robin et Jourdan ,
chargés de cette partie , et les mesures prises par eux ; qu'ils
continueront la tournée des départemens qu'ils doivent parcourir
pour faciliter les approv.sionnemens , activer la navigation
intérieure et le versement des requisitions .
Garnier , au nom du comité des transports , soumet un
projet de décret dont le but est de proposer la suppression
de la commission des transports , postes et messageries , et
son remplacement par une direction de huit membres .
Thibaudot n'est point de l'aais du projet. Il voit un changement
de nom et nullément la destruction des abus et des
dilapidations. Il croit utile de resserrer les ressorts du gou .
vernement , et de ne pas les laisser dans tant de mains . Il
s'éleve sur-tout contre , la mauvaise administration de la commission
de commerce , et le ridicule de charger cinq personnes
exclusivement du soin d'approvisionner 25 millions
c'hommes , et il demande le renvoi aux comités réunis .
Plusieurs membres parlent dans le même sens. Garnier ( de
Saintes ) craint qu'il ne résulte de cette mesure un plus grand :
relâchement encore dans les ressorts du gouvernement. Il
propose que chaque comité de la Convention nomme un de
ses membres pour former une commission qui s'occuperà de
ce travail.
Thibeaut attaque toutes les commissions exécutives , qui
sont remplies de chefs de bureaux insolens , qui pensent plus
à se bien meubler aux dépens de la République , qu'à l'intérêt
de la nation 11 ne voit que la liberté du commerce pour
assurer les approvisionnemens , et il vote pour la suppression
des commissions .
( 117 )
Legendre ( de Paris ) appuie ces observations ; mais il est
une question , ajoute- t-il , qu'il faut aborder franchement ,
c'est celle de savoir s'il est nécessaire que la loi du maximum.
subsiste plus long- tems . Quant à moi , je vois que cette loi
n'est presque plus exécutée , et qu'elle n'est qu'un brévet
dans les mains des fripons pour s'emparer du commerce et
empêcher les hommes de bien de s'approvisionner , et il de-
- mande le renvoi aux comités de commerce et des finances , '
pour examiner si on doit la conserver.
1
*
Chasal annonce qu'il y a déja une commission établie pour
cet objet.
Boissy - d'Anglas demande que cette commission examine
aussi s'il faut conserver les commissions exécutives .
Charles Delacroix demande la restitution du mobilier dent
se sont emparés les commis . Cambon répond que Ramel a
un rapport tout prêt sur cet sujet.
Garnier rappelle sa proposition . La Convention décrete que
chaque comité nommera un de ses membres pour former une
commission , qui s'occupera de toutes les mesures qui lui ont
été présentées.
Séance de quartidi , 14 Frimaire.
La correspondance offre des félicitations sur la clôture des
jacobins . Elles viennent des autotités constituées de Belleaume ,
Montmellian , Montbrison et Ferraud .
Le comité des secours publics fait rendre plusieurs décrets .
Les administrateurs de la Guyane Française écrivent qu'ils
ont reçu avec autant de joie les nouvelles des victoires de la
République que le décret sur la liberté des Negres . Tous
les habitans de cette contrée . ajoutent-ils , ne forment qu'une
famille de freres .
Mention honorable et insertion au bulletin .
Souveroi , au nom du comité d'instruction publique , présente
de nouveau le projet de décret relatif à l'établissement
des trois écoles de santé , à Paris , Montpellier et Strasbourg .
Ce projet est adopté..
Nous en donnerons les articles dès que la rédaction en aura
été définitivement arrêtée .
Merlin , au nom du comité de salut public , fait un rapport
sur les principes du Peuple Français à l'égard des autres nations
et sur les bruits de paix .
Les applaudissemens unanimes qui en ont souvent interrompu
la lecture et l'enthousiasme général qu'il a excité
prouvent que le systême adopté par le comité est le vrai sys .
tême de politique qui nous convient. En effet , son discours
est uu beau développement des véritables principes sur notre
nouvelle diplomatie et de nos intentions réelles sur la guerre
que nous soutenons avec tant de gloire , et sur la paix qui doit
H 3
( 118 )
être le but et la récompense de nos victoires . C'est la réponse
la plus éloquente à nos ennemis de tout genre.
L'envoi aux départemens , aux armées , la traduction dans
toutes les langues , la distribution à chaque membre de six
exemplaires de ce rapport ont été décrétés à l'unanimité .
André Damont : Ce n'est pas assez de répondre à nos
ennemis extérieurs , et de les accabler du poids de la vérité si
bien développée dans le discours que vous venez d'entendre ,
il faut aussi surveiller et punir nos ennemis intérieurs . Croiriez-
vous qu'on écrit dans les départemens du Nord , que la
Convention nationale va fléchir , qu'elle reconnaît son erreur ,
et va ' faire la paix ? On ajoute qu'elle pardonnera à Joseph
Lebon et à Fouquier-Thinville. Je déclare que lorsque j'étais
en mission avec Lebon nos mesures ne plurent point à l'ancien
comité de gouvernement , que Lebon y fut mandé ,
que le comité usurpant votre autorité lui donna l'ordre de
livrer indistinctement à la mort les riches , les prêtres et les
nobles.
et
Je demande done que sous trois jours les comités réunis vous
fassent un rapport sur Lebon et Fouquier , et que sous huit
jours ils soient mis en jugement.
Ces propositions sont décrétées .
Tallien , après avoir applaudi au rapport de Merlin , s'éleve
avec force contre les auteurs des maux de la France ; il dit que
Lebon et Fouquier ne sont pas les seuls agens du gouvernement
sanguinaire qui a si long- tems opprimé la France . I
demande que le comité de sûreté générale recherche au plutôt .
parmi les individus arrêtés depuis le 9 thermidor , ceux qui
ont été vraiment coupables , pour les punir ; et ceux qui n'ont
été qu'égarés , pour les rendre à la liberté. Décrété .
Séance de quintidi , 15 Frimaire.
ཝཱ
Un secrétaire fait lecture d'une lettre de Laujuinais ; député
à la Convention , mis hors la loi . Il dit que Robespierre et
ses complices l'ont proscrit en son nom et dévoué au massacre
; que ce fut à la voix de St. Just et de Barrere , sur des
délits chimériques ; que son seul crime a été de se montrer toujours
fidele mandataire du peuple , et d'avoir courageusement
défendu ses droits et sa liberté . Il réclame la justice la plus
sévere comme la plus impartiale , et qu'il lui soit permis de
paraître pour vivre s'il démontre son innocence
ou pour
expirer sous le glaive de la loi s'il est trouvé coupable.
Renvoyé au comité de sûreté générale pour en faire un
prompt rapport.
Cambacerès , au nom du comité de salut public , monte à
la tribune pour confirmer les nouvelles des victoires remportées
sur les Espagnols par nos armées des Pyrénées orientakes
et occidentales , La premiere a pris Figuieres , y a fait 9,400 priniers
, et y a trouvé une immensité de munitions de guerre et
(( 119)
de bouche , entr'autres 171 pieces de canons , 290 milliers de
poudre et la caisse militaire . ( Voyez pour la capitulation les Nonvelles
officielles ) La seconde a attaqué l'ennemi , l'a mis en
déroute , et s'est emparé aussi de beaucoup de bagages et d'effets
de campement
. 1
La Convention décrete que les armées des Pyrénées orien
: tales et occidentales ne cessent de bien mériter de la patrie .
Elle passe à l'ordre du jour sur une lettre de Carrier qui
demande à faire entendre au tribunal des généraux et des représentans
du peuple .
Des habitans de la commune de Bedouin , district de Car-
-pentras , sont entendus , et font le tableau de leurs malheurs
et des horreurs qui ont été commises dans leur commune . Ils
demandent des secours et à rentrer dans leurs foyers .
Goupilleau ( de Montaigu ) répete ce qu'il a écrit il y a quel
ques jours à la Convention sur cette commune ; il se joint aux
pétitionnaires .
Bondin : J'entends dire que la Convention a autorisé ces
horreurs. C'est Barrere qui les a autorisées ; pour moi , je
déclare que je n'y ai point trempé ; ni nous , s'écrient beaucoup
de membres.
André Dumont demande qu'on ne souffre pas plus long-tems
que ces horreurs soient impunies , et que la Convention montrant
un grand caractere fasse un grand exemple de justice
nationale , et livre au glaive de la loi les scélérats qui ont déshonoré
la représentation du peuple .
Legendre de Paris ) : Les canaux de la vérité sont maintenant
ouverts . Eh quoi ! on noyait à Nantes , on fusillait à
Lyon , on égorgeait dans le Midi , et le comité de gouvernement
ne le savait pas ? On volait , on pillait , on répandait la
désolation par- tout , et il ne le savait pas ? Lebon égorgeait
dans les départemens du Nord , et il ne le savait pas . Je diraj
moi, qu'il savait tout , et les rapports execrables de Barrere ne
le démontrent- ils pas ? Qu'on ne vienne pas me dire qu'il faut
enfenir tout le passé dans la tombe de Robespierre . Quei !
des impunités pour le crime ! Représentans , frappez tous les
scélérats , si vous voulez que l'Europe vous admire . Justice de
tous les monstres qui ont déshonoré une si belle révolution.
Je me joins à Dumont.
3
Rovere dit qu'il a eu le premier le courage de dénoncer
Maignet à l'ancien comité de gouvernement , mais que Robe spierre
lui répondit qu'on était content de lui , el que Couthon
fui écrivit de redoubler d'énergie.
Lecointre de Versailles ) annonce qu'il a recuelli les
pieces probantes contre ceux qu'il a dénoncés , et qu'il en
a fait un mémoire imprimé . Il ' demande à le lire demain , et
le renvoi aux comités réunis , pour faire un prompt rapport.
La Convention décrete le renvoi , la distribution du mé-
H 4
( 120 )
4
moire , et elle adopte les propositions de Goupilleau et de
Dumont.
Les nouveaux membres du comité de salut public sont :
Boissy d'Anglas , Dubois- Crancé et Dumont.
Séance de sextidi , 16 Frimaire.
Les nouveaux membres du comité de sûreté générale sont :
les citoyens Boudin , Legendre ( de Paris ) , Goupilleau ( de
Montaigu et d'Aumont.
La clôture des jacobins et le rétablissement du regne de la
justice sont le sujet des nombreuses félicitations qui sont
adressées aujourd'hui à la Convention par différentes communes
et sociétés populaires .
Des Colons de toute couleur viennent au nom des habitans
des Colonies remercier la Convention nationale du décret qui
a rompu les liens de leur esclavage et les a appellés à la jouissance
du bienfait et des droits de la liberté .
La commune de Cosne dénonce les membres de son comité
révolutionnaire . Ils se sont permis de mettre hors de la loi
des citoyens qui s'étaient soustraits à des mandats d'arrêt . Ils
avaient établi le regne de la terreur , et cherchent encore
aujourd'hui à le soutenir.
La tête de l'hydre est coupée , répond le président , la queue
ne remuera pas long- tems . Le sort qu'a éprouvé Robespierre
attend ses complices et ses continuateurs .
La pétition des citoyens de Losne est renvoyée aux comités
de sûreté générale et de législation. Des ccitoyens demanden : que la retenue du dixieme sur les
rentes viageres n'ait pas lieu pour les petits rentiers sexagénaires
.
Renvoi aux comités des finances et des secours publics .
{
Un membre expose que beaucoup de citoyens se sont
cachés pour se soustraire à des mandats d'arrêt , et qu'ils ont
été mis sur la liste des émigrés ; il demande que les délais
fixés par les décrets , pour les réclamations de ce genre , soient
prolongés en leur faveur . L
Cette proposition est renvoyée au comité de législation pour
en faire un prompt rapport.
Monnot , au nom du comité des finances , dément le bruit
qui s'était répandu que la trésorerie nationale avait acheté dix
millions de traites sur l'Angleterre . Les commissaires nommés
pour vérifier ce fait se sont assurés de sa fausseté .
Cambacerès présente le projet de code civil . La discussion
s'ouvre . Elle a pour objet l'article qui porte , que l'enfant qui
naîtrait dans le dixieme mois qui suivrait la mort ou le
divorce de l'époux n'est pas l'enfant de l'époux mort ou
divorcé.
Plusieurs demandent que l'article soit adopté tel qu'il est
présenté. D'autres , touchés de l'intérêt civil des enfans , de la
crainte de flétrir une femme vertueuse , et de l'incertitude des
gens de l'art sur cette matiere , proposent dix mois . La Convention
prend un moyen terme , et décrete que l'enfant qui
naitra neuf mois et demi après la mort ou le divorce de l'époux
n'est pas l'enfant de l'époux mort ou divorcé.
PROCLAMATION.
La Convention nationale à tous ceux qui ont pris part aux révoltes
qui ont éclaté dans les arrondissemens des armées de l'Ouest , des
côtes de Brest et des côtes de Cherbourg.
Depuis deux ans , vos contrées sont en proie aux horreurs
de la guerre , ces climats fertiles que la nature semblait avoir
destinés pour être le séjour du bonheur , sont devenus des lieux.
de proscription et de carnage. Le courage des enfans de la
patrie s'est tourné contre elle - même la flamme a dévoré les
habitations , et la terre couverte de ruines et de cyprès refuse
à ceux qui survivent les subsistances dont elle était prodigue.
Telles sont , ô Français , les plaies douloureuses qu'ont
faites à la patrie l'orgueil et l'imposture . Les fourbes ont abusé de
votre inexpérience . C'est au nom du ciel juste qu'il armaient
vos mains du fer parricide ; c'est au nom de l'humanité, qu'ils
dévouaient à la mort des milliers de victimes ; c'est au nom
de la vertu qu'ils attiraient chez vous des scélérats de toutes
les parties de la France , qui faisaient de votre pays le récep
tacle de tous les monstres vomis du sein des nations étran
geres .
O que de sang répandu pour quelques hommes qui
voulaient dominer ! ô vous qu'ils ont entraînés , pourquoi
faut-il que vous ayez rejetté la lumiere qui vous était offerte ,
pour ne saisir qu'un fantôme cruel ! Pourquoi faut - il que vous
ayez préféré des maîtres à des freres , et les torches du fanatisme
au flambeau de la raison !
Que vos yeux se dessillent enfin . N'est-il pas tems de
mettre un terme à tant de calamités ? Affaiblis par des pertes
multipliées , désunis , errans par bandes éparses , sans autre
ressource que celle du désespoir , il vous reste encore un asyle
dans la générosité nationale . Qui , vos freres , le Peuple Français
tout entier veut vous croire plus égarés que coupables , ses
bras vous sont tendus . ›
,, La Convention nationale vous pardonne en son nom , si
vous posez les armes , si le repentir , si l'amitié sincere vous
ramenent à lui ; sa parole est sacrée , et si d'infideles délégués
ont abusé de sa confiance et de sa vertu , il en sera fait
justice . 1
( 122 )
)
" Ainsi la République , terrible envers les ennemis da
dedans comme elle l'est envers ceux du dehors , se plaît à
- rallier ses enfans égarés . Profitez de sa clémence , hâtez-vous
ide rentrer an sein de la patrie. Les auteurs de vos maux sont
ceux qui vous ont séduits . Il est tems que les ennemis de la
France cessent de repaître leurs yeux du spectacle de nos disséntions
intestines : eux seuls sourient à nos malheurs , eux
seuls en profitent ; il faut déjouer leur politique impie , il faut
tourner contre eux les armes qu'ils ont apportées chez vous
pour notre destruction .
99
Français , n'appartenez- vous donc plus à ce peuple sensible
et généreux . Les liens de la nature sont- ils brisés entre
nous ? Et le sang des Anglais a-t- il passé dans vos veines ;
massacre ez-vous donc les familles de vos freres , vainqueurs
de l'Europe , plutôt que de vous unir à eux pour partager
leur gloire . Non , l'éclair de la vérité a frappé vos regards
deja plusieurs d'entre vous sont rentrés , et la sécurité a été
le prix de leur confiance . Revenez tous ; que les foyers de
chacun de vous deviennent plus sûrs et paisibles . Que l'abondance
renaisse ; que les champs se cultivent , que les communications
se rétablissent. Ne songons plus qu'à nous venger
ensemble de l'ennemi commun , de cette nation impla
cable et jalouse qui a lancé parmi nous les brandons de la
discorde ; que l'Europe republicaine se dirige toute
contre ces violateurs des droits de tous les peuples ;
s'anime dans nos ports , que l'Océan se couvre de corsaires
et qu'une guerre à mort passe enfin , avec tous ses fléaux
des bords de la Loire aux bords de la Tamise.
13
Décret.
21 J 3.
tiere
teut
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport
de son comité de salut public , décrete :
Art . er. Toutes les personnes connues dans les arrondissemens
de l'Ouest , des côtes de Brest et des côtes
de Cherbourg , sous le nom de rebelles de la Vendée et de
Chouans , qui déposeront leurs armes dans le mois qui
suivra le jour de la publication du présent décret , ne seront
ni inquiétées , ni recherchées dans la suite , pour le fait de
* leur révolte.
II. Les armes seront déposées aux municipalités des
communes que les représentans du peuple indiqueront.
" III . Pour l'exécution du présent décret , les représen
tans du peuple Menuau , Delaunay , Gaudin , Lofficial , Morisson
et Chaillon , se rendront dans les départemens qui composent
l'arrondissement de l'armée de l'Ouest , et les représentans
Guerno et Guermear , dans les départemens qui composent
les arrondissemens des armées des côtes de Brest et
de Cherbourg . "
7123 )
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALE LES.
Du château de Saint-Fernando de Figuieres , le 8 frimaire .
Citoyens collegues , comment pourrons- nous vous dire
tout ce qui s'est passé ? Comment vous peindre tout ce que
nous avons vu pendant dix jours dans l'armée des Pyrénéesorientales
? Pourquoi la France , pourquoi l'Europe entiere
n'ont- elles pu être témoins des événemens extraordinaires qui
viennent d'avoir lieu ? Le comité de salut public vous donnera
connaissance du rapport que le général en chef provisoire
de l'armée a fait sur les opérations des 27 et 30 brus
maire , et qu'il envoye au comité de salut public . Vous y
verrez les détails et le développement d'une des plus belles
victoires qui aient été remportées par les armées de la République.
Figurez-vous tout ce que la nature et l'art ont pu réunir
d'obstacles ; "higurez - vous quatre - vingt ou cent redoutes
sur les positions les plus avantageuses , hérissées de canons ,
et formant plusieurs lignes de défense ; figurez - vous quarante
à cinquante mille hommes répandus dans tous ces forts et dans
des retranchemens , l'ouvrage de six mois ; figurez - vous toutes
ces redoutes , l'artillerie et la mousqueterie qui les défendaient;
figurez-vous enfin , quatre- vingt volcans vomissant à- la - fois le
fer et le feu ; eh bien tout fut emporté en moins de trois
heures. Nos bataillon's avançaient , l'arme au bras au milieu
des boulets et des mitrailles ; et tout se doit à la bayonnette .
Point de prisonnier dans la journée du 3o . Tout fut égorgé ;
trois généraux espagnols furent tués . L'un d'eux voulut se
défendre contre l'adjudant-général , chef de bataillon , Duphet ,
qui lui passa sou sabre au travers du corps . Le général en
chef de l'armée espagnole , comte de la Union , fut trouvé mort
sur le champ de bataille. Nous vous envoyens sa décoration
-militaire .
•
?
,, Nous vous avons dit dans notre lettre du 28 , ce que
nous avions d'hommes tués ou blessés dans l'affaire du 27 , le
nombre de ceux qui ont péri , ou qui ont été blessés dans la
journée du 30 , est encore beaucoup moindre . L'ennemi repoussé
de toutes parts dans cette journée , prit la fuite ; sa
déroute fut complette . Après nous avoir abandonné tous ses
camps et son artillerie il voulut s'arrêter sur les hauteurs
de Liers , où il avait préparé un camp retranché sous le canon
du château de Figuieres ; mais il fut poursuivi si vigoureusement
, qu'il fut obligé d'abandonner cette position et de fair
encore six à sept lieues plus loin . Le soir même , ce fameux
9
( 124 )
1
fort , Saint- Fernando de Figuieres , fut investi de toutes parts
par nos tirailleurs , et quelques bataillons tournerent contro
la place des canons que les ennemis avaient etablis pour
la
défense du camp de Liers . Le lendemain Figuieres et Roses
furent cernés par nos bataillons . Pérignon fit au gouverneur
du château de Figuieres une sommation vigoureuse de rendre
la place . On a parlementé deux ou trois jours . La capitu
lation fut signée hier. Aujourdihui la place est à la République .
La garnison ou pour mieux dire une armée de 9,107 hommes
mis bas les armes , et s'est rendue prisonniere de guerre.
Nous trouvons sur les remparts plus de 150 pieces de canon ;
des approvisionnemens immenses . Nous vous en ferons passer
l'état , quand il sera dressé . Voilà , citoyens collegues , les
résultats des brillantes journées des 27 et 30 brumaire . La
terreur est parmi nos ennemis . Vous en jugerez par la reddition
d'une place aussi importante et aussi fameuse que celle
de Figuieres . Mais cette terreur est juste. Les Républicains
se battent de maniere à exterminer tout ce qui ose résister à
leurs efforts .
1
,, Nous allons sommer Roses ; bientôt nous vous en apprendrons
la reddition . "
Signés , DELBERT , VIDAL , représentans du peuple .
P. S. Au premier jour nous vous ferons passer les drapeaux
pris sur l'ennemi , le nombre n'en est pas encore connu ;
mais il est considérable .
Nous vous adresserons également l'état des nominations que
nous avons faites , ou que nous avons à faire pour l'avancement
de certains militaires .
Nous vous envoyons ci-joint , un état des magasins et appre
visionnemens trouvés dans le château . ནྟི
Le nombre des prisonniers est de 9.400 ..
Du château de Saint- Fernando de Figuieres , le 8 frimaire.
Citoyens représentans , Figuieres , ce superbe château ,
est à la République , armé de plus de 150 bouches à feu , et
muni de grands magasins qu'on reconnaît en ce moment .
L'armée française y est entrée aujourd'hui à 9 heures ; sa garnison
est de 9107 hommes . Vous verrez par la capitulation
quel est son sort .
Citoyens représentans , je doute fort qu'on puisse , mêmedans
deux mois , avec tout le zele possible , vous dire toutes
les ressources en tout genre que nous trouvons dans les brillantes
conquêtes que l'armée vient de faire avec tant de rapiditité
. Demain je tâterai Rose , et quoi qu'il en soit , l'armée
' ne tardera pas à la compter dans ses triomphes .
Je joins ici le procès-verbal de la prise de possession du
château de Figuieres et la capitulation .
Salut et fraternité ,
Signé , PERIGNON , général en chef provisoire de l'armée
des Pyrénées orientales,
4.125
Capitulation du château de Figuieres.
Aujourd'hui 7 frimaire , l'an 3e . de la République Fran
çaise une et indivisible , entre Vincent de Ortuzard , lieutenant-
colonel d'artillerie , et Joseph - Antoine Guixano , lieute ,
nant - colonel d'infanterie , capitaine au régiment du Prince
fondes de pouvoirs ci- annexés de dom André de Torres
gouverneur du château de Figuieres , d'une part ;
" Et Dominique - Catherine Pérignon , général de division
des armees de la République Française , commandant en chef
l'armée des Pyrénées orientales , d'autre part ;
" A été convenu et arrêté ce qui suit :
Art. Ier . Le château de Figuieres , dit de Saint - Ferdinand
, sera rendu à l'armée française avec toute son artillerie ,
munitions et magasins de tout genre , demain à 9 heures du
matin . Le gouverneur fera connaître , par ses officiers du
génie , aux commissaires envoyés par le général Français ,
les mines qui sont dans la place .
,, II. La garnisou et les troupes auxiliaires portugaises qui en
font partie , sortiront par la porte principale ; la cavalerie ,
le sabre à la main , étendards déployés , sonnant la trompette
et battant des timballes ; l'infanterie avec drapeaux déployés
, portant les armes et tambours battans : elle sera.
prisonniere de guerre ; et après avoir défilé par le chemin
qui conduit à la Jonquiere , au milieu de l'armée française ,,
toute l'infanterie espagnole ou portugaise posera les armes
les rangera en faisceaux le long de la route , les gibernes à
côtés ; les porte-drapeaux quitteront leurs drapeaux , et les
tambours leurs caisses . Quant à la cavalerie , elle ne mettra
pied à terre qu'à la Jonquiere , où elle laissera ses chevaux ,
et déposera en même tems son armement et ses étendards.
Tous les drapeaux qui peuvent se trouver dans le château
de Figuieres , appartenans à des corps qui ne s'y trouvent
pas actuellement , seront aussi rendus au vainqueur. Il sera
permis à la garnison de Figuieres de se faire précéder , en
sortant du fort , de quatre pieces de canon de 4 et de deux
obusiers de six pouces , les canonniers ayant la mêche allumée
et le train nécessaire au service des pieces . Cette artillerie
sera laissée par les Espagnols au même lieu que les
fusils .
" III . Il est promis à la garnison prisonniere , qu'aussi- tôť
que l'Espagne aura rendu à la République le nombre de
prisonniers fraugais qu'elle lui doit en exécution de la capitulation
de Collioure , elle aura la priorité pour les échanges
qui pourront avoir lieu après .
" IV. Il est accordé à la garnison de Figuieres , tant officiers
que soldats , d'emporter leurs effets personnels : les officiers
se serviront des chevaux à eux appartenans , jusqu'à Toulouse
; ils pourront prendre leurs domestiques , et , pour la
( ' 1'26 )¹
conduite de leurs équipages , il leur sera fourni les chevaux
et voitures nécessaires : les pevaux des officiers seront remis
sans harnois aux agens de la République.
V. Le gouverneur du château fera connaître la caisse
generale de la garnison , les caisses des corps particuliers qui
en font partie , et celles des corps qui pourraient en avoir
amsi que celles des administrations militaires . Le général
Français enverra trois commissaires , à l'effet de vérifier les
fonds qu'elles peuvent contenir , et en dresser procès - veabal
en présence de trois commissaires espagnols nommés par le
gouverneur , ces fonds appartenans a la République . Quant
aux papiers , comptes et documens relatifs à la comptabilité
des corps , ils seront laissés à la disposition du gouverneur ,
auquel on facilitera les moyens de les faire parvenir à l'armée
espagnole.
VI. Tous les employés aux finances , aux hôpitaux , et
généralement tous ceux qui ne servaient pas sous les armes.
auront la faculté de se retirer en Espagne avec leurs effets
personnels et les papiers relatifs à leur exercice.
9 VII . En exécution de la loi portée par la Convention
nationale , relative à la violation de la capitulation de Collioure
, les prêtres qui se trouveront au château , seront reténus
comme ôtages .
VIII. Le gouverneur du château de Figuieres demeure
expressément tenu de déclarer et faire reconnaître les émigrés
français , s'il y en a dans le fort .
IX. Les commissaires espagnols à la capitulation , ayant
réclamé sûreté pour les habitans , respect pour les propriétés
et la liberté du culte , et les secours pour les blessés et les
malades , il leur a été répondu que toute stipulation à cet
égard était inutile , puisque l'humanité et les lois de la République
le commandent.
" X. Le général Français prendra possession , au nom de
la République Française , du château , une heure avant que la
garnison entiere qu'il comporte n'y eutre. Le gouverneur lui
remettra le contrôle nominatif de chaque corps prisonnier ,
ainsi que des employés à renvoyer en Espagne . "
W
Fait et arrêté au camp de Moulin , les jours et an cidessus
.
Signé , VINCENT DE ORTUZARD , J. A. DE GUIXANO : PÉ-
RIGNON , genéral de division , commandant en chef de l'armée des
Pyrénées orientales.
Résumé des états de situation des magasins de subsistances militaires
au moment de la reddition du ført de Figuieres , sauf la
vérification.
wing
Artillerie. 171 bouches à feu , 200 milliers de poudre .
ef approvisionnemens proportionnels.
( 127 )
Finances. 31 caisses renfermant les finances des corps
de troupes et les chapelles , à vérifier.
820
Provisions de bouche. Farine , 10,000 quintaux ; idem ,
barils ; biscuits , 2266 quintaux ; pore sale , 1804 quintaux ;
morue seche , 800 quintaux ; haricots , 250 quintaux ; riz ,
1108 quintaux ; pois , 100 quintaux ; fromage , 200 quintaux ;
huile , 157 quintaux ; tabac à fumer , 10 quintaux ; vermicelli ,
6 quintaux ; semoule , 2 quintaux ; savon en barre , 3 quintaux ;
poivre , 2 quintaux ; vin rouge , 1,000 pipes de 12 quintaux.
chaque ; eau-de vie , 80 pipes , idem ; vinaigre , 30 pipes , idems
feves, 2,000 fanegnes ; orge , 6,390 fanegues ; sel , 100 fanegues ;
canelle , 20 liv.; clous de gérofle et épiceries , 20 liv .; safran ,
8 liv.; chocolat , 65 liv.; chandelles , a quintaux ; moutons
vivans , 2,000 ; boeufs vivans , 31.
Effets de campement. Couvertures , 10,000 ; oreillers , 4000 ;
paillasses , 8000 ; draps de lit , 20000 ; traiteaux , 3000 ; bois
de chauffage , 25000 quintaux ; paille à coucher, 220 quintaux ;
lampes , 400 ; tables , 100 ; bancs , 200 ; salcans , 18 .
Certifié véritable , sauf vérification , par le soussigné commissaire
général de l'armée des Pyrénées orientales , au fort
de Figuieres , le 8 frimaire , 3e . année de la République Française
une et indivisible . Signé , PROBIT.
ARMER DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES.
A Bayonne , le frimaire.
La contrariété des élémens , chers collegues , n'arrête point
le courage de l'armée des Pyrénées- occidentales. Des positions
fatigantes par la nature des montagnes et qui l'étaient
devenues plus encore par les pluies et les neiges continuelles
avaient fait penser aux Espagnols qu'ils pourraient harceler
impunément les divisions les plus exposées de notre armée ;
mais il n'en a pas été ainsi , ei les Espagnols ont été battus
comme à l'ordinaire./
" Le 4 de ce mois , la division du général Marbot fut
attaquée . Les avantages furent d'abord peu conséquens ; mais
enfin , nos troupes s'avancerent à volonté dans le pays et prirent
des positions favorables . A Olave cependant , leurs car
touches ayant été épuisées , l'ennemi revint le lendemain à la
charge avec des forces supérieures : la division française ,
n'ayant plus que ses bayonnettes pour défense , s'est rangée en
bataille et , au pas de charge , a enfoncé les colonnes ennemies
, culbuté sa cavalerie , tué plus de mille hommes , et
mis tout le reste en déroute. Vive la République ! „
Salut et fraternité .
Signés , GARREAU , M. A. Bounot, représentans du peuple.
( 198 )
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes, 8 frimaire.
Veaujoix , accusateur public de la commission militaire
près l'armée de l'Ouest , a retracé plusieurs des faits dont il
avait déposé le 25 vendémiaire .
Ici Carrier a rclamé les pieces justificatives qui sont chez
lui , et les minutes qui par décret doivent être apportées de
Nantes .
Le président a répondu qu'aussi - tôt que ces pieces seraient
arrivées , elle lui seraient communiquées .
*
Veaujoix a continné et a dit : Arrivé à Nantes , dans le courant
de nivôse , je fus averti que deux généraux voulaient
enlever de l'entrepôt plusieurs femmes , dont douze étaient enceintes
, et des enfans âgés d'environ huit ans et au-dessous . 1
Je leur demandai ce qu'ils voulaient faire de ces femmes
et de ces enfans l'un deux , Lamberty , me répondit que
cela ne me regardait pas , et qu'il avait des pouvoirs illimités
; et l'autre , Fonquet ajouta : qu'on fasse venir de la garde,
je les ferai enlever. Je me décorai du ruban tricolor , et à ce
signe la garde refusa d'obéir aux deux généraux . Alors Lamberty
exhiba l'ordre suivant :
Au nom de la République Française , une et indivisible . Nantes ,
16 frimaire , l'an 2º . , etc.
Carrier , représentant du peuple pres l'armée de l'Ouest ,
invite et requiert le nombre de citoyens que Guillaume Lamberty
voudra choisir , à obéir à tous les ordres qu'il leur
donnera , pour une expéditión que nous lui avons confiée ;
requiert le commandant des postes de Nantes de laisser
passer , soit de nuit , soit de jour , ledit Lamberty et les
citoyens qu'il conduira avec lui : défend à qui que ce soit
de mettre la moindre entrave aux opérations que pourra nécessiter
leur expédition .
Le représentant du Peuple Français , signé , CARrier .
En marge est le cachet du représentant du peuple.
( La suite au numéro prochain )
P. S. Dans la séance du 18 , la Convention sur le rapport
des trois comités , a rappellé dans son sein les soixantetreize
députés qui avaient été mis en état d'arrestation ; elle
a étendue ce décret à Dulaure , Deverite , mis hors de la
loi ; Couppé ( des côtes - du -Noid ) et Thomas Payne . Elle
a rapporté la loi du 17 germinal sur la police générale . Elle
a renvoyé aux mêmes comités , pour en présenter la rédaction
demain eu après , la proposition de Cambacerès , d'ac--
corder une amnistie à tous ceux qui avaient été persécutés
à raison de leurs opinions , et pour des faits contre - revolutionnaires
autres que ceux compris dans le code pénal .
( N°2007. )
MERCURE FRANÇAIS.
DU QUINTIDI 25 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Lundi 15 décembre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
La bravoure gasconne. ( Conte.}
CERTAIN Gascon , brave comme César ,
Et d'un duel affrontant le hasard ,
Par ses propos piquait son adversaire ,
Qui , pour réponse , et l'attaque et le serre.
L'autre , de fuir. Arrête donc , morbleu ,
Lui cria-t- il , enflammé de colere ;
Du point d'honneur prétends-tu faire un jeu ?
Mais le Gascon ne s'embarrassait guere
1
D'un tel reproche ; et se vouant à Dieu ,
*
Il reculait comme à son ordinaire .
Son ennemi se sentant tout en feu ,
Lui dit alors : Poltron , je m'évertue ,
Et dans l'instant nous serons hors du lieu .
D'où vient , sandis , que ton ame est émue ,"
Dit le Gascon ; car cela doit fort peu
T'inquietter , pourvu que je te tue.
Par le citoyen GRETRY , fils,
3
1
CHARA D E.
Mon premier, par son prix , trop cher à bien des gens , ON
Dispense les plaisirs et les maux de leur vie ;
Mon second naît , s'écoule et fuit avec le tems ;
Mon tout d'un météore annonce la furie.
Tome XIII
( 136 )
ON
ENIGM E.
N nous unit plusieurs du genre féminin ,
Qui devenons alors un tout du masculin ;
Ce tout , si connu. dans le monde ,
Est d'une forme longue et ronde.
Bien qu'on fasse cas de mon corps ,
On prise plus ma queue encor
Dans maintes provinces de France
On me voit en grande abondance ;
De Pomone en moi tous les ans
Je reçois les riches présents ;
Chargé d'eux , bientôt on me traîné
Dans une prison souterraine ;
C'est- là , qu'avide de mon bien ,
J'attends qu'un mortel en corsaire
Se presse , pour se satisfaire ,
De me venir percer le sein ;
Au gré de son intempérance
Mon sang coule sans résistance ;
>
Je trouve en le perdant ma fin ;
Telle est la loi de mon destin :
Moi , qui d'un Dieu , suivant l'histoire ,
Forme l'attribut et la gloire .
LOGOGRIP HL.
UN cercle entre deus soeurs que l'on nomme nazales ,
Tantôt de même forme , et tantôt inégales ,
Présente un mot qui semble fait
Pour me causer qué de la peine ,
En s'opposant sur maint objet
Aux desirs de l'espece humaine.
A tel qui , d'un coeur pur , se montrerait jaloux
D'obtenir près de toi le doux titre d'époux
Jeune Chloé , que ta bouche vermeille
N'aille pas prononcer ce mot;
Mais par le mot contraire empresse- toi plutôt
De répondre à ses voeux en charmant son oreille .
( 131 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Nouveau système sur les granits , les schistes , les mollaces t
autres pierres oitreuses ; précédé de quelques observations sur les
Pyrénées. Par P. Bertrand , inspecteur général des ponts et
chaussées . In - 8 ° . de 63 pages, Prix , 30 sous pour Paris ; et
35 sous , franc de port , pour les départemens. A Paris , chez
Maradan , libraire , rue du Cimetiere- André-des-Arts , no . 9 ; an 3e.
CETET ouvrage est le fruit de longues études et observations ,
et , comme le dit l'auteur , il présente le plan de la meilleure
histoire du globe , fondée sur des découvertes ou vérités nou
velles ; mais aussi sur la ruine de plusieurs préjugés qui tyrannisent
encore les plus savans naturalistes. Quel que doive
être le sort du systême général , l'auteur a pensé qu'il serait
fort utile d'en détacher et de développer ici le systême particulier
du granit et de ce qu'on nomme le genre vitreux , tant
parce que c'est l'article le pins important de l'histoire naturelle ,
que parce qu'il doit être le fondement de la minéralogie ,
sur-tout de la lithologie-pratique .
Cela suffira , dit P. B. , pour montrer les erreurs ou les
ténebres qui couvrent encore l'histoire de la terre , et qui la
couvriront tant que la routine et les autorités présideront à
l'étude d'une science qni ne doit avoir pour maîtres ou pour
guides que l'expérience et l'observation , non pas seulement en
petit , en détail et sur un échantillon , comme cela se pratique
pour la commodité de l'enseignement public ; mais sur- tout
et avant tout , en grandeur naturelle , c'est-à-dire sur le vrai
théâtre , dans l'ensemble et dans le même ordre où se trouvent
tous les ouvrages de la nature , soit réguliers , soit acciden
tels ou désordonnés .
་
Au surplus , ce systême résout d'une maniere aussi simple
que générale e problême le plus important de la geologie, fl
montre en effet que le vitreux et le calcaire qui font tout le
partage de cette science , ne sont pas , comme on le croit , ni deux
natures opposées , ni même deux genres différens ; qu'au moins
leur différence , loin d'etre essentielle et originelle , n'est qu'un
accident local et postérieur à leur formation qui fut originairément
la même car des trois genres nouveaux établis dans
cette dissertation pour classer généralement toutes les terres ,
il est prouvé d'une part , que c'est dans le jetisse et l'arenacé que
se trouve nécessairement tout ce qu'on a reconnu pour vitreux ;
d'autre part , qu'ils ne sont l'un et l'autre qu'une émanation
du genre natif, et purement calcaire et qu'ils n'ont jamais pr
se former , ni s'accroître qu'à ses dépens , c'est-à - dire par
( 132 )
1
toutes les destructions on altérations qu'il a souffertes successivement
, et qu'il souffre encore tous les jours sur toute la
partie du globe qui est au- dessus de la mer.
Le Forgeron républicain ou la meilleure maniere d'utiliser les
mines de fer pour l'intérêt de la République par Guillaume-
Marie Boutechoux. In - 8° . de 51 pages. A Paris , de l'imprimerie
des écoles républicaines , rue Martin , nº . 51 ; l'an 3º . de la
République Française.
L'auteur de cette dissertation prétend que la manufacture du
fer , le plus nécessaire de tous les métaux , a été jusqu'ici
négligée . On n'a point encore cherché , dit - il , à connaître
et à suivre une veine de mine , à lui donner ou ôter les
adjoints nécessaires ou contraires à la fusion , et la façon de
la convertir en fer utile à la République. Les fourneaux sont
pour la plupart , ainsi que les forges , à la disposition d'onvriers
ignorans. Le point utile serait donc d'apprendre à
shercher la mine , la fondre , la conduire au point de solidité
et de dimension qui constituent les différentes especes de
fer , à le travailler en grand , au sortir des forges , dans les fonderies
, batteries et fileries , d'où il se distribuerait aux differens
besoins de la société .
Le fer est le seul métal vraiment utile ; il remue la terre , il
ferme nos habitations , il nous défend contre nos ennemis
avec lui nous abattrons tous les tyrans : il est cependant assez
commun de trouver des gens qui regardent d'un air dédaigneux
le fer et le manufacturier.
La distinction què méritent des manufactures de cette espece
devrait être particuliere ; il en reviendrait à la République un
produit considérable et un accroissement de richesses égal à ce
qui excede la consommation de la France , et passe chea
l'étranger.
La République contient une grande quantité de mines de
fer; elles se trouvent à différentes profondeurs et de diverses
figures. Quelquefois elle est en pierres de la grosseur du poing,
et quelquefois rude et criblée comme une éponge . Souvent
polie et luisante comme une glace , ou seulement en sable . II
y a des endroits où la mine de fer est à peine couverte de deux
ou trois pouces de terre , mais ordinairement il faut fouiller
à quatre , cinq ou six pieds de fond.
On a remarqué qu'il y a du fer dans la terre en poussiere ,
dans le limon , dans l'argille , dans la marne , et sur-tout dans
les terres grasses qui sont brunes , rouges ou noires ; on en
trouve encore dans la pierre à chaux , dans la pierre à fusil
et autres .
*
Le travail des mines consiste , 1 ° . à tirer de la miniere la
( 133 )
mine dont on veut faire usage. 2 °. A la séparer des corps ou
substances nuisibles . 30. A ajouter les matieres convenables
à la fusion , qu'on appelle fondans .
Ce sont ces différens procédés de fabrique et de manipula
tion que l'auteur expose avec précision , avec clarté et avec
connaissance de l'art dans cette dissertation , qu'on peut considérer
en effet comme le manuel du Forgeron républicain .
ANNONCES.
Dissertations par le citoyen Buc'hoz , médecin, rue des Grands
Augustins , no. 26 , à Paris ; in -folio grand format , pour faire
suite à ses ouvrages d'histoire naturelle dans les trois regnes
de la nature .
1º . Dissertation snr la digitale purpurine et sur les propriétés
médicinales de cette plante , principalement sur celles qu'on
a découvert depuis peu pour guérir l'hydropisie . Six pages .
Dissertation sur les plantes des environs de Paris qui
peuvent servir d'ornement dans nos jardins ; par ordre alphabétique.
Quinze pages.
30. Dissertation sur le vin et ses différentes especes , faisant suile à
celle sur la vigne, Vingt pages.
4º. Dissertation , en forme de catalogue des ouvrages de
de J. P. Buc'hoz , médecin. Pour l'année 1795 , vieux style .
Géographie élémentaire de la République Française , avec les
nouvelles dénominations des communes et l'indication des productions
et manufactures de chaque pays et des traits principaux
relatifs à la révolution . Par le citoyen Philipon . In - 16 de
160 pages . A Paris , de l'imprimerie des écoles republicaines ,
sue Martin , nº. 51 , près le théâtre des Sans - culottes , l'an 3 .
de la République,
Lettres de Cicéron à Brutus et de Brutus à Cicéron , avec une
préface critique des notes et diverses pieces choisies , traduites
par Prevôt ; volume in - 12 . Chez les freres Barbón ,
imprimeurs-libraires , rue des Mathurins .
Les entretiens dé Cicéron sur les vrais biens et les vrais maux
traduits par Regnier Denmarais , suivis du traité de la conso
lation , par Morabin ; volume in- 12 . Prix , 3 liv. 12 sols
broché. A Paris , chez les freres Barbou , imprimeurs -libraires ,
rue des Mathurins .
1 3
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
•
CONSTANTE
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 23 Novembre 1794.
ONSTANTINOPLE , 15 octobre. Le grand- visir s'est rendu dernierement
au Tsistitick , maison de campagne dont jouit le grandamiral
pendant qu'il est en charge . Ce ministre fit défiler devant
lui les nouvelles troupes , qui , depuis quelques tems , sont exercées
dans ce lieu par des officiers européens . Elles se livrerent
aux diverses manoeuvres qu'elles ont apprises jusqu'ici , et s'étant
partagées en deux corps , d'uniforme different , elles firent l'attaque
d'un petit fort érigé à dessein , et l'emporterent d'assaut .
Parmi la foule des spectateurs , il y avait quelques personnes
instruites dans l'art militaire , qui témoignerent leur surprise des
progrès de ces troupes , dans un tems si court . Leurs officiers ont
été récompensés par diverses marques d'honneur et de gratifications.
Le divan demanda , il y a peu de tems , aux ministres
étrangers un passe- port pour un bâtiment français , pavillon
tricolor , qui doit aller à Jaffa en Syrie , afin de conduite ici ,
pour le compte de la Porte , huit mille kiloos de blé . Ceux
d'Espagne et de Naples l'accorderent sans difficulté ; l'ambassadeur
d'Angleterre et le chargé d'affaires de Hollande le refusereut
d'abord , prétendant qu'une proposition de cette sorte
était hors des regles , et qu'il était contre l'intérêt des puissances
maritimes de favoriser le cabotage de leurs ennemis,
Le divan , piqué de cette conduite , insista . Les deux ministres
se réunirent enfin pour faire déclarer au réis - effendi 'qu'ils
accordaient le passe- port . Iis ajouterent que c'était pour cette
fois seulement , et dans le dessein de conserver la bonne intelligence
avec la Porte , mais qu'ils priaient le divan de ne point
revenir à la charge .
Les négociations au sujet des limites de Bosnie , entre l'internonce
impérial et le ministre ottoman , se continuent . Il a
été expédié de nouveaux ordres , accompagnés de menaces
aux habitans d'évacuer sans délai les places cédées par le traité
´à la maison d'Autriche .
Cette ville et ses fauxbourgs souffrent depuis six mois du
manque total de pluie , On dit que l'Archipel et les bords de la
mer Noire sont dans le même cas . Cette circonstance a fait
que
la derniere récolte a été pauvre et chétive . Le gouvernement
se pourvoit de blé sur les côtes de Syrie et en Egypte .
1135
135
) Cette derniere contrée paraît assez tranquille . Elle fournit
régulierement sa contribution annuelle ; mais les beys ont ré
tabli l'ancien systême de leur indépendance. Ils laissent au
pacha ou gouverneur en titre , qui réside au Caire , la réprésen
tation et la jouissance des revenus attachés à sa charge ; mais
sans aucune autorité .
Machmud pacha , vassal réfractaire d'Albanie , ne cesse point
d'inquietters provinces voisines. Le gouvernement a fait
jusqu'à ce jour , pour le réduire , des efforts inutiles.
On mande de Stockholm qu'à l'entrée du printems 24,000
hommes formeront un camp près de Schomme . H parait néanmoins
qu'il n'est question que d'exercer les troupes en grand ;
car le bruit court dans cette capitale que l'ambassadeur russe
Romanzow , qui avait été rappellé il y a quelque tems ,
n'avait laissé que le chargé d'affaires Notbeck , va bientô
revenir.
et
Au reste , la meilleure intelligence et même l'amitié continuent
à régner entre la Suede et le Danemarck. Il est question
du départ prochain du comte Sprengporten , en qualité d'am
bassadeur auprès du cabinet de Copenhague .
Ce cabinet manifeste toujours la plus grande sagesse . Non
content de se mettre en état de faire respecter au dehors l'indépendance
et la neutralité de la nation , il s'occupe encore
du perfectionnement de son économie intérieure . Une ordonnance
de la chancellerie vient de déterminer un nouveau mode
pour l'entretien des forêts de Norwege , et de prescrire des
regles pour les coupes de bois destinées à la navigation ..
On attend à Copenhague le baron de Staël , mais il n'y fera
que passer , et se rendra de là en Suisse ; ce qui donne lieu à
beaucoup de conjecinres . Mais il faut convenir qu'elles sont
jusqu'à présent trop vagues pour mériter quelqu'attention .
Le sort de la malheureuse Pologne est absolument décidé.
Après la conquête de Prag , fauxbourg de Varsovie , la rési
dence a fait proposer au vainqueur des points de capitulation ;
mais ils ont tous été rejettés , et le général Suwarow a voulu
que la ville se rendît à discrétion il déclarait toutefois à
l'avance que les habitans n'en avaient rien à redouter pour
leurs vies , ni pour leurs hiens . La bourgeoisie agréa , le 9 , ce
qui était exigé d'elle , et , le 10 , le général Suwarow a fait son.
entrée à Varsovie...
De Francfort-sur- le-Mein , le 17 novembre.
Les succès des Russes et des Prussiens contre les Polonais
et l'inactión de la Porte ottomane qui a vu écraser ce peuple ,
son allié naturel , sans faire la moindre diversion en sa fayeur
, ont singulierement changé les dispositions, du cabinet
14
136, )
de Vienne. Il n'y est presque plus question de paix : au contraires,
on fait dans les états héréditaires des préparatifs qui
continuent d'affaiblir l'Autriche et promettent au roi de
Prusse des victoires faciles , quand il se brouillera avec cette
puissance , qui pourrait bien aussi être attaquée avant peu par
la Porte ottomane , accoutumée à mépriser les troupes autrichiennes
autant qu'elle redoute les Russes .
3ر
ne
Quoi qu il en soit , suivant les dernieres lettres de Vienne ,
on leve actuel ellement 40,000 hommes ; es s'il en fallait croire
les exagerateurs , on ne s'en tiendra pas là . L'Autriche à elle
seule fournira 100,00c hommes , les autres états à proportion .
Il n'y a que la Hongrie à qui l'on demandera rien . Le
travail des arsenaux et des fonderies va sans discontinuation .
L'empereur presse , tant à la diete qu'auprès des cercles , la
prestation du quintaple . On attend , pour la fin de novembre ,
plusieurs généraux autrichiens , afin de concerter avec eux le
plan d'une nouvelle campagne , et l'on sait d'avance qu'il
sera tour different de celui du colonel Mack . On a un commandant
en chef tout prêt pour remplacer Clairfayt , à qui
sa santé délabrée ne permet pas de garder ces pénibles fonc
ions . Ce general est le comte François Kinski , directeur de
l'académie militaire .
•
On imagine bien que , dans ces circonstances difficiles et
dispendieuses , la cour réforme toutes les dépenses de plaisir
ou de luxe . Elle a donné ordre de détruire les sangliers du
Prater , dont entretien coûtait 40.000 florins par aan . En
effet , on aurait mauvaise grace se les permettre , puisqu'il
va falloir incessamment augmenter les contributions des villes
et des campagnes .
La Prusse avait fait notifier à l'Autriche qu'elle retirait
20,000 hommes des bords du Rhin , parce que l'Autriche
n'exécutant point les traités d'alliance et de partagé relatifs
a la Pologne ne lui avait pas fourni les 20,000 hommes
dont elle avait besoin pour défendre la portion qui lui est
échue. Mais on a appris que , d'après la nouvelle de la réduction
de Varsovie , ces troupes s'étaient remises en marche
pour se reporter vers Mayence et Manheim , et aider les
Autrichiens
à dégager ces places serrées de près .
Le gouvernement autrichien suivant à la lettre le proverbe
charité bien ordonnée commence par soi - même , employait
les troupes qu'il aurait pû et dû fournir , d'après le
traité , à couvrir les frontieres de la Gallicie ; car , d'après
des nouvelles assez récentes , il y craignait quelque explosion .
Des ordres ont été donnés , disent ces mêmes lettres , pour
n'y laisser entrer aucun insurgé polonais , et n'en laisser non
plus sortir aucun . Tous sont l'objet d'une surveillance trèsinquiete
, parce qu'on croit être sûr qu'il y a parmi eux
plusieurs officiers travestis , charges d'exciter un soulevement .
Enfin les alarmes allaient au point que le corps des trans,
t
•
( 137 )
ports militaires de cette province devait être renforcé de di
divisions , à partir du 10 novembre au 1er, janvier.
Ces mesures sont et doivent paraître moins nécessaires
depuis les grandes victoires des Russes sur les Polonais . Mais
l'Autriche en aurait peut- être besoin contre les Turcs , s'il
faut ajouter foi aux nouvelles suivantes , d'autant plus doutenses
que la date du fait principal n'est point indiquée , et
que d'ailleurs de petites affaires de ce genre ont quelquefois
lieu par des mal- entendus , sans troubler la paix ; sur-tout
quand il s'agit de démarcation de frontieres , les Bosniaques
Tures se refusant en général à passer sons la domination
autrichienne.
Des lettres reques de la Gallicie annoncent que le …….…………...
octobre , les Turcs ont attaqué un piquet de troupes autrichiennes,
il y a eu plusieurs morts de part et d'autre . Le 13
du même mois , des Bosniens réunis , au nombre de plu- ,
sieurs mille , dans les environs de Vakup , firent mine d'attaquer
le cordon de troupes impériales . Les généraux autrichiens
, de leur côté , firent des préparatifs de defense , et
ordonnerent même aux habitans de s'armer . Les Turcs demeurerent
long - tems en observation sur une montagne appellée
dans le pays Vissocsoza ; il ne paraît pas cependant
qu'il y ait eu ce jour aucune affaire ; mais ces présages , ou
plutôt ces commencemens d'hostilités , donnent ici de vives
inquietudes,
D'autres lettres de la capitale de l'Autriche disent qu'on
ya condamner à une prison perpétuelle , les prévenus da
complot qui a donné lieu à une enquête juridique . Le crime,
peut- être imaginaire , qu'on leur reproche est d'avoir projeté
d'incendier les trois ponis de Vienne , pour enlever la per
sonne de l'empereur qui , dans ces occasions , ne manque
gueres de veuir encourager les travailleurs par sa présence.
Cette conspiration dont on fait grand bruit à la cour ,
donnera vraisemblablement lieu à la revision du code penal , et
au rétablissement dans certains cas majeurs de la peine de mort,
absolument abolie par Joseph II.
Ou mande d'Olmatz , que l'ex - général français Beurnonville
qui était détenu prisonnier dans ce lieu , vient de s'échapper.
Il avait obtenu la permission de sortir accompagné de
deux gardes . Un matin qu'il avait poussé sa promenade un
peu loin , deux hommes à cheval , habillés à l'anglaise
parurent
ville samout à - coup tenant un cheval de main . Beurnonsur
ce cheval , et disparut comme un éclair . On
se mit à sa poursuite , mais l'on n'est parvenu à atreter
que l'un des deux individus qui l'avaient aidé dans sa faite .
" On écrit de Berlin , en date du 18 novembre , que les
bruits d'une paix prochaine avec la Franco se sont affaiblis
( 138 )
Cependant les émigrés français ont reçu brusquement , ces
jours derniers , l'ordre de quitter la capitale. Quelques personnes
avaient trouvé l'explication de cette mesure dans les bruits de
paix dont il était fort question alors . Mais depuis qu'ils se
sont dementis , on ne sait plus quel motif en assigner. Au
milieu des embarras des conjonctures actuelles , le roi continue
de se tenir presque toujours à Postdam . Il est vena le 7
à Berlin à l'occasion des couches de sa bru ; mais il a quitté
cette ville immédiatement après l'avoir vue. Les bonnes nouvelles
qu'il reçoit de la Pologne paraissent lui donner la plus
vivé satisfaction , et rendre de l'énergie à son caractere :
la coalition en profitera ; car il renvoie décidément sur les
bords du Rhin 20,000 hommes , qu'il en avait tirés poar la
défense de la Silésie contre les insurges Polonais .
Ces 20,000 hommes et beaucoup d'autres encore ne seront
point de trop pour résister aux Français , et sauver Mayence ,
Manheim , et peut être aussi notre ville de Francfort , dont
il n'y a pas assez long- tems que les soldats de la République
étaient maîtres , et dont ils sont encore trop près pour que
nous bannissions toute crainte à cet égard . Aussi est - ce avec
u grand plaisir que les magistrats y ont vu entrer , le 27 , le
er , bataillou des gardes prussiennes qui doit y rester en canonuement.
A cette époque on n'entendait plus , depuis trois
on quatre jours , tirer du côté de Mayence on en sait aujourd'hui
la raison c'est que l'ennemi se borne à pousser
ses travaux qui se font avec plus ou moins de succès , mais
qui toujours decelent des vues d'une nature fort sérieuse . Lefeu
des Français n'a jusqu'à présent pas fait encore grand
mal à Mayence , où il n'a brûlé qu'une maisonnette dans le
voisinage du Laboratoire . Bretzenheim est de nouveau occupé
par un piquet de troupes françaises ; mais tout à été d'ailleurs
tranquile ces jours derniers , si l'on en excepte une ca
nonnade qui s'est fait entendre entre Gerrsheim et Ginsheim,
On dit que les Français ont manifesté l'intention de jetter
un pout sur le Rhin , près de Bingen ; mais qu'ils ont renoucé
a ce projet en voyant la résistance qu'on voulait leur opposer.
Dans le canton de Bâle , on a découvert une fabrique de
faux assignats. L'entrepreneur , personnage d'importauce , a
pris la fuite ; mais son collaborateur , un émigré français , a
été saisi et conduit à Bâle chargé de chaînes .
D'antres lettres de cette ville , du 19. novembre , disent
Depuis quelques jours , nous avons ici un aide- de - camp du
feld-maréchal de Mollendorf , avec quelques autres personnes.
Il s'est abouché plusieurs fois avec le citoyen Bacher , secrétaire
de légation de France .
Quelques personnes prétendent qu'il s'agit de négociations
de paix ; mais d'autres disent qu'il est seulement question
un échange de prisonniers.
1.139 f
P V I CES- UNI
On mande de la Haye , en date du 13 novembre , que , suivant
des avis reçus de Berg-Op-Zoom , il y eut le 7 au matin
un combat assez vif entre une partie de la garnison de cette
place et une division française . On y craignait que cetta action
dans laquelle les français s'étaient approchés jusque sous le feu
des ouvrages,ne fût le prélude d'un siége dans les formes ; ce qui
semble encore mieux l'indiquer , c'est qu'un trompette apporta
le 9 au soir une lettre au commandant. Gertruidemberg paraissait
également menacé d'une diversion ou d'une attaque prochaine
par les français , qui poussaient si vivement le bombardement
de Thiel , que l'on craignait que cette petite forteresse
ne tombat bientôt entre leurs mains . Ils s'occupent toujours de
forcer le passage du Vaal , du côté de l'isle de Bommel , que
les Hollandais continuent de défendre ce qui fait élever de
part et d'autre de fortes et nombreuses batteries . Utrecht est le
point central du corps d'armée hollandaise , fortifié par la légion
d'émigrés de Damas qui y est arrivée le 10.
Suivant des nouvelles plus récentes , la garnison d'Amster
dam sera augmentée de 8 à 10 mille hommes ; et pour completter
ce nombre , on armera les habitans des fauxbourgs et
même les juifs . Les Hollandais sont toujours très- mécontens
de la conduite des Anglais , leurs prétendus défenseurs , dont
ils éprouvent mille vexations . C'est sur-tout à Nimégue qu'ils
ont porté au plus haut point l'indiscipline . Le Stathouder a eu
beaucoup de peine à calmer les troupes .
Les français paraissent avoir dessein d'investir Breda et
Berg- Op-Zoom, On croit que c'est- là l'objet de la forte reconnaissance
qu'ils ont faite le 7 dans les environs de la derniére
de ces places , et qui a donné lieu à une action assez vive . Ils
font des rassemblemens de troupes à Bois-le -Duc . Leurs postes
autour de Breda se multiplient. lis y ont recu ces jours derniers
, beaucoup de canons et d'obusiers.
Enfin les dernieres nouvelles de Leyde annoncent que Gertruidemberg
et Berg-Op- Zoom sont bombardés avec beaucoup
de vivacité.
Depuis l'entrée des français dans Nimégue , il ne s'est passé
aucun fait de guerre semarquable dans ces quartiers .
Un corps de troupes impériales de vingt mille hommes , seus
les ordres du général Werneck , a , dit - on , passé à le solde de
la Grande-Bretagne , et doit - être employé à la défense de la
Hollande . Dans le moment actuel , il garnit la rive droite
du Rhin , depuis Wesel jusqu'à, Arnheim er Panderon . Au
reste , il n'y a point de changement dans les positions respectives,
Le quartier-général d'Yorck est toujours à Arnheim .
( 140 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. "
NVENTION NATIONALE.
PRÉSID DI REWBEL.
Séance de septidi , 17 Frimaire.
Il y a eu hier au soir une séance consacrée au renouvelle
ment du bureau . Rewbel a été nommé président ; Giraud
Ponzol , Dubois Dubais et le Tourneur ( de la Manche) , secré →
taires .
La séance du 17 s'ouvre par la lecture d'une lettre des
citoyens d'Avignon , revêtue de quatre mille signatures , où ils
dénoncent les horreurs commises dans leur commune par les
agens de Robespierre et le représentant du peuple Maignet ;
ils demandent vengeance .
Renvoi au comité de salat public pour en faire un prompt
rapport . Ve
B
Quelques citoyens de Coutances écrivent à la Convention.
quee la terreur regne encore dans le département de la Manche ;
ils demandent un representant du peuple pour les faire jouir
des bienfaits de la révolution du 9 thermidor .
Renvoyé au comité de sûreté générale .
Jean-Bon - Saint André écrit que la Convention en rapportant
son décret par lequel elle avait mis hors la loi tous ceux qui
avaient participé aux actes liberticides de la commune de
Bordeaux , a commis une injustice à l'égard de Sers , président
du département , qu'elle a excepté . Il assure que Sers
est un vrai patriote qui a fait à la révolution de grands
sacrifices , et qui n'a été qu'égaré . Il demandé le sursis du
décret à l'égard de Sers ett le renvoi aux comités ,
Boudin en prend occasionན -de faire la motion du sursis de tous
les décrets de mise hors la loi et du renvoi aux comités
pour faire un prompt rapport. Adopté. ( Vifs applaudissemens.
)
Eschasseriaux appelle l'attention de la Convention sur l'état
de langueur où gemissent les arts , l'agriculture et le commerce.
Il propose d'accorder toute liberté et toute protection
au commerce , de créer un conseil de commerce , de rappeller
les ouvriers qui sont sortis du territoire de la République
par défaut de travail , et de faire des avances aux cultivateurs
fabricans et manufacturiers.
Thibandeau pense qu'un pareil décret ne remplirait pas les
intentions de la Convention , et qu'il s'agit moins de créer
que de détruire ce qui a été fait de mauvais . On n'a point
( 141 )
encore , selon lui , abordé la vraie question , c'est celle de
savoir si la loi du maximum doit subsister. Il la regarde comme
désastreuse . Une autre mesure , dit it , qui a singulièrement
nui au commerce , c'est l'acte de navigation . Il convient cependant
que la liberté indéfinie du commerce peut dans ce
moment entraîner de grands inconvéniens . Il propose en cons
séquence le renvoi aux comités pour faire un rapport sur ces
deux objets.
Clausel généralise la proposition , et demande que les comités
présentent à la Convention un plan général d'économie politique
; décrété.
ой
Johannot , au nom du comité de commerce , fait adopter
un projet de décret sur les établissemens de commerce
manufactures dont les entrepreneurs sont tombés sous le
glaive de la loi , ou dans lesquels étaient intéressés des indis
vidus dont les biens ont été confisqués au profit de la Répu
blique.
2.
Guérin. Je viens rappeller à la Convention nationale un des
devoirs importans qu'elle a à remplir. Il ne lui suffit point d'a
voir consigné les grands principes de justice dans la sublime
adresse aux Français , il faut qu'elle en donne un grand exemple,
en rappellant dans son sein la portion nombreuse de la Conven
tion qui est éloignée du poste où le peuple l'a placée ........ Le ..
peuple que l'on a si souvent égaré , le peuple qui abhorre le
crime , applaudit à vos actes de justice . Ne le laissez donc pas
desirer plus long-tems de voir la représentation complette .........
Dans cette affaire , la seule politique à suivre est de rendre
hommage à la vérité . Quel est celui de nous qui n'a pas la conviction
de l'intégrité et du civisme de nos collégues ? qu'ils
n'ont commis d'autres crimes que d'avoir été plus clairvoyans
que les autres , et d'avoir signalé les traîtres . Cependant je suis
jaloux de leur gloire ; je demande que la loi relative à la ga
rantie de la représentation nationale leur soit appliquée , et que
primedi prochain les comités de gouvernement fassent leur
rapport sur nos 73 collégues .
Cette proposition est adoptée au milieu des plus vifs applau
dissemens.
Séance d'octidi , 18 Frimaire.
Merlin ( de Douai ) , au nom des trois comites de gouverne
meut : En exécution de votre décret d'hier , vos comités se
sout occupés de l'affaire de nos 73 collégues ; ils vvous propo
sent de les rappeller sur- le.champ dans votre sein .
Ce projet est adopté au milieu des plus vifs applaudissemens
et des cris de Vive la Convention !
Monestier demande le rappel de Dulaure ; Guyomard , de
Coupé ( des côtes du Nord ) ; Dumont , de Devérité . Ces propositions
sont adoptées ,
Thibaudeau ; Il reste encore à la Convention à faire un grand
1
( 142 )
1
acte de justice. Je réclame en faveur d'un homme qui a hónoré
son siecle par son énergie à défendre les droits de l'homme , qui
s'est si glorieusement distingué par le rôle qu'il a joué dans la
révolution d'Amérique , de Thomas Paine ; je n'ai jamais entendu
articuler aucun reproche contre lui . Un décret de l'Assemblée
législative l'avait naturalisé français Une intrigue l'a
chassé de la Convention comme étranger . Je demande qu'il y
soit rappellé. ( Vifs applaudissemens . )
Cette proposition est décrétée .
Bourdon ( de l'Oise ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté générale et de législation , propose le rapport de la
loi du 27 germinal sur la police générale de la Republique .
Ceux sur lesquels elle a frappé , dit il , ont été traites avec une
barbarie inconcevable , quoique , malgré la vigueur des comités
révolutionnaires de Paris , ils n'eussent pas été judés assez snspects
pour être incarcérés, Robespierre avait résolu de détruire
les deux castes ci -devant dominantes et la classe intermédiaire
, pour fonder la tyrannie et régner sur le reste . des
citoyens. Ainsi il marquait les hommes qu'il voulait perdre , et
augmentait la classe des nécessiteux , c'est - à - dire , des hommes
à 40 sous . Bourdon ajoute que la Convention ne doit pas être
moins juste envers tous les citoyens que vis-à- vis de ses collégues
; il demande donc le rapport du décret , à l'exception des
articles 1 et 2 relatifs à la compétence du tribunal révolutionnaire
, et que les arrêtes du comité de salut public et des représentans
du peuple en mission , rendus en exécution de cette
loi , soient annulles.
Ces propositions sont décrétées au milieu des plus vifs applaudissemens.
>
Cambacérès : Les décrets que vous venez de rendre seront
des monumens de bonheur . La révolutiun , semblable à un torrent
rapide qui suit une marche inégale , a opéré dés effets divers
, quoique les principes fussent les mêmes . Des patriotes se
sont quelquefois opposés à des mesures qu'ils croyoient blesser
la liberté ; d'autres les ont quelquefois outrepassées . Il
9
apparient
à la Convention de réunir tous les Français en un faisceau
, en distinguant l'erreur du crime ; elle doit punir le crime
et pardonner à l'erreur . Il propose en conséquence une amnistie
pour tous les faits relatifs à la révolution , lorsque , par
leur nature ils ne seront point réputés délits par le code pénal
; et comme cette proposition a besoin d'être mûrie , il en
dmande lui-même le renvoi aux comités .
9
Elle est décrétée au milieu des cris de Vive la Convention !
vive la République !
Baraillon invoque l'humanité de l'Assemblée en faveur d'un
prêtre qui croupit dans un cachot , et qui est âgé de 89 ans.
Grégoire s'éleve contre la barbarie exercée contre certains
hommes , parce qu'ils ont été de teile on telle caste ; il déclare
qu'il ne connaît aucune caste dans une Républiqué , mais seu(
143 )
lement de bons ou de mauvais citoyens. On demande si ce
prêtre est réfractaire . Millaud répond qu'il l'est ,, mais qu'il est
accablé de vieillesse et d'infirmités. La Convention renvoie au
comité de sûreté générale pour Statuer sur les cas particuliers.
Perès , au nom du comité de législation , soumet à la Convention
quelques difficultés qui se sont élevées sur l'exécution
du decret relatif aux certificats de civisme , et il fait décréter
que les municipalités et les sections sont les juges naturels du
civisme des citoyens , que le visa des directoires n'est que l'action
de constater la vérité des signatures des officiers qui les ont
délivrés que si cependant les districts ont des preuves materielles
ou écrites de l'incivisme des impétrans ,ils pourront suspendre le
visa pendant trois jours , et enverront les pieces aux municipalités
pour prononcer .
Séance de nonidi , 19 Frimaire.
Isabeau , en mission dans le département du Bec-d'Ambez ,
écrit à la Convention , qu'il a reçu le décret de son rappel , auquel
il s'empsesse d'obéir, Quant à la commission créée par lui
pour reviser les jugemens de la commission militaire de Bordeaux
, il répond qu'en prenant cette mesure , il n'a fait qu'obéir
au cri de la justice qui réclamait de toutes parts contre
des jugemens iniques , ainsi qu'à l'instrucion qui lui a été
adressée officiellement par les comités de salut public et de
législation .
Renvoi aux trois comités.
Gregoire appelle la justice de l'Assemblée sur Lanjuinais ; il
assure que son coeur a toujours été pur , et que tous ceux qui
le connaissent , rendent à sa probité la justice qui lui est due .
Il demande que les trois comités fassent promptement leur rapport
sur lui et sur tous ses collégues qui sont dans le inême cas .
Décrété.
Mailhe demande le rapport du décret qui charge le comité det
décrets d'examiner la conduite politique des suppléaus appellés
à la Conventiou nationale . Il regarde ce décret comme allentatoire
à la souveraineté du peuple.
Rewbel partage cette opinion ; mais il croit qu'il ne faut rien
décréter d'enthousiasme , et pour l'honneur des principes , il
propose le renvoi aux trois comités . Il est décrété .
Dussaux , au nom des 73 députés : Il est donc arrivé le grand
jour de la justice , précédé de tant d'autres non moins consolateurs
; ce jour qui remplit le voeu du peuple et nos voeux les
plus ardens . Il nous rend la liberté que nous n'aurons jamais
dû perdre , et l'honneur que l'on avait tenté envain de nous
ravir ; mais la vérité tôt ou tard surmonte l'imposture , dé- ‹
masque l'intrigue , et remet tout à sa place , les choses et les
hommes ..... Gloire , honneur et respect à la Convention nationaje
! tel est le cri des vrais patriotes qui , dans les circonstanes
actuelles , la regardent somme la derniere ancre du vaisseau de
( 144 )
Ja République à peine sorti de la tourmente. On ne viendra
plus attenter sans remords et sans pudeur à l'intégrité de la
Convention nationale . Que voulions -nous autrefois , citoyens ?
le règne de la justice , la compression de l'anarchie , de bonnes
lois , de bonnes moeurs. Eh bien ! que voulons - nous aujourd'hui
? tout ce que nous avions tant desiré ; mais nous voulons
encore vous prouver , ainsi qu'à l'univers entier , que si nos
corps se sont uses dans les réduits fetides de la tyrannie , nos
ames retrempées par le malheur , y ont repris une nouvelle vigueur.
C'est aussi là que nous avons appris à compatir aux
maux de nos semblables , et à n'opposer à nos ennemis que de
la patience , au lieu d'injures et d'inutiles représailles ,
Le discours de Dussault est souvent interrompu par de vifs
applaudissemens, La Convention en ordonne l'insertion an bulletin
et la distribution à ses membres .
Grégoire dénonce les abus des administrations des postes :
Le secret des lett.es est violé ; les lettres chargées n'ont pas
été plus respectées ; il observe que le mal vient de ce que Robespierre
, qui comptoit beaucoup sur elles pour influencer l'opinion
publique , l'a remplie de ses agens .
Renvoi au comité des transports et messageries ,
Pelet , au nom du comité de salut public , annonce l'entrée ·
dans nos ports de dix vaisseaux ennemis richement charges .
( Voyez les Nouvelles officielles . )
Taveau expote que les citoyens da Calvados ont été induits
en erreur par leur patriotisme . Ils croyoient que la représentation
nationale n'était pas libre , et ils vouloient la défendre ;
il dit que le jour de toutes les justices est arrivé , et il demande
la rapport, du décret qui ordonne qo'il sera élevé une
colonne infamante sur les ruines du château de Caen .
Dumont ( du Calvados ) appuie et ajoute que le fédéralisme
est un mot inventé pour perdre les bons citoyens ; il demaude
la revision de toutes les lois de sang faites par Robespierre
.
Tallien pense qu'il ne faut pas seulement reviser les lois ,
mais diminuer le nombre des fonctionnaires publics ; il penche
à croire que les comités révolutionnaires ne sont plus utiles ,
Cependant , comme cette question a besoin d'être approfondie
, il en demande le renvoi aux trois comités .
Thuriot saisit cette idée , et il demande la suppression dans
l'instant de ces comités .
Clauzel s'écrie qu'il y a de la perfidie dans cette proposition
. Pelet et Bourdon eu démontrent le danger , Ils savent
que le fanatisme s'agite , leve la tête , et qu'il faut une autorité
pour le comprimer. Ce n'est pas sans doute par la persécution
qu'on peut l'éteindre ; il faut respecter la liberté des consciences
; mais on ne doit pas souffrir qu'elle donne lieu à des
rassemblemens dangereux . D'ailleurs , à qui la suppression des
comités révolutionnaires serait-elle utile ? L'honnête citoyen
ne
MÉDECIN E. op
EXTRAIT
DE LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE , LITTÉRAIRE ET
POLITIQUE , du 20 Brumaire de l'an troisième ( 1 ) .
RECUEIL DE RECHERCHES ET D'OBSERVATIONS sur les différentes
méthodes de traiter les Maladies Vénériennes , et particuliè
rement sur les effets du remède connu sous le nom de Rob anti -syphilitique
, par Laffecteur , co -propriétaire de ce remè.le ; in- 8°. de
150 pages d'impression , caractère Didot , présenté à la Convention
nationale : se trouve chez l'auteur , à Paris rue des Petits - Augustins
, no. 1276 ; prix, 25 s . pour Paris , et 35 sous , franc de port,
pour les départemens. રે
ANALYSE.
L'OUVRAGE que nous annonçons intéresse si vivement une partie
de l'humanité souffrante , que nous croyons devoir nous empresser d'en
rendre compte . L'auteur paraît avoir fait une étude approfondie de
la matière dont il s'occupe ; et la confiance qu'il ne sollicite point ,
mais qu'il inspire , naît des développemens qu'il présente avec le ton
de la vérité , ton qu'il est facile de ne pas confondre avec celui d'une
présomption suspecte , ou d'une mauvaise foi criminelle. Il écrit en
s'appuyant , comme il le dit lui -même , sur l'autorité des faits et de
L'observation.o mjet 1
Guidé par les praticiens les plus estimés , il passe en revue les différentes
méthodes de traiter les maladies vénériennes ; il parle sommairement
des unes et de quelques autres , avec les détails qu'exigent
l'intérêt des malades et l'importance de l'objet,
Il répète , d'après des écrivains connus , qu'on a trouvé des remèdes
contre ce fléau , dans le règne animal , dans le règne végétal et dans
le règne minéral.
" Comme le règne animal a fourni peu de ressources ou des ressources
peu certaines,, pour la guérison des maladies vénériennes ; que les
praticiens n'ont pas été plus heureux dans les combinaisons qu'ils ont
faites de certaines substances , présumées spécifiques dans les trois règnes
; et qu'enfin le mercure et ses différentes préparations ont longtems
obtenu une préférence presqu'exclusive , le citoyen . Laffecteur
- s'occupe d'abord particulièrement de ce minéral .
(1 ) Ce journal est cité ici , parce qu'il jouit
comme de l'approbation des gens de goût. Il ne festime des gens instruits ,
se borne pas aux objets scientifiques
: il est en même tems consacre a la Littérature , aux Arts , à la Morale ,
Agriculture et à la Politique ; et ces différentes parties y sont traitées de
manière à laisser apercevoir qu'il est écrit par des plumes exercees dans ces divas
genres. La morale s'y montre toujours sous la forme amusante d'un conte
d'un dialogue , ou d'une allegorie . Des pieces fugitives en prose et en vers
J'ana yse des nouveautes théâtrales , etc,, contribuent encore à l'agrément de cet
ouvrage , qui parait tous les décadis . C'est au directeurde ce journal, rue Theese
pres la rue Helvetius , à Paris , qu'on s'adresse pour s'y abonner, Le prix
est de 41. pour six mois , et de 451. pour l'année.
Il puise dans les sources respectées par tous les savans en médes
cine , les preuves alarmantes et décisives des cures incomplètes qu'on
opère par le mercure ; des accidens qui résultent de son administration
des inconvéniens de son usage , et des maux incalculables qui en sont
la suite.
;
Il parle , d'après les praticiens les plus célèbres , du mercure et de
ses préparations ; des vertus spécifiques de ce minéral , de l'incertitude
de son action , et de ses inconvéniens , soit qu'on le donne en
frictions , soit qu'on l'administre intérieurement.
Nous ne nous arrêterons pas à faire l'analyse de cette partie de l'ouvrage
du citoyen Laffecteur , qui n'est elle- même qu'une analyse de ce
que les meilleurs auteurs ont écrit sur cet objet , mais nous invitons à
Jire attentivement cet article dans son recueil : il est d'un intérêt génétal
, et l'humanité l'exige.
Si la première partie du recueil du citoyen Laffecteur afflige ceux
qui croient que le mercure est le seul spécifique contre les maladies vémériennes
, combien est rassurante la certitude qu'il donne , toujours
d'après des autorités irréprochables , que la classe immense des végétaux
est féconde en ressources contre cette cruelle maladie !
Il affirme et prouve que cette méthode est douce et sans incon-
» véniens ; que les végétaux guérissent aussi promptement et aussi surement
que le mercure ; qu'ils n'altèrent pas , comme lui , la cons-
« titution des malades ; qu'ils ne dégradent pas les parties constitutives
» des organes ; qu'ils ne portent pas , comme les mercuriaux , le
» trouble dans l'ordre des fonctions animales ; que leur action est
" paisible ; qu'elle peut être combinée , modifiée suivant les circonstances
; et qu'enfin il faut les préférer pour le traitement des ma-
» ladies vénériennes . ».
"
C'est encore dans l'ouvrage du citoyen Laffecteur qu'il faut lire le
développement de ces vérités : il nous a paru sans réplique .
Une objection naturelle se présente ici nécessairement . Pourquoi les
végétaux n'ont-ils pas obtenu la préférence qu'ils méritent sur le mercure
et ses préparations ?
T
"
« C'est que , dit l'auteur , le traitement par les végétaux exige
» une étude des tempéramens , des climats , de la vertu des plantes
qui , transportées ou transplantées , ne donnent pas constamment
» les mêmes résultats ; qu'une simple routine , par conséquent , est sou-
» vent en défaut ; que le découragement suit des épreuves incomplètes',
» qué l'homme de l'art , pressé de jouir , rentre dans la route battue
» des traitemens mercuriels ;
C'est qu'on n'a pas toujours fait le choix heureux des végétaux
» analogues à la constitution des malades ; qu'on n'a pas assez calculé
» les doses auxquelles lit fallait les prescrire ; qu'on ne les a pas combinés
, variés à propos ; qu'on n'a pas saisi les circonstances favorables
ou opposées à leurs effets , en un mot , qu'on a méconnu qu
contrarié la marche de la nature et la tendance des humeurs vers
une évacuation plutôt que vers une autre , en tentant de la porter
ailleurs par des efforts inutiles et dangereux. 1995
"1
37 17
De ces inattentions et de ces erreurs devaient nécessairem ent résulter
une solution peu satisfesante , et le découragement des gens
de l'art aussi ont -ils dirigé toutes leurs études tous leurs efforts
' no'rp
» vers une méthode dont ils n'ont jamais pu se dissimuler les dan
gers ; que beaucoup ont adoptée à regret , et que les voeux réunis
» des médecins et des malades doivent enfin faire proscrire entière-
⚫ment.
Le citoyen Laffecteur termine cet article par la réflexion suivante :
» Existe - t-il un médecin qui n'ait pas gémi plus d'une fois sur l'im-
» puissance de son art , sur les ressources infidèles qu'il lui présente
et qui , dans le désespoir que lui a souvent donné l'état critique de
» plusieurs de ses malades , n'ait pas désiré la découverte d'un remède
dont les effets fussent assurés et constatés par des épreuves
sans réplique.
و د
50
On trouve ensuite dans le même recueil l'historique circonstancié de
cette découverte en médecine, qui remplace, avec des avantages infinis ,
le mercure et ses préparations .
On y voit avec quelles précautions , quelle sévérité , quelle authenticité
, ont été faites les épreuves qui devaient constater les vertus de
ce remède , connu sous le nom de Rob anti-syphilitique.
On y lit les actes les moins suspects , les témoignages les plus décisifs
en sa faveur et qui démontrent en outre qu'il ne consient pas
de mercure ; qu'il est uniquement végétal , et qu'il est le spécifique
désiré par les médecins , contre les maladies vénériennes.
C'est un grand nombre de médecins et de chirurgiens connus , qui
affirment ces vérités . On ne peut pas les révoquer en doute , sur- tout
après que la société de médecine de Paris en a garanti l'authenticité
par son suffrage .
Le citoyen Laffecteur ne s'érige point en juge dans sa propre cause
il n'exige pas qu'on le croie sur sa parole : il laisse naître la conviction
du simple énoncé des faits qu'il expose er des preuves qu'il produit.
Mais sachant qu'il a dans ses mains le moyen de sauver les incurables
vénériens , de guérir les malades de cette espèce , à qui on n'ose pas administrer
le mercure , ou à qui on ne l'administre pas sans danger ,
comme ceux chez qui le vice vénérien est compl.qué de scorbut , d'affections
de poitrine , d'affections, nerveuses , de grossesse récente ou
avancée , de dysenterie , de crachement de sang , d'une disposition
prochaine à la cachexie , au marasme , à l'appauvrissement du sang,
etc. , il a le courage que lui donne le sentiment de ses forces et de sa
position , et il demande que le Rob anti-syphilitique soit administré
dans les hospices nationaux , aux malades vénériens qu'on ne traite
point sans danger par le mercure , offrant pour cet usage seulement,
de le fournir avec le sacrifice de son bénéfice ordinaire glo
Suivent vingt- quatre observations de guérisons, opérées par le Rob
anti-syphilitique , qui prouvent , d'une part , à quel degré d'énergie
peuvent parvenir les ravages de cette maladie , lorsqu'on la néglige
ou lorsqu'on n'emploie , pour la combattre , que les remèdes mercuriaux
; et qui prouvent aussi l'efficacité de ce remède sur les malades
réputes incurables : ....
Fei , comme dans le cours de son ouvrage , le citoyen Laffecteur de
se prévaut ni de ses connaissances , ni de ses observations personnelles
; celles qu'il transcrit sont extraites des procès - verbaux dresses
par les commissaires de la société de médecine, de Paris , ou signés
par des médecins et chirurgiens d'une réputation sans reproche.
Mais il est un genre de maladies vénériennes , dont beaucoup de
1
personnes sont affectées sans le savoir elles sont connues des médecins
, sous le nom de maladies vénériennes chroniques , sans signes
évidens , c'est - à - dire , " masquées , dégénérées , ou compliquées . Le
citoyen Laffecteur , toujours en puisant dans les sources les moins suspectes
, a inséré dans son recueil Pextrait analytique d'un traité sur
ees maladies , qu'on doit consulter avec attention , les femmes surtout.
.
Cette partie du recueil a pour objet de faire connaître « une maladie
» qu'on porte souvent sans s'en douter ; qui , assoupie pendant plu-
» sieurs années se développe tout- à- coup arec activité ; qui , dé-
» générée de sa nature prioritive , prend un caractère qui paraît lui être
» étranger , qui se montre souvent sous l'aspect trompeur de maladies
tout-à-fait différentes ; qui fait des ravages d'autant plus cer-
» tains , qu'on en méconnaît le principe ; qui , déguisée sous toutes
" sortes de formes , échappé à la sagacité des maîtres de l'art ; et –
» élude l'action des médicamens . "
Le citoyen Laffecteur présente les preuves de l'existence de ces maladies
, leur description , leur marche , leurs causes , leurs siéges ,
leurs effets , leurs signes , et des vues générales sur la méthode curative
qu'il convient de leur opposer. "
མ
9
Il est impossible , d'après le développement des principes consignés
dans le traité que nous lisons qu'on administre le mercure
contre les maladies chroniques ; il est même démontré que les végétaux
seuls peuvent sauver ceux qui en sont affligés : plusieurs observations
incontestables ont prouvé qu'elles ne résistaient pas au Rob antisyphilitique
; on en verra dix exemples remarquables et très -consolans
dans leurs résultats , à la suite de ce traité , auxquels nous renvoyons.
Enfin , le citoyen Laffecteur complète et termine son recueil par
quelques observations sur les maladies vénériennes des noirs , sur
le pian , sur la lepre . Elles sont extraites de l'ouvrage d'un médecin
qui a suivi , pendant plusieurs années , les maladies des colonies , et
principalement celles des noirs ; et ce médecin déclare qu'il n'a jamais
employé le Rob anti-syphilitique sans succès , dans les cas décisifs
pour la guérison des maladies désespérées qu'il a rencontrées aux îles ,
dans sa longue pratique.
Si nous nous sommes étendus sur le compte que nous venons de rendre
du recueil du citoyen Laffecteur , nous avons eu en vue le bien de
Phumanité , auquel nous croyons coopérer en inspirant le désir de connaître
un ouvrage que nous jugeons , sous tous les rapports , digne
d'être lu les gens
par
de Part et les malades : il est écrit avec sagesse ,
avec pureté et nous le répétons , avec le ton d'une vérité persuasive ,
auquel il est difficile de résister.
t
DECRET DE LA CONVENTION NATIONALE,
·Prononcé dans la séance du 21 brumaire de l'an troisième .
Le citoyen Laffecteur offre à la Convention un ouvrage intitulé : Recherches
et observations sur les effets du remède connu sous le nom de ROD ANTISYPHJLITIQUE.
Il demande d'être employé pour le traitement des incurables
vénériens .
で
La Convention décrète lâ mention honorable de l'offrande , et renvoie la demande
au comité des Secours publics , pour y statuer et faire un rapport , s'il y
a lieu
((2145) ) !
me craint pas la surveillance ; il n'y a que les fripons et les ba
veurs de sang qui veulent ensevelir leurs reimes dans l'obseurité
. Ces comités n'ont- ils pas rendu de grands services ,
dissipant les conciliabules nocturnes que tenaient les meneurs
des jacobins ?
en
La Convention passe à l'ordre du jour sur la proposition de
Thariot , et renvoie toutes les autres à ses comités .
4
Séance de décadi , 20 Frimaire .
Cette séance , quoique consacrée aux pétitionnaires , ne
laisse pas de présenter quelques objets d'intérêt public.
Ramel , au nom du comité des finances , fait décréter que
l'intérêt annuel des capitaux sera à raison de 360 jours . Il n'aura
pas lieu pour les sans - culotides .
.ވ
La Convention reçoit un grand nombre de félicitations sur
la clôture des jacobins et sa conduite énergique depuis le 9
thermidor.
Creusé -Latouche annonce qu'il tient entre ses mains les fils
de la conspiration la plus horrible qui ait été encore ourdie
contre la France. Il demande l'autorisation de l'Assemblée pour
faire imprimer les pieces qui y sont relatives .
André Dumont demande le renvoi au comité de sûreté générale
; Rovere , au contraire , l'impression à l'instant. Il dit qu'il
faut enfin sortir de la tutele des comités ; il convient qu'ils sont
actuellement bien composés ; mais il apprend qu'on a enlevé
de l'ancien comité de sûreté générale beaucoup de pieces
relatives à la conspiration de Robespierre .
Treilhard croit que le renvoi an comité est nécessaire , parce
qu'il y a peut- être des mesures urgentes à prendre .
La proposition de Dumoni est décrétée.
Rouyer , député mis hors de la loi , reclame comme ses collégues
. Letourneur atteste son patriotisme , et dit qu'il a été
accusé de fédéralisme et poursuivi par Pache et Bouchotte..
Dussault observe que le fédéralisme n'est qu'un mot inventé
pour commettre des scélératesses , Un membre demande qu'on
fasse enfin le rappo: t sur Pache et Bonchotte .
Le tout est renvoyé aux comités réunis .
Richard , au nom du comité de salut public , annonce une
nouvelle victoire remportée par l'armée des Pyrénées occidentales.
( Voyez les Nouvelles officielles . )
Un grand nombre de pétitionnaires entretiennent la Convention
de leurs intérêts particuliers . On remarque parmi ces
petitions celle de plusieurs veuves , enfans , héritiers de condamnés
. Ils font le tableau de leur situation , de leurs malheurs
, et des dilapidations qui ont en leu chez les condannés
, lorsque les scellés ont été apposés et levés chez eux .
Ils lai présentent des réclamations auxquelles ils la prient d'avoir
égard.
LaConvention suspend l'action des agens nationaux sur
Tome XIII. K
( 146 )
vente des biens des condamnés , jusqu'à ce qu'il lui ait été fait
un rapport sur cet objet.
Séance de primedi , 21 Frimaire.
Les sections de Guillaume Tell , -de Lepelletier , de la
Halle -aux -bleds , de la Montagne , du Bonnet- rouge , du Contrat
social , de la Fontaiue- de- Grenelle et des Lombards félicitent
la Convention de la rentrée des 73 députés , sur le rapport de
la loi du 27 germinal et l'amnistie accordée aux rebelles de la
Vendée. Elles demandent l'épuration des autorités constituées .
Mention honorable et insertion au bulletin .
La section de la Montagne demande à reprendre son nom ;
accorde . Un membre propose de ne distinguer les sections dé
Paris que par des numéros . Renvoyé au comité de division .
Bréard : Une fouie de matelots égarés ont abandonné le service
de la République , et se sont retirés sur les côtes de Gênes
et d'Italie . Je demande que la Convention nationale décrete
que les comités de salut public et de marine lui feront , dans
le plus court délai , un rapport sur les moyens de faire rentrer
dans le seu de la patrie , et d'employer au service de la République
ces citoyens qui se trouvent maintenant en pays
étrangers. Adopté.
A
จ
an-
Un membre au nom du comité de sûreté générale
nonce que la conspiration dont Creuze-Paschal , et non pas
Latouche , a dit hier tenir les fils , n'est relative qu'aux colonies
et à la conduite qu'y ont tenue Polverel et Santhonax . L'une
des pieces est une proclamation en placard de ces deux commissaires
, dans laquelle ils donnent ordre de couler bas les
vaisseaux de la République.
Après quelques débats , la Convention renvoie le tout à
l'examen de la commission des colonies et la charge d'en
faire un prompt rapport.
"
Les députés Henri Lariviere et Vallée , qui étaient parvenus à
se soustraire , le premier , à un décret de mise hors de la loi ,
et le second à un décret d'accusation , réclament auprès de la
Convention la même justice que leurs collégues . Ils seront
compris dans le rapport général qui sera fait sur cet objet ..
Sur le rapport des comités de salut public et des secours , la
Convention décrete que les Belges , à qui les circonstances
n'avaient pas permis de rentrer dans leur pays , peuvent y rentrer
, et qu'en conséquence , à compter du 1er. nivôse , ils
cesseront de toucher des secours . Leurs frais de route leur seront
payés conformément à la loi du 14 vendemiaire dernier.
Thibaudeau , au nom du comité d'instruction publique , fait
un rapport sur les aggrandissemens que l'on se propose de
donner au Muséum d'histoire naturelle . Suivant ce plan , le
terrein compris entre les rues Poliveau , de Seine , Victor et le
boulevard de l'Hôpital , sera réuni au jardin des Plantes . Ce
( 147 )
projet est adopté , mais il occasionne une assez vive discussion
sur la mauvaise administration des biens nationaux .
Treilhard s'etonne qu'on achete des maisons , tandis que la
moitié de Paris appartient à la nation . Il aurait voulu qu'on cût
fait des échanges ; il demande que les comités ne proposent
aucune dépense , saus eu avoir fixé le montant , et s'être concertés
avec celui des finances. La loi est faite , dit Clauzel ; mais
elle n'est pas exécutee . Plusieurs membres s'elevent contre les
dépenses enormes qui ont été faites sur de simples arretés du
comité de salut public . Grégoire cite l'hôtel de Toulouse et
des Invalides . Boissy dit qu'en vertu de ces arrêtés , on båtit
toujours des maisons d'arrêt. On demande que les arrêtés du
comité de salut public sur ces dépenses soient annulles . Cette
propostion est renvoyee aux comités de gouvernement
Déclaration des principes de la Convention sur la paix et la
situation des puissances , faite par le comité de salut public .
1
Citoyens , encore une, nouvelle intrigue de nos ennemis .
Quelque parfitement combinée qu'elle leur paraisse , quelque
succes qu'ils se flattent d'en obtenir , elle ne sera pas plutôt
sigualee , que vous la verrez échouer , comme taut d'autres ,
contre je simple exposé de vos principes et de leur conduite.
Vous avez sans doute deja observé avec quelle étonnante
rapidite les bruits de paix se répandent depuis quelque
icms , avec quelle affectation on cherche à les propager.
surtout remarqué la source d'où ils sont sortis .
On n'entend plus citer que des extraits de papiers publics
et secrets des lettres particulieres dont les auteurs ,
contens d'annoncer cette paix comme prochaine , l'établissent
comme faite , tantôt avec quelques-unes des puissances betligérantes
, tantôt avec toutes , et aux conditions qu'il plaît à ces
ridicules, plénipotentiaires d'imaginer.
Vous avez
non
Votre comite de salut public n'appellerait pas voire attention
sur ces vaius bruits , s'il ne s'agissait que d'indiquer ce
qu'ils ont de peu fondé , d'absurde et de contradictone dans
leurs détails ; mais il est important de révéler à la nation tout ce
qu'ils recelent de perfide dans leur origine et de dangereux
dans leur but.
Rien sans doute de tout ce qu'on aurait à vous annoncer de
nonveau en ce genre de la part des principaux cabinets de la
coalition , ne serait fait pour vous étonner. Les épreuves que
vous avez faites de leur politique vous ont trop instruits pour
Vous y laisser tromper , quelque forme que puisse prendre
leur machiavélisme .
Vous n'ignorez plus aucun des détours de leur marche ins
dieuse vous savez que tous les moyens leur conviennent ;
K 2
( 148 )
་ །
calomnies , trahisons , attentats contre ce qu'il y a de plus
Sacré parmi les hommes , corruption , excès de tout genre , voilà
depuis l'instant qui a vu ourdir la trame de leurs crimes ,
sous le nom de traitė , voilà , dis- je , les armes ordinaires avec
lesquelles ils vous combaitent dans cette guerre , qu'ils ont
déclarée à la liberté , à la justice , à l'humanité ; mais ce qu'il
y a peut- être de plus remarquable , c'est que si dans le nouvel
essai qu'ils font aujourd'hui de lear politique et de la credufité
des peuples , ils sont toujours fidelles à leur systême de
perfidie ; au moins ils ne se piquent pas d'être conséquens ,
et l'on voit clairement que la contradiction ne leur coûte
rien.
4
Rappellez - vous avec quelle affectation ils publiaient naguere
que , déterminés à n'avoir désormais pour voisins que des
gouvernemens basés sur la démocratie , nous ne consentirions
jamais à faire la paix avec aucune nation , qu'elle n'eût préalablement
changé le mode de son gouvernement , et qu'elle ne
se fût constituée en République .
Rappellez- vous en même-tems tout ce qu'ils ont soldé chez
nous et au dehors , d'écrivains , de sectaires , d'orateurs de
toutes les especes , pour accréditer cette misérable opinion.
de
Quel était l'effet qn'ils attendaient de tant de soins et d'avances?
celui de vous mettre en contradiction avec vous-mêmes , de vous
faire violer vos propes principes , de faire retomber sur le peuple
Français , et avant tout , sur sa représentation , le mépris dû
a tant de folies , qui n'étaient que leur propre ouvrage ;
défavoriser dans l'esprit des autres nations les vérités sublimes
que voua aviez proclamées , de les alarmer , de les faire trembler
sur vos dispositions , et de les associer ainsi par la plus
abominable imposture à la cause de la tyrannie.
Mais , sur ce point comme sur tant d'autres , la vérité s'est
fait jour à travers les nuages de la calomnie , et bientôt l'opinion
générale de l'Europe a cessé de prêter au peuple Français
des projets insensés qui n'avaient reçu leur crédit éphémere
que des perfides insinuations de nos ennemis , et qui
n'ont jamais existé que dans quelques têtes maintenant tombées
sous le glaive de la loi .
Dès- lors il a fallu changer de batterie , et on l'a fait. Ce
n'est plus comme les conquérans du monde , ce n'est plus
comme les destructeurs de tous les gouvernemens qu'on nous
représente à entendre les politiques de Londres et de Vienne ,
nous sommes devenus tout à coup les plus ardens zélateurs
de la paix ; jamais peuple n'a été plus facile que nous en
négociations ; jamais coalition armée ne s'est prêtée de meilleure
grace à se dissoudre ; jamais le rameau d'olivier n'a été
offert et accepté de part et d'autre avec plus d'empressement.
Tels sont les bruits insidieux que répandent anjourd'hui la
faction des ennemis de la liberté , et pourquoi ? pour amortir
( 149 )
l'ardeur de nos armées , pour arrêter leur marche triomphale.
pour les désorganiser , pour enchaîner , par uue ayeugle con
fiance dans les dispositions mensongeres d'une fausse paix ,
l'activité de nos préparatifs ; pour étouffer en tout notre énergie
révolutionnaire ; pour nous abaisser enfin , par l'inévitable effet
du moindre ralentissement dans l'exécution de ces mesures
auxquelles nous devous nos succès , à un état de faiblesse
et d'apathie qui nous mettrait dans l'impossibilité d'atteindre
le but de nos victoires.
Mais voici l'espoir sur tout qu'attachent nos ennemis à ces
bruits si faussement et si malignement exagérés ; c'est en
offrant au peuple Français cette douce image du repos et du
bonheur qui doivent être le prix de tant de travaux et de
sacrifices , de lui faire sentir dans ce même instant , avec plus
de vivacité , le tourment de ses longues fatigues et de ses
pénibles privations ; c'est d'aigrir ses pensées , de lui inspirer
des défiances sur la conduite de son gouvernement , d'exciter
ses plaiutes et ses murmures , de lui faire considérer ceux
qu'il a chargés de -son salut comme refusant les offres qu'on
leur fuit et ne retardant ses jouissances que pour conserver
le pouvoir dont il les a investis de-là pour nous les maux
qui doivent naître du seul défaut de coofiance ; de-là les divisions
intestines , l'anarchie enfin , et pour eux le triomphe
certain de leurs armes . Tel est le but des complots de ces
perfides pacificateurs.
Comment devons - nous donc desirer la paix ? comme le
terme , je ne dirai pas seulement de toutes les calamités insé
parables de l'état de guerre , mais encore comme la fin de
toutes ces agitations , de ces troubles domestiques qui tiennent
nécessairement à l'état de révolution . C'est sous ce double
rapport que nous devous la desirer et la faire ; il faut éteindre
à - la - fois ces deux volcans qui n'ont pas cessé de se correspondre
du dehors à l'intérieur avec une aussi effrayante continuité
; il faut nous assurer de la solidité du terrein sur lequel
nous avons à établir les bases de la gloire et du bonheur de
la République ; il faut donc le sonder à une grande pro
fondeur , et ne plus nous en tenir à de perfides apparences
de calme que suivraient peut-être bientôt les plus funestes
boulversemens.
Nos triomphes et nos principes nous permettent à-la- fois
et de vouloir et de dire ce que nous voulons ; notre Justice
sera toujours inséparable de notre gloire ; oui , nous veuloas
Ja paix , mais nous la voulons garantie par hotre propre
force et par l'impuissance où nos ennemis seront à jamais de
nous nuire .
Quant aux intentions de la plupart de nos ennemis , si
nous en jugeons par l'effet que doit produire sur eux le
sentiment de leurs maux présens , et par les craintes dout
ils doivent être frappés pour l'avenir , nous croirons volontiers
qu'ils désirent une paix prochaine.
K 3
( 150 )
Certes , il ne peut être éloigné ce tems , où éclairés par
la foudre républicaine qui les á frappés tous à - la - fois , plusieurs
de ces gouvernemens amentes contre nous par l'Angletere
, ne pourrons fixer , sans effroi , l'abime dans lequel
cette odieuse puissance a pensé les précipiter ; où l'Espagne ,
par exemple , ouvrira les yeux sur les projets ourdis dans le
cabinet de Saint-James où elle remarquera la constante assiduité
avec lequel ce gouvernement étudie la mer du Sud
tous les soins qu'il met à consolider sa puissance dans l'Inde ,
pour se ménager de-là furtivement une route vers l'amérique ,
tomber à revers sur le Mexique et sur le Pérou , que convoite
depuis si long- tems son insatiable cupidité , et s'en
emparer à force ouverte , dès qu'il le pourra sans danger ; ……..
on calculant enfin ses véritables intérêts , elle reconnaîtra que
l'Angleterre est sa seule et véritable ennemie , que de tous
les dangers qui la meuacent , il n'en est pas de plus redoutable
pour elle que ceux qui peuvent naître de sa confiance dans
une aussi perfide alliée .
Cet instant doit être celui où , ingrate envers la nation à
qui elle devait sa liberté , infidelle à la liberté même , la
Hollande déplorant , mais trop tard peut - être , son funeste.
égarement , craindra de voir ses trésors , ses vaisseaux , ses
établissemens dans les deux mondes tomber au pouvoir de
ees tyrans de mers , dont elle avait autrefois comenu l'audace
.
Sans doute aussi que la Prusse , celui peut- être de tous
les gouvernemens qui devait plus s'applaudir de voir s'élever
une grande République sur les ruines de la monarchie , dont
le honteux traité de 1756 avait fait un si puissant renfort
pour l'astucieuse maison d'Autriche ; sans doute , dis - je , que
Ia Prusse finira par s'appercevoir que c'est dans une paix
solide avec la France , et dans son union intime avec les puissances
du Nord qui l'avoisinent , qu'elle peut trouver les
seuls principes de sa durée , la seule force que , malgré la
politique de son cabinet et la tactique de ses armées , elle
puisse raisonnablement opposer la dévorante ambition de la
Russie.
A l'égard de nos autres ennemis , soit que leur vanité les
ait volontairement attachés , ou que leur impuissance les ait
enchaînes , contre leur gré , à la coalition , tous l'accusent
également et depuis long - tems par leurs regrets et leurs murmures
; tous n'aspirent qu'au moment où ils pourront en
briser les funestes liens plusieurs même , effrayés , avec
raison , du désespoir des principales puissances belligérantes ,
paraissent enfin sentir le besoin de se réunir pour empêcher
le partage de leur territoire , partage qu'ils savent bien être
projetté par leurs dignes alliés , comme un moyen d'acquitter
en partie les frais de leurs honteuses campagnès .
Si l'on nous demande maintenant quelles sont les disposi
J ( 151 )
(
tions du peuple Français , organes de sa volonté , nous répon
drons que toujours juste , toujours magnanime , toujours
jaloux de son honneur autant que de sa liberté , il saura
distinguer ses ennemis et les motifs de leur aggression ; que
même dans les lois que ses victoires lui donneront le droit
de dicter , il ne confondra point les ridicules prétentions de
la faiblesse et de la vanité , avec l'intraitable orgueil et la
perfide puissance de la tyrannie ; qu'il aura sur- tout égard à
la situation de ceux que la crainte et la violence ont contraints
de marcher à la suite des chefs de cette ligue insensée ; qu'enfin
en traçant de sa main triomphante , mais généreuse , les ,
limites dans lesquelles il lui conviendra de se renfeimer , il
ne repoussera aucune des offres compatibles avec ses intérêts
et sa dignité , avec son repos et sa sûreté .
Telle est sa politique ; elle marche à déconvert , comme
la gloire de ses armes . Il traitera avec ses ennemis , comme
il les a combattus , à la face de l'univers , qu'il prend pour
temoin de sa justice , comme il l'a eu pour témoin de ses
victoires.
Voilà ce qu'on peut publier et croire de nos intentions
voilà ce que nous avouerons toujours , et nous ne changerons
pas .
M
Disons- le donc ici , pour que la République entiere en retenuisse
, pour que nos braves armées le répetent à l'envi ;
non , Français , non , vous n'oublierez pas la cause qui vous
a fait prendre les armes , et les seules conditions auxquelles
vous pouvez les poser ; non , vous ne vous êtes pas avancés
si rapidement dans cette glorieuse carriere pour vous arrêter
au moment d'en toucher le but ; et si près de le saisir , vous
ne laisserez pas échapper le prix de vos combats ; non , vous
n'aurez pas fait tant de sacrifices , vous n'aurez pas tant de
fois bravé les fatigues et la mort , pour abandonner à la tyrannie
, déja si près de succomber , la liberté et la patrie ;
non , encore une fois , que nos ennemis ne Resperent pas !
Qu'à la honte de leur cause et de leurs défaites se joigne
encore celle de cette derniere perfidiè ; qu'elle retombe toute
entiere sur eux seuls ...... Bientôt nous leur prouverons , par
de nouveanx efforts et par de nouveaux triomphes , que
nous voulons aussi la paix , mais une paix digne de nos
intrépides défenseurs ; mais une paix digne du peuple qui
s'applaudit chaque jour d'avoir remis dans des mains aussi
courageuses la défense de ses droits . Oui , c'est à celle - là
seule que nous aspirons ! et , pour tout dire en un mot , la
où le peuple Français ne regardera plus la guerre comme
nécessaire , soit pour réparer les outrages faits à sa dignité ,
soit pour se préserver des nouveaux attentats de la perfidie ,
là seulement il enchaînera la victoire , là seulement il commandera
la paix.
K 4
( 152 )
PARIS. Quartidi , 24 Frimaire , 3e . année de la République.
L'esprit public se prononce et se fortifie chaque jour en
faveur du rétablissement de l'ordre et de la justice dont on a
été privé pendant trop long - tems pour ne pas en sentir vivement
le besoin . Tout le monde a vu avec satisfaction les
73 membres de la Convention , victimes courageuses de l'in
dépendance et de la dignité de la représentation nationale ,
ainsi que de la tyrannie de Robespierre , venir reprendre, au
milieu de leurs collegues , la place qu'ils n'auraient jamais dû
perdre . Leur droit n'était pas la matiere d'un doute ; il n'y
avait que le moment qui pouvait être pris en considération ;
l'union la plus inalterable parmi les membres de la Convenvention
est une chose si précieuse pour sa propre gloire , et
plus encore pour l'intérêt public , qu'il était à craindre , en
précipitant une rentrée juste , de la voir troublée par le souvenir
récent d'une longue oppression. Mais l'opinion qui fait
des progrès rapides , et le véritable patriotisme qui ne vit que
de sacrifices , ont fait disparaître toutes les craintes ; les détenus
ont tout oublié , excepté lé sérment de se consacrer tout entiers
au bonheur de leur pays et leur retour a été un jour de
triomphe et une fête pour la fraternité .
Ce retour assurera sans doute , dans le corps représentatif,
la fermeté de caractere et la stabilité d'opinion qui lui est
nécessaire pour se conserver la confiance que la sagesse et
la justice de ses délibérations lui ont regagnce. Le mal se fait
rapidemment ; il est triste qu'on ne puisse le réparer qu'avec
lentenr. Il vient cependant un tems où la pusillanimité et les
graduations des ménagemens seraient une offense envers la
justice : la justice ne doit jamais s'ajourner. La Convention
ne saurait être trop convaincue que les décrets de la morale
nationale ont aussi quelque valeur , et que tout ce qu'elle fera
d'atilo et de juste est sanctionné d'avance par l'opinion .
Qu'elle ne craigne pas d'être arrêtée dans sa marche , par ce
qu'on appelle la loi des circonstances ; point de fausse honte
sir quelques erreurs passées ; elle en a tant effacé , qu'elle ne
doit plus appréhender de rester en arriere sur ce qui pourrait
en rester.
Billaud-Varennes a fait afficher dans Paris une apologie de
ses principes et de ses moeurs ; il y apprend au public qu'il
aime et qu'il cultive les lettres , ce qui est un motif de croire
à la douceur de son caractere ; enfin , il annonce qu'il a consacré
une partie de son tems à l'art dramatique ; et es eelffet
que ce feprésentant a composé une mikulle v
hie de chant. C
( 153 )
généralement que Fabre- d'Eglantine avait composé , pendant la
détention qui précéda sa mort , une comédie en cinq actes
intitulé : l'Orange de Malte , et qu'il l'envoya au comité de salut
public , dont Billaud - Varennes était membre alors . Fabre sut ,
quelques instans avant d'aller à l'échafaud , que Billaud-Varennes
avait cette piece . Ah ! s'écria t il , il va me voler mon
Orange. Cette accusation est d'autant plus incroyable , que
Fabre- d'Eglantine avait communiqué sa piece aux artistes des
deux premiers théâtres de Paris .
Les faiscurs de pamphlets se sont amusés à faire une nouvelle
dénomination des rues de Paris ; ce cadre a fourni plus
d'une fois , même dans l'ancien régime , le sujet de rapprochemens
piquans. Voici quelques- unes de ces dénominations : La
rue du Petit- lion sera appellée la rue Billaud - Varennes ; la rue
des Jeneurs ', celle du Maximum ; la rue Vide -gousset , la rue
Cambon ; la rue Bétizi , la rue du Club électoral ; la rue, du
Sépulchre , la rue Duhem ; la rue Perdue , celle de la Montagne ;
la rue des Boucheries , la rue Collot - d'Herbois ; la rue des
Quatre-vents , la rue Barrere , etc. Toutes ces saillies de la ma-
Ignité ne valent pas une pensée utile l'esprit français croirat-
il toujours avoir assez fait en faisant des épigrammes ? Ce ne
sent pas des pamphlets qu'il nous faut , c'est un esprit public
sain , et de bonnes lois.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES.
Au quartier-général à Saint- Sébastien , pays conquis , 15 frimaire.
› Vos desirs et vos voeux sont remplis , citoyens collègues ,
les Biscayens ont été battus , mis en déroute , et l'armée du
general Ruby n'a dû son salut , ainsi que lui- même , qu'à
la fuite. La division de droite de l'armée de la République
s'est ébranlée le 7 , et s'est mise en mouvement le même jour
ser trois colonnes ; l'une commandée par le général de brigade
Laroche , marchant à Aspetia ; la seconde , commandée par le
général de brigade Schilt , marchant par Guettavia ; la troisieme ,
commandée par le général de division Henri Fregeville , ayant
sous ses ordres le général de brigade Merle' , venant de Lacambery
, marchant par Villareal .
Le 8, l'armée républicaine et l'armée espagnole furent en
présence ; à midi l'attaque commença par la colonne des grenadiers
, commandée par le chef de bataillon Cravier , et quelques
compagnies d'infanterie légere et tirailleurs ; les colonnes.
commandées par les généraux Laroche et Schilt agirent de con(
154 )
·
cert , culbuterent l'ennemi , le chasserent de toutes ses positions.
La victoire se décida presque au même moment de
l'attaque en faveur des Républicains . Environ 300 espagnols
ont mordu la poussiere , 200 sont en notre pouvoir parmi lesquels
sont 150 gardes valonnès , qui , nés Français ont mis
bas les armes , et sont venus se confondre dans les rangs des
Républicains . Les fruits de cette victoire sont quatre drapeaux,
dont l'un du bataillon des gardes valonnes les deux du régiment
de Médina- Celi , et l'autre du régiment des volontaires de
Guipuscoa , une piece de canon de bronze , l'unique qu'eût
l'armée espagnole , la caisse militaire et les magasins du quartier-
général de Bergara ; des munitions de bouche et de guerre ,
douze fonderies , tentes en activité , que l'ennemi dans sa fuite
n'a pu détruire , et qui , placées dans le territoire occupé par les
troupes de la République , forment pour la Nation une masse
inappreciable de richesses , et quatre à cinq mille fusils ou
carabines . Nous avons trouvé dans la ville de Bergara, quartiergénéral
des ennemis , et dans la maison du général Ruby , une
quantité considérable de matieres d'or et d'argent provenant de
vases et décorations des églises , que le pieux général espagnol
avait dévotement pillés lui même , pour éviter la profanation
des Français.
Les deux jolies villes d'Ascuatia et d'Asperia sont au pouvoir
de la République ; une nombreuse garnison , aux ordres du
général de brigade Schilt , lui en assure la propriété .
Nous ne pouvons vous donner des nouvelles des gardes - ducorps
du roi d'Espagne , parce que leur haute noblesse ne lenr
a pas permis de se mesurer avec les sans - culottes français ; ils
ont pris la fuite au galop , pour nous faire connaître l'agilité
de leurs chevaux andaloux . Si le général Fregeville n'eût pas
été égaré dans les montagnes par le guide qui conduisait la
´colonne , c'en était fait de l'armée espagnole aux ordres du général
Ruby , qui s'est sauvé lui -même à la nage , laissant son
bel habit brodé , qui est devenu là casaque d'un tambour de
grenadiers qui le suivait le sabre à la main.
Témoins de la bonne conduite des généraux , officiers et
soldats , nous ne nous permettons de particulariser les actions
d'aucun ; tous ont bien mérité de la patrie .
,, Les g , 10 et 11 ont été employés à constater ou à évacuer
les magasins de l'ennemi vaincu ; nous sommes ensuite renarés
à Tolosa , où nous avons fait solemnellement l'inauguration
du drapeau et de la couronne civique que vous avez envoyés
à l'armée des Pyrénées occidentale ; cette récompense
civique a été reçue avec les transports d'une joiè pure et vive
par les troupes formant un bataillon quarré , en présence des
prisonniers de guerre , et les drapeaux des vaincus foulés aux
pieds des vainqueurs.
Le général en chef Moncey vous rendra compte des détails
militaires ; et en faisant envoi des quatre drapeaux pris à cette
"
xl
( 155 )
derniere expédition , il y joindra les autres drapeaux pris dans
la Navarre.
Salut et fraternité .
Signés , CARRAU , BAUDOT , DELCHER , représentans du peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Du 8 frimaire. Veanjoix continne : Je déclarai à ces deux
généraux , que cet ordre était arbitraire , et qu'il ne pouvait
m'ôter le droit de m'opposer à l'enlevement de ces femmes et
de ces enfans cependant , me répondit Lamberty , c'est en
vertu de cet ordre illimité que j'ai fait toutes les expéditions
dont Carrier m'avait chargé . Dans leur fureur , ils me ména
cerent de Carrier et de la guillotine ils exigerent de moi
un refus par écrit ; je le leur donnai . Je tombai malade pendant
six semaines : j'appris ensuite qu'on s'était opposé à l'extrac
tion ; que la commission fut mandée chez Carrier. Le président
s'y rendit ; Carrier lui dit : Si , dans deux heures
l'entrepôt n'est pas vidé , je te ferai fusiller , toi et la commission
.
:
Le témoin a parlé de l'instruction du procès , du jugement
de Lamberty et Fouquet ; il a rapporté les menaces et les
fureurs de Carrier à ce sujet.
Alors Carrier a demandé , d'après le décret , que les témoins
se renfermassent dans l'acte d'accusation . Carrier a nié avoir
connu Fouquet , et avoir tenu les propos qui lui sont imputés
par le témoin . Quand à l'ordre cité , il a renvoyé ses
réponses an tems où la minute lui en sera communiquée ,
ajoutant qu'il avait pu donner cet ordre pour espionage .
Carrier est convenu d'avoir en connaissance des fusillades
mais il a dit qu'il croyait qu'elles s'étaient faites par ordre
de la commission , et qu'il avait cru ne devoir pas s'en mêler.
Quant aux noyades , il les a attribuées à un événement naturel
dont il avait informé la Convention .
Carrier a été interpellé sur plusieurs objets , auxquels il a
fait les mêmes réponses qu'il avait déja faites à la Convention ;
mais je sais , a -t-il dit , que rien n'est épargné pour me perdre ;
tous les contre- révolutionnaires et gens à gages , ont conspiré
contre moi. C'est ici le procès des brigauds contre leur vainqueur.
J'espere qu'on voudra bien entendre les braves soldats
qui ne m'ont jamais quitté . je demande donc que le tribunal
et le peuple suspendent leur opinion à mon égard , j'ai déja
écarté à la Convention plusieurs chefs d'accusation , avec le
tems j'écarterai aussi ceux qui forment la base de l'acte
d'accusation .
( 156 )
Affilé , charpentier de marine , qui a obéi aux requisitions
qui lui furent données par le comité , s'est borné à répéter ce
qu'il avait déclaré dans les séances des 9 et 10 du mois dernier.
Carrier a nié les faits qui lui sont imputés dans cette déposition.
Carrier interpellé s'il connait l'arrivée à Nantes d'environ
80 cavaliers brigands que l'on dit s'être rendus volontairement,
a répondu qu'ils venaient de Niort ; qu'il avait donné
ordre à Crosnier , employé dans les relais militaires , de réplacer
l'armée à son poste ; qu'elle fut victorieuse , et que ces
brigands avaient été pris à la suite d'une bataille , et conduits
à Nantes ; qu'il avait craint qu'ils ne fussent autant de chefs
de brigands ; qu'il avait conseillé de les mettre à l'entrepôt ,
et qu'il ignorait ce qu'ils étaient devenus .
Il s'est élevé une discussion sur le jour de leur arrivée .
Chaux a prétendu que c'était le 27 frimaire , et qu'alors la
commission n'existait pas à Nantes .
Carrier a dit que ces cavaliers n'étaient arrivés que vers le
30.
Réal a observé qu'une lettre de Cartier , en date du 30 , pou
voit donner quelques éclaircissemens sur cet objet , et il en a
donné lecture ainsi qu'il suit :
Le représentant du peuple Carrier , à la Convention nationale.
La défaite des brigands est si complette , que nos postes les
tuent , prennent et amenent à Nantes par centaines . La guillotine
ne peut plus suffire , j'ai pris le parti de les faire fusiller.
Ils se rendent ici et à Angers par centaines ; j'assure à ceux - ci
le même sort qu'aux autres . Jinvite mon collégue Francastel à
ne pas s'écarter de cette salutaire et expéditive méthode ; c'est
par principe d'humanité que je purge la terre de la liberté de
ces monstres ,
Salut et fraternité . Signé , CARRIER.
Carrier a répondu que la Convention applaudit alors à cette
lettre qu'elle en ordonna l'insertion au procès- verbal et au
bulletin.
Le président a observé à Carrier que, si la Convention avait
applaudi , c'est qu'elle avait cru qu'il s'agissait de brigauds pris
les armes à la main , et jugés par une commission ; mais qu'elle
n'avait jamais applaudi au supplice d'hommes qui étaient venus
se rendre volontairement .
Carrier a répliqué que tous les brigands qui avaient passé la
Loire ne s'étaient pas rendus volontairement .
On a donné lecture du décret qui passe à l'ordre du jour sur
la lettre adressée par Carrier à la Convention.
Du g. Bignon , président de la commission militaire près de
l'armée de l'Ouest , a rappellé plusieurs faits dont il avait dé(
157 )
posé le 26 vendémiaire . Il a parlé d'enlevemens de prisonniers
faits à l'entrepôt par Fouquet et Lamberty , munis d'un ordre.
signé Carrier ; il a cité le propos tenu par Carrier à Gonchon
il
donné des détails sur l'arrestation de Fouquet et de Lambeny
; il a dit que le petit Robin prit la poste pour rejoindre
Cartier à Orléans , et le prévenir que son ami Lamberty avait
été arrêté huit jours après le départ de ce représentant . Fouquet
avait été arrêté deux jours avant le départ de Carrier ,
Au commencement du procès de Fouquet et Lamberty ;
Lalloué présidait la commission ; il interrogea Lamberty ;
celui ci lui répondit : Tu étais avec Carrier et moi sur
la galliote ; tu dois savoir pourquoi nous avons enlevé la
femme Giroud - Marcilly. Cette femme , a dit le témoin ,
était ex noble , brigande , et de plus une messaline ; elle
fut condamnée à mort ; mais s'étant déclaré enceinte , il fut
sursis à son jugement ; elle est morte en prison .
Lamberty réclamait Carrier , disait qu'il n'avait rien fait
que par les ordres de ce représentant , et qu'il ne devait
pas être jugé sans qu'on eût entendu , Carrier , qui savait qu'il
avait enlevé cette femme.
Le procès fut suspendu. L'accusateur public vint trouver
Carrier à Paris , celui- ci lui dit que Lamberty était le meilleur
patriote de Nantes , etc. etc.
Au retour de l'accusateur public , Lalloué se retira . Lam
berty et Fouquet furent condamnés à mort .
Il est extraordinaire , a répondu Carrier , que la commission
ne m'eût
pas instruit de ces extractions ; on pouvait du moins
me l'écrire , ou en prévenir les administrations . Quelle preuve
a le témoin que Lamberty m'ait montré la défense de l'accusateur
public de faire ces extractions ?
Bignon Lamberty ne m'a pas dit qu'il vous eût montré
cette défense ; mais Genchon a instruit la commission que ,
vous lui aviez dit , lorsque vous le mandâtes chez vous à ce
sujet : C'est donc toi , j ....... f ......... de président , vieux
b....., qui t'opposes à mes ordres ? Puisque tu veux juger ,
juges done , et si dans deux heures l'entrepôt n'est pas vide ,
je te fais fusiller . " Perrotin a entendu Gonchon répéter se
propos.
"
Carrier : J'ai des témoins que je dis seulement à Gonchon
de juger de préférence les prisonniers de l'entrepôt ; d'ailleurs ,
Perrotin passait pour un royaliste.
:
Bignon Perrotin est patriote .
Le président : Cairier , Robin vous a- t- il rejoint à Orléans ?
Carrier : Il s'est élevé hier une discussion sur une affaire qui
m'est étrangere ; je réclame la loi sur la garantie des représenjans
. ( Murmures . }
Le président : Robin est dénoncé à toute la France , à toute
l'Europe ; je vous interpelle au nom de la loi de répondre .
Carrier : Au nom de la loi , j'interpelle le président de me
pas s'écarter de la loi . ( Murmures.j
( 158 )
Le président : Il s'agit ici de uoyades ; j'interpelle Carrier de
répondre ; faute par lui de répondre , le fait sera déclaré constant
aux termes de la loi .
Carrier est convenu que Robin vint le trouver à Orléans ,
et qu'il en fut accompagné jusqu'à Paris .
Le témoin a ajouté que Lalloué était rami de Carrier ;
qu'il mangeait très - souvent chez lui , et qu'il obteuait de ce
représentant des mises en liberté.
Carrier a affirmé qu'il n'en avait jamais accordé sans l'avis
du comité , et que La loue avait été envoyé à Nantes pour
l'espionner.
Carrier a demandé au témoin combien la commission avait
jugé de brigands pendant son séjour . à Nantes ?
Le témoin a répondu qu'il s'était trompé , lorsqu'il avait
porté le nombre a 4000 ; qu'il n'en avait été jugé qu'environ
1800 à Nantes , et environ 2000 , y compris ceux qui ont été
jugé au Mans .
Carrier a dit que la commission arriva à Nantes le 4 ou
le 5 nivôse ; qu'il avait été dit qu'elle jugeait par jour environ
130 brigands , ce qui formerait un total de 4000 pendant
le tems qu'elle a demeuré dans cette ville ; que ses collégues
diront , qu'à cette époque , il n'y en avait que 3000 ;
ce qui prouve qu'il n'y a pas contribué , et que tous les faits
qu'on lui reproche sont inventés par les aristocrates . (On rit. )
Il a demande que la commission déposát le registre des
jugemens qu'elle a rendus ; parce que , a-t-il dit , les So
brigands dont on a parlé hier , doivent y être consignés , et
que je veux voir si ce sont des hommes, des femmes ou des
enfans ; car il était défendu de juger au - dessons de 16 ans.
Petit , substitut de l'accusateur public , a donné lecture de
la liste générale des individus envoyés à l'entrepôt par le
comité , depuis le 28 frimare jusqu'au 11 ventose . Prétendus
brigands , 2893 ; non déclarés brigands , 619 : pretendus brigands
qui se sont rendus volontairement , 1583 , et 8 femmes :
total , 5103. Il paraît qu'il a été délivré par le comité 239 enfans
; reste 4864 .
Carrier a insisté et a demandé le dépôt du registre de la
commission militaire , comme un moyen de jetter de la lumiere
dans cette affaire .
Chaux a interpellé Carrier de déclarer s'il connaissait Lalloyé
, et s'il était son ami..
ہ ن
Il a répondu que Lalloué était un espion envoyé par Robespierre
.
l faudrait donc , a repris le présideut , tirer la conséquence
que Carrier était complice de Robespierre . ( On applaudit.
)
Carrier a observé que le président aurait pu s'abstenir de
tirer une conséquence aussi terrible contre liri . Lalloué vint
chez moi à Augers , je ne le croyais pas alors espion ; j'ai
7159 )
eu lieu depuis de le regarder comme tel . Je n'ai jamais eu de
familiarité avec lui.
Foucault a affirmé que Lalloué dina avec Carrier sur la
galliole des prêtres qui furent noyés , et que Lalloué était
l'ami de Carrier.
Carrier a nié avoir dîné sur cette galliotte , et a réclamé
l'exécution de la loi.
Le president a répondu que le tribunal ne s'en était pas
écarté et qu'il ne s'en écarterait jamais .
Chaux a observé que le comité devait donner l'exemple de
la vérité à Carrier qui ne cessait de mentir. Un jour , dit- il ,
Lalloué sortait d'une maison de débauche ; il fut arrêté ; il
en informa aussitôt Carrier qui le fit délivrer ; Carrier et
Lalloué s'embrasserecut , et tous les jours Lallqué mangeait
chez Carrier .
Carrier a avoué que Lalloué mangeait quelquefois chez lui ;
mais il a déclaré qu'il ne l'invitait pas . ( On rit. )
Forget a rappelle Is dissolution de la société populaire
de Vincent- la - Montague par Carrier ; le refus de ce représentant
, sur l'avis d'un boulanger de Boué , de fournir 250
hommes pour prendre Charette , qui n'était accompagné que
de 6 officiers , et l'arrivée à Nantes d'environ So brigands.
Carrier a répondu qu'il n'avait pas dissous cette société ,
qu'il n'avait fait que suspendre ces séances ; que la commune
de Boué était insurgée ; qu'il avait regardé comme un piége
qu comme une extravagance la proposition de ce boulanger.
Goullin a observé que ces cavaliers brigands n'étaient que
cinquante-neuf ; qu'ils arriverent à Nantes le 27 frimaire à
quatre heures du soir , et qu'ils furent jugés le 4 ou le 5
nivôse .
Champenois a déclaré que huit des brigands dont on vient
de parler se présenterent le lendemain de leur arrivée à la
municipalité que l'un d'eux avait à la main une loi , en vertų
de laquelle ils venaient à Nantes .
!
Carrier a persisté à dire que ces brigands ont été pris les
armes à la main ; qu'il croit que ce ne fut qu'après son départ
qu'il y cut des proclamations d'amnistie. Il est cependant
convenu avoir fait , avec Merlin ( de Thionville ) ane proclamation
portant invitation aux habitans de la rive droite de
la Loire de s'opposer au passage des brigands , et d'avoir vu
un vieillard demander à se rendre avec sa commune . Ce brigand
a dit Carrier , nous amena 30 à 40 vieillards des communes
voisines de Montaigu ; ils nous remirent leurs armes ;
je leur fis donner à manger ; mais on a assuré depuis que
ces communes se sont révoltées .
On a observé à Carrier , qu'à la suite de la proclamation
de Merlin , vingt- deux communes déposerent volontairement
leurs armes , et que , peu de tems, après le départ de Merlin”,
ces habitans furcat massacrés . ( Frémissemens d'horreur . }
160 )
Carrier a réponda que ces vieillards brigands , qui vinrens
le trouver à Montaigu , parlerent effectivement au nom de
vingt- deux communes ; mais que ce qui est arrivé ne peut le
regarder ; qu'il a éclairé la route depuis Beaupreau jusqu'à
Nantes ; qu'il accompagnait le général Hazo , chargé de faire
la guerre sur la gauche de la Loire ; que ce général n'atta
quait que les colonnes , et que son nom est inscrit au Panthéon.
Les communes de Loroux et de Saint - Sébastien vinrent me
trouver; je leur demandai de nous livrer leurs chefs , leurs
prêtres et leurs armes : ils me répondirent qu'ils n'avaient que
des armes qu'ils vinrent déposer ; mais après mon départ
ces communes ont fait comme les autres , elles ont massacré
notre garnison.
Jourdan , gendarme , a dit : Cinq ou six jours après la
prise de Noirmoutier un capitaine vint chez Cartier , avec
un papier à la main ; le représentant ne voulut pas l'écouter ,
il frappait , et pan , pan , pan , jusques contre la fenêtre. Ce
capitaine se cachait derriere moi , crainte d'être frappé.
Carrier Cominent appelles : -tu ce capitaine ?
Jourdan : C'était un capitaine de navire ; vous ne lui donniez
pas
le tems de s'expliquer ; vous lui disiez : tn es un scélérat
, un gueux , un coquin.
Carrier On étais - tu alors ?
Jourdan
:
Carrier
Dans votre chambre ,
Que faisais - tu là ?
Jourdan J'étais d'ordonnance .
Carrier Je déclare que je n'ai jamais eu d'ordonnance à
côté de moi.
Jourdan C'était , pour faire vos commissions .
Carrier : Je me servais rarement de gendarmes . Pourquoi
étais-tu dans ma chambre ?
Jourdan Vous n'aviez appellé pour mettre dehors ce capitaine
, et vous avez fiui par l'envoyer au Buffay..
Carrier Ce capitaine m'avait été dénoncé par le chef de la
force navale , et par deux de mes collegues , comme ayant ,
dans un dessein perfide , fait échouer son bâtiment .
Le président : Vous vouliez d'abord renvoyer ce capitaine ,
la justice vous ordonnay de l'entendre avant de l'envoyer en
prison..
Chon , gendarme , a dit qu'il avait vu Joly conduire da
côté de l'entrepôt , dans le tems qu'on noyait , et maltraiter
une fille de 14 ans , attachée. Joly a répondu que cette fillette
avait fait évader deux réfugiés ; qu'il était chargé de l'arrêter ;
qu'il l'avait conduite au comité, où elle fut relâchée ; mais qu'il
ne l'a pas maltraitée .
(La suite au numéro prochain. )
( No. 18. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 20 décembre 1794 , vieux style . )
A
POESI E.
Adele Toustain à son pere prisonnier.
TRAVERS un déluge et de traits et de feux
Sur des tas de mourans quand sa ville fut prise
Le héros des Troyens portait son pere Anchise ,
Lorsqu'Edipe encourut la colere des cieux ,
Sa fille s'attachait à ses pas malheureux....
O modeles sacrés d'amour et de sagesse ,
Puissions -nous imiter vos exemples pieux !
Inegale en vertus , mais égale en tendresse ,
Je voudrais , comme vous , à l'auteur de mes jours .
Du tems qui m'est laissé consacrer tout ce cours .
Quand mon pere gemit dans un long esclavage
Be partager ses maux que n'ai -je l'avantage ?
Mais mon coeur les sent tous , et les souffre toujours.
Ah ! que son existence à ses enfans est chere
Pour le rendre à nos voeux comme à la liberté
Pour terminer enfin les maux d'un si bos pero
Si ce n'était assez de ma fortune entiere ,
Je donnerais mon sang , le sang qu'il m'a prête.
Par ADELE TOUSTAIN .
CHARADE,
Mon premier est porté par animal debout ON
Mon tout porte homme et bête , et mon second le tout .
Tome Xlil. L
( 162 )
TRES-ANCIENNE
ENIGM E.
RES-ANCIENNE est mou origine ;
Cependant ma beauté
Consiste dans la nouveauté.
Par fois on me fait bonne mine ,
L'instant d'après on me maudit ;
Quoi qu'il en soit , je suis en grand crédit ;
Ici , de grands malheurs je suis cause innocente ;
Là , je deviens une source abondante ;
Je possede un nombre infini
De formes différentes :
Quelquefois dans le même jour
J'inspire un si fervent amour ,
Que souvent on me sacrifie
Le plus doux repos de la vie.
D₂
LOGO GRIPHE.
E la nature image enchanteresse ,
On me voit prendre part à mille événemens ,
Plaindre les malheureux , déplorer leurs tourmens
Et des ris et des jeux publier l'allégresse .
Pour me dévoiler promptement ,
Si tu veux de mon corps déranger la structure ; Y
Gherche d'abord , un meuble , un élément ,
Un homme à gage ; une douce voiture ;
Une note en musique ; un saint ; unë liqueur
Qui sort du Vésuye en fureur ;
Du carnaval une fête amusante ;
Un animal dont la chair succulente
Te fournit tous les jours un utile aliment ;
Enfin , ane couleur qui brille au firmament .
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du Nº. 17.
Le mot de la Charade est Orage ; celui de l'Enigme eol Tonneau à
celui du Logogriphe est Non.
( 163 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Voyage Philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin , à Liège ,
dans la Flandre , le Brabant , la Hollande , etc. Fait en 1790
par George Forster , l'un des compagnons de Cook ; traduit de
l'allemand , avec des notes critiques sur la physique , la politique et
les arts , par Charles Pougens . A Paris , chez F. Buisson , libraire ,
rue Hautefeuille , nº . 20. Deux volumes in -8 ° . de 430 pages
chacun , imprimés sur caracteres de Cicéro - Didot. Prix , 10 liv .
10 sous , brochés ; et 12 liv . 10 sous , franc de port par la poste ,
pour les départemens .
L'AUTEUR ' AUTEUR fait le récit de ses voyages ; il raconte ses avenures
, et donne ses observations sur les arts , sur l'histoire et
la politique des contrées qu'il a parcourues , dans des lettres
variées , intéressantes et descriptives , où il emploie souvent un
style pittoresque et poétique . Il conduit d'abord son lecteur
sur les bords du Rhin. Il lui fait un tableau des campagnes que
ce fleuve arrose ; il le promene dans ses vignobles , et fait connaître
les qualités des vins d'Hoccheim et de Domdechancy .
Nous ne nous arrêterous pas avec lui à Coblentz pour disserter
sur la relique d'une chemise sans coutures du Christ , sur les
singularités superstitieuses des freres Moraves , et sur la folie
extatique des illumines. Nous ne nous livrerons pas non plus
à ses conjectures hypothétiques sur les volcans , sur la formation
des basaltes ; nous le laisserons parcourir les différentes
curiosités du cabinet d'histoire naturelle de l'électeur de
Cologne . Qu'il dise , à l'occasion de l'immoralité des mendians
, et du fanatisme des prêtres qui abondent dans cette
ville , que les philosophes devraient se coaliser contre les
préjugés religieux ; mais suivons- le dans la galerie de Dussel
dorff , qui offre à l'admiration des voyageurs une superbe collection
de chef- d'oeuvres des peintres des différentes écoles.
C'est là qu'on voit les fameux tableaux de Rubens , dont l'un
représente la chûte des anges rebelles ; l'autre , les tortures des
damnés ; et le troisieme , le séjour des bienheureux .
Une des salles de cette galerie , entierement destinée aux
compositions de ce grand maître , en contient plus de quarante-
six . On y remarque sur- tout la défaite, des amazones sur
les rives du Thermodoon . L'artiste a déployé dans ce tableau
de 3 pieds 9 pouces sur 5 pieds 3 pouces , toute l'étendue de
son génie. Les guerrieres vaincues se précipitent avec leurs
chevaux , du pont , dans le fleuve ; on veit une foule de femines
toutes dans des attitudes animées , que l'imagination du peintre
a représentées sous les formes les plus heureuses ; les unes
1 2
164 )
nagent , les autres tombent , toutes combattent , toutes se défendent.
Les eaux et les rives du fleuve sont teintes de leur
sang ; à travers les arches du pent on apperçoit une ville enbrâsée
. On s'arrête avec plus de complaisance encore devant
un autre tableau où Rubens s'est peint lui-même aavvec sa premiere
femme. La tête de l'artiste respire le génie son air ,
sa taille , ses vêtemens sont de l'élégance la plus recherchée
. Si Rubens s'est vu ainsi ( et ce portrait porte tous les
signes d'une ressemblance fidele ) , cet artiste devait être ,
" le plus noble , le plus grand et le meilleur des hommes.
,, Aucun de ses ouvrages ne peut donner de lui une idée
" aussi élevée que cette belle imitation de ses propres traits .
Il est représenté assis et dans la fleur de l'âge ; ses yeux
" couverts lancent des flammes à travers les ombres de ses
brunes paupieres ; on lit sur son front la richesse , on peut
dire même l'irrégularité de son génie ; son ame paraît occupée
de toute autre chose que de peinture. Sa jolie femme
est assise plus bas que lui : leurs mains sont entrelacées , et.
9 cas mains sont d'une beauté admirable ; les têtes sont peintes
99 avec une égale vérité . Mais que voulait exprimer l'artiste
par ces mains eutrelacées , ces accessoires - champêtres , ce
27 chêvre-feuille couvert de fleurs balsamiques , qui s'éleve en
1
serpentast et forme sur leur tête une ombre legere ? Quelle
* époque de sa vie , quel sentiment peut, lui avoir inspiré ,
2 cette délicieuse composition si fraîche , si poétique , où l'on
1 voit sept petits amours s'entrelacer dans une couronne de
" fleurs et de fruits ? Que de volupté , de charme , de mollesse ,
, dans son exécution ! Comme on voit circuler la vie dans
2 tous les membres délicats de ces petits enfans ailés ! comme
2 is voltigent avec grace et légereté ! On dirait qu'ils viennent,
• d'éclore , Une gaieté folâtre se peint dans tous leurs mon-
• vemens ; les plus doux plaisirs de l'enfance sont de pou- ,
29 voir , comme le tems et l'imagination , s'agiter toujours sans
jamais chercher le repos .
Dénué de noblesse dans le choix de ses sujets ; mais
fier de sa trivialité même , doué de ce caractere d'abondance
et de vérité qui n'appartient qu'aux grands maîtres , tel est ,
Gérard Dow dans son célebre tableau du Charlatan . Le pinceau
fugitif de Teniers ne s'arrête que sur les traits essentiels
il est créateur , il prodait toujours l'effet qu'il veut produire ;
as tableaux sont faits de rien , et il laisse à l'imagination ,
de spectateur le soin de se figurer les détails . L'amateur
que son goût éloigne de ees scenes grotesques , peut se
horner à jetter un coup d'oeil rapide sur les composions
lestes et faciles de ce maître ; tandis que les ouvrages
Gerard Dow sont i brillans de couleur et d'un si pré-
Jeux fini , qu'il est impossible à l'oeil de s'en détacher . Au
*este quiconque a vu un ouvrage de Teniers les vos
>
( 165 T
tous leur seule différence ne consiste que dans une exécution
plus ou moins parfaite .
Les ouvrages de Wandick , répandus dans cette galerie ,
sont en très -grand nombre . Ses portraits et ses diverses études
peuvent entrer en parallele avec les ouvrages de Rubens.
Plusieurs sont dignes du Titien et du Tintoret . Son imagination
ne prend pas un vol si hardi que celle de son maître , mais
elle est plus correcte et plus égale ; sa touche est plus spiri
tuelle , ses couleurs mieux ménagées ; enfin , sa maniere approche
de la chaleur italienne.
Cette galerie offre aussi beaucoup de tableaux italiens ,
du Garache , du Titien , du Dominiquin , de Raphaël
d'André del Sarte , de Pierre de Cortone , etc. Ce dernier
est sur- tout admirable dans sa composition de la femme
adultere. Que dis -je , adultere ? le tableau même crie vengeance
contre le calomniateur. Si cette charmante créature
est coupable , que celui qui est sans péché lui jette la
" premiere pierre . Le peintre l'a représentée debent , les
mains jointes ; ses beaux yeux sont baignés de pleurs , ces
mêmes yeux dont son vil calomniateur ne peut soutenir
" ni l'éclat , ni le charme . La douce sérénité d'une conscience
" exempte de reproche regne dans tous ses traits ; sur ses
, lêvres sont peintes la douleur et la fierté . En un mot ,
cette figure est à la fois une belle imitation de l'antique
99 et une délicieuse pensée de l'école italienne ; le style
l'attitude annoncent cette simplicité noble et auguste qui
1 caractérise les ouvrages de Pierre de Cortone . Son cou
" à demi - nud , et ses mains admirablement bien dessinées
" sont du coloris le plus aimable ; en fin , ce tableau peut
9 être classé dans le petit nombre de ceux dont l'oeil ne se
détache qu'avec peine , et au moyen desquels on peut
toujours pénétrer dans l'ame de l'artiste .
Il faut encore mettre au rang des plus subilmes chef- d'oeuvres
de la peinture , la figure de Jean - Baptiste , attribué à André del
Sarte , et qui est plus vraisemblablement de Raphaël , « O toi !
" s'écric Forster ; 6 toi ! dont l'ame angélique retira de l'abîme
ce phénomene enchanteur , et en composa cette image
" sublime du précurseur Jean , qui que tu sois , noble et savant
artiste , pourquei ton nom n'est - il point parvenu jusqu'à
nous ? Que ne puis -je adresser , non de vains remerciemens ,
99 mais une hymne au véritable créateur de cette magnifique
" conception ! Qu'il est sacré celui dont l'ame a créé cet
" oeuvre accompli ! Il n'est pas besoin de bulle ... Dieu et la
" nature l'ont immortalisé .
99
Rien de plus sublime encore qu'une assomption de la vierge
par le Guide. C'est la plus belle des femmes , mais une femme
qui , exempte des passions , délivrée des chaînes terrestres .
" voit le ciel s'ouvrir. Son regard extatique , son visage rayonpart
, ses bras étendus annoncent ses ineffables jouissances .
L 3
( 166 )
A ses pieds sont deux anges , beaux comme les anges
99 Guide ; ils l'enlevent en se courbant sons sa draperie , et
" pénétrés d'amour ; tous leurs traits décelent les transports
on la
d'une céleste volupté . Ceci est un nouvel univers que le
99 Guide a voulu peindre . Nul mélange impur , rien qui tienne
99 encore à la terre . Ce sont des flots de lumiere qui tombent
" par torrens dans un océan de lumiere. L'ample manteau
bleu de la vierge est d'un azur plus par , plus poëtique que
celui même de l'empirée. Il n'est point lourd , il a de l'élégance
et de Péclat . La vierge est svelte et très - bien drapée .
" On dessine le nud à travers ses vêtemens . Ses traits , qui
" sont une réminiscence de la fille de Niobé , portent déjà
l'empreinte d'une lumiere surnaturelle et célcste :
regarde , et l'on voit que la bienheureuse s'est dépouillée de
" son enveloppe terrestre , La beauté des anges et leurs graces
sont impossibles à décrire. Leur expression est celle du pur
amour séraphique . Le monde que nous offre ce tableau embrasse
et multiplie toutes les formes de la lumiere et de la
1 vérité ; et ce qui ne doit point échapper aux connaisseurs
délicats qui savent dignement apprecier le grand art des
styles , c'est qu'il offre un caractere de beau idéal , différent
de celui que les Grecs assignaient à leurs déités . Jamais
je n'aurais cru qu'il fût possible d'allier les formes célestes
des habitans de l'empirée avec celles des enfans de la
9 terre . 2 )
• Le voyageur continne sa route et se rend à Juliers , à Aixla
- Chapelle , à Burscheid . Il ne s'arrête dans ces endroits que
le tems nécessaire pour faire ses observations sur les moeurs
et le gouvernement des habitans , et le mauvais état de leurs
manufactures : il décrit la ville et le caractere des Liégeois . H
fait voir le rapport de ce peuple avec les Français . Il fait l'apologie
de son génie républicain , de son aversion pour le clergé ,
de son amour pour la liberté , etc. Il témoigne avec raison son
mépris de l'ignorance méthodique des docteurs de Louvain ;
mais il fait Feloge de la bierre qu'on fabrique dans cette ville .
On voit entr'autres curiosités à Malines , dans le couvent des
carmes , le fameux et ridicule tableau du célebre Vandyck ,
représentant un âne à genoux devant une hostie . Cette ville
mediocre est surchargée d'églises et de couvens , et par une
soite du régime des prêtres , elle est dégarnie d'habitans . On
éprouve , dit Forster , une sorte d'effroi en parcourant dis
rues longues sans y rencontrer aucun être vivant , et sans eutendre
le moindre bruit dans les maisons.
Les voyageurs en quittant Malines sont conduits an grand
trot sur la belle chaussée qui mène à Bruxelles entre deux
magnifiques allées d'a : bres . Cette ville est remarquable par
la beauté de ses édifices par ses places publiques , par son pare
richement décoré . On admire dans une chapelle de sainte
Gudule , un des beaux tableaux de Rubeas , représentant le
1
( 167 )
Christ qui donne à Pierre les clefs du ciel. On s'empresse
d'aller voir dans les autres églises les célebres peintures de
Crayer , de Coxis , de Champaigne , d'Otto Venius .
Nous ferons grace à nos lecteurs des digressions morales et
politiques que Forster fait sur le caractere effacé , dit- il , des
Brabançons , sur la dévotion outrée des habitans de Bruxelles ,
sur leur haine prononcée pour leur indépendance . Il rappelle
les tems du massacre des protestans ordonné par Philippe II ,
et passe en revue les derniers événemens qui ont porté la
guerre , le désordre et l'insurrection dans la Belgique .
T
Forster prend le chemin d'Anvers . Cette cité se montre à
l'approche du voyageur dans son imposante grandeur . Une
forêt de clochers , et principalement celui de la cathédrale
s'élancent dans les airs . La citadelle , placée sur une éminence ,
aggrandit et embellit à la fois ce magnifique point de vue . Le
mouvement des barques qui remontent où descendent l'Escaut
forme un spectacle enchanteur. Ce fleuve immense est un des
plus commerçans de l'Europe ; il s'éleve à vingt pieds de
hauteur devant les . inurs de la ville , et il a le double de profondeur.
Quelques milles plus bas , il s'étend et paraît aussi large
qu'un bras de mer. Deux mille bâtimens pourraient tenir à
l'aise dans ce port , et cependant on n'y voit plus qu'un petit
nombre de barques. Un léger esquif conduit le voyageur surpris
de voir cette ville , qui renfermait autrefois plus de deux cents
mille habitans , en contenir à peine aujourd'hui quarante mille.
Le premier soin du voyageur fut de visiter les cabiners de .
tableaux qui sont en grand nombre dans cette patrie des arts .
Il s'arrêta principalement dans la cathédrale , dont la nombicuse
collection semble présenter les progrès successifs de la
peinture ; on y trouve des ouvrages des plus anciens peintres
de l'école flamande , tels que François Vrindt ou Floris , de
Quintin Messis , de François Franchens , de Martin Vos , de
Quillin , de Sébastien Kaberger , d'Otto Venius qui fut l'iustituteur
de Rubens , etc. Les regards de l'amateur sont principalement
attirés dans cette cathédrale, par une assomption de la
vierge, grand tableau de Rubens , dans lequel on remarque sur
tout un drap blanc qui fait la plus grande illusion . On voit
dans la chapelle des chevaliers de l'arquebuse la célebre descente
de croix ( 1 ) qui passe pour le chef d'oeuvre de Rubens ,
et qui a été composé environ douze ans avant son assomption .
Le dessin de cette composition est plus correct que celui de
la plupart des autres ouvrages de ce maître . La pensée en est
simple et grande ; les groupes sont d'une beauté admirable ; les
altitudes , la distribution de la lumiere , le coloris des chairs ,
( 1 ) Ge superbe tableau et son esquisse , accompagnés de deux autres
célebres compositious de Rubens , l'une représentant le calvaire ou le
crucifiement , la seconde , l'exaltation de la croin , sont actuellement au
muséum des arts à Paris , of its attestent la gloire et le gour des Frank
gais qui eu oui fait une de leurs heureuses conquêteri
4
( 168 )
tout jusqu'aux draperies est savamment pensé , vivement senti
et de la plus riche exécution . La mese de douleur et Jean sont
de véritables études italiennes , au moins des reminiscences.
Rubens a représenté la nature avec tant de noblesse et de
vérite qu'à peine ose- t - on s'appercevoir que Pierre , dont la
figure est trop supérieure à celle du crucifix , tient entre ses
dents le coin du liaceul où repose le corps .
Le voyageur , en quittant le triste sejour d'Anvers , ne tarda
point de se réjouir à l'aspect riant et pittoresque des villages de
la Hollande . Après avoir cotoyé quelque tems un bras de la
Meuse il decouvre Rotterdam au moyen d'un nombre infini de
lanternes suspendues le long du rivage. Le grand clocher quadrangulaire
de la cathedrale , le spacieux bâtiment de l'amirauté ,
la superbe chaussée plantee de tilleuls , et qui a plus d'une lieue
d'étendue , l'innombrable quantité de mâts qui entremêlés avec
les édifices les surpassent en hauteur , les moulins à vent quidans
l'intérieur , et aux environs de la ville sont pour la plupart
sur des corps de mâçonnerie semblables à des clochers; enfin ,
les fauxbourgs , orués de maisons de campagne et de magnifques
jardins qui se prolongent en ligne droite sur les deux
rives du fleuve , rendent ce point de vue un des plus riches et
des plus pittoresques de l'Europe . L'auteur décrit avec la même
complaisance le site enchanteur de la Haye . Le voyageur instruit
et curieux visite les cabinets d'histoire naturelle qui font une
des principales richesses de cette ville .
Amsterdam offre un autre spectacle , et non moins intéressant,
dans le mouvement du commerce , dans les travaux de la marine
, dans le mélange bizarre des différens habitans , et des COStumes
singuliers de toutes les parties du globe . Le voyageur
examine avec delice la magnifique galerie de tableaux flamands
et italiens du riche banquier Henri Hope , dans sa superbe
maison de campagne près d'Harlem. La nature lui ffrit encore
plus de charmes dans le magnifique jardin de fleurs d'Harlem .
Forster finit son intéressant voyage par la description de l'institut
de Pierre Teyler Vander- Hulst , riche négociant , qui , sans
avoir cu durant sa vie un goût décidé pour les sciences , a partage
tou'e sa fortune entre les pauvres et la physique . Les administrateurs
de ses biens ont annuellement cent mille florins à
leur disposition . Nous avons visité , dit notre voyageur , la
bibliotheque , la collection d'estampes , le précieux appareil
d'instrumens de physique de cet homme singulier , ainsi qu'un
riche cabinet d'histoire naturelle , sans oublier une vaste ma
chine électrique connue par l'excellent rapport que le docteur
Van Marum en a publié dans la description qu'il a donnée de ce
beau cabinet .
Le citoyen Pougens a mis dans sa traduction autant d'élégance
que de facilité ; il a aussi répandu dans les deux volumes
de cet ouvrage un grand nombre de notes instructives et
savantes , avec beaucoup de recherches historiques et de défiui
tions étymologiques.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ON
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 28 Novembre 1794.
N mande de Stockholm , en date du 11 novembre , que
les cours suédoise et danoise seront , suivant toutes les apparences
, d'une médiation pour la paix avec la France . Cependant
on ne sait encore rien de positif à cet égard , et peut- être tout
cela se borne- t- il à de simples conjectures , élevées sur le prochain
voyage du baron Stael , de Holstein en Suisse . Le ci - devant ambassadeur
va peut - être seulement voir l'ex - ministre Necker son
beau-pere en attendant , il n'a point encore dépassé Copenhague
où il a de fréquentes conférences avec le comte Bernstorff,
très - occupé à presser le jugement que rendra l'amiranté anglaise
sur les 282 navires danois saisis sous prêtexte qu'ils étaient
chargés pour le compte de France.
Voici des détails relatifs à la prise de Varsovie , sur l'authenticité
desquels on peut compter ; ils sont tirés d'une lettre écrite
par un officier servant dans l'armée russe .
Témoin oculaire de la prise de Varsovie , je vais vous
instruire de ce que j'en sais pour l'avoir vu .
19 Dès le soir même du 4 novembre , jour où Prag fut emporté
de vive force , trois députés du magistrat de Varsovie ,
porteurs d'une lettre du roi de Pologne au général Suwarow ,
vinrent au camp , et prierent d'épargner la ville , qui était
disposée à se rendre à discrétion , pourvu qu'elle obtint sûreté
pour les propriétés et pour les personnes . Le comte m'en écrit
quelques points , portant en substance : que sur- le - champ l'on
poserait les armes ; que l'artillerie et les munitions seraient
déposées en uu lieu déterminé , que tous les prisonniers et
ôtages seraient mis en liberté ; que la constitution légale serait
incessamment remise en vigneur ; que le pont serait promptement
rétabli , áfin que les troupes russes passent y passer. De
son côté , le général promit sûreté pour la personne sacrée
du roi , sûreté pour la propriété et le vie de chaque habitant ,
● ubli même du passé .
Les députés recurent ces points avec soumission et reconnaissance
, et ils partirent en promettant de mettre à execution
ce que le comte avait demandé .
" Le 6 , les députés revinrent et annoncerent que le magis.
trat et la ville avaient exécuté , de leur part , tout ce qui avait
dépendu d'eux ; mais que le soi - disant conseil souverain , et le
( 170 )
commandant-général Wawrzewski , et le militaire , dominaient
encore , et ne s'accordaient pas avec le roi-ct la bourgeoisie .
Le comte répondit , qu'il conscillait de déterminer à la soumission
le paru dominateur ; que c'était le seul moyen de
prévenir le malheur dont ils étaient menaces ; que si le militaire
ne voulait pas rendre les armes , il n'avait qu'a sortir
de la ville , et s'attendre à voit la vengeance le poursuivre
par-tout.
1 Le roi faisait demander un délai de huit jours ; mais le
comie le trouva trop long , et ne consentit qn à un couple de
jours que demandait la reparation du pont.
» Wawrzewski dans cet intervalle s'arrangea avec toutes les
troupes pour l'évacuation de la ville , et pour en emmoner aussi
le roi. La bourgeoisie en ayant cté instruite se rassembla soudain
dans la cour du château et dans les rues adjacentes : elle
s'y pressa tellement que tout abord en fut rendu impossible .
Les bourgeois déclarerent à Wawrzewski qu'ils ne mettraient
aucun empêchement à sa retraite ; mais que pour ce qui était du
roi ils ne le laisseraient point partìr , et qu'ils étaient résolus
de tout risquer pour le conserver dans leurs murs .
,, Le 7 , à 10 heures du matin , les membres du conseil souverain
et Wawrzewski se rendirent chez le roi , et remirent en
ses mains toute l'autorité et la direction du militaire . Alors le
général Suwarew écrivit au roi , que pour la sûreté de S. M. et
pour rendre la ville à la tranquillité , il y entrerait le 9. Cela se
fir . Le héros , à la tête de son armée , reçut du magistrat assembié
les clefs de la ville , et les troupes victorieuses de S. M.
impériale de toutes les Russies sont en possession de cette
place. Le militaire polonais s'était retiré en grandes masses ;
mais , dès le 10 , neuf mille hommes , parmi lesquels le gé
néral Hendrowicz , revinrent sur leurs pas , et mirent bas les
armes.
L'infatigable général poursuit son grand plan de rendre le
repos à la Pologne . La mort et le pardon , voilà les moyens
dont il se sert selon qu'il en est besoin . Au - dessus de Korzewa
il a fait passer la Vistule à un corps qui , d'après les rapports
, a atteint , dès le 10 le baron Dombrowski et Kollentay
près de Koniencze .
" Le lieutenant général prussien de Favrat a passé la Vistule
le 12 , et tout ce qui s'échappe de Koniencze , ou se laisse apperecvoir
d'un autre côté , lui tombe sous la main . De petites
bandes conduites par un esprit de vertige , ou par la fureur
du désespoir , on aussi par l'amour du brigandage , disparaîtront
bientôt d'elles - mêmes , et c'est ainsi que l'insurrection
polonaise sera arrivée en peu de tems à son terme inopiné .
- Le baron de Buhler , qui allait en qualité de ministre de
l'impérațiec à la cour électorale palatine , et qui jusqu'au 8
a enduré à Varsovie les incommodités d'une captivité de
mois , est parti , il y a quelques jours , pour Pétersbourg , où
sept
( 171 )
il va rendre un compte à la cour de tous les détails relatifs aux
affaires da Pologne . "
De Francfort- sur- le-Mein , le 3 décembre.
a
·
" La paix dont on tant parlé la paix à la possibilité
de laquelle on semble croire encore Jans le nord
de l'Allemagne , est peut être plus éloiguée que jamais ,
du moins s'il faut en croire des lettres de Vienne qui
disent que le baron de Thugut , ministre des affaires étran
geres , n'est parti que pour aller conccrier avec les alliés le
nouveau plan de campague , et demander des explications tant
sur les vues des puissances coalisées , que sur les secours qu'elless'engagent
à fournir . Elles ajoutent que l'électeur de Saxe a
donné des ordres très -pressans pour fournir , avec toute la
célérité possible , son contingent au quintuple ; que le roi de
Prusse , qui comme lecteur de Brandebourg avait adhéré à la
proposition de l'électeur de Mayence , a néanmoins engagé ses
co -états à ne point se laisser surprendre par des bruits de paix ,
et à m'attendre cette paix desirée et desirable qu'en se préparant
à la guerre qui est impossible de faire avec succès sans la
fourniture de leur quintuple contingent . De plus , dans l'électorat
d'Hanovre on a ordonné à dix régimens de milice de se
combiner avec les troupes de ligne d'infanterie pour mettre le
pays à l'abri d'une invasion .
Malgré tous ces préparatifs et plusieurs autres , dont nous
avons rendu compte dans les numéros précédens , il est certain
qu'on desire encore la paix , et qu'il y a eu un moment
où l'on a cru pouvoir la faire . On a même remarqué qu'à
cette époque , ceux des princes qu'on supposait y être le plus
portés , ont pris tout - à coup des mesures de rigueur contre les
émigrés . A Berlin , ils ont tous reçu ordre de quitter la ville.
Plus récemment encore , l'électeur palatin leur a également enjoint
de sortir de la Baviere , et aujourd'hui les publicistes allemands
s'élevent avec force contre eux , dans des ouvrages où ils
les accusent d'être les premiers et les principaux des maux qui
ont affligé l'Allemagne , et auxquels elle est encore exposée .
Ces maux ne sont point exagérés puisque les Français , de
leurs armes victorieuses , portent à toute la basse Allemagne
des coups certains , dont l'effet est ressenti plus ou moins
dans toutes les parties du corps germanique ; par exemple , à
Aix- la-Chapelle ils ont établi une administration centrale
pour tons les pays de leurs conquêtes , entre le Rhin et la
Meuse . Elle est composée de douze membres fournis par
les douze districts dans lesquels cette étendue de pays a été
divisée .
Les objets dont elle aura à s'occuper , seront principalement
, 1º, de dresser un état de ce que chaque commune à de
( 172 )
grains , de bétail , de fourages , de vivres , de fabriques , d'étoffes
et de marchandises ;
2º. De déterminer la maniere la plus prompte et la plus
équitable de satisfaire anx requisitions de la république ;
39. De faire rentrer les contributions exigées par les représentans
du peuple , et de faire payer les impôts établis ;
4° . D'en faire autant , par rapport aux dettes dévolues
à la république , c'est - à - dire , celles qui étaient payables aux
anciens souverains ou aux personnes qui sont en émigration ;
50. De donner des soius aux bois et forêts , soit pour leur
couservation , soit pour y ordonner les coupes d'usage et en
faire l'adjudication ;
6 ° . De compter , dans le terme de trois mois , de l'argent
provenant de ce dernier objet , dont moitié doit être payée surj
le - champ , et moitié au bout de trois mois .
Luxembourg est menacé de tomber bientôt entre leurs mains .
L'armée de la Mez le commandée par le général Moreau ,
et les troupes qui s'y joignent encore journellement , venant
des frontieres de France , ont fait , depuis peu de jours , un
mouvement dont le but est de le serrer plus étroitement .
Cette manoeuvre ne s'est pas faite , sans que la garnison de
cette forteresse n'ait tâché d'y mettre obstacle ; mais après une
affaire assez vive , elle fut repoussée avec perte , et obligée
d'abandonner le terrein aux républicains , qui se trouvent
postés à une petite distance des glacis de cette importante
place .
On n'angure gueres mieux du sort de Mayence , quoiqu'on
fasse des préparatifs considerables pour sa defense , et que les
Français aient éprouvé une sorte d'échec à Zalbach qu'ils ont
pris par deux fois , et se sont enfin vas forcés d'abandonner
aux Autrichiens et aux Prussiens qui , tant en se défendant
qu'en attaquant , leur ont tué , à ce qu'on assure , plus de
deux mille hommes .
Malgré cette affaire , dont les détails sont assez curieux , et
où il y a eu beaucoup de perte de part et d'antre , les Republicains
sont parvenus , disent des lettres de Manheim du rer . décembre,
à achever presqu'entiérement leur quatrieme redoute sur
la droite des Flêches . Iis continuent de travailler à la cinquieme,
vis à- vis de la Flêche gauche. Hier , ils ont tracé une sixieme
redoute entre la quatrieme et le Rhin . Les batteries des Flêches'
et de la Muhlau tirent vivement sur les travailleurs , et leur out
tué du monde . Les Français , de leur côté , tirent de leurs redontes
du centre , établies sur la chaussée d'Oggersheim .
Hier et aujourd'hui il y a en quelques escarmoaches le long
de la digue du Rhin à l'endroit où l'on trace la sixieme redoute
des Français .
"
Cette nuit , les Français ont démasqué une batterie derriere
( 173 )
la digue du Rhin , près du bois de Friesenheim , et dans la ma
tinée ils ont commencé à lancer des obus et des boulets
contre les travailleurs palatins , qui étaient occupés depuis
quelques jours à élever de nouvelles batteries lelong de la Mahlau .
Ils ont aussi tiré de leurs premieres redoutes établies vis -à - vis
des Flêches .
La ville de Coblentz avec les contrées voisines a été imposée
à une contribution de 6,000 septiers de divers grains . Il s'est
tenu dernierement une assemblée de la part de la commission
chargée de la surveillance des passagers ; environ cinquante
de ceux - ci ont eu la permission de se rendre à Co.
blentz .
Les Français ont élevé une batterie considérable de canon
dans le jardin , au - dessus du palais électoral. On apperçoit
également d'ici , qu'ils ont perce de grands trous dans la
muraille qui entoure le château. Ils en font élever d'autres
de renfort dans plusieurs lieux pour la défense de la place .
Il y a quelques jours , on vit sur l'autre rive du Rhin un
graud nombre de chevaux conduits par des paysans. On ignore
si les Français les avaient mis en requisition , et dans ce cas
pour quel motif cela aurait pu être . Ils ont aussi fait conduire
dans la Moselle tous les bateaux qui se trouvaient dans
le Rhin . Un pont de bateanx a été jette par eux sur la premiere
de ces rivieres , près le village de Mosselvis .
•
Ce n'est pas l'ex - général Beurnonville , livré par Dumourier
aux Autrichiens avec quatre commissaires de la Convention
, qui s'est échappé de sa prison , comme nous l'avions
dit d'abord , d'après des renseignemens inexacts , mais Lafayette
et Latour - Maubourg ; ils ont été arrêtés à Braunseifen près
de Sternberg . Comme ils payaient généreusement les maîtres
de postes pour être plutôt servis , cet empressement les a
rendus suspects . C'est un médecin natif du pays d'Hanovre ,
nommé Bollman , qui leur avait ménagé des moyens d'évasion.
Ils avaient obtenu de consulter ce médecin sous prétexte
de maladie , et de sortir pour prendre l'air . Ils ont garotté
l'officier qui les accompagnait , et ont pris la fuite dans des ;
chaises de poste que le médeciu leur avait fait préparer. Ces
deux officiers , vont être resserrés beaucoup plus étroitement.
On assure que la ville de Varsovie est imposée à une contribution
de cinq millions de florins polonais . Quant on pressure
un malheureux peuple de cette maniere , il n'est pas difficile
d'envoyer au général Suwarow , comme Catherine l'a fait ,
une couronne de laurier en brillans , estimée 60,000 roubles.
L'archiduc Ferdinand a prévenu la cour de Vienne que
M. Dracke , ministre d'Angleterre à Gênes , s'était rendu à
(.174 )
Alexandrie pour le sommer , au nom du lord Hood , de dé
clare si les généraux autrichiens en Italie essayeraient de
débusquer , avant l'hiver , les Français du territoire de Gênes ;
qu'autrement l'amiral serait force de ramener son escadre.
dans les ports de la Corse mais qu'il ne le ferait qu'en don
nant la plus grande publicité à sa correspondance avec l'archiduc
, et en se justifiant ainsi aux yeux de l'Europe de
Tinaction forcée à laquelle les généraux de l'empereur l'anraient
condamne , inaction qui a rendu la campagne nulle
Cette annce .
Lord Hervey , ministre d'Angleterre à Florence , avait vivement
pressé , il y a deux ans , le grand - duc de Toscane d'en
trer dans la coalition . Son successeur vient de menacer le
même prince de quitter sa cour , s'il ne reçoit promptement,
une réponse satisfaisante à un mémoire , où il l'exhorte à se
mettre en état de défense plutôt que de donner des motifs
de plainte aux puissauces coalisées , par son intelligence avec ,
la Convention nationale , et par ses négociations pour se faire
reconnaître comme neutre par cette assemblée .
Le bruit s'est répandu dernierement à Dusseldorf qu'il y
avait à la Haye deux négociateurs français , généralement
regardés comme porteurs de propositions de paix . Ou tient
cette nouvelle d'un voyageur arrivé de cette ville , qui a même
été jusqu'à désigner l'un de ces connaissaires sous le nom du
citoyen Dubois .
Le célebre minéralogiste Raspe à découvert , dans l'isle de
Corse , une mine de cobalt très - abondante et de la plus belle
qualité qu'il y ait en Europe.
On apprend par la voie d'Amsterdam que le parlement
d'Angletere , qui devait se rassembler le 25 novembre , est
encore pro ogé jusqu'au 30 décembre , et que ce délaine sera
peut- être même pas le dernier .
Tout porte à croire qu'il se prépare quelque grand coup
de guerre les couriers des armées sont en grande activité
tout le long de la rive droite du Rhin , et les pontons prussiens
ont été ramenés dernierement par Hanau jusque dans le
voisinage de ce fleuve.-
PROVINCES · UNIES.
Le besoin d'argent se fait vivement sentir aux Etats - Géné
Faux ; ils viennent d'arrêter que les obligations , lettres de
change , etc. n'auront à l'avenir de valeur en justice qu'autant
qu'elles porteront l'empreinte et auront payé les droits d'un
nouveau timbre. Mais comme cette mesure ne fournirait pas
usez vite les fonds qu'exigent les circonsiances , il a été décide
( 175 )
de suspendre pour deux ans le paiement das interêts des oblia
gations . Enfin on s'occupe beaucoup de deux projets qui .
s'ils réussissent , fourniront en effet toutes les ressources pécuniaires
dont on a besoin ; le premier est de mettre en requisition
les matieres d'or et d'argent , pour les convertir en especes
; le second , de créer un papici-monnaie . On ne se dissimule
pourtant pas les dangers de pareilles opérations , quand
elles ne sont point appuyées sur la confiance des peuples ; et
certes elles ne le sont gueres en Hollaude : témoin lés
résolutions des Etats de Frise et la fameuse pétition du 14.
Quant à cette derniere piece , les six personnes qui l'ont
présentée , sont condamnées par la régence d'Amsterdam à
garder prison pendant six ans et à être ensuite bannies à perpétuite
.
"
Des lettres de Berg- Op -Zoom , datées du 16 novembre , disent
que les Français réunis en nombre considérable à Putt , où
ils ont de l'artillerie , menacent cette forteresse , abandonnée de
nouveau aujourd'hui par beaucoup de personnes qui y étaient
setournées avec leurs effets . On n'est même pas rassuré par
l'approche de l'hiver ; car on sait que les troupes françaises ont
refusé la proposition faite par les Anglais d'entrer de part et
d'autre en quartiers . Ce refus est la suite naturelle du projet
qu'out les Français de ne pas laisser à leurs ennemis le temps
de se recouvaître , projet réalisé jusqu'à présent avec un plein
succès . Aussi est on dans la plus vive inquiétude sur le sort de
Gorcum , qui n'est couvert que par la ville de Thiel que les
Français bombardent en ce moment , et dont on s'attend à apprendre
bientôt la reddition , puisqu'il n'y a pas dans la place
suffisamment de troupes pour la défendre ; car on Bn'évalue
gueres toute la garnison qu'à 4000 homes.
Des lettres d'Amsterdam du 16 disent qu'on avait arrêté , la
surveille au soir le général Eustace Sky , officier distingué qui a
servi pendant quelque tems la République française , au moment
où il se disposait à retourner dans les Etats - Unis . Le ministre
américain Adams l'a réclamé , par la raison qu'il n'avaitété
dénoncé que par un émigré français , et n'était coupable
de rien qui put autoriser à le priver de sa liberté , qui lui a été
en effet rendue sur-le- champ..
Le bruit court que le corps français auquel Nimégue a été
forcé de se rendre , défile vers Emmerick dans l'intention de
passer là le Rhin et l'Yssel , et de tourner de cette maniere les
lignes de la Grep , qui sont pourtant défendues par de nou
velles troupes arrivées dans la province d'Utrecht , où le duc
d'Yorck a pris son cantonnement. 15,000 Autrichiens sont aussi
répandus dans le comté de Zutphen.
( 176 ).
REPUBLIQUE FRANÇAISE,
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSI ENCE DE REWBEL.
Séance du duodi , 22 Frimaire..
Letourneur ( de la Manche) , au nom du comité , militaire ,
vient fixer l'attention de la Convention sur un objet important
des services militaires . Le corps du génie a éprouvé bien des
variations dans sa composition sous le regne da despotisme. La
guerre faisait sentir le besoin d'officiers expérimentés dans cette
partie, et la paix le faisait oublier. Cependant les officiers du gé,
nie étaient au nombre de 380 , lorsque l'Assemblée constituante,
par une économie mal entendue , les réduisit à 300. La guerre
actuelle , l'étendue que nos frontieres ont reçue , le service des
côtes et de quatorze armées , les colonies , la construction
et l'entretien des places , tout sollicite impérieusement de renforcer
une arme aussi essentielle . En conséquence , le rap
porteur propose de porter l'arme du génie au nombre de
400 officiers , lesquels seront classés suivant la même proportion
de grades que celle qui existe maintenant dans cette arme.
Ge décret est adopté .
Letourneur , au nom du même comité , expose que par une
loi du mois de septembre 1791 , concernant l'organisation des
gardes nationales , les sexagénaires et infirmes ont été dispensés
du service ; mais que cette loi exige quelques modifica
tions : en effet , l'institution des gardes nationales a pour objet
la conservation des personnes et le maintien des proprietes .
D'après ce principe , l'infirme et sexagénaire qui jouissent
des dons de la fortune sont les premiers intéressés à coopérer
à l'exécution de cette loi ; et s'ils ne le peuvent pas personnellement
, ils doivent au moins y contribuer de leur bourse .
D'après ces motifs , Letourneur propose de décréter que les
sexagénaires et infirmes , dispensés par la loi de faire le service
en personne , seront tenus de se faire remplacer , à moins
qu'ils ne produisent un certificat de leur comité civil qui
constate que l'état de leur fortune ne leur permet pas de supporter
les frais de remplacement.
Lecointre ( de Versailles ) réclame contre le décret d'avanthier
qui a ordonné la suspension provisoire de toute action de
la part des agens nationaux sur les biens des condamnés et
déportés , jusqu'au rapport des comités chargés de présenter
un projet de décret sur cet objet ; il dit qu'il va aborder une
des plus grandes questions qui se soient présentées à cette tribune
( 177 )
:
bune , et faire sentir combien a été indiscrete la motion de la
suspension provisoire : Je ne dois pas vous le cacher , ajoute
Lecointre , cette suspension a porté la plus vive inquietude
dans tous les esprits successivement attaches à la révolution ,
elle s'est étendue jusque sur les biens déja vendus. Si vous
faites un pas rétrograde , que deviendront la bonne foi , la
fortune publique et vos finances ? si vous ordonnez une seule
remise en possession de biens , entre les mains des parens
d'un coudamne qui a subi son jugement , la confiance dans les
domaines nationaux est ébranlée , et personne n'en achetera.
Queles assassinats juridiques soient punis , et leurs suites réparées
; que les tristes victimes des fureurs de nos derniers tysans
ne soient point livrées aux horreurs de la misere , au milieu
des plus cuisans chagrins ; en un mot , dousez - leur des indemnités
, rehabilitez même si vous le voulez , la mémoire de
leurs parens ; mais ne faites aucune remise en possession ,
lorsque le condamné a subi son jugement . Si vous en usez
autrement , vous donnez au gouvernement une secousse qui ne
peut avoir que des suites terribles . +7
Lecointre propose d'ordonner aux trois comités de faire un
rapport le lendemain sur les mesures à prendre au sujet des
biens des condamnés ou déportés qui ont subi leur jugement.
Clausel : Le char de la révolution dans sa course rapide a
écrasé quelques innocens ; mais il n'est pas en noire pouvoir de
ressusciter les morts. Il pense comme Lecointre , et demande
dès à présent le rapport du décret .
Lefebvre , sur la motion duquel le décret a été rendu , dit
qu'il a été mal rédigé , et que son intention n'a point été de
faire rendre aux parens des condamnés leurs biens , mais d'arrêter
les dilapidations des agens de la République.
Clausel ajoute , qu'il ne faut pas laisser flotter plus longtems
l'opinion publique , et il observe que le jour même du
decret les assignats ont baissé de quinze pour cent. Mailhe dit
qu'on publie déja que la Convention veut revenir sur toutes
les époques de la révolution .
La Convention rapporte son décret de suspension ; elle
charge son comité de législation de lui présenter les moyens de
venir au secours des parens des condamnés , et elle déclaré qu'elle
n'admettra aucune demande en revision des jugemens criminels
portant confiscation de biens vendus et exécutés pendant la
révolution .
Séance de tridi , 23 Frimaire.
Les félicitations sur la révolution da 9 thermidor etla clôture
des jacobins continuent.
Le représentant du peuple Molevant , mis hors de la loi
réclame la même justice que ses collegues . Renvoyé aux trois
.comites .
Un membre au nom du comité des finances , fait rendre
Tome XIII.
M
1
( 178 )
en faveur des receveurs généraux des finances et autres comp
tables envers la République , un decret portant qu'ils jouiront
de leurs bien's , de leur rentes sur l'état et même de
leur liberté s'ils ne sont pas détenus pour d'autres causes >,
en justifiant de leur libération envers la nation , par un certificat
du bureau de comptabilité visé par le comité des
finances .
{
Merlin ( de Douay ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté générale et de législation . Pendant que les malveillans
s'occupaient à Paris de moyens de troubler la tranquillité
publique et de soulever à cette effet les ouvriers des
atteliers d'armes , le même mouvement s'imprimait à Versailles ,
et dans l'une et l'autre commune des prétextes aussi absurdes
qu'injustes ont été mis en avant pour occasionner du désordre .
Mais à Versailles , les autorités constituées n'ont pas fait leur
devoir il y a des fautes à réparer , et peut- être des délits
à punir . Vos comités se sont convaincus de la nécessité d'envoyer
sur- le -champ à Versailles un représentant du penple ,
pour ramener les citoyens égarés au respect dân à la loi ,
examiner la conduite des fonctionnaires publics , et prendre
les mesures que commanderont la justice et l'intérêt du peuple .
Merlin propose ensuite Lacroix pour cette mission momentanée .
Il est accepté ...
Dagué , l'un des 73 , prend la parole. Il dit que l'ombre
de Robespierre plaue encore et agite le flambean de la discorde
; que ses partisans répandent le bruit du retour prochain
des émigrés et de la restitution qui leur sera faite de leurs
biens ; et que le rappel des 73 sera un germe de nouvelle
division dans la Convention. Non , ajoute Dugué , union ou
la mort ; comme vous , nous déclarons une guerre éternelle
anx tyraus et aux dominateurs ; comme vous , nous serons
inexorables envers l'immoralité ; comme vous , nous voulons la
liberté , l'égalité , la fraternité , l'unité , l'indivisibilité de la
République . Nous nous défendrous de toute espece d'excès ; la
sagesse seule dirigera nos pas dans le sentier de la justice .
La Convention après avoir vivement applaudi à ce discours
, en ordonne l'impression et l'insertion au bulletin.
On admet à la barre une députation des ouvriers des
manufactures d'armes de Paris au nombre de vingt.
L'orateur exprime les craintes qu'inspire aux ouvriers le
bruit de la suspension des atteliers au commencement d'ane
saison rigoureuse ; il dit qu'en vain on a voulu leur persuader
que leur rassemblement était séditieux , puisqu'il n'a pour
but que d'empêcher une suspension qu'ils craignent,
Le président leur répond que la patrie doit du travail à ses
enfans ; mais que ceux- ci lui doivent leurs tems, et que ceux qui
le leur font perdre sont coupables euvers elle. Il les assure
que la Convention va délibérer sur leur pétition , et que, quand
la loi sera rendue , elle saura la faire respecter.
((8179 )
Boissy d'Anglas obtient en ce moment la parole , au nom
des comités de salut public de sûreté générale , de législa
tion , militaire et des finances . Il fait part des manoeuvres
employées pour égarer les ouvriers ; que beaucoup avaient
résisté Ou
u étaient venus plusieurs fois à la barre sans savoir
pourqubi , et que le plus grand nombre , avait été entraîné
par les menaces . Il déclare qu'en faisant travailler à la journée
les ouvriers , la bayonnette qui coûtait d'abord quatre livres
était aujourd'hui portée à quinze . Le comité de salut public
a donc pris un arrêté portant qu'à compter du 1er , pluviose
prochain , la fabrication et reparation des armes serait
l'entreprise que les soumissionnaires pourraient prendre des
ouvriers à la journée ; mais que ceux qui avaient été retires
des armées et qui ne seraient pas employes , retourneraient
leurs bataillons .
23
Le rapporteur propose de confirmer cet arrête et les mesures
prises par les comités . Cette proposition est unanimement
acceptée .
2
ལ།
Clausel demande que pour déjouer les agens de Robes
pierre qui affluent à Paris sous différens prétextes , il leur
soit enjoint de retourner dans leurs communes respectives
dans 24 heures , seus peine d'être traités comme suspects .
Plusieurs membres s'y opposent. Legendre dit qu'il ne
faut pas persécuter les fonctionnaires publics du 9 thermidor
par ce motif, s'ils ont d'ailleurs bien fait leur devoir . Mathieu
craint qu'on ne nous ramene sous le régime des lois prohi
bitives . Il dit qu'il ne faut jamais frapper en masse les individus
, et que c'est à la police à surveiller. Il croit qu'il serait
tems de renouveller à Paris les cartes de sûreté. Toutes ces
propositions sont renvoyées à l'examen des trois comités .
Séance de quartidi , 24 Frimaire.
Les députés Isnard et Fermond , mis tous deux hors la loi',
pour s'être dérobés à la rage de leurs ennemis , écrivent à
la Convention que depuis quinze mois ils errent de souterrain
en souterrain , sans communication avec la nature et
les hommes , et répandant de toutes parts la contagion du
supplice ; mais ils ne se plaignent pas . parce qu'ils trouvent
leur récompense dans leur coeur. Ils demandent seulement
la liberté de justifier leur conduite et de défendre leur inno
cence devant des hommes qui veuillent , écouter la raison et
la justice.
Renvoi aux trois comités réunis .
Merlin , au nom des comités réunis des finances , de législation
et des secours publics , fait le rapport sur les secours
à accorder aux habitans de la commune de Bedouin , dépar
tement de Vaucluse ; il propose et la Convention décrete que
la trésorerie nationale tiendra à la disposition dn directoire de
district de Carpentras , la somme de 300,000 liv . , pour être
Ma
(( 180 )
distribuée dans le plus court délai aux citoyens jadigens de
cette commune , et pour les aider à rétablir leurs habitations.
Charge ce district de veiller à ce que l'emploi de cette somme
soit fait d'une maniere utile , et de lui envoyer un état détaillé des
pertes qu'ont souffertes les habitans . Eufin , elle autorise ces
derniers à rentrer dans leur commune , nonobstant tous juge .
mens ou arrêtés pris pour les en tenir éloignés .
Grégoire , an nom du comité d'instruction publique , fait le
tableau des dilapidations et des dégradations des monumens
des sciences et des arts dans diverses communes de la Répu
blique , sous les auspices des derniers tyrans qui voulaient
élever leut trône sur les bases de l'ignorance et de la barbarie .
Ilannonce que les étrangers eux -mêmes ne pouvaient apprendre
sans le plus vif regret , la perte de nos monumens . Dans cette
année de terreur et de crimes , dit- il , où la barbarie étendait un
crêpe sur le berceau de la république , ils étaient désolés ces
nombreux amis de la France , qui , dans les contrées étrangeres
et sous le glaive même du despotisme formant des veux pour
nos succès , attendent et préparent chez eux l'explosion révo
lutionnaire , mais lorsque la Convention a repris les rênes de
gouvernement et que les arts ont quitté le deuil , le premier
élan de ces hommes de génie a été le serment de se consacrer
à la défense de la liberté .
Grégoire annonce ensuite que l'on commence à sentir que
les arts sout un des premiers alimens dont se compose le
bonheur social , et que la nation conserve eucore une foule de
monumens précieux qui ont échappe à la rage des Vandales ,
et il cite un tableau de Frenck , dont le sujet semble prophetique.
On y voit l'ignorance brisant des sculptures , tandis qu'un
baibare armé de torches s'occupe à incendier .
Il termine en invitant tous les bons citoyens à veiller à leur
conservation et à dénoncer les fripons et les ignorans qui voudraient
y porter atteinte .
de
“ Ouvrons notre sein , dit- il , à tous les amis des sciences
et de la liberté , encourageons tous les talens et toutes les sociétés
libres , qui , fermant la porte à la médiocrité , n'admettent
que le génie . Au lieu de ces misérables statues
plâtre , de es dispendieux colifichets , appellons tous les
artistes à l'exécution d'ouvrages d'un grand caractere , simples
comme la nature , beaux et durables comme elle . Le sentiment
de ce qui est beau , de ce qui est bon se lie naturellement
à la droiture du coeur. Semons donc avec profusion les germes
propres à ranimer les sciences et les moeurs . En fait de vertus
et de lumieres jamais aucun peuple n'eut de superflu , et malheureusement
nous n'avons pas encore le nécessaire .
Ce rapport vivement applaudi sera inséré au Bulletin.
Le président annonce que le calme est retabli à Versailles , et
que les auteurs du mouvement qui a eu lieu sont arrêtés.
( 181 )
Séance de quintidi , 25 Frimaire,
Plusieurs sections de Paris félicitent la Convention sur la
sentrée des 73 députés . Celle du Panthéon demande la suppression
des termes de jacobins , muscadins , sans - culottes , qui ne
peuvent servir , selon elle , qu'à alimenter les passions parmi les
citoyens d'une République dont l'union seule peut faire la
force.
Mention honorable , insertion au bulletin .
Les´`nieces du brave général Dugommier écrivent à la Convention
qu'elles ont perdu toute leur fortaue en Amérique ,
et que leur oncle leur procurait tout ce dont elles avaient
besoin ; mais qu'il ne leur reste de ressource que dans la
bienfaisance nationale . Un membre observe que tout ce qui
tient au général Dugommier doit être précieux pour la patrie.
Il demande le renvoi de cette lettre au comité de salut public ,
qui est déja chargé de rechercher les besoins de la famille de
ce héros . Le renvoi est décrété . "
Paganel , au nom du comité des secours , fait un rapport
sur la nécessité de rassembler dans un lieu sain et commode
pour le travail , les femmes et filles condamnées à la détention
on à la réclusion . Il fait sentir combien il importe de
rendre des moeurs et le goût du travail à des femmes qui
doivent reprendre un jour leur rang de citoyennes , et de les
préparer ainsi à leur rentrée dans la société . En conséquence
la Convention décrete que les femmes et filles condamnées
à la détention ou à la réclusion , et qui sont dans les maisons
de Vincennes , la Salpétriere et la Force , seront sans délai
transférées dans la maison Lazare , Elle charge le comité des
secours publics de lui présenter le plan de travail qui doit
avoir lieu dans cette maison , et d'eu suivre l'exécution .
2.
Dubois - Crance , au nom du comité de salut public , expose
qu'au moment où nos armes sont victorieuses , où plusieurs.
places ennemies sont investies à -la fois , où nous faisons une
campagne d'hiver pour consolider nos victoires et hâter la
défaite des tyrans , beaucoup de défenseurs de la patrie ont
obtenu des congés pour retourner dans leurs foyers , et
beaucoup en demandent ; que si les demandes de cette nature
se multipliaient , si elles étaient accueillies , elles dégénéreraient
en abus , et que tout le monde sent vivement la né 、
cessité de maintenir nos forces dans un état respectable . H
propose de décreter qu'il ne sera accordé de congé qu'aux
militaires qui seraient dans les cas désignés par la loi du
thermidot , et qui s'y seront conformés.
Taveaux demande que ceux qui ont jusqu'ici obtenu des
congés soient obligés de retourner à leur corps . Un membre
propose une proclamation pour engager nos freres d'armes à
rester à leur poste . Maure veut qu'on mette seulement à la
tête du décret un considérant qui expliquera à nos freres les
1
M8
( 18 )
sacrifices que la patrie attend d'eux . Duquesnoy observe qu'il
ne faut pas attendre l'ouverture de la campagne pour completter
les cadres . Il demande que les jeunes gens de la requisition
, qui s'y sont soustraits l'année derniere , on ne sait
comment , soient obligés de rejoindre. Il étend même sa proposition
aux jennes gens qui , depuis cette époque , ont atteint
dix - huit aus. Cambacérès anuonce que le comité de salut
public s'occupe de l'objet important de remplir les cadres des
armées. Le projet de Dubois - Crancé est adopté .
La Convention decrete ensuite que les militaires qui ont
obtenu des congés seront tenus de rejoindre leur corps dans
fe délai d'un mois , non compris le tems de route.
Sur le rapport de son comité de législation , elle décrete
encore que les certificats de résidence qui , selon la loi du
25 brumaire dernier , devaient être délivrés par les assemblées
de sections , le seront à Paris par les comités civils ; de même
que ceux qui le seront aux citoyens qui , étant sortis du territoire
de la République pour raison de commerce , d'études ,
de science ou d'éducation ' , se prévaudront des exceptions
qu'elle a prononcées en leur faveur.
Monnot , au nom du comité des finances , fait décrétér
1º. que te delai accordé aux créanciers de la dette publique ,
dont les créances sont ana--dessous de 50 liv . , pour réclamer
leur payement , est prolongé de six decades ; 2 ° . qu'il sera
retiré de la caisse à trois clés la somme de 201,775,937 liv .
15 sols , pour remplacer l'excédent des dépenses de vendémiaire
sur les recettes du même mois .
}
Séance de sextidi , 26 Frimaire.
Boisset , député dans les départemens de l'Ain et de Saône
et Loires instruit la Convention du bon esprit qui y regues
et de leur dévouement à la Convention .
Legris et Bonnet , députés dans le Morbihan , lui font part
de la prise d'un navire anglais , du port de 100 tonneaux
chargé de vin et de commestibles.
?
La commune et la sociétés populaire d'Aurillac écrivent
que la lettre qu'ils ont envoyée en faveur de Carrier , est
l'ouvrage de quelques intrigans et terroristes qui avaient
égaré l'opinion publique,
La commune de Nantes en félicitant la Convention sur la
loi d'amnistie en faveur des rebelles de la Vendée , en annonce
de succes , qui est tel que l'on compte déja 20,000 hommes
qui se sont rendus et ont déposé leurs armes .
Dubois -Dubay , au nom du comité des secours publics , fait
décréter que tout citoyen qui recevra comme indigent des secours
auxquels il n'a pas droit à ce titre , restituera la somme
reçue , et paiera le double de cette somme . Ceux qui auront
délivré ou signé des certificats d'indigence en faveur de ci-
Loyens qui ne l'étaient pas , paieront aussi la somme qu'ils
( 183 )
auront fait toucher , et seront destitués s'ils sont fonctionnaires
publics .
Befroy , au nom du comité des finances , propose de faire
délivrer des secours provisoires aux créanciers viagers des
émigrés , condamnés et déportés . Un membre dit que les rentiers
- proprietaires ne sont pas moins à plaindre. Cambon
pense qu'en déclarant dettes nationales celles des émigrés ,
condamnes ou déportés , l'on faciliteraitleud
liquidation . Bourden
(de l'Oise ) observe qu'un rapport général sur cet objet est
prêt à se faire .
La Convention ajourne le projet de décret et les propositions
qui lui ont été faites jusqu'au rapport.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , présente
un projet de décret relatif à l'établissement des écoles centrales
; il développe la nécessité de cultiver toutes les branches
de l'instruction publique et les divers objets qu'elle doit embrasser .
La Convention en ordonne l'impression et l'ajournement..
Paganel , au nom des comités des secours publics et de législation
, appelle l'attention de l'Assemblée sur les jeunes gens
de 16 ans et au-dessous , qui sont détenus en vertu de ju
gémens de la police correctionnelle . Il fait sentir que dans
ces maisons où on les retient , is usent leurs forces et leur
santé , et que leur moral ne fait que se corrompre de plus en
plus au sein de l'oisiveté et au milieu des sociétés les plus dangereuses.
1.
91
L'Assemblée décrete que ces jeunes gens actuellement dé
tenus par jugemens , et ceux qui ne sont pas encore jugés
sont mis à la disposition de la commission de la marine , pour
être employés de la maniere qu'elle jugera le plus utile , sans
qu'ils puissent néanmoins y être contraints .
Richard , au nom du comité de salut públic , fait un rapport
relatif au complément des cadres des armees .
Parmi les mesures , dit-il , qui vous ont été présentées , vous
vons étes particulierement fixés sur la proposition d'appeller aux
armées tous les jeunes gens qui , depuis la loi du 23 août 1793 ,
ont atteint l'âge de dix.huit ans . Nous ne doutons pas que cette
brave jeunesse ne brûle de partager la gloire de leurs freres . Ils
n'ont pas eutendu sans émotion le récit de tant de faits héroï
ques , de tant de victoires et de prodiges qui ont distingué
cette guerre de la liberté ; mais après avoir examiné nos
moyens , et nous être assurés de l'état 'effectif de nos armées ,
nous nous sommes convaincus que nous n'avions pas besoiu
en ce moment d'un nouvel appel à ces jeunes citoyens . Un million
de soldats républicains vous répond de la conservation de
vos conquêtes et du succès des opérations de la campagne prochaine,
Vos armées seront suffisamment entretenues par les
soldats en congé et ceux de la premiere réquisition qui n'ont
pas rejoint . Je suis donc chargé de vous annoncer qu'il n'est
pas nécessaire quant à présent , que les jeunes gens qui ont
M
( 184 )
atteint dix - huit ans depuis la réquisition , se rendent aux
armées .
Richard saisit cette occasion pour démentir les bruits de
pertes récemment faites . On a dit que 30,000 hommes avaient
péri par les inondattons de la Hollande , et l'armée du Nord
triomphante se prépare à de nouvelles victoires ; que nous
étions battus aux Pyrénées , et nous y battions les espagnols ;
que nous avions essayé un échec à Mayence , et nous y prenions
des postes.
Ce rapport est vivement applaudi .
La Convention passe à l'ordre du jour sur la proposition
d'envoyer aux armées les jeuues gens qui ont atteint l'âge de
dix- huit ans depuis la réquisition .
Un membre demande que les jeunes gens de la réquisition ,
commis dans les bureaux , se rendent aux armées . Duhem
L'appuye. Maure s'afflige de ce qu'on favorise ces messieurs , et
qu'on fait marcher les pauvres . Dartigoite dit qu'il a exempté
plus de 600 jeunes gens , mais que c'étaient des cultivatevrs nécessaires.
Baraillon observe que la loi est faite , et qu'il faut
laisser au comité le soin de l'exécuter . Après quelques momensde
tumalic , Richard prend la parole et expose que le comité
est instruit que plusieurs jeunes gens se sont soustraits à la ré
quisition , et que son intention est qu'ils se rendent aux armées .
Vos comités , dit-il , out votre confiance . Pleins de cette confauce
et de celle du peuple , soyez sûrs qu'ils mettront à exécution
la loi.
La Convention passe à l'ordre du jour sur les propositions
faites.*
PARIS. Nonidi , 19 Frimaire , l'an 39. de la République.
Le rapport du décret qui avait ordonné la suspension provisoire
de la vente des biens des condamnés et déportés , a produit
dans l'opinion une impression pénible qui prend sa
source dans le sentiment de la justice qui est la premiere verta
publique . Il faut néanmoins considérer sans aucune prévention
Ja position difficile où s'est trouvée l'Assemblée .
D'un côté , il n'est pas douteux que beaucoup d'innocens .
n'aient été les malheureuses victimes du systême de tyrannie
dont Robespierre a été le principal moteur ; mais il est certain
aussi que le fer des lois a frappé des coupables . L'embarras
n'est pas d'être juste , c'est un devoir ; la difficuité consiste
dans la possibilité de le remplir. Si l'on autorise la revision
d'un jugement , il n'y a pas de raison pour ne pas les reviser
tous . Comment pouvoir distinguer aujourd'hui l'innocent du
coupable ? Ne sait- on pas que les jurés n'ont d'autre guide que
la conscience , et la conscience , ce sentiment fugitif qui ait
( 185 )
de la conviction intime , est- elle susceptible de révision ? Toat
le monde est convaincu de l'iniquité de l'ancien tribunal révolutionnaire
mais fera- t- on remonter tous les jurés sur leur
siége pour leur demander compte de ce qui n'a dû être que
le résultat d'un ensemble de preuves qui ne laissent pour la
plupart aucunes traces après elles. Cet inconvénient prouve
combien l'institution des jurés , si admirable lorsque les fonetions
en sont confiées à des mains pures , devient terrible quand
elles sont exercées par des scélérats .
La mesure qu'a prise la Convention d'indemniser les veuves
et heritiers des condamnés qui l'auront été injustement est la
seule qui fût en sa puissance. Elle ne remplit pas le voeu de
la justice stricte qui est dans la chose même et non dans des
équivalens , mais c'est un de ces malheurs attachés aux effets
déplorables des révolutions . On doit être plus frappé de ces
considérations
que de celles qu'on a tirées du discrédit des
assignats et de l'atteinte portée à la vente des biens nationaux ;
le crédit public ne doit jamais reposer sur l'injustice et la
violation des propriétés. C'est un crédit faux et corrupteur ;
il est probable que l'esprit du décret n'est pas de se contenter
d'indemniser les veuves qui ont des reprises sur les biens de
leurs maris condamnés , c'est une dette qui doit être acquittée
en nature , et qui ne le serait pas par des équivalens . Au reste
cette discussion prouve combien il est dangereux pour une
Assemblée nationale d'être obligée de rapporter un décret.
Rien n'affaiblit plus le respect qui doit l'exercice
accompagner
de la législation .
La séance du 27 , dont nous rendrons compte plus en détail ,
au prochain numéro , a été très- orageuse. Il s'y est agi des
députés mis hors de la loi . Merlin ( de Douai ) , organe des
tro's comités , a proposé de décréter qu'à l'exception de ceux
qui sont rentrés , aucun d'eux ne pourra rester dans le sein de
la Convention nationale , mais qu'il ne sera exercé aucune
poursuite contre eux dans les tribunaux .
Ce projet de décret a d'abord été adopté , non sans une vive
opposition . Elle s'est renouvellée même après le décret ; beau-"
coup de membres réclamaient l'ajournement et la discussion ;
d'autres , que ces députés fussent renvoyés devant le tribunal
révolutionnaire , afin que s'ils étaient coupables ils fussent
punis , ou s'ils étaient innocens ils rentrassent dans la Con-"
vention . Enfin , après beaucoup d'agitation , la Convention a
rejetté toutes les propositions , et a adopté le décret présenté
par
les comités .
Est- ce un sacrifice que l'on a cru devoir faire au maintien
de la concorde ? A-t- on craint d'aborder une grande question
comme plusieurs membres l'ont laissé entrevoir ? Si cette grande
question n'était autre que la journée du 31 mai , ne l'a-t- on pas
jugée par l'admission des 73 ? Ne l'est- elle pas déja par l'opinion
publique ? Les choses en seraient- elles encore à ce point
( 486 )
1
Sans
qu'il fût dangereux de discuter franchement toutes les ques
tions , et le plus grand danger n'est il pas d'adopter toujours
des décrets de confiance ? On ne manquera pas de faire toutes
ces réflexions suivant l'esprit dont on est animé.
sortir de la réserve qui convient en pareil cas , attendu que les
comités ont dû examiner les choses sous tous les rapports ,
nous croyons que le salut de la République ne saurait tenir
à quelques individus , mais il tient beaucoup aux idées morales
et à la justice publique.
* On mande du port de la Montagne que 14 vaisseaux anglais
ont reparu sur nos côtes ; mais nous ne les craignons
point , puisque notre escadre est composée de 15 vaisseaux .
Une prise vénitienne est nouvellement entrée dans ce port.
Le representant du peuple , Salicetti , vient d'arriver ici et
en est
reparti aussi- tôt pour se rendre à Nice . On fait les plus
grands préparatifs on croit que c'est pour une expeditiou
en Corse , et on pense généralement que les ennemis ne se
sont montres que pour l'empêcher . Il est très certains que
les divisions agitent les deux partis en Corse , et que nous
serons vigoureusement secondes à notre arrivée par les véri
tables patriotes.
9
D
On écrit de Breda que le général Daendels a fait une attaque
sur Crevecoeur , pour y passer la Meuse et se jetter dans
l'isle de Bommel . On se promet un heureux succès de cette
expédition.
NECROLOGIE.
Nos lecteurs hont avec intérêt la lettre suivante sur le
general Dugommier. Elle est d'une femme , qui , en jettant sur
sa tombe quelques fleurs cueillies par l'amitié , s'est rendue.
l'interprête de la douleur publique , on y reconnaitra aisément
cette touche delicate et sensible qui caractérise un sexe qui
sait donner à ses , regrets comme à ses affections des formes
si précieuses et si touchantes.
ggolan vi 1
Lettre sur le général Dugommier.
& 1
199 La perte que la République vient de faire dans la personne
du général Dugommier , ne peut être trop sentie ; la nature est
si avaie d'hommes de sa nempe , que c'est en quelque sorte.
remplir un devoir envers elle , que de le faire connaître tout
entier.
P
199 Clest aussi un devoir civique ; car la patrie doit irer avantage
de toutes les ventus des héros qui la défendent elle
doit les offrir pour modeles à la postérité , et Dugommier sera
sans doute l'un de ceux qu'elle présentera avec le plus d'orgueil
.
Dugommier âgé de 55 ans , était organisé d'une maniere
( 187 )
forte et robuste sa taille de 5 pieds 7 à 8 pouces , avait les plus
all;ses ma
belles proportions ; son port était noble et martial ; ses manieres
étaient douces , simples et aisées ; ses traits réguliers
sans roideur , étaient ordonnés dans un plan ovale qui servait
parfaitement le jeu de ses passions ; ses cheveux blancs et trèsfournis
fo.maient un cadre lumineux autour de sa figure , qui
ajoutait une sorte de relief au caractere de diguité qui lui était
propre ; ses yeux plutôt petits que grands , mais d'une coupe
agréable , d'un brun clair et brillant , étaient pleins de féu ,
d'esprit et de gaieté .
寰
Il avait une cicatrice près de la bouche garant de ses ser
qu'il
vices passés , qui n'avait point dérangé l'harmonie de ses traits .
Une légere surdité dans l'oreille gauche était le seul tribut
eût payé en passant de la plus belle saison de la vie à celle qu'il
commençait .
$
99 Cec extérieur agréable pour tous les yeux était sur- tout
intéressant pour l'observateur qui cherche la physionomie dans
la figure ; sous ce rapport , jamais on ne se présenta avec plus
de droits au respect , à la confiance et à la tendresse de
semblables . Jamais , avec le tact physionomique , on ne Te
quitta sans rester son admirateur et son ami .
" Avec cette maniere d'être , le général Dugommier avait reçu
de la nature un génie vaste et élevé , une ame forte , active et
si aimante , qu'elle lui faisait un besoin impérieux du bonheur
de tout ce qui respire . Ces dispositions soutenues par une culture
constamment perfectionnée , et une expérience qui s'enrichissait
de tout , en faisaient l'un des hommes le plus complet
de son siecle , et peut- être de ceux qui l'ont précédé . De
8.99 Les bonnes d'une lettre me me permettent aucan détail ;
j'esquisse lun portrait , qu'un autre plus digne de ce modele
achevera sous peus On le peindra commie fils , comme époux ,
comine pere , comme citoyen , comme cultivateur , comme
militaire comme général d'arméel, comme politique , comme
philosophe . Moi , je ne le peins que comme ami ; et à ce titre
ah di quel autcbon lui doit ... que de larmes , que de regrets
y serviront d'encens ! , .... Oh ! combien son nom rappellera de
traits qui ont sanctifié et honoré l'amitié ! Je ne puis les citer
c'est une lettre que j'écris ; mais bientôt on saura que son ame
en fut toujours le plus beau temple que ses passious en furent
constamment les ministres , et que c'est encore à sa mémoire
que cette divinité consolatrice du genre humain , devra la conservation
de son culte . O nous tous , qui avons eu le bonheur
d'avoir part aux élans de cette ame, sublime , réunissons - nous
pour recueillir sa cendre et consoler sa famille , pour sécher les
pleurs de son intéressante fille. Eievons un monument sur
lequel nous jurerons de rester à jamais unis par son souvenir ,
et de ne faire qu'un avec tout ce qui reste de lui.
99 C'est à toi , vertueux St. S. , toi qui sais si bien être ami ;
toi qui étais le sien depuis 25 ans ; toi qu'il citait comme le
modele des peres , sur qui il s'épanchait avec un abandon ši
( 188 )
doux pour lui , si honorable pour toi ; c'est à toi , dis -je , à
être le premier anneau de la chaîne qui va lier tout ce qui lui
fut cher.
» Eɩ toi , généreux et sensible d'Epinoy , sur qui il m'écrivait
il y a peu de jours le
passage suivant :
Je vous adresse le genéral d'Epinoy , officier d'un mérite
" distingué , qui m'a été souvent nécessaire ; c'est mon ami de
" coeur , il est fait pour être le vôtre , et celui de tous les gens
" de bien ; c'est surtout à ce titre que je vous le présente . Il
" va porter à la Convention les drapeaux pris sur les Espagnols
" dans cette campagne ; ce sera pour lui un beau moment: Je
le lui envierais si je ne jouissais pas plus par Jui que par moi.
" C'est aussi sous ce rapport que je suis bien aise de le sentir
" causer près de votre feu . Je lui ai recommandé de vous,
" voir , et son tact m'est garant qu'il le fera souvent. Parlez
" un peu de moi ; malgré le bruit des armes , mon coeur vous
" entendra. 19
" C'est à toi à qui nous devons tout dire , et la patrie avec
nous Patrocle est mort , sois son Achille . » L. S.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes, 9frimaire.
Sandroc a dit : Mogin , mon ami , fut incarcéré ; je m'adressai
à Lalloué pour obtenir de Carrier sa liberté. Viens , me
dit Lalloué , dîner avec moi sur une galiotte ; Carrier s'y trou
vera , et nous lui parlerons de ton affaire . Nous nous rendimes
sur cette galiotte ; on me dit : C'est ici où étaient les prêtres
qui ont bu à la grande lasse . On se mit à table . Carrier avait à sa
droite Lamberty , et à sa gauche était Lalloué ; il y avait Fouquet
, Foucault , Solivan , Robin ; nous étions une vingtaine.
Lamberty raconta comment il avait effectué la noyade des prêtres ;
je n'osai parler à Carrier de mon ami ; je m'adressai au comité
qui le mit en liberté .
Carrier : Je demande quel est le témoin .
Sandroc : Je suis né à Strasbourg ; j'ai demeuré 18 ans à
Saint -Pétersbourg , et je suis depuis trois ans commis - négociant
à Nantes.
Ici , tous les membres du comité ont rendu justice au patriotisme
de Sandroc .
Le président : Carrier , je vous invite à répondre.
Carrier : Cette déposition est la fausseté la plus insigne ; je
n'ai point dîné sur cette galiotte .
Solivan et Foucault ont avoué y avoir dîné avec Carrier.
Carrier : Tout Nantes s'entend pour conspirer contre moi.
(Murmures. ) Quiconque connaît les Bretons , sait qu'ils font
tout par cotterie ; lorsque , dans ce pays , on attaque un individu
, ses amis se liguent , et vous imputent tout ; lorsque la
( 189 )
comité de Nantes fut arrêté , ou ft une instruction pour
gager les citoyens à faire leurs déclarations ; plus de cent
témoins furent entendus ; alors pas un seul témoin ne dit un
mot contre moi.
Ici , Vic a observé qu'on demanda alors des éclaircissemens
sur le comité ; mais non sur Carrier.
Quinze jours avant mon départ de Nantes , a continué
Carrier , le peuple se rassembla sur la place Egalité : l'affluence
érait si grande que lorsque j'y arrivai , je manquai d'y être
étouffé. Là , le peuple me distribua un millier de couronnes
civiques. ( Murmures. ) ,
Je les remis à la société populaire pour les distribuer aux
défenseurs de la patrie. Ce peuple apres m'avoir témoigné
toute sa satisfaction , est donc bien changé ! D'où vient
donc ce changement subit ? pourquoi après avoir sauvé Nantes ,
apres avoir nourri ses habitans pendant six mois , après avoir
repousse , eloigué les brigands de cette cité , pourquoi suis -je
donc en batte à toutes les calomnies ? Lorsque les témoins sont
partis de Nantes , pas un ne pensait à moi ; ils arrivent à Paris ,
ils entendent , ils voient , ils lisent les pamphlets dirigés
contre moi par mes ennemis ; mais cette coalition sera découverte
, car le crime ne peut - rester impuni.
Soixante faits , tous plus atroces les uns que les autres
ont été articulés contre moi ; j'ai démontré à la Convention
des faux matériels ; ils ont été si bien constatés , que l'acte
est réduit à neuf chefs d'accusation . Je prouverai que ceuxei
sont également faux , et pourquoi ne le seraient- ils pas
comme les autres ? Au reste , je livre mes ennemis à leurs remords.
Chaux : On nous a attaqués , et on a pris pour prétexte
notre comptabilité ; il faliait trouver un motif pour nous
présenter comine des fiipons ; c'etait une conspiration . Dans
la proclamation qui fut faite , il n'était pas question de noyade ;
mais on voulait nous livrer au tribunal de Robespierre : le
tems pressait , car on nous fit partir en poste le 5 thermidor . Sans
Ja révolution du 9 du même mois , nous ne serions plus ; on
aurait formé de nous , toute une charretée ; on nous aurait
conduits à l'échafaud sans nous entendre : nous devons tous
rendre justice au tribunal , car la maniere dont on instruit
notre procès a découvert des coupables . On avait un grand
intérêt à nous sacrifier on voulait tout ensevelir avec nous .
Thomas a dit : J'ai vu un jour , vers onze heures du
matin , plusieurs individus dans la chambre de Carrier. Carrier,
avec son sabre , frappait de côté et d'autre , et disait à tout
le monde ; Merde , merde , merde .
7
( Quelles expressions ! quel langage ! ) -
J'accuse Carrier d'avoir , après la prise de Noirmoutier ,
donné ordre au général Haxo d'incendier tout ce qui se trou
vérait dans la Vendee , d'en exterminer tous les habitans , et
et de n'y rien laisser ; ce qui fit rallier autour de Charette les
brigands réduits à trois ou quatre cents.
( 190 )
Thomas a encore accusé Carrier de plusieurs autres faits
qui lui ont déja été reprochés . Il a ajouté que les habitans
du Loroux ayant rapporté leurs, armes à Nantes , on envoya ,
mais il ne sait par quel ordre , des gendarmes arrêter des
citoyens de cette commune qui ont péri dans les prisons .
Ce qui fit révolter cette commune.
1
Carrier : Je dirai que le témoin a été partisan du fédéralisme.
Murmures . ) 1
Quant à l'ordre que l'on prétend que j'ai donné au général
Haxo , il existe à ce sujet une lettre ; je l'examinerai lorsqu'on
m'en presentera la minute. C'est Haxo et moi qui avions réduits
les brigands à quatre cents . Carrier a saisi cette occasion
pour vanter ses exploits dans la Vendée .
Les
Dans les séances subsequentes , les autres témoins à la charge
de Carrier ont éte entendus et ont déposé des noyades , fusillades
et ordres arbitraires donnés par ce représentant .
accuses ont constamment soutenus n'avoir agi que d'après ses
instigations , tantôt verbales , tantôt par écrit. Carrier a nie
beaucoup de faits , interprêté les autres , fourni quelques réponses
adroites sur les moins importantes .
Parmi les temoins qui ont le plas chargé Carrier est Monéron ,
ex-négociant et président du tribunal de commerce de Nantes .
Real a observé que le témoin , en finissant sa déclaration ,
avait dit avoir des faits qui ne sont pas énoncés dans l'acte
d'accusation ; que ces faits peut être peuvent tourner à la
décharge de ceux qu'il défend ; il a demandé que le témoin
fût entendu.
-
Le tribunal a fait droit à sa demande " et le témoin a dit :
J'ai diné trois fois à Paris, avec Carrier , à la compagnie
d'autres personnes. Dans le dernier dîner , aux Champs - Elysées
, Carrier s'oublia , et nous déclara que , d'après la récapitulation
de la population de la France , il y avait mille
habitaus par lieues quarrées qu'il était démontré que le sol
de la France ne pouvait nourrir tous ses habitans ; qu'il était
nécessaire de se defaire de l'excédent de cette population ,
sans quoi il ne pouvait exister de République ; qu'il fallait
commencer par les prêtres , les nobles , les marchaus , les
banquiers , les négocians , etc.; qu'aucun de ces hommes-là
ne pouvait aimer la Republique ; et en s'echanflant , il criait :
tue , the , the ; dans mon département , disait il , nous allions
la chasse aux prêtres ; je n'ai jamais tant ri qu'en voyant
les grimaces que ces b ...... là faisaient en mourant. Il s'apperçut
qu'il parlait à des négocians. Il nous dit : tranquillisez-
vous , il y aura un choix ; il ne faudra sacrifier que ceux
qui se sont mal prononcés. Hébert regnait encore. Je dis à
Carrier Je suis convaincu que nous serons tous guillotinés :
n'ais pas peur , me dit- il , je serai ton défenseur. Non , lui
répondis-je , tu seras guillotiné avant moi . C'était en ventôse
de la 2e , année républicaine..
X
( rgr:)
Carrier a répondu par des denégations et par des lamenta
tions qui n'ont convaincu personne .
Moneron a indiqué pour témoins de cette conversation
Vilmin , Rosier , Prevot , le petit Robin et Villers , represen
tant de la Loire inferieure , actuellement à Brest ; et a déclaré
que Carrier ne paraissait pas alors ivre , mais qu'il était en gaieté.
Goullin , Phelippe-Tronjoly , Thomas et plusieurs autres
ont rendu justice à la probite et à l'honnêteté du témoin , qui
jouit de l'estime de tous ses concitoyens .
Plusieurs des personnes indiquées par Monéron ont été entendues
, et ont confirme toutes les circonstances du dîner avec
Carrier.
› Dans le cours de l'instruction plusieurs témoins ,
tels que
Lefebvre , Massé , Robin fils , Pinard , etc. ont été mis aù
nombre des accusés , comme complices des atrocites commises.
On a produit à Cartier le passage d'une lettre que Heraule-
Sechelles lui avait adressée , et qui est ainsi conçue ; ce passage
est remarquables à plus d'un titre : Quand un représentant
est en mission il doit flapper de grands coups , en
laissant la responsabilité à ceux qui sont charges de les exécu
ter. Carrier est convenu avoir reçu des lettres de lui ,
mais il a déclaré , qu'il ne lui avait donné aucun pouvoir pour
agir. Je sais , a - t - il ajouté , l'opinion que je dois avoir de lui ,
ainsi que d'autres qui sont morts mmartyrs de la liberté ..
Dans la séance du 14 , Goullin s'était expliqué ainsi : « Mon
intention avait été de laisser peser sur ina tête seule toute la responsabilité
, mais je dirai le fait , je dévoilerai la vérité quandon
l'exigera ; mais il n'est pas encore tems . 99 - On annonce un
principal moteur à Nantes , j'invite Goullin à dire la vérité . →→
Goullin , oui je la dirai , et je ferai frissonner mes persécuteurs.
Dans la séance du 16 , Goullin a refusé de s'expliquer plus
ouvertement. Je declare , a-t- il dit , que je mourai plutôt
que de révéler le secret que j'avais étourdiment promis . Qu'importe
ma cause d'y attacher celle d'un patriote de plus . En
serais - je moins coupable en faisant siéger près de moi de nouveaux
accusés ? Entierement opposé au système machiavélique
d'Herault Sechelles , je méprise également , et celui qui le
prêcha , et celui qui put le pratiquer.
66
Puis s'adressant à Carrier , il lui dit :
Carrier , toi qui me sommes de déclarer la vérité , plus que
toi j'ai droit de t'adresser la même sommation . Jusqu'à présent tu
en as constamment imposé et à tes juges et an public ; tu as
fait plus , tu as menti saus cesse à ta propre consciences! i
Tu t'obstines à nier les faits les plus authentiques. Je t'offre
un bel exemple , inite- moi , sache avouer tous tesorts ;
sinon tu t'avilis aux yeux du peuple ; sinon tu te déclares
indigne de l'avoir jamais représente...... Depuis long-tems tes
co- accusés , tes agens subalternes , disons mieux , tes malheureuses
victimes , jouent ici ton rôle . Crois - moi , il en est tems
encore , reprends celui qui t'appartient ; sois grand- ets vrai) ,
( 192 )
ommedoit l'être un mandataire du peuple ; reconnais ton onvrage
; confesse tes erreurs , et si tu éprouvais le sort fatal , da
moins tu emporterais dans ta tombe quelques regrets de tes concitoyens.
Voilà mon espoir , à moi , qui suis et fus toujours véridique ;
et , je l'avoue , c'est ce qui cause la sénérité , je pourrais dire
la gaieté , qui m'accompagne dans les fers. "
Carrier , qui jusques - là avait tout rejetté sur ceux qui avaient
agi , a eu cependant la pudeur de déclarer qu'il ne pouvait
souffrir de les voir victimes des circonstances et des ordres
qu'ils avaient reçus ; il a donné à entendre qu'il en avait reçu
lui -même , mais il n'en a produits aucun .
L'instruction terminée , les défenseurs officieux ont parlé ,
Tronçon du Coudrai a prononcé un discours très - éloquent ,
après quoi le substitut de l'accusateur a récapitulé tous les faits ,
toutes les charges.
Les jurés se sont retirés dans leur chambre , et après
48 heures de délibération saus désemparer le jugement suivant
a été rendu le 26.
Carrier, représentant du peuple , convaincu d'être auteur
ou complice de manoeuvres et intelligences qui ont existé
dans le département de la Loire- inférieure , et particulierement
à Nantes , contre la sûreté du peuple et la liberté des
citoyens en donnant ordre à Phelippe de faire exécuter ,
sans jugement , des brigands , parmi lesquels il y avait des
femmes et des enfans ; en donnant des pouvoirs illimités à
Lamberty , qui s'en est servi pour noyer hommes , femmes et
enfans ; en donnant ordre à Haxo , d'exterminer les habitans
de la Vendée , etc. etc.
Grand-Maison , en signant l'ordre du 15. de fusiller en
masse les prisonniers , en assistant à une noyade , en maltraitant
les victimes qui allaient être noyees , etc. etc.
Pinard , en exécutant des ordres arbitraires , en massacrant
et tuant des femmes et des enfans , en pillant et incendiant
dans toutes les contrées qu'il parcourail , etc. et de l'avoir
fait avec des intentions criminelles et contre - révolutionnaires ,
Ont été condamnés à la peine de mort.
Goullin , Chaux , Bachelier , Perrochaux , Mainguet , Lévêque ,
Louis Nau , Bolognie , Durassier , Joly , René Nau , Chattier ,
Ducou , Coron , Boussy , Boullay , Gauthier , Guillet , Crépin,
Richard , Foucault , O Solivan , Robin , Lefebvre , Macé ,
d'Héron , Proust , convaincus d'actes arbitraires , etc. ,
mais ne
l'ayant pas fait avec des intentions contre-révolutionnaires ;
Gallon , Vic et Forget , non convaincus des délits à eux
imputés , ont tous été acquittés et mis en liberté.
Après le prononce du jugement , Carrier a dit : Je meurs
victime et innocent ; mon dernier voeu est pour la République
et pour le salut de mes concitoyens .
Le jugement a été exécuté le même jour sur la place de
Grêve , au milieu d'un concours immense de peuple.
( N°% 19. )
MERCURE FRANÇAIS.
Du QUINTIDI 5 Nivost , l'an troisieme de la République.
( Jeudi 25 décembre 1794 , vienx style . )
POÉSIE.
Romerciment d'un détenu à la citoyenne M. L, qui lui Mait envoyé
des vers sur l'amitié.
Pour chanter la vertu de Pylade et d'Oreste
Aux dons aimables des neuf soeurs "
Il faut joindre une ame céleste ;
Sur les maux de la vie il faut semer des fleurs .
De ces fleurs où jamais le repentir ne reste ;
Enfin , dans tout état , soit heureux , soit funeste
Il faut de l'amitié connaître les douceurs .
Vous qui réunissez de si chers avantages ま
Et qui réunirez les plus brillans suffrages
Souffrez qu'un des moindres lecteurs
De vos agréables
ouvrages ,
Ose aussi vous offrir ses trop justes hommages
"Comme les sons d'Orphée aux voûtes de Pluton
Vos chants ont pénétré les mars de sa prison ;
Du plus triste des esclavages
Ils ont suspendu les tourmens .
Heureux qui près de vous , à l'abri des orages ,
Au milieu des vertus , des arts et des talents ,
Saurait vous inspirer les nobles sentimens
Dønt votre coeur , trop pur pour n'être pas fidele ,
S'est à la fois rendu le peintre et le modele ?
Par CHARLES-GASPARD TOUSTAINE,
I
ARADE.
Le premier en donnant son air grave au second
Du tout harmonieux semble annoblir le tom,
Tome XIII. N
( 194 )
ENIGM I,
HEUERUEREUUXX enfans du génis ,
Je soutiens la liberté.
Aux sciences je donne la vie .
Je sers souvent la vérité.
Par moi , le scélérat pålit ,
Voyant mes traits , il chancele.
Le despote me bannit ;
Le républicain m'appelle.
J.
LOGOGRIP
I ne ressemble pas à ce faible arbrissea
Qui , comme un vermisseau ,
Rampe dessus la terres
Je m'éleve jusqu'au tonnerre;
Mais que je crains ses feux !
Pour savoir qui je suis , il faut me mettre en deux ?
Aisément on verra dans la moitié premiere ,
Ce qu'on ne trouve pas avec le malheureux s
Daus la moitié derniere
On rencontre un pronoms
L'en est assez pour deviner mon nom.
Explication des Charade , Enigme et Logogriphe du n° . 18.
Le mot de la Charade est Bateau ; celui de l'Enigme est le Jens
aelui du Logogriphe est Tableau ; où l'on trouve table , cax , valet
Matran , la , le , lave , bai, veau , blen.
?
( 195 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Almanach des Muses pour l'an troisieme de la République Française
1795 ( vieux style ) , avec figure ; in- 16. Prix , broché , 36 sous .
A Paris , chez Louis , libraire , rue Severin , nº . 29.
La publication de cet almanach poétique est fixée au commencement
de vendémiaire ou de l'année républicaine . On
continuera d'y répandre de la variété , en suivant les divers
progrès de notre poésie , dont ce recueil renferme en quelque
sorte les annales depuis 31 ans qu'il paraît . On avertit que
ceux qui voudront faire insérer des poésies dans ce recueil ,
sont priés de les faire parvenir avant le 1er . thermidor à l'éditeur
de l'almanach des Muses , rue de la Jussienne , nº . 20.
Le choix des poésies est fait avec goût ; les notices des
ouvrages qui ont paru dans l'année y sont rédigées avec précision
, et caractérisées par une saine critique : nous ne pouvons
bien faire l'analyse de ce recueil qu'en citant quelques - uns des
jolis morceaux qu'il renferme. Voici les mois républicains.
Cheveux blancs , le front chauve et le corps tout voûté ,
Nivos transi de froid , par la glace arrêté "
Appelle Pluviose ; il l'appelle et le prie
De fondre les glaçons en répandant la pluie.
Elle tombe , et bientôt dissipant les frimats
Ventose invite Flore à revoir nos climats .
Le riant Germinal féconde les semences 2
Promet , fait concevoir de douces espérances ;
Et Flore et Floréal son époux fortuné ,
L'un et l'autre , le front de roses couronné ,
Couvrent de mille fleurs la terre rajeunie .
Voyez-vous Prairial reverdir la prairie ?
Messidor a donné le signal aux faneurs ;
Il a remis la faulx aux mains dés moissonneurs ,
Cependant Thermidor , quand on remplit nos granges
Colore les raisins , il mûrit les vendanges.
Voici dans nos vergers de nouvelles moissons ¡
mortels ! Fructidor vous comble de ses dons
Faites dans vos celliers , amis de la bouteille ,
Couler les flots ambrés du nectar de la treille ;
N4
( 196 )
Vendemiairt est là du matin jusqu'au soir
Qui préside lui - même aux travaux du pressoirz
Lui seul peut éclaircir les vapeurs de Brumaire ,
Et peut rendre plus court le regne de Frimaira,
Le chien et le chat . ( Fable , )
Un chien vendu par son maître ,
Brisa sa chaîne et revint
Au logis qui le viť naître.
Jugez de ce qu'il devint ,
Lorsque pour prix de son zele
Il fut de cette maison
Reconduit par le bâton
Vers sa demeure nouvelle.
Un vieux chat , son compagnon ,
Voyant sa surprise extrême ,
In passant lui dit ce mot
Tu croyais done , pauvre sot !
Que c'est pour nous qu'on nous aime ?
Vérité consolante.
Par FLORIAN.
Dans ce bas mende o tant , tant de fripons circulent
Des pauvres gens de bien quel serait le danger ,
Si les insectes qui pullulent
Ne finissaient par se manger?
Par le cit, PONS de Verdun.
Le Débutant.,
A l'ouverture d'un spectacle
( C'était un spectacle bourgeois )
On vient annoncer un obstacle
Qui met tout le monde aux abois :
de deux emplois , La vacance
Mais tels qu'une seule personne
Pourrait les remplir à la fois.
S'il est ainsi qu'on me les donné,
Répond soudain un spectateur ..
Je les remplirai de bon coeur.
Ces emplois dont on le croit digut
( 1977
En quatre mots fui sont livrés
« Vous moucherez , vous soufflerez , s.
J'entends fort bien cette consigne.
Qu'arrive-t-il ? au premier signe
Le quidam , moucheur et souffleur ,
Pour son débat en fait de belles ;
Car il s'en vient moucher l'acteur
Et senffler toutes les chandelles.
Sur un reliquaire en 1770..
Ami , la superstition
Fit ce présent à le sottise ;
Ne le dis pas à la faison
Ménageons l'honneur de l'église.
Par le mine.
VOLTAIRE.
L'origine des marquis de finances en 1770.
Au milieu d'un festin , an fermier général
Tomba sur le parquet plein comme une sang-suc
Rien ne put le sauver son ame encore émun
Sortit avec lenteur de son étui fatal ,
Descendit par dégrés au cachot infernal ,
Où , selon la coutume , elle était attendue.
Que vois -je ? c'est monsieur Dufer ,
S'écria son cocher , mert depuis une année ,
Dont l'ame était aussi damnée !
Ainsi , tous les états s'en vont peupler l'enfer
Ah ! mon cher maître ! est-il possible ?.
Quoi ! vous ! dans ce séjour horrible.
Avec des brigands , des filoux ,
Des rats de cave , des grigoux ,
Des mandrins ronés à Valence ;
A la poursuite et diligence
De vos braves suppôts , aussi, zélés que vous
Pour le bien de l'heureuse France !
Ahla Fleur ! tu vois sur mon front
Le caractere abject d'une basse avarice :
Mais l'orgueil seul me perd , et ce qui me confond ,
C'est mon coquin de fils qui cause mon supplice .
N 3
( 198 )
Pour l'enrichir , j'étouffai les remords ;
fPour l'illustrer , j'amassai des trésors ;
Car on vend les honneurs au pays que je quitte t
Des crimes de son pere est sage qui profite .
Mais , mon fils , de l'argent connaît si peu le
Qu'il n'est pas seulement marquis .
O rage ! ô désespoir ! détestable conduite !
Mais toi , mon fidele la Fleur ;
Toi , dont l'allure était et si bête et si bønne ,
Quel bizarre destin , ou plutôt quel malheur
e lieu d'horreur ?
T'a plongé dans ce l
En vérité ton sort m'étonne !
Monsienr , dit le cocher , cessez d'être surpris 9
Je brûle en l'éternelle flamme
Pour vous avoir avec madame,
prix.
Fabriqué ce coquin de fils.
Le Divorce. ( En 1790. )
Bien séparé de corps et d'ame ,
Monsieur fait enfermer madame...
Pour vivre avec une Laïs ,
Sottise , disent ses amis !
Autant valait garder sa femme.
La bonne éducation .
Point de livres et point de maîtres
Point de leçons pour les enfans™
Des jeux , des jeux intéressans
Qu'un ami pour eux fasse maître
De leurs jeux les plus innocent .
Suivant pas à pas la nature
L'ami , par son zele excité ,
Cherche , trouve , saisit la simple vérité ,
Il la montre... elle rit .. et l'esprit enchanté
Suit sa lamiere vive et pure ;
S'en pénetre... et lui -même achevant sa
Il arrive bientôt à la maturité.
En vain le maître parle : il n'est par écouté ;
Le disciple en secret murmure ;
Par le même.
1199 )
A l'étude , à l'ennui tristement condamad
Son esprit mis à la torture
Meurt , hélas ! avant d'être né,
Redoutable ennemi de Flore ,
Borée , au souffle destructeur ,
Dans le bouton seche la fleur
Que le zéphire eùt fait éclore .
Far le sit. DROBECę,
ANNONCE 8.
Nouvelle Grammaire raisonnée , à l'usage d'une jeune personne.
Volume in -8° . de 316 pag . Prix , 5 liv . en feuilles ; par le
citoyen Panckoncke. A Paris , chez Plassan , imprimeurlibraire
, rue du Cimetiere-André - des - Arcs ; Branville , libraire,
rue des Poitevins , nº . 18 ; Cuchet , rue Serpente ; Moutard ,
rue des Mathurins , et Legras , quai ci -devant Conti.
L'exactitude , la clarté , la précision , l'art méthodique , joints à
la pureté et à l'agrément du style qui caractérisent cette nouvelle
grammaire raisonnée que nous nous empressons d'annoncer
la rendent infiniment utile et recommandable pour l'éducation
des jeunes personnes , qui veulent apprendre à bien parler
et à écrire correctement la langue française . Mais nous ferons
connaître plus particulierement cet excellent et important
ouvrage , dans l'extrait que nous nous proposons d'en donner
incessamment.
Les Loisirs utiles : 1. Linville ou les Plaisirs de la verizý
-gº . Eugénie ou les suites funestes d'une premiere faute : par d'Arnaud.
2 vol . in- 16 , avec figures. Prix , 3. liv. A Paris , chee
Lepetit , libraire , quai des Augustins , nº . 33 : l'an 2ª . de la
République Française.
Nous tâcherons de présenter à nos lecteurs , dans` un des
Mercures prochains , les intentions morales de ces deux
nouvelles anecdotes , qui réunissent les agrémens du style
Jomantique avec tout l'intérêt du sentiment et des vertus
sociales.
Nouvelle édition de la chymie de Foureroy . Six volumes in - 8• .
y compris un d'Atlas. Prix , 30 liv . en feuilles , 32 liv. brochés ,
et 40 liv. reliés .
Nouvelle édition des Voyages en Europe , en Asie et en Afrique ;
traduit de l'anglais de Makinrach. Deax volumes in -8° .
cartes. Prix , 12 liv . brochés..
aves
Voyage en Allemagne , traduit en français. Trois volumes in-8ª,
Prix , 12 liv. brochés.
AParis , chez Gay et Gide , libraires , rue Honoré , n . 85 .
N
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
It
ALLEMAGNI.
De Hambourg, le 4 Décembre 1794.
L parait d'après les dernieres lettres de Constantinople , qu'il
ya des changemens dans plusieurs parties importantes du mimistere
, et que les personnes nouvellement appellées aux places
penchent pour une guerre qu'il aurait fallu faire plutôt si la
Porte Ottomane eût mieux consulté ses véritables intérêts . En
effet , il ne fallait point attendre que les Polonais fussent écrasés
ou prêts à l'être.
Quoi qu'il en soit , voici ce qu'on sait des dispositions du
divan aux différentes époques auxquelles correspondent ces
Bettres ; au moins sont- elles favorables aux Français , et faites
pour donner quelqu'inquiétude à l'Autriche et à la Russie.
Du 10 octobre. La Porte observe d'un ceil'attentif ce qui se passe
en Pologne. On ne peut douter qu'elle n'ait conçu de vives
inquietudes du dernier partage qui met la Russie en possession
de l'Ukraine , et établit ainsi un libre passage du territoire
russe sur le territoire ottoman . Le divan reçoit des infor
mations très - exactes par la voie de Moldavie : il affecte néanmoins
tous les dehors d'une extrême indifféreûçe , et garde
sur-tout un rigoureux silence vis-à - vis des ministres étrangers
qui sont ici . Mais on remarque qu'il continue avec beaucoup
d'empressement à mettre la marine sur un pied respeciable,
Par-tout on construit des bâtimens de guerre de différente
grandeur ; quelques uns sont déja entrés dans ce port
et dans la mer Noire. Il est question en outre de bâtir encore
un arsenal dans ce port pour faciliter les armemens . t
Les frégates françaises qui sont à Smyrne entrent et sortent
continuellement. Un riche navire anglaisevenant de Londres ,
et destiné pour Smyrne , leur est échappé en entrant à Scio.
Plusieurs autres bâtimens de la même nation avaient déja eu le
même avantage.
"
Enfin , on écrit du 23 octobre qu'à la suite d'une fermentation
assez marquée , le grand - visir a été déposé et remplacé par
Iset-Mehemet , qui a fait l'apprentissage de gouverner dans
des circonstances difficiles , puisqu'il a été pacha du Caire . C'est
un homme de 45 ans , éclairé et plein d'ardeur. Son intimité
avec le reis effendi et le capitan-pacha ou grand- amical , fait présumer
qu'il ne sera pas d'avis de laisser le divan sous l'influence
de la Russie , au gré de laquelle la pusillanimité et la
corruption réglaient trop souvent les affaires , ses envoyés
{ 201 )
doivent quitter lear ton impérieux et insolent qui ne serait
certainement pas souffert aujourd'hui , et pourrait même ame,
ner une rupture .
Quelque promptement qu'arrivât cette rupture , ce serait
toujours trop tard pour les pauvres Polonais . Le fauxbourg de
Prag n'est plus qu'un tas de décembres. Les Russes y campent
au milieu des ruines. Le roi de Pologne y a rappelle le prince
Joseph Poniatowski son neven. Le gouvernement est entiérement
remis dans cette capitale sur l'ancien pied , c'est-à - dire
entre les mains du roi et du conseil permanent. On est même
étonné de ce que le vainqueur affecte de se mêler très - peu
du gouvernement intérieur , ménage les révolutionnaires , et
semble chercher les occasions de se rapprocher d'eux . Une
visite que Suwarow a faite au maréchal Ignace Potocki a été
remarquée de tout Varsovie. En général , cette conduite paraît
à tous les habitans le résultat d'une politique intéressée ; ils
pensent que Catherine , désespérant de les comprimer par
force , veut tâcher de les ramener par la douceur .
la
On n'a point encore de nouvelles positives , ni du corps.
d'armée de Varsovie , ni du corps russe qui le poursuit . Une
remarque assez singuliere a même été faite par quelques poli
tiques , c'est que les Russes paraissent laisser volontiers les dé
membremens des corps polonais se porter vers la Prusse mëridionale
, où les mouvemens insurrectionnels ne sont point
éteints. Un certain Wolski vient d'y annoncer l'arrivée trèsprochaine
d'une armée commandée par Madalinski,
De Francfort-sur- le-Mein , le 8 décembre.
On s'attend dans Vienne à une nouvelle campagne , quoique,
quelques personnes , mais en petit nombre , aunoucent que les
généraux Autrichiens ont reçu des pouvoirs pour traiter d'on
armistice , dans lequel la ville de Mayence serait comprise . Ce
qu'il y a de sûr , c'est qu'aujourd'huiles bruits les plus accrédités
sont pour la guerre , et l'on paraît tellement la vouloir qu'on a
recours à des ressources qui n'avaient point encore été employées
jusqu'à présent . Par exemple , les Juifs seront tenus d'y contribuer
en proportion de leur nombre , ou de payer 140 florins
pour chaque recrue de remplacement , et la majeure partie des
généraux se rendroat incessamment dans la capitale pour y
décider avec l'empereur le nouveau plan de campagne ; ce qui
moutre assez que l'ancien était tout-à- fait vicieux , et qu'on
yeut se hater de le corriger pour le printems,
Cette campagne exige aussi des arrangemens de finances, sans
lesquels les plans les plus heureux ne pourraient s'exécuter , et
ces arrangemens ne sont point encore commences . Il est seulement
probable qu'on se modélera sur ceux qui furent adoptés
pendant la fameuse guerre de sept ans.
L'empereur a assisté avec toute sa cour à un service salem(
202 )
mel célébré pour les officiers généraux et les membres del
états-majors autrichiens qui ont péri pendant cette guerre . Quant.
aux soldats il n'en est point question , et l'on ne verse pas une
larme , pas une goutte d'eau bénite pour le sang du peuple
qu'on a fait couler comme l'eau . On reconnaît bien là l'orgueil
des princes et leur ingratitude .
Les tribunaux chargés de l'examen des prisonniers d'état ,
arrêtés il y a six semaines , n'ont encore rien publié sur leur
affaire . Néanmoins il passe pour constant que leur projet étaie
de profiter d'un mouvement quelconque qu'ils auraient excité
dans Vienne pour s'emparer de la personne de l'empereur , et
le forcer à signer une nouvelle forme de gouvernement. Apparemment
qu'on craint que de pareilles tentatives ne se renouvellent
, car l'empereur se fait garder beaucoup plus soigneusement
, et il a défendu de nouveau , sous des peines très - séveres
, l'introduction de tout pamphlet ou tableau révolution
naire venant de France , et non pas comme on l'avait dit
d'abord , ce qui n'était gueres probable , faits contre la
France.
Les nouveaux préparatifs donnent lieu à un renchérissement
considérable de denrées dans toute l'Allemagne , et l'on s'en
plaint sur-tout en Saxe , où les immenses magasins que l'on a
formés pour le compte de la Prusse sur les bords de l'Elbe ,
rendent ce surhaussement encore plus sensible .
Ons mande de Sigbourg qu'il est arrivé de nouveaux transports
de recrues destinés à completter les régimens de Kaunitz ,
Wenceslas , Colloredo , Huff , archiduc Charles , Samuel
Giulay , Esterhazy. Les bataillons de grenadiers bohémiens ont
passé par cette ville le 25 novembre pour se porter du côté
de la Lahn , où ils entrent en quartier d'hiver. Le commissariat
, la caisse militaire et les autres départemens se sont ache
minés le 28.
Les troupes bavaroises postées devant Mayence vont quitter
eette ville , où l'on croyait qu'elles serviraient comme garuison :
elle y perd de bons défenseurs ; mais on dit aujourd'hui qu'il a
été arrêté qu'elles ne serviraient nulle part en cette qualité.
Des lettres de Manheim , qui vont jusqu'au 8 décembre
disent que les escarmouches d'avant- postes se sont renouvellés
leer, et le 2. Les Français sont occupés à la construction
d'une sixieme redoute près de la ligne du Rhin ; leur artillerie
angmente de jour en jour , et malgré le feu des batteries allemandes
auxquelles ils ne s'amusent point à répondre , leurs
travailleurs avancent lea onvrages , dont la construction est encore
favorisée par un brouillard fort épais qui les cache , ensorte
que l'artillerie autrichienne , assez mal - adroite d'ailleurs
we lent fait pour ainsi dire aucun mal . Le brouillard s'étant
un peu dissipé dans la matinée du 8 , a laissé voir les Français
a nombre de 17 à 18 mille hommes , dont une partie travaillait
↑ 203 X
"
?
encore à la cinquieme redoute à la gauche des Flêches , d'of
Ton a tiré sur eux quelques coups de canon et jette de la
Malhau quelques grenades pour troubler leur travail qui
consiste maintenant à lier les redoutes entre elles par une
ligne de communication aboutissant à la ligne du Rhin près de
la Hemshoff.
On apprend de Dantziek que le général Damourier , sous
l'habit d'un courier russe , y a passé , se rendant en Pologne.
On ne s'en doutait pas , et personne n'a cherché à le démasquer
; mais un ordre étant venu après-coup d'avoir l'oeil au
guet sur un prétendu courier russe , qui était l'ex- général
français Dumourier , qu'il importait d'arrêter , on s'est sou
venu que c'était bien celui qui avait déja passé -là , puisqu'en
effet , contre l'usage des couriers russes , il avait traîné une
malle avec lui .
ESPAGNE. De Madrid , le 29 octobre.
Le cabinet reçoit à chaque moment des nouvelles des revers
qui ne cessent de se succéder . Il a appris la déroute de l'armée
de Catalogne , près de Monroch , et la prise de Bellegarde ,
qui en a été la suite . Il affecte , il est vrai , de garder le silence
sur ce dernier événement : on n'en parle pas même dans
la Catalogue , ou plutôt on n'ose point en parler . Plusieurs
personnes qui l'avaient annoncé à Figueras ont été mises en
prison ; mais , malgré tous les soins et la rigueur du gouvernement
, cette nouvelle a percé ici . On ne doute point
qne Bellegarde ne se soit rendue , et même à discrétion ; seule
ment on ne sait pas précisément quel jour ; mais on sait que
ce doit être du 10 au 21. Il est ajouté que la ville manquait
de tout , était absolument sans vivres , et que les habitans ainsi
que la garnison étaient exténués de faim et de misere. Les
Français , en entrant à Bellegarde ont trouvé les caves remplies
de morts , de mourans et de malades . Le général la Union
n'a su la prise de cette ville que trois jours après qu'elle a
eu lieu .
•
Depuis cet événement , il y a encore eu de nouveaux dégastres
en Catalogne , où cependant l'on dit les troupes espagnoles
supérieures en nombre aux Français . En Navarre , ces
derniers ont attaqué , battu et mis en faite le corps d'armée
sous les ordres du général d'Orruria . La defaite est due princi
palement à la lâcheté des Espagnols ; quatre de leurs batail
Ions ont à la fois tourné le dos aux Français . Le générat
d'Orruria a été attaqué à son tour. Son corps s'est mieux conduit
; malgré sa résistance qu'on dit avoir été vigoureuse ,
ce général à été obligé de se retiner avec perte de son artillerie
et de son équipage. Un corps de troupes de l'Arragon
est venu à son secours , et a obtenu quelqu'avantage sur les
Français. Au départ du dernier courier , ceux - ci n'étaient pas
( 204 )
encore maitres de Pampelune , mais ils n'étaient qu'à une lieue
et demie de cette place , et avec des forces si nombreuses qu'on
était dans de vives inquietudes.
Y
Le général la Union attéré par toutes les défaites qu'il
prouvées , vient de se décider à donner sa démission. ,
On parle de paix dans cette ville , et s'il faut en croire
ce qu'on dit , il y a à Paris un négociateur pour préparer
les voies. Ce bruit semble plutôt encore exprimer le voeu du
peuple que l'intention de la cour. On assure que le ministre
Alcudia vent toujours la guerre . Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'il se dispose à de nouveaux préparatifs , pour réparer .
S'il est possible , les pertes des armées . Il s'est tenu avant
hier un conseil , auquel ont assisté tous les ministres et quelques
membres du conseil de Castille. L'on dit qu'il a été question
d'une nouvelle levée , formée de trente mille hommes , par
toute l'Espague . On vient également de voir paraître une ordonnance
, qui accorde un pardon genéral à tous les déser
teurs qui ne sont coupables que de désertion ou de contre -
bande.
Quel que soit le penchant de la cour , ou plutôt d'Alcudia ,
il est à croire que l'on sera contraint ici de s'occuper des
moyens d'avoir la paix a
Les pertes durant cette gherre ont été énormes , et la plus.
grande partie des troupes donne par- tour des preuves d'une
Extrême acheté . .
Le rapport officiel du général la Union , sur la déroute de
Monioch , a été rendu public . Le général y dit entr'autres :
Dans un moment où il n'y avait rien à craindre pour une hanteur
qui se défendait d'elle - même , les postes avancés se posterent
contre l'ordre , vers le petit château ruiné de Monroch ,
de l'autre côté de la montagne , d'où la décharge d'un bataillon
les consterna de telle maniere , que sans faire réflexion à l'avantage
de leur position , ils se mirent à fuir pêle-mêle , et
étourdirent tellement par leurs cris ceux de la hauteur , que
sans ennemis , sans examen , sans obéir au brigadier Toranco ,
ni aux chefs et officiers , qui firent leur possible pour les
retenir , ils se mirent en fuite , plusieurs même en jettant
leurs fusils . Dans cet état , il ne me resta d'autre parti à prendre ,
que
d'ordonner au maréchal - de-camp don Diego-Godoy , de
' avancer avec un bataillon du régiment Suisse de Schwaller ,
et un autre des grenadiers de Castille , que je fis suivre par
d'autres troupes , pour soutenir la retraite et pour arrêter l'ennemi
, qui en s'appercevant de cet événement incroyable , pouvait
nous charger par le flano , comme il le fit en effet, Mais
se général fut si prompt à exécuter l'ordre , et se conduisit
avec tant d'intelligence , qu'il retint l'ennemi, J'envoyai en
me - tems plusieurs officiers de l'autre côté , pour rassembler
les troupes et les former. Il est à remarquer que ceux
2
( 203 )
même qui fuyaient étonnés de leur propre frayeur , d'inank
taient réciproquement , et se traitaient de poltrons .
·
" Voilà la fin inattendue d'une action iqui ne pouvait qu'être
heureuse par toutes ses circonstances , et que j'aurais été repré
hensible de ne pas entreprendre. Le fait en prouve la possi
bilité. L'accès difficile et l'étendue de l'endroit démontrent la
facilité avec laquelle quatre mille hommes pouvaient le défendre
contre un grand nombre , sur tout étant appuyés par
le reste de l'armée... Desirant , comme je le dois , qu'un
châtiment proportionné punisse tant de désordres , j'assemblai
sur-le-champ tous les chefs ; mais , quelqu'instance que je leur
fisse de me découvrir les coupables , ils ne purent s'accorder,
et m'assurerent que la dispersion fut si momentanée et si générale
, qu'il leur était impossible de faire quelque distinction .
La preuve étant aussi très- difficile , j'ordonnai au commandant
général Las Des Amarillas , commandant du poste du centre
d'où la colonne de l'attaque était partie , de la faire décimer
afin que ceux qui avaienthonteusement abandonné leurs armes ,
fussent passés par les armes , qu'on fit passer les autres ave
des quenouilles devant l'armée , et qu'ils fussent envoyés aux
présides pour le reste de eur engagement , et j'ai fait une
ordonnance , dont je joins ici la copie . Cette ordonnance
porte qu'il sera infligé des punitions à tous ceux qui abandonneront
leur poste , ou qui , dans le cas que leur bataillon
soit battu , ne s'y réuniraient pas a portée du canon de l'endroit
où il se serait trouvé ; pareillement à ceux qui auraiens
jetté leurs armes. " ,
Le général ajoute : La consommation d'armes a été telle
dans les trois armées , y compris l'armement dss paysans , que
depuis le commencement de la guerre on a livré des magasins,
royaux 186,326 fusils , savoir 89,425 aux armées , et 96,10 %
aux payans. "
La décimation dont parle la Union a été prise d'abord sur
un nombre de cinquante des plus coupables . Il devait en être
fusillé cinq. Mais le général Forbes qui commande les troupes
portugaises , a intercédé pons trois des condamnés ; deux seuls
ont été exécutés .
Au milieu de ces revers , le cabinet a reçu une nouvelle
qui a dû lui être très -agréable. Le convoi de la Havanne viens
d'entrer pour la plus grande partie à Cadix . On mande en
outre de ce lieu , que le brigadier Melgarejo doit mettre incessamment
à la voile avec sept vaisseaux de ligne et une
frégate , pour renforcer l'escadre stationnée dans la baye de
Rosas.
Un bâtiment du port de Cadix est allé porter aux Anglais
an million de piastres , en payement des 100,000 fusils qu'ils
fournissent.
h
( 206 )
Le 27 octobre , il s'est tenu un conseil extraordinaire dont
l'objet était de délibérer sur la levée des 30,000 hommes
dont on a indispensablement besoin pour continuer la guerre ,
et qu'il paraît qu'on ne pourra avoir qu'au moyen d'un recru
tement forcé. On juge assez , d'après cette mesure , quels
soldats ce seront.
· C'est le général Ruby qui remplace le comte de la Union
dans le commandement de l'armée de Catalogne ; on espere
qu'il sera plus heureux que son prédécesseur.
ITALIE.
Suivant des lettres de Turin , du 20 novembre , on craint
la disette dans le Piémont , et par conséqueat on a prohibé ,
par de nouvelles lois , la sortie de toute espece de grains . Le
gouvernement a aussi publié diverses instructions relatives à
l'armement général . Mais , malgré ces préparatifs de guerre
on continue toujours à parler de paix à Turin , et même il y
a des paris qu'elle aura bientôt lieu . Cependant la position de
Ceva étant menacée d'une attaque générale , le gouvernement
ya envoyé en toute hâte le général Colii.
•
Les Français , après avoir fait quelque butin , et avoir fouragé
à Batifolo , Daguosco et Ramparato , se sont retirés vers
Garesio . Le général piémontais avait rassemblé en douze heures
de grandes forces à Ceva et à Mondovi. Il y a vingt bataillons
dispersés dans les environs , et douze à Mondovi , prêts à se
mettre en mouvement au premier signal.
On mande de Saint - Flarent en Corse , en date du 18 , que
l'amiral Hotham y était encore , mais qu'il était disposé à lever
l'ancre le lendemain , pour se porter devant Toulon avec quan
torze vaisseaux de ligue , parmi lesquels il en est cinq à trois
ponts , et plusieurs fregates. Le bruit courait que les Français
voulaient tenter une invasion en Corse . On y est occupé
depuis long- tems à fortifier les ports où ils peuvent tenter une
descente . Malgré ce que disent les Anglais du bonheur que les
Corses doivent goûter sous le gouvernement qu'ils leur ont
imposé , ils craignent qu'il n'arrive de grands mouvemens , et
prennent le parti de faire sortir de l'isle beaucoup d'individus
qu'ils croient propres à troubler ce nouveau royaume de
Georges III . Les mêmes avis ajoutent qu'il est arrivé de Gibraltar
deux vaisseaux chargés de munitions .
( 207 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISL
VENTION NATIONALE
NEX I RIWBIL.
·Séance du septidi , 27 Frimaire.
Un secrétaire lit plusieurs adresses de félicitations .
Lequinio , au nom du comité d'instruction publique , fait le
détail des exploits et de la mort gloriense du général Legros .
fusillė par ordre de Cobourg , à Raismes près Valenciennes. Il
demande , et la Convention décrete , que le nom du général
Legros sera inscrit sur la colonne du Panthéon .
Julien ( de Toulouse ) écrit à la Convention du fond d'un
désert , et lui expose qu'il n'a point à se reprocher de crime
envers la patrie ; que sa conscience est pure . Sous le regne de la
tyrannie son sort n'était point à plaindre , parce qu'il souffraid
pour la cause de la liberté et de la justice ; mais sous celui des
fois , il deviendrait horrible , son silence pouvant le faire présumer
coupable et l'idée du crime lui causerait la mort. Il demande
que sa conduite soit examinée ,
Clausel , Bréard et plusieurs autres membres demandent
l'ordre du jour sur cette lettre .
Daunon pense qu'on ne peut avoir deux poids et deux mestres
, il observe qu'un décret porte que les comitês feront un
rapport sur tous les députés mis hors de la loi , et que Julien est
du nombre ; il opine pour le renvoi aux comités . Ce renvoi est
décrété.
L'ex-général Kellermann écrit que le tribunal révolutionnaire
l'ayant acquitté , il se croit fondé à réclamer sa réintégration
dans ses fonctions , le paiement de ses appointemens et des indemnités
pour la perte de ses équipages. Renvoyé aux trois comités.
Sur la proposition de Lakanal , au nom du comité d'instruction
publique , le citoyen Deleyre est nommé représentant du
peuple auprès de l'école normale.
Ramel , au nom du comité des finances , soumet un projet de
décret sur les contributions de 1794. Une assez longue discussion
s'engage , après laquelle on décrete seulement que les directoires
de district statueront sur toutes les demandes en dégrevement,
décharges ou réductions , remises ou modérations, formées
antérieurement à la publication de la présente loi , soit par les
communes ou les particuliers , sur la contribution fonciere des
exercices de 1791 , 92 , 93 , et ce nonobstant toute expiration
( 208 )
de délai , et sans être astreints à suivre les évaluations des mad
trices des rôles .
Merlin ( de Douay ) , au nom des trois comités . ‹i Vous avez
chargé vos trois comités de vous faire un rapport sur les dé
putés mis hors de la loi ou décrétés d'accusation . Ils ont porté sur
cette affaire un examen aussi sévere que sur vos 73 collégues que
vous avez fait rentrer dans votre sein . Ils n'ont vu que la patrie ,
le salut du peuple , le triomphe de la liberté et la consolida
tion de la République ; ils vous proposent de décréter qu'aucun
des deputés mis hors de la loi ou décrétés d'accusation par décret
des 28 juillet et 3 octobre 1793 , à l'exception de ceux qui
sont rentrés le 18 brumaire , ne pourra siéger dans la Convention
nationale , mais qu'il ne sera fait aucune poursuite
contre eux par les tribunaux . ,,
2
Ce décret est à peine entendu qu'il excite une grande fermentation
: Aux voix disent les uns ; la question préalable
les autres . Un membre demande l'impression et l'ajournement.
Merlin le 18 frimaire on n'a demandé ni l'impression ni
l'ajournement ; voulez - vous donner à l'opinion publique une
direction subversive du gouvernement ? voulez-vous faire dire
à la malveillance que vous n'avez fermé les portes des jacobins
que pour ouvrir celies du Temple ?
Plusieurs membres insistent pour l'ajournement . Legendre : Si
la discussion s'engage , il faudra aborder la vérité avec énergie et
déchirer tous les voiles . Mais cette discussion sera une calainité
publique ; le bonheur de mon pays la salut de ma patrie
exigent que ce décret soit adopté. Je ne sais comment ont réflé
chi les grands politiques ; je me suis représenté ceux qui sont
allés l'année derniere dans les départemens , qui s'y sont montrés
à la tête de la force armée , qui ont mis le poignard à la
main des citoyens égarés . On demande à répondre , et l'appel
nominal.
Clausel : L'aristocratie veut de nouveau diviser la patrie par ·
un appel nominal .
Le tumulte redoublant , le président se couvre plusieurs fois
les propositions se multiplient et se croisent . Boissieux :
Sommes- nous encore sous le regne de Robespierre ? où est la
liberté d'opinion ? Penières : C'est ainsi que sans discussion on
a envoyé Camille Desmoulins et Phelippeaux à l'échafaud. Un
membre : Que les députes dont il s'agit soient envoyés au tri
bunal révolutionnaire.
Enfin , le président consulte l'Assemblée sur les diverses
propositions faites , et après plusieurs épreuves l'ajournement
est rejetté , et le décret présenté par Merlin ( de Douay ) est
adopté.
Séance d'octidi , 28 Frimaire..
Le comité des finances a pris un arrêté le 24 par lequel
il accorde aux citoyens qui ont été détenus , et qui sont créan
Ciers
( 209 )
N
ciers de la République jusqu'au 1er . germinal , pour produire
leurs titres de créances , à la charge par eux de justifier de
leur détention . Les procureurs fondés et chargés d'affaires ,
qui sont dans le même cas , jouiront du même délai сп
faisant la même preuve, c
*
Le comité de sûreté générale a pris aussi un arrêté le 27 ,
par lequel il prononce qu'il n'accordera aucune mise en
liberte aux ci -devant prêtres détenus , jusqu'a ce que les
fêtes décadaires soient décretées et organisées .
2. Lecointre ( de Versailles ) expose que le 26 de ce mois ,
le tribunal révolutionnaire a rendu un jugement qui condamne
à mort trois individus convaincus d'assassinats et d'actes
arbitraires , et qui acquitte 26 autres individus , convaincus
ségalement d'actes arbitraires et d'avoir assassiné des enfans et
des femmes enceintes . Le tribunal a cru qu'il n'était competent
que pour les faits contre - révolutionnaires et quoiqu'il fût
convaincu de leurs crimes , comme ils n'étaient pas contre-revolutionnaires
, il a jugé ne pouvoir leur infliger de peine . il
ajoute que personne ne voulant tolerer l'assassinat , il domande
s que le comité de législation présente un projet de décret
pour que ces hommes soient renvoyés au tribunal criminel de
leur département , qui les jugera conformément aux lois .
Un membre dit qu'on ne peut pas traduire devant les tribunaux
des accusés deux fois pour le même delit , Il, pense que
ceux don il s'agit ont été acquittés , parce qu'il n'etait pas
constant qu'ils eussent commis ces délits dans des intentions
criminelles .
Breard appuie la proposition de Lecointre , et ajoute qu'ils
sont encore convaincus de malversations . Il craint que les femmes
et enfans des noyes et des fusillés ne soient insulies par
leurs bourreaux . Il demande le renvoi au comité de sûreté gc.
nérale pour prendre des mesures . ...
La Convention réunit les deux propositions . Elle décrete le
renvoi aux deux , comités de législation et de sûreté générale , et
provisoirement l'arrestation de ces 26 individus .
Bourdon ( de l'Oise ) : Je n'accuse point le tribunal révolutionnaire
, mais je rappelle à la Convention - que les pouvoirs
ne peuvent rester long-tems dans les mêmes mains sans dinger
pour la chose publique ; le danger est encore plus grand forsqu'il
s'agit de ceux qui ont entre les mains le sort de leurs concitoyens
. La Convention avait décrété que le tribunal revolutionaire
serait renouvellé tous les trois mois ; ce décret a été
rapporté , je ne sais sous quel prétexte . Je crois qu'elle ne
peut se dispenser aujourd'hui de rappeller le principe et de décréter
ce renouvellement , en chargeant le comité de législation
d'en présenter le mode .
La motion de Bourdon est très applaudie et décrétés .
Lecointre y ajoute celle de suspendre l'exercice de ses fonetions;
cette secunde proposition est également adoptée .
Tome XIII,
( 210 )
Dubois - Crancé , au nom du comité de salut public , fait
lecture de la proclamation qui avait été décrétée deux jours
auparavant , concernant les demandes de congés faites par
nos freres d'armes qui sont aux frontieres , et de la rédaction
du décret dont elle est suivie , conçue en ces termes :
Art. 1er. Il ne sera dorénavant , et jusqu'à nouvel ordre ,
accordé de congés qu'aux militaires qui seront dans le cas
désigné par la loi du 2 thermidor dernier , et qui s'y seront
tonformés.
99 11. Tout militaire qui aurait obtenu un congé de plus
de trois décades , sera tenu de se rendre à son corps dans
le délai d'un mois , non compris le tems de la route déterminé
par
la loi. "
Le Lycée des arts présente à la Convention une nouvelle
découverte à l'aide de laquelle un seul homme coupe et ràmasse
en un seul jour une grande quantité de blé,
Mention honorable.
Guyomard demande que le rapport sur la loi du maxim m
soit fait le lendemain . I observe qu'une loi qui se viole
Ouvertement est nuisible , parce que les bons citoyens tâchent
de s'y conformer , et les méchans ne l'exécutent pas . Merlin
( de Douay ) annonce que les comités s'occupent nuit et jour
de ce travail important , et qu'il sera fini incessamment . L'Assemblée
décrete que le rapport sur cet objet sera fait primedi.
Séance de nonidi , 29 Frimaire.
Les administrateurs du district de Boulogne - sur-mer félicitent
la Convention nationale sur le rappel des 73 députés
proscrits , disent-ils ,, par la faction à qui leur vertu faisait ombrage
.
Le conseil général de la commune d'Abbeville lui écrit que
les citoyens respirent enfin , puisque les égorgeurs , les
noyeurs , les fusilleurs et les voleurs sont anéantis : Ils l'invitent
à continuer de frapper d'une main hardie tous ces scélérats ,
et l'assurent de l'appui de tous les bons citoyens qui la soutiendront
au péril de leur vie-
Mention honorable , insertion au Bulletin.
Les membres de la société populaire de Lille font part à la
Convention des mêmes sentimens et en obtiennent le même
prix.
Le citoyen Pinglin , homme de lettres , présente une pétition
à la Convention , daus laquelle il expose que le premier
besoin de l'homme est une saine logique qui preside à toutes
ses délibérations , qui dirige ses suffrages et lui fasse deviner les
piéges de l'ambition . Il pense avec de grands philosophes
que la politique et la morale sont susceptibles de démonstra-.
tions aussi rigoureuses que la géométric ; mais il a sur eux l'avantage
d'avoir trouvé la méthode pour y parvenir . Il a assez
approfondi l'art de raisonner pour le réduire à un seul pria(
211 )
cipe accessible à tous les âges et à tous les sexes. Il se propose
en conséquence d'ouvrir le 15 nivôse un cours public de nous
velle logique , et il demande un local convenable .
Mention honorable , renvoi au comité d'instruction pu
blique
Lacombe ( de l'Aveyron ) , au nom du comité des finances ,
fait décreter , 19. la liquidation des differentes créances de
communes , districts , départemens , corporations ecclésiastiques
ou religieuses , pays d'états , administrations provinciales , congrégations
, colleges , séminaires ; 2 °. que les dispositions
portées dans l'article III de la loi du 24 frimaire courant, relatif
aux créances des hôpitaux , seront étendues aux créanciers des
communes , districts , départemens , academics , école militaire,
colléges en dépendans , et autres col'éges .
Marec , au nom des comités de la marine , des colonies et
militaire rénnis , fait prolonger jusqu'au 1er . germinal prochain
le délai accordé aux officiers militaires et agens civils , soit de
terre , soit de mer , retires du service depuis le 14 juillet 1789 ,
et non pensionnés , pour déclarer le lieu de leur résidence ac
tuelle . Ce décret est trop important pour beaucoup de citoyens,
pour que nous ne l'insérions pas en entier :
“ Art. Ier . Le délai , dans lequel tout officier militaire et
agent vel , soit de terre , soit de marine , retiré du service
depuis le 14 juillet 1789 , et non pensionné , est obligé de déclarer
le lien de sa résidence actuelle , sous peine d'être incarceré
jusqu'à la paix , est prorogé jusqu'au 1ee , germinal
prochain.
,, II . Les déclarations de cette nature , reçues jusqu'à présent
par la commission du mouvement et de l'organisation des
armées de terre , de la part d'officiers militaires ou d'agens civils
, dependant de l'ancien département de la marine et des
colonies , seront sur le champ transmises à la commission de
marine et des colonies .
„ III . À l'avenir , cette derniere commission recevra exclusivement
les déclarations relatives , soit aux officiers militaires
soit aux agens et employés civils quelconques , précédemment
employés au service de la marine et des colonics.
" Quant à celles concernant les officiers militaires , agens et
employés civils quelconques , ci - devant attaches au service de
la guerre , elles continueront d'être reçues par la commission
du mouvement et de l'organisation des armées .
» IV. L'article II du décret du 13 brumaire est maintenu .
En conséquence tont militaire ou agent civil , mentionné cidessus
, sera tenu de remettre avant le rer , germinal prochain
an double de cette déclaration au comité révolutionnaire de sa
commune ou de son district , lequel en informera , dans les
trois jours , l'une ou l'autre desdites commissions99 .
On reprend la discussion sur les contributions directes . Les
articles décrétés ayant éprouvé des amendemens , nous ne pou
( 212 )
A
vons en présenter la substance que lorsque leur rédaction anra
été définitivement adoptée , nous annoncerons seulement qu'il
n'y aura point de contribution mobiliaire pour les huit mois
vingt-un jours de l'année 1794 ( vieux style ) .
"
Séance de décadi , 30 Frimaire.
啄驀
Les heureux effets du décret d'amnistie rendu en faveur
des rebelles de la Vendée sont aujourd'hui confiimés par
Ruelle , représentant du peuple près les armées des côtes de
Brest et de Cherbourg . La Convention a entendu deux fois
la lecture de cette lettre , qui porte en substance que par- tout
les rebelles paraissent se livrer à la joie. Ceux qui occupent
les bords de la Loire ont tout-à - coup converti leurs murmures
et leurs injures en conversations familieres avec pos
volontaires. Depuis deux jours , ils ont substitué à leurs cris.
continuels de vive le roi ! ceux de vive la République et
il y a tout lieu de croire que les intentions de la Convention
auront tout le succès qu'elle doit en attendre.
Plusieurs veuves dont les maris unt été condamnés réclament
la suspension de la vente des biens de leurs maris
attendu que l'on comprend dans cette vente leur propre mebilier.
Lecointre ( de Versailles ) prend la parole et dit que la
premiere partie de la pétition ne saurait être accueillie , d'après
le décret qui a rapporté celui qui ordonnait la suspension
provisoire de la vente des biens des condamnés ; mais
que la seconde est juste , que des secours sont dûs à ces
veuves , et que l'on doit faire la distraction des effets mobiliers
qui leur appartiennent avant de procéder aux ventes.
Cette proposition est décrétée.
Sur le rapport du comité des finances , la Convention rend
un décret relatif à l'exécution de celui du 17 fructidor derfier
, concernant la liquidation de la ci - devant nouvelle compagnie
des Indes , et qui explique plusieurs articles de ce
decret , et entr'autres de quelle maniere et sur quels fonds
sera perçu le montant des droits d'enregistrement et du triple
droit dû à la nation pour la mutation des actions .
Lecointre ( de Versailles ) : C'est dans la saison qui ne
permet plus aux guerriers d'occuper la campagne qu'ou deit
s'occuper des retraites dues aux militaires couverts d'honorables
blessures , et de marquer les places que doivent remplir
ceux qui doivent faire la campagne prochaine . C'est
présent que ces comités doivent opérer les réformes de cette
nuée d'officiers -généraux que la brigue , les cabales , l'esprit
de parti et de domination créerent en faveur de nos derniers
tyrans et de leurs complices ; officiers qui infectent nos armées
, et dont l'inexpérience , l'immoralité et la bassesse ont
fait tout le mérite , et qui , en dilapidant le trésor public ,
ent porté le désespoir dans le coeur de tant de braves mili
( 213 )
taires qui ont si bien servi la patrié depuis le commencement
de la révolution.
Lecointre demande que le comité de salut public s'occupe
sur - le - champ de ce travail . La Convention décrete que le
comité militaire lui présentera dans un mois le tableau des
officiers - généraux nécessaires pour le service des armées en
tems de guerre , et lui nommera ceux qui seront employés ,
de même que ceux qui seront destitués ou qui auront obtenu
leur retraite.
Clausel prend la parole pour une motion d'ordre . Il dit
que la Convention a déjoué toutes les manoeuvres des rois
jusqu'à présent , en terrassant toutes les factions , mais que
les complices de la derniere existent encore ; qu'il est maintenant
reconnu que cette faction s'étendait depuis Hebert
jusqu'à Robespierre , et que l'on ne jouira d'aucune tranquillite
tant que cette execrable clique ne sera pas anéantie . Il
parte de la défense de Ronsin que prit Collot- d'Herbois ' , de
sa mise en liberté et de celle de Rossignol , Vincent et autres
par l'ancien comité de sûreté générale . Il accuse Voulland en
particulier d'avoir favorisé Pache. Il fait part de la dénoncia
tion d'Elie Lacoste , portant que Robespierre avait proposé
aux comités de suspendre les séances de la Convention . Il
reproche à ces comités de n'avoir pas dénoncé cette scélératesse.
Enfin , il assure qu'il est constant que les décemvirs
tendaient à l'usurpation de tous les pouvoirs , et que sans
l'heureuse division qui s'est opérée parmi eux sur le choix
des victimes qu'ils devaient sacrifier , la France serait encore
couverte d'échafauds et de bourreaux , et que les têtes d'un
grand nombre de députés seraient tombées . Il les voit s'op
poser au jugement de Fouquier-Tinville , Bouchotte et Pache .
Clausel demande que le renouvellement du tribunal révolutionnaire
soit présenté demain , et qu'il s'occupe sans relâche
à les juger , et après eux les royalistes .
Ruamps s'écrie qu'il vaudrait mieux être Charrette que dé
puté. On demande qu'il aille à l'Abbaye . Il s'explique , et dit
qu'on a accordé une amnistie aux brigands , et qu'on poursuit
des députés pour une erreur .
Voulland nie d'avoir favorisé Pache et de l'avoir embrasse
dans sa prison. Il déclare qué ce n'est pas son opinion qu'il
a émise à la tribune sur Konsin et Vincent , mais celle du
comité dont il était l'organe , que leur mise en liberté était
alors une mesure utile , et qu'elle est devenue l'écueil contre
lequel ils se sont brisés .
-Dumont ( du Calvados ) s'étonne que les comités de gouvernement
qui faisaient trembler tous les citoyens eussent
peur de Rensin , Vincent et des cordeliers .
Bourdon rappelle la loi du 12 brumaire dernier , portant
que toutes les denonciations de ce genre seront renvoyées aux
comités que la Convention a chargés d'en connaître. Il
J
0 3
( 214 )
demande l'exécution . Le renvoi du tout est décrété. Le reste
de la séance est employé à entendre les réclamations des particuliers
.
Séance de primedi , 1er, Nivôse.
Un secrétaire fait lecture de la lettre des représentans du
peuple dans le département des Bouches - du - Rhône . Ils y
rendent compte de l'état de l'esprit public qui s'ameliore de
plus en plus , et de celui du commerce de Marseille. Ils
assurent la Convention qu'il ne tient qu'à elle de donner au
commerce de cette ville toute son activité . Les negocians ne
demandent pas une liberté illimitée , parce qu'ils savent que
les circonstances s'y opposent ; mais ils voudraient être traités
comme les négocians des Puissances neutres. Frappés , disent
les représentans , de la mauvaise qualité du pain , nous avons
voula en connaitre la cause , et nous avons reconnu que nos
agens dans l'étranger n'achetsient que des blés avariés . Ceux
que nous apportent les négocians des puissances neutres sont
beaucoup superieurs en qualité , et coûtent moins . Que la
Convention decrete que le blé importé par
les négocians
français , pourra être vendu au même prix que celui qui l'est
par les étrangers , et bientôt la concurrence fera économiser
des millions au gouvernement , et le Midi ne manquera pas
de subsistances . Que les faiseurs de requisitions n'accumulent
plus dans les magasins les matieres premieres , où elles se
gâtent. C'est par une suite de ce systême que les fabricans
de savon , émigrés de Marseille et etablis à Gênes et à Lis
bourne , nous vendent leur savon trois ou quaire francs la livre
et que nos fabricans restés fideles à la patrie n'ont pas la faculté
de le vendre 40 sous.
Cette lettre cat renvoyée au comité de salut public ,
Le représentant du peuple dans les départemens de l'Yonne
et de la Nievre écrit aussi , que toutes les mesures sont prises
pour l'approvisionnement de Paris en bois et charbon , et que
70 mille voies de bois sont prêtes à partir. La suspension de
cette branche de commerce ne peut être attribuée qu'aux vexations
de tout genre qu'ont éprouvés , de la part des patriotes
de fraîche date , les entrepreneurs de flottage , et les entraves
qu'y ont mises ceux qui ne s'occupaient que d'embastiller
pour assouvir leurs passions et non pour servir la chose publique.
Le représentant demande pour les onvriers qui ont bravé
toutes les intempéries de la saison et montre un zele opiniâtre
et infatigable une récompense plus flatteuse que les gratifications
pécuniaires , c'est- à - dire la mention honorable de leur zele
et l'insertion au bulletin .
L'une et l'autre sont accordées.
Sur la proposition du comité des seconrs publics , la Convention
décrete le payement des pensions accordées aux mili(
215 )
aires suisses licenciés , qui montent à deux cents quarante trois
mille liv. , et accorde une prolongation de delai jusqu'au 1er ger
minal à ceux qui n'ont pas encore fait toutes les justifications
requises .
Eschasseriaux propose et la Convention décrete que les comités
de salut publie , de législation et des finances réunis
lui feront dans trois jours un rapport sur le mode d'exécution
de la loi du 27 frimaire dernier qui met sous la main de
la nation les propriétés des peres et meres d'émigrés et suspend
la vente desdits biens .
Chenier , au nom du comité d'instruction publique , préseute
un projet de loi sur les fêtes décadaires. Il expose tous
les dangers des préjugés sur-tout religieux , qu'il faut néan
moins combattre avec la raison et non avec les armes ; si lə,
fanatisme persécute , il court à sa perte ; s'il est persécuté
on lui prépare des triomphes . Les gens à redouter sur - tout
sout ceux qui cherchent à unir le sceptre et l'encensoir. Voici
les bases de ce projet ; une fête civique aura lieu chaque
décadi , en plein air si le tems le permet. Elle commencera
par des intructions morales faites par des peres de famille on
des officiers municipaux . Ils feront lecture des lois rendues
dans la décade , et la fête se terminera par des chansons patrioiques
, des danses et autres exercices .
Après Chénier , Grégoire a pris la parole et prononcé un
discours relatif à la liberté des cultes . Il convient que la loi qui
asure cette liberté existe ; mais il demande que les auto ités
constituées en garantissent l'exécution ; il ne croit point que le
culte catholique en particulier soit incompatible avec les principes
et les lois republicaines . Il pense qu'on s'est trop servi
des mots superstition et fanatisme pour persécuter. Il établit
que la liberté n'est pas stable dans les pays où les cultes me sons
pas aussi libres que la presse , et il cite les états républicains
qui jouissent de cette liberté.
Clausel s'écrie qu'on veut ressusciter les prêtres , un autre
qu'on veut la guerre civile .
Legendre obtient la parole , et dit qu'il nous croyait assez
avancés en révolution pour ne pas entendre un pareil discours ,
et que la véritable religion républicaine est d'être bon pere , bon
fils et bon époux . Il cite le trait de Charles IX qui tira sur le
peuple . Il croit le discours de Grégoire dangereux , et il demande
l'ordre du jour qui est adopté ,
PARIS. Quartidi , 4 Nivôse , 3º . année de la République.
Le public qui a suivi avec attention la procédure contre les
complices et les instruments de la férocité de Carrier , a đâ
être étonné de l'extrême indulgence du tribunal révolutionnaire.
(( 2162 )
Jamais instruction n'a produit un foyer de preuves plus lundi
Heux sur cet amas de crimes dont ils ont souillé l'humanité. La
conduite que les accusés acquittés ont tenue apres leur jugement
, acheve de confirmer l'idée qu'on en avait conçue . Au
lieu de se rauferiner dans la contenance humble et modeste qui
convenait à des hommes échappés au glaive de la justice , ils.
n'ont pas été mis en liberté qu'ils se sont repandus insolem-.
ment dans tous les lieux publics en se livrant a des orgies ,
et en insultant par les propos les plus inconsidérés à l'indignation
publique . Aussi le décret qui a ordonné leur arrestation
a été regarde comme un acte de morale publique . Il cût
été trop dangereux de laisser au milieu de la société , des
hommes aussi pervers et aussi endurcis au crime. Ils ont tous
été repris au nombre de 26.
On avait craint d'abord que ce décret d'arrestation ne les fiti
mettre de nouveau en jugement . Quelque coupables que puissent
être des accusés , du moment qu'ils ont été acquittés ils
ne peuvent plus être recherchés pour les mêmes délits ; c'est
un principe dont il ne faut pas s'écarter même en révolution
autrement il n'y aurait plus de termes où un homme absous
pourrait se flatter d'atteindre la sécurité . Il serait également
dangereux pour la liberté individuelle dont se compose la
liberté publique , si des jurés se trouvaient influences dans leur
conscience par la moindre autorité . Ces alarmes que les amis
des principes et de la liberté avaient pu concevoir sur cette
remise en jugement se sont entierement évanouis . On a su que
la mesure de la Convention ne s'étendait pas au-delà de leur
arrestation que l'on devait à la sûreté entiere de la ville de
Nantes , et au juste ressentiment de plus de 20 mille familles .
On assure qu'un courier extraordinaire est parti pour aller
porter à Nantes la nouvelle de cette arrestation .
Les citoyens Dubuisson , Rambour et Guichaut-Lyon , jurés
au tribunal révolutionnaire dans l'affaire de Carrier , nous invitent
à publier qu'ils n'ost point opiné pour le jugement qui
absout les Nantais . ils ont declaré que les faits étaient cons
tams ; que les accusés Carrier , Grandmaison , Pinard , Goulin ,
Chaux , Robin , d'Herou et Forget étaient convaincus d'en
être les auteurs , et que leurs intentions étaient criminelles
et contre- révolutionnaires .
Il semble que le discours da Grégoire sur la liberté des
cnltes aurait dû éprouver moins de défaveur . Serait-on asseź
peu avancé en principes pour n'être pas convaincu que
les opinions religieuses sont une partie de la liberté indivi
duelle dont on ne peut pas plus priver un citoyen que de ses
autres droits ? aurait-on oublié l'article de la déclaration des
droits qui garantit la liberté des cultes P. Il est probable que la
Convention n'a pas regarde les circonstances actuelles comme
assez favorables pour appeller l'attention sur des idées
( 817 )
dont le fanatisme , l'intrigue et la superstition ont tant abusé
dans le cours de la révolution , ou que l'auteur du discours
aura laissé percer une sorte de préférence pour le catholicisme
auquel il ne serait pas sans danger d'accorder une prédilec
tion. Personne ne doute que la liberté des cultes ne doive
être illimitée ; mais s'il s'agit d'en fixer la garantie par des régle
mens , c'est une matiere trop délicate et trop importante pour
-être traitée d'une maniere accidentelle et inopinée ; cet objet
tient à l'ensemble des lois constitutionnelles , et aux moyens
de gouvernement qui ne sont point encore définitivement organises
, et qu'il faut marir dans des méditations sages et pros
foudes. Voilà sans doute ce qui aura fait passer à l'ordre du
jour sur la motion de Grégoire que l'on aura jugée être prématurée
; il ne faut jamais traiter incidemment , et comme par
saccades , des questions qui se lient à la grande chaîne de la
police du gouvernement. C'est une erreur dans laquelle est
tombée trop souvent l'Assemblée constituante.
*
La Convention s'occupe en ce moment de la discussion sur
le rapport de la loi du maximum . Cette mesure sera incomplette
et inefficace , si l'on ne se bâte de redonner au commerce la
plus entiere liberté , si l'on n'assure la libre circulation des denrécs
et marchandises , si l'on ne révoque les requisitions derriere
lesquelles les vendeurs se retrancheraient pour faire hausser
le prix des choses , si la concurrence n'est pas encouragée ,
si le gouvernement n'ouvre lui-même ses magasins pour faire
baisser par
des prix inférieurs , et même des sacrifices , le surhaussement
vers lequel la cupidité se laisserait entrainer , a si
l'on ne supprime toute espece de droits sur l'importation de
l'étranger , et si l'on ne favorise par des primes quiconque fera
entrer dans la République des denrées et autres objets de premiere
nécessité . Toutes les choses se lient et ont catre elles
une influence réciproque .
J
Tous les papiers publient la mort de Condorcet , dont la
Voix publique nous avait instruits depuis long - tems .. Nous
donnerons dans le prochain numéro quelques détails sur les
circonstances de cet événement tragique qui a prive la France
et l'Europe d'un savant distingué et d'un ami instruit de lă
liberté .
Dans le tems qu'on faisait mouvoir à Paris les ouvriers employés
aux manufactures d'armes , on excitait à Versailles des mouve
mens dont le renchérissement du pain était l'occasion . A la suite
de ces mouvemens , le maire de cette commune nommé Gravoi ,
s'est brûlé la cervelle . On avait répandu qu'un officier municipal
avait disparu , et l'on croyait qu'il s'était jetté dans la Seine.
Cet événement à fait présumer d'abord que ces fonctionnaires
avaient des reproches graves à se faire ; mais le représentant
du peuple Charles Lacroix , envoyé dans cette commune pour
( 918 )
y rétablir l'ordre , a écrit à la Convention que la conduite du
maire a été jugée avec trop de précipitation , et qu'il ne s'est
donné la mort que pour ne pas survivre au mépris que ses ca❤
lomniateurs avaient provoqué sur sa tête. Il ajoute qu'il est
faux qu'un officier municipal ait disparu .
Il parait trop évident que les restes du parti de Robespierre ,
qui se compose de tous ceux qui ont pris part à sa tyrannie ,
ou qui se sont gorgés de dilapidations , ne se tiennent pas
pour vaincus. Ils ont encore quelqu'influence sur la tourbe
des ignorans et des enthousiastes à qui l'on persuade que le
véritable patriotisme se trouve dans l'exaltation des principes
et des choses , et que hors de ce cercle d'erreurs ou de crimes
tout est aristocratie et contre - révolution . La masse de l'opinion
publique est loin de partager ces idées extravagantes ou conpables
; mais l'expérience de la révolution doit avoir appris
à connaître l'esprit et la tactique des meneurs ; ils ne manqueront
pas d'épier ou de faire naître toutes les circonstances qui
pourront redonner à leur parti le degré d'influence dont ils
n'ont pas perdu tout espoir. C'est aux comités de gouvernement
à les surveiller sans relâche . Il n'y a que la force permanente
de la Convention qui puisse écraser les dernieres têtes
de l'hydre. La moindre faiblesse nous replongerait encore dans
les maux dont elle a été l'unique cause .
MARINI E T СоммERCE .
Etat des forces navales qui se trouvent dans le port de Brest , en
état de faire voile.
Premiere division . Le Tourville , de 74 canons ; la Montagne
, de 118 ; le Marat , de 74 ; deux frégates , un bricq.
Seconde division . Le Gasparin , de 74 ; le Neptune , de 74 ;
la Révolution , de 74 ; deux frégates , une corvette ?
Troisieme division . Le Superbe , de 74 ; le 9 Thermidor
de 80 ; l'Alexandre , de 74 ; une frégate , unë corvette , un
cutter.
Quatrieme division . Le Gemmappe , de 74 ; le Majestueux ,
de 118 ; l'Aquilon , de 74 ; deux frégates .
Cinquieme division . Le Montagnard , de 74 ; le Scipion , de
80 ; le 31 Mai , de 74 ; une fregate , une corvette .
un
Sixieme division . Le Patriote , de 74 ; le Républicain , de
110 ; l'Entreprenant , de 74 ; une frégate , un cutter ,
bricq.
Septieme division. La Convention , de 74 ; le Terrible , de
118 ; le Lepelletier , de 74 ; deux fregates , une corvette .
Huitieme division . Le Redcutable , de 74 le Révolutionnaire,
de 110 ; le Nestor , de 74 ; nne frégate , une corvette.
Neuvieme division . Le Trajan , de 74 ; l'Indomptable , de-
80 ; le Tyrannicide , de 74 ; une frégate , une corvette .
( 219 )
Escadre légere.
Premiere division . L'Ele , de 74 ; lè Jean -Bart , de 74 i
l'Audacieux , de 745 le Tigre , de 74.
Deuxieme division . Le Zlé , de 74 ; le Mutius Scévola , de
74; le Teméraire , de 74 ; les Droits de l'homme , de 74.
Total , 38 vaisseaux ; 13 frégates , 6 corvettes , 2 bricqs .
On écrit de Brest , en date du 25 frimaire , que l'escadre
dont on vient de parler est sortie de cette rade . Elle est
conmandée par l'amiral Villaret -Joyeuse , et elle a à bord
deux représentans du peuple , dont l'un est Trehouard , excellent
mariu , et que Carrier avait défendu de reconnaître ,
lorsqu'il était dans le département du Morbihan .
On écrit du port de la Montague que la division de notre
escadre , composée de six voiles et commandée par le citoyen
Perte , est arrivée sans obstacles à Alger et à Tunis elle a
fait dans sa traversée plusieurs prises qui sont entrées dans
nos ports.
Le représentant du peuple Jean- Bon-Saint-André vient de
finir l'organisation civile de la marine , et dorénavant il y
aura plus de méthode dans les opérations et plus de célérité
dans les travaux , puisque les movemens du port seront
dirigés d'une maniere plas particuliere . Le vaisseau le For
milable , de 80 canons , sera lancé à l'eau le mois prochain.
}
L'escadre stationnée dans ce port est prête à mettre à la
voile au premier signal . On a licencie tous les bâtimens particuliers
que depuis quelques mois on ' avait mis en requisition
.
Le représentant du peuple Leyris écrit à la Convention
que les ports de la Rochelle et de Rochefort sont remplis
de richesses immenses provenant des prises fiates sur les ennemis
de la République , et qu'il s'occupe du soin de faire
refluer dans l'intérieur la majeure partie de ces richesses
parmi lesquelles il se trouve beaucoup de productions coloniales
.
On mande du Havre qu'on y a reçu de Brest une quantité
immense de semblables productions , parmi lesquelles la
fenille maritime de ce port désigne seulement pour une semaine
4800 quintaux de sucre brut on terré. Cet avis peut être
utile aux accapareurs d'une telle dearée , et aux consommateurs
qui en manquept.
( 220 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
PYRÉNÉES ORIENTALES .
Proclamation, du général en chef provisoire.
chLe gouvernement espagnol s'est depuis trois ans couvert
de tous les crimes ; il s'est joint aux tyrans de l'Europe
pour déclarer la guerre à la République qui voulait la paix ;
il a massacré les Français au- delà des mers ; il a arraché dans
le Roussillon des femmes et des vieillards de leurs foyers
pour les trainer dans les prisons de Barcelonne'; il tourinente
et tait perir nos prisonniers ; il a manqué à la bonne- foi , au
droit sacré des gens , en n'exécutapi pas la capitulation de
Collioure ; c'est lui qui a attire la guerre dans ces contrées
d'où la valeur des armées françaises vient de le
chasser.
Ses armées sont en fuite , et ses places en notre pou.
voir ; et malgré tant de sujets de vengeance , vous n'avez point
à craindre de justes représailles . Beaucoup de vous , trompés
par les calomnies atroces , les perfides insinuations de nos
ennemis , ont inconsidérément abandonné leurs foyers , leurs
propriétés , pour suivre les Castillans , et trouver parmi eux
le mépris et la misere . Pour vous , qui êtes restés , vous avez
le droit d'attendre de nous , et je vous assure , au nom de la
Republique Française , paix , justice et protection ; je l'assure
a ceux qui , revenus de leur égarement , et plus eclaires sur
leurs véritables intérêts , s'empresseront de venir jouir , au
milicu de nous , du bonheur et de la tranquillité que leur
assurent mos victoires .
"
" Cependant , nous n'en pouvons douter , plusieurs de nos
ennemis se cachent parmi vous et se disposent à saisir le
moment où ils croiront pouvoir abuser , avec impunité , de
l'indulgence et de la générosité du Peuple Français . La prudence
doit prévenir leurs crimes , qui entraîneraient des malheurs
incalculables . Les habitans sages amis de l'ordre, et
de la justice , doivent être forts de la présence des défenseurs
des droits de l'homme ; les méchans seuls doivent trembler.
En conséquence , tous les habitans de Figueres et dès
villages occupés par l'armée française , sont tenus , sous peine
de mort , et sitôt la présenter connue , de déposer toutes les ?
armes qu'il pourront avoir de quelque nature qu'elles soient :
savoir , les habitans de Figueres aux mains du commandant des
ladite place , qui leur désignera le lieu où ils devront les déposer ,
ceux des villages aux mains des différens commandans qui
s'y trouvent établis .
Le commandaut de la place de Figueres , ceux des diffé
( 221 )
rens villages , demeurent responsables de l'exécution de cette
mesure. 1
,, Au quartier-général de Figueres , le 13 frimaire de l'an
troisieme de la République , une et indivisible. Le général en
chef provisoire. " 1
7p noite
Signé , PERIGNON.
1 *
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Extrait de la procédure commencée contre Fouquier Thinville ,
le, 28 frimaire.
f.
Après la lecture de l'acte d'accusation , l'accusé a dit : La prévention
et la calomnie m'accablent ; j'invite Faudience à me
laisser proposer avec calme mes moyens .de defense ; j'espere
qu'ils ne laisseront à mes ennemis que la honte et l'infamie
dont ils ont voulu me couvrir .
919
A
5 Wolf, commis - greffier du tribunal . a dit ; Un jour je vis
Fouquier -Tinville à la buvette , avec des jurés . On faisait des
plaisanteries sur la guillotine et les guillotines . L'accusé disait :
A tant par jour , cela donnera quatre à cinq cents par decade ,
et les jurés applaudissaient . 9.1
Il avait pour intime ami Fleariot- Lescot , maire de Paris . On
se rappelle que le 9 thermidor la commune conspiratrice de
cette ville , Robespierre et ses complices furent mis hors de la
loi. Plusieurs de ces conspirateurs furent amenés le lendemain
au tribunal , pour constater l'identité de leurs personnes , et
ensuite être livrés à l'exécuteur . Fouquier-Tinville requit l'exécution
de la loi contre neuf à dix des conjurés . Ensuite il y eut
une suspension , pendant laquelle Fouquier et le président se
retirerent. Liendon , substitat de Fouquier, prit sa place , et alors
on amena le maire de Paris , contre lequel sans doute Fonquier
n'avait pas voulu requérir la peine de mort , comme étant son
intime. Il revint quelque tems après en habit de couleur , et s
plaça à côté de Liendon .
Après l'affaire de Danton , de Camille Desmoulins et autres
commença l'usage de mettre en jugement les aacusés par soixantaine
. Mais il ne fut pleinemeut adopté que lorsque Robespierre
et ses partisans erurent ne devoir plus prendre la
peine de déguiser leurs horribles attentats . C'est à cette époque
que Fouquier fit enlever les tables qui sont au pourtour de la
salle , pour y établir une quantité de gradins qui s'élevaient
jusqu'à la corniche du plafond , all'effet d'y recevoir un plus
grand nombre de victimes . On les ramassait indistinctement
dans toutes les prisons , et le nombre de celles qu'on mettait en
jugement , était de soixante à soixante- dix ; et , pour rendre ces
opérations plus expéditives , à commencer du 22 prairialjusqu'à
( 222 )
la suppression du tribunal de Robespierre , Fouquier faisait
faire au greffe , la veille ou le matin du jugement , des listes qui
contenaient les noms et qualités des accuses on en remettait
une à chaque juré et à chaque juge , afin de les dispenser d'en
écrire les noms.
Il y avait dans l'acte d'accusation qui servait à faire ces listes ,
des numéros qui n'étaient pas remplis , où les noms et prénoms
étaient en blanc , et quelquefois il n'y avait que le numéro.
Les huissiers couraient toutes les prisons pour rassembler les
victimes portées sur ces listes fatales . Un garçon de bureau
était uniquement occupé à cette recherche. Souvent on ne les
trouvait pas ; et de - là ces lacunes qui existaient dans ces
listes , qu'on lisait à l'audience , et qui n'étaient qu'un appel
nominal. On remettait la veille ou le matin du jugement l'acte
d'accusation à ceux des prisonniers qui arrivalent ; quelquefois
même on ne leur signifiait pas , et souvent un témoin
était arrêté dans la salle , mis à l'instant au rang des accuses et
jugé.
Après que l'on ent fait courir le bruit que Robespierre et
Collot- d'Herbois avaient été assassinés , ou tamassa tous ceux
qu'on pût trouver , jusqu'au nombre de quatre-vingt , pour les
mettre en jugement . Peu on point de témoins furent entendus
dans cette affaire . Les accusés pris indistinctement dans les
différentes prisons ne se connaissoient pas , et l'Amiral n'avait
jamais vu la malheureuse famille Renaud ; tous cependant
étaient présumés avoir assassiné Robespierre et Collotd'Herbois
.
Dumas , tenant sa liste à la main , disait à chacun des accusés :
Avez-vous connu la conspiration ? Non , répondait chacun d'eux.
un autre , reprenait Dumas , et ainsi successivement ; et lorsque
ces malbeureux voulaient faire quelques observations , tu
n'as plus la parole , leur disait Dumas . S'ils insistaient , ils
étaient mis hors des débats . Cette opération se commençait à
dix heures du matin , et déja elle était finie à onze heures ou à
midi. L'accusateur public prononçait qu'ils étaient coupables
de l'assassinat de Robespierre et de Collot-d'Herbeis ; les jurés
se retiraient dans leur chambre , et un quart d'heure après , ils
revenaient faire leur déclaration , en leur ame et conscience . Le
président prononçait le jugement en l'absence des accusés ,
qu'on ne faisait pas remonter , dans la crainte qu'ils ne se livrassent
à quelques excès ; on les rassemblait tous dans la pri
son ; un greffier leur lisait leur jugement , et on les conduisait
de suite à la guillotine .
J'observe , a dit le témoin , qu'on mettait en jugement des
malades hors d'état de répondre aux interpellations qui leur
étaient faites ; entr'autres , d'Ormesson de Noiseau , qui , par
une chûte ou autre accident , était tout couvert de blessures
, et qu'on apporta à l'audience sur une civiere , moitié
( 223 )
mort et méconnaissable ; il fut jugé et condamné avec les autres
parlementaires.
Un jeune homme de dix-huit ans , qui affirmait n'en avoir
que dix- sept , fut condamné comme contre - révolutionnaire . Le
lendemain , sa mere fut mise en jugement . En montant sur ses
gradins , d'où son fils avait éte envoyé à l'échafaud , ɛon sang se
glaça , ses cris redemandaient son fils ; elle tomba évanouie . On
l'emporta dans la salle des témoins , où elle resta long- tems
entre la vie et la mort , et pour ainsi dire sans secours . Les autres
furent condamnes ; son agonie lui sauva la vie ; c'était
quelques jours avant le 9 thermidor.
Le témoin passant ensuite aux procédés du tribunal rela
tivement aux femmes enceintes , a dit :
Lorsque le tribunal commença ses fonctious , une femme
qui se déclarait enceinte était visitéé , et il était sursis à son
jugement. On en usa ainsi , dans ce tems , à l'égard des femmes
Kolly et Charras ; mais dans la suite on s'est écarté horrible
ment de ce principe de droit et d'humanité. Des femmes se
disaient grosses , des chirurgiens les visitaient , leur rapport
était qu'il y avait grossesse , symptômes , ou qu'il n'y en avait
pas , ou qu'il n'y en apparaissait pas , ou qu'ils étaient douteux.
Dans le premier cas , il était sursis à l'exécution du
jugement ; mais lorsqu'il était spécifié dans le rapport qu'il
n'y avait point de symptômes de grossesse , on les envoyait
à l'échafaud ; et c'est ainsi qu'une douzaine de femmes ont
péri. La femme Hébert et la femme Canille desiraient toutes
deux subir la destinée de leurs maris . La premiere s'était déclaree
enceinte ; mais , sur le rapport du chirurgien
' elle
ne l'était pas , elle fur également envoyée à l'échafaud.
Vers la fin de messidor , la veuve Joly de Fleury et deux
autres femmes , qui toutes trois s'étaient déclarees enceintes ,
furent conduites dans la même charette au lieu de leur supplice.
La femme de l'ex - prince Joseph Monaco , condamnée le 7
ou le 8 thermidor , s'était déclarée grosse , et on avait sursis
à son exécution ; mais , déterminée a périr , et voulant slapprivoiser
avec la mort , elle écrvit qu'elle n'était pas enceinte ,
et elle fut exécutée le lendemain de son jugement.
Le témoin passant à un autre fait , a dit : On venait de
condamner à mort , dans cette salle , Lavergue , commandaát
de Longwis ; sa femme , se trouvant en ce moment dans l'une
des salles du palais , cria , dans son désespoir : vive le rop !
Aussitôt elle fut saisie , mise en jugement , condamnée et
conduite à l'échafaud , sur la même charette que son mari .
Gattey , libraire , fut aussi condamné à mort dans la salle de
l'Egalité ; sa soeur , présente au jugement , cria aussi vive le
rọi ! et comme elle persista le lendemain dans les mêmes sentimaus
au moment qu'on la jugeait , et qu'elle avait eu le tema
(<2243 )
de la réflexion qu'on n'avait pas accordée à la premiere , elle
fut légalement condamnée .
Ozanne et Lejeune , officiers de paix , après avoir arrêté Julien
(de Toulouse ) , eurent le malhenr de le laisser évader de la
maison où ils venaient de l'arrêter . Ils furent condamnés par le
tribunal de Robespierre à deux années de détention . La femme
Ozaune ayant appris qu'un homme de ce nom était impliqué
dans une conspiration , et craignant que ce ne fût son mari ,
elle vint me prier de remettre à Fouquier- Tinville les papiers
qui pouvaient justifier son mari ; je les lui présentai .
Vas , éconduis cette femme , me dit Fouquier- Tinville ; son
affaire
est faite . En effet , Ozanne fut guillotiné avec ce
que les robespierristes et les égorgeurs appellaient la fournée
des chemises rouges Lejeune subitle même sort le g thermidor.
A
L'article XIV de l'acte d'accusation porte que Fouquier était
Lindifférent sur la suite des dénonciations graves qui lui étaient
faites contre les malveillans ou contre-révolutionnaires ; ce
que le fait suivant parait indiquer.
"
a Macé , curé de Saint -Brice , fut dénoncé comme ayant fait ,
en 1793 , des prieres publiques en faveur des princes du sang
de Capet ; il fut acquitté par jugement rendu eu la chambre
du conseil. Ce cure retourna dans sa commune ety devint
Lun fameux robespierriste . Survint une autre dénonciation contre
lai . Nolin , membre du tribunal , talenna Dumasa pour le
Fréintégrer dans les prisons , et l'ex -moine Dumas , qui pour-
*suivait les prêtres avec le plus cruel acharnement , talonna
austi Fouquier contre le curé Macé .
L'affaire fut reportée au conseil , où Fouquier sentint que
sce curé avait déja été juge sur ce même fait.. Les pieecs furent
relues , et ensuite on lança contre lui un nouveau mandat
d'arrêt. Mais , comme on fut un mois sans mettre à execution
ce mandat , l'huissier Château , arrivé sur les lieux ,
trouva que le curé Macé avait échappé à la rapacité zéléc et à
l'ardeur dévorante de l'ex - prêtre Dumas .
ally avait alors un tel rafinement de cruautés dans le triabunal
, que lorsqu'il avait condamné les uns à la guillotine ,
les autres au tabouret , ceux- ci etaient envoyés , les premiers
surilaplace du supplice , afin d'être témoins de la mort de leurs
co-accusés , et d'être , pour ainsi dire , teints de leur sang.
La loi accorde des indemnités à ceux qui sont acquittés par
ale tribunal , Fouquier défendait de leur délivrer les pieces qui
leur étaient nécessaires pour obtenir ces secours , et disaient
qu'ils étaient trop heureux d'avoir échappéså la guillotine .
(La suite au numéro prochain)
J
P
"
( No. 20 : )
A
MERCURE FRANÇAIS
9 DÉCADI YO NIVOSE Pa troisieme de la République.
( Mardi 30 décembre 1794 , vieux style ; }
L.
POÉSIE.
Imitation de l'ode XV du livre V d'Horace.
lune sur son char d'étoiles entouré
De ses feux éclairait la terre ,
Quand , perfide , en tes bras me tenant plus serré
Que n'est un chêne du lierre ,
Tu me jurais Néère , à la face des Dieux .
Témoins de ton affreux parjure ,
Qu'entre l'agneau plutôt et le loup furieux
On verrait la paix se conclure ,
Que plutôt de la mer le fougueux aquilon
Cesserait d'enfler l'onde amere ,
Et les vents d'agiter les cheveux d'Apollon ,
Que moi d'être aimé de Néère .
Ah ! qu'il t'en coûtera d'avoir\manqué de foi
Car pour peu qu'Horace ait de force ,
Ses yeux ne verront point un autre en paix chez tei
Jouir du fruit de ton divorce.
Par une amour nouvelle il saura te bannir
D'un coeur à qui tu fus trop chere ,
Sans que ni tes attraits l'en fassent revenir ',
Ni même un repentir sincere .
Et toi , qui que tu sois , qu'un sort capricieux
tu
Fait triompher de ma disgrace ,
Quand tu posséderais les sablons précieux ,
Qu'en son sein le Pactocle entasse ;
Quand tu serais ensemble et plus beau que le jour ,
Et plus savant qu'on ne peut dire ,
Je te verrai trahi , soupirer à ton tour ,
Et ce sera le mien de rire.
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du No. 19 .
Le mot de la Charade est Basson ; celui de l'Enigme est Imprimerie
polui du Logogriphe est Orms; où l'on trouve or et me,
Tome XIII.
P
F
( 226 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Soirées de mélancolie ; nouvelle édition avec gravures , deux petites
brochures in - 16 . A Paris , chez Louis , libraire , rue Severin
1º. 29 , l'an 3. de la République.
ONN connaît déja la plupart des tableaux d'un coleris sombre
que renferme ce recueil . Il suffira pour en rappeller la mémoire
, on pour en donner une idée à nos lecteurs , de leur
présenter ici celui qui nous a paru être d'une teinte moins
triste , intitulé le Port , et qu'on pourrait mieux nommer le
Retour de l'enfant prodigue.
Et dulces . reminiscitur agros.
VIRG.
Ils sont donc levés ces longs obstacles qui m'éleignent de
ma patrie ; la vague du malheur ne m'a point submergé ; après
avoir été long-tems le jouet de la tempête , je découvre enfin
un heureux rivage , où un riant climat et d'aimables habitans
vont me faire oublier tout ce que j'ai souffert.
" Puissance qui délie les langues , donne - moi des termes
pour exprimer mon bonheur ! Je vais revoir mes foyers , ce
vieux château , cet étang , ces murs , cette terrasse et ce jardin ,
théâtre de mes premiers jeux . Je vais revoir cette allée sombre
et réguliere que planterent mes bons ayeux ; ces gros chênes
dont les rameaux vastes et recourbés embrassent le ceintre
de mon antique demeure , et la garantissent des attaques du
Nord et des outrages du tems . Et toi fontaine , dont l'onde
argentée fertilise le sommet d'une montagne , j'irai donc encore
pendant les belles soirées d'été faire sur tes bords un
frugal repas assis sur les verds tapis qui convrent tes rives ,
entouré d'un air pur et tranquille , je repasserai dans ma mé- ,
moire les événemens de ma triste jeunesse , et je béniai le
ciel de m'avoir enfin conduit au port.
" C'était- là que le plus vertueux des peres , débarrassé des
Occupations du jour et des soins de l'étude , venait souvent avec
son heureuse famille se délasser de ses utiles travaux : c'était- là
que la voix du sentiment se faisait entendre à des coeurs sans
artifice , et que les douces leçons de la sagesse se mêlaient aux
amusemens de l'innocence .
" O souvenir attendrissant ! ô fontaine que je révere , et qui
est plus belle à mes yeux que les fleuves du Méandre et du
Pactole ! J'éleverai sur tes bords un monument où la tendresse
filiale ira tous les jours s'acquitter d'un tendre devoir. Plus
d'une fois mes pleurs se mêleront à tes eaux pures et vaga.
( 227 )
1
bondes ! Tribut faible , mais bien dû au souvenir du plus tendre
des peres ! .. Je vais revoir ces bois agrestes où l'on aime à
rêver ; ces enclos formés par la nature , et que n'ont point
défigurés les mains de l'art ; je vais commencer de jouir.
Transporté sur les ailes de l'imagination , j'ai vu bien des
climats j'ai vu ces lieux délicieux que l'Arne et le Tibre
arrosent ; j'ai vu ces endroits fortunés
que les Orientaux nomment
les jardins du monde , et qui sont pour eux ce que les
vallées de Thessalie étaient parmi les Grecs ; j'ai parcouru la
Natolie , les pays de Suse , d'Alep , de Chevilach et l'Arabi
heureuse , j'ai respiré dans le verger de Damas , dans le territoire
de Bavan et sur les bords de la riviere d'Abulla ; mais
an milieu de ces contrées fécondes , dont je me peignais tous
les charmes , où j'aimais à m'égarer , je ramenais toujours uu
il ds préférence sur mon toit rustique . Ces palais d'architecture
aërienne , ees forêts enchantées , ce concours de beautés
symmétriques et champêtres qui le disputent au merveilleux des
fables , et qui embellissent les avenues de la capitale , n'ont
servi qu'à me faire regretter l'habitation qui m'a vu naître .
Je vais la revoir enfin pour ne la plus quitter et m'y ensevelir
pour toujours déja mort à l'univers j'y attendrai dans une
douce melancolie un trépas plus doux encore ; je verrai des
coeurs droits , des freres et des soeurs que j'aime ; je coulerai doucement
avec eux mes tranquilles journées ; la réflexion ne
viendra plus comme autrefois me surprendre armée de poignards
. Si ma Julie , que je ne puis oublier , devient encore
l'objet de mes rêveries , je ne repousserai point son image , je
lui adresserai encore mon amour et mes soupirs ; mais ma douleur
sera plus paisible ; je n'éteindrai point le flambeau de la
raison qui m'offrira le secours de sa lumiere ; je m'armerai de
ce courage qui ne se laisse point abattre , et qui plane audessus
des revers . Sans murmure et sans trouble j'attendrai d'un
Dieu bienfaisant l'union de deux coeurs qu'il semble avoir desués
l'un pour l'autre .
Ombrages odoriferans, ouvrez vos fraiches enceintes à un
malheureux transfuge qui revient à vous , et qui veut vous
consacrer les débris de ses naufrages. Vous que je n'ai pas vu
depuis plus d'un lustre parens respectables ! qui m'avez
pardonné les folies de mon jeune âge , je vais donc puiser la
joie et la santé dans vos vifs embrassemens , je vais vivre avec
vous... Mes regrets vous ont enfin attendri ; vous aviez pesé
dans la balance de la raison , et la faiblesse humaine , et ma jeunesse
, et les motifs de plainte que vous aviez contre moi .
Vous avez dit Dans le riant printems de l'âge , dans la
saison des amours , qui peut résister aux secousses du désir ?
Le sang qui coule dans nos veines ne peut être souillé ;
c'est un jeune homme qui a été faible , et non pas méchant ;
son honneur est intact : il faut rendre la consolation à son ame
abattue , et vous m'avez envoyé la douce nouvelle d'un pardon ,
P 2
( 228 f
.
hélas ! acheté par bien des souffrances. Ce fut la sensibilitė
qui m'égara ; c'est un vautour inhérent à l'être auquel il
s'attache , qui se nourrit de sa substance et s'abreuve de ses
larmes ; c'est un levain qui fait croître et fermenter les passions ;
c'est de lui que viennent leur violence et leur énergie ; l'imagination
détermine leur pente . Heureux ! quand cette imagination
voltige loin des objets qui peuvent la corrompre. La
mienne m'entraîna loin de ces champs où des songes légers et
de riantes images berçaient mollement ma jeune existence ;
elle m'égara sur les pas du plaisir . Dupe de mon coeur ingénu ,
je donnai dans tous les pieges qu'on tendit à ma crédulité ;
entouré d'exemples perfides , je me laissai conduire d'erreurs
en erreurs ; j'outrageai la vertu qui m'était chere , et je sacrifai
au vice que je haïssais ; imitai le fils dénaturé , qui
déchire , en détournant la vue , le sein qui l'a nourri ; je
fis comme un homme qu'on exciterait à brûler sa maison , qui
le ferait par une sotte complaisance , qui ne pourrait s'empêcher
d'en gémir , et cependant donnerait lui-même des alimens à la
flamme. Voilà le coeur humain , théâtre inconcevable d'absur
dités , d'inconséquences et de contradictions ; abyme où vont se
perdre toutes les lumieres et toutes les spéculations de la
philosophie.
Adieu , plaisirs qui donnez des remords ! adieu , ville immense
, ville de séductions , où viennent échouer tous les
coeurs neufs et sensibles , où les saillies pétillantes du bel esprit
sont substituées aux flammes du sentiment , où les raffinemens
destructifs de la débauche tiennent la place du tendre amour ,
où l'on ne voit plus que des simulacres d'hommes chancelans
et courbés dès l'entrée de leur carriere , et à qui des ames sans
vigueur n'impriment plus qu'un mouvement machinal !
Adieu , berceau de tous mes malheurs , eité funeste , où le cri
de l'infortune ressemble à un vain son qui ébranle l'air et
s'évanouit sondain ; où le mécontentement au rire forcé , aux
levres décolorées , se montre sous la broderie de l'opulence ',
comme sur les simples vêtemens du pauvre , où la fraude et la
mauvaise foi prennent imprudemment le masque de la probité ,
où l'on se fait un jeu de la ruine de son semblable , et où le char
de la fortune ne roule que sur des débris ; où le chaos d'une multitude
confuse vient continuellement arrêter l'essor du génie , et
interrompre les veilles précieuses de l'homme contemplateur et
du sage qui donne des leçons à l'univers . Adieu , ville contagieuse
, je ne crains plus ton pouvoir magique ; ton enchantement
est détruit à mes yeux , tu ne me séduiras plus : adieu ,
je ne me croirai jamais trop loin de toi . ››
12297
La philosophie des Sans- culottes , on essai d'un livre élémentaire
pour servir à l'éducation des enfans ; présenté au comité d'ins
truction publique de la Convention nationale. Par Nicolas
Pettersson . In - 8 ° , broché , 1 liv . 5 sous . A Paris , chez Fuchs ,
libraire , quai des Augustins , no . 28 , l'an 3c . de la République
Française.
Nous ne pouvons mieux faire connaître l'esprit et le style
de ce petit ouvrage qu'en citant le morceau dans lequel l'au
teur recherche la cause des malheurs qui existent sur la terre.
La félicité des êtres créés est le but de la création . Chaque
mortel veut son bonheur . Cette inclination nous est innée ,
et elle est inséparable de la nature humaine. Malgré cela
presque par-tout les hommes sont malheureux , mais čela vient
de la fausse idée qu'on a du bonheur . Les uns le cherchent
dans un état d'inaction ; mais l'ennui inséparable de l'oisiveté
les poursuivra sans cesse ; les autres le veulent trouver
dans les débauches , mais la perte de leurs biens et les infirmités
du corps en seront la suite ; d'autres le suppose dans
un état au - dessus de leurs semblables , et pour y atteindre
ils sacrifient conscience , honneur et devoirs . L'intérêt personnel
est le seul motif de toutes leurs actions ; mais au lieu
de bonheur , ils trouvent de cuisans remords , crainte et mé
contentement. Jusqu'à nos jours , lois , religion et gouvernement
, tous ont été comme d'accord pour détruire la félicité des
hommes . Les lois étaient iniques et partiales , tendantes unique
ment à favoriser les riches et à opprimer les pauvres . La
religion dictait que le repentir suffit au plus grand criminel
pour expier les plus grands forfaits . Par quelques cérémonies
religieuses , comme la sainte cêne , la messe , quelques prieres ,
ils croyaient avoir tout-à - fait liquidé le passé , et après cela
ils recommençaient à vivre comme auparavant. Le gouver
nement enfin , s'occupait uniquement à augmenter les con
tributions et il y avait autant de tyrannies qu'il se trouvais
de charges dans l'état . L'occupation la plus nécessaire , celle
de cultiver la terre , était couverte d'ignominie. Un habitant
de la campagne croyait avoir mis son £ ls au sein du bonheur
quand il lui avait obtenn nue place de valet chez un seigneur ;
une belle fille croyait sa fortune faite en devenant maîtresse
d'un noble , qui , souvent après l'avoir déshonorée , la laissait
périr dans la misere ; les rois , les nobles , les prêtres prétendaient
avoir le droit de maltraiter tous les autres à leur
caprice ; les juges vendaient la justice au plus offrant ; les
riches se moquaient des lois et commettaient impunément les
plus grands crimes ; ils se vantaient même de leur vie scanda
Leuse. Le peuple ignorait ses droits , on s'il les connaissait ,
P &
( 230 )
il fallait souffrir et se taire ; car d'en parler était regardé
comme un crime capital . Voilà les sources des maux qui ont
inondé toute la terre ; et comment trouver le bonheur dans ce
désordre universel ? ,
ANNON CLS.
Formulaire pharmaceutique à l'usage des hôpitaux militaires
de la République Française ; brochure de 64 pages . Prix ,
25 sous , et 30 par la poste. A Paris , chez Deroy , libraire ,
rue du Cimetiere - André , nº . 15 , près celle Hautefeuille .
Principe de J. J. Rousseau sur l'éducation des enfans , ou
instruction sur leur éducation physique et morale depuis leur
naissance jusqu'à l'époque de leur entrée dans les écoles nationales
. Ouvrage indiqué pour le concours , suivant le décret
de la Convention nationale , da 9 pluviôse dernier. A Paris ,
chez Aubry , libraire , rue Baillet , no . 2 , près de celle de
la Monnaie . Prix , 1 liv . 5 sous pour Paris ; et 1 liv. 10 sous
( franc de port ) pour les départemens .
Vocabulaire de nouveaux privatifs français , imités des langues
latine , italienne , espagnole , portugaise , allemande et anglaise ;
suivi d'un catalogue raisonné des écrivains les plus célebres en
ces six langues , propre à servir d'institution pour une bibliotheque
choisic . Ouvrages essentiels aux orateurs et aux poëtes ;
par Pougens , auteur de la Religieuse de Nismes , des Essais sur
les révolutions du globe , etc. Un volume in- 89 . Prix , 3 liv. , et
3 liv . 15 sous pour les départemens . A Paris , de l'imprimerie
du Cercle- social , nº . 4 rue du Théâtre français ; et chez
Dessenne , libraire , nos , 1 et 2 , jardin de l'Egalité .
se-
Traité grammatical , ou maniere uniforme d'écrire et de prononcer
, à la portée des citoyens de tout âge , pour faire cesser les
patois et les mauvais accens , etc .; par le citoyen Renault ,
crétaire - commis au comité d'instruction publique . A Paris, chez
le citoyen Langlois , libraire , rue de Thionville ; Jacquot , rue
Percée , no. 8 ; et chez l'auteur , rue Cassette , F. G. , n° . 44.
MUSIQUE.
Le petit Nantais , romance ; paroles de L F. Jauffet , musique
et accompagnement de clavecin par Mehul , de l'institut national
de musique . A Paris , chez Cousineau , pere et fils , lutiers ,
rue de Thionville , nº . 1840. Prix , 1 liv . 5 sous . Cette romance
est composée de six stances , chacune de huit vers , dont les
images et les expressions sent infiniment touchantes et relatives
à des infortunes récentes , et trop réelles . Le nom du composi
teur de la musique dit assez avec quelle énergie il fait passer
jusqu'au fond de l'ame , l'amertume des plaintes et de la dous
leur dont il s'est rendu l'interprête fidele .
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
SUIVANT
ALLIMA ONE.
De Hambourg, le 10 Décembre 1794.
UIVANT des lettres de Stockholm , du 11 novembre , le jeune
roi qui vient d'entrer dans sa 15e . année commence à s'initier
au grand art de gouverner . Le duc de Sudermanie son
oncle , remplissant soigneusement les dernieres intentions de
Gustave , s'occupe également de lui former le coeur et l'esprit , et
de le préparer à pouvoir se passer de premier ministre , et à
être en état de surveiller le travail des différentes personnes
qu'il employera dans l'administration. Après avoir assisté successivement
aux séances de divers tribunaux , conseils ou départemens
, il se rendit le 5 de ce mois à la cour de justice
qu'il continuera de fréquenter pendant trois mois , ainsi que
les autres colléges de l'état .
Beaucoup de députations de divers endroits sont venues
remercier le régent d'avoir empêché la nation d'être entraînés
dans la guerre . Au sentiment du bonheur procuré par la
sagesse du gouvernement , se joint le juste et noble orgueil de
voir la Suede appellée à être la pacificatrice de l'Europe , comme
elle le fut au traité de Westphalie . Au reste , c'est un honneur
qu'elle partagerait aujourd'hui avee le Danemarck , égal
lement sollicité par les membres du corps germanique d'inter
poser sa médiation pour arriver à cette paix desirée par toute
l'Allemagne qui en a le plus grand besoin , parce qu'elle sent
qu'elle épuisera toutes ses forces si elle s'obtine à lutter encore
long-tems contre la République Française .
C'était un gouvernement ainsi affermi par la confiance des
peuples et le respect des étrangers que le coupable d'Armfeldt
avait follement entrepris de renverser , pour y substituer celui
qui convenait à son ambition particuliere et aux vués de la
perfide Catherine .
Nous croyons devoir donner ce plan envoyé par lui à
Stockholm à un de ses complices .
ré-
Je me suis occupé , pendant mon voyage , d'une révo
lution à effectuer en Suede , sans effusion de sang , sans ré
clamation quelconque ni aucun désordre : elle raffermirait an
contraire le pouvoir et l'autorité du gouvernement , et assurerait
au régent sa tranquillité ponr le moment présent , et
plus d'influences et de respect à la fin de sa régence . Ceoi
2012
1 232
棗
pent , au premier coup-d'oeil , paraître énigmatique ; mais
rien , au fond , n'est plus véritable.
,, Examinons d'abord la situation du régent dans l'état ac
tuel des affaires , et mettons de côté , pour un moment , l'intérêt
du roi et le bien général du royaume . Une fermentation ,
dont on ne peut expliquer la nature , parce que ses auteurs
quoique tous également turbulens et révolutionnaires , different
cependant beaucoup dans leurs principes et leurs intentions .
.
L'administration sans énergie , des chefs du gouvernement,
uniquement occupés de leurs propres intérêts , des haines personnelles
et des vues étroites , sans expérience comme sans
génie et sans principes , tout - à - la fois hardis et timides , impétueux
dans leurs projets , flottans et irrésolus dans l'exécution
; en un mot , des conseillers ineptes et incapables auprès
du régent . Quelle sera la conséquence de tous ces maux ,
si vous y ajoutez encore le voisinage de la Russie , et les
sujets de plainte que l'impératrice croit avoir contre le régent?
Pour pen qu'il réfléchissé sur toutes ces circonstances , peutil
se flatter de se maintenir encore trois ans dans le gouvernement
? Différentes conjonctures difficiles à prévoir peuvent
amener sa ruine , ou du moins l'exposer beaucoup ; et quand
même , par respect pour les volontés du roi défunt , il pourrait
être conservé dans le rang qu'il occupe maintenant , quel
rôle jouera- t- il à la majorité du roi ? Détesté par toutes les
personnes de mérite , et ne jonissant plus dans la nation
d'aucune influence ni d'aucun respect , il s'efforcerait de faire
un parti ; il n'emploierait que dans cette vue les restes de
son autorité ; et si le roi n'y était pas sacrifié , la guerre qui
s'ensuivráit ne serait pas du moins aussi avantageuse pour
lui qu'elle serait fatale au roi et au bien général .
" Pour mettre men plan à exécution sans aucune violence ,
par une révolutiou inévitable , mais en même - tems paisible et
heureuse , je voudrais que l'impératrice requérât da duc ,
d'une maniere amicale , mais ferme et impérieuse :
99 1 °. Que le roi , en considération de sa capacité et des
heureuses dispositions de son esprit , assistât à tous les conseils
, sans néanmoins exercer aucune autorité , jusqu'à ce
qu'il ait atteint l'âge de 18 ans ;
2 ° . Que les personnes suivantes soient placées dans le
conseil : le sénéchal du royaume , le comte de Gyldenstolpe ,
gouverneur du roi ; le ministre en chef des affaires étrangeres
, les chanceliers et secrétaires d'état , le baron d'Armfeldt
, le général Toll , le président de la trésorerie ;
" 3°. Que sous 24 heures , le duc nommé le baron de
Taube à la place de président de la chancellerie , sur le même
pied que cette place fut possédée par Ulric Sheffer , ensorte
qu'il puisse à l'avenir disposer à son gré de ses secrétaires ,
Elercs , etc.
Que le baron Frédéric Sparre se retiràs aves mne pension .
( 253 )
Les grands offices ne sont point nécessaires dans de petits
états . Il était grand chancelier .
Je dois être rétabli dans ma place de gouverneur des
Stockholm , avec tous les priviléges qui y étaient attachés de
tems de Charles Sparre , excepté ce qui a rapport au palais
de Stockholm .
99 Les gouverneurs Lagerbring et Nordin , seront secrétaires
d'état ; le premier dans son ancien département ; le second ,
dans celui de Rosenblad . Cronstedt reprendra aussi sa place
de secrétaire d'ètat pour la marine.
" Berès ou Zibec seront chanceliers de la cour. Cet office
sera donné au dernier , si , comme je l'imagine , il n'aime
mieux une ambassade pour les pays étrangers .
,, Toll sera fait président du bureau de la guerre , avec les
pouvoirs les plus étendus pour la composition et la conduite
de l'armée .
" Hakanson sera fait président de la trésorerie .
" Le chancelier de justice doit se retirer et être remplacé
par un homme ferme , équitable , et non pas par un homme
détesté.
" Axul Fersen sera adjudant-général , et commandant dans
Stockholm .
" F. T. Aminoff aura la place de Lilleborg , on créera pour
lui , suivant les intentions du roi défunt , celle de commandant
en chef des garde - du - corps , et l'on réformera celles de
capitaines -lieutenans , qui ne sont que des emplois de cour.
Ce corps qui ne sert à rien aujourd'hui , deviendra par cemoyen
bon et utile .
Par rapport aux autres emplois à changer , ou personnes
à renvoyer , il faudra y apporter beaucoup de prudence et
de ménagemens , sans laisser éclater aucun mécontentement
ni aucune inimitié . Trois mois après que chacun sera établi
dans son poste , le calme sera rendu à la Suede , et le jacobinisme
exterminé .
,, Pour rendre efficace cette négociation avec le duc-régent,
une petite flotte russe sera nécessaire dans le voisinage de
Stockholm , jusqu'à ce que tout soit définitivement arrangé
comme il convient.
( La suite au numéro prochain . )
Des lettres des bords de la Vistule du 20 novembre , disent :
On apprend que Kosciuszko et les autres officiers Polonais
prisonniers sont arrivés à Kiow. L'ex- généralissime doit attendre
dans ce lieu ce qui sera décidé sur son sort.
Il paraît que le roi de Prusse , tranquille sur ses possessions
polonaises , quoiqu'un peu honteux de ce que les Russes ont
tout fait , me songe plus qu'à aider la coalition de tous ses
moyens. L'un des plus importans consiste dans les subsistances ,
et voici ce que portent des lettres de Dantzick du 15 novembre :
Il vient d'arriver de nouveaux ordres pour réitérer la défense
( 234 )
de l'exportation des grains . Les réprésentations des négocians
ont été sans effet ; on doit même s'occuper de visiter les ma
gasins et les greniers , pour prendre une connaissance exacte
des quantités qui se trouvent ici. On croit que le gouverne-'
ment prussien a l'intention d'offrir des grains aux puissances
coalisées ; et que les mesures qui viennent d'être annoncées
n'ont été prises que dans ce dessein.
De Francfort-sur- le- Mein , le 15 décembre.
Le roi de Prusse , débarrassé des affaires de Pologne , parait
vouloir recommencer à jouer un rôle important dans la coalition
, au succès de laquelle il est pourtant certain qu'il n'a
point d'intérêt bien réel . Peut - être même ne serait-il pas difficile
de prouver qu'il doit desirer au contraire un tel affaiblissement
de la maison d'Autriche qu'elle ne lui inspire plus aucune
crainte , et qu'il puisse s'aggrandir un jour à ses dépens .
Quoi qu'il en soit , les feuilles publiques de Berlin viennent
d'annoncer officiellement que les bruits d'une négociation séparée
, qu'on disait se traiter à Neufchâtel entre la Prusse et
la France , étaient absolument faux et mal fondés .
On ne comprend pas trop ce qui peut avoir si fort réveillê
Pactivité du cabinet prussien ; car enfin , il n'est plus question
de subsides . L'Angleterre seule pourrait en fournir , et l'on
sait qu'elle est dégoûtée de dépenser des sommes considérables
sans qu'il en résulte rien d'avantageux pour elle ; qu'en conséquence
, elle ne livrera désormais son argent qu'à celles des
puissances qui lui fourniront des hommes , dont elle voudra
disposer à son gré , puisqu'elle les aura achetés . Il n'y a pas
plus de subsides à attendre de la part de l'Autriche , qui en
est elle même aux expédiens . On ne sait donc comment expliquer
cette nouvelle ferveur , ce nouveau zele pour les affaires
de la coalition . Frédéric- Guillaume veut-il faire des dupes , où
l'est-il lui- même ? C'est une question assez difficile à résoudre.
Quelques politiques prétendent que la Russie lui a promis la
cession de certaines parties du territoire polonais pour prix
de ses nouveaux efforts . Mais en ce cas- là , qu'aurait- on donc
promis à Catherine , et sur quoi se dédommagerait - elle ? car
enfin , ce dévouement gratuit n'est pas dans son caractere . Le
tems seul pourra débrouiller cette énigme .
Quant au cabinet de Vienne , il s'occupe toujours avec beau
coup d'activité des préparatifs pour la campagne prochaine , et
il est obligé d'y mettre d'autant plus de cette activité qu'il a
moins de moyens ; car il faut avouer que les campagnes précédentes
ont presqu'épuisé ceux , si non du corps germanique ,
du moins de l'empereur. Il est aussi très- embarrassé dans
le choix de ses généraux ; les ans refusent de continuer , les autres
'acceptent pas , soit par déconragement , soit à raison de leur
mauvaise santé : par exemple , il est certain que Clairfait se
%
235. )
retire , mais il ne l'est plus qu'il soit remplacé par le prince
de Kinski , comme le bruit en avait couru , et l'on ne sait plus
trop aujourd'hui sur qui roulera cette importante mission . En
attendant que cela soit décidé , la grande armée impériale,
prendra ses quartiers d'hiver dans le voisinage de Wetzlaer
Montabans et Nassau- Dietz . Il ne restera sur les bords du Rhin
que des postes avancés qni seront répartis de la maniere sui
vante : l'aile droite s'étendra d'Emméric à Mulheim ; le centre,
depuis Sie burg par Aukirch , Hakenburg , Montabans et
Nassaux jusqu'à Wetzlaer ; et l'aile gauche , depuis Wetzlaer
jusqu'à Mayence.
Les habitans des bords du Rhia commencent à reconnaître
l'erreur dans laquelle on les avait induits sur le compte des
Français . Des bourgeois de Trêves et de Coblentz , des fabri
cans d'Elberfeld et de Juliers reviennent en grand nombre dans
leurs foyers par- tout on se loue de la conduite et de la dis
cipline qu'observent les vainqueurs , qui n'exigent que ce que
l'entretien des armées les force à mettre en requisition par
exemple , on remarque qu'ils emploient tous les tailleurs et les
cordonniers des contrées conquises .
Suivant des lettres de Manheim du 12 décembre , les Fran
çais avancent leurs différentes redoutes et ouvrages , et les
unissent par des lignes de communication ; ils ont déja percé
depuis quelques jours , dans celle qui fait face à la Muhlau ,
quatre embrâsures destinées vraisemblablement pour des obusiers
, et qu'ils ont entouré de palissades .
D'autres avis de Meurs , datés du 15 , annoncent que la moitié
de l'armée française de Sambre et Meuse reste sur les bords
du Rhin , tandis que l'autre ira sur les derrieres pour y prendre
ses quartiers d'hiver. Il y avait encore de tems en tems des
fusillades entre les avant-postes des rives opposées ; commeelles
sont inutiles , et ne peuvent rien décider sur le sort de la
guerre , on s'est accordé de part et d'autre à les défendre.
L'armée de Condé ne prend point de quartiers d'hiver ; elle
se rapproche au contraire de celle da duc de Saxe- Teschen , et
son chef qui a quitté Etlingen a aujourd'hui son quartier- général
à Bruchsal .
Un cordon de troupes impériales établi tout le long de la
Suabe , vis - à - vis des cantons suisses , va empêcher le commerce
interlope des grains et autres subsistances qui passaient d'Allemagne
par la Suisse dans le territoire de la République Française .
Les colléges ont délibéré le 5 , à la diéte de Ratisbonne , sur
la question de savoir , si et comment l'empereur d'Allemagne peut
entrer en négociation de paix avec la France. La grande majorité
des suffrages tend à prier l'empereur de négocier le plutôt
possible , avec l'assistance de ses alliés , une suspension d'armes
avec la France , si la France veut y consentir. C'est aujourd'hui
12 , qu'on doit continuer de recueillir les suffrages des troia
1
1 236 1
Colléges ; dans celui des électeurs , ceux de Bohême et Hanovre
n'ont pas encore voté ; dans celui des princes , il y a eu 56
votes , et celui des villes impériales n'a émis jusqu'ici aucune
opinion.
L'irruption des Français jusques sur les bords du Rhin ne peut
que causer des pertes immenses au commerce des Hollandais .
C'est de la Hollande que l'Allemagne tirait presque tous les
articles étrangers de sa consommation ; ils y arrivaient par le
Rhin et par les autres branches de ce fleave . Ce commerce est
entierement interrompu , ainsi que celui des rives du Rhin pour,
les autres parties de l'Europe . Les draps , la clincaillerie , les
verres d'Angleterre faisaient aussi partie du commerce de la Hollande
avec l'Allemagne. )
Beccaria , l'illustre auteur du traité des délits et des peines , est
mort , le 30 novembre , à Milan. On se rappelle que c'est cet
Quvrage qui commença à apprendre à l'Europe à rougir de la
barbaric de ses lois criminelles .
Quelqu'avancée que soit la campagne il parait que les Fran
çais ne la finiront qu'après avoir tenté la conquête de la Hollaude.
On est parvenn à savoir ici , malgré la difficulté des
communications , qu'il marche sur les frontieres de la Hollande
une armée de plus de 100,000 hommes , avee une artillerie
effroyable. Il se fait aussi des préparatifs qui annoncent que
les Français voudraient profiter du tems des glaces pour tenter
de main. Ils préparent entr'autres une énorme quan
tité de planches , de poutres , de fascines , etc.
un coup
Une lettre particuliere de la Haye , porte qu'on attend incessamment
dans cette ville le greffier Fagel , de retour de sa
mission à Londres . On croit qu'elle a été infructueuse .
Divers mouvemens des troupes allemandes semblent indiquer
qu'elles se préparent à tenter une entreprise importante , et que
l'on aurend pour cela le moment où le corps d'armée de
Hohenlohe sera rendu à sa destination . Les couriers sont trèsfréquens
entre les généraux en chef.
D'après la position des armées françaises il semble , malgré
T'attaque faite le 1er . de ce mois contre Zahbalch devant
Mayence , qu'elles n'ont pas pour le moment le projet d'une
tentative très - sérieuse sur le Haut- Rhin . Une partie de l'armée
de la Moselle s'est établie aux envirous de Luxembourg .
Depuis la prise de Maestricht , le général Jourdan porto dans
le duché de Cleves la plus grande partie de l'armée de Sambre
et Meuse . Les Français semblent done devoir agir avec des
forces considérables sur le Waal . On dit que déja l'armée du
Nord se porte sur l'isle de Bommel , tandis que l'armée de
Sambre et Meuse tentera de passer le Waal à Nimegue et près
Zu fort de Schenk.
( 237 )
PROVINCES · UNIES,
Des lettres de la Haye des premiers jours de décembre s'ex
priment ainsi :
" Ces jours derniers , la ville de Delft a été en agitation . Les
troubles qui s'y sont élevés ont eu pour cause l'arrivée de l'hôpital
anglais qui y était conduit sar 16 bâtimens de transport ,
sans en avoir au préalable demandé la permission au gouvernement
hollandais.
Les bourgeois de Delft fermerent leurs portes , et refuserent
absolument de recevoir l'hôpital , où l'on affirmait qu'il régnait
des maladies épidémiques.
Pour Y rétablir la tranquillité il a fallu y envoyer d'ici un
détachement des gardes à cheval , et lord Saint-Hélens , ministre
d'Angleterre , a fait de son côté tout ce qui a dépendu de lui .
L'on est convena que l'hôpital serait établi hors des murs
de Delft , et qu'on évacuerait la maison appellée des pestiférés .
Hier , nous reçumes la nouvelle que Grave s'est rendue aux
Français le 24. La capitulation ne pouvait en être plus favorable
, puisque la garnison a eu la liberté d'en emporter armes ,
bagages et munitions , et qu'elle peut servir par-tout où l'on
jugera à propos de l'employer.
Voilà donc los Français maîtres de la Meuse , depuis sa
source jusqu'au fort Saint- André , situé dans l'angle de la
confluence du Waal et de la Meuse . Ce fort Saint -André a
encore repoussé tout récemment une nouvelle attaque des
Français c'est la canonnade que nous entendimes dimanche
dernier ; la garnison est intrépide , et se défend au - delà de
tonte attente .
L'ennemi a discontinué son bombardement , mais il se rassemble
en force près de Blauw-Sluys qui est à l'opposite du
Bommelwaert il fait des préparatifs qui ne peuvent avoir
d'autre objet que celui de passer le Waal ou la Mease . Tous
les charpentiers de Bois- le-Duc en ont été mis eu requisition ,
et sont occupés à la construction de bateaux et de radeaux .
ANGLETERRE. De Londres ' , le 27 Novembre.
Les ministres ont reçu des dépêches de plusieurs des ambassadeurs
britanniques près des cabinets étrangers . Il en est
arrivé successivement de Pétersbourg , de Constantinople et
de Madrid..
Les conseils sont toujours très - fréquens . Il s'en tient à l'office
du lord Grenville , à l'amirauté , à l'office de l'artillerie : Dans un
de ces derniers , le duc de Richemond s'est occupé des moyens
de fournir les chevaux nécessaires à l'armée du duc d'Yorck ,
en Hollande .
Il semble qu'il n'y ait pas de doute que lord Spencer et
Thomas Grenville n'ayant point réussi dans leur négociation
auprès de l'empereur , et qu'il ne soit plus question de payer
( $38 )
de subsides au roi de Prusse . Un papier très -ministériel déclaro
qu'il paraît que les secours que l'Angleterre peut tirer des
puissances étrangeres , tirent à leur fin. Il ajoute qu'elle n'en
doit pas moins continuer la guerre avec vigueur , es que
s'il
existe de l'union dans l'intérieur , ses succès sont certains .
Les papiers de l'opposition se reunissent pour dire que les
Anglais sont détestés en Hollande . La conduite de leurs troupes
dans cette contrée les a rendus la terreur des paysans et des
bourgeois . Ceux - ci perdent plus par le pillage et le vol , qu'ils
ne perdraient par toutes les contributions que les Français
pourraient imposer dans le pays , s'ils venaient à le conquérir .
Les états de Gueldre ont fait les plus fortes représentations au
Stadhouder , qui a dû les communiquer aux ministres britanniques
. Enfin , on peint les habitans comme prêts par-tout
à se soulever contre des hommes qu'on avait envoyés pour
leur défense . Un grand nombre de ceux d'Amsterdam sur- tout
semblent exaspérés : Un papier de la trésorerie dit lui - même
qu'il n'est pas possible de savoir si l'Angleterre doit dans
le moment actuel regarder les Hollandais comme amis ou
ennemis .
La nouvelle prorogation du parlement , annoncée si tard et
venue dans un moment où le gouvernement exécutif a le plus
grand besoin des secours de ce grand conseil de la nation ,
surprend beaucoup . On n'est pas encore parvenu à connaître
la cause de cette mesure inattendue . Quelques personnes
prétendent seulement savoir que Pitt était d'avis que le parlement
s'ouvrit comme il avait été précédemment arrêté . Mais
les nouveaux alliés qu'il a appellés dans le cabinet , se sont
réunis à ceux qui ont pris le titre d'amis du roi , et l'ont emporté
d'une voix contre son opinion . Les partisans du chancelier
de l'échiquier conviennent eux-mêmes de cette cir
constance.
Il est arrivé , le 23 , des dépêches du duc d'Yorck . Elles
sont du 17 , et annoncent qu'il n'est rien arrivé d'important
à l'armée depuis les dernieres .
Le gouvernement en a également reçu de Lisbonne et de
Corse.
Plusieurs officiers d'artillerie reçurent , le 21 , ordre du duc
de Richmont de s'embarquer pour rejoindre l'armée du duc
d'Yorck.
Le 23 , il s'est tenu un conseil à l'office du secrétaire d'état
Dundas , où se sont trouvés le lord Spencer , M. Dundas , le
secrétaire Windham et lerd Malgrave . Ce dernier doit commander
une armée de 15,000 hommes , tant infanterie que
cavalerie , dont la destination n'est pas encore connue . Le
conseil a duré quatre heures . Le résultat en a été immédiatement
envoyé an roi à Windsor.
La flotte du lord Howe a été vue le 17 , à lat. 48 , 24 ,
à près de 55 lieues du couchant de Scilly .
( 239 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSI INCE DI BENTA BOLLE.
Béance de duodi , 2 Nivôse.
Il y a eu la veille une séance le soir destinée au renou
vellement du bureau . Bentabolle a été élu président ; Dauneu ,
Chappe et Boucher Saint- Sauveur , secrétaires .
Nous ne parlerons plus des nombreuses adresses de félicitation
que reçoit journellement la Convention sur la journée
du 9 thermidor et la clôture des jacobins , parce que personne
ne doute que ces grandes mesures n'aient été sanctionnées
par le peuple.
quan
Poultier ( du Nord ) présente des observations sur les moyens
de rendre navigable le canal souterrain qui existe entre St.
Quentin et Cambray . Renvoyé au comité des travaux publics.
Lefiot оссире la Convention des communes dévastées par
les loups . Il demande qu'on leur délivre une certaine
ité de poudre pour leur donner la chasse . André Dumont y
trouve des inconvéniens qu'il fait sentir . Erhmann observe
qu'on trouve dans les mémoires de l'académie des sciences
des moyens de détruire les loups sans employer la poudre,
Il demande que le comité d'agriculture soit chargé de faire
connaître ces moyens aux municipalités affligées de ce fléau ,
Décrété.
Trehouard et Saure , représentans du peuple près les armées
des côtes de Brest et de Cherbourg , écrivent de Rennes le 27
frimaire que Lanjuinais s'est jetté dans leurs bras et leur a
demandé un sauf- conduit pour se rendre auprès de la Convention
nationale . Ils n'ont pas cru pouvoir le lui refuser.
Envoyé par elle pour propager les principes de justice qui
la dirigent , ils devaient en faire l'application à un collegue ,
qu'elle a déja soustrait au décret de circonstance qui l'avait
frappé et sur lequel il doit lui être fait un rapport. Cette
lettre est renvoyée aux comités réunis .
Jobannot , au nom des comités de salut public , de sûreté
générale , de législation , des finances et de commerce réunis ,
fait un rapport sur les finances et le commerce , qu'il croit
devoir précéder celui sur la loi du maximum . La situation
de nos finances n'a rien d'alarmant , et il nous reste une foule
de moyens de consolider la fortune nationale . L'équité , la
loyauté et l'économie en doivent être les bases . Ce n'est pas
en retirant brusquement de la circulation , une grande quan-
1
}
( 240 )
L
tité d'assignats qu'on y parviendrait. Cette mesure mal com
binée ne serait qu'un palliatif à des plaies profondes . Il ne
faut rien hasarder qui puisse altérer la confiance due au papier
monnoye. L'hipotheque des assignats excede quinze milliards .
La preuve en est évidente , lorsqu'oon sait que les revenus d'une
année des biens nationaux qui ne sont pas vendus , montent
à trois cent mllions qui , calculés au denier 40 , présentent une
valeur réelle de douze milliards ; il faut y ajouter les biens des
émigrés et des condamnes . Jamais la confiance due à une telle
garantie n'aurait pu l'altérer sans cet affreux systême de prohibitions,
de requisitious , de maximum et autres entraves de tout genre
qui ont si long-tems paralysé tous les ressoris de la prospérité
publique.
Le gage des assignats deviendra encore plus certain par l'ordre
et l'économie dans les finances , non cette parcimonie qui
avilirait une grande nation et donnerait le secret de sa faiblessé ;
mais cette administration attentive et sage qui atteint tous les détails
. Le regue des dilapidations est passé . Les comités s'occupent
de faire rentrer dans une année quatre milliards d'assignats ,
par des moyens purement volontaires. Le crédit public dépend
douc de la réforme des abus , de la repression du brigandage
, de la liberté de toutes les industries . Il repose encore
sur la paix intérieure de la République et l'esprit de concorde
et de fraternité qui doit animer les représentans du peuple.
1
C'est après avoir développé ces principes que Johannot a
proposé dix -sept articles , dont la discussion a été ajournée à
trois jours. Multiplier les encouragemens , décréter la suppression
des droits d'entrée , permettre la libre importation et
exportation des denrées et marchandises , faire des échanges ,
exploiter les mines , encourager les manufactures , laisser sortir
le numéraire , à condition qu'il nous procurera des denrées de
premiere nécessité , et sauf à prévenir les abus qui pourraieut
avoir lieu , déclarer créanciers de l'état les créanciers des émigrés
, lever le sequestre des biens des sujets des puissances avee
lesquelles nous sommes en guerre , suspendre l'acte de navigation
, et décréter que les traités avec les Etats - Unis et les
puissances neutres seront exécutés tels qu'ils existent . Telles
sont les principales dispositions du projet de décret .
Giraud ( de la Charente ) , au nom du comité de commerce
a pris ensuite la parole , et fait son rapport sur la loi du maximum.
Il a commencé par rappeller les circonstances dans lesquelles
cette lei avait été rendue . Née au milieu du tumulte des
factions , proposée par des séditieux , et extorquée par eux ,
il était impossible , dit- il , qu'elle ne ne produisit pas des
effets funestes . Aussi a - t- elle transformé le cultivateur en contrebandier
, et désorganisé l'économie politique dans toutes ses
parties. Etant impunément traasgressée , elle est devenue également
désastreuse , soit qu'on l'exécute ou qu'on en tolere
les infractions . Giraud en propose donc la suppression ; mais
il
( 241 )
joint au projet de décret plusieurs articles tendans à parer
aux circonstances que nécessite cette suppression , soit pour
les armées , soit pour Paris .
La Convention décrete que ce projet lui sera distribué demain
matin , et qu'elle ouvrira la discussion .
Séance de tridi , 3 Nivôsé.
Pepin , au nom dn comité de législation , expose que par
la loi du 8 messidor , tout citoyen est tenu de faire à sa
municipalité la déclaration détaillée du produit de ses récoltes ,
et que celui qui aura fait une déclaration évidemment fausse ,
sera puni par la confiscation de ce qu'il n'aura pas déclaré ;
mais cette loi n'inflige aucune peine à celui qui n'aura fait
aucune déclaration . Il est cependant constant que dans ce cas
la loi n'est pas moins enfreinte que dans celui d'une fausse
déclaration , et cette infraction ne doit pas rester impunie . Le
comité de legislation a reçu à ce sujet divers référés des juges
de paix chargés de juger ces contraventions ; mais il ne lui
appartient pas plus qu'à eux de donner une explication à la
loi quelque naturelle qu'elle soit.Le rapporteur en conséquence
propose de décréter qu'en expliquant la loi du 8 messidor ,
celui qui n'aura fait aucune déclaration sera soumis à la même
peine que celui qui en aura fait une fausse . Ce projet de décret
est adopté.
Un secrétaire lit une lettre de Pache , ci - devant maire de
Paris , qui demande à être envoyé au tribunal revolutionnaire
comme le prix des ses travaux , et sur-tout pour le salut da
peuple qui distinguera dans des débats lumineux ceux qui
le servent , de ceux qui le trahissent. André Dumont est d'avis
qu'on rende à cet houme , qui a si long - tems abusé le peuple ,
la justice qu'il reclame , et il fait décréter le renvoi de sa lettre
aux comités de gouvernement .
La discussion s'ouvre sur la loi du maximum.
Lecointre de Versailles ) applaudit au projet de décret ,
mais il voudrait conserver un maximum sui les grains et les
avoines , sauf à en augmenter le prix pour ne pas leser le
cultivateur .
Un membre retrace les maux qu'a causés le maximum , et
qu'il attribue sur-tout à la mauvaise administration de Pache.
Il est de l'avis de Lecointre . Le sort des petits rentiers , que
le renchérissement des grains réduirait à un état fâcheux de
pénurie , le touche principalement . La crainte des accaparemens
motive aussi son opinion .
Bonrdon ( de l'Oise ) ne veut point d'exception . Il remarque
, que depuis cette loi , les cultivateurs ne retirent pas
les frais de culture et de semence . Il craint que la semence
de mars ne soit point faite,
Pelet dit que c'est parce que la loi du maximum a été décretée
avec une précipitation malheureuse , qu'il faut la rapporter
Tome XIII. Q
(( 242
t
L
avec une prudente circonspection . Il desire aussi que l'on
r prime la cupidité des accapareurs .
Le rapporteur présente une simple observation sur la pro
position de conserver le maximum pour les grains , et de
l'abolir pour le reste. Il dit que les agriculteurs seront done
obliges de donner leur blé à 18 liv , quand ils verront payer
50 liv . celui qui viendra du dehors , et que l'on doit songer
"qu'un domestique qui leur coûtait cent liv. , leur en conte
sept cent , qu'ils paient dix liv, le journalier qui leur coûtait
ciuquante sous . Il exprime ses craintes que l'agriculture ne
soit abandonnée , les domaines nationaux moins vendus , et le
gage des assignats affaibli. る
Cochon : Il s'agit moins de savoir si on conservera le
maximum que si on le recréera , car il n'existe nulle part.
Nous marchons entre deux écueils , ne rien avoir ou payer
cher. Le second vaut encore mieux que le premier de deux
maux , il faut choisir le moindre . Le fermier garde aujourd'hui
son blé qui est tfiaximé , et il le fait manger à ses cochons
et à ses volailles qu'il vand ensuite ce qu'il veut.
Bréard : Qu'est- ce qui a tue le commerce , anéanti l'agriculture
? le maximum. Qui est- ce qui eût approvisionnné la
France de denrées de premiere nécessité quand on était obligé
de les donner pour moins qu'elles ne coûtaient ? quand on
les enlevait aux agriculteurs à force armée ? quand il suffisait
'd'avoir cent mille francs de biens pour être regardé comme
un mauvais citoyen ? ceux qui avaient établi ce systême affreux
et dévastateur savaient bien pourtant que la fortune publique
ne se compose que de fortunes particulieres . Tel qui n'avait
jamais rien fait pour la patrie que de porter un bonnet rouge
et des moustaches , était devenu impunément l'arbitre de la
• fortune et de la vie des citoyens utiles . Trop long-tems la
Convention a été opprimée , elle se relevera dans toute sa
majesté et consacrera les vrais principes . La libre circulation
des grains est aussi nécessaire que celle de toutes les denrées .
Si vous détruisez le maximum , on payera tout cher , il est
vrai ; mais si vous le maintenez , on manquera de tout. Le passage
pourra être difficile , mais le génie de la liberté plane sur la
France ; rien n'est impossible aux Français quand il s'agit de la
patrie ; méprisons les vils entrepreneurs d'émeute , ils périront ;
à cette épreuve , leur tentatives échoueront , elles se briseront
contre votre sagesse et celle du peuple ; il ne leur restera que
la honte et à vous la gloire d'avoir fait une loi utile au peuple.
Réal demande que l'Assemblée fasse une instruction au
peuple , qui ne demande qu'â être éclairé sur la justice et la sagesse
de la loi qu'elle va porter..
et
Quelques membres parlent encore dans le inême sens ,
l'Assemblée décrete le premier article du projet conçu en ces
termes :
Toutes les lois portant fixation du maximum sur le prix des
143 1
denrées et marchandises , cesseront d'avoir leur effet à compter
de la publication de la présente loi .
Séance de quartidi , 4 Nivôse .
Baraillon propose de décréter que les notaires publics qui
à aison de la loi du 24 vendénaire , avaient opté pour des
fonctions administratives ou judiciaires ou autres , et qui ont
été ensuite dépossédés par celle du 17 frimaire , ou par toute
autre cause , pourvu que ce ne soit pas pour fait d'incivisme ,
d'immoralité , d'improbité ou de malversation , pourront reprendre
les fonctions de notaire qu'ils exerçaient avant leur
option.
Renvoyé au comité de législation pour en faire san rapport
dans deux jours .
Noel Pointe obtient la parole pour une motion - d'ordre ; ił
commence par annoncer qu'il n'a appartenu à aucune des
factions déja terrassées , et qu'il a des vérites dues à dire à
celles qui subsistent encore . Il présente ensuite le tableau des
circonstances actuelles . Selon lui , l'aristocratie ne montra jamais
tant d'audace , et le fanatisme tant de superstition . La terreur
n'a fait que changer de main , le modérantisme lui-même est
sur le point de tout dévorer . Tous les vieux patriotes de
1789 sont persécutés , vexés , incarcérés . On veut les perdre
en leur faisant partager des crimes auxquels ils n'ont pas participé
. Des patriotes de fraîche date , avec les mots de justice
et d'humanité , venlent anéantir les fils aînés de la révolution .
Il voit les riches marchands s'eriger en patriotes , et les 73
s'aprêter à cxeicer des représailles désastreuses ; et s'adressant
à la Convention : Votre sécurité , lui dit- il , est dange ense ; il
faut sauver la patrie ou s'ensevelir avec elle . Il conclut en,
demandant que la loi du 17 septembre concernant les gens
suspects soit exécutée dans toute sa force .
Quelques membres demandent l'impression du discours de
Noel , et provoquent des murmures . Beaucoup demandent
l'ordre du jour.
Baraillon et Legendre ont vivement combatta la proposition
de décréter l'impression du discours de Nocl . ils ont rendu
hommage à la pureté de ses intentions , mais ils ont pensé
qu'il venait d'être l'écho , sans le savoir , de quelques amis de
Robespierre qui lui ont survécu . Trois membres de l'ancien
comité de salut public ont été particulierement désignés . Une
grande agitation s'est manifestée dans l'Assemblée . Coilet
d'Herbois et Gastón demandent la parole ; l'Assemblée impatiente
d'achever son travail sur la loi du maximum , et ne voyant,
dans ces debats que des querelles particulieres , la leur refuse ,
et elle prouve qu'elle est étrangere à toute les factions en passant
, à une très - graade majo ito , à d'ordre du jour sur la proposition
de l'impression du discours de Noel Pointe..
1244 T
On reprend la discussion sur la loi du maximum , et les articles
suivans sont décrétés . { Voyez à la fin des séances . )
Richard , au nom du comité de salut publie , soumet un
projet de décret sur la commission de santé , en trois articles
el conçu en ces termes :
19. La commission de sauté portera à l'avenir le nom de
couscil central de santé , et sera sous la direction de la commission
des secoмrs .
2º. Ce conseil se renfer
ermeia dans les bornes qui lui sont
prescrites par la loi du 3 ventese deraier. Il sera composé
de quinze membres ; savoir , cinq médecins , cinq chirurgiens
et cinq pharmaciens ; il aura en outre deux secrétaires .
La Convention ordonne l'impression et l'ajournement.
Séance de quintidi , 5 Nivôse .
Ro Le représentant du peuple près les ports de la Rochelle ,
chefort , Bordeaux , Bayoune et autres , écrit de Rochefort et
rend compte de l'état de l'esprit public dans ces villes . Il y
est régénéré et très - satisfaisant. C'est aujourd'hui le peuple en
masse qui par un mouvement spontané bénit la Convention et
applandit à ses travaux , et reverse sur ses commissaires les
effets de la satisfaction qu'il éprouve . Le représentant fait part
de quelques traits qui caractérisçut bien le regne de sang qui
vient heureusement de fair. On contraignait à Rochefort les
jeunes eitoyennes à venir s'abreuver de sang sur les échafands ,
et si les moeurs pures de quelques -unes semblaient s'effrayer
de ce tableau déchirant , on les menaça de les mettre en
arrestation . Des femmes connues par leurs débauches étaient
chargées d'épurer les meres de famille et les filles vertueuses .
Le bourreau descendait de l'échafaud pour aller , tout couvert
de sang , présider la société populaire .
Perrin réitere la motion de supprimer l'agence des lois .
comme dispendieuse et destructive des postes . On lui observe
que la commission des transports s'occupe constamment de ce
travail , et le présentera bientôt à la Convention .
Martia , au nom du comité des finances , propose un mode
pour la restitution du prix des marchandises destinées pour
Lyon , qui doivent être rendues à leurs propriétaires conformément
à la loi du 16 vendemiaire , dans le cas où elles
auraient été vendues par les corps administratifs . Ce projet
est adopté et conçu en ces termes :
Art . 1er . Le prix des marchandises vendues sera remis aux
propriétaires qui y ont droit , conformément à la loi citée ,
en justifiant du titre de propriété par les citoyens qui en ont.
fait l'acquisition , s'il est encore dans leurs mains .
,, II. S'il a été versé dans la caisse du receveur de district ,
la restitution en sera faite en vertu des ordonnances expédies.
par la commission des revenus nationaux , sur la trésorerie
nationale,
( 245 )
III . Si le prix a été payé entre les mains du receveur
de l'agence de l'enregistrement et domaines nationaux , la
remise en sera faite par les receveurs , dans la forme usitée
pour les restitutions qui se font directement par cette
agence.
IV. Dans tous les cas , le montant des frais de vente
sera retenu , et restera à la charge du propriétaire .
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public , expose
la nécessité d'encourager le commerce de l'horlogerie et les
atteliers de forges et d'usiues qui alimentent les fonderies de
canons et des manufactures d'armes . Il propose d'envoyer à
Besançon le représentant du peuple Calès , pour en favoriser
les progres et les délivrer de toutes leurs entraves . Son projet
est adopté.
à l'Assemblée
La barre s'ouvre aux pétitionnaires . Les sections des amis
de la Patrie , de la Fontaine - de Grenelle et de la Fraternité ,
demandent la punition prompte et sévere des amis de Robespierre
, des massacreurs des 1 et 2 septembre , l'épuration des
administrations et des autorités constituées .
Rovere saisit cefte occasion pour faire part
des lettres qu'il a reçues des représentans du peuple dans les
departemens méridionaux et de plusieurs administrateurs . Il
en résulte que la tranquillté n'y est qu'apparente. Les terroristes
y levent encore la tête . Il est parti du district d'Apt trois
hommes par commune , pour se rendre à Paris et y renforcer
les jacobins on demande du haut de la salie l'ordre du
jour ) , et leurs satellites doivent s'y réunir au nombre de plus
de 60 mille. ( L'on insiste du même côté sur l'ordre du jour. )
L'on voit bien , reprend Rovere , que les vérités qu'on dénonce
leur donnent des convulsions . Il demande le renvoi de
pieces aux comités réunis . Ce renvoi est décrété .
ces
Anguis , qui arrive de ces départemens , annonce que certains
individus y ont bu à la santé du mois prochain . ( La
demande de l'ordre du jour se réitere du même côté . Il invite
l'Assemblée à une surveillance extraordinaire .
Couturier se plaint du défaut d'activité des comités de gon
vernement , et de ce qu'ils n'ont pas fait le rapport sur le
renouvellement du tribunal révolutionnaire et la dénonciation
de Lecointre .
Un incmbre de ces comités observe qu'on s'en occupe sans
relâche , et qu'on y travaille aussi à un objet également important
, celui d'établir une police generale . ( Applaudissemens. )
Il pense qu'en chassant les jacobins on n'a pas fermé leurs
coeurs à la pensée de la domination , du sang et du pillage ,
et il conclut à une graude surveillance.
La Convention décreté que les comités lui feront incessammeat
un rapport sur le renouvellement du tribunal révolutionnaire
et les dénonciations de Lecointre .
Sept drapeaux pris sur les Espagnols par l'armée des Pyré-
Q3
( 246 )
nées occidentales paraissent à la barre. ( Fayez les Nouvelles
officielles .
Séance de sextidi , 6 Nivôse.
Rafion demande la parole pour présenter quelques réflexions
sur l'abrogation de la loi du maximum. Il dit que la foi qui met
fiu au maximum appelle la bonne foi sur cette terre tourmentée
depuis cinq ans par des agitations violentes et continuelles ; que
le cultivateur et le négociant , hers de la confiance d'une nation
libre et quidés par la bonne - foi , agiront av
avec nous en freres . Le
marchand se contentera du gain qui pent suffire à l'entretien
de sun commerce . L'artisan reglera ses salaires sur ses besoins ,
et non sur une cupidité folle et cffrénée ; et l'administration ,
par une distribution sage de secours , rendra justice aux citoyens
dont elle s'est declarée débinice. C'est ainsi que tous
concourront au bonheur de tous . Tel doit être le vrai systême
de la prosperité publique . Il propose d'insérer dans le bulletin
ces reflexions qu'il croit alles .
Cette proposition est adoptée .
Clausel obticut la parole pour une motion d'ordre . Il s'agit
de denoncer de nouveaux faits contre les membres des comités
de l'ancien gouvernement . Trois d'entr'eux , dit Clauzel , ont
nié avoir porté aux jurés , lois da jugement de Phelipeaux et
de Desmoulins , le décret qui devait les mettre à leur aise . Eh
bien les représentans du peuple Duval et David ( de l'Aube )
ont été témoins de ce fait . Il dévoile ensuite les menées de ces
hommes qui veulent ensevelir leurs forfaits sous les ruines de
la patrie . I parle de leurs projets de soulever les ouvriers , des
manoeuvres de leurs émissaires pour empêcher l'arrivage des
grains à Paris , sous prétexte qu'ils y sont en si grande abondance
qu'ils germent dans les magasins .
Monstres , s'écrie Clausel , vous vous agitez envain . Votre
domination est passée . Vous êtes en exécration à la nature entiere
; toute la France , moins quelques fripons , vous abhorre .
Que ferez - vous imprimer peur votre justification ? les ordres
feroces donnes à Lebon , vos arêtés sanguinaires contre les ha
bitans de Bédouin et d'Orange.
Clausel appuie ces observations de considérations politiques .
Il craint que les puissances coalisées s'éloignent d'une paix
qu'elles demanderaient , s'il n'existait pas dans le sénat français
des hommes capables de ramener l'ancien systême. il conclut
en demandant que les comités fassent demain le rapport sur le
renouvellement du tribunal révolutionnaire et les dénonciations
de Lecointre . Décrété .
Duhem : Ce n'est pas seulement à trois députés qu'on en
veut , on en poursuit trente ou quarante . On ne peut nous
détruire en masse on veut nous détruire en détail. Je ne connais
que la justice ; qu'on entende les deux partis . Je regarde
Clausel comme un calomniateur ; il a dit que j'étais en corres
( 247 )
pondance avec les émigrés , s'il ne le prouve pas , je l'assas
sive. On demande que Duhem soit exclus pendant trois moisde
la Convention , et enfermé à l'Abbaye . Il demande à s'expliquer
, et observe que lorsqu'on est assassiné moralement.
l'on peut se faire justice à soi -même. La Convention décrete
que Duhem sera renfermé à l'Abbaye pour trois mois ; mais
Legendre remarque que ce qui se passe n'est qu'un jeu pour,
sauver de grands coupables , jetter du trouble et intimider. Il
fait rapporter le décret .
Richard , an nem du comité de salut public , fait part d'un
événement désastreux arrivé à Landau : L'arsenal de cette ville
est sauté ; plusieurs maisons ont été renversées ou endommagées
. On ignore encore si cet événement doit être attribué on
non à la malveillance ; mais heureusement deux magasins à
pondre qui tenaient à l'arsenal n'ont point été endommagés .
Les citoyens de Landau , la garnison et les habitans des communes
voisines ont fait tout ce qu'on pouvait attendre de leur
courage et de leur civisme . Le représentant du peuple Séraud
s'est transporté sur les lieux , et a fait distribuer des secours
provisoires . Les procès- verbaux ne portent les pertes des
citoyens qu'à dix tués et vingt blessés . Tout se répare avec la
plus grande activité .
Richard propose d'approuver les arrêtés pris par Séraud .
Dentzel trouve le projet insuffisant ; il demande qu'en envoie à
Landau un représentant , et que ceux qui ont souffert soient
assimiles aux victimes de l'explosion de la poudrerie de Grenelle
. Adopté.
Se
Le frere de Guadet , qui arrive de Saint- Domingue où il
servait la République , instruit des désastres de sa famille ,
présente à la Convention pour en obtenir des secours . Il dit
qu'à son départ plus de la moitié de Saint-Domingue apparte
nait encore à la France . Renvoyé au comité des secours .
Décret portant rapport de la loi du maximum .
Art. Ier . Toutes les lois portant fixation d'un maximum
sur le prix des denrés et marchandises , cesserout d'avoir leur
effet à compter de la publication de la présente loi .
les
II. Toutes les requisitions faites jusqu'à ce jour par la
commission de commerce et d'approvisionnemens , ou par
représentans du peuple en mission , pour les subsistances des
armées de terre et de mer , et pour l'approvisionnement de
Paris , seront exécutées .
"
" III. Toutes les requisitions faites pour les communes ou
districts seront maintenues jusqu'à la concurrente de la
quantité de grains nécessaires à leur approvisionnement pendant
deux mois .
IV. Les matieres , denrées ou marchandises qui serona
Q4
( 248 )
fivrées en vertu des deux articles précédens , seront payées an
prix courant du chef- lieu de chaque district , à l'époque où
elles seront délivrées , ce qui sera constaté par les mercuriales
on registres tenus à cet effet .
,, V. Dans le cas où les marchés ne seraient pas approvisionnés
, les districts sont autorisés , chacun dans leur arrondissement
, à requérir tous les marchands , cultivateurs , ou
propriétaires de grains ou farines , d'en apporter aux marchés
la quantité nécessaire pour leur approvisionnement .
VI . La commission de commerce et approvisionnemens
aura droit de préemption ou de préférence sur tous les objets
nécessaires à l'approvisionnement des armées et places de
guerre , jusqu'à la concurrence des besoins du service .
et seront
,, VII . Les marchandises ou denrées ainsi préachetées seront
enlevées dans le mois qui suivra la préemption
payées à l'époque de la delivrance , suivant le prix commun
lors de la préemption , de la place où les achats auront été faits .
,, VIII. La commission de commerce et approvisionoemens
séra tenue de présenter , dans le délai d'une décade , au comité
de salut public , le tableau des préemptions à faire pour compléter
les besoins des armées jusqu'à la récolte .
" IX. Au moyen du présent décret , la circulation des
grains sera entiérement libre dans l'intérieur de la république ;
la formalité des acquits à caution ne sera maintenue que dans
les deux lieues des côtes et des barrieres des douanes .
,, X. Tout particulier qui transportera dans lesdites deux
lieues , des grains ou farines , sera tenu de se présenter , avant
l'enlevement , à la municipalité du lieu , et d'y présenter un
acquit à caution , lequel serà signé du maire et de l'agent na.
tional ; et en leur absence , par deux officiers municipaux .
· XI . Ces acquits à caution seront délivrés gratuitement et
sur papier non timbré , et porteront soumission de rapporter
dans un délai d'un jour par cinq , suivant la distance des lieux ,
le certificat de l'arrivée au lieu de la destination , signé des
officiers municipaux ; le tout à peine de confiscation des
grains ou farines , on du paiement de la valeur .
,, XII. Les propriétaires des grains ou farines , qui ne prendront
point d'acquit à caution , dans les cas où cette formalité
est exigée , seront punis par la confiscation des grains ou
farines dont ils seront trouves saisis ; ils seront en outre condamnés
à une amende double du prix des grains ou farines
confisqués . La moitié du produit et de la vente appartiendra
au dénonciateur et saisissant , l'autre moitié à la commune du
lieu où la saisie aura été faite ,
" Les lois qui défendent l'exportation des grains sont maintenues.
Celui qui sera convaincu d'avoir exporté des grains à
l'ennemi , sera puni de mort.
XIII. En aucun cas les chevaux et voitures ne pourront
tre saisis et confisqués ; ceux qui le seraient en vertu de
( 249 )
jugemens rendus avant la promulgation du présent , seront
restitués aux propriétaires , s'ils ne sont pas vendus.
XIV. Toutes procédures commencées pour violation faite
aux lois sur le maximum sout anéanties ; il ne pourra être
donné aucune suite aux jugemens rendus sur cet objet , qui
n'auront pas été exécutés . Les citoyens détenus en vertu de
ces jugemens seront mis en liberté sans délai .
,, XV. Toute requisition de denrées ou marchandises , autre
que celles ci - dessus énoncées , sont annullées , à compter de
la publication du présent décret .
XVI. L'insertion au bulletin de correspondance , du pré
sent décret , tiendra lieu de publication .
PARIS. Nonidi , 9 Nivôse , l'an 3e . de la République.
La Convention , sur le rapport des trois comités , vient de
déclarer qu'il y avait lieu à examen à l'égard des représentans
Collet-d'Herbois , Billaud -Varennes , Barrere et Vadier . Une
commission de vingt- un membres a été nommée au sert pour
examiner les pieces , et faire son rapport. Barrere et Collot
ent annoncé qu'ils avaient leur justification prête , et ils ont
demandé la permission de la faire imprimer à l'imprimerie
nationale ; ce qui leur a été accordé .
}}
Copie de la lettre écrite par le comité de salut public au citoyen
Barthelemy , ambassadeur de la République Française en Suisse
du 3 nivôse , an troisieme. ¿
"
Nous sommes instruits , citoyen , que les émigrés et les
prêtres déportés affectent de répandre qu'ils sont à la veille de
rentrer en France , et qu'ils sont parvenus à donner de la consistance
à cette étrange assertion . Nous ne pouvons attribuer
qu'à ces faux bruits la facilité avec laquelle les cantons catholiques
paraissent les tolérer sur leur territoire . Il en résulte que
ces hommes se trouvent à portée d'intriguer dans les départemens
limitrophes , et d'y préparer des désordres et des malheurs
. Nous te chargeons de déclarer à tous les cantons
les émigrés justement couverts de l'exécration et du mépris de
toute l'Europe , ne cesseront jamais d'être regardés par la
nation française , comme des traitres , et que sa juste vengeance
les poursuivra par- tout où elle pourra les atteindre .
, que
" Nous ne doutons pas que cette déclaration ne suffise
pour déterminer un gouvernement qui nous a donné tant de
preuves de sa loyauté , de sa franchise et de sa bonne amitié ,
à se débarrasser de cette horde impute qui ne respire que
les désordres et les crimes , et qui n'userait de l'hospitalité
d'un peuple généreux que pour allumer dans son sein
( 250 )
les divisions et les déchiremens , et se venger ainsi de l'attas
chement invariable qu'il a témoigné au Peuple Français.
Les membres du comité de salut public ; Signés , Cambacérès
Richard , Boissy , Merlin ( de Douai ) , J. F. B. Delmas ,
L. B. Guyton.
NECROLOGIE.
Circonstances de la mort de Gondorcet.
Condorcet doit être compté au nombre des malheureuses
victimes qui ont succombé sous le systême de tyrannie que
des scélerats ont fait peser si long tems sur la France . Il y
avait si loin de leur ignorance factieuse et de leur ame pétrie
d'ambition , d'intrigues et de crimes , à un philosophe
qui aimait la liberté pour elle- même et pour sa patric , qui
l'avait embrassée avec ardeur et soutenue avec intelligence ,
qu'ils n'ont pâ lui pardonner ni ses lumieres , ni ses vertus ,
ni l'estime générale de l'Europe . Ils savaient bien que tant
qu'il y aurait en France des hommes instruits et courageux ,
ils trouveraient en eux autant d'obstacles à leurs projets .
Aussi du moment qu'il fût question d'assembler une convention
nationale , Robespierre et ses vils suppôts se déchaînerent-
ils , avec une audace impudente , contre tous les philosophes
, et Condorcet ne fut pas épargné . On se souvient
des injures qui furent vomies contre lui et contre le philantrope
Priestley , dans les assemblées électorales de Paris , et
lorsque Robespierre fut assuré que l'infortuné Condorcet
n'était plus , tout le monde se rappelle de quelle maniere
lâche et infâme il parla de lui à la tribune de la Convention
, lorsque , par un jeu de mots outrageant , il le qualifiait
de grand littérateur , au dire des géometres , et de grand
géometre , au dire des littérateurs . Robespierre est mort sur un
échafaud , et sa mémoire sera eu execration chez les races
futures comme parmi ses concitoyens . Condorcet a péri dans
un cachot , mais son nom sera cher à tous les gens de biens ,
à tous les amis de la liberté , aux savans de tous les genres
et aux hommes de tous les pays . Voilà la différence entre
un scélérat et un philosophe .
Voici les circonstances les plus authentiques que nous
avons recueillies sur la mort de cet homme célebre .
Condorcet se trouva enveloppé dans la proscription d'un
grand nombre de membres de la Convention , qui suivit la
journée du 31 mai , époque trop fameuse des plus grands
maux et des plus grands crimes qui aient souillé la revolution
.
Frappé d'un décret d'accusation , il fut obligé de se cacher
pour dérober sa tête à la hache des licteurs de la faction Ró(
251 )
·
bespierre ; il se refugia dans une maison de Paris , chez une
personne qui ne le connaissait que de nom , mais qui , à la
recommandation d'an ami commun , n'hésita pas exposer sa vie
pour sauver celle d'un hommie célèbre , qu'elle ne croyait pas
coupable.
" ne
Il resta ainsi caché jusqu'au mois d'avril dernier , lorsque
des avis inquiétans lui firent craindre une visite domiciliaire
dans l'appartement qui lui servait de refuge. Plus inquiet encore
pour la sûreté de sa bienfaitrice que pour la sienne propre
, il se hâta de sortir de cette maison , sans savoir où il pourrait
trouver un nouvel asyle . Quoiqu'il n'eût ni passe-port ai
carte de sûreté , il franchit heureusement les barrieres de Paris
, vêtu d'une carmagnole , avec un bonnet de coton blanc
sur la tête . Il traversa la plaine de Mont - Rouge , pour se rendre
dans une commune od résidait un ancien ami qu'il ne voyait
plus dès long - tems , mais qu'il estimait assez pour espérer de
trouver chez ini le secours dont il avait besoin. Malheureusement
cet ami était allé pour quelques jours à Paris . Condorcet
frustre dans son espérance , se voit obligé d'errer au hazard
dans la campagne ou dans les bois , n'osant entrer dans
une auberge pour y chercher un gite , dans la crainte
qu'on ne lui demandât sa carte civique ou son passe - port.
Exténué de faim , de fatigue , de découragement
marchant d'ailleurs qu'avec peine , parce qu'il s'était blessé au
pied , il passait la nuit sous un arbre ou dans une carrière . Il
resta trois jours entiers dans cette déplorable situation , lorsqa'enfin
il rencontra celui qu'il cherchait et qui l'accueillit
comme un ami malheureux. Mais comme il ne parut pas pru .
dent de le recevoir de jour dans une maison où il s'était
montré plusicars fois , et où sa figure en l'état misérable où il
était l'aurait fait remarquer , il sentit Ini-même la nécessité ,
d'aller faire encore un tour dans la campagne , jusqu'à ce que
l'obscurité de la nuit lai permit de revenir en sûreté prendre
possession de l'asyle qu'on lui destinait . D'autres précautions à
prendre rendaient encore ce délai indispensable. Quoiqu'il eût
pris quelque nourriture le matin , il eut la malheureuse fantaisie
d'entrer dans un petit cabaret de Clamars , où il demanda
une omelette , qu'il se mit à manger avec un morceau de pain
qu'il tira de sa poche . Son vêtement , le bonnet sale qu'il avait
sur la tête , la longue barbe qu'il avait laissé croître , son air
hâve et pâle , l'avidité avec laquelle il mangeait , tout cela
frappa quelques citoyens qui étaient dans la même chambre ,
et parmi lesquels se trouvait un membre du comité de surveillance
de Clamars ; celui- ci lui adressa la parole , lui demanda
d'où il venait , où il allait , s'il avait un passeport , etc.
Condorcet était l'homme du monde qui avait le moins d'apti
tude , comme de disposition , à mentir avec assurance . L'embarras
qu'il montra dans ses réponses , joint à l'embarras naturel
de son air et de son maintien , le trahit aisément . Il ne
J
( 250 )
*
pouvait manquer de paraître suspect à un membre de comite
révolutionnaire .
Il fut conduit au comité du lien . Interrogé , fouillé , il ne
voulut jemais déclaré d'autre nom que celui de Simon , ancien
domestique. On ne lui trouva d'ailleurs aucun papier , ni carte
ni passe -port ; mais au Horace , sur les pages blanches duquel
il y avait quelques lignes d'écrites au crayon , et en latin , ce
qui fit dire fort spirituellement au membre du comité qui l'in,
terrogeait Tu nous dis que tu étais domestique ; mais je croirais
bien plutôt que tu es de ces ci -devant qui en avaient des domestiques !
Ce résultat de l'interrogatoire fut que le quidam serait conduit
au district du Bourg- Egalité , pour par lui être ordonné ce
qu'il appartiendrait . Transféré à pied , au milieu d'une escorte
armée , le malheureux ne put aller plus loin que Châtillon , o
il tomba de défaillance et d'épuisement . On fut obligé d'emprunter
le cheval d'un vignerou de cette derniere commune ,
et il fut conduit au district qui ordonna aussi -tôt son incarcé
ration .
Ici les versions sur sa mort sont différentes . Les uns prétendent
qu'il fut enfermé le soir dans une espece de cachot
et que le lendemain au matin lorsqu'on y entra pour lui porter
de l'eau et quelque nourriture , on le trouva étendu à terre
sans aucun signe de vie , d'où l'on a présumé qu'il s'était empoisonné
. On ajoute qu'il portait toujours sur lui un poison
dont l'effet avait déja été éprouvé par d'autres personnes
connnes , et qu'il avait dit à l'ami qu'il avait rencontré le jour
même de son arrestation , qu'il avait été tenté vingt fois d'en
faire usage pour se dérober à ses souffrances et au spectacle
des maux de sa patrie , et qu'il n'avait été retenu que par la
seule idée d'une femme et d'une fille qu'il chérissait tendre.
ment , et pour lesquelles il croyait conserver sa vie tant qu'il
lui en resterait quelqu'espérance..
D'autres assurent , et Mercier a adopté cette version , que
plongé dans un cachot humide , sans it et sans nourriture ,
on l'y oublia pendaut près de 48 heures . Ce ne fut que le
surlendemain que le gardien , étant entré pour le visiter , il
le trouva étendu mort sur le plancher ; ce qui a fait croire
qu'il était mort de faim dans son cachot , surtout y étant
entré deja exténué de besoins , et que c'est la raison pour
laquelle cet événement qui devait naturellement faire du bruit ,
est resté secret jusqu'à ce moment.
Quoi qu'il en soit de ces variantes , il n'en a pas
moins péri
victime des horribles persécutions des monstres altérés du
sang humain , et qui l'ont fait répandre par torrens sur toute
La République . Dans le dernier entretien que j'eus , avec
Condorcet , dit Mercier , je lui remis un itinéraire pour le
comté de Neufchâtel , au moyen duquel il pouvait éviter Besançon
, Pontarlier , et passer le Doubs . Il y a apparence
que Condorcet a craint d'être arrêté dans ce long trajet . Lø
f2537
France et l'Europe entiere doivent d'autant plus regretter la
perte de cet écrivain recommandable par une prodigieuse variété
de connaissances , qu'il a péri presqu'au milieu de sa
earriere , et qu'il promettait à ses contemporains et à la postérité
un long tribut de ses lumieres . La liberté pleure un de ses
plas ardens défenseurs.
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉZS OCCIDENTALES.
"
Bayonne , le 17 frimaire , l'an 35. de la République.
❝ J'avais donné ordre , citoyens représentans , de faire oc
emper Castellon , village à une lieue et demie à la gauche de
Tolosa , longeant le chemin de Lecombery. L'ennemi l'avait
occupé avant nous . Il y était en force . Le 1er . bataillon de
chasseurs Basques , protégé par ceux du ge . bataillen du
Tarn , et du 7. du Gers , à emporté ce village de vive
force , et y a établi son cantonnement . Le combat a été vif.
L'ennemi , coupé dans sa retraite , a fui avee précipitation ,
laissant un grand nombre de morts et notamment le colonel
des Catalans .
•
J'espere que ce choc le dégoûtera d'établir ses cantonnemens
trop près des nôtres. S'il s'y obstinait , nous l'en ferions
repentir de rechef, "
Signé , MOUSSEY.-
A Bayonne , le 20 frimaire , l'an 3º , de la République.
L'armée des Pyrénées occidentales , citoyen président ,
après avoir reçu l'étendard tricolore que la Convention nationale
lui a donné , nous a remis en échange ces drapeaux
pris par elle sur les Espagnols , en différentes circonstances .
Le citoyen Forgues , aide-de- camp du général en chef , est
chargé de les présenter à la Convention. L'armée ne tient
point sa dette acquittée par une si légere offrande . C'est le
premier mouvement de sa reconnaissance . Ses efforts offriront
davantage , et continueront tant que la Convention nationale
l'ordonnera , et que les intérêts de la Republique l'exigeront.
1 " Il y a presque chaque jour des escarmouches ou des
attaques de poste dans quelques -unes de nos divisions . L'avantage
reste constamment du côté de la liberté . Les suites sont
ordinairement trop peu conséquentes pour les faire connaître
en détail ; mais elles le sont toujours assez pour assurer en
général , que nulle part la bravoure et la modestie ne sont
plus à l'ordre du jour , que dans cette armée . "
Salut et fraternité .
Signé , BEAUDOT et GARREAN,
( 254 )
3
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de l'analyse de la procédure contre Fouquier- Thinville.
Même témoin . Le 9 thermidor , l'infâme Damas présidait
dans la salle de l'Egalité ; on a observé que Fouquier , qui ,
dans les grandes causes , ne siégeait que dans la salle de la
Liberté , siégeait alors dans la premiere , comme s'il eût
pressenti les événemens , et sur - tout l'arrestation du président
Dumas , qui eut lieu à midi et demi. Il faisait le résumé ,
posait les questions , lorsqu'on vint annoncer secrettement qu'il
allait étre arrêté en vertu d'un decret . Les accusés et les jurés
se retirerent . Quand cette nouvelle parvint jusqu'à lui , il
pâlit ; an instant après arriverent les gendarmes , qui l'inviterent
à les suivre . Ce fut un coup de foudre pour cet homme
lâche et féroce , qui , d'un seul mot et d'un seul regard
voyait tant de victimes à la mort. En descendant de son siège ,
on le vit , de rage , arracher et déchirer son manteau et ses
autres décorations de juge .
• en-
Les jarés rentrerent , et le jugement fut prononcé par l'un
des juges .
Boucher demanda alors à Fouquier , ce que signifiait cette
'arrestation ce n'est rien , lui répondit-il.
3
A une heure , le bruit se répandit qu'il y avait du mouve
ment au fauxbourg Antoine .
A trois heures et demie , Fouquier sortait du tribunal pour
aller avec Coffinhal diner chez Verne , ce septuagénaire inal
heureux , qui , pour échapper à ces scélérats , à Carrier et à
leurs complices , les recevaient malgré lui à sa table , dont ils
s'étaient arrogés le droit de disposer.
L'exécuteur en chef , Samson accompagné d'un de ses
agens , dit à Fouquier- Thinville , sur son passage on assure
qu'il y a beaucoup de fermentation dans la ville . Ne serait - il
pas à propos de différer l'exécution ?
Fouquier , craignant de perdre une victime , s'il perdait une
minute , lui répondit : Rien ne doit arrêter le cours de la
justice.
La rage de ses hommes de sang était parvenue à un tel
degré d'effervescence , et la guillotine était tellement empreinte
dans leur imagination furibonde , que , faute de victimes , il
se seraient fait guillotiner eux -mêmes , avec le greffe . En effet ,
quelques jours après le 14 thermidor , époque de l'arrestation
de Fouquier-Thinville , je descendis à la Conciergerie ; il était
à uue fenêtre ; je ne fis pas semblant de le voir . Tavernier ,
mon collegue , entra au greffe de la géole , où était cet homme ,
qui de grand accusateur est devenu accusé , et qui lui dit :
་
( 255 )
1
Fabricius à tort de m'en vouloir ; il connaft Fréron et autres
députés , il devrait leur parler en ma faveur , car c'est moi qui
ai empêché de le mettre en jugement , ainsi que Wolfet toi. 19
A ces mots , Tavernier pâlit ; sa frayeur fut extrême ; il vint
m'en faire part , et nous vimes alors tous les dangers que nous
avions courus , et que le greffe avait frisé de près la guillotine .
J'observe , a continué le témoin , que Fabricius , aujourd'hui
Pâris , fut arrêté le 20 germinal , comme ami de Danton et de
Camille , et qu'il fut emprisonné pendant quatre mois .
Tavernier , toujours plein de sa grande frayeur , alla trenver
l'écrivain qui remplissait les fonctions de greffier en chef, à la
place de Paris , à qui elles avaient été confiées depuis l'installation
du tribunal , jusqu'au moment de son incarcération ; il
lui fit le récit de ce que Fouquier venait de lui dire. L'écrivain
lui répondit qu'il n'en avait eu aucune connaissance .
Les craintes de Tavernier pour lui et pour le greffe , étaient
d'autant mieux fondées , que Dumas avait dit plus d'une fois :
Est- ce qu'on ne peut donc pas se passer de ce Wolf; et ces
paroles , dans la bouche de Dumas , pouvaient être un arrêt de
mort.
à son
Boucher m'a dit que Fouquier lui ordonna d'aller chercher
au Luxembourg une femme nommé Biren . Boucher ,
retour , lui observa qu'il y avait deux femmes Biron ; amenezles
, repliqua Fouquier , elles y passeront toutes deux . Boucher
les amena , et elles passerent effectivement toutes deux à la
barriere du Trône . L'une était la femme du maréchal et l'autre
celle du général Biron qui a commandé dans la Vendée .
Beacher fut chargé d'aller arrêter un nommé Castellane , il
lui observa aussi qu'il y en avait plusieurs de ce nom ; Eh bien !
dit- il , amene tout ce qui s'appelle Castellane . On n'en trouva
qu'un , et j'ignore s'il a été executé.
Les liaisons entre Fouquier - Thinville et Fleuriot - Lescot
étaient connues , celles de leurs femmes ne l'étaient pas moins ;
et Tavernier jeune , qui fut chargé de faire le rapport de
l'exécution , m'a dit que Fouquier s'était plaint à lui de ce que
Fleuriot- Lescot avait été guillotiné le dernier .
Lorsque Fouquier venait au greffe , il s'emportait souvent
contre les employés au greffe , et sur- tout contre les huissiers
auxquels il atribuait trop de lenteur.
Fouquier a répondu : Il est possible que je me sois emporté ;
je suis vif et j'aime que tout se fasse avec activité . ( On rit. )
Mais il ne s'agit pas ici de guillotine , mais de l'activité dans
le service du greffe .
L'amalgame de la fournée que le témoin se plait à nommer
des chemises rouges , n'est point mon ouvrage. J'ai les pieces
qui m'autorisaient à mettre en jugement 71 personnes .
( Il a donné à ce sujet lecture d'un arrêté du comité de
salut public , du 26 prairial , et d'un décret portant que le
ibunal jugera , conjointement avec l'Amiral , Renaud , Car-
A
( 256 )
dinal , Burlandeux , Ozanne , ex - officier de paix , etc. 1
C'était a dit Fouquier , ce qu'on appellait alors la conspiration
du baron de Batz. Quant à la femme d'Ozanne , bien loin de
J'avoir éconduite , sur sa demande , je lui accordai que son
nari sortirait une fois par décade , sous la surveillance d'un
officier de paix , pour des recouvremens qui ne pouvaient se
faire que par lui ; quand j'ai dit , en parlaut de son mari , son
affaire est faite , c'est que le déerei était rendu , et je dis , voila
le décret , il faut que je le mette en jugement . C'est à cette
époque que commencer eat les amalgames , mais j'avais reçu
des dres .
Pour ce qui concerne Lavergne , commandant de Longwi ,
il était accusé de conspiration , et d'avoir emporté la caisse
militaire . Sa femme , au moment de son jugement , se livra au
désespoir , e cria vive le roi ! On l'amena au tribunal , le
peuple voulait qu'elle fut jugée à l'instant ; on l'interrogea , on
consulta le comité de salut public ; et d'aprés l'ordre de ce
comité elle fut jugée et condamnée à la salle de l'Egalité , et
conduite le même jour à l'échafaud , dans la même charette que
son mari , ainsi que l'a declaré le témoin . Mes fonctions se
bornaient à dresser les actes d'accusations , à mettre les accusés
en jugement ; mais je n'étais ni juré , ni juge ; ainsi je ne
pouvais être responsable des jugemens .
La soeur de Gattey , libraire , fut effectivement jugée deux
Jours après sou frere . Pour d'Ormesson de Noyseau , il avait
signe la protestation des parlementaires , protestation qui fut
trouvéc dans un tuyau de latrines . Le témoin a dit que d'Ormesson
était couvert de plaies ; je faisais constater l'état des
prisonniers malades ; celui - ci avait les jambes enflées de la
goute , mais il avait la tête saine .
Des deux femmes Biron , la veuve du maréchal était accusée
de correspondance criminelle , et d'avoir enfoui des emblêmes
de féodalité . On la cherchait dans toutes les prisons : elle est
là , me dit on . Eh bien , dis - je , amenez- nous - la . L'autre était
accusée d'avoir émigré deux fois .
Castellane était prévenu de complicité avec Arthur Dillon et
Ernest , de vouloir enterer le fils Capet , et de le faire proclamer
sous le nom de Louis XVII .
La suite au numéro prochain . )
P. S. Les citoyens Sergent , Beauchamp , Bernard ( de
Saintes ) , Dubude , Chenier , Viellet , Vasseur ( de la Somme ) ,
Meyer , Réal , Chevalier , Saladin , Johannot , Battelier , Lobiahes
, Sauve , Connard , Syeyes , Boutrou , Montaigu
Courtrais et Thomas , sont désignés par le sort pour composer
la Commission des vingt un .
"
( No. 24. )
MERCURE FRANÇAIS .
De QUINTIDI 15 NIVOSE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 4 janvier 1795 , vieux style . )
LE PATRIOTE ( Poésie. )
DÉMARATE ÉMARATE eut huit fils , et ce malheureux pere
Vit dans un seul combat terminer leur carriere ;
Son coeur , plus fort que ses malheurs ,
Arrêta le cours de ses pleurs .
Il dit , dans les transports de son ame attendrie
Ces mots , qu'en lettres d'or on aurait dû graver :
Ce fut pour toi , ma patrię .<
Que je les fis élever.
1
-Traduit du gres de Dioscorides.
MON
CHARADE.
ON premier sert au jeu , mon second au
Et de la bonne foi mon entier est le gage .
ENIGM E.
De mon auteur je fais' partie ;
Puis -je trop citer ma grandeur ?
C'est moi , lecteur , qui t'apprécie
Et de toi dépend mon bonheur
Tes plaisirs causent ma disgrace ,
Tes peines me rendent mes droits i
J'occupe un fort petit espace
Chez les sujets et chez les rois
Les hommes m'ont en leur tutelle ,
Mais qu'ils savent peu me chérir !
Car souvent ils me font périr ⠀⠀
Bien que je ne sois pas mortelle,
Tome XIII.
>
258 Y
1
HUIT
COCRIP
urr lettres composent MUD Rom .
Oncquet ne fut un plus bruyant ménage ;
Le jour , la nuit je fais tapage i
C'est un vacarme de démon .
Aussi chacun souffre , dit -on ,
Et fuit loin de mon voisinage .
Mon titre cependant de la haute valeur
Devient le plus noble apanage ;
Plus d'un guerrier , plus d'un seigneur
Ne rougit point de m'avoir en partage .
Ami lecteur , à cette double image
Tu n'apperçois que mon extérieur ;
Car , renversant chez moi , pieds , mains , bras , tête et coear ,
L'on trouve réunis sous un même assemblage ,
Du bien l'ennemi déclaré ;
Ce fil dur , léger , qui du verre
Contre le bois , contre la pierre
Assure la fragilité ;
;
Der beautés du Persan l'ennnyente prison ;
La voiture de Phaëten ;
Et la femme et le fils d'un fameux patriarches e
Est-ce tout ? non . Bans mes replis je cache
Le fatal instrument de l'amour subornear
Se poids qui des métaux sait fixer la valeur ;
Ce lieu bannal où Janneton
Vient exposer en étalage .
Et la citrouille et le melon ,
Et la laitue et le fromage ,
Et la volaille et le laitage ,
Et la merlushe et le saumon.
Je pourrais découvrir plus d'un autre avantage ,
Si tout lecteur était un Cicéron ¡ -
Mais c'est assez l'ennuyer sui ce ton ,
je m'en dirai pas davantage.
1
#59 )
NOUVELLES
LITTÉRAIRES .
Histoire du Lion de la ménagerie du Muséum national d'histoire
naturelle , et de son Chien ; par G. Toscan : brochure in - 18 ,
avec figure en noir . Prix , 10 sous ; figure enluminée ,
15 sols , et format in- 8 ° . , avec une superbe figure , prix , 2 liv.
prix ,
A Paris , chez Cuchet , rue et maison Serpentes et au Muséum
national d'histoire naturelle. L'an 3e . de la République Française.
L'AUTEU ' AUTEUR de cette brochure caractérise l'instinct et les
qualités en quelque sorte physiques et morales des lious ,
qui regnent parmi les animaux sauvages des climats brûlants
de l'Afrique et de l'Asie. Il s'attache principalement à faire
connaître la générosité et les sentimens d'attachement et de
reconnaissance dont ce fier animal paraît susceptible . Mais
sans chercher les preuves dans les relations des naturalistes
ou des vuyageurs , il lui soffit de citer l'exemple et le modele
offerts par le lion qu'on voit encore à la ménagerie du Mu .
séum national. Telle est la peinture fidelle
Toscan a tracée , avec autant d'habileté que d'intérêt , de l'en- que le citoyen
fance , des jeux , de l'infortune et de l'affection mutuelle du
lion de la ménagerie et de son chien . Rien n'est sans doute
plus admirable , ni plus digne de l'étude des philosophes ,
que ces observations sur les moeurs et sur les habitudes sociales
des animaux. 6****
Le lion de la ménagerie a conservé tous les traits primitifs
de son espece . Rendu aux plaines de l'Afrique , il y regnerait
encore par le sentiment de sa foree qu'il doit à la nature . La
société n'a pas détruit son instinct , mais elle l'a perfectionné .
Sans rien ôter à son courage , elle lui a fait connaître des
affections qui peut- être lui auraient toujours été étrangeres
dans la solitude . Ces liens qu'il avait formés dès l'enfance ,
l'infortune les avait resserrés ; et privé des plaisirs de l'amour,
il n'en sentait que plus vivement ceux de l'amitié . Aussi
prodiguait-il à son chien les plus tendres caresses . Celui- ci
les recevait et les rendait sans crainte , comme sans défiance ;
sa gaité naturelle , son air franc et ouvert , tempérait l'humeur
grave et sérieuse du roi des auimaux . Souvent il se
jettait sursa criniere et lui mordait en jouant les oreilles .
Le lion se prêtant à ses jeux baissait la tête , Souvent à son
tour il l'invitait lui- même à jouer , en se mettant sur le dos
et le serrant entre ses pattes. La foule qui l'entourait , les
objets nouveaux qui passaient sans cesse devant ses yeux ,
rien ne pouvait le distraire de la société de son chien, Cherchait-
il le repos , c'était à ses côtés qu'il aimait à dormir'; à
R 2
( 260 )
:
son réveil , c'était encore lui qu'il voulait revoir . Quelquefois
même conduit par l'amitié aux illusions de l'amour , d'une
patte il pressait doucement son ami contre son sein , tandis
que de sa langue il allait le lécher sous le ventre . Les repas
seuls suspendaient cette intimité . Alors chacun s'écartait pour
recevoir sa portion , et nul n'aurait ose attenter à la proprieté
de l'autre , pas même la convoitiser des yeux pour se rapprocher
, celui qui avait le plutôt achevé attendait que l'autre
eût fini , et l'on pense bien que le lion était toujours le plus
expéditif. Un jour l'étourderie de l'homme qui les servait fit
que la portion de viande alla tomber sous le nez du chien
et le pain sous la gueule du lion . Celui- ci au même instant
se tourne vers son compagnon qui , montrant les dents , lui
défend d'approcher , et avale sous ses yeux un dîner tel qu'il
n'en avait jamais fait de sa vie . Cette hardiesse de la part du
chien n'a rien qui étonne , quand on considere que l'amitié
de ces deux animaux s'etait fortifice de l'inégalité même de.
leurs forces , et que le plus faible avait acqnis en puissance
morale tout ce que l'autre avait perdu en forces physiques
pour n'être que son égal .
Une paix si touchante était cependant troublée quelquefois
par ceux- mêmes qui venaient en jouir , et qui auraient dù la
respecter. Des morceaux de pain jettes à travers les barreaux
de la loge devenaient presque toujours un sujet de discorde .
Le chien regardant tout ce qui venait de la main de l'homme
comme un bien qui lui appartenait saus réserve , s'en emparait
avec une extrême vivacité . Si le lion faisait un mouvement.
il se jettait sur lui et le mordait à la tête avec tant de fureur
que le sang en coulait ; le lion alors se contentait d'écarter.
avec sa patie son injuste ami. Au reste , ces orages nn'étaient
que passagers ; le lion se livrait rarement à la colere , et le chien
revenait bientôt de ses emportemens . Mais il y avait dans leur
attachement mutuel une nuance très - remarquable , et qui
explique les caprices , les humeurs de l'un et l'inaltérable bonté
de l'autre . Independant sur la terre sauvage , et fier par instinct,
maintenant solitaire et captif, le lion s'était associé un ami .
Il aimait l'ami pour l'ami même , et l'aimait uniquement . Egalement
sensible , le chien aimait aussi ; mais avant de se donner
an lion , la nature l'avait donné à l'homme . Fidele à son instinct
c'était à l'homme qu'il reportait les caresses qu'il faisait au
lion , et jusqu'à celles qu'il en recevait. L'ún n'avait qu'un
ami qui faisait toute sa consolation ; l'autre , en se livrant à
ses caresses , semblait encore en attendre de l'homme, Avec
quelle tendresse n'accourait - il pas à celui qui ouvrant la porte
de sa prison le rendait pour un moment à la liberté ! comme
il s'empressait autour de lui ! comme la gaieté éclatait dans ses
yeux ! tandis que son pauvre ami , inquiet de son absence ,
poussait des rugissemens plaintifs , s'agitait le long de ses barreaux
allait au fond de sa loge , s'arrêtait à l'endroit par où
ง
( 261 )
il était sorti , revenait et retournait encore . Fallait-il rentrer ?
le chien revoyait avec joie son compagnon , mais son dernier
regard semblait dire au gardien qui s'éloignait : « C'est pour
te complaire . " "
Que ne pouvons- nous prolonger plus long - tems le spectacle
de leurs jeux innocens , de leur tendresse mutuelle ; et pourquoi
fant-il que de si doux liens soient rompus ! Depuis
quelque tems le chien couchait sur une banquette de la loge ,
le dos appuyé contre un mur humide. Il y contracta une galle
dont on s'apperçut trop tard pour y porter remede . Il momut.
Le lion privé de son ami l'appellait sans cesse par de sombres
Tugissemens ; bientôt il tomba dans une profonde tristesse ,
tout le dégoûtait ; ses forces et sa voix s'affaiblissaient par
degrés . Dans la crainte qu'il ne succombât on voulut donner
le change à sa douleur , en lui présentant un autre chien . On
en chercha un qui par sa taille et sa couleur ressemblât à son
ami . Quand on crut l'avoir trouvé , ce chien fut amené d'abord
devant les barreaux de la loge . Le lion le fixe d'un oeil etincelant
, sa fureur éclate sur toute sa face , il pousse un rugissement
effroyable , en les pattes tendues , les griffes déployées ,
il est prêt à s'élancer ... A cette passion subite et violente on
crut avoir trompé l'instinct de l'animal , et que dans sa fureur
il ne veut se jetter que sur celui qui retient son chien bien
aimé. On n'hésite plus de le lui abandonner . A peine est-il
entré dans la loge que le lion l'étrangle ... Après ce malheu
reux essai il eût été inutile de songer à de nouvelles teutatives
; en effet , ce n'était pas un chien qu'il regrettait , c'était
un ami. Le tems qui console a calmé sa douleur , et lui a reudu
la santé et les forces ; mais il n'a pu effacer ses regrets . Encore
à présent le sentiment de sa perte se renouvelle , et s'aigrit
à la vue d'un chien qui passe ; il se leve aussi - tôt , il s'agite ,
il gronde sourdement , et ne redevient paisible que for: que cet e
image douloureuse s'éloigne de ses yeux .
Affections instinctives de la nature , que votre naiveté était
aizable , que votre simplicité était touchante ! Puisse votre
souvenir être consacré parmi les hommes comme le monument,
'une amitié pure et désintéressée !
GEOGRAPHIE.
Tableau élémentaire de la géographie de la République Fran
çaise , à l'usage des écoles du premier et second ages ; par le
citoyen Mentelle , professeur public de géographie , cour du
Muséum contenant pour chaque département le chef- lieu et
sa dissance de Paris , les noms , les districts , son étendue en
surface , et le prix des de lettres .
ports
Grande feuille avec
deux petites cartes geographiques au bas , l'une de la France phy
sique , l'autre de la France politique . Prix , 2 liv . 10 sons . Chicate
cit . Mentelle , cour du Muséum ; et chez Hocquet et compaguis,
imprimeurs , rue Montmartre , no . 124,
cerway
R 3
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LES
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 15 Décembre 1794-
ES nouvelles de Constantinople commencent à devenir singulierement
intéressantes . Cette puissance a l'air de vouloir
sortir de sa léthargie , et quoiqu'elle ait manqué l'occasion
favorable que lui offrait l'insurrection polonaise qu'elle aurait
dû seconder , il serait possible qu'elle développât avant peu
de ces grands moyens avec lesquels on fait de grandes choses ,
et que l'amie de la France , car la Porte Ottomane n'a jamais
cesse de l'être , et l'est aujourd'hui plus que jamais , si elle ne
faisait pas positivement une diversion en sa faveur du côté de
l'Autriche , donnât du moins beaucoup d'embarras à cette
paissance ainsi qu'à la Russie , à laquelle elle se prépare à
opposer des forces maritimes vraiment redoutables , en même
tems qu'elle perfectionne ses troupes de terre par la tactique
et la discipline européenne .
Voici ce que portent des lettres de Constantinople … da
25 octobre :
Ces jours derniers , l'internonce impérial a en avec les reiseffendi
une conference , dans laquelle le ministre turc a déclaré
que l'intention du grand - seigneus était qu'on restituât à
la Porte les forteresses de Dubicza , Novi , Gradisca et Dres
nick , prises sur les Turcs pendant la derniere guerre. Ces
places sont retenues par les Autrichiens , en vertu du traité
de Szistow , dans lequel il est stipulé qu'elles ne seront restituées
que lorsque la ligue des nouveaux confins entre la
Croatie autrichienne et la Croatie turque aura été tirée . La
Porte les redemande aujourd'hui , sur le fondement que les
Bosniaques , n'ayant peint voula consentir à la perte de leur
territoire , qui doit passer sous la domination autrichienne ,
et le cabinet de Vienne ayant fait voir qu'il consentirait à
prendre un équivalent dans la Servie , l'article sus - énoncé
doit n'avoir plus aucun effet . La réponse de l'internonce n'est
pas encore connue d'une maniere certaine ; mais on dit qu'il
a demandé da tems , pour informer sa cour de cet objet , et
qu'il a envoyé des dépêches à Vienne.
Le bruit court qu'il a paru à Constantinople 4 magnats
polonais , lesquels sont venus presser la Porte de s'intéresser
aux affaires de leur république , de déclarer la guerre à l'ennemi
commun , et de faire de fortes avances d'argent à la
( 963 )
Pologne. Les Polonais sont partis sans avoir pu rien obtenir
de la Porte , qui , dans le moment actuel , veut éviter de
donner de l'ombrage aux ministres des puissances belligé
rantes. On prétend savoir cependant que l'hospodar de Moldavie
a fait passer secretement en Pologne des sommes d'ai
gent , qui ne sont point indifférentes .
Les préparatifs militaires se continuent , et l'on s'occupe
toujours à mettre les forces ottomanes sur un pied respectable
. Des travanx très-actifs se poursuivent dans les divers
arsenaux , et particulierement dans celui de Darsena . Le
nombre des vaisseaux de ligne que la Porte doit avoir est
fixé à 60 , sans compter les frégates . On construit ici des
cazernes pour loger 20,000 matelets au moins , nombre au
-quel ils doivent être portés et maintenus à l'avenir . Des ordres
ont été envoyés en conséquence à toutes les isles et autres lieux de
l'empire ottoman , de fournir an contingent en hommes propres
à ce service , et de pourvoir aux dépenses de leur entretien,
Il est décidé en outre que les nouvelles milices dont la levée
a été ordonnée , seront composées de 80,000 hommes au
moins ; elles seront instraites aux évolutions militaires dans
cette ville ou dans ses environs , et de - là elles marcheront
aux frontieres où elles seront employées à la défense de
l'empire. Il est question de la suppression du corps des jannissaires
. Le motif qu'on en donne , c'est qu'ils ne veulent
point adopter les nonveaux réglemens militaires , ni la disci
pline introduite dernierement. Ils out également beaucoup de
répugnance à abandonner leur ancien costume . On parle de
les remplacer par des trompos réglées égales en nombre .
Des nouvelles encore plus récentes du même endroit , disent
que les Cosaques do Don et les peuplades du Caucase
viennent de s'insurger contre le gouvernement russe . Il paraît
même que ce n'est pas une simple révolte tumultuaire facile
à étouffer dès sa naissance , puisque les insurgés étaient à
Ta veille de nommer un seraskier ou général en chef pour
commander les troupes dont le point de réunion est
Erserum .
Que l'activité qu'on voit régner plus que jamais depuis
quelque tems dans les préparatifs militaires de la Porte Ottomane
soit liée ou non à ce mouvement insurrectionnel centre
la Czarine , ainsi qu'à ceux des Bosniaques contre l'empereur,
toujours est - il certain que cette activité exiate , que le nouveau
grand visir est intimement lié avec le capitan- pacha et
le reis - effendi connus pour vouloir la guerre , et qu'on ne
s'amuse pas à faire des préparatifs dispendieux en pure perte.
Les Russes auraient encore des affaires sérieuses , si les nouvelles
suivantes des frontieres de Polegne sont exactes :
9
On apprend de Varsovie que Wawrescki , apres avoir quitté le
camp de Kasyn a pris sa marche sur Piaseczno et de- là sur
Nowemiasto . On dit aujourd'hui que son armée monte à 40,000
R 4
( 264 )
1
"
hommes. Ce qui parait confirmer qu'elle est plus forte qu'on
ne l'avait d'abord cru c'est que les généraux russes Fersen
et Denisow qui sont à sa poursuite , ont demandé plusieurs
feis des renforts . On a été obligé de leur envoyer presque
toutes les troupes qui se trouvaient campées dans les environs
de Varsovie . Il n'y a plus que 2000 russes dans cette
ville . Le général Suwarow s'est mis lui - même à la tête du
reste des troupes , pour se joindre aux généraux Fersen et
Denisow.
2
Les russes comparent eux - mêmes l'affaire de Prag à celle
d'Ismael , à raison des pertes éprouvées respectivement par les
deux partis. Prag ne présente plus maintenant qu'un amas de
ruines . Cet effet est du au feu continuel que le généralissime
Wawrzescki fit faire des batteries situécs devant Warsovie . C'est
pendant cette canonnade , et lorsque la munivipalité était en
pourparlers avec le général russe que Wawrzecki sortit de
Varsovie . Il avait chargé un corps de cavalerie d'enlever
Stanislas ; mais toutes Ise issues du château se ; rouverent
fermées et les russes , gagnant déja le rivage de la Vistule
, du côté de Varsovie ce corps se trouva forcé de rejoindre
l'armée polonaise , sans avoir pu exécuter sa commission
.
9
?
On sait aujourd'hui que la sortie de Varsovie avec une armée
du general Dombroski , lorsque cette ville n'était point encore
rendue aux russes , était la suite d'un arrêté du conseil national
. Un million de florins avait été promis au corps de troupes
qui ferait nne diversion nouvelle dans les provinces polonaises
enyahies par la Prusse .
J
Suite du plan de la révolution en Suede , projetée par d'Armfeld ;
son mémoire à l'impératrice de Russie.
"
La situation critique et dangereuse dans laquelle la Suede
se trouve maintenant , ne peut être cachée ; et quand un homme
aime son pays et desire réellement le servir , il n'entreprend
pas de colorer ses dangers . Il doit avoir le courage de les contempler
dans toute leur étendue , et de ne pas s'aveugler luimême
, en se figurant que des palliatifs pourrent suffire , quand
les remedes les plus puissans doivent être administrés . Nous ne
pouvons donc nier que le gouvernement , depuis qu'il a commencé
à être intimide , gêné dans toutes ses opérations , et
airêté dans sa forcé par une faction puissante par son audece .
le nombre de ses adhérens et même par ses crimes ; nous ne
pouvons nier que le gouvernement n'ait cru qu'il pouvait gagner
cette faction , au moyen d'une lâche condescendance et
d'une ignominieuse complaisance ; st qu'au contraire par sa faiblesse
et sa conduite pusillanime , il a aceru l'insolence de cette
faction , aquelle au lieu de se borner à solliciter sa faveur et
des égards , s'est permis de faire des demandes ouvertes . La
liberté de la presse a été accordée , et elle a servi à faire circuler
( 265 )
l'esprit de rébellion dans les provinces et dans l'armée. Les
conséquences malheureuses de cette liberté ont été remarquées
trop tard , et le parti qui en a été l'occasion desire vainement.
arrêter ou prévenir ces conséquences . La faction s'apperçoit des
progrès qu'elle fait. Elle connaît son influence , et voit par sa
force les lois demeurer sans effet , excepté contre ceux qui desirent
défendre les prérogatives du trône , et maintenir l'ordre
public. La faction a maintenaut une telle prépondérance , que
toutes les fautes du gouvernement tournent à son avantage , et
qu'elle traite de criminels les efforts que le gouvernement peut
faire pour rétablir sa fermeté et son influence. C'est de cette
maniele la faction decouvrit ses vues , quand le gouverne- que
ment , dans sa faiblesse , voulut faire montre de force , et , en
prenant un ton de commandement pour intimer des ordres ,
montra son impuissance effective , et ne recueillit que du blâme
et des affronts . Telle est notte situation intérieure. Le parti a
encore fait usage de son influence , pour confondre tous les politiques
, par rapport aux puissances étrangeres , en faisant d'infâmes
traités avec ce qu'il appelle la République Française , et
ses agens particuliers à Constantinople et à Stockholm ; lesquels
probablement ont été une occasion pour rassembler des
troupes près de la capitale , et faire sortir la flotte ; projets
pour lesquels ils ont peut-être avancé de l'argent . La Suede est
ainsi devenue tout - a.coup une source pout répandre les principes
révolutionnaires dans le Nord , qui doivent éveiller parti
culierement l'attention de la Russie , sur-tout lorsque la Suede ,
dans le même-tems , entre d'une maniere hostile dans des né
gociations contraires dans ce tems à ses propres intérêts , ainsi
qu'aux vues du cabinet russe . Il doit donc être reconnu que la
Suede , marchant d'erreurs en erreurs , soit par rapport à son
administration intérieure , soit par rapport à l'administration
étrangere , a réduit l'impératrice à la nécessité de commencer
les hostilités . Si l'on considere les mesures qui ont été pri
ses , ce parti peut paraître inévitable , et devait même arriver
très promptement. C'est pour le prévenir qu'on se
hazarde à mettre les réflexions suivantes sous les yeux de l'impératrice
.
·
,, Il est palpable que le mal tire sou origine de la faiblesse du
gouvernement et sur- tout du défaut de confiance du duc luimême
, d'où il suit qu'il sera toujours l'instrument passif d'une
faction impérieuse et inexorable , qu'il a mal-à- propos voulu
gagner . L'erreur donc que nous découvrons par rapport à nos
aifaires intérieures ou etrangeres ne part point d'aucune malveillance
personnelle du régent , soit envers la Suede , sbit envers
aucune des puissances étrangeres ; le mal vient infaiiliblement
de circonstances accidentelles , et ne peut être pris pour
des projets mûrs et bien examinés d'un gouvernement ferme .
Il suit de-là qu'un changement de personnes auquel le régent
peut être porté par ceux qui sont attaches avec courage et sin(
156 )
cérité au roi et aux principes politiques en usage dans tous les
états , sauvera la Suede , le jeune roi , aussi-bien que le regent
lui-même ; il est encore constant que ce changement ne geut
être plus certain que s'il est effectué par la médiation de sa majesté
l'impératrice de Russie , et qu'il s'arrêterait alors à la ligne
qui aurait été tracée sous sa protection . L'avantage qu'il y aurait
pour elle à sauver la Suede par des mesures paisibles , mais
vigoureuses , va être démontré.
( La fin dans un prochain numéro . }
De Francfort-sur-le-Mein , le 22 décembre.
Les petits moyens de finances que l'empereur est obligé
d'employer montrent assez dans quel état déplorable sont les
siennes , et la disette d'argent est un embarias que le roi de
Prusse , cet autre pivot de la coalition , partage avec lui ,
quoique à tout prendre , Frédéric- Guillaume soit moins ruiné
que François.
on
Voici comment s'expriment à cet égard des lettres deVienne du
4 décembre : la trésorerie se trouvant épuisée par les dépenses de la
guerre qui absorbe tout le revenu et même au - delà , il a été question
de payer en coupons tous les fonctionnaires publics ; mais
cet expedient se trouvant bien loin de remplir le but ,
s'est rávisé , et aujourd'hui c'est d'un emprunt pour le compte
des états des provinces qu'il s'agit . Ceux de Stirie et de Car- ,
niole l'ont déja annoncé : ils ont convoqué pour le 16 unë
assemblée où la chose sera mise en délibération , en prévenaut
les membres des états que cette mesure est urgente .
" D'autres lettres disent que les commandans impériaux de
Valenciennes et de Condé pourraient bien souffrir de l'humeur
qu'inspire au cabinet autrichien les désavantages marqués qu'il
a eus contre les Français. Leur conduite doit être examinée
et jugée militairement. La commission est même dėja nommée
; elle est composée du général Nostits , ayant pour assesseurs
les généraux Terzy et Sternibal .
On est un peu consolé par les nouvelles de Triest , qui représentent
cette place comme ayant infiuiment gagné à la révolution
française. Il ya dans ce pori là un mouvement prodigieux . Les
denrées du Levant , sur -tout les cotons de Smyrne s'y portent
en abondance . On espere aussi beaucoup pour l'avantage du
commerce du canal de communication ouvert entre la Theiss
et le Danube . Les entrepreneurs ont obtenu un octroi qui doit
durer 25 aus . En reconnaissance , ils ont donné à ce canal
le nom de l'empereur.
Voici encore un des nombreux meyens imaginés pour suppléer
au vide des caisses impériales . Le baron de Hugel a
proposé , en sa qualité de commissaire , aux états de l'empire
qui n'ont pas fourni leur contingent , un meyen de remplir
( 267 )
loyalement leur obligation , en payant , pour chaque homme ,
la somme de 200 florins , à compter du 1er . mars 1794 jus◄
qu'au 1er mars 1795. C'est au nom de feld - maréchal de l'empire
duc de Saxe - Teschen que cette proposition s'est faite .
Parmi les états de l'empire dont les contingens n'ont pas
joint , l'on nomme la Pomeranie citérieure , toutes les maisons
ducales de Saxe , la majeure partie des états du cercle de
Westphalie , Mecklenbourg , Holstein , l'évêché de Lubeck ,
les villes impériales de Goslar , Nordhausen , Hambourg et
Bremen .
Nous avions raison de dire que Frédéric Guillaume n'était
gueres moins embarrassé pour avoir de l'argent que François
II . En effet , suivant des nouvelles de Berlin , non- seulement
les sommes destinées aux fêtes d'hiver seront distri
buées cette année aux femmes et aux enfans des soldats qui
sont en campagne , mais même le gouvernement vient d'ouvrir
un emprunt indéfini sous la direction de Struenzée ; le
motif avoué de cet emprunt est l'embarras que cause dans le
commerce la trop grande quantité de petite monnaie en cir
culation dans les possessions prussiennes . On ne recevra que
la monnaie de cuivre 、
les coupons qui porterout intérêt à
quatre pour cent pourront être de 25 , 50 , 100 , 500 et
mille écus remboursables six mois après la paix . Le gouvernement
tâche de faire interpréter favorablement cette mesure
eu donnant à entendre qu'elle n'a pour but que de diminuer
la masse de cette monnaie , dont la guerre a fait émettre
une grande quantité . Mais on sait de bonne part que c'est une
opération de finances comme toutes les autres . D'ailleurs , on
est éclairé sur le vrai motif par l'invitation que le cabinet de
Berlin a faite , le 22 novembre , aux plus riches états des
cercles antérieurs , de concourir à un emprunt de 8 à 10 millions
de forins à 4 pour 100 , dont S. M. P. avait besoin
pour fournir provisoirement à l'entretien des 20,000 hommes
que le prince de Hohenlohe ramenait sur les bords du Rhin .
et dont on notifiait en même tems officiellement la prochaine
arrivée , parce qu'on espérait que cela disposerait les états à
faire des sacrifices pour leurs défenseurs. On insinuait aussi
que des agens respectifs pourraient se rassembler vers le
8 décembre dans notre ville , à l'effet de mettre en regle cette
affaire , dont la conclusion ne devait pas souffrir de difficulté
puisqu'on offrait aux prêteurs toutes les sûretés qu'ils pouvaient
demander.
Des lettres de Neuwied du 10 décembre , représentent laroute
de l'autre côté du Rhin comme couverte , depuis quelques
jours , de troupes , de canons et de chariots qui défilent sans
cesse d'Andernach sur Coblentz , Quelques soldats crient dans
leur marche aux troupes de ce côté : Mayence , Mayence ! Ou
voit aussi passer de nouvelles troupes autrichienacs de ce côté ,
( 268 )
•
et quelques- unes de celles qui ont été en cantonnement dans
les environs elles se portent vers le Bas- Rhin .
:
Quant à Mayence , il y arrive presque journellement des
troupes pour en renforcer le garnison , et indépendamment de
ces secours , on croit qu'il sera établi une armée d'observation
aux postes de cette ville , dans laquelle le général Mollendorf
se rendit le 12 , et assista à une conference qui ne fut levée
qu'à minuit.
Le 14 , les Français tenterent à 8 heures et demie du soir
d'enlever l'avant-poste de Weissenau qu'ils attaquerent avee
Jeur impétuosité ordinaire ; mais ils se raviserent apparemment
sur cette entreprise , car ils regagnerent leurs lignes après
s'être avancés jusqu'à moitié de l'endroit , quoique toute la
chaîne de piquets allemands se fût retirée dans les Flêches an
bout d'une fusillade assez courte ce qu'il y a de sûr , c'est
qu'à minuit la division des hussards de Wurmser occupait
les postes perdus , et que les Français ne renouvellerent point
Fattaque le lendemain , comme le craignaient quelques officiers .
antrichiens qui resterent daus les Fleches pour s'y opposer.
Il y eut seulement le 15, quelques coups de fusils échangés de
part et d'autre , ou de ces tirailleries qui précedent ou suivent
une action plus importante.
ITALIE.
gouverne.
Suivant des lettres de Turin du 26 novembre , le
ment vient d'émettre de nouveaux billets de crédit jusqu'à la
concurrence de 12 millions . C'est la nécessité de faire face
aux dépenses excessives de la guerre qui l'a contraint d'avoir
recours à cette mesure . Mais les nouveaux billets seront discrédités
par les anciens . De pareilles opérations ne pouvant
se faire avec succès dans un pays presque totalement infertile
et sans commerce , où l'agriculture doit tout supporter et
où elle est deja surchargée d'impôts .
Il paraît , d'après divers mouvemens entre les Autrichiens
venus à la défense des Fiémontais et les troupes françaises , qu'il
n'y aura pas cette année de quartier d'hiver , à moins que la
saison n'y contraigne impérieusement. Les Français dans un
de ces mouvemens du côté de Céva ont impose des contributions
sur leur route , et pris beaucoup de bétail . Mais n'ayant
point trouvé de résistance dans le pays de Pampara , ils ont
payé en assignats les 200 boeufs qu'ils ont emmenés . Le 25 ,
sept cents Autrichiens , détachés du corps commandé par le
général Colli , ont repris leur poste à Dego pour obse.ver les
mouvemens des Français .
Des lettres de Rome du 6 décembre présentent cette ville , où
le commerce et l'industrie n'eurent jamais beaucoup d'activité.
comme travaillée d'une espece d'inquiétude sourde ; il semble
( 269 )
qu'on y craigne la prochaine subversion du gouvernement. Les
mesures de rigueur qu'ila prises n'empêchent pas qu'on n'achete
et qu'on ne resserre beaucoup d'or et d'argent. Ces contraven
tions donnent lieu fréquemment à des visites domiciliaires . On
vient de saisir chez des particuliers 4000 écus d'or et de grosses
sommes en billets . Au reste , il faut convenir que de saint-pere
obéit à des insinuations bien propres à ruiner ses affaires . Une
sorte d'esprit de vertige vient de lui faire fulminer une bulle
contre 83 propositions du concile diocésain de Pistoie . Ces
propositions sont adoptées non - seulement dans toute la Toscane
, mais encore, daus les autres possessions autrichiennes en
Italie . Par conséquent une pareille conduite du chef de l'église
peut le brouiller avec l'empereur et le grand- duc , comme il
l'est dans le fond , malgré une réconciliation apparente avec
le roi de Naples , qui ne veut pas reconnaître sa suprématic ser
le royaume des deux Siciles .
Venise , 29 novembre. Le citoyen Noël qui résidait ici depuis
quelque tems , en qualité de ministre plénipotentiaire de la
République Française , sans avoir encore été reconnu
gouvernement Venitien , vient d'être rappellé à Paris . Il a été
remplacé par le citoyen Lallemant , avec le titre d'envoyé ex.
traordinaire . Ce dernier a déja été admis devant le sénat qui
s'est empressé de reconnaître son caractere . On attend encore
un nouveau consul de France , que l'on dit être le citoyen
Alliaud , d'abord vice consul à Naples .
ESPAGNE. De Madrid , le 11 novembre .
Les nouvelles que le gouvernement reçoit des diverses
armées , sont bien propres à l'affliger . Elles ne contiennent
que des défaites des Espagnols , et des succès des Français .
On mande de Navarre , que les derniers , après avoir remporté
une victoite , se sont avancés vers Pampelune , et ont
déja mis le siége devant cette place. La plus grande consternation
regne dans la Biscaye et dans la Navarre , d'où l'on
voit émigrer une foule d'habitans qui se réfugient , partie à
Sarragosse , partie à Madrid . Au milieu de ces revers , le
cabinet s'agite beaucoup . Il tient frequemment des conseils ,
dont la durée est extrêmement longue . Il est toujours question
de procéder à de nouvelles levées , et d'armer les paysans . Ne
pouvant plus compter sur les hommes qui président aux affaires
dans le moment actuel , Charles IV en va chercher dans l'exil
ou la retraite. On vient d'appeller de Gallice don Pietro di
Acugna , qui fut jadis ministre de la justice , et don Eugene
Llaguno.
Le gouvernement , pour subvenir aux frais immenses des
armées , fait de grandes réformes dans les dépenses de la cour."
Il vient de supprimer les carosses qui étaient entretenus pour
( 970 )
les individus exerçant certaines charges à la cour. Une grande -
partie même de ces différens emplois n'existera plus à l'avenir.
Le gouvernement a ordonné de relâcher deux bâtimens
danois et un suédois , chargés de munitions de guerre et de
mâtures , qui avaient été arrêtés et conduits à Carthagêne . Mais
leur chargement a été gardé après avoir été payé au prix de
la facture .
La Hollande a fait acheter à Cadix un vaisseau de 64 canons .
Le prix d'achat est de 64,000 piastres fortes .
ANGLETERRE. De Londres , le 4 décembre.
A l'époque du 25 novembre , l'amiral Howe senait roujours
la mer ; il croisait entre l'embouchure de la Manche et la latitude
de Brest pour assurer l'arrivée des flottes marchandes de
Cadix , de Lisbonne et d'Oporto , convoyées par plusieurs
vaisseaux de guerre , dont quelques- uns ont de fortes sommes
à bord .
Cette flotte protectrice est rentrée à Spithead le 30 novembre ,
sans avoir rencontre dans sa eraisiere aucune eszadre française .
Mais le convoi de la Mediterranée n'est encore parvenu qu'en
partie dans les ports de la Grande-Bretagne , des vens violens
l'ayant dispersé à l'entrée du canal .
La fregate la Circé est allée chercher en Hollande la duc
d'Yorck. On croit qu'il ne commandera plus sur le continent ,.
et que pour le dédommager et le consoler de la perte de cé
commandement , on lui donnera celui des troupes de l'intérieur.
Ce qu'il y a de certain , c'est que les espérances de paix
' évanouissent de jour en jour. Le ministere vient d'ordonner
la levée de plusieurs nouveaux régimens , et s'occupe de prés
paratifs pour la poursuite de la guerre.
On avait compté que le parlement rentrant le 30 novembre
fixesait l'incertitude du public sur cet objet. Mais on s'attend
à le voir encore proroge jusqu'au 21 janvier , comme celui
d'Irlande l'a été jusqu'au 22 du même mois .
Il paraît , d'après des lettres de différens ports de l'Amérique
méridionale et septentrionale , et même quelques passages de
la gazette d'Antigoa , que les Français sont parvenus à reprendre
la Guadeloupe.
La petite armée du général Graham retourne en Angleterre ,
mais aux conditions de ne plus servir contre la France.
L'issue du procès de Thomas Hardi et de John Horne -Tooke
en promet une heureuse à M. Thelwall , le dernier des accusés
impliqués dans la même affaire . C'est encore le fameux Erskine
qui est chargé de sa défense , et parmi les jurés il y en a six de
ecux qui ont absous Thomas Hardy.
( 272)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONAL
PRESIDINCE DE BENTABOLLE.
Séance de septidi , 7 Nivêse .
La société populaire d'Eurre , distrist de Crest , " départen
ment de la Drôme , exprime le desir qu'elle a de voir encou
rager l'agriculture . Elle fait l'éloge du rapport présenté par
Grégoire à la Convention , le 18 vendemiaire de l'an 2º . , au
nom des comités réunis d'instruction publique et d'aliénation ,
sur les moyens d'améliorer l'agriculture en France. Les comités
proposaient l'établissement d'une maison d'économie
rurale dans chaque département. Ce projet a été adopté par
tout le district de Crest et par une assemblée de cultivateurs
de chaque commaue de ce district , convoqués par l'agent national
pour délibérer à ce sujet . La société d'Eurre en réclame
en conséquence l'exéention . Renvoyé aux comités d'agris
culture et d'instruction publique.
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté générale et de législation , annonce que ces comités ,
chargés par la Convention d'examiner la denonciation de
Lecointre , coutre Billaud- Varennes , Collot- d'Herbois , Bar
rete , Vadier , Vouland , Amar et David , ont obéi à ses ordres
et que le sentiment seul de leurs devoirs a pu les soutenir.
dans un travail aussi pénible. Il vient en présenter le résulte
à la Convention . Les comités ont estime qu'il n'y avait pas ,
lieu à examen à l'égard de Vouland , Amar et David , mais
qu'ily avait lieu à l'égard de Billaud- Varennes , Collot - d'Herbois
, Barrere et Vadier.
La Convention decrete la proposition de ses comités , ot
arrête de plus qu'elle tiendra ce soir une séance extraordi
naire , pour procéder , conformément à la loi du 8 bramaire
dernier , à la nomination d'une commission de vingt-uu membres
, pour lui faire un rapport sur les dénonciations faites
contre les représentans du peuple ci - dessus nommés , Billaud-
Varennes , Collot -d'Herbois , Barrere et Vadier.
Barrere obtient la parole et dit que la Convention s'est
enfin rendue à l'objet de ses voeux et de ceux de Billaud et
Collot ; qu'il était tems d'examiner lea calomnies répandues
contr'eux. Ils auraient provoque eux-mêmes cet examen , si
on ne l'eût pas demandé avant eux , afin de prouver qu'ile
n'ont pas cessé de mériter l'estime publique ; et l'on verra
à la manière grande et généreuse dont ils se défendront qu'ils
.
( 272 )
ne veulent qu'éclairer l'opinion du peuple. Barrére fait part en
même tems à l'Assemblée de deux faits qu'il croit essentiels ;
le premier , que le comité des inspecteurs de la saliè leur a
refusé de faire imprimer , par l'imprimeur de la Convention ,
leur justification ; le second , que les comités de gouvernement
leur ont refusé la communication des pieces remises par
Lecointre , en leur disant que c'était par la commission des
vingt- un que cette communication devait être faite.
Collot-d'Herbois parle après Barrere et s'explique dans le
même sens . Il assure que la vérité renversera d'un souffle l'édifice
de mensonges , de perfidies et de persécutions combinés
contr'eux depuis quatre mois . Il assure que cette persecution
n'a pas troublé le calme de leur conscience , qu'elle leur était
due et qu'ils sont glorieux de l'éprouver ; ils ne demandent
que la justice et ils reconnaissent que la Convention en suit
constamment les principes . Collot demande que la Convention
décrete qu'ils sera permis à son imprimeur d'imprimer leur
défenses.
Cette proposition est adoptée .
Garnier ( de Saintes ) demande que l'amnistie accordée aux
rebelles de la Vendée soit étendue aux habitans des communes
voisines qui ont partagé leur erreur , et il cite celle
du Mans . I demande que les tribunaux mettent en liberté les
individus détenus , après leur avoir fait prêter le sermeni de
fidélité à la République..
Bourdon ( de l'Oise ) dit qu'il est bien éloigné de combattre
aucun des moyens qui peuvent concourir à ramener la tranquillité
et rendre à la patrie des enfans égarés ; mais qu'il ne
croit pas qu'on doive mettre en liberté les parens des rebelles
avant que ceux- ci aient posé les atmes . Il demande le renvoi
de la motion de Garnier aux comités . Décrété .
Johannot , au nom des quatres Onités , soumet à la discussion
le projet de décret sur les finances et le commerce .
Boissy diAnglas développe dans un discours les nouveaux
principes qui doivent diriger la Convention dans la législation
du commerce ; il appuie les mesures des comités et y ajoute
de nouvelles considerations .
Sans doute , dit- il , nous aurons bien des difficultés à
vaincre ; mais aussi , nos ressources sont immenses . Il n'est
rien qu'on ne puisse attendre du sol si fécond de la France ,
pourvu qu'un gouvernement moral , énergique et stable , protege
l'industrie , favorise les spéculations utiles , et assure les
effets de la révolution du 9 thermidor . On nous parle toujours
de nos embarras ; pourquoi tait-on ceux de nos ennemis ?
pourquoi ne nous peint- on pas l'Autriche , épuisée par trois
campagnes et par des emprunts ruineux ? Ne nous arrêtons
pas au Piémont , il est indigne de nos regards . La Hollande
est presqu'effacée du tableau des puissances , sa banque s'est
versée dans celle de Londres . La Prusse a vuidé le trésor
laissé
( 273 )
laissé par le grand Frédéric . Le commerce de l'Angleterre languit
à cause des difficultés des communications et de nos prises
nombreuses. Que la Convention porte l'ordre et l'économie
dans les finances , et notre crédit se relevera bientôt . C'est à la
fidélité à nos engagemens et à notre respect pour les propriétés
que nous devrons sur-tout la restauration du credit national.
Ce discours très - bien fait a été souvent applaudi et méritait
de l'être .
Séance extraordinaire du soir.
Avant de procéder à l'appel nominal pour la nomination
de la commission des vingt- un , Rhul demande la parole pour
une motion d'ordre . Citoyen's , dit - il , voulez vous vous déchirer
vous mêmes ? les lignes des ennemis sont plus fortes
que jamais . Ils bordent les rives du Rhio . L'explosion de
Parsenal de Landau ne peut- être que l'eller des intelligences
qu'ils ont dans cette place . Voulez - vous , par vos dissentions
intestines réjouir les Autrichiens et les Prussiens .
Il s'éleve de violens murmures . Les uns demandent l'appel
nominal , les autres que Rhul soit entendu. Après une longue
agitation et beaucoup de motions qui se croisent , la parole
est retirée & Rhul ; l'on procede à l'appel nominal. Les
citoyens dont les noms sortent de l'urne , sont : Sergent , Beauchamp
, Bernard ( de Saintes ) , Dubuse , Chenier , Viellet ,
Vasseur de la Somme ) , Meyer , Réal , Chevalier , Saladin ,
Johannot , Batelier , Lobinhes , Sauvé , Cosuard , Syeyes
Boutron , Montaigu , Courtois et Thomas .
Séance d'octidi , 8 Nivôse.
Paganel , au nom du comité des secours publics , fait décréter
que les dispositions de la loi du 27 vendemiaire , relative
aux colons déportés de nos isles depuis les troubles , seront
applicables à ceux qui étaient en France avant ces troubles ,
et dont les propriétés ont été dévastées , pourvu qu'ils prouvent
leur indigence , et qu'ils envoyaient en France les productions
provenant de leur sol . S'ils n'avaient point de propriétés ,
ils recevront dans leur commune les secours communs .
Les représentans du peuple délégués dans les départemenst
des bouches - du - Rhône , du Var et dans les ports de la Méditerranée
, écrivent à la Convention que la loi du 6 frimaire
dernier , en faveur du commerce , est un premier bienfait
mais que ne suffisant pas pour lui rendre sa liberté et son
énergie , il en fait présager plusieurs autres . Ils prouvent que
le moyen vraiment efficace de remplir ce grand objet est de
rapporter la loi du maximum . Ils ont pris , en attendant , un
arrêté qu'ils soumettent à l'examen de la Convention .
Renvoyé aux comités de salut public , de commerce et
d'approvisionnemens .
Bentabelle fait sentir à la Convention combien il est im-
Tome XIII .: S
1
( 274 )
portant de prendre des précautions pour empêcher les malveillans
d'induire le peuple ea errear, sur le décret qui a rapporté
la loi du maximum . Il demande qu'elle fasse rédiger une
proclamation qui contienne les motifs puissans qui l'ont déterminée
, et une invitation aux marchands à entrer dans ses
vues et à ne point écraser le peuple , mais à se contenter
d'un gain modéré .
Taillefer regarde cette proclamation comme inutile . Veau
et Couturier l'appuient . Ge dernier prononce un discours à
la suite duquel il propose des articles additionnels au décret ,
pour tenir le pain au même prix .
La Convention décrete la proposition de Beatabolle , et
charge Johannot , Cambacérès et le rapporteur du décret de
rédiger la proclamation .
Bailleul demande que David soit mis en liberté et rentre
dans le sein de la Convention , puisqu'elle a décrété qu'il n'y
avait pas lieu à examen de sa conduite. Adopté .
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté génerale et de législation , reproduit le décret sur
l'organisation du tribunal révolutionnaire , que la Convention
avait adopté le 23 thermidor , et qu'elle rapporta trois jours
après. Il annonce que les comités ont cru devoir y ajouter
deux articles : le 1er, portant que les juges et les jurés seront
renouvelles tous les trois mois ; le 2e . la réduction des juges
à 12 , au lieu de 24 , et des jurés à 30 , au lieu de 60. Ce
décret est adopté. ( Nous le donnerons après une rédaction
définive. )
Treilhard observe qu'un des articles est conçu de maniere.
à faire croire que la question d'intention doit être toujours
posée. Il pense qu'il y a des délits qui ne permettent pas de
douter qu'ils n'aient été commis avec des intentions nuisibles ;
et il propose de dire que la question d'intention sera posée ,
s'il y a lieu . Le rapporteur répond que cet article est tiré de
la loi sur l'instruction des jurés . Il voudrait qu'on revisât cette
loi qui renferme des défauts . L'observation de Treilhard n'a
pas de suite , il en fait une seconde relative à la maniere de poser
Tes questions ; il voudrait qu'elles le fussent de la maniere la
plus simple et peint de questions complexes , dont l'affaire
de Nantes à dû prouver l'inconvénient. Le rapporteur adopte
cette proposition qui est sur-le-champ décrétée.
Dubois demande que les jurés ne puissent désemparer ni
communiquer avec persoane , jusqu'au jugement de l'affaire qui
leur est soumise . Il dit que des jurés qui interrompent leurs .
fonctions sont exposés à des séductions de tout genre dans .
une ville comme Paris ; que d'ailleurs ces interruptions nuisent
à l'expédition des affaires . Il voudrait donc que si les jurés
ont besoin de repos ou de prendre des alimens , ils pussent le
faire dans un local convenable près du lien de leurs séances
sans communiquer avec le dehors . Ces proposition sontrem
voyées aux comités .
T
( 275 )
萝
: Duhem la Convention vient de prouver qu'elle veut lä
République , et qu'elle ne secondera jamais le fol espoir de
l'aristocratie et du royalisme qui s'agitent et qui voudraient
ramener la constitution de 91 , et nous donner un roi . ( Toute
l'Assemblée se leve en criant vive la République. ) Duhem : ce
mouvement sublime ne m'étonne point , je connais la Convention
; mais je dois vous prévenir qu'il se répand un ouvrage
qui a déja attiré les regards du comité de sûreté générale ,
et qui prêche l'amonr de la royauté. Je suis sûr que les comités
en maintenant la liberté de la presse sauront punir ceux
qui en abusent à ce point.
#
L'ouvrage est intitulé le Spectateur Français pendant le gouvernement
révolutionnaire ; par Lacroix , ancien professeur du
Lycée. A Paris , chez Buisson . L'auteur y déclare d'abord
qu'il doute du voeu du Peuple Français pour la constitution
de 1793. Duhem lit le 23. discours de cet ouvrage , dans
lequel Lacroix propose au peuple la question de savoir s'il
préfere la République ou la monarchie constitutionnelle de
1791. Il explique ensuite quelles doivent être les qualités
de ceux qui seront admis à voter sur cette question , et la maniere
dont il faudra s'y prendre pour s'assurer de la liberté
des suffrages et connaître ainsi le veu national , et il insinue
que la constitution de 1791 pourrait bien réunir la majorité
des suffrages.
L'Assemblée se pénetre d'ane juste indignation . On réclame
de toutes parts l'arrestation de l'auteur , et elle est décrétée à
l'unanimité.
Laignelot , au nom du comité de sûreté générale , annonce
que le comité à qui cet ouvrage a été dénoncé , a dėja rempli
les intentions de la Convention à cet égard , et même
lancé un mandat d'amener contre Buisson , l'imprimeur , et
`qu'il va envoyer l'auteur au tribanal révolutionnaire . ( Vifs
applaudissemen.s)
Duhem continne sa lecture. L'auteur parle des bienfaits de
la constitution de 1791 , et il prétend qu'elle serait mieux
adaptée au bonheur du peuple , en limitaut les pouvoirs du
roi.
Bourdon ( de l'Oise ) : Je jure de limiter les pouvoirs d'un
roi avec le poignard ; et nous aussi , s'écrient tous les
membres.
Un membre : La Convention a juré la république ou la
mort ; je demande qu'elle n'entende plus une pareille diatribe.
D'autres veulent que Duhem soit enten da . Il continue :
L'auteur prévoit le cas où la constitutiou de 1791 serait adoptée,
et où les membres de la Convention et les fonctionnaires
publics artels pourraient devenir les victimes du nouveau
1угап et il lui propose de décréter , avant la fin de ses
acances , que trois vaisseaux seraient équipés pour recevoir
( 276 ) .
les députés et les administrateurs qui , voudraient quitter le
France et passer en Amérique. On leur donnerait la valeur
de leurs propriétés , et 20,000 liv . d'indemnité .
Cette idée a jette un instant de gaîté dans l'Assemblée ,
au milieu de l'indignation profonde qui éclatait de toutes
parts , et les crisi de vive la République qui se sont faits de
nouveau, entendre , avertiront le royalisme de l'inutilité de ses
efforts .
Mailhe annonce que les comités ont préparé un rapport
sur la situation politique de la France , et qu'ils prouveront
qu'il n'est pas permis à un peuple de demander un roi.1
( Applaudissemens . ) Certes , dit Mailhe , le droit de société
est le premier la souveraineté existe dans le peuple , et ib
n'est pas permis à un peuple , d'après les droits saerés de la
nature , d'aliéner sa souveraineté le français qui voudrait un
roi serait un monstre. ( Nouveaux applaudissemens . )
:
Lequinio observe qu'il y aura toujours du désordre , tant
qu'il existera un point de ralliement pour les amis de la
royauté. Il demande que les comites prennent des mesures
pour expatrier le dernier rejetton des rois qui existe parmi
nous . Cette proposition est décrétée à l'unanimité .
Boissy- d'Anglas , pour achever de déjouer les malveillans qui
cherchent profiter de tout , annonce que la rigueur de la saison
n'a mis aucune interruption dans l'arrivage des subsistances ,
et que ce qui ne peut point arriver par la riviere vient par
terre ; if invite le peuple à être tranquille .
Cambon a fait un discours sur les circonstances actuelles .
Il a parlé long- tems contre les pamphlets et les pamphlétaires .
Il s'est plaint de l'oppression des patriotes et de l'opinion
publique qu'il croit corrompue. Il a même laissé percer quelques
regrets sur le décret d'hier contre des députés áccusés
d'avoir participé à la derniere tyrannie.
•
,
Bourdon termine la séance par des réflexions sur notre
situation et les projets de nos ennemis . Il voit que ses mas
noeuvres iendent à nous faire rentrer dans nos anciennes
limites ; mais il annonce que nous sommes en état de faire la
guerre encore pendant trois ans et plus , et que toutes les
fortunes des Républicains seront pour le soutien de la liberté.
Il conslut que nos freres n'ont pas répandu leur sang envain ,
et que la Convention toujours grande et majestueuse remplira
les destinées de la France. Ces réflexions ont été fort applaudies
. $ 25 $
Séance de nonidi , 9 Nivôse.
•
Lanthenas fait hommage à la Convention d'un ouvrage ra
nuserit de sa composition , sur le gouvernement considéré
sous le rapport de la morale et de l'instruction publique , et
dans lequel il prouve qu'elles seules peuvent terminer la rés
( 277 )
volution au profit du peuple , sans oppression , sans massacres
et sans tyrannie. Il demande que le comité d'instruction pu
blique soit chargé de l'examiner , et de décider s'il doit être
imprimé et distribué aux membres .
Bréard dit qu'il faut bien se garder de donner aux comités
le droit de censure sur les opinions des membres de l'Assem
blée , et que tous ceux qui ont des travaux faits sont autorisés
à les faire imprimer et distribuer .
Clausel demande que tous les membres de la Convention
qui ont des vues relatives à l'éducation , soient autorisés à les
faire imprimer et distribuer. Adopté.
Clausel dit que la Convention a frappé hier le royalisme ,
et qu'elle doit aucantir aujourd'hui le fanatisme . Il ajoute
Aqu'on a détruit le dimanche et qu'on n'a rien mis à sa place.
Il s'etonne que la discussion sur les fêtes decadaires ne soit
point ouverte. Chenier fait la proposition de la fixer à primedi
prochain, Décrété.
Sur la propesition de Treilhard , la Convention décrete
que le comité de législation presentera , sous trois jours , le
renouvellement des tribunaux de Paris .
J
Johannot presente la proclamation relative an décret qui
rapporte la loi du maximum . Elle est adoptée. ( Voyez à la suite
des séances. )
Un membre demande que , pour relever l'esprit public , on
y ajoute que les sociétés populaires n'ont pas cessé de bien
meriter de la patrie . Giraud- Poujolle s'y oppose , et cite des
sociétés populaires qui ont été dans un état de révolte contre
la Convention , telles que les jacobins de Paris et les sociétés
de Dijon et de Marseille . Il est persuadé que les sociétés régé
nerees qu'un esprit de corporation n'anime point , ne demandent
point de l'Assemblée ce témoignage de sa satisfaction .
La Convention passe à l'ordre du jour.
Johannot soumet à la discussion le projet de décret sur le
commerce et les finances. Les cinq premiers articles sont
décrétés . La discussion devient vive sur l'art. VI , portant la
Hevée du séquestre sur les biens des sujets des puissances avec
lesquelles nous sommes en guerre . Plusieurs membres démontrent
que c'est à cette mesure que nous devons en partie
la ruine de notre commerce . Ils croient que nous sommes
faits pour donner à nos ennemis cet exemple de grandeur et
de désintéressement. Bourdon qui avait combatta l'article ,
frappé des lumieres répandues dans la discussion et des considérations
qui ont ete présentées , en demande lui - même
T'adoption. Il est décrété. Il n'y a d'exception que pour la
banque Saint- Charles , appartenant à l'Espagne , et pour les
biens des princes étrangers possessionnés en France.
Béance de décadi , 10 Nivôse.
Maille se plaint du rédacteur du journal des débats , qui lui
$ 3
( 278 )
fait dire qu'an français qui demande un roi n'est pas un homme ;
mais un turc . Il fait sentir la conséquence d'une pareille injure
envers une nation qui a toujours été l'amie et l'alliée dès
Français . Il rappelle à la Convention qu'elle a décrété qu'elle
ne s'immiscerait jamais dans le gouvernement des
nations , et il demande l'insertion de sa réclamation au bulletin ,
et qu'une copie du procès - verbal soit adressée à notre ambassadeur
à la Porte . Cette proposition est décrétée .
antres
Bréard en prend occasion de demander le rappert du décret
portant qu'il ne serait fait aucun prisonnier Anglais , Hanovrien
ou Espagnol ; il regarde ce décret comme immoral et
impolitique , contraire an droit des gens et à la loyauté fran
çaise . Fier dans les combats , le Français ne sait pas tuer
après la victoire ; il n'a pas besoin d'un tel aiguillon pour
vaincre .
Le décret est rapporté.
Sur le rapport du comité d'instruction publique , la Convention
autorise ce comité à prendre sur les fonds qui sont
à sa disposition , ceux qu'elle jugera nécessaires pour répandre
les ouvrages les plus propres à détruire le fanatisme .
Carnot , au nom du comité de salut public , fait part d'une
nouvelle victoire remportée par l'armée du Rhin . Le fort du
Rhin de Manheim a capitulé le 5 de ce mois . ( Voyez les Noùvelles
officielles . )
Lesage Sénaut et Duhem trouvent que cette capitulation
est insultante pour le Peuple Français .
Carnot répond qu'en voulant jetter de la défaveur sur cette
victoire , on ne prouve que son ignorance . Il assure qu'il n'a
pas été fait de toute la campagne d'expédition plus sérieuse
et plus pénible , puisqu'elle s'est faite au milieu des glaces
et des neiges . Sans doute , dit - il , on aurait pu réduire Manheim
en cendres , mais il en aurait coûté sept ou huit mille hommes.
Il pense qu'après l'occupation d'un fort tel que celui dont
noure brave armée s'est emparée , les représentans ne devaient
pas balancer à accepter la capitulation qui a été offerte , et il
propose de décreter que l'armée du Rhin me cesse de bien
mériter de la patrie . Ce décret est rendu au milieu des plus
vifs applandissemens .
Les pétitionnaires sont entendus .
Séance de primedi , 12 Nivôse.
Cellier , au nom des comités de commerce et des approvisionnemens
, fait un rapport sur les franchises des ports de
Dunkerque , Marseille et Bayonne . Il établit que les visites
auxquelles sont sonmis les voyageurs qui sortent de Marseille
, attaquent les principes de liberté et rappellent les anviennes
cloisons fiscales , et il fait décreter la suppression des
franchises de ces trois villes , et ordonner que tout bâtiment
( 279 )
jet à la quarantaine ne pourra monilles dans un des ports
de la République , s'il ne prouve par un certificat authentique
qu'il s'est soumis à cette formalité ,
Un secrétaire lit une lettre de Nantes , qui annonce que
journellemeut les habitans de la Vendée rebelles et officiers
de l'armée de Charette , pleins de reconnaissance et de confiance
pour la Convention , se rénnissent à leurs freres . Cette
lettre sera insérée au bulletin .
Girard , au nom du comité de commerce , expose que la
Convention a reuvoyé à son examen la réclamation d'un membre
sur un des articles de la loi qui rapporte celle du maximum
et qui a pour objet de ne pas faire porter les requisitions faites
sur les districts qui n'auraient pas plus de deux mois de subsis
tances. Le comité a trouvé cette réclamation juste , et il propose
en conséquence de décréter que nul ne pourra se refuser aux
requisitions portées par les articles III et V de ls loi du 4 nivose
, à moins qu'il ne justifie qu'il ne possede pas de grains
ou farines au - delà de la consommation pendant six mois .
Ce projet de décret est adopté .
Plusieurs sections de Paris demandent à être admises . Elles
viennent rendre compte qu'hier , dans leurs assemblées géné
rales , les citoyens ont manifesté la plus grande haine pour le
royalisme , sur la dénonciation qui leur a été faite de l'ouvrage
de Lacroix ; mais elles préviennent que les terroristes , sous
prétexte que le nombre des royalistes est grand , cherchent à
faire renaître la terreur , et à attacher tous les anneaux de la
chaîne que nous avons brisée. Elles demandent à la Convention
de comprimer en même - tems les royalistes et les hommes
de sang.
Ces adresses ont été fort accueillies , et seront insérées au
bulletin .
Un membre dénonce un ouvrage intitulé Aux Amateurs du
bon vieux tems , dans lequel l'auteur fait l'éloge de l'ancien
régime.
Lecointre-Puyravaux croit que ces écrits infâmes sortent
des mains des terroristes . Ces hommes désespérés de voir
le regne de sang passé changent leur systéme , et sont devenus
royalistes ; il demande que le comité de sûreté générale
fasse sortir de Paris tous les fonctionnaires publics destitués
depuis le 9 thermidor et qui y afluent.
Fréron déclare qu'il a dénonce le premier cet ouvrage au
comité de sûreté générale ; mais il fait observer que les factieux
veulent en tirer parti pour anéantir la liberté de la presse ,
le palladinm de la liberté publique . Des injures qui lai sont
adressées partent d'un coin de la salle. It reprend : Oui , dit-il ,
la Convention qui s'est si bien prononcee contre le royalisme
, ne souffrira pas plus d'échafauds que de trône . Il est
ort applaudi , et demande qu'en prenant des mesures vigouuses
contre les royalistes , l'on maintienne la liberté de la
esse.
S 4
( 280 )
' Clausel appuie la motion de Lecointre - Puyravaux , et cite
nn faît à l'appui . Des hommes de sang ont agité la section
de Bonne - Nouvelle jusqu'à minuit pour lui faire adopter
une adresse dans laquelle on se prononçait à la vérité contre
le royalisme ; mais on ajoutait qu'il ne fallait plus parler de
Lerroristes .
Duhem : Quand je dénonçais Lacroix , je ne m'attendais
pas d'être traité de royaliste ; il me paraît étrange d'entendre
dire qu'un ouvrage royaliste parte d'un Robespieristé . Lacroix
ne l'est certainement pas . Duhem parle ensuite contre les signataires
des pétitions en faveur de Capet , Lafayette , et les
nises en liberté . Il voit les plus purs patriotes s us l'oppression
, et il finit par réclamer la liberte des opinions pour les
sans - culottes des sections , parce qu'ils n'ont pas les tresors de
la Cabarrus pour fire imprimer.
Tallien contre qui était dirige ce trait , réclame la parole :
C'est aujourd'hui le jour des explications , dit- il ; il est beau
pour la vertu. On a parlé d'une femme , la fille de Cabarrus ,
persécutée pour ses opinions philosophiques ; cette femme est
mon épouse . Jence par Robespierre dans un cachot , on lui
dit qu'elle n'avait qu'à lui écrire qu'elle m'avait connu sous des
rapports défavorables , et qu'elle obtiendrait un passe-port
pour l'étranger et la jouissance de ses propriétés . Elle s'y refusaet
elle est restée en prison jusqu'au 12 thermidor . Les pieces
trouvées chez Robespierre attestent qu'elle devait être envoyce
ce jour-là à l'échafaud. Tallien ajoute qu'on s'occupe
journellement dans les prisons à fabriqunr des calomnies contre
lui.
le
Cambon et Legendre attestent ce fait . Laignelot dit que
coraité de sûreté générale savait hier que la scene provoquée
par Duhem devait avoir lien aujourd'hui ; mais que le motif
n'est pas equivoque , lorsqu'on voit que c'est au moment
où la Convention a déclaré qu'il y avait lieu à´exainen contre
trois hommes que la Frasce accuse, I demande que tout
membre qui insultera ses collégues soit envoyé à l'Abbaye .
Audré Dumont se felicite d'avoir eu part aux calomnies des
terroristes , et de n'avoir employé que l'arme du ridicale contre
le fanatisme. Il convient même que pour soustraire à la furcur
de Robespierre les nobles , les prêtres et les riches du dépar- -
tement de la Somme , il a supposé une conspiration . Il ajoute
que ce moyen a réussi , puisqu'ils vivent tous , et sont libres
aujourd'hui . La Convention décrete la proposition de Laignelot,
et sur la motion de Bréard , appuyce par Bourdon ( de l'Oise ) ,
elle passe à l'orde du jour sur celle de Lecointre , motivée sur
ce que le comité de sûreté générale a des pouvoirs suffisans
pour assurer la tranquillité publique.
1
( 281 )
Praclamation sur la suppression du maximum .
Fraugais , la raison , l'équité , l'intérêt de la République
réprouvaient depuis long - tems la loi du maximum ; la Convention
nationale la revoque , et plus les motifs qui ont dicté
ce décret salutaire seront connus , plus elle aura de droit à
votie confiance . En prenant cette mesure , elle ne se méprend
point sur les circonstances dont elle est environnée . Elle
prévoit que la mauvaise foi s'efforcera de persuader à la credulité
que tous les maux causes par le maximum lui - même ,
sont l'effet de sa suppression . Mais vos fidels représentans
ont oublié ses dangers , et n'ont vu que l'utilité publique.
" Les esprits les moins éclaires savent aujourd'hui que la
loi du maximum anéantissait de jour en jour le commerce et
l'agriculture ; plus cette loi était en vigueur , plus elle devenait
impraticable ; l'oppression prenait en vain mille formes ,
elle rencontrait mille obstacles . On s'y dérobait sans
elle n'arrachait que par des moyens violens et odieux des ressources
prccaires qu'elle devait bientôt tarir .
cesse , ou
" C'est donc cette loi si desastreuse qui nous a conduit
à l'épuisement . Des considerations qui n'existent plus l'ont
peut- être justifiee a sa naissance ; mais une disette absolue
en cût été la suite nécessaire , si la Convention , en la rapportant
, n'eût brisé les chaînes de l'industrie . C'est à l'industrie
dégagée d'entraves c'est au commerce régénéré à multipliér
nos richesses et nos moyens d'échange . Les approvisionnemens
de la République sont confiés à la concurence et à la
liberté , seules bases du commerce et de l'agriculture . Mais ,
après tant de calamités , leurs bienfaits ne seront pas aussi prompts
que nos besoins sont pressans . Tout passage subit à un nouvel
ordre de choses , tout changement , quelqu'utile qu'il soit ,
n'est jamais sans secousse , et offre presque toujours quelqu'inconvénient.
L'impatience des citoyens a voulu dans ce
moment se pourvoir à tout prix des denrées nécessaires à
leur consommation . Cette cause jointe à l'inclémence de la
saison , a dû leur faire subir un renchérissement momentané.
Quelques jours encore , et nous verions les heureux effets d'un
decret que la malveillance calomniera sans doute ; mais qui était
commandé par le salut du peuple . Que toutes les craintes
disparaissent. Le gouvernement veille nuit et jour. Vos représentans
attendent tout du caractere qui distingue la nation
française , et les subsistances seront assurées . La fraternité né
sera plus parmi nous un vain mot ; elle repoussera également
les calculs de l'avarice et les fausses alarmes qui servent
encore mieux l'avidité des spéculateurs en produisant une disette
factices
( 282 )
" Vous ne compromettrez peint cinq années de travaux et
de sacrifices , et le génie de la liberté triomphera aujourd'hui
de toutes les passions , de ses besoins mêmes , et de la rigueur
des élémers , comme il a triomphe de tous les tyrans
de l'Europe .
" Vos ennemis s'agitent dans l'ombre , et cherchent à égarer
le peuple ; mais il sera sourd aux insinuations de la perfidie ,
et ne se ralliera qu'à la voix de la patrie .
Hier , la royauté semblait conspirer encore du fond de
son tombeau. Ses blasphêmes ont retenti jusqu'aux portes du
sanctuaire de la liberté . Mais ce dernier cri du fanatisme
royal , frappant d'indignation tous les Républicains , les réunit
pour leur prêter une énergie nouvelle . La justice et la raison
rameneront peu- à-peu l'abondance . Le peuple le plus magnanime
recueillera enfin le fruit de ses vertus ; et ses représentans
trouveront leur récompense dans le spectacle de son
bonheur. 21
PARIS. Quartidi , 14 Nivôse , 3e . année de la République.
Il est acile de s'appercevoir que le plan de ceux qui n'ont
pas le courage d'immoler leurs passions au salut de leur pays ,
ou qui craignent peut- être un examen trop rétrograde des événemens
révolutionnaires , est d'avilir et de molester la Convention
par des altercations périodiques qui prennent un carac
tere plus violent chaque fois qu'il s'agit de quelques mesures
extraordinaires . Profiter des circonstances difficiles pour tâcher
de dépopulariser la majorité de la Convention , sera toujours
la tactique de ceux qui n'ont jamais fait de la révolution qu'une
affaire de parti. On a va que l'époque de la mise en jugemen
de Carrier fut marquée par les plus vives agitations ; celle du
dernier rapport des trois comités de gouvernement en a fait
éclore de nouvelles . Des injures , des menaces , des provocations
et des apostrophes indécentes , tels sont les alimens dont
on voudrait nourrir l'Assemblée réprésentative , pour lui faire
perdre sa dignité , et la détourner d'acquitter sa dette envers
l'intérêt commun. Il ne suffit pas de rendre des décrets pour
se faire respecter , il faut être indexible dans leur exécution .
Si la Convention fléchit dans ses mesures de sévérité , elle ne
compromettra pas seulement sa propre gloire , mais l'espérance
, le salut et la vie de tous les vrais amis de la liberté qui
font aujourd'hui cause commune avec elle , et qui veulent le
regue de la justice et des lois .
Depuis la mesure repressive prise contre l'auteur du Spectateur
Français pendant la révolution , la liberté de la presse semble
avoir été frappée de terreur. Des écrivains , recommandables
( 283 ).
par leurs intentions , et qui s'occnpaient à payer le tribut de
Teurs lamieres à la chose publique ne rencontrent plus que
des obstacles dans la craintive circonspection des imprimeurs
et des libraires . Nous ne craignons pas d'assurer que toutes
ces alarmes sont vaines . La Convention saura toujours distinguer
celui qui dans des discussions politiques n'est animé que
du desir d'être utile , d'avec ces écrivains imprudens qui ,
des conjonctures délicates , et au milieu des agitations de l'esprit
de parti et des voeux formés par la malveillance , laissent
transpirer des opinions dont il est facile à celle - ei d'abuser
pour calomnier la liberté de la presse . Ceux qui affectent le
plus de crier au royalisme et de déclamer contre le systême
de liberté pour ramener l'esprit public sous leur proprejoug ,
ne sont peut- être pas les plus étrangers à ces productions abusives
, qui sont souvent l'effet d'une tactique adroite , dont a
fait plus d'une fois l'essai dans la révolution . On est trop
sûr de la clairvoyance et du bon esprit de la Convention , pour
n'être pas convaincu que si la liberté de la presse produit quelques
inconvéniens passagers , elle a des avantages si permanens ;
que , loin de laisser étouffer des pensées utiles , elle encouragera
leur manifestation . C'est un adage devenu populaire parce
qu'il est frappant de vérité , qu'il n'y a que les fripons et les
méchans qui craignent les réverberes .
Toutes les nouvelles qu'on reçoit de Marseille et de Toulon
qui vient de reprendre son nom , annoncent qu'on y fait des
préparatifs immenses qui paraissent destinés à une expédition
sur la Corse , et que notre escadre est sur le point de sortir.
Plusieurs bataillons sont déja arrivés , des ordres ont été donnés
à toutes les communes situées sur la route de Nice à Toulon ,
de préparer le passage à 20 mille hommes ; ainsi , sous peu de
jours il y aura une armée considérable . La plus grande ardeur
anime les troupes , et l'on n'attend plus que la division de
Brest qui doit arriver bientôt dans ces parages .
et
Un convoi de dix-huit voiles , chargé de grains , venant de
Tunis , est heureusement entré dans ce port , et il est présentement
en quarantaine ; la joie est dans tous les coeurs ,
nos subsistances sont assurées , soit pour le port de la Montagne
, soit pour les départemens voisins . Le représentant du
peuple Jean - Bon - Saint-André a ordonné la célébration d'une
fête civique sur l'anniversaire de la prise de Tonlon pour le
30. Une proclamation vient de l'annoncer au public , et tout
fait présager qu'elle sera gaie et intéressante . L'arrivée d'un
convoi immense qui assure nos subsistances , le tableau des
crimes atroces des Anglais , la justice enfin que le représentant
du peuple rend aux patriotes du port de la Montagne , tout
semble fait pour intéresser et satisfaire.
Il est encore arrivé dans ce port , sous pavillon tare , pld-
1
( 284 )
譬
sieurs bâtimens grecs et génois chargés de bled et autres comestibles
. Leur cargaison était destinée pour Nice ; mais les représentans
qui y sont , ayant trouvé cette commune suffisamment
approvisionnée , l'ont fait passer à Toulon et à Marseille .
Des lettres de Nantes portent que suivant une lettre de
Philadelphie , Saint Marc est évacué par les Anglais , et que
le Port- au-Prince est bloqué par terre par les noirs .
Circonstances sur la mort de Bailly .
De tous les hommes de la révolution , Bailly est l'un de
ceux qui a été le plus rassasié de gloire , et qui y était le
moins appellé à y figurer un rôle par son caractere et ses
inclinations naturelles . Occupé de sciences et de philosophie ,
doué d'une ame douce , plus propre à la méditation qu'au
grand mouvement des affaires , il avait passé sa vie dans une
retraite modeste , dégagé de toute ambition , et sans autre
desir que celui d'une célébrité que son style et ses connais
sances étaient sûrs de lui mériter. Dans son histoire de l'Asstronomie
et ses lettres sur l'Atlantide , il s'était montré presque
légal de Buffon . La révolution de 1789 le porta sur un
théâtre qui semblait le moins convenir à ses habitudes . Nommé
aux états -généraux , il s'y fit remarquer par son aménité , par
son esprit conciliant et le taet des convenances . Il fut le premier
président de l'Assemblée nationale , et le premier maire
de Paris . Heureux si , mieux instruit par l'expérience des
hommes et des choses , il eût sû se défendre de la petite
vanité d'être prolongé dans des fonctions qui devenaient périllenses.
S'il se fût borné à sa premiere mairie , rien n'eut
manqué à son lustre civique. Il voulut être maire une seconde
fois , et il devint la victime d'intrigues qu'il n'eut pas la
sagacité d'appercevoir. L'affaire du Champ- de- Mars le perdit,
ou plutôt elle a servi de prétexte à des hommes qui avaient
jusé d'immoler toute espece de mérite à leur tyrannique popularité
. Nous allons rapporter quelques circonstances qui ont
précédé et accompagné la mort d'un homme qui était digne
d'une autre destinée .
Bailly écrivit dans sa prison un mémoire justificatif sur
tous les faits dont il était accusé , notamment sur l'affaire du
Champ- de - Mars . Ce mémoire a été imprimé sous le titre de
Bailly à ses concitoyens ; mais il est peu counu ; car quoiqu'il
fût écrit avec la plus parfaite modération , qu'il n'inculpât
personne , et qu'il fût uniquement borné à la défense d'un
accusé , aucun libraire , aucun colporteur n'ont osé le vendre ,
et ce n'est pas la un des caracteres les moins frappaus de
'oppression universelte sous laquelle gémissait tout un peuple
qui ne parlait que de liberté.
( 285 )
" Bailly communiqna son mémoire à quelques - uns de ses
Compagnons de captivité , et particulierement à un homme
de beaucoup l'esprit qui , par les talens distingués et les
sages principes qu'il avait développés dans une de nos assemblées
nationales , méritait bien d'être compris dans la grande
Conspiration tramée par Robespierre contre tous les genres de
mérite.
" L'ami de Bailly fut vivement frappé de l'evidence des
preuves qui attestaient son innocence . Si on lit ce mémoire ,
lui dit il , il est impossible qu'on vous condamne . Ils ne le ,
liront pas répondit Bailly , et quand ils le liraient , ils me
condamneraient encore . Ils veulent ma tête et il l'auront ; et je
crois , ajouta- t-il que leur acharnement est tel , qu'ils changeront
pour moi la nature àu supplice ; ils ne le trouveront pas assez cruel .
Puis , apres un moment de réflexion , il ajouta : Cette idée
m'afflige pour les malheureuses victimes qui seront égorgées après mois
car la mort de la guillotine est bien douce. "
On trouve dans une brochure intitulée : Mémoire d'un détenu
pour servir à l'histoire de la tyrannie de Robespierre , des détails
non moins curieux sur l'infortané Bailly.
}
Vers le même tems , dit l'auteur , on amena Bailly , l'homme
de la révolution le plus heureux en honneurs , et celui dont l'agonie
fut la plus douloureuse . Il épuisa la férocité de la populace
dont il avait été l'idole , et fut lâchement abandonné par le
peuple , qui n'avait jamais cessé de l'estimer. Il est mort
comme le juste de Platon , au milieu de lignominie : on, cracha
sur lui ; on brûla un drapeau sous sa figure ; des hommes
furieux s'approchaient pour le frapper , malgré les bourreaux .
indignés eux -mêmes de tant de fureur . On le couvrit de
boue : il fut trois heures à la place de sen supplice , et son
échafaud fut dressé dans un tas d'ordures . Une pluie froide,
qui tombait à verse , ajoutait encore à l'horreur de sa situation :
les mains liées derriere le dos , obligé de ravaler l'humeur qui
s'écoulait de son nez ; il demandait quelquefois le terme de
tant de maux ; mais ces paroles étaient proférées avec le calme
digne d'un des premiers philosophes de l'Europe . Il répondic
à un homme qui lui disait : Tu trembles , Bailly.
ami, c'est le froid.
Mon
Si l'on demande d'où nous étions si bien instruits , qu'on
sache que c'était par le moyen de l'exécuteur , qui , pendant
une année entiere , n'a cessé un seul jour d'être appellé dans
cette horrible demeure , et qui racontait aux geoliers ces abomimables
et admirables circonstances . ››
$
*
( 286 )
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Extrait de la procédure commencée contre Fouquier - Thinville ,
le 28 frimaire.
} Même témoin. Dillon , qui avait été mis en liberté , fut accusé
avec Hebert. Castellane était déja arrêté dans l'endroit où il
demeurait. Je dis , si ce n'est pas lui , on le renverra , amenez - le
toujours . Il a voulu dourer 100 mille liv. pour son évasion ; il
doit être sorti . Mais je n'ai pas donné l'ordre d'arrêter tous les
Castellane .
Quant au guillotinage de Pâris , de Tavernier et de Wolf ,
c'est une invention . Voici la cause de l'arrestation de Pâris , et
des dangers qu'il a pu courir . Dénoncé pour des propos , et
pour avoir pris les intérêts de Danton , le comité de sûreté générale
lança contre lui un mandat d'arrêt qui fut révoqué .
Mais après la condamnation de Danton , il s'est vanté qu'il ne
signerait point son arrêt de mort , il fut incarcéré . Ce n'est pas
moi qui ait fait mettre Danton en jugement , c'est en vertu d'un
décret.
Le cure Macé avait été mis en liberté ; pour le même fait , le
tribunal , et non pas moi , lança un nouveau mandat d'arrêt .
contre lui . Il est faux qu'il se soit passé un mois sans chercher
à le mettre en exécution .
" Dans les reproches qui me sont faits relativement aux
femmes déclarées enceintes , on a constamment suivi le rapport
des chirurgiens , et , à l'époque du 9 thermidor , il y avait excore
à l'hospice neuf femmes enceintes . D'ailleurs , le rapport
des chirurgiens était toujours suivi d'un jugement rendu en la
chambre du conseil .
On a observé à l'accusé que les rapports distinguaient les
femmes enceintes , celles qui ne l'étaient pas , et celles dont la
grossesse était donteuse , et que dans le doute on devait toujours
suspendre l'exécution .
L'accusé a répondu : Dans les cas douteux , on en a agi ainsi ,
et là - dessus il faut consulter les procès- verbaux qui doivent
exister.
Ici Wolf a dit : Oui , dans les commencemens on en agisait
ainsi , mais non dans les derniers tems ; car trois femmes
qui s'étaient déclarées enceintes , et qui avaient porté leur déclaration
à la chambre du couseil , furent guillotinées le même
jour.
Fouquier : La Monaco n'a été exécutée que trois jours après
son jugement.
On lui a encore observé que les chirurgiens avaient déclaré
qu'elle était enceinte , et que néanmoins elle avait été exécutée ,
1287 )
Fouquier Le rapport des chirurgiens lui était contraire
Elle a avoué elle-même qu'elle n'était pas grosse.
Quand Dumas fut arrêté , le g thermidor , à deux heures et
demie , et non à midi et demi , on m'a reproché que j'avais dis
que cette affaire n'était rien ; il m'était revenu qu'il avait parle
aux Jacobins contre Collor- d'Herbois , et je croyais que ce n'était
rien , parce que nous ignorions encore ce qui se passait à la
Convention relativement à Robespierre. A trois heures at demie
, j'allai dîner chez Verne , qui , dînant rue mêlée , m'avait
invité le 6 à venir dîner chez lui le ' g . Nous entendimes le
rappel ; on nous dit qu'il avait pour objet un rassemblement
d'ouvriers , qui réclamaient contre le maximum. Mais lorsque je
fus instruit du véritable objet de ce rappel , je revins ici à mon
poste , où je restai jusqu'à minuit et demi. Ensuite , j'allai
au comité de salut public , d'où je revins à cinq heures du
matin .
Je voyais Fleuriot- l'Escot comme on voit un collégué et un
maire de Paris ; mais je n'ai pas connu la conspiration , Si je
n'ai pas requis l'application de la loi contre Fleuriot , ainsi
que je l'avais fait eontre neuf ou dix autres , c'est qu'il n'était
pas alors présent ; car s'il y avait été , j'aurais requis de même .
Mais on me dit qu'il était au comité de sûreté générale ; on l'envoya
chercher , ce qui occasionna une heure d'interruption .
J'ai dit , il est vrai , qu'on n'aurait pas dû guillotiner le maire le
dernier , parce que les triumvirs étaient là . Robespierre devait
passer le dernier , et non le maire de Paris ,
La séance se levait au moment où arriva le décret de la Convention
qui suspendait toutes procédures commencées au tribunal
; la lecture et l'enregistrement en furent ordonnés .
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DU RHIN
Michaud , général en chef de l'armée du Rhin , au comité de
salut public.
Citoyens représentans , le fort du Rhin devant Manheim
est au pouvoir de la République . L'armée du Rhin , précédée
par les représentans du peuple , Ferrand et Merlin , vient d'en
prendre possession .
Animés de leur exemple , généraux , officiers et soldats
tous ont fait leur devoir. Vos collégues , qui ont partagé les
dangers et la fatigue de ce siége , sont à même de vous rendre
ce témoignage .
" L'ennemi a capitulé après 14 heures de bombardement.
Salut et fraternité . Signé , MICHAUD .
( 288 )
Capitulation proposée par les troupes intérieures et palatines à l'armée
française du Rhin , pour la reddition du fort du Rhin de Manheim.
Le fort du Rhin de Manheim sera renda à l'armée assiégeante
le 25 décembre 1794 , à midi , avec l'artillerie , munitions
et autres objets qui pourront s'y trouver à l'instant desa
reddition , à la condition ci- dessous .
199 La ville de Manheim ne sera point bombardée tant que la
guerre n'aura lieu que sur la rive gauche.
" La démolition du fort du Rhin de Manheim ne sera point
inquiétée. La moindre insulte à ce sujet sera regardée comme
une violation du présent traité , et réprimée par le bombar
dement de la ville .
A Manheim , le 24 décembre 1794.
Signés , le commandant - général commandant les troupes de sa
majesté l'empereur d Manheim et aux environs , comte de WARTENSLEBEN
, général d'infanterie ;
Le commandant- general , gouverneur de la ville de Manheim , pour
son altesse sérénissime électorale palatine , DE BETTERBACH .
Accordé au nom de la République Française les demandes
ci-dǝssus .
L'adjudant-général chargé de pouvoirs suffisans , HEUDELET .
Vu et ratifié au nom de la République Française par les représentans
du peuple et les généraux commandant l'armée devant
Manheim , le 5 nivôse de l'an 3. républicain.
Signés , MERLIN ( de Thionville ) et FERRAND .
" P. S. Dans la séance du 13 Carnot a annoncé la nouvelle
de la prise de Grave , du fort Saint - André , de l'isle
de Bommel et d'un combat sous les murs de Bréda , dont
les lignes ont été forcées . Nous avons pris , dans la même
journée , 120 bouches à feu , 2 drapeaux , la caisse d'un
régiment , 300 chevaux , et fait 1600 prisonniers . Dans ce
nombre ne sont compris ni l'artillerie , ni la garaison de
Grave qui est prisonniere de guerre , et qui vient en France .
La Convention a décreté que l'armée du Nord ne cesse
de bien mériter de la patrie.
La Cenvention a chargé ses comités de lni présenter les
moyens de retirer une partie des assignats en circulation ,
en leur prohibant toute espece de proposition tendante à la
démonétisation.
( No. 22. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 NIVOSE , l'an troisieme de la République,
( Vendredi 9 Janvier 1795 , vieux style , }
* Explic, des Charade , Enigme et Logogriphe du No. 21 .
3 Le mot de la Charade est Dépôt ; celui de l'Enisme es l'Ams , parcelle
de la Divinité ; celui du Logogriphe est Maréchal ; où l'on trouve mal,
drchal , harem , char , Rachel , Chạm , arc , marc , marche.
LÉGISLATION.
Que la République est le seul gouvernement qui convienne à la France
et des avantages de la démocratie représentative ( 1) ,
L'EFF ' EFFET naturel du systême de terreur qui a pesé sur la
France jusqu'à la chûte de Robespierre , avait été de compri
mer également les bonnes comme les mauvaises pensées . Après
la destruction de ce systême, on a dû s'attendre que parmi
les idées utiles que ferait naître l'esprit de liberté et l'amour
de son pays , la malveillance y mêlerait aussi ses poisons . Mais
il y a certe différence , qu'aujourd'hui il est permis de
discuter , s'il s'éleve une maxime funeste ou une intention pers
fide , elle peut trouver mille contradicteurs pour la combatre
Tel est le bien qui résultera toujours de la liberté de la
presse.
Lorsqu'à l'ouverture de sa session , la Convention nationale,
indignée des crimes de la royauté , décréta spontanément la
zépublique , ce fut un beau monvement qui bonora les représ
senians d'un people libre dont ils avaient pressenti la volonté, í
Heût cté à desirer que cet élan sublime eût été accompagné
d'une discussion solemnelle , dans laquelle , mettant en balance
les avantages inappreciables du gouvernement républicain avec
la monarchie , même constitutionnelle , on sût prouvé faci
lement la superiorité que cette forme de gouvernement doit
avoir sur la seconde. Get examen calme et approfondi aurait
(1) Cet article est du cit . LENOIR- LAROCHE , et extrait d'un ouvrage
sous presse , dont nous avons deja rapporté quelques fragmens. Nous
croyons que la matiere qu il y traite ne saurait etre plus convenable
aux circonstances .
Tome XIII.
T
tago T
fixé les irrésolutions des esprits timides , effacé les préjugés.
des ignorans , et enlevé aux partisans de la royauté des espérances
qu'ils n'auraient plus fondées du moins sur des prin
cipes apparens . Mais les circonstances impérieuses qui ont
forcé les législateurs à agir bien plus qu'à discuter , ne leur
ont pas permis de traiter une question qui tenait à des intérêts
trop récens et à des passions trop irritées pour être envisagée
de sang- froid sous tous ses rapports. Ce qui n'a pas
été fait alors , il n'est pas inutile de le faire en ce moment
où la longue tyrannie qu'on a exercée sous le nom de liberté
semble faire désespérer aux uns de pouvoir l'établir sur des
bâses solides , et sert de prétexte aux autres pour tâcher de
ressusciter des idées de royalisme encore mal effacées .
Je ne dirai rien de la monarchie absolue . Je ne ferai pas à
la nation française l'injure de croire qu'il y ait parmi elle aucun
individu assez avili pour regretter son ancienne servitude . Mais
le joug qui répugne à l'intention d'un peuple , il est souvent
contraint de le recevoir par la force des choses , s'il n'a pas
assez de sagesse ou de prévoyance pour en arrêter l'impulsion .
d'entre eux ,
Les anciens qui n'ont pas eu des idées bien nettes et bien
perfectionnées sur la meilleure forme de gouvernement , en
Ont apperçu du moins les vicissitudes , et ont décrit le cercle
révolutionnaire qu'ils parcourent. Les peuples , dans des
conjonctures critiques , éblouis par l'éclat de la valeur , ou
subjugués par la force de génie et la sagesse des conseils d'un
l'ont reconnu pour chef ; c'est la monarchie . Le
hef ayant fait aimer son autorité , les peuples ont voulu
consolider un pouvoir qui leur semblait utile ; c'est la royauté.
La puissance des rois dégénere en despotisme , et le peuple
irrite brise le pouvoir qui l'opprime et le confere aux hommes
habiles et courageux qui l'ont aidé à secouer le joug ; c'est
l'aristocratie . L'autorité entre les mains du petit nombre se
change en usurpation et en oligarchie oppressive ; le peuple
redoutant également et la puissance d'un seul et la puissance
de plusieurs , ne trouvant de sûreté que dans lui - même , se
resaisit de tous ses droits ; c'est la démocratie , c'est le regne
de la liberté et de l'égalité . La démocratie s'altere par l'ambition
des uns , par les grandes richesses des autres , par
Corruption publique , par l'influence des démagogues , par
l'exercice aveugle et désordonné de l'autorité du peuple , et
la tyrannie de la multitude ramene la tyrannie d'un seul
qui s'éleve ser les débris de l'anarchie . Telle est , suivant
Platon et Polybe , l'inévitable révolution des états .
la
Cette révolution , qui s'opere sous l'influence du tems , des
hommes et des choses , doit être pour nous une leçon frappante.
Il faut que les représentans du peuple , que les amis de
Ja liberté , que tous les Français soient pénétrés de cette vérité
terrible , que si nous ne savons conserver l'indépendance
que nous avons acquise à un prix si cher , la tyrannie est là
( 291 )
qui nous ferait expier par une oppression inouie tous les
affronts qu'elle aurait reçus. Un peuple qui perd sa liberté
par ses imprudences ou par ses excès retombe au-dessous de
lui-même ; il est dans l'opprobre de l'humiliation et dé la servi
tude , il devient mille fois plus esclave qu'il ne l'était avant
d'avoir brisé ses chaînes . Les tyrans couronnés ne pardonneut
pas plus que les tyrans démagogues . Quelle chaîne non interrompue
de fureurs et de vengeances ! Elle s'étendrait sur toutes
les classes , sur tous les partis elle envelopperait indistinctement
, patriotes , aristocrates , jacobins , montagnards , modérés
, amis ou ennemis de Robespierre ...... Je m'arrête , je
seus qu'on ne peut soutenir la vue de cette image effrayante .
Eh bien il faut pourtant l'avoir sans cesse sous les yeux ,
quand on voit que les passions , les haines , les discordes , la
perversité des méchans , la faiblesse des gens de bien , les
intrigues de l'étranger , et les voeux impies de quelques royalistes
, semblent faire oublier la possibilité de voir se réaliser
cet horrible avenir.
une
On ose parler de la constitution de 1791 ! Eh ! n'est-ce pas
un toi qu'elle doune ? qu'importe qu'il ait un peu plus ou un
peu moins de pouvoir ? Ne saura - t-il pas le reprendre ? Le
tigre qu'on enchaîne change- t- il de caractere ? , et s'il peut
briser ses liens ne dévore-t-il pas ceux qui l'ont muscle ? Si
la constitution de 1791 ù'a pu subsister quelques mois , auraitelle
une durée plus certaiue , aujourd'hui que les principes
républicains sont entrés si avant dans les esprits ? Ne faudrait-
il pas toujours une liste civile corruptrice , un trône ,
cour , des places à distribuer et une attribution de pouvoir
qui menace sans cesse la liberté ? voudrait- on se replonger dans .
cette lutte fatigante et déplorable entre le corps législatif et
le monarque , ressusciter le veto qui a laissé des impressions
si odieuses , lors même qu'il n'était que suspensif ? croirait- on
y remédier par l'établissement de deux chambres , par le systême
des contre-poids qui n'a jamais existé dans la pratique ?
ne sait- on pas que la corruption Enit toujours dans cette forme
de gouvernement par remettre toute l'autorité entre les mains
du roi , et par diviser le peuple en deux classes , celle qui se
vend , et celle qui achete ?
Est- il bien sûr qu'une monarchie puisse subsister sans noblesse
, saus corps intermédiaires et puissans ? Ce n'était pas
l'opinion de Montesquieu , et il faut avouer que malgré la
critique que l'on a faite de son systême , l'expérience a prouvé
que du moins sous ce rapport elle n'était pas fondée . Qui
voudrait consentir à la renaissance de ces corporations , et de cès
castes insolentes qui ont attiré sur la France trop de calamités
pour que celle-ci puisse les oublier , et qui en ont reçu des traitemens
trop justes pour que les autres n'en aient pas conservé
d'ineffaçables ressentimens ? Qui pourrait renoncer à l'égalité
sans laquelle il n'est point de liberté , et à la liberté qui ne peut
Ta
lege J
xister véritablement sans égalité ? L'état actuel de la fortune
publique peut-il s'accommoder un instant avec l'idée d'un retour
qui consommerait infailliblement sa ruine ?
On est heureux , dit- on , sous un roi juste ! Quel est le
peuple qui osera courir une pareille chance ? l'histoire
' est-elle pas empreinte à chaque page des crimes des rois ?
Qu'on jette les yeux sur les trônes de l'Europe , et si ceux qui
les occupent ne dégoûtent pas de la royauté , qu'on descende
jusqu'à la morale des ministres et à la politique des cours ?
C'est une conspiration permanente contre le bonheur et les
droits de l'espece humaine. Un peuple qui s'est ressaisi de son
indépendance et de sa souveraineté peut-il être assez insensé
pour l'aliéner de nouveau ? Un pareil contrast est nul ; un
peuple ne peut pas mieux qu'un individu vouloir ce qui est
contraire à ses intérêts et aux lois de sa propre conservation ,
Non , dans la position où la France s'est placée , elle ne peut
plus faire un pas en arriere sans y trouver un abîme , et quand
Te gouvernement républicain ne serait pas le meilleur , le plus
conforme à la nature le seul qui puisse garantir la liberté
individuelle et la liberté publique ,il faudrait encore l'embrasser
par cela même qu'elle ne peut plus en adopter un autre sans
exposer à des dangers inévitables. Heureuse impuissance qui
concilie le droit avec la nécessité , et la force impériensement
de vouloir ce qui est bon , et de marcher à sa gloire et à sa prospérité
!
Que les partisans de la monarchie sont faibles ou de mauvaise
foi dans leurs objections ! ils parlent de l'impossibilité de gou
verner en république au peuple de 25 millions d'hommes ré
pandus sur une surface de plus de 24 mille lieues quarrées .
Mais de quelle république entendent- ils parler ? est- ce d'une
démocratie où le peuple réuni en masse dans la place publique
, délibere constamment sur ses propres affaires ? C'est
une absurdité qui ne mérite pas qu'on daigne la relever. Qui
■jamais songé d'établir une pareille république en France ?
"
Ils citent l'exemple des républiques anciennes qui étaient
eirconscrites dans un territoire borné , et qui ont disparu
si-tôt qu'elles ont étendu leurs conquêtes et reculé leurs limites.
Mais aucune de ces républiques , qui étaient purement démocratiques
ou aristocratiques , n'ont connu le gouvernement représentatif
; elles n'avaient pas même besoin de le connaître.
La Grece , dont le territoire ne faisait pas la vingtieme partie de
la France , était distribuée en une multitude de petites villes ,
qui avaient chacune une forme de gouvernement différente, et où
le peuple pouvait s'assembler facilement . Cette quantité d'isles
semées dans l'Archipel étaient forcées par la nature de leur circonscription
à former autant d'états séparés.
Il ne faut pas croire que ni à Lacédémone , ni à Athenes , ni
a Thebes , ni dans aucune de ces petites républiques , le peuple
fât continuellement assemblé comme on pourrait le supposer
(42934)
dans nos sections on dans nos sociétés populaires , pour y dis
courir sur toutes les questions de politique , d'administration
et d'ordre public , et y débattre contradictoirement et en tumulte
toutes les affaires de gouvernement. Le peuple n'y taisait
que ce qu'il pouvait et devait faire par lui-même , et ne faisait
que cela. La forme de gouvernement établie ( et c'était presque
toujours l'ouvrage d'un seul ou d'un très- petit nombre ) , le
peuple adoptait ou rejettait par une formule simple les lois
qui lui étaient présentées , mais il ne les faisait pas , il ne les
discutait pas . Il be jugeait qu'un très - petit nombre de causes &
il nommait ses magistrals , ses généraux ; sa souveraineté n'existait
que dans son droit de suffrage . Pour tout le reste , et sur
tout pour l'action du gouvernement , il s'en reposait sur des
pouvoirs délégués par lui , et légitimement établis .
Les causes de la décadence et de la chûte des républiques de la
Grece sont indépendantes de la nature du gouvernement popas
laire. C'est bien plutôt à leur faiblesse respective , aux bornes
de leur territoire , à l'iucohérence et à la diversité de leur constitution
, à leur jalousie , à lenrs dissentions , à leur guerre de
suprématie , qu'il faut attribuer la perte de leur liberté ; c'est
sur- tout à la nature de leur pacte fédératif ; elles avaient bien
senti la nécessité de s'nuir pour résister aux entreprises du
dehors , elles ne sentirent jamais le besoin de vivre entr'elles
dans la paix , l'union et la concorde . Elles triompherent tou
jours des Perses , et ne uiompherent pas de leurs rivalités .
Après s'être affaiblics par des querelles intestines , elles mirent
Philippe à la tête de leur confédération . Philippe vengea la
Grece mais il l'asservit. C'est ainsi que dans les états fédératifs
d'une force inégale , le plus puissant finit toujours par
envahir les autres.
Entre les républiques anciennes , Rome seuleprésente l'exemple
d'un territoire immense et d'une puissance sans bornes . Mais
qui ne sait que la république n'était qu'a Rome , et que les
cités , les provinces , les états , les royaumes que cette bourgade
dévora successivement par un de ces prodiges qui n'ont paru
qu'une fois dans le monde , ne participerent jamais à la nature
de son gouvernement , d'où il arriva deux choses , l'une que
Rome eut tous les inconvéniens d'une petite république au
milieu des plus vastes conquêtes ; l'autre que tant de pays plutôn
soumis qu'incorporés ,ne furent jamais intéressés à défendre une
liberté qui n'ex stait pas pour eux . Qui ne voit que ce colosse
d'une forme si gigantesque et si disproportionnée dans ses parties
devait s'affaisser sous lui-même. Ce n'est pas la liberté qui
s'exila de Rome , elle n'y fut jamais ; c'est la forme de son
gouvernement qui disparut , et comment pouvait- elle subsister ?
C'était un mélange de castes et de pouvoirs qui se heurtaient ,
an combat perpétuel entre les Plébéiens et les Patriciens
entre le peuple et le sénat. Si l'esprit de conquête , ouvrage
de la politique de sénat , n'eût précipité sans cesse le peuple an
( 294 Y
dehors , ce gouvernement n'eût pas duré un siecle ; il
vécu que d'ambition et de grandeurs : il lui fallait d'innombrables
armées et des généraux habiles ; les armées perdirent
l'esprit de cité , les généraux chargés des dépouilles des rois
devinrent plus redoutables qu'eux . Ce fut la puissance militaire
qui dévora la puissance civile ; l'effet était inévitable .
Qu'ont de commun de pareils exemples avec la Répu
blique Française ? Elle n'aura pas la folie d'imiter Rome ; si
elle le faisait , elle aurait le même sort. Elle m'a ni la faiblesse
des républiques grecques , ni les élémens discordans du gouvernement
remain . Comparer entr'elles des choses si peu
susceptibles de ressemblance , e'est montrer une grande ignorance
de l'histoire , ou faire preuve d'une grande fausseté de
jugement.
li semble que lorsqu'on parle de république , il faille toujours
y joindre l'idée d'un peuple tumultueux et conftis ,
toujours agité par ses passions ou par celles de ses orateurs ,
ne sachant ni ce qu'il vent , ni ce qu'il fait , et passant alternativement
d'un exces à nn autre sans jamais s'arrêter à la
raison . Ce n'était pas même là les républiques anciennes ;
ce sera bien moins encore une république représentative . Elle
peut être organisée de maniere à conserver tous les avantages
du gouvernement populaire , sans avoir aucun de ses inconvéniens
.
La seule différence entre la démocratie représentative et la
démocratie pure , c'est que daus celle - ci le peuple était luimême
corps législatif, et que dans l'autre il ne peut exercer cet
acte de la souveraineté que par ses représentans. Or il est
aisé de prouver que , loin que cette différence soit un affaiblissement
de l'autorité du peuple , elle est toute entiere à
on profit.
Quand on place le pouvoir de se donner des lois au pre
mier rang des droits de la souveraineté , ce n'est pas une
vaine prérogative d'amour- propre , et un simple attribut de
puissance que le peuple considere , c'est son intérêt . Il ne
veut pas faire des lois pour la seule vanité de les faire
mais pour en avoir de bonnes . Cet, intérêt a été si bien senti
par les républiques anciennes , qu'ainsi qu'on l'a dėja rémarqué
, le peuple , convaincu par la nature des choses qu'il
était moins propre à faire des lois en assemblée générale ,
qu'à juger de leur convenance , en laissait ordinairement
l'initiative ou à ses orateurs , ou à ses tribuns , ou au sénat ,
ou à des décemvirs , etc .; c'était véritablement une déléga
tion temporaire et limitée ; il ne gardait pour lui que le droit
de consentir ou de refuser.
Or ce que le peuple , dans ces sortes de gouvernement , avaitregardé
comme un acte conforme à son plus grand intérêt , il
doit le faire , par le même motif de sagesse , dans la démocratie
représentative. Des représentans librement élus , choisis parmi
( 295 )
les personnes en qui il reconnaît le plus de lumieres et dè
vertus , et qu'il juge le plus dignes de sa confiance , seront toujours
plus propres à faire de bonnes lois , que des assemblées
populaires où l'instruction est si inégalement répartie , et où, par
la puissance irrésistible des choses , les discussions sont nécessairement
lentes , embrouillées , orageuses et superficielles. Le
peuple , en déléguant le pouvoir législatif , gagne donc en avantages
ce qu'il semble perdre de sa souveraineté , ou plutôt il ne
perd rien ; car ce n'est pas perdre d'un droit qu'il est physiquement
impossible d'exercer. Mais dans cet ordre de choses , le
peuple peut encore conserver la faculté d'accepter ou de rejetter
les lois , ou tout autre moyen constitutionnel d'émettre son
væu , soit pour les faire corriger si elles sont mauvaises , où
perfectionner si elles sont insuffisantes .
Excepté le pouvoir législatif dont la délégation est indispensablement
nécessaire dans la démocratie représentative , on ne
voit pas que pour le reste elle differe des democraties proprement
dites ; car le peuple , dans aucune république possible ,
ne peut exercer directement par lui-même ni le pouvoir exécutif
, ni les fonetions administratives , ni celles de juge : il ne
peut être à- la-fois gouvernant et gouverné , souverain et sujet. '
Il y a une remarque essentielle à faire , et qui est toute entiere
à l'avantage de la forme de notre gouvenemeut, c'est que dans
les républiques anciennes , telles que Sparte , Athenet et Rome ,
le pouvoir exécutif n'y était pas organisé d'une manier- cen
trale . Les fonctions en étaient distribuées en différentes branches
de magistratures presqu'indépendantes les unes des autres ,
et qui ne recevaient pas leur action d'une force commune : ce
qui nuisait à l'ensemble des mouvemens et occasionnait des contrariétés
funestes .
On craint que le pouvoir exécutif n'ait ni assez d'énergie •
ni assez d'activité dans une république aussi étendue que la
France . Que veut- on dire ? Est- ce que la nature du pouvoir
exécutif n'est pas la même dans le gouvernement républicain
comme dans la Monarchie constitutionnelle ? S'imagine-t- on
qu'une nation est assez imbécile pour croire qu'il y ait une
puissance magique attachée au mot roi et à l'individu qui le
porte Cet individu est-il doué de facultés plus parfaites , plus
extraordinaires que celles des autres hommes ? Nous sommes
désabusés des illusions de ces idées superstisieuses , dont on a
nourri trop long- temps les peuples pour les tenir dans l'avilissement
et l'esclavage. Ignore-t-on que les rois se reposent sur
leurs ministres du soin d'exercer la puissance exécutive ?
Qu'importe la dénomination quand la chose reste la même ?
La France est organisée de la maniere la plus henreuse , pour
que l'action du gouvernement se communique avec rapidité
dans toutes ses parties . S'agit- il d'une loi administrative ? On a
les départemens , les districts , les municipalités . Est- ce une loi
civile ? Des tribunaux d'arrondissemens , des juges de paix , des
•
T 4
1 2981
bureaux de conciliation sont prêts à les faire exécuter, Sont-ca
des lois de Police ? il y a des magistrats créés pour cet objet ; -
des lois commerciales ? il existe encore des tribunaux pour ces
matieres . Est- il question de la levée des contributions ? Des
receveurs sont placés a la convenance des contribuables . Ainsi
dans l'ordre legislatif , administratif , civil , judiciaire , commercial
, tous les instrumens nécessaires au maintien de l'ordre
public et à la conservation du corps social , sont distribués
dans une économie admirable ; tous méritent la confiance du
peuple , puisqu'ils sont choisis par lui ; tous reçoivent l'im
pulsion du pouvoir exécutif , et lui en reportent les résultats ,
comme au centre commun du mouvement général , avanṇage
dont étaient privées les anciennes républiques . Ajoutez que partout
les citoyens armes sont prêts à donner force à la loi et à
réprimer sur la réquisition du magistrat les désordres qui tronbleraient
la société. La science des monarchies a - t - elle jamais
conçu un plan d'organisation sociale mieux entendu ? et ce plan
est encore susceptible d'être perfectionné.
Que manque - til donc à la France pour que l'action du gou
vernement y produise tout l'effet qu'on doit en attendre ? J'enteads
des détracteurs répondre : C'est l'esprit des gouvernés ,
c'est le sentiment d'obeissance à la loi , sans lequel aucun
gouvernement ne peut subsister . Il est facile de se livrer à des
déclamations , si l'ou s'obstine à ne considérer que l'etat affreux
dans lequel quelques scélérats ont plongé la France durant le
cours de la revointion ; mais des déclamations n'cclaircissent
jamais des discussions politiques . Il serait aussi extravagant de
prétendre que , parce que des excès ont souillé la révolution ,
il est de la nature du corps social de vivre dans un désordre
permanent , qu'il le serait de juger de la constitution humaine
par l'état de fievre et de délire qui affecte un individu . Les
corps politiques sont sujets à des maladies graves ; le nôtre en
a éprouvé une terrible . Je , n'aurais peut- ê re d'autre réponse à
faire que celle ci : Il y a résisté . Mais quelque victorieuse qu'elle
soit , puisqu'elle est de fait , il est bon de remonter jusqu'aux
principes et à la nature des sociétés politiques , pour y décou
vrir les liens qui en serrent toutes les parties , qui les maintiennent
dans l'équilibre et assurent leur existence .
La nature , toujours admirable dans ses soins tutélaires , a
donné aux grandes sociétés , comme aux individus , le besoiu
de veiller constamment à leur propre conservation ; le premier
sentiment qu'elles éprouvent est la garantie des droits
de chacun sous la protection de tous ; c'est ce sentiment
d'intérêt commun qui a réuni les hommes entr'eux. Que demandent
le caltivateur , l'artisan , le manufacturier , le commerçant
, l'artiste , l'homme de lettres , tous les citoyens en
un mot ? une seule chose , de se livrer sans crainte , comme
sans trouble , à leurs travaux ; à leur industrie , à lears spéculations
; de goûter , dans leur asyle domestique , le charme
( 297 )
attaché an titre de pere , d'époux et de fils. L'amour du træ
vail et l'amour de la famille , voilà ce que l'homme reçoit de
la nature ; sûreté et propriété , voilà ce qu'il attend du gouvernement
; affection , services et dévouement , voilà ce qu'il
donne à la patrie . Quoi qu'en disent tous les gens à sophismes
ou à mauvaise foi , c'es -là l'état naturel de l'homme social ;
or il sait , il éprouve à chaque instant , qu'il ne peut jouir
de ces avantages qu'en respectant les lois qu'il s'est données ,
qu'en maintenant l'ordre public qui est tout entier pour lui ,
qu'en conservant les droits d'autrui. qui sont la sauve garde
des siens . Non , l'état de sccousses et de révolutions politiques
, est pour un peuple un véritable état contre nature ;
s'il y est jetté par quelqu'une de ces causes extraordinaires ,
qui ne paraissent dans l'ordre moral que comme les grands
phénomènes dans l'ordre physique , il est bientôt ramené par
ses affections , sou intérêt et ses besoins à l'ordre naturel des
sociétés . Qu'on ne demande plas quel est le garant de la durée
et de la force du gouvernement; il est là ; il n'y a que des
insensés on des pervers qui puissent le méconnaître.
1
Ce qui a corrompu et troublé sans cesse les anciennes démocraties
, c'est l'influence et le crédit que les factieux et .
les agitatateurs obtenaient sur le peuple ; il n'y avait entr'eux
et lui aucun intermédiaire . Un orateur ambitieux trouvait dans
la place publique tous les élémens de ses passions et de ses
projets . L'éloquence était entre ses mains le trident de Nep -1
tune avec lequel il pouvait soulever les flots de la multitude .
L'étendue du territoire de la France la met à l'abri de ce
danger. Ce n'est pas dans l'Assemblée des Représentans da
peuple qu'un orateur peut exercer une influence funeste. Il y
parle à des hommes que leurs lumieres et l'intérêt seul de
leur amour-propre garantiraient de la séduction , s'ils n'étaient
encore animés de l'intérêt public , et retenus par la moralité
qui résulte de l'opinion qui les ebserve et les investit de ses
regards. Hors de l'Assemblée représentative , les brigues et
les factions ne peuvent agir que dans des points trop bornés
pour communiquer leur ébranlement à la masse entiere . Je
De voudrais encore pour preuve de cette vérité que les évé
nemens de la révolution. Beaucoup d'intrigans ont para sut
la scene . Quel a été le terme de leur ambition ? l'échafaud .
Ce que n'ont pû produire des conspirateurs dans des tems
de confusion et de trouble , le pourront-ils mieux , lorsque
les lois et la force publique auront repris toute leur énergie ?
On regarde comme impossible qu'une république puisse
s'établir et subsister chez une nation nombreuse , opulente et
corrompue. Mais cette objection ne vient que des idées fausser
que l'on s'est faites sur les richesses , le luxe , et ce qu'on
appelle moeurs républicaines . Les richesses d'an état sont relatives
à la nature et à l'étendue de son sol , au genre de ses
productions , à l'industrie at an génie de ses habitans ; i sa
•
(.298 J.
position géographique et à ses relations commerciales . Il se
rait absurde de vouloir faire de la France entiere une caserne
de soldats , comme Lycurgue le fit de Sparte. La pauvreté et
le brouet noir ne pouvaient convenir qu'à une bourgade qui
n'avait que des arts grossiers , ne fesait aucun commerce et vivait
de légumes que cultivaient ses esclaves . Certes nous ne voulons
avoir ai des ilêtes , ni la communauté des biens et des femmes.
Cette manie de rapprocher des situations civiles , morales et
politiques qui n'ont entr'elles aucun rapport , n'est que l'art
de s'égarer par l'application de fausses mesures . Ce ne sont pas
les richesses d'un état qui nuisent à sa liberté , c'est la fausse
direction qu'on laisse prendre à leur emploi . Les meurs ne sont
pas même incompatibles avec l'aisance des citoyens . Voyez la
Hollande , elle a conservé des moeurs simples au milieu des
trésors des deux mondes.
On parle sans cesse de l'influence des moeurs sur les gouver
nemens , et on ne veut pas considérer la réaction des gouvernemens
sur les meurs ; on ne ealcule pas ce que peuvent sur
l'esprit et les habitudes d'un peuple de bonnes lois , des institutions
sages , et la force de l'instruction publique ; on conclat
toujours du passé à l'avenir , et parce que nous avions sous
le régime monarchique une cour deprédatrice et corrompue ,
une noblesse ambitieuse , intrigante et vile , un clergé fastucux
et oisif, et dans toutes les classes de citoyens une impulsion de
vanité qui faisait que chacun voulait amasser des richesses pour
sortir de sa condition , et sortir de sa condition pour jouir des
prérogatives attachées aux richesses , on croit qu'il en doit être
ainsi sous le régime de la liberté , où les hommes ne seront
estimés que par ce qu'ils valent , et ne vaudront que par leurs
services et leurs vertus . Dans un état libre , les moeurs publiques
sont toutes dans l'amour de la patrie , et les moeurs privées
dans l'amour de la famille loin que la liberté étouffe ces sentimens
, elle les fait naître , elle les propage . Je sens que toutes
ees idées ont besoin de plus longs developpemens ; je les donnerai
quand je traiterai du rapport du gouvernement avec la
législation , les moeurs et l'instruction publique ; mais j'en ai dit
assez pour réfuter des objections et dissiper des craintes qui sont
bien plus affectées qu'elles ne sont réelles .
Faut-il une réponse à ceux qui prétendent qu'une grande démocratie
ne peut vivre au milieu des gouvernemens absolus de
l'Europe , intéressés à l'étouffer ? nos armées se sont déja chargées
de la faire . Si la République Française dans son berceau a
trouvé en elle assez de force pour résister aux efforts réunis
de toutes les puissances , elle saura bien maintenir son indépendance
quand elle sera établie sur des bases solides ,
garantie par la sagesse et la stabilité de son gouvernement . Elle
n'est point destinée par sa position , son commerce et sa con-
"sistance politique , à rester isolée au milieu des états qui l'entourtat.
Elle aura pour amis tous les peuples qui estiment la
et
1 299 F
liberté , et sera respectée de toutes les puissances qui la
craignent.
Ainsi , en se résumant , il n'est aucun Français qui ne doive
être convaincu que la seule idée du rétablissement d'aucune
espece de monarchie , est un crime envers la patrie , et un voeu
homicide envers tous les citoyens ; que la démocratie représentative
est la meilleure forme de gouvernement , et que la France
a tous les moyens de se l'approprier sans avoir à redouter aucun
obstacle .
ANNONCES.
Code des Juges de Paix , nouvelle édition en 4 vol . in- 12 ; les
deux premiers contenant tous les décrets des assemblées cons
tituante , législarive , et conventionnelle , sur toutes les parties
qui concernent spécialement les juges de paix , leurs assesseurs
et greffiers ; le troisieme , des développemens et instructions ; le
quatrieme , les formules et la table alphabétique . Par le citoyen
Guichard . Prix , 12 liv . A Paris , chez Garnery , libraire , rue,
Serpente , no. 17 .
Les discours de Cicéron , précédés d'un traité de la constitu
tion des Romains sous les rois et au tems de la république ;
par A. Auger : 10 vol . in -8 ° . A Paris , chez Reynier , imprimeurlibraire
, rue du Théâtre de l'Égalité. Prix , 50 liv . , et 63 live
franc de port . On peut se procurer les six derniers volumes
séparément , à raison de 5 liv. , chaque volume , et de 6 liv,
franc de port.
Code des successions , donations , substitutions , testamens et
partages , avec une introducution en forme d'instruction préliminaire
, et six tableaux généalogiques : deuxieme édition ,
corrigée es augmentée de plusieurs décrets importans sur les
Successions des étrangers , des émigrés , déportés , condamnés
et détenus ; de nouveaux articles additionnels sur le rapport
des enfans nés hors mariage ; des articles du nouveau code
civil relatifs aux mêmes matieres , terminées par une table
alphabétique contenant l'analyse abrégée de tout l'ouvrage à
par le citoyen Guichard . Prix , 4 liv. , et 4 liv . 10 sous franc
de port . A Paris , chez Garnery , libraire , rue Serpente ,
n ° . 47 .
La Politique anglaise dévoilée , ou les moyens de rendre les
colonies à la France ; brochure de 4 feuilles , présentée à la
Convention nationale par Jacques Mignard , du département
de l'Yonne . A Paris , chez l'auteur , rue Montmartre , nos , 109
et 106. Prix , 25 sols , franc de port.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
1
ALLEM A G N E.
De Hambourg, le 21 Décembre 1794.
Tous les avis qui viennent de Constantinople confirment
T
la nouvelle des préparatifs militaires de cette puissance . Mais
on ne sait pas bien encore si ces préparatifs sont seulement
de précaution et de défense , ou s'ils ont pour but des hostilites
prochaines de la part de la Porte ottomane , soit contre
la Russie , soit contre l'Autriche , soit même contre ces deux
puissances réunies . Ce qui ferait croire que la Turquie ne
se propose que de se tenir sur une défensive respectable
c'est qu'elle a laissé échapper l'occasion si favorable que lui
offrait l'insurrection polonaise , presque totalement étouffée
en ce moment ; ce que le divan ne doit pas ignorer , c'est
encore qu'elle est travaillée de troubles interieurs , tant dans
l'Egypte , où sa puissance n'a jamais été bien complette et bien.
affermie , que dans l'Albanie , où le fameux pacha Mahmud
sait se maintenir indépendant depuis plusieurs années , et leves
pour son compte les impôts et les tributs , tout en affectant
de reconnaître la suprématie du grand- seigneur.
Il est pourtant vrai que les préparatifs qui se font aujour
d'hui sont trop considérables , si c'est uniquement ce rebelle
qu'ils ont en vue , et ne le sont pas assez , s'il s'agit d'avoir
affaire tout ensemble à la Russie et à l'Autriche ; d'où l'on
peut inférer que la Porte , instruite un peu tard par l'expé
rience , et fâchée de n'avoir pas profité de l'insurrection po
lonaise , ne veut plus être prise au dépourvu , et se décidé
à tenir désormais sur pied des forces telles qu'il n'y ait pas
beaucoup à y ajouter pour effectuer de grandes choses .
Tandis que la Porte fait les préparatifs dont nous venons de
parler , le cabinet de Stockholm s'occupe sérieusement de
mettre ses forces maritimes sur un pied formidable pour le
printems prochain . Le principal objet de ses soins est la flotille
des galeres , espece de bâtimens qu'on ne peut employer
que pour des expéditions dans la Baltique et le long des côtes.
La maniere dont l'amirauté en presse la construction et les
radoubs enhardit quelques personnes à conjecturer que ceue
flotille pourrait bien se montrer vers la Finlande ou la Livonie
russe ; ce qui prête encore de la vraisemblance à cette idée , c'est
que les rapports et l'amitié se resserrent entre la Suede et la
Turquie.
( 301 )
Fin du plan de la révolution en Suede projettée par d'Armfeld f
son mémoire à l'impératrice de Russie.
" Un avantage palpable qui doit résulter pour l'impératrice
de Russie , c'est que par ce moyen elle aura une occasion
de montrer cette utile supériorité qui lui assure le glorieux
privilége de faire le destiu de l'Europe , pendant les révolutions
acruelles. Ce rôle accroîtra la splendeur de la gloire
qu'elle doit à ses victoires et à ses conquêtes ; et si celles -ci
montrent l'étendue de son génie , l'autre convaincra de l'excellence
de son coeur . Elle pensera donc qu'il est digne d'elle
de ne point augnenter sa puissance aux dépens de la Suede ,
en y portant la guerre , mais qu'elle doit au contraire employer
une assistance efficace pour délivrer ce royaume des
délires de révolutions , et le rendre en cet état à notre jeune
monarque , à qui elle a promis de servir de mere , et qui de
son côté , avec un attachement vraiment filial , aspire sincerement
à ce nom. Elle ne confondra point le gouvernement
ses oppresseurs , ni la nation avec le gouvernement ; de
maniere que la faction n'aura point une occasion pour faire,
regarder comme une affaire nationale ce qui doit seulement
la réduire à l'etat privé. Le plan qui suit parait être le plus
utile comme le pins facile à suivre pour rétablir l'ordre en Suede.
avec
Sa majeste l'impératrice fera une déclaration dans laquelle
elle annoncera qu'elle est informée des complots secrets que
le cabinet de Stockholm trame contre elle , et qu'elle dénonce
au monde. Elle dira que c'est ce gouvernement qui a le
premier rompu- le traité ; mais que pour elle , loin de se servir.
de cette occasion , pour rompie avec un roi qu'elle aime , et
dont elle veut conserver l'attachement , ou avec une nation ,
généreuse qu'elle estime , elle souhaite seulement punir les
personnes qui , depuis la mort de Gustave III , circonviennent
le régent , l'égarent et le séduisent , au point de fui faire
enfreindre la foi sacrée de sa promesse , au mépris de ce qu'il
doit à son frere , et le précipitent traîtreusement dans un
abyme de malheurs , dont on ne peut connaitre la profɔndeur;
que dans l'espérance que le régent ne se porterait pas
de lui-même à courir tous les dangers , elle a souffert jusqu'à
ce moment que les arrangemens déterminés par le dernier oi
deweurassent sans exécution ; mais que le régent , an lien de
céder à une expérience qui a eu des saites malheureuses
parait chaque jour plus dominé par la faction à laquelle il s'est si
imprudemment abandonné lui - même , faction qui se sert de son
nom pour exposer les avantages des bons Suédois , aussi bien
que ceux de l'impératrice , aux plus grands dangers ; qu'ainsi
elle se trouve dans la nécessité de rétablir l'ordre et de demander
pour sa propre sûreté les changemens suivans :
99 10. En considération de l'esprit et de l'entendemeut éclairé
du roi , il assistera à tous les conseils , mais cependant sans
aucune autorité , jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 18 ans .
( 30 % )
20. On devra admettre dans le conseil , et nommer auf
places les plus importantes , soit à Stockholm , soit dans les
provinces , des personnes connues autant par leur attachement
aux principes politiques qui dirigeaient le premier gouvornement
, tant à l'égard de l'administration intérieure qu'à'
Tegard des puissances étrangeres , que par leur courage à la
rutenir dans toute leur force . S'il s'éleve la plus légere
dificulté , ce sera le cas d'en venir à une explication claire ,
er même alors il faudrait nommer ces personnes . Mais ce qui
ou être particulierement observé , c'est de demander l'entea
expulsion de tous ceux qui peuvent être dangereux ou
suspects , et dont le nombre pourra au plus monter à douze
a quinze. Ces personnes sont si bien connues , qu'il ne
pura y avoir à cet égard aucune espece de méprise , et
leurs elles pourraient être désignées par les personnes
letles qui sont demeurées dans le royaume .
" On bornera l'agrément à demander au duc ees deux
points. Mais pour appuyer cette demande , qui doit être faite
d'une maniere concise et claire , et ne souffrir aucune contra
diction , il sera nécessaire qu'il y ait une flotte près de Stockholm
, et qu'elle y demeure jusqu'à ce que les choses soient
arrangées. Il peut arriver que le régent se félicite lui - même
d'une violence , ou de ce qui plutôt en , aura seulement l'apparence
, et dont la réalité lui assurera respect , soit pour le
moment actuel , soit pour l'avenir , en le délivrant des dangers
auxquels il s'est lui - même exposé , et reconnaisse que
c'est-là l'unique moyen de prévenir les malheurs qu'occasionnerait
une révolte , es qu'il juge qu'une résolution ferme et
prise à tems , peut éloigner la nécessité dans laquelle on se
trouverait par la suite de soutenir , pendant de longues années
, des guerres qui coûteraient des sommes énormes , et
feraient couler des rivieres de sang.
Ce mémoire , ce plan de révolution prouve assez combien
la Suede doit se tenir en garde contre les intrigues du cabinet
russe . Aussi la saine politique applaudit- elle à son étroite
alliance avec le Danemarck et à ses liaisons avec-le divan . Cette
amitié fondée sur des besoins réciproques est faite pour durer ,
et il est seulement étonnant qu'elle ne se soit pas formée plutôt.
Peut- être pourrait-on ajouter que la Suede , le Danemarck et
sur tout la Porte auraient dû secourir efficacement les Polonais
, puisque le résultat de la defaite de ce malheureux peuple,
trahi par la fortune , est un accroissement considérable de
Ja puissance de l'ambitieuse Catherine , deja trop à redouter
pour le Nord , qu'elle ou ses successeurs finiront par conquérir
s'ils parviennent à le diviser .
En effet , la Courlande vient de se donner à la Russie , ou
pour mieux dire , l'ordre équestre , les nobles de ce duché
viennent de le donner à Catherine , en ayant grand soin de stipuler
la conservation de leurs priviléges , et sans dire un mot , sans
faire une seule proposition , sans insérer aucune clause en(
303 )
faveur du peuple de cette contrée , aliénée comme une terre
que l'on vend avec les bêtes de somme qui la couvrent.
Da reste , il n'y a encore rien de décidé sur le sort futur
de la Pologne ; tout ce qu'on sait , c'est que la Lithuanie et
la Samogitie ont reçu un gouvernement provisoire , et prêté
serment à la Russie entre les mains du général Repnin qui fizera
sa residence à Grosno , tandis que Suwarow entre en quartier
d'hiver a Sokoïklow , à douze lieues de Varsovie , dont le général
Derfelden commanderà la garnison . Il y aura dos troupes prussiennes
à Cracovie et à Sendomir. Varsovie , dont une partie
n'offre qu'un tas de décombres , est menacée d'une disette
cruelle ; on y éprouve déja le manque de plusieurs choses
nécessaires à la vie,
De Francfort-sur- le -Mein , le 28 décembre.
Des lettres de Vienne du 5 décembre s'expriment de la
maniere la plus positive sur le mécontentement que la continuation
de la guerre inspire au peuple , et qu'il manifeste .
:
Le peuple persiste toujours ici à desirer ardemment la
paix , tandis que le gouvernement continue ses préparatifs
militaires . Il doit néanmoins être dans de très - grands embarras.
Il n'y a aucune proportion entre les revenus de l'état et
ses besoins l'on a envain recours aux expédiens employés
pendant la fameuse guerre de sept ans. Tous les objets nécessaires
à la vie sont montés à un prix exhorbitant . On a
remarqué qu'à la derniere foire qu'il y a eue à Vienne , il
s'est fait d'innombrables vols , et qu'on peut regarder comme
un indice de la misere publique . Les prisons sont encom- ,
brées de malfaiteurs ou d'individus qui ont voulu troubler le
tranquillité publique . Il est à craindre que les froids de
l'hiver n'amenent de grands excès..
Pour parer à toutes ces calamités , l'empereur fait des réformes
dans les dépenses dé sa maison . Il vient de supprimer
une partie de ses équipages de chasse , et l'on assure que
les états de Hongrie ont offert sept millions de florins pour
les dépenses de la guerre.
Le recrutement se continue ; les garnisons de Condé et de
Valenciennes viennent d'être équipées à nenf , et doivent se
rendre en Gallicie . Le gouvernement veut toujours envoyer
de grandes forces dans cette contrée , où se portent nombre,
de déserteurs polonais et russes , et où il craint d'ailleurs'
de voir pénétrer des corps considérables des premiers . Déja
quelques bandes ont , il est vrai , demandé du service parmi
les troupes autrichiennes ; mais on est obligé d'exercer la
plus grande surveillance sur ces nouvelles recrues . On pense
qu'il est possible qu'elles cherchent à s'équiper aux frais du
gouvernement autrichien , et tournent à la premiere occasion
leurs armes contre lui . ››
( 304 )
Dés munitions et des approvisionnemens destinés pour les
armées du Rhin convrent le Danube , et l'on a demandé à la
Bohême 800,000 mesures de grains de différentes especes . On
prétend que la moitié de cette livraison devait déja être arrivée
le 16 novembre à Pitsen . Mais des personnes bien informées
révoquent en doute la célerité de cette fourniture .
On va voir dans quelques - uns des détails de l'article suivant
de Berlin , en date du 13 décembre , qu'en général la fourniture
des armées de la coalition doit être difficile . Ces lettres après
avoir annoncé que la santé de Frédéric Guillaume se rétablit ,
disent :
« Le roi a conféré au général Suwarow l'ordre de l'aigle noir ,
et lui en a fait porter les marques par un courier.
Le prince de Nassau Siegen , qui a fait ici un assez loug
séjour , va partir pour Venise , où son épouse l'attend .
Il a tout lieu d'être content des termes dans lesquels l'impératrice
de Russie lui a accordé son congé . Le roi lui a fait remettre
un souvenir , orné de son portrait , et enrichi
diamans.
de
Le comte de Schulenbourg - Kehnert consent , dit- on , à
rester encore au ministere de la guerre , et à pourvoir à l'entretien
de l'armée du Rhin. Cependant le général - major de
Gensau s'est deja mis en possession de ce travail au colicge de
Ja guerre , et a été remplacé par l'aide de camp - general le
général - major de Manstein , qui , à son tour , a eu pour successeur
, dans sa qualité d'aide - de- camp - général , le lieutenantcolonel
de Zastrow .
· ·
Depuis peu , la mort a enlevé à notre commerce 2 hommes
qui s'y sont montres avec beaucoup d'avantage : l'un est
le banquier F. W. Schutz ; l'autre , le banquier Leveaux .
Le premier était très - consulté par le ministere dans les grandes
affaires, commerciales , où ses vastes lumieres donnaient toujours
un poids marqué aux avis qu'il y ouvrait.
L'orge et l'avoine sont deux especes de denrées dans les
quelles l'abondance ne se trouve pas en proportion de l'immense
consommation qui s'en fait. Par cette raison , le roi
a non - seulement affranchi de tout droit , mais encore encouragé
par des primes , l'importation que les étrangers en feront
par les ports de Memel , Koenigsberg , Elbing et Danizick.
Nous attendons le ministre d'Angleterre , lord Spencer , qui
doit nous arriver incessamment de Stockholm . "
Il parait que la coalition fera les plus grands efforts pour
conserver Mayence et Luxembourg. Le general Bender qui
commande dans la derniere place y a fait entrer tout ce qu'elle
a pu contenir des habitans de l'intérieur du pays qui ont emmené
avec eux beaucoup de bétail et tout ce qu'ils ont pu sauver , ce
qui n'a pas laissé que de renforcer beaucoup la garnison
autrichienne ; elle n'est pas à preprément parler dans la place ,
mais elle occupe les environs d'où elle inquiette les Français .
Quant
( 385 )
Quant à Mayence , la garnison est portée au complet. On
pretend même qu'il y a plus de 20.000 hommes employés à sa
defense ; il est vrai que la majeure partie est composée d'Autrichiens
qui n'entendent pas grand chose , ni à l'attaque , ni à
la défense d'une place,
Des leuies de cette ville du 23 décembre , disent que les
Français ayant profité des brouillards pour elever une batterie
à la proximité de la redonte de Zahbach , on les attaqua dans la
nuit du 21 , et on leur enleva eu effet ce poste . Mis ees mêmes
letires avouent que les glaces ont contraint d'enlever le pout
du Rhin , et d'autres de Manheim rendent compte de la vigoureuse
attaque et de la prise du fort du Rhin par les Français .
On sait aussi qu'ils continuent à presser vivement le . Hol
landais , que Berg- op Zoom et Breda ont reçu plusieurs bombes,
et l'on est persuadé que ces places ne tarderout pas à tomber
entre leurs mains .
ITALI E.
-
Livourne , 12 décembre . Hier , l'escadre anglaise qui était au
golphe de Saint- Floient en Coise , est sortie pour une croisiete ,
et est venue dans cette plage où elle a donué fond. Elle est
composée des bâtimens suivans ; la Bretagne de 100 canons
avec 850 homares , du Saini Georges de go canous avec
750 hommes , du Château de Windsor de go canons avec
750 hommes , de la Princesse - Royale de go canons avec
750 hommes , de la Fortezza , du Capitaine , de l'Ilustre , du
Terrible , de l'Egmont , du Bedford , du Berwick , du Courageux
tous de 74 canons avec bco hommes , du Diademe , de 64 canons
avec 500 homines ; des fregates laJunon le Meleagre et le Romulus;
les deux premieres de 32 cañon avec 200 homines , et la der.
niere de 36 canons avec 230 hommes.
Ceule escadre est sous le commandement du vice- amiral
Hotham. Elle vient dans, le moment astul de la iner de Provence
, sans qu'il soitarrivé aucun événement pendant ceite
Croisiere .
A Savonne , on a arrêté six Génois distributeurs de fonx
assignars , qui ont été conduits à Vado. Le gouvernement
les a fait réclamer auprès du commandant français , coinme
génois Celui - ci a defere à cette demande . On dit que tes
coupables seront séverement punis.
Le consul français à Gênes a reçu de Toulon une proclamation
đu représentant Jean Bou- Saint-André , qu'il a fait afficher
sur sa porte . Elle porte en substance que , comme c'est à la
seule force navale armée qu'appartient le droit honorable de
poursuivre sur mer les cnuemis de la liberté , toutes les lettres
de marque viennent d'être retirées aux amateu s paniculiers .
Toutes les prises faites par ceux -ci som mises en requisition ,
nom de la nation , et seront conduites dans les ports
neuties. Le cousui est chargé de les faire escorter jusqu'à
Toulou.
au
Tome XIII .
V
( 306 )
REPUBLIQUE FRANÇAI S B.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE BENTABOLLE ,
Séance de duodi , 12 Nivôse .
Charlier réclame centre le décret rendu hier , portant que
tout membre de l'Assemblée, qui se permettra des injures ou
des personnalités contre un de ses collegues , sera envoyé à
l'Abbaye . Ille trouve injurieux pour la représentation nationale .
André Dumont répond que si le décret n'était pas rendu ,
il le proposerait , et qu'il n'est personne qui ne soit scandalisé
des invectives et des injures qui se vomissent dans
la Convention . Si vous voulez qu'on vous respecte , dit- il ,
respectez-vous vous - même. Il demande l'ordre du jour qui
est adopté.
Ferrin reproduit sa motion sur l'agence des lois , Charlier
sur l'administratiou des postes . Chénier demande la parole
sur les gens de lettres qui sont dans le besoin . La Coavention
impatiente de continuer la discussion sur le projet de
Johannot , relatif au commerce et aux finances , renvoie les
motions faites aux comites respectifs , et Johannot monte à la
tribune .
Cambon prend la parole et demande que l'article VI , décreté
la veille, fasse une loi séparée , précédée d'un considérant,
dans lequel on rappellerait les injustices commises envers la
France par les puissances eoalisées et la nécessité où
a été la France d'user de représailles ; mais qu'elle s'empresse
de revenir aux principes maintenant qu'elle commande à la vietoire.
Cette proposition est décrétée ,
Jobannot soumet à la discussion Tarticle VII , qui permet
aux citoyens d'exporter le numéraire , à la charge d'en faire
rentrer la valeur en objets de premiere nécessité , et charge les
comités de régier le mode de ces exportatious et de prévenir
les abus .
ου
Boissy-d'Anglas parle en faveur de l'article. Il voudrait même
qu'il fut decrete sans modification . Le commerce , dit - il , ne
se fait pas sur parole ; il faut payer ce qu'on achete ,
par la voie des échanges ou par les métaux . Nos assignats
out saus doute des effets solides ; mais ils ne sont qu'une
promesse de payemeat , et par conséquent ils ne sont pas une
mounaie dans l'étranger. L'état de vos manufactures rend le
moyen des échanges insuffisant , il faut donc avoir recouTS
aux métaux qui ont une valeur jutriuseque . Boissy répond
( 307 )
ensuite à ceux qui craignent que cette mesure ne nous enleve
notre numéraire , que la prospérité du commerce le retiendra
ou le rapportera.
Duhem ne s'oppose point à l'adoption de l'article ; mais
il craint qu'on n'abnse de cette faculté pour faire passer,
de l'argent à nos ennemis , et il demande des moyens de
répression à cet égard et un cautionnement en biens - fonds
pour assurer la rentrée des sommes sorties.
Le rapporteur
observe que les comités s'occupent de ces
mesures , et que la loi ne sera pas publiée avant qu'elles aient
été réglées .
Cambon appuie l'article , en assurant que la commission
de commerce ferait également sortir le numéraire . Ainsi ce
seront les particuliers qui exporteront le numéraire au lieu
du trésor public. Il propose d'ordonner que tous ceux qui
én ont dont ils voudraient commercer , le déposeront au
trésor public , ou dans les caisses de district , et qu'on leur
donnera des traites sur l'étranger qui seront aquittées par la
trésorerie , en justifiant de l'arrivce des objets de premiere
uécessité .
Johannot adopte l'amendement de Cambon , et l'article est
décrété comme ci - dessus .
#
lcs
L'article VIII , relatif à la suspension provisoire de l'acte de
navigation a été ajourné sur les observations de Marec qui ,
ayant fait à la Convention le rapport d'après lequel il fut décrété
, pouvait sans doute en faire le mieux sentir les avantages
et les inconvéniens . Marec a appellé e de mots les grands
motifs qui avaient déterminé la Conventa getic mesure ,
fruits que la nation en avait reties , même au milieu de la
guerre. Il est convenu que c'était à l'Angleterre et au génie de
Cromwel qu'était due cette grande conception ; mais il a observé
en même tems que jamais cette puissance n'en avait suspendu
l'exécution . Seulement la nature même des choses
amene nécessairement cette suspension pendant la guerre .
L'acte de navigation est alors suspendu de fait chez eux , comme
il ne peut manquer de l'être chez nous . Marec n'a point oublié
de faire sentir quel coup funeste nous porterions à la navigation
et au commerce des sujets des puissances neutres et amies , par
cette mesure .
L'article IX , qui a pour objet de faire respecter et observer
dans toutes leurs dispositions les traités qui unissent la France
aux puissances neutres et aux Etats- Unis d'Amérique , est adopté
sans réclamation .
L'article X présentait encore une grande question . Les créanciers
des émigrés , condamnés , déportés , seront- ils déclarés
ou non créanciers directs de l'état ? De la solution de cette
question dépendait le mode de leur liquidation . L'article du
comité tendait à les faire déclarer créanciers directs de la nation ,
pour épargner à la République des frais énormes de liquidation , et
V 2
( 308 )
leur assurer à eux- mêmes le paiement prochain de ce qui leur
est dû.
Ci
Couturier et Thirion y ont opposé des appréhensions qui
ont paru peu fondées . Ils ont craint que l'on n'ouvrît une daugereuse
carriere à la fraude , et que la nation ne se trouvât
frustrée d'une partie de ses propriétés , mais les dispositions
de precaution que contenait l'article , répondaient d'avance
aux allarmes que le patriotisme avait inspirées aux préopinans,
Réal et Reffroi ont réfuté avec un grand avantage toutes leurs
considérations politiques . Après avoir exposé que la loyauté
devait désormais présider à toutes les opérations de finances ,
Réal a dit qu'il résultait du travail fait par la commission des
revenus nationaux , que la valeur approximative des biens cons
fisques au profit de la nation s'élevait à la somme de douze
milliards , et que le pascif affecté sur ces mêmes biens ne
montait pas à la somme de quiuze cents millions.
L'article propose par le comité à été adopté , et il n'a été
excepté que les créanciers de ceux qui étaient notoisement
insolvables à l'époque de leur émigration on condamnation .
Nous donnerons le décret en entier , lorsqu'il aura été,
rédigé .
Seance de tridi , 13 Nivôse.
Carnot , au nom du comité de salut public , annonce les
nouveaux triomphes de l'armée du Nord . Trois victones ont
été remportées par elles le même jour sur les bords du Rhin et
du Waal . Elle s'est emparée de la ville de Grave , de l'isle de
Bomel , du fort Saint- André , et elle a forcé les lignes de Breda.
Cent vingt pieces de canon ont été le prix de ces victoires .
Nous avons fait seize cents prisonniers , sans compter la garnison
de Grave de 1200 hommes qui se rendent en France .
L'assemble applaudit avec transport à ces prodiges de bravoure
et de patriotisme.
Carnot avait fait précéder ces nouvelles d'un rapport dans
lequel il avait inséré deux phrases qui paraissent prêter à des
allusions . Il avait dit qu'on pouvait pardonner aux Anglais de
qualifier nos soldats de terroristes , puisqu'ils ne portalent la,
terreur que chez les ennemis . Il avait ajoute que nos troupes
conservaient entr'elles la plus pure fiaternité , et que , quand,
elles avaient vaincu elles ut chicanaient pas leur chef sur la
maniere dont il les avait fait vaincre.
On demandait l'impression et l'usertion du rapport de
Camot au balletin ; mais Bentabolle quittant le fauteuil , et
paraissant à la tribune , s'y est opposé . Il ne veut point qu'on
puisse donner à nos freres d'armes le nom de terroristes ,
meme en le mettant dans la bouche de nos ennemis . Il demande
si ce ne sont pas les soldats qui remportent eux - mêmes
les victoires , ci ce que deviendra la responsabilité des chefs ,
*
( 30g )
s'il suffit que le succès couronne les actes les plus illégitimes.
De pareilles maximés lui paraissent très dangereuses , sur tout
dans les circonstances présentes. Carnot repond qu'il a eu à
peine le tems d'écrire son rapport , qu'il ne l'a point lu au
comité , et que ces deux phrases sont de lui . Il convient
qu'elles peuvent prêter à un double seus . I demande luimême
que sou rapport ne soit point iestré au bulletin .
9
La Convention décrete Pinsertion des nouvelles au bulletin .
8aladin , au nom de la comin'ssion des vingt-nn , annonce
que , depuis le 7 nivôse cette commission s'est assemblée
tons les jours , et qu'elle n'a point encore reçu les pieces qui
Jui sont nécessaires pour remplir la mission qui lui est con
ée , et que les comités de gouvernement doivent lui envoyer.
André Dumont répoud en leur non qu'il a fallu faire l'inventaire
de ces pieces , que ce travail est fini , et que l'on a cru
devoir y joindre les arrêtés secrets des anciens comités de gouvernement.
Potier , au nom du comité de législation , présente la liste des
citoyens qui doivent composer le tribunal révolutionnaire . Elle
est adoptée.
Cambon dit que depuis que les comités des finances er de
commerce ont déclaré qu'ils s'occupaient des moyens de res
tirer de la circulation quatre milliards d'assignats , les malveillans
répandent le bruit que cette rentrée n'aura lieu que
par leur démonétisation . It demande que pour le faire cesser ,
la Convention decrete qu'il lui sera fait au plutôt un rapport
ce sujet , et qu'elle prohibe expressément toute mesure de démonetisation
.
Ce projet de décret est unanimement adopté.
Courtois annonce que sextidi prochain il fera son rapport
sut les papiers trouvés chez Robespierre et ses complices .
Johannot soumet à la discussion le reste des articles de son
projet , qui sont adoptés après une légere discussion . Comme
ils ne présentent pas un si grand intérêt que les autres , nous
nous bornerous à les transcrire à leur suite .
Séance de quartidi , 14 Nivêse.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , entretient
la Convention du célebre d'Aubenton , l'un des créateurs
du muséum d'histoire naturelle , de son zele , que les années
n'ont point refroidi , et de son ouvrage sur l'éducation des
moutons , qui est une de ses dernieres productions . Il expose
que par l'effet de la révolution , l'état de sa fortune ne lui
permet pas de le faire imprimer à ses frais . Cependant l'interet
de l'agriculture la réclame , et la justice demande de la faire
tourner au profit de l'auteur . Il est en effet digne d'une nation
qui accorde nue protection éclairée aux savaus utiles à leur
pays , de leur faire trouver le prix de leurs travaux dans leurs
trayaux mêmes. Lakanal propose de faire imprimer aux frais de
V 3
( 310 )
la nation et au profit de l'auteur , au nombre de deux mille
exemplaires , le traité de l'éducation des moutons de d'Aubenton.
Ce décret est adopté .
Le même membre présente un projet de décret tendant å
faire rembourser les éleves de l'école normale de leurs frais de
voyage , et à leur accorder une augmentation de traitement . II
est renvoyé à l'examen du comité des finances .
Milhaud , au nom des comités de salut public , militaire et
des finances , fait décréter que les gardes nationales des places
ftcutieres mises en réquisition par les reprélentaus du peuple
ou les généraux pour un service extraordinaire , recevront , à
compter du er , vendémiaire , trois livres par jours de service ,
sans distinction de grades et sans fournitures .
Cambon , au nom du comité des finances , fait rendre un
décret portant liquidation définitive des créances des habitans
du canton de Berne sur la commune de Lyon , et sur le mode
de leur paiement.
:
Chénier , au nom du comité d'instruction publique : Vous
avez jetté un coup - d'oeil sur les sciences et les arts . Vous
arez vu la Republique long tems dominée par d'ambitieux
ignorans , tomber dans une honteuse barbarie , qui aurait ramené
le despotisme , et vous avez dit cet opprobre ne
subsistera plus , la nation française sera libre et éclairée , les
belles -lettres reprendront leur éclat. Vous avez décreté le 27
vendémiaire qu'une somme de trois cents mille liv. serait
répartie entre les gens de lettres et les artistes qui , par leurs
talens et l'état de leur fortune , seraient dignes des regards
de la Convention nationale , et que votre comité d'instruction
publique vous en présenterait la liste . Je viens en son nom
remplir aujourd'hui vos vues bienfaisantes . Vous y trouverez
les noms de trois femmes la célebre Duménil , octogenaire ; la
petite - fille de Pierre Corneille et li veuve de Lemierre qui , sous
la verge du despotisme , osa présenter sur le théâtre le fondateur
de la liberté helvétique. Le décret que je vous propose
n'est dans la pensée de votre comité d'instruction publique , et
Jose le dire , dans la vôtre , que le prélude à des bienfaits
solides et durables qu'il est teins de répandre sur les hommes
dont les talens honorent la patrie . Les arts sont une propriété
nationale , et les encouragemens qui leur sont dûs une
dette publique . Présentez -leur donc le rameau d'olivier , au
nom de la République Française .
Chenier propose de décréter qu'il sera payé sur- le - champ ,
et à titre d'indemnité , la somme de 300,000 liv . aux citoyens
dont les noms suivent . Voyez le décret à la suite des séances . )
Quelques membres demandent l'imprsssion de la liste et
l'ajournement; mais Boissy- d'Anglas , Réal et Tallien observent
que les fonds ne sont pas épuisés , et que s'il y a des gens
de lettres oubliés , il reste des moyens de les récompenser.
( 31T
Saladin s'étonne que l'auteur d'Anacharsis ne se trouve pas
dans la liste . Chénier lui répond qu'on n'y a point mis ceux
qui avaient des emplois ou qui étaient sans besoins.
Le projet présenté par Chénier est adopté.
Séance de quintidi , 15 Nivôse.
Letourneur fait hommage à la Convention , au nom d'un
citoyen qu'il ne nomine pas , de deux ouvrages , l'un destiné
a répandre des lumieres dans les campagnes , en faisant
connaître à leurs habitans les funestes effets de la superstition .
L'autre renferme les principes et l'application du calent décimal
. Mention honorable et renvoi au comité d'instruction
publique.
身
Boissy- d'Anglas , au nom du comité de salut public , rend
compte de l'etat où se trouve l'exploitation des salines des
départemens du Haut et Bas- Rhin , de la Meurthe , du Jura ,
du Doubs et de la Haute- Saône , et celle des mines dans
les départemens de la Loire , de la Haute - Loire et de l'Ardèche .
Il fait sentir tous les avantages qui doivent résulter pour
la République d'une bonne administration en cette partie.
Il annonce que le comité a pansé qu'il était nécessaire d'y.
envoyer deux représentans du peuple , l'un pour les salines ,
et l'autre pour les mines , pour en surveiller l'exploitation ,
et il propose les citoyens Vennerey pour les salines , et
Patrin pour les mines . Ils sont acceptés .
Boissy fait ensuite lecture d'une lettre du représentant du
peuple Porcher en mission dans le département du Loiret,
qui porte que depuis la suppression du maximum , les marchés
s'approvisionnent avec plus de facilité , et que le prix des
grains n'a souffert qu'une légere augmentation . Il assure que
le jour de son départ d'Orléans , des denrées et des mar
chandises qu'il était presque impossible de trouver auparavant ,
se sont criées dans les rues à un prix inférieur à celui
auquel elles s'étaient vendues jusqu'ici . Applaudiı ; insertion
au bulletin .
Les chefs de l'agence de l'envoi des lois et les ouvriers
de l'imprimerie de cette agence écrivent à la Convention pour
démentir les bruits répandus , que des émissaires s'étaient
introduits dans leurs atteliers pour provoquer les ouvriers
à un soulevement en leur inspirant des craintes sur la suppression
prochaine de cet établissement, Ils se déclarent
incapables de pareilles manoeuvres , et ils assurent quil n'y
a de vrai dans tout ce qui s'est répandu à ce sujet que
l'expression de leurs sentimens civiques et de leur soumission
entiere au décret de la Convention .
Sur le rapport de son comité de législation , la Convention
décrete que toutes les procédures commencées à raison du
transport des grains ou des farines , sans acquits à caution ,
dans l'intérieur de la République et à deux lieues des frou-
№ 4
(( 312 )
theres , sont abolies , et les jugemens rendus sur ces procédures,”
qui ne sont pas exécutés , regardes comme non avenus.
Le même comité présente le tableau des citoyens qui doivent
Compléter le tribunal de cassation , et composer le tribunal
criminel du département de Paris , et les tribunaux civils des
six arrondissemens. Il est approuvé.
Le comité des seconts propose , et la Convention décrete
un secours provisoire de 200 liv . , pour plusieurs marins com- ›
pris dans les affaires de Toulon et de Quiberon , qui leur
sera imputé sur leur pension ou leur traitement .
L'on procede à l'appel nominal pour le renouvellement de
trois membres du comité de salut public. Les membres sor- "
tans , sont : Merlin ( de Donai ) , Delmas et Fourcroy . Leurs
successeurs sont : Marec , Bréaid et Chazal .
Séance de sextidi , 10 Nivôse.
Il y a eu que séance extraordinaire la veille , et le soir ,
consacrée au remplacement de quatre membres du comité de
sûreté générale. Les membres soltans sout : Montmayau
Bourdon ( de FOise ) , Réverchon et Mathieu . Le résultat du
scrutin a donné pour les remplacer , Clausel , Vardon , Guffoi
et Rovere .
Une députation des sourds -muets de naissance est admise
à la barre . Leur orateur expose que l'assemblée constituante
ne leur a accordé que des pensions uès - modiques , que l'extrème
cherté des denrées a rendues évidemment insuffisantes .
Leur pénurie est telle qu'ils manquaient de pain hier et qu'ils
n'en auront pas demais . Les trois comitès réunis , à qui ils
ont fait part de leur situation , en ont été touchés ; leur
rapport est prêt , et ils conjurent l'Assemblée de l'entendre.
Le rapporteur obtient à instant la parole. Il fait l'éloge
de l'établissement et de ceux qui le dirigent , et il propose un
projet de decret qui est adopté . Par ce décret , les places
d'éleves à Paris et à Bordeaux sont portées soixante , la
pension à 500 liv . , et le cours d'instruction à cinq ans .
Le traitement des chefs est sussi augmenté , et le cr- devant
séminaire Magloire, situé fauxbourg Facques, est definitivement
affecté à l'établissemmens de Paris:
Courtois , au nom de la commission chargée de lever
les scellés apposés chez Robespierre et ceux de ses complices
qui sont tombés sous le glaive de la loi , fait un rapport
très étendu sur la conspiration qu'a fait disparaitre le 9 thermidor.
Cette conspiration avait deux branches ; Paue était
eche de Robespierre qui ayant des vies personnelles s'efforçait
de parvenir à la tyrannie ; l'autre , des membres des comités
de gouvernegient , dont le projet était de se perpétuer dans
leurs pouvoirs en anéantissant ceux de la représentation nationale
.
Robespierre avide de domination , et enivré de Fepceus que
( 313 )
brûlaient en son honneur les jacobins et les sociétés affiliées
qu'il avait organisées de maniere à en faire le marche pied
de son trône , crut qu'il parviendrait à son but en concentrant
tous les pouvoirs dans les comités de gouvernement pour
les concentrer ensuite dans sa pesonne ; mais les membres
de ces comités qui ne l'avaient mis en avant que pour s'assurer,
à eux -mêmes la suprématie , s'étant convaincus qu'il ne tra
vaillait que pour lui , jugerent qu'il était tems de se défaire
d'un rival qu'ils avaient rendu trop rédoutable , et déciderent
la journée du 9 thermidor.
Nous ne pouvons donner aujourd'hui qu'un apperçu bien
leger de ce rapport qui a dure quatre heures , mais nous en
promettons à nos lecteurs une analyse dans le prochain nu
méro. Nous nous boinerons à dire que leur plan était la
desorganisation sociale la plus absolue qu'ils prétendaient
effectuer , en anéantissant le commerce , les arts , l'agriculture
, et en couvrant les départemens de bastilles et d'échafauds.
Le tableau des horreurs exercées par les comités et
leurs agens dans les diverses parties de la République a excite
dans l'Assemblée des sentimens d'horreur et d'indignation ,
La Convention a ordonné l'impression du rapport et des pieces,
et le renvoi à la commission des vingt- un . Il sera aussi envoyé
aux départemens et aux armées .
Décret d'exécution des encouragemens accordés aux savans , gens de
lettres et artistes.
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité d'instruction publique , décrete :
}
66 Art . Ier . En exécution du décret rendu le 27 vendémiaire
dernier , la trésorerie nationale tiendra à la disposition de la
commission exécutive de l'instruction publique une somme
de 300,000 liv. , pour être répartie conformément à l'état cijoint
:
Trois mille livres à chacun des citoyens : Adanson , naturaliste ;
Anquétil , auteur de l'Esprit de la Ligue et de l'Esprit de la Fronde ;
Bitaubé , traducteur d'Homere ; Bossut , géometre ; Brequigny,
anteur d'écrits considérables sur l'histoire de France ; Brisson ,
physicien ; Cousin , grometre ; Corneille d'Angely , petite - fille
du grand Corneille ; Cote , astronome , Delile , auteur de la
traduction en vers des Géogiques ; Deliile - de - Salie autcur
de la Philosophie de la Nature ; Ducis , anteur tragique ;
Dumesnil citoyenne ) actrice tragique ; Dutheil , traducteur
d'Eschyle ; Guignes , savant en littérature orientale ;
Gaillard , historien ; Garnier , historien ; Hermann ( de Stras
bourg ) , naturaliste ; Jeaurat , astronome ; Laharpe , httérateur ;
Lalande , astronome ; Lamarck , naturaliste ; Larcher , tradue
teur d'Hérodole ; Lebrigand; Lebrun , poëte lyrique ; Lemierre
( 314 )
( la veuve de ) ; Marmontel , litterateur ; Manduit , géometre
Messier , astronome ; Montuclat , auteur de l'Histoire des Mathé
matiques ; Oberlin ( de Strasbourg ) , bibliographe ; Palissot ,
littérateur ; Pingré , astronome ; Poinsinet- de Sivry , littérateur ;
Poagens , littérateur ; Richard , maturaliste ; Rochon , de la cidevant
académie des sciences ; Saint Lambert , auteur du Poëme
des Saisons ; Turpin , historien ; Valmont de Bomare , naturaliste
.
Deux mille ivres d chacun des citoyens : Andrieux , littérateur ;
Beauchamps , astronome ; Beaurieu , auteur de l'Eleve de la
Nature ; Berthelemy , peintre ; Blavet , traducteur de Smith ;
Bréa , peintre ; Cailhava , littérateur ; Cambini , musicien ;
Collin- d'Harleville , poëte comique ; Darnaud Baculard , littérateur
; Domergue , grammairien ; Dureau de la Malte , traducteur
du Tacite ; François de Neufchâteau , littérateur ; Foucon ,
sculpteur ; Frizieri , musicien ; Gueroult , professeur de la cidevant
université de Paris ; Guillard , poëte lyrique ; Haudimont
( d' ) , musicien ; Lacretelle , auteur d'écrits politiques ;
Langle ( de ) auteur des Voyages en Espagne et en Suisse ; Lasalle
Antoine ) , auteur de la Balance naturelle ; Lavocat , mécani
cien ; Levêque , auteur de l'Histoire de Russie ; Mazéas , mathématicien
; Mentel , géographe ; Nivard , peintre ; Parny , poëte ;
Pater , bibliographe ; Pelletier , ingenieur mécanicien ; Petiot ,
auteur d'un Traité sur l'opinion publique ; Peyraud - Beaussol ,
littérateur Philippon , auteur de l'Éducation du Peuple ; Poirier,
bibliographe ; Prudhon , peintre ; Queverdo , graveur ; Ramey,
sculpteur ; Renard , architecte ; Renaud , peintre ; Rétif de
la Bretoune , auteur de nombreux ouvrages ; Rozet , biblio
graphe ; Roubaut , auteur des Synonymes- Français ; Roussel
médecin et homme de lettres ; Scenne ( de ) , sculpteur sourd
et muet ; SaintAnge , auteur de la traduction en vers des Métamorphoses
d'Ovide ; Sélis , professeur de la ci - devant Univer
sité de Paris ; Suvé , peintre ; Vernet , Carle ) , peintre ; Villers
fdes de Commune-Affranchie , auteur de plusieurs ouvrages
de physique.
Quinze cents livres à chacun des citoyens : Achaud ( de Marseille
) , littérateur ; Albanese , musicien ; Artaut , littérateur ;
Autissier , dessinateur , à Rennes ; Banbini , musicien ; Bean<
lieu , auteur de plusieurs ouvrages politiques ; Brun , auteur
dus Triomphe des deux Mondes ; Croulet , auteur d'un poëme
sur la Liberté D'Açarq , grammairien ; Deshauterayes , traducteur
d'ouvrages orientaux ; Gaudin , auteur d'en écrit contre
le célibat des prêtres ; Gauthier , peintre ; Gerard , peintre ;
Griffet , traducteur de plusieurs ouvrages anglais ; Lamontagne ,
littérateur ; Laneuville , peintre ; Lenoir de la Roche , auteur
de plusieurs écrits révolutionnaires ; Lesueur , sculpteur ;
Liotard de Grenoble ) , naturaliste ; Luce , auteur d'une
ragédie de Mulius-Scivola ; Alandar ( Théophyle ) , traducteur
( 315 )
de plusieurs ouvrages anglais ; Mariette , peintre ; Martin
sculpteur ; Mercier ( St- Léger ) , bibliographe ; Pagès ,
auteur du poëme de la France républicaine ; Sablet , peintre ;
Villars ( de Grenoble ) , naturaliste ; Viller , peintre.
" Art. II . Les comités d'instruction publique et des finances ,
réunis , sent chargés de présenter , sous deux décades , un
rapport sur les pensions qu'il convient d'accorder aux geus
de lettres et aux artistes dont les talens sont utiles à la Rés
publique.
29
PARIS . Nonidi , 19 Nivôse , l'an 3º . de la République .
Billaud , Collot , Barrere et Vadier , membres des anciens
comités de gouvernement , à l'égard desquels la Convention a
déclaré qu'il y avait examen , viennent de publier leur réponse
justificative à l'accusation de Lecointre , Nous reviendrons sur
cette apologie , qui , quel qu'en soit le succès , mérite de fixer
l'attention publique.
•
troupes Les lettres de Toulon portent que les arrivent en si
grand nombre que la ville ne suffisant pas pour les contenir ,
on est obligé de les répandre dans les lieux circonvoisins. La
nombreuse artillerie du parc d'Antibes y est aussi arrivée ; elle
occupe tout le champ de Mars ; les grosses picees de canon et
les mortiers ont été transportés par mer . Toulon offre en ce
moment un aspect de guerre terrible . Toute la flotte est sortie
de la grande rade ; ce qui fait présumer qu'elle ve tardera pas
à partir. Ihest ordonné à tous les équipages de rester à bord.
On ignore encore la véritable destination de ces préparatifs
extraordinaires les uns prétendent que c'est pour aller bombarder
Livourne et couper par- là le commerce des Anglais avec
les puissances du Levant ; les autres croient avec plus de fondement
qu'ils n'ont d'autre but que l'expédition de la Corse ;
mais personne ne peut rien assurer le secret en est encore
caché aux jeprésentans du peuple et aux géneraux . Quoi qu'il
en soit , cette expédition paraît être de laplus haute importance.
On écrit de Brest , en date du 6 nivôse , les détails suivans :
Depuis trois semaines , l'escadre avait ordre de mettre en
mer;huit vaisseaux , dont un de 80 canons et sept de 71 ; avaient
pour six mois de vivres ; le reste de l'escadre était approvisionné
pour deux mois , et cette armée , navale étair composée de
65 bâtimens de guerre , dont 36 vaisseaux de ligne , 15 frégates
et 14 corvettes ou cutters , aux ordres des généraux
Villaret , vice - amiral commandant en chef ; Bouvet , contreamiral
de la 2º . escadre ; Nielly , de la 3e .; Renaudin , commandant
de la division qui a pour six mois de vivres ; Tren(
16 )
queleon , commandant l'escadre légere : et Vautier , contreamiral
commandant l'arriére - garde . Personne ne descendait
plus à terre , et les deux représentans , Faure et Trehouard,
étaient à bord du vaisseau amiral .
" Deux jours de suite les vents étant favorables , l'armée
navale appareilla ; mais à peine une partie fut dehors du
port , que les vents étant devenus contraires , il failut rentrer.
Quelques jours après on éprouva la même contrariété ;
enfin , avant- hier au soir , il y eut un coup de vent de nordest
si subir et si violent , que plusieurs vaisseaux qui etaient
en rade briserent leurs cables ; d'autres chasserent sur leurs
ancres et même s'aborderent sans dominages considerables ;
mais le vaisseau le Républicain , de 110 canons , ayant perdu
a-la fois ses ancres et brisé ses cables , s'accula , sa poupe la
premiere , vers les rochers du Goulet , à la sortie de la rade .
Dana cette situation dangereuse , il essaya d'appareiller ; mais
il ne put virer de bord , et la violence du vent le jetta sur le
rocher du Mingant , au milieu du Goulet . Tout son avant
fut percé et s'enfonça aussi- tôt. Dans cette cruelle situation , il
jetta ses canons à la mer ; et depuis onze heures du soir jusqu'à
quatre heures du matin que des secours et des chaloupes
arriverent à son aide , l'équipage qui était de 1200 hommes ,
fut entassé sur l arriere , daus les hunes , sur les vergues et surles
mâts . On parvint à sauver l'équipage , à l'exception de
So hommes qui ont peri ; mais on regarde ce beau vaisseau
comme absolument perdu . Le capitaine et les officiers , auxquels
on croit pouvoir attribuer quelques torts dans la ma
neuvre , si difficile par un tems.afficax , ont été conduits au
château , et ils subiront , conformément à la lei , le jugement
d'un conseil martial de marine .
" Cet événement malheureux a retardé seulement de quelques
jours le départ de l'armée navale , qui va s'effectuer au premier
moment favorable . ,,
Le terrible coup de vent qui a causé la perte d'un vaisseau à
trois ponts dans la rade de Brest , le 4 de ce mois , à fait éprou
ver de grosses avaries , dans la rade de Cherbourg , à plusieurs
bâtimens de commerce , qui se disposaient à entrer dans le
pört : 15 d´entre eux ont été jettés à la côte , et deux ont péri
corps et biens . Au retour du calme , an a trouvé sur la côte
plusieurs chaloupes et une grande quantité d'effets .
On écrit de Dinan , qu'après une expédition d'une division
de l'armée du général Reg , dans laquelle un chef des brigands
a été tué , un autre chef des chouans est venu se
rendre à discression entre les mains des représentans du
peuple . Plusieurs jeunes gens qui s'étaient soustraits à la
premiere requisition , et s'étaient réunis aux brigands , sont
venus déposer leurs armes à Dinan .
( 317 )
Les représentans du peuple près les armées de l'Ouest , des
Côtes de Brest et de Cherbourg , ont pris les arrêtés suivans :
19. Tous rebelles ou chouans qui se présenteront pour
profiter du décret d'amnistie prononcé par la Convention nationale
le 10 frimaire dernier , ne seront admis dans aucunes,
places , camps , postes et cantonemens , qu'au préalable ils
n'aient déposé aux avant - postes leurs armes et les signes de
rebellion qu'ils portent,
20. Les commandans des postes , à leur défaut les munici
palités , ne souffriront pas que dans leur térritoire il soit porté
aucun signe de rebellion , sous leur responsabilité personnelle .
3 ° . Le général eu chef de l'armée de l'Ouest est chargé de
l'exécution de présent airêté , qu'il enverra à toutes les divisions
sous ses ordres , par des couriers extraordinaires .
On écrit de Bâle , que le baron de Goltz , ci - devant ministre
de Prusse à Paris , est arrivé dans cette ville , où le citoyen
Barthelemy , ambassadeur de la Republique Française , est
attendu : les autres agens de Prusse ont deja diné chez te citoyen
Bacher , secretaire d'ambassade , et les santés de la République
et de la Prusse y ont été portées .
Arrêté du comité de sûreté générale de la Convention nationale
du 12 nivôse , an 3º . de la République une et indivisible.
Le comité de sûreté générale arrête que les administrations
de district , les agen: nationaux près desdites administrations ,
et des comites révolutionnaires, sont tenus sous leur responsabilite
de s'opposer à tout rassemblement fanatique ou royaliste
de faire arrêter tous orateurs et acteurs principaux de ces rassemblemens
; comine aussi d'en donner connaissance à l'instant
an comité de sûreté générale .
NOUVELLES OFFICIELLES,
ARMÉE DU NORD.
Lettre du gévéral en chef de l'armée du Nord au représentantant
du peuple Bellegarde.
1
A Bois- le- Duc . le 9 nivose.
Le comité de salut public avait prescrit , citoyen représen
tant , de poursuivre la campagne par la prise de Grave , celle de
l'isle de Bominel , et le complément du blocas de Bréda . Je te
rends compte que , par le hszard le plus singulier , le tout s'est
trouvé fait le même jour , et nous devons à la rigueur de la
saison d'avoir pourvu , au défaut de moyens , de franchir les
( 318 )
barrieres derriere lesquelles l'ennemi s'était , retranché en glaçant
sur beaucoup d'étendue les fleuves de Vahal et Meuse , sur
lesquels il nous eût été impossible de jetter des ponts , faute de
Battean . Nons avons profité du moment cù 1 glace a eu
acquis assez de consistance , pour passer sans risque les
troupes ; et le 7 au matin , malgré un froid excessif , l'armée a
atraqué l'ennemi sur une étendue d'environ douze lieues ,
depuis Nimegue jusqu'au delà de la riviere de Meeck , et
par- tout elle a été victorieuse , selon sa coutume .
L'aile droite , depuis Nimegue au fort Saint-André ,
bornée a observer les mouvemens de l'ennemi , tandis que le
centre se rendait maître de l'isle de Bommel et du Langstraat ,
et que la gauche forçait les lignes de Bréda . Le passage de la
Mense devant l'isle de Bommel s'est exécuté sur trois colonnes ,
Bous les ordres du général Daendels , du citoyen Soeticier , chef
de brigade ; des citoyens Crasse et Mercier , chef de bataillon
de la brigade des Lombards , ( le premier a reçu une legere -
blessure ; les dispositions ont été si bien prises et exécutées ,
que malgré les formidables retranchemens dont l'ennemi avait
hérissé les digues et les villages , les troupes ont passé la Meuse ,
se sont emparées des differentes batteries de la place de Bommel
et du fort Saint- André avec la rapidité et le courage dont l'armée
a donné tant de preuves pendant toute la campagne ; et , sans
avoir avec elle une seule piece de canon , elles en ont enlevé
une soixantaine à l'ennemi , des chevaux , des bagages , et
environ 600 prisonniers .
" Le nombre de ces derniers eût été beaucoup plus considérable
, si les troupes qui devaient faire l'attaque du fort Saint-
André eussent pu arriver à l'heure prescrite .
" Le général Osten , qui avait été chargé de l'attaque du
Langstraat , y a parfaitement réussi , quoiqu'il n'eût que trois
bataillons ( le premier et le deuxieme de la 176e . demi- brigade ,
et le cinquieme des chasseurs à pied ) . Ils ont emporté les forts
et retrauchemens de Doweren , Kapelle et Waspieck avec une
ardeur incroyable , y ont pris 30 pieces de canon , des munitions
, des bagages et quelques prisonniers. Cette expédition
est d'autant plus brillante , qu'elle s'est faite entiérement sur la
glace des inondations .
Le général Bonnaud , qui attaquait en même tems les
lignes de Breda , n'a pas eu un succès moins complet ; il a
enlevé à l'ennemi 18 bouches à feu , 400 prisonniers , un
drapeau et la caisse d'un régiment , avec environ 200 chevaux.
Le général Lemaire qui formait la gauche de l'at aque , était
chargé de prendre les ligues à revers en se portant sur ies postes
d'Oudenbosck et Sevenbergen , dont il s'est emparé. Il a fait
environ 600 prisonniers , enlevé deax pieces de canon , un
drapeau , des bagages , et environ 100 chevaux .
( 319 )
9, Il résulte donc de cette heureuse journée , la prise.
d'environ 120 bouches à feu , 1,600 prisonniers , deux dra
peaux , 300 chevaux .
Cette victoire a été suivie de la prise de Grave , dont le
général Salm a reçu le même jour la capitulation , qui se borne
aux honneurs de la guerre pour la sortie de la garnison , qui
va être conduite prisonniere . de guerre en France . Il est à
remarquer aussi que , malgré le feu terrible qu'a fait cette place
depuis environ un mois sur les troupes qui eu formaient le
blocus et le bombardement , nous n'y avons eu que 13 hommes
tant tués que blessés ,
" Nous avons trouvé dans le pays de Bommel et dans celui
de Langstraat de grandes ressources en fourages dont , nous
commencions à éprouver la pénurie , et nous voilà maintenant
absolument maîtres du cours de la Meuse , dont la navigation
est indispensable à l'spprovisionnement de l'armée , vu l'impossibilité
de la continuer par charrois .
" Après avoir donné de justes éloges à toutes les troupes ,
je ne puis m'empêcher de rendre une justice particuliere aux
généraux qui les ont commandées . Tous ont coopéré au succés
par leurs talens et leur bravoure .
" Les généraux Moreau et Sauviat ont participé aux dispo
sitions du plan d'attaque , et ce dernier a oublié , le jour de
l'affaire , comme il l'a fait pendant toute la campagne , qual
est privé de l'usage d'une jambe ; il s'est fait conduire dans
l'isle de Bommel , et a secondé l'ardeur et la bravoure de ses
freres d'armes . "
Salut et fraternité.
Pour copie conforme.
Signé , PICHEGRU ..
Sigué , BELLEGARDE .
Copie de la capitulation de Grave , pour la reddition de la forteresse
, par le général de division Salm.'
Art . 1er. La garnison aura les honneurs de la guerre , et
sera prisonniere en France .
de II. Elle sortira le 10 nivôse présent mois , par la porte
Bois -le-Duc , et après s'être rangée en bataille devant les troupes
françaises , elle déposera ses armes et drapeaux et prendra sa
joute sur Anvers , en passant par Bois - le- Duc .
III. Les troupes de la République Française occuperont ,
si- tôt la capitulation signée , l'ouvrage à corne et la porte da
la Meuse.
IV. Les malades restés à l'hôpital de Grave , seront traités
comme ceux de l'armée française , au compie des états - géné-
.aux de Hollande , et il restera pour les soigner un ou deux
chirurgiens de chaque corps , suivant le nombre des malades ,
et lorsqu'ils seront guéris , ils se rendront en France sous
escorte , au lieu indiqué pour la garnison.
( 326 )
V. Il sera nommé des commissaires de troupes françaises
et un officier d'artillerie , auxquels on remettra fidelement
l'état de l'artillerie , munitions de guerre et des magasins .
V. Les officiers , sous - officiers , soldats , couse veront leurs
effets ; les officiers , leurs chevaux jusqu'à Auvers , et lå , ils
seront remis dans le dépôt de la République Française .
VII . Les femmes et enfans sont exceptés de la capitulation ,
et retourneront en Hollande , sous la sauve - garde des Fraçais
, qui les conduiront à Nimegue . Il sera accordé pour
elles , leurs enfans et le transport de leurs bagages , des voitures
.
1
VIII. Les bourgeois ayant demandé la conservation de leurs
propriétés , à ne point être inquietés pour les sentimens qu'ils
ont manifestés ' avant la prise de la ville , il a été répondu
que les Français se font un devoir de respecter les propriétés
et les opinions .
IX. Le commandant de la place ayant demandé uue note
de ce que les bourgeois et entrepreneurs de la ville ont à
prétendre pour des livrances et autres avances faites à la gar
nison , a été répondu que cela regardait le gouvernement hollandais
.
X. Le commandant pourra emporter les papiers qui concernent
la comptabilité envers les états . Les plans et archives
de la ville , seront remis au commissaire de la Republique
Française .
XI. Tout employé au service de la garnison qui n'aura pas
porté les armes , pourra retourner en Hollande.
XII. Il sera envoyé deux officiers de la garnison pour ratifier
la présente capitulation . S'il avait été emis quelque chose
où l'une ou l'autre des parties eût besoin d'explication , ce ne
sera jamais au désavantage de la République Française .
XII . Un chasseur à cheval du 13. régiment ( Bio ) , deserté
pendant le siége dans la place , sera remis entre les mains
des Français,
XIV. La présente capitulation ne concerne en rien les émigrés
français qui peuvent se trouver dans la place .
Faite et arrêtée la présente capitulation entre nous soussigués
, au camp sous Grave , le 8 nivôse , 3 ° . année républicaine
, ( 28 décembre 1794. )
Signes , VOULELIWA , major ; F. VONMOTZ , capitaine , et le
général de brigade , SALM,
Pour copie conforme , BELLEGARDE ,, représentant d. peuple.
( N°. 23. )
MERCURE FRANÇAIS.
Du QUINTIDI 25 NIVOSE , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 14 janvier 1795 , vieux style . )
POÉSIE.
Le Jardinier , le Papillon et la Chenille . ( Fable . )
Un jardinier , au lever de l'aurore ,
Exterminait dans son jardin
La chenille , insecte malin ,
Qui souille et qui'flétrit les doux présens de Flore.
Près de lui voltigeait sur le lys et le thym
Un papillon issu de la même famille ;
Et déja dans son sein
Il renfermait peut- être une chenille .
Le jardinier frappé de ses vives couleurs
Ne voulut point troubler son léger brigandage.
On punit le fripon dans le plus bas étage ,
On respecte celui qui parvient aux grandeurs ..
Par le citoyen GRETRY , flu
CHARADE.
Mon premier est un grand bassin ON
Mon second est l'art du médecin ;
Mon tout est dans ta main.
ENIGM E.
Jz suis une vieille servante •
Sans humeurs , sans entêtemens ,
Et qui plus est jamais ne mens
Chose tout -à - fait surprenante !
Discrete et très - fidele on peut ( ta le sais bien )
Lecteur , me confier son secret et son bien .
Tome XIII. X
1 32 )
Il est vrai je fais la grimace ;
Mais qui s'en embarrasse ?
Ainsi que nos vertus déclarons nos défauts .
Mon teint est aussi noir que celui des corbeauxy
Je n'ai ni pieds , ai mains , et je fais plus d'ouvrage
Que le plus entendu n'en fait dans le ménage .
Quoique , comme tu vois , utile à la maison ,
On ne me donne pas une obole de gage ,
Pas même le moindre haillon .
Le corps tout nud , je semble , en ma laide figure ,
Faite en dépit de la nature .
Pour comble de disgrace , hélas !
On me tient dans les fers toujours la tête en bas .
42 63-
LOGOGRÍ PH L..
J'OFFRE à tes yeux quatre saisons ;
Un effronté qui va gueusant dans les maisons ;
Deux ames l'une à l'autre unies
Jusqu'au point d'exposer leurs vies ;
Un mot qui marque l'amitié
Un autre dont l'orgueil est très-mortifié.
Mais en me retranchant la tête ,
S'il te plaît d'arracher mon coeur ,
Adieu mes amours , ma conquête !
Mon reste en corrige l'ardeur,
·( 323 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Les loisirs utiles ; 10. Linville ou les plaisirs de la vertu ; 9º . Eugénie
ou les suites funestes d'une premiere faute . Deux volumes iu- 16
avecfigures ; par d'Arnaud. Prix , 3 liv. A Paris , chez Lepetit ,
libraire , quai des Augustins , nº . 32 .
Le citoyen d'Arnand est en possession d'instruire et ´d'intéresser
la jeunesse par les leçons animées d'une morale mise
en action. Il parvient à se faire entendre à l'esprit de ses lecteurs
en parlant à leur ame , et c'est en leur offrant les tableaux
enchanteurs de la vertu qu'il sait la faire aimer , comme il
inspire de l'horreur pour le vice , eu le représentant dans toute
sa difformité . Nous invitons eet habile maître à continuer son
cours d'éducation , dont il connaît parfaitement les élémens ,
et auquel il est certainement appellé par ses succès constans
et sa longue experience . Mais apprenons de lui - même dans
quelles vues utiles et patriotiques il se livre à ce genre de
Cravail .
Notre objet , dit- il , étant de présenter , dépouillé du faste
de l'instituteur , ce qui peut contribuer à l'amélioration des
moeurs et entretenir le feu sacré de la verta , cette bâse foudamentale
de toute législation , nous croyons que nous ne
saurions mieux débuter que par l'anecdote de Linville ; nous
Osons nous flatter qu'elle sera une leçon sensible pour nos
jeunes concitoyens , et leur donnera , si l'on nous permet cette
expression , un avant - goût des vrais plaisirs réservés à ce qu'on
peut appeller l'homme probe , et digne d'être compté parmi le
petit nombre dent s'honore ma patrie et l'humanité en général .
Ne perdons point de vue cette grande verité : Nous réunissons
deux existences ; l'existence physique et l'existence morale
; celle - ci est sans contredit préférable à la premiere ,
puisqu'elle nous éleve avec justice au- dessus des autres créatures
. Tout écrivain , jaloux de remplir les devoirs de sa
profession , qui le met nécessairement à la tête des formateurs
du genre humain , doit donc s'attacher à étendre les progrès
de cette existence , si importante pour l'individu en particulier
et pour la société . Ne nous lasssons point de le répéter :
le bonheur et la durée des états sont assis sur la pratique de
l'ordre qui n'est autre chose que la vertu . Si Sparte , Athenes ,
Rome ne s'étaient poin écartées de ce principe , il y a tout
lieu de croire que ces puissances pourraient subsister encore
et donner , sans le secours des armes , ce fléau de tout pays ,
des lois et des exemples de sagesse à l'univers entier.
L'auteur nous représente dans. Linville un citoyen honnête
?
X 2
( 324 )
qui s'est éloigné du tumulte des villes pour aller goûter dans
une retraite champêtre les délices d'une vie tranquille . Cependant
pour se rendre utile à la société , par ses leçons et son
exemple , il raconte tant à ses amis qu'aux habitans du canton ,
les aventures de sa jeunesse et les combats qu'il a eus à soutenir
contre lui -même et contre ses passions , pour ne point s'écarter
des sentiers de la vertn et de la plus exacte probité.
La premiere atteinte qu'il ressentit des traits de l'amour fut
'à la vue d'une jeune et aimable villageoise ; il eût pu la séduire ,
il y était excité par Valincour , un de ses parens , homme du
monde , qui par ses conseils et son persifflage jettait du ridicule
sur sa timidité et ses scrupules . Les occasions , la supé
riorité de son rang et de sa fortune , l'inclination même de
cet ange de beauté , de cette naïve et intéressante Annette ,
mille autres avantages semblaient favoriser et justifier même sa
passion . Mais soumis à un pere vertueux , il craignait de l'irritercontre
lui; il appréhendait encore plus de manquer au respect et
aux égards qui sont dus à la candeur , à l'innocence . Sur ces entrefaites
arrive au château une dame du haut parage . Monsieur
de Linville , dit madame de Belmont ( s'adressant au maître de
la maison ) , je viens ssoous les auspices de notre ancienne con
naissance , vous demander la faveur de partager avec vous pour
quelques jours les douceurs de votre charmante Thébaïde .
Je suis une malheureuse veuve excédée de Paris et de toutes
ses sociétés . Je viens me reconcilier avec l'amitié et la nature..
A propos , permettez que je vous présente mon compagnon
voyage : le pauvre enfaut sort d'une longue maladie , eta
ce sera une oeuvre méritoire de votre part de lui donner l'hospi
talité ; il annonce des dispositions , et je serai charmée que
vous l'honoriez de vos conseils . Madame de Belmont s'adressant
ensuite au jeune Linville , marque son empressement de
faire connaissance avec lui . Valincour , lui dit - elle , que j'ai
vu il y a quelques jours , m'a beaucoup parlé de vous ; il vous
est extrêmement attaché. Je vous demande vos bontés pour mon
fils ; je vous préviens d'avance qu'il cherchera , monsieur , à les
de
mériter .
Le jeune Belmont est aussi un amant malheureux qui ne
tarde point à faire confidence à son nouvel ami de sa passion
pour une femme - de- chambre de sa mere ; il lui racoute
tous les torts de la fortune et de ses parens envers elle , et il
lui fait partager les horreurs du désespoir où ils sont l'un et
l'autre réduits par une séparation forcée . Ces deux amis étaient
dans cet épanchement mutuel de leurs sentimens et de leurs
affections, lorsque Linville apprend d'Annette en plears , qu'un
dur créancier de son pere , le fait traîner en prison pour une
somme de 800 liv . Il est assez malheureux pour ne pouvoir disposer
de cette somme . Il offre en vain sa montre que la vertueuse
Annette ne veut point accepter ; enfin , il s'adresse à Valincour
qui regarde la detresse du pere d'Aunette comme une bonne
( 385 )
affaire pour l'amant de sa fille . Dans cette idée coupable if
engage madame de Belmont , qui a déja des vues sur le jeune
Linville , à lui confier cette somme. Je me flatte , dit cette'
" femme coquette , que je mériterai le nom de votre amie ( et
avec une espece d'attendrissement ) , je ferai tout au monde
" pour m'acquérir quelques droits sur votre coeur. Un coup
d'oeil intéressant accompagnait ces paroles . Linville s'épan
,, cha beaucoup en expressions de reconnaissance.
" Monsieur ( en montrant un peu d'embarras ) , la reconnais
sance n'acquitte pas toujours , et tout de suite madame de
" Belmont sonne , et se contente de terminer ainsi entre
99 tien . 99
ง
• Valincour qui était dans le secret de la dame bienfaitriee ,
vint aussi- tôt trouver son cousin ; il lui fit entrevoir que cette
veuve très - riche , lui donnerait volontiers sa fortune et sa
main ; et à l'égard de la jeune Annette , il se chargea , comme
malgré lui , d'aller trouver le pere , et de tout arranger ; mais le
fils de madame de Belmont le fit bientôt revenir de son erreur.
Est-il possible , lui dit- il , que vous vous soyez aveuglé à ce
point ? Votre parent , concourir avec vous pour un acte honnête
! Mon ami , j'en suis assuré , il ne mettra point au bienfait
le charme que vous lai auriez prêté , et qui est tant an
dessus du bienfait même ! Hélas ! je ne prétends point nous
fatter l'un et l'autre , mais , mon ami , il est peu de coeurs qui
soient susceptibles d'éprouver notre sensibilité et c'est la
sensibilité qui distingue les nuances de l'art d'obliger ; c'est
une science , croyez- moi , que bien peu d'humains possedent.
En effet , le perfide Valiatour annonce à son cousin que
pere d'Annette lui viendra faire ses remercîmens , mais que
san infidele était encore bien plus contente , puisqu'elle était
prête à épouser Claude , garçonjardinier, son amant. Linville demeure
confondu , et ne sait quel parti prendre , il est bien éloigné
de céder aux conseils de Valincour qui trouve assez plaisant ,
d'élaguer le rival jardinier , c'est-à - dire de l'éloigner . Survient
madame de Belmont qui déploya ce que le monde appelle de
l'esprit , pour rendre , disait elle , Linville à la noblesse dé
sentiment qui devait être son partage . Mais la visite la plus
désagréable pour lui fut celle de Claude qui vient se jetter a ses
pieds , et lui demander en grace de ne point s'opposer à son
mariage . - Monsieur , j'aime Annette de tout mon coeur , et je
veux être son mari . , puisque son pere m'accorde son consentement.
le
Linville ne put entendre son rival sans frémir ; il ne put en
même-tems se défendre de ses prieres , et fait par l'engager à
suivre son penchant. Alors le pere d'Annette vient en pleurs
reporter à celui de Linville un argent que Valincour lui avait
remis à des conditions trop déshonorantes pour Annette et pour
lui . Le pere de Linville fait appeller son fils , et en sa présence
il rassure le bon vieillard , et le force de garder cette somme
P
X 3
( 326 )
qui lui est si nécessaire , et qu'il lui présente au nom de son fils
en justifiant l'honnêteté de ses intentions . Mais étant seul avec
lui , il laisse éclater sa douleur paternelle , et après de justcs
réprimandes sur sa conduite , il ajoute 66 Dès qu'on est mem--
" bre d'une société , on a fait avec elle une sorte de contrat
" tacite qui nous lie , qui nous assujettit aux lois , aux couve-
" nances qu'elle s'est imposée ; c'est un engagement sacre , eusi
" l'on cherche à s'y soustraire , dès ce moment on devient mé-
" prisable , criminel . Je sais que dans ce siecle on fait parade
de philosophie . La vraie philosophie consiste à remplir ses.
, devoirs , à porter la chaîne sociale , à se soumettre aux usa
ges , fussent- ils arbitraires . C'est la fausse philosophie qui
" prétend à rompre tous les nauds qui nous attachent rési-
" proquement. Que nait de cette violation des lois , des con-
99 tames je dirai même des préjugés , et il y en a beaucoup
" qui sont nécessaires et absolument nécessaires ? la confu-
" sion , le désordre , vices qui nous rejettent du sein de la so
ciété , et qui nous renvoient à la condition de l'homms des
bois . Annette , je lui suppose tous les charmes , toutes les
qualités qni constituent la femme parfaite , ne doit point
" portes le nom de votre epouse . Il n'y a point d'appel de cette
2 décision , défendu même d'examiner si elle est bien ou mal
" fondée ; voila l'esprit de la société , l'esprit qui commande
" au nôtre , quand il s'agit du systême général , la base et le
maintien de l'ordre . C'était donc pour céder à un penchant
» condamnable , que vous nourrissiez une passionque l'honnête
homme et l'homme raisonnable doivent également réprimer.
Votre but était de la satisfaire , cette passion si aveugle , si
ilégitime . Et quel en eût été le résultat ? malheureux ! Le
, déshonneur d'une misérable fille , déshonneur qui ne souffre
" point de réparation , la douleur portée au sein d'un pere ,
d'une famille entiere , et pour ton coeur un remords , le remords
éternel ; car j'aime à croire que tu n'as point perdu
19 totalement le fruit de mes leçons , de mes exemples , que tu
ne saurais arracher entierement de ton coeur , le goût , l'a-
" mour de la vertu ; que mon fils …………. " "
Linville se jette anx genoux de son pere , les embrasse , en
les inondant de ses larmes . Oui , lui dit - il , je me sens encore
digne d'être votre fils . Outre les leçons de vertus et les regles de
conduite Linville reçut
que de son pere , il apprit encore de
lui à être généreux et bienfaisant envers Annette , envers son
époux et sa famille . Le devoir obligea de renoncer à son
amour ; mais il goûta le plaisir plus durable de faire des heureux
. Valincour et madame de Belmont ne tarderent point à
s'éloigner d'une maison où leurs airs , leur ton et leurs principes
étaient mal accueillis . Le fils de cette mere coquette succomba
bientôt à sa moire mélancolie . Le pere de Linville paya sa dette
à la nature , avec la consolation de laisser un digne héritier de
ses richesses , de ses vertus , Celui- ci fut envoyé en mission , et
( 327 )
redans
sa tournée , fait connaissance d'un monsieur Lesmer qui
par humanité s'était fait nommer geolier d'une prison d'état ,
pour apporter tous les secours et toutes les consolations qui
seraient en son pouvoir , aux malheureux captifs . Enfin il
vient après quelques années habiter sa terre , où il a le bonheur
de revoir Annette mere de plusieurs enfans ; il accueille encore
son mari , son pere , et tous les habitans qui le reçoivent comme
leur ami et leur bienfaiteur.
"
Le citoyen d'Arnaud a tracé dans Eugénie , ou les suites funestes
d'une premiere faute , des tableaux encore plus intéressans ,
que les bornes circonscrites de ce journal ne nous permettent
point d'exposer. Mais la lecture de ces anecdotes fera connaître
combien ces peintures animées des charmes de la vertu et des
ravages da vice deviennent utiles aux moeurs et effentiels
à la société , quand ils sont l'ouvrage d'un homme habile et
probe. Car suivant la remarque judicieuse du citoyen
d'Arnaud , par laquelle nous erminerons cette analyse
l'homme de lettres , appellé par le génie à sa noble profession
, doit être nécessairement supérieur aux autres hommes
. Il a plus de lumieres , conséquemment il doit pesséder
plus de vertus , parce que des lumieres émane l'amour
de l'ordre , et l'amour de l'ordre n'est autre chose que l'amour
de la vertu. On ne peut trop le répéter , les talens dont l'emploi
ne tourne point à la pratique du bien , au profit de la société
, au lieu d'être les sources du bonheur public , ne sont
que des sources empoisonées . Ce n'est plus an flambeau qui
porte une clarté utile , c'est une torche incendiaire . Encore une
fois le génie ne saurait gueres se séparer de la vertu . On peut
assurer , sans craindre de se tromper , que Corneille et Moliere
étaient d'honnêtes gens ; aussi furent-ils peu favorisés de la fortune.
Il n'appartient qu'à l'intrigue de se procurer des richesses
. Qu'est- ce qu'un homme de lettres intrigant ? Redisonsle
sans cesse , l'homme de lettres , par ses exemples comme par
ses écrits , doit servir de modele à ses concitoyens et à tous les
hommes .
ANNONCE.
Recueil de recherches et d'observations sur les différentes méthodes
de traiter les maladies vénériennes , et particulierement
sur les effets du remede connu sous le nom de Rob anti- syphilitique
; par Laffecteur , co -propriétaire de ce remede . In -8°.
de 150 pages d'impression , caractere Didot , présenté à la
Convention nationale . Se trouve chez l'auteur , à Paris , rue
des Petits-Augustins , no. 1276. Prix , 25 sous pour Paris , et
35 sous , franc de port , pour les départemens.
X 4
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE .
Dis
ALLEMAGN L.
De Hambourg, le 25 Décembre 1794.
Es lettres de Contantinople du 18 novembre , donnent plusieurs
détails sur la déposition ou démission forcée du dernier
grand- visir , arrivée le 20 du mois précédent , et sur la nomi
nation on plutôt la reconnaissance de celui qui lui a succédé ,
dont elles font connaître la vie antérieure .
Meler-Meheme -pacha étant à la promenade sur le canal de la
mer Noire reçut deux ordres successifs de se rendre à différens
endroits , et trois heures après la permission d'aller occuper
sa maison de campagne . Le même jour et à la même heure ,
d'après des ordres reçus dans sa route du Caire à Cutaya
Izel - Mehemet se rendit de bon matin au sérail . Le grandseigneur
l'installa dans le visiriat . Il passa avec un cortége
dont le muphii faisait partie , à la salle du divan où il fut complimenté
, et confirma les différens employés dans leurs places .
Le nouveau premier ministre est gendre de feu Hali-pacha ,
grand-visir , il y a environ dix ans , sous le sultan Abdul-Hamed .
Il a servi pendant sa jeunesse dans l'intérieur du sérail , ensuite
il a eu la sur-intendance de la monnaie . Après la mort de
son beau- pere il fut déclaré pacha aurois queues avec le gouvernement
de Jedda sur la mer Rouge , d'où il a passé en
Egypte en qualité d'intendant du grand - seigneur après quoi ,
au lieu de l'emploi de Beglier- Bey d'Anatolie qui lui avait été
conféré , il a été élevé à la premiere place de l'administration .
Son beau- pere étant plus versé qu'aucun autre ministre de son
tems dans les affaires de l'Europe , on présume qu'Izel - Mehemet
aura pris de lui des leçons de politique . Ce qu'il y a de sûr ,
c'est qu'il est très - circonspect et très - prudent.
- Les ministres des puissances coalisées voudraient donner à
entendre que Meler-Mehemet n'a été remercié qu'à cause de
son grand âge , et qu'il desirait lui-même se reposer. Mais on
sait que sa disgrace est le fruit des insinuations du capitanpacha
, et que la promotion de son successeur est un véritable
iriomphe remporté par la parti du ministere ottoman qui veut
la guerre sur le parti craintif qui veut condamner la Porte à
une neutralité peu honorable .
Un
In pacha à deux quenes est chargé da commandement et
de la direction des forteresses nouvellement bâties à l'embouchute
de la mer Noire ; elles sont pourvues d'artillerie et
( 329 )
d'hommes. La discipline que ce nouveau commandant " fait
observer est rigide . On remarque que la plus grande tranquillité
regne dans les villages voisins , parmi lesquels on
compte Bujukdere et Belgrade , demeure d'été des ministres
étrangers et des Francs .
L'officier français qui a présidé à la construction d'un vaisseau
de ligne de 70 canons , lancé en mer dernierement , a
reçu diverses gratifications qu'on fait monter à 30,000 piastres ,
outre ses appointemens ordinaires . Le grand seigneur lui a
fait promettre une autre gratification plus considérable encore ,
quand il aurait avancé la construction d'un vaisseau de premier
rang , de go à 100 capons , qui est déja sur le chantier.
Les soins du gouvernement ne se bornent pas au rétablissement
de sa marine ; il s'occupe encore d'en former une
marchande . Les principaux membres de l'état et du ministere
ont été engagés à armer des bâtimens pour leur propre
compte , destinés à faire le commerce de la mer Blanche et '
de la mer Noire , et servir au transport des vivres qu'on amene
dans cette ville . Le gouvernement promet encore qu'en cas
d'un armement , il ftêtera ces bâtimens comme transports . Deja
beaucoup de bâtimens francs ont été achetés , et l'on en cons
truit un grand nombre d'autres.
On ne saurait trop louer le plan qu'ont les ministres actuel
lement en faveur , de faire sortir la Turquie de l'espece de
léthargie dans laquelle elle est restée si long - tems , et de la
mettre en état de se faire respecter. La Porte vient encore de
recevoir l'avis que des armateurs maltois ont paru au milieu
des isles , et fait éprouver de grandes pertes au commerce .
Ils se sout emparés entr'autres de quatre gros bâtimens turcs
richement chargés .
Depuis l'audience que le grand- visir a donnée à l'ambassadeur
d'Angleterre , ce ministre en a en une autre du grandseigneur
, dans laquelle les cérémonies d'usage ont été observées
.
Les ministres étrangers viennent de former de nouvelles
plaintes au divan . Ils ont annoncé qu'une frégate française se
tient à l'embouchure des Dardanelles , visite tous les vaisseaux
qui se présentent , et arrêtent ceux qui lui paraissent
suspects . Le divan n'a , jusqu'à ce jour , donné que des réponses
évasives .
Tout continue de se passer en Pologne au gré de l'impératrice
de Russie et du roi de Prusse . Catherine et Frédéric-
Guillaume sont absolument maîtres de ce beau pays , qu'ils
fuiront peut - être par achever de partager , en appellant .
mais seulement pour la forme , à ee dernier partage , l'Autriche
dont ils n'ont pas tiré grand secours pour soumettre
les insurgés polonais ..
Voici ce qu'ou apprend de cette malheureuse contrée par
différentes nouvelles des frontieres , qui annoncent bien ca(
330 )
core quelques mouvemens des insurgés , mais exécutés avee
si peu d'ensemble , que l'on voit qu'ils ne tarderont pas à
être totalement soumis . On trouvera aussi dans ces mêmes
détails les formes suivies par la Courlande , pour passer sous
le joug de la Rassie , dont l'orgueil est , dit - on , singulierement
accru par ces nouvelles conquêtes , et qui se proposé
d'envoyer , les ans disent 30 , les autres 50 , et quelquesuns
même 80,000 hommes , sur des bords du Rhin , au secours
de la coalition ; secours et espérances qui acheveront
de la perdre , en la faisant persister dans une guerre ruineuse
pour elle , et l'empêchant de conclure à tems
paix honorable avec la République Française . En attendant ,
voici ce que portent des lettres de Varsovie , du 1er . décembre
:
une
‹‹ Six mois de calamités ont rendu notre situation infiniment
déplorable . La majeure partie des habitans est réduite à la
besace. Varsovie a dû fournir seule aux besoins de la guerre.
Chacun sait ce que c'est que d'avoir à completter , équiper ,
armer et nourrir une armée de 60,000 combattans . Les bourgeois
de Varsovie l'ont fait , sans y être aidés par la riche
noblesse , qui avait disparu avec ses trésors .
Le mal toutefois n'y serait jamais arrivé à son plus haut
degré si l'on n'eût pas adopté l'idée de créer un papier monnaie ,
qui , des mains des propriétaires , a fait passer toutes les
especes sonnantes dans le trésor public , d'où elles se sont
écoulées et perdues sans retour.
Personne n'a osé se dispenser d'obéir aux ordres donnés ;
car ils étaient toujours accompagnés de la menace de la potence .
La cherté des denrées , toujours croissante , ajoutait aussi toujours
aux violentes douleurs de notre position .
•
A dix ou quinze lieues de rayon , tout est dévasté autour
de nous :
on ne trouve plus dans les villages , ni vaches
ni volailles ; il n'y a pas même des paysans.
Les maisons des seigneurs n'ont plus , ni portes , ni fenêtres ,
ni planches ; les quatre murailles sont tout ce qui leur reste ;
on jugera par- là de l'état où sont les chaumieres .
Si notre gouvernement futur , quel qu'il puisse être , ne pourvoit
pas promptement aux nécessités de la ville , la famine y est
inévitable pour l'année prochaine ; car il ne s'est fait presqu'aucune
semaille dans les campagnes , pas même dans celles '
où les propriétaires avaient le plus d'envie de remplir cet indispensable
objet ; ils y ont manqué à la fois et de graines
et de bras.
Tout a abandonné la campagne , pour refluer vers la ville ,
comme lieu de refuge le plus sûr . La population , qui ne
fut jamais que de 70 à 80,000 ames , y est aujourd'hui de
200,000 ; à quoi il faut ajouter le devoir de procurer des subsistances
à l'armée russe .
Tétait de toute impossibilité que la ville tînt plus long-
L
( 33x )
tems ; la faim , puisque tout passage fermé anx choses né
sessaires à la vie , l'aurait forcée à se rendre aux Prussiens.
Les angoises et le trouble qui nous ont tourmentés pendans
ce tems-là sont au- dessus de toute expression .
Penser maintenant au commerce et au trafic , il n'est personne
qui le puisse .
Les banqueroutes terribles qui éclaterent l'année derniere ,
à supposer qu'on eût pu les éviter alors , seraient inévitables
aujourd'hui. Tous les débiteurs aux masses , ou sont ruinés ,
ou se sont enfuis avec ce qu'ils avaient encore d'argent.
Nous ignorons le sort qui nous est réservé , et qui doit
améliorer celui que nous endurons.
Plusieurs belles maisons et plusieurs jolies petites maisons ,
le long de la Vistule , ont été abîmées par les batteries qui ,
se sont établies , tous les arbres sont à bas , et les murs sont
criblés.
En vain voudrait - on penser à des réparations ; quand même
on aurait des fonds , il ne serait pas possible d'avoir un
tonneau de chaux , quelque prix que l'on voulût y mettre. "
On répand que les limites de la Prasse méridionale doivent
être reculées . S'il faut en croire ces bruits , elles commence,
raient à Wissogrod le long de la Vistale jusqu'à Zakrozim ,
à l'endroit où la Narrew réunie au Bug se jette dans la Vistule
: de - là , et en remontant la Narrow jusqu'à Augustos ,
elles s'étendraient jusqu'aux confins du palatinat de Trock en
Lithuanie , où commencent les frontieres de la Prusse occidentale.
Tel est du moins le plan qu'on dit formé par le
cabinet de Berlin .
Selon des avis reçus de Mittau , plusieurs membres de
l'ordre équestre de Courlande , ayant à leur tête le bourggrave
Howey , présenterent , le 19 novembre , une requête
au duc , pour lui demander la promptè convocation de la
diete. Il y avait un mémoire joint à cette requête , dans lequel
on développe les motifs qui purent engager autrefois cette
contrée à se mettre sous la protection de la Pologne. Il y est
dit que la Pologne n'a jamais rempli ses engagemens , er
qu'au contraire elle a sans cesse cherché à violer les droits ,
des Courlandais ; qu'entr'autre , lors de la derniere diete de .
Varsovie , les Polonais voulaient renverser la constitution de
la Courlande , et que , sans la puissante protection de la:
Russie , ce duché serait devenu la proie des insurgés ; que
d'ailleurs la Pologne , ayant cessé depuis long -tems d'être un
éta : sous la protection duquel on puisse se mettre , et l'union
de la Courlande avec ce pays ne pouvant que l'entraîner dans
sa ruine , les soussignés invitent le duc à engager les états de
la diete : 1. à renoncer à la protection de la Pologne ; 2º . à
demander , par une députation , celle de Russie . On ajoute
que si cette députation reussit dans ses négociations , elle
prêtera tout de suite serment de fidélité , et fera à l'impéra
( 33 )
trice les demandes suivantes : 1 ° . la famille regnante , l'ordre
équestre , les villes et tous les habitans conserveront la jouissance
de tous leurs droits , et l'impératrice les défendra envers
et contre tous ; 2. l'impératrice sera priée d'indemniser
la Courlande des dommages causés par les insurgés , et de
lui faire restituer tout le territoire que la Pologne lui a enleve
dans les anciens ' tems ; 3° . elle sera également priée
d'établir dans le duché un tribunal supérieur d'appel , à la
place du tribunal de relation , établi jusqu'ici de la part de
la Pologne , et de conférer la place de président de ce tribunal
à un gentilhomme Courlandais . Ge tribunal sera composé
de six conseillers le duc en proposera six , l'ordre
équestre en proposera six , et l'impératrice en choisira trois
de chaque côté .
Enfin on trouve , dans des lettres des frontieres du 12 décembre
, que le russe Stackelberg est décidément attendu à
Varsovie , où il résida jadis en qualité d'ambassadeur. Ce
ministre hautain et dur vient y rétablir le regne de Cathe
rine ; il sera assisté dans cette opération du prince Repnin.
Quant au vainqueur , le général Suwarow , à qui l'impératrice
a donné , en lui conférant le grade de feld - maréchal , de
préférence à cinq ou six officiers ses anciens , un bâton parsemé
de brillans , pour faire le pendant de sa couronne de
lauriers en diamans ; on assure qu'il va retourner à Cherson .
De Francfort-sur- le-Mein , le 31 décembre.
La position de l'empereur est toujours la même , c'est-à- direfort
embarrassante . Il est extrêmement occupé du soin de faire
presser par ses ministres à la diete la fourniture de ce quintuple
contingent , soit en hommes , soit en numéraire , sans
lequel il lui est impossible de continuer une guerre ruineuse
pour tout le corps germanique , et particulierement pour lui. Ses
envoyés dans les différentes cours belligérantes , ou même
neutres , sollicitent des subsides ou essaient d'ouvrir des emprunts
, mais avec peu de succès . En général , il en est réduit
pour ses finances à peu près à ses propres ressources , dėja
bien épuisées par les campagnes précédentes .
D'ailleurs , on commence à craindre la famine dans plusieurs
parties des états héréditaires , et surtout dans l'Autriche
antérieure . Les grains s'y vendent aujourd'hui plus cher qu'en
1771 et 1772 , années remarquables par une disette presque
9
solue . En conséquence , le conseil de régime et la chambre
des finances , d'après un travail fait en commun ont adressé
une circulaire à toutes les communes du pays , où , pour tranquilliser
les habitans , ils imputent la disette réelle à des
causes peut-être chimériques ; ils se plaignent du monopole et
de l'exportation immodérée , et prétendant que la derniere
récolte n'a pas été aussi mauvaise qu'on l'a avancé , ils arrêtent
( 533 )
des dispositions suivantes pour prévenir l'énorme cherté de
grains .
1º . Toutes les autorités dans chaque lieu devront prendre ,
sous la plus rigoureuse responsabilité , des informations exactes
sur le produit de la récolte , et sur ce qui est nécessaire pour
la consommation .
2º . Il est de nouveau défendu de vendre des grains , dans
les greniers , maisons ou moulins , sous peine de confisca
tion : un tiers du prix sera donné au dénonciateur ; en cas
de récidive , il sera infligé des peines infamantes et même
corporelles aux contrevemans .
30. Toutes les autorités sont tenues de surveiller les accaparcurs
qui , dans les marchés , les granges et les greniers ,
font de grands achats de grains , afin de les conserver pour
en faire monter le prix .
►
4. Il est enjoint aux inspecteurs des marchés , aussi longtems
que durera la cherté actuelle , de veiller à ce que personne
, jusqu'à la moisson prochaine , ne fasse des achats de
proportion avec les besoins de chaque famille , et par conséquent
dans l'intention de les faire passer ailleurs . Il n'est
point permis aux acheteurs étrangers , encore moins à des
marchands de grains , d'en acheter de grandes quantités à la
fois , si ce n'est dans les marchés de l'arriere , pour les faire
passer aux marchés de l'avant .
5º. Ceux qui ont eu d'abondantes moissons , " remettront
au président des provinces de l'Autriche antérieure , des états
de leurs provisions surabondantes , pour que l'achat en tout
ou partie en soit fait , soit par les états de Brisgaw , soit par
les communes où il y a disette .
6º . Enfin , s'il arrivait que , par les rapports à faire sur le
produit de la derniere récolte , il fût prouvé que le pays a
des grains au - delà de la consommation iutérieure , il n'y a
aucune opposition à ce que , conformément à la bonne intelligence
avec la Suisse , le surperflu fût vendu aux Suisses ,
Les conditions sous lesquelles ces ventes pourront être faites ,
seront rendues publiques dès qu'il aura été fourni des renseignemens
sur les besoins du pays .
Des lettres de Vienne du 17 portent , que depuis quelques
tems les couriers de Londres , de Berlin et de Pétersbourg s'y
suceedent avec une extrême rapidité , sans qu'on sache s'it
faut en augurer la paix ou la guerre . On n'en est gueres plus
avancé pour savoir que le 11 , après l'arrivée d'un courier de
Londres qui précédait seulement de quelques jours Milord Eden
deja entré plusieurs fois en conférence avec le ministere autri
chien depuis qu'il s'est rendu dans cette capitale , le baron de
Thugut a passé chez l'empereur , conversation à la suite de
laquelle il a expédié une estafette au baron de Dankelmann ,
ministre impérial en Suisse ; que le lendemain le marquis de
( 334 )
Laechesini reçut des dépêches par un courier de Berlin , e
les communiqua au baron de Thugut , avec qui il resta longtems
enfermé ; qu'enfin , le général Suwarew a envoyé à Vienne
son aide-de-camp M. de Hesse , que le comte Rasoumowski
présenté à l'empereur.
L'hiver commence à se faire sentir vivement depuis le 16 ;
en espere qu'il raccommodera un peu les chemins presque
généralement impraticables : leur mauvais état a singulierement
ralenti les transports de munitions en tout genre.
La diétine de Transylvanie a fait solemnellement l'ouverture
de ses séances , le 13 , à Clausenbourg ; on ne sait pas
quand celle de Hongrie ouvrira . Quant aux états de la Haute-
Autriché , c'est le 22 qu'ils doivent s'assembler ; on s'en prc.
met bien quelque heureux résultat ; mais on est sûr d'avance
qu'il ne sera point suffisant pour faire face à la guerre , sur
tout dans un moment où les provinces d'Italie paraissent fournir
de nouveaux sujets d'inquiétude ; car on sait que les Frauçais
doivent s'être renforcés de ce côté - là .
D'après cet état de choses , on ne sera pas surpris du parti
qu'ont pris les membres du corps germanique assemblés , et
done on a connaissance par des lettres de Ratisboune , du
20 décembre , ainsi conçues :
Hier , la diete a pris , d'un commun et parfait accord ,
une résolution définitive dans l'affaire de la pacification désirée ;
on y z adopté un projet d'avis de l'Empire qui sera incessamment
envoyé à l'empereur pour en obtenir ratification ,
et devenir conclusum du corps germanique. La résolution
prise dit en substance :
1º. Qu'il a été jugé conforme à la situation actuelle des
affaires , de préparer efficacement les voies à une pacification
équitable , en même tems que l'ou s'occupera sérieusement , et
conformément à ce qui en a été ordonné , des préparatifs pour
une nouvelle campagne .
,, 2 ° . Qu'on a lieu d'espérer que , pour l'honneur de l'humanité
trop cruellement en souffrance , la nation française ,
considérant qu'elle-même a fait naître cette guerre qui , de la
part de l'Empire , n'a eu d'autre but que de défendre obligatoirement
la constitution et les droits du corps germanique
et de ses membres , et nullement de s'immiseer dans les affaires
intérieures da la France , ou de faire sur elle des conquêtes ,
se montrera disposée à prêter les mains à une paix qui mette
fin à la guerre à laquelle elle a forcé l'Empire .
, 3c . Que , vu la possibilité de s'être livré sur ce point à
une espérance trompeuse , et d'avoir inevitablement à continuer
la guerre défensive , il ne sera rien négligé pour accélérer
au possible les armemens décrétés , et tous les moyens de
1 335 )
défense qu'une nouvelle campagne , et les dangers dont on
est menacé , exigent impérieusement ;
4°. Que, partant de ces suppositions , sa majesté impériale
sera très -humblement et instamment suppliée de conti
nuer , toujours de concert avec l'Empire , à donner des soins
à ce que les choses soient ramenées aux termes d'une paci
fication acceptable , conforme à - la - fois à la constitution de
Empire et à la paix de Westphalie , l'une de ses lois fondamentales
;
5. Enfin , que sadite majesté impériale , pour mieux
travailler à la paix , veuille bien s'employer à la rendre plus
facile , en entamant des négociations pour une trêve préa
lable , en agissant à ces deux égards conjointement avec sa
majesté le roi de Prusse , qui déja s'est déclaré prêt à tout
tenter pour répondre aux voeux de l'Empire , qui sont aussi
les siens .
Les Français ont probablement beaucoup influé dans ces
déterminations par l'activité qu'ils ont montrée dans les dernieres
affaires , tant sur les bords du Rhin et en Hollande
qu'en Espagne , activité que la rigueur de la saison ralentit
à peine un peu . Il paraît que le 14 ils ont réitéré leurs tentatives
du côté de Ghent ; c'est après avoir également tenté
une attaque vers le Byland-Waert et le fort de Schenk . Quoiqu'ils
n'aient pas encore réussi , disent des letttes de la Haye ,
du 16 décembre , les mouvemens qu'ils ne cessent point de
faire , et toutes les dispositions dont ils s'occupent sans relâche ,
en exigeant autant de la part des flegmatiques Hollandais , de
peur d'être surpris , les harassent et les excedent.
Ces lettres ajoutent les ballons découvreurs de l'ennemi
se sont élevés de nouveau dans le voisinage du fort de Schenk.
Ainsi , il est encore question d'entreprises très prochaines .
D'ailleurs , ils ont mis en réquisition , le long du Waal , tout
ce qu'il y a de tonneaux , apparamment pour s'en servir
à la passer , sans que nous puissions trop savoir comment.
L'amiral Kinsbergen est de retour avec sa fletille à la rade
de Fagel. Le bruit court que le Statdhouder effrayé va faire
négocier la paix à Paris .
Nous savons aussi par des lettres de Bâle , à la date du
25 , que la veille le major de Mayerink et M. Schmertz de
Creutznach y sont revenus de Baden , où ils ont été supérieurement
reçus par M. Barthelemy , ambassadeur de France ,
et que l'on s'attend à voir arriver de Berlin M. le comte
de Goltz , ci - devant ministre de Prusse à Paris .
ANGLETERRE. De Londres , le 14 décembre.
ހ
Il y a aujourd'hui des variantes sur la maniere dont le due
d'Yorck sera employé. Quelques personnes prétendent qu'on
1336 )
Je renverra incessamment au poste qu'il vient de quitter. Il a
ramené ici le général Erskine , et a laissé le général Harcourt à
la tête des Anglais en Hollande , et le comte de Walmoden à
celle des Hanovriens .
Quant à l'expédition dont le comte de Moyra doit être
chargé , beaucoup de gens soutiennent qu'elle ne tardera pas
d'avoir lieu. On se fonde sur ce qu'il est impossible de croire
que l'on se donne tant de peine , et que l'on fasse tant de dépenses
seulement pour la forme , ou pour le petit plaisir de
tromper l'espion . Au reste , voici les détails que l'on donne sur
cetse expédition ; tous les officiers , tous absolument , doivent
être rendus le 20 décembre à Southampton , où est le quartier
général , on en prapere de particuliers à l'isle de Whit pour
sept régimens , et 5000 hommes vont être envoyés à Jersey .
Enfin , la légion d'émigrés de Toulon , commandée par d'Es
villy , a ordre de se tenir prête à marcher.
La rentrée ou la prorogation du parlement est encore une
chose incertaine , et dont les bruits varient d'un instant à l'autre .
Dans la matinée d'hier , on disait positivement qu'il serait prorogé
au 20 janvier , et dans la soirée on affirmait qu'il rentrerait
le 30 décembre.
Ce qu'on sait d'une maniere un pes plus sûre , c'est qu'il ne
faut pas an ministere moins de 24 millions de liv . sterling , ou
environ 550 millions de liv. tournois , dont 18 millions pour la
dépense qu'exigent les affaires de la coalition , et 6 millions
pour celle des deux Indes . On imagine bien que ce n'est pas
par la voie des impôts qu'on se procurera cette somme énorme ,
dans un pays qui en est deja surchargé .
"
On aura recours à un emprunt qui sera assuré , garanti ,
consolidé en un mot revêtu de toutes les formes propres â
tranquilliser , par le gouvernement. Il ne reste plus qu'une
petite question à faire , c'est de savoir qui est-ce qui cautionnera
le gouvernement ; c'est ici un peul'histoire des Indiens , qui ne
sont pas du tout embarrassés de vous expliquer comment la
terre est soutenue ; ils la font porter par quatre éléphans , qui
posent eux-mêmes sur le dos d'une énorme tortue ; mais quand
en leur demande sur quoi la tortue est appuyée , ils ne savent
plus que vous dire . Les prêteurs , si tant est qu'on en trouve ,
n'auront pas même ici la ressource insuffisante de la tortue .
Quoiqu'on n'ait encore rien d'officiel sur la reprise de la
Guadeloupe par les Français , cette mouvelle vient de tant de
côtés qu'on en a presque la certitude morale .
RÉPUBLIQUE
( 337 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BENTA BOLLE .
Séance du septidi , 17 Nivose .
Nous avons promis de donner une analyse du rapport de
Courteis . Nous desirerions pouvoir le mettre en entier sous les
yeux du lecteur , parce qu'il est fait pour passer à la postérité
comme un monument de la tyrannie la plus exéciable qui
jamais ait ose se montrer .
Le
rapporteur
a partagé
son travail
en trois parties
; les crimes
de Robespierre
, ceux
des anciens
comités
de gouvernement
,
et ceux
des agens
de ces comités
et de Robespierre
. Leur but était d'etablir la tyrannie , et pour y parvenir ils ont
employé denx sortes de moyens ; moyens directs , les proscriptions
et les assassinats des gens de bien , des hommes de lettres ,
des artistes , des negocians ; moyens indirects , le maximum , les
requisitions , les courses de l'armée révolutionnaire , et l'envoi
des journaux qui leur étaient vendus .
*
Le portrait de Robespierre venait se placer ici naturellement
un temperament bilieux , an esprit étroit , une ame jalouse .
un caractere opiniâtre l'avaient prédestiné à de grands crimes ;
il était an college ce qu'il fut à la Convention . Enfant , il voulut
maîtriser les enfans ; homme , il voulut maîtriser les hommes . If
ne voyait que des rivaux dans ses semblables , et-le plus grand
crime à ses yeux était d'être au - dessus de lui . Ses succès
pendant quatre années ont lieu d'étonner , lorsqu'on ne les compare
qu'a la médiocrité de ses moyeus ; mais il avait dans un degré
supree le talent de hair et la volonté de maîtriser ; ils doivent
done moins surprendre . C'est dans l'Assemblée constituante , où il
avajt reça de frequentes humiliations qu'il avait amassé dans sonL
ame étroite le fiel homicide qui fut depuis le principe actif de
son ambition . I entreprit d'y lutter de talens avec les
membres qui s'y distinguaient le plus , et il ne se fit remarquer
que par sa singularité ; dès -lors , il résolut de punir de mort
toutes les blessures faites à son irritable amourr-
propre ; des - lors ,
il vit un ennemi personnel dans quiconque , soit dans la carriere
politique , soit dans la carriere littéraire , fixait un instant les
regards d'une partie de la nation , et dans l'impossibilite d'être
autre chose , il voulut être tyran . Cependant il ne fut ni
Cromwel , ni César , ni Scylla , car il tremblait a la vue d'une
épée . On lui croyait de l'energie lorsqu'il n'était que féroce
da caractere , lorsqu'il n'avait que de l'insolence ; des talens ,
Tome XIII.
( 338 )
l'orsqu'il ne savait que mettre à profit ceux des autres . Tel était
donc ce Robespierre ; haineux , opiniâtre , pnsillanime ,
ambitieux , jaloux et tyran ; farouche lorsqu'il eut usurpe
l'autorité souveraine ,
·
Robespierre a tracé lui même de sa main le plan de sa
conspiration . 1º . Avoir de l'argent , 20. faire une adresse aux
départemens , 3°. envoyer des courriers aux armées , 4° . uue
contre ·
fédération de la commune de Paris avec celle de Marseille ,
50. changer les ministres , 6° . de supprimer les journaux
révolutionnaires , 7 ° . cessation totale de tous les
travaux jusqu'à ce que la patrie soit sauvée , 8° . changer de
local et suspendre les travaux de la Convention . Ce dernier
article s'explique par l'aveu fait par Elie Lacoste , que Robespierre
avait proposé six mois auparavant aux comités réunis de
suspendre les séances de la Convention . On voit dans l'extrait
d'un de ses cahiers le développement de son systême de
tyrannie , et les motifs qui lui firent sacrifier Phelippeaux ,
Camille Desmoulins , l'évêque Gobet et Westermann .
Le rapporteur lit plusieurs lettres dans lesquelles on disait au
tyran, il faut tout détruire pour tout réédifier, les morts seuls
ne reviennent pas. Vous avez été élevé au trône de la
présidence , craignez de descendre au tombeau . Venczici , lès
fonds que vens yaavez fait passer suffiront à vos besoins
" et à ceux de vos agens, 19
Robespierre voulait perdre les membres de la Convention
qui n'avaient pas foi dans l'infaillibilité des comités , et les accusait
d'avoir prêché l'athéisme et d'être complice d'Hébert et Cloots .
11 voulait faire décréter d'accusation Thomas Payne , parce
qu'il avait prêché la liberté dans les deux mondes.
Que d'hommes immolés à la conservation de ce tyran !
Une jeune fille veut - elle voir ce que c'est qu'un tyran ? elle a
voulu l'assassiner ; ce complot était tramé depuis huit jours
et on l'envoie à l'échafaud ; c'était peu , il fallait égorger aussi
son vieux pere , pour le punir de la curiosité de sa fille , il fallait
égorger sa famille , et soixante malheureux réunis depuis
six mois dans un cachot , en disant qu'ils étaient ses complices ,
et il est prouvé qu'ils ne la connaissaient point , et qu'ils ne
l'avaient jamais vue.
On découvre dans un grenier une vieille folle nommée
Théote ; on dénature son nom on l'appelle Theos , parce que
que ce mot signifie divinité , et l'on bâtir là - dessus un plan
ridicule de conspiration fanatique , pour avoir l'occasion d'immoler
de nouvelles victimes .
Payan écrivait à Robespierre qu'il fallait faire guillotiner
tous ceux qui avaient voulu jetter du ridicule sur la fête à
l'Ecre Suprême , et tous les journalistes qui ne voulaient pas
calomnier la représentation nationale . "
Vérité , s'écrie ici l'orateur ; j'ai promis d'être ton organe ,
je le serai , dussé-je être ton martyr , et il peint les horreurs
7.339
-
exercées à Bordeaux , Nantes , Orange , Lille , Lyon , Arras ;
et dans toutes les grandes villes de la République , qui toutes
avaient un tribunal
révolutionnaire , leur Dumas , leur Fouquier
et leurs jurés à l'instar de ceux de Paris .
Collot-d'Herbois voulait que Lyon n'existât plus , et trouvant
que la guillotine n'y allait point assez vite , il en fit mitrailler
les habitans par centaines , et achever à coups de pelles et do
pioches ceux qu'un coup mortel n'avait pu atteindre , et il
a sacrifié ainsi sept mille victimes .
A Arras , Joseph Lebon , l'ami fidele de Robespierre et de
Barrere , ordonne des massacres et se repaît de sang. Entouré
des objets de ses lubriques fureurs , dans ses embrassemens
homicides , il eût pu dire avec plus de vérité que Caligula :
Cette belle tête sera pourtant coupée , dès que je l'aurai ordonné .
Le comité des fermes acerbes avait sanctionné toutes les mesures
de Lebon. Les preuves de complicité resuitent de la
correspondance, Le comité écrivait à Lebon qu'il espérait que
cela irait tous les jours de mieux en mieux .
La fontaine de Vaucluse , que Petrarque a rendue si célebre ,
■' a roulé pendant long - tems que des cadavres . La nature y a
perdu tous ses attraits , et l'amour ses douceurs , depuis les
massacres commis sur ses habitans , dont le caractere n'est
plus le même. Maignet écrivait qu'une armée ne lui suffirait
pas pour faire conduire à Paris tous les
conspirateurs de ce
département. Pour le tirer d'embarras , le comité de salut public
crea une commission de cinq membres pour les juger révolutionnairement
, sans jurés , ni défenseurs . Les pieces lues et
l'accusateur public entendu , le jugement était prononcé . C'était
un essai de la loi du 22 prairial , qu'il a plu aux comités de
rejetter sur Robespierre seul . Un des juges de ce tribunal écrivait
que dans ce département on réservait aux ci - devant nobles
le même sort que le
gouvernement préparait à ceux qu'il avait
chassés de Paris . On sait que c'était la mort . Un autre disait,
que les têtes en tombant rendaient hommage à la Convention.
Toutes les grandes communes ont été en proie au même
systême de ruine , de dévastation et de proscription . Bordeaux
fut livré à un jeune homme de 18 ans ,
aveugle dans les mains de Robespierre et du comité de salut
instrument
public. Cependant , dit l'orateur , son ame n'est pas entierement
fermée à la vertu ; il n'a pas tenu à lui que l'infâme
Carrier ne fût rappellé plutôt. Sans doute , vous
pardonnerez
à des excès produits par les égaremeus de la jeunesse , et
vous rendrez au repentir et à la patrie celui qui peut faire
oublier ses torts et la servir.
Le chancre politique de la Vendée est encore un des fruits
amers du systême affreux des tyrans. On y a plus souvent
fait usage de la torche que de la bayonnette . Cholet a été
évacué sans motifs . La République a perdu par cette évacuation
des grains et des
approvisionnemens
immenses. On a changé
·Y 2
( 340 )
par un effet de la terreur des citoyens paisibles en rebelles
désespérés . On a passé au fil de l'épée les patriotes , leurs
femmes et leurs en fans .
Dans cet horrible tableau , on n'apperçoit que des supplices
; on ne marche que sur les cadavres ,
le sang et des
ruines ; l'erreur y est confondue avec le crime , et l'innocent
avec le coupable.
L'orateur termine par cette apostrophe : Tyrans qui m'entendez
, votre marche a été la même que celle de tous les
tyrans ; vous avez commencé par la terreur , et vous finissez
par la crainte ; vous ne voulûtes que le crime , l'humanité ne
vous toucha jamais ; mais vous saurez que la main de la justice
ne laissera pas vos crimes impunis.
Gossain , au nom du comité militaire , fait un rapport sur
la gendarmerie de Paris . Le service des comités surcharge
les gendarmes. Cette considération a déterminé à augmenter
leur nombre , et à la porter à 736. Ils ont d'ailleurs besoin
d'être organisés d'une maniere différente . Gossuin propose un
projet de réglement qui est adopté .
Sur la proposition du comité des transports , postes et messageries
, la Convention décrete que le payement des maîtres
de postes , pour chaque cheval , sera de 4 liv. , et celui des
postillons de 30 sous .
Bentabolle appelle l'attention de l'Assemblée sur le citoyen
Buisson , qui a imprimé l'ouvrage de Lacroix . Les comités
s'étaient occupés de sa mise en liberté ; mais Bentabolle pense
qu'il a partagé le délit de l'auteur . Plusieurs membres réclament
la liberté de la presse . Thibaudeau , en particulier , fait voir
que ce serait la détruire que d'attacher la responsabilité à un
imprimeur , lorsque l'antenr a mis son nom son ouvrage .
Les imprimeurs s'établiraient censeurs des écrits , et rarement
ils se hasarderaient à entreprendre leur impression , dans la
crainte de partager le délit et la punition de l'auteur . Le nom
de l'auteur mis à un écrit est la garantie de l'imprimeur ,
comme il est la garantie publique . Ces observations out frappé
F'Assemblée , et Buisson a été mis en liberté .
Boissy-d'Anglas , au nom des comités de salut public et de
commerc , détaille les abus nombreux qui environment la Convention
, que les administrations présentent , et qui sont encore
les fruits du régime affreux qu'elle a anéanti . La dilapidation
est telle qu'elle menace les ressources de la patrice ; l'ignorance
et la cupidité se disputent las richesses nationales ; les
commissions executives sont les principaux foyers de ce desordre
; ces institutions ont été créées par l'ancien comité de
salut public , dans une époque où il ne lui fallait plus que des
esclaves.La responsabilité des commissaires est devenue illusoire,
parce qu'ils savent la rejetter sur les comités en provoquant
dans toutes les circonstances leur décision préalable . Ainsi, ils
se garantissent des suites de leurs injustices et de leurs erreurs ,
( 341 )
$
et conservent ponr eux seuls les jouissances d'un pouvoir qui
ne les soumet à aucun danger. Mais en attendant la réorganisation
générale du gouvernement , Boissy propose de s'occuper å
l'instant même de la commission de commerce qui est l'une
des plus desordonnées . L'Assemblée prouonce la suppression
de cette commission , et la remplace par une nouvelle chargée
d'assurer seulement les subsistances et autres fournitures des
armées de terre et de mer , et de diriger les achats à faire pour
le compte de la nation , tant dans l'interieur qu'à l'extérieur de
la République . Elie se nommera commission des approvisionmens
, et elle sera composée de trois commissaires , les citoyen's
Lepayen , Mottet et Combes .
Une discussion fácheuse a rempli le reste de la séance . Maignet
a pris la parole pour se disculper des accusations dirigées
contre lui dans le rapport de Court is ; il a ´invoqué le témoi
gnage des membres des comités de gouvernement qui ont
examiné sa conduite. Pons de Verdun a déclaré qu'en effet
les trois comités , après deux séances , dont la derniere a
duré quatorze heures , ont été d'avis qu'il n'y avait pas lieu à .
inculpation.
Lecomte et Lecointre ( de Versailles ) ont demandé un nouvel
examen , et se sont appuyés sur les nouvelles pieces trouvées
chez Robespierre.
Bourdon ( de l'Oise ) et Legendre ( de Paris ) , membres des
comités , ne savent plus où l'on s'arrêtera si l'on revient sans
cesse sur les mêmes faits . Ils ont reconnu qu'une portion des
membres de l'ancien comité de salut public était seule auteur
des crimes commis à Bédouin ..
Merlin ( de Donai ) ajoute que Maignet n'a fait qu'obéir à
l'arrêté du comité , et que ce sont les meneurs et non les menés
qu il faut frapper , d'après l'avis des comités . D'ailleurs , on ne
s'est pas borné à couper à Bedouin l'arbre de la liberté ; on y
professait ouvertement le royalisme .
Penieres 1 faut des picces pour démontrer la fausseté des
reproches graves qu'on fait à Maignet , ou bien un nouvel examen
de sa conduite . Maiguet a désobéi au décret de la Convention
pour obéir aux arrêtés du comité de salut publique ; il
a en l'initiative des mesures atroces prises contre la commune
-de Bedouin .
Maignet s'appuie sur un décret de la Convention qui a
approuvé sa conduite ; il soutient qu'il y avait une grande
vengeance nationale à exercer,
Rovere dit que le décret dont on parle , n'est ni dans le feuilleton
, ni dans le bulletin .
Clausel demande que le comité des procès - verbaux soit chargé
de représenter l'original du décret cité par Maignet . Cette
proposition est décrétée .
On réclame d'une part de renvoi aux trois comités pour faire
un rapport sur Maignet ; de l'autre , l'ordre du jour ; enfin ,
Y 3
( 348 )
Letourneur propose , et la Convention décrete , qu'elle passe
l'ordre du jour , motivé sur ce que Guyton-Morveau doit faire
un rapport sur Maignet.
Séance d'octidi , 18 Nivôse.
PRÉSIDENCE DE LETOURNEUR ( de la Manche ) .
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvel
lement du bureau ; Letourneur de la Manche ) a été nommé
président ; les secrétaires sont : Anguis , Dumont ( du Calvados )
et Borel.
Les représentans du peuple près l'armée de l'Ouest informent
la Convention qu'un navire anglais vient d'arriver à l'entrée
de la Loire , et que 180 prisonniers français qui se trouvaient
sur ce vaisseau ont brisé leurs fers et emmené leurs ennemis .
La commission des revenus nationaux informe la Convention
que le résultat actuel des ventes de biens nationaux est d'us
milliard soixante - trois millions .
Monnot :: au nom du comité des finances , annonce que la
rentrée des contributions de la Belgique jusqu'à la fin de frimaire ,
monte à 28 millions , et en numéraire ou assignats à 4 millions.
Pons (de Verdun ) , au nom du comité de législation , propose
de faire rayer de la liste des émigrés le citoyen Levreau du
département du Bas - Rhin , dont les autorités constituées et les
représentans en mission ont attesté que la fuite n'avait été que
le résultat de la terreur que lui avait inspirée Scheneider qui
voulait le faire guillotiner.
Plusieurs membres attestent le civisme de Levreau ; Duhem .
Lesage , Senaut et Gaston proposent l'ajournement & Dentze
les appuie et annonce qu'il a des pieces qu'il communiquera a
comité .
Moyse Bayle : Tous les émigrés auront aussi le droit de dir
que c'est la peur qui leur a fait quitter leur patrie. A l'époque
du federalisme , les principaux négocians de Marseille s'enfuirent
à Gênes ; ils diront aussi que la peur les y a conduits .
La justice et l'humanité sont de sauver le peuple . Bayle demande
l'ajournementjusqu'à la paix .
Dentzel instruit que les faits qu'il avait à dénoncer au comité
de législation sur Levreau étaient connus de lui , retiré sa motion
; cependant on demande de plusieurs côtés de la salle la
question préalable sur le projet de décret ; elle est adoptée.
Meilin de Douai ) : La Convention nationale vient de
prouver qu'elle n'a qu'une opinion , toutes les fois qu'on lui
présente les grandes vues de l'intérêt général ; mais son ouvrage
resterait imparfait , si elle n'adoptait pas deux dispositions que
je vais lui proposer. Merlin demande le rapport du décret d
30 frimaire , et que les autorités constituées soient chargées d
poursuivre les émigrés et les prêtres déportés qui sont rentré
sur le territoire français .
( 343 )
Une partie de l'Assemblée se leve en signe d'adhésion , et
applaudit vivement.
Bentabolle prend la parole et dit , que le décret du 30 frimaire.
a été rendu en faveur de 30 mille cultivateurs du Bas - Rhin que
la terreur avait obligés de fuir , et à l'égard desquels il faut
prendre un parti parce qu'ils sont dans la misere .
Laurenceau invoque le principe qu'un décret ne peut être
révoqué sans un rapport préalable . Il répond à l'objection
tirée de la perte qu'éprouveront les assignats si le décret
n'est pas rapporté , que la révolution aussi est perdue , si
l'on est injuste , et que la justice est la meilleure garantie
des assignats .
Barras et Legendre appuient les propositions de Merlin ;
mais Tallien propose un amendement qui consiste à donner
le tems de sortir à ceux qui sont rentrés sur la foi du der
nier décret. Il est vivement appuyé par Bourdon (` de l'Oise ) .
Merlin convient de la justesse de l'observation , et en consé
quence le décret rendu est ainsi rédigé .
Le décret du 30 frimaire est rapporté , les émigrés ou
déportés rentrés en France seront poursuivis par les tribunaux ;
SORT exceptés ceux qui seraient rentrés en vertu du dernier
dé ret. Ils auront un délai de deux décades et un jour par
cina lieues pour sortir de France. Les noms de ceux qui ont
été rayés de la liste des émigrés , ou qui le seraient par
la suite , seront imprimés et distribués aux membres de l'Assemblée
.
La Convention , en se prononçant avec cette force contre
les énigrés , a dû désespérer ses détracteurs , qui voulaient
faire croire qu'elle renfermait dans son sein des hommes qui
cheichaient à les favoriser.
Séance de nonidi , 19 Nivôse .
Un secrétaire fait lecture d'une lettre de Louvet proscrit
en 1793. Il demande qu'on lui rende le feu et l'eau , et qu'on
oblige Barrere et Amar à le regarder en face , et à l'accuser
devant les tribunaux. Renvoi aux comités de salut public et ,
de sûreté génerale.
Sur la proposition de Lakanal , organe du comité d'instruction
publique , la Convention nomme le citoyen Laharpe
professeur de l'école normale de Paris .
Les nouveaux membres du comité de législation sont Saladin
, Merlin ( de Douai ) , Berlier , Laplagne et Laurenceau , et
ceux du comité d'instruction publique , Fourcroy , Daunon ,
Mercier et Bailleul.
Pelet , au nom du comité de salut public , donne lecture de
la liste des prises entrées dans différens ports de la République
depuis le 11 nivôse . ( Voyez Nouvellus officielles . )
Monnot , au nom du comité des finances , fait décréter qu'il
Y 4
( 344 )
"
sera versé à la trésorerie la somme de 240 millions pour l'excé
dent des dépenses du mois de frimaire dernier.
Delmas , au nom du comité de salut public , fait un rapport
sur la conduite de Denizel à Landau pendant le blocus de cette
place . Il en resulte que Denizel envoyé en mission dans des
circonstances difficiles , a eu beaucoup d'obstacles à vaincre et
des mesures de gueur à prendre , qu'il a dû être calomnié par
ceux qui en etaient l'objet , mais qu'il ne s'est point écarté,
de ses devoirs, Dumoy et Ruersps n'ont point para satisfaits
de ce rapport . Ruamps a reproche à l'orateur d'inculper des ge-.
néraux qui ont bien servi la chose publique . Dentzsi a lui-même.
fait entendre sa justification , et la Convention lui a redu justice
, en déclarant à la presqu'unanimité qu'il avait conserve sa
confiance.
Boissy- d'Anglas propose de remettre aux créanciers de l'état ,
dont la fortune est modique , les retenues auxquelles ils sont
soumis à cause de l'augmentation progressive du prix des denrées
. Renvoi as comité des finances .
Barras Le 1 janvier , le dernier tyran- roi expia sur l'échafaud
les crimes dout il s'était souillé . Il faut ôter tout espoir
à cette poignee de royalistes qui cherchent à troubler l'ordre
public.
Barras demande que le comité d'instruction publique soit
chargé de présenter le projet d'une fête pour celebrer l'anni .
versaire de la mort de Capet .
Cette proposition est adoptée au milieu des plus vifs applau
dissemens ; et sur la proposition de Duhem , les armées de terre
et de mer seront invitées à célébrer la destruction du royalisme
en face des tyrans de l'Europe .
Pénieres demande que l'anniversaire de la mort de Capet soit
célébrée tous les aus le 21 janvier , vieux stile . Adopté . Ricord
propose que , le 22 janvier présent mois , l'on fasse le rapport
sur la famille Capet . Décrété.
Ces deux propositions ont été décrétées au milieu des cris
de vive la République !
Séance de décadi , 20 Nivôse.
La lecture de la rédaction du décret relatif aux émigrés du
Haut et bas -Rhin donne licu à une vive discussion . Un membre
expose qu'il connaît un ouvrier de Lyon qui avait établi une
fabrique en Suisse , et qui est revenu en France , sur l'invitation
des représentans du peuple. Il a brisé avant de partir avec une
hache ses métiers , pour qu'il ne restât aucune trace de soa
industrie en pays étranger. Il demande le renvoi aux trois comités
pour prendre un parti à son égard .
Foussedoire dit que la Convention ne veut pas sans doute
immoler ceux qui se sont refugiés en pays étranger pour
échapper à une proscription certaine , et que sur 40,000 individua
qui out Cuigré des departemens des Haut et Bas-Rhin ,
( 345 )
1
il y en a à peine dix qu'on puisse regarder comme contre - révolutionnaires
.
Duroi répond que ces lâches ont fui , parce qu'on leur avait
promis que les Prussiens reviendraient sous quelques jours , et
que , lorsque les lignes de Weissembourg furent forcées , les
habitans de cette commune et d'Haguenau allerent au - devant
de Condé avec des cocardes blanches .
Bourdon ( de l'Oise ) : La question est trop importante pou
n'être pas discutée avec le calme de la justice et de la raison .
La Convention ne peut être soupçonnée de vouloir faciliter la
rentrée des émigres . Discutons sans passion , et voyens si
parmi les émigrés nous ne pouvons pas distinguer ceux que la
terieur a forcés de s'expatrier. Quoi ! la Vendée et Charette
auront obtenu l'indulgence de la Nation , et de malheureux
paysans , poursuivis par un prêtre allemand ' que l'Enfer avait
vomi , ne trouveront pas justice devant vous ! Voulez- vous seconder
nos ennemis ? envoyez - leur vos matelots , vos laboureurs
, vos manufacturiers . Bourdon . demande le renvoi aux
comités , pour distinguer les époques et les motifs de l'émigration
, et classer les individus qui en sont coupables ..
La proposition de Bourdon mise aux voix est adoptée à une
grande majorité.
Bourdon ( de l'Oise ) ajoute qu'il faut révoquer les mesures
de rigueur qui viennent d'être prises , parce que les exceptions
deviendraient-inutiles , si dans l'intervalle les gens étaient guil
lotinės.
Merlin ( de Douai ) convient de la justice de l'observation ;
mais il pense qu'il suffit de défendre l'envoi du décret d'avanthier
, jusqu'au rapport des comités sur la proposition de Bourdon
, Adopté.
La Convention renvoie à l'examen de ses comités les propo.
sitions faites par plusieurs de ses membres , relatives aux moyens
de faire exécuter le décret portant que les représentans du
peuple ne poniront rester plus de six mois auprès des armées ,
et plus de trois dans les départemens.
Clausel demande que , pour terrasser le fanatisme qui
ose lever la tête , on s'occupe demain des fêtes décadaires.
Décrété .
Duhem fait lecture de la rédaction du décret concernant la
célébration de l'anniversaire du 21 janvier ; elle éprouve des
réclamations . Barras , sur la motion duquel le décret a été
rendu , demande et obtieut le renvoi aux comités de législation
et d'instruction publique , pour la présenter demain .
Joseph Lebon écrit que Courtois a eu tort de l'inculper dans
sou rapport , et qu'il confondra ses calomniateurs,
Séance de primedi , 11 Nivôse.
Plusieurs sections de Paris viennent exprimer à la barre de
( 346 )
la Convention leur haine pour la royauté , et tous ceux qui
voudraient usurper la souveraineté nationale ; elles applaudissent
aussi fan , décret qui ordonne que le 21 janvier provier
prochain il sera cclébré une fête commémorative du supplice
du tyran.
Le représentant du peuple Bailly , en mission dans le département
des Vosges , écrit que l'ordre , l'harmonie , la confiance
et le dévouement le plus sincere y sont devenus les
fruits des travaux et du courage de la Convention . L'indignation
est à son comble dans ce département contre les
hommes de sang qui ont souillé les beaux jours de la révo-
Jution .
Reffroi , au nom du comité des finances , propose de faire
rendre à une commune du district de Blamont la somme qu'elle
avait payée à titre de taxe révolutionnaire imposée par Just
et Lebas .
Brival demande la question préalable : Si vous rendes , dit-il ,
les taxes révolutionnaires à une commune , vous devez les
rendré aux autres , et vous allez ainsi faire sortir deux cents
millions du trésor national . Charlier l'appuie , et prétend qu'en
général ces taxes n'ont porté que sur les riches ou du moins
les gens aisés , et qu'en révolution il ne faut point regarder
derriere soi.
Plusieurs membres au contraire s'attachant aux grands principes
de justice , soutiennent que dans aucune circonstance
on ne doit exiger des eitoyens ce qu'ils ne peuvent payer , ni
les imposer arbitrairement , ni les vexer par des taxes révolu
tionnaires .
Le renvoi au comité des finances pour présenter une mesure
générale sur les taxes révolutionnaires est d'abord décrété . On
soutient que l'épreuve est douteuse .
Laurenceau demande l'appel nominal , pour faire connaître
au peuple ses vrais amis .
Duhem se joint à lui ; il déclare que c'est le salut du peuple
en masse qu'il faut considérer , et que la Convention en décrétant
que les taxes révolutionnaires qui n'étaient pas payées
ne le seraient pas , a fait tout ce qu'elle devait faire.
Clauzel termine ce débat en demandant la question préalable
sur le projet de décret et sur les propositions incidentes. Elle
est adoptée .
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités réunis : Votre
vau s'est suffisamment prononcé hier pour que vos comités
se dispensent de prouver la justice d'une exception en faveur
des ouvriers et des laboureurs du Haut et Bas - Rhin , que la
terreur a forcés d'emigrer . Nous ne répondrons point à ceux
qui par- tout voient le royalisme lever la tête , comme s'il pouvait
exister une royanté sans un roi ; comme si un ambitieux
qui aspirerait au diadême pouvait espérer d'échapper au
poignard de 25 millions d'hommes . Vous avez rappelé les
( 347 )
matelots , pourquoi ne feriez -vous pas pour l'agriculture co
que vous avez fait pour la, marine . Vous avez prononcé une
amnistie en faveur des rebelles de la Vendée , pourquoi ne
feriez - vous pas pour des malheureux qui gémissent sur un
instant de faiblesse , ce que vous avez fait pour des révoltés ?
Mais l'exception que l'on vous propose ne portera que sur
la classe du peuple matériellement ouvriere et agricole. Le
tyran Capet faisait des serrures ; il y a aussi dans la classe
ci-devant nobiliaire des tailleurs et des cordonniers . Vos comités
ont aussi pensé qu'il fallait respecter les aliénations qui
avaient été faites des propriétés des ouvriers et laboureurs
rappelés , pendant leur absence ; sauf à les indemniser .
Merlin propose trois articles additionnels au décret dú 18
nivôse , et qui portent : 1 ° . que ne seront pas réputés émigrés
les individus travaillant de leurs mains aux atteliers ,
fabriques , manufactures et à la terre ; leurs femmes et enfans
au- dessous de 18 ans , pourvu qu'ils ne soient sortis que le
ier. mai 1793 et qu'ils rentrent en France avant le 1er . ger
minal prochain , pourvu qu'ils justifient de leur profession et
de l'époque de leur sortie . 2. Leurs propriétés non alienées
lear seront rendues ; néanmoins ils ne pourront troubler les
acquéreurs qui les auront achetées pendant leur absence , et
dans ce cas , il leur sera donné des secours . 3 ° . Les agens
nationaux feront mention , dans les comptes décadaires qu'ils
rendent au comité de législation , de tous les visas qu'ils au
font délivrés en exécution de l'art. 1er. Il se fait plusieurs
amendemens qui sont adoptés ; savoir , que les ouvriers et
agriculteurs rentrés justifieront de leur profession à l'époque
du 14 juillet 1789 ; que les agens nationaux qui donneront de
faux certificats seront condamnés à la déportation , et qu'il
ne sera pas fait mention de l'âge des enfans des ouvriers et
laboureurs.
Ces amendemens et le projet de décret sont renvoyés au
comité de législation , pour en présenter demain une nouvelle
rédaction .
Le comité des transports , postes et messageries fait ensuite
décréter qu'à compter du jour de la publication de la loi
l'agence des messageries nationales fera percevoir , dans tous
ses bureaux , une augmentation de moitié , outre les prix portés
par les tarifs actuels , sur les voyageurs et les marchandises,
ou tous effets de transport.
Décret portant nomination de citoyens pour composer le tribunal
révolutionnaire.
La Convention nationale , sur la présentation du comité de
législation , décrete ce qui suit :
46 Tous les citoyens désignés en la liste annexée au présent
( 348 )
น
décret , pour composer le tribunal révolutionnaire , entrerone
chacun dans les fonctions qui lui sont désignées .
La commission des administrations civile , police et tribuaux
, est chargée de prendre les mesures necessaires pour la
prompte exécution du present décret , qui sera imprimé dans le
bulletin de correspondance. "
Liste des citoyens présentés à la Convention nationale par son comité
de législation , pour le renouvellement des membres .du
tribunal révolutionnaire , en exécution du décret du 28 frimaire
dernier.
President. Mouricault , demeurant à Paris , commissaire national
du 3e arrondissement.
+
Vice-présideus . Liger , president du tribunal criminel du département
du Loiret ; Prevôt , président du tribunal criminel
du département , à Riom .
Jages. Mazerat , ex- commissaire national du tribunal du district
de Nontron , rue de Clery , n ° , 101 ; Godean , agent na
tional de la commune de Mézieres département de l'Indre ;
Bertrand Daubagne , demeurant à Paris , précédemment juge
du district de Nyons ; Favard , commissaire national près le
tribunal du district d'Issoire ; Godard , administrateur du département
de Seine et Marne ; Devillas , président du tribunal
du district de Saint- Flour ; Gaillard - Lécart , président du tribunal
criminel du département de l'Aisne ; Grand ( Raimond ) ,
ex-président du tribunal criminel , demeurant a Briançon ;
Debregas , accusateur public près le tribunal criminel de la
Dordogne.
Accusateur-public. Judicis , président du tribunal criminel dụ
département du Lot.
Substituts de l'accusateur-public . Chantrier , juge du tribunal
du district de Beaune ; Cambon , juge au tribunal du district de
Pont-sur-Rhône ; Ardene , défenseur officieux , à Paris , rue de
la Juiverie , no . 9.
Greffier. Paris , actuellement remplissant les mêmes fonctions.
Jurés. Bouygues ( Jean-Baptiste ) , ci - devant avoué , demeurant
à Gourdon , département du Lot : Piers le jeune , secré
taire da tribunal du district de Saint- Omer ; Adam l'aîné , exfuge
militaire , à Metz ; Ponteric- Escot , maire de la commune
de Bergerae ; Helouin , médecin , jnge de paix du canton de
Dauvon , y demeurant , district de Vire ; 'Dubus , tailleur d'habits
, à la Neuville- en Hez , district de Clermont - Oise ; Husson
, ébéniste , juge au tribunal du district de Bar-sur-Ornain ;
Reichf l'aîné , membre du directoire du district de Colmar ;
branot . défenseur officieux à Paris , rue de la Loi , maison de
la Souveraineté nationale ; Ouri , juge de paix à Tour-la-Ville ;
Verdusau ( Abbadie ) , habitant à Lourdes , district de Gave ;
Gabriel de St.-Horent juge du tribunal du district de
Joussae ; Laporte , juge au tribunal du district de Lan-
•
( 349 )
gogue ; Vannier , chef de bureau au directoire du district de
Bourg l'Egalité Lerade , horloger , à Compiégue ; Tournier /
l'aîné , ci- devant administrateur du district de Murat ; Bressand
, demeurant à Raze , district de Vesoul ; Vignalet , ci- devant
président du tribunal du district de Pau ; Rouit-Borel
( Bruuo ) , juge de paix du canton de Forcalquier ; Brillat ,
marchand et cultivateur , à Belicy ; Payrat , maire de Vernoux ,
département de l'Ardêche ; Cadet , défenseur officieux à Charny
, district de Joigny ; Perrat , notaire a Saint- Chamond ;
Rubat fils , magabre du tribunal du district de Mâcon ; Tallairat,
agent uational de la commune de Bioude ; Richard , president
du conseil da district d'Ormont ; Lapeyre , placé à l'administration
du département de Vaucluse ; Feloeme , commissaire
civil de la section Lepelletier ; Geroult , ancien professeur de
rhétorique au collège des Grassins . à Paris ; Lebrun , défeuseur
officieux , demeurant à Vaugirard .
PARIS. Quartidi , 24 Nivôse , 3º . année de la République.
On ne peut se dissimuler qu'il existe dans les esprits une
fermentation sourde que l'on peut regarder comme un legs
que Robespierre a fait à sa patrie , après l'avoir accablée de
la plus odieuse oppression , Son systême ne pouvait lui survivre
; on ne reprend pas deux fois un pareil jong. Mais il
a produit deux effets bien funestes ; l'un , que les aristocrates
et les royalistes , car il en est encore , ont pris occasion des
principes de douceur et de justice que la Convention ne pouvait
se dispenser d'adopter, pour ranimer leurs anciennes espérances
et joindre leur voix hypocrite à celle des gens de
bien ; l'autre , que les restes impurs de ce parti de cannibales
ont trouvé dans ces dispositions évidemment malveillantes ,
un prétexte de calomnier les mesures de sagesse qu'ils qualifient
presque de contre - révolution . On sait que ces clameurs
n'ont d'autre objet que de détourner les regards qui se portent
sur eux , mais ils en profitent pour semer des inquiétudes
erier au royalisme , et exciter des mouvemens pour se ressaisie
de l'autorité et de l'influence dont ils ont besoin . C'est entre
ces deux écueils que marche la Convention nationale ; elle ne
pourra les éviter qu'en dirigeant le gouvernail d'une main ferme
et habile . Point de royalistes , point d'aristocrates , point d'égor
geurs et de fripons ; c'est le cri de la République .
Les exécuteurs testamentaires des derniers tyrans se replient
en tous sens , pour tâcher de ressusciter leur systême , et avilir la
représentation nationale . On voit la progression de ce plan ,
depuis sur-tout que Courtois à déchire le voile qui couvrait
cette infâme intrigue ; l'énergie qu'il a montrée dans son
rapport , a failli lui coûter cher . Quelques scélérats l'ont attaqué
1
( 356 )
aux portes du comité de sûreté générale. Ce député est parvenu
a se débarrasser de ses assassins . Cet attentat , qu'on pourrait
suppose appuyé de quelque force cachée , a provoqué un ordre
du comité de sûreté générale portant que les réserves de la force
armée seraient augmentées de 50 hommes par section , et que
des patrouilles d'observation seraient faites jusqu'à nouvel ordre .
Dans la séance du 22 , dont nous rendrons compte , on a vu
éclater un mouvement qui paraît évidemment calculé d'après le
plan dont nous venons de parler . On venait d'entendre une
pétition vigoureuse des sectious des Quinze - Vingts , des
Lombards et du Mont- Blanc , qui invitaient la Convention à
s'armer de toute son énergie pour étouffer une nouvelle couspiration
qui se tramait de la part du jacobinisme expiraut ; on en
demandait l'impression ; soudain , quelques femmes apostées
dans certaine tribune ont éclaté en murmures et en huées ; on
a entendu ces mots : Il faut encore un 31 mai. L'indignation a été
générale ; la Convention a chargé le comité de sûreté générale
de se concerter avec les inspecteurs de la salle , pour établir
une police sévere dans les tribunes .
Le mémoire des quatre membres des anciens comités que
nous avons annoncé , n'est point celui qui s'imprime à l'imprimerie
nationale ; c'est simplement une réponse à l'accusation
de Lecointre ; nous attendrous la publication de cette
seconde apologie , pour en rendre compte.
Lacroix , auteur du Spectateur Français , vient de faire paraître
une justification . On assure que la dénonciation faite
contre cet ouvrage , n'a été qu'une affaire de parti , et que ,
dans les citations qu'on en a faites , on a enveaimé les intentions
de l'auteur. Si cet écrit obtient quelque publicité , nous
nous proposons d'en faire un examen sévere , et de réfuter
les erreurs qu'il peut contenir ; en ce moment res est sacra miser.
Le parti stadthoudérien , craignant une invasion de la Hollande
, a envoyé deux ambassadeurs à Paris , pour solliciter ,
dit- on , un armistice de six semaines , en offrant de remettre
Breda et Berg- op - Zoon . Ils ont déja obtenu une audience
du comité de salut public ; mais on ne pense pas que leur
offre soit acceptée . Il paraît qu'elle n'a d'autre objet que de
consumer en inaction la campagne d'hiver , afin d'attendre
le dégel et d'empêcher nos troupes de pénétrer plus avant.
Voici l'état des vaisseaux en construction dans nos ports du
Ponent , et qui seront en état de mettre en mer à l'entrée du
printers.
A Brest , le Vengeur -du-pays , de 130 canons ; l'Invincible, de
et trois vaisseaux de 74 , dont un neuf et deux en radoub ,
que dix frégates ou corvettes .
110 ,
ainsi
A l'Orient , un vaisseau de 80 canons , et deux de 74 , avec
quatre frégates .
A Rochefort , un vaisseau à trois ponts , un de 80 canons,
un de 70 et quelques frégates .
( 351 )
Au total , II vaisseaux de ligne qui , joints anx 35 qui vont
mettre en mer , formeront une armée navale de 46 vaisseaux
de ligne , et on porte à 75 le nombre des frégates qui renfor
ceront cette armée .
Toulon donnera 21 vaisseaux de ligne ; au total , 67 .
Il est hors de doute que les puissances maritimes de l'Eus
rope ne voient pas sans une satisfaction secrette que les mers
seront incessamment affranchies de la tyrannie britannique
par la création d'une marine rivale de celle qu'elles détestent,
et dont elles tout à souffrir .
L'armée navale , composée de 63 bâtimens de guerre , a
appareillé , le 10 , de Brest ; elle est composée de 35 vaisseaux
de ligne , attendu l'arrivée du vaisseau le Fougueux , venu de
Rochefort , qui remplace le Républicain . Le contre- amiral
Vanstabel qui arrive d'Ostende , et qui a ramené le grand convoi
d'Amérique , commande une division . Les représentans da
peuple , Faure et Trehouart , sont à bord du vaisseau amiral la
Montagne.
Il est arrivé le 10 , à Brest , un bataillon de chouans qui ont
mis bas les armes , et qui vont être incorporés dans les régimens
de marine ; la curiosité avait amené beaucoup de monde pour.
les voir.
Ce sont des paysans mal vêtus et qui n'entendent que le
bas - breton , mais qui formeront de bons soldats , puisque depuis
denx aus ils ont essuyé toutes les fatigues de la guerre . Ils
paraissent fort contens du parti qu'ils ont pris , en consé
quence du décret de la Convention qui les a rendus au service
de la patrie.
On écrit de Fontenay- le - Peuple , que le général Canclaux
fait avertir le quartier general , actuellement établi dans
cette ville , que peut-être il ne serait pas nécessaire d'employer
la force pour pénétrer dans la Vendée. En effet , deux de
nos patrouilles se sont présentées devant Aigrefeuille on
a parlementé de part et d'autre , et le résultat de ces différentes
conférences a été une réconciliation totale . Les Ven
déens et nos troupes se sont mêlées ensemble , et cette
réunion a été cimentée par des embrassemens mutuels : l'allégresse
commence à régner par-tout . Les décrets sages et
bienfaisans de la Convention détruisent sensiblement le fanatisme
, et les insurgés rentrent en foule dans leurs foyers .
Lorsque l'ame semble s'ouvrir au spectacle d'une réconciliation
si desirée , il est douloureux de porter ses regards
sur des ruines et des décombres qui couvrent une contrée
si fertile mais les sages mesures de la Convention rendrong
à ce pays sa premiere fertilité et son antique prospérité.
Expériences sur le mercure et observations météorologiques .
Le citoyen Hassenfratz , instituteur de physique de l'école
des travaux publics , sidé de plusieurs hommes de l'art , est
( 35 )
parvenn , à neuf heures trois quarts du matin , à congeler le
mercure par un froid artificiel de 31 degrés , le froid extérieur
étant à 6 degrés et demi au - dessous de zéro .
Cette expérience n'avait pas encore été faite à Paris . Le
mercure qui a été congelé était très pur ; on l'avait obtenu du
sulfate de mereure , et on l'avait distillé ensuite sur de la chaux
et sur de la limaille de fer . On a frappé quelques instans avec
un marteau froid sur le mercure congelé , et il s'est étendu ..
On a fait dans cette expérience deux observations remarquables.
1º . Le mercure en se congelant , c'est-à - dire , en passant de
l'état de liquide à l'état de solide , diminua considérablement de
volume sans diminuer sensiblement de température .
2º. Le mercure en se fondant a semblé augmenter de température
, quoiqu'il y eût encore dans ce mélange du mercure
liquide et du solide .
Différentes circonstances , imprévues dans une premiere expérience
, ayant empêché d'obtenir de cette congellation tous
les résultats qu'on s'était proposés , les mêmes citoyens font
de nouveaux préparatifs pour la recommcucer , afin d'obtenir
des résultats que toutes ces congellations de mercure , faites
jusqu'à présent , n'ont pas encore donnés .
Le grand froid qui , du 7 au 10 , avait diminué sensiblement ,
ayant repris , les jours suivaus , avec une nouvelle force , voici
les degrés observés par le citoyen Lalande :
Lẹ 12 , six degrés ; le 13 , neuf ; le 14 , onze ; le 15 , huit ;
le 16 , neuf.
Ce froid est extraordinaire ; en 1740 , il n'alla qu'à dix degrés ;
et le plus grand froid de l'hiver , par un milicu entre tous , ast
de sept degrés à Paris ; mais il a été jusqu'à quinze , en 1709 ,
treize et demi en 1776 , et dix - sept en 1738 , c'est- à - dire , trois
fois dans un siecle .
NOUVELLES DES . ARMÉES .
Les représentans du peuple près l'armée et dans les départemens de
l'Ouest , à la Convention nationale ; Nantes , le 12 nivôse , an
111 de la République .
Nous nous empressons de vous faire connaître un évé
nement qui caractérise le courage des Français .
,, Il vient d'arriver à l'entrée de la Loire un navire anglais ;
il conduisait cent quatre-vingt de nos prisonniers à Londres.
Ils n'ont pu supporter l'idée de la servitude ; ils ont brisé leurs
fers , et en ont enchaîné leurs ennemis qu'ils ont emmenés en
France sur leur propre vaisseau . Cette nouvelle nous a été annoncée
par le commandant d'armes du port à Nantes . ››
Salut et fraternité .
Sigués , Delaunay , Auger , Ruelle , Moinon , Guyardin ,
Dornier , Gaudin , Bezard .
( No. 24 )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 NIVÓSE , l'an troisieme de la République.
( Lundi 19 Janvier 1795 , vieux style. )
N'INVENTE
POESIE.
SUR DIE U.
'INVENTE point ton Dieu , vain mortel , vil atôme !
Cesse de te ciéer un auguste fantôme3
Cesse de concevoir une triple unité ,
Et de donner la mort à la Divinité !
-
Tu le fais un dédale où ta raison s'égare ;
De cet Être infini , l'infini te sépare .
Du char glacé de l'ourse aux feux da Sirius ,
Il regne : il regne encore où les cieux ne sont plus .
Dans ce gouffre sacré quel mortel peut descendre ?
L'immensité l'adore et ne peut le comprendre.
Et tol , songe de l'Être , atôme d'un instant ,
Égaré dans les airs sur ce globe flottant ,
Des mondes et des cieux spectateur invisible ,
Ton orgueil pense atteindre à l'Être inaccessible !
Tu prétends lui donner tes ridicules traits !
Tu veux dans ton Dieu même adorer tes portraits !
Ni l'aveugle hasard , ni l'aveugle matiere
N'ont pu créer mon ame essence de lumiere.
"
Je pense ma pensés atteste plus un Dieu
Que tout le firmament et ses globes de feu .
Voilé de sa splendeur , dane sa gloire profonde ,
D'un regard éternel il enfante le monde .
Les siccles devant lui s'écoulent , et le tems
Tome XIII. Z
( 354 )
N'oserait mesurer un seul de ses instans.
Ce qu'on nomme destin n'est que la loi suprême i
L'immortelle nature est sa fille , est lui-même.
Il est , tout est par lui , seul être illimité ;
En lai tout est vertu , puissance , éternité .
Au-delà des soleils , au - delà de l'espace ,
Il n'est rien qu'il ne voie , il n'est rien qu'il n'embrasse ;
Il est seul du grand tout le principe et la fin ,
Et la création respire dans son sein.
Pais-je êtré malbèuroux ? je lui dois la naissance .
Tout est bonté , sans doute , en qui tout est puissance .
Ce Dieu si différent du Diea que nous formons ,
N'a jamais contre l'homme armé de noirs démons.
Il n'a point confié sa vengeance au tonnerre ;
Il n'a point dit aux cieux : Vous instruirez la terre.
Mais de la conscience il a dicté la voix
Mais dans le coeur de l'homme il a gravé ses loix ;
Mais il a fait rougir la timide innocence ;
Mais il a fait pâlir la coupable licence ;
Mais au lieu des enfers it crea le remord ,
Et n'éternise point la douleur et la mort.
Par le citoyen LEBRUN .
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du Nº .
1
Le mot de la Charade est Mercure Français ; celui de l'Enigme as Cres
maillere ; selui du Logogriphe est Meinean ; où l'on trouve en, moine ,
ami et emic , uni , êne , cau.
212
( 355 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Histoire de la décadence et de la chi de l'Empire Romain jatra ,
daite de l'anglais du Gibbon , tomes XII et XII . Prix , 6 liv.
le volume , pour Paris ; et 7 liv . , franc de port,, par da poste ,
pour les départemens. On pourra se procurer au mume prix tous
ceux qui précedent le tome XII . A Paris , chez Maradan , libraire ,
rue du Cimetiere- André-des - Arts , no . 9.
LE XIIe , volume ne renferme en grande partie que des
controverses fastidieuses de religion ; mais il se termine heu
reusement par ce précis historique et politique de la République
romaine .
La liberté de Rome , opprimée par les armes et l'adresse
d'Auguste , sortit du jong de Leon l'Isaurien , après 750 années
de servitude . Les Cesars avaien antant , les triomphes des
consuls dans le déclin et la chute de l'empire romain , le
Dieu Terme , ce boulevard autrefois sacré des provinces , s'était
retiré peu-à-peu des rives de l'Océan , du Rhin , du Danube
et de l'Euphrate , et Rome se trouvait réduite a sou ancien
territoire , c'est- à - dire à l'intervalle qu'il y a de Viterbe a Tor
racine , et de Narni à l'embouchure du Fibre. Après l'expul
sion des rois , la république reposa sur la solide bâse qu'avaient
établie leur sagesse et leur vertu . Deux magistrats quon
élisait tous les ans partagerent leur jurisdiction perpomelle ; le
sénat continua à exercer une partie de l'administration , et à
donner des couseits , et le pouvoir législatif fut placé dans
les assemblées du peuple , d'après une proportion hien calcu .
lée de fortune et de services. Les premiers Romains étrangers
eux arts de luxe avalent perfectionne l'art du gouvernement
et celui de la guerre ; les droits des individus étaient sacres ;
130,000 citoyens se trouvaient armés pour défendre leur pays ,
ou pour faire des conquêtes , et ane troupe de volcurs et de
proscrits était devenue une nation digne de la liberté et amougeus
de la gloire .
Al'époque où la souveraineté des empereurs Grecs s'anéantit ,
Rame n'ollrait plus que Vimage de la dépopulation et de la miseres
elle était habituée à Pesclavage , et ne pouvait jouir de la liberté
que par accident : c'est par la superstition qu'elle reCONVTR DES
droits , et ses succès fareut pour clie un objet de surprise et de
terreur. On ne retrouvait pas dans les institutions on dans le
souvenir des Romains le moindre vestige de la substance ou
même des formes de la constitution , et ils n'avaient ni assez de
lumieres , ai assez de vertus pour reconstruire l'édifice d'une
épublique. Ils ne paraissaient aux barbares triomphans qu'une
Z
( 356 )
misérable troupe d'esclaves et d'étrangers . Lorsque les Franes
et les Lombards voulaient employer contre un ennemi les
paroles les plus outrageantes , ils l'appellaient un Remain , et
ce nom , dit Lintpraud , renferme tout ce qui est vil , tout
" ce qui est lâche , tout ce qui est perfide , les entraves de la
cupidité et du luxe , et enfin tous les vices qui prostituent la
dignité de la nature humaine . ,,
Par la nécessité de leur position , les habitans de Rome
adapterent une forme grossiere d'administration républicaine .
Ils furent obligés de choisir des juges en tems de paix , et des
chefs durant la guerre ; les nobles s'assemblaient pour délibérer ,
et on ne pouvait écouter leur résolution sans le consentement
de la multitude . On vit reparaître le style du sénat et du peuple
romain ; mais on n'y retrouvait plus leur esprit , et la lutte
orageuse de la licence et de l'oppression déshonora cette
nouvelle indépendance . Le défaut de lois ne pouvait être supplée
que par l'influence de la religion , et l'autorité de l'évêque dirigeait
l'administration au- dedans et la politique au dehors ; ses
aumônes , ses sermons , sa correspondance avec les rois et les
prélats de l'occident , les services qu'il venait de rendre à la ville ,
les sermens qu'on lui avait prêtés , et la reconnaissance qu'on
lui devait , accoutumerent les Romains à le regarder comme le
premier magistrat ou le prince de Rome.
Dans le XIII . volume , l'historien retrace la conquête de la
Lombardie par Charlemagne et c'est alors que les obligations
réciproques des papes et de la famille Carlovingienne forment
à cette époque l'anneau qui réunit l'histoire ancienne et moderne ,
Phistoire civile et ecclésiastique.
Deux hommes fameux figurent dans ce volume . L'un est
Charlemagne , restaurateur de l'empire d'occident ; l'autre ,
Mahomet , fondateur de l'empire d'orient. Nous enrichirons
cet extrait des portraits que Gibbon a tracés de ces deux
conquérans.
On a souvent donné , dit - il , le surnom de Grand à des
princes qui ne l'ont gueres mérité ; mais il n'y a que Charle
magne pour lequel on ait fait un seul mot de cette belle épithete
et du nom propre ; il se trouve au nombre des saints
dans le calendrier de Rome , et par un rare bonheur les historiens
ou les philosophes d'un siecle éclairé ont donné des
cloges à ce saint. La barbarie de son siecle et de sa nation
ajoute sans doute à son mérite réel , mais les objets tirent aussi
une grandeur apparente de la petitesse de ceux qui les environment
; ainsi , la nudité du désert qui entoure Palmyre donne
de l'éclat aux raines de cette ville . Je puis sans injustice faire
remarquer quelques taches sur la sainteté et la grandeur da
restaurateur de l'empire d'occident . La continence ne doit pas
être comptée parmi ses vertus morales ; au reste , neuf femmes
ou concubines , d'autres amours moins relevées et moins durables
, la multitude de ses båds qu'il plaça tous dans l'ordre
ecclésiastiqué , le long célibat et les moeurs licencieuses de
( 3574
bes filles , qu'il semble avoir trop aimées ; ne paraissent pas
avoir nui au bonheur public. A peine voudra- t- on me permettre
d'accuser l'ambition d'un conquérant ; mais les fils de
Carloman son frere , les princes Mérovingiens d'Aquitaine , et
les 4,500 Saxons qu'il fit décapiter au même endroit , auraient
quelque chose à reprocher à la justice et à l'humanité de
Charlemagne . Le traitement qu'essuyerent les Saxons furent
un abus du droit de la victoire ; ses lois ne furent pas moins
sanguinaires que ses armes , et dans l'examen de ses motifs
tout ce qu'on ne donne pas à la superstition doit s'imputer
au caractere. L'homme tranquille qui parcourt sa vie est étonné
de l'activité infatigable de son esprit et de son corps , et ses
sujets et ses ennerais n'étaient pas moins surpris de sa brusque
présence , lorsqu'ils le croyaient dans les parties de l'empire
les plus éloignées . Il ne se reposait ni durant la paix , ni durant
la guerre , ni l'hiver , ni l'été , et notre esprit ne concilie pas
aisément les annales de son regne avec la geographie de ses
expéditions. Mais cette activité était une vertu nationale plutôt
qu'une vertu personnelle . Un Français pas : aiz alors sa vie à
la chasse , dans des pélerinages ou des aventures militaires ,
et les voyages de Charleague n'étaient distingués que par une
suite plus nombreuse et des desseins plus importans . Pour bien
juger de la réputation qu'il a obtenue dans le métier des armes
il faut considérer quels furent ses troupes , ses ennemis et ses
actions . Alexandre fit ses conquêtes avec les soldats de Philippe
; mais les deux héros qui précéderent Charlemagne lui
léguerent leur nom , leurs exemples et les compagnons de
leurs victoires. C'est avec les vétérans et à la tête de ses armées
supérieures en nombre qu'il accabla des nations sauvages et
dégénérées qui ne pouvaient se réunir pour leur sûreté commune
, et jamais il ne combattit un peuple qui eût le même
nombre de troupes , la même discipline et les mêmes armes
que lui. La science de la guerre a été perdue , et s'est ranimée
avec les arts de la paix . Mais aucun siège ni aucune bataille
bien difficile ou d'un succès bien éclatant n'illustra ses campagues
, et il dut voir d'un oeil d'envie les triomphes de son
grand-pere sur les Sarrazins . Après son expédition d'Espagne ,
son arriere- garde fut défaite dans les Pyrénées , et ses sol
dats , dont la position se trouvait sans remede , et dont la
valeur était inutile , pûrent en mourant accuser le défaut d'habileté
ou de circonspection de leur général.
C'est avec défiance que je vais dire quelques mots de ses
lois auxquelles on a donné tant d'éloges . Elles ne forment pas
un systême , mais une suite d'édits minutieux , publiés selon
les besoins du moment , pour la correction des abus , la
réforme des moeurs , l'économie de ses fermes , le soin de
sa volaille et même la vente de ses oeufs . Il voulait perfectionner
la législation et le caractere des Français ; et ses tentatives
, malgré leur faiblesse et leur imperfection , méritent
de l'estime il suspendit ou il adoucit par son administra
Z &
((358)
tlon les maux invétérés de son tems ; mais dans son insti
tution j'apperçois rarement les vues générales et l'immortel
esprit d'un legislatent qui se survit à lui-même pour le bonheur!!
de la postérité. L'union et la stabilité de son empire depen ?
daient de sa vie suivi le dangereux usage de panager
royanme entre ses enfans , et après ses nombreuses dietes ,
tous les points de la constitution flotterest entre les désordres
de l'anarchie et ceux du despotisme . Son estime pour” la '
pitté et les lumieres du clerge le determinerent donner å
cet ordre ambitieux des domaines temporels et une jurisdic
tion civile , et lorsque Louis son fils fut accuse et diposé
par les évêques , il put se plaindre à bien des égards de l'impudence
de son pere . Ses lois ordonnerent d'une inanicre iinpériense
le paiement de la dime , parce que les démons avaient
proclamé dans les airs qu'on venait d'éprouver une disette de
grains pour n'avoir pas voulu payer cette dette . Son goût pour
les lettres est attesté par les écoles qu'il établit , par les arts
qu'il donna à sa nation , par les ouvrages qui parurent sous son
nom , et par sa familiarité avec une foule de ses sujets et
d'étrangers qu'il appella à sa cour , afin de travailler à son
éducation et à celle de son peuple . Ses études fuient tardives ,
1borieases et imparfaites ; s'il parlait latin , et s'il eutendait”
le grec , il avait appris dans la conversation . plutôt que dans '
les livres , ce qu'il savait de ces deux langues , et ce ne
fuit qu'à un âge mûr qu'il s'efforça d'apprendre à écrire , chose
que tous les paysans apprennent aujourd'hui dès leur enfance .
On ne cultivait alors la grammaire et la logique , l'astrono
mie et la musique , que pour les faire servir à la superstition ;
mais la euriosité de l'esprithumain doit à la fin le perfectionner
et Charlemagne en encourageant les lettres a donné du lusse à
son caractere . Sa figure majestueuse , la longueur de son regne,
la prospérité de ses armes , la vigueur de son administration ,"
et les hommages que lui rendirent les nations éloignées let
distinguerent de la foule des rois ; et l'empire d'occident rétabli
par lui, forme une nouvelle époque dans notre histoire .
Présentement faisons figurer en contraste au portrait de Chatlemagne
, celui que Gibbon a aussi tracé du fameux prophète de
l'Arabie , et qu'il a peint dans un autre point de vue que celui
adopté par les historiens .
Mahomet sortait de la tribu de Koreish et de la famille des
Hashemites , les plus illustres d'entre les Arabes , princes de la
Mecque , et gardiens heréditaires de la Caaba . Selon la tradition
de ses compatriotes, Mahomet avait amenés belle figure , avantage
extérieur qui n'est gueres méprisé que de ceux qui ne l'ont pas
Il avait une mémoire très - étendue , un esprit facile et fait pour la
société , une imagination très riche et un discernement net , rapide
et décisif, Ses pensées et ses actions annonçaient le courage
Il fut élevé au sein de la plus noble famille du pays ; il y při l'u
sage du dialecte le plus pur dés Arabes ; et sachant se taire à propool
facilité et abondance de ses discours en'avaient plus de
( 359 )
prix . Avec tous ces dons de l'éloquence , Mahomet ne savait pas
lire ; prophète et conquérant , il employa le fanatisme et les armes
pour se faire des prosélytes et des sujets ; cependant il fut
obligé avec ses disciples de fuir précipitamment de la Mecque
où l'on avait résolu sa mort. Cette évasion forme l'époque
mémorable de l'Hégyre , laquelle après douze siecles distingue
encore les années lunaires des nations musulmanes . Medine '
servit d'asyle au proscrit de la Mecque , et fut le berceau de la
religion du Koran . Mahomet conserva jusqu'à l'âge de 63 ans
les forces nécessaires aux travaux temporels et spirituels de sa
mission . Il rendit le dernier soupir le 7 juin 632 .
9
Il paraît que cet homme , à qui on doit une si gande révolution
, avait de la piété et du gofit pour la vie contemplative .
Du moment où il se trouva au - dessus des besoins par son mariage
, il s'éloigna de la roue de l'ambiti n et de l'avarice . Il
vécut avec innocence jusqu'à l'âge de 40 ans , et s'il fût mort à
cette époque de sa vie , il n'aurait eu aucune célébrité. L'unité
de Dieu est une idée très - conforme à la nature et à la raison ;
une conversation avec les juifs et les chrétiens put lui inspirer
du mépris et de la haine pour l'idolauie de la Mecque . Il était
da devoir d'un citoyen de publier la doctrine du salut , et
d'arracher son pays au péché et à l'erreur. Il est aisé de coneevoir
qu'un esprit ardent , occupé sans cesse d'un même
objet , put croire qu'au lieu d'une obligation générale , il était
chargé d'une mission particuliere ; qu'au milieu de ses vives ,
émotions , il put regarder comme des inspitations du ciel les
apperçus de son esprit et de son imagination ; que le travail de
la pensée dut finir dans cette espece de ravissement et de vision
, et que ses sentimens intérieurs et le moniteur invisible
qu'il croyait entendre pûrent se présenter à lui sous la forme et
les atributs d'un ange de Dieu .
L'intervalle qui sépare le fanatisme de l'imposture est périlleux
et glissant. Le démon de Socrate nous apprend assez jusqu'à
quel point un sage peut se tromper lai-même , comment avec
de la bonté on peut trompes les autres , et de quelle maniere lá
coussience peut sommeiller entre l'illusion personnelle et
la fraude volontaire . La charité croira que Mahomet fut
d'abord animé par la bienfaisance ; mais un missionnaire purement
humain est incapable de chérir les mécréans obstinés qui
rejettent ses prétentions , qui méprisent sos argumens , et qui
le persécutent. Si Mahomet pardonna quelquefois à ses adver
saires personnels , il croyait sans doute qu'il lui était permis de
détester les ennemis de Dieu ; alors les passious terribles de
l'orgueil et de la vengeance s'allumerent dans son sein ; etainsi
que le prophête de Ninive , il forma des veux pour la destruction
des rebelles qu'il avait condamnés .
L'injustice de la Mecque et le choix de Médine transformerent
le simple citoyen en prince , et humble prédicateur ca
général d'armée . Mais l'exemple des saints consperait son
glaive , et il pouvait penser que le dieu qui châtie w monde
% 4
( 360 )
coupable par la peste et les tremblemens de terre , inspirait la
valeur de ses serviteurs pour la conversion et le châtiement des
hommes . Dans l'exercice du gouvernement politique , il fut
contraint d'adoucir l'orgue lleuse severité du fanatisme , de se
prêter à quelques égards aux préjugés et aux passions de ses
sectaires , et d'employer au salut du genre humain jusqu'aux
vices des mortels . Le mensonge et la perfidie , la cruauté et
l'injustice ont servi souvent à la propagation de la foi ; et
Mahomet , à l'exemple de ses prédécesseurs ; ordonna ou approuva
l'assassinat des juifs et des idolâtres qui étaient sortis
sains et saufs du champ de bataille . De pareils actes répétés
dûrent corrompre peu - à- peu son caractere , et la pratique de
quelques vertus personnelles et sociales , nécessaires pour
maintenir la réputation du prophète dans sa secte et parmi ses
amis , compense faiblement le funeste effet de ces odieuses habitudes
. L'ambitieu fut la passion dominante de ses dernieres
années ; et un homme d'état soupçonnera qu'après ses victoires ,
l'imposteur souriait en secret du fanatisme de sa jeunesse et
de la crédulité de ses proselytes. De son côté , un philosophe
observera que ses succès et leur crédulité dounaient plus de
force à la mission dont il ' se disait chargé par Dieu , que ses
intérêts et sa religion se trouvaient unis d'une maniere insépa
rable , et qu'en se persuadant que la Divinité le dispensait seul
des lois positives et morales , il appaisait les cris de sa conscience.
Lorsqu'il s'agit de soutenir la vérité , l'art du mensonge
et de la supercherie semble être moins criminel , et la malhon-.
nêteté des moyens qu'employa Mahomet l'aurait révolté , s'il
n'avait pas été convaincu de l'importance et de la justice de ses
desseins .
des
Au reste , Mahomet conquérant ou Mahomet fondateur d'une
religion nous offre des paroles ou des actions d'une véritable
bumanité ; et ce décret qui défendit de séparer les meres c
enfans , lors de la vente des captifs , doit suspendre ou adoucir
la censure de l'historien . Le bon sens de Mahomet méprisait la
pourpre de la royauté ; l'apôtre de Dien se soumettait aux occupations
les moins élevées d'une famille ; il allumait le feu , il
balayait le plancher , il tirait le lait des brebis , il raccommodait
ses souliers et ses vêtemens . S'il dédaignait les privations
et les verius d'un hermite , il observait sans effort ou sans vanité
le régime frugal d'un Arabe et d'un soldat . Dans les grandes
occasions , il donnait à ses camarades un festin hospitalier où
l'on voyait une rustique abondance. Mais , dans sa vie habituelle
, plusieurs semaines s'écoulaient sans qu'on fît du feu
chez lui ; il confirmait par son exemple l'interdiction du vin ;
il appaisait sa faim avec une modique portion de pain d'orge ; -
il aimait beaucoup le lait et le niel ; mais il se nourrissait ordinairement
de dattes et d'eau . Les parfums et les femmes
étaient les deux sensualités qu'exigeait son tempérament. Sa
religion ne les défendait pas , et il assurait que les plaisirs aug .
mentaient la ferveur dé sa dévotion .
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 1º . Janvier 1795 .
et
DESD
Es nouvelles de Constantinople , antérieures de dix jours à
celles que nous avons publiées dans le n° . dernier , annoncent
que le nouveau grand - visir éloigne des places tous ceux qui ne
partagent point l'opinion politique à laquelle il se trouve attaché ,
afin d'établir une espece d'uniformité d'avis dans le divan ,
de mettre ainsi dans ses opérations un ensemble dont il avait
grand besoin. Mais Isel Mehemet sait à cet égard une marche
très- différente de celle de ses prédécesseurs . En général , il
n'emploie que des voies détournées , et elles n'ont rien d'offensant
pour ceux qu'il déplace . Souvent il prend le parti de
les élever à des dignités qui demandent leur présence ailleurs .
Un des membres de l'opposition , dont l'influence était le
plus à craindre , était le grand douanier , qui jouit de grandes
richesses et est très - porté à l'intrigue . Il vient d'être nommé
chiaou-bachi ; ce poste sèmble lui en promettre de plus grands ,
mais l'éloigne de Constantinople . Plusieurs autres personnages
importans ont été traités de la même maniere , et se trouvent
aussi mis dans l'impossibilité de faire entendre des plaintes .
D'un autre côté , le grand - visir reste toujours très - uni au capitan-
pacha , confident et favori du grand- seigneur. Le 6 de ce
mois il y eut à l'arsenal un grand repas que ce dernier donna
au grand- visir.
Ce grand- visir met de l'activité dans les mesures qu'il prend
pour la défense de l'empire . Vers la fin dn meis passé il visita
avec quelques personnes de confiance les forteresses nouvellement
construites à l'embouchure de la mer Noire ; elles sont
garnies de grosse artillerie , et dominent le passage étroit par
lui-même et serré d'écueils . On a également appuyé de redoutes
et de gros canons tous les endroits du voisinage propres à
un débarquement. Les sur-intendans des bâtimens et autres
employés ont été gratifiés en témoignages de satisfaction .
On a été inquiet pendant quelque tems sur la révolte des.
habitans de Montempe , peuple guerrier , limitrophe de la.
Dalmatie vénitienne d'un côté , et du territoire de Seutari de
l'autre , qui de tout tems avaient montré de la répugnance à
être soumis au gouvernement turc , et ont refusé de payer le
ribut ordinaire. Ali -pacha , gouverneur de Silistric , les a
( 362 )
réduits. Ils se sont rendus à discrétion , en implorant la clé
mence du grand - seigneur."
Suivant les mêmes nouvelles , il avait été question , et même.
sérieusement , dans le conseil du grand - seigneur , de la situation
de la Pologue. On insistait beaucoup sur les dangers auxquels
le dernier partage de ce pays exposait les frontieres turques .
Mais la nouvelle des derniers revers des insurges et de la prise
de Kosciuszko , d'abord regardée comme douteuse , puis confirmée
par le prince Maurosi qui a écrit de Bucharest , ont
changé les dispositions du divan qui songeait enfin à aider les
Polonais .
Quannà ces derniers , leur triste sort paraît irrévocablement
fixer La Russie er la Prusse ont rivé leurs fers , et peut-être
pour jamais. Toutes les lettres des frontieres s'accordent à
peindre cette malheureuse contrée dans l'état le plus déplorable.
Quelques mouvemens insurrectionnels ont bien encore
lieu ; mais ils ne servent qu'à aggraver les malheurs des Polonais
. On dit , sans pouvoir le garantir , que le vieux brigadier
Madaliaski , commandant les débris de l'armée de la république
, inquiette encore les possessions prussiennes , et cherche
une mort glorieuse à la tête de ses braves compagnons d'armes
qui verseront inutilement leur sang pour une patrie et une
liberté qui n'existent plus.
Suivant des lettres de Stockholm du 12 décembre , le baron
d'Oxenstiern , ambassadeur suédois auprès du cabinet de Lisbonne
, va se rendre à Francfort- sur- le- Mein . Sa mission doit
avoir pour but de concourir au projet de pacification mis en
avant par plusieurs états d'Allemagne .
Les rédacteurs de la gazette française de Leyde se sont
adressés il y a quelque tems à la chancellerie de Copenhague
pour solliciter la permission de se retirer à Altona , afin d'y
continuer leur travail , qui pourrait bien être , interrompu par,
l'incursion des Français en Hollande . Ils ont obtenu une
réponse favorable.
L'amirauté anglaise vient d'accorder une indemnité de
30,000 liv . sterlings pour les 40 premiers navires danois saisis ,
quoiqu'ils fissent un commerce non prohibé .
De Francfort- sur- le -Mein , le 7 janvier.
Les cabinets de Vienne et de Berlin sont toujours dans la
mème position , c'est- à - dire occupés à rassembler des hommes
et de l'argent , soin dont le premier s'occupe beaucoup plus
sérieusement que l'autre , anquel il reproche une inactivité
funeste à la coalition . On verra pourtant qu'il y a de l'injustice
dans ces reproches , d'après la maniere dont les Prussiens
se conduisent sur les bords du Rhin , du moins du côté de
Mayence . Les autres petits princes d'Allemagne , excepté
ceux qui vendent avantageusement leurs troupes , sont extê(
363 )
mement mécontens de la continuation de cette guerre ruis
neuse pour laquelle ils s'épuisent. Cependant , malgré la
mésintelligence qui regne entre les divers membres de la
coalition , elle est encore soutenue par une espérance , celle
de recevoir des secours de fa Russie ; espérance chimérique.
aux yeux des gens qui sentent que le véritable intérêt de
l'ambitiense Catherine , et plus particulierement encore du
roi de Prusse , est de laisser écraser la maison d'Autriche.
Le roi de Prusse remplir assez bien , du moins en faveur
de l'électeur de Mayence , le rôle de conservateur des droits
de l'Empire , et de garant du traité de Westphalie . Des lettres
dés bords du Mein , après avoir dit que les troupes prussiennes
se sont chargées de la défense des isles du Rhin près de
Mayence , ajontent qu'il s'est fait à cet égard nne, convention
particuliere entre le commandant de la place , M. de Neu ,
et le général Ruchel , convention d'après laquelle le feldmaréchal
Mollendorf donna l'ordie snivant à l'armeé :
Le général Ruchel est chargé de la défense des isles
et du commandement des troupes , qui , en certain cas
doivent volci à la défense de la place même de Mayence.
Le général Kalkreuth emploiera tout le corps qui est
à ses ordres sontenir le général Ruchel ; il occupera snrle
- champ tous les postes qu'il pourrait laisser à découvert ,
on d'où l'ennemi parviendrait à le débusquer ; tous les deux
donneront à leurs troupes des rendez-vous déterminés , où ,
aux moyens de falots , ou d'autres signaux convenus , elles
se ont instruites du lieu et de la nature du danger qu'il faudra
repousser.
Derant est le siége , s'il a lieu , toutes les troupes
seront habillées et prêtes dès le point du jour ; les chevaux
de la cavalerie seront sellés , ceux de l'artillerie seront
euharnacles .
L'armée principale , dans tous les cas où le feld 'maré-'
chal se sera porté personnellement , soit vers le corps de
Ruchel , soit vers celui de Kalkreuth , soit vers quelqu'autre
point menacé , se tiendra en réserve aux ordres du général
Knobelsdorf.
" Le bagage des troupes qui sont absolument sur le bord
đu Rhin , será envoyé un peu sur les dernieres ; tous les
officiers recevront communication des dispositions générales
et provisoires ; ces dispositions ne pourront tire absolues
si détaillées , que dans les cas où l'en sera instruit des desseins
de l'ennemi , et des points contre lesquels il dirigera ses
attaques.
99
Au surplus , chaque commandant de poste est censé
savoir ce que les circonstances lui ordonnent de faire .
99 Dans tous les événemens d'une nature sérieuse , on me
trouvera moi feld - maréchal , soit à Cassel on dans les
isles.
"
圈
1
( 364 )
: •
» P. S. Le prince héréditaire de Hohenlohe ne manquers
pas de faire les mêmes dispositions dans le corps dont il
a le commandement l'aile droite aura pour destination
le soutien de la pointe du Mein , en même tems que l'entretien
de la communication par le pont de Russelsheim ; la
gauche pourra veiller sur le Rhin , en le remontant ,
couvrir la route de Francfort . Toutefois il n'est pas à pré.
sumer que l'ennemi pendant le siége qu'il se résoud à entreprendre
, songe à passer le Rhin entre le Mein et le
Necker.
et
Des lettres de Brunswick , du 17 décembre , portent que le
due vient de vendre à la Grande - Bretagne 2286 hommes ,
avec l'artillerie ordinaire ; plus une batterie de six pieces de
six. C'est à secourir la Hollande qu'est destiné ce corps ,
qui a dû se mettre en marche dans les premiers jours du
mois présent ; mais on craint qu'il n'y arrive bien tard. On
sait aussi que le gouvernement d'Hanovre vient d'ordonner
une nonvelle levée de recrues , ce qui indique des pertes à
réparer.
Le 31 décembre au matin , le duc de Saxe - Teschen et
l'archiduc Charles se sont rendus à Mayence , où , depuis le
29 , il ne s'est pas passé de jours sans qu'on ait livré quelques
combats dans les environs de Bretzenheim et de Zahlbach ,
qui tous , à ce qu'on assure , ont été au désavantage des
Français , auxquels on n'a pourtant pas pu arracher la vietoire
sans perdre beaucoup de monde . Malgré leur peu de
succès sur ces avant-postes de Mayence , ils ont jetté dans la
ville même quelques bombes , qui n'ont pas laissé que d'y
faire du mal . On attend des nouvelles plus détaillées à cet
égard.
On attendait le 29 un renfort de 4000 hommes du corps
de Mélas ; mais il n'est pas encore arrivé. Le bruit court anssi
qu'il est question de porter la garnison à 30,000 hommes ,
apparemment pour compenser la qualité par la quantité. Le
corps de Mélas sera remplacé par l'aile gauche de la grande
armée.
Il y a pourtant quelque difficulté à exécuter tous ces mouvemens
militaires , car l'avoine et le foin commencent à manquer
dans les armées allemandes , Quant aux farines , des
transport considérables prennent la route de Manheim. Les
Français qui n'ont pas l'air de songer à passer le Rhin dans
le petit nombre d'endroits où il est pris , ont fait défiler le
28 quelque infanterie et quelque cavalerie sur Coblentz , et
ils ont transporté plusieurs pieces de canon.
On craint que leurs entreprises ne soient secondées par
plusieurs mouvemens insurrectionnels qui ont éclaté sur divers
points de l'Allemagne , et qui formeraient une sorte de
diversion en leur faveur , puisque le soin de les appaiser ne
permettrait pas d'employer autant de forces contr'eux . A
365 )
Augsbourg , une espece de révolte du corps nombreux de
tisserans , dans laquelle quelques membres du magistrat ont
été frappés , a forcé de requérir trois compagnies d'infanterie
et 300 hommes de cavalerie. A Ulm , beaucoup de citoyens
se sont opposés à force ouverte à l'enlevement des canous
de l'arsenal . Dans l'électorat d'Hanovre , le peuple est très
mécontent d'abandonner la culture ou les travaux pour
le
service militaire , et les milices montrent un grand esprit
d'indiscipline .
L
ANGLETIER E. De Londres , le 30 Décembre.
L'ouverture du parlement , que l'on croyait encore il y a
cinq à six jours remise au 21 janvier , s'est faite aujourd'hui
suivant les formes d'usage , et le roi a adressé aux deux
chambres assemblées le discours que l'on va lire e
Mylords et messieurs ,
Après avoir éprouvé en toute occasion votre zele et votre
dévouement pour les intérêts de mon peuple , je trouve une
grande satisfaction à recourir à vos avis et à votre appui dans les
circonstances qui exigent le déploiement entier de votre énergie
et de votre sagesse..
ཙཏྟཱམ་
Malgré les revers et les contrariétés que nous avons éprouvés
dans la derniere campagne , je conserve la conviction intime
que nous devons poursuivre vigoureusement la guerre juste et
nécessaire où nous sommes engagés .
Vous penserez comme moi , j'en suis certain , que nous ne
devons attendre que de notre fermeté et de notre persévérance
le rétablissement de la paix sur des bases solides et honorables ,
ainsi que la garantie et la sûreté parfaite de nos plus chers
intérêts .
,, En considérant la situation de nos ennemis , vous observerez
, sans doute , que les efforts auxquels ils doivent leurs
succès , et les moyens extraordinaires qui pouvaient seuls
soutenir ces efforts , out produit chez eux -mêmes les effets
pernicieux que l'on devait en attendre ; et que chacun des
événemens qui se sont passés dans l'intérieur de la France ,
montré la décadence progressive et rapide de leurs ressources
et l'instabililité de chaque partie de ce systême violent et contre
nature , qui est égalemeet ruineux pour la France et incompa
patible avec la tranquillité des autres nations.
,, Cependant les états généraux des Provinces - Unies , pressés
par les circonstances difficiles où ils se trouvent , se sont déterminés
à entamer une négociation pour la paix avec le parti qui
domine actuellement en France. - Aucun gouvernement établi ,
aucun état indépendant ne pent dans la situation actuelle des
choses , placer une confiance réelle daus de telles négociations ,
Quant à nous , nous ne pourrions tenter un semblable moyen
sans sacrifier notre honneur et notre sûreté à un ennemi dont la
plus grande haine est évidemment dirigée contre ce royaume.
Aussi , n'ai -je cessé de prendre les mesures les plus eff
( 360 )
caces pour accroître mes forces , et je ne laisserai échapper
aucune occasion de concerter les opérations de la campagne
procclhaine avec celles des pui sauces de l'Europe , qui sentent
comme moi la nécessité de déployer une grande et
beaucoup d'activité . Je me confie entierement danseur
mes forces
et dans l'affection et l'esprit public de mon peuple pour qui je
combits , et dont la sûreté et le bonheur sont l'objet de ma Constante sollicitude .
L'importance locale de la Corse , et les efforts énergiques
que ses habitans out faits pour secouer le joug de la France ,
m'out déterminé à ne lui point refuser la protection pour laquelle
elle combattait ; j'ai depuis accepté la couronne et la suave
raineté de cette isle par un acte dont je vous ai fait remettre la
copic.
Je vous apprends anssi , avec une grande satisfaction ; que
j'ai conclu un traité d'amitié , de commerce et de navigation
avec les Etats - Unis d'Amérique . Mon but principal a ete
d'écarter par-là autant qu'il est possible , tout motif de jalousie
et de mésintelligence entre les deux pays , et d'améliorer leurs
relations commerciales . Aussi-tôt que ce traité aura été ratifié ,
je vous en ferai passer une copie , afin que vous puissiez faire
les dispositions nécessaires pour en assurer l'action exécutive .
" C'est encore avec un plaisir extrême que je vous annonce
le mariage de mon fils le prince de Galles avec la princesse
Caroline , fille du duc de Brunswick . Les témoignages que vous
m'avez toujours donnés de votre affection pour ma personne et
pour ma famille me persuadent que vous partagerez les sentie
mens quej'éprouve dans une occasion si intéressante pour mon
bonheur particulier , et que vous me mettrez à même de pourvoir
à cet établissement de la maniere la plus convenable, au rang
et à la dignité de l'héritier présomptif de la couronne de ces
royanmes.
Messieurs de la chambre des COMMUNES •
Je ne doute point que les motifs qui me déterminent à
continuer la guerre avec vigueur , ne vous portent à pourvoir
promptement et abondamment aux besoins de chaque partie
da service public ; on vous en soumettra les états . En même tems
que je me plains de la nécessite d'imposer de si grandes charges
à mes sujets , c'est une douce consolation pour moi d'observer
l'état de notre crédit , de notre commerce et de nos ressources ,
qui est le resultat naturel des travaux de L'industrie , sous la
protection d'un gouvernement libre et régulier.
Mylords et/messieurs
« Un juste sentiment du bonheur dont ce pays jouit depuis
si long - tems vous encouragers sans doute à faire tous les efforts
qui peuvent assurer ce bonheur à votre postérité.
› J'espere avec confiance , que sous la protection de la pro .
vidence, et même qu'avec notre constance et notre persévérance ,
les principes de l'ordre social , de la morale et de la religion
( 3671
l'emporteront enfin , et que mon people fidele trouvera la récompense
de ses travaux et des sacrifices qu'il fait aujourd'hui ,
dans la jonissance solide et durable de sa tranquillité , et dans le
salut de l'Europe , arrachée au plus grand danger dont elle ait
été menacée depuis l'établissement des sociétés policees. "
Sa majesté s'est retiree ensuite , et les communes se sent
re virées dans leur chambre .
La motion de l'adresse de remerciment a été faite dans la
chambre des pairs par le comte de Cambden, et appuyée par le
conte de Besborough.
Dans la chambre des communes , la même motion a été faite
par Edouard Knatchbul et appuyée par M Canning.
On ne doute pas que l'adresse ne passe sans beaucoup d'op-
Position et à une grande majorité , suivant l'usage , dans les deux
chambres .
On trouve dans toutes les feuilles les conditions du nouvel
emprunt de 24 millions sterling que le ministre doit proposer au
parlemen , et dont 18 seront pour l'Angleterre et pour l'empereur
, si les communes consentert à les garantir. Les souscrip
teurs auront pour cent livres sterling :
1. 5. d.
75.
25 .
O
6 4
$20 16 8
1 5 0
dans les 3 p. c. consolidés,
dans les 4 p . c.
de longues annuité
3 p . c. de l'emprunt impérial.
par forme d'aunuités pendant 25 ans .
Outre les avantages de l'escompte en cas de prompt paiement
, les intérêts de l'emprunt impérial doivent commencer à
eourir à compter du mois de mai . Toutes ces éonditions font
évaluer l'intérêt de l'emprunt à sept et demi pour cent. Dans le
cas où le parlement ne voudrait pas ratifier l'emprunt impérial ,
les souscripteurs des 18 millions auront pour cent livres
sterling :
1.
100 • O
d.
33 " 6 8
dans les 3 P. c . consolidés .
dans les 4 p . c.
7 0 12 6 de longues annuités.
Selon ce plan , en joignant les deux emprunts , la nation britannique
épargne 36,000. livres sterling par an en intérêts , et
gagne sur le tout un capital de 784,000 livres sterling . Mais elle
devient responsable du capital de l'emprunt impérial , qui est
de 8,900.000 livres sterling , et d'un intérêt de 450,000 livres
sterling , qu'il lui faudra acquitter en cas de défant de paiement
de la part de l'empereur. Les principaux banquiers qui
ons donné leur soumission , sont Boyd , Thelusson , Dobard ,
Goldmilh , etc.
On prétend que le ministre est dans l'intention de fonder deux
millions de la dette de la marine , de liquider cinq millions de
ses billets dans le cours de l'année , et de mettre encore en train
deux millions et demi de paiemens .
( 368 Y
•
REPUBLIQUE FRANÇAIS E;
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE LETOURNEUR ( de la Manche ) .
Séance du duedi , 22 Nivôse.
La section des Lombards vient féliciter la Convention du
décret par lequel elle a envoyé au tribunal révolutionn dre
Lacroix , auteur , qui a en l'audace de proclamer les principes
abhorrés du royalisme. Elle jure la mort à quiconque osera
porter atteinte à l'arche sacrée de la constitution démocrasique.
·
Celle du Mont Blanc lui succede , et dénonce une vaste
conspiration ; elle dit que le jacobinisme s'agite , qu'on présente
au peuple le royalisme , qui n'est plus qu'un fantôme
impuissant , comme un colosse formidable , et comme roya
listes tous les républicains qui ont prêché l'amour de la liberté
et la réunion à la Convention nationale . Elle ajoute , en parlant
de l'ouvrage de Lacroix , qu'un peuple qui a juré de vivre
libre , ne peut redouter un moucheron qui veut le piquer ;
qu'il le presse de son pied , et ne s'abaisse pas à le combattre ;
mais que ce sont ces cannibales qui siguent de sang froid l'arrêt
fatal qui condamne le juste à périr sur l'échafaud , ces serpens
qui sifflent et s'enlacent autour de nous qu'il faut écraser.
Elle félicite la Convention sur le décret par lequel elle a
consacré l'époque où Gapet a été frappé , et lui demande de
ne plus prendre de demi-mesure et de frapper tous les ditapidateurs
et les assassins ,
Cette adresse énergique , vivement applaudie par la majorité
de l'Assemblée et des assistans , a provoqué dans une tribune
de violens murmures , et plusieurs citoyennes qui s'y trouvaient
out erié : Il nous faut un nouveau 31 mai. •
André Dumont n'a vu dans la tribune oragense que quel-,
ques dévoies de Robespierre , qui après avoir passé les journées
entieres dans l'oisiveté , viennent ensuite se plaindre de
la disette et de la cherté des subsistances . Il a reconnu dans
les femmes qui la composaient les affidées des jacobius ; que
depuis dix mois ce sont toujours les mêmes personnes qui la
remplissent , et qu'elle est devenue l'asyle de la fainéantise.
Ruamps : Tu insultes le peuple ; les fainéans sont poudrés ,
les fainéans sont les muscadins ; examine le peuple de cette
tribune .
Dumont : Ce sont les vrais royalistes .
Ruamps : Les royalistes sont toi et tes semblables .
Ce
( 369 )
Ce dialogne se prolonge. On demande que Ruamps sõit
envoyé à l'Abbaye . Cependant Dumont propose que les co
mités de sûreté générale et des inspecteurs de la salle prennent
des mesures pour s'assurer des individus qui dans cette tribane
ont insulte la Convention . Cette proposition est décrétée
au milieu des plus vifs applaudissemens .
Des petitionnaires sont admis à la barre . Ils font l'éloge du
patriotisme du général Rossignol arrêté depuis quelque tems ;
ils demandent le rapport de ce décret comme surpris . Plusieurs
membres demandeni le renvoi de cette pétition au comité de
sûreté generale.
Bourdon veut y joindre le comité de salut public . Il accusé
Rossignol d'avoir causé la mort de Phelippeaux , qui avait dé
voilé les manoeuvres perfides des genéraux de la Vendee , et
d'y avoir fait couler le sang de 40,000 de ses freres . La proposition
de Bourdon est décrétée .
On
Les citoyens de Caen font hommage à la patrie de 5,000 1 .
On se rappelle qu'en exécution d'un décret une colonne deit
être élevée dans la ville de Caen , comme un monument de
la part qu'elle a prise à la rebellion , et que les comités réu
nis sont chargés de faire un rapport à ce sujet.
Dumont saisit l'occasion de l'offre patriotique pour demander
le rapport de ce décret . Maure soutient que ce fut une mesure
d'indulgence plutôt que de justice envers les habitans
de Gaen . Il consent néanmoins que le décret soit suspendu
jusqu'au rapport ; ce qui est adopté .
Un secrétaire fait lecture de la rédaction du décret sur la
police des tribunes de la Convention . Le mot habituées des
ribunes qui s'y trouve donne lieu à une nouvelle discussion
très-vive . Un membre demande la radiation de ce mot , conme
injurieux au peuple et l'effet d'une mauoeuvre horrible pour
l'empêcher d'assister aux séances .
Chiappe veut qu'on le conserve ; il assure qu'il a vu de
ees misérables femmes , qui viennent tous les jours , parler hier
à un député , et lui demander si elles n'avaient pas bien liavaillé
ce jour- là . Un membre dit qu'il faut charger les comités
de s'assurer de leurs moyens d'sxistence .
Crassens s'eleve contre les deux préopinans. Il inculpe, le
premier d'avoir traité ces femmes de méprisables , et le second
d'avoir insinué qu'il fallait connaître les moyens de subsistance
de ceux qui viennent aux séances . Il en conclut qu'cu
voudrait sans doute que les riches seuls eussent le droit d'y
assister. I assure que si un pareil décret passait , il établirait
an espionnage , une inquisition plus cruelle que celle de
Robespierre ; enfin , il croit que s'il y a des tribunes à surveitler
, ce sont celles des journalistes qui y introduisent des
aristocrates .
Colombel propose une rédaction du décret conçue en ces
termes La Convention charge ses comités de prendre les
Tome XIII . A a
1370 1
mesures nécessaires pour établir dans les tribunes une police
conforme au respect dû à la Convention nationale .
Maure demande l'ordre du jour , motivé sur ce que l'Assemblée
a droit de faire la police chez elle .
Bentabolle s'y oppose , et dit que passer à l'ordre de jour
lorsqu'il s'agit de se faire respecter , c'est se faire injure à
soi- même . Il observe que les tribunes n'ont commencé à manquer
de respect à la Convention que lorsque des membres se
sont traités de fripons , de coquins . Il appuie la rédaction de
Colombel qui est adoptée. 1
Merlin soumet les articles de la loi sur les émigrés , dont le
renvoi avait eté ordonné pour en faire une nouvelle rédaction .
Après quelques discussions , le décret a été rendu . ( Voyez à la
fin des séances . )
Séance de tridi , 23 Nivôse .
Eschasseriaux , au nom du comité de législation , expose que
la Convention , par son décret du 13 de ce mois , a précisé le
principe sur les peres et meres des émigrés , mais que ce prin
cipe exige des développeinens et un mode d'exécution qui
doivent être l'objet d'une nouvelle loi . Cependant leurs besoins
deviennent de jour en jour plus urgens. Il pense donc qu'il
n'est pas possible de différer plus long - tems de mettre un terme
à l'état de détresse dans lequel ils n'ont cessé d'être , depuis
que le séquestre existe sur leurs biens , et il propose de décréter
qu'en attendant que le séquestre sur leurs biens soit
levé , il leur sera accordé des secours , et que la quotité de
ces secours pourra s'élever jusqu'à la concurrence des deux tiers
de leur revenu net , pourvu qu'elle n'excede pas deux mille
liv. par tête et douze cent liv. pour chaque enfant .
Ce projet de décret est adopté .
Thibaut , au nom des comités de salut public , de sûreté gévérale
, de législation et des finances rénnis , fait part à la Convention
des reclamations que forment de toutes pares les fonetionnaires
publics sur la modicité de leur traitement. Il ne
doute pas que les véritables français ne soient tous animés du
desir de servir la patrie sans rétribution , si leur fortune le leur
permettait ; mais elle n'est pas toujours compagne du talent et
de la vertu , et le pauvre qui a mérité le suffrage de ses concitoyens,
est un homme précieux à la nation .
Les représentans du peuple eux - mêmes ont démontré l'insuffisance
de l'indemuite que la nation leur accorde . En effet ,
lorsque l'Assemblée constituante la fixa à 18 liv . , les 'denrécs
étaient abordantes et à un taux ordinaire , et les circonstances
actuelles les ont élevées à un prix exorbitant. Il faut donc que
ceux qui donnent tout leur tems à la chose publique , puissent
y atteindre , sans les dispenser néanmoins des sacrifices que
tout républicain doit attacher au char de la liberté . Thibaut
conclut à ce que l'indemnité des députés soit portée à 36 liv.
( 371 )
*
par jour , et que le traitement des autres fonctionnaires soit
augmenté d'après les bases qui seront adoptées par le comité.
des finances .
Ce projet de décret éprouve des difficultés . Monnet rejette
l'augmentation ; il préfere une somme une fois payée . Levasseur
( de la Sarthe ) déclare qu'il eût entendu plus volontiers
parler d'économie que de surcroît de dépenses . Thuriot trouve
le projet détestable. Duhem convient qu'il commençait à s'appercevoir
, quoique garçon , de l'insuffisance de l'indemnité ;
mais il pense qu'il fallait d'abord s'occuper des autre fonctionnaires
, et ne parler d'eux-mêmes qu'en dernier lieu . Ce sera
quand nous n'aurons plus à penser à personne , que nous penserons
à nous. ( Il est vivement applaudi . Bientôt , lorsque les
sages mesures que la Convention a prises auront reçu leur exécution
, nous jouirons d'une plus grande aisance ; mais ne fai
sons pas dire que nous puisons à notre gré dans le trésor
public.
Plusieurs membres proposent de supprimer les tribunaux
et les conseils de district , pour couvrir ce surcroît de dépenses
.
Brival soutient qu'il est impossible à un député qui a une
femme et des enfans , de vivre avec le traitement actuel , et il
annonce qu'il a besoin d'une augmentation . Plusieurs membres
l'appuient , et observent que les députés en mission ont douze
mille liv. de traitement , et jouissent du logement , de l'ameu
blement et d'un équipage .
:
Bentabolle Le peuple français est grand et généreux. Il ne
veut pas que ses représentans soient à la gêne. Il est au contraire
de sa dignite qu'ils vivent dans une honnête aisance .
S'opposer à l'augmentation proposée , c'est favoriser l'aristocratic
. Que résulterait il si l'on ne pouvait accepter ces fonctions
sans s'appauvrir ? C'est que les riches seuls seraient fonctionnaires.
Dartygoite annonce que le décret que l'on va rendre était
depuis long- temps demandé par l'opinion publique . Legendre
veut que le député n'ait pas seulement pour vivre , lui et sa famille
, mais qu'il puisse aussi venir an secourt du pauvre , et
donner l'assignat de cent sous .
Cambon dit que ce n'est pas une augmentation qu'on propose
, puisqu'il serait aisé de démontrer par le calcul qu'en
proportion du prix des denrées , pour répondre à dix- huit
livres de 1789 , il faudrait 54 à 60 livres . Il appuie donc
lear projet de décret ; mais il ajoute qu'il faut s'occuper des .
autres fonctionnaires , des rentiers et des pensioenaires de
l'état , trois classes souffrantes , sur- tout depuis l'abolition du
maximum. ,
Charlier voit des inconvéniens graves dans l'augmentation
des rentiers et des pensionnaires . Il aimerait mieux renoncer à
son indemnité , que de compromettre le gage de la fortune
:
A a 2
( 372 )
1
publique . Il demande qu'on décrete le projet du comité ,
et que les autres propositions faites lui soient renvoyées .
La discussion est fermée ; le projet du comite est adopté.
L'augmentation datera du 1er , vendémiaire dernier .
La discussion s'ouvre sur les fêtes décadaires . Chénier an
nonce que plusieurs députés ont présente des plans sur les
fêtes décadaires . Il demande qu'ils soient entendus .
Eschasseriaux l'aîné fait un discours , dans lequel il se plaint
d'abord de ne trouver dans le plan du comité sur les fêtes décadaires
, rien qui rappelle ces brillantes solemnités qui offraient
jadis aux communes rassemblées de la Grece le ravissant spectacle
de tous les plaisirs et de tous les talens . Est-il en effet
dans les anuales du monde des tableaux plus pleins de vie et de
sentimens , plus faits pour donner aux hommes la conscience
de leurs forces , d'imprimer au génie des sensations profondes
, et de l'entraîner à des pensées grandes et augustes ,
que ces jeux attiques qui ont attaché aux noms de quelques
bourgades des souvenirs immortels . Pourquoi ces prodiges ne
renaîtraient-ils pas an milieu de nous ? N'habitons - nous pas
un sol riant et fertile ? n'instituons - nous pas un peuple actif et
industrieux ? Il ne sufffit pas de procurer à une nation devenue
libre , les moyens d'acquérir les lumieres et les vertus , il faut
encore donner des alimens à son imagination et à son goût pour
le plaisir, s'emparer de son attrait pour le bonheur , și l'on veut
empêcher qu'il ne continue d'être le domaine de la superstition
on du libertinage . Renverser un trône , n'est pas fonder une
république , il faut encore détruire tous les ouvrages de la
royauté , ses créations morales , ses viles habitudes , et se saisir
des moeurs publiques pour les mettre en accord avec la constitution
républicaine .
Voilà ce que n'a pas fait le comité , et ce qu'aurait desiré
Eschasseriaux . Il a fort bien observé que ce n'était point une
religion que la république demandait , mais des fêtes civiques ;
que c'était la patrie qu'on avait à célébrer , et qu'on devait être
politique et non théologien . Il en a conclu que ne devant point
se mêler de culte et de cérémonies , il fallait laisser à chacuu la
liberté de célébrer la divinité à sa maniere , et il a proposé an
projet de décret qui a été renvoyé au comité. Il a été encore
decrété que tous ceux qui avaient des plans à proposer s'y
réuniraient ce soir pour concerter un plan général . Il est bien
douteux qu'il puisse ainsi se composer de vingt systêmes plus
ou moins divergens . Peut - être cût - il mieux valu les entendre
tons et accorder la priorité à celui qui aurait paru approcher le
plus du but que l'on se propose.
Séance de quartidi , 24 Nivôse.
Debourges , au nom du comité des secours publics , fait
décréter que les veaves , enfans et autres dénommés dans l'état,
dont les pensions sur la liste civile accordées en considération
( 373 )
des services de leurs maris ou peres , ont été supprimées par le
decret du 17 germinal , recevront , à titre de secours , leur pen
sion si elles n'excedent pas 400 liv. , et en cas d'excédent , le
maximum est fixé à cette somme ; mais ils rapporteront un ceri
tificat d'indigence , et remplirent toutes les formalités prescrites
pour les pensionnaires de la République . Ce secours courra du
1er janvier 1793 .
Giraud , au nom du comité de commerce , annonce que l'abrogation
de la loi du maximnm , quelque bienfaisante qu'elle soit,
entraine cependant dans son exécution des difficultés qu'il est
de la sagesse du legislateur de faire disparaître , et sur son rappori
la Convention décrete , que les marchés faits avant la suppression
du maximum sont mainter us ; mais que les marchandises
non expédiets , ou mises en route à l'époque de la publication
de cette suppression , seront payées selon le prix auquel
Ia berté du cominerce les a portees ; les acheteurs auront neanmoms
le droit de résilier leur marché .
Laignelut fait part à la Convention d'un arrêté du comité
de sûreté générale , que les circonstances l'ont forcé de prendre
pour ce soumettre à son approbation . Il porte que Rossignol
ex général Pache , ex-maire ; Bouchotte , ex- ministre de la
guerre Bouchotte cadet et Audouin ses adjoints , Clemence ,
Prevat et Marchand , tous détenus , seront transférés dans le
hateau de Ham , département de la Somme. Cet arrêté est
confirmée.
Lehot obtient la parole . Je ne viens pas vous demander le rapgort
du decret relatif à l'augmentation de l'indemnité des députés
, mais vous soumettre quelques réflexions utiles . D'abcr d'
e'est contre les principes que vous avez donné à ce décret un
effet rétroacti . Je vous demanderai ensuite quel est le motif
de cette augmentation . Plusieurs de nos collegues disent qu'ils
sont peres de famille ; mais avez-vous entendu que la revo-
Lution devint un patrimoine pour vos eufans ? Inspirez - leur
l'amour du travail , donnez leur l'exemple de Réconomie et de
la frugalité , et vous formerez ainsi à la patrie de vrais citoyens .
Les hommes de tous les états sont en souffrance , et personne
ne se plaint. De plus , vous jettez le discrédit sur vos assignats .
En un mot , tous les motifs se réunissent pour que voire décret
d'hier soit rapporté
Plusieurs membres demandent à Lefiot où sont ses enfans.
Charlier regarde comme très- intéressante pour l'instruction du
peuple. la discussion que l'on vient de provoquer. It voit que
l'on cherche à établir les intérêts d'une faction . Il rappelle au
peuple que ce fut Mauri et Gazalès qui fixerent dans Assemblée
constituante le traitement des députes , pour faire de ce›s›
places le domaine de l'aristocratie . Des huées partent d'une des
grandes tribunes . Charlier demande l'ordre du jeur.
Bentabolle La motion du rappost, do vorre décret est une
des moindres tentatives faites en se moment pour perdre las
Convention. On conspire contre elle , et tona hes patrioteas
( 374 )
qui ont pris part à la révolution du 9 thermidor. On cherche
à égarer le peuple sur les intentions pures de la Convention .
Des hommes qui ne se plaisent que dans le sang et le carnage
veulent faire croire au peuple qu'en faisant le 9 thermidor elle
a voulu faire triompher l'aristocratie . Entendez ce qu'on lit
dans un journal intitulé l'Ami du peuple . Bentabelle cite plu
sieurs passages de cette feuille , dans laquelle il est dit que
les aristocrates applaudissent à la journée du 9 thermidor ;
qu'au 14 juillet 1789 le peuple ne savait où on le menait ; que
le 10 août il ignorait pour quelle cause il venait de verser
son sang , et que l'opinion du peuple est encore indécise sur
la journée du g thermidor. Bentabelle finit par demander le
renvoi de ce journal aux trois comités , pour faire un rapport
sua la situation de Paris .
Clausel dit que Chasles est l'auteur de ce journal ; Chasles
ex - chanoine d'Arrrs , qui regrette ses 12,000 liv . de bénéfice ,
qui a travaillé à l'Ami du roi avec Royou , et qui a tenu les
discours les plus incendiaires , tant à la Convention qu'aux
jacobins.
#
Merlin ( de Thionville ) : C'est au moment où du nord au
midi , de l'orient à l'occident , les troupes triomphantes de la
République arborent le pavillon tricolor , que la discorde vient
se réfugier dans cette enceinte ; nous livrerons - nous à des
querelles insignifiantes , au lieu de travailler aux moyens de
commencer une nouvelle campagne plus brillante que jamais ?
Tournons toute notre indignation contre les grands complices
de Robespierre . Abandonnons tout autre combat que celui de
la vertu contre le crime , et de l'homme humain contre le
massacreur , et abattons les derniers appuis de cette horde.
Ce ne sera pas 30 ou 40 misérables regrettant la tyrannie qui
en imposeront à la Couvention . 12,000 Brutus tiennent le
poignard levé sur quiconque voudrait tyranniser une minute . '
Ce n'est pas la royauté que je crains , elle est pour jamais
dans la tombe ; mais sans les redouter , je dénonce à mon pays
quelques monstres pour qui 18 et 36 liv . ne sont rien , mais
les rapines beaucoup , et pour qui le sang et les cadavres sont
un besoin. Couverts de crimes , ils sement le trouble pour
empêcher la justice de les atteiudre ; mais elle les atteindra . Je
demande le maintien du décret , et je déclare que j'ai une épouse
infirme et deux enfans , et qu'avec 18 liv. il m'est impossible
de les faire vivre .
Bourdon appuie Merlin . Le décret est maintenu .
Legendre demande que la commission des vingt-un presse
son travail , et annonce à la Convention quand elle fora son
rapport. Un membre déclare que nomidi prochain elle présentera
le résultat de ses travaux.
Giraud Pouzolles , au nom des comités réunis , présente un
projet de décret , tendant à rapporter celui qui ordonnait l'exa- '
men de la conduite et de la moralité des suppléans de la
.
( 375 1
Convention avant leur admission dans le sein de la Convention.
L'impression et l'ajournement ont été décrétés .
Séance de quintidi , 25 Nivôse .
Sur la proposition d'Olivier Gérente , au nom des comités
militaire et des finances reunis , la Convention décrete que tout
volontaire en route , marchant isolément pour se rendre à l'hô
pital , ou de l'hôpital à son corps , recevra 50 sous de prêt au
lieu de 30 .
Beauchamp , au nom du comité de législation , fait décréter
que toutes les contestations qui pourront s'élever sur l'état civil
des enfans nés hors mariage , seront jugées par les tribunaux de
district. Ils connaitront aussi des procès actuellement exis
tans sur des questions d'état , quand même il aurait été nommé
des arbitres, Les jugemens readus jusqu'à ce jour sur les ques
tions d'état , soit par des tribunaux , soit par des arbitres ,
qui ne seraient attaqués quǝ par la voie d'incompetence , sent
maintenus.
Le citoyen Urbain Domergue fait hommage à la Convention
de son journal de la langue , française. Mention honorable et
renvoi au comité d'instruction publique , pour rendre ce jour,
nal utile à l'instruction des écoles normales .
Thirion , au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête qui doit avoir lieu pour célébrer l'anniversaire
de la mort du tyran Capet.
Ce plan n'est que médiocrement accueilli . Plusieurs membres
disent que dans une fête on ne doit voir que le peuple , et se
plaignent de trouver dans le plan du comité des distinctions
entre les fonctionnaires et les citoyens .
Baraillen en présente un autre qui ne reçoit pas un accueil
plus favorable ; il voudrait que le rassemblement se fît dans la
salle de la liberté , et que le cortège se rendît au ci - devant hôtel
de Soissons , où l'on chanterait des hymnes civiques.
Bréard dit qu'une fête n'est pas uue procession ; il desire
que tous les citoyens soient mêlés . Tallien partage son avis ;
il ajoute qu'il ne faut pas qu'elle ressemble à celle de Robes
pierre. Que celle qui doit avoir lieu doit être terrible pour
les royalistes et les hommes de sang ; il voudrait que la séance
de ce jour-là commençât par un décret utile au peuple , et qu'à
deux heures la Convention se rendît sur la place de la Révolu ,
tion pour y
célébrer avec le peuple l'anniversaire de la mort dų
tyran Capet .
Bourdon ( de l'Oise ) pense qu'il faut éviter de faire parler le
président de la Convention au peuple , et rappelle que le dernier
tyran obtint ainsi une popularité dont il se servit pour
égorger plus sûrement la Convention nationale et le peuple .
Les plans présentés et les vues des préopinans ont été ren.
voyés au comité d'instruction publique qui est chargé d'en rédiger
un nouveau .
A a 4
( 376 )
Boissy d'Anglas obtient la parole , au nom du comité de
salut public , il annonce que ce matin les administrateurs.des
subsistances et approvisionnemens se sont présentés au comité
de salut public , pour le prevenir que des rassemblemens
connns sous le nom de queues se formaient à la porte des bou
Jangers , et que les femmes qui s'y portaient y étaient excitées
par le bruit répandu : Qu'il était pressant de se pourvoir de
pains , attendu qu'on en manquerait sous trois jours . Boissy se
trouvait seni au comité . Il a pris sur lui d'ectire sur-le - champ
anx administrateurs dé police , de faire arrêter ceux qui répaudaient
on accréditaient un pareil -bruit. Il déclare a la Conven
tion et au peuple que les subsistances arrivent comme à l'ordinaire
, et que l'administration fait venir par terre les provisions
que la rigueur de la saison empêche de transporter par tau ; et
que l'on ne doit avoir aucune inquiétude sur les subsistances .
Ilassure que les moulins à eau ne sont point arrêtés par la gelée,
et que le gouvernement a pris à cet égard toutes les précautions
utiles , et que les propos jettés au milieu du peuple par des
boulangers perfides ou ignorans et peut- être payés , sont dentés
de tout fondement . Le comité , dit- il en finissant , andes ,
obstacles à lever; mais il peut répondre des approvisionnemens.
ex
Des citoyennes de la Vendée qui ont été détenues dans la
maison d'arrêt du Plessis , et mises en liberte par le comité de
sûreté générale , réclament des secours poni retourner dans
leur domicile . Elles exposent qu'elles y ont tout perdu , et
qu'il ne leur reste aucun moyen de subsister . Renvoyé au comité
des secours pour en faire de main un rapport.
Le citoyen Vitel , ancien inaire de Lyon et député à la Convention
demande le rapport da décret quis l'a mis en arrestatiou
, rendu dans le tems des troubles de cette ville , et qu'il
jouisse du droit que le choix du pezple lui a assuré de le représ
senter dans la Conventiona
Renvoi aux comités de salut publie , sûreté générale et législation
, pour en faire le rapport sous trois jours .
Séance de sextidi , 26 Ni ôse.
Gossain , au nom du comité militaïre , fait nn rapport sur
F'organisation des commissaires des guerres et leurs fonctions .
tant aux armées que dans les divisions militaires de la République.
I entre dans tous les détails relatifs à leur devoir , leur
sapport avec les commissions executives et les officiers généraux ,
à leurs fonctions et attributions tant dans les armées que dans
les divisions militaires ; enfin à leur solde , leur traitement ,
leurs récompenses et leur retraite .
Le rapporteur présente un projet de décret qui comprend
tous ces objets en plusieurs titres qui sont successivement
adoptés sans discussion .
Richard , au nom du comité de salut public ' :
La rigueur de la saison ne ralentit point l'ardeur de nos
( 377 )
braves soldats . Dévoués sans réserve à la République , ils
ne respirent que pour combattre ses ennemis ; et jaloux de
lui procurer de nouveaux triomphes , ils ne calculent ni les
fatigues , ni les privations , ni les dangers ; ils offrent à
l'Europe étonnée le modele de toutes les vertus civiles et
militaires.
De nouveaux succès ajoutent chaque jour à tant d'avantages
et tant de gloire . A l'armée des Pyrénées orientales ,
nous nous sommes emparés du fort de la Trinité , dit Bouton,
de-Rose , près la place de Rose , et cette derniere ville se
trouve plus vivement pressée que jamais . La garnison du
fort de la Trinité , épouvantée , a pris la fuite pendant la nuit ,
et nous a laissé son artillerie et plusieurs autres effets . L'escadre
espagnole dans le golfe de Rose , assaillie par le mauvais
tems , a considérablement souffert ; beaucoup de bâtimens
ont échoué , et la mer est couverte de leurs debris .
}
L'armée du Nord , toujours active , toujours triomphante ,
vient de s'emparer de la tête du pont et du fort devant
Nimègue , à la suite d'une affaire longue et brillante . Elle a
fait à l'ennemi beaucoup de prisonniers et a pris tente bouches,
à feu toutes de bronze , des chevaux , des caissons , des bagages
et des munitions de toutes espèces. De nouveaux détails sur la
mémorable journée du 7 nous apprennent que les prises que
nous avons faites à l'ennemi en artillerie , sont beaucoup
plus considérables encore que celles qui nous avaient été
annoncées . Indépendamment de 120 pieces de canons prises
a Bommel et sur les autres points , on s'est emparé dans
cette affaire de 171 autres pièces presque toutes de bronze ,
et une grande quantité de poudre . Enfin , nous avons trouvé
à Graves 164 bouches à feu , dont les deux tiers en bronze ,
So milliers de poudre , quatre mille fusils , 500 sabres et diffé
rens objets d'approvisionnemens et de subsistances . L'armée
du Nord vous fait passer 19 drapeaux pris dans la journée
du 7 nivôse . Je ne vous donnerai point lecture des lettres
officielles , parce que les détails dont je viens de vous donner
connaissance , sont accompagnés de vues militaires , qu'il
est important de ne pas publier. ( Insertion au bulletin. )
Je vous présente , continue Richard , ces deux guerriers
ils ont enlevé chacun un drapeau à l'ennemi.
L'aide - de-camp présent avec eux à la barre , s'exprime en
ces termes :
65 Citoyens , l'armée du Nord continue de poursuivie sans
relâche les ennemis de la République . Elle ne connaît point
d'obstacles quand vous ordonnez au nom de la patie , et
elle est payée de toutes ses fatigues par la perspective de
la liberté et du bonheur de son pays .
,, La mémorable journée du 7 nous a valu des avantages
immenses. Nous nous sommes emparés des positions qu'il
meus importait le plus d'occuper , pour porter les plus terribles
X 378 )
coups aux armées anglaises et hollandaises. Nous avons fait
un grand nombre de prisonniers , et l'ennemi nous a laissé
plus de trente pieces de canon , et une grande quantité de
munitions . Enfin , nos braves soldats ont enlevé dans cette
journée 19 drapeaux qu'ils m'ont chargé de vous présenter.
Recevez au nom de l'armée du Nord , ce gage de son
dévouement à la République , à la représentation nationale .
C'est a ' vottre voix qu'elle a renversé les hordes innombrables
qui menacaient d'envahir la frontiere . Tout son sang appar
tient à la patrie ; c'est à vous d'en disposer. Je vous présente
, en son nom , deux braves soldats qui se sont par
ticulierement distingués dans la journée du 7 , Guénard ,
brigadiers au treizieme régiment de dragons , et Babot ,
grenadier au deuxieme de la vingt- septieme demi- brigade ,
Ils ont enlevé chacun un drapeau à l'ennemi ,
-
Signé PRIVÉ , aide - de camp du général BONARD .
Baraiilon , au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête du 2 pluviôse . A huit heures du matin ,
une decharge d'artillerie annoncera la fête . La Convention se
réunira dans le lieu de ses seances a onze heures , avec l'institut
national de musique , et à midi avec les citoyens dans le jardin
des Tuileries. Le president décialera au peuple que la nation
ne subira jamais le joug d'un roi . Il vouera a l'exécration les
tyrans et la tyrannie . On chantera des hymues civiques au
tour de la statue de la Liberté , et le soir tous les spectacles
seront ouverts au peuple .
Dubois-Crancé , au nom du comité de salut public , expose
que le comite chargé d'examiner la conduite du géneral Kellermann
, a reconnu qu'il n'existe aucune piece à sa charge
et que ce général est sans reproche . La Convention , en lui
confiant le commandement de l'armée des Alpes , avait décrété
qu'il avait bien mérité de la patrie ; et c'est au moment où il
venait de rendre les services les plus signalés , que l'ancien comité
le fit traduire en prison . Après 13 mois de détention , son
innocence a été reconnue devant le tribunal révolutionnaire .
Dubois - Crancé propose la mise en liberté de ce général ,
que son traitement lui soit payé depuis l'époque de sa détention
, et qu'il soit indemnisé de la perte de ses équipages et de
ses chevaux. Le projet de décret est adopté.
Dubois Dubay , dit que cela ne suffit pas , et qu'il faut réparer
les crimes de l'ancien gouvernement , en employant Kellermann
dans une des armées de la République . Sa proposition
est décrétée ; et sur la motion de Pelet , la Convention décrete
que Miranda , ex - général , acquitté par le tribunal révolutionnaire
, sera sur le champ mis en liberté .
Boudin demande par motion d'ordre une amnistie pour tous
les délits politiques , excepté l'émigration. Il dit que trop longtems
la Convention a pris la difference d'opinions pour celle
des sentimeus , et qu'il est difficile de distinguer dans le cahos
( 379 )
révolutionnaire ce qui est crime de l'erreur du moment , les
hommes égarés des vrais conspirateurs . Si nous voulons rechercher
nos délits politiques , ajoute- t-il , quel est celui d'entre
nous qui ne doit pas trembler ? Si nous voulons appliquer les
regles de la justice , il faudra frapper du même coup ceux qui
ont donné les ordres et ceux qui les ont exécutés et qui les ont
approuvés . Hâtons-nous d'appeller des successeurs ; car ces
murs ont été tant de fois frappes des délits politiques , que l'on
n'y verra bientôt plus que des accusateurs , des accusés et des
juges .
Boudin demande que les trois comités soient chargés d'examiuer
s'il n'est pas expédient de présenter une loi d'oubli et
d'indulgence sur les délits politiques , excepté celui d'émigration
.
Legendre C'est lorsque de grands coupables sont sur le
point d'être mis en jugement que l'on vient parler d'amnistie .
S'il s'agissait de quelques hommes obscurs , tiendrait- on un
pareil langage ? Si nous sommes coupables , il faut nous faire
notre procès à tous . Quant à moi , je declare que je ne veux
pas que la nation me fasse grace . On voit une immensité de
coupables ; moi , je n'en vois pas tant.. Ils ne le sont pas
ceux qui ont été induits en erreur par les chefs du gouverne
ment. Je demande de passer à l'ordre du jour. Décrété au mis
lieu des applaudissemens .
Décret concernant les émigrés.
66 Art, Ier. Le décret du 28 frimaire dernier , qui a chargé
le représentant du peuple Bar de recueillir des renseignemens
sur les émigrés des départemens da Haut et du Bas-Rhin ,
est rapp orté,
" . II. Il est enjoint aux accusateurs publics et aux agens nationaux
de toute la République , sous les peines portées par la
loi du 14 frimaire de l'an 2 , contre les fonctionnaires négligens
ou coupables , de poursuivre et faire juger sans délai , suivant
toute la rigueur des lois , les émigrés et prêtres déportés qui
auraient osé rentrer en France .
2
" III. Il est néanmoins accordé aux émigrés des départemens
du Haut et du Bas - Rhin qui seraient rentrés en France
par l'effet
d'une confiance anticipée dans les résultats présumés du décret
mentionné en l'article ler , un délai de deux décades et d'un
jour en sus par cinq lieues pour sortir du territoire de la République.
,, IV . Ne seront point réputés émigrés les ouvriers et laboureurs
non ex-nobles ou prêtres , travaillant habituellement de
leurs mains aux atteliers , aux manufactures ou à la terre , et
vivant de leur travail journalier , leurs femmes et leurs enfans.
au- dessous de 18 ans , pourvu qu'ils ne soient sortis du terrie
( 380 )
toire de la République que depuis le rer . mai 1793 , qu'ils rentrent
en France avaut le ter, germinal prochain , et que , dans
le mois suivant , ils produisent devant le directoire du district
de leur derniere résidence , une attestation de huit temoins
certifiée par le conseil- general de leur commune et par le comité
révolutionnaire , constatant la profession qu'ils exerçaient.
avant leur sortie de Frauce ainsi que l'époque de cette
sortie .
2.99 V. Les qualités requises dans les témoins , pour les certifi
cats de résidence , le seront egalement pour les attestations
mentionnées en l'article précédent .
3+
› VI . Ceux qui , dans les attestations mentionnées en l'art.
IV . auront certihe des faits faux , seront condamnés à la déportation
perpétuelle avec confiscation de leurs biens.
995 VII, Les proprietes non encore vendues de ceux qui rentreront
dans le territoire de la République , en exécution de
Fart. IV , lear seront rendues , à la charge par cux de payerr les
frais de séquestre , et d'entretenir les baux qui en auront été
faits par la nation pendant leur absence.
Quant à celles de leurs propriétés qui se trouveront vendnes
, le prix leur en sera remis à titre de secours et d'après les
conditions des ventes , deduction faite des frais de séquestre et
de vente.. ད་ ན་
„ VIII . Les baux d'immeubles faits entre particuliers pendant
l'absence des individus qui rentreront au sein de la République.
en exécution de l'art. IV, seront maintenus .
IX . Les agens nationaux des districts seront tenus d'insérer
dans les comptes décadaires qu'ils adresseront au comité
de legislation , la liste des certificats qui auront été produits ,
devant les administrations de district , en conséquence de l'ar--
wicle IV .
" Le comité de législation fera imprimer ces listes , et les
fera distribuer à tous les membres de la Convention' na….
tionale .
X. Il ne sera point dérogé par le présent décret à celui du,
29 frimaire dernier , relatif aux officiers mariniers , matelots et.
novices , qui se trouveraient à cette époque en pays étranger.
,, XI . Le présent décret sera inséré au bulletin de corres
pondance , traduit dans toutes les langues , et envoyé
aux dé
partemens , aux armées et aux agens de la République près les
gouvernemens alliés ou neutres.
Décret sur les moyens de rétablir les finances et le crédit public ,
rendu dans les séances des 9 , 12 et 13 nivôsė.
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport.
de ses comités de commerce , finances , législation , salut public .
* sûreté générale , réunis , décrete ce qui suit :
6. Arts Ier. Il sera nominé une commission composée d'um
( 381 )
membre de chaque comité, pour dresser , avee celui des finances.
l'etat géneral de situation , de l'entrée et de la sortie des
assignats , et de toutes les recettes et dépenses , soit en métaux ,
en assignats ou toutes autres valeurs , faites tant par la caisse
de l'extraordinaire que par la trésorerie nationale , depnis
Leur établissement respectif jusqu'au premier nivôse , et en
rendre compte à la Convention nationale .
" Ce compte fera connaître d'une maniere particuliere la
situation du trésor public aux époques du 27 septembre 1792
( vieux style ) et du 16 thermidor dernier.
,, IL. Le comité des finances présentera incessamment l'état
des dépenses ordinaires du gouvernement , et les moyens d'ý
pourvoir.
III . Les comités de la guerre , de la marine et de salut
public , réunis , proposeront , de concert avec le comité,
des finances , les moyens d'ordre et d'économie dont les
depenses extraordinaires peuvent être susceptibles.
,, IV . A compter de ce jour , les commerçans , manufacturiers
, cultivateurs , et géneralement tous les citoyens , s'approvisionneront
par la voie du commerce libre . Le gouvernement
se renfermera dans la partie des approvisionnemens
des armées de terre et de mer , et d'administration genevale
; les matieres premières qui n'y sont pas relatives , et
qui se trouvent dans les magasins de la République ou en
requisition pour son compte , seront mises sans délai en
vente publique et à l'enchere .
Les approvisionnemens de la République se feront, autant
que possible , par adjudication et aux rabais ."
" V. Les droits d'entree en France sur les marchandises
de premiere nécessité seront provisoirement réduits à la perception
indispensablement nécessaire pour en connaître le
mouvement. Le comité de commerce présentera , sans délai ,
l'état de ces marchandises , et de celles dont la sortie restera
prohibée.
" VI . Il est permis aux citoyens qui ont du numéraire ,"
de l'exporter , à la charge d'en faire rentrer la contrevaleur
en objets de premiere nécessité ; les comités de salut public ,
des finances et de commerce , réunis , proposeront , dans
deux jours , les mesures necessaires pour régler le mode de
ces exportacions , désigner les objets à importer , et prévenir
les abus qui pourraient s'introduire à cet égard .
,, VIL. L'acte de navigation est provisoirement suspendu
jusqu'à ce que les comités de la marine et du commerce
aient présenté leurs vues sur les moyens à employer pour
en rendre l'exécution plus certaine et plus utile.
,, VIII. La Convention nationale enjoint à tous les agens
de la République , à tous les commandans de la force armée ,
aux afficiers civils et militaires , de faire respecter et observer
dans toutes leurs dispositions les traités qui anissent la
( 382 )
France aux puissances neutres de l'ancien continent , et äng
Etats - Unis de l'Amérique . Aucune auteinte ne sera portée
à ces traités . Toutes dispositions qui pourraient leur être contraires
, sont annullées .
IX. Les créanciers des émigrés et de tout individu
frappé de la confiscation des biens , sont déclarés créanciers
directs de l'état.
99 En conséquence , la trésorerie nationale portera , dans
les recettes ordinaires , les sommes provenant des biens des
émigrés .
Sont exceptés les créanciers de ceux qui étaient en
faillite , ou notoirement insolvables à l'époque de la confiscation
. L'état de situation des biens sera constaté par une
enquête sommaire sur la commune renommée .
" Les comités de législation et des finances présenteront
incessamment leurs vues sur la maniere prompte et sûre d'accélérer
cette liquidation , et sur la nature des titres de créance
qui seront admis .
e
" X. Pour rendre promptement à l'agriculture les biens
des émigrés et des condamnés , les mêmes comités présenteront
, saus délai , le moyen de régler avec les parens des
émigrés , la portion qui revient à la République dans les
héritages. Le séquestre mis sur les biens des familles sera levé
immédiatement après le partage , et elles seront mises en
liberté , s'il n'existe d'autres causes de détention .
,, XI . Tout le mobilier des émigrés , appartenant à la
République , sera vendu sans délai ; le comité des finances
proposera le moyen de le réunir pour en faire des vestes
publiques , de la maniere la moins dispendieuse et la plus
utile .
,, XII . Il sera dresse´incessamment , par la commission
des revenus nationaux , un état des biens qu'il est utile de
vendre avec célérité de même que des bâtimens et maisons
men - loués qui surchargent la République de frais , de garde
et de réparations .
,, Le comité des finances présentera ses vues sur les moyens
d'en accélérer l'aliénation , de maniere qu'elle s'éleve à un
milliard dans le courant de l'année .
,, XIII . Le comité des finances fera incessamment un rapport
général sur les lois portant peine de déchéance , envers les
créanciers de la République , afin que la Convention nationale
soit à même de modifier celles qui lui paraîtront trop
rigoureuses .
XIV. La commission , chargée de réviser l'organisation
actuelle du gouvernement , fera incessamment son rapport
sur les moyens d'en assurer la marche , de lui donner toute
l'activité et la force nécessaire , et sur les économies et les
réformes que l'intérêt public et la ponctualité du service
sollicitent , soit dans les commissions administratives , soit
dans les attributions qui leur sont confiées .
( 383 )
PARIS. Nonidi , 29 Nivôse , l'an 3º . de la République.
Un des instrumens dont les agitateurs se sont le plus servi
dans la révolution , ce sont les femmes. On se rappelle avec
quelle constante opiniâtreté elles garnissaient les tribunes des
jacobins , du tribunal révolutionnaire , des sections 9
sociétés fraternelles , et sur- tout de la Convention ; c'était une
nouvelle armec révolutionnaire que l'on faisait mouvoir dans
les grandes occasions . Le zele de ces stipendiaires femelles
s'était beaucoup rallenti depuis que les evenemens du 9 ther
midor avaient fermé la caisse de la commune , et les avaientprivé
des subsides que Robespierre et les siens avaient eu le
secret de mettre à leur disposition . Il y a apparence que de nouvelles
ressources ont réchauffé leur zele , puisqu'on les a vues
affluer de nouveau dans les tribunes de la Con ention , et reprendre
leur ancien rôle. Pour cette fois , l'espérance que les
chefs avaient fondée sur cette milice auxiliaire n'a pas été de
longue durée .
Un grand nombre de jeunes citoyens , également ennemis
des royalistes et des hommes de sang , se sont réunis au
jardin Égalité , et après avoir brûlé l'ouvrage de Lacroix , et
les journaux des partisans de la terreur , ils se sont rendus
dans les tribunes de la Convention , occupées par les amazones
de Robespierre. Là , ils ont prié , avec une politesse pressante
ces dames de vouloir hien leur permettre de partager ag
moins avec elles leurs places et leurs applaudissemens . Le
patriotisme tenace du beau sexe a fait quelques difficultes
de partager avec des patriotes , que ces dames ne connaissaient
pas, le droit égal qu'ont tous les citoyens d'assister aux scances :
mais enfin ces difficultés ont été levées aux instances réitérées
des républicains qui se présentaient ; et depuis ce tems les
séances ont été paisibles et majestueuses , sans offrir aucun
symptôme de ces convulsions que l'esprit de parti avait soin.
de manifester à volonté. Le comité de sûreté generale a
pris des mesures pour maintenir l'ordre et la police dans
les tribunes en y plaçant des officiers de paix qui sont chargés
de faire arrêter tous ceux qui s'y comporteraient d'une maniere
indécente .
Dans la séance du 27 , Ruelle , représentant du peuple près
l'armée de l'Ouest , a annoncé que le décret d'amnistie produisait
les plus heureux effets. Les rebelles ont cessé les hostilités ,
et nous ont rendn tout récemment , et sans aucune négociation ,
les prisonniers qu'ils avaient faits sur nous depuis le 12 bru
maire. Les avant- postes ont fraternisé et crié ensemble vive la
"République Les rebelles nous ont fourni sans qu'on leur en
demandât , des fourages dont nous manquious . Tout promet
enfin que
la guerre de la Vendée sera bientôt terminée .
( 384 )
Richar a donné de nouveaux détails sur la victoire remportée
par l'armée du Nord , et annoncée dans la séance d'hier . L'ennemi
a été poursuivi au - delà de Thiel et d'Elms , par la droite
de l'armée qui avait passée le Waal en face de ses batteries , et
qui a emporté toutes les redoutes à la bayonnette . Nous avons
pris 60 pieces de canon .
t
Il a été fait dans plusieurs communes l'expérience d'une panification
composée de deux tiers de farine de froment et un
tiers de pomme- de- terre ; ou bien d'an tiers de farine de froment
, un tiers de farine de seigle et un tiers de pomme- deterre
. Ces expériences ont parfaitement réussi : il en est résulté
un pain très- blanc , fort nourrissant , et qui se tient long -tems
frais .
Le procédé est simple et facile . On fait cuire dans l'eau
commune la pomme- de- terre , jusqu'à ce qu'elle cede facilement
sous le doigt : on la pele , on l'écrase , et on en forme
une pâte peu liquide • en y mettant une petite quantité
d'eau .
Cette préparation terminée , on pétrit séparément la farine
de froment ou celle de seigle : on joint la pâte de pomme-deterre
on périt de nouveau , et lorsque le mélange est bien
opéré , en forme le pain à l'ordinaire en y ajoutant un peu de
sel , le pain prend un goût plus agréable .
Par cette manipulation , on diminuera d'un tiers la consommation
des grains , et ou aura une nourriture plus économique.
On a fait du pain composé de moitié farine d'orge et moitié
de pomme-de-terre . Ce pain est moins agréable au goût et un
peu rafraichissant .
La culture de la pomme de - terre ne saurait être trop encon
ragée . Elle réussit dans tous les terreins même dans les terres
légeres et sablonnenses . Bien cultivée , elle peut donner deux
récoltes , vers les mois floréal et brumaire ( juin et octobre ,
vieux style ) .
NOUVELLES DES ARMÉES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES.
Devant Roses ; rapport du 28 frimaire.
Depuis quelques jours , les assiégés inquiétaient , plus que
de coutume , les travaux de l'armée française . Le général Sauret
ordonna de leur répondre vivement , et les canoniers seconderent
si bien ses intentions , que les Espagnols furent bientôt
réduits à l'inaction . Avant-hier une bombe tomba dans la citadelle
sur le magasin des liquides , et le consuma entierement .
Une autre bombe écrasa la maison du gouverneur , qui loge aujourd'hui
dans une grotte recouverte d'une énorme quantité de
sacs à terre. On se flatte que Roses angmentera bientôt le
nombre des conquêtes de la République. "
Le chef de l'état-major devant Roses.
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
LES
Es travaux de la Convention nationale acquérang
de jour en jour un nouveau degré d'intérêt par l'importance
des objets dont elle s'occupe les événemens
heureux qui se succedent avec rapidité , & qui sont dus
augouvernement révolutionnaire , une campagne, P'une
des plus mémorables dont les fastes d'un peuple libre
aientjamais fourni l'exemple ; toutes ces considérations
nous ont déterminés à rendre plus frequente la distribusion
de ce Journal.
Ainsi , à compter du mois de Prairial , le Mercure
paraitra reguliérement tous les cinq jours , savoir les
quintidi er decadi , et sera composé de deux feuilles au
moins , souvent de deux feuilles et demie , suivant l'abondance
des matieres.
Par ce nouveau plan , les séances de la Convention
seront plus rapprochées ; les nouvelles étrangeres , celles
des armées et de l'intérieur seront presqu'à jour , au
moyen des post-scriptum qui seront livrés, dès la veille,
è l'impression. Par- là , nous serons pour ainsi dire au
niveau des feuilles du jour dans la plus grande partis
des départemens où le service des postes n'eft pas jour
nalier , et nous conserverons l'avantage de réunir dans
plus grand ensemble les faits , les événemens et les
pieces officielles qui méritent de fixer l'attention.
Nous ne changerons rien d'ailleurs à l'ordonnance de
ce Journal. Les mêmes matieres de politique et de littérature
y seront traitées en continuera d'y rapporter
les séances de la Commune de Paris , de la Société des
Jacobins et les jugemens du Tribunal révolutionnaire.
En faisant connaître les rapports importans du Comité
de falut public , et ceux des autres Comités . nous propagerons
les grands principes de la morale publique qui
forment la base de notre gouvernement républicain.
Le prix de l'abonnement , qui a été jusqu'à présent
de 36 liv. franc de port pour les départemens et pour
Paris , sera désormais de 42 liv. La cherté excessive
du papier et les frais d'impression , plus que doublés ,
nécessitent de notre part , cette augmentation.
On s'adressera, pour souscrire , au Git, GUTH , rue
des Poitevins , n . 18.
( N ° . 17. )
Quintidi 25
Frimaire ,
l'an troifième de la République.
( Lundi 15 Décembre 174 , vieux ftyle. )
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTÉRAIRE
Le prix de l'Abonnement ef de 42 livres
franc de port.
CALENDRIER
RÉPUBLICAIN.
FRIMAIRE.
Ere Républicaine.
La Lune de mois a 30 jours. Da I au 27 ,
les jours décr. mat. & foir de 20 m.
Ere
J.HASE S
de de la
Vulgaire LNE
.
Tems moyen
au Midi vrai
H. M. S.
I primedi Lete Décade. 21 vend. 29 4.90 45
2 duodi
22 fam..
23 Dim
24 lundi
26 merc .
29 fam . 10 Décedi
30 Dim.
3
tridi
...
4 quartidi ..
Squintidi .
6 fextidi .
feptidi ..
8 octidi .
9 honidi .
( 2) mardi!
27jeudi 64 n. 18
II primedi II: Décade, lundi 10,
12 duodi..
13 tridi..
14 quartidi .
15 quintidi.
16 fextidi .
17 feptidi .
18 octidi
zmardi 111
3 merc. 12
4
4.92 73
P.
Q4 25
le 10 , as 4.93
jeudi 13h. 8 m.
Svend. 14 du mat.
6 fam. 15
28
493
4.93 85
4.94 14
4.94
4.90 65
4.90
84
31 4.91
N. 4.91
26
le 4 91 42
4.91 72
28 vend.j m . du f.
4 91 96
8 92 21
9 4.92 47
19
nonidi ..
20 Décadi .
21
D
primedi III Décad. jendi 20 du foir. 22 duodi ..
23 tridi.
24 quartidi .
25 quintidi .
26 fextidi .
Dim. 16
3lundi 17 P. L. 4 94 75
9 mardi 18 le 16, 18 4 95
merc.19h 53 m
4.95 38
495 71
12 vend . 21 4.95
13 fam . 22
4 96
14
Dim. 23 4.96
IS15 lundi 24 le 24 à 7 4 97
16 mardi 25 h . 28 m.
17.
merc. 26.
18 jeudi . 27
1, vend. 28 19
27 feptidi .
28 octid
29 nonidi .
10 Décadi .
20
fam. 29
idu mat.
4.97 37
9841
68
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES.
Du Quintidis Frimaire , l'an troisieme
de la République.
( Mardi 25 Novembre 1794 ,
vieux style. )
TOME X II I.
ERT
MONACENETS
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins
1
No. 18.
TABLE des matieres littéraires , depuis le 26 septembre
jusqu'au 20 novembre 1794 , vieux style.
Potsir. OÉSIF . Sur l'invention du télégraphe .
Charade , Enigme....
Adreste et Nancy , etc. , anecdotes américaines .
Annonces de livres nouveaux .
Le Vengeur ( ode ) , par Philipon ...
Tonga et Peggy Nyiedon , anecdote américaine .
Annonces de livres nouveaux.
Sur le Muséum des Arts ...
Page
33.
Ibid .
34.
59.
65.
• 68.
70 .
97 .
La mort de Florian ( élégie ) , par Gretry filz. 129 .
Vers sur la mort de Florian , par Forestier. 130 .
Discours décadaires pour toutes les fêtes de l'année républicaine
, par Poultier ...
131.
Annance de livres nouveaux . 133.
Sur les abus des mots , etc. dans la révolution .
Annonces de livres , musique et gravure ..
161. •
168 .
Enigme et Logogriphe .... 193 .
Essai historique et politique sur l'état de Gênes..
Annonces de livres et de gravures .
194.
... 200 .
Vers sur la chute de Robespierre , par Lelong...
225.
Constitution des principaux états de l'Europe et des
Etats- Unis de l'Amérique , par Lacroix .. 226.
La nouvelle Chartreuse , etc. par Vigée . 227 .
Annonces de livres et gravures .. 232 .
Maximes de conduits ( stances ) . 257.
Instructions tirées de l'exemple des animaux . etc.. 258.
Annonces de livres , musique et gravure .. 264.
ཏི པཊྛཾ ༦
*
Suite du fragment sur l'abus des mots , etc. dans la révolution
...
289.
Le Tibre ( conte ) par Gretry fils.
321 .
Recherches sur les causes des principauxfaits physiques , etc.
par 7. B. Lamarck ...
322.
Voyage enAfrique et en Asie pendant les années 1770-1779.
Par C. P. Thunberg , Suédois ( 1er, extrait ) .
353.
Annonces de livres et de musique..
360 .
4
( N° 13. ) .
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDI 5 FRIMAIRE , Pau troisième de la République.
Mardi 25 novembre 1791 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Suite dufragment sur l'abus des mots et les différentes variations des
idées dans la révolution .
TROISIEME ÉPOQUE DEPUIS LE 31 MAI JUSQU'AU 10 THERMIDOR .
TOOT
OrEs les causes qui , depuis le to août , avaient plongé
la France dans un état continuel de tourmens et d'orage ont
influé sur le mouvement révolutionnaire du 31 mai . La face
tion d'Orléans croyait n'avoir plus qu'un pas à faire pour
arriver au "trône . La faction des ambitieux et des dominateurs
qui peut- être ne servait la premiere que pour profiter de ses
moyens , et la sacrifier au premier moment , s'était fortifiée de
tout l'ascendant que donne une popularité acquise par tous
les genres d'intrigue. La commune de Paris , liée sous plus
sieurs rapports avec la faction des ' dominateurs , suivait avec
activité le systême d'influence et de suprématie qu'elle ne prenait
plus la peine de déguiser. L'aristocratie appercevant la
royanté au bout des excès de la demagogie , les secondait de
toute son astuce . La faction de l'étranger , mettant à pprrofit
toutes les dissensions , les excitait avec un tel succès qu'on'
eût dit que tous les partis agissaient d'intelligence , tant leurs
moyens paraissaient se confondre.
2
La Convention n'avait cessé d'offrir le spectacle de la lutte
la plus affligeante entre la minorité et la majorité . On avançait
même une assertion bien étrange , et l'on posait comme un
principe incontestabie que la vertu , la raison et les lamieres
n'étant que le partage du plus petit nombre , c'était à lui à dicter
des lois et à jouir de la puissance , et ce qu'il y a de plus
étrange encore , s'est que ceux qui avançaient ce paradoxe
avaient pour eux l'expérience de la révolution , la minorité
avait toujours fini par subjuguer la majorité . La raison de ce
phénoméne politique était toute entiere dans la difference des
moyens n'employaient les chefs des différens partis."
Les uns concertant dans le secret toutes leurs mesures
marchant imperturbablement à leur but , prompts à falte naître
comme à saisir tous leurs avantages , avaient pour instrumens
une certaine opinion qu'ils avaient créée , un peuple qu'ils s'étaient
ཞ ཟ
A by
141
choisi , l'exagération des principes , sorte de jansénisme poli
tique qui séduit les ames ardentes qui ont plus le sentiment
que l'intelligence de la liberté , des meneurs distribués dans les
sections , dans les sociétés populaires , dans le conseil général
de la commune , dans toutes les tribunes , et pour auxiliairesvolontaires
cette nuée d'aristocrates qui s'étaient jeutés dans
le torrent populaire pour en augmenter l'impétuosité.
Les autres plus habiles à pasler sur les affaires qu'à les conduire
, à produire des impressions subites à la tribune qu'à
combiner des plans efficaces , plus ardens à irriter les passions
qu'à profiter de celles de leurs adversaires , éprouvant d'ail
leurs ce découragement secret qu'inspire la défaveur de l'opi
nion trompée , n'avaient pour eux qu'une éloquence impuis
sante , une majorité bien intentionnée , mais dont l'irrésolution
et la vertuense inexpérience des moyens révolutionnaires rendaient
les meilleures intentions inutiles , qui , fatiguée de tant de
débats et de personnalités qui nuisaient à la chose publique ,
était disposée à saisir la premiere issue qui s'offrirait pour en
sortir; une opinion nombreuse mais effrayée , et ce qui était
encore plus nuisible , une classe d'aristocrates qui ne se joignait
à eux pour crier contre les excès , que parce qu'ils savaient que
leurs clameurs ne feraient que les accroître , et rendre plus
ardent le foyer des discordes.
Comment voulez - vous , disait un parti à l'autre , que nous
croyions à votre patriotisme et à vos principes ? les aristocrates
ziennent le même langage . Vous êtes donc des aristocrates
comme eux ? Ces sophismes fesaient plus d'impression sur la
multitude que tous les raisonnemens de la logique - la plus
exacte; les plus clairvoyans savaient bien que c'était un piége
des aristocrates , mais le piége était adroit, et la crainte de se
voir confondus avec eux fermait leur bouche et glaçait leur
contage. His savaient qu'on pouvait répondre : Qu'importe que
des fourbes mêlent leur voix à celle de la raison et des pria
cipes ; les principes et la raison sont- ils dépendans de quelques
scélérats qui en prennent le masque ? Mais s'agit-il de raisonner
en révolution ? Le grand art des instigateurs du peuple a tonjours
été de saisir le côté qui lui fait impression , et le point
de contact par lequel les aristocrates semblaient se rencontres
avec ceux qui s'élevaient contre les abus , suffisait pour attirer´
aur ces derniers les impressions les plus défavorables.
Un autre abus de mots et de principes ne servit pas peu
favoriser le projet d'avilissement du parti qu'on voulait
perdre. Qu'est-ce , disait- on , qu'un représentant du peuple ?
Un simple mandataire , un fondé de procuration. Or , un mandataire
est comptable dans tous les instans de sa conduite
envers le peuple qui la nommé . Et comme chaque groupe ,
chaque société populaire , chaque section de la République
( quelqu'infiniment petite qu'elle fût en comparaison du tout )
se prétendait exclusivement le peuple ; il s'ensuivait qu'il n'y
avait pas une poignée d'individus en France qui ne se crût en
751
1
droit de eiter à son tribunal les représentans de la nation
entiere . Delà cette multitude d'adresses qui louaient où blamaient
au gré des passions de ceux qui les sollicitaient. Mais
sans examiner jusqu'à quel point ce principe de la nature des
mandats dans les affaires civiles peut être applicable au grand
mandat de la représentation nationale , sans considérer si l'on
peut demander compte d'une mission avant même qu'elle soit
remplie ( car la constitution n'était pas encore faite , et l'on
se rappelle de quelle maniere on éludait sans cesse ce grand
objet du mandat des représentans ) ; du moins pour être consé
quent au principe qu'on s'était fait , fallait - il de deux choses
l'une , on que ce fut la nation entiere qui dans les assemblées
primaires jugeât la conduite des représentans qu'on disait infi
deles , ou que ce fût chaque canton qui les avait nommés directement
; du moins fallait-il articuler contre eux les faits précis
de prévarication qu'on leur imputait , les entendre dans leur
justification , et suivre quelques formes légalement nationales.
Mais ce n'étaient ni les assemblées primaires , ni les corps
électoraux qui avaient nommé ces représentans qui les accu
saient; c'était à Paris seul qu'était le foyer de ces dénoncia❤
tions , d'où elles se répandaient dans les départemens ; elles
étaient concertées dans les conciliabules des mencurs et appuyées
par leurs agens. On ne voulait ni éclaircissemens , ni
formes légales , on ne voulait que des insurrections . Ceux
qu'on poursuivait avec autant d'acharnement appercevaient le
principe , et provoquaient souvent la convocation des assemblées
primaires , pour juger s'ils avaient perdu leur confiance
Mais cette motion , aussi indiscrete qu'infructueuse était une
arme puissante dont se servaient leurs ennemis pour la tourner
contre eux. Chacon sentait le danger de recourir aux assémblées
primaires dana des conjonctures aussi orageuses , d'aban
donner le gouvernement à sa faiblesse et à son incertitude aŭ
milieu du hoc des passions et des partis , des trahisous qui
éclatsient de toutes parts et des embarras d'une guerre géné
rale avec l'Europe , dont les opérations ne pouvaient être ni
suspendues , ni confiées à la direction de mains novices qui
n'en auraient pas eu le fil ; plus on renouvellait la motion da
l'appel aux assemblées primaires et plus elle jettait de défa
veur sur les représentans , qui croyaient faire taire les dénoncia
tions en provoquant cette mesure . vb Bona
Cet état de choses était trop violent pour être durable ; il
fallait , pour l'avancement des affaires , qu'un des deux partis
triomphât de l'autre , et avec la différence des moyens et des
ressources il était aisé de prévoir celui qui succomberait. Il ne ›
s'agissait que d'attendre les circonstances ou de les faire
naitre.
On a pu remarquer que chaque époque de crise ou dez
danger dans la révolution a toujours été celle de l'accroisse
ment de puissance d'une fiction . Au 10 août , le pouvoir muni
A 3
( 6 )
*« །་
cipal s'était élevé sur les débris du trône ; à la prise de Verdun,
Ta même faction , car celle de Robespierre agissait de concert
avec la municipalité , s'étaît signalée par la clôture des
barrieres , les incarcerations , les massacres de septembre ,
et le projet d'avilir le Corps Législatif. A la nouvelle de
Techiec d'Aix-la- Chapelle , même audace de la faction , mêmes
moyens même projet contre la majorité de la Convention .
Lors de la trahison de Dumourier , progression plus accélérée
de pouvoir dans le même parti , établissement du tribunal ,
de l'armée et des comités révolutionnaires ( devenus si fameux
par leurs brigandages et par l'oppression qu'ils ont exercée ) ,
clôture des barrieres , arrestations plus nombreuses de gens
appelles suspects , selon le vocabulaire des Marius et des Sylla
modernes. A la nouvelle des progrès alarmans des rebelles de
la Vendee , auxquels il est prouvé aujourd'hui que la même
faction usurpatrice a eu une part si influentielle , ce sont encore
le développement des mêmes mesures , la même insolence des
factieux , les mêmes manoeuvres , les mêmes menaces envers la
représentation nationale . C'est alors qu'en fait paraître et
reparaitre avec acharnement ces pétitions multipliées contre
des membres qui , s'ils avaient quelques torts , n'avaient pas
du moins elui de n'être pas redoutables aux factieux dont ils
penetraient les projets.
•
P
**
C'est ici qu'il importe de signaler l'abus qu'on a fait si fréquemment
dans le cours de la révolution , du nom et de l'autorité
du peuple , tantôt sous le voeu des sections de Paris , tantôt
sous celui de l'administration municipale . C'était une organisation
bien extraordinaire que celle d'une commune où représentés
et représentans délibéraient à la fois et constamment
quoique séparés ; les représentés , comme sections ; les repré
sentans comme corps municipal. Les sections se prétendaient
supérieures à la commune , parce qu'elles en avaient nommé
les membres ; la commune à son tour se croyait en droit de
casser les arrêtés des sections, et de faire même des actes législatifs
. Il devait en résulter une rivalité et un froissement continuels
qui nuisaient à la marche des affaires , favorisaient l'anarchie
et s'aggravaient encore par la permanence des sections .
Cette permanence avait été imaginée par les chefs de parti ,
comme des élémens toujours prêts à recevoir
1
sions. Cet abus aurait
pu être corrigé si tous less impres
citoyens, se
fussent rendus à leur section . Mais à force de clameurs , de
menaces et de persécutions contre les modérés , les hommes
et même
les gros boutiquiers qu'on traitait d'aristocrates , on était parvenu
à effrayer et à éconduire la majeure partie des citoyens
les plus intéressés au respect des lois et au maintien de l'ordre .
Alors les chefs de parti avec une poignée de meneurs dissémines
dans chaque section , faisaient faire les motions et prendre
les arrêtés qu'ils avaient eux-mêmes concertés dans leurs cond'état
, les hommes de loi , les honnêtes gens , les riches hommes
"
ciliabules . Et comme si l'on se fût encore défié de la droiture
du peu de citoyens qui fréquentaient les sections , c'était
toujours à la fin des séances , lorsque les citoyens paisibles ,
les peres de famille étaient rentrés dans leur asyle domestique
, que ces arrêtés étaient pris par une quarantaine d'intrigans
qui osaient se dire la section . Soudain ces arrêtés
étaient envoyés par des commissaires à toutes les autres sec
tions , où ils trouvaient des auxiliaires prêts à les appuyer.
On ne manquait pas d'assurer que plusieurs sections y avaient
déja adhéré ; si quelque honnête citoyen élevait la voix , il était
déclaré suspect et incarcéré . Surprenait- on par ces pratiques
odieuses l'adhésion d'un peu plus de la moitié des sections , le
maire venait pompeusement à la tête de la députation , présen-
-ter à la Convention comme le voeu du peuple de Paris , ce qui
n'était que l'ouvrage de deux ou trois cents agens de la faction
, et en derniere analyse , celui de deux ou trois chefs de
la faction même. Et voilà comment sous la tyrannie de Robespierre
, une cité qui contient une population de six cents.
mille citoyens , se trouvait populairement représentée . Telle,
lest l'idée juste qu'on peut se former de ces fameuses pétitions ,
avant- coureurs de la journée du 31 mai , pétitions que l'on
terminait toujours par la demande audacieuse , si la Convention
pouvait sauver la chose publique , tandis que les factieux
seals la mettaient en danger.
En vain ces pétitions furent- elles déclarées calomnieuses par
le corps des representaus ; en vain cette conjuration fat - elle
dénoncée ; en vain nomma - t - on la commission des 12 pour en
rassembler tous les fils . Elle fut choisie dans un parti' , et n'en
devint que plus odieuse à l'autre . Il était trop tard pour agir ,
et le plan était trop profondément organisé pour avoir le tems
de le dissoudre. An lien de recourir aux grandes mesures
comme on fit à Rome lors de la conjuration de Catilina , la
commission irrésolue et pusillanime ne ft aucun usage des
preuves qu'elle avait recueillies , et s'amusa à faire arrêter Hébert
pour de misérables pamphlets , quand il fallait tout dévoiler
à la tribune , frapper sur les vrais coupables , dissoudre la
municipalité conspiratrice et ce comité d'insurrection , que l'on
savait exister depuis plus d'un mois , tantôt à la mairie , tantôt à.
l'évêché, nommer un commandant de la force armée , et sur-tout se
confier d'avantage aux sections , les éclairer sur les détails du
complot , éclairer le Peuple par des proclamations promptes
et vigoureuses , et rallier tous les citoyens autour de la représentation
nationale . Tous les efforts de la commission n'aboutirent
qu'à faire ajouter ses membres à la liste des prescrip--
tions.
Ce qu'elle ne fit pas , ses ennemis le firent ; ils agirent quand
les autres délibéraient . Il fallait prévenir le rapport , et ils le
préviarent. Les députations se succéderent ; on força la
zommission à rendre à Hébert la liberté qu'il n'aurait pas dû
1
4
( 8 )
perdre, et il fut promené comme le martyr de la cause du
Peuple. Enfin , la commission crut tout appaiser en se démettänt
de ses pouvoirs , et ce dernier acte de faiblesse me fit qu'acs
eroître l'audace de la faction. Hanriot est nommé le nouveau
chef de la force armée ; le comité d'insurrection se transporte
à la commune , casse par un vain simulacre la municipalité
pour l'investir de nouveaux pouvoirs ; les insurgés , de leur
propre autorité , se déclarent adjoints des membres, de la
commune ; on forme un comité central qui prend le nom de
salut public , composé en majeure partie d'étrangers , et la représentation
nationale est à la merci de cette poignée de factieux .
Le tocsin sonne au milieu de la nuit , la générale bat , les
citoyens étonnés se rendent à leur section , et ce qui prouve
combien la grande masse du peuple était étrangere à ce mouvement
, c'est qu'il a fallu trois jours pour lui imprimer la
direction qu'on en attendait ; les sections armées , commandées
pour aller investir la représentation nationale , croyaient
au contraire la défendre , tandis qu'une centaine de brigands ,
Hanriot à leur tête , tournaient les canons contre les représcntans
du peuple , et leur arrachaient par la force un décret qui
livrait à la proscription 34 de leurs membres.
Oui , il est tems de dire la vérité toute entiere , les formes
de cette journée n'ont pas été seulement mauvaises , elles ont
été exécrables. C'était un triple mouvement de la faction d'Or-
Téans , impatient de régner ; de la faction de Robespierre et de
Danton qui voulaient dominer , et de la faction de l'étranger
qui aspirait à dissoudre la représentation nationale ; le peu de
patriotes qui soit passion ? soit desir de servir la chose publique
, s'étaient laissés entraîner à ce mouvement , n'en étaient
que les auxiliaires . Mais ces auxiliaires sont ceux- mêmes qui
ont détourné la direction de cette crise qui aurait dû avoir de
plus funestes résultats . Les divers chefs de parti , étonnés de
cette complication de causes et d'intérêts , s'appercevant qu'ils
étaient découverts les uns aux autres , ”´n'oserent poursuivre
l'exécution de leur projet , et la représemation nationale n'éprouva
qu'une atteinte particle dans quelques - uns de ses
membres.
་
Il était naturel que la nouvelle d'un événement aussi extraordinaire
pro duisît une grande agitation dans les départemens ;
on en ignoraît encore les détails ; on savait que la représentation
nationale avait été violée , et l'on ne pouvait prévoir quelle
´en serait la suite ; plus on était attaché à la liberté , et plus on
la croyait en péril . Delà , ces résolutions et ces mesures , que
l'on a qualifiées de fédéralisme , et qui n'étaient que le sentiment
in opiné de l'amour de la Republique et du respect pour la
représentation nationale. Gela est si vrai , que dans le premier
monvement d'effervescence , il ne fat question que d'envoyer
de nouveaux représentans à Bourges . Cela est sivrai ,
que du moque
l'infâme Couthon osa déclarer que la Gonvention était
ment
1
( 9. )
•
libre, et que la Convention le crut, les départemens , respectant
cette déclaration , vinrent se rallier autour d'elle . Il est vrai que
quelques- uns des représentans prescrits , qui étaient parvenus
'échapper , étaient allés porter dans les départemens de
l'Ouest lear ressentiment et l'espoir de la vengeance ; mais il
ne faut point confondre ce mouvement produit par des passions
violentes , avec l'inquiétude que manifesterent les autres
départemens . Rendons grace au genie tutelaire de la France
de l'avoir sauvée des horreurs de la guerre civile ; mais qui
pourra s'empêcher de faire cette réflexion , c'est que si le résultat
de ce mouvement avait produit alors la chûte des mêmes
chefs de faction , que leurs crimes ont précipités depuis dans
l'abyme , on aurait appellé vengeurs de la liberté ceux qui
n'ont été que des rebelles . C'est ainsi que dans les dissentions
civiles on est alternativement vertueux ou coupable , selon
le bon ou le mauvais succès des entreprises.
•
Quoi qu'il en soit , ce mouvement ne fut que partiel et
momentané ; bientôt tantes les parties de la Republique
vinrent se rattacher au centre commun , mais l'effet en fut
babilement saisi par les chefs du parti qui venait de triompher;
ils auraient été embarrassés de donner au fédéralisme quelque
apparence de réalité , ils ne le furent plus , et l'erreur de
quelques hommes les servit mieux que toutes les combinaisons
de leurs intrigues. Dès ce moment ils enrent un prétexte
- pour entretenir le peuple de cette grande conspiration des
fédéralistes , pour affermir leur antarité , égarer l'opinion publique
et perdre les représentans qu'ils avaient fait arrêter.
Q
Que des gens passionnés on qui n'osent encore s'avouer à
eux - mêmes leur intime conviction , répetent qu'on veut faire
le procès à cette immortelle journée ? Oui , sans doute , l'histoire
, l'incorruptible histoire jugera ceue époque de la révolu
tion avec la même inflexibilité que les autres ; elle en dira
les causes , les motifs et les résultats ; elle dira combien il
est dangeremx pour la liberté publique de porter atteinte à
la représentation nationale , et que lorsqu'une fois on a souffert
une premiere violation , il n'est plus possible de prévoir le
terne où elle doit s'arrêter . Mais cette même histoire , ton
jours juste dans sa sévérité , racontera le bien comme le mal ;
elle dira que la Convention , qui jusqu'alors avait été battue
par une continuelle tempête , a marqué le commencement de
ses travaux par cette époque ; qu'elle a pris une contenance
plus ferme et une marche mieux soutenue , qu'en moins d'un
mois une constitution fut présentée et adoptés par le peuple, et
que toutes les parties de l'administration reçurent une activité
et un ensemble dont elles avaient été privées jusqu'à ce
moment. Elle verra dans l'établissement du gouvernement
révolutionnaire , une de ces conceptions hardies qui , quoique
désavouée peut-être par les principes , était nécessaire pour
sortir le gouvernement de ce calos d'anarchie et de contraziétés
auquel il était livré.
( 10 )
Il fallait cette concentration de pouvoirs et cette sorte de
dictature comitiale pour dissiper les défiances , faire taire les
dénonciations dont le pouvoir exécutif et les généraux des
armées avaient été assaillis sans relâche , et lier tous les ressorts
du gouvernement à un centre commun . Depuis cette
époque , on ne voit plus ni indiscipline , ni incohérence , ni
lenteurs , ni trahisons dans nos armées ; car la guerre de la
Vendée , cette effroyable guerre appartient toate entiere à
Robespierre et à ses infâmes agens . Quel tableau pour l'histoire
que le plan de cette campagne , qui n'a jamais eu d'exemple
dans les annales d'aucun peuple , et dont le succès portera
l'étonnement et l'admiration jusqu'à la postérité la plus reculée
, qui creira revoir et se réaliser dans une seule époque
tous les prodiges des siacles héroïques !
Douze cent mille combattans évoqués et réunis à la voix
de la liberté , bravant tous les dangers , surmontant tous les
obstacles , aussi impétueux dans leur courage que patiens à
supporter la faim , la soif , le dénuement , les saisons , les
climats ; traversant des fleuves à la nage , emportant des villes
d'assaut , gravissant des monts hérissés de forts , de neige et
de glaces ; se consolant de lents fatigues ou préludant à la
victoire par des chants belliquens et ce sentiment de gaîté
qui n'appartient qu'à la nation Française ; offrant à la patrie
le sacrifice de leur vie , et mourant sur les champs de bataille
en dennant encore leurs derniers soupirs à la République
des généraux sortis de la classe si dédaignée par l'orgueil des
tyraus , triomphant de la renommée et du génie des plus ha
biles capitaines ; les avantages des positions , des retranchemens
, des redoutes , toutes les combinaisons de l'expérience
et de la tactique disparaissant devant les bayonnettes républi
caines ; toutes les puissances de l'Europe conjurées contre un
seul peuple , et ce peuple vainqueur de tous les efforts de
l'Europe ; voilà les armées françaises . Gloire immortelle leur
soit rendue C'est - là que le vrai patriotisme et le pur amour
de la liberté s'est montré , non par des discours , mais par
des faits éclatans ; c'est là que , tandis que de misérables conspirateurs
couvraient leur patrie de deuil et de larmes , et
élevaient leur pouvoir sur des monceaux de cadavres ; c'est- là
que le véritable honneur national s'était réfugié , sans que jamais
ces armées , toujours occupées de vaincre , aient pris aucune
part aux agitations intérieures . Nous avons besoin de nousreposer
sur ce spectacle consolateur , comme Tacite peignait
les moeurs d'Agricola , pour distraire sa plume fatiguée du
récit des crimes des Tibere et des Néron .
On demandera peut - être comment la direction de la
guerre extérieure a échappé à l'influence triumvirale de Robespierre
, Couthon et Saint-Just ? C'est que la gloire et le
succès de nos armées importaient à la réussite de leurs projets.
Il fallait occuper au loin des légions qui auraient pu devenir
( 11 )
redoutables pour eux si le théâtre de la guerre eût été plas
rapproché , il fallait détourner l'attention publique par des
triomphes et des conquêtes , et dérober sous des trophées et
des moissons de lauriers , les fers qu'ils préparaient en secret
à leur patrie . Ils ne voulaient pas que la République devînt
la proie de l'étranger ils voulaient en faire la leur. Ceux
qui aspirent au pouvoir n'aiment pas à regner sur des esclaves
avilis . Antoine , Lepide et Octave se disputaient l'empire
romain , mais ils le faisaient respecter au dehors et étendaient
ses limites : Cromwell aussi s'énorgueillisait de la puissance
de l'Angleterre ; c'était un nouveau lustre qu'il ajoutait à la
sienne. Mais quand ces modernes triumvirs , qui n'avaient
d'ailleurs avec ces hommes fameux d'autre ressemblance que
celle de l'ambition , jugerent qu'il était tems de s'emparer de
la direction des armées , n'a-t-on pas vu avec quel art perfide
ils chercherent à faire perdre la confiance à celui qui en avait
conduit les plans , et à envahir pour eux seuls toutes les fonctions
du comité de salut pablic ? Il est cependant un trait
qui prouve combien leur ame toujours occupée d'ams
bitieux projets , était étrangere au sentiment de la prospérité
commune , c'est qu'au milieu des plus brillans triomphes et des
chants de la victoire , ils n'avaient pas même l'adresse de
déguiser les dedains de leur insensibilité. Ils semblaient dans
leur orgueil , dire au peuple : Jouis avec ivresse de tes succès,
nous jouirons à notre tour de ton esclavage. Monstres trop
tard connus , de quelles calamités ils ont couvert la France
avant de subir le châtiment de leurs crimes !
XI
1 1
La fin dans un prochain numéro . } {
ANNONCES.
Tableau des nouvelles mesures républicaines déduites de la
grandeur du méridien terrestre , conformément au décret de la
Convention nationale ; avec l'explication des noms des mesures
et de leur valeur , comparées avec les anciennes . Prix ”, 10 sous .
A Paris , chez Bertrand , rue Paul , n . 224.
Catherine , ou la forêt de Lewin ; par l'auteur du Village de
Martindale ; seconde édition . Un volume in - 8º , de 232 pages .
Prix , I liv . 10 sols , franc de port pour toute la République.
A Paris , chez Courcier , imprimeur- libraire , rue Poupee , no . 5.
"
GRAVURE.
L'Egalité , patrone des Français ; dessinée par Spieard . Prix ,
3 liv . A Paris , chez Beljambe , graveur , rue des Petits Aagus- ,
tins , près celle du Colombier, fauxbourg Germain , no . 3 ; et chez
Jauffret , marchand d'estampes , galeries du jardin de l'Egalité.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE,
TOUTES
ALLEM A G N E.
De Hambourg, le 4 Novembre 1794.
OUTES les nouvelles continuent de confirmer que la Forte
Olomane est non-seulement décidée à se faire respecter des
puissances voisines , mais même qu'elle songe sérieusement à
se mettre en état de commencer avec avantage les hostilités , si
la Russie ou l'Autriche les provoque . C'est ce que l'on va voir
par les détails suivans , tirés d'une lettre de Constantinople ,
1er octobre .
Le divan , pour terminer les difficultés qui se sont élevées
à l'occasion du tarif des douanes , avait offert de s'en rapporter
à ce que l'impératrice de Russie déciderait elle - même.
Cette proposition n'a point eu l'issue qu'il attendait. Un cou
sier arrivé dernierement de Pétersbourg , a rapporté un refus
d'arrangement de la part de Catherine . Elle persiste à exiger
l'accomplissement du traité de Jassy ; et elle offre , de
son côté , de restituer ce qu'elle a pris sur les Turcs . L'ambassadeur
d'Angleterre , informé de cette circonstance , a dé
claré qu'il ne pouvait , suivant les instructions de sa cour ,
permettre que la nation payât les droits de douane à un taux
plus haut que les autres nations , sans en excepter même
les voisins de l'Empire , ipour lesquels on parlait de rétablir
l'ancien tarif. Depuis , le ministere ottoman a fait appeler
les dragomans de toutes les nations , et les a chargés de reporter
à leurs ministres respectifs , que la sublime Porte ayant
résolu de casser le nouveau réglement , elle allait rétablir
l'ancien sur le modele fixé , il y a deux ans , entre Hassan
Aga et l'ambassadeur des états-généraux des Provinces- Unies.
Cette résolution rend inutile un mémoire que ses ambassadeurs
avaient préparé.
Le mois dernier l'internonce de l'empereur a eu une cond
férence avec le Reis - Effendi , où se trouverent deux Ulémas
ou gens de lei. Elle doit avoir eu pour objet principal de s'oc
cuper des difficultés que les Autrichiens éprouvent à faire évaz
euer aux Bosniaques les places cédées par la Porte , en vertu
du dernier traité de paix. Le grand- seigneur a envoyé des
ordres à cet effet ; mais les habitans refusent de s'y soumettre ,
et on veut les traiter avee ménagement.
Tout semble annoncer que la Porte s'occupe de mettre ses
forces de terre et de mer sur un pied respectable. On met
( 13 )
en armement des vaisseaux de ligne et des frégates , Des ordres
ont été donnés pour qu'au mois de mars il y ait cent chaloupes
canonnieres prêtes . Les régimeus nouvellement levés s'exercent
journellement. On annonce qu'on prépare des magasins
dans la Moldavie et la Valachie , où de grandes forces doivent
être portées.
Depuis quelque tems ,le divan a de fréquentes conferences
avec les ministres étrangers , particulierement avec celui de
France.
3
Au reste , la Russie évitera , du moins d'ici à quelque tems ,
de rompre avee la Porte. La guerre contre la Pologne loccupe
assez pour lui faire porter de ce côté toutes ses forces ;
car les Polonais , malgré leurs derniers revers , conservent
une attitude imposante. Le conseil national a publié dernierement
une adresse au peuple , dans laquelle il expose les revers ›
que les armées polonaises ont essuyés et la perte qu'ils ont
faite de Kosciuszko pris par les Russes . Ces malheurs ne -luis :
semblent pas fejts pour décourager un peuple qui veut la
liberté. Il proteste pour lui , qu'il est dans la ferme intention
de continuer à remplir les devoirs que la nation lui a imposés ,
et qu'il est prêt à mourir à son poste. Ce même conseil continue
à faire vendre les starosties déclarées biens nationaux
sur lesquelles sont hypothéqués les assignats polonais il a
déféré le commandement en chef au géneral Warwreski l'un
des députés les plus distingués de la diete révolutionnaire ; l'ou
attend sa réponse ; mais il est probable qu'il acceptera. Le, a
compagnon d'armes et l'ami de Kosciuszko doit aussi savoir se
sacrifier pour la patrie. Quant à ce grand homine , tous less
détails qui le
9
e3 3
ne pouvoir nou, fernent ont droit
d'interesser , et nous croyonskog
dispenser de donner les suivans :
Le général polonais ayant appris l'avantage remporté près.
de Brzec en Lithuanie par les Russes Sous les ordres deve
Suwarow , sur un corps de Polonais , commandé par Sierakouwski
, se détermina à se mettre en marche , à la tête de
25,000 hommes. A quelques lieues de Varsovie , il détacha...
un corps de 10,000 hommes , à la tête duquel il se mit dans
le dessein de couper le général Fersen , qui , à la tête de
12,000 hommes , était en marche ponr rejoindre le général
Suwarow. Il laissa les autres 15,000 hommes contre ce der
nier , qui , croyant que l'armée entiere de Kosciuszko slapprochait
, jugea à propos de battre en retraite.
Kosciuszko se proposait , après avoir livré bataille au genérak
Fersen , de rejoindre sa premiere division de 15,000 hommes,
Il attaqua avec la plus grande vigueur. Les Polonais repous
serent deux fois les Russes ; mais , par suite d'un changement
de position , Kosciuszko se trouva avec un corps peu consi
dérable , coupé du reste de son armée. Celle- ci commença
alors à se débander, Il rallia plusieurs. fois les troupes qu'il
avait auprès de lui , avec la plus grandefinirépidité , et parat
( 14 )
}
A
toujours le premier à la charge. Depuis la confédération de
Cracovie , il portait ordinairement un habit de paysan : ce
jour-là même il était sous ce costume . Un cosaque qui ne
le connaissait pas , le blessa par derriere avec sa lance . II
tomba de cheval . Les Polonais s'appercevant de sa chûte ,
pousserent un cri d'effroi , et prononcerent son mom . Kosciuszko
se releva , fit encore quelques pas , lorsqu'an officier '
lui porta sur la tête un conp de sabre qui l'étendit par terre
sans connaissance . On croit qu'il ne survivra pas à son malheur
, ses blessures étant mortelles . Il avait ordonné aux siens , "
avant la bataille , de le fuer à coups de fusil , au moment
qu'ils le verraient prêt à tomber entre les mains des ennemis
et l'on assure qu'effectivement plusieurs Polonais lui ont rendu
le triste service de tirer sur lui , quand ils l'ont vu fait prisonnier.
Sans l'exclamation de ses compagnons , il aurait pu
demeurer ineonnu .
La nouvelle de sa captivité acheva de répandre le désordre
et la confusion parmi les Polonais . Le général Fersen fait
monter leur perte à 5 ou 6000 hommes : la sienne doit être
à- peu- près semblable . On n'a point encore appris qu'il se
soit réuni au général Sawarow .
Fier de ses victoires , le lieutenant-général russe , baron de '
Fersen , a écrit au roi de Pologue la lettre suivante :
, Sire , la défaite complette d'un corps polonais près de
Kameck ; la prise d'un grand nombre de soldats et d'officiers
de tous les rangs , jusqu'à des généraux - commandans , ajoutée à
celle du généralissime : voilà les heureuses suites du 10 octobre .
" Persuadé que V. M. et la république de Pologne sont
rentrés dans leurs droits primitifs , je m'empresse de m'adresser
aux autorités légitimes , pour demander la liberté de tous les
généraux , officiers , soldats et domestiqués russes , ainsi que
l'élargissement des membres du corps diplomatique , et des
femmes qui , en violation du droit dès gens , sont tenues en
arrestation. Je désire qu'ils soient renvoyés au corps que je
commande ; leur prompt renvoi ajoutera à l'envie que j'ai
de faire , de mon côté , tout ce qui me sera permis et pourra
dépendre de moi. 19
Dans l'espérance que des tentatives toujours infructueuses
feront place , en Pologne , à une paix aussi selide que salutaire ,
et que dans le courant de cette année , j'offrirai personnellement
à V. M. l'hommage de mon respect , je vous prie d'avance ,
ire , de daigner en agréer déja la manifestation et celle de tous
les sentimens avec lesquels je suis , etc.
}
Le roi a répondu , que la captivité du généralissime ne déci
dait encore de rien ; que cela ne pouvait le déterminer à renoncer
à une révolution à laquelle il avait juré , et aux principes
de laquelle il resterait fidele ; qu'il ne pouvait se rendre à lat
demande concernant la liberté des prisonniers , 'qu'autant'
que l'on consentirait à en faire un objet d'échange.
1
) 15 )
On ne peut dissimuler que la perte de Kosciusko n'ait jetté
du découragement et sur-tout de la confusion parmi les braves
Polonais . Mais la fermeté du conseil national est du plus heureux
augure , et les Polonais reprendront sans doute courage
l'exemple de leurs représentans . Ce qu'il y a de sûr , c'est que
Varsovie se prépare à faire une vigoureuse défense , et que les
incursions des troupes polonaises continuent à s'étendre dans
les possessions prussiennes.
D'ailleurs , la Russie et la Prusse trouveront un obstacle à conti
nner- la guerre ; dans la difficulté de se procurer des subsistances
qu'elles tiraient pour la plupart de la Pologne : elles sont
d'nne rareté extrême dans les provinces frontieres de la Russie ,
chargée de fournir à l'entretien de ses armées ; leur prix a
triplé et quadruplé . Il en est à - peu - près de même pour la
Prusse , dans une partie des possessions de laquelle la récolte
a été mauvaise cette année ; ce qui a fait hausser considérablement
le prix des grains , depuis qu'on n'en peut plus
tirer de Pologne .. Une ordonnance du roi de Prusse en a défendu
l'exportation à Danizick. 3000 lasts d'orge y avaient été
achetés pour
le Danemarck ; on les a fait débarquer au moment
même du départ.
*
1
Une lettre de la capitale de ce pays , écrite le 21 octobre ,
contient des nouvelles trop intéressantes pour la France pour
ne pas nous empresser de les donuer . Voici ce qu'elles portent :
On a reçu par le courier de Norwege des lettres de Bergen ,
en date du 4 de ce mois . Elles disent que l'escadre française
qui a croisé quelque tems dans la mer du Nord , est entrée
dans ce port. Cette escadre est composée de plusieurs vaisseaux
, fregates et autres bâtimens plus petits , qui , après avoir
stationné quelque tems dans cette mer , se sont réunis à Bergen
pour conduire de là en France les nombreuses prises
qu''
ils ont faites . Suivant les listes qu'on a reçues , les vaisseaux
arrivés sont le Tartare , de 44 canons ; la Bellonne , de
36 ; la Montagne , de 24 ; la Vengeance , de 30 ; le Requin , de
14 , et un autre brick arrivé peu de jours auparavant. On atten
dait encore , au premier jour , les vaisseaux français le Brutus ,
de 50 canons ; la Galathée , de 44 ; la Seine , de 44 ; la Nayade
de , 16 , et le Pandoure , de 14. Déja on travaillait à Bergen à
l'équipement des prises pour les conduire dans les ports de
France. Quelques jours avant l'arrivée de l'escadre française ,
une division anglaise s'était montrée dans ces parages ; mais.
elle est actuellement disparue . Il paraît qu'elle ne cherchera
pas à empêcher les Français d'emmener toutes ces prises
après leur avoir laissé la liberté de les faire . On s'étonne pa
reillement qu'elle n'ait point apperçu leur escadre . Cette cir
constance est attribuée aux mauvais tems qui ont régné dans
ces mers ; et l'on présume qu'ils auront contraint les Anglais
de se réfugier dans leurs ports.
Le gouvernement suédois songe à mettre ses forces de terre
} ) }
7
( 16 )
1
sur un pied respectable . L'artillerie suédoise est actuellement
divisée en quatre régimens. Le premier , sous le titre de
Suede , est composé de treize compagnies ; le second , sous
celui de Gothie , de neuf compagnies ; le troisieme , sous celui
de Nord- lande , de huit compagnies ; enfin le quatrieme , dit
de Finlande , de dix compagnies . Il y a en outre une brigade
d'artillerie volante : celle de la marine forme un corps à
part.
De Francfort-sur- le-Mein , le 7 novembre.
Suivant des lettres de Vienne , du 25 octobre , les bruits de
paix se soutiennent toujours dans cette capitale. On assuae
que c'est le voeu particulier de l'empereur qui , depuis sou
retour de Laxembourg , tient fréquemment des conférences
auxquelles assistent les ministres d'Angleterre ou de Hollande ,
soit ensemble , soit alternativement .
dé-
Il est en effet assez vraisemblable que le jeune empereur
sire la paix. Ila plus d'une raison pour la desirer : d'un côté, une
grande partie de ses possessions est menacée de la disette ; la
Gallicie et la Lodomerie sont sur- tout exposées à ce fléau : le
gouvernement rencontre chaque jour des indices qu'il existe une
fermentation sourde dans les esprits ; on vient de découvrir
dans la ville d'Inspruck une sorte de club secret , composé
spécialement de jeunes gens d'une autre part le mauvais état
de la santé du général Clerfayt , sur les talens militaires de
qui l'on fondait ses plus grandes espérances pour rétablir les
affaires , ne lui permeura pas encore long - tems de conserver
le commandement des armées ; et le baron de Thugut , pres
mier ministre , succombant sous le poids des affaires , demande
à se retirer ; on ne sait trop qui mettre à sa place , si ce n'est à
le comte de Metternich .
On remarque encore , entr'auters signes d'une paix prochaine,
que le landgrave de Hesse vient de suspendre l'exercice de
ses milices . Cependant il y a toujours des mouvemens et des
escarmouches entre les troupes de la République et celles des
puissances coalisées .
3
Voici la position des Allemands sur la rive droite du Rhin :
d'Ehrenbreitstein jusqu'à Raub et à l'Aa , le corps du géné
ral Melas ; à la droite de ce corps est celui du général de
Neuendorf, qui s'étend , par Neuwied , jusqu'à Unkel et Linz ;
ici commence la grande armée du général Clerfayt , qui
ccupe le terrein jusques par- delà Dusseldorf : à la gauche
du général Mélas se tronvent les Prussiens et les Saxons , faisant
front depuis l'As jusqu'au- dessous de Mayence , où la
ligne est continuée par l'armée de l'Empire et des cercles. On
estime que cela fait à - peu - près 200,000 hommès , qui en
ont peut-être 400,000 à qui ils doivent faire tête , si tant
est qu'il n'y en ait pas davantage. Nous ne laissons pas de
rester
( .17.
rester assez tranquilles . Les 200,000 Allemands ont campé
jusqu'ici pour la majeure partie ; mais il paraît qu'on va les
mettre en quartier , ou de cantonnement , ou d'hyver , qui
s'étendront jusques dans la Franconie. Une partie de låt
cavalerie en a déjà pris le chemin. La cavalerie du général
Mélas va dans les environs de Nassau : mais l'infanterie restera
près du bord du Rhin : le quartier-général en sera à Embs . Le
quartier-général du comte de Clerfayt doit être transféré à
Siegbourg.
Depuis le 24 du mois dernier les patrouilles françaises s'ap
prochent souvent , et de très- près , des ouvrages avancés de
Mayence , et engagent de pettits combats avec les troupes
allemandes ; its ont mis à contribution Marienborn et plus
sieurs autres lieux . Le 25 , après une escarmouche assez vive
du côté de Laubenheim , les Français réussirent d'abord à
s'emparer du poste de Weissenaur ; mais ils en furent ensuite
déloges . Le voisinage des Français a determine le roi
de Prusse a renforcer la garnison de notre ville de Francfots
de six bataillons ..
Les environs de Wesel ont déja eu la visite de quelques pa-.
trouilles françaises . Le 24 octobre , il en vint une nouvelle
de 40 hommes , qui s'approcha de l'isle du Rhin pour trou
bler les tirailleues , et se replia ensuite sur Rheinberg à l'arrivée
de forces prussiennes majeures..
ITALI E.
Des lettres de Gênes , du 30 octobre , disent que le citoyen
Villars , ministre de France , a fait des instances pour obtenir la
liberté de cinq Français , mis en arrestation , il y a huit mois ,
e qu'il l'a obtenue . Mais , à la réquisition du même ministre ,
cinq autres Français furent arrêtés , dans la nuit du 28 ,
comme distributeurs de faux assignats . Ils en avaient pour la
valeur de 400,000 liv. On les à conduits à la Tour , et des
ordres ont été donnés , pour l'arrestation d'autres distributeurs
qui se trouvent dans ans ces environs .
Suivant d'autres lettres de Milan , du 3 novembre , l'archiduc
y est de retour du camp d'Acqui depuis le 25. Le
bruit court dans cette capitale qu'il pourra y avoir un armistice
pour cet hiver cependant l'on ne dit rien de positif à.
cet égard. En général , les affaires militaires paraissent être
dans une sorte de stagnation . Diverses lettres reçues du Pie~
mont annoncent que la campagne semble être terminée pour
cette année . Les Français et les Autrichiens prennent leurs
quartiers d'hiver.
On mande de Rome que le trésor papal ne peut plus suffire
à l'entretien des prêtres Français émigrés . Pie VI a exigé ,
jusqu'à nouvel ordre , d'une confrairie dite des Stigmates , une
contribution de 500 écus par mois , pour subvenir à leurs plus .
pressans besoins . Dans la même ville , on a arrêté un prême
accusé d'avoir mal parlé du pape .
Tome XIII .
( 18 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris ) ..
Séance de septidi , 27 Brumaire.
La séance s'ouvre par la correspondance . Un grand nombre
de sociétés populaires et de communes félicitent la Convention
sur son adresse au peuple et sur la fermeté qu'elle a montrée
en abattant les tyrans . Elles adoptent avec enthousiasme les
grands principes de l'adresse ; elles demandent le maintien
du gouvernement révolutionnaire jusqu'à la paix ; que la Convention
n'épargne pas plus les ennemis du dedans , que nos
armées n'épargnent ceux du dehors ; qu'elle protege le commerce
, l'agriculture et les arts , et qu'elle maintienne toujours
la justice à la place de la terreur . Pour elles , leurs sentimens
sont le respect aux lois , une confiance entiere à la : eprésentation
nationale , et la résolution ferme de ne souffrir
aucune autorité entr'elle et le peuple .
Les administrateurs du district d'Arras écrivent : L'opinion
publique vient de remporter sa bataille de Fleurus . Le terrorisme
avait amoncelé autour de lui tous les monstres ; le crime
adossé au nom colossal des jacobin's avait osé proposer une
Jutte audacieuse contre le peuple et ses représentans ; mais
tel est le destin de tous les conspirateurs . Hier , les jacobins
existaient ; leur puissance alarmait encore l'innocence et le patriotisme
, aujourd'hui ils ne sont plus , et la liberté leur survit
Toujours . Vous méritez , législateurs , une couronne civique ,
et nous vous l'offrous , dans cette ivresse de joie que répand
autour de nous la victoire , qui serà l'époque la plus glorieuse
dans l'histoire de vos travaux. Anathême aux factieux , gloire
à la Convention , triomphe aux droits du peuple souverain !
Mention honorable , insertion au Bulletin .
Les membres de la société populaire de Montauban envoient
aussi une adresse de félicitation à la Convention qu'ils ont
signée individuellement ; mais ils représentent que beaucoup de
leurs freres ont témoigné à cette occasion leurs regrets de ne
pouvoir épancher avec eux leurs coeurs dans ceux des législateurs,
vu qu'ils ne savent pas signer . Ils ne doutent point que
jour heureux n'arrive , où nul citoyen n'éprouvera par aucun
genre d'ignorance la moindre difficulté dans l'exercice de ses
droits , mais en attendant ils demandent un mode d'après lequel
les citoyens qui ne savent pas écrire , puissent manifester leur
le
( 19 )
væn et adhésion aux adresses auxquelles ils voudront prendry
part.
La mention honorable de cette adresse , l'insertion au Bul
letin et le renvoi au comité d'instruction publique sont décrétés
.
Montmayon : On avait répandu le bruit que notre collegue
Goupilleau avait été assassiné à peu de distance de Paris sur
le grande route de Lyon . Le peuple inquiet s'est transporté
anx barrieres ; on a visité les passe- ports de tous ceux qui se
sont présentés. Le comité de sûreté générale a expédié un courier
à la municipalité de Villejuif. L'agent national a répondu que
c'étaient des voyageurs de Lyon qui avaient été attaqués , qu'on
les avait volés et tué lenr postillou . Le comité a pris des
mesures pour découvrir les coupables .
Un membre : Il n'est pas étonnant qu'on arrête sur la
route ; il ne s'exerce pas la moindre surveillance . Je viens de
faire 150 lieues pour me rendre à Paris , et l'on ne m'a pas
demandé une seule fois mon passe-port. Je demande que
mon observation soit renvoyée au comité de sûreté genérale
pour faire cesser cet abus et les malheurs qui en sont les
suites . Cette proposition est adoptée.
Une députation de la société populaire de Chartres se présente
à la barre :
>
L'orateur Votre décret qui ferme les jacobins a été reçu
parmi les amis de la liberté reunis à Chartres , avec cet enthous
siasme qu'inspire la reconnaissance d'une grande mesure
après la crainte d'un grand danger . Vous avez encore une fois
sauvé la patrie en anéantissant la horde impure qui osait balancer
votre autorité et usurper les pouvoirs du peuple . Encore
quelques tems et les portes des jacobius vont être mûrees , et leurs
clefs déposées entre vos mains serviront à fermer l'antre de
la guerre , en ouvrant pour jamais le temple de la paix . Suivent
204 signatures . ( Vifs applaudissemens . )
Le président : La Convention maintiendra les sociétés populaires
que garantit la constitution . La conspiration des jacobins
date du 9 thermidor. C'est depuis ce jour que le
peuple et la Convention ont les yeux ouverts sur cette société
; que l'orage ne vous effraie point . Ce sont les tempêtes
qui purifient les mers. La Convention ne souffrira pas que des
meneurs perfides abusent du caractere dont ils sont revêtus
pour égier les citoyens . Elle poursuivra ceux qui prennent le
nom de lion , parce qu'elle ne reconnaît que des hommes .
" Mention honorable , insertion au bulletin de l'adresse et de
la réponse du président .
Sur la demande d'Audouin , la Convention fixe à prime li
prochain l'ouverture de la discussien sur Carrier.
La discussion sur les écoles primaires continue . Nous don
nerons les articles decrétés , lorsque la rédaction en aura été
définitivement adoptée.
B &
120 )
Isoré , au nom du comité d'agriculture et des arts , fait rendre
le décret suivant :
Art, Isr . Il est défendu à qui que ce soit , et notamment
aux bouchers , de tuer aucune brebis qui n'a pas l'âge de
quatre ans..
II. Il est pareillement défendu à tout propriétaire de bêtes
à cornes de soumettre à la castration aucun agneau femelle ,
et ils soustrairont également à la castration un agneau mâle
par quarantaine de brebis .
99 III. Les municipalités sont chargées de surveiller et de
dénoncer les contrevenans . La police correctionnelle prononcera
une amende de 10 liv.
››› IV. Le comité d'agriculture est chargé de présenter des
moyens pour la propagation des bêtes à corne .
Séance d'octidi , 28 , Brumaire.
Couturier , au nom du comité des inspecteurs du Palais
national , fait décréter que les représentans du peuple qui
auront obtenu un congé par décret de la Convention nationale
, percevront à leur retour l'indemnité arréragée et frais
de transport pendant le tems de leur absence , sur les mandats
qui leur seront délivrés par le comité.
Richard , au nom du comité de salut public , fait part
des dernieres dépêches de l'armée du Nord et de Sambre et
Meuse. Les représentans Lacombe et Bellegarde écrivent que
l'armée du Nord est victorieuse partout où elle se présente. Le
général Moreau , commandant en chef par interim l'armée du
Nord , ayant su que la garnison de Wesel avait jetté dans
Burich un corps de 500 hommes qui s'y retranchait , donna
ordre de l'attaquer. La chose a parfaitement réussi , les retranchemens
ont été forcés , l'ennemi chassé avec perte de 450
hommes , dont 50 prisonniers . Dans la guerre de 7 ans , l'ennemi
, à la faveur de ce poste , passa le Rhin , et nous battit
peu de jours après.
Le 17 de ce mois , une division de nos braves freres s'est
approchée jusques sous les murs de Berg- op - Zoom. La garni
son les a accueillis d'une vive canonnade , et a fait une forte
sortie ; mais les Républicains les ont chargés avec la bayonnette
, et les ont obligés de rentrer bien vite avec une perte
de 200 hommes , dont 80 prisonniers. Nous n'avons perdu
qu'nn capitaine de grenadiers et un cavalier .
Le général en chef Dugommier , commandant l'armée des
Pyrénées orientales , écrit que la 5. division vient de prendre
la ville de Castella . Les Espagnols y avaient sept retranchemens
les uns derriere les autres , formes par des lignes de rochers
que la nature semblait avoir arrangés pour leur défense , Cas
sella se glorifiait d'un drapeau blanc que lui avait envoyé son
tyran , somme le prix de sa résistance ; mais tout cede à la
( 21 )
valeur républicaiue , et cette prise n'a cofité qu'on homme ,
neuf autres ont été blessés.
Cambacerés fait rendre le décret suivant :
Art . 1er . Dans la séance du 11 frimaire la discussion s'ouvrira
sur le projet du code civil présenté par le comité de
législation .
II. Elle continuera les duodi , sextidi et nonidi de chaque
décade. "
Carrier écrit à l'Assemblée et lui demande trois choses ; la
1ere . , que la Convention lui accorde une décade pour préparer
sa défense ; la 2e . , qu'elle lui communique le rapport
imprimé de la commission , et la 3e . , que l'accusateur public
soit tenu de lui faire passer les originaux ou les copies des lettres
de Tronc-Joly.
Il s'éleve une discussion dont le résultat est que l'Assemblee
passe
à l'ordre du jour sur la 1ere, demande et accorde
les deux autres.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , présente
la rédaction définitive du décret sur la formation des écoles
primaires.
"
La Convention nationale après avoir entendu le rapport de
son comité d'instruction publique a terminé la discussion
et l'adoption du projet de décret sur les écoles primaires que
l'on trouvera à la fin des séances .
Séance de nonidi , 29 Brumaire .
La correspondance n'offre d'abord qu'une lettre des citoyens
de Villefranche - sur- Saône , réuais en sociéte populaire . Ils
écrivent que la Convention nationale est pour eux l'unique
centre de réunion , le seul point de ralliement. Ils jurent une
haine éternelle aux tyrans , aux dominateurs et à toutes les
especes d'intrigans et de fripons . Ils ont applaudi à la chûte
des conspirateurs , et à la sublime adresse au peuple Français ;
ils promettent enfin que désormais pour eux les principes
Beront tout et les individus rien .
Beauchamp , au nom du comité de législation soumet à la
Convention la question de savoir , si les ecclésiastiques qui se
sont déportés , en exécution de la loi du 26 août , ont pu
disposer de leurs biens par actes authentiques . Toute la difficulté
consiste en ce que le décret du 17 septembre dernier
lès a assimilés aux émigrés , et que dès lors leurs biens ont
été acquis à la République , et que , par la loi du 17 mivôse ,
toutes les donations postérieures au 14 juillet 1789 sont annullées.
Mais le rapporteur démontre que la loi du 17 septembre
ne soumet à la confiscation que les biens de ceux qui
n'en avaient pas disposé dans les formes authentiques avant ledit
jour , et que celle du 17 nivôse n'est point applicable à l'espece
, parce qu'elle n'a été rendue qu'au profit des hériiers
B 3
"( 22 )
légitimes , et pour le maintien de l'égalité des partages . I
propose et la Convention décrete que les dispositions dont
il s'agit sont maintenues .
Les citoyens formant la société populaire de Bar- sur- Ornain
felicitent la Convention sur la cloture des jacobins , Ils disent
que ceue societé était autrefois l'asyle des patriotes , mais
qu'dle , était devenue l'antre des conspirateurs , et que c'est
d'elle que sont sortis les modernes Catilina , depuis Dumoujer
jusqu'à Robespierre . Ils pensent que les sociétés populaires
peuvent et doivent exister sans une société - mere .
Mention honorable et insertion au bulletin .
La secute populaire de. Nantes dénonce Carrier à la Con--
vention nationale . Eile l'accuse des plus grands forfaits . Carrier
a douué les pouvoirs les plus illimites , sur les habitans
de Nantes , à des kommts que réprouvait l'opinion publique.
Il a ordonné au tribunal . criminei du département de la Loire
inf. rieure , de faire guillotiner sans jugement des brigands.
pris , disait- il , les armes à la main , et parmi lesquels étaient
des femmes et des enfans de 13 et 14 ans ; il appellait ces
jeunes enfans des louveteaux qu'il fallait etouffer . Il dînait avec .
ses bourreaux sur les bateaux a soupape , et buvait à la santé
de ceux qui venaient, disait-il , de boire à la grande tasse . Il
s'abandonnait chaque jour à la débauche la plus effrénée , et
'interiompait ses orgies que pour dire ce qu'il faillait faire
des femmes et des enfans qu'on lui amenait : Belle demande ,
s'ecriait il ! qu'on les gorge , qu'on les noie , qu'on les fasse
boire dans le verre des calotins .
La Convention ordonne l'impression de cette lettre et le
renvoi à la commission des vingt un .
་
Bourdon & de l'Oise ) fait rapporter le décret du 27 sur la
castration des biebis , et ordonner le renvoi au comité d'agriculture
Je
Séance de décadi , 30 Brumaire .
Cette séance consacrée aux pétitionnaires n'a été employée
qu'à la lecture de la correspondance , et aux réclamations
des citoyens . f
Les membres composant le directoire du département du
Pas -de-Calais , la commune de Genevillers , la commune et
la societe populaire de Blaye félicitent la Convention sur son
adresse au peuple Français et sur la suppression des jacobins,
Mention honorable , impression et insertion au bulletin .
Une députation de la section de la Cité vient exposer les
malueurs d'une citoyenne de sa section , mere de famille et
épouse d'un conducteur de charrois à l'armée de la Moselle ,
Elle est plongée dans la misere la plus profonde , et elle m'a
aucune nouvelle de son mari ; la section a pensé qu'un conducteur
de charrois aux armies devait être assimilé aux défenscurs
de la patrie . Il assure les subsistances , et pour y par
( 23 )
venir , il conrt de grands dangers , il est souvent dans le cas
de combattre pour sauver les munitions . Elle conclut qu'il
est de la justice de la Convention de rendre un décret par
lequel elle déclare qu'elle appelle aux mêmes secours les
femmes des conducteurs que celles des défenseurs . Renvoi
au comité des secours .
La municipalité de Choisy demande la maison des Menus-
Plaisirs pour y placer toutes ses autorités constituées . Renvoi
au comité des domaines et de division .
Une députation du comité de bienfaisance de la section de
Popincourt est introduite . Elle vient faire le tableau déchirant
de la misere de 3000 de ses habitans : l'un , di - elle , couche
sur le plancher enveloppé de paille ; l'autre n'a que des lambeaux
pour se couvrir . La mere couche avec son fils , le
frere avec sa soeur , quoique dans l'âge de puberté. Les vieillards
, infirmes et estropiés , manquent du plus étroit néces
saire ; de ce nombre sont encore les meres chéries de leurs
époux , à qui la na'ure se joignant aux voeux de la République
, ordonne , sans consulter leurs besoins , d'augmenter
l'espoir de la patrie par la fécondité . Elle demande par quelle
fatalité la distribution des secours se trouve suspendue , et
elle espere que la Convention va se mettre à même de verser
le baume de la consolation dans l'ame de ces malheureux
concitoyens . Renvoi au comité des secours . --
Séance de primedi , 1er . Frimaire.
"
£7
Les sociétés populaires de la Rochelle et Cherbourg félicitent
la Convention sur les mesures qu'elle a prises pour la police
des sociétés populaires . Elles vouent à l'exécration les hommes
de sang ; elles demandent qu'elle continue de démasquer et
poursuivre les intrigans , et de signaler à l'opinion publique
ees contrebandiers de patriotisme , qui ne sont attachés au
char de la révolution que pour en arracher les dépouilles .
Mention honorable et insertion au bulletin .
Les sections de Paris demandent à être admises . Ce sont
les sections des Tuilleries , de Lepelletier , la Fontaine de
Grenelle , Mutius Scævola , des Droits de l'homme , la Montagne
, des Amis de la Patrie , de la Halle -aux - bles .
,,,
Les défenseurs de la patrie ne sont pas les seuls , disent
elles , qui remportent des victoires . Vous avez anéanti les jacobins
. Ce nouveau triomphe est d'ausant plus mémorable
que vous n'avez employé d'autre arme que votre amour pour
le peuple. Qu'il soit le signal de la chute de tous les intrigans
; que les caméléons politiques ne puissent plus changer
de forme , et que celle qu'ils conserveront malgré eux devienne
leur supplice.
Continuez à poursuivre ces tigres , ces lions qui , endormis
sur des monceaux de cadavres , ne devaient se réveiller que
pour déchirer et dévorer de nouvelles victimes .
B 4
( 24 )
Les sections renouvellent toutes le serment de défendre de
tous leurs moyens la représentation , nationale , et de combattre
la tyraunie sous quelque masque qu'elle se presente.
Jamais le peuple de Paris n'a parlé avec plus d'effusion de
coeur. Jamais la Convention n'a reçu de felicitations plus touchantes.
Les réponses du president ont été aussi énergiques
que ces adresses . Il a invité les sections à se serrer entr'elles
et à oublier les haines particulieres , pour ne voir que la patrie.
Le vaisseau de la République , a - t-il dit , vogue encore ,
inais quand on a un équipage comme vous , l'on est sûr de
l'amener au port.
"
La discussion s'ouvre sur l'affaire de Carrier. Il monte à
Ta tribune pour lire sa défense . Elle porte presque toute sur
des dénégations . Il fait à tous ses ennemis le reproche d'être
des contre-révolutionnaires , des royalistes et des federalistes .
Il ne précise aucun fair ; il prétend n'avoir jamais donné aucun
ordre au comité révolutionnaire de Nantes. Il nie d'avoir
épuisé tous les moyens pout fa're mettre la commune de Nantes
en état de rébelion . Il répond au reproche d'avoir déclaré la
guerre aux riches . Il soutient qu'aucune commune n'a à se
plaindre de lui , et que si celle de Nantes a éprouvé le régime
d'une surveillance rigoureuse , cette mesure a été commandée
par l'intérêt public , parce que les contre- révolutionnaires qui
se trouvaient en grand nombre dans cette commune , fournissaient
des armes , des munitions et des vivres aux brigands
de la Vendée .
Sa defense n'étant pas terminée à sept heures du soir , la
Convention décrete que la discussion reprendra demain à
midi.
CHAPITRE Ier. Institution des écoles primaires.
• Art. Ier . Les écoles primaires ont pour objet de donner
aux enfans de l'un et de l'autre sexe l'instruction nécessaire à
des hommes libres . '
II. Les écoles primaires seront distribuées sur le territoire
de la République à raison de la population ; en conséquence ,
il sera établi une école primaire par mille habitans .
III. Dans les lieux of la population est trop dispersée ,
il pourra être établi une seconde école primaire , sur la
demande motivée de l'administratián du district , et d'après
un décret de la Convention nationale .
IV . Dans les lieux où la population est pressée , une
seconde école ne pourra être établie que lorsque la popnlation
s'élèvera à deux mille individus la troisieme à trois mille
habitans complets , et ainsi de suite.
99 V. Dans toutes les communes de la République les
ci- devant presbyteres , non vendus au profit de la République ,
( 25 )
sont mis à la disposition des municipalités , pour servir , tant
au logement de l'instituteur , qu'à recevoir les éleves pendant
la durée des leçons ; en conséquence , tous les baux existans
sont résilies .
» VI . Dans les communes où il n'existe plus de ci - devant
presbyteres à la disposition de la nation , il sera accordé , sur
la demande des administrations du district , un local convenable
pour la tenue des ecoles primaires.
" VII . Chaque école primaire sera divisée en douze sections
, l'une pour les garçons , l'autre pour les filles ; en conséquence
, il y aura un instituteur et une institutrice .
CHAP. II. Jury d'instruction .
11
Art. Ier . Les instituteurs et institutrices sont nommés par
le peuple ; néanmoins , pendant le gouvernement révolutionnaire
, ils seront examinés , élus et surveillés par un jury d'instruction
composé de trois membres désignés par l'administration
du district , et pris hors de son sein , parmi les peres de
famille.
,, II . Le jury d'instruction sera renouvellé par tiers tous les
six mois.
› Le commissaire sortant pourra être réélu . 99
CHAP. III. Des instituteurs .
" Art. Ier. Les nominations des instituteurs et des institutrices
, élus par le jury d'instruction , seront soumises à l'administration
du district . s X
,, II. Si l'administration refuse de confirmer la nomination
faite par le jury , le jury pourra faire un autre choix .
" Ill . Lorsque le jury persistera dans sa pomination , et
l'administration dans son refus , elle désignera , pour la place
vacante , la personne qu'elle croira mériter la préférence : les
deux choix seront envoyés au comité d'instruction publique ,
qui prononcera définitivement entre l'administration et le
jury.
IV. Les plaintes contre les instituteurs et les institutrices
seront portées derectement au jury d'instruction .
SV. Lorsque la plainte sera en matiere grave , et après
que l'accusé aura été entendu , si le jury juge qu'il y a lieu à
destitution , la décision sera portée au conseil général de l'administration
du district , pour être confirmée.
" VI . Si l'arrêté du conseil général n'est pas conforme à
l'avis du jury , l'affaire sera portée au comité d'instruction
publique qui prononcera définitivement.
" VII . Les instituteurs et institutrices des écoles primaires
strent tenns d'enseigner à leurs éleves les livres élémentaires ,
composés et publiés par ordre de la Convention nationale .
" VIII. Ils ne pourront recevoir chez eux , commé pen(
26 )
sionnaire , ni donner de leçon particuliere à aucun de leurs
éleves : l'instituteur se doit tout à tous.
,, IX. La Nation accordera aux citoyens qui auront rendu
de longs services à leur pays dans la carriere de l'enseignement ,
une retraite qui mettra leur vieillesse à l'abri du besoin .
,, X. Le salaire des instituteurs sera uniforme sur toute la
surface de la République ; il est fixé à 1.200 liv pour les instituteurs
, et 1,000 liv . pour les institutrices . Néanmoins dans
les communes dont la population s'eleve au - dessus de vingt
mille habitans , le traitement de l'instituteur sera de 1,500 liv. ,
et celui de l'institatrice de 1,200 liv . 9
CHAP . IV. Instruction et régime des écoles primaires.
Art . Ier . Les éleves ne seront pas admis aux écoles primaires
, avant l'âge de six ans accomplis .
" II . Dans l'une et l'autre section de chaque école , on
enseignera aux éleves , 1º . à lire et à écrire , et les exemples de
lecture rappelléront leurs droits et leurs devoirs ; 2 ° . la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen , et la constitution
de la République Française ; 3° . on donnera des instructions
élémentaires sur la morale républicaine ; 4 ° . les élemens de
la langue française , soit parlée , soit écrite ; 5º . les regles du
calcul simple et de l'arpentage ; 60. les élémens de la geogra
phie et de l'histoire des peuples libres ; 7º . des instructions sur
les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles
de la nature, On fera apprendre le recueil des actions héroïques
et les chants de triomphe.
Iil . L'enseignement sera fait en langue française . L'idiome
de pays ne pourra être employé que comme un moyen auxiliaire
.
" IV . Les éléves seront instruits dans les exercices les plus
propres à entretenir la santé et développer la force et l'agilité
du corps ; en conséquence , les garçons seront élevés aux
exercices militaires , auxquels présidera un officier de la garde
nationale , designé par le jury d'instruction .
• " V. On les formera , si la localité le comporte à la
natation : cet exercice sera dirigé et surveillé par des citoyens
nommés par le jury d'instruction , sur la présentation des municipalités
respectives .
VI . Il sera publié des instructions pour déterminer la
nature et la distribution des autres exercices gymnastiques
propres à donner au corps de la force et de la souplesse , tels
que la course , la lutte , etc.
" VII. Les éleves des écoles primaires visiteront , plusieurs
fois l'année , avec leurs instituteurs , et sous la conduite d'un
magistrat du peuple , les hôpitaux les plus voisins .
,, VIII. Les mêmes jours ils aideront , dans leurs travaux
domestiques et champêtres , les vieillards et les parens des ,
défenseurs de la patrie.
"
( 27 ) .
" IX . On les conduira quelquefois dans les manufactures et
les ateliers , où l'on prépare des marchandises d'une consom .
mation commune , afin que cette vue leur donne quelque idée
des avantages de l'industrie humaine et éveille en eux le goût .
des arts utiles.
" X. Une partie du tems destiné aux écoles sera employée
à des ouvrages manuels de differentes especes utiles et communs.
,, XI. Il sera publié une instruction pour faciliter l'éxécution
des deux articles précédens , en rendant la fréquentation
des ateliers et le travail des mains vraiment ntiles aux éleves .
,, XII . Des prix d'encouragement seront distribués tous les
ans aux éleves , en présence du peuple , dans la fête de la jeunesse
.
" XIII. Le comité d'instruction publique est chargé de
publier , sans délai , des réglemens sur le régime et la discipline
interne des écoles primaires .
XIV. Les jeunes citoyens qui n'auront pas frequenté ces
écoles , seront examinés en présence du peuple à la fête de la
jeunesse ; et s'il est reconnu qu'ils n'ont pas les connaissances
nécessaires à des citoyens français , ils seront écartés , jusqu'à
ce qu'ils les aient acquises , de toutes les fonctions publiques .
" XV. La loi ne peut porter aucune atteinte au droit qu'ont
les citoyens d'ouvrir des écoles particulieres et libres sous la
surveillance des autorités constituées .
,, XVI et dernier. La Convention nationale rapporte toute
disposition contraire à la présente loi .
PARIS. Quartidi , 4 Frimaire , 3º . année de la République.
La discussion de l'affaire de Carrier a attiré à la Convenúion
une foule immense. C'était un spectacle aussi nouveau
qu'intéressant de voir un représentant accusé devant le peuple
des faits les plus graves , et ayant la liberté de faire entendre sa
justification dans sa plus grande latitude. Ce contraste avec
l'ancien ordre de choses n'est pas seulement une affaire de justice
, c'est un objet d'intérêt public . Si Carrier est coupable
il importe que chacun en ait la conviction intime . Tels doivent
être les accusations et les jugemens dans les républiques ; l'instruction
n'est véritablement utile que lorsqu'elle reçoit la plus
grande publicité , et si l'on se plaignait de la lenteur des formes ,
on oublierait qu'elles sont la sauve-garde de l'innocence , comme
moyen le plus sûr d'assurer le châtiment du crime. L'exemple
qui en résulte produit une impression plus profonde , et
c'est-là l'objet essentiel de toutes les lois pénales .
le
Carrier a été entendu dans le plus profoud silence ; il a parcouru
chaque chef d'accusation contenu dans le rapport avec
1.281
Jes pieces qui leur servent d'appui , et il a fourni sa réponse .
Il a fait consister sa défense à affaiblir les témoignages qui
s'élevent contre lui , en accusant les témoins d'être ou des fanatiques
, ou des fédéralistes , ou des royalistes , ou des contrerévolutionnaires
et des complices des brigaads de la Vendée ;
à convenir des faits peu importans , et à nier tous les autres .
Il a soutenu n'avoir jamais donné aucun ordre au comité révo
lutionnaire de Nantes ; toutes les atrocités que celui - ci a commises
, l'ont été sans sa participation , il n'a fait que se renfermer
dans l'exécution stricte des décrets de la Convention .
La suite de la discussion de cette affaire célebre apprendrá sans
doute ce qu'il faut croire de ses désaveux et de ses assertions .
Déja plusieurs députés l'ont rappellé au texte des décrets qu'il
invoquait , et dont il a outre-passé la lettre et l'esprit . Carrier
ne veut point être jugé sur des pieces simplement collationnées
; il a demandé l'apport des originaux qui sont à Nantes ,
et la Convention a ordonné qu'un courier extraordinaire les
irait chercher , sans que cependant la discussion puisse être
suspendue , ni la décision de la Convention retardée dans le cas
où elle serait suffisamment instruite .
Cependant , malgré le calme et la dignité qui regne dans la
Convention , et la sage disposition des esprits , des malveillans
s'agitent en tout sens pour exciter de l'effervescence ; on a fait
de vains efforts pour soulever les atteliers de Paris , et égarer
plusieurs sections . Pour faire cesser toutes les inquiétudes
les comités de sûreté générale et militaire ont jugé à propos
d'augmenter de 6,000 hommes la force armée de Paris . Tel est
l'état actuel de cette discussion qui ne parait pas devoir se prolonger
encore long-tems.
Raisson, vice - président des jacobins , et Tisson , autre membre
de cette société , ont été mis en état d'arrestation par ordre du
comité de sûreté générale. Hierchmann , émissaire de Robespierre
, a été aussi arrêté . Lorsqu'il s'est vu pris , il s'est ouvert
les veines avec des morceaux de verre qu'il a de suite broyés
et avaiés. On est parvenu étancher le sang et à lui donuer
du contre - poison .
La section du Muséum a pris un arrêté portant , qu'elle ne
prêterait plus sa salle au club électoral , où il s'était glissé plusieurs
de ces hommes qui sacrifient tout à l'esprit de passion
qui les anime , et n'ont pu encore se former une idée juste de
la liberté et de l'ordre public .
Fouquier - Thinville , détenu dans la maison d'arrêt dite
Duplessis , est devenu un objet d'exécration pour tous les prisonniers
, au point qu'il est obligé de n'ouvrir ni les portes ni
les fenêtres de sa chambre ; c'est dans cette situation que , seul
avec sa conscience , il attend que la justice prononce sur son
sort,
( 29 )
Quelques journaux ont parlé de la fin tragique de Jean-
Simon Loiserolles pere , guillotine le 3 thermidor ; mais il
s'est glissé dans le récit qu'ils en ont fait quelques inexactitudes
; je vais les reformer , j'ai vu les pieces .
Loiserolles pere était détenu à Saint- Lazare avec son fils .
Le systême des conspirations des prisous , si heureusement
imaginé au Luxembourg , venait d'être mis en pleine activité
à Saint-Lazare , et avait deja réussi complettement pour une
remiere fournée , par les soins de Vernet , concierge , qui
s'était formé sous Guyard , au Luxembourg.
On apprend à Saint-Lazare qu'une seconde liste de mort
allait commander une seconde fournée , et les malheureux
prisonniers attendaient dans le silence du désespoir le fatal
appel .
Le 7 thermidor , sur les quatre heures du soir , l'huissier
du tribunal se présente au tribunal avec la liste mortuaire.
On appelle Loiserolles , c'était Loiserolles fils que la mort
appellait ; Loiserolles pere n'hésite point à se présenter ; il ,
compare ses 61 ans aux 22 de son fils , il lui donne une
seconde fois la vie ; il descend , il est conduit à la Conciergerie
.
Il y reçoit l'acte d'accusation dressé par arrêté du comité
de salut public , et motivé sur une conspiration de prison .
Cet acte portait le nom de Loiserolles fils .
Le lendemain , le pere paraît à l'audience avec ses 25 compagnons
d'infortune ,
L'acte d'accusation , qui est joint aux pieces , porte François
Simon Loiserolles fils , âgé de 22 ans.
L'énoncé du jugement , dressé d'avance sur l'acte , portait
les mêmes désignations le greffier se contenta d'effacer le
nom de François , et d'y mettre aua dessus celui de Jean .
2
Enfin , les questions soumises pour la forme , aux jurés ,
et dressées d'avance sur le même acte d'accusation contenaient
les noms et la désignation portés dans l'acte d'accusation
; mais lors de l'appel , Coffinal s'est contenté d'effacer
le nom de François pour y substituer celui de Jean , d'effacer
le mot fils pour y substituer de pere ; il surcharge grossière
ment les deux chiffres , et de 22 , il en fait 61 ; et il ajoute
l'ancienne qualité du pere , dont l'acte d'accusation ne parle
point.
Et Jean -Simon Loiserolles , contre lequel il n'y avait point
d'acte d'accusation , a été mis à mort le 8 thermidor !
Et ce pere respectable a gardé le silence !
Lecteurs ; quel atroce assassinat ! quel sublime saerifice !
Signé , REAL..
( 36 )
NOUVELLES OFFICIELLES .
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE .
Au quartier-général à Ravestein , te 20 brumaire.
Larmée du Nord , chers collegues , est victorieuse par -tout
où elle se présente , soit dans les petites , soit dans les grandes
occasions ; nous vous envoyons encore deux succès partiels
qu'elle vient de remporter.
" Le général Moreau ,commandant en chef par interim l'armée
du Nord , ayant su que la garnison de Wesel avait jeté ún
corps d'environ 500 hommes dans Burich , qui commençait à
se retrancher , donna l'ordre au général Vendam de l'attaquer ,
et d'établir dans de local des batteries pour détruire les bateaux
et ponts velans établis devant cette ville .
,, L'ordre a été exécuté hier matin avec la plus grande
bravoure , les retranchemens ont été forcés , l'ennemi a été
chassé et a perdu 450 hommes , du nombre duquel sont 50 pri
sonniers .
Notre perte est peu conséquente ; le second bataillon de la
44. demi-brigade d'infanterie et le 14. bataillon de chasseurs
s'y sont particulierement distingués .
" C'est à la favenr du poste que nous avons enlevé , que , dans
la guerre de sept ans , l'ennemi passa le Rhin presqu'en présence
de l'armée française , et la battit peu de jours après .
,, Le 17 de ce mois , le chef de bataillon Watelette , du
10. bataillon du Calvados , commandant le bivac de Putten ,
informé que la garnisou de Berg op Zoom faisait souvent des
reconnaissances , résolut d'en enlever une : il prit de forts détachemens
du 25. régiment d'infanterie , du 3e . bataillon de
T'Oise , du 6e . de la Seine inférieure , du 10º . du Calvados ,
et deux détachemens de cavalerie du 26. régiment ; ils arriverent
au point du jour à une demie lieue de Berg - op - Zoom ,
et s'embarquerent ; ne voyant venir personne sur les huit heures
du matin , ils s'approcherent jusques sous les muis de la place ,
qui les accueillit d'une vive canonnade . La garnison fit une
forte sortie ; mais les Républicains Français , avares de poudre ,
les chargerent la bayonnette en avant , leur tuerent 100 hommes
et firent So prisonniers . Nous n'avons perdu qu'un cavalier et
un capitaine de grenadiers . C'est ainsi que nous amusons le tapis
en attendant que Mgr. le duc d'Yorck veuille accepter uue
affaire générale et décisive . " ( On applaudit , ) .
Signés , BELLEGARDE , LACOMBE ( de Tarn ) , représentans du peuple. ,
( 31 )
Au quartier - général de Lagullana , le 12 brumaire , l'an 3. de
la République Française..
sur
Citoyens représentans , je reçois à l'instant des nouvelles
de la 5. division ; elle vient d'avoir quelque succès . L'adjudant-
général Gilly me marque qu'il vient de faire , par ordre
du général Charlet , une reconnaissance très- avancée . Il s'est
porté successivement , avec les grenadiers et chasseurs ,
Otores et Dory ; de- là ils ont poussé jusqu'à Castella , qu'ils
ont enlevé de vive force. La prise de Castella est remarquable .
Les Espagnols avaient sept retranchemens les uns derriere lès
autres , formés par des lignes de rochers que la nature semblait
avoir arrangés pour sa défense . La résistance de ses habitans
avait toujours été si opiniâtre , qu'elle leur avait mérité ,
de la part de leur tyran , un drapeau blanc portant les armoiries
d'Espagne ; cette prise a malheureusement coûté la vie à
un brave Républicain , neuf autres ont été blessés . On a trouvé
dans Castella des caisses de munitions et du blé , que l'on n'a
pu emporter ; l'on y a mis le feu leur camp , leurs barraques ,
les maisons crenelées , tout a été détruit et renversé . Huit
Suisses ont quitté l'ennemi aux cris de vive la République ! Le
décret à mort a été exécuté sur tous les Espagnols qu'on a pu
atteindre. "
Signé , DUGOMMIER.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes:
Suite du 2 brumaire . Un jour , Joly m'apperçevant dit
N'est- ce pas là la veuve Mallet ? Elle est bien bonne pour
aller boire à la grande tasse .
Dans un autre tems , ma femme de confiance s'adressa à
Perrochaux pour obtenir quelques secours pour moi , celuicit
lui répondit : Tu es une bête ; lorsque cette b......
sera morte , tu y gagneras davantage , tu y seras à ton tour la
maîtresse. "
Quelque tems après ; des hommes vinrent briser au Bon-
Pasteur de superbes tableaux ; ils n'épargnerent que celui qui
représentait la mort : ils nous dirent avec ironie : contemplez
cette image.
Elle a terminé sa déclaration en faisant le tableau du régime
affreux des prisons , où des femmes étaient entassées les unes
sur les autres , et manquerent pendant long-tems du strict
nécessaire.
Le président a interpellé les accusés de répondre aux impu
tations qui leur étaient faites .
Bachelier a dit que les 70 mille livres de tabac avaient été
( 32 )
vendues par le district ; et qu'au Bon -Pasteur , il y avait
deux femmes du même nom , et que se fut par erreur que
la veuve Mallet , marchande de tabac , qui nous avait été
dénoncée par le comité de surveillance de la société populaire ,
fut mise en liberté au lieu et place de Victoire Mallet , femme
d'un tourneur .
Perrochaux est convenu d'avoir employé cette petite ruse ;
mais il a prétendu n'avoir pas dit : la guillotine guérira tout
cela , etc.
Jolly a affirmé qu'il n'avait pas parlé de la grande tasse .
On lui a observé qu'il a travaillé à ce qu'il appelle la grande.
tasse il a répondu qu'effectivement il avait lié les victimes
qui ont été noyées ; mais qu'à son tour d'autres l'ont garotté
pour le traduire au tribunal révolutionnaire , à Paris .
Gelin a déclaré que 200 mille livres de tabac , qu'il envoyait
à Paris , furent saisies par la compagnie Marat et vendues , et
qu'il fut incarcéré .
Thomas a attesté avoir vu Durassier faire des listes ,
au Bon-
Pasteur , jusqu'à onze heures du soir ; goo ,femmes qui y étaient
détenues , étaient dans les plus vives, alarmes , elles étaient persuadées
qu'on allait noyer pendant la nuit . Thomas alla se
revêtir à la hâte de son uniforme ; il s'arma d'un sabre , et
premit à ces femmes éplorées que l'on ne parviendrait à les
enlever qu'en passant sur son corps . ( Applaudi . )
( La suite au numéro prochain. J
P. S. Carrier devait continuer à être entendu dans ses
oyens de défense dans la séance du 3 ; il était plus de midi
qu'il n'était pas arrivé . Plusieurs membres se récrient contre ce
retard , d'autres cherchent à éluder ces observations. Quelque
tems après , Carrier fait dire qu'il est malade . Legendre quitte
le fauteuil , et déclare que les gens qui voulaient aux jacobins
faire un rempart de leurs corps à Carrier sont dans l'Assemblée
pour le sauver.Il demande qu'il soit intimé à Carrier l'ordre
de se rendre à la Convention , qu'autrement elle passera sur-
Te- champ à l'appel nominal . Décrété.
j.
Carrier paraît : il continue à nier les noyades , les fusillades ,
et toutes les horreurs qui lui sont imputees . Beaucoup de
membres lui font des interpellations sur des faits extrêmement
graves ; il nie tout , on tergiverse . Après que sa justification est
terminée , l'Assemblée suspend sa séance et décrete qu'elle sera
reprise à 7 heures , et qu'elle prononcera sans désemparer .
La séance est reprise et dure jusqu'à trois heures du matin ;
on procede à l'appel nominal . Sur 500 votans , 498 ont opiné
pour le décret d'accusation , 2 seulement ont présenté des
modifications.
1
( N° 14° )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 30 Novembre 1794 , vieux style . }
Voyage en Afrique el en Asie , principalement au Japon , pendant les
années 1770-1779 , servant de suite au voyage de D. Sparmann;
par Charles Pierre Thunberg , de l'ordre de Wasa , "professeur de
botanique à l'université d'Upsal , et membre de plusieurs sociétés
savantes . Traduit du Suédois , avec des notes du traducteur ;
in- 8° . de 550 pages ; broché , 7 liv . Chez Fuchs , libraire , quai
des Augustins , nº . 28.
Le
SECOND EXTRAIT.
E voyageur suédois quitte Batavia , et s'embarque pour le
Japon , le 20 juin 1773. Les deux vaisseaux de la compagnie
hollandaise qui faisaient ce trajet périlleux , après avoir passé
l'équatear le 3 juillet , apperçarent le 8 Puto Zapato , rocher
eu écueil assez connu dans ces mers . Le 10 , ils découvrirent
la terre ferme de la Chine ; le 12 , ils furent très - maltraites par
les tempêtes si funestes dans ces parages , que sur cinq vaisscaux
elles en font périr au moins un , suivant le relevé des
voyages qui ont été faits de Batavia au Japon ; le 29 , ils pas
serent devant l'isle Formose qui avait appartenu autrefois aux
Hollandais , mais dont les Tartares chinois se sont renda's
maîtres en 1662. Le 13 août au matin , on découvrit l'isle da
Meaxima située sur la côte du Japon. Dans l'après- dîner , les
vaisseaux se trouverent à la vue de la terre ferme du Japon
et à 3 heures on jetta l'ancre à l'entrée du port de Nangazacki
. Enfin , les voyageurs s'arrêterent dans la ville de la
petite isle de Dézima , sur laquelle est construit le comptoir
hollandais .
Depuis que la compagnie hollandaise fait le commerce exclus
sif du Japon , les équipages des vaisseaux qui y arrivent tous
les ans de Batavia , se trouvent assujettis à plusieurs formalités
humiliantes. Parmi les objets dont l'importation est défendue.
au Japon sous les peines les plus graves , les livres de religion
écrits en hollandais tiennent le premier rang . Le capitaine doit
dresser un rôle exact de son équipage , sur lequel l'âge et la
qualité de chaque individu sont inscrits . L'équipage était alors
composé de 144 personnes , y compris 34 esclaves . Avecce ,
rôle à la main , les officiers Banjoses ou Japonais passent sou-
Event en revue les voyagears , du moment qu'ils se sont rendus
Tome XIII.
( 34 )
t
à bord. On débarqua les animaux vivans apportés de Batavia ,
consistast en veaux , boeufs , cochons , chêvres , moutons et
chevreuils destinés à l'usage des personnes attachées au comptoir
hollandais , d'autant que les Japonais ne leur fournissent
que des végétaux . On ne connait au Japon ni péages , ni droits
de sortie ou d'eutrée ; néanmoins les visites y sont très - rigoufeuses
pour empêcher la contrebande .
La ville de Nangasaki est nne des cinq villes les plus florissantes
du Japon , à cause de son commerce et de ses liaisons
avec les étrangers. Elle appartient exclusivement à l'empereur
séculier. Nangasaki est ouvert de tous côtés , et n'a ni murs ,
ni remparts ; les rues en sont tortueuses , traversées par plu
sieurs eanaux qui reçoivent l'eau des montagnes voisines , et
qui la conduisent ensuite jusqu'à la mer . Au bout de chaque
rue se trouve une porte de bois que l'on ferme afin d'empê
cher toute communication ; chaque rue n'a pas au - delà de 30 à
40 toises de longueur elle est inspectée par un officier de
police . Peu de maisons ont un étage au- dessus du rez - dechaussée.
Les Portugais ont peuplé en partie cette ville , et y
font un commerce . L'isle de Dézima , où est le comptoir hollandais
, peut être considérée comme une des rues de la ville
de Nangasaki , dans laquelle on communique par un pont. La
compagnie y a établi ses magasins , ses boutiques , son hôpital
, son potager. Le séjour des Hollandais dans cette isle , où
ils sont continuellement surveillés et retenus par les Japonais ,
est véritablement un exil fort ennuyeux. Les marchandises
qu'on envoie au Japon consistent ordinairement en poivre ,
cassonade , bois de teinture , étain , plomb , fer en barres , indiennes
, draps , serges , étoffes de soie , girofles , écailles , safran ,
thériaque , suc de réglisse , lunettes , miroirs , montres , cornes
de Narval et quelques ducatons d'argent , et depuis 1685 , par
ordonnance de l'empereur du Japon , la valeur de ces marchandises
ne doit pas aller chaque année au- delà de 1,200,000 l .
Les Japonais les paient en especes monnoyées . La vente se
fait dans un encan public. C'est la corne de Narval qui se
vend le plus cher , à cause des vertus médicinales que les
Japonais lui attribuent. Le ninsi , ou ginseng , racine que les
Chinois apportent au Japon , est estimée aussi d'un grand prix ,
parce qu'on la croit très - favorable aux mysteres de l'amour.
Les marchandises qu'on remporte du Japon consistent princi
palement en riz , porcelaines , parasols , robes de soie , ouvrages
de lacque , cuivre , grands pets de terre , le soja qui est une
liqueur ou quintessence de différens ingrédiens aromatiques
propres à exciter l'appétit , en le mêlant en petite quantité avec
les sauces . Les objets défendus comme contrebande sont les
monnaies japonaises , les cartes géographiques , les livres imprimés
, toute espece d'armes , sur-tout les sabres si estimés et
si parfaits . Les Chinois sont mal reçus des Japonais dont ils
different par les moeurs , par le langage , par les habillemens .
( 35 )
Ils ne sont soufferts qu'à Nangasaki , et fort inspectés pendant
leur séjour. Lorsque leurs vaisseaux ont achevé leur cargaison ,
ils sont escortés par un grand nombre de barques japonaises
qui les suivent jusqu'à une certaine distance de la côte , pour
s'assurer de leur départ . Le renvoi des vaisseaux bollanda s
est également ordonné , et il n'est pas possible de différer un
iastant , quelque peu favorable que soit le tems pour la navigation
.
Cependant le voyageur suédois ayant le titre et faisant les
fonctions de chirurgien , avait eu pendant son séjour la permission
d'aller rechercher des plantes et des insectes dans quelques
petites isles et sur les montagnes voisines de Batavia , et
de s'en faire rapporter par ses éleves japonais à qui il enseignait
la chirurgie et la botanique . Il recueillit entr'autres
plantes le figuier nain qui produit de petits fruits bons à manger;
l'ipomea triloba , dont les racines sont employées au Japon
cómme purgatif ; le fagara piperita , arbuste dont les feuilles et
les baies sont aromatiques , et dont on se sert en guise de
poivre ; et deux especes d'orties ( nivea et japonica ) qui procurent
aux Japonais la matiere dont ils font leurs cordes. Les
Japonais eut coutume d'employer pour laver le linge de la
farine de fêve ; ainsi , lorsque le savon est rare , ou lorsqu'on
travaille sur des étoffes dont la couleur serait altérée par l'alcali
da savon , il serait possible d'y substituer les parties farineuses
du maronier et da gland.
Les chandeilis des Japonais sont faites avec l'huile exprimée
da rhus vernix , ou rhus succedanea de Linnée . Cette huile que
l'on the des graines par l'expression , acquiert une consistance
solide en la faisant bouillir. Ces chandelles , semblables à
celles de suif, coulent un peu , mais brûlent très - bien.
L'huile que les Japonais consomment dans leurs lampes est
tiree des graines de moutarde ei du dryunda cordata .
Quant aux moeurs des Japonais , elles sont fort libres ; les
filles publiques y sont permises , et trouvent ensuite des époux ,
sais que le déshonneur les accompagne. Les femmes mariées
se distinguent par le noir éclatant de leurs dents et par la teinture
de leurs levres avec le safranon .
les Japonais ne font point usage des cadrans pour mesurer
le tems ; une mêche allumée , torse en forme de cordes , pourvue
de noeuds à des distances régulieres , qui marquent les
heures , leur sert à cet usage . Le tems écoulé , ou l'intervalle
d'un noeud à l'autre est marqué par le son des cloches . Pendant
la nuit il y a des gardiens qui frappent deux morceaux de bois
l'un contre l'autre pour annoncer l'heure . Ou se sert aussi cn
guise d'horloge , d'une petite caisse remplie de cendres , longue
d'un pied sur six pouces de large. Dans ces cendres , les Japonais
font des impressions longitudinales ou des sillons avec des
sous- divisions régulieres . Ils remplissent ces silions d'une
poudre faite avec l'écorce de l'ilicium anisatum , qu'ils allument
CY
( 36 )
après avoir adapté le couvercle , dans lequel ils ne laissent qu'un
petit trou pour y introduire l'air nécessaire . La poudre de cette
écorce possede la propriété de ne brûler que très lentement et
d'une maniere assez uniforme ; c'est ce qui procure à ces gens
la facilité d'appercevoir , même dans l'obscurité , l'heure qu'ils
annoncent au public de la maniere dont on vient de le dire .
Parmi les fêtes des Japonais , il y en a une qui consiste à
fouter aux pieds le crucifix et l'image de la vierge . C'est aku
de découvrir ceux qui pourraient être gagnés ou attachés secrettement
au christianisme , et se préserver principalement du
zele des missionnaires Portugais .
Thunberg accompagne l'ambassadeur hollandais dans son
voyage pour Jeddo à la cour de l'empereur. Les voyageurs
distingués sont portés le long de la route a terre dans des norimons
ou chaises . Quand on approche d'une ville , les hôtes
viennent au - devant de la caravane avec des présens pour les
chefs . On traversa la province de Fisen , renommée à cause de
la porcelaine qu'on y fabrique , et qui passe pour la plus belle
du Japon . Le terre argilleuse qui fait la matiere premiere de
cette porcelaine , se trouve dans la même province . Dans tout
l'empire du Japon les grandes routes se trouvent dans un état
admirable ; et lorsqu'os approche des frontieres d'une province
, le gouverneur dépêche un officier pour présenter des
rafraîchissemens et des secours aux voyageurs .
Miako est une des villes capitales du Japon , elle est la plus
commerçante et la plus ancienne de l'empire . C'est la résidence
du Daïri ou de l'empereur ecclésiatique du Japon. Sa personne
est invisible , et s'il veut sortir de son palais , le peuple en est
averti , afin qu'il ne se présente aucun homme à sa rencontre.
Ce souverain est subordonné à l'empereur séculier qui a graud
soin de le retenir dans les bornes de son ministere . La ville renferme
une grande quantité de fabriques et de manufactures . On y
affine tout le cuivre du pays : toutes les monnaies du Japon
sont frappées à Miako .
Avant de se rendre à Jeddo , l'ambassadeur et sa suite fureut
arrêtés au pied de la montagne de Sakona , qui est un passage
fort étroit où l'on visite les voyageurs , afin de ne laisser
entrer , ni sortir aucune espece d'armes .
Jeddo , capitale de l'empire , est très -grande et très - peuplée ;
son port est tellement ensable , que les bâtimens sont souvent
obligés de rester à l'ancre à cinq lieues de là . L'ambassadeur
et sa suite furent logés dans une maison obscure , mais commode
, qui leur avait été préparée , et distribuée par des cloisons
, especes de paravans mobiles . L'empereur est retiré
dans une vaste enceinte hors de la ville ; son palais est entouré
de fossés , de murs et de remparts qui en rendent l'accès
difficile. Lorsque l'ambassadeur fut reçu à son audience , il
vit le souverain élevé sur une triple estrade , et à trente pas de
la place où il se présenta ; il se mit à genoux auivant la cou .
1
( 37 )
tume , plaça ses deux mains sur les nattes du plancher , et
inclina la tête vers la terre. Ce fut toute la cérémonie . Les
appartemens da palais sont absolument sans meubles ; ils sont
boisés , et assez richement dorés . Les planchers sont couverts
de nattes blanches . Les voyageurs eurent la permission à leur
retour de visiter dans plusieurs grandes villes les temples où
des figures bisarres et très colossales représentent leurs divinités
; ils assisterent à un spectacle où les acteurs représen
taient avec assez de naturel une intrigue amoureuse et une
action héroïque , suivies d'un ballet en contre danses exécutées
par des enfans des deux sexes .
Le moxa est une espece d'amadou que les Japonais retirent
de la partie duveteuse qui couvre les feuilles de l'armoise . On
en forme des flocons doux et soyeux , et les chirurgiens s'en
servent pour former des plaies sur la peau en y mettant le
feu ; espece de cautere qui réussit à dégager les parties du
corps affectées par des humeurs stagnantes.
L'empire du Japon qui comprend trois grandes isles et un
très -grand nombre de petites , est situé à l'est de l'Asie .
Il ne présente dans sa vaste étendue qu'une suite de montagnes
et de vallées , mais peu de plaines . La mer qui l'environne
est presque toujours orageuse ; la plupart de ses ports
sent inconnus aux Européens . Le sol de ceue contrée est en
général sableux et argilleux , mais fécondé par l'industrie active
des habitans .
Les Japonais sont bien faits , souples , adroits , simples dans
leurs moeurs , francs et hospitaliers ; ils ont le teint bazané et
jaunâtre , la tête grosse et les cheveux noirs et huilés . Cependant
les Japonaises , qui peuvent prendre soin de leur personne , sont
très -blanches . Tous les arts mécaniques et utiles sont cultivés
avec succès au Japon . L'habillement japonais peut être, considéré
comme national ; il sert à distinguer cette nation de toutes
les autres ; il est encore porté par tous indistinctement. C'est
la même coupe d'habit et presque la même étoffe . Il consiste
en une espece de robe longue et très - large , échancrée par le
haut , avec une ceinture. Il arrive souvent que les femmes
mettent 40 à 50 robes l'une sur l'autre . Leur nourriture ese
saine , sans être recherchée . Jaloux de leur indépendance , les
Japonais se sont mis à l'abri de toute usurpation étrangere par
des lois sages et une circenspection sans exemple . Ce peuples
n'a jamais été subjugué par aucune autre nation , et a toujours
su se défendre contre tous ceux qui l'ont attaqué .
ANNON CI S.
Almanach de la révolution française , pour l'an 3e . de la Répu
blique une et indivisible ; contenant les causes et les principaux
C. 3
( 38 )
détails de ce grand événement. Par le citoyen Richer , auteur de
plusieurs ouvrages de littérature ,
Tanta molis erat Gallorum condere gentem.
avec figure .
EN . lib. I.
A Paris , chez Rochette , imprimeur , rue Châlier , ci - devant
Sorbonne , nº . 382 .
L'auteur , rue Jacques , nº . 285 .
Leprieur , libraire , rue Savoie , nº . 12 .
Basset , rue Jacques , au coin de celle des Mathurins .
Get almanach offre le sommaire rapide et chronologique des
causes et des principaux détails du plus grand événement dont
les annales du monde fassent mention . On y voit l'Assemblée
constituante lutter avec force et courage contre l'impérienx
tyran , l'audacieux clergé et l'orgueilleuse noblesse ; on y voit
qu'elle les abat tous , en ouvrant au peuple le chemin à la liberté ;
y voit on l'Assemblée legislative lui succéder et marcher sur
ses traces ; arrive ensuite l'Assemblée conventionnelle
qui d'une main sûre et hardie prend la massue terrible du
peuple , renverse le trône , écrase la tyrannie , érige la France en
République , et avertit tous les peuples de la terre que l'Eternel
les a créés pour être libres , non pour être les esclaves de vils
tyrans.
Manuel des gouteux et des rhumatisans , ou l'art de se traiter
soi-même de la goutte et du rhumatisme , avec la maniere de
s'en servir , de s'en guérir , et d'en éviter la récidive ; par le
citoyen Gachet , médecin . A Paris , chez l'auteur , rue Beauregard
, no. 190, Prix , 2 volumes brochés , 6liv . , et 7 liv . 10 sous
franc de port .
GRAVURE.
Tombeau de Jean - Paul Marat , représentant du penple à la
Convention nationale , assassiné à Paris le 13 juillet 1793 par
la fille Corday ; dessiné par Pillement d'après le monument
élevé , cour des ci - devant Cordeliers , et gravé par Née . A Paris ,
chez Née , graveur , ue des Francs - Citoyens près la place
Michel , nº. 127
MUSIQUE.
Bataille de Jemmappe ou la prise de Mons par les Français ,
composé par le citoyen Pierre - Antoine César. Pour clavecin
ou piano forte . Prix , 4 liv . 4 sous . Se trouve chez le citoyen
Durien , professeur et marchand de musique , rue de Thionville
, nº . 42 , vis - à- vis Steinacher , apothicaire.
T
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 8 Novembre 1794.
Des lettres de Pétersbourg du 7 octobre , annoncent qu'il y
y est arrivé , le 1er. de ce mois , un courier expédié par le
général Repnin , apportant la nouvelle que le général Suwarow
a battu complettement , dans les environs de Brzesc , un corps
de 16,000 Polonais auxquels il a pris 2,000 hommes et 20
pieces de canon . Les détails de eette affaire , que l'on donne
pour décisive , sont attendus avec impatience .
Les forces maritimes ne feront probablement pas autant que
celles de terre ; car on vient d'apprendre que l'amiral Powalischin
a ramené l'escadre russe d'Archangel dans la rade d'Helsinger
, pour la conduire delà à Cronstadt . Ce n'est pas sans
surprise qu'on a vu ainsi l'escadre rentrer ; on croyait que
l'impératrice se proposait de la faire rester dans la mer du Nord,
et hiverner dans quelque port d'Angleterre : on est même sûr
qu'elle avait fait demander au cabinet de Londres son agrément
par un courier expédié il y a trois semaines . Peut- être le mauvais
état de la flotte n'a-t-il pas permis à l'amiral d'attendre
des ordres ultérieurs . Il en résultera que bientôt toutes les forces
maritimes de la Russie , après avoir pris ( comme en d'autres
années ) acte de leur présence sur les mers , se trouveront au
bout de cette montre inutile à leur point de départ , c'est -à-
-dire en hivernage dans les ports de Revel et de Cronstadt.
Le roi de Prusse vient de faire suspendre les préparatifs
pour mettre Dantzick en état de défense ; ils avaient été trèssérieux
, et annonçaient qu'on se défiait de la ville même ,
contre laquelle en eut soin de hiaquer du canon en même
tems qu'on en garnissait les remparts on paraît. paraît ne plus regarder
ces préparatifs comme si pressans , depuis qu'on est
informé de la défaite et de la prise de Kosciuszko . Les Russes
ont intercepté le courier envoyé par le conseil national , après
ce fâcheux événement , à Madalinski , pour lui porter l'ordre
de se replier en abandonnant la Prusse méridionale et occidentale
; mais cet officier , blanchi dans le service , a été instruit
d'ailleurs du changement des circonstances , et déja il vole au
secours de Varsovie . En outre , le général Poniatowski , laissé
en arriere avec le gros de l'armée , ne fut pas plutôt instruit
du danger que courait la capitale après la défaite du généralis
sime ,
, que couvrant le côté le plus faible de Varsovie , c'est - àdire
le fauxbourg de Prague , il a pris une excellente position
C 4
( 40 )
avec les 1516,000 hommes qui lui restent , et qui seront
vigoureusement soutenus par les habitans , déterminés , dit- on ,
à se défendre. La réduction de la capitale et de la Pologne ne.
sera point un jeu , une affaire de quelques semaines , comme
affectaient de le dire quelques flattenrs des puissances copar
tageantes ; il suffit en effet , pour démentir cette assertion de
considérer qu'indépendamment de cette armée principale , les
généraux Madalinski , Dombrowski et d'autres commandent des
corps separés , et que d'ailleurs toute la Pologne est couverte
d'habitans armés qui combattront avec enthousiasme pour la
cause de la liberté .
Dombrowski et Madalinski dans leur marche le long de
la Vistule ont combiné leurs mouvemens de maniere à pouvoir
se porter des secours réciproques , en cas de besoin . Quoiqu'ils
aient laissé des détachemens assez considérables à Schweis et
à Forsdam , il leur reste à chacun un corps assez considérable ,,
puisque celui de Dombrowski est évalué à 8,000 hommes.
"
Des avis du district de Gnesne , en date du 20 octobre ,
parlent de l'attaque prochaine de la ville de Thorn par les Polonais
. Deja ils ont rassemblé beaucoup de sacs à terre de
fascines et d'échelles ; tout se prépare pour un assaut. On
mande aussi de Lissa , qu'ils ont commencé à exiger de fortes
livraisons de fourages , et que la Silésie continue d'être menacée
de ce côté d'une invasion . Les insurgens ont eu grand soin
de faire conduire à Varsovie , comme ôtages , un grand nombre
de prisonniers civils et militaires , ramassés dans les différentes
possessions prussiennes . Il y a dans le nombre des têtes marquantes
, de sorte qu'ils ont matiere à échange .
Tout annonce à la France qu'elle ne tardera pas à reprendre
dans toute son étendue son utile commerce avec le Levant : elle
a deja repris auprès de la Porte Ottomane l'influence politique
dont elle jouissait avant la funeste alliance avec les maisons
d'Autriche que les Bourbens lui avaient fait contracter.
Des lettres de Constantinople , du 1er . octobre , disent :
Les Français continuent à être ici considérés . Les témoignages
d'attachement à leur égard se multiplient . Les menées , les
intrigues que leurs ennemis étaient parvenus à ourdir à force
d'or , sont déjouées chaque joxr . La confiance des Ottomans
s'accroit en raison des triomphes de la République . On ne
peut leur reprocher , dans leur maniere d'agir , que quelque
nonchalance , qui , de tout tems , semble être devenue pour
eux une habitude . Il n'y a plus parmi les Français qu'un
seul parti , celui du bien public , celui de l'intérêt de la
France .
Il y a quelque tems que ceux - ci célébrerent ici les victoires
de la République . A cet effet , il y eut un concert donné à la
maison nationale , auquel tons assisterent . Il fut annoncé par
21 coups de canons , tirés du seul vaisseau français qui se
trouvait alors dans la rade . On avait rassemblé , dans un cadre
assez aerré , le récit des principaux faits d'armes des soldats
( 41 )
9 de la République . Au premier coup de canon tous
les Français se levant spontanément entonnerent l'hymne de
la Liberté , et le concert s'ouvrit . Il fut terminé par la ronde
républicaine autour de l'arbre de la liberté . C'était sans doute
un spectacle de quelqu'intérêt , que celui de 200 Français , à,
700 lieues de leur patrie , s'unissant par la pensée à la joie de
leurs compatriotes , et à leur reconnaissance envers leurs défenseurs
. Une scene assez plaisante fit naître le rire au milieu
de l'enthousiasme . Le palais de Hollande et les maisons de
quelques- uns des ennemis de la France , dominent la cour du
palais national , où se trouve planté l'arbre de la liberté . Plusieurs
agens de la coalition , quelques femmes aristocrates ," se
montrerent pour tonsidérer la fête . Le dépit était sur toutes
ces figures . Par fois l'humeur les éloignait des fenêtres , mais
la curiosité plus forte les y ramenait toujours . Enfin les Frauçais
entonnerent le couplet suivant :
Monsieur Cobourg avait promis
De marcher tout droit à Paris ;
Quel diable de chemin ,
Il s'en va par Louvain .
Dansons la carmagnole , etc.
:
On n'y put décidément plus tenir les spectateurs s'enfuirent
avec précipitation ; et , pour cette fois , les fenêtres furent
fermées .
A Smyrne , une fête analogue a été célébrée : un vaisseau
du grand- seigneur qui se trouvait en rade , a tiré 11 coups de
canons ; les frégates nouvellement rentrées , et les bâtimens
neutres , l'ont appuyée de leur artilleric. Il regne peut - être
moins d'union entre les Français qui sont à Smyrne que parmi
ceux qui sont à Constantinople ; mais avec de la prudence et
de la fermeté , il sera facile de déjouer les projets des agitateurs
. On mande de ce comptoir , en date du 19 septembre ,
que le commandant de la division française y était de retour
de Constantinople ; il est accompagné d'ua commissaire de la
Convention nationale. On ignore encore le sujet de leur
mission.
L'ambassadeur anglais a présenté à la Porte un long mémoire
, pour se plaindre de ce qu'elle s'eloigne des principes
de la neutralité il dit qu'en a vu à Smyrne des bâtimens
s'armer pour aller en course contre les Anglais , sans le
moindre obstacle de la part du gouvernement ; que les vaisseaux
français ont fait des prises à la vue des forteresses
turcques ; qu'ils ont visité , pillé les neutres , et même les
sujets de la sublime Porte , et ont produit des certificats
pour prouver que les captures et visités ont eu lieu hors des
bornes fixées par leur neutralité ; mais
que les de
corruption qui ont produit ces certificats ne sont iguorés de
moyens
( 42 )
personne. Il ajonte que ce qui est permis à l'une des parties
paraîtrait devoir l'être à l'autre qu'un officier de la marine anglaise
a attaqué et pris une frégate ennemie , dans le pays de
la domination ottomane , qu'il était prealablement assuré qu'il
ne s'y trouvait ni fort , ni pavillon ture , afin d'éviter tout
ce qui pourrait s'appeler une insulte faite à la jurisdiction de
la Porte , et s'est résolu ensuite à compenser les habitans
des côtés , des dommages qu'il pourrait leur avoir causés .
Mais que les Français , comme s'ils avaient acquis des titres
et des priviléges exclusifs de la part du gouvernement turc ,
parlent de se venger de ceux qui ont suivi leur exemple ; qu'ils
menacent les habitans de Smyrne , se pourvoient d'armes
tiennent des assemblées pour se concerter . L'ambassadeur
termine en disant que la Porte doit faire cesser la partialité
ou la trop grande facilité de ses officiers et commandans ,
maintenir le bon ordre dans ses états , à l'aide d'une force
armée respectable , et qu'alors nul excès , nulle irrégularité ne
sera plus commise par les officiers britanniques .
De Francfort- sur - le - Mein , le 12 novembre .
L'empereur et le roi de Prusse sont bien fatigués de la
guerre tontes les nouvelles que nous recevons de Vienne et
de Berlin l'annoncent . Mais elles ajoutent ce que l'on savait
déja , que ces deux puissances n'en sentent pas moins la néecssité
de continuer les préparatifs de guerre , soit pour obtenir
des conditions de paix moins désavantageuses , soit pour
être en état de se défendre le moins mal qu'il sera possible
contre les armées victorieuses de la République Française , en
cas qu'elle ne veule pas entendre aux propositions d'accommodement
qui lui ont été faites , ou qu'on va lui faire . Quelques
politiques prétendent que si la France ne veut consentir
à la paix qu'en gardant ses conquêtes jusqu'au Rhin et les
Pays-Bas , les deux chefs de la coalition pourraient bien sacrifier
, et ce qu'ils ont dans ce pays , et ce que possedent les
électeurs et autres princes allemands , dans l'espérance de s'en
dedommager sur la Pologne qu'ils acheveraient de démembrer ,
on de partager tout- à - fait avec l'impératrice de Russie , à moins
que la Porte Ottomane ne vint , comme elle devrait le faire
pour ses propres intérêts , au secours des généreux polonais .
Quoi qu'il en soit , on apprend la marche prochaine de
15,000 Prussiens vers Wesel . Ce corps , tiré des possessions
de Frédéric Guillaume dans la Westphalie , est destiné à convrir
la portion de ses états voisine des Provinces - Unies . Oa
attend aussi sur les frontieres de la Hollande et de la Gueldre
près de 25,000 Autrichiens , tant cavalerie qu'infanterie . Le
général Clerfayt s'est même rendu à Arnheim pour s'abou
cher avec le statdhonder et le duc d'Yorck qui s'y trouvaient ,
ainsi que l'électeur de Cologne. Il a été question dans cette .
( 43 )
conférence d'aviser à défendre le Bas -Rhin , et par conséquent
les Provinces - Unies . Les bruits de paix continuent pourtant
à se soutenir ; c'est le voeu général de l'Allemagne . Quelques
feuilles prétendent qu'on va employer la médiation de la Suede
´et du Danemarck ; elles vont même jusqu'à dire que le coadjuteur
de Mayence doit aller incessamment à Paris travailler
a convenir d'une armistice et de quelques préliminaires de
paix .
Le 3 de ce mois , on a reçu la nouvelle que la veille les Français
s'étaient emparés de Saint- Goard et de la forteresse de
Rheinfelds avant que le landgrave de Hesse pût arriver au
secours de ces places . La majeure partie de ses troupes ira
renforcer l'aile gauche des Autrichiens , pour garnir la rive du
Rhin jusqu'à Mayence .
Des lettres de cette ville , du 9 , rendent compte des différens
mouvemeus des Français . Le 1er , ils s'emparerent des
auteurs de Hechtsheim ; le 2 , tls freut une reconnaissance
plus étendue que de contume , et conduisirent des canons
attelés de 18 et 20 chevaux sur cette montagne , dont ils ont
abattu les buissons ; vers le soir , un gros de leur cavalerie
attaqua les avant-postes allemands entre Zah.bach et Ste .- Croix ;
le 3 , on apperçut de grand matin des tirailleurs français à
deux endroits , au pied des hauteurs , et vers le soir on distingua
les préparatifs pour asseoit deux batteries ; le 4 , une
grande partie des troupes qui s'étaient avancées de Hechtsheim
sur la chaussée entra dans le bois de Gonsenheim . La petite
ville de ce nom fut mise le lendemain à contribution ; le 7 ,
ils escarmoucherent près de Bretzenheim , sans succès ou
même avec désavantage . Enfin , ajoutent les mêmes lettres ,
hier à 10 heures du matin , ils attaquerent et emporterent ,
après une terrible canonnade , la grande redoute de Zahlbach ,
defendue par 16 canons et 6 obusiers ; mais ils la reperdirent
quelques instans après , à la suite d'un nouveau combat des
plus sangians , sans pouvoir emmener ni enclouer les cauons .
Le succès de cette derniere affaire est dû à une division de
Michailowitz , qui vint renforcer les troupes allemandes . Les
Français avaient 15 bataillons et 15 pieces de canon . Suivant
le rapport de deux de leurs déserteurs arrivés le 7 , ils se
proposaient d'attaquer incessamment Mayence de trois côtés ,
avec trois colonnes , tandis que deux autres essayeraient de
passer le Rhin . On compté 80,000 hommes au moins , dont
plus de 10,000 de cavalerie dans l'armée française , qui s'étend
depuis Manheim et Coblentz vers Mayence , dont le gouverneur
, nommé Huff , a été frappé d'apoplexie dans la nuit
du 8 au 9.
Suivant les dernieres nouvelles de Vienne , l'empereur a demandé
de nouvelles troupes que l'Autriche , la Moravie et la
Bohêne doivent fournir. Il a aussi chargé d'une mission se-
=
( 44 )
erette le baron de Thugut , ministre des affaires étrangeres
et le comte de Cobentzel , qui sont déja partis .
Le landgrave de Hesse est si mécontent de la conduite du
général Resius , qui commandait à Rheinfelds quand cette place
s'est rendue aux Français , qu'il l'a fait conduire a la forteresse
de Hanau , pour y être jugé par un conseil de guerre ,
quoique cet officier ait obtenu une capitulation très - avantageuse
, puisqu'elle porte qu'il ne sera imposé aucune espece
de contribution ; que les propriétés , les opinions et le culte
seront respectés , et qu'on ne levera point de milice .
On mande de Carlsruhe qu'on vient d'y faire , le 5 et le
6 de ce mois , l'heureux essai d'un télégraphe de l'invention
du conseiller Bockmann . Le bruit court aussi dans cette
ville que le corps de Condé sera porté à 15,000 hommes et
passera à la solde de l'empereur.
-
PROVINCES -UNIES . De la Heye , le 6 novembre.
Les nouvelles reçues des frontieres annoncent que c'est surtout
vers la Hollande que les Français veulent aujourd hai
diriger leurs efforts . On ajoute que sur les bords du Rhin ,
depuis Manheim jusqu'à Wesel , ils se tiendront seulement sur
la défensive .
Les états généraux parlent de faire de grands efforts . Ils
attendent de grands secours . Hait mille Autrichiens étaient
déja arrivés , le 30 , aux environs de Duisbourg , et devaient
être suivis d'autres troupes impériales . Ce corps d'armée doit
s'établir entre Wesel et le fort de Scheck . Gelui des Prussiens
doit s'être mis en marche dès le 8 du mois dernier .
L'armée anglaise s'est divisée en plusieurs détachemens ,
derriere Nimegue , Tiek , Gorcum et Heusden , pour défendre
tous ces points . Le parti qui veut comprimer les patriotes
semble , dit- on , résolu à incuder la Hollande ; mais il parait
lui - même douter que cette mesure puisse s'exécuter . Plus de
soixante mille ames se trouveraient ainsi réduites à la misere ,
et obligées d'aller mendier dans les villes , où d'ailleurs une
nombreuse population serait exposée à manquer d'eau . On
ait qu'un des effets de l'inondation serait d'ailleurs d'infecter
d'eau de mer les fontaines et les puits , et l'on ne pourrait
avoir pour boisson que l'eau qu'on aurait eu la precaution
d'enfermer dans des tonneaux ; enfin , il s'ensuivrait la roine
des campagnes et des habitations dans les villages . Jamais le
peuple ne pourra consentir qu'on ait recours à ce moyen . It
faudra recourir à la force armée pour le tenter ; et voudra- t- elle ,
pourra- t - elle mème assurer son exécution ?
Suivant des lettres d'Utrecht , les inondations sont déja effec(
45 )
tuées en partie ; elles ont lieu depuis Rhernen jusqu'au Zuiderzée
; la terre est couverte de trois pieds d'eau . Les écluses
de Grep ont aussi été ouvertes ; et l'on envoie par la Frise des
troupes à la défense de l'Yssel . L'amiral Van Braam est désigné
pour commander les frégates chargées de défendre le
Zuiderzée . Les Français font des dispositions pour cerner
Breda , et l'on craint aussi pour Berg-op-Zoom , dont la garnison
n'est pas assez forte .
Le statdhouder a fait arrêter Van Staphorst et Fistrel , chefs .
du parti populaire . On a également arrêté beaucoup d'autres
personnes de marque à la requisition de l'ambassadeur d'Angieterte
.
ITALIE.
Des lettres de Naples de 23 octobre , rendent aussi compte
d'un événement qui avait été défiguré dans plusieurs journaux ,
mais dont voici le récit exact :
Il vient d'arriver ici un événement qui a eu les suites les plus
lamentables . Le 19 , on proceda , sur la place du château , à
l'exécution de trois individus condamnés à mort comme criminels
d'état. Une foule immense était rassemblée : après l'éxécution
, et lorsque le peuple commençait à se retirer , on entendit
un coup de feu parti du milieu de la place , aux environs de
l'échafaud. Il fut lâché par un sbire ; mais l'on ne sait pas $1
c'est par accident ou par suite d'une altercation entre lui et
quelqu'un des spectateurs. Ceux qui étaient les plus voisins du
coup se mirent aussitôt à fuir ; ceux qui étaient déja en train
de s'en aller , les voyant agir ainsi , les imiterent . Il y avait de
l'infanterie sous les armes , placée à l'ouverture de la rue , sur
la place . Les soldats ayant entendu le coup et voyant le peuple
se précipiter vers enx avec une apparence de violence , crurent
que c'était un signal de tumulte , ci qu'on se portait sur eux pour
les désarmer. Dans cette idée , et soit pour contenir le peuple ,
soit pour se défendre , ils se mirent à faire feu . Les commandans
accourureut bientôt , firent cesser le feu , et empêcherent qu'on
ne tirât les canons . Ils se donnerent de grands soins pour
vider la place avec le moins de désordre possible : mais déja au
milieu des ondulations de la presse , un grand nombre de
personnes étaient tombées , d'autres avaient été très - maltraitées
, plusieurs déchirées . On porte à quinze le nombre de
celles qui sont mortes sur- le - champ . Mais plus de deux cents
ont été transportées dans divers hôpitaux , avec des blessures ou
des fractures dangereuses . Le roia donné des ordres pour secourir
les blessés , et punir les coupables s'il en existe . Les commandans
de la troupe et les sbires ont été arrêtés : on procéde
aux plus rigoureuses recherches .
faire
( 46 )
la
Gênes , le 31 octobre . Le 19 , le ministre plénipotentiaire
français Villars s'est porté au palais pour complimenter le doge.
Il fut introduit avec toutes les formalités et distinctions ordinaires
, et reçut des marques de la plus grande considération de
part du doge et de celle des deux gouverneurs résidens dans
le palais et assistant le doge . Il s'exprima en ces termes : Je
viens au nom de la République Française resserrer encore plus
les ens qui l'unissent à la république de Gênes . La neutralité
que le gouvernement Gênois a conservée est une nouvelle
preuve de l'esprit de justice qui le dirige . Les Français ont eié
souvent calomniés et représentés comme des hommes qui renversent
toute espece d'ordre politique et social , et ressemblant
plutôt à une horde de cannibales qu'à un peuple civilisé . Les
hommes justes et sages ont rejetté ces insinuations perfides.
Les Français n'ignorent pas que leurs intentions ont été calomnices
, lorsqu'on les a vus passer sur le territoire de Gênes ; mais
je déclare, au nom de ces mêmes Français , dont je suis l'envoye,
que cette apparente invasion n'a eu d'autre objet que de maintenir
le bon voisinage avec la sérénissime république . Je renou.
velle le voeu solemnel que fait aujourd'hui la France , de maintenir
avec la sérénissime république de Gênes , cette communauté
d'intérêts , cette douce fraternité qui unit les deux
peuples ; et je proteste à votre sérénité que dans mes travaux
politiques avec le gouvernement Génois , j'aurai toujours pour
guide la loyauté , compagne inséparable de la vertu . ","
Le doge a répondu à ce discours . Le ministre Français
reçu depuis , selon l'usage , dans sa maison , la visite des
patriciens.
ANGLETEK E. De Londres , le 28 Octobre.
Les minitres continuent de s'assembler fréquemment : hier ,
il s'est tenu un conseil à l'office du sécrétaire d'état , auquel ils
ont tous assisté , et dont le résultat a été immédiatement envoyé
au roi à Windsor.
Lord Spencer est attendu ici de Vienne chaque jour .
Il est arrivé des dépêches de Vienne et de Berlin .
Le greffier des états de Hollande , Fagel , est à Londres .
L'opinion qu'il vient proposer à l'Angleterre de traiter de la
paix , a fait hausser hier les fonds d'un et demi pour cent .
Le Morning-Cronicle prétend qu'il est chargé de déclarer aux
ministres que , s'ils ne veulent concourir à cette négociation ,
les états -généraux traiteront de la paix séparément.
Le duc Portland et lord Fitz-William ont demandé à Pitt
une explication , pratique sur les conditions auxquelles ils
sont entrés dans le ministere . Ils insistent sur ce qu'on donne
( 47 )
au lord Fitz-William toute l'étendue de pouvoir qu'un : ā
promise , ce qui l'a fait consentir à accepter la lieutenance
d'Irlande . Ils ont menacé de donner leur démission , si les
choses ne sont arrangées aiusi qu'ils le desirent , dans le cours
de la semaine .
On annonce que l'ouverture du parlement est de nouveau
differée , et qu'elle n'aura vraisemblablement pas lieu avant
Noël.
Depuis deux ans , les ministres ont acheté des grains le plus
qu'il leur a été possible , pour en priver les Français . Les grains
ont été déposés dans des magasins où ils se sont entierement
gâtés. C'est une nouvelle perte à ajouter à celles que les Anglais
ont déja éprouvées , et qu'on peut évaluer à 150,000 liv .
sterling.
Le prince Ernest est parti pour aller rejoindre l'armée, de
son frere le duc d'Yorck.
Les primes accordées aux matelots qui s'engageront volon
tairement sur la flotte Royale ont été prolongées jusqu'au
1er. décembre; il parait que l'on craint d'avoir recours au moyen
violent de la presse .
sui-
Il faut pourtant des forces de mer , et beaucoup ; car ,
vant des lettres reçues au café de Lloyds , les Français ont pris
dans celle du Nord plus de cent bâtimens anglais .
Le gouvernement , pour consoler le peuple , fait courir le
bruit que
l'Isle -de - France est bloquée par quatre vaisseaux de
guerre , et qu'elle ne tardera pas à se rendre , parce qu'il
regne la plus grande mésintelligence entre les habitans .
Malgré l'avancement de la saison , la flotte de l'amiral Howe
a remis à la voile le 24 ; mais des avis de Torbay annoncent
que sa croisiere ne sera pas de longue durée. Cependant la
contre- amiral Rich continuera de tenir la mer avec cinq vaisseaux
de 74 canons .
( 48 )
REPUBLIQUE FRANÇAIS E
CONVENTION NATIONALE,
PRESIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris . )
Séance du duodi , 2 Frimaire.
Les sections de Paris continuent de se rendre à la Convention
pour la féliciter sur la suppression des jacobins .
La section de Guillaume Tell s'exprime ainsi : . Vous avez
rempli les voeux du peuple en fermant la société des jacobins ;
elle se disait populaire , et le peuple n'y était pas admis '; elle
se disait amic de la liberté , et elle la combattait ; elle se disait
amie de l'égalité , et elle s'attribuait les places et les priviléges ;
elle se disait amie de la Convention et de la République , et
elle protégeait les factieux ennemis de la Convention ; elle
excitait la guerre civile , elle applaudissait aux horreurs commises
sur les bords de la Loire , elle déclarait qu'elle ferait
un rempart impénétrable à l'auteur des crimes qui en ont rougi
les flots . "
Mention honorable et insertion au bulletin.
La section des Gardes - Françaises lui succede et exprime les
mêmes sentimens . Elle jure guerre à mort à tous les lions ,
tous les tigres , à tous les cannibales .
Celle des Amis de la Patrie vient désavouer l'adresse présentée
én son nom le 21 brumaire dernier , en faveur des jacobins
, par une poignée de factieux . Elle en a ordonné la radiation
de ses registres .
La section des Droits de l'Homme s'exprime ainsi : « Vous
avez bien mérité de la patrie en détruisant cette aggregation
monstrueuse qui voulait dominer la Convention nationale , et
faire un rempart à des hommes couverts du sang de l'innocence
. Nous demandons que leurs têtes , chargées de crimes ,
tombent sous le glaive de la loi . ,,
La section de Brutus se présente : Vous avez renversé le
tyran , dit l'orateur , mais ses complices existent encore ; la
faction des hommes de sang u'a pu voir avec indifférence le
triomphe de la justice ; elle s'est coalisée avec tous les crimes ;
la France entiere réclame leur châtiment. On a osé dire aux
jacobins que les partis étaient en présence , que l'on était sur
la brêche , que le lion sommeillait. Quels sont donc ces partis ?
Le peuple n'en connaît qu'an , celui de la République une et
indivisible , et de la représentation nationale ; tout autre parti
est
( 49 )
est un parti de révoltés . Enchaînez le lion , et que la liberté
ne soit plus couverte d'un crêpe funebre . "
La Convention ordonne la mention honorable de toutes ces
adresses et l'insertion au bulletin .
Elle reprend la discussion sur Carrier . Nos lecteurs attendent
sans doute de nous que nous leur donnions au moins un apperçu
de cette grande affaire , qui les mette à même de fixer leur
jugement sur cet accusé . Un secrétaire lit le rapport de la
commission des vingt- un , article par article , et Carrier répond
successivement à chacun d'eux .
Accusé par Giraud , directeur des postes à Nantes , d'avoir
proféré des imprécations contre les habitans de eette ville , et
sur-tout les négocians et les riches . Il nie avoir tenu ces propos,
et ajoute que Giraud est un royaliste er un fédéraliste .
Un de ses hommes de confiance lui reproche d'avoir dit
qu'il voudrait voir Nantes en contre - révolution , pour la traiter
comme Lyon. Il convient qu'il a pu dire que si Nantes était
en contre-révolution i la traiterait comme Lyon ; mais il n'en
a point exprimé le desir .
Thérouart l'accuse d'avoir dit Comment ce f.... comité
révolutionnaire travaille - t - il donc , il devait tomber 500 têtes
et je n'en vois pas encore une !
Carrier nie le fait , et ajoute que la déposition du témoin est
une vengeance , parce qu'il a fait traduire un de ses parens au
tribunal révolutionnaire .
Carrier avait mis dans le Morbihan , à la tête d'une armée
révolutionnaire , le nommé Bateux , homme féroce , qui avait
fait fusiller sans forme de procès , dans une commune , huit
habitans , sous prétexte d'un rassemblement. Le représentant
du peuple Thérouart , instruit de sa conduite , le fit arrêter ;
mais Carrier lui rendit aussi - tôt sa liberté , et défendit aux
autorités constituées de reconnaître Thérouart .
Il répond qu'il n'a point mis Bateux à la tête d'une armée
révolutionnaire , mais d'un bataillon de la colonne de Mayence ,
pour défendre Rhédon contre les brigands , et les empêcher
de pénétrer dans le Morbihan : il ne devait agir que contre
ceux qu'il trouverait les armes à la main. S'il a abusé de ses
pouvoirs , c'est à lui à en répondre et à se justifier. Il le croyait
excellent patriote , et l'on ne saurait lui faire un crime de
lui avoir accordé sa confiance . En ce qui concerne Thérouart ,
il convient qu'il ne le connaissait pas et qu'il ne l'avait ja
mais vu à la Convention nationale ; mais les plaintes graves
que plusieurs bons citoyens avaient portées contre lui , le
déterminerent à cette mesure . Il convient encore que l'arrêté
par lequel il défendit de le reconnaî re pour représentant
du peuple est mauvais , qu'il´´a eu grand tort de le
prendre ; et si la Convention pense qu'il mérite quelque
peine pour l'avoir fait , il s'y soumet.
Une lettre écrite de Tours le 28 fructidor , aux comités
Tome XIII. D
甫( 50 )
de sûreté générale et de salut public , prouve que Carrier
a confirmé la nomination des hommes immoraux que le
comité révolutionnaire avait choisis pour la recherche des gens
suspects .
Il répond que si ce comité l'a trompé en lui présentant des
hommes sans moeurs , il a cela de commun avec beaucoup
de ces collegues , qui l'ont été également dans quelquesuns
de leur choix , et que l'immoralité de ses agens ne doit
pas retomber sur lui.
Il résulte de la déposition de deux témoins et de la déclaration
de quelques accusés , que pendant le séjour de
Carrier à Nantes , le comité révolutionnaire a fait noyer
So prêtres réfractaires qui n'étaient condamnés qu'à la déportation
.
Carrier réplique en ces termes : J'ignore et j'ai toujours
ignoré si le comité révolutionnaire a pris la mesure dont il est
question. J'ai su l'événement dans le tems , et j'en ai fait part
à la Convention . On m'a dit qu'ils avaient péri tout naturellement
; mais j'ignore si le comité révolutionnaire a commis
un acte arbitraire ou non.
Le citoyen Orieux ( de Nantes ) a écrit à l'accusateur
public du tribunal révolutionnaire , que Carrier avait fait
noyer ces prêtres après une orgie avec le comité.
Des orgies , dit Carrier ! mes collegues qui me connaissent
depuis mon enfance savent que j'ai toujours vécu d'une maniere
frugale , que je n'ai jamais fait d'orgie , et que je n'ai
pas été une seule fois , ce qn'on appelle un peu gris . Je
nie ce fait . Orieux est un huissier dehonté , qui a fait trois
faux matériels , et qui est un commissionnaire reconnu .
Bachelier , l'un des prévenus , prétend que c'est Carrier qui
a ordonné la noyade.
:
Carrier Qui ne sait pas que Bachelier , comme les autres ,
reverse tout sur moi pour s'échapper ?
En exécution des deux arrêtés de Carrier , des 27 et 29 frimaire
, 24 enfans , dont 2 de 13 et 2 de 14 ans , ont été
exécutés sans jugement ; 27 autres brigands des deux sexes
l'ont été aussi sans jugement.
Carrier répond qu'il n'a jamais pris de pareils arrètés , qu'il
est cependant possible qu'il les ait signés de confiance . Il
donne lecture d'un arrêté pris par Bourbotte , Tureau et lui ,
le 12 nivôse , par lequel ils défendirent à la commission militaire
de mettre en jugement les enfans de 12 ans jusqu'à
16. Il ajoute qu'en supposant qu'il eût fait ce dont on l'accuse
, les décrets l'y autorisaient , et il cite celui du 17 mars ;
mais cette loi ne dit pas que ce sera sans jugement , aussi
il finit par dire qu'il ne croit pas que la Convention puisse
prononcer sur la foi de deux pieces qui ', quoique collationnées ,
ne sont que des copies. Il demande à vérifier la signature .
Get incident fait la matiere d'unc discussion assez vive , ter
( 51 )
•
minée par un décret qui ordonne l'apport des pieces restées
à Nantes et néanmoins que la discussion sera continuée , et
que la Convention pourra prononcer si elle se trouve suffisamment
éclairée .
Séance de tridi , 3 Frimaire.
Les sections des Champs - Elisées et du fauxbourg Montmartre
félicitent la Convention sui la clôture des jacobins.
La commune de Dijon écrit que presque toutes les signatures
apposées à la suite de l'adresse liberuicide de l'ancienue
société populaire de Dijon ont été arrachées par la terreur ,
et que les citoyens de cette commune n'ont jamais eu d'autres
principes que ceux de la Convention .
Mention honorable et insertion au bulletin .
Le président annonce que Carrier fait dire qu'il est malade
, et il demande la parole pour prouver qu'on veut sauver
Carrier. Je vais , dit-il , vous faire connaître ma pensée toute
entiere. Il m'est démontré que ceux qui ont juré aux jacobins
de faire à Carrier un rempart de leurs corps veulent le
sauver. On demande des preuves matérielles , en voulez - vous ?
faites refluer la Loire à Paris , faites-y amener les bateaux à
soupapes et les cadavres . La Convention ne doit pas se laisser
mener par des factieux . Si Carrier est malade , sa conduite
est inscrite sur le calendrier du crime . Je demande que Carrier
se rende dans le seiu de la Convention , et s'il refuse
qu'il soit procédé à l'appel nominal sur la question de savoir
s'il y a lieu ou non à áocusation contre lui .
·
La proposition de Legendre est vivement applaudie et décrétée
.
Un secrétaire lit une lettre de Goupilleau ( de Montaigu ):
datée des ruines de Bedouin auprès de Carpentras . Il écrit que
dans la nuit du 13 au 14 floréal , l'arbre de la liberté ayant été
coupé par cinq ou six scélérats , Maignet , représentant du
peuple dans le département de Vaucluse , justement indigné ,
fit des recherches inutiles , pour découvrir les auteurs de cet
attentat liberticide ; qu'alors il prit le parti de déclarer par un
arrêté du 17 , toute la commune en état de rébellion et les
municipalités voisines suspectes de complicité. Par un second
arrêté , il commanda le 4. bataillon de l'Ardêche pour incendier
ce bourg. Rien ne fut épargné , pas même les édifices
nationaux ' ; tout fut livre aux flammes , et les femmes et
les enfans obligés de se refugier dans les bois et les rochers.
Bientôt après , une commission extraordinaire fut créée et
composée d'hommes feroces , qui envoyerent à l'échafaud
66 habitans. C'est ainsi qu'une comune entiere qui a donné
à la patrie près de trois cents de ses defenseurs , a subi la peine
que méritaient cinq ou six scélérats , et que ses habitans errent
encore aujourd'hui dans les bois ou sur les débris fumans de
leur patrie . Goupilleau n'aurait pas manqué de révoquer les
D 2
1529
arrêtés de son prédécesseur ; mais ils ont été confirmés par n
décret surpris à la Convention , et dont il demande le rapport.
Maignet inculpé demande la parole. La lettre est renvoyée
aux comités réunis , et Carrier arrive et reprend sa défense .
On lit le 1er , chef d'ascusation qui porte qu'il a fait noyer des
femmes enceintes , une foule de bons patriotes , et un homme
qui nuisait au commerce qu'il avait avec sa femme.
Il répond que les noyades n'ont pas eu lieu seulement à
Nantes , mais à Saumur , Angers , Laval , et que si les représentans
du peuple de ces départemens les ont ignorées , il a
bien pu et même du ignorer eelles de Nantes . Prieur ( de la
Marne ) , observe qu'après la bataille de Savenay , étant instruit
des mesures extraordinaires que Carrier se proposait de
prendre à l'égard des brigands , il l'avertit et le fit avertir par
son sécrétaire de n'en rien faire et d'attendre l'arrivée de la
commission militaire , qui seule avait le droit de prononcer
sur leur sort ; que Carrier promit et ne tint pas sa parole.
Laignelot déclare que Carrier lui dit à Nantes : Tu pars pour
Brest , tu es bienheureux , tu auras un plus grand bassin que
moi et des bâtimens daus la rade. Carrier ne se rappelle ni de
l'avis de Prieur , ni le propos à Laignelot . Thuriot lui demande
l'explication des pouvoirs par lui donnés à Lamberti
pour une expédition secrete et de la défense aux autorités
constituées de l'entraver dans les opérations qu'elle exigerait.
Carrier répond qu'il s'agissait d'espionnage et de poignarder
Charrette. Thuriot lui observe , qu'un espionnage n'est point
une expédition , et que s'il a eu la scélésatesse de commander
ces cruautés , il faillait avoir la franchise de le déclarer dans ses
arrêtés . Bourdon ( de l'Oise ) , trouve que la preuve que Lamberti
n'était pas un espion , se tire de l'ordre lui -même . Merlin ( de
Donai ) : Ceite, discussion se prolonge trop . Je demande pour
les principes que la parole reste à Carrier tant qu'il voudra ,
et qu'on aille ensuite aux voix . Décrété .
Une lettre de Tours du 28 fructidor , au comité de salut
public , porte que Carrier a fait fusiller un bataillon de Cavalerie
ennemie qui se rendait aavvec armes et bagages sur la foi
d'une amnistie , des femmes , des filles et des enfans
venus de la Vendée , ont été fusillés indistinctement et sans
être interrogés . Des laboureurs qui cultivaient paisiblement
leurs champs ont éprouvé le même sort .
Carrier convient que les cavaliers dont il s'agit , demanderent
à servir la République ; mais il ajoute qu'il se garda
bien de les employer ; et au surplus il nie qu'il ait donné
l'ordre de les fusiller . Il s'explique de la même maniere sur les
laboureurs , les femmes et les enfans .
La séance est suspendue à 4 henres et reprise à 6. Carrier
paraît à la tribune . Un secrétaire lit :
Une femme se présente chez Carrier ; elle lui demande à voir
son frere détenu ; il la repousse à coups de plat de sabre,
( 53 )
A peine estrelle au bas de l'escalier qu'il l'a rappelle et lui fait
des propositions infâmes , auxquelles il attache le prix de la
délivrance de son frere.
Il répond que cette femme est une brigande à laquelle on ne
peut ajouter aucune foi ; que d'ailleurs la pureté de ses moeurs
est connue , et que la porte était fermée à toutes les femmes .
Il prend à témoin de ces faits toute l'armée de l'Ouest.
Il a donné ordre de laisser passer Fouquet et Lamberti avec
une foule de détenus destinés à être noyés .
Il déclare qu'il n'a point connu Fouquet ; il nie l'existence
de l'ordre , quoiqu'on lui représente une copie collationnée .
Il a également commandé de noyer des vieillards , des
femmes enceintes et des enfans sans jugement . Le tribunal
criminel par l'organe de son président , lui fait des représentations
sur une maniere aussi illégale de proceder.
Il lui replique : Tu veux juger ; eh bien ! si dans deux heures
tous les prisonniers ne le sont pas , je te ferai guillotiner
toi- même .
Le comité révolutionnaire de Nantes accuse Carrier de lui
avoir commandé verbalement les fusillades , noyades .
Carrier croit que le comité n'aurait pas éxécuté des ordres
verbaux . Il nie le fait .
Un marinier vint lui demander de lever l'embargo qu'il
avait mis sur les bateaux de Nantes .
Il reçut pour réponse des coups de sabre.
D'autres faits sont encore répétés à Carrier , que le défaut
d'espace ne nous permet pas de rapporter. La lecture du
rapport de la commission des vingt -un étant finie , il acheve
Ini - même la lecture de sa défense . Il voit une contre - révolution
bien prononcée dans la persécution qu'il éprouve . Toute sa
fureur s'exhale sur - tout contre Fréron et Tallien , qu'il accuse
d'être les auteurs de tous ses maux par leurs pamphlets infâmes .
La Convention procede à l'appel nominal sur la question
s'il y a lieu ou non à accusation contre lui , et à l'unanimité il
est décrété d'accusation .
Séance de quartidi , 4 Frimaire.
Les fatigues de la veille n'ont pas permis que cette séance
fût aussi remplie que les précédentes .
Le nombre des citoyens employés dans les commissions
exécutives s'est prodigieusement accru ; plusieurs membres
de la Convention le portent à sept mille et réclament contre
cet abus . Duquesnoy dit que beaucoup de ci-devant moines et
prêtres s'y sont introduits , de même que des jeunes gens de
la ere , réquisition . I demande qu'on les chasse et les remplace
par des peres de famille . Maure dit que si les nobles ,
les prêtres et les moines qui sont employés ont les talens requis
pour les parties dont ils sont chargés et qu'ils soient utiles , il
faut les maintenir dans leurs places ; qu'à l'égard des jeunes
D 3
( 54 )
gens de la 1ere , réquisition , ils doivent aller aux frontieres .
Cambacéres propose et l'Assemblée décrete de passer à l'ordre
dula jour , motivé sur les dispositions du décret qui charge les
comites réunis , d'épurer les commissions et de réduire les
commis au nombre nécessaire ..
Depuis quelques jours les ouvriers des différens atteliers de
Paris , quittent leurs travaux pour venir à la Convention porter
des plaintes sur ceux qui sont préposés à l'inspection et à la
direction de leurs travaux ; ils ont joint aux plaintes la demande
d'une augmentation du prix de leurs journées . Montmayon
croit que ce n'est là qu'un des moyens que les intrigans
emploient pour agiter Paris ; que les créatures de Robespierre
s'agitent dans tous les sens pour ramener une chance qui leur
devienne favorable . Sur sa motion , la Convention décrete que
les comites se réuniront et prendront des mesures pour rétablir
l'ordre dans les atteliers et déjouer ce nouveau moyen de
contre révolution .
Romme se plaint de ce que les décrets sur les secours accor
dés aux femmes et enfans des défenseurs de la patrie ne sont
pas executes dans le département de Paris . Massieu , rapporteur
du comité des secours publics , dit que Romme n'est pas bien
instruit rappelle les lois que la Convention à faites à ce
sujet sur son rapport . Bourbotte accuse de négligence à cet égard
la commission des secours ; le tout est renvoyé au comité des
#
secours.
Jean-Bon -Saint- André écrit à la Convention que l'armée
navale de la Méditerranée a reçu avec tous les transports de la
reconnaissance , le drapeau que la Convention lui a envoyé .
Par un concours heureux de circonstances , ce drapeau entrait
dans la ville , dans le même tems que l'escadre si long- tems
bloquée dans le golphe de Juan , entrait dans la rade . Ainsi
tous nos braves marins se sont trouvés réunis pour recevoir
ce signe sacré de notre liberté , ce prix de leur courage et ce
gage assuré de leurs victoires . La fête a été célébrée avec une
pompe simple à la vérité mais imposante par le respect religieux
qui y reguait . Nos freres d'armes y ont juré de défendre
jusqu'a la mort ce don précieux . Déjà ils brulent du desir de
encontrer l'ennemi et de laver dans son sang les crimes de
Toulon . La plus grande activité régne daus le port , la plus
parfaite discipline sur la flotte , et la haine des Anglais y est
profonde et générale.
Legendre ( de Paris ) expose que la commune de Beauvais ,
département de l'Oise , n'a jamais cessé d'être patriote et de
profeffer les bons principes . Il dit qu'elle a été calomniée . Il
demande et la Convention prononce qu'elle rapporte son
décret qui déclarait en état de rébellion la commune de
Beauvais .
Nos lecteurs nous sauront sans doute gré de leur faire conmaître
de quelle maniere ont veté certains députés dans l'affaire
( 35 )
de Carrier. Chaque député devait dire oui ou non , sur la
question y a-t- il lieu à accusation contre Carrier ?
`Lefiot : Oui , mais je demande que l'on n'admette point de
preuves testimoniales contre un représentant du peuple.
( Murmures. )
>
Duhem : Oui , mais je demande que la Convention se tienne
en garde contre la faction dictatoriale , de l'opinion publique ,
qui poursuit quelques membres de la Convention . Tallien et
Freron me semblent des conspirateurs encore plus criminels
que Carrier. ( Murmures . )
Lesage- Senault : Oui . J'ai des preuves au moins morales des
crimes de Carrier ; mais je ne pense pas que le tribunal révolutionnaire
, qu'il a accusé et par qui il l'a été , puisse juger
cette affaire . ( Improbation. )
Romme : Oui. Pendant le travail de la commission ma conscience
attendait la lumiere . Les débats m'ont suffisamment
éclairé ; mais j'invite la Convention à mettre un frein à la
rage des pamphlets .
Ingrand : Oui , avec douleur , je suis loin d'accuser les intentions
de Carrier.
Maure Oui. J'ai reconnu que Carrier avait autorisé on
souffert que la nature et l'humanité fussent outragées de la
maniere la plus atroce .
Bourbotte Oui , mais mon ame est atteinte d'un sentiment
d'oppression et de douleur , parce que je crois que , si Carrier
s'est rendu coupable des atrocités qu'on lui reproche ,
il n'en a pas eu l'intention , et que s'il a commis des crimes.
îls ont été ceux de l'erreur et d'un patriotisme délirant .
(Murmures. )
Cambon-Latour : Oui . Je crois Carrier agent ou complice
des anciens comités de salut public et de sûreté générale , et
de tous les bourreaux qui ont déchiré ma patrie .
Lecointre de Versailles ) : Oui , et je fais la même observation
que Cambon .
Gaston . Oui , mais que ses dénonciateurs soient séverement
examinés dans leur conduite , et que la section du tribunal
révolutionnaire qui a pris l'initiative dans cette affaire n'en
connaisse pas.
Bernard ( de Saintes ) : Oui , mais l'accusé peut récuser une
des sections du tribunal révolutionnaire.
Sur la proposition de Clausel , la Convention décrete que
l'appel nominal sera imprimé , euvoyé aux départemens et aux
armées , et distribué à tous les membres au nombre de six
exemplaires ; et sur celle de Raffron , que Carrier serą surle-
champ traduit à la Conciergerie.
Séance du soir , 4 frimaire.
L'on procede à l'appel nominal pour le renouvellement du
bureau Clauzel est élu président , et les citoyens Porcher
Boudin et Rovere , secrétaires .
D 4
( 56 )
Séance de quintidi , 5 Frimaire.
La correspondance présente un grand nombre d'adresses
de félicitations , qui seront mentionnées honorablement au
procès - verbal et insérées au bulletin .
Les sections de l'Indivisibilité et de la Cité félicitent la
Convention sur la clôture des jacobins .
La section du Muséum vient réclamer la liberté de deux
citoyens qui ont été faussement inculpés d'avoir pris part à la
conspiration du g thermidor.
Legendre de Paris ) : Un rapport général sur cet objet
devait être fait . On dit qu'il est prêt. Je demande qu'il soit
fait dans le cours de la décade prochaine . Il est afflgeant que
des peres de famille , des patriotes qui n'ont été qu'égarés ,
soient depuis si long- tems en prison , tandis que trois grands
coupables restent impunis ( on applaudit ) , tandis que les trois
amis de Robespierre , qui ne se sont brouillés avec lui que
sur le choix des victimes , sont dans le sein de la Convention
.
Billaud- Varennes Je demande la parole . Parle , s'écrie Legendre
, je demande à répliquer ; je vous accuse , malheureux.....
Montmayon On a signalé le parti du lion , je signale
celui des libelles ; tandis que des représentans du peuple se
sacrifient journellement pour le bonheur du peuple , la calomuie
les déchire . Si douze libellistes se distribuaient la représentation
nationale , ils l'anéantiraient . Vous avez abattu un
parti , il faut que l'autre se taise ; car tous les chefs de parti
doivent avoir ici leur tombeau . Je conclus à ce que le comité
de législation vous présente sous trois jours son rapport sur
la calomnie .
Bentabolle rappelle le décret de la Convention , qui porte
que les dénonciations contre ses membres seront portées aux
comités réunis .
Lecarpentier s'afflige de voir les représentans du peuple se
déchirer. Il dit que , si l'on a des dénonciations à faire , l'on
doit apporter des pieces à l'appui . Il demande que le comité
de législation présente , seus trois jours , son rapport sur la
calomnie ; celui de sûreté générale le sien sur les citoyens
incarcérés depuis le 9 thermidor , et qu'on passe à l'ordre
du jour sur le reste . Ces propositions sont décrétées .
Guerin , au nom de la commission des ving un , présente
l'acte d'accusation contre Carrier , conçu en ces termes :
La Convention nationale accuse Carrier d'avoir , le 27
frimaire de l'an 2 , donné à Phelippe , président du tribunal
criminel de la Loire inférieure , l'ordre de faire exécuter ,
sans jugement et sur- le - champ , 24 brigands arrêtés les armes
à la main et amenés à Nantes , dont 2 de 13 et 2 de 14 ans ;
de lui avoir réitéré le même ordre verbalement , malgré qu'il
( 57 )
lui eût représenté que c'était contraire à la loi ; d'avoir donné,
le 29 du même mois , audit Phelippe , l'ordre de faire exécuter
sans jugement 27 brigands , du nombre desquels étaient
sept femmes ; d'avoir autorisé une commission militaire à
fusiller les habitans des campagnes , dont une grande partie
n'avait jamais pris les armes ; d'avoir fait noyer ou fusiller
des brigands qui s'étaient rendus à Nantes , sur la foi de ,
l'amnistie ; d'avoir ordonné ou toléré les mariages républicains ,
les noyades on fusillades des enfans et des femmes enceintes ;
d'avoir défendu d'obéir aux ordres de Therouard , revêtu
des pouvoirs de la Convention , en le déclarant fédéraliste et
royaliste , parce qu'il avait fait mettre en arrestation le nommé
Lebatteux , qui , munis des pouvoirs illimités de Carrier ,
s'était livré à des actes arbitraires ; enfin d'avoir donné à
Fouquet et Lamberty des pouvoirs illimités , dont ils se sont
servis pour des noyades et fusillades . "
La Convention adopte la rédaction de l'acte d'accusation .
Un membre s'étonne de ce qu'on n'a pas inséré dans
l'acte la lettre par laquelle Carrier écrit au général Haxo
d'exterminer tous les habitans de la Vendée . Après quelques
débats , il est décrété que cette lettre sera un chef d'accusation
.
Richard , au nom du comité de salut public , annonce une
victoire de l'armée des Pyrénées orientales ,. mais qui a coûté
la vie au général Dugommier ; et divers avantages remportés
par l'armée de la Moselle . ( Voyez Nouvelles officielles . )
Letourneur fait part d'une lettre du général Dutertre , qui
lui marque que les mesures de justice et d'humanité que
l'on prend pour la Vendée , paraissent devoir fixer un terme
prochain à cette guerre désastreuse . Les Chouans se jettent
dans nos bras , depuis qu'on abbat les échafauds .
Séance de sextidi , 6 Frimaire.
Le comité des secours fait rendre plusieurs décrets en faveur
des parens des défenseurs de la patrie,
Cambon prend la parole , et demande avec véhémence si
l'on veut payer les dettes ou non . ( Murmures . ) Il reprend :
On veut perdre la Convention , on veut me perdre . Je démasquerai
les hommes du 2 septembre , les hommes qui veulent
ramener le royalisme , qui font des listes de proscription
contre plusieurs membres de la Convention ; changez , si
vous voulez votre systême de finances . Il est tems que le
soupçon ne plane plus sur la tête d'hommes qui ont tout fait
pour les améliorer. Je demande à faire un rapport sur les
finances,
Rafron fait une motion d'ordre . Il demande que la Convention
s'occupe de l'examen des crimes imputés à David et
Lebon. Il dit que s'ils sont innocens , ils ont droit de se
plaindre ; et s'ils sont coupables , que c'est le peuple qui se
( 58 )
plaindra et qui doit être écouté ; que Carrier lui-même du
fond de sa prison les accuserait . Il ajoute qu'il faut pénétrer
hardiment dans cet antre de Cacus , et que leurs travaux en
recevront la plus belle récompense , l'affermissement de la République
par la vertu . Il conclut à ce que l'examen de la conduite
de David et Lebon soit renvoyé à une commission
dans les formes décrétées pour en faire un prompt rapport.
Renvoyé aux comités réunis . *
La Convention , sur le rapport de ses comités de salut
public , des finances et de commerce , décrete que les den.
rees de premiere nécessité , importées de l'étranger , seront à
la libre disposition du proprietaire , ne pourront être soumises
à la requisition , et que le propriétaire ne sera soumis
qu'à faire la déclaration de leur quantité et qualité à la municipalité
du lieu , lors de leur arrivée .
Perrin ( des Vosges ) rend compte de sa mission dans les
départemens du Gard , de l'Aveyron et de l'Herault . L'esprit
public y est excellent , la confiance est rétablie , et la terreur
n'est plus que dans l'ame des machaus .
3
Sur le rapport du comité de sûrete genérale , la Convention
ordonne la mise en liberté des ouze administrateurs du district
de Sedan , arrêté en août 1792 .
Cambon reprend la parole. Apres avoir long- tems parlé des
dilapidations qui ont eu lieu dans les taxe , révolutionnaires ,
il propose des moyens pour en accélérer la rentrée dans le
trésor public . La Convention décrete l'impression et l'ajournement
du projet presenté .
+
2
1
PARIS . Nonidi , 9 Frimaire , l'an 3e . de la République.
à
On a pu s'étonner comment Carrier a été abandonné ,
l'appel nominal , de tous ceux qui paraissaient avoir pris sa
défense dans le cours de la discussion . Cela n'est pas aussi
difficile à imaginer qu'il le paraît au premier abord ; ce n'était
pas Carrier qu'on cherchait à sauver , c'était le systême qu'il
avait suivi , et qui a trouvé plos d'un imitateur , en lui laissant
cependant tout l'avantage de la supériorité . Il était naturel que
ceux qui ont quelques craintes , et qui trouvent dans leur
conscience un accusateur , employassent tous leurs efforts pour
plaider la cause de la nécessité des grandes mesures revolu
tionnaires . Mais une fois que l'opinion a paru irrévocablement
fixée , il eût été trop mal-adroit de braver la conviction de l'Assemblée
et l'assentiment universel ; il a bien fallu livrer Carrier,
sous peine d'être soupçonné d'un attachement trop peu désintéressé
, et d'arrêter trop les regards sur soi - même. Il paraît
néanmoins que le sacrifice a été pénible , à en juger par les
( 59 )
restrictions et les récriminations contre Tallien et Fréron auxquels
on ne pardonne pas leurs pamphlets acerbes .
On ne peut qu'être douloureusement affecte de voir s'élever
dans le sein de la Convention un certain esprit d'animosité
personnelle qui , s'il était prolongé , lui ferait perdre de cette.
union et de ce caractere majestueux qui lui a concilié l'estime
et la reconnaissance de la république entiere . Qu'on se souvienne
que ce sont les malheureuses dissentions entre les patriotes
qui ont été la source de tous les maux que nous avons
éprouvés . Il n'est pas douteux que si l'on veut faire passer
au creuset d'un examen rigoureux , la conduite rétroactive de
beaucoup de gens qui ont exercé le pouvoir , l'on ne puisse
multiplier le nombre des coupables ; mais en révolution , il
est des sacrifices à faire au ressentiment et à l'indignation même
de la justice et de la vertu . Il est bien plus doux et plus utile
de s'occuper à guérir les plaies que d'en creuser de nouvelles .
En politique , il n'y a de juste que ce qui est indispensablement
nécessaire pour le bonheur de tous ; ce sont les grands
coupables seuls qu'il faut atteindre ; autrement , il faudrait
faire rétrograder l'état civil à celui des sauvages , où les
haines et les vengeances se transmettent de famille en famille ,
de peuplade en peuplade. Hâtons - nous de sortir de l'état cruel
de guerre où nous sommes pour n'y jamais rentrer .
>
Les membres de l'ancien comité révolutionnaire de la section
du Bonnet-Rouge , accusés d'avoir falsifié et supprimé plusieurs
feuillets du registre de leurs arrêtés et délibérations
et d'avoir commis des dilapidations , viennent d'être jugés
par le tribunal criminel du département. Denx ont été acquittés ,
et dix condamnés à 20 ans de fers et à une exposition préalable
de six heures sur la place de Grêve. L'an d'entre eux s'est
donné un coup de couteau ; mais la blessure n'est pas dangereuse.
Dans un moment où les passions et les partis expirans cher
chent à se replier en tous sens pour égarer l'opinion et tâcher
de se ressusciter , il faut se défier extrêmement des bruits , des
discours et même des écrits aristocratiquement royalistes que
l'on ferait courir ou paraître . On connaît cette ressource si
souvent employée dans la révolution pour arrêter un mouvement
favorable à l'esprit publie , mais nuisible à ceux qui
veulent faire prévaloir leurs intrigues , c'est de faire répandre
dans les groupes des propos , et de fabriquer des pamphlets
injurieux aux vrais principes de liberté , afin de faire croire
que T'on veut faire rétrograder la révolution jusqu'à parler
ouvertement du rétablissement de la royauté. Cette ruse sera
aisément pénétrée par les hommes clairvoyans , et il est bon
que l'on soit averti de ces petits moyens . Point de brigands ni
d'égorgeurs ; mais point de composition avilissante pour la
liberté .
C'est avec la même précaution de prudence que l'on doit
( 60 )
se mettre en garde contre toutes ces gazettes allemandes qui
sont remplies de détail sur la défaite des Polonais , de la prise
et même de la mort de Kosciuszko . On est autorisé à croire ,
par des renseignemens qui méritent quelque confiance , que
toutes ces nouvelles sont des fables arrangées pour influencer
les bruits de paix , et obtenir de la France des conditions moins
rigoureuses.
Toute l'Europe a été instruite des malheurs de Trenck , l'une
des victimes le plus constamment opprimées par le despotisme' ;
fallait-il qu'après avoir supporté pendant 30 aus les plus horribles
persécutions de l'implacable Frédéric- Guillaume , il trouvât
la mort sur la terre de la liberté où il croyait achever sa
déplorable carriere . C'est un des crimes de plus à ajouter à
la longue liste de ceux du féroce Robespierre ! Nous croyons
intéresser nos lecteurs en leur faisant connaître la lettre que
cet infortuné a adressée à sa femme avant d'aller à l'échafaud .
Ma digne et chérie épouse , je marche à la mort avec le
seul regret de vous avoir quittée . C'est Cobourg qui m'a forcé
de me retirer en France . Je meurs innocent , vengez ma mort.
contre les scélérats qui me sacrifient ; oubliez , s'il se peut ,
chérie épouse , les malheurs que je vous ai causés pendant ma
déplorable vie , ainsi qu'à nos enfans à qui je vous recommande .
de partager toujours également vos tendresses. Adieu , ma digne
épouse , adieu mes chers enfans , que Dieu vous serve de pere !
Je vous donne ma bénédiction . Honorez ma cendre dans la
personne du bon vieillard qui vous remettra cette lettre,; il fut
mon compagnon dans ma prison en France , et le soutien de
ma triste vieillesse . Adieu pour jamais , ma chérie et digne
épouse ! Adieu ! adieu ! ,,
Signé , FREDERIC , baron de TRENck .
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES.
A Lagulana , le 28 brumaire.
Citoyens collegues , l'armée espagnole fut attaquée hier à
sa droite et à sa gauche , tandis que le centre était menacé
par une réserve proportionnée à nos forces . Par - tout les Républicains
ont combattu avec le plus grand acharnement . Notre
colonne de droite , commandée par le général de division .
Augereau , a exterminé toute la gauche de l'ennemi . L'artillerie
et les camps qu'il avait sur ce point sont en notre pou☛
voir. Nous ne connaissons pas encore le nombre de bouches
à feu qui ont été prises ; mais il doit être considérable. Les
( 61 )
tentes et effets de campement suffiraient pour dix à douże miſla
hommes. Le camp des émigrés se trouvait précisément dans
cette partie de l'armée ennemie ; nos freres d'armes les ont
traités suivant l'indignation et l'horreur qu'ils inspirent ; mais ,
fatigués sans doute de carnage , ils ont accordé la vie à millé
huit Espagnols ou Portugais qui ont posé les armes , et qu'on
a conduits à Perpignan . Les efforts de notre gauche sur la
droite des ennemis ont été vigoureux ; mais les ennemis ayant
singulierement renforcé ce point par plusieurs lignes de redoutes
, et la colonne qui les y attaquait n'ayant pu être bien
nombreuse , nous n'avons pas pénétré de ce côté - là . Le général
de division Laurec qui commandait notre gauche , s'est
conduit , dans ces attaques , avec toute la valeur et la prudeuce
d'un guerrier républicain expérimenté .
La colonne du centre n'a été occupée qu'à des diversions
. Les généraux commandans , officiers , soldats , tous
se sont conduits avec valeur ; notre artillerie à cheval , commandée
par le général Guillaume , et notre cavalerie , commandée
par le général Dugna , qui étaient en reserve sur le
centre , n'ont pas eu occasion de satisfaire à l'impatience qu'elles
avaient de se mesurer à leur fantaisie avec l'ennemi . Le général
Victor , chargé d'une fausse attaque sur Spouilles par le col de
Bagnol , l'a très - bien dirigée ; enfin , tous nos freres d'armes ont
combattu de maniere à mériter la reconnaissance publique . L'attaque
fut vive et meurtriere ; la défense fut opiniâtre . Nous
ignorons le nombre des morts et des blessés ennemis ; mais
il doit être considérable , notamment vers notre droite.
" Nous avons à regretter la mort du général Dugommier.
Nous étions sur la montagne Noire , où il était monté pour
être mieux à même de voir et de diriger les opérations. Les
ennemis jettaient sur cette montagne une quantité considérable
d'obus : une de ces obus tomba sur la tête du général ,
qui mourut sur le cosp . Je le fais enterrer sur le fort de Sud-
Libre. Je laisse à la Convention nationale le soin d'honorer sa
mémoire , et de secourir ses enfans .
" Ce n'est ici qu'un premier apperça de l'expédition d'hier :
nous vous ferons parvenir de plus grands détails aussi- tôt que
nous les aurons recueillis . "
Salut et fraternité.
Signé , DELBRET , représentant du peuple.
ARMÉE DE LA MOSELL E.
Saulveiller le 2 frimaire.
Citoyens représentans , aussi - tôt que la forteresse de
Rhinfelds fut au pouvoir de la République , je fis marcher
la division , sous les ordres du général Debrun , sur Luxembourg
, pour , avec les forces qui étaient déjà dans cette partie ,
en faire le blocus .
( 62 )
,, Le 29 brumaire , le général Debrun arriva avec les troupes
qu'il commande
, à la hauteur
d'Yenglester
; et , le 30 , il
poussa avec son avant-garde une reconnaissance
du côté de la
route de Luxembourg
à Liége . Il a rencontré
l'ennemi
près
de Blascheldt
et Lorentzeveiller
, au nombre
d'environ
douze
cents hommes
d'infanterie
et trois cents de cavalerie . La nôtre ,
qui n'était composée
que deux compagnies
de dragons
da
5. régiment
, a soutenu valeureusement
le choc , et a rechargé
à son tour et culbuté l'ennemi
, qui a eu douze hommes
de
tués , une trentaine
de blessés et six prisonniers
, ainsi que
seize chevaux pris par les deux compagnies
de dragons ; les
capitaines
Rovillais
et Fortier se sont conduits
avec la plus
grande bravoare
, ainsi que les grenadiers
du 28. régiment
et du er. bataillon des Vosges ; et en général toute la troupe
a montré le plus grand courage
dans cette action qui ne
nous a coûté qu'un dragon et un grenadier
blessés , avec quatre
chevaux aussi blessés ; l'adjudant
Debrez s'est parfaitement
comporté
; il a eu son cheval blessé d'un coup de feu :
le capitaine
Fortier a été blessé à la main et au pied .
Le premier frimaire , toutes les troupes se mirent ea
marche pour prendre position devant cette forteresse . La division
du général Debrun balaya la forêt de Grunesvald , ой
l'ennemi était fort d'environ 4000 hommes d'infanterie et 200
hussards , de l'artillerie et des abattis considérables . Le feu
fut vif de part et d'autre ; mais l'ennemi a été forcé de céder ,
malgré tous ses avantages , à la valeur républicaine , et de nous
abandonner trois pieces de canon , dont deux de 7 , et quatre
caissons ; on croit même qu'il a été obligé de laisser d'autres ,
objets dans la forêt de Strasser on en est à la recherche .
L'action a duré depuis 11 heures du matin jusqu'à la nuit.
L'ardeur emporta tellement nos freres d'armes , qu'ils ont fusillé
jusqu'aux palissades des ouvrages avancés .
" Les brigades sous les ordres des généraux Hust et Leduchelle
ont poussé l'ennemi avec la plus grande ardeur et avec
une telle précipitation , qu'il n'a pu se rallier que sous le
canon de la place , où il a fait résistance avec beaucoup de
perte. Elles lui ont pris 24 hommes d'infanterie et tué un plus
grand nombre. Par-tout la troupe s'est conduite avec la plus
grande bravoure . Toute la garnison de Luxembourg était
sortie , à l'exception d'un bataillon et de deux compagnies
d'un autre ; par-tout elle a été repoussée avec beaucoup de
perie.
" Nous occupons toutes les positions avantageuses autour
de la place , et éloignés d'une demi- lieue ou trois quarts de
lieue . "
Salut et fraternité ,
Signé , MOREAU , général , commandant l'armée de la Moselle.
( 63 )
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE:
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes, 2 brumaire.
Plucteau , femme de confiance de Bernard , concierge du
Buffay , a déposé à - peu-près des mêmes faits que Bernard .
Elle a déclaré de plus que Goullin et Grand-Maison monterent
dans une chambre au - dessus de la cuisine , ce dernier
ayant le sabre nud à la main , y enleverent les deux freres
Montreuil , ex - nobles d'Angers ; les deux Laurencin , ex- privilégiés
de Nantes , tous quatre condamnés à la déportation ,
et Lechauf , ex - noble de Guerrande , condamné à la détention
jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné
par la Convention
.
Bréjot , architecte à Paris , a été détenu au Cenitat , à
Nantes ; il y a vu passer des malheureux qui allaient être
fusillés les fusillades se faisaient à Gigaud ; il a entendu
des fusillades pendant 3 jours ; elles duraient 2 et 3 henres
de suite . Trois mois après le 8 frimaire , Gournay , chirur
gien à la Fosse à Nantes , lui dit qu'il avait sauvé un enfant de
11 ans , qu'on allait fusiller ; qu'un soldat humain jetta dans
les bras d'une citoyenne qui est devenue l'épouse de ce chirurgien
, un enfant de 11 mois , en lui disant , sauve cet innocent.
Il a ajouté qu'il avait entendu sept à huit fois , le soir ,
le bruit sourd d'une boîte qu'il présume que l'on mettait sous
la gabarre pour faire jouer la soupape qui s'ouvrait , et laissait
entrer une colonne d'eau qui submergeait les malheureuses
victimes renfermées dans ce bâtiment.
*
Fournier , vétéran , a articulé plusieurs griefs contre lo
comité révolutionnaire de Nantes , entr'autres d'avoir calomnié
la ville de Nantes , en supposant une conspiration tendante
à assassiner le représentant du peuple ; d'avoir fait battre la
générale le 25 brumaire , sans la participation du commandant
temporaire , ce qui ne fut qu'un prétexte pour l'arrestation
d'une foule de citoyens.
Chaux a rejetté sur Carrier et sur ses infâmes bourreaux
tous les crimes qui ont été commis , tous les massacres qui ont
été faits , tous les stratagêmes employés et toutes les conspirations
qui ont été formées à Nantes ; conspirations , a - t- il dit ,
qui n'ont été inventées que dans la mauvaise tête de Carrier ;
il a dit , en finissant : Carrier est encore libre , et domine encore
sur le peuple qu'il a assassiné ! ( Bruyans applaudissemens , et
plus bruyans que ceux dont la salle retentit hier , après la lecture
de la déclaration de Goullin contre Carrier ) .
Laillet , poissonniere à Nantes , et détenue pendant 3 mois
au Buffay , parce qu'on avait préicadu qu'elle était aristocrate
( 64 )
y servant en qualité de cuisiniere : elle a retracé avec énergie
toutes les horreurs qui furent commises dans la nuit du 24
au 25 frimaire .
( La suite au numéro prochain )
Séance du frimaire. Un instant après que les accusés ont
été arrivés dans la salle , on a amené à 11 heures moins un
quart J. B. Carrier , âgé de 37 ans , né à Yolet , près Aurillac
, homme de loi , et député à la Convention nationale .
Le greffier à donné lecture d'un procès - verbal du 6 , tendant
à l'interrogatoire de Carrier , d'où il résulte qu'il récuse le
président , l'accusateur public , la section des jurés qui instruit
le procès du comité , et qu'il a réfusé de répondre .
Il a aussi donné lecture d'un jugement du tribunal , qui
déclare qu'il statuera sur les moyens de récusation allégués
par Carrier.
On a donné lecture de l'acte d'accusation , Carrier a réclamé
deux formalités ; l'interrogatoire , et une liste de jurés au sort .
Le président a cité la loi du 22 vendémiaire , Carrier a
insisté .
L'accusateur public a démontré la faiblesse des moyens de
récusation ; il a demandé la continuation des débats .
Le tribunal , après un long délibéré , attendu la connexité
de l'affaire de l'accusé Carrier avec celle du comité , et que
l'article XIII de la loi du 3 septembre 1793 , déclare que la
même section connaîtra des affaires qui feront suite et seront
connexés , et attendu que les motifs de récusation sont vagues ,
a ordonné qu'il sera passé outre .
P. S. Dans la séance du 8 , on a annoncé une victoire complette
remportée sur les Espagnols le 27 brumaire , par l'armée
des Pyrénées orientales .
Des redoutes et des batteries sans nombre ont été emportées
à la bayonnette .
Après quatre heures de combat , l'ennemi a abandonné tous
ses camps , son artillerie , ses équipages .
Il y a des tentes pour 50,000 hommes.
Enfin , nous avons tout , écrivent les représentans du peuple .
Les Républicains ont fait un carnage horrible , et poursuivent
encore les Espagnols qui sont en pleine déroute .
en
La Convention a décrété dans cette séance l'envoi aux Etats-
Unis d'Amérique , d'un drapeau aux couleurs nationales ,
signe de l'union et de la fraternité éternelles des deux
peuples Américain et Français .
( N °. 15. )
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDI 15 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 5 décembre 1794 , vieux, style . )
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
Timoléon , tragédie en trois actes , avec des chaurs ; par Marie Joseph
Chenier , député à la Convention nationale musique de Méhul ;
précédée d'une ode sur la situation de la République durant l'oligarchie
de Robespierre et de ses complices . In - 8 ° . "de 69 pages .
Prix , 40 sols . A Paris , chez Maradan , libraire , rue du Cimeti
André- des - Arts , no.9 ; et chez Desenne , maison Egalité ?
I et 2 ; l'an troisieme de la République Française .
L'HOMME
F
t
Bascob
' HOMME de génie qui travaille pour le théâtre se propose
toujours un but moral dans la fable qu'il imagine et dans
les caracteres des personnages qu'il met en scene . C'est
ainsi que la curiosite et le plaisir même sour les appas
irrésistibles dont il se sert pour attirer les spectateurs à son
école des moeurs et des vertus . Oui , c'est par cet heureuxet
sublime artifice qu'il proclame de grandes vérités , et qu'il
sait éclairer l'esprit public d'une nation générense en lui
traçant de grands modeles à imiter , en faisant ressortir l'horreur
des vices hideux à éviter , et donnant dans le cours de
l'action dramatique d'importantes leçons à méditer. Nous ne
doutons point que telles ont été les vues du poëte philosophe
qui a dessiné avec tant d'art et de supériorité la plan de la
tragédie de Timoléon . Avec quelle energie il a exprimé dans
Timofane les remords devorants qui fatiguent sans cesse le
factieux qui ose conjurer contre sa patrie ! comme il a peint
l'inquiétude , triste compagne de l'ambition ; comme il a
mis à découvert toutes les passions turbulentes qui se disputent
entr'elles le dechirement de leur victime criminelle !
enfin , quelle utile leçon de voir ces clans continuels , mais
impuissans , qui emportent le ceur et les voeux du cons
pirateur vers la paix qui le fuit , et au- devant de Thonneur
qui le condamue ! D'autre part , quel contraste intéressant
dans le caractere de Timoléon , si modeste dans sa victoire ,
si grand dans son désintéressement , si satisfait d'avoir servi
sa patrie , et de l'avoir vengee de ses oppresseurs . Toutes
ses actions et ses discours retracent les sublimes vertus d'un
héros et d'un vrai Républicain , et les qualités touchantes d'un
Tome XIII,
( 66 )
citoyen généreux et d'un bon fils . Qu'il est respectable et
vieillard Ortagoras , qui ne respire que la gloire de la Répu
blique et la liberté de sa patrie ! Que sa colere est héroïque ,
quand il ne voit plus qu'ua infâme conspirateur dans le magistrat
qui abuse de son pouvoir , et qu'un ennemi à sacrifier
dans Toppretseur de Corinthe ! Eh ! qui ne s'indigne de la
fureur du factieux Auticles ? Il fait connaître tout le danger
des liaisons avec ces vils intrigans qui corrompent la jeunesse
crédule , et qui troublent l'état par leurs projets aussi cruel
qu'insensés.
On admire le patriotisme pur de Démariste , mere de Timeleon
et de Timophane. On l'entend avec intérêt exalter
à ses enfans les verius dont elle leur a donné les premiers.
élémens , et leur rappeller les grands exemples de conduite ,
de courage et de republicanisme qu'ils ont reçus de leur perce
et de leurs ancêtres . On partage sa joie quand elle voit Timo
léon revenir triomphant des ennemis de sa patrie , et sa douleur
lorsqu'elle reconnaît dans l'aîné de ses fils un traîtrė ,
dont elle demande elle-même la condamnation . .
Voilà le moral de cette tragédie dont les Français républi
cains
ont saisi avec enthousiasme les rapports avec leurs sentia
mens et leur situation . 1816 } 20 601
L'on n'a pas moins applaudi aux richesses de la poësie etzi
l'heureuse expression des pensées qui donnent tant d'éclat et
de grandeur à cette oeuvre dramatique mais essayons de faire
connaître ce beau poëme dans ses détails , autant que nous
permettent les bornes de ce journal.
Ainsi dans la scene premiere de l'acte premier , Timophane
paraît seul , et , par un retour sur lui-même , il laisse échapper
ces plaintes que lui arrache le souvenir de la paix et du bonheur
qu'il goûtait dans la pratique de ses devoirs.
Je plains l'ambitieux qui n'est pas insensible.
Vertu ! J'entends encor ton reproche inflexible .
Chaque jour qui s'écoule ajoute à mes ennuis ,
Et tout Corinthe , en pleurs , m'éveillé au sein des nuit
O souvenir d'un pere ! ô voix de la patrie !
Voix plus puissante encor d'une mere chérie ;
Exploits d'un frere ardent , mais toujours redouté ,
Vous pesez à la fois sur mon coeur agité.
Quoi ! né républicain , je prétends à l'empire
Timoleon combat , Timophane conspire ;
Par la soif de regner , Timophane est vaincu !
Timoleon plus jeune a déja plus vécu :
Aux bords Siciliens , sur les mers de l'Afrique ,
Son glaive heureux et pur défend la République.
Je crois déja le voir , libre de soins guerriers
( 67 )
Sout le roft pateruel dédaignant ses lauriers
Déposant à nos pieds ses marques de victoire ,
Modeste et triomphant m'accabler de sa gloire .
Faut-il que son nom seul m'épouvante aujourd'hui ?
Malheureux ! tu pouvais être aussi grand que lui .
Anticlès , un des chefs des conjurés , vient réveiller son m
bition , et combattre ses remords .
Demariste , sa mere , lui suceede ; elle ajoute à l'inquiétude
de ce fils coupable en lui révélant les motifs de sa gloire et de
son contentement.
Combien des immortels je ressens les faveurs !
Combien sur tous mes jours ils ont versé d'honneurak
Epouse fortunée , et plus heureuse mere ,
J'ai deux fils vertueux qui remplacent leur pere ;
Tous deux ont aux combats guidé nos étendards.
Maintenant le premier , brillant sous més regards
D'un magistrat du peuple exerce la puissance ;
L'autre , loin de mes yeux signalant sa vaillance
Des mains d'un peuple ami fera tomber les fers ,
Et du joug de Carthage affranchira les mers.
Timophane essaie de jetter de la défaveur sur les triomphea
de son frere .
Faut-il toujours braver la mort et les tempêtes ?
Toujours perdre du sang et rêver de conquêtes!
Et nos braves soldats ne pourront - ils jamais
Goûter dans leurs foyers les douceurs de la paix
Demariste lui répond :
La paix avec des rois ! la paix avec des traîtres !
Corinthe et Syracuse ont les mêmes ancêtres ,
Nos freres sans secours seraient abandonnés
Aux fureurs de Denys qui les tient enchaînés P
Non. Par leur liberté que la guerre s'acheve :
Ne parlons jusques-là , ni de paix , ni de trêve.
Quand un peuple asservi combat ses oppresseurs
Aussi bien que la paix la guerre a ses douceurs.
Anticles revient à la tête des conjurés , et vent entraîner
Timophane à l'exécution de leur complot. Tout- à -coup ils
demeurent interdits à la vue da vieillard Örtagoras qui annonce
le retour glorieux de Timoléon .
Les rayons d'un jour pur doraient la plaine humide;
Nous respirions au port le calme du matin ,
Et nos yeux contemplaient cet horison loinuin
168 1
la mer de Crissa désertant nos rivage
Ala mer d'Ionie apporte des orages.
Des navires nombreux s'avançaient sur les flots
Déja reconnaissant la voix des matelots ,
Le peuple saluaît , par des cris d'allégresse ,
Les habits , le langage et les chants de la Grèce
Et bientôt de plus près s'offrant à nos regards ,
Timoléon vainqueur aborde nos remparts.
Mon fils !
DÉMARISTE.
ま
Т1 МОРИANE .
3
Mon frere , o ciel !
ANTICLES .
Timoleon !
ORTAGORAS.
Lui-même.
I
-
Tandis qu'autour de lui nos citoyens qu'il aime
Serrés entre ses bras célébraient son retour ,
Ses yeux mouillés de pleurs parcouraient ce séjour ,
Et le front ombragé de palmes de victoire ,
Environné d'honneurs il ignorait sa gloire.
Simple avec dignité , modeste sans effort ,
Béni d'un peuple immense assemblé sur le port ,
Le seul Timoléon , fuyant sa renommée ,
Félicitait Corinthe et sa vaillante armée
Et sur tous nos guerriers rejettant son éclat
Opposait à son nom la splendeur de l'état.
Vers le toît paternel Timoléon s'avance .
Que les ambitieux rentrent dans le silence ,
Et que l'égalité de retour avec lui
Dans nos murs consolés refleurisse aujourd'hui .
Timoléon s'avance au milieu des chants d'allégresse du peuple
qui l'environne . Il dit :
Voici le toît paisible où j'ai reçu la vie .
Qu'il est doux de rentrer au sein de sa patrie ;
#
De revoir , d'embrasser tous ceux qu'on doit chérir ,
Lorsque devant leurs yeux on n'a point à rougir ¦
Mere , dont les vertus égalent la tendresse ,
remier né de mon pere , et toi dont la sagesse
1 69 f
Dans l'amour de nos lois m'a toujours affermi
Respectable vieillard , mon guide et mon ami
Au sein des immortels la victoire repose }
Ils ont de leur Olympe accueilli notre cause .
L'égide protectrice a marché devant moi ,
Les destins de Corinthe ont triomphe d'un roi,
• ?
Allez , braves guerriers ; suspendez dans la place
Ges garaus immortels de votre heureuse audace
Que leur aspect nourrisse au coeur de vos enfans
L'amour de la patrie et l'horreur des tyrans .
Le vieillard Ortagoras lui parle avec ce doux épanchemen
qui convient à la vieillesse et à la confiance .
1
des bons citoyens la plus chere espérance !
Je t'ai dit ; tu vaineras , lorsque dans ton enfance ,
Assis sur mes genoux , tu pleurais à ma voix ,
Qui d'Epaminondas récitait les exploits .
Ton ame fiere et tendre aux vertus destinée ,
Le suivait pas à pas aux champs de Mantinées
Là , sur son lit de mort tu lui tendait les bras ,
Et tes jeunes soupirs enviaient sou trépas . Y
Conserve à ce grand homme un souvenir fidele ;
Ceux qui viendront un jour te prendront pour modele,
Ta mere a comme moi prédit ton avenir
Avec elle un moment je veux t'entretenir.
Tu reviens , bénissons Corinthe et son génie .
On parle ici de paix , même de tyrannie !
Des esprits dangereux , plaignant un roi pervers ,
Osaient à notre armée annoncer des revers 1
Et sur tes débris même élevant leur pensée ,
Croyaient fouler ta gloire à tes pieds renversée j
Mais ta gloire est debout ; ils ont trop espéré ;
Tu parais dans Corinthe , et je suis rassuré
Sous le pouvoir du peuple écrase leur puissance .
Ces héros d'un instant , grands durant ton absence ,
Sont les feux de la nuit , dont l'éclat incertain
Disparait aux rayons de l'astre du matin,
par
des chants.
Cet acte se termine , à la maniere des Grees ,
dans lesquels le choeur célébre la gloire de Corinthe.
Dans le second acte , Anticlès et les conjurés s'efforcent encore
de détruire l'irrésolution de Timophane ; ils sont obligée
170 1
de se retirer àl'arrivée de Timoléon , qui , conduisant son frere
près du tombeau de leur pere , lui rappelle ses derniers conseils.
TIMOLÉ O N.
Près de son lit de mort quels furent nos sermena ?
TIMOPHANE .
De chérir la vertu , de suivre son exemple.
TIMOLEON.
Mon frere , il nous entend ; son regard nous contemple ,
Et d'un pere expirant chaque mot est sacre.
Quels furent ses discours , et qu'avons - nous juré !
Je te l'ai déja dit.
TIMOPHANE.
TIMOLÉON.
Est-ce tout ?
TIMOTHA NE.
Non , sans doute.
TIMOLÉO N.
Ee reste est loin de toi .
TIMOPHANE.
Peux-tu le croire ?
Écoute .
TIMOLÉON .
Tous deux il nous pressait dans ses bras languissans
C'est ainsi qu'il parla : « Soyez bons , mes enfans ;
Obéisses aux lois , adorez la patrie.
Est-il vrai ?
TIMOPHANE.
99
Tu dis vrai : j'entends sa voix ehérie,
Et si l'orgueil s'armait contre la liberté ,
» Périssez pour le peuple et pour l'égalité: A
Est-il vrai ?
TIMOPHANE.
Je
l'avoue .
TIMOLEON.
Et nous alors , mon frere ,
Les yeux noyés de pleurs , baisant les mains d'un peraj
171 )
Par le ciel et par fui nous jurames tous deux
D'aimer , de respecter un peuple généreux ;
De vouer aux tyrans une haine implacable ,
De n'en jamais souffiir , de frapper le coupable
Qui , pour l'ambition renonçant au devoir ,
Oserait usurper le suprême pouvoir.
Est-il vrai ?
Timophane cherche à se défendre des justes reproches de
son frere. Il se plaint de la haine du vieillard Ortagoras et de
la jalousie de ses adversaires ; il accuse Corinthe qui a méconnu
ses exploits ,
Timoléon lui répond.
fortune
L'état ne nous doit rien ,
Mais nous lui devons tout vertus , talens ,
Tout en nous appartient à la mere -commune .
Si nous comptons un jour nul pour la liberté ,
Nous lui volons le bien qu'elle nous a prêté .
Et le droit de verser ton sang pour la patrie ,
L'inestimable honneur de mourir pour nos lois ,
N'est- ce donc pas un prix plus grand que tes exploits
Tu n'as que de l'orgueil , tu n'aimes point la gloire .
Peux-tu compter pour rien une illustre mémoire ,
Les vierges , les viellards célébrant leur soutien ,
Pleurant sur le cercueil du guerrier- citoyen ;
Le chêne couronnant sa valeur qui succombe ,
Et l'immortalité qui s'assied sur sa tombe ?
Timophane ne peut dissimuler les remords qui le poursuivent
; il lui échappe même de nommer Anticlès et ses comprices.
Timoleon s'écrie :
Rentre dans ta vertu qu'ils voulaient conquérir ;
Arrache de leurs mains ta probité captive ,
Et reportant l'effroi dans leur ame craintive ,
A ces usurpateurs retirant ten appui ,
Rapproche-toi du peuple on n'est grand qu'avec lat.
Les citoyens de Corinthe s'assemblent.
TIMOLÉON dans la tribune.
Au peuple souverain je remets mon pouvoir.
Le peuple l'invite à rester encore le chef de l'armée , afin
de confondre les ennemis de la patrie . En effet , Anticlès
paraît à la tête d'un parti séditieux. On découvre un diaden
( 72 )
préparé pour Timophane . Les patriotes font éclater leur indignation.
Le traître est aussi - tôt proscrit .
•
Dans le troisieme acte , Timoléon abandonne son frere aux
avis de sa mere qui l'attendrit sans le faire renoncer à ses crimes .
Ortagoras a surpris une lettre de Denys-le-tyrau à Timophane ,
qui donne la pleine conviction de ses attentats contre la liberté
de Corinthe. Sa mort est décidée , s'il ne dénonce lui - même au
peuple sa trahison et ses complices . Timoléon fait encore un
effort pour rappeller son frere à la vertu , à ses devoirs ; et
ne pouvant rien obtenir , il se voile avec son manteau et lui
dit , Ton heure sonne , adieu.
Timophane sort , et tombe sous le poignard d'Ortagoras . La
République étant vengée et sauvée par la punition des conspirateurs
, Timoléon dit au peuple :
Que le poignard , vengeur de la cause commune
Sanglant et suspendu reste sur la tribune .
Si jamais dans ces murs il s'élevait un roi ,
Que son frere indigne se souvienne de moi.
L'égalité renaît ; que nos destins s'achevent ;
Qu'à son niveau sacré tous les fronts se relevent ;
Que la loi regne seule , et fonde parmi nous
Le bonheur de l'état sur la grandeur de tous .
Timoléon monte sur les vaisseaux avec les guerriers de
Corinthe.
Le Chaur chante .
Demi-dieux de la Grece antique ,
Vous qui de l'Hellespont abandonnant les bords
Sur le navire prophétique.
Courtes de Colchos enlever les trésors ;
Nous n'allons point chercher sur le lointain rivage
Un métal corrupteur , le prix de l'esclavage ;
Des cufans de Corinthe il blesse la fierté ;
Mais nous portons la mort à des rois homicides ,
Et nos voiles tyrannicides
Vont conquérir la liberté.
Par une heureuse et naturelle association de la déclamation
avec la musique , ainsi que les anciens poetes grecs en ont
donné l'exemple dans leurs tragédies , le poëte français a su
ajouter un prix infini à son oeuvre dramatique . En effet , la
déclamation , mere de la musique à qui elle fournit ou doit toujours
fournir tous ses motifs de chant , acquiert par ce concours
plus de force et d'énergie , comme la musique plus
d'éclat et d'expression. Elles se procurent l'une à l'autre des
( 73 )
repos pour se faire entendre avec plus d'avantages ; elle reçoivent
enfin dans leurs rapports des secours réciproques qui
les font valoir mutuellement . Si la musique réussit à exprimer
le sentiment et à peindre les passions , la déclamation a d'ailleurs
des inflexions plus délicates et des tons plus rapides , plus
rapprochés , et infiniment plus variés , pour parler à l'ame et
en suivre tous les mouvemens . On est tenté de dire comme
le philosophe Fontenelle , Musique , que me veux- tu ? Quand elle
veut chanter un récit ou exprimer avec les entraves de la mesure
et des accens notés , ce que la déclamation peut rendre avec
tant de vérité , de liberté , de rapidité et d'énergie . Mais que
ces deux arts sont admirables lorsque , se renfermant en quelque
sorte dans leur sphere , ils concourent à faire valoir un
ouvrage dramatique . C'est ce que les citoyens Chenier et Méhul
ont senti dans la distribution qu'ils ont faite des parties de la
tragédie qu'il fallait déclamer on chanter.
Les citoyens artistes , Talma , Baptiste , Monvel , Monville
et la citoyenne Vestris , ont parfaitement rempli leurs rôles
et jamais les choeurs de l'Opéra n'ont été si bien mis en action ,
et n'ont pu faire ressortir plus avantageusement la brillante
exécution et le charme de la musique. Aussi le public des amateurs
et des connaisseurs de la poésie et de la bonne musique
s'est- il empressé d'applaudir à ce nouvel accord des arts de la
déclamation et du chant , en se portant en foule aux représentations
nombreuses et soutenues de Timoléon ; tragédie qui
fera époque par l'expression mâle et pure de son républica
nisme , et par les beautés de différens genres qu'elle réunit
ANNONCES.
Euvres complettes de Winkelmann , en huit volumes in- 4 ° . ,
avec plus de 250 planches et un grand nombre de vignettes et
fleurons en taille - douce ; chez H , J. Jansen et compagnie , place
du Muséum , à Paris . On publie actuellement les tomes I et II ,
in-4° ., ornés de 64 planches et d'un grand nombre de vignettes
et fleurons en taille- douce . Ces deux volumes contiennent
1º . l'histoire de l'art chez les anciens , précédée de l'éloge de
Winkelmann , par le professeur Heyne , et d'un abrégé de sa
vie , par Huber ; 2 ° . remarque sur l'architecture des anciens ;
3º , remarque sur l'architecture de l'ancien temple de Girgenti.
Ce superbe ouvrage , parfaitement exécuté , ne peut manquer
d'être accueilli par les artistes , par les amateurs et par les
hommes de lettres qui tous regardent Winkelmann comme
le savant le plus instruit et le plus enthousiaste des beautés de
l'art dont il a parlé avec une chaleur et un amour bien propres
à électriser et à éclairer ses lecteurs .
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 13 Novembre 1794.
Las dernieres nouvelles de Pétersbourg , en date du ze he
tobre , présentent la cour ivre de ses succès en Pologne , et se
promettant bien de les pousser aussi loin qu'il sera possible ,
Cette joie a pourtant été un peu modérée par l'annonce des
préparatifs de la Porte Quomane , tant sur mer que sur terre.
On savait déja qu'elle se proposait d'avoir une marine respectable
; mais ce qu'on ne savait pas , c'est qu'elle rassemble et
veut tenir sur pied une armée de 180,000 hommes . La Russie
fait aussi de nouvelles levées , ou pour mieux dire , un recrutc
ment général , comme on le verra dans le second des deux
extraits suivans d'ordonnances émanées de l'impératice . On
remarquera que la population de l'empire ruste y est fort exa
gérée , même en y comprenant les provinces polonaises , qui net
lui appartiendront peut- être pas long - tems.
Une ukize vient de paraître pour reprimer les fréquens abus
des fabriques d'eau- de - vie , et les dommages qu'elles cansent
eux forêts. Il est dit dans cette ordonnince , que , d'après
les considérations que la ferme de l'em de vie établie dans les
gouvernemens de Tambow et de Toula , selon le nouveau projet
, a beaucoup contribué à Faccroissemment des revenus de
la couronne ; un pareil marché doit être concha dans tous
les autres gouvernemeus , et sur le même pied . Elle contient
en outre quatre articles . Le premier d termine la quantité
d'eau-de-vie que chaque noble pourra brûler pour son propre
usage . Le deuxieme anet les nobles à contracter pour cele
ferme avec le gouvernement. Le troisieme enjoint au sénat de
faire , d'après la confrontation des lois de ordonnance de
l'eau - de -vie , une ordonnance dans laquelle seront insérées
les augmentations nécessaires et les conditions auxquelles les
marchés doivent être conclus . Enfin , par le quatrieme , il est
ordonné aux gouverneurs généraux , aux administrateurs , à
ceux chargés de la police des villes et dans les districts , de se
Conner toutes les peines possibles pour prévenir et découvrit
foute espece de fraude dans les lieux où ils exercent leurs fonc
tions lorsque les marchés y auront été conclus de la maniero
prescrite par cette ukaze .
Deux ordonnances , en date du 11 septembre , adressées
an sénat dirigeant , decident, l'une , qu'il sera fait un Leer
175 )
tement dans tout le gouvernement de Russie , y compria
celui de Saint - Pétersbourg , pour completter les forces , de
terre et de mer ; l'autre , le mode qui sera employé pour
procéder à ce recrutement. On trouve dans la seconde
1 °. que les régimens de carabiniers de Moghilow , d'Ingrie
Riga , Jamsbourg , Rostow , Narra et Gargapol , ainsi que
quelques régimens de dragous de Saint Pétersbourg , Smefensek,
Kinbourn , Astracan , Waladinier , Nichegorod et Taganock
doivent dès ce moment et pour l'avenir , être complettés
par les bourgeois et des particuliers des gouvernemens
d'Isgislaslaw et Braslaw ; 2 ° . que les corps des chasseurs
de la Ruasie-blanche , de Catharicaslaw , d'Estemie , de Livonie
ét Finlande doivent être complettés par les gouvernemens de
Minski , Poletzk et Moghilow , des bourgeois , des paysans
de la Couronne et des particuliers ; 3 ° . que poor completter
les forces de terre , on doit livrer un recrue sur deux cente
ames , et ce , du 15 octobre de cette année au 1er janvier
1795 où la livraison doit être finie , et qu'à l'avenir on devra
fournir annuellement autant de recrues qu'il sera nécessaire
pour completter l'armée ; 4°. que les preposés des gouver
nemens d'Igeslaw , Braslaw , Minaki , Moghisow , après s'être
concertés avec le département de la guerre , doivent destiner
des cantonnemens pour completter la cavalerie et les corps
de chasseurs , et prendre tous les arrangemens nécessaires et
semblables à ceux qui seront prescrits aux gouvernemens de
Catharinoslaw , Charkow et les trois gouvernemens de la
petite Russie ; 5 ° . que les années de service de ceux qu'on
recrutera dans les gouvernemens d'Igislaw , Braslaw , Minski ,
Potozk et Moghelow sont fixés à vingt ; 6º . qu'on doit se régier
d'après l'ordonnance du 3 mai 1783 , relativement à la taxe
de 500 reubles que les marchands ont à payer pour chaque
recrue dans ces gouveraemens , et que les juifs doivent être
soumis à une taxe semblable ; 7 , enfin , que les régimens de cuirassiers
, en conséquence des préférences qui leur sont accor
dées , doivent être complettés des régimens de carabiniers et de
dragons .
On voit ici un dénombrement de tous les habitans måles
de la Russie . Il est fixé selon l'état de la derniere revision
des contribuables , d'après lequel on levé les revenus de la
couronne. Cet état est divisé co trois classes ; la premiere ,
des négocians , bourgeois et ouvriers , monte à trois cents
quarante-quatre mille quatre -vingt-onze hommes ; la seconde ,
des voituriers , à trente- sept mille sept cents onze hommes ;
et la troisieme , des paysans , à onze millions denx cents
trente -deux mille deux cents neuf hommes. D'après cet état ,
le nombre des hommes contribuables monte à onze millions
six cents quatorze mille onze . En y ajoutant un nombre égal
de femmes , la population de ces trois classes seules donne
ilions deux cents vingt-huit mille vingt-deux
( 76 1
ames ; ainsi , en y ajoutant celle qui se trouve dans les cinq
gouvernemens , de Koliwan , de Tobolsk , de Permsk et du
Caucase , les troupes de terre et de mer , leurs femmes et
enfans , les nobles , le clergé , les employés à la cour et aux
tribunaux , et leurs familles , les colons , les habitans des isles
Kasily , la population entiere peut être évaluée avec sûreté à
vingi-sept millions .
Les succès des Russes et des Prussiens dans la Pologne ne
sont pourtant pas encore assez décisifs pour que ces deux puissances
co- partageantes aient à se flatter de terminer bien promptement
cette guerre à leur avantage , et d'envahir le reste de
cette contrée . Il court différens braits qui annoncent de la
mésintelligence entre les généraux Russes . On pretend que
Denisow n'a point rejoint Suwarow qui , mécontent lui - même
de Fersen , s'est retiré à Léopold en Gallicie , dont les habitans
entretiennent des intelligences avec ceux des provinces
polonaises limitrophes ; ce qui ne laisse pas d'inquietter l'Autriche
sur le sort de cette province , laquelle n'a sans doute pas
encore eu le tems d'oublier qu'autrefois elle fit partie de cette
même Pologne qui tâche aujourd'hui de briser ses fers .
Dambrowski et Madalinski ont su échapper aux généraux
Russes et Prussiens จ et traverser leurs armées en laissant
battre quelques petits corps de la leur . Ils se sont rapprochés
de Varsovie , où l'on continue de prendre des mesures de défensc.
Le quartier général des insurgens , dans la Prusse méri
dionale , est à Kolo. Ils font delà des excursions sur les domaines
de Frédéric Guillaume qui a confié nouvellement le
commandement de ses troupes au général Favrat. Le conseil
national de la nouvelle république , plus digne aujourd'hui de
de noa , que quand des nobles y délibéraient tumultueusement
sur l'élection d'un roi , qui souvent avait acheté leurs suffrages ,
a rassuré les Polonais d'abord consternés de la perte de
Kosciuszko . Voici quelques anecdotes sur ce héros .
y
l'on
vues très-
L'on écrit de Varsovie que le conseil national y est parvenu
à consoler le peuple de la perte de Kosciuszko ,
et que
eric de nouveau : vaincre ou mourir ! On prétend même que
la captivité de Kosciuszko y est aujourd'hui un sujet de satisfaction
, attendu que l'on suppose à ce héros des
ambitieuses . Lorsque les Russes l'ont pris , il était étendu par
terre , et un cosaque se disposait à lui porter un dernier coup :
alors survint un officier russe , qui cria au cosaque : arrêtez !
courut à Kosciuszko et l'embrassa . Kosciuszko doit lui avoir dit:
Laisse- le faire , pourquoi m'envie- tu le bonheur de mourir ? L'officier
en question est , dit-on , Kutusoff , à qui Kosciuszko renvoya
si généreusement son épouse arrêtée à Varsovie cette
dame est venue elle-même en faire encore des remercimens
son libérateur.
Au surplus , les blessures de Kosciuszko n'ont pas été troumées
dangereuses ; on lui a fait prendre le chemin de Péters(
77 )
bourg. Le général Fersen l'a traité avec beaucoup d'égard ; il
lui dit d'abord que s'il n'avait point de confiance aux chirur
giens russes , il pourrait en faire venir de Varsovie ; et effec
tivement , on lui a envoyé de Varsovie le chirurgien Maignan .
Le grand porte- enseigne de Lithuanie , lieutenant- général
Wawrzewski , que l'on a donné pour successeur à Kosciuszko
dans le commandement , a fait son apprentissage en Prusse ,
où il a servi au régiment de Thiel . Peut -être est - ce par cette
raison seule que beaucoup de Polonais sont mécontens du
choix que l'on a fait de lui . Au reste , il n'est pas revêtu de
tous les pouvoirs qu'avait le généralissime . Kosciuszko come
mandait au conseil , Wawrzewski lui reste subordonné .
De Francfort-sur- le-Mein , le 16 novembre.
1
Suivant des lettres de Wesel , du 8 de ce mois , l'armée
autrichienne , forte d'environ 25,000 hommes qui avaient descendu
le Rhin sous les ordres du général Werneck , pour se
joindre à l'armée anglaise et hanovrienne , et défendre ainsi
les Provinces Unies , s'est coupée en deux grosses divisibus
qui retournent sur leurs pas. Un changement aussi subit au
premier plan arrêté dans la conférence d'Arnheim , étonne
le public qui en ignore les motifs.
Les ministres de l'empereur à la diete ont reçu des instruc
tions au sujet du rescrit de l'électeur de Mayence , envoyé
a Vienne. Depuis , ils ont fait différentes ouvertures , entre
autres celle- ci Que l'empereur , comme chef de l'Empire ,
ne mettrait aucun obstacle à ce qu'on s'occupât des moyens
d'opérer une paix convenable ; et qu'il attendrait la décision.
que l'Empire pourrait lui soumettre sur cet objet : qu'en sa
qualité de co - état , il pensait qu'on devait s'en tenir d'abord
à la premiere question : Si une proposition de paix doit avoir
lieu ; et renvoyer après la solution de la seconde question
Comment cette proposition doit- elle se faire ? Que cependant
la prudence exigeait que les préparatifs et la raise sur pied.
du quintuple ne fussent point suspendus ; qu'au contraire ,
on ne devait mettre que plus de zele et de célérité , pour
être en état de continuer la guerre s'il le fallait , et se prosurer
une paix convenable .
+
Voici les prétendues conditions auxquelles on croyait assez
généralement en Allemagne que la paix allait se faire. Nous
disons , an croyait ; car aujourd'hui ces bruits de paix si
répandus commencent à tomber : 1. la France rendia les
Pays -Bas autrichiens , non pas à l'Autriche , mais à un prince
de l'Empire quel qu'il soit ; 2 ° . toutes les conquêtes faites
par les armées françaises , sur la partie occidentale du Rhin ,
seront rendues à leurs possesseurs ; 3° . la navigation de l'Es
gaut et du Rhin sera libre et affranchie de tout péage ; 4º , on :
( 78 )
"
tendra à la France les iles qu'elle a perdues dans cette guèrrez.
50. les Hollandais n'auront plus de stadthouder.
Cependant les Français , formant une armée de 70 à 80,000
hommes , se préparent à investir Mayence , et cernent presqu'entierement
cette ville à une assez petite distance . L'élec
teur de Cologne , qui y était arrivé le 11 , est reparti quelques
heures après pour Mergentheim. Le délai fixé par le commissaire
de la Convention , dans la proclamation aux émigrés de
Cologne , à l'instar de celle faite à ceux de Coblentz , a été
prolongée de six semaines . Quant à cette derniere ville , elle
a fourni les 10 et 11 de ce mois , les 30,000 paires de sou
liers auxquelles elle était imposée . Mais ce n'a pas été sans
peine qu'elle s'est procurée le cair nécessaire . Les Français y
ont donné une fête civique à l'occasion de la prise de Rheinfelds
et de St. - Goard.
avant. --
for
Le 10 , à 3 heures après - midi , les Républicains ayant
repousse les avant postes des Valaques de Bretzenheim , le
même endroit où ils avaient escarmouché le 7 sans succès
on même avec désavantage , s'emparerent de cet endroit et
firent même avancer leurs piquets jusqu'au moulin en - deçà de
Zahlbach , redoute qu'un colonel de troupes mayençaises
s'empressa d'occuper pour les empêcher de pénétrer plus
Le 11 , le colonel Brechern fut chargé de les déloger
de Bretzenheim ; les Français tiurent long- tems dans la
cour de l'eglise contre la division des Valaques , renforcées
d'un bata llon de Serviens et d'un escadron de Waldeck. Mais
ils céderent en voyant leurs avant postes repoussés de tous
côtés par les Serviens . Le 13 , vers les 11 heures , toute
la réserve allemaude sortit de la ville à la suite d'une canon-)
nade accompagnée d'un feu de mousqueterie vivement exe
cutés . Leur poste de Sainte Croix , où ils ont une batterie
placée derriere un mur , et le Hardemberg , furent particulie
rement attaqués par l'artillerie allemande . Les Français ont
établi plusieurs canous du côté de Moabach ; après les avoir
fait jouer , ils ont tenté trois fois l'assaut sur le Nonnen avec
leur impétuosité connue . Mais cette fois ci elle a échoué
contre la bayouneue des Allemands plus nombreux .
---
·
On voit par ces détails que si Mayence est bien attaqué , il
est bien défendu. Cependant la garnison n'est pas tout -à -fait
aussi forte qu'elle devrait l'être ; car il n'y a que 14,000 hommies
au lieu de 20. Le duc de Saxe - Tescheu y est arrivé le 12 ; on
ne sait si cest pour emplacer le gouverneur , nommé Huff ,,
mort deraierement d'apoplexie . Mais il paraît constant que ce
prince se propose d'y rester. La coalition et les Français sentent
également le prix de cette place , d'où il a été si difficile do
déloger ces derniers , qui s'y maintiendront vraisemblablement
s'ils la reprennent , ce qui ne serait pas impossible , puisqu'ils.
l'ont déja cae et qu'ils ont pris en si peu de tems Mastricht ,
place encore plus forte dans son genre.
( 79 )
En attendant l'évenement , le landgrave de Hesse- Cassel est
arrivé avec ses gardes à Giessen , où doivent arriver incess
samment 14,000 hommes qui se porteront sur les bords du
Rhin. Il a fallu pour completter cette division , que le landgrave
fit servir jusqu'à ses gardes de classe
PROVINCES - UNIES . De la Haye , le 8 novembre..
Le stadhouder , qui voitantiver la fin de son regne , rés
double d'efforts pour empecher les Français de faire des progres
sur le territoire de la république des 17 Provinces - Unies ,
dout , grace à la corruption era la force , c'est -i- dire à son
argent et aux troupes de Frédérie- Guillaume son beau frere ,
il etait parvenu à laite un royaume . Ge prince ne met pas
moins de soin à interrompre toute espece de communication
entre les Français et les habitans des Provinces - Unies. Les
états de Hollande viennent de publier à son instigation an
placard , portant qu'afin de prevenir les fréquens voyages de
plasieurs personnes allant et venant aux villes et places
actuellement occupées par les Français , il ne sera désormais
permis à personne de venir du pays ennemi , ou des places
occupées par lui dans la république , ou de se rendre au
susdit pays ou places sans être pourvu de passe - port. Ges
passe - ports ne pourront être délivres que par les états , le
conseil- d'état ou le stadrhouder; il faudra les faire enregis
trer dans la derniere ville ou place du territoire des Pro
vinces-Unies,
Le gouvernement stadhoudélies ne se borne pas à ces
mesures il fait quelque chose de plus positif pour sa dés
fense. Le long de la digne du Waal et de celle du Rhin ,
près de Pannerden et plus haut , on a élevé par- tout des
batteries.
Ou a aussi de nouveaux détails sur les inondations qui
s'étendent depuis Rhenen jusqu'au Zuidersée . Non content
d'empêcher la décharge du ruisseau de Lunteren et autres
on a fait déborder Beau pour se décharger dans Eem . Une
grande étendue d'eau se trouve devant la province d'Utrecht ,
du côté de la Velwe , et peut parvenir à une hauteur et largeur
sousidérable , puisque celle qui découle de cette partie
de la Gueldre est arrêtée près de la ligne .
Il a été ondobué à tous les habitans de reinettre à l'hôtel de
ville d'Amsterdam des états exacts de tout ce qu'ils ont d'armes
de poudres , de balles , etc.
A la requisition de l'ambassadeur d'Angleterre , on a mis
en arrestation le ci-devant peusionnaire Vischer , Vander
Heyde , Vander Kolcker , Willem-Janssen , Keusker , et un
6. individu . Ginq autres personnes du nombre de celles qui
préscuterent la fameuse pétition ont pris la fuite. Elles ont été
sommées de comparaitre. Les six premiers ont été arrêtés au me
ment même où ils ont comparu , et chacun d'eux a été con
duit dans une prison séparée . Le prétexte mis en avant par
l'ambassadeur d'Angleterre pour demander l'arrestation de ces
personnes , c'est que dans la fameuse pétition du 14 , les
soldats anglaia sont traités de brigands et d'assassins .
en
On essaie aujourd'hui de faire croire qu'il est faux que
la province de Frise ait voulu se détacher de l'union ,
faisant une paix particuliere : elle a seulement déclaré , dit- on ,
que cette guerre était trop onéreuse pour elle ; et d'alleurs ,
on n'a pas tardé à la faire changer d'avis . Aujourd'hui la grande
majorité consent aux inondations et à une nouvelle levée de
troupes.
Le prince Ernest , fils du Roi d'Angleterre , est arrivé à la
Haye , et en est reparti sur -le - champ pour Utrecht , dans le
dessein de rejoindre l'armée du duc d'Yorck.
ITALIE. De Gênes , le 1er novembre.
On mande de Naples qu'on travaille continuellement dans
ce royaume , sur-tout à Castellamare , à mettre la marinet
sur un pied respectable. Les mêmes lettres disent qu'on en
fait autant pour la Sicile , et que les côtes voient leurs points"
les plus éloignés absolument garnis de tout ce que pent exiger
une bonne défense .
Un ordre du roi de Sardaigne enjoint de dresser avec
toute l'exactitude possible l'état de la population de Tarin .
Une lettre de Vintimille du 28 octobre , donne les nouvelles
suivantes .
La grande quantité de neige tombée de nouveau a forcé
les Français à abandonner le col de Tende ; les Piémontais
en ont fait autant de leur côté , et sout alles joindre les
Autrichiens à Acqui . Le 25 , il a passé par ici un bataillon
français , venant de Nice , et qu'na autre bataillon a suivi
aujourd'hui . Huit bataillons doivent arriver encore , sans
compter ceux qui ne sont plus nécessaire au col de Tende ,
et doivent hiverner sur territoire génois : c'est pour y renforcer
l'armée . Les lettres reçues de Nice nous disent trèspositivement
que l'ex -ministre Tilly s'y trouve encore , qu'il
occupe la même maison que les représentans du peuple ,
que ceux- ci ont pour lui mille égards , et l'appellent à toutes
leurs conférences ou conseils . 1
On apprend par des lettres de Rome que le cardinal de
Bernis vient d'y terminer sa carriere à l'âge de 79 ans , et dans
la 36. année de son cardinalat : il laisse trois cents mille
écus romains , tant eu argent qu'en meubles , bijoux et argenterie
. Son exécuteur testamentaire est le chevalier de Azara ,
ambassadeur d'Espagne à la cour de Rome , qui s'est chargé
de trouver un appartement aux tantes du dernier roi de France ,
logées ci - devant dans le palais du cardinal.
RÉPUBLIQUE
B
( 81 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE
CLAUSEL.
Séance du septidi , 7 Frimaire.
La correspondance offre toujours des félicitations sur la clô
ture des jacobins . Elles sont venues aujourd'hui des communes
de Chambery , Cherbourg , Dijon et de la section de
l'Observatoire.
Les représentans du peuple dans les départemens du Cher,
de l'Indre , du Puy - de - Dôme , du Cautal et de la Correze ,
informent la Convention de la situation de ces départemens.
Ils goûtent les bienfaits de la revolution du 9 thermidor ,
ils ne connaissent pour point de réunion que la Convention
nationale . Ils chérissent ses principes et sa justice . Les
intrigens et les agitateurs y sont démasqués et éloignés des
fonctions publiques ; dans le Cantal seul , le systême de
Robespierre avait jetté des racines plus profondes , ce n'a été
que trois mois après la glorieuse époque du 9 thermidor ;
que les rayons de la justice qui triomphe dans toute la France ,
out dissipe la terreur et l'effrei . Mais les hommes de sang et
les fripons viennent d'être confondus et le peuple rendu à ses
véritables sentimens , va désavouer les adresses liberticides que
lui avait arrachées la perfidie accompagnée de la terreur.
Menau , au nom des comités d'agriculture et de commerce ,
fait un rapport sur l'invention da citoyen Barneville , qui a pour
objet d'établir en France des manufactures de mousselines superfines
, à l'imitation de celles des Indes . Les armes de la
République , dit- il , terrassent l'Anglais sur le continent ,
la marine française approvisionne nos ports aux dépens des
marchands de Londres . Il est encore un autre genre de
succès que nous pouvons obtenir sur eux , et nous triompherons
par le génie de ce peuple orgueilleux , déja vaincu
par nos armes ; maître du Bengale , l'avare Anglais nous vend
au poids de l'or les mousselines des Indes jusqu'à présent
inimitables en Europe ; nous lui arracherons cette brauche de
commerce , et nous épargnerons quarante millions que nous
coûtent chaque année nos consommations en ce genre .
Le rapporteur fait ensuite le détail des offres du citoyen
Barnevelle , et la description de sa machine pour la filature
du coton . Elle est aussi simple qu'ingénieuse ; toutes les
broches et bobines sont mises en mouvement par une seule
roue , et l'on a néanmoins la faculté de ralentir ou d'accélérer
Tome XIII.
F
( 82 ),
à volonté la rotation de chacune d'elles , en sorte qu'une ou
vriere peut filer un fil extrêmement fin , tandis qu'une autre
fiera du fil moyen sur la même machine ; l'on peut aussi y
filer en même- tems du coton , du fil , de la soie , de la laine .
Les machines cornues ne donnent au plus que trente mille
aunes de fil par livre ; celle de Barneville en donne jusqu'à
cinquante mille. Dans l'Inde , l'ouvriere ne tire qu'un seul fil
à- la - fois , et avee cette machine chaque ouvriere en file deux .
Ménau développe enfin tous les avantages de célérité , d'économie
, de commodité et de perfection qui résultent de cette
invention , et la Convention decrete qu'il sera fait une avance
au citoyen Barneville de 200 mille liv . , sous caution , pour
l'établissement de sa manufacture , et qu'il jouira de cette
somme et d'un local propre sans intérêts pendant dix ans .
Portier , au nom du comité des finances , fait décréter :
Art . 1er . Toutes les pensions accordées par décret portant le
om des pensionnaires , seront payées par la trésorerie nationale
sur le vu du décret , sans autre formalité que la production
du certificat exigé par la loi du 6 germinal .
20. Les pensionnaires liquidés par décret , joindront à
l'extrait du décret un certificat de propriété du directeur général
de la liquidation .
30. Les certificats de résidence exigés pour les payemens à
faire à la trésorerie , seront valables pendant les six mois de la
date du visa du directoire de district.
Perès , au nom du comité de législation , fait un rapport
sur la question de savoir si dans les jugemens du tribunal criminel
du département du Nord , relativement aux prévenus
d'avoir ou favorisé l'invasion de l'ennemi , ou de lui avoir
adhéré , l'on doit proposer aux jurés la question d'intention .
Le doute provenait de ce que l'art. XXIV de la loi du 26 frinaire
an 2 la défendait , et que la loi de 24 vendémiaire dernier
paraissait l'avoir abrogée , en ordonnant aux tribunaux de ne
pas confondre l'erreur , l'égarement ou la faiblesse avec des
intelligences perfides , ou des trabisons caractérisées , et en
décrétant qu'à l'avenir dans toutes les affaires soumises à des
jurés de jugement , les présidens des tribunaux criminels seraient
tenus de poser la question relative à l'intention , et lès
jurés d'y prononcer par une déclaration formelle et distincte ,
à peine de nullité.
Le comité de législation , pénétré des grands principes de jus
tice et d'humanité , sans oublier ce qu'exige la rigueur du gouvernement
révolutionnaire , a pensé à l'unanimité que la loi du 26
frimaire était abrogée par celle du 14 vendémiaire ; mais il a jugé
en même tems cette question trop importante pour être decidée
par un simple arrêté , et il a cru devoir la soumettre à la
décision de la Convention .
66
Juger un prévenu , dit le rapporteur , sans en apprécier
l'intention , c'est blesser les premiers élémens de la raison et
( 88 )
de la morale ; l'envoyer à la mort ssns s'assurer qu'il l'a
méritée , c'est un attentat à la vie des citoyens ; c'est un
meurtre judiciaire . Si nous jugions de l'intention par l'événeiment
, si nous nous accoutumions à voir des crimes dans
toutes les actions nuisibles à la société , ne retomberions - nous
pas sous la tyrannie exécrable d'où nous sortons ? ne deviendrions-
nous pas aussi barbares que nos ancêtres qui faisaient
des procès en forme aux animaux malfaisans ? ne seriónsnous
pas aussi stupides que ce peuple de l'antiquité qui punissait
des statues dont la chûte avait écrasé quelque citoyen ?
et le
La Convention approuve l'arrêté du comité de legislation .
Garnier ( de Saintes ) demande la revision de la loi qui exclut
de Paris et des places frontieres les ci - devant nobles ,
rapport d'un arrêté du comité de salut public , par lequel
ils ont été exclas des départemens voisins de celui de la Vendée
. Plusieurs membres exposent que cette loi est due à Robespierre
dont le motif perce , et qu'étant aujourd'hui sans
objet et n'ayant produit que du mal sur - tout à Paris , il faut
la rapporter dans son entier .
Les propositions faites sont renvoyées aux trois comités .
Fourcroi , au nom des comités de salut et d'instruction publique
, fait un rapport vivement applaudi , dans lequel il
développe la nécessité d'avoir des écoles de médecine et de
chirurgie . Une des raisons qu'il fait sur- tout valoir , c'est l'obligation
de remplacer par des gens habiles les officiers
de santé morts dans nos armées . La Convention , dit -il , n'apprendra
point sans douleur , que plus de 600 d'entr'eux y sont
morts .
་
La Convention ordonne l'impression du projet et l'ajourne
ment à trois jours .
Ramel fait substituer dans le décret d'hier , qui exempte de
la réquisition les denrées venues de l'étranger , aux mots de
premiere nécessité , ceux de non prohibées .
Séance d'octidi , 8 Frimaire.
Le comité des secours propose et obtient plusieurs décrets .
Plusieurs communes et sociétés populaires expriment à la Convention
leur reconnoissance sur la clôtute des jacobins .
Le président du tribunal criminel du département de Paris ,
fait part à la Convention du jugement qu'il vient de rendré
contre les membres de l'ancien comité révolutiounaire de la
section du Bonnet- rouge , convaincus de vols et de dilapidations
et condamnés à vingt ans de fer , avec exposition pendant six
heures . Deux ont été acquittés .
Clausel , au nom du comité de sûreté générale , fait part de
plusieurs lettres venant du tribunal révolutionnaire , et relatives
à Carrier. Parmi elles , se trouve une de cet accusé , qui se
plaint de n'avoir pas été interrogé , et réclame le droit qu'a
lout accusé d'être jugé par des jurés tirés au sort . I demande
aussi à être jugé séparément , et recuse plusieurs juges et jurés .
F 2
( 84 )
Le président du tribunal fait en même-tems passer la copie da
jugement du tribunal , qui après délibere , déclare qu'attendu
la connexité de l'affaire de l'accusé Carrier avec celle du comité
révolutionnaire de Nantes , la même section connaîtra de l'accusation
portée contre Carrier.
Après cette lecture , le rapporteur invite la Convention à
prendre dans sa sagesse les mesures qu'elle croira convenables.
L'ordre du jour , s'écrie- t- on de toutes parts ; il est adopté
motivé sur ce que la marche que doit suivre le tribunal lui est
tracée par la loi.
Clausel , au nom du même comité , propose le remplacement
de quelques députés qui ont achevé leur mission dans
les départemens . Du nombre des membres désignés se trouve
Thuriot .
Bourdon de l'Oise ) , observe que Thuriot est membre des
comités du gouvernement. Clausel répond qu'il en sortira le 15 .
Bourdon reprend , et dit que c'est la marche des anciens comités
d'éloigner ceux qui ne plaisent pas .
Bernard de Saintes ) pense qu'avant tout l'on doit examiner
s'il est utile d'envoyer des représentans dans les départemens
. Il assure que les opinions particulieres des députés en
mission ont tellement influencé leurs opérations , que chaque
département paraissait avoir une législation particuliere , et
que l'exécution des lois et la marche du gouvernement en out
été entravés .
Clausel : Chacun sait le mal que les partisans de Robespierre
ont fait dans les départemens. Je puis assurer que le comité
de sûreté générale est avare de cette mesure , et qu'il ne la
prend que lorsque les circonstances l'exigent. Nous savons tous
jusqu'où ont été les efforts des hommes de sang ; c'est pour
mettre un baume salutaire sur les blessures encore saiguantes
des patriotes , pour comprimer les méchans et assurer l'exécution
des lois que le comité a cru devoir vous proposer ces
nominations .
Camboulas voudrait que le comité consultât les députations
des départemens sur le choix des sujets , avant de les présenter
à la Convention. Plusieurs députés y voient du fédéralisme ;
Delmas demande qu'un membre du gouvernement sortant des
comités, ne puisse être envoyé qu'un mois après en mission .
Bourdon trouve cette proposition monarchique ; et Guyemard
, démocratique , parce qu'elle empêche que les grands
pouvoirs restent long- tems dans les mêmes mains. La proposition
de Delmas est décrétée , et le décret présenté par Clausel
adopté , le nom de Thuriot en ayant été rayé.
Richard , au nom du comité de salut public , annonce les
nouvelles victoires remportées par l'armée des Pyrénées orientales
. (Voyez Nouvelles officielles. )
La Convention natiouale décrete que l'armée des Pyrénées
orientales ne cesse de bien mériter de la patrie .
Guyton-Morveanu , au nom du même comité , fait un rapport
( 85 )
sur l'état des manufactures d'armes de Paris ; il donne lien
une discussion . Il en résulte que l'éloignement où l'on est des
matieres premieres , les frais de transport et le salaire des ouvriers
, qui doit être proportionné à la cherté des denrées dans
une grande ville , augmentent beaucoup le prix des armes , sans
en bâter la fabrication , ni en assurer la qualité .
Cette discussion est terminée par un décret qui renvoie au
comité l'examen de la question de savoir s'il ne serait pas plus
convenable de répartir les ouvriers sur les divers points de
la Republique où se trouvent les matieres premieres , et où
l'on a établi des atteliers .
Merlin ( de Douay ) , au nom du même comité , rappelle à
la Couvention que la nation française a une dette sacrée à
acquitter envers le peuple Américain . Son drapeau flotte anx
voûtes du sénat français , et celui de la nation française ne lui
a point encore été envoyé , comme un gage d'une fraternite
réciproque.
La Convention rend le décret suivant au milieu des plus vifs
applaudissemens .
Art . Ier. Il sera , sans délai , envoyé aux Etats - Unis d'Amérique
un drapeau aux couleurs nationales de la République
Française .
" II . Ce drapeau sera présenté au congrès en signe de l'union
et de la fraternité éternelles des peuples Américain et Français ..
Séance de nonidi , 9 Frimaire.
› Thibaudeau , au nom du comité d'instruction publique ,
fait decréter :
1º . Il sera nommé un jury de 27 membres , pour juger les
Ouvrages de peinture , sculpture et architecture , remis au
concours en vertu de l'arrêté du comité de salut public , pris
dans le courant de germinal dernier.
20. Les citoyens qui concourront se réuniront le 15 frimaire
dans la salle du Laocóon , pour désigner 40 citoyens ,
dont 27 seront choisis par le comité d'instruction publique
pour le jury ; les autres seront suppléans .
30. Les objets apportés au concours seront déposés dans les
salles de la ci - devant académie de peinture et sculpture.
4° . Le jury s'assemblera le 26 frimaire pour délibérer à
l'appel nominal sur les prix à accorder. Les membres qui le
composeront motiveront leur opinion .
5°. Le comité d'instruction publique présentera incessamment
un rapport sur les moyens d'encourager les arts d'une
maniere utile à la République .
t
Le même membre fait décréter qu'il ne sera établi aucun
attelier d'armes , de salpêtre , ni aucun magasin de fourage ou
de matieres combustibles , dans les bâtimens où il y a des bibliotheques
, des cabinets d'histoire naturelle , et en général des
dépôts de sciences ou arts , et que dans les endroits où ces
F3
( 86 )
établissemens se trouvent réunis , ils seront séparés , on du
moins mis à l'abri des incendies . La commission des arts å
Paris et les agens nationaux dans les départemens sont chargés
de l'exécution du décret .
4
Reverchon , au nom du comité de sûreté générale , fait lecture
de deux arrêtés du réprésentant du peuple Isabeau en
mission à Bordeaux ; par le premier , il établit une commission
pour reviser les jugemens de la commission militaire ; et par
le second , il réhabilite la mémoire du nommé Lakte , tombé
sous le glaive de la loi , et arrête que ses biens confisqués seront
rendus à ses héritiers .
Le rapporteur propose de casser ces arrêtés et de rappeller
Isabeau .
Bourdon ( de l'Oise ) demande depuis quand la Convention
a délégue les droits de souveraineté à un de ses membres . Il
pense qu'Isabeau , témoin des jugemens de la Commission militaire
, a créé cette commission apparemment pour cacher ses
fautes , et qu'il n'est dû que des indemnités à ceux qui ont été
dépouilles injustement. appuie le projet de décret du comité.
Il est adepté.
Forestier , représentant du peuple , rend compte de sa mission
dans le département des Hautes - Pyrénées . Il y a fait succéder
la justice à la terreur , et les lois à l'anarchie .
La commune de Bordeaux exprime sa joie de la clôture
des jacobins . Elle déclare qu'elle renoncerait à la qualité de
révolutionnaire , s'il fallait être antropophage.
Oudot , au nom du comité de législation , fait un rapport
sur la position du citoyen Gris , maître de forge à l'Aire ,
district de Châtillon- sur-Seine , tendante à savoir si l'art. XII
de la loi du 29 septembre 1793 , relative au prix des denrées ,
qui confirme les marchés passés à des prix inférieurs au maximum ,
comprend aussi les marchés faits à longues années avant la
loi du maximum , et qui ont pour objet des marchandises non
fabriquées avant cette loi , et dont la fabrication est augmentée
par le salaire accordé aux ouvriers en vertu de cette même
loi.
Le citoyen Gris a venda le 4 novembre 1787 , aux citoyens
Georgin et Boromée , 400 mille livres de fonte en gueuse par
an , pendant huit ans , à commencer du 1er . mars 1788 ,
au prix de 68 liv . le millier , réduit par la suppression de
la marque des fers à 61 liv . 6 sols . La loi du 29 septembre'
ayant augmenté considérablement la main- d'oeuvre , les citoyens
Geargin et Boromée se sont refusés à toute augmentation , en
s'appuyant de la description de l'art. XII de la loi dont
il s'agit , et cependant les ouvriers exigent l'augmentation
de salaire portée par cette même loi .
Le rapporteur expose qu'il serait injuste de forcer à livrer
des marchandises qui n'auraient pas été fabriquées à l'époque
de la loi du maximum , à un prix inférieur , lorsque le prix
( 87 )s
et il
de la fabrication anrait été augmenté par cette même loi ,
propose de décréter dans tous les marchés antérieurs
que ,
à la loi du 29 septembre 1793 , qui avait pour objet des marchandises
qui n'étaient pas fabriquées à cette époque , et dont
la fabrication a augmenté par le prix du salaire des ouvriers
fixé par cette loi , les vendeurs pourront exiger une indemnité
, et que cette indemnité sera fixée de gié à gré par les
vendeurs et acheteurs , ou par experts , d'après l'augmentation
du prix des fabriques résultant de celle du salaire des ouvriers
qui a eu lieu en vertu de cette loi.
Ce projet de décret est adopté .
Dufay dénonce à la Convention une brochure de Gouly ,
député , ayant pour titre : Vues générales sur l'importance du commerce
des colonies et le caractere du peuple qui les cultive , ainsi
que sur les moyens de faire la constitution qui leur convient . Brochure
que ce membre vient de publier sous le nom de la Convention
nationale .
Il dit que si cet écrit , fait dans le sens des colons , grands
planteurs, propriétaires d'hommes , et ne voulant pas reconnaître
depuis cinq ans les lois françaises , est envoyé à St. Domingue
on y verra sous le nom de la Convention , que les colonies .
appartiennent à elles- mêmes et aux peuples qui les habitent,
malgré les décrets qui ont déclaré que les colonies faisaient
partie intégrante de la République Française , et la constitution
républicaine qui porte que la République est une et
indivisible. Il ajoute que dans cet écrit l'on révoque en doute
un des décrets qui honorent le plas la Convention qui a reçu
une sauction universelle et des félicitations de toutes les
parties de la République , le décret du 16 pluviôse , qui en
honorant l'humanité est un levier révolutionnaire , un volcan
qui doit dessécher bientôt les eaux de la Tamise , réduire, à
l'inaction les vaisseaux de l'Angleterre , et faire de la France.
la premiere puissance maritime et commerçante .
Dufay demande que la Convention déclare qu'elle ne donne
peint son approbation à l'ouvrage de Gouly, quoique imprimé
sous son nom , et qu'il n'est que l'opinion isolée d'un de ses
membres . 糌>
Bourdon ( de l'Oise ) pense qu'il n'entre dans l'idée d
personne de croire que la déclaration des droits de l'homme
ne s'applique qu'aux blancs seuls. 11 demande l'improbation
formelle de l'ecrit de Gouly.
Pelet s'étonne que Gouly , qui a assisté à la discussion qui
a eu lieu toute la nuit sur les colonies au comité de salut
public , ait publié un pareil cerit ; il n'a pas dissimulé à Gouly
lui-même sa façon de penser. Il appuie la proposition de Bourdon
, qui est décrétée .
Carpentier regarde cette mesure comme insuffisante ; il you
drait que l'écrit de Couly fût examiné par les trois comités ,
pour le faire punir s'il est coupable ; et il cite à l'appui l'as-
F 4
( 88 )
sertion de Gouly , que Saint - Domingue doit avoir une constitué
tion indépendante ; que les pouvoirs législatifs lui appartiennent ,
que s'il veut bien recevoir des conseils de la France , il ne doit
pas en recevoir des lois .
et
Pelet croit que la Convention a assez fait pour la chose ,
publique , en improuvant l'ouvrage de Gouly ; qu'aller au i
delà , ce serait attaquer la liberté d'opinion ; et sur sa motion ,
l'on passe à l'ordre du jour.
Ramel , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur les contributions de 1794 .
L'Assemblée ordonne l'impression du rapport , du projet
de décret , et ajourne la discussion .
Séance de décadi , 10 Frimaire .
Un secrétaire donne lecture des adresses qui sont du comité
révolutionnaire de Sedan , de la commune de Nancy , des
sociétés populaires de Sedan , Metz , Langres , de Rosney ,
le Puy , la section de la Liberté de Dijon , la commune d'Avallon
, les sociétés de Bapaume , Saint-Omer et Amboise. ,
Elles contiennent toutes des félicitations sur la clôture des
jacobins . Par - tout l'espérance du bonheur renaît ; l'image..
affreuse de la terreur , du sang , des échafands , des bourreaux
et des cachots fait place aux plus douces émotions de
la fraternité .
"
Charlier et Pocholle , représentans du peuple à Lyon .
écrivent qu'ils ont parcouru tout le pays environnant , qu'ils
ont va par-tout le peuple attaché à la Convention nationale ,
s'éclairant sur les vrais principes , ét rendant justice aux mesures
que prend la Convention pour faire renaître la sécurité
et le bonheur. Mais ils annoncent qu'ils ont découvert à
Montbrison une secte d'illamines , composée d'un mélange
de judaïsme , de christianisme et d'autres sectes et qui
se livrait à des extravagances dignes de pitié . Ces sectaires
ne parlaient que d'Isaac , Jacob , Moyse et Aaron . Plusieurs
se disposaient à partir pour Jérusalem , sous la conduite d'un
Moyse qui était une fille de mauvaise vie . Mais la voix de la
raison en a bientôt triomphé , tout est tranquille ; à Lyon ,
les travaux reprennent leur activité ; la sécurité renaît , et des
mesures sont prises contre tous les dilapidateurs .
"
Boudin demande que , dans tous les endroits où il y aura
du trouble , tous les prêtres constitutionnels ou non soient
mis en arrestation.
Duhem : Et les cl- devant nobles aussi.
•
Lecointre demande la question préalable sur cette propo
sition parce qu'elle ne tend qu'à exciter du trouble . Nous
avons besoin de tranquillité , dit-il , et l'on cherche à ramener
du désordre. A quoi servent les autorités constituées ? Pourquoi
ne surveillent - elles pas ?
J'appuie la question préalable , dit Guyomard ; ce n'est
}
( 89 )
point par la persécution qu'on ramenera les égarés , mais bien
par les lumieres, Eclairez donc ce n'est point en donnant
de l'importance au fanatisme que vous le détruirez ; vous
remplirez bien mieux votre but par les lumieres , Eclairez
donc , et bornez -vous là . Plus vous yous occuperez du fanatisme
, plus ilacquerra de force. L'ordre du jour est adopté .
Bentabolle Les comités sosont convaincus que ce n'est point
la persécution , mais les lumieres qui anéantiront le fanatisme.
Je demande que le comité d'instruction publique présente ,
dans le cours de la décade , son travail sur les fêtes décadaires,
La barre est ouverte aux pétitionnaires . Les éleves de David ,
peintre , demandent qu'il soit transféré chez lui sous la garde
de deux gendarmes , pour leur continuer ses instructions .
Chénier les appuient. La Convention passe à l'ordre du jour.
Des citoyens des Isles - du - Vent sollicitent de la Convention
l'échange de leurs freres prisonniers , transportés par les Anglais
dans Lisle de Guernesey, qu'ils réclament depuis longtems
en vain .
Renvoyé au comité de salut public .
Le surplus de la séance est employé à entendre, Iss autres
pétitions , qui ne présentent que des intérêts particuliers .
Séance de primedi , 11 Frimaire.
I
La correspondance contient un grand nombre d'adresses
de diverses communes , sociétés populaires et autorités constituées
qui toutes expriment à la Convention leur reconnaissance
d'avoir mis fin au regne de la terreur, et fait disparaître ces
monstrueuses bastilles qui couvraient et souillaient la terre de
la liberte . Les felicitations , sur la clôture des jacobins n'y sont
point omises .
Une députation de la commune de Brest est admise :
L'orateur trace le tableau des nombreux services rendus à
la liberté par cette commnne , et pour prix desquels le tyran et
ses complices lui donnerent un tribunal de sang qui s'est souillé
par toutes sortes d'atrocités . Il dénonce les membres qui
composaient ce tribunal , appelle la bienfaisance nationale sur
les veuves , lcs orphelins des victimes de la tyrannic . I repousse
les calomnies qui ont été dirigées contre cette commune,
et assure que c'est au courage de ses habitans qu'est due la
conservation du port de Brest .
;
Le président répond que Brest peut compter sur la justice
de la Convention ; que les coupables seront punis et les innocens
vengés.
Un membre rend témoignage du civisme des Brestois ; et
sur sa motion , l'insertion de l'adresse en entier au Bulletin et
de la réponse du président , et le renvoi au comité de sûreté
générale sont décrétés .
Les sections de Paris , a qui le grand acte de justice qu'a
7909
exercé la Convention , la decade derniere , n'avait pas permis
de se présenter , paraissent aujourd'hui et viennent lui payer
leur tribut de reconnaissance pour la mesure , devenue si néces
saire , de la clôture des jacobins.
Ces sections sont celles de la Réunion , de l'Homme-Armé ,
des Piques , Poissouniere , Révolutionnaire , des Arcis , de
Marat , Bonne-Nouvelle , Montreuil , la Fraternité , Contrat-
Social et l'Unité."
La section de la Fraternité s'exprime ainsi : « Elle n'existe
donc plus cette société, féconde en conspirateurs et en tyrans .
Vous avez dit un mot , et elle a disparu. Les lions et les
tigres dont la société des jacobins était le repaire , ont en
vain menacé de porter une dent meurtrière sur la représen
tation nationale . Vous avez bravé leur fureur ; conservez cette
energie. Que tous les conspirateurs tremblent ; et périsse
quiconque voudrait rivaliser avec la Convention nationale !
Maintenez la justice et l'humanité à l'ordre du jour. " 99 "
il
La section des Piques déclare que l'arrêté qu'elle a pris
Y a deux mois , en faveur des jacobins , lui avait été sur
prise par des intrigans .
P
La section de Marat félicite la Convention d'avoir fermé
l'antre du terrorisme , et d'avoir rappelé la justice sur le sol
de la liberté . Elle lui demande de frapper indistinctement
tous les scélérats .
Il faut , dit la section de l'Unité , principalement exiger
les comptes des deniers qui ont été perçus parr les anciens
comités révolutionnaires . Nommez une commission d'hommes
probes , laborieux , éclairés , pour recevoir ces comptes ; que
cette commission soit divisée par sections , et qu'elle aille
chercher par-tout les comptables . On trouvera bien des cou
pables , et il y a bien des milliards à faire restituer à la Ré
publique.
La Convention décrete l'insertion au bulletin de toutes ces
adresses et des réponses du président , dans lesquelles il a
sur-tout invité les bons citoyens à se rendre aux assemblées
de leurs sections , à y déjouer la malveillance , à se pardonner
les erreurs qui sont les effets d'une grande révolution ,
et à ne dénoncer que le crime."
Carnot obtient la parole , au nom du comité de salut public.
I fixe l'attention de l'Assemblée sur les contrées malheureuses
qui ont été si long - tems le théâtre de la guerre
civile , c'est- à - dire , la Vendée. Cette guerre , dit- il , n'a rien
d'alarmant pour la liberté . Les mesures les plus efficaces pour
la terminer ont été prises . De boas généraux ont été substitués
aux hommes de sang et aux amis de Robespierre . Des
dispositions militaires sont faites , et nous attendons des succès
; mais pour hâter la fin de cette guerre , nous croyons qu'il
faudrait accorder un pardon de leur faute , aux hommes séduits
on égarés qui voudraient poser les armes et rentrer dans leurs
( 91 )
foyers. Vous seuls , représentans du peuple , pouvez les rame-?
ner. Ils ont été si souvent trompes que rien : les rassure..
Vous seuls pouvez leur rendre de la confiance. Deja vos
commissaires annoncent que leurs mesures produisent un
heureux effet . Achevez votre ouvrage , ôtez du coeur de ces
hommes abusés l'idée de la mort que trois ou quatre de vos
décrets y ont gravée ; arrachez- en la rage et le désespoir. Le
comité a pensé que la mesure que vous aviez à prendre était
de leur adresser la proclamation suivante :
Carnot lit cette proclamation qui renferme une amnistie
pour ceux qui rentreront dans le sein de la République .
Lofficial dit que les députés nés dans les départemens dont
il s'agit , s'étaient réunis et avaient concerté des mesures dont
il pense que le comité de salut public eût pu tirer une grande
utilité . Il observe que le comité aurait dû consulter ces députations
, et il croit qu'il ne faut pas dans la proclamation parlert
des prêtres.
Carnot répond que cette proclamation a été rédigée d'après
les avis de plusieurs députés de ces contrées et des représentans
qui sont sur les lieux.
Lacroix pense qu'une proclamation ne suffit pas , et que
l'amnistie doit être prononcée par un décret formel. Cette
opinion est partagée par Launay. Le rapporteur l'adopte , et
invite les députations de ces contrées à se rendre ce soir au
comité de salut public , pour l'aider de leurs lumieres . La
proclamation , suivie d'un décret , sera représentée demain .
PARIS. Quartidi , 14 Frimaire , 3e . année de la République.
L'arrivée subite d'un officier Prussien a beaucoup intrigué
les spéculateurs de nouvelles . Après s'être rendu au comité de
salut public , dont il a reçu l'accueil le plus affectueux , it
est reparti pour Metz , sans qu'il soit rien transpiré de l'objet
de sa mission .
On écrit du port de la Montagne que les frégates la Minerve ,
l'Arthémise , et la Courageuse , ainsi que la corvette la Badine
et le schebeck le Jacobin ont mis à la voile sur l'ordre que
cette division a reçu du représentent Jean-Bon- Saint- André .
Le schebeck le Jacobin , qui est fort joliment peint , est , dit- on ,
destiné pour le bey de Tunis .
Nos ports sont aujourd'hui très - fréquentés par les Grecs
et les Barbaresques , qui s'empressent de , rendre hommage à
la République , en portant sur le coeur une cocarde tricolore .
Cinq vaisseaux de ligne et plusieurs frégates sont en construction
au port de la Montagne ; ils porteront les noms suivans
le Guillaume- Tell , le Francklin , le Formidable et le Jean-
Y
( 9% )
Jacques-Rousseau. Au printems prochain , le port fournira vingtvaisseaux
de ligne et un nombre compétent de frégates .
Des lettres du Midi portent que l'armée des Pyrénées
occidentales se dispose à faire le siege de Pampeluue , et qu'on
va démolir les fortifications de Fontarabie . Nos succès ont
facilité l'invasion de la basse Navarre , dont Pampelune est la
capitale , et dont la prise entraînera la conquête de tout ce
royaume ; car la fierté castillane , qui n'avait que des capitainesgénéraux
pour commander dans les différentes provinces , avait
conservé le titre de vice - roi au capitaine -général de la Navarre . *
L'armée avec laquelle nous faisons le siege de Mayence
dans le moment actuel , est d'environ quatre - vingt mille
hommes ; on évalue à quatorze mille la garnison de cette
place .
Le citoyen Verninac , ministre de la république en Suede ,
est nommé ambassadeur à la Porte - Ottomane ; il va y remplacer
le citoyen Descorches , qui est rappellé .
Le citoyen Oudard , nommé ministre plénipotentiaire auprès
des Etats - Unis , ayant donné sa démission , les comités du gouvernement
ont nommé pour le remplacer dans cette mission
importante , le citoyen Adet , ci - devant résident à Genêve.
*
--
Voici une anecdocte assez curieuse .... Un Nantais se rendait
à Paris pour déposer contre Carrier ; il fať arrêté , près d'Ancenis
, par une bande de Chouans qui lui demanderent où il allait.
Je vais , répondit-il , à Paris pour déposer contre Carrier.
Contre Carrier ? répliquerent les Chouans ; va , va
ta vie est en sûreté . Ce témoin est arrivé en effet , et il a
rapporté ce fait au tribunal .
Ces jours derniers , des filoux se sont introduits de nuit
dans la boutique d'un marchand bijoutier , maison de l'Egalité ,
et l'ont entièrement dévalisée .
Pendant le jour , d'autres voleurs ont crocheté l'appartement
du représentant Cambacéres , et lui ont enlevé , outre une somme
d'argent , tous les effets précieux qu'ils ont trouvés à leur convenance
.
D'autres accidens plus graves ont alarmé la tranquillité
publique de cette commune .
1
Il paraît certain que le gouvernement a pris des mesures pour
faire exercer une police sévere afin de réprimer les méfaits de
tant de scélérats sans asyle ou sans travail , que l'oisiveté on des
passions féroces poussent à des excès si coupables.
L'un d'eux , repris ces jours derniers par un officier de
polite , pour avoir injurié une femme honnête sous les galeies
de la maison Egalité , frappa , par derriere , l'officier d'un
grand coup de couteau dans les reius , et s'esquiva aussi - tôt
( 93 )
dans la foule. Peu de jours après , ce scélérat étant au théâtre
Feydeau , un de ses compatriotes italiens lui dit dans sa langue :
Prends garde , voilà un homme de police qui t'observe. Le
scélérat lui répondit effrontement : Qu'il vienne , je le traiterai
comme l'autre , en faisant le geste de la dague. Il fut aussitôt
appréhende et mené à la Force.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALE S.
A la Jonquiere , le 30 brumaire.
Gitoyens collegues , bataille et victoire complette dans la
journée du 27. La division de droite commandée par le général
Augereau s'était emparée de tous les camps de ganche de
l'armée espagnole , ainsi que je vous l'ai écrit le 28. Aujourd'hui
nous tenons le reste ; les Espagnols sont en pleine déroute , et
nous ne leur donnerons guere le tems de se rallier .
" Des redoutes , des batteries sans nombre , garnies d'une
artillerie formidable , ont été emportées à la bayonnette , et
la plupart sans tirer un coup de fusil . L'ennemi a résisté d'a {
bord avec opiniâtreté ; mais enfin , après quatre heures de
combat , il s'est vu forcer de céder à la valeur des républicains
. Il nous a abandonné tous ses camps , son artillerie et
ses équipages ; il y a au moins des tentes pour 50,000 hommes :
nous ignorons le nombre des bouches à feu et autres effets
qui nous restent. Le combat vient de finir , nous n'avons pas
eu le tems de compter ; mais nous avons tout .
,, Les républicains ont fait un carnage terrible . Demain nous
vous ferons connaître les détails , et en même-tems nous frapperons
de nouveaux coups sur ceux de nos ennemis qui n'auraient
pas eu la prudence de fair assez loin de nous . Soldats , officiers ,
généraux , tous se sont battus avec une intrépidité incroyable .
En vous faisant parvenir les détails , nous tâcherons de vous
faire connaître les principaux traits par lesquels on se sera
distingué , et ceux qui en sont les auteurs . "
Salut et fraternité .
Signés , VIDAL , DELBRET , représentans du peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Du 3 brumaire. Abraham, femme de Puchotte, aubergiste à Sê(
94 )
cherie , à Nantes , a déclaré que Lamberty , Fouquet et d'autres
individus , vinrent pendant la nuit , il y a un an ou 15 mois ,
établir dans sa maison un corps- de- corps ; que de- li , ils so
transporterent à la galliole où étaient les prêtres , qu'elle vit
alors amener une sabine ou chaland , dans lequel des charpen
tiers faisaient des ouvertures , sans connaître leur usage , suiwant
le rapport qui lui en fut fait par eux ; ce qui lui fit croire
que c'était pour noyer les prêtres , qui le furent effectivement .
Environ un mois après cet événement tragique , on amena
au port un grand nombre de femmes , dont plusieurs étaient
enceintes , et dont d'autres portaient leurs enfans sur leurs
bras : plusieurs citoyens s'empresserent de réclamer des femmes
enceintes et des enfans , et les obtinrent. Ces malheureuses
meres voyant qu'on les dépouillait ainsi de ce qu'elles avaient
de plus cher , avaient un pressentiment de leur derniere heure ;
elles embrassaient leurs enfans pour la dernière fois : est- il possible
, disaient- elles , que l'on veuille nous faire périr saus nous
entendre , et sans jugement ? La consternation et le silence
de la mort régnait par-tout.
Elles furent conduites à la fatale gabarre ..... Toutes les
victimes que j'y ai vues conduire , étaient impitoyablement
noyées deux ou trois jours après .
Nous ne croyons pas devoir porter plus loin l'analyse de
cette procédure qui s'est extrêmement prolongée , et occuperait
un espace immense dans ce journal ; elle n'a fait que
multiplier le nombre des témoignages sur des faits fuffisamment
constatés . D'ailleurs , depuis que Carrier est entré dans l'instruction
, les principales circonstances vont être reprises
et l'on trouvera la revue des évenemens avec l'acteur qui
y a joué le principal rôle .
INSTRUCTION. SUR CARRIER .
Séance du 7 frimaire . Une foule immense inondait le palais
de justice , et remplissait l'auditoire . Les premiers accusés
étaient depuis quelques momens en place. L'arrivée des juges
a commandé le plus profond silence .
A onze heures moins un quart , Carrier paraît.... A l'instant ,
et malgré les cris des huissiers qui appellaient le silence , un
murmure terrible , un mouvement d'indignation retentit dans
la salle . Carrier est conduit au gradin le plus élevé , vers la
partie haute de la salle ; il s'y assied entouré de gendarmes .
Le calme succede ; le président rappelle le peuple à sa dignité ,
et un silence profond regne dans l'assemblée .
Le président. Carrier , vos noms , demeure et qualité ?
Carrier. Président , veux - tu m'accorder la parole ?
Le président. Après la lecture des pieces.
Le Greffier a fait lecture du décret d'accusation .
Il fait ensuite lecture d'un procès - verbal du 6 , tendant à l'interrogatoire
de Carrier. Il résulte de ce procès - verbal que Carrier
, sur la premiere question , a déclaré qu'il récusait le président
du tribunal , l'accusateur public , le substitut Petit , et
la section des jurés qui instruit le procès du comité révolution
naire de Nantes , renvoyant , pour motifs de récusation , à son
dernier rapport fait à la Convention , et qu'il a refusé de répondre.
Le greffier a ensuite fait lecture d'un jugement rendu la veille
à la chambre du conseil du tribunal , par lequel délibérant
sur les récusations portées audit procès- verbal , la chambre
déclare qu'aux termes des décrets , le tribuual est compétent
pour prononcer , et prononcera sur les moyens de récusation .
Après cette lecture , le président a demandé à l'accusé s'il
voulait nommer un défenseur.
Carrier a hésité un instant , et a répondu qu'il n'en connaissait
pas.
Le tribunal a nommé pour défenseur de l'accusé le citoyen
Lafleutrie .
L'accusé a insisté pour obtenir la parole .
Le président lui a observé qu'il ne pouvait la lui accorder
qu'après la lecture de l'acte d'accusation .
Le greffier a fait lecture de cet acte. ( Voyez au numéro 14 ,
page 56. )
Carrier a observé qu'avant de le faire paraître en jugement
à l'audience , on aurait dû remplir plusieurs formalités : la
premiere , l'interrogatoire ; la deuxieme , la formation d'une
liste de jurés donnés par le sort . Aucune puissance au monde.
a dit Carrier , ne doit m'enlever le droit qu'a tout citoyen d'être
jugé par des jurés que le sort seul lui aura donnés , et contre
lequel il peut fournir ses moyens de récusation .
Le président lui a observé que le décret du 22 vendemiaire
ordonne au tribunal de juger sans délai les membres
composant le comité révolutionnaire de Nantes et leurs complices
, que l'instruction a été introduite contre les accusés.
En exécution de ce décret , a dit le président , plusieurs citoyens.
assignés comme témoins , étant ensuite présumés complices ,
soni montés au rang des accusés ; et c'est par suite des comptes
journaliers rendus par le tribunal aux comités , que vous êtes
traduitau tribunal , et que vous entrez dans l'instruction , comme
y sont entrés les témoins présumés complices .
Carrier a insisté et a dit je ne demande que la loi commune
à tous . Je le répete , aucune puissance au monde ne
peut me priver du droit accordé à tous citoyens français ;
je ne puis être jugé que par des jurés tirés au sort . D'après
votre raisonnement , président , il arriverait que je ne pourrais
pas même récuser les jurés qui me seraient donnés autrement
que par le sort ; et cependant est-il un seul homme
qui puisse être privé de ce droit , le plus beau de tous ceux
que puisse reclamer un citoyen. Je ne suis point traduit ici
( 96 )
\
:
comme complice du comité de Nantes ; je suis traduit
isolément l'acte d'accusation ne parle point de complicité;
j'arrive seul et réclamant , comme tout autre citoyen , l'exécution
de la loi je demande pour me juger, un jury qui
me soit donné par le sort , et contre lequel je puisse exercer
le droit de récusation que la loi m'accorde ..
Petit , substitut de l'accusateur public , a fait donner lecture
d'une lettre à lai adressée la veille par Carrier . Dans cette
lettre , Carrier en persistant dans ses moyens de récusations
générales , récuse particulierement parmi les jurés , les citoyens
Lambat , Topinot- Lebrun et Saulnier , comme amis particuliers
de Fréron , Tallien et Réal , qui sont ses ennemis ,
seuls auteurs des persécutions qu'il éprouve.
1
et
L'accusateur public a pris la parole ; et après avoir , en peu
de mots , démontré la faiblesse des moyens de récusation , a
demandé la continuation de l'instruction .
Le tribunal a déclaré qu'il allait se retirer à la chambre du
conseil , pour délibérer.
Carrier a demandé qu'en cas de difficulté , la Convention
fût consultée le jour même.
Le tribuual s'est retiré à la chambre du conseil . Après
un long délibéré , il est rentré. Le tribunal faisant droit
sur les conclusions de l'accusateur public , attendu la connexité
de l'affaire de l'accusé Carrier avec celle du comité , et que
T'article XIII de la loi du 5 septembre 1793 , déclare que
la même section connoîtra des affaires qui feront suite et seront
connexes , attendu que la loi du 22 vendémiaire , attendu .
que les motifs de récusation sont vagues , etc. etc. a ordonné
qu'il sera passé outre .
Le président a déclaré à Carrier qu'il avait toute la latitude
pour écrire à la Convention .
Lafleurie a exposé qu'il ne pouvait donner ses soins à la
défense de Carrier , attendu qu'il est chargé de celle de plusieurs
des accusés . Carrier ayant paru desirer un défenseur
qui ne fût chargé que de sa cause , et qui pût aller à son domicile
chercher des pieces dont il a besoin ; et ajoutant qu'il
ne connaissait aucun défenseur , le président lui a répondu
qu'après l'audience , il lui serait remis une liste des defenseurs
officienx , sauf à lui d'en choisir dans ou hors de cette liste ,
comme il le jugera convenable , et la séance a eté levée
pour être continuée demain à dix heures du matin ..
Nota . On se plaît quelquefois à faire des rapprochemens ;
en voici un frappant le 7 frimaire de l'année derniere , les
132 Nantais partirent de Nantes vers les 11 heures du matin ,
par ordre de Carrier et du comité révolutionnaire de Nantes ,
pour être transférés à Paris . Aujourd'hui 7 frimaire , à la même
heure , Carrier est monté au rang des membres accusés du
même comité .
( La suite au numéro prochain. )
( No. 16. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 FRIMAIRE , Fen troisieme de la République.
( Mercredi 10 décembre 1794 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Fin du fragment sur l'abus des mots et les différentes variations des
idées dans la révolution (1).
QUA
UAND un parti triomphe dans une révolution , on doit s'at
tendre à un débordement d'oppression d'autant plus violent
que la résistance aura été plus grande . Tout ce qui est soupçonné
avoir partagé directement ou indirectement les opinions
du parti vaincu , devient l'objet de la plus dure et de la plus
longue persécution . Le premier effet de la journée du 31 mai
se fit sentir sur la Convention elle - même. La majorité passa
sous le joug de la minorite . Robespierre , Daitton ; Marất et
les autres chefs de la Montagne exerceren une influence sans
bornes. Tous les comités furent renouvelles et organisés d'après
cette influence ; et comme si Fincarceration de trente - quatre
des principaux membres n'eût pas assez affaibli le parti qu'on
avait opprimé , on la fit suivre de celle de soixante et onze ,
dont tout le crime était d'avoir formé le projet , sans l'avoir
exécuté , de dire sur les événemens dont ils avaient été témoins
la vérité que tout le monde publie aujourd'hui . Dès ce moment
il n'y eut plus ni débats , ni discussions dans Passemblée des
représentans . Les comités faisaient les décrets ; la Convention
Jes adoptait de confiance . Robespierre parlait et voulait ; le
reste était presque compté pour rien . A entendre les adresses ,
les députations , les Jacobins et le troupeau imitateur des affiliés
, on eût dit que la Convention n'existait plus que dans la
montagne; et la montagne ( 2 ) souffrait que l'on aviliît une partie
(1) Voyez les numéros 6 , 10 et 13 .
(2 ) Il est toujours dangereux d'admettre dans les assemblées politiques
de ces dénominations particulieres dont l'objet est d'exciter
les haines , de favoriser l'esprit de parti , et de diviser les membres
d'un corps qui doit être un , et jouir de l'indépendance d'opinion la
plus absolue . Personne ne doute qu'il ne se soit rencontre dans la
portion qu'on a appellée la montagne d'excellens républicains qui
ont rendu de grands services à la liberté . Qui peut oublier que c'est
de la montagne que sont partis les premiers traits qui ont abattu la
Tome XIII, G
( 98 )
nombreuse de ses collegues , revêtus comme elle du caractere
auguste de la représentation nationale , et qu'on leur prodigust
les qualifications grossieres et outrageantes de crapauds du
marais , de limon fangeux , etc. etc.
Hors de la Convention , des représentans délégués allerent
porter en foule même esprit dans les départemens . Toutes
les autorités constituées furent recomposées dans le sens qui
convenait aux vues des chefs . On accorda aux sociétés populaires
une extension de pouvoir qui les transforma pour ainsi
dire en autorités constituées , et leur donna une part active au
gouvernement ; que dis-je ? elles furent , après la Convention ,
les corps les plus puissans qui aient jamais existé dans un ordre
social . Elles exerçaient leur influence sur la nomination à tous
les emplois , à tous les postes ; nul ne pouvait obtenir un certificat
de civisme sans prendre leur attache , et les représentans
eux-mêmes n'auraient pas été assez imprudens pour agir
saus les consulter ; plus d'une fois elles sont parvenues à faire,
rappeller ceux qui voulaient se débarrasser de leurs lisieres ;
elles surveillaient toutes les parties de l'administration , et n'étaient
surveillées par personne. Cette politique pouvait être fort
bonne pour faire passer toutes les places dans les mains des
jabobius , multiplier le nombre des proselytes , et affermir l'autorité
des nouveaux dominateurs ; mais elle corrompait l'institution
des sociétés populaires en les détournant de leur véri
table but ; elle en faisait des, instrumens de parti , quand elles
ne devaient être que l'asyle de la liberté et de l'indépendance
des opinions ; elle leur inspirait des vues ambitieuses , et
leur donnait une consistance politique qu'il était difficile de
leur faire perdre sans produire une espece de secousse toujours
dangereuse en révolution , lors même qu'elle est indispensable.
Tout devint révolutionnaire dans un moment où il ne pou
vait y avoir d'autre révolution que celle que préparaient à leur
profit les ambitieux et les usurpateurs ; comités révolutionnaires ,
armée révolutionnaire , tribunal révolutionnaire ; et comme Paris
était devenu le centre de toutes les impulsions , l'on vit bientôt
s'élever dans les départemens des établissemens similaires , et
Ja République compta 44,000 corps de surveillance , toujours
en activité , dont le moindre abus était de coûter à l'état ,
comme l'a calculé Cambon , 491 millious aunuellement .
De cet amalgame révolutionnaire sortit un systême d'opderniere
tyrannie ? L'union qui regne depuis cette époque parmi les
représentans prouve assez qu'ils n'avaient été divisés que par une suite
du plan d'intrigue et d'ambition de quelques chefs dont ils ont reconnu
l'imposture . Mais il n'en est pas moins vrai que c'était avilır
la Convention et porter atteinte à la souveraineté du peuple dans un
de ses droits les plus précieux , que de la voir toute entiere dans une
seule de ses parties .
( 99 )
pression , dont jamais la tyrannie n'avait fait l'essai sur aucun
peuple. Nous dirons bientôt avec quel inconcevable artifice il
fut combiné et soutenu , et corament une nation qui portait
le sentiment de la liberté dans le coeur , et prouvait assez søn
énergie en résistant à l'Europe entiere , a pu le supporter pendant
quinze mois . Nous ne nous occupons en ce moment qu'à
considerer les effets que ce systême a produits sur les idées
politiques , sur les mots et sur les choses .
On ne retrouve plus dans la langue de la liberté ni les patriotes
de 1789 , ni les destructeurs du trône , i les fondateurs
de la Republique . Tans les services sont oubliés , tous les principes
toutes les affections des ames libres , toutes les époques
les plus glorieuses de la, révolution disparaissent devant celle
du 31 mai. Elle scule devient la pierre de touche du patriotisme.
Quiconque est soupçonné de n'y avoir pris aucune part ,
ou d'en avoir prevu les déplorables effets , est signalé comme
mauvais citoyen ou federaliste . Elle ouvre une carriere sans bornes
à toutes les vengeances individuelles . La liberté , la sûreté , la
propriete sont à la merci d'une foule d'inquisiteurs , choisis
dans la classe la plus susceptible d'être égarée par l'enthopsiasme
, l'ignorance ou la cupidité , et de céder aveuglément
aux impulsions étrangeres . Avec la qualification vague
d'hommes suspects , il n'est pas un citoyen qui ne dut craindre
d'être arraché des bras de son épouse et de sa famille pour
être jetté dans ut: cachot. Cette mesure arbitraire prend une
latitude si abusive qu'on croit y remedier par la loi du, 17 sep
tembre , et cette loi est impunément violee par ceux qui soat
chargés de son exécution . On force tous les citoyens à afficher
sur leur porte leur nom , leur âge , leur profession , leurs
moyens d'existence , afin de choisir plus aisément les victimes ,
et de s'épargner la peine de les découvrir. On voit paraître une
foule d'intrigans et d'hommes nouveaux , aristocrates la veille
révolutionnaires le lendemain ; le fourbe échappe , l'honnête
homme seul est atteint . L'obéissance aux lois est regardée
comme un crime de contre- revolution . On voile ou l'on invoque
tour-a- tour la déclaration des droits , selon qu'elle est
contraire ou favorable aux projets révolutionnaires . Ca nourrit
sans cesse le peuple de craintes , de complots , de couspirations
découvertes , et ces annonces étaient si ressasées qu'elles
frappaient les oreilles sans qu'on daignât s'y arrêter . Toutes
les fautes , tous les écarts , tous les résultats de fausses mesures
étaient attribués à la malveillance ; c'était la porte banuale pour
échapper à tous les reproches . Nul ne pouvait s'eutretenir de
nouvelles politiques. Les comités de gouvernement avaient
seuls le droit d'en fixer le degré de créance . S'affectait- on d'un
mauvais saccès ? ou était alarmiste . En prévoyait- on d'heu
reux ? on était accusé d'un empressement coupable. Se renfer
mait- on dans une muette circonspection ? on était réputé égoïste.
Quelque parti que l'on puit , on ne pouvait se soustraire a l'ins
ር ና
( 100 )
quiétude soupçonneuse de ceux qui commandaient alors
l'opinion.
On peut réduire à trois caracteres principaux les effets
subversifs qu'a produits cette époque de la révolution sous
la direction de ceux qui l'avaient opérée une exagération
dans les idées politiques et morales , qui avait substitué l'em,
pire de la folie à celui de la raison ; une ignorance et une
barbarie qui menaçaient la France de l'extinction de toutes les
lumieres un esprit de déprédation et de ferocité qui semblait
avoir partagé la nation en deux classes , les fripons et les
oppresseurs , les spoliés et les opprimés .
Exageration dans les principes : on a peine à concevoir
jusqu'à quel point on avait poussé l'esprit de délire sous le
nom de philosophie politique . Un homme qui ne manquait
pas de finesse dans les idees , mais qui possédait sur- tout
dans le style ces formes originales et extraordinaires , si
propres à ébranler l'imagination des enthousiastes ignorans ,
s'était constitué l'orateur du genre humain , et n'en était pas même
un dans la Convention dont il était membre. Cet homme , qu'il
faut regarder comme une espece de fou politique , si l'on ne
veut pas en faire , un instrument de l'étranger , ne rêvait que
la république universelle . Il n'aspirait à rien moins qu'à munici
paliser toutes les villes de l'Europe , et à faire insensiblement
de toutes les parties du globe autant de départemens . Par une
contradiction bizarre , ce philantrope qui voulait fraterniser
avec le genre humain , était le même qui proposait de sang- fraid
de septembriser les prêtres , les nobles , tous les aristocrates , et
l'on sait quelle latitude ces messieurs donnaient à cette dénomination.
Ces folies avaient produit dans certaines têtes une telle fré
nésie qu'il n'était question que de révolutionner tout l'univers ;
nos armées devaient renverser tous les trônes , et forcer tous
les peuples à oublier leurs lois , leurs moeurs , leurs préjugés
leurs habitudes , pour adopter brusquement les principes de la
révolution française . Tandis que l'on prêchait cette doctrine de
la propagande et de la liberté universelle , on exerçait envers
Jes peuples conquis des vexations et des brigandages qui for
maient un contraste bien étrange avec cette fraternité et cette
égalité politique que l'on voulait établir à la maniere des
Mahomet et des Gengis . Enfin , on avait porté le délire jusqu'à
proposer une confrerie de tyrannicides qui devaient bientôt
affranchir le genre humain. Il semblait qu'on eût pris à tâche
de dégoûter les peuples des idées de liberté , et de susciter a
la France des ennemis nombreux et implacables. Robespierre
s'est élevé dans la suite contre ces extravagances , comme il
s'est élevé contre les exces.commis envers le culte religieux ;
mais les avait - il combattu dès leur naissance ? Il a sacrifié
Gloptz , comme il a imaolé tant d'autres exagérateurs , après,
avoir profité de leurs écarts .
( 101 )
Au dedans on avait donné aux idées démocratiques les
formes d'une demagogie si outrée qu'elle était devenue une
véritable aristocratie qui n'avait fait que changer de place ; car
il y a aristocratie toutes les fois que l'autorite se trouve exclusivement
dans une classe de la société quelle qu'elle soit .
En appellant dans tons les emplois tant de geus incapables ,
croyai- on par-la venger le peuple de la trop grande humilia
tion dans laquelle on l'avait laissé languir sous le régime
monarchique ? C'était transposer le ressentiment de l'ancien
ordre de choses dans le nouveau ; c'était altérer les principes
mêmes de la democratie , où tout est peuple tout est sansculotte
, quand il n'y a plus de castes privilegiées . Voulait- on
faire abstraction , dans l'etat démocratique , des riches , des propriétaires
, des manufacturiers , des commerçans , des artistes ,
de tous les gens instruits ? Ce n'était pas seulement une injus
tice criante envers une portion aussi nombreuse de la société
c'était nuire de la maniere la plus sensible à l'intérêt public qui
n'admet dans la distribution, des places d'autre préférence que
celle du mérite et des qualités propres à les remplir . Ce n'était
pas là le compte de ceux qui cherchaient à caresser le peuple
pour le maîtriser , mais c'était celui de l'intérêt général et de
la véritable démocratie .
Cette exagération avait passé , des idées politiques , aux idées
morales et religieuses . On parlait de moeurs , et l'on corrom
pait de mille maniere la morale publique et l'opinion . Des
feuilles écrites du style le plus grossier et le plus dégoûtant ,
étaient disséminées avec profusion dans toute la Républiques
on en infectait les armées , les corps administratifs , toutes les
classes du peuple. On eût dit que les Français , si renommés
par leur politesse et leur urbauité , ne connaissaient plus d'autre
langage que celui de la plas sale crapule et du cinisme le plus
déhouté ; chose scandaleuse ! les gouvernans d'alors achetaient
cent mille exemplaires des ordures du pere Duchesne , et faisaient
payer à la nation son avilissement et son déshonneur .
On ne lisait plus sur les murs des maisons , on n'entendait
plus dans les rues de Paris , dans les carrefours , les places
publiques , les jardins nationaux , que des prédications sanguinaires
, où les plus froides plaisanteries étaient associées sux
maximes des cannibales et des antropophages .
Sous prétexte de détruire le fanatisme et la superstition , on
sapait toutes les idées religieuses ; on effaçait toute espece de
culte public à la divinité , pour y substituer la doctrine cadavereuse
de l'athéisme et du néant . Le dogme consolateur , de
l'existence d'un Etre suprême était regardé comme une pensée
contre-révolutionnaire , ei l'on persécutait quiconque , en vertu
de l'article le plus inalienable de la déclaration des droits de
tous les peuples , voulait honorer Dieu selon son coeur et
sa conscience . Les monstres ! au milieu de leurs fureurs et de
leurs crimes ils auraient voulu öter à Phomme jusqu'au dernier
G 3
* ( 102 )
en
refuge contre l'oppression et le malhenr. Ils avaient raison ;
l'idée d'un juge et d'un vengeur incorruptible les importunait
trop , pour ne pas en étouffer le souvenir et l'espoir dans les
autres . On se rappelle toutes les hypocrites simagrees de Robes
pierre après ces dragonades modernes . Voulait- il affermir son
pouvoir en se faisant le restaurateur de la religion , ou
créer une lui- même ? L'un et l'autre flattait assez sa vanité ou
son intérêt pour être probable . Mais peu s'en est fallu qu'on
n'ait passé d'un excès à un autre , et que l'on n'ait persécuté avec
la même fureur ceux qui ne croyaient pas , comme on avait
persécuté ceux qui croyaient.
Les manieres , les usages , les habitudes ne furent point à
Tabri de cette influence exagératrice . On ne saurait blâmer les
differeus costumes qui ont éte successivement la livree du
patriotisme ; chacun , dans un état libre , a le droit de choisir
la forme d'habillement qui lui paraît la plus commode ou la plus
appropriée à son goût , et de choquer même les convenances
les plus générales , quoiqne l'esprit d'affectation soit rarement
la preuve d'un bon esprit . Mais , en vertu de cette même liberté,
da moins ne fillait - il pas regarder comme aristocrats ou mauvais
citoyen , quiconque ne se soumettait pas à cette affiche . Il
n'était pas plus raisonnable de juger du degré de civisme par
un habit troué au coude , des cheveux ronds et plats , et le
cinisme de la mal - propreté , qu'il l'était dans l'ancien régime
de juger de la probité d'un homme par l'elegance de ses vêtemeus
. Les hypocrites et les fiipons n'en ont jamais été à l'habit
près , et il etait plus aisé de se masquer en patriote , que d'en
avoir les principes dans le coeur.
Ces folies n'étaient que ridicules ; mais quand elles allaient
jusqu'à faire rougir du nom de ses peres , elles offensaient
les moeurs et les corrompaient. C'était à qui mettrait à contribution
l'histoire grecque et romaine , pour y chercher un
patron que l'on pût revolutionnairement avouer. Si cette
démence n'eût pas trouvé une sorte de retenue dans l'excès
même du ridicule , il eût fallu bientôt réformer tous les registres
qui constatent l'etat civil , refaire tous les contras , et
au bout de quelques années il eût été difficile de prouver qu'on
était le fils de son pere ou le mari de sa femme . Cette manie
des metamorphoses s'étant étendue jusqu'aux sections , aux
villes , aux rues qui en moins de trois ans ont changé cinq
ou six fois de nom . L'habitant de Paris se trouvait étranger
dans la cité où il avait passé sa vie ; le voyageur étonné ne
retrouvait plus , sa carte à la main , les lieux qu'elle Ini désiguait
. On ne trouvait par- tout que le surnom de la montagne ,
même au milieu des plaines les plus horisoutales . On n'eût
pas célébré une fête publique sans y figurer une montagne ; il
n'y avait pas une commune , pás un petit village qui ne fût
jaloux d'avoir sa montagne , et on n'eût pas cse envoyer , dans
ce tems , une adresse à la Convention , si elle n'eût été
( 103 )
,
ornée d'une métaphore ou d'une comparaison tirée de la montagne.
Ainsi , après avoir réformé tous les actes de la société
il cât fallu refaire l'histoire , la géographie et les vocabulaires ,
chaque fois qu'un événement ou une crise révolutionnaire
aurait amené de nouvelles idées et un autre objet d'idolâtrie .
A force d'exciter les défiances et les haines , on avait tellement
altéré le caractere des Français , qu'on ne rencontrait
que des figures sinistres qui se mesuraient d'un oeil inquiet et
farouche ; la terreur ou la menace était empreinte sur tous
les fronts . Plus de communications , plus de bienveillance ,
plus de fraternité , plus de ces sentimens qui font que l'homme
se confic à l'homme , et s'épanouit à la vue de son semblable.
Au silence effrayant qui régnait dans les cités , an soin que
l'on prenait à se fuir , on eût dit qu'on ne vivait qu'au milieu
d'un peuple d'espions et d'ennemis , et que l'espece humaine
avait changé de nature .
Enfin , on avait révolutionné jusqu'à la langue , et comme
les idées , les principes , les sentimens étaient exagérés , il
fallait bien que les expressions le fassent aussi , Au travers
des innovations et du néologisme le plus barbare , le caractere
qui s'est fait remarquer le plus fréquemment dans le style
révolutionnaire, ç'a été l'art très facile d'exprimer les choses les
plus simples d'une maniere gigantesque , et l'art très - dégoûtant
de n'emprunter les images que des objets de destruction ,
-de terreur
et de mort ; car pour l'art de traiter les matieres
politiques et de gouvernement en jeu de mots , en calembourgs
et en epigrammes , d'annoncer des victoires avec emphase , et de
ne parler de ses ennemis que dans les termes du plus profond
mépris , cet art ne supposait qu'une ame vide de
sentiment , et un esprit peu exercé aux convenances . C'était
avilir nos armées en même tems qu'on voulait en rehausser
la gloire . Heureux si l'on n'eût fait qu'offenser le goût , dénaturer
la langue , sans outrager l'humanité !
"
S'il fallait présenter le tableau des ravages de l'ignorance
et de la barbarie , pendant la durée de cette période révo-
Jutionnaire , ou verrait la liberté de la presse et des opinions
enchainée , les journaux supprimés ou réduits à une insi
guifiance ou une servitude déshonorante pour la pensée ,
craignant également de parler et de se taire ; une affectation à
dénigrer la philosophie et les philosophes comme s'ils eussent
été les ennemis du genre humain , parce qu'ils l'étaient des
fripons et des charlataus ; les écrivains morts , les plus célebres ,
déchirés et converts de mépris par ceue horde de vandales :
les hommes de lettres et les artistes vivans , dans les fers
ou conduits à l'échafaud ; les spectacles fermés à nos chefd'oeuvres
dramatiques , et livrés à uu déluge de productions
révolutionnairement dégoûtantes . Les monumens des arts et
des sciences dégradés , pillés , dévastés ; la guerre la plus
sauglaute déclarée au commerce à l'industrie et à l'agri
GA
( 104 )
culture ; les villes de manufacture détruites , et la vengeance
s'exerçant jusques sur la pierre insensible des édifices ; enfin ,
par un contraste insultant , les mêmes hommes qui appelaient,
la barbarie sur la France , qui se souillaient de sang , de
meurtres et de crimes , affecient de parler de la restauration
des sciencés et des arts , de justice , de meurs , de probité
et de verin.
Détournons nos regards des brigandages , des dilapidations ,
des taxes révolutiontraires , des vexations , des angoisses , des
emprisonnemens ; oublious , s'il est possible , ce cancer politique
de la Vendée qui a dévoré plus de trois cents mille hommes ,
ees lois monstrueuses qui dounaient à effet rétroactifà chaque
époque de la revolution , et ces tribunaux de sang qui avaieut
fait du temple de la justice l'autre de Poliphême , et ce
code barbare du 22 prairiai , et ces conspirations des prisons
qui en étaient l'horrible supplément et les formes acerbes de
ces Verrès qui ont outrage la pudeur , la nature et l'humanité
dans ses lois les plus saintes. L'histoire épouvantée de tant
d'horreurs n'oserà les décrire , et la postérité ne pourra les.
croire.
Tant d'excès effrayerent une partie de ceux qui leur avaient
imprimé le mouvement. Ils voulurent arrêter le torrent révolutionnaire
, et ils y furent engloutis . Robespierre a pu être
assez fourbs pour paraître approuver leurs projets ; il était
trop adroit pour ne pas les précipiter dans Tabyme ; c'etait
autant de marche- pieds sur lesquels il élevait sa puissance ,
et l'essai qu'il en fit sur Danton , Camille Desmoulins , Phelippeaux
ci les autres , lui avait trop bien réussi pour craindre
de rencontrer désormais aucun obstacle . Il se crat en droit
de tout over , et c'est dette ivresse de la vanité et cette erreur
de sa politique qui la perdu.
Faut - il , comme on l'a dit , n'attribuer la révolution du
9 au 10 thermidor , qu'à une querelle entre ceux qui se
disputient sur le choix des victimes ? serions - nous condamnés
à cette persuasion pénible que si la tête de quelques représentans
n'eût pas été menacée , la France gémirait encore
sous le jong de l'oppression ? C'est une question que nous
ne chercherons point à éclaircir au milieu des passions qui
fermeutent encore . Mais ce que nous savons , ce dont tout
le monde a pu se convaincre , c'est que la grande majorité
de las Convcation ne voyait Robespierre qu'avec horreur ,
que depuis long- tems elle épiait et observait sa marche ,
que la plus saine partie de ce qu'on appéliair la montagne
appercevait le précipice où la continuation de ce système
allait plonger la République , et qu'elle n'attendait qu'une
occasion pour faire éslater son énergie . Il est aisé d'en
juger à la célérité avec laquelle ce tyran fut dénoncé , attaqué ,
décrété , mis hors de la loi et executé en moins de trentesix
heures . Ce qu'il y a de sûr , c'est que la nation était rassasiéc
105 )
de la tyrannie qu'on exerçait sous le nom de la liberté
Outragee , et que si la durée de cette oppression se fûr
encore prolongee quelque tems , elle aurait trouvé infailliblement
son terme dans son excès . Le ressort était à son
denier degre d'intensité , il fallait qu'il se brisat .
Q'ctaient donc ces hommes qu'on a honoré du nom de
triumvirs ? Avalent- ils l'audace de Catilina , les grandes qualités
de Césa , l'eloquence d'Antoine , la souplesse politique
d'Octave , le génie de Cromwell ? Ce n'étaient que de misé
rables discoureurs , sans , consistance personnelle , sans aucun
de ces grands caracteres qui étonnent ou surprennent l'admi
ration des hommes , ou de ces qualités brillantes, qui font
pardonner le pouvoir ; d'un génie étroit en politique , d'un
talent médiocre à la tribune , d'une ame pusillanime et lâche
dans les conjonctures perilleuses . C'étaient des bouchers qui
ne savaient qu'intriguer , proscrire et égorger. Mais ces hommes
qui avaient si peu de moyens par eux -mêmes , tiraient toute
leur force des circonstances et d'une organisation révolutionnaire
préparée de longue main , qui , soit qu'elle ait été leur
ouvrage , soit qu'elle ait été suggérée par des inspirations
plus habiles , leur laissait toute la facilité d'en profiter.
D'après ces données de leur médiocrité , il est permis à
l'observateur de faire cette question : Quel était done le terme
de leurs esperances ? que voulait et que pouvait se promettre
ce Robespierre , qui paraît s'être attribué la plus grande part
dans cette horrible association ? Aspirait - il au pouvoir suprême
, à la dictature permanente , au protectorat ? A force
d'oppressions et de tyrannie exercées par ses agens , voulait-il
rejetter sur eux la haine publique , et se présenter tout-à- coup
comme un ministre de clémence et le libérateur de son pays ?
N'etait-ce qu'un de ces fanatiques atrabilaires , qui , dans le
délire feroce de sa pensée , croyait qu'on ne pouvait fonder
la République que sur les cadavres de la moitié du peuple
Français , ou bien avait-il été choisi par les puissances étran
geres comme l'instrument le plus propre , par sa vanité et ne
popularité acquise sur la classe la plus aveugle et la plus
passionate , à entraîner la chute de la liberté sous le poids
de l'anarchie ? Ce grand colosse d'un moment n'aurait- il été ,
sans le savoir , que la dupe de l'infame perfidie des cours ?
Au milieu de tant d'obscurités que dissipera peut- être le jour
lumineux de l'histoire , c'est l'opinion qui nous paraît à nous
la plus probable. La conviction de ce plan infernal , chefd'oeuvre
de l'affreuse politique de l'étranger , ne saurait être
équivoque pour quiconque voudra remonter aux causes et suivre
la marche des évenemeus .
Il fallait pour enchaîner la masse entière , isoler tens les
individus , intercepter toutes les relations , éteindre toutes les
lumieres , arrêter le courage de tous par la terreur de chacun .
Il fallait s'emparer de la Convention , sans que la majorité
( 106 )
1
pure eut la puissance d'agir , la diviser pour la perdre , se
servir de l'ambition des uns et de la fougue impétueuse de
plusieurs pour maîtriser les autres ; irriter les passions pour
avoir le droit d'accuser les principes , attaquer la liberte par
la liberté , le patriotisme par le patriotisme : porter l'art des
dénonciations jusqu'à forcer celui qui en était l'objet à des
écarts , afin de tirer d'une trahison ou réelle on amenée , la
supposition de mille autres ; transformer les patriotes en conspirateurs
et les conspirateurs en patriotes ; augmenter le
nombre des mécontens par les moyens pris pour les éprimer ;
faire passer tonte la puissance dans la classe qu'on savait être
la plus ignorante ou la plus corrompue , organiser dans toute
Ja Répull que un systême tel que le plus grand nombre fût à
la discrétion de la minorité , jusqu'à ce que l'édifice de la
Liberté s'écroulât sur lui - même : voilà le plan de l'étranger ;
en voici les moyens d'exécution ,
Avec les comités révolutionnaires , les armées révolutionnaires
, les tribunaux révolutionnaires , les sociétés de jacobins
, la violation du secret des lettres , les délations , l'espionnage
, les menaces , les incarcérations , les boucheries
judiciaires ou non judiciaires , l'égarement d'une multitude
aveuglée par le prestige des réputations ou par sa vanité , ou
par son intérêt ; la présence de proconsuls ( 1 ) revêturs d'une
autorité sans bornes dans les départemens , comment la majorité
de la nation qui ne se compose que des individus eûtelle
pu résister à un plan d'oppression dont toutes les parties
étaient si profondément liées ? Tout mouvement partiel cût
été impossible ; on ne pouvait ni parler , ni écrire , ni se
communiquer ; le moindre rassemblement était suspect ; lout
était aristocrate , excepté les meneurs et leurs instrumens ; on
opprimait au nom de la liberté ; elle était devenue entre les
mains des fripoas ou des ignorans , ou des enthousiastes , la
tête de Méduse . Agir c'eût été conspirer . On n'avait pas même
l'espoir de délivrer son pays , en se dévouant à l'ignominie
du supplice . Un mouvement spontanée comment l'espérer
quand les mouvemens particuliers étaient impraticables . Tous
les vrais amis de la liberté s'entendaient dans leurs voeux secrets
sans pouvoir se correspondre , et leur moralité servait de
garant à la tyrannic. Si du moins on eût été sûr qu'elle n'avait
qu'une seule tête ! mais .......... Il fallait que la réaction
partit du centre même d'où étaient émanés tous les désastres .
La faction de l'étranger espérait détruire la République par
la Convention , et la Convention a sauvé la République .
( 1 ) On se plaît à rendre justice à la droiture du plus grand
nombre des représentans délégués . Le grand art de la faction de
`T'étranger a été de faire découler ses moyens de nuire de la nature
même du systême qu'il était parvenu à faire établir.
( 107 ) 1
Immortelle journée du 9 thermidor ! elle a effacé quinze
mois de crimes et d'oppression . La nation française s'est retrouvée
ce qu'elle était , pleine d'amour pour la liberté et
d'horreur pour la tyrannie . Si toutes les ames eussent été
flétries et dégradées , eût- on remarqué cette joie simultanée ,
et ce concert de félicitations qui a éclaté d'un bout de la
France à l'autre. Un mouvement aussi rapide est l'indice
assuré de la régénération du peuple , et cet élan de l'esprit
public l'a vengé de sa trop longue servitude ; la honte en est
toute entiere à ses oppresseurs et à ces vils ministres des
crimes des rois , qui ont si long- tems tourmenté de guerres
intestines une nation qu'ils n'ont pu vaincre à force armée. Si
les débris d'un parti expirant se sont encore agités depuis
cette époque , ce ne sont plus que les derniers et impuissans
efforts d'un coupable qui se debat contre le châtiment qui le
presse. On craint que la révolution ne rétrograde ! certes !
voudrait- on la retenir à la hauteur de l'extravagance et du
crime ? On craint la reaction des aristocrates ! comme si le
rétablissement de l'ordre et le regne de la justice n'étaient
pas le plus sûr moyen d'en diminuer le nombre , et de rendre
leurs efforts inutiles et leur cause plus odieuse ! Nous avons
fait en politique et en révolution , un cours d'expérience bien
long et bien terrible ; quil ne soit point perdu pour notre
instruction . Tâchons de nous garantir désormais et de l'abus
des mots , et de l'erreur des choses , et de l'illusion des personnes
. Allons tous à la recherche des principes qui peuvent
affermir notre liberté et assurer la prospérité commune .
Tel est l'esprit dans lequel nous avons entrepris cel ouvrage
( 1 ).
(1 ) Les fragmens que nous avons cités servent d'introduction à
cet ouvrage actuellement sous presse , et qui a pour titre : Considérations
sur l'abus des mots et des choses dans la révolution , et sur les
principes qui peuvent la terminer.
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE .
QUE
ALLEMAGNE,
De Flambourg, le 18 Novembre 1794 .
UELQUE courage que les Polonais mettent à se défendre
contre les Russes , les Prussiens et même les Autrichiens , oa në
peut pas raisonnablement se flatter qu'ils résistent à tant de
forces réunies , à moins que la Porte Ottomane ne fasse une
puissante diversion en leur faveur. C'est ce que l'on n'ose
plus espérer ; et d'ailleurs il serait peut - être trop tard.
Toutes les nouvelles qu'on reçoit de ce pays inquiettent et
affligent les dernieres sur- tout sont faites pour parer le coeur
des amis de la liberté qui prenaient tant d'intérêt à sa cause
si heureusement soutenue d'abord par les généreux Polonais
que la fortune a trahis . Deja la Russie est parvenue à organiser
deux contre - fédérations en Lithuanie . A la tête de l'ane
est le général Branicki ; Pulawski et le prince Poninski commandent
l'autre.
Le bruit qui s'était répandu que des mécontentemens particuliers
avaient détermine les généraux Denisow et Swarow &
donner leur démission ne se confirme pas . Au contraire , ce
dernier auaqna , le 26 octobre au matin , à la vue du fauxbourg
de Prag , un corps de 4,000 Polonais commandés par
Bizewski ; il le chargea si vivement que très- peu de Polonais
parvinrent à se sauver sous les canons de Varsovie ; la petite
armée battue laissa neuf canons et plusieurs drapeaux entre
les mains des Russes . La suite naturelle de cette victoire a été
que les corps de Fersen , de Suwarow , de Cizianow et de Gallitzin
se sont approchés de plus en plus du, fauxbourg de
Prag.
On apprend dans ce moment que ce fauxbourg a été emporté
d'assaut par les Russes , qui ont pris aux Polonais
beaucoup de monde et de canons . On n'a point encore de
détails : c'est le 5 novembre que l'affaire a eu lieu . On sait
seulement qu'à cette attaque Suwarow commandait le centre ,
Fersen la droite , et Derfelden la gauche .
D'après des lettres de Pétersbourg , l'impératrice allone
400 roubles , pour frais de voyage , à tous les émigrés Français.
qui veulent s'enrôler dans l'expédition que l'Angleterre va encore
essayer de tenter contre les côtes de France . Le comte
de Capelle et le marquis de Choin sont de la partie proposée ,
qui d'ailleurs n'attire pas beaucoup d'émigrés. Le plus grand
( 109 )
nombre cherchent à se placer à Pétersbourg en qualité de
witchitels ou instituteurs . Malheureusement pour eux il n'y a
ni beaucoup de profit , ni beaucoup de consideration aca
chés à cet état.
L'escadre russe d'Archangel , commandée par l'amiral
Powalissin , est décidément rentrée dans le port de Cronstadt.
De Francfort-sur - le- Mein , le 21 novembre.
On sait enfin où doit aller le baron de Thugut , ministre
des affaires étrangeres , qui a quitte , Vienne depuis quelques
jours . Il se rend à Ratisbonne probablement pour assister aux
conferences de la diete ; car on dit aujourd'hui que le cabinet
impérial est mécontent des propositious faites par l'électeur de
Mayence pour arriver à la paix ; que les ministres Autrichiens
n'ont pas dissimulé à divers membres du corps. germanique
l'étonnement de l'empereur , de ce qu'après tant de sacrifices
on ne s'était pas adresse préalablement à lui , et que , quoique
décidé à laisser un libre cours aux délibérations , il n'y prene
drait ponrtant part en sa qualite , de co - états, que lorsqu'on en
sait l'examen de cette question ; la paix doit elle se faire ?
L'électeur de Saxe , le margrave de Baden , les landgraves de
Hesse- Cassel et de Hesse-d'armstadt et le duc de Wirtenberg
sont pour la négative . Ces quatre derniers out même écrit à
T'empereur qu'ils s'etaient engages particulierement au maintien
de la religion chretienne et de la constitution germanique
, et se proposaient d'inviter à suivre cet exemple , à
fournir les contingens , à former des milices et à empêcher
qu'on ne dissemine des écrits ou des principes anarchiques .
On ne croit plus à Ratisbonne même que la paix se fasse .
Cependant il est décidé qu'on levera les voix dans les trois
colleges de l'empire , sur la proposition de l'électeur de
Mayence , le 5 décembre prochain .
C'est le général Neu qui commande à Mayence , par inte
rim , depuis l'attaque d'apoplexie survenue au général Huff.
La garnison de ceite place est forte de 14 à 15,000 hommes.
Elle est composée des bataillons d'infanterie autrichienne de
Lascy , Ollivier-Wallee , Pellegrini , Wenckheim , Lattermann
un escadron des dragons de Waldeck , deux bataillons de
Valaques et un batailion du corps fianc de Servie ; les esciavons
, mineurs , sapeurs , pontoniers et canonniers . Il y a en
outre les troupes du contingent de d'Armstadt , de Deux- Ponts ,
de l'électeur Palatin , de Cologne et de Francfort , et l'on
attend encore à Mayence 4000 homines d'infanterie autrichienne
et deux régimens de hussards .
Le général d'artillerie Brown , mort à Vienne depuis quelque
tems , était , dit- on , destiné à remplacer le général Clairlays
( 110 )
dans le commandement en chef de l'armée impériale . Cet
officier laisse une riche succession à son frere , qui avait pris
du service en Russie , et vient d'obtenir de l'impératrice la
permission d'aller à l'armée du Rhin .
On est sûr aujourd'hui que le duc régnant de Brunswick
a refusé de commandement des troupes hauovriennes , hollan
daises et anglaises , qui lui avait ete offert .
ITALI E.
La campagne paraît terminée en Italie , et d'ailleurs les
efforts des divers états de cette contrée , soit pour l'attaque ,
soit pour la defense , ne sont pas assez marquans pour
compter dans les grands mouvemeus de la coalition . Cependant
les cours de Naples et de Turin font des préparatifs
assez considérables , sur- tout la premiere ; ce qui semble détruire
les bruits d'une pacification prochaine , et annoncer
que le roi de Naples se propose de prendre aussi l'année
prochaine une part active dans la guerre . C'est surtout par
sa marine qu'il le fera , s'il le fait réellement.
La marine de guerre se trouve actuellement composée de
40 bâtimens , ant vaisseaux de ligne que fregates , corvettes
et cutters. Il y a en outre 140 barques canonnieres en état
de service . On renforce les batteries le long des côtes , et
l'on cherche par toutes sortes de voies , à augmenter les
moyens de défense .
Voici ce que disent les dernieres lettres de Livourne , du
15 novembre : L'escadre anglaise qui gardait divers parages
de la Méditerranée , s'est retirée toute entiere dans le golphe
de Saint- Florent en Corse. On croit que ce sont les mauvais
tems qui l'ont forcée à cette détermination . Le biocus
dn golphe de Juan se trouvant ainsi levé , la division des
vaisseaux de ligne français qui y était en station depuis
long- tems , en est sortie et est arrivée à Toulon . Les forces
anglaises réunies à Saint- Florent sont portées à 17 vaisseaux
de ligne et à un grand nombre de frégates .
De Turin , 18 novembre .
Une ordonnance royale enjoint de procéder à la confection
d'un état de la population de cette ville . Les propriétaires des
maisons seront tenues de donner , dans le courant de ce mois ,
le nom de tous ceux qui habitent dans leurs maisons , en indiquant
leurs professions et leur pays . Il y a des peines prononcées
contre ceux des proprictaires qui n'exécuteraient
pas ceue ordonnance ou qui auraient fait de fausses déclarations.
Il y eut dernierement un mouvement contre les boulangers
( 111 ).
au bourg de Pallone et Piémont ; au moment où le duc de
Chablais y passat . Uae mulutude d'hommes et de femmes
l'entoura en criaut : du pain ! du pain ! Une grande disette se
fait effectivement sentir . On attendait de Sicile quatre-vingtdix
mille sacs de bled qui ont manqué . Pour remédier a cette
pénurie , on a commence à faire une nouvelle qualité de pain
mêlé de froment et d'orge .
Une lettre du camp d'Acqui , en date du 5 de ce mois , ap .
prend que les troupes ne sont point encore dans leurs quartiers
d'hiver. Il semble même qe'elles ne les prendront que
lentement , parce que l'on remarque des mouvemeus perpéuels
parmi les Français , et qu'on a d'ailleurs su qu'il leur
était arrivé de Marseille des renforts , de cavalerie et'd'infanerie
. Malgre ces eirconstances , les chefs viennent de déterminer
les lieux où les quartiers d'hiver seront établis , en
changeant plusieurs des endroits qui avaient déja éte désignés
à cet effet. Les troupes , avant de se rendre à ces quartiers
passeiont d'abord quelques semaines dans les villages et les
villes circonvoisines . Dans le moment actuel , les postes avan
ces restent des deux côtés parfaitement tranquilles . La raison
de cette inaction est dans le mauvais tems qui régne . Depuis
trois jours il ne cesse de tomber une pluie abondante .
Les troupes seront ainsi reparties dans la Lombardie et le
Piémont pour la prise des quartiers d'hiver. ,
Dans la Lombardie à Milan sera le quartier - général et
un bataillon de Thorn ; a Pavie , deux bataillons de Reinsky
et un de Brechenville , deux divisions de houlans et leur
état - major. A Lodi , deux bataillons de l'archiduc Antonio.
A Cremone , denx bataillons d'Alvinzy , un bataillon de
Jordis et une division de houlans . A Côme , un bataillon de
Stain .
En Piemont à Voghere , une division de houlans . A
Tortone , deux , bataillons de Nadasti . A Alexandrie , deux
bataillons de Strasoldo et un de Lattermann , A Acqui , Silvano
, Adorno et Concurranz , trois bataillons de croates .
Suivant une autre lettre d'Albe , du 6 novembre , l'armement
général de cette province commence à s'organiser . Il y
a cinq compagnies de formées , dont les capitaines sont nommés
, outre ceux du district . Cette lettre ajoute que les milices
et quelques croates occupent de nouveau les hauteurs
de Murialdo , Scaperia et Montenotte , et font des courses
jusqu'aux Malleres . Sur le mont Saint - Jacques , il y a un
détachement de Français , logé dans des baraques . On trouve
beaucoup de neige depuis Aoste jusqu'à la moutagne de Garresio
; mais il n'y en a point encore vers la riviere de
Gênes.
ESPAGNE.
Des nouvelles de ce pays , dont les dernieres de Madrid ,
( 112 )
portent la date du 20 octobre , disent qu'on a vu dans cette
ville un grand nombre de couriers expédiés des armées ou
destinés pour elles . Eiles ajoutent que jugeant du plan de
campagne par le peu de succès , on s'est décidé à le changer
entierement , et qu'on a envoyé en conséquence des instructions
aux commandans et aux généraux des places frontieres .
Le 15 on avait attendu à l'Escurial , jusqu'à minuit , le général
La Union , qui devait venir se concerter avec le
cabinet.
La gazette de Madrid dit que les Espagnols sont parvenus
à déloger , sans beaucoup de perte , les Français qui s'étaient
emparés du château d'Ondaurone dans la Biscaye . Ils ne se
sont pourtant retirés qu'au bout de trois heures d'un feu, trèsvif
, et en emmenant 20 des principaux habitans et quantité
d`ôtages . S'il faut en croire les bruits publics et les disposi
tions militaires , il paraît qu'on va faire des efforts pour reprendre
Tolose de Guipuzcoa .
Voilà tout ce que l'on savait jusqu'au 20. A cette époque
on n'avait encore aucune nouvelle particuliere des armées . Il
paraissait seulement que celle de Catalogne avaient reçu des
renferts depuis l'affaire de Bellegarde , et que , d'ailleurs on
était parvenu à la réorganiser. Le gouvernement ayant besoin
de ménager ses soldats a suspendu l'exécution des jugemens
qui en condamnaient un grand nombre à diverses peines , on
regardant aujourd'hui leur fuite en cette occasion , attribuce
d'abord à un manque de courage , comme forcée par l'ap
proche de deux colonnes françaises , entre les feux desquelles il
eût été imprudeat et inntile de tenir. An reste,
justice aux Français , et l'on s'accorde à dire qu'ils ont traité
avec beaucoup d'humanité la garnison de Bellegarde , dont une
partie était malade .
on rend
曩
On apprend de la Navarre que les Français viennent de s'y
renforcer considérablement. Les gardes - du- corps qui ont été
envoyés contre eux , se maintiennent toujours dans la ville de
la Vittoria où ils observent leurs mouvemens .
ནི ཏྟཱ ནོ ཏྟཱ
Un nouvel édit enjoint à tous les Français qui étaient restés
Madrid d'en sortir , sans aucune distinctión de personnes ,
d'ancienneté d'établissemens , ou de toute espece de prérogatives
et de priviléges .
Des lettres de Lisbonne du 15 octobre annoncent le retour
des malades des troupes portugaises jointes aux anglaises . On
s'occupe beaucoup dans cette capitale de préparatifs militaires .
11 y
est entré plusieurs régimens d'infanterie et de cavalerie
qui doivent en former la garnison , et l'on va organiser l'armée
sur un nouveau plan .
RÉPUBLIQUE
113 T
REPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE CLAUSEL .
Séance de duodi , 12 Frimaire.
Carrier écrit à la Convention que la commission militaire
établie à Nantes qui prétendait n'avoir jugé que quatre ou
500 brigands , en avoue déja 1800. Il soutient qu'elle en
jugeait 150 on 200 par jour , et il en conclut en comptant
les jours qu'elle en a au moins condamné 4000. Il demande
donc à la Convention qu'elle ordonne le depôt des registres
de la commission militaire au greffe du tribunal révolutionnaire
, sur le refus qu'en a fait ce tribunal , sous prétexte qu'il
ne cherche qu'à gagner du tems .
Baraillon dit que c'est une chicane de procureur ; que la
mission de l'Assemblée est finie , et qu'il appartient exclu
sivement au tribnual révolutionnaire de prononcer sur les
demandes de Carrier. Il demande l'ordre du jour ; il est
adopté .
Carnot , au nom du comité de salut public : Les députés
des départemens de l'Ouest , en exécution de voire décret
d'hier , se sont réunis à nous et nous avons concerté ensemble
les moyens de terminer la guerre de la Vendée . Voici la
proclamation et le projet de décret que je suis chargé de vous
présenter. ( Voyez à la suite des séances. )
L'Assemblée adopte ce projet de décret et la proclamation
au milieu des plus vifs applaudissemens .
Massien demande que l'amnistie ne s'étende pas aux chefs
de révoltés . La Convention passe à l'ordre du jour.
Charles de la Croix propose de délivrer à ceux qui remettront
leurs armes un certificat , pour qu'ils ne soient pas inquiétés
.
Baraillon croit que ce serait un moyen de les faire inquiéter
par la suite.
Taveaux pense aussi que la proposition faite tendrait à laisser
subsister des preuves de la rébellion de ceux qui auraient déposé
leurs armes .
Gaston craint qu'en donnant au décret une si grande lati- .
tude , la Vendée ne soit la voie par laquelle tous les émigrés
de Coblents , de l'Angleterre et d'ailleurs rentrent en
France .
Roux de la Haute -Marne ) Ne retirons pas d'une
main ce que nous donnons de l'autre. Les émigrés ne viendront
point déposer leurs armes . Il ne s'agit ici que des hommes
Tome XIII.
H
し
( 114 )
1
égarés qu'on a révoltés contre la République. Le décret que
vous avez rendu contient tout ce qu'il faut pour les détacher
de leurs chefs et pour ramener la paix . Je demande l'ordre
du jour sur toutes les propositions . Il est adopté .
Bidaud , au nom du comité de commerce , fait un rapport
sur les prises faites sur nos ennemis et leur vente au profit
de la nation. Il expose que les prises nous fournissent des
marchandises de premiere necesiité et de luxe , de consommation
et de prohibition ; mais qu'il est arrivé souvent que
l'insuffisance des lois a force de gardér et de laisser dépérir
dans les ports , ces marchandises . Il demande qu'on se hâte
de fixer leur destination et leur emploi , en classant les ma
tieres premieres utiles aux fabriques et manufactures et les
marchandises dont l'importation est prohibée par les lois ; de
fixer le mode de requisition sur les objets de consommation
et d'approvisionnemens ; de livrer à là circulation les ma
tieres nécessaires aux manufactures , et de disposer des marchandises
prohibées ; il pense que la liberté accordée aux
négocians de disposer de gré à gré de denrées et marchandises
non prohibées venant de l'étranger , doit s'étendre
aux prises faites sur nos ennemis , et que la nation en achetant
à très-haut prix des matieres premières pour alimenter les fabriques
, et les vendant à un prix très - inférieur , n'a fait que
l'avantage des spéculateurs avides qui revendaient ensuite au
quadruple. Il se résume en disant que la liberté du commerce est
la base de son activité , de son étendue et de ses ressources ; que
l'abondance et la prospérité publique en découlent nécesssairement
; que les entraves qu'on y apporte enchaînent la spéculation
, énervent l'industrie et détruisent les intérêts particuliers ,
qui dans ce cas composent l'intérêt général .
Il propose un projet de décret qui est adopté en ces
termès :
Art. Ier. Toutes les marchandises provenantes des prises
seront vendues en vente publique, au plus offrant et dernier enchérisseur.
Elles seront considérées , entre les mains de l'acquéreur
, comme produites du commerce extérieur ; en conséquence
, elles pourront être revendues au prix convenu de gré
á gré.
9 Art. II. Šont exceptées les denrées et matieres nécessaires
à l'approvisionnement de la marine et des armées , qui í
seront laissées à la disposition de commerce et approvision
nement , ainsi que les marchandises prohibées..
III. Toutes les denrées coloniales et marchandises venues
de l'étranger, par le commerce particulier, même celles actuellement
en requisition , resterent à la libre disposition des expéditeurs
ou commerçans qui pourront les vendre à prix convenu
et de gré à gré .
Porcher, au nom du comité de législation , fait un rapport
sur le renouvellement des membres des tribunaux et des autoxités
constituées . Il fait sentir combien est pénible la tâche
( 115 )
d'indiquer dans toute l'étendue de la France , des hommes
que des talens modestes et des vertus réelles jointes à un civisine
éprouvé , doivent appeller aux fonctions publiques , des
hommes qui uniquement occupés du bonheur du peuple n'aient
d'autre but que d'amener le vaisseau de l'état au port , et ne
ressemblent en rien à ces intrigans qui , usurpant la puissance
de la nation pour l'opprimer , ont ouvert la porte à tous
les crimes , ont dissipé la fortune publique et inondé la patrie
d'une foule de maux.
Le rapporteur invitees collegues à les seconder dans ces
importantes fonctions. Il croit que celui qui , dégagé de toutes
passions et de tout attachement personnel , a contribué à
donner à son département un juge integre ou un administra
teur vertueux , a bien mérité de la patrie.
Porcher présente ensuite plusieurs décrets qui sout adoptés .
Mathieu , au nom du comité de sûreté générale , vient donner
un démenti formel aux journalistes qui ont imprimé que le
comité avait pris des mesures pour l'instruction du fils de
Capet. I declare qu'elles se réduisent à une surveillance plus
exacte du Temple. Que ce bruit se lie parfaitement à un
autre répandu aussi , concernant les assignats démonétisés
à qui l'on veut , dit- on , rendre le crédit. Il croit devoir se
borner à dénoncer ce fait et à déclarer que le fils de Capet
ainsi que les assignats à effigie resteront démonétisés .
Cambon détruit également le bruit que la trésorerie nationale
achetait les louis jusqu'à 200 liv. , et il annonce que
depuis le 1er avril 1793 , elle n'a acheté aucun uuméraire .
le retour
Séance de tridi , 13 Frimaire.
Nouvelles félicitations sur la cloture des jacobins ,
de la justice et la destruction de la terreur. Ce sont les
sociétés populaires de l'Orient , Brignolles , Moulins , Licere
Neuville , la commune de Bourg et la section du Finistère , qui
expriment ces sentimens . Les sociétés de Conches et de Pau
y ajoutent que les jacobins leur ont envoyé des émissaires
pour les égarer .
Legendre de Paris ) saisit cette occasion de dénoncer les
mencurs de cette société éteinte , qu'il faut , dit- il , frapper et
non pas les peres de famille égarés. Il demande qu'on s'eccupe
à rendre à ceux- ci la liberté , et qu'on prenne des mesures
séveres contre les premiers. Cette proposition est renvoyée
aux comités réunis .
Les représentans du peuple nommés pour se rendre dans
la Vendée , pour l'exécution du décret relatif à ceux qui
poseront les armes et rentreront dans le sein de la République ,
sont Menuau , Delaunay , Gaudin , Lofficial , Morisson
Chaillou , Guesno et Guermeur.
On donne lecture d'nne adresse de la société populaire de
Renan , district de Brest ; elle ne contient que l'art. VII_des
H
'''
T
( 116 )
J
droits de l'homme et l'art . CXXII de la constitution , avee
ces mots en tête ; A la Convention sur la clôture des Jacobins.
Elle est suivie de 18 signatures .
André Dumont s'éleve avec force contre cette adresse . It
tépete ce qu'il avait déja dit , qne tous les conspirateurs n'étaient
pas morts le 10 thermidor : il ajoute que la Convention
en a une preuve dans l'adresse insultante qu'on lui envoie
, et qu'il faut enfin prendre des mesures pour anéantir
tous les brigands , quelque part qu'ils se trouvent. L'adresse ·
de Renan est revoyée au comité de sûreté générale.
Cochon , au nom du comité de salu public , rend compte
des mesures prises pour l'approvisionnement de Paris , celui
des grandes communes , et de tous les départemens où la
récolte n'a pas été abondante . Il dit que les travaux des
moissons et des semences avaient rallenti la rentrée des requisitions
, et´que d'autres obstacles étaient survenus , mais qu'ils
sont tous levés . L'ouverture du canal de Briard va fournir
Paris de bois , charbon et des denrées de premiere nécessité
que la Seine et la Loire lui procuraient.
Il propose et la Convention décrete qu'elle approuve la
conduite des representans Roux , Loiseau , Robin et Jourdan ,
chargés de cette partie , et les mesures prises par eux ; qu'ils
continueront la tournée des départemens qu'ils doivent parcourir
pour faciliter les approv.sionnemens , activer la navigation
intérieure et le versement des requisitions .
Garnier , au nom du comité des transports , soumet un
projet de décret dont le but est de proposer la suppression
de la commission des transports , postes et messageries , et
son remplacement par une direction de huit membres .
Thibaudot n'est point de l'aais du projet. Il voit un changement
de nom et nullément la destruction des abus et des
dilapidations. Il croit utile de resserrer les ressorts du gou .
vernement , et de ne pas les laisser dans tant de mains . Il
s'éleve sur-tout contre , la mauvaise administration de la commission
de commerce , et le ridicule de charger cinq personnes
exclusivement du soin d'approvisionner 25 millions
c'hommes , et il demande le renvoi aux comités réunis .
Plusieurs membres parlent dans le même sens. Garnier ( de
Saintes ) craint qu'il ne résulte de cette mesure un plus grand :
relâchement encore dans les ressorts du gouvernement. Il
propose que chaque comité de la Convention nomme un de
ses membres pour former une commission qui s'occuperà de
ce travail.
Thibeaut attaque toutes les commissions exécutives , qui
sont remplies de chefs de bureaux insolens , qui pensent plus
à se bien meubler aux dépens de la République , qu'à l'intérêt
de la nation 11 ne voit que la liberté du commerce pour
assurer les approvisionnemens , et il vote pour la suppression
des commissions .
( 117 )
Legendre ( de Paris ) appuie ces observations ; mais il est
une question , ajoute- t-il , qu'il faut aborder franchement ,
c'est celle de savoir s'il est nécessaire que la loi du maximum.
subsiste plus long- tems . Quant à moi , je vois que cette loi
n'est presque plus exécutée , et qu'elle n'est qu'un brévet
dans les mains des fripons pour s'emparer du commerce et
empêcher les hommes de bien de s'approvisionner , et il de-
- mande le renvoi aux comités de commerce et des finances , '
pour examiner si on doit la conserver.
1
*
Chasal annonce qu'il y a déja une commission établie pour
cet objet.
Boissy - d'Anglas demande que cette commission examine
aussi s'il faut conserver les commissions exécutives .
Charles Delacroix demande la restitution du mobilier dent
se sont emparés les commis . Cambon répond que Ramel a
un rapport tout prêt sur cet sujet.
Garnier rappelle sa proposition . La Convention décrete que
chaque comité nommera un de ses membres pour former une
commission , qui s'occupera de toutes les mesures qui lui ont
été présentées.
Séance de quartidi , 14 Frimaire.
La correspondance offre des félicitations sur la clôture des
jacobins . Elles viennent des autotités constituées de Belleaume ,
Montmellian , Montbrison et Ferraud .
Le comité des secours publics fait rendre plusieurs décrets .
Les administrateurs de la Guyane Française écrivent qu'ils
ont reçu avec autant de joie les nouvelles des victoires de la
République que le décret sur la liberté des Negres . Tous
les habitans de cette contrée . ajoutent-ils , ne forment qu'une
famille de freres .
Mention honorable et insertion au bulletin .
Souveroi , au nom du comité d'instruction publique , présente
de nouveau le projet de décret relatif à l'établissement
des trois écoles de santé , à Paris , Montpellier et Strasbourg .
Ce projet est adopté..
Nous en donnerons les articles dès que la rédaction en aura
été définitivement arrêtée .
Merlin , au nom du comité de salut public , fait un rapport
sur les principes du Peuple Français à l'égard des autres nations
et sur les bruits de paix .
Les applaudissemens unanimes qui en ont souvent interrompu
la lecture et l'enthousiasme général qu'il a excité
prouvent que le systême adopté par le comité est le vrai sys .
tême de politique qui nous convient. En effet , son discours
est uu beau développement des véritables principes sur notre
nouvelle diplomatie et de nos intentions réelles sur la guerre
que nous soutenons avec tant de gloire , et sur la paix qui doit
H 3
( 118 )
être le but et la récompense de nos victoires . C'est la réponse
la plus éloquente à nos ennemis de tout genre.
L'envoi aux départemens , aux armées , la traduction dans
toutes les langues , la distribution à chaque membre de six
exemplaires de ce rapport ont été décrétés à l'unanimité .
André Damont : Ce n'est pas assez de répondre à nos
ennemis extérieurs , et de les accabler du poids de la vérité si
bien développée dans le discours que vous venez d'entendre ,
il faut aussi surveiller et punir nos ennemis intérieurs . Croiriez-
vous qu'on écrit dans les départemens du Nord , que la
Convention nationale va fléchir , qu'elle reconnaît son erreur ,
et va ' faire la paix ? On ajoute qu'elle pardonnera à Joseph
Lebon et à Fouquier-Thinville. Je déclare que lorsque j'étais
en mission avec Lebon nos mesures ne plurent point à l'ancien
comité de gouvernement , que Lebon y fut mandé ,
que le comité usurpant votre autorité lui donna l'ordre de
livrer indistinctement à la mort les riches , les prêtres et les
nobles.
et
Je demande done que sous trois jours les comités réunis vous
fassent un rapport sur Lebon et Fouquier , et que sous huit
jours ils soient mis en jugement.
Ces propositions sont décrétées .
Tallien , après avoir applaudi au rapport de Merlin , s'éleve
avec force contre les auteurs des maux de la France ; il dit que
Lebon et Fouquier ne sont pas les seuls agens du gouvernement
sanguinaire qui a si long- tems opprimé la France . I
demande que le comité de sûreté générale recherche au plutôt .
parmi les individus arrêtés depuis le 9 thermidor , ceux qui
ont été vraiment coupables , pour les punir ; et ceux qui n'ont
été qu'égarés , pour les rendre à la liberté. Décrété .
Séance de quintidi , 15 Frimaire.
ཝཱ
Un secrétaire fait lecture d'une lettre de Laujuinais ; député
à la Convention , mis hors la loi . Il dit que Robespierre et
ses complices l'ont proscrit en son nom et dévoué au massacre
; que ce fut à la voix de St. Just et de Barrere , sur des
délits chimériques ; que son seul crime a été de se montrer toujours
fidele mandataire du peuple , et d'avoir courageusement
défendu ses droits et sa liberté . Il réclame la justice la plus
sévere comme la plus impartiale , et qu'il lui soit permis de
paraître pour vivre s'il démontre son innocence
ou pour
expirer sous le glaive de la loi s'il est trouvé coupable.
Renvoyé au comité de sûreté générale pour en faire un
prompt rapport.
Cambacerès , au nom du comité de salut public , monte à
la tribune pour confirmer les nouvelles des victoires remportées
sur les Espagnols par nos armées des Pyrénées orientakes
et occidentales , La premiere a pris Figuieres , y a fait 9,400 priniers
, et y a trouvé une immensité de munitions de guerre et
(( 119)
de bouche , entr'autres 171 pieces de canons , 290 milliers de
poudre et la caisse militaire . ( Voyez pour la capitulation les Nonvelles
officielles ) La seconde a attaqué l'ennemi , l'a mis en
déroute , et s'est emparé aussi de beaucoup de bagages et d'effets
de campement
. 1
La Convention décrete que les armées des Pyrénées orien
: tales et occidentales ne cessent de bien mériter de la patrie .
Elle passe à l'ordre du jour sur une lettre de Carrier qui
demande à faire entendre au tribunal des généraux et des représentans
du peuple .
Des habitans de la commune de Bedouin , district de Car-
-pentras , sont entendus , et font le tableau de leurs malheurs
et des horreurs qui ont été commises dans leur commune . Ils
demandent des secours et à rentrer dans leurs foyers .
Goupilleau ( de Montaigu ) répete ce qu'il a écrit il y a quel
ques jours à la Convention sur cette commune ; il se joint aux
pétitionnaires .
Bondin : J'entends dire que la Convention a autorisé ces
horreurs. C'est Barrere qui les a autorisées ; pour moi , je
déclare que je n'y ai point trempé ; ni nous , s'écrient beaucoup
de membres.
André Dumont demande qu'on ne souffre pas plus long-tems
que ces horreurs soient impunies , et que la Convention montrant
un grand caractere fasse un grand exemple de justice
nationale , et livre au glaive de la loi les scélérats qui ont déshonoré
la représentation du peuple .
Legendre de Paris ) : Les canaux de la vérité sont maintenant
ouverts . Eh quoi ! on noyait à Nantes , on fusillait à
Lyon , on égorgeait dans le Midi , et le comité de gouvernement
ne le savait pas ? On volait , on pillait , on répandait la
désolation par- tout , et il ne le savait pas ? Lebon égorgeait
dans les départemens du Nord , et il ne le savait pas . Je diraj
moi, qu'il savait tout , et les rapports execrables de Barrere ne
le démontrent- ils pas ? Qu'on ne vienne pas me dire qu'il faut
enfenir tout le passé dans la tombe de Robespierre . Quei !
des impunités pour le crime ! Représentans , frappez tous les
scélérats , si vous voulez que l'Europe vous admire . Justice de
tous les monstres qui ont déshonoré une si belle révolution.
Je me joins à Dumont.
3
Rovere dit qu'il a eu le premier le courage de dénoncer
Maignet à l'ancien comité de gouvernement , mais que Robe spierre
lui répondit qu'on était content de lui , el que Couthon
fui écrivit de redoubler d'énergie.
Lecointre de Versailles ) annonce qu'il a recuelli les
pieces probantes contre ceux qu'il a dénoncés , et qu'il en
a fait un mémoire imprimé . Il ' demande à le lire demain , et
le renvoi aux comités réunis , pour faire un prompt rapport.
La Convention décrete le renvoi , la distribution du mé-
H 4
( 120 )
4
moire , et elle adopte les propositions de Goupilleau et de
Dumont.
Les nouveaux membres du comité de salut public sont :
Boissy d'Anglas , Dubois- Crancé et Dumont.
Séance de sextidi , 16 Frimaire.
Les nouveaux membres du comité de sûreté générale sont :
les citoyens Boudin , Legendre ( de Paris ) , Goupilleau ( de
Montaigu et d'Aumont.
La clôture des jacobins et le rétablissement du regne de la
justice sont le sujet des nombreuses félicitations qui sont
adressées aujourd'hui à la Convention par différentes communes
et sociétés populaires .
Des Colons de toute couleur viennent au nom des habitans
des Colonies remercier la Convention nationale du décret qui
a rompu les liens de leur esclavage et les a appellés à la jouissance
du bienfait et des droits de la liberté .
La commune de Cosne dénonce les membres de son comité
révolutionnaire . Ils se sont permis de mettre hors de la loi
des citoyens qui s'étaient soustraits à des mandats d'arrêt . Ils
avaient établi le regne de la terreur , et cherchent encore
aujourd'hui à le soutenir.
La tête de l'hydre est coupée , répond le président , la queue
ne remuera pas long- tems . Le sort qu'a éprouvé Robespierre
attend ses complices et ses continuateurs .
La pétition des citoyens de Losne est renvoyée aux comités
de sûreté générale et de législation. Des ccitoyens demanden : que la retenue du dixieme sur les
rentes viageres n'ait pas lieu pour les petits rentiers sexagénaires
.
Renvoi aux comités des finances et des secours publics .
{
Un membre expose que beaucoup de citoyens se sont
cachés pour se soustraire à des mandats d'arrêt , et qu'ils ont
été mis sur la liste des émigrés ; il demande que les délais
fixés par les décrets , pour les réclamations de ce genre , soient
prolongés en leur faveur . L
Cette proposition est renvoyée au comité de législation pour
en faire un prompt rapport.
Monnot , au nom du comité des finances , dément le bruit
qui s'était répandu que la trésorerie nationale avait acheté dix
millions de traites sur l'Angleterre . Les commissaires nommés
pour vérifier ce fait se sont assurés de sa fausseté .
Cambacerès présente le projet de code civil . La discussion
s'ouvre . Elle a pour objet l'article qui porte , que l'enfant qui
naîtrait dans le dixieme mois qui suivrait la mort ou le
divorce de l'époux n'est pas l'enfant de l'époux mort ou
divorcé.
Plusieurs demandent que l'article soit adopté tel qu'il est
présenté. D'autres , touchés de l'intérêt civil des enfans , de la
crainte de flétrir une femme vertueuse , et de l'incertitude des
gens de l'art sur cette matiere , proposent dix mois . La Convention
prend un moyen terme , et décrete que l'enfant qui
naitra neuf mois et demi après la mort ou le divorce de l'époux
n'est pas l'enfant de l'époux mort ou divorcé.
PROCLAMATION.
La Convention nationale à tous ceux qui ont pris part aux révoltes
qui ont éclaté dans les arrondissemens des armées de l'Ouest , des
côtes de Brest et des côtes de Cherbourg.
Depuis deux ans , vos contrées sont en proie aux horreurs
de la guerre , ces climats fertiles que la nature semblait avoir
destinés pour être le séjour du bonheur , sont devenus des lieux.
de proscription et de carnage. Le courage des enfans de la
patrie s'est tourné contre elle - même la flamme a dévoré les
habitations , et la terre couverte de ruines et de cyprès refuse
à ceux qui survivent les subsistances dont elle était prodigue.
Telles sont , ô Français , les plaies douloureuses qu'ont
faites à la patrie l'orgueil et l'imposture . Les fourbes ont abusé de
votre inexpérience . C'est au nom du ciel juste qu'il armaient
vos mains du fer parricide ; c'est au nom de l'humanité, qu'ils
dévouaient à la mort des milliers de victimes ; c'est au nom
de la vertu qu'ils attiraient chez vous des scélérats de toutes
les parties de la France , qui faisaient de votre pays le récep
tacle de tous les monstres vomis du sein des nations étran
geres .
O que de sang répandu pour quelques hommes qui
voulaient dominer ! ô vous qu'ils ont entraînés , pourquoi
faut-il que vous ayez rejetté la lumiere qui vous était offerte ,
pour ne saisir qu'un fantôme cruel ! Pourquoi faut - il que vous
ayez préféré des maîtres à des freres , et les torches du fanatisme
au flambeau de la raison !
Que vos yeux se dessillent enfin . N'est-il pas tems de
mettre un terme à tant de calamités ? Affaiblis par des pertes
multipliées , désunis , errans par bandes éparses , sans autre
ressource que celle du désespoir , il vous reste encore un asyle
dans la générosité nationale . Qui , vos freres , le Peuple Français
tout entier veut vous croire plus égarés que coupables , ses
bras vous sont tendus . ›
,, La Convention nationale vous pardonne en son nom , si
vous posez les armes , si le repentir , si l'amitié sincere vous
ramenent à lui ; sa parole est sacrée , et si d'infideles délégués
ont abusé de sa confiance et de sa vertu , il en sera fait
justice . 1
( 122 )
)
" Ainsi la République , terrible envers les ennemis da
dedans comme elle l'est envers ceux du dehors , se plaît à
- rallier ses enfans égarés . Profitez de sa clémence , hâtez-vous
ide rentrer an sein de la patrie. Les auteurs de vos maux sont
ceux qui vous ont séduits . Il est tems que les ennemis de la
France cessent de repaître leurs yeux du spectacle de nos disséntions
intestines : eux seuls sourient à nos malheurs , eux
seuls en profitent ; il faut déjouer leur politique impie , il faut
tourner contre eux les armes qu'ils ont apportées chez vous
pour notre destruction .
99
Français , n'appartenez- vous donc plus à ce peuple sensible
et généreux . Les liens de la nature sont- ils brisés entre
nous ? Et le sang des Anglais a-t- il passé dans vos veines ;
massacre ez-vous donc les familles de vos freres , vainqueurs
de l'Europe , plutôt que de vous unir à eux pour partager
leur gloire . Non , l'éclair de la vérité a frappé vos regards
deja plusieurs d'entre vous sont rentrés , et la sécurité a été
le prix de leur confiance . Revenez tous ; que les foyers de
chacun de vous deviennent plus sûrs et paisibles . Que l'abondance
renaisse ; que les champs se cultivent , que les communications
se rétablissent. Ne songons plus qu'à nous venger
ensemble de l'ennemi commun , de cette nation impla
cable et jalouse qui a lancé parmi nous les brandons de la
discorde ; que l'Europe republicaine se dirige toute
contre ces violateurs des droits de tous les peuples ;
s'anime dans nos ports , que l'Océan se couvre de corsaires
et qu'une guerre à mort passe enfin , avec tous ses fléaux
des bords de la Loire aux bords de la Tamise.
13
Décret.
21 J 3.
tiere
teut
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport
de son comité de salut public , décrete :
Art . er. Toutes les personnes connues dans les arrondissemens
de l'Ouest , des côtes de Brest et des côtes
de Cherbourg , sous le nom de rebelles de la Vendée et de
Chouans , qui déposeront leurs armes dans le mois qui
suivra le jour de la publication du présent décret , ne seront
ni inquiétées , ni recherchées dans la suite , pour le fait de
* leur révolte.
II. Les armes seront déposées aux municipalités des
communes que les représentans du peuple indiqueront.
" III . Pour l'exécution du présent décret , les représen
tans du peuple Menuau , Delaunay , Gaudin , Lofficial , Morisson
et Chaillon , se rendront dans les départemens qui composent
l'arrondissement de l'armée de l'Ouest , et les représentans
Guerno et Guermear , dans les départemens qui composent
les arrondissemens des armées des côtes de Brest et
de Cherbourg . "
7123 )
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALE LES.
Du château de Saint-Fernando de Figuieres , le 8 frimaire .
Citoyens collegues , comment pourrons- nous vous dire
tout ce qui s'est passé ? Comment vous peindre tout ce que
nous avons vu pendant dix jours dans l'armée des Pyrénéesorientales
? Pourquoi la France , pourquoi l'Europe entiere
n'ont- elles pu être témoins des événemens extraordinaires qui
viennent d'avoir lieu ? Le comité de salut public vous donnera
connaissance du rapport que le général en chef provisoire
de l'armée a fait sur les opérations des 27 et 30 brus
maire , et qu'il envoye au comité de salut public . Vous y
verrez les détails et le développement d'une des plus belles
victoires qui aient été remportées par les armées de la République.
Figurez-vous tout ce que la nature et l'art ont pu réunir
d'obstacles ; "higurez - vous quatre - vingt ou cent redoutes
sur les positions les plus avantageuses , hérissées de canons ,
et formant plusieurs lignes de défense ; figurez - vous quarante
à cinquante mille hommes répandus dans tous ces forts et dans
des retranchemens , l'ouvrage de six mois ; figurez - vous toutes
ces redoutes , l'artillerie et la mousqueterie qui les défendaient;
figurez-vous enfin , quatre- vingt volcans vomissant à- la - fois le
fer et le feu ; eh bien tout fut emporté en moins de trois
heures. Nos bataillon's avançaient , l'arme au bras au milieu
des boulets et des mitrailles ; et tout se doit à la bayonnette .
Point de prisonnier dans la journée du 3o . Tout fut égorgé ;
trois généraux espagnols furent tués . L'un d'eux voulut se
défendre contre l'adjudant-général , chef de bataillon , Duphet ,
qui lui passa sou sabre au travers du corps . Le général en
chef de l'armée espagnole , comte de la Union , fut trouvé mort
sur le champ de bataille. Nous vous envoyens sa décoration
-militaire .
•
?
,, Nous vous avons dit dans notre lettre du 28 , ce que
nous avions d'hommes tués ou blessés dans l'affaire du 27 , le
nombre de ceux qui ont péri , ou qui ont été blessés dans la
journée du 30 , est encore beaucoup moindre . L'ennemi repoussé
de toutes parts dans cette journée , prit la fuite ; sa
déroute fut complette . Après nous avoir abandonné tous ses
camps et son artillerie il voulut s'arrêter sur les hauteurs
de Liers , où il avait préparé un camp retranché sous le canon
du château de Figuieres ; mais il fut poursuivi si vigoureusement
, qu'il fut obligé d'abandonner cette position et de fair
encore six à sept lieues plus loin . Le soir même , ce fameux
9
( 124 )
1
fort , Saint- Fernando de Figuieres , fut investi de toutes parts
par nos tirailleurs , et quelques bataillons tournerent contro
la place des canons que les ennemis avaient etablis pour
la
défense du camp de Liers . Le lendemain Figuieres et Roses
furent cernés par nos bataillons . Pérignon fit au gouverneur
du château de Figuieres une sommation vigoureuse de rendre
la place . On a parlementé deux ou trois jours . La capitu
lation fut signée hier. Aujourdihui la place est à la République .
La garnison ou pour mieux dire une armée de 9,107 hommes
mis bas les armes , et s'est rendue prisonniere de guerre.
Nous trouvons sur les remparts plus de 150 pieces de canon ;
des approvisionnemens immenses . Nous vous en ferons passer
l'état , quand il sera dressé . Voilà , citoyens collegues , les
résultats des brillantes journées des 27 et 30 brumaire . La
terreur est parmi nos ennemis . Vous en jugerez par la reddition
d'une place aussi importante et aussi fameuse que celle
de Figuieres . Mais cette terreur est juste. Les Républicains
se battent de maniere à exterminer tout ce qui ose résister à
leurs efforts .
1
,, Nous allons sommer Roses ; bientôt nous vous en apprendrons
la reddition . "
Signés , DELBERT , VIDAL , représentans du peuple .
P. S. Au premier jour nous vous ferons passer les drapeaux
pris sur l'ennemi , le nombre n'en est pas encore connu ;
mais il est considérable .
Nous vous adresserons également l'état des nominations que
nous avons faites , ou que nous avons à faire pour l'avancement
de certains militaires .
Nous vous envoyons ci-joint , un état des magasins et appre
visionnemens trouvés dans le château . ནྟི
Le nombre des prisonniers est de 9.400 ..
Du château de Saint- Fernando de Figuieres , le 8 frimaire.
Citoyens représentans , Figuieres , ce superbe château ,
est à la République , armé de plus de 150 bouches à feu , et
muni de grands magasins qu'on reconnaît en ce moment .
L'armée française y est entrée aujourd'hui à 9 heures ; sa garnison
est de 9107 hommes . Vous verrez par la capitulation
quel est son sort .
Citoyens représentans , je doute fort qu'on puisse , mêmedans
deux mois , avec tout le zele possible , vous dire toutes
les ressources en tout genre que nous trouvons dans les brillantes
conquêtes que l'armée vient de faire avec tant de rapiditité
. Demain je tâterai Rose , et quoi qu'il en soit , l'armée
' ne tardera pas à la compter dans ses triomphes .
Je joins ici le procès-verbal de la prise de possession du
château de Figuieres et la capitulation .
Salut et fraternité ,
Signé , PERIGNON , général en chef provisoire de l'armée
des Pyrénées orientales,
4.125
Capitulation du château de Figuieres.
Aujourd'hui 7 frimaire , l'an 3e . de la République Fran
çaise une et indivisible , entre Vincent de Ortuzard , lieutenant-
colonel d'artillerie , et Joseph - Antoine Guixano , lieute ,
nant - colonel d'infanterie , capitaine au régiment du Prince
fondes de pouvoirs ci- annexés de dom André de Torres
gouverneur du château de Figuieres , d'une part ;
" Et Dominique - Catherine Pérignon , général de division
des armees de la République Française , commandant en chef
l'armée des Pyrénées orientales , d'autre part ;
" A été convenu et arrêté ce qui suit :
Art. Ier . Le château de Figuieres , dit de Saint - Ferdinand
, sera rendu à l'armée française avec toute son artillerie ,
munitions et magasins de tout genre , demain à 9 heures du
matin . Le gouverneur fera connaître , par ses officiers du
génie , aux commissaires envoyés par le général Français ,
les mines qui sont dans la place .
,, II. La garnisou et les troupes auxiliaires portugaises qui en
font partie , sortiront par la porte principale ; la cavalerie ,
le sabre à la main , étendards déployés , sonnant la trompette
et battant des timballes ; l'infanterie avec drapeaux déployés
, portant les armes et tambours battans : elle sera.
prisonniere de guerre ; et après avoir défilé par le chemin
qui conduit à la Jonquiere , au milieu de l'armée française ,,
toute l'infanterie espagnole ou portugaise posera les armes
les rangera en faisceaux le long de la route , les gibernes à
côtés ; les porte-drapeaux quitteront leurs drapeaux , et les
tambours leurs caisses . Quant à la cavalerie , elle ne mettra
pied à terre qu'à la Jonquiere , où elle laissera ses chevaux ,
et déposera en même tems son armement et ses étendards.
Tous les drapeaux qui peuvent se trouver dans le château
de Figuieres , appartenans à des corps qui ne s'y trouvent
pas actuellement , seront aussi rendus au vainqueur. Il sera
permis à la garnison de Figuieres de se faire précéder , en
sortant du fort , de quatre pieces de canon de 4 et de deux
obusiers de six pouces , les canonniers ayant la mêche allumée
et le train nécessaire au service des pieces . Cette artillerie
sera laissée par les Espagnols au même lieu que les
fusils .
" III . Il est promis à la garnison prisonniere , qu'aussi- tôť
que l'Espagne aura rendu à la République le nombre de
prisonniers fraugais qu'elle lui doit en exécution de la capitulation
de Collioure , elle aura la priorité pour les échanges
qui pourront avoir lieu après .
" IV. Il est accordé à la garnison de Figuieres , tant officiers
que soldats , d'emporter leurs effets personnels : les officiers
se serviront des chevaux à eux appartenans , jusqu'à Toulouse
; ils pourront prendre leurs domestiques , et , pour la
( ' 1'26 )¹
conduite de leurs équipages , il leur sera fourni les chevaux
et voitures nécessaires : les pevaux des officiers seront remis
sans harnois aux agens de la République.
V. Le gouverneur du château fera connaître la caisse
generale de la garnison , les caisses des corps particuliers qui
en font partie , et celles des corps qui pourraient en avoir
amsi que celles des administrations militaires . Le général
Français enverra trois commissaires , à l'effet de vérifier les
fonds qu'elles peuvent contenir , et en dresser procès - veabal
en présence de trois commissaires espagnols nommés par le
gouverneur , ces fonds appartenans a la République . Quant
aux papiers , comptes et documens relatifs à la comptabilité
des corps , ils seront laissés à la disposition du gouverneur ,
auquel on facilitera les moyens de les faire parvenir à l'armée
espagnole.
VI. Tous les employés aux finances , aux hôpitaux , et
généralement tous ceux qui ne servaient pas sous les armes.
auront la faculté de se retirer en Espagne avec leurs effets
personnels et les papiers relatifs à leur exercice.
9 VII . En exécution de la loi portée par la Convention
nationale , relative à la violation de la capitulation de Collioure
, les prêtres qui se trouveront au château , seront reténus
comme ôtages .
VIII. Le gouverneur du château de Figuieres demeure
expressément tenu de déclarer et faire reconnaître les émigrés
français , s'il y en a dans le fort .
IX. Les commissaires espagnols à la capitulation , ayant
réclamé sûreté pour les habitans , respect pour les propriétés
et la liberté du culte , et les secours pour les blessés et les
malades , il leur a été répondu que toute stipulation à cet
égard était inutile , puisque l'humanité et les lois de la République
le commandent.
" X. Le général Français prendra possession , au nom de
la République Française , du château , une heure avant que la
garnison entiere qu'il comporte n'y eutre. Le gouverneur lui
remettra le contrôle nominatif de chaque corps prisonnier ,
ainsi que des employés à renvoyer en Espagne . "
W
Fait et arrêté au camp de Moulin , les jours et an cidessus
.
Signé , VINCENT DE ORTUZARD , J. A. DE GUIXANO : PÉ-
RIGNON , genéral de division , commandant en chef de l'armée des
Pyrénées orientales.
Résumé des états de situation des magasins de subsistances militaires
au moment de la reddition du ført de Figuieres , sauf la
vérification.
wing
Artillerie. 171 bouches à feu , 200 milliers de poudre .
ef approvisionnemens proportionnels.
( 127 )
Finances. 31 caisses renfermant les finances des corps
de troupes et les chapelles , à vérifier.
820
Provisions de bouche. Farine , 10,000 quintaux ; idem ,
barils ; biscuits , 2266 quintaux ; pore sale , 1804 quintaux ;
morue seche , 800 quintaux ; haricots , 250 quintaux ; riz ,
1108 quintaux ; pois , 100 quintaux ; fromage , 200 quintaux ;
huile , 157 quintaux ; tabac à fumer , 10 quintaux ; vermicelli ,
6 quintaux ; semoule , 2 quintaux ; savon en barre , 3 quintaux ;
poivre , 2 quintaux ; vin rouge , 1,000 pipes de 12 quintaux.
chaque ; eau-de vie , 80 pipes , idem ; vinaigre , 30 pipes , idems
feves, 2,000 fanegnes ; orge , 6,390 fanegues ; sel , 100 fanegues ;
canelle , 20 liv.; clous de gérofle et épiceries , 20 liv .; safran ,
8 liv.; chocolat , 65 liv.; chandelles , a quintaux ; moutons
vivans , 2,000 ; boeufs vivans , 31.
Effets de campement. Couvertures , 10,000 ; oreillers , 4000 ;
paillasses , 8000 ; draps de lit , 20000 ; traiteaux , 3000 ; bois
de chauffage , 25000 quintaux ; paille à coucher, 220 quintaux ;
lampes , 400 ; tables , 100 ; bancs , 200 ; salcans , 18 .
Certifié véritable , sauf vérification , par le soussigné commissaire
général de l'armée des Pyrénées orientales , au fort
de Figuieres , le 8 frimaire , 3e . année de la République Française
une et indivisible . Signé , PROBIT.
ARMER DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES.
A Bayonne , le frimaire.
La contrariété des élémens , chers collegues , n'arrête point
le courage de l'armée des Pyrénées- occidentales. Des positions
fatigantes par la nature des montagnes et qui l'étaient
devenues plus encore par les pluies et les neiges continuelles
avaient fait penser aux Espagnols qu'ils pourraient harceler
impunément les divisions les plus exposées de notre armée ;
mais il n'en a pas été ainsi , ei les Espagnols ont été battus
comme à l'ordinaire./
" Le 4 de ce mois , la division du général Marbot fut
attaquée . Les avantages furent d'abord peu conséquens ; mais
enfin , nos troupes s'avancerent à volonté dans le pays et prirent
des positions favorables . A Olave cependant , leurs car
touches ayant été épuisées , l'ennemi revint le lendemain à la
charge avec des forces supérieures : la division française ,
n'ayant plus que ses bayonnettes pour défense , s'est rangée en
bataille et , au pas de charge , a enfoncé les colonnes ennemies
, culbuté sa cavalerie , tué plus de mille hommes , et
mis tout le reste en déroute. Vive la République ! „
Salut et fraternité .
Signés , GARREAU , M. A. Bounot, représentans du peuple.
( 198 )
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes, 8 frimaire.
Veaujoix , accusateur public de la commission militaire
près l'armée de l'Ouest , a retracé plusieurs des faits dont il
avait déposé le 25 vendémiaire .
Ici Carrier a rclamé les pieces justificatives qui sont chez
lui , et les minutes qui par décret doivent être apportées de
Nantes .
Le président a répondu qu'aussi - tôt que ces pieces seraient
arrivées , elle lui seraient communiquées .
*
Veaujoix a continné et a dit : Arrivé à Nantes , dans le courant
de nivôse , je fus averti que deux généraux voulaient
enlever de l'entrepôt plusieurs femmes , dont douze étaient enceintes
, et des enfans âgés d'environ huit ans et au-dessous . 1
Je leur demandai ce qu'ils voulaient faire de ces femmes
et de ces enfans l'un deux , Lamberty , me répondit que
cela ne me regardait pas , et qu'il avait des pouvoirs illimités
; et l'autre , Fonquet ajouta : qu'on fasse venir de la garde,
je les ferai enlever. Je me décorai du ruban tricolor , et à ce
signe la garde refusa d'obéir aux deux généraux . Alors Lamberty
exhiba l'ordre suivant :
Au nom de la République Française , une et indivisible . Nantes ,
16 frimaire , l'an 2º . , etc.
Carrier , représentant du peuple pres l'armée de l'Ouest ,
invite et requiert le nombre de citoyens que Guillaume Lamberty
voudra choisir , à obéir à tous les ordres qu'il leur
donnera , pour une expéditión que nous lui avons confiée ;
requiert le commandant des postes de Nantes de laisser
passer , soit de nuit , soit de jour , ledit Lamberty et les
citoyens qu'il conduira avec lui : défend à qui que ce soit
de mettre la moindre entrave aux opérations que pourra nécessiter
leur expédition .
Le représentant du Peuple Français , signé , CARrier .
En marge est le cachet du représentant du peuple.
( La suite au numéro prochain )
P. S. Dans la séance du 18 , la Convention sur le rapport
des trois comités , a rappellé dans son sein les soixantetreize
députés qui avaient été mis en état d'arrestation ; elle
a étendue ce décret à Dulaure , Deverite , mis hors de la
loi ; Couppé ( des côtes - du -Noid ) et Thomas Payne . Elle
a rapporté la loi du 17 germinal sur la police générale . Elle
a renvoyé aux mêmes comités , pour en présenter la rédaction
demain eu après , la proposition de Cambacerès , d'ac--
corder une amnistie à tous ceux qui avaient été persécutés
à raison de leurs opinions , et pour des faits contre - revolutionnaires
autres que ceux compris dans le code pénal .
( N°2007. )
MERCURE FRANÇAIS.
DU QUINTIDI 25 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Lundi 15 décembre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
La bravoure gasconne. ( Conte.}
CERTAIN Gascon , brave comme César ,
Et d'un duel affrontant le hasard ,
Par ses propos piquait son adversaire ,
Qui , pour réponse , et l'attaque et le serre.
L'autre , de fuir. Arrête donc , morbleu ,
Lui cria-t- il , enflammé de colere ;
Du point d'honneur prétends-tu faire un jeu ?
Mais le Gascon ne s'embarrassait guere
1
D'un tel reproche ; et se vouant à Dieu ,
*
Il reculait comme à son ordinaire .
Son ennemi se sentant tout en feu ,
Lui dit alors : Poltron , je m'évertue ,
Et dans l'instant nous serons hors du lieu .
D'où vient , sandis , que ton ame est émue ,"
Dit le Gascon ; car cela doit fort peu
T'inquietter , pourvu que je te tue.
Par le citoyen GRETRY , fils,
3
1
CHARA D E.
Mon premier, par son prix , trop cher à bien des gens , ON
Dispense les plaisirs et les maux de leur vie ;
Mon second naît , s'écoule et fuit avec le tems ;
Mon tout d'un météore annonce la furie.
Tome XIII
( 136 )
ON
ENIGM E.
N nous unit plusieurs du genre féminin ,
Qui devenons alors un tout du masculin ;
Ce tout , si connu. dans le monde ,
Est d'une forme longue et ronde.
Bien qu'on fasse cas de mon corps ,
On prise plus ma queue encor
Dans maintes provinces de France
On me voit en grande abondance ;
De Pomone en moi tous les ans
Je reçois les riches présents ;
Chargé d'eux , bientôt on me traîné
Dans une prison souterraine ;
C'est- là , qu'avide de mon bien ,
J'attends qu'un mortel en corsaire
Se presse , pour se satisfaire ,
De me venir percer le sein ;
Au gré de son intempérance
Mon sang coule sans résistance ;
>
Je trouve en le perdant ma fin ;
Telle est la loi de mon destin :
Moi , qui d'un Dieu , suivant l'histoire ,
Forme l'attribut et la gloire .
LOGOGRIP HL.
UN cercle entre deus soeurs que l'on nomme nazales ,
Tantôt de même forme , et tantôt inégales ,
Présente un mot qui semble fait
Pour me causer qué de la peine ,
En s'opposant sur maint objet
Aux desirs de l'espece humaine.
A tel qui , d'un coeur pur , se montrerait jaloux
D'obtenir près de toi le doux titre d'époux
Jeune Chloé , que ta bouche vermeille
N'aille pas prononcer ce mot;
Mais par le mot contraire empresse- toi plutôt
De répondre à ses voeux en charmant son oreille .
( 131 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Nouveau système sur les granits , les schistes , les mollaces t
autres pierres oitreuses ; précédé de quelques observations sur les
Pyrénées. Par P. Bertrand , inspecteur général des ponts et
chaussées . In - 8 ° . de 63 pages, Prix , 30 sous pour Paris ; et
35 sous , franc de port , pour les départemens. A Paris , chez
Maradan , libraire , rue du Cimetiere- André-des-Arts , no . 9 ; an 3e.
CETET ouvrage est le fruit de longues études et observations ,
et , comme le dit l'auteur , il présente le plan de la meilleure
histoire du globe , fondée sur des découvertes ou vérités nou
velles ; mais aussi sur la ruine de plusieurs préjugés qui tyrannisent
encore les plus savans naturalistes. Quel que doive
être le sort du systême général , l'auteur a pensé qu'il serait
fort utile d'en détacher et de développer ici le systême particulier
du granit et de ce qu'on nomme le genre vitreux , tant
parce que c'est l'article le pins important de l'histoire naturelle ,
que parce qu'il doit être le fondement de la minéralogie ,
sur-tout de la lithologie-pratique .
Cela suffira , dit P. B. , pour montrer les erreurs ou les
ténebres qui couvrent encore l'histoire de la terre , et qui la
couvriront tant que la routine et les autorités présideront à
l'étude d'une science qni ne doit avoir pour maîtres ou pour
guides que l'expérience et l'observation , non pas seulement en
petit , en détail et sur un échantillon , comme cela se pratique
pour la commodité de l'enseignement public ; mais sur- tout
et avant tout , en grandeur naturelle , c'est-à-dire sur le vrai
théâtre , dans l'ensemble et dans le même ordre où se trouvent
tous les ouvrages de la nature , soit réguliers , soit acciden
tels ou désordonnés .
་
Au surplus , ce systême résout d'une maniere aussi simple
que générale e problême le plus important de la geologie, fl
montre en effet que le vitreux et le calcaire qui font tout le
partage de cette science , ne sont pas , comme on le croit , ni deux
natures opposées , ni même deux genres différens ; qu'au moins
leur différence , loin d'etre essentielle et originelle , n'est qu'un
accident local et postérieur à leur formation qui fut originairément
la même car des trois genres nouveaux établis dans
cette dissertation pour classer généralement toutes les terres ,
il est prouvé d'une part , que c'est dans le jetisse et l'arenacé que
se trouve nécessairement tout ce qu'on a reconnu pour vitreux ;
d'autre part , qu'ils ne sont l'un et l'autre qu'une émanation
du genre natif, et purement calcaire et qu'ils n'ont jamais pr
se former , ni s'accroître qu'à ses dépens , c'est-à - dire par
( 132 )
1
toutes les destructions on altérations qu'il a souffertes successivement
, et qu'il souffre encore tous les jours sur toute la
partie du globe qui est au- dessus de la mer.
Le Forgeron républicain ou la meilleure maniere d'utiliser les
mines de fer pour l'intérêt de la République par Guillaume-
Marie Boutechoux. In - 8° . de 51 pages. A Paris , de l'imprimerie
des écoles républicaines , rue Martin , nº . 51 ; l'an 3º . de la
République Française.
L'auteur de cette dissertation prétend que la manufacture du
fer , le plus nécessaire de tous les métaux , a été jusqu'ici
négligée . On n'a point encore cherché , dit - il , à connaître
et à suivre une veine de mine , à lui donner ou ôter les
adjoints nécessaires ou contraires à la fusion , et la façon de
la convertir en fer utile à la République. Les fourneaux sont
pour la plupart , ainsi que les forges , à la disposition d'onvriers
ignorans. Le point utile serait donc d'apprendre à
shercher la mine , la fondre , la conduire au point de solidité
et de dimension qui constituent les différentes especes de
fer , à le travailler en grand , au sortir des forges , dans les fonderies
, batteries et fileries , d'où il se distribuerait aux differens
besoins de la société .
Le fer est le seul métal vraiment utile ; il remue la terre , il
ferme nos habitations , il nous défend contre nos ennemis
avec lui nous abattrons tous les tyrans : il est cependant assez
commun de trouver des gens qui regardent d'un air dédaigneux
le fer et le manufacturier.
La distinction què méritent des manufactures de cette espece
devrait être particuliere ; il en reviendrait à la République un
produit considérable et un accroissement de richesses égal à ce
qui excede la consommation de la France , et passe chea
l'étranger.
La République contient une grande quantité de mines de
fer; elles se trouvent à différentes profondeurs et de diverses
figures. Quelquefois elle est en pierres de la grosseur du poing,
et quelquefois rude et criblée comme une éponge . Souvent
polie et luisante comme une glace , ou seulement en sable . II
y a des endroits où la mine de fer est à peine couverte de deux
ou trois pouces de terre , mais ordinairement il faut fouiller
à quatre , cinq ou six pieds de fond.
On a remarqué qu'il y a du fer dans la terre en poussiere ,
dans le limon , dans l'argille , dans la marne , et sur-tout dans
les terres grasses qui sont brunes , rouges ou noires ; on en
trouve encore dans la pierre à chaux , dans la pierre à fusil
et autres .
*
Le travail des mines consiste , 1 ° . à tirer de la miniere la
( 133 )
mine dont on veut faire usage. 2 °. A la séparer des corps ou
substances nuisibles . 30. A ajouter les matieres convenables
à la fusion , qu'on appelle fondans .
Ce sont ces différens procédés de fabrique et de manipula
tion que l'auteur expose avec précision , avec clarté et avec
connaissance de l'art dans cette dissertation , qu'on peut considérer
en effet comme le manuel du Forgeron républicain .
ANNONCES.
Dissertations par le citoyen Buc'hoz , médecin, rue des Grands
Augustins , no. 26 , à Paris ; in -folio grand format , pour faire
suite à ses ouvrages d'histoire naturelle dans les trois regnes
de la nature .
1º . Dissertation snr la digitale purpurine et sur les propriétés
médicinales de cette plante , principalement sur celles qu'on
a découvert depuis peu pour guérir l'hydropisie . Six pages .
Dissertation sur les plantes des environs de Paris qui
peuvent servir d'ornement dans nos jardins ; par ordre alphabétique.
Quinze pages.
30. Dissertation sur le vin et ses différentes especes , faisant suile à
celle sur la vigne, Vingt pages.
4º. Dissertation , en forme de catalogue des ouvrages de
de J. P. Buc'hoz , médecin. Pour l'année 1795 , vieux style .
Géographie élémentaire de la République Française , avec les
nouvelles dénominations des communes et l'indication des productions
et manufactures de chaque pays et des traits principaux
relatifs à la révolution . Par le citoyen Philipon . In - 16 de
160 pages . A Paris , de l'imprimerie des écoles republicaines ,
sue Martin , nº. 51 , près le théâtre des Sans - culottes , l'an 3 .
de la République,
Lettres de Cicéron à Brutus et de Brutus à Cicéron , avec une
préface critique des notes et diverses pieces choisies , traduites
par Prevôt ; volume in - 12 . Chez les freres Barbón ,
imprimeurs-libraires , rue des Mathurins .
Les entretiens dé Cicéron sur les vrais biens et les vrais maux
traduits par Regnier Denmarais , suivis du traité de la conso
lation , par Morabin ; volume in- 12 . Prix , 3 liv. 12 sols
broché. A Paris , chez les freres Barbou , imprimeurs -libraires ,
rue des Mathurins .
1 3
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
•
CONSTANTE
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 23 Novembre 1794.
ONSTANTINOPLE , 15 octobre. Le grand- visir s'est rendu dernierement
au Tsistitick , maison de campagne dont jouit le grandamiral
pendant qu'il est en charge . Ce ministre fit défiler devant
lui les nouvelles troupes , qui , depuis quelques tems , sont exercées
dans ce lieu par des officiers européens . Elles se livrerent
aux diverses manoeuvres qu'elles ont apprises jusqu'ici , et s'étant
partagées en deux corps , d'uniforme different , elles firent l'attaque
d'un petit fort érigé à dessein , et l'emporterent d'assaut .
Parmi la foule des spectateurs , il y avait quelques personnes
instruites dans l'art militaire , qui témoignerent leur surprise des
progrès de ces troupes , dans un tems si court . Leurs officiers ont
été récompensés par diverses marques d'honneur et de gratifications.
Le divan demanda , il y a peu de tems , aux ministres
étrangers un passe- port pour un bâtiment français , pavillon
tricolor , qui doit aller à Jaffa en Syrie , afin de conduite ici ,
pour le compte de la Porte , huit mille kiloos de blé . Ceux
d'Espagne et de Naples l'accorderent sans difficulté ; l'ambassadeur
d'Angleterre et le chargé d'affaires de Hollande le refusereut
d'abord , prétendant qu'une proposition de cette sorte
était hors des regles , et qu'il était contre l'intérêt des puissances
maritimes de favoriser le cabotage de leurs ennemis,
Le divan , piqué de cette conduite , insista . Les deux ministres
se réunirent enfin pour faire déclarer au réis - effendi 'qu'ils
accordaient le passe- port . Iis ajouterent que c'était pour cette
fois seulement , et dans le dessein de conserver la bonne intelligence
avec la Porte , mais qu'ils priaient le divan de ne point
revenir à la charge .
Les négociations au sujet des limites de Bosnie , entre l'internonce
impérial et le ministre ottoman , se continuent . Il a
été expédié de nouveaux ordres , accompagnés de menaces
aux habitans d'évacuer sans délai les places cédées par le traité
´à la maison d'Autriche .
Cette ville et ses fauxbourgs souffrent depuis six mois du
manque total de pluie , On dit que l'Archipel et les bords de la
mer Noire sont dans le même cas . Cette circonstance a fait
que
la derniere récolte a été pauvre et chétive . Le gouvernement
se pourvoit de blé sur les côtes de Syrie et en Egypte .
1135
135
) Cette derniere contrée paraît assez tranquille . Elle fournit
régulierement sa contribution annuelle ; mais les beys ont ré
tabli l'ancien systême de leur indépendance. Ils laissent au
pacha ou gouverneur en titre , qui réside au Caire , la réprésen
tation et la jouissance des revenus attachés à sa charge ; mais
sans aucune autorité .
Machmud pacha , vassal réfractaire d'Albanie , ne cesse point
d'inquietters provinces voisines. Le gouvernement a fait
jusqu'à ce jour , pour le réduire , des efforts inutiles.
On mande de Stockholm qu'à l'entrée du printems 24,000
hommes formeront un camp près de Schomme . H parait néanmoins
qu'il n'est question que d'exercer les troupes en grand ;
car le bruit court dans cette capitale que l'ambassadeur russe
Romanzow , qui avait été rappellé il y a quelque tems ,
n'avait laissé que le chargé d'affaires Notbeck , va bientô
revenir.
et
Au reste , la meilleure intelligence et même l'amitié continuent
à régner entre la Suede et le Danemarck. Il est question
du départ prochain du comte Sprengporten , en qualité d'am
bassadeur auprès du cabinet de Copenhague .
Ce cabinet manifeste toujours la plus grande sagesse . Non
content de se mettre en état de faire respecter au dehors l'indépendance
et la neutralité de la nation , il s'occupe encore
du perfectionnement de son économie intérieure . Une ordonnance
de la chancellerie vient de déterminer un nouveau mode
pour l'entretien des forêts de Norwege , et de prescrire des
regles pour les coupes de bois destinées à la navigation ..
On attend à Copenhague le baron de Staël , mais il n'y fera
que passer , et se rendra de là en Suisse ; ce qui donne lieu à
beaucoup de conjecinres . Mais il faut convenir qu'elles sont
jusqu'à présent trop vagues pour mériter quelqu'attention .
Le sort de la malheureuse Pologne est absolument décidé.
Après la conquête de Prag , fauxbourg de Varsovie , la rési
dence a fait proposer au vainqueur des points de capitulation ;
mais ils ont tous été rejettés , et le général Suwarow a voulu
que la ville se rendît à discrétion il déclarait toutefois à
l'avance que les habitans n'en avaient rien à redouter pour
leurs vies , ni pour leurs hiens . La bourgeoisie agréa , le 9 , ce
qui était exigé d'elle , et , le 10 , le général Suwarow a fait son.
entrée à Varsovie...
De Francfort-sur- le-Mein , le 17 novembre.
Les succès des Russes et des Prussiens contre les Polonais
et l'inactión de la Porte ottomane qui a vu écraser ce peuple ,
son allié naturel , sans faire la moindre diversion en sa fayeur
, ont singulierement changé les dispositions, du cabinet
14
136, )
de Vienne. Il n'y est presque plus question de paix : au contraires,
on fait dans les états héréditaires des préparatifs qui
continuent d'affaiblir l'Autriche et promettent au roi de
Prusse des victoires faciles , quand il se brouillera avec cette
puissance , qui pourrait bien aussi être attaquée avant peu par
la Porte ottomane , accoutumée à mépriser les troupes autrichiennes
autant qu'elle redoute les Russes .
3ر
ne
Quoi qu il en soit , suivant les dernieres lettres de Vienne ,
on leve actuel ellement 40,000 hommes ; es s'il en fallait croire
les exagerateurs , on ne s'en tiendra pas là . L'Autriche à elle
seule fournira 100,00c hommes , les autres états à proportion .
Il n'y a que la Hongrie à qui l'on demandera rien . Le
travail des arsenaux et des fonderies va sans discontinuation .
L'empereur presse , tant à la diete qu'auprès des cercles , la
prestation du quintaple . On attend , pour la fin de novembre ,
plusieurs généraux autrichiens , afin de concerter avec eux le
plan d'une nouvelle campagne , et l'on sait d'avance qu'il
sera tour different de celui du colonel Mack . On a un commandant
en chef tout prêt pour remplacer Clairfayt , à qui
sa santé délabrée ne permet pas de garder ces pénibles fonc
ions . Ce general est le comte François Kinski , directeur de
l'académie militaire .
•
On imagine bien que , dans ces circonstances difficiles et
dispendieuses , la cour réforme toutes les dépenses de plaisir
ou de luxe . Elle a donné ordre de détruire les sangliers du
Prater , dont entretien coûtait 40.000 florins par aan . En
effet , on aurait mauvaise grace se les permettre , puisqu'il
va falloir incessamment augmenter les contributions des villes
et des campagnes .
La Prusse avait fait notifier à l'Autriche qu'elle retirait
20,000 hommes des bords du Rhin , parce que l'Autriche
n'exécutant point les traités d'alliance et de partagé relatifs
a la Pologne ne lui avait pas fourni les 20,000 hommes
dont elle avait besoin pour défendre la portion qui lui est
échue. Mais on a appris que , d'après la nouvelle de la réduction
de Varsovie , ces troupes s'étaient remises en marche
pour se reporter vers Mayence et Manheim , et aider les
Autrichiens
à dégager ces places serrées de près .
Le gouvernement autrichien suivant à la lettre le proverbe
charité bien ordonnée commence par soi - même , employait
les troupes qu'il aurait pû et dû fournir , d'après le
traité , à couvrir les frontieres de la Gallicie ; car , d'après
des nouvelles assez récentes , il y craignait quelque explosion .
Des ordres ont été donnés , disent ces mêmes lettres , pour
n'y laisser entrer aucun insurgé polonais , et n'en laisser non
plus sortir aucun . Tous sont l'objet d'une surveillance trèsinquiete
, parce qu'on croit être sûr qu'il y a parmi eux
plusieurs officiers travestis , charges d'exciter un soulevement .
Enfin les alarmes allaient au point que le corps des trans,
t
•
( 137 )
ports militaires de cette province devait être renforcé de di
divisions , à partir du 10 novembre au 1er, janvier.
Ces mesures sont et doivent paraître moins nécessaires
depuis les grandes victoires des Russes sur les Polonais . Mais
l'Autriche en aurait peut- être besoin contre les Turcs , s'il
faut ajouter foi aux nouvelles suivantes , d'autant plus doutenses
que la date du fait principal n'est point indiquée , et
que d'ailleurs de petites affaires de ce genre ont quelquefois
lieu par des mal- entendus , sans troubler la paix ; sur-tout
quand il s'agit de démarcation de frontieres , les Bosniaques
Tures se refusant en général à passer sons la domination
autrichienne.
Des lettres reques de la Gallicie annoncent que le …….…………...
octobre , les Turcs ont attaqué un piquet de troupes autrichiennes,
il y a eu plusieurs morts de part et d'autre . Le 13
du même mois , des Bosniens réunis , au nombre de plu- ,
sieurs mille , dans les environs de Vakup , firent mine d'attaquer
le cordon de troupes impériales . Les généraux autrichiens
, de leur côté , firent des préparatifs de defense , et
ordonnerent même aux habitans de s'armer . Les Turcs demeurerent
long - tems en observation sur une montagne appellée
dans le pays Vissocsoza ; il ne paraît pas cependant
qu'il y ait eu ce jour aucune affaire ; mais ces présages , ou
plutôt ces commencemens d'hostilités , donnent ici de vives
inquietudes,
D'autres lettres de la capitale de l'Autriche disent qu'on
ya condamner à une prison perpétuelle , les prévenus da
complot qui a donné lieu à une enquête juridique . Le crime,
peut- être imaginaire , qu'on leur reproche est d'avoir projeté
d'incendier les trois ponis de Vienne , pour enlever la per
sonne de l'empereur qui , dans ces occasions , ne manque
gueres de veuir encourager les travailleurs par sa présence.
Cette conspiration dont on fait grand bruit à la cour ,
donnera vraisemblablement lieu à la revision du code penal , et
au rétablissement dans certains cas majeurs de la peine de mort,
absolument abolie par Joseph II.
Ou mande d'Olmatz , que l'ex - général français Beurnonville
qui était détenu prisonnier dans ce lieu , vient de s'échapper.
Il avait obtenu la permission de sortir accompagné de
deux gardes . Un matin qu'il avait poussé sa promenade un
peu loin , deux hommes à cheval , habillés à l'anglaise
parurent
ville samout à - coup tenant un cheval de main . Beurnonsur
ce cheval , et disparut comme un éclair . On
se mit à sa poursuite , mais l'on n'est parvenu à atreter
que l'un des deux individus qui l'avaient aidé dans sa faite .
" On écrit de Berlin , en date du 18 novembre , que les
bruits d'une paix prochaine avec la Franco se sont affaiblis
( 138 )
Cependant les émigrés français ont reçu brusquement , ces
jours derniers , l'ordre de quitter la capitale. Quelques personnes
avaient trouvé l'explication de cette mesure dans les bruits de
paix dont il était fort question alors . Mais depuis qu'ils se
sont dementis , on ne sait plus quel motif en assigner. Au
milieu des embarras des conjonctures actuelles , le roi continue
de se tenir presque toujours à Postdam . Il est vena le 7
à Berlin à l'occasion des couches de sa bru ; mais il a quitté
cette ville immédiatement après l'avoir vue. Les bonnes nouvelles
qu'il reçoit de la Pologne paraissent lui donner la plus
vivé satisfaction , et rendre de l'énergie à son caractere :
la coalition en profitera ; car il renvoie décidément sur les
bords du Rhin 20,000 hommes , qu'il en avait tirés poar la
défense de la Silésie contre les insurges Polonais .
Ces 20,000 hommes et beaucoup d'autres encore ne seront
point de trop pour résister aux Français , et sauver Mayence ,
Manheim , et peut être aussi notre ville de Francfort , dont
il n'y a pas assez long- tems que les soldats de la République
étaient maîtres , et dont ils sont encore trop près pour que
nous bannissions toute crainte à cet égard . Aussi est - ce avec
u grand plaisir que les magistrats y ont vu entrer , le 27 , le
er , bataillou des gardes prussiennes qui doit y rester en canonuement.
A cette époque on n'entendait plus , depuis trois
on quatre jours , tirer du côté de Mayence on en sait aujourd'hui
la raison c'est que l'ennemi se borne à pousser
ses travaux qui se font avec plus ou moins de succès , mais
qui toujours decelent des vues d'une nature fort sérieuse . Lefeu
des Français n'a jusqu'à présent pas fait encore grand
mal à Mayence , où il n'a brûlé qu'une maisonnette dans le
voisinage du Laboratoire . Bretzenheim est de nouveau occupé
par un piquet de troupes françaises ; mais tout à été d'ailleurs
tranquile ces jours derniers , si l'on en excepte une ca
nonnade qui s'est fait entendre entre Gerrsheim et Ginsheim,
On dit que les Français ont manifesté l'intention de jetter
un pout sur le Rhin , près de Bingen ; mais qu'ils ont renoucé
a ce projet en voyant la résistance qu'on voulait leur opposer.
Dans le canton de Bâle , on a découvert une fabrique de
faux assignats. L'entrepreneur , personnage d'importauce , a
pris la fuite ; mais son collaborateur , un émigré français , a
été saisi et conduit à Bâle chargé de chaînes .
D'antres lettres de cette ville , du 19. novembre , disent
Depuis quelques jours , nous avons ici un aide- de - camp du
feld-maréchal de Mollendorf , avec quelques autres personnes.
Il s'est abouché plusieurs fois avec le citoyen Bacher , secrétaire
de légation de France .
Quelques personnes prétendent qu'il s'agit de négociations
de paix ; mais d'autres disent qu'il est seulement question
un échange de prisonniers.
1.139 f
P V I CES- UNI
On mande de la Haye , en date du 13 novembre , que , suivant
des avis reçus de Berg-Op-Zoom , il y eut le 7 au matin
un combat assez vif entre une partie de la garnison de cette
place et une division française . On y craignait que cetta action
dans laquelle les français s'étaient approchés jusque sous le feu
des ouvrages,ne fût le prélude d'un siége dans les formes ; ce qui
semble encore mieux l'indiquer , c'est qu'un trompette apporta
le 9 au soir une lettre au commandant. Gertruidemberg paraissait
également menacé d'une diversion ou d'une attaque prochaine
par les français , qui poussaient si vivement le bombardement
de Thiel , que l'on craignait que cette petite forteresse
ne tombat bientôt entre leurs mains . Ils s'occupent toujours de
forcer le passage du Vaal , du côté de l'isle de Bommel , que
les Hollandais continuent de défendre ce qui fait élever de
part et d'autre de fortes et nombreuses batteries . Utrecht est le
point central du corps d'armée hollandaise , fortifié par la légion
d'émigrés de Damas qui y est arrivée le 10.
Suivant des nouvelles plus récentes , la garnison d'Amster
dam sera augmentée de 8 à 10 mille hommes ; et pour completter
ce nombre , on armera les habitans des fauxbourgs et
même les juifs . Les Hollandais sont toujours très- mécontens
de la conduite des Anglais , leurs prétendus défenseurs , dont
ils éprouvent mille vexations . C'est sur-tout à Nimégue qu'ils
ont porté au plus haut point l'indiscipline . Le Stathouder a eu
beaucoup de peine à calmer les troupes .
Les français paraissent avoir dessein d'investir Breda et
Berg- Op-Zoom, On croit que c'est- là l'objet de la forte reconnaissance
qu'ils ont faite le 7 dans les environs de la derniére
de ces places , et qui a donné lieu à une action assez vive . Ils
font des rassemblemens de troupes à Bois-le -Duc . Leurs postes
autour de Breda se multiplient. lis y ont recu ces jours derniers
, beaucoup de canons et d'obusiers.
Enfin les dernieres nouvelles de Leyde annoncent que Gertruidemberg
et Berg-Op- Zoom sont bombardés avec beaucoup
de vivacité.
Depuis l'entrée des français dans Nimégue , il ne s'est passé
aucun fait de guerre semarquable dans ces quartiers .
Un corps de troupes impériales de vingt mille hommes , seus
les ordres du général Werneck , a , dit - on , passé à le solde de
la Grande-Bretagne , et doit - être employé à la défense de la
Hollande . Dans le moment actuel , il garnit la rive droite
du Rhin , depuis Wesel jusqu'à, Arnheim er Panderon . Au
reste , il n'y a point de changement dans les positions respectives,
Le quartier-général d'Yorck est toujours à Arnheim .
( 140 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. "
NVENTION NATIONALE.
PRÉSID DI REWBEL.
Séance de septidi , 17 Frimaire.
Il y a eu hier au soir une séance consacrée au renouvelle
ment du bureau . Rewbel a été nommé président ; Giraud
Ponzol , Dubois Dubais et le Tourneur ( de la Manche) , secré →
taires .
La séance du 17 s'ouvre par la lecture d'une lettre des
citoyens d'Avignon , revêtue de quatre mille signatures , où ils
dénoncent les horreurs commises dans leur commune par les
agens de Robespierre et le représentant du peuple Maignet ;
ils demandent vengeance .
Renvoi au comité de salat public pour en faire un prompt
rapport . Ve
B
Quelques citoyens de Coutances écrivent à la Convention.
quee la terreur regne encore dans le département de la Manche ;
ils demandent un representant du peuple pour les faire jouir
des bienfaits de la révolution du 9 thermidor .
Renvoyé au comité de sûreté générale .
Jean-Bon - Saint André écrit que la Convention en rapportant
son décret par lequel elle avait mis hors la loi tous ceux qui
avaient participé aux actes liberticides de la commune de
Bordeaux , a commis une injustice à l'égard de Sers , président
du département , qu'elle a excepté . Il assure que Sers
est un vrai patriote qui a fait à la révolution de grands
sacrifices , et qui n'a été qu'égaré . Il demandé le sursis du
décret à l'égard de Sers ett le renvoi aux comités ,
Boudin en prend occasionན -de faire la motion du sursis de tous
les décrets de mise hors la loi et du renvoi aux comités
pour faire un prompt rapport. Adopté. ( Vifs applaudissemens.
)
Eschasseriaux appelle l'attention de la Convention sur l'état
de langueur où gemissent les arts , l'agriculture et le commerce.
Il propose d'accorder toute liberté et toute protection
au commerce , de créer un conseil de commerce , de rappeller
les ouvriers qui sont sortis du territoire de la République
par défaut de travail , et de faire des avances aux cultivateurs
fabricans et manufacturiers.
Thibandeau pense qu'un pareil décret ne remplirait pas les
intentions de la Convention , et qu'il s'agit moins de créer
que de détruire ce qui a été fait de mauvais . On n'a point
( 141 )
encore , selon lui , abordé la vraie question , c'est celle de
savoir si la loi du maximum doit subsister. Il la regarde comme
désastreuse . Une autre mesure , dit it , qui a singulièrement
nui au commerce , c'est l'acte de navigation . Il convient cependant
que la liberté indéfinie du commerce peut dans ce
moment entraîner de grands inconvéniens . Il propose en cons
séquence le renvoi aux comités pour faire un rapport sur ces
deux objets.
Clausel généralise la proposition , et demande que les comités
présentent à la Convention un plan général d'économie politique
; décrété.
ой
Johannot , au nom du comité de commerce , fait adopter
un projet de décret sur les établissemens de commerce
manufactures dont les entrepreneurs sont tombés sous le
glaive de la loi , ou dans lesquels étaient intéressés des indis
vidus dont les biens ont été confisqués au profit de la Répu
blique.
2.
Guérin. Je viens rappeller à la Convention nationale un des
devoirs importans qu'elle a à remplir. Il ne lui suffit point d'a
voir consigné les grands principes de justice dans la sublime
adresse aux Français , il faut qu'elle en donne un grand exemple,
en rappellant dans son sein la portion nombreuse de la Conven
tion qui est éloignée du poste où le peuple l'a placée ........ Le ..
peuple que l'on a si souvent égaré , le peuple qui abhorre le
crime , applaudit à vos actes de justice . Ne le laissez donc pas
desirer plus long-tems de voir la représentation complette .........
Dans cette affaire , la seule politique à suivre est de rendre
hommage à la vérité . Quel est celui de nous qui n'a pas la conviction
de l'intégrité et du civisme de nos collégues ? qu'ils
n'ont commis d'autres crimes que d'avoir été plus clairvoyans
que les autres , et d'avoir signalé les traîtres . Cependant je suis
jaloux de leur gloire ; je demande que la loi relative à la ga
rantie de la représentation nationale leur soit appliquée , et que
primedi prochain les comités de gouvernement fassent leur
rapport sur nos 73 collégues .
Cette proposition est adoptée au milieu des plus vifs applau
dissemens.
Séance d'octidi , 18 Frimaire.
Merlin ( de Douai ) , au nom des trois comites de gouverne
meut : En exécution de votre décret d'hier , vos comités se
sout occupés de l'affaire de nos 73 collégues ; ils vvous propo
sent de les rappeller sur- le.champ dans votre sein .
Ce projet est adopté au milieu des plus vifs applaudissemens
et des cris de Vive la Convention !
Monestier demande le rappel de Dulaure ; Guyomard , de
Coupé ( des côtes du Nord ) ; Dumont , de Devérité . Ces propositions
sont adoptées ,
Thibaudeau ; Il reste encore à la Convention à faire un grand
1
( 142 )
1
acte de justice. Je réclame en faveur d'un homme qui a hónoré
son siecle par son énergie à défendre les droits de l'homme , qui
s'est si glorieusement distingué par le rôle qu'il a joué dans la
révolution d'Amérique , de Thomas Paine ; je n'ai jamais entendu
articuler aucun reproche contre lui . Un décret de l'Assemblée
législative l'avait naturalisé français Une intrigue l'a
chassé de la Convention comme étranger . Je demande qu'il y
soit rappellé. ( Vifs applaudissemens . )
Cette proposition est décrétée .
Bourdon ( de l'Oise ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté générale et de législation , propose le rapport de la
loi du 27 germinal sur la police générale de la Republique .
Ceux sur lesquels elle a frappé , dit il , ont été traites avec une
barbarie inconcevable , quoique , malgré la vigueur des comités
révolutionnaires de Paris , ils n'eussent pas été judés assez snspects
pour être incarcérés, Robespierre avait résolu de détruire
les deux castes ci -devant dominantes et la classe intermédiaire
, pour fonder la tyrannie et régner sur le reste . des
citoyens. Ainsi il marquait les hommes qu'il voulait perdre , et
augmentait la classe des nécessiteux , c'est - à - dire , des hommes
à 40 sous . Bourdon ajoute que la Convention ne doit pas être
moins juste envers tous les citoyens que vis-à- vis de ses collégues
; il demande donc le rapport du décret , à l'exception des
articles 1 et 2 relatifs à la compétence du tribunal révolutionnaire
, et que les arrêtes du comité de salut public et des représentans
du peuple en mission , rendus en exécution de cette
loi , soient annulles.
Ces propositions sont décrétées au milieu des plus vifs applaudissemens.
>
Cambacérès : Les décrets que vous venez de rendre seront
des monumens de bonheur . La révolutiun , semblable à un torrent
rapide qui suit une marche inégale , a opéré dés effets divers
, quoique les principes fussent les mêmes . Des patriotes se
sont quelquefois opposés à des mesures qu'ils croyoient blesser
la liberté ; d'autres les ont quelquefois outrepassées . Il
9
apparient
à la Convention de réunir tous les Français en un faisceau
, en distinguant l'erreur du crime ; elle doit punir le crime
et pardonner à l'erreur . Il propose en conséquence une amnistie
pour tous les faits relatifs à la révolution , lorsque , par
leur nature ils ne seront point réputés délits par le code pénal
; et comme cette proposition a besoin d'être mûrie , il en
dmande lui-même le renvoi aux comités .
9
Elle est décrétée au milieu des cris de Vive la Convention !
vive la République !
Baraillon invoque l'humanité de l'Assemblée en faveur d'un
prêtre qui croupit dans un cachot , et qui est âgé de 89 ans.
Grégoire s'éleve contre la barbarie exercée contre certains
hommes , parce qu'ils ont été de teile on telle caste ; il déclare
qu'il ne connaît aucune caste dans une Républiqué , mais seu(
143 )
lement de bons ou de mauvais citoyens. On demande si ce
prêtre est réfractaire . Millaud répond qu'il l'est ,, mais qu'il est
accablé de vieillesse et d'infirmités. La Convention renvoie au
comité de sûreté générale pour Statuer sur les cas particuliers.
Perès , au nom du comité de législation , soumet à la Convention
quelques difficultés qui se sont élevées sur l'exécution
du decret relatif aux certificats de civisme , et il fait décréter
que les municipalités et les sections sont les juges naturels du
civisme des citoyens , que le visa des directoires n'est que l'action
de constater la vérité des signatures des officiers qui les ont
délivrés que si cependant les districts ont des preuves materielles
ou écrites de l'incivisme des impétrans ,ils pourront suspendre le
visa pendant trois jours , et enverront les pieces aux municipalités
pour prononcer .
Séance de nonidi , 19 Frimaire.
Isabeau , en mission dans le département du Bec-d'Ambez ,
écrit à la Convention , qu'il a reçu le décret de son rappel , auquel
il s'empsesse d'obéir, Quant à la commission créée par lui
pour reviser les jugemens de la commission militaire de Bordeaux
, il répond qu'en prenant cette mesure , il n'a fait qu'obéir
au cri de la justice qui réclamait de toutes parts contre
des jugemens iniques , ainsi qu'à l'instrucion qui lui a été
adressée officiellement par les comités de salut public et de
législation .
Renvoi aux trois comités.
Gregoire appelle la justice de l'Assemblée sur Lanjuinais ; il
assure que son coeur a toujours été pur , et que tous ceux qui
le connaissent , rendent à sa probité la justice qui lui est due .
Il demande que les trois comités fassent promptement leur rapport
sur lui et sur tous ses collégues qui sont dans le inême cas .
Décrété.
Mailhe demande le rapport du décret qui charge le comité det
décrets d'examiner la conduite politique des suppléaus appellés
à la Conventiou nationale . Il regarde ce décret comme allentatoire
à la souveraineté du peuple.
Rewbel partage cette opinion ; mais il croit qu'il ne faut rien
décréter d'enthousiasme , et pour l'honneur des principes , il
propose le renvoi aux trois comités . Il est décrété .
Dussaux , au nom des 73 députés : Il est donc arrivé le grand
jour de la justice , précédé de tant d'autres non moins consolateurs
; ce jour qui remplit le voeu du peuple et nos voeux les
plus ardens . Il nous rend la liberté que nous n'aurons jamais
dû perdre , et l'honneur que l'on avait tenté envain de nous
ravir ; mais la vérité tôt ou tard surmonte l'imposture , dé- ‹
masque l'intrigue , et remet tout à sa place , les choses et les
hommes ..... Gloire , honneur et respect à la Convention nationaje
! tel est le cri des vrais patriotes qui , dans les circonstanes
actuelles , la regardent somme la derniere ancre du vaisseau de
( 144 )
Ja République à peine sorti de la tourmente. On ne viendra
plus attenter sans remords et sans pudeur à l'intégrité de la
Convention nationale . Que voulions -nous autrefois , citoyens ?
le règne de la justice , la compression de l'anarchie , de bonnes
lois , de bonnes moeurs. Eh bien ! que voulons - nous aujourd'hui
? tout ce que nous avions tant desiré ; mais nous voulons
encore vous prouver , ainsi qu'à l'univers entier , que si nos
corps se sont uses dans les réduits fetides de la tyrannie , nos
ames retrempées par le malheur , y ont repris une nouvelle vigueur.
C'est aussi là que nous avons appris à compatir aux
maux de nos semblables , et à n'opposer à nos ennemis que de
la patience , au lieu d'injures et d'inutiles représailles ,
Le discours de Dussault est souvent interrompu par de vifs
applaudissemens, La Convention en ordonne l'insertion an bulletin
et la distribution à ses membres .
Grégoire dénonce les abus des administrations des postes :
Le secret des lett.es est violé ; les lettres chargées n'ont pas
été plus respectées ; il observe que le mal vient de ce que Robespierre
, qui comptoit beaucoup sur elles pour influencer l'opinion
publique , l'a remplie de ses agens .
Renvoi au comité des transports et messageries ,
Pelet , au nom du comité de salut public , annonce l'entrée ·
dans nos ports de dix vaisseaux ennemis richement charges .
( Voyez les Nouvelles officielles . )
Taveau expote que les citoyens da Calvados ont été induits
en erreur par leur patriotisme . Ils croyoient que la représentation
nationale n'était pas libre , et ils vouloient la défendre ;
il dit que le jour de toutes les justices est arrivé , et il demande
la rapport, du décret qui ordonne qo'il sera élevé une
colonne infamante sur les ruines du château de Caen .
Dumont ( du Calvados ) appuie et ajoute que le fédéralisme
est un mot inventé pour perdre les bons citoyens ; il demaude
la revision de toutes les lois de sang faites par Robespierre
.
Tallien pense qu'il ne faut pas seulement reviser les lois ,
mais diminuer le nombre des fonctionnaires publics ; il penche
à croire que les comités révolutionnaires ne sont plus utiles ,
Cependant , comme cette question a besoin d'être approfondie
, il en demande le renvoi aux trois comités .
Thuriot saisit cette idée , et il demande la suppression dans
l'instant de ces comités .
Clauzel s'écrie qu'il y a de la perfidie dans cette proposition
. Pelet et Bourdon eu démontrent le danger , Ils savent
que le fanatisme s'agite , leve la tête , et qu'il faut une autorité
pour le comprimer. Ce n'est pas sans doute par la persécution
qu'on peut l'éteindre ; il faut respecter la liberté des consciences
; mais on ne doit pas souffrir qu'elle donne lieu à des
rassemblemens dangereux . D'ailleurs , à qui la suppression des
comités révolutionnaires serait-elle utile ? L'honnête citoyen
ne
MÉDECIN E. op
EXTRAIT
DE LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE , LITTÉRAIRE ET
POLITIQUE , du 20 Brumaire de l'an troisième ( 1 ) .
RECUEIL DE RECHERCHES ET D'OBSERVATIONS sur les différentes
méthodes de traiter les Maladies Vénériennes , et particuliè
rement sur les effets du remède connu sous le nom de Rob anti -syphilitique
, par Laffecteur , co -propriétaire de ce remè.le ; in- 8°. de
150 pages d'impression , caractère Didot , présenté à la Convention
nationale : se trouve chez l'auteur , à Paris rue des Petits - Augustins
, no. 1276 ; prix, 25 s . pour Paris , et 35 sous , franc de port,
pour les départemens. રે
ANALYSE.
L'OUVRAGE que nous annonçons intéresse si vivement une partie
de l'humanité souffrante , que nous croyons devoir nous empresser d'en
rendre compte . L'auteur paraît avoir fait une étude approfondie de
la matière dont il s'occupe ; et la confiance qu'il ne sollicite point ,
mais qu'il inspire , naît des développemens qu'il présente avec le ton
de la vérité , ton qu'il est facile de ne pas confondre avec celui d'une
présomption suspecte , ou d'une mauvaise foi criminelle. Il écrit en
s'appuyant , comme il le dit lui -même , sur l'autorité des faits et de
L'observation.o mjet 1
Guidé par les praticiens les plus estimés , il passe en revue les différentes
méthodes de traiter les maladies vénériennes ; il parle sommairement
des unes et de quelques autres , avec les détails qu'exigent
l'intérêt des malades et l'importance de l'objet,
Il répète , d'après des écrivains connus , qu'on a trouvé des remèdes
contre ce fléau , dans le règne animal , dans le règne végétal et dans
le règne minéral.
" Comme le règne animal a fourni peu de ressources ou des ressources
peu certaines,, pour la guérison des maladies vénériennes ; que les
praticiens n'ont pas été plus heureux dans les combinaisons qu'ils ont
faites de certaines substances , présumées spécifiques dans les trois règnes
; et qu'enfin le mercure et ses différentes préparations ont longtems
obtenu une préférence presqu'exclusive , le citoyen . Laffecteur
- s'occupe d'abord particulièrement de ce minéral .
(1 ) Ce journal est cité ici , parce qu'il jouit
comme de l'approbation des gens de goût. Il ne festime des gens instruits ,
se borne pas aux objets scientifiques
: il est en même tems consacre a la Littérature , aux Arts , à la Morale ,
Agriculture et à la Politique ; et ces différentes parties y sont traitées de
manière à laisser apercevoir qu'il est écrit par des plumes exercees dans ces divas
genres. La morale s'y montre toujours sous la forme amusante d'un conte
d'un dialogue , ou d'une allegorie . Des pieces fugitives en prose et en vers
J'ana yse des nouveautes théâtrales , etc,, contribuent encore à l'agrément de cet
ouvrage , qui parait tous les décadis . C'est au directeurde ce journal, rue Theese
pres la rue Helvetius , à Paris , qu'on s'adresse pour s'y abonner, Le prix
est de 41. pour six mois , et de 451. pour l'année.
Il puise dans les sources respectées par tous les savans en médes
cine , les preuves alarmantes et décisives des cures incomplètes qu'on
opère par le mercure ; des accidens qui résultent de son administration
des inconvéniens de son usage , et des maux incalculables qui en sont
la suite.
;
Il parle , d'après les praticiens les plus célèbres , du mercure et de
ses préparations ; des vertus spécifiques de ce minéral , de l'incertitude
de son action , et de ses inconvéniens , soit qu'on le donne en
frictions , soit qu'on l'administre intérieurement.
Nous ne nous arrêterons pas à faire l'analyse de cette partie de l'ouvrage
du citoyen Laffecteur , qui n'est elle- même qu'une analyse de ce
que les meilleurs auteurs ont écrit sur cet objet , mais nous invitons à
Jire attentivement cet article dans son recueil : il est d'un intérêt génétal
, et l'humanité l'exige.
Si la première partie du recueil du citoyen Laffecteur afflige ceux
qui croient que le mercure est le seul spécifique contre les maladies vémériennes
, combien est rassurante la certitude qu'il donne , toujours
d'après des autorités irréprochables , que la classe immense des végétaux
est féconde en ressources contre cette cruelle maladie !
Il affirme et prouve que cette méthode est douce et sans incon-
» véniens ; que les végétaux guérissent aussi promptement et aussi surement
que le mercure ; qu'ils n'altèrent pas , comme lui , la cons-
« titution des malades ; qu'ils ne dégradent pas les parties constitutives
» des organes ; qu'ils ne portent pas , comme les mercuriaux , le
» trouble dans l'ordre des fonctions animales ; que leur action est
" paisible ; qu'elle peut être combinée , modifiée suivant les circonstances
; et qu'enfin il faut les préférer pour le traitement des ma-
» ladies vénériennes . ».
"
C'est encore dans l'ouvrage du citoyen Laffecteur qu'il faut lire le
développement de ces vérités : il nous a paru sans réplique .
Une objection naturelle se présente ici nécessairement . Pourquoi les
végétaux n'ont-ils pas obtenu la préférence qu'ils méritent sur le mercure
et ses préparations ?
T
"
« C'est que , dit l'auteur , le traitement par les végétaux exige
» une étude des tempéramens , des climats , de la vertu des plantes
qui , transportées ou transplantées , ne donnent pas constamment
» les mêmes résultats ; qu'une simple routine , par conséquent , est sou-
» vent en défaut ; que le découragement suit des épreuves incomplètes',
» qué l'homme de l'art , pressé de jouir , rentre dans la route battue
» des traitemens mercuriels ;
C'est qu'on n'a pas toujours fait le choix heureux des végétaux
» analogues à la constitution des malades ; qu'on n'a pas assez calculé
» les doses auxquelles lit fallait les prescrire ; qu'on ne les a pas combinés
, variés à propos ; qu'on n'a pas saisi les circonstances favorables
ou opposées à leurs effets , en un mot , qu'on a méconnu qu
contrarié la marche de la nature et la tendance des humeurs vers
une évacuation plutôt que vers une autre , en tentant de la porter
ailleurs par des efforts inutiles et dangereux. 1995
"1
37 17
De ces inattentions et de ces erreurs devaient nécessairem ent résulter
une solution peu satisfesante , et le découragement des gens
de l'art aussi ont -ils dirigé toutes leurs études tous leurs efforts
' no'rp
» vers une méthode dont ils n'ont jamais pu se dissimuler les dan
gers ; que beaucoup ont adoptée à regret , et que les voeux réunis
» des médecins et des malades doivent enfin faire proscrire entière-
⚫ment.
Le citoyen Laffecteur termine cet article par la réflexion suivante :
» Existe - t-il un médecin qui n'ait pas gémi plus d'une fois sur l'im-
» puissance de son art , sur les ressources infidèles qu'il lui présente
et qui , dans le désespoir que lui a souvent donné l'état critique de
» plusieurs de ses malades , n'ait pas désiré la découverte d'un remède
dont les effets fussent assurés et constatés par des épreuves
sans réplique.
و د
50
On trouve ensuite dans le même recueil l'historique circonstancié de
cette découverte en médecine, qui remplace, avec des avantages infinis ,
le mercure et ses préparations .
On y voit avec quelles précautions , quelle sévérité , quelle authenticité
, ont été faites les épreuves qui devaient constater les vertus de
ce remède , connu sous le nom de Rob anti-syphilitique.
On y lit les actes les moins suspects , les témoignages les plus décisifs
en sa faveur et qui démontrent en outre qu'il ne consient pas
de mercure ; qu'il est uniquement végétal , et qu'il est le spécifique
désiré par les médecins , contre les maladies vénériennes.
C'est un grand nombre de médecins et de chirurgiens connus , qui
affirment ces vérités . On ne peut pas les révoquer en doute , sur- tout
après que la société de médecine de Paris en a garanti l'authenticité
par son suffrage .
Le citoyen Laffecteur ne s'érige point en juge dans sa propre cause
il n'exige pas qu'on le croie sur sa parole : il laisse naître la conviction
du simple énoncé des faits qu'il expose er des preuves qu'il produit.
Mais sachant qu'il a dans ses mains le moyen de sauver les incurables
vénériens , de guérir les malades de cette espèce , à qui on n'ose pas administrer
le mercure , ou à qui on ne l'administre pas sans danger ,
comme ceux chez qui le vice vénérien est compl.qué de scorbut , d'affections
de poitrine , d'affections, nerveuses , de grossesse récente ou
avancée , de dysenterie , de crachement de sang , d'une disposition
prochaine à la cachexie , au marasme , à l'appauvrissement du sang,
etc. , il a le courage que lui donne le sentiment de ses forces et de sa
position , et il demande que le Rob anti-syphilitique soit administré
dans les hospices nationaux , aux malades vénériens qu'on ne traite
point sans danger par le mercure , offrant pour cet usage seulement,
de le fournir avec le sacrifice de son bénéfice ordinaire glo
Suivent vingt- quatre observations de guérisons, opérées par le Rob
anti-syphilitique , qui prouvent , d'une part , à quel degré d'énergie
peuvent parvenir les ravages de cette maladie , lorsqu'on la néglige
ou lorsqu'on n'emploie , pour la combattre , que les remèdes mercuriaux
; et qui prouvent aussi l'efficacité de ce remède sur les malades
réputes incurables : ....
Fei , comme dans le cours de son ouvrage , le citoyen Laffecteur de
se prévaut ni de ses connaissances , ni de ses observations personnelles
; celles qu'il transcrit sont extraites des procès - verbaux dresses
par les commissaires de la société de médecine, de Paris , ou signés
par des médecins et chirurgiens d'une réputation sans reproche.
Mais il est un genre de maladies vénériennes , dont beaucoup de
1
personnes sont affectées sans le savoir elles sont connues des médecins
, sous le nom de maladies vénériennes chroniques , sans signes
évidens , c'est - à - dire , " masquées , dégénérées , ou compliquées . Le
citoyen Laffecteur , toujours en puisant dans les sources les moins suspectes
, a inséré dans son recueil Pextrait analytique d'un traité sur
ees maladies , qu'on doit consulter avec attention , les femmes surtout.
.
Cette partie du recueil a pour objet de faire connaître « une maladie
» qu'on porte souvent sans s'en douter ; qui , assoupie pendant plu-
» sieurs années se développe tout- à- coup arec activité ; qui , dé-
» générée de sa nature prioritive , prend un caractère qui paraît lui être
» étranger , qui se montre souvent sous l'aspect trompeur de maladies
tout-à-fait différentes ; qui fait des ravages d'autant plus cer-
» tains , qu'on en méconnaît le principe ; qui , déguisée sous toutes
" sortes de formes , échappé à la sagacité des maîtres de l'art ; et –
» élude l'action des médicamens . "
Le citoyen Laffecteur présente les preuves de l'existence de ces maladies
, leur description , leur marche , leurs causes , leurs siéges ,
leurs effets , leurs signes , et des vues générales sur la méthode curative
qu'il convient de leur opposer. "
མ
9
Il est impossible , d'après le développement des principes consignés
dans le traité que nous lisons qu'on administre le mercure
contre les maladies chroniques ; il est même démontré que les végétaux
seuls peuvent sauver ceux qui en sont affligés : plusieurs observations
incontestables ont prouvé qu'elles ne résistaient pas au Rob antisyphilitique
; on en verra dix exemples remarquables et très -consolans
dans leurs résultats , à la suite de ce traité , auxquels nous renvoyons.
Enfin , le citoyen Laffecteur complète et termine son recueil par
quelques observations sur les maladies vénériennes des noirs , sur
le pian , sur la lepre . Elles sont extraites de l'ouvrage d'un médecin
qui a suivi , pendant plusieurs années , les maladies des colonies , et
principalement celles des noirs ; et ce médecin déclare qu'il n'a jamais
employé le Rob anti-syphilitique sans succès , dans les cas décisifs
pour la guérison des maladies désespérées qu'il a rencontrées aux îles ,
dans sa longue pratique.
Si nous nous sommes étendus sur le compte que nous venons de rendre
du recueil du citoyen Laffecteur , nous avons eu en vue le bien de
Phumanité , auquel nous croyons coopérer en inspirant le désir de connaître
un ouvrage que nous jugeons , sous tous les rapports , digne
d'être lu les gens
par
de Part et les malades : il est écrit avec sagesse ,
avec pureté et nous le répétons , avec le ton d'une vérité persuasive ,
auquel il est difficile de résister.
t
DECRET DE LA CONVENTION NATIONALE,
·Prononcé dans la séance du 21 brumaire de l'an troisième .
Le citoyen Laffecteur offre à la Convention un ouvrage intitulé : Recherches
et observations sur les effets du remède connu sous le nom de ROD ANTISYPHJLITIQUE.
Il demande d'être employé pour le traitement des incurables
vénériens .
で
La Convention décrète lâ mention honorable de l'offrande , et renvoie la demande
au comité des Secours publics , pour y statuer et faire un rapport , s'il y
a lieu
((2145) ) !
me craint pas la surveillance ; il n'y a que les fripons et les ba
veurs de sang qui veulent ensevelir leurs reimes dans l'obseurité
. Ces comités n'ont- ils pas rendu de grands services ,
dissipant les conciliabules nocturnes que tenaient les meneurs
des jacobins ?
en
La Convention passe à l'ordre du jour sur la proposition de
Thariot , et renvoie toutes les autres à ses comités .
4
Séance de décadi , 20 Frimaire .
Cette séance , quoique consacrée aux pétitionnaires , ne
laisse pas de présenter quelques objets d'intérêt public.
Ramel , au nom du comité des finances , fait décréter que
l'intérêt annuel des capitaux sera à raison de 360 jours . Il n'aura
pas lieu pour les sans - culotides .
.ވ
La Convention reçoit un grand nombre de félicitations sur
la clôture des jacobins et sa conduite énergique depuis le 9
thermidor.
Creusé -Latouche annonce qu'il tient entre ses mains les fils
de la conspiration la plus horrible qui ait été encore ourdie
contre la France. Il demande l'autorisation de l'Assemblée pour
faire imprimer les pieces qui y sont relatives .
André Dumont demande le renvoi au comité de sûreté générale
; Rovere , au contraire , l'impression à l'instant. Il dit qu'il
faut enfin sortir de la tutele des comités ; il convient qu'ils sont
actuellement bien composés ; mais il apprend qu'on a enlevé
de l'ancien comité de sûreté générale beaucoup de pieces
relatives à la conspiration de Robespierre .
Treilhard croit que le renvoi an comité est nécessaire , parce
qu'il y a peut- être des mesures urgentes à prendre .
La proposition de Dumoni est décrétée.
Rouyer , député mis hors de la loi , reclame comme ses collégues
. Letourneur atteste son patriotisme , et dit qu'il a été
accusé de fédéralisme et poursuivi par Pache et Bouchotte..
Dussault observe que le fédéralisme n'est qu'un mot inventé
pour commettre des scélératesses , Un membre demande qu'on
fasse enfin le rappo: t sur Pache et Bonchotte .
Le tout est renvoyé aux comités réunis .
Richard , au nom du comité de salut public , annonce une
nouvelle victoire remportée par l'armée des Pyrénées occidentales.
( Voyez les Nouvelles officielles . )
Un grand nombre de pétitionnaires entretiennent la Convention
de leurs intérêts particuliers . On remarque parmi ces
petitions celle de plusieurs veuves , enfans , héritiers de condamnés
. Ils font le tableau de leur situation , de leurs malheurs
, et des dilapidations qui ont en leu chez les condannés
, lorsque les scellés ont été apposés et levés chez eux .
Ils lai présentent des réclamations auxquelles ils la prient d'avoir
égard.
LaConvention suspend l'action des agens nationaux sur
Tome XIII. K
( 146 )
vente des biens des condamnés , jusqu'à ce qu'il lui ait été fait
un rapport sur cet objet.
Séance de primedi , 21 Frimaire.
Les sections de Guillaume Tell , -de Lepelletier , de la
Halle -aux -bleds , de la Montagne , du Bonnet- rouge , du Contrat
social , de la Fontaiue- de- Grenelle et des Lombards félicitent
la Convention de la rentrée des 73 députés , sur le rapport de
la loi du 27 germinal et l'amnistie accordée aux rebelles de la
Vendée. Elles demandent l'épuration des autorités constituées .
Mention honorable et insertion au bulletin .
La section de la Montagne demande à reprendre son nom ;
accorde . Un membre propose de ne distinguer les sections dé
Paris que par des numéros . Renvoyé au comité de division .
Bréard : Une fouie de matelots égarés ont abandonné le service
de la République , et se sont retirés sur les côtes de Gênes
et d'Italie . Je demande que la Convention nationale décrete
que les comités de salut public et de marine lui feront , dans
le plus court délai , un rapport sur les moyens de faire rentrer
dans le seu de la patrie , et d'employer au service de la République
ces citoyens qui se trouvent maintenant en pays
étrangers. Adopté.
A
จ
an-
Un membre au nom du comité de sûreté générale
nonce que la conspiration dont Creuze-Paschal , et non pas
Latouche , a dit hier tenir les fils , n'est relative qu'aux colonies
et à la conduite qu'y ont tenue Polverel et Santhonax . L'une
des pieces est une proclamation en placard de ces deux commissaires
, dans laquelle ils donnent ordre de couler bas les
vaisseaux de la République.
Après quelques débats , la Convention renvoie le tout à
l'examen de la commission des colonies et la charge d'en
faire un prompt rapport.
"
Les députés Henri Lariviere et Vallée , qui étaient parvenus à
se soustraire , le premier , à un décret de mise hors de la loi ,
et le second à un décret d'accusation , réclament auprès de la
Convention la même justice que leurs collégues . Ils seront
compris dans le rapport général qui sera fait sur cet objet ..
Sur le rapport des comités de salut public et des secours , la
Convention décrete que les Belges , à qui les circonstances
n'avaient pas permis de rentrer dans leur pays , peuvent y rentrer
, et qu'en conséquence , à compter du 1er. nivôse , ils
cesseront de toucher des secours . Leurs frais de route leur seront
payés conformément à la loi du 14 vendemiaire dernier.
Thibaudeau , au nom du comité d'instruction publique , fait
un rapport sur les aggrandissemens que l'on se propose de
donner au Muséum d'histoire naturelle . Suivant ce plan , le
terrein compris entre les rues Poliveau , de Seine , Victor et le
boulevard de l'Hôpital , sera réuni au jardin des Plantes . Ce
( 147 )
projet est adopté , mais il occasionne une assez vive discussion
sur la mauvaise administration des biens nationaux .
Treilhard s'etonne qu'on achete des maisons , tandis que la
moitié de Paris appartient à la nation . Il aurait voulu qu'on cût
fait des échanges ; il demande que les comités ne proposent
aucune dépense , saus eu avoir fixé le montant , et s'être concertés
avec celui des finances. La loi est faite , dit Clauzel ; mais
elle n'est pas exécutee . Plusieurs membres s'elevent contre les
dépenses enormes qui ont été faites sur de simples arretés du
comité de salut public . Grégoire cite l'hôtel de Toulouse et
des Invalides . Boissy dit qu'en vertu de ces arrêtés , on båtit
toujours des maisons d'arrêt. On demande que les arrêtés du
comité de salut public sur ces dépenses soient annulles . Cette
propostion est renvoyee aux comités de gouvernement
Déclaration des principes de la Convention sur la paix et la
situation des puissances , faite par le comité de salut public .
1
Citoyens , encore une, nouvelle intrigue de nos ennemis .
Quelque parfitement combinée qu'elle leur paraisse , quelque
succes qu'ils se flattent d'en obtenir , elle ne sera pas plutôt
sigualee , que vous la verrez échouer , comme taut d'autres ,
contre je simple exposé de vos principes et de leur conduite.
Vous avez sans doute deja observé avec quelle étonnante
rapidite les bruits de paix se répandent depuis quelque
icms , avec quelle affectation on cherche à les propager.
surtout remarqué la source d'où ils sont sortis .
On n'entend plus citer que des extraits de papiers publics
et secrets des lettres particulieres dont les auteurs ,
contens d'annoncer cette paix comme prochaine , l'établissent
comme faite , tantôt avec quelques-unes des puissances betligérantes
, tantôt avec toutes , et aux conditions qu'il plaît à ces
ridicules, plénipotentiaires d'imaginer.
Vous avez
non
Votre comite de salut public n'appellerait pas voire attention
sur ces vaius bruits , s'il ne s'agissait que d'indiquer ce
qu'ils ont de peu fondé , d'absurde et de contradictone dans
leurs détails ; mais il est important de révéler à la nation tout ce
qu'ils recelent de perfide dans leur origine et de dangereux
dans leur but.
Rien sans doute de tout ce qu'on aurait à vous annoncer de
nonveau en ce genre de la part des principaux cabinets de la
coalition , ne serait fait pour vous étonner. Les épreuves que
vous avez faites de leur politique vous ont trop instruits pour
Vous y laisser tromper , quelque forme que puisse prendre
leur machiavélisme .
Vous n'ignorez plus aucun des détours de leur marche ins
dieuse vous savez que tous les moyens leur conviennent ;
K 2
( 148 )
་ །
calomnies , trahisons , attentats contre ce qu'il y a de plus
Sacré parmi les hommes , corruption , excès de tout genre , voilà
depuis l'instant qui a vu ourdir la trame de leurs crimes ,
sous le nom de traitė , voilà , dis- je , les armes ordinaires avec
lesquelles ils vous combaitent dans cette guerre , qu'ils ont
déclarée à la liberté , à la justice , à l'humanité ; mais ce qu'il
y a peut- être de plus remarquable , c'est que si dans le nouvel
essai qu'ils font aujourd'hui de lear politique et de la credufité
des peuples , ils sont toujours fidelles à leur systême de
perfidie ; au moins ils ne se piquent pas d'être conséquens ,
et l'on voit clairement que la contradiction ne leur coûte
rien.
4
Rappellez - vous avec quelle affectation ils publiaient naguere
que , déterminés à n'avoir désormais pour voisins que des
gouvernemens basés sur la démocratie , nous ne consentirions
jamais à faire la paix avec aucune nation , qu'elle n'eût préalablement
changé le mode de son gouvernement , et qu'elle ne
se fût constituée en République .
Rappellez- vous en même-tems tout ce qu'ils ont soldé chez
nous et au dehors , d'écrivains , de sectaires , d'orateurs de
toutes les especes , pour accréditer cette misérable opinion.
de
Quel était l'effet qn'ils attendaient de tant de soins et d'avances?
celui de vous mettre en contradiction avec vous-mêmes , de vous
faire violer vos propes principes , de faire retomber sur le peuple
Français , et avant tout , sur sa représentation , le mépris dû
a tant de folies , qui n'étaient que leur propre ouvrage ;
défavoriser dans l'esprit des autres nations les vérités sublimes
que voua aviez proclamées , de les alarmer , de les faire trembler
sur vos dispositions , et de les associer ainsi par la plus
abominable imposture à la cause de la tyrannie.
Mais , sur ce point comme sur tant d'autres , la vérité s'est
fait jour à travers les nuages de la calomnie , et bientôt l'opinion
générale de l'Europe a cessé de prêter au peuple Français
des projets insensés qui n'avaient reçu leur crédit éphémere
que des perfides insinuations de nos ennemis , et qui
n'ont jamais existé que dans quelques têtes maintenant tombées
sous le glaive de la loi .
Dès- lors il a fallu changer de batterie , et on l'a fait. Ce
n'est plus comme les conquérans du monde , ce n'est plus
comme les destructeurs de tous les gouvernemens qu'on nous
représente à entendre les politiques de Londres et de Vienne ,
nous sommes devenus tout à coup les plus ardens zélateurs
de la paix ; jamais peuple n'a été plus facile que nous en
négociations ; jamais coalition armée ne s'est prêtée de meilleure
grace à se dissoudre ; jamais le rameau d'olivier n'a été
offert et accepté de part et d'autre avec plus d'empressement.
Tels sont les bruits insidieux que répandent anjourd'hui la
faction des ennemis de la liberté , et pourquoi ? pour amortir
( 149 )
l'ardeur de nos armées , pour arrêter leur marche triomphale.
pour les désorganiser , pour enchaîner , par uue ayeugle con
fiance dans les dispositions mensongeres d'une fausse paix ,
l'activité de nos préparatifs ; pour étouffer en tout notre énergie
révolutionnaire ; pour nous abaisser enfin , par l'inévitable effet
du moindre ralentissement dans l'exécution de ces mesures
auxquelles nous devous nos succès , à un état de faiblesse
et d'apathie qui nous mettrait dans l'impossibilité d'atteindre
le but de nos victoires.
Mais voici l'espoir sur tout qu'attachent nos ennemis à ces
bruits si faussement et si malignement exagérés ; c'est en
offrant au peuple Français cette douce image du repos et du
bonheur qui doivent être le prix de tant de travaux et de
sacrifices , de lui faire sentir dans ce même instant , avec plus
de vivacité , le tourment de ses longues fatigues et de ses
pénibles privations ; c'est d'aigrir ses pensées , de lui inspirer
des défiances sur la conduite de son gouvernement , d'exciter
ses plaiutes et ses murmures , de lui faire considérer ceux
qu'il a chargés de -son salut comme refusant les offres qu'on
leur fuit et ne retardant ses jouissances que pour conserver
le pouvoir dont il les a investis de-là pour nous les maux
qui doivent naître du seul défaut de coofiance ; de-là les divisions
intestines , l'anarchie enfin , et pour eux le triomphe
certain de leurs armes . Tel est le but des complots de ces
perfides pacificateurs.
Comment devons - nous donc desirer la paix ? comme le
terme , je ne dirai pas seulement de toutes les calamités insé
parables de l'état de guerre , mais encore comme la fin de
toutes ces agitations , de ces troubles domestiques qui tiennent
nécessairement à l'état de révolution . C'est sous ce double
rapport que nous devous la desirer et la faire ; il faut éteindre
à - la - fois ces deux volcans qui n'ont pas cessé de se correspondre
du dehors à l'intérieur avec une aussi effrayante continuité
; il faut nous assurer de la solidité du terrein sur lequel
nous avons à établir les bases de la gloire et du bonheur de
la République ; il faut donc le sonder à une grande pro
fondeur , et ne plus nous en tenir à de perfides apparences
de calme que suivraient peut-être bientôt les plus funestes
boulversemens.
Nos triomphes et nos principes nous permettent à-la- fois
et de vouloir et de dire ce que nous voulons ; notre Justice
sera toujours inséparable de notre gloire ; oui , nous veuloas
Ja paix , mais nous la voulons garantie par hotre propre
force et par l'impuissance où nos ennemis seront à jamais de
nous nuire .
Quant aux intentions de la plupart de nos ennemis , si
nous en jugeons par l'effet que doit produire sur eux le
sentiment de leurs maux présens , et par les craintes dout
ils doivent être frappés pour l'avenir , nous croirons volontiers
qu'ils désirent une paix prochaine.
K 3
( 150 )
Certes , il ne peut être éloigné ce tems , où éclairés par
la foudre républicaine qui les á frappés tous à - la - fois , plusieurs
de ces gouvernemens amentes contre nous par l'Angletere
, ne pourrons fixer , sans effroi , l'abime dans lequel
cette odieuse puissance a pensé les précipiter ; où l'Espagne ,
par exemple , ouvrira les yeux sur les projets ourdis dans le
cabinet de Saint-James où elle remarquera la constante assiduité
avec lequel ce gouvernement étudie la mer du Sud
tous les soins qu'il met à consolider sa puissance dans l'Inde ,
pour se ménager de-là furtivement une route vers l'amérique ,
tomber à revers sur le Mexique et sur le Pérou , que convoite
depuis si long- tems son insatiable cupidité , et s'en
emparer à force ouverte , dès qu'il le pourra sans danger ; ……..
on calculant enfin ses véritables intérêts , elle reconnaîtra que
l'Angleterre est sa seule et véritable ennemie , que de tous
les dangers qui la meuacent , il n'en est pas de plus redoutable
pour elle que ceux qui peuvent naître de sa confiance dans
une aussi perfide alliée .
Cet instant doit être celui où , ingrate envers la nation à
qui elle devait sa liberté , infidelle à la liberté même , la
Hollande déplorant , mais trop tard peut - être , son funeste.
égarement , craindra de voir ses trésors , ses vaisseaux , ses
établissemens dans les deux mondes tomber au pouvoir de
ees tyrans de mers , dont elle avait autrefois comenu l'audace
.
Sans doute aussi que la Prusse , celui peut- être de tous
les gouvernemens qui devait plus s'applaudir de voir s'élever
une grande République sur les ruines de la monarchie , dont
le honteux traité de 1756 avait fait un si puissant renfort
pour l'astucieuse maison d'Autriche ; sans doute , dis - je , que
Ia Prusse finira par s'appercevoir que c'est dans une paix
solide avec la France , et dans son union intime avec les puissances
du Nord qui l'avoisinent , qu'elle peut trouver les
seuls principes de sa durée , la seule force que , malgré la
politique de son cabinet et la tactique de ses armées , elle
puisse raisonnablement opposer la dévorante ambition de la
Russie.
A l'égard de nos autres ennemis , soit que leur vanité les
ait volontairement attachés , ou que leur impuissance les ait
enchaînes , contre leur gré , à la coalition , tous l'accusent
également et depuis long - tems par leurs regrets et leurs murmures
; tous n'aspirent qu'au moment où ils pourront en
briser les funestes liens plusieurs même , effrayés , avec
raison , du désespoir des principales puissances belligérantes ,
paraissent enfin sentir le besoin de se réunir pour empêcher
le partage de leur territoire , partage qu'ils savent bien être
projetté par leurs dignes alliés , comme un moyen d'acquitter
en partie les frais de leurs honteuses campagnès .
Si l'on nous demande maintenant quelles sont les disposi
J ( 151 )
(
tions du peuple Français , organes de sa volonté , nous répon
drons que toujours juste , toujours magnanime , toujours
jaloux de son honneur autant que de sa liberté , il saura
distinguer ses ennemis et les motifs de leur aggression ; que
même dans les lois que ses victoires lui donneront le droit
de dicter , il ne confondra point les ridicules prétentions de
la faiblesse et de la vanité , avec l'intraitable orgueil et la
perfide puissance de la tyrannie ; qu'il aura sur- tout égard à
la situation de ceux que la crainte et la violence ont contraints
de marcher à la suite des chefs de cette ligue insensée ; qu'enfin
en traçant de sa main triomphante , mais généreuse , les ,
limites dans lesquelles il lui conviendra de se renfeimer , il
ne repoussera aucune des offres compatibles avec ses intérêts
et sa dignité , avec son repos et sa sûreté .
Telle est sa politique ; elle marche à déconvert , comme
la gloire de ses armes . Il traitera avec ses ennemis , comme
il les a combattus , à la face de l'univers , qu'il prend pour
temoin de sa justice , comme il l'a eu pour témoin de ses
victoires.
Voilà ce qu'on peut publier et croire de nos intentions
voilà ce que nous avouerons toujours , et nous ne changerons
pas .
M
Disons- le donc ici , pour que la République entiere en retenuisse
, pour que nos braves armées le répetent à l'envi ;
non , Français , non , vous n'oublierez pas la cause qui vous
a fait prendre les armes , et les seules conditions auxquelles
vous pouvez les poser ; non , vous ne vous êtes pas avancés
si rapidement dans cette glorieuse carriere pour vous arrêter
au moment d'en toucher le but ; et si près de le saisir , vous
ne laisserez pas échapper le prix de vos combats ; non , vous
n'aurez pas fait tant de sacrifices , vous n'aurez pas tant de
fois bravé les fatigues et la mort , pour abandonner à la tyrannie
, déja si près de succomber , la liberté et la patrie ;
non , encore une fois , que nos ennemis ne Resperent pas !
Qu'à la honte de leur cause et de leurs défaites se joigne
encore celle de cette derniere perfidiè ; qu'elle retombe toute
entiere sur eux seuls ...... Bientôt nous leur prouverons , par
de nouveanx efforts et par de nouveaux triomphes , que
nous voulons aussi la paix , mais une paix digne de nos
intrépides défenseurs ; mais une paix digne du peuple qui
s'applaudit chaque jour d'avoir remis dans des mains aussi
courageuses la défense de ses droits . Oui , c'est à celle - là
seule que nous aspirons ! et , pour tout dire en un mot , la
où le peuple Français ne regardera plus la guerre comme
nécessaire , soit pour réparer les outrages faits à sa dignité ,
soit pour se préserver des nouveaux attentats de la perfidie ,
là seulement il enchaînera la victoire , là seulement il commandera
la paix.
K 4
( 152 )
PARIS. Quartidi , 24 Frimaire , 3e . année de la République.
L'esprit public se prononce et se fortifie chaque jour en
faveur du rétablissement de l'ordre et de la justice dont on a
été privé pendant trop long - tems pour ne pas en sentir vivement
le besoin . Tout le monde a vu avec satisfaction les
73 membres de la Convention , victimes courageuses de l'in
dépendance et de la dignité de la représentation nationale ,
ainsi que de la tyrannie de Robespierre , venir reprendre, au
milieu de leurs collegues , la place qu'ils n'auraient jamais dû
perdre . Leur droit n'était pas la matiere d'un doute ; il n'y
avait que le moment qui pouvait être pris en considération ;
l'union la plus inalterable parmi les membres de la Convenvention
est une chose si précieuse pour sa propre gloire , et
plus encore pour l'intérêt public , qu'il était à craindre , en
précipitant une rentrée juste , de la voir troublée par le souvenir
récent d'une longue oppression. Mais l'opinion qui fait
des progrès rapides , et le véritable patriotisme qui ne vit que
de sacrifices , ont fait disparaître toutes les craintes ; les détenus
ont tout oublié , excepté lé sérment de se consacrer tout entiers
au bonheur de leur pays et leur retour a été un jour de
triomphe et une fête pour la fraternité .
Ce retour assurera sans doute , dans le corps représentatif,
la fermeté de caractere et la stabilité d'opinion qui lui est
nécessaire pour se conserver la confiance que la sagesse et
la justice de ses délibérations lui ont regagnce. Le mal se fait
rapidemment ; il est triste qu'on ne puisse le réparer qu'avec
lentenr. Il vient cependant un tems où la pusillanimité et les
graduations des ménagemens seraient une offense envers la
justice : la justice ne doit jamais s'ajourner. La Convention
ne saurait être trop convaincue que les décrets de la morale
nationale ont aussi quelque valeur , et que tout ce qu'elle fera
d'atilo et de juste est sanctionné d'avance par l'opinion .
Qu'elle ne craigne pas d'être arrêtée dans sa marche , par ce
qu'on appelle la loi des circonstances ; point de fausse honte
sir quelques erreurs passées ; elle en a tant effacé , qu'elle ne
doit plus appréhender de rester en arriere sur ce qui pourrait
en rester.
Billaud-Varennes a fait afficher dans Paris une apologie de
ses principes et de ses moeurs ; il y apprend au public qu'il
aime et qu'il cultive les lettres , ce qui est un motif de croire
à la douceur de son caractere ; enfin , il annonce qu'il a consacré
une partie de son tems à l'art dramatique ; et es eelffet
que ce feprésentant a composé une mikulle v
hie de chant. C
( 153 )
généralement que Fabre- d'Eglantine avait composé , pendant la
détention qui précéda sa mort , une comédie en cinq actes
intitulé : l'Orange de Malte , et qu'il l'envoya au comité de salut
public , dont Billaud - Varennes était membre alors . Fabre sut ,
quelques instans avant d'aller à l'échafaud , que Billaud-Varennes
avait cette piece . Ah ! s'écria t il , il va me voler mon
Orange. Cette accusation est d'autant plus incroyable , que
Fabre- d'Eglantine avait communiqué sa piece aux artistes des
deux premiers théâtres de Paris .
Les faiscurs de pamphlets se sont amusés à faire une nouvelle
dénomination des rues de Paris ; ce cadre a fourni plus
d'une fois , même dans l'ancien régime , le sujet de rapprochemens
piquans. Voici quelques- unes de ces dénominations : La
rue du Petit- lion sera appellée la rue Billaud - Varennes ; la rue
des Jeneurs ', celle du Maximum ; la rue Vide -gousset , la rue
Cambon ; la rue Bétizi , la rue du Club électoral ; la rue, du
Sépulchre , la rue Duhem ; la rue Perdue , celle de la Montagne ;
la rue des Boucheries , la rue Collot - d'Herbois ; la rue des
Quatre-vents , la rue Barrere , etc. Toutes ces saillies de la ma-
Ignité ne valent pas une pensée utile l'esprit français croirat-
il toujours avoir assez fait en faisant des épigrammes ? Ce ne
sent pas des pamphlets qu'il nous faut , c'est un esprit public
sain , et de bonnes lois.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES.
Au quartier-général à Saint- Sébastien , pays conquis , 15 frimaire.
› Vos desirs et vos voeux sont remplis , citoyens collègues ,
les Biscayens ont été battus , mis en déroute , et l'armée du
general Ruby n'a dû son salut , ainsi que lui- même , qu'à
la fuite. La division de droite de l'armée de la République
s'est ébranlée le 7 , et s'est mise en mouvement le même jour
ser trois colonnes ; l'une commandée par le général de brigade
Laroche , marchant à Aspetia ; la seconde , commandée par le
général de brigade Schilt , marchant par Guettavia ; la troisieme ,
commandée par le général de division Henri Fregeville , ayant
sous ses ordres le général de brigade Merle' , venant de Lacambery
, marchant par Villareal .
Le 8, l'armée républicaine et l'armée espagnole furent en
présence ; à midi l'attaque commença par la colonne des grenadiers
, commandée par le chef de bataillon Cravier , et quelques
compagnies d'infanterie légere et tirailleurs ; les colonnes.
commandées par les généraux Laroche et Schilt agirent de con(
154 )
·
cert , culbuterent l'ennemi , le chasserent de toutes ses positions.
La victoire se décida presque au même moment de
l'attaque en faveur des Républicains . Environ 300 espagnols
ont mordu la poussiere , 200 sont en notre pouvoir parmi lesquels
sont 150 gardes valonnès , qui , nés Français ont mis
bas les armes , et sont venus se confondre dans les rangs des
Républicains . Les fruits de cette victoire sont quatre drapeaux,
dont l'un du bataillon des gardes valonnes les deux du régiment
de Médina- Celi , et l'autre du régiment des volontaires de
Guipuscoa , une piece de canon de bronze , l'unique qu'eût
l'armée espagnole , la caisse militaire et les magasins du quartier-
général de Bergara ; des munitions de bouche et de guerre ,
douze fonderies , tentes en activité , que l'ennemi dans sa fuite
n'a pu détruire , et qui , placées dans le territoire occupé par les
troupes de la République , forment pour la Nation une masse
inappreciable de richesses , et quatre à cinq mille fusils ou
carabines . Nous avons trouvé dans la ville de Bergara, quartiergénéral
des ennemis , et dans la maison du général Ruby , une
quantité considérable de matieres d'or et d'argent provenant de
vases et décorations des églises , que le pieux général espagnol
avait dévotement pillés lui même , pour éviter la profanation
des Français.
Les deux jolies villes d'Ascuatia et d'Asperia sont au pouvoir
de la République ; une nombreuse garnison , aux ordres du
général de brigade Schilt , lui en assure la propriété .
Nous ne pouvons vous donner des nouvelles des gardes - ducorps
du roi d'Espagne , parce que leur haute noblesse ne lenr
a pas permis de se mesurer avec les sans - culottes français ; ils
ont pris la fuite au galop , pour nous faire connaître l'agilité
de leurs chevaux andaloux . Si le général Fregeville n'eût pas
été égaré dans les montagnes par le guide qui conduisait la
´colonne , c'en était fait de l'armée espagnole aux ordres du général
Ruby , qui s'est sauvé lui -même à la nage , laissant son
bel habit brodé , qui est devenu là casaque d'un tambour de
grenadiers qui le suivait le sabre à la main.
Témoins de la bonne conduite des généraux , officiers et
soldats , nous ne nous permettons de particulariser les actions
d'aucun ; tous ont bien mérité de la patrie .
,, Les g , 10 et 11 ont été employés à constater ou à évacuer
les magasins de l'ennemi vaincu ; nous sommes ensuite renarés
à Tolosa , où nous avons fait solemnellement l'inauguration
du drapeau et de la couronne civique que vous avez envoyés
à l'armée des Pyrénées occidentale ; cette récompense
civique a été reçue avec les transports d'une joiè pure et vive
par les troupes formant un bataillon quarré , en présence des
prisonniers de guerre , et les drapeaux des vaincus foulés aux
pieds des vainqueurs.
Le général en chef Moncey vous rendra compte des détails
militaires ; et en faisant envoi des quatre drapeaux pris à cette
"
xl
( 155 )
derniere expédition , il y joindra les autres drapeaux pris dans
la Navarre.
Salut et fraternité .
Signés , CARRAU , BAUDOT , DELCHER , représentans du peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Du 8 frimaire. Veanjoix continne : Je déclarai à ces deux
généraux , que cet ordre était arbitraire , et qu'il ne pouvait
m'ôter le droit de m'opposer à l'enlevement de ces femmes et
de ces enfans cependant , me répondit Lamberty , c'est en
vertu de cet ordre illimité que j'ai fait toutes les expéditions
dont Carrier m'avait chargé . Dans leur fureur , ils me ména
cerent de Carrier et de la guillotine ils exigerent de moi
un refus par écrit ; je le leur donnai . Je tombai malade pendant
six semaines : j'appris ensuite qu'on s'était opposé à l'extrac
tion ; que la commission fut mandée chez Carrier. Le président
s'y rendit ; Carrier lui dit : Si , dans deux heures
l'entrepôt n'est pas vidé , je te ferai fusiller , toi et la commission
.
:
Le témoin a parlé de l'instruction du procès , du jugement
de Lamberty et Fouquet ; il a rapporté les menaces et les
fureurs de Carrier à ce sujet.
Alors Carrier a demandé , d'après le décret , que les témoins
se renfermassent dans l'acte d'accusation . Carrier a nié avoir
connu Fouquet , et avoir tenu les propos qui lui sont imputés
par le témoin . Quand à l'ordre cité , il a renvoyé ses
réponses an tems où la minute lui en sera communiquée ,
ajoutant qu'il avait pu donner cet ordre pour espionage .
Carrier est convenu d'avoir en connaissance des fusillades
mais il a dit qu'il croyait qu'elles s'étaient faites par ordre
de la commission , et qu'il avait cru ne devoir pas s'en mêler.
Quant aux noyades , il les a attribuées à un événement naturel
dont il avait informé la Convention .
Carrier a été interpellé sur plusieurs objets , auxquels il a
fait les mêmes réponses qu'il avait déja faites à la Convention ;
mais je sais , a -t-il dit , que rien n'est épargné pour me perdre ;
tous les contre- révolutionnaires et gens à gages , ont conspiré
contre moi. C'est ici le procès des brigauds contre leur vainqueur.
J'espere qu'on voudra bien entendre les braves soldats
qui ne m'ont jamais quitté . je demande donc que le tribunal
et le peuple suspendent leur opinion à mon égard , j'ai déja
écarté à la Convention plusieurs chefs d'accusation , avec le
tems j'écarterai aussi ceux qui forment la base de l'acte
d'accusation .
( 156 )
Affilé , charpentier de marine , qui a obéi aux requisitions
qui lui furent données par le comité , s'est borné à répéter ce
qu'il avait déclaré dans les séances des 9 et 10 du mois dernier.
Carrier a nié les faits qui lui sont imputés dans cette déposition.
Carrier interpellé s'il connait l'arrivée à Nantes d'environ
80 cavaliers brigands que l'on dit s'être rendus volontairement,
a répondu qu'ils venaient de Niort ; qu'il avait donné
ordre à Crosnier , employé dans les relais militaires , de réplacer
l'armée à son poste ; qu'elle fut victorieuse , et que ces
brigands avaient été pris à la suite d'une bataille , et conduits
à Nantes ; qu'il avait craint qu'ils ne fussent autant de chefs
de brigands ; qu'il avait conseillé de les mettre à l'entrepôt ,
et qu'il ignorait ce qu'ils étaient devenus .
Il s'est élevé une discussion sur le jour de leur arrivée .
Chaux a prétendu que c'était le 27 frimaire , et qu'alors la
commission n'existait pas à Nantes .
Carrier a dit que ces cavaliers n'étaient arrivés que vers le
30.
Réal a observé qu'une lettre de Cartier , en date du 30 , pou
voit donner quelques éclaircissemens sur cet objet , et il en a
donné lecture ainsi qu'il suit :
Le représentant du peuple Carrier , à la Convention nationale.
La défaite des brigands est si complette , que nos postes les
tuent , prennent et amenent à Nantes par centaines . La guillotine
ne peut plus suffire , j'ai pris le parti de les faire fusiller.
Ils se rendent ici et à Angers par centaines ; j'assure à ceux - ci
le même sort qu'aux autres . Jinvite mon collégue Francastel à
ne pas s'écarter de cette salutaire et expéditive méthode ; c'est
par principe d'humanité que je purge la terre de la liberté de
ces monstres ,
Salut et fraternité . Signé , CARRIER.
Carrier a répondu que la Convention applaudit alors à cette
lettre qu'elle en ordonna l'insertion au procès- verbal et au
bulletin.
Le président a observé à Carrier que, si la Convention avait
applaudi , c'est qu'elle avait cru qu'il s'agissait de brigauds pris
les armes à la main , et jugés par une commission ; mais qu'elle
n'avait jamais applaudi au supplice d'hommes qui étaient venus
se rendre volontairement .
Carrier a répliqué que tous les brigands qui avaient passé la
Loire ne s'étaient pas rendus volontairement .
On a donné lecture du décret qui passe à l'ordre du jour sur
la lettre adressée par Carrier à la Convention.
Du g. Bignon , président de la commission militaire près de
l'armée de l'Ouest , a rappellé plusieurs faits dont il avait dé(
157 )
posé le 26 vendémiaire . Il a parlé d'enlevemens de prisonniers
faits à l'entrepôt par Fouquet et Lamberty , munis d'un ordre.
signé Carrier ; il a cité le propos tenu par Carrier à Gonchon
il
donné des détails sur l'arrestation de Fouquet et de Lambeny
; il a dit que le petit Robin prit la poste pour rejoindre
Cartier à Orléans , et le prévenir que son ami Lamberty avait
été arrêté huit jours après le départ de ce représentant . Fouquet
avait été arrêté deux jours avant le départ de Carrier ,
Au commencement du procès de Fouquet et Lamberty ;
Lalloué présidait la commission ; il interrogea Lamberty ;
celui ci lui répondit : Tu étais avec Carrier et moi sur
la galliote ; tu dois savoir pourquoi nous avons enlevé la
femme Giroud - Marcilly. Cette femme , a dit le témoin ,
était ex noble , brigande , et de plus une messaline ; elle
fut condamnée à mort ; mais s'étant déclaré enceinte , il fut
sursis à son jugement ; elle est morte en prison .
Lamberty réclamait Carrier , disait qu'il n'avait rien fait
que par les ordres de ce représentant , et qu'il ne devait
pas être jugé sans qu'on eût entendu , Carrier , qui savait qu'il
avait enlevé cette femme.
Le procès fut suspendu. L'accusateur public vint trouver
Carrier à Paris , celui- ci lui dit que Lamberty était le meilleur
patriote de Nantes , etc. etc.
Au retour de l'accusateur public , Lalloué se retira . Lam
berty et Fouquet furent condamnés à mort .
Il est extraordinaire , a répondu Carrier , que la commission
ne m'eût
pas instruit de ces extractions ; on pouvait du moins
me l'écrire , ou en prévenir les administrations . Quelle preuve
a le témoin que Lamberty m'ait montré la défense de l'accusateur
public de faire ces extractions ?
Bignon Lamberty ne m'a pas dit qu'il vous eût montré
cette défense ; mais Genchon a instruit la commission que ,
vous lui aviez dit , lorsque vous le mandâtes chez vous à ce
sujet : C'est donc toi , j ....... f ......... de président , vieux
b....., qui t'opposes à mes ordres ? Puisque tu veux juger ,
juges done , et si dans deux heures l'entrepôt n'est pas vide ,
je te fais fusiller . " Perrotin a entendu Gonchon répéter se
propos.
"
Carrier : J'ai des témoins que je dis seulement à Gonchon
de juger de préférence les prisonniers de l'entrepôt ; d'ailleurs ,
Perrotin passait pour un royaliste.
:
Bignon Perrotin est patriote .
Le président : Cairier , Robin vous a- t- il rejoint à Orléans ?
Carrier : Il s'est élevé hier une discussion sur une affaire qui
m'est étrangere ; je réclame la loi sur la garantie des représenjans
. ( Murmures . }
Le président : Robin est dénoncé à toute la France , à toute
l'Europe ; je vous interpelle au nom de la loi de répondre .
Carrier : Au nom de la loi , j'interpelle le président de me
pas s'écarter de la loi . ( Murmures.j
( 158 )
Le président : Il s'agit ici de uoyades ; j'interpelle Carrier de
répondre ; faute par lui de répondre , le fait sera déclaré constant
aux termes de la loi .
Carrier est convenu que Robin vint le trouver à Orléans ,
et qu'il en fut accompagné jusqu'à Paris .
Le témoin a ajouté que Lalloué était rami de Carrier ;
qu'il mangeait très - souvent chez lui , et qu'il obteuait de ce
représentant des mises en liberté.
Carrier a affirmé qu'il n'en avait jamais accordé sans l'avis
du comité , et que La loue avait été envoyé à Nantes pour
l'espionner.
Carrier a demandé au témoin combien la commission avait
jugé de brigands pendant son séjour . à Nantes ?
Le témoin a répondu qu'il s'était trompé , lorsqu'il avait
porté le nombre a 4000 ; qu'il n'en avait été jugé qu'environ
1800 à Nantes , et environ 2000 , y compris ceux qui ont été
jugé au Mans .
Carrier a dit que la commission arriva à Nantes le 4 ou
le 5 nivôse ; qu'il avait été dit qu'elle jugeait par jour environ
130 brigands , ce qui formerait un total de 4000 pendant
le tems qu'elle a demeuré dans cette ville ; que ses collégues
diront , qu'à cette époque , il n'y en avait que 3000 ;
ce qui prouve qu'il n'y a pas contribué , et que tous les faits
qu'on lui reproche sont inventés par les aristocrates . (On rit. )
Il a demande que la commission déposát le registre des
jugemens qu'elle a rendus ; parce que , a-t-il dit , les So
brigands dont on a parlé hier , doivent y être consignés , et
que je veux voir si ce sont des hommes, des femmes ou des
enfans ; car il était défendu de juger au - dessons de 16 ans.
Petit , substitut de l'accusateur public , a donné lecture de
la liste générale des individus envoyés à l'entrepôt par le
comité , depuis le 28 frimare jusqu'au 11 ventose . Prétendus
brigands , 2893 ; non déclarés brigands , 619 : pretendus brigands
qui se sont rendus volontairement , 1583 , et 8 femmes :
total , 5103. Il paraît qu'il a été délivré par le comité 239 enfans
; reste 4864 .
Carrier a insisté et a demandé le dépôt du registre de la
commission militaire , comme un moyen de jetter de la lumiere
dans cette affaire .
Chaux a interpellé Carrier de déclarer s'il connaissait Lalloyé
, et s'il était son ami..
ہ ن
Il a répondu que Lalloué était un espion envoyé par Robespierre
.
l faudrait donc , a repris le présideut , tirer la conséquence
que Carrier était complice de Robespierre . ( On applaudit.
)
Carrier a observé que le président aurait pu s'abstenir de
tirer une conséquence aussi terrible contre liri . Lalloué vint
chez moi à Augers , je ne le croyais pas alors espion ; j'ai
7159 )
eu lieu depuis de le regarder comme tel . Je n'ai jamais eu de
familiarité avec lui.
Foucault a affirmé que Lalloué dina avec Carrier sur la
galliole des prêtres qui furent noyés , et que Lalloué était
l'ami de Carrier.
Carrier a nié avoir dîné sur cette galliotte , et a réclamé
l'exécution de la loi.
Le president a répondu que le tribunal ne s'en était pas
écarté et qu'il ne s'en écarterait jamais .
Chaux a observé que le comité devait donner l'exemple de
la vérité à Carrier qui ne cessait de mentir. Un jour , dit- il ,
Lalloué sortait d'une maison de débauche ; il fut arrêté ; il
en informa aussitôt Carrier qui le fit délivrer ; Carrier et
Lalloué s'embrasserecut , et tous les jours Lallqué mangeait
chez Carrier .
Carrier a avoué que Lalloué mangeait quelquefois chez lui ;
mais il a déclaré qu'il ne l'invitait pas . ( On rit. )
Forget a rappelle Is dissolution de la société populaire
de Vincent- la - Montague par Carrier ; le refus de ce représentant
, sur l'avis d'un boulanger de Boué , de fournir 250
hommes pour prendre Charette , qui n'était accompagné que
de 6 officiers , et l'arrivée à Nantes d'environ So brigands.
Carrier a répondu qu'il n'avait pas dissous cette société ,
qu'il n'avait fait que suspendre ces séances ; que la commune
de Boué était insurgée ; qu'il avait regardé comme un piége
qu comme une extravagance la proposition de ce boulanger.
Goullin a observé que ces cavaliers brigands n'étaient que
cinquante-neuf ; qu'ils arriverent à Nantes le 27 frimaire à
quatre heures du soir , et qu'ils furent jugés le 4 ou le 5
nivôse .
Champenois a déclaré que huit des brigands dont on vient
de parler se présenterent le lendemain de leur arrivée à la
municipalité que l'un d'eux avait à la main une loi , en vertų
de laquelle ils venaient à Nantes .
!
Carrier a persisté à dire que ces brigands ont été pris les
armes à la main ; qu'il croit que ce ne fut qu'après son départ
qu'il y cut des proclamations d'amnistie. Il est cependant
convenu avoir fait , avec Merlin ( de Thionville ) ane proclamation
portant invitation aux habitans de la rive droite de
la Loire de s'opposer au passage des brigands , et d'avoir vu
un vieillard demander à se rendre avec sa commune . Ce brigand
a dit Carrier , nous amena 30 à 40 vieillards des communes
voisines de Montaigu ; ils nous remirent leurs armes ;
je leur fis donner à manger ; mais on a assuré depuis que
ces communes se sont révoltées .
On a observé à Carrier , qu'à la suite de la proclamation
de Merlin , vingt- deux communes déposerent volontairement
leurs armes , et que , peu de tems, après le départ de Merlin”,
ces habitans furcat massacrés . ( Frémissemens d'horreur . }
160 )
Carrier a réponda que ces vieillards brigands , qui vinrens
le trouver à Montaigu , parlerent effectivement au nom de
vingt- deux communes ; mais que ce qui est arrivé ne peut le
regarder ; qu'il a éclairé la route depuis Beaupreau jusqu'à
Nantes ; qu'il accompagnait le général Hazo , chargé de faire
la guerre sur la gauche de la Loire ; que ce général n'atta
quait que les colonnes , et que son nom est inscrit au Panthéon.
Les communes de Loroux et de Saint - Sébastien vinrent me
trouver; je leur demandai de nous livrer leurs chefs , leurs
prêtres et leurs armes : ils me répondirent qu'ils n'avaient que
des armes qu'ils vinrent déposer ; mais après mon départ
ces communes ont fait comme les autres , elles ont massacré
notre garnison.
Jourdan , gendarme , a dit : Cinq ou six jours après la
prise de Noirmoutier un capitaine vint chez Cartier , avec
un papier à la main ; le représentant ne voulut pas l'écouter ,
il frappait , et pan , pan , pan , jusques contre la fenêtre. Ce
capitaine se cachait derriere moi , crainte d'être frappé.
Carrier Cominent appelles : -tu ce capitaine ?
Jourdan : C'était un capitaine de navire ; vous ne lui donniez
pas
le tems de s'expliquer ; vous lui disiez : tn es un scélérat
, un gueux , un coquin.
Carrier On étais - tu alors ?
Jourdan
:
Carrier
Dans votre chambre ,
Que faisais - tu là ?
Jourdan J'étais d'ordonnance .
Carrier Je déclare que je n'ai jamais eu d'ordonnance à
côté de moi.
Jourdan C'était , pour faire vos commissions .
Carrier : Je me servais rarement de gendarmes . Pourquoi
étais-tu dans ma chambre ?
Jourdan Vous n'aviez appellé pour mettre dehors ce capitaine
, et vous avez fiui par l'envoyer au Buffay..
Carrier Ce capitaine m'avait été dénoncé par le chef de la
force navale , et par deux de mes collegues , comme ayant ,
dans un dessein perfide , fait échouer son bâtiment .
Le président : Vous vouliez d'abord renvoyer ce capitaine ,
la justice vous ordonnay de l'entendre avant de l'envoyer en
prison..
Chon , gendarme , a dit qu'il avait vu Joly conduire da
côté de l'entrepôt , dans le tems qu'on noyait , et maltraiter
une fille de 14 ans , attachée. Joly a répondu que cette fillette
avait fait évader deux réfugiés ; qu'il était chargé de l'arrêter ;
qu'il l'avait conduite au comité, où elle fut relâchée ; mais qu'il
ne l'a pas maltraitée .
(La suite au numéro prochain. )
( No. 18. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 FRIMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 20 décembre 1794 , vieux style . )
A
POESI E.
Adele Toustain à son pere prisonnier.
TRAVERS un déluge et de traits et de feux
Sur des tas de mourans quand sa ville fut prise
Le héros des Troyens portait son pere Anchise ,
Lorsqu'Edipe encourut la colere des cieux ,
Sa fille s'attachait à ses pas malheureux....
O modeles sacrés d'amour et de sagesse ,
Puissions -nous imiter vos exemples pieux !
Inegale en vertus , mais égale en tendresse ,
Je voudrais , comme vous , à l'auteur de mes jours .
Du tems qui m'est laissé consacrer tout ce cours .
Quand mon pere gemit dans un long esclavage
Be partager ses maux que n'ai -je l'avantage ?
Mais mon coeur les sent tous , et les souffre toujours.
Ah ! que son existence à ses enfans est chere
Pour le rendre à nos voeux comme à la liberté
Pour terminer enfin les maux d'un si bos pero
Si ce n'était assez de ma fortune entiere ,
Je donnerais mon sang , le sang qu'il m'a prête.
Par ADELE TOUSTAIN .
CHARADE,
Mon premier est porté par animal debout ON
Mon tout porte homme et bête , et mon second le tout .
Tome Xlil. L
( 162 )
TRES-ANCIENNE
ENIGM E.
RES-ANCIENNE est mou origine ;
Cependant ma beauté
Consiste dans la nouveauté.
Par fois on me fait bonne mine ,
L'instant d'après on me maudit ;
Quoi qu'il en soit , je suis en grand crédit ;
Ici , de grands malheurs je suis cause innocente ;
Là , je deviens une source abondante ;
Je possede un nombre infini
De formes différentes :
Quelquefois dans le même jour
J'inspire un si fervent amour ,
Que souvent on me sacrifie
Le plus doux repos de la vie.
D₂
LOGO GRIPHE.
E la nature image enchanteresse ,
On me voit prendre part à mille événemens ,
Plaindre les malheureux , déplorer leurs tourmens
Et des ris et des jeux publier l'allégresse .
Pour me dévoiler promptement ,
Si tu veux de mon corps déranger la structure ; Y
Gherche d'abord , un meuble , un élément ,
Un homme à gage ; une douce voiture ;
Une note en musique ; un saint ; unë liqueur
Qui sort du Vésuye en fureur ;
Du carnaval une fête amusante ;
Un animal dont la chair succulente
Te fournit tous les jours un utile aliment ;
Enfin , ane couleur qui brille au firmament .
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du Nº. 17.
Le mot de la Charade est Orage ; celui de l'Enigme eol Tonneau à
celui du Logogriphe est Non.
( 163 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Voyage Philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin , à Liège ,
dans la Flandre , le Brabant , la Hollande , etc. Fait en 1790
par George Forster , l'un des compagnons de Cook ; traduit de
l'allemand , avec des notes critiques sur la physique , la politique et
les arts , par Charles Pougens . A Paris , chez F. Buisson , libraire ,
rue Hautefeuille , nº . 20. Deux volumes in -8 ° . de 430 pages
chacun , imprimés sur caracteres de Cicéro - Didot. Prix , 10 liv .
10 sous , brochés ; et 12 liv . 10 sous , franc de port par la poste ,
pour les départemens .
L'AUTEUR ' AUTEUR fait le récit de ses voyages ; il raconte ses avenures
, et donne ses observations sur les arts , sur l'histoire et
la politique des contrées qu'il a parcourues , dans des lettres
variées , intéressantes et descriptives , où il emploie souvent un
style pittoresque et poétique . Il conduit d'abord son lecteur
sur les bords du Rhin. Il lui fait un tableau des campagnes que
ce fleuve arrose ; il le promene dans ses vignobles , et fait connaître
les qualités des vins d'Hoccheim et de Domdechancy .
Nous ne nous arrêterous pas avec lui à Coblentz pour disserter
sur la relique d'une chemise sans coutures du Christ , sur les
singularités superstitieuses des freres Moraves , et sur la folie
extatique des illumines. Nous ne nous livrerons pas non plus
à ses conjectures hypothétiques sur les volcans , sur la formation
des basaltes ; nous le laisserons parcourir les différentes
curiosités du cabinet d'histoire naturelle de l'électeur de
Cologne . Qu'il dise , à l'occasion de l'immoralité des mendians
, et du fanatisme des prêtres qui abondent dans cette
ville , que les philosophes devraient se coaliser contre les
préjugés religieux ; mais suivons- le dans la galerie de Dussel
dorff , qui offre à l'admiration des voyageurs une superbe collection
de chef- d'oeuvres des peintres des différentes écoles.
C'est là qu'on voit les fameux tableaux de Rubens , dont l'un
représente la chûte des anges rebelles ; l'autre , les tortures des
damnés ; et le troisieme , le séjour des bienheureux .
Une des salles de cette galerie , entierement destinée aux
compositions de ce grand maître , en contient plus de quarante-
six . On y remarque sur- tout la défaite, des amazones sur
les rives du Thermodoon . L'artiste a déployé dans ce tableau
de 3 pieds 9 pouces sur 5 pieds 3 pouces , toute l'étendue de
son génie. Les guerrieres vaincues se précipitent avec leurs
chevaux , du pont , dans le fleuve ; on veit une foule de femines
toutes dans des attitudes animées , que l'imagination du peintre
a représentées sous les formes les plus heureuses ; les unes
1 2
164 )
nagent , les autres tombent , toutes combattent , toutes se défendent.
Les eaux et les rives du fleuve sont teintes de leur
sang ; à travers les arches du pent on apperçoit une ville enbrâsée
. On s'arrête avec plus de complaisance encore devant
un autre tableau où Rubens s'est peint lui-même aavvec sa premiere
femme. La tête de l'artiste respire le génie son air ,
sa taille , ses vêtemens sont de l'élégance la plus recherchée
. Si Rubens s'est vu ainsi ( et ce portrait porte tous les
signes d'une ressemblance fidele ) , cet artiste devait être ,
" le plus noble , le plus grand et le meilleur des hommes.
,, Aucun de ses ouvrages ne peut donner de lui une idée
" aussi élevée que cette belle imitation de ses propres traits .
Il est représenté assis et dans la fleur de l'âge ; ses yeux
" couverts lancent des flammes à travers les ombres de ses
brunes paupieres ; on lit sur son front la richesse , on peut
dire même l'irrégularité de son génie ; son ame paraît occupée
de toute autre chose que de peinture. Sa jolie femme
est assise plus bas que lui : leurs mains sont entrelacées , et.
9 cas mains sont d'une beauté admirable ; les têtes sont peintes
99 avec une égale vérité . Mais que voulait exprimer l'artiste
par ces mains eutrelacées , ces accessoires - champêtres , ce
27 chêvre-feuille couvert de fleurs balsamiques , qui s'éleve en
1
serpentast et forme sur leur tête une ombre legere ? Quelle
* époque de sa vie , quel sentiment peut, lui avoir inspiré ,
2 cette délicieuse composition si fraîche , si poétique , où l'on
1 voit sept petits amours s'entrelacer dans une couronne de
" fleurs et de fruits ? Que de volupté , de charme , de mollesse ,
, dans son exécution ! Comme on voit circuler la vie dans
2 tous les membres délicats de ces petits enfans ailés ! comme
2 is voltigent avec grace et légereté ! On dirait qu'ils viennent,
• d'éclore , Une gaieté folâtre se peint dans tous leurs mon-
• vemens ; les plus doux plaisirs de l'enfance sont de pou- ,
29 voir , comme le tems et l'imagination , s'agiter toujours sans
jamais chercher le repos .
Dénué de noblesse dans le choix de ses sujets ; mais
fier de sa trivialité même , doué de ce caractere d'abondance
et de vérité qui n'appartient qu'aux grands maîtres , tel est ,
Gérard Dow dans son célebre tableau du Charlatan . Le pinceau
fugitif de Teniers ne s'arrête que sur les traits essentiels
il est créateur , il prodait toujours l'effet qu'il veut produire ;
as tableaux sont faits de rien , et il laisse à l'imagination ,
de spectateur le soin de se figurer les détails . L'amateur
que son goût éloigne de ees scenes grotesques , peut se
horner à jetter un coup d'oeil rapide sur les composions
lestes et faciles de ce maître ; tandis que les ouvrages
Gerard Dow sont i brillans de couleur et d'un si pré-
Jeux fini , qu'il est impossible à l'oeil de s'en détacher . Au
*este quiconque a vu un ouvrage de Teniers les vos
>
( 165 T
tous leur seule différence ne consiste que dans une exécution
plus ou moins parfaite .
Les ouvrages de Wandick , répandus dans cette galerie ,
sont en très -grand nombre . Ses portraits et ses diverses études
peuvent entrer en parallele avec les ouvrages de Rubens.
Plusieurs sont dignes du Titien et du Tintoret . Son imagination
ne prend pas un vol si hardi que celle de son maître , mais
elle est plus correcte et plus égale ; sa touche est plus spiri
tuelle , ses couleurs mieux ménagées ; enfin , sa maniere approche
de la chaleur italienne.
Cette galerie offre aussi beaucoup de tableaux italiens ,
du Garache , du Titien , du Dominiquin , de Raphaël
d'André del Sarte , de Pierre de Cortone , etc. Ce dernier
est sur- tout admirable dans sa composition de la femme
adultere. Que dis -je , adultere ? le tableau même crie vengeance
contre le calomniateur. Si cette charmante créature
est coupable , que celui qui est sans péché lui jette la
" premiere pierre . Le peintre l'a représentée debent , les
mains jointes ; ses beaux yeux sont baignés de pleurs , ces
mêmes yeux dont son vil calomniateur ne peut soutenir
" ni l'éclat , ni le charme . La douce sérénité d'une conscience
" exempte de reproche regne dans tous ses traits ; sur ses
, lêvres sont peintes la douleur et la fierté . En un mot ,
cette figure est à la fois une belle imitation de l'antique
99 et une délicieuse pensée de l'école italienne ; le style
l'attitude annoncent cette simplicité noble et auguste qui
1 caractérise les ouvrages de Pierre de Cortone . Son cou
" à demi - nud , et ses mains admirablement bien dessinées
" sont du coloris le plus aimable ; en fin , ce tableau peut
9 être classé dans le petit nombre de ceux dont l'oeil ne se
détache qu'avec peine , et au moyen desquels on peut
toujours pénétrer dans l'ame de l'artiste .
Il faut encore mettre au rang des plus subilmes chef- d'oeuvres
de la peinture , la figure de Jean - Baptiste , attribué à André del
Sarte , et qui est plus vraisemblablement de Raphaël , « O toi !
" s'écric Forster ; 6 toi ! dont l'ame angélique retira de l'abîme
ce phénomene enchanteur , et en composa cette image
" sublime du précurseur Jean , qui que tu sois , noble et savant
artiste , pourquei ton nom n'est - il point parvenu jusqu'à
nous ? Que ne puis -je adresser , non de vains remerciemens ,
99 mais une hymne au véritable créateur de cette magnifique
" conception ! Qu'il est sacré celui dont l'ame a créé cet
" oeuvre accompli ! Il n'est pas besoin de bulle ... Dieu et la
" nature l'ont immortalisé .
99
Rien de plus sublime encore qu'une assomption de la vierge
par le Guide. C'est la plus belle des femmes , mais une femme
qui , exempte des passions , délivrée des chaînes terrestres .
" voit le ciel s'ouvrir. Son regard extatique , son visage rayonpart
, ses bras étendus annoncent ses ineffables jouissances .
L 3
( 166 )
A ses pieds sont deux anges , beaux comme les anges
99 Guide ; ils l'enlevent en se courbant sons sa draperie , et
" pénétrés d'amour ; tous leurs traits décelent les transports
on la
d'une céleste volupté . Ceci est un nouvel univers que le
99 Guide a voulu peindre . Nul mélange impur , rien qui tienne
99 encore à la terre . Ce sont des flots de lumiere qui tombent
" par torrens dans un océan de lumiere. L'ample manteau
bleu de la vierge est d'un azur plus par , plus poëtique que
celui même de l'empirée. Il n'est point lourd , il a de l'élégance
et de Péclat . La vierge est svelte et très - bien drapée .
" On dessine le nud à travers ses vêtemens . Ses traits , qui
" sont une réminiscence de la fille de Niobé , portent déjà
l'empreinte d'une lumiere surnaturelle et célcste :
regarde , et l'on voit que la bienheureuse s'est dépouillée de
" son enveloppe terrestre , La beauté des anges et leurs graces
sont impossibles à décrire. Leur expression est celle du pur
amour séraphique . Le monde que nous offre ce tableau embrasse
et multiplie toutes les formes de la lumiere et de la
1 vérité ; et ce qui ne doit point échapper aux connaisseurs
délicats qui savent dignement apprecier le grand art des
styles , c'est qu'il offre un caractere de beau idéal , différent
de celui que les Grecs assignaient à leurs déités . Jamais
je n'aurais cru qu'il fût possible d'allier les formes célestes
des habitans de l'empirée avec celles des enfans de la
9 terre . 2 )
• Le voyageur continne sa route et se rend à Juliers , à Aixla
- Chapelle , à Burscheid . Il ne s'arrête dans ces endroits que
le tems nécessaire pour faire ses observations sur les moeurs
et le gouvernement des habitans , et le mauvais état de leurs
manufactures : il décrit la ville et le caractere des Liégeois . H
fait voir le rapport de ce peuple avec les Français . Il fait l'apologie
de son génie républicain , de son aversion pour le clergé ,
de son amour pour la liberté , etc. Il témoigne avec raison son
mépris de l'ignorance méthodique des docteurs de Louvain ;
mais il fait Feloge de la bierre qu'on fabrique dans cette ville .
On voit entr'autres curiosités à Malines , dans le couvent des
carmes , le fameux et ridicule tableau du célebre Vandyck ,
représentant un âne à genoux devant une hostie . Cette ville
mediocre est surchargée d'églises et de couvens , et par une
soite du régime des prêtres , elle est dégarnie d'habitans . On
éprouve , dit Forster , une sorte d'effroi en parcourant dis
rues longues sans y rencontrer aucun être vivant , et sans eutendre
le moindre bruit dans les maisons.
Les voyageurs en quittant Malines sont conduits an grand
trot sur la belle chaussée qui mène à Bruxelles entre deux
magnifiques allées d'a : bres . Cette ville est remarquable par
la beauté de ses édifices par ses places publiques , par son pare
richement décoré . On admire dans une chapelle de sainte
Gudule , un des beaux tableaux de Rubeas , représentant le
1
( 167 )
Christ qui donne à Pierre les clefs du ciel. On s'empresse
d'aller voir dans les autres églises les célebres peintures de
Crayer , de Coxis , de Champaigne , d'Otto Venius .
Nous ferons grace à nos lecteurs des digressions morales et
politiques que Forster fait sur le caractere effacé , dit- il , des
Brabançons , sur la dévotion outrée des habitans de Bruxelles ,
sur leur haine prononcée pour leur indépendance . Il rappelle
les tems du massacre des protestans ordonné par Philippe II ,
et passe en revue les derniers événemens qui ont porté la
guerre , le désordre et l'insurrection dans la Belgique .
T
Forster prend le chemin d'Anvers . Cette cité se montre à
l'approche du voyageur dans son imposante grandeur . Une
forêt de clochers , et principalement celui de la cathédrale
s'élancent dans les airs . La citadelle , placée sur une éminence ,
aggrandit et embellit à la fois ce magnifique point de vue . Le
mouvement des barques qui remontent où descendent l'Escaut
forme un spectacle enchanteur. Ce fleuve immense est un des
plus commerçans de l'Europe ; il s'éleve à vingt pieds de
hauteur devant les . inurs de la ville , et il a le double de profondeur.
Quelques milles plus bas , il s'étend et paraît aussi large
qu'un bras de mer. Deux mille bâtimens pourraient tenir à
l'aise dans ce port , et cependant on n'y voit plus qu'un petit
nombre de barques. Un léger esquif conduit le voyageur surpris
de voir cette ville , qui renfermait autrefois plus de deux cents
mille habitans , en contenir à peine aujourd'hui quarante mille.
Le premier soin du voyageur fut de visiter les cabiners de .
tableaux qui sont en grand nombre dans cette patrie des arts .
Il s'arrêta principalement dans la cathédrale , dont la nombicuse
collection semble présenter les progrès successifs de la
peinture ; on y trouve des ouvrages des plus anciens peintres
de l'école flamande , tels que François Vrindt ou Floris , de
Quintin Messis , de François Franchens , de Martin Vos , de
Quillin , de Sébastien Kaberger , d'Otto Venius qui fut l'iustituteur
de Rubens , etc. Les regards de l'amateur sont principalement
attirés dans cette cathédrale, par une assomption de la
vierge, grand tableau de Rubens , dans lequel on remarque sur
tout un drap blanc qui fait la plus grande illusion . On voit
dans la chapelle des chevaliers de l'arquebuse la célebre descente
de croix ( 1 ) qui passe pour le chef d'oeuvre de Rubens ,
et qui a été composé environ douze ans avant son assomption .
Le dessin de cette composition est plus correct que celui de
la plupart des autres ouvrages de ce maître . La pensée en est
simple et grande ; les groupes sont d'une beauté admirable ; les
altitudes , la distribution de la lumiere , le coloris des chairs ,
( 1 ) Ge superbe tableau et son esquisse , accompagnés de deux autres
célebres compositious de Rubens , l'une représentant le calvaire ou le
crucifiement , la seconde , l'exaltation de la croin , sont actuellement au
muséum des arts à Paris , of its attestent la gloire et le gour des Frank
gais qui eu oui fait une de leurs heureuses conquêteri
4
( 168 )
tout jusqu'aux draperies est savamment pensé , vivement senti
et de la plus riche exécution . La mese de douleur et Jean sont
de véritables études italiennes , au moins des reminiscences.
Rubens a représenté la nature avec tant de noblesse et de
vérite qu'à peine ose- t - on s'appercevoir que Pierre , dont la
figure est trop supérieure à celle du crucifix , tient entre ses
dents le coin du liaceul où repose le corps .
Le voyageur , en quittant le triste sejour d'Anvers , ne tarda
point de se réjouir à l'aspect riant et pittoresque des villages de
la Hollande . Après avoir cotoyé quelque tems un bras de la
Meuse il decouvre Rotterdam au moyen d'un nombre infini de
lanternes suspendues le long du rivage. Le grand clocher quadrangulaire
de la cathedrale , le spacieux bâtiment de l'amirauté ,
la superbe chaussée plantee de tilleuls , et qui a plus d'une lieue
d'étendue , l'innombrable quantité de mâts qui entremêlés avec
les édifices les surpassent en hauteur , les moulins à vent quidans
l'intérieur , et aux environs de la ville sont pour la plupart
sur des corps de mâçonnerie semblables à des clochers; enfin ,
les fauxbourgs , orués de maisons de campagne et de magnifques
jardins qui se prolongent en ligne droite sur les deux
rives du fleuve , rendent ce point de vue un des plus riches et
des plus pittoresques de l'Europe . L'auteur décrit avec la même
complaisance le site enchanteur de la Haye . Le voyageur instruit
et curieux visite les cabinets d'histoire naturelle qui font une
des principales richesses de cette ville .
Amsterdam offre un autre spectacle , et non moins intéressant,
dans le mouvement du commerce , dans les travaux de la marine
, dans le mélange bizarre des différens habitans , et des COStumes
singuliers de toutes les parties du globe . Le voyageur
examine avec delice la magnifique galerie de tableaux flamands
et italiens du riche banquier Henri Hope , dans sa superbe
maison de campagne près d'Harlem. La nature lui ffrit encore
plus de charmes dans le magnifique jardin de fleurs d'Harlem .
Forster finit son intéressant voyage par la description de l'institut
de Pierre Teyler Vander- Hulst , riche négociant , qui , sans
avoir cu durant sa vie un goût décidé pour les sciences , a partage
tou'e sa fortune entre les pauvres et la physique . Les administrateurs
de ses biens ont annuellement cent mille florins à
leur disposition . Nous avons visité , dit notre voyageur , la
bibliotheque , la collection d'estampes , le précieux appareil
d'instrumens de physique de cet homme singulier , ainsi qu'un
riche cabinet d'histoire naturelle , sans oublier une vaste ma
chine électrique connue par l'excellent rapport que le docteur
Van Marum en a publié dans la description qu'il a donnée de ce
beau cabinet .
Le citoyen Pougens a mis dans sa traduction autant d'élégance
que de facilité ; il a aussi répandu dans les deux volumes
de cet ouvrage un grand nombre de notes instructives et
savantes , avec beaucoup de recherches historiques et de défiui
tions étymologiques.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ON
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 28 Novembre 1794.
N mande de Stockholm , en date du 11 novembre , que
les cours suédoise et danoise seront , suivant toutes les apparences
, d'une médiation pour la paix avec la France . Cependant
on ne sait encore rien de positif à cet égard , et peut- être tout
cela se borne- t- il à de simples conjectures , élevées sur le prochain
voyage du baron Stael , de Holstein en Suisse . Le ci - devant ambassadeur
va peut - être seulement voir l'ex - ministre Necker son
beau-pere en attendant , il n'a point encore dépassé Copenhague
où il a de fréquentes conférences avec le comte Bernstorff,
très - occupé à presser le jugement que rendra l'amiranté anglaise
sur les 282 navires danois saisis sous prêtexte qu'ils étaient
chargés pour le compte de France.
Voici des détails relatifs à la prise de Varsovie , sur l'authenticité
desquels on peut compter ; ils sont tirés d'une lettre écrite
par un officier servant dans l'armée russe .
Témoin oculaire de la prise de Varsovie , je vais vous
instruire de ce que j'en sais pour l'avoir vu .
19 Dès le soir même du 4 novembre , jour où Prag fut emporté
de vive force , trois députés du magistrat de Varsovie ,
porteurs d'une lettre du roi de Pologne au général Suwarow ,
vinrent au camp , et prierent d'épargner la ville , qui était
disposée à se rendre à discrétion , pourvu qu'elle obtint sûreté
pour les propriétés et pour les personnes . Le comte m'en écrit
quelques points , portant en substance : que sur- le - champ l'on
poserait les armes ; que l'artillerie et les munitions seraient
déposées en uu lieu déterminé , que tous les prisonniers et
ôtages seraient mis en liberté ; que la constitution légale serait
incessamment remise en vigneur ; que le pont serait promptement
rétabli , áfin que les troupes russes passent y passer. De
son côté , le général promit sûreté pour la personne sacrée
du roi , sûreté pour la propriété et le vie de chaque habitant ,
● ubli même du passé .
Les députés recurent ces points avec soumission et reconnaissance
, et ils partirent en promettant de mettre à execution
ce que le comte avait demandé .
" Le 6 , les députés revinrent et annoncerent que le magis.
trat et la ville avaient exécuté , de leur part , tout ce qui avait
dépendu d'eux ; mais que le soi - disant conseil souverain , et le
( 170 )
commandant-général Wawrzewski , et le militaire , dominaient
encore , et ne s'accordaient pas avec le roi-ct la bourgeoisie .
Le comte répondit , qu'il conscillait de déterminer à la soumission
le paru dominateur ; que c'était le seul moyen de
prévenir le malheur dont ils étaient menaces ; que si le militaire
ne voulait pas rendre les armes , il n'avait qu'a sortir
de la ville , et s'attendre à voit la vengeance le poursuivre
par-tout.
1 Le roi faisait demander un délai de huit jours ; mais le
comie le trouva trop long , et ne consentit qn à un couple de
jours que demandait la reparation du pont.
» Wawrzewski dans cet intervalle s'arrangea avec toutes les
troupes pour l'évacuation de la ville , et pour en emmoner aussi
le roi. La bourgeoisie en ayant cté instruite se rassembla soudain
dans la cour du château et dans les rues adjacentes : elle
s'y pressa tellement que tout abord en fut rendu impossible .
Les bourgeois déclarerent à Wawrzewski qu'ils ne mettraient
aucun empêchement à sa retraite ; mais que pour ce qui était du
roi ils ne le laisseraient point partìr , et qu'ils étaient résolus
de tout risquer pour le conserver dans leurs murs .
,, Le 7 , à 10 heures du matin , les membres du conseil souverain
et Wawrzewski se rendirent chez le roi , et remirent en
ses mains toute l'autorité et la direction du militaire . Alors le
général Suwarew écrivit au roi , que pour la sûreté de S. M. et
pour rendre la ville à la tranquillité , il y entrerait le 9. Cela se
fir . Le héros , à la tête de son armée , reçut du magistrat assembié
les clefs de la ville , et les troupes victorieuses de S. M.
impériale de toutes les Russies sont en possession de cette
place. Le militaire polonais s'était retiré en grandes masses ;
mais , dès le 10 , neuf mille hommes , parmi lesquels le gé
néral Hendrowicz , revinrent sur leurs pas , et mirent bas les
armes.
L'infatigable général poursuit son grand plan de rendre le
repos à la Pologne . La mort et le pardon , voilà les moyens
dont il se sert selon qu'il en est besoin . Au - dessus de Korzewa
il a fait passer la Vistule à un corps qui , d'après les rapports
, a atteint , dès le 10 le baron Dombrowski et Kollentay
près de Koniencze .
" Le lieutenant général prussien de Favrat a passé la Vistule
le 12 , et tout ce qui s'échappe de Koniencze , ou se laisse apperecvoir
d'un autre côté , lui tombe sous la main . De petites
bandes conduites par un esprit de vertige , ou par la fureur
du désespoir , on aussi par l'amour du brigandage , disparaîtront
bientôt d'elles - mêmes , et c'est ainsi que l'insurrection
polonaise sera arrivée en peu de tems à son terme inopiné .
- Le baron de Buhler , qui allait en qualité de ministre de
l'impérațiec à la cour électorale palatine , et qui jusqu'au 8
a enduré à Varsovie les incommodités d'une captivité de
mois , est parti , il y a quelques jours , pour Pétersbourg , où
sept
( 171 )
il va rendre un compte à la cour de tous les détails relatifs aux
affaires da Pologne . "
De Francfort- sur- le-Mein , le 3 décembre.
a
·
" La paix dont on tant parlé la paix à la possibilité
de laquelle on semble croire encore Jans le nord
de l'Allemagne , est peut être plus éloiguée que jamais ,
du moins s'il faut en croire des lettres de Vienne qui
disent que le baron de Thugut , ministre des affaires étran
geres , n'est parti que pour aller conccrier avec les alliés le
nouveau plan de campague , et demander des explications tant
sur les vues des puissances coalisées , que sur les secours qu'elless'engagent
à fournir . Elles ajoutent que l'électeur de Saxe a
donné des ordres très -pressans pour fournir , avec toute la
célérité possible , son contingent au quintuple ; que le roi de
Prusse , qui comme lecteur de Brandebourg avait adhéré à la
proposition de l'électeur de Mayence , a néanmoins engagé ses
co -états à ne point se laisser surprendre par des bruits de paix ,
et à m'attendre cette paix desirée et desirable qu'en se préparant
à la guerre qui est impossible de faire avec succès sans la
fourniture de leur quintuple contingent . De plus , dans l'électorat
d'Hanovre on a ordonné à dix régimens de milice de se
combiner avec les troupes de ligne d'infanterie pour mettre le
pays à l'abri d'une invasion .
Malgré tous ces préparatifs et plusieurs autres , dont nous
avons rendu compte dans les numéros précédens , il est certain
qu'on desire encore la paix , et qu'il y a eu un moment
où l'on a cru pouvoir la faire . On a même remarqué qu'à
cette époque , ceux des princes qu'on supposait y être le plus
portés , ont pris tout - à coup des mesures de rigueur contre les
émigrés . A Berlin , ils ont tous reçu ordre de quitter la ville.
Plus récemment encore , l'électeur palatin leur a également enjoint
de sortir de la Baviere , et aujourd'hui les publicistes allemands
s'élevent avec force contre eux , dans des ouvrages où ils
les accusent d'être les premiers et les principaux des maux qui
ont affligé l'Allemagne , et auxquels elle est encore exposée .
Ces maux ne sont point exagérés puisque les Français , de
leurs armes victorieuses , portent à toute la basse Allemagne
des coups certains , dont l'effet est ressenti plus ou moins
dans toutes les parties du corps germanique ; par exemple , à
Aix- la-Chapelle ils ont établi une administration centrale
pour tons les pays de leurs conquêtes , entre le Rhin et la
Meuse . Elle est composée de douze membres fournis par
les douze districts dans lesquels cette étendue de pays a été
divisée .
Les objets dont elle aura à s'occuper , seront principalement
, 1º, de dresser un état de ce que chaque commune à de
( 172 )
grains , de bétail , de fourages , de vivres , de fabriques , d'étoffes
et de marchandises ;
2º. De déterminer la maniere la plus prompte et la plus
équitable de satisfaire anx requisitions de la république ;
39. De faire rentrer les contributions exigées par les représentans
du peuple , et de faire payer les impôts établis ;
4° . D'en faire autant , par rapport aux dettes dévolues
à la république , c'est - à - dire , celles qui étaient payables aux
anciens souverains ou aux personnes qui sont en émigration ;
50. De donner des soius aux bois et forêts , soit pour leur
couservation , soit pour y ordonner les coupes d'usage et en
faire l'adjudication ;
6 ° . De compter , dans le terme de trois mois , de l'argent
provenant de ce dernier objet , dont moitié doit être payée surj
le - champ , et moitié au bout de trois mois .
Luxembourg est menacé de tomber bientôt entre leurs mains .
L'armée de la Mez le commandée par le général Moreau ,
et les troupes qui s'y joignent encore journellement , venant
des frontieres de France , ont fait , depuis peu de jours , un
mouvement dont le but est de le serrer plus étroitement .
Cette manoeuvre ne s'est pas faite , sans que la garnison de
cette forteresse n'ait tâché d'y mettre obstacle ; mais après une
affaire assez vive , elle fut repoussée avec perte , et obligée
d'abandonner le terrein aux républicains , qui se trouvent
postés à une petite distance des glacis de cette importante
place .
On n'angure gueres mieux du sort de Mayence , quoiqu'on
fasse des préparatifs considerables pour sa defense , et que les
Français aient éprouvé une sorte d'échec à Zalbach qu'ils ont
pris par deux fois , et se sont enfin vas forcés d'abandonner
aux Autrichiens et aux Prussiens qui , tant en se défendant
qu'en attaquant , leur ont tué , à ce qu'on assure , plus de
deux mille hommes .
Malgré cette affaire , dont les détails sont assez curieux , et
où il y a eu beaucoup de perte de part et d'antre , les Republicains
sont parvenus , disent des lettres de Manheim du rer . décembre,
à achever presqu'entiérement leur quatrieme redoute sur
la droite des Flêches . Iis continuent de travailler à la cinquieme,
vis à- vis de la Flêche gauche. Hier , ils ont tracé une sixieme
redoute entre la quatrieme et le Rhin . Les batteries des Flêches'
et de la Muhlau tirent vivement sur les travailleurs , et leur out
tué du monde . Les Français , de leur côté , tirent de leurs redontes
du centre , établies sur la chaussée d'Oggersheim .
Hier et aujourd'hui il y a en quelques escarmoaches le long
de la digue du Rhin à l'endroit où l'on trace la sixieme redoute
des Français .
"
Cette nuit , les Français ont démasqué une batterie derriere
( 173 )
la digue du Rhin , près du bois de Friesenheim , et dans la ma
tinée ils ont commencé à lancer des obus et des boulets
contre les travailleurs palatins , qui étaient occupés depuis
quelques jours à élever de nouvelles batteries lelong de la Mahlau .
Ils ont aussi tiré de leurs premieres redoutes établies vis -à - vis
des Flêches .
La ville de Coblentz avec les contrées voisines a été imposée
à une contribution de 6,000 septiers de divers grains . Il s'est
tenu dernierement une assemblée de la part de la commission
chargée de la surveillance des passagers ; environ cinquante
de ceux - ci ont eu la permission de se rendre à Co.
blentz .
Les Français ont élevé une batterie considérable de canon
dans le jardin , au - dessus du palais électoral. On apperçoit
également d'ici , qu'ils ont perce de grands trous dans la
muraille qui entoure le château. Ils en font élever d'autres
de renfort dans plusieurs lieux pour la défense de la place .
Il y a quelques jours , on vit sur l'autre rive du Rhin un
graud nombre de chevaux conduits par des paysans. On ignore
si les Français les avaient mis en requisition , et dans ce cas
pour quel motif cela aurait pu être . Ils ont aussi fait conduire
dans la Moselle tous les bateaux qui se trouvaient dans
le Rhin . Un pont de bateanx a été jette par eux sur la premiere
de ces rivieres , près le village de Mosselvis .
•
Ce n'est pas l'ex - général Beurnonville , livré par Dumourier
aux Autrichiens avec quatre commissaires de la Convention
, qui s'est échappé de sa prison , comme nous l'avions
dit d'abord , d'après des renseignemens inexacts , mais Lafayette
et Latour - Maubourg ; ils ont été arrêtés à Braunseifen près
de Sternberg . Comme ils payaient généreusement les maîtres
de postes pour être plutôt servis , cet empressement les a
rendus suspects . C'est un médecin natif du pays d'Hanovre ,
nommé Bollman , qui leur avait ménagé des moyens d'évasion.
Ils avaient obtenu de consulter ce médecin sous prétexte
de maladie , et de sortir pour prendre l'air . Ils ont garotté
l'officier qui les accompagnait , et ont pris la fuite dans des ;
chaises de poste que le médeciu leur avait fait préparer. Ces
deux officiers , vont être resserrés beaucoup plus étroitement.
On assure que la ville de Varsovie est imposée à une contribution
de cinq millions de florins polonais . Quant on pressure
un malheureux peuple de cette maniere , il n'est pas difficile
d'envoyer au général Suwarow , comme Catherine l'a fait ,
une couronne de laurier en brillans , estimée 60,000 roubles.
L'archiduc Ferdinand a prévenu la cour de Vienne que
M. Dracke , ministre d'Angleterre à Gênes , s'était rendu à
(.174 )
Alexandrie pour le sommer , au nom du lord Hood , de dé
clare si les généraux autrichiens en Italie essayeraient de
débusquer , avant l'hiver , les Français du territoire de Gênes ;
qu'autrement l'amiral serait force de ramener son escadre.
dans les ports de la Corse mais qu'il ne le ferait qu'en don
nant la plus grande publicité à sa correspondance avec l'archiduc
, et en se justifiant ainsi aux yeux de l'Europe de
Tinaction forcée à laquelle les généraux de l'empereur l'anraient
condamne , inaction qui a rendu la campagne nulle
Cette annce .
Lord Hervey , ministre d'Angleterre à Florence , avait vivement
pressé , il y a deux ans , le grand - duc de Toscane d'en
trer dans la coalition . Son successeur vient de menacer le
même prince de quitter sa cour , s'il ne reçoit promptement,
une réponse satisfaisante à un mémoire , où il l'exhorte à se
mettre en état de défense plutôt que de donner des motifs
de plainte aux puissauces coalisées , par son intelligence avec ,
la Convention nationale , et par ses négociations pour se faire
reconnaître comme neutre par cette assemblée .
Le bruit s'est répandu dernierement à Dusseldorf qu'il y
avait à la Haye deux négociateurs français , généralement
regardés comme porteurs de propositions de paix . Ou tient
cette nouvelle d'un voyageur arrivé de cette ville , qui a même
été jusqu'à désigner l'un de ces connaissaires sous le nom du
citoyen Dubois .
Le célebre minéralogiste Raspe à découvert , dans l'isle de
Corse , une mine de cobalt très - abondante et de la plus belle
qualité qu'il y ait en Europe.
On apprend par la voie d'Amsterdam que le parlement
d'Angletere , qui devait se rassembler le 25 novembre , est
encore pro ogé jusqu'au 30 décembre , et que ce délaine sera
peut- être même pas le dernier .
Tout porte à croire qu'il se prépare quelque grand coup
de guerre les couriers des armées sont en grande activité
tout le long de la rive droite du Rhin , et les pontons prussiens
ont été ramenés dernierement par Hanau jusque dans le
voisinage de ce fleuve.-
PROVINCES · UNIES.
Le besoin d'argent se fait vivement sentir aux Etats - Géné
Faux ; ils viennent d'arrêter que les obligations , lettres de
change , etc. n'auront à l'avenir de valeur en justice qu'autant
qu'elles porteront l'empreinte et auront payé les droits d'un
nouveau timbre. Mais comme cette mesure ne fournirait pas
usez vite les fonds qu'exigent les circonsiances , il a été décide
( 175 )
de suspendre pour deux ans le paiement das interêts des oblia
gations . Enfin on s'occupe beaucoup de deux projets qui .
s'ils réussissent , fourniront en effet toutes les ressources pécuniaires
dont on a besoin ; le premier est de mettre en requisition
les matieres d'or et d'argent , pour les convertir en especes
; le second , de créer un papici-monnaie . On ne se dissimule
pourtant pas les dangers de pareilles opérations , quand
elles ne sont point appuyées sur la confiance des peuples ; et
certes elles ne le sont gueres en Hollaude : témoin lés
résolutions des Etats de Frise et la fameuse pétition du 14.
Quant à cette derniere piece , les six personnes qui l'ont
présentée , sont condamnées par la régence d'Amsterdam à
garder prison pendant six ans et à être ensuite bannies à perpétuite
.
"
Des lettres de Berg- Op -Zoom , datées du 16 novembre , disent
que les Français réunis en nombre considérable à Putt , où
ils ont de l'artillerie , menacent cette forteresse , abandonnée de
nouveau aujourd'hui par beaucoup de personnes qui y étaient
setournées avec leurs effets . On n'est même pas rassuré par
l'approche de l'hiver ; car on sait que les troupes françaises ont
refusé la proposition faite par les Anglais d'entrer de part et
d'autre en quartiers . Ce refus est la suite naturelle du projet
qu'out les Français de ne pas laisser à leurs ennemis le temps
de se recouvaître , projet réalisé jusqu'à présent avec un plein
succès . Aussi est on dans la plus vive inquiétude sur le sort de
Gorcum , qui n'est couvert que par la ville de Thiel que les
Français bombardent en ce moment , et dont on s'attend à apprendre
bientôt la reddition , puisqu'il n'y a pas dans la place
suffisamment de troupes pour la défendre ; car on Bn'évalue
gueres toute la garnison qu'à 4000 homes.
Des lettres d'Amsterdam du 16 disent qu'on avait arrêté , la
surveille au soir le général Eustace Sky , officier distingué qui a
servi pendant quelque tems la République française , au moment
où il se disposait à retourner dans les Etats - Unis . Le ministre
américain Adams l'a réclamé , par la raison qu'il n'avaitété
dénoncé que par un émigré français , et n'était coupable
de rien qui put autoriser à le priver de sa liberté , qui lui a été
en effet rendue sur-le- champ..
Le bruit court que le corps français auquel Nimégue a été
forcé de se rendre , défile vers Emmerick dans l'intention de
passer là le Rhin et l'Yssel , et de tourner de cette maniere les
lignes de la Grep , qui sont pourtant défendues par de nou
velles troupes arrivées dans la province d'Utrecht , où le duc
d'Yorck a pris son cantonnement. 15,000 Autrichiens sont aussi
répandus dans le comté de Zutphen.
( 176 ).
REPUBLIQUE FRANÇAISE,
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSI ENCE DE REWBEL.
Séance du duodi , 22 Frimaire..
Letourneur ( de la Manche) , au nom du comité , militaire ,
vient fixer l'attention de la Convention sur un objet important
des services militaires . Le corps du génie a éprouvé bien des
variations dans sa composition sous le regne da despotisme. La
guerre faisait sentir le besoin d'officiers expérimentés dans cette
partie, et la paix le faisait oublier. Cependant les officiers du gé,
nie étaient au nombre de 380 , lorsque l'Assemblée constituante,
par une économie mal entendue , les réduisit à 300. La guerre
actuelle , l'étendue que nos frontieres ont reçue , le service des
côtes et de quatorze armées , les colonies , la construction
et l'entretien des places , tout sollicite impérieusement de renforcer
une arme aussi essentielle . En conséquence , le rap
porteur propose de porter l'arme du génie au nombre de
400 officiers , lesquels seront classés suivant la même proportion
de grades que celle qui existe maintenant dans cette arme.
Ge décret est adopté .
Letourneur , au nom du même comité , expose que par une
loi du mois de septembre 1791 , concernant l'organisation des
gardes nationales , les sexagénaires et infirmes ont été dispensés
du service ; mais que cette loi exige quelques modifica
tions : en effet , l'institution des gardes nationales a pour objet
la conservation des personnes et le maintien des proprietes .
D'après ce principe , l'infirme et sexagénaire qui jouissent
des dons de la fortune sont les premiers intéressés à coopérer
à l'exécution de cette loi ; et s'ils ne le peuvent pas personnellement
, ils doivent au moins y contribuer de leur bourse .
D'après ces motifs , Letourneur propose de décréter que les
sexagénaires et infirmes , dispensés par la loi de faire le service
en personne , seront tenus de se faire remplacer , à moins
qu'ils ne produisent un certificat de leur comité civil qui
constate que l'état de leur fortune ne leur permet pas de supporter
les frais de remplacement.
Lecointre ( de Versailles ) réclame contre le décret d'avanthier
qui a ordonné la suspension provisoire de toute action de
la part des agens nationaux sur les biens des condamnés et
déportés , jusqu'au rapport des comités chargés de présenter
un projet de décret sur cet objet ; il dit qu'il va aborder une
des plus grandes questions qui se soient présentées à cette tribune
( 177 )
:
bune , et faire sentir combien a été indiscrete la motion de la
suspension provisoire : Je ne dois pas vous le cacher , ajoute
Lecointre , cette suspension a porté la plus vive inquietude
dans tous les esprits successivement attaches à la révolution ,
elle s'est étendue jusque sur les biens déja vendus. Si vous
faites un pas rétrograde , que deviendront la bonne foi , la
fortune publique et vos finances ? si vous ordonnez une seule
remise en possession de biens , entre les mains des parens
d'un coudamne qui a subi son jugement , la confiance dans les
domaines nationaux est ébranlée , et personne n'en achetera.
Queles assassinats juridiques soient punis , et leurs suites réparées
; que les tristes victimes des fureurs de nos derniers tysans
ne soient point livrées aux horreurs de la misere , au milieu
des plus cuisans chagrins ; en un mot , dousez - leur des indemnités
, rehabilitez même si vous le voulez , la mémoire de
leurs parens ; mais ne faites aucune remise en possession ,
lorsque le condamné a subi son jugement . Si vous en usez
autrement , vous donnez au gouvernement une secousse qui ne
peut avoir que des suites terribles . +7
Lecointre propose d'ordonner aux trois comités de faire un
rapport le lendemain sur les mesures à prendre au sujet des
biens des condamnés ou déportés qui ont subi leur jugement.
Clausel : Le char de la révolution dans sa course rapide a
écrasé quelques innocens ; mais il n'est pas en noire pouvoir de
ressusciter les morts. Il pense comme Lecointre , et demande
dès à présent le rapport du décret .
Lefebvre , sur la motion duquel le décret a été rendu , dit
qu'il a été mal rédigé , et que son intention n'a point été de
faire rendre aux parens des condamnés leurs biens , mais d'arrêter
les dilapidations des agens de la République.
Clausel ajoute , qu'il ne faut pas laisser flotter plus longtems
l'opinion publique , et il observe que le jour même du
decret les assignats ont baissé de quinze pour cent. Mailhe dit
qu'on publie déja que la Convention veut revenir sur toutes
les époques de la révolution .
La Convention rapporte son décret de suspension ; elle
charge son comité de législation de lui présenter les moyens de
venir au secours des parens des condamnés , et elle déclaré qu'elle
n'admettra aucune demande en revision des jugemens criminels
portant confiscation de biens vendus et exécutés pendant la
révolution .
Séance de tridi , 23 Frimaire.
Les félicitations sur la révolution da 9 thermidor etla clôture
des jacobins continuent.
Le représentant du peuple Molevant , mis hors de la loi
réclame la même justice que ses collegues . Renvoyé aux trois
.comites .
Un membre au nom du comité des finances , fait rendre
Tome XIII.
M
1
( 178 )
en faveur des receveurs généraux des finances et autres comp
tables envers la République , un decret portant qu'ils jouiront
de leurs bien's , de leur rentes sur l'état et même de
leur liberté s'ils ne sont pas détenus pour d'autres causes >,
en justifiant de leur libération envers la nation , par un certificat
du bureau de comptabilité visé par le comité des
finances .
{
Merlin ( de Douay ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté générale et de législation . Pendant que les malveillans
s'occupaient à Paris de moyens de troubler la tranquillité
publique et de soulever à cette effet les ouvriers des
atteliers d'armes , le même mouvement s'imprimait à Versailles ,
et dans l'une et l'autre commune des prétextes aussi absurdes
qu'injustes ont été mis en avant pour occasionner du désordre .
Mais à Versailles , les autorités constituées n'ont pas fait leur
devoir il y a des fautes à réparer , et peut- être des délits
à punir . Vos comités se sont convaincus de la nécessité d'envoyer
sur- le -champ à Versailles un représentant du penple ,
pour ramener les citoyens égarés au respect dân à la loi ,
examiner la conduite des fonctionnaires publics , et prendre
les mesures que commanderont la justice et l'intérêt du peuple .
Merlin propose ensuite Lacroix pour cette mission momentanée .
Il est accepté ...
Dagué , l'un des 73 , prend la parole. Il dit que l'ombre
de Robespierre plaue encore et agite le flambean de la discorde
; que ses partisans répandent le bruit du retour prochain
des émigrés et de la restitution qui leur sera faite de leurs
biens ; et que le rappel des 73 sera un germe de nouvelle
division dans la Convention. Non , ajoute Dugué , union ou
la mort ; comme vous , nous déclarons une guerre éternelle
anx tyraus et aux dominateurs ; comme vous , nous serons
inexorables envers l'immoralité ; comme vous , nous voulons la
liberté , l'égalité , la fraternité , l'unité , l'indivisibilité de la
République . Nous nous défendrous de toute espece d'excès ; la
sagesse seule dirigera nos pas dans le sentier de la justice .
La Convention après avoir vivement applaudi à ce discours
, en ordonne l'impression et l'insertion au bulletin.
On admet à la barre une députation des ouvriers des
manufactures d'armes de Paris au nombre de vingt.
L'orateur exprime les craintes qu'inspire aux ouvriers le
bruit de la suspension des atteliers au commencement d'ane
saison rigoureuse ; il dit qu'en vain on a voulu leur persuader
que leur rassemblement était séditieux , puisqu'il n'a pour
but que d'empêcher une suspension qu'ils craignent,
Le président leur répond que la patrie doit du travail à ses
enfans ; mais que ceux- ci lui doivent leurs tems, et que ceux qui
le leur font perdre sont coupables euvers elle. Il les assure
que la Convention va délibérer sur leur pétition , et que, quand
la loi sera rendue , elle saura la faire respecter.
((8179 )
Boissy d'Anglas obtient en ce moment la parole , au nom
des comités de salut public de sûreté générale , de législa
tion , militaire et des finances . Il fait part des manoeuvres
employées pour égarer les ouvriers ; que beaucoup avaient
résisté Ou
u étaient venus plusieurs fois à la barre sans savoir
pourqubi , et que le plus grand nombre , avait été entraîné
par les menaces . Il déclare qu'en faisant travailler à la journée
les ouvriers , la bayonnette qui coûtait d'abord quatre livres
était aujourd'hui portée à quinze . Le comité de salut public
a donc pris un arrêté portant qu'à compter du 1er , pluviose
prochain , la fabrication et reparation des armes serait
l'entreprise que les soumissionnaires pourraient prendre des
ouvriers à la journée ; mais que ceux qui avaient été retires
des armées et qui ne seraient pas employes , retourneraient
leurs bataillons .
23
Le rapporteur propose de confirmer cet arrête et les mesures
prises par les comités . Cette proposition est unanimement
acceptée .
2
ལ།
Clausel demande que pour déjouer les agens de Robes
pierre qui affluent à Paris sous différens prétextes , il leur
soit enjoint de retourner dans leurs communes respectives
dans 24 heures , seus peine d'être traités comme suspects .
Plusieurs membres s'y opposent. Legendre dit qu'il ne
faut pas persécuter les fonctionnaires publics du 9 thermidor
par ce motif, s'ils ont d'ailleurs bien fait leur devoir . Mathieu
craint qu'on ne nous ramene sous le régime des lois prohi
bitives . Il dit qu'il ne faut jamais frapper en masse les individus
, et que c'est à la police à surveiller. Il croit qu'il serait
tems de renouveller à Paris les cartes de sûreté. Toutes ces
propositions sont renvoyées à l'examen des trois comités .
Séance de quartidi , 24 Frimaire.
Les députés Isnard et Fermond , mis tous deux hors la loi',
pour s'être dérobés à la rage de leurs ennemis , écrivent à
la Convention que depuis quinze mois ils errent de souterrain
en souterrain , sans communication avec la nature et
les hommes , et répandant de toutes parts la contagion du
supplice ; mais ils ne se plaignent pas . parce qu'ils trouvent
leur récompense dans leur coeur. Ils demandent seulement
la liberté de justifier leur conduite et de défendre leur inno
cence devant des hommes qui veuillent , écouter la raison et
la justice.
Renvoi aux trois comités réunis .
Merlin , au nom des comités réunis des finances , de législation
et des secours publics , fait le rapport sur les secours
à accorder aux habitans de la commune de Bedouin , dépar
tement de Vaucluse ; il propose et la Convention décrete que
la trésorerie nationale tiendra à la disposition dn directoire de
district de Carpentras , la somme de 300,000 liv . , pour être
Ma
(( 180 )
distribuée dans le plus court délai aux citoyens jadigens de
cette commune , et pour les aider à rétablir leurs habitations.
Charge ce district de veiller à ce que l'emploi de cette somme
soit fait d'une maniere utile , et de lui envoyer un état détaillé des
pertes qu'ont souffertes les habitans . Eufin , elle autorise ces
derniers à rentrer dans leur commune , nonobstant tous juge .
mens ou arrêtés pris pour les en tenir éloignés .
Grégoire , an nom du comité d'instruction publique , fait le
tableau des dilapidations et des dégradations des monumens
des sciences et des arts dans diverses communes de la Répu
blique , sous les auspices des derniers tyrans qui voulaient
élever leut trône sur les bases de l'ignorance et de la barbarie .
Ilannonce que les étrangers eux -mêmes ne pouvaient apprendre
sans le plus vif regret , la perte de nos monumens . Dans cette
année de terreur et de crimes , dit- il , où la barbarie étendait un
crêpe sur le berceau de la république , ils étaient désolés ces
nombreux amis de la France , qui , dans les contrées étrangeres
et sous le glaive même du despotisme formant des veux pour
nos succès , attendent et préparent chez eux l'explosion révo
lutionnaire , mais lorsque la Convention a repris les rênes de
gouvernement et que les arts ont quitté le deuil , le premier
élan de ces hommes de génie a été le serment de se consacrer
à la défense de la liberté .
Grégoire annonce ensuite que l'on commence à sentir que
les arts sout un des premiers alimens dont se compose le
bonheur social , et que la nation conserve eucore une foule de
monumens précieux qui ont échappe à la rage des Vandales ,
et il cite un tableau de Frenck , dont le sujet semble prophetique.
On y voit l'ignorance brisant des sculptures , tandis qu'un
baibare armé de torches s'occupe à incendier .
Il termine en invitant tous les bons citoyens à veiller à leur
conservation et à dénoncer les fripons et les ignorans qui voudraient
y porter atteinte .
de
“ Ouvrons notre sein , dit- il , à tous les amis des sciences
et de la liberté , encourageons tous les talens et toutes les sociétés
libres , qui , fermant la porte à la médiocrité , n'admettent
que le génie . Au lieu de ces misérables statues
plâtre , de es dispendieux colifichets , appellons tous les
artistes à l'exécution d'ouvrages d'un grand caractere , simples
comme la nature , beaux et durables comme elle . Le sentiment
de ce qui est beau , de ce qui est bon se lie naturellement
à la droiture du coeur. Semons donc avec profusion les germes
propres à ranimer les sciences et les moeurs . En fait de vertus
et de lumieres jamais aucun peuple n'eut de superflu , et malheureusement
nous n'avons pas encore le nécessaire .
Ce rapport vivement applaudi sera inséré au Bulletin.
Le président annonce que le calme est retabli à Versailles , et
que les auteurs du mouvement qui a eu lieu sont arrêtés.
( 181 )
Séance de quintidi , 25 Frimaire,
Plusieurs sections de Paris félicitent la Convention sur la
sentrée des 73 députés . Celle du Panthéon demande la suppression
des termes de jacobins , muscadins , sans - culottes , qui ne
peuvent servir , selon elle , qu'à alimenter les passions parmi les
citoyens d'une République dont l'union seule peut faire la
force.
Mention honorable , insertion au bulletin .
Les´`nieces du brave général Dugommier écrivent à la Convention
qu'elles ont perdu toute leur fortaue en Amérique ,
et que leur oncle leur procurait tout ce dont elles avaient
besoin ; mais qu'il ne leur reste de ressource que dans la
bienfaisance nationale . Un membre observe que tout ce qui
tient au général Dugommier doit être précieux pour la patrie.
Il demande le renvoi de cette lettre au comité de salut public ,
qui est déja chargé de rechercher les besoins de la famille de
ce héros . Le renvoi est décrété . "
Paganel , au nom du comité des secours , fait un rapport
sur la nécessité de rassembler dans un lieu sain et commode
pour le travail , les femmes et filles condamnées à la détention
on à la réclusion . Il fait sentir combien il importe de
rendre des moeurs et le goût du travail à des femmes qui
doivent reprendre un jour leur rang de citoyennes , et de les
préparer ainsi à leur rentrée dans la société . En conséquence
la Convention décrete que les femmes et filles condamnées
à la détention ou à la réclusion , et qui sont dans les maisons
de Vincennes , la Salpétriere et la Force , seront sans délai
transférées dans la maison Lazare , Elle charge le comité des
secours publics de lui présenter le plan de travail qui doit
avoir lieu dans cette maison , et d'eu suivre l'exécution .
2.
Dubois - Crance , au nom du comité de salut public , expose
qu'au moment où nos armes sont victorieuses , où plusieurs.
places ennemies sont investies à -la fois , où nous faisons une
campagne d'hiver pour consolider nos victoires et hâter la
défaite des tyrans , beaucoup de défenseurs de la patrie ont
obtenu des congés pour retourner dans leurs foyers , et
beaucoup en demandent ; que si les demandes de cette nature
se multipliaient , si elles étaient accueillies , elles dégénéreraient
en abus , et que tout le monde sent vivement la né 、
cessité de maintenir nos forces dans un état respectable . H
propose de décreter qu'il ne sera accordé de congé qu'aux
militaires qui seraient dans les cas désignés par la loi du
thermidot , et qui s'y seront conformés.
Taveaux demande que ceux qui ont jusqu'ici obtenu des
congés soient obligés de retourner à leur corps . Un membre
propose une proclamation pour engager nos freres d'armes à
rester à leur poste . Maure veut qu'on mette seulement à la
tête du décret un considérant qui expliquera à nos freres les
1
M8
( 18 )
sacrifices que la patrie attend d'eux . Duquesnoy observe qu'il
ne faut pas attendre l'ouverture de la campagne pour completter
les cadres . Il demande que les jeunes gens de la requisition
, qui s'y sont soustraits l'année derniere , on ne sait
comment , soient obligés de rejoindre. Il étend même sa proposition
aux jennes gens qui , depuis cette époque , ont atteint
dix - huit aus. Cambacérès anuonce que le comité de salut
public s'occupe de l'objet important de remplir les cadres des
armées. Le projet de Dubois - Crancé est adopté .
La Convention decrete ensuite que les militaires qui ont
obtenu des congés seront tenus de rejoindre leur corps dans
fe délai d'un mois , non compris le tems de route.
Sur le rapport de son comité de législation , elle décrete
encore que les certificats de résidence qui , selon la loi du
25 brumaire dernier , devaient être délivrés par les assemblées
de sections , le seront à Paris par les comités civils ; de même
que ceux qui le seront aux citoyens qui , étant sortis du territoire
de la République pour raison de commerce , d'études ,
de science ou d'éducation ' , se prévaudront des exceptions
qu'elle a prononcées en leur faveur.
Monnot , au nom du comité des finances , fait décrétér
1º. que te delai accordé aux créanciers de la dette publique ,
dont les créances sont ana--dessous de 50 liv . , pour réclamer
leur payement , est prolongé de six decades ; 2 ° . qu'il sera
retiré de la caisse à trois clés la somme de 201,775,937 liv .
15 sols , pour remplacer l'excédent des dépenses de vendémiaire
sur les recettes du même mois .
}
Séance de sextidi , 26 Frimaire.
Boisset , député dans les départemens de l'Ain et de Saône
et Loires instruit la Convention du bon esprit qui y regues
et de leur dévouement à la Convention .
Legris et Bonnet , députés dans le Morbihan , lui font part
de la prise d'un navire anglais , du port de 100 tonneaux
chargé de vin et de commestibles.
?
La commune et la sociétés populaire d'Aurillac écrivent
que la lettre qu'ils ont envoyée en faveur de Carrier , est
l'ouvrage de quelques intrigans et terroristes qui avaient
égaré l'opinion publique,
La commune de Nantes en félicitant la Convention sur la
loi d'amnistie en faveur des rebelles de la Vendée , en annonce
de succes , qui est tel que l'on compte déja 20,000 hommes
qui se sont rendus et ont déposé leurs armes .
Dubois -Dubay , au nom du comité des secours publics , fait
décréter que tout citoyen qui recevra comme indigent des secours
auxquels il n'a pas droit à ce titre , restituera la somme
reçue , et paiera le double de cette somme . Ceux qui auront
délivré ou signé des certificats d'indigence en faveur de ci-
Loyens qui ne l'étaient pas , paieront aussi la somme qu'ils
( 183 )
auront fait toucher , et seront destitués s'ils sont fonctionnaires
publics .
Befroy , au nom du comité des finances , propose de faire
délivrer des secours provisoires aux créanciers viagers des
émigrés , condamnés et déportés . Un membre dit que les rentiers
- proprietaires ne sont pas moins à plaindre. Cambon
pense qu'en déclarant dettes nationales celles des émigrés ,
condamnes ou déportés , l'on faciliteraitleud
liquidation . Bourden
(de l'Oise ) observe qu'un rapport général sur cet objet est
prêt à se faire .
La Convention ajourne le projet de décret et les propositions
qui lui ont été faites jusqu'au rapport.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , présente
un projet de décret relatif à l'établissement des écoles centrales
; il développe la nécessité de cultiver toutes les branches
de l'instruction publique et les divers objets qu'elle doit embrasser .
La Convention en ordonne l'impression et l'ajournement..
Paganel , au nom des comités des secours publics et de législation
, appelle l'attention de l'Assemblée sur les jeunes gens
de 16 ans et au-dessous , qui sont détenus en vertu de ju
gémens de la police correctionnelle . Il fait sentir que dans
ces maisons où on les retient , is usent leurs forces et leur
santé , et que leur moral ne fait que se corrompre de plus en
plus au sein de l'oisiveté et au milieu des sociétés les plus dangereuses.
1.
91
L'Assemblée décrete que ces jeunes gens actuellement dé
tenus par jugemens , et ceux qui ne sont pas encore jugés
sont mis à la disposition de la commission de la marine , pour
être employés de la maniere qu'elle jugera le plus utile , sans
qu'ils puissent néanmoins y être contraints .
Richard , au nom du comité de salut públic , fait un rapport
relatif au complément des cadres des armees .
Parmi les mesures , dit-il , qui vous ont été présentées , vous
vons étes particulierement fixés sur la proposition d'appeller aux
armées tous les jeunes gens qui , depuis la loi du 23 août 1793 ,
ont atteint l'âge de dix.huit ans . Nous ne doutons pas que cette
brave jeunesse ne brûle de partager la gloire de leurs freres . Ils
n'ont pas eutendu sans émotion le récit de tant de faits héroï
ques , de tant de victoires et de prodiges qui ont distingué
cette guerre de la liberté ; mais après avoir examiné nos
moyens , et nous être assurés de l'état 'effectif de nos armées ,
nous nous sommes convaincus que nous n'avions pas besoiu
en ce moment d'un nouvel appel à ces jeunes citoyens . Un million
de soldats républicains vous répond de la conservation de
vos conquêtes et du succès des opérations de la campagne prochaine,
Vos armées seront suffisamment entretenues par les
soldats en congé et ceux de la premiere réquisition qui n'ont
pas rejoint . Je suis donc chargé de vous annoncer qu'il n'est
pas nécessaire quant à présent , que les jeunes gens qui ont
M
( 184 )
atteint dix - huit ans depuis la réquisition , se rendent aux
armées .
Richard saisit cette occasion pour démentir les bruits de
pertes récemment faites . On a dit que 30,000 hommes avaient
péri par les inondattons de la Hollande , et l'armée du Nord
triomphante se prépare à de nouvelles victoires ; que nous
étions battus aux Pyrénées , et nous y battions les espagnols ;
que nous avions essayé un échec à Mayence , et nous y prenions
des postes.
Ce rapport est vivement applaudi .
La Convention passe à l'ordre du jour sur la proposition
d'envoyer aux armées les jeuues gens qui ont atteint l'âge de
dix- huit ans depuis la réquisition .
Un membre demande que les jeunes gens de la réquisition ,
commis dans les bureaux , se rendent aux armées . Duhem
L'appuye. Maure s'afflige de ce qu'on favorise ces messieurs , et
qu'on fait marcher les pauvres . Dartigoite dit qu'il a exempté
plus de 600 jeunes gens , mais que c'étaient des cultivatevrs nécessaires.
Baraillon observe que la loi est faite , et qu'il faut
laisser au comité le soin de l'exécuter . Après quelques momensde
tumalic , Richard prend la parole et expose que le comité
est instruit que plusieurs jeunes gens se sont soustraits à la ré
quisition , et que son intention est qu'ils se rendent aux armées .
Vos comités , dit-il , out votre confiance . Pleins de cette confauce
et de celle du peuple , soyez sûrs qu'ils mettront à exécution
la loi.
La Convention passe à l'ordre du jour sur les propositions
faites.*
PARIS. Nonidi , 19 Frimaire , l'an 39. de la République.
Le rapport du décret qui avait ordonné la suspension provisoire
de la vente des biens des condamnés et déportés , a produit
dans l'opinion une impression pénible qui prend sa
source dans le sentiment de la justice qui est la premiere verta
publique . Il faut néanmoins considérer sans aucune prévention
Ja position difficile où s'est trouvée l'Assemblée .
D'un côté , il n'est pas douteux que beaucoup d'innocens .
n'aient été les malheureuses victimes du systême de tyrannie
dont Robespierre a été le principal moteur ; mais il est certain
aussi que le fer des lois a frappé des coupables . L'embarras
n'est pas d'être juste , c'est un devoir ; la difficuité consiste
dans la possibilité de le remplir. Si l'on autorise la revision
d'un jugement , il n'y a pas de raison pour ne pas les reviser
tous . Comment pouvoir distinguer aujourd'hui l'innocent du
coupable ? Ne sait- on pas que les jurés n'ont d'autre guide que
la conscience , et la conscience , ce sentiment fugitif qui ait
( 185 )
de la conviction intime , est- elle susceptible de révision ? Toat
le monde est convaincu de l'iniquité de l'ancien tribunal révolutionnaire
mais fera- t- on remonter tous les jurés sur leur
siége pour leur demander compte de ce qui n'a dû être que
le résultat d'un ensemble de preuves qui ne laissent pour la
plupart aucunes traces après elles. Cet inconvénient prouve
combien l'institution des jurés , si admirable lorsque les fonetions
en sont confiées à des mains pures , devient terrible quand
elles sont exercées par des scélérats .
La mesure qu'a prise la Convention d'indemniser les veuves
et heritiers des condamnés qui l'auront été injustement est la
seule qui fût en sa puissance. Elle ne remplit pas le voeu de
la justice stricte qui est dans la chose même et non dans des
équivalens , mais c'est un de ces malheurs attachés aux effets
déplorables des révolutions . On doit être plus frappé de ces
considérations
que de celles qu'on a tirées du discrédit des
assignats et de l'atteinte portée à la vente des biens nationaux ;
le crédit public ne doit jamais reposer sur l'injustice et la
violation des propriétés. C'est un crédit faux et corrupteur ;
il est probable que l'esprit du décret n'est pas de se contenter
d'indemniser les veuves qui ont des reprises sur les biens de
leurs maris condamnés , c'est une dette qui doit être acquittée
en nature , et qui ne le serait pas par des équivalens . Au reste
cette discussion prouve combien il est dangereux pour une
Assemblée nationale d'être obligée de rapporter un décret.
Rien n'affaiblit plus le respect qui doit l'exercice
accompagner
de la législation .
La séance du 27 , dont nous rendrons compte plus en détail ,
au prochain numéro , a été très- orageuse. Il s'y est agi des
députés mis hors de la loi . Merlin ( de Douai ) , organe des
tro's comités , a proposé de décréter qu'à l'exception de ceux
qui sont rentrés , aucun d'eux ne pourra rester dans le sein de
la Convention nationale , mais qu'il ne sera exercé aucune
poursuite contre eux dans les tribunaux .
Ce projet de décret a d'abord été adopté , non sans une vive
opposition . Elle s'est renouvellée même après le décret ; beau-"
coup de membres réclamaient l'ajournement et la discussion ;
d'autres , que ces députés fussent renvoyés devant le tribunal
révolutionnaire , afin que s'ils étaient coupables ils fussent
punis , ou s'ils étaient innocens ils rentrassent dans la Con-"
vention . Enfin , après beaucoup d'agitation , la Convention a
rejetté toutes les propositions , et a adopté le décret présenté
par
les comités .
Est- ce un sacrifice que l'on a cru devoir faire au maintien
de la concorde ? A-t- on craint d'aborder une grande question
comme plusieurs membres l'ont laissé entrevoir ? Si cette grande
question n'était autre que la journée du 31 mai , ne l'a-t- on pas
jugée par l'admission des 73 ? Ne l'est- elle pas déja par l'opinion
publique ? Les choses en seraient- elles encore à ce point
( 486 )
1
Sans
qu'il fût dangereux de discuter franchement toutes les ques
tions , et le plus grand danger n'est il pas d'adopter toujours
des décrets de confiance ? On ne manquera pas de faire toutes
ces réflexions suivant l'esprit dont on est animé.
sortir de la réserve qui convient en pareil cas , attendu que les
comités ont dû examiner les choses sous tous les rapports ,
nous croyons que le salut de la République ne saurait tenir
à quelques individus , mais il tient beaucoup aux idées morales
et à la justice publique.
* On mande du port de la Montagne que 14 vaisseaux anglais
ont reparu sur nos côtes ; mais nous ne les craignons
point , puisque notre escadre est composée de 15 vaisseaux .
Une prise vénitienne est nouvellement entrée dans ce port.
Le representant du peuple , Salicetti , vient d'arriver ici et
en est
reparti aussi- tôt pour se rendre à Nice . On fait les plus
grands préparatifs on croit que c'est pour une expeditiou
en Corse , et on pense généralement que les ennemis ne se
sont montres que pour l'empêcher . Il est très certains que
les divisions agitent les deux partis en Corse , et que nous
serons vigoureusement secondes à notre arrivée par les véri
tables patriotes.
9
D
On écrit de Breda que le général Daendels a fait une attaque
sur Crevecoeur , pour y passer la Meuse et se jetter dans
l'isle de Bommel . On se promet un heureux succès de cette
expédition.
NECROLOGIE.
Nos lecteurs hont avec intérêt la lettre suivante sur le
general Dugommier. Elle est d'une femme , qui , en jettant sur
sa tombe quelques fleurs cueillies par l'amitié , s'est rendue.
l'interprête de la douleur publique , on y reconnaitra aisément
cette touche delicate et sensible qui caractérise un sexe qui
sait donner à ses , regrets comme à ses affections des formes
si précieuses et si touchantes.
ggolan vi 1
Lettre sur le général Dugommier.
& 1
199 La perte que la République vient de faire dans la personne
du général Dugommier , ne peut être trop sentie ; la nature est
si avaie d'hommes de sa nempe , que c'est en quelque sorte.
remplir un devoir envers elle , que de le faire connaître tout
entier.
P
199 Clest aussi un devoir civique ; car la patrie doit irer avantage
de toutes les ventus des héros qui la défendent elle
doit les offrir pour modeles à la postérité , et Dugommier sera
sans doute l'un de ceux qu'elle présentera avec le plus d'orgueil
.
Dugommier âgé de 55 ans , était organisé d'une maniere
( 187 )
forte et robuste sa taille de 5 pieds 7 à 8 pouces , avait les plus
all;ses ma
belles proportions ; son port était noble et martial ; ses manieres
étaient douces , simples et aisées ; ses traits réguliers
sans roideur , étaient ordonnés dans un plan ovale qui servait
parfaitement le jeu de ses passions ; ses cheveux blancs et trèsfournis
fo.maient un cadre lumineux autour de sa figure , qui
ajoutait une sorte de relief au caractere de diguité qui lui était
propre ; ses yeux plutôt petits que grands , mais d'une coupe
agréable , d'un brun clair et brillant , étaient pleins de féu ,
d'esprit et de gaieté .
寰
Il avait une cicatrice près de la bouche garant de ses ser
qu'il
vices passés , qui n'avait point dérangé l'harmonie de ses traits .
Une légere surdité dans l'oreille gauche était le seul tribut
eût payé en passant de la plus belle saison de la vie à celle qu'il
commençait .
$
99 Cec extérieur agréable pour tous les yeux était sur- tout
intéressant pour l'observateur qui cherche la physionomie dans
la figure ; sous ce rapport , jamais on ne se présenta avec plus
de droits au respect , à la confiance et à la tendresse de
semblables . Jamais , avec le tact physionomique , on ne Te
quitta sans rester son admirateur et son ami .
" Avec cette maniere d'être , le général Dugommier avait reçu
de la nature un génie vaste et élevé , une ame forte , active et
si aimante , qu'elle lui faisait un besoin impérieux du bonheur
de tout ce qui respire . Ces dispositions soutenues par une culture
constamment perfectionnée , et une expérience qui s'enrichissait
de tout , en faisaient l'un des hommes le plus complet
de son siecle , et peut- être de ceux qui l'ont précédé . De
8.99 Les bonnes d'une lettre me me permettent aucan détail ;
j'esquisse lun portrait , qu'un autre plus digne de ce modele
achevera sous peus On le peindra commie fils , comme époux ,
comine pere , comme citoyen , comme cultivateur , comme
militaire comme général d'arméel, comme politique , comme
philosophe . Moi , je ne le peins que comme ami ; et à ce titre
ah di quel autcbon lui doit ... que de larmes , que de regrets
y serviront d'encens ! , .... Oh ! combien son nom rappellera de
traits qui ont sanctifié et honoré l'amitié ! Je ne puis les citer
c'est une lettre que j'écris ; mais bientôt on saura que son ame
en fut toujours le plus beau temple que ses passious en furent
constamment les ministres , et que c'est encore à sa mémoire
que cette divinité consolatrice du genre humain , devra la conservation
de son culte . O nous tous , qui avons eu le bonheur
d'avoir part aux élans de cette ame, sublime , réunissons - nous
pour recueillir sa cendre et consoler sa famille , pour sécher les
pleurs de son intéressante fille. Eievons un monument sur
lequel nous jurerons de rester à jamais unis par son souvenir ,
et de ne faire qu'un avec tout ce qui reste de lui.
99 C'est à toi , vertueux St. S. , toi qui sais si bien être ami ;
toi qui étais le sien depuis 25 ans ; toi qu'il citait comme le
modele des peres , sur qui il s'épanchait avec un abandon ši
( 188 )
doux pour lui , si honorable pour toi ; c'est à toi , dis -je , à
être le premier anneau de la chaîne qui va lier tout ce qui lui
fut cher.
» Eɩ toi , généreux et sensible d'Epinoy , sur qui il m'écrivait
il y a peu de jours le
passage suivant :
Je vous adresse le genéral d'Epinoy , officier d'un mérite
" distingué , qui m'a été souvent nécessaire ; c'est mon ami de
" coeur , il est fait pour être le vôtre , et celui de tous les gens
" de bien ; c'est surtout à ce titre que je vous le présente . Il
" va porter à la Convention les drapeaux pris sur les Espagnols
" dans cette campagne ; ce sera pour lui un beau moment: Je
le lui envierais si je ne jouissais pas plus par Jui que par moi.
" C'est aussi sous ce rapport que je suis bien aise de le sentir
" causer près de votre feu . Je lui ai recommandé de vous,
" voir , et son tact m'est garant qu'il le fera souvent. Parlez
" un peu de moi ; malgré le bruit des armes , mon coeur vous
" entendra. 19
" C'est à toi à qui nous devons tout dire , et la patrie avec
nous Patrocle est mort , sois son Achille . » L. S.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes, 9frimaire.
Sandroc a dit : Mogin , mon ami , fut incarcéré ; je m'adressai
à Lalloué pour obtenir de Carrier sa liberté. Viens , me
dit Lalloué , dîner avec moi sur une galiotte ; Carrier s'y trou
vera , et nous lui parlerons de ton affaire . Nous nous rendimes
sur cette galiotte ; on me dit : C'est ici où étaient les prêtres
qui ont bu à la grande lasse . On se mit à table . Carrier avait à sa
droite Lamberty , et à sa gauche était Lalloué ; il y avait Fouquet
, Foucault , Solivan , Robin ; nous étions une vingtaine.
Lamberty raconta comment il avait effectué la noyade des prêtres ;
je n'osai parler à Carrier de mon ami ; je m'adressai au comité
qui le mit en liberté .
Carrier : Je demande quel est le témoin .
Sandroc : Je suis né à Strasbourg ; j'ai demeuré 18 ans à
Saint -Pétersbourg , et je suis depuis trois ans commis - négociant
à Nantes.
Ici , tous les membres du comité ont rendu justice au patriotisme
de Sandroc .
Le président : Carrier , je vous invite à répondre.
Carrier : Cette déposition est la fausseté la plus insigne ; je
n'ai point dîné sur cette galiotte .
Solivan et Foucault ont avoué y avoir dîné avec Carrier.
Carrier : Tout Nantes s'entend pour conspirer contre moi.
(Murmures. ) Quiconque connaît les Bretons , sait qu'ils font
tout par cotterie ; lorsque , dans ce pays , on attaque un individu
, ses amis se liguent , et vous imputent tout ; lorsque la
( 189 )
comité de Nantes fut arrêté , ou ft une instruction pour
gager les citoyens à faire leurs déclarations ; plus de cent
témoins furent entendus ; alors pas un seul témoin ne dit un
mot contre moi.
Ici , Vic a observé qu'on demanda alors des éclaircissemens
sur le comité ; mais non sur Carrier.
Quinze jours avant mon départ de Nantes , a continué
Carrier , le peuple se rassembla sur la place Egalité : l'affluence
érait si grande que lorsque j'y arrivai , je manquai d'y être
étouffé. Là , le peuple me distribua un millier de couronnes
civiques. ( Murmures. ) ,
Je les remis à la société populaire pour les distribuer aux
défenseurs de la patrie. Ce peuple apres m'avoir témoigné
toute sa satisfaction , est donc bien changé ! D'où vient
donc ce changement subit ? pourquoi après avoir sauvé Nantes ,
apres avoir nourri ses habitans pendant six mois , après avoir
repousse , eloigué les brigands de cette cité , pourquoi suis -je
donc en batte à toutes les calomnies ? Lorsque les témoins sont
partis de Nantes , pas un ne pensait à moi ; ils arrivent à Paris ,
ils entendent , ils voient , ils lisent les pamphlets dirigés
contre moi par mes ennemis ; mais cette coalition sera découverte
, car le crime ne peut - rester impuni.
Soixante faits , tous plus atroces les uns que les autres
ont été articulés contre moi ; j'ai démontré à la Convention
des faux matériels ; ils ont été si bien constatés , que l'acte
est réduit à neuf chefs d'accusation . Je prouverai que ceuxei
sont également faux , et pourquoi ne le seraient- ils pas
comme les autres ? Au reste , je livre mes ennemis à leurs remords.
Chaux : On nous a attaqués , et on a pris pour prétexte
notre comptabilité ; il faliait trouver un motif pour nous
présenter comine des fiipons ; c'etait une conspiration . Dans
la proclamation qui fut faite , il n'était pas question de noyade ;
mais on voulait nous livrer au tribunal de Robespierre : le
tems pressait , car on nous fit partir en poste le 5 thermidor . Sans
Ja révolution du 9 du même mois , nous ne serions plus ; on
aurait formé de nous , toute une charretée ; on nous aurait
conduits à l'échafaud sans nous entendre : nous devons tous
rendre justice au tribunal , car la maniere dont on instruit
notre procès a découvert des coupables . On avait un grand
intérêt à nous sacrifier on voulait tout ensevelir avec nous .
Thomas a dit : J'ai vu un jour , vers onze heures du
matin , plusieurs individus dans la chambre de Carrier. Carrier,
avec son sabre , frappait de côté et d'autre , et disait à tout
le monde ; Merde , merde , merde .
7
( Quelles expressions ! quel langage ! ) -
J'accuse Carrier d'avoir , après la prise de Noirmoutier ,
donné ordre au général Haxo d'incendier tout ce qui se trou
vérait dans la Vendee , d'en exterminer tous les habitans , et
et de n'y rien laisser ; ce qui fit rallier autour de Charette les
brigands réduits à trois ou quatre cents.
( 190 )
Thomas a encore accusé Carrier de plusieurs autres faits
qui lui ont déja été reprochés . Il a ajouté que les habitans
du Loroux ayant rapporté leurs, armes à Nantes , on envoya ,
mais il ne sait par quel ordre , des gendarmes arrêter des
citoyens de cette commune qui ont péri dans les prisons .
Ce qui fit révolter cette commune.
1
Carrier : Je dirai que le témoin a été partisan du fédéralisme.
Murmures . ) 1
Quant à l'ordre que l'on prétend que j'ai donné au général
Haxo , il existe à ce sujet une lettre ; je l'examinerai lorsqu'on
m'en presentera la minute. C'est Haxo et moi qui avions réduits
les brigands à quatre cents . Carrier a saisi cette occasion
pour vanter ses exploits dans la Vendée .
Les
Dans les séances subsequentes , les autres témoins à la charge
de Carrier ont éte entendus et ont déposé des noyades , fusillades
et ordres arbitraires donnés par ce représentant .
accuses ont constamment soutenus n'avoir agi que d'après ses
instigations , tantôt verbales , tantôt par écrit. Carrier a nie
beaucoup de faits , interprêté les autres , fourni quelques réponses
adroites sur les moins importantes .
Parmi les temoins qui ont le plas chargé Carrier est Monéron ,
ex-négociant et président du tribunal de commerce de Nantes .
Real a observé que le témoin , en finissant sa déclaration ,
avait dit avoir des faits qui ne sont pas énoncés dans l'acte
d'accusation ; que ces faits peut être peuvent tourner à la
décharge de ceux qu'il défend ; il a demandé que le témoin
fût entendu.
-
Le tribunal a fait droit à sa demande " et le témoin a dit :
J'ai diné trois fois à Paris, avec Carrier , à la compagnie
d'autres personnes. Dans le dernier dîner , aux Champs - Elysées
, Carrier s'oublia , et nous déclara que , d'après la récapitulation
de la population de la France , il y avait mille
habitaus par lieues quarrées qu'il était démontré que le sol
de la France ne pouvait nourrir tous ses habitans ; qu'il était
nécessaire de se defaire de l'excédent de cette population ,
sans quoi il ne pouvait exister de République ; qu'il fallait
commencer par les prêtres , les nobles , les marchaus , les
banquiers , les négocians , etc.; qu'aucun de ces hommes-là
ne pouvait aimer la Republique ; et en s'echanflant , il criait :
tue , the , the ; dans mon département , disait il , nous allions
la chasse aux prêtres ; je n'ai jamais tant ri qu'en voyant
les grimaces que ces b ...... là faisaient en mourant. Il s'apperçut
qu'il parlait à des négocians. Il nous dit : tranquillisez-
vous , il y aura un choix ; il ne faudra sacrifier que ceux
qui se sont mal prononcés. Hébert regnait encore. Je dis à
Carrier Je suis convaincu que nous serons tous guillotinés :
n'ais pas peur , me dit- il , je serai ton défenseur. Non , lui
répondis-je , tu seras guillotiné avant moi . C'était en ventôse
de la 2e , année républicaine..
X
( rgr:)
Carrier a répondu par des denégations et par des lamenta
tions qui n'ont convaincu personne .
Moneron a indiqué pour témoins de cette conversation
Vilmin , Rosier , Prevot , le petit Robin et Villers , represen
tant de la Loire inferieure , actuellement à Brest ; et a déclaré
que Carrier ne paraissait pas alors ivre , mais qu'il était en gaieté.
Goullin , Phelippe-Tronjoly , Thomas et plusieurs autres
ont rendu justice à la probite et à l'honnêteté du témoin , qui
jouit de l'estime de tous ses concitoyens .
Plusieurs des personnes indiquées par Monéron ont été entendues
, et ont confirme toutes les circonstances du dîner avec
Carrier.
› Dans le cours de l'instruction plusieurs témoins ,
tels que
Lefebvre , Massé , Robin fils , Pinard , etc. ont été mis aù
nombre des accusés , comme complices des atrocites commises.
On a produit à Cartier le passage d'une lettre que Heraule-
Sechelles lui avait adressée , et qui est ainsi conçue ; ce passage
est remarquables à plus d'un titre : Quand un représentant
est en mission il doit flapper de grands coups , en
laissant la responsabilité à ceux qui sont charges de les exécu
ter. Carrier est convenu avoir reçu des lettres de lui ,
mais il a déclaré , qu'il ne lui avait donné aucun pouvoir pour
agir. Je sais , a - t - il ajouté , l'opinion que je dois avoir de lui ,
ainsi que d'autres qui sont morts mmartyrs de la liberté ..
Dans la séance du 14 , Goullin s'était expliqué ainsi : « Mon
intention avait été de laisser peser sur ina tête seule toute la responsabilité
, mais je dirai le fait , je dévoilerai la vérité quandon
l'exigera ; mais il n'est pas encore tems . 99 - On annonce un
principal moteur à Nantes , j'invite Goullin à dire la vérité . →→
Goullin , oui je la dirai , et je ferai frissonner mes persécuteurs.
Dans la séance du 16 , Goullin a refusé de s'expliquer plus
ouvertement. Je declare , a-t- il dit , que je mourai plutôt
que de révéler le secret que j'avais étourdiment promis . Qu'importe
ma cause d'y attacher celle d'un patriote de plus . En
serais - je moins coupable en faisant siéger près de moi de nouveaux
accusés ? Entierement opposé au système machiavélique
d'Herault Sechelles , je méprise également , et celui qui le
prêcha , et celui qui put le pratiquer.
66
Puis s'adressant à Carrier , il lui dit :
Carrier , toi qui me sommes de déclarer la vérité , plus que
toi j'ai droit de t'adresser la même sommation . Jusqu'à présent tu
en as constamment imposé et à tes juges et an public ; tu as
fait plus , tu as menti saus cesse à ta propre consciences! i
Tu t'obstines à nier les faits les plus authentiques. Je t'offre
un bel exemple , inite- moi , sache avouer tous tesorts ;
sinon tu t'avilis aux yeux du peuple ; sinon tu te déclares
indigne de l'avoir jamais représente...... Depuis long-tems tes
co- accusés , tes agens subalternes , disons mieux , tes malheureuses
victimes , jouent ici ton rôle . Crois - moi , il en est tems
encore , reprends celui qui t'appartient ; sois grand- ets vrai) ,
( 192 )
ommedoit l'être un mandataire du peuple ; reconnais ton onvrage
; confesse tes erreurs , et si tu éprouvais le sort fatal , da
moins tu emporterais dans ta tombe quelques regrets de tes concitoyens.
Voilà mon espoir , à moi , qui suis et fus toujours véridique ;
et , je l'avoue , c'est ce qui cause la sénérité , je pourrais dire
la gaieté , qui m'accompagne dans les fers. "
Carrier , qui jusques - là avait tout rejetté sur ceux qui avaient
agi , a eu cependant la pudeur de déclarer qu'il ne pouvait
souffrir de les voir victimes des circonstances et des ordres
qu'ils avaient reçus ; il a donné à entendre qu'il en avait reçu
lui -même , mais il n'en a produits aucun .
L'instruction terminée , les défenseurs officieux ont parlé ,
Tronçon du Coudrai a prononcé un discours très - éloquent ,
après quoi le substitut de l'accusateur a récapitulé tous les faits ,
toutes les charges.
Les jurés se sont retirés dans leur chambre , et après
48 heures de délibération saus désemparer le jugement suivant
a été rendu le 26.
Carrier, représentant du peuple , convaincu d'être auteur
ou complice de manoeuvres et intelligences qui ont existé
dans le département de la Loire- inférieure , et particulierement
à Nantes , contre la sûreté du peuple et la liberté des
citoyens en donnant ordre à Phelippe de faire exécuter ,
sans jugement , des brigands , parmi lesquels il y avait des
femmes et des enfans ; en donnant des pouvoirs illimités à
Lamberty , qui s'en est servi pour noyer hommes , femmes et
enfans ; en donnant ordre à Haxo , d'exterminer les habitans
de la Vendée , etc. etc.
Grand-Maison , en signant l'ordre du 15. de fusiller en
masse les prisonniers , en assistant à une noyade , en maltraitant
les victimes qui allaient être noyees , etc. etc.
Pinard , en exécutant des ordres arbitraires , en massacrant
et tuant des femmes et des enfans , en pillant et incendiant
dans toutes les contrées qu'il parcourail , etc. et de l'avoir
fait avec des intentions criminelles et contre - révolutionnaires ,
Ont été condamnés à la peine de mort.
Goullin , Chaux , Bachelier , Perrochaux , Mainguet , Lévêque ,
Louis Nau , Bolognie , Durassier , Joly , René Nau , Chattier ,
Ducou , Coron , Boussy , Boullay , Gauthier , Guillet , Crépin,
Richard , Foucault , O Solivan , Robin , Lefebvre , Macé ,
d'Héron , Proust , convaincus d'actes arbitraires , etc. ,
mais ne
l'ayant pas fait avec des intentions contre-révolutionnaires ;
Gallon , Vic et Forget , non convaincus des délits à eux
imputés , ont tous été acquittés et mis en liberté.
Après le prononce du jugement , Carrier a dit : Je meurs
victime et innocent ; mon dernier voeu est pour la République
et pour le salut de mes concitoyens .
Le jugement a été exécuté le même jour sur la place de
Grêve , au milieu d'un concours immense de peuple.
( N°% 19. )
MERCURE FRANÇAIS.
Du QUINTIDI 5 Nivost , l'an troisieme de la République.
( Jeudi 25 décembre 1794 , vienx style . )
POÉSIE.
Romerciment d'un détenu à la citoyenne M. L, qui lui Mait envoyé
des vers sur l'amitié.
Pour chanter la vertu de Pylade et d'Oreste
Aux dons aimables des neuf soeurs "
Il faut joindre une ame céleste ;
Sur les maux de la vie il faut semer des fleurs .
De ces fleurs où jamais le repentir ne reste ;
Enfin , dans tout état , soit heureux , soit funeste
Il faut de l'amitié connaître les douceurs .
Vous qui réunissez de si chers avantages ま
Et qui réunirez les plus brillans suffrages
Souffrez qu'un des moindres lecteurs
De vos agréables
ouvrages ,
Ose aussi vous offrir ses trop justes hommages
"Comme les sons d'Orphée aux voûtes de Pluton
Vos chants ont pénétré les mars de sa prison ;
Du plus triste des esclavages
Ils ont suspendu les tourmens .
Heureux qui près de vous , à l'abri des orages ,
Au milieu des vertus , des arts et des talents ,
Saurait vous inspirer les nobles sentimens
Dønt votre coeur , trop pur pour n'être pas fidele ,
S'est à la fois rendu le peintre et le modele ?
Par CHARLES-GASPARD TOUSTAINE,
I
ARADE.
Le premier en donnant son air grave au second
Du tout harmonieux semble annoblir le tom,
Tome XIII. N
( 194 )
ENIGM I,
HEUERUEREUUXX enfans du génis ,
Je soutiens la liberté.
Aux sciences je donne la vie .
Je sers souvent la vérité.
Par moi , le scélérat pålit ,
Voyant mes traits , il chancele.
Le despote me bannit ;
Le républicain m'appelle.
J.
LOGOGRIP
I ne ressemble pas à ce faible arbrissea
Qui , comme un vermisseau ,
Rampe dessus la terres
Je m'éleve jusqu'au tonnerre;
Mais que je crains ses feux !
Pour savoir qui je suis , il faut me mettre en deux ?
Aisément on verra dans la moitié premiere ,
Ce qu'on ne trouve pas avec le malheureux s
Daus la moitié derniere
On rencontre un pronoms
L'en est assez pour deviner mon nom.
Explication des Charade , Enigme et Logogriphe du n° . 18.
Le mot de la Charade est Bateau ; celui de l'Enigme est le Jens
aelui du Logogriphe est Tableau ; où l'on trouve table , cax , valet
Matran , la , le , lave , bai, veau , blen.
?
( 195 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Almanach des Muses pour l'an troisieme de la République Française
1795 ( vieux style ) , avec figure ; in- 16. Prix , broché , 36 sous .
A Paris , chez Louis , libraire , rue Severin , nº . 29.
La publication de cet almanach poétique est fixée au commencement
de vendémiaire ou de l'année républicaine . On
continuera d'y répandre de la variété , en suivant les divers
progrès de notre poésie , dont ce recueil renferme en quelque
sorte les annales depuis 31 ans qu'il paraît . On avertit que
ceux qui voudront faire insérer des poésies dans ce recueil ,
sont priés de les faire parvenir avant le 1er . thermidor à l'éditeur
de l'almanach des Muses , rue de la Jussienne , nº . 20.
Le choix des poésies est fait avec goût ; les notices des
ouvrages qui ont paru dans l'année y sont rédigées avec précision
, et caractérisées par une saine critique : nous ne pouvons
bien faire l'analyse de ce recueil qu'en citant quelques - uns des
jolis morceaux qu'il renferme. Voici les mois républicains.
Cheveux blancs , le front chauve et le corps tout voûté ,
Nivos transi de froid , par la glace arrêté "
Appelle Pluviose ; il l'appelle et le prie
De fondre les glaçons en répandant la pluie.
Elle tombe , et bientôt dissipant les frimats
Ventose invite Flore à revoir nos climats .
Le riant Germinal féconde les semences 2
Promet , fait concevoir de douces espérances ;
Et Flore et Floréal son époux fortuné ,
L'un et l'autre , le front de roses couronné ,
Couvrent de mille fleurs la terre rajeunie .
Voyez-vous Prairial reverdir la prairie ?
Messidor a donné le signal aux faneurs ;
Il a remis la faulx aux mains dés moissonneurs ,
Cependant Thermidor , quand on remplit nos granges
Colore les raisins , il mûrit les vendanges.
Voici dans nos vergers de nouvelles moissons ¡
mortels ! Fructidor vous comble de ses dons
Faites dans vos celliers , amis de la bouteille ,
Couler les flots ambrés du nectar de la treille ;
N4
( 196 )
Vendemiairt est là du matin jusqu'au soir
Qui préside lui - même aux travaux du pressoirz
Lui seul peut éclaircir les vapeurs de Brumaire ,
Et peut rendre plus court le regne de Frimaira,
Le chien et le chat . ( Fable , )
Un chien vendu par son maître ,
Brisa sa chaîne et revint
Au logis qui le viť naître.
Jugez de ce qu'il devint ,
Lorsque pour prix de son zele
Il fut de cette maison
Reconduit par le bâton
Vers sa demeure nouvelle.
Un vieux chat , son compagnon ,
Voyant sa surprise extrême ,
In passant lui dit ce mot
Tu croyais done , pauvre sot !
Que c'est pour nous qu'on nous aime ?
Vérité consolante.
Par FLORIAN.
Dans ce bas mende o tant , tant de fripons circulent
Des pauvres gens de bien quel serait le danger ,
Si les insectes qui pullulent
Ne finissaient par se manger?
Par le cit, PONS de Verdun.
Le Débutant.,
A l'ouverture d'un spectacle
( C'était un spectacle bourgeois )
On vient annoncer un obstacle
Qui met tout le monde aux abois :
de deux emplois , La vacance
Mais tels qu'une seule personne
Pourrait les remplir à la fois.
S'il est ainsi qu'on me les donné,
Répond soudain un spectateur ..
Je les remplirai de bon coeur.
Ces emplois dont on le croit digut
( 1977
En quatre mots fui sont livrés
« Vous moucherez , vous soufflerez , s.
J'entends fort bien cette consigne.
Qu'arrive-t-il ? au premier signe
Le quidam , moucheur et souffleur ,
Pour son débat en fait de belles ;
Car il s'en vient moucher l'acteur
Et senffler toutes les chandelles.
Sur un reliquaire en 1770..
Ami , la superstition
Fit ce présent à le sottise ;
Ne le dis pas à la faison
Ménageons l'honneur de l'église.
Par le mine.
VOLTAIRE.
L'origine des marquis de finances en 1770.
Au milieu d'un festin , an fermier général
Tomba sur le parquet plein comme une sang-suc
Rien ne put le sauver son ame encore émun
Sortit avec lenteur de son étui fatal ,
Descendit par dégrés au cachot infernal ,
Où , selon la coutume , elle était attendue.
Que vois -je ? c'est monsieur Dufer ,
S'écria son cocher , mert depuis une année ,
Dont l'ame était aussi damnée !
Ainsi , tous les états s'en vont peupler l'enfer
Ah ! mon cher maître ! est-il possible ?.
Quoi ! vous ! dans ce séjour horrible.
Avec des brigands , des filoux ,
Des rats de cave , des grigoux ,
Des mandrins ronés à Valence ;
A la poursuite et diligence
De vos braves suppôts , aussi, zélés que vous
Pour le bien de l'heureuse France !
Ahla Fleur ! tu vois sur mon front
Le caractere abject d'une basse avarice :
Mais l'orgueil seul me perd , et ce qui me confond ,
C'est mon coquin de fils qui cause mon supplice .
N 3
( 198 )
Pour l'enrichir , j'étouffai les remords ;
fPour l'illustrer , j'amassai des trésors ;
Car on vend les honneurs au pays que je quitte t
Des crimes de son pere est sage qui profite .
Mais , mon fils , de l'argent connaît si peu le
Qu'il n'est pas seulement marquis .
O rage ! ô désespoir ! détestable conduite !
Mais toi , mon fidele la Fleur ;
Toi , dont l'allure était et si bête et si bønne ,
Quel bizarre destin , ou plutôt quel malheur
e lieu d'horreur ?
T'a plongé dans ce l
En vérité ton sort m'étonne !
Monsienr , dit le cocher , cessez d'être surpris 9
Je brûle en l'éternelle flamme
Pour vous avoir avec madame,
prix.
Fabriqué ce coquin de fils.
Le Divorce. ( En 1790. )
Bien séparé de corps et d'ame ,
Monsieur fait enfermer madame...
Pour vivre avec une Laïs ,
Sottise , disent ses amis !
Autant valait garder sa femme.
La bonne éducation .
Point de livres et point de maîtres
Point de leçons pour les enfans™
Des jeux , des jeux intéressans
Qu'un ami pour eux fasse maître
De leurs jeux les plus innocent .
Suivant pas à pas la nature
L'ami , par son zele excité ,
Cherche , trouve , saisit la simple vérité ,
Il la montre... elle rit .. et l'esprit enchanté
Suit sa lamiere vive et pure ;
S'en pénetre... et lui -même achevant sa
Il arrive bientôt à la maturité.
En vain le maître parle : il n'est par écouté ;
Le disciple en secret murmure ;
Par le même.
1199 )
A l'étude , à l'ennui tristement condamad
Son esprit mis à la torture
Meurt , hélas ! avant d'être né,
Redoutable ennemi de Flore ,
Borée , au souffle destructeur ,
Dans le bouton seche la fleur
Que le zéphire eùt fait éclore .
Far le sit. DROBECę,
ANNONCE 8.
Nouvelle Grammaire raisonnée , à l'usage d'une jeune personne.
Volume in -8° . de 316 pag . Prix , 5 liv . en feuilles ; par le
citoyen Panckoncke. A Paris , chez Plassan , imprimeurlibraire
, rue du Cimetiere-André - des - Arcs ; Branville , libraire,
rue des Poitevins , nº . 18 ; Cuchet , rue Serpente ; Moutard ,
rue des Mathurins , et Legras , quai ci -devant Conti.
L'exactitude , la clarté , la précision , l'art méthodique , joints à
la pureté et à l'agrément du style qui caractérisent cette nouvelle
grammaire raisonnée que nous nous empressons d'annoncer
la rendent infiniment utile et recommandable pour l'éducation
des jeunes personnes , qui veulent apprendre à bien parler
et à écrire correctement la langue française . Mais nous ferons
connaître plus particulierement cet excellent et important
ouvrage , dans l'extrait que nous nous proposons d'en donner
incessamment.
Les Loisirs utiles : 1. Linville ou les Plaisirs de la verizý
-gº . Eugénie ou les suites funestes d'une premiere faute : par d'Arnaud.
2 vol . in- 16 , avec figures. Prix , 3. liv. A Paris , chee
Lepetit , libraire , quai des Augustins , nº . 33 : l'an 2ª . de la
République Française.
Nous tâcherons de présenter à nos lecteurs , dans` un des
Mercures prochains , les intentions morales de ces deux
nouvelles anecdotes , qui réunissent les agrémens du style
Jomantique avec tout l'intérêt du sentiment et des vertus
sociales.
Nouvelle édition de la chymie de Foureroy . Six volumes in - 8• .
y compris un d'Atlas. Prix , 30 liv . en feuilles , 32 liv. brochés ,
et 40 liv. reliés .
Nouvelle édition des Voyages en Europe , en Asie et en Afrique ;
traduit de l'anglais de Makinrach. Deax volumes in -8° .
cartes. Prix , 12 liv . brochés..
aves
Voyage en Allemagne , traduit en français. Trois volumes in-8ª,
Prix , 12 liv. brochés.
AParis , chez Gay et Gide , libraires , rue Honoré , n . 85 .
N
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
It
ALLEMAGNI.
De Hambourg, le 4 Décembre 1794.
L parait d'après les dernieres lettres de Constantinople , qu'il
ya des changemens dans plusieurs parties importantes du mimistere
, et que les personnes nouvellement appellées aux places
penchent pour une guerre qu'il aurait fallu faire plutôt si la
Porte Ottomane eût mieux consulté ses véritables intérêts . En
effet , il ne fallait point attendre que les Polonais fussent écrasés
ou prêts à l'être.
Quoi qu'il en soit , voici ce qu'on sait des dispositions du
divan aux différentes époques auxquelles correspondent ces
Bettres ; au moins sont- elles favorables aux Français , et faites
pour donner quelqu'inquiétude à l'Autriche et à la Russie.
Du 10 octobre. La Porte observe d'un ceil'attentif ce qui se passe
en Pologne. On ne peut douter qu'elle n'ait conçu de vives
inquietudes du dernier partage qui met la Russie en possession
de l'Ukraine , et établit ainsi un libre passage du territoire
russe sur le territoire ottoman . Le divan reçoit des infor
mations très - exactes par la voie de Moldavie : il affecte néanmoins
tous les dehors d'une extrême indifféreûçe , et garde
sur-tout un rigoureux silence vis-à - vis des ministres étrangers
qui sont ici . Mais on remarque qu'il continue avec beaucoup
d'empressement à mettre la marine sur un pied respeciable,
Par-tout on construit des bâtimens de guerre de différente
grandeur ; quelques uns sont déja entrés dans ce port
et dans la mer Noire. Il est question en outre de bâtir encore
un arsenal dans ce port pour faciliter les armemens . t
Les frégates françaises qui sont à Smyrne entrent et sortent
continuellement. Un riche navire anglaisevenant de Londres ,
et destiné pour Smyrne , leur est échappé en entrant à Scio.
Plusieurs autres bâtimens de la même nation avaient déja eu le
même avantage.
"
Enfin , on écrit du 23 octobre qu'à la suite d'une fermentation
assez marquée , le grand - visir a été déposé et remplacé par
Iset-Mehemet , qui a fait l'apprentissage de gouverner dans
des circonstances difficiles , puisqu'il a été pacha du Caire . C'est
un homme de 45 ans , éclairé et plein d'ardeur. Son intimité
avec le reis effendi et le capitan-pacha ou grand- amical , fait présumer
qu'il ne sera pas d'avis de laisser le divan sous l'influence
de la Russie , au gré de laquelle la pusillanimité et la
corruption réglaient trop souvent les affaires , ses envoyés
{ 201 )
doivent quitter lear ton impérieux et insolent qui ne serait
certainement pas souffert aujourd'hui , et pourrait même ame,
ner une rupture .
Quelque promptement qu'arrivât cette rupture , ce serait
toujours trop tard pour les pauvres Polonais . Le fauxbourg de
Prag n'est plus qu'un tas de décembres. Les Russes y campent
au milieu des ruines. Le roi de Pologne y a rappelle le prince
Joseph Poniatowski son neven. Le gouvernement est entiérement
remis dans cette capitale sur l'ancien pied , c'est-à - dire
entre les mains du roi et du conseil permanent. On est même
étonné de ce que le vainqueur affecte de se mêler très - peu
du gouvernement intérieur , ménage les révolutionnaires , et
semble chercher les occasions de se rapprocher d'eux . Une
visite que Suwarow a faite au maréchal Ignace Potocki a été
remarquée de tout Varsovie. En général , cette conduite paraît
à tous les habitans le résultat d'une politique intéressée ; ils
pensent que Catherine , désespérant de les comprimer par
force , veut tâcher de les ramener par la douceur .
la
On n'a point encore de nouvelles positives , ni du corps.
d'armée de Varsovie , ni du corps russe qui le poursuit . Une
remarque assez singuliere a même été faite par quelques poli
tiques , c'est que les Russes paraissent laisser volontiers les dé
membremens des corps polonais se porter vers la Prusse mëridionale
, où les mouvemens insurrectionnels ne sont point
éteints. Un certain Wolski vient d'y annoncer l'arrivée trèsprochaine
d'une armée commandée par Madalinski,
De Francfort-sur- le-Mein , le 8 décembre.
On s'attend dans Vienne à une nouvelle campagne , quoique,
quelques personnes , mais en petit nombre , aunoucent que les
généraux Autrichiens ont reçu des pouvoirs pour traiter d'on
armistice , dans lequel la ville de Mayence serait comprise . Ce
qu'il y a de sûr , c'est qu'aujourd'huiles bruits les plus accrédités
sont pour la guerre , et l'on paraît tellement la vouloir qu'on a
recours à des ressources qui n'avaient point encore été employées
jusqu'à présent . Par exemple , les Juifs seront tenus d'y contribuer
en proportion de leur nombre , ou de payer 140 florins
pour chaque recrue de remplacement , et la majeure partie des
généraux se rendroat incessamment dans la capitale pour y
décider avec l'empereur le nouveau plan de campagne ; ce qui
moutre assez que l'ancien était tout-à- fait vicieux , et qu'on
yeut se hater de le corriger pour le printems,
Cette campagne exige aussi des arrangemens de finances, sans
lesquels les plans les plus heureux ne pourraient s'exécuter , et
ces arrangemens ne sont point encore commences . Il est seulement
probable qu'on se modélera sur ceux qui furent adoptés
pendant la fameuse guerre de sept ans.
L'empereur a assisté avec toute sa cour à un service salem(
202 )
mel célébré pour les officiers généraux et les membres del
états-majors autrichiens qui ont péri pendant cette guerre . Quant.
aux soldats il n'en est point question , et l'on ne verse pas une
larme , pas une goutte d'eau bénite pour le sang du peuple
qu'on a fait couler comme l'eau . On reconnaît bien là l'orgueil
des princes et leur ingratitude .
Les tribunaux chargés de l'examen des prisonniers d'état ,
arrêtés il y a six semaines , n'ont encore rien publié sur leur
affaire . Néanmoins il passe pour constant que leur projet étaie
de profiter d'un mouvement quelconque qu'ils auraient excité
dans Vienne pour s'emparer de la personne de l'empereur , et
le forcer à signer une nouvelle forme de gouvernement. Apparemment
qu'on craint que de pareilles tentatives ne se renouvellent
, car l'empereur se fait garder beaucoup plus soigneusement
, et il a défendu de nouveau , sous des peines très - séveres
, l'introduction de tout pamphlet ou tableau révolution
naire venant de France , et non pas comme on l'avait dit
d'abord , ce qui n'était gueres probable , faits contre la
France.
Les nouveaux préparatifs donnent lieu à un renchérissement
considérable de denrées dans toute l'Allemagne , et l'on s'en
plaint sur-tout en Saxe , où les immenses magasins que l'on a
formés pour le compte de la Prusse sur les bords de l'Elbe ,
rendent ce surhaussement encore plus sensible .
Ons mande de Sigbourg qu'il est arrivé de nouveaux transports
de recrues destinés à completter les régimens de Kaunitz ,
Wenceslas , Colloredo , Huff , archiduc Charles , Samuel
Giulay , Esterhazy. Les bataillons de grenadiers bohémiens ont
passé par cette ville le 25 novembre pour se porter du côté
de la Lahn , où ils entrent en quartier d'hiver. Le commissariat
, la caisse militaire et les autres départemens se sont ache
minés le 28.
Les troupes bavaroises postées devant Mayence vont quitter
eette ville , où l'on croyait qu'elles serviraient comme garuison :
elle y perd de bons défenseurs ; mais on dit aujourd'hui qu'il a
été arrêté qu'elles ne serviraient nulle part en cette qualité.
Des lettres de Manheim , qui vont jusqu'au 8 décembre
disent que les escarmouches d'avant- postes se sont renouvellés
leer, et le 2. Les Français sont occupés à la construction
d'une sixieme redoute près de la ligne du Rhin ; leur artillerie
angmente de jour en jour , et malgré le feu des batteries allemandes
auxquelles ils ne s'amusent point à répondre , leurs
travailleurs avancent lea onvrages , dont la construction est encore
favorisée par un brouillard fort épais qui les cache , ensorte
que l'artillerie autrichienne , assez mal - adroite d'ailleurs
we lent fait pour ainsi dire aucun mal . Le brouillard s'étant
un peu dissipé dans la matinée du 8 , a laissé voir les Français
a nombre de 17 à 18 mille hommes , dont une partie travaillait
↑ 203 X
"
?
encore à la cinquieme redoute à la gauche des Flêches , d'of
Ton a tiré sur eux quelques coups de canon et jette de la
Malhau quelques grenades pour troubler leur travail qui
consiste maintenant à lier les redoutes entre elles par une
ligne de communication aboutissant à la ligne du Rhin près de
la Hemshoff.
On apprend de Dantziek que le général Damourier , sous
l'habit d'un courier russe , y a passé , se rendant en Pologne.
On ne s'en doutait pas , et personne n'a cherché à le démasquer
; mais un ordre étant venu après-coup d'avoir l'oeil au
guet sur un prétendu courier russe , qui était l'ex- général
français Dumourier , qu'il importait d'arrêter , on s'est sou
venu que c'était bien celui qui avait déja passé -là , puisqu'en
effet , contre l'usage des couriers russes , il avait traîné une
malle avec lui .
ESPAGNE. De Madrid , le 29 octobre.
Le cabinet reçoit à chaque moment des nouvelles des revers
qui ne cessent de se succéder . Il a appris la déroute de l'armée
de Catalogne , près de Monroch , et la prise de Bellegarde ,
qui en a été la suite . Il affecte , il est vrai , de garder le silence
sur ce dernier événement : on n'en parle pas même dans
la Catalogue , ou plutôt on n'ose point en parler . Plusieurs
personnes qui l'avaient annoncé à Figueras ont été mises en
prison ; mais , malgré tous les soins et la rigueur du gouvernement
, cette nouvelle a percé ici . On ne doute point
qne Bellegarde ne se soit rendue , et même à discrétion ; seule
ment on ne sait pas précisément quel jour ; mais on sait que
ce doit être du 10 au 21. Il est ajouté que la ville manquait
de tout , était absolument sans vivres , et que les habitans ainsi
que la garnison étaient exténués de faim et de misere. Les
Français , en entrant à Bellegarde ont trouvé les caves remplies
de morts , de mourans et de malades . Le général la Union
n'a su la prise de cette ville que trois jours après qu'elle a
eu lieu .
•
Depuis cet événement , il y a encore eu de nouveaux dégastres
en Catalogne , où cependant l'on dit les troupes espagnoles
supérieures en nombre aux Français . En Navarre , ces
derniers ont attaqué , battu et mis en faite le corps d'armée
sous les ordres du général d'Orruria . La defaite est due princi
palement à la lâcheté des Espagnols ; quatre de leurs batail
Ions ont à la fois tourné le dos aux Français . Le générat
d'Orruria a été attaqué à son tour. Son corps s'est mieux conduit
; malgré sa résistance qu'on dit avoir été vigoureuse ,
ce général à été obligé de se retiner avec perte de son artillerie
et de son équipage. Un corps de troupes de l'Arragon
est venu à son secours , et a obtenu quelqu'avantage sur les
Français. Au départ du dernier courier , ceux - ci n'étaient pas
( 204 )
encore maitres de Pampelune , mais ils n'étaient qu'à une lieue
et demie de cette place , et avec des forces si nombreuses qu'on
était dans de vives inquietudes.
Y
Le général la Union attéré par toutes les défaites qu'il
prouvées , vient de se décider à donner sa démission. ,
On parle de paix dans cette ville , et s'il faut en croire
ce qu'on dit , il y a à Paris un négociateur pour préparer
les voies. Ce bruit semble plutôt encore exprimer le voeu du
peuple que l'intention de la cour. On assure que le ministre
Alcudia vent toujours la guerre . Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'il se dispose à de nouveaux préparatifs , pour réparer .
S'il est possible , les pertes des armées . Il s'est tenu avant
hier un conseil , auquel ont assisté tous les ministres et quelques
membres du conseil de Castille. L'on dit qu'il a été question
d'une nouvelle levée , formée de trente mille hommes , par
toute l'Espague . On vient également de voir paraître une ordonnance
, qui accorde un pardon genéral à tous les déser
teurs qui ne sont coupables que de désertion ou de contre -
bande.
Quel que soit le penchant de la cour , ou plutôt d'Alcudia ,
il est à croire que l'on sera contraint ici de s'occuper des
moyens d'avoir la paix a
Les pertes durant cette gherre ont été énormes , et la plus.
grande partie des troupes donne par- tour des preuves d'une
Extrême acheté . .
Le rapport officiel du général la Union , sur la déroute de
Monioch , a été rendu public . Le général y dit entr'autres :
Dans un moment où il n'y avait rien à craindre pour une hanteur
qui se défendait d'elle - même , les postes avancés se posterent
contre l'ordre , vers le petit château ruiné de Monroch ,
de l'autre côté de la montagne , d'où la décharge d'un bataillon
les consterna de telle maniere , que sans faire réflexion à l'avantage
de leur position , ils se mirent à fuir pêle-mêle , et
étourdirent tellement par leurs cris ceux de la hauteur , que
sans ennemis , sans examen , sans obéir au brigadier Toranco ,
ni aux chefs et officiers , qui firent leur possible pour les
retenir , ils se mirent en fuite , plusieurs même en jettant
leurs fusils . Dans cet état , il ne me resta d'autre parti à prendre ,
que
d'ordonner au maréchal - de-camp don Diego-Godoy , de
' avancer avec un bataillon du régiment Suisse de Schwaller ,
et un autre des grenadiers de Castille , que je fis suivre par
d'autres troupes , pour soutenir la retraite et pour arrêter l'ennemi
, qui en s'appercevant de cet événement incroyable , pouvait
nous charger par le flano , comme il le fit en effet, Mais
se général fut si prompt à exécuter l'ordre , et se conduisit
avec tant d'intelligence , qu'il retint l'ennemi, J'envoyai en
me - tems plusieurs officiers de l'autre côté , pour rassembler
les troupes et les former. Il est à remarquer que ceux
2
( 203 )
même qui fuyaient étonnés de leur propre frayeur , d'inank
taient réciproquement , et se traitaient de poltrons .
·
" Voilà la fin inattendue d'une action iqui ne pouvait qu'être
heureuse par toutes ses circonstances , et que j'aurais été repré
hensible de ne pas entreprendre. Le fait en prouve la possi
bilité. L'accès difficile et l'étendue de l'endroit démontrent la
facilité avec laquelle quatre mille hommes pouvaient le défendre
contre un grand nombre , sur tout étant appuyés par
le reste de l'armée... Desirant , comme je le dois , qu'un
châtiment proportionné punisse tant de désordres , j'assemblai
sur-le-champ tous les chefs ; mais , quelqu'instance que je leur
fisse de me découvrir les coupables , ils ne purent s'accorder,
et m'assurerent que la dispersion fut si momentanée et si générale
, qu'il leur était impossible de faire quelque distinction .
La preuve étant aussi très- difficile , j'ordonnai au commandant
général Las Des Amarillas , commandant du poste du centre
d'où la colonne de l'attaque était partie , de la faire décimer
afin que ceux qui avaienthonteusement abandonné leurs armes ,
fussent passés par les armes , qu'on fit passer les autres ave
des quenouilles devant l'armée , et qu'ils fussent envoyés aux
présides pour le reste de eur engagement , et j'ai fait une
ordonnance , dont je joins ici la copie . Cette ordonnance
porte qu'il sera infligé des punitions à tous ceux qui abandonneront
leur poste , ou qui , dans le cas que leur bataillon
soit battu , ne s'y réuniraient pas a portée du canon de l'endroit
où il se serait trouvé ; pareillement à ceux qui auraiens
jetté leurs armes. " ,
Le général ajoute : La consommation d'armes a été telle
dans les trois armées , y compris l'armement dss paysans , que
depuis le commencement de la guerre on a livré des magasins,
royaux 186,326 fusils , savoir 89,425 aux armées , et 96,10 %
aux payans. "
La décimation dont parle la Union a été prise d'abord sur
un nombre de cinquante des plus coupables . Il devait en être
fusillé cinq. Mais le général Forbes qui commande les troupes
portugaises , a intercédé pons trois des condamnés ; deux seuls
ont été exécutés .
Au milieu de ces revers , le cabinet a reçu une nouvelle
qui a dû lui être très -agréable. Le convoi de la Havanne viens
d'entrer pour la plus grande partie à Cadix . On mande en
outre de ce lieu , que le brigadier Melgarejo doit mettre incessamment
à la voile avec sept vaisseaux de ligne et une
frégate , pour renforcer l'escadre stationnée dans la baye de
Rosas.
Un bâtiment du port de Cadix est allé porter aux Anglais
an million de piastres , en payement des 100,000 fusils qu'ils
fournissent.
h
( 206 )
Le 27 octobre , il s'est tenu un conseil extraordinaire dont
l'objet était de délibérer sur la levée des 30,000 hommes
dont on a indispensablement besoin pour continuer la guerre ,
et qu'il paraît qu'on ne pourra avoir qu'au moyen d'un recru
tement forcé. On juge assez , d'après cette mesure , quels
soldats ce seront.
· C'est le général Ruby qui remplace le comte de la Union
dans le commandement de l'armée de Catalogne ; on espere
qu'il sera plus heureux que son prédécesseur.
ITALIE.
Suivant des lettres de Turin , du 20 novembre , on craint
la disette dans le Piémont , et par conséqueat on a prohibé ,
par de nouvelles lois , la sortie de toute espece de grains . Le
gouvernement a aussi publié diverses instructions relatives à
l'armement général . Mais , malgré ces préparatifs de guerre
on continue toujours à parler de paix à Turin , et même il y
a des paris qu'elle aura bientôt lieu . Cependant la position de
Ceva étant menacée d'une attaque générale , le gouvernement
ya envoyé en toute hâte le général Colii.
•
Les Français , après avoir fait quelque butin , et avoir fouragé
à Batifolo , Daguosco et Ramparato , se sont retirés vers
Garesio . Le général piémontais avait rassemblé en douze heures
de grandes forces à Ceva et à Mondovi. Il y a vingt bataillons
dispersés dans les environs , et douze à Mondovi , prêts à se
mettre en mouvement au premier signal.
On mande de Saint - Flarent en Corse , en date du 18 , que
l'amiral Hotham y était encore , mais qu'il était disposé à lever
l'ancre le lendemain , pour se porter devant Toulon avec quan
torze vaisseaux de ligue , parmi lesquels il en est cinq à trois
ponts , et plusieurs fregates. Le bruit courait que les Français
voulaient tenter une invasion en Corse . On y est occupé
depuis long- tems à fortifier les ports où ils peuvent tenter une
descente . Malgré ce que disent les Anglais du bonheur que les
Corses doivent goûter sous le gouvernement qu'ils leur ont
imposé , ils craignent qu'il n'arrive de grands mouvemens , et
prennent le parti de faire sortir de l'isle beaucoup d'individus
qu'ils croient propres à troubler ce nouveau royaume de
Georges III . Les mêmes avis ajoutent qu'il est arrivé de Gibraltar
deux vaisseaux chargés de munitions .
( 207 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISL
VENTION NATIONALE
NEX I RIWBIL.
·Séance du septidi , 27 Frimaire.
Un secrétaire lit plusieurs adresses de félicitations .
Lequinio , au nom du comité d'instruction publique , fait le
détail des exploits et de la mort gloriense du général Legros .
fusillė par ordre de Cobourg , à Raismes près Valenciennes. Il
demande , et la Convention décrete , que le nom du général
Legros sera inscrit sur la colonne du Panthéon .
Julien ( de Toulouse ) écrit à la Convention du fond d'un
désert , et lui expose qu'il n'a point à se reprocher de crime
envers la patrie ; que sa conscience est pure . Sous le regne de la
tyrannie son sort n'était point à plaindre , parce qu'il souffraid
pour la cause de la liberté et de la justice ; mais sous celui des
fois , il deviendrait horrible , son silence pouvant le faire présumer
coupable et l'idée du crime lui causerait la mort. Il demande
que sa conduite soit examinée ,
Clausel , Bréard et plusieurs autres membres demandent
l'ordre du jour sur cette lettre .
Daunon pense qu'on ne peut avoir deux poids et deux mestres
, il observe qu'un décret porte que les comitês feront un
rapport sur tous les députés mis hors de la loi , et que Julien est
du nombre ; il opine pour le renvoi aux comités . Ce renvoi est
décrété.
L'ex-général Kellermann écrit que le tribunal révolutionnaire
l'ayant acquitté , il se croit fondé à réclamer sa réintégration
dans ses fonctions , le paiement de ses appointemens et des indemnités
pour la perte de ses équipages. Renvoyé aux trois comités.
Sur la proposition de Lakanal , au nom du comité d'instruction
publique , le citoyen Deleyre est nommé représentant du
peuple auprès de l'école normale.
Ramel , au nom du comité des finances , soumet un projet de
décret sur les contributions de 1794. Une assez longue discussion
s'engage , après laquelle on décrete seulement que les directoires
de district statueront sur toutes les demandes en dégrevement,
décharges ou réductions , remises ou modérations, formées
antérieurement à la publication de la présente loi , soit par les
communes ou les particuliers , sur la contribution fonciere des
exercices de 1791 , 92 , 93 , et ce nonobstant toute expiration
( 208 )
de délai , et sans être astreints à suivre les évaluations des mad
trices des rôles .
Merlin ( de Douay ) , au nom des trois comités . ‹i Vous avez
chargé vos trois comités de vous faire un rapport sur les dé
putés mis hors de la loi ou décrétés d'accusation . Ils ont porté sur
cette affaire un examen aussi sévere que sur vos 73 collégues que
vous avez fait rentrer dans votre sein . Ils n'ont vu que la patrie ,
le salut du peuple , le triomphe de la liberté et la consolida
tion de la République ; ils vous proposent de décréter qu'aucun
des deputés mis hors de la loi ou décrétés d'accusation par décret
des 28 juillet et 3 octobre 1793 , à l'exception de ceux qui
sont rentrés le 18 brumaire , ne pourra siéger dans la Convention
nationale , mais qu'il ne sera fait aucune poursuite
contre eux par les tribunaux . ,,
2
Ce décret est à peine entendu qu'il excite une grande fermentation
: Aux voix disent les uns ; la question préalable
les autres . Un membre demande l'impression et l'ajournement.
Merlin le 18 frimaire on n'a demandé ni l'impression ni
l'ajournement ; voulez - vous donner à l'opinion publique une
direction subversive du gouvernement ? voulez-vous faire dire
à la malveillance que vous n'avez fermé les portes des jacobins
que pour ouvrir celies du Temple ?
Plusieurs membres insistent pour l'ajournement . Legendre : Si
la discussion s'engage , il faudra aborder la vérité avec énergie et
déchirer tous les voiles . Mais cette discussion sera une calainité
publique ; le bonheur de mon pays la salut de ma patrie
exigent que ce décret soit adopté. Je ne sais comment ont réflé
chi les grands politiques ; je me suis représenté ceux qui sont
allés l'année derniere dans les départemens , qui s'y sont montrés
à la tête de la force armée , qui ont mis le poignard à la
main des citoyens égarés . On demande à répondre , et l'appel
nominal.
Clausel : L'aristocratie veut de nouveau diviser la patrie par ·
un appel nominal .
Le tumulte redoublant , le président se couvre plusieurs fois
les propositions se multiplient et se croisent . Boissieux :
Sommes- nous encore sous le regne de Robespierre ? où est la
liberté d'opinion ? Penières : C'est ainsi que sans discussion on
a envoyé Camille Desmoulins et Phelippeaux à l'échafaud. Un
membre : Que les députes dont il s'agit soient envoyés au tri
bunal révolutionnaire.
Enfin , le président consulte l'Assemblée sur les diverses
propositions faites , et après plusieurs épreuves l'ajournement
est rejetté , et le décret présenté par Merlin ( de Douay ) est
adopté.
Séance d'octidi , 28 Frimaire..
Le comité des finances a pris un arrêté le 24 par lequel
il accorde aux citoyens qui ont été détenus , et qui sont créan
Ciers
( 209 )
N
ciers de la République jusqu'au 1er . germinal , pour produire
leurs titres de créances , à la charge par eux de justifier de
leur détention . Les procureurs fondés et chargés d'affaires ,
qui sont dans le même cas , jouiront du même délai сп
faisant la même preuve, c
*
Le comité de sûreté générale a pris aussi un arrêté le 27 ,
par lequel il prononce qu'il n'accordera aucune mise en
liberte aux ci -devant prêtres détenus , jusqu'a ce que les
fêtes décadaires soient décretées et organisées .
2. Lecointre ( de Versailles ) expose que le 26 de ce mois ,
le tribunal révolutionnaire a rendu un jugement qui condamne
à mort trois individus convaincus d'assassinats et d'actes
arbitraires , et qui acquitte 26 autres individus , convaincus
ségalement d'actes arbitraires et d'avoir assassiné des enfans et
des femmes enceintes . Le tribunal a cru qu'il n'était competent
que pour les faits contre - révolutionnaires et quoiqu'il fût
convaincu de leurs crimes , comme ils n'étaient pas contre-revolutionnaires
, il a jugé ne pouvoir leur infliger de peine . il
ajoute que personne ne voulant tolerer l'assassinat , il domande
s que le comité de législation présente un projet de décret
pour que ces hommes soient renvoyés au tribunal criminel de
leur département , qui les jugera conformément aux lois .
Un membre dit qu'on ne peut pas traduire devant les tribunaux
des accusés deux fois pour le même delit , Il, pense que
ceux don il s'agit ont été acquittés , parce qu'il n'etait pas
constant qu'ils eussent commis ces délits dans des intentions
criminelles .
Breard appuie la proposition de Lecointre , et ajoute qu'ils
sont encore convaincus de malversations . Il craint que les femmes
et enfans des noyes et des fusillés ne soient insulies par
leurs bourreaux . Il demande le renvoi au comité de sûreté gc.
nérale pour prendre des mesures . ...
La Convention réunit les deux propositions . Elle décrete le
renvoi aux deux , comités de législation et de sûreté générale , et
provisoirement l'arrestation de ces 26 individus .
Bourdon ( de l'Oise ) : Je n'accuse point le tribunal révolutionnaire
, mais je rappelle à la Convention - que les pouvoirs
ne peuvent rester long-tems dans les mêmes mains sans dinger
pour la chose publique ; le danger est encore plus grand forsqu'il
s'agit de ceux qui ont entre les mains le sort de leurs concitoyens
. La Convention avait décrété que le tribunal revolutionaire
serait renouvellé tous les trois mois ; ce décret a été
rapporté , je ne sais sous quel prétexte . Je crois qu'elle ne
peut se dispenser aujourd'hui de rappeller le principe et de décréter
ce renouvellement , en chargeant le comité de législation
d'en présenter le mode .
La motion de Bourdon est très applaudie et décrétés .
Lecointre y ajoute celle de suspendre l'exercice de ses fonetions;
cette secunde proposition est également adoptée .
Tome XIII,
( 210 )
Dubois - Crancé , au nom du comité de salut public , fait
lecture de la proclamation qui avait été décrétée deux jours
auparavant , concernant les demandes de congés faites par
nos freres d'armes qui sont aux frontieres , et de la rédaction
du décret dont elle est suivie , conçue en ces termes :
Art. 1er. Il ne sera dorénavant , et jusqu'à nouvel ordre ,
accordé de congés qu'aux militaires qui seront dans le cas
désigné par la loi du 2 thermidor dernier , et qui s'y seront
tonformés.
99 11. Tout militaire qui aurait obtenu un congé de plus
de trois décades , sera tenu de se rendre à son corps dans
le délai d'un mois , non compris le tems de la route déterminé
par
la loi. "
Le Lycée des arts présente à la Convention une nouvelle
découverte à l'aide de laquelle un seul homme coupe et ràmasse
en un seul jour une grande quantité de blé,
Mention honorable.
Guyomard demande que le rapport sur la loi du maxim m
soit fait le lendemain . I observe qu'une loi qui se viole
Ouvertement est nuisible , parce que les bons citoyens tâchent
de s'y conformer , et les méchans ne l'exécutent pas . Merlin
( de Douay ) annonce que les comités s'occupent nuit et jour
de ce travail important , et qu'il sera fini incessamment . L'Assemblée
décrete que le rapport sur cet objet sera fait primedi.
Séance de nonidi , 29 Frimaire.
Les administrateurs du district de Boulogne - sur-mer félicitent
la Convention nationale sur le rappel des 73 députés
proscrits , disent-ils ,, par la faction à qui leur vertu faisait ombrage
.
Le conseil général de la commune d'Abbeville lui écrit que
les citoyens respirent enfin , puisque les égorgeurs , les
noyeurs , les fusilleurs et les voleurs sont anéantis : Ils l'invitent
à continuer de frapper d'une main hardie tous ces scélérats ,
et l'assurent de l'appui de tous les bons citoyens qui la soutiendront
au péril de leur vie-
Mention honorable , insertion au Bulletin.
Les membres de la société populaire de Lille font part à la
Convention des mêmes sentimens et en obtiennent le même
prix.
Le citoyen Pinglin , homme de lettres , présente une pétition
à la Convention , daus laquelle il expose que le premier
besoin de l'homme est une saine logique qui preside à toutes
ses délibérations , qui dirige ses suffrages et lui fasse deviner les
piéges de l'ambition . Il pense avec de grands philosophes
que la politique et la morale sont susceptibles de démonstra-.
tions aussi rigoureuses que la géométric ; mais il a sur eux l'avantage
d'avoir trouvé la méthode pour y parvenir . Il a assez
approfondi l'art de raisonner pour le réduire à un seul pria(
211 )
cipe accessible à tous les âges et à tous les sexes. Il se propose
en conséquence d'ouvrir le 15 nivôse un cours public de nous
velle logique , et il demande un local convenable .
Mention honorable , renvoi au comité d'instruction pu
blique
Lacombe ( de l'Aveyron ) , au nom du comité des finances ,
fait décreter , 19. la liquidation des differentes créances de
communes , districts , départemens , corporations ecclésiastiques
ou religieuses , pays d'états , administrations provinciales , congrégations
, colleges , séminaires ; 2 °. que les dispositions
portées dans l'article III de la loi du 24 frimaire courant, relatif
aux créances des hôpitaux , seront étendues aux créanciers des
communes , districts , départemens , academics , école militaire,
colléges en dépendans , et autres col'éges .
Marec , au nom des comités de la marine , des colonies et
militaire rénnis , fait prolonger jusqu'au 1er . germinal prochain
le délai accordé aux officiers militaires et agens civils , soit de
terre , soit de mer , retires du service depuis le 14 juillet 1789 ,
et non pensionnés , pour déclarer le lieu de leur résidence ac
tuelle . Ce décret est trop important pour beaucoup de citoyens,
pour que nous ne l'insérions pas en entier :
“ Art. Ier . Le délai , dans lequel tout officier militaire et
agent vel , soit de terre , soit de marine , retiré du service
depuis le 14 juillet 1789 , et non pensionné , est obligé de déclarer
le lien de sa résidence actuelle , sous peine d'être incarceré
jusqu'à la paix , est prorogé jusqu'au 1ee , germinal
prochain.
,, II . Les déclarations de cette nature , reçues jusqu'à présent
par la commission du mouvement et de l'organisation des
armées de terre , de la part d'officiers militaires ou d'agens civils
, dependant de l'ancien département de la marine et des
colonies , seront sur le champ transmises à la commission de
marine et des colonies .
„ III . À l'avenir , cette derniere commission recevra exclusivement
les déclarations relatives , soit aux officiers militaires
soit aux agens et employés civils quelconques , précédemment
employés au service de la marine et des colonics.
" Quant à celles concernant les officiers militaires , agens et
employés civils quelconques , ci - devant attaches au service de
la guerre , elles continueront d'être reçues par la commission
du mouvement et de l'organisation des armées .
» IV. L'article II du décret du 13 brumaire est maintenu .
En conséquence tont militaire ou agent civil , mentionné cidessus
, sera tenu de remettre avant le rer , germinal prochain
an double de cette déclaration au comité révolutionnaire de sa
commune ou de son district , lequel en informera , dans les
trois jours , l'une ou l'autre desdites commissions99 .
On reprend la discussion sur les contributions directes . Les
articles décrétés ayant éprouvé des amendemens , nous ne pou
( 212 )
A
vons en présenter la substance que lorsque leur rédaction anra
été définitivement adoptée , nous annoncerons seulement qu'il
n'y aura point de contribution mobiliaire pour les huit mois
vingt-un jours de l'année 1794 ( vieux style ) .
"
Séance de décadi , 30 Frimaire.
啄驀
Les heureux effets du décret d'amnistie rendu en faveur
des rebelles de la Vendée sont aujourd'hui confiimés par
Ruelle , représentant du peuple près les armées des côtes de
Brest et de Cherbourg . La Convention a entendu deux fois
la lecture de cette lettre , qui porte en substance que par- tout
les rebelles paraissent se livrer à la joie. Ceux qui occupent
les bords de la Loire ont tout-à - coup converti leurs murmures
et leurs injures en conversations familieres avec pos
volontaires. Depuis deux jours , ils ont substitué à leurs cris.
continuels de vive le roi ! ceux de vive la République et
il y a tout lieu de croire que les intentions de la Convention
auront tout le succès qu'elle doit en attendre.
Plusieurs veuves dont les maris unt été condamnés réclament
la suspension de la vente des biens de leurs maris
attendu que l'on comprend dans cette vente leur propre mebilier.
Lecointre ( de Versailles ) prend la parole et dit que la
premiere partie de la pétition ne saurait être accueillie , d'après
le décret qui a rapporté celui qui ordonnait la suspension
provisoire de la vente des biens des condamnés ; mais
que la seconde est juste , que des secours sont dûs à ces
veuves , et que l'on doit faire la distraction des effets mobiliers
qui leur appartiennent avant de procéder aux ventes.
Cette proposition est décrétée.
Sur le rapport du comité des finances , la Convention rend
un décret relatif à l'exécution de celui du 17 fructidor derfier
, concernant la liquidation de la ci - devant nouvelle compagnie
des Indes , et qui explique plusieurs articles de ce
decret , et entr'autres de quelle maniere et sur quels fonds
sera perçu le montant des droits d'enregistrement et du triple
droit dû à la nation pour la mutation des actions .
Lecointre ( de Versailles ) : C'est dans la saison qui ne
permet plus aux guerriers d'occuper la campagne qu'ou deit
s'occuper des retraites dues aux militaires couverts d'honorables
blessures , et de marquer les places que doivent remplir
ceux qui doivent faire la campagne prochaine . C'est
présent que ces comités doivent opérer les réformes de cette
nuée d'officiers -généraux que la brigue , les cabales , l'esprit
de parti et de domination créerent en faveur de nos derniers
tyrans et de leurs complices ; officiers qui infectent nos armées
, et dont l'inexpérience , l'immoralité et la bassesse ont
fait tout le mérite , et qui , en dilapidant le trésor public ,
ent porté le désespoir dans le coeur de tant de braves mili
( 213 )
taires qui ont si bien servi la patrié depuis le commencement
de la révolution.
Lecointre demande que le comité de salut public s'occupe
sur - le - champ de ce travail . La Convention décrete que le
comité militaire lui présentera dans un mois le tableau des
officiers - généraux nécessaires pour le service des armées en
tems de guerre , et lui nommera ceux qui seront employés ,
de même que ceux qui seront destitués ou qui auront obtenu
leur retraite.
Clausel prend la parole pour une motion d'ordre . Il dit
que la Convention a déjoué toutes les manoeuvres des rois
jusqu'à présent , en terrassant toutes les factions , mais que
les complices de la derniere existent encore ; qu'il est maintenant
reconnu que cette faction s'étendait depuis Hebert
jusqu'à Robespierre , et que l'on ne jouira d'aucune tranquillite
tant que cette execrable clique ne sera pas anéantie . Il
parte de la défense de Ronsin que prit Collot- d'Herbois ' , de
sa mise en liberté et de celle de Rossignol , Vincent et autres
par l'ancien comité de sûreté générale . Il accuse Voulland en
particulier d'avoir favorisé Pache. Il fait part de la dénoncia
tion d'Elie Lacoste , portant que Robespierre avait proposé
aux comités de suspendre les séances de la Convention . Il
reproche à ces comités de n'avoir pas dénoncé cette scélératesse.
Enfin , il assure qu'il est constant que les décemvirs
tendaient à l'usurpation de tous les pouvoirs , et que sans
l'heureuse division qui s'est opérée parmi eux sur le choix
des victimes qu'ils devaient sacrifier , la France serait encore
couverte d'échafauds et de bourreaux , et que les têtes d'un
grand nombre de députés seraient tombées . Il les voit s'op
poser au jugement de Fouquier-Tinville , Bouchotte et Pache .
Clausel demande que le renouvellement du tribunal révolutionnaire
soit présenté demain , et qu'il s'occupe sans relâche
à les juger , et après eux les royalistes .
Ruamps s'écrie qu'il vaudrait mieux être Charrette que dé
puté. On demande qu'il aille à l'Abbaye . Il s'explique , et dit
qu'on a accordé une amnistie aux brigands , et qu'on poursuit
des députés pour une erreur .
Voulland nie d'avoir favorisé Pache et de l'avoir embrasse
dans sa prison. Il déclare qué ce n'est pas son opinion qu'il
a émise à la tribune sur Konsin et Vincent , mais celle du
comité dont il était l'organe , que leur mise en liberté était
alors une mesure utile , et qu'elle est devenue l'écueil contre
lequel ils se sont brisés .
-Dumont ( du Calvados ) s'étonne que les comités de gouvernement
qui faisaient trembler tous les citoyens eussent
peur de Rensin , Vincent et des cordeliers .
Bourdon rappelle la loi du 12 brumaire dernier , portant
que toutes les denonciations de ce genre seront renvoyées aux
comités que la Convention a chargés d'en connaître. Il
J
0 3
( 214 )
demande l'exécution . Le renvoi du tout est décrété. Le reste
de la séance est employé à entendre les réclamations des particuliers
.
Séance de primedi , 1er, Nivôse.
Un secrétaire fait lecture de la lettre des représentans du
peuple dans le département des Bouches - du - Rhône . Ils y
rendent compte de l'état de l'esprit public qui s'ameliore de
plus en plus , et de celui du commerce de Marseille. Ils
assurent la Convention qu'il ne tient qu'à elle de donner au
commerce de cette ville toute son activité . Les negocians ne
demandent pas une liberté illimitée , parce qu'ils savent que
les circonstances s'y opposent ; mais ils voudraient être traités
comme les négocians des Puissances neutres. Frappés , disent
les représentans , de la mauvaise qualité du pain , nous avons
voula en connaitre la cause , et nous avons reconnu que nos
agens dans l'étranger n'achetsient que des blés avariés . Ceux
que nous apportent les négocians des puissances neutres sont
beaucoup superieurs en qualité , et coûtent moins . Que la
Convention decrete que le blé importé par
les négocians
français , pourra être vendu au même prix que celui qui l'est
par les étrangers , et bientôt la concurrence fera économiser
des millions au gouvernement , et le Midi ne manquera pas
de subsistances . Que les faiseurs de requisitions n'accumulent
plus dans les magasins les matieres premieres , où elles se
gâtent. C'est par une suite de ce systême que les fabricans
de savon , émigrés de Marseille et etablis à Gênes et à Lis
bourne , nous vendent leur savon trois ou quaire francs la livre
et que nos fabricans restés fideles à la patrie n'ont pas la faculté
de le vendre 40 sous.
Cette lettre cat renvoyée au comité de salut public ,
Le représentant du peuple dans les départemens de l'Yonne
et de la Nievre écrit aussi , que toutes les mesures sont prises
pour l'approvisionnement de Paris en bois et charbon , et que
70 mille voies de bois sont prêtes à partir. La suspension de
cette branche de commerce ne peut être attribuée qu'aux vexations
de tout genre qu'ont éprouvés , de la part des patriotes
de fraîche date , les entrepreneurs de flottage , et les entraves
qu'y ont mises ceux qui ne s'occupaient que d'embastiller
pour assouvir leurs passions et non pour servir la chose publique.
Le représentant demande pour les onvriers qui ont bravé
toutes les intempéries de la saison et montre un zele opiniâtre
et infatigable une récompense plus flatteuse que les gratifications
pécuniaires , c'est- à - dire la mention honorable de leur zele
et l'insertion au bulletin .
L'une et l'autre sont accordées.
Sur la proposition du comité des seconrs publics , la Convention
décrete le payement des pensions accordées aux mili(
215 )
aires suisses licenciés , qui montent à deux cents quarante trois
mille liv. , et accorde une prolongation de delai jusqu'au 1er ger
minal à ceux qui n'ont pas encore fait toutes les justifications
requises .
Eschasseriaux propose et la Convention décrete que les comités
de salut publie , de législation et des finances réunis
lui feront dans trois jours un rapport sur le mode d'exécution
de la loi du 27 frimaire dernier qui met sous la main de
la nation les propriétés des peres et meres d'émigrés et suspend
la vente desdits biens .
Chenier , au nom du comité d'instruction publique , préseute
un projet de loi sur les fêtes décadaires. Il expose tous
les dangers des préjugés sur-tout religieux , qu'il faut néan
moins combattre avec la raison et non avec les armes ; si lə,
fanatisme persécute , il court à sa perte ; s'il est persécuté
on lui prépare des triomphes . Les gens à redouter sur - tout
sout ceux qui cherchent à unir le sceptre et l'encensoir. Voici
les bases de ce projet ; une fête civique aura lieu chaque
décadi , en plein air si le tems le permet. Elle commencera
par des intructions morales faites par des peres de famille on
des officiers municipaux . Ils feront lecture des lois rendues
dans la décade , et la fête se terminera par des chansons patrioiques
, des danses et autres exercices .
Après Chénier , Grégoire a pris la parole et prononcé un
discours relatif à la liberté des cultes . Il convient que la loi qui
asure cette liberté existe ; mais il demande que les auto ités
constituées en garantissent l'exécution ; il ne croit point que le
culte catholique en particulier soit incompatible avec les principes
et les lois republicaines . Il pense qu'on s'est trop servi
des mots superstition et fanatisme pour persécuter. Il établit
que la liberté n'est pas stable dans les pays où les cultes me sons
pas aussi libres que la presse , et il cite les états républicains
qui jouissent de cette liberté.
Clausel s'écrie qu'on veut ressusciter les prêtres , un autre
qu'on veut la guerre civile .
Legendre obtient la parole , et dit qu'il nous croyait assez
avancés en révolution pour ne pas entendre un pareil discours ,
et que la véritable religion républicaine est d'être bon pere , bon
fils et bon époux . Il cite le trait de Charles IX qui tira sur le
peuple . Il croit le discours de Grégoire dangereux , et il demande
l'ordre du jour qui est adopté ,
PARIS. Quartidi , 4 Nivôse , 3º . année de la République.
Le public qui a suivi avec attention la procédure contre les
complices et les instruments de la férocité de Carrier , a đâ
être étonné de l'extrême indulgence du tribunal révolutionnaire.
(( 2162 )
Jamais instruction n'a produit un foyer de preuves plus lundi
Heux sur cet amas de crimes dont ils ont souillé l'humanité. La
conduite que les accusés acquittés ont tenue apres leur jugement
, acheve de confirmer l'idée qu'on en avait conçue . Au
lieu de se rauferiner dans la contenance humble et modeste qui
convenait à des hommes échappés au glaive de la justice , ils.
n'ont pas été mis en liberté qu'ils se sont repandus insolem-.
ment dans tous les lieux publics en se livrant a des orgies ,
et en insultant par les propos les plus inconsidérés à l'indignation
publique . Aussi le décret qui a ordonné leur arrestation
a été regarde comme un acte de morale publique . Il cût
été trop dangereux de laisser au milieu de la société , des
hommes aussi pervers et aussi endurcis au crime. Ils ont tous
été repris au nombre de 26.
On avait craint d'abord que ce décret d'arrestation ne les fiti
mettre de nouveau en jugement . Quelque coupables que puissent
être des accusés , du moment qu'ils ont été acquittés ils
ne peuvent plus être recherchés pour les mêmes délits ; c'est
un principe dont il ne faut pas s'écarter même en révolution
autrement il n'y aurait plus de termes où un homme absous
pourrait se flatter d'atteindre la sécurité . Il serait également
dangereux pour la liberté individuelle dont se compose la
liberté publique , si des jurés se trouvaient influences dans leur
conscience par la moindre autorité . Ces alarmes que les amis
des principes et de la liberté avaient pu concevoir sur cette
remise en jugement se sont entierement évanouis . On a su que
la mesure de la Convention ne s'étendait pas au-delà de leur
arrestation que l'on devait à la sûreté entiere de la ville de
Nantes , et au juste ressentiment de plus de 20 mille familles .
On assure qu'un courier extraordinaire est parti pour aller
porter à Nantes la nouvelle de cette arrestation .
Les citoyens Dubuisson , Rambour et Guichaut-Lyon , jurés
au tribunal révolutionnaire dans l'affaire de Carrier , nous invitent
à publier qu'ils n'ost point opiné pour le jugement qui
absout les Nantais . ils ont declaré que les faits étaient cons
tams ; que les accusés Carrier , Grandmaison , Pinard , Goulin ,
Chaux , Robin , d'Herou et Forget étaient convaincus d'en
être les auteurs , et que leurs intentions étaient criminelles
et contre- révolutionnaires .
Il semble que le discours da Grégoire sur la liberté des
cnltes aurait dû éprouver moins de défaveur . Serait-on asseź
peu avancé en principes pour n'être pas convaincu que
les opinions religieuses sont une partie de la liberté indivi
duelle dont on ne peut pas plus priver un citoyen que de ses
autres droits ? aurait-on oublié l'article de la déclaration des
droits qui garantit la liberté des cultes P. Il est probable que la
Convention n'a pas regarde les circonstances actuelles comme
assez favorables pour appeller l'attention sur des idées
( 817 )
dont le fanatisme , l'intrigue et la superstition ont tant abusé
dans le cours de la révolution , ou que l'auteur du discours
aura laissé percer une sorte de préférence pour le catholicisme
auquel il ne serait pas sans danger d'accorder une prédilec
tion. Personne ne doute que la liberté des cultes ne doive
être illimitée ; mais s'il s'agit d'en fixer la garantie par des régle
mens , c'est une matiere trop délicate et trop importante pour
-être traitée d'une maniere accidentelle et inopinée ; cet objet
tient à l'ensemble des lois constitutionnelles , et aux moyens
de gouvernement qui ne sont point encore définitivement organises
, et qu'il faut marir dans des méditations sages et pros
foudes. Voilà sans doute ce qui aura fait passer à l'ordre du
jour sur la motion de Grégoire que l'on aura jugée être prématurée
; il ne faut jamais traiter incidemment , et comme par
saccades , des questions qui se lient à la grande chaîne de la
police du gouvernement. C'est une erreur dans laquelle est
tombée trop souvent l'Assemblée constituante.
*
La Convention s'occupe en ce moment de la discussion sur
le rapport de la loi du maximum . Cette mesure sera incomplette
et inefficace , si l'on ne se bâte de redonner au commerce la
plus entiere liberté , si l'on n'assure la libre circulation des denrécs
et marchandises , si l'on ne révoque les requisitions derriere
lesquelles les vendeurs se retrancheraient pour faire hausser
le prix des choses , si la concurrence n'est pas encouragée ,
si le gouvernement n'ouvre lui-même ses magasins pour faire
baisser par
des prix inférieurs , et même des sacrifices , le surhaussement
vers lequel la cupidité se laisserait entrainer , a si
l'on ne supprime toute espece de droits sur l'importation de
l'étranger , et si l'on ne favorise par des primes quiconque fera
entrer dans la République des denrées et autres objets de premiere
nécessité . Toutes les choses se lient et ont catre elles
une influence réciproque .
J
Tous les papiers publient la mort de Condorcet , dont la
Voix publique nous avait instruits depuis long - tems .. Nous
donnerons dans le prochain numéro quelques détails sur les
circonstances de cet événement tragique qui a prive la France
et l'Europe d'un savant distingué et d'un ami instruit de lă
liberté .
Dans le tems qu'on faisait mouvoir à Paris les ouvriers employés
aux manufactures d'armes , on excitait à Versailles des mouve
mens dont le renchérissement du pain était l'occasion . A la suite
de ces mouvemens , le maire de cette commune nommé Gravoi ,
s'est brûlé la cervelle . On avait répandu qu'un officier municipal
avait disparu , et l'on croyait qu'il s'était jetté dans la Seine.
Cet événement à fait présumer d'abord que ces fonctionnaires
avaient des reproches graves à se faire ; mais le représentant
du peuple Charles Lacroix , envoyé dans cette commune pour
( 918 )
y rétablir l'ordre , a écrit à la Convention que la conduite du
maire a été jugée avec trop de précipitation , et qu'il ne s'est
donné la mort que pour ne pas survivre au mépris que ses ca❤
lomniateurs avaient provoqué sur sa tête. Il ajoute qu'il est
faux qu'un officier municipal ait disparu .
Il parait trop évident que les restes du parti de Robespierre ,
qui se compose de tous ceux qui ont pris part à sa tyrannie ,
ou qui se sont gorgés de dilapidations , ne se tiennent pas
pour vaincus. Ils ont encore quelqu'influence sur la tourbe
des ignorans et des enthousiastes à qui l'on persuade que le
véritable patriotisme se trouve dans l'exaltation des principes
et des choses , et que hors de ce cercle d'erreurs ou de crimes
tout est aristocratie et contre - révolution . La masse de l'opinion
publique est loin de partager ces idées extravagantes ou conpables
; mais l'expérience de la révolution doit avoir appris
à connaître l'esprit et la tactique des meneurs ; ils ne manqueront
pas d'épier ou de faire naître toutes les circonstances qui
pourront redonner à leur parti le degré d'influence dont ils
n'ont pas perdu tout espoir. C'est aux comités de gouvernement
à les surveiller sans relâche . Il n'y a que la force permanente
de la Convention qui puisse écraser les dernieres têtes
de l'hydre. La moindre faiblesse nous replongerait encore dans
les maux dont elle a été l'unique cause .
MARINI E T СоммERCE .
Etat des forces navales qui se trouvent dans le port de Brest , en
état de faire voile.
Premiere division . Le Tourville , de 74 canons ; la Montagne
, de 118 ; le Marat , de 74 ; deux frégates , un bricq.
Seconde division . Le Gasparin , de 74 ; le Neptune , de 74 ;
la Révolution , de 74 ; deux frégates , une corvette ?
Troisieme division . Le Superbe , de 74 ; le 9 Thermidor
de 80 ; l'Alexandre , de 74 ; une frégate , unë corvette , un
cutter.
Quatrieme division . Le Gemmappe , de 74 ; le Majestueux ,
de 118 ; l'Aquilon , de 74 ; deux frégates .
Cinquieme division . Le Montagnard , de 74 ; le Scipion , de
80 ; le 31 Mai , de 74 ; une fregate , une corvette .
un
Sixieme division . Le Patriote , de 74 ; le Républicain , de
110 ; l'Entreprenant , de 74 ; une frégate , un cutter ,
bricq.
Septieme division. La Convention , de 74 ; le Terrible , de
118 ; le Lepelletier , de 74 ; deux fregates , une corvette .
Huitieme division . Le Redcutable , de 74 le Révolutionnaire,
de 110 ; le Nestor , de 74 ; nne frégate , une corvette.
Neuvieme division . Le Trajan , de 74 ; l'Indomptable , de-
80 ; le Tyrannicide , de 74 ; une frégate , une corvette .
( 219 )
Escadre légere.
Premiere division . L'Ele , de 74 ; lè Jean -Bart , de 74 i
l'Audacieux , de 745 le Tigre , de 74.
Deuxieme division . Le Zlé , de 74 ; le Mutius Scévola , de
74; le Teméraire , de 74 ; les Droits de l'homme , de 74.
Total , 38 vaisseaux ; 13 frégates , 6 corvettes , 2 bricqs .
On écrit de Brest , en date du 25 frimaire , que l'escadre
dont on vient de parler est sortie de cette rade . Elle est
conmandée par l'amiral Villaret -Joyeuse , et elle a à bord
deux représentans du peuple , dont l'un est Trehouard , excellent
mariu , et que Carrier avait défendu de reconnaître ,
lorsqu'il était dans le département du Morbihan .
On écrit du port de la Montague que la division de notre
escadre , composée de six voiles et commandée par le citoyen
Perte , est arrivée sans obstacles à Alger et à Tunis elle a
fait dans sa traversée plusieurs prises qui sont entrées dans
nos ports.
Le représentant du peuple Jean- Bon-Saint-André vient de
finir l'organisation civile de la marine , et dorénavant il y
aura plus de méthode dans les opérations et plus de célérité
dans les travaux , puisque les movemens du port seront
dirigés d'une maniere plas particuliere . Le vaisseau le For
milable , de 80 canons , sera lancé à l'eau le mois prochain.
}
L'escadre stationnée dans ce port est prête à mettre à la
voile au premier signal . On a licencie tous les bâtimens particuliers
que depuis quelques mois on ' avait mis en requisition
.
Le représentant du peuple Leyris écrit à la Convention
que les ports de la Rochelle et de Rochefort sont remplis
de richesses immenses provenant des prises fiates sur les ennemis
de la République , et qu'il s'occupe du soin de faire
refluer dans l'intérieur la majeure partie de ces richesses
parmi lesquelles il se trouve beaucoup de productions coloniales
.
On mande du Havre qu'on y a reçu de Brest une quantité
immense de semblables productions , parmi lesquelles la
fenille maritime de ce port désigne seulement pour une semaine
4800 quintaux de sucre brut on terré. Cet avis peut être
utile aux accapareurs d'une telle dearée , et aux consommateurs
qui en manquept.
( 220 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
PYRÉNÉES ORIENTALES .
Proclamation, du général en chef provisoire.
chLe gouvernement espagnol s'est depuis trois ans couvert
de tous les crimes ; il s'est joint aux tyrans de l'Europe
pour déclarer la guerre à la République qui voulait la paix ;
il a massacré les Français au- delà des mers ; il a arraché dans
le Roussillon des femmes et des vieillards de leurs foyers
pour les trainer dans les prisons de Barcelonne'; il tourinente
et tait perir nos prisonniers ; il a manqué à la bonne- foi , au
droit sacré des gens , en n'exécutapi pas la capitulation de
Collioure ; c'est lui qui a attire la guerre dans ces contrées
d'où la valeur des armées françaises vient de le
chasser.
Ses armées sont en fuite , et ses places en notre pou.
voir ; et malgré tant de sujets de vengeance , vous n'avez point
à craindre de justes représailles . Beaucoup de vous , trompés
par les calomnies atroces , les perfides insinuations de nos
ennemis , ont inconsidérément abandonné leurs foyers , leurs
propriétés , pour suivre les Castillans , et trouver parmi eux
le mépris et la misere . Pour vous , qui êtes restés , vous avez
le droit d'attendre de nous , et je vous assure , au nom de la
Republique Française , paix , justice et protection ; je l'assure
a ceux qui , revenus de leur égarement , et plus eclaires sur
leurs véritables intérêts , s'empresseront de venir jouir , au
milicu de nous , du bonheur et de la tranquillité que leur
assurent mos victoires .
"
" Cependant , nous n'en pouvons douter , plusieurs de nos
ennemis se cachent parmi vous et se disposent à saisir le
moment où ils croiront pouvoir abuser , avec impunité , de
l'indulgence et de la générosité du Peuple Français . La prudence
doit prévenir leurs crimes , qui entraîneraient des malheurs
incalculables . Les habitans sages amis de l'ordre, et
de la justice , doivent être forts de la présence des défenseurs
des droits de l'homme ; les méchans seuls doivent trembler.
En conséquence , tous les habitans de Figueres et dès
villages occupés par l'armée française , sont tenus , sous peine
de mort , et sitôt la présenter connue , de déposer toutes les ?
armes qu'il pourront avoir de quelque nature qu'elles soient :
savoir , les habitans de Figueres aux mains du commandant des
ladite place , qui leur désignera le lieu où ils devront les déposer ,
ceux des villages aux mains des différens commandans qui
s'y trouvent établis .
Le commandaut de la place de Figueres , ceux des diffé
( 221 )
rens villages , demeurent responsables de l'exécution de cette
mesure. 1
,, Au quartier-général de Figueres , le 13 frimaire de l'an
troisieme de la République , une et indivisible. Le général en
chef provisoire. " 1
7p noite
Signé , PERIGNON.
1 *
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Extrait de la procédure commencée contre Fouquier Thinville ,
le, 28 frimaire.
f.
Après la lecture de l'acte d'accusation , l'accusé a dit : La prévention
et la calomnie m'accablent ; j'invite Faudience à me
laisser proposer avec calme mes moyens .de defense ; j'espere
qu'ils ne laisseront à mes ennemis que la honte et l'infamie
dont ils ont voulu me couvrir .
919
A
5 Wolf, commis - greffier du tribunal . a dit ; Un jour je vis
Fouquier -Tinville à la buvette , avec des jurés . On faisait des
plaisanteries sur la guillotine et les guillotines . L'accusé disait :
A tant par jour , cela donnera quatre à cinq cents par decade ,
et les jurés applaudissaient . 9.1
Il avait pour intime ami Fleariot- Lescot , maire de Paris . On
se rappelle que le 9 thermidor la commune conspiratrice de
cette ville , Robespierre et ses complices furent mis hors de la
loi. Plusieurs de ces conspirateurs furent amenés le lendemain
au tribunal , pour constater l'identité de leurs personnes , et
ensuite être livrés à l'exécuteur . Fouquier-Tinville requit l'exécution
de la loi contre neuf à dix des conjurés . Ensuite il y eut
une suspension , pendant laquelle Fouquier et le président se
retirerent. Liendon , substitat de Fouquier, prit sa place , et alors
on amena le maire de Paris , contre lequel sans doute Fonquier
n'avait pas voulu requérir la peine de mort , comme étant son
intime. Il revint quelque tems après en habit de couleur , et s
plaça à côté de Liendon .
Après l'affaire de Danton , de Camille Desmoulins et autres
commença l'usage de mettre en jugement les aacusés par soixantaine
. Mais il ne fut pleinemeut adopté que lorsque Robespierre
et ses partisans erurent ne devoir plus prendre la
peine de déguiser leurs horribles attentats . C'est à cette époque
que Fouquier fit enlever les tables qui sont au pourtour de la
salle , pour y établir une quantité de gradins qui s'élevaient
jusqu'à la corniche du plafond , all'effet d'y recevoir un plus
grand nombre de victimes . On les ramassait indistinctement
dans toutes les prisons , et le nombre de celles qu'on mettait en
jugement , était de soixante à soixante- dix ; et , pour rendre ces
opérations plus expéditives , à commencer du 22 prairialjusqu'à
( 222 )
la suppression du tribunal de Robespierre , Fouquier faisait
faire au greffe , la veille ou le matin du jugement , des listes qui
contenaient les noms et qualités des accuses on en remettait
une à chaque juré et à chaque juge , afin de les dispenser d'en
écrire les noms.
Il y avait dans l'acte d'accusation qui servait à faire ces listes ,
des numéros qui n'étaient pas remplis , où les noms et prénoms
étaient en blanc , et quelquefois il n'y avait que le numéro.
Les huissiers couraient toutes les prisons pour rassembler les
victimes portées sur ces listes fatales . Un garçon de bureau
était uniquement occupé à cette recherche. Souvent on ne les
trouvait pas ; et de - là ces lacunes qui existaient dans ces
listes , qu'on lisait à l'audience , et qui n'étaient qu'un appel
nominal. On remettait la veille ou le matin du jugement l'acte
d'accusation à ceux des prisonniers qui arrivalent ; quelquefois
même on ne leur signifiait pas , et souvent un témoin
était arrêté dans la salle , mis à l'instant au rang des accuses et
jugé.
Après que l'on ent fait courir le bruit que Robespierre et
Collot- d'Herbois avaient été assassinés , ou tamassa tous ceux
qu'on pût trouver , jusqu'au nombre de quatre-vingt , pour les
mettre en jugement . Peu on point de témoins furent entendus
dans cette affaire . Les accusés pris indistinctement dans les
différentes prisons ne se connaissoient pas , et l'Amiral n'avait
jamais vu la malheureuse famille Renaud ; tous cependant
étaient présumés avoir assassiné Robespierre et Collotd'Herbois
.
Dumas , tenant sa liste à la main , disait à chacun des accusés :
Avez-vous connu la conspiration ? Non , répondait chacun d'eux.
un autre , reprenait Dumas , et ainsi successivement ; et lorsque
ces malbeureux voulaient faire quelques observations , tu
n'as plus la parole , leur disait Dumas . S'ils insistaient , ils
étaient mis hors des débats . Cette opération se commençait à
dix heures du matin , et déja elle était finie à onze heures ou à
midi. L'accusateur public prononçait qu'ils étaient coupables
de l'assassinat de Robespierre et de Collot-d'Herbeis ; les jurés
se retiraient dans leur chambre , et un quart d'heure après , ils
revenaient faire leur déclaration , en leur ame et conscience . Le
président prononçait le jugement en l'absence des accusés ,
qu'on ne faisait pas remonter , dans la crainte qu'ils ne se livrassent
à quelques excès ; on les rassemblait tous dans la pri
son ; un greffier leur lisait leur jugement , et on les conduisait
de suite à la guillotine .
J'observe , a dit le témoin , qu'on mettait en jugement des
malades hors d'état de répondre aux interpellations qui leur
étaient faites ; entr'autres , d'Ormesson de Noiseau , qui , par
une chûte ou autre accident , était tout couvert de blessures
, et qu'on apporta à l'audience sur une civiere , moitié
( 223 )
mort et méconnaissable ; il fut jugé et condamné avec les autres
parlementaires.
Un jeune homme de dix-huit ans , qui affirmait n'en avoir
que dix- sept , fut condamné comme contre - révolutionnaire . Le
lendemain , sa mere fut mise en jugement . En montant sur ses
gradins , d'où son fils avait éte envoyé à l'échafaud , ɛon sang se
glaça , ses cris redemandaient son fils ; elle tomba évanouie . On
l'emporta dans la salle des témoins , où elle resta long- tems
entre la vie et la mort , et pour ainsi dire sans secours . Les autres
furent condamnes ; son agonie lui sauva la vie ; c'était
quelques jours avant le 9 thermidor.
Le témoin passant ensuite aux procédés du tribunal rela
tivement aux femmes enceintes , a dit :
Lorsque le tribunal commença ses fonctious , une femme
qui se déclarait enceinte était visitéé , et il était sursis à son
jugement. On en usa ainsi , dans ce tems , à l'égard des femmes
Kolly et Charras ; mais dans la suite on s'est écarté horrible
ment de ce principe de droit et d'humanité. Des femmes se
disaient grosses , des chirurgiens les visitaient , leur rapport
était qu'il y avait grossesse , symptômes , ou qu'il n'y en avait
pas , ou qu'il n'y en apparaissait pas , ou qu'ils étaient douteux.
Dans le premier cas , il était sursis à l'exécution du
jugement ; mais lorsqu'il était spécifié dans le rapport qu'il
n'y avait point de symptômes de grossesse , on les envoyait
à l'échafaud ; et c'est ainsi qu'une douzaine de femmes ont
péri. La femme Hébert et la femme Canille desiraient toutes
deux subir la destinée de leurs maris . La premiere s'était déclaree
enceinte ; mais , sur le rapport du chirurgien
' elle
ne l'était pas , elle fur également envoyée à l'échafaud.
Vers la fin de messidor , la veuve Joly de Fleury et deux
autres femmes , qui toutes trois s'étaient déclarees enceintes ,
furent conduites dans la même charette au lieu de leur supplice.
La femme de l'ex - prince Joseph Monaco , condamnée le 7
ou le 8 thermidor , s'était déclarée grosse , et on avait sursis
à son exécution ; mais , déterminée a périr , et voulant slapprivoiser
avec la mort , elle écrvit qu'elle n'était pas enceinte ,
et elle fut exécutée le lendemain de son jugement.
Le témoin passant à un autre fait , a dit : On venait de
condamner à mort , dans cette salle , Lavergue , commandaát
de Longwis ; sa femme , se trouvant en ce moment dans l'une
des salles du palais , cria , dans son désespoir : vive le rop !
Aussitôt elle fut saisie , mise en jugement , condamnée et
conduite à l'échafaud , sur la même charette que son mari .
Gattey , libraire , fut aussi condamné à mort dans la salle de
l'Egalité ; sa soeur , présente au jugement , cria aussi vive le
rọi ! et comme elle persista le lendemain dans les mêmes sentimaus
au moment qu'on la jugeait , et qu'elle avait eu le tema
(<2243 )
de la réflexion qu'on n'avait pas accordée à la premiere , elle
fut légalement condamnée .
Ozanne et Lejeune , officiers de paix , après avoir arrêté Julien
(de Toulouse ) , eurent le malhenr de le laisser évader de la
maison où ils venaient de l'arrêter . Ils furent condamnés par le
tribunal de Robespierre à deux années de détention . La femme
Ozaune ayant appris qu'un homme de ce nom était impliqué
dans une conspiration , et craignant que ce ne fût son mari ,
elle vint me prier de remettre à Fouquier- Tinville les papiers
qui pouvaient justifier son mari ; je les lui présentai .
Vas , éconduis cette femme , me dit Fouquier- Tinville ; son
affaire
est faite . En effet , Ozanne fut guillotiné avec ce
que les robespierristes et les égorgeurs appellaient la fournée
des chemises rouges Lejeune subitle même sort le g thermidor.
A
L'article XIV de l'acte d'accusation porte que Fouquier était
Lindifférent sur la suite des dénonciations graves qui lui étaient
faites contre les malveillans ou contre-révolutionnaires ; ce
que le fait suivant parait indiquer.
"
a Macé , curé de Saint -Brice , fut dénoncé comme ayant fait ,
en 1793 , des prieres publiques en faveur des princes du sang
de Capet ; il fut acquitté par jugement rendu eu la chambre
du conseil. Ce cure retourna dans sa commune ety devint
Lun fameux robespierriste . Survint une autre dénonciation contre
lai . Nolin , membre du tribunal , talenna Dumasa pour le
Fréintégrer dans les prisons , et l'ex -moine Dumas , qui pour-
*suivait les prêtres avec le plus cruel acharnement , talonna
austi Fouquier contre le curé Macé .
L'affaire fut reportée au conseil , où Fouquier sentint que
sce curé avait déja été juge sur ce même fait.. Les pieecs furent
relues , et ensuite on lança contre lui un nouveau mandat
d'arrêt. Mais , comme on fut un mois sans mettre à execution
ce mandat , l'huissier Château , arrivé sur les lieux ,
trouva que le curé Macé avait échappé à la rapacité zéléc et à
l'ardeur dévorante de l'ex - prêtre Dumas .
ally avait alors un tel rafinement de cruautés dans le triabunal
, que lorsqu'il avait condamné les uns à la guillotine ,
les autres au tabouret , ceux- ci etaient envoyés , les premiers
surilaplace du supplice , afin d'être témoins de la mort de leurs
co-accusés , et d'être , pour ainsi dire , teints de leur sang.
La loi accorde des indemnités à ceux qui sont acquittés par
ale tribunal , Fouquier défendait de leur délivrer les pieces qui
leur étaient nécessaires pour obtenir ces secours , et disaient
qu'ils étaient trop heureux d'avoir échappéså la guillotine .
(La suite au numéro prochain)
J
P
"
( No. 20 : )
A
MERCURE FRANÇAIS
9 DÉCADI YO NIVOSE Pa troisieme de la République.
( Mardi 30 décembre 1794 , vieux style ; }
L.
POÉSIE.
Imitation de l'ode XV du livre V d'Horace.
lune sur son char d'étoiles entouré
De ses feux éclairait la terre ,
Quand , perfide , en tes bras me tenant plus serré
Que n'est un chêne du lierre ,
Tu me jurais Néère , à la face des Dieux .
Témoins de ton affreux parjure ,
Qu'entre l'agneau plutôt et le loup furieux
On verrait la paix se conclure ,
Que plutôt de la mer le fougueux aquilon
Cesserait d'enfler l'onde amere ,
Et les vents d'agiter les cheveux d'Apollon ,
Que moi d'être aimé de Néère .
Ah ! qu'il t'en coûtera d'avoir\manqué de foi
Car pour peu qu'Horace ait de force ,
Ses yeux ne verront point un autre en paix chez tei
Jouir du fruit de ton divorce.
Par une amour nouvelle il saura te bannir
D'un coeur à qui tu fus trop chere ,
Sans que ni tes attraits l'en fassent revenir ',
Ni même un repentir sincere .
Et toi , qui que tu sois , qu'un sort capricieux
tu
Fait triompher de ma disgrace ,
Quand tu posséderais les sablons précieux ,
Qu'en son sein le Pactocle entasse ;
Quand tu serais ensemble et plus beau que le jour ,
Et plus savant qu'on ne peut dire ,
Je te verrai trahi , soupirer à ton tour ,
Et ce sera le mien de rire.
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du No. 19 .
Le mot de la Charade est Basson ; celui de l'Enigme est Imprimerie
polui du Logogriphe est Orms; où l'on trouve or et me,
Tome XIII.
P
F
( 226 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Soirées de mélancolie ; nouvelle édition avec gravures , deux petites
brochures in - 16 . A Paris , chez Louis , libraire , rue Severin
1º. 29 , l'an 3. de la République.
ONN connaît déja la plupart des tableaux d'un coleris sombre
que renferme ce recueil . Il suffira pour en rappeller la mémoire
, on pour en donner une idée à nos lecteurs , de leur
présenter ici celui qui nous a paru être d'une teinte moins
triste , intitulé le Port , et qu'on pourrait mieux nommer le
Retour de l'enfant prodigue.
Et dulces . reminiscitur agros.
VIRG.
Ils sont donc levés ces longs obstacles qui m'éleignent de
ma patrie ; la vague du malheur ne m'a point submergé ; après
avoir été long-tems le jouet de la tempête , je découvre enfin
un heureux rivage , où un riant climat et d'aimables habitans
vont me faire oublier tout ce que j'ai souffert.
" Puissance qui délie les langues , donne - moi des termes
pour exprimer mon bonheur ! Je vais revoir mes foyers , ce
vieux château , cet étang , ces murs , cette terrasse et ce jardin ,
théâtre de mes premiers jeux . Je vais revoir cette allée sombre
et réguliere que planterent mes bons ayeux ; ces gros chênes
dont les rameaux vastes et recourbés embrassent le ceintre
de mon antique demeure , et la garantissent des attaques du
Nord et des outrages du tems . Et toi fontaine , dont l'onde
argentée fertilise le sommet d'une montagne , j'irai donc encore
pendant les belles soirées d'été faire sur tes bords un
frugal repas assis sur les verds tapis qui convrent tes rives ,
entouré d'un air pur et tranquille , je repasserai dans ma mé- ,
moire les événemens de ma triste jeunesse , et je béniai le
ciel de m'avoir enfin conduit au port.
" C'était- là que le plus vertueux des peres , débarrassé des
Occupations du jour et des soins de l'étude , venait souvent avec
son heureuse famille se délasser de ses utiles travaux : c'était- là
que la voix du sentiment se faisait entendre à des coeurs sans
artifice , et que les douces leçons de la sagesse se mêlaient aux
amusemens de l'innocence .
" O souvenir attendrissant ! ô fontaine que je révere , et qui
est plus belle à mes yeux que les fleuves du Méandre et du
Pactole ! J'éleverai sur tes bords un monument où la tendresse
filiale ira tous les jours s'acquitter d'un tendre devoir. Plus
d'une fois mes pleurs se mêleront à tes eaux pures et vaga.
( 227 )
1
bondes ! Tribut faible , mais bien dû au souvenir du plus tendre
des peres ! .. Je vais revoir ces bois agrestes où l'on aime à
rêver ; ces enclos formés par la nature , et que n'ont point
défigurés les mains de l'art ; je vais commencer de jouir.
Transporté sur les ailes de l'imagination , j'ai vu bien des
climats j'ai vu ces lieux délicieux que l'Arne et le Tibre
arrosent ; j'ai vu ces endroits fortunés
que les Orientaux nomment
les jardins du monde , et qui sont pour eux ce que les
vallées de Thessalie étaient parmi les Grecs ; j'ai parcouru la
Natolie , les pays de Suse , d'Alep , de Chevilach et l'Arabi
heureuse , j'ai respiré dans le verger de Damas , dans le territoire
de Bavan et sur les bords de la riviere d'Abulla ; mais
an milieu de ces contrées fécondes , dont je me peignais tous
les charmes , où j'aimais à m'égarer , je ramenais toujours uu
il ds préférence sur mon toit rustique . Ces palais d'architecture
aërienne , ees forêts enchantées , ce concours de beautés
symmétriques et champêtres qui le disputent au merveilleux des
fables , et qui embellissent les avenues de la capitale , n'ont
servi qu'à me faire regretter l'habitation qui m'a vu naître .
Je vais la revoir enfin pour ne la plus quitter et m'y ensevelir
pour toujours déja mort à l'univers j'y attendrai dans une
douce melancolie un trépas plus doux encore ; je verrai des
coeurs droits , des freres et des soeurs que j'aime ; je coulerai doucement
avec eux mes tranquilles journées ; la réflexion ne
viendra plus comme autrefois me surprendre armée de poignards
. Si ma Julie , que je ne puis oublier , devient encore
l'objet de mes rêveries , je ne repousserai point son image , je
lui adresserai encore mon amour et mes soupirs ; mais ma douleur
sera plus paisible ; je n'éteindrai point le flambeau de la
raison qui m'offrira le secours de sa lumiere ; je m'armerai de
ce courage qui ne se laisse point abattre , et qui plane audessus
des revers . Sans murmure et sans trouble j'attendrai d'un
Dieu bienfaisant l'union de deux coeurs qu'il semble avoir desués
l'un pour l'autre .
Ombrages odoriferans, ouvrez vos fraiches enceintes à un
malheureux transfuge qui revient à vous , et qui veut vous
consacrer les débris de ses naufrages. Vous que je n'ai pas vu
depuis plus d'un lustre parens respectables ! qui m'avez
pardonné les folies de mon jeune âge , je vais donc puiser la
joie et la santé dans vos vifs embrassemens , je vais vivre avec
vous... Mes regrets vous ont enfin attendri ; vous aviez pesé
dans la balance de la raison , et la faiblesse humaine , et ma jeunesse
, et les motifs de plainte que vous aviez contre moi .
Vous avez dit Dans le riant printems de l'âge , dans la
saison des amours , qui peut résister aux secousses du désir ?
Le sang qui coule dans nos veines ne peut être souillé ;
c'est un jeune homme qui a été faible , et non pas méchant ;
son honneur est intact : il faut rendre la consolation à son ame
abattue , et vous m'avez envoyé la douce nouvelle d'un pardon ,
P 2
( 228 f
.
hélas ! acheté par bien des souffrances. Ce fut la sensibilitė
qui m'égara ; c'est un vautour inhérent à l'être auquel il
s'attache , qui se nourrit de sa substance et s'abreuve de ses
larmes ; c'est un levain qui fait croître et fermenter les passions ;
c'est de lui que viennent leur violence et leur énergie ; l'imagination
détermine leur pente . Heureux ! quand cette imagination
voltige loin des objets qui peuvent la corrompre. La
mienne m'entraîna loin de ces champs où des songes légers et
de riantes images berçaient mollement ma jeune existence ;
elle m'égara sur les pas du plaisir . Dupe de mon coeur ingénu ,
je donnai dans tous les pieges qu'on tendit à ma crédulité ;
entouré d'exemples perfides , je me laissai conduire d'erreurs
en erreurs ; j'outrageai la vertu qui m'était chere , et je sacrifai
au vice que je haïssais ; imitai le fils dénaturé , qui
déchire , en détournant la vue , le sein qui l'a nourri ; je
fis comme un homme qu'on exciterait à brûler sa maison , qui
le ferait par une sotte complaisance , qui ne pourrait s'empêcher
d'en gémir , et cependant donnerait lui-même des alimens à la
flamme. Voilà le coeur humain , théâtre inconcevable d'absur
dités , d'inconséquences et de contradictions ; abyme où vont se
perdre toutes les lumieres et toutes les spéculations de la
philosophie.
Adieu , plaisirs qui donnez des remords ! adieu , ville immense
, ville de séductions , où viennent échouer tous les
coeurs neufs et sensibles , où les saillies pétillantes du bel esprit
sont substituées aux flammes du sentiment , où les raffinemens
destructifs de la débauche tiennent la place du tendre amour ,
où l'on ne voit plus que des simulacres d'hommes chancelans
et courbés dès l'entrée de leur carriere , et à qui des ames sans
vigueur n'impriment plus qu'un mouvement machinal !
Adieu , berceau de tous mes malheurs , eité funeste , où le cri
de l'infortune ressemble à un vain son qui ébranle l'air et
s'évanouit sondain ; où le mécontentement au rire forcé , aux
levres décolorées , se montre sous la broderie de l'opulence ',
comme sur les simples vêtemens du pauvre , où la fraude et la
mauvaise foi prennent imprudemment le masque de la probité ,
où l'on se fait un jeu de la ruine de son semblable , et où le char
de la fortune ne roule que sur des débris ; où le chaos d'une multitude
confuse vient continuellement arrêter l'essor du génie , et
interrompre les veilles précieuses de l'homme contemplateur et
du sage qui donne des leçons à l'univers . Adieu , ville contagieuse
, je ne crains plus ton pouvoir magique ; ton enchantement
est détruit à mes yeux , tu ne me séduiras plus : adieu ,
je ne me croirai jamais trop loin de toi . ››
12297
La philosophie des Sans- culottes , on essai d'un livre élémentaire
pour servir à l'éducation des enfans ; présenté au comité d'ins
truction publique de la Convention nationale. Par Nicolas
Pettersson . In - 8 ° , broché , 1 liv . 5 sous . A Paris , chez Fuchs ,
libraire , quai des Augustins , no . 28 , l'an 3c . de la République
Française.
Nous ne pouvons mieux faire connaître l'esprit et le style
de ce petit ouvrage qu'en citant le morceau dans lequel l'au
teur recherche la cause des malheurs qui existent sur la terre.
La félicité des êtres créés est le but de la création . Chaque
mortel veut son bonheur . Cette inclination nous est innée ,
et elle est inséparable de la nature humaine. Malgré cela
presque par-tout les hommes sont malheureux , mais čela vient
de la fausse idée qu'on a du bonheur . Les uns le cherchent
dans un état d'inaction ; mais l'ennui inséparable de l'oisiveté
les poursuivra sans cesse ; les autres le veulent trouver
dans les débauches , mais la perte de leurs biens et les infirmités
du corps en seront la suite ; d'autres le suppose dans
un état au - dessus de leurs semblables , et pour y atteindre
ils sacrifient conscience , honneur et devoirs . L'intérêt personnel
est le seul motif de toutes leurs actions ; mais au lieu
de bonheur , ils trouvent de cuisans remords , crainte et mé
contentement. Jusqu'à nos jours , lois , religion et gouvernement
, tous ont été comme d'accord pour détruire la félicité des
hommes . Les lois étaient iniques et partiales , tendantes unique
ment à favoriser les riches et à opprimer les pauvres . La
religion dictait que le repentir suffit au plus grand criminel
pour expier les plus grands forfaits . Par quelques cérémonies
religieuses , comme la sainte cêne , la messe , quelques prieres ,
ils croyaient avoir tout-à - fait liquidé le passé , et après cela
ils recommençaient à vivre comme auparavant. Le gouver
nement enfin , s'occupait uniquement à augmenter les con
tributions et il y avait autant de tyrannies qu'il se trouvais
de charges dans l'état . L'occupation la plus nécessaire , celle
de cultiver la terre , était couverte d'ignominie. Un habitant
de la campagne croyait avoir mis son £ ls au sein du bonheur
quand il lui avait obtenn nue place de valet chez un seigneur ;
une belle fille croyait sa fortune faite en devenant maîtresse
d'un noble , qui , souvent après l'avoir déshonorée , la laissait
périr dans la misere ; les rois , les nobles , les prêtres prétendaient
avoir le droit de maltraiter tous les autres à leur
caprice ; les juges vendaient la justice au plus offrant ; les
riches se moquaient des lois et commettaient impunément les
plus grands crimes ; ils se vantaient même de leur vie scanda
Leuse. Le peuple ignorait ses droits , on s'il les connaissait ,
P &
( 230 )
il fallait souffrir et se taire ; car d'en parler était regardé
comme un crime capital . Voilà les sources des maux qui ont
inondé toute la terre ; et comment trouver le bonheur dans ce
désordre universel ? ,
ANNON CLS.
Formulaire pharmaceutique à l'usage des hôpitaux militaires
de la République Française ; brochure de 64 pages . Prix ,
25 sous , et 30 par la poste. A Paris , chez Deroy , libraire ,
rue du Cimetiere - André , nº . 15 , près celle Hautefeuille .
Principe de J. J. Rousseau sur l'éducation des enfans , ou
instruction sur leur éducation physique et morale depuis leur
naissance jusqu'à l'époque de leur entrée dans les écoles nationales
. Ouvrage indiqué pour le concours , suivant le décret
de la Convention nationale , da 9 pluviôse dernier. A Paris ,
chez Aubry , libraire , rue Baillet , no . 2 , près de celle de
la Monnaie . Prix , 1 liv . 5 sous pour Paris ; et 1 liv. 10 sous
( franc de port ) pour les départemens .
Vocabulaire de nouveaux privatifs français , imités des langues
latine , italienne , espagnole , portugaise , allemande et anglaise ;
suivi d'un catalogue raisonné des écrivains les plus célebres en
ces six langues , propre à servir d'institution pour une bibliotheque
choisic . Ouvrages essentiels aux orateurs et aux poëtes ;
par Pougens , auteur de la Religieuse de Nismes , des Essais sur
les révolutions du globe , etc. Un volume in- 89 . Prix , 3 liv. , et
3 liv . 15 sous pour les départemens . A Paris , de l'imprimerie
du Cercle- social , nº . 4 rue du Théâtre français ; et chez
Dessenne , libraire , nos , 1 et 2 , jardin de l'Egalité .
se-
Traité grammatical , ou maniere uniforme d'écrire et de prononcer
, à la portée des citoyens de tout âge , pour faire cesser les
patois et les mauvais accens , etc .; par le citoyen Renault ,
crétaire - commis au comité d'instruction publique . A Paris, chez
le citoyen Langlois , libraire , rue de Thionville ; Jacquot , rue
Percée , no. 8 ; et chez l'auteur , rue Cassette , F. G. , n° . 44.
MUSIQUE.
Le petit Nantais , romance ; paroles de L F. Jauffet , musique
et accompagnement de clavecin par Mehul , de l'institut national
de musique . A Paris , chez Cousineau , pere et fils , lutiers ,
rue de Thionville , nº . 1840. Prix , 1 liv . 5 sous . Cette romance
est composée de six stances , chacune de huit vers , dont les
images et les expressions sent infiniment touchantes et relatives
à des infortunes récentes , et trop réelles . Le nom du composi
teur de la musique dit assez avec quelle énergie il fait passer
jusqu'au fond de l'ame , l'amertume des plaintes et de la dous
leur dont il s'est rendu l'interprête fidele .
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
SUIVANT
ALLIMA ONE.
De Hambourg, le 10 Décembre 1794.
UIVANT des lettres de Stockholm , du 11 novembre , le jeune
roi qui vient d'entrer dans sa 15e . année commence à s'initier
au grand art de gouverner . Le duc de Sudermanie son
oncle , remplissant soigneusement les dernieres intentions de
Gustave , s'occupe également de lui former le coeur et l'esprit , et
de le préparer à pouvoir se passer de premier ministre , et à
être en état de surveiller le travail des différentes personnes
qu'il employera dans l'administration. Après avoir assisté successivement
aux séances de divers tribunaux , conseils ou départemens
, il se rendit le 5 de ce mois à la cour de justice
qu'il continuera de fréquenter pendant trois mois , ainsi que
les autres colléges de l'état .
Beaucoup de députations de divers endroits sont venues
remercier le régent d'avoir empêché la nation d'être entraînés
dans la guerre . Au sentiment du bonheur procuré par la
sagesse du gouvernement , se joint le juste et noble orgueil de
voir la Suede appellée à être la pacificatrice de l'Europe , comme
elle le fut au traité de Westphalie . Au reste , c'est un honneur
qu'elle partagerait aujourd'hui avee le Danemarck , égal
lement sollicité par les membres du corps germanique d'inter
poser sa médiation pour arriver à cette paix desirée par toute
l'Allemagne qui en a le plus grand besoin , parce qu'elle sent
qu'elle épuisera toutes ses forces si elle s'obtine à lutter encore
long-tems contre la République Française .
C'était un gouvernement ainsi affermi par la confiance des
peuples et le respect des étrangers que le coupable d'Armfeldt
avait follement entrepris de renverser , pour y substituer celui
qui convenait à son ambition particuliere et aux vués de la
perfide Catherine .
Nous croyons devoir donner ce plan envoyé par lui à
Stockholm à un de ses complices .
ré-
Je me suis occupé , pendant mon voyage , d'une révo
lution à effectuer en Suede , sans effusion de sang , sans ré
clamation quelconque ni aucun désordre : elle raffermirait an
contraire le pouvoir et l'autorité du gouvernement , et assurerait
au régent sa tranquillité ponr le moment présent , et
plus d'influences et de respect à la fin de sa régence . Ceoi
2012
1 232
棗
pent , au premier coup-d'oeil , paraître énigmatique ; mais
rien , au fond , n'est plus véritable.
,, Examinons d'abord la situation du régent dans l'état ac
tuel des affaires , et mettons de côté , pour un moment , l'intérêt
du roi et le bien général du royaume . Une fermentation ,
dont on ne peut expliquer la nature , parce que ses auteurs
quoique tous également turbulens et révolutionnaires , different
cependant beaucoup dans leurs principes et leurs intentions .
.
L'administration sans énergie , des chefs du gouvernement,
uniquement occupés de leurs propres intérêts , des haines personnelles
et des vues étroites , sans expérience comme sans
génie et sans principes , tout - à - la fois hardis et timides , impétueux
dans leurs projets , flottans et irrésolus dans l'exécution
; en un mot , des conseillers ineptes et incapables auprès
du régent . Quelle sera la conséquence de tous ces maux ,
si vous y ajoutez encore le voisinage de la Russie , et les
sujets de plainte que l'impératrice croit avoir contre le régent?
Pour pen qu'il réfléchissé sur toutes ces circonstances , peutil
se flatter de se maintenir encore trois ans dans le gouvernement
? Différentes conjonctures difficiles à prévoir peuvent
amener sa ruine , ou du moins l'exposer beaucoup ; et quand
même , par respect pour les volontés du roi défunt , il pourrait
être conservé dans le rang qu'il occupe maintenant , quel
rôle jouera- t- il à la majorité du roi ? Détesté par toutes les
personnes de mérite , et ne jonissant plus dans la nation
d'aucune influence ni d'aucun respect , il s'efforcerait de faire
un parti ; il n'emploierait que dans cette vue les restes de
son autorité ; et si le roi n'y était pas sacrifié , la guerre qui
s'ensuivráit ne serait pas du moins aussi avantageuse pour
lui qu'elle serait fatale au roi et au bien général .
" Pour mettre men plan à exécution sans aucune violence ,
par une révolutiou inévitable , mais en même - tems paisible et
heureuse , je voudrais que l'impératrice requérât da duc ,
d'une maniere amicale , mais ferme et impérieuse :
99 1 °. Que le roi , en considération de sa capacité et des
heureuses dispositions de son esprit , assistât à tous les conseils
, sans néanmoins exercer aucune autorité , jusqu'à ce
qu'il ait atteint l'âge de 18 ans ;
2 ° . Que les personnes suivantes soient placées dans le
conseil : le sénéchal du royaume , le comte de Gyldenstolpe ,
gouverneur du roi ; le ministre en chef des affaires étrangeres
, les chanceliers et secrétaires d'état , le baron d'Armfeldt
, le général Toll , le président de la trésorerie ;
" 3°. Que sous 24 heures , le duc nommé le baron de
Taube à la place de président de la chancellerie , sur le même
pied que cette place fut possédée par Ulric Sheffer , ensorte
qu'il puisse à l'avenir disposer à son gré de ses secrétaires ,
Elercs , etc.
Que le baron Frédéric Sparre se retiràs aves mne pension .
( 253 )
Les grands offices ne sont point nécessaires dans de petits
états . Il était grand chancelier .
Je dois être rétabli dans ma place de gouverneur des
Stockholm , avec tous les priviléges qui y étaient attachés de
tems de Charles Sparre , excepté ce qui a rapport au palais
de Stockholm .
99 Les gouverneurs Lagerbring et Nordin , seront secrétaires
d'état ; le premier dans son ancien département ; le second ,
dans celui de Rosenblad . Cronstedt reprendra aussi sa place
de secrétaire d'ètat pour la marine.
" Berès ou Zibec seront chanceliers de la cour. Cet office
sera donné au dernier , si , comme je l'imagine , il n'aime
mieux une ambassade pour les pays étrangers .
,, Toll sera fait président du bureau de la guerre , avec les
pouvoirs les plus étendus pour la composition et la conduite
de l'armée .
" Hakanson sera fait président de la trésorerie .
" Le chancelier de justice doit se retirer et être remplacé
par un homme ferme , équitable , et non pas par un homme
détesté.
" Axul Fersen sera adjudant-général , et commandant dans
Stockholm .
" F. T. Aminoff aura la place de Lilleborg , on créera pour
lui , suivant les intentions du roi défunt , celle de commandant
en chef des garde - du - corps , et l'on réformera celles de
capitaines -lieutenans , qui ne sont que des emplois de cour.
Ce corps qui ne sert à rien aujourd'hui , deviendra par cemoyen
bon et utile .
Par rapport aux autres emplois à changer , ou personnes
à renvoyer , il faudra y apporter beaucoup de prudence et
de ménagemens , sans laisser éclater aucun mécontentement
ni aucune inimitié . Trois mois après que chacun sera établi
dans son poste , le calme sera rendu à la Suede , et le jacobinisme
exterminé .
,, Pour rendre efficace cette négociation avec le duc-régent,
une petite flotte russe sera nécessaire dans le voisinage de
Stockholm , jusqu'à ce que tout soit définitivement arrangé
comme il convient.
( La suite au numéro prochain . )
Des lettres des bords de la Vistule du 20 novembre , disent :
On apprend que Kosciuszko et les autres officiers Polonais
prisonniers sont arrivés à Kiow. L'ex- généralissime doit attendre
dans ce lieu ce qui sera décidé sur son sort.
Il paraît que le roi de Prusse , tranquille sur ses possessions
polonaises , quoiqu'un peu honteux de ce que les Russes ont
tout fait , me songe plus qu'à aider la coalition de tous ses
moyens. L'un des plus importans consiste dans les subsistances ,
et voici ce que portent des lettres de Dantzick du 15 novembre :
Il vient d'arriver de nouveaux ordres pour réitérer la défense
( 234 )
de l'exportation des grains . Les réprésentations des négocians
ont été sans effet ; on doit même s'occuper de visiter les ma
gasins et les greniers , pour prendre une connaissance exacte
des quantités qui se trouvent ici. On croit que le gouverne-'
ment prussien a l'intention d'offrir des grains aux puissances
coalisées ; et que les mesures qui viennent d'être annoncées
n'ont été prises que dans ce dessein.
De Francfort-sur- le- Mein , le 15 décembre.
Le roi de Prusse , débarrassé des affaires de Pologne , parait
vouloir recommencer à jouer un rôle important dans la coalition
, au succès de laquelle il est pourtant certain qu'il n'a
point d'intérêt bien réel . Peut - être même ne serait-il pas difficile
de prouver qu'il doit desirer au contraire un tel affaiblissement
de la maison d'Autriche qu'elle ne lui inspire plus aucune
crainte , et qu'il puisse s'aggrandir un jour à ses dépens .
Quoi qu'il en soit , les feuilles publiques de Berlin viennent
d'annoncer officiellement que les bruits d'une négociation séparée
, qu'on disait se traiter à Neufchâtel entre la Prusse et
la France , étaient absolument faux et mal fondés .
On ne comprend pas trop ce qui peut avoir si fort réveillê
Pactivité du cabinet prussien ; car enfin , il n'est plus question
de subsides . L'Angleterre seule pourrait en fournir , et l'on
sait qu'elle est dégoûtée de dépenser des sommes considérables
sans qu'il en résulte rien d'avantageux pour elle ; qu'en conséquence
, elle ne livrera désormais son argent qu'à celles des
puissances qui lui fourniront des hommes , dont elle voudra
disposer à son gré , puisqu'elle les aura achetés . Il n'y a pas
plus de subsides à attendre de la part de l'Autriche , qui en
est elle même aux expédiens . On ne sait donc comment expliquer
cette nouvelle ferveur , ce nouveau zele pour les affaires
de la coalition . Frédéric- Guillaume veut-il faire des dupes , où
l'est-il lui- même ? C'est une question assez difficile à résoudre.
Quelques politiques prétendent que la Russie lui a promis la
cession de certaines parties du territoire polonais pour prix
de ses nouveaux efforts . Mais en ce cas- là , qu'aurait- on donc
promis à Catherine , et sur quoi se dédommagerait - elle ? car
enfin , ce dévouement gratuit n'est pas dans son caractere . Le
tems seul pourra débrouiller cette énigme .
Quant au cabinet de Vienne , il s'occupe toujours avec beau
coup d'activité des préparatifs pour la campagne prochaine , et
il est obligé d'y mettre d'autant plus de cette activité qu'il a
moins de moyens ; car il faut avouer que les campagnes précédentes
ont presqu'épuisé ceux , si non du corps germanique ,
du moins de l'empereur. Il est aussi très- embarrassé dans
le choix de ses généraux ; les ans refusent de continuer , les autres
'acceptent pas , soit par déconragement , soit à raison de leur
mauvaise santé : par exemple , il est certain que Clairfait se
%
235. )
retire , mais il ne l'est plus qu'il soit remplacé par le prince
de Kinski , comme le bruit en avait couru , et l'on ne sait plus
trop aujourd'hui sur qui roulera cette importante mission . En
attendant que cela soit décidé , la grande armée impériale,
prendra ses quartiers d'hiver dans le voisinage de Wetzlaer
Montabans et Nassau- Dietz . Il ne restera sur les bords du Rhin
que des postes avancés qni seront répartis de la maniere sui
vante : l'aile droite s'étendra d'Emméric à Mulheim ; le centre,
depuis Sie burg par Aukirch , Hakenburg , Montabans et
Nassaux jusqu'à Wetzlaer ; et l'aile gauche , depuis Wetzlaer
jusqu'à Mayence.
Les habitans des bords du Rhia commencent à reconnaître
l'erreur dans laquelle on les avait induits sur le compte des
Français . Des bourgeois de Trêves et de Coblentz , des fabri
cans d'Elberfeld et de Juliers reviennent en grand nombre dans
leurs foyers par- tout on se loue de la conduite et de la dis
cipline qu'observent les vainqueurs , qui n'exigent que ce que
l'entretien des armées les force à mettre en requisition par
exemple , on remarque qu'ils emploient tous les tailleurs et les
cordonniers des contrées conquises .
Suivant des lettres de Manheim du 12 décembre , les Fran
çais avancent leurs différentes redoutes et ouvrages , et les
unissent par des lignes de communication ; ils ont déja percé
depuis quelques jours , dans celle qui fait face à la Muhlau ,
quatre embrâsures destinées vraisemblablement pour des obusiers
, et qu'ils ont entouré de palissades .
D'autres avis de Meurs , datés du 15 , annoncent que la moitié
de l'armée française de Sambre et Meuse reste sur les bords
du Rhin , tandis que l'autre ira sur les derrieres pour y prendre
ses quartiers d'hiver. Il y avait encore de tems en tems des
fusillades entre les avant-postes des rives opposées ; commeelles
sont inutiles , et ne peuvent rien décider sur le sort de la
guerre , on s'est accordé de part et d'autre à les défendre.
L'armée de Condé ne prend point de quartiers d'hiver ; elle
se rapproche au contraire de celle da duc de Saxe- Teschen , et
son chef qui a quitté Etlingen a aujourd'hui son quartier- général
à Bruchsal .
Un cordon de troupes impériales établi tout le long de la
Suabe , vis - à - vis des cantons suisses , va empêcher le commerce
interlope des grains et autres subsistances qui passaient d'Allemagne
par la Suisse dans le territoire de la République Française .
Les colléges ont délibéré le 5 , à la diéte de Ratisbonne , sur
la question de savoir , si et comment l'empereur d'Allemagne peut
entrer en négociation de paix avec la France. La grande majorité
des suffrages tend à prier l'empereur de négocier le plutôt
possible , avec l'assistance de ses alliés , une suspension d'armes
avec la France , si la France veut y consentir. C'est aujourd'hui
12 , qu'on doit continuer de recueillir les suffrages des troia
1
1 236 1
Colléges ; dans celui des électeurs , ceux de Bohême et Hanovre
n'ont pas encore voté ; dans celui des princes , il y a eu 56
votes , et celui des villes impériales n'a émis jusqu'ici aucune
opinion.
L'irruption des Français jusques sur les bords du Rhin ne peut
que causer des pertes immenses au commerce des Hollandais .
C'est de la Hollande que l'Allemagne tirait presque tous les
articles étrangers de sa consommation ; ils y arrivaient par le
Rhin et par les autres branches de ce fleave . Ce commerce est
entierement interrompu , ainsi que celui des rives du Rhin pour,
les autres parties de l'Europe . Les draps , la clincaillerie , les
verres d'Angleterre faisaient aussi partie du commerce de la Hollande
avec l'Allemagne. )
Beccaria , l'illustre auteur du traité des délits et des peines , est
mort , le 30 novembre , à Milan. On se rappelle que c'est cet
Quvrage qui commença à apprendre à l'Europe à rougir de la
barbaric de ses lois criminelles .
Quelqu'avancée que soit la campagne il parait que les Fran
çais ne la finiront qu'après avoir tenté la conquête de la Hollaude.
On est parvenn à savoir ici , malgré la difficulté des
communications , qu'il marche sur les frontieres de la Hollande
une armée de plus de 100,000 hommes , avee une artillerie
effroyable. Il se fait aussi des préparatifs qui annoncent que
les Français voudraient profiter du tems des glaces pour tenter
de main. Ils préparent entr'autres une énorme quan
tité de planches , de poutres , de fascines , etc.
un coup
Une lettre particuliere de la Haye , porte qu'on attend incessamment
dans cette ville le greffier Fagel , de retour de sa
mission à Londres . On croit qu'elle a été infructueuse .
Divers mouvemens des troupes allemandes semblent indiquer
qu'elles se préparent à tenter une entreprise importante , et que
l'on aurend pour cela le moment où le corps d'armée de
Hohenlohe sera rendu à sa destination . Les couriers sont trèsfréquens
entre les généraux en chef.
D'après la position des armées françaises il semble , malgré
T'attaque faite le 1er . de ce mois contre Zahbalch devant
Mayence , qu'elles n'ont pas pour le moment le projet d'une
tentative très - sérieuse sur le Haut- Rhin . Une partie de l'armée
de la Moselle s'est établie aux envirous de Luxembourg .
Depuis la prise de Maestricht , le général Jourdan porto dans
le duché de Cleves la plus grande partie de l'armée de Sambre
et Meuse . Les Français semblent done devoir agir avec des
forces considérables sur le Waal . On dit que déja l'armée du
Nord se porte sur l'isle de Bommel , tandis que l'armée de
Sambre et Meuse tentera de passer le Waal à Nimegue et près
Zu fort de Schenk.
( 237 )
PROVINCES · UNIES,
Des lettres de la Haye des premiers jours de décembre s'ex
priment ainsi :
" Ces jours derniers , la ville de Delft a été en agitation . Les
troubles qui s'y sont élevés ont eu pour cause l'arrivée de l'hôpital
anglais qui y était conduit sar 16 bâtimens de transport ,
sans en avoir au préalable demandé la permission au gouvernement
hollandais.
Les bourgeois de Delft fermerent leurs portes , et refuserent
absolument de recevoir l'hôpital , où l'on affirmait qu'il régnait
des maladies épidémiques.
Pour Y rétablir la tranquillité il a fallu y envoyer d'ici un
détachement des gardes à cheval , et lord Saint-Hélens , ministre
d'Angleterre , a fait de son côté tout ce qui a dépendu de lui .
L'on est convena que l'hôpital serait établi hors des murs
de Delft , et qu'on évacuerait la maison appellée des pestiférés .
Hier , nous reçumes la nouvelle que Grave s'est rendue aux
Français le 24. La capitulation ne pouvait en être plus favorable
, puisque la garnison a eu la liberté d'en emporter armes ,
bagages et munitions , et qu'elle peut servir par-tout où l'on
jugera à propos de l'employer.
Voilà donc los Français maîtres de la Meuse , depuis sa
source jusqu'au fort Saint- André , situé dans l'angle de la
confluence du Waal et de la Meuse . Ce fort Saint -André a
encore repoussé tout récemment une nouvelle attaque des
Français c'est la canonnade que nous entendimes dimanche
dernier ; la garnison est intrépide , et se défend au - delà de
tonte attente .
L'ennemi a discontinué son bombardement , mais il se rassemble
en force près de Blauw-Sluys qui est à l'opposite du
Bommelwaert il fait des préparatifs qui ne peuvent avoir
d'autre objet que celui de passer le Waal ou la Mease . Tous
les charpentiers de Bois- le-Duc en ont été mis eu requisition ,
et sont occupés à la construction de bateaux et de radeaux .
ANGLETERRE. De Londres ' , le 27 Novembre.
Les ministres ont reçu des dépêches de plusieurs des ambassadeurs
britanniques près des cabinets étrangers . Il en est
arrivé successivement de Pétersbourg , de Constantinople et
de Madrid..
Les conseils sont toujours très - fréquens . Il s'en tient à l'office
du lord Grenville , à l'amirauté , à l'office de l'artillerie : Dans un
de ces derniers , le duc de Richemond s'est occupé des moyens
de fournir les chevaux nécessaires à l'armée du duc d'Yorck ,
en Hollande .
Il semble qu'il n'y ait pas de doute que lord Spencer et
Thomas Grenville n'ayant point réussi dans leur négociation
auprès de l'empereur , et qu'il ne soit plus question de payer
( $38 )
de subsides au roi de Prusse . Un papier très -ministériel déclaro
qu'il paraît que les secours que l'Angleterre peut tirer des
puissances étrangeres , tirent à leur fin. Il ajoute qu'elle n'en
doit pas moins continuer la guerre avec vigueur , es que
s'il
existe de l'union dans l'intérieur , ses succès sont certains .
Les papiers de l'opposition se reunissent pour dire que les
Anglais sont détestés en Hollande . La conduite de leurs troupes
dans cette contrée les a rendus la terreur des paysans et des
bourgeois . Ceux - ci perdent plus par le pillage et le vol , qu'ils
ne perdraient par toutes les contributions que les Français
pourraient imposer dans le pays , s'ils venaient à le conquérir .
Les états de Gueldre ont fait les plus fortes représentations au
Stadhouder , qui a dû les communiquer aux ministres britanniques
. Enfin , on peint les habitans comme prêts par-tout
à se soulever contre des hommes qu'on avait envoyés pour
leur défense . Un grand nombre de ceux d'Amsterdam sur- tout
semblent exaspérés : Un papier de la trésorerie dit lui - même
qu'il n'est pas possible de savoir si l'Angleterre doit dans
le moment actuel regarder les Hollandais comme amis ou
ennemis .
La nouvelle prorogation du parlement , annoncée si tard et
venue dans un moment où le gouvernement exécutif a le plus
grand besoin des secours de ce grand conseil de la nation ,
surprend beaucoup . On n'est pas encore parvenu à connaître
la cause de cette mesure inattendue . Quelques personnes
prétendent seulement savoir que Pitt était d'avis que le parlement
s'ouvrit comme il avait été précédemment arrêté . Mais
les nouveaux alliés qu'il a appellés dans le cabinet , se sont
réunis à ceux qui ont pris le titre d'amis du roi , et l'ont emporté
d'une voix contre son opinion . Les partisans du chancelier
de l'échiquier conviennent eux-mêmes de cette cir
constance.
Il est arrivé , le 23 , des dépêches du duc d'Yorck . Elles
sont du 17 , et annoncent qu'il n'est rien arrivé d'important
à l'armée depuis les dernieres .
Le gouvernement en a également reçu de Lisbonne et de
Corse.
Plusieurs officiers d'artillerie reçurent , le 21 , ordre du duc
de Richmont de s'embarquer pour rejoindre l'armée du duc
d'Yorck.
Le 23 , il s'est tenu un conseil à l'office du secrétaire d'état
Dundas , où se sont trouvés le lord Spencer , M. Dundas , le
secrétaire Windham et lerd Malgrave . Ce dernier doit commander
une armée de 15,000 hommes , tant infanterie que
cavalerie , dont la destination n'est pas encore connue . Le
conseil a duré quatre heures . Le résultat en a été immédiatement
envoyé an roi à Windsor.
La flotte du lord Howe a été vue le 17 , à lat. 48 , 24 ,
à près de 55 lieues du couchant de Scilly .
( 239 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSI INCE DI BENTA BOLLE.
Béance de duodi , 2 Nivôse.
Il y a eu la veille une séance le soir destinée au renou
vellement du bureau . Bentabolle a été élu président ; Dauneu ,
Chappe et Boucher Saint- Sauveur , secrétaires .
Nous ne parlerons plus des nombreuses adresses de félicitation
que reçoit journellement la Convention sur la journée
du 9 thermidor et la clôture des jacobins , parce que personne
ne doute que ces grandes mesures n'aient été sanctionnées
par le peuple.
quan
Poultier ( du Nord ) présente des observations sur les moyens
de rendre navigable le canal souterrain qui existe entre St.
Quentin et Cambray . Renvoyé au comité des travaux publics.
Lefiot оссире la Convention des communes dévastées par
les loups . Il demande qu'on leur délivre une certaine
ité de poudre pour leur donner la chasse . André Dumont y
trouve des inconvéniens qu'il fait sentir . Erhmann observe
qu'on trouve dans les mémoires de l'académie des sciences
des moyens de détruire les loups sans employer la poudre,
Il demande que le comité d'agriculture soit chargé de faire
connaître ces moyens aux municipalités affligées de ce fléau ,
Décrété.
Trehouard et Saure , représentans du peuple près les armées
des côtes de Brest et de Cherbourg , écrivent de Rennes le 27
frimaire que Lanjuinais s'est jetté dans leurs bras et leur a
demandé un sauf- conduit pour se rendre auprès de la Convention
nationale . Ils n'ont pas cru pouvoir le lui refuser.
Envoyé par elle pour propager les principes de justice qui
la dirigent , ils devaient en faire l'application à un collegue ,
qu'elle a déja soustrait au décret de circonstance qui l'avait
frappé et sur lequel il doit lui être fait un rapport. Cette
lettre est renvoyée aux comités réunis .
Jobannot , au nom des comités de salut public , de sûreté
générale , de législation , des finances et de commerce réunis ,
fait un rapport sur les finances et le commerce , qu'il croit
devoir précéder celui sur la loi du maximum . La situation
de nos finances n'a rien d'alarmant , et il nous reste une foule
de moyens de consolider la fortune nationale . L'équité , la
loyauté et l'économie en doivent être les bases . Ce n'est pas
en retirant brusquement de la circulation , une grande quan-
1
}
( 240 )
L
tité d'assignats qu'on y parviendrait. Cette mesure mal com
binée ne serait qu'un palliatif à des plaies profondes . Il ne
faut rien hasarder qui puisse altérer la confiance due au papier
monnoye. L'hipotheque des assignats excede quinze milliards .
La preuve en est évidente , lorsqu'oon sait que les revenus d'une
année des biens nationaux qui ne sont pas vendus , montent
à trois cent mllions qui , calculés au denier 40 , présentent une
valeur réelle de douze milliards ; il faut y ajouter les biens des
émigrés et des condamnes . Jamais la confiance due à une telle
garantie n'aurait pu l'altérer sans cet affreux systême de prohibitions,
de requisitious , de maximum et autres entraves de tout genre
qui ont si long-tems paralysé tous les ressoris de la prospérité
publique.
Le gage des assignats deviendra encore plus certain par l'ordre
et l'économie dans les finances , non cette parcimonie qui
avilirait une grande nation et donnerait le secret de sa faiblessé ;
mais cette administration attentive et sage qui atteint tous les détails
. Le regue des dilapidations est passé . Les comités s'occupent
de faire rentrer dans une année quatre milliards d'assignats ,
par des moyens purement volontaires. Le crédit public dépend
douc de la réforme des abus , de la repression du brigandage
, de la liberté de toutes les industries . Il repose encore
sur la paix intérieure de la République et l'esprit de concorde
et de fraternité qui doit animer les représentans du peuple.
1
C'est après avoir développé ces principes que Johannot a
proposé dix -sept articles , dont la discussion a été ajournée à
trois jours. Multiplier les encouragemens , décréter la suppression
des droits d'entrée , permettre la libre importation et
exportation des denrées et marchandises , faire des échanges ,
exploiter les mines , encourager les manufactures , laisser sortir
le numéraire , à condition qu'il nous procurera des denrées de
premiere nécessité , et sauf à prévenir les abus qui pourraieut
avoir lieu , déclarer créanciers de l'état les créanciers des émigrés
, lever le sequestre des biens des sujets des puissances avee
lesquelles nous sommes en guerre , suspendre l'acte de navigation
, et décréter que les traités avec les Etats - Unis et les
puissances neutres seront exécutés tels qu'ils existent . Telles
sont les principales dispositions du projet de décret .
Giraud ( de la Charente ) , au nom du comité de commerce
a pris ensuite la parole , et fait son rapport sur la loi du maximum.
Il a commencé par rappeller les circonstances dans lesquelles
cette lei avait été rendue . Née au milieu du tumulte des
factions , proposée par des séditieux , et extorquée par eux ,
il était impossible , dit- il , qu'elle ne ne produisit pas des
effets funestes . Aussi a - t- elle transformé le cultivateur en contrebandier
, et désorganisé l'économie politique dans toutes ses
parties. Etant impunément traasgressée , elle est devenue également
désastreuse , soit qu'on l'exécute ou qu'on en tolere
les infractions . Giraud en propose donc la suppression ; mais
il
( 241 )
joint au projet de décret plusieurs articles tendans à parer
aux circonstances que nécessite cette suppression , soit pour
les armées , soit pour Paris .
La Convention décrete que ce projet lui sera distribué demain
matin , et qu'elle ouvrira la discussion .
Séance de tridi , 3 Nivôsé.
Pepin , au nom dn comité de législation , expose que par
la loi du 8 messidor , tout citoyen est tenu de faire à sa
municipalité la déclaration détaillée du produit de ses récoltes ,
et que celui qui aura fait une déclaration évidemment fausse ,
sera puni par la confiscation de ce qu'il n'aura pas déclaré ;
mais cette loi n'inflige aucune peine à celui qui n'aura fait
aucune déclaration . Il est cependant constant que dans ce cas
la loi n'est pas moins enfreinte que dans celui d'une fausse
déclaration , et cette infraction ne doit pas rester impunie . Le
comité de legislation a reçu à ce sujet divers référés des juges
de paix chargés de juger ces contraventions ; mais il ne lui
appartient pas plus qu'à eux de donner une explication à la
loi quelque naturelle qu'elle soit.Le rapporteur en conséquence
propose de décréter qu'en expliquant la loi du 8 messidor ,
celui qui n'aura fait aucune déclaration sera soumis à la même
peine que celui qui en aura fait une fausse . Ce projet de décret
est adopté.
Un secrétaire lit une lettre de Pache , ci - devant maire de
Paris , qui demande à être envoyé au tribunal revolutionnaire
comme le prix des ses travaux , et sur-tout pour le salut da
peuple qui distinguera dans des débats lumineux ceux qui
le servent , de ceux qui le trahissent. André Dumont est d'avis
qu'on rende à cet houme , qui a si long - tems abusé le peuple ,
la justice qu'il reclame , et il fait décréter le renvoi de sa lettre
aux comités de gouvernement .
La discussion s'ouvre sur la loi du maximum.
Lecointre de Versailles ) applaudit au projet de décret ,
mais il voudrait conserver un maximum sui les grains et les
avoines , sauf à en augmenter le prix pour ne pas leser le
cultivateur .
Un membre retrace les maux qu'a causés le maximum , et
qu'il attribue sur-tout à la mauvaise administration de Pache.
Il est de l'avis de Lecointre . Le sort des petits rentiers , que
le renchérissement des grains réduirait à un état fâcheux de
pénurie , le touche principalement . La crainte des accaparemens
motive aussi son opinion .
Bonrdon ( de l'Oise ) ne veut point d'exception . Il remarque
, que depuis cette loi , les cultivateurs ne retirent pas
les frais de culture et de semence . Il craint que la semence
de mars ne soit point faite,
Pelet dit que c'est parce que la loi du maximum a été décretée
avec une précipitation malheureuse , qu'il faut la rapporter
Tome XIII. Q
(( 242
t
L
avec une prudente circonspection . Il desire aussi que l'on
r prime la cupidité des accapareurs .
Le rapporteur présente une simple observation sur la pro
position de conserver le maximum pour les grains , et de
l'abolir pour le reste. Il dit que les agriculteurs seront done
obliges de donner leur blé à 18 liv , quand ils verront payer
50 liv . celui qui viendra du dehors , et que l'on doit songer
"qu'un domestique qui leur coûtait cent liv. , leur en conte
sept cent , qu'ils paient dix liv, le journalier qui leur coûtait
ciuquante sous . Il exprime ses craintes que l'agriculture ne
soit abandonnée , les domaines nationaux moins vendus , et le
gage des assignats affaibli. る
Cochon : Il s'agit moins de savoir si on conservera le
maximum que si on le recréera , car il n'existe nulle part.
Nous marchons entre deux écueils , ne rien avoir ou payer
cher. Le second vaut encore mieux que le premier de deux
maux , il faut choisir le moindre . Le fermier garde aujourd'hui
son blé qui est tfiaximé , et il le fait manger à ses cochons
et à ses volailles qu'il vand ensuite ce qu'il veut.
Bréard : Qu'est- ce qui a tue le commerce , anéanti l'agriculture
? le maximum. Qui est- ce qui eût approvisionnné la
France de denrées de premiere nécessité quand on était obligé
de les donner pour moins qu'elles ne coûtaient ? quand on
les enlevait aux agriculteurs à force armée ? quand il suffisait
'd'avoir cent mille francs de biens pour être regardé comme
un mauvais citoyen ? ceux qui avaient établi ce systême affreux
et dévastateur savaient bien pourtant que la fortune publique
ne se compose que de fortunes particulieres . Tel qui n'avait
jamais rien fait pour la patrie que de porter un bonnet rouge
et des moustaches , était devenu impunément l'arbitre de la
• fortune et de la vie des citoyens utiles . Trop long-tems la
Convention a été opprimée , elle se relevera dans toute sa
majesté et consacrera les vrais principes . La libre circulation
des grains est aussi nécessaire que celle de toutes les denrées .
Si vous détruisez le maximum , on payera tout cher , il est
vrai ; mais si vous le maintenez , on manquera de tout. Le passage
pourra être difficile , mais le génie de la liberté plane sur la
France ; rien n'est impossible aux Français quand il s'agit de la
patrie ; méprisons les vils entrepreneurs d'émeute , ils périront ;
à cette épreuve , leur tentatives échoueront , elles se briseront
contre votre sagesse et celle du peuple ; il ne leur restera que
la honte et à vous la gloire d'avoir fait une loi utile au peuple.
Réal demande que l'Assemblée fasse une instruction au
peuple , qui ne demande qu'â être éclairé sur la justice et la sagesse
de la loi qu'elle va porter..
et
Quelques membres parlent encore dans le inême sens ,
l'Assemblée décrete le premier article du projet conçu en ces
termes :
Toutes les lois portant fixation du maximum sur le prix des
143 1
denrées et marchandises , cesseront d'avoir leur effet à compter
de la publication de la présente loi .
Séance de quartidi , 4 Nivôse .
Baraillon propose de décréter que les notaires publics qui
à aison de la loi du 24 vendénaire , avaient opté pour des
fonctions administratives ou judiciaires ou autres , et qui ont
été ensuite dépossédés par celle du 17 frimaire , ou par toute
autre cause , pourvu que ce ne soit pas pour fait d'incivisme ,
d'immoralité , d'improbité ou de malversation , pourront reprendre
les fonctions de notaire qu'ils exerçaient avant leur
option.
Renvoyé au comité de législation pour en faire san rapport
dans deux jours .
Noel Pointe obtient la parole pour une motion - d'ordre ; ił
commence par annoncer qu'il n'a appartenu à aucune des
factions déja terrassées , et qu'il a des vérites dues à dire à
celles qui subsistent encore . Il présente ensuite le tableau des
circonstances actuelles . Selon lui , l'aristocratie ne montra jamais
tant d'audace , et le fanatisme tant de superstition . La terreur
n'a fait que changer de main , le modérantisme lui-même est
sur le point de tout dévorer . Tous les vieux patriotes de
1789 sont persécutés , vexés , incarcérés . On veut les perdre
en leur faisant partager des crimes auxquels ils n'ont pas participé
. Des patriotes de fraîche date , avec les mots de justice
et d'humanité , venlent anéantir les fils aînés de la révolution .
Il voit les riches marchands s'eriger en patriotes , et les 73
s'aprêter à cxeicer des représailles désastreuses ; et s'adressant
à la Convention : Votre sécurité , lui dit- il , est dange ense ; il
faut sauver la patrie ou s'ensevelir avec elle . Il conclut en,
demandant que la loi du 17 septembre concernant les gens
suspects soit exécutée dans toute sa force .
Quelques membres demandent l'impression du discours de
Noel , et provoquent des murmures . Beaucoup demandent
l'ordre du jour.
Baraillon et Legendre ont vivement combatta la proposition
de décréter l'impression du discours de Nocl . ils ont rendu
hommage à la pureté de ses intentions , mais ils ont pensé
qu'il venait d'être l'écho , sans le savoir , de quelques amis de
Robespierre qui lui ont survécu . Trois membres de l'ancien
comité de salut public ont été particulierement désignés . Une
grande agitation s'est manifestée dans l'Assemblée . Coilet
d'Herbois et Gastón demandent la parole ; l'Assemblée impatiente
d'achever son travail sur la loi du maximum , et ne voyant,
dans ces debats que des querelles particulieres , la leur refuse ,
et elle prouve qu'elle est étrangere à toute les factions en passant
, à une très - graade majo ito , à d'ordre du jour sur la proposition
de l'impression du discours de Noel Pointe..
1244 T
On reprend la discussion sur la loi du maximum , et les articles
suivans sont décrétés . { Voyez à la fin des séances . )
Richard , au nom du comité de salut publie , soumet un
projet de décret sur la commission de santé , en trois articles
el conçu en ces termes :
19. La commission de sauté portera à l'avenir le nom de
couscil central de santé , et sera sous la direction de la commission
des secoмrs .
2º. Ce conseil se renfer
ermeia dans les bornes qui lui sont
prescrites par la loi du 3 ventese deraier. Il sera composé
de quinze membres ; savoir , cinq médecins , cinq chirurgiens
et cinq pharmaciens ; il aura en outre deux secrétaires .
La Convention ordonne l'impression et l'ajournement.
Séance de quintidi , 5 Nivôse .
Ro Le représentant du peuple près les ports de la Rochelle ,
chefort , Bordeaux , Bayoune et autres , écrit de Rochefort et
rend compte de l'état de l'esprit public dans ces villes . Il y
est régénéré et très - satisfaisant. C'est aujourd'hui le peuple en
masse qui par un mouvement spontané bénit la Convention et
applandit à ses travaux , et reverse sur ses commissaires les
effets de la satisfaction qu'il éprouve . Le représentant fait part
de quelques traits qui caractérisçut bien le regne de sang qui
vient heureusement de fair. On contraignait à Rochefort les
jeunes eitoyennes à venir s'abreuver de sang sur les échafands ,
et si les moeurs pures de quelques -unes semblaient s'effrayer
de ce tableau déchirant , on les menaça de les mettre en
arrestation . Des femmes connues par leurs débauches étaient
chargées d'épurer les meres de famille et les filles vertueuses .
Le bourreau descendait de l'échafaud pour aller , tout couvert
de sang , présider la société populaire .
Perrin réitere la motion de supprimer l'agence des lois .
comme dispendieuse et destructive des postes . On lui observe
que la commission des transports s'occupe constamment de ce
travail , et le présentera bientôt à la Convention .
Martia , au nom du comité des finances , propose un mode
pour la restitution du prix des marchandises destinées pour
Lyon , qui doivent être rendues à leurs propriétaires conformément
à la loi du 16 vendemiaire , dans le cas où elles
auraient été vendues par les corps administratifs . Ce projet
est adopté et conçu en ces termes :
Art . 1er . Le prix des marchandises vendues sera remis aux
propriétaires qui y ont droit , conformément à la loi citée ,
en justifiant du titre de propriété par les citoyens qui en ont.
fait l'acquisition , s'il est encore dans leurs mains .
,, II. S'il a été versé dans la caisse du receveur de district ,
la restitution en sera faite en vertu des ordonnances expédies.
par la commission des revenus nationaux , sur la trésorerie
nationale,
( 245 )
III . Si le prix a été payé entre les mains du receveur
de l'agence de l'enregistrement et domaines nationaux , la
remise en sera faite par les receveurs , dans la forme usitée
pour les restitutions qui se font directement par cette
agence.
IV. Dans tous les cas , le montant des frais de vente
sera retenu , et restera à la charge du propriétaire .
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public , expose
la nécessité d'encourager le commerce de l'horlogerie et les
atteliers de forges et d'usiues qui alimentent les fonderies de
canons et des manufactures d'armes . Il propose d'envoyer à
Besançon le représentant du peuple Calès , pour en favoriser
les progres et les délivrer de toutes leurs entraves . Son projet
est adopté.
à l'Assemblée
La barre s'ouvre aux pétitionnaires . Les sections des amis
de la Patrie , de la Fontaine - de Grenelle et de la Fraternité ,
demandent la punition prompte et sévere des amis de Robespierre
, des massacreurs des 1 et 2 septembre , l'épuration des
administrations et des autorités constituées .
Rovere saisit cefte occasion pour faire part
des lettres qu'il a reçues des représentans du peuple dans les
departemens méridionaux et de plusieurs administrateurs . Il
en résulte que la tranquillté n'y est qu'apparente. Les terroristes
y levent encore la tête . Il est parti du district d'Apt trois
hommes par commune , pour se rendre à Paris et y renforcer
les jacobins on demande du haut de la salie l'ordre du
jour ) , et leurs satellites doivent s'y réunir au nombre de plus
de 60 mille. ( L'on insiste du même côté sur l'ordre du jour. )
L'on voit bien , reprend Rovere , que les vérités qu'on dénonce
leur donnent des convulsions . Il demande le renvoi de
pieces aux comités réunis . Ce renvoi est décrété .
ces
Anguis , qui arrive de ces départemens , annonce que certains
individus y ont bu à la santé du mois prochain . ( La
demande de l'ordre du jour se réitere du même côté . Il invite
l'Assemblée à une surveillance extraordinaire .
Couturier se plaint du défaut d'activité des comités de gon
vernement , et de ce qu'ils n'ont pas fait le rapport sur le
renouvellement du tribunal révolutionnaire et la dénonciation
de Lecointre .
Un incmbre de ces comités observe qu'on s'en occupe sans
relâche , et qu'on y travaille aussi à un objet également important
, celui d'établir une police generale . ( Applaudissemens. )
Il pense qu'en chassant les jacobins on n'a pas fermé leurs
coeurs à la pensée de la domination , du sang et du pillage ,
et il conclut à une graude surveillance.
La Convention décreté que les comités lui feront incessammeat
un rapport sur le renouvellement du tribunal révolutionnaire
et les dénonciations de Lecointre .
Sept drapeaux pris sur les Espagnols par l'armée des Pyré-
Q3
( 246 )
nées occidentales paraissent à la barre. ( Fayez les Nouvelles
officielles .
Séance de sextidi , 6 Nivôse.
Rafion demande la parole pour présenter quelques réflexions
sur l'abrogation de la loi du maximum. Il dit que la foi qui met
fiu au maximum appelle la bonne foi sur cette terre tourmentée
depuis cinq ans par des agitations violentes et continuelles ; que
le cultivateur et le négociant , hers de la confiance d'une nation
libre et quidés par la bonne - foi , agiront av
avec nous en freres . Le
marchand se contentera du gain qui pent suffire à l'entretien
de sun commerce . L'artisan reglera ses salaires sur ses besoins ,
et non sur une cupidité folle et cffrénée ; et l'administration ,
par une distribution sage de secours , rendra justice aux citoyens
dont elle s'est declarée débinice. C'est ainsi que tous
concourront au bonheur de tous . Tel doit être le vrai systême
de la prosperité publique . Il propose d'insérer dans le bulletin
ces reflexions qu'il croit alles .
Cette proposition est adoptée .
Clausel obticut la parole pour une motion d'ordre . Il s'agit
de denoncer de nouveaux faits contre les membres des comités
de l'ancien gouvernement . Trois d'entr'eux , dit Clauzel , ont
nié avoir porté aux jurés , lois da jugement de Phelipeaux et
de Desmoulins , le décret qui devait les mettre à leur aise . Eh
bien les représentans du peuple Duval et David ( de l'Aube )
ont été témoins de ce fait . Il dévoile ensuite les menées de ces
hommes qui veulent ensevelir leurs forfaits sous les ruines de
la patrie . I parle de leurs projets de soulever les ouvriers , des
manoeuvres de leurs émissaires pour empêcher l'arrivage des
grains à Paris , sous prétexte qu'ils y sont en si grande abondance
qu'ils germent dans les magasins .
Monstres , s'écrie Clausel , vous vous agitez envain . Votre
domination est passée . Vous êtes en exécration à la nature entiere
; toute la France , moins quelques fripons , vous abhorre .
Que ferez - vous imprimer peur votre justification ? les ordres
feroces donnes à Lebon , vos arêtés sanguinaires contre les ha
bitans de Bédouin et d'Orange.
Clausel appuie ces observations de considérations politiques .
Il craint que les puissances coalisées s'éloignent d'une paix
qu'elles demanderaient , s'il n'existait pas dans le sénat français
des hommes capables de ramener l'ancien systême. il conclut
en demandant que les comités fassent demain le rapport sur le
renouvellement du tribunal révolutionnaire et les dénonciations
de Lecointre . Décrété .
Duhem : Ce n'est pas seulement à trois députés qu'on en
veut , on en poursuit trente ou quarante . On ne peut nous
détruire en masse on veut nous détruire en détail. Je ne connais
que la justice ; qu'on entende les deux partis . Je regarde
Clausel comme un calomniateur ; il a dit que j'étais en corres
( 247 )
pondance avec les émigrés , s'il ne le prouve pas , je l'assas
sive. On demande que Duhem soit exclus pendant trois moisde
la Convention , et enfermé à l'Abbaye . Il demande à s'expliquer
, et observe que lorsqu'on est assassiné moralement.
l'on peut se faire justice à soi -même. La Convention décrete
que Duhem sera renfermé à l'Abbaye pour trois mois ; mais
Legendre remarque que ce qui se passe n'est qu'un jeu pour,
sauver de grands coupables , jetter du trouble et intimider. Il
fait rapporter le décret .
Richard , an nem du comité de salut public , fait part d'un
événement désastreux arrivé à Landau : L'arsenal de cette ville
est sauté ; plusieurs maisons ont été renversées ou endommagées
. On ignore encore si cet événement doit être attribué on
non à la malveillance ; mais heureusement deux magasins à
pondre qui tenaient à l'arsenal n'ont point été endommagés .
Les citoyens de Landau , la garnison et les habitans des communes
voisines ont fait tout ce qu'on pouvait attendre de leur
courage et de leur civisme . Le représentant du peuple Séraud
s'est transporté sur les lieux , et a fait distribuer des secours
provisoires . Les procès- verbaux ne portent les pertes des
citoyens qu'à dix tués et vingt blessés . Tout se répare avec la
plus grande activité .
Richard propose d'approuver les arrêtés pris par Séraud .
Dentzel trouve le projet insuffisant ; il demande qu'en envoie à
Landau un représentant , et que ceux qui ont souffert soient
assimiles aux victimes de l'explosion de la poudrerie de Grenelle
. Adopté.
Se
Le frere de Guadet , qui arrive de Saint- Domingue où il
servait la République , instruit des désastres de sa famille ,
présente à la Convention pour en obtenir des secours . Il dit
qu'à son départ plus de la moitié de Saint-Domingue apparte
nait encore à la France . Renvoyé au comité des secours .
Décret portant rapport de la loi du maximum .
Art. Ier . Toutes les lois portant fixation d'un maximum
sur le prix des denrés et marchandises , cesserout d'avoir leur
effet à compter de la publication de la présente loi .
les
II. Toutes les requisitions faites jusqu'à ce jour par la
commission de commerce et d'approvisionnemens , ou par
représentans du peuple en mission , pour les subsistances des
armées de terre et de mer , et pour l'approvisionnement de
Paris , seront exécutées .
"
" III. Toutes les requisitions faites pour les communes ou
districts seront maintenues jusqu'à la concurrente de la
quantité de grains nécessaires à leur approvisionnement pendant
deux mois .
IV. Les matieres , denrées ou marchandises qui serona
Q4
( 248 )
fivrées en vertu des deux articles précédens , seront payées an
prix courant du chef- lieu de chaque district , à l'époque où
elles seront délivrées , ce qui sera constaté par les mercuriales
on registres tenus à cet effet .
,, V. Dans le cas où les marchés ne seraient pas approvisionnés
, les districts sont autorisés , chacun dans leur arrondissement
, à requérir tous les marchands , cultivateurs , ou
propriétaires de grains ou farines , d'en apporter aux marchés
la quantité nécessaire pour leur approvisionnement .
VI . La commission de commerce et approvisionnemens
aura droit de préemption ou de préférence sur tous les objets
nécessaires à l'approvisionnement des armées et places de
guerre , jusqu'à la concurrence des besoins du service .
et seront
,, VII . Les marchandises ou denrées ainsi préachetées seront
enlevées dans le mois qui suivra la préemption
payées à l'époque de la delivrance , suivant le prix commun
lors de la préemption , de la place où les achats auront été faits .
,, VIII. La commission de commerce et approvisionoemens
séra tenue de présenter , dans le délai d'une décade , au comité
de salut public , le tableau des préemptions à faire pour compléter
les besoins des armées jusqu'à la récolte .
" IX. Au moyen du présent décret , la circulation des
grains sera entiérement libre dans l'intérieur de la république ;
la formalité des acquits à caution ne sera maintenue que dans
les deux lieues des côtes et des barrieres des douanes .
,, X. Tout particulier qui transportera dans lesdites deux
lieues , des grains ou farines , sera tenu de se présenter , avant
l'enlevement , à la municipalité du lieu , et d'y présenter un
acquit à caution , lequel serà signé du maire et de l'agent na.
tional ; et en leur absence , par deux officiers municipaux .
· XI . Ces acquits à caution seront délivrés gratuitement et
sur papier non timbré , et porteront soumission de rapporter
dans un délai d'un jour par cinq , suivant la distance des lieux ,
le certificat de l'arrivée au lieu de la destination , signé des
officiers municipaux ; le tout à peine de confiscation des
grains ou farines , on du paiement de la valeur .
,, XII. Les propriétaires des grains ou farines , qui ne prendront
point d'acquit à caution , dans les cas où cette formalité
est exigée , seront punis par la confiscation des grains ou
farines dont ils seront trouves saisis ; ils seront en outre condamnés
à une amende double du prix des grains ou farines
confisqués . La moitié du produit et de la vente appartiendra
au dénonciateur et saisissant , l'autre moitié à la commune du
lieu où la saisie aura été faite ,
" Les lois qui défendent l'exportation des grains sont maintenues.
Celui qui sera convaincu d'avoir exporté des grains à
l'ennemi , sera puni de mort.
XIII. En aucun cas les chevaux et voitures ne pourront
tre saisis et confisqués ; ceux qui le seraient en vertu de
( 249 )
jugemens rendus avant la promulgation du présent , seront
restitués aux propriétaires , s'ils ne sont pas vendus.
XIV. Toutes procédures commencées pour violation faite
aux lois sur le maximum sout anéanties ; il ne pourra être
donné aucune suite aux jugemens rendus sur cet objet , qui
n'auront pas été exécutés . Les citoyens détenus en vertu de
ces jugemens seront mis en liberté sans délai .
,, XV. Toute requisition de denrées ou marchandises , autre
que celles ci - dessus énoncées , sont annullées , à compter de
la publication du présent décret .
XVI. L'insertion au bulletin de correspondance , du pré
sent décret , tiendra lieu de publication .
PARIS. Nonidi , 9 Nivôse , l'an 3e . de la République.
La Convention , sur le rapport des trois comités , vient de
déclarer qu'il y avait lieu à examen à l'égard des représentans
Collet-d'Herbois , Billaud -Varennes , Barrere et Vadier . Une
commission de vingt- un membres a été nommée au sert pour
examiner les pieces , et faire son rapport. Barrere et Collot
ent annoncé qu'ils avaient leur justification prête , et ils ont
demandé la permission de la faire imprimer à l'imprimerie
nationale ; ce qui leur a été accordé .
}}
Copie de la lettre écrite par le comité de salut public au citoyen
Barthelemy , ambassadeur de la République Française en Suisse
du 3 nivôse , an troisieme. ¿
"
Nous sommes instruits , citoyen , que les émigrés et les
prêtres déportés affectent de répandre qu'ils sont à la veille de
rentrer en France , et qu'ils sont parvenus à donner de la consistance
à cette étrange assertion . Nous ne pouvons attribuer
qu'à ces faux bruits la facilité avec laquelle les cantons catholiques
paraissent les tolérer sur leur territoire . Il en résulte que
ces hommes se trouvent à portée d'intriguer dans les départemens
limitrophes , et d'y préparer des désordres et des malheurs
. Nous te chargeons de déclarer à tous les cantons
les émigrés justement couverts de l'exécration et du mépris de
toute l'Europe , ne cesseront jamais d'être regardés par la
nation française , comme des traitres , et que sa juste vengeance
les poursuivra par- tout où elle pourra les atteindre .
, que
" Nous ne doutons pas que cette déclaration ne suffise
pour déterminer un gouvernement qui nous a donné tant de
preuves de sa loyauté , de sa franchise et de sa bonne amitié ,
à se débarrasser de cette horde impute qui ne respire que
les désordres et les crimes , et qui n'userait de l'hospitalité
d'un peuple généreux que pour allumer dans son sein
( 250 )
les divisions et les déchiremens , et se venger ainsi de l'attas
chement invariable qu'il a témoigné au Peuple Français.
Les membres du comité de salut public ; Signés , Cambacérès
Richard , Boissy , Merlin ( de Douai ) , J. F. B. Delmas ,
L. B. Guyton.
NECROLOGIE.
Circonstances de la mort de Gondorcet.
Condorcet doit être compté au nombre des malheureuses
victimes qui ont succombé sous le systême de tyrannie que
des scélerats ont fait peser si long tems sur la France . Il y
avait si loin de leur ignorance factieuse et de leur ame pétrie
d'ambition , d'intrigues et de crimes , à un philosophe
qui aimait la liberté pour elle- même et pour sa patric , qui
l'avait embrassée avec ardeur et soutenue avec intelligence ,
qu'ils n'ont pâ lui pardonner ni ses lumieres , ni ses vertus ,
ni l'estime générale de l'Europe . Ils savaient bien que tant
qu'il y aurait en France des hommes instruits et courageux ,
ils trouveraient en eux autant d'obstacles à leurs projets .
Aussi du moment qu'il fût question d'assembler une convention
nationale , Robespierre et ses vils suppôts se déchaînerent-
ils , avec une audace impudente , contre tous les philosophes
, et Condorcet ne fut pas épargné . On se souvient
des injures qui furent vomies contre lui et contre le philantrope
Priestley , dans les assemblées électorales de Paris , et
lorsque Robespierre fut assuré que l'infortuné Condorcet
n'était plus , tout le monde se rappelle de quelle maniere
lâche et infâme il parla de lui à la tribune de la Convention
, lorsque , par un jeu de mots outrageant , il le qualifiait
de grand littérateur , au dire des géometres , et de grand
géometre , au dire des littérateurs . Robespierre est mort sur un
échafaud , et sa mémoire sera eu execration chez les races
futures comme parmi ses concitoyens . Condorcet a péri dans
un cachot , mais son nom sera cher à tous les gens de biens ,
à tous les amis de la liberté , aux savans de tous les genres
et aux hommes de tous les pays . Voilà la différence entre
un scélérat et un philosophe .
Voici les circonstances les plus authentiques que nous
avons recueillies sur la mort de cet homme célebre .
Condorcet se trouva enveloppé dans la proscription d'un
grand nombre de membres de la Convention , qui suivit la
journée du 31 mai , époque trop fameuse des plus grands
maux et des plus grands crimes qui aient souillé la revolution
.
Frappé d'un décret d'accusation , il fut obligé de se cacher
pour dérober sa tête à la hache des licteurs de la faction Ró(
251 )
·
bespierre ; il se refugia dans une maison de Paris , chez une
personne qui ne le connaissait que de nom , mais qui , à la
recommandation d'an ami commun , n'hésita pas exposer sa vie
pour sauver celle d'un hommie célèbre , qu'elle ne croyait pas
coupable.
" ne
Il resta ainsi caché jusqu'au mois d'avril dernier , lorsque
des avis inquiétans lui firent craindre une visite domiciliaire
dans l'appartement qui lui servait de refuge. Plus inquiet encore
pour la sûreté de sa bienfaitrice que pour la sienne propre
, il se hâta de sortir de cette maison , sans savoir où il pourrait
trouver un nouvel asyle . Quoiqu'il n'eût ni passe-port ai
carte de sûreté , il franchit heureusement les barrieres de Paris
, vêtu d'une carmagnole , avec un bonnet de coton blanc
sur la tête . Il traversa la plaine de Mont - Rouge , pour se rendre
dans une commune od résidait un ancien ami qu'il ne voyait
plus dès long - tems , mais qu'il estimait assez pour espérer de
trouver chez ini le secours dont il avait besoin. Malheureusement
cet ami était allé pour quelques jours à Paris . Condorcet
frustre dans son espérance , se voit obligé d'errer au hazard
dans la campagne ou dans les bois , n'osant entrer dans
une auberge pour y chercher un gite , dans la crainte
qu'on ne lui demandât sa carte civique ou son passe - port.
Exténué de faim , de fatigue , de découragement
marchant d'ailleurs qu'avec peine , parce qu'il s'était blessé au
pied , il passait la nuit sous un arbre ou dans une carrière . Il
resta trois jours entiers dans cette déplorable situation , lorsqa'enfin
il rencontra celui qu'il cherchait et qui l'accueillit
comme un ami malheureux. Mais comme il ne parut pas pru .
dent de le recevoir de jour dans une maison où il s'était
montré plusicars fois , et où sa figure en l'état misérable où il
était l'aurait fait remarquer , il sentit Ini-même la nécessité ,
d'aller faire encore un tour dans la campagne , jusqu'à ce que
l'obscurité de la nuit lai permit de revenir en sûreté prendre
possession de l'asyle qu'on lui destinait . D'autres précautions à
prendre rendaient encore ce délai indispensable. Quoiqu'il eût
pris quelque nourriture le matin , il eut la malheureuse fantaisie
d'entrer dans un petit cabaret de Clamars , où il demanda
une omelette , qu'il se mit à manger avec un morceau de pain
qu'il tira de sa poche . Son vêtement , le bonnet sale qu'il avait
sur la tête , la longue barbe qu'il avait laissé croître , son air
hâve et pâle , l'avidité avec laquelle il mangeait , tout cela
frappa quelques citoyens qui étaient dans la même chambre ,
et parmi lesquels se trouvait un membre du comité de surveillance
de Clamars ; celui- ci lui adressa la parole , lui demanda
d'où il venait , où il allait , s'il avait un passeport , etc.
Condorcet était l'homme du monde qui avait le moins d'apti
tude , comme de disposition , à mentir avec assurance . L'embarras
qu'il montra dans ses réponses , joint à l'embarras naturel
de son air et de son maintien , le trahit aisément . Il ne
J
( 250 )
*
pouvait manquer de paraître suspect à un membre de comite
révolutionnaire .
Il fut conduit au comité du lien . Interrogé , fouillé , il ne
voulut jemais déclaré d'autre nom que celui de Simon , ancien
domestique. On ne lui trouva d'ailleurs aucun papier , ni carte
ni passe -port ; mais au Horace , sur les pages blanches duquel
il y avait quelques lignes d'écrites au crayon , et en latin , ce
qui fit dire fort spirituellement au membre du comité qui l'in,
terrogeait Tu nous dis que tu étais domestique ; mais je croirais
bien plutôt que tu es de ces ci -devant qui en avaient des domestiques !
Ce résultat de l'interrogatoire fut que le quidam serait conduit
au district du Bourg- Egalité , pour par lui être ordonné ce
qu'il appartiendrait . Transféré à pied , au milieu d'une escorte
armée , le malheureux ne put aller plus loin que Châtillon , o
il tomba de défaillance et d'épuisement . On fut obligé d'emprunter
le cheval d'un vignerou de cette derniere commune ,
et il fut conduit au district qui ordonna aussi -tôt son incarcé
ration .
Ici les versions sur sa mort sont différentes . Les uns prétendent
qu'il fut enfermé le soir dans une espece de cachot
et que le lendemain au matin lorsqu'on y entra pour lui porter
de l'eau et quelque nourriture , on le trouva étendu à terre
sans aucun signe de vie , d'où l'on a présumé qu'il s'était empoisonné
. On ajoute qu'il portait toujours sur lui un poison
dont l'effet avait déja été éprouvé par d'autres personnes
connnes , et qu'il avait dit à l'ami qu'il avait rencontré le jour
même de son arrestation , qu'il avait été tenté vingt fois d'en
faire usage pour se dérober à ses souffrances et au spectacle
des maux de sa patrie , et qu'il n'avait été retenu que par la
seule idée d'une femme et d'une fille qu'il chérissait tendre.
ment , et pour lesquelles il croyait conserver sa vie tant qu'il
lui en resterait quelqu'espérance..
D'autres assurent , et Mercier a adopté cette version , que
plongé dans un cachot humide , sans it et sans nourriture ,
on l'y oublia pendaut près de 48 heures . Ce ne fut que le
surlendemain que le gardien , étant entré pour le visiter , il
le trouva étendu mort sur le plancher ; ce qui a fait croire
qu'il était mort de faim dans son cachot , surtout y étant
entré deja exténué de besoins , et que c'est la raison pour
laquelle cet événement qui devait naturellement faire du bruit ,
est resté secret jusqu'à ce moment.
Quoi qu'il en soit de ces variantes , il n'en a pas
moins péri
victime des horribles persécutions des monstres altérés du
sang humain , et qui l'ont fait répandre par torrens sur toute
La République . Dans le dernier entretien que j'eus , avec
Condorcet , dit Mercier , je lui remis un itinéraire pour le
comté de Neufchâtel , au moyen duquel il pouvait éviter Besançon
, Pontarlier , et passer le Doubs . Il y a apparence
que Condorcet a craint d'être arrêté dans ce long trajet . Lø
f2537
France et l'Europe entiere doivent d'autant plus regretter la
perte de cet écrivain recommandable par une prodigieuse variété
de connaissances , qu'il a péri presqu'au milieu de sa
earriere , et qu'il promettait à ses contemporains et à la postérité
un long tribut de ses lumieres . La liberté pleure un de ses
plas ardens défenseurs.
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉZS OCCIDENTALES.
"
Bayonne , le 17 frimaire , l'an 35. de la République.
❝ J'avais donné ordre , citoyens représentans , de faire oc
emper Castellon , village à une lieue et demie à la gauche de
Tolosa , longeant le chemin de Lecombery. L'ennemi l'avait
occupé avant nous . Il y était en force . Le 1er . bataillon de
chasseurs Basques , protégé par ceux du ge . bataillen du
Tarn , et du 7. du Gers , à emporté ce village de vive
force , et y a établi son cantonnement . Le combat a été vif.
L'ennemi , coupé dans sa retraite , a fui avee précipitation ,
laissant un grand nombre de morts et notamment le colonel
des Catalans .
•
J'espere que ce choc le dégoûtera d'établir ses cantonnemens
trop près des nôtres. S'il s'y obstinait , nous l'en ferions
repentir de rechef, "
Signé , MOUSSEY.-
A Bayonne , le 20 frimaire , l'an 3º , de la République.
L'armée des Pyrénées occidentales , citoyen président ,
après avoir reçu l'étendard tricolore que la Convention nationale
lui a donné , nous a remis en échange ces drapeaux
pris par elle sur les Espagnols , en différentes circonstances .
Le citoyen Forgues , aide-de- camp du général en chef , est
chargé de les présenter à la Convention. L'armée ne tient
point sa dette acquittée par une si légere offrande . C'est le
premier mouvement de sa reconnaissance . Ses efforts offriront
davantage , et continueront tant que la Convention nationale
l'ordonnera , et que les intérêts de la Republique l'exigeront.
1 " Il y a presque chaque jour des escarmouches ou des
attaques de poste dans quelques -unes de nos divisions . L'avantage
reste constamment du côté de la liberté . Les suites sont
ordinairement trop peu conséquentes pour les faire connaître
en détail ; mais elles le sont toujours assez pour assurer en
général , que nulle part la bravoure et la modestie ne sont
plus à l'ordre du jour , que dans cette armée . "
Salut et fraternité .
Signé , BEAUDOT et GARREAN,
( 254 )
3
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de l'analyse de la procédure contre Fouquier- Thinville.
Même témoin . Le 9 thermidor , l'infâme Damas présidait
dans la salle de l'Egalité ; on a observé que Fouquier , qui ,
dans les grandes causes , ne siégeait que dans la salle de la
Liberté , siégeait alors dans la premiere , comme s'il eût
pressenti les événemens , et sur - tout l'arrestation du président
Dumas , qui eut lieu à midi et demi. Il faisait le résumé ,
posait les questions , lorsqu'on vint annoncer secrettement qu'il
allait étre arrêté en vertu d'un decret . Les accusés et les jurés
se retirerent . Quand cette nouvelle parvint jusqu'à lui , il
pâlit ; an instant après arriverent les gendarmes , qui l'inviterent
à les suivre . Ce fut un coup de foudre pour cet homme
lâche et féroce , qui , d'un seul mot et d'un seul regard
voyait tant de victimes à la mort. En descendant de son siège ,
on le vit , de rage , arracher et déchirer son manteau et ses
autres décorations de juge .
• en-
Les jarés rentrerent , et le jugement fut prononcé par l'un
des juges .
Boucher demanda alors à Fouquier , ce que signifiait cette
'arrestation ce n'est rien , lui répondit-il.
3
A une heure , le bruit se répandit qu'il y avait du mouve
ment au fauxbourg Antoine .
A trois heures et demie , Fouquier sortait du tribunal pour
aller avec Coffinhal diner chez Verne , ce septuagénaire inal
heureux , qui , pour échapper à ces scélérats , à Carrier et à
leurs complices , les recevaient malgré lui à sa table , dont ils
s'étaient arrogés le droit de disposer.
L'exécuteur en chef , Samson accompagné d'un de ses
agens , dit à Fouquier- Thinville , sur son passage on assure
qu'il y a beaucoup de fermentation dans la ville . Ne serait - il
pas à propos de différer l'exécution ?
Fouquier , craignant de perdre une victime , s'il perdait une
minute , lui répondit : Rien ne doit arrêter le cours de la
justice.
La rage de ses hommes de sang était parvenue à un tel
degré d'effervescence , et la guillotine était tellement empreinte
dans leur imagination furibonde , que , faute de victimes , il
se seraient fait guillotiner eux -mêmes , avec le greffe . En effet ,
quelques jours après le 14 thermidor , époque de l'arrestation
de Fouquier-Thinville , je descendis à la Conciergerie ; il était
à uue fenêtre ; je ne fis pas semblant de le voir . Tavernier ,
mon collegue , entra au greffe de la géole , où était cet homme ,
qui de grand accusateur est devenu accusé , et qui lui dit :
་
( 255 )
1
Fabricius à tort de m'en vouloir ; il connaft Fréron et autres
députés , il devrait leur parler en ma faveur , car c'est moi qui
ai empêché de le mettre en jugement , ainsi que Wolfet toi. 19
A ces mots , Tavernier pâlit ; sa frayeur fut extrême ; il vint
m'en faire part , et nous vimes alors tous les dangers que nous
avions courus , et que le greffe avait frisé de près la guillotine .
J'observe , a continué le témoin , que Fabricius , aujourd'hui
Pâris , fut arrêté le 20 germinal , comme ami de Danton et de
Camille , et qu'il fut emprisonné pendant quatre mois .
Tavernier , toujours plein de sa grande frayeur , alla trenver
l'écrivain qui remplissait les fonctions de greffier en chef, à la
place de Paris , à qui elles avaient été confiées depuis l'installation
du tribunal , jusqu'au moment de son incarcération ; il
lui fit le récit de ce que Fouquier venait de lui dire. L'écrivain
lui répondit qu'il n'en avait eu aucune connaissance .
Les craintes de Tavernier pour lui et pour le greffe , étaient
d'autant mieux fondées , que Dumas avait dit plus d'une fois :
Est- ce qu'on ne peut donc pas se passer de ce Wolf; et ces
paroles , dans la bouche de Dumas , pouvaient être un arrêt de
mort.
à son
Boucher m'a dit que Fouquier lui ordonna d'aller chercher
au Luxembourg une femme nommé Biren . Boucher ,
retour , lui observa qu'il y avait deux femmes Biron ; amenezles
, repliqua Fouquier , elles y passeront toutes deux . Boucher
les amena , et elles passerent effectivement toutes deux à la
barriere du Trône . L'une était la femme du maréchal et l'autre
celle du général Biron qui a commandé dans la Vendée .
Beacher fut chargé d'aller arrêter un nommé Castellane , il
lui observa aussi qu'il y en avait plusieurs de ce nom ; Eh bien !
dit- il , amene tout ce qui s'appelle Castellane . On n'en trouva
qu'un , et j'ignore s'il a été executé.
Les liaisons entre Fouquier - Thinville et Fleuriot - Lescot
étaient connues , celles de leurs femmes ne l'étaient pas moins ;
et Tavernier jeune , qui fut chargé de faire le rapport de
l'exécution , m'a dit que Fouquier s'était plaint à lui de ce que
Fleuriot- Lescot avait été guillotiné le dernier .
Lorsque Fouquier venait au greffe , il s'emportait souvent
contre les employés au greffe , et sur- tout contre les huissiers
auxquels il atribuait trop de lenteur.
Fouquier a répondu : Il est possible que je me sois emporté ;
je suis vif et j'aime que tout se fasse avec activité . ( On rit. )
Mais il ne s'agit pas ici de guillotine , mais de l'activité dans
le service du greffe .
L'amalgame de la fournée que le témoin se plait à nommer
des chemises rouges , n'est point mon ouvrage. J'ai les pieces
qui m'autorisaient à mettre en jugement 71 personnes .
( Il a donné à ce sujet lecture d'un arrêté du comité de
salut public , du 26 prairial , et d'un décret portant que le
ibunal jugera , conjointement avec l'Amiral , Renaud , Car-
A
( 256 )
dinal , Burlandeux , Ozanne , ex - officier de paix , etc. 1
C'était a dit Fouquier , ce qu'on appellait alors la conspiration
du baron de Batz. Quant à la femme d'Ozanne , bien loin de
J'avoir éconduite , sur sa demande , je lui accordai que son
nari sortirait une fois par décade , sous la surveillance d'un
officier de paix , pour des recouvremens qui ne pouvaient se
faire que par lui ; quand j'ai dit , en parlaut de son mari , son
affaire est faite , c'est que le déerei était rendu , et je dis , voila
le décret , il faut que je le mette en jugement . C'est à cette
époque que commencer eat les amalgames , mais j'avais reçu
des dres .
Pour ce qui concerne Lavergne , commandant de Longwi ,
il était accusé de conspiration , et d'avoir emporté la caisse
militaire . Sa femme , au moment de son jugement , se livra au
désespoir , e cria vive le roi ! On l'amena au tribunal , le
peuple voulait qu'elle fut jugée à l'instant ; on l'interrogea , on
consulta le comité de salut public ; et d'aprés l'ordre de ce
comité elle fut jugée et condamnée à la salle de l'Egalité , et
conduite le même jour à l'échafaud , dans la même charette que
son mari , ainsi que l'a declaré le témoin . Mes fonctions se
bornaient à dresser les actes d'accusations , à mettre les accusés
en jugement ; mais je n'étais ni juré , ni juge ; ainsi je ne
pouvais être responsable des jugemens .
La soeur de Gattey , libraire , fut effectivement jugée deux
Jours après sou frere . Pour d'Ormesson de Noyseau , il avait
signe la protestation des parlementaires , protestation qui fut
trouvéc dans un tuyau de latrines . Le témoin a dit que d'Ormesson
était couvert de plaies ; je faisais constater l'état des
prisonniers malades ; celui - ci avait les jambes enflées de la
goute , mais il avait la tête saine .
Des deux femmes Biron , la veuve du maréchal était accusée
de correspondance criminelle , et d'avoir enfoui des emblêmes
de féodalité . On la cherchait dans toutes les prisons : elle est
là , me dit on . Eh bien , dis - je , amenez- nous - la . L'autre était
accusée d'avoir émigré deux fois .
Castellane était prévenu de complicité avec Arthur Dillon et
Ernest , de vouloir enterer le fils Capet , et de le faire proclamer
sous le nom de Louis XVII .
La suite au numéro prochain . )
P. S. Les citoyens Sergent , Beauchamp , Bernard ( de
Saintes ) , Dubude , Chenier , Viellet , Vasseur ( de la Somme ) ,
Meyer , Réal , Chevalier , Saladin , Johannot , Battelier , Lobiahes
, Sauve , Connard , Syeyes , Boutrou , Montaigu
Courtrais et Thomas , sont désignés par le sort pour composer
la Commission des vingt un .
"
( No. 24. )
MERCURE FRANÇAIS .
De QUINTIDI 15 NIVOSE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 4 janvier 1795 , vieux style . )
LE PATRIOTE ( Poésie. )
DÉMARATE ÉMARATE eut huit fils , et ce malheureux pere
Vit dans un seul combat terminer leur carriere ;
Son coeur , plus fort que ses malheurs ,
Arrêta le cours de ses pleurs .
Il dit , dans les transports de son ame attendrie
Ces mots , qu'en lettres d'or on aurait dû graver :
Ce fut pour toi , ma patrię .<
Que je les fis élever.
1
-Traduit du gres de Dioscorides.
MON
CHARADE.
ON premier sert au jeu , mon second au
Et de la bonne foi mon entier est le gage .
ENIGM E.
De mon auteur je fais' partie ;
Puis -je trop citer ma grandeur ?
C'est moi , lecteur , qui t'apprécie
Et de toi dépend mon bonheur
Tes plaisirs causent ma disgrace ,
Tes peines me rendent mes droits i
J'occupe un fort petit espace
Chez les sujets et chez les rois
Les hommes m'ont en leur tutelle ,
Mais qu'ils savent peu me chérir !
Car souvent ils me font périr ⠀⠀
Bien que je ne sois pas mortelle,
Tome XIII.
>
258 Y
1
HUIT
COCRIP
urr lettres composent MUD Rom .
Oncquet ne fut un plus bruyant ménage ;
Le jour , la nuit je fais tapage i
C'est un vacarme de démon .
Aussi chacun souffre , dit -on ,
Et fuit loin de mon voisinage .
Mon titre cependant de la haute valeur
Devient le plus noble apanage ;
Plus d'un guerrier , plus d'un seigneur
Ne rougit point de m'avoir en partage .
Ami lecteur , à cette double image
Tu n'apperçois que mon extérieur ;
Car , renversant chez moi , pieds , mains , bras , tête et coear ,
L'on trouve réunis sous un même assemblage ,
Du bien l'ennemi déclaré ;
Ce fil dur , léger , qui du verre
Contre le bois , contre la pierre
Assure la fragilité ;
;
Der beautés du Persan l'ennnyente prison ;
La voiture de Phaëten ;
Et la femme et le fils d'un fameux patriarches e
Est-ce tout ? non . Bans mes replis je cache
Le fatal instrument de l'amour subornear
Se poids qui des métaux sait fixer la valeur ;
Ce lieu bannal où Janneton
Vient exposer en étalage .
Et la citrouille et le melon ,
Et la laitue et le fromage ,
Et la volaille et le laitage ,
Et la merlushe et le saumon.
Je pourrais découvrir plus d'un autre avantage ,
Si tout lecteur était un Cicéron ¡ -
Mais c'est assez l'ennuyer sui ce ton ,
je m'en dirai pas davantage.
1
#59 )
NOUVELLES
LITTÉRAIRES .
Histoire du Lion de la ménagerie du Muséum national d'histoire
naturelle , et de son Chien ; par G. Toscan : brochure in - 18 ,
avec figure en noir . Prix , 10 sous ; figure enluminée ,
15 sols , et format in- 8 ° . , avec une superbe figure , prix , 2 liv.
prix ,
A Paris , chez Cuchet , rue et maison Serpentes et au Muséum
national d'histoire naturelle. L'an 3e . de la République Française.
L'AUTEU ' AUTEUR de cette brochure caractérise l'instinct et les
qualités en quelque sorte physiques et morales des lious ,
qui regnent parmi les animaux sauvages des climats brûlants
de l'Afrique et de l'Asie. Il s'attache principalement à faire
connaître la générosité et les sentimens d'attachement et de
reconnaissance dont ce fier animal paraît susceptible . Mais
sans chercher les preuves dans les relations des naturalistes
ou des vuyageurs , il lui soffit de citer l'exemple et le modele
offerts par le lion qu'on voit encore à la ménagerie du Mu .
séum national. Telle est la peinture fidelle
Toscan a tracée , avec autant d'habileté que d'intérêt , de l'en- que le citoyen
fance , des jeux , de l'infortune et de l'affection mutuelle du
lion de la ménagerie et de son chien . Rien n'est sans doute
plus admirable , ni plus digne de l'étude des philosophes ,
que ces observations sur les moeurs et sur les habitudes sociales
des animaux. 6****
Le lion de la ménagerie a conservé tous les traits primitifs
de son espece . Rendu aux plaines de l'Afrique , il y regnerait
encore par le sentiment de sa foree qu'il doit à la nature . La
société n'a pas détruit son instinct , mais elle l'a perfectionné .
Sans rien ôter à son courage , elle lui a fait connaître des
affections qui peut- être lui auraient toujours été étrangeres
dans la solitude . Ces liens qu'il avait formés dès l'enfance ,
l'infortune les avait resserrés ; et privé des plaisirs de l'amour,
il n'en sentait que plus vivement ceux de l'amitié . Aussi
prodiguait-il à son chien les plus tendres caresses . Celui- ci
les recevait et les rendait sans crainte , comme sans défiance ;
sa gaité naturelle , son air franc et ouvert , tempérait l'humeur
grave et sérieuse du roi des auimaux . Souvent il se
jettait sursa criniere et lui mordait en jouant les oreilles .
Le lion se prêtant à ses jeux baissait la tête , Souvent à son
tour il l'invitait lui- même à jouer , en se mettant sur le dos
et le serrant entre ses pattes. La foule qui l'entourait , les
objets nouveaux qui passaient sans cesse devant ses yeux ,
rien ne pouvait le distraire de la société de son chien, Cherchait-
il le repos , c'était à ses côtés qu'il aimait à dormir'; à
R 2
( 260 )
:
son réveil , c'était encore lui qu'il voulait revoir . Quelquefois
même conduit par l'amitié aux illusions de l'amour , d'une
patte il pressait doucement son ami contre son sein , tandis
que de sa langue il allait le lécher sous le ventre . Les repas
seuls suspendaient cette intimité . Alors chacun s'écartait pour
recevoir sa portion , et nul n'aurait ose attenter à la proprieté
de l'autre , pas même la convoitiser des yeux pour se rapprocher
, celui qui avait le plutôt achevé attendait que l'autre
eût fini , et l'on pense bien que le lion était toujours le plus
expéditif. Un jour l'étourderie de l'homme qui les servait fit
que la portion de viande alla tomber sous le nez du chien
et le pain sous la gueule du lion . Celui- ci au même instant
se tourne vers son compagnon qui , montrant les dents , lui
défend d'approcher , et avale sous ses yeux un dîner tel qu'il
n'en avait jamais fait de sa vie . Cette hardiesse de la part du
chien n'a rien qui étonne , quand on considere que l'amitié
de ces deux animaux s'etait fortifice de l'inégalité même de.
leurs forces , et que le plus faible avait acqnis en puissance
morale tout ce que l'autre avait perdu en forces physiques
pour n'être que son égal .
Une paix si touchante était cependant troublée quelquefois
par ceux- mêmes qui venaient en jouir , et qui auraient dù la
respecter. Des morceaux de pain jettes à travers les barreaux
de la loge devenaient presque toujours un sujet de discorde .
Le chien regardant tout ce qui venait de la main de l'homme
comme un bien qui lui appartenait saus réserve , s'en emparait
avec une extrême vivacité . Si le lion faisait un mouvement.
il se jettait sur lui et le mordait à la tête avec tant de fureur
que le sang en coulait ; le lion alors se contentait d'écarter.
avec sa patie son injuste ami. Au reste , ces orages nn'étaient
que passagers ; le lion se livrait rarement à la colere , et le chien
revenait bientôt de ses emportemens . Mais il y avait dans leur
attachement mutuel une nuance très - remarquable , et qui
explique les caprices , les humeurs de l'un et l'inaltérable bonté
de l'autre . Independant sur la terre sauvage , et fier par instinct,
maintenant solitaire et captif, le lion s'était associé un ami .
Il aimait l'ami pour l'ami même , et l'aimait uniquement . Egalement
sensible , le chien aimait aussi ; mais avant de se donner
an lion , la nature l'avait donné à l'homme . Fidele à son instinct
c'était à l'homme qu'il reportait les caresses qu'il faisait au
lion , et jusqu'à celles qu'il en recevait. L'ún n'avait qu'un
ami qui faisait toute sa consolation ; l'autre , en se livrant à
ses caresses , semblait encore en attendre de l'homme, Avec
quelle tendresse n'accourait - il pas à celui qui ouvrant la porte
de sa prison le rendait pour un moment à la liberté ! comme
il s'empressait autour de lui ! comme la gaieté éclatait dans ses
yeux ! tandis que son pauvre ami , inquiet de son absence ,
poussait des rugissemens plaintifs , s'agitait le long de ses barreaux
allait au fond de sa loge , s'arrêtait à l'endroit par où
ง
( 261 )
il était sorti , revenait et retournait encore . Fallait-il rentrer ?
le chien revoyait avec joie son compagnon , mais son dernier
regard semblait dire au gardien qui s'éloignait : « C'est pour
te complaire . " "
Que ne pouvons- nous prolonger plus long - tems le spectacle
de leurs jeux innocens , de leur tendresse mutuelle ; et pourquoi
fant-il que de si doux liens soient rompus ! Depuis
quelque tems le chien couchait sur une banquette de la loge ,
le dos appuyé contre un mur humide. Il y contracta une galle
dont on s'apperçut trop tard pour y porter remede . Il momut.
Le lion privé de son ami l'appellait sans cesse par de sombres
Tugissemens ; bientôt il tomba dans une profonde tristesse ,
tout le dégoûtait ; ses forces et sa voix s'affaiblissaient par
degrés . Dans la crainte qu'il ne succombât on voulut donner
le change à sa douleur , en lui présentant un autre chien . On
en chercha un qui par sa taille et sa couleur ressemblât à son
ami . Quand on crut l'avoir trouvé , ce chien fut amené d'abord
devant les barreaux de la loge . Le lion le fixe d'un oeil etincelant
, sa fureur éclate sur toute sa face , il pousse un rugissement
effroyable , en les pattes tendues , les griffes déployées ,
il est prêt à s'élancer ... A cette passion subite et violente on
crut avoir trompé l'instinct de l'animal , et que dans sa fureur
il ne veut se jetter que sur celui qui retient son chien bien
aimé. On n'hésite plus de le lui abandonner . A peine est-il
entré dans la loge que le lion l'étrangle ... Après ce malheu
reux essai il eût été inutile de songer à de nouvelles teutatives
; en effet , ce n'était pas un chien qu'il regrettait , c'était
un ami. Le tems qui console a calmé sa douleur , et lui a reudu
la santé et les forces ; mais il n'a pu effacer ses regrets . Encore
à présent le sentiment de sa perte se renouvelle , et s'aigrit
à la vue d'un chien qui passe ; il se leve aussi - tôt , il s'agite ,
il gronde sourdement , et ne redevient paisible que for: que cet e
image douloureuse s'éloigne de ses yeux .
Affections instinctives de la nature , que votre naiveté était
aizable , que votre simplicité était touchante ! Puisse votre
souvenir être consacré parmi les hommes comme le monument,
'une amitié pure et désintéressée !
GEOGRAPHIE.
Tableau élémentaire de la géographie de la République Fran
çaise , à l'usage des écoles du premier et second ages ; par le
citoyen Mentelle , professeur public de géographie , cour du
Muséum contenant pour chaque département le chef- lieu et
sa dissance de Paris , les noms , les districts , son étendue en
surface , et le prix des de lettres .
ports
Grande feuille avec
deux petites cartes geographiques au bas , l'une de la France phy
sique , l'autre de la France politique . Prix , 2 liv . 10 sons . Chicate
cit . Mentelle , cour du Muséum ; et chez Hocquet et compaguis,
imprimeurs , rue Montmartre , no . 124,
cerway
R 3
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LES
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 15 Décembre 1794-
ES nouvelles de Constantinople commencent à devenir singulierement
intéressantes . Cette puissance a l'air de vouloir
sortir de sa léthargie , et quoiqu'elle ait manqué l'occasion
favorable que lui offrait l'insurrection polonaise qu'elle aurait
dû seconder , il serait possible qu'elle développât avant peu
de ces grands moyens avec lesquels on fait de grandes choses ,
et que l'amie de la France , car la Porte Ottomane n'a jamais
cesse de l'être , et l'est aujourd'hui plus que jamais , si elle ne
faisait pas positivement une diversion en sa faveur du côté de
l'Autriche , donnât du moins beaucoup d'embarras à cette
paissance ainsi qu'à la Russie , à laquelle elle se prépare à
opposer des forces maritimes vraiment redoutables , en même
tems qu'elle perfectionne ses troupes de terre par la tactique
et la discipline européenne .
Voici ce que portent des lettres de Constantinople … da
25 octobre :
Ces jours derniers , l'internonce impérial a en avec les reiseffendi
une conference , dans laquelle le ministre turc a déclaré
que l'intention du grand - seigneus était qu'on restituât à
la Porte les forteresses de Dubicza , Novi , Gradisca et Dres
nick , prises sur les Turcs pendant la derniere guerre. Ces
places sont retenues par les Autrichiens , en vertu du traité
de Szistow , dans lequel il est stipulé qu'elles ne seront restituées
que lorsque la ligue des nouveaux confins entre la
Croatie autrichienne et la Croatie turque aura été tirée . La
Porte les redemande aujourd'hui , sur le fondement que les
Bosniaques , n'ayant peint voula consentir à la perte de leur
territoire , qui doit passer sous la domination autrichienne ,
et le cabinet de Vienne ayant fait voir qu'il consentirait à
prendre un équivalent dans la Servie , l'article sus - énoncé
doit n'avoir plus aucun effet . La réponse de l'internonce n'est
pas encore connue d'une maniere certaine ; mais on dit qu'il
a demandé da tems , pour informer sa cour de cet objet , et
qu'il a envoyé des dépêches à Vienne.
Le bruit court qu'il a paru à Constantinople 4 magnats
polonais , lesquels sont venus presser la Porte de s'intéresser
aux affaires de leur république , de déclarer la guerre à l'ennemi
commun , et de faire de fortes avances d'argent à la
( 963 )
Pologne. Les Polonais sont partis sans avoir pu rien obtenir
de la Porte , qui , dans le moment actuel , veut éviter de
donner de l'ombrage aux ministres des puissances belligé
rantes. On prétend savoir cependant que l'hospodar de Moldavie
a fait passer secretement en Pologne des sommes d'ai
gent , qui ne sont point indifférentes .
Les préparatifs militaires se continuent , et l'on s'occupe
toujours à mettre les forces ottomanes sur un pied respectable
. Des travanx très-actifs se poursuivent dans les divers
arsenaux , et particulierement dans celui de Darsena . Le
nombre des vaisseaux de ligne que la Porte doit avoir est
fixé à 60 , sans compter les frégates . On construit ici des
cazernes pour loger 20,000 matelets au moins , nombre au
-quel ils doivent être portés et maintenus à l'avenir . Des ordres
ont été envoyés en conséquence à toutes les isles et autres lieux de
l'empire ottoman , de fournir an contingent en hommes propres
à ce service , et de pourvoir aux dépenses de leur entretien,
Il est décidé en outre que les nouvelles milices dont la levée
a été ordonnée , seront composées de 80,000 hommes au
moins ; elles seront instraites aux évolutions militaires dans
cette ville ou dans ses environs , et de - là elles marcheront
aux frontieres où elles seront employées à la défense de
l'empire. Il est question de la suppression du corps des jannissaires
. Le motif qu'on en donne , c'est qu'ils ne veulent
point adopter les nonveaux réglemens militaires , ni la disci
pline introduite dernierement. Ils out également beaucoup de
répugnance à abandonner leur ancien costume . On parle de
les remplacer par des trompos réglées égales en nombre .
Des nouvelles encore plus récentes du même endroit , disent
que les Cosaques do Don et les peuplades du Caucase
viennent de s'insurger contre le gouvernement russe . Il paraît
même que ce n'est pas une simple révolte tumultuaire facile
à étouffer dès sa naissance , puisque les insurgés étaient à
Ta veille de nommer un seraskier ou général en chef pour
commander les troupes dont le point de réunion est
Erserum .
Que l'activité qu'on voit régner plus que jamais depuis
quelque tems dans les préparatifs militaires de la Porte Ottomane
soit liée ou non à ce mouvement insurrectionnel centre
la Czarine , ainsi qu'à ceux des Bosniaques contre l'empereur,
toujours est - il certain que cette activité exiate , que le nouveau
grand visir est intimement lié avec le capitan- pacha et
le reis - effendi connus pour vouloir la guerre , et qu'on ne
s'amuse pas à faire des préparatifs dispendieux en pure perte.
Les Russes auraient encore des affaires sérieuses , si les nouvelles
suivantes des frontieres de Polegne sont exactes :
9
On apprend de Varsovie que Wawrescki , apres avoir quitté le
camp de Kasyn a pris sa marche sur Piaseczno et de- là sur
Nowemiasto . On dit aujourd'hui que son armée monte à 40,000
R 4
( 264 )
1
"
hommes. Ce qui parait confirmer qu'elle est plus forte qu'on
ne l'avait d'abord cru c'est que les généraux russes Fersen
et Denisow qui sont à sa poursuite , ont demandé plusieurs
feis des renforts . On a été obligé de leur envoyer presque
toutes les troupes qui se trouvaient campées dans les environs
de Varsovie . Il n'y a plus que 2000 russes dans cette
ville . Le général Suwarow s'est mis lui - même à la tête du
reste des troupes , pour se joindre aux généraux Fersen et
Denisow.
2
Les russes comparent eux - mêmes l'affaire de Prag à celle
d'Ismael , à raison des pertes éprouvées respectivement par les
deux partis. Prag ne présente plus maintenant qu'un amas de
ruines . Cet effet est du au feu continuel que le généralissime
Wawrzescki fit faire des batteries situécs devant Warsovie . C'est
pendant cette canonnade , et lorsque la munivipalité était en
pourparlers avec le général russe que Wawrzecki sortit de
Varsovie . Il avait chargé un corps de cavalerie d'enlever
Stanislas ; mais toutes Ise issues du château se ; rouverent
fermées et les russes , gagnant déja le rivage de la Vistule
, du côté de Varsovie ce corps se trouva forcé de rejoindre
l'armée polonaise , sans avoir pu exécuter sa commission
.
9
?
On sait aujourd'hui que la sortie de Varsovie avec une armée
du general Dombroski , lorsque cette ville n'était point encore
rendue aux russes , était la suite d'un arrêté du conseil national
. Un million de florins avait été promis au corps de troupes
qui ferait nne diversion nouvelle dans les provinces polonaises
enyahies par la Prusse .
J
Suite du plan de la révolution en Suede , projetée par d'Armfeld ;
son mémoire à l'impératrice de Russie.
"
La situation critique et dangereuse dans laquelle la Suede
se trouve maintenant , ne peut être cachée ; et quand un homme
aime son pays et desire réellement le servir , il n'entreprend
pas de colorer ses dangers . Il doit avoir le courage de les contempler
dans toute leur étendue , et de ne pas s'aveugler luimême
, en se figurant que des palliatifs pourrent suffire , quand
les remedes les plus puissans doivent être administrés . Nous ne
pouvons donc nier que le gouvernement , depuis qu'il a commencé
à être intimide , gêné dans toutes ses opérations , et
airêté dans sa forcé par une faction puissante par son audece .
le nombre de ses adhérens et même par ses crimes ; nous ne
pouvons nier que le gouvernement n'ait cru qu'il pouvait gagner
cette faction , au moyen d'une lâche condescendance et
d'une ignominieuse complaisance ; st qu'au contraire par sa faiblesse
et sa conduite pusillanime , il a aceru l'insolence de cette
faction , aquelle au lieu de se borner à solliciter sa faveur et
des égards , s'est permis de faire des demandes ouvertes . La
liberté de la presse a été accordée , et elle a servi à faire circuler
( 265 )
l'esprit de rébellion dans les provinces et dans l'armée. Les
conséquences malheureuses de cette liberté ont été remarquées
trop tard , et le parti qui en a été l'occasion desire vainement.
arrêter ou prévenir ces conséquences . La faction s'apperçoit des
progrès qu'elle fait. Elle connaît son influence , et voit par sa
force les lois demeurer sans effet , excepté contre ceux qui desirent
défendre les prérogatives du trône , et maintenir l'ordre
public. La faction a maintenaut une telle prépondérance , que
toutes les fautes du gouvernement tournent à son avantage , et
qu'elle traite de criminels les efforts que le gouvernement peut
faire pour rétablir sa fermeté et son influence. C'est de cette
maniele la faction decouvrit ses vues , quand le gouverne- que
ment , dans sa faiblesse , voulut faire montre de force , et , en
prenant un ton de commandement pour intimer des ordres ,
montra son impuissance effective , et ne recueillit que du blâme
et des affronts . Telle est notte situation intérieure. Le parti a
encore fait usage de son influence , pour confondre tous les politiques
, par rapport aux puissances étrangeres , en faisant d'infâmes
traités avec ce qu'il appelle la République Française , et
ses agens particuliers à Constantinople et à Stockholm ; lesquels
probablement ont été une occasion pour rassembler des
troupes près de la capitale , et faire sortir la flotte ; projets
pour lesquels ils ont peut-être avancé de l'argent . La Suede est
ainsi devenue tout - a.coup une source pout répandre les principes
révolutionnaires dans le Nord , qui doivent éveiller parti
culierement l'attention de la Russie , sur-tout lorsque la Suede ,
dans le même-tems , entre d'une maniere hostile dans des né
gociations contraires dans ce tems à ses propres intérêts , ainsi
qu'aux vues du cabinet russe . Il doit donc être reconnu que la
Suede , marchant d'erreurs en erreurs , soit par rapport à son
administration intérieure , soit par rapport à l'administration
étrangere , a réduit l'impératrice à la nécessité de commencer
les hostilités . Si l'on considere les mesures qui ont été pri
ses , ce parti peut paraître inévitable , et devait même arriver
très promptement. C'est pour le prévenir qu'on se
hazarde à mettre les réflexions suivantes sous les yeux de l'impératrice
.
·
,, Il est palpable que le mal tire sou origine de la faiblesse du
gouvernement et sur- tout du défaut de confiance du duc luimême
, d'où il suit qu'il sera toujours l'instrument passif d'une
faction impérieuse et inexorable , qu'il a mal-à- propos voulu
gagner . L'erreur donc que nous découvrons par rapport à nos
aifaires intérieures ou etrangeres ne part point d'aucune malveillance
personnelle du régent , soit envers la Suede , sbit envers
aucune des puissances étrangeres ; le mal vient infaiiliblement
de circonstances accidentelles , et ne peut être pris pour
des projets mûrs et bien examinés d'un gouvernement ferme .
Il suit de-là qu'un changement de personnes auquel le régent
peut être porté par ceux qui sont attaches avec courage et sin(
156 )
cérité au roi et aux principes politiques en usage dans tous les
états , sauvera la Suede , le jeune roi , aussi-bien que le regent
lui-même ; il est encore constant que ce changement ne geut
être plus certain que s'il est effectué par la médiation de sa majesté
l'impératrice de Russie , et qu'il s'arrêterait alors à la ligne
qui aurait été tracée sous sa protection . L'avantage qu'il y aurait
pour elle à sauver la Suede par des mesures paisibles , mais
vigoureuses , va être démontré.
( La fin dans un prochain numéro . }
De Francfort-sur-le-Mein , le 22 décembre.
Les petits moyens de finances que l'empereur est obligé
d'employer montrent assez dans quel état déplorable sont les
siennes , et la disette d'argent est un embarias que le roi de
Prusse , cet autre pivot de la coalition , partage avec lui ,
quoique à tout prendre , Frédéric- Guillaume soit moins ruiné
que François.
on
Voici comment s'expriment à cet égard des lettres deVienne du
4 décembre : la trésorerie se trouvant épuisée par les dépenses de la
guerre qui absorbe tout le revenu et même au - delà , il a été question
de payer en coupons tous les fonctionnaires publics ; mais
cet expedient se trouvant bien loin de remplir le but ,
s'est rávisé , et aujourd'hui c'est d'un emprunt pour le compte
des états des provinces qu'il s'agit . Ceux de Stirie et de Car- ,
niole l'ont déja annoncé : ils ont convoqué pour le 16 unë
assemblée où la chose sera mise en délibération , en prévenaut
les membres des états que cette mesure est urgente .
" D'autres lettres disent que les commandans impériaux de
Valenciennes et de Condé pourraient bien souffrir de l'humeur
qu'inspire au cabinet autrichien les désavantages marqués qu'il
a eus contre les Français. Leur conduite doit être examinée
et jugée militairement. La commission est même dėja nommée
; elle est composée du général Nostits , ayant pour assesseurs
les généraux Terzy et Sternibal .
On est un peu consolé par les nouvelles de Triest , qui représentent
cette place comme ayant infiuiment gagné à la révolution
française. Il ya dans ce pori là un mouvement prodigieux . Les
denrées du Levant , sur -tout les cotons de Smyrne s'y portent
en abondance . On espere aussi beaucoup pour l'avantage du
commerce du canal de communication ouvert entre la Theiss
et le Danube . Les entrepreneurs ont obtenu un octroi qui doit
durer 25 aus . En reconnaissance , ils ont donné à ce canal
le nom de l'empereur.
Voici encore un des nombreux meyens imaginés pour suppléer
au vide des caisses impériales . Le baron de Hugel a
proposé , en sa qualité de commissaire , aux états de l'empire
qui n'ont pas fourni leur contingent , un meyen de remplir
( 267 )
loyalement leur obligation , en payant , pour chaque homme ,
la somme de 200 florins , à compter du 1er . mars 1794 jus◄
qu'au 1er mars 1795. C'est au nom de feld - maréchal de l'empire
duc de Saxe - Teschen que cette proposition s'est faite .
Parmi les états de l'empire dont les contingens n'ont pas
joint , l'on nomme la Pomeranie citérieure , toutes les maisons
ducales de Saxe , la majeure partie des états du cercle de
Westphalie , Mecklenbourg , Holstein , l'évêché de Lubeck ,
les villes impériales de Goslar , Nordhausen , Hambourg et
Bremen .
Nous avions raison de dire que Frédéric Guillaume n'était
gueres moins embarrassé pour avoir de l'argent que François
II . En effet , suivant des nouvelles de Berlin , non- seulement
les sommes destinées aux fêtes d'hiver seront distri
buées cette année aux femmes et aux enfans des soldats qui
sont en campagne , mais même le gouvernement vient d'ouvrir
un emprunt indéfini sous la direction de Struenzée ; le
motif avoué de cet emprunt est l'embarras que cause dans le
commerce la trop grande quantité de petite monnaie en cir
culation dans les possessions prussiennes . On ne recevra que
la monnaie de cuivre 、
les coupons qui porterout intérêt à
quatre pour cent pourront être de 25 , 50 , 100 , 500 et
mille écus remboursables six mois après la paix . Le gouvernement
tâche de faire interpréter favorablement cette mesure
eu donnant à entendre qu'elle n'a pour but que de diminuer
la masse de cette monnaie , dont la guerre a fait émettre
une grande quantité . Mais on sait de bonne part que c'est une
opération de finances comme toutes les autres . D'ailleurs , on
est éclairé sur le vrai motif par l'invitation que le cabinet de
Berlin a faite , le 22 novembre , aux plus riches états des
cercles antérieurs , de concourir à un emprunt de 8 à 10 millions
de forins à 4 pour 100 , dont S. M. P. avait besoin
pour fournir provisoirement à l'entretien des 20,000 hommes
que le prince de Hohenlohe ramenait sur les bords du Rhin .
et dont on notifiait en même tems officiellement la prochaine
arrivée , parce qu'on espérait que cela disposerait les états à
faire des sacrifices pour leurs défenseurs. On insinuait aussi
que des agens respectifs pourraient se rassembler vers le
8 décembre dans notre ville , à l'effet de mettre en regle cette
affaire , dont la conclusion ne devait pas souffrir de difficulté
puisqu'on offrait aux prêteurs toutes les sûretés qu'ils pouvaient
demander.
Des lettres de Neuwied du 10 décembre , représentent laroute
de l'autre côté du Rhin comme couverte , depuis quelques
jours , de troupes , de canons et de chariots qui défilent sans
cesse d'Andernach sur Coblentz , Quelques soldats crient dans
leur marche aux troupes de ce côté : Mayence , Mayence ! Ou
voit aussi passer de nouvelles troupes autrichienacs de ce côté ,
( 268 )
•
et quelques- unes de celles qui ont été en cantonnement dans
les environs elles se portent vers le Bas- Rhin .
:
Quant à Mayence , il y arrive presque journellement des
troupes pour en renforcer le garnison , et indépendamment de
ces secours , on croit qu'il sera établi une armée d'observation
aux postes de cette ville , dans laquelle le général Mollendorf
se rendit le 12 , et assista à une conference qui ne fut levée
qu'à minuit.
Le 14 , les Français tenterent à 8 heures et demie du soir
d'enlever l'avant-poste de Weissenau qu'ils attaquerent avee
Jeur impétuosité ordinaire ; mais ils se raviserent apparemment
sur cette entreprise , car ils regagnerent leurs lignes après
s'être avancés jusqu'à moitié de l'endroit , quoique toute la
chaîne de piquets allemands se fût retirée dans les Flêches an
bout d'une fusillade assez courte ce qu'il y a de sûr , c'est
qu'à minuit la division des hussards de Wurmser occupait
les postes perdus , et que les Français ne renouvellerent point
Fattaque le lendemain , comme le craignaient quelques officiers .
antrichiens qui resterent daus les Fleches pour s'y opposer.
Il y eut seulement le 15, quelques coups de fusils échangés de
part et d'autre , ou de ces tirailleries qui précedent ou suivent
une action plus importante.
ITALIE.
gouverne.
Suivant des lettres de Turin du 26 novembre , le
ment vient d'émettre de nouveaux billets de crédit jusqu'à la
concurrence de 12 millions . C'est la nécessité de faire face
aux dépenses excessives de la guerre qui l'a contraint d'avoir
recours à cette mesure . Mais les nouveaux billets seront discrédités
par les anciens . De pareilles opérations ne pouvant
se faire avec succès dans un pays presque totalement infertile
et sans commerce , où l'agriculture doit tout supporter et
où elle est deja surchargée d'impôts .
Il paraît , d'après divers mouvemens entre les Autrichiens
venus à la défense des Fiémontais et les troupes françaises , qu'il
n'y aura pas cette année de quartier d'hiver , à moins que la
saison n'y contraigne impérieusement. Les Français dans un
de ces mouvemens du côté de Céva ont impose des contributions
sur leur route , et pris beaucoup de bétail . Mais n'ayant
point trouvé de résistance dans le pays de Pampara , ils ont
payé en assignats les 200 boeufs qu'ils ont emmenés . Le 25 ,
sept cents Autrichiens , détachés du corps commandé par le
général Colli , ont repris leur poste à Dego pour obse.ver les
mouvemens des Français .
Des lettres de Rome du 6 décembre présentent cette ville , où
le commerce et l'industrie n'eurent jamais beaucoup d'activité.
comme travaillée d'une espece d'inquiétude sourde ; il semble
( 269 )
qu'on y craigne la prochaine subversion du gouvernement. Les
mesures de rigueur qu'ila prises n'empêchent pas qu'on n'achete
et qu'on ne resserre beaucoup d'or et d'argent. Ces contraven
tions donnent lieu fréquemment à des visites domiciliaires . On
vient de saisir chez des particuliers 4000 écus d'or et de grosses
sommes en billets . Au reste , il faut convenir que de saint-pere
obéit à des insinuations bien propres à ruiner ses affaires . Une
sorte d'esprit de vertige vient de lui faire fulminer une bulle
contre 83 propositions du concile diocésain de Pistoie . Ces
propositions sont adoptées non - seulement dans toute la Toscane
, mais encore, daus les autres possessions autrichiennes en
Italie . Par conséquent une pareille conduite du chef de l'église
peut le brouiller avec l'empereur et le grand- duc , comme il
l'est dans le fond , malgré une réconciliation apparente avec
le roi de Naples , qui ne veut pas reconnaître sa suprématic ser
le royaume des deux Siciles .
Venise , 29 novembre. Le citoyen Noël qui résidait ici depuis
quelque tems , en qualité de ministre plénipotentiaire de la
République Française , sans avoir encore été reconnu
gouvernement Venitien , vient d'être rappellé à Paris . Il a été
remplacé par le citoyen Lallemant , avec le titre d'envoyé ex.
traordinaire . Ce dernier a déja été admis devant le sénat qui
s'est empressé de reconnaître son caractere . On attend encore
un nouveau consul de France , que l'on dit être le citoyen
Alliaud , d'abord vice consul à Naples .
ESPAGNE. De Madrid , le 11 novembre .
Les nouvelles que le gouvernement reçoit des diverses
armées , sont bien propres à l'affliger . Elles ne contiennent
que des défaites des Espagnols , et des succès des Français .
On mande de Navarre , que les derniers , après avoir remporté
une victoite , se sont avancés vers Pampelune , et ont
déja mis le siége devant cette place. La plus grande consternation
regne dans la Biscaye et dans la Navarre , d'où l'on
voit émigrer une foule d'habitans qui se réfugient , partie à
Sarragosse , partie à Madrid . Au milieu de ces revers , le
cabinet s'agite beaucoup . Il tient frequemment des conseils ,
dont la durée est extrêmement longue . Il est toujours question
de procéder à de nouvelles levées , et d'armer les paysans . Ne
pouvant plus compter sur les hommes qui président aux affaires
dans le moment actuel , Charles IV en va chercher dans l'exil
ou la retraite. On vient d'appeller de Gallice don Pietro di
Acugna , qui fut jadis ministre de la justice , et don Eugene
Llaguno.
Le gouvernement , pour subvenir aux frais immenses des
armées , fait de grandes réformes dans les dépenses de la cour."
Il vient de supprimer les carosses qui étaient entretenus pour
( 970 )
les individus exerçant certaines charges à la cour. Une grande -
partie même de ces différens emplois n'existera plus à l'avenir.
Le gouvernement a ordonné de relâcher deux bâtimens
danois et un suédois , chargés de munitions de guerre et de
mâtures , qui avaient été arrêtés et conduits à Carthagêne . Mais
leur chargement a été gardé après avoir été payé au prix de
la facture .
La Hollande a fait acheter à Cadix un vaisseau de 64 canons .
Le prix d'achat est de 64,000 piastres fortes .
ANGLETERRE. De Londres , le 4 décembre.
A l'époque du 25 novembre , l'amiral Howe senait roujours
la mer ; il croisait entre l'embouchure de la Manche et la latitude
de Brest pour assurer l'arrivée des flottes marchandes de
Cadix , de Lisbonne et d'Oporto , convoyées par plusieurs
vaisseaux de guerre , dont quelques- uns ont de fortes sommes
à bord .
Cette flotte protectrice est rentrée à Spithead le 30 novembre ,
sans avoir rencontre dans sa eraisiere aucune eszadre française .
Mais le convoi de la Mediterranée n'est encore parvenu qu'en
partie dans les ports de la Grande-Bretagne , des vens violens
l'ayant dispersé à l'entrée du canal .
La fregate la Circé est allée chercher en Hollande la duc
d'Yorck. On croit qu'il ne commandera plus sur le continent ,.
et que pour le dédommager et le consoler de la perte de cé
commandement , on lui donnera celui des troupes de l'intérieur.
Ce qu'il y a de certain , c'est que les espérances de paix
' évanouissent de jour en jour. Le ministere vient d'ordonner
la levée de plusieurs nouveaux régimens , et s'occupe de prés
paratifs pour la poursuite de la guerre.
On avait compté que le parlement rentrant le 30 novembre
fixesait l'incertitude du public sur cet objet. Mais on s'attend
à le voir encore proroge jusqu'au 21 janvier , comme celui
d'Irlande l'a été jusqu'au 22 du même mois .
Il paraît , d'après des lettres de différens ports de l'Amérique
méridionale et septentrionale , et même quelques passages de
la gazette d'Antigoa , que les Français sont parvenus à reprendre
la Guadeloupe.
La petite armée du général Graham retourne en Angleterre ,
mais aux conditions de ne plus servir contre la France.
L'issue du procès de Thomas Hardi et de John Horne -Tooke
en promet une heureuse à M. Thelwall , le dernier des accusés
impliqués dans la même affaire . C'est encore le fameux Erskine
qui est chargé de sa défense , et parmi les jurés il y en a six de
ecux qui ont absous Thomas Hardy.
( 272)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONAL
PRESIDINCE DE BENTABOLLE.
Séance de septidi , 7 Nivêse .
La société populaire d'Eurre , distrist de Crest , " départen
ment de la Drôme , exprime le desir qu'elle a de voir encou
rager l'agriculture . Elle fait l'éloge du rapport présenté par
Grégoire à la Convention , le 18 vendemiaire de l'an 2º . , au
nom des comités réunis d'instruction publique et d'aliénation ,
sur les moyens d'améliorer l'agriculture en France. Les comités
proposaient l'établissement d'une maison d'économie
rurale dans chaque département. Ce projet a été adopté par
tout le district de Crest et par une assemblée de cultivateurs
de chaque commaue de ce district , convoqués par l'agent national
pour délibérer à ce sujet . La société d'Eurre en réclame
en conséquence l'exéention . Renvoyé aux comités d'agris
culture et d'instruction publique.
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté générale et de législation , annonce que ces comités ,
chargés par la Convention d'examiner la denonciation de
Lecointre , coutre Billaud- Varennes , Collot- d'Herbois , Bar
rete , Vadier , Vouland , Amar et David , ont obéi à ses ordres
et que le sentiment seul de leurs devoirs a pu les soutenir.
dans un travail aussi pénible. Il vient en présenter le résulte
à la Convention . Les comités ont estime qu'il n'y avait pas ,
lieu à examen à l'égard de Vouland , Amar et David , mais
qu'ily avait lieu à l'égard de Billaud- Varennes , Collot - d'Herbois
, Barrere et Vadier.
La Convention decrete la proposition de ses comités , ot
arrête de plus qu'elle tiendra ce soir une séance extraordi
naire , pour procéder , conformément à la loi du 8 bramaire
dernier , à la nomination d'une commission de vingt-uu membres
, pour lui faire un rapport sur les dénonciations faites
contre les représentans du peuple ci - dessus nommés , Billaud-
Varennes , Collot -d'Herbois , Barrere et Vadier.
Barrere obtient la parole et dit que la Convention s'est
enfin rendue à l'objet de ses voeux et de ceux de Billaud et
Collot ; qu'il était tems d'examiner lea calomnies répandues
contr'eux. Ils auraient provoque eux-mêmes cet examen , si
on ne l'eût pas demandé avant eux , afin de prouver qu'ile
n'ont pas cessé de mériter l'estime publique ; et l'on verra
à la manière grande et généreuse dont ils se défendront qu'ils
.
( 272 )
ne veulent qu'éclairer l'opinion du peuple. Barrére fait part en
même tems à l'Assemblée de deux faits qu'il croit essentiels ;
le premier , que le comité des inspecteurs de la saliè leur a
refusé de faire imprimer , par l'imprimeur de la Convention ,
leur justification ; le second , que les comités de gouvernement
leur ont refusé la communication des pieces remises par
Lecointre , en leur disant que c'était par la commission des
vingt- un que cette communication devait être faite.
Collot-d'Herbois parle après Barrere et s'explique dans le
même sens . Il assure que la vérité renversera d'un souffle l'édifice
de mensonges , de perfidies et de persécutions combinés
contr'eux depuis quatre mois . Il assure que cette persecution
n'a pas troublé le calme de leur conscience , qu'elle leur était
due et qu'ils sont glorieux de l'éprouver ; ils ne demandent
que la justice et ils reconnaissent que la Convention en suit
constamment les principes . Collot demande que la Convention
décrete qu'ils sera permis à son imprimeur d'imprimer leur
défenses.
Cette proposition est adoptée .
Garnier ( de Saintes ) demande que l'amnistie accordée aux
rebelles de la Vendée soit étendue aux habitans des communes
voisines qui ont partagé leur erreur , et il cite celle
du Mans . I demande que les tribunaux mettent en liberté les
individus détenus , après leur avoir fait prêter le sermeni de
fidélité à la République..
Bourdon ( de l'Oise ) dit qu'il est bien éloigné de combattre
aucun des moyens qui peuvent concourir à ramener la tranquillité
et rendre à la patrie des enfans égarés ; mais qu'il ne
croit pas qu'on doive mettre en liberté les parens des rebelles
avant que ceux- ci aient posé les atmes . Il demande le renvoi
de la motion de Garnier aux comités . Décrété .
Johannot , au nom des quatres Onités , soumet à la discussion
le projet de décret sur les finances et le commerce .
Boissy diAnglas développe dans un discours les nouveaux
principes qui doivent diriger la Convention dans la législation
du commerce ; il appuie les mesures des comités et y ajoute
de nouvelles considerations .
Sans doute , dit- il , nous aurons bien des difficultés à
vaincre ; mais aussi , nos ressources sont immenses . Il n'est
rien qu'on ne puisse attendre du sol si fécond de la France ,
pourvu qu'un gouvernement moral , énergique et stable , protege
l'industrie , favorise les spéculations utiles , et assure les
effets de la révolution du 9 thermidor . On nous parle toujours
de nos embarras ; pourquoi tait-on ceux de nos ennemis ?
pourquoi ne nous peint- on pas l'Autriche , épuisée par trois
campagnes et par des emprunts ruineux ? Ne nous arrêtons
pas au Piémont , il est indigne de nos regards . La Hollande
est presqu'effacée du tableau des puissances , sa banque s'est
versée dans celle de Londres . La Prusse a vuidé le trésor
laissé
( 273 )
laissé par le grand Frédéric . Le commerce de l'Angleterre languit
à cause des difficultés des communications et de nos prises
nombreuses. Que la Convention porte l'ordre et l'économie
dans les finances , et notre crédit se relevera bientôt . C'est à la
fidélité à nos engagemens et à notre respect pour les propriétés
que nous devrons sur-tout la restauration du credit national.
Ce discours très - bien fait a été souvent applaudi et méritait
de l'être .
Séance extraordinaire du soir.
Avant de procéder à l'appel nominal pour la nomination
de la commission des vingt- un , Rhul demande la parole pour
une motion d'ordre . Citoyen's , dit - il , voulez vous vous déchirer
vous mêmes ? les lignes des ennemis sont plus fortes
que jamais . Ils bordent les rives du Rhio . L'explosion de
Parsenal de Landau ne peut- être que l'eller des intelligences
qu'ils ont dans cette place . Voulez - vous , par vos dissentions
intestines réjouir les Autrichiens et les Prussiens .
Il s'éleve de violens murmures . Les uns demandent l'appel
nominal , les autres que Rhul soit entendu. Après une longue
agitation et beaucoup de motions qui se croisent , la parole
est retirée & Rhul ; l'on procede à l'appel nominal. Les
citoyens dont les noms sortent de l'urne , sont : Sergent , Beauchamp
, Bernard ( de Saintes ) , Dubuse , Chenier , Viellet ,
Vasseur de la Somme ) , Meyer , Réal , Chevalier , Saladin ,
Johannot , Batelier , Lobinhes , Sauvé , Cosuard , Syeyes
Boutron , Montaigu , Courtois et Thomas .
Séance d'octidi , 8 Nivôse.
Paganel , au nom du comité des secours publics , fait décréter
que les dispositions de la loi du 27 vendemiaire , relative
aux colons déportés de nos isles depuis les troubles , seront
applicables à ceux qui étaient en France avant ces troubles ,
et dont les propriétés ont été dévastées , pourvu qu'ils prouvent
leur indigence , et qu'ils envoyaient en France les productions
provenant de leur sol . S'ils n'avaient point de propriétés ,
ils recevront dans leur commune les secours communs .
Les représentans du peuple délégués dans les départemenst
des bouches - du - Rhône , du Var et dans les ports de la Méditerranée
, écrivent à la Convention que la loi du 6 frimaire
dernier , en faveur du commerce , est un premier bienfait
mais que ne suffisant pas pour lui rendre sa liberté et son
énergie , il en fait présager plusieurs autres . Ils prouvent que
le moyen vraiment efficace de remplir ce grand objet est de
rapporter la loi du maximum . Ils ont pris , en attendant , un
arrêté qu'ils soumettent à l'examen de la Convention .
Renvoyé aux comités de salut public , de commerce et
d'approvisionnemens .
Bentabelle fait sentir à la Convention combien il est im-
Tome XIII .: S
1
( 274 )
portant de prendre des précautions pour empêcher les malveillans
d'induire le peuple ea errear, sur le décret qui a rapporté
la loi du maximum . Il demande qu'elle fasse rédiger une
proclamation qui contienne les motifs puissans qui l'ont déterminée
, et une invitation aux marchands à entrer dans ses
vues et à ne point écraser le peuple , mais à se contenter
d'un gain modéré .
Taillefer regarde cette proclamation comme inutile . Veau
et Couturier l'appuient . Ge dernier prononce un discours à
la suite duquel il propose des articles additionnels au décret ,
pour tenir le pain au même prix .
La Convention décrete la proposition de Beatabolle , et
charge Johannot , Cambacérès et le rapporteur du décret de
rédiger la proclamation .
Bailleul demande que David soit mis en liberté et rentre
dans le sein de la Convention , puisqu'elle a décrété qu'il n'y
avait pas lieu à examen de sa conduite. Adopté .
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public ,
de sûreté génerale et de législation , reproduit le décret sur
l'organisation du tribunal révolutionnaire , que la Convention
avait adopté le 23 thermidor , et qu'elle rapporta trois jours
après. Il annonce que les comités ont cru devoir y ajouter
deux articles : le 1er, portant que les juges et les jurés seront
renouvelles tous les trois mois ; le 2e . la réduction des juges
à 12 , au lieu de 24 , et des jurés à 30 , au lieu de 60. Ce
décret est adopté. ( Nous le donnerons après une rédaction
définive. )
Treilhard observe qu'un des articles est conçu de maniere.
à faire croire que la question d'intention doit être toujours
posée. Il pense qu'il y a des délits qui ne permettent pas de
douter qu'ils n'aient été commis avec des intentions nuisibles ;
et il propose de dire que la question d'intention sera posée ,
s'il y a lieu . Le rapporteur répond que cet article est tiré de
la loi sur l'instruction des jurés . Il voudrait qu'on revisât cette
loi qui renferme des défauts . L'observation de Treilhard n'a
pas de suite , il en fait une seconde relative à la maniere de poser
Tes questions ; il voudrait qu'elles le fussent de la maniere la
plus simple et peint de questions complexes , dont l'affaire
de Nantes à dû prouver l'inconvénient. Le rapporteur adopte
cette proposition qui est sur-le-champ décrétée.
Dubois demande que les jurés ne puissent désemparer ni
communiquer avec persoane , jusqu'au jugement de l'affaire qui
leur est soumise . Il dit que des jurés qui interrompent leurs .
fonctions sont exposés à des séductions de tout genre dans .
une ville comme Paris ; que d'ailleurs ces interruptions nuisent
à l'expédition des affaires . Il voudrait donc que si les jurés
ont besoin de repos ou de prendre des alimens , ils pussent le
faire dans un local convenable près du lien de leurs séances
sans communiquer avec le dehors . Ces proposition sontrem
voyées aux comités .
T
( 275 )
萝
: Duhem la Convention vient de prouver qu'elle veut lä
République , et qu'elle ne secondera jamais le fol espoir de
l'aristocratie et du royalisme qui s'agitent et qui voudraient
ramener la constitution de 91 , et nous donner un roi . ( Toute
l'Assemblée se leve en criant vive la République. ) Duhem : ce
mouvement sublime ne m'étonne point , je connais la Convention
; mais je dois vous prévenir qu'il se répand un ouvrage
qui a déja attiré les regards du comité de sûreté générale ,
et qui prêche l'amonr de la royauté. Je suis sûr que les comités
en maintenant la liberté de la presse sauront punir ceux
qui en abusent à ce point.
#
L'ouvrage est intitulé le Spectateur Français pendant le gouvernement
révolutionnaire ; par Lacroix , ancien professeur du
Lycée. A Paris , chez Buisson . L'auteur y déclare d'abord
qu'il doute du voeu du Peuple Français pour la constitution
de 1793. Duhem lit le 23. discours de cet ouvrage , dans
lequel Lacroix propose au peuple la question de savoir s'il
préfere la République ou la monarchie constitutionnelle de
1791. Il explique ensuite quelles doivent être les qualités
de ceux qui seront admis à voter sur cette question , et la maniere
dont il faudra s'y prendre pour s'assurer de la liberté
des suffrages et connaître ainsi le veu national , et il insinue
que la constitution de 1791 pourrait bien réunir la majorité
des suffrages.
L'Assemblée se pénetre d'ane juste indignation . On réclame
de toutes parts l'arrestation de l'auteur , et elle est décrétée à
l'unanimité.
Laignelot , au nom du comité de sûreté générale , annonce
que le comité à qui cet ouvrage a été dénoncé , a dėja rempli
les intentions de la Convention à cet égard , et même
lancé un mandat d'amener contre Buisson , l'imprimeur , et
`qu'il va envoyer l'auteur au tribanal révolutionnaire . ( Vifs
applaudissemen.s)
Duhem continne sa lecture. L'auteur parle des bienfaits de
la constitution de 1791 , et il prétend qu'elle serait mieux
adaptée au bonheur du peuple , en limitaut les pouvoirs du
roi.
Bourdon ( de l'Oise ) : Je jure de limiter les pouvoirs d'un
roi avec le poignard ; et nous aussi , s'écrient tous les
membres.
Un membre : La Convention a juré la république ou la
mort ; je demande qu'elle n'entende plus une pareille diatribe.
D'autres veulent que Duhem soit enten da . Il continue :
L'auteur prévoit le cas où la constitutiou de 1791 serait adoptée,
et où les membres de la Convention et les fonctionnaires
publics artels pourraient devenir les victimes du nouveau
1угап et il lui propose de décréter , avant la fin de ses
acances , que trois vaisseaux seraient équipés pour recevoir
( 276 ) .
les députés et les administrateurs qui , voudraient quitter le
France et passer en Amérique. On leur donnerait la valeur
de leurs propriétés , et 20,000 liv . d'indemnité .
Cette idée a jette un instant de gaîté dans l'Assemblée ,
au milieu de l'indignation profonde qui éclatait de toutes
parts , et les crisi de vive la République qui se sont faits de
nouveau, entendre , avertiront le royalisme de l'inutilité de ses
efforts .
Mailhe annonce que les comités ont préparé un rapport
sur la situation politique de la France , et qu'ils prouveront
qu'il n'est pas permis à un peuple de demander un roi.1
( Applaudissemens . ) Certes , dit Mailhe , le droit de société
est le premier la souveraineté existe dans le peuple , et ib
n'est pas permis à un peuple , d'après les droits saerés de la
nature , d'aliéner sa souveraineté le français qui voudrait un
roi serait un monstre. ( Nouveaux applaudissemens . )
:
Lequinio observe qu'il y aura toujours du désordre , tant
qu'il existera un point de ralliement pour les amis de la
royauté. Il demande que les comites prennent des mesures
pour expatrier le dernier rejetton des rois qui existe parmi
nous . Cette proposition est décrétée à l'unanimité .
Boissy- d'Anglas , pour achever de déjouer les malveillans qui
cherchent profiter de tout , annonce que la rigueur de la saison
n'a mis aucune interruption dans l'arrivage des subsistances ,
et que ce qui ne peut point arriver par la riviere vient par
terre ; if invite le peuple à être tranquille .
Cambon a fait un discours sur les circonstances actuelles .
Il a parlé long- tems contre les pamphlets et les pamphlétaires .
Il s'est plaint de l'oppression des patriotes et de l'opinion
publique qu'il croit corrompue. Il a même laissé percer quelques
regrets sur le décret d'hier contre des députés áccusés
d'avoir participé à la derniere tyrannie.
•
,
Bourdon termine la séance par des réflexions sur notre
situation et les projets de nos ennemis . Il voit que ses mas
noeuvres iendent à nous faire rentrer dans nos anciennes
limites ; mais il annonce que nous sommes en état de faire la
guerre encore pendant trois ans et plus , et que toutes les
fortunes des Républicains seront pour le soutien de la liberté.
Il conslut que nos freres n'ont pas répandu leur sang envain ,
et que la Convention toujours grande et majestueuse remplira
les destinées de la France. Ces réflexions ont été fort applaudies
. $ 25 $
Séance de nonidi , 9 Nivôse.
•
Lanthenas fait hommage à la Convention d'un ouvrage ra
nuserit de sa composition , sur le gouvernement considéré
sous le rapport de la morale et de l'instruction publique , et
dans lequel il prouve qu'elles seules peuvent terminer la rés
( 277 )
volution au profit du peuple , sans oppression , sans massacres
et sans tyrannie. Il demande que le comité d'instruction pu
blique soit chargé de l'examiner , et de décider s'il doit être
imprimé et distribué aux membres .
Bréard dit qu'il faut bien se garder de donner aux comités
le droit de censure sur les opinions des membres de l'Assem
blée , et que tous ceux qui ont des travaux faits sont autorisés
à les faire imprimer et distribuer .
Clausel demande que tous les membres de la Convention
qui ont des vues relatives à l'éducation , soient autorisés à les
faire imprimer et distribuer. Adopté.
Clausel dit que la Convention a frappé hier le royalisme ,
et qu'elle doit aucantir aujourd'hui le fanatisme . Il ajoute
Aqu'on a détruit le dimanche et qu'on n'a rien mis à sa place.
Il s'etonne que la discussion sur les fêtes decadaires ne soit
point ouverte. Chenier fait la proposition de la fixer à primedi
prochain, Décrété.
Sur la propesition de Treilhard , la Convention décrete
que le comité de législation presentera , sous trois jours , le
renouvellement des tribunaux de Paris .
J
Johannot presente la proclamation relative an décret qui
rapporte la loi du maximum . Elle est adoptée. ( Voyez à la suite
des séances. )
Un membre demande que , pour relever l'esprit public , on
y ajoute que les sociétés populaires n'ont pas cessé de bien
meriter de la patrie . Giraud- Poujolle s'y oppose , et cite des
sociétés populaires qui ont été dans un état de révolte contre
la Convention , telles que les jacobins de Paris et les sociétés
de Dijon et de Marseille . Il est persuadé que les sociétés régé
nerees qu'un esprit de corporation n'anime point , ne demandent
point de l'Assemblée ce témoignage de sa satisfaction .
La Convention passe à l'ordre du jour.
Johannot soumet à la discussion le projet de décret sur le
commerce et les finances. Les cinq premiers articles sont
décrétés . La discussion devient vive sur l'art. VI , portant la
Hevée du séquestre sur les biens des sujets des puissances avec
lesquelles nous sommes en guerre . Plusieurs membres démontrent
que c'est à cette mesure que nous devons en partie
la ruine de notre commerce . Ils croient que nous sommes
faits pour donner à nos ennemis cet exemple de grandeur et
de désintéressement. Bourdon qui avait combatta l'article ,
frappé des lumieres répandues dans la discussion et des considérations
qui ont ete présentées , en demande lui - même
T'adoption. Il est décrété. Il n'y a d'exception que pour la
banque Saint- Charles , appartenant à l'Espagne , et pour les
biens des princes étrangers possessionnés en France.
Béance de décadi , 10 Nivôse.
Maille se plaint du rédacteur du journal des débats , qui lui
$ 3
( 278 )
fait dire qu'an français qui demande un roi n'est pas un homme ;
mais un turc . Il fait sentir la conséquence d'une pareille injure
envers une nation qui a toujours été l'amie et l'alliée dès
Français . Il rappelle à la Convention qu'elle a décrété qu'elle
ne s'immiscerait jamais dans le gouvernement des
nations , et il demande l'insertion de sa réclamation au bulletin ,
et qu'une copie du procès - verbal soit adressée à notre ambassadeur
à la Porte . Cette proposition est décrétée .
antres
Bréard en prend occasion de demander le rappert du décret
portant qu'il ne serait fait aucun prisonnier Anglais , Hanovrien
ou Espagnol ; il regarde ce décret comme immoral et
impolitique , contraire an droit des gens et à la loyauté fran
çaise . Fier dans les combats , le Français ne sait pas tuer
après la victoire ; il n'a pas besoin d'un tel aiguillon pour
vaincre .
Le décret est rapporté.
Sur le rapport du comité d'instruction publique , la Convention
autorise ce comité à prendre sur les fonds qui sont
à sa disposition , ceux qu'elle jugera nécessaires pour répandre
les ouvrages les plus propres à détruire le fanatisme .
Carnot , au nom du comité de salut public , fait part d'une
nouvelle victoire remportée par l'armée du Rhin . Le fort du
Rhin de Manheim a capitulé le 5 de ce mois . ( Voyez les Noùvelles
officielles . )
Lesage Sénaut et Duhem trouvent que cette capitulation
est insultante pour le Peuple Français .
Carnot répond qu'en voulant jetter de la défaveur sur cette
victoire , on ne prouve que son ignorance . Il assure qu'il n'a
pas été fait de toute la campagne d'expédition plus sérieuse
et plus pénible , puisqu'elle s'est faite au milieu des glaces
et des neiges . Sans doute , dit - il , on aurait pu réduire Manheim
en cendres , mais il en aurait coûté sept ou huit mille hommes.
Il pense qu'après l'occupation d'un fort tel que celui dont
noure brave armée s'est emparée , les représentans ne devaient
pas balancer à accepter la capitulation qui a été offerte , et il
propose de décreter que l'armée du Rhin me cesse de bien
mériter de la patrie . Ce décret est rendu au milieu des plus
vifs applandissemens .
Les pétitionnaires sont entendus .
Séance de primedi , 12 Nivôse.
Cellier , au nom des comités de commerce et des approvisionnemens
, fait un rapport sur les franchises des ports de
Dunkerque , Marseille et Bayonne . Il établit que les visites
auxquelles sont sonmis les voyageurs qui sortent de Marseille
, attaquent les principes de liberté et rappellent les anviennes
cloisons fiscales , et il fait décreter la suppression des
franchises de ces trois villes , et ordonner que tout bâtiment
( 279 )
jet à la quarantaine ne pourra monilles dans un des ports
de la République , s'il ne prouve par un certificat authentique
qu'il s'est soumis à cette formalité ,
Un secrétaire lit une lettre de Nantes , qui annonce que
journellemeut les habitans de la Vendée rebelles et officiers
de l'armée de Charette , pleins de reconnaissance et de confiance
pour la Convention , se rénnissent à leurs freres . Cette
lettre sera insérée au bulletin .
Girard , au nom du comité de commerce , expose que la
Convention a reuvoyé à son examen la réclamation d'un membre
sur un des articles de la loi qui rapporte celle du maximum
et qui a pour objet de ne pas faire porter les requisitions faites
sur les districts qui n'auraient pas plus de deux mois de subsis
tances. Le comité a trouvé cette réclamation juste , et il propose
en conséquence de décréter que nul ne pourra se refuser aux
requisitions portées par les articles III et V de ls loi du 4 nivose
, à moins qu'il ne justifie qu'il ne possede pas de grains
ou farines au - delà de la consommation pendant six mois .
Ce projet de décret est adopté .
Plusieurs sections de Paris demandent à être admises . Elles
viennent rendre compte qu'hier , dans leurs assemblées géné
rales , les citoyens ont manifesté la plus grande haine pour le
royalisme , sur la dénonciation qui leur a été faite de l'ouvrage
de Lacroix ; mais elles préviennent que les terroristes , sous
prétexte que le nombre des royalistes est grand , cherchent à
faire renaître la terreur , et à attacher tous les anneaux de la
chaîne que nous avons brisée. Elles demandent à la Convention
de comprimer en même - tems les royalistes et les hommes
de sang.
Ces adresses ont été fort accueillies , et seront insérées au
bulletin .
Un membre dénonce un ouvrage intitulé Aux Amateurs du
bon vieux tems , dans lequel l'auteur fait l'éloge de l'ancien
régime.
Lecointre-Puyravaux croit que ces écrits infâmes sortent
des mains des terroristes . Ces hommes désespérés de voir
le regne de sang passé changent leur systéme , et sont devenus
royalistes ; il demande que le comité de sûreté générale
fasse sortir de Paris tous les fonctionnaires publics destitués
depuis le 9 thermidor et qui y afluent.
Fréron déclare qu'il a dénonce le premier cet ouvrage au
comité de sûreté générale ; mais il fait observer que les factieux
veulent en tirer parti pour anéantir la liberté de la presse ,
le palladinm de la liberté publique . Des injures qui lai sont
adressées partent d'un coin de la salle. It reprend : Oui , dit-il ,
la Convention qui s'est si bien prononcee contre le royalisme
, ne souffrira pas plus d'échafauds que de trône . Il est
ort applaudi , et demande qu'en prenant des mesures vigouuses
contre les royalistes , l'on maintienne la liberté de la
esse.
S 4
( 280 )
' Clausel appuie la motion de Lecointre - Puyravaux , et cite
nn faît à l'appui . Des hommes de sang ont agité la section
de Bonne - Nouvelle jusqu'à minuit pour lui faire adopter
une adresse dans laquelle on se prononçait à la vérité contre
le royalisme ; mais on ajoutait qu'il ne fallait plus parler de
Lerroristes .
Duhem : Quand je dénonçais Lacroix , je ne m'attendais
pas d'être traité de royaliste ; il me paraît étrange d'entendre
dire qu'un ouvrage royaliste parte d'un Robespieristé . Lacroix
ne l'est certainement pas . Duhem parle ensuite contre les signataires
des pétitions en faveur de Capet , Lafayette , et les
nises en liberté . Il voit les plus purs patriotes s us l'oppression
, et il finit par réclamer la liberte des opinions pour les
sans - culottes des sections , parce qu'ils n'ont pas les tresors de
la Cabarrus pour fire imprimer.
Tallien contre qui était dirige ce trait , réclame la parole :
C'est aujourd'hui le jour des explications , dit- il ; il est beau
pour la vertu. On a parlé d'une femme , la fille de Cabarrus ,
persécutée pour ses opinions philosophiques ; cette femme est
mon épouse . Jence par Robespierre dans un cachot , on lui
dit qu'elle n'avait qu'à lui écrire qu'elle m'avait connu sous des
rapports défavorables , et qu'elle obtiendrait un passe-port
pour l'étranger et la jouissance de ses propriétés . Elle s'y refusaet
elle est restée en prison jusqu'au 12 thermidor . Les pieces
trouvées chez Robespierre attestent qu'elle devait être envoyce
ce jour-là à l'échafaud. Tallien ajoute qu'on s'occupe
journellement dans les prisons à fabriqunr des calomnies contre
lui.
le
Cambon et Legendre attestent ce fait . Laignelot dit que
coraité de sûreté générale savait hier que la scene provoquée
par Duhem devait avoir lien aujourd'hui ; mais que le motif
n'est pas equivoque , lorsqu'on voit que c'est au moment
où la Convention a déclaré qu'il y avait lieu à´exainen contre
trois hommes que la Frasce accuse, I demande que tout
membre qui insultera ses collégues soit envoyé à l'Abbaye .
Audré Dumont se felicite d'avoir eu part aux calomnies des
terroristes , et de n'avoir employé que l'arme du ridicale contre
le fanatisme. Il convient même que pour soustraire à la furcur
de Robespierre les nobles , les prêtres et les riches du dépar- -
tement de la Somme , il a supposé une conspiration . Il ajoute
que ce moyen a réussi , puisqu'ils vivent tous , et sont libres
aujourd'hui . La Convention décrete la proposition de Laignelot,
et sur la motion de Bréard , appuyce par Bourdon ( de l'Oise ) ,
elle passe à l'orde du jour sur celle de Lecointre , motivée sur
ce que le comité de sûreté générale a des pouvoirs suffisans
pour assurer la tranquillité publique.
1
( 281 )
Praclamation sur la suppression du maximum .
Fraugais , la raison , l'équité , l'intérêt de la République
réprouvaient depuis long - tems la loi du maximum ; la Convention
nationale la revoque , et plus les motifs qui ont dicté
ce décret salutaire seront connus , plus elle aura de droit à
votie confiance . En prenant cette mesure , elle ne se méprend
point sur les circonstances dont elle est environnée . Elle
prévoit que la mauvaise foi s'efforcera de persuader à la credulité
que tous les maux causes par le maximum lui - même ,
sont l'effet de sa suppression . Mais vos fidels représentans
ont oublié ses dangers , et n'ont vu que l'utilité publique.
" Les esprits les moins éclaires savent aujourd'hui que la
loi du maximum anéantissait de jour en jour le commerce et
l'agriculture ; plus cette loi était en vigueur , plus elle devenait
impraticable ; l'oppression prenait en vain mille formes ,
elle rencontrait mille obstacles . On s'y dérobait sans
elle n'arrachait que par des moyens violens et odieux des ressources
prccaires qu'elle devait bientôt tarir .
cesse , ou
" C'est donc cette loi si desastreuse qui nous a conduit
à l'épuisement . Des considerations qui n'existent plus l'ont
peut- être justifiee a sa naissance ; mais une disette absolue
en cût été la suite nécessaire , si la Convention , en la rapportant
, n'eût brisé les chaînes de l'industrie . C'est à l'industrie
dégagée d'entraves c'est au commerce régénéré à multipliér
nos richesses et nos moyens d'échange . Les approvisionnemens
de la République sont confiés à la concurence et à la
liberté , seules bases du commerce et de l'agriculture . Mais ,
après tant de calamités , leurs bienfaits ne seront pas aussi prompts
que nos besoins sont pressans . Tout passage subit à un nouvel
ordre de choses , tout changement , quelqu'utile qu'il soit ,
n'est jamais sans secousse , et offre presque toujours quelqu'inconvénient.
L'impatience des citoyens a voulu dans ce
moment se pourvoir à tout prix des denrées nécessaires à
leur consommation . Cette cause jointe à l'inclémence de la
saison , a dû leur faire subir un renchérissement momentané.
Quelques jours encore , et nous verions les heureux effets d'un
decret que la malveillance calomniera sans doute ; mais qui était
commandé par le salut du peuple . Que toutes les craintes
disparaissent. Le gouvernement veille nuit et jour. Vos représentans
attendent tout du caractere qui distingue la nation
française , et les subsistances seront assurées . La fraternité né
sera plus parmi nous un vain mot ; elle repoussera également
les calculs de l'avarice et les fausses alarmes qui servent
encore mieux l'avidité des spéculateurs en produisant une disette
factices
( 282 )
" Vous ne compromettrez peint cinq années de travaux et
de sacrifices , et le génie de la liberté triomphera aujourd'hui
de toutes les passions , de ses besoins mêmes , et de la rigueur
des élémers , comme il a triomphe de tous les tyrans
de l'Europe .
" Vos ennemis s'agitent dans l'ombre , et cherchent à égarer
le peuple ; mais il sera sourd aux insinuations de la perfidie ,
et ne se ralliera qu'à la voix de la patrie .
Hier , la royauté semblait conspirer encore du fond de
son tombeau. Ses blasphêmes ont retenti jusqu'aux portes du
sanctuaire de la liberté . Mais ce dernier cri du fanatisme
royal , frappant d'indignation tous les Républicains , les réunit
pour leur prêter une énergie nouvelle . La justice et la raison
rameneront peu- à-peu l'abondance . Le peuple le plus magnanime
recueillera enfin le fruit de ses vertus ; et ses représentans
trouveront leur récompense dans le spectacle de son
bonheur. 21
PARIS. Quartidi , 14 Nivôse , 3e . année de la République.
Il est acile de s'appercevoir que le plan de ceux qui n'ont
pas le courage d'immoler leurs passions au salut de leur pays ,
ou qui craignent peut- être un examen trop rétrograde des événemens
révolutionnaires , est d'avilir et de molester la Convention
par des altercations périodiques qui prennent un carac
tere plus violent chaque fois qu'il s'agit de quelques mesures
extraordinaires . Profiter des circonstances difficiles pour tâcher
de dépopulariser la majorité de la Convention , sera toujours
la tactique de ceux qui n'ont jamais fait de la révolution qu'une
affaire de parti. On a va que l'époque de la mise en jugemen
de Carrier fut marquée par les plus vives agitations ; celle du
dernier rapport des trois comités de gouvernement en a fait
éclore de nouvelles . Des injures , des menaces , des provocations
et des apostrophes indécentes , tels sont les alimens dont
on voudrait nourrir l'Assemblée réprésentative , pour lui faire
perdre sa dignité , et la détourner d'acquitter sa dette envers
l'intérêt commun. Il ne suffit pas de rendre des décrets pour
se faire respecter , il faut être indexible dans leur exécution .
Si la Convention fléchit dans ses mesures de sévérité , elle ne
compromettra pas seulement sa propre gloire , mais l'espérance
, le salut et la vie de tous les vrais amis de la liberté qui
font aujourd'hui cause commune avec elle , et qui veulent le
regue de la justice et des lois .
Depuis la mesure repressive prise contre l'auteur du Spectateur
Français pendant la révolution , la liberté de la presse semble
avoir été frappée de terreur. Des écrivains , recommandables
( 283 ).
par leurs intentions , et qui s'occnpaient à payer le tribut de
Teurs lamieres à la chose publique ne rencontrent plus que
des obstacles dans la craintive circonspection des imprimeurs
et des libraires . Nous ne craignons pas d'assurer que toutes
ces alarmes sont vaines . La Convention saura toujours distinguer
celui qui dans des discussions politiques n'est animé que
du desir d'être utile , d'avec ces écrivains imprudens qui ,
des conjonctures délicates , et au milieu des agitations de l'esprit
de parti et des voeux formés par la malveillance , laissent
transpirer des opinions dont il est facile à celle - ei d'abuser
pour calomnier la liberté de la presse . Ceux qui affectent le
plus de crier au royalisme et de déclamer contre le systême
de liberté pour ramener l'esprit public sous leur proprejoug ,
ne sont peut- être pas les plus étrangers à ces productions abusives
, qui sont souvent l'effet d'une tactique adroite , dont a
fait plus d'une fois l'essai dans la révolution . On est trop
sûr de la clairvoyance et du bon esprit de la Convention , pour
n'être pas convaincu que si la liberté de la presse produit quelques
inconvéniens passagers , elle a des avantages si permanens ;
que , loin de laisser étouffer des pensées utiles , elle encouragera
leur manifestation . C'est un adage devenu populaire parce
qu'il est frappant de vérité , qu'il n'y a que les fripons et les
méchans qui craignent les réverberes .
Toutes les nouvelles qu'on reçoit de Marseille et de Toulon
qui vient de reprendre son nom , annoncent qu'on y fait des
préparatifs immenses qui paraissent destinés à une expédition
sur la Corse , et que notre escadre est sur le point de sortir.
Plusieurs bataillons sont déja arrivés , des ordres ont été donnés
à toutes les communes situées sur la route de Nice à Toulon ,
de préparer le passage à 20 mille hommes ; ainsi , sous peu de
jours il y aura une armée considérable . La plus grande ardeur
anime les troupes , et l'on n'attend plus que la division de
Brest qui doit arriver bientôt dans ces parages .
et
Un convoi de dix-huit voiles , chargé de grains , venant de
Tunis , est heureusement entré dans ce port , et il est présentement
en quarantaine ; la joie est dans tous les coeurs ,
nos subsistances sont assurées , soit pour le port de la Montagne
, soit pour les départemens voisins . Le représentant du
peuple Jean - Bon - Saint-André a ordonné la célébration d'une
fête civique sur l'anniversaire de la prise de Tonlon pour le
30. Une proclamation vient de l'annoncer au public , et tout
fait présager qu'elle sera gaie et intéressante . L'arrivée d'un
convoi immense qui assure nos subsistances , le tableau des
crimes atroces des Anglais , la justice enfin que le représentant
du peuple rend aux patriotes du port de la Montagne , tout
semble fait pour intéresser et satisfaire.
Il est encore arrivé dans ce port , sous pavillon tare , pld-
1
( 284 )
譬
sieurs bâtimens grecs et génois chargés de bled et autres comestibles
. Leur cargaison était destinée pour Nice ; mais les représentans
qui y sont , ayant trouvé cette commune suffisamment
approvisionnée , l'ont fait passer à Toulon et à Marseille .
Des lettres de Nantes portent que suivant une lettre de
Philadelphie , Saint Marc est évacué par les Anglais , et que
le Port- au-Prince est bloqué par terre par les noirs .
Circonstances sur la mort de Bailly .
De tous les hommes de la révolution , Bailly est l'un de
ceux qui a été le plus rassasié de gloire , et qui y était le
moins appellé à y figurer un rôle par son caractere et ses
inclinations naturelles . Occupé de sciences et de philosophie ,
doué d'une ame douce , plus propre à la méditation qu'au
grand mouvement des affaires , il avait passé sa vie dans une
retraite modeste , dégagé de toute ambition , et sans autre
desir que celui d'une célébrité que son style et ses connais
sances étaient sûrs de lui mériter. Dans son histoire de l'Asstronomie
et ses lettres sur l'Atlantide , il s'était montré presque
légal de Buffon . La révolution de 1789 le porta sur un
théâtre qui semblait le moins convenir à ses habitudes . Nommé
aux états -généraux , il s'y fit remarquer par son aménité , par
son esprit conciliant et le taet des convenances . Il fut le premier
président de l'Assemblée nationale , et le premier maire
de Paris . Heureux si , mieux instruit par l'expérience des
hommes et des choses , il eût sû se défendre de la petite
vanité d'être prolongé dans des fonctions qui devenaient périllenses.
S'il se fût borné à sa premiere mairie , rien n'eut
manqué à son lustre civique. Il voulut être maire une seconde
fois , et il devint la victime d'intrigues qu'il n'eut pas la
sagacité d'appercevoir. L'affaire du Champ- de- Mars le perdit,
ou plutôt elle a servi de prétexte à des hommes qui avaient
jusé d'immoler toute espece de mérite à leur tyrannique popularité
. Nous allons rapporter quelques circonstances qui ont
précédé et accompagné la mort d'un homme qui était digne
d'une autre destinée .
Bailly écrivit dans sa prison un mémoire justificatif sur
tous les faits dont il était accusé , notamment sur l'affaire du
Champ- de - Mars . Ce mémoire a été imprimé sous le titre de
Bailly à ses concitoyens ; mais il est peu counu ; car quoiqu'il
fût écrit avec la plus parfaite modération , qu'il n'inculpât
personne , et qu'il fût uniquement borné à la défense d'un
accusé , aucun libraire , aucun colporteur n'ont osé le vendre ,
et ce n'est pas la un des caracteres les moins frappaus de
'oppression universelte sous laquelle gémissait tout un peuple
qui ne parlait que de liberté.
( 285 )
" Bailly communiqna son mémoire à quelques - uns de ses
Compagnons de captivité , et particulierement à un homme
de beaucoup l'esprit qui , par les talens distingués et les
sages principes qu'il avait développés dans une de nos assemblées
nationales , méritait bien d'être compris dans la grande
Conspiration tramée par Robespierre contre tous les genres de
mérite.
" L'ami de Bailly fut vivement frappé de l'evidence des
preuves qui attestaient son innocence . Si on lit ce mémoire ,
lui dit il , il est impossible qu'on vous condamne . Ils ne le ,
liront pas répondit Bailly , et quand ils le liraient , ils me
condamneraient encore . Ils veulent ma tête et il l'auront ; et je
crois , ajouta- t-il que leur acharnement est tel , qu'ils changeront
pour moi la nature àu supplice ; ils ne le trouveront pas assez cruel .
Puis , apres un moment de réflexion , il ajouta : Cette idée
m'afflige pour les malheureuses victimes qui seront égorgées après mois
car la mort de la guillotine est bien douce. "
On trouve dans une brochure intitulée : Mémoire d'un détenu
pour servir à l'histoire de la tyrannie de Robespierre , des détails
non moins curieux sur l'infortané Bailly.
}
Vers le même tems , dit l'auteur , on amena Bailly , l'homme
de la révolution le plus heureux en honneurs , et celui dont l'agonie
fut la plus douloureuse . Il épuisa la férocité de la populace
dont il avait été l'idole , et fut lâchement abandonné par le
peuple , qui n'avait jamais cessé de l'estimer. Il est mort
comme le juste de Platon , au milieu de lignominie : on, cracha
sur lui ; on brûla un drapeau sous sa figure ; des hommes
furieux s'approchaient pour le frapper , malgré les bourreaux .
indignés eux -mêmes de tant de fureur . On le couvrit de
boue : il fut trois heures à la place de sen supplice , et son
échafaud fut dressé dans un tas d'ordures . Une pluie froide,
qui tombait à verse , ajoutait encore à l'horreur de sa situation :
les mains liées derriere le dos , obligé de ravaler l'humeur qui
s'écoulait de son nez ; il demandait quelquefois le terme de
tant de maux ; mais ces paroles étaient proférées avec le calme
digne d'un des premiers philosophes de l'Europe . Il répondic
à un homme qui lui disait : Tu trembles , Bailly.
ami, c'est le froid.
Mon
Si l'on demande d'où nous étions si bien instruits , qu'on
sache que c'était par le moyen de l'exécuteur , qui , pendant
une année entiere , n'a cessé un seul jour d'être appellé dans
cette horrible demeure , et qui racontait aux geoliers ces abomimables
et admirables circonstances . ››
$
*
( 286 )
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Extrait de la procédure commencée contre Fouquier - Thinville ,
le 28 frimaire.
} Même témoin. Dillon , qui avait été mis en liberté , fut accusé
avec Hebert. Castellane était déja arrêté dans l'endroit où il
demeurait. Je dis , si ce n'est pas lui , on le renverra , amenez - le
toujours . Il a voulu dourer 100 mille liv. pour son évasion ; il
doit être sorti . Mais je n'ai pas donné l'ordre d'arrêter tous les
Castellane .
Quant au guillotinage de Pâris , de Tavernier et de Wolf ,
c'est une invention . Voici la cause de l'arrestation de Pâris , et
des dangers qu'il a pu courir . Dénoncé pour des propos , et
pour avoir pris les intérêts de Danton , le comité de sûreté générale
lança contre lui un mandat d'arrêt qui fut révoqué .
Mais après la condamnation de Danton , il s'est vanté qu'il ne
signerait point son arrêt de mort , il fut incarcéré . Ce n'est pas
moi qui ait fait mettre Danton en jugement , c'est en vertu d'un
décret.
Le cure Macé avait été mis en liberté ; pour le même fait , le
tribunal , et non pas moi , lança un nouveau mandat d'arrêt .
contre lui . Il est faux qu'il se soit passé un mois sans chercher
à le mettre en exécution .
" Dans les reproches qui me sont faits relativement aux
femmes déclarées enceintes , on a constamment suivi le rapport
des chirurgiens , et , à l'époque du 9 thermidor , il y avait excore
à l'hospice neuf femmes enceintes . D'ailleurs , le rapport
des chirurgiens était toujours suivi d'un jugement rendu en la
chambre du conseil .
On a observé à l'accusé que les rapports distinguaient les
femmes enceintes , celles qui ne l'étaient pas , et celles dont la
grossesse était donteuse , et que dans le doute on devait toujours
suspendre l'exécution .
L'accusé a répondu : Dans les cas douteux , on en a agi ainsi ,
et là - dessus il faut consulter les procès- verbaux qui doivent
exister.
Ici Wolf a dit : Oui , dans les commencemens on en agisait
ainsi , mais non dans les derniers tems ; car trois femmes
qui s'étaient déclarées enceintes , et qui avaient porté leur déclaration
à la chambre du couseil , furent guillotinées le même
jour.
Fouquier : La Monaco n'a été exécutée que trois jours après
son jugement.
On lui a encore observé que les chirurgiens avaient déclaré
qu'elle était enceinte , et que néanmoins elle avait été exécutée ,
1287 )
Fouquier Le rapport des chirurgiens lui était contraire
Elle a avoué elle-même qu'elle n'était pas grosse.
Quand Dumas fut arrêté , le g thermidor , à deux heures et
demie , et non à midi et demi , on m'a reproché que j'avais dis
que cette affaire n'était rien ; il m'était revenu qu'il avait parle
aux Jacobins contre Collor- d'Herbois , et je croyais que ce n'était
rien , parce que nous ignorions encore ce qui se passait à la
Convention relativement à Robespierre. A trois heures at demie
, j'allai dîner chez Verne , qui , dînant rue mêlée , m'avait
invité le 6 à venir dîner chez lui le ' g . Nous entendimes le
rappel ; on nous dit qu'il avait pour objet un rassemblement
d'ouvriers , qui réclamaient contre le maximum. Mais lorsque je
fus instruit du véritable objet de ce rappel , je revins ici à mon
poste , où je restai jusqu'à minuit et demi. Ensuite , j'allai
au comité de salut public , d'où je revins à cinq heures du
matin .
Je voyais Fleuriot- l'Escot comme on voit un collégué et un
maire de Paris ; mais je n'ai pas connu la conspiration , Si je
n'ai pas requis l'application de la loi contre Fleuriot , ainsi
que je l'avais fait eontre neuf ou dix autres , c'est qu'il n'était
pas alors présent ; car s'il y avait été , j'aurais requis de même .
Mais on me dit qu'il était au comité de sûreté générale ; on l'envoya
chercher , ce qui occasionna une heure d'interruption .
J'ai dit , il est vrai , qu'on n'aurait pas dû guillotiner le maire le
dernier , parce que les triumvirs étaient là . Robespierre devait
passer le dernier , et non le maire de Paris ,
La séance se levait au moment où arriva le décret de la Convention
qui suspendait toutes procédures commencées au tribunal
; la lecture et l'enregistrement en furent ordonnés .
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DU RHIN
Michaud , général en chef de l'armée du Rhin , au comité de
salut public.
Citoyens représentans , le fort du Rhin devant Manheim
est au pouvoir de la République . L'armée du Rhin , précédée
par les représentans du peuple , Ferrand et Merlin , vient d'en
prendre possession .
Animés de leur exemple , généraux , officiers et soldats
tous ont fait leur devoir. Vos collégues , qui ont partagé les
dangers et la fatigue de ce siége , sont à même de vous rendre
ce témoignage .
" L'ennemi a capitulé après 14 heures de bombardement.
Salut et fraternité . Signé , MICHAUD .
( 288 )
Capitulation proposée par les troupes intérieures et palatines à l'armée
française du Rhin , pour la reddition du fort du Rhin de Manheim.
Le fort du Rhin de Manheim sera renda à l'armée assiégeante
le 25 décembre 1794 , à midi , avec l'artillerie , munitions
et autres objets qui pourront s'y trouver à l'instant desa
reddition , à la condition ci- dessous .
199 La ville de Manheim ne sera point bombardée tant que la
guerre n'aura lieu que sur la rive gauche.
" La démolition du fort du Rhin de Manheim ne sera point
inquiétée. La moindre insulte à ce sujet sera regardée comme
une violation du présent traité , et réprimée par le bombar
dement de la ville .
A Manheim , le 24 décembre 1794.
Signés , le commandant - général commandant les troupes de sa
majesté l'empereur d Manheim et aux environs , comte de WARTENSLEBEN
, général d'infanterie ;
Le commandant- general , gouverneur de la ville de Manheim , pour
son altesse sérénissime électorale palatine , DE BETTERBACH .
Accordé au nom de la République Française les demandes
ci-dǝssus .
L'adjudant-général chargé de pouvoirs suffisans , HEUDELET .
Vu et ratifié au nom de la République Française par les représentans
du peuple et les généraux commandant l'armée devant
Manheim , le 5 nivôse de l'an 3. républicain.
Signés , MERLIN ( de Thionville ) et FERRAND .
" P. S. Dans la séance du 13 Carnot a annoncé la nouvelle
de la prise de Grave , du fort Saint - André , de l'isle
de Bommel et d'un combat sous les murs de Bréda , dont
les lignes ont été forcées . Nous avons pris , dans la même
journée , 120 bouches à feu , 2 drapeaux , la caisse d'un
régiment , 300 chevaux , et fait 1600 prisonniers . Dans ce
nombre ne sont compris ni l'artillerie , ni la garaison de
Grave qui est prisonniere de guerre , et qui vient en France .
La Convention a décreté que l'armée du Nord ne cesse
de bien mériter de la patrie.
La Cenvention a chargé ses comités de lni présenter les
moyens de retirer une partie des assignats en circulation ,
en leur prohibant toute espece de proposition tendante à la
démonétisation.
( No. 22. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 NIVOSE , l'an troisieme de la République,
( Vendredi 9 Janvier 1795 , vieux style , }
* Explic, des Charade , Enigme et Logogriphe du No. 21 .
3 Le mot de la Charade est Dépôt ; celui de l'Enisme es l'Ams , parcelle
de la Divinité ; celui du Logogriphe est Maréchal ; où l'on trouve mal,
drchal , harem , char , Rachel , Chạm , arc , marc , marche.
LÉGISLATION.
Que la République est le seul gouvernement qui convienne à la France
et des avantages de la démocratie représentative ( 1) ,
L'EFF ' EFFET naturel du systême de terreur qui a pesé sur la
France jusqu'à la chûte de Robespierre , avait été de compri
mer également les bonnes comme les mauvaises pensées . Après
la destruction de ce systême, on a dû s'attendre que parmi
les idées utiles que ferait naître l'esprit de liberté et l'amour
de son pays , la malveillance y mêlerait aussi ses poisons . Mais
il y a certe différence , qu'aujourd'hui il est permis de
discuter , s'il s'éleve une maxime funeste ou une intention pers
fide , elle peut trouver mille contradicteurs pour la combatre
Tel est le bien qui résultera toujours de la liberté de la
presse.
Lorsqu'à l'ouverture de sa session , la Convention nationale,
indignée des crimes de la royauté , décréta spontanément la
zépublique , ce fut un beau monvement qui bonora les représ
senians d'un people libre dont ils avaient pressenti la volonté, í
Heût cté à desirer que cet élan sublime eût été accompagné
d'une discussion solemnelle , dans laquelle , mettant en balance
les avantages inappreciables du gouvernement républicain avec
la monarchie , même constitutionnelle , on sût prouvé faci
lement la superiorité que cette forme de gouvernement doit
avoir sur la seconde. Get examen calme et approfondi aurait
(1) Cet article est du cit . LENOIR- LAROCHE , et extrait d'un ouvrage
sous presse , dont nous avons deja rapporté quelques fragmens. Nous
croyons que la matiere qu il y traite ne saurait etre plus convenable
aux circonstances .
Tome XIII.
T
tago T
fixé les irrésolutions des esprits timides , effacé les préjugés.
des ignorans , et enlevé aux partisans de la royauté des espérances
qu'ils n'auraient plus fondées du moins sur des prin
cipes apparens . Mais les circonstances impérieuses qui ont
forcé les législateurs à agir bien plus qu'à discuter , ne leur
ont pas permis de traiter une question qui tenait à des intérêts
trop récens et à des passions trop irritées pour être envisagée
de sang- froid sous tous ses rapports. Ce qui n'a pas
été fait alors , il n'est pas inutile de le faire en ce moment
où la longue tyrannie qu'on a exercée sous le nom de liberté
semble faire désespérer aux uns de pouvoir l'établir sur des
bâses solides , et sert de prétexte aux autres pour tâcher de
ressusciter des idées de royalisme encore mal effacées .
Je ne dirai rien de la monarchie absolue . Je ne ferai pas à
la nation française l'injure de croire qu'il y ait parmi elle aucun
individu assez avili pour regretter son ancienne servitude . Mais
le joug qui répugne à l'intention d'un peuple , il est souvent
contraint de le recevoir par la force des choses , s'il n'a pas
assez de sagesse ou de prévoyance pour en arrêter l'impulsion .
d'entre eux ,
Les anciens qui n'ont pas eu des idées bien nettes et bien
perfectionnées sur la meilleure forme de gouvernement , en
Ont apperçu du moins les vicissitudes , et ont décrit le cercle
révolutionnaire qu'ils parcourent. Les peuples , dans des
conjonctures critiques , éblouis par l'éclat de la valeur , ou
subjugués par la force de génie et la sagesse des conseils d'un
l'ont reconnu pour chef ; c'est la monarchie . Le
hef ayant fait aimer son autorité , les peuples ont voulu
consolider un pouvoir qui leur semblait utile ; c'est la royauté.
La puissance des rois dégénere en despotisme , et le peuple
irrite brise le pouvoir qui l'opprime et le confere aux hommes
habiles et courageux qui l'ont aidé à secouer le joug ; c'est
l'aristocratie . L'autorité entre les mains du petit nombre se
change en usurpation et en oligarchie oppressive ; le peuple
redoutant également et la puissance d'un seul et la puissance
de plusieurs , ne trouvant de sûreté que dans lui - même , se
resaisit de tous ses droits ; c'est la démocratie , c'est le regne
de la liberté et de l'égalité . La démocratie s'altere par l'ambition
des uns , par les grandes richesses des autres , par
Corruption publique , par l'influence des démagogues , par
l'exercice aveugle et désordonné de l'autorité du peuple , et
la tyrannie de la multitude ramene la tyrannie d'un seul
qui s'éleve ser les débris de l'anarchie . Telle est , suivant
Platon et Polybe , l'inévitable révolution des états .
la
Cette révolution , qui s'opere sous l'influence du tems , des
hommes et des choses , doit être pour nous une leçon frappante.
Il faut que les représentans du peuple , que les amis de
Ja liberté , que tous les Français soient pénétrés de cette vérité
terrible , que si nous ne savons conserver l'indépendance
que nous avons acquise à un prix si cher , la tyrannie est là
( 291 )
qui nous ferait expier par une oppression inouie tous les
affronts qu'elle aurait reçus. Un peuple qui perd sa liberté
par ses imprudences ou par ses excès retombe au-dessous de
lui-même ; il est dans l'opprobre de l'humiliation et dé la servi
tude , il devient mille fois plus esclave qu'il ne l'était avant
d'avoir brisé ses chaînes . Les tyrans couronnés ne pardonneut
pas plus que les tyrans démagogues . Quelle chaîne non interrompue
de fureurs et de vengeances ! Elle s'étendrait sur toutes
les classes , sur tous les partis elle envelopperait indistinctement
, patriotes , aristocrates , jacobins , montagnards , modérés
, amis ou ennemis de Robespierre ...... Je m'arrête , je
seus qu'on ne peut soutenir la vue de cette image effrayante .
Eh bien il faut pourtant l'avoir sans cesse sous les yeux ,
quand on voit que les passions , les haines , les discordes , la
perversité des méchans , la faiblesse des gens de bien , les
intrigues de l'étranger , et les voeux impies de quelques royalistes
, semblent faire oublier la possibilité de voir se réaliser
cet horrible avenir.
une
On ose parler de la constitution de 1791 ! Eh ! n'est-ce pas
un toi qu'elle doune ? qu'importe qu'il ait un peu plus ou un
peu moins de pouvoir ? Ne saura - t-il pas le reprendre ? Le
tigre qu'on enchaîne change- t- il de caractere ? , et s'il peut
briser ses liens ne dévore-t-il pas ceux qui l'ont muscle ? Si
la constitution de 1791 ù'a pu subsister quelques mois , auraitelle
une durée plus certaiue , aujourd'hui que les principes
républicains sont entrés si avant dans les esprits ? Ne faudrait-
il pas toujours une liste civile corruptrice , un trône ,
cour , des places à distribuer et une attribution de pouvoir
qui menace sans cesse la liberté ? voudrait- on se replonger dans .
cette lutte fatigante et déplorable entre le corps législatif et
le monarque , ressusciter le veto qui a laissé des impressions
si odieuses , lors même qu'il n'était que suspensif ? croirait- on
y remédier par l'établissement de deux chambres , par le systême
des contre-poids qui n'a jamais existé dans la pratique ?
ne sait- on pas que la corruption Enit toujours dans cette forme
de gouvernement par remettre toute l'autorité entre les mains
du roi , et par diviser le peuple en deux classes , celle qui se
vend , et celle qui achete ?
Est- il bien sûr qu'une monarchie puisse subsister sans noblesse
, saus corps intermédiaires et puissans ? Ce n'était pas
l'opinion de Montesquieu , et il faut avouer que malgré la
critique que l'on a faite de son systême , l'expérience a prouvé
que du moins sous ce rapport elle n'était pas fondée . Qui
voudrait consentir à la renaissance de ces corporations , et de cès
castes insolentes qui ont attiré sur la France trop de calamités
pour que celle-ci puisse les oublier , et qui en ont reçu des traitemens
trop justes pour que les autres n'en aient pas conservé
d'ineffaçables ressentimens ? Qui pourrait renoncer à l'égalité
sans laquelle il n'est point de liberté , et à la liberté qui ne peut
Ta
lege J
xister véritablement sans égalité ? L'état actuel de la fortune
publique peut-il s'accommoder un instant avec l'idée d'un retour
qui consommerait infailliblement sa ruine ?
On est heureux , dit- on , sous un roi juste ! Quel est le
peuple qui osera courir une pareille chance ? l'histoire
' est-elle pas empreinte à chaque page des crimes des rois ?
Qu'on jette les yeux sur les trônes de l'Europe , et si ceux qui
les occupent ne dégoûtent pas de la royauté , qu'on descende
jusqu'à la morale des ministres et à la politique des cours ?
C'est une conspiration permanente contre le bonheur et les
droits de l'espece humaine. Un peuple qui s'est ressaisi de son
indépendance et de sa souveraineté peut-il être assez insensé
pour l'aliéner de nouveau ? Un pareil contrast est nul ; un
peuple ne peut pas mieux qu'un individu vouloir ce qui est
contraire à ses intérêts et aux lois de sa propre conservation ,
Non , dans la position où la France s'est placée , elle ne peut
plus faire un pas en arriere sans y trouver un abîme , et quand
Te gouvernement républicain ne serait pas le meilleur , le plus
conforme à la nature le seul qui puisse garantir la liberté
individuelle et la liberté publique ,il faudrait encore l'embrasser
par cela même qu'elle ne peut plus en adopter un autre sans
exposer à des dangers inévitables. Heureuse impuissance qui
concilie le droit avec la nécessité , et la force impériensement
de vouloir ce qui est bon , et de marcher à sa gloire et à sa prospérité
!
Que les partisans de la monarchie sont faibles ou de mauvaise
foi dans leurs objections ! ils parlent de l'impossibilité de gou
verner en république au peuple de 25 millions d'hommes ré
pandus sur une surface de plus de 24 mille lieues quarrées .
Mais de quelle république entendent- ils parler ? est- ce d'une
démocratie où le peuple réuni en masse dans la place publique
, délibere constamment sur ses propres affaires ? C'est
une absurdité qui ne mérite pas qu'on daigne la relever. Qui
■jamais songé d'établir une pareille république en France ?
"
Ils citent l'exemple des républiques anciennes qui étaient
eirconscrites dans un territoire borné , et qui ont disparu
si-tôt qu'elles ont étendu leurs conquêtes et reculé leurs limites.
Mais aucune de ces républiques , qui étaient purement démocratiques
ou aristocratiques , n'ont connu le gouvernement représentatif
; elles n'avaient pas même besoin de le connaître.
La Grece , dont le territoire ne faisait pas la vingtieme partie de
la France , était distribuée en une multitude de petites villes ,
qui avaient chacune une forme de gouvernement différente, et où
le peuple pouvait s'assembler facilement . Cette quantité d'isles
semées dans l'Archipel étaient forcées par la nature de leur circonscription
à former autant d'états séparés.
Il ne faut pas croire que ni à Lacédémone , ni à Athenes , ni
a Thebes , ni dans aucune de ces petites républiques , le peuple
fât continuellement assemblé comme on pourrait le supposer
(42934)
dans nos sections on dans nos sociétés populaires , pour y dis
courir sur toutes les questions de politique , d'administration
et d'ordre public , et y débattre contradictoirement et en tumulte
toutes les affaires de gouvernement. Le peuple n'y taisait
que ce qu'il pouvait et devait faire par lui-même , et ne faisait
que cela. La forme de gouvernement établie ( et c'était presque
toujours l'ouvrage d'un seul ou d'un très- petit nombre ) , le
peuple adoptait ou rejettait par une formule simple les lois
qui lui étaient présentées , mais il ne les faisait pas , il ne les
discutait pas . Il be jugeait qu'un très - petit nombre de causes &
il nommait ses magistrals , ses généraux ; sa souveraineté n'existait
que dans son droit de suffrage . Pour tout le reste , et sur
tout pour l'action du gouvernement , il s'en reposait sur des
pouvoirs délégués par lui , et légitimement établis .
Les causes de la décadence et de la chûte des républiques de la
Grece sont indépendantes de la nature du gouvernement popas
laire. C'est bien plutôt à leur faiblesse respective , aux bornes
de leur territoire , à l'iucohérence et à la diversité de leur constitution
, à leur jalousie , à lenrs dissentions , à leur guerre de
suprématie , qu'il faut attribuer la perte de leur liberté ; c'est
sur- tout à la nature de leur pacte fédératif ; elles avaient bien
senti la nécessité de s'nuir pour résister aux entreprises du
dehors , elles ne sentirent jamais le besoin de vivre entr'elles
dans la paix , l'union et la concorde . Elles triompherent tou
jours des Perses , et ne uiompherent pas de leurs rivalités .
Après s'être affaiblics par des querelles intestines , elles mirent
Philippe à la tête de leur confédération . Philippe vengea la
Grece mais il l'asservit. C'est ainsi que dans les états fédératifs
d'une force inégale , le plus puissant finit toujours par
envahir les autres.
Entre les républiques anciennes , Rome seuleprésente l'exemple
d'un territoire immense et d'une puissance sans bornes . Mais
qui ne sait que la république n'était qu'a Rome , et que les
cités , les provinces , les états , les royaumes que cette bourgade
dévora successivement par un de ces prodiges qui n'ont paru
qu'une fois dans le monde , ne participerent jamais à la nature
de son gouvernement , d'où il arriva deux choses , l'une que
Rome eut tous les inconvéniens d'une petite république au
milieu des plus vastes conquêtes ; l'autre que tant de pays plutôn
soumis qu'incorporés ,ne furent jamais intéressés à défendre une
liberté qui n'ex stait pas pour eux . Qui ne voit que ce colosse
d'une forme si gigantesque et si disproportionnée dans ses parties
devait s'affaisser sous lui-même. Ce n'est pas la liberté qui
s'exila de Rome , elle n'y fut jamais ; c'est la forme de son
gouvernement qui disparut , et comment pouvait- elle subsister ?
C'était un mélange de castes et de pouvoirs qui se heurtaient ,
an combat perpétuel entre les Plébéiens et les Patriciens
entre le peuple et le sénat. Si l'esprit de conquête , ouvrage
de la politique de sénat , n'eût précipité sans cesse le peuple an
( 294 Y
dehors , ce gouvernement n'eût pas duré un siecle ; il
vécu que d'ambition et de grandeurs : il lui fallait d'innombrables
armées et des généraux habiles ; les armées perdirent
l'esprit de cité , les généraux chargés des dépouilles des rois
devinrent plus redoutables qu'eux . Ce fut la puissance militaire
qui dévora la puissance civile ; l'effet était inévitable .
Qu'ont de commun de pareils exemples avec la Répu
blique Française ? Elle n'aura pas la folie d'imiter Rome ; si
elle le faisait , elle aurait le même sort. Elle m'a ni la faiblesse
des républiques grecques , ni les élémens discordans du gouvernement
remain . Comparer entr'elles des choses si peu
susceptibles de ressemblance , e'est montrer une grande ignorance
de l'histoire , ou faire preuve d'une grande fausseté de
jugement.
li semble que lorsqu'on parle de république , il faille toujours
y joindre l'idée d'un peuple tumultueux et conftis ,
toujours agité par ses passions ou par celles de ses orateurs ,
ne sachant ni ce qu'il vent , ni ce qu'il fait , et passant alternativement
d'un exces à nn autre sans jamais s'arrêter à la
raison . Ce n'était pas même là les républiques anciennes ;
ce sera bien moins encore une république représentative . Elle
peut être organisée de maniere à conserver tous les avantages
du gouvernement populaire , sans avoir aucun de ses inconvéniens
.
La seule différence entre la démocratie représentative et la
démocratie pure , c'est que daus celle - ci le peuple était luimême
corps législatif, et que dans l'autre il ne peut exercer cet
acte de la souveraineté que par ses représentans. Or il est
aisé de prouver que , loin que cette différence soit un affaiblissement
de l'autorité du peuple , elle est toute entiere à
on profit.
Quand on place le pouvoir de se donner des lois au pre
mier rang des droits de la souveraineté , ce n'est pas une
vaine prérogative d'amour- propre , et un simple attribut de
puissance que le peuple considere , c'est son intérêt . Il ne
veut pas faire des lois pour la seule vanité de les faire
mais pour en avoir de bonnes . Cet, intérêt a été si bien senti
par les républiques anciennes , qu'ainsi qu'on l'a dėja rémarqué
, le peuple , convaincu par la nature des choses qu'il
était moins propre à faire des lois en assemblée générale ,
qu'à juger de leur convenance , en laissait ordinairement
l'initiative ou à ses orateurs , ou à ses tribuns , ou au sénat ,
ou à des décemvirs , etc .; c'était véritablement une déléga
tion temporaire et limitée ; il ne gardait pour lui que le droit
de consentir ou de refuser.
Or ce que le peuple , dans ces sortes de gouvernement , avaitregardé
comme un acte conforme à son plus grand intérêt , il
doit le faire , par le même motif de sagesse , dans la démocratie
représentative. Des représentans librement élus , choisis parmi
( 295 )
les personnes en qui il reconnaît le plus de lumieres et dè
vertus , et qu'il juge le plus dignes de sa confiance , seront toujours
plus propres à faire de bonnes lois , que des assemblées
populaires où l'instruction est si inégalement répartie , et où, par
la puissance irrésistible des choses , les discussions sont nécessairement
lentes , embrouillées , orageuses et superficielles. Le
peuple , en déléguant le pouvoir législatif , gagne donc en avantages
ce qu'il semble perdre de sa souveraineté , ou plutôt il ne
perd rien ; car ce n'est pas perdre d'un droit qu'il est physiquement
impossible d'exercer. Mais dans cet ordre de choses , le
peuple peut encore conserver la faculté d'accepter ou de rejetter
les lois , ou tout autre moyen constitutionnel d'émettre son
væu , soit pour les faire corriger si elles sont mauvaises , où
perfectionner si elles sont insuffisantes .
Excepté le pouvoir législatif dont la délégation est indispensablement
nécessaire dans la démocratie représentative , on ne
voit pas que pour le reste elle differe des democraties proprement
dites ; car le peuple , dans aucune république possible ,
ne peut exercer directement par lui-même ni le pouvoir exécutif
, ni les fonetions administratives , ni celles de juge : il ne
peut être à- la-fois gouvernant et gouverné , souverain et sujet. '
Il y a une remarque essentielle à faire , et qui est toute entiere
à l'avantage de la forme de notre gouvenemeut, c'est que dans
les républiques anciennes , telles que Sparte , Athenet et Rome ,
le pouvoir exécutif n'y était pas organisé d'une manier- cen
trale . Les fonctions en étaient distribuées en différentes branches
de magistratures presqu'indépendantes les unes des autres ,
et qui ne recevaient pas leur action d'une force commune : ce
qui nuisait à l'ensemble des mouvemens et occasionnait des contrariétés
funestes .
On craint que le pouvoir exécutif n'ait ni assez d'énergie •
ni assez d'activité dans une république aussi étendue que la
France . Que veut- on dire ? Est- ce que la nature du pouvoir
exécutif n'est pas la même dans le gouvernement républicain
comme dans la Monarchie constitutionnelle ? S'imagine-t- on
qu'une nation est assez imbécile pour croire qu'il y ait une
puissance magique attachée au mot roi et à l'individu qui le
porte Cet individu est-il doué de facultés plus parfaites , plus
extraordinaires que celles des autres hommes ? Nous sommes
désabusés des illusions de ces idées superstisieuses , dont on a
nourri trop long- temps les peuples pour les tenir dans l'avilissement
et l'esclavage. Ignore-t-on que les rois se reposent sur
leurs ministres du soin d'exercer la puissance exécutive ?
Qu'importe la dénomination quand la chose reste la même ?
La France est organisée de la maniere la plus henreuse , pour
que l'action du gouvernement se communique avec rapidité
dans toutes ses parties . S'agit- il d'une loi administrative ? On a
les départemens , les districts , les municipalités . Est- ce une loi
civile ? Des tribunaux d'arrondissemens , des juges de paix , des
•
T 4
1 2981
bureaux de conciliation sont prêts à les faire exécuter, Sont-ca
des lois de Police ? il y a des magistrats créés pour cet objet ; -
des lois commerciales ? il existe encore des tribunaux pour ces
matieres . Est- il question de la levée des contributions ? Des
receveurs sont placés a la convenance des contribuables . Ainsi
dans l'ordre legislatif , administratif , civil , judiciaire , commercial
, tous les instrumens nécessaires au maintien de l'ordre
public et à la conservation du corps social , sont distribués
dans une économie admirable ; tous méritent la confiance du
peuple , puisqu'ils sont choisis par lui ; tous reçoivent l'im
pulsion du pouvoir exécutif , et lui en reportent les résultats ,
comme au centre commun du mouvement général , avanṇage
dont étaient privées les anciennes républiques . Ajoutez que partout
les citoyens armes sont prêts à donner force à la loi et à
réprimer sur la réquisition du magistrat les désordres qui tronbleraient
la société. La science des monarchies a - t - elle jamais
conçu un plan d'organisation sociale mieux entendu ? et ce plan
est encore susceptible d'être perfectionné.
Que manque - til donc à la France pour que l'action du gou
vernement y produise tout l'effet qu'on doit en attendre ? J'enteads
des détracteurs répondre : C'est l'esprit des gouvernés ,
c'est le sentiment d'obeissance à la loi , sans lequel aucun
gouvernement ne peut subsister . Il est facile de se livrer à des
déclamations , si l'ou s'obstine à ne considérer que l'etat affreux
dans lequel quelques scélérats ont plongé la France durant le
cours de la revointion ; mais des déclamations n'cclaircissent
jamais des discussions politiques . Il serait aussi extravagant de
prétendre que , parce que des excès ont souillé la révolution ,
il est de la nature du corps social de vivre dans un désordre
permanent , qu'il le serait de juger de la constitution humaine
par l'état de fievre et de délire qui affecte un individu . Les
corps politiques sont sujets à des maladies graves ; le nôtre en
a éprouvé une terrible . Je , n'aurais peut- ê re d'autre réponse à
faire que celle ci : Il y a résisté . Mais quelque victorieuse qu'elle
soit , puisqu'elle est de fait , il est bon de remonter jusqu'aux
principes et à la nature des sociétés politiques , pour y décou
vrir les liens qui en serrent toutes les parties , qui les maintiennent
dans l'équilibre et assurent leur existence .
La nature , toujours admirable dans ses soins tutélaires , a
donné aux grandes sociétés , comme aux individus , le besoiu
de veiller constamment à leur propre conservation ; le premier
sentiment qu'elles éprouvent est la garantie des droits
de chacun sous la protection de tous ; c'est ce sentiment
d'intérêt commun qui a réuni les hommes entr'eux. Que demandent
le caltivateur , l'artisan , le manufacturier , le commerçant
, l'artiste , l'homme de lettres , tous les citoyens en
un mot ? une seule chose , de se livrer sans crainte , comme
sans trouble , à leurs travaux ; à leur industrie , à lears spéculations
; de goûter , dans leur asyle domestique , le charme
( 297 )
attaché an titre de pere , d'époux et de fils. L'amour du træ
vail et l'amour de la famille , voilà ce que l'homme reçoit de
la nature ; sûreté et propriété , voilà ce qu'il attend du gouvernement
; affection , services et dévouement , voilà ce qu'il
donne à la patrie . Quoi qu'en disent tous les gens à sophismes
ou à mauvaise foi , c'es -là l'état naturel de l'homme social ;
or il sait , il éprouve à chaque instant , qu'il ne peut jouir
de ces avantages qu'en respectant les lois qu'il s'est données ,
qu'en maintenant l'ordre public qui est tout entier pour lui ,
qu'en conservant les droits d'autrui. qui sont la sauve garde
des siens . Non , l'état de sccousses et de révolutions politiques
, est pour un peuple un véritable état contre nature ;
s'il y est jetté par quelqu'une de ces causes extraordinaires ,
qui ne paraissent dans l'ordre moral que comme les grands
phénomènes dans l'ordre physique , il est bientôt ramené par
ses affections , sou intérêt et ses besoins à l'ordre naturel des
sociétés . Qu'on ne demande plas quel est le garant de la durée
et de la force du gouvernement; il est là ; il n'y a que des
insensés on des pervers qui puissent le méconnaître.
1
Ce qui a corrompu et troublé sans cesse les anciennes démocraties
, c'est l'influence et le crédit que les factieux et .
les agitatateurs obtenaient sur le peuple ; il n'y avait entr'eux
et lui aucun intermédiaire . Un orateur ambitieux trouvait dans
la place publique tous les élémens de ses passions et de ses
projets . L'éloquence était entre ses mains le trident de Nep -1
tune avec lequel il pouvait soulever les flots de la multitude .
L'étendue du territoire de la France la met à l'abri de ce
danger. Ce n'est pas dans l'Assemblée des Représentans da
peuple qu'un orateur peut exercer une influence funeste. Il y
parle à des hommes que leurs lumieres et l'intérêt seul de
leur amour-propre garantiraient de la séduction , s'ils n'étaient
encore animés de l'intérêt public , et retenus par la moralité
qui résulte de l'opinion qui les ebserve et les investit de ses
regards. Hors de l'Assemblée représentative , les brigues et
les factions ne peuvent agir que dans des points trop bornés
pour communiquer leur ébranlement à la masse entiere . Je
De voudrais encore pour preuve de cette vérité que les évé
nemens de la révolution. Beaucoup d'intrigans ont para sut
la scene . Quel a été le terme de leur ambition ? l'échafaud .
Ce que n'ont pû produire des conspirateurs dans des tems
de confusion et de trouble , le pourront-ils mieux , lorsque
les lois et la force publique auront repris toute leur énergie ?
On regarde comme impossible qu'une république puisse
s'établir et subsister chez une nation nombreuse , opulente et
corrompue. Mais cette objection ne vient que des idées fausser
que l'on s'est faites sur les richesses , le luxe , et ce qu'on
appelle moeurs républicaines . Les richesses d'an état sont relatives
à la nature et à l'étendue de son sol , au genre de ses
productions , à l'industrie at an génie de ses habitans ; i sa
•
(.298 J.
position géographique et à ses relations commerciales . Il se
rait absurde de vouloir faire de la France entiere une caserne
de soldats , comme Lycurgue le fit de Sparte. La pauvreté et
le brouet noir ne pouvaient convenir qu'à une bourgade qui
n'avait que des arts grossiers , ne fesait aucun commerce et vivait
de légumes que cultivaient ses esclaves . Certes nous ne voulons
avoir ai des ilêtes , ni la communauté des biens et des femmes.
Cette manie de rapprocher des situations civiles , morales et
politiques qui n'ont entr'elles aucun rapport , n'est que l'art
de s'égarer par l'application de fausses mesures . Ce ne sont pas
les richesses d'un état qui nuisent à sa liberté , c'est la fausse
direction qu'on laisse prendre à leur emploi . Les meurs ne sont
pas même incompatibles avec l'aisance des citoyens . Voyez la
Hollande , elle a conservé des moeurs simples au milieu des
trésors des deux mondes.
On parle sans cesse de l'influence des moeurs sur les gouver
nemens , et on ne veut pas considérer la réaction des gouvernemens
sur les meurs ; on ne ealcule pas ce que peuvent sur
l'esprit et les habitudes d'un peuple de bonnes lois , des institutions
sages , et la force de l'instruction publique ; on conclat
toujours du passé à l'avenir , et parce que nous avions sous
le régime monarchique une cour deprédatrice et corrompue ,
une noblesse ambitieuse , intrigante et vile , un clergé fastucux
et oisif, et dans toutes les classes de citoyens une impulsion de
vanité qui faisait que chacun voulait amasser des richesses pour
sortir de sa condition , et sortir de sa condition pour jouir des
prérogatives attachées aux richesses , on croit qu'il en doit être
ainsi sous le régime de la liberté , où les hommes ne seront
estimés que par ce qu'ils valent , et ne vaudront que par leurs
services et leurs vertus . Dans un état libre , les moeurs publiques
sont toutes dans l'amour de la patrie , et les moeurs privées
dans l'amour de la famille loin que la liberté étouffe ces sentimens
, elle les fait naître , elle les propage . Je sens que toutes
ees idées ont besoin de plus longs developpemens ; je les donnerai
quand je traiterai du rapport du gouvernement avec la
législation , les moeurs et l'instruction publique ; mais j'en ai dit
assez pour réfuter des objections et dissiper des craintes qui sont
bien plus affectées qu'elles ne sont réelles .
Faut-il une réponse à ceux qui prétendent qu'une grande démocratie
ne peut vivre au milieu des gouvernemens absolus de
l'Europe , intéressés à l'étouffer ? nos armées se sont déja chargées
de la faire . Si la République Française dans son berceau a
trouvé en elle assez de force pour résister aux efforts réunis
de toutes les puissances , elle saura bien maintenir son indépendance
quand elle sera établie sur des bases solides ,
garantie par la sagesse et la stabilité de son gouvernement . Elle
n'est point destinée par sa position , son commerce et sa con-
"sistance politique , à rester isolée au milieu des états qui l'entourtat.
Elle aura pour amis tous les peuples qui estiment la
et
1 299 F
liberté , et sera respectée de toutes les puissances qui la
craignent.
Ainsi , en se résumant , il n'est aucun Français qui ne doive
être convaincu que la seule idée du rétablissement d'aucune
espece de monarchie , est un crime envers la patrie , et un voeu
homicide envers tous les citoyens ; que la démocratie représentative
est la meilleure forme de gouvernement , et que la France
a tous les moyens de se l'approprier sans avoir à redouter aucun
obstacle .
ANNONCES.
Code des Juges de Paix , nouvelle édition en 4 vol . in- 12 ; les
deux premiers contenant tous les décrets des assemblées cons
tituante , législarive , et conventionnelle , sur toutes les parties
qui concernent spécialement les juges de paix , leurs assesseurs
et greffiers ; le troisieme , des développemens et instructions ; le
quatrieme , les formules et la table alphabétique . Par le citoyen
Guichard . Prix , 12 liv . A Paris , chez Garnery , libraire , rue,
Serpente , no. 17 .
Les discours de Cicéron , précédés d'un traité de la constitu
tion des Romains sous les rois et au tems de la république ;
par A. Auger : 10 vol . in -8 ° . A Paris , chez Reynier , imprimeurlibraire
, rue du Théâtre de l'Égalité. Prix , 50 liv . , et 63 live
franc de port . On peut se procurer les six derniers volumes
séparément , à raison de 5 liv. , chaque volume , et de 6 liv,
franc de port.
Code des successions , donations , substitutions , testamens et
partages , avec une introducution en forme d'instruction préliminaire
, et six tableaux généalogiques : deuxieme édition ,
corrigée es augmentée de plusieurs décrets importans sur les
Successions des étrangers , des émigrés , déportés , condamnés
et détenus ; de nouveaux articles additionnels sur le rapport
des enfans nés hors mariage ; des articles du nouveau code
civil relatifs aux mêmes matieres , terminées par une table
alphabétique contenant l'analyse abrégée de tout l'ouvrage à
par le citoyen Guichard . Prix , 4 liv. , et 4 liv . 10 sous franc
de port . A Paris , chez Garnery , libraire , rue Serpente ,
n ° . 47 .
La Politique anglaise dévoilée , ou les moyens de rendre les
colonies à la France ; brochure de 4 feuilles , présentée à la
Convention nationale par Jacques Mignard , du département
de l'Yonne . A Paris , chez l'auteur , rue Montmartre , nos , 109
et 106. Prix , 25 sols , franc de port.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
1
ALLEM A G N E.
De Hambourg, le 21 Décembre 1794.
Tous les avis qui viennent de Constantinople confirment
T
la nouvelle des préparatifs militaires de cette puissance . Mais
on ne sait pas bien encore si ces préparatifs sont seulement
de précaution et de défense , ou s'ils ont pour but des hostilites
prochaines de la part de la Porte ottomane , soit contre
la Russie , soit contre l'Autriche , soit même contre ces deux
puissances réunies . Ce qui ferait croire que la Turquie ne
se propose que de se tenir sur une défensive respectable
c'est qu'elle a laissé échapper l'occasion si favorable que lui
offrait l'insurrection polonaise , presque totalement étouffée
en ce moment ; ce que le divan ne doit pas ignorer , c'est
encore qu'elle est travaillée de troubles interieurs , tant dans
l'Egypte , où sa puissance n'a jamais été bien complette et bien.
affermie , que dans l'Albanie , où le fameux pacha Mahmud
sait se maintenir indépendant depuis plusieurs années , et leves
pour son compte les impôts et les tributs , tout en affectant
de reconnaître la suprématie du grand- seigneur.
Il est pourtant vrai que les préparatifs qui se font aujour
d'hui sont trop considérables , si c'est uniquement ce rebelle
qu'ils ont en vue , et ne le sont pas assez , s'il s'agit d'avoir
affaire tout ensemble à la Russie et à l'Autriche ; d'où l'on
peut inférer que la Porte , instruite un peu tard par l'expé
rience , et fâchée de n'avoir pas profité de l'insurrection po
lonaise , ne veut plus être prise au dépourvu , et se décidé
à tenir désormais sur pied des forces telles qu'il n'y ait pas
beaucoup à y ajouter pour effectuer de grandes choses .
Tandis que la Porte fait les préparatifs dont nous venons de
parler , le cabinet de Stockholm s'occupe sérieusement de
mettre ses forces maritimes sur un pied formidable pour le
printems prochain . Le principal objet de ses soins est la flotille
des galeres , espece de bâtimens qu'on ne peut employer
que pour des expéditions dans la Baltique et le long des côtes.
La maniere dont l'amirauté en presse la construction et les
radoubs enhardit quelques personnes à conjecturer que ceue
flotille pourrait bien se montrer vers la Finlande ou la Livonie
russe ; ce qui prête encore de la vraisemblance à cette idée , c'est
que les rapports et l'amitié se resserrent entre la Suede et la
Turquie.
( 301 )
Fin du plan de la révolution en Suede projettée par d'Armfeld f
son mémoire à l'impératrice de Russie.
" Un avantage palpable qui doit résulter pour l'impératrice
de Russie , c'est que par ce moyen elle aura une occasion
de montrer cette utile supériorité qui lui assure le glorieux
privilége de faire le destiu de l'Europe , pendant les révolutions
acruelles. Ce rôle accroîtra la splendeur de la gloire
qu'elle doit à ses victoires et à ses conquêtes ; et si celles -ci
montrent l'étendue de son génie , l'autre convaincra de l'excellence
de son coeur . Elle pensera donc qu'il est digne d'elle
de ne point augnenter sa puissance aux dépens de la Suede ,
en y portant la guerre , mais qu'elle doit au contraire employer
une assistance efficace pour délivrer ce royaume des
délires de révolutions , et le rendre en cet état à notre jeune
monarque , à qui elle a promis de servir de mere , et qui de
son côté , avec un attachement vraiment filial , aspire sincerement
à ce nom. Elle ne confondra point le gouvernement
ses oppresseurs , ni la nation avec le gouvernement ; de
maniere que la faction n'aura point une occasion pour faire,
regarder comme une affaire nationale ce qui doit seulement
la réduire à l'etat privé. Le plan qui suit parait être le plus
utile comme le pins facile à suivre pour rétablir l'ordre en Suede.
avec
Sa majeste l'impératrice fera une déclaration dans laquelle
elle annoncera qu'elle est informée des complots secrets que
le cabinet de Stockholm trame contre elle , et qu'elle dénonce
au monde. Elle dira que c'est ce gouvernement qui a le
premier rompu- le traité ; mais que pour elle , loin de se servir.
de cette occasion , pour rompie avec un roi qu'elle aime , et
dont elle veut conserver l'attachement , ou avec une nation ,
généreuse qu'elle estime , elle souhaite seulement punir les
personnes qui , depuis la mort de Gustave III , circonviennent
le régent , l'égarent et le séduisent , au point de fui faire
enfreindre la foi sacrée de sa promesse , au mépris de ce qu'il
doit à son frere , et le précipitent traîtreusement dans un
abyme de malheurs , dont on ne peut connaitre la profɔndeur;
que dans l'espérance que le régent ne se porterait pas
de lui-même à courir tous les dangers , elle a souffert jusqu'à
ce moment que les arrangemens déterminés par le dernier oi
deweurassent sans exécution ; mais que le régent , an lien de
céder à une expérience qui a eu des saites malheureuses
parait chaque jour plus dominé par la faction à laquelle il s'est si
imprudemment abandonné lui - même , faction qui se sert de son
nom pour exposer les avantages des bons Suédois , aussi bien
que ceux de l'impératrice , aux plus grands dangers ; qu'ainsi
elle se trouve dans la nécessité de rétablir l'ordre et de demander
pour sa propre sûreté les changemens suivans :
99 10. En considération de l'esprit et de l'entendemeut éclairé
du roi , il assistera à tous les conseils , mais cependant sans
aucune autorité , jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 18 ans .
( 30 % )
20. On devra admettre dans le conseil , et nommer auf
places les plus importantes , soit à Stockholm , soit dans les
provinces , des personnes connues autant par leur attachement
aux principes politiques qui dirigeaient le premier gouvornement
, tant à l'égard de l'administration intérieure qu'à'
Tegard des puissances étrangeres , que par leur courage à la
rutenir dans toute leur force . S'il s'éleve la plus légere
dificulté , ce sera le cas d'en venir à une explication claire ,
er même alors il faudrait nommer ces personnes . Mais ce qui
ou être particulierement observé , c'est de demander l'entea
expulsion de tous ceux qui peuvent être dangereux ou
suspects , et dont le nombre pourra au plus monter à douze
a quinze. Ces personnes sont si bien connues , qu'il ne
pura y avoir à cet égard aucune espece de méprise , et
leurs elles pourraient être désignées par les personnes
letles qui sont demeurées dans le royaume .
" On bornera l'agrément à demander au duc ees deux
points. Mais pour appuyer cette demande , qui doit être faite
d'une maniere concise et claire , et ne souffrir aucune contra
diction , il sera nécessaire qu'il y ait une flotte près de Stockholm
, et qu'elle y demeure jusqu'à ce que les choses soient
arrangées. Il peut arriver que le régent se félicite lui - même
d'une violence , ou de ce qui plutôt en , aura seulement l'apparence
, et dont la réalité lui assurera respect , soit pour le
moment actuel , soit pour l'avenir , en le délivrant des dangers
auxquels il s'est lui - même exposé , et reconnaisse que
c'est-là l'unique moyen de prévenir les malheurs qu'occasionnerait
une révolte , es qu'il juge qu'une résolution ferme et
prise à tems , peut éloigner la nécessité dans laquelle on se
trouverait par la suite de soutenir , pendant de longues années
, des guerres qui coûteraient des sommes énormes , et
feraient couler des rivieres de sang.
Ce mémoire , ce plan de révolution prouve assez combien
la Suede doit se tenir en garde contre les intrigues du cabinet
russe . Aussi la saine politique applaudit- elle à son étroite
alliance avec le Danemarck et à ses liaisons avec-le divan . Cette
amitié fondée sur des besoins réciproques est faite pour durer ,
et il est seulement étonnant qu'elle ne se soit pas formée plutôt.
Peut- être pourrait-on ajouter que la Suede , le Danemarck et
sur tout la Porte auraient dû secourir efficacement les Polonais
, puisque le résultat de la defaite de ce malheureux peuple,
trahi par la fortune , est un accroissement considérable de
Ja puissance de l'ambitieuse Catherine , deja trop à redouter
pour le Nord , qu'elle ou ses successeurs finiront par conquérir
s'ils parviennent à le diviser .
En effet , la Courlande vient de se donner à la Russie , ou
pour mieux dire , l'ordre équestre , les nobles de ce duché
viennent de le donner à Catherine , en ayant grand soin de stipuler
la conservation de leurs priviléges , et sans dire un mot , sans
faire une seule proposition , sans insérer aucune clause en(
303 )
faveur du peuple de cette contrée , aliénée comme une terre
que l'on vend avec les bêtes de somme qui la couvrent.
Da reste , il n'y a encore rien de décidé sur le sort futur
de la Pologne ; tout ce qu'on sait , c'est que la Lithuanie et
la Samogitie ont reçu un gouvernement provisoire , et prêté
serment à la Russie entre les mains du général Repnin qui fizera
sa residence à Grosno , tandis que Suwarow entre en quartier
d'hiver a Sokoïklow , à douze lieues de Varsovie , dont le général
Derfelden commanderà la garnison . Il y aura dos troupes prussiennes
à Cracovie et à Sendomir. Varsovie , dont une partie
n'offre qu'un tas de décombres , est menacée d'une disette
cruelle ; on y éprouve déja le manque de plusieurs choses
nécessaires à la vie,
De Francfort-sur- le -Mein , le 28 décembre.
Des lettres de Vienne du 5 décembre s'expriment de la
maniere la plus positive sur le mécontentement que la continuation
de la guerre inspire au peuple , et qu'il manifeste .
:
Le peuple persiste toujours ici à desirer ardemment la
paix , tandis que le gouvernement continue ses préparatifs
militaires . Il doit néanmoins être dans de très - grands embarras.
Il n'y a aucune proportion entre les revenus de l'état et
ses besoins l'on a envain recours aux expédiens employés
pendant la fameuse guerre de sept ans. Tous les objets nécessaires
à la vie sont montés à un prix exhorbitant . On a
remarqué qu'à la derniere foire qu'il y a eue à Vienne , il
s'est fait d'innombrables vols , et qu'on peut regarder comme
un indice de la misere publique . Les prisons sont encom- ,
brées de malfaiteurs ou d'individus qui ont voulu troubler le
tranquillité publique . Il est à craindre que les froids de
l'hiver n'amenent de grands excès..
Pour parer à toutes ces calamités , l'empereur fait des réformes
dans les dépenses dé sa maison . Il vient de supprimer
une partie de ses équipages de chasse , et l'on assure que
les états de Hongrie ont offert sept millions de florins pour
les dépenses de la guerre.
Le recrutement se continue ; les garnisons de Condé et de
Valenciennes viennent d'être équipées à nenf , et doivent se
rendre en Gallicie . Le gouvernement veut toujours envoyer
de grandes forces dans cette contrée , où se portent nombre,
de déserteurs polonais et russes , et où il craint d'ailleurs'
de voir pénétrer des corps considérables des premiers . Déja
quelques bandes ont , il est vrai , demandé du service parmi
les troupes autrichiennes ; mais on est obligé d'exercer la
plus grande surveillance sur ces nouvelles recrues . On pense
qu'il est possible qu'elles cherchent à s'équiper aux frais du
gouvernement autrichien , et tournent à la premiere occasion
leurs armes contre lui . ››
( 304 )
Dés munitions et des approvisionnemens destinés pour les
armées du Rhin convrent le Danube , et l'on a demandé à la
Bohême 800,000 mesures de grains de différentes especes . On
prétend que la moitié de cette livraison devait déja être arrivée
le 16 novembre à Pitsen . Mais des personnes bien informées
révoquent en doute la célerité de cette fourniture .
On va voir dans quelques - uns des détails de l'article suivant
de Berlin , en date du 13 décembre , qu'en général la fourniture
des armées de la coalition doit être difficile . Ces lettres après
avoir annoncé que la santé de Frédéric Guillaume se rétablit ,
disent :
« Le roi a conféré au général Suwarow l'ordre de l'aigle noir ,
et lui en a fait porter les marques par un courier.
Le prince de Nassau Siegen , qui a fait ici un assez loug
séjour , va partir pour Venise , où son épouse l'attend .
Il a tout lieu d'être content des termes dans lesquels l'impératrice
de Russie lui a accordé son congé . Le roi lui a fait remettre
un souvenir , orné de son portrait , et enrichi
diamans.
de
Le comte de Schulenbourg - Kehnert consent , dit- on , à
rester encore au ministere de la guerre , et à pourvoir à l'entretien
de l'armée du Rhin. Cependant le général - major de
Gensau s'est deja mis en possession de ce travail au colicge de
Ja guerre , et a été remplacé par l'aide de camp - general le
général - major de Manstein , qui , à son tour , a eu pour successeur
, dans sa qualité d'aide - de- camp - général , le lieutenantcolonel
de Zastrow .
· ·
Depuis peu , la mort a enlevé à notre commerce 2 hommes
qui s'y sont montres avec beaucoup d'avantage : l'un est
le banquier F. W. Schutz ; l'autre , le banquier Leveaux .
Le premier était très - consulté par le ministere dans les grandes
affaires, commerciales , où ses vastes lumieres donnaient toujours
un poids marqué aux avis qu'il y ouvrait.
L'orge et l'avoine sont deux especes de denrées dans les
quelles l'abondance ne se trouve pas en proportion de l'immense
consommation qui s'en fait. Par cette raison , le roi
a non - seulement affranchi de tout droit , mais encore encouragé
par des primes , l'importation que les étrangers en feront
par les ports de Memel , Koenigsberg , Elbing et Danizick.
Nous attendons le ministre d'Angleterre , lord Spencer , qui
doit nous arriver incessamment de Stockholm . "
Il parait que la coalition fera les plus grands efforts pour
conserver Mayence et Luxembourg. Le general Bender qui
commande dans la derniere place y a fait entrer tout ce qu'elle
a pu contenir des habitans de l'intérieur du pays qui ont emmené
avec eux beaucoup de bétail et tout ce qu'ils ont pu sauver , ce
qui n'a pas laissé que de renforcer beaucoup la garnison
autrichienne ; elle n'est pas à preprément parler dans la place ,
mais elle occupe les environs d'où elle inquiette les Français .
Quant
( 385 )
Quant à Mayence , la garnison est portée au complet. On
pretend même qu'il y a plus de 20.000 hommes employés à sa
defense ; il est vrai que la majeure partie est composée d'Autrichiens
qui n'entendent pas grand chose , ni à l'attaque , ni à
la défense d'une place,
Des leuies de cette ville du 23 décembre , disent que les
Français ayant profité des brouillards pour elever une batterie
à la proximité de la redonte de Zahbach , on les attaqua dans la
nuit du 21 , et on leur enleva eu effet ce poste . Mis ees mêmes
letires avouent que les glaces ont contraint d'enlever le pout
du Rhin , et d'autres de Manheim rendent compte de la vigoureuse
attaque et de la prise du fort du Rhin par les Français .
On sait aussi qu'ils continuent à presser vivement le . Hol
landais , que Berg- op Zoom et Breda ont reçu plusieurs bombes,
et l'on est persuadé que ces places ne tarderout pas à tomber
entre leurs mains .
ITALI E.
-
Livourne , 12 décembre . Hier , l'escadre anglaise qui était au
golphe de Saint- Floient en Coise , est sortie pour une croisiete ,
et est venue dans cette plage où elle a donué fond. Elle est
composée des bâtimens suivans ; la Bretagne de 100 canons
avec 850 homares , du Saini Georges de go canous avec
750 hommes , du Château de Windsor de go canons avec
750 hommes , de la Princesse - Royale de go canons avec
750 hommes , de la Fortezza , du Capitaine , de l'Ilustre , du
Terrible , de l'Egmont , du Bedford , du Berwick , du Courageux
tous de 74 canons avec bco hommes , du Diademe , de 64 canons
avec 500 homines ; des fregates laJunon le Meleagre et le Romulus;
les deux premieres de 32 cañon avec 200 homines , et la der.
niere de 36 canons avec 230 hommes.
Ceule escadre est sous le commandement du vice- amiral
Hotham. Elle vient dans, le moment astul de la iner de Provence
, sans qu'il soitarrivé aucun événement pendant ceite
Croisiere .
A Savonne , on a arrêté six Génois distributeurs de fonx
assignars , qui ont été conduits à Vado. Le gouvernement
les a fait réclamer auprès du commandant français , coinme
génois Celui - ci a defere à cette demande . On dit que tes
coupables seront séverement punis.
Le consul français à Gênes a reçu de Toulon une proclamation
đu représentant Jean Bou- Saint-André , qu'il a fait afficher
sur sa porte . Elle porte en substance que , comme c'est à la
seule force navale armée qu'appartient le droit honorable de
poursuivre sur mer les cnuemis de la liberté , toutes les lettres
de marque viennent d'être retirées aux amateu s paniculiers .
Toutes les prises faites par ceux -ci som mises en requisition ,
nom de la nation , et seront conduites dans les ports
neuties. Le cousui est chargé de les faire escorter jusqu'à
Toulou.
au
Tome XIII .
V
( 306 )
REPUBLIQUE FRANÇAI S B.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE BENTABOLLE ,
Séance de duodi , 12 Nivôse .
Charlier réclame centre le décret rendu hier , portant que
tout membre de l'Assemblée, qui se permettra des injures ou
des personnalités contre un de ses collegues , sera envoyé à
l'Abbaye . Ille trouve injurieux pour la représentation nationale .
André Dumont répond que si le décret n'était pas rendu ,
il le proposerait , et qu'il n'est personne qui ne soit scandalisé
des invectives et des injures qui se vomissent dans
la Convention . Si vous voulez qu'on vous respecte , dit- il ,
respectez-vous vous - même. Il demande l'ordre du jour qui
est adopté.
Ferrin reproduit sa motion sur l'agence des lois , Charlier
sur l'administratiou des postes . Chénier demande la parole
sur les gens de lettres qui sont dans le besoin . La Coavention
impatiente de continuer la discussion sur le projet de
Johannot , relatif au commerce et aux finances , renvoie les
motions faites aux comites respectifs , et Johannot monte à la
tribune .
Cambon prend la parole et demande que l'article VI , décreté
la veille, fasse une loi séparée , précédée d'un considérant,
dans lequel on rappellerait les injustices commises envers la
France par les puissances eoalisées et la nécessité où
a été la France d'user de représailles ; mais qu'elle s'empresse
de revenir aux principes maintenant qu'elle commande à la vietoire.
Cette proposition est décrétée ,
Jobannot soumet à la discussion Tarticle VII , qui permet
aux citoyens d'exporter le numéraire , à la charge d'en faire
rentrer la valeur en objets de premiere nécessité , et charge les
comités de régier le mode de ces exportatious et de prévenir
les abus .
ου
Boissy-d'Anglas parle en faveur de l'article. Il voudrait même
qu'il fut decrete sans modification . Le commerce , dit - il , ne
se fait pas sur parole ; il faut payer ce qu'on achete ,
par la voie des échanges ou par les métaux . Nos assignats
out saus doute des effets solides ; mais ils ne sont qu'une
promesse de payemeat , et par conséquent ils ne sont pas une
mounaie dans l'étranger. L'état de vos manufactures rend le
moyen des échanges insuffisant , il faut donc avoir recouTS
aux métaux qui ont une valeur jutriuseque . Boissy répond
( 307 )
ensuite à ceux qui craignent que cette mesure ne nous enleve
notre numéraire , que la prospérité du commerce le retiendra
ou le rapportera.
Duhem ne s'oppose point à l'adoption de l'article ; mais
il craint qu'on n'abnse de cette faculté pour faire passer,
de l'argent à nos ennemis , et il demande des moyens de
répression à cet égard et un cautionnement en biens - fonds
pour assurer la rentrée des sommes sorties.
Le rapporteur
observe que les comités s'occupent de ces
mesures , et que la loi ne sera pas publiée avant qu'elles aient
été réglées .
Cambon appuie l'article , en assurant que la commission
de commerce ferait également sortir le numéraire . Ainsi ce
seront les particuliers qui exporteront le numéraire au lieu
du trésor public. Il propose d'ordonner que tous ceux qui
én ont dont ils voudraient commercer , le déposeront au
trésor public , ou dans les caisses de district , et qu'on leur
donnera des traites sur l'étranger qui seront aquittées par la
trésorerie , en justifiant de l'arrivce des objets de premiere
uécessité .
Johannot adopte l'amendement de Cambon , et l'article est
décrété comme ci - dessus .
#
lcs
L'article VIII , relatif à la suspension provisoire de l'acte de
navigation a été ajourné sur les observations de Marec qui ,
ayant fait à la Convention le rapport d'après lequel il fut décrété
, pouvait sans doute en faire le mieux sentir les avantages
et les inconvéniens . Marec a appellé e de mots les grands
motifs qui avaient déterminé la Conventa getic mesure ,
fruits que la nation en avait reties , même au milieu de la
guerre. Il est convenu que c'était à l'Angleterre et au génie de
Cromwel qu'était due cette grande conception ; mais il a observé
en même tems que jamais cette puissance n'en avait suspendu
l'exécution . Seulement la nature même des choses
amene nécessairement cette suspension pendant la guerre .
L'acte de navigation est alors suspendu de fait chez eux , comme
il ne peut manquer de l'être chez nous . Marec n'a point oublié
de faire sentir quel coup funeste nous porterions à la navigation
et au commerce des sujets des puissances neutres et amies , par
cette mesure .
L'article IX , qui a pour objet de faire respecter et observer
dans toutes leurs dispositions les traités qui unissent la France
aux puissances neutres et aux Etats- Unis d'Amérique , est adopté
sans réclamation .
L'article X présentait encore une grande question . Les créanciers
des émigrés , condamnés , déportés , seront- ils déclarés
ou non créanciers directs de l'état ? De la solution de cette
question dépendait le mode de leur liquidation . L'article du
comité tendait à les faire déclarer créanciers directs de la nation ,
pour épargner à la République des frais énormes de liquidation , et
V 2
( 308 )
leur assurer à eux- mêmes le paiement prochain de ce qui leur
est dû.
Ci
Couturier et Thirion y ont opposé des appréhensions qui
ont paru peu fondées . Ils ont craint que l'on n'ouvrît une daugereuse
carriere à la fraude , et que la nation ne se trouvât
frustrée d'une partie de ses propriétés , mais les dispositions
de precaution que contenait l'article , répondaient d'avance
aux allarmes que le patriotisme avait inspirées aux préopinans,
Réal et Reffroi ont réfuté avec un grand avantage toutes leurs
considérations politiques . Après avoir exposé que la loyauté
devait désormais présider à toutes les opérations de finances ,
Réal a dit qu'il résultait du travail fait par la commission des
revenus nationaux , que la valeur approximative des biens cons
fisques au profit de la nation s'élevait à la somme de douze
milliards , et que le pascif affecté sur ces mêmes biens ne
montait pas à la somme de quiuze cents millions.
L'article propose par le comité à été adopté , et il n'a été
excepté que les créanciers de ceux qui étaient notoisement
insolvables à l'époque de leur émigration on condamnation .
Nous donnerons le décret en entier , lorsqu'il aura été,
rédigé .
Seance de tridi , 13 Nivôse.
Carnot , au nom du comité de salut public , annonce les
nouveaux triomphes de l'armée du Nord . Trois victones ont
été remportées par elles le même jour sur les bords du Rhin et
du Waal . Elle s'est emparée de la ville de Grave , de l'isle de
Bomel , du fort Saint- André , et elle a forcé les lignes de Breda.
Cent vingt pieces de canon ont été le prix de ces victoires .
Nous avons fait seize cents prisonniers , sans compter la garnison
de Grave de 1200 hommes qui se rendent en France .
L'assemble applaudit avec transport à ces prodiges de bravoure
et de patriotisme.
Carnot avait fait précéder ces nouvelles d'un rapport dans
lequel il avait inséré deux phrases qui paraissent prêter à des
allusions . Il avait dit qu'on pouvait pardonner aux Anglais de
qualifier nos soldats de terroristes , puisqu'ils ne portalent la,
terreur que chez les ennemis . Il avait ajoute que nos troupes
conservaient entr'elles la plus pure fiaternité , et que , quand,
elles avaient vaincu elles ut chicanaient pas leur chef sur la
maniere dont il les avait fait vaincre.
On demandait l'impression et l'usertion du rapport de
Camot au balletin ; mais Bentabolle quittant le fauteuil , et
paraissant à la tribune , s'y est opposé . Il ne veut point qu'on
puisse donner à nos freres d'armes le nom de terroristes ,
meme en le mettant dans la bouche de nos ennemis . Il demande
si ce ne sont pas les soldats qui remportent eux - mêmes
les victoires , ci ce que deviendra la responsabilité des chefs ,
*
( 30g )
s'il suffit que le succès couronne les actes les plus illégitimes.
De pareilles maximés lui paraissent très dangereuses , sur tout
dans les circonstances présentes. Carnot repond qu'il a eu à
peine le tems d'écrire son rapport , qu'il ne l'a point lu au
comité , et que ces deux phrases sont de lui . Il convient
qu'elles peuvent prêter à un double seus . I demande luimême
que sou rapport ne soit point iestré au bulletin .
9
La Convention décrete Pinsertion des nouvelles au bulletin .
8aladin , au nom de la comin'ssion des vingt-nn , annonce
que , depuis le 7 nivôse cette commission s'est assemblée
tons les jours , et qu'elle n'a point encore reçu les pieces qui
Jui sont nécessaires pour remplir la mission qui lui est con
ée , et que les comités de gouvernement doivent lui envoyer.
André Dumont répoud en leur non qu'il a fallu faire l'inventaire
de ces pieces , que ce travail est fini , et que l'on a cru
devoir y joindre les arrêtés secrets des anciens comités de gouvernement.
Potier , au nom du comité de législation , présente la liste des
citoyens qui doivent composer le tribunal révolutionnaire . Elle
est adoptée.
Cambon dit que depuis que les comités des finances er de
commerce ont déclaré qu'ils s'occupaient des moyens de res
tirer de la circulation quatre milliards d'assignats , les malveillans
répandent le bruit que cette rentrée n'aura lieu que
par leur démonétisation . It demande que pour le faire cesser ,
la Convention decrete qu'il lui sera fait au plutôt un rapport
ce sujet , et qu'elle prohibe expressément toute mesure de démonetisation
.
Ce projet de décret est unanimement adopté.
Courtois annonce que sextidi prochain il fera son rapport
sut les papiers trouvés chez Robespierre et ses complices .
Johannot soumet à la discussion le reste des articles de son
projet , qui sont adoptés après une légere discussion . Comme
ils ne présentent pas un si grand intérêt que les autres , nous
nous bornerous à les transcrire à leur suite .
Séance de quartidi , 14 Nivêse.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , entretient
la Convention du célebre d'Aubenton , l'un des créateurs
du muséum d'histoire naturelle , de son zele , que les années
n'ont point refroidi , et de son ouvrage sur l'éducation des
moutons , qui est une de ses dernieres productions . Il expose
que par l'effet de la révolution , l'état de sa fortune ne lui
permet pas de le faire imprimer à ses frais . Cependant l'interet
de l'agriculture la réclame , et la justice demande de la faire
tourner au profit de l'auteur . Il est en effet digne d'une nation
qui accorde nue protection éclairée aux savaus utiles à leur
pays , de leur faire trouver le prix de leurs travaux dans leurs
trayaux mêmes. Lakanal propose de faire imprimer aux frais de
V 3
( 310 )
la nation et au profit de l'auteur , au nombre de deux mille
exemplaires , le traité de l'éducation des moutons de d'Aubenton.
Ce décret est adopté .
Le même membre présente un projet de décret tendant å
faire rembourser les éleves de l'école normale de leurs frais de
voyage , et à leur accorder une augmentation de traitement . II
est renvoyé à l'examen du comité des finances .
Milhaud , au nom des comités de salut public , militaire et
des finances , fait décréter que les gardes nationales des places
ftcutieres mises en réquisition par les reprélentaus du peuple
ou les généraux pour un service extraordinaire , recevront , à
compter du er , vendémiaire , trois livres par jours de service ,
sans distinction de grades et sans fournitures .
Cambon , au nom du comité des finances , fait rendre un
décret portant liquidation définitive des créances des habitans
du canton de Berne sur la commune de Lyon , et sur le mode
de leur paiement.
:
Chénier , au nom du comité d'instruction publique : Vous
avez jetté un coup - d'oeil sur les sciences et les arts . Vous
arez vu la Republique long tems dominée par d'ambitieux
ignorans , tomber dans une honteuse barbarie , qui aurait ramené
le despotisme , et vous avez dit cet opprobre ne
subsistera plus , la nation française sera libre et éclairée , les
belles -lettres reprendront leur éclat. Vous avez décreté le 27
vendémiaire qu'une somme de trois cents mille liv. serait
répartie entre les gens de lettres et les artistes qui , par leurs
talens et l'état de leur fortune , seraient dignes des regards
de la Convention nationale , et que votre comité d'instruction
publique vous en présenterait la liste . Je viens en son nom
remplir aujourd'hui vos vues bienfaisantes . Vous y trouverez
les noms de trois femmes la célebre Duménil , octogenaire ; la
petite - fille de Pierre Corneille et li veuve de Lemierre qui , sous
la verge du despotisme , osa présenter sur le théâtre le fondateur
de la liberté helvétique. Le décret que je vous propose
n'est dans la pensée de votre comité d'instruction publique , et
Jose le dire , dans la vôtre , que le prélude à des bienfaits
solides et durables qu'il est teins de répandre sur les hommes
dont les talens honorent la patrie . Les arts sont une propriété
nationale , et les encouragemens qui leur sont dûs une
dette publique . Présentez -leur donc le rameau d'olivier , au
nom de la République Française .
Chenier propose de décréter qu'il sera payé sur- le - champ ,
et à titre d'indemnité , la somme de 300,000 liv . aux citoyens
dont les noms suivent . Voyez le décret à la suite des séances . )
Quelques membres demandent l'imprsssion de la liste et
l'ajournement; mais Boissy- d'Anglas , Réal et Tallien observent
que les fonds ne sont pas épuisés , et que s'il y a des gens
de lettres oubliés , il reste des moyens de les récompenser.
( 31T
Saladin s'étonne que l'auteur d'Anacharsis ne se trouve pas
dans la liste . Chénier lui répond qu'on n'y a point mis ceux
qui avaient des emplois ou qui étaient sans besoins.
Le projet présenté par Chénier est adopté.
Séance de quintidi , 15 Nivôse.
Letourneur fait hommage à la Convention , au nom d'un
citoyen qu'il ne nomine pas , de deux ouvrages , l'un destiné
a répandre des lumieres dans les campagnes , en faisant
connaître à leurs habitans les funestes effets de la superstition .
L'autre renferme les principes et l'application du calent décimal
. Mention honorable et renvoi au comité d'instruction
publique.
身
Boissy- d'Anglas , au nom du comité de salut public , rend
compte de l'etat où se trouve l'exploitation des salines des
départemens du Haut et Bas- Rhin , de la Meurthe , du Jura ,
du Doubs et de la Haute- Saône , et celle des mines dans
les départemens de la Loire , de la Haute - Loire et de l'Ardèche .
Il fait sentir tous les avantages qui doivent résulter pour
la République d'une bonne administration en cette partie.
Il annonce que le comité a pansé qu'il était nécessaire d'y.
envoyer deux représentans du peuple , l'un pour les salines ,
et l'autre pour les mines , pour en surveiller l'exploitation ,
et il propose les citoyens Vennerey pour les salines , et
Patrin pour les mines . Ils sont acceptés .
Boissy fait ensuite lecture d'une lettre du représentant du
peuple Porcher en mission dans le département du Loiret,
qui porte que depuis la suppression du maximum , les marchés
s'approvisionnent avec plus de facilité , et que le prix des
grains n'a souffert qu'une légere augmentation . Il assure que
le jour de son départ d'Orléans , des denrées et des mar
chandises qu'il était presque impossible de trouver auparavant ,
se sont criées dans les rues à un prix inférieur à celui
auquel elles s'étaient vendues jusqu'ici . Applaudiı ; insertion
au bulletin .
Les chefs de l'agence de l'envoi des lois et les ouvriers
de l'imprimerie de cette agence écrivent à la Convention pour
démentir les bruits répandus , que des émissaires s'étaient
introduits dans leurs atteliers pour provoquer les ouvriers
à un soulevement en leur inspirant des craintes sur la suppression
prochaine de cet établissement, Ils se déclarent
incapables de pareilles manoeuvres , et ils assurent quil n'y
a de vrai dans tout ce qui s'est répandu à ce sujet que
l'expression de leurs sentimens civiques et de leur soumission
entiere au décret de la Convention .
Sur le rapport de son comité de législation , la Convention
décrete que toutes les procédures commencées à raison du
transport des grains ou des farines , sans acquits à caution ,
dans l'intérieur de la République et à deux lieues des frou-
№ 4
(( 312 )
theres , sont abolies , et les jugemens rendus sur ces procédures,”
qui ne sont pas exécutés , regardes comme non avenus.
Le même comité présente le tableau des citoyens qui doivent
Compléter le tribunal de cassation , et composer le tribunal
criminel du département de Paris , et les tribunaux civils des
six arrondissemens. Il est approuvé.
Le comité des seconts propose , et la Convention décrete
un secours provisoire de 200 liv . , pour plusieurs marins com- ›
pris dans les affaires de Toulon et de Quiberon , qui leur
sera imputé sur leur pension ou leur traitement .
L'on procede à l'appel nominal pour le renouvellement de
trois membres du comité de salut public. Les membres sor- "
tans , sont : Merlin ( de Donai ) , Delmas et Fourcroy . Leurs
successeurs sont : Marec , Bréaid et Chazal .
Séance de sextidi , 10 Nivôse.
Il y a eu que séance extraordinaire la veille , et le soir ,
consacrée au remplacement de quatre membres du comité de
sûreté générale. Les membres soltans sout : Montmayau
Bourdon ( de FOise ) , Réverchon et Mathieu . Le résultat du
scrutin a donné pour les remplacer , Clausel , Vardon , Guffoi
et Rovere .
Une députation des sourds -muets de naissance est admise
à la barre . Leur orateur expose que l'assemblée constituante
ne leur a accordé que des pensions uès - modiques , que l'extrème
cherté des denrées a rendues évidemment insuffisantes .
Leur pénurie est telle qu'ils manquaient de pain hier et qu'ils
n'en auront pas demais . Les trois comitès réunis , à qui ils
ont fait part de leur situation , en ont été touchés ; leur
rapport est prêt , et ils conjurent l'Assemblée de l'entendre.
Le rapporteur obtient à instant la parole. Il fait l'éloge
de l'établissement et de ceux qui le dirigent , et il propose un
projet de decret qui est adopté . Par ce décret , les places
d'éleves à Paris et à Bordeaux sont portées soixante , la
pension à 500 liv . , et le cours d'instruction à cinq ans .
Le traitement des chefs est sussi augmenté , et le cr- devant
séminaire Magloire, situé fauxbourg Facques, est definitivement
affecté à l'établissemmens de Paris:
Courtois , au nom de la commission chargée de lever
les scellés apposés chez Robespierre et ceux de ses complices
qui sont tombés sous le glaive de la loi , fait un rapport
très étendu sur la conspiration qu'a fait disparaitre le 9 thermidor.
Cette conspiration avait deux branches ; Paue était
eche de Robespierre qui ayant des vies personnelles s'efforçait
de parvenir à la tyrannie ; l'autre , des membres des comités
de gouvernegient , dont le projet était de se perpétuer dans
leurs pouvoirs en anéantissant ceux de la représentation nationale
.
Robespierre avide de domination , et enivré de Fepceus que
( 313 )
brûlaient en son honneur les jacobins et les sociétés affiliées
qu'il avait organisées de maniere à en faire le marche pied
de son trône , crut qu'il parviendrait à son but en concentrant
tous les pouvoirs dans les comités de gouvernement pour
les concentrer ensuite dans sa pesonne ; mais les membres
de ces comités qui ne l'avaient mis en avant que pour s'assurer,
à eux -mêmes la suprématie , s'étant convaincus qu'il ne tra
vaillait que pour lui , jugerent qu'il était tems de se défaire
d'un rival qu'ils avaient rendu trop rédoutable , et déciderent
la journée du 9 thermidor.
Nous ne pouvons donner aujourd'hui qu'un apperçu bien
leger de ce rapport qui a dure quatre heures , mais nous en
promettons à nos lecteurs une analyse dans le prochain nu
méro. Nous nous boinerons à dire que leur plan était la
desorganisation sociale la plus absolue qu'ils prétendaient
effectuer , en anéantissant le commerce , les arts , l'agriculture
, et en couvrant les départemens de bastilles et d'échafauds.
Le tableau des horreurs exercées par les comités et
leurs agens dans les diverses parties de la République a excite
dans l'Assemblée des sentimens d'horreur et d'indignation ,
La Convention a ordonné l'impression du rapport et des pieces,
et le renvoi à la commission des vingt- un . Il sera aussi envoyé
aux départemens et aux armées .
Décret d'exécution des encouragemens accordés aux savans , gens de
lettres et artistes.
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité d'instruction publique , décrete :
}
66 Art . Ier . En exécution du décret rendu le 27 vendémiaire
dernier , la trésorerie nationale tiendra à la disposition de la
commission exécutive de l'instruction publique une somme
de 300,000 liv. , pour être répartie conformément à l'état cijoint
:
Trois mille livres à chacun des citoyens : Adanson , naturaliste ;
Anquétil , auteur de l'Esprit de la Ligue et de l'Esprit de la Fronde ;
Bitaubé , traducteur d'Homere ; Bossut , géometre ; Brequigny,
anteur d'écrits considérables sur l'histoire de France ; Brisson ,
physicien ; Cousin , grometre ; Corneille d'Angely , petite - fille
du grand Corneille ; Cote , astronome , Delile , auteur de la
traduction en vers des Géogiques ; Deliile - de - Salie autcur
de la Philosophie de la Nature ; Ducis , anteur tragique ;
Dumesnil citoyenne ) actrice tragique ; Dutheil , traducteur
d'Eschyle ; Guignes , savant en littérature orientale ;
Gaillard , historien ; Garnier , historien ; Hermann ( de Stras
bourg ) , naturaliste ; Jeaurat , astronome ; Laharpe , httérateur ;
Lalande , astronome ; Lamarck , naturaliste ; Larcher , tradue
teur d'Hérodole ; Lebrigand; Lebrun , poëte lyrique ; Lemierre
( 314 )
( la veuve de ) ; Marmontel , litterateur ; Manduit , géometre
Messier , astronome ; Montuclat , auteur de l'Histoire des Mathé
matiques ; Oberlin ( de Strasbourg ) , bibliographe ; Palissot ,
littérateur ; Pingré , astronome ; Poinsinet- de Sivry , littérateur ;
Poagens , littérateur ; Richard , maturaliste ; Rochon , de la cidevant
académie des sciences ; Saint Lambert , auteur du Poëme
des Saisons ; Turpin , historien ; Valmont de Bomare , naturaliste
.
Deux mille ivres d chacun des citoyens : Andrieux , littérateur ;
Beauchamps , astronome ; Beaurieu , auteur de l'Eleve de la
Nature ; Berthelemy , peintre ; Blavet , traducteur de Smith ;
Bréa , peintre ; Cailhava , littérateur ; Cambini , musicien ;
Collin- d'Harleville , poëte comique ; Darnaud Baculard , littérateur
; Domergue , grammairien ; Dureau de la Malte , traducteur
du Tacite ; François de Neufchâteau , littérateur ; Foucon ,
sculpteur ; Frizieri , musicien ; Gueroult , professeur de la cidevant
université de Paris ; Guillard , poëte lyrique ; Haudimont
( d' ) , musicien ; Lacretelle , auteur d'écrits politiques ;
Langle ( de ) auteur des Voyages en Espagne et en Suisse ; Lasalle
Antoine ) , auteur de la Balance naturelle ; Lavocat , mécani
cien ; Levêque , auteur de l'Histoire de Russie ; Mazéas , mathématicien
; Mentel , géographe ; Nivard , peintre ; Parny , poëte ;
Pater , bibliographe ; Pelletier , ingenieur mécanicien ; Petiot ,
auteur d'un Traité sur l'opinion publique ; Peyraud - Beaussol ,
littérateur Philippon , auteur de l'Éducation du Peuple ; Poirier,
bibliographe ; Prudhon , peintre ; Queverdo , graveur ; Ramey,
sculpteur ; Renard , architecte ; Renaud , peintre ; Rétif de
la Bretoune , auteur de nombreux ouvrages ; Rozet , biblio
graphe ; Roubaut , auteur des Synonymes- Français ; Roussel
médecin et homme de lettres ; Scenne ( de ) , sculpteur sourd
et muet ; SaintAnge , auteur de la traduction en vers des Métamorphoses
d'Ovide ; Sélis , professeur de la ci - devant Univer
sité de Paris ; Suvé , peintre ; Vernet , Carle ) , peintre ; Villers
fdes de Commune-Affranchie , auteur de plusieurs ouvrages
de physique.
Quinze cents livres à chacun des citoyens : Achaud ( de Marseille
) , littérateur ; Albanese , musicien ; Artaut , littérateur ;
Autissier , dessinateur , à Rennes ; Banbini , musicien ; Bean<
lieu , auteur de plusieurs ouvrages politiques ; Brun , auteur
dus Triomphe des deux Mondes ; Croulet , auteur d'un poëme
sur la Liberté D'Açarq , grammairien ; Deshauterayes , traducteur
d'ouvrages orientaux ; Gaudin , auteur d'en écrit contre
le célibat des prêtres ; Gauthier , peintre ; Gerard , peintre ;
Griffet , traducteur de plusieurs ouvrages anglais ; Lamontagne ,
littérateur ; Laneuville , peintre ; Lenoir de la Roche , auteur
de plusieurs écrits révolutionnaires ; Lesueur , sculpteur ;
Liotard de Grenoble ) , naturaliste ; Luce , auteur d'une
ragédie de Mulius-Scivola ; Alandar ( Théophyle ) , traducteur
( 315 )
de plusieurs ouvrages anglais ; Mariette , peintre ; Martin
sculpteur ; Mercier ( St- Léger ) , bibliographe ; Pagès ,
auteur du poëme de la France républicaine ; Sablet , peintre ;
Villars ( de Grenoble ) , naturaliste ; Viller , peintre.
" Art. II . Les comités d'instruction publique et des finances ,
réunis , sent chargés de présenter , sous deux décades , un
rapport sur les pensions qu'il convient d'accorder aux geus
de lettres et aux artistes dont les talens sont utiles à la Rés
publique.
29
PARIS . Nonidi , 19 Nivôse , l'an 3º . de la République .
Billaud , Collot , Barrere et Vadier , membres des anciens
comités de gouvernement , à l'égard desquels la Convention a
déclaré qu'il y avait examen , viennent de publier leur réponse
justificative à l'accusation de Lecointre , Nous reviendrons sur
cette apologie , qui , quel qu'en soit le succès , mérite de fixer
l'attention publique.
•
troupes Les lettres de Toulon portent que les arrivent en si
grand nombre que la ville ne suffisant pas pour les contenir ,
on est obligé de les répandre dans les lieux circonvoisins. La
nombreuse artillerie du parc d'Antibes y est aussi arrivée ; elle
occupe tout le champ de Mars ; les grosses picees de canon et
les mortiers ont été transportés par mer . Toulon offre en ce
moment un aspect de guerre terrible . Toute la flotte est sortie
de la grande rade ; ce qui fait présumer qu'elle ve tardera pas
à partir. Ihest ordonné à tous les équipages de rester à bord.
On ignore encore la véritable destination de ces préparatifs
extraordinaires les uns prétendent que c'est pour aller bombarder
Livourne et couper par- là le commerce des Anglais avec
les puissances du Levant ; les autres croient avec plus de fondement
qu'ils n'ont d'autre but que l'expédition de la Corse ;
mais personne ne peut rien assurer le secret en est encore
caché aux jeprésentans du peuple et aux géneraux . Quoi qu'il
en soit , cette expédition paraît être de laplus haute importance.
On écrit de Brest , en date du 6 nivôse , les détails suivans :
Depuis trois semaines , l'escadre avait ordre de mettre en
mer;huit vaisseaux , dont un de 80 canons et sept de 71 ; avaient
pour six mois de vivres ; le reste de l'escadre était approvisionné
pour deux mois , et cette armée , navale étair composée de
65 bâtimens de guerre , dont 36 vaisseaux de ligne , 15 frégates
et 14 corvettes ou cutters , aux ordres des généraux
Villaret , vice - amiral commandant en chef ; Bouvet , contreamiral
de la 2º . escadre ; Nielly , de la 3e .; Renaudin , commandant
de la division qui a pour six mois de vivres ; Tren(
16 )
queleon , commandant l'escadre légere : et Vautier , contreamiral
commandant l'arriére - garde . Personne ne descendait
plus à terre , et les deux représentans , Faure et Trehouard,
étaient à bord du vaisseau amiral .
" Deux jours de suite les vents étant favorables , l'armée
navale appareilla ; mais à peine une partie fut dehors du
port , que les vents étant devenus contraires , il failut rentrer.
Quelques jours après on éprouva la même contrariété ;
enfin , avant- hier au soir , il y eut un coup de vent de nordest
si subir et si violent , que plusieurs vaisseaux qui etaient
en rade briserent leurs cables ; d'autres chasserent sur leurs
ancres et même s'aborderent sans dominages considerables ;
mais le vaisseau le Républicain , de 110 canons , ayant perdu
a-la fois ses ancres et brisé ses cables , s'accula , sa poupe la
premiere , vers les rochers du Goulet , à la sortie de la rade .
Dana cette situation dangereuse , il essaya d'appareiller ; mais
il ne put virer de bord , et la violence du vent le jetta sur le
rocher du Mingant , au milieu du Goulet . Tout son avant
fut percé et s'enfonça aussi- tôt. Dans cette cruelle situation , il
jetta ses canons à la mer ; et depuis onze heures du soir jusqu'à
quatre heures du matin que des secours et des chaloupes
arriverent à son aide , l'équipage qui était de 1200 hommes ,
fut entassé sur l arriere , daus les hunes , sur les vergues et surles
mâts . On parvint à sauver l'équipage , à l'exception de
So hommes qui ont peri ; mais on regarde ce beau vaisseau
comme absolument perdu . Le capitaine et les officiers , auxquels
on croit pouvoir attribuer quelques torts dans la ma
neuvre , si difficile par un tems.afficax , ont été conduits au
château , et ils subiront , conformément à la lei , le jugement
d'un conseil martial de marine .
" Cet événement malheureux a retardé seulement de quelques
jours le départ de l'armée navale , qui va s'effectuer au premier
moment favorable . ,,
Le terrible coup de vent qui a causé la perte d'un vaisseau à
trois ponts dans la rade de Brest , le 4 de ce mois , à fait éprou
ver de grosses avaries , dans la rade de Cherbourg , à plusieurs
bâtimens de commerce , qui se disposaient à entrer dans le
pört : 15 d´entre eux ont été jettés à la côte , et deux ont péri
corps et biens . Au retour du calme , an a trouvé sur la côte
plusieurs chaloupes et une grande quantité d'effets .
On écrit de Dinan , qu'après une expédition d'une division
de l'armée du général Reg , dans laquelle un chef des brigands
a été tué , un autre chef des chouans est venu se
rendre à discression entre les mains des représentans du
peuple . Plusieurs jeunes gens qui s'étaient soustraits à la
premiere requisition , et s'étaient réunis aux brigands , sont
venus déposer leurs armes à Dinan .
( 317 )
Les représentans du peuple près les armées de l'Ouest , des
Côtes de Brest et de Cherbourg , ont pris les arrêtés suivans :
19. Tous rebelles ou chouans qui se présenteront pour
profiter du décret d'amnistie prononcé par la Convention nationale
le 10 frimaire dernier , ne seront admis dans aucunes,
places , camps , postes et cantonemens , qu'au préalable ils
n'aient déposé aux avant - postes leurs armes et les signes de
rebellion qu'ils portent,
20. Les commandans des postes , à leur défaut les munici
palités , ne souffriront pas que dans leur térritoire il soit porté
aucun signe de rebellion , sous leur responsabilité personnelle .
3 ° . Le général eu chef de l'armée de l'Ouest est chargé de
l'exécution de présent airêté , qu'il enverra à toutes les divisions
sous ses ordres , par des couriers extraordinaires .
On écrit de Bâle , que le baron de Goltz , ci - devant ministre
de Prusse à Paris , est arrivé dans cette ville , où le citoyen
Barthelemy , ambassadeur de la Republique Française , est
attendu : les autres agens de Prusse ont deja diné chez te citoyen
Bacher , secretaire d'ambassade , et les santés de la République
et de la Prusse y ont été portées .
Arrêté du comité de sûreté générale de la Convention nationale
du 12 nivôse , an 3º . de la République une et indivisible.
Le comité de sûreté générale arrête que les administrations
de district , les agen: nationaux près desdites administrations ,
et des comites révolutionnaires, sont tenus sous leur responsabilite
de s'opposer à tout rassemblement fanatique ou royaliste
de faire arrêter tous orateurs et acteurs principaux de ces rassemblemens
; comine aussi d'en donner connaissance à l'instant
an comité de sûreté générale .
NOUVELLES OFFICIELLES,
ARMÉE DU NORD.
Lettre du gévéral en chef de l'armée du Nord au représentantant
du peuple Bellegarde.
1
A Bois- le- Duc . le 9 nivose.
Le comité de salut public avait prescrit , citoyen représen
tant , de poursuivre la campagne par la prise de Grave , celle de
l'isle de Bominel , et le complément du blocas de Bréda . Je te
rends compte que , par le hszard le plus singulier , le tout s'est
trouvé fait le même jour , et nous devons à la rigueur de la
saison d'avoir pourvu , au défaut de moyens , de franchir les
( 318 )
barrieres derriere lesquelles l'ennemi s'était , retranché en glaçant
sur beaucoup d'étendue les fleuves de Vahal et Meuse , sur
lesquels il nous eût été impossible de jetter des ponts , faute de
Battean . Nons avons profité du moment cù 1 glace a eu
acquis assez de consistance , pour passer sans risque les
troupes ; et le 7 au matin , malgré un froid excessif , l'armée a
atraqué l'ennemi sur une étendue d'environ douze lieues ,
depuis Nimegue jusqu'au delà de la riviere de Meeck , et
par- tout elle a été victorieuse , selon sa coutume .
L'aile droite , depuis Nimegue au fort Saint-André ,
bornée a observer les mouvemens de l'ennemi , tandis que le
centre se rendait maître de l'isle de Bommel et du Langstraat ,
et que la gauche forçait les lignes de Bréda . Le passage de la
Mense devant l'isle de Bommel s'est exécuté sur trois colonnes ,
Bous les ordres du général Daendels , du citoyen Soeticier , chef
de brigade ; des citoyens Crasse et Mercier , chef de bataillon
de la brigade des Lombards , ( le premier a reçu une legere -
blessure ; les dispositions ont été si bien prises et exécutées ,
que malgré les formidables retranchemens dont l'ennemi avait
hérissé les digues et les villages , les troupes ont passé la Meuse ,
se sont emparées des differentes batteries de la place de Bommel
et du fort Saint- André avec la rapidité et le courage dont l'armée
a donné tant de preuves pendant toute la campagne ; et , sans
avoir avec elle une seule piece de canon , elles en ont enlevé
une soixantaine à l'ennemi , des chevaux , des bagages , et
environ 600 prisonniers .
" Le nombre de ces derniers eût été beaucoup plus considérable
, si les troupes qui devaient faire l'attaque du fort Saint-
André eussent pu arriver à l'heure prescrite .
" Le général Osten , qui avait été chargé de l'attaque du
Langstraat , y a parfaitement réussi , quoiqu'il n'eût que trois
bataillons ( le premier et le deuxieme de la 176e . demi- brigade ,
et le cinquieme des chasseurs à pied ) . Ils ont emporté les forts
et retrauchemens de Doweren , Kapelle et Waspieck avec une
ardeur incroyable , y ont pris 30 pieces de canon , des munitions
, des bagages et quelques prisonniers. Cette expédition
est d'autant plus brillante , qu'elle s'est faite entiérement sur la
glace des inondations .
Le général Bonnaud , qui attaquait en même tems les
lignes de Breda , n'a pas eu un succès moins complet ; il a
enlevé à l'ennemi 18 bouches à feu , 400 prisonniers , un
drapeau et la caisse d'un régiment , avec environ 200 chevaux.
Le général Lemaire qui formait la gauche de l'at aque , était
chargé de prendre les ligues à revers en se portant sur ies postes
d'Oudenbosck et Sevenbergen , dont il s'est emparé. Il a fait
environ 600 prisonniers , enlevé deax pieces de canon , un
drapeau , des bagages , et environ 100 chevaux .
( 319 )
9, Il résulte donc de cette heureuse journée , la prise.
d'environ 120 bouches à feu , 1,600 prisonniers , deux dra
peaux , 300 chevaux .
Cette victoire a été suivie de la prise de Grave , dont le
général Salm a reçu le même jour la capitulation , qui se borne
aux honneurs de la guerre pour la sortie de la garnison , qui
va être conduite prisonniere . de guerre en France . Il est à
remarquer aussi que , malgré le feu terrible qu'a fait cette place
depuis environ un mois sur les troupes qui eu formaient le
blocus et le bombardement , nous n'y avons eu que 13 hommes
tant tués que blessés ,
" Nous avons trouvé dans le pays de Bommel et dans celui
de Langstraat de grandes ressources en fourages dont , nous
commencions à éprouver la pénurie , et nous voilà maintenant
absolument maîtres du cours de la Meuse , dont la navigation
est indispensable à l'spprovisionnement de l'armée , vu l'impossibilité
de la continuer par charrois .
" Après avoir donné de justes éloges à toutes les troupes ,
je ne puis m'empêcher de rendre une justice particuliere aux
généraux qui les ont commandées . Tous ont coopéré au succés
par leurs talens et leur bravoure .
" Les généraux Moreau et Sauviat ont participé aux dispo
sitions du plan d'attaque , et ce dernier a oublié , le jour de
l'affaire , comme il l'a fait pendant toute la campagne , qual
est privé de l'usage d'une jambe ; il s'est fait conduire dans
l'isle de Bommel , et a secondé l'ardeur et la bravoure de ses
freres d'armes . "
Salut et fraternité.
Pour copie conforme.
Signé , PICHEGRU ..
Sigué , BELLEGARDE .
Copie de la capitulation de Grave , pour la reddition de la forteresse
, par le général de division Salm.'
Art . 1er. La garnison aura les honneurs de la guerre , et
sera prisonniere en France .
de II. Elle sortira le 10 nivôse présent mois , par la porte
Bois -le-Duc , et après s'être rangée en bataille devant les troupes
françaises , elle déposera ses armes et drapeaux et prendra sa
joute sur Anvers , en passant par Bois - le- Duc .
III. Les troupes de la République Française occuperont ,
si- tôt la capitulation signée , l'ouvrage à corne et la porte da
la Meuse.
IV. Les malades restés à l'hôpital de Grave , seront traités
comme ceux de l'armée française , au compie des états - géné-
.aux de Hollande , et il restera pour les soigner un ou deux
chirurgiens de chaque corps , suivant le nombre des malades ,
et lorsqu'ils seront guéris , ils se rendront en France sous
escorte , au lieu indiqué pour la garnison.
( 326 )
V. Il sera nommé des commissaires de troupes françaises
et un officier d'artillerie , auxquels on remettra fidelement
l'état de l'artillerie , munitions de guerre et des magasins .
V. Les officiers , sous - officiers , soldats , couse veront leurs
effets ; les officiers , leurs chevaux jusqu'à Auvers , et lå , ils
seront remis dans le dépôt de la République Française .
VII . Les femmes et enfans sont exceptés de la capitulation ,
et retourneront en Hollande , sous la sauve - garde des Fraçais
, qui les conduiront à Nimegue . Il sera accordé pour
elles , leurs enfans et le transport de leurs bagages , des voitures
.
1
VIII. Les bourgeois ayant demandé la conservation de leurs
propriétés , à ne point être inquietés pour les sentimens qu'ils
ont manifestés ' avant la prise de la ville , il a été répondu
que les Français se font un devoir de respecter les propriétés
et les opinions .
IX. Le commandant de la place ayant demandé uue note
de ce que les bourgeois et entrepreneurs de la ville ont à
prétendre pour des livrances et autres avances faites à la gar
nison , a été répondu que cela regardait le gouvernement hollandais
.
X. Le commandant pourra emporter les papiers qui concernent
la comptabilité envers les états . Les plans et archives
de la ville , seront remis au commissaire de la Republique
Française .
XI. Tout employé au service de la garnison qui n'aura pas
porté les armes , pourra retourner en Hollande.
XII. Il sera envoyé deux officiers de la garnison pour ratifier
la présente capitulation . S'il avait été emis quelque chose
où l'une ou l'autre des parties eût besoin d'explication , ce ne
sera jamais au désavantage de la République Française .
XII . Un chasseur à cheval du 13. régiment ( Bio ) , deserté
pendant le siége dans la place , sera remis entre les mains
des Français,
XIV. La présente capitulation ne concerne en rien les émigrés
français qui peuvent se trouver dans la place .
Faite et arrêtée la présente capitulation entre nous soussigués
, au camp sous Grave , le 8 nivôse , 3 ° . année républicaine
, ( 28 décembre 1794. )
Signes , VOULELIWA , major ; F. VONMOTZ , capitaine , et le
général de brigade , SALM,
Pour copie conforme , BELLEGARDE ,, représentant d. peuple.
( N°. 23. )
MERCURE FRANÇAIS.
Du QUINTIDI 25 NIVOSE , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 14 janvier 1795 , vieux style . )
POÉSIE.
Le Jardinier , le Papillon et la Chenille . ( Fable . )
Un jardinier , au lever de l'aurore ,
Exterminait dans son jardin
La chenille , insecte malin ,
Qui souille et qui'flétrit les doux présens de Flore.
Près de lui voltigeait sur le lys et le thym
Un papillon issu de la même famille ;
Et déja dans son sein
Il renfermait peut- être une chenille .
Le jardinier frappé de ses vives couleurs
Ne voulut point troubler son léger brigandage.
On punit le fripon dans le plus bas étage ,
On respecte celui qui parvient aux grandeurs ..
Par le citoyen GRETRY , flu
CHARADE.
Mon premier est un grand bassin ON
Mon second est l'art du médecin ;
Mon tout est dans ta main.
ENIGM E.
Jz suis une vieille servante •
Sans humeurs , sans entêtemens ,
Et qui plus est jamais ne mens
Chose tout -à - fait surprenante !
Discrete et très - fidele on peut ( ta le sais bien )
Lecteur , me confier son secret et son bien .
Tome XIII. X
1 32 )
Il est vrai je fais la grimace ;
Mais qui s'en embarrasse ?
Ainsi que nos vertus déclarons nos défauts .
Mon teint est aussi noir que celui des corbeauxy
Je n'ai ni pieds , ai mains , et je fais plus d'ouvrage
Que le plus entendu n'en fait dans le ménage .
Quoique , comme tu vois , utile à la maison ,
On ne me donne pas une obole de gage ,
Pas même le moindre haillon .
Le corps tout nud , je semble , en ma laide figure ,
Faite en dépit de la nature .
Pour comble de disgrace , hélas !
On me tient dans les fers toujours la tête en bas .
42 63-
LOGOGRÍ PH L..
J'OFFRE à tes yeux quatre saisons ;
Un effronté qui va gueusant dans les maisons ;
Deux ames l'une à l'autre unies
Jusqu'au point d'exposer leurs vies ;
Un mot qui marque l'amitié
Un autre dont l'orgueil est très-mortifié.
Mais en me retranchant la tête ,
S'il te plaît d'arracher mon coeur ,
Adieu mes amours , ma conquête !
Mon reste en corrige l'ardeur,
·( 323 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Les loisirs utiles ; 10. Linville ou les plaisirs de la vertu ; 9º . Eugénie
ou les suites funestes d'une premiere faute . Deux volumes iu- 16
avecfigures ; par d'Arnaud. Prix , 3 liv. A Paris , chez Lepetit ,
libraire , quai des Augustins , nº . 32 .
Le citoyen d'Arnand est en possession d'instruire et ´d'intéresser
la jeunesse par les leçons animées d'une morale mise
en action. Il parvient à se faire entendre à l'esprit de ses lecteurs
en parlant à leur ame , et c'est en leur offrant les tableaux
enchanteurs de la vertu qu'il sait la faire aimer , comme il
inspire de l'horreur pour le vice , eu le représentant dans toute
sa difformité . Nous invitons eet habile maître à continuer son
cours d'éducation , dont il connaît parfaitement les élémens ,
et auquel il est certainement appellé par ses succès constans
et sa longue experience . Mais apprenons de lui - même dans
quelles vues utiles et patriotiques il se livre à ce genre de
Cravail .
Notre objet , dit- il , étant de présenter , dépouillé du faste
de l'instituteur , ce qui peut contribuer à l'amélioration des
moeurs et entretenir le feu sacré de la verta , cette bâse foudamentale
de toute législation , nous croyons que nous ne
saurions mieux débuter que par l'anecdote de Linville ; nous
Osons nous flatter qu'elle sera une leçon sensible pour nos
jeunes concitoyens , et leur donnera , si l'on nous permet cette
expression , un avant - goût des vrais plaisirs réservés à ce qu'on
peut appeller l'homme probe , et digne d'être compté parmi le
petit nombre dent s'honore ma patrie et l'humanité en général .
Ne perdons point de vue cette grande verité : Nous réunissons
deux existences ; l'existence physique et l'existence morale
; celle - ci est sans contredit préférable à la premiere ,
puisqu'elle nous éleve avec justice au- dessus des autres créatures
. Tout écrivain , jaloux de remplir les devoirs de sa
profession , qui le met nécessairement à la tête des formateurs
du genre humain , doit donc s'attacher à étendre les progrès
de cette existence , si importante pour l'individu en particulier
et pour la société . Ne nous lasssons point de le répéter :
le bonheur et la durée des états sont assis sur la pratique de
l'ordre qui n'est autre chose que la vertu . Si Sparte , Athenes ,
Rome ne s'étaient poin écartées de ce principe , il y a tout
lieu de croire que ces puissances pourraient subsister encore
et donner , sans le secours des armes , ce fléau de tout pays ,
des lois et des exemples de sagesse à l'univers entier.
L'auteur nous représente dans. Linville un citoyen honnête
?
X 2
( 324 )
qui s'est éloigné du tumulte des villes pour aller goûter dans
une retraite champêtre les délices d'une vie tranquille . Cependant
pour se rendre utile à la société , par ses leçons et son
exemple , il raconte tant à ses amis qu'aux habitans du canton ,
les aventures de sa jeunesse et les combats qu'il a eus à soutenir
contre lui -même et contre ses passions , pour ne point s'écarter
des sentiers de la vertn et de la plus exacte probité.
La premiere atteinte qu'il ressentit des traits de l'amour fut
'à la vue d'une jeune et aimable villageoise ; il eût pu la séduire ,
il y était excité par Valincour , un de ses parens , homme du
monde , qui par ses conseils et son persifflage jettait du ridicule
sur sa timidité et ses scrupules . Les occasions , la supé
riorité de son rang et de sa fortune , l'inclination même de
cet ange de beauté , de cette naïve et intéressante Annette ,
mille autres avantages semblaient favoriser et justifier même sa
passion . Mais soumis à un pere vertueux , il craignait de l'irritercontre
lui; il appréhendait encore plus de manquer au respect et
aux égards qui sont dus à la candeur , à l'innocence . Sur ces entrefaites
arrive au château une dame du haut parage . Monsieur
de Linville , dit madame de Belmont ( s'adressant au maître de
la maison ) , je viens ssoous les auspices de notre ancienne con
naissance , vous demander la faveur de partager avec vous pour
quelques jours les douceurs de votre charmante Thébaïde .
Je suis une malheureuse veuve excédée de Paris et de toutes
ses sociétés . Je viens me reconcilier avec l'amitié et la nature..
A propos , permettez que je vous présente mon compagnon
voyage : le pauvre enfaut sort d'une longue maladie , eta
ce sera une oeuvre méritoire de votre part de lui donner l'hospi
talité ; il annonce des dispositions , et je serai charmée que
vous l'honoriez de vos conseils . Madame de Belmont s'adressant
ensuite au jeune Linville , marque son empressement de
faire connaissance avec lui . Valincour , lui dit - elle , que j'ai
vu il y a quelques jours , m'a beaucoup parlé de vous ; il vous
est extrêmement attaché. Je vous demande vos bontés pour mon
fils ; je vous préviens d'avance qu'il cherchera , monsieur , à les
de
mériter .
Le jeune Belmont est aussi un amant malheureux qui ne
tarde point à faire confidence à son nouvel ami de sa passion
pour une femme - de- chambre de sa mere ; il lui racoute
tous les torts de la fortune et de ses parens envers elle , et il
lui fait partager les horreurs du désespoir où ils sont l'un et
l'autre réduits par une séparation forcée . Ces deux amis étaient
dans cet épanchement mutuel de leurs sentimens et de leurs
affections, lorsque Linville apprend d'Annette en plears , qu'un
dur créancier de son pere , le fait traîner en prison pour une
somme de 800 liv . Il est assez malheureux pour ne pouvoir disposer
de cette somme . Il offre en vain sa montre que la vertueuse
Annette ne veut point accepter ; enfin , il s'adresse à Valincour
qui regarde la detresse du pere d'Aunette comme une bonne
( 385 )
affaire pour l'amant de sa fille . Dans cette idée coupable if
engage madame de Belmont , qui a déja des vues sur le jeune
Linville , à lui confier cette somme. Je me flatte , dit cette'
" femme coquette , que je mériterai le nom de votre amie ( et
avec une espece d'attendrissement ) , je ferai tout au monde
" pour m'acquérir quelques droits sur votre coeur. Un coup
d'oeil intéressant accompagnait ces paroles . Linville s'épan
,, cha beaucoup en expressions de reconnaissance.
" Monsieur ( en montrant un peu d'embarras ) , la reconnais
sance n'acquitte pas toujours , et tout de suite madame de
" Belmont sonne , et se contente de terminer ainsi entre
99 tien . 99
ง
• Valincour qui était dans le secret de la dame bienfaitriee ,
vint aussi- tôt trouver son cousin ; il lui fit entrevoir que cette
veuve très - riche , lui donnerait volontiers sa fortune et sa
main ; et à l'égard de la jeune Annette , il se chargea , comme
malgré lui , d'aller trouver le pere , et de tout arranger ; mais le
fils de madame de Belmont le fit bientôt revenir de son erreur.
Est-il possible , lui dit- il , que vous vous soyez aveuglé à ce
point ? Votre parent , concourir avec vous pour un acte honnête
! Mon ami , j'en suis assuré , il ne mettra point au bienfait
le charme que vous lai auriez prêté , et qui est tant an
dessus du bienfait même ! Hélas ! je ne prétends point nous
fatter l'un et l'autre , mais , mon ami , il est peu de coeurs qui
soient susceptibles d'éprouver notre sensibilité et c'est la
sensibilité qui distingue les nuances de l'art d'obliger ; c'est
une science , croyez- moi , que bien peu d'humains possedent.
En effet , le perfide Valiatour annonce à son cousin que
pere d'Annette lui viendra faire ses remercîmens , mais que
san infidele était encore bien plus contente , puisqu'elle était
prête à épouser Claude , garçonjardinier, son amant. Linville demeure
confondu , et ne sait quel parti prendre , il est bien éloigné
de céder aux conseils de Valincour qui trouve assez plaisant ,
d'élaguer le rival jardinier , c'est-à - dire de l'éloigner . Survient
madame de Belmont qui déploya ce que le monde appelle de
l'esprit , pour rendre , disait elle , Linville à la noblesse dé
sentiment qui devait être son partage . Mais la visite la plus
désagréable pour lui fut celle de Claude qui vient se jetter a ses
pieds , et lui demander en grace de ne point s'opposer à son
mariage . - Monsieur , j'aime Annette de tout mon coeur , et je
veux être son mari . , puisque son pere m'accorde son consentement.
le
Linville ne put entendre son rival sans frémir ; il ne put en
même-tems se défendre de ses prieres , et fait par l'engager à
suivre son penchant. Alors le pere d'Annette vient en pleurs
reporter à celui de Linville un argent que Valincour lui avait
remis à des conditions trop déshonorantes pour Annette et pour
lui . Le pere de Linville fait appeller son fils , et en sa présence
il rassure le bon vieillard , et le force de garder cette somme
P
X 3
( 326 )
qui lui est si nécessaire , et qu'il lui présente au nom de son fils
en justifiant l'honnêteté de ses intentions . Mais étant seul avec
lui , il laisse éclater sa douleur paternelle , et après de justcs
réprimandes sur sa conduite , il ajoute 66 Dès qu'on est mem--
" bre d'une société , on a fait avec elle une sorte de contrat
" tacite qui nous lie , qui nous assujettit aux lois , aux couve-
" nances qu'elle s'est imposée ; c'est un engagement sacre , eusi
" l'on cherche à s'y soustraire , dès ce moment on devient mé-
" prisable , criminel . Je sais que dans ce siecle on fait parade
de philosophie . La vraie philosophie consiste à remplir ses.
, devoirs , à porter la chaîne sociale , à se soumettre aux usa
ges , fussent- ils arbitraires . C'est la fausse philosophie qui
" prétend à rompre tous les nauds qui nous attachent rési-
" proquement. Que nait de cette violation des lois , des con-
99 tames je dirai même des préjugés , et il y en a beaucoup
" qui sont nécessaires et absolument nécessaires ? la confu-
" sion , le désordre , vices qui nous rejettent du sein de la so
ciété , et qui nous renvoient à la condition de l'homms des
bois . Annette , je lui suppose tous les charmes , toutes les
qualités qni constituent la femme parfaite , ne doit point
" portes le nom de votre epouse . Il n'y a point d'appel de cette
2 décision , défendu même d'examiner si elle est bien ou mal
" fondée ; voila l'esprit de la société , l'esprit qui commande
" au nôtre , quand il s'agit du systême général , la base et le
maintien de l'ordre . C'était donc pour céder à un penchant
» condamnable , que vous nourrissiez une passionque l'honnête
homme et l'homme raisonnable doivent également réprimer.
Votre but était de la satisfaire , cette passion si aveugle , si
ilégitime . Et quel en eût été le résultat ? malheureux ! Le
, déshonneur d'une misérable fille , déshonneur qui ne souffre
" point de réparation , la douleur portée au sein d'un pere ,
d'une famille entiere , et pour ton coeur un remords , le remords
éternel ; car j'aime à croire que tu n'as point perdu
19 totalement le fruit de mes leçons , de mes exemples , que tu
ne saurais arracher entierement de ton coeur , le goût , l'a-
" mour de la vertu ; que mon fils …………. " "
Linville se jette anx genoux de son pere , les embrasse , en
les inondant de ses larmes . Oui , lui dit - il , je me sens encore
digne d'être votre fils . Outre les leçons de vertus et les regles de
conduite Linville reçut
que de son pere , il apprit encore de
lui à être généreux et bienfaisant envers Annette , envers son
époux et sa famille . Le devoir obligea de renoncer à son
amour ; mais il goûta le plaisir plus durable de faire des heureux
. Valincour et madame de Belmont ne tarderent point à
s'éloigner d'une maison où leurs airs , leur ton et leurs principes
étaient mal accueillis . Le fils de cette mere coquette succomba
bientôt à sa moire mélancolie . Le pere de Linville paya sa dette
à la nature , avec la consolation de laisser un digne héritier de
ses richesses , de ses vertus , Celui- ci fut envoyé en mission , et
( 327 )
redans
sa tournée , fait connaissance d'un monsieur Lesmer qui
par humanité s'était fait nommer geolier d'une prison d'état ,
pour apporter tous les secours et toutes les consolations qui
seraient en son pouvoir , aux malheureux captifs . Enfin il
vient après quelques années habiter sa terre , où il a le bonheur
de revoir Annette mere de plusieurs enfans ; il accueille encore
son mari , son pere , et tous les habitans qui le reçoivent comme
leur ami et leur bienfaiteur.
"
Le citoyen d'Arnaud a tracé dans Eugénie , ou les suites funestes
d'une premiere faute , des tableaux encore plus intéressans ,
que les bornes circonscrites de ce journal ne nous permettent
point d'exposer. Mais la lecture de ces anecdotes fera connaître
combien ces peintures animées des charmes de la vertu et des
ravages da vice deviennent utiles aux moeurs et effentiels
à la société , quand ils sont l'ouvrage d'un homme habile et
probe. Car suivant la remarque judicieuse du citoyen
d'Arnaud , par laquelle nous erminerons cette analyse
l'homme de lettres , appellé par le génie à sa noble profession
, doit être nécessairement supérieur aux autres hommes
. Il a plus de lumieres , conséquemment il doit pesséder
plus de vertus , parce que des lumieres émane l'amour
de l'ordre , et l'amour de l'ordre n'est autre chose que l'amour
de la vertu. On ne peut trop le répéter , les talens dont l'emploi
ne tourne point à la pratique du bien , au profit de la société
, au lieu d'être les sources du bonheur public , ne sont
que des sources empoisonées . Ce n'est plus an flambeau qui
porte une clarté utile , c'est une torche incendiaire . Encore une
fois le génie ne saurait gueres se séparer de la vertu . On peut
assurer , sans craindre de se tromper , que Corneille et Moliere
étaient d'honnêtes gens ; aussi furent-ils peu favorisés de la fortune.
Il n'appartient qu'à l'intrigue de se procurer des richesses
. Qu'est- ce qu'un homme de lettres intrigant ? Redisonsle
sans cesse , l'homme de lettres , par ses exemples comme par
ses écrits , doit servir de modele à ses concitoyens et à tous les
hommes .
ANNONCE.
Recueil de recherches et d'observations sur les différentes méthodes
de traiter les maladies vénériennes , et particulierement
sur les effets du remede connu sous le nom de Rob anti- syphilitique
; par Laffecteur , co -propriétaire de ce remede . In -8°.
de 150 pages d'impression , caractere Didot , présenté à la
Convention nationale . Se trouve chez l'auteur , à Paris , rue
des Petits-Augustins , no. 1276. Prix , 25 sous pour Paris , et
35 sous , franc de port , pour les départemens.
X 4
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE .
Dis
ALLEMAGN L.
De Hambourg, le 25 Décembre 1794.
Es lettres de Contantinople du 18 novembre , donnent plusieurs
détails sur la déposition ou démission forcée du dernier
grand- visir , arrivée le 20 du mois précédent , et sur la nomi
nation on plutôt la reconnaissance de celui qui lui a succédé ,
dont elles font connaître la vie antérieure .
Meler-Meheme -pacha étant à la promenade sur le canal de la
mer Noire reçut deux ordres successifs de se rendre à différens
endroits , et trois heures après la permission d'aller occuper
sa maison de campagne . Le même jour et à la même heure ,
d'après des ordres reçus dans sa route du Caire à Cutaya
Izel - Mehemet se rendit de bon matin au sérail . Le grandseigneur
l'installa dans le visiriat . Il passa avec un cortége
dont le muphii faisait partie , à la salle du divan où il fut complimenté
, et confirma les différens employés dans leurs places .
Le nouveau premier ministre est gendre de feu Hali-pacha ,
grand-visir , il y a environ dix ans , sous le sultan Abdul-Hamed .
Il a servi pendant sa jeunesse dans l'intérieur du sérail , ensuite
il a eu la sur-intendance de la monnaie . Après la mort de
son beau- pere il fut déclaré pacha aurois queues avec le gouvernement
de Jedda sur la mer Rouge , d'où il a passé en
Egypte en qualité d'intendant du grand - seigneur après quoi ,
au lieu de l'emploi de Beglier- Bey d'Anatolie qui lui avait été
conféré , il a été élevé à la premiere place de l'administration .
Son beau- pere étant plus versé qu'aucun autre ministre de son
tems dans les affaires de l'Europe , on présume qu'Izel - Mehemet
aura pris de lui des leçons de politique . Ce qu'il y a de sûr ,
c'est qu'il est très - circonspect et très - prudent.
- Les ministres des puissances coalisées voudraient donner à
entendre que Meler-Mehemet n'a été remercié qu'à cause de
son grand âge , et qu'il desirait lui-même se reposer. Mais on
sait que sa disgrace est le fruit des insinuations du capitanpacha
, et que la promotion de son successeur est un véritable
iriomphe remporté par la parti du ministere ottoman qui veut
la guerre sur le parti craintif qui veut condamner la Porte à
une neutralité peu honorable .
Un
In pacha à deux quenes est chargé da commandement et
de la direction des forteresses nouvellement bâties à l'embouchute
de la mer Noire ; elles sont pourvues d'artillerie et
( 329 )
d'hommes. La discipline que ce nouveau commandant " fait
observer est rigide . On remarque que la plus grande tranquillité
regne dans les villages voisins , parmi lesquels on
compte Bujukdere et Belgrade , demeure d'été des ministres
étrangers et des Francs .
L'officier français qui a présidé à la construction d'un vaisseau
de ligne de 70 canons , lancé en mer dernierement , a
reçu diverses gratifications qu'on fait monter à 30,000 piastres ,
outre ses appointemens ordinaires . Le grand seigneur lui a
fait promettre une autre gratification plus considérable encore ,
quand il aurait avancé la construction d'un vaisseau de premier
rang , de go à 100 capons , qui est déja sur le chantier.
Les soins du gouvernement ne se bornent pas au rétablissement
de sa marine ; il s'occupe encore d'en former une
marchande . Les principaux membres de l'état et du ministere
ont été engagés à armer des bâtimens pour leur propre
compte , destinés à faire le commerce de la mer Blanche et '
de la mer Noire , et servir au transport des vivres qu'on amene
dans cette ville . Le gouvernement promet encore qu'en cas
d'un armement , il ftêtera ces bâtimens comme transports . Deja
beaucoup de bâtimens francs ont été achetés , et l'on en cons
truit un grand nombre d'autres.
On ne saurait trop louer le plan qu'ont les ministres actuel
lement en faveur , de faire sortir la Turquie de l'espece de
léthargie dans laquelle elle est restée si long - tems , et de la
mettre en état de se faire respecter. La Porte vient encore de
recevoir l'avis que des armateurs maltois ont paru au milieu
des isles , et fait éprouver de grandes pertes au commerce .
Ils se sout emparés entr'autres de quatre gros bâtimens turcs
richement chargés .
Depuis l'audience que le grand- visir a donnée à l'ambassadeur
d'Angleterre , ce ministre en a en une autre du grandseigneur
, dans laquelle les cérémonies d'usage ont été observées
.
Les ministres étrangers viennent de former de nouvelles
plaintes au divan . Ils ont annoncé qu'une frégate française se
tient à l'embouchure des Dardanelles , visite tous les vaisseaux
qui se présentent , et arrêtent ceux qui lui paraissent
suspects . Le divan n'a , jusqu'à ce jour , donné que des réponses
évasives .
Tout continue de se passer en Pologne au gré de l'impératrice
de Russie et du roi de Prusse . Catherine et Frédéric-
Guillaume sont absolument maîtres de ce beau pays , qu'ils
fuiront peut - être par achever de partager , en appellant .
mais seulement pour la forme , à ee dernier partage , l'Autriche
dont ils n'ont pas tiré grand secours pour soumettre
les insurgés polonais ..
Voici ce qu'ou apprend de cette malheureuse contrée par
différentes nouvelles des frontieres , qui annoncent bien ca(
330 )
core quelques mouvemens des insurgés , mais exécutés avee
si peu d'ensemble , que l'on voit qu'ils ne tarderont pas à
être totalement soumis . On trouvera aussi dans ces mêmes
détails les formes suivies par la Courlande , pour passer sous
le joug de la Rassie , dont l'orgueil est , dit - on , singulierement
accru par ces nouvelles conquêtes , et qui se proposé
d'envoyer , les ans disent 30 , les autres 50 , et quelquesuns
même 80,000 hommes , sur des bords du Rhin , au secours
de la coalition ; secours et espérances qui acheveront
de la perdre , en la faisant persister dans une guerre ruineuse
pour elle , et l'empêchant de conclure à tems
paix honorable avec la République Française . En attendant ,
voici ce que portent des lettres de Varsovie , du 1er . décembre
:
une
‹‹ Six mois de calamités ont rendu notre situation infiniment
déplorable . La majeure partie des habitans est réduite à la
besace. Varsovie a dû fournir seule aux besoins de la guerre.
Chacun sait ce que c'est que d'avoir à completter , équiper ,
armer et nourrir une armée de 60,000 combattans . Les bourgeois
de Varsovie l'ont fait , sans y être aidés par la riche
noblesse , qui avait disparu avec ses trésors .
Le mal toutefois n'y serait jamais arrivé à son plus haut
degré si l'on n'eût pas adopté l'idée de créer un papier monnaie ,
qui , des mains des propriétaires , a fait passer toutes les
especes sonnantes dans le trésor public , d'où elles se sont
écoulées et perdues sans retour.
Personne n'a osé se dispenser d'obéir aux ordres donnés ;
car ils étaient toujours accompagnés de la menace de la potence .
La cherté des denrées , toujours croissante , ajoutait aussi toujours
aux violentes douleurs de notre position .
•
A dix ou quinze lieues de rayon , tout est dévasté autour
de nous :
on ne trouve plus dans les villages , ni vaches
ni volailles ; il n'y a pas même des paysans.
Les maisons des seigneurs n'ont plus , ni portes , ni fenêtres ,
ni planches ; les quatre murailles sont tout ce qui leur reste ;
on jugera par- là de l'état où sont les chaumieres .
Si notre gouvernement futur , quel qu'il puisse être , ne pourvoit
pas promptement aux nécessités de la ville , la famine y est
inévitable pour l'année prochaine ; car il ne s'est fait presqu'aucune
semaille dans les campagnes , pas même dans celles '
où les propriétaires avaient le plus d'envie de remplir cet indispensable
objet ; ils y ont manqué à la fois et de graines
et de bras.
Tout a abandonné la campagne , pour refluer vers la ville ,
comme lieu de refuge le plus sûr . La population , qui ne
fut jamais que de 70 à 80,000 ames , y est aujourd'hui de
200,000 ; à quoi il faut ajouter le devoir de procurer des subsistances
à l'armée russe .
Tétait de toute impossibilité que la ville tînt plus long-
L
( 33x )
tems ; la faim , puisque tout passage fermé anx choses né
sessaires à la vie , l'aurait forcée à se rendre aux Prussiens.
Les angoises et le trouble qui nous ont tourmentés pendans
ce tems-là sont au- dessus de toute expression .
Penser maintenant au commerce et au trafic , il n'est personne
qui le puisse .
Les banqueroutes terribles qui éclaterent l'année derniere ,
à supposer qu'on eût pu les éviter alors , seraient inévitables
aujourd'hui. Tous les débiteurs aux masses , ou sont ruinés ,
ou se sont enfuis avec ce qu'ils avaient encore d'argent.
Nous ignorons le sort qui nous est réservé , et qui doit
améliorer celui que nous endurons.
Plusieurs belles maisons et plusieurs jolies petites maisons ,
le long de la Vistule , ont été abîmées par les batteries qui ,
se sont établies , tous les arbres sont à bas , et les murs sont
criblés.
En vain voudrait - on penser à des réparations ; quand même
on aurait des fonds , il ne serait pas possible d'avoir un
tonneau de chaux , quelque prix que l'on voulût y mettre. "
On répand que les limites de la Prasse méridionale doivent
être reculées . S'il faut en croire ces bruits , elles commence,
raient à Wissogrod le long de la Vistale jusqu'à Zakrozim ,
à l'endroit où la Narrew réunie au Bug se jette dans la Vistule
: de - là , et en remontant la Narrow jusqu'à Augustos ,
elles s'étendraient jusqu'aux confins du palatinat de Trock en
Lithuanie , où commencent les frontieres de la Prusse occidentale.
Tel est du moins le plan qu'on dit formé par le
cabinet de Berlin .
Selon des avis reçus de Mittau , plusieurs membres de
l'ordre équestre de Courlande , ayant à leur tête le bourggrave
Howey , présenterent , le 19 novembre , une requête
au duc , pour lui demander la promptè convocation de la
diete. Il y avait un mémoire joint à cette requête , dans lequel
on développe les motifs qui purent engager autrefois cette
contrée à se mettre sous la protection de la Pologne. Il y est
dit que la Pologne n'a jamais rempli ses engagemens , er
qu'au contraire elle a sans cesse cherché à violer les droits ,
des Courlandais ; qu'entr'autre , lors de la derniere diete de .
Varsovie , les Polonais voulaient renverser la constitution de
la Courlande , et que , sans la puissante protection de la:
Russie , ce duché serait devenu la proie des insurgés ; que
d'ailleurs la Pologne , ayant cessé depuis long -tems d'être un
éta : sous la protection duquel on puisse se mettre , et l'union
de la Courlande avec ce pays ne pouvant que l'entraîner dans
sa ruine , les soussignés invitent le duc à engager les états de
la diete : 1. à renoncer à la protection de la Pologne ; 2º . à
demander , par une députation , celle de Russie . On ajoute
que si cette députation reussit dans ses négociations , elle
prêtera tout de suite serment de fidélité , et fera à l'impéra
( 33 )
trice les demandes suivantes : 1 ° . la famille regnante , l'ordre
équestre , les villes et tous les habitans conserveront la jouissance
de tous leurs droits , et l'impératrice les défendra envers
et contre tous ; 2. l'impératrice sera priée d'indemniser
la Courlande des dommages causés par les insurgés , et de
lui faire restituer tout le territoire que la Pologne lui a enleve
dans les anciens ' tems ; 3° . elle sera également priée
d'établir dans le duché un tribunal supérieur d'appel , à la
place du tribunal de relation , établi jusqu'ici de la part de
la Pologne , et de conférer la place de président de ce tribunal
à un gentilhomme Courlandais . Ge tribunal sera composé
de six conseillers le duc en proposera six , l'ordre
équestre en proposera six , et l'impératrice en choisira trois
de chaque côté .
Enfin on trouve , dans des lettres des frontieres du 12 décembre
, que le russe Stackelberg est décidément attendu à
Varsovie , où il résida jadis en qualité d'ambassadeur. Ce
ministre hautain et dur vient y rétablir le regne de Cathe
rine ; il sera assisté dans cette opération du prince Repnin.
Quant au vainqueur , le général Suwarow , à qui l'impératrice
a donné , en lui conférant le grade de feld - maréchal , de
préférence à cinq ou six officiers ses anciens , un bâton parsemé
de brillans , pour faire le pendant de sa couronne de
lauriers en diamans ; on assure qu'il va retourner à Cherson .
De Francfort-sur- le-Mein , le 31 décembre.
La position de l'empereur est toujours la même , c'est-à- direfort
embarrassante . Il est extrêmement occupé du soin de faire
presser par ses ministres à la diete la fourniture de ce quintuple
contingent , soit en hommes , soit en numéraire , sans
lequel il lui est impossible de continuer une guerre ruineuse
pour tout le corps germanique , et particulierement pour lui. Ses
envoyés dans les différentes cours belligérantes , ou même
neutres , sollicitent des subsides ou essaient d'ouvrir des emprunts
, mais avec peu de succès . En général , il en est réduit
pour ses finances à peu près à ses propres ressources , dėja
bien épuisées par les campagnes précédentes .
D'ailleurs , on commence à craindre la famine dans plusieurs
parties des états héréditaires , et surtout dans l'Autriche
antérieure . Les grains s'y vendent aujourd'hui plus cher qu'en
1771 et 1772 , années remarquables par une disette presque
9
solue . En conséquence , le conseil de régime et la chambre
des finances , d'après un travail fait en commun ont adressé
une circulaire à toutes les communes du pays , où , pour tranquilliser
les habitans , ils imputent la disette réelle à des
causes peut-être chimériques ; ils se plaignent du monopole et
de l'exportation immodérée , et prétendant que la derniere
récolte n'a pas été aussi mauvaise qu'on l'a avancé , ils arrêtent
( 533 )
des dispositions suivantes pour prévenir l'énorme cherté de
grains .
1º . Toutes les autorités dans chaque lieu devront prendre ,
sous la plus rigoureuse responsabilité , des informations exactes
sur le produit de la récolte , et sur ce qui est nécessaire pour
la consommation .
2º . Il est de nouveau défendu de vendre des grains , dans
les greniers , maisons ou moulins , sous peine de confisca
tion : un tiers du prix sera donné au dénonciateur ; en cas
de récidive , il sera infligé des peines infamantes et même
corporelles aux contrevemans .
30. Toutes les autorités sont tenues de surveiller les accaparcurs
qui , dans les marchés , les granges et les greniers ,
font de grands achats de grains , afin de les conserver pour
en faire monter le prix .
►
4. Il est enjoint aux inspecteurs des marchés , aussi longtems
que durera la cherté actuelle , de veiller à ce que personne
, jusqu'à la moisson prochaine , ne fasse des achats de
proportion avec les besoins de chaque famille , et par conséquent
dans l'intention de les faire passer ailleurs . Il n'est
point permis aux acheteurs étrangers , encore moins à des
marchands de grains , d'en acheter de grandes quantités à la
fois , si ce n'est dans les marchés de l'arriere , pour les faire
passer aux marchés de l'avant .
5º. Ceux qui ont eu d'abondantes moissons , " remettront
au président des provinces de l'Autriche antérieure , des états
de leurs provisions surabondantes , pour que l'achat en tout
ou partie en soit fait , soit par les états de Brisgaw , soit par
les communes où il y a disette .
6º . Enfin , s'il arrivait que , par les rapports à faire sur le
produit de la derniere récolte , il fût prouvé que le pays a
des grains au - delà de la consommation iutérieure , il n'y a
aucune opposition à ce que , conformément à la bonne intelligence
avec la Suisse , le surperflu fût vendu aux Suisses ,
Les conditions sous lesquelles ces ventes pourront être faites ,
seront rendues publiques dès qu'il aura été fourni des renseignemens
sur les besoins du pays .
Des lettres de Vienne du 17 portent , que depuis quelques
tems les couriers de Londres , de Berlin et de Pétersbourg s'y
suceedent avec une extrême rapidité , sans qu'on sache s'it
faut en augurer la paix ou la guerre . On n'en est gueres plus
avancé pour savoir que le 11 , après l'arrivée d'un courier de
Londres qui précédait seulement de quelques jours Milord Eden
deja entré plusieurs fois en conférence avec le ministere autri
chien depuis qu'il s'est rendu dans cette capitale , le baron de
Thugut a passé chez l'empereur , conversation à la suite de
laquelle il a expédié une estafette au baron de Dankelmann ,
ministre impérial en Suisse ; que le lendemain le marquis de
( 334 )
Laechesini reçut des dépêches par un courier de Berlin , e
les communiqua au baron de Thugut , avec qui il resta longtems
enfermé ; qu'enfin , le général Suwarew a envoyé à Vienne
son aide-de-camp M. de Hesse , que le comte Rasoumowski
présenté à l'empereur.
L'hiver commence à se faire sentir vivement depuis le 16 ;
en espere qu'il raccommodera un peu les chemins presque
généralement impraticables : leur mauvais état a singulierement
ralenti les transports de munitions en tout genre.
La diétine de Transylvanie a fait solemnellement l'ouverture
de ses séances , le 13 , à Clausenbourg ; on ne sait pas
quand celle de Hongrie ouvrira . Quant aux états de la Haute-
Autriché , c'est le 22 qu'ils doivent s'assembler ; on s'en prc.
met bien quelque heureux résultat ; mais on est sûr d'avance
qu'il ne sera point suffisant pour faire face à la guerre , sur
tout dans un moment où les provinces d'Italie paraissent fournir
de nouveaux sujets d'inquiétude ; car on sait que les Frauçais
doivent s'être renforcés de ce côté - là .
D'après cet état de choses , on ne sera pas surpris du parti
qu'ont pris les membres du corps germanique assemblés , et
done on a connaissance par des lettres de Ratisboune , du
20 décembre , ainsi conçues :
Hier , la diete a pris , d'un commun et parfait accord ,
une résolution définitive dans l'affaire de la pacification désirée ;
on y z adopté un projet d'avis de l'Empire qui sera incessamment
envoyé à l'empereur pour en obtenir ratification ,
et devenir conclusum du corps germanique. La résolution
prise dit en substance :
1º. Qu'il a été jugé conforme à la situation actuelle des
affaires , de préparer efficacement les voies à une pacification
équitable , en même tems que l'ou s'occupera sérieusement , et
conformément à ce qui en a été ordonné , des préparatifs pour
une nouvelle campagne .
,, 2 ° . Qu'on a lieu d'espérer que , pour l'honneur de l'humanité
trop cruellement en souffrance , la nation française ,
considérant qu'elle-même a fait naître cette guerre qui , de la
part de l'Empire , n'a eu d'autre but que de défendre obligatoirement
la constitution et les droits du corps germanique
et de ses membres , et nullement de s'immiseer dans les affaires
intérieures da la France , ou de faire sur elle des conquêtes ,
se montrera disposée à prêter les mains à une paix qui mette
fin à la guerre à laquelle elle a forcé l'Empire .
, 3c . Que , vu la possibilité de s'être livré sur ce point à
une espérance trompeuse , et d'avoir inevitablement à continuer
la guerre défensive , il ne sera rien négligé pour accélérer
au possible les armemens décrétés , et tous les moyens de
1 335 )
défense qu'une nouvelle campagne , et les dangers dont on
est menacé , exigent impérieusement ;
4°. Que, partant de ces suppositions , sa majesté impériale
sera très -humblement et instamment suppliée de conti
nuer , toujours de concert avec l'Empire , à donner des soins
à ce que les choses soient ramenées aux termes d'une paci
fication acceptable , conforme à - la - fois à la constitution de
Empire et à la paix de Westphalie , l'une de ses lois fondamentales
;
5. Enfin , que sadite majesté impériale , pour mieux
travailler à la paix , veuille bien s'employer à la rendre plus
facile , en entamant des négociations pour une trêve préa
lable , en agissant à ces deux égards conjointement avec sa
majesté le roi de Prusse , qui déja s'est déclaré prêt à tout
tenter pour répondre aux voeux de l'Empire , qui sont aussi
les siens .
Les Français ont probablement beaucoup influé dans ces
déterminations par l'activité qu'ils ont montrée dans les dernieres
affaires , tant sur les bords du Rhin et en Hollande
qu'en Espagne , activité que la rigueur de la saison ralentit
à peine un peu . Il paraît que le 14 ils ont réitéré leurs tentatives
du côté de Ghent ; c'est après avoir également tenté
une attaque vers le Byland-Waert et le fort de Schenk . Quoiqu'ils
n'aient pas encore réussi , disent des letttes de la Haye ,
du 16 décembre , les mouvemens qu'ils ne cessent point de
faire , et toutes les dispositions dont ils s'occupent sans relâche ,
en exigeant autant de la part des flegmatiques Hollandais , de
peur d'être surpris , les harassent et les excedent.
Ces lettres ajoutent les ballons découvreurs de l'ennemi
se sont élevés de nouveau dans le voisinage du fort de Schenk.
Ainsi , il est encore question d'entreprises très prochaines .
D'ailleurs , ils ont mis en réquisition , le long du Waal , tout
ce qu'il y a de tonneaux , apparamment pour s'en servir
à la passer , sans que nous puissions trop savoir comment.
L'amiral Kinsbergen est de retour avec sa fletille à la rade
de Fagel. Le bruit court que le Statdhouder effrayé va faire
négocier la paix à Paris .
Nous savons aussi par des lettres de Bâle , à la date du
25 , que la veille le major de Mayerink et M. Schmertz de
Creutznach y sont revenus de Baden , où ils ont été supérieurement
reçus par M. Barthelemy , ambassadeur de France ,
et que l'on s'attend à voir arriver de Berlin M. le comte
de Goltz , ci - devant ministre de Prusse à Paris .
ANGLETERRE. De Londres , le 14 décembre.
ހ
Il y a aujourd'hui des variantes sur la maniere dont le due
d'Yorck sera employé. Quelques personnes prétendent qu'on
1336 )
Je renverra incessamment au poste qu'il vient de quitter. Il a
ramené ici le général Erskine , et a laissé le général Harcourt à
la tête des Anglais en Hollande , et le comte de Walmoden à
celle des Hanovriens .
Quant à l'expédition dont le comte de Moyra doit être
chargé , beaucoup de gens soutiennent qu'elle ne tardera pas
d'avoir lieu. On se fonde sur ce qu'il est impossible de croire
que l'on se donne tant de peine , et que l'on fasse tant de dépenses
seulement pour la forme , ou pour le petit plaisir de
tromper l'espion . Au reste , voici les détails que l'on donne sur
cetse expédition ; tous les officiers , tous absolument , doivent
être rendus le 20 décembre à Southampton , où est le quartier
général , on en prapere de particuliers à l'isle de Whit pour
sept régimens , et 5000 hommes vont être envoyés à Jersey .
Enfin , la légion d'émigrés de Toulon , commandée par d'Es
villy , a ordre de se tenir prête à marcher.
La rentrée ou la prorogation du parlement est encore une
chose incertaine , et dont les bruits varient d'un instant à l'autre .
Dans la matinée d'hier , on disait positivement qu'il serait prorogé
au 20 janvier , et dans la soirée on affirmait qu'il rentrerait
le 30 décembre.
Ce qu'on sait d'une maniere un pes plus sûre , c'est qu'il ne
faut pas an ministere moins de 24 millions de liv . sterling , ou
environ 550 millions de liv. tournois , dont 18 millions pour la
dépense qu'exigent les affaires de la coalition , et 6 millions
pour celle des deux Indes . On imagine bien que ce n'est pas
par la voie des impôts qu'on se procurera cette somme énorme ,
dans un pays qui en est deja surchargé .
"
On aura recours à un emprunt qui sera assuré , garanti ,
consolidé en un mot revêtu de toutes les formes propres â
tranquilliser , par le gouvernement. Il ne reste plus qu'une
petite question à faire , c'est de savoir qui est-ce qui cautionnera
le gouvernement ; c'est ici un peul'histoire des Indiens , qui ne
sont pas du tout embarrassés de vous expliquer comment la
terre est soutenue ; ils la font porter par quatre éléphans , qui
posent eux-mêmes sur le dos d'une énorme tortue ; mais quand
en leur demande sur quoi la tortue est appuyée , ils ne savent
plus que vous dire . Les prêteurs , si tant est qu'on en trouve ,
n'auront pas même ici la ressource insuffisante de la tortue .
Quoiqu'on n'ait encore rien d'officiel sur la reprise de la
Guadeloupe par les Français , cette mouvelle vient de tant de
côtés qu'on en a presque la certitude morale .
RÉPUBLIQUE
( 337 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BENTA BOLLE .
Séance du septidi , 17 Nivose .
Nous avons promis de donner une analyse du rapport de
Courteis . Nous desirerions pouvoir le mettre en entier sous les
yeux du lecteur , parce qu'il est fait pour passer à la postérité
comme un monument de la tyrannie la plus exéciable qui
jamais ait ose se montrer .
Le
rapporteur
a partagé
son travail
en trois parties
; les crimes
de Robespierre
, ceux
des anciens
comités
de gouvernement
,
et ceux
des agens
de ces comités
et de Robespierre
. Leur but était d'etablir la tyrannie , et pour y parvenir ils ont
employé denx sortes de moyens ; moyens directs , les proscriptions
et les assassinats des gens de bien , des hommes de lettres ,
des artistes , des negocians ; moyens indirects , le maximum , les
requisitions , les courses de l'armée révolutionnaire , et l'envoi
des journaux qui leur étaient vendus .
*
Le portrait de Robespierre venait se placer ici naturellement
un temperament bilieux , an esprit étroit , une ame jalouse .
un caractere opiniâtre l'avaient prédestiné à de grands crimes ;
il était an college ce qu'il fut à la Convention . Enfant , il voulut
maîtriser les enfans ; homme , il voulut maîtriser les hommes . If
ne voyait que des rivaux dans ses semblables , et-le plus grand
crime à ses yeux était d'être au - dessus de lui . Ses succès
pendant quatre années ont lieu d'étonner , lorsqu'on ne les compare
qu'a la médiocrité de ses moyeus ; mais il avait dans un degré
supree le talent de hair et la volonté de maîtriser ; ils doivent
done moins surprendre . C'est dans l'Assemblée constituante , où il
avajt reça de frequentes humiliations qu'il avait amassé dans sonL
ame étroite le fiel homicide qui fut depuis le principe actif de
son ambition . I entreprit d'y lutter de talens avec les
membres qui s'y distinguaient le plus , et il ne se fit remarquer
que par sa singularité ; dès -lors , il résolut de punir de mort
toutes les blessures faites à son irritable amourr-
propre ; des - lors ,
il vit un ennemi personnel dans quiconque , soit dans la carriere
politique , soit dans la carriere littéraire , fixait un instant les
regards d'une partie de la nation , et dans l'impossibilite d'être
autre chose , il voulut être tyran . Cependant il ne fut ni
Cromwel , ni César , ni Scylla , car il tremblait a la vue d'une
épée . On lui croyait de l'energie lorsqu'il n'était que féroce
da caractere , lorsqu'il n'avait que de l'insolence ; des talens ,
Tome XIII.
( 338 )
l'orsqu'il ne savait que mettre à profit ceux des autres . Tel était
donc ce Robespierre ; haineux , opiniâtre , pnsillanime ,
ambitieux , jaloux et tyran ; farouche lorsqu'il eut usurpe
l'autorité souveraine ,
·
Robespierre a tracé lui même de sa main le plan de sa
conspiration . 1º . Avoir de l'argent , 20. faire une adresse aux
départemens , 3°. envoyer des courriers aux armées , 4° . uue
contre ·
fédération de la commune de Paris avec celle de Marseille ,
50. changer les ministres , 6° . de supprimer les journaux
révolutionnaires , 7 ° . cessation totale de tous les
travaux jusqu'à ce que la patrie soit sauvée , 8° . changer de
local et suspendre les travaux de la Convention . Ce dernier
article s'explique par l'aveu fait par Elie Lacoste , que Robespierre
avait proposé six mois auparavant aux comités réunis de
suspendre les séances de la Convention . On voit dans l'extrait
d'un de ses cahiers le développement de son systême de
tyrannie , et les motifs qui lui firent sacrifier Phelippeaux ,
Camille Desmoulins , l'évêque Gobet et Westermann .
Le rapporteur lit plusieurs lettres dans lesquelles on disait au
tyran, il faut tout détruire pour tout réédifier, les morts seuls
ne reviennent pas. Vous avez été élevé au trône de la
présidence , craignez de descendre au tombeau . Venczici , lès
fonds que vens yaavez fait passer suffiront à vos besoins
" et à ceux de vos agens, 19
Robespierre voulait perdre les membres de la Convention
qui n'avaient pas foi dans l'infaillibilité des comités , et les accusait
d'avoir prêché l'athéisme et d'être complice d'Hébert et Cloots .
11 voulait faire décréter d'accusation Thomas Payne , parce
qu'il avait prêché la liberté dans les deux mondes.
Que d'hommes immolés à la conservation de ce tyran !
Une jeune fille veut - elle voir ce que c'est qu'un tyran ? elle a
voulu l'assassiner ; ce complot était tramé depuis huit jours
et on l'envoie à l'échafaud ; c'était peu , il fallait égorger aussi
son vieux pere , pour le punir de la curiosité de sa fille , il fallait
égorger sa famille , et soixante malheureux réunis depuis
six mois dans un cachot , en disant qu'ils étaient ses complices ,
et il est prouvé qu'ils ne la connaissaient point , et qu'ils ne
l'avaient jamais vue.
On découvre dans un grenier une vieille folle nommée
Théote ; on dénature son nom on l'appelle Theos , parce que
que ce mot signifie divinité , et l'on bâtir là - dessus un plan
ridicule de conspiration fanatique , pour avoir l'occasion d'immoler
de nouvelles victimes .
Payan écrivait à Robespierre qu'il fallait faire guillotiner
tous ceux qui avaient voulu jetter du ridicule sur la fête à
l'Ecre Suprême , et tous les journalistes qui ne voulaient pas
calomnier la représentation nationale . "
Vérité , s'écrie ici l'orateur ; j'ai promis d'être ton organe ,
je le serai , dussé-je être ton martyr , et il peint les horreurs
7.339
-
exercées à Bordeaux , Nantes , Orange , Lille , Lyon , Arras ;
et dans toutes les grandes villes de la République , qui toutes
avaient un tribunal
révolutionnaire , leur Dumas , leur Fouquier
et leurs jurés à l'instar de ceux de Paris .
Collot-d'Herbois voulait que Lyon n'existât plus , et trouvant
que la guillotine n'y allait point assez vite , il en fit mitrailler
les habitans par centaines , et achever à coups de pelles et do
pioches ceux qu'un coup mortel n'avait pu atteindre , et il
a sacrifié ainsi sept mille victimes .
A Arras , Joseph Lebon , l'ami fidele de Robespierre et de
Barrere , ordonne des massacres et se repaît de sang. Entouré
des objets de ses lubriques fureurs , dans ses embrassemens
homicides , il eût pu dire avec plus de vérité que Caligula :
Cette belle tête sera pourtant coupée , dès que je l'aurai ordonné .
Le comité des fermes acerbes avait sanctionné toutes les mesures
de Lebon. Les preuves de complicité resuitent de la
correspondance, Le comité écrivait à Lebon qu'il espérait que
cela irait tous les jours de mieux en mieux .
La fontaine de Vaucluse , que Petrarque a rendue si célebre ,
■' a roulé pendant long - tems que des cadavres . La nature y a
perdu tous ses attraits , et l'amour ses douceurs , depuis les
massacres commis sur ses habitans , dont le caractere n'est
plus le même. Maignet écrivait qu'une armée ne lui suffirait
pas pour faire conduire à Paris tous les
conspirateurs de ce
département. Pour le tirer d'embarras , le comité de salut public
crea une commission de cinq membres pour les juger révolutionnairement
, sans jurés , ni défenseurs . Les pieces lues et
l'accusateur public entendu , le jugement était prononcé . C'était
un essai de la loi du 22 prairial , qu'il a plu aux comités de
rejetter sur Robespierre seul . Un des juges de ce tribunal écrivait
que dans ce département on réservait aux ci - devant nobles
le même sort que le
gouvernement préparait à ceux qu'il avait
chassés de Paris . On sait que c'était la mort . Un autre disait,
que les têtes en tombant rendaient hommage à la Convention.
Toutes les grandes communes ont été en proie au même
systême de ruine , de dévastation et de proscription . Bordeaux
fut livré à un jeune homme de 18 ans ,
aveugle dans les mains de Robespierre et du comité de salut
instrument
public. Cependant , dit l'orateur , son ame n'est pas entierement
fermée à la vertu ; il n'a pas tenu à lui que l'infâme
Carrier ne fût rappellé plutôt. Sans doute , vous
pardonnerez
à des excès produits par les égaremeus de la jeunesse , et
vous rendrez au repentir et à la patrie celui qui peut faire
oublier ses torts et la servir.
Le chancre politique de la Vendée est encore un des fruits
amers du systême affreux des tyrans. On y a plus souvent
fait usage de la torche que de la bayonnette . Cholet a été
évacué sans motifs . La République a perdu par cette évacuation
des grains et des
approvisionnemens
immenses. On a changé
·Y 2
( 340 )
par un effet de la terreur des citoyens paisibles en rebelles
désespérés . On a passé au fil de l'épée les patriotes , leurs
femmes et leurs en fans .
Dans cet horrible tableau , on n'apperçoit que des supplices
; on ne marche que sur les cadavres ,
le sang et des
ruines ; l'erreur y est confondue avec le crime , et l'innocent
avec le coupable.
L'orateur termine par cette apostrophe : Tyrans qui m'entendez
, votre marche a été la même que celle de tous les
tyrans ; vous avez commencé par la terreur , et vous finissez
par la crainte ; vous ne voulûtes que le crime , l'humanité ne
vous toucha jamais ; mais vous saurez que la main de la justice
ne laissera pas vos crimes impunis.
Gossain , au nom du comité militaire , fait un rapport sur
la gendarmerie de Paris . Le service des comités surcharge
les gendarmes. Cette considération a déterminé à augmenter
leur nombre , et à la porter à 736. Ils ont d'ailleurs besoin
d'être organisés d'une maniere différente . Gossuin propose un
projet de réglement qui est adopté .
Sur la proposition du comité des transports , postes et messageries
, la Convention décrete que le payement des maîtres
de postes , pour chaque cheval , sera de 4 liv. , et celui des
postillons de 30 sous .
Bentabolle appelle l'attention de l'Assemblée sur le citoyen
Buisson , qui a imprimé l'ouvrage de Lacroix . Les comités
s'étaient occupés de sa mise en liberté ; mais Bentabolle pense
qu'il a partagé le délit de l'auteur . Plusieurs membres réclament
la liberté de la presse . Thibaudeau , en particulier , fait voir
que ce serait la détruire que d'attacher la responsabilité à un
imprimeur , lorsque l'antenr a mis son nom son ouvrage .
Les imprimeurs s'établiraient censeurs des écrits , et rarement
ils se hasarderaient à entreprendre leur impression , dans la
crainte de partager le délit et la punition de l'auteur . Le nom
de l'auteur mis à un écrit est la garantie de l'imprimeur ,
comme il est la garantie publique . Ces observations out frappé
F'Assemblée , et Buisson a été mis en liberté .
Boissy-d'Anglas , au nom des comités de salut public et de
commerc , détaille les abus nombreux qui environment la Convention
, que les administrations présentent , et qui sont encore
les fruits du régime affreux qu'elle a anéanti . La dilapidation
est telle qu'elle menace les ressources de la patrice ; l'ignorance
et la cupidité se disputent las richesses nationales ; les
commissions executives sont les principaux foyers de ce desordre
; ces institutions ont été créées par l'ancien comité de
salut public , dans une époque où il ne lui fallait plus que des
esclaves.La responsabilité des commissaires est devenue illusoire,
parce qu'ils savent la rejetter sur les comités en provoquant
dans toutes les circonstances leur décision préalable . Ainsi, ils
se garantissent des suites de leurs injustices et de leurs erreurs ,
( 341 )
$
et conservent ponr eux seuls les jouissances d'un pouvoir qui
ne les soumet à aucun danger. Mais en attendant la réorganisation
générale du gouvernement , Boissy propose de s'occuper å
l'instant même de la commission de commerce qui est l'une
des plus desordonnées . L'Assemblée prouonce la suppression
de cette commission , et la remplace par une nouvelle chargée
d'assurer seulement les subsistances et autres fournitures des
armées de terre et de mer , et de diriger les achats à faire pour
le compte de la nation , tant dans l'interieur qu'à l'extérieur de
la République . Elie se nommera commission des approvisionmens
, et elle sera composée de trois commissaires , les citoyen's
Lepayen , Mottet et Combes .
Une discussion fácheuse a rempli le reste de la séance . Maignet
a pris la parole pour se disculper des accusations dirigées
contre lui dans le rapport de Court is ; il a ´invoqué le témoi
gnage des membres des comités de gouvernement qui ont
examiné sa conduite. Pons de Verdun a déclaré qu'en effet
les trois comités , après deux séances , dont la derniere a
duré quatorze heures , ont été d'avis qu'il n'y avait pas lieu à .
inculpation.
Lecomte et Lecointre ( de Versailles ) ont demandé un nouvel
examen , et se sont appuyés sur les nouvelles pieces trouvées
chez Robespierre.
Bourdon ( de l'Oise ) et Legendre ( de Paris ) , membres des
comités , ne savent plus où l'on s'arrêtera si l'on revient sans
cesse sur les mêmes faits . Ils ont reconnu qu'une portion des
membres de l'ancien comité de salut public était seule auteur
des crimes commis à Bédouin ..
Merlin ( de Donai ) ajoute que Maignet n'a fait qu'obéir à
l'arrêté du comité , et que ce sont les meneurs et non les menés
qu il faut frapper , d'après l'avis des comités . D'ailleurs , on ne
s'est pas borné à couper à Bedouin l'arbre de la liberté ; on y
professait ouvertement le royalisme .
Penieres 1 faut des picces pour démontrer la fausseté des
reproches graves qu'on fait à Maignet , ou bien un nouvel examen
de sa conduite . Maiguet a désobéi au décret de la Convention
pour obéir aux arrêtés du comité de salut publique ; il
a en l'initiative des mesures atroces prises contre la commune
-de Bedouin .
Maignet s'appuie sur un décret de la Convention qui a
approuvé sa conduite ; il soutient qu'il y avait une grande
vengeance nationale à exercer,
Rovere dit que le décret dont on parle , n'est ni dans le feuilleton
, ni dans le bulletin .
Clausel demande que le comité des procès - verbaux soit chargé
de représenter l'original du décret cité par Maignet . Cette
proposition est décrétée .
On réclame d'une part de renvoi aux trois comités pour faire
un rapport sur Maignet ; de l'autre , l'ordre du jour ; enfin ,
Y 3
( 348 )
Letourneur propose , et la Convention décrete , qu'elle passe
l'ordre du jour , motivé sur ce que Guyton-Morveau doit faire
un rapport sur Maignet.
Séance d'octidi , 18 Nivôse.
PRÉSIDENCE DE LETOURNEUR ( de la Manche ) .
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvel
lement du bureau ; Letourneur de la Manche ) a été nommé
président ; les secrétaires sont : Anguis , Dumont ( du Calvados )
et Borel.
Les représentans du peuple près l'armée de l'Ouest informent
la Convention qu'un navire anglais vient d'arriver à l'entrée
de la Loire , et que 180 prisonniers français qui se trouvaient
sur ce vaisseau ont brisé leurs fers et emmené leurs ennemis .
La commission des revenus nationaux informe la Convention
que le résultat actuel des ventes de biens nationaux est d'us
milliard soixante - trois millions .
Monnot :: au nom du comité des finances , annonce que la
rentrée des contributions de la Belgique jusqu'à la fin de frimaire ,
monte à 28 millions , et en numéraire ou assignats à 4 millions.
Pons (de Verdun ) , au nom du comité de législation , propose
de faire rayer de la liste des émigrés le citoyen Levreau du
département du Bas - Rhin , dont les autorités constituées et les
représentans en mission ont attesté que la fuite n'avait été que
le résultat de la terreur que lui avait inspirée Scheneider qui
voulait le faire guillotiner.
Plusieurs membres attestent le civisme de Levreau ; Duhem .
Lesage , Senaut et Gaston proposent l'ajournement & Dentze
les appuie et annonce qu'il a des pieces qu'il communiquera a
comité .
Moyse Bayle : Tous les émigrés auront aussi le droit de dir
que c'est la peur qui leur a fait quitter leur patrie. A l'époque
du federalisme , les principaux négocians de Marseille s'enfuirent
à Gênes ; ils diront aussi que la peur les y a conduits .
La justice et l'humanité sont de sauver le peuple . Bayle demande
l'ajournementjusqu'à la paix .
Dentzel instruit que les faits qu'il avait à dénoncer au comité
de législation sur Levreau étaient connus de lui , retiré sa motion
; cependant on demande de plusieurs côtés de la salle la
question préalable sur le projet de décret ; elle est adoptée.
Meilin de Douai ) : La Convention nationale vient de
prouver qu'elle n'a qu'une opinion , toutes les fois qu'on lui
présente les grandes vues de l'intérêt général ; mais son ouvrage
resterait imparfait , si elle n'adoptait pas deux dispositions que
je vais lui proposer. Merlin demande le rapport du décret d
30 frimaire , et que les autorités constituées soient chargées d
poursuivre les émigrés et les prêtres déportés qui sont rentré
sur le territoire français .
( 343 )
Une partie de l'Assemblée se leve en signe d'adhésion , et
applaudit vivement.
Bentabolle prend la parole et dit , que le décret du 30 frimaire.
a été rendu en faveur de 30 mille cultivateurs du Bas - Rhin que
la terreur avait obligés de fuir , et à l'égard desquels il faut
prendre un parti parce qu'ils sont dans la misere .
Laurenceau invoque le principe qu'un décret ne peut être
révoqué sans un rapport préalable . Il répond à l'objection
tirée de la perte qu'éprouveront les assignats si le décret
n'est pas rapporté , que la révolution aussi est perdue , si
l'on est injuste , et que la justice est la meilleure garantie
des assignats .
Barras et Legendre appuient les propositions de Merlin ;
mais Tallien propose un amendement qui consiste à donner
le tems de sortir à ceux qui sont rentrés sur la foi du der
nier décret. Il est vivement appuyé par Bourdon (` de l'Oise ) .
Merlin convient de la justesse de l'observation , et en consé
quence le décret rendu est ainsi rédigé .
Le décret du 30 frimaire est rapporté , les émigrés ou
déportés rentrés en France seront poursuivis par les tribunaux ;
SORT exceptés ceux qui seraient rentrés en vertu du dernier
dé ret. Ils auront un délai de deux décades et un jour par
cina lieues pour sortir de France. Les noms de ceux qui ont
été rayés de la liste des émigrés , ou qui le seraient par
la suite , seront imprimés et distribués aux membres de l'Assemblée
.
La Convention , en se prononçant avec cette force contre
les énigrés , a dû désespérer ses détracteurs , qui voulaient
faire croire qu'elle renfermait dans son sein des hommes qui
cheichaient à les favoriser.
Séance de nonidi , 19 Nivôse .
Un secrétaire fait lecture d'une lettre de Louvet proscrit
en 1793. Il demande qu'on lui rende le feu et l'eau , et qu'on
oblige Barrere et Amar à le regarder en face , et à l'accuser
devant les tribunaux. Renvoi aux comités de salut public et ,
de sûreté génerale.
Sur la proposition de Lakanal , organe du comité d'instruction
publique , la Convention nomme le citoyen Laharpe
professeur de l'école normale de Paris .
Les nouveaux membres du comité de législation sont Saladin
, Merlin ( de Douai ) , Berlier , Laplagne et Laurenceau , et
ceux du comité d'instruction publique , Fourcroy , Daunon ,
Mercier et Bailleul.
Pelet , au nom du comité de salut public , donne lecture de
la liste des prises entrées dans différens ports de la République
depuis le 11 nivôse . ( Voyez Nouvellus officielles . )
Monnot , au nom du comité des finances , fait décréter qu'il
Y 4
( 344 )
"
sera versé à la trésorerie la somme de 240 millions pour l'excé
dent des dépenses du mois de frimaire dernier.
Delmas , au nom du comité de salut public , fait un rapport
sur la conduite de Denizel à Landau pendant le blocus de cette
place . Il en resulte que Denizel envoyé en mission dans des
circonstances difficiles , a eu beaucoup d'obstacles à vaincre et
des mesures de gueur à prendre , qu'il a dû être calomnié par
ceux qui en etaient l'objet , mais qu'il ne s'est point écarté,
de ses devoirs, Dumoy et Ruersps n'ont point para satisfaits
de ce rapport . Ruamps a reproche à l'orateur d'inculper des ge-.
néraux qui ont bien servi la chose publique . Dentzsi a lui-même.
fait entendre sa justification , et la Convention lui a redu justice
, en déclarant à la presqu'unanimité qu'il avait conserve sa
confiance.
Boissy- d'Anglas propose de remettre aux créanciers de l'état ,
dont la fortune est modique , les retenues auxquelles ils sont
soumis à cause de l'augmentation progressive du prix des denrées
. Renvoi as comité des finances .
Barras Le 1 janvier , le dernier tyran- roi expia sur l'échafaud
les crimes dout il s'était souillé . Il faut ôter tout espoir
à cette poignee de royalistes qui cherchent à troubler l'ordre
public.
Barras demande que le comité d'instruction publique soit
chargé de présenter le projet d'une fête pour celebrer l'anni .
versaire de la mort de Capet .
Cette proposition est adoptée au milieu des plus vifs applau
dissemens ; et sur la proposition de Duhem , les armées de terre
et de mer seront invitées à célébrer la destruction du royalisme
en face des tyrans de l'Europe .
Pénieres demande que l'anniversaire de la mort de Capet soit
célébrée tous les aus le 21 janvier , vieux stile . Adopté . Ricord
propose que , le 22 janvier présent mois , l'on fasse le rapport
sur la famille Capet . Décrété.
Ces deux propositions ont été décrétées au milieu des cris
de vive la République !
Séance de décadi , 20 Nivôse.
La lecture de la rédaction du décret relatif aux émigrés du
Haut et bas -Rhin donne licu à une vive discussion . Un membre
expose qu'il connaît un ouvrier de Lyon qui avait établi une
fabrique en Suisse , et qui est revenu en France , sur l'invitation
des représentans du peuple. Il a brisé avant de partir avec une
hache ses métiers , pour qu'il ne restât aucune trace de soa
industrie en pays étranger. Il demande le renvoi aux trois comités
pour prendre un parti à son égard .
Foussedoire dit que la Convention ne veut pas sans doute
immoler ceux qui se sont refugiés en pays étranger pour
échapper à une proscription certaine , et que sur 40,000 individua
qui out Cuigré des departemens des Haut et Bas-Rhin ,
( 345 )
1
il y en a à peine dix qu'on puisse regarder comme contre - révolutionnaires
.
Duroi répond que ces lâches ont fui , parce qu'on leur avait
promis que les Prussiens reviendraient sous quelques jours , et
que , lorsque les lignes de Weissembourg furent forcées , les
habitans de cette commune et d'Haguenau allerent au - devant
de Condé avec des cocardes blanches .
Bourdon ( de l'Oise ) : La question est trop importante pou
n'être pas discutée avec le calme de la justice et de la raison .
La Convention ne peut être soupçonnée de vouloir faciliter la
rentrée des émigres . Discutons sans passion , et voyens si
parmi les émigrés nous ne pouvons pas distinguer ceux que la
terieur a forcés de s'expatrier. Quoi ! la Vendée et Charette
auront obtenu l'indulgence de la Nation , et de malheureux
paysans , poursuivis par un prêtre allemand ' que l'Enfer avait
vomi , ne trouveront pas justice devant vous ! Voulez- vous seconder
nos ennemis ? envoyez - leur vos matelots , vos laboureurs
, vos manufacturiers . Bourdon . demande le renvoi aux
comités , pour distinguer les époques et les motifs de l'émigration
, et classer les individus qui en sont coupables ..
La proposition de Bourdon mise aux voix est adoptée à une
grande majorité.
Bourdon ( de l'Oise ) ajoute qu'il faut révoquer les mesures
de rigueur qui viennent d'être prises , parce que les exceptions
deviendraient-inutiles , si dans l'intervalle les gens étaient guil
lotinės.
Merlin ( de Douai ) convient de la justice de l'observation ;
mais il pense qu'il suffit de défendre l'envoi du décret d'avanthier
, jusqu'au rapport des comités sur la proposition de Bourdon
, Adopté.
La Convention renvoie à l'examen de ses comités les propo.
sitions faites par plusieurs de ses membres , relatives aux moyens
de faire exécuter le décret portant que les représentans du
peuple ne poniront rester plus de six mois auprès des armées ,
et plus de trois dans les départemens.
Clausel demande que , pour terrasser le fanatisme qui
ose lever la tête , on s'occupe demain des fêtes décadaires.
Décrété .
Duhem fait lecture de la rédaction du décret concernant la
célébration de l'anniversaire du 21 janvier ; elle éprouve des
réclamations . Barras , sur la motion duquel le décret a été
rendu , demande et obtieut le renvoi aux comités de législation
et d'instruction publique , pour la présenter demain .
Joseph Lebon écrit que Courtois a eu tort de l'inculper dans
sou rapport , et qu'il confondra ses calomniateurs,
Séance de primedi , 11 Nivôse.
Plusieurs sections de Paris viennent exprimer à la barre de
( 346 )
la Convention leur haine pour la royauté , et tous ceux qui
voudraient usurper la souveraineté nationale ; elles applaudissent
aussi fan , décret qui ordonne que le 21 janvier provier
prochain il sera cclébré une fête commémorative du supplice
du tyran.
Le représentant du peuple Bailly , en mission dans le département
des Vosges , écrit que l'ordre , l'harmonie , la confiance
et le dévouement le plus sincere y sont devenus les
fruits des travaux et du courage de la Convention . L'indignation
est à son comble dans ce département contre les
hommes de sang qui ont souillé les beaux jours de la révo-
Jution .
Reffroi , au nom du comité des finances , propose de faire
rendre à une commune du district de Blamont la somme qu'elle
avait payée à titre de taxe révolutionnaire imposée par Just
et Lebas .
Brival demande la question préalable : Si vous rendes , dit-il ,
les taxes révolutionnaires à une commune , vous devez les
rendré aux autres , et vous allez ainsi faire sortir deux cents
millions du trésor national . Charlier l'appuie , et prétend qu'en
général ces taxes n'ont porté que sur les riches ou du moins
les gens aisés , et qu'en révolution il ne faut point regarder
derriere soi.
Plusieurs membres au contraire s'attachant aux grands principes
de justice , soutiennent que dans aucune circonstance
on ne doit exiger des eitoyens ce qu'ils ne peuvent payer , ni
les imposer arbitrairement , ni les vexer par des taxes révolu
tionnaires .
Le renvoi au comité des finances pour présenter une mesure
générale sur les taxes révolutionnaires est d'abord décrété . On
soutient que l'épreuve est douteuse .
Laurenceau demande l'appel nominal , pour faire connaître
au peuple ses vrais amis .
Duhem se joint à lui ; il déclare que c'est le salut du peuple
en masse qu'il faut considérer , et que la Convention en décrétant
que les taxes révolutionnaires qui n'étaient pas payées
ne le seraient pas , a fait tout ce qu'elle devait faire.
Clauzel termine ce débat en demandant la question préalable
sur le projet de décret et sur les propositions incidentes. Elle
est adoptée .
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités réunis : Votre
vau s'est suffisamment prononcé hier pour que vos comités
se dispensent de prouver la justice d'une exception en faveur
des ouvriers et des laboureurs du Haut et Bas - Rhin , que la
terreur a forcés d'emigrer . Nous ne répondrons point à ceux
qui par- tout voient le royalisme lever la tête , comme s'il pouvait
exister une royanté sans un roi ; comme si un ambitieux
qui aspirerait au diadême pouvait espérer d'échapper au
poignard de 25 millions d'hommes . Vous avez rappelé les
( 347 )
matelots , pourquoi ne feriez -vous pas pour l'agriculture co
que vous avez fait pour la, marine . Vous avez prononcé une
amnistie en faveur des rebelles de la Vendée , pourquoi ne
feriez - vous pas pour des malheureux qui gémissent sur un
instant de faiblesse , ce que vous avez fait pour des révoltés ?
Mais l'exception que l'on vous propose ne portera que sur
la classe du peuple matériellement ouvriere et agricole. Le
tyran Capet faisait des serrures ; il y a aussi dans la classe
ci-devant nobiliaire des tailleurs et des cordonniers . Vos comités
ont aussi pensé qu'il fallait respecter les aliénations qui
avaient été faites des propriétés des ouvriers et laboureurs
rappelés , pendant leur absence ; sauf à les indemniser .
Merlin propose trois articles additionnels au décret dú 18
nivôse , et qui portent : 1 ° . que ne seront pas réputés émigrés
les individus travaillant de leurs mains aux atteliers ,
fabriques , manufactures et à la terre ; leurs femmes et enfans
au- dessous de 18 ans , pourvu qu'ils ne soient sortis que le
ier. mai 1793 et qu'ils rentrent en France avant le 1er . ger
minal prochain , pourvu qu'ils justifient de leur profession et
de l'époque de leur sortie . 2. Leurs propriétés non alienées
lear seront rendues ; néanmoins ils ne pourront troubler les
acquéreurs qui les auront achetées pendant leur absence , et
dans ce cas , il leur sera donné des secours . 3 ° . Les agens
nationaux feront mention , dans les comptes décadaires qu'ils
rendent au comité de législation , de tous les visas qu'ils au
font délivrés en exécution de l'art. 1er. Il se fait plusieurs
amendemens qui sont adoptés ; savoir , que les ouvriers et
agriculteurs rentrés justifieront de leur profession à l'époque
du 14 juillet 1789 ; que les agens nationaux qui donneront de
faux certificats seront condamnés à la déportation , et qu'il
ne sera pas fait mention de l'âge des enfans des ouvriers et
laboureurs.
Ces amendemens et le projet de décret sont renvoyés au
comité de législation , pour en présenter demain une nouvelle
rédaction .
Le comité des transports , postes et messageries fait ensuite
décréter qu'à compter du jour de la publication de la loi
l'agence des messageries nationales fera percevoir , dans tous
ses bureaux , une augmentation de moitié , outre les prix portés
par les tarifs actuels , sur les voyageurs et les marchandises,
ou tous effets de transport.
Décret portant nomination de citoyens pour composer le tribunal
révolutionnaire.
La Convention nationale , sur la présentation du comité de
législation , décrete ce qui suit :
46 Tous les citoyens désignés en la liste annexée au présent
( 348 )
น
décret , pour composer le tribunal révolutionnaire , entrerone
chacun dans les fonctions qui lui sont désignées .
La commission des administrations civile , police et tribuaux
, est chargée de prendre les mesures necessaires pour la
prompte exécution du present décret , qui sera imprimé dans le
bulletin de correspondance. "
Liste des citoyens présentés à la Convention nationale par son comité
de législation , pour le renouvellement des membres .du
tribunal révolutionnaire , en exécution du décret du 28 frimaire
dernier.
President. Mouricault , demeurant à Paris , commissaire national
du 3e arrondissement.
+
Vice-présideus . Liger , president du tribunal criminel du département
du Loiret ; Prevôt , président du tribunal criminel
du département , à Riom .
Jages. Mazerat , ex- commissaire national du tribunal du district
de Nontron , rue de Clery , n ° , 101 ; Godean , agent na
tional de la commune de Mézieres département de l'Indre ;
Bertrand Daubagne , demeurant à Paris , précédemment juge
du district de Nyons ; Favard , commissaire national près le
tribunal du district d'Issoire ; Godard , administrateur du département
de Seine et Marne ; Devillas , président du tribunal
du district de Saint- Flour ; Gaillard - Lécart , président du tribunal
criminel du département de l'Aisne ; Grand ( Raimond ) ,
ex-président du tribunal criminel , demeurant a Briançon ;
Debregas , accusateur public près le tribunal criminel de la
Dordogne.
Accusateur-public. Judicis , président du tribunal criminel dụ
département du Lot.
Substituts de l'accusateur-public . Chantrier , juge du tribunal
du district de Beaune ; Cambon , juge au tribunal du district de
Pont-sur-Rhône ; Ardene , défenseur officieux , à Paris , rue de
la Juiverie , no . 9.
Greffier. Paris , actuellement remplissant les mêmes fonctions.
Jurés. Bouygues ( Jean-Baptiste ) , ci - devant avoué , demeurant
à Gourdon , département du Lot : Piers le jeune , secré
taire da tribunal du district de Saint- Omer ; Adam l'aîné , exfuge
militaire , à Metz ; Ponteric- Escot , maire de la commune
de Bergerae ; Helouin , médecin , jnge de paix du canton de
Dauvon , y demeurant , district de Vire ; 'Dubus , tailleur d'habits
, à la Neuville- en Hez , district de Clermont - Oise ; Husson
, ébéniste , juge au tribunal du district de Bar-sur-Ornain ;
Reichf l'aîné , membre du directoire du district de Colmar ;
branot . défenseur officieux à Paris , rue de la Loi , maison de
la Souveraineté nationale ; Ouri , juge de paix à Tour-la-Ville ;
Verdusau ( Abbadie ) , habitant à Lourdes , district de Gave ;
Gabriel de St.-Horent juge du tribunal du district de
Joussae ; Laporte , juge au tribunal du district de Lan-
•
( 349 )
gogue ; Vannier , chef de bureau au directoire du district de
Bourg l'Egalité Lerade , horloger , à Compiégue ; Tournier /
l'aîné , ci- devant administrateur du district de Murat ; Bressand
, demeurant à Raze , district de Vesoul ; Vignalet , ci- devant
président du tribunal du district de Pau ; Rouit-Borel
( Bruuo ) , juge de paix du canton de Forcalquier ; Brillat ,
marchand et cultivateur , à Belicy ; Payrat , maire de Vernoux ,
département de l'Ardêche ; Cadet , défenseur officieux à Charny
, district de Joigny ; Perrat , notaire a Saint- Chamond ;
Rubat fils , magabre du tribunal du district de Mâcon ; Tallairat,
agent uational de la commune de Bioude ; Richard , president
du conseil da district d'Ormont ; Lapeyre , placé à l'administration
du département de Vaucluse ; Feloeme , commissaire
civil de la section Lepelletier ; Geroult , ancien professeur de
rhétorique au collège des Grassins . à Paris ; Lebrun , défeuseur
officieux , demeurant à Vaugirard .
PARIS. Quartidi , 24 Nivôse , 3º . année de la République.
On ne peut se dissimuler qu'il existe dans les esprits une
fermentation sourde que l'on peut regarder comme un legs
que Robespierre a fait à sa patrie , après l'avoir accablée de
la plus odieuse oppression , Son systême ne pouvait lui survivre
; on ne reprend pas deux fois un pareil jong. Mais il
a produit deux effets bien funestes ; l'un , que les aristocrates
et les royalistes , car il en est encore , ont pris occasion des
principes de douceur et de justice que la Convention ne pouvait
se dispenser d'adopter, pour ranimer leurs anciennes espérances
et joindre leur voix hypocrite à celle des gens de
bien ; l'autre , que les restes impurs de ce parti de cannibales
ont trouvé dans ces dispositions évidemment malveillantes ,
un prétexte de calomnier les mesures de sagesse qu'ils qualifient
presque de contre - révolution . On sait que ces clameurs
n'ont d'autre objet que de détourner les regards qui se portent
sur eux , mais ils en profitent pour semer des inquiétudes
erier au royalisme , et exciter des mouvemens pour se ressaisie
de l'autorité et de l'influence dont ils ont besoin . C'est entre
ces deux écueils que marche la Convention nationale ; elle ne
pourra les éviter qu'en dirigeant le gouvernail d'une main ferme
et habile . Point de royalistes , point d'aristocrates , point d'égor
geurs et de fripons ; c'est le cri de la République .
Les exécuteurs testamentaires des derniers tyrans se replient
en tous sens , pour tâcher de ressusciter leur systême , et avilir la
représentation nationale . On voit la progression de ce plan ,
depuis sur-tout que Courtois à déchire le voile qui couvrait
cette infâme intrigue ; l'énergie qu'il a montrée dans son
rapport , a failli lui coûter cher . Quelques scélérats l'ont attaqué
1
( 356 )
aux portes du comité de sûreté générale. Ce député est parvenu
a se débarrasser de ses assassins . Cet attentat , qu'on pourrait
suppose appuyé de quelque force cachée , a provoqué un ordre
du comité de sûreté générale portant que les réserves de la force
armée seraient augmentées de 50 hommes par section , et que
des patrouilles d'observation seraient faites jusqu'à nouvel ordre .
Dans la séance du 22 , dont nous rendrons compte , on a vu
éclater un mouvement qui paraît évidemment calculé d'après le
plan dont nous venons de parler . On venait d'entendre une
pétition vigoureuse des sectious des Quinze - Vingts , des
Lombards et du Mont- Blanc , qui invitaient la Convention à
s'armer de toute son énergie pour étouffer une nouvelle couspiration
qui se tramait de la part du jacobinisme expiraut ; on en
demandait l'impression ; soudain , quelques femmes apostées
dans certaine tribune ont éclaté en murmures et en huées ; on
a entendu ces mots : Il faut encore un 31 mai. L'indignation a été
générale ; la Convention a chargé le comité de sûreté générale
de se concerter avec les inspecteurs de la salle , pour établir
une police sévere dans les tribunes .
Le mémoire des quatre membres des anciens comités que
nous avons annoncé , n'est point celui qui s'imprime à l'imprimerie
nationale ; c'est simplement une réponse à l'accusation
de Lecointre ; nous attendrous la publication de cette
seconde apologie , pour en rendre compte.
Lacroix , auteur du Spectateur Français , vient de faire paraître
une justification . On assure que la dénonciation faite
contre cet ouvrage , n'a été qu'une affaire de parti , et que ,
dans les citations qu'on en a faites , on a enveaimé les intentions
de l'auteur. Si cet écrit obtient quelque publicité , nous
nous proposons d'en faire un examen sévere , et de réfuter
les erreurs qu'il peut contenir ; en ce moment res est sacra miser.
Le parti stadthoudérien , craignant une invasion de la Hollande
, a envoyé deux ambassadeurs à Paris , pour solliciter ,
dit- on , un armistice de six semaines , en offrant de remettre
Breda et Berg- op - Zoon . Ils ont déja obtenu une audience
du comité de salut public ; mais on ne pense pas que leur
offre soit acceptée . Il paraît qu'elle n'a d'autre objet que de
consumer en inaction la campagne d'hiver , afin d'attendre
le dégel et d'empêcher nos troupes de pénétrer plus avant.
Voici l'état des vaisseaux en construction dans nos ports du
Ponent , et qui seront en état de mettre en mer à l'entrée du
printers.
A Brest , le Vengeur -du-pays , de 130 canons ; l'Invincible, de
et trois vaisseaux de 74 , dont un neuf et deux en radoub ,
que dix frégates ou corvettes .
110 ,
ainsi
A l'Orient , un vaisseau de 80 canons , et deux de 74 , avec
quatre frégates .
A Rochefort , un vaisseau à trois ponts , un de 80 canons,
un de 70 et quelques frégates .
( 351 )
Au total , II vaisseaux de ligne qui , joints anx 35 qui vont
mettre en mer , formeront une armée navale de 46 vaisseaux
de ligne , et on porte à 75 le nombre des frégates qui renfor
ceront cette armée .
Toulon donnera 21 vaisseaux de ligne ; au total , 67 .
Il est hors de doute que les puissances maritimes de l'Eus
rope ne voient pas sans une satisfaction secrette que les mers
seront incessamment affranchies de la tyrannie britannique
par la création d'une marine rivale de celle qu'elles détestent,
et dont elles tout à souffrir .
L'armée navale , composée de 63 bâtimens de guerre , a
appareillé , le 10 , de Brest ; elle est composée de 35 vaisseaux
de ligne , attendu l'arrivée du vaisseau le Fougueux , venu de
Rochefort , qui remplace le Républicain . Le contre- amiral
Vanstabel qui arrive d'Ostende , et qui a ramené le grand convoi
d'Amérique , commande une division . Les représentans da
peuple , Faure et Trehouart , sont à bord du vaisseau amiral la
Montagne.
Il est arrivé le 10 , à Brest , un bataillon de chouans qui ont
mis bas les armes , et qui vont être incorporés dans les régimens
de marine ; la curiosité avait amené beaucoup de monde pour.
les voir.
Ce sont des paysans mal vêtus et qui n'entendent que le
bas - breton , mais qui formeront de bons soldats , puisque depuis
denx aus ils ont essuyé toutes les fatigues de la guerre . Ils
paraissent fort contens du parti qu'ils ont pris , en consé
quence du décret de la Convention qui les a rendus au service
de la patrie.
On écrit de Fontenay- le - Peuple , que le général Canclaux
fait avertir le quartier general , actuellement établi dans
cette ville , que peut-être il ne serait pas nécessaire d'employer
la force pour pénétrer dans la Vendée. En effet , deux de
nos patrouilles se sont présentées devant Aigrefeuille on
a parlementé de part et d'autre , et le résultat de ces différentes
conférences a été une réconciliation totale . Les Ven
déens et nos troupes se sont mêlées ensemble , et cette
réunion a été cimentée par des embrassemens mutuels : l'allégresse
commence à régner par-tout . Les décrets sages et
bienfaisans de la Convention détruisent sensiblement le fanatisme
, et les insurgés rentrent en foule dans leurs foyers .
Lorsque l'ame semble s'ouvrir au spectacle d'une réconciliation
si desirée , il est douloureux de porter ses regards
sur des ruines et des décombres qui couvrent une contrée
si fertile mais les sages mesures de la Convention rendrong
à ce pays sa premiere fertilité et son antique prospérité.
Expériences sur le mercure et observations météorologiques .
Le citoyen Hassenfratz , instituteur de physique de l'école
des travaux publics , sidé de plusieurs hommes de l'art , est
( 35 )
parvenn , à neuf heures trois quarts du matin , à congeler le
mercure par un froid artificiel de 31 degrés , le froid extérieur
étant à 6 degrés et demi au - dessous de zéro .
Cette expérience n'avait pas encore été faite à Paris . Le
mercure qui a été congelé était très pur ; on l'avait obtenu du
sulfate de mereure , et on l'avait distillé ensuite sur de la chaux
et sur de la limaille de fer . On a frappé quelques instans avec
un marteau froid sur le mercure congelé , et il s'est étendu ..
On a fait dans cette expérience deux observations remarquables.
1º . Le mercure en se congelant , c'est-à - dire , en passant de
l'état de liquide à l'état de solide , diminua considérablement de
volume sans diminuer sensiblement de température .
2º. Le mercure en se fondant a semblé augmenter de température
, quoiqu'il y eût encore dans ce mélange du mercure
liquide et du solide .
Différentes circonstances , imprévues dans une premiere expérience
, ayant empêché d'obtenir de cette congellation tous
les résultats qu'on s'était proposés , les mêmes citoyens font
de nouveaux préparatifs pour la recommcucer , afin d'obtenir
des résultats que toutes ces congellations de mercure , faites
jusqu'à présent , n'ont pas encore donnés .
Le grand froid qui , du 7 au 10 , avait diminué sensiblement ,
ayant repris , les jours suivaus , avec une nouvelle force , voici
les degrés observés par le citoyen Lalande :
Lẹ 12 , six degrés ; le 13 , neuf ; le 14 , onze ; le 15 , huit ;
le 16 , neuf.
Ce froid est extraordinaire ; en 1740 , il n'alla qu'à dix degrés ;
et le plus grand froid de l'hiver , par un milicu entre tous , ast
de sept degrés à Paris ; mais il a été jusqu'à quinze , en 1709 ,
treize et demi en 1776 , et dix - sept en 1738 , c'est- à - dire , trois
fois dans un siecle .
NOUVELLES DES . ARMÉES .
Les représentans du peuple près l'armée et dans les départemens de
l'Ouest , à la Convention nationale ; Nantes , le 12 nivôse , an
111 de la République .
Nous nous empressons de vous faire connaître un évé
nement qui caractérise le courage des Français .
,, Il vient d'arriver à l'entrée de la Loire un navire anglais ;
il conduisait cent quatre-vingt de nos prisonniers à Londres.
Ils n'ont pu supporter l'idée de la servitude ; ils ont brisé leurs
fers , et en ont enchaîné leurs ennemis qu'ils ont emmenés en
France sur leur propre vaisseau . Cette nouvelle nous a été annoncée
par le commandant d'armes du port à Nantes . ››
Salut et fraternité .
Sigués , Delaunay , Auger , Ruelle , Moinon , Guyardin ,
Dornier , Gaudin , Bezard .
( No. 24 )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 NIVÓSE , l'an troisieme de la République.
( Lundi 19 Janvier 1795 , vieux style. )
N'INVENTE
POESIE.
SUR DIE U.
'INVENTE point ton Dieu , vain mortel , vil atôme !
Cesse de te ciéer un auguste fantôme3
Cesse de concevoir une triple unité ,
Et de donner la mort à la Divinité !
-
Tu le fais un dédale où ta raison s'égare ;
De cet Être infini , l'infini te sépare .
Du char glacé de l'ourse aux feux da Sirius ,
Il regne : il regne encore où les cieux ne sont plus .
Dans ce gouffre sacré quel mortel peut descendre ?
L'immensité l'adore et ne peut le comprendre.
Et tol , songe de l'Être , atôme d'un instant ,
Égaré dans les airs sur ce globe flottant ,
Des mondes et des cieux spectateur invisible ,
Ton orgueil pense atteindre à l'Être inaccessible !
Tu prétends lui donner tes ridicules traits !
Tu veux dans ton Dieu même adorer tes portraits !
Ni l'aveugle hasard , ni l'aveugle matiere
N'ont pu créer mon ame essence de lumiere.
"
Je pense ma pensés atteste plus un Dieu
Que tout le firmament et ses globes de feu .
Voilé de sa splendeur , dane sa gloire profonde ,
D'un regard éternel il enfante le monde .
Les siccles devant lui s'écoulent , et le tems
Tome XIII. Z
( 354 )
N'oserait mesurer un seul de ses instans.
Ce qu'on nomme destin n'est que la loi suprême i
L'immortelle nature est sa fille , est lui-même.
Il est , tout est par lui , seul être illimité ;
En lai tout est vertu , puissance , éternité .
Au-delà des soleils , au - delà de l'espace ,
Il n'est rien qu'il ne voie , il n'est rien qu'il n'embrasse ;
Il est seul du grand tout le principe et la fin ,
Et la création respire dans son sein.
Pais-je êtré malbèuroux ? je lui dois la naissance .
Tout est bonté , sans doute , en qui tout est puissance .
Ce Dieu si différent du Diea que nous formons ,
N'a jamais contre l'homme armé de noirs démons.
Il n'a point confié sa vengeance au tonnerre ;
Il n'a point dit aux cieux : Vous instruirez la terre.
Mais de la conscience il a dicté la voix
Mais dans le coeur de l'homme il a gravé ses loix ;
Mais il a fait rougir la timide innocence ;
Mais il a fait pâlir la coupable licence ;
Mais au lieu des enfers it crea le remord ,
Et n'éternise point la douleur et la mort.
Par le citoyen LEBRUN .
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du Nº .
1
Le mot de la Charade est Mercure Français ; celui de l'Enigme as Cres
maillere ; selui du Logogriphe est Meinean ; où l'on trouve en, moine ,
ami et emic , uni , êne , cau.
212
( 355 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Histoire de la décadence et de la chi de l'Empire Romain jatra ,
daite de l'anglais du Gibbon , tomes XII et XII . Prix , 6 liv.
le volume , pour Paris ; et 7 liv . , franc de port,, par da poste ,
pour les départemens. On pourra se procurer au mume prix tous
ceux qui précedent le tome XII . A Paris , chez Maradan , libraire ,
rue du Cimetiere- André-des - Arts , no . 9.
LE XIIe , volume ne renferme en grande partie que des
controverses fastidieuses de religion ; mais il se termine heu
reusement par ce précis historique et politique de la République
romaine .
La liberté de Rome , opprimée par les armes et l'adresse
d'Auguste , sortit du jong de Leon l'Isaurien , après 750 années
de servitude . Les Cesars avaien antant , les triomphes des
consuls dans le déclin et la chute de l'empire romain , le
Dieu Terme , ce boulevard autrefois sacré des provinces , s'était
retiré peu-à-peu des rives de l'Océan , du Rhin , du Danube
et de l'Euphrate , et Rome se trouvait réduite a sou ancien
territoire , c'est- à - dire à l'intervalle qu'il y a de Viterbe a Tor
racine , et de Narni à l'embouchure du Fibre. Après l'expul
sion des rois , la république reposa sur la solide bâse qu'avaient
établie leur sagesse et leur vertu . Deux magistrats quon
élisait tous les ans partagerent leur jurisdiction perpomelle ; le
sénat continua à exercer une partie de l'administration , et à
donner des couseits , et le pouvoir législatif fut placé dans
les assemblées du peuple , d'après une proportion hien calcu .
lée de fortune et de services. Les premiers Romains étrangers
eux arts de luxe avalent perfectionne l'art du gouvernement
et celui de la guerre ; les droits des individus étaient sacres ;
130,000 citoyens se trouvaient armés pour défendre leur pays ,
ou pour faire des conquêtes , et ane troupe de volcurs et de
proscrits était devenue une nation digne de la liberté et amougeus
de la gloire .
Al'époque où la souveraineté des empereurs Grecs s'anéantit ,
Rame n'ollrait plus que Vimage de la dépopulation et de la miseres
elle était habituée à Pesclavage , et ne pouvait jouir de la liberté
que par accident : c'est par la superstition qu'elle reCONVTR DES
droits , et ses succès fareut pour clie un objet de surprise et de
terreur. On ne retrouvait pas dans les institutions on dans le
souvenir des Romains le moindre vestige de la substance ou
même des formes de la constitution , et ils n'avaient ni assez de
lumieres , ai assez de vertus pour reconstruire l'édifice d'une
épublique. Ils ne paraissaient aux barbares triomphans qu'une
Z
( 356 )
misérable troupe d'esclaves et d'étrangers . Lorsque les Franes
et les Lombards voulaient employer contre un ennemi les
paroles les plus outrageantes , ils l'appellaient un Remain , et
ce nom , dit Lintpraud , renferme tout ce qui est vil , tout
" ce qui est lâche , tout ce qui est perfide , les entraves de la
cupidité et du luxe , et enfin tous les vices qui prostituent la
dignité de la nature humaine . ,,
Par la nécessité de leur position , les habitans de Rome
adapterent une forme grossiere d'administration républicaine .
Ils furent obligés de choisir des juges en tems de paix , et des
chefs durant la guerre ; les nobles s'assemblaient pour délibérer ,
et on ne pouvait écouter leur résolution sans le consentement
de la multitude . On vit reparaître le style du sénat et du peuple
romain ; mais on n'y retrouvait plus leur esprit , et la lutte
orageuse de la licence et de l'oppression déshonora cette
nouvelle indépendance . Le défaut de lois ne pouvait être supplée
que par l'influence de la religion , et l'autorité de l'évêque dirigeait
l'administration au- dedans et la politique au dehors ; ses
aumônes , ses sermons , sa correspondance avec les rois et les
prélats de l'occident , les services qu'il venait de rendre à la ville ,
les sermens qu'on lui avait prêtés , et la reconnaissance qu'on
lui devait , accoutumerent les Romains à le regarder comme le
premier magistrat ou le prince de Rome.
Dans le XIII . volume , l'historien retrace la conquête de la
Lombardie par Charlemagne et c'est alors que les obligations
réciproques des papes et de la famille Carlovingienne forment
à cette époque l'anneau qui réunit l'histoire ancienne et moderne ,
Phistoire civile et ecclésiastique.
Deux hommes fameux figurent dans ce volume . L'un est
Charlemagne , restaurateur de l'empire d'occident ; l'autre ,
Mahomet , fondateur de l'empire d'orient. Nous enrichirons
cet extrait des portraits que Gibbon a tracés de ces deux
conquérans.
On a souvent donné , dit - il , le surnom de Grand à des
princes qui ne l'ont gueres mérité ; mais il n'y a que Charle
magne pour lequel on ait fait un seul mot de cette belle épithete
et du nom propre ; il se trouve au nombre des saints
dans le calendrier de Rome , et par un rare bonheur les historiens
ou les philosophes d'un siecle éclairé ont donné des
cloges à ce saint. La barbarie de son siecle et de sa nation
ajoute sans doute à son mérite réel , mais les objets tirent aussi
une grandeur apparente de la petitesse de ceux qui les environment
; ainsi , la nudité du désert qui entoure Palmyre donne
de l'éclat aux raines de cette ville . Je puis sans injustice faire
remarquer quelques taches sur la sainteté et la grandeur da
restaurateur de l'empire d'occident . La continence ne doit pas
être comptée parmi ses vertus morales ; au reste , neuf femmes
ou concubines , d'autres amours moins relevées et moins durables
, la multitude de ses båds qu'il plaça tous dans l'ordre
ecclésiastiqué , le long célibat et les moeurs licencieuses de
( 3574
bes filles , qu'il semble avoir trop aimées ; ne paraissent pas
avoir nui au bonheur public. A peine voudra- t- on me permettre
d'accuser l'ambition d'un conquérant ; mais les fils de
Carloman son frere , les princes Mérovingiens d'Aquitaine , et
les 4,500 Saxons qu'il fit décapiter au même endroit , auraient
quelque chose à reprocher à la justice et à l'humanité de
Charlemagne . Le traitement qu'essuyerent les Saxons furent
un abus du droit de la victoire ; ses lois ne furent pas moins
sanguinaires que ses armes , et dans l'examen de ses motifs
tout ce qu'on ne donne pas à la superstition doit s'imputer
au caractere. L'homme tranquille qui parcourt sa vie est étonné
de l'activité infatigable de son esprit et de son corps , et ses
sujets et ses ennerais n'étaient pas moins surpris de sa brusque
présence , lorsqu'ils le croyaient dans les parties de l'empire
les plus éloignées . Il ne se reposait ni durant la paix , ni durant
la guerre , ni l'hiver , ni l'été , et notre esprit ne concilie pas
aisément les annales de son regne avec la geographie de ses
expéditions. Mais cette activité était une vertu nationale plutôt
qu'une vertu personnelle . Un Français pas : aiz alors sa vie à
la chasse , dans des pélerinages ou des aventures militaires ,
et les voyages de Charleague n'étaient distingués que par une
suite plus nombreuse et des desseins plus importans . Pour bien
juger de la réputation qu'il a obtenue dans le métier des armes
il faut considérer quels furent ses troupes , ses ennemis et ses
actions . Alexandre fit ses conquêtes avec les soldats de Philippe
; mais les deux héros qui précéderent Charlemagne lui
léguerent leur nom , leurs exemples et les compagnons de
leurs victoires. C'est avec les vétérans et à la tête de ses armées
supérieures en nombre qu'il accabla des nations sauvages et
dégénérées qui ne pouvaient se réunir pour leur sûreté commune
, et jamais il ne combattit un peuple qui eût le même
nombre de troupes , la même discipline et les mêmes armes
que lui. La science de la guerre a été perdue , et s'est ranimée
avec les arts de la paix . Mais aucun siège ni aucune bataille
bien difficile ou d'un succès bien éclatant n'illustra ses campagues
, et il dut voir d'un oeil d'envie les triomphes de son
grand-pere sur les Sarrazins . Après son expédition d'Espagne ,
son arriere- garde fut défaite dans les Pyrénées , et ses sol
dats , dont la position se trouvait sans remede , et dont la
valeur était inutile , pûrent en mourant accuser le défaut d'habileté
ou de circonspection de leur général.
C'est avec défiance que je vais dire quelques mots de ses
lois auxquelles on a donné tant d'éloges . Elles ne forment pas
un systême , mais une suite d'édits minutieux , publiés selon
les besoins du moment , pour la correction des abus , la
réforme des moeurs , l'économie de ses fermes , le soin de
sa volaille et même la vente de ses oeufs . Il voulait perfectionner
la législation et le caractere des Français ; et ses tentatives
, malgré leur faiblesse et leur imperfection , méritent
de l'estime il suspendit ou il adoucit par son administra
Z &
((358)
tlon les maux invétérés de son tems ; mais dans son insti
tution j'apperçois rarement les vues générales et l'immortel
esprit d'un legislatent qui se survit à lui-même pour le bonheur!!
de la postérité. L'union et la stabilité de son empire depen ?
daient de sa vie suivi le dangereux usage de panager
royanme entre ses enfans , et après ses nombreuses dietes ,
tous les points de la constitution flotterest entre les désordres
de l'anarchie et ceux du despotisme . Son estime pour” la '
pitté et les lumieres du clerge le determinerent donner å
cet ordre ambitieux des domaines temporels et une jurisdic
tion civile , et lorsque Louis son fils fut accuse et diposé
par les évêques , il put se plaindre à bien des égards de l'impudence
de son pere . Ses lois ordonnerent d'une inanicre iinpériense
le paiement de la dime , parce que les démons avaient
proclamé dans les airs qu'on venait d'éprouver une disette de
grains pour n'avoir pas voulu payer cette dette . Son goût pour
les lettres est attesté par les écoles qu'il établit , par les arts
qu'il donna à sa nation , par les ouvrages qui parurent sous son
nom , et par sa familiarité avec une foule de ses sujets et
d'étrangers qu'il appella à sa cour , afin de travailler à son
éducation et à celle de son peuple . Ses études fuient tardives ,
1borieases et imparfaites ; s'il parlait latin , et s'il eutendait”
le grec , il avait appris dans la conversation . plutôt que dans '
les livres , ce qu'il savait de ces deux langues , et ce ne
fuit qu'à un âge mûr qu'il s'efforça d'apprendre à écrire , chose
que tous les paysans apprennent aujourd'hui dès leur enfance .
On ne cultivait alors la grammaire et la logique , l'astrono
mie et la musique , que pour les faire servir à la superstition ;
mais la euriosité de l'esprithumain doit à la fin le perfectionner
et Charlemagne en encourageant les lettres a donné du lusse à
son caractere . Sa figure majestueuse , la longueur de son regne,
la prospérité de ses armes , la vigueur de son administration ,"
et les hommages que lui rendirent les nations éloignées let
distinguerent de la foule des rois ; et l'empire d'occident rétabli
par lui, forme une nouvelle époque dans notre histoire .
Présentement faisons figurer en contraste au portrait de Chatlemagne
, celui que Gibbon a aussi tracé du fameux prophète de
l'Arabie , et qu'il a peint dans un autre point de vue que celui
adopté par les historiens .
Mahomet sortait de la tribu de Koreish et de la famille des
Hashemites , les plus illustres d'entre les Arabes , princes de la
Mecque , et gardiens heréditaires de la Caaba . Selon la tradition
de ses compatriotes, Mahomet avait amenés belle figure , avantage
extérieur qui n'est gueres méprisé que de ceux qui ne l'ont pas
Il avait une mémoire très - étendue , un esprit facile et fait pour la
société , une imagination très riche et un discernement net , rapide
et décisif, Ses pensées et ses actions annonçaient le courage
Il fut élevé au sein de la plus noble famille du pays ; il y při l'u
sage du dialecte le plus pur dés Arabes ; et sachant se taire à propool
facilité et abondance de ses discours en'avaient plus de
( 359 )
prix . Avec tous ces dons de l'éloquence , Mahomet ne savait pas
lire ; prophète et conquérant , il employa le fanatisme et les armes
pour se faire des prosélytes et des sujets ; cependant il fut
obligé avec ses disciples de fuir précipitamment de la Mecque
où l'on avait résolu sa mort. Cette évasion forme l'époque
mémorable de l'Hégyre , laquelle après douze siecles distingue
encore les années lunaires des nations musulmanes . Medine '
servit d'asyle au proscrit de la Mecque , et fut le berceau de la
religion du Koran . Mahomet conserva jusqu'à l'âge de 63 ans
les forces nécessaires aux travaux temporels et spirituels de sa
mission . Il rendit le dernier soupir le 7 juin 632 .
9
Il paraît que cet homme , à qui on doit une si gande révolution
, avait de la piété et du gofit pour la vie contemplative .
Du moment où il se trouva au - dessus des besoins par son mariage
, il s'éloigna de la roue de l'ambiti n et de l'avarice . Il
vécut avec innocence jusqu'à l'âge de 40 ans , et s'il fût mort à
cette époque de sa vie , il n'aurait eu aucune célébrité. L'unité
de Dieu est une idée très - conforme à la nature et à la raison ;
une conversation avec les juifs et les chrétiens put lui inspirer
du mépris et de la haine pour l'idolauie de la Mecque . Il était
da devoir d'un citoyen de publier la doctrine du salut , et
d'arracher son pays au péché et à l'erreur. Il est aisé de coneevoir
qu'un esprit ardent , occupé sans cesse d'un même
objet , put croire qu'au lieu d'une obligation générale , il était
chargé d'une mission particuliere ; qu'au milieu de ses vives ,
émotions , il put regarder comme des inspitations du ciel les
apperçus de son esprit et de son imagination ; que le travail de
la pensée dut finir dans cette espece de ravissement et de vision
, et que ses sentimens intérieurs et le moniteur invisible
qu'il croyait entendre pûrent se présenter à lui sous la forme et
les atributs d'un ange de Dieu .
L'intervalle qui sépare le fanatisme de l'imposture est périlleux
et glissant. Le démon de Socrate nous apprend assez jusqu'à
quel point un sage peut se tromper lai-même , comment avec
de la bonté on peut trompes les autres , et de quelle maniere lá
coussience peut sommeiller entre l'illusion personnelle et
la fraude volontaire . La charité croira que Mahomet fut
d'abord animé par la bienfaisance ; mais un missionnaire purement
humain est incapable de chérir les mécréans obstinés qui
rejettent ses prétentions , qui méprisent sos argumens , et qui
le persécutent. Si Mahomet pardonna quelquefois à ses adver
saires personnels , il croyait sans doute qu'il lui était permis de
détester les ennemis de Dieu ; alors les passious terribles de
l'orgueil et de la vengeance s'allumerent dans son sein ; etainsi
que le prophête de Ninive , il forma des veux pour la destruction
des rebelles qu'il avait condamnés .
L'injustice de la Mecque et le choix de Médine transformerent
le simple citoyen en prince , et humble prédicateur ca
général d'armée . Mais l'exemple des saints consperait son
glaive , et il pouvait penser que le dieu qui châtie w monde
% 4
( 360 )
coupable par la peste et les tremblemens de terre , inspirait la
valeur de ses serviteurs pour la conversion et le châtiement des
hommes . Dans l'exercice du gouvernement politique , il fut
contraint d'adoucir l'orgue lleuse severité du fanatisme , de se
prêter à quelques égards aux préjugés et aux passions de ses
sectaires , et d'employer au salut du genre humain jusqu'aux
vices des mortels . Le mensonge et la perfidie , la cruauté et
l'injustice ont servi souvent à la propagation de la foi ; et
Mahomet , à l'exemple de ses prédécesseurs ; ordonna ou approuva
l'assassinat des juifs et des idolâtres qui étaient sortis
sains et saufs du champ de bataille . De pareils actes répétés
dûrent corrompre peu - à- peu son caractere , et la pratique de
quelques vertus personnelles et sociales , nécessaires pour
maintenir la réputation du prophète dans sa secte et parmi ses
amis , compense faiblement le funeste effet de ces odieuses habitudes
. L'ambitieu fut la passion dominante de ses dernieres
années ; et un homme d'état soupçonnera qu'après ses victoires ,
l'imposteur souriait en secret du fanatisme de sa jeunesse et
de la crédulité de ses proselytes. De son côté , un philosophe
observera que ses succès et leur crédulité dounaient plus de
force à la mission dont il ' se disait chargé par Dieu , que ses
intérêts et sa religion se trouvaient unis d'une maniere insépa
rable , et qu'en se persuadant que la Divinité le dispensait seul
des lois positives et morales , il appaisait les cris de sa conscience.
Lorsqu'il s'agit de soutenir la vérité , l'art du mensonge
et de la supercherie semble être moins criminel , et la malhon-.
nêteté des moyens qu'employa Mahomet l'aurait révolté , s'il
n'avait pas été convaincu de l'importance et de la justice de ses
desseins .
des
Au reste , Mahomet conquérant ou Mahomet fondateur d'une
religion nous offre des paroles ou des actions d'une véritable
bumanité ; et ce décret qui défendit de séparer les meres c
enfans , lors de la vente des captifs , doit suspendre ou adoucir
la censure de l'historien . Le bon sens de Mahomet méprisait la
pourpre de la royauté ; l'apôtre de Dien se soumettait aux occupations
les moins élevées d'une famille ; il allumait le feu , il
balayait le plancher , il tirait le lait des brebis , il raccommodait
ses souliers et ses vêtemens . S'il dédaignait les privations
et les verius d'un hermite , il observait sans effort ou sans vanité
le régime frugal d'un Arabe et d'un soldat . Dans les grandes
occasions , il donnait à ses camarades un festin hospitalier où
l'on voyait une rustique abondance. Mais , dans sa vie habituelle
, plusieurs semaines s'écoulaient sans qu'on fît du feu
chez lui ; il confirmait par son exemple l'interdiction du vin ;
il appaisait sa faim avec une modique portion de pain d'orge ; -
il aimait beaucoup le lait et le niel ; mais il se nourrissait ordinairement
de dattes et d'eau . Les parfums et les femmes
étaient les deux sensualités qu'exigeait son tempérament. Sa
religion ne les défendait pas , et il assurait que les plaisirs aug .
mentaient la ferveur dé sa dévotion .
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 1º . Janvier 1795 .
et
DESD
Es nouvelles de Constantinople , antérieures de dix jours à
celles que nous avons publiées dans le n° . dernier , annoncent
que le nouveau grand - visir éloigne des places tous ceux qui ne
partagent point l'opinion politique à laquelle il se trouve attaché ,
afin d'établir une espece d'uniformité d'avis dans le divan ,
de mettre ainsi dans ses opérations un ensemble dont il avait
grand besoin. Mais Isel Mehemet sait à cet égard une marche
très- différente de celle de ses prédécesseurs . En général , il
n'emploie que des voies détournées , et elles n'ont rien d'offensant
pour ceux qu'il déplace . Souvent il prend le parti de
les élever à des dignités qui demandent leur présence ailleurs .
Un des membres de l'opposition , dont l'influence était le
plus à craindre , était le grand douanier , qui jouit de grandes
richesses et est très - porté à l'intrigue . Il vient d'être nommé
chiaou-bachi ; ce poste sèmble lui en promettre de plus grands ,
mais l'éloigne de Constantinople . Plusieurs autres personnages
importans ont été traités de la même maniere , et se trouvent
aussi mis dans l'impossibilité de faire entendre des plaintes .
D'un autre côté , le grand - visir reste toujours très - uni au capitan-
pacha , confident et favori du grand- seigneur. Le 6 de ce
mois il y eut à l'arsenal un grand repas que ce dernier donna
au grand- visir.
Ce grand- visir met de l'activité dans les mesures qu'il prend
pour la défense de l'empire . Vers la fin dn meis passé il visita
avec quelques personnes de confiance les forteresses nouvellement
construites à l'embouchure de la mer Noire ; elles sont
garnies de grosse artillerie , et dominent le passage étroit par
lui-même et serré d'écueils . On a également appuyé de redoutes
et de gros canons tous les endroits du voisinage propres à
un débarquement. Les sur-intendans des bâtimens et autres
employés ont été gratifiés en témoignages de satisfaction .
On a été inquiet pendant quelque tems sur la révolte des.
habitans de Montempe , peuple guerrier , limitrophe de la.
Dalmatie vénitienne d'un côté , et du territoire de Seutari de
l'autre , qui de tout tems avaient montré de la répugnance à
être soumis au gouvernement turc , et ont refusé de payer le
ribut ordinaire. Ali -pacha , gouverneur de Silistric , les a
( 362 )
réduits. Ils se sont rendus à discrétion , en implorant la clé
mence du grand - seigneur."
Suivant les mêmes nouvelles , il avait été question , et même.
sérieusement , dans le conseil du grand - seigneur , de la situation
de la Pologue. On insistait beaucoup sur les dangers auxquels
le dernier partage de ce pays exposait les frontieres turques .
Mais la nouvelle des derniers revers des insurges et de la prise
de Kosciuszko , d'abord regardée comme douteuse , puis confirmée
par le prince Maurosi qui a écrit de Bucharest , ont
changé les dispositions du divan qui songeait enfin à aider les
Polonais .
Quannà ces derniers , leur triste sort paraît irrévocablement
fixer La Russie er la Prusse ont rivé leurs fers , et peut-être
pour jamais. Toutes les lettres des frontieres s'accordent à
peindre cette malheureuse contrée dans l'état le plus déplorable.
Quelques mouvemens insurrectionnels ont bien encore
lieu ; mais ils ne servent qu'à aggraver les malheurs des Polonais
. On dit , sans pouvoir le garantir , que le vieux brigadier
Madaliaski , commandant les débris de l'armée de la république
, inquiette encore les possessions prussiennes , et cherche
une mort glorieuse à la tête de ses braves compagnons d'armes
qui verseront inutilement leur sang pour une patrie et une
liberté qui n'existent plus.
Suivant des lettres de Stockholm du 12 décembre , le baron
d'Oxenstiern , ambassadeur suédois auprès du cabinet de Lisbonne
, va se rendre à Francfort- sur- le- Mein . Sa mission doit
avoir pour but de concourir au projet de pacification mis en
avant par plusieurs états d'Allemagne .
Les rédacteurs de la gazette française de Leyde se sont
adressés il y a quelque tems à la chancellerie de Copenhague
pour solliciter la permission de se retirer à Altona , afin d'y
continuer leur travail , qui pourrait bien être , interrompu par,
l'incursion des Français en Hollande . Ils ont obtenu une
réponse favorable.
L'amirauté anglaise vient d'accorder une indemnité de
30,000 liv . sterlings pour les 40 premiers navires danois saisis ,
quoiqu'ils fissent un commerce non prohibé .
De Francfort- sur- le -Mein , le 7 janvier.
Les cabinets de Vienne et de Berlin sont toujours dans la
mème position , c'est- à - dire occupés à rassembler des hommes
et de l'argent , soin dont le premier s'occupe beaucoup plus
sérieusement que l'autre , anquel il reproche une inactivité
funeste à la coalition . On verra pourtant qu'il y a de l'injustice
dans ces reproches , d'après la maniere dont les Prussiens
se conduisent sur les bords du Rhin , du moins du côté de
Mayence . Les autres petits princes d'Allemagne , excepté
ceux qui vendent avantageusement leurs troupes , sont extê(
363 )
mement mécontens de la continuation de cette guerre ruis
neuse pour laquelle ils s'épuisent. Cependant , malgré la
mésintelligence qui regne entre les divers membres de la
coalition , elle est encore soutenue par une espérance , celle
de recevoir des secours de fa Russie ; espérance chimérique.
aux yeux des gens qui sentent que le véritable intérêt de
l'ambitiense Catherine , et plus particulierement encore du
roi de Prusse , est de laisser écraser la maison d'Autriche.
Le roi de Prusse remplir assez bien , du moins en faveur
de l'électeur de Mayence , le rôle de conservateur des droits
de l'Empire , et de garant du traité de Westphalie . Des lettres
dés bords du Mein , après avoir dit que les troupes prussiennes
se sont chargées de la défense des isles du Rhin près de
Mayence , ajontent qu'il s'est fait à cet égard nne, convention
particuliere entre le commandant de la place , M. de Neu ,
et le général Ruchel , convention d'après laquelle le feldmaréchal
Mollendorf donna l'ordie snivant à l'armeé :
Le général Ruchel est chargé de la défense des isles
et du commandement des troupes , qui , en certain cas
doivent volci à la défense de la place même de Mayence.
Le général Kalkreuth emploiera tout le corps qui est
à ses ordres sontenir le général Ruchel ; il occupera snrle
- champ tous les postes qu'il pourrait laisser à découvert ,
on d'où l'ennemi parviendrait à le débusquer ; tous les deux
donneront à leurs troupes des rendez-vous déterminés , où ,
aux moyens de falots , ou d'autres signaux convenus , elles
se ont instruites du lieu et de la nature du danger qu'il faudra
repousser.
Derant est le siége , s'il a lieu , toutes les troupes
seront habillées et prêtes dès le point du jour ; les chevaux
de la cavalerie seront sellés , ceux de l'artillerie seront
euharnacles .
L'armée principale , dans tous les cas où le feld 'maré-'
chal se sera porté personnellement , soit vers le corps de
Ruchel , soit vers celui de Kalkreuth , soit vers quelqu'autre
point menacé , se tiendra en réserve aux ordres du général
Knobelsdorf.
" Le bagage des troupes qui sont absolument sur le bord
đu Rhin , será envoyé un peu sur les dernieres ; tous les
officiers recevront communication des dispositions générales
et provisoires ; ces dispositions ne pourront tire absolues
si détaillées , que dans les cas où l'en sera instruit des desseins
de l'ennemi , et des points contre lesquels il dirigera ses
attaques.
99
Au surplus , chaque commandant de poste est censé
savoir ce que les circonstances lui ordonnent de faire .
99 Dans tous les événemens d'une nature sérieuse , on me
trouvera moi feld - maréchal , soit à Cassel on dans les
isles.
"
圈
1
( 364 )
: •
» P. S. Le prince héréditaire de Hohenlohe ne manquers
pas de faire les mêmes dispositions dans le corps dont il
a le commandement l'aile droite aura pour destination
le soutien de la pointe du Mein , en même tems que l'entretien
de la communication par le pont de Russelsheim ; la
gauche pourra veiller sur le Rhin , en le remontant ,
couvrir la route de Francfort . Toutefois il n'est pas à pré.
sumer que l'ennemi pendant le siége qu'il se résoud à entreprendre
, songe à passer le Rhin entre le Mein et le
Necker.
et
Des lettres de Brunswick , du 17 décembre , portent que le
due vient de vendre à la Grande - Bretagne 2286 hommes ,
avec l'artillerie ordinaire ; plus une batterie de six pieces de
six. C'est à secourir la Hollande qu'est destiné ce corps ,
qui a dû se mettre en marche dans les premiers jours du
mois présent ; mais on craint qu'il n'y arrive bien tard. On
sait aussi que le gouvernement d'Hanovre vient d'ordonner
une nonvelle levée de recrues , ce qui indique des pertes à
réparer.
Le 31 décembre au matin , le duc de Saxe - Teschen et
l'archiduc Charles se sont rendus à Mayence , où , depuis le
29 , il ne s'est pas passé de jours sans qu'on ait livré quelques
combats dans les environs de Bretzenheim et de Zahlbach ,
qui tous , à ce qu'on assure , ont été au désavantage des
Français , auxquels on n'a pourtant pas pu arracher la vietoire
sans perdre beaucoup de monde . Malgré leur peu de
succès sur ces avant-postes de Mayence , ils ont jetté dans la
ville même quelques bombes , qui n'ont pas laissé que d'y
faire du mal . On attend des nouvelles plus détaillées à cet
égard.
On attendait le 29 un renfort de 4000 hommes du corps
de Mélas ; mais il n'est pas encore arrivé. Le bruit court anssi
qu'il est question de porter la garnison à 30,000 hommes ,
apparemment pour compenser la qualité par la quantité. Le
corps de Mélas sera remplacé par l'aile gauche de la grande
armée.
Il y a pourtant quelque difficulté à exécuter tous ces mouvemens
militaires , car l'avoine et le foin commencent à manquer
dans les armées allemandes , Quant aux farines , des
transport considérables prennent la route de Manheim. Les
Français qui n'ont pas l'air de songer à passer le Rhin dans
le petit nombre d'endroits où il est pris , ont fait défiler le
28 quelque infanterie et quelque cavalerie sur Coblentz , et
ils ont transporté plusieurs pieces de canon.
On craint que leurs entreprises ne soient secondées par
plusieurs mouvemens insurrectionnels qui ont éclaté sur divers
points de l'Allemagne , et qui formeraient une sorte de
diversion en leur faveur , puisque le soin de les appaiser ne
permettrait pas d'employer autant de forces contr'eux . A
365 )
Augsbourg , une espece de révolte du corps nombreux de
tisserans , dans laquelle quelques membres du magistrat ont
été frappés , a forcé de requérir trois compagnies d'infanterie
et 300 hommes de cavalerie. A Ulm , beaucoup de citoyens
se sont opposés à force ouverte à l'enlevement des canous
de l'arsenal . Dans l'électorat d'Hanovre , le peuple est très
mécontent d'abandonner la culture ou les travaux pour
le
service militaire , et les milices montrent un grand esprit
d'indiscipline .
L
ANGLETIER E. De Londres , le 30 Décembre.
L'ouverture du parlement , que l'on croyait encore il y a
cinq à six jours remise au 21 janvier , s'est faite aujourd'hui
suivant les formes d'usage , et le roi a adressé aux deux
chambres assemblées le discours que l'on va lire e
Mylords et messieurs ,
Après avoir éprouvé en toute occasion votre zele et votre
dévouement pour les intérêts de mon peuple , je trouve une
grande satisfaction à recourir à vos avis et à votre appui dans les
circonstances qui exigent le déploiement entier de votre énergie
et de votre sagesse..
ཙཏྟཱམ་
Malgré les revers et les contrariétés que nous avons éprouvés
dans la derniere campagne , je conserve la conviction intime
que nous devons poursuivre vigoureusement la guerre juste et
nécessaire où nous sommes engagés .
Vous penserez comme moi , j'en suis certain , que nous ne
devons attendre que de notre fermeté et de notre persévérance
le rétablissement de la paix sur des bases solides et honorables ,
ainsi que la garantie et la sûreté parfaite de nos plus chers
intérêts .
,, En considérant la situation de nos ennemis , vous observerez
, sans doute , que les efforts auxquels ils doivent leurs
succès , et les moyens extraordinaires qui pouvaient seuls
soutenir ces efforts , out produit chez eux -mêmes les effets
pernicieux que l'on devait en attendre ; et que chacun des
événemens qui se sont passés dans l'intérieur de la France ,
montré la décadence progressive et rapide de leurs ressources
et l'instabililité de chaque partie de ce systême violent et contre
nature , qui est égalemeet ruineux pour la France et incompa
patible avec la tranquillité des autres nations.
,, Cependant les états généraux des Provinces - Unies , pressés
par les circonstances difficiles où ils se trouvent , se sont déterminés
à entamer une négociation pour la paix avec le parti qui
domine actuellement en France. - Aucun gouvernement établi ,
aucun état indépendant ne pent dans la situation actuelle des
choses , placer une confiance réelle daus de telles négociations ,
Quant à nous , nous ne pourrions tenter un semblable moyen
sans sacrifier notre honneur et notre sûreté à un ennemi dont la
plus grande haine est évidemment dirigée contre ce royaume.
Aussi , n'ai -je cessé de prendre les mesures les plus eff
( 360 )
caces pour accroître mes forces , et je ne laisserai échapper
aucune occasion de concerter les opérations de la campagne
procclhaine avec celles des pui sauces de l'Europe , qui sentent
comme moi la nécessité de déployer une grande et
beaucoup d'activité . Je me confie entierement danseur
mes forces
et dans l'affection et l'esprit public de mon peuple pour qui je
combits , et dont la sûreté et le bonheur sont l'objet de ma Constante sollicitude .
L'importance locale de la Corse , et les efforts énergiques
que ses habitans out faits pour secouer le joug de la France ,
m'out déterminé à ne lui point refuser la protection pour laquelle
elle combattait ; j'ai depuis accepté la couronne et la suave
raineté de cette isle par un acte dont je vous ai fait remettre la
copic.
Je vous apprends anssi , avec une grande satisfaction ; que
j'ai conclu un traité d'amitié , de commerce et de navigation
avec les Etats - Unis d'Amérique . Mon but principal a ete
d'écarter par-là autant qu'il est possible , tout motif de jalousie
et de mésintelligence entre les deux pays , et d'améliorer leurs
relations commerciales . Aussi-tôt que ce traité aura été ratifié ,
je vous en ferai passer une copie , afin que vous puissiez faire
les dispositions nécessaires pour en assurer l'action exécutive .
" C'est encore avec un plaisir extrême que je vous annonce
le mariage de mon fils le prince de Galles avec la princesse
Caroline , fille du duc de Brunswick . Les témoignages que vous
m'avez toujours donnés de votre affection pour ma personne et
pour ma famille me persuadent que vous partagerez les sentie
mens quej'éprouve dans une occasion si intéressante pour mon
bonheur particulier , et que vous me mettrez à même de pourvoir
à cet établissement de la maniere la plus convenable, au rang
et à la dignité de l'héritier présomptif de la couronne de ces
royanmes.
Messieurs de la chambre des COMMUNES •
Je ne doute point que les motifs qui me déterminent à
continuer la guerre avec vigueur , ne vous portent à pourvoir
promptement et abondamment aux besoins de chaque partie
da service public ; on vous en soumettra les états . En même tems
que je me plains de la nécessite d'imposer de si grandes charges
à mes sujets , c'est une douce consolation pour moi d'observer
l'état de notre crédit , de notre commerce et de nos ressources ,
qui est le resultat naturel des travaux de L'industrie , sous la
protection d'un gouvernement libre et régulier.
Mylords et/messieurs
« Un juste sentiment du bonheur dont ce pays jouit depuis
si long - tems vous encouragers sans doute à faire tous les efforts
qui peuvent assurer ce bonheur à votre postérité.
› J'espere avec confiance , que sous la protection de la pro .
vidence, et même qu'avec notre constance et notre persévérance ,
les principes de l'ordre social , de la morale et de la religion
( 3671
l'emporteront enfin , et que mon people fidele trouvera la récompense
de ses travaux et des sacrifices qu'il fait aujourd'hui ,
dans la jonissance solide et durable de sa tranquillité , et dans le
salut de l'Europe , arrachée au plus grand danger dont elle ait
été menacée depuis l'établissement des sociétés policees. "
Sa majesté s'est retiree ensuite , et les communes se sent
re virées dans leur chambre .
La motion de l'adresse de remerciment a été faite dans la
chambre des pairs par le comte de Cambden, et appuyée par le
conte de Besborough.
Dans la chambre des communes , la même motion a été faite
par Edouard Knatchbul et appuyée par M Canning.
On ne doute pas que l'adresse ne passe sans beaucoup d'op-
Position et à une grande majorité , suivant l'usage , dans les deux
chambres .
On trouve dans toutes les feuilles les conditions du nouvel
emprunt de 24 millions sterling que le ministre doit proposer au
parlemen , et dont 18 seront pour l'Angleterre et pour l'empereur
, si les communes consentert à les garantir. Les souscrip
teurs auront pour cent livres sterling :
1. 5. d.
75.
25 .
O
6 4
$20 16 8
1 5 0
dans les 3 p. c. consolidés,
dans les 4 p . c.
de longues annuité
3 p . c. de l'emprunt impérial.
par forme d'aunuités pendant 25 ans .
Outre les avantages de l'escompte en cas de prompt paiement
, les intérêts de l'emprunt impérial doivent commencer à
eourir à compter du mois de mai . Toutes ces éonditions font
évaluer l'intérêt de l'emprunt à sept et demi pour cent. Dans le
cas où le parlement ne voudrait pas ratifier l'emprunt impérial ,
les souscripteurs des 18 millions auront pour cent livres
sterling :
1.
100 • O
d.
33 " 6 8
dans les 3 P. c . consolidés .
dans les 4 p . c.
7 0 12 6 de longues annuités.
Selon ce plan , en joignant les deux emprunts , la nation britannique
épargne 36,000. livres sterling par an en intérêts , et
gagne sur le tout un capital de 784,000 livres sterling . Mais elle
devient responsable du capital de l'emprunt impérial , qui est
de 8,900.000 livres sterling , et d'un intérêt de 450,000 livres
sterling , qu'il lui faudra acquitter en cas de défant de paiement
de la part de l'empereur. Les principaux banquiers qui
ons donné leur soumission , sont Boyd , Thelusson , Dobard ,
Goldmilh , etc.
On prétend que le ministre est dans l'intention de fonder deux
millions de la dette de la marine , de liquider cinq millions de
ses billets dans le cours de l'année , et de mettre encore en train
deux millions et demi de paiemens .
( 368 Y
•
REPUBLIQUE FRANÇAIS E;
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE LETOURNEUR ( de la Manche ) .
Séance du duedi , 22 Nivôse.
La section des Lombards vient féliciter la Convention du
décret par lequel elle a envoyé au tribunal révolutionn dre
Lacroix , auteur , qui a en l'audace de proclamer les principes
abhorrés du royalisme. Elle jure la mort à quiconque osera
porter atteinte à l'arche sacrée de la constitution démocrasique.
·
Celle du Mont Blanc lui succede , et dénonce une vaste
conspiration ; elle dit que le jacobinisme s'agite , qu'on présente
au peuple le royalisme , qui n'est plus qu'un fantôme
impuissant , comme un colosse formidable , et comme roya
listes tous les républicains qui ont prêché l'amour de la liberté
et la réunion à la Convention nationale . Elle ajoute , en parlant
de l'ouvrage de Lacroix , qu'un peuple qui a juré de vivre
libre , ne peut redouter un moucheron qui veut le piquer ;
qu'il le presse de son pied , et ne s'abaisse pas à le combattre ;
mais que ce sont ces cannibales qui siguent de sang froid l'arrêt
fatal qui condamne le juste à périr sur l'échafaud , ces serpens
qui sifflent et s'enlacent autour de nous qu'il faut écraser.
Elle félicite la Convention sur le décret par lequel elle a
consacré l'époque où Gapet a été frappé , et lui demande de
ne plus prendre de demi-mesure et de frapper tous les ditapidateurs
et les assassins ,
Cette adresse énergique , vivement applaudie par la majorité
de l'Assemblée et des assistans , a provoqué dans une tribune
de violens murmures , et plusieurs citoyennes qui s'y trouvaient
out erié : Il nous faut un nouveau 31 mai. •
André Dumont n'a vu dans la tribune oragense que quel-,
ques dévoies de Robespierre , qui après avoir passé les journées
entieres dans l'oisiveté , viennent ensuite se plaindre de
la disette et de la cherté des subsistances . Il a reconnu dans
les femmes qui la composaient les affidées des jacobius ; que
depuis dix mois ce sont toujours les mêmes personnes qui la
remplissent , et qu'elle est devenue l'asyle de la fainéantise.
Ruamps : Tu insultes le peuple ; les fainéans sont poudrés ,
les fainéans sont les muscadins ; examine le peuple de cette
tribune .
Dumont : Ce sont les vrais royalistes .
Ruamps : Les royalistes sont toi et tes semblables .
Ce
( 369 )
Ce dialogne se prolonge. On demande que Ruamps sõit
envoyé à l'Abbaye . Cependant Dumont propose que les co
mités de sûreté générale et des inspecteurs de la salle prennent
des mesures pour s'assurer des individus qui dans cette tribane
ont insulte la Convention . Cette proposition est décrétée
au milieu des plus vifs applaudissemens .
Des petitionnaires sont admis à la barre . Ils font l'éloge du
patriotisme du général Rossignol arrêté depuis quelque tems ;
ils demandent le rapport de ce décret comme surpris . Plusieurs
membres demandeni le renvoi de cette pétition au comité de
sûreté generale.
Bourdon veut y joindre le comité de salut public . Il accusé
Rossignol d'avoir causé la mort de Phelippeaux , qui avait dé
voilé les manoeuvres perfides des genéraux de la Vendee , et
d'y avoir fait couler le sang de 40,000 de ses freres . La proposition
de Bourdon est décrétée .
On
Les citoyens de Caen font hommage à la patrie de 5,000 1 .
On se rappelle qu'en exécution d'un décret une colonne deit
être élevée dans la ville de Caen , comme un monument de
la part qu'elle a prise à la rebellion , et que les comités réu
nis sont chargés de faire un rapport à ce sujet.
Dumont saisit l'occasion de l'offre patriotique pour demander
le rapport de ce décret . Maure soutient que ce fut une mesure
d'indulgence plutôt que de justice envers les habitans
de Gaen . Il consent néanmoins que le décret soit suspendu
jusqu'au rapport ; ce qui est adopté .
Un secrétaire fait lecture de la rédaction du décret sur la
police des tribunes de la Convention . Le mot habituées des
ribunes qui s'y trouve donne lieu à une nouvelle discussion
très-vive . Un membre demande la radiation de ce mot , conme
injurieux au peuple et l'effet d'une mauoeuvre horrible pour
l'empêcher d'assister aux séances .
Chiappe veut qu'on le conserve ; il assure qu'il a vu de
ees misérables femmes , qui viennent tous les jours , parler hier
à un député , et lui demander si elles n'avaient pas bien liavaillé
ce jour- là . Un membre dit qu'il faut charger les comités
de s'assurer de leurs moyens d'sxistence .
Crassens s'eleve contre les deux préopinans. Il inculpe, le
premier d'avoir traité ces femmes de méprisables , et le second
d'avoir insinué qu'il fallait connaître les moyens de subsistance
de ceux qui viennent aux séances . Il en conclut qu'cu
voudrait sans doute que les riches seuls eussent le droit d'y
assister. I assure que si un pareil décret passait , il établirait
an espionnage , une inquisition plus cruelle que celle de
Robespierre ; enfin , il croit que s'il y a des tribunes à surveitler
, ce sont celles des journalistes qui y introduisent des
aristocrates .
Colombel propose une rédaction du décret conçue en ces
termes La Convention charge ses comités de prendre les
Tome XIII . A a
1370 1
mesures nécessaires pour établir dans les tribunes une police
conforme au respect dû à la Convention nationale .
Maure demande l'ordre du jour , motivé sur ce que l'Assemblée
a droit de faire la police chez elle .
Bentabolle s'y oppose , et dit que passer à l'ordre de jour
lorsqu'il s'agit de se faire respecter , c'est se faire injure à
soi- même . Il observe que les tribunes n'ont commencé à manquer
de respect à la Convention que lorsque des membres se
sont traités de fripons , de coquins . Il appuie la rédaction de
Colombel qui est adoptée. 1
Merlin soumet les articles de la loi sur les émigrés , dont le
renvoi avait eté ordonné pour en faire une nouvelle rédaction .
Après quelques discussions , le décret a été rendu . ( Voyez à la
fin des séances . )
Séance de tridi , 23 Nivôse .
Eschasseriaux , au nom du comité de législation , expose que
la Convention , par son décret du 13 de ce mois , a précisé le
principe sur les peres et meres des émigrés , mais que ce prin
cipe exige des développeinens et un mode d'exécution qui
doivent être l'objet d'une nouvelle loi . Cependant leurs besoins
deviennent de jour en jour plus urgens. Il pense donc qu'il
n'est pas possible de différer plus long - tems de mettre un terme
à l'état de détresse dans lequel ils n'ont cessé d'être , depuis
que le séquestre existe sur leurs biens , et il propose de décréter
qu'en attendant que le séquestre sur leurs biens soit
levé , il leur sera accordé des secours , et que la quotité de
ces secours pourra s'élever jusqu'à la concurrence des deux tiers
de leur revenu net , pourvu qu'elle n'excede pas deux mille
liv. par tête et douze cent liv. pour chaque enfant .
Ce projet de décret est adopté .
Thibaut , au nom des comités de salut public , de sûreté gévérale
, de législation et des finances rénnis , fait part à la Convention
des reclamations que forment de toutes pares les fonetionnaires
publics sur la modicité de leur traitement. Il ne
doute pas que les véritables français ne soient tous animés du
desir de servir la patrie sans rétribution , si leur fortune le leur
permettait ; mais elle n'est pas toujours compagne du talent et
de la vertu , et le pauvre qui a mérité le suffrage de ses concitoyens,
est un homme précieux à la nation .
Les représentans du peuple eux - mêmes ont démontré l'insuffisance
de l'indemuite que la nation leur accorde . En effet ,
lorsque l'Assemblée constituante la fixa à 18 liv . , les 'denrécs
étaient abordantes et à un taux ordinaire , et les circonstances
actuelles les ont élevées à un prix exorbitant. Il faut donc que
ceux qui donnent tout leur tems à la chose publique , puissent
y atteindre , sans les dispenser néanmoins des sacrifices que
tout républicain doit attacher au char de la liberté . Thibaut
conclut à ce que l'indemnité des députés soit portée à 36 liv.
( 371 )
*
par jour , et que le traitement des autres fonctionnaires soit
augmenté d'après les bases qui seront adoptées par le comité.
des finances .
Ce projet de décret éprouve des difficultés . Monnet rejette
l'augmentation ; il préfere une somme une fois payée . Levasseur
( de la Sarthe ) déclare qu'il eût entendu plus volontiers
parler d'économie que de surcroît de dépenses . Thuriot trouve
le projet détestable. Duhem convient qu'il commençait à s'appercevoir
, quoique garçon , de l'insuffisance de l'indemnité ;
mais il pense qu'il fallait d'abord s'occuper des autre fonctionnaires
, et ne parler d'eux-mêmes qu'en dernier lieu . Ce sera
quand nous n'aurons plus à penser à personne , que nous penserons
à nous. ( Il est vivement applaudi . Bientôt , lorsque les
sages mesures que la Convention a prises auront reçu leur exécution
, nous jouirons d'une plus grande aisance ; mais ne fai
sons pas dire que nous puisons à notre gré dans le trésor
public.
Plusieurs membres proposent de supprimer les tribunaux
et les conseils de district , pour couvrir ce surcroît de dépenses
.
Brival soutient qu'il est impossible à un député qui a une
femme et des enfans , de vivre avec le traitement actuel , et il
annonce qu'il a besoin d'une augmentation . Plusieurs membres
l'appuient , et observent que les députés en mission ont douze
mille liv. de traitement , et jouissent du logement , de l'ameu
blement et d'un équipage .
:
Bentabolle Le peuple français est grand et généreux. Il ne
veut pas que ses représentans soient à la gêne. Il est au contraire
de sa dignite qu'ils vivent dans une honnête aisance .
S'opposer à l'augmentation proposée , c'est favoriser l'aristocratic
. Que résulterait il si l'on ne pouvait accepter ces fonctions
sans s'appauvrir ? C'est que les riches seuls seraient fonctionnaires.
Dartygoite annonce que le décret que l'on va rendre était
depuis long- temps demandé par l'opinion publique . Legendre
veut que le député n'ait pas seulement pour vivre , lui et sa famille
, mais qu'il puisse aussi venir an secourt du pauvre , et
donner l'assignat de cent sous .
Cambon dit que ce n'est pas une augmentation qu'on propose
, puisqu'il serait aisé de démontrer par le calcul qu'en
proportion du prix des denrées , pour répondre à dix- huit
livres de 1789 , il faudrait 54 à 60 livres . Il appuie donc
lear projet de décret ; mais il ajoute qu'il faut s'occuper des .
autres fonctionnaires , des rentiers et des pensioenaires de
l'état , trois classes souffrantes , sur- tout depuis l'abolition du
maximum. ,
Charlier voit des inconvéniens graves dans l'augmentation
des rentiers et des pensionnaires . Il aimerait mieux renoncer à
son indemnité , que de compromettre le gage de la fortune
:
A a 2
( 372 )
1
publique . Il demande qu'on décrete le projet du comité ,
et que les autres propositions faites lui soient renvoyées .
La discussion est fermée ; le projet du comite est adopté.
L'augmentation datera du 1er , vendémiaire dernier .
La discussion s'ouvre sur les fêtes décadaires . Chénier an
nonce que plusieurs députés ont présente des plans sur les
fêtes décadaires . Il demande qu'ils soient entendus .
Eschasseriaux l'aîné fait un discours , dans lequel il se plaint
d'abord de ne trouver dans le plan du comité sur les fêtes décadaires
, rien qui rappelle ces brillantes solemnités qui offraient
jadis aux communes rassemblées de la Grece le ravissant spectacle
de tous les plaisirs et de tous les talens . Est-il en effet
dans les anuales du monde des tableaux plus pleins de vie et de
sentimens , plus faits pour donner aux hommes la conscience
de leurs forces , d'imprimer au génie des sensations profondes
, et de l'entraîner à des pensées grandes et augustes ,
que ces jeux attiques qui ont attaché aux noms de quelques
bourgades des souvenirs immortels . Pourquoi ces prodiges ne
renaîtraient-ils pas an milieu de nous ? N'habitons - nous pas
un sol riant et fertile ? n'instituons - nous pas un peuple actif et
industrieux ? Il ne sufffit pas de procurer à une nation devenue
libre , les moyens d'acquérir les lumieres et les vertus , il faut
encore donner des alimens à son imagination et à son goût pour
le plaisir, s'emparer de son attrait pour le bonheur , și l'on veut
empêcher qu'il ne continue d'être le domaine de la superstition
on du libertinage . Renverser un trône , n'est pas fonder une
république , il faut encore détruire tous les ouvrages de la
royauté , ses créations morales , ses viles habitudes , et se saisir
des moeurs publiques pour les mettre en accord avec la constitution
républicaine .
Voilà ce que n'a pas fait le comité , et ce qu'aurait desiré
Eschasseriaux . Il a fort bien observé que ce n'était point une
religion que la république demandait , mais des fêtes civiques ;
que c'était la patrie qu'on avait à célébrer , et qu'on devait être
politique et non théologien . Il en a conclu que ne devant point
se mêler de culte et de cérémonies , il fallait laisser à chacuu la
liberté de célébrer la divinité à sa maniere , et il a proposé an
projet de décret qui a été renvoyé au comité. Il a été encore
decrété que tous ceux qui avaient des plans à proposer s'y
réuniraient ce soir pour concerter un plan général . Il est bien
douteux qu'il puisse ainsi se composer de vingt systêmes plus
ou moins divergens . Peut - être cût - il mieux valu les entendre
tons et accorder la priorité à celui qui aurait paru approcher le
plus du but que l'on se propose.
Séance de quartidi , 24 Nivôse.
Debourges , au nom du comité des secours publics , fait
décréter que les veaves , enfans et autres dénommés dans l'état,
dont les pensions sur la liste civile accordées en considération
( 373 )
des services de leurs maris ou peres , ont été supprimées par le
decret du 17 germinal , recevront , à titre de secours , leur pen
sion si elles n'excedent pas 400 liv. , et en cas d'excédent , le
maximum est fixé à cette somme ; mais ils rapporteront un ceri
tificat d'indigence , et remplirent toutes les formalités prescrites
pour les pensionnaires de la République . Ce secours courra du
1er janvier 1793 .
Giraud , au nom du comité de commerce , annonce que l'abrogation
de la loi du maximnm , quelque bienfaisante qu'elle soit,
entraine cependant dans son exécution des difficultés qu'il est
de la sagesse du legislateur de faire disparaître , et sur son rappori
la Convention décrete , que les marchés faits avant la suppression
du maximum sont mainter us ; mais que les marchandises
non expédiets , ou mises en route à l'époque de la publication
de cette suppression , seront payées selon le prix auquel
Ia berté du cominerce les a portees ; les acheteurs auront neanmoms
le droit de résilier leur marché .
Laignelut fait part à la Convention d'un arrêté du comité
de sûreté générale , que les circonstances l'ont forcé de prendre
pour ce soumettre à son approbation . Il porte que Rossignol
ex général Pache , ex-maire ; Bouchotte , ex- ministre de la
guerre Bouchotte cadet et Audouin ses adjoints , Clemence ,
Prevat et Marchand , tous détenus , seront transférés dans le
hateau de Ham , département de la Somme. Cet arrêté est
confirmée.
Lehot obtient la parole . Je ne viens pas vous demander le rapgort
du decret relatif à l'augmentation de l'indemnité des députés
, mais vous soumettre quelques réflexions utiles . D'abcr d'
e'est contre les principes que vous avez donné à ce décret un
effet rétroacti . Je vous demanderai ensuite quel est le motif
de cette augmentation . Plusieurs de nos collegues disent qu'ils
sont peres de famille ; mais avez-vous entendu que la revo-
Lution devint un patrimoine pour vos eufans ? Inspirez - leur
l'amour du travail , donnez leur l'exemple de Réconomie et de
la frugalité , et vous formerez ainsi à la patrie de vrais citoyens .
Les hommes de tous les états sont en souffrance , et personne
ne se plaint. De plus , vous jettez le discrédit sur vos assignats .
En un mot , tous les motifs se réunissent pour que voire décret
d'hier soit rapporté
Plusieurs membres demandent à Lefiot où sont ses enfans.
Charlier regarde comme très- intéressante pour l'instruction du
peuple. la discussion que l'on vient de provoquer. It voit que
l'on cherche à établir les intérêts d'une faction . Il rappelle au
peuple que ce fut Mauri et Gazalès qui fixerent dans Assemblée
constituante le traitement des députes , pour faire de ce›s›
places le domaine de l'aristocratie . Des huées partent d'une des
grandes tribunes . Charlier demande l'ordre du jeur.
Bentabolle La motion du rappost, do vorre décret est une
des moindres tentatives faites en se moment pour perdre las
Convention. On conspire contre elle , et tona hes patrioteas
( 374 )
qui ont pris part à la révolution du 9 thermidor. On cherche
à égarer le peuple sur les intentions pures de la Convention .
Des hommes qui ne se plaisent que dans le sang et le carnage
veulent faire croire au peuple qu'en faisant le 9 thermidor elle
a voulu faire triompher l'aristocratie . Entendez ce qu'on lit
dans un journal intitulé l'Ami du peuple . Bentabelle cite plu
sieurs passages de cette feuille , dans laquelle il est dit que
les aristocrates applaudissent à la journée du 9 thermidor ;
qu'au 14 juillet 1789 le peuple ne savait où on le menait ; que
le 10 août il ignorait pour quelle cause il venait de verser
son sang , et que l'opinion du peuple est encore indécise sur
la journée du g thermidor. Bentabelle finit par demander le
renvoi de ce journal aux trois comités , pour faire un rapport
sua la situation de Paris .
Clausel dit que Chasles est l'auteur de ce journal ; Chasles
ex - chanoine d'Arrrs , qui regrette ses 12,000 liv . de bénéfice ,
qui a travaillé à l'Ami du roi avec Royou , et qui a tenu les
discours les plus incendiaires , tant à la Convention qu'aux
jacobins.
#
Merlin ( de Thionville ) : C'est au moment où du nord au
midi , de l'orient à l'occident , les troupes triomphantes de la
République arborent le pavillon tricolor , que la discorde vient
se réfugier dans cette enceinte ; nous livrerons - nous à des
querelles insignifiantes , au lieu de travailler aux moyens de
commencer une nouvelle campagne plus brillante que jamais ?
Tournons toute notre indignation contre les grands complices
de Robespierre . Abandonnons tout autre combat que celui de
la vertu contre le crime , et de l'homme humain contre le
massacreur , et abattons les derniers appuis de cette horde.
Ce ne sera pas 30 ou 40 misérables regrettant la tyrannie qui
en imposeront à la Couvention . 12,000 Brutus tiennent le
poignard levé sur quiconque voudrait tyranniser une minute . '
Ce n'est pas la royauté que je crains , elle est pour jamais
dans la tombe ; mais sans les redouter , je dénonce à mon pays
quelques monstres pour qui 18 et 36 liv . ne sont rien , mais
les rapines beaucoup , et pour qui le sang et les cadavres sont
un besoin. Couverts de crimes , ils sement le trouble pour
empêcher la justice de les atteiudre ; mais elle les atteindra . Je
demande le maintien du décret , et je déclare que j'ai une épouse
infirme et deux enfans , et qu'avec 18 liv. il m'est impossible
de les faire vivre .
Bourdon appuie Merlin . Le décret est maintenu .
Legendre demande que la commission des vingt-un presse
son travail , et annonce à la Convention quand elle fora son
rapport. Un membre déclare que nomidi prochain elle présentera
le résultat de ses travaux.
Giraud Pouzolles , au nom des comités réunis , présente un
projet de décret , tendant à rapporter celui qui ordonnait l'exa- '
men de la conduite et de la moralité des suppléans de la
.
( 375 1
Convention avant leur admission dans le sein de la Convention.
L'impression et l'ajournement ont été décrétés .
Séance de quintidi , 25 Nivôse .
Sur la proposition d'Olivier Gérente , au nom des comités
militaire et des finances reunis , la Convention décrete que tout
volontaire en route , marchant isolément pour se rendre à l'hô
pital , ou de l'hôpital à son corps , recevra 50 sous de prêt au
lieu de 30 .
Beauchamp , au nom du comité de législation , fait décréter
que toutes les contestations qui pourront s'élever sur l'état civil
des enfans nés hors mariage , seront jugées par les tribunaux de
district. Ils connaitront aussi des procès actuellement exis
tans sur des questions d'état , quand même il aurait été nommé
des arbitres, Les jugemens readus jusqu'à ce jour sur les ques
tions d'état , soit par des tribunaux , soit par des arbitres ,
qui ne seraient attaqués quǝ par la voie d'incompetence , sent
maintenus.
Le citoyen Urbain Domergue fait hommage à la Convention
de son journal de la langue , française. Mention honorable et
renvoi au comité d'instruction publique , pour rendre ce jour,
nal utile à l'instruction des écoles normales .
Thirion , au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête qui doit avoir lieu pour célébrer l'anniversaire
de la mort du tyran Capet.
Ce plan n'est que médiocrement accueilli . Plusieurs membres
disent que dans une fête on ne doit voir que le peuple , et se
plaignent de trouver dans le plan du comité des distinctions
entre les fonctionnaires et les citoyens .
Baraillen en présente un autre qui ne reçoit pas un accueil
plus favorable ; il voudrait que le rassemblement se fît dans la
salle de la liberté , et que le cortège se rendît au ci - devant hôtel
de Soissons , où l'on chanterait des hymnes civiques.
Bréard dit qu'une fête n'est pas uue procession ; il desire
que tous les citoyens soient mêlés . Tallien partage son avis ;
il ajoute qu'il ne faut pas qu'elle ressemble à celle de Robes
pierre. Que celle qui doit avoir lieu doit être terrible pour
les royalistes et les hommes de sang ; il voudrait que la séance
de ce jour-là commençât par un décret utile au peuple , et qu'à
deux heures la Convention se rendît sur la place de la Révolu ,
tion pour y
célébrer avec le peuple l'anniversaire de la mort dų
tyran Capet .
Bourdon ( de l'Oise ) pense qu'il faut éviter de faire parler le
président de la Convention au peuple , et rappelle que le dernier
tyran obtint ainsi une popularité dont il se servit pour
égorger plus sûrement la Convention nationale et le peuple .
Les plans présentés et les vues des préopinans ont été ren.
voyés au comité d'instruction publique qui est chargé d'en rédiger
un nouveau .
A a 4
( 376 )
Boissy d'Anglas obtient la parole , au nom du comité de
salut public , il annonce que ce matin les administrateurs.des
subsistances et approvisionnemens se sont présentés au comité
de salut public , pour le prevenir que des rassemblemens
connns sous le nom de queues se formaient à la porte des bou
Jangers , et que les femmes qui s'y portaient y étaient excitées
par le bruit répandu : Qu'il était pressant de se pourvoir de
pains , attendu qu'on en manquerait sous trois jours . Boissy se
trouvait seni au comité . Il a pris sur lui d'ectire sur-le - champ
anx administrateurs dé police , de faire arrêter ceux qui répaudaient
on accréditaient un pareil -bruit. Il déclare a la Conven
tion et au peuple que les subsistances arrivent comme à l'ordinaire
, et que l'administration fait venir par terre les provisions
que la rigueur de la saison empêche de transporter par tau ; et
que l'on ne doit avoir aucune inquiétude sur les subsistances .
Ilassure que les moulins à eau ne sont point arrêtés par la gelée,
et que le gouvernement a pris à cet égard toutes les précautions
utiles , et que les propos jettés au milieu du peuple par des
boulangers perfides ou ignorans et peut- être payés , sont dentés
de tout fondement . Le comité , dit- il en finissant , andes ,
obstacles à lever; mais il peut répondre des approvisionnemens.
ex
Des citoyennes de la Vendée qui ont été détenues dans la
maison d'arrêt du Plessis , et mises en liberte par le comité de
sûreté générale , réclament des secours poni retourner dans
leur domicile . Elles exposent qu'elles y ont tout perdu , et
qu'il ne leur reste aucun moyen de subsister . Renvoyé au comité
des secours pour en faire de main un rapport.
Le citoyen Vitel , ancien inaire de Lyon et député à la Convention
demande le rapport da décret quis l'a mis en arrestatiou
, rendu dans le tems des troubles de cette ville , et qu'il
jouisse du droit que le choix du pezple lui a assuré de le représ
senter dans la Conventiona
Renvoi aux comités de salut publie , sûreté générale et législation
, pour en faire le rapport sous trois jours .
Séance de sextidi , 26 Ni ôse.
Gossain , au nom du comité militaïre , fait nn rapport sur
F'organisation des commissaires des guerres et leurs fonctions .
tant aux armées que dans les divisions militaires de la République.
I entre dans tous les détails relatifs à leur devoir , leur
sapport avec les commissions executives et les officiers généraux ,
à leurs fonctions et attributions tant dans les armées que dans
les divisions militaires ; enfin à leur solde , leur traitement ,
leurs récompenses et leur retraite .
Le rapporteur présente un projet de décret qui comprend
tous ces objets en plusieurs titres qui sont successivement
adoptés sans discussion .
Richard , au nom du comité de salut public ' :
La rigueur de la saison ne ralentit point l'ardeur de nos
( 377 )
braves soldats . Dévoués sans réserve à la République , ils
ne respirent que pour combattre ses ennemis ; et jaloux de
lui procurer de nouveaux triomphes , ils ne calculent ni les
fatigues , ni les privations , ni les dangers ; ils offrent à
l'Europe étonnée le modele de toutes les vertus civiles et
militaires.
De nouveaux succès ajoutent chaque jour à tant d'avantages
et tant de gloire . A l'armée des Pyrénées orientales ,
nous nous sommes emparés du fort de la Trinité , dit Bouton,
de-Rose , près la place de Rose , et cette derniere ville se
trouve plus vivement pressée que jamais . La garnison du
fort de la Trinité , épouvantée , a pris la fuite pendant la nuit ,
et nous a laissé son artillerie et plusieurs autres effets . L'escadre
espagnole dans le golfe de Rose , assaillie par le mauvais
tems , a considérablement souffert ; beaucoup de bâtimens
ont échoué , et la mer est couverte de leurs debris .
}
L'armée du Nord , toujours active , toujours triomphante ,
vient de s'emparer de la tête du pont et du fort devant
Nimègue , à la suite d'une affaire longue et brillante . Elle a
fait à l'ennemi beaucoup de prisonniers et a pris tente bouches,
à feu toutes de bronze , des chevaux , des caissons , des bagages
et des munitions de toutes espèces. De nouveaux détails sur la
mémorable journée du 7 nous apprennent que les prises que
nous avons faites à l'ennemi en artillerie , sont beaucoup
plus considérables encore que celles qui nous avaient été
annoncées . Indépendamment de 120 pieces de canons prises
a Bommel et sur les autres points , on s'est emparé dans
cette affaire de 171 autres pièces presque toutes de bronze ,
et une grande quantité de poudre . Enfin , nous avons trouvé
à Graves 164 bouches à feu , dont les deux tiers en bronze ,
So milliers de poudre , quatre mille fusils , 500 sabres et diffé
rens objets d'approvisionnemens et de subsistances . L'armée
du Nord vous fait passer 19 drapeaux pris dans la journée
du 7 nivôse . Je ne vous donnerai point lecture des lettres
officielles , parce que les détails dont je viens de vous donner
connaissance , sont accompagnés de vues militaires , qu'il
est important de ne pas publier. ( Insertion au bulletin. )
Je vous présente , continue Richard , ces deux guerriers
ils ont enlevé chacun un drapeau à l'ennemi.
L'aide - de-camp présent avec eux à la barre , s'exprime en
ces termes :
65 Citoyens , l'armée du Nord continue de poursuivie sans
relâche les ennemis de la République . Elle ne connaît point
d'obstacles quand vous ordonnez au nom de la patie , et
elle est payée de toutes ses fatigues par la perspective de
la liberté et du bonheur de son pays .
,, La mémorable journée du 7 nous a valu des avantages
immenses. Nous nous sommes emparés des positions qu'il
meus importait le plus d'occuper , pour porter les plus terribles
X 378 )
coups aux armées anglaises et hollandaises. Nous avons fait
un grand nombre de prisonniers , et l'ennemi nous a laissé
plus de trente pieces de canon , et une grande quantité de
munitions . Enfin , nos braves soldats ont enlevé dans cette
journée 19 drapeaux qu'ils m'ont chargé de vous présenter.
Recevez au nom de l'armée du Nord , ce gage de son
dévouement à la République , à la représentation nationale .
C'est a ' vottre voix qu'elle a renversé les hordes innombrables
qui menacaient d'envahir la frontiere . Tout son sang appar
tient à la patrie ; c'est à vous d'en disposer. Je vous présente
, en son nom , deux braves soldats qui se sont par
ticulierement distingués dans la journée du 7 , Guénard ,
brigadiers au treizieme régiment de dragons , et Babot ,
grenadier au deuxieme de la vingt- septieme demi- brigade ,
Ils ont enlevé chacun un drapeau à l'ennemi ,
-
Signé PRIVÉ , aide - de camp du général BONARD .
Baraiilon , au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête du 2 pluviôse . A huit heures du matin ,
une decharge d'artillerie annoncera la fête . La Convention se
réunira dans le lieu de ses seances a onze heures , avec l'institut
national de musique , et à midi avec les citoyens dans le jardin
des Tuileries. Le president décialera au peuple que la nation
ne subira jamais le joug d'un roi . Il vouera a l'exécration les
tyrans et la tyrannie . On chantera des hymues civiques au
tour de la statue de la Liberté , et le soir tous les spectacles
seront ouverts au peuple .
Dubois-Crancé , au nom du comité de salut public , expose
que le comite chargé d'examiner la conduite du géneral Kellermann
, a reconnu qu'il n'existe aucune piece à sa charge
et que ce général est sans reproche . La Convention , en lui
confiant le commandement de l'armée des Alpes , avait décrété
qu'il avait bien mérité de la patrie ; et c'est au moment où il
venait de rendre les services les plus signalés , que l'ancien comité
le fit traduire en prison . Après 13 mois de détention , son
innocence a été reconnue devant le tribunal révolutionnaire .
Dubois - Crancé propose la mise en liberté de ce général ,
que son traitement lui soit payé depuis l'époque de sa détention
, et qu'il soit indemnisé de la perte de ses équipages et de
ses chevaux. Le projet de décret est adopté.
Dubois Dubay , dit que cela ne suffit pas , et qu'il faut réparer
les crimes de l'ancien gouvernement , en employant Kellermann
dans une des armées de la République . Sa proposition
est décrétée ; et sur la motion de Pelet , la Convention décrete
que Miranda , ex - général , acquitté par le tribunal révolutionnaire
, sera sur le champ mis en liberté .
Boudin demande par motion d'ordre une amnistie pour tous
les délits politiques , excepté l'émigration. Il dit que trop longtems
la Convention a pris la difference d'opinions pour celle
des sentimeus , et qu'il est difficile de distinguer dans le cahos
( 379 )
révolutionnaire ce qui est crime de l'erreur du moment , les
hommes égarés des vrais conspirateurs . Si nous voulons rechercher
nos délits politiques , ajoute- t-il , quel est celui d'entre
nous qui ne doit pas trembler ? Si nous voulons appliquer les
regles de la justice , il faudra frapper du même coup ceux qui
ont donné les ordres et ceux qui les ont exécutés et qui les ont
approuvés . Hâtons-nous d'appeller des successeurs ; car ces
murs ont été tant de fois frappes des délits politiques , que l'on
n'y verra bientôt plus que des accusateurs , des accusés et des
juges .
Boudin demande que les trois comités soient chargés d'examiuer
s'il n'est pas expédient de présenter une loi d'oubli et
d'indulgence sur les délits politiques , excepté celui d'émigration
.
Legendre C'est lorsque de grands coupables sont sur le
point d'être mis en jugement que l'on vient parler d'amnistie .
S'il s'agissait de quelques hommes obscurs , tiendrait- on un
pareil langage ? Si nous sommes coupables , il faut nous faire
notre procès à tous . Quant à moi , je declare que je ne veux
pas que la nation me fasse grace . On voit une immensité de
coupables ; moi , je n'en vois pas tant.. Ils ne le sont pas
ceux qui ont été induits en erreur par les chefs du gouverne
ment. Je demande de passer à l'ordre du jour. Décrété au mis
lieu des applaudissemens .
Décret concernant les émigrés.
66 Art, Ier. Le décret du 28 frimaire dernier , qui a chargé
le représentant du peuple Bar de recueillir des renseignemens
sur les émigrés des départemens da Haut et du Bas-Rhin ,
est rapp orté,
" . II. Il est enjoint aux accusateurs publics et aux agens nationaux
de toute la République , sous les peines portées par la
loi du 14 frimaire de l'an 2 , contre les fonctionnaires négligens
ou coupables , de poursuivre et faire juger sans délai , suivant
toute la rigueur des lois , les émigrés et prêtres déportés qui
auraient osé rentrer en France .
2
" III. Il est néanmoins accordé aux émigrés des départemens
du Haut et du Bas - Rhin qui seraient rentrés en France
par l'effet
d'une confiance anticipée dans les résultats présumés du décret
mentionné en l'article ler , un délai de deux décades et d'un
jour en sus par cinq lieues pour sortir du territoire de la République.
,, IV . Ne seront point réputés émigrés les ouvriers et laboureurs
non ex-nobles ou prêtres , travaillant habituellement de
leurs mains aux atteliers , aux manufactures ou à la terre , et
vivant de leur travail journalier , leurs femmes et leurs enfans.
au- dessous de 18 ans , pourvu qu'ils ne soient sortis du terrie
( 380 )
toire de la République que depuis le rer . mai 1793 , qu'ils rentrent
en France avaut le ter, germinal prochain , et que , dans
le mois suivant , ils produisent devant le directoire du district
de leur derniere résidence , une attestation de huit temoins
certifiée par le conseil- general de leur commune et par le comité
révolutionnaire , constatant la profession qu'ils exerçaient.
avant leur sortie de Frauce ainsi que l'époque de cette
sortie .
2.99 V. Les qualités requises dans les témoins , pour les certifi
cats de résidence , le seront egalement pour les attestations
mentionnées en l'article précédent .
3+
› VI . Ceux qui , dans les attestations mentionnées en l'art.
IV . auront certihe des faits faux , seront condamnés à la déportation
perpétuelle avec confiscation de leurs biens.
995 VII, Les proprietes non encore vendues de ceux qui rentreront
dans le territoire de la République , en exécution de
Fart. IV , lear seront rendues , à la charge par cux de payerr les
frais de séquestre , et d'entretenir les baux qui en auront été
faits par la nation pendant leur absence.
Quant à celles de leurs propriétés qui se trouveront vendnes
, le prix leur en sera remis à titre de secours et d'après les
conditions des ventes , deduction faite des frais de séquestre et
de vente.. ད་ ན་
„ VIII . Les baux d'immeubles faits entre particuliers pendant
l'absence des individus qui rentreront au sein de la République.
en exécution de l'art. IV, seront maintenus .
IX . Les agens nationaux des districts seront tenus d'insérer
dans les comptes décadaires qu'ils adresseront au comité
de legislation , la liste des certificats qui auront été produits ,
devant les administrations de district , en conséquence de l'ar--
wicle IV .
" Le comité de législation fera imprimer ces listes , et les
fera distribuer à tous les membres de la Convention' na….
tionale .
X. Il ne sera point dérogé par le présent décret à celui du,
29 frimaire dernier , relatif aux officiers mariniers , matelots et.
novices , qui se trouveraient à cette époque en pays étranger.
,, XI . Le présent décret sera inséré au bulletin de corres
pondance , traduit dans toutes les langues , et envoyé
aux dé
partemens , aux armées et aux agens de la République près les
gouvernemens alliés ou neutres.
Décret sur les moyens de rétablir les finances et le crédit public ,
rendu dans les séances des 9 , 12 et 13 nivôsė.
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport.
de ses comités de commerce , finances , législation , salut public .
* sûreté générale , réunis , décrete ce qui suit :
6. Arts Ier. Il sera nominé une commission composée d'um
( 381 )
membre de chaque comité, pour dresser , avee celui des finances.
l'etat géneral de situation , de l'entrée et de la sortie des
assignats , et de toutes les recettes et dépenses , soit en métaux ,
en assignats ou toutes autres valeurs , faites tant par la caisse
de l'extraordinaire que par la trésorerie nationale , depnis
Leur établissement respectif jusqu'au premier nivôse , et en
rendre compte à la Convention nationale .
" Ce compte fera connaître d'une maniere particuliere la
situation du trésor public aux époques du 27 septembre 1792
( vieux style ) et du 16 thermidor dernier.
,, IL. Le comité des finances présentera incessamment l'état
des dépenses ordinaires du gouvernement , et les moyens d'ý
pourvoir.
III . Les comités de la guerre , de la marine et de salut
public , réunis , proposeront , de concert avec le comité,
des finances , les moyens d'ordre et d'économie dont les
depenses extraordinaires peuvent être susceptibles.
,, IV . A compter de ce jour , les commerçans , manufacturiers
, cultivateurs , et géneralement tous les citoyens , s'approvisionneront
par la voie du commerce libre . Le gouvernement
se renfermera dans la partie des approvisionnemens
des armées de terre et de mer , et d'administration genevale
; les matieres premières qui n'y sont pas relatives , et
qui se trouvent dans les magasins de la République ou en
requisition pour son compte , seront mises sans délai en
vente publique et à l'enchere .
Les approvisionnemens de la République se feront, autant
que possible , par adjudication et aux rabais ."
" V. Les droits d'entree en France sur les marchandises
de premiere nécessité seront provisoirement réduits à la perception
indispensablement nécessaire pour en connaître le
mouvement. Le comité de commerce présentera , sans délai ,
l'état de ces marchandises , et de celles dont la sortie restera
prohibée.
" VI . Il est permis aux citoyens qui ont du numéraire ,"
de l'exporter , à la charge d'en faire rentrer la contrevaleur
en objets de premiere nécessité ; les comités de salut public ,
des finances et de commerce , réunis , proposeront , dans
deux jours , les mesures necessaires pour régler le mode de
ces exportacions , désigner les objets à importer , et prévenir
les abus qui pourraient s'introduire à cet égard .
,, VIL. L'acte de navigation est provisoirement suspendu
jusqu'à ce que les comités de la marine et du commerce
aient présenté leurs vues sur les moyens à employer pour
en rendre l'exécution plus certaine et plus utile.
,, VIII. La Convention nationale enjoint à tous les agens
de la République , à tous les commandans de la force armée ,
aux afficiers civils et militaires , de faire respecter et observer
dans toutes leurs dispositions les traités qui anissent la
( 382 )
France aux puissances neutres de l'ancien continent , et äng
Etats - Unis de l'Amérique . Aucune auteinte ne sera portée
à ces traités . Toutes dispositions qui pourraient leur être contraires
, sont annullées .
IX. Les créanciers des émigrés et de tout individu
frappé de la confiscation des biens , sont déclarés créanciers
directs de l'état.
99 En conséquence , la trésorerie nationale portera , dans
les recettes ordinaires , les sommes provenant des biens des
émigrés .
Sont exceptés les créanciers de ceux qui étaient en
faillite , ou notoirement insolvables à l'époque de la confiscation
. L'état de situation des biens sera constaté par une
enquête sommaire sur la commune renommée .
" Les comités de législation et des finances présenteront
incessamment leurs vues sur la maniere prompte et sûre d'accélérer
cette liquidation , et sur la nature des titres de créance
qui seront admis .
e
" X. Pour rendre promptement à l'agriculture les biens
des émigrés et des condamnés , les mêmes comités présenteront
, saus délai , le moyen de régler avec les parens des
émigrés , la portion qui revient à la République dans les
héritages. Le séquestre mis sur les biens des familles sera levé
immédiatement après le partage , et elles seront mises en
liberté , s'il n'existe d'autres causes de détention .
,, XI . Tout le mobilier des émigrés , appartenant à la
République , sera vendu sans délai ; le comité des finances
proposera le moyen de le réunir pour en faire des vestes
publiques , de la maniere la moins dispendieuse et la plus
utile .
,, XII . Il sera dresse´incessamment , par la commission
des revenus nationaux , un état des biens qu'il est utile de
vendre avec célérité de même que des bâtimens et maisons
men - loués qui surchargent la République de frais , de garde
et de réparations .
,, Le comité des finances présentera ses vues sur les moyens
d'en accélérer l'aliénation , de maniere qu'elle s'éleve à un
milliard dans le courant de l'année .
,, XIII . Le comité des finances fera incessamment un rapport
général sur les lois portant peine de déchéance , envers les
créanciers de la République , afin que la Convention nationale
soit à même de modifier celles qui lui paraîtront trop
rigoureuses .
XIV. La commission , chargée de réviser l'organisation
actuelle du gouvernement , fera incessamment son rapport
sur les moyens d'en assurer la marche , de lui donner toute
l'activité et la force nécessaire , et sur les économies et les
réformes que l'intérêt public et la ponctualité du service
sollicitent , soit dans les commissions administratives , soit
dans les attributions qui leur sont confiées .
( 383 )
PARIS. Nonidi , 29 Nivôse , l'an 3º . de la République.
Un des instrumens dont les agitateurs se sont le plus servi
dans la révolution , ce sont les femmes. On se rappelle avec
quelle constante opiniâtreté elles garnissaient les tribunes des
jacobins , du tribunal révolutionnaire , des sections 9
sociétés fraternelles , et sur- tout de la Convention ; c'était une
nouvelle armec révolutionnaire que l'on faisait mouvoir dans
les grandes occasions . Le zele de ces stipendiaires femelles
s'était beaucoup rallenti depuis que les evenemens du 9 ther
midor avaient fermé la caisse de la commune , et les avaientprivé
des subsides que Robespierre et les siens avaient eu le
secret de mettre à leur disposition . Il y a apparence que de nouvelles
ressources ont réchauffé leur zele , puisqu'on les a vues
affluer de nouveau dans les tribunes de la Con ention , et reprendre
leur ancien rôle. Pour cette fois , l'espérance que les
chefs avaient fondée sur cette milice auxiliaire n'a pas été de
longue durée .
Un grand nombre de jeunes citoyens , également ennemis
des royalistes et des hommes de sang , se sont réunis au
jardin Égalité , et après avoir brûlé l'ouvrage de Lacroix , et
les journaux des partisans de la terreur , ils se sont rendus
dans les tribunes de la Convention , occupées par les amazones
de Robespierre. Là , ils ont prié , avec une politesse pressante
ces dames de vouloir hien leur permettre de partager ag
moins avec elles leurs places et leurs applaudissemens . Le
patriotisme tenace du beau sexe a fait quelques difficultes
de partager avec des patriotes , que ces dames ne connaissaient
pas, le droit égal qu'ont tous les citoyens d'assister aux scances :
mais enfin ces difficultés ont été levées aux instances réitérées
des républicains qui se présentaient ; et depuis ce tems les
séances ont été paisibles et majestueuses , sans offrir aucun
symptôme de ces convulsions que l'esprit de parti avait soin.
de manifester à volonté. Le comité de sûreté generale a
pris des mesures pour maintenir l'ordre et la police dans
les tribunes en y plaçant des officiers de paix qui sont chargés
de faire arrêter tous ceux qui s'y comporteraient d'une maniere
indécente .
Dans la séance du 27 , Ruelle , représentant du peuple près
l'armée de l'Ouest , a annoncé que le décret d'amnistie produisait
les plus heureux effets. Les rebelles ont cessé les hostilités ,
et nous ont rendn tout récemment , et sans aucune négociation ,
les prisonniers qu'ils avaient faits sur nous depuis le 12 bru
maire. Les avant- postes ont fraternisé et crié ensemble vive la
"République Les rebelles nous ont fourni sans qu'on leur en
demandât , des fourages dont nous manquious . Tout promet
enfin que
la guerre de la Vendée sera bientôt terminée .
( 384 )
Richar a donné de nouveaux détails sur la victoire remportée
par l'armée du Nord , et annoncée dans la séance d'hier . L'ennemi
a été poursuivi au - delà de Thiel et d'Elms , par la droite
de l'armée qui avait passée le Waal en face de ses batteries , et
qui a emporté toutes les redoutes à la bayonnette . Nous avons
pris 60 pieces de canon .
t
Il a été fait dans plusieurs communes l'expérience d'une panification
composée de deux tiers de farine de froment et un
tiers de pomme- de- terre ; ou bien d'an tiers de farine de froment
, un tiers de farine de seigle et un tiers de pomme- deterre
. Ces expériences ont parfaitement réussi : il en est résulté
un pain très- blanc , fort nourrissant , et qui se tient long -tems
frais .
Le procédé est simple et facile . On fait cuire dans l'eau
commune la pomme- de- terre , jusqu'à ce qu'elle cede facilement
sous le doigt : on la pele , on l'écrase , et on en forme
une pâte peu liquide • en y mettant une petite quantité
d'eau .
Cette préparation terminée , on pétrit séparément la farine
de froment ou celle de seigle : on joint la pâte de pomme-deterre
on périt de nouveau , et lorsque le mélange est bien
opéré , en forme le pain à l'ordinaire en y ajoutant un peu de
sel , le pain prend un goût plus agréable .
Par cette manipulation , on diminuera d'un tiers la consommation
des grains , et ou aura une nourriture plus économique.
On a fait du pain composé de moitié farine d'orge et moitié
de pomme-de-terre . Ce pain est moins agréable au goût et un
peu rafraichissant .
La culture de la pomme de - terre ne saurait être trop encon
ragée . Elle réussit dans tous les terreins même dans les terres
légeres et sablonnenses . Bien cultivée , elle peut donner deux
récoltes , vers les mois floréal et brumaire ( juin et octobre ,
vieux style ) .
NOUVELLES DES ARMÉES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES.
Devant Roses ; rapport du 28 frimaire.
Depuis quelques jours , les assiégés inquiétaient , plus que
de coutume , les travaux de l'armée française . Le général Sauret
ordonna de leur répondre vivement , et les canoniers seconderent
si bien ses intentions , que les Espagnols furent bientôt
réduits à l'inaction . Avant-hier une bombe tomba dans la citadelle
sur le magasin des liquides , et le consuma entierement .
Une autre bombe écrasa la maison du gouverneur , qui loge aujourd'hui
dans une grotte recouverte d'une énorme quantité de
sacs à terre. On se flatte que Roses angmentera bientôt le
nombre des conquêtes de la République. "
Le chef de l'état-major devant Roses.
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
LES
Es travaux de la Convention nationale acquérang
de jour en jour un nouveau degré d'intérêt par l'importance
des objets dont elle s'occupe les événemens
heureux qui se succedent avec rapidité , & qui sont dus
augouvernement révolutionnaire , une campagne, P'une
des plus mémorables dont les fastes d'un peuple libre
aientjamais fourni l'exemple ; toutes ces considérations
nous ont déterminés à rendre plus frequente la distribusion
de ce Journal.
Ainsi , à compter du mois de Prairial , le Mercure
paraitra reguliérement tous les cinq jours , savoir les
quintidi er decadi , et sera composé de deux feuilles au
moins , souvent de deux feuilles et demie , suivant l'abondance
des matieres.
Par ce nouveau plan , les séances de la Convention
seront plus rapprochées ; les nouvelles étrangeres , celles
des armées et de l'intérieur seront presqu'à jour , au
moyen des post-scriptum qui seront livrés, dès la veille,
è l'impression. Par- là , nous serons pour ainsi dire au
niveau des feuilles du jour dans la plus grande partis
des départemens où le service des postes n'eft pas jour
nalier , et nous conserverons l'avantage de réunir dans
plus grand ensemble les faits , les événemens et les
pieces officielles qui méritent de fixer l'attention.
Nous ne changerons rien d'ailleurs à l'ordonnance de
ce Journal. Les mêmes matieres de politique et de littérature
y seront traitées en continuera d'y rapporter
les séances de la Commune de Paris , de la Société des
Jacobins et les jugemens du Tribunal révolutionnaire.
En faisant connaître les rapports importans du Comité
de falut public , et ceux des autres Comités . nous propagerons
les grands principes de la morale publique qui
forment la base de notre gouvernement républicain.
Le prix de l'abonnement , qui a été jusqu'à présent
de 36 liv. franc de port pour les départemens et pour
Paris , sera désormais de 42 liv. La cherté excessive
du papier et les frais d'impression , plus que doublés ,
nécessitent de notre part , cette augmentation.
On s'adressera, pour souscrire , au Git, GUTH , rue
des Poitevins , n . 18.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères