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1794, 09-11, t. 12, n. 1-12 (26 septembre, 1, 6, 11, 16, 21, 26, 31 octobre, 5, 10, 15, 20 novembre)
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LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
( N°. 1. ) 46
Quintidis Vendemiaire ,
l'an troifième de la République.
( Vendredi 26 Septembre 1794 , vieux fyle. )
MERCURE
FRANÇAIS
,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTÉRAIRE
Le prix de l'Abonnement eft 40 res
franc de port,
CALENDRIER
RÉPUBLICAIN.
VENDEMIAIRE.
I
La Lune de mois a 30 jours. Da I au 30
les jours décr . de som. le mat. & de so m. le foir.
Ere Républicaine.
Ere
(de
HASES
de
Tems moyen
au Midi vrai
Vulgaire L LUNE . H. M, S.
I primedi Tere Décade . 22 landi. 18
2 duodi
23 mardi 19
4.97 32
4.97
$36
3 tridi..
24 merc. 20 4.97 41
4 quartidis. 2eudi. 21 4.97 46
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N. L. 4.97 $ 2 6 fextidi
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30
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MERCURE
FRANÇAIS 2
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES,
Du Quintidi 5 Vendemiaire , l'an troisieme
de la République.
(Vendredi 26 Septembre 1794 , vieux style.
TOME XII.
PUBLIQU
LA
LOL
SE
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
N. 18 .
TABLE des matieres littéraires , depuis le 1er. jusqu'au
21 Septembre 1794 , vieux style..
L'ART militaire pour les troupes de lignes et nationales de la
Republique Française ... page
3.
Annonces de livres nouveaux .
Poésie , Diane surprise par l'Amour .....
5.
33 .
Charade , Enigme et Logogriphe ..
Discours décadaires pour toutes les fêtes républicaines ;
par Poultier , représentant du peuple ..
Annonces de livres nouveaux .
ibid .
$5 .
39.
Les Trans - Teverins ou les Sanculottes du Tibre ,
poëme; par Th. Desorgues . 65.
....
Discours historiquez , critiques et politiques de Thomas
Gordon , sur Tacite et Salluste , trad . de l'anglais ,
nouvelle édition ... 97 .
Poésie , l'Evacuation du territoire français ; par le
citoyen Lacombe ..
129.
La Loi naturelle ou Catéchisme du Citoyen Français ;
par C. E. Volney : 2º . édition ...
3
130.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
( N°. i er
>
1
MERCURE FRANÇAIS .
Du quintidi , 5 VENDEMIAIRE , l'en troisieme de la République.
( Vendredi 26 Septembre 1791 , vieux style . )
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 5 Septembre 1794.
APRÈS avoir appellé et protégé les philosophes dans ses états,
Catherine dans sa vieillesse serait -elle devenne superstitieuse P
On pourrait en juger par le présent magnifique qu'elle vient
de faire au grand chapitre de l'église de Moscow. Ce présent
consiste en un calice d'or , garni de diamans et de pierres précieuses
où se trouvent graves huit sujets de la Bible , et en
trois tapis richement brodés et garais de perles : il y a apparence
que l'impératrice de Russie n'est pas pins superstitieuse ,
qu'elle n'a été véritablement philosophe . Elle caresse aujour
d'hui les prêtres , parce qu'elle connaît l'empire qu'ils ont sur
la crédulité des peuples , et qu'elle sait que le despotisme a
toujours trouvé son plus ferme appui dans le sacerdoce .
Quoique ses conquêtes en Pologue soient peut- être au moment
de lui échapper , elle n'en a pas moins fait paraître un
monument de son orgueil : c'est une médaille frappee à l'occasion
de ses usurpations en Pologne. On veit , d'un côté ,
son buste avec l'inscription russe : L'impératrice et autocratrice de
toutes les Russies . Sur le revers est l'aigle russe tenant les deux
cartes des pays cuvahis en 1772 et 1793 , nommement des
gouvernemens de Mohisow , Plosk , Isiakaw et Minsk , avec
ces mois : Il reprit ce qu'on avait détaché.
Les nouvelles reçues de Pologne ne parlent que de la bonne
posture de l'armée de Kosciuszko . On assure que d'après un
plau , dont on a déja depuis quelque teras remarqué le développement
, ce general se propose de tourner avec un corps
de quarante mille hommes les forces assiégeantes . Celles - ci
se trouveraient ainsi entre ce corps cominaudé par Kosciuszko
lui - même , et le reste de son armee qui continuerait d'occuper
les retranchemens .
En attendant , les armées de diversion continuent à remplir
leur objet avec succès . Le général Sierakowski écrit des frontieres
de Lithuanie , en date du 15 août , qu'il s'est rendu avec
la division qu'll commaude du côte de Brozés ; qu'elle est
journellement augmentée par la grande affluence d'individus de
A 2
( 4 )
tous états qui viennent s'enrôler . Le seul district de Lukow et
le palatinat de Podlachie ont fourni plus de dix mille hommes ,
parmi lesquels se trouvent quinze cents hommes de cavalerie
bien montée et trois mille fautassins armes de fusils . Sicrakowski
termine en disant qu'il va monter à cheval pour poursuivre
le corps russe commandé par Dorfeld .
On mande de Soldau en Silésie , le 20 août , que cette
frontiere ne cesse d'être exposée aux invasions des Polonais ,
enhardis chaque jour par leurs nouveaux succès . Cette ville
ne présente plus que des ruines et des cendres . Une partie
de celle de Niederhoff est dans la même situation : le château
où siégeait le gouvernement a sur- tout été très - maltraité . Depuis
on a appris que , dans la même nuit où Niederhoff fut ,
incendié , la ville de Laurenbourg a failli éprouver un sort
pareil . Le feu y était déja ; mais l'on est parvenu à arrêter ses
progrès . Dans presque tontes les villes et les villages , les habitans
se couchent , par précaution , dans les cours et les jar
dins ils ont organisé une sorte de garde. Toutes les troupes
se trouvent employées au siége de Varsovie ; ainsi la cavalerie
polonaise ne peut être arrêtée dans ses incursions : elle se
montre la nuit , portant par tout les flammes et la terreur.
Des nouvelles du 24 , de la Prusse méridionale , annoncent
qu'une nouvelle division de Polonais vient de faire une invasion
dans cette contrée , dans les environs de Trembin , qui
est à deux lieues de Gombin . Par- là toute communication de
ce côté avec la Pologue se trouve interdite .
Une nouvelle confédération est prête à se former dans la
Prusse méridionale . Quoique l'armée commandée par Madalinski
n'ait pu encore effectuer sa jonction avec les nouveaux
insurgés , les inquiétudes de Frédéric Guillaume sont néanmoins
telles , que le reste de la garnison de Berlin a reçu
l'ordre de partir pour aller renforcer celle de Francfort - sur-
' Oder , qui se trouve menacée par les troupes polonaises .
A chaque instant les Polonais embusqués dans les forêts
sortent de ces retraites , et font des incursions dans les envirous.
Le régiment de Hollved infanterie et une division considérable
de cavalerie ont été détachés pour tenter de les
déloger.
On apprend par des nouvelles ultérieures du 28 , que deux
couriers suédois , chargés de dépêches pour le ministre de leur
nation à Varsovie , ont été arrêtés près le camp du roi de Prusse,
et forcés de retourner sur leurs pas . Frédéric Guillaume a
donné pour motif, que leur présence ne servirait qu'à animer
encore plus le courage des assiégés .
·
Dans le moment actuel , un parti polonais menace Thorn ,
tandis qu'un autre plus considérable , et principalement composé
de cavalerie , tourne autour de Francfort-sur-l'Oder .
F
( 5 )
F
De Francfort- sur- le-Mein , le 9 septembre.
Le traité entre l'Angleterre et l'Empire a été plus facile à
conclure qu'il ne le sera à exécuter. En s'engageant à fournir
100,000 hommes , moyennant un subside de 80 millions
d'écus d'Allemagne , l'empereur n'a consulté que ses besoins ;
mais où trouver les 100,000 hommes ? Cobourg a'a quitté le
commandement de la grande armée que parce qu'on n'a pu
lui envoyer les renforts qu'il a vainement sollicités . L'Autriche
et les autres états héréditaires sont entierement épuisés
d'hommes par- tout le peuple murmure coutre la guerre , et
il s'est manifesté des dispositions insurrectionnelles eu Hongrie.
On apprend de Vienne , du 28 août , que les arrestations
continuent , et qu'il y est question d'une conspiration sérieuse .
Parmi les personnes arrétées , on distingue le conseiller Pran
staster qui s'est fait un nom dans les lettres ; on répand qu'il
était désigné pour être maire de Vienne , d'après le plan de
la conjuration que le gouvernement prétend avoir découvert .
La gainison de cette ville a été renforcée par un régiment
d'hussards et un d'infauterie . L'on répare les portes pour pouvoir
les fermer pendant la nuit. Une des dernieres nuits , une
sentinelle placée au milieu de la ville voyant marcher un individu
, lui cria de s'arrêter ; celui - ci ne l'ayant pas fait fut surle-
champ étendu mort d'un coup de fusil .
L'empereur presse vivement les cercles de porter leur contingent
au quintuple ; mais des nouvelles de Ratisbonne , en date
du 3 septembre , portent que la plupart des princes et d'es
cercles refusent ouvertement ou éludent de fournir leur contingent
à l'armée de l'Empire . Cette force demandée depuis
si long- tems par l'empereur , est bien loin d'être encore formée
; et Saxe- Teschen qui doit les commander , presse en
vain les princes de faire cesser leur retard ou leur refus. Il
a existé entr'autres à ce sujet une correspondance entre lui
et l'assemblée du cercle de Franconie , qui n'a point amené
un résultat qui pût le satisfaire . Saxe - Teschen a demandé à
`connaître le nombre des habitans aimés , les noms de lears
chefs ; il a requis que ses troupes fusseut mises immédiate .
ment sous ses ordies , pour en diriger le mouvement , selon
l'urgence des besoins . A toutes ces demandes l'assemblee a
répondu d'une maniere évasive . Elle a prétendu que l'armement
du peuple dans ce cercle éloigné n'était encore qu'une
mesure préparatoire , sujette à une communication réciproque
avec les voisins , et surtout relative à la défense de l'inté
rieur. Elle a ajouté que ces arrangemens devant être analogues
au tout , étaient exclusivement du ressort de chaque état en
particulier , tandis que les moyens de rapprocher et de concentrer
les différentes mesures , appartenaieut à l'assemblée
du cercle , et faisaient l'objet de sa correspondance avec les
A 3
( 6 )
autres que l'ouvrage n'était pas encore achevé , mais qu'on
aurait soin de s'entendre avec Saxe - Teschen , et qu'en attendant
on s'empresserait de faire part aux états de sa lettre .
Le contingent de l'électorat de Brandebourg a été également
sollicité avec instance ; tous les motifs qu'on présumait pouvoir
agir sur le roi de Prusse ont été mis en avant. On a
parlé des liens du corps Germanique , des lois ancieunes et
modernes , de l'ordre d'exécution , des décrets récents de la
diete , de la part active prise jusqu'ici par lui à la guerre , de
la force de son exemple , de l'urgence du danger. Frédéric-
Guillaume n'a donné qu'un refus positif. Il a formellement
déclaré qu'il ne s'attendait pas à ces représentations ; qu'il
avait fait des sacrifices qui surpassent de beaucoup les frais
d'un contingent , et s'est étendu en reproches sur le défaut
de remboursement des dépenses que lui ont coûté la reprise
de Francfort et de Mayence . Il a représenté qu'il n'y avait
point d'armée de l'Empire ; car le pen de contingent mis en
campagne ne pouvait avoir cette dénomination . La guerre de
Pologne , suscitée selon lui par les Français , acheve de le dis
penser. I croit faire beaucoup en consentant encore que ces
levécs soient rachetées en argent . Ses états étant nienacés
, il se trouve dans la position du grand électeur , qui ,
combattant en 1675 , l'ennemi sur les bords du Rhin , fut
subitement rappelle pour s'opposer à l'invasion suédoise ,
excitée par l'ennemi de l'Empire ; et loin de fournir son contingent
, a demandé au contraire à être indemnisé .
On a reçu de Belgrade la fâcheuse nouvelle que la peste
venait de s'y manifester . On redoute beaucoup que ce fléau
ne se communique aux états héréditaires , qui font un grand
commerce de coton avec les contrées soumises à la domination
turque.
La récolte en Hongrie a presqu'entiérement manqué , à cause
des chaleurs excessives qui ont eu lieu cet été .
Le gouvernement tjent toujours des forces nombreuses dans
ce royaume sur la frontiere des Ottomans . Il y a de fortes garnisons
dans les places. Celle de Temeswar a trois bataillons
d'infanterie , deux divisions de milice , un fort détachement
de cavalerie , et l'artillerie nécessaire pour la défendre en cas
d'insulte .
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
Les derniers avis reçus de Hollande annoncent que les
alarmes du gouvernemen ne font que s'accroître. A la crainte
du succès de l'invasion des Français se joint celle d'une insurrection
de la part d'une portion considérable du peuple . Dans
la province de Hollande , non- seulement un grand nombre de
( 7 )
citoyens , mais des magistrats et des hommes revêtus des premieres
fonctions , semblent animés de l'esprit révolutionnaire .
Daus beaucoup de lieux , le recrutement déterminé d'après le
mode proposé par le statdhouder a éprouvé la plus vive difficulté
; dans plusieurs , il a été entiérement refusé . A Gouda ,
on a été jusqu'à refuser d'abord de recevoir les blessés amenés
de l'armée ; ce n'est qu'après plusieurs pourparlers qu'on leur
a donné un asyle .
Clairfait a refusé le commandement en chef qn'a quitté
Cobourg . Il a été donné à l'archiduc Charles. Les princes
sont présomptueux , et se chargent volontiers des responsabilités
, parce qu'elles sont illusoires . Cependant l'archiduc
n'est dans le vrai qu'un général en chef honoraire ; il a sous
ses ordres Clairfait , Beaulieu , Latour et le colonel Mack qui
doivent lui servir de conseil . Les équipages de Cobourg viennent
d'être vendas publiquement à Aix- la- Chapelle .
Le 14 septembre , l'armée commandée par le général Pichegru ,
s'est portée avec rapidité vers la riviere de la Dommel , où la
gauche de l'armée coalisée , composée de Hollandais et de
Hessois , se trouvait postée . Ce fut vers le soir du même jour ,
que les Républicains attaquerent l'ennemi sur plusieurs points
à la fois avec une telle intrépidité , qu'ils le chargerent la
bayonnette au bout du fusil , et qu'ils le culbuterent jusques
sous les murs de Bois - le Duc ; la perte des Hollandais et Hessois
a été immense , et celle des Français a été presque nulle . A
Ja suite de cette action glorieuse , le général Pichegru a coupé
la cummunication de Bois - le-Duc , avec la position du reste de
l'armée du prince d'Orange , et par cette manoeuvre habile il
est parvenu à cerner cette place . Au moyen de cette dispositiou
, Breda se trouve également investi , d'autant que les forces
de l'ennemi sont entre Heusden et Gertruidemberg . Cependant
les Anglais connaissant l'importance du poste de Roxiel , qui
leur a été enlevé avant -hier à la bayonnotte , ont fait hier matin
une tentative pour le reprendre , et qui n'a eu aucun succès :
l'ennemi s'est avance en colonne formidable au moment même
où les Républicains Français allaient faire une reconnaissance .
Il s'est engagé un combat très - vif , où les Anglais , malgré tous
leurs efforts , ont été repoussés avec perte .
Le siège du Sas - de - Gand se continue avec vivacité ; cette
place est très -forte , non - seulement pas sa situation sur la rive
de l'Escaut , mais encore par la difficulté d'en approcher au
milieu des dunes et des inondations . Ces obstacles ne ralentissent
point l'ardeur des Français ; ils ne fout au contraire que
l'animer davantage : le feu est quelquefois si fort qu'on l'entend
jusques dans cette ville lorsque le vent n'est point contraile.
Les représentans viennent de mettre en raquisition toutes
les toiles propres à faire des sacs à terre , dont on aura besoin
A 4
( 8 )
pour l'attaque des places, fortes qui défendent l'intérieur de la
Hollande.
ANGLETERRE . De Londres , le 4 Septembre,
Le peuple s'est encore assemblé en grand nombre dans la
matinée du 24 , aux environs de Boston - Garden . On a fait
monter à cheval de la cavalerie , et ce rassemblement n'a eu
aucune suite . Un papier ministériel annonce qu'on a mandé
en cette ville quatre régimens de dragons depuis, les derniers
événemens causés par l'indignation du peuple contre les recruteurs
.
 .
Le duc de Portland , secrétaire d'état , ou plutôt secrétaire
de M, Dundas , vient d'envoyer une lettre circulaire dans plusieurs
paroisses de Westminster . Il les engage à prendre ellesmêmes
des mesurés pour prévenir toute espece d'émeute dans
leurs arrondissemens . Le meilleur moyen pour parvenir à ce
but , selon les papiers de l'opposition , est de faire cesser l'antorisation
sacrilege donnée aux maisons de recruteurs , que
d'après leurs procédes le peuple , dans sa juste indignation ,
appelle vendeurs de chair humaine.
Des lettres de Dublin apprennent qu'il y a eu des mouvemens
dans le comté de Kildare. Le peuple déteste l'établissement
actuel de la milice ; il a voulu forcer plusieurs personnes
de jurer qu'elles n'accepteraient point de commission , et ne
feraient rien qui pût le faire réussir. On s'est donné beaucoup
de soin pour calmer le peuple , et il paraît tranquille pour le
moment.
On mande de Weymouth que , le 22 , vers neuf heures du
matin , on a fait à Southampton un signal anuonçant qu'on
découvrait une flotte qu'on supposait être française . Les dragons
et l'infanterie qui sont sur le rivage repondirent bientôt
ace signal ; l'alerte fut aussi-tôt donnée ; toutes les troupes se
mirent sur pied : elles y demeurerent long- tems , après quoi
elles rentrerent dans leur camp à Upway.
L'amiral Macbride , qui était depuis quelque tems rentré à
Plimouth à la suite d'une croisiere , vient d'en sortir de nouveau
pour le même objet. Il monte le Minotaure , de 74 canons
et a avec lui cinq fregates .
Le 24 , le reste de la flotte de lord Howe a quitté Portsmouth
pour se rendre à Saint- Helens , où elle attend le vent . On dit
que 48 heures après qu'elle aura mis à la voile , l'escadre espaguole
et les bâtimens marchands chargés de grains qu'elle
escorte mettront eux-mêmes à la voile pour l'Espagne . Ce
convoi a attendu très- long-tems , et l'on pense qu'une partie
de sa cargaison doit être endommagée .
Les papiers ministériels tâchent de détourner l'attention du
( 9 )
public sur le nouveau traité , conclu par lord Spencer , entre
l'Angleterre et l'Autriche , que l'on voudrait faire regarder
comme fabuleux , apparemment parce qu'on ne trouve pas le
moment assez favorable pour avouer le subside exorbitant de
80 millions envers l'empereur .
On aunonce que lord Cornwalis va être employé sur le
continent.
Lord Hood et les amiraux Hothem et Cosby doivent revenir
en Angleterre. Ce sera sir Hyden- Parker qui aura le commandement
en chef de l'escadre britannique dans la Méditerranée.
La grande forte de l'amiral Howe , que les papiers ministé
riels avaient fait mettre à la voile le 19 , était encore à Saint-
Helene le 31 août.
Un incendie a consumé dans le port de Portsmouth 'Impétueux
, vaisseau français de 74 canons , pris par l'amiral Howe.
Des prisonniers Français qui se trouvaient dans le château de
Porchester , se mirent à crier , Vive la République ! à la vue des
flammes , et chanterent toute la nuit ça ira et l'hymne des
Marseillais .
Suite de la relation de l'ambassade de lord Macartney à la Chine.
" La Chine est equpée d'une grande quantité de larges canaux
en droite ligne. Ces canaux sont l'ouvrage , de plusieurs
siecles . Ils ne sont point susceptibles d'être dégradés par les eaux ,
parce qu'en général ils sont revêtus de pierre de taille ou de mar
bre. Les chaussées qui sont élevées de chaque côte sont pavées de
même. Les grands canaux déchargent leurs eaux dans de plus petits
, et ceux- ci se subdivisent encore en une infinité d'autres moindres
ramifications qui traversent toutes les plaines et conduisent
à des villes et même à des villages . D'espace en espace on
trouve des ponts de trois , cinq ou sept arches. Ce qu'on appelle
le Grand- Canal on Canal impérial , traverse tout l'empire
depuis Canton jusqu'à Pekin . On peut aller de cette der
niere ville à Macao , c'est - à -dire à une distance de près de boo
lieues , et n'avoir qu'une journée de terre qu'il faut faire pour
traverser la montague qui sépare les provinces de Klangsi et
de Canton ; aussi la maniere la plus commune de voyager est
par eau. Elle est d'autant plus agréable , que le voyageur a son
lit et toutes les autres commodités de la vie comme daus sa propre
maison . C'est celle à laquelle les mandarins et tous les por
teurs d'ordres de la cour donnent la préference.
? Les barques dont ils se servent dans cette occasion sont
fournies et équipées par l'empereur. Elles sont de la grandear
d'un vaisseau de guerre du troisieme rang. Il y en a de trois
sortes ; mais toute de la plus grande propreté car elles sont
peintes , dorées , ornées de figures , et vernissées en dedans et
en dehors . Elles sont plates et carrées , excep é vers l'avant:
qui s'arrondit un peu . Le patron du bâtiment a pour lui et sa.
famille une cabane , une cuisine et deux grandes chambres ,
( 10 )
l'ene en avant , l'autre en arriere . L'appartement du mandarin
est composé d'un anti - chambre , de trois autres chambres également
ornées , et d'une espece de petit cabinet retiré , mais
fort simple . Elles sont toutes , au même pont , vernissées de
blanc et d'un superbe rouge ; les côtés et le ciel sont décorés
de sculptures , peintures et dorures ; le sallon a des fenêtres de
chaque côté , qui peuvent s'ôter au besoin ; des pacres trèsminces
, ou de fines étoffes servent de vitres ; ces dernieres sont
embellies de fleurs , d'arbres et de différentes figures , et ointes
avec une espéce de cire , pour augmenter leur transparence .
Le pont est environné de galeries qui donnent la facilité aux
matelots d'aller et de venir sans incommoder les passagers . Audessus
du principal appartement est une plate- forme où sont
ordinairement cinq ou six musiciens dont l'harmonie ne peut
plaire qu'à des oreilles chinoises . Leurs voiles sont faites de
nattes qui forment plusieurs carrés oblongs ; elles se plient
comme un éventail , et tiennent fort peu de place . Les Chinois
prétendent qu'elles sont plus propres que toute autre à serrer
le vent .
•
Parmi les barques qui sont à la suite des grands mandarins ,
il y en a toujours une au moins qui sert de cuisine et à porter
toutes les provisions . Une autre est remplie de soldats ; une
troisieme , petite et legere , peut être regardée comme un aviso ,
parce que sa fonction est d'aller en avant pour instruire de
l'arrivée du mandarin et faire tout préparer pour sa réception .
Outre les voiles , elles ont des rames et sont même , en cas
de nécessité , tirées à la cordella des hommes par c
sique le . district
fournit. Une garde placée de lieue en lieue le long du
canal est chargée de faire les signaux . De jour , ils se servent
à cet effet de feuilles et de branches de pin qu'ils font brûler
dans des étuves , et dont la fumée monte à une hauteur considérable
. Pendant la nuit , elle est remplacée par le bruit d'un
petit canon. Quand le mandarin approche , les soldats se rangent
au bord de l'eau ; et tandis qu'un d'eux déploie un drapeau
, les autres lui présentent les armes . Si la barque porte
un envoyé , quatre lanternes sont hissées à la poupe et à la
proue avec ces mots : le grand envoyé de la cour . Ces lanternes
sont accompagnées de pavillons et de flammes de différentes
couleurs .
Dans presque toutes les villes de la Chine , on trouve des
monumens érigés à la mémoire de leurs héros et de ceux qui
ont rendu des services essentiels à leur patrie : les femmes participent
aussi à cet honneur . Ces monumens sont ordinairement
des arcs de triomphe . Il y en a beaucoup de très - médiocres
; mais plusieurs méritent attention . Communément ils
sout composés de trois arcades , dont l'une est plus grande .
Les piliers sont carrés et d une seule pierre ; l'entablement a
trois ou quatre faces sans moulures , ni projection , ni corniches
; un toît d'une forme si singuliere , que sa description
( 11 )
n'en donnerait aucune idée aux européens , termine ces monumens
qui sont tous construits à- peu-près sur le même modele
et ne different que par la grandeur . Les pierres sont
unies ensemble par des tenons et des mortaises , comme si
c'était du bois . Ces arcs de triomphe qui ont rarement plus
de vingt pieds , sont ornés de figures d'hommes , d'oiseaux
et de fleurs médiocrement sculptées . Le relief en est si grand ,
qu'on pourrait les prendre pour des ouvrages séparés .
Toutes les villes chinoises sent environnées de murailles si
hautes qu'on n'apperçoit point au- dehors les maisons qui sont
d'ailleurs fort basses . Les murailles sont si larges qu'on peut
se promener à cheval sur leur sommet . Celles de Pék n peuvent
avoir 40 pieds de haut. Quant aux portes de la ville ,
quoiqu'elles ne soient point décorées de bas - relief ,
les autres édifices publics , elles ont une plus grande apparence
par l'épaisseur , la force et la prodigieuse hauteur de leurs
arcades et des deux pavillons qui les surmontent.
"
comme
Parmi les oiseaux de la Chine , nos voyageurs en ont
remarqué un principalement pour son milité. Son nom
dans la langue du pays , repond à celui de pêcheur, qu'il
mérite réellement . Un couple de ces oiscaux bien dressés ,
suffit pour entretenir un homme et toute sa famille . Ils vont
le long des rivieres et des lacs et s'emparent de leur proie
avec beaucoup d'adresse et de promptitude ; ils mettent même
beaucoup de discernement dans leur choix , et ne prennent
de petits poissons que lorsqu'il ne leur est pas possible d'en
trouver de gros . Si l'un deux attaque un poisson dont la
grandeur, soit au-dessus de ses forces , sou camarade vient
à son secours , et tous deux volant vers lui avec la même ,
précision que s'ils étoient attelés ensemble , l'un le prend
par la tête , l'autre par la quente , et ils emportent leur
butin de concert. Tout ce qu'ils prennent est fidelement :
rapporté par eux à leur maitre.
Ces oiseaux , l'aloès de la Chine et l'arbre de suif suffiraient
seuls pour rendre cet empire le canton de la terre
le plus privilegié . L'aloès qui est un arbre fort différent de
celui que nous connaissons , est de la hauteur et de la figure
d'un olivier , Il renferme sous son écorce trois sortes de bois :
l'un noir et compact , appelé bois d'aigle ; le second , léger
comme du bois pourri , est nommé calemboue , et le troisieme
, qui est le bois de calemba , est aux Indes même aussi
cher que l'or , parce qu'il est un cordial excellent dans l'épuisement
et la paralysie , et que son odeur est exquise . Les
feuilles servent de plats et d'assiettes et à couvrir les maisons :
leurs fibres se alent comme le chanvre , et les épines des
arbres font des clons , des dards et des alênes ; enfin , si l'on
en arrache les boutons , il en coule une liqueur vineuse et
sucrée qui se change en bon vinaigre , et le bois des branches
, qui est bon à manger , a le goût d'un citron confit . Lest›
Chinois font de très-bonnes chandelles avec l'arbre à suif.
( 12 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BERNARD de Saintes ) .
Séance de la 2e . Sanculotide.
Les citoyens d'Arvault , département des Deux Sevres , écri
went qu'ils ont la certitude que le projet de l'hypocrite Robespierre
avait des ramifications qui s'étendaient jusques dans
Ja Vendée ; ils fondent leur certitude sur ce que les femmes
égarées , et échappées des mains des brigands , ont rapporté ,
le 19 thermidor ,, que ce repaire de royalistes avait été consterné
en apprenant la chûte de l'infâme Robespierre et de ses complices
, et sur ce qu'elles ont confirmés les bruits déja répandus
que les rebelles disaient hautement qu'il y avait déja un
roi à Paris , et qu'il y serait bientôt proclamé . Ils terminent
par annoncer que la société populaire s'occupe de la rédaction
d'un mémoire où elle exposera dans son plus grand jour le
tableau d'horreurs et d'atrocités qu'a entraînés la guerre de
la Vendée , et où elle dira la vérité toute nue sur les abus qui
existent dans les différentes branches d'administration , tant
civile que militaire , et dont les vrais patriotes sont journellement
les victimes. Insertion au bulletin , et renvoi au
comité.
-
V
La société populaire et le conseil général de Boulogne - surmer
envoient deux adresses dans lesquelles ils dénoncent la
société des Jacobins de Paris .
Cambon , au nom du comité des finances , fait rendre deux
décrets , dont l'un déclare que la République Française ne paie
plus les frais , ni les salaires d'aucun culte , et regle le paiement
des pensions dites ecclésiastiques ; et l'autre porte , qu'attendu
que la délivrance des inscriptions définitives n'est pas
terminée , le paiement du second semestre de la presente année
ne sera ouvert pour les créanciers de la République que le
1er. brumaire prochain .
Isoré présente des observations étendues et intéressantes sur
quelques inconvéniens de la loi du maximum , relativement aux
marchandises fabriquées , dont il propose l'abolition . L'Assemblée
en ordonne l'impression et l'ajournement.
La société populaire de Tavargues , département de l'Ardêche
, écrit que les brigands ont voulu former dans ce pays
une nouvelle Vendée , et ont tente de s'emparer du château
d'Alais le complot a été découvert ; quatre des principaux
chefs ont été arrêtés ; de ce nombre est Dominique Allier ,
13 )
qui au nom de Louis XVII invitait tous les scélérats , ses pareils,
à prendre les armes . On a arrêté aussi une espece de Catherine
Theos qui jouait le rôle de prophetesse dans cette conjuration
: La garde nationale de Joyeuse a contribué à ces
arrestations.
La dénonciation de ces faits donne lieu à différentes propositions.
Borie en attribue la cause aux prêtres fanatiques qui se sont
retirés dans les montagnes , où ils obsedent le peuple , et aux
ex -nobles qui sont restés fonctionnaires publics . Il demaude
la déportation des uns et l'exclusion des autres .
Jourdan de la Nievre se récrie sur ce que le rejetton de
Capet soit encore un poiut de ralliement , et devienne un prétexte
aux méchans , aux conspirateurs. Sans doute , dit -il ,
il existe encore des complots , lorsque nous voyons des
hommes prêcher dans les rues , et afficher sur les murs de
Paris , l'insurrection contre la représentation nationale . Je
demande que les comités fassent un rapport sur les membres
de la Convention , tel que chacun puisse dire après : voilà
les hommes qui méritent notre confiance ; voilà ceux qui en
sont indignes . ( On murmure ) N'a - t- on pas dit hier ,
Jacobins , qu'il y avait dans la Convention plusieurs députés
indignes d'y sieger ? ( plusieurs voix , c'est Vadier . ) Qu'il
monte à la tribune , et qu'il les nomme ......... Je demande ,
enfin , que les comités s'occupent de présenter des mesures
telles , que la famille capétienue ne puisse plus nous inquiéter
à l'avenir
aux
Massieu , qui a assisté à la séance des Jacobins , y a.
entendu , il est vrai , énoncer des opinions qui sont celles
d'un membre , et non de la société , qui n'a pas d'autre
intention que de se tenir toujours étroitement
liée à la
Convention .
Duhem appuie l'observation de Jourdan , quant au point de
ralliement des royalistes . Il demande que les comités s'occupent
donc de la question de savoir si l'on ne doit pas
vomir hors du territoire de la France , non seulement ces
rejettons , mais encore toute cette famille infernale des Capet ,
et tous ceux qui y adherent . -Toutes ces propositions ont
été renvoyées aux comités de salut public et de sûreté générale .
Séance de la 3e . sanculottide.
Delmas , au nom du comité de salut public , fait lecture
des pieces officielles qui confirment l'avantage remporté par
l'armée du Nord , sur les coalisés commandés par le due
d'Yorck , et annoncé deux jours auparavant par le télégraphe .
2º. De celles qui instruisent la Convention d'un autre avantage
sur les Espagnols , par l'armée des Pyrénées occidentales.
( Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention décrete que ces deux armées ont bien mé
( 14 )
rité de la patrie , ordonne l'insertion au bulletin des noms
de 30 hussards qui ont fait poser les armes à deux bataillons
hessois , accorde le grade de capitaine au citoyen Juge , souslieutenant
au Se . régiment de hussards , qui a eu le poignet
cassé à l'affaire du 28 fructidor.
Garnier , de Saintes , dénonce ce qui s'est passé la veille ,
au palais de l'Egalité , qui redevient le Palais -royal. On y a
vu des êtres insolens qui outrageaient impunément les patriotes
, et sur- tout ceux qu'ils pouvaient soupçonner être
Jacobins . Plusieurs de ses collegues y sont allés pour juger
ce mouvement ; ils ont reconnu qu'il était contre- révolution
naire et royaliste ....... La convention saura ne pas se laisser
surprendre par le prétendu mot d'ordre de vive la Convention .
Il demande que le comité de sûreté générale fasse un rapport
sur cet objet.
Il est tems , dit Dubois Crancé , que la Convention se
prononce , et qu'elle ne devienne pas le centre des fluctuations
que quelques brigands , couverts de crimes , et qui ont pillé la
Republique , cherchent à y exciter. ( On applaudit. ) Oui ,
sans doute , il y a deux partis dans Paris ; l'un est composé
de tous ceux qui aiment la liberté , qui se rallient autour de
la Convention ; l'autre , de tous ces hommes pervers qui ont
servi le despotisme de Robespierre , qui ont trempé leurs
mains dans le sang , qui ont fouillé dans le tang. ( On applaudit.
C'est particulierement dans les anciens comités
révolutionnaires que vous trouverez des conspirateurs contre
la patric. En vain se sont-ils couverts d'un masque de patriotisme
; la Convention finira par le leur arracher . ( Nouveaux
applaudissemens . ) Toute la France vous a remerciés de la
journie du 9 thermidor ; la France entière vous dit : Soyons
nis , et nous sommes sauves . Le peuple veut la justice et non
la terreur. Nous avons combattu long- tems avec toute l'énergie
révolutionnaire , lorsqu'il a fallu abaure la monarchie , le
fédéralisme et les factions. Aujourd'hui , devons- nous être ce
que nous étious ? Oui , en principes ; mais en action , noa . Il
Fant de l'énergie pour conquérir la liberté , pour la conserver ,
il fut de la sagesse . Ce n'eft pas en portant le désespoir dans
les familles ; ce n'eft pas en faisant , comme quelques hommes
revêtus de la confiance des Robespierre et de Couthon , plus
d'aristocrates en un jour que la révolution en cinq années de
crises politiques , qu'on peut conserver la liberte . ( On applaudit
. )
" On parle de ce qui s'est passé hier au ci - devant Palais-
Royal. Eh bien , je suis qu'il y avait dans ce lieu deux partis
dont l'un criait : Vive les Jacobins ! et l'autre , vive la Convention !
la saile retentit d'applaudissemens. (Toute l'Assemble et les
spectateurs se levent en criant : Vive la Convention !
" Je suis allé hier me delasser à l'Opéra ; on y a chanté
un couplet dans lequel on disait : Les Jacobins abattront les
marais , les Pitt et les Cobourg. Il a été redemandé , répété ,
( 15 )
et vivement applaudi par une troupe de brigands et dé scélérats
.
Citoyens , ne vous endormez point... ? Il y a des hommes
qui disent : Nous triompherons , et ce ne sera pas iong. On entned
partout des menaces atroces ; partout on voit des fermens de
guerre civile. On rencontre des hommes qui ont reçu des cartes
des comités révolutionnaires , ou qui ont fui leurs départements
pour éviter la peine due à leurs crimes
" Il est tens , encore une fois , que la Convention se
prononce. Il y a huit jours que j'ai demandé la parole pour
une motion d'ordre ; si la Convention veut me l'accorder ,
je lui présenterai quelques vues qui pou : ront contribuer à
l'éclairer sur les mesures à prendre pour soutenir à flot le
vai sau de la Républiqne , et l'empêcher d'être englouti
par les orages soulevés par les brigands .
99
La Convention accorde la parole à Dubois - Crancé .
Celui- ci , jettant un coup d'oeil rapide sur le passé , parcourt
les différentes agitations qui se sont opposées au bonheur de
26 millions de Français.
Le peuple , dit-il , n'a jamais été égaré , mais on l'a
souve at cruellement trompé.
" Voyez au milieu des intrigues du royalisme et de l'aristocratie
combien de factieux ont pris le masque de la
popularité
pour faire tourner à leur profit la révolution . Depuis 5
ans , quoique nous ayons pissé de l'état monarchique au républicanisme
, le gouvernement n'a pas cessé d'être dans l'anarchie
; le peuple seul est resté fixe dans sa conduite comme
dans ses principes.
" Voulez -vous approfondir les motifs de cette anarchie ?
Oui sans doute , car ce n'est qu'en la détruisant que vous
pourrez espérer de consolider la révolution ; c'est que jusqu'ici
dans cette Assemblée un petit nombre d'hommes a
gouverne ; c'est que des intrigans des orgueilleux , investis
de la confiance populaire , seuls dans leurs intentions criminelles
, mais puissans par les divisions qu'ils avaient l'art de
nourrir parmi vous , établissaient dans votre sein leur empire
absolu , sous prétexte de fictions imaginaires dont chacun
de nous craignait d'être atteint .
" C'est qu'il y a eu des hommes dans cette Assemblée ,
dont le patriotisme feint exagerait tous nos dangers ; et d'autres
qui , les oreilles toujours frappées d'expressions méprisables
à leur égard , perdaient leur energie , et redoutaient de se livrer
à la discussion d'une mesure que leur conscience repoussait ,
dans la crainte de passer pour aristocrates .
" Voilà ce qui a fait pendant 6 mois de Robespierre un
tyran ; voilà ce qquuii aa ffaaiitt passer la loi du 22 prairial , et livré
la France aux brigands .
" Votre marche est donc tracée par l'expérience : rendez
au gouvernement cet ensemble , cette unité d'action , qui',
( 16 )
tendant au même but , ne peut plus fournir qu'une opinion .
Placez d'une main ferme at vigoureuse le niveau de la loi sur
toutes les têtes , et la France est sauvée.
95
Il s'adresse ensuite à la montagne sainte qui a fait son devoir
, mais qui a payé aussi son tribut à l'humanité ...... Rendons
- nous une justice naturelle , et puisque tous ensemble
nous avons monté à la brêche contre la tyrannic , que nos bras
resteat levés et tombent ensemble pour anéantir les débris de
ces passions méprisables qui déchireraient la France en nous
deshonorant...... Prenons garde que tel , qui dans une société ,
dans un groupe , fait aujourd'hui l'enragé , fut au commencement
de la révolution beaucoup trop modéré , et qu'il pouvait
bien être encore , sous un masque différent ce qu'il fut jusqu'à
ce moment, l'ennemi juré de la liberté et des intérets du peuple .
Prenons garde à ces hommes sans moeurs , qui voient l'aristocratie
partout où ils ne reconnaissent pas leurs vices , et qui
servent mieux M. Pitt que toutes les armées de l'Europe ,
puisqu'ils placent la gangrêne autour de la France , dont ils
dévorent la substance et détruisent les ressources . "
Portant ensuite ses regards sur l'état actuel du commerce
et de l'industrie , il prouve que dans toutes les principales
viles ils ont été par-tout vexés , poursuivis et ruinés . La
fortune d'un million d'hommes en France , nourrit l'industrie
de 25 autres : anéantissez les ressources de ce million d'hommes
, et la contre - révolution est faite . Voilà le systême de
de M. Pitt. Reconnaissez les satellites aux moyens d'exécution
. Le commerce que l'on vous a fait faire jusqu'à présent
est affreux . C'était à un tribunal de sang que se faisaient les
encheres , et l'exécuteur concluait le marché à la place de
la révolution....... Voyez dans quel abyme , sous prétexte
de l'intérêt public , l'innocence était plongée . Cherchait - on
à fuir un tribunal féroce , on était mis hors de la loi ; osaiton
comparaître , on se trouvait enveloppé dans une conspiration
de prison . Il n'y avait donc aucune victime qui put
sortir des serres de la tyrannie , autrement qu'en lambeaux .
Je sens que ces tableaux sont déchirans ; mais il faut
enfin arracher le voile qui couvre tant de forfaits ; il faut
répondre à ces adresses insensées , où quelques hommes de
sang , non contens des lois que vous avez faites contre les
ennemis de la liberté , provoquent le rétablissement d'un
arbitraire aussi injuste que cruel , et dont ils voudraient
encore disposer au gré de leurs dévorantes passions ; il faut
que ceux qui crient sans cesse à l'aristocratie , sans parler
de brigandage , et qui n'ont cependant que de bonnes intentions
, sachent bien aussi qu'il n'est pas moins important de
repasser tous les maux qu'ont faits la compression universelle ,
la fureur des destructions et la rage du puritanisme ; il faut
enfin que ceux qui sont scélérats soient bien convaincus que
le systême exécrable qu'ils poursuivaient est détruit , et que
de
( 17 )
de la même main vous frapperez les aristocrates et les brigands';
mais que vous tendrez une main protectrice à tout ce qui ne
sera pas criminel .
naire
Il termine par un projet de décret tendant à maintenir le
gouvernement révolutionnaire dans son intégrité , peada „ t la`
guerre ; mais tout agent de ce gouvernement qui se pormettra
d'en outre passer les limites , sera puni de mort . Son
projet de décret contenait eucore quelques autres dispositions .
Merlin , de Thionville , n'est pas d'avis des meses pros
posees par Dubois - Crancé ; mais elles peuvent faire
d'autres idées , et amener des resultats heureux . L'impression
du discours au milieu des plus grands applaudissements .
Bentadole revient à ce que Garnier a dir , que dans le nombre
de ceux qui ont crié , vive la Convention'„i! avait des royvalistes .
Il ne faut pas qu'un sans - culottes , lorsqu'il entend crer vive
la Convention , dans une place publique , puisse croire que
c'est un cii de royaliste ; car si on laissait une pareille opinion
s'aerediter , qui oserait jamais crier vive la Convention . II
demande que le comité de sûreté générale fasse un rrapport
sur cet objet.
?
y
Bourdou , de l'Oise pense qu'il est au dessous de la Convention
de s'occuper d'une poignee , d'intrigans , tant d'une
part que de l'autre . Ancun grand évenement he s'est jamais
passé , que les aristocrates , qui restent en petit nombre .
n'aient tenté d'en profiter. Parmi les chicurs de vive la Contion
il y avait des muscadins , et des hommes qui , quoique
bien portans , avaient quitté l'armée , sous prétexie de
maladie , et qui feraient beaucoup mieux d'être à leur poste.
D'un autre côté , il a vu des hommes perdus de vices , des
soldats de Robespierre qui ont rempli leurs poéhes , des
sommes qu'il prodiguait , et rougi leurs mains du sang, qu'il
faisait répandre . Il croit que ce que l on doit faire , c'est
d'entendre le rapport que doivent présenter les comités ,
de chasser de Paris tout ce qui trouble la paix et la tranquillité.
Merlin de Douai ) annonce que ce rapport doit être fait
incessamment , mais eu attendant il propose , an nom des
trois comités , un projet de décret additionnel à la loi du 18
fructidor , dont la principale disposition porte :
et
Art. Ier . Les citoyens qui ne résidaient pas à Paris avant
le 1er . messidor , et qui se trouvent actuellement en cette
commune , seront tenus , d'en sortir dans le jour qui suivra la
publication du présent décret , de s'en éloiguer de dix leuks
au moins dans les deux jours suivans , de se retirer dans leng
domicile respectif , et d'y justifier de leur retour devant leur
municipalité , dans le délai de deux decades pour ceux qui
sont à cent lieues de distance de Paris et au - dessous , et de .
quatres décades pour ceux qui sont à de plus grandes dis
tances . "
Ce projet de décret est adopté.
Tome XII.
$
( 18 )
1
4 .
Séance de la 5º , sanculotide .
Merlin de Douai ) propose et l'Assemblée adopte différentes
modifications au décret rendu la veille , qui ordonne aux
citoyens non-domiciliés depuis le 1er. messidor , de sortir de
cette cité .
Une députation de la société populaire de Commune Affranchie
vient offrir 100 cavaliers jacobins et un vaisseau de guerre .
Commune-Affranchie , disent ces citoyens , a été justement
punie de sa révolte . Aux conspirteurs royalistes et fédéralistes
a succédé , dans cette ville , la tyrannie da scélérat Robespierre
. Mais votre énergie nous a délivrés de ce monstre et de
ses complices nos oppresseurs . Législa.eurs , donnez nous les
moyens de relever notre commerce. Nos atteliers , nos manufactures
sont dénués de tous les objets de premiere nécessité .
Veus nous avez rendu le regne de la justice , reudez - nous à
nos droits républicains , et de milliers de bras vont rentrer
dans nos ateliers .
Guiton Morveau annonce l'arrivée à Paris de beaux tableaux
de l'école flamande . Ils ont été amenés par un officier d'hussards
que Guiton dit être très- instruit dans cette partie .
Le bulletin de Tallien , que nous n'avons négligé de donner
que parce qu'il était satisfaisant , annonce aujourd'hui son - prochain
rétablissement. Ce député demande un cougé pour aller
prendre l'air de la campagne .
Robert Lindet fait , au nom des trois comités , le rapport
sur la situation générale de la République . Comme il est plein
de choses , et écrit d'une maniere concise , il nous serait difficile
d'en présenter ici une analyse complette ; il doit être d'ailleurs
imprimé en si grand nombre d'exemplaires qu'il n'est aucune
partie de la Republique où il ne parvienne . Nous dirons seument
qu'il considere comme chimériques les craintes que beaucoup
de citoyens ont conçues d'une réaction funeste à la
liberté . Ces craintes partent sur-tout des anciens comités révolutionnaires
, qui croient que leurs successeurs vont se venger
de leurs opérations qui ont sauvé la patrie dans des momens
difficiles . Les membres de ces comités n'ont été déchargés des
pouvoirs qui leur avaient été confiés , que parce qu'il n'est pas
dans les principes républicains que les inêmes individus conservent
rop long - tems leurs places . C'est sur-tout pin
cipalement sur l'état actuel du commerce , de l'industrie et des
arts que Lindet a fixé l'attention de l'Assemblée . Il faut
par-tout les revivifier et porter dans toutes les parties les
lumieres de l'instruction. Voici le projet de décret qu'il a
proposé et qui a été adopté au milieu des plus vifs applau
dissemens :
66 Art . Ier. La Convention nationale charge son comité de
sniete générale et les représentans du peuple dans les dépar
temens , de s'occuper , sans délai , de l'examen des réclama(
rg ) .
état
tions des peres et meres des défenseurs de la patrie , de tous
les citoyens agriculteurs , artistes et commerçaus mis en
d'arrestation .
II. Les municipalités et comités des sections qui refuseront
des certificats de civisme , seront tenus d'expliquer les motifs
de leur refus . ~
III. Les citoyens auxquels les municipalités auront refusé
des certificats de civisme , pourront s'adresser au directoire
de leur diftrict , qui , après avoir vérifié les motifs du refus ,
accordera ou refusera , s'il y a lieu , le certificat de civisme,
" IV . Le comité d'instruction publique est chargé de rédiger
, dans le cours de chaque décade , un cahier d'instruction
dont l'objet sera de ranimer l'amour du travail , d'affermir les
citoyens dans les principes de la morale , de l'attachement à
leurs devoirs , de leur rappeller les grands événemens de la
révolution , et de leur présenter les avantages des sciences et
'des arts utiles .
"
" V. Ces cahiers seront envoyés dans toutes les communes ”,
pour être lus , chaque jour de décadi , dans le lieu des séances
de l'assemblée générale , où les peres et les merés et leurs
enfans seront convoqués et invités à se trouver.
{
" VI. La lecture sera suivie du chant des hymmes à la
liberté ; on exercera les enfans à célébrer , par leurs chants ,
les vertus civiques et les actions guerrieres des héros de la
patrie.
,, VII. La Convention nationale charge ses comisés de
commerce et des finances , de lui faire , sous trois jours , un
apport sur les pétitions et mémoires des marchands tenus
de verser dans les caisses de district et de la trésorerie nationale
les sommes dont ils sont débiteurs envers les étrangers des
nations avec lesquelles la République est en guerre."
" VIII. La Convention nationale charge ses comités de commerce
et des finances , de lui faire , sous trois jours , un rapport
sur les avantages ou les désavantages qui peuvent résulter
de la liberté indéfinie de l'exportation des marchaudises de
luxe ,` sous la seule obligation d'en faire rentrer les valeurs en
France en effets , en matieres ou marchandises , de quelque
espece et de quelque nature que ce soit .
Sur les avantages et les désavantages de l'exportation du
superflu des denrées de premiere nécessité , sous la condition
de faire supporter à la République la perte du change , on de
compter de clerc à maître avec les expéditionnaires , lorsqu'ils
verseront à la trésorie nationale leurs effets et valeurs sur
l'étranger , et de leur rembourser le montant de leurs effets
sur le pied de leurs mises et de leurs avances .
,, IX . La Convention nationale voulant accélérer l'époque
où elle pourra faire répandre dans toute la République Tinstruction
d'une maniere uniforme , charge son comité d'ins .
truction publique , de lui présenter , dans deux décades ,
B &
( 20 )
i
un projet d'école normale , où seront appellés , de tous les
diftricts , tous les citoyens déja instruits , pour leur faire apprendre
, sous les professeurs les plus habiles dans tous les
genres des connoissances humaines , l'art d'enseigner les
sciences utiles .
, X. La Convention nationale charge ses comités de
commerce et des finances de lui faire , dans trois jours , un
rapport sur les moyens les plus avantageux de rendre à la circulation
et au commerce toutes les matieres et marchandises
expédiées pour Commune- Affranchie et autres communes qui
avaient été déclarées en état de rébellion , et arrêtées sur leurs
outes sur les avantages et les désavantages de la confiscation
prononcée par le décret du 25 pluviôse.
13
Séance de la 5e . sanculotide.
& Les députés étaient rassemblés dans le jardin national des
Tuileries pour la célébration de la fête de Marat , des huissiers
viennent les convoquer dans le lien de leurs séances . La séance
est aussi- tôt ouverte. Treillhard , rapporteur du comité de
salut public , monte à la tribune , et dit qu'une affreuse conspiration
qui menace d'incendier le midi , vient d'éclater à
Marseille . Il donne lecture de plusieurs pièces envoyées par
les représentans du peuple à Marseille , et arrivées ce matin
par un courier extraordinaire.
La premiere est une lettre d'un nommé Regnier , ci- devant
frere de la congrégation des écoles chrétiennes , adressée à
l'agent national de la commune de Chateuil , district de Valence ,
et dans laquelle ce scélérat dit qu'avant la fin du mois fructidor
, il y aura , à Marseille , une rêpétition des journées
des 1 , 2 et 3 septembre , et que tous les royalistes et les
aristocrates disparaitront du sol habité par les patriotes .
Cette lettre a été communiquée à l'agent national du district
de Valence , qui s'est empressé , de la transmettre aux représentans
du peuple à Marseille . Ceux- ci ont sur-le- champ fait
arrêter Reguier , et quelques jours après ils ont donné ordre
au citoyen Vouland , commandant temporaire de Marseille ,
de fournir un détachement de la force armée pour aller prendre
Regnier dans sa prison et le transférer au tribunal révolutionnaire
à Paris. Voulland a refusé d'obéir ; mais les réprésentans
du peuple ont trouvé plus de patriotisme et de soumission
aux lois dans le citoyeu Segette , lieutenant au ..... ' régiment
, qui s'est porté à la prison , et qui , malgré les obstacles
qu'on lui a opposés , l'a enfin enlevé , et s'est mis
en route pour le conduire au tribunal révolutionnaire . Mais
à peine Sagette était il avec son escorte aux portes de Marseille
, qu'il fut arrêté par une troupe de brigands armés
déguisés , sans uniforme et avec leurs chapeaux rabattus , qui
avec des menaces , annonçaient assez leurs sinistres projets d'o
pérer la contre- révolution : ils délivrerent Regnier. Cet attentat
( 21 )
'
a eu lieu le 27 fructidor , et les représentans du peuple ajoutent
dans leur lettre , datée du 29 que si la Convention ne prend
pas des mesures promptes et vigoureuses pour délivrer les
habitans de Marseille de l'oppression sous laquelle douze ou
quinze scélérats les fout gemir , et pour faire respecter la
représentation nationale , le salut de cette commune et d'une
grande partie du midi est dans le plus grand danger.
Jean Bon St. -André annonce , dans une lettre datée du port
la Montagne , qu'au moment où il écrit , une St. - Barthélemi
s'execute pent- être à Marseille , qu'il s'est empressé d'envoyer
à son secours un bataillon qui a eu le bon esprit et le patriotisme
de résister aux insinuations perfides de quelques
brigands Marseillais qui étaient venus au- devant d'eux , et qui
voulaient leur faire entendre qu'ils allaient défendre des aristocrates
contre des patriotes . Les représentans du peuple ont
éte insultes dans la société populaire , dite de Brutus , obligés
de justifier leurs arrêtés , et sommés de rapporter les dispositions
qui déplaisaien aux meneurs . Cependant , ajoute le
représentant , la masse est bonne ; et , si On enlevait une
quinzaine de coquins qui conduisent tout , le reste se soumettrait
et se rallierait à la représentation nationale :
Ce qui doit consoler les patriotes , et leur donner les meillenres
espérances sur le succès des mesures que le comité de
salut public vient de preudre , c'est que la section n ° . 11 ,
dont on se rappelle la conduite patriotique et courageuse contre
les fédéralistes , n'a pas démenti la gloire immortelle qu'elle
s'es acquise . Dans cette occasion elle a déclaré qu'elle ne
voulait reconnaître que la Convention , et qu'elle périmait
plutôt que de souffrir qu'elle fût insultée et méconnue.
Treillhard , après avoir rendu compte de ces faits , et adjuré
la Convention de remplir l'engagement qu'elle a pris hier de
tenir d'une main ferme les renes du gouvernement et de sauver
la patrie , propose le projet de decret suivant :
10. Regnier est mis hors de la loi. 2 ° . Voulland , commandant
temporaire de Marseille , est mis en état d'arrestation
. 3. Le tribunal criminel du département des Bouches - du-
Rhône informera sans délai contre les auteurs et complices
de la conspiration qui vient d'éclater à Marseille . 4. Les représentans
du peuple dans ce département développeront la
force et les moyens qui sont en leur pouvoir pour faire respecter
la représentation nationale . 5 ° . Les scellés seront apposés
sur les papiers et effets des conspirateurs et de leurs com .
plices . 6. Le présent décret sera envoyé , par un courier
extraordinaire , à Marseille .
Une grande partie de la Convention demande à aller aux
voix. Quelques membres murmurent et veulent être mieux
informés de cette conjuration . --Voulland atteste que le citoyen
Voulland , son parent , dent il est question dans ce rapport ,
est incapable de s'être ainsi comporté. Bassal ne veut pas
B 3
( 22 )
qu'une telle mesure de rigueur soit prise dans un jour de fête
comme celui - ci , et demande l'ajournement à demin - Thuriot
fait sentir la nécessité de rendre le décret proposé , pour
anéantir le systême de désorganisation qui voudrait s'étendre
sur toute la République.
La Convention adopte les mesures présentées par le rapporteur.
Merlin , de Thionville , pense que cette mesure n'est pas
suffisante. Il dit que ce n'est pas seulement à Marseille que
cette conspiration menace la République . Dans tous les départemeus
du midi , les sociétés , les communes , les autorités
correspondent.
On écrit de Marseille aux Jacobins , qu'un bataillon va venir
à leur secours . Il est done constant qu'il y a un point de
attachement de la société de Marseille à celle des Jacobins .
Il demande que les scelles soient apposés sur le lieu de leurs
séances , et qu'il soit défendu aux membres de cette société
de s'assembler publiquement avant que chacun d'eux ait prouvé
qu'il etait à son poste dans la nuit du 9 au 10 thermidor ,
c'est- à- dire , à sa section , ou dans la force armce qui gardait
la représentation nationale. Cette motion reste sans suite .
Séance de primedi , 1er . Vendemiaire .
Caruot fait , au nom du comité de salut public , le rapport
sur la reddition des places de Landrecie , le Quesnoy ,
Valenciences et Condé . Déja on a vu les détails généraux
sur la reddition de ces places . Le rapporteur entre dans les
plus grands détails de ce qu'a fait le gouvernement pour
reconquérir ces places importantes ; et elles l'ont été révolutionnairement
. Il est constant que ces quatre places ont
été livrées par la trahison . Il est certain aussi qu'il y restait
beaucoup de vrais amis de la liberté , qui ont beaucoup
contribué à leur délivrance . Le scélérat Robespierre a
montré , dans ces occasions , la plus affreuse barbarie . Il s'est
opposé continuellement aux mesures prises par le comité
sur cet objet. On lui disoit : Mais cette place coûteroit
6,000 hommes . " — Qu'importe 6,000 hommes ! s'est écrié
le scélérat 9. ( On frémit d'horreur . )
Le rapporteur conclut en invitant les représentans du
peuple à se tenir séveres contre tous les ennemis de la patrie .
La Convention ordonne l'impression , l'envoi à toutes les municipalités
et aux armées , du rapport de Carnot .
La Convention approuve les mesures prises par le comité .
Ce membre dit ensuite qu'hier la séance étoit lévée quand
un courier a apporté des nouvelles heureuses du Nord. On
en a donné lecture au peuple assemblé . Il donne aujourd'hui
lecture des détails de ces heureuses nouvelles . ( Voyez Nouvelles
officielles . )
( 29 )
La Convention décrete que l'armée de Sambre et Meuse no
messe de bien mériter de la patrie.
La section du Panthéou est admise à la barre. « Le ….. fructidor
, dit - elle , des citoyens de la section de l'Unité vinrent
nous présenter, pour y adhérer , une adresse de la société
populaire de Dijon . Nous avons témoigné notre indignation
sur cette adresse . Le 30 fructidor , le commissaire de la section
Chálier revint , et demanda à faire une nouvelle lecture de
certe adresse , disant que nous ne l'avions pas saisie . Il la
relut , et fut entendu avec calme ; mais il ne fut applaudi que
par celui qui l'accompagnait ; et la même indignation s'est
manifestée de nouveau sur cette adresse . Ce commissaire civil
a dit qu'il allait se retirer , pour que les aristocrates ne disent
pas qu'il cherchait à influencer l'assemblée ; mais le président
lui a dit de rester et d'assister à la délibération . If a entendu les
principes les plus purs se développer dans la section du Panthéon
; il y a entendu dire qu'elle ne reconnoissait de centre ,
d'autorité , que la Convention nationale , et que ceux qui voulaient
être plus séveres que la loi , étaient des tyrans . Vifs
applaudissemens . La section termine en invitant la Convention
naționale à surveiller ces modernes fabricateurs de revolution.
Mention honorable , insertion en entier au Bulletin .
PARIS. Quartidi , 4 Vendemiaire , 3e . année de la République.
La Convention est enfin sortie de l'espece de flux et refux
qui a tourmenté pendant quelque tems ses résolutions après
l'événement du 9 thermider. Elle prend de jour en jour une
assiette plus fixe el un caractere de fermeté et de justice qui
peut seul déconcerter les aristocrates et les ultra-révolutionnaires
, espece nou moins dangereuse que la premiere , et
affermir l'édifice de la liberté , en abrégeant la révolution que
tant de personnes trouveut leur intérêt à prolonger.
Le rapport de Robert Lindet sur l'état actuel de la Répu
blique , a cié écouté avec le plus grand calme , et a inspiré
le plus vif intérêt . La Convention et les tribunes l'ont couvert
d'applaudissemens . On y a vu qu'au dehors nos armées
sout partout victorieuses et triomphantes , et qu'au- dedans il
ne nous manque plus , pour jouir enfin des fruits de la révolution
, que d'étouffer quelques passions , de cicatriser nos plaies ,
et de ranimer l'agriculture , le commerce , l'industrie , les arts
et les sciences qu'un régime de barbarie , de persecution et de
terreur avait trop long-tems menacé d'une entiere destruction.
L'esprit de Robespierre lui a malheureusement survécu dans
quelques parties de la République . On le voit trop dans ce qui
s'est passé à Marseille et dans quelques endroits du Mídi . Mais
ces événemens , dont on a vu le récit abrégé dans la séance de
!
B 4
( 24 )
la cinquieme sanculotide ' , tourneront au profit même de la
liberté . Ils ont ouvert les yeux sur bien d'intrigues , et ont
marque leurs auteurs d'un sceau si visible , qu'il leur sera
difficile d én imposer long- tems à ceux qui cherchent de bonnefoi
la verite , et aiment véritablement leur patrie .
Ce qui augmente la confiance des bons citoyens , c'est que
tout le monde sent la nécessité de se rattacher à la Convention
comme au seul point de ralliement qui puisse exister .
Il n'est pas une de ses seances où le peuple n'applaudisse avec
transport a la sagesse et a la vigueur de ses mesures , et ne
maniteste son indignation contre toute espece d'intrigans et
d'agitateurs . Les sentimens qu'il témoigne aux séances de la
Convention , il les fait eclater à celles du tribunal révolution -
maires , lorsqu'il volt innocent absous et consolé par ses
juges . Chacun est las de l'oppression passée , et ne veut plus
que le regne de la justice et le triomphe de la liberté ; la
nation française , dont on n'avait fait que comprimer l'esprit ,
se retrouve tonte entiere ce qu'elle a été , sensible , grande
généreuse , pleine d'enthousiasme pour la liberté et de haine
pour le vice .
Dans l'espece d'inquiétude que l'on cherche à répandre sur
l'existence des sociétés populaires , il n'est aucun patriote sensé,
aucun ami de la révolution , qui ne soit convaincu des services
qu'elles ont rendu à la chose publique , et de l'impor
tance de ceux qu'elles peuvent rendre . Mais tout le monde
sent en même tems que la premiere autorité instituée par le
peuple est celle de ses représentans , qu'il n'y aurait plus ni
liberté , ni égalité , ni uuité , du moment qu'un petit nombre
se constituerait juge et maître de la représentation nationale ,
au mépris des droits de tous ; que si les sociétés populaires
sout excellentes pour dissémiuer promptement les bous principes
sur tous les points de la République , elles seraient trèsdangereuses
si , se laissant influencer par quelques meneurs
elles ne se coalisaient que pour entraver la marche du gou
veinement , et avilir la représentation nationale . Tout le monde
est persuadé que les sociétés populaires , ayant devant elles
le souvenir du bien qu'elles out fait , continueront à remplir
le but utile de leur institution , en s'épurant de tous les levains
de fermentation qui se seraient glisses dans leur sein pour les
corrompre. Comment se fait- il qu'après six ans de révolution ,
el de leçons si variées reçues de l'expérience , il soit si difficile
à ceux qui se disent patriotes de s'entendre ?
1
La translation des cendres de Marat au Panthéon a eu lieu
la derniere sau culoride . Le char qui portait le corps de Marat
était traîné par douze chevaux à quatre de from , et autour du
cénotaphe flottaient les drapeaux de la République , portés
par des défenseurs blessés au service de la République . Des
cheurs de tambours , de trompettes et d'instrumens à vent
( 25 )
aient placés dans la marche , et au centre était la Convention
nationale entourée d'un cordón tricolore soutenu par les
vétérans. On a remarqué sur-tout l'ordre et la belle tenue des
jeunes guerriers du camp des Sablons . Plusieurs hymnes ont
éte execuies par les artistes de l'institut de musique nationale.
Le peuple , apres avoir assisté à cette fête , s'est répandu dans
les differens théâtres qui ont été ouverts pour lui .
Fouquier- Thinville va être mis en jugement . Il a déja subi
son premier interrogatoire . Il a publie un mémoire contenant
sa défense . Nous ferons connaître les details de cette affaire .
L'abondance des matieres nous ayant déja forcés à supprimer
l'article de la littérature , nous renvoyons au prochain numéro
la suite de l'affaire des Nantais .
Il y a plus de dix jours qu'aucun paquebot ni bateau n'a
paru d'Angleterre sur le continent. Cette interruption dans la
correspondance fait conjecturer qu'il s'est passé quelqu'événement
important dont on veut , pour quelque tems , dérober
la connaissance .
NOUVELLES OFFICIELLES.
Suite des nouvelles officielles des Colonies de la République. Ay
port de la Liberté , isle de la Guadeloupe , ce 4 thermidor.
J'avais fait mettre les navires et les munitions à couvert
de la bombe , et mon logement a été celui où les ennemis ont
continuellement dirigé leurs coups ; j'en ai changé deux fois ,
et ils sont inhabitables par l'effet de la bombe et des boulets ;
chacun fatyait mon voisinage .
L'ennemi comptait beaucoup sur des propositions ; il en
fit pressentir de tres - avantageuses , mais que je tins secrettes ,
étant bien résolu , ainsi que tous les sanculottes de l'expédition
, d'incendier la rade et la ville avec nous -mêmes , plutôt
que de la rendre à l'ennemi .
" Le général Cartier , homme incertain et frappé des dangers
, mais honnête et patriote , vint à mourir dans ces circonstances.
Je nommai le général Aubert , qui me devint nécessaire
pour conduire l'ensemble de toutes nos opérations ;
il ne justifia pas la confiance des Républicains ; avec des talens
militaires , il était d'une lâcheté sans égale , ainsi que le
général Ronyer , qui n'a jamais pu avoir la confiance des Républicaius
par une poltronnerie des plus avérées . Je suis désespéré
que la vérité ne me permette pas de rendre de ces
deux généraux un compte aussi avantageux que j'aurais voulu
pouvoir le faire . Ils sont morts tous les deux de la même
( 26 )
maladie qui nous a enlevé beaucoup de monde . Je voudrais
pouvoir me passer de revenir sur le compte de l'un d'eux
dans le courant de cette dépêche , mais la vérité m'obligera
d'en parler encore .
Le citoyen Boudez , commandant du bataillon des Sanculottes
, à qui je dois les plus grands éloges , et en qui nous
avons tous la plus grande confiance par sa bravoure et sa
bonne conduite , était tombé dangereusement malade peu de
tems après , et n'était encore que dans les premiers jours de
sa convalescence , lorsqu'il fallait opposer aux ennemis une
vigoureuse resistance ou périr. Sans généraux et sans chefs ,
nous devions succomber ; mais ces contrariétés ne firent qu'exciter
le courage des Républicains en petit nombre . ( La maladie
et la mort ne les ont pas non plus épargnés . ) Nous continines
les ennemis dans leurs retranchemeus , nous les y avons
harcelés et empêchés de faire aucune entreprise considérable ;
nous les réduisîmes à canonner et bombarder le fort de Fleurd'Epée
, la ville et la rade . Nous avions des moyens de defense
respectables . Nous avions désarmé nos frégates et mis
leur artillerie à terre , fait des fortifications sur tous les points
avantageux . Nous avions aussi trois canonnieres ; et dans les
differens combats que nous avons eus , notre feu bien dirigé
faisait toujours cesser le leur , excepté la nuit : ils avaient
l'avantage de tirer des bombes et des obus sur la ville , et nous ,
nous aurions perdu nos munitions à tirer sur leur simple batterie
en campagne . Nous leur avons néanmoins coulé à fond
une de leurs canonnieres. Les Républicains fatigués de ne
point voir l'ennemi de près depuis quelques jours , nous déci
derent à attaquer les Anglais sur le morne Mascot dans leurs
retranchemens . Les dispositions furent faites : deux colonnes
de 250 hommes chacune furent formées ; l'une des colonnes
fut égance par la perfidie des guides ; 250 hommes se battirent
contre 1800 , monterent dans les retranchemens de l'ennemi
par des endroits inaccessibles . Déja ils avaient pris deux pieces
de canon qu'ils tournaient sur nos ennemis , lorsque cédant
au nombie , ils furent obligés de se replier . Nous perdimes
dans cette belle action 110 on 112 Republicains ; l'ennemi
perdit près de 250 homines , d'après son propre aveu . Une
armistice fut demandée et accordée pendant 4 heures , pour
cuterrer les morts de part et d'autre . La consternation était
dans le camp conemi , et les genéraux et officiers Anglais ne
purent s'empêcher de se répandre en éloges sur leur brayoure
, cu parlant à nos freres qui enterraient leurs freres
morts .
» Le 11 , voyant que l'ennemi faisait batterie sur batterie ,
uous résolumes de faire une attaque générale ; nous laissâmes
le moins de monde possible dans les postes , et marchâmes
en masse au nombre de 800 sur l'ennemi , pour aller l'attaquer
encore sur le morne Mascot. L'action fut des
( 27 )
plus vives et des plus meurtrieres . Les Républicains entrerent
dans les retranchemens de l'ennemi ; et au moment de la victoire
, soit que le général Aubert eût indisposé l'arriere - garde
en se cachant derriere une pierre , ou qu'une voix payée par
l'ennemi se fit entendre en criant : Nous sommes perdus ! nous
sommes coupés par une colonne anglaise ! le désordre se mit dans
cette arriere- garde ; ce qui redoubia le courage de l'ennemi
qui était en deroute , et qui revint à la charge avec des troupes
fraîches . Notre avant- garde se défendit en républicains ; mais
elle suscomba sous le nombre , qui était dix fois plus fort .
,, Nous eûmes 300 hommes tant tués que blessés ; et ce
qui excitera votre admiration et celle de la postérité , c'est
qu'ils ne nous firent aucun prisonnier ; çar tous les Républicains
venus d'Europe ont résolu de mourir plutôt que de tomber
entre les mains des ennemis .
" L'ennemi , enhardi par nos revers , redoubla son feu ;
dans la nuit du 13 au 14 , la ville fut couverte de bombes et
d'obus ; ce qui m'obligea , pour la premiere fois , à l'abandonner
, et à aller dans un poste avancé .
Sur les trois heures du matin , l'ennemi attaqua la ville
sur deux colonne heureusement pour nous qu'il attaqua le
poste où j'étais coushé avec le brave Boudez et l'intrepide
Lessegnes , commandant de la station . Nous ralliâmes la
troupe , et après avoir résisté quelque tems , nous fûmes en
ordre nous établir sur le morne du gouvernement , appelé
depuis le fort de la Victoire .
› L'ennemi cutra en ville au nombre de 2000 homines , où
il croyait ne point trouver de résistance . Le général Aubert
douna dans cette occasion , si ce n'est des preuves d'intelligence
avec les enuemis , au moins des preuves de la plus
grande lâcheté . Il m'a dit hautement que nous n'avions point
de cartouches , que nous ne pouvions tenir à ce poste ; er en
s'adressant à la troupe , il leur dit qu'ils seraient tous passés
au fil de l'épée. Il me reprocha , à noi , de sacrifier de braves
gens , et de n'avoir pas accepté les propositions qu'il m'avait
fait pressentir des généraux ennemis , en me disant qu'il n'était
plus tems .
" Mais les Républicains qui étaient dans le fort , dociles à
la voix de la patrie , commandés par de braves officiers , encourages
par le délégué de la nation , firent une résistance
opiniâtre , et on se bait comme aux Thermopyles . Le feu
fut si terrible , qu'ils n'oserent jamais tenter l'assaut . Marins
et soldats , tout concourut cette glorieuse journée : l'ennemi
fut complettement battu et repoussé hors de la ville . Nous
fimes une sortie sur eux , et les accompagnâmes jusque dans
leurs retranchemens pendant plus de deux lieues , où la troupe
fut obligée de les laisser , accablée de fatigue , le combat ayane
duré depuis trois heures du matin jusqu'à onze , où les troupes
rentrerent après s'être emparées de leur artillerie de cam(
28 )
vagne , munitions et autres ustensiles de guerre . Les rues et
s chemins furent jonchés de morts . Nous fimes près de 250
prisonniers , dont huit officiers : ils perdirent en cette occasion
l'élite de leurs troupes , tous chasseurs et grenadiers . Le
général de brigade Syme , qui commandait en chef , fut blessé ;
le général de brigade Gown qui commandait la colonne , le .
capitaine de vaisseau Robertson qui commandait 500 matelots ,
farent tués avec 31 officiers . L'ennemi évalue sa perte à 860
hommes ; nous , nous ne pouvons l'estimer ; mais nous avons
mis deux jours à les enterier , et il y en a plus de 200 qui
sont restes dans les bois sans sépulture .
" Dans la nuit du 11 au 15 , après avoir essuyé ce terrible
échec , ils résolurent d'attaquer Fleur d'Epee ; ils firent pleuvoir
plus que jamais des hombes et des boulets , nous tuerent
et blesserent beaucoup de monde ; mais nos intrépides Republicains
, bravant les fureurs de l'ennemi , ne laisserent pas
un instant deborder les remparts de ce poste important : il n'oscrent
tenter l'assaut . Sur les deux heures du maun , nous leur
fimes donner un avis qui les trappa de terreur ; ils cesserent
leur feu et se mirent à fuir , en désordie , au Gezier . Ils trainerent
avec eux leur artillerie : ils nous abandonnerent , tous
leurs effets , équipages et munitions de guerre et de bouche ,
que nous avons eu peine à ramasser en trois jours . Nous étions
trop faibles pour aller les attaquer au Gozier. Le 17 et le 18 ,
ils s'embarquerent avec tous les aristocrates et quantité de
richesses qu'ils emporterent . Enfin , nous nous sommes rendus
maîtres une deuxieme fois de la grande terre . Le pavillon tricolore
et les municipalités y sont établis partout .
J'ai le plus grand plaisir , citoyens , à vous rendre compte
de ce nouveau triomphe de la République sur ses ennemis ,
parce que cette action est décisive pour la colonie , et qu'elle
assure au moins le salut de la patrie que nous avons reconquis.
Je vous apprends avec plaisir qu'il n'est pas jusqu'aux
citoyens noirs , nos nouveaux freres , qui n'aient montré dans
cette occasion ce que peut l'esprit de la liberté , puisque
d'hommes , naguère abrutis par l'esclavage , elle a fait des
héros ; c'est la justice que je dois rendre à quelques - uns d'entre
eux . J'ai cru devoir consacrer la mémoire de cet événement
en changeant le nom de la pointe à Pitt en celui de port de la
Liberté , île Guadeloupe , parce que c'est en effet le premier
port où nous avons apporté à nos fieres ce grand bienfait de
Ja Convention nationale . J'ai aussi chargé le nom du fort du
Gouvernement en celni de fort de la Victoire . bien mérité
et bien acquis dans la célebre journée du 14. J'ai fait aussi une
adresse aux Républicains , mes freres d'armes . Les expressions
m'ont manqué pour leur dire tous ce que je sentais pour
e qui m'a obligé d'en emprunter quelques - ques . Je ne
eesserai de faire leur clogo , parce qu'on n'a jamais vu de pacak
,
( 29 )
Je suis
reils hommes . C'est la réunion de toutes les vertus ; le désinterressement
et la bravoure sont les moindres chez eux .
forcé de les quereller pour leur faire accepter leurs besoins ,
et les engager au repos ; et toutes les fois qu'il faut donner
une place , c'est une nouvelle querelle . Chacun est bien
comme il est , et n'en desire pas davantage .
Je ne puis que me féliciter d'avoir affaire a de pareils hommes ;
soldats , matelots , officiers , enfin toute l'expédition venue
d'Europe , nous vivons eu freres ; rien n'a encore troublé
cette harmonie ; mais il n'en est pas de même de la majorité des
habitans de ce pays . Habitues à prendre les hommes pour les
choses , ils se disent patriotes lorsqu'ils sacrifieraient tout pour
leurs intérets particuliers ; heureusement le sombre est petit
et sera facile à dompter , mais il donne bien de la tracasserie
. "
Signé VICTOR HUCUET.
ARMÉE DU NORD .
Quartier-général de Boxtel , le 30 fructidor .
Nous vous annonçons avec empressement , citoyens collegues
, l'avantage signalé que vient de remporter l'armée du
Nord sur les coalisés commandés par le duc d'Yorck .
+
D'après l'ordre que vous avez donné d'attaquer l'ennemi
l'armée à marché dans la direction de Gorcum , où nous
devions le rencontrer . Bientôt les deux armées furent en présence
, et c'est hier que ce fit ce dernier mouvement , aussi
hardi que bien combiné . Pichegru avait résolu de camper endeçà
de la riviere de Domete , où l'ennemi avait tous ses postes
avancés , et de porter les siens au- delà , ce qui devait lui donner
la position la plus avantageuse ; il a parfaitement réussi .
" Le passage de la riviere était défendu par le village de
Boxtel : des retranchemens hérissés d'artillerie , 5 mille hommes
tant cavalerie qu'infanterie , rien n'a pu arrêter la bravoure
républicaine . L'attaque fut vive ; mais après une heure et demie
de combat l'ennemi a fui . Dans sa déroute , nous lui avons fait
2,000 prisonniers , et pris huit pieces de canon avec leurs
caissons .
,, Ce matin , une reconnaissance de 800 hommes environ a
rencontré un corps de 5,000 Anglais qui venait pour reprendre
Boxtel ; mais forte de sa fortune , ne s'occupant pas du nombre ,
elle l'a chargé avec une telle impétuosité , que la terreur s'est
jettée dans les rangs de l'ennemi , et lui a fait abandonner son
projet.
, Après tant de traits de valeur nous ne vous parlerons pas ,
citoyens collegues , des marches pénibles dans un pays convert
de landes et de bruyeres ; les Français sont capables de
tout . Nous ne devons pas vous taire cependant la conduite dis-
0
( 30 !
tinguée du 8. régiment de hussards ; trente d'entr'eux ont
franchi le fossé qui les séparait des deux bataillons Hessois ;
et leur ont fait poser les armes .
99
Le lendemain , un détachement du même régiment a donné
une nouvelle preuve de son courage ne pouvant forcer les
prisonniers à diriger le canon qu'ils avaient pris contre ics
fuyards , ils mirent pied à terre pour le servir eux - mêmes : cette
piece , ainsi que 200 prisonniers , est le résultat de l'affaire du
matin par la reconnaissance .
" Il est encore un trait de valeur , parmi tant d'autres , qui
appartient au citoyen Juge , sous -lieutenant au 8. régiment
d'hussards. Il a eu le poignet cassé . Nous demandons que vous
lui donniez de l'avancement.
" Nous espérons , citoyens collegues , que cet avantage n'est
que le préliminaire d'événemens plus heureux et plus décisifs . „
Salut et fraternité . Signés , BELLEGARDE et LACOMBE du Tarn. ·
P. S. Les déserteurs nous arrivent continuellement et en
grand nombre : nous n'avons eu que 15 hommes tués ou
blessés .
ARMÉE DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES .
Pau , le 20 fructider.
Je te fais part que l'Espagnol nous a attaqués , le 18 , dans
la vallée d'Aspe , à l'avant - poste de la gorge de la Marie ;
s'étant porté en force sur trois colonnes , notre posté fut obligé
de se replier.
" L'Espagnol nous a brûlé quelques granges . A la premiere
nouvelle de cet événement , le général Robert s'est porté
sur les lieux , et avec six cents hommes du 5º , bataillon des
Basses - Pyrénées , il a repoussé six mille ennemis , leur a tué
et blesse beaucoup de monde , fait trente - deux prisonniers ;
et cent cinquante déserteurs Gardes Walonnes sont venus sur
le sol de la liberté . Sur la demande du général Robert, j'avais
fait passer à Oléron deux cents hussards , qui , sans doute ,
deviendront inutiles .
" Je n'ai pas de détails plus circonstanciés . Anssi- tôt qu'il
m'en arrivera , je m'empresserai de te les faire passer.
L'adjoint Clapin me mai que cependant que je peux être
tranquille sur la situation de la vallée d'Aspe .
Salut et fraternité . Signé , GARIM , adjudant général.
Pour copie conforme , MONCEY , général commandant.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
Quartier-général de Tongres , 3e . sanculotide.
Nous n'avons pas perdu un instant , chers collegues ,
pour exécuter l'ordre que vous aviez donné , d'attaquer l'en(
31 )
nemi sur la rive droite de la Meuse . Un corps de 42 bataillons
et de 20 , escadrons , fut détaché , aux ordres des genéraux
Scheret , Marceau et Bonnet , et passa ce fleuve à Namur et
à Huy.
" Dès le 27 , les passages de l'Ourt avaient été forcés à
Darbui et Comblaine -au - Pont . Il restait à franchir l'Aywaille ;
c'est une riviere dont les bords sont hérissés de rochers éxtraordinairement
escarpés , et qui offent à peine quelques
passages praticables , même pour l'infanterie .
" L'ennemi occupait , avec 18,000 hommes , deux camps
sur la rive droite de cette riviere ; l'un à Emeux , et l'autre
à Sprimont. Toutes les hauteurs étaient couronnées de redoutes
et après avoir forcé ces passages , il fallait marcher
pendant près d'une lieue sous le feu d'une artillerie rasante
pour gagner la crête des montagnes .
:
Jamais position ne fut plus imposante ; l'art et la nature
semblaient y avoir réuni tous les obstacles , mais l'armée a
prouvé qu'elle n'en connaît aucun , lorsqu'il s'agit de vaincre.
Hier , à la pointe du jour , quatre colonnes attaquerent en
même tems sur toute la ligne , depuis Aywaille jusqu'à Emeux ;
tous les passages furent forces a la bayounette , et les camps
ennemis emportés au pas de charge . Sept cents prisonniers ,
26 pieces de canon , presque tous de gros calibré , des affûts
de rechange , 3 drapeaux , 1,200 homimes tués ou blessés ,
beaucoup de fusils abandonnés par l'ennemi , environ 100
chevaux et 40 caissons de munitions , sont le prix de la vic»
toire ; elle a été complette . Le reste de l'armée de Latour
est en pleine déroute , et dispersée dans les bois . Notre cavalerie
est à sa poursuite , et elle en rendra bon compte .
Je ne puis encore vous dire qu'elle a éte la perte de
notre côté , mais d'après tous les renseignemens qui ont été
pris jusqu'ici , nous n'avons à regretter qu'un très petit nombre
de Républicains.
" Pendant que l'aile droite se signalait dans les rochers du
Limbourg , la gauche et le centre battaient l'eunemi vers Maseik
et devant Mastricht. Les villages de Laweld , Emule , Montenaken
, étaient remportés , et l'ennemi poursuivi jusques sur
les glacis de la place , "
Signé , GILET , représentant du peuple.
Même jour : Je vous ai mande ce matin , chers collegues ,
que l'enuemi avait levé le camp de la Chartreuse ; sur- le - champ ,
le géneral en chef Jourdan , a dirigé deux fortes colounes
d'infanterie et de cavalerie ; l'une par Liége , l'autre par Vise ,
pour le pousuivre. La cavalerie a ramassé beaucoup de traî
neurs . Scherer a porté son avant -garde à Vervier. Ce que je
vous ai mandé de la journée d'hier est beaucoup au- dessous de
la vérité . L'ennemi a laissé sur le champ de bataille plus de
2,000 hommes . Des bataillons entiers sont réduits à 150
( 32 )
hommes ; sa perte en artillerie est aussi beaucoup plus considerable
. On en a trouvé aujourd'hui plusieurs pieces et des
caissons dans les ravins , et dans les bois ; en un mot , il paraît
que l'armée de Latour a perdu tous ses canons .
,, Demain l'armée fait un mouvement général , et nous ferons
tout ce qui sera possible pour profiter de la victoire , sans
compromettre nos succès .
Il resulte du langage de tous les prisonniers et déserteurs ,
que le moral de ces messieurs est très fort ébranlé ; ils sont
las de la guerre , et ne soupirent qu'après leur retour en Allemagne.
On a pris la voiture de Latour , son secrétaire et ses
papiers. "
Salut et fraternité .
Signé , GILET , représentant du peuple.
P. S. Dans la séance du 3 vendemiaire , on a annoncé la
reddition de Bellegarde.
Voici la lettre du général Dugommier , en attendant de plus
amples détails .
Du quartier-général de Bellegarde , le 2º , jour des sanculotides .
Citoyens représentans , l'armée des Pyrénées orientales
vient de mettre le sceau au triomphe de la Republique sur sou
territoire , entierement purgé de ses ennemis. Bellegarde est à
nous . C'est le fruit d'un blocus opiniâtre et sévere , qui a forcé
la garnison de se rendre à discrétion , en soumettant son sort
à la générosité française . Bellegarde est intact , et dans cet état
d'intégrité notre frontiere se trouve toute protégée aux frais
des Espagnols . Cette place nous donne plus de 60 bouches à
feu et 40 milliers de poudre .
Salut et fraternité .
Signé , DUGOMMIER , général en chef...
Dans la séance du 4 , on a fait part d'un avantage remporté
sur les Piémontais par l'armée des Alpes .
On écrit de Brest que 13 bâtimens venant du Bengale , ont
été enlevés dans le port ; ils sont chargés de sucres , café ,
indigo et d'argent . Cinq autres chargés de coton , ont été coules
bas ; c'est la division de la Proserpine qui a fait cette riche
capture , qu'on estime 18 millions .
( No. 2. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 VENDÉMIAIRE , l'an troisieme de la République.
Mecredi 11. septembre 1794 , vieux style . )
DEPUIS
POÉSIE.
Sur l'invention du Télégraphe.
EPUIS que tant d'états sont soumis à nos lois ,
Plus vite que jadis on n'eût pris une ville ;
Nos succès épuisant la déesse aux cent voix ,
Elle a fait inventer , par un artiste habile ,
Cet instrument ingénieux ,
Qui de Lille à Paris , et de Paris à Lille ,
Aussi prompt que l'éclair , se fait entendre aux yeux .
Pour apprendre asseź fôt à la France étonnée
Les exploits de tous ses héros ,
Les succès de chaque journée ;
Il fallait recourir à des moyens nouveaux .
Par le cit. L. D... de Nantes .
CHARADE.
OIs , dans son élément , la vie et la raison ,
En ôtant une lettre à la fin de mon nom :
Moins encor une lettre à l'endroit qu'il commence,
Connais des eaux la plaine immense ;
je rappelle enfin dans mon tout
L'apre sensation qui répugne à ton goût.
N.
ENIGM E.
I va pas me juger , ami , sur l'apparence :
Tel de la cruauté n'a que l'extérieur ;
Belette , ours , tigre , loup .... Qu'importe mon essence ?
De l'innocent agneau j'ai tout l'intérieur,
Tome XII. C
( 34 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
་
Adraste et Nancy ; Tonga et Peggy Nyredon ; deux anecdotes américaines
qui contiennent plusieurs faits sur la révolution de l'Amérique
septentrionale ; les descriptions des villes principales de cette
partie du continent et les opinions d'un vrai Républicain sur
les gouvernemens. Par A. T. de Rochefort , département de la
Charente inférieures ; ɛin > 16. de 192 pages . Se trouve à Saint-
Maixent , chez Lainé z imprimeur ; el à Paris , chez Delalainjeune,
libraire, rue Jaiqueqs nº 12.5)
TV S
Ce petit roman est en lettres . L'auteur y peint , d'une maniere
fort agréable , les moeurs simples , franches et charmantes
des habitans de l'Amérique septentrionale ; il fait connaitre leurs
usages ; il introduit son lecteur dans leur société , dans leur
conversation. Il anime ses personnages par la vérité de ses
portraits ; il rappelle des anecdotes du pays qui ajoutent encore
de nouvelles couleurs à ses tableaux . Je vous représente
, dit-il , la nature telle qu'elle s'offre ici à tous les yeux ,
selle qu'elle est en effet.
Adraste en écrivant à son frere aîné , qui est aussi son tuteur
lui détaille les circonstances de l'heureuse aventure qui lui fit
connaître l'aimable miss Nancy et sa famille. Ce jeune officier
de marine se promenait avec Jamin , son fidele petit mousse ,
dorsqu'il apperçut une maison isolée , qui était comme toutes
celles du pays solidement bâtie en bois , ayant un étage seu
dement , peinte en jaune clair et couverte d'essentes . Ils s'approchent
; une jeune négresse s'offre d'abord à notre vue.
Mes maîtres sont ici , monsieur le Français ; ils seront bien
aises d'avoir le plaisir de vous recevoir chez eux . Ma chere
amie , votre prévenance me prouve bien que les maîtres de
cette maison méritent , comme tous leurs compatriotes , les
hommages et la reconnaissance des étrangers qui ont le bonheur
de les visiter. Reposez -vous auprès du feu , monsieur
le Français , je cours les avertir . Oh ! qu'ils vont être contens ...
-
-
La maitresse de la maison doit maintenant nous occuper.
La douceur , la bonté sont peintes sur tous ses traits ; elle
paraît avoir 36 aus ; sûrement elle en a davantage , car dans
e pays fortuné les années ont bien de la peine à se graver
sur les visages . On ne vicillit point quand on est constamment
keureux. Madame , assuré de votre indulgence , je me présente
chez vous pour vous offrir nos hommages. Point de
réponse ; par un geste amical elle paraît desirer que je m'asseye
, et elle m'en donne l'exemple. - Madame , je vous
arrache peut-être à quelques occupations intéressantes ? Elle
---
―
( 35 )
sence. -
ex
-
-
- - Miss
sourit avec grace , mais elle ne répond point encore . — Madame
monsieur votre mari est- il ici ? Je serais flatté de faire sa connaissance.
Alas ! ... mais ... monsieur le Français , est- ce
que vous parleriez anglais ? Madame , je ne possede pas trèsbien
cette langue ; cependant lorsque l'on m'écoute comme
Vous avec complaisance , je réussis à me faire entendre . Monsieur,
me dit-elle ( en s'élançant vers moi , et me serrant les
mains avec bonté ) , pardonnez-moi , je vous supplie , j'étais si
follement convaincue que tous les Français ignoraient notre
langue que , quoique vous vous exprimiez avec beaucoup de
facilité , je ne pouvais croire , même en vous entendant , que
vous me parlioz anglais . Ma chere Becka , appellez Sir V.Y
et miss Nancy. Monsieur , vous allez voir mon époux et
notre fille qui dans ce moment sont à se promener ensemble ,
ils partager ont bien la satisfaction que me procure votre pré-
- Je reconnus bien vite que je m'entretenais avec la
plus respectable des femmes , la meilleure des meres .
Nancy arriva la premiere : elle embrasse sa maman et ensuite
me saluant d'une simple inclination de tête , elle me prend
une main et s'asseoit tout naturellement auprès de moi . Ses
yeux me considerent avec une joie bien flatteuse ; elle m'adresse
deux ou trois mots , et sans attendre ma réponse elle me sourit.
gaiement , et disparaît comme un éclair ... Jugez de mon étonnement
une jeune beauté d'une blancheur éblouissante , les
joues légerement colorées , les levres vermeilles , les yeux bleus ,
des cheveux presque blonds , très fournis , négligemment attachés
, des dents d'albâtre , une taille qui ferait oublier les
nymphes. Eh qui , en la voyant , pourrait ne pas l'aimer ? Elle
m'honore à la premiere vue de ses touchantes caresses ; elle
m'exprime avec franchise le plaisir que lui inspire ma présence
, et paraissant jouir de son triomphe elle m'abandonne
à ma stupeur , et me fait tout-à- coup sans que je puisse en
soupçonner la cause . La respectable maman voit mon embarras
, elle paraît se complaire à le remarquer ; mais bientôt
elle emploie toute sa bonté naturelle à rappeller mes esprits .
---
"
et
Nancy reparaît , une assiette de poires dans une main , une
assiette de pommes dans l'autre. C'est pour vous , me dit- elles
vous ne me refuserez point ? J'ai choisi les plus belles ,
j'espere que vous les trouverez bonnes . Je veux moi - même
Templir vos poches , et votre petit Français vous conservera
celle qu'il ne voudra pas manger. La voici encore assise auprès
de moi , et ma main toujours dans les siennes .... Comment
vous nomme- t- on ? Miss Nancy , mon hom est Adraste.
Maman , c'est à mon tour à causer avec sir Adrase ; ily
17
long-tems que vous êtes ensemble , etje veux l'entretenir jusqu'à
ce que papa me force à le céder à ses droits ... Eh bien , mon
frere J'ai dix -neuf ans , un coeur sensible , et c'est miss Nancy
qui vient de parler ! Sir V. Y. vient par sa présence inter-
Iompre noue bien doux entretien . Papa , je vous présente sig
--
-----
( 36 )
J
F
-
Adraste , officier français . Il nous a promis de nous aimer. Sir
V. Y. me secoue la main en me la serrant cordialement....
Après une courte conversation ... Vous êtes , sir Adraste , le
premier Français que j'aie vu . Vous augmentez bien en moi
la bonne opinion que j'ai toujours eue de votre nation . J'ose
me prometire que vous regarderez désormais cette maison
comme la vôtre , et que dès aujourd'hui vous prendrez possession
de la chambre qui vous conviendra le mieux..... Je
m'excusai sur ce que n'ayant point prévenu mes chefs , je ne
pouvais m'absenter aussi long-tems sans en avoir obtenu leur
agrément. Le pere et la mere se sont rendus sans peine à
des raisons aussi puissantes. Elles n'étaient point suffi
santes pour miss Nancy. La beauté peut- elle croire à la
subordination militaire ? Rien ne doit ni ne peut résister à sa
volonté. Cependant on ne me pressa pas davantage . Tous
consentirent à mon départ , après m'avoir comblé de tendresse ,
après m'avoir fait promettre que je ne me séparerais plus d'eux
que lorque mon service l'exigerait impérieusement... J'avais
promis de revenir le lendemain matin... A neuf heures j'étais
débarqué , et tout en courant j'arrive à la maison . Miss Nancy
m'avait apperçu . C'est elle qui m'ouvre la porte. Votre
toilette est belle , sir Adraste , mais elle ne nous plaira point ,
si c'est la cause pour laquelle vous êtes venu aussi tard . Le
déjeûner est prêt depuis long-tems , et mes parens sont bien
impatiens de vous revoir. Miss , je... Point d'excuse
monsieur , vous n'en avez pas besoin avec celle qui ne voudra
jamais vous trouver coupable. Monsieur et madame V. Y. renchérirent
encore sur leurs amitiés de la veille . Nous n'osons ,
dit la bonne mere , vous appeller que l'ami de la maison ; mais
: mon coeur sent qu'il lui serait bien doux de vous appeller
mon fils. Le pere applaudit. Miss Nancy sourit en me regardant
; des larmes de joie roulent dans mes yeux , et ma langue
a balbutié un remerciement. La journée se passa à visiter la
maison , à parcourir ses dehors charmans . Toute la famille avec
moi ; miss Naucy me donnant toujours le bras , et m'adressant
sans cesse la parole... Qu'elle me connaît peu encore ; elle
eroit nécessaire qu'elle m'occupe d'elle... comme s'il m'était
possible de m'occuper d'autre chose ! La soirée devait au
mpins appartenir au pere : il nous signifia qu'il revendiquait
aes droits.
J'espere cependant que vous ne trouverez point
cette doi trop rigoureuse ; car je veux être un ami et non pas
un despote ? J'ai peu de chose à vous apprendre sur notre pays ,
yous le connaissez mieux que moi même ; mais je veux beaucoup
apprendre sur le vôtre. Papa , c'est bien juste... L'ami...
Sir Adraste s'entretiendra avec vous . et je resterai auprès de
lui. Miss , je répondrai avec plaisir à toutes les questions
de M. votre pere , mais je n'oublierai point , soyez en sûre ,
que j'ai le bonheur d'être auprès de vous . Bon ! je n'en demande
pas davantage.
--
-
-
――
-
( 37 )
C
Le pere de miss Nancy est grand partisan de la liberté des
peuples et du gouvernement républicain . On ne peut pas , me
disait-il , connaître le bonheur sous la dépendance d'un roi .
Qu'il soit bon et vertueux ( chose bien difficile ! ) , ceux qui
l'entourent paraissent bons et vertueux pour le tromper plus.
sûrement , et pour lors , malgré lui , son peuple sera malheu
reux . S'il est vicieux , c'est bien pire : les méchans profitent
de ses crimes , l'encouragent dans sa scélératesse , les hommes .
probes gémissent en silence sous la verge de fer du monstre
qui les dévore ; et tous ses esclaves se ravallent jusqu'à le..
vénérer comme l'image d'un Dieu justement irrité... On voudrait
en vain honorer la puissance d'un roi , il n'est pas dans
la nature d'aucun de se contenter du pouvoir qu'on lui a
délégué , etc. Mes réponses parurent lui plaice ; il m'a témoigné ,
beaucoup d'estime , et m'a jaré une tendre amitié .
Je me retirai dans ma chambre une heure après le souper.
Miss Nancy m'y a accompagné avec ses bons parens , et après
m'avoir , suivant l'usage , souhaité good night and good dream
( bonne nuit et heureux, rêve ) , ils se retirerent. Miss Nancy
me repeta good dream , sir Adraste ! Ah ! miss , que peaton
encore souhaiter à celui dont vous êtes l'objet de toutes les
pensées !
Le matin , en sortant de mon appartement , je trouvai miss
Nancy assise à ma porte , et travaillant à l'éguille . Elle avait
.. auprès d'elle une cuvette et un pot plein d'eau. Miss , vous
Jo vous êtes levée de bon matin. Cela m'est ordinaire .
me sais bien mauvais gré de ne m'en être pas informé , puisque
j'aurais pa vous voir plutôt . Puis-je savoir , miss , pourquoi
vous avez choisi de préférence cette place pour travailler.
J'étais mieux placée pour empêcher qu'on ne troublât votre
sommeil , et j'ai voulu être la premiere à vous offrir de l'eau
pour vous laver le visage , la bouche et les mains, Beaucoup de
personnes assurément auraient été aussi sensibles que moi à la
délicatesse de ce procédé ; mais quel est l'homme assez froid
pour avoir pu sur - le-champ exprimer sa reconnaissance ?
O fille incomparable ! c'est tout ce que j'ai su dire . Son sou
rire gracieux m'a convaincu que cette exclamation la cons
tentait.
Adraste s'enivre toujours plus de son amour , et continue
d'en faire confidence à son freie , que sou service tient éloigné
de lui , et qui , par son âge , son droit d'aînesse et sa qualité
de tuteur, croit qu'il est de son honneur d'employer toutes
les raisons , ensuite tous les moyens de rendre son jeune frere
à sa patric , à sa famille , à ses devoirs . Vous ne me pardonnez
point , lui écrit- il , d'avoir cru nécessaire de solliciter de
votre capitaine de vous retenir à bord pendant lecpeu dde temy
que vous resterez dans la riviere d'Elk. C'est un moyen bien
violent ; croyez aussi , mon cher Adraste , qu'il m'en a bien
coûté de l'employer. Il fallait vous sauver........
L'amitié ne
C 3
( 38 )
1
smes
poavait hésiter. Adraste lui répond par cette lettre , où il peint
si bien le désordre et le désespoir de l'amour malheureux :
Lá victoire est à vous .... Jouissez de votre triomphe .... Que
votre coeur savoure avec délices la gloire de ses succès ..... Il
n'est plus de bonheur pour moi .... iafortunée victime de l'orgueil
et des préjugés ! Je serai donc désormais le plus malheureux
des êtres ! .... La nature , ennemie aussi barbare que
l'amitié , me laisse encore la vie pour me voir lutter contre
le désespoir ! .... Condamné à ne plus revoir miss Nancy , je
vis encore.... Nancy , Nancy , je ne vous reverrai plus ! vous
avez reçu mes derniers adienx ; et faussement je m'étais flatté
que ce serait més derniers soupirs .... Mes yeux sont privés
pour toujours de bonheur de vous voir..... Ma bouche a pu
vous dire que je ne vous adorerais plus , et mon coeur respire...
Que sont devenus sermens ?..... Amour , qu'attends - tu
pour te venger d'un parjure qui t'outrage ? Oui , je le sens ;
' est toi qui prolonges mon existence pour me faire endurer
toutes tes furears .... pour punir mon crime atroce .... Oh !
oui , j'ai bien mérité toute ta colere ... O raison , le plus cruel
des fléaux du ciel , voilà donc ton ouvrage ! .... Ta nons fus
donnée , dit - on , pour nous conduire au bonheur.... c'est toi
seule qui m'y arraches ! ... Amitié , sentiment aveugle , que ton
joug est pesant... que tes caresses sont perfides ! ... Malheur à
qui reconnaît ton empire ! ... Tu ris de mes douleurs ! ... Mes
cris frappent agréablement tes oreilles ... Repais - toi délicieusement
du fruit de ta puissance ! ... Je ne te cacherai rien....
Je veux mettre le comble à ta satisfaction ... Ecoute ..... dévore
des aveux qui vont te pénétrer de joie ! Je vous ai dit que
la tristesse empreinte sur tous mes traits .... la mort dans le
coeur... Nancy ne voyait plus dans son amant que l'image du
désespoir.... Elle veut en apprendre la cause .... Je dois la lui
cacher.... Je fuis ; elle suit mes pas .... Je m'arrête ; elle est à
mes pieds.... La vertu osa s'humilier .... Non , c'est un nouveau
triomphe pour elle..... Elle pleure ..... elle supplie ! .....
Miss Nancy , vous allez tout savoir , Ses yeux éteints….… la
pâleur sur les levres .... tous ses membres sont tremblan's ! ...
Mistriss Gr...... , sa respectable soeur , la soutient avec peine .
O spectacle déchirant ! ... J'étais donc né pour commettre
le crime !..... pour plonger un poignard dans le sein de la
beauté , de la vertu . - Mais Nancy... on veut... que je vous
quinte ... dès ce soir .. je ne vous reverrai plus ! ... Ah ! mamma ,
mamma ! je ne le reverrai plus ! ...
les
Miss Nancy est sans mouvement dans les bras de sa soeur...
Sa mere accourt la rappelle à la vie……… Adraste , mon fils
Adraste ! j'ai confié ma fille à votre amour , à votre vertu !...
C'est donc là ma récompense ! ... Elle est morte . Non ,
pleurs dé son amant l'ont rendue à votre tendresse ...... Ma
tendre mere madame ! elle n'en mourra point..... Ce n'est
point à elle à mourir ! ... Nancy , Nancy ! Elle m'écoute...
( 39 )
-
-
Elle va parler... Les larmes inondent son visage. Mamma
it me l'a dit , je ne le verrai plus .... plus .... jamais . Mon
cher fils , que pouvez-vous noirs reprocher ? qui doit excuser
le malhenr dont vous nous menacez . J'aime..... Je veux
être heureux... Je veux faire le bonheur de celle que j'adore...
L'amour , le desir d'être heureux ... Voilà mes crimes ! ... On
ne me les pardonnera jamais ... Je suis condamné à un déses
poir éternel.... Demain vous en sautez davantage.... Demain
vous sanrez tout... Nancy , aimez- moi.... Madame , dites - lui
de m'aimer toujours ... Rieu ne m'arrête... Je fuis .... les cris
de l'amour... ceux de la nature... En vain ils me poursuivent...
Je suis sourd à tous ces sentimens... J'arrive à bord.... et je
vis encore !... et c'est à vous que j'écris ... Lisez ces lettres...
voyez ces réponses ... Ne croyez point , frere barbare , que je
renonce à mon amour.... Un jour je serai libre... Le ciel.....
le ciel avant peu punira l'orgueil et les tyrans ! ...
Adraste de retour en France , au sein de sa famille , né par
se refuser aux desirs de ses parens , et contracta un mariage
dont il fit part lui-même à son amante . Celle , lui écrit - il ,
qui fait depuis long- tems mon bonheur , était bien digne de
devenir le soeur de Nancy , l'épouse de ton amant ...... C'est
elle -même qui a desiré que je lui retraçasse ton souvenir . Souvent
elle m'a reproché d'avoir offert en sacrifice à l'hymen
les lettres que ton coeur dictait , que ta main m'écrivit ... Oui ,
Nancy , tes lettres , les miennes , notre histoire , tes cheveux
même , je brûlai tout au moment où je montai les marches de
l'antel.... Ne me reproche point ma cruauté ! ... elle était absolument
nécessaire... Ce fut pour moi un sacrifice bien doaloureux
!... Ces talisman d'amour ont cessé de couvrir mon coeur ,
cependant il respire encore !... La tendresse d'une épouse , jeune ,
belle , vertueuse , une autre Nancy l'a rappellé à l'existence
et au bonheur.... L'amour a cédé ses droits à l'amitié . Tous
nos sentimens lui appartiendront désormais . C'est à elle à étermiser
notre amour , vos vertus et ma gloire ..... Adieu , man
aimable Nancy ! ... adieu , ma soeur bien - aimée !
( La suite au numéro prochain. )
ANNONCES.
et
Mémoire sur la meilleure méthode d'extraire et de raffiner le
salpêtre par Tronson Ducoudrai , capiline au corps d'artillerie
. Nouvelle édition . Prix , 2 liv . broche. A Paris , chez
Batillot , libraire , rue du Cimetiere-André nº . 15 , section
92 GET BA
de Marat.
7
Instruction , extraite des pensées de J. J. Rousseau , à l'usage
des enfans des écoles primaires Se trouve chez le citoyen
Langlois , libraire -imprimeur , rue de Thionville , no . 1840.
C 4
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
Iv
ALLEMAGNE.
i
De Mambourg , le 10 Septembre 1794.
L'est sans doute assez difficile de déterminer au juste à quel
point la Porte ottomaue et les puissances du Nord de l'Europe
prendront parti dans la guerre actuelle , dont les généreux
efforts des Polonais , pour recouvrer leur liberté et arracher
aux demembreurs les lambeaux sanglans de leur patrię ,
ont singulierement changé les combinaisons pour la Turquie
et le Nord de l'Europe . Mais ce qui n'est pas difficile à conjecturer
, c'est que de quelque maniere que les choses tournent,
et quand bien même la fortune finirait par trahir la cause des
Polonais , il n'en serait pas moins vrai en dernier résultat que
la Russie , la Prusse et l'Autriche se seraient affaiblies , peutêtre
même épuisées , pour n'acquérir qu'une possession précaire
d'un pays où le feu sacre , de la liberté ne manquerait
pas de se rallumer tôt ou tard , parce qu'on ne pourra jamais
I'y éteindre jusqu'à la derniere étincelle .
Cette hypothese est cutore la moins défavorable aux trois
puissances co- partageantes : mais que serait - ce si la Porte
ottomane , sentant que ses véritables intérêts sont et ont toujours
été de rester liée avec la France et la Pologne contre
la Russie et l'Autriche , dont les systêmes d'envahissement
sont connus et prouvės , venait à déployer contre ces puissances
toutes les forces de terre , et de mer qu'elle est capable
de faire agir ? Car enfin , la Turquie a beaucoup d'hommes et
d'argent , taudis que l'Autriche et la Russie n'ont plus ni l'un
ni l'autre. Il en résulterait ce que l'on doit desirer pour la
tranquillité du Nord et de l'Europe en général , que ces orgueilleuses
puissances seraient obligées de descendre du rang
de prépondérantes , et se trouveraient réduites à l'heureuse
impuissance de faire du mal . Pendant ce tems des puissances.
peu riches , mais justes , mais modérées , et qu'on peut regarder
comme des gens de probité dans la société de l'Europe,
où l'on ne considere lors les nations que comune des individus
, venaient tomber entre leurs mains non souillées des
déprédations le commerce du Nord . En un mot , les autres
peuples de l'Europe auraient à faire à la Suede et au Danemarck,
et s'en trouveraient bien . La Pologne régénérée , couverte
d'hommes libres qui cultiveraient ses fertiles campagnes ,
deviendrait le grenier d'abondance de l'Europe , et les démem
par
( 41 )
breurs , ainsi que leurs lâches complices , rentreraient dans
une pénurieuse nullité.
Nous allous joindre ici les dernieres nouvelles qui confirment
plus ou moins ces vues : nous serons aussi exacts à donner
même celles qui les combattraient.
De Constantinople , le 4 août.
La Porte continue de prendre à son service des officiers'
étrangers , pour exercer ses troupes et ses matelots , et diriger
la construction de ses vaisseaux et de ses fortifications . On
vient de voir arriver dans ce port un vaisseau de ligne , de
30 pieces de cauon , construit par un offeier Français . Trois
autres de même force sont attendus de la mer Noire .
-La conduite derniérement tenue par les Anglais contre les
frégates françaises , dans les parages de la domination turque ,
a été vigoureusement dénoncée . La Porte a ordonné que , dans
le cas où les vaisseaux des puissances alliées chercheraient à
livrer des combats dans ses parages , les escadres turques les
inviteraient d'abord à se séparer ; et que , si ces vaisseaux per-.
sistaient dans leurs démonstrations , elles eussent à les attaquer.
Des escadres turques doivent être en conséquence stationnées
à Smirne ct daus les autres ports .
On assure que les revenus publics sont augmentés annuellement
de 35 millions de piastres . De grands changemens sont
attendus dans le ministere . Le bruit court que le grand-visie
lui-même doit quitter les affaires . On donne pour raison de
cette retraite son grand âge , qui ne lui permet plus de coutinuer
ses fonctions.
De Pétersbourg , le 14 août.
Catherine doit aliéner une partie des déserts immenses qui
se trouvent dans l'empire russe . Son but par - la est de les
faire mettre en culture ; mais ce projet fastueux est d'une
difficile , pour ne pas dire impossible exécution . Les hommes
manquent en Russie sur les terres deja cultivées , et il n'est
point de bras superflus pour les fiches et les landes . On parle
aussi de procéder à un examen très -rigoureux des concessions
de terres antérieurement faites par la cour. Une commission
sera nommée pour rechercher leurs motifs , et cu cas qu'elle
les trouve insuffisans , elle prououcera le retour de ces terres
à la couronue .
Les impôts du timbre , celui pris sur les oarchands , pour
être autorisés à vendre , celui des passe-ports , viennent d'être
considérablement augmentés. Les forges de fer et de cuivre
sont soumises à de nouvelles contributions . Les juifs paient
par - tout un droit double de celui qui est imposé aux autres
habitans. Enfin il est question de procéder à un nouveau dénombrement
de toute la population , et l'ou assure qu'il va se
faire un recrutement.
( 42 )
ར
Le général Romanzow est encore en Ukraine , ce qui indique
que les forces russes ne sont pas encore en mouvement.
Les dernieres nouvelles d'Archangel portaient que la flotte
russe était prête à mettre à la voile .
De Francfort-sur - le -Mein , le 13 septembre .
30
1901062
La position de l'empereur s'est pas moins embarrassante que
celle du roi de Prusse ; on pourrait même dire que les Pays-
Bas perdus , et la détresse où est la Hongrie , affligée de disette
et de maladies contagieuses , lai préparent un avenir encore
plus triste : c'est une faible consolation que les 80 millions
d'écus d'Allemagne promis par l'Angleterre , mais qu'il ne peut
gagner qu'en fournissant 100,000 hommes qu'il n'a pas , ou
du moins qu'il ne pourra donner qu'autant que le corps Germanique
voudra bien fournir sou contingent au quintuple ; ce
a quoi ne paraissent pas du tout disposés les petits princes et
les électeurs , que la guerre contre la France n'intéresse que médiocrement
, les uns en étant beaucoup trop éloignés pour avoir
jamais affaire directement à elle , et les autres , particuliere
ment les possessionnés , préférant de perdre les indemnités qu'ils
out eu la maladresse de ne pas accepter dans le tems , à perdre
tous leurs états ou du moins à les voir ravager. Le marché
avec la Grande-Bretagne pourrait done ne pas temir , et l'empereur
rester sans hommes et sans argent . C'est encore ce qu'il
pourrait faire de plus sage , puisqu'il faut choisir le moindre
des maux , et que le subside de l'Angleterre ne le dédommagerait
pas des hommes qu'il enverrait encore faire tuer par
les Français . Il résulte de ce mal - aise chagrinant des reproches
amers et réciproques entre l'empereur et le roi de Prusse,
d'ailleurs ennemis naturels , même lorsqu'ils s'associent pour
co-partager. Il parait que c'étaient des espérances de co- partage
qui les avaient rennis passagérement dans cette guerre
contre la République Française : elles ont été cruellement
trompées ces espérances ! il a fallu faire des frais considérables
pour cette entreprise , et aujourd'hui c'est à qui ne les payera
pas , à qui les laissera retomber charitablement sur son fidele
allié .
Plusieurs nouvelles viennent à l'appui de ces différentes
assertions , et semblent prouver que la coalition pourrait bien
se dissoudre , malgré le ciment des gninées du cabinet de
Saint-James pour consolider cet édifice ruineux
De Vienne, le 30 août .
Les commissaires Anglais ont quitté cette résidence pour
retourner à Londres , et l'on continue de dire qu'ils sont parvenus
an but de leur mission . On varie sur les conditions du
traité qui a dû être arrêté entre eux et le cabinet de Vienne.
Le bruit le plus répandu est que l'Angleterre doit prendre à
sa solde 120,000 hommes ; que les arinemens , équipement et
( 43 )
transports seront en outre à sa charge et à ceite de la Hollande.
Ou ajoute que , pour ne pas trop fatiguer l'Autriche et
les états héréditaires , il a été stipulé qu'ils ne fourniraient
que 20,000 hommes ; le surplus serait tiré des autres états de
l'Empire. Cette clause , si elle est vraie , est faite pour paraître
très- extraordinaire , et doit être regardée comme entiérement
illusoire . Si par-tout les cercles , les états de l'Empire
refusent le contingent que l'empereur ne cesse de demauder
, comuient les faire consentir de se prêter à ce qu'il
a stipulé sans eux , contre leur voeu bien connu?
00 THE
On annonce qu'il vient encore de survenir un nouvean
changement dans la position de l'Autriche vis-à - vis de la Pologne
. C'est pour la troisieme fooiiss que , depuis le commencement
de l'insurrection , le cabinet de Vienne aura pris . upe
détermination différente ; et celle - ci paraît due à l'interven
tion de Luchésini , nouvellement arrivé ici . Il est aujourd'hui
question que les troupes autrichiennes . qui commençaiest
dėja à se replier vers les frontieses de la Gallicie , vont reprendre
leur route vers l'intérieur du Palatinat de Cracovie
et de Sandorir. Frédéric- Guillaume avait long- tems refusë de
permettre aux Autrichiens d'occuper ces deux Palatimats ;
mais obligé depuis d'employer toute son armée au siége de
Varsovie , il a cédé à la demande de François on dit même
que les Autrichiens sont déja en possession de Cracovie.
Pendant que le duc de Saxe - Teschen presse inutilement les
cercles et les princes d'Allemagne de fournir leur contingent à
l'armée de l'empire , et que ceux - ci refusent ouvertement ou
éludent ses demandes sous divers prétextes , l'empereur ne
cesse , de son côté , d'envoyer à la dictature des décrets et
des invitations . Chaque jour , il sollicite le corps germanique ,
qui reste immobile , de prendre des mesures actives et vigoureuses
contre les Français . Après avoir retracé tout ce qu'il dit
avoir été fait par lui pour la défense de l'empire , et offert
un long détail des sacrifices qu'il s'est volontairement imposés
, François fait un tablean des moyens formidables qui sont
à la disposition de la France , et qu'elle emploje ; il représente
que non- seulement la France a fait de cette guerre , d'abord
défensive pour elle , une guerre offensive , mais que maintenant
les troupes de la coalition elle-même se trouvent hors
d'état de se tenir sur la défensive . Il termine en disant qu'après
avoir éprouvé une perte immense d'hommes , épuisé ses trésors
il lui sera impossible , sans le secours de l'empire , de conti
nuer une guerre aussi terrible...
Depuis quelques jours on annonce que des renforts qui ont
passé le Rhin a Worms, vont joindre l'armée allemande , et
qu'alors celle-ci ne tardera point à se porter sur Lautern , Les
Républicains semblent avoir prévu que ce mouvement devait
avoir lieu ; ils se retrancheni sur tous les points à Turckheim ,
a Lantern , à Landschoul . Ils ont deux bataillons à Landsthoud
( 44 )
et six à Lautern . On n'apprend rien de Trêves . Il parait que
les Autrichiens étaient encore le 10 à Wittlich . Planckenstein
aemis le commandement de son corps au général Melas .
Le 5 , des croates et des hussard's de Wurmser attaquereut
un avant- poste français près la Montague- rouge . Toute cette
troupe a été
e a été faite prisonniere , apres qu'un grand nombre eût
été blessé et plusieurs tués . Les Français ont six canons de 12
sur cette montagne . On croit qu'une partie de l'armce prussienne
passera la Moselle à Trarbach : les pontons doivent y
être arrivés le 11. Les Prussiens viennent de remettre Mayence
à la garde des Autrichiens .
De Clèves , 10 septembre.
Des
*On se rappelle que , lorsque les Autrichiens et les Prussiens
furent repoussés , l'an passé , au -delà du Rhin par le géneral
Pichegru , chacune des deux nations voulut rejeter sur l'autre
la honte de cette déroute . Brunswick se plaignit hautement de
la conduite de Wurmser. L'Autrichien récrimina ; et la cour
de Vienne affecta de bien traiter son général , pour faire sentir
que ce n'était point à lui qu'elle attribuait ses revers .
scenes pareilles se renouvellent . Les Autrichiens , effrayés des
nouveaux succès des Français , s'en prennent aux Prussiens .
Ils disent , à qui veut l'entendre , que la Prusse semble chercher
à perdre l'Empire , uniquement pour écraser la maison
d'Autriche ; et que ses généraux sacrifient des villes et des
cantons entiers , pour ne pas se trouver sous le commandement
d'autres officiers . Kalkreuth vient sur-tout d'être dénoncé par
eux comme n'ayant rien voulu faire de ce qu'il aurait dû tenter
pour défendre Trêves . Cette accusation est devenue si publique
, a été tellement multipliée , que ce Prussien a cru
devoir y répondre . Dans cette intention , il a fait insérer une
note assez longue dans les feuilles publiques , et prétend avoir
agi autant qu'il était en lui. On remarque beaucoup d'humeur
dans cette piece . Le général en chef Mollendoifl'a approuvée ,
et y a inséré lui - même un article pour la justification du cabinet
de Berlin .
PROVINCES UNIES IT BELGIQUE.
Toutes les lettres des frontieres annoncent que les Français
s'en approchent sur cinq colonnes . Le 28 du mois dernier ,
leur avant- garde était deja à Orchot.
Le gouvernement craint beaucoup pour Bréda . D'abord il
avait pensé qu'il pourrait être protegé par divers mouvemens
de l'armée . Mais tout est changé depuis que l'armée a été
obligée de battre en retraite , et que tous les avant - postes ont
été contraints de se replier.
Les mouvemens des Français vers la Basse -Meuse indiquent
qu'ils semblent diriger leur marche de maniere à faire leur
( 45 )
jonction avec une partie de l'armée de la Moselle , qui doit
faire une invasion dans le pays de Juliers . Si cette réunion
s'opere , on peut pronostiquer pour cette contrée un résultat
semblable à celui qui a eu lieu pour les Pays - Bas autrichiens ,
après la jonction de l'armée du Nord et de la Sambre .
Le recrutement est en train dans la province de Hollande .
On donne eo florins à chaque recrue et l'on promet divers
avantages dont les soldats n'ont pas joui jusqu'à présent. Cependant
le recrutement s'opere avec beaucoup de peine.
ANGLETERRE. De Londres , le 2 septembre.
DeNew- Yorck . La cause de la liberté que défendent les Français
devait naturellement avoir beaucoup de partisans dans nos états ;
par la même raison , les Auglais , qui sont armés pour la défense
du despotisme royal et ministériel , ont trouve ici beaucoup
d'antagonistes aussi on a vu que , dans la fameuse séance
du congrès américain sur la paix ou la guerre contre l'Angleterre
, les voix ont été également partagées , et que l'avis seul
du général Washington a décidé la neutralité.
Depuis cette époque , l'esprit de liberté fait de grands progrès
dans tous nos états , et les démarches violentes de l'Angleterre
à notre égard ont enlevé un grand nombre de partisans
à Pitt . On ne doute plus ici que ce ne soit ce ministre qui a
déchaîné contre nous différentes peuplades d'Indiens , et on a
appris qu'ils ont surpris et pillé en dernier lieu un convoi de
vivres et de munitions , destinés pour l'armée de notre général
de. Wayne , destinée à agir contre les postes que les Anglais
ont établi sur nos frontieres , au mépris des traités . Ces infractions
répétées aux clauses de notre pacification avec l'Angleterre
, indignent le peuple Américain , qui est prêt à se
lever en masse pour les faire cesser .
Le 7 juillet a été l'anniversaire de la liberté américaine ;
cette époque a été célébrée dans tous les Etats - Unis avec tous
les transports du patriotisme par- tout on a porté des toasts
à la liberté et à la prospérité de la République Française . Malgré
les calomnies ' qu'on cherche à repandre contre le président
du congrès , tout le peuple lui a montré dans cette occasion
toute son estime et toute sa reconnaissance . Puisse - t-il ,
répétaient les Américains , vivre long - tems pour jouir de la
plus riche récompense qu'un patriote puisse recevoir , l'atta
chement d'un peuple reconnaissant et heureux ! Puissent les
efforts des Français , ajoutent - ils , se terminer par un gouvernement
libre et républicain ! Puissent la paix et l'union , et
tous les biens qui les accompagnent , assurer le bonheur public
et individuel de ce peuple ! "
On doit procéder , le 25 octobre , à une nouvelle élection
des membres du congrès .
( 46 )
On s'occupe avec beaucoup d'ardeur de l'établissement de
la nouvelle ville de Washington , où le congrès s'assemblera
à l'avenir. La maison du président est déja entièrement construite
la plupart des autres bâtimens sont au moment d'être
couverts .
La grande escadre de l'amiral Howe était encore à Saint-
Helens le 31 août. Les papiers ministeriels publient que les
derniers troubles qui ont eu lieu à Londres , ont été suscités
par les clubs institués pour la réforme parlementaire . On vient
d'établir un camp dans le comté de Sussex . Le nouveau secrétaire
de la guerre , Windham , est parti pour se rendre à
l'armée d'Yorck.
TA $10 .
La suspension de la loi d'habeas corpus a causé dans les
trois royaumes un mécontentement général , qui s'est manifesté
par des mouvemens populaires dans les villes et même
dans les campagues .
Une lettre de Portsmouth , en date du 30 , annonce que le
29 us incendie a consumé dans ce port , peu de distance
de l'arsenal , l'Impétueux , vaisseau français de 74 canons
pris par l'amiral Howe . En peu de tems les flammes s'éleverent
à une grande hauteur , et présenterent un spectacle effrayant .
Sur-le-champ nombre de chaloupes s'étant amarrées ensemble ,
se formerent sur deux colonnes pour s'efforcer d'accrocher
l'impétueux avec de fortes chaînes à l'avant et à l'arriere , afin
de l'éloigner du Northumberland , qui en était voisin , et de le
/ conduire dans un endroit où la communication du feu ne fût
point à craindre . Elles en vinrent à bout. L'incendie dura
jusqu'à neuf heures du soir ; mais il ne fut entiérement éteint
qu'a minuit , après avoir consumé le vaisseau jusqu'à fleur d'ean .
Quelques Espagnols , qui étaient à bord , périrent dans les
Hammes. Un d'eux trouva moyen de s'échapper ; et ayant été
anêté , il a raconté qu'ils essayaient de faire prendre le feu
à des cartouches mouillées. Il a été conduit en prison , et
lou assure que depuis on a encore arrêté quatre ou cinq
autres personnes .
La semaine derniere , les commandans et officiers des corps
d'émigrés Français à la solde de la Grande- Bretagne , se sont
Embarqués à Greenwich , à bord d'une fregate préparée pour
Let effet par le gouvernement . Elle a aussi- tôt fait voile pour
le Continent , où ces officiers s'établiront dans les postes qui
lear sont désigués , pour faire la levée de leurs corps res
pectifs.
*
Nous savons de très-bonne part que le comte d'Artois ne
s'est rendu en Hollande que pour ses affaires particulieres ;
il n'est pas du tout question de sou arrivée en Angleterre ;
a contraire , il doit passer quelque tems dans le voisinage
de la Haye , où on lui prépare un palais appartenant au
stadhouder.
( 47 )
KEPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE ' ANDRÉ DUMONT.
Séance de duodi , a Vendemiairesno 91
usdbuiW
Dans la séance du soir de la veille , André Dumont a été
nommé président ; Lozeau , Laporte Pelet , secrétaires.
Une adresse de la société populaire de Delveze , département
du Puy- de -Dôme , qui se plaint de ce que la Convention
a rapporté son décret qui ordonnait l'impression de la
liste des détenus élargis , avec les noms des solliciteurs , donne
lieu à quelques débats . Les uns demandent l'insertion au bulletin
; d'autres s'y opposent , en soutenant que les principes
de cette adresse sont opposés à ceux de la Convention . L'adresse
est renvoyée au comité de sûreté générale .
Le secrétaire , interprête de la République Française en
Suisse , fait passer un don de 1,600 liv. pour les veuves et
orphelins de nos braves freres d'armes . Il y joint une lettre
de Berlin qui contient des détails sur la bonne conduite des
prisonniers Français .
Guiton-Morveau rend compte de l'application qu'on a faite
de la découverte des aërostats à l'art de la guerre. Ils ont servi
plusieurs fois à faire connaître la position et les mouvemens
des armées ennemies , et cette connaissance a contribué aux
succès de la bataille de Fleurus et à la derniere victoire que
l'armée de Sambre et Meuse vient de remporter sur les coalisés.
Il entre dans des détails propres à tranquilliser sur
l'établissement de Meudon , qui n'est destiné qu'à des expériences
dont les résultats servent aux armées.
Moyse Bayle donne lecture d'une lettre des représentans
du peuple à Marseille , adressée à leurs collegues de la dépus
sation des Bouches - du - Rhône , et qui est , dit-il , de nature à
rassurer la Convention . ་
Ils annoncent que la grande masse des citoyens de Mar.
seille est excellente , mais comprimée par la terreur que sement
des scélérats couverts de crimes ; les yeux commencent
à se désiller ; ils esperent que les meneurs ne tarderont pas
à être dejoués et punis. Jitog sup si
Ils ajoutent que le premier des sanculotides , on proposa
dans la société populaire , de déclarer traître à la patrie qui
conque voudrait trouver dans cette société des frippons et
des dilapidateurs.
( 48 )
Thuriot dit que cette lettre , au lieu de rassurer sur la situation
de Marseille , n'est propre qu'à exciter davantage la
sollicitude ; car comment se rassurer sur l'esprit public
quand on ose faire une semblable proposition dans la societé ?
Je deinande que Treilhard donne lecture d'une autre lettre
des mémes représentaus au comité de salut public .
Treilhard donne lecture de cette lettre qui contient peu
près les mêmes faits que la précédente ; mais où il est dit de
plus , qu'il se forme des rassemblemens à deux lienes aux
environs de Marseille ; que l'on a découvert des souterreins
qui communiquaieut aux magasins d'armes et par où l'on
pouvait les enlever.
L'Assemblée décrete l'insertion de ces lettres au bulletin .
Moyse Bayle se plaint de ce que Fréron , dans sa feuille
d'aujourd'hui , intitulée l'Orateur du peuple , l'a dénoncé ainsi
Granet comme des conspirateurs ; on lui dit de s'adresser
aux tribunaux ou d'écrire . L'Assemblee passe à l'ordre du
jour.
que
Monestier et Durand - Maillane annoncent que , quoique
députés du département des Bouches - du - Rhône , on ne leur
commuuique jamais la correspondance de Marseille . Ils font
cette déclaration pour servir en tems et lien .
L'Assemblee est très - agitée ; Granet , Duhem , Moyse Bayle ,
Fréron , Barras et beaucoup d'autres parlent haut et avec vivacité.
Raamps s'écrie qu'on a des pieces qui prouvent que
Freron et Barras sont des dilapidateurs : alors le tumulte augmente
; Barras s'écrie qu'il attendait qu'on le dénoncât pour
rompre le silence ; il demande que ces pieces soient à l'instant
lues à la tribune ; je répondrai ensuite , dit - il , j'appelle
sur moi la vengeance nationale si j'ai demérité de la patrie ;
mais j'appelle aussi sur mes dénonciateurs la justice de l'Assemblée
; car je vois ici l'auteur de la révolte du Midi ; cet
homme qui soutient jusqu'à la fin ceux que vous avez conduits
à l'échafaud .
,, Cenx qui nous accusent , dit Fréron , parce que nous
avons sauvé l'armée du Midi , sont ceux qui ont fait r'ouvrir
les sections de Marseille qui étaient fermées . J'ai des pieces
à la main qui prouvent que Granet et Bayle sont les auteurs
de la conjuration qui éclate à Marseille ; que Moyse Bayle a
été un des plus grands fauteurs du fédéralisme , en laissant
avilir la représentation nationale. La dénonciation que l'on
veut faire coutre Barras et moi est vieille de six mois et arra ,
chée à l'un des deux correspondans de Barbaroux , auquel l'on
avait promis de les soustraire à l'échafaud , et qui n'ont pû y
échaper , quoiqu'ils eussent pour défenseurs officieux Moyse
Bayle et Granet . Ces deux contre - révolutionnaires sont le
president et le vice - président de la société populaire de
Marseille. Je demande que les pieces soient lues , et je prouverai
ensuite quelles sont les causes du fédéralisme du Midi.
99
Merlin
( 49 )
Merlin ( de Thionville ) demande la formation par appel
nominal d'une commissiou où cette affaire soivrenvoyée .
Alors Ruamps declare que ce qu'il a dit contre Barras et
Freroa , il le tient de Granet , et qu'il a seulement demandé
qu'on lût les pieces . afin que .....
Legendre , interrompant Raamps : tu n'es, dit-il , qu'on'
lieutenant , tu es soufflé par des chefs qui se cachent. Il eft tems
que la Convention , que le peuple , que la Republique entiere
ouvrent les yeux sur des hommes qui voudraient mener la
Convention comme ils mener les speciales et les societés
populaires , qui n'ont perdu de leur energie que parce qu'ils
en sont les mencurs. Ce ne sont pas ceux qui crient , mais
ceux qui baissent la tête ici comme aux Jacobius , et se cachent
derriere la toile , Savez- vous ce qui les effrale ? c'est ce qui a
effrayé tous les tyrams ; c'est la liberté de la presse ; ils craignent
d'être démasqués ces hommes couverts de sang que l'on met
en avant , et qui menent les Jacobins. Ce n'est pas moi ,
j'espere , s'ecrie Ruamps .
}
Les Jacobins ouvriront les yeux , ils verront qu'ils ont dans
leur sein des gens qui voudraient rétablir la commune pour
rivaliser la Convention ; ils s'appercevront que quand l'ora
teur est à leur tribune , Robespierre est dans le trou du soufe.
fleur qui souffle l'acteur. Lafayette , Neckeriet autres craignaient
aussi la liberté de la presse ; et si la liberté de la presse
eût existé sous Charles IX , le massacre de la Saint- Barthélemi
n'eût pas eu lieu . ››
Ici Legendre éleve la voix et s'éerie je demande à toute
l'Assemblée si elle s'oppose i la liberte de la presse ?
*
L'Assemblée se leve , excepté quelques membres du haut ,
et l'on s ecrie : non , non ! ( Les tribunes applaudissent vive meut . )
Je jure avec tous les Republicains , que je poiguarderai
eelui qui voudrait imiter Robespierre . Parmi les lieutenans on
en remarque qui ont rougi la mer , en lui envoyant les reflux
de la Loire couverte de sang , er qui ont réduir les habitans
du Tropique à n'avoir que du sang pour baptême . Voila les
monstres qui dirigent lesJacobins et qui out organisé les troubles
du Midi. Que faisait on aux Jacobins sous Robespierre ? on
chassait un membre de la Convention pour son opinion à la
Convention . Que fait- on aujourd'hui`aux Jacobins on chasse
un membre de la Convention pour son opinion à la Convention.
On á dit dans cette société ……. Un rocher de la mon◄
tagne se détachera , écrasera ce qui se présentera à sa rencontre
; nous sommes six , cela suffit . Vous êtes six ! mais le
peuple , oui tout le peuple ; car tous les gens fables qui , jusqu'au
10 thermidor etaient incertains , se sont reunis à la Convention
le peuple , le comptez vous pour rien ? Sans doute ,
nous sontieudrous les societes populaires , elles sont le bou
levard de la liberté ; mais il ne faut pas qu'elles se laissent
mener par une poignée, de miserables. Citoyens représentansa
Tome XII.
......
t
1.3
750 )
que le bonheur du peuple seal vous anime ? Jettez en entrant
dans cette salle de manteau de la haine . Quand vous aurez
fait le bonheur du peuple , vous vous assommerez après , si
vous voulez. Legendre demande qu'on rappelle à l'ordre
quiconque se levera pour une motion tendante à une querelle
particuliere.
Fréron produit une piece , signée de Granet et de Moyse
Bayle , contre Marat. Moyse Bayle dit que Fréron ne nomme
pas tous les signataires . Eh bien ! dit Fréron , les autres sont
Barbaroux , Duperret , Duprat et Mainvielle , et ils sont tous
guillotinės.
Toutes ces pieces et dénonciations réciproques sont ren .
voyées aux trois comités de salut public , de sûreté générale
et de législation .
Jean - de-Bry présente des idées intéressantes sur l'éducation
et les institutions sociales , et le renvoi au comité d'instruction
. 7
Roger - Ducos , au nom du comité des secours publics , a
fait un rapport sur des soins généreux que le citoyen Gérard
Meunier , pauvre et chargé de dix enfans , a prodigués au
représentant du peuple Drouet , tombé au pouvoir des brigands
de l'Autriche , et détenu par eux dans un cachot å
Bruxelles ,...... Il faut le répéter à l'univers entier ; non , la
tyrannie la plus oppressive ne se montra jamais plus raffinée
en supplices , tant est implacable et féroce la haine des rois
contre la liberté des peuples ! L'instrument fatal enchaînait
à-la- fois et la tête et les mains de Dronet , qui , dans cet état
d'immobilité , ne pouvait exister que par la main hardie et
bienfaisante du brave Meunier ...... L'action de Meunier l'eût
précipité dans les fers , si le tyran d'Autriche en cût eu connaissance
; la République Française l'aura récompensée par
une déclaration que l'histoire recueillera , et par des secours
qui arracheront le bienfaiteur de Drouet à l'infortune et à l'ingratitude
de son pays......
La Convention a chargé la trésorerie nationale de payer
Gérard Meunier une somme de 6000 liv . Il jouira d'une pension
de 1500 liv. , réversible par portions égales sur la tête de
ses enfans . Ceux - ci en jouiront jusqu'à l'âge de 18 ans
laquelle époque il leur sera payé à chacun 1000 liv.
président écrira à Meunier , au nom du peuple Français .
Séance de tridi , 3 Vendemiaire .
" å
Le
Une députation de la commune d'Arras est admise . L'orateur
fait un tableau rapide de toutes les vicissitudes que les
intrigans ont fait éprouver à la révolution . Il existe à côté de
vous une société fameuse dans nos annales , jadis l'arêne où
des champions de la liberté s'exerçaient à la lutte qu'ils devaient
soutenir contre le despotisme ; depuis , la cour d'un
dictateur insolent , qui du haut de sa tribune aux harangues.
( 51 )
•
étendait sur toute la France un sceptre de fer ; et mainte
nant nous présentant l'image d'un parlement dictatorial , ou
l'on discute les moyens de museler le peuple , et de donner
des fers même à la pensée . Ses variations tiennent aux différens
caracteres de ces hommes que les révolutions populaires
roulent avec elles . La vertu n'est pas toujours le seul levier
des révolutions , l'inquiete ambition s'att che souvent à elles ,
comme un alimentea sa cupidité ... Maintenez le gouverne
ment révolutionnaire ; marquez du sceau d'une réprobation
civique , ces hommes qui ne savent exister que dans les crises
convulsives , et qui , comme les serpens , ne savent vivre qu'en
s'alimentant de leur propre venin .
Le président répond : C'est en vain que la malveillance.
s'agite pour égaier le peuple . Ne craignez rien pour la liberté
et l'égalité , elles sont impérissables : défiez - vous de ceux qui
sement la division , et ne parlent que de terreur. Ne craignen
pas que la Convention laisse jamais élever à côté d'elle une
autorité usurpée qui voudrait la rivaliser ; elle ne souffrira pas
plus cette rivalité monstrueuse , qu'elle ne souffrirait qu'on
voulût détruire les sociétés populaires qui ont courageusement
défendu les droits du peuple . "
Foureroi , organe du comité de salut public , donne lecture
des pieces officielles qui annoncent la prise de Bellegarde
dans son intégrité . Voyez dans le précédent numéro la lettre
du général Dugommier ; celle des représentans du peuple contient
les mêmes détails . )
La Convention décrete , 1º , que l'armée des Pyrénées orientales
ne eesse de bien mériter de la patrie ; 2 ° . que le fort de
Bellegarde portera désormais le noin de Sud - libre ; 3 ° que
l'évacuation entiere du territoire de la République sera célébrée
par une fête décadi prochain ; 4 ° . que la nouvelle de la
reddition de Bellegarde sera envoyée à toutes les armées , que
le télégraphe la transmettra sur-le - champ à l'armée du Nord .
Le représentant du peuple dans le département de la Vienne
écrit que les patriotes ne sont point , comme on l'a prétendu ,
persécutés dans ce département.
La société populaire de Compiegne se plaint de ce qu'on a
dit que dans cette commuue l'aristocratie levait la tête ; elle nie
le fait , et ne reconnaît de centre que la Convention . Celle
de Montdidier prétend que le modérantisme et l'aristocratie se
téveillent .
----
Une députation des citoyens composant les cinq sections
de la commune de St. - Omer , département du Pas - de - Calais ,
vient tracer le tableau des cruautés et des oppressions commises
dans ce département , par Joseph Lebon , dont elle demande
le prompt jugement . Elle voue à l'exécration les continuateurs
de Robespierre , et déclare que Duhem s est trompé dans le
rapport qu'il a fait aux Jacobius et à la Convention , relative .
ment à notre commune ,
Da
( 52 )
Duhem déclare qu'il n'a point dit que le peuple de SaintÖmer
ne fût pas
bon en masse , ni qu'il soit en insurrection ,
mais que des fédéralistes , des contre - révolutionnaires agitaient
le peuple et cherchaient à l'égarer. Il ajoute qu'on lui a dit ,
par exemple , que l'individu qui a porté la parole a été traduit
au tribunal révolutionnaire , comme dilapidateur . Il demande
le renvoi du pétitionnaire au comité de sûreté générale ..
Plusieurs membres observent que cet individu a été acquitté.
Après d'assez vifs débats , l'Assemblée ordonne l'insertion dé
l'adresse au bulletin , et le renvoi des dénonciations au comité
de sûreté générale.
Fourcroi fait un rapport sur l'établissement d'une école des
travaux publics , dont le centre sera à Paris . Impression et
ajournement.
Rovere demande que la commission chargée de la levée
des scellés sur les papiers de Robespierre , fasse imprimer son
catéchisme et la lettre que Fayau a écrite à Robespierre relativement
à Phelippeau .
Bentabolle étend la motion à toutes les pieces qui tiennent
à la conjuration . Ces propositions vont décrélées .
Séance de quartidi , 4 Vendemiaire.
Lequinio fait connaître à la Convention le trait suivant :
Les brigands s'étaient portés chez le citoyen Lefloch ,
saboutier , dans les bois de Trédion , à quelque lieues de
Vannes ; voulant savoir si leurs camarades s'étaient emparés
de la ville de Malétroit , distante de trois lieues , ils chargerent
de ce message la femme du sabottier , lui donnerent
un de leurs chevaux , et la sommerent de rapporter la réponse
sous six heures ; ils garderent en ôtage son mari et son enfant
encore à la mammelle . Cette femme se met en route ;
mais n'écoutant que la voix de la patrie , au lieu de se rendre
à Malétroit , elle tourne vers une bourgade peu distante
avertit un patriote sûr ; des forces sont réunies , les brigands
sont mis en fuite , et la ville de Malétroit est préservée de
leur fureur. Mais deux jours après ils reviennent à la chaumiere
du sabottier , brisent tous ses meubles et réduisent
cette famille vertueuse à la misere la plus absolue . Insertion
au bulletin et renvoi aux comités d'instruction publique
ct des secours.
Delmas , au nom du comité de salut public , annonce que
le même jour où l'armée du Nord frappait les Hessois et les
Anglais , l'armée des Alpes signalait de nouveau son courage .
Il donne lecture des dépèches arrivées de cette armée . ( Voyez
Nouvelles officielles . ) Mention honorable des deux divisions
de l'armée des Alpes , et insertion des pieces au bulletin .
Merlin ( de Thionville ) saisit cette occasion pour présenter
quelques idées sur la fête qui doit célébrer la grandeur du
peuple Français , et l'expulsion des ennemis de son territoire ."
! 53 )
Que dans cette fête , dit - il , le peuple n'ait pas l'air d'être,
au parterre , pour voir figurer ses maîtres ; qu'il n'attende pas
trois heures un froid concert ; qu'on n'y voie plus de ces
décorations de théâtre , de ces statues de plâtre qui faisaieut
croire que la République , comme elles , ne devait durer que
deux jours , Imitous les Romains , auxquels je ne veux pouriant
pas nous assimiler . Ils gravaient sur des colonnes qui
existent encore : Til jour , les armées romaines ont baltų les
tyrans . 29 — Renvoyé an comité d'instruction publique ,
Breard annonce 25 nouve les prises matitimes , dont deux
sont estimées de 70 à 80,000 liv . sterling. Plasieurs de ces
bâtimens étaient chargés de cuivre , de bois de construction , etc.
Il donne ensuite lecture de la piece suivante :
Paris , 5. sanculotide , l'an qe , de la République , uns et indi-.
visible .
Citoyen représentant , j'ai eu connaissance d'un fait que
Je crois intéressant de te communiquer , afin que tu en fasse
part au comité de salut publie ; il donne un grand développement
à la conspiration de Robespierre .
" Voici ce qui m'a été dit :
99 La Martinique a été prise le 20 mars ( vieux style . ) Les
troupes anglaises se placcient dans les maisons des citoyens .
Le capitaine des grenadiers , Eentabourg , prit possession de
la maison du citoyen Damboularet , contrôleur de la marine ;
celui- ci étant porte sur la liste des déportés , et vessant mettre
ordre à ses aliaires pour s'embarquer , Eentabourg lui dit :
Vous allez en France , vous serez guillotiné, Comment , li
dit Camboulaiet , vous plaisantez , en me disant que je
serai guillotiné ; on ne guillotine que les traitres et les ariatocrates
, et je ne suis déporté que parce que je suis patriote ,
et que je ne puis vivre sous un gouvernement ennemi . Oh !
c'est égal , répliqua Bentabourg . Robespierre guillotine et
patriotes et aristocrates . Vous arriverez en France , vous trouverez
du changement ; Robespierre protége la fille et le fils
du roi de France , et c'est lui qui les fera passer en Angle
terie , et vous aurez un roi , etc.
" Si on fait attention que ce propos a été tenn en Amérique
en mars 1794 , il y a lieu de croire que la conspiration de
Robespierre est de longue haleine , et qu'un des chaînons auquel
elle était liée est l'Angleterre , qui n'a jamais perdu de
vue de s'approprier le commerce exclusif par lequel on gouverne
le monde l'Angleterre devait garantir la tyrannie de
Robespierre qui , de son côté , lui aurait garanti la propriété
des colonies et de quelques ports en France ; ce premier pas
aurait eu toutes les suites qu'on peut concevoir ; ce qu'il y a
de particulier , c'est que Robespierre n'a jamais rien voulu
envoyer aux colonies .
Je donne cet avis , citoyen représentant , parce que je
D 3
( 54 )
erois qu'il est utile de recueillir tout ce qui peut avoir du
rapport avec les dangers qui ont menacé la République ; ce
propos a été tenu à la Martinique , en présence de dix citoyens
qui sont en France. ,,
Insertion au bulletin ,
Thuriot annonce que la secte infâme de Robespierre , obligée
d'abandonner son premier plan sur lequel comptait l'Angleterre
, vient d'en adopter un nouveau. Les complices de la
conspiration se répandent dans les départemens , font ou font
faire , par des affidés ou des hommes trompés , des motions
dont l'objet est d'exciter l'alarme sur les subsistances , dans
les lieux même où regue l'abondauce : plusieurs sont déja
arrêtés . Il est bon que cette vérité soit connue de toute la
France , afin que les sociétés populaires s'empressent de faire
saisir sur le- champ ces hommes criminels , s'ils se présentent ,
et les livrent à la justice ,
Merlin ( de Douai ) , au nom des trois comités réunis , pré,
sente des dispositions additionnelles aux mesures prises contre
les étrangers ; elles sont décrétées en ces termes :
Art. 1er . Geux qui n'étant pas résidans à Paris à l'époque
da er, messidor , y sont arrivés postérieurement à la publica,
tion de la loi du 3e , jour des sauculotides , seront tenus d'en
sortir le 3e . jour qui suivra la publication du présent décret,
II . Seront également tenus de sortir de Paris , trois jours
après leur arrivée , ceux qui s'y rendront à l'avenir , et ce
jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné .
III . Sont exceptés des dispositions des articles précédens ,
ceux qui sont compris dans les exceptions portées par les lois
des 3. et 4. jours des sanculotides .
IV. Le comité de sûrete générale est autorisé à donner
des permissions pour rester à Paris , à ceux qui y viendraient
pour des causes d'une utilité ou justice reconnues , non comprises
dans lesdites exceptions .
" V. L'insertion du présent décret au bulletin de corres
pondance tiendra lien de publication .
Séance de quintidi , 5 Vendemiaire.
Prieur ( de la Côte - d'or ) fait , au nom du comité de salut public
, un rapport sur l'établissement : il confirme ce qui a été
déclaré plus d'une fois , que cet établissement n'est relatif qu'à
des expériences dont les résultats servent aux succès de nos
armes , qu'il n'est point de nature à inspirer des inquiétudes ,
puisqu'il est surveillé continuellement par un représentant du
peuple. Il fait lecture du réglement de police extérieure . Lą
Convention l'approuve , et décrete en outre qu'il y aura près
cet établissement deux représentans du peuple qui seront chan
gés tous les trois mois , et qui seront autorisés à se transporter
dans les lieux où se fabriquent les objets d'approvisionnemens
( 33 )
destinés pour Meudon , lorsqu'il sera nécessaire d'en presser
l'activité .
Le citoyen Schmidt , facteur d'instrumens , fait hommage
à la Convention , 1º . d'une machine hydraulique , avec laquelle
on peut descendre dans l'eau à quelque profondeur que ce
soit ; scier , clouer , percer des trous , attacher des cordages ,
ramasser des choses au fond de l'eau , sans compression d'eau
ni d'air rester une demi-journée sous l'eau , entretenir des
conversations avec ceux qui sont dessus ; 20. d'une charrue
quitexige moitié moins de forces pour la trainer ;" . d'une
échelle qui se monte à volonté , et qui peut être d'un trèsgrand
secours dans les cas d'incendie. Mention honorable
et renvoi aux comités d'agriculture et des arts .
315
Une adresse , où il est dit que l'aristocratie et le modérantisme
levent la tête , donne lieu de vifs débats . Levasseur
en demande l'insertion au bulletin . D'autres membres se
plaignent de ce que la commission dés dépêéhës në lit que
des adresses rédigées dans certains sens , et ne fait point connaître
les autres . Levasseur demande si l'on veut étouffer l
voix du peuple , qui , ne pouvant se rassembler en sectionst
n'a de moyens pour se faire entendre que la voix des sociétés
populaires.
་
Personne plus que moi , dit Bréard , ne respecte les sociétés
polalaires ; mais Levasseur est dans l'erreur s'il croit
que quelques citoyens réunis puissent représenter le voeu du
peuple. Le peuple seul , réuni dans son entier , est en droit
d'exprimer son voeu ; mais il ne peut l'être par cinq à sik
intrigans qui écartent les sociétés populaires des sages principes
de leurs institutions . 19 La Convention renvoie
l'adresse au comité de sûreté générale.
whande
La veuve de J. J. Rousseau vient déposer deux manuscrits
que lui avait remis son époux une heure avant sa mort , avec
une inscription qui annonce que son intention est , que le
scean apposé sur l'enveloppe , ne soit rompu qu'en 1801
Des débats s'élevent pour savoir si l'on ouvrira le manuserit
; plusieurs membres s'y opposent. Thuriot déclare que ,
s'il y a dans cet ouvrage des choses indiscretes , il ne sera
pas public ; mais s'il ressemble aux autres ouvrages de Rousseau ,
pourquoi en priver plus long -tems le public.
La Convention décrete que le paquet sera ouvert . Lakanal
annonce que Fécriture de ce manuscrit est de J. J. Rousseau,
On en ordonne le renvoi am comité d'instruction .
La commune de la Rochelle réclame contre les hommes qui
ont osé dire que l'aristocratie se relevait dans ses murs . Elle
jure de ne reconnaître de centre que la Convention , et de lois
que les siennes. La société de Pezenas demande l'impression
de la liste des détenus élargis , le maintien du gouverne-
- ment révolutionnaire et la liberté, de la presse.. Renvoyé au
* comité de sûreté générale.
D 4
( 36 )
Séance de sextidi , 6 Vendemiaire.
Lakanal ; au nom du comité d'instruction publique , rend
compte du manuscrit de JJ. Rousseau ; ce n'est qu'une nou
Welle copie de ses 10ofessions , avec quelques variantes, d'expressions
et de pensées . Les personnes qui n'ttaient que designes
dans' ouvrage. sout nommées en tomies, lettres dans
le manuscrit , Il pourra être employe dans une nouvelle édition.
La lecture du manuscrit de fauteur du Contrat Social et
d'Emile four une reflexion qu'on n'a pas faire jusqu ici dans
les divers juge meus qu'on a portes sur le caractere des onvrages
de ce grand homme . Son premier jet dans la compo
sition c'est toujours une pesce ingesiense ; mais il Fefface
ensuite pour y substituer un trait de sentiment.. Lakanal invite
les depositae des manuscrits de ce philosophe , les aublier .
Nombis d'adresses de socrates populaires et d'autorités constituees
remercientia Convention d'avoir mis la justice à l'ordre
du jour ; elles l'invitem a poursuivre les complices de Robespiente
, et offrent leurs bras et leur sang pour le salut de la
patriend
6
On fait lecture d'une lettre de Charles Lacroix , repiesentani
du peuple täis de departement des Aldennes."
dit
Je ne me suis jamas ecarte , dit-il , de Tausterite des principes
; il est faux que j'aie mis en place des fayetistes et donné
la liberté des contre révolutionnaires , comme l'a
Levasseur . Je vous transmets des pieces constatant les cames
d'un partisan forcene de Robespierre , qui a opprime le départentent
des Ardennes , qui a voulu le vendaliser en détruisant
des monumens des arts , qui a`dresse , des listes de proscription
et comis des ba baries atroces. C'est le même qui
a souillé dernierement voire barre et qu'on pas rougi de
Vous designer comme un excellent patricte . vous annonce
que la société populaire'de Monzon et le comité révolutionnaire
de Sedan but desavoné les adresses présentées en leur
nom à la Convention par des intrigans qui ont crié à l'oppres
sion des patriotes et au triomplie de l'aiiftocratic . Insertion
au bulletin renvoi au comité de sûrere genérale .
} Eschasseriaux présente quelques dispositions relatives aux
peres et meres qui auraient adhere , a l'emigration de leurs
enfans ; elles donent lieu a des débats qui se terminent par
le renvoi au comite de legislation , pour y êtic revues , et ensuite
présentées de nouveau.
292 24
( 57 )
1
PARIS. Nonidi Vendemiaire , 3e ,' année de la République .
Les nouveaux comités révolutionnaires de Paris , qui ne sont
plus qu'au nombre de douze , savoir un comite l'arronpour
dissement de quatre sections , viennent d'être organisés , et
sont entrés en exercice .
Loys et Ferru , membre de la société des Jacobins , ont été
arrêtes par ordre du comité de sûrete generale .
Dans la scance des Jacobins du 3 vendemiaire , un citoyen ,
que l'ou dit être commandant de canouniers , s'étant échappé
daus le cours d'une opinion tres - vehemente et très - irréfléchic ,
jusqu'à dire qu'il y avait une vaste conspiration dans le sein
meine de la Convention , a été interrompu par les marques de la
plus vive improbation . Resson , Duhem et Levasseur se sont
elev s contre ces hommes qui viennent jetter les brandons de
la discorde au sein de la société . Ils ont defendu la dignité de
la représentation nationale , et declare qu'elle etait pure , et
qu'elle saurait punir toutes les factions et les factieux . Bassal
a annoncé que ce citoyen n'etait point membre de ia société.
Après beaucoup d'agitations , l'opinant a été arrêté , et conduit
au comité de sûreté generale .
Si l'on rapproche ce fait de ce qui s'est passe dans la société
populaire de Marseille , et plus récemment dans celle de Commune-
affranchie , où quelques individus se sont permis d'outrager
la Convention , et d'avancer que le souverain était immédiatement
dans les soci tes populaires , il est aisé de voir
qu'il y a un système forme pour avilir la Convention , et
exciter des roubles par le moyen des societes poplaires . Ces
societés sauront se garantir du piege qui leur es tendu , et se
rallier intimemcut à la representa on nationale.
La lettre que l'on va line repandra un nouveau jour sur le
plan de subversion "que l'on s'efforce de combine ) . Elle est
écrite officiellement par un agent de la Republique aux commissaires
des relations extericures , et adressées par celui- ci au
comité de salut public . Elle est ainsi conçue :
6. Les Anglais se vantent beaucoup qu'il y a un parti qui
travaille pour eux à Paris . Ce sont des gens apostes pour jetter
des pommes de discorde au milieu de la Convention , et pour
faire ressusciter cet ancien systême qui avait tant fait d'ennemis
à la France .
19 Les Anglais disent , et toutes leurs gazettes ne cessent de
répéter qu'il faudra bien que certe terreur revienne à l'ordre
du jour et que dans peu on réhabilitera la memoire de Robespierre.
C'est la discorde qui doit , selon eux ramener cet
état de choses.
( 58 )
S'ils ne parviennent pas à fomenter une dissention à Paris ,
ils n'esperent plus de contre- révolution . Ils se flattent cependant
que dans trois mois les Pays -Bas seront tout évacués , et
ce ne doit point être la force armée qui opérera cet événement.
Sont -ils fondés dans leurs conjectures ? c'est ce que
j'ignore ; peut-être qu'ils ne répandent tous ces bruits que pour
ne pas faire perdre conrage aux autres .
" Il paraît qu'il y avait un plan de susciter la dissention en
Languedoc , dans le Dauphiné et en Provence , où les Piemontais
auraient pu donner des secours . Ce plan existe-t-il encore ?
Il y a des émigres qui s'en flattent . ››
ལྟ་བ་ ཉ
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de l'affaire des Nantais.
Nous avons déjà fait connaître dans l'avant- dernier n ° . les
détails de la translation de ces infortunés de Nantes à Paris . Ils
font frémir tout ame qui n'a pas encore perdu tout sentiment
de justice et d'humanité . Ceux qui nous restent à raconter
forment le développement de cette affaire , et offrent le tableau
de tout ce que la férocité et le fanatisme des spinions
révolutionnaires peut inspirer d'horreur lorsqu'ils sont dirigés
par l'esprit de vertiges et de crimes .
Ces 94 Nantais , reste de 132 qui étaient partis de Nantes ,
étaient accusés d'avoir conspiré contre le peuple , les uns en
employant des manoeuvres tendantes à favoriser le systême liberticide
des fédéralistes , en entretenant des intelligences avec
les émigrés , d'autres en employant des manoeuvres tendantes
à égarer les citoyens et à corrompre l'esprit public par le
fanatisme , en tenant des propos contre-révolutionnaires ,
discréditant les assignats par l'agiotage , etc.
en
40
La procédure , qui a duré 7 jours , a attiré un concours
prodigieux de citoyens . Le calme et la décence qui ont regué
pendant les débats , ont présenté un heureux contraste avec
la sanguinaire précipitation de l'ancien tribunal , et les ironies.
atroces dont on a vu autrefois Dumas accabler les accusés eg
leur lisant leur arrêt de mort . Les juges et les jurés se montrent s
aujourd'hui dignes de représenter la justice nationale. Ce qui
a excité le grand intérêt que le public a pris à cette procédure
, avant même que l'innocence de ceux qui en étaient
T'objet fut légalement reconnue , c'est l'atrocité de leurs persécuteurs
, qui , traduits au tribunal pour leurs crimes , ont
osé se présenter comme témoins . On a vu dans cette cause
des assassins déposer contre leurs propres victimes , et n'abandonner
le rôle d'accusateurs insolens que lorsqu'ils furent con
traints d'avouer leur perfidie et leurs forfaits dévoilés. Ç'était
J
( 59 )
une grande présomption en faveur des accusés que de voir
parmi leurs dénonciateurs ces membres du comite révolution.
naire de Nantes , qui avaient signé l'ordre de les fasiller ,
sans qu'aucun jugement eut précédé cet arrêt , et qui , peu
de tems auparavant , avaient fait périr , dans la foire , par des
bateaux à soupapes , plusieurs centaines de leurs concitoyens .
Comme les principaux traits de cette affaire ont été reproduits
par le citoyen Tronçon - Ducondray , défenseur othcieux
des accusés , nous nous bornons à donner un précis de son
discours.
C'est avec peine , dit- il , que je retrace le tableau de nos calamités
; mais ce tablean servira du moins à donner à nos
ames plus d'énergie . Sans doute il faut terrasser l'aristocratie
et le modérantisme ; mais on ne doit pas perdre de vue les
machiavelistes modernes .
99 Quelques-uns des accusés ont été momentanément égarés ;
la plupart on combattn pour la patrie , et sont converts de
cicatrices honorables . Des assassinats execrables ont profané
la liberté le tribunal doit un exemple à l'Europe ; vous
-devez apprendre aux tyrans coalisés ce que c'est que le vrai
patriote , et comment la justice lui est favorable.
:
,, En octobre dernier , un comité révolutionnaire fut établi
à Nantes ; il a trafiqué de la vie et de l'honneur des citoyens . II
était composé d'hommes vils et perdus de moeurs ; Goulin ,
même dans l'ancien régime , était connu sous le nom de
Toué .
,, Grandmaison a reconnu lui- même qu'il avait été un assassin.
Les citoyens ont été livrés à ces hommes pleins des
maximes de Robespierre ; ils ont versé des flots de sang : à
chaque instant ils inventaient de nouvelles conspirations poar
accuser des citoyens et les faire périr ; ils disaient qu'il fallait
égorger en masse tous les prisonniers .
" Une centaine de prêtres fanatiques qui devaient être déportés
, furent saisis on les envoya sur la Loire , dans le baleau
à soupape ; on les dépouilla et on les précipita dans les
flors ; le bateau a servi à plusieurs noyades . Ce mot nouveau
a consacré des forfaits nouveaux ; cette conduite de rigueur
a peut être réduit les rebelles au désespoir et prolongé les
guerres de la Vendée . 1
Vous ne perdrez pas de vue la condnite politique , patriotique
et républicaine de Phelippes-Tronjoly , de cet accusé
qui , dans tous les tems , se déclara l'ennemi du despotisme
et seul dans la ville de Nantes , se dévouant pour sa patrie ,
n'a pas craint d'attaquer le comité révolutionnaire , de le
poursuivre.
" Lẹ 14 frimaire , le tribunal révolutionnaire , dont Phe(
60 ).
i
lippes était président , condamna à mort six conspirateurs
on fit suspendre l'exécution de leur jugement ; on voulait délibérer
s'il ne valait pas mieux faire périr des prisonniers en
masse . Phelippes s'y opposa forteinent , en disant qu'il existait
à Nantes un tribunal révolutionnaire , une commission
militaire et un tribunal criminel ; qu'il fallait juger les détenus
; qu'il se déclarait leur défenseur , jusqu'à ce que la loi
prononçât ; qu'il ne connaissait pas l'abominable justice da
comité quel courage ! Le lendemain le comité voulut remettre
en délibération si l'on ferdin périr les prisonniers en masse ;
il établit qu'il existait une vaste conspiration dans toutes les
maisons d'arrêt ; il parla d'une liste de plus de 300 détenus :
Phelippes témoigna encore sa résistance , il se retira ; il fut
appelé président contre- révolutionnaire par Goulin .
Le 15 , arriva l'ordre de fusiller les détenus . Aucun n'était
condamné à mort ; vingt avaient été iucateérés la veille ,
d'aptres acquittés , d'autres détenes par jugement de police
correctionnelle , etc.
" Le commandant temporaire de la place de Nantes s'opposa
à l'exécution de cet ordre , et le dénonça aux administrations
. Ce trait vous rappelle sans doute les Charny , les
Saint-Hérau , les Tanneguy- Leveneur , les Degordes , les Maudelot
, etc. Ces généreux commaudans de provinces , qui s'opposerent
aux massacres de la Saint Barthelemi , ordonné par
Charles IX , en disant qu'ils ne seraient jamais les bourreaux
de leurs freres .
,, Le 21 , le comité apprête une autre scene à la maison
de justice ; ou s'y livre à un repas bicchique . Goulin tire de
sa poche un peloton de ficelle ; il s'approche des prisonniers ,
il leur lie les mains . Phelippes avait fait défense d'extraire les
prisoniers sans jugement ou sans ordre ; le concierge s'oppose
cette extraction , il n'est pas écouté ; ou les conduit à coups
de sabre au port ; ils moutent sur le bateau fatal , la kache´se
-fait entendre , ils sont engloutis . Un sent s'échappe , il passe
la nuit suspendu aux rochers ; ou l'apperçoit , on le remet
en prison .
Des femmes enceintes furent aussi englouties dans la Laire ;
des enfans de 7 , 8 , 9 et 10 ans subirent le même sort ; des
ames sensibles demanderent à se charger de ces derniers
quelques-uns leur furent accordés ; les autres , apparemment
regardés comme des louvetaux , furent refusés et noyes , malgré
les réclamatious des citoyens .
,, Ainsi périrent des générations innocentes , sans aucun
acte qui puisse constater leur mort. Dites , hommes barbares ,
comment rendrez - vous à la patrie des femmes qui auraient
engendré des défenseurs à la liberté , et des enfans qui , dans
quelques années , auraient combattu les satellites des tyrans.
( 61 )
Phelippes réclame encore ; mais il ne fait que de vains
efforts. Il apprend que les membres du comité , pour donner
un air de justice à leur barbarie , et pour ne pas tout exter
miner à- la -fois , s'amusent à tirer au sort la vie des prisonniers;
trois boules blanches leur sauvaient la vie , les noires les livraient
à la mort. Le nombre des noyades est incalculable.
Phelippes reçut , le 27 et le 29 frimaire , des ordres de
faire guillotiner sans jugement , le premier 23 , le second 27
brigands pris les armes à la main ; il fit des représentations
il reçut des ordres plus positifs . Parmi ces brigands se trouvaient
des enfans de 13 et 14 ans , et 7 femmes , L'exécuteur
des jugemens criminels est mort de chagrin , deux jours après ,
d'avoir guillotiné ces femmes .
Le 7 et le 11 nivôse , Phelippes publia une ordonnance
relative à la noyade de 129 détenus à la maison de justice de
Buffay , faite dans la nuit du 24 au 25 frimaire ; elle fut mal
accueillie . Il tomba malade et il fut remplacé . Il exerça les
fonctions de juge au tribunal du district de Nantes .
Le 25 germinal , époque à laquelle trop de vérités allaient
être révélées , Moreau de Grandmaison , maître d'armes , et
membre du tribunal révolutionnaire , le menaça et lui dit :
99
Tu n'en es pas quite , je te dénoncerai comme fédéraliste .
Il fut arrêté , traduit au tribunal révolutionnaire , et attaché
pendant toute la route avec un scélérat qui a été condamné
a mort; il quitta Nantes avec cette tranquillité d'ame qui caractérise
l'innocence : il se sépara de cette ville malheureuse où
il n'existe plus de commerce , et dont les habitans marchent
sur les ruines de toutes les vertus et sur les torches de tous
les crimes .
" On vient de m'apprendre que 144 femmes regardées comme
suspectes , qui , incarcérées dans cette ville , travaillaient à faire
des chemises , des gueues pour les défenseurs de la patrie ,
furent aussi conduites dans le bateau et noyées .
" La quantité de cadavres engloutis dans la Loire , a été
telle que l'ean de ce fleuve en a été infectée au point qu'une
ordonnance de police en a interdit l'usage aux habitans de
Nantes , et méme la pêche du poisson. Les hommes sanguimaires
qui veulent légitimer ces mesures , disent que l'on n'a agi
ainsi que pour sauver la patrie . Tibere et Louis XI pensaient
que l'intérêt de l'Etat , dans certaines circonstances , exigeait
de la sévérité ; mais leurs satellites ne se permirent jamais aucun
acte semblable sans y ètre autorisés par leurs maîtres.
Il suffit , citoyens jurés d'avoir jeté un coup - d'oeil sur les
figures des accusateurs pour être pleinement convaincu que le
crime accusait l'innocence . Mais on saura enchaîner ces hommes
sanguinaires qui voudraient nous transformer en bourreaux
La justice révolutionnaire excuse l'erreur , et protege l'innosence.
99
( 62 )
Le président résume les questions.
La declaration du jury porte en substance : Qu'il a existé
une conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la République
, contre la liberté et la sûreté du peuple ; que Villenave ,
Fournier , Dorvo , Pecot , Briere , Poton , Sotin l'aîné , Le-
Joux , sont auteurs ou complices de cette conspiration , mais
qu'ils ne l'ont pas fait avec des intentions contre - révolution-
Daires.
Que Phelippes , dit Trone-Joli , est auteur on complice.
d'actes et airêtés fédéralistes qui ont eu lieu à Nantes , au
mois de juillet 1793 , mais qu'il ne l'a pas fait avec des intentious
contre - révolutionnaires .
" Qu'à l'égard des autres accusés , d'avoir trempé dans la
conspiration par les délits qui leur ont été attribués dans la
procedure , le fait n'est pas constant .
En conséquence , le tribunal acquitte les 94 accusés , et
ordonne qui soient mis en liberté. "1
Le presid. a x citoyens acquittés : Depuis long-tems privés de la
liberté , séparés de ce que vous avez de plus cher , le glaive
de la loi était suspendu sur vos têtes . Ne vous faites pas illu
sion , plusieurs d'entre vous ne sont pas ex mpts
de reproches
; sans doute votre premier sentiment est un tribut de
reconnaissance pour la loi qur institua le jury , pour cette loi
bienfaisante et propice à ceux qui , coupables par le fait , ne
le furent pas par l'intention ; n'oubliez jamais que c'est à cette
salotaire institution que plusieurs d'entre vous doivent anjourd'hui
leur absolution , puisque sans cette loi , premier fruit de
not heureuse regénération , la hache nationale les eût atteints.
,, Retournez dans vos foyers , allez consacrer vos premiers
momens à la consolation de vos familles , racontez à vos concitoyens
le tendre intérêt que vous ont témoigné les Parisiens ,
et que votre attachement inviolable à la République répare l'erreur
momentanée dans laquelle vous avez été entrainés . Sans
doute vos enfans , vos concitoyens vous parleront de ce
tribunal ; ch bien , dites - leur qu'il n'est terrible que pour le
coupable , que l'humanité y est la vertu des juges , comme la
justice le premier mobile de leurs travaux . 99
A peine le président a - t - il cessé de parler , que la salle
du tribunal retentit des cris universels de vive la République !
tous les coeurs sout émus tous les spectateurs ont les yeux
fixés sur les infortunés Nantais rendus à la patrie et à la liberté
aprés de si longues souffrancesa
2
Devrai jeune , qui s'était dévoué généreusement aux horreurs
d'une captivité de 11 mois pour rendre un pere à sa nombreuse
famille , est invité par le président à venir recevoir l'acco
*
( 63 )
lade fraternelle , comme un juste hommage à son action hés
roïque. Cette scene touchante excite de nouveaux témoignages
de sensibilité ; on entend partout dans la salle et à l'extérieur
ces expressions : Ils sont acquittés , tant mieux ! Vive la République.
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES .
Copie de la lettre écrite par le général en chef de l'armée des Pyrénées
orientales , au commandant du fort de Bellegarde ; au quartiergénéral
de Bellegarde , la 2º . sanculotide.
Je ne peux accepter aucune de tes propositions . La garnison
se rendra à disposition ; elle attendra son sort de la générosité
française. "
Signé , DUGOMMIER.
Copie de la réponse à la lettre du général en chef Dugommier , faite
par te commandant du fort Bellegarde , au général en chef de
l'arméefrançaise des Pyrénées orientales , le commandant espagnol
de la place de Bellegarde .
A la réplique que tu me fais , je réponds être d'accord
avec ce que tu proposes et ce que tu offres . 1 %
Bellegarde , le 18 septembre 1794-
Signé , le marquis DE VALLESENTORE.
Pour copie conforme . Signé , DUGOMMIER , général en chef.
ARMÉE DES ALPES.
Au quartier-général sous Briançon , le 30 fructidor.
Citoyens collegues , le transport des vivres est difficile
dans un pays montagneux , et sur- tont à l'armée des Alpes , à
cause de la grande distance qui sépare les lieux où sont placés
nes magasins , des postes qu'occupent les défenseurs de la
patrie.
" Les Républicains ont l'art de s'approvisionner à peu do
frais ; nos braves freres d'armes viennent de le prouver en
allant chercher en Piémont des boeufs , des moutons , du pain ,
du vin , des pieces de canon , des fusils , de la poudre et autres
objets nécessaires à une armée .
Le 28 de ce mois , nous avons attaqué les Piémontais sur
plusieurs points . Deux divisions de notre armée ont concouru
à cette opération ; chacune a fait sou devoir . Pendant 24 heures
曬
( 64 )
nos soldats sont demenrés exposés à la pluie et au mauvais
tems , sans que rien ait pu rallentir leur ardeur.
,, La division du géneral Vaubois a attaqué sur la droite .
L'ennemi occupait des positions inexpugnables ; il nous a prouvé
par une fusillade très vive et soutenue , l'intention de nous
opposer une forte résistance : mais bientôt le pas de charge
et la bayonnette ont terminé le différend . Nos freres d'arines
sont tombés sur les postes avancés de l'ennemi et les ont
égorgés ; le reste de l'armée piémontaise a cherché son salut
dans la fuite . Sa retraite a été trop précipitée pour que cette
division des troupes républicaines ait pu faire plus de 128- prisonniers
; mais elle a ramené 1200 moutons , 160 bêtes à
cornes , beaucoup de bêtes de somme et d'autres objets dont je
ne puis vous donner le détail dans ce moment , parce que le
commissaire des guerres n'a pas pu faire parvenir encore les
états.
:
" La division du général Pelapra a formé une attaque sur
la gauche à la tête était le général en chef provisoire Petit
Guillaume et le générat de brigade Gouvion . L'ennemi était
maitre à droite et à gauche du village de Lachenal , de trois
positions sur les hautes montagnes où il y avait plus de 3coo
hommes bien retranchés ; chacune de nos colonnes a marché
sur les avant- postes piémoutais la bayonnette en avant , sans
brûler une amorce : nous les avons taillés en pieces , 200 ennemis
au moins sont restes sur la place .
,, L'armée piémontaise n'a pas oublié de recourir à ses
moyens ordinaires . Elle a fait ronfler le canon , il n'a fait
de mal à personne . Une grêle de balles a été dirigée sur
nons , trois républicains seulement ont reçu de légeres blessures
. Il fallait le pas de charge pour en imposer aux ennemis .
Nos freres d'armes leur ont presenté la bayonnette , leur fuite
précipitée nous a mis en possession de leur camp tout tendu ,
de deux canons de sept et de cinq , et de plusieurs épingardes .
Nous avons fait 153 prisonniers au nombre desquels se trouvent
quatorze officiers et le comte Saint - Martin , que ses brigandages
ont rendu fameux et qui jouit en Piemont d'une haute considération
. Les deux divisions de l'armee républicaine n'ont
perdu que quatre hommes. Si je devais parler des actions
d'éclat , j'aurais à citer chacun des soldats , des officiers et
généraux . Nous avons pris beaucoup de boeufs , de moutons et
de mulets , toutes les munitions de guerre de l'ennemi ,
600 fusils , du pain et du viu . On s'occupe actuellement à
rassembler tous ces objets dans notre camp .
( N °. 3. )
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDÍ 15 VENDEMIAIRE , Pan troisieme de la République.
( Lundi 6 Octobre 1794 , vieux' siyle . ' )
Li
POÉSIE. , ry auroid
( Ode. )
DES
LE VENGEUR.
ES aquilons fougueux les rapides haleine
Des cendres de tes fils couvrent au loin nos plaines a
Les tems sont arrivés , tremble , fiere Albion ....
Sans avoir sa valeur tu reçus en partage
Les vices de Carthage ,
2: A
,
НБ
Et la nouvelle Rome a plus d'un Scipion .
Elle s'éleve aux cieux cette Rome nouvelle
Et l'immortalité sur son front étincelle !
Le siecle de Brutus à la terre est rendu !
Du sang de l'étranger la frontiere est fumante ,
La France triomphante
Voit l'aigle palpitant sur la poudre étendu .
Où sont vos légions , présomptueux monarques ?
Vos soldats en tombant ont fatigué les parques ;
9.
fi
JA
Mars foule aux pieds l'orgueil de vos fionis terrassés :
Il enchaîne vos fils , vos épouses tremblantes ,
Et de ses mains , sanglantes
Traine au fond des enfers vos trônes renversés . ~
Mais de nombreux vaisseaux les ondes sont couvertes.
La perfide Albion s'irritant par ses pertes ,
Des batailles encor veut tenter le hasard .
Des bords du nouveau - monde , aux rives de la France ,
Une flotte s'avance ......
Dieu sera- t - elle en proie aux dents du léopard ?
Non , non , du léopard nous préviendrons las rage.
Nous partons ; l'Océan déja loin du rivage
Voit sur ses flots amers nos étendards flottans.
A ce terrible aspect l'Anglais perd son au ace ;
Un more effroi remplace
La passagere ardeur de ces vils combattams .
Tome XII .
( 66 )
L'Anglais est plus nombreux , mais les fils de la France
Ne craignent point le nombre , et triomphans d'avance
De leur gloire future ils respirent l'éclat.
Mars accourt , l'oeil ardent et la bouche écumante ,
Sa lance menaçante
Frappe son bouclier et sonne le combat.
Le bronze en feu vomit la foudre rugissante ,
Le pôle retentit , le soleil s'épouvante ,
Des torrens de fumée obscurcissent le jour.
De mille et mille feux l'onde semble allumée ;
Et la mort affamée
tressailli de joie en son affreux séjour .
Mais à nos fiers guerriers la victoire est fidelle !
Le sang de l'ennemi de tous côtés ruisselle ;
Des navires anglais la foudre ouvre les flancs: \
Les mourans frappent l'air de leur voix gémissante ,
Et l'ombre turbulente
Roule autour des vaisseaux des cadavres brûlans.
Trois vaisseaux d'Albion s'abyment dans les ondes ;
Tout fuit ; Thétis répete en ses grottes profondes
Les chants républicains de nos jeunes héros .
Ah ! melons quelques pleurs à ces chants de victoire ,
Et célébrons la gloire
Des guerriers du Vengeur engloutis dans les flots .
Neptune a vu souvent dans son onde glacée ,
La baleine en fureur de toute part pressée ,
Des sauvages du Nord soutenant les assauts ;
Elle attaque , elle fuit , revient , plonge , surnage ,
Et dévoue au naufrage
Ses cruels aggresseurs et leurs frêles vaisseaux .
Tel paraît le Vengeur au milieu du carnage ,
Accablé d'ennemis qu'il immole à sa rage .
Mille bouches d'airain tonnent sur le Vengeur.
L'avide Anglais sur lui de tous côtés s'élance ;
Mais deux fois sa vaillance.
Repousse des Anglais l'impuissante fureur .
Rends-toi , lui dit l'Anglais d'une voix menaçante .
Le Français ranimant sa force défaillante ,
( 67 )
Préfere à l'esclavage un trépas glorieux.
Et tout prêt à périr , le Vengeur plus terrible ,
Semble encore invincible ,
Et rend ses ennemis de sa mort envieux .
Tandis que dans son sein la flamme le dévore ,
La foudre qu'aux Anglais le Vengeur lance encore
Couvre de feurs débris les flots ensanglantés .
Ainsi l'Etna vomit la flamme et l'épouvante ,
Et de sa lave ardente
Inonde autour de lui tous les champs dévastés .
On voit sur l'Océan les antennes brisées ;
Le vent traîne en lambeaux les voiles embråsées ;
Le gouvernail se rompt ; les mâts sont emportés ;
Du navire entr'ouvert les flancs se désunissent ;
Sur les flots qui mugissent
La pâle mort s'avance à pas précipités .
Ç'en est fait , le Vengeur voit sa perte certaine.
Sur le dernier des ponts chaque soldat se traîne ,
Leve les mains aux cieux et bénit son pays.
L'air retentit des chants de la troupe héroïque :
VIVE LA RÉPUBLIQUE !
L'abîme est refermé l'air répete leurs cris .
Des flammes et des flots , volontaires victimes ,
Vous mourez en vainqueurs , ô guerriers magnanimes !
Vous mourez en héros , c'est le sort des Français ..
Ah ! dans Paris s'éleve un temple de mémoire ,
Et vos noms , votre histoire ,
Cravés dans tous les coeurs , ne périront jamais .
Contre l'oubli des tems la gloire est une égide.
De nos ans passagers le cours est si rapide....
Imitons ces héros , rendons - nous immortels .
La gloire est préférable à la plus longue vie.
Mourons pour la paurie ;
Chez nos derniers neveux nous aurons des autels .
Par le citoyen . PHILIPON,
Explication des Charade et Enigme du nº . 2 .
Le mot de la Charade est Amer ; celui de l'Enigme est Manchon.
( 68 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
TONGA ET PEGGY NY REDON.
TONGA et Peggy Nyredon , autre nouvelle américaîne , fait
le pendant de celle d'Adraste et Nancy . C'est encore un jeune
officier Français , philosophe chagrin , qui , pendant les dernieres
guerres de l'Amérique , rencontre en se promenant
Tomes Nyredon , vieillard , qui l'invite à venir dans sa maison.
Miss Peggy , sa fille , salue Tonga avec grace , et par un compliment
honnête elle le remercie de s'être rendu aux instances
de son pere , qui desirait depuis long- tems de recevoir chez
lui des efficiers Français . Cette aimable miss , âgée de 18 aus ,
est d'une figure très agréable , mais ayant cette pâleur qui
peint et inspire le sentiment et la tendresse ; les cheveux trèsnoirs
, une taille aisée , la démarche gracieuse . Elle est le seul
enfant que sir Tomes ait eu de l'épouse qu'il avait cheri pendant
20 années , et dont il pleurait la perte depuis plusieurs
mois. Tonga croyait n'avoir jamais mieux counu tout le prix
de l'existence , que depuis qu'il passait sesjours avec sir Tomes
et sa charmante fille . Ils avaient renversé toutes ses idées sur
la nature humaine ; on l'entendait maintenant exakter sa perfection.
Ces deux nouveaux êtres lui avaient fait créer un
autre univers. C'était avec eux qu'il venait se délasser des
fatigues de l'étude . Son esprit trouvait toujours à acquérir
dans les entretiens du pere ; les sentimens de son coeur se développaient
avec miss Peggy. Il appellait souvent le secours
de sa raison pour se préparer à l'idée cruelle de la séparation .
Cependant ce moment redouté approchait. L'on nous menace
du départ de l'armée française , lui dit un jour sir Tomés .
Sous trois semaines au plutard nous partirons . Je ne me
permets point de le craindre , puisque nous sommes destinés
à combattre pour vous procurer le bonheur en asurant votre
liberté ; étant utiles au meilleur des peuples , nous remplirons.
les voeux de nos compatriotes , et cette idée plaît bien à mon
coeur. Tonga qui , dans toutes les circonstances où l'armée
française se trouva , s'était toujours distingué par une valeur
rare , avait été remarqué favorablement des chefs des deux
armées . Sa correspondance avec sir Tomes fat toujours bien
suivie ; toutes ses lettres parlaient de miss Peggy et semblaient
n'être écrites que pour elle . Mais ayant été griévement blessé
au siége d'Yorck , il obtint la permission de demeurer en
Amérique pour s'y rétablir , et jusqu'au moment où il pourrait
repasser en France. Aussi-tôt qu'il se crut en état de supporter
la fatigue du voyage , il se rendit auprès de miss Peggy.
i
( 69 )
Les tendres soins de cette sensible amante rendirent son rétablissement
aussi prompt qu'heureux . Cependant Tonga fut
obligé , malgré son amour et sa juste reconnaisance , de s'arracher
, après des scenes de douleur et de tendresse , et sans
avoir encore osé déclarer sa passion , aux embrassemens du
vieillard et de sa vertueuse fille . Il arrive à Brest et part aussitôt
pour aller rejoindre sa famille , dont depuis dix-huit mois
il n'avait point reça de nouvelles ; et c'est ce silence étonnant
qui l'empêcha de faire aucune promesse à son amante . Mais
quelle fut sa douleur en apprenant la mort de son pere ! il y
avait près d'un an qu'il n'était plus . Il versa quelque tems des
larmes sur la tombe de son pere ; après avoir payé ce premier
tribut de douleur à la nature , il réalisa en especes les biens
dont il était devenu possesseur , et repartit aussi - tôt pour
rejoindre sir Tomes et miss Peggy , et avec la ferme résolution
de ne plus s'en séparer .
Un jour que sir Tomes se promenait dans la campagne
s'abandonnant entièrement à ses justes douleurs , il apperçoit...
non , ses yeux ne le trompent point .... c'est Tonga ! .... Son
sang se glace par le saisissement que cause à son coeur l'excès
de la joie qu'il ne peut supporter ... Il veut s'écrier ; sa langue
ne peut articuler aucun son ... Ses bras s'ouvrent d'eux-mêmes .
Tonga accourt se précipiter sur le coeur de son ami , de
son pere. Après quatre mois d'absence , il venait d'arriver pour
vivre désormais avec sir Tomes et miss Peggy , et assurer pour
toujours leur bonheur et le sien . Ah ! mon fils , s'écrie enfin
sir Tomes , tu viens me rendre une fille qui te chérit , et que
ton absence arrachait à la vie , à ma tendresse et à ton amour !
Quoi , miss Peggy ? ...... Mon ami , mon fils , peu de
jours après ten cruel depart , son amour pour toi l'a réduite
au désespoir ; et si tu veux la voir encore , cours à son appar.
tement ; va disputer à la mort le peu de vie qui reste à ton
amante . - Non , mon pere , elle ne mourra point . Tonga
vole à l'appartement de miss Peggy ; il est reconnu .... Celle
qui un moment encore allait cesser d'être , trouve des forces
pour la joie ....... Elle s'élance , sans vêtemens , hors de son
lit , et vient répuiser la vie dans les embrassemens d'un vertueux
amant. Sir Tomes est présent à cette scene pathétique .
Ils n'ont pas encore prononcé une seule parole , et leurs
coeurs cependant n'ont plus rien à s'apprendre . Peggy ,
voici mon fils , c'est ton époux ! - Oui , sir Tomes adorable
Peggy maître de mes volontés , entierement à mon amour ,
j'apporte ma fortune à vos pieds ; vous aviez mon coeur , et
dès ce jour je vais être heureux . Tenga , mon époux !
l'ami de mon coeur ; si Peggy est nécessaire à ton bonhear
comme tn l'es au mien , ah ! que ...... Sir Tomes ramene sa
fille dans son lit. Miss Peggy s'écrie , en rougissant : Ah !
mon pere j'étais couverte de ma vertu et de celle de mon
époux. "
---
('70 )
Les forces de miss Peggy revinrent sensiblement , et an bout
de quinze jours l'amour le plus vrai fut couronné par l'hymen
le plus heureux . C'est dans l'isle fortunée de Rhodes , que l'on
peut voir encore ces deux parfaits amans . La nature a beni
leur union . Trois enfans resserrent étroitement les tendres liens
qui les attachent à la vie . Sir Tomes vit toujours avec eux .
Le bonheur et la tendresse sont fixés dans cette aimable
retraite .
ANNONCES.
Le livre du Républicain , dédié aux amis de la vertu . Volume
de près de 500 pages , formant la collection du premier trimestre.
3 liv. 10 sous , broché , et 4 liv . 15 sous franc de port :
même prix , relié , sans le port. Les élémens qui entrent dans
la composition de cet ouvrage en font un livre classique , pour
le second degré d'instruction . On y trouve , 10. les rapports
et instructions émanés du sein de la Convention nationale , et
qui ont pour objet la morale , l'éducation , l'agriculture , les
arts utiles , les fêtés natiouales avec les hymnes et discours , etc.
2º. Le recueil des actions héroïques et civiques. 30. Les morceaux
choisis dans la littérature ancienne et moderne , les plus
propres à former le coeur et l'esprit.
On souscrit , pour la suite de cet ouvrage qui paraît par
cahier , chaque decade , moyennant 18 liv . par an , pour Paris ;
et 22 liv. pour les départemens , franc de port. Chez Chemin
fils , rue Glatiguy , no. 10 , en la Cité , au bas du pont de la
Raison .
On trouve chez lui toutes sortes d'almanachs .
1
Les Nuits d'Young , en vers français , avec le texte de Letourneur
; poëme en 4 chants , 4 volumes in- 12 .
Télémaque , en vers français , avec le texte de Fénélon ;
citations des poëtes grecs , latins et français , et notes ; poëme
en 24 chants , 6 volumes in - 12 , presses de Didot l'aîné , papier
vélin ..
Ces deux ouvrages paraissent à raison de 24 liv. pour les
Nuits d'Young , et de 48 liv . pour le Télémaque . On les
trouve chez J. E. Hardouin , auteur et éditeur , rue Antoine ,
nº . 64 , vis - à - vis celle Fourcy ; Girod et Tessier , libraires
rue de la Harpe , au coin de celle des Deux - Portes ; et Bailly,
libraire , rue Honoré , barriere des Sergens.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LA
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 Septembre 1794.
n'ont recours
guerre de Pologne prend de jour en jour un caractere
de guerre nationale. Non - seulement le peuple Polonais s'est
insurgé dans tous les palatinats , mais il a porté le flambeau
de l'insurrection dans toutes les provinces méridionales de la
Prusse . Frédéric - Guillaume a vainement essayé d'en arrêter les
progrès par une belle proclamation paternelle à ses fideles sujets ,
an bonheur desquels il a constamment pris le plus grand interêt
. Ces paroles doucereuses auxquelles les rois n'
que lorsque les moyens de force leur manquent ou qu'ils de
sont paint encore réunis n'ont point rallenti l'ardeur des
insurgés. Ils continuent à porter le fer et la flamme sur toute
cette partie des frontieres , à s'emparer des villes et des caisses
publiques , à brûler les magasins dont ils ne peuvent profiter
à couper toutes les communications , et à intercepter le coinmerce.
Cette guerre de diversion a été poussée avec tant d'activité
et de succès , qu'elle a produit tout l'effet que les braves-
Polonais devaient en attendre. Voici ce qu'on apprend des
environs de Varsovie , à la date du 6 septembre.
Le roi de Prusse vient de lever le siége de Varsovie . Il
a été réduit à cette extrémité par le succès de l'insurrection
et de l'invasion de la Prusse méridionale . Par- tout , dans
cette contrée , les administrations royales ont été jettées dans
les prisons , les garnisons prussiennes faites prisonnieres de:
guerre ; tous les magasins des subsistances ou des fourages
destinés pour l'armee prussienne , sont devenus la proie des
Polonais . Maîtres de tous les grands chemins , ceux- ci se sont
presque par-tour emparés des transports d'artillerie et de munitions
qui devaient servir au siége , sans pouvoir les remplacer
, et tremblant en outre pour la Silésie , sur les frontieres
de laquelle on a déja porté le fer et la flamme , Frédéric Guil
laume a jugé qui lui était impossible de s'arrêter plus longtems
devant Varsovie . Dès aujourd'hui son armée s'est miseen
route pour Rasczin , dans l'intention de défendre la Prusse
méridionale.
" Un nouveau corps de troupes russes , sous le comman--
dement de Fersen , était parvenu à rejoindre celles qui étaient
avec les Prussiens devant Varsovie : les Russes ainsi réunis
pouvaient monter à quinze mille hommes ; craignant d'être
E 4
9
·
trop faibles contre l'armée de Kosciuszko , après la retraite
de celle de Prusse , ils ont également pris le parti de se retirer ,
et gagnent Piaèsesia , par des matches' forcées . "
encore connu.
$1
2
" On n'a point encore de certitude que les troupes autri .
chiennes occupent Cracovie-; - on-sait seulement qu'au nombre
de dix - sept mille hommes , elles se sont mises en marche
pour Lublin , dans l'intérieur de la Pologue . Kosciuszko a
fait demander à Harnoncourt , qui les commande , les motifs
de cette invasion . Ha'ajoute qu'il repousserait la force
id
per
la force . On dit que déja il y a eu plusieurs affaires sanglantes
entre les troupes respectives , Une panie de la colonne revenue
de Brody sest portce vers Dubno dass, la Volh nie . "
3.A On ap
append de Stockholm que la récolte a eté mauvaise
dans la plupart des provinces de Suede , que le gouvernement
a fait defense de se servir de grains pour faire du brandevin .
Le contre -amira ! Puke est parti pour se rendre à Caisk ona ; on le
dit charge d'une mission très importante , dont l'objet n'estpoint
Sinau. Le differend élevé entre le cabinet de Stockholm
et celui de Naples , relativement au refus motivé que celui- ci a
fait de lai remettre d'Armfeldt , accusé de baute trahison , n'est
point encore termine . Le cabinet de Stockholm vient de publier
à ce sujet une piece qui contient les reproches les plus
vifs à la cour de Naples . I la termine en déclarant que toute
communication cessera désormais entre ces deux puissances
jusqu'au moment où il aura plu au roi de Naples de donner
à celui de Suede une réparation proportionnée à l'éclat de
l'offense . En attendant , le ministre ou agent du gouvernement
ne doit
plus communiquer avec ceux de Naples , et tout Suedois
attaché au service du roi des Deux- Siciles a ordre d'en
sortir promptement , sous peine de perdre tous ses droits dans
sa patrie. Le cabinet de Stockholm se resume , en disant qu'il a
assez de forces entre ses mains pour se procurer à lui - même
Ja juste satisfaction qu'il demande'; en consequence , l'amiraulé
de Calskrona a reçu l'ordre d'envoyer plusieurs vaisseaux de
ligne et frégates à Naples pour appuyer ces réclamations .
L
13
Des lettres particulieres de Londres disent que le gouver
nement britannique a donné ordre à ses escadres de ne plus
arrêter les bâtimens neutres chargés de subsistances pour la
France. Si ce parti a été réellement pris , on ne peut l'attribuer
qu'aux pertes énormes que le commerce anglais a souffertes
depuis qu'il a provoqué la réciprocité .
1:
On dit que les négocians de Copenhague ont pareillement
reçu l'assurance , de Londres , qu'on leur ferait raison du
chargement des vaisseaux qu'on leur a enlevés , et des pertes
que cetre conduite leur a occasionnées . Selon cet avis , le
ministère britannique doit avoir fait droit à leurs réclamations
avant la de l'année actuelle .
On apprend de Copenhague , que le 15 dans l'après -midi un
viclent incendie se manifesta tout-à- coup à l'amirauté. Les ma
173 1
gasins de la marine ont couru le plus grand danger . Cependant
on est parvenu à éteindre le feu à l'aide des moyens dont
on avait déja fait l'essai . Les magasins sont restés intacts . Cet
événement a donné lieu à des soupçons , et on en accuse assez
onvertement les puissances à qui la neutralité armée doit
deplaire .
ན ! །
De Francfort-sur- le-Mein , le 18 septembre .
Depuis que l'empereur s'est mis à la solde de l'Angleterre ,
il emploie tous les moyens de requisition pour tirer le corps
germanique de sa léthargie . Le ministre impérial a remis à
l'assemblée du cercle du Haut- Rhin un mémoire qui prouve
à la fois l'état de détresse du cabinet d'Autriche , la difficulté
de faire nouvoir ce corps fédératif qui pour avoir tant de
membres n'en marche pas plus vite , et la terreur qu'inspirent
les armées de la République Française.
Le ministre impérial rappelle , au nom de l'empereur ,
que la cour de Vienne , même avant la guerre , n'a point omis
de faire connaître aux états de l'Empire les fonds borués de
la maison archiducales qu'immédiatement après l'explosión de
la guerre , elle a insisté sur des préparatifs prompts pour
mettre à l'abri les frontieres ; qu'il a été proposé dans le dernier
interregne une association des cercles antérieurs et une
union plus étroite , proportionnée au danger , attendu que ces
provinces sont les premieres exposées à une invasion , et qu'on
pouvait prévoir que les résolutions de l'Empire seraient prises
,avec lenteur, et que les états éloignés , à la faveur des formes
compliquées , se soustrairaient à la coopération effective aussi
long- tems que possible ; mais que , bien que ce projet fût regardé
comme constitutionnel , il n'a eu aucun effet à cause
des diverses formalités .
" Après avoir dit qu'ons.se flaitait qu'après l'élection de
l'empereur , l'Empire entier prendrait des mesures plus grandes
et plus énergiques , et que , faute d'avoir pris cette précaution ,
les provinces se trouverent hors de défense , et Mayence
tomba entre les mains des Français , ce qui fit que presque
toute la seconde campagne se passa en efforts pour reprendre
cette ville le ministre impérial ajoute que plusieurs états
ayant opiné que le tems ne devait pas se perdre à organiserune arrace
de l'Empire en regle, l'empereur permit de joindre les contingens
aux tronpes de l'une ou de l'autre des puissances alliées , et
qu'attendu le besoin d'argent où elles se trouvaient , on consentit
que les états de FEmpire , incapables de mettre sur pied
des soldats , fournissent les contingens en argent , selon une
estimation très- modique . On s'est débattu dans les cercles , si
l'on était obligé de fournir les contingens selon les décrets
de l'Empire de 1681 ; quelques états out renouvellé leur demande
pour la diminution de leur quote - part ; d'autres ont
( 74 )
63°
allégué leur impuissance , et même quelques -uns des états les
plus considérables ont refusé leur contigent , sous le prétexte
qu'il n'existait pas d'armée de l'Empire.
" Lorsqu'à l'ouverture de cette campagne le roi de Prusse
menaça de retirer ses troupes , par la raison qu'il ne recevait
point de subsides , et que les Français se renforçaient extrêmement
, il ne resta , selon le ministre impériale , d'autres
moyens pour avoir un secours momentané , que d'insister sur
l'arinement des habitans des cercles , et pour couper tous les
prétextes , de presser l'organisation de l'armée de l'Empire
dans la forme constitutionnelle. Mais malgré que l'empereur
ait fait tout ce qui dépendait de lui , l'armement des habitans
des frontieres n'eut pas lieu ; quelques états ne se fiaient
à leurs sujets , et d'autres craignaient les frais . L'armée de
1 Empire , continue toujours le ministre impérial , n'est même
ps formée jusqu'à présent , où les deux tiers de la campagne
sont écoulés , où les ennemis triomphent par- tout. On ne veut
pas , ou l'on ne peut pas , à ce que l'on dit , et c'est l'unique
texte sur lequel plusieurs états se soustraient à la prestation
du contingent d'Empire . "
pas
" Un long récit de ce que la maison d'Autriche dit avoir
fait pour le soutenement de cette guerre vient ensuite : après
se trouve le recit de sa situation .
99 Ces efforts extraordinaires , ces sacrifices si sensibles et
si irréparables pour les pays héréditaires , à présent qu'on a
entiérement négligé de les soutenir suffisamment et assez - tôt ,
n'ont pu que différer un peu le dernier coup effroyable que
l'Empire doit attendre par la conquête des provinces sur le
bord du Rhin et au-delà de ce fleuve . Cependant , comme
les états héréditaires sont , pour ainsi dire , épuisés d'hommes
et d'argent , le remede extrême devient à présent nécessaire
pour prévenir la décadence des forces , si l'on veut détourner
encore le coup mortel qui menace l'Allemagne de la subversion
de sa constitution ; d'autant plus que les ennemis , instruits
de la situation des choses , redoublent de leur côté
leurs efforts les plus violens , afin que les armées harassées
ne puissent se refaire. Leurs progrès sont si formidables ,
la cour impériale et royale est dans la nécessité certaine ses
troupes et de les faire rentrer en dedans de ses frontieres , si
l'Empire n'oppose pas à l'ennemi une force également redoutable
, et ne seconde point ainsi , le plus promptemens passible
, la cour impériale et royale dans cette lutte fatigante .
Les efforts de celle - ci seraient réellement infructueux , si elle
voulait entreprendre de couvrir seule la frontiere de l'Empire
depuis Basle jusqu'à Luxembourg et l'on saurait aussi peu
nier qu'une armée sur les dents , hors d'état de se refaire
qui ne trouve nulle part aucun secours ni de quoi se rafraî
chir , doive tâcher de gagner les confins de son propre pays
où , se trouvant plus proche , elle peut être mieux pourvue
que
•
275 1
et appuyée par le courage des fideles habitans' des états impériaux
et royaux . Il semble du moins juste de hasarder les
dernieres forces uniquement pour la défense de sa propre
maison , lorsqu'on a devant les yeux la triste vérité , qu'avec
la meilleure volonté l'on n'est pas à meme de sauver ses voisins
, ses amis .
Malgré ces vives instances il paraît que les cercles et états de
l'empire persistent dans leur intention d'éviter , par toutes
voies , le contingent que l'empereur demande. L'assemblée de
la diete de Ratisbonne a renvoyé au 6 octobre le commencement
des delibérations sur les propositions qui se trouvent dans
le décret impérial , ce qui prouve assez des vues opposées à
celles de Joseph . Il ne faut pas oublier que l'électeur de
Mayence , pour accélérer la demande et la réception des instructions
relatives à ce déciet , l'avoir d'avance communiqué
aux envoyés des divers états .
Le bruit qui s'était répandu que le géneral Wurmser devait
se rendre à l'armée du Rhin , est dénué de fondement.
Le maréchal Sordis doit prendre le commandement des
troupes impériales dans le Brisgaw .
Le clergé de Mayence a été obligé de livrer son argenterie à
titre de contribution militaire .
On apprend de Vienne le 6 septembre , que les commissaires
Auglais ont envoyé à Londres la convention arrêtée entr'eux
et le cabinet autrichien , et demandent sa ratification . Le ministre
de Hollande qui se trouve ici doit accéder à ces arrangemens.
Les politiques prétendent que les puissances maritimes
u'ont fait des offres si considérables pour retenir l'Auriche
dans la coalition qu'à cause du danger imminent qui
menace in Hollande . Le bruit court que pendant toute la durée
de la guerre il restera à Vienne deux commissaires Anglais , et
que deux autres seront auprès de l'armée pour veiller à ce que
les fournitures soient exactement faites , et toutes les conditions
du traité rigoureusement remplies . On peut s'attendre
à voir ces commissaires commander avec autant de morgue que
le ministre britannique le fait en Toscane . Ce sera le sort des
membres de la maison d'Autriche , de cette maison si hautaine ,
de recevoir chez eux des ordres d'une puissance étrangere ;
c'est à ce prix que celle - ci leur aura accordé sa ruineuse
amitié.
Il s'est tenu , il y a peu de jours , chez le ministre dictatorial
des finances , un conseil dont le but était de trouver des
fonds pour satisfaire aux dépenses sans cesse renaissantes de
la guerre l'embarras est extrême . On ignore si des mesures
définitives ont été arrêtées . Luchesini , après un séjour de
quatre jours , est parti en toute hâte pour se rendre auprès da
roi de Prusse . Il paraît que c'est à lui qu'on doit le parti qu'a
pris , repris , après l'avoir abandonné , le cabinet de Vienne de
seconder la coalition contre la Pologne . Le quartier général
( 76 )
des troupes autrichiennes destinées à remplir cet objet , doit
être établi d'abord à Lublin ; on dit même que deja leur avantgarde
est déja arrivée dans cette ville .
ITALI E.
Des lettres de Gênes du 11 septembre annoncent que le 4 ,
le petit conseil a reçu l'avis officiel que les Anglais avaient
levé le blocus du port.
Depuis , le chargé d'affaires de France a remis une note au
secrétaire d'état , dans laquelle il déclare qu'il considere la
levée du blocus comme le résultat de la connivence , non da
gouvernement génois , mais des partisans de la coalition . Selon
Jui , ces derniers , dans le dessein , non- seulement de procurer
une entrée dans le port aux flottes ennemies de la République
Française , mais encore de parvenir à mettre à exécution quel
ques desseins ourdis , d'après la vaine espérance que l'armée
française d'Italie resterait sur la simple defensive , ont vu que
pour éviter de rompre ouvertement avec la France ' il était
Décessaire de faire faire une déclaration préliminaire et formelle
relative à ce blocus .
Les préparatifs des Français ne cessent point d'être formidables
. De nombreux bataillons , venus du côté de Vintimille ,
ont renforcé leur armée : ils sont accompagnés de convois considérables
de munitions et de vivres . A Nice , on a embarqué
pour l'armée des canons de gros calibre et des mortiers .
Le camp français qui se trouve sur le territoire d'Albenga ' ,
s'angmente chaque jour. On ignore encore sa destination .
1
Le représentant Salicetti et le général Servan , accompagnés
de plusieurs autres officiers et d'un détachement de soldats ,
sont arrivés à Final . Ils en sont repartis après avoir eu une
conférence avec le gouverneur génois . Un gros corps de Français
s'approche de Savone.
ANGLETERRE. De Londres , le 8 Septembre.
L'escadre de l'amiral Howe , composée de 29 vaisseaux de
ligne , dont 8 à 3 pouts , doit être jointe par 6 vaisseaux portugais
. On croit que 48 heures après le départ de cette escadre
, le convoi de 100 bâtimens , chargés de grains pour l'Espagne
, mettra à la voile sous l'escorte de l'escadre de la même
marian .
Suivant le rapport fait par le capitaine Durham , qui croi-
' sait derniérement avec sa frégate sur les côtes de France ,
Pescadre française , actuellement dans le port de Brest , est de
e5 vaisseaux de ligne , et l'on en équipe 12 autres en toute
uiligence .
la mort de Mercy Argenteau n'interrompra point les négociations
entamées entre notre cour et celle de Vienne . C'est
( 77 )
Starembergh qui est chargé de les suivre il a remis au roi
la lettre particuliere que l'empereur lui a écrite , et dans
laquelle il assure , dit - on , Pitt , de son intention de pousser
la guerre plus vivement que jamais . Le bruit court ici que
l'ambassade de lord Spencer à Vienne , causera la retraite
de plusieurs généraux de l'armée autrichienne , auxquels on
attribue en partie les malhenreux évenemens qui ont eu lieu
depuis quelques -tems . Les généraux Clairfayt et Beaulieu ,
sont ceux qui ont la confiance générale de l'armée auurichienue
, et ils en dirigeront désormais tous les mouvemens ,
il est question de leur envoyer des renforts considérables .
.
Jeudi dernier , à minuit , la tour de Londres a été mise
dans un parfait état de défense . Les canons étaient placés et
chargés à mitraille la plus grande confusion régnait dans la
tour et les prisonniers étaient dans l'alarme . Il paraît que
ces dispositions provenaient de ce que plusieurs corps -d'enrôleurs
s'étaient réfugiés dans la tour , et que le peuple sem
blait déterminé à les attaquer ; ce qui occasionna du bruit
une grande fermentation ; tous les militaires avaient or e
d'être à leur poste , comme si l'on se fût attendu réellement
à un siége. Mais hélas ! tout était tranquille. Hier matin M. Pitt ,
Dundas et lord Lougborough visiterent la tour , ils y resterent
même fort long- tems. Nous ne savons pas qui peut les
avoir déterminé à cette visite ; mais ce qu'il y a de certain ,
c'est que les personnes détenues comme suspectes , ne sont
pas mieux traitées depuis cette époque .'
Les emigrations en Amerique qui se multiplient sur tous
les points de l'Angleterre , de l'Ecosse et de l'Irlande , doivent
prouver au gouvernement le peu de confiance qu'inspirent ses
mesures , et combien l'esprit qui le dirige pese d'une maniere
oppressive sur les citoyens qui preferent de s'expatrier , plutôt
que de vivre sous des lois qui deviennent insupportables.
Malgré toutes les précautions prises par le ministere pour
dérober la connaissance de ce qui se passe dans la Guadeloupe
et à Saint-Domingue , on sait que rien n'est plus précaire que
nos mouvelles conquêtes aux Indes occidentales . On assure
que déja nous avons été obligés d'évacuer presqu'entiérement
la Guadeloupe , et qu'à Saint-Domingue les forces françaises
s'y accroissent chaque jour. La perspective de ces conquêtes
était cependant le grand motif que donnait Pitt de la continuation
de la guerre ; il avait flatté le commerce d'un dédom
magement immense ; mais au lieu d'accroître nos colonies ,
nous sommes menacés de perdre les nôtres par la crainte où
l'on est que l'esprit d'indépendance ne s'étende des colonies
conquises dans nos propres colonies .
L'ambassadeur d'Espague a reuni dans la maison du café
Batson , tous les marchands de sa nation qui se trouvent ici .
Cette assemblée s'est occupée à chercher les mesures que lui
ent paru nécessiter les progrès rapides des Français . Dans la
( 78 )
province maritime de la Biscaye , depuis la prise de Fontarabie,
des lettres nouvellement reçues apprennent que les forces
des Français s'accroissent chaque jour ; ils s'emparent de tout
ce qui est devant eux , sans que les habitans fassent la moindre
résistance , et le peuple , à l'exception des ecclésiastiques et
des nobles , est extrêmement porte pour eux . Un corps de
10,000 Républicains , muni d'un train considérable d'artillerie
et d'une grande abondance de toutes les choses nécessaires ,
s'est mis en marche pour s'assurer de tous les passages qui
conduisent à Bilbao . Un autré corps doit suivre le premier et
entreprendre le siége de cette place commerçante. Inte la
Biscaye et ses ports sont menacés. Il est difficile , de croire
que le gouvernement espagnol puisse les secourir assez puissamment
pour les empêcher de tomber entre les maius des
Français .
On ignore encore quel a été le résultat des délibérations
des négocians espagnols . On sait seulement qu'il a du être mis
sous les yeux des ministres .
L'escadre russe arrivée de la rade de Leith est composée
de g vaisseaux de 74 canons , de 4 de 66 et de 2 frégates ; elte
est partie d'Archangel vers la mi - juin . L'officier qui , apres
avoir ais pied à terre est venu à Londres , a eu une conterence
avec l'ambassadeur de Russie et le lord Grenville. Il est
reparti pour retourner à bord. Cette apparition d'une escadre
russe dans un des ports britanniques avait beaucoup occupé
les politiques . Il paraît aujourd'hui qu'elle n'est entrée dans
la rade de Leith que pour y prendre des vivres et des informations
sur les affaires générales ; elle va faire voile pour Pétersbourg.
Les ministres vondraient faire froire au maintien de la paix
avec les Américains ; mais les griefs de ceux -ci s'accroissent
chaque jour. Des avis reçus du Canada apprennent entr'autres
que le gouverneur Limeoé reçoit souvent des visites des sauvages.
Ces derniers lui apportent des chevelures d'Américains
qu'il a grand soin de leur faire payer.
Les mêmes avis ajoutent que le solliciteur général a été envoyé
à Mont- Réal par le gouverneur lord Dorchester , pour
mettre à exécution le bill d'anbaine , passé à Quebec par l'assemblée
législative , et qui déclare que tous ceux qui refusent
de prêter serment de fidélité à Georges III , seront emprisonnés
Ou tenus de quitter le pays . Depuis ce moment un grand nombre
de tamilles a pris le parti d'emigrer .
( 79 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE D'ANDRÉ DUMONT,
Séance du septidi , 7 Vendemiaire.
On donne lecture d'une lettre de Théophile Berlier , représentant
du peuple dans les départemens du Nord et du Pas - de-
Calais , écrite de Saint- Omer , le 4 vendemiaire . Elle est ainsi
conçue :
Citoyen président , le nouveau complot que la Convention
nationale vient de déjouer a été vù avec horreur dans les dépara
temens que je parcours .
" Non , ce n'est pas Marseille , ce n'est pas une section du
Peuple Français quia pu se souiller d'un tel erime . Il est l'ouvrage
de quelques meneurs perfides qui trouveront , comme tous leurs
semblabies , le châtiment que la justice nationale réserve aux
traitres et aux conspirateurs. De tels attentats ne sont point à
craindre ici . La Convention nationale y est vénérée et chérie ;
c'est le centre unique , c'est le point de ralliement universellement
reconnu . Tu peux , citoyen président , en donner l'assurance
à nos collegues . L'on veut fortement dans ces contrées le
regne de la justice et le maintien du gouvernement révolutionaire
qui n'en est pas l'ennemi :
Le Peuple entier sait qu'au milieu de la tourmente l'exercice
de sa souveraineté doit être délégué à un centre actif ; mais il
abhorre l'arbitraire qui, dans ce pays sur tout,fit tant de ravages ;
une seule chose était à craindre , c'était la réaction ; mais j'obtiens
tous les jours des résultats heureux : il n'y aura point de
contre partie toujours funeste à la tranquillité et à la liberté publique
: il n'y aura que le crime de poursuivi ; l'erreur est déjà
pardonnée ; et ceux qui ne passerent les limites que par excès
de zele , ne seront pas proscrits par leurs fretes .
Je lis dans les journaux qu'en plusieurs points de la République
l'aristocratic releve la tête : ne prendrait- on pas pour le
réveil de ce monstre la sérénité universelle ramenée par le regne
de la justice ? Voilà du moins tout ce que j'apperçois dans les
deux départemens dont j'ai parcouru la majeure partic . Ley
thermidor est véritablement une nouvelle ère pour eux : on v
retrouve tout le feu patriotique , et tout l'enthousiasme du 14
juillet 1789 ; il n'y a que quelques petits tyrans qui n'y trou
vent pas leur compte , mais la liberté n'y perd rien .
" La partie maritime du Nord n'est pourtant pas tout-à- fait dégagée
de superstition ; c'est un mal auquel j'espere apporter re-
村
( So )
mede . Tout ira bien , d'ailleurs , dans le Nord de la République' ;
et si la révolution y compte des prosélytes modernes , les vrais
véterans n'y perdront pas leur rang.
Salut et fraternité , Signé , BERLIER .
Mention honorable , et insertion au bulletin.
Chenier, au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête qui devait avoir lieu le décadi suivant
pour célébrer l'entiere évacuation du territoire de la République
par les ennemis . Plusieurs membres demandent que
ce plan soit général pour toute la République , et que la fête
soit ajournée au 30 vendemiaire . La Convention charge son
comité d'instruction de lui présenter un nouveau plan général.
Cambaceres fait un rapport sur la situation de la République
dans toutes les parties de l'administration confiée au comité
de législation , à la suite duquel il propose trois projets de
décret , dont les deux derniers sont ajournés . Par le premier,
il sera incessamment pourvu à la composition et organisation ,
an complet des autorités constituées dans toute l'étendue de
la République , de maniere qu'au 1er . brumaire prochain , il
ne se trouve pas de places vacantes parmi ces autorités . Les
autres articles sont relatifs au mode d'organisation .
Grassons fait connaître à la Convention le trait suivant :
Lorsque la Martinique fut prise par les Anglais , ces féroces
ennemis embarquerent les citoyens de toute couleur , qui avaient
témoigné leur attachement à la République. Le citoyen Pavillon ,
homme de couleur , lieutenant des chasseurs , s'était signalé par
son intrépidité et sa haine contre l'aristocratie . Il fut embarqué;
il résista à toutes les sollicitatious qui lui furent faites de rester
au milieu des émigrés qui étaient rentrés avec les Anglais . Sa
mere lui écrivit la lettre suivante :
4. Ces deux mots sont pour vous faire savoir ma façon de penser.
Je vous prie , sur toutes choses , de n'employer personne
pour vous débarquer , j'ai grande envie de vous voir : mais
j'aime mieux me priver de ce plaisir . Si la férocité des aristo .
crates voniait vons faire fusiller , subissez la mort plutôt que
de leur demander grace ; vous êtes mon seul fils , mais pour
la liberté , je vous sacrifie . Mon fils , je vous le répete , je
vous ai toujours donné les principes d'un républicain ; si on a
violé nos droits dans les colonies , on ne les violera pas où
vous allez. 1 ,
肇
La Convention décrete la mention honorable du trait de
dévoûment de la citoyenne Pavillon , le renvoi au comité
d'instruction publique ; elle charge le comité de salut public
de procurer de l'emploi dans les armées au citoyen Pavillon ,
son fils.
Les réprésentans du peuple Charlier et Pocholte , envoyés
à Commune-Affranchic , donnent des détails sur la situation
de cette commune,
" La
·( 81 )
A
La société populaire , écrivent - ils , semblait avoir été choisie
tes jours derniers par les intrigans pour être le théâtre de
leurs mouvemens contre -révolutionnaires et le foyer des complots
les plus sinistres . Un orateur avait osé y proférer ces
paroles impies ... Le souverain est immédiatement dans les
sociétés populaires ... Il est un grand principe qu'on ne
saurait jamais trop méditer ; ce n'est pas une société populaire
seule qui est le souverain ; ce n'en est qu'une fraction . La volonté
génerale se compose du voeu de chaque société populaire .
" A la suite de son discours artificieusement prolongé , et sur
sa proposition , un nombre considérable de ci- devant fonc-.
tionnaires avaient été admis sans examen ; l'impression et
l'affiche de ces scandaleuses erreurs avaient été arrêtées sans
discussion ; les murs en étaient couverts ; les bons citoyens
en frémissaient , et la terreur reprenait son empire.
Soulevés d'une juste indignation , à la vue de cette marche
audaciense , nous avons rappelle la société aux principes
ajourné ses séances , qui se tenaient dans une salle de spectacle
, jusqu'au moment où elle aura trouvé un local plus
propre à l'ordre et à la gravité de ses délibérations ; soamis
à une épuration nouvelle ceux de ses membres qu'une motion
insidieuse avait fait admettre en masse , et envoyé l'ora .
teur au comité de sûreté générale . Cet homme a-t- il été l'instrument
d'une intrigue locale ? ou l'étrange paradoxe qu'il a
mis en avant appartient- il à un complot plus vaste dans lequel
on cherchait à envelopper la Republique entiere ? C'est ce
que votre comité examinera dans sa sagesse , et d'après les
renseignemens que nous lui fournirons . Mais nous demandons
à tout républicain qui pense , si l'aristocratie , désespérée de
n'avoir pu entrainer le peuple dans le piége qu'elle lui avait
tendu , en lui proposant la convocation des assemblées pri
maires , pouvait imaginer un systême plus atroce que celui
de transporter dans les sociétés populaires l'exercice de la
souveraineté , pour préparer par- là l'anéantissement du gouvernement
révolutionnaire , de la Convention nationale et de
la liberté? Nous n'avons eu besoin que de sigualer ces erreurs
pour en faire sentir les désastreuses conséquences . L'arrêté
dans lequel nous les dénonçons à l'opinion publique , parut
hier de toutes parts on se rassemblait pour le lire . Ces prin
cipes recevaient un assentiment général ; c'est qu'ils sont puisés
dans la nature , et que le peuple , qui sent ses droits , ne se
trompe jamais quand on les lui expose avec franchise . Nous
vous en faisons passer quelques exemplaires , et nous joignons.
le placard infâme qui l'a provoqué . Comptez sur notre dévot
ment et notre haine inextinguible pour tous les empiriques ,
tous les dominateurs et tous les traitres . "
:
Salut et fraternité . Signés , POCHOLLE , CHARLIER .
Ces dépêches applaudies sont insérées au Bulletin , et ren,
voyées au comité de sûreté générale .
Fourcroi fait adopter un projet de décret dont les disposi-
Tome XII. F
( 8 )
tions tendent à l'exécution d'une école centrale des travaux
publies , qui sera ouverte à Paris , le 10 frimaire prochain .
Il ne sera admis en qualité d'éleves , que des jeunes gens
qui auront justifié de leur bonne conduite , ainsi que de leur
attachement aux principes républicains , et qui auront prouvé
leur intelligence en subissant un examen sur l'arithmétique et
sur les élémens d'algebre et de géométrie. Les examens
qui doivent commencer au 1er, brumaire , et finir au 10 , auront
lieu dans les communes suivantes : Dune- Libre , Amiens ,
Mézieres , Caen , Rouen , Reims , Paris , Metz , Strasbourg ,
Brest , Rennes , Nantes , Tours , Auxerre , Dijon , Rochefort ,
Bordeaux , Bayonne , Toulouse , Montpellier , Marseille et
Grenoble. Les éleves appellés par la commission des tra
vaux publics , pour completter le nombre de 400 , se rendront
à Paris avant le 10 frimaire ; leur voyage leur sera payé , et
ils recevront un traitement annuel de 1200 liv. , pendant les
trois ans nécessaires au cours ordinaire des études , apres lequel
ils seront employés aux fonctions d'ingénieur pour le's
différens genres de travaux publics , d'après la capacité et l'aptitude
qu'ils auront montrées , etc.
Séance d'octidi , 8 Vendemiaire.
Grégoire fait un rapport intéressant sur l'utilité d'un dépôt
général des machines , instrumens , outils , modeles , dessins
pour les procédés des arts et métiers : il propose de créer
pour cet effet un conservatoire , composé de trois citoyens démonstrateurs
et d'un dessinateur. Le discours et le projet
de Grégoire seront imprimés . La discussion en est ajournée à
trois jours après la distribution .
Sautereau , représentant du peuple à Rouen , écrit à la Convention
que le général Tuncq , mis en liberté après une longue
détention , s'était , aux termes de la loi qui ordonne aux officiers
destitués de se retirer à 20 lieues de Paris , réfugié avec
sa femme et ses enfans dans la chaumiere de sa mere . Une
modique rente de 400 liv . que possede cette mere était la seule
ressource de toute cette famille . Tuncq vient d'être obligé de
quitter cette retraite , parce que la municipalité lui a prouvé
qu'elle n'était distante de Paris que de 18 lieues et demie . Ce
brave militaire , qui a rendu de grands services dans la Vendée ,
est maintenant en proie à tous les besoins , sans asile et sans
ressource .
Thibault : Tout le monde sait que ce général a été destitué
par une intrigue , dont l'objet était de mettre Rossiglol à sa
place je ne sais par quelle fatalité il est chassé de tous les
lieux où il se retire . "
L'official Les généraux qui ont bien servi la République
dans la Vendée ont été mis dans les fers : on n'a conservé que
les égorgeurs , parce qu'on avait ses raisons pour éterniser
cette guerre. Une amnistie avait été accordée à tous les ha
( 83 )
bitans de ce malheureux pays qui déposeraient leurs armes.
Elle les eût ramenés dans le sein de la patrie . Déja un grand
nombre rapportaient leurs armes ; Carrier les fit fusiller malgré
les promesses qu'on leurs avait faites . Des officiers municipaux
vinrent en écharpe pour fraterniser avec les républicains
Carrier leur fit éprouver le même sort . Un autre jour,
une femme venait d'être fusillée ; on amene à Carrier ses deux
´enfans , âgés l'un de neuf mois , l'autre de deux ans , et on lui
demanda ce qu'il en fallait faire : Si l'on les laisse vivre ,
, dit- il , ils se rappelleront du traitement de leur mere , et ce
" sont des louveteaux que la République nourrira dans son
" sein : qu'ils soient fusillés ! ( Mouvement d'horreur dans
l'Assemblée . ),
Voilà comment s'est perpétuée le guerre de la Vendée . Les
attrocités n'ont fait qu'augmenter le nombre des rébelles . On
les a poussés au désespoir , en les plaçant entre la mort et la
nécessité de se battre sans cesse . Ce sont les horreurs commises
qui sont cause de la renaissance de cette guerre.
Carrier Je n'ignore point les colomnies qu'on publie
contre moi ; mais j'y répondrai dans un rapport que je vais
livrer à l'impression . Je démontrerai que j'avais terminé la
guerre de la Vendée , et qu'il ne restait tout au plus que 300.
brigands : l'armée l'attestera . J'ai toujours reçu avec cordialité
les communes qui se sont présentees pour fraterniser ; et ,
si l'on prouve que j'ai fait fusiller des femmes et des enfans
je consens à porter ma tête sur l'échafaud .
" C'est contre mes ordres que la division de l'armée du
Nord s'est portée sur des communes qui ne remuaient pas ;
au lieu d'aller exterminer le reste des rebelles commandés par
Charette , elle s'est disséminée sur plusieurs points , et c'est
la cause des progrès qu'ont fait depuis les brigands . Ils sont
maintenant aux portes de Nantes , au nombre de plus de
30 mille ; ils ont , prés le camp de la Rouillere , massacrė
six cents de nos soldats et taillé en pieces tout un bataillon.
Is occupent depuis Rennes jusqu'à Nantes , depuis Nantes
jusqu'à Angers , et depuis Angers jusqu'à Avranch • ; c'est- àdire
, un espace de 60 lieues d'étendue sur 40 de largeur .
" Quant aux faits que l'on m'oppose , je dois vous dire
que j'ai pris des arrêtés qui prouvent le contraire : Thureau .
Bourbotte et moi nous avons défendu de mettre eu jugement
des enfans de l'un et l'autre sexe , depuis l'âge de douze ans
jusqu'à seize . Il n'y avoit pas un chouan quand j'ai quitté le
pays . Si cette guerre s'est rallumée ; si elle est manaçante pour
la liberté.......
Ici , Carrier est interrompu par de violens murmures , qui
déja s'étaient fait entendre pendant son discours .
Merlin , de Thionville , prend la parole , et dit : « Lorsque
j'étais à Montaigu , j'avais rappelé vingt communes dans le sein
de la République ; elles avaient déposé leurs armes , et s'éq
F 2
( 84 )
taient vaillamment défendues contre Charette . Cependant elles
ont été égorgées par l'armée , aussi - tôt après mon rappel . "
Carrier s'écrie que c'est le général Thureau qui a exécute ce
massacre .
Merlin reprend : Si j'avais été là , et qu'on eût égorgé
ces malheureux sous mes yeux , un tel crime n'eût pas été
impuni . Ainsi Carrier est au moins coupable de l'avoir toléré .
Le tableau qu'il vient de vous faire de la Vendée est beaucoup
exagéré elle ne se releve que depuis qu'on a fait des efforts
pour ramener le systême de l'injustice et de la terreur : elle se
grossit , peut-être , de ceux qu'on a menacés de la déportation
.
" C'est avec ces motions incendiaires qu'on accroît le nombre
de nos ennemis , qu'on les réduit au désespoir . Mais le comité
de salut publique est instruit de tout ; il s'occupe des moyens
de terminer cette guerre , qui ne sera pas menaçante pour la
liberté , comme on se plaît à le dire . ,,
Duroy : Je dois vous rendre compte d'un fait . J'étais ces
jours derniers au comité de salut public ; Carrier s'y présenta ,
manifesta de l'indignation centre les inculpations dirigées de
tous côtés contre lui , et fit part de l'intention où il était de
faire un rapport sur la situation actuelle du département de
l'Ouest , et dans lequel il démontrerait , disait - il , que la guerre
de la Vendée était alarmante .
Il disait être en relation avec les autorités constituées et
avec des patriotes . Le comité , aussi bien informé que lui , lui
dit que la situation de la Vendée n'était point alarmante comme
il le prétendait . Je dis alors à Carrier que cela n'avait rien de
commun avec les crimes qu'on lui imputait , et qu'il ne devait
s'occuper que de démontrer son innocence , en rendant un
compte exact et détaillé de sa conduite . Il parut se rendre à cet
avis , et je m'étonne qu'au lieu de répondre directement aux
faits qu'on articule contre lui , il promene votre attention sur
des objets étrangers et qui peuvent répandre des inquiétudes
mal fondées parmi nos concitoyens . S'il était besoin de mesures
urgentes , le comité de salut public connaît trop bien ses
devoirs pour ne pas vous les présenter . ››
Carrier : Je n'ai vu de ma vie ni femmes , ni enfans de brigands
, et je n'ai pas donné les ordres affreux dont on vous a
parlé . "
Magnin : La Vendée n'est pas un objet alarmant , il s'en
faut de beaucoup . Elle ne se releve que parce que des hommes
couverts de sang ont été jusqu'à présent impunis . De ce
nombre est Thureau général en chef. Il ya un an , Laignelot et
Lequinio avaient réduit à 300 brigands l'armée de Charette .
Mais Thureau a distribué l'armée en douze colonnes , qui ont
été envoyées sur plusieurs points différens dans le département
de l'Ouest , et qui n'ont connu d'autre art militaire que d'égorger
les habitans et les agriculteurs : il a souffert que les
( 85 )
soldats missent au bout de leurs bayonnetes des enfans d'un ou
deux mois .
" Les grains avaient été mis en réquisition dans toutes les
communes ; mais les officiers municipaux ne pouvant pas
fournir de charettes pour les transporter , ils ont été fusillés et
les grains brûlés .
" Heins et Francastel ont approuvé la conduite de Thureau ;
ce général vous a écrit que l'armée avait tué 5 ou 6 mille brigands
. Voulez-vous savoir ce que c'est que cette victoire tant
vantée ? la voici :
" Les habitans s'étaient réunis aux champs pour leurs travaux
agraires , jet on les a fusillés . ( Mouvement d'horreur. )
Lorsque je suis allé à l'ancien comité de salut public pour lui
rendre compte de ces faits , il y a eu des membres qui m'ont
appellé protecteur des brigands ; ( nommez- les , s'écrie - t- on , )
ils sont passés . Mais j'en appelle à Carnot : ils m'ont traité
d'imposteur ; ils m'ont dit que j'étais un modéré , un alarmiste
.
" Les brigands qui se réunissent maintenant sont presque tous
des gens sans aveu . Les cultivateurs vous tendent les bras : ils
marchent bien quelquefois , mais le pistolet sous la gorge . Le
noyau est composé de contre- révolutionnaires , de héros de
500 liv . , de prisonniers prussiens et autrichiens qui se sont
échappés : il est tout au plus de 3 ou 4000 hommes . Les cultivateurs
se retirent la nuit dans les bois , et ils se cachent pour
ne pas porter les armes contre les républicains .
Le comité de salut public prend des mesures pour terminer
cette guerre . Je demande qu'il nous présente la liste des
chefs de division et de brigade qui se sont rendus coupables de
tant d'atrocités : Huchet est du nombre ; il a fait fusiller des
femmes après les avoir violées . ",
Laignelot : Quand j'étais à Rochefort avec Lequiuio , nous
avons été indignés que l'on vous ait dit à la tribune que la
Vendée n'existait plus , tandis qu'elle n'avait j'amais été plus
dangereuse que dans ce moment - là . On dégarnissait Machecoul
pour faire le siége de Noirmoutier ; et lorsque nous nous
emparions de cette derniere ville , Charette occupait déja la
premiere. Je reçus ordre d'aller à Brest . Je me mis à la tête de
1,500 républicains , et nous battîmes 2,500 brigands qui n'avaient
que des fusils et point de canons .
" Je partis. En route , je vis dix mille hommes de l'armée du
Nord qui brûlaient d'aller exterminer le reste des chouans . J'ai
appris qu'on a parlé depuis de transplanter les habitans de la
Vendée ; ce qui a contribué beaucoup à grossir le nombre des
rebelles . J'ai chez moi une dénonciation siguée , portant que
Garrier a dit que là où il ne doit pas exister un homme , il ne
doit pas y avoir un grain de bled. ( Mouvement d'horreur et
d'indignation . ) Je revins à Paris . On me demanda au comité ,
quels étaient les moyens de terminer cette guerre ; je dis qu'il
F 3
( 86 )
fallait envoyer dans la Vendée des représentans séveres , mais
justes et humains , et qu'il fallait ramener par la douceur les
hommes égarés . Carnot m'assura que ces principes étaient dans
son coeur ; mais le comité me dit que ceux qui étaient sur les
lieux étaient mieux informés que moi .
" Quelque tems après , un courier apporta au comité un
arrêté des représentans qui ordonnait de brûler 60 communes
depuis Fontenay jusqu'aux Sables , c'est - à -dire , les communes
les plus patriotes . Le comité en fit suspendre l'exécution ;
déja 2 communes et 60 tonneaux de grains avaient été la proie
des flammes. On a beau déployer contre nous cette ferocité ,
disaient les habitans , ce n'est pas la Convention . Nous voulons
vivre et mourir républicains . " Ils sont allés dans les
bois , ont coupé dés branches d'arbres , et se sont fait des
cabanes. ( Applaudissemens . )
" On a dit que Dubois - Crancé avait organisé la guerre
civile dans la Vendée ; c'est de toute fausseté je dois dire
qu'il a fait partir plus de 40 mille citoyens de la premiere
requisition.
Ce qui prouve que Robespierre a prolongé la guerre
de la Vendée , c'est que le 9 thermidor on a battu la générale à
Laval ; que les Anglais devaient , le même jour , vomir 6,000
émigrés sur notre territoire , et que six combats devaient être
livrés à la fois . Envoyez dans cette contrée 15,000 hommes
de bonne troupe , des représentans vertueux probes et
humains bientôt il ne sera plus question des brigands . "
( Applaudi. )
Carnot : La majorité étant dans le comité de salut public ,
je ne pouvais pas mettre mon opinion à la place de la sienne .
Huchet avait été mis en arrestation , mais Robespierre l'a
fait renvoyer à son poste avec un grade snpérieur : j'ai signé
malgré moi son brevet . Lorsque Robespiere à été démasqué , j'ai
proposé au comité un systême contraire à celui de destruction ,
qui avait été d'abord adopté , et il a été accueilli. La guerre de
la Vendée tire à sa fin . Il y a 40 à 50 mille républicains d'un
côté , 73 mille d'un autre : é'est plus qu'il n'en faut pour dé
truire trois ou quatre mille brigands . ›, ( Applaudi . ) `
Merlin , de Thionville : Partout où le plan de Carnot à été
suivi , nous avons été victorieux ; quand on s'est mis à égorger,
nous avons été battus .
:
Lequinio Robespiere empêchait qu'on ne parlât à la tritribune
de la situation de la Vendée ; c'est parce qu'on a ignoré
ce qui se passait , que les maux se sont perpétués : la séance
d'aujourd'hui est une victoire sur les brigands . Applaudi .
Un membre donne lecture d'une lettre datée de Saumur
dans laquelle on dit : Nous avons enfin le bonheur de posséder
des représentans qui se distinguent par leur affabilité et
leur douceur. Quelle différence d'avec les égorgeurs ! Ceux-ci
( 87 )
se font chérir et craindre , tandis que les autres n'inspiraient
que l'effroi .
Le cinquieme jour des sanculotides , les brigands ont
été battus près du camp de Toircé : on leur a tué 20 › hommes .
Nous avons eu 30 républicains de blessés et 6 de tués . ›› Applaudi
,
Billaud-Varennes : Le sistême de l'ancien comité de salut
public a toujours été contraire aux mesures de rigeur. ( Cela
n'est pas vrai , s'écrie- t- on ) Pour bien juger sa conduite , il
faut se rappeller que la Vendée était de cent mille hommes , et
qu'il fallait les combattre avec l'énergie qui convient à des répu
blicains . On parle d'égorgement ! il n'en a jamais été question
dans ces délibérations ; plusieurs ont eu lieu en présence des
réprésentans qui composent les députations de ces départemens,
et ils peuvent dire s'il n'a pas toujours repoussé les mesures
de barbarie. "
( Carnot a dit le contraire , s'écrie Clauzel . )
Carnot : Je dois dire que Billaud m'a toujours paru être
opposé aux atrocités qui se sont commises dans la Vendée .
On demande de toutes parts l'arrestation du général Thureau
. Billaud la demande aussi ; il dit que c'est contre l'avis da
comité qu'il est encore en fonctions .
La Convention décrete : 1 ° . Que ce général sera arrêté surle-
champ , ainsi que Huchet et Grignon . ( Ce dernier a fait
aussi fusiller des officiers municipaux en écharpe :)
20. Que la correspondance des représentans et des généraux
qui ont été dans la Vendée , avec le comité de salut public
sera imprimée , ainsi que les rapports faits au sujet de cette
guerre par le même comité , et que le tout sera distribué aux
membres de l'Assemblée :
3° . Que le comité de salut public fera un rapport sur la conduite
des généraux et des commissions militaires de la Vendée .
On avait aussi décrété l'arrestation du général Charpentier.
Mais sur de nouvelles observations présentées par un membre ,
la Convention a chargé le comité de sûreté générale de prendre
des renseignemens à son égard.
Séance de nonidi , 9 Vendemiaire.
Hentz donne à la Convention quelques éclaircissemens sur
les inculpations qui lui ont été faites , ainsi qu'à son collegue
Francastel , relativement aux horreurs commises dans la Vendée
. Si Thurreau a égorgé des femmes et des enfans , ils n'y
ont pris aucune part , puisqu'ils n'ont été envoyés à la Vendée
qu'après que le mal a été commis. Ils ont invité les bons
citoyens à se retirer à 20 lieues des départemens ravagés , afin
d'isoler les brigands ; ils n'ont pas vu égorger un seul homme,
ils ne l'auraient jamais souffert. Quant à l'arrêté pour brûler
60 villages , ils disaient au contraire à Thurreau : tu ne brû-
F4
}
( 88 )
leras que ce qui est indispensable à la destruction des brigands
.
Beniabolle observe qu'il y a peu de représentans dans la
Vendée auxquels on ne puisse faire des reproches . Il ajoute
que Heutz a pris aussi des mesures barbares qui ont deshonoré
nos armes ; il existe de lui un arrêté qui a été imprimé
en allemand , par lequel il ordonnait de brûler une ville entiere
, parce qu'il s'y trouvait des aristocrates . Est ce en
agissant avec cette cruauté qu'on peut faire aimer , bénir la
révolution ? Je n'accuse pas les intentions de notre collegue ,
mais il pourrait bien avoir des reproches à se faire .
Tous ces détails sont renvoyés aux comités .
-
Cambon rend compte , au nom du comité des finances , des
somines qui ont été imposées et perçues dans la Belgique , et
de celles qui sont arrivées à la trésorerie nationale .
Le convoi composé de 29 charriots , arrivé le 5 du courant
à la trésorerie nationale , était composé de 3,441,343 liv . ;
c'est le septieme qui est entré à la trésorerie . Le total des
sommes reçues monte à 13,359,404 liv . , tant en lingots qu'ea
monnaie française et étrangere . Voici l'état précis de la quotité
des sommes imposées et perçues sur chaque ville .
Bruxelles imposée à 5,000,000 liv . , a payé 5.000,000.
Anvers imposée à 10,000,000 liv . , a payé 2,836,810 liv .
Malines imposée à 1,500,000 liv . , a payé 1,260,076 1. 6 sous
9 den .
Lierre imposée à 500,000 liv. , a payé 300,000 liv.
Gand imposée à 7,000,000 liv . , a payé 1,445,262 liv. 14 sous
5 den .
Oudenarde imposée à 500,000 liv . , a payé 43,997 liv. 4 sous
11 den.
Bruges imposée à 4,000,000 liv .; Ostende , 2,000,000 liv . ;
Ypres , 1,000,000 liv .; Courtray , 3,000,000 liv . ; ces quatre
villes n'ont encore rien payé ,
7
Louvain imposée à 2,000,000 I. , a payé 1,332,933 1 14 sous,
den .
Namur imposée à 5,000,000 liv. , a payé 227,551 div . 17 sous
7 den .
Tournay imposée à 4,000,000 liv . , a payé 220,000 liv .
Alost et Ninove imposées à 4,000,000 1 ,, ont payé 190,505 le
14 sous 7 den .
;
Mons imposée à 1.640,875 liv . , a payé 1,293,630 liv.
Ath imposée à 150,000 liv . , a payé 150,000 liv .
Hui qui ' est
9 den.
pas encore imposée , a paye 126,171 liv . 2 sous,
2
Les opérations des représentans du peuple dans la Belgique
ne se bornent pas à la levée du numéraire , ils envoient en
France les objets utiles aux arts , à l'enseignement et aux fa
briques , ils s'occupent même de la vente des domaines natio
( 89 )
manx qui est déja commencée , et leur produit nous servira à
retirer une partie des assignats de la circulation .
La trésorerie nationale , outre les sommes arrivées de la
Belgique , vient de recevoir de l'agent chargé des opérations
du même genre dans le pays de Trêves , l'avis d'un envoi qu'il
vient de faire au payeur général de la Moselle , montant à-
915,523 liv. 6 sous 5 den . , provenant tant de la contribution
de trois millions imposée sur le pays de Trêves que de diverses
saisies . Cet envoi est composé de 227,483 liv . 8 sous 3 den. en
numéraire , et le surplus en assignats ; il est accompagne d'un
caisson chargé du trône électoral . La République n'ayant aucun
emploi à faire de ce meuble , l'exemple que vous avez donné
par la punition du tyran , devant avertir les ambitieux qu'il
serait dangereux pour eux d'avoir l'envie d'y monter , à quelque
titre que ce puisse être , nous enverrons au creuset national
les matieres d'or et d'argent qui font son ornement .
Eschasseriaux l'aîné , au nom des comités de salut public et
de commerce , fait un rapport dans lequel il fait sentir la nécessité
d'augmenter le foyer de lumieres propres à éclairer et
ranimer toutes les branches du commerce et de l'industrie . Il
propose à cet effet un projet qui a pour objet de porter la
commission de commerce et des approvisionnemens à cinq
commissaires , et d'établir un conseil de commerce composé
de douze citoyens , choisis dans les différentes places de commerce
, pour présenter les ressources de la France dans toutes
les branches commerciales intérieures et extérieures . La Convention
en ordonne l'impression et l'ajournement .
Marec , au nom des comités réunis de salut public , de sûreté
générale , de marine et des colonies , propose la formation
d'une commission de neuf membres par appel nominal , pour
s'occuper de l'examen et du rapport de l'affaire des colonies .
Ce projet de décret est adopté .
Séance de décadi , 10 Vendemiaire.
La Convention improuve l'adresse de la société populaire
de Richelieu , par laquelle cette société témoigne sa surprise
de ce que les représentans du peuple donnent la liberté aux
détenus sans consulter les comités de surveillance et les sociétés
populaires .
Une autre société populaire du département de l'Ardêche ,
insiste sur l'impression de la liste des détenus mis en liberté ,
et des personnes qui les ont réclamés .
Guyomard demande que cette adresse soit renvoyée au comité
de sûreté générale . *
Au moment , dit - il , où l'on semble jouer l'opinion pu
blique à la hausse et à la baisse , c'est à la Convention qu'il
appartiendra de la fixer . On parle de montagne ! Entend - on
par là ceux qui ne veulent pas de dominateurs ? nous sommes
tous de la montagne . Y aurait-il donc içi par le fait , une chambre
( go )
haute et une chambre basse ? Quelques aristocrates ont pa
se glisser parmi les citoyens mis en liberté , eh bien ! demain.
vous les reprendrez . Je ne parle point en faveur des nobles
ni des prêtres ; je sais qu'il y en a fort peu de bons ; mais ne
laissons point rétablir le systême de la terreur , ne soyons ni
modérés ni exagérés . "
Clauzel ajoute que c'est précisément un moine qui a rédigé
cette adresse . Le renvoi est décrété .
Duhem prétend que l'on ferait aussi bien de n'insérer aucune
adresse dans le Bulletin .
Laporte répond que les adresses qui sont dans le sens des
principes ne sauraient recevoir trop de publicité . Il demande
l'ordre du jour sur les propositions de Duhem. Adopté..
La société populaire séante à la salle électorale est admise
à la barre. Elle présente des considérations sur plusieurs
objets importans . Le premier est la loi de préemption et de
requisition , qui gêne le commerce et la circulation des subsistances
, et cause leur rareté et leur renchérissement rapide.
Le second est le rétablissement des deux assemblées de sections
par décade . Le troisieme , le rétablissement de la municipalité
de Paris et l'élection de la magistrature par le peuple.
Enfin elle demande que la Convention mette les droits de
Thomme à l'ordre du jour ; ils sont , après la nature , son ou
vrage . Elle termine par assurer la Convention que tous les
citoyens composant la société sont décidés à servir de rempart
à la représentation nationale , ainsi qu'à maintenir les
droits imprescriptibles et inaliénables de l'homme , et de s'opposer
de tous les moyens que leur donneront les principes ,
la raison et la justice , à l'établissement de la tyrannie , sous
quelque forme qu'elle se présente.
: Le président répond Citoyens , vous demandez une
commune pour Paris , et le droit de nommer vous - mêmes
vos magistrats ; vous étendez cette demande à vos freres des
départemens ; ignorez -vous donc que le gouvernement révolutionnaire
existe et que la Convention nationale a juré de le
maintenir jusqu'à la paix . La Convention respecte le droit
de pétition ; mais elle sait aussi respecter ses sermens .
9
Cette pétition est renvoyée au comité de sûreté générale .
Le reste de la séance a été employé à des pétitions individuelles
, renvoyées à divers comités .
Sur la motion de Bourdon ( de l'Oise ) , la Convention nationale
autorise son comité de sûreté générale à statuer sur
toutes les détentions jusqu'à la paix , prononcées par jugemens
des différens tribunaux pour motifs de suspicion seulement
jusqu'au 10 thermidor.
Séance de primedi , 11 Vendemiaire.
La société populaire d'Ussel , département de la Correze
s'autorisant d'un passage de Rousseau , tronqué et mal appli
1
( 91 )
qué , déclare dans une adresse que l'humanité est incompa
tible avec le patriotisme , et s'éleve contre la liberté de la
presse ; d'un côté on demandait la mention honorable , de
l'autre le renvoi au comité de sûreté générale . Clausel s'oppóse
à ces deux propositions , et prouve que les principes de
cette adresse , injurieuse même à Rousseau , étant contraires
aux principes que professe l'Assemblée , elle doit les improuver.
L'improbation est décrétée .
Pour fixer désormais l'opinion publique , Thibaudot demande
qu'il soit rédigé une adresse au peuple français , dans laquelle
les principes seront exposés d'une maniere simple , distincte et
positive. Alors , dit-il , vous verrez le peuple entier se rallier
autour de ces principes . Vous aurez une pierre de touche pour
distinguer ceux qui veulent la liberté pour elle-même , des intrigans
et des fripons . Quand on osera proférer dans les sociétés
populaires ou ailleurs des principes opposés à ceux que vous
aurez proclamés , on sera honni . L'Assemblée charge ses trois
comités de la rédaction de cette adresse .
Laloi , au nom du comité de salut public , fait lecture de plusieurs
dépêches . D'un côté , la prise d'Aix- la-Chapelle , l'investissement
de Maestricht , l'arriere- garde des Autrichiens bat
tue ;
;
de l'autre , des avantages considérables remportés par
l'armée d'Italie . Un échec essuyé sur le Haut-Rhin ordres
déja donnés pour le réparer. Trente prises amenés dans nos
ports , et neuf coulés bas .
Les sections du Museum et révolutionnaire se présentent
en masse ; elles s'elevent contre les hommes de sang , les scélérats
qui regrettent le tyran et voudraient ébranler la fidélité ,
la loyauté des citoyens elles pensent que le salut de la patrie.
est dans les restaurations des droits du peuple , dans la réunion
de tous les bons citoyens : elles regardent les réquisitions et
préhensions sur les denrées de nécessité premiere , comme
incompatibles avec la facilité des approvisionnemens : elles
adherent à l'adresse présentée hier par la société populaire
séante dans la salle ci - devant électorale , ainsi qu'à celle de la
section du Panthéon - Français , présentée le 1 sanculotide ;
elles improuvent l'adresse de Dijon , qui leur a été envoyée,
par la société des Jacobins de Paris , comme tendant à l'avilissement
de la Représentation nationale , au renversement des
principes éternels de justice , et au rétablissement du régime
de la terreur : elles ne pensent pas que , pour comprimer l'aristocratie
, il faille égorger les hommes , sans savoir s'ils
sont coupables : elles demandent deux assemblées de sections
par décade : elles jurent de servir de rempart à la Convention
nationale. Cette adresse , souvent applaudie , est renvoyée
aux trois comités .
--
Une députation de la majorité des sections de Paris vient
demander le rapport du décret qui a réduit les assemblées de
sections à une par décade , et le rétablissement de l'assemblée
du quintidi.- Renyoyé aux comités .
( 92 )
Les sections de l'Homme -Armé et du Temple viennent
féliciter la Convention , et lui jurer un attachement inviolable
. Celle du Temple déclare que les complices de Robes.
pierre respirent encore , et regrettent la portion de sang
dont ils s'abreuvaient tous les jours : elle demande le réta
blissement de l'assemblée du quintidi . L'adresse de cette
section sera mentionée honorablement et insérée au bulletin
.
La section des Piques demande aussi l'assemblée du quintidi
; son adresse très - bien écrite et débitée , est souvent applaudie
; mais comme on y remarquait certaines expressions
qui sentent assez fortement la terreur , elle a été renvoyée purement
et simplement aux trois comités .
PARIS . Quartidi , 14 Vendemiaire , 3º , année de la République .
On sait maintenant à quoi s'en tenir sur cette diversité d'adresses
qui sont parvenues à la Convention sur l'état actuel de
la République et l'esprit du gouvernement . Elle provient de
deux opinions bien distinctes ; l'une qui voudrait rappeller les
jours de terreur et d'épouvante dont nous sommes à peine
sortis , et qui croit qu'on n'en peut jamais faire assez pour
contenir les ennemis de la liberté . L'autre qui pense que la
justice seule suffit à tous , et fera plus de partisans à la Répu
blique que les moyens d'oppression et de tyranuie.
La premiere opinion se compose de tous ceux qui craignant
que la justice du gouvernement ne les atteigne , voudraient
conserver leur rang dans la classe des oppresseurs , de peur
d'être à leur tour l'objet du ressentiment des opprimés . Pour
l'honneur de l'humanité , le nombre de ceux - là est petit , mais
il ne faut pas espérer de les ramener ; il suffit de les contenir.
Il est ensuite une multitude de citoyens qui , avec moins de
lumieres que de bonnes intentions , se sont fait une habitude
de principes exagérés , et croyent que le patriotisme est là où
se trouve l'excès , à -peu-près comme ces dévots qui s'attachaient
plus à la religion par les pratiques austeres et rigoureuses , que
par la douceur de ses maximes . Ceux- ci sont la dupe des
autres ; mais ils ne le seront pas long- tems , parce qu'ils veulent
véritablement le salut de la République ; le tems et l'instruction
les feront revenit de leur erreur.
L'autre opinion se forme du concours nombreux de citoyens
qui , témoins ou victimes des oppressions qui ont pesé sur les
patriotes , croient que ce systême serait funeste à la liberté s'il
venait à se reproduire , qui s'étant toujours maintenus à la hauteur
des vrais principes s'applaudissent de leur retour , qui se
rallient en foule à la Convention , et embrassent , comme elle ,
Ja justice qui est le premier des devoirs pour les individus et
pour les gouvernement .
( 93 )
Voilà la cause de cette opposition qui s'est manifestée dans
l'esprit des adresses . Elle cesserait bien vite , si l'intrigue et les
passions permettaient à la raison de se faire entendre . Que
voulez - vous , dirait- on aux pns et aux autres ? Surveiller ,' contenir
tous les ennemis de la liberté , maintenir le gouvernement
révolutionnaire jusqu'à la paix , combattre toute espece de tyrannie
, opérer le salut de la République : c'est le veu commun .
Mais quand on est d'accord , sur les choses , on est bientôt divisé
sur les mots . On qualifie d'aristocrate , de modéré , de contrerévolutionnaire
, quiconque ne pense ni n'agit dans le sens de tel
parti sans s'attacher à la véritable signification des termes .
C'est avec cette malheureuse subversion dans les idées qu'on
est parvenu dans le cours de la révolution à s'aigrir , à se suspecter
, à s'accuser réciproquement. Que la Convention fixe
donc la langue comme les principes de la liberté ; qu'elle se
hâte d'en proclamer le rudiment , et l'on reconnaîtra les malintentionnés
qui refuseront de s'entendre , et l'on discernera
facilement les vrais et les faux amis de la chose publique ; car
il est tems de ne plus marcher au hasard et de mettre un terme
à tous ces dissentimens .
Les représentans du peuple , au nombre de huit , détenus
dans la maison d'arrêt des Ecossais , viennent de publier use
pétition à la Convention , par laquelle ils demandent qu'on les
juge s'ils sont coupables , ou qu'on leur rende la liberté s'ils
sont innocens. Nous ferons connaître l'analyse de leurs moyens
de défense .
Le ci-devant abbé Girault Soulavie , résident de France à
Geneve , contre lequel cette république avait porté des plaintes
graves , a été conduit à Paris par la Gendarmerie , et transféré
dans une prison . On assure qu'on a trouvé dans ses papiers une
correspondance avec Robespierre , des principes duquel il était
le zélé propagateur.
La flotte anglaise , composée de 40 voiles , tant vaisseaux que
frégates et bâtimens légers , a été apperçue , la 2º . sanculotide
à 30 lieues des Sorlingues .
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DU NORD .
Extrait d'une lettre de Gillet , datée du 5 vendémiaire.
On a pris à l'investissement de Maestricht quinze bateaux
chargés de farine et d'avoine ; cette prise vaut un million au
inoins ; un autre bateau chargé de canons et de mortiers a été
coulé bas. Il a été pris à Aix-la- Chapelle quinze pieces de
H
( 94 )*
bronze qui vont être transportées
fondues. "
en
France pour être
Au quartier général , à Herve , le .... Citoyens représentans ,
je vous préviens que du mouvement général qui s'est fait hier
il résulte que Reckem et Stokem ont été forcés . Je présume que
Masseyck aura essuye le même sort : je n'en ai cependant pas reçu
de nouvelles ; que Maestricht est investi ; que l'ennemi a été
chassé des bois d'Aix - la-Chapelle , et que les magistrats de
cette ville viennent de nous en porter les clefs . La résistance que
nous a opposée l'ennemi n'a pas été très conséquente ; il s'est
sans doute rappellé de la correction républicaine qu'a reçue
avant-hier son arriere -garde , sur les hauteurs d'Henri- Chapelle
qu'elle a voulu défendre , et où elle a perdu 800 hommes tués
ou blessés ; notre perte dans cette affaire est de 15 hommes tues
et cent vingt- trois blessés .
Salut et fraternité.
Signé , JOURDAN , commandant en chef l'armée de Sambre et Meuse.
ARMÉE D'ITALIE .
Au quartier-général de Cairo , le 2 vendémiaire. Citoyens
représentans , depuis l'expédition d'Oneille et de Saorgio , les
rassemblemens de l'ennemi à Cairo , au nombre de 12,000 hommes
, avec 50 pieces de canon , menaçaient l'armée d'Italie .
" Des avis certains annouçaient un projet concerté de l'ar
mée austro- sarde avec les flottes combinées d'Angleterre et
d'Espagne , pour s'emparer de Savone , et porter la guerre
chez une république sage et tranquille , pour nous faire perdre
les ressources si avantageuses de sa neutralité .
" L'exécution de leur projet allait s'effectuer , si les représentans
du peuple , Salicetti et Albitte , députés près cette
armée , n'avaient ordonné de les prévenir sur-le-champ par une
attaque que la bravoure seule des Républicains , inférieurs en
nombre , pouvait faire réussir ,
La troisieme sanculotide , le poste de Saint Jacques , situé
sur la partie de l'Apennin qui sépare les forteresses de Savone
et Finale des vallées de la Bormida , occupées par l'ennemi ,
fortifié par un double retranchement , a été enlevé à la bayonnette
avec une telle bravoure , que la terreur nous a précédés
dans les postes de Bormida , Mallere , Pallere , Altare.
" L'ennemi les a évacués avec une telle promptitude , qu'on
n'a pu le retrouver que dans la plaine de Carcare , où il avait
fait avancer tous ses rassemblemens du Cairo , pour en venir
à une affaire décisive .
,, La marche d'une de nos colonnes , inconnue à l'ennemi ,
arrive le 4 très - précipitamment au château de Cossario , force
ce poste redoutable , et l'armée autrichienne allait être coupée
et renfermée dans les gorges de la Bormida , lorsqu'une fuite
précipitée est devenue son unique salut .
( 95 )
•
La nuit ne permettait pas de les atteindre , et l'armée a
bivaqué autour de ses représentans.
La cinquieme sanculotide , les Républicains poursuivirent
leur marche , et rencontrerent l'ennemi à la Roquette de Cairo :
l'artillerie et la cavalerie ennemie y avaient des positions avan
tageuses , et l'infanterie y était protégée par des hauteurs d'un
difficile accès , il ne restait qu'une heure et demie de jour :
une attaque aussi prompte que bien combinée les a repoussés
dans tous les points ; et notre cavalerie allait fondre sur la leur,
et enlever leur artillerie , si un ravin imprévu n'eût arrêté
son impétuosité , et si la nuit n'eût mis fin à une affaire qui
nous promettait encore des plus grands succès .
" La présence des représentans du peuple au milieu de nos
freres d'armes , partageant leurs dangers et leurs fatigues , animait
leur courage , au point qu'ils combattaient encore après
une heure de nuit obscure.
" A la faveur des rideaux de la Bormida , l'ennemi avait
pris une position en arriere de Dego qui , suspendant le combat
, nous laissait pourtant l'espoir de le battre encore au jour,
si la nouvelle de sa fuite à plus de cinq lieues de Dego , pour
se porter sur Alexandrie , n'eût mis fin à nos victoires.
Cette affire a coûté à la République le sang d'environ
80 de nos freres d'armes et autant de blessés .
" La perte de l'ennemi se monte à plus de 1000 hommes ,
tant tués que blessés et prisonniers , et il nous a laissé dans
des magasins de quoi nourrir l'armée pendant un mois.
Tout le monde , tant officiers que soldats , a fait son devoir
en brave Républicain .
,, Parmi ceux qui se sont le plus distingués , je dois citer
le général divisionnaire Massena , et les généraux de brigade
Laharpe et Cervoni .
" J'aurai aussi à vous parler , par une autre dépêche , de deax
actions héroïques , pour lesquelles j'ai encore des renseignemens
à recueillir.
" C'est ainsi , citoyens representans , que l'armée d'Italie à
célébré la 5º . sanculotide et le 1er . de l'an 3e . de la République
Française . Vive la République !
Signé , DUMERBION , général en chef.
Les Allemands , en cherchant à ridiculiser les premieres
découvertes de Mongolfier , qu'ils traitaient dans leurs feuilles
périodiques de légèreté française , et au sujet desquelles le caustique
Kesner publia plusieurs épigrammes mordantes , ne se
doutaient gueres qu'un jour ces découvertes précieuses , perfectionnées
par le génie tout-puissant de la Liberté , contribue
raient beaucoup à la défaite des satellites du despotisme et à
l'humiliation de l'infâme maison d'Autriche . Tout le monde
( 96 )
connaît l'anecdote du fameux ballon aërostatique à la bataille
du Fleurus ; nous nous flattons que nos abonnés liront aver
plaisir le rapport tel qu'il fut fait avant la bataille de Fleurus
au représentant du peuple , Guiton , et à Jourdan , général en
chef de l'armée de Sambre et Meuse.
De l'aerostat devant Fleurus , à deux cents toises d'élevation .
Je soussigné , adjudant- général , chef de brigade , ai monté
dans l'aerostat commandé par le capitaine Coutelle , à la cense
de Fais , aux avantt-- postes du camp de Lambusart ; et m'étant
élevé à la hauteur de deux cents toises , ai resté en station pendanı
deux heures et ai observé :
1º . Sur la gauche , en arriere de Sombref , un escadron de
cavalerie ennemie rangé en bataille avec des vedettes sur la
chaussée , sur laquelle sont deux pieces de campagne .
2º . Plusieurs escadrons près de Bottey de mêine rangé en
bataille , la gauche appuyée du coté de l'Orneau .
30. Un fort detachement d'infanterie à la droite de Saint-
Martin -Balatre .
4° . Des grandes gardes dans les vergers de Longrenelle .
5º . Un camp que j'ai évalué à environ 25 à 30 mille hommes .
La gauche appuyée du côté de Gembloux et la droite vers Gentinnes
, avec des avant - postes près du bois de Sombref.
6. Un corps d'infanterie entre Spy et Onox .
Nota. L'ennemi est alerte , et ses avant -postes sont en mouvement
; il paraît que la vue du ballon l'intrigue beaucoup .
P. S. Dans la séance du 12 , Treilhard a annoncé la reprise
de Keiserlautern , par l'armée du Rhin . Celle du Nord s'est
emparée du fort de Creve coeur , qui nous conduit à Bois -le-
Duc , et ouvre le Brabant hollandais ; celle des Pyrénées a battu
les Espagnols près de Bellegarde ; 470 pieces de canon ont été
prises.
A Marseille , les scélérats continuateurs de Robespierre , dont
le mot de raliement est la montagne , se sont mis en insurrection
contre la Convention . Les jours des représentans out couru le
plus grand danger. Les bataillons de volontaires ont contenu
les brigands ; les principaux ont été arrêtés ; ils vont être
jugés .
Dans la séance du 13 , la Convention a chargé les comités de
salut public , de sûreté générale et de législation , de présenter
les mesures de police générale , pour contenir les intrigans ,
les brigands et les fripons . Elle a chargé les mêmes comités ,
sur la motion de Dubois - Crancé , d'épurer la société des Jacobins
, et d'indiquer les moyens de la rendre utile à la chose
publique .
( N °. 4. )
A...
T
"
*
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 VENDÉMIAIRE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 11 Octobre 1794 , vieux style . )
MUSEUM DES ARTS.
Leltre écrite de Paris à Nancy , sur la nouvelle exposition des
tableaux au Muséum national.
POUR Pour les étrangers qui arrivent à Paris , comme pour les
des
habitans de cette grande cité , c'est un délassement agréable ,
c'est un précieux moyen d'instruction que cette quantité de
chef-d'oeuvres de peinture et de sculpture dont la vue réjouit ,
au Muséum , les vrais amis des arts , et prépare , initie les profanes
à la connaissance , trop rare et trop peu desirée ,
beautés que le pinceau et le ciseau enfantent , en multipliant ,
par l'imitation , les merveilles de la nature . J'ai parcouru cette
superbe galerie avec vous , mon cher ami , qui savez apprécier
et aimer le beau . Vous étiez , quoiqu'absent , à côté de moi ,
et voici ce que je vous disais en admirant les tableaux des
Ponssin, des Tition , des Pietre de Cortone , des Vernet , des
Claude Lorrain , etc. Je le dis maintenant à d'autres ; j'ose ici
répéter mes observations , parce que je les crois fondées sur
les principes , sur les rapports de la nature et de l'art .
En parlant d'un Museum formé à Paris , sans doute dn
Français doit commencer son analyse par celle des tableaux
d'un peintre de sa nation ; et entre tous les artistes , mes compatriotes
, qui plus a mérité la prééminence que le Poussin ? II
aura donc mes premiers hommages . Le Poussin fut , dans toute
l'étendue du mot , un beau génie . Issu des Normands destructeurs
de l'art , il l'aima et l'honora autant que ces barbares
l'avaient haï et méprisé . Il recueillit ce qu'avait épargné leur
fureur , il se recueillit lui -même auprès de ces restes précieux .
- Echappé aux persécutions d'un ministre puissant , loin des intrigues
d'une cour orageuse , il embrassait , arrivant à Rome ,
une colonne grecque , en lui disant : Je ne te quitterai plus . Le
Poussin fut un artiste antique dans des tems modernes . Il est
dans notre école de peinture ce que sent dans notre littérature
les écrivains solitaires du ci-devant Port- royal. Les jennes
éleves , peintres ou littérateurs , doivent , entre tant de modeles ,
singulierement aimer , méditer et tâcher d'imiter les produc
tions d'un artiste qui fut un sage . Les bons sentimens sont la
source des bonnes pensées ; c'est au feu d'un grand coeur que
Tome XII . G
( 98 )
?
...
l'esprit s'éclaire . La vie chaste , laborieuse et retirée du Poussin ,
sa réponse au fastueux cardinal qui le visitait et savait l'appré
cier , sa résistance aux promesses des cours , son désinièressement
et sa modestie sont de grandes leçons pour les artistes ;
ils doivent étendre jusqu'aux beaux arts le fameux précepte
de
Tacite et d'Horace : Plus valent boni mores quam bone leges ......
Quid leges sine mortbus ? Le Poussin , sincere ami du bien ,
voulut donc l'exprimer , l'opérer dans ses tableaux , et par ses
tableaux , son talent acquitta sa dette civique ; ce fut son tribut
de bienfaisance à l'humanité trompée et opprimée. Il pensa
fortement , et il peignit de même ; aussi fut-il surnommé dans
sou tems le peintre des gens d'esprit , le peintre des gens qui
pensent. Les Italiens le nommaient il pittor del pensieri , comme
its nommaient le Dominicain il pittor de gli affetti , et ce ne serait
pas un parallele insignifiant que celui que l'on pourrait établir
entre le peintre des pensées et le peintre des affections .
Quoi qu'il en soit , ce qui caractérise éminemment les tableaux
du Poussin , c'est une grande conception , une idée noble , une
exécution sage , dégagée de tout ce qui est bas , et même vulgaire
. Ses personnages sont dans une position parlante et indicative
du sujet , leur attitude est convenable , variée et méditée
pour le plus grand effet ; le Poussin exprimait parfaitement le
repos du corps , qui le plus souvent annonce le mouvement de
l'ame , le travail de l'esprit ; enfin , toutes ses têtes sont animées
d'un sentiment convenable au lieu , au tems , à l'action
représentée ; l'expression en est à la fois forte et simple . Dans
les tableaux du Poussin il n'y a rien de vague , il a tout soigne ,
il a songé à tout et n'a rien oublié de ce qui pouvait contribuer
à rendre sa peusée . Les accessoires sont aussi digues
d'éloges que les principaux objets ; nul n'a mieux entendu
que le Poussin le costume et l'architecture antique ; il a deviné
, il a peint , dans ses paysages , la nature des premiers
tems , Son tableau du déluge fixe les regards du plus grand
nombre des amateurs . C'est un poëme , un beau poëme , et qui
n'a point de parties faibles ; tout y est de génie , jusqu'à la
couleur qui est étonnament forte , vraie et tragique . Le centre ,
l'objet principal de ce tableau ( après l'avoir nie , J. J. Rousseau
en convint avec le peintre de Virginie ) c'est l'enfant ; son péril ,
son innocence et la douleur de ses parens accroissent la terreur
qu'inspire l'image de l'universelle destruction . Le serpent
qui sort de la roche noyée ajoute à l'horreur , et c'est une
pensée sublime d'avoir , dans le tableau de la punition du genre
humain , représenté la cause et le signe emblématique de sa
faute . Le Poussin a su donner une grande fraîcheur , un air
de paix et d'innocence aux jardins enchantés qui furent le
berceau de nos premiers parens. Le paysage a un autre genre
de beauté dans le tableau de Booz et Ruth. La campagne et les
ondes d'une moisson dorée , y sont peintes avec une vérité
Fare ; ci quand on n'y verrait pas de moissonneurs , l'ardeur du
( 99 )
2
ciel annoncerait assez l'instant de la récolte. Ce ciel brûlant
est encore parfaitement représenté dans le tableau de Josué et
Caleb ; il semble que le soleil ait calciné les tours , les murs et
les rochers qui défendent Jériche . Mais la plaine cultivée , ses
arbres chargés de fruits , et l'énormité de la grappe rapportée
par les deux envoyés de Moyse , prouvent que ces climats
sont chands sans être stériles , et que la terre d'au-delà du
Jourdain est digne de son nom ; les bords du Nil ont un autre
aspect dans le tableau de Moyse sauvé des eaux ; ces bords fameux
le deviennent encore davantage par la grande scene dont ils
sont témoins , et que le Poussin a représentée avec son expression
et son exactitude ordinaires . Sans affaiblir l'impression
de ses chef-d'oeuvres par une longue analyse , j'arrêterai un
moment vos regards sur le magnifique tableau de la femme
adultere. Dans une scene parfaitement ordonnée , contrastée ,
costumée , le Poussin a peint , avec une perfection inexprimable
, des sentimens bien différens , la honte et les remords
de la femme coupable inspirant la compassion , la douceur du
Ghrist , l'admiration , la surprise et la joie que son jugement ,
doux autant que spirituel , inspire à ses disciples ; enfin , le
dépit et la coufusion des docteurs implacables ; on voit , on
admire l'effet prodigieux qui résulte de l'opposition de ces
sentimens dont les acteurs de cette scene intéressante sont
pénétrés depuis le sommet du front jusqu'à la plante des pieds .
Ce tableau suffirait , sans le témoignage historique , pour prouver
que le Poussin fut an homme doux et sage . Mais pourquoi
ces tableaux , et plusieurs autres du même maître ,
sont-ils pas extrêmement attachans ? C'est qu'ils manquent de
grace , eu du moins qu'ils n'ont pas le mérite de la grace au
même degré que tous les autres , el ce mérite est peut- être le
premier ; il éleva Raphaël au plus haut point de son art , il
fit aimer le pinceau du Correge , malgré sou incorrection ; il
fit oublier les défauts de plusieurs grands maîtres . Dans des
tableaux spécialement destinés à représenter le triomphe de la
beauté , le Poussin est inexcusable de n'avoir pas peint de
belles femmes . Sa Ruth est laide , et paraît avoir 50 ans. Eve
est moins désagréable , mais elle n'est point belle . Ce défaut
de grace féminine se fait particulierement remarquer dans un
tableau où le Poussin a représenté un groupe de jeunes filles
c'est celui de l'envoyé d'Abraham offrant au bord de la fontaine
des présens à Rebecca , la future épouse de son jeune
maître Isaac . Rebecca n'a point du tout les graces de la jeunesse
et de la beauté , elle en est même plus dépourvue que
telle de ses compagnes , et sa figure est triste . On peut faire le
même reproche aux femmes qui sont dans le tableau de Moyse
sauvé des eaux . La princesse d'Egypte a peu ou point d'attraits ,
et elle est servie par des femmes qui en ont encore moins . C'est
un grand démérite dans un tableau de ce genre , et dans toute
peinture représentant cette aimable moitié du genre humain ,
G &
ne
;
13
| 100 )
des
dont la beauté fait l'essence et la force . A la place de Ruth ;
d'Eve , de Rebecca , de ses compagnes , et des Egyptiennes du
Poussin , supposez de belles filles de Raphaël , du Correge ,
du Titien , du Cortone ou du Giorgion , et vous sentirez combien
les tableaux de Poussin gagneraient à cette métamorphose ;
dans votre pensée ils vous paraîtront tout autres . On dit , pour
excuser le Poussin , qu'il a la grace sévere ; je ne connais peint
de grace severe dans la représentation des femmes . Il était
sans doute inspiré par le génie des arts , celui qui écrivant pour
les artistes intitula son livre : De la grace dans les ouvrages de
l'art. Vinkelman nous rendit service , lorsqu'il analysa les ou,
vrages les plus gracieux , lorsqu'entre les plus grands artistes
il fi remarquer ceux qui s'étaient le plus illustré par la grace
de leurs productions , la grace qui est le charme de la nature .
La grace plus belle encore que la beauté , dit l'écrivain qui en eut
tant , le naturel Lafontaine ; les hommes disent la bonne grace ,
pour exprimer sans doute l'amabilité qu'elle donne en effet . Ou
aime ce qui est utile , ce qui plait est jugé bon . Qu'est- ce qui
peut nier qu'une belle femme ne soit la grace même ? et comment
excuser le Poussin de n'avoir pas dans ses femmes représente
la beauté , source de la grace ? Le peintre des affections ,
qui sous plusieurs rapports est , comme nous l'avons dit , comparable
au peintre des pensees , eut un pinceau plus gracieux
que son rival . Voyez le concert ( du Dominiquin ) . Pour rendre
le même sujet , le Poussin eût peint d'habiles musiciens ,
savans , des compositeurs , des artistes graves , profondément
pénétrés de l'exécution d'un chef- d'oeuvre. Plus aimable dans
sa pensée , le Dominiquin nous présente des jeunes gens et des
enfans sourians aux premiers accords de l'harmonie . S'il avait
peint des artistes , des auditeurs plus doctes et d'un âge plus
mur , il aurait déridé leurs fronts par l'expression de la joie
sentimentale qui naît des grands effets de la musique ; il aurait
représenté des hommes jugeant des beautés de l'art , comme
il en faut juger , plutôt par sentiment que par raisonnement ;
enfin , le defaut de grace , chez le Poussin , se fait encore
remarquer dans la couleur de ses chairs et de ses vêtemens ,
laquelle est souvent terme et triste ; ce que l'on ne peut pas
dire de ses paysages , ouvrages vraiment ad nirables , dignes
des plus grands éloges , et au- dessus de tout reproche . La
couleur en est naturelle et fait illusion ; la perspective est
infiniment savante , et d'une vérité qui ravit : on se promene
dans ces vastes campagnes embellies par la fraîcheur des bois
et des eaux ; l'oeil parcourt ces grands espaces qui ne sont point
imaginaires , et dont il peut estimer les distances ; ce qui est
bien le comble de l'art : l'artiste médiocre est une espece de
fou qui vit , qui veut nous faire vivre dans des régions , et avec
des person ages imaginaires . Le grand artiste réalise ses fctions
; ce qui n'existe pas , il le fait exister on habite les
lieux , on converse avec les êtres créés par son génie.... Je
·
( 101 )
la
ne puis m'empêcher de revenir sur le beau tableau de Moyse
sauvé des eaux , dans lequel j'ai cru remarquer une grande imperfection
; c'est la figure du Nil , assise au bord de ce fleuve.
Ce vieillard n'est pas assez allégorique , puisqu'il n'est pas
beaucoup plus pétrisé , ou métallisie , que les autres personnages
de cette scene avec lesquels on dirait qu'il converse
face tournée vers eux , et ayant l'air de leur redemander l'enfant
arraché à ses ondes . La taille et la nudité de ce pere inconnu
ne le distinguent pas assez de la princesse d'Egypte
et de ses femmes ; il n'est pas assez statne , ou les personnages
de ce tableau le sont trop... Maintenant que j'ai fini mes remarques
improbatives , faut - il en avoir des remords , et craindre.
d'être blâme moi-même pour avoir osé blâmer quelque chose
dans un aussi grand homme que le Poussin ? Non , je ne crains ,
ni ne me repens . J'ai loué le Poussin autant que j'ai pu , et tou
jours beaucoup moins qu'il ne le mérite dans ce qu'il a de
beau ; mais tout ne l'est pas dans ses oeuvres , parce qu'il fat
homme , sujet à l'erreur ; je le suis aussi , moi , qui me permets
de scruter son génie : j'abandonne donc volontiers ces remarques
, et celles qui vont suivre , si on ne les trouve pas justes
pourvu que l'on croie qu'en les faisant j'ai été de bonne foi ,
et animé du seul desir d'être utile , je serai fort content.
Une grande partie de la collection des ports de France ,
peints par l'illustre Vernet , orne la galerie du Muséum . Les
quatre premiers tableaux en entrant , représentent les ports
de Dieppe , de la Rochelle et de Bordeaux ; ceux qui les out
vus lorsqu'ils ont été faits , pourront y trouver quelque dégra
dation de couleur ; un ton un peu gris donne de la monotonie
à ces marines , et empêche que les formes et les détails n'en
soient aussi saillans qu'ils le pourraient être , vu l'exactitude
avec laquelle ils sont peints on sait que Vernet excellait à
représenter ces petites figures , ces petites scênes charmantes ,
qui donnent à ses tableaux le mouvement et la vie . De même
on admirera toujours ses grandes masses , l'architecture des
ports , les vaisseaux , proches ou éloignés , les bords de la mer
et l'étendue de sa plage , parce que ce grand maître y a mis toute
la vérité , tous les effets de la perspective , science qu'il possédait
au suprême degré . Les vues de Bayonne et de Toulon
sont d'un ton de couleur différent et plus ferme , quoiqu'un
peu brun .... On ne peut parler des oeuvres de Vernet , sang
citer celles d'un maître qui lui est souvent comparé , Claude
Lorrain , dont on voit , dans la même galerie , plusieurs marines,
Les eaux en sont parfaitement belles et transparentes , quelques
amateurs les préferent aux canx de Vernet ; je ne contredirai
point leur jugement , et je ne donnerai pas non plus la préséance
au Lorrain sur l'Avignonnais ; en tout , les tableaux de
celui- ci offrent une scêne plus grande , plus vraie , plus satisfaisante
dans son effet et admirable dans son exécution . Si les
gaux de Vernet sont moins légeres et moins diaphanes , il les
G 3
( 102 )
le
a embellies , et rendues vraies , par des reflets de lumiere que
son rival ne peint qu'imparfaitement. Les feux du soleil , les
clartés de la lune , le soir et l'aurore , embellissent de leurs
effets merveilleux les marines de Vernet , et suffiraient
pour
placer au premier rang des paysagistes . Il a encore rendu parfaitement
l'accord des cieux et des ondes , conspirant ensemble
pour le calme ou pour la tempête ; il a peint les nuages
aussi bien que les flots , c'est ce qui se voit surtout dans ses
deux tableaux représentans la pêche du thon , et le port de
Cette ; ce sont à mes yeux deux chef- doeuvres , sous tous les
rapports , et qui réunissent tous les mérites de rart.
Le Titien brille sans doute dans cette galerie ; puisqu'il y
est , il y brille de tout l'éclat d'un coloris vrai , animé , voluptueux
, et frais comme si le tableau était achevé d'hier . On
s'attache à celui qui représente Jupiter sous la forme d'un
satyre , admirant la nymphe Antiope endormie ( 1 ) . Rien n'est
comparable à la carnation de cette belle dormeuse , dont le
corps ( sur-tout la tête et les bras ) est bien posé et parfaitement
en repos . C'est dommage que l'incorrection du reste , que des
cuisses , et plus encore des jambes courtes , semblables aux
jambes d'an petit garçon , défigurent ce beau tableau . Pour
excuser le peintre , on ne peut point dire qu'il a peint un
racoarci , il me l'a pas dû , il ne l'a pas voulu faire dans la position
où il a mis la nymphe. A ses côtés , on voit l'Amour endormi
, auquel le Titien a encore imprudemment donné une
énorme ampleur de reins qui lui ôte toute sa grace enfantine ,
et qui est aussi hidense qu'incorrecte . Le Titien a dû se
complaire à peindre celle qu'il aimait ; aussi nous en a - t-il laissé
ane charmante et ingéniense image , où on le voit derriere sa
belle maîtresse , un peu dans l'ombre , comme de raison , et
lui présentant un miroir où il l'invite à admirer elle - même ses
attraits . Cette idée est aussi dans le Tasse , contemporain , de
Titien . Renaud couché près d'Armide , dans ses délicieux
jardins , lui présente un miroir , et lui dit : « Mirar tu almen
potessi il proprio volto ! ch'el guardotuo , ch'altrove non
è pago , gioirebbe felice in se rivolto .
59
Enfin l'on peut croire , d'après ce tableau , que le Titien
avait , du moins quant à la beauté , bien choisi l'objet de son
affection . La figure de sa maîtresse est spirituelle , tendre , et
doucement animée des feux de l'amour et de la joie . Faut- il
s'étonner qu'il ait déployé dans ce portrait tant d'art et de sentiment
? il voyait sa belle sourire à ses travaux , il l'aimait autant
qu'il en était aimé , en traçant son image chérie , il ne travaillait
pas comme tant de peintres et de poëtes qui peignent des Iris en
l'air. Ua autre tableau de ce maître , plus considérable et
non moins beau , offre une allégorie intéressante . Une jeune
(1 ) C'est par erreur qu'on attribue ici au Titien le tableau de
Jupiter et Antiope , qui est un des chef- d'oeuvres du Correge .
( 103 )
fille tient dans sa main droite un globe . Un guerrier dont le superbe
caractere de tête annonce l'état et la valeur , un général
qu'on dit être le marquis de Guast , si fameux au tems du Titien
dans les guerres d'Italie , est auprès de cette fille , et posant
sur elle une main téméraire , il a l'air de préférer les trésors
de son sein à tous les trésors du globe . Une autre jeune personne
présente un faisceau à la belle , dont la figure est infiniment
gracieuse , simple et touchante par l'air de candeur et
d'innocence que le peintre y a répandu . Les cheveux et les
vêtemens parfaitemens peints ajoutent aux attraits de cette fille
charmante ; son bras nad dispute de blancheur et de beauté
avec son sein.
Un tableau apporté à Paris depuis 12 ou 15 ans seulement , un
tableau peu connu jusqu'à présent des amateurs français , et digue
de fixer les regards du monde , balance ou efface ce que le
Muséum offre de plus merveilleux en peinture ; c'est une oeuvre
de Pietre de Gortone , dont le pinceau docte et sentimental a su
dignement représenter un grand sujet , le retour de Jacob dans
sa famille. On sait que Jacob ( dont le nom signifie dans sa
racine , hébraïque , supplantant ) ayant dérobé a son pere la
bénédiction paternelle qu'attendait Esau le fils aîné ; que facob ,
dis-je , craignant ce frere irrité , et suivant les conseils d'une
tendre mere , s'en alla en Syrie chez son oncle Laban , dont il
fut 7 ans esclave et pasteur , pour épouser Rachel , sa fille
cadette ; et que le jour du mariage étant arrivé , on le trompa
en lui faisant épouser Lia , la soeur ainée de Rachel . ( Ceci est
utile pour l'intelligence du tableau . ) Jacob ayant servi 7 autres
années pour obtenir enfin Rachel , dont il était épris , et l'ayant
obtenue , revint au bout de 20 ans dans son pays natal ,
comblé de bien ; mais craignant le ressentiment de son frere Esaü,
it lui envoya plusieurs de ses gens pour lui offrir des présens ,
et lui demander son amitié ; enfin , les deux freres se rencontrerent
et se reconcilierent sur les bords du Jourdain . Le Cortone
a saisi le moment de cette reconciliation où Esau , serrant
la main de son frere , lui demande ce que c'est que tout
ce qu'il voit , et où Jacob , montrant de sa main libre toute sa
suite , répond à Esau : Ce sont les épouses , les enfans , les esclaves
el les troupeaux que le seigneur a donné à votre serviteur . La joie
est peine sur son visage ; on y voit la jouissance d'un succès
presqu'inattendu , et l'épanchement d'un bon coeur long - tems
oppressé par " la crainte et le desir.
L'aînée des épouses , Lia , regarde avec un air d'humeur et
d'orgueil les avances faites par son mari ; elle a l'air de dire à
son beau-frere : Comme vous voudrez , Le peintre l'a judicieusement
placée au fond du tableau ; dans cette scene , elle a comme dans
le coeur de son époux , la deuxieme place ; la premiere est
pour Rachel , qui occupe toute l'avant - scêve , et qui en est
bien digne. Sa figure est un modele de beauté innocente , de
grace et de douceur ; l'amour et l'ami lé , l'esprit , le calme
G 4
( 104 )
et la joie se peignent sur ce beau visage ; ils y sont fondus , exprimés
avec tout l'art d'un pinceau correct , suave et facile .
Les cheveux relevés en voyageuse , renoués avec grace , ombragent
un peu les angles du front , et contribuent à former
l'ovale parfait de cette tête enchanteresse , dont le charme
caractéristique est la douceur. Le Cortone n'ignorait pas
sans doute , et il a rendu dans son tableau la signification de
Rachel , nom qui exprime le plus grand charme d'une femme ,
nom qui dit plus que douce et douceur , qui désigne la douceur
vivante ; Rachel siguifie brebis . Le Cortone nous la moutre
donc dans tout l'étendue du terme , cette douce Rachel , dont
J. J. Rousseau a dit avec tant d'éloquence et de sentiment :
O douce Rachel , fille charmante , et si constamment aimée , heureux
celui qui pour le posséder ne regretta pas 14 ans d'esclavage ! On ne
trouvera nulle part plus d'ensemble dans les traits , plus
de cet accord harmonieux de toutes les parties d'un beau
visage , miroir de l'ame , réunion simple et merveilleuse de tous
les sigues de la vie ; c'est bien ici une beaute des premiers
âges du genre humain , une femme en qui tout est beau , ses
bras nuds et son sein découvert , sur lequel repose un bel
enfant , sont d'une forme parfaite , d'une carnation fraîche
' es brillante , sa taille est élégante et haute , son attitude est
noble et modeste ; vêtue tres - simplement , comme l'épouse,
d'un pasteur nomade , elle a plus d'air de grandeur que toutes
ces reines chargées d'atours dont nous voyons tant de por
traits . Enfin , son rôle dans cette -scene est digne d'elle . Eller
sourit à un de ses enfans qui offre un fruit à celui qui est sur
son sein , elle tient l'autre par le bras ; Rachel , mere avant
toutes choses , ne s'inquiette point de la reconciliation des deux
freres qu'elle ne regarde seulement pas ; avec toute la sécurité
d'une ame douce et grande , qui ne croit point à la haine , elle
attend le succès d'une entrevue importante , et ne paraît pas en
avoir douté . Je me suis étendu , j'ai cru le devoir faire , sur
la figure , unique en graces et beautés , qui décore ce merveilleux
tableau , Le paysage y est font bien traité ; c'est dommage
que la scene en soit un peu étroite . Esaü aussi n'a pas une
tête assez antique ; il paroît alqué sur une figure beaucoup
plus moderne , et trop conna il a un peu l'air d'un St. Pierre,
Auprès de sa belle maitresse , le jeune esclave qui est assis
par terre sur des vêtemens , comme pour soigner les enfans
qui à peine leves sont sortis de dessous la tente pittoresquement
suspendue et attachée au baut d'un grand arbre ; cet
esclave , dis-je , est encore remarquable par la correction élé--
gante avec laquelle tour son corps est dessiné , et par les
agrémens de sa figure , dans un genre de beauté qui indique
non moins que son attitude , son état dans la maison de
Jacob. Observez surtout qu'il est tranquille , de la tranquil
lité de sa maîtresse , tel maître , tel valet , die un proverbe an
tique et sage on voit sur le visage de ce jeune et fidels serviteur
une paix , une joie cafantine.
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
Les
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 20 Septembre 1794.
Es nouvelles de Thorn confirment la levée du siége de Varsovie.
Le roi de Prusse court en diligence secourir ses propres
provinces , et le rôle de l'attaque qu'il avait pris avec tant d'arrogance
et de sécurité , s'est changé en moins d'un mois en
celni de la défense . La diversion des Polonais dans la Prusse
méridionale l'avait déja obligé à détacher de son armée sous
Varsovie un corps de 6000 hommes aux ordres du général
Szekuli ; après beaucoup d'obstacles , ce corps était parvenu à
s'approcher jusqu'à Gombin..
Arrivé dans ce lieu , le général Szekuli voyant s'accroître
les obstacles qui devaient s'opposer à ses opérations ultérieures,
publia une proclamation . Il annonça que la vie et la fortune
de tous les habitaus , sans distinction de sexe , soit nobles ,
bourgeois , prêtres ou paysans , répondraient au roi de Prusse
de la part qu'ils auraient prise à l'insurrection . Ce moyen ne
fit qu'augmenter l'énergie des insurgés , au point qu'on annonce
que toute l'armée prussienne , après avoir levé le siége de
Varsovie , va marcher vers la Prusse méridionale ; mais il est
à croire que l'armée de Kosciuszko qui est dans les retrans
chemens , ou du moins une partie , va poursuivre à son tour
les assiegeans .
Toutes les forges de la Prusse méridionale sont employées
à fabriquer des armes ; déja une énorme quantité de fauix et
de piques a été distribuće . Le peuple s'est levé en masse depuis
l'âge de 17 ans jusqu'à 60 , et s'organise en bataillons
ou escadions . Les grands propriétaires sont tenus de fournir ,
selon leurs moyens , aux divers besoins de cette nouvelle levée .
y a peine de mort contre ceux qui s'y refuseraient .
11
On vient d'apprendre que les insurgés ont pénétré dans le
district de Netz , et se sont emparés des villes d'Ecksin , de
Szivin ; ils se sont avancés jusqu'à trois lieues de Brouberg ,
et sont maîtres de la grande route de Berlin , dout ils ne sont
éloignés que de douze lieues .
La confédération qui s'est assemblée à Gnesne a envoyé des
universaux dans la Prusse orientale et occidentale , pour engager
les provinces à envoyer des députés , et à prendre les
aimes contre l'ennemi commus . On assure que l'insurrection
commence à se propager dans ces deux coutrées , ce qui a
( 106 )
nécessité de nouvelles proclamations de la part du cabinet de
Berlin. On ajoute qu'une armée d'insurgés marche vers la
Prusse occidentale ; par- tout où elle passe elle rassemble les
paysans sous les drapeaux de la liberté , et leur annonce la
suppression des corvées féodales qui , sur huit jours , leur en
prenaient cinq.
On a de nouveau essayé d'envoyer , par Pozen , des couriers
pour porter des fonds au quartier - général du roi de Prusse ;
ils ont encore été interceptés. Plusieurs administrateurs prus-
Biens ont été très - maltraités ; d'autres ont obtenu lear liberté.
OnOn remarque sur les passe- ports qui ont été délivrés à ces der
niers , le sceau de la république de Pologne ; et parmi les
signatures , celle de plusieurs chanoines de Gnesne . Les préires
semblent avoir pris une part très - active à l'insurrection .
On mande de Vienne que c'est aux souples négociations de
Lucchesini que l'on doit la part active que le cabinet de
Vienne est resclu de prendre dans la guerre de Pologne. Le
grand motif qu'il a fait valoir a été qu'il importait à la cour
de Vienne de détourner les peuples des états héréditaires des
idées de liberté qui se manifestent en Hongrie , en Gallicie , en
Transylvanie et dans d'autres provinces , et que la guerre seule
pouvait être pour eux un objet de distraction ; en conséquence ,
l'empereur a chargé le général Schutz de se mettre à la tête
d'une armée autrichienne qui se trouve aux environs de Body ,
et de faire avec elle une invasion en Pologne .
On dit que les troupes autrichiennes ont dû déja dépasser
Lublin et Krasmistaw. L'empereur , pour completter les transports
militaires a ordonné d'enrôler par fotce , en Gallicie
les charretiers . Le général Harponcourt est maintenant occupé
à passer en revne toutes les troupes qui se trouvent dans cette
province. Un comte Hongrois en a été nommé gouverneur.
La cour de Copenhague vient de rappeller tous les matelots
Danois qui sont en ce moment employés sur les bâtimeus
etrangers . Cette mesure a jetté l'alarme parmi les commerçans
Russes qui craignent que par ce rappel beaucoup d'entre eux
ne s'arrêtent dans le Sund , et que la navigation n'éprouve ainsi
de grandes entraves .
L'impératrice de Russie vient de donner des ordres pour
construire à Hadgibey , sur la mer Noire , un port pour les
vaisseaux de guerre ci les bâtimens marchauds . Il sera ouvert
à tous les navires qui , en vertu des traités , ont la liberté de
naviguer dans cette mer.
On apprend de Stockholm qu'il se fait beaucoup de mouvement
dans les troupes de terre . Depuis que les armemens
maritimes sont presque achevés , le gouvernement fait rétablir
en hâre les ouvrages de Werholm et de Frédérisbourg , deux
forteresses qui defendent cette ville du côté de la mer. Il est
à remarquer que ce travail n'a été commencé que depuis que
( 107 )
l'ambassadeur de Russie , Romanzow , a quitté cette résidence
pour retourner à Pétersbourg.
Une nouvelle forteresse à l'entrée de la mer Noire , près du
village de Sari-Jer , a été bâtie par ordre de la Porte ; tout le
canal de la mer Noire est à présent fortifié . Ces ouvrages sont
garnis d'un grand nombre de gros canons , et gardés par un
corps de canonniers nouvellement levé et discipliné.
Des lettres de Constantinople apprennent que les commandans
des deux caravelles qui devaient garder le port de Smirne , et ceux
des deux autres qui étaient sorties pour convrir l'Archipel , de
même que tous les commandans des châteaux et forteresses
sur les mers de la domination ottomane , avaient reçu l'ordre
le plus positif de faire fen , sans aucun égard , sur tous les bâtimens
qui violerajent la neutralité que la Porte avait adoptée .
Depuis que les Polonais ont levé l'étendard de l'insurrection
, on s'attendait de jour en jour à voir la Porte profiter
d'une si belle occasion pour se déclarer contre la Russie ; mais
les conjectures des politiques habiles ont été trompées dans
cette circonstance : le divan flotte toujours dans l'incertitude .
Des avis de Constantinople nous apprennent que le brait
s'étant répandu que le projet de la Russie était de partager la
Pologne , la Porte en a été fort alarmée à cause des suites
funestes qui pourraient en résulter pour ses intérêts ; mais on
ajoute qu'elle a déclaré que néanmoins la bonne intelligence
entr'elle et la Russie continuait à être telle , qu'il n'y avait
ancune apparence de rupture entre les deux empires , au moins
pour cette année . Cependant on fait continuer les travaux à
l'arsenal avec beaucoup d'activité , et deux frégates sont parties
pour la mer Noire , pour transporter des matériaux .
De Francfort- sur- le -Mein , le 23 septembre.
Le gouvernement autrichien s'occupe toujours des arrestations
. On amene continuellement à Vienne des prisouniers de
la Hongrie et des autres possessions autrichiennes , ainsi que
de la Gallicic , où l'on dit qu'une grande insurrection était au
moment d'éclater. S'il faut en croire le gouvernement , tous les
conjurés se communiquaient entre eux , et méditaient un vaste
plan de conspiration . Cependant plusieurs de ces hommes , que
l'on dit être suspects , cessent de l'être dès le moment qu'ils
s'enrôlent contre la France . Si eette méthode était une sorte de
presse inspirée par les commissaires anglais qui surveillent
l'exécution du dernier marché de soldats , conclu avec l'Augleterre
; il faut convenir que rien ne serait plus propre à détruire
le peu d'affection qui pent rester encore à certains
peuples pour leurs rois .
Les papiers dévoués aux puissances coalisées parlent beaucoup
de lettres de Constantinople , suivant lesquelles on prétend
que la Porte a annoncé aux ministres de ces puissances
( 108 )
que le premier dragoman , frere de l'Hospodar de Valachie ,
a été déposé ; que le Reis Effendi n'avait evite de subir le même
sort qu'en offrant lui- même sa démission ; qu'elle avait formé
le nouveau conseil d'état,, et exilé deux de ses principaux
membres soupçonnés de partialité envers les Français ; qu'en
outre , elle avait fait passer des troupes et deux caravelles à
Smyrne , pour empêcher toute descente ou blocus de la part
des frégates françaises , après le depart du convoi anglo-hol-
Jandais et de frégates qui l'escortent ; qu'enfin , elle a fait savoir
au chargé d'affaires de France de faire partir sans délai de
Constantinople tous les Français qui y sont sans emploi , ou
dont la présence n'est point nécessaire pour leur commerce ou
négoce .
Mais ces nouvelles paraissent apocriphes ou du moins fort
exagérées. Il se peut que la Porte ait eru devoir faire quelque
déclaration à la Russie , pour éloigner dans le moment actuel
une rupture , que peut- être elle ne voudrait point voir arriver
à cette heure , et au moment où elle peut n'être pas entiérement
prête. Mais on sait d'ailleurs que la Porte fait conti-
Buer les travaux de l'arsenal avec beaucoup d'activité , et que
deux de ses frégates viennent de partir pour la mer Noire ,
afin de chercher des matériaux . Le Reis Effendi a effectivement
offert sa démission ; mais le grand-seigneur , loin de l'accepter
, l'a comblé de louanges et de témoignages de contentement
, et lui a ordonné de continuer ses fonctions . Il est encore
certain qu'aucun de ceux des Français , qu'on disait devoir
partir , ne l'a fait , et que tous sont restés jusqu'à ce jour à
Constantinople sous divers prétextes.
On apprend de Brandebourg que l'intérieur de la Prusse se
trouve entiérement dénué de troupes ; toutes sont employees
contre la France et la Pologne . On parle en conséquence d'une
levée d'an corps de volontaires de dix mille hommes , destiné
à la garde du pays .
La marche des dépôts des régimens Heinric , Kleist ,
Kruzac , et d'autres complémens qui devaicut se rendre au
Rhin , vient d'être suspendue . Le cabinet de Berlin est
dans l'incertitude de savoir s'il ne sera pas plutôt contraint
de les porter sur la Prusse orientale et occidentale , où
l'on craint une insurrection semblable à celle de la Prusse
méridionale .
De nouveaux renforts ont été envoyés à Francfort- sur- l'Oder,
qui continue à être menacé par les Polonais . Les postes sont
toujours interceptées entre Berlin et Pozen .
Le ministre prussien à Stockholm vient de revenir à Berlin .
On ne parle point de le remplacer . Cette circonstance annonce
qu'il regne peu d'intelligence entre ces deux puissances.
Les fourages commencent à manquer généralement dans
toute la Hongrie et la Gallicie. L'impossibilité de nourrir les
bestiaux en a fait tomber la valeur , au point que maintenant
( 109 )
dans ces contrées une vache ne vaut qu'un ducát ( 12 liv. ) ; un
boeuf, deux ducats ; une brebis , un kreutzer ( I liv . 10 sous ) .
Il est toujours question du prochain départ de François pour
la Hongrie.
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
Bois-le - Duc , Grave , Breda et Maestricht sont assiégés à- la
fois par les troupes républicaines . La prise du fort de Crêvecoeur
, qui donne la facilité de saigner les inondations qui entourent
Bois- le- Duc , entraînera bientôt celle de cette forteresse.
On prétend qu'elle a déja voulu capituler , mais que les Répu
blicains ont refusé de comprendre dant la capitulation 700
émigrés qui font partie de la garnison . La rapidité des succès
des Français plongent les Statdhoudériens dans la consternation
, et réjouit fort les patriotes hollandais ; on assure qu'il
y aara des mouvemens populaires dès que les armées républicaines
auront passé la Meuse et le Wach .
On écrit de Tilbourg près Bréda , qu'un des principaux ha
bitans de ce bourg donua , il y a quelques jours , à dîner à
plusieurs officiers Français : la plus grande fraternité a régné
pendant tout le repas . Un des officiers remit ensuite à un des
fonctionnaires publics de Tilbourg une note , dans laquelle se
trouvaient les trois objets suivans : un projet d'adoption de
la constitution française ; un ordre à tous les habitans d'apporter
leurs armes à Tilbourg ; enfin , une promesse de payer
les dommages que les patrouilles françaises ont pu occasion
ner anx jardins et arbres fruitiers .
Cette anecdote précieuse et la conduite loyale que tiennent
par- tout les soldats Républicains , doivent leur gagner les Coears
de tous les habitans de ces contrées , et rassurer ceux -ci contre
les suggestions perfides d'un tas d'émissaires , soudoyés par les
despotes trembians , pour semer par tout la erainte et la méfiance
.
Voici une nouvelle preuve de cette loyauté républicaine
derniérement une division de 500 Français se présenta à Hivarenbeck
dans les environs de Bois - le - Duc ; ils traiterent les
habitans avec beaucoup de douceur , appellerent bons citoyens
ceux qui n'avaient pas abandonué leurs foyers , et marquerent
le plus profond mépris pour ceux qui les avaient fui . Aucune
maison ne fut endommagée , aucune contribution levée . Une
partie de la troupe resta dans les rues , pendant que les autres
soldats se contenterent de pain , qu'ils payerent avant de
partir.
Voilà comme les soldats Français répondent à leurs vils et
lâches calomniateurs !
L'armée de Sambre et Meuse poursuit également d'un pas
rapide sa marche victorieuse . La ville de Maestricht est entiérement
investie ; les Autrichiens sont en pleine retraite pour
( 110 )
se sauver au- delà du Rhin ; ils ont laissé un petit corps campé
sur la montagne et sous le canon du fort Saint- Pierre.
Les Autrichiens en abandonnant la Meuse et retournant en
Allemagne , gagnent aussi utilement pour l'Angleterre et le
stadthouder , le subside énorme qu'on a accordé à l'empereur,
que le roi de Prusse a gagné celui qu'il a reçu pour le même
objet , en allant se faire battre en Pologne .
1
ANGLETERRE. De Londres , le 13 septembre.
Depuis que l'Angleterre s'est vue réduite à payer toutes les
puissances pour les retenir dans la coalition , ses finances sont
dans un tel état d'épuisement , qu'il est question d'une nouvelle
convocation du parlement.
le
On parle d'une nouvelle convocation du parlement pour
4 novembre , la minorité aura de beaux sujets de parler contre
la guerre ; mais la majorité toujours soumise , vatera de nouveaux
subsides pour la continuer .
Il sera aussi question , à la rentrée du parlement , de l'abandon
où le ministere a laissé nos possessions et notre commerce
dans les Indes orientales , où les corsaires français s'enrichissent
journellement de nos dépouilles .
Les craintes d'une descente des Français commencent à se
renouveller ; aussi le ministere prend -il des mesures qui annoncent
que les menaces des Républicains ne lui paraissent
pas vaines et chimériqnes : il doit s'établir seize camps sur la
côte , entre Douvre et Southampton le cordon de troupes
destiné à défendre cette partie de l'Angleterre , doit être
de 30,000 hommes , tirés des milices , des feusibles et des corps
de nouvelle levée .
Un vaisseau marchand , arrivé d'Elseneur , a appris qu'une
escadre française , composée de deux vaisseaux de 50 canons ,
deux de 40 et de deux frégates , est maintenant occupée à croiser
sur les côtes de Norwege elle a fait un grand nombre de
prises , qu'elle a conduites à Elseneur. Le maître de ce bâtiment
a dit n'avoir rencontré , dans son voyage , aucun vaisseau
de guerre anglais pour protéger les bâtimens marchands de
leur nation dans les mers du Nord .
Les ministres ont reçu des dépêches de sir Charles Grey
en date du 30 juillet . Il en résulte qu'il était à cette époque
à la Martinique avec sir John Jervis , où il attend des renforts
sans lesquels il ne peut rien entreprendre. Les Français
sout toujours en possession de la Grande-Terre de la Guadeloupe
.
La fievre rouge continue à faire de grands ravages dans les
troupes britanniques . On cite entr'autres le 43. régiment ,
fort de 700 hommes lorsqu'il quitta l'Irlande , et réduit aujourd'hui
, dit-on , à 70 ou 80 .
Il vient d'entrer dans les ports de la Grande - Bretagne plu .
( 111 )
sieurs vaisseaux des Indes orientales , appartenans à la compagnie
, dont la cargaison est évaluée à huit millions sterling
. Les nouvelles d'ailleurs , reçues le cette contrée ,
d'une nature satisfaisante pour l'Angleterre .
sont pas
11e
Une lettre de Calcutta , en date du 29 janvier , s'exprime
ainsi :
Le ministero a sacrifié cette contrée en n'envoyant point
quelques frégates pour la protection du commerce ; les Français
se trouvent ainsi souverains sur les mers de l'Inde , et
chaque jour leurs corsaires enlevent nos bâtimens mar
chands.
Le gouvernement ici s'est va obligé d'ordonner à quatre
vaisseaux de l'Inde de se mettre en état de donner quelque
protection à notre commerce ; mais ces vaisseaux manquent
d'officiers et d'hommes , et de toute espece de moyens et d'encouragement
pour risquer un combat.
" Cette négligence de M. Pitt ne peut qu'aliéner de lui le
peuple de cette contrée . Le commodore Cornwallis a envoyé
le pen de vaisseaux de guerre qui se trouvaient ici . Une mesure
si impolitique et si étroite ne saurait être trop détestée .
La Minerve , la seule frégate de guerre qui soit dans l'Inde ,
est incapable de servir ; elle est maintenant dans le chantier
de Bombay, pendant que les corsaires français viennent croiser
jusques dans nos rades . Cet état de choses dégrade , au - delà
de toute expression , le gouvernement britannique dans l'esprit
des natifs de l'Inde , etc. etc. is
Les ministres ont reçu , ces jours derniers , des dépêches da
duc d'Yorck , de lord St , Hélene , ambassadeur à la Haye , de
Windham qui se trouvait dans cette résidence ; d'autres , de
lord Malmesbury qui est à Francfort , et de lord Spencer , envoyé
extraordinaire à Vienne , sont également arrivées .
Les papiers de la trésorerie , en parlant de la mission de ce
dernier , gardent encore le silence sur le traité des subsides
qu'on est persuadé qu'il a contracté au nom de la Grande-
Bretagne ils se bornent à dire que cette mission , ainsi que le
voyage de sir Windham sur le Continent doivent produire un
changement considérable dans la conduite des alliés , et faire
employer d'autres hommes et d'autres mesures ; d'où , suivant
ces papiers , il ne peut manquer de résulter de grands avantages
pour l'Angleterre . Quelques personnes disent en effet que
le principal but du voyage de sir Windham est de déterminer
Yorck à se désister du commandement de l'armée britannique ;
qu'il lui en a fait l'ouverture , mais sans tuccès .
( 112 )
REPUBLIQUE FRANÇAISL.
CONVENTION NATIONAL E.
PRESIDENCI D'ANDRÉ DUMONT .
Séance du duodi , 12 Vendemiaire .
Des citoyens de la section Lepelletier viennent dévoiler
des manoeuvres pratiquées contre la Convention .
Nous venons , dit l'orateur , vous prouver que des hommes
atroces préparent des pétitions sanguinaires
, qu'ils se glissent
dans les sections de Paris pour y opprimer les Républicains ,
pour intercepter
la véritable voix du peuple , et substituer
celle de l'anarchie et du terrorisme . Nous vous apportons une
déclaration de plusieurs patriotes qui out eu le courage de
signer la vérité. "
L'orateur lit cette déclaration : elle porte que dans l'assemblée
générale de la section Lepelletier , tenue le 10 vendemiaire
, il fut proposé de nommer une députation pour féliciter
la Convention sur ses travaux et sur la situation politique de la
France , détaillée dans le rapport de Robert Linder ; cette
motion avait été appuyée par la majorité , et elle allait être
mise aux voix , lorsque quelques citoyens s'y opposerent , en
faisant un bruit épouvantable , en menaçant l'orateur , le président
et les citoyens qui étaient de cet avis .
Chrétien , ex-juré du tribunal revolutionnaire, fut le premier
à s'opposer à cette proposition , et celui qui montra le plus de
fureur ; il excitait les citoyens à augmenter le seandale ; enfin
il empêcha de prendre aucune délibération alors les citoyens
se retirerent parce qu'il était dix heures et demie passées , et
Chétien avec ceux qui pensaient comme lui , arrêterent qu'une
nombreuse députation irait feliciter les Jacobins sur le discours
d'Andoin
Nous dénonçons ce Chrétien , reprend l'orateur , malgré
qu'il nous ait menacés de nous immoler , si jamais il temonfait
sur son tribunal de sang ; nous dénonçons cet homme qui
dit sans cesse qu'on attaque les Jacobins , lorsqu'on n'approuve
pas son opinion ; cet homme que les Jacobins chasserent
lorsqu'ils auront connaissance de la piece que nous allons
vous lire , car cette société a arrêté qu'elle ne recevrait pas au
nombre de ses membres tous ceux qui ne justifieraient pas
qu'ils étaient à leur poste dans la unit du 9 au 10 thermidor ,
ou qu'ils défendaient la Convention . "
Ici l'orateur lit une déclaration faite par Chrétien à la société
Lepelletier , le 30 thermidor. Elle constate que Chrétien a
avoué
( 113 )
avoué qu'il n'avait pas quitté les Jacobins les 8 et 9 thermidor
que le 9 à dix heures du soir ( heure à laquelle la Commune
rebelle était hors de la loi ) il y était encore qu'ensuite il s'est
retiré dans un café , où s'étant réuni à plusieurs patriotes , ils
avaient tenu un conciliabule dont le résultat avait été que lui
Chrétien resterait à la maison , tandis que les uns iraient à la
Commune , d'autres à la Convention , et d'autres aux Jacobins
, et qu'on l'avertirait de l'endroit où il y aurait le plus de
danger , afin qu'il pût s'y porter.
Nons ne considerons que la République , ajoute l'orateur :
un patriote , s'il est Jacobin , est cher à nos yeux ; un patriote ,
s'il n'est pas Jacobia , est encore cher à nos yeux . ( Vifs applaudissemens
. ) Mais , représentans , c'est ainsi que l'opinion publi
que se trouve comprimée par un petit nombre d'individus qui
n'excitent du trouble que pour se soustraire au châtiment qui
les attend . Nous sommes patriotes ; que la Convention parle ,
et nous irons partout où seront ses ennemis .
Sur la motion de Dubois - Crancé , l'Assemblée décrete l'arrestation
de Chrétien ,
Thariot trouve la mesure insuffisante ; il faut attendre tous
les agens de Robespierre qui cherchent à porter par-tout l'incendie
et le carnage ; il s'étonne que tandis que nos artees font
trembler les tyrans , on balance à enchaîner quelques scélérats .
Les soudoyes de Pitt et de Cobourg , emploient tous les
efforts possibles pour determiner un grand mouvement an
milieu de nous , afin qu'il soit profitable aux ennemis de l'intérieur;
depuis deux ans , la même faction est organisee . Ces
hommes prennent différentes formes , mais ils tendent au meme
but.
Ces hommes là sont faciles à reconnaître ; ce sont ceux qui
ne veulent pas qu'on parle raison , qui ne veulent point catendre
les principes , ce sont ceux qui veulent persuader que
c'estst par
la tyrannie qu'on asseoira la liberté , ce sont ceux qui
veulent qu'au milieu des fers , on crie vive la Liberté ! Dans
une République bien organisée , il faut que les autorités soient
respectées ; il faut que ceux qui , de leur propre mouvement ,
ou à l'instigation des aristocrates qui se cachent , venlent les
avilir , soient punis . Ils sont les partisans de Robespierre ceuxlà
qui s'élevent contre la loi , contre la Convention , ceux - là
qui insultent un peuple en disant qu'ils sont les patriotes par
excellence . Ceux-là sont les patisans de Robespierre qui ne
veulent pas le regne de la justice , qui mettent l'arbitraire à sa
place , qui ne veulent que du sang. Il n'y a de patriotes que
ceux qui aiment l'ordre et les lois , que ceux qui veulent qu'on
respecte la Convention et la majesté du peuple. Je demaude
que le tribunal révolutionnaire continue l'information contre
les nombreux partisans et complices de Robespierre , et que
le comité de sûreté générale lui fasse passer toutes les picees
relatives à cette conspiration . Cette proposition est décrétée
Tome XII . H
( 114 )
•
Merlin , de Douai , ajoute que la correspondance du comité
de salut public lui a appris depuis quinze jours que les rois
coalisés , et spécialement le pape sont désespérés de la catastrophe
qui a fait tomber la tête de Robespierre . D'autres lettres
ont appris au comité que Pitt et sou conseil sont plongés dans
l'effroi de cette mort , et qu'ils ont déclaré qu'il fallait donner
tout de bon la guerre civile à la France .
Clauzel observe que d'après les renseignemens venus sur le
compte des nommés Clémenee et Marchand , ils avaient été mis
eu arrestation . La faction qui les protege est venue surprendie
à votre religion leur mise en liberté. Ils en ont prunté aussitôt
pour aller dans la section du Mont-Blanc empêcher les pa
triotes d'entendre la lecture du rapport de Lindet , pour faire
lire à la place des adresses liberticides , et notamment celle de
Dijon. Les gens qui ont demandé leur élargissement , n'ont eu ,
à l'exception d'an seal qui a été trompé , d'antre but que de les
faire servir à leurs projets . Il demaude que ces deux individus
soient arrêtés .
Cette proposition est décrétée .
Bourdon de l'Oise ajoute qu'il n'y a pas de brigandages que
ces deux individus n'aient commis dans le département de Seine
ét Oise ; afin qu'à l'avenir la Convention ne soit pas trompée
sur les demandes de mise en liberté , il propose et la Convention
décrete , que toutes les demandes de ce genre seront renvoyées
au comité de sûreté générale .
Merlin de Thionville donne connoissance d'une déclaration
faite au comité de sûreté générale , par des citoyens de la sec
tion de Guillaume Tell. Il en résulte que le comité de salut
public , ayant adressé au président de cette section le rapport
de Robert Lindet , douze ou quinze intrigans , au nombre desquels
se trouvait une partie de l'ancien comité révolutionnaire ,
s'opposerent à ce qu'il n'en fût pas fait lecture , et demanderent
qu'on lût à la place l'adresse des Jacobins. Le citoyen Viqueur ,
vice-président , avait été accusé de n'avoir pas paru à la section
dans la nuit du 9 au 10 thermidor,il avait déclaré qu'il avait resté
à son bureau des messageries jusqu'à 2 heures du matin . Un
membre demande qu'il fût tenu de justifier de ce fait . Alors
les mêmes intrigans se répandirent en menaces contre ce même
citoyen et contre un autre qui l'avait appuyé , et prirent des
notes sur eux , ce qui ne laisse aucun doute qu'on ne veuille
faire une nouvelle liste de proscription . Il faut donc que la
Convention, se hâte de tranquilliser les habitans de Paris , si
elle veut être secondée dans le desir qu'elle a de faire le bien.
Laporte demande que les fonctionnaires publics de Paris
soient tenus d'apporter au comité de sûreté genérale les pieces
qui prouvent où ils étaient le 9 thermidor , et ce qu'ils ont
fait à cette époque .
·
Bourdon de l'Oise trouve cette proposition inutile . Les an
gieus comités révolutionnaires ont commis deux sortes de
( 115 )
crimes , le brigandage et les assassinats judiciaires . Maintenant
la justice est confiee à des hommes purs ; qu'on ne croie pas
que ces hommes qu'on appellait modérés de sauront pas faire
leur devoir . Déja ils ont dresse des procès-verbaux : un comité
tout entier a été mis en état d'arrestation . On nous avait dénoncé
le comité de la section du bonne -Rouge , comme ayant
volé et falsifié onze pages d'un registre qu'ils sont alles faire
relier , et où ils ont mis des signatures nouvelles parmi les auciennes
. Nous l'avons envoyé au tribunal revolutionnaire
comme voleur et faussaire . Ayez confiance dans votre comité
de sûreté generale , il vous rendra compte jour par jour de
ses opérations pour panir les fripons et les conspirateurs. La
proposition de Laporte y est renvoyee .
Legendre dénonce de nouveau Collo -d'Herbois , Billand-
Varennes et Bartere , comme complices de Robespierre ; cette
dénonciation donne lieu à une discussion très vive et très prolongée
, dans laquelle les trois membres denouces ont été entendas.
Merlin , de Thionville , demande qu'il sont formé une commission
de douze membres pour examiner leur conduite . Cette
proposition est d'abord, mise aux voix et décrétée ; mais une
partie de l'Assemblée prétend n'avoir pas entendu , et réclame
avec violence . Après quelques instans le calme se rétablit.
Carnot demande la parole et l'obrient
Citoyens , dit il , les accuses ont réclamé mon témoi
gnage ; il y aurait de ma part de la lâcheté à le leur refuser . Je
déclare que tout ce qu'ont dit mes collegues , est de la plus
exacte verité ; j'ai assisté à toutes les déliberations du comité ;
il est faux , comme on l'a bureau . Je dois dire avancé , que j'ai été relégué dans mon
comité de salut públic ils se sont
déclarés contre Robespierre , seulement lorsque je les pressais
de l'accus、r ; en avouant qu'il était coupable , ils ne croyaient
pas qu'il the encore tems de le denoncer. La preuve que
j'avais en enx la plus grande confiance , c'est que j'ai signé plasieurs
fois ce qu'il me presenta sans le lire . Lorsque Robes
pierre s'est totalemeut déclaré , je les ai engagés à ne pas
signer les arretes de police générale qu'il nous presenterait
et ils furent de mon avis . Voilà , citoyens , ce que j'avais à
dire ; s'ils m'ont trompé , je l'ignore ; mais ayant toujours delibéré
avec eux , je déclare que je ne m'en séparerai point.
Prieur de la Côte - d'Or a parlé dans le même sens .
Bréard déclare que le projet de l'Angleterre est de perdre
la Convention par la Convention elle- même ; mais le tems
n'est pas loin où nous dirous : Albion , te nous as fait trop de
mal pour que nous puissions te pardonner. " Bientôt le comité
de salut public vous fera un rapport sur ses opérations et sur la
conduite des membres qui nous ont précédes . En attendant ce
rapport , ne donnons pas à l'aristocratie l'occasion de s'applaudir
de nos divisions. Bréard demande l'ordre du jour et le
Renvoi du tout au comité. Adopté. Ha
( 116 )
1
Dans le cours de cette discussion , Cambon a dévoilé des faits
intéressans à connaître. Le premier , c'est qu'un mois avant
la journée du 31 mai , six membres du comité de salut public
d'alors , savoir : Quiton , Lindet , Bréard , Delmas , Barrere et
Cambon , eurent le courage de siguer un registre secret , ой
Robespierre et Danton étaient accusés . Ces six membres ont
été pendant un mois sur le point d'être victimes de leurs signatures.
Le second , c'est que quelque tems après que la premiere
pétition contre plusieurs membres de l'Assemblée fut faite à la
barre , Danton partit pour la campagne. On nous apprit ,
dit Cambon , qu'il allait à Charenton avee Robespierre pour y
combiner des mesures . Mon assiduité au comité faisait que je
décachetais toutes les lettres : on annonçait dans une que Robespierie
, Danton , Pache et la commune se réunissaient à
Charenton . Le fait fut constaté . Nous appellâmes les membres
dénoncés , nous leur dimes : Nous pouvons faire un rapport
contre vous voulez- vous être dominateurs ? Danton dit : il
est vrai , nous avons été dîner ensemble , mais ne crains rien , nous
sauberons la liberté ! "
"
Le troisieme , c'est que dans le même tems on nous dénonçait
que dans des conciliabules il était question de proclamer
le jeune Capet roi de France . Nous fimes arrêter les individus
qui nous avaient été dénoncés ; mais nous le fûmes à notre
tour , à toutes les tribunes , à toutes les barres . Un autre comité
fut nommé , et Robespierre y prit place.
Treilhard , au nom du comité de salut public annonce la
reprise du poste de Kaiserslautern , par l'armée du Rhin , et la
prise du fort de Creve- cour qui est la clef des eaux de Bois - le-
Duc dans le Brabant hollandais , et quelques avantages remportés
par les armées des Pyrénées orientale et occidentale ..
( Voyez Nouvelles officielles . )
Treilhard donne lecture d'une lettre des représentans du
peuple à Marseille , et de plusieurs autres pieces . Il en resulte
que Marseille à levé le 5 vendemiaire à deux heures après - midi
l'étendard de la rébellion la plus marquée . La Convention a été
outragée , ses lois méprisées ; on a attenté à la vie des représentans
ils ne craignent pas la mort pour sauver la patrie ; depuis
quinze jours ils savaient qu'on voulait les assassiner ; le moment
était venu où l'on voulait exécuter ce projet ; ils ont attendu
avec fermeté et courage , et ont résisté contre les meurtriers .
Les représentans du peuple ont pris un arrêté portant formation
d'une commission pour juger de suite les attroupés pris
en armes menaçant la Convention nationale . Leur position est
on ne peut pas plus inquiétante ; ils voient d'un côté les scelérats
les plus prononcés , et de l'autre des hommes comprimés
par la terreur. Les uns font leur possible pour soulever les
campagnes , les autres disent qu'ils aiment la République et que
1 Convention est leur point de ralliement .
( 117 )
Ils s'occupent maintenant à ce que Marseille ne soit pas
perda pour la République ; dans ce moment , elle ne luii appartient
que faiblement.
Le nouveau comité révolutionnaire de Marseille écrit , en
date du 7 vendémiaire , qu'il est parvenu à arracher les masques
, et que le glaive de la loi va bientot nous venger des coupables
.
A la suite de ce rapport , la Convention a approuvé les mesures
prises par les représentans du peuple , a chargé le comité
de salut pubile de faire porter à Marseille des forces suffisantes ,
et a licencié les gendarmes qui étaient à Marseille , et qui ont
secondé les projets des rébelles .
Séance de tridi , 13 Vendemiaire.
Clauzel donne lecture d'une lettre des représentans du peuple
à Commune- Affranchie , Ils annoncent qu'ils viennent de saisir
de nouveaux coutinuateurs de Robespierre , qui jetaient l'alarme
dans cette grande commune , et qu'ils les envoient au tribunal
révolutionnaire . Cette lettre est suivie d'une autre du conseilgénéral
de la même commune , qui porte des félicitations sur
la sage conduite des représentans du peuple Pochol et Charlier
, qui y ramenent véritablement la justice ; elle demande
aussi le rapport du décret qui met cette commune en état de
rébellion .
Fouché de Nantes ) appuie cette demande ; mais il pense
qu'elle ne peut avoir lieu que lorsqu'on aura arrêté dans cette
commuue 400 brigands , qui y répandent encore la désolation .
( Renvoyé au comité de sûreté générale . )
Richard , dans une motion d'ordre , fait le tableau de la
fraternité , de l'union qui animent nos freres d'armes , et invite
les représentaus du peuple à suivre cet exemple , et à
faire des lois sages pour consolider les travaux des héros qui.
versent leur sang pour la patrie . Il parle avec force contre
les intrigans et les fripons qui se glissent dans les sociétés populaires
, pour se soustraire à la vengeance nationale . Il réclame
des mesures vigoureuses contre cette classe d'hommes
infects . Il est souvent applaudi , et la Convention décrete que
son opinion sera imprimée.
I
Goupillcau se plaint de ce que la Convention souffre que sa
bare soit souillée par des adresses qui demandent l'anéantissement
du gouvernement révolutionnaire , et qu'elle en décrete.
quelquefois la mention honorable .
Bourdon ( de l'Oise ) s'éleve aussi contre les abus qui regnent
dans les pétitions et les sociétés populaires . Il déclare que
Souvent le crime s'y réfugie pour n'être pas découvert. Les
sociétés populaires ne doivent être , dit-il , que l'asile de la
vertu ; il appartient à la Convention nationale d'en éloigner
toute l'impureté , et de les purger des scélérats souilles de
crimes et de rapines qui y exercent leur influence. Les péti
H 3
( 118 )
tions ne doivent plns être présentées que revêtues de signa-"
tures . Il cite à ce sujet une pétition liberticide qui demandair
le renouvellement d'une commune encore toute fumante du
sang qu'elle a fait répandre avec Robespierre . Il tonne contre
les intrigaus qui agitent les sections , réclame des mesures vigoureuses
, ane police aussi sévere et aussi juste dans l'intérieur
que celle qui existe dans les armées . ( Applaudi . )
Pelet , après avoir observé que les dissentions qui regnent
dans la Convention nationale viennent de ce que les membres
de la Convention font rayer de la liste de cette société leurs
collegues , demande qu'il soit décrété que les députés ne pourrout
dire membres d'aucune société.
Plusieurs membres réclament en ce moment les droits de
l'home .
Tyrion se présente pour appuyer cette proposition : J'ai
tonjours cté jacobin , dit - il , et j'ai toujours concouru avec
cette societe au bonheur du peuple ; mais après avoir examiné
les circonstances actuelles , je crois que la proposition faite
est juste .
Qu'ai je vu depuis assez de tems aux jacobins ? des mem.
bres du gouvernement y parlant presque exclusivement ; des
iatrigans y accourir de toutes parts , se faire jacobins et appuyer
les opinions des premiers , pour avoir des places : j'y
ai vu des fripons venir se mettre à couvert sous le manicau
de Robespierre j'ai vu que par le systême de ce scélérat les
vrais jacobins n'avaient pas d'opinion , lui seul et ses agens
epinaient ; j'y ai vu l'opinion publique anéantie , et les membres
de la Convention proscrits par des dominateurs ; j'y ai
vu des sections de Paris , des canonniers venir jurer attachement
à la société .
7
Plusieurs membres s'écrient que non . On répond que le
fait est vrai .
Tyrion adhere à la proposition de Pelet , tant que durera
le gouvernement révolutionnaire . ( Beaucoup de membres se
levent. )
Crassous combat cette opinion . Il n'inculpe point le membre
qui l'a émise ; mais il déclare qu'elle est subversible des prin
cipes et des droits de l'homme . Il applandit aux mesures présent
es par Bourdon et Richard , pour atteindre les fripons et
les intrigans par-tout où ils se trouvent ; mais il réfute celle
de Pelet , en disant que le gislateur , hors du lieu de ses
séances , redevient simple citoyen , et qu'il a le droit d'aller
fraterniser où il voudra avec les patriotes . ( Crassous est applaudi
, et en réclame l'ordre du jour . )
Dubois-Crance n'adopte pas la proposition de Pelet et dè
Thyrion , et porte l'atention de la Convention sur un autre
objet. Les représentans du peuple dans les départemens ont
reçu de la Convention les pouvoirs d'épurer les autorités
constituées et les sociétés populaires . Pourquoi donc , dit - il ,
( 119 )
la Convention ne pourrait- elle épurer celle des jacobins . ( Vifs
applaudissemens . )
Il parcourt ensuite ce qui s'est passé aux jacobins depuis
le 9 thermidor. Qu'y a - t-où vu ? des sections égarées aller leur
jurer attachement . Des membres s'écrient non ; que c'était
pour la Convention.
-
Le témoignage d'attachement à la Convention , reprend
Dubo s -Grancé , devait lai être apporté à elle- même et non à
d'autres ; mais on ne niera pas que Marseille a promis un bataillon
à cette societé pour la soutenir . Il conclut en demandant
le renvoi aux trois comités , pour présenter les moyens
de rendre cette société utile . Cette proposition , fortement
appuyée par Bourdon ( de l'Oise ) , est décrétée au milieu des.
pius vifs applaudissemens.
Cette séance se termine par un rapport du comité de saluz
public , qui justifie pleinement Barras et Fréron des inculpations
à eux faites par Granet , d'avoir été des dilapidateurs
lors de leur mission dans les Bouches - du- Rhône . La Convention
décrete que ces représentans ont bien rempli leur mission .
rapport du comité sera inséré au bulletin . Le
Séance de quantidi , 14 Vendemiaire.
Après différens décrets de secours publics , accordés à différentes
personnes , parmi lesquelles l'on remarque la veuve de
l'ex-ministre Lebrun , et les veuves et enfans des citoyens
ma sacrés dans la journée du Champ-de- Mars . La Convention
autorise les comités civils de sectious à délivrer les certificats
de civisme dans la commune de Paris . Il est défendu à
tontes les autorités constituées d'exiger des citoyens qu'ils
declarent , pour obtenir ces certificats , s'ils sont ou non .
fonctionnaires publics , ou s'ils ont rempli une commission
ou emploi.
Gossuin rend compte des opérations du comité militaire pendant
la derniere décade , des mesures qu'il a prises pour corfiger
les abus dans cette partie , et l'améliorer , et principalement
pour procurer à nos freres blessés tous les moyens possibles
de soulagement.
Eschasseriaux l'aîné , au nom des comités de salut publie et
de commerce , reproduit à la discussion le projet de décret
ajourné sur l'augmentation du nombre des membres de la commission
des subsistanees , et sur la création d'un conseil à
Cette commission .
Ce dernier article donne lieu à de vifs débats . Plusieurs
membres craignent de voir rétablir une chambre de commerce
qui , au lieu de le vivifier , pourrais le gêner par des entraves
et des vues particulieres , et qui pourrait s'arroger les pouvoirs
de la commission . D'autres répondent qu'il ne s'agit point dechambre
de commerce , mais de réunir des personnes éclai
sées qui communiqueraient leurs lumieres. Goujon demande
HA
( 120 )
qu'on passe à l'ordre du jour , motivé sur ce que le comité de
salut public peut faire des requisitions , et sur ce que la commission
peut s'entourer des lumieres dont elle peut avoir be-
#oin. L'ordre du jour ainsi motivé est décrété . Le reste du
projet est adopté en ces termes :
Art er. La commission de commerce et des approvisionnemens
de la République sera composée de cinq commissaires .
" II . Ces commissaires sont les citoyens Picquet , Joannot ,
Magio , Leguiller , Louis Momeron . "
Séance de quintidi , 15 Vendemiaire._
La section des Marchés , munie de l'adhésion de vingt - six
sections de Paris , demande le rapport du décret qui restreint
à une par décade le nombre des assemblées des sections de
Paris. Renvoyé aux trois comités .
--
Carnot , au nom du comité de salut public , fait le rapport
Suivant.
Citoyens , une victoire signalée vient de mettre le comble
la gloire de l'armée de Sambre et Meuse ; l'ennemi retranché
sur les bords de la Roër , sous la protection de la forteresse
de Juliers , vient d'êtrǝ complettement battu , et la førteresse
de Juliers est prise .
Cet évenement est le plus important de tous ceux qui
ent encore eu lieu dans le cours de cette campagne , sans
même en excepter la bataille de Fleurus ; il coupe tout espoir
de secours à Mastricht , assure un point d'appui près des
bords du Rhin , relegue l'ennemi au delà de ce fleuve , ouvre
la Hollande , assure nos quartiers d'hiver et nous rend maîtres
de toutes les ressources des pays de Limbourg , Cologne ,
Treves , Luxembourg et Juliers .
" L'opération était aussi la plus difficile qui eût encore été
faite . L'ennemi avait rallié toutes ses forces , il était au nombre
de près de 80,000 hommes ; tous les avantages de la nature
et de l'art étaient pour lui ; mais nous avions pour nous le
courage , la confiance , le souvenir de notre gloire et que
sont tous les obstacles de l'art et de la nature près du génie
de la liberté et de l'amour de la patrie !
,, Citoyens , vous n'avez donc plus au dehors que les ennemis
humiliés et fuyans. C'est ainsi que les armées ont accompli
leur tâche les premieres ; c'est à nous d'accomplir la nôtre .
Elles nous ont imposé le devoir d'écraser les ennemis du dedans
. Citoyens , les armées triomphantes sont dociles à votre
voix , et vous seuffririez que quelques intrigans vinssent ici
dicter des lois ! Non , il est tems que la représentation na.
tionale de ses bras de géant saisisse toutes les factions , qu'en
les frappant l'une contre l'autre elle les réduise en poudre ,
et qu'elle annonce enfin qu'elle seule veut rester, dépositaire ,
des droits du peuple , et qu'elle anéantira quiconque osera
Chawad
( 121 )
porter la main , hypocrite ou furieuse , n'importe , au char de
la révolution.
Il fait lecture des dépêches. ( Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention nationale déclare que l'armée de Sambre et
Meuse ne cesse de bien mériter de la patrie .
La nouvelle de la victoire remportée par les troupes françaises
sous les murs de Juliers sera portée à toutes les armées
de la République par des couriers extraordinaires .
Les dépêches de l'armée de Sambre et Meuse , ainsi que le
rapport du comité de salut public seront insérés dans le Bulletin
de la Convention nationale .
L'Assemblée procede à l'appel nominal pour le remplacement
au comité de salut public , de Lindet , Carnot et Prieur ( de
la Côte-d'or ) qui devaient en sortir . Le résultat de l'appel
donne pour nouveaux membres , Richard , Prieur ( de la Marne )
et Guitton- Morvaux .
Séance de sextidi , 16 Vendemiaire.
(
Amar , Dubarran , Bernard ( de Saintes ) et Louis ( du Bas-
Rhin ) étant sortis du comité de sûreté générale , l'appel nominal
a donné pour les remplacer , Rewbell , Laporte , Reverchon
et Bentabole.
Une députation de Commune- Affranchie vient réclamer de
la justice de la Convention des mesures pour le rétablissement
du commerce et des manufactures de cette ville . Elle proteste
du civisme de ses habitans , et demande le rapport du décret
qui la déclarait en état de rébellion .
Villers , au nom du comité de commerce , fait un rapport
sur la situation de cette commune , à la suite duquel l'Assemblée
rend le décret suivant :
Art. 1er. Le decret qui changeait le nom de la commune
de Lyon en celui de Commune- Affranchie est rapporté.
,, H. La commune de Lyon n'est plus en état de rébellion
et de siége .
,, III . La confiscation , prononcée par le décret du 25 pluviøse
, n'aura lieu que pour les objets d'équipement et d'armement.
,, IV. Les propriétaires des marchandises arrêtées sont autorisés
à les réclamer auprès des municipalités où elles sont arrêtées
. " "
Sur la proposition de Peyssard , la Convention ajcute à son
décret , que la colonne élevée à Lyon portant ces mots : Lyon
fut rebelle , Lyon n'est plus , sera abattue .
La Convention déclare également que la commune de Lonsle-
Saulnier n'est plus en état de rébellion.
On fait lecture d'une adresse de la société populaire régénérée
de Marseille .
Graces éternelles vous soient rendues , s'exprime- t- elle ;
encore une fois votre énergie a sauvé le Midi et la République ;
( rez )
encore une fois vons préparez de nouveanx triomphes à nos
freres d'armes , en étouffant dans l'intérieur les factions scélérates
et fédéralistes qui n'avaient aidé la révolution que pour
s'arroger la puissance du peuple ; qui ne voyaient la République
que dans eux , le gouvernement que dans leurs mains
et la nation que dans des assemblées révoltées , d'où ils expulsaient
les hommes énergiques qui pouvaient les démasquer et
arracher le peuple de l'erreur dans laquelle ils avaient soin de
F'entretenir . Veillez , autour de vous , législateurs , comme vos
dignes délégués veillent à la sûreté des dépôts que vous leur
avez confiés . C'est à la sagacité de ceux que vous nous avez
envoyés ; c'est à leur énergie , à leur courage héroïque que nous
devons le jour bienheureux de notre régénération . S'ils eussent
balancé un moment entre leur vie et leur devoir , ils tombaient
sous les coups meurtriers des assassins qui les entouraient ;
mais ils ont bravé le fer homicide ; et , aidés du commandant
de la place , de la brave garrison qui est dans nos murs , des
autorités épurées et des bons citoyens , ils ont terrassé les
scélérats que les Marseillais livreront sans pitié comme sans
miséricorde , à la vengeance nationale qui les attend. 19
Cette société invite la Convention à extirper les racines de
cet arbre impur , à arracher le masque à tous les perfides , à
prémunir tous les bons citoyens de Paris contre le poison
de la révolte que l'on cherche à faire circuler dans toute la
République à terrasser tous les dominateurs . Elle proteste de
son dévouement à la Convention , qu'elle n'aura d'autre solli
citude que celle de sa sûreté , d'autre centre d' union qu'elle i
d'autre pouvoir à reconnaître que ceux qui en émaueront.
Cette adresse a été vivement applaudie , comme contenant
les principes de la Convention . Elle sera insérée au Bulletin ,
et placardée .
La société et la commune de Beauvais , ainsi que celle de
Niort , écrivent dans le même sens .
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
ses comités de salut public et de commerce , les autorise à
rectifier les erreurs qui ont pu se glisser dans la confection
du tableau général du maximum , approuvé par le décret du
6 ventóse .
On reprend la discussion sur la confiscation des biens des
peres et meres , soit ex-nobles , soit ex-roturiers , qui ont des
enfans émigrés. Cette question est encore renvoyée au comité
de législation , pour en mieux déterminer les exceptions que
la justice réclame.
PARIS , 19 Vendemiaire , 3º . année de la République .
Chaque jour les départemens s'applaudissent des principes
de jastice et de fermeté qui dirigent la Convention. Par-iont
( 123 )
on rend hommage à la conduite des représentans du peuple
délégués. Il ne s'agit ni de faire rétrograder la révolution , ni
de favoriser l'aristocratie et le modérantisme , ni de comprimer
les patriotes . Trop long-tems on s'est occupé des mois ;
il s'agit d'apprécier les choses , et de juger les personnes non
plus sur leur livree , mais sur leurs actions . Il s'agit de savoir`
si l'on prolongera la révolution dans le sens et le mouvement
que lui avait imprimé Robespierre , ou si le salut de la République
n'exige pas qu'on en fixe irrévocablement le terme , et
si après avoir tont altéré , tout détruit , tout désorganisé par
un systême de terreur et d'oppressieu qui n'eut jamais d'exemple
, il n'est pas tems enfiu de réparer tant de maux , de consolider
l'édifice de la liberté , et de sauver la gloire de la nation
française que des scélérats ont souillée de tant de crimes .
Cette question ne doit plus être un problême pour les bous
eitoyens.
La proposition faite à la Convention , et renvoyée à ses
comités , d'épurer la société des Jacobins et de rechercher les
moyens de la rendre utile , a donné lieu à une grande discussion
dans les séances de cette société des 13 et 15 de ce
mois . Sur la proposition de Raisson , appuyée par Fayau , la
société avait d'abord arrêté qu'elle irait à la barre présenter
à la Convention la liste de ses membres , et les certificats
fournis par chacun d'eux , qui attestent où ils étaient la nuit
du 9 au 10 thermidor , et pour lui demander que , quel que soit
le mode d'épuration , la Convention fasse imprimer les noms
de ceux qui seront exclus , et les motifs de leur exclusion .
1
Mais dans la séance du 15 on a demandé la rapport de cet
arrêté . Plusieurs membres se sont fondés sur ce que les sociétés
populaires existant en vertu de la déclaration des droits , la
Couvention n'a pas celui de les éparer ni de les réorganiser ;
ce droit n'appartient qu'aux sociétés ; elles seules peuvent
admettre ou exclure leurs membres . Les organiser , c'est en
détruire l'essence , c'est vouloir les rendre les organes de ceux
qui les auraient organisés ; elles ne peuvent jamais devenir autotités
constituées , ni même institutions civiles . On peut demander
les intrigans qui se seraient glissés dans leur sein , elles
les livreront elles - mêmes ; mais prétendre que le gouvernement
peut les organiser , c'est la subversion des principes et la perte
de la liberté. On objecte que les représentans du peuple , envoyés
dans les départemens , y ont épuré les sociétés ; le fait
n'est pas exact ; ce sont les sociétés qui se sont épurées , et
si les représentans l'avaient fait , ils se seraient arrogé un ponvoir
qu'ils n'ont pas . On renouvelle aujourd'hui contre les
Jacobins le même systême et les mêmes calomnies qu'employaient
les Chapelier , les Brissot , les Roland , et Léopold
Ini - même. Les Jacobins ont triomphé de toutes ces atteintes ;
ils triompheront encore . L'arrêté a été rapporté.
( 124 )
Le général Canclaux , qui avait si bien servi dans la guerre
de la Vendée , et qui pour cela même avait été incarcéré , vient
d'être nommé général en chef de l'armée de l'Ouest ; Dumas ,
actuellement général de l'armée de l'Ouest , prendra le commandement
en chef de l'armée des côtes de Brest ; et Moulins ,
général en chef de cette armée , prendra celui de l'armée des
Alpes .
Le procès du fameux comité révolutionnaire de Nanies doit
commencer à s'instruire le 25 de ce mois . On s'attend que
l'instruction fera connaître tous les auteurs et complices de
cette horrible boucherie. Il y a trois jours que Fouquier- Tinville
a été interrogé à Sainte - Pélagie . On croit qu'il sera mis
en jugement dans le courant de la décade prochaine .
Il paraît ici une dénonciation, violente contre les membres
du tribunal révolutionnaire de Brest. Elle est divisée en 34
chefs d'accusation qui , s'ils étaient tous vrais , prouveraient
que ce tribunal rivalisait avec les bourreaux aux ordres de
Robespierre , si -nen pour le nombre de victimes , du moins
pour la férocité et l'inhumanité qu'il déployait contre les prévenus.
La société connue sous le nom de club électoral , qui
s'assemblait dans une salle du ci- devant évêché , a transporté
provisoirement le lieu de ses séances dans la salle de l'assemblée
générale de la section du Muséum . On se rappelle l'adresse
de cette société à la Convention pour demander le rétablissement
de la municipalité de Paris , et l'élection des magistrats
par le peuple . Les commissaires ont rendu compte du
peu de succès de leur députation ; mais ils ont déclaré que
plusieurs sections ont donné leur entiere adhésion aux principes
contenus dans cette adresse . Ces sections sont celles de
la République , du Muséum , de la Cité , du Panthéon , du
faubourg Montmartre , des Lombards , des Arcis , de la Maison-
Commune, des Gravilliers , des Quinze- Vingts , de Montreuil
, et la section Révolutionnaire . Il paraît , d'après le
rapport des commissaires , que l'adresse de la société populairc
de Dijon a été improuvée par un grand nombre de sections .
Cependant la séance a été terminée par un arrêté , portant
que l'adresse de la société dite des Electeurs sera envoyée à
toutes les sociétés populaires de Paris , même à celle des Jacobins.
Dans la séance du 17 , on y a fait lecture d'une brochure
qui a pour titre Gare l'explosion . Variet , auteur de cette
brochure , a pris pour devise : Périsse le gouvernement révolutionnaire
plutôt qu'un principe . On y remarque ce passage :
Quelle monstruosité sociale , quel chef- d'oeuvre de machiavélisme
que ce gouvernement révolutionnaire ! pour teat être
qui raisonne , gouvernement et révolution sont incompatibles ,
A moins que le peuple ne veuille constituer ses fondés de pou
( 195 )
voirs en permanence d'insurrection contre lui -même ; ce qu'i
est absurde de croire . Voilà le premier usage que ce citoyen
fait de son élargissement sollicité par la société . Il est à remarquer
que cet adversaire aujourd'hui si ardent du gouvernement
révolutionnaire , s'était montré jusqu'à présent le révolutionnaire
le plus enragé.
1
Sans doute nous devons tons desirer d'arriver promptement
à une forme de gouvernement stable et permanente ; mais
est- ce une intention bien patriotique et une vue bien raisonnée
, que de provoquer en ce moment la cessation du gouvernement
révolutionnaire , qui n'est autre que la réunion des
moyens propres à affermir la République , lorsque le comité
de salut public a seul le secret des opérations de nos armées ,
si bien dirigées et si glorieusement triomphantes ; lorsque
l'esprit de faction qui nous agite encore et les efforts des pervers
exigent , dans le gouvernement , une unité de mesures et
de forces pour les contenir ; lorsque 1,200,000 de nos freres
occupés à combattre , à chasser , à vaincre les satellites des
puissances ennemies , ne peuvent venir prendre leur place dans
les assemblées primaires , et exercer les droits de citoyen
après avoir si bien rempli ceux de héros ; lorsque l'organisation
du pouvoir exécutif , d'où dépend le jeu du gouvernement
et le maintien de la liberté , a besoin d'être revue , méditée ,
réfléchie dans le silence des passions .
Nola. Au moment où nous écrivions ces réflexions , Bourdou
( de l'Oise ) dénonçait le club électoral à la Convention.
S'il était un moment où le gouvernement révolutionnaire
dût exciter tant de sollicitude , c'était lorsqu'il était concentré
dans les mains d'un tigre , lorsqu'il ne se manifestait que par
des actes de la plus monstrueuse et de la plus cruelle tyrannie.
Alors le club électoral gardait le plus profond silence ; il
est étrange qu'il le rompe aujourd'hui que ce gouvernement ,
entouré de la confiance publique , s'occupe de faire oublier les
calamités de l'ancien , et a pris pour devise : Périssent tous les
scélérals plutôt que les principes de la justice .
Suivant des nouvelles particulieres arrivées des départemens
méridionaux , l'opinion générale , en Italie , est que la guerre
civile de la Vendée va renaître dans les contrées méridionales
de la France . Il n'est pas douteux que les moteurs des séditions
fomentées à Lyon et à Marseille n'aient été en relation
avec la cour de Turin . Sans les mancevvres criminelles des
conspirateurs et des continuateurs de Robespierre , le drapeau
tricolore flotterait déja dans toutes les plaines du Piémont .
Les déclarations suivantes viennent à l'appui de ces nouvelles .
Déclarations qui donnent ne idée juste des prétendus patriotes par
excellence qui étaient à la tête des mouvemens contre - révolutionnaires
qui ont eu lieu à Marseille le 5 vendémiaire.
Le 7 vendémiaire , l'an 3e . de la République Française une
f
( 126 )
et indivisible , le nommé Gaston , gendarme , étant sur le point
d'être exécuté , en sautant trois fois sur l'échafaud , a dit : Je
meurs pour Toulon ; vivent les Anglais !
Signé , BOURGOIN , capitaine en second d'artillerie , premier bataillon
des Gravilliers ; VICOUREUX , capitaine des grenadiers .
Pierre-Antoine Margaine certifie avoir entendu dire au patient
au bas de la guillotine : Vivent les Anglais , au Port-la-Montague !
Signé , MARGAINE , sous - lieutenant des grenadiers au premier bataillon
des Gravilliers.
Avoir entendu ces mots .
Signé , ANSIAUME¤ , sergent-major du premier bataillon des Gravilliers
.
[
Pour copie couforme , signé , MAGNIN , secrétaire des représentans
du peuple dans les départemens des Bouches-du- Rhône et du Var.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
A Heeswick , leg vendémiaire .
" Nous vous annonçons , citoyens collegues , la prise importante
du fort de Creve - Coeur , sur la Meuse , une des principales
clés de Bois-le- Duc , avec laquelle nous serons maitres
de l'inondation . Nous joignons à notre lettre la capitulation ;
500 hommes , 29 bouches à feu , 1000 fusils neufs , armés de
leurs bayounettes , 10 fusils de rempart , 30 milliers de poudre
, et la terreur dans Bois- le-Duc , sont le résultat de la
reddition de ce fort.
" Cette prise importante par les suites qu'elle doit avoir ,
est principalement due à l'audace du général de division Delmas
, qui a deployé avec beaucoup de supériorité les armes
morales et physiques alternativement .
" Groiriez -vous qu'il a attaqué cette place avec des pieces
de bataills ; aussi a - t - il ouvert la tranchée à 80 toises des
glacis , et le cheminement s'est fait avec l'audace républicaine
dont il donne l'exemple aux troupes qu'il commande . C'est
encore lui qui a pris un fort à 250 toises du corps de la place
de Bois- le - Duc , dont il affranchit les palissades à cheval ,
suivi de huit régimens de hussards .
" Pitt , Cobourg , Yorck et Guillaume n'approuveront sûrement
pas cette mauiere de se rendre maître des places ; ils
ne la trouveront pas dans leurs livres de tactique ; mais il
n'est donné qu'à l'audace républicaine et française de franchir
avec succès les regles de l'art . 11
Signés , BELLEGARDE et J. P. LACOMBE ( du Tarn ) .
représentans du peupie.
Au quartier-général à Juliers , le 12 vendémiaire."
,
,, J'ai différé jusqu'à ce moment , chers collegues , à vous
rendre compte des derniers succès de l'armée de Sambre ct
( 127 )
Meuse , afin de pouvoir vous annoncer en même tems une vic
toire, et la prise d'une place forte , d'une citadelle , de 62 pieces
de canon et d'une grande quantite de poudre et de munitions .
,, Vous avez vu , par nos dernieres dépêches , que l'armée
autrichienne , battue en detail à Sprimont et à Clermont , les
2 et 4 sanculotides , s'était réunie en masse sur la Roër , forte
encore de 60 a 80 mille hommes .
" Le preinier de ce mois , nous nous rendimes maîtres d'Aixla
- Chapelle , et l'armee vint camper dans la plaine d'Aldenhoven
, la gauche appuyée à la Roer , et la droite à Schwiler
sur la Deute . Le projet de l'ennemi esir de défendre le passage
de la Roër et de se ménager une communication avec Maestricht.
Il avait établi pour cet effet une forte partie de son
armée en deçà de cette riviere , dans la position qui se trouve
derriere Aldenhoven et en avant deJuliers . Cette position , dėja
très - forte par elle -même , était encore fortifiée par des lignes
et des redoutes qui la défendaient sur tous les points .
" Nous étions bien décides à poursuivre nos succès , et
Jourdan résolut de forcer l'ennemi dans ses derniers retranchemens.
Il fallait , pour reussir , une de ses manoeuvres savantes
et hardies qui rendent possibles les plus grandes entreprises
lorsqu'elles sont exécutées par des officiers expérimentés et des
soldats intrépides ; car la Roër , quoique gueable en beaucoup
d'endroits , était grossie par les pluies qui tombaicut depuis dix
jours . D'ailleurs tous les gués étaient dégradés , hérissés de
chevaux de frise , les pouts rumpus , et les hauteurs qui se prolongent
sur la rive droite de la Roër , depuis sa source jusqu'à
Ruiemonde , étaient couvertes de lignes et de redoutes delendues
par une artillerie formidable .
Jourdan divisa son armée en quatre corps : il donna le com
mandement de l'aîle droite au général Scherer ; la ganche fut
confiée au général Kleber ; l'avant - garde au généra¡ efebvre :
il se réserva le commandement du centre , formant le corps de
bataille , ayant sous ses ordres les généraux de division Matry ,
Morlet , Championet et Dubeis . Scherer étail chargé de forcer
le passage de Duaren ; Kleber devait attaquer sur la gauche à
Keinsberg , et l'avant-garde à Linuich , pendant que le corys
de bataille attaquerait le camp eu avant de juliers.
A cinq heures du matin , toutes les colounes se m
mirent en
marche toutes attaquerent avec une égale valeur : dans moins
de deux heures , le camp de Juliers fut forcé et les redoutes
emportées avec une intrépidité sans exemple.
La cavalerie ennemie se présenta pour protéger la retraite.
Elle fut chargée , culbutée et poursuivie jusques sur le glacis
de Juliers . Elle ne dut son saint , ainsi que toute l'armée eunemie
, qu'au canon de la place qui nous empêcha de poursuivre
plus loin . Le premier et le quatorzieme regiment de dragons se
sont distingués dans cette affaire.
" Les autres colonnes eurent un égal succès ; mais elles
prouverent des difficultés d'un autre genre . Lorsque l'avan
( 128 )
garde se présenta à Linnich , I ennemi avait détruit le pont et
mis le feu à la ville , et tous les passages ayant été rendus impratiquables
, il fallut établir des ponts sous un feu terrible d'arillerie
et de mousqueterie . C'est ce qu'on exécuta au moyen
de ta protection de notre artillerie , qui , dans cette circons
tance comme dans toutes les autres , prouva sa grande supériorité
sur celle de l'ennemi , au point qu'il fut force d'abandonner
les redoutes et de se retirer . Cependant les ponts
n'ayant pu être construits avant la nuit, le passage de la riviere
ne put s'effectuer complettement. Tout était disposé pour
l'exécuter ce matin , lorsque la chûte du brouillard nous a laissé
voir sur l'autre rive que l'ennemi était en fuite .
" On avait fait construire pendant la nuit plusieurs redoutes
devant Juliers ; on y avait établi sur-le- champ une batterie d'o - `
busiers pour bombarder la place . Cette batterie commençait à
faire un grand effet , lorsque le drapeau blane a été arboré sur
la citadelle . Une députation de magistrats est venue nous
remettre les clés de la ville qui avait été évacuée pendant la
nuit. La place s'est rendue à discretion .
La journée d'hier doit être mémorable pour les armées
de la République . Une armée de 60 à 80,000 hommes , vaincue
dans la position la plus formidable ; une place plus forte que
Landrecies évacuée , ayant une bonne citadelle , ses fossés
pleins d'eau , et dans le meilleur état de defense , conquise
sans coup férir , avec toute son artillerie ; un arsenal bien
pourvu , et plus de 50 milliers de poudre ; voilà , chers collegues
, les fruits de cette brillante journée .
" La perte de l'ennemi est immense de l'autre côté de la
Roër : la terre est couverte de morts jusques dans ses lignes ;
c'est ce qu'on a pu vérifier ce matin , et ce que prouve sa retraite
précipitée ; tout présente à sa faite le spectacle de la
défaite la plus complette . Plusieurs colonnes de cavalerie , d'artillerie
légere et de grenadiers sont à sa poursuite , et j'ap
prends dans ce moment que le général Dubois , à la tète de six
régimens de cavalerie , a rejoint les équipages de l'ennemi sur
la route de Cologne . Nous avons fait environ 6co prisonniers .
" Je ne puis citer tous les traits d'héroïsme et de bravoure
qui honorent cette journée ; il faudrait citer tous les corps ,
tous les généraux , tous les officiers et soldats , parce que tous
se sont montrés en héros . J'en recueillerai seulement deux :
le premier est de l'avant- garde des divisions aux ordres du
général Kléber ; ces braves soldats , impatiens du délai qu'exigeait
la construction d'un pont , se précipiterent dans la riviere
, la passerent à la nage , attaquerent les retranchemens
de l'ennemi, et les emporterent la bayonnette et l'épée à la main .
Le second concerne deux escadrons de chasseurs commandés
par le général d'Harpont ; ils rencontrerent quatre
escadrons de hussards ennemis ; ils les chargerent , saus considérer
leur nombre , et les culbuterent dans la riviere ; presque
tous ont été pris , noyés ou sabrés .
Salut et fraternité. Signé, GILLET , représentant du peuple.
( N°. 5. )
MERCURE FRANÇAIS .
Du quintidi 25 VENDEMIAIRE , t'an troisieme de la République.
( Feudi 16 Octobre 1794 , vieux style . )
LA MORT DE FLORIAN. ( Élégie . }
VENEZ , habitans de Cythere , Ε
Venez arroser de vos pleurs
La tombe agreste et solitaire
D'un mortel chéri des neuf soeurs
Celui qui savait tant nous plaire
En peignant vos jeux , vos vertus ,
L'aimable Florian n'est plus .
La parque avide et sanguinaire
A tranché le fil de ses jours ;
Il nous est ravi pour toujours .
Aux accens d'une plainte amere
Donnez , donnez un libre cours
Que votre peine vous soit chere ;
Et , n'écoutant que votre coeur ,
Gravez sur l'écorce légere
27-
Ces mots dictés par la douleur :
" L'Amour vient de perdre son frere ;
» Adieu tendresse adieu bonheur ! »
Parsemez ensuite la terre
De fleurs qui semblent naître exprès ;
Et que le saule tutélaire
S'unisse au lugubre cyprès .
Que la belle et tendre Glycere ,
Conduite par son jeune amant ,
Foule tristement la fougere ..
Pour arriver au monument.
C'est là qu'ils feront le serment
De s'aimer , sans que rien n'altere
L'excès du plus pur sentiment .
Et lorsque Phébé nous éclaire ,
C'est-là qu'au son du chalumeau
Tous deux orneront le tombeau
Tome XII. I'
( 130 J
D'une guirlande printanniere .
C'est encor là qu'une bergere
En menant paître son troupeau ,
De Florian , qu'on y révere ,
Fera répéter à l'écho
Le nom gravé sur chaque ormeau.
La beauté naïve et sincere
Pourra seule dans ce séjour
Remplir un si doux ministere.
Celui qui célébra l'Amour
Doit être pleuré par sa mere.
Par le citoyen GRETRY , fils,
Vers sur la mort de FLORIAN.
Dis bords heureux du Gard , ah ! quelle voix plaintive
Vient de frapper soudain mon oreille et mon coeur ! ...
Dieux ! je crois voir l'Amour avec sa soeur—
Que cherchez -vous sur cette rive ,
Couple charmant dont j'ignore le nom ?
Vos deux coeurs sont en proie à la tristesse amere ;
Qui peut vous affliger ? Pleurez-vous une mere ? -
Cherchez -vous un amant ? - Un amant ! hélas , non ! --
Némorin en ces lieux jouit de la lumiere ;
Un autre à son heure derniere
Emporte tout nos voeux et notre affection .
De la vertu nous pleurons le modele ,
Un injuste soupçon a causé son trépas ;
Il aima son pays qu'il servit avec zele ;
On l'en punit , il ne s'en plaignit pas .
Galathée est ma soeur , en moi voyez Estelle ,
Le bonheur de l'aimer fut notre unique bien ;
Ah ! si la France perd un digne citoyen ,
Nous perdons pour jamais l'ami le plus fidele .
Par le citoyen FORESTIER-BOINVILLIERS,
( 131 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Discours décadaires pour toutes les fêtes de l'année Républicaine
par le citoyen Poullier , représentant du peuple. Seconde livraison ,
nos . 3 et 4. Prix , 12 sous . On s'abanne chez les freres Hautbout ,
imprimeurs des écoles républicaines , rue Martin , nº . 51 , vis-àwis
le théâtre des Sanculottes . On paie 6 liv . pour onze livraisons
contenant 22 nos . Il n'y a pas d'époques déterminées pour la dis
tribution .
L'ORATEUR
' ORATEUR débute dans son troisieme discours par ce beau
mouvement d'éloquence : Quel est ce peuple étonnant qui
dans le cours d'une révolution orageuse a montré tant de
constance , développé tant d'énergie , affronté tant de dangers ,
vaincu tant d'obstacles , écrasé tant de factions , et foudroyé
surles points de ses diverses frontieres les phalanges innombrables
qui voulaient l'asservir ? Quel est ce peuple si puissant que
l'Europe entiere ne peut intimider , qui au milieu des plus noires
trahisons terrasse à la fois vingt tyrans , commande à la victoire
, et compte autant de soldats que de citoyens , et autant
de héros que de soldats ? Quel est ce peuple éclairé qui à des
fables ridicules , à des erreurs trop long tems respectées , 2
substitué les principes de la morale universelle et le culte
sublime de la nature et de l'égalité? Quel est ce peuple magnanime
chez qui l'amour de la patrie est une passion que les
sacrifices ne font qu'accroître , et qui devient une source intarissable
d'actions héroïques ? Quel est ce peuple enfin , qui
marchant avec rapidité vers la perfection sociale n'a jamais eu
de modele , et qui doit en servir à l'univers ? C'est le peuple
Français . L'orateur caractérise ensuite les gorvernemens de
toutes les nations de l'Europe . Examinez , dit- il , s'il en est une
que vous puissiez lui comparer. Ce ne sera point l'Angleterre
qui , toute entiere à son or , constamment occupée de spéculations
mercantiles , salarie le crime et des mercenaires pour
renverser l'édifice de notre indépendance , et n'a pour garang
de sa liberté expirante qu'un pariement lâche et corrompu ,
qui se met sans pudeur à l'enchere d'un ministre astucieux es
perfidel
99
Sera - ce la Hollande , dont les forces sont dirigées par un
imbécile et une intrigante , qui chaque jour déchirent ane page
de la constitution batave ? ....
Penples indignes d'être cités la France assise au milieu de
vous leve sa tête majestueuse et libre , et vous appelle an partage
de ses destinées ; sans doute elle a eu son tems de sommeil
et de servitude. Voyons comment du plus insupportable
1 2
( 132 )
esclavage elle s'est élevée à un si haut degré de gloire ? Voyons
comment , soumise depuis des siecles à des lois arbitraires ,
asservie à une multitude de tyrannies , elle s'est élancée audessus
de toutes les autres nations .
L'orateur parcourt les différentes époques de notre hon.
teuse servitude ; il rappelle avec énergie les fléaux qui ont été à
la suite de la féodalité , des gens de lois , des traitans , des ccclésiastiques
, et rapprochant ces anciennes calamités de celles de
nos jours , il dit : 66 Quel que soit le tems , les circonstances ,
les méchans se ressemblent toujours , comme l'on peut s'en
convaincre en comparant le faux dévot avec le faux patriote .
Les hypocrites en religion et en patriotisme ont la même
physionomie , tendent au même but , emploient les mêmes
moyens. Si vous offensez un dévot , vous offensez le ciel ; si
vous maltraitez un faux patriote , vous attaquez la République .
Un dévot faisait voeu de pauvreté , et dès ce moment il vivait
dans la plus grande abondance . Un faux patriote fait voeu de
sanculouisme , et dès ce moment il achete à vil prix des domaines
de la nation ; il les païe avec le fruit de ses rapines ; il se ménage
à la paix une vie douce , aisée , et prépare ainsi le retour
de l'aristocratie que nous avons voulu détruire . Le dévot ne
néglige rien pour se faire une réputation de sainteté , arrange
modestement ses habits ; ses cheveux sont négligée ; il n'emploie
dans son langage que les mots consacrés à la piété la
plus onctueuse ; il voit par- tout des vices et du scandale ; il
provoque à chaque instant la foudre du ciel sur les mondains :
le faux patriote mutile sa chevelure , allonge ou raccourcit les
différentes parties de son habillement , arme sa main délicate
d'une massue , prend la barbe d'Hercule , se forme un répertoire
des phrases les plus révolutionnaires , et il invoque à
chaque instant la vindicte nationale contre les aristocrates
c'est - à - dire contre la nation elle -même ; car lorqu'il passe en
revue ses concitoyens , il ne voit que lui à la hauteur , et une
douzaine peut- être après lui.
"
Les dévots ont passé ; les faux patriotes passeront aussi : ils
se dévoreront les uns les autres ; et pour rendre leur supplice
plus terrible , ils s'accuseront mutuellement ; ils se pousseront
de leurs propres mains sur l'échafaud , théâtre digne de leurs
forfaits ; et quand la derniere tête de leurs complices sera tombée
, la République sera fondée , et la vertu pourra se montrer
sans périls et sans crainte .
Après avoir peint à grands traits les faits et les héros de la
révolution , l'orateur s'écrie : Peuple Français , le bruit de tes
grandes destinées va remplir l'univers ; l'on ne pourra plus.
méditer sur la liberté sans penser à tes longs et glorieux travaux
; dans l'histoire de ce que tu as fait , chaque nation verra
ce qu'elle doit faire pour parvenir à l'indépendance . Quelle
leçon tu donnes au genre humain ! Jamais l'antiquité n'a fourni
des événemens si rapides et si extraordinaires , i des exemples
( 133 )
si terribles et si imposans . En peu d'années tu as vu des
siecles ! Il est tems que tu recueilles le fruit de tant d'efforts
magnanimes ; il est tems que tu jouisses paisiblement de la liberté
que tu as conquise. Encore un peu de persévérance , et
l'horison du bonheur va s'entr'ouvrir pour toi . Mais ne souffre
plus que des brigands dénaturent ton caractere humain et
bon . Sois terrible contre le crime : méfie- toi des charlatans :
chasse comme une peste publique ces gens hideux de vices
et qui ne parlent que de vertus ces dénonciateurs éternels
qui voudraient détruire tout ce qui s'oppose à leur ambition
qui voient un coupable dans celui qui les efface à la tribune
ou qui les surpasse en courage et en énergie ; façonne- toi aux
mours simples de l'égalité ; oublie tes antiques habitudes , tea
penchans frivoles , ton inconstance et ta légereté ; imprime à
tes institutions ces formes austeres et durables qui sont les plus
solides appuis des républiques ; éteins dans la passion de la
félicité commune l'intérêt sordide , le stérile égoïsme , l'ambition
audacieuse et l'envie qui flétrit tout ; sache t'oublier pour
la patrie . La patrie ! ce mot n'est plus prononcé par un Français
sans un frémissement de plaisir et d'orgueil.
ANNONCES.
Cérémonies à l'usage des fêtes nationales décadaires et sanculotides
de la République Française , saisies dans leur bus
moral , combinées dans leurs rapports généraux , et rendues
propres à être exécutées dans les moindres communes ; par
les éditeurs da Rituel républicain . Prix , 1 liv. 5 sous , frano
de port , pour les départemens .
Almanach du bon-homme Richard , moral , instractif et amusants
12 et 15 sous .
Nouveau Chansonnier républicain , avec le décadáire ; 15 es
20 sous .
Almanach des Fêtes nationales ; 8 et 10 sous.
liem des Sanculottes ; 8 et 10 sous .
Almanach historique de la révolution ; 12 et 15 sous .
Chez Chemin fils , rue Glatigny , no . 10 , en la Cité , au bas
du pont de la Raison . On trouve chez lui des Almanachs de
cabinet en cartou et sous verre , des almanachs chantans , et tous
les ouvrages d'insruction publique.
13
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 27 Septembre 1794.
Les nouvelles du Nord continuent d'offrir beaucoup d'inté
térêt aux amis de la liberté . On y voit avec plaisir la meilleure
intelligence regner entre la Suede et le Danemarck , dont les
forces réunies font déja et feront encore mieux respecter leur
neutralité si utile à leur commerce.
Des lettres de Copenhague , du 18 septembre , confirment
cette assertion , elles disent :
Les escadres combinées de Suede et de Danemarck , faisant
ensemble douze vaisseaux de ligne , quatre frégates et trois cutters
, ont mis à la voile . Le prince royal a monté le vaisseau
Amiral . Cette flotte doit aller à Helsingor , et de - là tenir la
mer jusqu'à la fin du mois .
Depuis que les Anglais ont déclaré qu'ils n'arrêteraient plus
les bâtimens neutres chargés de grains , la compagnie des Assurances
a repris son activité .
Le due de Sudermanie , qui a fait ses preuves de bravoure et
d'habileté en gouvernement , s'est réservé le commandement
en chef de la flotte suédoise , en cas qu'elle soit obligée d'agir,
et en outre les quatre départemens de la marine .
D'un autre côté , tandis que la Russie est presque affligée de
disette , les Polonais , jadis condamnés à labourer pour elle une
terre fertile , continuent de lutter avec le plus grand succès
contre les Russes et les Prussiens , et de soustraire à ces iyrans
et leurs propriétés et leurs personnes .
Voici ce que portent les dernieres nouvelles de cette belle
contrée , désormais affranchie du joug. Nous les rangerons dans
leur ordre de date . Les premieres sont de Thorn , 9 septembre ;
les secondes , des frontieres , 10 septembre.
La marche de l'armée prussienne vers la Prusse méridionale
n'a point rallenti l'ardeur des insurgens dans cette contrée . Ils
viennent de publier un manifeste de leur camp près Rombin .
Tous les citoyens sont sommés de défendre la cause commune ,
et de se trouver , dans l'espace de huit jours , au quarier géné
ral avec des vivres pour un mois. On reconnaît dans cette
piece , que toutes les sectes et toutes les religions doivent être
admises , sans aucune espece de distinction ; et les principes
de liberté et d'égalité y sont reconnus et proclamiés . Elle a été
( 135 ) distribuée avec profusion
dans les provinces
voisines , et doit concourir à propager l'esprit d'insurrection
.
Jusqu'à présent le corps commandé
par le général Szekuly
n'a pu rejoindre
les insurgens
: ceux ci répandus daus les forêts
sont à couvert par d'immenses
abattis et de formidables
re- tranchemens
. Les Prussiens
envelopperent
il y a quelque·
tems une abbaye où les Polonais avaient mis plusieurs
prison- niers Prusssiens
: il n'y avait pour les garder que 30 paysans
armés qui ne voulurent
point se rendre à des forces bien sapérieures
, et préférerent
de périr les armes à la main.
ni d'ar-
Les insurgens
de la Prusse méridionale
ne manquent
tillerie , ui de munitions
. Dernierement
ils se sont rendas maîtres de plusieurs
batteries venant de Graudenz
On ajoute
qu'ils ont fait la même chose d'un transport
considérable d'argent expedié pour les armées prussiennes
, et qu'ils se sont
en outre emparés des magasins royaux de sel : plusieurs milliers d'entre eux avaient passé la Drevens ces jours derniers , ce qui
jetta les plus vives alarmes à Thorn ; la garnison demeura suc
pied toute la nuit . On apprend dans l'instant que l'arriere - garde de l'armée prussienne
vient d'être vigoureusement
attaquée par Kosciusko . On annonce même que ce général a fait des dispositions
qu
annoncent
qu'il songe à attaquer le centre de l'armée com
mandée par le roi.
Un corps de l'armée polonaise
de Conrlande
s'est mis en
marche pour se combiner
avec celle de Lithuanie . L'armée russe qui se retire de devant Varsovie peut se trouver ainsi entre
deux feux avant d'avoir rejoint l'armée principale
. On n'entend plus d'ailleurs parler de cette derniere . On assure que l'armée prussienne
se retire de devant Var sovie dans le plus grand désordre , et est vivement harcelé pendant sa route. Frédéric Guillaume , pour pallier la honte de sa retraite , fait publier qu'il n'agit qu'en vertu d'une convention
particuliere
.
ils
Dans la Prusse méridionale , les insurgés ont, foulé aux pieds l'aigle prussienne ; ils en ont même attaché une à une potence . En donnant des ordres aux administrateurs
Prussians , avaient le pistolet à la main . On donne à chaque paysan armé 20 gros par jour et des vivres . Tous les actes émanés du roi on du gouvernement
et écrits en parchemin , ont servi à faire des cartouches . Les habitans Allemands ont été forcés à coulen
des balles.
La cause de la retraite de Frédéric - Guillaume est maintenant
bien connue , quelque soin qu'on ait pris pour le cacher . Voici quelques détails sur les attaques continuellement
renouvellées
par les Polonais qui étaient dans les retranchemens
, contre le camp prussien , antérieurement
à cette époque . Le 28 , le corps de troupes prassiennes
occupant les env
14
( 136 )
y
rons de Povonshi , fut vigoureusement assailli : il y eut 6 offi
ciers et 78 soldats de tués , 13 officiers et 334 soldats blessés ; ,
le 29 , les Polonais attaquerent de nouveau les tranchées à la
gauche de Wola. Les Prussiens perdirent dans cette occasion .
le capitaine Melantin et un grand nombre de soldats . Ce fut
ce jour que le colonel Szeknli quitta le quartier genéral avec un
corps de troupes considérable , pour se potter dans la Prusse
méridionale. Le 31 , les Polonais ayant appris la diminution
des forces de leurs ennemis attaquerent , une heure avant le
jour , toutes les lignes de leurs positions du côté de Wavrzev ;
ils profiterent de la nuit pour faire avancer trois brigades de
cavalerie , montant a 2,000 hommes , aves 4,000 hommes d'infanterie
qui tomberent à l'improviste sur les postes prussiens.
L'aile gauche de ces derniers fut ensuite tournee ,
et deux
régimens de cavalerie et plusieurs bataillons d'infanterie atta
qués à dos ; tous les ouvrages avancés se trouverent enveloppés
la fois . Un corps de cavalerie polonaise de 800 hommes eut
l'audace de pénétrer entre deux retranchemens prussicas , et
de s'exposer à un feu terrible d'artillerie ; un autre corps de
savalerie vint attaquer les redoutes sans être soutenu par aucune
infanterie . Cette affaire a été une des plus générales et des plus
meurtrieres qu'il y ait eu ; la nuit seule mit fin à l'acharnement
des Polonais . Dans celle du 1er , au 2 septembre , ils se pré- ,
senterent de nouveau . Toutes les positions prussiennes et l'aile
gauche des Russes eurent beaucoup à souffrir . Le 5 , le général
Amadriez quitta l'armée prussienne pour aller renforcer le gé
néral Schonfeldt ; le 6 , dès le matin , la retraite des Prussiens
commença à s'effectuer ; toute l'artillerie de siége se mit en
route , et fut suivie des bagages . On a apperçu un corps considérable
de Polonais qui se mettaient en devoir de poursuivre
et de harceler les Prussiens . Les deux premieres colonnes de
ceux- ci sont arrivées à Radzin , où est leur nouveau camp . On
y attend encore la troisieme qui forme l'arriere - garde .
Les Polonais paraissent avoir pris des leçons des Français sur
plusieurs points , et en avoir profité . Des lettres du 10 septembre
des environs de Varsovie s'expriment ainsi :
Parmi les mesures prises par le gouvernement provisoire
on remarque celle d'une émission d'assignats . Le 25 août , il a
publié une déclaration à ce sujet , où il dit que , dans le dessein
de faciliter la circulation et les moyens d'échange , il avait ,
des le 3 juillet , annoncé une émission d'assignats , et qu'il
enjoint aujourd'hui à tous les magistrats et à tous les commissaires
du bon ordre , de faire publier la prochaine mise
en circulation de ces assignats . Il déclare , 1 ° . que ces assignats
sont hypothéqués sur tous les biens dont la narion
polonaise a la propriété et la disposition ; 2 ° . que leur capital
est de 60 millions de florins de Pologne ; 3 ° . qu'ils seront
divisés en assignats de 5 , de 35 , de 50 , de 100 , de 500 , et
( 137 )
葛
!
enfin de 1000 florins ; que chacuue de ces classes aura une
couleur différente qui est désignée ; 4 ° . qu'indépendamment
des signes secrets et connus uniquement de la direction nom
mée par le gouvernement , il a choisi des commissaires charges
d'apposer leur signature à chacun de ces assignats ; 5° . qu'une ,
récompense sera accordée à tous ceux qui découvriront des
contrefacteurs ; 6º . qu'il est enjoint de recevoir ces assignats
comme argent comptant pour toute espece de paiement , sou
les peines de la loi du 8 juillet ; qu'ils seront reçus de préfé
rence dans le paiement des biens nationaux qui seront vendus
et porteront un intérêt de 5 p . 100 ; 7 ° . qu'au premier de
cembre de la présente année , il sera mis en vente pour 51 mil.
lions de florins de biens nationaux , après trois annonces con
sécutives .
De Francfort-sur- le-Mein , le 30 septembre.
Les affaires du jeune François et de son associé Frédéric
Guillaume vont très-mal au dedans et au dehors. Ces princes,
ne sont point à se repentir d'avoir entrepris la guerre contre.
la République Française . L'orgueil de l'ancienne maison d'Autriche
, celui de la nouvelle maison de Brandebourg , qui ne lui
cede guere , sont à la veille de se voir humilies jusqu'à être
contraints de demander la paix . En vain essayent - ils de nouvelles
dispositions militaires , en vain changent- ils de généraux ,
des défaites constantes leur apprennent ce que peut un grand
peuple qui combat pour sa liberté . Ils reçoivent même une
double leçon à cet égard . Les braves Polonais , quoiqu'avec
moins de ressource que la France qui lutte avec avantage contre
les nations les plus puissantes de l'Europe , savent aussi faire
face aux Russes , aux Prussiens et aux Autrichiens combinés ;
aussi tous ces gouvernemens deviennent- ils soupçonneux . Leg
arrestations les plus arbitraires s'y multiplient , particulierement
en Autriche .
Voici ce qu'on mande de Vienne le 4 septembre.
Une des personnes arrêtées dernierement par ordre du gouvernement
comme prévenue de conspiration , s'est pendue
dans la prison . Son corps a été exposé sur les glacis de la
place , avec une inscription infamante ; une foule immense du
peuple s'est portée à cet endroit pour considerer ce spectacle ,
De fortes patrouilles d'infanterie et de cavalerie sont accourues ,
et ne se sont retirées que long- tems après que le peuple eur
abandonné ce lien. •
Le cabinet vient de recevoir aujourd'hui la nouvelle de la
retraite du roi de Prusse de devant Varsovie . Cette circonstance
ajoute à l'abattemeut qu'il laisse voir depuis long- tems . Il ne
peut se dissimuler que les causes qui ont déterminé Frédéric
Guillaume à agir ainsi , sont les grandes pertes que son armée
a essuyées pendant ce siege ; l'extrême lenteur des Russes à lui
138 )
fournir des secours qu'ils lui avaient promis promptement , et
dont il n'a reçu que de faibles portions ; enfin , le mouvement
révolutionnaire qui s'est communiqué avec rapidité dans les
propres possessions du roi du Prusse . Le cabinet autrichien ne
s'était décidé à tenter de son côté une invasion en Pologne ,
que sur l'assurance que ceux de Pétersbourg et de Berlin lui
avaient donnée de la prochaine reddition de Varsovic , ot de
la facilité extrême que les trois puissances auraient à réduire
toute cette contrée . Il voit aujourd'hui combien ces promesses
étaient mensongeres .
On a déja fait dans les généraux des changemens qui ne
seront probablement pas les derniers . L'archidae Charles commandera
l'aile droite de l'armée , le général Alvinzy l'aile
gauche , et le comte de Clairfayt le centre. Le prince de Colloredo
vient d'arriver de l'armée de la Meuse , avec de nouveaux
plans excellens , à ce qu'on dit ; le colonel Mack , qui
en avait aussi d'excellens , à ce qu'on disait dans le tems , est
parti pour l'armée da Rhin . En général , il y a beaucoup de
mouvemens militaires , mais plutôt dans les officiers que dans
les armées , qui paraissent frappées de ee decouragement
qu'amenent des défaites successives . Le cabinet de Vienne en
est aux espérances , et aux espérances mal fondées . On prétend
qu'il se flatte de recevoir très - incessamment le premier
terme du subside des Anglais , dont la totalité a été fixée à
83 millions d'écus d'empire . Mais comment son espoir pourrait-
il se réaliser ; il oublie , dans son impatience , que le parlement
britannique ne sera convoqué que le 4 novembre au
plutôt ; qu'il faut que le traité conclu par M. Pité lai soit préscaté
; que l'opposition le discute , et que les communes
votent les sommes stipulées . Il oublie encore que l'Angleterre
e voudra donner de l'argent qu'en recevant des hommes , dont
elle a le plus grand besoin , ou du moins en étant sûre qu'on
les fera agir contre la France , suivant ses vues . L'inexactitude
du roi de Prusse , dont les engagemens n'ont pas été très -bien
remplis à cet égard , doit inspirer une juste défiance au cabinet
de Saint-James , et lui servir de leçon , pour me donner sonargent
qu'à bonnes enseignes .
Il y a eu , le 2 septembre , une affaire à Neustadt , où le
corps aux ordres du général Wartensleben, se mettant en mouyement
sur Deidesheim , a attaqué les Français ; la canonnade
a duré deux heures avec beaucoup de vivacité. On ajoute que
le soir, à six heures , les Français ont abandonné Mundenheim
et Rheinhenheim , et se sont portés vers Schifferstadt et
Neuhoffen. Mais suivant des nouvelles beaucoup plus récentes ,
et qui paraissent sûres , depuis , les Prussiens se sont retirés
entiérement au delà du Rhin , du côté de Neustadt . Ils laissent
ainsi Mayence à découvert et une grande partie du Palatinat
१
( 139 )
Les mêmes avis ajoutent que la terreur est extrême chez les
coalisés les troupes ont plusieurs fois refusé de se battre :
la République Française riomple au dedans et au dehors .
On a pris la résolution de mettre Manheim en état de défense
pour six mois . L'empereur a déclaré qu'il entrerait pour
quelque chose dans les dépeuses que l'approvisionnement et
la construction des nouveaux ouvrages ont nécessitées . On
porte ces frais à près d'un million de florins .
Un journal officiel de Schwetzingen dit que , le 24 septem
bre , le corps d'armée aux ordres de Wartensleben a repassé
le Rbin , et repris son ancien camp derriere Manheim , le long
du Necker.
Hohenlohe s'est également retiré pour rentrer dans son ancienne
position des environs de Grunstadt ; ce qui a rouvert
Lautern aux Prançais , dout les patrouilles se portaient , suivant
les mêmes avis , jusqu'à Turkheim .
Nous venons d'apprendre ici , par des lettres de Cologne ,
que , le 26 , on se battait dès le matin près de Buren ; la gauche
des coalisés était forte de 25,000 hommes ; le centre de
40,000 , et la droite le long de la Roer de 15,000 . Malgré
ces forces considérables , si elles sont réelles , les Autrichiens
n'ont pas l'air de se maintenir sur la Roër. Le passage que les
bagages font du Rhin près de Cologne , sur deux pouts nouvellement
construits , annonce qu'ils comptent être , au contraire
, forcés d'abandonner cette derniere position
retirer de l'autre côté de ce fleuve.
Le roi de Prusse a dû arriver le 25 à Breslaw .
*
ITALIE E T SUI S E.
de se
Les français ne cessent d'envoyer par mer et par la voie
de terre , sur la riviere du Ponent , d'immenses munitions
destinées pour le Piémont. Les autrichiens réunis aux piémontais
sont au nombre de dix mille por s'opposer aux
républicains.
Un vaisseau danois , venant de Lisbonne , a appris que
l'escadre espagnole , commandée par Langara , et qui avait
été réunie à la flotte anglaise près le golphe de Han , faisait
maintenant voile pour Valence d'où elle doit retourner à
Cadix . La flotte du golphe de Rozas doit se rendre également
dans ce dernier port. Ces mesures paraissent produites par la
crainte que l'on a à Cadix même que la flotte française de
Brest ne tente quelque surprise .
Le général de Vins a décidément quitté Turin , et a pris la
route de Vienne . Il sera remplacé par le général Wallis . -
t
( 140 )
On apprend de Turin , que , le 16 , sur l'avis reça , que
les Français s'avançaient du côté de Saluces , et s'étaient déjà
emparés d'un poste appelé le Chinale ; deux bataillons d'autri
chiens se sont mis en marche de cette ville pour aller renforcer
les troupes de ce côté . Depuis , toutes les troupes autrichiennes
sont parties pour se porter sur Mondovi , d'aprè les
nouveaux mouvemens des Français .
Des lettres de Milans , do 22 septembre , disent que le 16
un courrier extraordinaire du cabinet Sarde y a laissé un pa.
quet pour le ministre anglais , Drake , qu'il en est allé porter
un autre au ci- devant Monsieur qui se trouve à Véronne , et
que de-là il doit pousser jusqu'à Vienne , vraisemblablement
pour solliciter des secours .
Tandis que le Piémont est dans les plus grandes inquiétudes ,
nne petite république , amie de la France et des cantons suisses ,
et également ennemie du roi de Sardaigne , vient de faire éclater
sa joie d'avoir terminé avec succès une révolution devenue
nécessaire chez elle , et de ce que la république française a
rappellé un envoyé qui ne lui convenait pas , et l'a remplacé
par un ministre qui ne s'occupera que d'entretenir l'harmonie
entre les deux alliés , et ne s'immiscera pas indiscrètement
dans les affaires particulieres de la république de Genève.
Voici ce qu'on mande de cette ville , en date du 25 septembre.
Le moment de l'audience du citoyen Adet , envoyé par
la république française comme résident auprès de nous , fut
fixé par les syndics et lui , à lundi 22 , à deux heures .
Dès midi , douze ou quinze cents citoyens en uniforme -
bordèrent la haie , depuis la résidence jusqu'à la maison commune.
Les drapeaux de la répuplique flottaient dans tous les
rangs ; les citoyennes et les enfans remplissaient tout l'espace
des rues non occupées par le cortège ; toutes les fenêtres étaient
garnies de spectateurs .
A deux heures après midi , quatre membres du conseil‚¨
précédés de fix huissiers , partirent de la maison commune
pour aller prendre le citoyen résident. Its le trouvèrent catouré
d'un assez grand nombre de Français , maires , présidens
de district ou de comités de surveillance , officiers-généraux
et autres , qui avaient été invités d'avance par le conseil . Après
quelques mots dictés , de part et d'autre , bien plus par le
sentiment que par une étiquette d'usage , le résident , accompagné
des membres du conseil , et escorté de cette nombreuse
suite de Français , se mit en marche vers la maison commune ,
Toute la troupe présentait les armes ; tous les tambours battaient
au champ.
( 141 )
Deux nouveaux administrateurs le reçurent au bas du perron
de la maison commune ; le procureur-général vint le prendre
à son tour à la premiere porte ; le conduisit dans la grande
salle , et le plaça au haut des gradins qui avaient été préparés
exprès , à la droite du premier syndic , et sous les trois drapeaux
de Genêve , de France et des Etats - Unis . Alors les
antres membres du conseil prirent place . Les Français qui
venaient ensuite furent introduits au- dedans de la barre , et
placés sur des banquettes disposées à cet effet : la foule des
Genèvois qui occupait tout le reste de la salle , était immense .
Le résident saisit le premier moment de silence pour remettre
ses lettres de créance au premier syndic , qui donna ordre
à l'un des secrétaires d'en faire lecture. Pendant qu'elle fut
faite , tout le conseil , le résident et le reste de l'assemblée
demeurerent debout . Le résident prononça ensuite son discours ;
le président du conseil lui répondit ; et au moment où il lui
donna le baiser fraternel au nom du peuple souverain de
Genève , les acclamations redoublerent , une salve de canon
et la musique qui se firent eutendre , acheverent de déterminer
l'explosion de tous les sentimens dont chacun était animé .
Enfin , le résident descendit l'estrade ; les membres du conseil
qui étaient allés le prendre chez lui , ly ramenerent au
travers de la même haie , des mêmes bénédictions ,
cris sans cesse répétés : vive la république française ! vive la
convention nationale de France .
et des
A quatre heures après - midi , les deux syndics retournerent
chercher le résident et les Français qui étaient à sa suite , et
les ramenerent à la maison commute , où les autres citoyens
genèvois défilerent devant lui . La journée fut terminée par
un banquet qu'anima la plus touchante cordialité.
ANGLETERRE. De Londres , le 18 Septembre.
Le 9 , il s'est tenu à Weymouth un conseil en présence
du roi. Le bruit général est qu'on y a décidé de convoquer le
parlement le 4 novembre . On s'attend à de fortes réclamations
de l'opposition sur le subside considérable accordé à l'empereur
pour le retenir dans la ligue des puissances coalisées .
On parle aussi beaucoup du prochain mariage du prince
de Galles avec une princesse de Brunswick ; c'est le lord
Fitz William qui doit remplacer le lord Westnoreland dans la
vice-royauté d'Irlande , dont le parlement , gagué par la cour ,
lui est entierement dévoué .
1
7
( 142 )
RÉPUBLIQUE FRANÇA I´S E.
CONVENTION NATIONALE.
PRE DENCE DI CAMBACERÉS.
Séance de septidi , 17 Vendemiaire.
Dans la séance extraordinaire de la veille , Cambacerés a
été nommé président ; Eschasserianx le jeune , Boissy d'Anglas
et Guiomard , secrétaires .
Boisset , représentant du peuple , écrit qu'il a rempli les
vues de la Convention dans le département de l'Ain . Le peuple
est content , le cultivateur respire et ne craint plus l'oppression
; le commerçant essuye ses larmes et l'industrie reprend
son activité . Il va remplir la même mission dans le départe
ment de Saône et Loire.
Boursault rend le même compte pour les départemens des
côtes du Nord , Isle et Vilaine , et des côtes de Brest .
Grégoire , au nom da comité d'instruction , fait un rapport
très- intéressant sur les encouragemens et récompenses à accorder
aux savans , aux gens de lettres et aux artistes . Après
avoir fait le tableau des malheurs de l'indigence et de la liberté
des grands hommes à commencer par Homere jusqu'à
nos jours après avoir montré qu'il n'est aucune partie dens
les arts , dans les sciences et dans les lettres qui ne concoure
aux progrès et à l'avancement de l'esprit humain , et qui n'ait influé
puissamment sur les progrès de la liberté et le bonheur des
peuples ; après avoir fait sentir combien il importe à la République
Française et à l'affermissement de la révolution d'encou
rager le mérite , le talent et le génie , il a proposé le projet de
décret suivant :
Art. Ier . Sur les fonds mais a la disposition de la commission
d'instruction publique , il sera pris jusqu'à la concur.
rence de cent mille écus , pour encouragement , récompenses et
pensions . à accorder aux savans , aux gens de lettres et aux
artistes dont les talens sont utiles à la patrie.
,, II . Le comité d'instruction publique présentera . sans
délai , un rapport sur le mode de répartition de cette somme ,
et la Convention nationale prononcera définitivement. ››
Dans le cours de son rapport , Grégoire avait annoncé que
le savant Dombey , qui a enrichi l'histoire naturelle et la botanique
de ses voyages et de ses découvertes au Pérou , venait
de périr dans la petite isle de Montferra , après avoir été pris
par des corsaires ennemis . Boyssy d'Anglas a demandé que son
( x4 )
nom soit inscrit sur la colonne élevée dans le Panthéon. Rens
voyé au comité de salut public.
Lavicomterie présente quelques vues particulieres sur la
morale calculée sur l'intérêt même des hommes . Sea discours
est le développement de cette maxime d'expérience : la na
ture punit les crimes de la terre par des tourmens terrestres
temporels , soit physiques ou moraux ; elle récompense la
vertu par un bonheur temporel , soit physique ou meral. Si
nous avions une échelle morale de perversites , nous aurions
précisément le degré de supplice , et si l'on peut s'exprimer ainsi
le tarif du malheur d'un criminel . Si nous pouvions descendre
d'un poins connu de probité , de perfection de verta , à tel
individu , nous aurions la somme de son bonheur. D'après
ces vues , il propose d'inviter tous les savans de donnér à la
Convention nationale une échelle graduée des délits et des
vices et des tourmens qu'ils traînent après eux sur la terre .
L'Assemblée décrete l'impression de ce discours et le renvoi
au comité d'instruction publique.
Séance d'octidi , 18 Vendemiaire.
Corrighy , de la députation corse , réclame des secours en
faveur des réfugiés de cette partie de la Répubique , qui oat
fui la tyrannie et la trahison de Paoli . Il présente des réflexions
sur un arrêté du comité de salut public , qui déclare
rebelles tous les Corses qui seront pris sur des bâtimens por
tant pavillon paoli , corse ou anglais . Il fait voir que plusieurs
familles de patriotes ne seraient point coupables pour avoir
cherché les moyens de se soustraire à la domination de ce
traître . Il demande que le comité de salut public examine de
nouveau cet arrêté , afin de ne point confondre les bons citoyens
avec les contre -révolutionnaires .
Cette proposition est adoptée , et la Convention accorde des
secours aux refugiés Corses .
Après plusieurs décrets de finances , la Convention entend
la lecture que Cambacéres lui fait de l'adresse aux Français ,
contenant les principes autour desquels doivent se réunir tous
les amis de la liberté.
L'Assemblée l'a souvent interrompue par de vifs applaudissemens
, et a décrété qu'elle sera imprimée , envoyée à toutes
les administrations de département et de district , aux municipalités
, aux comités de sections , aux armées et aux sociétés
populaires ; qu'elle sera publiée par les municipalités , affichée
dans les salles décadaires , et lue dans les , assemblées de sece
tions ; qu'elle sera distribuée à chacun de ses membres , au
nombre de six exemplaires , et traduite dans toutes les langues
que les administrations de districts la feront réimprimer , et que
agens nationaux l'enverront aux instituteurs pour en faire
lecture à leurs éleves . ( Voyez cette adresse à lafin des séances . )
les
い
( 144 )
le
Merlin de Thionville annonce à la Convention , afin que
peuple le sache , que le comité de sûreté générale a fait arrêter
un ci -devant commissaire exécutif, arrivé tout exprès des Pyrénées
pour nier à la Convention le droit qu'elle a d'épurer les
sociétés populaires . Cet homme , nommé Giot , a emporté , en
partant , la caisse de nos collegues aux Pyrénéés .
Cavaignac , qui a en occasion de connaître et de juger co
Giot , le présente comme un espion de Robespierre auprès des
armées , et comme un agitateur de la société populaire de
Bayonne.
que
Bourdon ( de l'Oise ) trouve que l'adresse peut faire un
excellent effet sur l'esprit des bons citoyens , mais qu'elle n'est
pas suffisante pour comprimer les méchans . Nous sommes
instruits dans Paris , et dans toutes les grandes communes
de la république . il y a des conciliabules de voleurs et de
scélérats qui conspirent en secret On a chassé du ci -devant
évêché , qui était devenu le réceptacle de l'anarchie , le club dit
Electoral , et il est allé tenir ses séances à votre porte , dans la
salle du Muséum . Savez - vous ce qu'on y discutait cette nuit ?
L'anéantissement de la Convention on y posait en principe
que la Convention n'avait été envoyée que pour juger le der
nier tyran et faire une constitution ; on en concluait qu'elle
devait se retirer après , et laisser aux brigands qui se sont mis
a côté des patriotes le doux plaisir de ravager la plus belle
république du monde , de faire périr les propriétaires , et de
se gorger de richesses . Le peuple témoin de ces horreurs ,
mais qui ne les partage pas , a interrompu plusieurs fois les
Orateurs , et les a rappellés aux principes . Ce qui s'est passé
dans ce club vous indique ce que vous devez faire. Il faut se
servir de la massue du peuple contre les méchans ; comme
Hercule , il faut combattre les voleurs et les brigands . Je crois
que les mesures que je vais vous proposer seront de nature à
déjouer les complots qu'ils voudraient ourdir .
Bourdon propose ensuite de déclarer que la Convention ne
souffrira pas qu'il soit ports atteinte à la souveraineté et à la
dignité du peuple Français par l'abus du droit de pétition , et
par aucune motion insidieuse ; qu'il n'y a pas lieu à délibé rer sur la demande en rétablissement des assemblées demi- décadaires
, non plus que sur celui de la municipalité de Paris ,
et de regarder comme suspects ceux qui dans la nuit du g
thermidor ont prêché la desobéissance à la Convention , et
ceux qni depuis ont continué ce systême dans la République.
Goupilleau de Fontenai ) et Tallien pensent que ces propositions
ont besoin d'être meditées ; celui - ci ne veut point
qu'on sépare le club électoral des Jacobins et de tous les agitateurs
qui veulent sauver par le désordre leurs vols et leurs
rapines . Il demande que les trois comités soient chargés de
faire un rapport détaillé sur les mesures vigoureuses à prendre
contre les agitateurs de toutes les especes , afin qu'après les
avoir
( 145 )
avoir anéantis nous puissions nous occuper paisiblement des
grands travaux qui nous restent à faire pour le bonheur du
peuple. Cette preposition est adoptée .
Séance de nonidi . 19 Vendemiaire .
Lakanal annonce que le corps de J. J. Rousseau arrive aujourd'hui
à 2 heures au Jardin - national . Il demande que la
Convention nomme une députation de douze membres pour
aller le recevoir ; que leur collegue Delaire , qui a eu le bonheur
d'obtenir l'estime de ce grand homme , soit aussi invité
à s'y rendre. Décrété .
Thuriot , au nom du comité de salut public , fait le récit des
nouveaux succès obtenus dans la Belgique .
L'armée de Sambre et Meuse , après avoir forcé l'ennemi
sur les bords de la Roër , s'est empressée de profiter de sa victoire
; elle a divisé ses troupes en trois colounes ; une s'est portée
sur Boun , pour lier la droite de cette armée avec la gauche
de l'armée de la Moselle ; une autre sur la route de Dusseldorf ,
et la troisieme sur Cologne ; lorsque les Français se sont
portés à Hens , ville séparée de Dusseldorf par le Rhin , les
avant - postes de l'ennemi l'avaient abandonnée . Retranchés
dans Dusseldorf , ils ont , de cette ville , fait feu de leur artillerie
sur l'avant garde du général Kleber ; à l'instant elle a
été bombardée ; elle était en feu lorsque notre collègue Gillet
écrivait sa dépêche . L'armée française est en possession de
Cologue ; elle y a trouve une artillerie nombreuse , un arsenal
qu'on annonce être l'un des mieux fournis de l'Europe , et de
vastes magasins .
Représentans du peuple , notre objet est rempli , l'ennemi a
été obligé de passer le Rhin et de nous abandonner les lieux
les plus avantageux pour les quartiers d'hiver. Ge qui s'est
passe à Cologne lors de l'arrivée de nos troupes est une
picuve irresistible que tous les peuples abhorrent le joug du
despotisme , et qu'il est de la plus sage politique de séparer
toujours leur cause de celle des tyrans .
Tous les habitans de cette ville se sont pressés sur le passage
des soldats de la liberté . Ils ont fait entendre l'expression
de l'admiration et de l'allégresse .. Il semblait qu'en possédant
dans leurs murs une partie d'une armée immortalisée
par une suite non interrompue de victoires , ils se croyaient
assez heureux pour être associés à sa gloire .
Ce grend acte de possession que nous avons fait , et ceux
qui doivent le suivre , encourageront le peuple qui demande à
grands cris compte de l'or et du sang qui n'ont été versés
que pour servir l'orgueil et assurer le regne universel de la
tyannie ; ils donneront de l'énergie aux hommes qui cher
chent les grands principes et qui paraissent disposés , chez
toutes les puissances coalisées , à parler en faveur de la liberté
et de l'égalité .
Tome XII.
K
( 146 )
Que la Convention reste à la hauteur où elle est , et c'en
est fait ; tous les ennemis de la République sont anéantis .
La Convention nationale décrete :
Art. 1er . L'armée de Sambre et Meuse ne cesse de bien
mériter de la patrie .
" II. Le rapport fait au comité de salut public et la lettre
de Gillet , représentant du peuple , seront imprimés , insérés
au bulletin , et envoyés aux armées .
19 III. Les papiers envoyés aux armées , le seront également
aux éleves de l'école de Mars . "
Richard annonce que le télégraphe a signalé la prise de
Bois- le-Due par l'armée du Nord .
Dahem prétend que depuis le systême d'indulgence qu'on
veut établir , grand nombre d'émigrés échappent au glaive de
la loi , et qu'on semble favoriser les ennemis de la patrie , Ces
mots excitent des murmures . Personne de nous , s'écrient
plusieurs membres , ne veut favoriser les émigrés. Duhem se
reprend , en disant qu'il n'a entendu parler que des pamphlets
qui , dans ce moment , empoisonnent l'esprit public.
Merlin ( de Douai ) et Richard répondent que ceux des émigrés
qui ont été pris les armes à la main ont été fusillés , et
que les autres sent traduits devant le tribuual eriminel du
département du Nord . On peut se reposer sur les soldats de
la République pour faire vengeance de ces scélérats . Il n'est
pas d'idée de leur haine implacable pour ces assassins de la
patrie tous ceux qui tombent dans leurs mains n'obtiennent
point de quartier. A Ypres il se trouva beaucoup d'émigrés
distingués ; des Autrichiens ont tout fait pour vouloir les sauver
en les déguisant de différentes maniares ; mais nos soldats
ont eu plus de pénétration que les ennemis de ruse . Les émigrés
ont été reconnus par eux , et fusillés à Nieuport . Les
Républicains ont resté un tems considérable dans l'eau jusqu'à
la ceinture , acharnés après 600 de ces scélérats , et les ont
tous détruits . A l'Ecluse , ils en ont également fusillé plus de
500. La Convention nationale ne doit donc pas être inquiete .
sur le châtiment réservé aux émigrés .
Par l'adoption de deux décrets , l'un sur l'organisation d'un
tribunal de police correctionnelle , l'autre portant qu'il sera
formé à Paris , sous le nom de conservatoire des arts et métiers ,
et sous l'inspection de la commission d'agriculture et des arts ,
un dépôt de machines , modeles , outils , dessins , deseriptions;
et livres dans tous les genres d'arts et métiers . L'original des
instrumens et machines inventés ou perfectionnés sera déposé
au conservatoire .
Séance de décadi , go Vendemiaire.
Les membres du département de Paris , le tribunal révolu-,
tionnaire , le tribunal eriminel et celui de cassation , viennent,
feliciter la Convention sur ses travaux , et déclarent qu'ils se,
( 147 )
rallieront toujours aux principes développés dans l'adresse au
peuple Français , et concourront de tout leur pouvoir à leur
propagation et à leur uiomphe .
Les adresses et la réponse du président seront impriméess
au bulletin . Les pétitionnaires sont invités à assister à la céré-.
mouie qui doit avoir lieu pour la translation des cendres de
J. J. Rousseau au Panthéon .
Les représentans du peuple dans le département des Bouches-
du- Rhône écrivent que le peuple de Marseille , libre ,
heureux et reconnaissant , jure de n'avoir d'autre point de
ralliement que la Convention nationale , et d'autres principes :
que la République une et indivisible . Il vous à l'exécration
la mémoire des agitateurs et des tyrans du Midi . La société ›
populaire a repris ses séances , aux cris répétés de vive la Ré
publique vive la Convention ! guerre aux fripons , aux dilapida- › teurs et aux tyrans ! Insertion au bulletin . - -
L'institut national de musique est introduit dans la salle.
Il la fait retentir des airs charmans du Devin du village et do
couplets analogues à la cérémonie. Le président annonce
ensuite que tout est prêt , et l'Assemblée va se réunir au
cortège.
Séance de primedi , 21 Vendemiaire .
Cette séance a été presque entierement consacrée à l'admission
d'un grand nombre de sections de Paris , qui sont venuest
déclarer leur adhésion aux principes contenus dans l'adresse
au peuple Français , et jurer de ne reconnaître d'autre centre:
que la Convention . Ces sections sont celles des Arcis , de
l'Arsenal , de Lepelletier , de Mutius Scovola , du Mont-Blanc ,
Poissonniere , des Quinze - Vingts , de l'Observatoire , de la
Fraternité , de Brutos , de Guillaume Tell , de l'Indivisibilité ,
de la Réanion , de Marat , de la Halle - au-Blé , de Popincourt
et de l'Homme - Armé . Plusieurs d'entr'elles ont désavoué lest
arrêtés et les adresses qu'avaient surpris des intrigans , quis
attendaient que la majorité des citoyens eussent quitté la
séancé , pour s'emparer des délibérations et les faire passer à
leur gré.
Merlin ( de Thionville ) s'est élevé contre cette espece d'usur
pateurs , qui osent mettre leur volonté à la place du nom du
peuple. Il a demande que les comités fussent chargés d'examiner
la conduite de ces intrigans .
Crassous réclame l'ordre du jour , motivé sur ce que le désaveu
des sectious suffit , et que cette motion attaque la liberté'
des opinions , et détruit les principes,
La liberté des opinions , répond Thuriot , bien loin d'être
attaquée , est conservée par cette mesure . Ne sont- ils pas ennemis
de la liberté ceux qui menacent sans cesse de l'echafaud
les hommes qui ne votent pas comme eux , ceux qui ne
parlent que de poignards et de sang , ceux qui voudraient
K 2
( 148 )
}
opérer les déchirement et le déshonneur de notre patrie , en
mettant le crime à l'ordre du jour ? Ne sont-ils pas les ennemis
de la liberté des opinions , ceux qui restent dans les
assemblées de section passé l'heure fixée par la loi , et profitent
de l'absence des citoyens pour prendre en conciliabule
des arrêtés infâmes ? Citoyens de Paris , surveillez les auteurs
de ces manoeuvres , réprimez ceux qui abusent de votre nom ;
songez qu'il existe en quelque sorte , dans chaque section du
peuple , une solidarité pour la nation entiere : ainsi , en vous
prononçant aujourd'hui fortement pour les principes , vous
avez bien mérité du peuple Français . " Thariot demande
que , sans donner un effet rétroactif à l'idée de Merlin , l'on
charge le comité de sûreté générale de présenter un projet
de loi pénale contre ceux qui s'assemblent clandestinement
dans les sections , et émettent ainsi leur voeu individuel en le
faisant passer pour celui de tous leurs concitoyens . Gette
proposition est décrétée .
Les nouveaux comités révolutionnaires sont venus également
protester qu'ils concourront de tout leur pouvoir au maintien
des lois et au regne de la justice ...
A l'occasion de plusieurs dénonciations ou demandes contenues
dans quelques-unes de ces adresses , la Convention a
rendu plusieurs décrets dont voici la substance :
66.1 . Les banqueroutiers ne pourront exercer aucune fonction
publique. ,
920. Les scellés apposés chez les personnes dont la fortune
n'est pas de boo div.de revenus seront levés sans
délai .
,, 3 ° . Le décret qui exclut les femmes de la garde des
scellés , niaura son application que pour les scellés sur effets
nationaux et non pour ceux apposés sur effets particuliers .
49. Le comité des finances fera un rapport sur les gratifications
promises par les diverses sections de Paris anx peres ,
meres , femmes , veuves et enfans des défenseurs de la patrie
dans la Vendée. ,,
La Convention nationale au peuple français.
Français , au milieu de vos triomphes , l'on médite votre
peric. Quelques hommes pervers voudraient creuser , au sein
de la France , le tombeau de la liberté.... Nous taire serait vous
trahir , et le plus saint de nos devoirs est de vous éclairer sur les
périls qui vous entourent .
Vos ennemis les plus dangereux ne sont pas ces satellites
du despotisme que vous êtes accoutumés à vaincre : ec sont
leurs perfides émissaires qui , mélés avec vous , combattent votre
indépendance par l'imposture et par la calomnie .
Les héritiers des crimes de Robespierre, et de tous les
( 149 )
conspirateurs que vous avez terrassés , s'agitent en tous sens
pour ébranler la République , et , couverts de masques différens ,
cherchent à vous conduire à la contre- révolution à travers les
désordres et l'anarchie .
Tel est le caractere de ceux que l'ambition pousse à la
tyrannie. Ils proclament des prinsipes ; ils se parent des sentimens
qu'ils n'ont pas ; ils se disent les amis du peuple , et ils
n'aiment que la domination ; ils parlent des droits du peuple ,
et ils ne cherchent qu'à les lui ravir .
,, Prançais , vous ne vous laisserez plus surprendre à ces
infinuations mensong eres . Instruits par l'expérience , vous ne
pouvez plus être trompés . Le mal vous a conseillé le remede .
Vous étiez près de tomber dans les pieges des méchans ; la
République allait périr : vous n'avez fait qu'un cri , vive la Convention
! et les méchans ont été confondus , et la République
a été sauvée .
" Souvenez -vous que tant que le peuple et la Convention ne
feront qu'un , les efforts des ennemis de la liberté viendront
expirer à vos pieds , comme des vagues écumantes viennent se
briser contre les rechers .
,, Rendus à votre premiere énergie , vous ne souffrirez plus
que quelques individus en imposent à votre raison , et vous
n'oublierez pas que le plus grand malheur d'un peuple est celui
d'une tourmente continuelle .
" C'est ce que savent trop bien ceux qui voudraient vous
pousser au sommeil de la mort dans les bras de la tyrannie.
" Ralliés à la voix de vos représentans , vous ne perdrez
jamais de vue que la garantie de la liberté est tout à - la-fois ,
et dans la force du peuple , et dans sa réunion au gouvernement
qui a mérité sa confiance . 1
,, De son côté , la Convention nationale , constante dans
sa marche , appuyée sur la volonté du peuple , maintiendra ,
en le régularisant , le gouvernement qui a sauvé la République
.
Elle le maintiendra dégagé des vexations , des mesures
cruelles , des iniquités dont il a été le prétexte , et avec lesquelles
nos ennemis affectent de le confondre . Elle le maintiendra
dans toute sa pureté et dans toute son énergie , malgré
les tentatives de ceux qui veulent altérer l'une ou exagérer
l'autre .
" Elle le maintiendra jusqu'à l'entiere destruction de tons
les ennemis de la révolution , malgré l'hypocrite patriotisme
de ceux qui demandent le gouvernement constituonnel dans
des espérances perfides .
Oui , nous le jurons : Nous demenrerons à notre poste
jusqu'au moment où la révolution sera consommée , jusqu'au
moment où la République triomphante , donnant la loi à tous
ses ennemis , pourra jouir , sous la garantie de ses victoires •
K 3 1
( 150 )
des fruits d'une constitution aussi solide que la paix qu'elle
anra dictée .
,, Nons saurons épargner l'erreur , et frapper le crime,
Soyez inexorables pour l'immoralité : l'homme immoral døit
être rejeté de la société comme un élément dangereux , corruptible
par sa nature , et toujours prêt à se rallier au parti des
conspirateurs.
" Ne confondez pas avec ceux qui ont constamment soutenu
la cause de la liberté , ceux pour qui l'agitation est un besoin ,
et le désordre un moyen de fortune : écoutez les premiers ;
fuyez les autres .
Vos représentans ne souffriront pas que les fonctions
publiques soient exercées par d'autres que par des véritables
amis du penple : ils en éloigneront ces hommes perfides qui
ne parlent sans cesse des droits du peuple que pour s'en résesver
exclusivement l'exercice .
Après avoir exprimé ses sollicitudes , manifesté ses pensées
et ses intentions , la Convention nationale rappelle au
peuple Français des principes sacrés , des vérités éternelles qui
doivent rallier tous les citoyens .
Une hation ne peut point se régir par les décisions d'une
volonté passagere qui cede à toutes les passions ; c'est par la
seule autorité des lois qu'elle doit être conduite .
Les lois ne sont destinées qu'à garantir l'exercice des
droits . C'est cette précieuse garantie que l'homme est venu
chercher dans les associations politiques , et elles la lui assurent
à l'aide du gouvernement , qui coutient le citoyen dans
le cercle de ses devoirs .
Tout ce qui porte atteinte à l'exercice de ces droits , est
un délit contre l'organisation sociale .
Il faut que la liberté individuelle ne trouve de limites
qu'an point où elle commence à blesser la liberté d'autrui ;
c'est la loi qui doit reconnaître et marquer ces limites.
" Les propriétés doivent être sacrees . Loin de nous des
systêmes dictés par l'immoralité et la paresse , qui atténuent
l'horreur du larcin , et l'érigent en doctrine . Que l'action de la
loi assure donc le droit de propriété comme elle assure tous
les autres droits du citoyen .
,, Mais qui doit établir la loi ? Le peuple seul , par l'organe
des représentans auxquels il a délégué ce pouvoir.
» Ancane autorité particuliere , aucune réunion n'est le
peuple ; aucune ne doit parler , ne doit agir en son nom .
Si une main téméraire s'avançait pour saisir les droits
du peuple sur l'autel de la patrie , la Convention se montrerait
d'autant plus jalouse de développer contre l'usurpateur le
pouvoir dont elle est revêtue , qu'elle doit compte au peuple
des attentats commis contre sa souveraineré .
Dans sa fermeté , la Convention nationale ne se départira
jamais de la sagesse ; elle écouterá avec attention les réclama(
151 )
tions qui fui seront adressées ; mais elle ne souffrira point que
le droit d'éclairer et d'avertir devienne un moyen d'oppression
et d'avillissement , et qu'il s'éleve jamais des voix qui parlenr
plus haut que la Réprésentation nationale.
" Elle prendra contre les intrigane , contre ceux qui peuvent
encore regretter la royaute ; l'attitude la plus vigourense . Elle
maintiendra les mesures de sûrete que le salut public com.
mande ; mais elle ne consentira point qu'elles soient arbitrairement
étendues , et que la suspicion soit une source de calamités
.
,, Enfin tous les actes da gouvernement porteront le caractère
de la justice ; mais cette justice ne sera plus présentée à la
France , sortant des cachots , toute couverté de sang , comme
l'avaient figurée de vils et hypocrites conspirateurs ,
,, Français , considérez comme vos ennemis tous ceux qui
voudraient attaquer obliquement ou d'une maniere directe la
liberté , l'égalité , l'unité , l'indivisibilité de la République .
" Fuyez ceux qui parlent sans cesse de sang et d'échafaudsy
ces patriotes exclusifs , ces hommes outrés , ces hommes enrichis
par la révolution , qui redoutent l'action de la justice , et
qui comptent trouver leur salut dans la confusion et dans l'anarchie
.
Eftimez , recherchez ces hommes laborieux et modestes :
ces êtres bons et pars qui fuient les places , et qui pratiquent
sans ostentation les vertus républicaines .
» Ne perdez jamais de vue que si le mouvement rapide et
violent est nécessaire pour faire une révolution , c'est an calme
e: à la prudence de la terminer.
" Uaissez- vons donc dans un centre commun : l'amour et
le respect des lois .
,, Voyez vos braves frères d'arines vous donner l'exemple
de cette obéissance sublime dans leur soumission et leur dévoûment.
Leur gloire est de reconnaître la voix de leurs chefs ;
ils bénissent sans cesse les décrets de la Convention nationale ;
s'ils souffrent , ils en rejettent le malheur sur les circonstances ;
s'ils meureat , lear dernier cri est pour la République .
,, Et vous , dans le sein des villes et des campagnes , vous
vous laisseriez agiter par de vaines querelles ! vous jetteriez
dans vos assemblées des obstacles qui retarderaient la marche
triomphale de la révolution !
" O Français ! quelle douleur pour nous , quelle satisfaction
pour nos ennemis , de voir la France victorieuse au dehors
et déchirée au dedans ! Non , ils ne l'auront pas , ce cruel
plaisir ; et ce que la Convension a fait dans les armées , elle le
fera dans le sein de la République .
Les vertus guerrieres enfantent les héros ; les vertus domestiques
forment le citoyen , et ce sont ces vertus , soutenues
et fortifiées d'an invincible attachement aux principes républicains
, qui perpétuent dans une nation généreuse ce feu sacré ,
K 4
( 152 )
ce grand caractere qui a fait du peuple Français le premier
peuple de l'Univers .
C'est alors que tous les agitateurs étant déconcertés ,
on verra tous les partis tomber et s'éteindre d'eux -mêmes ;
car , dans tous les partis , il y a des gens qui font de bruit pour
en faire , et du mal sans y rien gagner : ce sont comme autant
de vents opposés , qui , sans rendre aucun service au pilote , ne
servent qu'à troubler la manoeuvre .
" Citoyens , toutes les vertus doivent concourir à l'établissement
d'une République . Vous avez déployé tour - à - tour la
force pour renverser la bastille et le trône ; la patience , pour
supporter les maux inséparables d'une grande révolution ; le
courage , pour repouser les barbares qui voulaient forcer nos
frontieres le tems est venu de vaincre encore vos ennemis
par la fermeté et par la sagesse . Il faut que le calme succede
enfia à tant d'orages . Le vaisseau de la République , tant de
fois battu par la tempête , touche déja le rivage ; gardez- vous
de le repousser au milieu des écueils . Laissez-le s'avancer dan's
le port en fendant d'an cours heureux une mer obéissante , au
milieu des transports d'un peuple libre , heureux et triomphant.
PARIS. Quartidi , 24 Vendemiaire , 3e , année de la République.
Le Panthéon s'est enfin onvert à un homme de génie , à un
homme vertueux . Voltaire avait rendu de grands services à
l'esprit humain en combattant les préjugés , la superstition
et le fanatisme , mais il est donteux qu'il eût embrassé les principes
de la révolution . Rousseau par ses écrits philosophiques l'a
dévancée , et lui a appartenu tout entier. S'il en eût été
témoin , on l'aurait compté peut être au nombre des victimes de
la férocité des brigands , mais il eût été digne de mourir pour
la cause de la liberté . Quoique né à Genève , il a vécu , il a
écrit , il est mort en France , qui était devenu , pour ainsi dire ,
sa patrie d'adoption . La translation de ses cendres au Panthéon
a eu lieu décadi dernier. Ç'a été un jour de fête auguste
et solemnel . Ç'en sera toujours un pour tous ceux qui liront
ses immortels ouvrages .
La reconnaissance nationale avait déja rendu un juste hom.
mage à celui de nos écrivains dout l'éloquence mâle et vigourense
avait donné au peuple Français cette impulsion puissante
qui devait renverser tous les despotismes , dont la philosophie
avait osé remonter à l'origine des sociétés , et déchirer le
voile dont les moines et les tyrans avaient couvert le berceau
des institutions sociales . Déja on avait décerné une statue à
l'auteur d'Emile et du Contrat Social , et accordé une pension
à sa veuve .
( 153 J
Ce n'était pas assez pour la nation française , sa reconais
sance devait être aussi éclatante que les bienfaits qu'elle en
avait reçus . Vers midi , lorsque la Convention nationale eut
quitté le lieu de ses séances , le président , du haut du péristile
du jardin national , où l'on voyait flotter les drapeaux
ennemis témoins des victoires annoncées ta veille , donne au
peuple assemblé en foule pour la fête , le récit des détails
des glorieuses journées dans lesquelles les armées viennent
de cueillir de nouveaux lauriers , et ajouter de nouveaux
titres à la reconnaissance publique . Le peupie lui répond
par des applaudissemens , par des cris mille fois répétés :
Vive la République vive la Convention nationale et agite
d'une maniere expressive ses chapeaux dans les airs . Les accens
d'une musique mélodieuse se mêlent ensuite aussi - tôt à ceux
de l'allégresse publique , et donnent le signal du départ pour
la fête .
Tous les accessoires de la cérémonie sont assortis au génie
et au caractere du philosophe que l'on célebre . Chaque emblême
offre une allusion aux diverses études qui ont rempli
le cours de sa carriere ; et la nature semble avoir fait presque
tous les frais de ces divers emblêmes . Ici paraît un char surmonté
des divers instrumens des arts , avec cette inscription a
Il réhabilita les arts utiles . Il est suivi d'un autre , couvert de
plantes , de fleurs et de fruits , avec ces mots : L'étude de lai
nature le consolait de l'injustice des hommes . Plus loin , une
renommée pose une comoane de chêne sur ses immortels
ouvrages ; elle précede les grandes tables des droits de l'homme
, au bas desquelles on lit : Il réclame le premier ces droits
imprescriptibles. Ce qui semble fixer plus particulièrement les
regards , sont des femmes et des enfans grouppés sur un char
de forme antique , dont le spectacle rappelle les préjugés que
le philosophe a vaincus , en rendant les meres à leurs premiers
devoirs , et en brisant les liens dont on garottait l'enfance.
On apperçoit aussi à la cérémonie Francklin et Voltaire ,
bien dignes tous deux d'assister à cette fête nationale ; l'un ,
pour avoir donné au peuple Américain le secret de ses forces
et de son indépendance ; l'antre , pour avoir secoué tous les
jougs , rompa toutes les chaînes de la superstition , et fait dans
Topinion la même révolution que les principes républicains
font aujourd'hui chez tous les peuples de l'Europe . Au milieu
du coriége paraît le tombeau dans une isle de peupliers , environnés
des habitans d'Hermenonville , et portant deux inscriptions
l'une , Vitam impendere vero ; l'autre , Ici repose
l'homme de la nature et de la vérité .
Pendant cette marche à- la - fois funéraire et triomphale , lé
peuple garde une espece de silence religieux , et paraît craindre
de troubler le repos de celui qui a sacrifié son goût de la
' solitude et de la vie champêtre pour l'arracher aux fers de la
1
( 154 )
tyrannie , qui a consacré sa vie à rappeller les hommes à la
vertu , et à leur démontrer que l'accomplissement des devoirs
de citoyen et de ceux que prescrit la nature , est pour tous le
seul chemin du bonheur .
La Convention poursuit avec ardeur le noble plan qu'elle
s'est formé de purger la révolution de ces amas d'intrigans
de voleurs , de dilapidateurs et de brigands sanguinaires qui
n'ont cessé de la souiller. On sait maintenant à quoi s'en tenir
sur le compte de ces patriotes par excellence qui ne veulent
ramener le régime de la terreur que pour échapper au glaive
de la justice . Si les vols et les brigandages qui ont été commis
dans presque tous les départemens , si l'oppression la plus
inouie , la férocité la plus raffinée , le sang qui a coulé à grands
flots dans une grande partie de la République , et les acenes
atroces dont les bords de la Loire ont été le théâtre , ne suffisaient
pas pour dessiller les yeux de tous les amis de la liberté
sur leurs infames auteurs , le dernier trait qui vient de parvenir
à la Convention nationale acheverait de les signaler et
de crier vengeance contre tant d'attentats envers l'humanité , la
pudeur , la justice et l'innocence .
1
Dans la séance du 22 , il a été fait lecture de plusieurs pieces
authentiques , desquelles il résulte que l'adjudant - général
Lefevre donna ordre de faire jetter à la mer , au - dessous de
Nantes , 41 personnes , parmi lesquelles se trouvaient deux
hommes , dont l'un aveugle depuis 6 ans et âgé de 78 ans ;
douze femmes de différens âges , et quinze enfans dont dix
depuis l'âge de 6 à 10 ans , et cinq à la mammelle , et que cet
ordre affreux fut exécuté le lendemain à 5 heures du soir. La
Convention a donné ordre de faire arrêter cet exécrable Cannibale
, ainsi que le capitaine de navire et tous les exécuteurs
d'un pareil forfait. Elle a décidé de plus que le tribunal révolutionuaire
s'occuperait , toute affaire cessante , de l'instruction
et du jugement des membres du comité révolutionnaire de
Nantes , si connus par des forfaits du même genre , et de tous
les auteurs et complices en quelque lieu qu'ils soient , et de
quelques fonctions qu'ils soient revêtus . En conséquence , l'acte
d'accusation a déja été dressé par l'accusateur public , et le
procès de ces monstres va bientôt commencer.
Beaucoup d'arrestations ont été faites dans différentes , seetions
, en vertu d'ordres du comité de sûreté générale . On
compte dans le nombre beaucoup de Jacobins.
Celui qui rédigeait le journal de la Montagne a écrit à la société
des Jacobins , qu'il ne se sentait plus assez d'audace pour continuer
à rendre compte de leurs séances . Ce mot d'audace a
excité beaucoup de murmures , et a été regardé comme injurieux
.
On a trouvé il y a deux jours , dans les latrines des Inva(
155 )
lides , un militaire poignardé et baigné dans son sang. Sur- lechamp
tous ceux qui habitent cet hospice ont été consignés :
on n'a point encore découvert les auteurs de cet assassinat.
Les derniers avis reçus de nos armées portent que les Pras .
siens se sont retirés entierement au - delà du Rhin , du côté
du Newstadt : ils laissent ainsi Mayence à découvert et une
grande partie du Palatinat . La terreur regne dans les armées
des ennemis ; les troupes refuseut de combattre contre les
défenseurs de la liberté .
On écrit da Port de la Montagne que l'escadre de don Josu
de Langara vient de se séparer de la division du commodore
Hottam , pour retourner à Cartbagene , et de-là à Cadix . On
assure qu'il a éclaté une grande mésintelligence entre les marius
des deux nations .
Ou mande de Marseille que 105 conspirateurs ont été condamnés
à mort . Cette ville jouit de la plus grande tranquillité
: la société populaire ne s'agite plus au milieu des factions .
des fureurs , des poignards et des proseriptions . On assure
que , dans le tumulte qui a failli boulverser cette grande ville ,
on avait mis le feu à la maison du représentant du peuple
Granet . Heureusement les bons citoyens sont parvenus à l'éteindre
.
On parle d'un plénipotentiaire espagnol , arrivé à Paris
pour demander la paix au nom de sa cour : on va jusqu'à
nommer celui qu'on dit chargé de cette mission . Nous ne garantissons
pas la vérité de cette nouvelle ; mais nous lisons dans
l'extrait d'une lettre écrite de Perpignan , le 8 de ce mois ,
et insérée dans le Courrier Patriotique du département de
l'Isere , du 17 , ces mots qui viennent à l'appui du bruit qui
se répand : Un courrier est parti hier pour la Convention
pour parler de faix particuliere chose certaine. Trente - quatre
déserteurs sont arrivés ce matin , à 10 heures 43 autres . Ils
sont presque tous français . Tous s'accordent à dire que le
soldat espagnol est rongé par la vermine , accablé de misere
et de coups ; qu'il n'a que de très - mauvais pain , et une once
de lard pour toute viande ; qu'il est excessivement fatigué , et
ne veut plus se battre.
Il paraît une autre adresse à la Convention , rédigée par
les douze représentans du peuple détenus à Port-Libre , parmi
lesquels on remarque Dusaulx et Mercier , deux hommes de
lettres connus par leur amour pour la liberté , sous le régime
même du despotisme . Elle a pour objet d'expliquer l'écrit qu'on
a qualifié de protestation , et qui a servi de motif à leur détention .
Ils la considerent sur les trois points de vue suivans .
1º . La dénonciation courageuse de plusieurs personnages
qui venaient d'acquérir une grande puissance ;
2. Le recit fidele des événemens dont nous avions été
les témoins ;
3º . L'expression de nos craintes et de nos douloureuses
prévoyances.
( 156 )
,, Oui , disent- ils , nous les avions connus et appréciés dèslors
ceux qui avaient joué les premiers rôles dans ces événemens
" D'où était venue en effet cette premiere pétition , déclarée
calomnieuse par la Convention nationale , et dirigée contre
une partie de ses membres ? Des municipaux de Paris . Quel est
celui dont l'arrestation avalt servi de motifs aux premiers mouvemens?
Hébert . De qui était composé ce comité central , qui
à l'Evêché organisait l'insurrection ? De Gusman , de Prely , de
Pereira , des deux Frey , de Dubuisson , de Desfieux , etc. Qui com+
mandait la force armée ? Hanriot. Qui présidait extraordinaire
ment la Convention ? Hérault . Qui lui demandait avec insolence
si elle osait se croire capable de sauver la patrie ? Simon ..
Qui convertissait en motions les demandes du comité central
et de la municipalité ? Couthon . Qui sont ceux enfin qui , dans
la Convention nationale , dans les clubs , dans les bureaux
dans les tribunaux , ont pris la part la plus active à tout ce qui
a précédé ou suivi ces journées ? St. Just et Julien de Toulouse ,
comme rapporteurs ; Chabot , Fabre - d'Eglantine , Chaumette ,
Clootz , comme témoins ; Momoro , Vincent , Boichet , Ronsin ,
Lullier , Osselin ... Robespierre , comme agitateurs et promoteurs
de proscriptions .
" Eh bien les municipaux de Paris , les Espagnols ,
Autrichiens et les Prussiens du comité central ; Hébert et ses
complices , Robespierre et ses adjoints , voilà les personnages
que nous ne voulions pas regarder comme les sauveurs de la
patrie, et que nous osions désigner comme des séditieux et des
traîtres. Ces conspirateurs ne sont plus. De crime en crime et
même de succès en succès , une pente irrésistible a dû les précipiter
à leur perte ; car si les révolutions frappent quelquefois
des victimes innocentes , du moins elles n'épargnent aucun
coupable ; et au milieu de tous les périls qu'elles disséminent ,
les chances les plus favorables sont encore pour la vertu , pour
Ja probité et pour le patriotisme courageux . 1
" Le second objet de notre projet d'adresse était l'exposé
des faits qui venaient de se passer sous nos yeux , et dont nous
avions sans doute le droit d'instruire nos commettans .
,, Cet exposé , qu'on le publie donc enfin , et qu'on le rapproche
des trois éditions du procès - verbal de ces deux séances ;
car la rédaction en a été recommencée trois fois .
""
Qu'on le rapproche des récits publiés par les députés de
la Somme , par ceux de l'Aisne , par plusieurs autres de nos
collegues.
" Qu'on le rapproche de cette déclaration volumineuse que
Chabot a remise , avant sa mort , entre les mains des comités
gouvernans , et qui n'a point encore vu le jour.
" Qu'on le rapproche des aveux de Gusman et de quelques
autres séditieux qui ont affirmé durant leur détention , que
c'était contre la Représentation nationale toute entiere que
( 157 )
l'insurrection des 31 mai et 2 juin était dirigée .
" Qu'on le rapproche de cette déclaration secrette ; dont
Cambon vient d'attester l'existence , et que plusieurs députés ,
composant alors le comité de salut public , ont signée.
" Qu'on le rapproche enfin de tout ce qui , à différentes
époques , a été dit ou écrit sur ces journées par Baaire , par
Barrere , par Boucher - Sauveur , etc.
Oni , au mépris de tontes les lois , des conspirateurs Espagnols
, Autrichiens , ou indigues du nom Français , out , le 31
mai , fait tirer le canon d'alarme , sonné le tocsin , fermé les
barrieres , et intercepté les communications .
,, Oui , durant la séance du 2 juin , une consigne donnée
par ces factieux nous retint captifs dans la salle de nos délibérations
; on vain nous décrétâmes la levée de cette consigne ,
elle subsista malgré nos décrets . Il nous fut interdit ,
lement de sortir , mais de regarder par les fenêtres les dispositions
hostiles qui se prenaient autour de nous.
non - seu-
,, Oui , au milieu de cette séance , Barrere , Cambon , Bazire
vinrent avec l'accent de l'effroi nous annoncer les périls dont
nous étions environnés ; ils nous attesterent que l'on distribuait
de l'argent à la maniere autrichienne , dans les rangs de la force
armée ; que nous n'ètions pas libres ; que ce n'était point à des esclaves
qu'il appartenait de faire des lois ; qu'au surplus rien ne pouvait justifier
le décret demandé par la municipalité.
Oui , durant cette journée , tandis que les citoyens de
Paris donnaient à la représentation nationale des témoignages
de confiance et de respect , Hanriot et ses affidés satellites , revenus
tout exprès de la Vendée , nous parlaient avec l'insolence
du crime ; et notre président extraordinaire Hérault , leur répondait
avec l'intelligence d'un complice et la bassesse d'un
valet.
,, Oui , enfin , Hanriot a donné à ses soldats , l'ordre de diriger
contre la Convention nationale leurs sabres et leurs canons,
et cet ordre a été exécuté .
" Tels sont les faits principaux contenus dans notre projet
d'adresse , et à l'exposé desquels il nous était bien permis de
joindre l'expression de nos tristes pressentimens.
" Il nous semblait donc que la municipalité de Paris , ardent
foyer de contre- révolution , allait devenir de jour en jour plus
audacieuse , et que la Convention demeurait exposée à perdre ,
dans la même proportion , sa liberté , son énergie , sa puissance.
Il nous semblait qu'entre les mains d'administrateurs et de
généraux infideles , les désastres de la Vendée allaient se prolon
ger sans mesure , et que l'anarchie , provoquant par ses excès
tous les fanatismes , ennemis de la République , allumerait au
sein de la patrie , des guerres civiles de tous les genres .
Il nous semblait qu'Hebert , le plus actif des conspirateurs
subalternes , allait répandre plus que jamais , les poisons de
la calomnie et de la discorde ; qu'au parquet de la commune ,
( 158 )
aux Cordeliers , aux Jacobins , à la barre et dans les tribunes
de la Convention , dans les cafés et les lieux publics , dans ses
feuilles dégoûtantes, soudoyées par Bouchotte et par l'étranger ,'
Hebert serait par- tout le promoteur eifréné des agitations , et le '
corrupteur long-tems impuni de la morale populaire .
" Il nous semblait que de vilsintrigans ne tarderaient pas de
s'emparer de toutes les branches de l'économie publique et tra- vailleraient avec un affreux succès à la ruine du commerce , au
découragement des arts , à l'appauvrissement
de toutes les
branches de la prospérité sociale.
" Il nous semblait que des passions fougueuse usurperaient
de plus en plus le domaine de la pensée ; que des mouvemens
séditieux se mettraient décidément à la place des conceptions
législatives ; que , l'habitude des agitations et des secousses une
fois établie , les questions les plus importantes se résondraient
désormais par des crises et non par des délibérations , qu'en un
mot, les destinées de la patrie seraient abandonnées auxchances
des tumultes.
" Il nous semblait enfin , qu'une impulsion funeste était
donnée à la révolution , et qu'après avoir décrit un cerale de
calamités , la France pouvait être conduite à une servitude au
moins passagere ; soit qu'on essayât de la replacer sous le joug'
de la royauté ; soit que des décemvirs , des triumvirs , ou un
dictateur essent l'audace d'exercer sur elle use farouche et
meurtriere tyrannie .
Tels sont les consternans présages que nous avions conçus
et déposés dans notre projet d'adresse , et nous n'avons pas
le bonheur d'avoir conçu des alarmes illusoires „
Ils répondent ensuite aux reproches de royalisme et de fédéralisme
, et font voir , en expliquant sur- tout ce qu'on doit
entendre par ce dernier mot , que jamais ils ne se sont écartés
un instant des principes sacrés de l'unité et de l'indivisibilité de
la République . Cet écrit fait beaucoup de sensation , et les
comités sont chargés de faire leur rapport de cette affaire avant
le 1er. brumaire.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES .
L'abondance des matieres ne nous avait pas permis de donner
les dépêches officielles de cette armée , nous y suppléons aujourd'hui.
Rien ne doit être perdu dans la série historique de nos succès.f
Au quartier-général de l'Alguliena , le 2 vendémiaire.
Citoyens représentans , La Union a voulu s'approcher de
Bellegarde lorsqu'il n'était plus tems. Le 5e . jour des sanculotides
il fit avancer 7000 hommes sur notre avant-garde ; il
porta également vers notre gauche de gros détachemens d'infanterie
et de cavalerie ; et à la pointe du jour il nous attaqua ,
( 159 )
pour s'emparer d'une position intermédiaire qu'il croyait avane
tageuse à son armée ; il y trouva , pour son malheur , quelques
bataillons de nos chasseurs , qui justifierent bien leur dénomi
nation , et qui , après quelques heures d'engagement trèschaud
, mirent en déroute tout ce gibier espagnol .
" Les détachemens de notre centre et de notre gauche
eurent le même succès vis -à - vis des colonnes qu'ils combattirent
. Nos chasseurs ont pris à l'ennemi 4 pieces de canon:
et quelques autres effets ; et par - tout il a été repoussé dans
ses retranchemens jusques sous le fen de ses batteries . Sa
perte , en général , est évaluée à 600 hommes laissés sur le
champ de bataille ; nous avons eu 50 blessés et quelques morta
à proportion .
Je ne dois pas vous laisser ignorer un trait qui fait honneur
à l'humanité , et que je n'ai pas manqué de récompenser
au nom de la République. Un Garde-vallone , Liégeois do naissance
, déserté au milieu du combat , passe à côté d'un de nos
freres blessé. Viens , lui dit- il , camarade , avec moi ; ils te tueront
si tu restes ici . Il le charge sur ses épaules , et le porte
pendant plus d'une heure pour gagner l'ambulance . Ce vertueux
Liégeois est bien digne de la liberté que nous avons
donnée à sa patrie . Tous les déserteurs qui nous arrivent en
très-grand nombre , démontrent , d'une maniere bien touchante,
le plaisir qu'ils ont de se trouver avec des hommes libres . Je
crois qu'il ne resterait pas un soldat au tyran de Madrid , s'ils
voyaient tous l'accueil que nous faisons à leurs camarades ,
" L'engagement que nous avons eu avec les ennemis le
dernier jour de la sancalotide leur a été beaucoup plus fu
neste que nous ne l'avions pensé . Les derniers déserteurs qui
nous sont arrivés en foule , rapportent unanimement qu'ils ont
eu une grande quantité de blessés , dont la plupart sont morts.
Ils évaluent leur perte à douze cents hommes. Nos braves
chasseurs leur avaient donné une telle épouvante , que pour
fuir plus lestement , ils ont jeté leurs armes que l'on nous
rapporte chaque jour. La -Union était présent à l'affaire pour
en imposer aux fuyards ; il en a fait fusiller quelques- uns et
envoyé plusieurs autres aux galeres . Depuis cet échec , il a
voulu nous tâter ailleurs . Nous avons été attaqués à l'extrême
frontiere , du côté de Saint- Laurent de Cerda : on venait
de confectionner quelques redoutes à Costonges. L'ennemi
a voulu les étrener en enlevant le poste qu'elle défendait , mais
il n'a pas été plus heureux qu'à la montagne-Noire . Non- seulement
nos freres d'armes l'ont vigoureusement repoussé , mais
encore le poursuivent jusques dans son camp , ils l'ont enlevé.
( Vifs applaudissemens . ) Mauitions de guerre et de bonche ,
et effets de campemens , tout a passé au service de la République.
Nous avons en très -peu de blessés , encore moins de
tués . L'ennemi ne peut pas eu dire autant.
Salut et fraternité .
Signé , DUGOMMIER général en chef.
( 1 ნი )
•
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
A Cologne , le 16 vendémiaire.
L'armée de Sambre et Meuse , chers collegues , avait entrepris
de chasser l'ennemi au - delà du Rhin ; je vous annonce
qu'elle a rempli sa mission . Nous entrâmes hier à Cologne
aux acclamations d'un peuple immense qui se pressait sur
notre passage , pour voir une armée célèbre par une suite
non interrompue de victoires .
Les ennemis avaient profité de la nuit précédente pour
achever leur retraite au moyen de ponts qu'ils avaient jetés
sur différens points au - dessous de Cologne .
" L'armée est satisfaite d'elle- même ; elle jouit de ses travaux
en voyant les rives du Rhin , et je crois que les Autrichieus
sont encore plus contens de voir cette barriere entre
nous et eux ; car il ne s'est presque pas écoulé un jour de
puis six mois , qu'ils n'aient entendu à leur réveil le bruit
de nos canons , ce qui les gênait beaucoup .
Cologne renferme de grands magasins , une artillerie nombreuse
, et un arsenal qui est , dit - on , l'au des mieux pourvus
de l'Europe . J'ai denné les ordres nécessaires pour dresser
des inventaires que je vous enverrai aussi - tôt qu'ils m'auront
été remis .
Je vous envoie les clés des villes de Cologne , de Juliers
et d'Aix- la - Chapelle . "
Salut et fraternité. Signé , GILLET , représentant du peuple.
A Juliers , le 13 vendémiaire .
L'ins-
Citoyen président , nous avons reçu le drapeau que la
Convention nationale nous a fait passer par deux défenseurs
de la patrie honorablement blessés de cette armée .
cription qu'il porte nous dédommage bien des fatigues de la
guerre , et est bien faite pour redoubler notre zele , notre
courage et notre haine pour les tyrans.
Nous te prions de dire à la Convention nationale que
nous pensons que cette récompense nous met dans l'obligation
de faire encore plus que nous n'avons fait . Nous te prions
de lui dire que ce drapeau nous servira de ralliement et sera
la terreur de nos eanemis ; enfin , citoyen président , nous
jurons tous sur ce drapeau de vaincre les ennemis de la république
, ou de mourir sur le champ de bataille .
,, Nous jurons d'être inviolablement attachés à la Convention
nationale. ""
Salut et fraternité . Signé , JOURDAN , commandant en chef.
Transmission de Lille , par le thélégraphe , du 19 vendémiaire
au malin .
Bois- le- Duc est au pouvoir des républicains depuis le 16 .
La garnison , faite prisonniere de guerre , doit être échangée
en nombre égal de nos républicains , grade pour grade ,
excepte 408 émigrés qui doivent être livrés pour leur faire
subir la peine portée par la loi.::Signé , CHAPPE , ingénieur.
1
MERCURE FRANÇAIS
DECADI 30 VENDÉMIAIRE , l'as troisieme de la République.
( Mardi 21 Octobre 1794 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Sur l'abus des mots et les différentes variations des idées dans la
révolution (1).
DANS les disputes métaphysiques , dans les querelles de
eligion , dans les dissentions civiles et politiques , les hommes
se sont presque toujours persécutés , hais et égorgés , faute de
s'entendre . Les mois ont une telle influence sur les idées , et
les idées sur les actions , qu'un des plus grands services qu'on
cût pu rendre à la révolution , aurait été d'assigner aux principaux
sigues de nos idées en politique leur véritable significa
tion , et de bien définir avant que de raisonner ; les grammairiens
se sont bien plus occupés de la physique des langues
que de leur esprit ; et les littérateurs , de leur esprit que de
leur valeur philosophique .
On répete tous les jours que tout le monde est d'accord sur
les principes , et l'on ne s'accorde pas même sur le sens des
mois qui les designent . Dans le tems qu'on parlait le plus de
principes . de justice et de vertu , les regles les plus communes
de l'ordre social , de la justice , de la raison et de l'humanité
étaient violes avec une audace et une derision telle qu'on ne
s'est jamais joué avec autant d'effionterie des droits de l'espece
humaine.
Sans doute que les passions et les vices ont beaucoup influé
sur la subversion des mots et des choses dans la série des crises
révolutionnaires que nous avons éprouvées depuis six ans.
Mais l'ignorance peut également en revendiquer sa bonne part.
L'ignorance est un fonds inépuisable que les jougicurs , les
charlatans et les fripons ont toujours fait valoir à leur profit , à
Commencer par ceux qui ont parle aux hommes au nom de
Dieu , jusqu'à ceux qui leur ont parle au nom de leur intérêt
personnel.
C'est une chose bien remarquable que la revolution qui a
(1 ) Ce morceau est extrait d'un ouvrage actuellement sous presse
L'auteur nous a permis d'en extraire quelques fragmens.
Tome XII. L
( 162 )
sans
commencé par les lamieres , qui , quoi qu'on en puisse dire ;
no se serait point faite sans elles , ait été jettée si promptement
hors de ses premieres routes par une poignée de scélérats
sans connaissances , sans principes , sans morale ,
autre talent que celui d'en imposer par un patriotisme simulé ,
et le jeu artificieux de quelques mots qui exerçaient sur la multitude
un empire d'autant plus grand qu'ils étaient moins compris
, et qu'on avait eu soin de les détourner de leur véritable
acception .
Jamais ces dignes successeurs des Attila , des Omar et des
Tamerlans ne seraient parvenus à tromper une nation qui
comptait dans son sein tant de personnes éclairées , s'ils n'avaient
commencé par les rendre suspectes , par frapper de
proscription toute espece de mérite et de talent , et par éteindre
Successivement tous les fauaux qui auraient pu marquer les
écuciis samés sur la route.
Il n'est pas inutile , au point où nous sommes arrivés dans la
révolution , de jetter sur elle un coup d'oeil rétrograde , et de
rechercher comment , à l'aide de sept à huit mots , on a pu
opérer un changement si extraordinaire dans les idées , et
fermer la bouche à tous ceux qui auraient pu démasquer les
propagateurs d'une doctrine aussi trompeuse que sanguinaire .
Nous aurions bien peu profité de notre éducation politique ,
si après tant de chutes , d'erreurs et de crimes , nous n'avions
pas acquis le droit d'examiner froidement le passé , afin d'en
tirer des leçons utiles pour l'avenir.
Au commencement de la révolution , la nation ne parut
d'abord divisée qu'en deux partis , les patriotes et les aristecrates
. Saus se former une idée bien précise du mot de patriote ,
on y attacha celle d'un sentiment profond pour la réforme
des abus de l'ancien régime qui pesaient sur une classe trop
nombreuse de la societé , pour ne pas faire desirer un ordre de
choses meilleur. Tous ceux qui portaient véritablement ce sentiment
dans le coeur furent qualifiés de patriotes , avant même de
pouvoir l'appliquer à un système politique , fixe et déterminé . Le
desir de la liberté et l'enthousiasme qui l'accompague tenait lieu
de principes an plus grand nombre , et unissait les esprits d'un
lien d'autant plus étroit , qu'il n'était point encore altéré par le
choc des débats politiques et par les passions qu'enfantent la
chaleur et la diversité des partis .
On comprit sous le nom d'aristocrates , la noblesse , le clergé , les
parlemens et tous les privilégiés qui s'efforçaient de faire prevaloir
leur intérêt particulier à l'intérêt général de la grande
majorité des citoyens qui constituaient véritablement le peuple
ou la nation . Jusques- là les idées furent assez d'accord avec les
mots.
( 163 )
Mais , après l'établissement des sociétés populaires , qui prirent
le nom de Jacobins , du lieu où la société - mere de Paris tenait ses
séances, et qui ont été un si puissant levier dans la révolution , des
intrigues et des ambitions particulieres ayant divisé d'opinion les
patriotes , il se détacha des Jacobins une colonie qui alla s'assembler
dans l'église des Feuillans , dénomination qui , en dounaut
Ouverture à une espece de schisme entre les patriotes , devint dans
la suite le premier étendard de l'esprit de parti. Quoique cette
colonie se réunit bientôt au club de 1789 qui s'était formé au
ci-devant Palais - royal , elle conserva , par l'habitude de l'opinion
, son nom de Feuillans .
Alors on vit , dans les départemens , les sociétés populaires
se ranger sous l'une ou sous l'autre de ces bannieres ; et ce
qui , dans un tems calme n'aurait été que l'effet naturel de la
liberté des opinions , et aurait répandu sur les discussions politiques
un plus grand jour , par la maniere diverse de les envisager
, ne servit qu'à fomenter les haines et les dissentions .
Il arriva en politique ce qu'on a toujours remarqué en matiere
de religion , le schisme fut mis sur la même ligne que l'hérésie
, et le Feuillant fut aussi odieux au Jacobin que l'aristocrate
, c'est-à -dire l'ennemi commun de la liberté . Il arriva
encore , ce qu'on a vu depuis dans les différentes sociétés , c'est
que des aristocrates mitigés , des nebles de la minorité qui
travaillaient en secret pour l'établissement des deux chambres ,
se glisserent parmi les Feuillans , et tous les membres de cette
société furent enveloppés dans la même défaveur.
D'an autre côté , des aristocrates plus prononcés se réunirent
sous le nom de club monarchien . On n'a jamais eu des
notions bien claires sur cette espece de secte politique . A en
juger par les opinions connues des principaux membres de
cette société , leurs principes ne devaient pas être favorables
à la liberté . Aussi abuserent-ils du nom qu'ils s'étaient don'
nés ; car assurément ils ne voulaient pas la monarchie constitutionnelle
, telle qu'elle était alors dans l'opinion de l'assemblée
constituante. Le peuple soupçonna avec raison que ces monarchistes
n'etaient que les partisans et les défenseurs des intérêts
de la cour contre les intérêts de la nation ; il en fit justice ;
ils furent dissous .
Ainsi , les mots de patriote , jacobin , feuillant , monarchiste ;
aristocrate , formereni le vocabulaire peu étendu des opinions.
politiques qui caractériserent dette premiere période de la révo
lution .
Malgré les bornes de cette nomenclature , on commença déja
à ne plus s'entendre et à abuser de l'acception des termes . On
vit les principaux membres de cette minorité astucieuse de la
moblesse afficher un patriotisme ardent , et couyrir du másque
L 2
( 164 )
d'une popularité usurpée , leur vou secret pour les deux chambres
dont ils n'avaient jamais perdu de vue l'accomplissement.
Leur émigration presqu'entiere a bicu prouvé depuis , l'abus
qu'ils avaient fait du titre de patriote .
Ce mot servit aussi à justifier beaucoup d'excès répréhensibles
. Il suffisait de se dire patriote ( et les intrigans commençaient
à spéculer sur cette qualification respectable ) pour s'assurer
d'un brevet d'impunité. Les abus du patriotisme trouverent
un apologiste intrépide dans un homme qui jettait lentement
et avec peine les fondemens d'une célébrité devenue
dans la suite si désastreuse . On n'a pas assez remarqué jusqu'à
quel point cet homme , qui n'était digne ni de tant d'éloges , ni
de tant de critique , a contribué à dépraver les idées morales
et politiques , à corrompre le langage et à substituer l'esprit
de secte à l'esprit public.
Doué de talehs médiocres , mais dévoré d'une ambition
profonde , Robespierre , instruit à l'école de tous les anciens
démagogues , s'apperçut bientôt que le plus sûr moyen de jouer
un rôle dans la révolution était de flatter constamment le
peuple , d'avoir sans cesse ses intérêts et ses droits à la bouche ;
mais ce n'était pas du peuple , considéré dans la réunion de
tous les citoyens , qu'il entendait parler. Cette dénomination
n'a jamais été employée dans ce sens auguste et vrai par tons
ceux qui , comme lui et avec lui , oat cu le besoin de tromper
la multitude pour la diriger avec plus de facilité . Il appli
quait ce mot respectable à toute espece de faction et de rassemblement.
Les tribunes de l'assemblée constituante étaient le
peuple ; celles des Jacobins étaient le peuple ; le moindre groupe
des Taileries ou des places publiques était le peuple ; des
hommes égarés ou payés interceptaient-ils la circulation des
grains , on se livraient-ils à quelques mouvemens séditieux ?
c'était encore le peuple. Il voyait le peuple par-tout , excepté
là où il était véritablement . On verra dans la suite combien
l'abus et la fausse application de ce mot a causé de troubles
et de secousse dans la révolution .
Il obtint d'abord peu de crédit dans l'assemblée constituante .
Le murmure le précédait souvent à la tribune ; on savait ce qu'il
allait dire , et ce qu'il disait était toujours ou la justification
d'ua excès ou un excès dans les principes . Mais à force de répéter
les trois ou quatre mots de son dictionnaire démagogique , il
parvint à se faire écouter et même à se faire suivre de tous ceux
dont il flattait les passions , et qui , avec une ignorance profonde
des idées politiques , n'ayant de la liberté que le desir
et l'instinct , étaient d'autant plus disposés à goûter des principes
nouveaux pour eux , que dans l'opinion insultante de
l'ancien gouvernement , ils n'étaient presque comptés pour rien .
Il fut donc regardé par le cortege de ses prosélytes comme le
( 165 )
grand défenseur de la liberté et des droits du peuple , précisément
parce qu'il violait cette propriété de tons , an profit de quelques-
nus. Le nombre des disciples s'est accru successivement
à mesure que la doctrine du maître s'est propagée , et que les
circonstances révolutionnaires , sur lesquelles il a inflaé , ont fait
incliner les idées vers la démagogie la plus avengle , la plus
barbare et la plus oppressive . Mais il n'est pas moins vrai que
c'est sous l'assemblée constituante, et sur - tout à l'époque de
cette revision si honteuse , qu'il`a élevé l'édifice d'un pouvoir
qui ne l'a écrasé qu'après avoir couvert la France de meurtres
de deuil et de larmes.
•
Il faut dire pourtant que s'il a été un de ceux qui aient prolongé
aussi long-tems le prestige des réputations et la durée de
la tyrannie , au sein méme d'une république , c'est qu'il est
celui qui a le moins dévié des principes qu'il s'était fait , et qui
ait counu le mieux l'art de cacher ses vues secrettes sous ses
opinions publiques , Il s'est montré le premier jour ce qu'il a
ete le dernier ; il n'y a eu de différence que celle des tems et
dés moyens , et ces moyens ne sont pas la partie la moins
curieuse de l'histoire du pouvoir et de l'abus des mots pour
maitriser les choses.
Sous la premiere législature , les idées prirent une autre
forme , et les mots une autre acception . Déja sur la fin de l'assemblée
constituante , un parti nombreux de véritables amis
de la liberté , qui devinaient les fourberies de la cour et s'indignaient
du manège des reviseurs , avaient embrassé les principes
républicains , comme les seuls qui pussent nous délivrer
du poison qui s'était attaché à la constitution naissante pour la
corrompre.
A cette époque , tout le monde parut être constitutionnel , mais
avec des intentions bien différentes .
en
On embrassait à la cour la constitution , comme les courtisans
embrasaient, leurs amis , pour les mieux étouffer. Le pouvoir
executif n'executait point , et entravait la constitution ,
feignant de la soutenir . Il s'en faisait une égide dans tous les
points qui servaient à ses vues. Pour tout le reste , il l'abandonnait
aux convulsions de son enfance , et la poussait de
chûte en chûte , en se plaignant qu'elle ne pouvait marcher.
Les aristocrates parlaient aussi de la constitution , mais les
uns s'en jouaient secrettement avec la cour , et conspiraient sa
ruine. Delà ce fameux cabinet autrichien , objet de tant de
doutes , de tant de diatribes , et sur l'existence duquel il n'a
plus été permis dans la suite de disputer. Pour les autres ,
la constitution fut un mot de convention dont ils couvraient
le projet des deux chambres toujours poursuivi avec la même
ardeur ; ce parti que favorisait la cour sans l'adopter , en a été
constamment la dupe .
L3
( 166 )
Les républicains se ralliaient également à la constitution ,
parce qu'ils savaient qu'elle était presque toute républicaine ,
et qu'en brisant la seule piece qui gênait le mouvement des
autres , ils composeraient de ses augustes débris une constitution
où la liberté et l'égalité ne seraient plus une inutile et
vaine théorie. Ils profiterent des perfidies de la cour , et mul
tiplierent sur ses pas les piéges salutaires qui l'ont perdue .
Enfin , il y eut des constitutionnels de bonne foi , qui , sans
être ennemis du gouvernement républicain , parce qu'ils ai
maient la liberté , voulaient essayer la constitution comme on
essaie une machine par le jeu tranquille et successif de ses
rouages . C'est dans cet objet que , dupes de la faiblesse de leurs
vues et de la droiture de leurs intentions , dupes des cajoleries
hypocrites de la cour qui les trompait comme elle trompait
les bicameristes , ils combattaient à la fois , et les républicains
qu'ils regardaient comme des factieux et des agitateurs , sans
connaître leurs desseins secrets , ou sans croire peut - être à
leurs succès , ét les aristocrates dont ils connaissaient la haine
pour la constitution et pour la liberté . Delà ce cri de ralliement
: La constitution , toute la constitution , rien que la constitution
, autour duquel vinrent se ranger les fourbes et les hypocrites
qui en voulaient le moins , comme ils étaient alles se
ranger sous les drapeaux des Jacobius et des Feuillans .
Tous ces élémens entrerent dans la législature , et y produisirent
une fermentation qui ue s'éteignit que dans la grande
révolution du 10 août 1792 .
La constitution de 1791 portait avee elle le germe de sa
destruction . Elle avait trop fait pour la république pour ne
pas y conduire , et trop peu pour la monarchie pour qu'elle
subsistât. En accordant au roi une liste civile de plus de 30 millions
, elle lui avait donné en moyens de corruption plus qu'elle
ne lui avait attribué en moyens constitutionnels . Le veto n'était
qu'une arme illusoire , puisque la législature pouvait l'éluder
par des décrets d'urgence . C'était une arme odieuse , puisqu'elle
mettait le pouvoir exécutif en opposition avec la faveur publique
, et l'on se souvient de l'effet que produisait sur une
partie du peuple , ce mot si souvent répété , et duquel il ne
' est jamais formé qu'une idée confuse et défavorable. C'était
bien plus que tout cela , c'était une arme meurtriere pour la
liberté , puisqu'elle mettait la législation et le sort de 25 millions
d'hommes à la discrétion et au caprice d'an seul.
Toutes ces réflexions prouvent combien il est difficile de
concilier l'existence d'un roi avec celle de la liberté . De l'incohérence
entre ces deux choses devait naître une lutte violente
qui ne pouvait finir que par la chûte de l'une ou de
( 167 )
l'autre. Le roi avee sa liste civile intrigua , corrompit , com
pira . Les partisans de la république , forts de toute la puissance
que donne l'amour de la liberté et de l'égalité , s'entendirent ,
se serrerent et marcherent d'un pas ferme vers ce but glorieux
de leurs efforts . Lès constitutionnels , trop faibles pour soutenir
un édifice qui s'écroulait de toutes parts , essayerent en vain
d'en rapprocher les parties , et d'opérer des reconciliations entre
des intérets irréconciliables . Ces scenes ridicules de comédie ,
ne furcot ni plus sinceres , ni plus durables que celles dont l'assemblee
constituante avait tant de fois donne l'exemple . La
cour resta avec ses projets hostiles , les républicains avec leur
énergie . Aidé des federés , le peuple de Paris se leva et le.
trône disparut. 9
Arrêtons-nous un moment pour considérer la marche des
idées et les variations du langage politique.
Le mot de patriote , qui n'avait signifié d'abord que l'ennemi
des abus de l'ancien régime , prit alors la signification
d'ennemi de la royauté. Ceux que les aristocrates , les royalistes
et même les coustituennels traitaient d'agitateurs et de factieux ,
devinrent avec raison les véritables patriotes ou les républi
cains , et les partisans de la monarchie constitutionnelle furent
rangés indistinctement dans la classe des aristocrates , non sans
quelque injustice , car il y avait moins loin de la constitution.
à la république , que de l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale
à la constitution elle -même . Il ne fallait pas confondre dans la
même dénomination ceux dont les opinions avaient été si
opposées ; car des constitutionnels le plus grand nombre ,
peut être même la totalité sont devenus d'excellens républi
cains . Mais tel était déja le funeste effet des passions , qu'on
qualifiait du nou le plus odienx quiconque ne se jettait pas
entierement daus le sens de tel parii ; tactique qui a été depuis
employée avec tant de succès par tous ceux qui ont voulu
diriger les événemens au gré de leur systême , de leur intérêt
et de leur criminelle ambition .
et
Il ne faut pas abandonner cette époque de la révolution , sans
rappeller les fautes qu'on a reproché à l'assemblée constituante.
La premiere a été d'avoir laissé le pouvoir exécutif dans les
mains de celui qui avait le plus d'intérêt de conspirer contre
la liberté la secoude , de n'avoir pas produit d'un seuljet la
constitution ; la troisieme , d'avoir gardé dans son sein des
représentans qui ne représentaient que des castes privilégiées
et non le peuple ; la derniere et la plus grave sans doute
de n'avoir pas décrété la république après la faite du roi à
Varennes .
Pour apprécier avec impartialité la justice ou la rigueur de
LA
1168 )
ees reproches , il faudrait se reportera ux tems et aux époques ,
ealculer la force des circonstances , des évenemens , des obstacles
, des préjugés et des opinions. La plus grande erreur
dans laquelle on soit tombé , a été de croire qu'on eût pu mais
triser la révolution avec la même facilité qu'on la juge . Il est
plus aisé de marquer les fautes après qu'elles sont faites , qu'il
ne l'eût été de les prévenir , et cet effet rétroactif donné à la
censure est un des plus injustes et des plus cruels abus qui
aient été commis . S'il est vrai que pour les nations , comme
pour les individus , la meilleure éducation soit celle de l'expérience
, nous montreron's que nous avons dû passer par tous
les dégrés révolutionnaires , et épaiser tous les genres d'erreurs
et de folies avant de faire retour à la raison , aux principes et
à la véritable liberté ,
( La suite dans un prochain numéro . }
ANNONCES.
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lequel les habitans des campagnes trouveront des moyens de
cultiver avec fruit , et des motifs d'aimer l'agriculture . Prix ,
I liv. 4 sous . Se trouve à Paris , chez Meurant , libraire , cloître
Honoré.
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française à l'usage des deux sexes , de l'arithm tique décimale
et de la tenue des livres à parties doubles , la maniere de vérifier
les écritures falsifiées , suivie d'un entretien de morale ,
Prix , 1 liv . 10 sous . Par M. F. Baron , artiste écrivain . Se trouve
à Paris chez Frantelin , imprimeur , rue de la Grande - Truan¬
derie , nº . 27 ; et chez l'auteur , rue Baillet , section du Muséum ,
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rue Poupée , nº , 6 , section de Marat . ་
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feuilles , prix , 3 liv .
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Félix Nogaret , musiqne de Giroux , avec accommpagnement de
guitarte . Prix , 19 sous , chez Freres , passage du SaumioN , TUŞ
Montmartre.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2 Octobre 1794 .
ES Polonais continuent de se montrer dignes de la liberté
qu'ils veulent avoir et qu'ils auront en effet d'une maniere d'autant
plus glorieuse pour eux qu'ils n'en seront redevables qu'à
eux-mêmes , la Porte Ottomane paraissant avoir négligé cette
occasion précieuse d'affaiblir et d'humilier d'anciens ennemis ,
et de s'acquérir des amis naturels et vraiment utiles .
Frédéric Guillaume , inquiet sur le sort de cette guerre commencée
sous de si mauvais auspices , et qui tourne déja si mal ,
cherche à séduire les habitans de la ville de Thorn , pour les
detourner de faire cause commune avec leurs freres de la
Prusse méridionale . Il a étendu le privilége d'être exempt de
la conscription militaire , dont le corps des marchands jouissait
seul , à tous les autres ; et pour capter la bienveillance du
bourgmestre , rédacteur d'une gazette , il a créé ce journaliste
conseiller de guerre . Ces faveurs qui ne lai coûtent pas grand
chose , lui produisent encore moins qu'elles ne lui coûtent ,
comme on va le voir par des nouvelles postérieures à celles- ci
qui sont du 13 septembre .
Des frontieres , 13 septembre, L'intérieur de la Prusse méridionale
présente en tont lieu le spectacle de l'insurrection . Les
polonais , partagés en une infinité de petites divisions , ou plutôt
de légions composées de cavalerie et d'infanterie , ayant même ,
pour la plupart , de l'artillerie , traversent à chaque instant tont
le pays , se portent d'un château à l'autre : enmenent avec eux
les proprietaires , et recrutent les domestiques ; par - tout , sur
leur chemin , ils s'emparent des chevaux des postes royales , et
coupent les communications entre les villes principales . Les
prussiens n'ont pu jusqu'à présent atteindre ces légions volantes
; elles s'enfoncent dans les bois quand des forces prépondérantes
les menacent , et sortent de leur retraite quand celleséi
se sont portées d'un autre côté .
Szekuli n'est encore parvenu qu'à se saisir de quelques comités
organisés et nommés dans plusieurs lieux par les insurgens
. Un évêque et son chapitre faisoient partie d'un de ces comités
; sommés sous peine de confiscation de biens , de prêter un
nouveau serment au roi de Prusse , tous l'ont unanimement refuse
. On les menace actuellement de leur ôter la vie ; et ils ne
paraissent point ébranles , Qu remarque qu'en général les
( 170 )
prêtres se servent de l'empire qu'ils ont encore sur l'esprit des
habitans pour les animer coutre les ennemis extérieurs . Ils représentertau
peuple qu'il lui sera facile de vaincre , et l'entretiennent
sans cesse des défaites des Prussiens et des Autrichiens sur le
Rhin . Aux conseils , aux exhortations , le clergé joint des secours
effectifs . Le seul couvent de Vongrovicz vient d'envoyer cent
paysang armés à Guesne .
Szekuli a sommé le camp des insurgens , établi près de Ra
drejow, de se rendre : on ne lui a répondu qu'à coups de canon .
Les Prussiens semblent craindre beaucoup que l'insurrection
ne se propage dans la Prusse occidentale . Ils font passer un
grand nombre de troupes dans ces contrées .
-
Le bruit qui s'était répandu qu'il y avait des négociations entamées
entre le roi de Prusse et les Polonais , est dénué de fondement.
Kosciuszko à chargé vigoureusement l'arriere garde
prussienne , et menacé le centre de l'armée . On avait également
annoncé le départ de Frédéric Guillaume pour Berlin . On dit
aujourd'hui qu'il doit au contraire se rendre à Breslaw en Silésie
, où il doit passer l'hiver.
Il paraît constant que Repnia qui commande la grande armée
russe , se porte vers le Daiester sur les frontieres turques . Il est
poursuivi par l'armée polonaise de Lithuanie et une partie de
celle de Courlande . Son flanc droit est en outre menacé par le
corps d'armée commandé par le général Hauman dans le palatinat
de Volhinie .
Le roi de Prusse avait pris de l'humeur de ce que l'armée
russe , qu'il attendait sous les murs de Varsovie , avait fait si
peu de diligence ; mais Catherine s'est justifiée en prouvant
que ses troupes avaient trouvé sur la route une résistance sur
laquelle on n'avait point compté , si bien que l'amitié , ou ce
que les rois appellent de ce nom , est rétablie entre les deux '
anciens co partageans , qui ayant autrefois gagné a partie ensemble
pourraient bien aujourd'hui la perdre ensemble . M. de
Tanezien a déployé à Pétersbourg le caractere d'envoyé de la
Prusse,, et va suivre les affaires dont le comte de Golz était
charge , c'est-à - dire veiller sur-tout à ce qu'on fasse passer des
secours à son maître . Au reste , il en a grand besoin , car
la révolution est complette dans toute la Prusse située sur
la rive gauche de la Vistule . A Leneric , les troupes de Frédéric-
Gillaume n'ont échappé qu'en se jettant dans un château .
Elles n'ont pas été si heureuses à Sieradz. Toutes ont péri par
le fer , ou ont été faites prisonnieres de guerre . Il en a été de
même des directeurs et des commis des douanes .
a
L'insurrection s'est également communiquée dans la Prusse
sur la rive droite de la Vistule . Le corps d'armée commandé
par Schonfeld , été obligé de se mettre en mouvement .
A l'approche des Prussiens les insurgés avaient abandonné
la ville de Guesne ,, et s'étaient rétirés dans les forêts du
Rogowo: Les Prussiens s'étant mis à leur poursuite , ont été
3
( 171 )
à
entraînés au milieu des chemins mauvais et rendus inaccessibles
à l'artillerie et à la cavalerie par des abattis impraticables .
Pendant qu'ils étaient occupés à se dégager , les insurgés sont
rentrés à Gaesne par un autre côté . Ils ont établi un camp.
deux lieues de Czerniewo , et pris une position avantageuse.
Les Prussiens avaient laissé des tentes en dépot dans ce lieu ,
qui ont servi à former ce camp
La Suede et le Danemarck se tiennent toujours en observation
, mais sur le point d'agir avec vigueur lorsqu'il le faudra .
Les trois mois de commandement de l'escadre combinée de
ces deux puissances , plus franchement liées que la Russie et
la Prusse , étant expirés , c'est l'amiral suédois Wachtmeister
qui va en prendre la direction à Helsingor ; pendant ce tems
on s'occupe à Carlskrone de finir plusieurs vaisseaux qui sont
sur le chantier ; mais probablement la saison avancée ne permettra
pas d'en mettre d'autres en commission .
De Francfort -sur- le-Mein , le 7 octobre.
On mande de Vienne que la position de l'empereur est tou
jours à - peu - près la même , c'est - à - dire très - embarrassante . Ce
jeune prince , encore peu accoutumé à tenir les rênes d'un
etat , et qui a d'ailleurs perdu plusieurs de ses vieux ministres ,
dont l'expérience pouvait supplier à ce qui lui en manque ,
entr'autres le vieux Kaunitz , ne trouve plus dans ses sujets la
même docilité , le même dévouement , et c'est à l'époque où
le besoin s'en fait sentir davantage .
Au chagrin de la perte des Pays-Bas , celui de voir ses plus
habiles généraux si completement battus par les Français , que
les uns se retirent et qu'il est obligé de déplacer les autres ,
se joint encore le regret de s'être imprudemment mêlé de la
guerre de Pologne ; l'inquiétude de ce que pourront devenir
les mouvemens populaires qui se manifestent , même dans sa
capitale , et sur- tout la difficulté de faire consentir les membres
du corps germanique à lui fournir la majeure partie des
100,000 hommes pour lesquels l'Angleterre s'est engagée à lui
fournir un subside dont il a le plus grand besoin , mais dont
en même-tems il ne touchera pas un sou avant que la Grande-
Bretagne ne soit sûre qu'il est en état de remplir ses promesses
.
Voilà le tableau filele des circonstances épineuses où se
trouve ce jeune prince , et c'est ce que confirment diverses
nouvelles de la Haute -Allemagne.
Selon les dernieres de Gallicie , une colonne de troupes
autrichiennes s'est avancée jusqu'à Brzese en Pologne . Les
circonstances qui ont forcé à la retraite les Prussiens et les
Russes ne peuvent manquer d'influer sur la destination de ces
noupes . Il faut convenir qu'elles paraissent n'être pullement
( 172 )
en mesure pour agir contre les forces que Kosciuszko et les
Polonais peuvent maintenant employer contre elles.
La majeure partie des comitats hongrois se sont plaints fortement
des arrestations faites en Hongrie par ordre du gouvernement
autrichien . On croit que l'empereur renverra en
Hongrie les personnes de cette nation arrêtées et amenées à
Vienne , conformément au privilége qu'elles ont de ne pouvoir
être jugées que dans leur patrie .
Les commissaires anglais restent plus long - tems dans cette
capitale qu'on ne s'y serait attendu ; leur courier pour Londres
est de retour , mais sans la ratification du traité ; on parle
même de difficultés assez vives entre les cabinets de Vienne et
de Saint-James .
Les affaires de l'empereur et du roi de Prusse , qui vont si
mal chez eux , ne prennent pas une meilleure tournure dans
notre voisinage . Au reste leurs inquiétudes , leurs craintes , et
même leurs pertes sont partagées par les électeurs et les princes
dont les états bordent le Rhin .
-
L'alarme régnait , il y a quelques jours , dans Coblentz , ce
fameux rendez - vous des émigrés , ce bercean de la guerre actuelle.
L'archiduc Charles et l'archiduchesse Marie - Christine
J'avaient quitté dès le 24 du mois dernier , pour chercher un
asyle plus sûr à Schwetzingen . Le général Mollendorf était
aussi arrivé le 23 à Kreutznach avec le quartier- général prussien
. Mais ces mouvemens particuliers n'empêchent pas les
Français d'en faire de plus utiles et de plus décisifs . Nombreux
comme ils le sont , et accoutumés depuis quelque tems à décider
la victoire à la bayonnette , si l'on suspend leur marche
d'un côté , ils percent par un autre , et ne tardent pas à revenir
emporter le premier poste qu'on leur disputait . Par exemple
, quoiqu'ils aient passé la Meuse à Ormont , et qu'ils se
soient portés dans les environs de Ruremonde et dans le bailliage
de Monfort , dépendant de la Gueldre Prussienne ; quoiqu'ils
aient chassé devant eux tous les Autrichiens postés de
ce côté , cela ue les a pas empêchés d'essayer derniérement de
pénétrer du côté d'Eiffel . On sait qu'ils se sont montrés à
trois lieues de Prum . Les Autrichiens ont replié leurs magasins
on en voyait bien encore quelques bataillons à Wiltich ,
mais ils devaient également se retirer sur Kaisersesch . Ce Rés
publicains qui semblent se multiplier par leur activité , ont aussi
occupé Marcick et Sittard . Tous les magasins qui se trouvaient
dans cette contrée out été en conséquence portés vers le Rhtn.
Les craintes des coalisés sont d'autant plus fondées de ce côté ,
que les Anglais ont été forcés de battre en retraite . — Ils
continuent par- tout où ils se portent à maintenir la plus exacte
discipline ; mais ils exigent de fortes contributions .
―
Voici ce qu'on mande des environs de Cologne , le 1er , octobre .
On a jetté un pont de bateaux devant Coblentz . Le général
Melas s'est retiré avec son corps d'armée jusqu'à Caisersech .
( 173 )
On assure que les Français ont reçu à Trèves un renfort de
13,000 hommes . C'est cette circonstance qui vraisemblablement
a forcé la retraite de Mélas .
La garnison autrichienne de Condé a passé par Coblentz .
Elle allait à Francfort pour y être échangée contre des prisonniers
français . Elle doit ensuite aller servir contre les
Polonais .
L'armée anglaise se trouve actuellement entre Grave et
Clèves . Le quartier général d'Yorck est à Grasberg , à deux
lieues de Tieves .
Le 25 du mois dernier , on a fait sortir de Dusseldorf les
émigrés et les étrangers qui s'y trouvaient en assez grand nombre
pour les remplacer par un corps d'Autrichiens . Il faut qu'on
ne fasse pas grand fond sur ces défenseurs ; car on a déjà embalé
la fameuse galerie des tableaux , et l'on s'occupe d'en faite
autant des archives .
Le bruit court dans notre ville qu'il est question de la tenue ,
aussi prochaine que cela sera possible , d'un congrès de différens
princes. On eu fixe même le lieu , et l'on dit que c'est à
Hanau qu'il s'assemblera pour délibérer sur la conjoncture diffi
cile où se trouve maintenant le corps germanique . En attendant
, les politiques s'agitenttoujours beaucoup pour parvenir à
connaître les dispositions du traite que les commissaires anglais
ont proposé à l'Autriche , ou que celle - ci exige . On varie sur
ces dispositions , et aujourd'hui l'on prétend qu'il faut ajouter
à celles qui dėja ont éte vues dans les feuilles publiques , les suivantes
:
1 °. L'Angleterre paiera sur- le - champ à l'empereur , et dans
le lieu que celle-ci indiquera , les subsides stipules .
2º . Elle fera coïncider ses efforts avec ceux de l'empereur
pour reconquérir au plutôt les Pays - Bas ..
1
30. Les Pays- Bas auront à l'avenir , pour leur défense , une
milice permanente.
4° . La convention de la Haye est supprimée .
5°. L'empereur recevra annuellement de l'Angleterra et de
la Hollande quatre millions de florins pour la garde de Macstricht
, de Breda et de toutes les places barrieres.
Le bruit se répand qu'attendu les événemens arrivés en Pologue
, qui deviennent chaque jour plus sérieux pour le roi de
Prusse , Frédéric Guillaume ne laissera après la campagne actuelle
que 16 à 20,000 hommes sur les bords du Rhin .
Hohenlohe doit avoir le commandement de ces troupes .
Pendant que les divers membres de l'empire germanique
refusent ouvertement ou éludent de fournir leur contingent à
P'armée de l'empire , l'électeur d'Hanovre s'efforce de ies persuader
par son exemple. Cependant , comme deja il a épuisé
ses possessions d'hommes pour les joindre à l'armée anglaise ,
et que d'ailleurs les peuples d'Hanovre ont paru déja depuis
long- tems bieu décidés à ne plus souffrir un nouveau recrute(
174 )
(
ment , et se sont livrés , à cette occasion , à divers mouvemens ,
Georges ne fournira point de soldats ; l'empereur se charge
de son contingent , et ce dernier recevra 131 florins pour
chaque fantassia , le triple pour chaque cavalier . Ce contingent
est évalué à 4,000 hommes .
L'archiduc Charles a été nommé feld maréchal : il doit en
sette qualité servir sous Saxe -Teschen à l'armée du Rhin.
PROVINCES - UNIES IT BELGIQUE.
La cour statoudhérienne est dans le plus profond chagrin . Elle
n'ose publier le récit officiel des sanglantes affaires des 14 et 15 , ȧ
la suite desquelles d'Yorck a été forcé de repasser la Meuse . Mais
on sait que l'armée combinée , anglaise et hollandaise , après
une résistance forte , fut mise en déroute le second jour . Dans
l'extrême confusion qui regnait , le pont de l'Aa à Midelrode fut
coupé avant que toute l'armée eût achevé de passer de sorte
que ceux qui se trouvaient encore au - delà de l'Aa , farent tués
ou prisonniers , ou contrains de passer la riviere à la nage , et
T'on dit que grand nombre de ces derniers se noyerent.
On dit aujourd'hui que le quartier -général d'Yorck , d'abord
établi à Wichem , a dû être transféré le 20 à Cranesbourg , à
deux lieues de Cleves . Un corps de quelques mille hommes
est campé devant Grave : un autre corps de troupes hanovriennes
est posté entre Moock et Afferden ; enfin , une division
de 4 mille hommes est cantonnée à Gennep et dans les
environs , pour couvrir cette partie de la Meuse . Toutes les
opérations paraissent maintenant se diriger vers la frontiere du
pays de Cleves et de la Gueldre . Les mesures défensives qui
ont été prises ont produit par-tout des dégâts désolans . Les
alentours des places sont couverts de ruines et de bâtimens
démolis , et les cultivateurs du pays se trouvent privés de tout
moyen de subsister .
Il a dû arriver des renforts de troupes allemandes à l'armée
combinée , anglaise et hollandaise , pour remplacer les pertes
énormes qu'elle a faites le 14 et le 15. Elle avait d'ailleurs été
déja extrêmement affaiblié qar le grand nombre de garnisons
qu'il a fallu laisser à Berg- op-Zoom , Breda , Bois -le-Duc ;
Gertruidenberg , Williamstadt , Grave , etc.
Les troupes anglaises qui avaient passé en dernieu lieu ca
Zélande ont été rembarquées pour passer , à ce que l'on apprend ,
dans les Indes occidentales .
Des lettres de la mème ville du 26 sept. disent : Malgré l'envie
et l'intérêt que la cour statdhoudérienne aurait de le céler ;
le premier jour , la perte des Anglais a été immense , le régiment
d'Yorck a été haché en pieces , trois autres ont été faits
prisonniers. Une foule d'Hanovriens et de Hessois ont péris
dans l'eau en voulant se sauver à la nage. L'affaire du 15 a été :
Russi funeste. Les Anglais ont été obligés de se replier avec la
"
( 175 )
plus grande précipitation jusqu'aux environs de Nimègue . II
parait que l'armée hollandaise n'a point pris part à ces événemens
ruineux . Elle est , pour la plus grande partie , distribuée
dans les places fortes , et le reste se trouve dans les environs
de Gertruidenberg et de Heuden .
On écrit d'Herzogenbosch que chaque jour on s'attend dans
cette place à un siége , ce qui y cause la plus vive inquiétude .
Les armées françaises s'augmentent journellement dans le
Brabant-hollandais . Il ne cesse de leur arriver des renforts en
hommes et en artillerie. Les Français continuent à faire raser les
fortifications de l'Ecluse . Le bruit court qu'ils en feront de
même à toutes les places conquises.
On assure que quatre mille Prussiens de la garnison de Vesel
vont se porter sur Nimègue pour renforcer les Anglais .
Le 21 , à Amsterdam , l'argent de banque est tombé jusqu'à
14 pour 100. Il tombera encore infiniment plus bas si l'armée
anglaise continue de tirer sa selde de cette ville , par des lettres
de change sur Londres.
Le gouvernement de Geneve a usé de représailles envers
les Hollandais . Il vient de décréte que tous les négocians ,
banquiers et tous ceux qui ont des relations commerciales avec
les Hollandais , seraient tenus de déclarer les sommes dont ils
leur sont redevables . Il est défendu en outre de rien payer en
Hollande ce qui regarde les lettres de change , même non
aequittées .
Le gouvernement , livré à ses transes , redoute tente espèce
de rassemblement où les hommes peuvent se communiquer leurs
sujets de plainte et leurs espérances . Il y avait encore à Harlem
un cabinet de lecture ; toutes les associations de cette espece.
viennent d'être défendues de nouveau , sur le fondement qu'on
s'occupe dans leur sein , plus de politique que de littérature .
Enfin , les derniers avis reçus de Venloo s'exprimens ainsi :
Les munitions qu'on avait embarquées pour Overstevins doivent
revenir chez nous . Les bateliers chargés de les conduire ont été
attaqués en route : un grand nombre d'entre eux à péri ,
Le magasin impérial qu'on transportait à Maestricht a dû éga
lement retrograder ; mais un grand nombre de bateaux sont
tombés au pouvoir des Français qui dominent les deux rives de
la Meuse . Toute communication avec Maestricht est coupée .
Plusieurs convois qu'on voulait diriger par terre ont été enlevés .
Les habitans des environs sont contraints d'amener toutes leurs
subsistances dans cette ville , et les maisons qui se trouvent sous
le canon de la place vont être détruites ; il n'y a plus que deux
portes de libres , celles de Gueldre et de Cologne .
( 176 )
ESPAGNE. De Madrid , le 1er . septembre.
On a ordonné des prieres publiques pendant neuf jours dans
toute l'étendue de l'Espagne , afin d'implorer le secours du ciel
contre les Français .
La cour abattue par les revers qu'essuyent les armées espagnoles
, affecte de les attribuer à la trahison des siens . A
Bilboa , un jugement a déclare quatorze personnes convaincues
de correspondance avec les Français , et leur suppliee a été
ordonné douze ont été pendus a Pampelune . On a dit que ,
daus une des dernieres affaires , les canons avaient été chargés
avec du sable au lieu de poudre . Le roi d'Espagne a en outre
condamné douze des principaux officiers qui étaient dans Collioure
lorsque les Français se sont rendus mittes de cette
place , à servir pendant deux ans en qualite de simples soldats ,
dans les troupes postées sur la côte d'Afrique. Il est permis à ces
officiers , en cas que ce jugement ne leur convienne pas , de
demander à être juges par une cour martiale .
Le vice - roi de Navarre , qui commande l'armée en Biscaye ,
a demandé de puissans renforts aux états de cette province .
Ils ont décrété que tous les hommes enrôlés dans le sens militaire
se rassembleraient à une poque determinée à lieu indiqué ,
et se formeraient en trois corps ; le premier de ces corps est
destiné à joindre l'armée ; le second doit défendre la frontiere ,
et le troisieme demeurer en réserve . Les états ont décrété en
ontre que les besoins s'augmentant , tous les individus mâles ,
de 17 à 60 ans , sans aucune distinction de classes , seraient
tenus de prendre les armes , sous peine de eonsfiscation de
biens. Cette peine a été étendue à tous ceux qui ont émigré de
la province. Depuis , le gouvernement a enjoint à tous les officiers
cougédiés ou pensionnés de se rendre à l'armée . Enfin
ciaquante mille fusils ont dû être envoyés de Madrid à Burgos .
On s'occupe dans la premiere de ces deux villes à organiser
un corps de douze mille hommes de milice qui doivent former
une garnison , et remplacer les troupes de ligne qui sont
parties .
1
a
Mais tous ces préparatifs militaires sont peu faits pour en
imposer. Il est certain que l'ordre de la levée en masse
produit par-tout une grande fermentation , les mécontentemens
eclatent en tous lieux , sur-tout a Barcelonne , Valence et à
Madrid même ; le moment où l'on met des armes dans la main
du peuple ne pouvait pas être moins opportun pour la cour :
l'armée murmure elle - même , et beaucoup d'officiers commencent
à se plaindre tout haut de l'impolitique
de cette
guerre.
L'amiral Borja est arrivé an Ferol avec son escadre . Le
Magnanime de 74 canons a échoué et coulé à fond ; mais l'équipage
a été sauvé.
RÉPUBLIQUE
( 177 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE CAMBACÉRES.
Séance de duodi , 22 Vendemiaire .
Merlin ( de Thionville ) a dit : Citoyens , l'impunité accordée
jusqu'à présent aux hommes de sang qui ont commis des massacres
à Nantes , en a occasionné de nouveau . J'ai entre les
mains les lettres , les ordres et arrêtés relatifs à cette nouvelle
scene d'horreur ; il résulte de toutes ces pieces que l'adjudantgénéral
Lefebvre a donué l'ordre abominable de faire noyer 47
malheureux , et que le capitaine Macé a eu la barbarie d'exécuter
cet ordre. Il portait qu'il prendrait sur son bâtiment deux
hommes , dont l'un aveugle depuis 6 ans , était âgé de 78 ans ;
dix femmes de différens âges ; dix filles , de 15 à 25 ans , et
quinze enfans , dont huit de 6 à 10 ans , et sept à la mammelle.
Un mouvement d'horreur s'éleve tout- à - coup dans l'Assemblée.
Ce même capitaine devait prendre avec lui quatre fusilliers et
un caporal , et arrivé à la hauteur de Pierre - Moine jetter indistinctement
tous ces infortunés dans les flots . Vous demandez
sans doute , citoyens , les motifs d'un jugement si atroce , les
voici ; toute leur condamnation était renfermée dans ces mots a
Parens des rébelles .
L'indignation de l'Assemblée est à son comble . Beaucoup de
membres demandent la mise hors de la loi de ce scélérat Lefebvre .
Je m'oppose à cette motion , dit un membre ,je demande simplement
l'arrestation et la traduction au tribunal révolutionaire de
cet homme qui ne se sera pas porté seul à un tel acte de cruauté
et qui a sans doute éte dirigé par un plus graud scélérat que lui ,
caché derriere le rideau . Il faut l'entendre pour connaître ses
complices .
André Dumont dit qu'on ne peut se dissimuler que le second
acio de cette tragédie n'a eu lieu que par l'impunité accordée
aux acteurs du premier. Les buveurs de sang , ajoute- t- il , sont
plus près de nous qu'on ne pense . C'est Carrier , s'écrie - t- on
de toute part . En effet , continue Dumont , comment croire
que le comité révolutionnaire de Nantes ait pris sur lui de
commettre tant d'horreurs s'il n'y eût été autorisé par une
puissance supérieure . Si la patrie est en ce moment agitée , les
vrais coupables sont les hommes de sang qui cherchent par
tous les moyens possibles à s'assurer l'impunité de leurs
crimes. L'ou se plaint , et avec raison , de ce que le comité
-u'a point encore été mis en jugement ; mais il ne fant pas 18
Tome XII.
M
( 178 )
•
borner à lui seul , il faut que le tribunal révolutionnaire , toute
affaire cessante mette ca jugement tous les scélérats , tous
les buveurs de sang , par-tout où ils se trouvent , de quelque
grade , de quelques fonctions qu'ils soient revêtus.
La Convention prononce d'abord l'arrestation de Lefebvre
et sa traduction an tribunal révolutionnaire. Sur la demande
de plusieurs membres , elle rend le même décret à l'égard de
Macé , capitaine du bâtiment , du caporal et des quate fusil
liers . Elle arrête ensuite que le tribunal revolutionnaire , toute
affaire cessante , jugera le comité révolutionnaire de Nantes ;
qu'il fera arrêter ses complices par- tout où ils se trouveront ,
à la charge d'en rendie compte au comité de sûreté générale
qui lui présentera les mesures ultérieures de sûreté qui pourraient
lui paraître nécessaires .
Voici les pieces dont Merlin est porteur ; elles sont si essentielles
à connaître que nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser
de les mettre sous les yeux de nos lecteurs .
-
Bouquet, commisoaire des guerres , au représentant Merlin . Nantes ,
le 10 vendémiaire , l'an 3e . de la République une et indivisible.
Lis et frémis d'horrear : dis à la Convention nationale que
je viens de dénoncer à tes collegues du comité de salut public ,
T'adjudant- general Lefebvre , qui a eu la feroce inhumanité de
faire noyer de sang -froid des femmes et des enfans à la mammelle ,
( Mouvement d'horreur et d'indignation . ) au mépris d'un
arrêté des corps constitués. Je t'envoie copie des pieces dont
les originaux sont entre mes mains : ta haine connue pour ces
infâmes généraux , me persuade que tu ne négligeras rien pour
faire arrêter de suite ce cannibale , qui commande à Painboeuf , et
qui revient des eaux de Bourbonne , où il a obtenu de se faire
guérir d'une épaule qu'il s'était foulée , non pas au service de
la République , comine il l'a peut- être fait accroire , mais en
faisant une châte au sortir d'un repas .
Salut et Fraternité . BOUQUET.
Extrait du registre des dilibérations de la Commune de Bourgneuf ,
le 3 ventôse , an 2º . de la République française une et indivisible ,
séance tenue par Guillony , Cavalier , Brisson, Olivier , Noël,
Béjaud et Piron ; Hymen , agent national , présent.
L'adjudant- général Lefebvre, commandant à Bourgneuf ,
ayant demandé à la municipalité son avis sur les cinquante
femmes et enfans , et deux hommes arrêtés et amenés ici hier
des marais de Saint- Cyr , pays reconnu pour insurgé et dont la
plupart des maris sont au brigandage ;
" A été arrêté de son consentement , vu le grand nombre
d'enfans , qu'ils seraient tous envoyés à Nantes au département
, pour y être jugés , et auquel il sera écrit à ce sujet ;
" Arrêté de plus que par l'avis du commissaire des guerres ,
toutes les personnes susdites seront de suite conduites au collet
( 179 )
par la garde , pour y être mises à bord du bâtiment qu'il a mis
en réquisition à cet effet , pour les conduire à Nantes sous la
responsabilité du capitaine dudit bâtiment ;
Arrêté en outre qu'expédition du présent sera envoyée au
département sous la signature des comparans ?
Pour copie conforme , AUCIER , secrétaire -greffier . "
Extrait des registres des déclarations faites par-devant la munici
palité de Bourg- aeuf.
Le 17 fructidor , an second de la République française ,
une et indivisible , a comparn le citoyen Bouquet , commissaire
des guerres à la résidence de Bourg- neuf, lequel a déclaré qu'il
s'etait passé , le 9 ventôse dernier , un événement dont il est
nécessaire pour la société de connaître les motifs et la justice ,
et consistant dans la mort de plusieurs femmes et enfias , jetés
à la mer à la hauteur de Pierre-Moine , dans la baye de Bourgneuf
, conduits sur le bâtiment de Pierre Macé , capitaine , par
ordre de l'adjudant général Lefebvre , signé de lui , et a donné
copie dudit ordre , dout a été requis le dépôt , qu'il a refusé
et a gardé devers lui , pour en faire usage ainsi qu'il appartient,
lequel ordre a été signé de nous en marge , et a ledit Bouques
signé. ›› Signé , BOUQUET.
A aussi comparu le citoyen Macé , capitaine du bâtiment
le Destin , lequel a déclaré qu'il avait reçu l'ordre dont il
s'agit , remis an citoyen Bouquet , et qu'en vertu de cet ordre
le 5 ventóse , il embarqua sur les 7 heures du soir , avec leurs
vivres jusqu'à Nantes , 41 personnes , parmi lesquelles se tronvaient
deux hommes , dont un aveugle depuis 6 ans , âgé de
78 ans ; douze femmes de différens âges ; douze filles de différens
âges , et quinze enfaus , dont dix depuis l'âge de 6 à
10 ans et ciaq à la mammelle ; qu'il les embarqua étant en
station à Bourg- neuf , avec quatre fusiliers volontaires et un
caporal , lesquels le lendemain , à 6 heures du soir , jeterent
les 41 personnes ci- dessus désignées , en vertu de l'ordre rapporté
, en présence dudit Macé et de l'équipage , aussi - tôt
qu'il fut à la hauteur de Pierre - Moine , et a ledit Macé signé . ‚
Signé , PIERRE MACÉ .
"
Suit la copie de l'ordre :
LIBERTÉ , INDIVISIBILITÉ , ÉGALITÉ .
Bourg- neuf, 5 ventôse , an 2º . de la République une et indivisible .
Il est ordonné à Pierre Macé , capitaine du bâtiment le'
Destin , de faire remettre à terre la nommée Jeanne Biclet ,
femme de Jean Piraud ; et le surplus sera çenduit par lui à la
hauteur de Pierre- Moine ; là , il les fera jeter à la mer comme
rebeiles à la loi ; et après cette opération , il retournera à son
poste. " Signé , LEFEBVRE , adjudant-général .
M &
1
( 180 )
An-dessous est écrit : De plus les quatre fusiliers et le ca
poral qui sont à son bord . Signé , P. FOUCAUD .
Pour copie conforme à l'original resté entre mes mains.
Signé , BOUQUET , commissaire des guerres .
Signé , HUBIN , maire ; GUITTENY , officier municipal,
Pour copie conforme , signé , AUGIER.
Pour copie conforme , signé , Bouquet.
Plusieurs sections de Paris , les sociétés populaires de Versailles
, de Sedan et de Poitiers , et un grand nombre d'autres
députations félicitent la Convention sur son adresse au peuple
et sur ses travaux , et l'invitent à rester à son poste . Elles expriment
leur attachement inviolable à la représentation natio
nale et à la République une et indivisible . Elles ne recon .
naissent que la Convention pour point de ralliement . Elles
vouent à l'indignation et au mépris public les hommes de
sang qui veulent par la terreur arrêter la vengeance nationale
qui les poursuit . Enfin elles l'invitent à ne pas souffrir qu'aucune
association entreprenne d'élever sa puissance contre la
sienne , et à faire respecter la souverainete qu'elle exerce au
nom du peuple. Mention honorable et insertion au bulletin .
Baraillon présente ensuite à la Convention quelques mesures
contre les fripons et dilapidateurs de la fortune publique ;
contre ceux qui ont adjugé ou se sont fait adjuger des biens
nationaux à des prix au- dessous de la valeur de l'estimation ;
contre ceux qui ont pillé ou dévasté les maisons d'émigrés ,
des déportés , des agens suspects ou des maisons nationales ;
contre ceux qui ont détourné à leur profit des deniers nationaux
; contre ceux qui n'ont pas fait remise des effets dont
ils se sont emparés dans les églises ou monasteres ; contre
ceux enfin qui ont levé , touché ou reçu des taxes révolutionnaires
sans en prouver l'emploi . Cambon observe que les
Comités des finances , de législation et de sûreté générale s'occupent
de cet objet ; qu'ils présenteront incessamment leur
travail. Les mesures proposées par Baraillon sont renvoyées
ces trois comités .
Crassous représente à la Conventiou qu'en ordonnant que
les cendres de J. J. Rousseau seraient transportées au Panthéon
, elle en a privé les habitans d'Ermenonville . Il demande
qu'il soit érigé dans cette commune un monument qui rappelle
à ces bons citoyens le séjour que J. J. a fait au milieu
d'eux. Renvoyé au comité d'instruction publique .
: Boissy il est un autre monument à élever à la gloire de
Rousseau ; c'est de déposer ses manuscrits à la bibliotheque
nationale. Il y a dix ans , lorsqu'on imprima ses oeuvres , que
les éditeurs s'engagerent de les déposer dans la bibliotheque
d'un peuple libre : jusqu'à présent ils n'avaient pu le trouver ;
aujourd'hui il existe , c'est le peuple français . Je propose que
la Convention les fasse demander à l'un des éditeurs , qui ha
( 181 )
bite Neufchatel en Suisse . Je suis persuadé qu'il ne refusers
pas de céder à la République ce monument de la gloire de
Rousseau . La proposition de Boissy est décrétée .
-
Un secrétaire fait lecture d'une lettre des députés de la
Convention , détenus dans la maison d'arrêt de Port - Libre ,
et dont voici la substance : Cambon a proclamé dernierement
à votre tribune les inquiétudes du comité de salut public
sur les évenemens du 31 mai peut-on nous faire un
crime de les avoir partagées ? Cependant , depuis un an , nous
voyons se renouveller pour nous le régime de la bastille ,
Nous comptons nos jours par
des outrages et nos nuits par
des sentimens de terreur. Nous vous demandons justice ; pour
nous , car nous avons besoin que notre innocence paraisse
dans tout son éclat ; pour vous car vous ne pouvez pas vou
loir que nous soyions plus long- tems opprimés. Un membre
appuie cette demande , et il propose que les comités de salut
public , de sûreté générale et de législation s'occupent , sans
délai , de l'examen de l'affaire de tous les députés détenus
dans les maisons d'arrêt , ou qui sont en arrestation chez eux
et au nombre de 71 , et qu'en attendant , la piece qui a servi
de motif à leur détention soit imprimée et distribuée aux
membres . Cette proposition est décrétée à l'unanimité et au
milieu des plus vifs applaudissemens . Un autre membre a demandé
que les détenus fussent présens à ce rapport. La Con
vention a passé à l'ordre du jour , motivé sur ce qu'un décret
consacrait ce droit.
Séance de tridi , 23 Vendemiaire .
Richard , au nom du comité de salut public , annonce à la
Convention la nouvelle officielle de la prise de Bois- le - Duc
et que nous avons trouvé dans cette place 146 bouches à feu
dont 107 en bronze , 130 milliers de poudre , une quantité
immense de fer coulé , et gooo fusils . Les prisonniers de guerre
sont au nombre de 2,500 . Nos quartiers d'hiver et nos subsistances
se trouvent ainsi assurés . Il ajoute que la place, de
Bois-le-Duc , si importante par ses rapports militaires et politiques
, a été regardée , depuis le fameux siège du prince d'Orange
, comme inattaquable , et que jamais siége n'offrit plus de
difficultés . Aussi les préparatifs de nos généraux ont- ils été
savans , et les armes du génie et de l'artillerie ont bien secondé
les bayonnettes , et quinze jours ont suffi aux Républicains pour
s'en rendre maîtres . Il termine par dire que les représentans
du peuple , Lacombe et Bellegarde , qui ont fait part de cette
nouvelle au comité , lui annoncent que le brave Pichegru est
malade , mais qu'il sera bientôt guéri, Ce courageux Républi
cain a fait ces deux dernieres campagnes sans être battu . La
général de division , Moreau , distingué par les services impor
tans qu'il a rendus , le remplace provisoirement.
Parmi les dresses qui formaient la correspondance , on a
M 3
( 182 )
distingué celle de la société populaire de Dijon . Elle était
conçue en termes très équivoques , et l'on voyait qu'elle cherchait
à paraître venir à resipiscence , sans cependant abandonner
aucun de ses principes . L'adresse est en effet moins violente
que la premiere , mais elle roule dans le même sens .
Legislateurs , y est-il dit , quand vous avez décrété la mention
honotable et l'insertion au Bulletin de ces adresses doucereuses
qui improuvaient la nôtre , vous n'avez pas remarqué le poison
dangereux qu'elles distillaient . On veut en diffamant les sociétés
Populaires , desunir le peuple d'avec le psnple ; nous ne sommes
pas les dupes de ces captieuses insinuations. Nons jurons de
soutenir les Jacobins et les sociétés populaires qui sont dans les
bous principes . Nous nous rallierons à la Convention , et nous
ne reconnaitrons qu'elle pour point de ralliement . 99
Romme en demande la mention honorable et l'insertion au
Bulletin , mais Guyomard et Rewbell combattent cette proposition
la regardent cette adresse comme une demi-conversion .
Is voient qu'elle a tonjours l'impudeur de s'élever contre les
décrets de la Conventien , et de se croire le peuple . D'ailleurs ,
elle est dementie par la conduite des signataires qui , étant en
même tems membres de la municipalité , ont poussé l'audace
jusqu'à refuser d'exécuter les arrêtés du comité de sûreté générale
pour les mises en liberté , avant d'y avoir apposé leur
visa .
Après une courte , mais assez vive discussion , l'Assemblée
refuse la mention honorable et l'insertion aú Bulletin , et renvoie
l'adresse au comité de sûreté générale .
Richard prend de nouveau la parole , au nom des comités de
salut public , de commerce et des approvisionuemens , et il fait
decreter que les représentans du peuple , Villier et Desrues , se
Tendront sur le champ aux ports de Brest et de l'Orient , pour
accelerer l'envoi et ta distribution , tant à Paris que dans les .
départemens , d'une quantité très- considérable d'objets de picmiere
nécessité qui y sont en ce moment.
Un mendre observe que près des armces il existe des dépôts
de matieres qui seraient d'une utilité très - grande pour l'usage
des citoyens . Il cite les suifs , dont une très - grande quantité est
emmagasinée près les armees et n'y est d'aucun usage . Il demande
que la commission de commerce et des approvisionnemens
s'occupe sans délai de la répartition de ces matières
premieres .
Richard declare que la commission s'occupe de ces mesures,
et il fait espérer à la Convention que bientôt les citoyens
ressentiront les heureux effets de ses travaux .
Un autre membre dir que Brest et l'Orient ne sont pas les
seuls ports où les matieres et marchandises prises sur l'ennemi
aient été emmagasinées . Il proposé de charger les représentans
du peuple en mission dans les départemens maritimes ,
de prendre les mêmes mesures. Cette proposition est décrétée,
( 183 )
La Convention nomme ensuite à 46 grades dont elle a la
disposition , anx termes des décrets .
La société populaire de la rue de Seve , et celle des defenseurs
de la République , viennent feliciter la Convention sur
son adresse au peuple , et rendre hommage aux principes
qu'elle y a développés .
Une députation de la section des Champs - Elysées vient
rétracter les adhésions qu'elle avait données aux adresses que
la Convention avait improuvées .
Les représentans du peuple près l'école de Mars écrivent
à la Convention qu'il est impossible de leur procurer une
jouissance plus douce , que celle que leur donnent tous les
jours les éleves de l'école de Mars , dont la surveillance leur
est confiée , par le bon esprit qui regne parmi eux , et par la
conduite vraiment admirable qu'ils ont tenue en allant à Poissy ,
et pendant leur séjour dans cette ville .
Toutes les municipalités voisines admirent la discipline qui
regne parmi eux , et qui s'y maintient sans contrainte. La
uit précédente on a battu la générale à 2 heures du matin ;
en moins de dix minutes toute l'armée était en bataille dans
le plus grand ordre et le plus absolu silence. Les manoeuvres
s'exécutent aussi avec promptitude et la plus grande précision .
La séance s'est terminée par la lecture qu'a faite Bréard ,
au nom du comité de salut public , de la lettre qu'ecrivent
les Républicains composant l'armée navale à la Convention
nationale . Matelots , soldats , officiers , capitaines , généraux , ”
tous jurent que , ralliés à l'étendard glorieux que leur a donné
la patrie , et qui flotte au milieu de leurs vaisseaux , guidés
par lui au chemin de la victoire , ils vont bientôt délivier les
mers des brigands qui les infestent , comme leurs freres des
armées de terre ont purgé le sol de la liberté des esclaves
qui le souillaient. Bréard ajoute que 26 bâtimens pris sur les
ennemis sont entrés dans les ports de la République , et que
9 ont été coulés à fond .
Séance de quartidi , 24 Vendemiaire.
Sur les plaintes d'un volontaire estropié , et dont la mere
indigente n'a reçu aucun secours , la Convention décrete que
le comité des secours fera rendre compte à la commission
de l'emploi des sommes qui sont à sa disposition pour cet
`objet.
Léonard Bourdon se plaint aussi de ce qu'il est calomnié
par l'Orateur du peuple ; il demande une loi contre les calomniatcurs.
Pelet observe que la loi existe et réclame l'ordre
du jour. Il ajoute que les députés ne doivent pas avoir une
justice particuliere , et que , comme les autres citoyens , ils
doivent avoir recours aux tribunaux , lorsqu'ils sont injustement
attaqués . L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la
réclamation de Bourdon. M. 4.
( 134 )
Les se fons des Piques et de Bonne-Nouvelle , l'administration
du district de Versailles , plusieurs communes et antorités
constituées félicitent la Convention suu son adresse
` énergique aux Français . La section de Bonne- Nouvelle rejette
sur les agitateurs qui sont dans son sein l'adhésion qu'elle a
donnée à l'adresse de la société populaire de Dijon ; mais elle
a appris à les connaître et s'en défiera . Elle termine ainsi :
il faut enfin que l'honnête homme respire , il faut дне les
fonctions publiques soient gérées par des hommes purs , que
la Convention soit respectée . La section ne reconnaît point
d'intermédiaire entre le peuple et la Convention , son mot
d'ordre est la seule Convention , toute la Convention , et rien que
la Convention . ( Applaudissemens . ) Ces adresses seront insérées
au bulletin .
Au nom du comité de législation , Garran- Coulon sonmet
à la Convention un projet de décret sur les incompatibilités.
des fonctions administratives et judiciaires. Il dit que toutes
les lois faites à cet égard et celle qu'il propose dérivent de ce
grand principe que la séparation des pouvoirs est le plus sûr
garant de la liberté et de la justice . On a conclu de- là que
les fonctions administratives et judiciaires devaient être exercéés
par des mains différentes , et que dans l'ordre de chacune
de ces fonctious , celles du même genre qui étaient subordon.
nées les unes aux autres , ne pouvaient pas non plus être exercées
par les mêmes personnes . Eufin , comme les fonctions
publiques ne doivent pas être un objet de cupidité pour les
citoyens , et que le traitement qui y est attaché n'est qu'une
indemnité du tems que les fonctionnaires emploiraient à se
procurer leur subsistance et celle de leur famille , on a encore
établi l'incompatibilité de deux traitemens trop considérables
et celles des fonctions auxquelles ces traitemens sont attachés ,
· C'est d'après ces bases que le rapporteur propose et la Convention
adopte le décret .
Boissier , au nom du comité de marine et des colonies , fait
adopter un décret que nous donnerons également au prochain
numéro .
La rédaction de plusieurs décrets rendus dans les séances.
précédentes , est définitivement adoptée ainsi qu'il suit :
La Convention nationale décrete que tous ceux qui ayant
fait faillite ne se sont pas complettement libérés avec leurs
créanciers , ne peuvent exercer aucune fonction publique
Le bureau des domaines nationaux de Paris et les corps
administratifs sont tenus de faire lever , dans le délai de deux
décades , sous peine de supporter les frais de garde , tous les
scellés qui ont été ou seront apposés sur les meubles et effets
des émigrés , déportés , condamnés ou détenus , pour lesdits
meubles et effets être vendas ou inventoriés ,,,
Lesnotaires qui depuis la loi du 29 septembre 1791 , ayant
1
>
f 185 )
continué leurs fonctions ,, oont été suspendus ou destitués ,
faute d'avoir produit dans le délai prescrit le certificat de
eivisme exigé par la loi ; ceux qui n'ayant pa l'obtenir ont
donné leur démission pour ne pas encourir la peine de suspicion
, et qui néanmoins l'ont produit depuis ou le produiront
à l'avenir , seront immédiatement réintégrés dans leurs
fonctions.
La vente des immeubles nationaux , suspendue par arrêté
du comité de salut public , du 10 messidor , sera continuée . "
Séance de quintidi , 25 Vendemiaire .
Salengros présente des mesures pour rendre la Sambre navi
gable. On demande le renvoi aux comités d'agriculture et de
commerc , pour en faire un rapport sous trois jours . Duhem
observe que les transports sur le Rhin en seront beaucoup plus
faciles. Le renvoi est décrété pour en faire un rapport dans
ec délai .
Les pétitionnaires sont adm's . Ce sont des députations des
communes de Calais , Thouars , Versailles et Montmarat , qui
viennent féliciter la Convention sur son adresse au peuple
français .
Le lycée des arts après s'être acquitté de ce devoir civique ,
instruit la Convention d'une nouvelle dévouverte , qui consiste
à faire de la potasse avec les sommites du lilas , c'est - à - dire les
grains qui tiennent apaès la fleur de cet arbre . Les expériences
faites , ont donné soixante- quinze livres de potasse sur cent
livres de cette graine . Bordons nos routes de lilas et de marronniers
, dit l'orateur , et s'est en semant des fleurs sur nos pas
que nous nous procurerons les moyens de fabriquer la foudre
qui écrasera le reste des tyrans coalisés contre la République . »
Delmas , au nom des trois comités réunis , présente un projet
' de décret , dont l'objet est de défendre entre les sociétés quelconques
, une correspondance en nom collectif , et de les
remettre sous l'action du gouvernement. Une vive et longue
discussion s'éleve . Pelet demande l'ajournement , Thibeaudot
l'appuie. I invoque les droits de l'homme , qui permettent.
à tous les citoyens de s'assembler paisiblement et de correspondre
entr'eux . Cependant il convient que l'on a eu tort de
donner une part au gouvernement , aux sociétés populaires . On
lui répond que personne ne conteste les services rendus par
les sociétés populaires , et qu'elles ont puissamment concouru
à renverser la tyrannie ; mais que beaucoup d'intrigans , de
scélérats couverts du masque du patriotisme s'y sont introduits
et veulent renverser la liberté . Le foyer de la contre - révolution
n'était-il pas aux Jacobins le 9 thermidor ? Qui ignore que c'est
dans cette société qu'une foule de continuateurs de Robespierre
se sont refugiés ? L'objet du décret est de ramener les
sociétés populaires sous l'action du gouvernement ; cela atta
que -t-il la déclaration des droits ? Lejeune n'en prétend past
( 186 )
moins que ce projet conduit à ravir aux citoyens le droit que
leur assurent la déclaration des droits et la constitution . Merlin
( de Thionville ) s'écrie qu'on s'écarte de la question , et qu'on
cherche à donner le change au peuple , en lui faisant croire
qu'on veut détruire les sociétés populaires , ce qui n'est pas
dans l'esprit de la Convention ; de toutes parts l'on entend ,
non , non ; et les tribunes applaudissent vivement .
1
Rewbel prenant la parole , s'adresse au peuple , et lui montre
le précipice où les hommes qui empruntent son nom voudraient
l'entraîner ; des hommes qui, non rassassiés d'une partie de son
sang qu'ils ont fait couler , voudraient en verser jusqu'à la
dernière goutte . Bentabole : qui a été nommé pour sauver le
peuple ? La Convention . La Convention doit donc être libre
et digagée de toute entrave , et ne doit pas souffrir à coté
d'elle une autorité rivale . Si elle la souffre , elle éloigne le
vaisseau du port ; le sang , le meurtre , tous les crimes se répandent
de nouveau sur la terre . Quoi les autorités ne pour
ront point correspondre entr'elles , et des sociétés en aurout le
droit ! Je le demande au peuple : qu'il parle et qu'il dise lequel
des deux centres il préfere , des Jacobins ou de la Convention
! Des cris innombrables partent des tribuues : Vive la Con¬
vention .
Bourdon ( de l'Oise ) : quelles sont les sociétés dont on parle?
Je les regarde comme des collections de moines qui se choi
sissent entr'eux , et j'en conclus que c'est une aristocratie . Ce
n'est pas que je pense que les citoyens ne puissent pas se
reunir paisiblement en société ; mais je vois l'aristoerație dans
les affiliations et les correspondances entr'elles . Voulez- vous
avoir une paix gloriense , ajoute Bourdon , dites aux Belges :
Vous serez libres sans Jacobins ; la liberté ne vous coûtera pas
comme à nous du sang , des meurtres par lesquels Pitt a voulu
éloigner de nous les peuples . Ne faites pas dire aux étrangers :
avec qui ferons - nons la paix , est- ce avec les Jacobins ou avec
la Convention ?
Duhem , Grassous , Dubarran , demandent l'ordre da jour ;
Dubois Crancé et Thuriet l'adoption du décret ; enfin il est
mis à la discussion article par article , et adopté comme il
suit :
Art. Ier. Toutes affiliations , aggrégations , fédérations ,
ainsi que toutes correspondances , eu nom collectif entre sociétés
, sous quelques dénominations qu'elles existent , sont
defendues comme subversives du gouvernement et contraire à
l'unité de la République .
" II . Aucunes pétitions ou adresses ne peuvent être faites en
nom collectif.
" Elles doivent être individuellement signées .
,, III . Il est défendu aux antorités constituées de statuer sur
les adresses ou pétitions faites en nom collectif.
" IV. Ceux qui signeront comme président ou secrétaire ,
1187 )
des adresses ou pétitions faites en nom collectif , seront arrêtés ,
et détenus comme suspects .
" V. Chaque société dressera , immédiatement après la
publication du présent décret le tableau de tous les membres
qui la composent.
" Ce tableau indiquera les noms et prénoms de chacun des
membres , son âge , le lieu de sa naissance , ' sa profession et
demeure avant et depuis le 14 juillet 1789 , et la date de son
admission dans la société .
VI . Copic de ce tableau sera , dans les deux décades qui
suivront la publication du présent décret , adressée à l'agent
national du district.
,, VII . Ii en sera , dans le même délai , adressé une autre
copie à l'agent national de la Commune dans laquelle chaque
société est établie .
Cette copie sera et demeurera affichée dans le lieu des
séances de la municipalité .
" VIII . A Paris , l'envoi prescrit par l'article précédent
sera fait à l'agent national piès la commission de police administrative
; et l'affiche , ordonnée par le même article , aura
lieu dans la salle des séances de cette commission .
,, IX , La formation , l'envoi et l'affiche des tableaux ordonnés
par les trois articles précédens , serout renouvellés dans les
deux premieres décades de nivôse prochain , et ensuite de trois
mois en trois mois .
" X. Tout contrevenant à ene disposition quelconque du
présent décret seaa arrêté et détenu comme suspect.
Séance de sextidi , 26 Vendemiaire .
Giraud , au nom du comité de commerce et des approvisionnemens
, soumet à la discussion un projet de décret , relatif
aux citoyens dout l'industrie et les relations à l'étranger ont
pour but d'encourager les manufactures , vivifier le commerce
et introduire dans la République les matieres premieres propres
à alimenter nos fabriques . Ce projet est adopté dans les
termes suivans :
Art . 1er, Tout citoyen dont l'industrie et les relations
tendent à vivifier le commerce et les manufactures , ou à introduire
dans la République des matieres premieres propres à
les alimenter , mérite bien de la patrie .
11. Le droit de requisition et de préemption ne pourra
être exercé sur les matières premieres que les fabriquans justifieront
avoir fait venir de l'étranger pour l'aliment de leurs
fabriques .
99 III. Le présent décret sera inséré au bulletin des lois et
des correspondances . ",
Sur le rapport du comité des finances , la Convention nas
tionale décrete que le citoyen Lagrange , mathématicien , continuera
de jouir de la pension viagere de 6000 liv. qui la
avait été accordée,
་( 188 )
Romme expose que le citoyen Messier , astronome , rend de
grands services à la matine depuis 40 ans . Il vient de faire
une chûte qui lui a cassé un bras et une jambe . Il est dans
ne si grande pénurie , qu'il n'a pas de quoi acheter une
chandelle pour travailler pendant la nuit. Il demande pour
lui un secours provisoire et un emploi dans la marine .
Renvoyé au comité des secours .
Navier , représentant du peuple , détenu dans la maison
d'arrêt de Port- Libre , demande à la Convention la permission
de rentrer dans sa maison à cause de l'altération de sa santě ,
et pour prendre des remedes qu'il est impossible de se procarer
en prison. La permission est accordée . Un membre
saisit cette occasion et dit que Lamarre , qui est aussi député ,
se trouve dans le même cas , mais qu'il est . gardé par an gendarme
. La Convention décrete que le gendarme se retirera .
Eschasseriaux présente la suite du décret sur la révision de
la loi des émigrés . Quelques dispositions en sont décrétées
avec des amendemeus . Nous les donnerons dès que la rédac
tion en aura été définitivement adoptée .
Duhem demande , par motion d'ordre , que l'on prenne
des mesures d'administration relativement à la Belgique . Il la
représente comme remplie de commissaires qui se croisent et
entravent la marche du gouvernement. Il dit que les habitans
ne savent à quoi s'en tenir , et que les malveillans en profient
pour éloigner de nous leurs coeurs .
Tallien répond à Duhem que ce n'est pas dans le moment
où nous entrons dans la Hollande qu'il faut faire un plan de
Jégislation pour la Belgique . Nous ne devons regarder la Belgique
que comme un pays conquis , où nous devons prendre
tous les dédommagemens que nous pouvons y trouver pour
les frais de la guerre . Nous ne tarderons pas sans doute de
nous occuper des principes politiques qui doivent nous diriger
dans les négociations . Mais quant à la motion de Duhem .
il pense qu'il ne faut rien précipiter , et il conclut à l'ordre du
jour. ( Adopté. )
PARIS , 29 Vendémiaire , l'an 3º . de la République.
Le décret sur les sociétés populaires à été l'objet d'une
Bongue discussion dans la séance des Jacobins du 26 de ce
mois . Après une délibération très-embarrassante , la société a
chargé son comité de correspondance de présenter à la prochaine
séance les moyens par lesquels elle pourra continuer ses
relations avec les tociétés affiliées , sans violer le décret qui les
défend en nom collectif.
On apprend que le bombardement de Dusseldorf se continue
avec la plus grande activité . Il en est de même du siège de
Maestricht,
( 189 )
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Le 25 , a commencé l'instruction du procès des membres da
comité révolutionnaire de Nantes . Que les ames sensibles lisent
si elles peuvent ce tissu de crimes et d'horreurs ; il faudrait
créer une langue pour les exprimer ; et cependant il s'est trouvé
des hommes qui les ont commis de sang - froid , et qui survivent
à lenr conscience ! S'il était encore quelque sentiment d'humanité
dans l'ame des partisans du regne de Robespierre , il fandrait
, pour tout supplice , les condamner à assister à ce juge
ment. Nous allons choisir les principaux traits de l'acte d'accusation.
Extrait de l'acte d'accusation.
4. La nuit du 24 an 25 frimaire , 129 prisonniers , pris au
hasard , sont arrachés des cachots ; liés , garottés , traînés sur le
port , embarqués sur une gabarre , ct engloutis sous les eaux.
Goulin tenait la liste fatale fatale ; Joly liait les malhenreuses
victimes , et Crand - Maison les précipitait dans la Loire. Le
projet fut arrêté dans le comité , et les ordres donnés par ses
membres. Maignet convient l'avoir signé , Grand-Maison avoue
qu'il a lui-même fait engloutir les victimes , et Goulin prési
dait à cette exécution funeste qui confondit en un instant le
coupable et l'innoent , qui détruisit tous les droits sacrés de la
nature , viola ceux de la liberté , et d'un nuage de sang obscurcit
les plus beaux jours de son regne.
La nécessité avait , dit- on , exigé cette mesure , et les cir◄
constances étaient impérieuses . A-t-on jamais pu transiger avecla
justice et l'humanité ? Quelle loi barbare peut conférer à
des citoyens le droit de faire périr ses concitoyens , sans
avoir scellé du sceau de la justice le crime qui les rend coupables
?
" Des victimes innocentes , des enfans sortant à peine des
mains de la nature , étaient désignés par ces nouveaux Caligula
; ils étaient livrés aux flots . Les prieres des citoyens ne
purent toucher le coeur de ces barbares . Maignet est le seul
dentr'eux qui déclare en avoir sourtrait au naufrage près de
500 , qu'il confia , à l'insçu de comité , aux soins bienfaisans
des habitans qui les réclamaient.
,, Néron contemplait le fatal vaisseau qui renfermait sa mere
et que les eaux du Tibre faisaient flotter sous ses fenêtres ;
les membres du comité de Nantes veulent l'imiter. Ils font
construire une gabarre à soupape : elle est destinée à recevoir
les victimes que le hasard désignera ; et plus d'une fois elle
servit lear trop cruelle barbarie . Ils ne voilaient , pas même
entr'eux leurs forfaits ; et Maiguet déclare qu'ils appelaient ces
affreuses expéditions , les baignades. C'est ainsi qu'ils qualiGaient
un crime que Néron rougit d'avoir commis une seule fois sur
une seule personne , et qu'eux , plus erueis et plus scélérats ,
ent commis plusieurs fois et sur des milliers de malheureux.
( 190 )
1
Quoiqu'on ait des preuves matérielles de plus d'une expédition
de ce genre , on a l'aveu de plusieurs accusés qui ;
décbfvés par les remords , ont été forcés de déclarer qu'il y en
avit cu de quatre à huit , ce sont leurs expressions .
Deux des malheureux dévoués à la mort , engloutis sous
es eaux , luttent contre les flots et s'échappent à la faveur des
ombres de la nuit ; c'étaient Leroy et Garnier . Ils sont rencon-
Pres le lendemain , encore tremblans et respiraus à peine .
Gaullin , Chaux et Graudinaison en sont instruits : ils deli
berent si on les replongera à l'eau ; et ils finissent par les
merie dans des cachots , où ils languirent pendant 3 mois .
Les 129 individus enlevés des prisons n'étaient qu'une
partie des malheureux inscrits sur la fatale liste : elle en coutenait
150. La copie de cette liste est jointe atx pieces .
Ivies de sang et de vin , ces cannibales reconnaissaient
à peine leurs victimes , et leurs yeux se refusaient à lire la
trace de leurs forfaits .
" Pour consommer tant de crimes , il fallait s'associer les
êtres les plus immoraux. On forme une compagnie revolu
tionnaire ; on choisit les sujets les plus abjects et Goullin
osait demander encore s'il en existait de plus scélérais .
"
C'est cette compagnie qui fut l'instrument de tous les
crimes du comité. Plusieurs des citoyens qui la composaient
étaient égarés ; et l'aveu qu'ils en ont fait , ne laisse pas don
ter un instant des mauauvres que l'on employait pour les
faire agir.
Tant d'atrocités devaient émouvoir l'ame du patriote . Pas
un Nantais n'ose élever la voix ; chacun d'eux venait courber
la tête sous le joug de ces despotes sanguinaires ; un seul veut
venger sa pairie ; Phelippes , accusateur public , verbalise
contre le comité ; il lui demande compte des sommes qu'il a
touchées et des innocens qu'il a sacrifiés ; il invite chaque
citoyen à lui donner le relevé de ce qu'il a payé , et à lui
procurer les connaissances certaines des actes arbitraires de
ce comité. Ces demarches ne sont pas infructueuses ; une
foule de preuves s'accumule ; on se rallie autour de cet homme
qui ose attaquer les nouveaux tyraus ; on lui parle le langage
de , la verite ; il est bientôt convaincu de la scélératesse des
membres du comité ; il consigue les faits dans des procès-ver
baux qui sont joints aux pieces du proces . Se voyant ainsi
poursuivi , le comité fait afficher une ordonnance qui invite les
citoyens à venir déclarer ce qu'ils avaient donné .
་
Les particuliers se présentent ; ou leur fait écrire ce que ,
In veut ; on leur fait declarer qu'ils ont donné librement telle
me , tandis qu'ils y avaient été forcés ; on leur fit désigner
ni une paris pour les frais du comité , une autre pour
ricité de l'air , une autre pour l'arrangement d'un cheerait
extrêmement nécessaire à Chaux , et enfin une
}
pour payer les frais des voitures qui avaient con❤
Son is malheureux désignés par le comité.
i 191. )
- ,, La déclaration des citoyens produisit la connaissance d'une
recette d'environ 500,000 liv . que le comité avait faite , et cepen
dant son compte ne portait en actif que 200 et quelques mille 1 .
" Deja Phelippes soulevait le voile qui cachait la verité ; déja
on apperçoit ses premiers rayons , lorsqu'il est traduit au tribunal
revolutionnaire par ces hommes qui craignaient la lumiere ,
et qui pâlissaient à l'aspect de la vertu .
Ainsi se réalisa la promesse de Grand-Maison . Les membres
du comité avaient surpris la confiance des représentans du peuple
Bourbotte et Bo ; mais la justice triompha ; les membres du comité
furent bientôt démasqués ; les deux représentans du peuple
les firent incarcérer , et les traduisirent au tribunal révolutionnaire
.
" C'est ainsi que ces hommes sanguinaires , foulant aux pieds
l'honneur , prétendaient euter la liberté sur le tronc sauvage du
crime ; c'est ainsi que ces hommes barbares croyaient , à l'ombre
de l'impunité , consommer leurs forfaits ; ils voulaient assassiner
la liberté et plonger leur patrie dans de nouveaux fers . Dignes
émules de Robespierre , ils ne comptaient leurs jouissances que
par le nombre des victimes , et la soif du sang était pour eux un
besoin.
1
,, Loin d'éteindre et d'anéantir une guerre malheureuse qui
déchire le sein de la patrie , ils en attisaient le feu par leurs
cruautés ; ils servaient les projets de nos perfides ennemis , qui ,
pournous subjuguer , ont recours à tout ce que la bassesse leur
suggere ; qui , ne pouvant attaquer de front les Républicains ,
cherchent dans leur sein de vils esclaves qui cachent sous le
masque du patriotisme l'ame la plus scélérate et le coeur le plus
corrompu .
29
Qu'onjette un regard sur leur vie privée , qu'on les considere
particulierement , on verra Goullin commandant despotiquement
ses collegues et les forcer à signer tout ce que sa
cruauté lui suggérait ; on l'entendra répondre à une malheu
reuse épouse qui demande des nouvelles de son mari : « Bon ,
qu'importe ; plutôt il mourra , plutôt nous aurons son bien .
,, Parcourez la vie de Chaux , vous le verrez au district ,
intimidant et menaçant tous ceux qui paraissent ses concurrens
, et se faire adjuger tontes les métairies de la terre de
la Barossier ; vous l'entendrez dire , en parlant d'un local
qui lui convenait : Je connais un moyen de
procurer ; je ferai arrêter le propriétaire , et pour sortir de
prison , il sera assez heureux de m'abandonner son terrein .
me le
,, Perrochaux marchande froidement la liberté des citoyens :
la fille Bretonville sollicite pour son pere ; pour prix de
sa liberté , il exige le sacrifice de l'honneur de cette intéressante
solliciteuse : il demande à la citoyenue Ollemard
Dudan 50 mille liv. pour l'exempter d'être incarcérée .
,, Il saisit à la veuve Daigneau Mallet pour 60 livres de tabac ,
il la conduit en prison : quelques tems après elle recouvre sa
( 192 )
liberté ; elle réclame sa marchandise ; Perrochaux paraît s'interresser
pour elle , il l'invite à le suivre à la maison du Bon
Pasteur , et là , il lui déclare qu'elle est de nouvean prisonniere .
La citoyenne Decombe est par lui conduite sur une galiotte
hollandaise où elle périt de misere.
,, Grand- Maison fut assassin avant la révolution ; depuis
il maltraitait toutes les malheureuses victimes qu'il incarcerait ,
il s'appropriait l'argenterie que l'on séquestrait , il exécutait les
noyades et signait les arrêts de mort .
Jolly faisait les exécutions , il s'emparait de tout ce qu'il
trouvait bijoux , argenterie , effets précieux , tout convenait
sa rapacité : il était grand exécuteur , c'était lui qui liait les
malheureux condamnés à mort , et qui se trouvait à toutes les
ceremonies journalieres du comité .
" Bachelier , comme président , conduisait toute les opérations
du comité ; il faisait incarcérer tout ce qui nuisait à ses
intérets ; il s'appropriait l'argenterie qu'on offrait en døn , et
dirigait les expeditions nocturnes.
" Bologniel conduis t jusqu'à Angers les cent trente - deux
Nantais envoyes à Paris , il leur fit éprouver les plus horribles
tourmens ; il souffrit qu'un malheureux pere eût toute une
nuit le spectacle déchirant de son fils mort à ses côtés . A son
retour , il força Delamarre à lui rendre un bon de vingt mille
livres , signé du représentant Carrier , qu'il lui avait remis
avant son départ , et dont il avait touché le moutant .
Naux levait et posait seul les scellés chez les particuliers
incarcérés ; il faisait des visites nocturnes dans les maisons des
détenus , et s'appropriait tout ce qui lui convenait.
" Pinard était le grand pourvoyeur ; il servait aux expédi
tions de la campagne ; il pillait , volait impunément et fesait
conduire chez chacun des membres du comité tout ce dont
ils avaient besoin pour l'usage journalier de leur maison .
Maignet était l'instrument passif du comité ; il signait tout
ce qu'on lui présentait , notamment les arrêts de mort et l'ordre
des noyades.
" Gallon s'appropriait les huiles et les eaux-de -vie ; il en a
pris , sans payer , plusieurs barils chez le citoyen Plissonueau ,
" Durassier faisait les visites domiciliaires ; et exigeait des
contributions. N at payer au citoyen Lemoine 2,400 liv. pour
n'être pas incarcéré .
Bataillé et Lévêque étaient les agens secrets du comité ; ils
arrêtaient indistinctement avec ou sans ordre , et étaient toujours
prêts à marcher au moindre signal des membres du comité.
" Les conspirateurs les plus prononcés , les ennemis les plus
cruels de la République ont-ils plus perfidement assassiné la
liberté ; ont- ils attenté avec plus d'audace à la souveraineté nationale
? Concussions , dilapidations , vols , brigandages , immoralité
, abus d'autorité et de pouvoir , meurtres , assassinats ;
voilà les crimes dont les accusés se sont couverts , et voilà les
srimes que le tribunal a à punir. ››
( N. 7. )
MERCURE FRANÇAIS.
DU QUINTIDI 5 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République..
( Dimanche 26 Octobre 1794 , vieux style . )
ON
ENIGM E.
N me voit peu dans l'Italie ,
Dans la France , je suis bien plus communément,
Je ne connais pour ma patric
Que de certains cantons où l'on m aime ardemment.
Ma couleur est plus ou moins blonde .
Je ne suis point aimé de tout le monde ,
Encor moins fus -je aimé des Dieux ,
Quoique je sois un don des cieux .
Immédiatement je descends d'une mere ,
Origine , dit - on , de beaucoup de misere .
L'instant où je naquis decida de son sort.
La roue , hélas devint l'instrument de sa mort.
Jef
LOGO GRIPH E.
E fais l'amusement de ma belle maîtresse
Par mille iunoceus petits jeux :
Je lui plais , elle me carresse ;
D'un tendre amour nous nous aimons tous deux.
Sept pieds composent tout mon être .
A ces traits , cher lecteur , tu peux me reconnaître,
J'offre à tes yeux quatre saisons ;
Un effronté qui va gueusant par les maisons ;
Deux ames l'une l'autre unics
Jusqu'au point d'exposer leurs vies ;
Un mot qui marque l'amitié ;
Un autre dont l'orgueil est très mortifié
Mais en me retranchant la tête ,
S'il te plaît d'arracher mon coeur
Adieu mes amours ma conquête !
Mou reste en corrige l'ardeur.
Tome XII . N
( 194 )
·
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Essai historique et politique sur l'état de Gênes , considéré sous le rapport
des avantages que sa position peut offrir aux armes de la République
française , en cas de guerre en Italie ; rédigé d'aprés diffe .
rens mémoires , par un agent politique'de la Republique , en Itatic .
Un volume in 80 , de 316 pages , Prix , 4 liv . Chez A. Cl . Forget ,
ue du Four- Honoré , uº . 487 .
Voi
OICI l'idée générale et le tableau intéressant et curieux
que l'auteur donne de l'état de Gênes. Cette ville est la capitale
d'un état que les Romains nommaient Ligurie Cisalpine ,
et qui conserve encore aujourdhui , à peu de choses près ,
les bornes qu'il avait alors . Les révolutions qué Gênes a éprouvees
lui ont fait perdre les établissemeni que le génie et
le courage de ses habitans lui avaient formes en Asie et en
Afrique .
i
Daus ces tems d'aveuglement où par l'absurde piété de nos
ancêtres on vit les princes abandonner leurs états ; les particuliers
, leurs familles , et porter au delà des mers une imprudence
si digue des malheureux succès qui l'ont suivie ; les Génois
partageaient avec un petit nombre de nations les moyens
mécessaires à l'exécution de ces projets . Ils avaient tellement
perfectionné la navigation , qu'ils étaient, alors les plus habiles
pilotes de la Méditerranée , et peut-être les seuls commerçans de
I'Eope.
Les counaissances particulieres que ces républicains avaient
des lieux où l'on voulait porter la guerre , et la situation avantageuse
de leur pays firent choisir Gênes pour être l'entrepôt
des préparatifs indispensables à ces étonnantes entreprises . Les
Génois ouvrirent leurs ports à toutes les puissances de l'Europe
. La fertilité de l'Italie remplir leurs magasins de cette
imsease quantité de vivres nécessaires à d'innombrables armées.
Excellens mécaniciens , ils inventetent une nouvelle artillerie
, dont on fit usage avec succès dans les sièges qui sonmirent
tant de places aux Européens , et tandis que les flottes
des autres nations ne transportaient en Asie que des combattaus
, celles des Génois , devenues leurs guides et leurs pourvoyeurs
, les suivaient chargées de toutes sortes de munitions
de guerre et de provisions de bouche . Les diverses puissances
auxquelles ils fournirent ces secours s'acquitterent envers eux
de maniere à les enrichir. 1
Nous devons une justice plus étendue à la part que prirent
les Génois aux guerres de la Palestine . Ils joignirent le courage
à l'industrie , et plusieurs d'entre eux se signalerent par
( 195 )
des actions mémorables contre les Musulmans ; - mais trouvant
dans leurs conquêtes un prix alors négligé par la plupart des
croisés , au lieu de les pousser dans l'intérieur des contrées
contre lesquelles ils portaient les armes , ils s'attacherent parti
culierement à obtenir pour leur partage quelques villes maritimes
, où ils établirent des comptoirs qui leur donnerent des
facilités pour continuer un trafic dont ils devaient seuls retirer
tout le produit. Une conduite si peu semblable à celle de la
plupart des nations qui en furent les témoins , eut aussi des
succès bien différens .
Lorsque tant d'efforts successifs et inutiles eurent épuisé
d'hommes et d'argent presque soutes les nations , et qu'une
triste expérience eut enfin ouvert les yeux à l'Europe aveu
glée , la plupart des princes qui dirigeaient ces folles et bar
bares entreprises , abandonnerent à leurs propres forces quel,
ques petits états qui s'étaient formés dans ces regions ennes
mies , et les virent bientôt renversés , tandis que les Génois ,
à qui des guerres si funestes aux autres peuples avaient apporté
les plus grandes richesses , se trouvaient les maîtres du commerce
, et conservaient encore en Asie et en Afrique les établissemens
qu'ils devaient à leur sage politique . Ce fut alors que
Gênes parvint à ce haut degré de considération dont elle s'est
tant éloiguée depuis . On vit jusqu'aux puissances du premier
ordre briguer son alliance . Elle fit souvent pencher la balance ,
et décida les plus grandes querelles .
La république de Pise , voisine et rivale de celle de Gênes ,
célebre pour lui avoir disputé par des guerres si longues et
si cruelles les istes de Corse et de Sardaigne , avait imité:an
conduite pendant les croisades . Elle partageait avec elle les
domaines qui avaient cansé leers anciennes divisions , et les
avantages que leur avaient procures les dernieres circonstances .
Leur rivalité devint alors plus intéressante pour le reste de
l'Europe enfia , Gênes triompha de Pise , dont puissance
passa toute entiere du côté des vainqueurs .
Uae troisieme république , également maritime , dont les
forces s'étaient accrues par la division de ces deux premieres ,
succéda à Pise pour disputer aux Genois les richesse du commerce
. Gêues remporta encore de si grands avantages sur ces
nouveaux canemis , qu'elle vit bientôt cette superbe Venise réduite
à implorer la clemence d'un de ses citoyens. L'opiniâtreté
de Pierre Doria qui l'assiégeait , après avoir envahi presque
toutes ses possessions de terre ferme , est peut-être la seule cause
qui ait délivré les Vénitiens d'un sort semblable à celui des
Pisans.
Si l'on considere le rôle que jouerent alors en Europe les
habitans d'un petit pays , dont la longueur est tout au plus de
60 lieues , et la largeur de 5 ou 6 , espace pris dans l'épaisseur
des montagnes les plus stériles de l'Apennin , on ne pourra
s'empêcher de remarquer combien la puissance maritime a dana
N &
196 )
tous les tems procuré d'avantages . Celle des Génois , dans la
Méditerranée , était alors sans contredit supérieure à celle des
autres nations ; mais la gloire et les richesses qui en furent les
fruits , devinrent bientôt la source d'une infinite de malheurs ,'
et précipiterent cet état dans l'abaissement où il est aujour
d'hui.
Ce n'était pas seulement avec la République que l'on formait
des alliances ; plusieurs souverains rechercherent aussi
celles des particuliers puissans par leur crédit et leurs immenses
richesses . Ces sortes d'alliances dans un gouvernement
dont l'égalité doit être la base , en angmentant la disproportion
des conditions , y introduisirent les factions qui la déchirerent
si long-tems. Outre celle des Guelfes et des Gibelins , com .
munes à toute l'Italie , quelques uns des citoyens de Gênes en
avaient encore de particulieres . Ces factions diviserent souvent
le peuple , et souvent elles le réunirent contre la noblesse . La
dignité de chef de la république qui était alors inamovible par
la constitution de l'état , sribsista rarement une année de suite
dans la même personne , et fut même souvent abolie . Tant de
révolutions intestines ne permirent pas aux Génois d'administrer
utilement les affaires du dehors ; ils se virent insensiblement
dépouillés de toutes leurs possessions étrangeres , et réduits
à leur stérile territoire et aux seuls avantages que cet
état doit à la nature , comme ses ports , ses mouillages , son
golfe et ses communications avec le reste de l'Italie .
La faiblesse des Génois leur attira des ennemis , qui jusqu'alors
les avaient craints , et ils se virent hors d'état de leur résistere
sans une protection étrangere. La faction qui se trouvait
supérieure détermina le choix de la nation ; c'est ainsi que les
Adornes appellerent les Français , et soumirent leur république
à Charles VI , et que peu après les Doria et les Spinola appel-
Jerent à leur tour le marquis de Montferrat , et successivement
le duc de Milan ; car la haine mutuelle des factions dominantes
excitait presque toujours de promptes révolutions qui renver-
>saient en un instant l'autorité que l'on était parvenu à etablir.
"
Enfin , lorsque les puissances auxquelles les Génois se trouvaient
soumis furent engagées dans des affaires sur lesquelles
la possession de cet état pouvait influer essentiellement , cette
considération les obligea quelquefois à prendre des précautions
pour y consolider l'autorité ; mais négligeant toujours des sûretés
qu'elles ne pouvaient trouver que dans la reforme totale
du gouvernement et la destruction des factions , elles laisserent
subsister dans l'esprit de ces peuples des dispositions trop funestes
à leur repos .
Une noblesse toujours fiere , jalouse , intéressée , un peuple
que le souvenir de la liberté qu'il venait de perdre , et dont
il connaissait le prix , rendait remuant et jaloux de la reconquerir
, exposerent perpétuellement cette république aux maneuvres
des étrangers .
€ 197 1
Pendant les guerres presque continuelles , dont l'Italie fat
déchirée depuis l'expédition de Charles VIII jusqu'à la fin du
regne de François Ier . , l'état de Gênes , dont la possession était
si avantageuse aux puissances belligérantes , passa successivement
dans leurs mains . Les forces réelles de cet état furent
presque anéanties par ces nouvelles révolutions , seulement
les avantages que ses possesseurs en tiraient tour - a- tour lui
conservaient encore une espece de considération .
Après la révolution dont André Doria fat l'auteur , ce géné
reux citoyen préférant la liberté de sa patrie à une vaine autorité
que le peuple voulait lui décerner , sentit que pour l'affermi
, il fallait réformer les lois . Il s'attacha sur- tout à soustraire
son pays au joug de Charles - Quint , et ses successeurs
ont tenté vainement de lui imposer ; il ne put toutefois empêcher
que , les engagemens de Gênes avec la couronne d'Espagne
, ne s'entrainassent contre son gré dans toutes les querelles
de cette puissance . Cette république en a été la victime
dans les fameuses guerres que les ministres Richelieu et Maza
rin ont terminées par des traités avantageux pour le France et
la maison de Savoye , à qui les droits de Génois ont été sacri
fiés en beaucoup d'occasions , et sur-tout à l'époque de la succession
du Mont - Ferrat . Depuis la révolution d'André Doria ,
la France n'a fait aucune tentative sérieuse pour se rétablir
dans la possession de Gênes , si l'on en excepte trois entreprises
que leur peu de succès pourrait faire passer sous silence .
La premiere est l'expédition de Termes en 1553 , dans
laquelle ce général soumit la plus grande partie de l'ifle de
Corse . La France en conserva les plus importantes places.
jusqu'en l'année 1559 , que Henri II , par le dix-septieme aricle
du traité qu'il fit avec Philippe II , roi d'Espagne , s'obligea
de rendre aux Génois les places qu'il occupait dans ce royaume.
La seconde est la conjuration de Fiesque , qui , préparée de
longue main par des moyens auxquels la France eut tant de
part , éclata enfin en 1554 , avee un succès qui répondit peu
aux espérances que cette puissance en avait conçues .
La troisieme est la campagne de 1625 , dans laquelle le
connétable Lesdiguieres , joignant à l'armée du duc de Savoye
un corps de troupes françaises , entreprit , de concert avec ce
prince , la conquête de l'état de Gênes . Le traité qui unissait
ces deux armées portait , que leur conquête serait partagée
entre la France et la maison de Savoye ; mais , cette nouvelle
entreprise n'ent pas plus de succès que la conjuration de
Fiesque . Depuis ce tems , la France a paru oublier totalement
cette république , et la puissance sous la protection de laquelle
elle subsistait , ne l'a guères moins négligée . L'Espagne , après
l'avoir épuisée par des emprunts dont elle ne payait pas les
intérêts très- exactement , l'a sacrifiée aux puissances maritimes
nouvellement alliées à la maison d'Autriche , pendant que la
N 3
( 198 )
ville de Marseille achevait de la dépouiller de son commerce
dans le Levant.
Dans cet état de décadence , les Génois auraient vraisemblablement
perdu la possession de la Corse , si l'Espagne n'eût
pas eu un grand intérêt d'empêcher qu'aucune autre puissance
ne s'agrandit à leurs dépens , et si , depuis que la maison d'Autriche
a perdu la couronne d'Espagne , les avantages opposés
des autres puissances de l'Europe n'eussent pas concouru au
même dessein .
Ce n'était plus cette république célebre qui couvrait autrefois
la mer de ses vaisseaux , qui avait pris et délivré des rois
dont la puissance avait porté la guerre avec des succès éclatans
dans diverses parties du monde , et dont plusieurs états d'Italie
avaient reçu la lei : Gênes était bien méconnaissable dans le
degré d'abaissement où elle parut devant l'orgueilleux Louis
XIV , en réparation de quelques démarches imprudentes où
ses engagemens avec l'Espagne l'avaient entraînée.
Insensiblement le peu de cas que l'on faisait des Génois ,
s'étendit sur tous les avantages que l'on pouvait retirer de leur
état dans les guerres qui se firent en Italie . La France , accoutumée
par ses liaisons avec la maison de Savoye à n'y faire
pénétrer ses armées que par les passages des Alpes , négligea
entierement Gênes . Dans la guerre de 1700 , Louis XIV obtint
de Victor Amédée , duc de Savoye , un passage pour ses troupes..
Les armées de ce prince , jointes à celles de Philippe V , son
petit- fils , curent d'abord les plus grands succès , qui furent
ensuite détruits par l'infidélité de Victor Amedee . Dès lors on
aurait dû ouvrir les yeux sur les avantages que leur offrait la
position de Gênes ; mais il était réservé, à d'autres tems et à
d'autres circonstances de faire apprécier toute l'importance de cet état.
Le dernier traité de Worms , par lequel la reine de Hongric
achetait , avec un mépris marqué pour cette république ,
les secours du roi de Sardaigne , par la cession d'une partie
des états de Gênes , produisit bientôt le traité d'Aranjuez . Alors
les Genois , forcés d'abandonner la neutralité , chercherent leur
sûreté dans une alliance avec la France et l'Espagne .
7
Les évenemens qui ont suivi ce traité sont bien capables de
dissiper l'erreur que la faiblesse des Génois , autant que la politique
du roi de Sardaigne , avaient entretenue . Il fant à cet
égard rappeller des réflexions qui ont été communes à tous
les politiques et à tous les militaires de l'Europe , lorsqu'ils ,
ont vu le traité d'Aranjuez changer , avec tant de facilite , le
systême d'une guerre dans laquelle l'Espagne épuisait en vain
ses trésors et ses forces , pour pénétrer en Italie , et lorsque
la jonction de l'armée du général de Gages avec celle de l'infant
, devenue si nécessaire et si difficile , fut exécutée, par les
seules dispositions des Geneis , et par la situation de leur
pays.
( 199 )
Les premiers succès de ces armées anéantis , malgré les
espérances les mieux fondées et les suites funestes de leurs
retraites de l'Italie , sont une grande preuve des avantages
qu'offre l'alliance des Génois . Les dispositions de Bellisle ( maréchal
de France ) pour le salut de la Provence , favorisees par
la révolution de Gênes , font également voir tout le parti que
la France peut tirer de sa situation dans l'hypothese d'une
guerre offensive ou défensive .
On n'avait pu s'empêcher de remarquer ces avantages dans
un tems où la source en était ignorée , par le peu de connaissances
que l'on avait de cette république' ; mais la France
les a depuis autrement appréciées , lorsqu'elle chargea successivement
de sa défense les généraux Boufflers et Richelieu ; es
le détail de ces expéditions , en mettant à portée de connaître
ce pays , nous a fait sentir davantage l'importance de sa position
.
Suivent 13 articles qui présentent dans leur ensemble les
développemens , les details et les preuves historiques de ce qui
vient d'être dit relativement aux avantages que les puissances
de l'Europe , et particulierement la République Française , peuvent
tirer de la constitution de l'état de Gênes et de sa situation
physique et politique.
Nous terminerons l'analyse de cet ouvrage par la supposi
tion que fait l'auteur , que la république de Gênes , attaquée
par les principales forces de l'Italie , soit secourue par la
France . Telles peu considérables que fussent les forces maritimes
que cette puissance ferait agir , elles seraient toujours
suffisantes pour faire passer dans l'état de Gênes tous les
secours qu'elle voudrait lui donner.
Dans la guerre présente de la liberté contre la tyrannie
où la République Française paraît diriger ses véritables efforts
contre les Pays - Bas et l'Allemagne , si elle se proposait encore
de faire une diversion avantageuse en Italie , capable
d'occuper une grande partie des forces de l'Autriche et de
ses alliés , il suffirait qu'elle fit passer dans l'état de Gênes un
corps de 15 à 20,000 hommes . Ces forces , confiées à un général
habile qui connût bien les rapports extérieurs et intérieurs
de cet état , suffiraieut pour remplir parfaitement cette
disposition , dont les suites pourraient contribuer au triomphe
général de la liberté et à l'anéantissement du despotisme.
On pourrait craindre qu'une armée considérable , reufermée.
dans l'état de Gênes , ne fût exposée à y manquer de subsis
tances , qu'elle ne saurait trouver dans ce pays hors d'étas de
nourrir ses propres babitans ; mais en réfléchissant sur l'état
de Gênes , il est aisé de comprendre que cette crainte n'a
aucun fondement , à moins qu'on ne suppose l'état bloqué
dans toute son étendue par terre et par mer ; ce qui est de
toute impossibilité . L'existence de nos armées dans les départemens
méridionaux , et particulierement dans celui des Alpes
N 4
( 200 )
maritimes , fournirait le moyen d'exécuter la premiere disposition
pour l'envoi des trompes avec tant de secret et de diligence
que nos ennemis , malgré leur surveillance , auraient à
peine le tems d'en être instruits . Cette disposition de la République
forcerait les coalises , et l'Autriche sur- tout , à porter
des forces considerables vers les fontieres de Gênes , pour
préserver les plines fetites du Piemont et de la Lombardie
d'une invasion . La France , d'uninstant à l'autre , pourrait aussi ,
par une augmentation subite de troupes , rendre cette guerre
offensive . Elle trouverait dans l'intérieur de l'Italie , malgré la
superstition qui y regue encore , de nombreux partisans de la
liberté .
ANNONCES.
Instructions sur les différentes écritures posées et expédiées par
Lechaid , membre du Lycée des arts . A Paris , chez l'auteur ,
rue des Fosses - Saint Germain , près celle de l'Arbre - sec
n ° . 230 .
Instructions sur les traitemens des asphixies par le mephitisme ,
des noys , des personues mordues par des animaux enrages ,
des empoisonnés , des personnes réduites à l'état d'asphixie
par le froid , avec des observations sur les causes de ces
accidens ; par Antoine Portal , professeur d'anatomie au muséum
d'histoire naturelle : in - 12 . Prix , 1 liv . 10 sols . A Paris ,
chez Guidy et Firmin Gourdin , rue Nicaise , nº . 502 le
concierge du college de France , place Cambray ; le concierge
du jardin des Plantes , et les principaux libraires .
L'agnie de tous les tyrans ou les moyens de fabriquer la
poudre qui va les exterminer. Prix , 1 liv . 10 sols ; chez Galletti,
imprimeur , aux jacobins , rue Honoré.
GRAVURES.
Adoration à l'Etre suprême , représentée sous l'emblême d'un
enfant ailé , assis et paraissant contempler les merveilles de
la nature.
L'éducation , autre estampe de même grandeur , et faisant
pendaut à la premiere .
Ces deux estampes se vendent à Paris , chez Julien Fatou
boulevard Italien ; et à Poitiers , chez Auguste Faton , libraire,
Le prix de chacune de ces deux estampes est de 6 liv . , en
couleur , et de 3 liv . , en noir.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 7 Octobre 1794.
Es nouvelles du Nord de l'Europe et de la Turquie continuent
d'être du plus grand intérêt . En effet , toutes ces nonvelles
sont liées jusqu'à un certain point ; et l'observateur philosophe
formant dans son coeur des voeux pour l'affranchissement
de tous les peuples , aime à démêler dans ce qui a été et
dans ce qui est la cause de ce qui sera . Il aime à voir dans
leurs germes les grands résul ats dont la génération prochaine
va être étonnée en Europe , et peut- être dans trois parties
du monde .
Après le peuple français soutenant à lui seul les efforts de
presque toute l'Europe , sans contredit le plus intéressant est
le Polonais , ce généreux descendant des braves Sarinates ,
auquel il n'a fallu pour briser ses triples chaînes rivées à deux
fois, et faire trembler à leur tour ses tyrans , qu'un homme de genie
qui l'electrisat et qui le convainquit sui - tout qu'en opérant de
grandes choses par le peuple , c'etait aussi pour le peuple qu'il
les opérait , sans aucune vue d'ambition particuliere . Cet éloge
ne sera pas prématuré , ou pour mieux dire ce sera seulement une
justice rendue au digne éleve de l'immortel Washington . Arriere
la pensée désolante que Kosciuszko veuille jamais être le Demourier
de sa patrie , et entacher un nom que les générations
futures ne prononceront qu'avec amour et reconnaissance en
Pologne , et par- tout ailleurs avec le respect dû aux Epami
nondas , aux Timoleon , aux Philopemen . Une satisfaction bien
n'arrivera pas seul à la gloire ; elle inserira aussi dans la mévive
pour celui qui le por e avec tant d'honneur ce nom , c'est qu'il
moire des hommes ceux de ses généreux freres d'armes qui
exécutent avec tant de bravoure et d'intelligence les plans conçus
par son génie .
Au reste , toutes les circonstances semblent coopérer aux
succès des braves Polonais : la division , ou du moins le refio'-
dissement se met entre la Prusse et l'Autriche , et il ne paraît
pas que la Russie , dont les troupes sont disséminées , puizse
aider beaucoup le roi de Prusse . Suivant des nouvelles des frontieres
du 25 septembre , il ne reste plus un seul de ses soldats
dans la part du gâteau polonais qui avait échappe à la voracité
des rois . Le corps posté à Couin s'est replié à Calisch pour
couvrir des magasins . Memmel et Dantzick se trouvent exposés
( ૧૦૧ )
ainsi que Konigsberg actuellement menacé par le général Men .
Il y a eu une affaire très chaude à Johannisberg. Kosciuszko a
renforcé les armées de ce côté. Le quartier général prussien
est à Rava . On ne sait trop comment faire subsister l'hiver
les trois colonnes de l'armée dans la Prusse méridionale . Les
Polonais se portent de Haven à Grodno centre les Russes qui
auront de la peine à effectuer leur jonction .
Les succès des insurgés continuent dans la Prusse meridionale
et occidentale . Par - tout ils recrutent de gré ou de force . Dernierement
ils l'ont fait jusqu'aux environs de Smygel . La ville
d'Exyn est une de leurs places d'armes ; et de- là ils font des
excursions dans tous les environs . Ils se sont emparés de la
ville de Gollenz , et ont envoyé sommer celle de Margonindorf
de leur fournir cent recrues armés . Par- tout leurs manifestes ou
leurs écrits sont répandus avec profusion . Par- tout l'aigle
prussienne est arrachée et remplacée par les armes de la
république polonaise . Tous les magasins tombent en leur
pouvoir. Les magistrats sont obligés de leur prêter serment ;
et les contributions royales se perçoivent au nom du peuple
polonais.
Depuis l'approche de l'armée commandée par Szekuli , les
insurgés se sont portés sur la route de Breslaw . Quelques - uns
d'entr'eux , nobles pour la plupart , s'etant arrêtés trop longtems
dans un château , furent enveloppés par les Prussiens :
Szekuli envoya sur- le-champ chercher le bourreau de Thorn .
Les potences étaient dtji dressées , lorsqu'il arriva un ordre
de Frédéric Guillaume de suspendre ceue exécution : toutes
ces personnes ont été conduites dans les prisons de cette
ville.
Un parti d'insurgés s'est également montré à Nieszawa , ou
se trouvent les douanes . Pendant qu'une grande partie du
corps de Szekuli marchait contre lui , les autres firent une
incursion jusqu'à Brzesc , Kamion et même Soldan . La communication
entre les corps prussiens se trouve ainsi coupée .
On s'occupe à sauver les magasins ; le plus grand désordre
regne également du côté de Conin et de Petricau .
Une division considérable de Polonais , commandée par
Zackrzewski , se trouve à Tekar , à quatorze lieues de Thorn .
Madalinski doit avoir passé le Burg et la Horet : il menace
plus que jamais la Prusse occidentale.
On n'entend point parler des opérations des armées russes ;
on sait seulement que celle qui se retire de devant Varsovie est
vivement poursuivie.
On annonce que les Autrichiens , attaqués dans les palatinats
de Cracovie et de Sandomir , se replient avec précipitation vers
les frontieres de la Gallicie .
Le roi de Prusse , disent des lettres de Breslaw en Silèsie , datées
du 23 septembre , a été obligé de détacher 30,000 hommes
pour les porter vers les frontieres de la Silésie , pour arrêter
( 203 )
les suites d'une invasion qu'y ont faite les troupes polonaises .
L'on assure qu'il vient de réclamer de l'empereur un corps de
vingt mille hommes , comme troupes auxiliaires . Il invoque
les traités subsistans entre la Prusse et l'Autriche , et dit ,
pour appuyer sa demande , qu'il se trouve dans le cas prévu.
par ces traités , puisque ses Etats sont exposés à une invasion
.
La Suede a fourni à l'armée polonaise de Lithuanie denx
cents pieces de canon et dix mille fusils. Ces objets ont été
échangés contre des subsistances , dont les Suédois avaient le
plus grand besoin . Le cabinet de Stockholm en a fait venir
de Courlande , après des arrangemens préalables pris avec le
gouvernement polonais , qui avait défendu d'abord toute espece
d'exportation .
Madalinski vient de remporter un avantage signalé sur les
Prussiens dans la Prusse orientale . Ce général commande une
armée de dix mille homines .
Le journal de la retraite de l'armée prussienne de la Pologne
vient d'être publié . On n'a point cache les entraves continuelles
que les Polonais n'ont cessé de lui faire éprouver .
L'académie des sciences de Berlin a tenu une séance extraordinaire
à l'occasion de la fête du roi . Le vieux Hertzberg a lu
un très- long discours , dans lequel il a cherché à prouver que
Frédéric II avait eu , dès 1787 , l'idée d'établir une neutralité
pour le commerce par mer. Le conseiller Dénina a fait ensuite
sa cour au despotisme . Il a prétendu , dans une dissertation ,
que les formes démocratiques des gouvernemens sont contraires
aux progrés des sciences et des arts. La séance a été terminée
par des observations sur la télégraphie , qui occupe actuellement
les têtes de la plupart des académiciens dé l'Europe .
Ces jours derniers on a trouvé deux vers allemands placés
sur le piédestal de la statue de Frédéric II , dont voici le
sens : Vieux Frédéric leve - toi , fais -le promptement , sans
" quoi ta gloire , ton pays et tes sujets sont perdus. Le
gouvernement se livre à la recherche de l'auteur de cette
inscription ; mais l'esprit qui l'a dicté parait régner dans
tout Bein .
Enfin le grand procès du baron d'Armfeldt est terminé
disent des lettres de Stockholm , du 24 septembre ; l'exécution
des conspirateurs a même eu lieu hier : une forte escorte amena
à 10 heures du matin , sur la place publique , Eherenstrom ,
ci - devant secrétaire du cabinet : il fut exposé une heure sur un
échafaud ; ensuite on le mena dans les prisons Smedgard , où il
doit rester jusqu'au rer. octobre , jour fixé pour sa mort : ee
délai lui est laissé , suivant l'usage de Suede , pour s'y préparer.
On lut ensuite au peuple le jugement par contumace contre
d'Armfeldt. Le bourreau attacha le sentence à un poteau ; ensuite
commença l'exposition de la comtesse Rudensktold , ¿
qui le roi a fait grace de la vie , ainsi qu'Aminoff , mais qui
( 204 )
passeront le reste de leurs jours , l'une dans une maison de
correction , l'autre dans la for teresse de Carlstein .
Voici ce que portent des lettres de Constantinople du 24 août
et du 28 juin.
1º. une
La Porte a déclaré aux ministres étrangers qu'elle saurait
maintenir et faire respecter sa neutralité , et qu'en conséquence ,
scadre turque se rendrait dans l'Archipel pour arrêter
les host tés entre les frégates anglaises , bollandaises et françaises
. On sait que les premieres étaient expressément venues
en nombre supérieur pour forcer les trois frégates françaises
qui se trouvent dans ces parages . ) 2 ° . Que l'agent de la République
Française , Descorches , serait invité , au nom de la
bonne harmonie qui subsiste entre ces deux états , à enjoindre
à quelques Français , soi - disant Jacobins , et à quelques autres
individus de cette nation , devenus suspects à la Porte par leurs
liaisons , et parmi lesquels se trouve le nommé Henin , de partir
pour la France ; que le gouvernement turc fouruirait même à
cet effet toutes les facilités , comme vaisseaux de transports , etc. ,
et que les Français paisibles , ayant une profession connue
pourraient rester dans les possessions ottomanes , sous la surveillance
des agens reconnus de la République Française , avec
lesquels seuls le divan vent avoir des rapports. 1
Le Reis - Effendi Rachid a obtenu sa démission . Il a été remplacé
par Duri - Effendi , celui qui s'est trouvé au congrès de
Cristow et de Jassy , en qualité de plénipotentiaire . Un parti
considérable s'est bientôt formé contre le nouveau ministre .
On lui a reproché de ne pas montrer assez d'empressement à
saisir la circonstance des embarras où les évenemens arrivés
en Pologne ont dû jetter la Russie . Le triomphe qu'il avait
remporté sur quelques membres du corps des Ulémas n'a pas
été long. Il a déja été forcé de quitter ce poste . Ce dernier
évenement a répandu la consternation chez tous les ministres
des puissances coalisées .
8
Le citoyen Descorches , envoyé extraordinaire de la République
près la Porte ottomane , avait annoncé au proconsul
provisoire , par une lettre du 6 messidor , qu'il avait reçu le
décret de la Convention nationale , qui supprimait pavillon
décrété par l'Assemblée constituante , et lui substituaile pavil
lon républicain . Sur cette lettre , il invitait le procousul à engager
les Français , fixés sur cette échelle , à se réunir tous à la
fête décadaire d'aujourd'hui , dans laquelle , avec l'a grément de
la Porte , le nouveau pavillon serait arboré dans le port de
Constantinople
.
Ce matin , deux vaisseaux français ont été tirés en rade ,
presqu'à la pointe du sérail . Les pavillons ottoman , américain ,
et ceux de quelques puissances qui n'ont pas souillé leurs armes.
dans la ligue impie des tyrans , flottaient sur ces deux vaisseaux
avec l'ancien pavillon prêt à disparaître .
A deux heures , les agens de la République se sont embar
qués à l'échelle de Karakeuil , sur un canot peint aux trois cou
( 205 )
:
leurs , conduit par r2 marins français , parés des couleurs natio
nales 200 Français qui les attendaient sur le pont et sur les
vergues des deux vaisseaux , les ont accueillis au son d'une musique
guerriere , et par les cris de Vive la République !
Arrivé à bord , l'envoyé de la république a prononcé le discours
suivant :
Citoyens , nous sommes rassemblés ici pour
de notre nouveau pavillon .
l'arboration
L'empressement que vous avez mis à y prendre part indique
deja quels sont les sentimens que cette cérémonie développe
dans vos ames ; ce doit être en effet un grand jour pour
des republicains français , et peut- être trouvérez - vous que le
licu où nous le célébrons peut encore en augmenter l'intérêt.
C'est un grand jour , puisque nous allons consacrer par l'inau
guration des couleurs du peuple le triomphe des droits des
hommes sur les crimes des tyrans .
Le pavillon français fut toujours respecté dans le Levant
c'est même une observation digne de remarque , que jamais
depuis l'existence de l'empire ottoman il n'a eu de combats à
livrer dans ces parages .
Une destinée plus heureuse encore attend sans doute le
pavillon républicain . Les Turcs nous prouvent tous les jours
par une hospitalité plus amicale qu'elle n'ait jamais été , par des
voeux et un intérêt bien prononcés en notre faveur , qu'ils ont
su de bonne heure voir dans nos couleurs ce qu'elles expriment
effectivement , énergie , candeur , fidélité.
,, Marins républicains , en vous montrant par-tout sous le signe de
ces vertus , que vos actions en offrent également par - tout le caractere
; que le pavillon sacré , puisqu'il est la banniere de la sainte
liberte , de la sainte égalité , que le pavillon tricolor , qui va
dorénavant flotter sur vos bords , ne puisse être apperçu d'aucun
homme de bien sans faire sa consolation , qu'il ne puisse
frapper les regards d'un tyran , d'un parjure , d'un hypocrite ;
enfin , d'aucun de ces êtres immondes dont le feu de la liberté
purifie la terre chaque jour sans faire son supplice .
,, Voilà , braves marins , quelle est votre tâche ; et vous la
remplirez à l'exemple de vos freres d'armes dont les drapeaux
sont devenus l'effroi des despotes et des vices , l'asyle du malheur
, l'enseigne des vertus ; vous la remplirez , car , et vous
aussi , vous êtes sans - culoties.
" Etre suprême , témoin de nos pensées , confident de nos
sentimens , tu continueras de leur accorder la puissante assistance
que ta justice ne refusa jamais à des cours purs , droits ,
aimant le bien , qui ne respirent que pour le bonheur de leurs
semblables et la destruction des mechans : tu sais que c'est aussi
pour ta cause que nous versons notre sang , puisqu'en brisant
tous les jougs qui pesaient sur nos têtes nous avons recouvré
l'usage de nos yeux pour te contempler dans toute ta gran
deur , celui de notre raison pour t'offrir des hommages plus
dignes de toi .
( 206 )
A la suite de ce discours , le citoyen Descorches a lu le décret
de la Convention nationale qui , en anéantissant un pavillon où
l'Assemblée constituante avait paru économiser les couleurs
nationales sur les étendards du despotisme , ordonne qu'il sera
remplacé par un pavillon véritablement tricolor.
:
Le discours de l'envoyé de la république et le décret de la
Convention nationale ont été entendus dans un silence respectueux
immédiatement après le pavillon royaliste a fait place
au pavillon républicain qui a été hissé et appuyé par 21 coups
de canon , et aux nouvelles acclamations de vive la République ! {
Un pique-nique fraternel était préparé à bord , où beaucoup
de citoyennes françaises embellissaient la fête : la frugalité ,
l'amitié , la gaieté en ont été l'ame.
Les commissaires nommés pour l'ordre des fêtes décadaires
ont proposé des toasts qui ont été portés avec enthousiasme .
De Francfort-sur- le- Mein , le 10 octobre.
Il nous vient ici assez peu de nouvelles de Vienne , où il
paraît que l'embarras du ministere et le découragement continuent
d'affecter vivement le jeune empereur , dont on dit
même la santé chancelante . Il a fait expédier vers la fin du
mois dernier des lettres circulaires pour un nouveau recrutement
que le mauvais état des armées impériales rend indispensable.
On assure qu'il y en aura encore d'autres en novembre ;
et ce ne sera gueres qu'à cette époque qu'on pourra determiner
le nombre des recrues . En attendant , les troupes qui se trouvent
dans cette capitale sont soigneusement exercés tous les jours
sur les glacis de la place. Quant à celles qu'on avait fait marcher
en Pologne , elles pu pénétrer au- delà de Brzesc ,
et le bruit court qu'elles été obligées de se replier d'un
autre côté .
•
L'exécution de plusieurs militaires coupables de haute trahison
a dû avoir lieu vers la fin du mois dernier, Parmi les prisonniers
, arrêtés il y a peu de tems , il s'en trouve qui ont
fabriqué de faux passe-ports , et qui ont ainsi facilite de grands
transports de comestibles en France.
L'empereur a nommé le general d'artillerie comte de Kaunitz
au commandement de la Croatie , l'une des provinces d'où il
tire să meilleure cavalerie légere . Ce pays , comme plusieurs
autres , et particulierement la haute Autriche , est menacé de
disette , parce que la récolte y a été fort mauvaise cette année ;
ce qui a déterminé à prohiber rigoureusement l'exportation des
grains.
Mais les nouvelles les plus intéressantes , celles qui peuvent
mieux faire connaître Petat désespéré de la coalition , c'est
pour ainsi dire nous qui les envoyous à Vienne. Plusieurs de
ces évenemens se passent presqu'à nos portes . Il vient de sor
ir , au commencement du mois , de la chancellerie de notre
( 207 )
ville , une proclamation très- pressante , qui invite la bourgeoisie
à faire des dons voloutaires pour les armées du Rhin de la
coalition . Ces contribuutions doivent se payer en differens
termes , dont le premier a commencé au 1er . de ce mois . On
se prépare à publier dans toutes les églises un supplément à
cette piece.
Les Français continuent de bombarder Dusseldorf avec acti
vité quoiqu'ils soient maîtres de Juliers , une ordonnance des
états de Bergues et de Juliers déclare qu'il sera levé une nouvelle
imposition , à titre de contribution de l'Empire et des
cercles. Les habitans sont divisés en six classes , dont chacune
payera proportionnellement à ses facultés . On demande en
outre au clergé catholique dix pour cent de ses revenus , et
l'on n'oublie pas les juifs , que cette vexation disposera à deyenir
Français des qu'ils le pourront.
On mande de Coblentz qu'il ne cesse de passer par cette
ville des couriers pour se rendre à Vienne. Il est probable
qu'ils vont rendre compte des suites de la déroute du 18 , et
de la retraite du général Naueldorf qui commandait un corps
´d'armée dans l'Eiffel , ce qui fait échouer tous les projets des
Autrichiens en faveur de Trèves . Des lettres du 5 , des bords
du Rhin , disent qu'on voit arriver une quantité énorme do
blessés , entr'autres 20 d'un régiment de dragons autrichiens ,
dont on prétend que c'est le reste . Elles ajoutent : il y a plus
de 4000 voitures de bagages en mouvement ; la chancelleria
de guerre et la boulangerie ont rétrogradé les chevaux sont
sur les dents ; on ne voit sur les chemius du côté de Maëstricht
, Spa , Malmedy , etc. que fuyards , malades , blessés ,
bagages militaires et particuliers .
Les nouvelles qui nous arrivent en ce moment de Vienne ,
portent que le bruit précédemment repandu des difficultés suivenues
entre le cabinet de Vienne et celui de St.-James , relativement
au subside , s'accrédite de jour en jour , sur - toutdepuis
la reprise de Valenciennes et de Condé , qui n'annonce
que trop aux Anglais que les Autrichiens ne parviendront pas
à reconquérir les Pays- Bas aussi facilement qu'ils l'avaient probableinent
annoncé . On sent assez que cette conquête tenait
à coeur aux Anglais , qui se seraient ménagé des avantages
commerciaux aux dépens même , s'il l'eût fallu , de la Hollande
, leur fidelle alliée . Suivant les mêmes lettres , le gouvernement
autrichien vient de décider , d'une maniere assez
impolitique mais d'ailleurs conforme au mauvais état de ses
finances , qu'il ne payera pas les intérêts des emprunts faits
par lui dans les Pays - Bas , tant que les Français occupeiont
ces contrées .
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
Les Français ont forcé le camp autrichien au - dessus de
Liége. Leur passage sur la Meuse s'est effectué sur plusieurs
22
( 208 )
points. Toutes les positions au-devant de la pere de Wich se
sont repliées sur Limbourg . On enlève les pouts et les bateaux .
Le canon ne cesse de se faire entendre ; l'effroi regue dans
Cette contree . Le bruit se répand que les Français , après
avoir chasse les Anglais de devant Grave , marchent sur Nimeguc
.
Voici le compte rendu , il y a peu de jours , par une feuille
publique de cette contrée , des forces que les Français emploient
contre la Hollande . Selon elle , Pichegru , à la téte de
30,000 hommes , marchait vers Grave. Jourdan commande ,
daus les environs de Maestricht , 60,000 hommes ; un corps de.
20,000 s'est avancé vers Herzogenbusch . Suillard est devant
Breda avec 10,000 ; Dandeloi commande un corps pareil dans
les environs de Gertruydenberg ; Vandamme est devant Bergop
Zoom , à la tête de 15,000 hommes . Les Français ont en
outre de fortes garnisons dans les places conquises.
:
Tel était l'état des choses le 4 octobre ; mais loiu de s'améliorer
pour la Hollande , elles ont encere empire depuis . Herzogenbusch
se trouve entie ement cerné par les Français ils
ont coupé toute communication ; on a seulement appris de
Hersden que le bruit du canon se fait entendre continuellement
de ce côté . D'ailleurs , plus de nouvelles de Maestricht
depuis le 19 septembre . On sait bien que le corps de Kray
s'y est jette ; mais cet habile officier n'est point resté dans la
place . Le fait est qu'on craint beaucoup que les Français ne
penetrent par la Gueldre et ne s'emparent ainsi des places
fortes , en les tournant par leurs derrieres où elles le sont
moius . Le resultat de ces terreurs , qu'on ne saurait appeler
paniques , c'est que le gouvernement en est réduit à chercher ,
à prevenir et à arêter les émigrations . On a déclaré vacantes
les places d'an grand nombre d'hommes publics et de magistrats
; et dernierement à Rotterdam , le peuple s'appercevant
que le secrétaire de l'amirauté et le bourguemestre Vander-
Haim voulaient s'embarquer avec leurs effets les plus précieux
pour Altona , les a empêché de partir , en menaçant de raser
leurs maisons .
Suivant des nouvelles encore plus récentes , puisqu'elles
sont du 8 , les Français ne se bornent pas à cerner Herzogenbusch
; ils le bombardent vivement et ne cessent de faire un
feu terrible sur Maestricht . Les Anglais et les Hessois abandonnent
la partie et s'enfoncent dans le pays de Cleves . Venloo
enveloppe ne tiendra pas long - tems , vu la faiblesse de sa
garnison . La désolation est dans Rotterdam dont on embarque
et charge toutes les richesses publiques et particulieres , pour
leur chercher un dépôt plus sûr.
RÉPUBLIQUE
( 209 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONAL E.
PRESIDENCE DE CAMBA CERÉS .
Séance du septidi , 27 Vendemiaire.
La société populaire de la Chapelle.Taillefer , district de
Gueret , département de Creuze , l'administration du département
de l'Yonne , séante à Auxerre , les citoyens composant
les onze sections d'Orléans félicitent la Convention d'avoir
fait succéder le regne de la justice à celui de la terreur ; ils se
sont indignés de l'assassinat cominis en la personne de Tallien
. Faites marcher , disent- ils , la révolution rapidement
vers son but ; maintenez la liberté de la presse ; faites justice
des traîtres , des intrigans , des fripons , des dilapidateurs de la
fortune publique ; déployez des mesures repressives contre ces
satrapes révolutionnaires qui sement par-tout l'épouvante , qui
ne veulent la terreur que parce qu'elle leur est nécessaire pour
ensevelir leurs crimes . Si vous êtes attaqués , le peuple est là
pour vous défendre ; nous ne reconnaissons d'autorité légi
time que celle de la Convention . " .
André Dumont se plaint de ce que le discours de Robert
Lindet, sur l'état de la République , et le rapport de Grégoire
sur les encouragemens à accorder aux savans , aux artistes et
aux gens de lettres , n'ont été remis qu'hier à l'agence des lois .
Il demande que cette agence soit chargée de l'impression des
rapports dont l'envoi est ordonné . Décrété .
Un citoyen offre les moyens de faire aller le télégraphe pendant
la nuit. Mention honorable .
On fait lecture d'une lettre du représentant du peuple ,
Turreau , prés les armées des Alpes et d'Italie. Il rend compte
de sa conduite dans la guerre de la Vendée . Il en résulte , que
loin d'avoir excusé la conduite du général Turreau, il n'ajamais
été le témoin de ses opérations . Certes , dit-il , s'il s'est rendu
coupable des forfaits inouis qui vous ont été dénoncés , et que
j'eusse été sur les lieux , toutes les facultés de mon être eussent
été consacrées à les prévenir , et si je n'avais pas réussi , j'aurais
appellé de toutes mes forces le fer vengeur des lois et
l'exécration de la République sur la tête de leur abominable
auteur . Il finit par invoquer le témoignage de tous les reprėsentans
du peuple qui oat clé en mission dans la Vendée , et
qui ont été témoin de sa conduite . Cette lettre est renvoyée au
comité de sûreté générale .
Tome XII .
( 210 )
-
Sur le rapport de Menuau , au nom du comité des secours
la Convention décrete que les citoyens réfugiés des départemens
envahis par les brigands et autres ennemis de la République , ceux
des Isles -du-Vent , sous le Vent , déportés , et les Corses , ainsi
que ceux de tous les établissemens français en- deçà et en - delà
du Cap de Bonne-Espérance , soit en Afrique , soit en Asie ,
ont droit à un secours . Les réfugiés et déportés , âgés de
moins de 60 ans , recevront le secours de 75 liv . par mois ; les
femmes et les enfans au dessus de 12 ans recevront les deux
tiers de cette somme ; les eufans au-dessous de cet âge ne recevront
que le tiers . Les réfugiés ou déportés , âges de plus
de 60 ans , recevront 3 liv . par jour ; et les femmes du même
âge , 40 sous. Telles sont les principales dispositions de ce
décret.
Chenier , au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête qui doit avoir lieu décadi prochain .
pour célébrer les victoires de la Republique . Il la fait préceder
de plusieurs observations importantes sur l'esprit qui va diriger
les travaux de l'instruction publique .
Une commission sage , éclairée , laborieuse , amie de la
philosophie , et par conséquent des hommes , puisque la philosophie
les rend meilleurs , a remplacé cette commission
imbécille et conspiratrice , qui sous le jong sanglant de Robespierre
, organisait avec tant de soin l'ignoranée et la barbarie
. Il faudra bien encore épurer la commission temporaire
des arts , et y porter comme en triomphe , ces artistes célebres
et opprimés , qui n'avaient commis d'autre délit que d'avoir
offensé par des succes mérités , l'orgueil d'un rival bassement
jaloux. Il faudra, écarter cette foule de petits intrigans sans
moyens , qui luttaient contre le talent avec la calomnie , qui
sous le regne des triumvirs , obstruaient les avenues du comité
da salut public , obtenaient sans peine des requisitions qu'on
refusait au vrai mérite , sollicitaient , mettaient en mouvement
toutes les autorités constituées pour faire imprimer leurs brochures
, pour faire graver leurs dessins et leur musique , pour
faire chanter leurs vaudevilles , pour faire représenter leurs
pieces de théâtre , et qui , vrais dilapidateurs de la fortune du
peuple , ne rougissaient pas d'élever , anx frais de la République
étonnée , des monumens d'ignominie pour la littérature
et les arts de la République . "
( On verra ci -après , à l'article Paris , l'exécution du plan de
celle fête. )
Séance d'octidi , 28 Vendemiaire.
151cahiers
Lakanal offre à la Convention le fruit de ses recherches sur
les manuscrits de J. J. Rousseau . Voici , dit- il ,
écrits en entier de la inain de ce grand homme ; ils renferment
divers morceaux qui n'ont jamais paru , et le germe des prin(
211 )
L
cipales productions de son génie . On y voit le premier jet
de ses pensées , et les modifications qu'elles ont éprouvées
avant d'avoir cette perfection admirable de style qu'on trouve
dans tout ce qui est sorti de sa plume. Ces manuscrits étaient
au pouvoir de la citoyenne Mogurier. I annonce qu'il offrira
bientôt l'original de l'ouvrage de ce philosophe sur le goa
vernement de Pologne , où il se trouve plusieurs passages importans
que le despotisme avait fait supprimer . Le libraire .
Poinçot , qui prépare une edition complette des oeuvres de
Rousseau , aura communication de ces manuscrits . I annonce
ensuite qu'il présentera sous trois jours un rapport sur les
écoles primaires et sur les écoles normales .
Richard et Pocholle écrivent de Lyon que la proclamation
du décret qui rend à cette commune sox ancien nom , et ses
habitans les droits de citoyen , a excité les transports les plus
vifs de la joie et de la reconnaissance . A cette lettre est jointe
une adresse du conseil general de la commune de Lyon , qui
remercie la Convention du décret qu'elle a rendu en faveur
de cette ville , et declare qu'elle contient autant de défenseurs
intrépides de la liberté qu'elle renferme d'habitans . « Nous
vous en conjurons , ajoute t- il , achevez votre ouvrage , jetez
vos regards paternels sur cette masse de citoyens que l'erreur ,
et non le crime , entraîna dans la rébellion , et qui , fuyant
une cité que leur , travail , animais , sont alles cacher leur dous
leur et leurs regrets dans le fond d'une retraite obscure . La
plupart de nos ateliers sont sans chefs ; des milliers de bras
oisifs attendent leur industrie nourricière ; rendez les au be
soin du peuple , rendez les à leurs familles , rendez les à leur
patrie . Dites que leur égarement , expié par une année d'angoisses
et d'amertumes , est oublié ; dites que les décrets lancés
contre eux vont cesser de les atteindre , et n'abandonnez à la
sévérité des lois que les conspirateurs impies , que les sacrileges
ennemis de notre liberté, Insertion de l'adresse et de la
lettre au bulletin .
Sur le rapport de Cambon , la Convention décrete que les ,
biens des Français absens du territoire de la République avant
le 1er juillet 1789 , dont la jouissance avait été accordée antérieurement
à cette époque à leurs héritiers ou ayant droit ,
ne sont pas compris dans les dispositions de la loi du 11 bramaire
, qui ordonne le séquestre des biens des Français qui ,
sortis de la République avant le 1er . juillet 1789 , n'étaient
pas rentrés le 11 brumaire.
Le même rapporteur fait un rapport relatif à la réduction
des membres des comités civils des sections de Paris . Le
nombre , daus chaque comité sera réduit à 12. Ils seront renouvelles
par quart tous les trois mois par le comité de législation
, qui fera imprimer et distribner à la Convention le nom
des citoyens qu'il aura choisis . Il sera tenu à l'avenir , dans
chaque comité civil , un registre de présence , et les secrétaires
O &
( 212 )
constateront chaque jour , par leurs signatures , les noms des
membres présens et en activité de service .
Dans le cours de son rapport , Cambon a fait une remarque`
d'économie financiere bien importante . Il a démontré que le
nombre des membres des comités stipendiés à 3 liv . par jour ,
se montait à 540,000 ; ce qui occasionnait une dépense
journaliere de 1,620,000 liv. , et par an de 591,300,000 liv.
Goupilleau ( de Fontenai ) écrit de Bésiers , et donne des
détails sur la situation d'Avignon et du département de Vaucluse.
Il répond à une dénonciation de prétendus patriotes
d'Avignon , insérée dans leJournal de la Montagne , par laquelle
on l'accuse d'avoir comprimé le patriotisme , de protéger le
crime , de mettre en liberté des royalistes , dés fédéralistes ,
et d'avoir fait fermer la société populaire .
Il résulte des renseignemens pris par Goupilleau , que les
agens de Robespierre se donnaient la main de Marseille à
Avignon ; qu'une poignée de acélérats avaient résolu de faire
du Midi un vaste cimetiere , et de so partager les dépouilles.
des citoyens qu'ils égorgeaient ; qu'on y méditait sérieusement
la contre - revolution ; qu'on y voulait l'anéantissement des
sciences , du commerce , de l'agriculture et des arts ; qu'à la
foire de Beaucaire , à la suite d'une orgie , et par partie de
plaisirs , on mit tous les négocians en arrestation ; qu'à la veille
de la récolte , plus de 4000 agriculteurs ont été enlevés à leur
famille et à leurs travaux ; que les meres des défenseurs de la
patrie étaient celles qu'on persécutait de préférence . Il les a
vues dans les prisons , livrées au désespoir , mourantes et
tenant dans leurs bras des enfans qu'elles ne pouvaient plus
alaiter. Voilà les aristocrates qu'il protége . Il est bien coupable
aussi , si c'est un crime de gémir sur toutes les atrocités commises
par le tribunal de sang établi à Orange , et dont la mémoire
ne doit passer qu'avec horreur à la postérité la plus
reculée . Il a falt arrêter les membres de ce tribunal sur l'invitation
du comité de salut public . Il n'a fait mettre en arrestation
dans le département de Vaucluse que deux individus ,
d'après les motifs les plus graves. Lorsqu'il est arrivé , la consternation
était peinte sur toutes les figures ; on était parvenu
à y faire détester la révolution ; aujourd'hui on l'aime et le
calme se rétablit . Les prétendus patriotes qui le dénoncent
sont à coup sûr de ces mauvais magistrats , la terreur de leurs
concitoyens , qu'il a ére obligé de destituer. Ce sont ces gens
carnivores , partisans et héritiers de Robespierre , qui regrettent
de tems où il leur était loisible de voler et de massacrer impunément
; ce sont ces hommes qui , sans cesse le mot de vertu
à là bouche et la scélératesse dans le coeur , n'avaient pas de
pain il y a six mois , et qui vivent maintenant dans une scandalense
opulence ; ce sont ces hommes pervers , dilapidateurs
de la fortune publique , voleurs de celles des particuliers , qui
sé'levent de totes leurs forces contre des mises en liberté
( 213 )
prononcées en faveur de citoyens qui dénoncent leurs rapines
leurs contributions forcées , leurs concussions , toutes les horreurs
dont ils se sont rendus coupables .
L'Assemblée ordoune l'insertion de cette lettre au bulletin .
Une adresse de la société populaire de Carpentras confirme
les mêmes faits . Elle désavone l'adresse qu'on a attribuée à cette
société , et qui ne se trouve point sur ses registres . Elle invite
la Convention à se méfier de ces circulaires dictées par l'audace
désespérée de voir finir un système oppressif. Les aristoerates
et les modérés n'ont jamais siégé dans cette société .
Achevez de purger le sol républicain de tous les fripons ; frappez
indistinctement tous les scélérats , et que le gouvernement
révolutionnaire ne soit plus que la terreur des mèchans , seuls
ennemis qui restent à la République .
Paganel fait un rapport sur l'insalubrité des prisons et des
maisons d'arrêt , à la suite duquel le comité de législation a
été chargé de présenter un projet de loi sur la police et le
régime intérieur des prisous , et donnera des ordres à la commission
de police et des tribunaux , pour que les prisonniers
de la Conciergerie soient traduits dans une autre prison . Le
comité des travaux publics prendra toutes les mesures néces- ,
saires pour rendre habitables et salubres les prisons , maisons
d'arrêt , de repression , de détention et hospices de santé .
Les comités d'agriculture et des arts , de commerce et d'approvisionnemens
prendront des mesures pour employer les déte--
nus des deux sexes à un travail utile , journalier et non interrompu.
Celui des secours publics est chargé de procurer
aux vieillards , aux infirmes , aux malades , et généralement à
tous les détenus , une nourriture saine et suffisante , le linge
et les vêtemens indispensables . Chaque comité rendra
compte , avant le 20 brumaire , des mesures qu'il est chargé
de prendre.
--
Séance de nonidi , 29 Fendemiaire .
Après la lecture d'une foule d'adresses qui adherent aux
principes contenus dans celle de la Convention au peuple
français , André Dumont observe , au nom du comité de sûreté
genérale , que , par décret du 22 de ce mois , la Cenvention
a chargé le tribunal révolutionnaire de continuer le
procès du comité de Nantes , et de rendre compte des difficultés
, s'il s'en trouvait , au comité de sûreté générale , qui
proposerait à la Convention les mesures que la justice pourrait
exiger ; mais par un décret antérieur , les trois comités
se trouvent chargés de se réunir pour faire un rapport sur
cette espece de difficulté . En conséquence , André Dumont
provoque l'adjonction des comités de salut public et de législation
à celui de sûreté générale . Décrété.
-
Dubois- Crancé expose qu'un nommé Julien Leroi , qui avait
été condamné à 4 ans de fers , pour avoir vendu un cheval qui
0 3
( 814 )
ne Ini appartenait pas , a éte compris dans les noyades de
Nantes. Ce malheureux , ayant les mains attachées derriere le
dos , après avoir lutté pendant huit he res contre les flots ,
est parvenu a se sauver ; mais il fut repris et jette dans un
cachot , afin qu'il ne pût dévoiler ces horreurs . Dubois- Craucé.
pense qu'il a assez expié sa faute par les tourmens qu'il a ens
dures . I demande qu'il soit rendu à la liberté .
--- Cette proposition
est renvoyee an coinite de sûreté générale .
A l'occasion du decret d'adjonction qui vient d'être rendu.
sur la demande de Dumont , Tallien ne pense pas qu'il soit
besoin pour cette affaire de la reunion des trois comites . parce
qu'aucon comite ne doit avoir l'initiative sur ce qui peut toucher
immédiatement à la representation nationale . Il estime
que c'est à la Convention seule a statuer , et il rappelle le
tems où les comités pouvaient venir déeimer la Convcution et
désigner les têtes qui devaient tomber sur l'échafaud ; mais il
rappelle la proposition qu'avait faite Cambacerès , dans une
precedente stance , de nommer une commission de 12 mem
bres qui ne seraient d'aucun comité , et qui feraient les fonetions
de rapporteur , daus le cas où un représentant se trouverait
prévenu de quelques delits de nature à le faire meure
en jugement.
Lejeune s'éleve contre l'idée d'une commission ; il prétend
que c'est une chamb e ardente que l'on veut etablir pour détruire
la réprésentation nationale et de servir les projets de
Pitt.
Pelet pense , comme Lejeune . que la coalition aspire à dé
truire la Convention nationale ; c'est dans cet objet qu'elle a
suscité parmi nous tant de factions ; mais la journée du 10
thermidor la obligée de changer de système ; maintenant elle
cherche à frapper d'ignominie la Convention . Des soupçons
planent sur un representant du peuple , non dans des pamphlets
, mais tout le peuple de Paris , toute la France sait ce
qui se passe au tribunal dans l'affaire du comité révolution -
naire de Nantes . Il est urgent d'eclairer le peuple . Il demande
que les pieces que le comité peut avoir reçues soient presen
tecs dans deux jours .
Dumont declare que le décret qu'il a demandé n'a pour
objet que de provoquer des moyens de garantie pour la représentation
. Il ne s'agit pas d'un individu , mais de traiter la
question d'une maniere generale ; il ajoute qu'il n'est parvenu
encore aucune piece , et que , dans une affaire aussi importante,
il ne suffit pas de la déclaration d'un temoin ou d'un accusé ,
qu'il fant eucore des preuves écrites et convaincantes .
Cambacerès quitte le fauteuil , et explique ce qu'il a entendu
par la commission dont il a parlé . Ce n'est point une chambre
ardente à la maniere de Richelieu , comme le pense Lejeune ,
mais une simple commission qui n'aurait d'autre pouvoir que
celui de faire part des renseignemens.
( 215 )
Thuriot pense comme des préopináns , que la coalition
n'a d'autre but que de poignarder la representation natiomale
. Il sait que ce projet existe encore , et qu'il est appuyé
au dedans par des scélérats , qui cherchent à susciter des
haines et des vengeances parmi les représentans du peuple .
1 déclare qu'il n'entend point vouloir mettre le crime à
l'abri , s'il se trouve dans la représentation nationale . Il parle
ensuite de la commission . Ce projet a été mûrement discuté
dans les comités , où l'on ne peut craindre le ressentiment
des passions ; car ils forment 50 membres ; si l'un d'eux parlait
interêt particulier , les 49 autres prévaudraient. Cependant ,
soit que dans un comite il pût y avoir quelque particularité
relativement à la mission d'un membre , les trois comités ont
cuvisagé cette commission proposée sous le rapport qu'elle
serait nommée par appel nominal , isolée des comités , qu'elle
recevrait les dénonciatious portées à la Convention nationale
par les trois comités , les examinerait , et ferait un rapport ,
d'aprés lequel la Convention pourrait juger définitivement .
La discussion se ferme . Le tout est renvoyé aux trois comités,
pour en faire un prompt rapport.
Un membre rappelle à la Convention qu'elle avait chargé
ges comités de lui faire un rapport avant le 1er, brumaire sur
les députés détenus. On observe que la piece qui a servi de
motif à leur détention ne se trouve point au comité de sûreté
generale . Amar déclare qu'elle est restée jointe aux pieces qui
se trouvent au tribunal révolutionnaire . Sur la proposition de
Bentabole , la Convention décrete que le greffier du tribunal
fera remettre dans 24 heures certe piece comittéé de sûreté
générale.
Il n'y a point eu de séance le décadi ; la Convention a assisté
à la fête des victoires.
Seance de primedi , 1er . Brumaire.
Deux députés détenus obtiennent la permission d'aller rétablir
leur santé dans leur maison .
Pénieres reproduit encore la demande du rapport sur les
députés détenus : il ne veut point jetter les yeux sur le passé' ;
il faut affermir la République avant de confier la vérité à l'histoire
; mais depuis le 9 thermidor , tous les citoyens obtien
neut justice . La Convention la refusera- t- elle à des collegues
qui gémissent depuis plus de 15 mois dans les prisons.
Merlin (de Thionville ) annonce que la protestation , signée
par ces députés , a été seulement remise à minuit au comité ,
qui sur-le - champ l'a envoyée à l'impression pour être disaibuée
. Il pense qu'il ne faut rien précipiter , mais attendre
le rapport.
Thuriot réclame l'ordre du jour , et te motive sur ce qu'il
serait dangereux de faire le procès à la journée du 31 mai .
0 4
( 216 )
Guyomard , Pelet , Roux et plusieurs autres membres come
batteut l'ordre du jour , et prétendent que la révolution salu
taire da 31 mai n'a rien de commun avec les motifs qui ont
déterminé la détention des 71 députés.
La discussion devient extrêmement vive et agitée . On fait
differentes imputations aux détenus .
Tallien énumere les bons effets qu'a produits la révolution
du 31 mai ; mais il a réclamé à grand cris l'application des principes
de justice , développés par la Convention . Il rappelle
les tems malheureux où des scélérats venaient à la tribune
désigner les représentans du peuple qu'ils envoyaient à l'échafaud.
Il rappelle ce qui concerne le malheureux Fhilippeaux ;
comment le feroce et execrable Robespictre s'opposa avec fareur
A ce que l'épouse de cet infortuné soit entendue . Il blâme la
conduite d'un représentant qui a semblé faire , il y a quelque
tems , le procès au 31 mai . Il ne veut pas qu'en révolution on
jette les yeux en arriere ; mais il pense que la Convention
nationale doit éclairer la France , et lui faire connaître si les
mandataires arrêtés sont coupables . Il conclut au rapport.
Bentabolie demande que le registre secret du comité de
salut public lors du 31 mai , et que Cambon a dit exister ,
soit deposé aux archives nationales , afin que la malveillance
ne cherche pas à decrier la révolution du 31 mai.
Cambon prend la parole et déclare persister dans la déclaration
qu'il avait faite , sur ce que Clausel lui avait dit ,
pourquoi , dans le teins , il n'avait pas dénoncé les conspirateurs
; il repond qu'alors le comité fit un rapport sur cet objet ,
sans cependant nommer les personnes . Il dit que le peuple a
régularisé la révolution du 31 mai , de maniere qu'elle a été
applaudie par toute la République ; mais qu'elle a été suscitée
par des innigans . Il renouvelle ce qu'il a dit sur les conciliabules
de Danton , de Robespierre et de Pache , à Charenton ;
que le but de leurs discussions était de demander l'arrestation
de 22 membres . Il declare que la premiere pétition contre ces
députés est de Danton ; qu'il l'a vu remettre à l'individu qui
l'a prononcée .
Cambon paile ensuite d'un autre complet des mêmes personnages
qui , le 8 juillet , voulaient remettre le petit Capet
.sur le trône . Enfin , Cambon déclare franchement que Robespierre
et d'autres avaient formé le plan de conduire à l'échafaud
tous les appelans au peuple , et ensuite de sacrifier le
reste de la Convention ; qu'il a tout fait pour détruire ces
projets execrables ; que le comité de salut public de ce tema
avait fait des rapports , pour inviter la Convention nationale
a se métier des conspirascurs ; mais le colosse de popularité
que ces scélérats s'étaient acquis ; mais les pétitions qui se succédaient
à la barre ; mais la férocité de ces hommes cruels , ont
étouffé la voix des vrais patriotes prêts à se faire entendre .
Des mouvemens d'inquiétudes se font sentir . ) Combon
( 217 )
monte à la tribune , et dit qu'il va déchirer le voile . ( Ap
plaudi . )
Il annonce que le systême de terreur a été organisé par
la cour ; qu'il a existé par conséquent , avant la Convention.
C'est par ce systême , continué par les dominateurs d'alors ,
qu'après la suspension de Capet , ils voulurent essayer de
dissoudre le corps législatif , pour donner la régence à d'Orléans
, et ensuite en faire un roi . Les massacres du 2 septembre
ont accompagné cette circonstance . Ici Cambon dit
qu'un des auteurs de ce massacre est Tallien . Que le 31
août il est venu à la barre avec Pétion déclarer que tant
de prêtres étaient rassemblés dans un tel endroit ; et que si
l'Assemblée n'en faisait justice , le sol de la liberté en serait
purgé. ( On frémit . ) Tallien réclame la parole . -- Cambon
continue , et dit que c'est de ce moment qu'est parti le
systême de terreur ; et qu'il n'a fait que changer de main.
Tallien releve le fait avancé par Cambon . Il appelle en
témoignage tous les vrais patriotes d'alors , sur ce qu'il est venu
au corps législatif réclamer contre les massacres ; qu'il s'est
jeté à travers les poignards des égorgeurs pour les empêcher
d'aller au temple sacrifier le dépôt qu'alors la représentation
nationale avait confié à la commune de Paris . Au reste , il demande
à ce sujet que sa conduite soit examinée avec sévérité ,
ne voulant pas être confondu avec les scélérats qui ont noyé
dans la Loire , fusillé à Lyon , et égorgé dans le Midi. Le sang
innocent n'effraie point mon esprit pendant la nuit. Des fantômes
horribles n'épouvantent point mon imagination . Qu'on
demande ce que j'ai fait à Bordeaux , et ce qu'on a fait à
Nantes , à Lyon .....:
Barrere et Delmas déclarent avoir signé le registre secret
dont a parlé Cambon .
Delmas dit qu'à Charenton , on voyait se rassembler Danton
, Robespierre , Chabot , Bazire et Pache ; qu'il a voulu
parler lors de l'arrestation des derniers députés que Robespierre
a envoyé à l'échafaud ; mais que sa voix a été étouffée .
Robert Lindet fait un discours très - étendu pour établir que
la révolution du 31 mai a été favorable à la République ,
La Convention ferme la discussion , et passe à l'ordre da
jour , s'en rapportant an zele des comités pour faire leur
rapport sur les députés détenus aussi - tôt qu'il sera possible.
Merlin ( de Douai ) : Citoyens , tandis que forts de la confiance
du peuple , et investis de sa puissance , vous faites une
guerre ouverte et implacable aux crimes et aux factions qui
trop long - tems ont désolé l'intérieur de la République , nos
braves armées continuent de poursuivre avec leur courage
ordinaire , les féroces ennemis qui ont osé s'armer contre elle
au-dehors .
Voici le précis des nouvelles qui sont parvenues depuis
avant- hier au comité de salut public :
1218 )
L'armée de Sambre et Meuse vient de s'emparer de la
forteresse de Stephenwerth , sur la Meuse , au - dessus de Ruremonde
.
L'armice du Nord pousse l'ennemi avec son succès ordinaire .
Celles du Rhin et de la Moselle ne déploient pas moins de
vigueur coutre les Prussiens dans le Palatinat . Depuis plusieurs
jours , elles se sont emparées du poste important de
Trabach , sur la Moselle , et none collegue Bourbotte nous
envoie aujourd'hui les clefs de Kreutznach , place qui nous
assure une position avantageuse entre Coblentz et Mayence .
Les représentans du peuple et les généraux se louent beaucoup
du bon esprit et de la discipline des troupes..
PARIS . Quantidi , 4 Brumaire , 3e . année de la République.
La bonne harmonie qui regne dans la Convention depuis le
9 thermidor a failli être troublée un instant par le zele impatient
de plusieurs membres à desiander le rapport précipité
de l'affaire des 71 députés détenus . La justice est maintenant
un droit que tous les citoyens peuvent revendiquer . Mais comment
rendre compte de cette affaire saus parler de la journée
du 31 mai ? Est- ce bien le moment de porter sur cette époque
de la révolution ce coup- d'oeil tranquille et impartial qui appartient
à l'histoire ? Toutes les lumieres qui peuvent servir
à éclairer cette partie de nos événemens politiques ont- elles
été recueillies ? Ce n'est ni par les motifs , ni par les formes
qui ont accompagné cette journée qu'il faut la juger , mais
par les resultats heureux qu'elle a produits . Il faudrait être bien
aveugle ou de bien mauvaise foi pour ne pas voir que c'est
depuis cette époque que le gouvernement a pris une marche.
ferme et suivie , qu'il y a eu de l'ensemble dans les opérations
du corps représentatif , que les plans de la guerré ont été sageinent
combinés , et que nos armées ont été par-tout constamment
triomphantes . S'il y a eu dans l'intérieur un régime d'oppression
, dont le souvenir tourmentera long- tems nos imaginations
épouvantées , si ceux qui l'ont établi se promettaient
d'en recueillir les fruits execrables , ils out payé leurs crimes
de leur tête , et nous avons la consolante certitude que ces
jours d'horreur ne renaîtront plus . Jouissons de cette douce
perspective , et ne réveillons plus des passions dont l'oubli
tient au salut de la République . La captivité des détenus , s'ils
sont jugés innocens , aura sans doute un terme prochain ; mats
l'intérêt public est la premiere justice des nations , et la politique
utile le premier devoir des gouvernans. Il est des choses
qu'il faut abandonner au pouvoir insensible , mais sûr , də
l'opinion . L'ordre du jour , tel qu'il a été motivé , est l'issue
la plus heureuse que pouvait avoir cette discussion.
( 219 )
La fête des victoires a été célébrée décadi dernier au champ de
la Federation , par le tems le plus favorable . C'est une de celles
dont on a joui avec le plus de satisfaction , parce qu'en rappellant
l'idée des succès glorieux de nos armées , elle n'etait troublée
par aucun de ces sentimens sinistres que l'on avait peine
à déguiser dans les fêtes précédentes .
Dès le point du jour un rappel général avait invité les
citoyens à s'armer pour la fête . Le carillon de la Samaritaine
donnait le signal de l'allégresse pablique. On vit les citoyens
de tout âge s'acheminer vers le champ de la Fédération . La
force arme s'y rendait aussi tambour battant et enseignes
deployées . Il etait environ deux heures , lorsque toutes les
sections furent arrivées . Alors la Convention sortit de l'Ecole
militaire où elle s'était assemblée ; et au milieu d'une musique
triomphale , elle s'avança vers le rocher qui avait changé de
forme et qui paraissait une citadelle inexpugnable . Lorsqueles
représentans da people furent places sur cette forteresse
le président prononça un discours analogue à la ceremonie ;
on chanta l'hymne de la victoire , et l'institut national he
retentir les airs de ces accords harmonieux que dirige
Gossec.
Un peuple immense couvrait les glacis , et tous les yeux
se porterent sur un fort construit à l'extrémité du champ de
la Federation , et que les élevés de l'ecole de Mars devaient
prendre d'assaut . Leur cavalerie , dont une partie avait pris
les couleurs de nos ennemis , a fait d'abord dans la plaine ce
que l'on appelle là petite guere . Nous n'expliquerous pas en
termes de tactique les diferentes évolutions de cette jeune
armée , il suffira de dire que les manoeuvres ont éte exécutées
avec une telle precision , qu'elles etonnaient de vieux militaires
témoins de ces jeux..
Lorsque la Grèce assemblée dans les champs de l'Elide ,
applaudissait au triomphe des athletes vainqueurs , c'etait
à des hommes long - tems exercés qu'elle off ait le jaurier de
la victoire ; mais ici les représentans de la République Fançaise
et la multitude de citoyens qui assistaient à ce spectacle
interessant , avaient sous les yeux de jeunes gens qui n'ont
pas encore atteint leur quatrieme lustre , et qui , il y a à peine
six mois , n'avaient encore manié que le soc ou la houlene ,
Les progrès de cette jeunesse guerriere paraîtront un jour des
fables à la postérite ; puisqu'ils étonnent même les contem
porains .
Lorsque le fort eut été enlevé , et que le drapean tricolore
eut remplacé sur ses tours les enseignes blanches qui y
avaient flotte pendant le siege , l'armée victorieuse est rentree
dans le champ de la Fédération , conduisant avec elle le char
de la victoire , devant lequel on portait des trophées formés e
de drapeaux ennemis . Les soldats blessés marchaient avec cette
jeunesse animée du desir de les yenger ; et ce cortege im .
( 220 )
posant s'est avancé avec la Convention nationale , vers le temple
de l'Immortalité , où le président a gravé sur une colonne
les noms de nos quatorze armées .
"
Le soir le jardin du Palais national a été illuminé sur le
bassin circulaire qui est en face du pavillon de l'Unité
dans la même isle eù dix jours auparavant on avait déposé les
cendres de Rousseau , etait une arne que la députation de
la Convention nationale est venue orner d'une branche de
laurier. C'était un hommage qu'elle rendait à la mémoire.
de nos braves défenseurs morts dans les combats .
Des danses joyeuses ont terminé la fête des victoires , signe
du bonheur qui doit couronner les efforts des amis de la
liberté .
Dans la séance du 29 vendémiaire , la société des Jacobins
, sur la proposition de Crassous , a arrêté qu'il serait
redigé une circulaire à tous les amis de la liberté , pour leur
exposer les principes comme la profession de foi politique de
la société , laquelle sera signée individuellement par tous les
men.bres. Crassous avait proposé qu'elle fût signée également
par tous les habitués des tribunes ; mais Maure a fait sentir
les inconvéniens de cette mesure , qui a été rejettée .
Des lettres de Port-Malo , du 25 vendémiaire , annoncent
que trois colonnes de l'armée de l'Ouest ont attaqué les brigands
de la Vendée , et les ont mis en déroute . 5000 d'entre
eux ont demandé à mettre bas les armes . Il est probable que
les mesures de prudence , de justice et d'humanité que prendront
les représentans du peuple , donneront à cette guerre
une direction qui en accélérera le terme et retablira le calme
dans cette partie de la République .
·
L'adjudant général Lefebvre , dont la Convention avait
ordonné l'arrestation , est arrivé et a été transféré à la Conciergerie
. Il avait déja été arrêté par ordre de l'accusateur
public , avant même le décret .
On a arrêté ces jours derniers l'auteur d'an pamphlet séditieux
, ayant pour titre : Nous mourons de faim ; le peuple est bon ,
il faut que cela finisse.
Un nouveau convoi d'argent monnoyé et en lingot est arrivé
de la Belgique à la trésorerie nationale .
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Depuis la 3. sanculotide jusqu'au 24 vendémiaire inclusivement
, le tribunal a condamné à la peine de mort 24 conspirateurs
et ennemis du peuple , deux à la déportation , et un à
quatre années de fer. Il a acquitté 155 prévenus , dont la plus
( 221 )
grande partie a été mise en liberté ; les autres détenns en ex
cution du décret de la Convention .
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Les débats de la procédure intentée an comité révolutionnaire
de Nantes ont commencé aujourd'hui ; deux témoins
ont été entendus ; ils ont retracé les crimes , les horreurs ,
les forfaits commis , les cruautés , les barbaries exercées dans
la commune de Nantes. Le malheur de cette ville infortunée
a dit le premier témoin , date de la fondation du comité
révolutionnaire , où l'on ne plaça que des hommes immoraux
et ignorans , la terreur arriva avec enx . Carrier la seconda ;
trois crimes étaient alors impardonnables : et qui le croirait !
ces crimes étaient la probité , le talent et les richesses ; Carrier ,
a-t-il ajouté , en parlant à la tribune de la société populaire ,
le sabre nud à la main , alluma , dans un auditoire nombreux ,
composé de citoyens malheureusement trop faciles à l'écouter,
toutes les passions les plus haineuses . Plus de deux mille arrestations
eureut " lieu alors.
Le témoin a fait ensuite le tableau du régime affreux
qui régnait dans les prisons de Nantes , dans lesquelles 10,000
citoyens ont péri de maladie ou de misere ; il a porté jusqu'à
30,000 le nombre des individus qui ont perdu la vie , soit
dans les prisons de cette ville , soit par les fusillades ou
noyades qui y ont eu lieu , en y comprenant les brigands .
En parlant des noyades' , il a déclaré avoir appris d'un
citoyen qu'il a nommé que , par un rafinement de barbarie ,
on déshabillait les jeunes garçons et les jeunes filles ; on les
attachait deux à deux et on les précipitait dans la Loire , et que
ce genre de noyade était appellé wariage républicain.
Plusieurs des accusés ont déclaré et répoudu aux inculpations
qui leur ont été faites , qu'ils ont exécuté les ordres de
Carrier ajoutant que ces ordres n'étaient pas donnés par
écrit.
Laéné , premier témoin , a rappellé la noyade de go
prêtres , dont deux septuagénaires échappés au naufrage furent
roulés sur le port , et recueillis avec humanité par des matelots
qui leur donnerent leur eau- de-vie pour les réchauffer ... Ils
furent conduits au comité , et il ignore s'ils ont été noyés ; mais
ils ont diparu . "
Goulin a affirmé qu'il n'avait eu aucune connaissance de
la noyade des 90 prêtres ; mais a reconnu avoir participé à
celle des prisonniers du Buffay , au nombre d'environ 120
il a argué des circonstances qui exigeaient impérieusement ,
selon lui , de telles mesures ; il a vonlu faire un paralelle de ce
qui se passa au mois de septembre 1792 , à Paris , lorsqu'on
y apprit que les Prussiens occupaient les plaines de la Champagne
. ( De violens murmures se sont fait entendre. )
( 222 )
Dobsent a rappellé à l'accusé qu'un crime n'a jamais
légitimé un autre crime ; que si quelques scélérats commirent
alors des forfaits , le peuple de Paris , toujours juste et rempli
d'humanité , n'y eut aucune part , et que les bons et vrais
patriotes ne furent jamais des septembriseurs . ( La salle a
retenti d'applaudissemens et de bravo , long- tems répétés par .
tout I auditoire . )
Laéné a ajouté que les noyades se frent d'abord à l'entrée:
de la nuit , ensuite en pleia jour ; il a entendu plusieurs fois
les cris des victimes qu'on mayait ; il a entendu les fusillades ;
il a vu mener an supplice des hommes , des femmes et des
enfans ; on fosillait à Nantes dans trois endroits ; on a massacré
sur la place du département un si grand nombre de brigands
qui avaient rendu les armes , que trois cents hommes furent
employes et occupés pendant six semaines à recouvrir les
fosses de ceux qui avaient ainsi péri .
L'accusé Chaux declare qu'il n'avait aucune connoissance
des mariages républicains ; mais que Lamberty et Fouquet ,
exécuteurs des ordres de Carrier , étaient bien capables d'avoir
inventé et de s'être livrés à de pareilles atrocités .
Le second témoin , Beaujoux , accusateur public , a dit
qu'il avait connaissance de plusieurs noyades faites à Nantes ;
que s'étant opposé à l'extraction et à l'enlevement de 30 femmes.
grosses , de 12 à 15 enfaus de 8 , 10 et 12 ans , qu'il avait fait
mettre dans un entrepôt , il fut menacé de la guillotine par Fouquet
et Lamberty qui voulaient les enlever pour les moyer en
verin des ordres illimités dont ils étaient porteurs.
Grand - Maison a assuré que Carrier plaint et a
reproché plusieurs fois au comité de l'est
de ce qu'il ne prenait que a
de demi-mesures , et qu'il traitait ce comité de contre - révola
tionnaire lorsqu'il s'opposait aux grandes mesures .
Joly est convenu d'avoir attaché un à un , derriere le dos ,
les mains des prisonniers que l'on conduisait sur les bateaux ;
il a ajoute qu'il lui en avait passé par les mains plus de 18
mille , mais qu'il n'avait assisté à aucune noyade . Il a ensuite
parle d'une noyade de 400 personnages qui a eu , lien devant ,
Coron ; il a vu leurs cadavies sur la surface de la Loire.
Du 26. Des noyades d'enfans et autres , ont encore été
reprochees as comite révolutionnaire de Nantes .
Guignon , accusateur publie de la commission militaire ,
ayant appris que Fouquet et Lamberty continuaient à noyer ,
signifia au geolier de ne plus perieure aucune extraction
de detenus . Lamberty communiqua cet ordre a Carrier , qui
manda chez lui la commission ; le président s'y rendit . Carrier
lui dit : c'est donc toi qui donne des ordres contraires aux
miens , juge , puisque to veux juger ; mais si dans deux heures .
l'entrepôt n'est pas jugé , je te fais fusille , ainsi que la commission.
Le président fut tellement intimidé que la fievre le
( 223 )
saisit et qu'il mourut sous peu de jours . Dans les accès de sa
fevre , il s'écriait : Carrier est - il parti ? Carrier est un scélérat
; Carrier est-il arrêté ?
Ou se rendit à l'entrepôt pour les jugemens.
Lamberty dit à Carrier qu'il restait un grand nombre de
détenus dans l'entrepôt ; il y en avait une quarantaine , dont
huit innocens ; la commission fit apeller les huit innocens ;
eing de ces derniers avaient déja été conduits au bateau et
noyés ; les trois autres furent mis en liberté .
Le témoin a lu l'ordre donné par Carrier et Lamberty , le
16 frimaire ; il est ainsi conçu a
Au nom de la République Française une et indivisible , à Nantes ,
le 16 frimaire , l'an ge . de la République.
* Carrier , représentant du peuple près l'armée de l'Ouest ,
invite et requiert le nombre de citoyens que Guillaume Lamberty
voudra choisir , à obéir à tous les ordres qu'il leur
donuera pour une expédition que nous lui avons confiée ;
requiert le commandant des postes de Nantes de laisser passer .
soit la nuit , soit le jour , ledit Lamberty et les citoyens qu'il
conduira avec lui ; défend à qui que ce soit de mettre la
moindre entrave aux opérations que pourront nécessiter leurs
expéditions . " Signé , CARRIER.
On présumes que cet ordre avait été donné pour la
noyade des go prètres , et qu'il a servi pour les autres noyades
et fusillades .
D
L'original est annexé au procès de Fouquet etode Lam-"
berty.
Dubois - Crancé a été entendu ensuite ; il a déclaré que
Carrier n'était plus à Nantes lorsqu'il y arriva ; que sa mission
n'avait rien de commun avec celle de Carrier . Dubois - Crancé ,
en visitant les fonderies d'Inderet , etc. a vu les bords de la
Loire garnis d'hommes occupés à enterrer les cadavres que ce
fleuve avait vomis . A cette époque , a-t -il dit , les mouvemens
des rebelles n'étaient pas menaçans pour la République ; car
depuis l'affaire de Savenay , il ne restait qu'environ 400 brigands
.
Les mesures de rigueur que l'on la prises n'ont servi qu'à
readre cette guerre affreuse ; il fallait employer la douceur ,
l'on n'y aurait pas perda 200 mille hommes . Les habitans de
ces cautons étaient les plus hospitaliers de la République .
La ville de Nantes était dans un tel état de stupeur que
personne dans les rues n'abordait un représentant ; il n'a vu
les habitans de cette malheurense cité qu'à la société populaire
, qui lui a paru daus les bons principes.
Beaujoux a encore été entendu , il avait oublié de dire
( 224 )
hier que l'on faisait payer 100 liv. à chaque individu arrêté
pour le conduire à la maison de détention de l'Eperonniere ;
ce qui est prouvé par plusieurs déclarations ; et a ajouté que
le comité a souffert ces exactions .
Les accusés ont donné des explications à ce sujet qui
ont paru peu satisfaisantes. Ce témoin a déclaré que lorsqu'il
arriva à Nantes , la terreur y était tellement à l'ordre
du jour , que des citoyens qui se rencontraient dans les
rues , n'osaient se regarder en face dans la crainte d'être
Boyés.
Un pere , une mere , un citoyen paisible , frisonnaient ,
étaient dans de continuelles allarmes ; ils avaient l'ame affaisée ,
l'esprit abattu , et lorsqu'ils entendaient une voiture s'arrêter
dans la rue , ils se persuadaient qu'on venait pour les arrêter.
Wolf , employé aux portes , a déclaré que Pinard s'était
emparé de 45 mille livres et d'une montre d'or qui.
appartenaient à la famille Beauge , lorsqu'elle fut arrêtée ;
l'accusé a avoué avoir tout gardé , ot a prétendu que la montre
était d'argent.
Le témoin a ajouté que Lamberty fut fait adjudant - général
d'artillerie par Carrier , qui lui donna des chevaux et
une galiotte hollandaise , où il donnait à manger , et que
Chaux donna lecture à la société populaire de Nantes de la
liste des 132 Nantais , en présence de Prieur ( de la Marue ) ,
qui voulait entendre les réclamations ; mais ils étaient partis
pour Paris , et l'ordre du comité exigeait de ne faire aucunes
réclamations , sous peine , pour les réclamans , d'être regardés
comme suspects .
·
Philippe Tronjoli a été ensuite entendu ; il a exposé
qu'il a dénoncé Carrier , et qu'il se porte dénonciateur et accusateur.
Des gens , a - t-il dit , qui me craignent , disent que je
suis fou , mais je ne le suis pas . Il a retracé avec précision ,
tous les faits qu'il articula lors du procès des 94 Nantais ,
et que nous publiâmes alors dans cette feuille . Il a dit que
25 noyades avaient eu lieu à Nantes , dont une de 600 enfans.
Il a parlé des mariages républicains : avant de jetter à l'eau
les jennes fillas et les jeuues garçons , attachés deux à deux , on
les laissait nuds dans cette attitude , pendant une demi- heure ;
on leur donnait ensuite des coups de sabre sur la tête , puis
on les précipitait dans la Loire . ( Frémissemens d'horreur . )
Les soldats de la compagnie - Marat se sont plaints plusieurs
fois d'avoir les bias fatigués des coups de sabres qu'ils
avaient donnés aux noyés ; il a ajouté que le 27 frimaire , il
reçut de Carrier l'ordre de faire guillotiner , saus jugemens ,
les brigands pris les armes à la main ou sans armes .
( La suite au numéro prochain . )
( N°. S. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 31 Octobre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
Vers sur la chûte du tyran .
CATILINA n'est plus. Quel beau jour pour la France !
Dans le coeur des tyrans va mourir l'espérance .
En perdant Robespierre , ils perdent leur appui .
Leurs projets insensés sont tombés avec lui .
Sur un peuple abusé sa perfide éloquence
Exerça trop long- tems sa maligne influence
On cût dit qu'il voulait affranchir l'univers ,
Tandis qu'à sa patrie il préparait des fers .
Les trênes , à l'entendre , étaient son point de mire į
Des tyrans , à l'en croire , il détestait l'empire .
Pour les rendre odieux son pinceau n'omit rien
En faisant leurs portraits , il nous faisait le sien .
La vertu , dont le nom fut toujours dans sa bouche ,
N'avait jamais entré dans son ame farouche ;
Ainsi que ces beautés qu'ornent de faux appas ,
Il ne parut jamais que ce qu'il n'était pas .
2
Sans cesse à la tribune il parlait de justice ,
Tandis qu'il envoyait l'innocence au supplice.
Sans cesse en ses discours il invoqua les dieux ;
Il parla comme un prêtre , il ne vécut pas mieux,
Profitons du malheur : instruits à son école ,
Aimons la liberté , n'ayons point d'autre idole .
Servons notre patrie , et défendons· la bien .
A nos yeux elle est tout , les hommes ne sont rien .
Par le cit. LELONG de Renned,
Explication des Enigme et Logogrphe du N° . 7.
Le mot de l'Enigme est Cidre celui du Logogriphe est Moineau ,
où se trouvent an , moine , emi et amie , uni , âne et fam.
Tome XII.
P
( 225 )
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
.
Constitution des principaux Etats de l'Europe et des Etats Unis de
l'Amérique ; par le citoyen Delacroix , ancien professeur de droit
public , au Lycée. In-8° . , Tome V. A Paris , chez Buisson , libraire ,
rue Hautefeuille.
Il
Ly a déja plus d'un an que ce volume , qui termine l'ouvrage
du citoyen Delacroix , a paru ; nous avons attendu des
jours plus favorables à la liberté de la pensée pour le faire
connaitre.
On se rappelle que les trois premiers volumes ont eu pour
objet de placer sous nos yeux les diverses formes de gouvernemens
établis parmi les nations qui se croient éclairées , et qui
sont cependant encore bien loin de cette science qui tient de
si près au bonheur des sociétés .
Les deux derniers sont uniquement consacrés à faire connaître
l'origine des Français , et par quels dégrés ils sont arrivés
à l'existence républicaine .
Ce tableau exigeait un grand développement et cette impartialité
qui caractérise l'histoire et lui doune du prix . L'au
teur n'a dissimulé ni les fautes des rois , ni les erreurs da
peuple. On y voit la nation se reposer pendant des siecles .
avec une aveugle confiance , du soin de son bonheur sur des
princes qui ne s'occupent que de leurs querelles , de leurs passions
et de leur propre gloire .
On sent que les rois , ea ne s'identifiant jamais avec le
peuple , en lui rendant égoïsme pour affection , orgueil pour
soumission , avidité pour offres généreuses , ont dû finir par le
lasser d'une puissance qui n'était qu'onéreuse , au lieu d'être
protectrice , et qu'ils ont eux-mêmes amené de loin la chûte
de lear trône
L'auteur , parvenu aux dernieres scenes de notre révolution ,
a peint les principaux personnages qui y ont figuré ; il les
a décrits comme un écrivain qui ne tient à aucun parti , et en
yeut s'attacher qu'à la vérité . Ses intentions sont toujours pures .
Si ses idées ne s'élevent pas quelquefois à la hauteur qu'on
leur desirerait , on remarque que c'est un sentiment bon et
hamain qui les comprime.
1
Son discours sur l'influence des vertus dans les républiques
renferme des principes qui se sont obscurcis sous l'empire
du crime et de la tyrannie cet empire monstrueux a passé ,
at le peuple jouit déja du bonheur de voir rendre hommage
( 227 )
aux grandes maximes qui sont les bâses de la sécurité et de fa
félicité publiques.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur un ouvrage dont
l'utilité est reconnue ; les premiers volumes sont à la troisieme
édition ; les deux derniers ne nous paraissent pas moins intéressans
que ceux qui les ont précédés .
La nouvelle Chartreuse ou ma détention à Port - Libre ; par le citoyen
Vigée. A Paris , de l'imprimerie de Francklin , rue de Cléry ,
n°. 75. L'an 2. de la République . Epitre au citoyen M** .
L'auteur nous prévient dans une note , à la tête de cette jolie
bagatelle qu'elle n'est que le tableau très - exact de la prison
où il a langui sept mois . J'avais ( continue- t-il ) été transféré
de celle - ci dans celle des Carmes , qui , grace aux lois
protectrices des patriotes opprimés , s'est ouverte pour moi
après onze jours de la plus pénible detention. 31 ་ ;
La Chartreuse de Gresset paraît avoir donné au citoyen Vigée,
déja bien connu par des pieces de théâtre pleines d'agrément et
de goût , le modele de la nouvelle Chartreuse qui présente la
description d'un lieu où le poëte aurait été fondé à gémir , et
où cependant il a su conserver les graces de l'imagination , et
les répandre avec discernement . Il dit à son ami-g
39
.. Garde- toi de croire
Que j'aille d'affreuses visions
" Te tracer une sombre histoire ,
" Parler cachots , crier verroux ,
Quand je ne suis que sous la grille ;
» Faire , en mentant aux yeux de tous
» De Port-Libre une autre Bostille ,
» Et , chargeant ma narration
" De toute l'ampoule tragique ,
箕
n Risquer l'amplification
" En écolier de hétorique :
» Non ; ma muse est trop véridique ,
99
Je ne veux pas en conte en l'air ,
" Transformer un fait bien notoire :
29
Je ne peindrai donc point l'enfer ,
Quand je ne suis qu'en purgatoire.
" Mais d'objets rians ou nouveaux
» je jouis , croira-t - on peut - être ,
» A travers les doubles barreaux
" Dont se décore ma fenêtre .
» L'hiver en son austérité ,
1
( 25 )
La campagne en sa nudité
» Conservent un aspect champêtre ¿
Et quand la neige en gros floccons
" Tombe et s'étend sur nos vallons ;
» Quand des vents la fougueuse halcino ,
Soufflant au loin les noirs frimats ,
» Attaque et brise avec fracas
» Des arbres la cime hautaine ,
" Quand l'urne des tristes hyades
Trouble de ses flots orageux-
L'urne paisible des Nayades ,
" Pour nous encore c'est un plaisir ,
Sans le manteau , sans la fourure
Sans nous exposer à l'injure
D'un air tout prêt à nous saisir ,
De contempler la marche sûre ,
» L'ordre constant , les grands effets ,
Et les phénomenes secrets
" De l'inexplicable nature.
Par malheur en mon froid réduit .
» Je n'ai que l'éternel spectacle
D'un triple mur , vieux réceptacle
" De quelques vieux oiseaux de nuit ,
" Et l'enceinte bieu resserrée ,
" Bien uniforme , bien quarrée ,
» De quinze toises de terrain
» Du titre aimable de jardin
" Très-mal à propos honorée ,
» Puisqu'au lieu de ces jeunes plans”,
" Doux objets des soins de Pomone ,
" Et de ces arbustes rians
,, Où Flore cueille sa couronne ,
» Vingt tilleuls rangés au cordeau ,
" Et l'if , ami du noir tombeau ,
Prouveraient à la terre entiere
" Que peu de mois auparavant
" Cette insupportable glaciere ,
Ce lieu funeste à tout vivant ,
» Servait aux morts de cimetiere . J
Le citoyen Vigée termine cette épître par ce tableau touchant
( 229 )
qui prouve qu'il sait manier avec succès les divers
la poésie .
Tu crois sans doute que Morphée ,
Me réservant un doux repos ,
Vient sur ma paupiere échauffée
" Verser ses humides pavots :
» Non ; dans le silence de l'ombre
" Mon eil plongeant un regard sombre
23 Vingt fois recule épouyanté
" A l'aspect des noires images
99 Qu'enfantent les affreux présages
" Dont mon esprit est tourmenté.
» Dans ma périble inquiétude
" Vainement je cherche à bannir
Le triste et cruel souvenir ,
" Qui me rend à la solitude ,
Où , sans terreur pour l'avenir ,
" Dans les agrémens de l'étude ,
» Dans un délicieux loisir ,
» Et du travail et du plaisir ,
""
J'avais contracté l'habitude :
" C'est l'amitié que j'apperçois
" Errante autour de ma demeure,
" Comptant les jours , attendant l'heure
" Où ses bras s'ouvriront pour moi .
""
Époux , amant et pere tendre ,
" A chaque instant je crois entendre
" La voix d'un objet adoré ,
" Dans ses regrets , dans sa tristesse
" Appellant , réclamant sans cesse
" Le coeur dont il est séparé :
39
Je ressens ses vives alarmes
Lorsqu'il faut essuyer les larmes
D'un enfant notre unique espoir ,
» Trop jeune encore pour savoir
29 Quelle main lui ravit son pere ;
,, Mais dans ses cris , son désespoir ,
S'étonnant de ne recevoir ».
Que des caresses de sa mere . »
crayons da
P 3
( 23 )
ANNONCES.
On mettra en vente , primedi 11 brumaire , l'an 3è . de la
République , rue des Pquevins , nº . 18 , la cinquante- huitieme
livraison de l'Encyclopedie méthodique , par ordre de matieres ,
composée :
Du tome V , premiere partie des Antiquités ; par le citoyen
Mongez :
Du tome III , premiere partie de la Philosophie ancienne et
moderne ; par le citoyen Naigeon :
Et de la seizième partie de l'Histoire naturelle , formant la
sixieme partie des planches de la Botanique ; par le citoyen
Lamarck.
Le prix de cette livraison est de 39 liv . en feuilles , et de
40 liv. 10 sols brochée .
Le port de chaque livraison , est au compte des souscripteurs
.
Observations sur les maladies des armées dans les camps et les
garnisons , avec des mémoires sur les substances septiques et
anti - septiques ; par Pringle . Deuxieme édition , revue , corrigée
et augmentée ; in- 8° . brochée , 6 liv .
Description abrégée des maladies qui regnent dans les armées ,
avec la méthode de les traiter ; par Vanswieten . Nouvelle edition
; in- 12 brochée , 2 lv.
Traité ou réflexions tirées de la pratique sur les plaies d'armes
à feu ; par Ledran . Deuxieme édition , avec quelques additions
de l'auteur ; in- 12 broché , 2`liv .
Précis de chirurgie- pratiqué , contenant l'histoire des mala- .
dies chirurgicales , et la maniere la plus én usage de les traiter ,
avec des observations et des remarques critiques sur différens
points ; par Portal. Deux volumes in-8 ° . , avec figures en taille
donce , relié , 13 liv .
Les livres ci- dessus se tronvent chez Théophile Barrois le
jeune , libraire , quai des Augustins , nº . 18 .
GRAVURE.
·Pompe funebre en l'honneur des martyrs de la liberté dans la
journée du 10 août 1798 , célébrée dans le Jardin-national le`
25 du même mois ; dessinée par Monet , et gravée par Helmann.
Prix , 6 liv . en noir , et 12 liv. en couleur.
Se trouve à Paris chez l'auteur , rác Honoré , près les Jacobins
, no. 1497-
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
ALLEMAGNE,
De Hambourg, le 12 Octobre 1794.
L'IMPERATRICE
' IMPERATRICE de Russie , qui a tant cherché la gloire ou
plutôt la famosité, paraît destinés à voir empoisonner sa vieillesse
par ce qu'elle appelle sans doute des malheurs , des revers , ct
ce qui sera dans le fait le succès , le bonheur des peuples auxquels
son orgueil était flatté de commander , quoiqu'aucun des
droits fictifs , pas même celui de naissance , ne l'eût appellée
à les gouverner. Les beaux jours , les jours de plaisir de la petite
princesse d'Anhalt , qui avait fait une fortune si prodigieuse,
sont entierement passés ; le sort qui toujours change , qui ne
promit jamais un bonheur sans mélange , a substitué dans ses
mains ensanglantées du meurtre d'un époux , à la coupe du
nectar des Dieux dont elle s'enivra long - tems , la coupe ameré
que boivent tous les hommes , et qu'elle est forcée de boire
jusqu'à la lie . Elle ne sera plus désormais famense que par les
échecs que recevra sa puissance , les mortifications qu'épronvera
son orgueil , et peut- être par la haine de ses sujets détrompes
, qui verront qu'elle a sacrifié la félicité réelle des
peuples à la splendeur factice de sa capitale.
Voici ce qu'on mande de Pétersbourg , en date du 5 septembre
: La cour ne permet pas de dire un mot sur ce qui se
passe en Pologne ; mais il n'en a pas moins transpiré dans le
public , que la revolution obtient chaque jour de nouveaux
succès , et qu'elle s'est propagée jusques dans la Courlande et
sur les frontieres de la Livonie . C
Les Polonais sont maîtres de Liebau , une partie de la noblesse
de Gourlande s'est retirée à Riga ; "Pautre s'est réunie
au peuple , qui a par- tout embrassé la cause polonaise avec la
plus grande ardeur ; la seule ville de Windau a refusé le serment
a la république : par-tout ailleurs it a été prêté avec le
plus grand empressement.
Les Polonais font des incursions sur de territoire russe du
côté de la Livonie et de la Russie Blanche . La ville de Dunabourg
, dans cette premiere province , en a éprouver les effets .
Un courrier du général Repnin y a été blessé à son passage.
Le gouvernement russe , forcé de songer à la défense ide ses
frontieres , a rappelé le genéral Derfelden qu'il envoyait contre
Varsovic , et à qui il a fait dite d'aller couvrir la Courlande .
Il résulte de ces mouvemens une grande disette dans plusieuse
P 4
( 232 )
provinces russes , voisines de Pologne et de Lithuanie . La
Russie Blanche , où les vivres étaient déja très rares l'année
derniere , se trouve presque frappée de ce fléau . Le fait est
que , dans ce moment actuel , les denrées coûtent quatre fois
plus que leur prix ordinaire , parce qu'on en a tire beaucoup
pour la subsistance des armées russes en Pologne.
Il faut joindre à ces nouvelles les suivantes , qui confirment
combien vont mal les affaires de la Russie , de l'Autriche et
sur tout de la Prusse , à qui non - seulement la nouvelle mais
même l'ancienne portion de la Pologue envahie par Frédéricle
- grand il y a plus de 20 ans , échappe tous les jours. Ces
nouvelles interessantes sont les unes de la capitale , les autres
des frontieres , sous les dates des 25 , 26 et 30 septembre.
On va voir par l'état suivant si Varsovie était suffisamment
approvisionnée pour soutenir un siege , même d'une longue
durée . Cela explique pourquoi les denrées n'ont pas beaucoup
augmenté pendant qu il a eu lieu , et fait honneur à la prudence
de ceux qui menent cette guerre , et au patriotisme des Polonais
capables de sacrifices .
Froment , 1758 septiers ; seigle , 2629 ; orge , 1587 ; farine
de froment , 1221 ; idem de seigle , 3630 ; idem de sarrasin , 152 ;
idem de differens gruages , 550 ; de pois , 236. 851 chariots de
légumes , 3223 boeufs , 3983 veaux , 1112 cochons . 4892
agneaux , 59,559 volailles , goo tonncaux de beurre , 240
pieces de lard , 347 tonneaux de bierre , 20 d'eau -de-vic ,
4416 cents d'oeufs , 843 douzaines de fromages , 448 bariques
de poissons 1188 caisses de farines enlevées aux Autrichiens ,
952 chevreuils , 524 tonnes de sel , 136 de harengs , 5317
chariots de foin , 552 de paille , 3965 de bois , 885 de charbon .
すぐDepuis la levée du siége , le gouvernement acquiert chaque
jour plus de consistance et de stabilité. Le mouvement des
diverses administrations commence à s'ordonner.
Le conseil national vient de publier une proclamation qui
enjoint à tous les préposés au recrutement , do munir chaque
nouveau soldat d'une pelisse de peau de mouton . Cette précaution
indique que l'intention est de pousser les opération's
militaires bien avant dans l'hiver ,
Un couriervient d'apporter ici la nouvelle qu'il s'est engagé
une affaire dans le palatinat de Sendomir , entre les Polonais
et les Autrichiens . Plusieurs escadrons de ces derniers , en.
tr'autres celui de Modene , et quelques bataillons , parmi lesquels
on compte celui de Starai , ont été culbutés , Le général
autrichien Auverberg a eu beaucoup de peine à rallier ses
troupes pour effectuer sa retraite . Le même courier ajouté
que les Autrichiens regagnent leur territoire avec précipi
tation.
On annonce que les troupes russes s'avancent de Volhinie ,
sous les ordres du général Swarow . Ce n'est pas la premiere
( 233 )
fois que cette marche ne s'est opérée que dans les papiersnouvelles
, Il paraît au contraire constant que celles de ces
troupes qui étaient employées au siège de Varsovie , n'ont
point encore pu rejoindre l'armée aux ordres du géneral
Repnin .
Les efforts du corps de Szekuli et des autres armées prussiennes
, maintenant employees contre les insurgés de la Prusse
méridionale , n'ont point produit jusqu'à présent l'effet que
Frédéric-Guillaume en attendait . Les derniers avis apprenncut,
au contraire , qu'un corps considerable d'insurgés marchait
de nouveau sur Thorn. Kosciuszko a detaché en outre 18,000
hommes pour soutenir leurs efforts . Le passage du Bug et de
la Narew est définitivement effectué par l'armée sous les ordres
de Madalinski . Ce général menace tout le pays .
Un détachement de 1500 Polonais , composé en grande
partie de cavalerie , s'est emparé de Sínilno , où se trouvaient
réunies plusieurs caisses des environs . Depuis , dans une autre
affaire contre le général Schwerin , ce détachement a perdu
son commandant , Miniewski , qui a été tué .
On mande de Kalisch que l'insurrection se propage plus
que jamais dans cette contiée . Toute communicatiou est coupée
avec la Silésie .
"
Les insurgés commencent décidément à se montrer dans la
Prusse occidentale . On reçut dernierement avis à Ripin que
plusieurs centaines d'hommes , revêtus de l'habit militaire
occupaient les forêts . Sur-le - champ les hussards prussiens reçarent
ordre de se tenir prêts à marcher au premier signal .
Des détails plus positifs étant arrives , cette troupe se mit en
mouvement ; elle trouva les insurgés retranches derriere des
abatis , et ne pui les atteindre . Ceux - ci semblent sur- tout se
livrer à des incursions aux environs de la Bzoura . Ils ont mis
le feu à un grand magasin de farines destinées pour les armées
prussiennes , qui se trouvait à Piecziski . Jusqu'à ce moment ,
les soldats de Frédéric Guillaume se sont bornés à surveiller
les divers châteaux , dans le dessein d'empêcher les propriétaires
de porter des secours aux insurges . Une partie de ces
derniers a déja passé la Vistale , pour se réunir à ceux de la
Prasse méridionale . Tout indique qu'à moins que le roi de
Prusse n'envoie des secours prompts et considérables dans
cette contrée , un grand incendie va s'y manifester.
De Francfort-sur- le - Mein , le 15 octobre.
Suivant des lettres de Vienne , du 3 , on n'avait pas encore
pu s'assurer si le cabinet de Vienne et celui de Saint - James
marchent enfin d'accord ; c'est pourtant une chose très importante
à constater pour tous les coalisés . On sait seulement
que le courier' impérial Horitz a repris la route de Londres ,
( 234 )
et que les deux négociateurs anglais restent à Vienne . Ces,
commissaires ne doivent en sortir que pour se rendre à Pétersbourg
: ils vont presser Catherine de donner enfin à la
coalition des secours plus réels que la fumée de ses promesses ,
et de débuter à prouver sa bonne volonté en fournissant des
forces navales . Mais comme on ne peut pas plus compter sur
elle que par le passé , les préparatifs pour une nouvelle campagne
se continuent avec assez d'activité , quoiqu'avec la
mauvaise humeur de jetter des matériaux dans un goufre qu'on
désespere de combler. Ce même Wurmuser , à qui les Prussiens
reprocherent l'année passée la déroute des armées coalisées
sur le Rhin , est encore chargé , par l'empereur , du
commandement d'une des armées autrichiennes . Il est bien
certain que , s'il perd cette revanche , il ne lui restera qu'à
quitter la partie ..
Le cabinet autrichien a regu , de son internonce à Constantinople
, de dernie ses dépêches dont la teneur n'est pas.
agréable . Elles lui apprennent qu'on s'attend à de nouveaux
changemens dans le ministere de la Porte . Il est question
non seulement de la démission de Reis - Effendi presque certaine
, mais même de celle du grand visir . La retraite de ces
deux hommes , qui tiennent le timon des affaires , pourrait
bien en changer la direction , parce qu'elle laisserait les rênes
de l'état au capitan-pacha , qui ne manquerait pas de faire
déclarer la guerre à la Russie. Ces conjonctures difficiles sont
propres à inquiéter beaucoup les ministres du jeune empereur
.
de
L'électeur de Mayence à autorisé la levée d'un corp
volontaires de 1000 hommes par un chef particulier ( Majon ) .
35,000 florins doivent être employés à cet effet. On remarque
que , jusqu'à présent , il n'y a que Mayence et Fulde qui
aient fourni le quadruple contingent fixé par la diete de Ratisbonne.
Les dernieres lettres d'Augsbourg portent qu'on y est dans
de vives inquiétudes , à l'occasion d'un grand rassemblement
de troupes françaises qui se trouvent dans les environs de
Hunningue.
D'autres nouvelles de Vienne s'expriment ainsi sur la position
du cabinet autrichien ;
Tous les jours les difficultés de continuer la guerre angmentent
de la part des puissances coalisées ; les rois sont pressés
au Midi et au Nord par les Républicains armés , et le
despotisme européen se trouve cerné par les armées innombrables
que la Pologne et la France out mises sur pied pour
défendre leur indépendance . L'insurrection polonaise a déja
gagné la Prusse occidentale ; tout annonce que si le roi de
Prusse n'envoie dans cette partie de ses états des forces considérables
, un mouvement général va s'y manifester ; au milieu
de ces obstacles , le cabinet de Berlin presse et menace le cabinet
( 135 )
de Vienne ; la cabinet de Vienne à son tour menace le cabinet de
Saint -James . Pitt est tous les mois obligé d'épuiser les trésors
de son éloquence et les trésors de l'état , pour faire sentir
l'empereur que la guerre actuelle , qui lui enieve les Pays - Bas ,
est une guerre utile et avantageuse . Malgré les nuages qui ont
paru s'élever entre les deux cours , le cabiuet autrichien cede
aux sollicitations du gouvernement anglais ; il se décide à continuer
la guerre , et les préparatifs se fout pour une nouvelle
campagne . Le général Wurinser va reparaître sur la seene
et l'on croit qu'il aura le commandement d'une des armées
autrichiennes .
PROVINCES- UNIES . De la Haye , le 8 octobre.
L'événement prévu depuis long-tems par les personnes en
état de juger les opérations militaires , s'est enfin réalisé . Les
Allemands se sont trouvés forcés d'abandonner à la fois toutes
leurs positions sur la Roër , la Dure et dans les environs de
Juliers. Jourdan , digne du nom des plus grands généraux , et ›
les officiers qui servent sous ses ordres , ou qui sont à la tête
d'autres armées , ont développé des talens admirés de leurs
ennemis même , et rédoublé d'activité . Pendant que le premier
pénétrait avec la masse principale de ses forces du côté d'Aixla-
Chapelle , une autre colonne se dirigeait par Malmedi et
Stavelot vers l'Eiffel , pour en déloger les Allemands sous les
ordres de Navendorf , se réunir à l'armée de Trêves , conqué.
rir ainsi toute la rive gauche jusqu'à Coblentz , et envelopper
l'armée de l'aile gauche de l'armée principale des Allemands .
Les armées coalisées s'apperçurent que c'était-li le principal
but des mouvemens des Républicains ; elles jugerent que , puisqu'ils
l'avaient rempli , il ne leur restait qu'à faire une retraite
précipitée . Cependant pour l'effectuer avec quelque sûreté
elles ont voulu en resserrant les débris de leurs forces essayer
encore de se mesurer avec les Français . En conséquence , il y
éut une affaire chaque jour depuis le 28 septembre . On y
déploya de part et d'autre tout le courage qu'inspirent les
succes , tout celui que donne le désespoir : les avantages se balangaient.
Mais la scene changea tout-à -coup . Le 1er , octobre
la masse principale des Républicains s'ebraniant renversa toutes ,
les positions de l'aile droite de ses ennemis près de Linnich. La
cavalerie allemande fi des efforts étonnans ; vingt pieces d'un
fort calibre ne cesserent de faire un feu terrible sur les assaillans
, mais rien ne put les arrêter ; ils recommençaient sans
cesse leurs attaques , et par cette opiniâtreté s'assurerent une
victoire décisive ; car les Allemands furent enfin forcés de céder
sur tous les points à la fois .
•
Dès le lendemain , les Républicains passent la Roër . Ils s'em--
parent des villes et des villages , et cernent Juliers . Il est impossible
de peindre l'abattement des chefs des Allemands , la
20
( 236 )
terrenr des habitans et le désespoir des soldats . Toute la cavalerie
a déja passé le Rhin à Cologne , et l'armée entiere la suit.
Ainsi , toute communication entre l'armée coalisée de la Mo.
selle et Luxembourg se trouve coupée , et déja les Français
'approchent de cette derniere place avec des forces imposantes.
La cour du stadthouder avait à peine appris la nouvelle du
siége du fort de Creve- Coeur qu'elle a reçu celle de sa reddition
. Cette place est jugée avec raison comme de la plus
haute importance . Sa situation à l'embouchure de la Dieste la
rend la clef des Ecluses , qui auraient pu servir à mettre scus
Peau Herzogenbusch . Ce seul point de communication ôté à
cette derniere place , elle se trouve maintenant cernée et sera
bientôt prise .
On s'occupe en général dans diverses parties de nos frontieres
d'élever des retranchemens . Le prince d'Orange est
arrivé ici en toute håte , et reparti sur-le- champ poor Nimegue ,
où est le quartier- général des Anglais . Loin de faire des préparatifs
pour se porter en avant , il est au contraire question
de la retraite de cette armée . Les Hessois et les Hanovriens
couvrent la Gueldre . On fortifie Bommeler-Vart , endroit par
lequel les Français pourraient plus facilement pénétrer dans
cette province. Mais on ne peut se dissimuler que la possession
du fort de Creve - Coeur ne leur ouvre plusieurs autres
passages. On sait aussi , par des lettres de Heusden , que
les Français , après avoir pris poste à Elshood et Harstedle ,
se sont portés en marche forcée sur Breda ; on parfait même
d'une forte canonnade entendue de ce côté. Le bruit court
aussi que l'escadre française qui a détruit la flotte hollandaise
venant d'Irlande , vient de tomber sur les bâtimens chargés
de harengs , dont elle a enlevé un grand nombre..
-
On est tellement irrité de la perte de Creve Coeur , que la
conduite du colonel Tieboel doit être examinée par un conseil
de guerre. Il est déja dans la prison du prévôt- général .
Les troupes du duc d'Yorck se sont permis par- tout de tels
excès ,,
que leur manque de discipline a excité les plus vives
réclamations. Ce prince a publié , dans les derniers jours de
septembre , un ordre général pour rappeler à leur devoir les
officiers aussi bien que les soldats , et l'on espero que les
principaux coupables seront séverement punis.
ANGLETERRE. De Londres , le 30 Septembre.
Le retour du roi avec sa famille , de Weymouth & Windsor,
qui a eu lieu le 27 au soir , a pensé devenir funeste à ce
prince , s'il faut en croire un bruit assez généralement répandu .
Peu s'en est fallu qu'il n'ait été assassiné ; au moins est - il certain
que le duc de Poriland a fait arrêter , samedi au soir ,
d'après des renseignemens , deux particuliers fortement soupcongés
d'en avoir conçu le projet . On les conduisit à huit
heures devant le conseil du cabinet , qui crut devoir s'ajour(
237 )
ner au lendemain matin à onze heures , pour examiner plus
amplement les prisonniers. En effet , ces individus furent con
duits le 28 devant le lord chancelier , le comte de Mansfield ,
le lord Grenville , etc. Le magistrat Fordt et les procureurs et
solliciteurs généraux les accompagnaient.
Les prévenus , nommés Higgins et Lemaître , devaient , à
ce qu'on assure , se rendre à Windsor pour assassiner le roi ;
les uns disent au spectacle , les autres à son passage sur la
terrasse au moyen d'un dard empoisonné , lancé par une
es.ece de fusil à vent , qui pouvait porter à la distance de
cent verges. Higgins , garçon apothicaire , s'était chargé d'em
poisonner le dard que devait lancer Lemaître , ouvrier en
boîtes de montre.
Hier 29 , le conseil s'est assemblé de nouveau et a fait arrê
ter le nommé Smith , des papiers duquel on s'est emparé.
On garde séparément et très -soigneusement ces trois individus
, qui ont été dénoncés par un certain Upton , leur com
plice des l'origine , mais que ses remords ont empêche de
poursuivre cette entreprise jusqu'à la fin il est aussi arrêté,
Le conseil s'assemble encore aujourd'hui , relativement
cette affaire .
:
Les nouvelles importantes que nous allons donner nous arrivant
dans l'instant même , nous n'avons pu les ranger sous les
titres qui leur conviennent : cependant nous n'avons pas voulu
en priver nos lecteurs , et nous avons préféré de les leur donner
par Post-scriptum.
TURQUIE. Des frontieres , 28 août . P. S. L'horton politique
se couvre chaque jour de nuages qui annoncent la tempête .
Déja la plus grande partie des Jannissaires qui se trouvaient à
Constantinople et dans les environs a reçu ordre de marcher
vers les bords du Danube . Cinq vaisseaux , dont l'un de 120
pieces de canon , et quatre de 74 sont sur les chantiers . On
construit encore une grande quantité de chaloupes canonnieres
. La réparation et l'approvisionnement des places frontieres
occupent une multitude de bras . On remarque que les
corps de canonniers se renforcent et s'exercent journellement ;
en un mot , il paraît que la Porte , abusée d'abord par les ministres
des puissances coalisées , sur la situation des choses en
Pologne , s'apprête à profiter des conjonctures actuelles pour se
tenger de l'ennemi commun.
De Vienne , le 20 octobre . Les lettres de Jassy annoncent que
tous les Jannissaires d'Europe ont reçu l'ordre de se tenir
prêts à marcher , et que le même ordre a été donné à ceux
d'Asie . Plusieurs personnes de notre ville viennent d'être ar-
Têtées ; parmi elles se trouve le conseiller de régence Gothardi.
12
· ITALIE . Ce 20 octobre. Le 26 septembre une division
d'environ 6000 Français est entrée dans la ville de Savone ,
d'où elle s'est rendue à Final .
( 238 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne . )
Séance du duodi , 2 Brumaire.
Le renouvellement du bureau a donné pour président ,
Prieur ( de la Marne ) , et pour secrétaires , Grassous , Goujon
et Guimberteau .
Guyton-Morveau a fait , au nom du comité de salut public
, un rapport sur les progrès des éleves de l'école de Mars
dans le camp de la plaine des Sablons . Il a suffi de moins
de quatre mois à ces enfans de la patrie , au nombre de 3500 ,
venus de tous les départemens , pour s'instruire dans tous les
geures d'exercices et d'évolutions militaires , dans les différentes
armes , et pour apprendre les premiers élémens de la
tactique. Leurs progres ont étonné les militaires les plus expérimentés
. Leur régime a été celui qui convient à des Républicains
, la frugalité et l'égalité , et leur conduite a répouda
au zele et aux connaissances de leurs instituteurs . A la suite
de ce rapport extrêmement intéressant , Guyton a proposé
et l'Assemblée a adopté le décret suivant :
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité de salut public , décrete ce qui suit
Art. 1. En conformité de l'article XI de la loi du 13
prairial dernier , le camp des Sablons sera levé , et les éleves
de l'école de Mars retourneront dans leurs foyers . Il leur sera
en conséquence délié , par le commissaire de Fecole , des
états de route, comme ils en ont eu pour venir à Paris , et avec
les mêmes précautions .
II. Les éleves remporteront les effets d'habillement et d'équipement
qui ont été à leur usage personnel pendant leur
séjour à l'école de Mars , ainsi que leur sabre ; ils eu conserveront
la propriété.
III . Les fusils , les piques , l'artillerie et tous les objets
qui en dépendent , les chevaux et leur équipement , enfin les
effets de campement , ustensiles , outils , fournitures , autres
que celles mentionnées à l'article précédent , seront retablis
dans les divers magasins nationaux d'où ils ont été tires .
" IV. Pour plus de facilité , l'évacuation du camp des Sablons
commencera à se faire par partie aussi - tôt après la notiḥcation
di présent décret , et de maniere que l'operation soit achevée
Le 15 brumaire présent mois.
( 239 )
Le comité de salut public est chargé de donner les ordres
nécessaires pour régler les dispositions de détail relatives à cet
objet , afin de prévenir tout abus et d'assurer la conservation des
établissemens da camp qui ne sont pas susceptibles de déplacement.
» V. Le comité de salut public est autorisé à placer dans
les armées de la République , ou employer dans d'autres fonc
tions , ceux des éleves et des instructeurs qui y seraient propres .
" Le Comité prendra en conséquence tous les renseigne
mens nécessaires pour faire ces placemens d'une maniere
convenable , suivant que les besoins de la République l'exigeront.
,, VI. Le comité militaire fera , le plus promptement pos
sible , un rapport sur les moyens d'établit pendant l'hiver , à
Paris , des cours publics pour perfectionner l'instruction sur
toutes les parties de l'art militaire , et sur celles du service des
commissaires des guerres .
" VII. Le comité d'agriculture proposera aussi incessamment
à la Convention un projet de décret pour faire faire à
un certain nombre d'enfans, pen fortunés l'apprentissage de
divers métiers , dont la nation payera les frais .
,, Les élevés de l'école de Mars pourront être admis à
cet avantage , suivant le mode qui sera prescrit , et s'ils
remplissent les conditions qui seront éxigées .
,, VIII . La Convention nationale déclare qu'elle est satisfaite
de la conduite des éleves de l'école de Mars et de leurs progrès
dans les différens genres d'instruction qui leur ont été donnés ,
ainsi que da zele des instructeurs et agens qui ont concouru
former cet établissement. **
" La Convention nationale attend des éleves de l'école de
Mars , qu'ils conserveront les vertus républicaines qu'on leur
a fait pratiquer , et que , par leur entier dévoûment à la patrie ,
ils s'acquitteront envers elle du bienfait qu'ils en ont reçu .
IX. Le présent décret et le rapport seront insérés au
bailetin de correspondance , imprimés et distribués ; il sera
remis un exemplaire à chacun des éleves , instructeurs et
auties officiers du camp , par les représentans du peuple près
l'école de Mars , qui certifieront à la suite qu'ils ont suivi les
exercices du camp depuis son établissement jusqu'à sa levée ,
" Cette attestation leur servira à faire entrer cet espace
de tems daus l'état de leur service dans les armées de la République.
",
Les représentans du peuple dans les départemens des
Bouches -du- Rhône , du Vard et de l'Ardêche , donnent les
détails les plus satisfaisans sur les situations actuelles des habitans
de Marseille . On se rallie à la Convention , et on y déteste
les scélérats qui voulaient les précipiter dans l'abyme .
Les sections de la Fontaine- de- Grenelle , des Sans- culottes ,
du Contrat- social et de la Fidélité , viennent assurer la Con
( 240 )
vention de leur dévouement à la représentation nationale et
anx principes qu'elle protesse. Meation honorable .
On fait lecture d'une lettre des représentans du peuple près
1 armée du Rhin , qui annoncent de nouveaux avantages ainsi
que la jonction de l'armée de la Moselle à celle du Rhiu .
Voyez Pieces officielles )
Merlin ( de Douai ) présente , au nom des trois comités ,
on projet de décret pour déterminer les cas , les formes où un
représentant du peuple pourrait être mis en jugement.
Penés présente un autre projet. L'assemblée ordonne l'impression
et l'ajournement de tous deux . Pour ne pas entrer
dans des répétitions , nous en ferens mention lorsque l'an ou
l'autre sera décrété .
Merlin de Thionville ) fait un rapport sur la mission de
Dubois - Crancé à Lyon . Il en résulte que les inculpations qui
avaient été faites à ce représentant du peuple par Couthon et
Robespierre , étaient absolument fausses , et l'assemblée déclare
que Dubois - Crancé à bien rempli sa mission près l'armée
des Alpes , et notamment à Lyon .
Plusieurs députés détenus obtiennent la permission d'aller
rétablir leur santé dans leur domicile .
Séance de tridi , 3 Brumaire.
Un membre fait , au nom du comité des décrets et archives ,
un rapport sur l'admission d'un suppléant du département
de l'Allier , nommé Chabot . Des difficultés s'élevent snr son
admission . On objecte que dans le procès -verbal d'élection
sous la date du 26 août 1792 , l'assemblée primaire avait donué
mandat formel à ses représentans de maintenir le pouvoir monarchique
en France . Un membre ajoute que dans l'assemblée
électorale de son département , ce suppléant avait développé
ses principes personnels , et qu'ils étaient conformes à ceux
exprimés dans le mandat. Après quelques débats la Convention
décrete que le suppléant Chabot du département de l'Allier
ne sera point admis dans son sein.
Clausel , au nom du comité de sûreté générale , demande le
rappel du représentant du peuple Dartigoyte . On demande le
motif du rappel. Goupilleau ( de Fontenai ) dit que c'est pare
que Dartigoyte , absent depuis très long- tems , dirige des
opérations publiques , quoiqu'il ne soit chargé d'ancue mission
par l'assemblée . La Convention ordonne son rappel .
Chaudron -Rousseau demande que les députes qui depuis
plus de trois mois sont en mission dans les départemens soient
rappellés dans le sein de la Convention . Pelet demande que
le comité de législation présente une loi contre les députés ,
qui , sans avoir une mission de la Convention , remplissent
dans les départemens des fonctions publiques .
Tallien appuie ces proposions . Nous ne pouvons nons
dissimuler , dit-il , qu'il est de certains hommes qui cherchent
( 241 )
se perpétuer dans l'exercice du pouvoir ; accoutumés , depuis
vingt mois , à exercer une dictature dans les départemens , ils
trouvent difficile de redevenir simples représentans dans le
sein de la Convention . Les lois que vous faites ici doivent être
également exécutées dans toute la Republique ; cependant
telle est la dictature partrelle qu'exercent quelques hommes ,
que l'exécution en est suspendue dans differens départemens
pour y substituer des arrêtés contraires. La représentation doit'
être une et non disséminée . C'est à la volonté générale que les
citoyens doivent obeir , et non quelques volontés particu
lieres . Le peuple est las du joug sous lequel des individus l'ont
fait plier. Faisons ici de bonnes tois ; que les vengeances
particulieres cessent ; faisons aimer les vertus et la justice , et
que les Français jonissent enfin da fruit de leurs sacrifices . "
Tallien demande que les comites de salut public , de sûreté
générale et de législation , soient chargé de proposer un projet
de loi , 1 °. sur la peine à infliger à ceux des reprefentans du
people qui , après le terme de leur mission expire , exercens
encore des fonctions ; 2 ° . sur les moyens de donner de l'uniformité
aux opérations des représentans du peuple envoyés
dans les départemens , et de reprimer les abus qui peuvent
résulter de l'exercice des pouvoirs illimites qui leur sont conférés
; 30, de déterminer les circonstances dans lesquelles il
convient d'employer ce grand moyen de salut públic ."
La Convention charge son comité d'examiner les proposi
tions de Tallien.
Lakanal , au nom du comité d'instruction , publique , présente
un projet de loi sur l'établissement a Paris , d'une école
centrale pour former des instituteurs . L'Assemblée en ordonne
l'impression et Fajournement.
Séance de quartidi , 4 Brumaire,
Une députation de la section du Panthéon - français vient féliciter
la Convention sur son adresse au peuple . Elle invite à
reporter son attention sur la loi du 17 septembre , afiu de luí
ôter tout ce qu'elle a de vague et d'arbitraire .
On demande la mention honorable et le renvoi aux comités
de législation et de sûreté générale . Clausel et Cambaceres s'y
opposent . Celui - ci observe que celle - ci a été rédigée en trèsgrande
connaissance de cause ; qu'il est vrai que les prejugés
et les liaisons connues de certains individus ont force de les
mettre dans la classe des gens suspects , mais que la Convention
a placé l'exception à côté de la regle , en disant que cette
loi ne serait pas applicable à ceux qui avaient donne des preuves
d'attachement à la révolution , et en laissant au comite de
sûreté générale la plus grande latitude pour prévenir les abus . Les
décrets que la Convention a rendu sdepuis le 9 thermidor doivent
calaner toutes les inquiétudes sur l'arbitraire . Il
peuple sache que pour son salut la Convention faut que le
Tome XII.
ne permettra
&
L
242
jamais que la révolution rétrograde ; il demande l'ordre du jour
sur le renvoi aux cemités. dadding Adopté.
D'Artigoyte dénonce dans une lettre quelques intrigans qui
se sont mis à la tête de la société populaire de Toulouse , qui
vexent et calomnient les citoyens les plus probes , et insultent
aux représentans du peuple. Clausel , Cavaignac , Chaudron-
Rousseau et plusieurs membres articulent des faits graves contre
ces partisans de la tyrannie de Robespierre qui ont eu l'audace
d'entraver les arrêtés du comité de sûreté générale , et de les
faire discuter dans la société populaire . Ils correspondent avee
toutes les sociétés du Midi qu'ils égarent. Ces intrigans sont ,
Artaud , directeur des postes , qui avait été traduit à Paris ,
et qui a été élargi , on ne sait comment ; Desbarreaux - Gerville
( comédien ) et Bélas , secrétaire du district. Ils demandent
contre eux le décret d'arrestation. La Convention le prononce
.
Richard , au nom du comité de salut public , fait part de
nouveaux succès de l'armée du Rhin et de celle du Nord .
( Voyez Pieces officielles. ) Il annonce es même tems 18 nouvelles
prises faites sur les Anglais , les Espagnols et les Hollandais
, et 19 bâtimens coulés bas . Parmi ces prises se trouve
un bâtiment espagnol , ayant à son bord 10,632 piastres et
10,000 liv. en assignats , et un navire anglais sur lequel il y
avait 1563 liv . portugaises , 138 marc de poudre d'or , et plusieurs
autres cargaisous richement chargées .
On reprend la suite de la discussion sur la loi concernant
les émigrés.
Eschasseriaux l'aîné présente , au nom du comité de salut
public , un rapport et un projet de décret sur les moyens de
restreindre et de régulariser les requisitions. L'Assemblée en
erdonne l'impression et l'ajournement.
Séance de quintidi , 5 Brumaire .
Dans une foule d'adresses on félicite la Convention sur ses
principes et son énergie ; on y jure haine aux intrigans , et on
invite la Convention à ne pas souffrir que quelques scélérats
aient l'audace d'usurper l'autorité que le peuple, a déléguée à
elle seule . Le peuple , entr'autre de Dijon , désavoue l'adresse
liberticide qu'on avait colportée sous le nom de la société
populaire cette société invite elle -même la Convention à
bannir la terreur. Voici la profession de foi de tous les habitans
dé cette commune .
7
Nous soutiendrons la Convention au péril de la vie . Elle
doit faire la loi , la faire par sa majorité ou son ensemble
et cinq à six individus n'ont pas le droit de substituer leur
yolonté à la sienne. Nous ne reconnaitrons aucune puissance
ivale ; nous maintiendrons l'exécution des lois le peuple
parlera en masse ou en majorité , et quelques individus ne
seront pas la commune de Dijon. 27 Insertion an Bulletin .
La Convention accorde à plusieurs dépatés détenus la faculté
d'alier rétablir leur santé dans leur maison .
La barre s'ouvre aux pétitionnaires Plusieurs font hommage
des productions de leur art ou de leurs talens .
Richard annonce de nouvelles victoires et la prise de plusieurs
villes par l'armée du Rhin et celle du Nord . | Veyez
Nouvelles officielles . )
Pendant que nos armées , dit Merlin ( de Thionville ) poursuivent
les satellites des tyrans , le comité de sûreté générale
fait la guerre aux intrigans et aux fripons ; il avait ordonné
l'incarcération du nommé Baboeuf , qui , condamné précédemment
à 4 aus de fers , s'est soustrait à un mandat d'arrêt du
comité de sûreté générale . Cet homme a trouvé refuge dans le
club électoral , auquel il a fait passer un discours plus séditieux
que celui qu'il y avait précédemment prononcé .
La société a pris un arrêté en nom collectif qui en ordonne
l'impression . En vertu du décret qui donne à la Convention
la police des sociétés populaires , le comité a fait arrêter le
président , les deux secrétaires et apposer les scellés sur les
papiers de la société. ( Applaudissemens . )
Tallien ,, par motion d'ordre , appelle l'attention de l'Assemblée
sur le décret qui avait mis hors de la loi la commission
de Bordeaux . La plupart des membres de cette commission
sont tombés sous le glaive de là lòi ; mais par le
second article de ce décret , la même peine était portée contre
quiconque avait servi les projets de cette commission ou obéi
à ses ordres . Il en résulte qu'une foule de malheureux , qui
n'ont été qu'égarés , se trouvent sous la proscription . Comme
Paris , Bordeaux a eu son Dumas et son Coffinhal . Un Lacombe
a fait guillotiner plus de 400 de ces victimes de l'erreur.
Il demande le rapport de cette partie du décret , et le
renvoi de sa proposition aux trois comités pour en faire leur
rapport. Adopté. )
Un autre membre observe que beaucoup de citoyens , sachant
que paraître devant le tribunal de Robespierre c'était
porter sa tête sous le coutean assassin , se sont soustraits à
des mandats d'arrêt , et out été mis hors la loi sur un rapport
de Saint-Just . Il demande que la situation de ces infor
tunés et les mesures à prendre sur leur compte soient l'objec
d'un rapport des trois comités réunis . ( Décreté . )
Dubois - Crancé rappelle la proposition qu'il a faite , il y a
un mois , pour organiser enfin dans les prisons une police
telle qu'on ne vienne plus dire qu'il y existe des conspirations
.
Un membre instruit l'Assemblée qu'ayant fait plusieurs
fois des reproches au général d'Auican de ce qu'il se taisait
sur les événemens de la Vendée , dont il avait été le témoin ;
ce général vient de lui écrire une lettre dont il le somme de
donner lecture à la Convention .
Q. *
apres avoir cité les dangers que lui a fait
courir sa franchise , s'engage à prouver qu'on a massacré des
vieillards dans leur lit , des enfans sur le sein de leur mere ,
guillotine des femmes enceintes , d'autres au moment de leurs
coaches , noyé et fusillé , non seulement à Nantes , mais à
30 lieues en remontant la Loire . Il offre de nommer les
hommes qui ont fait brfiler d'immenses magasins de subsistances
et d'objets nécessaires , tandis que l'armée était dans
le dénuement le plus affreux ; il jure qu'il fera voir clairement
que les hommes qui sont aujourd'hui philantropes ,
étaient alors des monstres sanguinaires .
Levasseur dit que ce d'Anican qui se vante d'avoir sauvé
Angers , s'est mis au contraire dans son lit pendant le siège
de cette ville sous le prétexte d'us mal de jambe : comme je
suis chirurgien , dit-il , et que je me connais à ces sortes de
maux , j'ai visité cette jambe , et je ne l'ai point trouvée
malade .
Merlin ( de Thionville ) ignore si ce fait est vrai , mais il
assure qu'il a combattu dans la Vendée à côté de d'Anican ,
et qu'il l'a toujours vn se battre en brave homme."
Le fait avancé par Levasseur , dit Dubois- Crancé , n'est pas
exact ; car d'Anican , au lieu de se faire porter dans son lit ,.
s'est fait porter sur le rempart.
La lettre est renvoyée aux trois comités , ainsi que l'assertion
d'un membre qui assure que le général Carpentier reçut
un ordre de Tureau , de déclarer en état de rébellion la ville
des Sables d'Olonne et d'y mettre le feu.
Séance de sextidi , 6 Brumaire.
Delmas annonce la prise de Coblentz , de Cleves et de
Gueldres , par deux divisions de l'armée de Sambre et Meuse..
( Voyez pieces officielles . ) Ces nouvelles , ajoute Delmas , sont
la meilleure réponse à faire à ceux qui disent dans certaines
assemblées que le gouvernement veut faire rétrograder les armées
sur nos places de premiere ligne , pour faire ensuite la
paix. On voit que ni les armées , ni ceux qui les dirigent ,
ne sont dans cette confidence .
Sur la proposition du comité de salut public , Merlin ( de)
Thionville ) se rendra sur- le - champ à l'armée du Rhin et de
la Moselle.
Merlin ( de Douai ) , avant de soumettre à la discussion le
projet de loi relatif au mode d'accusation des représentans du
peuple , soumet quelques réflexions qui décident l'Assemblée"
a rejetter le projet qui avait été présenté par Peyrès , pour
accorder la priorité à celui des comités .
Raffron obtient la parole pour une motion d'ordre Depuis
plusieurs jours , dit- il , et certes depuis long- tems le tribunal
révolutionnaire vous a fait connaitre que l'instruction"
dans l'affaire de Nantes se trouvait arrêtée par des déclarations
1
( 45 )
qui exigent que notre collegue Garrier intervienne dans les
débats. Mille bouches déposent contre lui ; les témoins , les
accusés , les coupables même le chargent . A- t -il commis où
non les horreurs dont on l'accuse ? voilà la question ; les comités
doivent avoir reçu des renseignemens et des pieces qui
éclairciront sa conduite ; il ne s'agit que de les lire. Le peuple
indignement outrage demande justice contre les coupables . Le
tems n'est plus où l'on présentait les plus affreuses atrocités
comme des formes acerbes , et où l'on associait les laurierà de
Fleurus aux actes tyranniques de Lebon . Raffron conclut
en demandant que , séance tenante , les comités fassent leur
rapport sur Lebon et Carrier.
Plusieurs membres observent qu'avant de faire droit à la
motion d'ordre de Raffron , l'Assemblée s'occupe des mesures
générales contenues dans le projet de décret des comités .
Merlin fait lecture du 1er . article , ainsi conçu :
Toute dénonciation contre un représentant du peuple sera
portée ou renvoyée devant les comités de salut publie , de
sûreté générale et de législation . "
Cet article est décrété .
Le second porte : Si les trois comités pensent qu'il doit
être donné suite à la dénonciation , ils déclateront à la Convention
qu'il y a lieu à examen . ››
Un membre pense que les comités doivent déclarer également
s'il n'y a pas lieu à examen , parce qu'il ne faut pas laisser
planer le soupçon sur un représentant .
Goupilleau observe que si l'on adopte cet amendement , on
pourra venir dénoncer pendant six mois tous les représentans ,
et que la Convention n'aurait autre chose à faire qu'à écouter
des dénonciations.
อ
Duhem pense qu'avant d'examiner la conduite du dénoncé ,
il faut examiner la moralité du dénonciateur . « Les hommes
de la révolution , dit- il , ont pour ennemis tous les ennemis
de la liberté . Les représentans en mission sont tous dénoncés .
et par qui ? par ceux- mêmes qu'ils ont poursuivis et punis ;
je voudrais bien voir les gardes - du - corps du 5 octobre dénoncer
les héroïnes de cette journée ; je voudrais bien voir aussi
les chevaliers du poignard dénoncer les fondateurs de la liberté ;
je voudrais bien voir le gouverneur de la Bastille dénoncer
ceux qui l'ont prise ; les Charrettes et les brigands de la Vendée
dénoncer ceux qui ont mis fin à cette guerre ....... Plusieurs
voix : Et Carrier ..... Duhem reprend que l'on cherche à calomnier
la Convention ; il demande une isi contre les calomniateurs
.
Bourdon ( de l'Oise ) propose par amenendement que le faux
dénonciateur soit renvoyé au tribunal révolutionnaire.
Thuriot , Guyomard et Pelet combattent l'amendement , et
Boutiennent que jamais la justice n'avilira la Convention natio
nale . Le second article est décrété
Q 3
( 246 )
Daham et Bourdon insistent pour leur amendement ; la dis
cussion se rouvre . Pelet et Tallien font sentir que le mode gé
nérique de ces propositions ne saurait être adopté sans examen
, et qu'il convient de renvoyer aux trois comités pour
bien déterminer ce que c'est que faux dénonciateur et calomniateur.
Le renvoi est ordonné , et l'article adopté . La suite da
projet de décret sera reprise dans la prochaine séance .
PARIS , 9 Brumaire , l'an 3. de la République.
La plupart des députés qui étaient détenus sont actuellement
en liberté ; ils ont obtenu la permission d'aller rétablir
leur santé. On a beaucoup parlé de l'acte qui a servi de motif.
à leur détention , et jusqu'à présent il était resté inconnu.
Les comités viennent de le rendre public . Chacun peut maintenant
le juger.
Déclaration des soixanté - onze députés , du 6 juin 1793.
Les représentans du peuple français , soussignés ,
Considérant qu'an milieu des évenemens qui provoquent
l'indignation de la République entiere , ils ne peuvent garder
le silence sur les attentats commis envers la représentation
nationale , sans s'accuser eux-mêmes de la plus honteuse faiblesse
ou d'une complicité encore plus criminelle ;
Considérant que les mêmes conspirateurs qui , depuis l'époque
où la République a été proclamče , n'ont cessé d'attaquer
la représentation nationale , viennent enfin de consommer
leurs forfaits , en violant la majesté du peuple dans la personne
de ses représentans , en dispersant ou enchaînant quelques-
uns d'entre eux , et en courbant les autres sous le joug
de cette audacieuse tyrannie ;
Considéraut que les chefs de cette faction , enhardis par
une longue impunité , forts de leur audace et du nombre de
leurs complices , se sont emparés de toutes les branches de
la puissance exécutive , des trésors , des moyens de défense
et des ressources de la nation , dont ils disposent à leur gré
et qu'ils tournent conrre elle ;
Qu'ils ont à leurs ordres les chefs de la force armée et
les autorités constituées de Paris ; que la majorité des habitans
de cette ville , intimidée par les excès d'une faction que
la loi ne peut atteindre , effrayée par les proscriptions dont
elle est menacée sans cesse , non seulement ne peut pas réprimer
les manoeuvres des conspirateurs , mais que souvent
même , par respect pour la loi qui commande l'obéissance
( 247 T
aux autorités constituées , elle se voit forcée de concourir en
quelque sorte à l'exécution de leurs complots 3
Considérant que telle est l'oppression sous laquelle gémit
la Convention nationale , qu'aucun de ses décrets ne peut
être exécuté , s'il n'est approuvé ou dicté par les chefs de
cette faction ; que les conspirateurs se sont constitués par le
fait les seuls organes de la volonté générale , et qu'ils ont
fendu les restes de la représentation nationale l'instrument
passif de leur volonté ;
et
Considérant que la Convention nationale , après avoir été
forcée d'investir d'une autorité illimitée les commissaires
qu'elle a envoyés dans les départemens et aux armées ,
que cette faction a exclusivement désignés , n'a pu réprimer
les actes arbitraires qu'ils se sont permis , ni même formellement
improuver les maximes incendiaires et désorganisatrices
que la plupart d'entr'eux ont propagées ;
Considerant que non seulement la Convention nationale
n'a pu faire poursuivre ni les dilapidateurs de la fortune publique
, ni les scélérats qui ont commandé des assassinats et
des pillages , mais encore que les conspirateurs , après avoir
vu leurs projets échouer dans la nuit da 10 au 11 mars , en
ont repris l'exécution avec plns de forces à l'époque des 20 ,
21 , 27 et 31 mai , 1 et 2 juin derniers ;
Qu'à cette derniere époque on a fait battre la générale ,
sonné le tocsin et tirer le canon d'alarme ; que les barrieres
de la ville ont été fermées , toutes les communications interceptées
, le secret des lettres violé , la salle de la Convention
bloquée par une force armée de plus de 60,000 hommes ;
qu'une artillerie formidable a été placée à toute les avenues
du palais National ; qu'on y a établi des grils pour le service.
des canons , chauffer des boalets et former tous les prépa
ratifs d'ou assant ;
•
Que des bataillons destinés pour la Vendée , et retenus à
dessein dans les environs de Paris , se trouverent au nombre
des assiégeans ; que des satellites dévoués aux conjurés , et
préparés à l'exécution de leurs sanguinaires complots , occuperent
les postes les plus importans et les issues de la salle
qu'ils furent ouvertement récompensés de leur zele par des
distributions de vivres et d'argent ;
Qu'au moment où la Convention nationale se présenta en
corps aux avenues du palais pour enjoindre à la forée armée.
de se retirer , le commandant . investi par les conjurés de la
plus insolente dictature , osa demander que les députés pros-.
crits fussent livrés à la vengeance du peuple ; et que , sur le
refus de la Conventton , il eut l'atroce impudence de erier
aux armes , et de faire mettre en péril la vie des représentans
du peuple Français ;
Considérant enfia que c'est par des manoeuvres de cette
nature qu'on est parvenu à arracher à la Convention , ou plu
Q4
( 248 )
tôt à la sixieme partie des membres qui la composent , un
décret qui prononce l'arrestation arbitraire qui enleve à leurs
fonctions , saus accusation , sans preuve , sans discussion ,
au mépris de toutes les formes , et par la violation la plus
criminelle du droit des gens et de la souverainete nationale ,
trente - deux représentans désigués et proscrits par les conspirateurs
eux - mêmes ;
Déclarent à leurs commettans aux citoyens de tous les
départemens , au peuple Français , dont les droits et la souveraineté
ont été aussi audacieusement violės , que depuis
Tinstant où l'intégrité de la représentation a été rompue par
un acte de violence , dont l'histoire des nations n'avait pas
encore offert d'exemple , ils n'ont pû ni dû prendre part aux
délibérations de l'Assemblée ;
Que réduits , par les circonstances malheureuses qui les
entourent , à l'impossibilité d'opposer , par leurs efforts individuels
, le moindre obstacle anx succes des conspirateurs
ils ne peuvent que dénoncer à la Republique entiere les
scenes odieuses dont ils ont tous été les témoins et les victimes.
A Paris , le 6 juin , l'an second de la République Française .
Signés , Lauze Duperret , Ig . Cazeneuve , Laplaigne , Chasselin ,
Girault , Dugue- Dassé , Rouault , Dufaulx , Lebreton , Defermon;
Couppé , J. P. Saurine , Queinée , Salmon , Lacaze
aîné , V. F. Corbel , J. Ovitter , Ferroux , ayaut déja protesté
le 2 de ce mois dans la Convention ; J. A. Rabaut, Fayolle ,
Derazey , Rubereau , F. Aubry , Bailleul , Ruault , Obelin ,
Babey , C. A. A. Blade , Maisse , Peyre , Bohan , H. Eleury ,
Vernier , Grenot , Jary , Amyon , ayant déja protesté le 2 de
ce mois dans la salle de la Convention ; Laurenceot , Laurencel ,
Serre , Saladan , Chassel , Vallée , Mercier , Mazuyer , Royer,
Duprat , Lefebvre , Olivier - Gérente , Garilhe , Varlet , Dubuse
, Savarry , Delamarre , Dalray Doublay . A Paris , ce ,
19 juin , audit an , P. Delleville , Blangni , Massa , Faure ,
Hecquel , B. Descamps , Lefebvre , Dannou , Perrier , ayant
déja protesté lé 2 de ce mois dans la salle de la Convention ;
Blaux , Stradens , Bresson , Marbet , Rouzet , ayant déja protesté
le 2 de ce mois ; Tournier , ayant deja protesté le 2 de
ce mois dans la salle de la Convention ; Vincent , Blavier ,
ayant déja protesté le 2 de ce mois ; Moysset , Saint - Prix et
Gamon.
Certifié conforme à l'original . A Paris , ce 1ee , brumaire ,
l'an 3. de la République Française , une et indivisible .
Les membres composant le comité de sûreté générale de la
Convention nationale .
Signés , CLAUZEL , président ;
MONMAYOU , LEVASSEUR ( de la Meurthe ) , secrétaires.
6
( 249 )
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DU RHIN ET DE LA MOSELLE.
Neustadt , quartier-général , le 26 vendémiaire , l'an trois.
Le 16 vendémiaire , le drapean dont la République a récompensé
le courage de nos freres d'armes , leur a été présenté
dans la plaine de Montbac. Ils ont tous juré , sous ce signe
glorieux, la mort des tyranset de leurs esclaves . Ils ont tous juré
l'attachement et le dévouement le plus entier à la République ,
une et indivisible , et nous avons de snite marché à l'ennemi.
Le comité de salur public a dû vous dire déja que le lendemain
nous lui tuâmes de 3 à 400 cavaliers et chevaux . Nous lui
primes 50 à 60 hussards , autant de chevaux de selle , et 48
chevaux de trait . Nous enlevâmes la ville de Franckental de
viye force , et nous arrêtâmes le courier de Mayence , chargé
de dépêches les plus importantes que nous avons transmis au
comité de salut public . Le lendemain , nous tuâmes de 25 à 30
chevaux dans une reconnaissance , et nous prîmes Sechelles ,
Odembach , la ville de Volsheim et tout le pays adjacent. Le
lendemain , l'armée de la Moselle et celle du Rhin ont opéré
leur joncion à Lautrec , où nous nous réunîmes les représen
tans avec les généraux en chef de l'armée , pour combiner la
marche des deux armées .
,, Le 23 , nous nous sommes emparés des villes d'Auterberg ,
Rouquenhausem , Cousberg , Alzeim et Oberhouse.
, Le 94 , des villes de Gelheim et Grunstadt .
L'armée de la Moselle , avec laquelle nous agissions de
concert , prenait en même Trarbach , Bercastel , Birkenfeld ,
Oberstein , Kirn , Meisenheim , et marche sur Creutzaach .
Demain sans doute nous ajouterons à nos conquêtes Phidelcheio
, Leiselhem , Phedersheim et la ville de Worms ,
" Ceux qui jetteront un regard sur la carte seront peut- être
étonnés qu'en 7 jours de tems nous nous soyons emparé d'une
si vaste étendue de pays , des positions les plus formidables ,
avec le plus mauvais tus possible . Nous poursuivons nos efforts ,
communs avec la même audace , et ce sera par des conquêtes
encore plus importantes que l'armée du Rhin saura prouver la
reconnaissance que lui inspire le témoignage de satisfaction publique
que la Convention a donné au nom de la patrie . ,,
Signé , FERRAND , neveu .
Worms , 27 vendémiaire , 7 heures du soir.
Frankental a été pris hier 26 , et nous sommes entrés ce
soir à 6 heures dans la jolie ville épiscopale de l'évêque de
( 250 )
Worms. On cât dit que le digne prélat avait conjuré contre
nous tous les élémens , la pluie , la grêle ; nos chevaux s'enfonçant
dans les engrais , toutes les routes inondées .
" Mais le génie de la République avait conjuré aussi de son
côté le courage et le mépris de tous les dangers . Nos troupes
ont été reçues , à 6 heures , comme des libérateurs . Les habitans
se sont empressés de venir au- devant de leurs besoins , en
leur procurant tous les comestibles qu'ils pouvaient desirer , en
les accueillant avec cordialité . A Worms , il paraît qu'ils seront
également bien traités . Je n'y suis que depuis une demi- heure .
Signé , FERRAND .
L'armée du Nord s'est emparé du fort St. -André , situé an
confluent du Vaalh et de la Meuse .
Eingen , 29 vendémiaire.
L'armée de la Moselle vient de porter , des rives de la
Sare , sur celles du Rhin , le drapeau tricolor que la Convention
nationale lui envoya dernierement. Nous venons de le
promener au sein de la ville de Bingen , qui nous a ouvert ses
portes il n'y a qu'un instant , après que nous en avons cu
chassé l'ennemi avec quelques coups de canon et une courte
fusillade. Il avait cependant , nous a - t- on dit , dans ce pays ,
juré de nons vendre cher cette place importante par sa position
et celles qui l'entourent , et par les deux communications de
Mayence et de Coblentz . Recevez des clefs de la ville de Bingen ,
dont les habitans nous ont reçu avec de grands témoignages de
joie et de satisfaction . Il nous faudrait des pages d'écriture, si je
voulais vous rendre compte du courage et du bon esprit des
troupes et de tous les temoignages avantageux qui leur sont dus.
Quand elles sont dans un lieu , on les entend crier Allons
dans celui plus avant.
Signé, BOURBOTTI , représentant du peuple.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
Au quartier général à Cologne , le 3 Brumaire.
Aussi- tôt que votre collegue Gillet m'eut communiqué
que vous desiriez que l'armée de Sambre et Mense dérigeât
des troupes sur Coblentz , j'ai donné ordre au général Marceau
de partir avec la division qu'il commande pour marcher
sur cette ville. Ce général est arrivé le 1er. brumaire , à Andernach
, il y a rencontré les hussards ennemis et il les
a chargés vigoureusement ; plusieurs ont été tués , et 50 bien
accoutrés et équipés ont été faits prisonniers. Nous avons
eu 3 hommes de tués ou égarés dans cette affaire . Le général
Marceau a continué sa marche et s'est rendu hier dévant
Coblentz ; il a trouvé l'ennemi retranché daus les positions
avantageuses , en avant de cette ville , il l'a attaqué
vigoureusement , les redoutes ont été enlevées de vive force
( 251 )
per l'infanterie et tournées par la cavalerie ; enfin l'ennemi a
été forcé de passer le Rhin et de laisser au pouvoir des roupes
de la République la ville de Coblentz. L'étendard tricolor
Botte maintenant sur les murs d'une ville , jadis le repaire
des déserteurs de la patrie , qui avait pris pour devise : L'honneur
est à Coblentz . Oui , sans doute , c'était là qu'on devait
trouver l'honneur ; mais il appartient aux soldats fideles de
la cause de la liberté et non à de vils émigrés . Je ne peux pas
vous donner dans ce moment des détails circonstanciés sur
cette affaire , parce que le général Marceau n'a pas eu le
teme de me les faire passer , je vous les enverrai aussi-tôt que
je les aurai reçus .
Je vous préviens que l'aile gauche de l'armée occupe la
ville de Cléves , et correspond par ce moyen , avec l'armée
du Nord .
Salut et fraternité .
Signé JOURDAN , commandant en chef.
ARMÉI DU NORD.
Bulletin télégraphique du 4 brumaire , depuis 4 heures et demie jusqu'à
5 heures 20 minutes.
{ Transmission de Lille , composée sur le vocabulaire de l'ingénieur . )
Hultz , Saas - de - Gand , Philippine et Axel sont au pouvoir
de la République depuis le 2 de ce mois ; un seul Français a
été blessé dangereusement. 19
Signé , GHAPPE , ingénieur- télégraphe.
Une lettre de Briés , représentant du peuple à Bruxelles
en date du 2 brumaire , confirmée par d'autres dépêches , nous
annonce que , le 29 vendémiaire , l'armée du Nord a batte les
débris de l'armée anglaise et hollandaise au - delà de la Meuse ,
du côté de Houtemer . Sept cents prisonniers , quatre pieces de
canon et un drapeau , sont les fruits actuels de cette victoire . „
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes , du 26.
On a donné lecture de deux ordres signés de Carrier. Le
premier enjoint au citoyen Phelippe de faire éxécuter , sans
jugemens 24 brigands , et un autre d'en faire éxécuter de
même 27 , et dans la liste se trouve des femmes et des
enfans .
On a aussi lu un procès verbal de Phelippe , président
du tribunal , où les ordres de Carrier et le jugement sont
consignés.
Il a cité une affiche imprimée du comité , qui ordonnait
aux citoyens qui avaient reçu des enfans des brigands , de
( 252 )
les remettre , sous peine d'être regardés comme suspects , et
ces enfans furent noyés.
Phelippe a été de suite entendu en ses dépositions ; il a
articule des faits contre Carrier dont quelques- uns ont paru
vagues . Le président l'a invité à se renfermer dans les faits
qui pouvaient regarder les accusés .
•
Phelippe a reproché des faits graves , des vols et des
exactions aux accusés. Le president les a interrogés sur ces
faits , dont quelques - uns out eté nies , d'autres expliqués
d'autres avoués . Il est résulté des débats de cette séance ,
que Leroy et Garnier , échappés à une noyade , furent mis
au secret , pour qu'ils ne révélassent point aux autres prisonniers
ce qui s'était passé , et Gonlin a assuré qu'ils n'avaient
pas été noyés , puisqu'ils étaient à Paris . Il a dé
plus été avoué que deux ou trois gabarres servant aux
noyades ont été achetés par Lamberty et payées par le comité
; que Carrier avait dit en secret à Goulin que tout
était arraugé pour l'expédition ; que la compagnie - Maiat fut
mandee ; que plusieurs membres du comité s'y trouverent ,
comme surveillans , ont- ils dit ; que les prisonniers furent
mis dans le bateau à 4 heures du matin ; que Lamberty avait
promis de se charger de cette expédition , et qu'en son absence
elle fut effectuée ,
Bologniel s'est expliqué franchement sur plusieurs faits .
Tous les accusés ont nié avoir connaissance des sabrades
d'une foule de brigands qui furent massacrés sur la place du
département , quoique le comité révolutionnaire tint ses
séances dans l'une des salles du département ; mais plusieurs
ont avoué que Hubert qui était dans les prisons où l'on
prétendait qu'il existait des conspirations , qui était regardé
comme un voleur , et qui avait fourni les listes des détenus
qui ont été noyés , avait été envoyé sur un vaisseau
pour servir dans la marine , en récompense , sans doute ,
des services signalés qu'il avait rendus .
On a peut- être oublié , non ; car on se rappelle très -bien
que sous la tyrannie de Robespierre , il y avait dans les maisons
d'arrêt de Paris , certains iudividus qui ont prétendu
qu'il y avait existé , et qu'il y existait encore alors des
conspirations ; ils déposerent de ces faits , et le tribunal du
dernier tyran envoya à l'échafaud une foule de citoyens de
tout âge , de tout sexe , de tout état , prévenus de différen's
délits et détenus à Eicêtre , au Luxembourg , à St. - Lazare
et à la Force.
Du 27. Phelippe a encore fait des déclarations dans cette affaire :
le comité révolutionnaire , a- t-il dit , envoyait à la commission
militaire , pour y être jugés , des brigands qui n'avaient
pas été pris les armes à la main . Les biens de ces condamnés
ont été séquestrés , et leurs parens ne peuvent en
( 253 )
jouir . Il m'est revenu qu'on les taisait passer pour des émigrés .
Ces commissions militaires jugaient même des femmes.
Goullin m'a reproche d'avoir , lorsque j'étais au , tribunal ,
la conscience trop timoree , me disant que l'on devait incure
sous le rasoir national certaines personnes sur l'étiquette du
sac . Anterieurement à la loi du 14 frimaire , le comité
pouvait mettre en liberté les detenus . A cette époque
j'entendis dire à Chaux : Si cette loi 'avait as
portée , nous aurions fait passer en prison tous les bis
de Nantes les uns après les autres , pour y faire un seminaire
d'une décade , plus ou moins ; ils en auraient mieux
valu . "
Le citoyen Debourgues doit deposer que s'étant adressé à
Carrier pour une compétence , il lui répondit : la guillotine ,
toujours la guillotine . Quoique j'eusse defendu que la guillo
tine fût constamment levee , Carrier ordonna qu'elle le fûr
toujours. J'ai entendu dire , a- t il ajouté , que Carrier avair
fait noyer trois belles femmes , qui avaient été prises , je crois ,
à la Vendée , et avec lesquelles il avait couche . Le prési lent
a observe à Phelippe qu'il poussait trop loin ses observations
et ses inquiétudes ; il l'a invité à citer des faits sur les accusés
.
Un des jurés a observé que la défense des accusés portait
sur des circonstances impérieuses dans lesquelles les accusés
disaient s'être trouves . Phelippe a été interpelle de déclarer
quel etait alors l'état de la ville de Nantes ; il a reptiqué que
lesbrigands n'etaient pas menaçans à cette époque ; que la
ille était tranquille , et que l'on avait tout fait pour faire révolter
le peuple.
3
On a deinaudé ensuite à Phelippe s'il avait connaissanee
que quelque autorité constituée eût fait une proclamation aux
brigands , pour les engager à venir à récipiscence , et leur faire
pressentir qu'il y aurait une amnistie. Il a répondu qu'il le
royait , mais qu'il n'en était pas sûr ; que Merlin s'était conduit
dans ce pays d'une maniere à le faire desirer , et à ramener
la paix et la tranquillité.
Aux reproches de Phelippe , Goullin répond qu'il a seule
ment dit que Phelippe avait un bras de fer pour les petis délits ,
andis qu'il acquittait les aristocrates .
Chaux affirme qu'il n'a pas parlé de séminaire ; il a dit que
helippe en a imposé , qu'il n'a cité que des faits vagues , qu'il
est plaint d'avoir été emprisonné par le comité , dans le tems
ue le comité lui -même était dans les fers .
René Nau , ci - devant armateur , quartier- maître de la comaguie
Marat à Nantes , a été ensuite entendu ; il a été témoin
une noyade qui eut lieu dans la nuit de 24 an 25 frimaire ;
es membres du comité adresserent une lettre au capitaine
eury elle lui enjoignait de faire transporrer la compagnie
arat au vestibule du département , d'où elle se rendit à
:
( 254 )
Buffay. Les prisonniers furent appellés à 10 heures da soir
par Goullin qui tenait la liste ; Mainguet et un autre y étaient ,
il conduisit deux fois des prisonniers au quai Robin : ils se
plaignaient en chemin , on leur dit qu'on les menait à Belle-
Isle on les déposa au corps - de garde de la machine : les détenus
murmuraient à la geole du Buffay , c'étaient des hommes
de 25 à 40 ans ; il a vu une gabarre échouée qu'on lui a dit avoir
servi à des noyades ; il a ajouté qu'il avait appris que Lamberty
avait une galiote à soupape . Goullin lui donne un ordre pour
faire passer sa gabarre au port de la Pêcherie.
: Grand- Maison se trouva sur la gabarre ; il porta ensuite
l'ordre au corsaire en station au milieu de la Loire ; en remettant
le billet , il entendit les prisonniers qui offraient leur
argent à Grand-Maison qui leur dit de le porter à Charette ;
le bateau qui l'avait conduit à la gabarre reçut ceux qui y
avaient conduit les prisonniers et les mit à terre. Des charpen-
Liess armés de haches étaient sur des batelets ; les prisonniers
furent submergés. Après plusieurs interpellations qui lui ont
été faites , il a été mis an rang des accusés , comme prévenu
d'avoir participé , de son aveu , à l'expédition de la noyade
de la nuit du 24 au 25 ; d'avoir commis des infidélités dans
ses fonctions , d'avoir exercé des actes arbitraires , etc. etc.
9
66
1
Du 28. Julien le Roy , âgé de 29 ans né à Montoire , marchand
de veaux , condamné par jugement depuis deux ans
à quatre ans de détention , pour avoir vendu un cheval qui
ne lui appartenait pas , a été entendu comme témoin. J'étais ,
a - t- il dit , dans les prisons du Buffay , à l'époque où des
membres du comité révolutionnaire et la compagnie de Marac
s'y transporterent pour effectuer la noyade qui eut lieu dans
la nuit du 24 au 25 frimaire . Ils arriverent vers dix heures
du soir au Buffay ; ils étaient armés de sabres et de pistolets
et ils tenaient des listes. On nous fit tous lever , et on nous
ordonna de faire nos paquets on nous fit entrer deux à deux
dans la geole ; là , on nous attacha les mains derriere le dos ;
nos paquets resterent à la geole , on nous dit qu'on nous les
ferait tenir le lendemain . On nous laissa nos habits , mais on
en enleva aux prisonniers leur porte - feuille , leurs boucles
d'argent,leur montre, ete . Attachés ensemble au nombre de 18 ,
on nous conduisit au corps- de - garde de la machine : nous
croyious que nous serions fasilles.
Quelques uns de nos conducteurs nous dirent qu'on nou
conduisait à Belle - Isle . L'un d'eux avait une hache sur l'épaule
Garnier et James étaient attachés ensemble ; le premier s'evada
Grand- Maison brûla la cervelle au second , parce que so
camarade s'était sauvé . A bord de la gabare nous trouvâme
deux petites échelles pour y entrer . Attaches deux à deu
nous ne pouvions descendre ; on coupa un de nos liens ; mai
comme l'échelle était trop courte , on nous prit par la tête , e
i 255 )
on nous jetta en bas . Avec mes dents , je vins à bout de couper
la corde qui attachait les mains à mon camarade , à son tour il
me délia , etc. ( Il mentre sa corde . ) Nos conducteurs fermerent
l'écoutille ; ils chavirerent la gabarre ; avec des haches
ils leverent le sabord , le fond s'ouvrit , nous fûmes tous engloutis
, an nombre de 165. Je nageai pendant deux heures
sur les cadavres en mettant le doigt entre deux planches ,
je m'accrochai à la gabarre . Une barque arriva ; le batelier , avec
un grapin , enfonça le pont de la gabarre échouée ; il me jetta
une corde , et j'échappai ainsi seul à la mort. Arrivé au corpsde-
garde , je dis que je venais du Montoire , et que j'avais manqué
de me noyer ; mais à onze heures du matin on me conduisit
au comité révolutionnaire ; les membres qui le composerent
se regarderent et se mirent à rire . Joly dit : Voilà un homme
qui s'est sauvé , qu'en ferons - nous ? Il faut le foutre à l'eau .
Bachelier ajouta : Il faut le conduire au Buffay , nous le mencrons
ce soir avec les autres . On me mit une capote sur la tête ,
et je fus ainsi reconduit au Buffay , où l'on me mit au secret ,
et à onze heures du soir dans une basse - fosse , où j'ai demeuré
trois mois et demi . Chaque jour on me donnait une demi - livre
de pain et une demi - chopine l'eau . "
Les accusés ont été interrogés sur les faits , dont quelques -uns
ont été avoués et les autres nies .
Le président a ensuite annoncé que l'on venait de lui remettre
un paqurt pour la victime qui avait échappé à la noyade ;
ce qui prouve a-t-il dit , les sentimens d'humanité qui animent
les citoyens qui composent cette assemblée.
Ducourt , perruquier , membre de la compagnie Marat ,
et qui alié avec Joly les prisonniers du Buffay , a déposé à -peuprès
les mêmes faits .
Bernier , femme de Hervé- Labauche , détenue depuis dix
mois , et Hervé- Labauche , son mari , détenu depuis neuf mois ,
ont déposé des mauvais traitemens que ce dernier a éprouvés
lors de son arrestation avec sa fille , et de l'enlevement de 4000
livres , fait à Herve- Labauche par Pinard et quatre noirs ses
satellites , qui ont bu son vin muscat et enlevé plusieurs effets
dans sa métairie près Nantes .
Ce vieillard respectable , infrme , âgé de 71 ans , et domicilié
dans les environs de Nantes , a reproché à Pinard de lui
avoir dit : « Vous n'avez que deux partis , ou de boire à la
grande tasse , ou la fusillade. Arrivé , a- t- il dit , au comité
avec ma fille , Goullia nous traita de brigands ; je lui répondis
que j'étais proprietaire dans les environs de Nantes. Nous
fumes conduits à neuf heures du soir à l'entrepôt , c'est-à-dire ,
dans la prison où l'os mettait ceux qui devaient être jugés.
Un membre de la commission militaire nous interrogea ; il vit
que nous n'etions pas des brigands , et il nous fit transf rer la
même nuit au Buffay , et une heure après , tous ceux qui étaient
à l'entrepôt furent noyes.
( 256 ) ( 256 )
goo Pinard a affirmé que le témoin n'avait pas plus de 900 liv.
qu'il a partagé avec les quatre noirs . On a ensuite donné lecture
d'un ordre signé Goullin , conçu ainsi qu'il suit :
Le nomnié Luzeau , dit Lamulonniere , reconnu de tous
tems par son aristocratie , sa femme et sa fille tous déguisés
en paysans , ont été trouvés dans les marais de la Gibaudiere ,
chez la veuve Alliot , ont été saisis et conduits devant le comité
revolutionnaire par le citoyen Pinard .
Ont été trouvés par le même , et trouvés cachés dans le
même lieu , le nommé Hervé , dit Labauche , et sa fille déguisés
également en paysans .
On recommande les gredins ci - dessus qui , outre le crime
de s'être cachés déguisés , d'avoir brigandés , sont chargés d'avoir
chacun deux fils émigrés .
Ces honnêtes gens sont fatigués , malades , ont besoin des
soins les plus délicats ; c'est justice de leur expédier billet
d'hôpital ; en vérité , en vérité , le comité révolutionnaire ne
peut s'empêcher de les recommander chaudement à ses freres
de la commission militaire et révolutionnaire .
Signé , Grand - Maison , Chaux et Goullin .
Je certifie cette recommandation écrite de la main de Goullin
, laquelle est déposée en original aux pieces du procès
de la famille de Labauche.
Paris , de 26 vendémiaire , 3e , année républicaine .
Signé , Brignon .
Goullin a prétendu que ce que l'on vient de lire n'est qu'une
lettre confidentielle et une mauvaise plaisanterie .
( La suite au numéro prochain )
P. S. Le bruit se répand qu'il y a eu à la Haye et à Amsterdam
ane insurrection du peuple dont on ne connaît point encore les
détails . On dit qu'elle a été occasionnée par la résolution du
statdhouder et de son conseil , de recourir aux grandes inondations
, et d'abandonner la Hollande après avoir emporté toutes
ses richesses . Cette résolution qui ensevelissait la Hollande sous
les eaux , et ruinait entierement le peuple , a déterminé les
patriotes à se prononcer , et le peuple n'a point voulu souffrir
qu'on rompit les grandes digues . Cette nouvelle prend quelque
consistance .
Dans la séance d'octodi , les trois comités ont déclaré qu'il
y avait lieu à examen de la conduite du représentant du peuple
Carrier dans l'affaire de Nantes . - Let élégraphe a transmis
la nouvelle de la prise de Vanloo qui s'est rendue le 6 .
-
( No. 9. )
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDI 15 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 5 novembre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
MAXIMES DE CONDUITÉ,
RÉPRIMEZ MEZ tout emportement ;
On se nuit , alors qu'on offense ;
Et l'on hâte son châtiment
Quand on croit hâter sa vengeance .
La dispute est souvent funeste autant que vaine :
A
A ces combats d'esprit craignez de vous livrer ;
Que le flambeaa divin qui doit vous éclairer ?
Ne soit pas en vos mains le flambeau de la haine .
De l'émulation distinguez bien l'envie ;
L'une mene à la gloire , et Fautre au déshonneur ;
L'une est l'aliment du génie ,
Et l'autre est le poison du coeur .
Par un humble maintien qu'on estime et qu'on aime ,
Adoucissez l'aigreur de vos rivaux jaloux ;
Bevant eux rentrez en vous - même ,
Et ne parlez jamais de vous..
1
Toutes les passions s'éteignent avec l'âge ;
L'amour-propre ne meurt jamais ,
Ce flatteur est tyran , redoutez ses attraits
Et vivez avec lui sans être en esclavage .
Tome XII
&
5
31.
*
( 258 )
་
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
Instructions tirées de l'exemple des animaux, sur les devoirs de la jeu
nesse , à l'usage des écoles primaires ; ouvrage autant utile qu'amusant
, suivi d'observations sur les avantages de la République Française
, une et indivisible.
( Vade ad formicam , ô piger ! considera vias ejus . )
PROV.
In- 16 , avec figures , de 230 pages . Prix , 30 sous broché ; it
40 sous , franc de port. A Paris , chez Maradan , libraire , rue du,
Cimetiere-André- des - Arcs , nº . 9 , l'an 3e.
V.OICI comme l'auteur s'exprime dans son avant-propos qui
fait bien connaitre l'utilité et l'agrément de son précieux ét
ingénieux ouvrage , dans lequel l'instruction est toujours appuyée
par l'exemple ; et la saine morale enseignée par le pur
instinct des animaux . Salomon renvoie les hommes à l'école
des animaux pour leur apprendre à pratiquer leurs devoirs , et
il n'y a pas de doute que cette méthode ne soit excellente . Le
créateur à voulu , dit l'immortel Fénelon , que les êtres raisonnables
trouvassent jusques chez les bêtes qui n'ont qu'un
instinct , un moyen de confondre leur paresse et leur lâcheté ;
il ajoute que les enfans sé faisant un plaisir de jouer tantôt
avec les quadrupedes , et tantôt avec les oiseaux , ont plus d'occasion
que personne d'observer leur sensibilité , leur intelligence
, leur adresse .
a
Ils sont tous les jours à portée de voir jusqu'où va leur attachement
, jusqu'où s'étend leur reconnaissance et leur fidélité „
On dit que le célebre Hersant , professeur de l'université de
Paris , fit un jour apporter au milieu de ses écoliers une ruche
de verre , et qu'à l'aspect des abeilles qui travaillaient sans
relâche à la confection de la cire et du miel , il apostropha
ses disciples , en leur enjoignant d'être au moins aussi laborieux
que ce petit peuple dont l'industrie et l'activité méritent
notre admiration et les plus grands éloges . Combien leurs
ouvrages ne sont-ils pas utiles , et combien ne sont- ils pas multipliés
, si l'on considere cette prodigieuse quantité de cire qu'on
brûle dans toutes les parties du monde ?
>
D'ailleurs , quel avantage ne tire -t- on pas de la sociéte des
animaux qu'on apprivoise ? Ils deviennent nos amis , ils nous
amusent, ils nous intéressent , sur-tout quand nous vieillissons
ou quand la maladie nous prive de la compagnie de nos semblables.
Une araignée même fit long - tems les délices d'un malheureux
prisonnier , elle était attentive à sa voix , elle semblait
( 259 )
le caresser , ce qui faisait dire au célebre Réaumur , que la
structure et la prévoyance d'un insecte avaient quelque chose
de plus merveilleux que le firmament même. Je ne m'étonne
plus si des philosophes du premier ordre passent leur vie à étu
dier le mécanisme des insectes , s'ils s'appliquent à découvrir
tout ce qu'ils operent pour se nourrir et pour se préserver des
pieges et des accidens .
Quoique les animaux domestiques et les oiseaux privés soient
pls interessans par leur maniere de proceder dans leurs jeux ,
ceux qui habitent dans les forêts nous offrent des exemples
capables de faire rougir l'homme vicieux ; la chasteté de l'éléphant
, la douceur de la colombe , l'activité de la tourmi sont
presque des vertus aux yeux d'un sage observateur qui sait
tout apprécier.
La jeunesse naturellement portée à s'excuser n'a rien à
repondre , quand on lui objecte des êtres qui , quoique privés
de la parole et de la raison , remplissent leur tâche avec fidélité
, et contribuent par leur soumission aux volontés de
l'homme qui les assujettit à maintenir l'ordre de l'univers .
pas
Combien le fils qui n'obéit point à sa mere n'est- il pas confondu
à la vue du tendre agneau qui suit fidelement tous les
de la brebis , et qui étudie jusques dans ses regards où il doit
aller ; à la vue da poussin qui , quoique pouvant marcher seul ,
et se nourrir sans aucun secours , ne veut tenir sa subsistance
que de la poule qui lui a donné le jour?
Les exemples qu'on puise dans l'histoire , soit qu'on les tire
des moeurs des héros , soit des actions des hommes recomman.
dables par leurs talens , out trop de disproportion avec les
enfans pour leur faire impression ; mais la vue des animaux avec
lesquels ils se familiarisen n'a rien qui ne leur soit analogue.
Le jeune chat joue comme l'enfant qui aime à jouer ; l'oiseau
prend l'essort comme l'enfant cherche à se récréer , et il voit
dans l'un et l'autre une docilité surprenante aux ordres de ceux
qui sont leurs maîtres . De là vient qu'Esope , Phedre , Lafonlaine
crurent devoir faire dialoguer les bêtes , et qu'ils en tirerent
un sens moral , capable d'agir sur l'esprit et le coeur de
la jeunesse . On n'a pas honte de n'être pas un héros , mais
on rougit d'être inférieur a la bête , du côte des sentimens .
Les animaux , disait le philosophe Plotin , sont la copie de
l'homme , comme nous sommes celle de l'Etre créateur , et à
la honte de l'humanité cette copie vaut souvent mieux que
l'original ; cela est si vrai , qu'on prefere le chien fidele a
l'homme insensible , le lion reconnaissant à l'homme ingrat ,
l'abeille à l'homme oisif. Un tel est mort , disait un jour Sevigné ,
sans avoir fait aucun bien . Ah ! que n'était-il plutôt un versà
soie , il aurait du moins servi le public .
La question sur l'ame des bêtes , quoique souvent fort agitée,
et toujours inutilement , prouve au moins qu'elles ont un
instinct presqu'égal à la raison humaide. On ferait un ample
R
$
( 260 )
L
recueil des services qu'elles rendirent dans tous les tems , soi
par leur prévoyance , soit par leur gratitude envers leurs bienfaiteurs.
Ce qu'il y a de sûr , c'est que , sans vouloir appro
fondir leur état qui nous sera toujours caché , malgré les réflexions
de Descartes qui les réduit à la qualité de simples
machines , malgre celles de Bougeant qui les assimile presqu'à
nous , elles sont de la plus grande utilité tant pour nous servir
que pour nous instruire sur nos devoirs. La vigilance du coq
m'enchante , disait Leibnitz , de même que la sagacité de l'abeille
me ravit , elle qui malgré la ténuité des organes et la faiblesse
de son petit corps trouve par un travail opin ane le
moyen d'éclairer les nuits , et de nous prodiguer un aliment
qui , sans la découverte du sucre , nous paraîtrait mille fois plus
précieux . Quelle serait , ajoutait-il , la surprise d'un aveugle -né
qui recouvrant la vue tout à- coup se trouverait au milien d'use
salle tapissée du plus beau lampasse , éclairée des plus belles
bougies , et à qui l'on montrerait une abeille et un
vers à
soie , comme les auteurs de la brillante lumiere et de la magnifique
étoffe dout ses yeux seraient frappés , il ne pourrait se
persuader une chose aussi éloignée de sa conception .
Il y a sans doute une distance infinie de la bête à l'homme
dans l'ordre intellectuel , car , outre que son ame est dans son
sang , selon Salomon , elle n'a rien à prétendre que la mort ;
' mais elle n'en est pas moins digne de nos regards et de notre
imitation par la maniere dont elle suit fidelement les lois de
la nature , et dont elle se regle selon la volonté de l'homme
auquel elle est assujettie .
D'après ce léger apperça , dit l'auteur , j'ose offrir cet ouvrage
comme une production qui manquait à la jeunesse , et
dont elle peut tirer d'autant plus d'avantage qu'il amuse en
' instruisant , et que les faits qu'il renferme sont exactement
vrais . Il est sans doute humiliant pour les hommes de voir que
leur propre histoire , toujours souillée par des vices et par des
atrocités sans nombre , est moins consolante à liredes
animaux .
que celle
L'auteur a cru devoir joindre à la fin de son ouvrage quelques
observations sur les avantages de la République Française ,
qui feront connaître combien la doctrine de l'égalité et de la
liberté est favorable aux sciences . Il y a long- tems que l'on
dit que les Muses n'étaient fécondes qu'autant qu'elles étaient
libres , et que les lettres mettaient tous les hommes au même
niveau , faisant disparaître et les richesses et les conditions :
je suis au niveau des monarques , disait Pope , parce que je
suis philosophe .
Passons à quelques exemples de morale tirés de l'admirable
instinct des animaux . Nous ne pouvons mieux commencer que.
par ce charmant modele de la piété filiale.
Il y avait à Messine , ville de Sicile , depuis long- tems fameuse
dans l'histoire , et sur- tout depuis le dernier tremble(
61 )
ment de terre , une corneille qui , blessée par les chasseurs
ne pouvait ni voler , ni marcher. Ses petits , au nombre de six .
se succederent sans interruption pour lui porter des alimens
et on les voyait chaque jour faire usage de leurs pattes et de
leur bec pour la tourner sur le lit qu'ils lui avaient dressé .
Il ne cessaient de la becquetter , et par le battement de leurs
aîles de lui exprimer leur affection . L'on observa que deux
conchaient exactement auprès de cette mere impotente , et
qu'ils lui prodiguaient tout ce que la nature pouvait leur inspirer
. Ele mourut an bout de quelques semaines , et ce fut un
croassement qui e finissait pas ; il y eutjusqu'à des obseques où
la tendresse hi le éclata . Le magistrat Cupoli rapporte avoir vu
les cornillons maîner avec respect le corps qu'ils couvrirent euxmêmes
de feuillages , e il ajoute qu'ils allerent ensuite se tapir
sous un arb.e , comme s'ils n'eussent plus eu la force de per
cher , et que trois d'entre cux atteints d'un violent hoquet
expireren: soqués par la douleur . Combien ce fait , attesté
pa celui qui le cite comme étant arrivé dans son jardin , et
comme l'ayant scrupuleus ment examiné de ses propres yeux ,
n'est-il pas capable de confondre les enfans qui refusent inhumainement
à leurs parens les secours dout ils ont besoin ,
qui sont assez baibares pour oublier ce qu'il en a coûté à une
mere , contiute lement occupée de leur existence et de leur
bonheur.
et
L'amitié et la docilité sont les vertus du chien . Il y en a
qui , malheureuses victimes de la fursur d'un maître , se sont
laissés tuer plutôt que de regimber ; observez celui qui veille
la garde des brebis . Un seul regard du berger l'instruit de
ce qu'il doit faire , et il n'est pas à craindre qu'il y manque .
Il tourne et retourne sans cesse , tantôt l'oeil sur le maître
tantôt sur le troupeau , jusqu'à ce qu'il ait connu ce qu'on
veut lui ordonner . Il jappe , il poursuit la brebis ; il la ramene
avec une vitesse extraordinaire , d'après les signes qu'on lui
fait.
•
On a conservé l'histoire d'un chat qui , dans un couvent
de moines , s'était tellement plié à la regle , qu'il suivait exac
tement les exercices du cloître . Il se rendait comme eux à
l'église , au réfectoire , à la salle de conversation : un religieux
l'avait ainsi dressé.
Il existe chez les Cosaqnes , peuple habitant de l'Ukraine ,
qui fait une partie de la Pologne , une race de chevaux errans ,
abandonnés pour ainsi dire à eux - mêmes , et qui obéissent
de concert au commandement de quelqu'un d'entr'eux . Il fait
le tour de sa troupe dans les attaques qu'ils livrent aux voleurs
et aux loups , et si quelque cheval sort du rang , reste
en arriere , il court à lui , le frappe d'un coup d'épaule , et
lui fait reprendre sa place. La docilité qui regne parmi les
chevaux qui lui sont subordonnés , est le meilleur exemple
qu'on puisse citer à des soldats ou à des écoliers indiscipli
R 3
( 262 )
nés . Buffon rapporte ce fait comme une chose absolument
hois de doute.
Combien l'amour du travail ne se fait - il pas remarquer dans
plusieurs especes d'animaux .
Les abeilles renfermées dans différentes ruches , qui semblent
autant de mouasteres ou plutôt de manufactures , chacune
s'applique sans relâche à remplir son devoir. C'est la république
la plus admirable à raison de l'ordre qui y regne et
du profit qu'on en retire : il n'y a point de ruche qui ne
rapporte annuellement vingt quatre livres à son maître . Fixons
un moment cet objet : ii a trop d'analogie avec la France
pour être mis en oubli , elle qui se transformant aujourd'hui
dans une république une et indivisible , nous promet les jours
les plus prosperes.
Les abeilles forment donc une république qui a pu engager
les hommes à mettre en société leurs biens , lear force , leurs
talens , pour se faire une félicité relative à leurs besoins , pour
vivre enfin dans une honnête liberté et dans une égalité, de
sorte qu'on porte tous également les charges de l'état , et que
cela s'observe sans nuire à la liberté ; car l'homme naît essentiellement
libre , et la société composée de plusieurs individus
, ne doit interdire que ce qui serait contraire à la loi . Je
reviens aux abeilles , et je les présente à mes lecteurs comme
se fabriquant à chacune une celule où l'on trouve , ainsi que
dans les communautés , des dortoirs et des lieux commons ;
et c'est là qu'elles élaborent cette cire et ce miel qui cons
tribuent admirablement aux richesses de l'état. Le travail est
le grand mobile des ruches , ce qui les soutient , ce qui en
fait l'ame et la vie . Par le travail tout est dans l'ordre et tout
est en paix . Ainsi dans les colléges , lorsque les écoliers travaillent
avec ferveur , la discipline se maintient parfaitement ,
ét il n'y a ni châtiment , ni dissention . Il n'est pas possible
de suivre des yeux ces différeus essaims d'ouvrieres qui se
répandent dans la campagne , et qui , chargées du suc des
fleurs , reviennent à point nommé composer leur cire et leur
miel . Si les frelons osent se présenter pour manger le fruit
de leur travail , elles en font justice , couvrant les enters
de la ruche de leurs cadavres , et nous apprenant par ce
trait à repousser avec la plus grande vigueur les ennemis de
la patrie , comme des loups ravissans qu'on doit exterminer.
Dès l'aube du jour , le travail d'une ruche commence , et il
continue jusqu'à la nuit. Apiès avoir successivement passé
dans les calices de différentes fleurs pour en pomper le suc ,
les abeilles reviennent avec célérité se livrer au travail. Celle
qui ne s'occuperait pas serait vexée par les autres et obligée
de déguerpir.
Quel travail de la part des castors , quand ils se bâtissent
des retraites au milieu des eaux ! C'est l'ouvrage du meilleur
architecte , et l'on ne peut en avoir une juste idée que lors(
263 )
qu'on l'a vu. Dès le mois de juin et de juillet , ils viennent
de tous côtés , se réunissent au nombre de deux ou trois cents ,
mais toujours sur le bord de l'eau. Quand ils ne trouvent
point d'étangs , ils en forment dans les eaux courantes des
Heuves ou des ruisseaux , par le moyen d'une digue ou d'une
chaussée qu'ils ont le courage et l'instinct d'entreprendre. A
voir la maniere dont ils conduisent cet ouvrage et dont ils
l'exécutent , on leur croirait une ame réfléchissante . Ils rongeut,
ils scient , après avoir dépouillé un arbre de ses branches ;
ils le traînent jusqu'au bord de la riviere enfin , avec les
dents comme avec les pattes , on dresse les pieux , on les
enfouce , et avec une queue platte , ovale et couverte d'écailles,
on fait du mortier et l'on vient à bout de construire un pilotis
de cent pieds de longueur , sur une épaisseur de douze ,
à la base qui décroît jusqu'à deux ou trois pieds par un talus
dout la pente et la hauteur répondent à la profondeur des
eaux. Chaque castor se fait ensuite une cabane dans l'eau
sur le pilotis , et il y a jusqu'à deux et trois étages ; on y voit
des portes , des fenêtres , desorte qu'on peut la comparer à la
chambre la mieux conditionnée . C'est à tout prendre un animal
fort extraordinaire , qui , long de trois ou quatre pieds et du
poids d'environ 60 livres , est extrêmement fort par ses mus
cles , et trouve dans ses doigts séparés aux pieds de devant
une espece de main , dont il se sert avec le même avantage
que nous , mais ayant au- dessus de nous celui de nager natu-
Fellement. Il est tout-à- fait républicain pour sa mauiere de
vivre , aimant singulierement la liberté.
Quel beau sentiment que celui de la gratitude , s'écriait un
"Romain ! mais où le trouver ? si ce n'est chez les bêtes mêmes
les plus féroces , qui , dans cette partie , nous surpassent. On
connaît le beau trait de ce lion qui , dans nn cirque romain ,
reconnut un esclave qui lui avait autrefois ôté une épine
du pied , et vint le caresser quand on crut l'exposer à sa
fureur.
Les éléphans sont uniques en fait de reconnaissance . Un
soldat de Pondichery , qui avais coutume de porter une mesure
d'arac à un jeune éléphant , lorsqu'il touchait son prêt ,
se voyant un jour poursuivi par la garde , se réfugia sous lui
et s'y endormit. Il ne fut pas possible à la garde de l'arracher
de cet asyle ; l'éléphant le d fendit avec sa trompe , et
pour le rassurer quand il s'éveilla , il lui prodigua des caresses
de maniere à lui causer la plus grande surprise .
L'amitié est encore bien remarquable dans les animaux .
Qu'y a -t-il de plus aimant que le chien et le cheval ? Le premier
s'expose avec une ardeur incroyable quand il s'agit de
secourir son maître ; il brave le fer et jusqu'au feu même
pour lui sauver la vie . L'on en vit un à Cologne se précipiter
au milieu d'un incendie , à dessein d'arracher aux flammes celui
qui l'avait élevé . Les chevaux s'attachent tellement à ceux
R 4
( 264 )
qui les soignent qu'ils les baisent affectueusement , et qu'ils
s'attristent et maigrissent lorsqu'ils demeurent long- temps sans
Les voir . On a vu un jeune cheval qui broyait avec ses dents .
Je foin destine à la nourriture d'un vieil étalon , dont la
mâchoire était usée 1
"
$
C'est ainsi que l'auteur , en parcourant l'instinct des différenies
especes d'animaux donne des leçons et des exemples
de prudence , de prévoyance , d'adresse , de mémoire ,
de clémence de temperance , d'industrie , de courage . I
fait surtout sentir les avantages de l'éducation , en citant , ses
admirables effets dans les bêtes même les plus sauvages .
Quand je pense , dit- il , qu'un fion prolesse la clemence ,
qu'un ours s'adoucit et pardonne , je m'écrie : o malheureuse
humanité devait donc t'avilir au point d'être inférieure aux
qualités de la brute , même ? L'animal est sensible c
l'homme est cruel ; l'animal pardonne et l'homme se venge !
In ལུ་ ཕྱ་ བ །༽
S
tet
*
ANNONCES.
19
Le livre du Républicain , dédié aux amis de la vertu , orné da
-portrait en taille douce de J. J. Rousseau , tome II, formant
la collection du premier trimestre des clemens qui entrent
dans la composition de cet ouvrage en font, un livre classique .
Prix , 3 liv . 10 sous pour Paris et 4 liv. 15 spus ( franc de
port ) pour les départemens. A Paris , chez Chemin fils , rue
Glatigny , no . 10 , en la Cité, each
* 9%
I
Le Chansonnier de la Montagne , ou recueil de chansons , vaudevilles
, potpourris et hymnes patriotiques ; par différens auteurs
. Prix , 2 liv . pour Paris , et 2 liv. 5 sous ( franc de port )
"pour tous les départemens . A Paris , chez Favre , libraire , maison
Egalité , galeries de bois , no . 220 .
ཏི ། J08 F GRAVURE.
Anacreons d'après le tableau de J. B. Restout ; gravë par J. L.
Anselin , Prix , 16 liv . Chez l'auteur , rue du Theatre- français.
1
MUSIQUE.
Invocation à l'Etre suprême , patoles du citoyen Laporte , mussique
dulcitoyen Andrien l'aîné , dédiée à la section du faubourg
7 Mont-Marat. Prix , 6liv.
Cet hymne est en prose , composé de phrases courtes et
d'expressions, heureuses que le musicien a su embellir par le
charme de ses chants mélodieux et par les grands effets d'une
harmonie imposante.
MERCURE
*
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
2
ON
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 17 Octobre 1794.
Na quelque crainte de la disette en Suede , où les subsis
tances deviennent de jour en jour plus rares ; ce qui manque
est sur tout le bled et le beurre . Le gouvernement a défendu
de vendre ce dernier article , ainsi que des pommes de terre å
des acheteurs étrangers qui avaient paru dans l'isle de Rugen :
il a d'ailleurs pris des mesures pour tirer promptement des
grains de Pomeranie .
Au reste , ces embarras intérieurs ne naisent en rien à la
fermeté que déploient la Suede et le Danemarck , tellement
unies dans les circonstances présentes qu'on peut les considérer
comme une seule et même puissance en état d'opposer une
digue insurmontable à l'ambition de la Russie , et même à celle
de la Prasse , de forcer les impérieux Anglais à quitter le ton
de suprématie qu'ils affectent dans toutes les mers , de prêter
une aide puissante à ses amis , et peut- être un jour , en se
joignant avec la Porte Ouomane et la Pologne , de repousser les
Russes jusques dans les parties glacées de l'Asie .
Les escadres combinées de Suede et de Danemarck ne doivent
rentrer qu'à la fin d'octobre ; elles n'auront peut- être pas
besoin de ressortir pour faire respecter la neutralité suédodanoise
, du moins à en juger par des lettres de Copenhague
du 6 , qui disent : Hier , l'on a reçu par la malle de Londres
copie des instructions que le cabinet de Saint -James vient de
donner aux commandans et capitaines de ses vaisseaux de
guerre et armateurs : elles révoquent l'article des instructions ,
en date du 8 juin 1793 , par lequel il était enjoint d'arrêter
tous vaisseaux et bâtimens chargés en tout ou en partie de
grains ou de farines pour les ports de Fiance , ou ceux occupés
par des troupes françaises , et de les envoyer aux ports les plus
proches , afin d'y acheter ces grains et farines pour le compte
du gouvernement britannique , avec indemnité du fret , etc. ,
En même tems la cour de Londres a déclaré être disposée à
payer les cargaisons de tous les navires appartenans à des sujets
danois qui avaient été amenés en Angleterre . On évalue le total
de ces paiemens et celui des indemnités à la somme de
557 mille liv . sterling . Cela pourrait même avancer la rentrée
des flottes .
Tandis que Stockholm et Copenhague cherchent et réussissent
( 266 )
-
à maintenir dans leurs parages une paix qui leur est si utile pour
leur commerce , le roi de Prusse est forcé, de son côté, de rassem
bler suffisamment de troupes , s'il le peut , pour éteindre dans leur
sang et dans celui des Polonais , contre lesquels il les mene ,
le feu de l'insurrection ou celui de la liberté , qui sont la même
chose au commencement d'une révolution , ou du meins également
nécessaires , puisqu'on ne peut arriver à l'une que par
l'autre .
On marque des frontieres , en date du premier de ce mois ,
que 28 batailtous et 20 scadrons prussiens vont être mis en
mouvement pour renforcer le cordon des prémieres troupes
qui se trouvent beaucoup trop faibles pour les garder . Frédéric
Guillaume paraît, craindre sur- tout pour la Silesie , menacée par
la grande armée polonaise d'une invasion prochaine , qui a
peut- être déja commencé au moment où ces nouvelles nous
arrivent. Cependant l'impartialité force d'avouer que dans une
action près de Konin les insurgés ont perda à -peu -près mille
hommes tués ou noyés dans la Waria , et qu'étant revenus à
la charge en Cujavie , le colonel Szekuli a remporté sur eux
plusieurs avantages près d'Eksin. La meilleure preuve que
cela ne les a ni trop affaiblis , ni par conséquent découragés ,
c'est qu'ils ont depuis effectué leur jonction avec les armées
emmandées par Dambrouski , Madalinski : Posen et Gnesne
sont cernés par ces généraux . Du côté de la Lithuanie , ils se
sont approchés , au nombre de 18,000 Polonais et Courlandais ,
jusqu'à deux lieues de Sadorgen.
Le brave Kosciuszko ne néglige rien pour assurer le succès
de la révolution polonaise . Les dispositions qu'il prend pour
le civil sont aussi sages , aussi bien combinées que celles qu'il
fait pour la partie militaire. Au reste , il conserve autant qu'il
lui est possible , en tout , la sévérité , l'exactitude et l'exécution
précise et prompte qui caractérise ces dernieres , et il a bien
fait d'en transporter les formes dans le gouvernement intérieur
, et fera bien de les y maintenir jusqu'à ce que le grand
oeuvre de l'affranchissement de sa patrie soit accompli . Un pays
en révolution au - dedans et attaqué au dehors doit être un vaste
camp , dont les villes sont les redoutes destinées à le fortifier ,
et où l'on doit maintenir la discipline la plus sévere . C'est ce
que l'éleve de Washington a très bien scnti : en voici la
preuve.
·
Depuis la levée du siige de Varsovie , on répare à force tous
les retranchemens . Les approvisionnemens pour les troupes et
les habitans continuent à être faits comme pendant la durée
du siége. On loue beaucoup le courage de la municipalité qui
a combattu à la tête des citoyens , dans toutes les occasions ,
contre les Prussiens et les Russes . Le conseil national a fait
primer la liste de tous les magnats qui ont reçu des pensióna
1
( 267 )
ou des présens des puissances coalisées. Le tribunal institué
pour les juger a repris ses fonctions .
D'après ce que Kosciuszko a écrit le 23 au conseil national ,
on a cassé le tribunal criminel da duché de Mazuren , et établi
un tribunal militaire composé de dix membres , au numbre
desquels se trouve le Madalinski . Tous ceux qui se sont op
poses au bon ordre , qui ont semé de fausses uouvelles parmi
le peuple , ou entretenu des correspondances avec l'ensemi ,
seront traduits à ce tribunal militaire .
La même nation qui a cu la sagesse d'émettre à l'instar des
Français , des especes d'assignats pour faire face aux frais de
la guerre , a la prudence de leur donner une garantie. On mande
d: Courlande qu'on s'y livre avec beaucoup d'activité à la vente
des biens devenus nationaux .
Suivant des nouvelles des frontieres , en date du 5 octobre ,
Te général russe Swarow a obtenu divers avantages sur l'armée
polonaise de Lithuanie dans les environs de Braese . Mais ces
pertes ont été bien compensées ; car un corps de Polonais ,
commandé par Oginski , a passé la Duina , et vient d'effectuer
une invasion dans l'intérieur de la Livonie russe . Cet évé,
nément forcera les troupes de Catherine de se replier de nouveau.
D'ailleurs , une autre armée de 10,000 Polonais s'approche
de la ville de Dantzick. Mais ce qui est bien plus important
, ce sont les deux nouvelles suivantes qui paraissent
authentiques. Les insurgés ont attaqué le colonel Szekuli près
de Dromberg, et dans une sanglante affaire le corps commandé
par cet officier a été presque taillé en pieces ; lai-même a reçų
une blessure , des suites de laquelle il est mort.
:
Les Prussiens ont laissé des magasins immenses de fourages
à Blonie leur retraite a été si précipitée qu'ils n'ont pas eu
le tems de les brûler. Depuis plusieurs jours , 300 voitures sont
occupées à les transporter à Varsovie . On a également trouvé
un grand nombre de canons , de mortiers et de boulets que
les Prussiens avaien : jettés dans des puits.
Tout indique qu'il y aura une campagne d'hiver . Le roi de
Prusse vient d'ordonner plusieurs milliers de pelisses pour ses
troupes.
De Francfort-sur- le-Mein , le 20 octobre.
Les nouvelles des défaites successives des Antrichiens sont
aujourd'hui confirmées au point qu'il n'y a plus lieu d'en douter
elles sont données avec des détails désespérans pour la
coalition . Il est certain qu'ils ont essuyé des pertes énormes
sur- tout en cavalerie . Dans les dernieres affaires près de Cologne
, les régimens impériaux de Jordis , de Ruckmeister , de
l'archiduc Charles et la légion du même nom levée dans les
Pays-Bas , ont été presque complettement taillés en pieces.
Ces corps eat perdu non seulement leur artillerie de cam.
( 268 )
pagne , leurs bagages , mais encore leur artillerie de réserve.
Le feld - maréchal Otto , le général - major Gruber ont été faits
prisouniers ; et il ne peut y avoir aucun doute qu'un grand
nombre de soldats n'ait eprouvé le même sort.
Le général Mollendorf est en mouvement vers la Moselle ,
Le roi de Prusse continue de retirer sa meilleure artillerie .
Une partie deja arrivée à Berlin va être employee contre les
Polonais .
Les Français , maîtres de plusieurs postes importans , ont
1800 hommes à Frankenthal. Sur les montagnes , ieurs troupes
s'étendent jusqu'à Bockenheim . Les Prussiens ont abandonné
les environs de Zimmern . Les ponts établis sur le Rhin a
Worms et Oppenheim ont été leves ; en general les Français
sont maîtres de ces côtés , et pourraient bien rentrer dans
Mayence , où le pont destiné au passage des troupes prussiennes
a été transfere , et qui sert de passage aujourd'hui à tous les
magasins qu'on s'empresse de transporter au- delà du Rhin .
Des lettres du Haut - Rhin , en date du 16 , disent que l'armée
prossienne s'est trouvee pendant quelques instans en face
des Français qui , au nombre de 60 000 hommes , soat en
marche sur le Hundrusck , par Hezmerskeil et Thalfang. Ses
avant postes ont ete culbutes , et elle a juge a propos de se
retirer. Dans cette affaire , les Français ont fait prisonniers un
grand nombre de hussards prussiens dits de Kohler .
Dans la nuit du 13 , l'armée commande e par Hohenlohe
abandonna sa position dans les environs de Grunstadt et de
Worms. Cette retraite est la suite des avantages remportés
par l'armée française de la Moselle du côte de Kientnach . Son
aile droite était , dès le 11 , à Kirn , à deux lieues de Kirchberg
; une autre partie était à Trarbach , et se dirigeait sur
Coblentz , le long des deux rives de la Moselle , pendant que
l'armee de Sambre et Meuse s'approchait du même point par
Andernach .
. D'autres lettres disent : Linnich et Duren sont en partie
consumées. A Bonn , on attend les Français d'un moment à
Tauire ils ont donné bataille , après avoir reconnu toute la
journée , la veille , la position des Impériaux , par le moyen
d'un aërostat . Mastricht et Luxembourg se trouvent maintenant
abandonnés à leurs seules forces . On a proposé aux bouches
inutiles de cette derniere ville de sortir . Elle n'a que
10,000 hommes de garnison .
ESPAGNE ET PORTUGAL.
De Madrid , 30 sept . Selon les dernieres nouvelles venues des
armées , les Français conservent leurs conquêtes de St. - Sébastien ,
de Fontarabie et d'Irum , sans qu'il soit possible de songer å les
en déloger. Ils se sont fortifiés dans tous ces lieux , Leur centre
de réunion est dans la ville de Toloze , d'où ils détachent
( 269 )
2
continuellement des troupes qui vont faire des incursions .
Parmi les pertes que les Espagnols ont eu à souffrir , il faut
compter celle de la fameuse fabrique d'armes de Plazenzia ,
qui a été brûlée et entièrement détruite . On apprend d'ail
leurs que le genéral espagnol Sangro a voulu tenter une expédition
sur la frontiere de l'Arrangon , dont les suites ont
été très -malheureuses .
Au milieu de ces revers qui se succedeut sans interruption ,
les Espagnols ont obtenu un avantage sur un petit corps de
Français , qui a eté publié avec beaucoup de faste par la
cour , et a beaucoup plu à la superstition d'une partie du
peuple , à en croire la relation même publiée à cette occasion
par le ministere . On donna avis à Elgoibar , que deux
cents Français se trouvaient à Azpeitia . Le tocsin fut sonné , et
après de longs preparatifs detailés dans la relation , les
habitans de tous les environs se leverent en masse et marcherent
contr'eux . Les Français avaient inventorie l'argenterie
du sanctuaire de Loyola , distant d'une demi-lieue d'Azpeitia .
L'alcade avait été emmené par eux en ôtage . La troupe
d'Egoidar se porta avec précipitation au sanctuaire de Loyola ,
pour s'emparer de l'effigie et des reliques d'Ignace , et sauver
l'argenterie de l'église . Arrivée à la chapelle , elle brisa les
portes , se saisit de l'argenterie et des ornemens . La relation
dit ingénuement que les Espagnols mirent beaucoup de promptitude
dans cette expédition , parce qu'ils apprirent que les
Français se réunissaient à Azpeitia , et qu'un corps des leurs
n'était déja qu'à une demi-lieue de la montagne d'Emparan .
Les Français ne tarderent pas en effet à paraître . Toute cette
masse espagnole fit sur eux un fu qui dura près de 3 heures ,
et parvint à sauver sa proie qui fut conduite à la ville dite la
Vittoria . Les reliques furent portées sur- le - champ à l'église , à
la suite d'une procession composée de toute la troupe . Le
peuple assista à cette cérémonie , dit toujours la relation , avee
une grande tendresse .
Dans le dessein d'empêcher que les restes d'Ignace ne soient
ainsi exposés à l'avenir , on a en grand soin de les faire venir à
St.-Ildephonse. Tout le chapitre de la Trinité s'est mis en
marche après diner ) pour aller au- devant du convoi , par laporte
de Segovie . Il était accompagné des gardes - du - corps et
du saint- office . Le chapitre , après avoir reçu le dépôt , est revenu
à la collégiale , en passant devant le palais . Les gardes
espagnoles et wallones étaient sous les armes. Le roi , sa femme
et sa famille parurent sur un balcon , et y demeurerent tout
le tems que le certège passa ; ils se rendirent ensuite à l'église ,
pour implorer l'assistance d'Ignace dans ces conjonctures diffi
ciles . Charles IV , de retour dans son palais , unt cercle , et donna
sa main à baiser a tous les officiers de la troupe . Il a depuis
décidé que les reliques d'Iguace demeureraient exposées à dé
convert pendant quelques jours dans l'église , et qu'elles se
О
( 270 )
raient ensuite envoyées à l'armée . On espere que la présence
de ce nouveau falladium servira à ranimer le courage des troupes
espagnoles.
Le roi vient de publier une circulaire et un édit dans la
province de Vitoria. La premiere invite les habitans à soutetenir
de tous les moyens qui sont en leur pouvoir ce qu'elle
appelle la cause de Dieu , du roi et de sa patrie ; le second
enjoint de dénoncer tous ceux qui tentent d'introduire les
maximes françaises , et déclare qu'ils seront panis du dernier
supplice.
Les membres du conseil d'état sont assujettis à une retenue
de 25 pour 100 de leurs honoraires , par le même édit qui met
un impôt de 4 pour 100 sur tous les salaires , pensions et traitemens
, à l'exception de ceux des militaires en activité de service
. Une taxe de 7 millions de réaux doit être mise sur le
clergé , et sera perçue à titre de subside extraordinaire . Les
biens de cette corporation sont en outre affectés aux paiemens
des dépenses de la guerre actuelle .
La banque d'Espagne a passé un marché avec l'Angleterre ,
par lequel celle- ci s'engage à fournir 30,000 fusils .
Lisbonne, 2 sept. Un courier expédié par l'ambassadeur portugais
à Madrid , est arrivé ici ces jours derniers . Un conseil d'etat ex
traordinaire fut tenu à cette occasion , et se rassembla deux fois.
dans la même journée . Des ordres furent expédiés sur- le- champ
dans les diverses provinces pour completter , le plutôt possible ,
tous les régimens de cavalerie et d'infanterie. Quatre d'entre
eux doivent se rendre ici , et remplacer la garnison actuelle ,
qui va dans la Navarre renforcer les Espagnols. On doit travailler
à mettre en état de défense toute la côte du Nord et
les frontieres du côté de l'Espagne . Les armes et les uniformes
nécessaires pour toutes ces troupes , qui seront portées au com
plet où elles doivent être pendant la guerre , seront tirées des
arsenaux de terre . On doit également s'occuper de mettre
l'artillerie sur un pied convenable , et l'on continue l'armement
maritime. Les dépenses que ces divers objets nécessitent étant
Sufiniment considérables , il a fallu en suspendre beaucoup
d'autres. Un grand nombre d'ouvriers occupés dans des fabriques
et à des travaux publics , ont été congédiés.
La frégate l'Ulysse vient de partir pour Gibraltar ; un autre
bâtiment est allé porter à Maroc le tribut accoutumé.
ITALIE ET SUISSE.
Suivant des lettres de Naples , du 4 octobre , lé gouvernement
s'occupe toujours de la levée des 16,000 hommes précédemment
ordonnée . Mais il y rencontre aussi toujours les
( 271 )
"
en
plus grandes difficultés ; elles sont égales , et ce n'est pas peu
dire , à celles qu'il éprouve pour se procurer de l'argent . Il
avait pourtant déja déclaré par un édit , comme on doit se le
rappeler , que les hommes coupables d'homicide à la suite
de rixes , et ceux qui ont fait des blessures ou porté des armes
défendues , en un mot , les demi assassins , connus en Italie
sous le nom de braves , seraient admissibles dans les nouveaux
corps . Cette disposition n'a produit que très - peu d'effet ,
sorte qu'il a fallu recourir à d'autres . Beaucoup de jeunes
gens avaient pris le parti de se marier pour se soustraire à la
conscription militaire . Aujourd'hui , une nouvelle loi déclare
que les mariages contractés depuis le 10 du mois dernier ,
ne pourront exempter de l'enrôlement , auquel sont aussi
assujettis les ecclésiastiques séculiers et même religieux qui
n'ont point encore le sous -diaconat. On motive ce dernier
article du réglement sur ce que cette guerre- ci est une espece
de guerre sainte , entreprise principalement pour la défense de
la religion.
Après avoir essayé de se procurer des hommes de cette maniere
, et Dien sait quels hommes , de vrais soldats de le
Vierge-Marie , propres à monter la garde avec un parasol ; ce
même gouvernement , si babile dans ses opérations , vient de
créer une junte composée de quatre membres , qni a commencé
par se faire donner un état exact de la situation des
caisses de tous les banquiers et changer tous les caissiers . On
ignore quelle sera la suite de cette opération .
Le roi de Sardaigne , que cette guerre touche aujourd'hui
plus directement que celui de Naples , prend aussi des mesures
un peu plus actives . A Valence , on s'occupe à organiser le
masse des habitans en état de porter les armes : ils seront
réunis à ceux de la Lomellina et du Mont-Ferrat ; ce qui
pourra procurer, du moins à ce que l'on espère , 40,000 hommes
armés , sur- tout si l'on parvient à étendre cette mesure. Le
commandement de cette force ou plutôt de cette milice sera
confié à Ghilini , major du régiment de Tortonne.
Le camp d'Acqui a pourtant enfin reçu des renforts : il doit
renfermer maintenant 20,000 hommes , qui s'éteudent depuis
ce lieu jusqu'à Tezzo ; il y en a 600 en avant- garde pour la
défense du Mont Ferrat au Caixo .
Cependant les Français sont à Vado , sans connaître précisément
leurs forces ; on peut les croire assez considérables
car tous les rapports s'accordent à dire qu'ils se fortifient et
emploient continuellement 600 travailleurs à élever de nouvelles
batteries . On sait d'ailleurs qu'il leur est arrivé de gros
renforts à Nice ; et l'on présume que leur intention est de
garder la riviere de Gênes , Savone et Finale , et d'empêcher
que les Anglais ne tentent quelque débarquement. Dans ce
dessein , les premiers ont établi un camp hérissé, de batteries
, sur la montagne dite de Saint -Jacques.
( 272 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne } .
Séance de septidi , 7 Brumaire.
Le représentant du peuple , Lequinio , fait hommage à la
Convention d'un ouvrage intitulé : La guerre de la Vendée ét
des Chouans. Il a mis au grand jour ce que la France a tant
d'intérêt de conuaître sur ces deux plaies politiques , c'est- àdire
, leur cause productive , les vices qui les almenient et
leur vrai mode de destruction . Il y a joint un recueil de
pieces originales , où quelques genéraux contre- revolutionnaires
trouveront la conviction complette de leur scélératesse ,
et le voile dont les coquins avaient enveloppé ce mécanisme
de tyrannie est déchiré sans menagement.
Diverses lettres des représentans du peuple dans les départemens
annoncent le dévouement des citoyens à la Convention
et leur haise contre les hommes de sang , de vices et
de rapines .
Les citoyens composant la société populaire de Nantes désavouent
l'adhésion donnée à l'adresse de Dijon .
Lakanal fait un rapport intéressant sur l'organisation des
écoles primaires , et lit un projet de décret dont la Convention
ordonne l'impression et l'ajournement très -prochain .
Sur le rapport de Maillard , au nom du comité d'agr clture
et des arts , la Convention décrete que toute exploitation de
bois dans lesquelles des communes seraient entrées , en vertu
de sentences arbitrales , demeurera suspendue jusqu'à ce qu'il
en ait été autrement ordonné .
On reprend la discussion sur le projet des trois comités ,
concernant la garantie de la representation nationale et les
moyens de mettre en jugement un représentant. Il s'agissait
de savoir si l'on établirait une commission . Après quelques
débats peu prolongés , l'Assemblée décrete qu'il y aura une
commission .
Dans la série des questions proposées , celle qui a donné
lieu à plus de difficultés était de savoir comment seraient
nommés les membres de cette commission et en quel nombre ;
les uns voulaient qu'elle fût choisie par appel nominal ; d'autres
par la voie du sort ; ceste derniere opicion a prevalu , et
on a renvoyé aux comités plusieurs propositions sur la maniere
de procéder au tirage au sort.
"}
Stance
( 273 )
Séance d'octidi , 8 Brumaire .
Baraillon fait part à l'Assemblée des plaintes formées par
un Anglais , se disant commandant de vaisseaux parlementaires ,
et qui se prétend victime d'un attentat contre le droit des nations
. L'Assemblée charge son comité de salut public de lai
rendre compte dans le plus bref délai des motifs de la détention
de cet officier , nommé Attrol Vood , et des équipages
qu'il commandait.
Grégoire , au nom du comité d'instruction publique , fait
un rapport sur les dégradations commises sur divers monumens
des arts , et sur les moyens de les prévenir. Le projet
de décret suivant est adopté :
Art. Ier. Les agens nationaux et les administrateurs de
district sont individuellement et collectivement responsables
des destructions et dégradations commises dans leur arrondissement
respectif , sur les livres , les antiques et les autres monumens
des sciences et arts , à moins qu'ils ne justifient de
l'impossibilité réelle où ils ont été de los empêcher.
,, II , Dans la décade qui suivra la réception du présent
décret , ils rendront compte à la commission d'instruction
publique de l'état de la bibliotheque et de tous les monumens
des sciences et d'arts qui sont dans leur arrondissement , ainsi
que des dégradations et des dilapidations qui auraient été
commises .
,, III . La commission d'instruction publique et la commission
temporaire des arts prendront toutes les mesures nécessaires
pour l'exécution du présent décret , sous la surveillance
du comité d'instruction publique . Il dénoncera à la
Convention nationale les administrations qui auraient négligé
de s'y conformer. "
Merlin ( de Douai ) lit le bulletin télégraphique suivant :
Le 6 , Venloo est tombé au pouvoir de la République ,
après quatre jours de tranchée ouverte ; la garnison est retournée
chez elle avec les honneurs de la guerre.
» L'avantage de cette réduction est immense ; la place n'est
pas endommagée . " ( Vifs applaudissemens . )
L'Assemblée reprend la discussion sur le projet de décret
relatif aux députés accusés .
Merlin ( de Douai ) relit les articles décrétés de la loi sur
les formalités à remplir pour dénoncer et accuser les représentans
du peuple. Les articles suivans sont décrétés sans
discussion .
Voici le décret entier :
La Convention nationale , après avoir entendu ses comités
de salut public , de sûreté générale et de législation ,
décrete :
" Art. Ier . Toute dénonciation contre un représentant du
peuple sera portée ou renvoyée devant les comités de salug
Tome XII . S
( 274 )
public , de sûreté générale et de législation réunis , et elle
lui sera communiquée avant qu'il puisse en être rendu compte
à la Convention nationale .
II. Si les trois comités pensent qu'il doit être donné
suite à la dénonciation , ils déclarerout à la Convention nationale
qu'ils éstiment qu'il y a lieu à examen .
Cette déclaration ne sera point motivée .
III . Il sera , immédiatement après , nommé au sort une
commission de vingt - un membres de la Convention nationale
, pour lui faire un rapport sur les faits dénoncés , et sur
les pieces produites à l'appui.
" IV . Pour parvenir à effectuer cette nomination , il sera
fait un appel nominal de tous les membres de la Convention
nationale , extraction faite de ceux qui seront en mission ou
absens en vertu de décret , ainsi que des membres des trois
comités ci - dessus désignés , et du prévenu,
V. Chaque membre appelé se présentera à la tribune ; il
inscrira son nom sur un bulletin disposé à cet effet , qu'il
remettra ostensiblement au président .
Le président en fera lecture , et le déposera dans une
urne qui sera placée sur le bureau .
" VI . Si un membre appelé n'est pas présent à la séance ,
il sera supplée , pour l'inscription de son nom , par l'un des
secrétaires , qui signera le bulletin.
" VII. L'appel nominal terminé , le président agitera l'urne ,
et l'un des secrétaires en tirera successivement 21 bulletins .
Le nom de chaque membre compris dans le bulletin sorti ,
il sera verifié par deux secrétaires , et remis au président ,
qui le prociamera à haute voix ,
,, VIII . Aucun des membres désignés par le sort ne pourra
être récasé ni se récuser .
,, IX. Le rapport de la commission ne pourra porter que
sur les faits compris dans la dénonciation sur laquelle les
trois comités auront déclaré qu'il y a lieu à examen , ou résul
tant des pieces remises par cux à la commission .
,, X. Avant de présenter son rapport à la Convention nationale
, la commission entendra le prévenu , lui communiquera
les pieces , sans déplacement , et lui en fera délivrer
copie , s'il la demande ,
XI. Après , le rapport , s'il tend au décret d'accusation ,
la Convention, uationale décidera s'il y a lieu à l'arrestation
provisoire .
XII. Le rapport et les pieces y relatives seront imprimés
et distribués .
" XIII. Le prévenu pourra faire imprimer et distribuer aux
membres de la Convention nationale , telles pieces et mémoires
qu'il jugera utiles à sa defense .
,, XIV . Le prévenu sera présent à la discussion , et y sera
entendu sur les faits articulés et précisés qui devront servir
de bases à l'acte d'accusation .
1
( 275 )
XV. Il ne pourra être rendu de décret d'accusation qu'à
l'appel nominal .
XVI. Si la Convention nationale décrete qu'il y a lieu à
accusation contre le prévenu , la commission présentera le
lendemain l'acte d'accusation , qui contiendra les faits articulés
et précisés sur lesquels le prévenu aura été entendu dans la
Convention nationale , et sur lesquels l'iustruction devra
porter.
» XVII. Le tribunal qui sera chargé d'instruire ne pourra
informer et juger que sur les faits compris dans l'acte d'accusation.
"
La Convention nationale décrete qu'il y aura une séance
extraordinaire le soir pour procéder à la nomination de la
commission .
Dans cette séance , le sort a désigné les citoyens dont les
noms suivent :
f
Monestier , Rivery , Martinel , Arbogast , Bandran , François
( de la Somme ) , Romne , Reynaud (de la Haute - Loire ) ,
Gauthier jeune ( des Côtes - du - Nord ) , Lefranc , Guerin ( du
Loiret ) Bonnet ( de l'Aude ) . Serviere , Hommier - Eloi , Lanthenas
, Dubreuil , Chénier , Laa , Vidalot , Marcoz , Bodin .
Séance de nonidi , 9 Brumaire.
Thuriot donne lecture des dépêches arrivées de l'armée des
Pyrénées occidentales , et qui annoncent une victoire rempostée
sur l'armée espagnole. ( Voyez Nouvelles officielles . )
66 La Convention décrete que l'armée des Pyrénées occidentales
ne cesse de bien mériter de la patrie ,,,
Un citoyen chargé par le commissaire civil près le dépar
tement de Jemmappe , d'apporter les saints trouvés dans les
souterrains de l'église de Ste . Gertrude de Mous , se présente
à la barre pour en annoncer l'arrivée au creuset national . Au
nombre de ces saints sont : un St. Antoine , un St. Fiacre , une
Ste . Barbe , un St. Michel , un St. Eloi , un St. Adrien avec
son chapeau , un gros et petit St. Christophe , un St. Hilaire ,
un St. Evremont , un St. Pierre , un St. Crepin et un St. Crepinien
armés de pied en cap , un St. Sebastien , un St. Jacques.
et un St. Paul , etc. ( Mention honorable et insertion au bulletin.
)
Une députation de la commune de Bordeaux se présente à
la barre. Forte de la conscience de ses commettans , elle vient
apporter à la Convention nationale et à la France entiere le
voeu de la commune de Bordeaux , et proteste de son attachement
à la Convention et de son ardent amour pour la liberté et
l'égalité .
Les pétitionnaires parlent ensuite du décret du 6 août qui
frappent une foule de malheureux citoyens égarés du département
du Bec - d'Ambès , et qui a été une arme sanguinaire et
féroce entre les mains des agens du Catilina moderne , des
S 2
( 276 )
་ fripons et des dilapidateurs. Ils observent que les Bordelais
eux -mêmes revenus de leur erreur , ont arrété les conspira
teurs qui les avaient trompés , et les ont livrés au glaive de la
loi . Ils rappelent les sacrifices qu'ils ont faits , les millions
qu'ils ont offerts pour venir au secours de la patrie . 60,000
hommes sont partis de ces contrées pour aller combattre les
ennemis de la patrie ; et Bordeaux souffre , depuis un an , les
horreurs de la famine sans se plaindre ; au contraire , les cris
de vive la République une et indivisible , vive la Convention ,
s'y font entendre ! Ils concluent en demandant le rapport du
décret du 6 août.
Un membre convertit cette demande en motion . Il est appuyé
par Garnier ( de Xaintes ) , qui atteste que Bordeaux est
dans les meilleurs principes .
Tallien déclare qu'il desire aussi ce rapport, l'ayant demandé
le premier ; mais il ne veut pas que la Convention rapporte
un tel décret sans un rapport préalable du comité , et il demande
que ce rapport soit fait primidi prochain.
- Guyomar se range de l'avis de Tallien . Le renvoi au
comité , pour en faire un prompt rapport , est décrété.
-
Un membre renouvelle sa proposition sur le décret du 23
ventôse , renda sur la proposition de St. Just et de Robespierre
, qui met hors de la loi les individus qui se seront
soustraits à un mandat d'arrêt . On demande l'ordre du
jour , motivé sur ce que cette proposition a déja été renvoyée .
Richard fixe aussi l'attention de la Convention nationale
sur un décret qui a déclaré en rébellion la ville de Beauvais ,
parce qu'elle avait mal accueilli le conspirateur Mazuel.
Renvoi au comité , pour en faire un prompt rapport.
Lakanal soumet à la discussion un projet de décret sur les
écoles normales . Comme il a souffert beaucoup d'amendemens ,
nous le donnerons lors de son entiere rédaction .
Séance de décadi , 10 Brumaire.
Le représentant du peuple , Boisset , écrit qu'il vient d'épurer
les autorités constituées de Châlons et d'Autun ; que les animosités
et les désunions qui régnaient entre les membres de
la société populaire , l'ont déterminé à le suspendre , et à
former un nouveau noyau épurateur. Toutes ces opérations
se sont faites au milieu des applaudissemens du peuple.
Richard donne lecture des dépêches arrivées des armées du
Nord et de Sambre et Meuse ; elles sont datées de Bois - le-
Duc , le 2 brumaire , et rendent compte des actions qui oat '
eu lieu , le gS , entre la division de Sounam et une division
de celle d'Yore , que le télégraphe avait déjà annoncées . Voyez
Nouvelles officielles . )
Ces dépêches annonçaient que le citoyen Jacques Mercier
hussard du ge . régiment , apportait lui-même le drapeau qu'il
avait pris aux Anglais . Ce brave hussard est admis à la barre.
( 277 )
Représentans du peuple , dit - il , je sais micus me
que parler. Je vous apporte un drapeau que j'ai arraché anx eunemis
de la liberté. Nons laissons à nos representaus , le soin
de vous transmettre nos actions ; notre devoir , à nous , est
de mourir s'il le faut pour l'exécution de vos décrets , et de
voir dans la Convention nationale notre premier étendard
autour duquel nous devons nons ranger ; je l'ai fait , et je
suis prêt à le faire encore .
Un officier de l'état - major de l'armée du Nord , qui accompagne
le citoyen Mercier , demande la parole ,
Représentans , je dois vous observer que le brave hussard
qui vous apporte l'emblême du despotisme , qu'il a arraché luimême
à ses satellites , a été cause que trois compagnies de son
régiment se sont ralliées , et ont pris tout le bataillon ennemi ,
qui est le 37. régiment anglais .
Après la réponse du président , la Convention nationale admet
ce brave hussard , ainsi que le citoyen qui l'accompagne , anx
honneurs de la séance ; charge son comité de salut public de
lui procurer de l'avancement , et sur la proposition d'un membre
, le président lui donne l'accolade fraternelle , au milieu des
plus vifs applaudissemens .
Des élèves de l'école de Mars , avant de rentrer dans leurs
foyers , viennent offirir à la Convention , par l'organe de l'un
d'entr'eux , l'hommage de la plus vive reconnoissance . Ils sout
accueillis avec les plus vifs applaudissemens , et le président
leur témoigne toute la satisfaction de l'Assemblée sur leurs progrès
dans l'art militaire , et dans la discipline qui doit caracté
riser de vrais républicains .
Monestier , au nom de la commission des 21 , annonce que
l'un d'entr'eux , le représentant Bonnet , n'a point encore paru
à la commission ; il demande si la commission doit être absolument
composée de 21 membres pour chacune de ses délibérations
.
Cette question donne lieu à des débats qui se terminent par
décréter que la commission ne pourra délibérer qu'au nombre
de 21 , et que chaque membre qui ne se rendra pas aux séances ,
sera tenu d'exposer ses motifs à la Convention .
Le reste de la séance a été employé à entendre des pétitions
particulières .
Séance de primedi , 11 Brumaire.
Les citoyens de Dune - Libre félicitent la Convention sur
son adresse au peuple , et demandent à conserver l'ancien nom
de leur commune , celui de Dunkerque . Renvoyé au comité
de d'vision ,
Une lettre des citoyens Monestier et Chenier , président
secrétaire de la commission des vingt- un , annonce que Bonnee
n'a point encore paru à ses délibérations . Il s'éleve des mumures
, Un membre observe que Bonnet est en commission
S 3
( 278 )
particuliere . La Convention charge un de ses huissiers d'aller
inviter Bonnet de se rendre sur- le - champ dans le sein de la
Convention . Quelque tems après , l'haissier rend compte de
son message . Le portier lui a dit que le citoyen Bnnet était
parti depuis trois jours pour surveiller une manufacture de
papier ; qu'on lui a fait savoir sa nomination à la commission
des vingt-un , et qu'on l'attend ce soir .
Après quelques debats , la Convention déclare que la commission
pourra délibérer au nombre de dix - sept membres , dérogeant
à son décret de la veille , et que la commission appor
tera le procès- verbal où seront inscrits les noms de ceux qui
ont assisté à ses deliberations .
Oudot fait un rapport , et présente un projet de décret relatif
aux scellés et aux sequestres des biens des détenus comme
suspects .
Duhein ne veut point que les personnes arrêtées pour simple
cause de suspicion , puissent avoir communication avec un ou
deux parens , ou couseils , pour la gestion de leurs affaires . Il
voit dans ce mot communication une porte ouverte aux conspirations
. Clausel le réfute avec force . Les articles suivans sont
décrétes .
66 Art. Ier . Le scellé sera apposé sur les papiers de toute
personne arrêtée comme suspecte , eu sa présence , ou en celle
de son foudé de pouvoir , ci de deux citoyens appellés comme
témoins.
II . Dans les trois jours , il sera procédé à la reconnaissance
et à la levée du scellé ; l'examen des papiers et effets sur
lesquels il a été mis , sera fait aussi en présence du détenn ou
de son fondé de pouvoir , et de deux témóias ; ce dont il sera
dressé procès - verbal .
" III. S'il se trouve des preaves ou indices de délit on de
crime , le commissaire à la levée du scellé est autorisé à distraire
les pieces qui y sont relatives , après les avoir paraphées
et fait signer par les témoins , par le détenu ou son fondé de
pouvoir , après avoir fait mention du tout dans son procèsverbal
, auquel ces pieces demeureront anncxées .
Expédition de cet acte sera donnée au détenu dans les
vingi quatre heures .
IV. Les personnes arrêtées pour simple cause de suspicion
conserveront l'administration de leurs bicus , meubles et immeubles
, pendant leur détention .
pres V. Elles pourront avoir communication , heures aux
crites par la municipalité , avec un ou deux parens ou conseils
, pour la gestion de leurs affaires . Les parens ou conseils
serent agréés par le comité révolutionnaire du district . Ces
parens seront munis de certificats de civisme .
VI. Anssi- tôt après la publication du présent décret , il
sera donué main-levée à tous les détenus simplement comme
ruspects , du séquestre qui peut avoir été mis sur leurs biens ,
( 279 )
et la libre administration de leurs meubles et de leurs revenus
leur sera rendue . "
Le reste du projet de décret est ajourné .
PARIS . Quartidi , 14 Brumaire , 3e . année de la République.
L'instruction de la procédure contre les membres du comité
révolutionnaire de Nantes , commencee depuis le 25 du mois
dernier , n'est point encore terminée ; ce n'est pas que les faits
ne soient suffisamment éclaircis . On ne fait plus que multiplier
les témoignages , sans beaucoup ajouter aux lumieres déja ácquises.
Si , pour l'éclaircissement de la vérité , il est nécessaire
que le représentant du peuple , Cartier , intervienne dans les
débats , il est vraisemblable que l'instruction ne se prolonge
que parce que la Convention n'a pris encore aucune résolution
définitive à son égard .
La commission des vingt- nn , qui doit faire son rapport sur
les imputations faites à Carrier , a d'abord été entravée par
l'absence d'un de ses membres , et par la nécessité de leur réu
nion complette ; il a fallu lever cet obstacle . Un autre événement
a succédé . La commission avait invité Carrier à se rendre
dans son sein , et il s'y rendait , avant hier matin , lorsqu'il a
été arrêté par un inspecteur de police qui cria : Ferce à la loi !
et soudain un officier des vétérans lúi mit la main dessus , et
tous deux le conduisirent ainsi à la commission qui témoigna
sa surprise de l'outrage qu'on faisait à la représentation nationale
; l'inspecteur de police interrogé , à répondu qu'il avait
des ordres. Cependant il est résulte des éclaircissemens pris
auprès du comité de sûreté générale , que ni la commission ni
ce comité n'en avaient donné aucun . Ce fait dénoncé à la
Convention y a causé beaucoup d'effervescence . Legendre a
déclaré que depuis plusieurs jours le comité de sûreté générale
était prévend que des malveillans cherchent à égarer le
peuple , ca lui faisant croire que la Convention veut sauver
Carrier , et qu'une insurrection se préparait si cela arriva . Le
comité , a ajouté Legendre , aussi - tôt après le décret portant
qu'il y avait lieu à examen , s'est borné à écrirene lettre à
l'administration de police pour qu'elle veillât avec tous les
moyens de prudence possible , à ce que Carrier ne sortit pás
de Paris , ce député n'ayani ni congë , i mission . Voilà à
quoi se sont réduites toutes les mesures prises par le comité .
Rewbell a observé que ce prétendu ordre donné à l'inspecteur
de police pourrait bien avoir été concerté pour mettre la Convention
et les comités en défaut . Il a assuré que l'administration
de police n'en avait donné aucun . Le comité a été chargé de
l'éclaircissement de ce fait , et l'on croit que la commission qui
a déja entendu Carrier , ne tardera pas à faire son rapport.
( 280 )
On vient de publier , dans quelques journaux , quelques nouveaux
traits à ajenter au tableau déja connu du régime des prisous
sous la tyrannie de Robespierre ; les faits qu'ont va lire
se sont passés dans la maison d'arrêt ci - devant Saint- Lazare .
une
10. Le citoyen Maillé , âgé de 16 ans , a été conduit à
l'échafaud , pour avoir observé qu'un hareng salé , de son
diner , était mangé et rempli de vers ; cette observation a
été regardée par les agens de Robespierre , comme
rébellion , et ce malheureux jeune homme a eté guillotinė ;
ce fait est à la connaissance des détenus qui existent encore
dans la maison Lazare .
2º. La citoyenne Maillet a été enlevée de la maison
Lazare , par méprise , au lieu de la citoyenne Maillé , et
conduite ensuite au tribunal de sang ; elle a été condamnée
à mort et exécutée , quoique la méprise fût reconnue ,
le prétexte qu'elle le serait vraisemblablement dans peu , et
qu'il fallait autant lui faire son affaire aujourd'hui .
SOUS
39. Un individu a été aussi livré à la mort , pour avoir
refusé une somme de 200 liv. aux 28 et 30 assassins qui fai
saient les listes de proscriptions ; ces infâmes mêlés parmi
les prisonniers , déposaient au tribunal , et décidaient de la
vie des victimes qui y étaient conduites. Ces 28 ou 30
coquins étaient désignés comme les seuls qui devaient
échapper à la guillotine , sur 800 personnes qui étaient
détenues dans la maison .
4° . Au mois de floréal , des administrateurs de police
vinrent enlever aux prisonniers leurs assignats , bijoux ,
couteanx , rasoirs et ciseaux , et continrent , pendant ces
vols , les détenus par petites , troupes , dans des espaces
resserrés , afin de les extorquer plus facilement.
50. Toutes correspondances avec le déhors a été interdite
aux prisonniers , et leurs parens ne purent savoir le danger
qu'ils epuraient ; on avait eu sein de changer le concierge de
la maison qui était suspect d'humanité , pour mettre à sa
un nommé Suné qui refusait un bouillon à un malade à
face
l'extrémité.
60. La nourriture était horriblement mauvaise ; des harengs
salés , de la merluche et des fromages remplis de vers pendant
les chaleurs de l'été ; et le vin , un composé très - préjudiciable
à la santé.
On supposa des conspirations , et en trois jours en entassa
dans les charriots go victimes , qui furent conduites à l'échafaud.
Dans le moment où l'on enlevait les victimes , les guichetiers
se précipitaient sur elles avec les plus affreux transports
, ainsi qu'une meute de chiens sur leur proie .
Le bulletin des prisons de Paris porte le nombre des détenus
A 4028.
Les prisonniers qui étaient à la Conciergerie viennent d'être
( 281 )
transférés dans la maison d'arrêt du Plessis . Ce séjour était
devenu inhabitable à cause de l'infection et de l'insalubrité de
l'air ; il n'est resté à la Conciergerie que les membres et les
ageus du comité révolutionnaire de Nantes actuellement au tribunal
révolutionnaire .
On apprend de Brest que Villaret -Joyeuse vient d'être promu
an grade de vice - amiral .
NOUVELLES OFFICIELL I S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES.
De la fonderie d'Egny , le 29 vendemiaire.
L'Espagnol fuit de toutes parts , citoyens représentans , sa
déroute est complette , ses lignes sont forcées , ses redoutes
évacuées ou emportées , son artillerie dans nos mains , 2000 morts ,
à peu- prés un pareil nombre de prisonniers , 50 pièces d'artillerie
prises avec leurs caissons , et plusieurs attelages , des effets
de campement en assez grand nombre ; et des fusils.
" La Navarre espagnole , conquise presque sous les murs de
Pampelune , les fonderies d'Orbay cette et d'Egny , estimées 25
à 30 millions , la fameuse mâture royale d'Irati , sont les trophées
utiles et brillans de la victoire de l'armée des Pyrénées
Occidentales. 99
19 Je ne vous remettrai pas ici sous les yeux la marche de nos
colonnes , je vous ai rendu compte , dans nos dernières dépêches
, du plan d'attaque que j'avais proposé au conseil de
guerre qui l'avait approuvé , et qui avait été adopté par les
représentans du Peuple ; j'y ai joint un croquis de notre mouvement
; il a été exécuté tel qu'il est tracé sur cette carte. "
· Nous avons atteint le but que nous nous étions proposé
celui de forcer l'ennemi à quitter ses lignes , et de nous emparer
de ses redoutes et de son artillerie , de détruire les fonderies
d'Orbaycette et d'Egny , de semer le désordre dans son armée ,
de lui couper enfin la communication directe avec Pampelune."
" Nous avons réuni ces différens avantages dans les journées
des 26 et 27 vendémiaire. "
" Des colonnes se mouvant à des distances de près de 50
lieues , sont venues former autour lui un cercle , d'où il n'aurait
pas dû échapper un seul homme , si dans un pays de montagues
, à des distances si considérables , en pays ennemi , on
pouvait calculer avec précision les marches , et prévoir les
obstacles sans cesse renaissans que l'aveugle hasard se plaît à
faire naître . 11
,, L'ennemi instruit de notre mouvement , de la marche des
colonnes , a profité de la nuit da 26 au 27 , et d'un brouillard
( 282 )
épais , accompagné d'une pluie abondante , pour faire sa retraite
par Sangonesa ; il a passé entre les colonnes venant de Tardée ,
et la colonne infernale venant par Lans . Cette dernière coloune ,
égarée dans les bois par le peu de connoissance des guides ,
n'est arrivée à Burgnet que le 27 au matin ; elle devait y aniver
le 26 : les Espagnols ont saisi avec précision notre mouvement ,
et pris le seul chemin de retraite que ce retard leur laissait encore
. Je n'en doute point , si la colonne infernale , que j'avais
ainsi appellée , parce que seule elle eût pu écraser l'aimée espagnole
réunie , n'avait été retardée ; je n'en doute point , je
yous le répete , toute l'aimée espagnole eût été forcée de mettre
bas les armes . Mes présomptions se tournent en certitude par
les succès qu'a obtenu s n avantt-- garde , réunie à trois bataillons
, venant d'Almendos . Ces forces réunies ont eu un combat
des plus vifs et des plus opiniâtres à soutenir avec l'armée
espagnole , composee d'environ sept mille hommes ; ils sont
presque tous demeurés sur le champ de bataille , ou faits
prisonniers .
" Les colonnes venues d'Oyaca et Tolosa sur l'Ecombery
ont aussi exécuté leur mouvement avec tout le succès possible ;
l'ennemi , au nombre de 6,000 hommes de troupes de ligne ,
de 8,000 peysaus , de 800 chevaux et des pièces d'artillerie ,
a , pendant long - tems , disputé le passage à nos troupes ; mais
noue feu , la charge et la bayonneste ont mis fin à cette lutte
entre les hommes de la liberté et les hommes de la tyrannie . "
" Les représentans du peuple , Carran et Baudot , ont suivi
notre mouvement à la tête de nos colonnes : sans doute , ils
rendront un témoignage satisfaisant de la conduite vraiment
héroïque de l'armée des Pyrénées occidentales . "
" Occupé à donner des ordres pour disposer l'armée dans
le meilleur ordre possible , je ne peux vous donner de plus
grands détails : vous les trouverai dans les rapports ci - joints .
des officiers - généraux qui commandaient , des généraux Fregeville
, Dumas , et celui du général Digonet , qui a pris la fonderie
d'Egay , et poursuivi avec vigueur l'ennemi jusqu'à Viscaret
, ils ne me sont pas encore parvenus ; dès que je les aurai ,
je m'empresserai de vous les faire passer . "
" Je ne vous ferai point l'éloge du courage des républicains
que j'ai l'honneur de commander , les succès éclatans qui viennent
de couronner leurs efforts , parlent assez éloquemment
pour eux ; mais je dois un hommage public à leur constance ,
aleur impassibilité , à leur discipline , à leur sobriété . Le croiriez-
vous , représentans ? la colonne infernale a marché 43
heures sur 48 , pour arriver à tems à sa destination , qu'elle
aurait atteint sans la mal -adresse des guides et le mauvais
tems.
La colonne partie de Tardet , après quatre jours de marche
dans des montagnes presque inaccessibles , n'ayant eu pour
toute subsistance que trois biscuits , ne s'est pas plaint , et s'est
( 283 )
contenté de crier vive la république lorsqu'arrivée à Orbeycette
, je n'ai pu lai faire donner du pain qu'elle était veone me
demander . L'ennemi avait brûlé ses fours ; on ne pouvait pas
faire de pain ; on lui a distribué de la farine pour en faire de
la bouillie . Elle a oublié dans ce repas frugal ses peines et ses
fatigues , et n'a plus songé qu'au triomphes de la république .
Notre perte se porte au plus à cinquante hommes hors də
combat. "
Salut et fraternité .
Signé , MONCEY , général.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUS E.
Bois-le- Duc , le 2 brumaire.
Nous vous avons annoncé , chers collegues , par la voie da
telegraphe , l'affaire qui a eu lieu le 28 vendémiaire entre
Meuse et Vaalh , entre la division de Souham , de l'armée du
Nord , et un corps considérable de l'armée d'Yorck : avant de
vous écrire , nous avons voulu en avoir les details , et les
voici :
Aprés la prise de Bois- le- Duc , les ennemis craignant
que nous ne terrassions le passage de la Meuse , se répandirent
de maniere à nous le disputer ; n'ayant pas , à l'armée du
Nord , d'équipages de ponts , ces moyens nous manquant pour
passer , à force ouverte , un fleuve aussi considérable , il était
nécessaire d'avoir recours à la ruse . Nous avons menacé en
même tems de tenter un passage du côté de Grave ; nous avons
fait des dispositions ostensibles , pour attaquer l'île´ de Romel ,
en face du fort de Creve - Coeur .
" L'ennemi a pris le change , il a établi son quartier- général
entre Vaalh et Leck , vis - à - vis Bomel , a jeté beaucoup de
troupes dans cette ile , et a seulement laissé un corps d'observation
devant Grave pour couvrir Nimegue . Nous avons
rassemblé , à la hâte , tout ce que nous avions de bateaux , et
fait construire , daus une nuit , un pont vis- à- vis de Teffelen ,
et le lendemain notre armée s'est trouvée entre Meuse et
Vaalh , ss que l'ennemi . ait eu le tems de s'y opposer.
29 L'ennemi a pris des positions pour disputer le passage
vers Nimegue ; il s'est réuni en masse en face de la division de
Souham , qui est la plus forte de notre armée ; elle est de 18 å
20,000 homimes .
" Le 28 , cette division l'a attaqué sur différens points ;
malgré les obstacles du terrein , qui étaient en faveur de l'ennemi
, et la résistance qu'il a faite , il a été battu complettement ,
et le résultat en a été 500 prisonniers faits , quatre picces de
canon prises , un drapeau , la légion de Rohan émigré entierement
détruite ; de 400 qu'ils étaient , il ne s'en est pas
échappé 60 , et sur lesquels il n'y en a pas 10 qui ne soient
haches de coups de sabre. Nos hussards , las de les sabrer ,
( 284 )
en ont fait 60 prisonniers , qui ont été fusilles. conformément
à la lei ,
» Le 3e, et le ge , régiment de hussards ont ea principalement
occasion de s'y distinguer ; nous vous envoyons le citoyen
Jacques Mercier , hussard dn ge . régiment , apporter lui-même
le drapeau qu'il a enlevé aux ennemis ; il mérite l'attention de
la Convention nationale ; nous demandons une sous-lieutenance
pour lui .
" Le citoyen Schneider , hussard au 3. régiment , envoie
à la Convention un de ces bijoux de l'ancien régime , qu'il a
pris sur un capitaine de la légion de Rohan , après l'avoir
attaqué , sabré , terrassé et fait prisonnier ; ce hussard a déja
plusieurs affaires mémorables sur son compte , dans lesquelles
il a fait voir qu'il joignait à la plus grande bravoure la sensibilité
la plus intéressante : à l'affaire de Kaiserslautern , il avait
pris quelques pieces d'or à un capitaine prussien , il renconura
un paysan qui avait été volé par les Prussiens , il lui donna
tout ce qu'il avait , en lui disant : Tu es un pere de famille ,
tu en as plus besoin que moi . Nous demandons pour lui une
sous - lieutenance , ainsi que pour le premier . "
Le citoyen Genois , hussard an 3. régiment , accablé par
le nombre , est tombé noyé dans son sang , et n'a pu dire que
ces mots :Je suis content , je meurs pour la république , Si les ressources
de la jeunesse le font revenir , nous demandons pour
lui le grade de sous- lieutenant. "
Après avoir parlé de la classe intéressante et nombreuse
des simples soldats , il est juste de donner à leurs frères qui
les dirigent , les éloges qu'ils ont justement mérités . Le général
de division , Souhain , s'est conduit avec son intrépidité et son
activité ordinaires : il a surveillé tout, et s'est trouvé à toutes les
attaques . Il a été parfaitement secondé par les généraux Macdonal
, Dewente et Jardon : ce dernier , qui mérite les plus
grands éloges , saisi deux fois par les hussards ennemis , s'en
est débarrassé ; il a eu un cheval tué sous lui , a pris un de
ceux de ses ordonnances , et a continué la charge à la tête
des braves républicains qui ont exterminé la légion de Rohan ;
san aide- de- camp s'est conduit avec bravoure ; il a été blessé
grievement. Nous demandons de l'avancement pour lui ; mais
nous ne savons pas encore quel est son grade , nous vous l'écri
rons incessamment . "
" Un détachement du ge , régiment de hussards , après une
charge vigoureuse , où le général Fox a été vigoureusement
sabré , s'est trouvé enveloppé par trois escadrons ennemis ,
qui , les croyant de bonne prise , leur criaient : Rendez - vous
hussards . Mais le brave Thouvenot qui les commandait , a répondu
à coups de sabre : c'est ainsi que je me rends et , suivi
dans son audace par ses compagnons d'arme , il s'est fait
jour à travers les escadrons . "
Nous avons cru , citoyens collegues , que vous appren
( 285 )
dricz avec intérêt ces différens détails : il serait trop long de
les multiplier ; mais nous pouvons dire que la division de
Souham s'est conduite avec l'audace et l'intrépidité de nos
Républicains , et c'est tout dire . "
Salut et fraternité .
Signés , BELLEGARDE , J. P. LACOMBE ( du Tarn ) représentans du
peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Titelin , détenu au Buffay , dans la nuit du 24 au 25 frimaire
, a aussi donné des renseignemens sur la noyade qui
ut lieu à cette époque ; il fut rayé de la liste fatale . Goullin
a assuré que c'était lui qui l'avait fait rayer ; il me doit la vie ,
a- t- il dit ; le président a répliqué : bien d'autres vous doivent
la mort.
Thomas , officier de santé de l'hôpital révolutionnaire
de Nantes , a accusé Chaux de l'avoir sollicité , le 7 prairial
, au comité révolutionnaire , où il était allé demander
des paillasses et de la paille pour les détenus dans cette maison
, et où , en 2 jours , il en mourait au moins 50 , à faire
une bonne dénonciation contre Phelippe Tronjoly.
Il a accuse le comité d'avoir fait noyer ou fusiller 4 à 500
enfans qui étaient à l'entrepôt , et dont les plus âgés n'avaient
pas 14 ans. Mainguet , a - t- il dit , me donna un bon pour en
retirer une fille de 11 ans , et un garçon de 13 ans . Ils étaient
si malpropres , que je fus obligé de les faire raser , d'emprunter
dans le voisinage , des chemises ; il faisait très -froid, un
de mes amis et moi les emportâmes enveloppés dans nos manteaux.
Le lendemain , des citoyens , dont plusieurs avaient
aussi des bons , voulurent en aller chercher ; il n'y en avait
plus , quoique la veille il y en ent au moins 500 : ils avaient
été noyés .
Un jour , an homme sensible entra dans cette boucherie
pour voir un enfant ; il y trouva un tas de cadavres d'enfans
encore palpitans : il y en chercha un qui n'eût pas encora
rendu les derniers soupirs.
L'a ccusateur public près la commission militaire , après
avoir donné quelques explications à ce sujet , et avoir rappellé
les démarches qu'il avait faites pour le soulagement des
victimes , a déclaré que Carrier disait , en parlant de ces enfans :
Ce sont des viperes , il faut les étouffer .
Thomas a continué ce récit d'horreurs , qui a attristé les
ames et affaissé de douleur et d'indiguation les esprits de tous
les auditeurs , au point qu on en était tellement oppressé , que l
l'on pouvait à peine respirer , et que la plume qui retraçait taut
d'atrocités est tombée plusieurs fois de la main.
1
( 286 )
Il a dit: Un jour que je me transportai à l'entrepôt pour
y constater la grossesse de 30 à 40 femmes enceintes de 8 mois ,
même de huit mais et demi , je trouvai dans les salles des
cadavres d'enfans encore palpitans et tombés dans des baquets
remplis d'excrémens . Ces femmes étaient tellement saisies de
frayeur , que lorsqu'elles voyaient un homme , elles croyaient
que c'était un noyeur . Quelques jours après j'entrai pour les voir,
j'appris qu'elles avaient été noyées ou fusillées. ( Frémissement
d'horreur. )
Le représentant Bô , à qui Nantes doit son salat , ordonna
à Rolin , médecin , et à moi de visiter toutes les maisons d'arrêt
de Nantes : dans deux , nous n'y trouvâmes ni feu , ni matelats
, ni paille , ai baquet , ni bois , tout y manqesit. En 4
minutes , nous y avons vu périr 4 à 5 enfans . Nous nous
informâmes dans le voisinage s'il n'y avait pas quelques ames
charitables pour secourir des detenus , et sur-tout les enfans .
L'ame navrée de douleur , et les larmes aux yeux , on nous dit :
Comment voulez-vous que nous portions des secours à ces
femmes et à ces enfans , Grand - Maison fait emprisonner tous
ceux qui leur en porteat . J'accuse le comité d'avoir fait incarcérer
ceux qui avaieut de la fortune , quelques talens et de
l'humanité. Je leur reproche les noyades ; 7 à 8 brigands , à la
vérité , ont été sabrés à la porte da comité , sous prétexte qu'ilétait
trop tard pour les conduire à l'entrepôt .
Je déclare , en finissant , que dans le courant de Arimaire ,
dans un café , un batellier , nommé Perdran , qui était ivre ,
me demanda du tabac , en me disant : Je l'ai bien gagné car je
viens d'en expédier 7 à 800. Je m'informai comment il expédiait
ces victimes : il me dit que d'abord il les dépouillait ,
ôtait leurs habits , les attachait par les poignets et par les bras ,
les faisait monter deux à deux dans un bateau , d'où il les préeipitait
dans la Loire , la tête la premiere. Pour connaître
toutes les cruautés qu'il exerçait , je lui observai que quelquesuns
pouvaient bien nager sur le dos ; il me répondit que quand
cela arrivait , il avait des gafs pour les assommer.
Les accusés ont nié plusieurs des faits qui leur sont imputés ;
quelques- uns avouent s'être trouvés à la noyade du 24 au 25 ;
mais ils disent que s'est la seule à laquelle ils ont participé.
Ma tête est dévouée , a dit Goullin , il ne m'en coûterait pas
plus de les avouer toutes que d'en avouer une .
Phelippe Tronjoly a répété qu'il s'était porté dénonciateur
de Carrier ; que cette dénonciation était grave : il a demandé à
être mis en prison pour le soutien de son accusation : il faut ,
a-t-il dit , que ma tête ou celle de Carrier tombe.
Le président a rappellé le décret relatif à l'instruction du
procés du comité révolutionnaire de Nantes , et a déclaré
que le tribunal , qui a fait son devoir , et qui dans le moment
s'occupe à remplir le but de cette loi , n'a apcun reproche à
faire à Phelippe Tronjoly.
1
"
( 287 )
Du 29. Les débats se sont onverts sur les déclarations da
témoin Thomas ; Goullin a nié les faits qui le concernent , et a
assuré qu'il a toujours favorablement écouté, les réclamations
de ceux qui proposaient de servir de la République ; que , s'il
a signé un ordre de transferement à l'entrepôt , il ne l'a fait
que pour soustraire les malheureux dont avait parlé Thomas
l'epidémie qui régnait dans cet hospice. Le témoin a persisté
à dire que sa déposition était véritable.
Le président a observé à Goullin , qu'un homme qui avait
fait traduire an tribunal révolutionnaire , séant à Paris , plasieurs
des 132 Nantais , sans spécifier d'autres motifs , que
celui de muscadins et de modérés , pouvait bien avoir envoyé des
individus , seulement coupables de fautes légeres , dans une
prison où ils devaient trouver la mort,
Goullin a prétendu qu'il y avait alors d'autres motifs pour
l'arrestation de ces Nantais . Vous avez cependant signé le contraire
, a repliqué le président , qui a rappellé à ce sujet le serment
prêté par la compagnie-Marat , dans la société populaire
de Vincent- la-Montagne , serment par lequel chaque membre
de cette compagnie jurait une guerre à mort aux muscadins et
aux modérés . Cela peut être , a répondu Goullin ; mais repor
tez- vous aux tems et aux circonstances , les principés qui aujourd'hui
paraissent atroces , n'étaient alors que révolutionnaires .
Grand- Maison a nié les faits qui lui sont imputés .
Le président a interpellé Goullin de lui dire ce que sont
devenus les 4 à 500 enfans qui étaient dans l'entrepôt , et qui en
furent enlevés , Goullin a répondu : Si quelqu'un peut donner
des éclaircissemens sur ces enfans , certainement c'est la commission
militaire qui siégeait dans cet entrepôt , et qui devait
en avoir la surveillance .
L'accusateur public près cette commission a répondu que
la commission tenait , il est vrai , ses séances dans l'une des
salles de l'entrepôt ; mais qu'elle s'occupait seulement de juger
les brigands qui étaient conduits devant elle par Joly , agent
du comité ; qu'au reste , il a écrit plusieurs fois au comite de
sûreté générale pour demander quel parti l'on prendrait à l'égard
des enfans des brigands , et qu'il n'en reçut aucune réponse ;
que s'étant adressé à Carrier , ce représentant lui répondit , que
ces enfans étaient des viperes ; qu'il fallait les étouffer .
Au reste , Goullin a déclaré que Fouquet et Lamberty ,
deox scélérats qui avaient reçu de Carrier le droit de vie et de
mort , pouvaient bien être les auteurs de la soustraction et de
la mort de ces enfans .
Fourrier , directeur de l'hospice révolutionnaire , a déposé
des mêmes faits que Thomas , relatifs aux 37 détenus qui demandaient
à être jugés par le comité , et à servir la République .
Il a ajouté qu'il s'était rendu plusieurs fois chez le représentant
Carrier , pour y porter les réclamations de plusieurs municipalités
voisines , en faveur des détenus dans cette maison :
| 288 )
1
1
Carrier , au lieu de les examiner et d'y faire droit , ne répondit
qu'en sacrant et en jurant ; il tirait son sabre , et menaçait le
porteur de le faire guillotiner et jeter par la fenêtre .
Le témoin , croyant trouver de l'humanité dans le secrétaire
du représentant , voulut s'adresser à lui , en l'absence de
Carrier qui allait très-souvent se délasser dans une superbe
maison de campagne , située dans l'un des fauxbourgs de la
ville ; mais le secrétaire , dont le nom était Marat , était à se
délasser dans un lit qu'il ne quittait pas avant midi . Toutes ces
réclamations furent donc inutiles ; aucun détenu ne furent mis
en liberté , jusqu'à l'arrivée du représentant Bô , qui n'ajourna
point la justice , et délivra sur-le-champ 17 détenus .
Le témoin a de plus déclaré qu'il avait connoissance des
mariages républicains qui se faisaient en attachant un vieillard et
une vieille femme , et un jeune homme à une jeune fille ; qu'on
les laissait dans cette attitude pendant une demi -heure ; qu'on
leur donnait des coups de sabre sur la tête , et qu'ensuite on
les précipitait dans la Loire.
Chaux , en cherchant à justifier le comité sur le régime
affreux des prisons , s'est écrié : Il est bien malheureux pour le
comité d'avoir eu à faire à un représentant féroce . Le président
a rappellé l'accusé à la modération , et celui- ci a fait des excuses
au tribunal et au peuple .
La veuve Simon Dumet , régisseur de l'entrepôt , a déclaré
qu'elle avait appris de son mari que 58 pretres étaient arrivés
dans cette prison trois semaines apres la Toussaint ; qu'ils y
étaient restés cinq jours seuls ; que le comité révolationnaire
leur fit ôter leurs effets précieux ; que ces prêtres furent enlevés
à dix heures du soir , et conduits sur le port à la baignade . Elle
a remis à l'accusateur public plusieurs papiers , dont un , qui a
été déroulé , porte que 597 brigands , qui étaient venus déposer
leurs armes avec un drapeau blanc , n'en avaient pas moins été
fusillés . Elle a aussi eu connaissance de fusillades ; elle a vu passer
ceux qui étaient conduits à ce genre de supplice , et parmijeux
se trouvaient des femmes grosses. Son fils , âgé de 14 ans , a
failli être la victime de ces bourreaux ; il a été rencontré dans
la cour par Lamberty , qui était occupé à faire lier les détenus ;
celui- ci voulut le faire lier aussi. A ce récit , la mere a versé de
larmes ; mais a - t - elle continué , l'enfant jeta des cris
perçaus , reclama son pere , et dit qu'il était de la maison .
Lamberty lacha sa proie ; la mere voulut se plaindre : sas
tu , répondit Lamberty , que ta vie est au bout de mon sabre.
Titelin , témoin déjà entendu , à ajouté à sa déclaration que ,
s'étant trouvé en prison avec Fouquet , celui- ci s'était vanté
d'en avoir expédié , lui seul , plus de neuf mille ; il aurait
désiré recouvrer sa liberté pendant 24 heures seulement ; il
prétendait qu'il ne lui fallait que ce tems pour balayer toutes
les prisons.
( No. 10. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Lundi 10 Novembre 1794 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Suite dufragment sur l'abus des mots et les différentes variations des
idées dans la révolution ( 1) .
DEUXIEME ÉPOQUE DEPUIS LE DIX AOUT JUSQU'AU TRENTE- ÛN MAI .
Il semblait que la journée du 10 août aurait dû calmer les
passions , rapprocher les esprits , rendre les idées politiques
plus saines , et accorder les mots avec les choses . Le trône n'était
plus le pouvoir exécutif était dans les mains de ministres
choisis par la Législature ; une Convention etait appellée pour
juger le tyran et donner une constitution au Peuple ; tous les
voeux se tournaient vers la République , et l'on aurait eru que
la révolution allait toucher à son terme. A peine était- elle commencée.
La destruction du trône , qui avait été l'objet des communs
efforts , sans être celui des intentious communes , mit
tout-à-coup à découvert les ambitions , les intrigues , les vices ,
les partis , tout ce reste impur de quatorze siecies de corrup
tion et d'esclavage . Au dehors , des armées formidables menaçaient
d'envahir le territoire ; au dedans , l'influence de l'étranger
organisait un système de corruption et de trouble qui tendait ,
sous mille formes différentes , à avilir et à dissoudre le Corps
Législatif. Ce parti , dont on sentait les effets sans pouvoir
en atteindre les causes , était soutenu par les royalistes qui ,
revenus de leur premier étonnement , s'efforçaient de relever
les débris de la royauté . Une autre faction qui avait commencé
avec la révolution , qui tantôt s'était montrée à force ouverte ,
tantôt s'était repitée dans l'ombre , selon la politique des cir
constances , la faction d'Orléans ( 2 ) se ranimait avec une activité
(1 ) Voyez au n . 6 le commencement de cet article.
( 2 ) On nous dispensera de rassembler ici les preuves de l'exittence
de cette faction. Elles ne sont point équivoques pour quiconque à
suivi avec quelqu'attention la marche secrete et même ostensible de
la révolution . L'histoire ne sera pas embarrassée dans le choix des
motifs de sa conviction . La plus grande raison de douter aurait dû
être la connaissance morale et individuelle du personnage au profit
duquel cette faction agissait . Mais où sont ceux qui , dans la révolu…)
Tome XII . T
( 290 )
*
qui n'était pas moins funeste pour être plus eachée . Enfin , un amas
d'intrigans et d'hommes avides de pouvoir ou de richesses , ne
voyaient , dans la situation nouvelle de la France , qu'un objet
d'ambition et de proie .
Il résulta de cet horrible mélange un plan de désorganisation
et d'anarchie , auquel chaque parti travailla selon ses vues et
ses moyens . En paraissant divisés d'intérêt , ils s'accordsient
tous en cela seul qu'ils s'opposaient au rétablissement de l'ordre,
et ne voulaient aucune assiette fixe de gouvernement . L'effet
de ce plan fut si prompt qu'à peine le Corps Législatif eut- il
ordonné la suspension du roi , qu'il devint l'objet des plus horribles
calomnies . Les plus ardens promoteurs de la révolution
du 10 août furent diffamés , outragés , menacés . Robespierre ,
qui avait deja brigué et accepté modestement le titre de conseiller
du peuple , Robespierre , qu'on n'avait point va dans le danger ,
s'était mis à la tête de la commune de Paris ( 1 ) , et venait commander
insolemment des décrets à la Législature. Dansle tems que
la trahison livrait nos places sur les frontieres , on parlait à Paris
de Triumvirat. Le Corps Législatif décrétait que 30,000 hommes.
sortiraient de Paris pour aller combattre les ennemis , et l'on ,
affichait sur tous les murs qu'il ne fallait point exécuter ce
décret. Des visites domiciliaires étaient ordonnées pour désarmer
les gens suspects , et l'on ne définissait point ce qu'on en
tendait par ce mot qui prêtait une si grande latitude à l'arbitraire.
La vengeance et la haine choisissaient leurs victimes ;
les prisons se remplissaient et ne se vidaient par des massacres
que pour se remplir encore . La commune sous l'influence
d'une tyrannie dont la plupart des auteurs ne sont plus , envoyait
dans les départemens une adresse et des émissaires pour
y provoquer de semblables horreurs , et y prêcher le meurtre ,
le pillage et l'oubli de toutes les lois . Les dominateurs s'essayaient
aux proscriptions , et créaient déja ce systême de terreur
qui fut porté depuis à un degré de perfection qu auraient envié
ces monstres d'empereurs qui pendant 18 siecles ont épouvanté
9 .
tion , n'aient consulté que leurs propres moyens , pour coucevoir
d'ambitieuses espérances ? D'Orléans était méprisé et incapable ; mais
il y avait des hommes adroits qui dirigeaient son parti , et dans les
derniers tems l'ambition qu'il avait commencée pour lui - même , il
semblait ne la continuer que pour ses enfans dont le début inspirait
de l'intérêt , et qui n'en étaient que plus dangereux pour la liberté
de leur pays .
(1 ), Il n'a plus été permis de douter du projet qu'avait la commune
d'établir une suprématie sur toutes les autres municipalités de la
République , et de rivaliser avec la Convention . Mais ce crime , qui
a été celui des factieux qui avaient composé la commune de gens qui
leur étaient dévoués , n'a jamais été celui du peuple de Paris . C'est
un hommage qu'on se plait à lui rendre. Il a fait justice des factieux
et de leurs instrumens .
(( 2912 ))
T'histoire , et que leurs émules ont laissé si loin derrière eux, t
Dans l'absence du gouvernement , car le peu qu'il y en avaitɔ
était sans confiance et sans énergie , les factions calculaient
sur les désordres et les malheurs publics , et redoutaient un
succès de nos armes , comme elles craignaient la réunion des .
nouveaux représentans du People .
Heureusement le même jour où Kellermann arrêtait Brunswick
dans les plaines de Champagne , la Convention nationale ouvrait
sa session. Les vrais amis de la liberté mettaient en ellecteurs
espérances ; elles ne furent point d'abord déçues . Le premier acte
de sa puissance fut l'abolition de la royauté et l'établissement de
la République. Qui n'aurait cru encore que l'adhésion de la
France entiere à ce décret allait éteindre toutes les haines , ea
cimenter l'union de tous les patriotes , et forcer les aristocrates )
et les royalistes à se cacher et à se taire , et à endurer pour
supplice le spectacle de la félicité commune . Mais cette félicité
n'entrait dans le plan ni des ambitieux de domination , ni des
déprédateurs , ni des factions ennemies qui voulaient étouffer la
République dans son berceau . Il fallait éprouver tous les maux
qui naissent du patriotisme sans lumieres , des lumieres sans
patriotisme , des hypocrites de liberté , et de cette horde de
scélérats à qui tout convenait , excepté le bonheur de tous.
Comment au milieu de tant d'orages la Convention n'en auraitelle
pas ressenti quelqu'atteinte ?
Si notre plan se bornait à tracer les vérités inexorables, de
l'histoire , nous dirions comme dans une assemblée nombreuse
, dont la plupart des membres sont inconnus les uns
aux autres , il est facile de faire naître des défiances ; comment
ces defances dirigées par des hommes habiles se tournent en
jalousies , en rivalités , en haines ; comment l'amour du bien
peut égarer quand l'amour - propre y mêle son poison ; comment
il est dangereux de s'occuper trop des personnes , quand
une nation cutiere attend qu'on s'occupe de ses intérêts ; comment
il est impolitique de vouloir arracher de force ce qu'il
faut obtenir du tems et des circonstances ; comment une démarche
mal calculée est nuisible quand on n'est pas sûr du:
succès ; et comment des ambitieux et des hommes adroits savent
tirer avantages de la faiblesse , de l'irrésolution , des demi mesures
et des propositions inconsidérées . Il nous suffira de diae
que depuis l'ouverture de sa session , jusqu'à la crise du 31 mai ,
la Convention toujours agitée , toujours travaillée de passions.
et de luttes intestines , cherchant vainement une majorité qui
ne savait se prononcer , s'est traînée péniblement sans avoir
marqué sa carriere par aucun des grands résultats que l'on avait
droit d'attendre , si l'on en excepte la condamnation du tyran .
Combien dans cet intervalle de huit mois les idées politiques ,
ont été interverties , les principes méconnus , le sens des mots,
dénaturé , et les choses bouleversées ! Avec quels succès tou $
les levains de corruption ont fermenté , toutes les factions enne
T &
(1292 )
mies de la République ont travaillé à sa ruine , et les dominaeurs
à l'élévation de leur puissance !
Élargir un prisonnier , dans la langue de tous les Peuples
qui ont conservé quelques notions de justice , signifiait mettre en
liberté. Eh bien ! dans celle des infâmes auteurs des journées
de septembre , ce mot voulait dire massacrer. Un étranger , un
Prussien dont il est inoui qu'on ait toléré si long- tems les extravagances
et méconnu les intentions , Clootz , qui s'était surnommé
Anacharsis , avait jugé ces horribles journées si honotrables
à la révolution , qu'il avait créé tout exprès un verbe
pour en perpétuer le souvenir , et l'on appellait septembriser
l'acte par lequel on commettait ces meurtres exéerables ,
septembriseurs ceux qui les exécutaient . Il n'est pas jusqu'à l'égalité
, ce sentiment si cher aux ames libres , qui rappelle toutes
les idées de philantropie et de fraternité , dont le sens ne fut
indignement pervesti par ces nouveaux et féroces grammairiens ;
quand il ne signifiait pas pillage , envahissement , vol , il était synonime
de massacre , et par la métaphore la plus insultante , cela
s'appellait promener la faulx de l'égalité. On eût dit qu'entre les
mains de ces furieux l'égalité n'était que l'affreux pouvoir de
détruire l'égalité .
et
La premiere condition du pacte social est sans contredit la
sureté des personnes et des choses . On sait qu'en révolution ce
qui est juste n'est pas toujours ce qui est possible . Jamais on
n'avait usé si largement de la commodité de cette maxime expérimentale
. Il s'était fait un tei renversement dans les notions les
plus communes sur la propriété , qu'on eût cru que cette garantie ,
premier bienfait de fa liberté et des lois sociales , était un outrage
fait à la liberté et à l'ordre social, Le mot riche était devenu le
synonyme de COUPABLE ; négociant , celui d'ACCAPAREUR ; fermier ,
d'ENNEMI PUBLIC. On engagesit le peuple à faire la guerre aux
subsistances pour avoir des subsistances , et à l'industrie pour
se procurer à meilleur compte les productions industrielles .
On parlait du partage des terres et de l'abolition des propriétés ,
comme si ç'eût été des privileges et des distinctions de l'ancien
régime. A catendre les nouveaux professeurs d'économie politique
, il ne fallait plus aux Français que du fer et du pain ,
comme si une nation de 25 millions d'hommes pouvait se gouveraer
par les mêmes principes que la petite république de
Sparte ! Comme si la position de la France qui touche aux deux
mers n'en avait pas fait une puissance commerciale ! Comme
si l'agriculture pouvait exister et fleurir sans l'emploi des matieres
premieres , et les débouchés du commerce , de l'industrie
et des arts !
L'insurrection du peuple avait créé la liberté ; on voulait la
ravir par la permanence des insurrections. Ce n'était plus ce
droit sacré , derniere ressource d'une nation opprimée qui brise
ses fers sur la tête des tyrans ; c'était l'agitation convulsive d'une
( 293 )
poignée de gens sans aveu et d'énergumenes que les chefs faisaient
mouvoir à leur volonté . C'étaient de véritables émeutes ,
et des émeutes partielles que l'on travestissait en actes du
Peuple souverain. On en avait dressé le tarif ; on en connaissait
l'organisation ; on pouvait en prédire les époques.n
L'institution des sociétés populaires , si admirable en ellemême
, si utile sous l'influence de la liberté des opinions , s'était
dépravée sous l'influence des dominateurs qui en faisaient l'instrument
de leurs projets. Les Cordeliers gouvernaient lesJacobins
de Paris ; ceux - ci étendaient leur action sur les sociétés
affiliées , et voulaient maîtriser jusqu'à la Convention ellemême
.
Au milieu des défiances , des soupçons , des calomnies , des
dénonciations et des placards incendiaires et diffamatoires qui
tapissaient les murs ou circulaient de toutes parts , cilan'était
plus possible de reconnaître ai les amis , ni les ennemis de la
liberté . L'ari d'égarer l'opinion et de perdre les meilleurs patriótes
avait été perfectionné à un point qu'on aurait pu réduire sa
tables de probabilité les époques de lear chûte. Les patriotes
de 89 étaient transformés en aristocrates , et les aristocrates en
patriotes; il ne leur en coûtait que de s'affubler du bonnet rouge
et du pantalon , et de vociférer à quelque tribune des diatribes
hypocritement révolutionnaires . On était alternativement un
ou l'autre , selon que l'on adoptait ou que l'on n'adoptait pas
la livrée de tel ou de tel parti. Les mots d'Aristocrate en de
Feuillant commençaient même à vieillir. De nouvelles passions
avaient créé de nouveaux termes ; il´n'était- question que des
Brissotins , des Girondins , des Rolandins qui eėderent bientôt la
place •
Appelux
Modérés
, aux
Hommes
d'Etat
, aux Gens
suspects
aux
Appellans au Peuple , aux Fédéralistes qui furent remplacé à leur
tour par les Clubistes de la Sainte- Chapelle , les signataines de la
pétition des huit mille et des vingt mille , qui disparurent devant
Tes traitres , les conspirateurs , les contre- révolutionnaires , lescè¥BCmis
du peuple (1 ) . Ce n'est pas que d'un autre côté la langue
révolutionnaire ne se soit enrichie des mots de Maratiste , d'Ultra-
Révolutionnaire, Hebertiste, et dernierement de Robespierristes cade
Terroristes qui termineroat , il faut l'espérer , cette malheureuse
et trop longue nomenclature de nos erreurs de nos passions
et de nos discordes . ab P
?
Fatre tobwamo0
Et au milieuu de ces convulsions et de ces fureurs , où étaient
Ja pairie , la liberté , l'égalité , la justice , la raison , les regles
les plus simples de la logique et du bon sens ? Où elles étaient !
dans le coeur d'une foule de bons citoyens qui ne partageaient
point cet aveugle délire , qui ne pouvaient parler , qui auraient
parlé inutilement , car comment se faire entendre au milieu des
(1) Il y a eu sans donte des traîtres , des conspirateurs , des contrerévolutionnaires
et des ennemis du Peuple . Mais il ne s'agit ici que
de l'abus qu'on a fait de ces mots , et cet abus a été crûek
T: 3
( 294 )
-vents déchaînés et des flots en furie , mais qui n'ont jamais
désespéré du salut de la République ? Elles étaient où elles
sont encore dans le coeur de ceux qui se sont laissé emporter
sur cet océán révolutionnaire , et qui , après avoir été témoins
de tant de naufrages et de désastres , ont abordé la plage en
- signalant la terre par des cris d'allégresse , et sont softis de cet
abyme , honteux de s'y étré¹jettés , et résolus de le combler .
2
Rien n'est plus commun dans les révolutions que d'adopter
des mots de parti , sans qu'il vienne à l'esprit de personne de
chercher à les définir . Ceux qui ont intérêt d'attiser le feu des
discordes civiles , se gardent bien de permettre qu'on use du
seul moyen que les hommes puissent avoir de s'entendre .
Si l'on eût demandé tant de gens qui répétaient sans cesse les
iqualifications de Girondins , qu'est- ce donc qu'un Girondin ? Ils
auraient été fort embarrassés de donner une réponse claire
aev batisfaisante. En dernière analyse , on n'aurait pas eu d'autre
définition que celle - ci :TC'est un homme qui ne pense pas
comme nous , ou plutôt comme ceux dont nous avons épousé
les opinions sans les mieux comprendre. Il se peut que ceux
zqu'oùu appellé la faction de la Gironde , se fussent lignés pour
faire prévaloir leurs opinions ; mais le parti opposé ne s'était - il
pas ligue pour faire prévaloir les siennes ? 11 se peut encore
qu'entraînés par des passions ardentes , ils aient eu le tort
asgrave dais une Republique , de vouloir établir le despotisme
de l'amour- propre , et que s'ils eussent triomphé , ils eussent
prété persécuteurs à leur tour. Nous ne voulons point anticiper
sur le jugement de l'histoire , ai être moins sévère qu'elle ;
almais fallait-il de part et d'autre ne juger des opinions que
7 par les personnes ? Fallait- il jouer le salut de la République
dans des querelles de parti et des animosités personnelles ?
af Fallait-il méconnaître et avilir le caractere anguste de reprézsentans
du Peuple ? Fallait - il envelopper dans la même pros-
-cription et considérer comme mauvais citoyens ceux qui , couserant
leur indépendance , n'avaient fléchi le genou devant aucune
idulé , qui ne s'étaient alliés qu'aux principes , sans être
persuadés qu'ils cessassent d'être tels parce qu'ils s'étaient
rencontrés sur les levies de quelques individus que l'esprit
despart avait marqués du sceau de la réprobation , yon tə
-*
E
**
Comment est - il venu dans l'idée de comprendre les modérés
andans le nombre de ceux qu'il fallait persécuter ? Qu'entenvadait-
on par ce mot que l'on n'a pás mieux défiui que les
autres
?
Erance
ces hommes
froids
uniquement
occupés
de leurs
inanmérêts
¹
; siμdifférens
au bien
comme
au mal de la République
,
ansincapables
de nuire
et de servir
, prêts
à recevoir
le joug
defla
servitude
aussi
docilement
que les lois de la République
, qui
ne faisaient
pas assez
pour
être réputés
ennemis
de la liberté
,
et qui faisaient
trop
peu
pour
en être
les proselytes
? Ces
hommes
étaient
bien
coupables
sans
doute
. Mais
, du moins
allait
- il les signaler
de maniere
à ne tomber
dans
aucune
més
27
་
( 295 ) '
prise ? Et comment les découvrir ? Comment pénétrer dans
f'intérieur le plas secret de la pensée ? Comment accuser un
homme qui se taît et dont les actions ne sont point contraires
à l'ordre public ? Méritaient - ils d'être compris dans la même
classe que ceux dont les opinions et la malveillance n'étaient
point équivoques? Etaient- ils coupables au même dégré que ces
aristocrates déguisés sous le manteau du cynisme révolutionnaire
, ou ees intrigans qui ne s'étaient jettés dans la révolution
que pour s'en faire un patrimoine , ou ces forcenés qui auraient
précipité la République dans un abyme , s'ils n'avaient été arrêtés
dans l'essor de leurs extravagances ou de leurs crimes ?
?
Entendait- on au contraire par modérés , ces hommes doux et
modestes , à qui ces formes de la révolution convenaient moins
que ses principes , dont la sensibilité , la droiture et les lumieres
s'indignaient du pillage , des déprédations , des massacres
, du vandalisme et de la politique féroce des dominateurs
, et qui auraient servi avec zele la cause de la liberté , si
l'on ne se fût hâté de les repousser en les investissant de soupçons
et de crainte , et en les plongeant dans les cachots ?
Ah ! sans doute ils étaient et ils sont nombreux dans la Répu-
Oblique. Les persécuter n'était pas seulement une injustice ,
c'était l'effet de la tactique habile des scélérats qui voulaient
s'emparer du pouvoir ; ils savaient bien qu'ils ne les auraient
jamais pour amis . Mais loin d'avoir murmuré contre la patrie
ni perdu de leur amour pour la liberté , ils s'honorent des per
sécutions qu'ils ont souffertes , et la liberté ne leur est devenue
que plus chere . S'ils eussent péri sous le couteau des proscriptious,
ils auraient emporté en mourant le pressentiment de
la révolution qui a enfin délivré la France de ses oppresseurs .
Il y avait à Athènes une loi qui condamnait à la mort tout
citoyen qui ne prenait pas un parti daus les dissentions ; on
l'a souvent citée contre les modérés . Mais quand il faut choisir
entre le crime ou la folie , peut - on blâmer un hounête homme
de s'abstenir ? Oui , il faut oser le dire , après toutes les herreurs
dont nous avons été les témoins ou les victimes , il viendra
un tems où cette même qualification de modéré , qui a été
la cause ou le prétexte de tant de vexations , sera un titre
d'honneur et de gloire .
Quel abus n'a - t -on pas fait de l'opinion des membres de la
Convention qui avaient voté pour l'appel au Peuple lors du jugement
de Capet. Cette opinion pouvait être impolitique
irréfléchie ; elle pouvait jetter au milieu des Assemblées primaires
un germe de discorde , et ranimer les intrigues , et les
espérances des aristocrates et des royalistes , quoique la majorité
de lanation se fût assez prononcée sur les crimes du tyran.
Mais un hommage aussi peu équivoque rendu à la souveraineté
du Peuple , devait- il être présenté comme une atteinte portée
à ses droits , et mériter à ceux qui avaient eu cette opinion le
titre d'ennemi du Peuple ? Ces mêmes représentans avaient-ils
T4
( 296 )
hésité à déclarer le roi coupable ? Ne s'étaient-ils pas tous réunis
sur la derniere question pour voter contre le sursis à l'exécution
du jugement?
Après la motion sur la garde de la Convention , après la dénonciation
de Louvet contre Robespierre , le jugement du roi
a eté l'une des causes les plus ardentes de dissention au sein de
l'Assemblée représentative . Faut- il s'en étonner ? Qu'on se
rappelle les bruits qu'on faisait courir sur les projets de la
faction d'Orléans et l'état de defiance et de perplexité qui en
était le résultat ? On disait que les uns ne voulaient la mort du
roi que pour faire revivre la royauté sur une autre tête ; que les
autres voulaient tuer la royaute , mais non le roi qu'il fallait
condamner au long supplice de la vie . On s'indignait de l'impudeur
avec laquelle ce Philippe , que l'opinion avait marqué
du scean du vice et de l'opprobre , avait voté la mort de son
parent , comme s'il eût été un Brutus , et cet empressement
féroce avait accru les soupçons sur le motif d'une conduite
qu'on trouvait trop révoltanie pour n'être pas suspecte d'hypocrisie
et d'ambition .
Le supplice du tyran était juste ; il avait rassasié le trône
de conspirations contre la constitution et le Peuple. Mais
l'opinion de ceux qui , les yeux toujours fixés sur la faction
d'Orléans , avaient pensé qu'il était aussi politique que magua
nime de le condamner à l'exil comme Tarquin , devait-elle.
être regardée comme une conspiration ? Ne fallait - il rien accorder
aux circonstances nouvelles et extraordinaires dans
lesquelles on se trouvait ? La tête du tyran tombée , quel prétexie
, quel intérêt restait-il pour faire de l'opinion de l'appel au
Peuple un cri de haine et de proscription ? Qui ne voit ,
aujourd'hui que le tems nous a donné la clé des événemens ,
que c'étaient les mêmes dominateurs qui ont été depuis
et jugés , qui cherchaient à perde un parti qu'iis.
redoutaient , et qui saisissaient habilement l'occasion la plus
favorable pour rehausser leur crédit aux yeux du Peuple dont
on surprend si aisément la faveur , par les opinions extrêmes.
et l'artifice d'une feinte popularité . - Si l'effervescence , malheureusement
trop ordinaire à ces tems de parti , cât pu permettre
aux esprits d'écouter ou de faire des réflexions aussi
naturelles et aussi raisonnables , aurait - on excité ou conservé
pendant si long- tems une prévention aussi odieuse contre les
appellans ?
connus
C'est du sein de ces funestes débats qu'est née la qualification
d'Homme d'Etat , qu'assurément ou n'aurait jamais soupgoune
devoir être une injure . Dans le cours de la discusssion
sur le procès du roi , il était échappé à quelques représentans
de dire qu'ils n'opinaient pas comme juges , mais comme
hommes d'état. Soudain Pesprit de parti s'empara de cette expression
, et l'on vit la tourbe des agens et des sous - ordres , se
répandre par-tout , en criant contre les hommes d'état , sans(
297 )
se douter de la valeur de ce terme , ni de l'honneur qu'ils fai
saient à ceux auxquels ils en faisaient l'application . Quiconque
était atteint du soupçon de pouvoir lier quelques idées et de
parler sa langue avec un peu de correction était traité d'homme.
d'état. Tous ceux qu'on voulait écarter des assemblées publiques
étaient transformés en hommes d'état ; jamais il n'y avait en tant
d'hommes d'état , avec si peu de raison d'en mériter le titre.
Pour faire contraster ce mot créé par un parti , un autre imagina
celui d'homme de proie . C'est ainsi qu'on se faisait une
guerre de mots qui n'aurait été que ridicule , si les mots
n'eussent eu une influence si terrible sur les choses.
L'accusation de fédéralisme était plus grave . Après le décret
solemnel sur l'unité et l'indivisibilité de la République , l'idée
de vouloir la démembrer pour en faire autant de petits états
particuliers , devait produire un effet d'autant plus odieux sur
le Peuple , qu'il était plus attaché à la forme de gouvernement
qu'il venait d'adopter . Comme nous ne sommes dirigés , dans
ces considérations , par aucun sentiment de prévention ni de
partialité , nous ne savons jusqu'à quel point était fondé ce
reproche dont chaque parti se chargeait réciproquement. Ce
que nous savons , c'est que ce projet était de tous le plus
absurde , le plus impolitique , le plus impraticable , au milieu
d'une guerre sur tous les points de nos frontieres , qui exigeait
l'accord et la réunion de toutes nos forces ; avec une
dette publique immense , garantie par la nation entiere ; avec
l'existence d'un papier-monnaie dont le gage reposait sur des
biens nationaux diversement répartis dans chaque département
avec un systême d'impôt et de finances qui nécessitait une impulsion
et un centre communs . Plus l'idée d'un pareil projet
présentait d'obstacles , et était opposée à uos intérêts et à notre
situation morale , civile et politique , plus la raison voulait qu'ou
se rendit difficile sur la nature des preuves . En a - t- on produit
de satisfaisantes ? c'est un problême dont il faut laisser la solution
à l'histoire ; car pour les événemens postérieurs au 31 mai ,
nous les réduirons bientôt à leur juste appréciation . Bornonsnous
à remarquer que s'il s'est rencontré des hommes que des
passions aient emporté dans des écarts compables , il n'a jamais
été juste d'envelopper dans la même accusation une foule de
citoyens qui ont toujours repoussé l'idée de fédéralisme , malgré
l'opiniâtreté qu'on mettait à les en soupçonner .
C'est dans cette subversion des idées raisonnables , dans cette
disposition effervescente des esprits , que la révolution du
31 mai est venue onvrir un nouvel ordre d'abus dans les
mots , dans les principes et dans les choses . Cette époque , qui
a été marquée à la fois par la plus grande tyrannie au - dedans
et les plus grands succès au-dehors , mérite d'être considérée
sous le double rapport de ses causes et de ses effets.
1
La fin dans un prochain numéro . )
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 22 Octobre 1794-
Les Polonais , devenus invincibles sous la conduite d'un gé .
néral dans lequel ils ont la plus grande coufiance , continuent
d'avoir des succès marqués contre la Russie et la Prusse . Une
partie de leur défensive consiste dans l'attaque même qui rénssit
toujours aux peuples , dont le cri de guerre est vivre libre oa
mourir. Déja ils ont enlevé à la Russie la Courlande que l'on
pouvait regarder comme une des provinces de ce vaste empire ,
puisque les ducs qui la gouvernaient étaient depuis long- tems à
sa nomination : ils sont entrès aussi en force sur plusieurs
points contigus du territoire russe , soit de l'ancien , soit de
celui qui était le fruit des deux partages . D'un autre, côté , ils
menacent le roi de Prusse jusques dans ses propres possessions ,
et le font trembler pour la perte de la Sil.sie . L'Autriche
ila la forcent à l'inaction , et l'enchaînent , pour ainsi dire
la crainte . Ces prodiges sont dus à l'amour de la liberté : elle
seule a le privilége d'étonner par des semblables merveilles .
, par
Voici ce qu'on mande des frontieres , du 30 septembre :
Depuis que l'armée polonaise commandée par le général
Mirbach , s'est approchee de Sodarge , le corps prussien de
Brunneck s'est porté vers les frontieres de la Lithuanie . Les
hostilités ont commencé . Un détachement considérable de
hussards , soutenu par une division de dragons , avait été
commandé pour reconnaître les Polonais ; il a été enveloppé ;
un grand nombre a été tué , le reste poursuivi jusqu'au - delà
des frontieres prussiennes.
Les assiégés de Varsovie n'ont appris l'insurrection dans
Ja Prusse méridionale que huit jours après qu'elle eut éclaté .
Deux insurgés parvinrent , après des obslables sans nombre ,
à apporter cette grande nouvelle au camp de Kosciuszko . On
se rappelle que plusieurs feuilles avaient publié que Frédéric-
Guillaume avoit entamé une négociation avec les Polonais .
Voici ce qu'il y a de vrai : Quelques jours avant que ceux- ci
sussent ce qui était arrivé dans la Prusse méridionale , le roi
de Prusse envoya , sous quelque prétexte , le général Manstein
dans le camp polonais . Ce dernier eut même une entrevue
avec le général Zaionezck. Il faut savoir que Manstein a accompagné
le roi de Prusse et Brunswick lorsqu'ils entrerent en
Champagne en 1792. Après quelques propos oiseux , le Prus-
}
( 299 )
₹
I
"
sien parut vouloir entamer le véritable objet de sa mission .
Le général polonais l'interrompit tout de suite , en lui demandant
des nouvelles de Dumourier. Cette brusque interpellation
déconcerta Manstein , qui ne tarda pas à se retirer.
Il y a eu des fêtes publiques à Varsovie , à l'occasion des
succès remportés de toutes parts sur les Prussiens . Le conseil
national - a écrit à Kosciuszko pour s'y rendre . Ce général
a répondu que ses occupations militaires l'empêchaient de
déférer à cette invitation ; il a protesté d'ailleurs qu'on devait
tout au courage des soldats Polonais , aux efforts des citoyens
de Varsovie . et à la sagesse et à la vigueur du gouvernement.
Pour augmenter l'émulation parmi les soldats , Kosciuszko
a fair distribuer à ceux qui se sont le plus distingués , des auneaux
d'or , sur lesquels sont ces mots : La patrie à ses défenseurs.
Le roi de Prusse a voulu singer cette mesure ; il a distri-
♫bué , de son côté , quelques médailles à ses soldats.´
a
Des lettres de Thorn du 4 octobre annoncent que le tribunal
érigé dans cette ville contre ceux qu'on nomme les rebelles ,
suspendu ses opérations , parec que les environs de cette ville
elle-mème sont dans les plus vives alarmes , depuis qu'on a
appris que les troupes envoyées par Kosciusko ont effectué leur
jonction avec les insurgés , et s'étendent de plus en plus dans
le distric de Netz.
-
Ges mêmes lettres annoncent que les Polonais se sont emparés
de Fordam et de Bromberg, à la suite de l'affaire sanglante
près de Barczim , où le général prussien Szekuli a été tué
d'un coup de canon ', et ses troupes forcées de se retirer du
côté de Schwtz , Les Polonais , ajoutent- elles , se sont avancés
dans la province dont la réduction ne peut que leur être
très facile : 18,000 Polonais ont déja entamé sur différens
points la Prusse occidentale , e les insurgés de Lithuanie
jettent la terreur jusqu'aux portes de Memel. Les vainqueurs
ont trouvé des magasins tros- riches dans Bromberg , dont la
garnison a été faite prisonniere , ainsi que celle de Fordam .
Pozen est sérieusement menacé par l'approche d'un gros corps
de leurs troupes , qui a passé la Vistule à Ptozk .
quis C'est assurément là une belle occasion pour la Porte otto-
-mane de se déclarer en faveur dés Polonais ; mais il paraît
squ'elle n'en fera rien et qu'elle eraint de se brouiller avec
la Russie. Voici du moins ce que portent des lettres de
Constantinople du 25 août :
Après que la longue discussion entre le ministere ottoman
set l'envoyé de Russie sur le nouveau tarif de la douane , cut
été portée à un point tres -sérieux , le premier a suspendu
l'affaire , en déclarant qu'il s'en remettait à ce sujet à la discrétion
de l'impératrice , On aurait pu croire qu'une résolu
tion aussi franche et aussi généreuse de la part de la Porte ,
étaitoun gage certain pour la conservation de la paix ; mais le
300 )
changement qui vient de survenir dans l'administration n'auto
rise point ces esperances.
Rachi - Effendi , ministre des affaires étrangeres , a obtenu ,
le 19 de ce mois , la démission qu'il sollicitait depuis quelque
tems . Il est remplacé par Docri- Effendi , premier roespametsi ,
ou contrôleur des finauces , et ci - devant troisieme ministreplénipotentiaire
au congrès de Sistowe. Ce ministre , qui a été
employé dans plusieurs degrés de la chancellerie du divan ,
est parfaitement instruit des affaires de ce disastere ; et sa
commission au congrès l'a mis à même d'acquérir des connaissances
sur les intérêts respectifs des puissances européannes.
On croit que ce changement dans le ministere sera bientôt
suivi d'un autre , et l'on dit généralement que Jussuf -Pacha ,
qui a déja été deux fois grand- visir , pourrait bien être rappellé
de Jedda , pour remplacer le ministre qui occupe actuellement
ce poste important. Comme on connaît à Jussuf- Pacha
des sentimens favorables à la cause de la Convention française
, on a lieu de supposer que son rappel , après toutes les
réformes qui ont eu lieu , annonce des troubles pro chains
avec les voisins , d'autant que le : capitan pacha partage , diton
, son opinion sur les affaires politiques du tems .
2
f
1
3
Un incident qui a récemment eu lieu aurait pu y conduire ;
mais la Porte a cru devoir le terminer de la, maniere la plus
amiable. Le grand-seigneur , faisant , chaque semaine un tour
de promenade hors de la ville , se rendit , le 7 du courant
à la prairie près de Bujukdaré , où il dina sous les tenies
qu'on y avait dressees Ayant permis à tout le monde de s'approcher
, pour voir les différens jeux qu'on y faisait ; l'envoyé
de Russie , accompagné d'un seul officier de la légation ,
était comine d'usage ) incognito du nombre des curieux ;
mais nouvellement arrivé , et ignorant peut-être les usages ,
il s'approcha trop près de la tente du souverain , de sorte
que l'officier de garde lai dit de se retirer. Le ministre russe
n'ayant pas déféré à cet avertissement , l'officier le menaça
de son bâton de commandement : on Favertit du caractère
de celui qu'il menaçait ; mais il n'en tint aucun compte . Le
grand -seigneur , informé de ce qui se passait , fit, sur - le- champ
dégrader l'officier , et l'envoya au sérail pour être d'ailleurs
puni . Onire cette marque de désapprobation , il fit rendre
à l'envoyé une visite publique par le Bostangi Pachi , premier
officier et commandant du sérail à son palais à Bujukdaré
, lui fit faire des excuses sur ce qui était arrivé , et présenter
, de la part , du ministere ottoman , use boëte d'or ,
renfermant des aromates précieux fort estimés ..
Le ministere a fait dresser , le 19 de ce mois , une note
exacle de tous les bâtimens étrangers mouillés ici relative
tant au port auquel ils appartiennent , qu'au nombre de leurs
canons. On ignore encore le véritable motif de cette mesure.
1
( 301 )
En même-tomt que les changemens réalisés ou prévus dans le
ministere font craindre l'interruption de la paix , il se répand
que l'empereur cherche à se servir de la médiation
de la Porte pour faire un accommodement avec les Français ;
qu'il y a déja cu des propositions faites et une entrevue à
ce sujet , entre le ministere et l'internonce .
De Francfort-sur- le-Mein , le 25 octobre.
Le cabinet de l'Europe . qui attire le plus l'attention dans ce
moment , est sans contredit celui de Vienne ; mais il est bien
difficile de déterminer, non-senlement le parti qu'il prendra , mais
même celui qu'il a envie de prendre . Sa fluctuation est portée au
point que toutes les conjectures s'évanouissent successivement ,
et ne laissent pas même d'apperçus. Que penser en effet d'un
gouvernement qui ne sait pas ce qu'il veut faire , qui lors même
qu'il le saurait ne le pourrait pas , qui , enfin et à coup sûr ,
ne veut pas ce qu'il devrait faire , et ne cédera qu'à l'imperieuse
nécessité . Le bruit a d'abord couru que , fatigué de ses revers ,
l'empereur desirait mettre fin à la guerre contre la France , et
espérait conclure une paix qui sauverait les débris de sa fortune
et de son honneur. Les commissaires Anglais ont paru
dans sa capitale ; alors on a dit que le jeune François s'était .
rattaché à la coalition moyennant le subside payé par l'Angleterre
, qui exigeait qu'il restât deux de ses commissaires à Vienne
et deux auprès des armées pour surveiller l'exécution des are
ticles du traité , dont les conditions étaient rendues publiques .
Bientôt on a publié que les négociateurs ne s'entendaient plus ,
et la fréquence des couriers de Vienne à Londres et de Londres
à Vienne a paru prouver qu'ils avaient au moins besoin de beaucoup
d'explications de leurs cours respectives .
Enfin , le 8 octobre , lord Spencer et Thomas Grenville ont
pris congé de l'empereur. Saus doute , il est possible que ce
soit après avoir signé le traité ; mais le bruit public veut le
contraire ; et le brait public , quelquefois en faute sur les détails ,
trompe rarement sur le fond. Il est en effet très - permis de croire
que l'empereur n'aura pas pu s'engager à fournir les 100,000
homines que la Grande-Bretagne offrait de payer , mais dont il est
probable aussi qu'elle voulait avoir, pour son argent , à -peu-près la
direction . Ainsi , voilà deux puissaances , l'une sans hommes ,
l'autre sans argent , ce nerf de la guerre , livrées à leurs ressources
insuffisantes pour la continuer. Les guinées anglaises
ne sont point un talisman qui puisse empêcher les Republicains
Français de marcher de conquêtes en conquêtes en Hollande ,
et les soldats auuichiens mal payés , mal nourvis , mal couverts
et bien battus , ne les empêcheront pas non plus de continuer
à porter leurs armes victorieuses dans la basse Allemagne , où
le très - petit neveu du graud Frédévic , assez occupé d'avoir
affaire aux braves Polonais , ne peut laisser qu'une faible armée ,
(( 302) ))
dont il est impossible de rien distraire pour la défense des
places que les Autrichiens n'entendent point , sans exposer le
reste à être battu complettement . C'est ce que les géneraux de
Frédéric Guillaume ont bien seat quand ils m'ont pas voulu
se charger de défendre Mayence , parce que des 35,000 hommes
à leur disposition il en aurait fallu détacher 18 à 20,000 ; its
out laissé aux Autrichiens , aux Palatins et aux Hessois la honte
et le chagrin d'échouer dans la defence de cette place .
Nous pourrions dans l'examen de la position de l'Autriche
faire entrer en ligne de compte le parti qu'elle sera aussi obligée
de prendre relativement à la Pologne. Elle avait fait marcher
des troupes du côté de la Gallicie ; mais il paraît que ees.
troupes sont revenues sans rien faire , grace à leur faiblesse
et à la prudence de leurs généraux . On ajoute que Kosciuszko
a consenti lui-même à dissimuler les justes griefs que la Pologne
devait ressentir de la violation de son territoire par les
troupes autrichiennes ; il est facile de croire que la politique
a pu suggérer ce parti à ce général dans un moment où il a
déja à combattre deux puissans ennemis . Quoi qu'il en soit ,
on annonce que Lucchesini est de nouveau attendu à Vienne , et
l'incertain François sera peut- être encore poussé par lui à des
projets hostiles contre les Polonais .
Nous nous bornons à indiquer ces rapports forcés avec la
Pologne , ou pour mieux dire avec les deux puissances co- partageantes
auxquelles il a fallu fournir un prétexte quelconque
de l'abandon de leur cause , et qui finiront vraisemblablement
par sommer l'empereur de faire pour elles ce qu'elles n'auraient
peut- être pas fait pour lui . Mais on peut et on doit
ajouter au tableau de sa position , vis - à-vis de la France , que , de
son aveu même , ses armées sont dans un grand délabrement ;
de son aveu encore , les membres du corps germanique tâchent
d'éviter de fournir leur contingent à l'armée d'empire . En outre,
l'épuisement des finances est tel qu'il est question de suspendre
toute espece de paiement en argent , remplacé par des
coupons , à l'exception de celui des employés depuis 100
jusqu'à 500 florins .
Au reste , le gouvernement est plus soupçonneux que jamais ;
les arrestations contre les personnes du pays se multiplient , et
une nouvelle ordonnance enjoint à tous les Français qui ne
peuvent pas prouver qu'ils sont établis dans la capitale depuis
4 ans , de la quitter. On prétend qu'il y a parmi ees Français
des apôtres des nouveaux principes , et le plus étonnant , c'est
qu'il se trouve dans les principaux prisonniers arrêtés il y a
quelque tems comme conspiratears , et qu'on accuse d'avoir
des relations avec ces Français , des militaires , des médecins ,
des professeurs de mathématiques qui les ont enseignées à l'empereur
, des bénéficiers nommés par lui , et même jusqu'à des
membres de la police de Vienne.
1
( 303 )
L'armée prussienne a repassé le Rhin en entier sur plusieurs
ponts de bateaux ; etle 20 , le général autrichien New a pris le
gouvernement de Mayence avec une garnison de 6000 hommes ,
qui doit être renforcée de 12,000 Palatins et Hessois , Le 6,
la diete d'Empire a accédé unanimement à la proposition de
la cour de Vienne , en ordonnant la levée de tous les contingens
au quintnple. Mais il est plus aisé de l'ordonner que
de l'effectuer. D'ailleurs le bruit sourd d'un changement considerable
dans le systême germanique commence à se répandre
dans tous les petits états libres ou non de l'Allemagne . Tout
ce qu'on en dit jusqu'ici se borne à un plan fait par la maison
d'Autriche , et appuyé par quelques autres puissances majeures ,
pour se récupérer d'une maniere quelconque des pertes que
cette ambitieuse maison a éprouvées dans la guerre si désastreuse
de la coalition . Si ce systême était réellement adopté
le plectuntur Achivi serait cruellement confirmé , à moins que
la liberté , dont l'esprit se propage par-tout , ne s'y oppose
ici comme ailleurs ,
Suivant des lettres de Vienne , la gazette de la cour annonce :
que le général de Klebeck et le général de Kempf ont été
laissés à Mastricht avec 8 bataillons et 200 hommes de cavalerie
pour renforcer la garnison de cette place . Mais on ne
croit pas beaucoup dans notre ville de Francfort au succès
de cette défense , depuis qu'on sait positivement avec quelles
forces redoutables les Français attaquent cette ville . D'ailleurs :
la bonne intelligence nécessaire est bien loin de régner entre
les différens corps chargés de la defense des Provinces- Unies .
On apprend de Berg- op - Zoom que , le 12 , des troubles ont
éclaté parmi la garnison. Ils ont été la suite d'une rixe sur-*
venue entre les troupes Hollandaises et les Hessois . Ces derniers
ont été soutenus par les Anglais . Le commandant Vander
Duin est pourtant parvenu à rétablir la tranquillité .
L'amiral Kinsbergen , arrivé de Zélande à la Haye , s'est
mis en route pour disposer la defense da Zuyderzee , après
avoir eu une conférence avec le statdhouder et son fils aîné.
Il est tems et grand tems de porter des secours efficaces à la
Hollande , si l'on veut la sauver car une partie de l'armée
française a investi Nimegue . Un autre corps de la même armée
resserre Breda de près . Les Français , après avoir passé la
Meuse à Venloo , portent la terreur dans l'intérieur de la
Gueldre , et l'aile gauche de leur armée de Sambre et Meuse
pénétre de plus en plus dans la partie de la Westphalie prussienne.
Il parait que le projet des géneraux français est de
passer le Rhin à Wesel , et de couper à cette forteresse ses
communications avec les autres possessions du roi de Prusse .
( 304 )
>
REPUBLIQUE FRANÇAIS B
CONVENTION NATION L L.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne. )
Séance de duodi , 12 Brumaire.
Sur le rapport de Joannot , au nom dn comité des finances ,
la Convention a rendu le décret suivant :
Art . Ier. Toutes les pensions accordées par décret portant
le nom des pensionnaires , seront payées par la treso- .
rerie nationale , sur le vu du décret , sans autre formalité que
la production du certificat exigé par la loi du 6 germinal.
II. Les certificats de résidence exigibles pour les payemens
à faire à la trésorerie nationale , seront valables pendant les
six mois de la date du visa du directoire du district. "
Le président annonce que la commission des vingt - un est
maintenant au complet , attendu que Bonet s'est rendu dans'
Son sein.
Laa , au nom de cette commission déclare qu'elle avait invité
le représentant Carrier à se rendre dans son sein ; elle a été
surprise de l'y voir arriver ce matin , accompagné d'un inspec
teur de police et de deux officiers qui l'avaient arrêté . Cet
inspecteur a dit avoir des ordres . A ces mots , il s'est manifesté
beaucoup d'agitation ; on a demandé de qui. Guyomard.
Romme , Legendre , Montmayou et plusieurs auties ont donné
des éclaircissemens . Il en résulte qu'aussi - tôt que la Gonvention
eut décrété qu'il y avait lieu à examen de la conduite de
Carrier , le bureau de police du comité de sûreté générale ,
qui depuis 15 jours recevait des avis qui faisaient craindre la
fuite de Carrier , et que dans le cas où il s'enfuirait il n'y eût
une insurrection dans Paris , avait écrit a l'administation de
police de le faire surveiller avec toute la prudence qui convient
à des Républicains , et que s'il tentait de sortir du département
, elle le fit conduire avec tout le respect dû à son
earactere au comite de sûreté générale , at endu qu'il n'avait
ni passe-port , ni congé . Le comité s'était déterminé à cette
mesure parce que les ennemis du peuple qui se mêlent avec
lui , essayaient de lui persuader que la Convention avait
dessein de sauver Carrier ; afin d'éviter que des représentans
du people , dont la présence était nécessaire dans l'affaire des
Nantais , y parassent , ce qui n'aurait pas manqué de compromettre
la Convention dans l'opinion publique . Mais aussi - tôt
que le comité eut appris que Carrier était arrêté , il a
ordonné qu'il fût mis eu liberté , et a fait mettre
en état
d'arrestation
( 505 )
d'arrestation l'inspecteur de police qui dans le fait n'avait reçu
aucun ordre .
Duhem pense que le comité n'aurait pas dû violer un prias
cipe sur de simples dénonciations , dût- on le trairer d'homme
de sang , et dussent tous les Chouans qui sont à Paris le calomnier ,
il s'en moque ; il s'éleve contre le nouveau tribunal révolutionmaire
et sur- tout contre l'accusateur public qu'il veut qu'on mande
à la barre pour avoir fait afficher l'acte d'accusation contre le
comité révolutionnaire de Nantes . L'acharnement qu'on mani
nifeste n'est pas dirigé contre un seul homme . On veut perdre
tous ceux qui dans la Vendée ont taché de sauver la chose
publique.
La Convention n'a pas donné à Fréron la mission expresse
de demander chaque jour quelques têtes nouvelles , et la police
devrait veiller à ce que l'opinion publique ne fût pas travaillée
comme elle l'est ; c'est à la Convention entiere qu'on en veut.
Il se plaint de ce qu'on souffre que des hommes viennent déposer
dans l'affaire de Nantes avec des passe - ports signés des Chouans.
Il demande que le comité de sûreté généraie fasse examiner
les étrangers qui sont à Paris et les passe - ports que les Chouans,
ont délivrés.
Cicogne n'est point étonné que Duhem ealomnie le nouveau
tribunal révolutionnaire composé d'hommes justes nommés par
la Convention ; n'a - t-il pas défendu le tribunal du 22 prairial ?
n'en a-t-il pas été l'apologiste?Les débats se prolongent encores
beaucoup de voix reclament l'ordre du jour ; l'Assemblée y
met fin en l'adoptant.
Thibault , au nom du comité des finances , propose un décret
dont la disposition principale est que la commission des revenus
nationaux fera adresser , saus délai , un compte général en déber
et crédit de toutes les matieres d'or et d'argent qui ont été,
versées dans les hôtels des monnaies de la République , depuis .
le 14 juillet 1789 jusqu'à ce jour , et des versemens en especes
de monnaies en provenant , qui ont été faits à la trésorerie
nationale dans les caisses des revenus de districts , ou dans celles
des payeurs des départemens ou des armées .
Cambon rappelle les trois époques différentes de la révo
Iation où l'on s'est servi de l'argenterie des églises comme.
aucun ordre n'était établi , on n'a pas manqué d'en détourner
beaucoup . Dans cette dilapidation de la fortune publique ,
les conspirateurs avaient un triple but , d'abord de s'enrichir
en volant beaucoup , ensuite d'armer contre la Convention
le fanatisme et les préjugés , et le troisieme de répandre à la
tribune de la commnue que toutes ces offraudes produiraient
au moins deux ou trois milliards , afin d'attaquer les repré
sentans du peuple comme des dilapidateurs , puisque le fait est
que cette argenterie ne produira guères que 25 à 30 millions .
Il appuie son assertion sur des calculs ; il demande que chaque
commune de la République fasse passer le procès- verbal de .
Tome XII.
( 306 )
Fargenterie des églises avec l'indication des personnes qui l'ont
enlevée ; par ce moyen l'on connaîtra tous les fripons et tous
lés dilapidateurs .
Lesage-Senault demande le même compte pour les matieres
des cloches. Cambon et Thibault l'appuient , en observant que
c'est la disproportion entre la valeur monétaire et la valeur
étallique qui a fait disparaître la petite monnaie , que des spéculateurs
ont accaparée ; mais le comité s'occupe d'en éverser
un autre qui soit à l'abri des spéculations.
Boursault prend la parole pour témoigner sa surprise de ce
qu'on a dit dans l'Assemblée qu'on voulait rétablir le systême
de terreur , relativement à la guerre de la Vendée . J'ai pareouru
, dit-il , toutes les communes de ces contrées , je pais dire
que depuis que la Convention a adopté des mesures de justice
et d'humanite , cette guerre est bien moins terrible . On peut
diviser les Chouans en deux classes ; les premiers sont des
assassins de profession ; les autres des paysans fanatisés . A
Rhédon , j'ai fait inviter les habitans des campagnes insurgés et
non insurgés à venir écouter les paroles de paix . Ils répondirent:
Si Fon nous parle de justice , nous irons entendre les représentans ;
si l'on nous parle de guillotine , nous retournerons dans nos commanes
reprendre nos fusils . J'ai trouvé dans ces communes des
patriotes à la hauteur de la Convention . On a dit qu'il y
avait à Paris des hommes venus avec des passe - ports des
Chouans . Fiez-vous aux mesures de surveillance de vos comités
ni les intrigans , ni les royalistes , ni les faux patriotes , ni
les Chouans n'échapperont à cette surveillance.
A
Organe des trois comités du gouvernement , Porcher fait
an rapport sur la situation actuelle des habitans de Bordeaux .
Si quelques- uns ont été égarés , il y a quinze mois , la masse
est dans les meilleurs principes républicains ; il propose et
PAssemblée adopte un décret qui révoque la loi du 6 août
1793 , qui avait mis hors de la loi tous ceux qui avaient
participé aux actes de la commission dite populaire. Il n'y
a d'exception que pour Cers , président du département ,
qui est en fuite et qui reste hors de la loi .
Sur les observations de Pelet , le comité de division est
chargé de faire un rapport sur les communes de la Répu-
Blique qui avaient changé de nom pour prendre des denominations
romaines , grecques ou révolutionnaires .
Séance de tridi , 13 Brumaire.
On fait lecture d'une lettre des représentans du peuple ,
Baudot et Garran , près l'armée des Pyrénées occidentales.
Ils annoncent que nos ancêtres , du tems de Charlemagne ,
farent défaits dans la plaine de Roncevaux ; l'orgueilleux Espagnol
, en mémoire de cet événement , avait élevé une pyramide
sur le champ de bataille. Vaincu à son tour , au giême
( 307 )
endroit , par les Français Républicains , ce fragile édifice de
sa vanité , a été brisé..
Sur le rapport de Cambon , la Convention à décrété ce
qui suit :
Art. Ier . Les personnes qui ont vendú leurs rentes vidgeres
avec faculté de réméré , pourront rentrer d'ici au 1er nivôse
prochain dans la propriété de leursdites rentes , en rapportant
à la trésorerie , d'ici à cette époque , le consentement
de leur acheteur .
II. Ceux qui ne rapporteront pas ce consentement dans
le délai fixé , mais qui se présenteront d'ici an 1er , ventôse
prochain à la trésorerie nationale , auront droit au capital provenant
de la liquidation , qui excédera la somme qu'ils ont
reçue lors de l'aliénation .
III. Les vendeurs avec faculté de rémère uront l'option
de convertir en une inscription sur le grand de lå dette
consolidée , ou sur le grand livre de la dette viagere , le capital
- qui leur reviendra par la liquidation . ainsi qu'il est fixé par
les décrets des 23 floréal et 8 messidor . 95
•, IV. Ceux qui n'auront pas déclaré , d'ici au 1er . ventôse
prochain , s'ils entendent ou non conserver des rentes via
geres , seront considércs avoir opté pour des rentes viagéres ,
jusqu'à concurrence du maximum déterminé par les lois.99
Paganel , au nom du comité des secours , a fait un rapport
sur les citoyennes employées à l'hospice des Invalides . Elles
étaient presque toutes des créatures de Dumas , de Robespierre
et de tous les conspirateurs qui avaient peuplé les établissemens
publics de leurs partisans . Elles avaient contribué à faire écon➡
duire et incarcérer le citoyen Sabathier , connu de l'Europe
entiere par ses connaissances chirurgicales . L'immoralité s'y
portait à des excès que le rapporteur croit devoir passer sous
silence. Le comité les avait renvoyées pour les remplacer par
des hommes . Ces intrigans ont invogné la protection dea Jacobins
, et sur leur petition elles avaient obtenu , dans la séance
d'hier , un décret qui les maintenait provisoirement en place.
Paganel a proposé de rapporter le décret . Le rapport en a étê
ordonné malgré les oppositions de Léonard Bourdon qui a pris
la défense des citoyennes .
Le général de brigade Despinois , accompagné de plusieurs
de ses freres d'armes , présente à la Convention 26 drapeaux
pris sur les Espagnols . Il reçoit l'accolade fraternelle , et est
invité aux honneurs de la séance .
Le citoyen Drugos , capitaine au septieme régiment de hussards
, est admis à la barre. Duroy observe que ce brave mili
taire reçu 35 blessures qui le forcent de suspendre la continuation
de ses services. Le président fuf témoigne , au nom de
l'Assemblée , le plus vif intérêt , et lui donne l'accolade au'
milieu des applaudissemens .
I
Sur la proposition de Richard , organe du comité de salut
Va
( 308 )
public , la Convention remplace le général Dumerbion , com
mandant en chef l'armée d'Italie , par le citoyen Scherer , gé,
néral de division à l'armée de Sambre et Meuse. Le mauvais
état de sa santé est le seul motif de sa retraite . Le comité et
Albitte ont rendu le témoignage de son habileté et de son
civisme .
Le citoyen Maugaury , ci - devant consul de la République.
près des Etats -Unis de l'Amérique , a été nommé à la place de
sommissaire des relations extérieures , ci - devant occupée par
le citoyen Bucher.
Séance de quartidi , 14 Brumaire.
Robert Lindet , au nom des trois comités de commerce , de
législation et de salut public , présente un nouveau mode de
fixer le max des grains on en demande l'impression et
Pafournement. Tallien l'appuie , fondé sur l'importance de la
matiere qui exige d'être profondément méditée . Il appelle surtout
l'attention de l'Assemblée sur la disette de bois et de
charbon qui se fait éprouver à Paris . Si le maximum peut accroître
le besoin du peuple , il faut le rejetter . Il demande
encore que la commission de commerce rende compte des
millions en écus mis à sa disposition pour acheter des grains.
La Convention ajourne le projet de décret à trois jours après
sa distribution .
Cambon fait des réflexions plus générales sur les abus résultans
du commerce fait par le gouvernement , et sur toutes les
denrées sujettes au maximum. Il demande que les comités de
salut public , de commerce et des finances présentent un travail
général sur le maximum , et les moyens de régulariser les opérations
de la commission des approvisionnemens qui doit pourvoir
aux besoins de la République , mais ne pas faire le commerce
elle seule . Il est tems de faire cesser cette grande lutte
de l'intérêt d'une agence du gouvernement contre l'intérêt particulier
de chaque citoyen . Les propositions de Cambon sont
décrétées .
Coupé ( de l'Oise ) demande que les requisitions soient ajoutées
au travail général que les comités doivent faire sur le
maximum.
Peletdemande que le comité des finances présente le tableau
des finances de la Republique .
Tallien fait plusieurs observations sur les causes du renchérissement
des denrées ; et il le trouve ainsi que Pelet dans la
trop grande masse d'assignats en circulation .
A la suite d'une discussion qui a embrasse , sans les approfondir
encore , des questions d'économie politique très-importantes
, la Convention a chargé les comités des finances , d'agriculture
et de commerce de méditer les moyens de retirer le plus
possible d'assiguais de la circulation .
1
( 30g )
*
Séance de quintidi , 15 Brumaire.
En attendant que la Convention fût assez nombreuse pour
procéder à l'appel nominal pour le remplacement d'une partie
des membres du comité de salut public , Bentabolle dénonce
les discours atroces prononcés dans la derniere séance des
jacobins ; il cite le paragraphe suivant , extrait du journal det
la Montagne , où Billaud-Varennes s'exprime ainsi :
On accuse les patriotes de garder le silence , mais le lion
n'est pas mort quand il sommeille , et à son réveil il extermine
tous ses ennemis. La tranchée est ouverte , les patriotes
vont reprendre leur énergie , et engager le peuple à se réveiller.
"
Est- ce , continue Bentabolle , dans un moment où nos
armées sont victorienses de toutes parts , où la Convention
épure toutes les autorités constituées , punit les assassins ?
Est-ce dans le moment où la representation nationale annonce
à l'Europe qu'elle veut un gouvernement digne de la nation ,
an gouvernement établi sur la justice et sur l'équité , dans le
moment où la République prospere autant qu'il est possible ;
est-ce dans un pareil moment qu'il faut dire au peuple qu'il
doit se réveiller ? Je demande que celui qui a tenu ce propos
l'explique , et nous dise pourquoi ce lion qui dort doit se
réveiller. "
Plusieurs fois Bentabolle a été interrompu dans le cours de
son opinion par des invectives qui l'ont empêché long- tems
de reprendre la parole.
Billaud - Varennes ne désavoue pas l'opinion qu'il a émise
aux jacobins. Il prétend que les aristocrates et les contrerévolutionnaires
levent la tête plus que jamais . Il a dit et il
soutient qu'on a élargi les aristocrates les plus gaugrénés ,
entr'autres la femme de Tourzel , ci - devant gouvernante des
enfans de France , et qui seule peut former un noyau de
contre-révolution . Il a dit qu'on rendait à la liberté des gens
de cette espece , tandis qu'on arrêtait de braves sans - culottes
et les meilleurs patriotes . On ne peut pas mal interpréter
l'idée qu'il a eue d'inviter le peuple à se réveiller ; c'est le
sommeil des hommes sur leurs droits qui les amene à l'esclavage
.
Tallien obtient la parole :
" On a dit , qu'à Paris , comme à Mastricht , la brêche était
ouverte : eh bien , représentans dignes de votre mission , soyez-y
tous sur la brêche ! ( Oui , oui , s'ecrient tous les membres de la
Convention ; les plus vifs applaudissemens se prolongent. )
Puisque l'on demande des vérités , j'en vais dire . Ce sont les
hommes qui ont peur , parce qu'ils voient le glaive de la
justice suspandu sur les têtes criminelles ; ce sont ces hommes
qui voudraient faire rétrograder la révolution ; ce sont là les
véritables conspirateurs . ( Applaudissemens .
V 3
( 310 ):
systême abomi Contre
" Lorsqu'ils ont vu que la Convention portait le flambeau
dans toutes les parties de l'admiuistration , lorsqu'ils ont vu
que toute la France se prononçait avec énergie contre les
hommes de sang , ( Oui oui , s'écrie - t- on de toutes parts eur
applaudissant . ) contre ceux qui voudraient en perpétuer le
ils se sont dit : Effrayons tous les
bons citoyens ; repandons qu'on va attaquer toutes les époques
de la révolution , et nous réunirons à notre parti tous ceux
qui y ont contribué . Ils ont voulu faire considérer comme
mesures révolutionnaires , ces assassinats horribles qui out
cnsanglanté les bords de la Loire , et par lesquels on a fait
périr beaucoup de patriotes ( Applaudissemeus ) lorsque ces
hommes ont vu que l'individu qu'on accuse de tous ces crimes ,
pour lequel nous avons été les premiers à demander toutes les
sauvegardes possibles , afin que l'innocent ne fût pas confondu
avec le coupable , afin que l'on pût examiner si les
mesures qu'il avait prises avaient été commandées par le salut
de la chose publique , ou bien si ce n'étaient que des assassinats
ordonnés de sang - froid ; lorsqu'ils ont vu , dis - je , que
cet homme était poursuivi , que la Convention s'occupait de
la connaissance de ces crimes , ils ont été dire aux jacobins
qu'il fallait que le peuple s'éveillât , afin qu'à la faveur du
mouvement qu'ils voulaient exciter , ceux qui avaient approuvé
les mesures prises par Carrier , pussent trouver un
moyen de salut . ( Applaudissemens . )
Tallien prolonge encore son oppinion . Il répond aux
reproches que l'on affecte de répéter sans cesse que les aris ,
tocrates levent la tête . ignore , dit -il , si une femme peutà
elle seule former ua noyau de contre- revolution ; je ne la
connais pas ; je ne sais qui l'a mise en liberté ; mais si eile
peut être dangereuse , il est des comités auxquels vous pouvez
vous adresser , et qui sau ont bien l'empêcher de nuire . Mais
ne venez pas pour cela faire flotter l'opinion du peuple entre
votre systême sanguinaire et le systême de la justice qui doit
seule régner. I demande qu'on prolonge la discussion pour
éclairer le peuple.
-
Bourdon de l'Oise ) parle dans le même sens . Il soutient
que les jacobins ont trop long - tems dominé la France . Je
causals dernierement , a -t- il dit , avec un de leurs partisans ; il
me niait qu'ils eussent jamais gouverné la République . Cela
est vrai , lui répondis-je , ils ne savaient que conduire les
citoyens à l'échafaud . - Bourdon fait ensuite le tablean
rapide de la situation politique de l'Europe et de celle de
la République , et il en conclut qu'on ne doit pas s'occuper
de ces misérables passions , ni des meneurs des jacobins qui
sont à présent de bien pétits mencurs .
Dans une opinion brûlante d'une chaleur naturelle , Legendre
tonne contre les corsaires politiques , qui , n'ayant pas assez
fait de prises , s'en vont aux jacobins pour égarer le peuple.
( 311 )
Ce n'est pas une insurrection que l'on pent craindre ; il ne
peut venir qu'une révolte de la part des jacobins ; mais quand
on en connaît les chefs , elle cesse à l'instant. Le peuple ne
soutient point une poignée de misérables . Voulez -vous
connaître les gens qui blament les mesures que vous avez prises ?
Eh bien , sachez qu'ils avaient couvert la France de spectres et
de paralytiques . J'interpelle mon collegue Bourdon de dire si ,
en visitant les prisons , nous n'y avons pas trouvé un très,
grand nombre d'individus qui ressemblaient plus à des spectres
qu'à des hommes , des vieillards aux yeux caves et renfoucés ,
qui étaient couverts de la crasse de la misere , des sourds et
des muets accusés de conspiration , ?? — Tous cela est vrai ,
dit Bourdon , on avait emprisonné les hommes , parce qu'ils
étaient vieux et riches .
-
Legendre prend le peuple à témoin qu'il voudrait que l'auteur
de la nature condamnât ces hommes de proie à ne jamais
mourir. Leurs forfaits écrits dans l'histoire se retraceraient à
la postérité , qui les verrait traîner leur caducité dans l'opprobre.
Il dirait à ses enfans , à ses neveux soyez honnêtes
gens , craignez le châtiment du crime ; il ne meurt jamais
et il pâlit de honte lorsqu'il rencontre un homme de bien.
Puis s'adressant à ces hommes : De quoi vous plaignezvous
, leur dit-il ! ese de ce que l'on pe fait plus incarcérer
par centaine , de ce que l'on ne guillotine plus 50 , 60 et
So personnes par jour ? Ah ! je l'avoue , notre plaisir est
différent du vôtre ..... Ne devriez vous pas être contens ?
Nous voudrions vous faire oublier vos crimes que nous tâ→
chons de réparer , et cependant vous allez dans une société
dont vous avez fait un repaire affreux ; vous allez pour y
égarer le peu de peuple qui s'y porte ; mais ne vous y trompez
pas , vos partisans ne sont poiut nombreux . Parmi les
citoyens qui assistent à vos séances , beaucoup n'y vont que
pour vous connaître et vous apprécier..... Qu'ils ne croient
pas de réussir ces prêcheurs de révolte contre la Convention !
qu'ils sachent qu'il n'est pas un pere de famille , pas un seul
bon citoyen qui ne fasse un rempart de son corps à la représentation
nationale . Il demande que toutes les fois que
quelques - uns de ses membres aura prêché la révolte aux
jacobins , elle sévisse fortement contr'eux , et que , pour punir
les autres séditieux , elle s'en repose sur son comité de sûreté
générale .
Reverchon déclare que , depuis deux mois qu'il est au comité
de sûreté générale , et qu'il s'est attaché à la correspondance ,
il ne cesse de voir que par - tout le peuple est véritablement
attaché à la Convention .
Clausel annonce qu'une correspondance très-sûre a appris
au comité de sûreté générale que les propositiona de révolte
qui ont été faites aux jacobins , ont été dictées par un comité
d'émigrés qui se trouvent en Suisse . On a oublié de vous
V 4
( 312 )
instruite qu'un membre de cette Assemblée a dit , le lende
main du jour même où vous rendites le décret sur la police
des sociétés populaires , qu'il fallait prendre les moyens de
rendre ce décret nul , ou du moins de l'éluder ... ( Plusieurs
voix crient c'est Crassous . ) ... Clausel demande que les trois
comités de gouvernement soient charges de proposer des mesures
qui empêchent aucun représentant du peuple de prêcher
la révolte contre la Convention .
Cette proposition est décrétée au milieu des applaudisse
mens.
Le président donne lecture d'une lettre qu'il vient de recevoir
; elle est conçue en ces termes :
4
Si la Convention veut savoir la vérité , je la lui dirai à
Ta barre . Je lui démontrerai qu'il existe uue conspiration tendante
à son annéantissement en reproduisant un nouveau systême
de terreur ...... 9 On interrompt , en demandant le renvoi
de cette lettre aux trois comités . Il est décrété .
On procede à l'appel nominal pour le renouvellement des
membres du comité de salut public qui sont sortis ; ces membres
sont Laloi , Treillard et Eschassériaux . Ceux qui les remplacent
sont : Cambacérès , Carnot et Pelet .
Séance de sextidi , 16 Brumaire.
Merlin ( de Thionville ) Legendre ( de Paris ) , André Dumont
et Goupilleau ( de Fontenai ) , sortis du cemité de sûreté générale
, ont été remplacés par Barras , Laignelot , Garnier (de
l'Aube ) et Hermann ( de la Meuse . )
( Nous reviendrons sur cette séance au prochain numéro . )
Décret sur l'établissement des écoles normalės,
La Convention nationale , voulant accélérer l'époque où
elle pourra faire répandre d'une maniere uniforme dans toute
la République l'instruction nécessaire à des citoyens Français ,
décrete :
Art. Ier. Il sera établi à Paris une école normale , où seront
appellés de toutes les parties de la République , des citoyens
déja instruits dans les sciences utiles , pour apprendлe , sous
les professeurs les plus habiles , dans tous les genres , l'art
d'enseigner,
II. Les administrations de district enverront à l'école
normale un nombre d'éleves proportionné à la population :
la base proportionnelle sera d'un pour 20,000 habitans , A Faris ,
les éleves seront désignés par l'administration du départe -
ment.
,, III. Le choix des administrations ne pourra se fixer que
sur des citoyens qui réuniront à des moeurs pures un patrie(
313 )
tisme éprouvé , et les dispositions nécessaires pour recevoir et
pour répandre l'instruction .
,, IV. Les éleves de l'école normale ne pourront être âgés dé
moins de 21 ans .
P
" V. Ils se rendront à Paris avant la fin de frimaire prochain ;
ils recevront , pour le voyage et pendant la durée du cours
normal , le traitement accordé aux éleves de l'école centrale
des travaux publics .
" VI. Le comité d'instruction publique désignéra les
citoyens qu'il croira les plus propres à remplir les fonctions
d'instituteur dans l'école normale , et en soumettra la liste
l'approbation de la Convention , et il fixera leur salaire de coneert
avec le comité des finances .
VII . Ces instituteurs donneront des leçons aux éleve
sur l'art d'enseigner la morale , et former le coeur des jeunes
Républicains à la pratique des vertus publiques et privées .
,, VIII. Ils leur apprendront d'abord à appliquer à l'enseignement
de la lecture , de l'écriture , les premiers élémens du
calcul , de la géométrie - pratique , de l'histoire de la grammaire
française , les méthodes tracées dans les livres élémentaires
adoptés par la Convention nationale , et publiés par ses
ordres .
,, IX . La durée des cours normaux sera au moins de quatre
mois.
" X. Deux représentans du peuple , designés par la Convention
nationale , se tiendront près l'école normale , et correspondront
avec le comité d'instruction publique sur tous les
objets qui pourraient intéresser cet important établissement .
XI. Les éleves formés à cette école républicaine , rentreront
à la fin du cours , dans leurs districts respectifs ; ils ouvriront
dans les trois chefs - lieux de canton désignés par l'administra
tion de district , une école normale , dont l'objet sera de transmettre
aux citoyens et aux citoyennes qui voudront se vouer à
l'instruction publique , la méthode d'enseignement qu'ils
auront acquise dans l'école normale de Paris .
,, XII . Ces nouveaux cours seront au moins de quatre
mois.
,, XIII. Les écoles normales des départemens seront sous
la surveillance des autorités constituées .
", XIV. Le comité d'instruction publique est chargé de
rédiger le plan de ces écoles nationales , et de déterminer le
mode d'enseignement qui devra y être suivi .
" XV. Chaque décade , le comité d'instruction publique
rendra compte à la Convention de la situation de l'école normale
de Paris et des écoles normales secondes qui seront établies , en
exécution du présent décret , sur toute la surface de la Répu
blique.
( 314 )
PARIS. Nonidi , 19 Brumaire , l'an 3e . de la République.
Les horribles révélations , sorties de l'instruction du procès
contre le comité révolutionnaire de Nantes , étaient de nature
à predule une impression profonde sur le peuple . Jamais les
anuales de la férocité n'avaient offert une suite d'outrages plus
sanglans à la nature , à la padeur , à l'humanité . La part que
parait y avoir prise un représentant du peuple a dû augmenter
Je sentiment de l'indignation publique . D'un autre côté , les
coupables connus ou inconnus , ont dû s'agiter en tout sens
pour échapper aux recherches et aux vengeances de la justice .
les
Pour y parvenir , il fallait faire contraster les dévastations et
les horreurs commises par les brigauds de la Vendée , avec
atrocités exercées par les membres du comité révolutionnaire
de Nantes . La ligne de démarcation n'était pas difficile à
assigner. Personne n'a pu vouloir ni n'a voulu s'apitoyer sur
le sort des rebelles et des brigands pris les armes à la main ,
et moins encore sur les chefs fanatiques qui les ont engagés à
porter par-tout et le fer et la flamme ; leur supplice était un
acte de rigueur politique , effet malheureusement nécessaire
dans les guerres civiles . Mais qu'avaient de common avec cette
sévérité indispensable les massacres commis envers des femmes
enceintes , des enfaus à la mammelle , des enfans au-dessous de
12 ou 15 ans , des vieillards , des infirmes et d'une foule de..
malheureux qui , sur la foi d'une amnistie trompeuse , étaient
venus déposer leurs armes , et qu'on a fait fusiller ou noyer
impitoyablement ? Comment excuser par la nécessité des mesues
révolutionnaires ces formes ingénieusement féroces , ces
noyades de jeunes filles et de jeunes garçons que l'on dépouil-
Jait auds , qu'on liait ensemble pour en faire , par une déri
sion outrageante , des mariages républicains ? Comment excuser
ces condamuations sans jugemens , ces entrepôts infects où les
victimes entassées mouraient de la peste , si elles n'étaient pas
livres à l'avide cruauté de leurs bourreaux , ces vengeances et
pes horribles proscriptions exercées envers des citoyens , ou
étrangers , à la guaire de la Vendée , ou qui n'y avaient is le
pied que pour y combattre les rebelles ?
Il fallait faire croire que les témoins n'étaient eux- mêmes que
des brigands des Vendéens et des Chouans , tandis que la ville
entiere de Nantes est venue déposer unanimement de toutes
ces horreurs . Il fallait persuader que tous ceux qui s'indignent
de tant de forfaits et en attendent justice , sont des aristocrates ,
des contre- révolutionnaires , des partisans des rebelles , des conspi
rateurs ; qu'on voulait faire le procès à la révolution , et que le
tribunal révolutionnaire lui - même était venda à une faction
conspiratrice. C'est toujours la même tactique , le même abus
L
i
315
)
des mots ; il n'a jamais été permis de s'élever contre les massacres
, les brigandages et les désordres publics , de réclamer
les droits de la justice , de la raison et de l'humanité , de délivrer
enfin cette malheureuse patrie du joug du crime et de la
terreur , sans que des hommes égarés ou pervers n'ait crié à
l'aristocratie et à la contre - révolution . Ils voudraient se rendre
inviolables et sacrés , en se couvrant de l'égide de la liberté,
et du patriotisme auxquels its insultent journellement par leurs
excés , leur folie et leurs crimes . Mais cette misérable tactique
est aujourd'hui trop connue et trop usée pour faire illusion au
peuple qu'ils ont trop long-tems égarés , et qui n'est plus la
dupe de leur jonglerie et de leur charlatanisme.
all est encore des hommes qui , lorsqu'on veut écarter des
sociétés populaires les meneurs qui les trompent , lorsqu'on
veut ramener tous les citoyens au joug salutaire des lois et à
l'unité du gouvernement , croient avoir tout dit quand ils ont
répété qu'on en veut aux Jacobins , et que Pitt et Cobourg
n'ont cessé de déclamer aussi contre eux . Aveugles qu'ils sont !
comme si les tyrans coalisés , qui veulent nous dechirer par
les dissentions , étaient assez mal- adroits pour se rendre les
apologistes des sociétes populaires ! comme s'il n'était pas de
leur astucieuse politique de crier , d'un côté , contre les Jacobins
, tandis que de l'antre ils les poussent par leurs émissaires
à des écarts représensibles pour leur faire dire , quand on veut
les rappeller à l'ordre : Voyez nos ennemis , ils parlent comme vous .
ils veulent nous détruire. Et les vrais Jacobins sont la dupe de ce
grossier machiavélisme ! Et ils croient de bonne foi que ni Pitt ,
ni Cobourg , ni les émigrés , ni tous les tyrans desilent sérieusement
leur destruction ! Non , ils ne veulent pas détruire les
Jacobins , mais ils veulent les influencer , ils veulent en faire leur .
foyer de discorde et l'arsenal de toutes les motions incendiaires .
Le jour où les Jacobius reconnaîtront ce piége , et ne parleront:
plus que raison , justice et obéissance aux lois , sera un jour de
mort pour les tyrans .
L'escadre française , long- tems bloquée par les Anglais et les
Espagnols dans le golfe de Juan , vient de rentrer dans le port
de Toulon ; dans le trajet de son retour , elle n'a pas rencontré
un seul ennemi ; ainsi le projet des Anglais , leur insolence à
annoncer dans leurs papiers que cette flotte avait été prise et
brûlée par eux , sont anéantis , et bientôt nos braves marins
réunis feront sentir à ces insulaires leur terrible vengeance .
Depuis plusieursjours les scellés avaient été mis sur les papiers
du président du club électoral ; ils viennent d'être apposés aussi
sur les cartons de cette société .
Bergasse , ex-constituant , a été condamné par le tribunal révolutionnaire
à la détention , comme suspect , jusqu'a la paix .
( 316 )
On écrit du quartier- général de Mutterstadt , le 5 brumaire
que les armees du Rhin et de la Moselle , aussi redoutables par
leur nombre que par le courage qui anime chaque soldat , sont
réunies en ce moment sous les murs de Mayence , qu'elles se
disposent d'attaquer avec lenr vivacité ordinaire .
Un autre corps considérable , sous les ordres du général de
division Vachat , est devant Manheim ; on travaille sans relâche
aux ouvrages nécessaires pour ouvrir la tranchée ; les habitans
s'y prêtent de bon coeur , et bientôt le repaire d'émigrans sera
au pouvoir des Républicains , on disparaîtra de la surface de la
terre.
Antoine Petit , l'un des plus habiles et des plus célebres médecins
de l'Europe , vient de mourir à Orléans sa patrie .
Le siége de Nimegue est commencé ; celui de Mastreicht se
poursuit toujours avec vigueur : cette place est attaquée sur trois
points ; tous les paralleles et les lignes de circonvallations sont
terminés.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes , du 29.
**
Chamoi , aîné , secrétaire adjoint pour les armées , a déclaré
qu'ayant été prévenu d'infidélité dans la comptabilité des deniers
de la république , on l'avertit que l'armée révolutionnaire
était à sa poursuite ; aussi - tôt il s'informa de l'endroit où cette
armée était campée au cabaret , lui repondit son frere.
:
Je n'aime point le cabaret , a dit le témoin . Je me rendis
à l'instant au comité révolutionnaire ; on m'y donna a mandat
d'arrêt pour un manteau qu'on ne me rendit point en sortant.
Celui-ci a fait une description pitorresque de toutes les souffrances
qu'il a éprouvées dans les différentes prisons qu'il a
parcourues. Je me trouvai , a - t- il ajouté , à l'hôpital revolutionnaire
, lorsqu'on vint m'avertir qu'il existait un ordre
signé Goullin , pour me transférer avec les autres à l'entrepôt ;
aussi- tôt moi , qui n'aime pas l'eau , je foutis le camp par lafenêtre
, dans la crainte d'être noyé.
Nota. Dans l'une des dernieres séances , lorsque Nau , ainė ,
quartier-maître de l'armée révolutionnaire , fat entendu en ses
déclarations , il remit au président l'arrêté suivant qui est
ainsi conçu.
་
Nantes , le 7. jour de la 1ere , décade du 2º . mois dè l'an 11º .
de la République Française.
Les véritables braves sans - culottes de Nantes appellés
( 317 )
par les représentans du Peuple de la Convention nationale
et administrateurs du département , se sont assemblés à
4 heures de l'après -midi , provisoirement dans l'une des
chambres de la maison Gottin , pour y établir les commissaires
qui avaient été convoqués pour former entr'eux une compagnie
révolutionnaire . Après l'examen , ils ont été reçus : suivent
les noms des 41 membres qui la composaient .
:
" Les représentans du peuple Français près l'armée de
l'Ouest , approuvent et confirment la formation de la compagnie
révolutionnaire , telle qu'elle est organisée de
l'autre part , lui conferent collectivement et individuellement
à chaque membre , le droit de surveillance sur tous les
citoyens suspects de Nantes , sur les étrangers qui y entrent
ou y résident ; sur ceux qui s'y réfugient ; sur tous les accaparcurs
de toutes especes ; sur tous ceux qui chercheront à
soustraire ou à recéler frauduleusement les subsistances , marchandises
et deurées de premiere nécessité , ou qui auraient
déjà commis de pareils délits . Enfin , ladite compagnie veillera
sur tous les malveillans et ennemis de la République française
elle sera tenue de les dénoncer au comité de surveillance établi
à Nantes , en ce qui les concernera , et aux représentans du
peuple , s'il s'agit d'un complot contre la liberté nationale ou
la sûreté générale de la République .
" Chaque membre de la compagnie aura le droit de faire.
arrêter , ou d'arrêter tout individu dont il croira prudent de
s'assurer , à la charge de le conduire de suite au comité de surveillance.
La compagnie . surveillera , de plus , tous les conciliabules
des ennemis de la révolution ; elle s'attachera à la décou
verte de toutes les assemblées appellées chambres littéraires ;
elle dénoncera le tout au comité de surveillance . Les membres
de la compagnie arrêteront ou feront arrêter tous les individus
qu'ils trouveront assister aux conciliabules ou chambres littéraires.
La compagnie exercera la surveillance et les pouvoirs
qui lui sont délégués par le présent arrêté , dans toute l'étendue
du département de la Loire inférieure . La force publique
obéira par- tout aux requisitions qui lui seront adressées , soit
au nom de la compagnie , soit au nom individuel des membres
qui la composent. La compagnie , et ses membres en
particulier , auront le droit de faire des visites domiciliaires
par- tout où ils le jugeront convenable dans Nantes et dans
l'étendue du département de la Loire inférieure . Nul individu
ne pourra s'y opposer , et sera tenu au contraire ,
d'ouvrir aux membres de la compagnie les portes de tous
les lieux et appartemens où ils jugeront convenable de porter
leur surveillance et leurs recherches . En cas de refus , les
membres de la compagnie demeureront autorises à faire ouvrir
les portes par des gens de l'art , même à les faire enfoncer ,
s'il y a lieu . En cas de rébellion , ils requerreront la force
armée , qui sera tenue de leur prêter obéissance et secours.
1
( 318 )
Ceux qui auront opposé la rebellion , seront saisis sur- lechamp
, et punis comme rébelles à l'exercice de l'autorité
légitime. "
Signés , les représentans du peuple près l'armée de l'Ouest ,
réunis à Nantes , le 9 du 2e . mois , an second de la République
Française .
Signés , FRANCASTEL , CARRIER .
Les représentans du peuple , après avoir reconnu l'exactitude
que la compagnie révolutionnaire , dite Marat , a mise
à exécuter les ordres , à elle donnés , accorde à chaque
membre de ladite compagnie , 10 liv . par jour , pour favoriser
les besoins de chaque individu . Le quartier - maître sera
tenu de faire le paiement à l'expiration de chaque décade .
Nantes , le 30 brumaire , l'an second , etc. 8
Signé , le représentant du peuple , CARRIER .
"9
• Du 11. brumaire au matin . Les jurés ont déclaré qu'ils
n'étaient pas suffisamment instruits pour prononcer sur cette
affaire.
Bernard Lacaise gardien de la maison d'arrêt du Buffay , `
2. été entendu . Il a fait une très - longue déclaration sur le
départ des prisonniers qui furent noyes le 21 au 25 frimaire :
entr'autres choses , il a reproché à Goullin de s'être rendu
à la prison dans cette nuit désastreuse , d'avoir fait ajouter
à la liste fatale 15 individus arrivés la veille , d'avoir fait presser
leur départ, etc.
Goullin a dit avoir avodé déja plusieurs de ces faits , et
qu'il est inutile de lui faire toujours répéter la même chose ;
que c'est Carrier qui a donné l'ordre. Il a demandé à s'expliquer
, et a donné lecture de ce qui suit :
Aux jurés du tribunal révolutionnaire.
de Nantes.
Les membres du comité
Depuis assez long- tems les huées , les humiliations et
les haines grondent sur nos têtes ; depuis long - tems des soupçons
horribles , accrédités par quelques faits , nous livrent
journellement à mille morts ; et l'auteur de toutes nos angoisses
jouit encore de sa liberté ! et l'homme qui électrisa
nos têtes , guida nos mouvemens , despotisa nos opinions ,
dirigea nos démarches , contemple paisiblement nos alarmes
et notre désespoir ! Non , la justice réclame celui qui abuse
de notre bonne - foi pour nous perdre ; celui qui , nous montrant
le goufre où nous nous jettâmes aveuglément à sa voix ,
est assez làche pour nous abandonner sur le bord . Il importe
à notre cause que Garrier comparaisse au tribunal ; les juges ,
le peuple enfin doivent apprendre que nous ne fûmes que
les instrumens passifs de ses ordres et de ses fureurs.
" Qu'on interpelle tous les patriotes de Nantes , tous de
ferment qu'un cri . Carrier seul a provoqué , prêché , com(
319 )
mandé hautement toutes les mesures révolutionnaires ; ~Carrier
força le président du tribunal de guillotiner , sans jugement
, quarante Vendéens pris les armes à la main ; Carrier
força la commission militaire d'assassiner légalement 3 mille
brigands qui empestaient la Cité ; Carrier donna droit de vie
et de mort sur des rebelles réprouvés par la loi , aux Lamberty
et Fouquet , qui abuserent de leurs pouvoirs pour immoler
jusqu'à des femmes enceintes et des enfans ; Carrier ,
lors d'une menace d'insurrection au Buffay et d'invasion de
l'armée catholique , proposa à toutes les administrations réunies
de faire périr les prisonniers en masse.
,, Carrier commanda de faire noyer cent et quelques individus
, dont il croyait le sacrifice important au repos des
prisons et de la Cité . Carrier seul enfin donna cette impulsion
terrible qui jetta hors des bornes des patriotes ardens , mais
de bonne foi.
" Jurés , vous dont le maintien annonce l'impartialité , vous
qui tenez en vos mains la vie et l'honneur de tant de victimes
égarées , vous ne prononcerez pas sur leur sort , sans avoir
entendu l'auteur de tous les maux et de toutes leurs fautes,
Au nom de la justice et de la vérité , que Carrier paraisse ,
qu'il vienne justifier ses malheureux agens , ou qu'il ait la gran,
deur de s'avouer le senl coupable. "
Sur le réquisitoire de l'accusateur public , cette piece a été
signée à l'instant par Goullin , et paraphée par le président ,
ne varietur , et envoyée de suite au comité de sûreté géné .
rale .
Bernard Lacaise , gardien de la maison d'arrêt du Buffay ,
a déclaré que dans la nuit affreuse du 24 au 25 frimaire , deux
membres de la compagnie Marat , qu'il ne connait pas .
apporterent au Buffay deux paquets de cordes , vers les neuf
heures du soir , et qu'ils demanderent à enlever 155 détenus ,
pour les transférer à Belle Isle , à l'effet d'y construire promp
tement un fort. Ces deux individus se retirerent ; à dix heures
du soir , 30 ou 40 soldats de cette compagnie arrivent , ainsi
que plusieurs autres particuliers , dans le courant de la nuit.
Ils demanderent d'abord 155 prisonniers . Je ne puis vous les
livrer sans ordre , a - t - il dit ; aussi - tôt deux de ses particuliers
se rendirent , je crois , au comité , et m'apparterent une liste
de 155 détenus avec un ordre signé de trois membres du
comité de les leur livrer. Je leur observai que plusieurs de
ceux portés sur cette liste , étaient en liberté , ou malades
dans des hospices , ou morts .
Les soldats de la compagnie Marat demanderent à boire et
à manger , et après avoir bien bu et bien mangé , ils défirent
lears paquets de cordes et s'amuserent à se lier les uns les
autres , pour connaître ceux qui seraient , en ce genre , les plus
habiles ; Jely remporta le prix : les portes des chambres des
prisonniers furent ouvertes , on les amena à la geole : Joly se
( 320 )
mit en exercice ; il leur lia les mains derriere les dos , et les
attacha deux à deux ; comme il suait sang et eau , quelques- uns
de ses camarades partagerent ses travaux et ses execrables fonc
tions.
-
Grand Maison entra dans la cour et fit faire diligence .
Goullin fit peste et rage de ce qu'on ne pouvait completter
la liste de 155 prisonniers ; car , calcul fait de ceux restans et
portés sur la liste , ils ne s'en trouva qu'une centaine , non
compris les morts et les absens . Eh bien , dit Goullin , que l'on
fasse descendre les 15 prisonniers que j'ai envoyé ici ce soir ;
on les garotta de même ; au lieu de 155 , Goullin se contenta
de 129 ; mais comme ce nombre n'était pas encore complet , il
ordonna que l'on prît indistinctement les premiers venus ,
parce que le tem; pressait , attendu que la marée baissait . Ils
furent si pressés , qu'ils oublierent d'aller chercher dans les
hôpitaux les malades désignés sur cette liste fatale ; ces victimes
sortirent vers les 4 heures du matin . Goullin et Grand- Maison
les accompagnerent. Ces malheureux proscrits était au nombre
de 129 ; plusieurs n'avaient pas subi le jugement , d'autres
étaient condamnés à quelques années et à quelques mois de
détention , etc.
Durasier est venu deux fois au Buffay ; il m'a dit que si
le nombre des prisonniers était trop considérable , il les ferait
noyer comme les autres. Dans la crainte d'être noyé moi- même ,
je n'osai porter plaintes . Ces infortunés , en partant , laisserent
leurs chemises et leurs vieilles culottes , en recommandant
qu'on les fit blanchir , et qu'on les leur envoyât. Ma femme ,
morte depuis , le leur promit . Quelque tems après la noyade ,
ma femme reçut ordre du comité d'envoyer ces hardes chez
la blanchisseuse , où elles sont encore.
( La suite au numéro prochain. }
P. S. Richard , dans la séance d'hier , a annoncé la prise de
Maestricht par l'armée de Sambre et Meuse , après onze jours
de tranchée ouverte. La garnison qui était nombreuse a été faite
prisonniere . On a pris 200 pieces d'artillerie et des magasins
considérables .
L'armée de la Moselle a fait tomber en son pouvoir le ført de
Rheinfeld sur la rive droite du Rhin , et sur la même ligne que
Mayence . Ce fort était important par sa position et par une
défense formidable ; 39 bouches à feu , des mortiers , des fusils ,
des tentes , des munitions de guerre et de bouche de toutes
especes ont été la suite de cette prise.
( No. 11. )
MERCURE FRANÇAIS.
DU QUINTIDI 25 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 15 novembre 1794 , vieux style . )
J
POÉSIE.
LE TIBRE. ( Conte )
UN Gascon , grand observateur
Conçut un jour la fantaisie
De voyager en Italie ;
Et s'arrêtant à Rome , on crat lui faire honneur
En offrant à ses yeux les monumens antiques ,
Les théâtres et les portiques,
Qui des Romains jadis annonçaient la grandeur .
Ensuite on conduisit notre homme
Au fleuve dont les eaux baignent les murs de Rome,
Eh bien ! lui dit son compagnon ,
Est-il une riviere et si belle et si grande
Dans ton fameux pays gascon ?
L'autre lui répliqua : Sandis , quelle demande !
Je ne vois là rien de si beau ;
Ce Tibre , mon ami , n'est point une merveilles |
S'il osait se montrer au pied de mon château] ,
Je le ferais mettre en bouteille .
j .
Tome XII.
Par la citoyen GRETRY ,,
ว
93
1
( 32 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Recherches sur les causes des principaux faits physiques , et particulierement
sur celles de la combustion , de l'élévation de l'eau dans
l'état de vapeur ; de la chaleur produite par le fistlement des corps
solides entre eux ; de la chaleur qui se rend sensible dans les décompositions
subites , dans les effervescences et dans le corps de beaucoup
d'animaux pendant la durée de leur vie ; de la causticité ,
de la saveur et de l'odeur de certains composés ; de la couleur des
corps ; de l'origine des composés et de tous les minéraux ; enfin , de
l'entretien de la vie des êtres organiques , de leur accroissement , de
leur état de vigueur , de leur dépérissement et de leur mort ; avec
une planche gravée . Par J. B. Lamarck , professeur de zoologie au
Muséum national d'histoire naturelle ; 2 volumes in - 8º . Prix , 12 l. ,
et 14 liv. franc de port par la poste. A Paris , chez Maradan ,
libraire , rue du Cimetiere - André - des - Arcs , nº . 9.
Cx qui fait la véritable richesse de la physique et de la chymic ,
ce sont les faits bien constatés qui s'y rapportent , et à cet
égard on peut dire que l'énorme quantité de faits , maintenant
connus , forme une masse de connaissances précieuses qui n'est
susceptible que d'être augmentée , puisqu'on peut assurer que
ce qui est reconnu pour vrai dans un tems , ne peut jamais
par la suite passer véritablement faux . Il n'en est pas de
pour
même des connaissances que l'on tire de ces faits , car elles sont
dans le cas d'être abandonnées , eussent elles été adoptées universellement
, dès que d'autres conséquences plus simples et
d'une application plus gónérale sont offertes à l'opinion
publique .
Dans l'ouvrage dont nous allons rendre compte , l'auteur
ne conteste aucun des faits généralement reconnus par les
physiciens et les chymistes . Mais les conséquences qu'il en
tire sont bien différentes de celles qu'on a cru pouvoir tirer
jusqu'à ce jour.
Le premier des deux volumes qui composent l'ouvrage intéressant
dont il s'agit traite uniquement de la matiere du feu ;
matiere dont l'existence n'est point une hypothese , mais est
bien constatée par une infinité de faits qui la démontrent. 11-
paraît , comme le pense l'auteur , que c'est absolument de la
juste connaissance de cette matiere que dépendia toujours celle
des causes de presque tous les phénomenes physiques et chymiques
observés jusqu'à présent.
La nouvelle théorie du feu dans l'ouvrage dont il est main-
⚫ tenant question , semble rapprochée de celle qu'on nomme
théorie du phlogistique ou de Stahl ; mais elle en est bien distinguée
sa ce que l'auteur , reconnaissant dans la nature ce
( 923 )
1
feu dans différens états , lui attribue dans chacun de ces états
des facultés très - particulieres ; facultés tellement différentes
entre elles que les chymistes pneumatiques les out rapportées
à diverses sortes de matieres auxquelles ils ont donné des noms
particuliers .
Le citoyen Lamarck distingue en effet trois états particuliers
dans lesquels la matiere du feu peut être observée ou reconnue
dans la nature ( 1 ) .
1º. La matiere du feu dans son état naturel , c'est - à - dire libre
et non modifiée , pénetre tout , est répandue uniformément
par-tout , forme comme une mer immense au milieu de laquelle
tous les autres corps , l'atmosphere même , sont plongés ; et
sans avoir la faculté de causer la dilatation des corps , ni de
produire la chaleur ; elle constitue , par son extrême élasticité ,
la matiere propagatrice du bruit et du son .
2º . Cette même matiere condensée et fixée dans la plupart
des corps comme principe constituant , y forme par sa présence
, soit les différens degrés d'opacité de ces corps , soit leurs
diverses colorations , à raison de ses différens états de découvrement
, soit enfin toutes les nuances de leur sapidité , s'ils en ont ,
selon l'état d'union des principes constitutifs de ces corps .
3°. La matiere du feu en expansion , c'est - à - dire dans l'état particulier
, ou étant modifiée , mais libre , elle s'étend pour se
délivrer de l'état forcé de condensation dans lequel une cause
quelconque l'avait réduite . Cette matiere fait alors un effort ou
mouvement expansif proportionné à son degré de condensation
. Or , cet effet d'expansion qui la rend repulsive dans toutes
ses parties , et éminemment active , diminue progressivement
à mesure que cette matiere se rarefie ; mais ne s'anéantit ou ne
cesse entierement que lorsqu'elle a repris la varité qui est dans
son essence . is
Tels sont les trois états remarquables dans lesquels la matiere
du feu s'obsérve tous les jours dans les phénomenes naidrels
qui en dépendent ; phenomenes qu'il sera toujours impossible
d'expliquer d'une maniere satisfaisante , selon l'auteur , tant
que ces états particuliers de la matiere du feu ne seront pas
reconnus .
Le feu fixé, dans la théorie da citoyen Lamarck , n'est point
du tout le thlogistique de Stahl , puisque c'est une substance
simple , condensée et enchaînée par l'etat de combinaison , et
ce n'est pas non plus l'air inflammable condensé et fixé dans
les corps , comme on l'a dit ; car l'air inflammable n'est point
une substance simple , mais est un composé susceptible d'être
détruit par la combustion . Ensuite les facultés si remarquables
du feu en expansion ne sont dues qu'à un état passager de la
matiere du feu qui fait effort pour reprendre son état naturel :
(1 ) Le carbone , l'oxygene , le calorique ,
X 8
( 324 )
or , parvenue à cet état , la matiere du feu cesse alors d'être
capable de dilater les corps , de causer la chaleur , de liquefier
les métaux , de vaporiser les fluides , etc. etc. , et rien de cela
n'est connu dans la théorie de Stahl..
Dans la théorie très simple du citoyen Lamarck on n'a plus
besoin de supposer à la matiere du fet un mouvement de
vibration continuel dans ses plus petites parties , ni de supposer
que ses molécules essentielles , en tendant à s'approcher
entre elles par les lois de l'attraction , se repoussent dans leur
plus grand rapprochement pour se rapprocher ensuite et se
repousser de même continuellement et successivement , ni enfin
de supposer que cette matiere est essentiellement répulsive. Si
le feu en expansion a ses parties dans un véritable état de répulsion
, ce n'est que par circonstance et non par essence , et ,
comme on vient de le dire , cet état est passager.
Les facultés de la matiere du feu dans ses différens états et
dans toutes les circonstances étant bien déterminées , les autres
parties de la théorie du citoyen Lamarck deviennent alors trèsintelligibles
, et acquierent même un degré d'évidence qu'aucune
autre ne peut se flatter d'offrir. Aussi , le second volume
qui les contient présente- t- il une suite de considérations nouvelles
des plus importantes à connaître , par exemple , sa belle
théorie des composés qui ont une tendance réelle à effectuer
leur décomposition ; tendance cependant qui , comme enchainée
par l'intimité d'union des principes , n'est nullement effective
dans les uns , tandis que dans les autres elle l'est d'une maniere
éminente ; cette théorie , dis-je , remplace , avec une supériorité
frappante pour l'explication des faits connus , la singuliere
hypothese des affinités chymiques , c'est-à-dire de ce penchant
particulier attribué depuis si long - tems à certaines substances
pour s'unir ou se marier avec d'autres .
Les nouveaux principes de cette théorie des composés offrent
en effet sur la coloration des corps , sur la sapidité plus ou
moins grande de ceux qui en sont doués , et enfin sur les prin
cipaux faits organiques , des considérations piquantes et du plus
grand intérêt , mais qu'il est impossible de faire ici connaître
cause des bornes nécessaires de cette analyse.
+
Le citoyen Lamarck termine son ouvrage en traitant de l'origine
des composés , et particulierement de celle de tous les
minéraux. Il fait voir , contre les idées reçues , que la nature
ne tend nullement à former des combinaisons , et qu'au conraire
elle s'efforce sans cesse de détruire toutes celles qui
existent. Il developpe enfin cette grande idée qui lui est propre,
savoir ; que l'action organique des êtres vivans a seule la faculté
de former des combinaisons directes , et il en résulte que
toutes les substances qui composent le regne minéral sont
produites par les altérations successives qu'ont subies les maieres
composées qui ont fait partie des êtres vivans , et qui se
sont trouvées abandonnées au pouvoir de la nature.
( 325 )
Conclusion . Cet ouvrage intéressant par son objet , et véritablement
piquant par la nouveauté des considérations qu'il
renferme , présente sur les causes des principaux faits connus
en physique et en chymie uue théorie nouvelle , générale , et
par-tout liée dans ses principes . A la vérité , cette théorie s'éloigne
à beaucoup d'égards de la théorie pneumatique que la
plupart des chymistes modernes ont adoptée . Mais cette considération
doit- elle faire rejetter sans examen la nouvelle qui est
exposée dans cet ouvrage ? Non , sans doute ; il suffit que cette
derniere présente une nouvelle occasion de considérer les faits
connus , et d'en expliquer les causes , pour que l'intérêt de la
science exige qu'on l'examine , qu'on en discute le fondement
et la dépendance des principes , qu'on la compare aux autres
théories connues , qu'on recherche laquelle est la plus générale
et la moins compliquée , et qu'après un examen suffisant
on réfute celles qui méritent de l'être .
11 résulte encore de la nouvelle et sublime théorie de cct
ouvrage profond , toujours appuyé sur le raisonnement le plus
lumineux et sur l'expérience la plus exacte , que de toutes
parts la nature présente une succession alternative de vie et
de mort , de formation et de destruction , de mouvement et
de repos effectifs . L'auteur y démontre sensiblement que les
frottemens ou les chocs de deux corps solides l'un contre
l'autre occasionnent de la chaleur , et souvent font paraître
une matiere active , qui appliquée à de certains corps les détruit
en peu de tems ; là , un degré de chaleur déterminée ,
communiqué à tel ou tel fluide , le vaporise et le fait exhaler
dans l'air ; d'un autre côté , telle substance se trouve en contact
avec tel ou tel corps , produit sur-le-champ des phénomenes de
destruction , occasionne des combinaisons nouvelles , et donne
lieu à une chaleur qui se manifeste sans avoir été communiquée
; en un mot , tout ce qui est à la portée de nos sens nous
présente perpétuellement , et dans les relations des substances
simples entre elles , et dans les facultés des composés qui
existent , des faits qui la plupart paraissent inconcevables , mais
qui étant soumis à des lois fixes et constantes , nous laissent
toujours l'espoir d'en découvrir la véritable origine.
On sent l'importance de l'étude de ces faits et de la recherche
des causes qui les occasionnent constamment. La connexion
de l'homme avec tous les corps et les êtres au milieu desquels
il se trouve placé ; en un mot , avec tout ce qui constitue la
nature même , est trop manifeste pour que de veritables découvertes
en ce genre ne soient pas les plus utiles des connaissances
qu'il puisse acquérir. C'est sous ce point de vue si inté
ressant qu'il faut considérer l'ouvrage du citoyen Lamarck , et
que l'on doit en recommander la lecture et la méditation aux
hommes instruits , et à ceux qui ne sont point indifférens au
superbe spectacle de la nature et à la connaissance de leur
propre organisation .
X 3
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
Les
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 24 Octobre 1794 .
Es cours de Suede et de Danemarck continuent de jouir dé
tous les avantages commerciaux que leur procure leur neutral
lité armée qu'elles savent faire respecter. Aussi tous les plans
d'amélioration intérieure se suivent - ils avec sagesse et constauce .
Aussi remedie - t - on dans ces deux états à l'infertilité du sol ,
et suit- on avec succès la culture des arts utiles , des sciences
et même des beaux arts ; en un mot , ces deux contrées sontelles
aussi heureuses que le permet la nature du sol et du
climat . Les cabinets de Stockholm et de Copenhague , sentant
bien tout le prix d'une union qui a doublé leurs forces , ont
abjuré toutes les petites jalousies particulieres qui les travail
laient autrefois , pour contracter une amitié vraisemblablement
durable .
Tandis que le ci - devant ambassadeur de France , baron de
Staël , qui depuis a été à Copenhague pour le traité relatif à
la neutralité armée , est à la veille de se rendre en Suisse , afin
d'être à portée de rentrer dans le territoire de la République
Française dès qu'il en recevra l'ordre , le fils du premier ministre
Danois , comte de Bernstorff , vient d'être nommé pour
resider i Stockholm avec le titre de ministre plénipotentiaire.
La flotte danoise est rentrée le 10 octobre dans le port de
Copenhague ; elle venait d'Helsingor où elle s'est séparée de
la flotte suédoise , leur jonction n'étant plus nécessaire pour
assurer le commerce des deux puissances dans un moment où
la mauvaise saison ne permet pas d'en faire beaucoup . Les
troupes de ligne embarquées sur cette flotte vont être mises à
terre pour être exercées après un peu
de repos , en remplaçant
celles qui exécutent dans les environs de la capitale les
manoeuvres d'automne.
Des lettres de Smyrne , en date du 10 septembre , s'expriment
ainsi Depuis quelque tems deux caravelles turques
l'une de 60 canons , l'autre de 40 , sont entrées dans ce port .
Elles n'ont fait jusqu'à ce jour aucune démonstration pour
empêcher la sortie de divers corsaires àrmés par les Français .
On annonçait aussi que des bâtimens turcs devaient croiser
continuellement dans la baye ; ils restent au contraire dans la
rade . Une fregate française , de retour depuis peu dans ce
port , vient d'en sortir de nouveau .
( 327 )
D'autres lettres de la même date , mais venant de Constan
tinople , disent :
Il est arrivé dernierement , en cette capitale , un Français
dont on ignore le nom , mais qu'on soupçonne être un agent
secret de sa République . Quels que soient les desseins de la
Porte, dans les circonstances actuelles , on continue avec la plus
grande activité les travaux , tant dans notre port que dans
tous les chantiers et arsenaux ; on radoube et l'on équipe les
anciens . On vient d'en mettre un sur les chantiers , qui portera
110 canons . Le capitan pacha se trouve actuellement aux Dardanelles
, où l'on construit d'autres vaisseaux de guerre de
diverses grandeurs . L'ordre du grand - seigneur est qu'ils soient
prêts à être employés dès le printems prochain . Des ordres
´semblables ont été donnés aux troupes de terre , qui doivent ,
sous peu de tems , être prêtes à marcher. Les Jannissaires et
autres milices turques se pourvoient de tentes et de tout ce qui
est nécessaire dans les armées ; de sorte que tout paraît annoncer
uue guerre prochaine.
Des bords de la Vistule , 9 octobre . Il y a eu une affaire d'une
grande importance entre les Russes et les Polonais sur les bords
du Bog , près de Brzesc en Lithuanie . Les détails n'en sont
pas encore connus . On sait seulement que le général Suwarow
, après avoir passé le Bog , s'est approché de l'aîle gauche
des Polonais , les a chargés à l'arme branche . Les Polonais ont
été attaqués à dix reprises différentes ; ce n'est qu'à la derniere
qu'ils ont battu en retraite . Le combat a duré hnit heures .
D'après l'acharnement qui a eu lieu de part et d'autres , la perte
a dû être immense . Les Polonais ont perdu la majeure partie de
leur artillerie . Le général Suwarow devait se mettre en marche
pour se porter sur Varsovie . Kosciuszko ayant appris l'événement
de cette affaire , s'est mis en mouvement à la tête d'une
armée considérable pour s'opposer au général russe ; il a passé
la Vistule à Praga , et l'on annonce qu'à son approche Suwarow
à interompu sa marche , et qu'il a même commencé à
rétrogader . Il paraît décidé que dans cette conjoncture , Kosciuszko
va tenter quelque entreprise d'éclat , et l'on s'attend
aux plus grands événemens .
Les généraux Prussiens qui ont rassemblé leurs forces du
côté de la Silésie n'ont encore rien entrepris contre les insurgés.
Jusqu'à présent ils se sont bornés à des préparatifs . Le
bruit court que 20 mille Prussiens vont être rappellés des bords
du Rhin pour s'opposer aux Polonais .
Madalinski a fait enterrer Szekuli avec les honneurs de la
guerre il a donné une sauve- garde à sa fille . Les Polonais
ont trouvé à Bromberg un magasin considérable d'armés . Une
forte contribution a été imposée sur les habitans ; tous les effetsroyaux
ont été enlevés , et les biens de même nature
sequestrés sur-le-champ. Les insurgés poursuivent les débris,
X1
( 328 )
de l'armée de Szekuli : ils se sont emparés de tous les bateaux
qui se trouvaient sur la Vistule . Une de leurs divisions s'est
portée à Gounsko à une lieue et demie de Thorn ,, et paraît
vouloir tenter dans ce lieu la passage de ce fleuve . Déja les
Polonais sont maîtres de sa navigation , à l'aide d'une artillerie
forte , placée sur les hauteurs qui dominent Forsdam , qui
n'est lui-même qu'à quelques heues de Thorn .
La ville de Dantzick est plus que jamais menacée . Les
Prussiens annoncent devoir faire de grands efforts pour la
défendre .
Toute espece de communication entre la Prusse méridionale
et Posen se trouve coupée . Cette ville est entierement
cernée par les Polonais . Par-tout sur leur passage les employés
du gouvernement prusssien prennent la fuite ; lorsque les Polonais
les rencontrent , ils les jettent en prison , ou les emmènent
à lenr suite.
Suivant des feuilles allemandes , plusieurs couriers extraor
dinaires partis de l'armée prussienne sont allés porter au cabinet
de Berlin et à celui de Vienne la nouvelle que Kosciuszko
était tombé entre les mains des Russes , à la suite d'une affaire
sanglante contre eux , où il avait reçu une blessure considérable
à l'épaule .
A en croire ces papiers , Kosciuszko s'était mis en marche
le 10 de ce mois , pour aller à la rencontre du général Su
warow , qui, après avoir battu un corps de Polonois commandé
par le général Sierakowski , le 18 septembre , près de Brzesc
en Lithuanie , se portait sur Varsovie. Aucuns détails ne sont
donnés on se borne à dire que le général Fersen , commandant
un corps d'armée russe , a attaqué Kosciuszko ; qu'il a
été repoussé trois fois , mais qu'à la quatrieme , les Polonais
ons été mis dans une déroute complette . Kosciuszko est ,
dit-on , tombé de cheval après avoir reçu trois blessures .
C'est dans ce moment et au milieu du désordre des siens ,
qu'on prétend qu'il a été fait prisonnier. Les genéraux Kurakowski
, Kamiensky et Sendschwitz sont dits avoir partagé
son sort. L'on ajoute que les Russes , divisés en deux corps ,
l'un sous les ordres du général Repnin , l'autre sous ceux du
général Suwarow , marchent sur Varsovie , au nombre , de
40,000 hommes .
Sans rejetter entierement l'authenticité de cette nouvelle ,
on ne peut s'empêcher de remarquer qu'elle a besoin de confirmatiou
. Il paraît qu'elle a d'abord paru dans les feuilles prussiennes
disposées à recueillir , et peut - être à faire naître des
bruits désavantageux à la cause polonaise , et crues propres à
décourager les insurgés des Prusse méridionale et occidentale.
Elle a été précédée de détails dont l'exagération et la fausseté
ont été dépuis prouvées .
( 329 )
De Francfort-sur -le-Mein , le 28 octobre.
Suivant des lettres de Vienne , le prince de Lichtenstein ,
qui avait été eloigné de toute espece de fonctions publiques ,
et déclaré incapable de succéder à son frere pour avoir été
nommé citoyen Français , vient de rentrer en grace anprès de
l'empereur. Cette circonstance fait naître plusieurs conjectures.
En général on croit , et eela est très - croyable , que l'empereur
est extrêmement fatigué de cette guerre ruineuse . On
ajoute que , dans la derniere conférence avec ses ministres , il
a laissé percer son opinion à cet égard . Ce bruit qu'on se
plaît à répandre , peut - être uniquement parce qu'il est eonforme
au voeu du peuple , a concouru , disent des lettres de
la capitale , en date du 15 , à donner ici un peu de faveur aux
billets de banque , dont le cours a haussé depuis quelques
jours . Suivant ces mêmes lettres , il est arrivé , depuis le 10
octobre , un grand nombre de couriers envoyés par la Czarine ,
pour presser l'Autriche de continuer la guerre contre la
France . Cette princesse offre , à ce qu'on dit , 30,000 hommes
ou 2,000,000 florins . Mais ce ne sont pas 30,000 hommes de
plus ou cette foible somme qui pourraient déterminer l'empereur
, sur-tout s'il est privé de la majeure partie des secours
de la Prusse , trop occupée contre les Polonais pour être
d'une grande utilité à la coalition , dont on ne peut se dissimuler
que la masse tend à sé dissoudre , à en juger par les
nouvelles suivantes de Ratisbonne , datées du 12 octobre :
#
La diete de l'Empire a deféré à la demande de l'empereur
concernant la levée da quintuple contingent. Le décret qui
l'ordonne a passé dans la séance du 13 , après de vifs débats .
L'envoyé de Suede , pour le duché de Holstein , a refusé
formellement d'y accéder. Vingt un autres envoyés re se sont
pas prononcés , sous prétexte qu'ils attendaient des instructions
. Plusieurs se sont excusés sur l'impossibilité où
trouvent les états qu'ils représentent de subvenir à ces dépenses
; d'autres ont demandé des rabais . L'envoyé de l'électeur
Palatin a déclaré qu'on devait s'occuper de chercher les
moyens de faire une paix honorable . Il a été appuyé par les
envoyés de quelques princes .
se
On sait en outre que le roi de Prusse a dû partir le 20 de
ce mois de Postdam pour Hanau où doit se tenir l'espece de
congrès des princes germaniques , pour délibérer sur la situa
tion actuelle de l'Allemagne . Il paraît que Frédéric - Guillaume ,
encore plus las que l'empereur de cette guerre à laquelle il
prend depuis quelque tems le moins de part qu'il peut , préférerait
que l'Autriche réunit ses forces aux siennes pour écraser
les Polonais . Il a même envoyé au jeane François , son
plus habile négociateur , le marquis de Lucchesini qui s'es
abouché avec le ministre des affaires étrangeres baron de Thugu
( 330 )
Il en est résulté l'ordre de mettre toutes les troupes autri
chiennes en Gallicie sur le pied de guerre . Apparemment que
les hostilités ont recommencé , car les Polonais se sont emparés
de 15,000 tonneaux de sel appartenant à l'empereur qui
se trouvaient à Woldaw et de plusieurs magasins destinés pour
ses armées .
Elles n'ont pas plus de succès sur les bords du Rhin ces
armées autrichiennes, qui semblent condamnées depuis quelque
tems à des défaites successives . Les Français paraissent avoir
abandonné le bombardement de Dusseldorf pour se porter
vers Mayence , dont leurs patrouilles commencent à s'appro
cher , et qui n'a encore que le tiers de la garnison qu'elle doit
avoir , les 12,000 Palatins et Hessois , par lesquels on compte
la completter , n'ayant pas encore rejoint les 6,000 Autrichiens
auxquels l'armée prussienne a remis la garde de la
place .
On nous écrit de cette ville , en date du 24 octobre : Aujourd'hui
, au son du tambour , on a publié un ordre portant
que tous les clubistes , de même que tous les mendians étrangers
et gens suspects , aient à évacuer la ville sous 24 heures ;
les clubistes , sous peine de mort ; les autres , sous de dures
peines afflictives . Le gouvernement a en même tems fait défendre
sur la vie de tenir aucun propos de méchanceté , et
de parler de ne pas se défendre ou de se rendre. Les patrouilles
ennemies se sont avancées jusqu'à une licue d'ici .
Des lettres de Suisse , datées de Constance sur les bords du
lac , contiennent les particularités suivantes , qui nous ont paru
très-curieuses :
et
Il y a ici trois sortes d'émigrés ; le plus grand nombre ,
ceux établis les premiers dans cette ville professent le royalisme ,
et sont des membres du clergé et de la noblesse . Parmi eux se
trouvent des ci-devant généraux , des ex - maréchaux - de - camp ,
des ex-chevaliers et des militaires de tout grade. A la tête du
clergé , se trouvent l'ex -archevêque de Paris , et les ex- évêques
de Saint-Malo , de Nisme , de Langres et de Comminge . Cette
elasse forme une colonie de 8 à goo individus , tant hommes
que femmes . Les émigrés de la seconde sorte sont des officiers
qui ont servi dans les armées de la République et ont
accompagné Dnmourier. Le gouvernement les regarde comme
des jacobins , et les a envoyés ici pour qu'ils fussent à portée
d'être surveillés : les émigrés royalistes n'ont aucun commerce
avec eux . La troisieme classe est de nouvelle forma.
tion . Elle renferme les émigrés de Lyon , les marchands qui
sont venus ici avec les débris de leur fortune . Ils sont protégés
, et l'on voudrait les fixes duas le dessein de s'en servir
pour le commerce avec l'Allemagne . Ils ont déja établi des
1 331 )
fabriques de chapeaux et d'ouvrage de broderie , et le gou
vernement voudrait les porter à établir des fabriques de
soierie .
Les émigrés de la premiere classe ressentent , depuis longtems
, les atteintes de la misere . Les fabriques d'ouvrages de
broderie sont venues leur offrir une ressource . Il en est plusieurs
qui y travaillent à 20 et 30 sols par jour .
De la Haye , le 20 octobre..
D'après les dernieres nouvelles d'Amsterdam on y prenait
les mesures nécessaires pour les grandes inondations . Les plus
vigoureuses protestations , les murmures les plus violens se font
entendre , à cause des dommages immenses qui doivent résulter
de ce parti , si ou vient à le prendre.
Chaque jour la cour stadhoudérienne reçoit des avis plus.
propres à accroître ses alarmes . Depuis les dernieres défaites
des armées autrichiennes , qui ont été forcées de
repasser le
Rhin en abandonnaut aux Français toute la rive droite , les
Anglais et les Hanovriens n'ont cessé de battre en retraite ;
ils ont également laissé toutes les positions qu'ils occupaient
dans le pays de Clève et de Gueldre : toute cette contrée se
trouve ainsi découverte . Dès le 7 , Yorck faisait les préparatifs
pour se retirer au- delà du Rhin ; ce jour , ses bagages et sa
grosse artillerie ont passé ce fleuve .
Les secours qu'on espérait tirer des armées alliées deviennent
illusoires , et la Hollande se trouve maintenant abandonnée
à elle - même . Le prince héréditaire s'est rendu à Amsterdam
pour se concerter sur les moyens de défense à employer. Le
stathouder l'y a suivi . Il a dû proposer de recevoir en eette
ville une garnison auglaise .
Dans le moment actuel , on est occupé d'une négociation
d'argent pour le compte des Provinces - Unies . Un emprunt
a été ouvert à ciuq pour cent , taux considérable et même
exhorbitant en Hollande .
Le gouvernement n'a pas seulement les Français à craindre ;
il redoute autant le peuple Hollandais , et sa peur se laisse voir
à découvert dans les actes qui émanent de lui .
Le magistrat d'Amsterdam vient de publier une proclama
tion très-severe contre ceux qu'il dit répandre des bruits insidieux
, ou tendans à alarmer les bons citoyens.
La Frise vient d'envoyer ici des députés . On assuré que
l'objet de leur mission est d'insister sur la nécessité de faire
la paix avec la France .
On transporte en Angleterre des prisonniers de guerre
Français , qui étaient gardés à Viancy , non loin d'Utrecht.
Les Français établissent de nouvelles batteries à Creve
Coeur.
( 332 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne } .
Suite de la séance de sextidi , 16 brumaire .
Lequiaio qui n'avait pu émettre hier son opinion dans la
discussion relative aux jacobins , demande à faire une motion
d'ordre Lorsque la tyrannie royale , existait , a - t - il dit ,
l'influence des représentans du peuple sur une société populaire
et l'influence de cette société sur les représentans , était
nécessaire pour éclairer le peuple , le guider et faire marcher
la révolution. Mais aujourd'hui que le tyran n'est plus , que la
révolution est faite , et qu'il ne nous reste plus qu'à consolider
le systême républicain par de bonnes lois , quel pourrait être
l'effet de cette influence réciproque ? Quel pas pouvons nous
faire en avant , qui ne tende à nous plonger dans le précipice ?
Les jacobins ne seraient que ce qu'ils doivent être , si les représentans
du peuple cessaient de se rendre au milieu d'eux .
Je suis resté tant que je l'ai cru atile à la chose publique ;
anjourd'hui , j'y renonce solennellement. Je demande que
vous défendiez à tout représentant du peuple d'être membre
d'aucune société politique . Le plus honnête d'entre nous
le plus attentif sur lui - même s'expose à s'y faire influencer
par quelque charlatanerie oratoire , et à ne rapportet ici que
l'opinion de la société au lieu de la sienne . Voilà pour l'homme.
de bonne foi .
.
" Calculez ensuite pour celui que l'envie de dominer
dirige , et qui veut arriver à la gloire au moyen d'une tempête
révolutionnaire. Vous sericz comptables envers la nation
de votre insouciance , si vous n'interdissiez à vos membres
l'occasion de ces désordres politiques .
Et qu'on ne dise pas que j'attaque ici les sociétés populaires
je les crois essentielles au peuple et au succès de la
révolution . Mais il faut qu'elles se bornent à leur institution et
qu'elles cessent d'être des actuelles destinées à l'élévation dé
quelques ambitieux . Je conclus donc à ce qu'aucun représentant
du peuple ne puisse être membre d'une société politique
quelconque. "
Laneau : Si j'avais eu à émettre l'opinion de Lequinio , je
l'aurais fait avec sang froid , et je n'aurais pas pâli .... L'Assemblée
est quelque tems agitée . Le président rappelle plu
sieurs membres à l'ordre . Le calme renaît.
Laneau continue : La proposition de Lequinio est atten(
333 )
tatoire aux droits de l'homme . Il vaudrait autant dire que nous
n'avons pas le droit de parler ici.
Le préopinant n'est pas de bonne- foi . Moi , je déclare que
j'ai été aux jacobins ; que je suis jacobin , et que ceux qui ne
sont pas jacobins ne sont pas les hommes de la République .'
Les jacobins sont amis de la justice et de la vertu : ceux qui
leur font la guerre ne sont ni justes ni vertueux .
18 Clauzel Je combas aussi la motion de Lequinio . Il n'est
jamais entré dans l'idée de la Convention d'empêcher aucun
de ses membres d'aller dans une société . Mais , comme je vous
l'ai dit hier , si la Convention ne preuait des mesures fermes
elle serait responsable des agitations perpétuelles dans lesquelles
quatre ou cinq meneurs de cette assemblée entretiendraient
la société des jacobins . "
Clauzel conclut à l'ordre du jour ou au renvoi aux comités
pour présenter les moyens nécessaires .
Duhem : Je provoque l'examen de ma conduite et de mes
opinions par les trois comités . Il y a assez long- tems qu'un
certain nombre d'hommes font peser le soupçon sur la tête des
meilleurs patriotes , pour que ceux - ci aient le droit de demander
justice. Le tyran que vous avez abattu nous assommait avec
une massue de plomb ; mais aujourd'hui on nous tue à coups
d'épingle. Puisqu'on prétend qu'il existe une faction , il faut
avoir le courage de l'attaquer de front. Il faut prouver que moi ,
qu'on a désigné , j'excite à la révolte sinon je déclarerai
calomniateurs ceux qui m'accusent.
" Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on attaque les jacobins :
depuis l'assemblée constituante jusqu'à ce jour , ils ont été en
butte à toutes les calomnies . Et qui scut ceux qui les attaquent !
Ce sont Lequinio , Tallien , Fréton et Dubois- Grancé , qui les
ont épurés . "
Si je les avais éparés , tu n'y serais pas , s'écrie Dubois-
Crancé.
Duhem allait continuer . Bourdon , de l'Oise , sollicite vivement
la parole pour une motion d'ordre .
Il ne faut pas , dit-il , que la Conveution devienne ainsi ,
tous les jours , le jouet audacieux des passions de quelques
hommes . Vous avez des comités : s'ils méritent votre confiance.....
( Oui , oui , s'écrie- t - on . ) Eh bien ! autorisez les à
empêcher les désordres qui ont lieu aux jacobins, et ne donnez
pas le ridicule spectacle d'une assemblée qui se déchire pour
quatre à cinq intrigans de part et d'autre. Je demande que la
Convention toute entiere , plus forte que les passions qui
l'agitent en ce moment , passe à l'ordre du jour . „
L'ordre du jour est décrété .
Le président annonce que douze membres de la société des
jacobins , demandent à présenter une pétition signée individuellement.
L'Assemblée décrete qu'ils seront entendus . Un
instant après ils paraissent,
( 334 )
L
L'orateur : Les citoyens soussignés de la société des jaco
bins , inviolablement attachés à la Convention nationale , seul
centre du gouvernement out été profondément affligés de ce
que plusieurs citoyens de cette société ont été dénoncés publi
quement.
"
" Un membre du comité de sûreté générale a dit qu'il existait
une correspondance entre les jacobius et un comité d'émigrés
en Suisse. Cette dénonciation n'est pas du nombre de
celles qu'on peut mépriser.
" Nous espérons que la Convention ordonnera qu'il lui
soit présenté an rapport à ce sujet . S'il y a parmi nous des
hommes criminels , qu'il en soit fait justice si l'imputation est
sans fondement , que la Convention le déclare publiquement. ››
Suivent les 12 signatures .
:
Clauzel: Les représentans du peuple qui émettent , dans
le sein de l'Assemblée , une opinion , n'en doivent compte
qu'à la Convention ; cependant comme on pourrait induire
de mon silence , que j'ai voulu abuser l'Assemblée , je dois dire
que je me suis fondé sur une lettre parvenue au comité de
sûreté générale , et venant d'un pays où il existe un ministre
anglais , Fitz - Gérald , qui , d'accord avec les Lameth et les
autres émigrés , a declaré qu'il fallait diviser la Convention
nationale avec les sociétés populaires , et pour y faire faire
des motions ridiculement exagérées , y faire dire à un homme
que , s'il était soutenu par quatre autres qui eussent son courage
, la Convention serait écrasée ; y faire dire qu'on est sur la
brêche , etc.
,, Vous pensez bien que le comité d'émigrés n'est pas assez
dépourvu d'esprit pour entretenir des rélations avec tous les
membres de la société des jacobins . Mais nous avons vu s'exécuter
ce qu'ils y avaient annoncé . ",
-L Maure Les membres de la société des jacobins ne sont
pas venus vous demander de compte ; mais ils demandent que
la Convention sépare l'alliage qu'il peut y avoir parmi eux .
Cette correspondance avec les émigrés existe ou non il faut
un rapport. Et comme la pétition ne contient rien qui ne soit
dans les principes , j'en demande l'insertion au bulletin . "
Rewbell : Il doit exister la même égalité pour les
jacobins que pour les autres citoyens ; en conséquence , nous
ne devons pas nous en entretenir plus long- tems . Où en seriezvous
, si chaque citoyen inculpé venait à la barre vous demander
un rapport ? Je conclus à l'ordre du jour sur le tout . " Adopté.
Sur la motion de Tallien , les comités feront , dans le delai
de 3 jours , un rapport général sur les détenus impliqués dans
l'affaire du 9 thermidor. Il croit que le plus grand nombre a
été égaré , et que c'est sur tout les chefs de la conspiration qu'il
faut frapper.
La commission des Colonies propose de mettre , en liberté
provisoire , Page , Brusley , Raymond , Larchevesque - Thibaud
( 335 )
et Millet , se disant commissaires civils de Saint- Domingue?
Plusieurs membres demandent l'ajournement de ce projet.
D'autres observent que Santonax et Polverel jouissent de leur
liberté , quoiqu'il y ait eu contr'eux un décret d'accusation ,
et qu'on ne doit rien préjuger dans l'affaire des Colonies .
Garnier de Saintes ) dit : La justice veut que Santhonax
et Polverel soient réincarcérés , ou que leurs accusateurs soient
remis en liberté . ,,
La proposition de la commission des Colonies est adoptée .
Séance du septidi , 17 Brumaire.
PRESIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris ) .
Clausel , au nom du comité de sûreté générale , donne
lecture d'une lettre du représentant du peuple , Cales , envoyé
dans le département de la Côte - d'or. Il annonce que la ville
de Dijon a éprouvé les effets de la terreur comme toutes
celles de la République . Il s'y est commis des fautes , des
horreurs , des injustices et des crimes , mais heureusement
c'était l'ouvrage de peu de personnes. La société populaire
faisait tout trembler , corps administratifs , citoyens , districts
voisins , tout était soumis à ses lois , et trois ou quatre hommes
lui en donnaient à elle -même . Cette société et la municipalité .
ne faisaient qu'un même corps ; les lois étaient méconnues ou
méprisées ; on arrêtait et détenait arbitrairement les citoyens
et les voyageurs ; on faisait plus , on mettait hors de la loi par
arrêté de la municipalité ; on avait créé une armée révolutionnaire
qui coûtait 6,000 liv. par mois ; les ouvriers qui la composaient
ne travaillaient plus , leurs occupations étaient de remplir
les tribunes du club . Tandis que les citoyens vivaient
dans les pleurs et les larmes , les chefs de cette faction faisaient
des festins scandaleux ; on mettait sur la liste des émigrés des
citoyens qui n'avaient jamais émigré , et on les empêchait d'avoir
des ceruficats de résidence . Le représentant du peuple a cassé
cette armée révolutionnaire , a fait arrêter Delmasse , chef du
bureau des émigrés , et s'occupe à tout réparer et à tout épurer.
Il termine en disant que Dijon était l'intermédiairo qui
liait Marseille et Paris ; on a vu la cabale lire les lettres de.
cette ville , et les jetter au feu .
Goupillean , envoyé dans les départemens de Vaucluse , du
Gard , de l'Hérault et de l'Aveyron donne des détails satisfaisans
sur l'esprit qui y regue . Il en est de même dans les
départemens du Nord et du Pas de Calais où se trouve le représentant
du peuple , Berlier. Plus de tyrannie , plus d'arbitraire ,
guerre aux aristocrates reconnus et aux fripons ; voilà l'espiit
public.
Sur le rapport de Robeijot , au nom du comité d'agricul
ture i la Convention a rapporté l'article III du decret du
( 336 )
15 nivôse qui défendait , sous peine de confiscation et de
quatre années de fers , de préparer le cuir de veau à la maniere
dite anglaise.
Raffron se plaint des lenteurs de la commission des vingt-un .
Y a -t-il des preuves des faits qu'on impute à Carrier , ou n'y en
a-t -il pas ? Tout le travail de la commission se réduit à cet
examen ; faut- il donc tant de tems ? Raffron demande que la
Convention enjoigne à sa commission de faire son rapport
depuis long- tems attendu . Il faut enfin faire cesser les inquiétudes
du public , et éclaircir teus les soupçons .
C'est sans doute , dit Bourdon de l'Oise , un spectacle bien
touchant de voir un homme , dont la carriere est presque
achevée , s'indigner contre le crime , et réclamer son châtiment.
Mais il ne faut rien précipiter ; la commission travaille
jour et nuit à son rapport ; si Carrier est coupable qu'il boïve
l'ignominie à longs traits ; chaque jour de sa vie est déja un
supplice pour lui . Il est là , ne craignez pas qu'il s'échappe i
la loi saura bien l'atteindre. Bourdon demande l'ordre du
jour ; il est adopté .
Cambon annonce à la Convention et prévient tous les citoyens
que la malveillance profite de la discussion sur les moyens
de tirer des assignats de la circulation , pour répandre que l'on
veut démonétiser les premiers assignats républicains qui ont
été émis . Le comité des finances a cru qu'il était nécessaire de
prémunir l'opinion contre un tel projet de démonétisation .
Le dire de Cambon sera inséré au bulletin .
Sur la proposition de Dufay , appayée par Bourdon ( de
l'Oise ) , la Convention nationale décrete que tous les Colons
des isles françaises seront mis en liberté , excepté ceux qui
composaient le club de l'hôtel Massiac .
Bréard annonce le retour à Toulon de l'escadre française
bloquée au golfe de Juan .
Robert Lindet remet à la discussion le projet de décret sur
le maximum du prix des grains. Il proposait , par le 1er . article .
de le porter à la moitié en sus du prix de 1790 .
Réal et d'Artigoyte font sentir combien cette mesure serait
nuisible à l'agriculture dans tous les départemens méridionaux
où les semences se vendent de gré à gré de 60 à 70 liv . le
quintal. Les terres dans ces pays de petite culture ne produisent
que le 3 ou 4 pour 1 ; de sorte qu'en augmentant seulement
de moitié en sus du prix de 1790 , le cultivateur serait
en perte. Sur la proposition de d'Artigoyte , le maximum est
porté à deux tiers au lieu de moitié en sus de 1790 .
Séance d'octidi , 18 Brumaire.
Dès le commencement de la séance , le bruit s'était répandu
que Mastricht était pris . La joie était peinte sur tous les visages .
Richard monte à la tribune ; les plus vifs applaudissemens l'y
accompagnent, Il annonce que Mastricht est au pouvoir de la
République.
( 337 )
République. Toute la Convention s'éleve aux cris de vive la
République, et de nombreux applaudissemens expriment la
satisfaction générale .
Richard annonce ensuite la prise da fort de Rhinfeld par
l'armée de la Moselle . ( Vayez Nouvelles officielles . ) L'Assemblée
décrete que les armées de Sambre et Meuse , de la Moselle ,
ne cessent de bien mériter de la patrie.
"" ་ ་་་
Sur la proposition de Richard , la Convention autorise le
comité de salut public à envoyer deux représentans du peuple
en mission secrette .
On reprend la discussion sur la suite du maximum . Nous
donnerons le décret lorsqu'il sera complet .
Deux propositions faites , l'une par Cambon , l'autre par
Duhem , ont produit une grande agitation dans l'Assemblée .
Cambon pensait que l'augmentation du maximum devait en
produire une pour les rentiers et les fonctionnaires publics
qui , ayant un revenu ou traitement fixe ne peuvent plus subsister
per le renchérissement progressif des denrées . Duhem
voulait que cette indemnité ne regardât que la classe de ceux
dont le revenu est au dessous de 2000 liv . Il demande aussi le
rapport du décret qui ordonne la retenue du cinquieme sur les
rentes au -dessous de 2000 liv.
On demandait le renvoi du tout au comité de finances
lorsqne Tallien réclame la parole et soutient qu'il y a de la
perfidie dans cette discussion. Cambon se précipite alors à la
tribune. Il justifie sa motion en disant que s'est un acte de
justice. Il faut que personne ne souffre dans le nouveau
systême ; il faut rendre à toutes les classes de la société comme
aux agriculteurs , les droits qu'on ne peut leur ravir . Il s'attend
' bien que Tallien et les autres faiseurs de libelles le déchiréront
dans leurs pamphlets périodiques ; mais il ne craiut rien , sa
conduite a toujours été pure . Qu'on aille à la trésorerie , on y
trouvera tout dans le plus bel ordre. Il reproche ensuite à
Tallien d'avoir trempé ses mains , du moins par ses opinións ,
dans les massacres du 2 septembre ; d'avoir , lorsqu'il était à la
commune , donné sa griffe pour faire payer une somme de
1,500,000 liv. , dont la destination le ferait rougir ; d'avoir
défendu le brigandage , lorsque lui Cambon défendait les
propriétés. Il accuse Tallien d'avoir méconnu l'Assemblée en
disant : Vous avez beau décreter , la commune n'exécutera pas . Ces
mots sont consignés dans les procès - verbaux ; d'avoir administré
à Bordeaux , et de n'avoir renda aucun compte...........
Ce n'est pas , dit Tallien , sur ce qui m'est personnel que je
prends la parole , mais sur la proposition de Cambon ; je la
trouve inconvenante et impolitique Tout le monde sent la
nécessité de diminuer la masse des assignats ; silon augmente
les dépenses de l'état , n'est-il pas vrai que l'on augmente le
nombre des assignats , et par suite le prix des denrées . Il appuie
la proposition de Duhem , et pense qu'on aurait du aller plus
Tome XII.
dû
Y
( 338 )
loin , et qu'il fallait dispenser de l'imposition des citoyens qui
n'ont qu'une petite rente ou qu'une petite pension. Il ne s'occape
point ici des injures ; lorsque la Convention voudra
entendre les dénonciations , il prend l'engagement de répondre
à tout. Il ne demandera pas des délais éternels et il insiste
pour qu'on examine sa conduite . Lorsqu'il écrit , il signe , et
il est toujours prêt à donner à ceux qui se prétendent inculpés
tous les moyens de justification possible.
•
Une voix crie : Tu es donc le censeur de la Convention ; une
autre : Sommes- nous sous la domination des libellistes.
Goupilleau de Fontenai ) trouve que c'est professer un
étrange principe , lorsqu'on dit à cette tribane : Pourquoi
les individas qui se prétendent inculpés ne m'envoient- ils pas
lear justification ? De quel droit un individu vient-il s'ériger
en tribunal universel. Un représentant doit être au comité
ou à la Convention , et lorsqu'il n'est pas à l'un ou à l'autre de
ces deux postes , il doit s'occuper à méditer les objets qui
y seront discutés , mais il ne doit pas faire un vil trafic dans
des journaux , ni calculer si , en disant du mal de tel ou tel
individu , il vendra 6000 feuilles de plus que s'il n'en parlait
pas. Il demande que la Convention renvoie à l'examen des
trois comités la question tant de fois débattue , de savoir si
an representant du peuple peut être en même tems journaliste.
Les débats deviennent très - vifs . Bentabolé réfute la motion
de Goupilleau. L'effervescence se prolonge ; un grand nombre
demande la levée de la séance , d'autres l'ordre du jour. Clausel
déclare que Goupilleau demande lui - même l'ordre du jour sur
a proposition. L'Assemblée passe sur le tout.
Séance de nonidi , 19 Brumaire.
Pelet , au nom du comité de salut public , annonce l'entrée ,
dans les ports de la République , de différentes prises faites sur
les ennemis ; leur cargaison est très -précieuse .
i
Organe du comité d'instruction publique , Lakanal soumet
à l'Assemblée le choix des instituteurs qui doivent remplir
Ies fonctions des écoles Normales . Ce sont les citoyens Lagrange
, Charles Bonnet , Bertholet , Garat , J. H. Bernardin-
Saint-Pierre , Daubenton , Hauy , Volney , Siccard , Monge ,
Thouin , Hallé. L'Assemblée approuve cette nomination .
Johannot propose , au nom des comités de salut public ,
de commerce et des finances réunis , un projet de décret qui
tend à ne plus donner suite aux décrets relatifs au sequestre
des biens des sujets des puissances avec lesquelles nous sommes
en guerre , et à rembourser à ceux qui ont fait le dépôt les
sommes versées à la trésorerie nationale en conséquence de
ces décrets .
Monnot , Bourdon ( de l'Oise ) , Cambon et Barrere combattent
ce projet , et prouvent que ce projet ne pourrait
( 339 )
.
profiter 1°. qu'aux émigrés sans ressource dans foutè l'Europe
, et qui mettent leurs perfides espérances derriere de
prétendus avantages du commerce ; 2 ° . aux puissances à qui
☎l faut du numéraire pour solder leurs troupes , qui n'en ont
plus et qui pourraient s'en procurer par ce moyen ; 3 ° . enfin
aux agioteurs de toute espece qui nous ont fait au moral
comme au physique , le plus grand mal , et avili le plus
qu'ils ont pu le signe national . Mais comme Johannot avait
proposé d'accorder aux négocians une prime d'eucouragement,
et Cambon que le dépôt tenant à l'égard des Anglais , des
Hollandais , des Espagnols , etc. soit levé pour tous les étrangers
des pays où les armées de la République sont entrées ;
Barrere demande le renvoi de ces deux propositions , pour
être mûries par les comités , et la question préalable sur le
projet de décret. Adopté.
-
--
t
Séance de décadi , 20 Brumaire.
--
On fait lecture d'une pétition de trois jeunes gens de Laon ,
département de l'Ain , qui se plaignent d'avoir été persécutés .
Ce sont d'excellens patriotes , dit Lejeune , que les enne
mis du peuple poursuivent. Puisqu'on assasine les patriotes
à Paris , s'écrie Duhem , on peut bien les assassiner ailleurs .
Ce début , qui annonçait une séance orageuse , était relatif
à ce qui s'était passé la veille aux jacobins , où le peuple
s'était porté en foute et avait trouble leur séance.
Duhem dénonce ce qu'l appelle le siége et le bombardement
des jacobins ; il en attribue la cause aux pamphlets de
Fréron et de Tallien , et à ce qu'un membre de cette Assemblée
avait parlé d'une correspondance entre les émigrés en
Suisse et quelqoes membres des jacobins. Il accusé les comités
de gouvernement de n'avoir pas mis assez d'activité
pour réprimer ce mouvement , et de les avoir laissés en proie
à toutes les furenrs des contre- révolutionnaires .
Bourdon de l'Oise ) dément ces faits . Clausel atteste
qu'aussi -tôt que les comités furent instruits de ce rassemble
ment , ils ordonnerent à la force armée d'engager le peuple
à se retirer , et arrêterent que trois membres de chacun des
comités monteraient à cheval pour se porter sur les lieux .
Duroi , dans un très - long discours souvent interrompu ,
parle contre le modérantisme , et se plaint qu'on vexe les
plus ardens patriotes , et finit par demander que , séance tenante
, et par appel nominal , on renouvelle le comité de
sûreté générale.
Clausel demande que Rewbell , qui présidait les quatre
comités , rende compte des délibérations qui y ont été prises .
Rewbell , qui était à la tribune depuis long - tems , demande
la parole ; on s'y oppose ; quelques membres s'agitent violemment
; elle lui est accordée .
44 ,Citoyens , dit - il , hier la séance du comité de sûreté
( 340 )
générale s'était prolongée jusqu'à 5 heures ; mais au premier
avis du trouble qui se manifestait , tous les, membres se réu
nirent , et à S heures tous étaient à leur poste . Ce n'est
pas moi que les quatre comités ont choisi pour être leur or
gane ce ne sera donc pas un rapport que je vais vous faire ,
mais simplement un récit des faits et le résumé des opinions
qui ont été émises dans les comités lorsque je présidais .
" Un membre de cette Assemblée a dit aux jacobins que,
les partis étaient en présence ; je crois qu'il s'est trompė ; il
n'y a qu'un parti en France , celui qui veut sauver la République
( Vifs applaudissemens .. — Oui , oui , s'écrie - t-on de
toutes parts. ) Comme il n'y a qu'un parti , il ne doit y avoir
qu'un seul cri de ralliement , et ce cri de ralliement doit
être vive le Peuple ! vive la République vive la Convention.
nationale ! On applaudit . ) Tout autre cri qui servirait de
ralliement à une faction n'est qu'un cri de révolte , un cri de
guerre civile : c'est d'après ce principe que vos comités se sont
conduits , vous allez les juger.
99 Les yeux les moins exercés à la tactique des factions de
vraient s'appercevoir que ce qui se passe en ce moment n'est
qu'une suite et une conséquence de ce qui a lieu depuis 15 mois
Avez-vous donc oublié que le but des hommes qui sont venus.
ici commander à la Convention , et lui faire des demandes
qui ont conduit plusieurs de ses membres à l'échafaud , était
d'avilir la représentation nationale , pour être les dominateurs
de la France : ce fait existe . 19
+
Duhem : C'est au Palais - Royal" qu'on avilit la Convention
nationale. 2
Rewbell : Oui , je suis sur la brêche , ma vie est à la pa
trie , je l'offre ; mais avant de la perdre , j'aurai le courage de
dire toute la vérité. ( Vifs applaudissemens. ) Où la tyrannie
s'est- elle organisée , où a - t- elle eu ses suppôts , ses satellites ?
c'est aux jacobins . Qui a couvert la France de deuil , porté
le désespoir dans les familles , peuplé la République de bastilles
, rendu le régime républicain si odieux , qu'un esclave
courbé sous le poids de ses fers eût refusé d'y vivre ? les jacobins
. ( Vifs applaudissemens. ) Qui regrette le régime affreux
sous lequel nous avons vécu ? les jacobins . Si vous n'avez pas
le courage de vous prononcer en ce moment , il n'y a plus
de République , parce que vous aurez des jacobins . ( Nou
veaux applaudissemens . )
Gaston Je déclare pour le salut de la République.........
( Grand bruit. )
Plusieurs voix : La parole est à Rewbell .
mais que cha
Rewbell Sans doute il est des aristocrates ,
cun de nous descende dans sa conscience , qu'il jette un coupd'oeil
sur l'intérieur de la République , il verra que ceux qui
dans les départemens font les patriotes les plus exagérés ,
étaient aristocrates au commencement de la révolution. ( On
( 341 )
applaudit. ) Etait- ce les aristocrates , à la maniere de certaines
gens , qui , dans la nuit du 9 au 10 thermidor , conspiraient
contre la République ? Etait ce les aristocrates qui , dans cette
nuit célebre , remplissaient les tribunes et des jacobins et de
la commune rebelle ? Etait- ce les aristocrates qui voulaient
assassiner la représentation nationale ? Etait- ce les aristocrates
qui voulaient dominer pour se gorger d'or ? Non , c'étaient
les jacobins . ( On applaudit. )
-Pouvez vous vous dissimuler , sans passer pour des lâches ,
que le systême qui existait aux jacobins avant le 9 thermidor,
ne soit le même que l'on suit maintenant ? Quel est le jacobin
rebelle qui soit tombé sous le glaive de la loi depuis le 9 thermidor
, si ce n'est le vice- président ? S'il y avait un président
aux jacobins dans la nuit du 9 au 10 thermidor , il y avait
aussi une assemblée ; pourquoi avoir puni l'uu et faire grace
aux autres ? Quelles sont maintenant les tribunes des jacobins?
les mêmes du 9 thermidor : elles sont composées de furies
de guillotine ( on applaudit ) , qui ne font d'autres métiers que
de les remplir , et de venir assiéger celles de la Convention
nationale ( on applaudit ) , dans l'espoir de comprimer le
courage des. gens de bien ; mais elles ne réussiront pas . ( On
applaudit. ) Souffrir que de misérables factions se mettent audessus
de la Convention nationale ! quelle honte pour nous !
Depuis quelque tems , des gens soudoyés par la faction se
mêlaient aux groupes , et affectaient de se mettre en opposition
avec la Convention nationale , pour sonder l'opinion pu
blique le premier jour , ce petit manége leur a réussi ; mais
le secoud jour , le peuple avait ouvert les yeux , et les battans
ont été battus. ( On rit . ) Alors , grand bruit ; ils ont dit
tout était perdu , parce que des jacobins avaient reçu quelques
coups de bâton . ( On rit.et on applaudit . ) Ce qu'on faisait
il y a quelques mois , se répete aujourd'hui : des gens sans
aveu se mêlent dans les groupes et , je ne sais pourquoi ,
crient les uns Vivent les Jacobins ! et les autres : Vive la Convention
! $ 1
Duhem : C'est faux ( Bruit . )
-Plusieurs membres : C'est vrai.
-
que
Rewbell est interrompu , et a beaucoup de peine à continuer.
Il ajoute qu'il est prouvé que dans des groupes on a
maltraité des citoyens qui criaient : Vive la Convention ! et que
d'autres individus substituaient à ce cri celui de vivent les jacobins
! A bas la Convention ! Les mesures sont si bien prises par
les comités que les malveillans ne réussiront en rien . Les
comités ont senti la nécessité d'arrêter les funestes effets de la
calomnie , par laquelle on voudrait nous traîner d'anarchie en
anarchie an royalisme . Ils ont arrêté que les séances des jacobins
seraient provisoirement suspendues jusqu'à ce qu'il en
soit autrement ordonné par la Convention ; le rapport est
prêt , et ils y joindront un projet de décret sur la calomnie.
J
Y3
( 34 )
Après beaucoup d'agitations , le tout est renvoyé aux quatre
comités reunis pour en faire un prompt rapport , et la séance
est levée .
Séance de primedi , 21 Brumaire .
Une députation de la section des amis de la patrie vient
demander vengeance des attentats commis contre plusieurs
membres de la société des jacobins et des tribunes .
P Duhem , Lejeune , Fayau , Audouin et plusieurs antres demandent
l'insertion au bulletin et la mention honorable .
Baraillon , le renvoi aux quatre comités . Ce renvoi est décrété
à une grande majorité . Alors des cris se font entendre d'une
partie de la salle pour demander l'appel nominal . Duhem ,
Barrere , Billaud-Varennes et plusieurs autres se précipitent au
bureau pour s'inscrire . Après beaucoup d'agitations , Boudin
/ annonce que la commission des vingt- un demande à être entendue
. On réclame encore l'appel nominal ; mais Romme
monte à la tribune ; le calme renaît peu à peu , et le rapport
commence.
Après avoir entré dans les détails de la marche suivie par la
commission dans cette affaire , le rapporteur énonce les faits
contenus dans les pieces et déclarations qui ont été remises à
cette commission par les trois comités réunis en voici le
précis.
Il résulte que Carrier en arrivant à Nantes est prévenu d'avoir
vomi des imprecations contre tous les habitans de Nantes ,
sur-tout contre les riches négocians ; d'avoir ordonné leur
arrestation , ou sinon de les faire décimer et de les faire fasiller ;
d'avoir tout fait pour exciter des émeutes dans cette ville , et
la mettre en état de rébellion ; d'avoir traite Nantes de repaire
de la Vendée ; d'avoir donné le signal de proscription contre
les riches de cette ville ; d'avoir fait fouiller dans leurs comptoirs
d'avoir donné ce signal , le sabrè à la main , dans la
société populaire ; d'avoir dit à table , avec sept à huit de ses
confidens : Qu'il aurait voulu voir Nantes en contre - révolution
, afin de la déclarer en état de rebellion ; d'avoir dit an
comité révolutionnaire de cette commune que 500 têtes devraient
être à bas , tandis qu'une seule n'était pas tombée ;
d'avoir mis des fonds considerables à la disposition de la municipalité
de cette ville ; d'avoir fait arrêter tous les courtiers ,
les vendeurs et revendeurs de denrées de premiere nécessité ,
sans donner les moufs de leur arrestation ; d'avòir» maltraité
de la maniere la plus insolente des bateliers qui venaient réclamer
la levée de l'embargo mis sur leurs bateaux ; d'avoir
voulu jetter au feu un juge de paix , pour n'avoir pas voulu
faire une levée illicite de scellés ; d'avoir reproché à Goullin
que le comité révolutionnaire ne prenait que des demi-mesures ;
d'avoir été invisible pour la société populaire et les corps ad-
- ministratifs ; de n'avoir été visible que pour état-major ; d'avoir
1343 )
maltraité un nommé Champenois qui venait lui demander le
complément des corps administratifs , et qui lui parlait en
homme libre ; d'avoir renvoyé durement et menacé de mort
une députation des Rosiers qui venait lui demander des subsistances
; d'avoir reçu les députés de la société populaire et
des corps administratifs à coups de poing et de sabre ; de
n'avoir jamais voulu entendre de renseignemens sur la guerre
de la Vendée ; d'avoir dit à ses gardes pourquoi ils n'avaient
pas frappé de la bayonnette un homme qui venait lui deman
der du pain ; d'avoir , sur la pétition d'une commune de la
Vendée , écrit au général Hatsa d'enlever tout ce qui s'y trou
verait , parce que c'était l'ordre de la Convention de livrer
aux, flemmes toutes les habitations de ce pays , et d'en exter
miner tous les habitans . ( Murmures . )
Ici le rapporteur donne lecture d'une lettre , d'après laquelle
on n'osait ni se plaindre ni parler à Nantes , où les patriotes
étaient comprimés . Cette lettre l'accuse d'avoir fait partir de
Nantes un convoi considérable de grains , sous l'escorte de
15 hommes , malgré les plus vives représentations ; ce convoi
a été pris par les brigands , et les conducteurs ont eté égor
gés ; d'avoir voulu frapper de son sabre un citoyen qui venait
réclamer auprès de lui , au moment où il était au coin du fen
avec deux dames ; de s'être fait approvisionner à tout prix
avant l'heure du marché ; d'avoir voulu jetter à la tête d'un
citoyen un chandelier , parce qu'il venait demander qu'on ne
fit point partir un détenu malade ; de n'avoir jamais paru à
la société populaire que le sabre à la main ; de n'être jamais
sorii de la banlieue de Nantes , et de n'avoir pas osé se montrer
à la tête des armées ; d'avoir fait rapporter , le sabre à la
main , plusieurs arrêtés de la société populaire ; de n'avoirjamais
voulu entendre le rapport qu'on lui faisait sur la guerre de la
Vendée , Et ici le rapporteur donne lecture de deux lettres de
la société populaire de St. - Vincent . Ces lettres lui reprochent
l'insouciance qu'il mettait à terminer cette guerre , et la maniere
atroce dont il recevait les déclarations des patriotes à ce
sujet. Ces lettres portent encore , que si Carrier eût voulu
écouter des conseils , il eût été facile de prendre Charette et
son état-major.
Une lettre de Tours accuse aussi Carrier de dureté envers
d'excellens patriotes et des officiers municipaux qu'il faisaie
emprisonner ; d'avoir négligé ce qui regardait les charrois militaires
, et d'avoir menacé de la guillotine les directeurs qui
manquaient de tout pour réparer le mal . Carrier est accusé
d'avoir mis sous la direction du comité révolutionnaire de
Nantes la compagnie dite de Marat, organisée par son collegue
Francastel et lv , pour en imposer aux malveillans ; d'avoir
arrêté que chaque membre de cette compagnie serait payé
10 liv, par jour , et de l'avoir autorisée à faire , sous l'inspection
du comité , des visites domiciliaires 1 , à enfoncer les portes
Y 4
( 344 )
de ceux qui se refuseraient à ces visites , et à les traiter comme
rebelles ; d'avoir confirmé des arrêrés de ce comité , contre
les hommes opulens de Nantes , sous pretexte qu'ils étaient
de connivence avec les rebelles . Un de ces arrétés portait
que tous ces hommes inscrits sur une liste particuliere , seraient
arrêtés , conduits à Paris , et que s'ils murmuraient
en route , on les fusillerait .
Un nommé Lebattéux s'était mis à la tête d'une armée révolutionnaire
sans aucun pouvoir. Cet homme levait des
contributions , pillait et dévastait tout. En vain les administrations
en firent des reproches à Carrier , il leur répondit
d'agir de concert avec lui . Malgré la loi du 14 frimaire qui
détruisait les armées révolutionnaires , cet homme n'en était
pas moins à la tête de son armée . Il se faisait livrer des prisonniers
et les faisait fusiller . Il fut enfin arrêté par ordre du
représentant Tehouart. Carrier le fit mettre en liberté , et par un
arrêté le recommanda à toute la France ; il défendit même
l'obéissance an représentant ci- dessus , qu'il désignait comme
un contre - révolutionnaire ; et Lebatteux revêtu de peunoirs
par Carrier fit alors fusiller sans jugement.
Le rapporteur fait part ensuite des faits déposés au tribunal
sur sur les noyades des femmes grosses et des enfans , etc.
( On a vu ces faits successivement dans les séances du tribunal
révolutionnaire que nous avons données . Le rapporteur
it une lettre du représentant Bô , d'après laquelle il invite le
tribunal à lui faire part des dénonciations qui pourraient
avoir lieu contie Carrier , et qu'il y répondra.
D'autres pieces accusent Garrier d'avoir fait noyer des
femmes prévenues d'inconduite , et entr'autres trois belles
femmes qu'il avait séduites . ( Violens murmures . }
Une déposition d'une citoyenne excite sur- tout l'indignation.
Son frere était en état d'arrestation ; elle va chez Car-
Hier savoir quel est le sort de son frere . Quel âge a-t-il ?
dit celui- ci . 36 ans . Il est bon à foutre à l'eau- ; il faut
qu'il périsse , et les trois quarts des autres avec
lai .
Cette femme se jette à genoux et réclame le jugement de
son frere : C'est moi qui l'ai prononcé , répond Carrier , et
si tu raisonnes , tu iras aussi ( murmures violens ) , et il la
congédie en la frappant de fourrean de son, sabre . Il la rappelle
et lui dit que , si elle veut satisfaire sa passion , elle
aura son frere. Cette femme répond qu'elle ne connaissait
que l'honneur. Elle demande avec instance la permission de
voir son frere . Carrier ta renvoie au comité . Au comité on
Jai dit que son frere était à l'entrepôt , et qu'il allait être conduit
à Paimbeuf. Elle apprend qu'il va partir. Elle retourne
auprès de Carrier , lui demander la permission de donner à
son frere de quoi vivre pendant la route . Celui - ci lui répond
qu'il n'a besoin de rien , qu'il a suffisamment à boire. ( Violens
murmures. } - "
345 )
2
Suivent iei des faits sur les noyades et les mariages répu¿
blicains . ( Nous les avons fait connaître. )
Une piece accuse Carrier d'avoir entretenu des liaisons
déshonnêtes avec la femme Normand , avec laquelle il faisait
des dépenses extraordinaires . On lui demanda qui payerait.
La guillotine , a- t- il répondu. ( Les , murmures deviennent de
plus en plus violens. )
Il est dit dans une autre piece , que les commis de l'état
major disaient : Il faut aller trouver telle ou telle femme , le
représentant Carrier en a besoin .
Une autre piece porte qu'une députation de Nantes vint
ici pour réclamer des subsistances , et s'adressa à Carrier. Pour
Nantes , a répondu celui-ci , j'y voudrais voir la famine et le
feu ; il n'y avait qu'un seul patriote , et vous l'avez guillotiné .
Romme conclut en annonçant que l'avis de la commission
des vingt-un est qu'il y a lieu à accusation contre le représentant
Carrier. ( On applaudit vivement. ) Le président rappelle
au calme .
Plusieurs membres de la commission attestent qu'à l'exception
de Romme , le voeu a été unanime .
Carrier demande à être entendu , la parole lui est accordée .
Il parle du capitole et de la roche tarpeïenne ; de lauriers
cueillis par lui , qu'il craint de voir se changer en cyprès ; il
dit qu'il a sauvé la patrie ; que les brigands étaient au nombre
de 160 mille quand il est arrivé ; et qu'ils étaient réduits à 300
quand il est parti : il dit que ceux qui l'accusent , ceux qui
disent du mal de lui sont des Chouans , des Vendéens , des
royalistes , des aristocrates , des fanatiques , des modérés : il
dit qu'il était à Nantes l'image de la représentation nationale ,
et que l'attaquer , c'est attaquer la représentation .
Il dit que si l'on parvient à faire son procès tout est perdu ;
le procès sera fait pareillement aux anciens comités à la
Convention , au 14 juillet , aux 5 et 6 octobre , au 10 août ,
aux 2 et 3 septembre , au peuple enfin et à la liberté . Il dénonce
à l'univers , le président , l'accusateur public , le substitut , les
jurés de l'une des sections du tribunal révolutionnaire , les
témoins , et le peuple qui assiste au tribunal , comme des
Chouans et des Vendéens .
Pour excuser , en quelque sorte , les horreurs qu'on lui
-impute , il cite les proscriptions de Marius et de Sylla , les
guerres de la ligue , la Saint - Barthelemi , et même les barbaries
inouies auxquelles se sont livrés les brigands vendéens
aigris par les cruautés de l'opinant et de ses satellites . Il termine
par déclarer qu'il est prêt à faire le sacrifice de sa vie , et que
les brigands n'ont jamais vu ses talons , quoiqu'une foule de
témoignages concoururent à prouver qu'il a été aussi lâche que
: cruel .
1
Le discours de Carrier qui était écrit a duré plus de deux
heures . Après beaucoup d'agitations dans une très - petite partie
( 346 )
de l'Assemblée , la Convention décrete l'arrestation provisoire
de Carrier , sous la garde de quatre gendarmes , aux frais
de la nation , et renvoie la discussion après l'impression des
pieces et du rapport. La séance est levée au milieu des cris
réitérés de vive la Convention . Ce cri se repete dans les envi
rons du Palais national et du jardin des Tuileries .
J
PARIS. Quartidi , 24 Brumaire , 3. année de la République.
Deux objets importans ont marqué les travaux de la Conven
tion dans cette demi-décade ; l'un est le rapport sur l'affaire de
Carrier ; l'autre , la elôture des Jacobins . "
L'indignation publique avait précédé ce rapport , et sans rien
préjuger sur l'innocence ou sur les crimes de Carrier , l'opinion
s'était assez formée par une instruction de 25 jours , pour desirer
qu'il fût mis en cause . Le peuple , plein de confiance dans
un tribunal dont il apprécie les sages lenteurs et l incorruptible
équité , a été trop long-tems rassassié du spectacle de tant de
victimes immolées par les bourreaux de Robespierre , pour
ne pas voir la main de la justice s'appesantir à son tour sur
la tête de ceux qui avaient corrompu sa morale et son instinct
et montré un mépris si profond de la vie des hommes que le
sang coulait par torrens dans toute la République.
*
Dapois plusieurs jours le peuple appellait à grands cris Carrier
au tribunal , et ce cri de l'indignation avait été entendu avec
effroi de tous ceux à qui l'on pouvait demander compte des
mêmes abus d'autorité et de la même oppression ; il était naturel
qu'ils fissent cause commune avec celui qui se trouvait
pressé de si près par la justice nationale . On s'agitait aux
jacobins pour sauver Carrier. Le même parti devait s'agiter
a la Convention pour atteindre le même but , ou du moins
pour retarder le rapport et préparer quelque mouvement. On
ne peut douter que ce qui s'est passé dans la séance du 20 ,
relativement aux jacobins , et dans celle du lendemain à l'occasion
de la pétition de la section des Amis de la Patrie , n'ait
eu pour objet d'engager quelque querelle , et d'opérer par ce
moyen une diversion favorable à l'affaire de Carrier.
Mais le tems n'est plus où les ressorts de cette vieille tactique
produisaient quelques effets parmi le peuple , et quelque
soin que l'on eût pris de garnir quelquès tribunes d'affidés ,
l'opinion du peuple s'était trop prononcée ; la Convention a
éte ferme et calme ; il a bien fallu que le rapport se fît , et les
applaudissemens innombrables qui out suivi le décret d'arrestation
provisoire rendu contre Carrier , ont bien prouvé à ce
qui reste de la faction de Robespierre , que leur influence est
mulle , et que le peuple n'est plus le jouet de leurs intrigues .
Le décret a été exécuté sur - le - champ avec la plus grande trans
( 347 )
quillité ; Carrier a été reconduit chez lui par quatre gendarmes,
et la seule chose que se soit permise le peuple , a été de lui
faire entendre , par ses acclamations , combien il était satisfait
que le prévenu de tant de crimes ne pût échapper à la vengeance
des lois s'il est coupable.
On a vu , dans la séance du 20 , les détails de la scene arrivée
la veille aux jacobias , et les efforts impuissans d'un parti
pour en faire un tison de discorde , soit que cette scene cût été
préparée par ceux mêmes qui en ont fait un objet de plainte ,
soit qu'elle eût été la suite naturelle de l'effervescence da
peuple , fatigué de ne plus retrouver aux jacobins que les
conspirateurs du 9 thermidor. Ils se sont rassemblés le 21 , le
soir même du rapport ct du décret sur Carrier. Une force armée
respectable entourait le lieu de leurs séances , pour y maintenir
Fordre et la tranquillité . Le peuple les a couvert de huées pendant
une partie de la nuit . Pendant ce tems , les quatre comités
réunis délibéraient . A trois heures du matin , des commissaires
de police , accompagnés de gendarmes sont venus , mu
nis d'un arrêté des quatre comités , faire sortir les membres qui
restaient , ont mis les scellés sur les archives , ont fermé la
porte , et déposé les clefs au secretariat du comité de sûreté
générale. Dans la même matinée du 22 , les comités ont rendu
compte à la Convention de leur arrêté et de son exécution , et
la Convention l'a approuvé au milieu des applaudissemens et
des transports de joie inexprimables.
:
Reconnaissance au courageux Legendre et à l'estimable
Rewbell , pour avoir montré avec tant d'énergie combien les
jacobius étaient déchus de leurs anciens principes , et peu
dignes aujourd'hui des services qu'ils avaient rendus . Il est une
chose assez remarquable que les Lameth , les Lafayette , les
Dumourier , les Hebert , Danton , Chabot , Fabre d'Eglantine ,
Ronsin , Momero , Robespierre , Couthon , Saint-Just , tous les
conspirateurs qui ont agité successivement la République sont
sortis des jacobins . C'est que c'est toujours là où est le foyer
du plus grand patriotisme , que les intrigans et les pervers vont
essayer leur influence et verser leur poison . Mais quand le
nombre des pervers et des intrigaus , est tellement prépondérant
, qu'il fait taire celui des hommes purs et bien intentionnés ,
et qu'ils sont parvenus à corrompre l'institution la plùs utile ;
alors pour l'honneur même de cette institution , l'intérêt publie
exige qu'elle soit suspendue , car il n'est point de loi au- dessus,
du salut de la République .
On a dit que lorsqu'on est allé fermer les jacobins , ils étaient
occupés à lire l'article de la Déclaration des Droits , qui parle,
de la résistance à l'oppression . Ce n'est pas la premiere fois qu'on'
a invoqué cette Déclaration pour faire un abus cruct de ses
saintes maximes . Tantôt des scélérats l'ont voilée quand ilė
voulaient agir contre ses dispositions ; tantôt ils l'ont réclamée ,
lorsqu'ils la croyaient utile à leurs projets. Oui , sans doute la
( 348 )
résistance à l'oppression est un droit inaliénable ; mais c'est le
droit de tous , et non d'une poignée de factieux que l'on veut
empêcher de nuire , et soumettre à l'action du gouvernement.
Autrement il faudrait dire que le voleur et l'assassin que poursuit
la maréchaussée , a aussi le droit de résister à l'oppression.
Et voilà comment on a perpétuellement abusé des mois et des
principes au gré des intérêts et des passions.
NOUVELLES OFFICIELLIS. LL
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
Au quartier général devant Mastricht , à Pettersheim , le 14 brumaire.
Citoyens collegues , Mastricht est à la République . La
place s'est rendue ce matin à 5 heures , après douze jours de
tranchée ouverte . Nous ne vous dirons point combien cette
entreprise était difficile , sur-tout dans une saison aussi avan.
cée. On sait que Mastricht est une des plus fortes places de
l'Europe ; elle était défendue par une garnison nombreuse et
plus de 200 pieces d'artillerie. La contenance des assiégés
semblait annoncer d'abord qu'il faudrait recourir aux derniers
moyens pour la réduire ; mais la célérité et l'audace de nos
travaux , et le feu terrible de notre artillerie les ont bientôt .
couvaincus que toute résistance était inutile . La ga inison s'est
rendue prisonniere de guerre . ( On applaudit. )
,, L'armée de Sambre et Meuse s'est montrée digne d'ellemême
dans cette grande entreprise ; elle a bravé avec une
constance et un courage au- dessus de tous éloges , le mauvais
tems et le feu des batteries de la place . Accoutumés à vaincre
les soldats s'indignaient qu'une place isolée osât leur résister ;
jamais on ne vit plus de zele dans les travaux ; les jours de tranchée
semblaient être pour chaque soldat un jour de fête.
( Applaudissemens . ) Nous devons des éloges aux officiers de
toutes les armes . Le général Kleber commandait en chef l'armée
de siége Bollemont , l'artillerie , et Marescot dirigeait les travaux
du génie . Un grand accord a régné dans toutes les opé
rations et tous ont parfaitement rempli leur devoir. Le nombre
des Républicains que nous avons à regretter est d'environ 60
et 1oo blessés.
Nous ne pouvons encore vous donner l'état des magasins
, ou de l'artillerie et des munitions ; on s'occupe d'en dresser
des inventaires que nous vous enverrons aussi - tôt qu'ils
nous auront été remis . **
Salut at fraternité.
Signés FREGINE BELLEGARDE et GILLET , représentans, du peuple.
( 349 )
MOSELLE.
ARMÉE DE LA
Coblentz , le 11 brumaire .
Après avoir chassé l'armée prussienne toute entiere audelà
du Rhin , après nous être rendus maîtres de la rive
gauche de ce fleuve , depuis Mayence jusqu'à Coblentz , et avoir
fait tomber ce principal repaire des brigands royaux et des
émigrés , il nous restait encore , chers collegues , à forcer les
Autrichiens de nous céder , avant la perte de Mayence , celuï
qu'ils occupaient sur la même ligne entre Dopper et Bacarat ,
et qui , coupant nos communications dans cette partie de la
rive gauche du Rhin , nous causait une gêne fatigante . Le fort
de Rheinfeld , à la défense duquel la nature et l'art ont également
contribué , ce fort , protégé d'ailleurs par des batteries
nombreuses et établies sur la rive droite du Rhin , donnait
encore à l'ennemi la faculté de s'étendre sur la rive opposée ,
de faire des incursions dans le pays d'où nous l'avions repoussé
, et de communiquer librement d'an bord à l'autre ,
au moyen du pont volant qu'ils avaient établi sur cette partie
du Rhin .
Le général Vincent , auquel l'ordre de s'emparar de ce
fort avait été donné , prit , pour en aller faire la reconnaissance
, un moyen que je ne crois pas devoir vous laisser
ignorer. Ce général n'ayant pas la vue très-bonne , et vou
lant s'approcher d'assez près pour bien connaître par lui- même
les coins par lesquels on pourrait attaquer , se dépouilla de
l'uniforme de général , prit celui de soldat , et feignit d'être
en sentinelle perdue , avec un fusil de munition au bras.
L'ennemi tira sur lui plusieurs coups de carabine ; mais ne
s'attachant pas a sa personne avec autant d'acharnement que
s'il eût cru fusiller un chef , le général Vincent eut le tems
de bien reconnaître , et la position du ført et celle où l'on
pourrait établir des batteries . Il profita de la nuit pour faire'
tous les ouvrages nécessaires à l'attaque de cette place son
artillerie de position , augmentée de quatre obusiers et de'
quatre pieces de 12 , fut amenée devant la citadelle , contre
laquelle avait aussi marché la division du général Debrun .
Vainement l'ennemi voulut - il faire usage des batteries tant du
fort que de celles placées sur la rive droite , où il avait un
nombre considérable de pieces de gros calibre . Les moyens'
développés par le général Vincent lui parurent si decisifs
que les troupes qui composaient la garnison du fort se sont
précipitées sur la rive droite , et cette place où il paraît , par
tout ce qu'on y a laissé , qu'on avait l'intention de la défendre
long- tems , est tombée de cette maniere au pouvoir
de la République. Nous y avons trouvé 39 bouches à feu ,
dont la majeure partie en bronze et de gros calibre , des
mortiers , des fusils , 250 tentes , presque toutes d'officiers ,
( 350 )
des munitions de guerre et de bouche de toute espece , et
en très-grande quantité , particulierement en poudre , et en
outre un château dont tous les appartemens , meublés d'une
maniere distinguée , donnent à penser que l'ennemi ne s'attendait
pas à en être si -tôt délogé, Il croyait bien , en nous
abandonnant cette place , qu'il nous allait faire regretter de
nous en être approchés . Il avait préparé tous les moyens de
la faire sauter aussi-tôt que nous y serions entrés . On a trouvé
dans un souterrain une mêche allumée , qui devait communiquer
le feu au magasin à poudre et à plusieurs bombes ,
dont l'explosion allait avoir lieu , quand le génie tutélaire ,
qui veille sur tous les Républicains , nous l'a fait appercevoir
assez tôt pour l'empêcher .
Les magistrats de Giwerhs , que le sort de Rhinfeld défend
, sont venus nous apporter les clés de cette ville ; je
vous les envoie avec celles de Coblentz , qui n'avaient pas
été remises aussi- tôt l'entrée de nos troupes dans cette place .
dont les habitans paraissent ne pas s'habituer facilement à nos
figures , et moins encore à nos moeurs républicaines . 19
Salut et fraternité ,
Signé , BOURBOTTE , représentant du peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIR L.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Suite de la séance du 1er. brumaire. A son tour , Grand-
Maison fut incarcéré au Buffay ; il pleurait , il craignait qu'on
ne lui fit un procès pour la noyade. N'aviez - vous pas , lui
dis -je , des ordres de Carrier ? il me répondit : Carrier nous
avait donné des ordres pour les conduve sur des bateaux
mais non pas pour les noyer.
A raison de maladie , depuis quatre mois j'étais absent
de chez moi ; je n'y rentrai que la veille de la noyade : deux
mois après cet évenement barbare , Goullin me demanda la
liste des 129 victimes , sous prétexte d'y faire quelques ch'angemens
je la livrai ; je l'ai réclamé plusieurs fois , sans
jamais avoir pu la tenir . Ce témoin a reproché à Pinard ,
d'avoir soustrait des effets dans les maisons des riches , ´et
d'avoir mis le feu , et d'avoir conduit chez différens membres
du comité , du bois qui avait appartenu a des émigrés . Il`a
déclaré que la révolte qui avait eu lieu au Buffay , était
l'ouvrage de 5 à 6 scélérats piliers de prison , mais que
les détenus comme suspects n'y avaient nullement participé.
Le président a interpellé les accusés de répondre sur les
faits qui leur sont imputés . Goullin a répondu que la liste
des 155 fut faite le 14 frimaire , et que les 15 particuliers qui
( 351 )
y furent portés quelques jours avant le 24 , étaient des brigands
pris les armes à la main , et qui aujourd'hui seraient
des Chouans. Il est convenu de certains faits , et a nié les
autres.
Sur plusieurs reproches faits à Goullin , entr'autres d'avoir
accéléré le départ des détenus pour la noyade ; il faut l'avouer.
a-t-il dit , mais Carrier en avait donné l'ordre ; il a ensuite
dit au tribunal , et a obtenu de faire la déclaration que nous
avons publiée dans un des numéros précédens , et à laquelle
ont adhéré les autres accusés .
Grand-Maison a répondu , qu'il n'avait été qu'un être passif,
qu'il n'avait pas dit que Carrier eût donné des ordres seulement
pour conduire les prisonniers sur les bateaux , mais
qu'il avait couvert cela du prétexte de translation . Durassier
a nié le fait à lui imputé . D'autres ont répondu que des membres
de la commission civile avaient envoyé du bois à differens
membres du comité ; que plusieurs l'avaient payé , et
que d'autres en doivent encore le prix à la nation . Naux a
déclaré que Goullin avait été égaré par Carrier ; que Goullin ,
perdu par Carrier , a fait périr plusieurs peres de famille.
au
Goullin a ensuite donné des renseignemens sur la mort
de James ; ce n'est pas Grand - Maison qui lui a enfoncé le
crâne avec le pomeau d'un pistolet , mais c'est Bataillé ,
jourd'hui mourant , qui lui a donné des coups de sabre.
Pinard a dit que le feu n'avait été mis que dans les maisons
des brigands qui s'étaient révoltés .
Les deux soeurs Réal , l'une âgée de 17 ans , l'autre de 18 ,
détenues , par jugement , jusqu'à la paix , aux Saintes - Claires à
Nantes , ont reproché au comité de leur avoir enlevé du linge
qu'elles envoyaient de Machecoul chez un nommé Pinau ,
étant dans l'intention de venir habiter Nantes , depuis l'arrestation
de leur mere , qui mourut à Saint- Charles à Nantes .
Pinau réclama le linge ; il fut arrêté , et sortit de prison au
bout de 15 jours par jugement. Goullin a répondu que leur
mere était accusée d'avoir reçu des émigrés ; ce linge est encore
au comité.
Carré , gouvernante des enfans de J. B. Toinette , négociant
à Nantes , a accusé Chaux et Goullin d'avoir fait éprouver
toutes sortes de mauvais traitemens aux deux freres Toinette ;
d'avoir enlevé de leurs magasins 227 barriques de via d'Anjou ,
des grains , leurs valises , qui contenaient de l'or , des lettres
de change , des billets et porte-feuilles remplis d'assignals , etc .;
ces malheureux , a- t - elle ajouté , sont morts en prison et
laissent 12 enfans en bas âge .
Goullin a répondu que les Toinette étaient les ennemis de
la revolution , que l'or et les assignats républicains avaient été
remis au receveur du district , leurs armes à la commission
militaire , etc.
Chaux a déclaré que les vins et les grains des freres Toinette ,
( 352 )
comme ceux des autres citoyens , avaient été mis en réquisítion
.
Thomas qui s'est trouvé à plusieurs combats contre les brigands
de la Vendée a parlé en faveur des deux freres Toinette
; ils ont combattu , a-t-il dit , à mes côtés ; dans tous les
tems , ils ont rendu de grands services à la patrie ; ils soula
geaient les infortunés , ils approvisionnaient Nantes de vins
de bleds , etc .; mais ils avaient aux yeux des jaloux , des
envieux , des hommes cupides , de grands torts , ils étaient
riches ; car ils jouissaient d'une fortune de 150,000 liv.
Du 2. A l'ouverture de la séance , la veuve Mallet , marchande
de tabac , détenue depuis un an au Bon- Pasteur à Nantes , a
été entendue eile a déclaré qu'elle avait été arrêtée sans motifs
par la compagnie Marat ; qu'à son arrivée à Paris , elle a été
mise en liberté par le comité de sûreté générale.
:
Elle a informé le tribunal que Richard , adjudant-général de
l'armée révolutionnaire , dite Marat , et quatre de ses satellites
lui enleverent des pieces d'or et d'argent , 700 liv . en assignats
et 70,000 livres de tabac , en prétendant que cette marchandise
était en requisition . Cinqsemaines après mon arrestation , a-t- elle
dit , Perrochaux et Bologniel m'apporterent ma liberté , je reclamai
ce qui m'avait été enlevé ; deux jours après je fus réincarcérée
par une ruse de Perrochaux qui , m'engageant d'aller
au comité pour avoir les clefs de mon appartement , m'invita ,
en chemin faisant , d'aller voir ma soeur aussi détenue au Bon-
Pasteur , et dont il m'avait montré sa mise en liberté . Arrivée
dans cette maison , on me déclara que j'étais de nouveau prisonniere.
J'ai toujours cru que la réclamation de mes effets était
le motif de ma réincarcération .
Cette catastrophe inattendue altéra ma santé ; pendant les
deux jours de ma liberté j'avais eu connaissance des noyades et
fusillades ; j'exposai mes craintes et mes douleurs à Perrochaux
qui chaque jour visitait la prison : La guillotine guérira tout
cela , me dit - il . ( Murmures d'horreur. )
(La suite au numéro prochain )
P. S. Carnot , dans la séance du 22 , a annoncé la prise de
Nimegue et du fort de Sehenck par une division de l'armée
de Sambre et Meuse ; il y avait 80 canons , presque tous en
bronze ; la garnison prisonniere . Les Anglais en fuyant ont eu
l'infamie de tirer sur les Hollandais leurs alliés .
La division du contre- amiral Nielly , a pris aux Anglais le
vaisseau de ligne l'Alexander de 74 canons , monté par le commodore
Rodney- Bline qui escortait un convoi dont on croit
qu'une partie est tombée en notre pouvoir.
( No. 11. X
MERCURE FRANÇAIS
DECADI 30 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
(Jeudi 20 Novembre 1794 , vieux style , }
Voyage en Afrique et en Asie , principalement au Japon , pendant les
années 1770-1779 , servant de suite au voyage de D. Sparmann ;
par Charles- Pierre Thunberg , de l'ordre de Wasa , professeur de
botanique à l'université d'Upsal , et membre de plusieurs sociétés
savantes . Traduit du Suédois , avec des notes du traducteur ;
in- 8 ° . de 550 pages ; broché , 7 liv . Chez Fuchs , libraire , quai
des Augustins , no . 28.
E
PREMIER EXTRAIT .
Le traducteur a profité de l'abrégé que Forster a fait du journal
trop diffus des voyages de Thunberg; ainsi , il a donné
tout ce qui est intéressant et utile dans la relation du naturaliste
suédois , qui s'est principalement attaché à faire connaître les
productions végétales da Cap de Bonne Epérance , dont
Sparmann , son compatriote , avait déja décrit les especes les
plus rares d'animaux .
Transportons- nous tout de suite avec le voyageur suédois
au Cap de Bonne- Espérance , dont la description peut être
utile et intéressante dans les circonstances présentes des conquêtes
rapides des Français . La ville du Cap est entourée de
murs assez solides pour pouvoir résister contre l'attaque que
les naturels du pays pourraient entreprendre. Les maisons y
sont toutes bâties en briques , blanchies en dehors , ordinairement
d'un ou deux étages ; rarement plus hautes . Les toits
en sont plats , avec un chaperon peu élevé , couverts d'une
espece de graminée ou de roseau particulier à ce pays ,
très-propre à l'usage auquel on le destine . Les ouragans qui
sont très- fréquens dans cette pointe de l'Afrique , et qui y
causent souvent des dégâts considérables , ne permettent pas
l'emploi des tiles pour en couvrir les toits , ni de donner aux
maisons une élévation plus considerable. La maison du gouverneur
et celle qui sert de magazin à la compagnie sont peutêtre
les deux seules à trois étages.
et
La ville a trois places publiques . Sur l'une se trouve l'église
réformée ; la maison de ville est bâtie sur la seconde de ces
places , aussi grande que la premiere ; la troisieme place établie
depuis peu sert de marché pour les gens de la campagne qui y
wendent leurs denrées . Sur la même place on a construit un
Tome XII . Ꮓ
( 354 )
corps-de - garde , principalement destiné pour sprveiller les incendies.
Pour mieux défendre la ville du côté de la mer , on vient
d'établir plusieurs nouvelles batteries sur le bord même de la
mer. La citadelle , qui devrait remplir ce but , fat construite à
une époque où il fallait principalement chercher à defendre
la ville du côté de la terre , conte les aggressions que les Hottentots
auraient pu tenter . Mais comme par la suite on s'est
apperçu que les canons de la citadelle ne batraient pas suffisamment
la rade , on a cu recours aux nouvelles batterfes. ”
Depuis la guerre d'Amérique , où l'on traignait au Cap l'arrivee
d'une escadre française , ce batteries , au nombre de
quatre , sent dans un très - bon état de défense , et peuvent en
imposer à unnee flotte formidable.
Plusieurs rues de la ville sont pourvues de canaux , dont
l'eau , quoique peu abondante , est d'un grand service pour
les habitans ; on a su l'amener des montagnes voisines . On ne
voit point de domestiques européens au Cap . Tous les habitans
se font servir par des esclaves noirs ou bruns , qui vien
nent de l'isle de Madagascar , on de quelques antres parties des
Indes orientales . Ces esclaves apprennent ici toutes sortes de
´métiers , et deviennent , selon leur intelligence , plus ou moins
utiles à leurs maîtres , sur tout quand ils ont appris le métier
de tailleur , de menuisier , de mâçon ou de cuisinier . Le maître
´d'un pareil esclave le loue alors à d'autres , à la journée , à la
semaine ou au mois , et l'esclave est teau de rapporter tous
les jours à son propriétaire une certaine somme . Les esclaves
mâles portent leurs cheveux entortillès d'un mouchoir en
guise de turban . Les femmes et les filles roulent également leurs
cheveux en forme de houppe ; elles les tiennent assujettis au
haut de la tête , à l'aide d'une longue épingle. L'habillement
des esclaves consiste eu une espece de camisole courte et n
long pantalon ; ils vont pieds nuds et sans chapeau . On voit
aux environs de la ville un grand nombre de vergers et de
beaux jardins potagers Le jardin qui appartient à la compagnie
hollandaise seit de promenade publique. La ménagerie
est située au bout de ce jardin ; elle est toujours riche en animaux
curieux . Les potagers du Cap fournissent aux vaisseaux
qui y relâchent les végétaux dont ils ont besoin pour se rafraî
chir . Plusieurs especes d'arbres apportés d'Europe au Cap ,
comme chênes , peupliers noirs , etc. se dépouillent de leur feuillage
comme dans leur pays natal , tandis que les arbres indigenes
conservent leur verdure toute l'année . Plusieurs couches
inférieures des moutagnes et des collines qui environnent la
ville du Cap sont composées d'une argile picotée de rouge .
Cette couleur est due aux infiltrations des eaux qui y déposent
des parties ochréacées. La partie supérieure des collines présente
un assemblage confus de pierres de différentes grosseurs .
La citadelle , qui défend la ville du Cap , est située à l'est de
( 355 )
la ville près de la mer. Elle est entourée de huit murs et de
fossés assez profonds , et pourvue de logemens spacieux et com
modes : l'état militaire du Cap est sur un assez mauvais pied ,
et décele cet esprit d'économie qui distingue les établissemens
hollandais dont les chefs sout des négocians .
La température douce dont on jouit au Cap , presque tonte
l'année , dispense les habitans de faire usa e de poëles ou de
cheminees . La compagnie tire ses esclaves en grande partie de
Madagascar ; quelquefois elle en achete de ceux que les officiers
des nations étrangeres amenent des grandes lades . Les offciers
des bâtimens étrangers qui viennent d Europe relâcher au
Cap , font ordinairement un commerce très - lacratif avec différentes
marchandises . Le vin , la bierre , le tabac , toutes sortes
de clincailleries , des habits , des souliers , du verre , et différens
meubles , sont les articles qu'ils y vendent avee le plus
de profit . Plusieurs especes de comestibles sont encore d'un
bon débit. Le séjour que les vaisseaux étrangers font au Cap
est ordinairement de peu de durée ; la plupart ne s'y arrêtent
que pour renouveller leurs provisions . Ceux qui y arrivent
d'Europe dans les mois d'avril , de mai et de juin vendent souvent
leurs marchandises à l'encan ; alors ils sont obligés de
payer au fisc de la compagnie cinq rixdalers de droit par
chaque caisse. Ce droit surpasse celui que l'on paie pour les
. mêmes marchandises à Amsterdam , où l'on ne paie que cinq florins
chaque caisse ; mais il faut considérer que toutes les marchandises
apportées d'Europe au Cap s'y vendent avec un
bénéfice de 30 jusqu'à 100 pour 100. Dans la ville du Cap
tout le monde est commerçant ; chaque pere de famille exerce,
outre son métier ou sou emploi , une branche de commerce .
Souvent la mere , les fils où les filles font chacun séparément
un petit trafic. Il résulte de cet esprit mercantile universellement
répandu , un inconvénient pour le commerce en graud , ce qui
fait qu'on voit si peu de véritables négocians au Cap.
K
L'emploi économique de plusieurs productions naturelles
qui se trouvent au Cap doivent fixer l'attention des naturalistes .
Le rotang , espece de roseau semblable au bambou , est employé
pour en faire des jalousies devant les fenêtres pour cet
usage , on le fend en morceaux fort minces que l'on réunit
ensuite avec du fil ; le même roseau sert, encore à faire des
corbeilles et autres ustensiles . Le gros bambou , quoique
creux, et en apparence peu solide , résiste ependant à un
point étonnant ; on l'emploie pour branches d'échelles , pour
brancards et autres choses semblables ; les morceaux les plas
minces servent à faire dee clôtures autour des jardins . Le boia
à brûler est généralement rare au Cap ; on le remplace par
bruyeres et autres broussailles . On ne voit point de pierre à
chaux dans toute l'étendue de la colonie du Cap ; pour se
procurer de la chaux , on est obligé de se servir des coquillages
que l'on trouve sur le bord de la mer.
des
Z 8
( 356 )
Les habitans du Praal , campagne à peu de distance du Cap ;
sout fort riches en bestiaux , comme chevaux , boeufs , vaches ,
brebis , chevres , oies et canards . Pendant le jour , tous ces
troupeaux sont gardés par un Hottentot , qui les reconduit le
soir à la maison . La nuit on renferme chaque espece de bétail
séparément dans une espece de petite cour entourée d'une
clôture faite avec de la terre glaise , où ils passent la nuit à
découvert. Les moutons du Cap ' , cn général , si connus à cause
de leurs grosses queues , portent tous nne laine fort grosse et
longue , peu crêpue et assez semblable au poil de chevre. Cette
laine parait peu propre à la fabrication des étoffes , et n'est
jamais exportée.
La culture de la vigne est dans un état très - florissant au
Praal. On y tient la vigne fort basse , sans la soutenir par des
échalas , parce que l'on prétend que cette méthode y est plus
productive , et que les raisins sont de meilleure qualité .
Les habitans de ce canton , comme dans tout le reste de la
colonic , sont cultivateurs et soldats en même tems , toujours
prêts à marcher contre l'ennemi qui pourrait attaquer le Cap ;
ils sont divisés en compagnies , et les officiers qui les commandent
sont choisis paimi eux . A l'approche d'un ennemi ,
ou quand une flotte considérable se presente à l'improviste à
Ja rade du Cap , on donne des signaux par quelques coups
de canon ou par des drapeaux plantés dans les endroits les plus
élevés . Les canons d'alarme sont placés dans différens endroits
de la colonie . Celui qui se trouve sur la montagne du Lion
donne le premier signal par sept coups qui se succedent par
intervalle ; ensuite celui de Font-rivier se fait entendre , et ainsi
les autres de proche en proche . Avant de tirer le canon ,
fait flotter un drapeau qui ordinairement est placé sur la même
batterie à côté du canon .
on
Le grand nombre de serpens qui se trouvent dans ce canton
et dans plusieurs endroits de l'intérieur du pays , est un véritable
fléau pour les gens de la campagne. Au Praal on regarde le
sang desséché d'une espece de tortue terrestre comme spéci
fique contre la morsure de ces reptiles .
On trouve aux environs du Cap le territoire de Constance ,
fameux par le vin que l'on vend sous ce nom en Europe . Le
vin de Constance , aussi connu sous le nom de vin du Cap ,
vieut surtout dans deux habitations de ce canton qui s'appellent
grande et petite Constance . On en fait du rouge et du
blanc. La quantite de ces vins qu'on récolte annuellement varie
selon les anuées ; on compte pour l'ordinaire sur 60 tonneaux
de vin rouge , et sur go de blanc , Le tonneau de ce pays contient
150 mesures , ou à - peu - près 500 bouteilles . Depuis plusieurs
années on récolte dans d'autres habitations , tant à
Constance que dans les environs , du vin qui ne le cede ea rien
au véritable vin de Constance mais il est défendu d'exporter
ce vin sous le même nom ; on le désigne ordinairement au Cap
( 357 )
1
sous le nom de vin stomachique ; et c'est sous cette qualification
que les bâtimens étrangers l'achetent à un prix beaucoup
au-dessous de celui du vin dit de Constance , que la compagnie
fait exporter et vendre en Hollande pour son compte .
On commence à Stellenbosch , dès le mois d'avril et de mai ,
à labourer les terres destinées à porter du blé la même année .
Le froment que l'on récolte dans ce canton rapporte , à ce que
disent les habitans , depuis 10 jusqu'à 25 fois la mise .
Le fourmillier qui , selon Buffon , ne se trouve qu'en Amérique
, est pourtant un animal assez commun dans les environs de
Stellenbosch et de la ville du Cap . Il est regardé au Cap
comme un excellent gibier .
Thunberg quitte le Cap dans le dessein de faire rn voyage
dans différentes contrées de l'Afrique Il se pourvoit d'un chariot
solide , couvert de toile , et d'un attelage de trois paires
de boeufs . Il se procure bon nombre de caisses , de sacs , de
boëtes , de provisions et d'eau- de - vie . Il fait les préparatifs
nécessaires pour faire une ample collection des singularités de
la nature dans les trois regnes animal , végétal et minéral ; il se
fait accompagner d'un jardinier bon naturaliste ; d'un officier
du Cap et d'un sergent , habiles chasseurs , et de deux Hottentots
pour domestiques . Il avait aussi plusieurs chevaux de selle .
Nous le suivrons de loin en loin dans son voyage , comme dans
ses conquêtes d'objets d'histoire naturelle .
Dans une isle de l'abbaye de Saldanha , on fait la chasse
aux phoques ou chiens marins , animaux qui pesent de 12 à
1500 livres , dont la graisse fournit beaucoup d'huile . On
trouve aussi dans les anses de cette baye la seche à huit
pattes . Ce ver rend un suc noir qui peut servir d'encre étant
mêlé avec une petite quantité de vinaigre . L'albuca major est
une très-belle plante liliacée , dont la tige est très - succulente et
un peu mucilagineuse . Les Hottentots s'en servent pour se
désaltérer dans les grandes chaleurs . Aux environs de Swel
lendam on trouve des bains chauds , qui semblent gardés par
une quantité immense de serpens de toutes especes et gran
deurs , souvent empelottones . Plus loin se présente une
grande forêt en amphithéâtre , où il y a une quantité d'arbres.
d'especes singulieres , tels que l'arbre de Camassie qui , par
l'éclat et la beauté de son poli , est très - propre à l'ébénisterie ;
le bois puant qu'on emploie pour meubles , malgré une odeur
désagréable qui s'affaiblit en vieillissant ; le bois jaune trèspesant
, et très- compact ; le piper capeuse de Linné , bon pour
épicer les viandes . L'olivier du cap est un bois blanc et solide
employé dans la ménuiserie . On tire de la plante dite l'atragene
vessicatoria , une poudre dont les gens du pays se fout un
vessicatoire pour la guérison des affections rhumathismales . Ce
fut dans cette forêt que les voyageurs eurent à soutenir les
attaques d'un buffle furieux , dont ils ne se garantirent qu'en
Z 3
( 358 )
grimpant sur des arbres , et en lui abandonnant deux chevaux
q'il éventra et foula sousses pieds.
Thunberg revient au Cap avec une ample collection de
plantes , et se prépare à d'autres voyages jusqu'aux frontieres
du pays des Cafres ; il rencontra dans ses courses périlleuses
des lions , des gazelles qui marchent en bandes , et des
Boshmann , hommes plus sauvages , qui s'emparent des troupeaux
et des richesses des fermiers de ces contrées avec une
célérité qu'il est impossible de prévoir et d'empêcher . Enfin
l'auteur s'embarqua pour se rendre à Batavia dans l'isle de Java
en Asie . La rade de Batavia est assez spacieuse , mais peu pro-,
fonde et d'un fond vaseux . Le grand nombre de petites isles ,
dont se trouve couverte la rade , défend la ville contre les ouragaus
; plusieurs de ces isles renferment des magasins à l'usage
de la compagnie hollandaise . Les bâtimens peuvent se mettre à
l'ancre à peu de distance de la ville , et on remonte ensuite la
riviere dans des barques .
La ville de Batavia est grande et belle , à l'embouchure de
la riviere ; elle est défendue par nn fort ou château -d'eau , dont
les cauons peuvent battre toute la rade . Les rues de Batavia ne
sont point pavées , parce que l'ardeur du soleil brûlerait les pieds
nuds des esclaves qui sont en grand nombre , et nuirait aux
chevaux qui , dans ce pays , ne sont point férés . Les canaux
qui traversent la ville sont pourvus en plusieurs endroits
de batteries garnies de canons qui , en cas de tumulte , peuvent
battre les canaux et les rues . Vers l'intérieur de l'isle , Batavia
a un fauxbourg très - beau et grand , habité par des Européens ,
des Chinois et plusieurs autres nations indiennes . Hors du
fauxbourg on trouve un grand nombre de maisons de campagne
et de beaux jardins. Il y a six églises à Batavia pour
différentes religions. La compagnie hollandaise possede dans
Ja ville un observatoire mal entretenu , une belle imprimerie ,
et une riche bibliotheque . Les Chinois exercent un commerce
très -étendala et plusieurs arts et métiers à Batavia et aux environs .
La population de cette ville peut mouter à 140,000 ames , et on
y compte 5270 maisons . Les Européens établis à Batavi ,
parlent généralement le hollandais , et les autres nations le malais
qui est la langne la plus répandue dans les grandes Indes. Le
séjour de Batavia est très - mal- sain à cause de la pesanteur de
l'air , et d'une chaleur étouffante. Les habitans de Batavia
sont renommés pour leur hospitalité envers les étrangers . Le
gouverneur de Batavia a l'autorité et le faste d'un souverain .
Il préside le grand conseil composé de cine sénateurs qui ont`
voix décisive , et de pinsieurs sénateurs qui n'ont point de voix
délibérative .
Le commerce de Batavia consiste principalement en sucre ,
en épices , en opium , que l'on tire en grande partie du
Bengale. On sait combien les Indiens sont adonnés à l'usage de
-ce narcotique qu'ils savent préparer de mille manieres diffé
( 359 )
J
rentes et qu'ils mêlent en petite quantité avec le tabac à fumer.
Les Européens y font un trafic très - avantageux de viandes
salées , de vin , de bierre , et de toutes sortes de clincaillerie .
Toutes les especes de monnaies y ont cours .
Les Javanais ont le teint bazané , les yeux noirs , le nez
court , les cheveux noirs et longs , la bouche moyenne , et la
levre supérieure tant soit peu relevée en croissant . Ils sont pour
la plupart d'une taille au-dessus de la moyenne et d'un extérieur
agréable . Leur habillement est très - simple , les hommes
enveloppent leurs cheveux d'un mouchoir en guise de turban ,
et les femmes en forment une houppe au haut de la tête qu'elles
assujetissent avec une longue épingle. L'habit des hommes
consiste en une espece de reste longue , garnie sur le devant
d'un très- grand nombre de boutons ; au dessus de la veste , ils
mettent le kajen , qui ressemble à une robe -de- chambre étroite
qu'ils serrent autour du corps à l'aide d'une ceinture. Les deux
sexes portent des pantonfles dont la pointe est tronquée et un
pen relevée ; ils ne se servent jamais de bas . Les femmes ont
autour du corps une robe ou plutôt une espece d'étoffe qui
descend jusqu'aux pieds , et à laquelle elle font prendre les plis
convenables. La partie supérieure du corps est couverte d'une
espece de chemise courte .
ง
Les armes des Javanais sont de différentes especes . Le kris
ressemble à un couteau de chasse , que les riches et les pauvres
portent également sur le côté droit très - en arriere
ou sur le
dos attaché à un cordon . Outre le kris , ils se servent encore
d'un sabre plus long , et d'un poignard qu'ils portent dans.
la ceinture Les domestiques se distinguent par une arme en
forme de couperet très- court , mais large , qu'ils emploient
ordinairement pour se frayer un passage à travers les broussailles
épaisses dont l'isle de Java abonde .
Les instrumens de musique des Javanais sont une espece de
violon à deux cordes ; un tambour qu'ils battent des deux bouts
avec les doigts , un instrument singulier , composé de plusieurs
morceaux de bois de différentes largeurs qui posent par chaque
bout sur une piece de bois creux , dont ils tirent des soas en
frappant dessus avec un petit marteau de bois . Ils se servent
encore d'une espece de chandron de cuivre suspendu , et de deux
bassins de cuivre qu'ils frappent en mesure l'un contre l'autre,
L'isle de Java , quoique d'une étendue moyenne , est cependant
divisée en plusieurs royaumes et principautés , dont les
chefs ou les souverains sont plus ou moins dépendans de la
compagnie hollandaise .
Les habitans de Java se nourrissent principalement de plus
sieurs especes de volailles , ainsi que de poissons . Les moutons
réussissent mal dans cette isle à cause de la trop grande cha❤
leur. On cultive avec avantage le riz qui sert à la nourriture
principale des habitans , et à faire l'ariak , boisson forte , trea
24
( 360 )
recherchée des Indiens . L'isle de Java est très riche en productions
végétales , entre lesquelles on distingue l'arbre à pain .:
Elle est encore abondante en plantes aromatiques . On y trouve
aux embouchures des rivieres des crocodiles , et beaucoup de
reptiles venimeux , ct dans les forêts , des buffles , des éléphans ,
des rhinocéros , des lions , des oiseaux du plus beau plumage ,
et quantité d'especes singulieres qui appartiennent au pays .
L'auteur quitte Batavia , et s'embarque pour son voyage
au Japon , où nous le suivrons dans un autre extrait que
nous sommes obligés de renvoyer à un numéro prochain ,
ANNONCES.
Les concerts de Romainville , ou choix de romances , chansons
, ariettes , rondes , vaudevilles , etc. , orné de gravures :
Les vers sont enfans de la lyre ;
Il faut les chanter , non les lire .
In 16. A Paris , chez Louis , libraire , rue Séverin , nº . 29 .
Ce joli recueil rassemble un mélange agréable de poésies
légeres et nouvelles , avec les airs notés et gravés sur tous .
les tons de gaîté , de sentiment , de tristesse , d'amour , de'
volupté , de critique , etc.
" L'éditeur invite ceux qui auraient des romances chansons
, etc. , qu'ils desireraient faire entrer dans la composi
tion de ce recueil , de les envoyer , franc de port , au citoyen
Louis , libraire . Ils voudront bien indiquer les airs , si les
chansons sont sur des airs connus , et en envoyer la musique ,
si les airs sont nouveaux .
fait
Voyage philosophique et pittoresque , sur les rives du Rhin , à
Liége , dans la Flandre , le Brabant , la Hollande , etc ,
en 1790 ; par G. Forster , l'un des compagnons de Cook :
traduit de l'allemand , avec des notes critiques sur la physique
, la politique et les arts ; par Charles Pougens . A Paris ,
chez F. Buisson , libraire , rue Hautefeuille , nº . 20. 2 vol .
in - 8 ° . de 430 pages chacun , sur caracteres Didot . Prix ,
10 liv . 10 sols brochés , et 12 liv . 10 sols frane de port ,
par
la poste , pour les departemens . Nous donnerons incessam
une analyse de ce voyage intéressant .
Nourean Calendrier pour l'an IIIe . de l'ère républicaine ,
grandeur de 8 pouces et demi sur 11 pouces . Ce calendrier ,
où l'on voit sous un seul aspect les douze mois de l'année ,
est orné de différens attributs agréablement dessinés . Il se
vend 2 liv . A Paris , chez Aubert , graveur , rue Jean- de-
Beauvais , nº . 34 ; ct chez Bauce , rue Séverin , nº . 216 .
MERCURE
HISTORIQUE
ET POLITIQUE
.
ALLEMAGNE
.
De Hambourg , le 29 Octobre 1794.
et les
OUT semble
annoncer
que la Porte
Ottomane
veut enfin
prendre
quelque
part aux grands
événemens
dont l'Europe
est
le théâtre
, et être comptée
pour quelque
chose
parmi
les
poissances
. Il est bien tard si son intention
est de secourir
la
Pologne
; car sans admettre
encore
les relations
prussiennes
,
sans doute
exagérées
, des avantages
que les Russes
Prussiens
ont remportés
sur les Polonais
, du moins
est - il
certain
que ces derniers
ont éprouvé
des revers
, et essuyé
des pertes
difficiles
à réparer
. Quoi qu'il en soit , le capitan
pacha
, disent
des lettres
de Constantinople
, datées
du 28 septembre
, est de retour
des Dardanelles
, où il a donné
des ordres
pour la construction
de trois vaisseaux
de 74 canons
. On travaille
dans ce port avec la plus grande
activité
à mettre
la
flotte en état de sortir au printems
prochain
. On pourvoit
d'armes
et l'on met en état de défense
les forteresses
qui sont sur
le canal et sur la mer Noire ; on occupe
10,000
hommes
à ces
travaux
, et on exerce
constamment
les troupes
de terre dont le
nombre
est augmenté
chaque
jour.
Les dispositions de la Porte en faveur de la France continuent
d'être très- favorables , puisqu'elle laisse ses corsaires et
armateurs parcourir l'Archipel , malgré les protestations des
puissances coalisées . Les Turcs estiment singulierement la valeur
des Républicains Français qui font tête , à eux seuls , à la
majeure partie de l'Europe . Cette admiration augmentera en- core par la lecture du mémoire historique qui contient le récit
de toutes les opérations militaires des Français , et que le citoyen
Descorches a remis dernierement au grand- seigneur : il jouit d'une grande considération aupres du divan , aussi a - t- il obtenu
le renvoi en France de plusieurs de ses compatriotes dont la
turbulence ou les intrigues pouvaient compromettre les inté- rêts de la nation . Ces Français vus de mauvais oeil à Constantinople
y ont été embarqués , au nombre de 150 , sur des vaisseaux
turcs qui doivent les conduire à Marseille .
L'article suivant nous a paru du plus grand intérêt , et fera
d'autant plus regretter le brave Kosciuszko , si le bruit de sa
défaite et de sa inort se confirme , qu'il servira à faire mieux
connaître ce héros , qui fut tout à la fois le Brutus et le Decius
de sa patrie . Puisse la liberté des Polonais , cimentée de sou
( 362 )
sang , ne pas céder aux efforts de la coalition qui l'attaque aujourd'hui
avec tant de fureur , et à laquelle l'Autriche vient se
joindre comme dans les deux partages précédens !
La victoire remportée , les 18 et 19 septembre , par le général
Suwarow sur les Polonais , commandés par le général
Sierakowiski , perd aujourd'hui beaucoup de son éclat . On
avait d'abord publié que , de 15 à 16,000 hommes de troupes
de ligne , sans compter les paysans armés dont l'armée polonaise
était composée , 300 seuls avaient échappé au carnage ,
et 5co faits prisonniers ; et que toute leur artlilerie était tombée
au pouvoirs des Russes . On disait eu outre que le général
Suwarow , profitant de cet étonnant succès , s'était mis en
marche sur Varsovie . Il est au contraire certain que les Po-
Jonais , qui étaient inférieurs de moité en rombre aux Russes ,
attaqués le 18 à l'improviste , firent une vigoureuse résistance
, et se retirerent en très-bon ordre vers Brzesc . Le lendemain
, les Russes ayant attaqué de nouveau , la violence
de leur choc mit à la vérité le désordre parmi les troupes
polonaises , dont la plupart se debanderent. Cette deroute .
est sur-tout imputée aux officiers qui ne firent point leur de
voir dans cette occasion , et vont être mis en jugement. Le
général polonais fut contraint à ne plus songer qu'à mettre à
couvert le reste de son armée. Il jeta son canon dans la
riviere , pour empêcher qu'il ne tombat entre les mains de
J'ennemi . Sur ces entrefaites , Suwarow ayant appris que
Kosciuszko s'était rendu en personne à Sielce , dans le voisinage
de Bizesc , prit lui - même le parti de la retraite. Aiusi
cette action qui , suivant les premiers avis , pataissait si alarmante
, ne se trouve plus être qu'un léger échec , dout le plus
grand effet n'a été que dans l'opinion . Les Russes en effet ,
loin d'en tirer avantage , ont abandonné leur terrein encore
jonché de morts ; et les Polonais n'ont eu que la peine de se
rassembler et de retirer de l'eau leurs canons . Leur perte
d'ailleurs a été moins considérable que , celle des Russes qui ,
suivant quelques rapports , a été de 5000 hommes , qu'on
n'avait d'abord portcs qu'à 100 morts et à un nombre à- peuprès
égal de blessés . D'après cet exemple , n'est - ce pas aujourd'hui
le cas d'attendre encore pour porter sou jugement
sur la deruiere affaire . La suite ne pourra -t -elle pas prouver
qu'il y a aussi peu de vérité et autant d'exagération dans le
récit qu'on en a fait que dans celui qui a été donné des
deux premieres ?
Voici , quoi qu'il en soit , le discours que Kosciuszko prononça
à ton armée au moment où il se mettait en route de
Varsovie pour se porrer contre les Russes :
Enfans de la patrie , écoutez la voix d'une mere qui
Jutte contre la mort et réclame votre secours ! Son existence
est entré vos mains les aimes que vous portez , c'est elle .
qui vous les a confiées ; et certes , vous ne voulez pas jetter
:
"
( 363 )
ces armes et consentir à voir succomber votre patrie . Non
la seule idée que la patrie peut périr ou tomber dans l'ignominie
arrache des larmes à ses véritables enfans ; armons-nous
tous , soyons décidés à mourir ou à vaincre . Cette résolution
suffira pour nous procurer la victoire . Après avoir rempli notre
devoir , nous revolerons dans les bras de nos freres ; des lau
riers présentés par la reconnaissance nous attendent. Celui
qui ne partage point ces sentimens peut sortir des rangs ; je
le délie de ses engagemens ; qu'il ne craigne rien , je lui saurai
gré de sa franchise je le répete , je lui rend son serment de
soldat . Un tel homme ne doit point se trouver avec nous ; il
faul que les témoins de la mort soient les sauveurs des braves.
Que nous importe le nombre. Je suis sûr de vaincre en marchant
au combat avec des hommes qui ont juré de vaincre ou
de mourir. Ce n'est pas le nombre des soldats qui procure la
victoire , c'est le courage qui naît sur- tout de la justice de la
cause qu'on défend. Hommes qui ne pensez pas comme nous ,
je vous le dis encore , sortez des rangs , sur ma parole , je
vous laisserai librement aller . "
Aucun soldat ne sortit des rangs ; tous au contraire fortement
émus , s'écrierent d'une commune voix , qu'ils juraient , en
présence du ciel et de la terre , de mourir pour la patrie.
Kosciuszko , partageant l'émotion de l'armée , mit l'épée à la
main , et s'adressant à ses freres d'armes : « Venez donc
vaincre ou mourir ; j'espere que celui qui regle les destinées
des peuplés nous donnera la victoire. Et toi , grand Dieu , qui
fis l'homme à ton image pour être libre et heureux , défendsmous
! ..... En avant , marche ,
De Francfort-sur- le-Mein , le 3 novembre.
11 est toujours question de la paix , ou du moins des projets
et des efforts pour Pobtenir que font differeus membres
du corps germanique . Deja même , si l'on en croit plusieurs
feuilles allemandes , le roi de Prusse a ouvert en Suisse une
négociation à ce sujet , et peut- être la prochaine arrivée dans
ce pays du baron de Staët , ci - devant ambassadeur de Suede
auprès de la France , a - t - elle rapport à ces mesures de pacifica
tion . C'est ce que feraient croire quelques phrases d'un trèshumble
avis de l'empire à présenter à S. M. l'empereur , pour en
être confirmé , comme de besoin , que nous nous conterjerons
de donner par extrait .
Il a été exposé par le ministre dictatorial de l'archevêque
de Mayence , en sa qualité de grand chancelier de l'Empiae ,
que l'empereur , en faisant la proposition du quintuple , s'était
déclaré prêt à écouter et à prendre en consideration toutes les idées
qui pourraient lui être offertes , dans la vue de rendre l'Empire
au bien être ; que l'Empire avait dû prendre fait et cause
pour ses états qui , en Alsace et en Lorraine , souffraient de
1
1
( 364 )
la violation de leurs droits ; que la guerre que l'Empire avait
faite , n'avait eu jusqu'ici d'autre but que le maintien des sti
pulations de la paix de 1648 , garantie par la France même ;
qu'il n'avait jamis été question de s'immiscer dans les affaires
intérieures du gouvernement français ; qu'au lieu de parvenir.
à ce but , l'Empire a perdu une province après l'autre ; que les
pays antérieurs , quoique son occupés par l'ennemi , ont extraordinairement
souffert ; que l'électeur est donc d'avis que ,
tout en faisant avec ardeur les préparatifs d'une nouvelle et
peut- être plus heureuse campagne , l'on prouve réellement aux
citoyens pacifiques que l'on est en effet sérieusement disposé
à donner la paix à l'Empire ; que l'Empire peut sans hési
tation déclarer à la nation françoise , qu'il ne songe qu'à sa .
conservation et non à son aggrandissement , et qu'il n'est nul- .
lement dans l'intention de se soncier de ce qui se fait dans l'intérieur
de la France .
L'électeur observe qu'à la question , si la déclaration pa- ›
cifique doit avoir lieu , est liée la question , de savoir comment
on s'y prendra pour la faire . Il pense que l'Empire .
combattant pour le maintien de ce qui , par la paix fondamentale
de 1648 , garantie par la couronne de Suede , aujour- .
d'hui neutre , forme son état de possession , il n'y a aucune
difficulté à prier le roi de Suede d'intervenir efficacement
pour le lui procurer ; que le même rapport existe à l'égard du
roi de Danemarck , qui , en sa qualité de roi , a pris le
parti de la neutralité ; qu'il est donc d'avis que l'Empire
requiert les cours de Suede et de Danemarck , à l'effet d'interposer
leurs meilleurs offices pour lui procurer une paix
acceptable ; que les négociations de paix pourraient être
conduites pendant l'hiver , si ces deux cours qui viennent
d'être nommées , s'employaient sans délai à amener préalablement
une cessation d'armes et d'hostilités , etc. etc.
•
Des lettres de Vienne , tout en disant que les bruits de paix
prennent toujours plus de consistance , et en ajoutant que la
Porte Ottomane a promis d'interposer sa médiation , disent
néanmoins que les levées se continuent toujours dans les provinces
de la domination autrichienne , et que c'est principa
lement la cavalerie que l'on s'attache à renforcer. Mais ce qui ,
sans être plus positif , semble donner encore plus de vraisemblance
à cet espoir d'une paix prochaine , c'est qu'on ajoute
chez nous , où ces bruits courent également , des détails . On
aura , dit - on , cet hiver au moins une armistice ou une trêve ,
pendant laquelle on pourra travailler à la paix ; et suivant
quelques personnes qui se prétendent bien instruites , l'électeur
de Mayence , en sa qualité de chancelier de l'empire , a écrit à
Wetzlar que l'on pouvait y laisser les archives qui devaient
être transférées à Schweinfurt , sur le fondement que les Français
ne se porteraient point au- delà du Rhin , et que d'un autre
côté on avait entamé des négociations pour la paix .
( 365 ) '
D'ailleurs , l'empereur doit la desirer , et il a besoin de
concentrer toute sa force dans ses propres états pour y maintenir
son autorité , si la prétendue conjuration qui a fait incar
"cérer tant de personnes est vraie. Une feuille vient de publier
un historique de ce qu'elle dit avoir été fait par les prisonniers
d'état détenus à Vienne . Elle n'indique point la source où elle
a puisé , et il nous est impossible de déterminer le degré de
confiance qu'on peut donner à ce récit.
Depuis plus d'un an , les conjurés avaient l'oeil attentif
sur tout ce qui pouvait produire le mécontentement parmi le
peuple . Un de leurs moyens favoris pour parvenir à exciter la
fermentation , était de faire renchérir le bled . Pour cet effet ,
Brandstelter était chargé de visiter les moulins et les économies
rurales , où il se trouvait de grandes provisions de grains , et
d'engager les propriétaires à les lui vendre , ou à quelqu'un de
ses confreres . L'accaparement devait conduire à la disette , et
la disette à la révolte . On avait aussi compté que la rareté du
bois ferait murmurer le peuple . Les fabricans qui manquent
d'ouvrage devaient augmenter le nombre des mécontens ;
enfin , les conjurés s'étaient fait un parti considérable en Hon-
/ grie , où ils se proposaient de délivrer et d'ariner les prisonniers
Français . Sans la vigilance de la police , et la résistance de
certaiues personnes qu'on s'est vainement efforcé de séduire ,
le complot aurait pu avoir des suites funestes , d'autant plus
facilement , qu'un assez grand nombre de personnes distinguées
par leurs places ou leurs rangs , y avaient donné les mains . Le
fieutenant de la place , Hébenstreit , avait su se procurer les clés
de l'arsenal , dont il voulait tirer les armes pour les donner au
peuple. On avait dressé les listes des habitans de Vienne , où
l'on voyait des noms des coujurés et ceux des proscrits . Le
comte Bathiani de Hongrie , doit avoir répandu des écrits
jacobins ; un autre est soupçonné d'avoir fait des enrôlemens
secrets. Depuis quelques jours , on a arrêté les comtes Bathiani ,
Fetstelitz et Kilowitz , et les barons Segrey et Ettling . Le cidevant
directeur du théâtre Gothardi , qui jouissait d'une retraite
de 2,500 florins , a été arrêté ; un ci-devant entrepreneur
d'un théâtre Gumpf, l'a été également. On a mis en prison
les freres Bielack , dont l'un était capitaine et professeur à
l'academie des cadets de Vienne . On apprend que l'avocatJntz ,
un des détenus , dit n'avoir pris aucune part à tout ce qui a pu
´être fait . ››
Une autre raison aussi déterminante pour l'empereur de desirer
la paix , c'est que les armées françaises du Nord et de
Sambre et Meuse ont été renforcées au point qu'elles montent
maintenant à 300,000 hommes , et que l'Autriche et la Prusse
sont loin de pouvoir leur opposer un nombre égal de combattans ,
supposé même que le nombre suffit contre des troupes dont la
valeur n'avait besoin que de l'habitude de manier les armes .
L'armee impériale doit incessamment prendre ses quartiers
( 366 )
d'hiver sur le bord du Rhin . Le quartier - général sera à Sie
gerburg. L'armée prussienne cantonne sur la rive droite du
Rhiu , depuis le lieu en face de Guntersblum sur la droite en
descendant le Rheingau , jusqu'au , Mont- Saint Jean ( Johannisberg
) . Les détachemens s'étendent jusqu'à Lorch et Caub.
Le quartier-général de Mollenderf est toujours à Rocnheim ,
celui de Hohenlohe à Gioigerau , celui de Kalkreuth à Wisbaden
.
On assure que les 20,000 hommes de contingent aux ordres
de ce dernier général retournent combaure en Pologue , et
que le este va couvrir la Westphalie .
Nos feuilles rendent elles - ménies cette justice aux Français ,
qu'excepte les requisitions et contributious qu'on exige a Cologne,
et à Aix - la - Chapelle , et qui ont été autorisces de tout
tem's par le droit de la guerre , les habitans n'ont qu'à se
Jouer des troupes de la République ; elles observent la plus
exacte discipline et respectent les propriétés. Les Français qui
ont levé en partie le camp de la Chartreuse et de Schonborn-
Just , tandis que les impériaux entraient en quartier d'hiver
du côté d'Ehrenbreistein , ont fait annoncer aux habitans de
Coblentz et de l'autre rive du Rhin , effarouches par le bruit
des armes , qu'ils pouvaient retourner chez eux tranquillement
et avec toute sûreté pour leurs personnes et leurs biens.
?
PROVINCES-UNIES. De la Haye , le 26 octobre.
Les Français ont fait intimer aux membres de l'ordre équestre
et aux autres personnes riches qui ont des biens dans la mairie
de Bois-le-duc , l'ordre exprès de retourner les occúper , faute de
quoi ces biens se aienr vendus au profit de la République Française
. Ces dispositions annoncent assez au stadthouder que
c'est plus particulierement à lui qu'aux Ho landais que la Republique
Française fait la guerre , puisqu'elle veut le priver' ,
autant qu'il est en elle , des conseils , des secours pécuniaires
et même des bias des nobles qui lui sont attaches : en aafffaiblissant
ainsi son parti , on fortifie d'autant celui des mécontens
de l'ordre equestre qui avaient été écartés des places , et la classe.
des négocians à qui le joug de la maison d'Orange est en
horreur. Ces ennemis du stadthouder ont pour eux une partie
du peuple qui les secondera puissammeut contre lui , lorsque
les Français , pénétrant dans les Provinces Unies , mettront des
ressentimens comprimés , mais non éteints , à même d'éclater.
Cependant dans la Gueldre on cherche à disputer aux
Français le terrein pied à pied , et l'on éleve de fortes batteries
du côté d'Utrecht piès de l'étang formé par le Leck.
Malgré ces préparatifs , 12,000 Français ont passé la Meuse
à Kessel ; ils sont déja dans les environs de Geldern et de Goch.
Heureusement , disent des lettres de la Haye du 21 octobre ,
les troupes de la République Française n'ont encore fait
( 367 )
aucune tentative sur Heusden , cette clef de la province de
Hollande. Comme le gouverneur de cette place , le lieutenantgénerai
Kietschmar , est tombé malade , les états -généraux en
ont donné le commandement au général - major de Hora
chef du régiment de Waldeck. Le 16 , on a envoyé à
Willemstad et à Gorkum , mille Hessois de la garnison de
Berg of -Zoom ; ce n'est pas pour rester dans ces deux places ,
mais pour se porter plus loin.
-
Les états de Hollande ont interdit , par une proclamation
tonte aliesse , où les citoyens prenant l'initiative se permettent
de juger des affaires du gouvernement avant que luimême
en ait délibéré. On proscrit également les pétitious qui
interpelleraient le pouvoir suprême de rendre compte de sa conduite
, et l'ou interdit les clubs , sociétés et autres lieux de
rassemblement comme suspects ...
Ce qui a vraisemblaient donné lieu à ces mesures , un peu
violentes , on ne peut se le dissimuler , ce sont les réclamations
des habitans d'Amsterdam , contre les grandes inondations
qu'on voulait fsire . La fermentation a été telle que la
garnison s'est vue forcée de passer plusieurs nuits en armes.
Le peuple se portait aussi en foule aux lieux où il pouvait
être question de percer les digues , et il y aurait eu infailliblement
des voies de fait , si l'on avait insisté sur l'exécution
de cette mesure de désespoir .
On n'a encore rien de positif sur les succès de la députa
tion que les états de Frise ont envoyée à la Hayé ; voici quel
est son objet :
Les états de Frise s'étant formés , le 30 septembre , en
assemblée générale , on y débattit la question principale de
savoir : Si ce qui avait été inutilement soutenu à la Haye , par une
commission particuliere , c'est- à - dire , par MM. B. Ringers , de
Franecker , et de Haveren , de Wolfinga , ne devait pas être résolu
par une delibération commune ? Et , s'il n'était pas de la prudence
et même du devoir , que cette province , pur son propre intéret , se
séparâl des auteurs , et travaillat à son propre bien , par des moyens
qui appartiennent à elle ? "
Eu conséquence , il fut proposé : 1 ° . De reconnaître la
République Française ; 2 ° . de faire la paix avec elle ; 3 ° . de
changer la constitution de la Frise au gré de la République
Française ; 4° . de s'allier avec elle ; 5º . de renoncer à l'alliance
avec l'Angleterre et la Prusse ; 6º . de sacrifier les intérêts
particuliers du stathouder et de sa maison ; 7 ° . de rappeller
les fugitifs et de les indemniser. 19
Ces objets furent agréés en deux séances consécutives , où
les familles de Lyndt et de Hambræk , attachées au stathouder ,
refuserent de voter.
Le 2 octobre quatre commissaires furent nommés à l'effet
de porter cette résolution à la Haye .
( 368 )
+
Le bourgmestre Marcus , de Leyde , a résigné sa place.
Parmi les motifs qu'il a allégués , il a dit :
L'ita moralité , cette mere de l'athéisme , est à son comble
; les finances sont dans un délabiement auquel il est deven
impossible de remédier jamais ; les charges que porte
le peuple sont écrasantes , et néanmoins hors de niveau avec
les dépenses publiques ; les pays de la généralité ont été dévastés
et pillés par les ailies ; dans l'intérieur , une discorde
qui anéantit tout , tandis qu'au- dehors les armées d'un peuple
puisaant , à qui rien ne peut résister , sont entrées sur le territoire
de la république , et à la veille de fairu la conquête
de cette province . Quand on parviendrait à les en empécher ,
en ayant recours aux inondations , P'habitant de la campagne
sera toujours reduit par celle - ci à l'état le plus déplorable
. "
A Breda , tout est encore tranquille . Les affiches de la
Haye , du 24 , disent que le duc regnant de Brunswick y est
atten du avant peu , pour prendre le commandement de l'armée
qui doit défendre la Hollande . Ce prince , disent - elles ,
en a été requis par les états - généraux , et par le ministere
anglais.
ESPAGNE . De Madrid , le 30 septembre.
Le gouvernement a reçu la nouvelle que le riche convoi
d'Amérique , venant de Lima et de Buenos - Ayres , était entré
tant dans le port de Cadix que dans celui de la Corogne . I
apporte entr'autres beaucoup d'argent appartenant aux intéresses
. Cet argent sera versé dans le trésor royal , et les propriétaires
doivent recevoir en échange des billets portant reconnaissance
, ou quelqu'espece de papier- monnaie.
Deux corvettes , sous les ordres du capitaine Malaspina , sont
renités en même tems que le convoi . On se rappelle qu'elles
furent expédiées en 1789 pour faire un voyage d'observation
autour da globe . Le recit de ce voyage est attendu avec beancoup
d'impatience.
Voici à quoi se bornent les nouvelles reçues des armées
espagnoles.Le général La-Union , commandant celle de Catalogne,
mande que voulant prendre une position qui pût resserrer les
Français davantage , il fit faire un mouvemeut le 17 , au centre
de son amée , pour s'emparer d'une hauteur sur le chemin de
la Junquerea qui va à Cammini . Les Français n'ont point découvert
son iutention , et ont au contraire cru qu'il se préparait
à ataquer leur arriere-garde . Les Espagnols se sont ainsi
emparés avec facilité du poste qu'ils avaient en vue . Ils ont
élevé dessus douze batteries . Les Français , au depart du courier,
ne s'étaient pas encore occupés de les déloger ; mais le génég
ral Espagnol avait distribué 2,000 hommes à chacun des géné
raux Courten et de Santa- Chiara , pour s'opposer à eux dès
qu'ils tenteraient quelque chose.
RÉPUBLIQUE
( 369 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris . )
Séance de duodi , 22 Brumaire.
•
La section du Mont- Blanc se montre en masse et demande
qu'une députation soit admise . Elle vient applaudir avec
la France entiere aux principes contenus dans l'adresse au
Peuple Français . Sans les lois les plus séveres , dit l'orateur
, vous verrez toujours à côté de vous de ces sociétés
qui , cherchant à rivaliser et à neutraliser vos pouvoirs , nous
replongeraient bientôt dans le despotisme . La où les droits
du peuple et de ses représentans sont mécounus ou avilis
nous ne voyons plus qu'un rassemblement dangereux et
plus dangereux encore , lorsque les ramifications de ses complots
se prolongent jusqu'aux extrémités de la Republique .
" Maintenez le droit des sociétés populaires , mais sur- tout
empêchez les de se centraliser ; frappez les perturbateurs .
Si le citoyen de Paris n'a pas plus de droit que celui du
hameau le plus faible , pourquoi les sociétés populaires de
Paris auraient - elles plus de droit , plus de pouvoirs que celles
des communes de la République les moius peuplees ?
·
"
"
La section de la Fraternité est venue exprimer à - peu - près
les mêmes sentimens. Insertion des deux discours au Bulletin
mention honorable et honneurs de la séance.
Carnot annonce la prise de Nimegue et du fort de Schenck
par l'armée du Nord et celle du vaisseau l'Alexander de 74 canons
, et de 43 vaisseaux de commerce , par la division du
contre-amiral Nielly . ( Voyez Nouvelles officielles . )
C'est donc envain , dit-il, que de coupables et lâches libellistes ,
ont tenté d'énerver le courage des armées françaises , en s'efforçant
de leur ôter la confiance qu'elles ont dans la Convention
nationale et dans les membres du gouvernement qu'elle
a choisis . La honte écrase les pamphlétaires , la gloire couvre les
defenseurs de la République , et l'ennemi des factions brave ( galement
et le poignard de l'assassin et la dent du reptile ; il
a une horreur égale et pour ceux qui vivent de sang et pour
ceux qui vivent de fiel . L'homme dont la vie est sans reproche
repose en paix sur sa conscience , et ne craint la calomnie
que parce qu'elle le sort de l'obscurité qu'il desire . Quelque
impure qu'en soit la source , il s'en afflige , non pour lui- même,
mais pour la probité qu'elle blesse , pour l'esprit public
Tome XII .
Aa
!
( 370 )
qu'elle égare , pour la représentation nationale qu'elle avilit
et qu'elle outrage .
Pajol , aide-de- camp du général Kleber , présente à la Convention
36 drapeaux que l'armée de Sambre et Meuse vient
tout nouvellement d'enlever à nos ennemis . Continuez
dit- il , peres du peuple , à cultiver de nouveaux lauriers ; l'armée
de Sambre et Meuse est prête à les cueillir .
L'Assemblée déclare que l'armée du Nord et la division
du contre - amiral Nielly ont bien mérité de la patrie.
Après quelques dénonciations sur les dilapidations commises
sur la fortune publique , Clauzel demande que Laignelot ,
qui a été chargé par les quatre comités réunis de faire un
apport sur les événemens de la nuit derniere , soit entendu .
Laignelot monte à la tribune , il fait lecture de l'arrêté des
comités , portant , 1 ° . que les quatre comités réunis arrêtent
de suspendre les séances de la société des jacobins ( des
applaudissemens partent de tous les côtés de la salle } ; 2º . que
leur salle sera fermée à l'instant , et les clés déposées au sécrétariat
du comité de sûreté générale ; 3 ° . la commission administrative
de police est chargée de l'exécution de l'arrêté dont
il sera renda compte à la Convention .
par
La passion , dit Laiguelot , n'est entrée pour rien dans
cette détermination ; elle a dictée le seul intérêt de la patrie
. Nous avons rendu justice au bien qu'ont fait les jacobins ,
et en les fermaut nous avons respecté les principes auxquels ,
nous ne pouvions porter aucune atteinte ; nous avons cru qu'il
fallait admettre, par- tout des sociétés populaires , parce qu'elles
sont inhérentes au gouvernement républicain . Mais nous n'avous
point vu dans la société des Jacobins une société vraiment,
purement pepulaire .
Nous y avons vu des hommes à peine connus dens la
révolution , menés par quelques hommes qui y sont trop conmus
peut-être , et dont il est tems d'abattre l'influence , car
elle pourrait être funeste à la République . Nous avons pensé.
qu'il était fatal pour la France , qu'il était indécent , qu'il était
déshonorant pour la Convention nationale qu'une poignée,
d'hommes sans moeurs , qui n'aiment point leur pays , qui n'ont
jamais embrassé la cause du peuple que pour la trakir ... Nous
avons cru qu'il était honteux pour la République que la Conveution
qui la représente , souffrit plus long - tems qu'une
poignée d'hommes semblables osassent rivaliser avec elle . Les
jacobins ont été protégés , soutenus , lorsqu'ils n'ont rivalisé
que de vertu , et non pas de puissance avec l'autorité légitime .
S'ils étaient encore ce qu'ils furent autrefois , les vrais amis
du peuple , auraient- ils voulu avilir la Convention ? Quelques
murmures dans une extrémité de la salle . ) Oui , oui , s'écrie- t- on
de toutes parts.
" Serait - il donc nécessaire qu'on rappellât à des représentans
du peuple , des principes qui doivent être gravés dans
( 371 )
leurs coeurs ? Dans quel gouvernement bien ordonné a - t- on vu
deux pouvoirs rivaux ? dans quelle république a - t - on vu un
gouvernement à côté d'un gouvernement ? dans quel pays
a- t- on vu à côté de l'autorité légitime , une autorité capricieuse
qui n'est avouée par qui que ce soit , une autorité qui veut
usurper la puissance du peuple ? Le 9 thermidor , les jacobins
étaient en pleine révolte ; ( Oui , oui , s'écrie - t - on de toutes
parts en applaudissant ) depuis le 9 thermidor , les jacobins
usant de l'impunité , croyant que la représentation nationale
n'avait ni courage , ni caractere , qu'elle les regardait comme
l'arche sacrée à laquelle il n'était pas permis de toucher , ont
continué leur plan de révolte . On a osé dire dans cette société ,
et ce propos a été applaudi par toutes les tribunes , que la brêche
était ouverte et que les armées étaient eu présence : je vous
demande s'il doit y avoir deux partis en France ; il n'y a
qu'une République , il ne doit y avoir qu'une Convention,
Les jacobins sont une faction , et tout ce qui est faction est
punisable.
"
Les comités qui aiment la patrie , quoi qu'on en dise , qui
ne veulent pas de déchiremens , qui voudraient pouvoir rallier
tous les membres de la Convention , ont pense qu'il était
utile pour la liberté publique , d'étouffer un foyer de discordes ,
de factions et de disseutions ; les comités ont pensé que tout
le peuple applaudirait à la mesure sublime qu'ils ont prise :
ils ont cru que dès que l'opinion publique s'était aussi fortement
prononcée qu'on l'a remarqué hier , il était de leur devoir
de lui obéir , et il était de leur devoir d'empêcher que le sang
ne fût versé .
Nous n'avons jamais eu l'intention d'attaquer les sociétés populaires
, je le repete ; et nous nous sommes dit : Nous n'avons
le droit de fermer les portes que là où il s'éleve des factions
et où l'on prêche la guerre civile ; mais les sociétés des sections
sont vraiment les sociétés du peuple . Nous les main- .
tiendrons , la Convention les maintiendra . ( Oni , oui , s'écrient
tous les membres . ) Je demande la Convention approuve
les mesures prises par les quatre comités pour assurer la tranquillité
et affermir la liberté publique . "
que
Le rapporteur a été souvent interrompu par les plus vifs
applaudissemens , et quoiqu'un seul membre , Chalez , ait récla
mé l'appel nominal , l'arrêté des comités est approuvé à la
presqu'unanimité . Le séance se leve au milieu des bravo , et des
cris mille fois répétés de vive la République de vive la Convention
!
Séance de tridi , 23 Brumaire.
Carrier écrit à l'Assemblée pour lui demander la faculté
d'avoir un secrétaire , et de recevoir les visites de ses amis.
La Convention la lui accorde , sous condition de la présence
de quatre gendarmes.
Baraillon annonce , sans la lire , une adresse dans laquelle ,
A a a
( 372 )
1
1
on dénonce des prêtres qui disent des messes pour les ames du
purgatoire , et se les font payer . Il en demande le renvoie a u
comité de sûreté générale. Cela n'est pas étonnant , s'ecrie
Duhem, on a mis en liberté tous les prêtres réfractaires .
Châteauneuf-Raudon dit que cette assertion de Duhem est
en contradiction avec celle qu'il va faire , c'est que depuis
quinze jours il sollicite , auprès du comité de sûreté générale ,
sans pouvoir l'obtenir , l'élargissement d'un prêtre qui a nonseulement
prêté serment , mais qui a rendu de grands services
à la révolution .
Durand -Maillane demande qu'il soit décrété qu'il est enjoint
au comité de sûreté générale de s'occuper du sort des prêtres ,
et de distinguer sar-tout les prêtres constitutionnels , et qui ont
rendu des services à la patrie , d'avec les prêtres réfractaires.
Décrété .
Un artiste fait hommage à la Convention du buste de Sauveur
, président du district de la Roche - Bernard , assassiné par
les brigands de la Vendée , pour n'avoir pas voulu crier vive le
roi. Mention honorable , insertion au bulletin .
Bourdon ( de l'Oise ) : Il est fâcheux , pour un député , d'être
obligé d'entretenir la Convention de lui-même ; mais comme
on m'accuse d'avoir fait le métier de fripier à Versailles , et d'en
avoir rapporté quatre voitures de meubles ; je déclare que je n'ai
Jamais été fripier , et que je n'ai pas quatre voitures de meubles.
Ou rit beaucoup ; et quelqu'un s'écrie que ce n'est qu'une
erreur de nom .
Sur le rapport du comité de commerce , la Convention suspend
le droit de perception sur les laines , fil , coton , poil dechevre
, etc.
Séance de quartidi , 24 Brumaire .
Après la lecture d'une foule d'adresses qui contiennent des
protestations d'attachement et de fidélité à la République et à
la Convention , et de nouveaux sermens de détruire tout ce
qui pourrait rivaliser avec elle , et usurper sa puissance ,
Clausel observe que l'Assemblée , ivre de la joie que les victoires
de la République avaient répandue dans tous les coeurs ,
leva son avant derniere séance sans ordonner l'impression du
rapport de Laiguelo :; il en demande l'insertion au Bulletin et
l'envoi à toutes les sociétés populaires ,
Levasseur de la Sarthe ) et Gaston prétendent que ce rapport
a été improvisé , que même il n'a pas été approuvé par
les quatre comités ; il s'oppose à l'impression et à l'envoi ,
et demande que les comités présentent une nouvelle rédaction
du rapport.
3
Clausel répond qu'il est si peu vrai que les quatre comités
n'aient pas adopté ce qu'a dit Laignelot , que celui- ci n'a rapporté
qu'une très - petite partie de la discussion qui avait cu
lieu. Il ajoute que la presqu'unanimité de la Convention avait
i 373 )
14
adopté ce rapport , et qu'on ne peut s'opposer à son impression
. La Gonvention la décrete , ainsi que l'envoi aux autorités
constituées et aux sociétés populaires . Gaston et Taillefer réclament.
Legendre qui préside dit : « Le décret est rendu, on
ne m'intimidera pas par des vociférations . 19
Dubois Dubai rend compte de la situation de l'esprit public
à Caen. L'égarement de ses habitans , après le 31 mai , n'a été
que le résultat de leur ardent patriotisme , inquiet sur le sort
de la représentaion nationale . Ils prirent les armes , dès qu'on
Leur ent persuadé qu'elle n'était pas libre ; ils les mirent bas
sans efforis dès qu'on les eut convaincus du contraire . Ils demandent
le rapport du décret par lequel il était ordonné qu'il
serait élevé une colonne sur les ruines du château de Caen
inju: ieuse aux intentions pures qui n'ont cessé de diriger les
citoyens de cette commune , et en général ceux du département
du Calvados . La Convention décrete le renvoi au comité de
salut public pour en être fait un prompt rapport.
Cadroy obtient la parole pour une motion d'ordre . Il présente
quelques réflexions générales , et un projet de décret
sur l'organisation et la police des sociétés populaires , et sur
plusieurs auttes objets de travail des comités . La Convention
en ordonne d'impression et l'ajournement
"
Audouin prend la parole , pour la premiere fois , et propose
aussi une motion d'ordre . Dans un discours qui ne manque
pas d'énergie , mais qui y'offre que des généralités , il fait sentir ,
soit pour l'intérêt de la République , soit pour celui des ar
mees la nécessité de s'occuper promptement des lois qui
doivent être et la conséquence et l'affermissement de la constitution
, I demande que la Convention invite chacau de ses
membres à lui, présenter des plans propres à remplir cet objet.
L'Assemblée ordonne l'impression et le renvoi de ce discours
aux comites de salut public et de législation.don .
Troisieme motion d'ordre , celle de Barrere : après avoir
jetté nn coup d'ail sur la révolution du g thermidor qui a
abaitu le tyran et la tyrannie , rappellé, le regne de la justice
et de l'égalité qui lui succede , fait sentir les dangers de l'esprit
de parti , il craint les aristocrates : vindicatifs qui voudraient
abuser d'une majorité législative ; il craint le pani de l'étranges
dont il ne cessera jamais d accuser les complots que lorsqu'ils
seront détruits , qui doit faire ses derniers efforts pour égarer
les citoyens , pour assoupir le peuple , pour intercepter ou
corrompre les mieres , denaturer ses volontés , surhausser
le prix des matieres de première nécessité , faire perdre à l'onvrier
, aupres des boutiquas , un tems précieux . Il prétend qu'il
existe un comité secret de l'étranger , et que deja on a erié : A
bas la République !
Il craint certains politiques qui veulent selon lui la prééminence
de la constitution anglaise et les bienfaits de la constiution
americaine. Il craint une politique perfide qui est
A a 3
( 374 )
鑫
"
basée , dit-on , 10. sur le danger que les rois de l'Europe
entrevoient en laissant dans le continent européen une
démocratie puissante , une République bien organisée et
une égalité constitutionnelle ; 20. sur l'intérêt des anciennes
castes privilégiées et des ambitieux de tous les partis , qui
trouveraient dans une constitution modifiée un sénat ou
une chambre de représentans . Il craint que les intrigans qui
rodent autour de la Convention ne s'emparent des victoires
innombrables des douze armées , ne mettent à profit , contre le
peuple , les succès des sans - culottes , et ne donnent quelque
triomphe à l'aristocratie au prix du sang de tant de milliers
de Répulicains qui ont péri sur les frontieres et dans les
pay's ennemis pour assurer la liberté française. I craint une
paix humiliante , une transaction avec les préjugés ; mais cette
paix ne saurait être faite en altérant une seule ligne de la
constitution républicaine , palladium de nos libertés et caution
des droits de l'homme..... Il conclut à ce que la Convention
charge quelques membres du comité de législation , ou une
commistion de cinq membres , de préparer d'avance les lois
organiques de la constitution acceptée par le peuple français
le 10 août 1793 .
Pelet s'étonne des changemens bien extraordinaires qui se
sont opérés dans une partie des membres de l'Assemblée .
Ceux qui étaient les plus opposés au gouvernement constitu
tiounel " ceux qui faisaient un crime à leurs collegues d'oser
-parler de constitution , sont ceux aujourd'hui qui se préci
pitent dans l'arême et la demandent à grands cris . Je vois ,
-dit -il , dans cette propositions, un piége infiniment adroit pour
décourager nos freres d'armes et encourager nos ennemis ; car
. Pitt connaît la situation de l'Europe , il sera éternellement l'ennemi
du nom Français ; et il sait que tous les peuples , fatigués
de la guerre et admirateurs du conrage des Français .
pensent à leur demander la paix . Il entre dans la politique du
gonvernement britannique de mettre tout en oeuvre pour empêcher
que cette paix soit conelucor je vous le demande ,
quel moyen plus adroit peut-il employer, pour y parveni ,
que celui de diviser la Convention ? Quel moyen plus adroit
peut-il employer que celui de vous porter à vous occuper des
lois organiques de la constitution , tandis que toutes vos réflexions
doivent se porter sur les mesures à prendre pour écraser
vos ennemis ? Comment estil possible qu'en faisant des lois ,
nous puissions pourvoir aux besoins des armées , et diriger ta
guerre, avec vigneur ?
Lorsque vous eûtes la sublime idée de déclarer que la France
formerait une République , vous ne doutiez pas qu'il y eût
dans votre sein des hommes qui , en prêchant l'intérêt du
-peuple , n'avaient en vue que leur intérêt particulier ; des
hommes qui ont certainement des continuateurs ; mais leurs
continuateurs pe seront pas plus heureux qu'eux -mêmes.
( 375 )
4
Vous avez , depuis le g thermidor , pris une marche sublimeg
vous avez fait disparaître la terreur à laquelle quelques - uns de
Vos membres applaudissaient , à laquelle ils attribuaient le
bonheur de la France ; cependant , depuis cette journée , sans
échafaud , sans tuerie , nos freres d'armes ne cessent pas un instant
de battre nos ennemis .
On dit qu'il y a à Paris des Chouans , des agens de Pitt , des
aristocrates. Je le crois aussi qu'il y en a ; mais si je les connais
sais , je ne viendrais pas le dire à cette tribune ; j'irais les dénoncer
au comité de sûreté générale , afin qu'ils ne pussent
échapper.
Pelet ajoute qu'il doit , à l'acquit de sa conscience , dire à
la Convention qu'après avoir détruit le systême de terreur
qui bientôt aurait amené l'esclavage , il faut encore prendre
garde que les partisans de ce systême abominable ne nous
jettent dans l'excès contraire , car les partisans de Robespierre
ne veulent que le désordre et l'anarchie , et quand ils ne peuvent
pas dominer dans une faction , ils se rejettent dans une autre. La
majorité des hommes qui ont voulu mener la Convention a été
mise à sa place ; ils ont péri sur l'échafaud ; il reste encore
quelques - uns de leurs partisans , il faut les laisser dans la
boue où ils se sont enfoncés . 7 8
Tallien ajoute des observations importantes à celles de
Pelet , il remarque dans le discours de Barrere le dessein
d'accréditer les bruits que répandent les aristocrates pour faire
croire que c'est encore une nouvelle faction qui a proposé les
décrets salutaires rendus depuis le 9 thermidor. C'est à son
avis uue seconde édition du rapport du dernier comité de
salut public ; il prouve que cette révolution est toate entiere
l'ouvrage du peuple . C'est lui qui depuis ce tems n'a cessé de
faire retentir cette enceinte des cris de vive la Convention ! Aujourd'hui
que les armées françaises sont par tout victorieuses , on
voudrait faire croire aux départemens qu'une faction nouvelle
vient de s'emparer des rênes du gouvernement , et préparer
uue paix honteuse pour la République ! ah sans doute !
cette faction est redoutable ; c'est celle de 25 millions de
Français contre les fripons et les scélérats. Cette faction veut
· le regne de la loi égale pour tous , et ne souffrira pas plus le
rétablissement de la terreur que l'établissement du modéran-
› tisme à la maniere des aristocrates . Cette faction sait qu'il
n'est pas nécessaire d'élever un grand nombre de bastilles
pour gouverner ; il suffit de bennes lois , et ce qui est le
fondement de toute législation , des moeurs , de la justice et de
la probité
*
:
Si je voulais , continue-t- il , faire un rapprochement du
discours qui vous a été présenté , avec ce que disaient d'autres
conspirateurs , je vous rappellerais qu'Hebert fut aussi , dans
d'autres tems , demander aux Cordeliers l'établissement de la
constitution. Je dirais qu'on s'éleve contre les comités du
A a 4
( 376 )
gouvernement , parce qu'ils font et feront toujours le bien, parce
qu'on n'est plus membre de ces comites . Mais je ferais aussi
une invitation à ces mêmes hommes je leur dirais : enfermezvousdans
vos cabinets , méditez -y sur vos crimes , et venez ensuite
á cette tribune apporter le tribut de vos remords . Si les idées
que vous présenterez tendent au bonheur du peuple , nous
nous empresserons de les adopter sans examiner la source d'où
-elles découlent....... C'est en ce moment sur-toat que vous
êtes vraiment grands aux yeux de l'Europe Depais long-tems
des hommes qui aiment sincerement la République , aspiraient
à un nouvel ordre de choses ; ce nouvel o dre de choses est
arrive le 9 thermidor ; la justice reprenant son empire , et
étendant ses rameaux sur toute la Republique , a rallié tous
les Français . Que le gouvernement prenne des mesures sages
pour faire une paix honorable avec quelques uns de nos
cnnemis ; et à l'aide des va sseaux hoilandais ct espagnols ,
portons- nous ensuite avec vigueur sur les bords de la Tamise
et detruisons la nouvelle Carthage .
Tallien demaede l'ordre du jour sur les propositions faites
par Audouin et Barrere .
Bartere demande la parole ; plusieurs membres veulent que
la séance soit levée . Après quelques debats pour savoir si la
diseassion continuera , Richard demande qu'on ne s'occupe
pas de disputes particulieres . Sans doute , il est nécessaire
que la Convention connaisse les fiipons ; mais ce n'est pas
ainsi qu'il faut les démasquer ; car on aurait deux cents discussions
de cette nature . L'Assemblée a de trop grands travanx
à faire pour se livrer à des débats particuliers ; il insiste
pour l'ordre du jour , en l'ordre du jour est adopté.
Séance de quintidi , 25 Brumaire.
Organe du comité de sûreté générale , Armand donne connaissance
d'un rapport fait par la commission de police sur ce
qui s'est passé dans la société populaire des Quiuze -Vingts ,
fauxbourg Antoine . Ce rapport est ainsi conçu :
Le 24 brumaire , après la lecture dn procès -verbal , Tronville ,
commandant en second de la force armée , y douna lecture
d'un libells , dans lequel la Convention est trainée dans la
bone. Ce n'etait là qu'un prélude à une nuée de gens inconnus
se disant membres des jacobins et du club électoral se sont
présentés dans la salle , en disant : Braves citoyens du fauxbourg
Antoine , vous qui êtes les seuls soutiens du peuple ,
vous voyez les malheureux jacobins persécutés ; nous vous
demandons à être reçus dans votre société . Nons nous sommes
dirt Allens au fauxbourg Antoine , nons y seront inattaquables :
réunis , nous porterons des coups plus sûrs , pour garantir le
peuple et la Convention de l'esclavage. La société a arrêté
que tous ceux qui se présenteraient , seraient admis sans autre
examen. Fiers d'être regus , ils se sont permis les propos les
( 377 )
•
"
plus atroces contre la Convention et le gouvernerment , ont
provoqué l'insurrection , en lisant plusieurs fois avec emphase
cet article de la déclaration des droits de l'homme : Quand
le gouvernement viole les droits du peuple , l'insurrection est
pour le peuple , et pour chaque portion du peuple , le plus
sacré des droits et le plus indispensable des devoirs . "
•
Les esprits étaient dans la plus grande fermentation ,
lorsque le président Tronville lut une lettre du nommé Edony
détenu au Luxembourg , dans laquelle il appellait les hommes
de sang les seuls vrais patriotes . Après mille vociferations ,
voyant qu'ils ne pouvaient parvenir à leurs fins , les nouveaux
venus proposerent une adresse pour la séance prochaine qui
fut indiquée au sextidi ; adresse qui contiendrait le récit de ce
qui s'etait passé dans cette séance , et ils promirent d'amener
une grande quantité de freres .
" Les membres de la société n'ont rien dit ; ce sont ceux
qui étaient venus des autres sections qui ont tout fait . Blay
du comité révolutionnaire de la section des Quinze - Vingis ,
parla avec la plus grande circonspection . Les femmes tenaient
plus de la moitié de la salle , et l'on promit une forte recrue
pour sextidi . ,,
Armand ajoute que ce n'est pas pour prémunir l'opinion
publique contre les menées des agitateurs que le comité donne
connaissance de ces faits ; l'opinion publique saura toujours
distinguer les fripons des honnêtes citoyens ; mais c'est pour .
apprendre à tous les intrigans que le gouvernement est à leur
suite , que nous vivons , que nous dormons avec eux , si toutefois
le crime peut dormir. Nous savons quels sont ceux qui
se proposent d'acheter 20,000 bonnets rouges . Nous savons
aussi quels sont ceux qui courent chez tous les marchands
pour acheter une grande quantité de pistolets , n'importe à quel
prix et quelles conditions . Les comités ne cessent de veiller
et de mériter votre confiance ; et je vous annonce que Tronville
et Tissot , deux des chefs de ce mouvement doivent être
arrêtés dans cet instant.
Tallien assure qu'on cherche envain à égarer les bons citoyens
du fauxbourg Antoine . Ils ont répondu à ces hommes
nouveaux : Ce n'est pas avec vous que nous avons renversé la
Bastille et que nous avons fait le 10 août : il prend de- là occasion
pour appeller l'attention de l'Assemblée sur la disette factice
des objets de premiere nécessité , sur-tout du bois et du charbon;
il répete qu'il y a eu dans l'administration des subsistances
de Paris la plus grande malveillance . Il invite les comités à
surveiller cette partie si essentielle . Occupez - vous du peuple
, dit-il , et ne croyez pas que quelques hommes parviendront
à l'égarer ; le peuple qui vit dans les atteliers , dans
les manufactures , chérit la Conevation , et c'est là le vrai
peuple celui qui travaille , et non pas ces misérables qui vivent
à ne rien faire , si ce n'est du mal . Les bonnes citoyennes
( 378 )
t
sont ces femmes respectables qui restent chez elles à soigner
leur ménage , élever leurs enfans , et non pas , comme l'a
dit un de nos collegues , ces furies de guillotines qu'on voyait
toujours dans les tribunes des jacobins ; ne sachant rien , ne
connaissant rien , applaudissant à tort et à travers à tout ce
qui est bon et mauvais , pourvu que cela sortît de la bouche
qu'on leur avait désignée .
Rewbell donne , au nom du comité de sûreté générale , des
éclaircissemens sur l'état des magasins des Quatre-Nations et
de Saint- Sulpice ; il s'y est transporté avec Goupilleau , son
collegue , et ils n'y ont trouvé aucunes marchandises gâtées .
Cambacerès assure que le comité de salut public s'occupe
continuellement de la partie essentielle des subsistances . Il a
éte pris des mesures pour réparer les erreurs qui avaient pu
être faites , et donner à cette partie toute l'activité dont elle a
besoin ; mais il faut que la Convenion et les bons eitoyens
réchauffent le zele des comités , en rendant justice à leur civisme
et à leur bonne volonté . La Convention passe à l'ordre
du jour.
Čet ordre appellait la lecture des adresses et l'audition
des pétitionnaires . Le général de brigade d'Expinoy vient ,
au nom de ses freres d'arme et du général Dugommier , demander
pour le brave Labarre les honneurs que la patrie
reconnaissante décerne aux services signalés de ses défenseurs
morts en combattant pour elle . Il présente le tableau des services
et des faits glorieux de ee général. Insertion au bulletin
et renvoi de la demaude au comité d'instruction publique.
Santhonax , ci devant commissaire civil à Saint Domingue ,
présente une série de faits contre les planteurs de cette colonie
, et demande que la Convention suspende son opinion
jusqu'après le rapport de la commission . Un instant après ,
les fondés de pouvoirs des colons de Saint- Domingue , réfugiés
dans les Etats -Unis , viennent accuser à leur tour Polxerel
et Santhonax , Ces pétitious contradictoires sont renvoyées
à la commission chargée de cette affaire .
Lakanal annonce qu'il existe une version des écrits du célebre
philosophe Bacon , dans les papiers d'un des conspisateurs
que la justice a frappé ; elle est attribuée à un littérateur
distingue , et pourrait être extrêmement utile pour les
écoles normales . Le comité d'instruction a chargé Lakanalet
Deleyre , son collegue , d'examiner cette traduction , et de
présenter sans délai le résultat de son travail. Il demande que
le comité d'instruction soit autorisé à faire imprimer cet ou
vrage aux frais du gouvernement , si les commissaires ne le
jugent pas indigne du philosophe anglais . La proposition de
Lakanal est adoptée .
Séance de sextidi , 26 Brumaire.
Le citoyen Delormel fait hommage à la Convention natio
( 379 )
<
nale d'un ouvrage qui a pour titre Projet de langue universelle.
Cette langue , dit-il , par la simplicité de ses moyens et
la facilite de ses combinaisons , aurait le double avantage de
classer dans la mémoire les objets des sciences , et de devenir
promptement universelle comme l'art du calcul .
Sur la proposition de Baraillon , l'Assemblée renvoie le
projet et la petition à son comité d'instruction pour lui en
faire son rapport .
Le comité d'agriculture et des arts présente le citoven Lhéj
ritier pour remplir les fonctions de commissaire dans cette
partie de l'administration , à la place de celui qui vient de
décéder. La Convention approuve cette nomination .
Lakanal soumet à la discussion le projet d'organisation des
écoles primaires ; après quelques débats , il est adopté .
( Nous le donnerons au numéro prochain . )
Sur le rapport de Paganel , au nom du comité des secours ,
la Convention accorde un secours provisoire de 665 liv . à la
veuve du citoyen Philippeau , représentant du peuple.
PARIS. Nonidi , 29 Brumaire , l'an 3e . de la République .
On a pu s'étonner sans doute de voir éclorre à la fois tant
de motions d'ordre sur les lois organiques qui doivent découler
de la constitution , et avancer sur-tout qu'il me fallait pas
en altérer une seule ligne . Ne serait- ce point une nouvelle pomme
de discorde jettée d'avance pour diviser la représentation , et
inquiéter l'opinion publique . Tout le monde sait dans quelles
circonstances et avec quelle précipitation la constitution de
1793 fut rédigée et présentce à l'acceptation du peuple. La
nation ne peut avoir d'autre intérêt que celui d'établir un gouvernement
démocratique et représentatif qui puisse en garantir
la durée et défendre la liberté publique contre tous les dangers
qu'il est de la sagesse des législateurs de prévoir , car ane
constitution ne doit jamais être ni une affaire de circonstances ,
ni un objet de passions ou de préjugés ; ce doit être le gage
aussi immuable qu'il est possible de la felicité d'un grand
peuple .
S'il arrivait qu'elle n'eût pas atteint dans son ensemble on
dans ses parties le degré de perfection que nous devons tous
desirer , serait- ce donc un sentiment condamnable , que de
chercher à réparer les omissions ou les erreurs qui s'y seraient
glissées ? Pourquoi done cet empressement à s'interdire jusqu'à
T'espoir d'améliorer un édifice si import? Quand les esprits
se ressentent encore de l'ébranlement des passions et de la
fureur des partis , quand la paix , très prebaole sans doute ,
n'est point encore faite avec nos ennemis , quandd l'ordre r'est
-point encore affermi dans l'intérieur , et que la disposition à
( 380 )
l'obéissance aux lois ( sans laquelle il ne peut y avoir de gouvernement
durable ) se trouve encore altérée par une longue
succession d'inquiétudes et d'anarchie , était- ce bien le moment
de s'occuper du passage de l'état révolutionnaire où nous
sommes à l'état fixe et permanent sous lequel nous devons
vivre ? Qui de nous voudrait prolonger l'ordre précaire où
nous existons ? mais qui de nous aussi ne doit pas ambitionner
d'affermir la liberté sur des bases inébranlables ?
si l'on
La tranquillité publique n'a point été tromblée par la dissolution
desjacobins ; il y avait long tems que cette societé célebre
ne s'occupait plus que de dénonciations et de passions individuelles
qui avaient remplacé ces grandes discussions d'intérêt
publie qui caractérisent des hommes libres qui veulent le bien
de leur pays. L'on se ferait une idée bien fausse
croyait que la mesure qu'a cru devoir prendre la Convention
soit une atteinte portée à l'existence des sociétés populaires .
Dans une république , tous les citoyens ont droit de s'entrete
nir de la chose de tous , et malheur au peuple libre qui serait
assez insouciant sur les affaires publiques pour garder sur elles
ce silence morne , triste avant - coureur de la servitude ; mais ce
droit précieux et inalienable ne saurait être un privilége exclusif
, ni le pouvoir de créer des corporations séparées du reste
des citoyens , et moins encore des autorités rivales des autorités
constituées . Les sociétés populaires doivent être dans chaque
commune leforum où le peuple peut s'assembler pour causer des
intérêts politiques qui le touchent de si près . Tout individu
qui jouit des droits de citoyen peut y venir offrir le tribut de
ses lumieres et de son amour pour la patrie ; c'est lorsque ces
sociétés seront vraiment populaires , qu'elles auront un grand
caractere d'utilité politique et morale , et qu'elles pourront
influer sur l'epinion publique , comme elles en recevront la
réaction , car l'opinion libre comme la pensée n'existe point
dans telle ou telle corporation partielle et privilégiée ; elle se
compose du sentiment individuel , et ne devient un tribunal
redoutable que lorsque ses jugemens éclairés par une instruction
illimitée , lui appartiennent tout entiers .
Depuis que les scellés avaient été mis sur les papiers de la
société connue sous le nom de Club électoral , elle avait interrompu
ses séances ; elle vient de les reprendre dans une des
salles du Muséum ; plusieurs membres de la société des jacobins
s'y sont réunis . Mais cette société n'offre point le caractere
que nous venons d'indiquer ; c'est encore une association privilégiée
, où nul ne peut être admis sans faire preuve des opinions
dont la société indique la mesure , et cette mesure pe
paraît pas être celle de l'opinion publique ; il y a plus de fermentation
que de discussion : c'est plutôt un rassemblement
( 381 )
de gens de parti qu'ane assemblée dirigée par les senles vies
de s'instruire , et ce que l'on y remarque le plus , non sans
quelqu'étonnement , est une quantité prodigieuse de femmes
à qui , pour le plus grand nombre , les moindres idées poli
tiques sont étrangeres , et que Rousseau aurait trouvées bien
mieux placées au sein de leur famille ou dans un attelier laborieux.
Toutes ces aggregations ne sont qu'une suite des circonstances
et des passions du moment ; l'opinion publique les
surveille , et si elles devenaient dangereuses à , la tranquillité et
à l'amour des lois , il est à présumer qu'elles cesseraient bientôt
d'exister.
L'opinion publique et celle de la majorité de la Convention
a toujours distingué , au milieu des reproches que des
écrits polémiques adressent aujoud'hui à l'ancien comité de
salut public , plusieurs membres qui jouissent de l'estime et de
la confiance de leurs collegues . De ce nombre est Carnot qui
vient d'être réélu membre du nouveau comité de salut public ,
où ses talens militaires l'ont appellé de nouveau ; on lui attribue
le plan de campagne qui a rendu par-tout nos armées
victorieuses. Les étrangers même ne peuvent s'empêcher de
lui rendre cette justice , et voici de quelle maniere le rédacteur
d'une feuille anglaise très - connue s'exprime sur son compte.
Article traduit du Morning- Chronicle du 24 octobre ( 3 brumaire).
Après avoir rendu compte du rapport de Carnot sur la
reprise de Valenciennes , de Coudé , etc. le Morning- Chronicle
ajoute :
4
A
Carnot qui parle ainsi de Robespierre n'a jamais en rien
de commun avec les factions intestines qui ont inondé sa patrie
d'on torrent de sang ; il a donné toute son attention et appli
que ses talens aux moyens de repousser les ennemis de l'exterieur
et d'éteindre la guerre civile : il jouit de la confiance
et de l'estime dans toutes les parties , et on ne l'a jamais attaqué
comme partisan ou agent de Robespierre . C'est à lui
comme au premier directeur des operations militaires , que les
Français sont redevables de toutes leurs victoires ; Merlin ( de
Thionville ) a dit de lui , et ses collegues ont tacitement avoué ,
que toutes les fois que ses plans out été suivis , les Republicains
étaient vainqueurs ; et que lorsqu'on s'en écartait , on
était toujours battu .
Nous avons rapporté dans notre précédent numéro la loi sur
les écoles normales . Le département de Paris s'est empressé de
faire la proclamation suivante , dont la publicité importe à tous
ceux qui sont dans le cas d'en profiter .
Le département , délibérant sur l'exécution de la loi
( 382 )
do 9 brumaire
, relative à l'établissement
des écoles normales ;
Convaincu
que le succès de cet établissement
, dont les
résultats
heureux
doivent répandre
dans toute la République
les principes
de morale et d'instruction
, si nécessaires
au
maintien
de la liberté et à la restauration
des moeurs , dépend
en grande partie du bon choix des éleves qui vont être dêsignés
;
L'agent national entendu dans son requisitoire , arrête :
1º . Il sera ouvert au secrétariat du département , un
registre pour y recevoir les noms et demeures des candidats
qui se présenteront.
•
99 2º . Les candidats déposeront , en venant se faire inserire ,
leurs actes de naissance et les certificats attestant leur bonue
conduite et leur patriotisme.
6. 3 ° . Ils y joindront un mémoire ou déclaration signée
d'eux , des fonctions qu'ils ont exercées , des travaux auxquels
ils se sont livrés , du genre de connaissances qu'ils ont acquis .
" 4° . Ce registre sera clos le 15 frimaire prochain .
50. Les candidats inscrits seront convoqués à des jours
fixes , à dater du 15 fiimaire , pour être examinés , afin de
juger ceux qui réuniront les qualités morales et politiques ,
et les dispositions nécessaires pour être admis au nombre des
éleves . Cet examen se fera par deux administrateurs et quatre
eitoyens nommés par le département.
,, 6° . Le nombre des éleves sera déterminé par le départe
ment , d'après les tableaux de population qui seront mis sous
ses yeux .
7 ° . Le présent arrêté sera imprimé avec la loi du 9 bru
maire , relative à l'établissement des écoles normales , affiché
et envoyé aux 48 sections , pour être lu à la prochaine assemblée
décadaire .
Signés , HOUZEAU , président ; DUPIN , secrétaire - général.
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DE SAMBRE ET MLUSE.
De Nimegue , du 18 brumaire .
Nous vous annonçons , citoyens collegues , la prise de
Nimegue. Nous n'avons pas besoin de vous en démontrer l'importance
. Nous y avons pris trois bataillons , formant à-penprès
1900 hommes , So bouches à feu , presque toutes en
bronze . Nous n'avons pas encore les détails des poudres , munitions
et autres objets , ni des vivres qui peuvent s'y trouver ;
les officiers de chaque arme procédent en ce moment à l'inventaire
des objets qui les concernent.
( 383 )
" La reddition de cette place paraît due aux dispositions
savantes qui ont été faites par le général Moreau , et à la prise
du fort de Schenck ; tous les moyens ayant éte rassemblés pour
faire au-
-dessous de ce fort un passage sur le Vaalh , les ennemis
se sont cru tournés , et n'ont pas voulu tenter le sort d'une
bataille .
Les Anglais ont donné une marque de leur loyauté ordi
naire . Ils ont fait les premiers la retraite ; et quand ils ont eu
passé le Vaalh , ils ont tiré sur les Hollandais et détruit entierement
le pont de sorte que ceux - ci ont été obligés de se
rendre prisonniers . Ils ont , ce matin , déposé les armes sur
les glacis de la ville , et yout en Frauce prisonniers de
guerre .
" Voilà donc le fameux duc d'Yorck qui fuit au loin devant
les Français qu'il méprisait taut , et qui paraît avoir autant de
loyauté vis - à - vis les alliés de sa nation , que de bravoure vis -àvis
de ses ennemis .
Les François ont montré leur intrépidité ordinaire . Une
sortie de 5000 hommes ennemis a été repoussée par les simples
gardes de la tranchée , et par un bataillon que commandait le
général de brigade Jardon . Nos troupes out fondu avec une
telle impétuosité sur l'ennemi , que 400 sont restés sur la
place , la sortie entiere a été repoussee jusqu'au chemin couvert
; et nous n'avons eu dans notre retraite que bo hom.nes
tant tués que blessés par le canon de la place .
,, Les canonniers ont tiré avec leur adresse ordinaire.
Deux batteries , composées de six pieces en tout , ont rompu
deux fois le pont de bateaux . du Vaalh , malgre le feu croisé
des batteries ennemies , qui étaieut composées de plus de
40 pieces de canon , "
Salut et fraternité .
Signés , LACOMBE ( du Tarn ) , BELLEGARDE , représentans du
Penple François .
Au quartier général de Mastricht , le 18 brumaire .
Je vous envoie , chers collegues , par un aide- de-camp
du général Klebert , 36 drapeaux hollandais et autrichiens ,
31 appartenant à la garnison de Mastricht , 4 ont été pris a la
bataille de l'Ourt , et un à Mons , avec des pieces de canon
de 17 , par la cent vingt - troisieme deni -brigade d'infanterie
et la trente deuxieme division de gendarmerie , le 14 messidor
dernier. Il en reste un trente - septieme qui fait la partie de ceux
pris à la bataille de l'Onrt , que je vous enverrai lorsque le
chef de l'état- major de l'armée me l'aura remis .
,, Nous avons trouvé à Mastricht , 1 ° . 332 bouches à feu ,
( ' 384 )
parmi lesquelles il y en a 302 de bronze , presque tontes de
gros calibre. Cette formidable artillerie ne provient pas toute
de la place ; les Autrichiens avaient fait de Mastricht leur place
d'armes , et il y avaient laissé le reste de leur artillerie de
siége . Voilà pourquoi nous n'avons pu , à notre grand étonnement
, mettre la main dessus en les poursuivant de la Meuse
au Rhin ; 2º . 380 milliers de poudre , non compris ce qui est
employé à l'arsenal et dans les mines ; 3 ° . 14 mille fusils ,
outre ceux de la garnison .
" La fameuse tête de crocodile est trouvée ; c'est dans son
genre l'an des plus beaux morceaux d'histoire naturelle qu'il
existe. "
Salut et fraternité .
Signé , GILLET , représentant du peuple ..
P. S. On avait répandu le bruit que Goupilleau ( de Fontenai
) et Projeau avaient été assasinés à Villejuif près Paris
en allant en mission . Le comité de sûreté générale a démenti
ce bruit. C'est un citoyen de Lyon qui a été attaqué par des
voleurs qui l'ont devalisé après l'avoir grievement blessé et tué
le postillon . Des mesures ont été prises pour s'assurer des brigands.
Dans la séance du 28 , Richard a annoncé qu'une division de
l'armée du Nord.s'est emparée du poste important de Burich
près Vezel , après avoir tué ou fait prisonniers 150 hommes.
L'armée des Pyrénées orientales s'est emparée de Castella ,
défendu par sept retranchemens placés en amphithéâtre.
La discussion sur Carrier s'ouvre prime li .
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
RS travaux de la Convention nationale acquérarie
de jour en jour un nouveau degré d'intérêt par l'importance
des objets dont elle s'occupe les événemens
Aeureux qui se succedent avec rapidité , & qui sont dus
au gouvernement révolutionnaire , une campagne , l'une
des plus memorables dont les fastes d'un peuple libre
aiem jamais fourni l'exemple ; toutes ces considérations
nous ont déterminés à rendre plus frequente la distribution
de ce Journal.
Ainsi , à compter du mois de Prairial , le Mercure
paratra regulierement tous les cinq jours , savoir les
quintili er decadi , et sera composé de deux feuilles au
moins , souvent de deuxfeuilles et demie , suivant l'av
bondance des matieres.
Par ce nouveau plan , les séances de la Convention
seront plus rapprochées ; les nouvelles étrangeres , celles
des armées et de l'intérieur seront presqu'à jour , du
moyen des post-scriptum qui seront livrés , dès la veille ,
à l'impression. Par- là , nous serons pour ainsi dire au
niveau des feuilles du jour dans la plus grande parti
des départemens où le service des postes n'eft pas jour
nalier , et nous conserverons l'avantage de réunir dans
un plus grand ensemble les faits , les événemens et les
pieces officielles qui méritent de fixer l'attention.
Nous ne changerons rien d'ailleurs à l'ordonnance
ee Journal. Les mémes matieres de politique et de listérature
y seront traitées on continuera d'y rapporter
les séances de la Commune de Paris , de la Société des
Jacobins et les jagemens du Tribunal révolutionnaire.
En faisant connaître les rapports importans du Comité
de falut public , et ceux des autres Comités . nous propagerans
les grands principes de la morale publique qui
forment la base de notre gouvernement republicain .
Le prix de l'abonnement , qui a été jusqu'à présent
de 36 liv. franc de port pour les départemens et pour
Paris , sera désormais de 42 iv. La cherté excessive
du papier et les frais d'impression , plus que doublés ,
nécessitent de notre part , cette augmentation.
On s'adressera , pour souserine , ou fit. GUTH , rue
des Peisevins , n . 18.
( N°. 1. ) 46
Quintidis Vendemiaire ,
l'an troifième de la République.
( Vendredi 26 Septembre 1794 , vieux fyle. )
MERCURE
FRANÇAIS
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HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTÉRAIRE
Le prix de l'Abonnement eft 40 res
franc de port,
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4 quartidis. 2eudi. 21 4.97 46
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7 feptidi .
28 Dim 24 S
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4.97
66
8 octidi . 29lundi 2 m. du m.
25 4.97 73 9 nonidi .
30 mardi 26 4.97
82
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I merc 27 91
11 primedi II Décade, jeudi 28 4.98 12 duodi..
13 tridi.
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1.31
rend 29
P. Q
10
fam. 30
le 11, as 4
20
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15 quintidi.
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wardi 17
9 jeudi
P. L. 4 98 77
13 lundi
9
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4.99 29
4.99 43
16 jeudi 12
vend. 13
D.Q.
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b. 9 R.
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S
30
45
MERCURE
FRANÇAIS 2
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES,
Du Quintidi 5 Vendemiaire , l'an troisieme
de la République.
(Vendredi 26 Septembre 1794 , vieux style.
TOME XII.
PUBLIQU
LA
LOL
SE
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
N. 18 .
TABLE des matieres littéraires , depuis le 1er. jusqu'au
21 Septembre 1794 , vieux style..
L'ART militaire pour les troupes de lignes et nationales de la
Republique Française ... page
3.
Annonces de livres nouveaux .
Poésie , Diane surprise par l'Amour .....
5.
33 .
Charade , Enigme et Logogriphe ..
Discours décadaires pour toutes les fêtes républicaines ;
par Poultier , représentant du peuple ..
Annonces de livres nouveaux .
ibid .
$5 .
39.
Les Trans - Teverins ou les Sanculottes du Tibre ,
poëme; par Th. Desorgues . 65.
....
Discours historiquez , critiques et politiques de Thomas
Gordon , sur Tacite et Salluste , trad . de l'anglais ,
nouvelle édition ... 97 .
Poésie , l'Evacuation du territoire français ; par le
citoyen Lacombe ..
129.
La Loi naturelle ou Catéchisme du Citoyen Français ;
par C. E. Volney : 2º . édition ...
3
130.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
( N°. i er
>
1
MERCURE FRANÇAIS .
Du quintidi , 5 VENDEMIAIRE , l'en troisieme de la République.
( Vendredi 26 Septembre 1791 , vieux style . )
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 5 Septembre 1794.
APRÈS avoir appellé et protégé les philosophes dans ses états,
Catherine dans sa vieillesse serait -elle devenne superstitieuse P
On pourrait en juger par le présent magnifique qu'elle vient
de faire au grand chapitre de l'église de Moscow. Ce présent
consiste en un calice d'or , garni de diamans et de pierres précieuses
où se trouvent graves huit sujets de la Bible , et en
trois tapis richement brodés et garais de perles : il y a apparence
que l'impératrice de Russie n'est pas pins superstitieuse ,
qu'elle n'a été véritablement philosophe . Elle caresse aujour
d'hui les prêtres , parce qu'elle connaît l'empire qu'ils ont sur
la crédulité des peuples , et qu'elle sait que le despotisme a
toujours trouvé son plus ferme appui dans le sacerdoce .
Quoique ses conquêtes en Pologue soient peut- être au moment
de lui échapper , elle n'en a pas moins fait paraître un
monument de son orgueil : c'est une médaille frappee à l'occasion
de ses usurpations en Pologne. On veit , d'un côté ,
son buste avec l'inscription russe : L'impératrice et autocratrice de
toutes les Russies . Sur le revers est l'aigle russe tenant les deux
cartes des pays cuvahis en 1772 et 1793 , nommement des
gouvernemens de Mohisow , Plosk , Isiakaw et Minsk , avec
ces mois : Il reprit ce qu'on avait détaché.
Les nouvelles reçues de Pologne ne parlent que de la bonne
posture de l'armée de Kosciuszko . On assure que d'après un
plau , dont on a déja depuis quelque teras remarqué le développement
, ce general se propose de tourner avec un corps
de quarante mille hommes les forces assiégeantes . Celles - ci
se trouveraient ainsi entre ce corps cominaudé par Kosciuszko
lui - même , et le reste de son armee qui continuerait d'occuper
les retranchemens .
En attendant , les armées de diversion continuent à remplir
leur objet avec succès . Le général Sierakowski écrit des frontieres
de Lithuanie , en date du 15 août , qu'il s'est rendu avec
la division qu'll commaude du côte de Brozés ; qu'elle est
journellement augmentée par la grande affluence d'individus de
A 2
( 4 )
tous états qui viennent s'enrôler . Le seul district de Lukow et
le palatinat de Podlachie ont fourni plus de dix mille hommes ,
parmi lesquels se trouvent quinze cents hommes de cavalerie
bien montée et trois mille fautassins armes de fusils . Sicrakowski
termine en disant qu'il va monter à cheval pour poursuivre
le corps russe commandé par Dorfeld .
On mande de Soldau en Silésie , le 20 août , que cette
frontiere ne cesse d'être exposée aux invasions des Polonais ,
enhardis chaque jour par leurs nouveaux succès . Cette ville
ne présente plus que des ruines et des cendres . Une partie
de celle de Niederhoff est dans la même situation : le château
où siégeait le gouvernement a sur- tout été très - maltraité . Depuis
on a appris que , dans la même nuit où Niederhoff fut ,
incendié , la ville de Laurenbourg a failli éprouver un sort
pareil . Le feu y était déja ; mais l'on est parvenu à arrêter ses
progrès . Dans presque tontes les villes et les villages , les habitans
se couchent , par précaution , dans les cours et les jar
dins ils ont organisé une sorte de garde. Toutes les troupes
se trouvent employées au siége de Varsovie ; ainsi la cavalerie
polonaise ne peut être arrêtée dans ses incursions : elle se
montre la nuit , portant par tout les flammes et la terreur.
Des nouvelles du 24 , de la Prusse méridionale , annoncent
qu'une nouvelle division de Polonais vient de faire une invasion
dans cette contrée , dans les environs de Trembin , qui
est à deux lieues de Gombin . Par- là toute communication de
ce côté avec la Pologue se trouve interdite .
Une nouvelle confédération est prête à se former dans la
Prusse méridionale . Quoique l'armée commandée par Madalinski
n'ait pu encore effectuer sa jonction avec les nouveaux
insurgés , les inquiétudes de Frédéric Guillaume sont néanmoins
telles , que le reste de la garnison de Berlin a reçu
l'ordre de partir pour aller renforcer celle de Francfort - sur-
' Oder , qui se trouve menacée par les troupes polonaises .
A chaque instant les Polonais embusqués dans les forêts
sortent de ces retraites , et font des incursions dans les envirous.
Le régiment de Hollved infanterie et une division considérable
de cavalerie ont été détachés pour tenter de les
déloger.
On apprend par des nouvelles ultérieures du 28 , que deux
couriers suédois , chargés de dépêches pour le ministre de leur
nation à Varsovie , ont été arrêtés près le camp du roi de Prusse,
et forcés de retourner sur leurs pas . Frédéric Guillaume a
donné pour motif, que leur présence ne servirait qu'à animer
encore plus le courage des assiégés .
·
Dans le moment actuel , un parti polonais menace Thorn ,
tandis qu'un autre plus considérable , et principalement composé
de cavalerie , tourne autour de Francfort-sur-l'Oder .
F
( 5 )
F
De Francfort- sur- le-Mein , le 9 septembre.
Le traité entre l'Angleterre et l'Empire a été plus facile à
conclure qu'il ne le sera à exécuter. En s'engageant à fournir
100,000 hommes , moyennant un subside de 80 millions
d'écus d'Allemagne , l'empereur n'a consulté que ses besoins ;
mais où trouver les 100,000 hommes ? Cobourg a'a quitté le
commandement de la grande armée que parce qu'on n'a pu
lui envoyer les renforts qu'il a vainement sollicités . L'Autriche
et les autres états héréditaires sont entierement épuisés
d'hommes par- tout le peuple murmure coutre la guerre , et
il s'est manifesté des dispositions insurrectionnelles eu Hongrie.
On apprend de Vienne , du 28 août , que les arrestations
continuent , et qu'il y est question d'une conspiration sérieuse .
Parmi les personnes arrétées , on distingue le conseiller Pran
staster qui s'est fait un nom dans les lettres ; on répand qu'il
était désigné pour être maire de Vienne , d'après le plan de
la conjuration que le gouvernement prétend avoir découvert .
La gainison de cette ville a été renforcée par un régiment
d'hussards et un d'infauterie . L'on répare les portes pour pouvoir
les fermer pendant la nuit. Une des dernieres nuits , une
sentinelle placée au milieu de la ville voyant marcher un individu
, lui cria de s'arrêter ; celui - ci ne l'ayant pas fait fut surle-
champ étendu mort d'un coup de fusil .
L'empereur presse vivement les cercles de porter leur contingent
au quintuple ; mais des nouvelles de Ratisbonne , en date
du 3 septembre , portent que la plupart des princes et d'es
cercles refusent ouvertement ou éludent de fournir leur contingent
à l'armée de l'Empire . Cette force demandée depuis
si long- tems par l'empereur , est bien loin d'être encore formée
; et Saxe- Teschen qui doit les commander , presse en
vain les princes de faire cesser leur retard ou leur refus. Il
a existé entr'autres à ce sujet une correspondance entre lui
et l'assemblée du cercle de Franconie , qui n'a point amené
un résultat qui pût le satisfaire . Saxe - Teschen a demandé à
`connaître le nombre des habitans aimés , les noms de lears
chefs ; il a requis que ses troupes fusseut mises immédiate .
ment sous ses ordies , pour en diriger le mouvement , selon
l'urgence des besoins . A toutes ces demandes l'assemblee a
répondu d'une maniere évasive . Elle a prétendu que l'armement
du peuple dans ce cercle éloigné n'était encore qu'une
mesure préparatoire , sujette à une communication réciproque
avec les voisins , et surtout relative à la défense de l'inté
rieur. Elle a ajouté que ces arrangemens devant être analogues
au tout , étaient exclusivement du ressort de chaque état en
particulier , tandis que les moyens de rapprocher et de concentrer
les différentes mesures , appartenaieut à l'assemblée
du cercle , et faisaient l'objet de sa correspondance avec les
A 3
( 6 )
autres que l'ouvrage n'était pas encore achevé , mais qu'on
aurait soin de s'entendre avec Saxe - Teschen , et qu'en attendant
on s'empresserait de faire part aux états de sa lettre .
Le contingent de l'électorat de Brandebourg a été également
sollicité avec instance ; tous les motifs qu'on présumait pouvoir
agir sur le roi de Prusse ont été mis en avant. On a
parlé des liens du corps Germanique , des lois ancieunes et
modernes , de l'ordre d'exécution , des décrets récents de la
diete , de la part active prise jusqu'ici par lui à la guerre , de
la force de son exemple , de l'urgence du danger. Frédéric-
Guillaume n'a donné qu'un refus positif. Il a formellement
déclaré qu'il ne s'attendait pas à ces représentations ; qu'il
avait fait des sacrifices qui surpassent de beaucoup les frais
d'un contingent , et s'est étendu en reproches sur le défaut
de remboursement des dépenses que lui ont coûté la reprise
de Francfort et de Mayence . Il a représenté qu'il n'y avait
point d'armée de l'Empire ; car le pen de contingent mis en
campagne ne pouvait avoir cette dénomination . La guerre de
Pologne , suscitée selon lui par les Français , acheve de le dis
penser. I croit faire beaucoup en consentant encore que ces
levécs soient rachetées en argent . Ses états étant nienacés
, il se trouve dans la position du grand électeur , qui ,
combattant en 1675 , l'ennemi sur les bords du Rhin , fut
subitement rappelle pour s'opposer à l'invasion suédoise ,
excitée par l'ennemi de l'Empire ; et loin de fournir son contingent
, a demandé au contraire à être indemnisé .
On a reçu de Belgrade la fâcheuse nouvelle que la peste
venait de s'y manifester . On redoute beaucoup que ce fléau
ne se communique aux états héréditaires , qui font un grand
commerce de coton avec les contrées soumises à la domination
turque.
La récolte en Hongrie a presqu'entiérement manqué , à cause
des chaleurs excessives qui ont eu lieu cet été .
Le gouvernement tjent toujours des forces nombreuses dans
ce royaume sur la frontiere des Ottomans . Il y a de fortes garnisons
dans les places. Celle de Temeswar a trois bataillons
d'infanterie , deux divisions de milice , un fort détachement
de cavalerie , et l'artillerie nécessaire pour la défendre en cas
d'insulte .
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
Les derniers avis reçus de Hollande annoncent que les
alarmes du gouvernemen ne font que s'accroître. A la crainte
du succès de l'invasion des Français se joint celle d'une insurrection
de la part d'une portion considérable du peuple . Dans
la province de Hollande , non- seulement un grand nombre de
( 7 )
citoyens , mais des magistrats et des hommes revêtus des premieres
fonctions , semblent animés de l'esprit révolutionnaire .
Daus beaucoup de lieux , le recrutement déterminé d'après le
mode proposé par le statdhouder a éprouvé la plus vive difficulté
; dans plusieurs , il a été entiérement refusé . A Gouda ,
on a été jusqu'à refuser d'abord de recevoir les blessés amenés
de l'armée ; ce n'est qu'après plusieurs pourparlers qu'on leur
a donné un asyle .
Clairfait a refusé le commandement en chef qn'a quitté
Cobourg . Il a été donné à l'archiduc Charles. Les princes
sont présomptueux , et se chargent volontiers des responsabilités
, parce qu'elles sont illusoires . Cependant l'archiduc
n'est dans le vrai qu'un général en chef honoraire ; il a sous
ses ordres Clairfait , Beaulieu , Latour et le colonel Mack qui
doivent lui servir de conseil . Les équipages de Cobourg viennent
d'être vendas publiquement à Aix- la- Chapelle .
Le 14 septembre , l'armée commandée par le général Pichegru ,
s'est portée avec rapidité vers la riviere de la Dommel , où la
gauche de l'armée coalisée , composée de Hollandais et de
Hessois , se trouvait postée . Ce fut vers le soir du même jour ,
que les Républicains attaquerent l'ennemi sur plusieurs points
à la fois avec une telle intrépidité , qu'ils le chargerent la
bayonnette au bout du fusil , et qu'ils le culbuterent jusques
sous les murs de Bois - le Duc ; la perte des Hollandais et Hessois
a été immense , et celle des Français a été presque nulle . A
Ja suite de cette action glorieuse , le général Pichegru a coupé
la cummunication de Bois - le-Duc , avec la position du reste de
l'armée du prince d'Orange , et par cette manoeuvre habile il
est parvenu à cerner cette place . Au moyen de cette dispositiou
, Breda se trouve également investi , d'autant que les forces
de l'ennemi sont entre Heusden et Gertruidemberg . Cependant
les Anglais connaissant l'importance du poste de Roxiel , qui
leur a été enlevé avant -hier à la bayonnotte , ont fait hier matin
une tentative pour le reprendre , et qui n'a eu aucun succès :
l'ennemi s'est avance en colonne formidable au moment même
où les Républicains Français allaient faire une reconnaissance .
Il s'est engagé un combat très - vif , où les Anglais , malgré tous
leurs efforts , ont été repoussés avec perte .
Le siège du Sas - de - Gand se continue avec vivacité ; cette
place est très -forte , non - seulement pas sa situation sur la rive
de l'Escaut , mais encore par la difficulté d'en approcher au
milieu des dunes et des inondations . Ces obstacles ne ralentissent
point l'ardeur des Français ; ils ne fout au contraire que
l'animer davantage : le feu est quelquefois si fort qu'on l'entend
jusques dans cette ville lorsque le vent n'est point contraile.
Les représentans viennent de mettre en raquisition toutes
les toiles propres à faire des sacs à terre , dont on aura besoin
A 4
( 8 )
pour l'attaque des places, fortes qui défendent l'intérieur de la
Hollande.
ANGLETERRE . De Londres , le 4 Septembre,
Le peuple s'est encore assemblé en grand nombre dans la
matinée du 24 , aux environs de Boston - Garden . On a fait
monter à cheval de la cavalerie , et ce rassemblement n'a eu
aucune suite . Un papier ministériel annonce qu'on a mandé
en cette ville quatre régimens de dragons depuis, les derniers
événemens causés par l'indignation du peuple contre les recruteurs
.
 .
Le duc de Portland , secrétaire d'état , ou plutôt secrétaire
de M, Dundas , vient d'envoyer une lettre circulaire dans plusieurs
paroisses de Westminster . Il les engage à prendre ellesmêmes
des mesurés pour prévenir toute espece d'émeute dans
leurs arrondissemens . Le meilleur moyen pour parvenir à ce
but , selon les papiers de l'opposition , est de faire cesser l'antorisation
sacrilege donnée aux maisons de recruteurs , que
d'après leurs procédes le peuple , dans sa juste indignation ,
appelle vendeurs de chair humaine.
Des lettres de Dublin apprennent qu'il y a eu des mouvemens
dans le comté de Kildare. Le peuple déteste l'établissement
actuel de la milice ; il a voulu forcer plusieurs personnes
de jurer qu'elles n'accepteraient point de commission , et ne
feraient rien qui pût le faire réussir. On s'est donné beaucoup
de soin pour calmer le peuple , et il paraît tranquille pour le
moment.
On mande de Weymouth que , le 22 , vers neuf heures du
matin , on a fait à Southampton un signal anuonçant qu'on
découvrait une flotte qu'on supposait être française . Les dragons
et l'infanterie qui sont sur le rivage repondirent bientôt
ace signal ; l'alerte fut aussi-tôt donnée ; toutes les troupes se
mirent sur pied : elles y demeurerent long- tems , après quoi
elles rentrerent dans leur camp à Upway.
L'amiral Macbride , qui était depuis quelque tems rentré à
Plimouth à la suite d'une croisiere , vient d'en sortir de nouveau
pour le même objet. Il monte le Minotaure , de 74 canons
et a avec lui cinq fregates .
Le 24 , le reste de la flotte de lord Howe a quitté Portsmouth
pour se rendre à Saint- Helens , où elle attend le vent . On dit
que 48 heures après qu'elle aura mis à la voile , l'escadre espaguole
et les bâtimens marchands chargés de grains qu'elle
escorte mettront eux-mêmes à la voile pour l'Espagne . Ce
convoi a attendu très- long-tems , et l'on pense qu'une partie
de sa cargaison doit être endommagée .
Les papiers ministériels tâchent de détourner l'attention du
( 9 )
public sur le nouveau traité , conclu par lord Spencer , entre
l'Angleterre et l'Autriche , que l'on voudrait faire regarder
comme fabuleux , apparemment parce qu'on ne trouve pas le
moment assez favorable pour avouer le subside exorbitant de
80 millions envers l'empereur .
On aunonce que lord Cornwalis va être employé sur le
continent.
Lord Hood et les amiraux Hothem et Cosby doivent revenir
en Angleterre. Ce sera sir Hyden- Parker qui aura le commandement
en chef de l'escadre britannique dans la Méditerranée.
La grande forte de l'amiral Howe , que les papiers ministé
riels avaient fait mettre à la voile le 19 , était encore à Saint-
Helene le 31 août.
Un incendie a consumé dans le port de Portsmouth 'Impétueux
, vaisseau français de 74 canons , pris par l'amiral Howe.
Des prisonniers Français qui se trouvaient dans le château de
Porchester , se mirent à crier , Vive la République ! à la vue des
flammes , et chanterent toute la nuit ça ira et l'hymne des
Marseillais .
Suite de la relation de l'ambassade de lord Macartney à la Chine.
" La Chine est equpée d'une grande quantité de larges canaux
en droite ligne. Ces canaux sont l'ouvrage , de plusieurs
siecles . Ils ne sont point susceptibles d'être dégradés par les eaux ,
parce qu'en général ils sont revêtus de pierre de taille ou de mar
bre. Les chaussées qui sont élevées de chaque côte sont pavées de
même. Les grands canaux déchargent leurs eaux dans de plus petits
, et ceux- ci se subdivisent encore en une infinité d'autres moindres
ramifications qui traversent toutes les plaines et conduisent
à des villes et même à des villages . D'espace en espace on
trouve des ponts de trois , cinq ou sept arches. Ce qu'on appelle
le Grand- Canal on Canal impérial , traverse tout l'empire
depuis Canton jusqu'à Pekin . On peut aller de cette der
niere ville à Macao , c'est - à -dire à une distance de près de boo
lieues , et n'avoir qu'une journée de terre qu'il faut faire pour
traverser la montague qui sépare les provinces de Klangsi et
de Canton ; aussi la maniere la plus commune de voyager est
par eau. Elle est d'autant plus agréable , que le voyageur a son
lit et toutes les autres commodités de la vie comme daus sa propre
maison . C'est celle à laquelle les mandarins et tous les por
teurs d'ordres de la cour donnent la préference.
? Les barques dont ils se servent dans cette occasion sont
fournies et équipées par l'empereur. Elles sont de la grandear
d'un vaisseau de guerre du troisieme rang. Il y en a de trois
sortes ; mais toute de la plus grande propreté car elles sont
peintes , dorées , ornées de figures , et vernissées en dedans et
en dehors . Elles sont plates et carrées , excep é vers l'avant:
qui s'arrondit un peu . Le patron du bâtiment a pour lui et sa.
famille une cabane , une cuisine et deux grandes chambres ,
( 10 )
l'ene en avant , l'autre en arriere . L'appartement du mandarin
est composé d'un anti - chambre , de trois autres chambres également
ornées , et d'une espece de petit cabinet retiré , mais
fort simple . Elles sont toutes , au même pont , vernissées de
blanc et d'un superbe rouge ; les côtés et le ciel sont décorés
de sculptures , peintures et dorures ; le sallon a des fenêtres de
chaque côté , qui peuvent s'ôter au besoin ; des pacres trèsminces
, ou de fines étoffes servent de vitres ; ces dernieres sont
embellies de fleurs , d'arbres et de différentes figures , et ointes
avec une espéce de cire , pour augmenter leur transparence .
Le pont est environné de galeries qui donnent la facilité aux
matelots d'aller et de venir sans incommoder les passagers . Audessus
du principal appartement est une plate- forme où sont
ordinairement cinq ou six musiciens dont l'harmonie ne peut
plaire qu'à des oreilles chinoises . Leurs voiles sont faites de
nattes qui forment plusieurs carrés oblongs ; elles se plient
comme un éventail , et tiennent fort peu de place . Les Chinois
prétendent qu'elles sont plus propres que toute autre à serrer
le vent .
•
Parmi les barques qui sont à la suite des grands mandarins ,
il y en a toujours une au moins qui sert de cuisine et à porter
toutes les provisions . Une autre est remplie de soldats ; une
troisieme , petite et legere , peut être regardée comme un aviso ,
parce que sa fonction est d'aller en avant pour instruire de
l'arrivée du mandarin et faire tout préparer pour sa réception .
Outre les voiles , elles ont des rames et sont même , en cas
de nécessité , tirées à la cordella des hommes par c
sique le . district
fournit. Une garde placée de lieue en lieue le long du
canal est chargée de faire les signaux . De jour , ils se servent
à cet effet de feuilles et de branches de pin qu'ils font brûler
dans des étuves , et dont la fumée monte à une hauteur considérable
. Pendant la nuit , elle est remplacée par le bruit d'un
petit canon. Quand le mandarin approche , les soldats se rangent
au bord de l'eau ; et tandis qu'un d'eux déploie un drapeau
, les autres lui présentent les armes . Si la barque porte
un envoyé , quatre lanternes sont hissées à la poupe et à la
proue avec ces mots : le grand envoyé de la cour . Ces lanternes
sont accompagnées de pavillons et de flammes de différentes
couleurs .
Dans presque toutes les villes de la Chine , on trouve des
monumens érigés à la mémoire de leurs héros et de ceux qui
ont rendu des services essentiels à leur patrie : les femmes participent
aussi à cet honneur . Ces monumens sont ordinairement
des arcs de triomphe . Il y en a beaucoup de très - médiocres
; mais plusieurs méritent attention . Communément ils
sout composés de trois arcades , dont l'une est plus grande .
Les piliers sont carrés et d une seule pierre ; l'entablement a
trois ou quatre faces sans moulures , ni projection , ni corniches
; un toît d'une forme si singuliere , que sa description
( 11 )
n'en donnerait aucune idée aux européens , termine ces monumens
qui sont tous construits à- peu-près sur le même modele
et ne different que par la grandeur . Les pierres sont
unies ensemble par des tenons et des mortaises , comme si
c'était du bois . Ces arcs de triomphe qui ont rarement plus
de vingt pieds , sont ornés de figures d'hommes , d'oiseaux
et de fleurs médiocrement sculptées . Le relief en est si grand ,
qu'on pourrait les prendre pour des ouvrages séparés .
Toutes les villes chinoises sent environnées de murailles si
hautes qu'on n'apperçoit point au- dehors les maisons qui sont
d'ailleurs fort basses . Les murailles sont si larges qu'on peut
se promener à cheval sur leur sommet . Celles de Pék n peuvent
avoir 40 pieds de haut. Quant aux portes de la ville ,
quoiqu'elles ne soient point décorées de bas - relief ,
les autres édifices publics , elles ont une plus grande apparence
par l'épaisseur , la force et la prodigieuse hauteur de leurs
arcades et des deux pavillons qui les surmontent.
"
comme
Parmi les oiseaux de la Chine , nos voyageurs en ont
remarqué un principalement pour son milité. Son nom
dans la langue du pays , repond à celui de pêcheur, qu'il
mérite réellement . Un couple de ces oiscaux bien dressés ,
suffit pour entretenir un homme et toute sa famille . Ils vont
le long des rivieres et des lacs et s'emparent de leur proie
avec beaucoup d'adresse et de promptitude ; ils mettent même
beaucoup de discernement dans leur choix , et ne prennent
de petits poissons que lorsqu'il ne leur est pas possible d'en
trouver de gros . Si l'un deux attaque un poisson dont la
grandeur, soit au-dessus de ses forces , sou camarade vient
à son secours , et tous deux volant vers lui avec la même ,
précision que s'ils étoient attelés ensemble , l'un le prend
par la tête , l'autre par la quente , et ils emportent leur
butin de concert. Tout ce qu'ils prennent est fidelement :
rapporté par eux à leur maitre.
Ces oiseaux , l'aloès de la Chine et l'arbre de suif suffiraient
seuls pour rendre cet empire le canton de la terre
le plus privilegié . L'aloès qui est un arbre fort différent de
celui que nous connaissons , est de la hauteur et de la figure
d'un olivier , Il renferme sous son écorce trois sortes de bois :
l'un noir et compact , appelé bois d'aigle ; le second , léger
comme du bois pourri , est nommé calemboue , et le troisieme
, qui est le bois de calemba , est aux Indes même aussi
cher que l'or , parce qu'il est un cordial excellent dans l'épuisement
et la paralysie , et que son odeur est exquise . Les
feuilles servent de plats et d'assiettes et à couvrir les maisons :
leurs fibres se alent comme le chanvre , et les épines des
arbres font des clons , des dards et des alênes ; enfin , si l'on
en arrache les boutons , il en coule une liqueur vineuse et
sucrée qui se change en bon vinaigre , et le bois des branches
, qui est bon à manger , a le goût d'un citron confit . Lest›
Chinois font de très-bonnes chandelles avec l'arbre à suif.
( 12 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BERNARD de Saintes ) .
Séance de la 2e . Sanculotide.
Les citoyens d'Arvault , département des Deux Sevres , écri
went qu'ils ont la certitude que le projet de l'hypocrite Robespierre
avait des ramifications qui s'étendaient jusques dans
Ja Vendée ; ils fondent leur certitude sur ce que les femmes
égarées , et échappées des mains des brigands , ont rapporté ,
le 19 thermidor ,, que ce repaire de royalistes avait été consterné
en apprenant la chûte de l'infâme Robespierre et de ses complices
, et sur ce qu'elles ont confirmés les bruits déja répandus
que les rebelles disaient hautement qu'il y avait déja un
roi à Paris , et qu'il y serait bientôt proclamé . Ils terminent
par annoncer que la société populaire s'occupe de la rédaction
d'un mémoire où elle exposera dans son plus grand jour le
tableau d'horreurs et d'atrocités qu'a entraînés la guerre de
la Vendée , et où elle dira la vérité toute nue sur les abus qui
existent dans les différentes branches d'administration , tant
civile que militaire , et dont les vrais patriotes sont journellement
les victimes. Insertion au bulletin , et renvoi au
comité.
-
V
La société populaire et le conseil général de Boulogne - surmer
envoient deux adresses dans lesquelles ils dénoncent la
société des Jacobins de Paris .
Cambon , au nom du comité des finances , fait rendre deux
décrets , dont l'un déclare que la République Française ne paie
plus les frais , ni les salaires d'aucun culte , et regle le paiement
des pensions dites ecclésiastiques ; et l'autre porte , qu'attendu
que la délivrance des inscriptions définitives n'est pas
terminée , le paiement du second semestre de la presente année
ne sera ouvert pour les créanciers de la République que le
1er. brumaire prochain .
Isoré présente des observations étendues et intéressantes sur
quelques inconvéniens de la loi du maximum , relativement aux
marchandises fabriquées , dont il propose l'abolition . L'Assemblée
en ordonne l'impression et l'ajournement.
La société populaire de Tavargues , département de l'Ardêche
, écrit que les brigands ont voulu former dans ce pays
une nouvelle Vendée , et ont tente de s'emparer du château
d'Alais le complot a été découvert ; quatre des principaux
chefs ont été arrêtés ; de ce nombre est Dominique Allier ,
13 )
qui au nom de Louis XVII invitait tous les scélérats , ses pareils,
à prendre les armes . On a arrêté aussi une espece de Catherine
Theos qui jouait le rôle de prophetesse dans cette conjuration
: La garde nationale de Joyeuse a contribué à ces
arrestations.
La dénonciation de ces faits donne lieu à différentes propositions.
Borie en attribue la cause aux prêtres fanatiques qui se sont
retirés dans les montagnes , où ils obsedent le peuple , et aux
ex -nobles qui sont restés fonctionnaires publics . Il demaude
la déportation des uns et l'exclusion des autres .
Jourdan de la Nievre se récrie sur ce que le rejetton de
Capet soit encore un poiut de ralliement , et devienne un prétexte
aux méchans , aux conspirateurs. Sans doute , dit -il ,
il existe encore des complots , lorsque nous voyons des
hommes prêcher dans les rues , et afficher sur les murs de
Paris , l'insurrection contre la représentation nationale . Je
demande que les comités fassent un rapport sur les membres
de la Convention , tel que chacun puisse dire après : voilà
les hommes qui méritent notre confiance ; voilà ceux qui en
sont indignes . ( On murmure ) N'a - t- on pas dit hier ,
Jacobins , qu'il y avait dans la Convention plusieurs députés
indignes d'y sieger ? ( plusieurs voix , c'est Vadier . ) Qu'il
monte à la tribune , et qu'il les nomme ......... Je demande ,
enfin , que les comités s'occupent de présenter des mesures
telles , que la famille capétienue ne puisse plus nous inquiéter
à l'avenir
aux
Massieu , qui a assisté à la séance des Jacobins , y a.
entendu , il est vrai , énoncer des opinions qui sont celles
d'un membre , et non de la société , qui n'a pas d'autre
intention que de se tenir toujours étroitement
liée à la
Convention .
Duhem appuie l'observation de Jourdan , quant au point de
ralliement des royalistes . Il demande que les comités s'occupent
donc de la question de savoir si l'on ne doit pas
vomir hors du territoire de la France , non seulement ces
rejettons , mais encore toute cette famille infernale des Capet ,
et tous ceux qui y adherent . -Toutes ces propositions ont
été renvoyées aux comités de salut public et de sûreté générale .
Séance de la 3e . sanculottide.
Delmas , au nom du comité de salut public , fait lecture
des pieces officielles qui confirment l'avantage remporté par
l'armée du Nord , sur les coalisés commandés par le due
d'Yorck , et annoncé deux jours auparavant par le télégraphe .
2º. De celles qui instruisent la Convention d'un autre avantage
sur les Espagnols , par l'armée des Pyrénées occidentales.
( Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention décrete que ces deux armées ont bien mé
( 14 )
rité de la patrie , ordonne l'insertion au bulletin des noms
de 30 hussards qui ont fait poser les armes à deux bataillons
hessois , accorde le grade de capitaine au citoyen Juge , souslieutenant
au Se . régiment de hussards , qui a eu le poignet
cassé à l'affaire du 28 fructidor.
Garnier , de Saintes , dénonce ce qui s'est passé la veille ,
au palais de l'Egalité , qui redevient le Palais -royal. On y a
vu des êtres insolens qui outrageaient impunément les patriotes
, et sur- tout ceux qu'ils pouvaient soupçonner être
Jacobins . Plusieurs de ses collegues y sont allés pour juger
ce mouvement ; ils ont reconnu qu'il était contre- révolution
naire et royaliste ....... La convention saura ne pas se laisser
surprendre par le prétendu mot d'ordre de vive la Convention .
Il demande que le comité de sûreté générale fasse un rapport
sur cet objet.
Il est tems , dit Dubois Crancé , que la Convention se
prononce , et qu'elle ne devienne pas le centre des fluctuations
que quelques brigands , couverts de crimes , et qui ont pillé la
Republique , cherchent à y exciter. ( On applaudit. ) Oui ,
sans doute , il y a deux partis dans Paris ; l'un est composé
de tous ceux qui aiment la liberté , qui se rallient autour de
la Convention ; l'autre , de tous ces hommes pervers qui ont
servi le despotisme de Robespierre , qui ont trempé leurs
mains dans le sang , qui ont fouillé dans le tang. ( On applaudit.
C'est particulierement dans les anciens comités
révolutionnaires que vous trouverez des conspirateurs contre
la patric. En vain se sont-ils couverts d'un masque de patriotisme
; la Convention finira par le leur arracher . ( Nouveaux
applaudissemens . ) Toute la France vous a remerciés de la
journie du 9 thermidor ; la France entière vous dit : Soyons
nis , et nous sommes sauves . Le peuple veut la justice et non
la terreur. Nous avons combattu long- tems avec toute l'énergie
révolutionnaire , lorsqu'il a fallu abaure la monarchie , le
fédéralisme et les factions. Aujourd'hui , devons- nous être ce
que nous étious ? Oui , en principes ; mais en action , noa . Il
Fant de l'énergie pour conquérir la liberté , pour la conserver ,
il fut de la sagesse . Ce n'eft pas en portant le désespoir dans
les familles ; ce n'eft pas en faisant , comme quelques hommes
revêtus de la confiance des Robespierre et de Couthon , plus
d'aristocrates en un jour que la révolution en cinq années de
crises politiques , qu'on peut conserver la liberte . ( On applaudit
. )
" On parle de ce qui s'est passé hier au ci - devant Palais-
Royal. Eh bien , je suis qu'il y avait dans ce lieu deux partis
dont l'un criait : Vive les Jacobins ! et l'autre , vive la Convention !
la saile retentit d'applaudissemens. (Toute l'Assemble et les
spectateurs se levent en criant : Vive la Convention !
" Je suis allé hier me delasser à l'Opéra ; on y a chanté
un couplet dans lequel on disait : Les Jacobins abattront les
marais , les Pitt et les Cobourg. Il a été redemandé , répété ,
( 15 )
et vivement applaudi par une troupe de brigands et dé scélérats
.
Citoyens , ne vous endormez point... ? Il y a des hommes
qui disent : Nous triompherons , et ce ne sera pas iong. On entned
partout des menaces atroces ; partout on voit des fermens de
guerre civile. On rencontre des hommes qui ont reçu des cartes
des comités révolutionnaires , ou qui ont fui leurs départements
pour éviter la peine due à leurs crimes
" Il est tens , encore une fois , que la Convention se
prononce. Il y a huit jours que j'ai demandé la parole pour
une motion d'ordre ; si la Convention veut me l'accorder ,
je lui présenterai quelques vues qui pou : ront contribuer à
l'éclairer sur les mesures à prendre pour soutenir à flot le
vai sau de la Républiqne , et l'empêcher d'être englouti
par les orages soulevés par les brigands .
99
La Convention accorde la parole à Dubois - Crancé .
Celui- ci , jettant un coup d'oeil rapide sur le passé , parcourt
les différentes agitations qui se sont opposées au bonheur de
26 millions de Français.
Le peuple , dit-il , n'a jamais été égaré , mais on l'a
souve at cruellement trompé.
" Voyez au milieu des intrigues du royalisme et de l'aristocratie
combien de factieux ont pris le masque de la
popularité
pour faire tourner à leur profit la révolution . Depuis 5
ans , quoique nous ayons pissé de l'état monarchique au républicanisme
, le gouvernement n'a pas cessé d'être dans l'anarchie
; le peuple seul est resté fixe dans sa conduite comme
dans ses principes.
" Voulez -vous approfondir les motifs de cette anarchie ?
Oui sans doute , car ce n'est qu'en la détruisant que vous
pourrez espérer de consolider la révolution ; c'est que jusqu'ici
dans cette Assemblée un petit nombre d'hommes a
gouverne ; c'est que des intrigans des orgueilleux , investis
de la confiance populaire , seuls dans leurs intentions criminelles
, mais puissans par les divisions qu'ils avaient l'art de
nourrir parmi vous , établissaient dans votre sein leur empire
absolu , sous prétexte de fictions imaginaires dont chacun
de nous craignait d'être atteint .
" C'est qu'il y a eu des hommes dans cette Assemblée ,
dont le patriotisme feint exagerait tous nos dangers ; et d'autres
qui , les oreilles toujours frappées d'expressions méprisables
à leur égard , perdaient leur energie , et redoutaient de se livrer
à la discussion d'une mesure que leur conscience repoussait ,
dans la crainte de passer pour aristocrates .
" Voilà ce qui a fait pendant 6 mois de Robespierre un
tyran ; voilà ce qquuii aa ffaaiitt passer la loi du 22 prairial , et livré
la France aux brigands .
" Votre marche est donc tracée par l'expérience : rendez
au gouvernement cet ensemble , cette unité d'action , qui',
( 16 )
tendant au même but , ne peut plus fournir qu'une opinion .
Placez d'une main ferme at vigoureuse le niveau de la loi sur
toutes les têtes , et la France est sauvée.
95
Il s'adresse ensuite à la montagne sainte qui a fait son devoir
, mais qui a payé aussi son tribut à l'humanité ...... Rendons
- nous une justice naturelle , et puisque tous ensemble
nous avons monté à la brêche contre la tyrannic , que nos bras
resteat levés et tombent ensemble pour anéantir les débris de
ces passions méprisables qui déchireraient la France en nous
deshonorant...... Prenons garde que tel , qui dans une société ,
dans un groupe , fait aujourd'hui l'enragé , fut au commencement
de la révolution beaucoup trop modéré , et qu'il pouvait
bien être encore , sous un masque différent ce qu'il fut jusqu'à
ce moment, l'ennemi juré de la liberté et des intérets du peuple .
Prenons garde à ces hommes sans moeurs , qui voient l'aristocratie
partout où ils ne reconnaissent pas leurs vices , et qui
servent mieux M. Pitt que toutes les armées de l'Europe ,
puisqu'ils placent la gangrêne autour de la France , dont ils
dévorent la substance et détruisent les ressources . "
Portant ensuite ses regards sur l'état actuel du commerce
et de l'industrie , il prouve que dans toutes les principales
viles ils ont été par-tout vexés , poursuivis et ruinés . La
fortune d'un million d'hommes en France , nourrit l'industrie
de 25 autres : anéantissez les ressources de ce million d'hommes
, et la contre - révolution est faite . Voilà le systême de
de M. Pitt. Reconnaissez les satellites aux moyens d'exécution
. Le commerce que l'on vous a fait faire jusqu'à présent
est affreux . C'était à un tribunal de sang que se faisaient les
encheres , et l'exécuteur concluait le marché à la place de
la révolution....... Voyez dans quel abyme , sous prétexte
de l'intérêt public , l'innocence était plongée . Cherchait - on
à fuir un tribunal féroce , on était mis hors de la loi ; osaiton
comparaître , on se trouvait enveloppé dans une conspiration
de prison . Il n'y avait donc aucune victime qui put
sortir des serres de la tyrannie , autrement qu'en lambeaux .
Je sens que ces tableaux sont déchirans ; mais il faut
enfin arracher le voile qui couvre tant de forfaits ; il faut
répondre à ces adresses insensées , où quelques hommes de
sang , non contens des lois que vous avez faites contre les
ennemis de la liberté , provoquent le rétablissement d'un
arbitraire aussi injuste que cruel , et dont ils voudraient
encore disposer au gré de leurs dévorantes passions ; il faut
que ceux qui crient sans cesse à l'aristocratie , sans parler
de brigandage , et qui n'ont cependant que de bonnes intentions
, sachent bien aussi qu'il n'est pas moins important de
repasser tous les maux qu'ont faits la compression universelle ,
la fureur des destructions et la rage du puritanisme ; il faut
enfin que ceux qui sont scélérats soient bien convaincus que
le systême exécrable qu'ils poursuivaient est détruit , et que
de
( 17 )
de la même main vous frapperez les aristocrates et les brigands';
mais que vous tendrez une main protectrice à tout ce qui ne
sera pas criminel .
naire
Il termine par un projet de décret tendant à maintenir le
gouvernement révolutionnaire dans son intégrité , peada „ t la`
guerre ; mais tout agent de ce gouvernement qui se pormettra
d'en outre passer les limites , sera puni de mort . Son
projet de décret contenait eucore quelques autres dispositions .
Merlin , de Thionville , n'est pas d'avis des meses pros
posees par Dubois - Crancé ; mais elles peuvent faire
d'autres idées , et amener des resultats heureux . L'impression
du discours au milieu des plus grands applaudissements .
Bentadole revient à ce que Garnier a dir , que dans le nombre
de ceux qui ont crié , vive la Convention'„i! avait des royvalistes .
Il ne faut pas qu'un sans - culottes , lorsqu'il entend crer vive
la Convention , dans une place publique , puisse croire que
c'est un cii de royaliste ; car si on laissait une pareille opinion
s'aerediter , qui oserait jamais crier vive la Convention . II
demande que le comité de sûreté générale fasse un rrapport
sur cet objet.
?
y
Bourdou , de l'Oise pense qu'il est au dessous de la Convention
de s'occuper d'une poignee , d'intrigans , tant d'une
part que de l'autre . Ancun grand évenement he s'est jamais
passé , que les aristocrates , qui restent en petit nombre .
n'aient tenté d'en profiter. Parmi les chicurs de vive la Contion
il y avait des muscadins , et des hommes qui , quoique
bien portans , avaient quitté l'armée , sous prétexie de
maladie , et qui feraient beaucoup mieux d'être à leur poste.
D'un autre côté , il a vu des hommes perdus de vices , des
soldats de Robespierre qui ont rempli leurs poéhes , des
sommes qu'il prodiguait , et rougi leurs mains du sang, qu'il
faisait répandre . Il croit que ce que l on doit faire , c'est
d'entendre le rapport que doivent présenter les comités ,
de chasser de Paris tout ce qui trouble la paix et la tranquillité.
Merlin de Douai ) annonce que ce rapport doit être fait
incessamment , mais eu attendant il propose , an nom des
trois comités , un projet de décret additionnel à la loi du 18
fructidor , dont la principale disposition porte :
et
Art. Ier . Les citoyens qui ne résidaient pas à Paris avant
le 1er . messidor , et qui se trouvent actuellement en cette
commune , seront tenus , d'en sortir dans le jour qui suivra la
publication du présent décret , de s'en éloiguer de dix leuks
au moins dans les deux jours suivans , de se retirer dans leng
domicile respectif , et d'y justifier de leur retour devant leur
municipalité , dans le délai de deux decades pour ceux qui
sont à cent lieues de distance de Paris et au - dessous , et de .
quatres décades pour ceux qui sont à de plus grandes dis
tances . "
Ce projet de décret est adopté.
Tome XII.
$
( 18 )
1
4 .
Séance de la 5º , sanculotide .
Merlin de Douai ) propose et l'Assemblée adopte différentes
modifications au décret rendu la veille , qui ordonne aux
citoyens non-domiciliés depuis le 1er. messidor , de sortir de
cette cité .
Une députation de la société populaire de Commune Affranchie
vient offrir 100 cavaliers jacobins et un vaisseau de guerre .
Commune-Affranchie , disent ces citoyens , a été justement
punie de sa révolte . Aux conspirteurs royalistes et fédéralistes
a succédé , dans cette ville , la tyrannie da scélérat Robespierre
. Mais votre énergie nous a délivrés de ce monstre et de
ses complices nos oppresseurs . Législa.eurs , donnez nous les
moyens de relever notre commerce. Nos atteliers , nos manufactures
sont dénués de tous les objets de premiere nécessité .
Veus nous avez rendu le regne de la justice , reudez - nous à
nos droits républicains , et de milliers de bras vont rentrer
dans nos ateliers .
Guiton Morveau annonce l'arrivée à Paris de beaux tableaux
de l'école flamande . Ils ont été amenés par un officier d'hussards
que Guiton dit être très- instruit dans cette partie .
Le bulletin de Tallien , que nous n'avons négligé de donner
que parce qu'il était satisfaisant , annonce aujourd'hui son - prochain
rétablissement. Ce député demande un cougé pour aller
prendre l'air de la campagne .
Robert Lindet fait , au nom des trois comités , le rapport
sur la situation générale de la République . Comme il est plein
de choses , et écrit d'une maniere concise , il nous serait difficile
d'en présenter ici une analyse complette ; il doit être d'ailleurs
imprimé en si grand nombre d'exemplaires qu'il n'est aucune
partie de la Republique où il ne parvienne . Nous dirons seument
qu'il considere comme chimériques les craintes que beaucoup
de citoyens ont conçues d'une réaction funeste à la
liberté . Ces craintes partent sur-tout des anciens comités révolutionnaires
, qui croient que leurs successeurs vont se venger
de leurs opérations qui ont sauvé la patrie dans des momens
difficiles . Les membres de ces comités n'ont été déchargés des
pouvoirs qui leur avaient été confiés , que parce qu'il n'est pas
dans les principes républicains que les inêmes individus conservent
rop long - tems leurs places . C'est sur-tout pin
cipalement sur l'état actuel du commerce , de l'industrie et des
arts que Lindet a fixé l'attention de l'Assemblée . Il faut
par-tout les revivifier et porter dans toutes les parties les
lumieres de l'instruction. Voici le projet de décret qu'il a
proposé et qui a été adopté au milieu des plus vifs applau
dissemens :
66 Art . Ier. La Convention nationale charge son comité de
sniete générale et les représentans du peuple dans les dépar
temens , de s'occuper , sans délai , de l'examen des réclama(
rg ) .
état
tions des peres et meres des défenseurs de la patrie , de tous
les citoyens agriculteurs , artistes et commerçaus mis en
d'arrestation .
II. Les municipalités et comités des sections qui refuseront
des certificats de civisme , seront tenus d'expliquer les motifs
de leur refus . ~
III. Les citoyens auxquels les municipalités auront refusé
des certificats de civisme , pourront s'adresser au directoire
de leur diftrict , qui , après avoir vérifié les motifs du refus ,
accordera ou refusera , s'il y a lieu , le certificat de civisme,
" IV . Le comité d'instruction publique est chargé de rédiger
, dans le cours de chaque décade , un cahier d'instruction
dont l'objet sera de ranimer l'amour du travail , d'affermir les
citoyens dans les principes de la morale , de l'attachement à
leurs devoirs , de leur rappeller les grands événemens de la
révolution , et de leur présenter les avantages des sciences et
'des arts utiles .
"
" V. Ces cahiers seront envoyés dans toutes les communes ”,
pour être lus , chaque jour de décadi , dans le lieu des séances
de l'assemblée générale , où les peres et les merés et leurs
enfans seront convoqués et invités à se trouver.
{
" VI. La lecture sera suivie du chant des hymmes à la
liberté ; on exercera les enfans à célébrer , par leurs chants ,
les vertus civiques et les actions guerrieres des héros de la
patrie.
,, VII. La Convention nationale charge ses comisés de
commerce et des finances , de lui faire , sous trois jours , un
apport sur les pétitions et mémoires des marchands tenus
de verser dans les caisses de district et de la trésorerie nationale
les sommes dont ils sont débiteurs envers les étrangers des
nations avec lesquelles la République est en guerre."
" VIII. La Convention nationale charge ses comités de commerce
et des finances , de lui faire , sous trois jours , un rapport
sur les avantages ou les désavantages qui peuvent résulter
de la liberté indéfinie de l'exportation des marchaudises de
luxe ,` sous la seule obligation d'en faire rentrer les valeurs en
France en effets , en matieres ou marchandises , de quelque
espece et de quelque nature que ce soit .
Sur les avantages et les désavantages de l'exportation du
superflu des denrées de premiere nécessité , sous la condition
de faire supporter à la République la perte du change , on de
compter de clerc à maître avec les expéditionnaires , lorsqu'ils
verseront à la trésorie nationale leurs effets et valeurs sur
l'étranger , et de leur rembourser le montant de leurs effets
sur le pied de leurs mises et de leurs avances .
,, IX . La Convention nationale voulant accélérer l'époque
où elle pourra faire répandre dans toute la République Tinstruction
d'une maniere uniforme , charge son comité d'ins .
truction publique , de lui présenter , dans deux décades ,
B &
( 20 )
i
un projet d'école normale , où seront appellés , de tous les
diftricts , tous les citoyens déja instruits , pour leur faire apprendre
, sous les professeurs les plus habiles dans tous les
genres des connoissances humaines , l'art d'enseigner les
sciences utiles .
, X. La Convention nationale charge ses comités de
commerce et des finances de lui faire , dans trois jours , un
rapport sur les moyens les plus avantageux de rendre à la circulation
et au commerce toutes les matieres et marchandises
expédiées pour Commune- Affranchie et autres communes qui
avaient été déclarées en état de rébellion , et arrêtées sur leurs
outes sur les avantages et les désavantages de la confiscation
prononcée par le décret du 25 pluviôse.
13
Séance de la 5e . sanculotide.
& Les députés étaient rassemblés dans le jardin national des
Tuileries pour la célébration de la fête de Marat , des huissiers
viennent les convoquer dans le lien de leurs séances . La séance
est aussi- tôt ouverte. Treillhard , rapporteur du comité de
salut public , monte à la tribune , et dit qu'une affreuse conspiration
qui menace d'incendier le midi , vient d'éclater à
Marseille . Il donne lecture de plusieurs pièces envoyées par
les représentans du peuple à Marseille , et arrivées ce matin
par un courier extraordinaire.
La premiere est une lettre d'un nommé Regnier , ci- devant
frere de la congrégation des écoles chrétiennes , adressée à
l'agent national de la commune de Chateuil , district de Valence ,
et dans laquelle ce scélérat dit qu'avant la fin du mois fructidor
, il y aura , à Marseille , une rêpétition des journées
des 1 , 2 et 3 septembre , et que tous les royalistes et les
aristocrates disparaitront du sol habité par les patriotes .
Cette lettre a été communiquée à l'agent national du district
de Valence , qui s'est empressé , de la transmettre aux représentans
du peuple à Marseille . Ceux- ci ont sur-le- champ fait
arrêter Reguier , et quelques jours après ils ont donné ordre
au citoyen Vouland , commandant temporaire de Marseille ,
de fournir un détachement de la force armée pour aller prendre
Regnier dans sa prison et le transférer au tribunal révolutionnaire
à Paris. Voulland a refusé d'obéir ; mais les réprésentans
du peuple ont trouvé plus de patriotisme et de soumission
aux lois dans le citoyeu Segette , lieutenant au ..... ' régiment
, qui s'est porté à la prison , et qui , malgré les obstacles
qu'on lui a opposés , l'a enfin enlevé , et s'est mis
en route pour le conduire au tribunal révolutionnaire . Mais
à peine Sagette était il avec son escorte aux portes de Marseille
, qu'il fut arrêté par une troupe de brigands armés
déguisés , sans uniforme et avec leurs chapeaux rabattus , qui
avec des menaces , annonçaient assez leurs sinistres projets d'o
pérer la contre- révolution : ils délivrerent Regnier. Cet attentat
( 21 )
'
a eu lieu le 27 fructidor , et les représentans du peuple ajoutent
dans leur lettre , datée du 29 que si la Convention ne prend
pas des mesures promptes et vigoureuses pour délivrer les
habitans de Marseille de l'oppression sous laquelle douze ou
quinze scélérats les fout gemir , et pour faire respecter la
représentation nationale , le salut de cette commune et d'une
grande partie du midi est dans le plus grand danger.
Jean Bon St. -André annonce , dans une lettre datée du port
la Montagne , qu'au moment où il écrit , une St. - Barthélemi
s'execute pent- être à Marseille , qu'il s'est empressé d'envoyer
à son secours un bataillon qui a eu le bon esprit et le patriotisme
de résister aux insinuations perfides de quelques
brigands Marseillais qui étaient venus au- devant d'eux , et qui
voulaient leur faire entendre qu'ils allaient défendre des aristocrates
contre des patriotes . Les représentans du peuple ont
éte insultes dans la société populaire , dite de Brutus , obligés
de justifier leurs arrêtés , et sommés de rapporter les dispositions
qui déplaisaien aux meneurs . Cependant , ajoute le
représentant , la masse est bonne ; et , si On enlevait une
quinzaine de coquins qui conduisent tout , le reste se soumettrait
et se rallierait à la représentation nationale :
Ce qui doit consoler les patriotes , et leur donner les meillenres
espérances sur le succès des mesures que le comité de
salut public vient de preudre , c'est que la section n ° . 11 ,
dont on se rappelle la conduite patriotique et courageuse contre
les fédéralistes , n'a pas démenti la gloire immortelle qu'elle
s'es acquise . Dans cette occasion elle a déclaré qu'elle ne
voulait reconnaître que la Convention , et qu'elle périmait
plutôt que de souffrir qu'elle fût insultée et méconnue.
Treillhard , après avoir rendu compte de ces faits , et adjuré
la Convention de remplir l'engagement qu'elle a pris hier de
tenir d'une main ferme les renes du gouvernement et de sauver
la patrie , propose le projet de decret suivant :
10. Regnier est mis hors de la loi. 2 ° . Voulland , commandant
temporaire de Marseille , est mis en état d'arrestation
. 3. Le tribunal criminel du département des Bouches - du-
Rhône informera sans délai contre les auteurs et complices
de la conspiration qui vient d'éclater à Marseille . 4. Les représentans
du peuple dans ce département développeront la
force et les moyens qui sont en leur pouvoir pour faire respecter
la représentation nationale . 5 ° . Les scellés seront apposés
sur les papiers et effets des conspirateurs et de leurs com .
plices . 6. Le présent décret sera envoyé , par un courier
extraordinaire , à Marseille .
Une grande partie de la Convention demande à aller aux
voix. Quelques membres murmurent et veulent être mieux
informés de cette conjuration . --Voulland atteste que le citoyen
Voulland , son parent , dent il est question dans ce rapport ,
est incapable de s'être ainsi comporté. Bassal ne veut pas
B 3
( 22 )
qu'une telle mesure de rigueur soit prise dans un jour de fête
comme celui - ci , et demande l'ajournement à demin - Thuriot
fait sentir la nécessité de rendre le décret proposé , pour
anéantir le systême de désorganisation qui voudrait s'étendre
sur toute la République.
La Convention adopte les mesures présentées par le rapporteur.
Merlin , de Thionville , pense que cette mesure n'est pas
suffisante. Il dit que ce n'est pas seulement à Marseille que
cette conspiration menace la République . Dans tous les départemeus
du midi , les sociétés , les communes , les autorités
correspondent.
On écrit de Marseille aux Jacobins , qu'un bataillon va venir
à leur secours . Il est done constant qu'il y a un point de
attachement de la société de Marseille à celle des Jacobins .
Il demande que les scelles soient apposés sur le lieu de leurs
séances , et qu'il soit défendu aux membres de cette société
de s'assembler publiquement avant que chacun d'eux ait prouvé
qu'il etait à son poste dans la nuit du 9 au 10 thermidor ,
c'est- à- dire , à sa section , ou dans la force armce qui gardait
la représentation nationale. Cette motion reste sans suite .
Séance de primedi , 1er . Vendemiaire .
Caruot fait , au nom du comité de salut public , le rapport
sur la reddition des places de Landrecie , le Quesnoy ,
Valenciences et Condé . Déja on a vu les détails généraux
sur la reddition de ces places . Le rapporteur entre dans les
plus grands détails de ce qu'a fait le gouvernement pour
reconquérir ces places importantes ; et elles l'ont été révolutionnairement
. Il est constant que ces quatre places ont
été livrées par la trahison . Il est certain aussi qu'il y restait
beaucoup de vrais amis de la liberté , qui ont beaucoup
contribué à leur délivrance . Le scélérat Robespierre a
montré , dans ces occasions , la plus affreuse barbarie . Il s'est
opposé continuellement aux mesures prises par le comité
sur cet objet. On lui disoit : Mais cette place coûteroit
6,000 hommes . " — Qu'importe 6,000 hommes ! s'est écrié
le scélérat 9. ( On frémit d'horreur . )
Le rapporteur conclut en invitant les représentans du
peuple à se tenir séveres contre tous les ennemis de la patrie .
La Convention ordonne l'impression , l'envoi à toutes les municipalités
et aux armées , du rapport de Carnot .
La Convention approuve les mesures prises par le comité .
Ce membre dit ensuite qu'hier la séance étoit lévée quand
un courier a apporté des nouvelles heureuses du Nord. On
en a donné lecture au peuple assemblé . Il donne aujourd'hui
lecture des détails de ces heureuses nouvelles . ( Voyez Nouvelles
officielles . )
( 29 )
La Convention décrete que l'armée de Sambre et Meuse no
messe de bien mériter de la patrie.
La section du Panthéou est admise à la barre. « Le ….. fructidor
, dit - elle , des citoyens de la section de l'Unité vinrent
nous présenter, pour y adhérer , une adresse de la société
populaire de Dijon . Nous avons témoigné notre indignation
sur cette adresse . Le 30 fructidor , le commissaire de la section
Chálier revint , et demanda à faire une nouvelle lecture de
certe adresse , disant que nous ne l'avions pas saisie . Il la
relut , et fut entendu avec calme ; mais il ne fut applaudi que
par celui qui l'accompagnait ; et la même indignation s'est
manifestée de nouveau sur cette adresse . Ce commissaire civil
a dit qu'il allait se retirer , pour que les aristocrates ne disent
pas qu'il cherchait à influencer l'assemblée ; mais le président
lui a dit de rester et d'assister à la délibération . If a entendu les
principes les plus purs se développer dans la section du Panthéon
; il y a entendu dire qu'elle ne reconnoissait de centre ,
d'autorité , que la Convention nationale , et que ceux qui voulaient
être plus séveres que la loi , étaient des tyrans . Vifs
applaudissemens . La section termine en invitant la Convention
naționale à surveiller ces modernes fabricateurs de revolution.
Mention honorable , insertion en entier au Bulletin .
PARIS. Quartidi , 4 Vendemiaire , 3e . année de la République.
La Convention est enfin sortie de l'espece de flux et refux
qui a tourmenté pendant quelque tems ses résolutions après
l'événement du 9 thermider. Elle prend de jour en jour une
assiette plus fixe el un caractere de fermeté et de justice qui
peut seul déconcerter les aristocrates et les ultra-révolutionnaires
, espece nou moins dangereuse que la premiere , et
affermir l'édifice de la liberté , en abrégeant la révolution que
tant de personnes trouveut leur intérêt à prolonger.
Le rapport de Robert Lindet sur l'état actuel de la Répu
blique , a cié écouté avec le plus grand calme , et a inspiré
le plus vif intérêt . La Convention et les tribunes l'ont couvert
d'applaudissemens . On y a vu qu'au dehors nos armées
sout partout victorieuses et triomphantes , et qu'au- dedans il
ne nous manque plus , pour jouir enfin des fruits de la révolution
, que d'étouffer quelques passions , de cicatriser nos plaies ,
et de ranimer l'agriculture , le commerce , l'industrie , les arts
et les sciences qu'un régime de barbarie , de persecution et de
terreur avait trop long-tems menacé d'une entiere destruction.
L'esprit de Robespierre lui a malheureusement survécu dans
quelques parties de la République . On le voit trop dans ce qui
s'est passé à Marseille et dans quelques endroits du Mídi . Mais
ces événemens , dont on a vu le récit abrégé dans la séance de
!
B 4
( 24 )
la cinquieme sanculotide ' , tourneront au profit même de la
liberté . Ils ont ouvert les yeux sur bien d'intrigues , et ont
marque leurs auteurs d'un sceau si visible , qu'il leur sera
difficile d én imposer long- tems à ceux qui cherchent de bonnefoi
la verite , et aiment véritablement leur patrie .
Ce qui augmente la confiance des bons citoyens , c'est que
tout le monde sent la nécessité de se rattacher à la Convention
comme au seul point de ralliement qui puisse exister .
Il n'est pas une de ses seances où le peuple n'applaudisse avec
transport a la sagesse et a la vigueur de ses mesures , et ne
maniteste son indignation contre toute espece d'intrigans et
d'agitateurs . Les sentimens qu'il témoigne aux séances de la
Convention , il les fait eclater à celles du tribunal révolution -
maires , lorsqu'il volt innocent absous et consolé par ses
juges . Chacun est las de l'oppression passée , et ne veut plus
que le regne de la justice et le triomphe de la liberté ; la
nation française , dont on n'avait fait que comprimer l'esprit ,
se retrouve tonte entiere ce qu'elle a été , sensible , grande
généreuse , pleine d'enthousiasme pour la liberté et de haine
pour le vice .
Dans l'espece d'inquiétude que l'on cherche à répandre sur
l'existence des sociétés populaires , il n'est aucun patriote sensé,
aucun ami de la révolution , qui ne soit convaincu des services
qu'elles ont rendu à la chose publique , et de l'impor
tance de ceux qu'elles peuvent rendre . Mais tout le monde
sent en même tems que la premiere autorité instituée par le
peuple est celle de ses représentans , qu'il n'y aurait plus ni
liberté , ni égalité , ni uuité , du moment qu'un petit nombre
se constituerait juge et maître de la représentation nationale ,
au mépris des droits de tous ; que si les sociétés populaires
sout excellentes pour dissémiuer promptement les bous principes
sur tous les points de la République , elles seraient trèsdangereuses
si , se laissant influencer par quelques meneurs
elles ne se coalisaient que pour entraver la marche du gou
veinement , et avilir la représentation nationale . Tout le monde
est persuadé que les sociétés populaires , ayant devant elles
le souvenir du bien qu'elles out fait , continueront à remplir
le but utile de leur institution , en s'épurant de tous les levains
de fermentation qui se seraient glisses dans leur sein pour les
corrompre. Comment se fait- il qu'après six ans de révolution ,
el de leçons si variées reçues de l'expérience , il soit si difficile
à ceux qui se disent patriotes de s'entendre ?
1
La translation des cendres de Marat au Panthéon a eu lieu
la derniere sau culoride . Le char qui portait le corps de Marat
était traîné par douze chevaux à quatre de from , et autour du
cénotaphe flottaient les drapeaux de la République , portés
par des défenseurs blessés au service de la République . Des
cheurs de tambours , de trompettes et d'instrumens à vent
( 25 )
aient placés dans la marche , et au centre était la Convention
nationale entourée d'un cordón tricolore soutenu par les
vétérans. On a remarqué sur-tout l'ordre et la belle tenue des
jeunes guerriers du camp des Sablons . Plusieurs hymnes ont
éte execuies par les artistes de l'institut de musique nationale.
Le peuple , apres avoir assisté à cette fête , s'est répandu dans
les differens théâtres qui ont été ouverts pour lui .
Fouquier- Thinville va être mis en jugement . Il a déja subi
son premier interrogatoire . Il a publie un mémoire contenant
sa défense . Nous ferons connaître les details de cette affaire .
L'abondance des matieres nous ayant déja forcés à supprimer
l'article de la littérature , nous renvoyons au prochain numéro
la suite de l'affaire des Nantais .
Il y a plus de dix jours qu'aucun paquebot ni bateau n'a
paru d'Angleterre sur le continent. Cette interruption dans la
correspondance fait conjecturer qu'il s'est passé quelqu'événement
important dont on veut , pour quelque tems , dérober
la connaissance .
NOUVELLES OFFICIELLES.
Suite des nouvelles officielles des Colonies de la République. Ay
port de la Liberté , isle de la Guadeloupe , ce 4 thermidor.
J'avais fait mettre les navires et les munitions à couvert
de la bombe , et mon logement a été celui où les ennemis ont
continuellement dirigé leurs coups ; j'en ai changé deux fois ,
et ils sont inhabitables par l'effet de la bombe et des boulets ;
chacun fatyait mon voisinage .
L'ennemi comptait beaucoup sur des propositions ; il en
fit pressentir de tres - avantageuses , mais que je tins secrettes ,
étant bien résolu , ainsi que tous les sanculottes de l'expédition
, d'incendier la rade et la ville avec nous -mêmes , plutôt
que de la rendre à l'ennemi .
" Le général Cartier , homme incertain et frappé des dangers
, mais honnête et patriote , vint à mourir dans ces circonstances.
Je nommai le général Aubert , qui me devint nécessaire
pour conduire l'ensemble de toutes nos opérations ;
il ne justifia pas la confiance des Républicains ; avec des talens
militaires , il était d'une lâcheté sans égale , ainsi que le
général Ronyer , qui n'a jamais pu avoir la confiance des Républicaius
par une poltronnerie des plus avérées . Je suis désespéré
que la vérité ne me permette pas de rendre de ces
deux généraux un compte aussi avantageux que j'aurais voulu
pouvoir le faire . Ils sont morts tous les deux de la même
( 26 )
maladie qui nous a enlevé beaucoup de monde . Je voudrais
pouvoir me passer de revenir sur le compte de l'un d'eux
dans le courant de cette dépêche , mais la vérité m'obligera
d'en parler encore .
Le citoyen Boudez , commandant du bataillon des Sanculottes
, à qui je dois les plus grands éloges , et en qui nous
avons tous la plus grande confiance par sa bravoure et sa
bonne conduite , était tombé dangereusement malade peu de
tems après , et n'était encore que dans les premiers jours de
sa convalescence , lorsqu'il fallait opposer aux ennemis une
vigoureuse resistance ou périr. Sans généraux et sans chefs ,
nous devions succomber ; mais ces contrariétés ne firent qu'exciter
le courage des Républicains en petit nombre . ( La maladie
et la mort ne les ont pas non plus épargnés . ) Nous continines
les ennemis dans leurs retranchemeus , nous les y avons
harcelés et empêchés de faire aucune entreprise considérable ;
nous les réduisîmes à canonner et bombarder le fort de Fleurd'Epée
, la ville et la rade . Nous avions des moyens de defense
respectables . Nous avions désarmé nos frégates et mis
leur artillerie à terre , fait des fortifications sur tous les points
avantageux . Nous avions aussi trois canonnieres ; et dans les
differens combats que nous avons eus , notre feu bien dirigé
faisait toujours cesser le leur , excepté la nuit : ils avaient
l'avantage de tirer des bombes et des obus sur la ville , et nous ,
nous aurions perdu nos munitions à tirer sur leur simple batterie
en campagne . Nous leur avons néanmoins coulé à fond
une de leurs canonnieres. Les Républicains fatigués de ne
point voir l'ennemi de près depuis quelques jours , nous déci
derent à attaquer les Anglais sur le morne Mascot dans leurs
retranchemens . Les dispositions furent faites : deux colonnes
de 250 hommes chacune furent formées ; l'une des colonnes
fut égance par la perfidie des guides ; 250 hommes se battirent
contre 1800 , monterent dans les retranchemens de l'ennemi
par des endroits inaccessibles . Déja ils avaient pris deux pieces
de canon qu'ils tournaient sur nos ennemis , lorsque cédant
au nombie , ils furent obligés de se replier . Nous perdimes
dans cette belle action 110 on 112 Republicains ; l'ennemi
perdit près de 250 homines , d'après son propre aveu . Une
armistice fut demandée et accordée pendant 4 heures , pour
cuterrer les morts de part et d'autre . La consternation était
dans le camp conemi , et les genéraux et officiers Anglais ne
purent s'empêcher de se répandre en éloges sur leur brayoure
, cu parlant à nos freres qui enterraient leurs freres
morts .
» Le 11 , voyant que l'ennemi faisait batterie sur batterie ,
uous résolumes de faire une attaque générale ; nous laissâmes
le moins de monde possible dans les postes , et marchâmes
en masse au nombre de 800 sur l'ennemi , pour aller l'attaquer
encore sur le morne Mascot. L'action fut des
( 27 )
plus vives et des plus meurtrieres . Les Républicains entrerent
dans les retranchemens de l'ennemi ; et au moment de la victoire
, soit que le général Aubert eût indisposé l'arriere - garde
en se cachant derriere une pierre , ou qu'une voix payée par
l'ennemi se fit entendre en criant : Nous sommes perdus ! nous
sommes coupés par une colonne anglaise ! le désordre se mit dans
cette arriere- garde ; ce qui redoubia le courage de l'ennemi
qui était en deroute , et qui revint à la charge avec des troupes
fraîches . Notre avant- garde se défendit en républicains ; mais
elle suscomba sous le nombre , qui était dix fois plus fort .
,, Nous eûmes 300 hommes tant tués que blessés ; et ce
qui excitera votre admiration et celle de la postérité , c'est
qu'ils ne nous firent aucun prisonnier ; çar tous les Républicains
venus d'Europe ont résolu de mourir plutôt que de tomber
entre les mains des ennemis .
" L'ennemi , enhardi par nos revers , redoubla son feu ;
dans la nuit du 13 au 14 , la ville fut couverte de bombes et
d'obus ; ce qui m'obligea , pour la premiere fois , à l'abandonner
, et à aller dans un poste avancé .
Sur les trois heures du matin , l'ennemi attaqua la ville
sur deux colonne heureusement pour nous qu'il attaqua le
poste où j'étais coushé avec le brave Boudez et l'intrepide
Lessegnes , commandant de la station . Nous ralliâmes la
troupe , et après avoir résisté quelque tems , nous fûmes en
ordre nous établir sur le morne du gouvernement , appelé
depuis le fort de la Victoire .
› L'ennemi cutra en ville au nombre de 2000 homines , où
il croyait ne point trouver de résistance . Le général Aubert
douna dans cette occasion , si ce n'est des preuves d'intelligence
avec les enuemis , au moins des preuves de la plus
grande lâcheté . Il m'a dit hautement que nous n'avions point
de cartouches , que nous ne pouvions tenir à ce poste ; er en
s'adressant à la troupe , il leur dit qu'ils seraient tous passés
au fil de l'épée. Il me reprocha , à noi , de sacrifier de braves
gens , et de n'avoir pas accepté les propositions qu'il m'avait
fait pressentir des généraux ennemis , en me disant qu'il n'était
plus tems .
" Mais les Républicains qui étaient dans le fort , dociles à
la voix de la patrie , commandés par de braves officiers , encourages
par le délégué de la nation , firent une résistance
opiniâtre , et on se bait comme aux Thermopyles . Le feu
fut si terrible , qu'ils n'oserent jamais tenter l'assaut . Marins
et soldats , tout concourut cette glorieuse journée : l'ennemi
fut complettement battu et repoussé hors de la ville . Nous
fimes une sortie sur eux , et les accompagnâmes jusque dans
leurs retranchemens pendant plus de deux lieues , où la troupe
fut obligée de les laisser , accablée de fatigue , le combat ayane
duré depuis trois heures du matin jusqu'à onze , où les troupes
rentrerent après s'être emparées de leur artillerie de cam(
28 )
vagne , munitions et autres ustensiles de guerre . Les rues et
s chemins furent jonchés de morts . Nous fimes près de 250
prisonniers , dont huit officiers : ils perdirent en cette occasion
l'élite de leurs troupes , tous chasseurs et grenadiers . Le
général de brigade Syme , qui commandait en chef , fut blessé ;
le général de brigade Gown qui commandait la colonne , le .
capitaine de vaisseau Robertson qui commandait 500 matelots ,
farent tués avec 31 officiers . L'ennemi évalue sa perte à 860
hommes ; nous , nous ne pouvons l'estimer ; mais nous avons
mis deux jours à les enterier , et il y en a plus de 200 qui
sont restes dans les bois sans sépulture .
" Dans la nuit du 11 au 15 , après avoir essuyé ce terrible
échec , ils résolurent d'attaquer Fleur d'Epee ; ils firent pleuvoir
plus que jamais des hombes et des boulets , nous tuerent
et blesserent beaucoup de monde ; mais nos intrépides Republicains
, bravant les fureurs de l'ennemi , ne laisserent pas
un instant deborder les remparts de ce poste important : il n'oscrent
tenter l'assaut . Sur les deux heures du maun , nous leur
fimes donner un avis qui les trappa de terreur ; ils cesserent
leur feu et se mirent à fuir , en désordie , au Gezier . Ils trainerent
avec eux leur artillerie : ils nous abandonnerent , tous
leurs effets , équipages et munitions de guerre et de bouche ,
que nous avons eu peine à ramasser en trois jours . Nous étions
trop faibles pour aller les attaquer au Gozier. Le 17 et le 18 ,
ils s'embarquerent avec tous les aristocrates et quantité de
richesses qu'ils emporterent . Enfin , nous nous sommes rendus
maîtres une deuxieme fois de la grande terre . Le pavillon tricolore
et les municipalités y sont établis partout .
J'ai le plus grand plaisir , citoyens , à vous rendre compte
de ce nouveau triomphe de la République sur ses ennemis ,
parce que cette action est décisive pour la colonie , et qu'elle
assure au moins le salut de la patrie que nous avons reconquis.
Je vous apprends avec plaisir qu'il n'est pas jusqu'aux
citoyens noirs , nos nouveaux freres , qui n'aient montré dans
cette occasion ce que peut l'esprit de la liberté , puisque
d'hommes , naguère abrutis par l'esclavage , elle a fait des
héros ; c'est la justice que je dois rendre à quelques - uns d'entre
eux . J'ai cru devoir consacrer la mémoire de cet événement
en changeant le nom de la pointe à Pitt en celui de port de la
Liberté , île Guadeloupe , parce que c'est en effet le premier
port où nous avons apporté à nos fieres ce grand bienfait de
Ja Convention nationale . J'ai aussi chargé le nom du fort du
Gouvernement en celni de fort de la Victoire . bien mérité
et bien acquis dans la célebre journée du 14. J'ai fait aussi une
adresse aux Républicains , mes freres d'armes . Les expressions
m'ont manqué pour leur dire tous ce que je sentais pour
e qui m'a obligé d'en emprunter quelques - ques . Je ne
eesserai de faire leur clogo , parce qu'on n'a jamais vu de pacak
,
( 29 )
Je suis
reils hommes . C'est la réunion de toutes les vertus ; le désinterressement
et la bravoure sont les moindres chez eux .
forcé de les quereller pour leur faire accepter leurs besoins ,
et les engager au repos ; et toutes les fois qu'il faut donner
une place , c'est une nouvelle querelle . Chacun est bien
comme il est , et n'en desire pas davantage .
Je ne puis que me féliciter d'avoir affaire a de pareils hommes ;
soldats , matelots , officiers , enfin toute l'expédition venue
d'Europe , nous vivons eu freres ; rien n'a encore troublé
cette harmonie ; mais il n'en est pas de même de la majorité des
habitans de ce pays . Habitues à prendre les hommes pour les
choses , ils se disent patriotes lorsqu'ils sacrifieraient tout pour
leurs intérets particuliers ; heureusement le sombre est petit
et sera facile à dompter , mais il donne bien de la tracasserie
. "
Signé VICTOR HUCUET.
ARMÉE DU NORD .
Quartier-général de Boxtel , le 30 fructidor .
Nous vous annonçons avec empressement , citoyens collegues
, l'avantage signalé que vient de remporter l'armée du
Nord sur les coalisés commandés par le duc d'Yorck .
+
D'après l'ordre que vous avez donné d'attaquer l'ennemi
l'armée à marché dans la direction de Gorcum , où nous
devions le rencontrer . Bientôt les deux armées furent en présence
, et c'est hier que ce fit ce dernier mouvement , aussi
hardi que bien combiné . Pichegru avait résolu de camper endeçà
de la riviere de Domete , où l'ennemi avait tous ses postes
avancés , et de porter les siens au- delà , ce qui devait lui donner
la position la plus avantageuse ; il a parfaitement réussi .
" Le passage de la riviere était défendu par le village de
Boxtel : des retranchemens hérissés d'artillerie , 5 mille hommes
tant cavalerie qu'infanterie , rien n'a pu arrêter la bravoure
républicaine . L'attaque fut vive ; mais après une heure et demie
de combat l'ennemi a fui . Dans sa déroute , nous lui avons fait
2,000 prisonniers , et pris huit pieces de canon avec leurs
caissons .
,, Ce matin , une reconnaissance de 800 hommes environ a
rencontré un corps de 5,000 Anglais qui venait pour reprendre
Boxtel ; mais forte de sa fortune , ne s'occupant pas du nombre ,
elle l'a chargé avec une telle impétuosité , que la terreur s'est
jettée dans les rangs de l'ennemi , et lui a fait abandonner son
projet.
, Après tant de traits de valeur nous ne vous parlerons pas ,
citoyens collegues , des marches pénibles dans un pays convert
de landes et de bruyeres ; les Français sont capables de
tout . Nous ne devons pas vous taire cependant la conduite dis-
0
( 30 !
tinguée du 8. régiment de hussards ; trente d'entr'eux ont
franchi le fossé qui les séparait des deux bataillons Hessois ;
et leur ont fait poser les armes .
99
Le lendemain , un détachement du même régiment a donné
une nouvelle preuve de son courage ne pouvant forcer les
prisonniers à diriger le canon qu'ils avaient pris contre ics
fuyards , ils mirent pied à terre pour le servir eux - mêmes : cette
piece , ainsi que 200 prisonniers , est le résultat de l'affaire du
matin par la reconnaissance .
" Il est encore un trait de valeur , parmi tant d'autres , qui
appartient au citoyen Juge , sous -lieutenant au 8. régiment
d'hussards. Il a eu le poignet cassé . Nous demandons que vous
lui donniez de l'avancement.
" Nous espérons , citoyens collegues , que cet avantage n'est
que le préliminaire d'événemens plus heureux et plus décisifs . „
Salut et fraternité . Signés , BELLEGARDE et LACOMBE du Tarn. ·
P. S. Les déserteurs nous arrivent continuellement et en
grand nombre : nous n'avons eu que 15 hommes tués ou
blessés .
ARMÉE DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES .
Pau , le 20 fructider.
Je te fais part que l'Espagnol nous a attaqués , le 18 , dans
la vallée d'Aspe , à l'avant - poste de la gorge de la Marie ;
s'étant porté en force sur trois colonnes , notre posté fut obligé
de se replier.
" L'Espagnol nous a brûlé quelques granges . A la premiere
nouvelle de cet événement , le général Robert s'est porté
sur les lieux , et avec six cents hommes du 5º , bataillon des
Basses - Pyrénées , il a repoussé six mille ennemis , leur a tué
et blesse beaucoup de monde , fait trente - deux prisonniers ;
et cent cinquante déserteurs Gardes Walonnes sont venus sur
le sol de la liberté . Sur la demande du général Robert, j'avais
fait passer à Oléron deux cents hussards , qui , sans doute ,
deviendront inutiles .
" Je n'ai pas de détails plus circonstanciés . Anssi- tôt qu'il
m'en arrivera , je m'empresserai de te les faire passer.
L'adjoint Clapin me mai que cependant que je peux être
tranquille sur la situation de la vallée d'Aspe .
Salut et fraternité . Signé , GARIM , adjudant général.
Pour copie conforme , MONCEY , général commandant.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
Quartier-général de Tongres , 3e . sanculotide.
Nous n'avons pas perdu un instant , chers collegues ,
pour exécuter l'ordre que vous aviez donné , d'attaquer l'en(
31 )
nemi sur la rive droite de la Meuse . Un corps de 42 bataillons
et de 20 , escadrons , fut détaché , aux ordres des genéraux
Scheret , Marceau et Bonnet , et passa ce fleuve à Namur et
à Huy.
" Dès le 27 , les passages de l'Ourt avaient été forcés à
Darbui et Comblaine -au - Pont . Il restait à franchir l'Aywaille ;
c'est une riviere dont les bords sont hérissés de rochers éxtraordinairement
escarpés , et qui offent à peine quelques
passages praticables , même pour l'infanterie .
" L'ennemi occupait , avec 18,000 hommes , deux camps
sur la rive droite de cette riviere ; l'un à Emeux , et l'autre
à Sprimont. Toutes les hauteurs étaient couronnées de redoutes
et après avoir forcé ces passages , il fallait marcher
pendant près d'une lieue sous le feu d'une artillerie rasante
pour gagner la crête des montagnes .
:
Jamais position ne fut plus imposante ; l'art et la nature
semblaient y avoir réuni tous les obstacles , mais l'armée a
prouvé qu'elle n'en connaît aucun , lorsqu'il s'agit de vaincre.
Hier , à la pointe du jour , quatre colonnes attaquerent en
même tems sur toute la ligne , depuis Aywaille jusqu'à Emeux ;
tous les passages furent forces a la bayounette , et les camps
ennemis emportés au pas de charge . Sept cents prisonniers ,
26 pieces de canon , presque tous de gros calibré , des affûts
de rechange , 3 drapeaux , 1,200 homimes tués ou blessés ,
beaucoup de fusils abandonnés par l'ennemi , environ 100
chevaux et 40 caissons de munitions , sont le prix de la vic»
toire ; elle a été complette . Le reste de l'armée de Latour
est en pleine déroute , et dispersée dans les bois . Notre cavalerie
est à sa poursuite , et elle en rendra bon compte .
Je ne puis encore vous dire qu'elle a éte la perte de
notre côté , mais d'après tous les renseignemens qui ont été
pris jusqu'ici , nous n'avons à regretter qu'un très petit nombre
de Républicains.
" Pendant que l'aile droite se signalait dans les rochers du
Limbourg , la gauche et le centre battaient l'eunemi vers Maseik
et devant Mastricht. Les villages de Laweld , Emule , Montenaken
, étaient remportés , et l'ennemi poursuivi jusques sur
les glacis de la place , "
Signé , GILET , représentant du peuple.
Même jour : Je vous ai mande ce matin , chers collegues ,
que l'enuemi avait levé le camp de la Chartreuse ; sur- le - champ ,
le géneral en chef Jourdan , a dirigé deux fortes colounes
d'infanterie et de cavalerie ; l'une par Liége , l'autre par Vise ,
pour le pousuivre. La cavalerie a ramassé beaucoup de traî
neurs . Scherer a porté son avant -garde à Vervier. Ce que je
vous ai mandé de la journée d'hier est beaucoup au- dessous de
la vérité . L'ennemi a laissé sur le champ de bataille plus de
2,000 hommes . Des bataillons entiers sont réduits à 150
( 32 )
hommes ; sa perte en artillerie est aussi beaucoup plus considerable
. On en a trouvé aujourd'hui plusieurs pieces et des
caissons dans les ravins , et dans les bois ; en un mot , il paraît
que l'armée de Latour a perdu tous ses canons .
,, Demain l'armée fait un mouvement général , et nous ferons
tout ce qui sera possible pour profiter de la victoire , sans
compromettre nos succès .
Il resulte du langage de tous les prisonniers et déserteurs ,
que le moral de ces messieurs est très fort ébranlé ; ils sont
las de la guerre , et ne soupirent qu'après leur retour en Allemagne.
On a pris la voiture de Latour , son secrétaire et ses
papiers. "
Salut et fraternité .
Signé , GILET , représentant du peuple.
P. S. Dans la séance du 3 vendemiaire , on a annoncé la
reddition de Bellegarde.
Voici la lettre du général Dugommier , en attendant de plus
amples détails .
Du quartier-général de Bellegarde , le 2º , jour des sanculotides .
Citoyens représentans , l'armée des Pyrénées orientales
vient de mettre le sceau au triomphe de la Republique sur sou
territoire , entierement purgé de ses ennemis. Bellegarde est à
nous . C'est le fruit d'un blocus opiniâtre et sévere , qui a forcé
la garnison de se rendre à discrétion , en soumettant son sort
à la générosité française . Bellegarde est intact , et dans cet état
d'intégrité notre frontiere se trouve toute protégée aux frais
des Espagnols . Cette place nous donne plus de 60 bouches à
feu et 40 milliers de poudre .
Salut et fraternité .
Signé , DUGOMMIER , général en chef...
Dans la séance du 4 , on a fait part d'un avantage remporté
sur les Piémontais par l'armée des Alpes .
On écrit de Brest que 13 bâtimens venant du Bengale , ont
été enlevés dans le port ; ils sont chargés de sucres , café ,
indigo et d'argent . Cinq autres chargés de coton , ont été coules
bas ; c'est la division de la Proserpine qui a fait cette riche
capture , qu'on estime 18 millions .
( No. 2. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 VENDÉMIAIRE , l'an troisieme de la République.
Mecredi 11. septembre 1794 , vieux style . )
DEPUIS
POÉSIE.
Sur l'invention du Télégraphe.
EPUIS que tant d'états sont soumis à nos lois ,
Plus vite que jadis on n'eût pris une ville ;
Nos succès épuisant la déesse aux cent voix ,
Elle a fait inventer , par un artiste habile ,
Cet instrument ingénieux ,
Qui de Lille à Paris , et de Paris à Lille ,
Aussi prompt que l'éclair , se fait entendre aux yeux .
Pour apprendre asseź fôt à la France étonnée
Les exploits de tous ses héros ,
Les succès de chaque journée ;
Il fallait recourir à des moyens nouveaux .
Par le cit. L. D... de Nantes .
CHARADE.
OIs , dans son élément , la vie et la raison ,
En ôtant une lettre à la fin de mon nom :
Moins encor une lettre à l'endroit qu'il commence,
Connais des eaux la plaine immense ;
je rappelle enfin dans mon tout
L'apre sensation qui répugne à ton goût.
N.
ENIGM E.
I va pas me juger , ami , sur l'apparence :
Tel de la cruauté n'a que l'extérieur ;
Belette , ours , tigre , loup .... Qu'importe mon essence ?
De l'innocent agneau j'ai tout l'intérieur,
Tome XII. C
( 34 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
་
Adraste et Nancy ; Tonga et Peggy Nyredon ; deux anecdotes américaines
qui contiennent plusieurs faits sur la révolution de l'Amérique
septentrionale ; les descriptions des villes principales de cette
partie du continent et les opinions d'un vrai Républicain sur
les gouvernemens. Par A. T. de Rochefort , département de la
Charente inférieures ; ɛin > 16. de 192 pages . Se trouve à Saint-
Maixent , chez Lainé z imprimeur ; el à Paris , chez Delalainjeune,
libraire, rue Jaiqueqs nº 12.5)
TV S
Ce petit roman est en lettres . L'auteur y peint , d'une maniere
fort agréable , les moeurs simples , franches et charmantes
des habitans de l'Amérique septentrionale ; il fait connaitre leurs
usages ; il introduit son lecteur dans leur société , dans leur
conversation. Il anime ses personnages par la vérité de ses
portraits ; il rappelle des anecdotes du pays qui ajoutent encore
de nouvelles couleurs à ses tableaux . Je vous représente
, dit-il , la nature telle qu'elle s'offre ici à tous les yeux ,
selle qu'elle est en effet.
Adraste en écrivant à son frere aîné , qui est aussi son tuteur
lui détaille les circonstances de l'heureuse aventure qui lui fit
connaître l'aimable miss Nancy et sa famille. Ce jeune officier
de marine se promenait avec Jamin , son fidele petit mousse ,
dorsqu'il apperçut une maison isolée , qui était comme toutes
celles du pays solidement bâtie en bois , ayant un étage seu
dement , peinte en jaune clair et couverte d'essentes . Ils s'approchent
; une jeune négresse s'offre d'abord à notre vue.
Mes maîtres sont ici , monsieur le Français ; ils seront bien
aises d'avoir le plaisir de vous recevoir chez eux . Ma chere
amie , votre prévenance me prouve bien que les maîtres de
cette maison méritent , comme tous leurs compatriotes , les
hommages et la reconnaissance des étrangers qui ont le bonheur
de les visiter. Reposez -vous auprès du feu , monsieur
le Français , je cours les avertir . Oh ! qu'ils vont être contens ...
-
-
La maitresse de la maison doit maintenant nous occuper.
La douceur , la bonté sont peintes sur tous ses traits ; elle
paraît avoir 36 aus ; sûrement elle en a davantage , car dans
e pays fortuné les années ont bien de la peine à se graver
sur les visages . On ne vicillit point quand on est constamment
keureux. Madame , assuré de votre indulgence , je me présente
chez vous pour vous offrir nos hommages. Point de
réponse ; par un geste amical elle paraît desirer que je m'asseye
, et elle m'en donne l'exemple. - Madame , je vous
arrache peut-être à quelques occupations intéressantes ? Elle
---
―
( 35 )
sence. -
ex
-
-
- - Miss
sourit avec grace , mais elle ne répond point encore . — Madame
monsieur votre mari est- il ici ? Je serais flatté de faire sa connaissance.
Alas ! ... mais ... monsieur le Français , est- ce
que vous parleriez anglais ? Madame , je ne possede pas trèsbien
cette langue ; cependant lorsque l'on m'écoute comme
Vous avec complaisance , je réussis à me faire entendre . Monsieur,
me dit-elle ( en s'élançant vers moi , et me serrant les
mains avec bonté ) , pardonnez-moi , je vous supplie , j'étais si
follement convaincue que tous les Français ignoraient notre
langue que , quoique vous vous exprimiez avec beaucoup de
facilité , je ne pouvais croire , même en vous entendant , que
vous me parlioz anglais . Ma chere Becka , appellez Sir V.Y
et miss Nancy. Monsieur , vous allez voir mon époux et
notre fille qui dans ce moment sont à se promener ensemble ,
ils partager ont bien la satisfaction que me procure votre pré-
- Je reconnus bien vite que je m'entretenais avec la
plus respectable des femmes , la meilleure des meres .
Nancy arriva la premiere : elle embrasse sa maman et ensuite
me saluant d'une simple inclination de tête , elle me prend
une main et s'asseoit tout naturellement auprès de moi . Ses
yeux me considerent avec une joie bien flatteuse ; elle m'adresse
deux ou trois mots , et sans attendre ma réponse elle me sourit.
gaiement , et disparaît comme un éclair ... Jugez de mon étonnement
une jeune beauté d'une blancheur éblouissante , les
joues légerement colorées , les levres vermeilles , les yeux bleus ,
des cheveux presque blonds , très fournis , négligemment attachés
, des dents d'albâtre , une taille qui ferait oublier les
nymphes. Eh qui , en la voyant , pourrait ne pas l'aimer ? Elle
m'honore à la premiere vue de ses touchantes caresses ; elle
m'exprime avec franchise le plaisir que lui inspire ma présence
, et paraissant jouir de son triomphe elle m'abandonne
à ma stupeur , et me fait tout-à- coup sans que je puisse en
soupçonner la cause . La respectable maman voit mon embarras
, elle paraît se complaire à le remarquer ; mais bientôt
elle emploie toute sa bonté naturelle à rappeller mes esprits .
---
"
et
Nancy reparaît , une assiette de poires dans une main , une
assiette de pommes dans l'autre. C'est pour vous , me dit- elles
vous ne me refuserez point ? J'ai choisi les plus belles ,
j'espere que vous les trouverez bonnes . Je veux moi - même
Templir vos poches , et votre petit Français vous conservera
celle qu'il ne voudra pas manger. La voici encore assise auprès
de moi , et ma main toujours dans les siennes .... Comment
vous nomme- t- on ? Miss Nancy , mon hom est Adraste.
Maman , c'est à mon tour à causer avec sir Adrase ; ily
17
long-tems que vous êtes ensemble , etje veux l'entretenir jusqu'à
ce que papa me force à le céder à ses droits ... Eh bien , mon
frere J'ai dix -neuf ans , un coeur sensible , et c'est miss Nancy
qui vient de parler ! Sir V. Y. vient par sa présence inter-
Iompre noue bien doux entretien . Papa , je vous présente sig
--
-----
( 36 )
J
F
-
Adraste , officier français . Il nous a promis de nous aimer. Sir
V. Y. me secoue la main en me la serrant cordialement....
Après une courte conversation ... Vous êtes , sir Adraste , le
premier Français que j'aie vu . Vous augmentez bien en moi
la bonne opinion que j'ai toujours eue de votre nation . J'ose
me prometire que vous regarderez désormais cette maison
comme la vôtre , et que dès aujourd'hui vous prendrez possession
de la chambre qui vous conviendra le mieux..... Je
m'excusai sur ce que n'ayant point prévenu mes chefs , je ne
pouvais m'absenter aussi long-tems sans en avoir obtenu leur
agrément. Le pere et la mere se sont rendus sans peine à
des raisons aussi puissantes. Elles n'étaient point suffi
santes pour miss Nancy. La beauté peut- elle croire à la
subordination militaire ? Rien ne doit ni ne peut résister à sa
volonté. Cependant on ne me pressa pas davantage . Tous
consentirent à mon départ , après m'avoir comblé de tendresse ,
après m'avoir fait promettre que je ne me séparerais plus d'eux
que lorque mon service l'exigerait impérieusement... J'avais
promis de revenir le lendemain matin... A neuf heures j'étais
débarqué , et tout en courant j'arrive à la maison . Miss Nancy
m'avait apperçu . C'est elle qui m'ouvre la porte. Votre
toilette est belle , sir Adraste , mais elle ne nous plaira point ,
si c'est la cause pour laquelle vous êtes venu aussi tard . Le
déjeûner est prêt depuis long-tems , et mes parens sont bien
impatiens de vous revoir. Miss , je... Point d'excuse
monsieur , vous n'en avez pas besoin avec celle qui ne voudra
jamais vous trouver coupable. Monsieur et madame V. Y. renchérirent
encore sur leurs amitiés de la veille . Nous n'osons ,
dit la bonne mere , vous appeller que l'ami de la maison ; mais
: mon coeur sent qu'il lui serait bien doux de vous appeller
mon fils. Le pere applaudit. Miss Nancy sourit en me regardant
; des larmes de joie roulent dans mes yeux , et ma langue
a balbutié un remerciement. La journée se passa à visiter la
maison , à parcourir ses dehors charmans . Toute la famille avec
moi ; miss Naucy me donnant toujours le bras , et m'adressant
sans cesse la parole... Qu'elle me connaît peu encore ; elle
eroit nécessaire qu'elle m'occupe d'elle... comme s'il m'était
possible de m'occuper d'autre chose ! La soirée devait au
mpins appartenir au pere : il nous signifia qu'il revendiquait
aes droits.
J'espere cependant que vous ne trouverez point
cette doi trop rigoureuse ; car je veux être un ami et non pas
un despote ? J'ai peu de chose à vous apprendre sur notre pays ,
yous le connaissez mieux que moi même ; mais je veux beaucoup
apprendre sur le vôtre. Papa , c'est bien juste... L'ami...
Sir Adraste s'entretiendra avec vous . et je resterai auprès de
lui. Miss , je répondrai avec plaisir à toutes les questions
de M. votre pere , mais je n'oublierai point , soyez en sûre ,
que j'ai le bonheur d'être auprès de vous . Bon ! je n'en demande
pas davantage.
--
-
-
――
-
( 37 )
C
Le pere de miss Nancy est grand partisan de la liberté des
peuples et du gouvernement républicain . On ne peut pas , me
disait-il , connaître le bonheur sous la dépendance d'un roi .
Qu'il soit bon et vertueux ( chose bien difficile ! ) , ceux qui
l'entourent paraissent bons et vertueux pour le tromper plus.
sûrement , et pour lors , malgré lui , son peuple sera malheu
reux . S'il est vicieux , c'est bien pire : les méchans profitent
de ses crimes , l'encouragent dans sa scélératesse , les hommes .
probes gémissent en silence sous la verge de fer du monstre
qui les dévore ; et tous ses esclaves se ravallent jusqu'à le..
vénérer comme l'image d'un Dieu justement irrité... On voudrait
en vain honorer la puissance d'un roi , il n'est pas dans
la nature d'aucun de se contenter du pouvoir qu'on lui a
délégué , etc. Mes réponses parurent lui plaice ; il m'a témoigné ,
beaucoup d'estime , et m'a jaré une tendre amitié .
Je me retirai dans ma chambre une heure après le souper.
Miss Nancy m'y a accompagné avec ses bons parens , et après
m'avoir , suivant l'usage , souhaité good night and good dream
( bonne nuit et heureux, rêve ) , ils se retirerent. Miss Nancy
me repeta good dream , sir Adraste ! Ah ! miss , que peaton
encore souhaiter à celui dont vous êtes l'objet de toutes les
pensées !
Le matin , en sortant de mon appartement , je trouvai miss
Nancy assise à ma porte , et travaillant à l'éguille . Elle avait
.. auprès d'elle une cuvette et un pot plein d'eau. Miss , vous
Jo vous êtes levée de bon matin. Cela m'est ordinaire .
me sais bien mauvais gré de ne m'en être pas informé , puisque
j'aurais pa vous voir plutôt . Puis-je savoir , miss , pourquoi
vous avez choisi de préférence cette place pour travailler.
J'étais mieux placée pour empêcher qu'on ne troublât votre
sommeil , et j'ai voulu être la premiere à vous offrir de l'eau
pour vous laver le visage , la bouche et les mains, Beaucoup de
personnes assurément auraient été aussi sensibles que moi à la
délicatesse de ce procédé ; mais quel est l'homme assez froid
pour avoir pu sur - le-champ exprimer sa reconnaissance ?
O fille incomparable ! c'est tout ce que j'ai su dire . Son sou
rire gracieux m'a convaincu que cette exclamation la cons
tentait.
Adraste s'enivre toujours plus de son amour , et continue
d'en faire confidence à son freie , que sou service tient éloigné
de lui , et qui , par son âge , son droit d'aînesse et sa qualité
de tuteur, croit qu'il est de son honneur d'employer toutes
les raisons , ensuite tous les moyens de rendre son jeune frere
à sa patric , à sa famille , à ses devoirs . Vous ne me pardonnez
point , lui écrit- il , d'avoir cru nécessaire de solliciter de
votre capitaine de vous retenir à bord pendant lecpeu dde temy
que vous resterez dans la riviere d'Elk. C'est un moyen bien
violent ; croyez aussi , mon cher Adraste , qu'il m'en a bien
coûté de l'employer. Il fallait vous sauver........
L'amitié ne
C 3
( 38 )
1
smes
poavait hésiter. Adraste lui répond par cette lettre , où il peint
si bien le désordre et le désespoir de l'amour malheureux :
Lá victoire est à vous .... Jouissez de votre triomphe .... Que
votre coeur savoure avec délices la gloire de ses succès ..... Il
n'est plus de bonheur pour moi .... iafortunée victime de l'orgueil
et des préjugés ! Je serai donc désormais le plus malheureux
des êtres ! .... La nature , ennemie aussi barbare que
l'amitié , me laisse encore la vie pour me voir lutter contre
le désespoir ! .... Condamné à ne plus revoir miss Nancy , je
vis encore.... Nancy , Nancy , je ne vous reverrai plus ! vous
avez reçu mes derniers adienx ; et faussement je m'étais flatté
que ce serait més derniers soupirs .... Mes yeux sont privés
pour toujours de bonheur de vous voir..... Ma bouche a pu
vous dire que je ne vous adorerais plus , et mon coeur respire...
Que sont devenus sermens ?..... Amour , qu'attends - tu
pour te venger d'un parjure qui t'outrage ? Oui , je le sens ;
' est toi qui prolonges mon existence pour me faire endurer
toutes tes furears .... pour punir mon crime atroce .... Oh !
oui , j'ai bien mérité toute ta colere ... O raison , le plus cruel
des fléaux du ciel , voilà donc ton ouvrage ! .... Ta nons fus
donnée , dit - on , pour nous conduire au bonheur.... c'est toi
seule qui m'y arraches ! ... Amitié , sentiment aveugle , que ton
joug est pesant... que tes caresses sont perfides ! ... Malheur à
qui reconnaît ton empire ! ... Tu ris de mes douleurs ! ... Mes
cris frappent agréablement tes oreilles ... Repais - toi délicieusement
du fruit de ta puissance ! ... Je ne te cacherai rien....
Je veux mettre le comble à ta satisfaction ... Ecoute ..... dévore
des aveux qui vont te pénétrer de joie ! Je vous ai dit que
la tristesse empreinte sur tous mes traits .... la mort dans le
coeur... Nancy ne voyait plus dans son amant que l'image du
désespoir.... Elle veut en apprendre la cause .... Je dois la lui
cacher.... Je fuis ; elle suit mes pas .... Je m'arrête ; elle est à
mes pieds.... La vertu osa s'humilier .... Non , c'est un nouveau
triomphe pour elle..... Elle pleure ..... elle supplie ! .....
Miss Nancy , vous allez tout savoir , Ses yeux éteints….… la
pâleur sur les levres .... tous ses membres sont tremblan's ! ...
Mistriss Gr...... , sa respectable soeur , la soutient avec peine .
O spectacle déchirant ! ... J'étais donc né pour commettre
le crime !..... pour plonger un poignard dans le sein de la
beauté , de la vertu . - Mais Nancy... on veut... que je vous
quinte ... dès ce soir .. je ne vous reverrai plus ! ... Ah ! mamma ,
mamma ! je ne le reverrai plus ! ...
les
Miss Nancy est sans mouvement dans les bras de sa soeur...
Sa mere accourt la rappelle à la vie……… Adraste , mon fils
Adraste ! j'ai confié ma fille à votre amour , à votre vertu !...
C'est donc là ma récompense ! ... Elle est morte . Non ,
pleurs dé son amant l'ont rendue à votre tendresse ...... Ma
tendre mere madame ! elle n'en mourra point..... Ce n'est
point à elle à mourir ! ... Nancy , Nancy ! Elle m'écoute...
( 39 )
-
-
Elle va parler... Les larmes inondent son visage. Mamma
it me l'a dit , je ne le verrai plus .... plus .... jamais . Mon
cher fils , que pouvez-vous noirs reprocher ? qui doit excuser
le malhenr dont vous nous menacez . J'aime..... Je veux
être heureux... Je veux faire le bonheur de celle que j'adore...
L'amour , le desir d'être heureux ... Voilà mes crimes ! ... On
ne me les pardonnera jamais ... Je suis condamné à un déses
poir éternel.... Demain vous en sautez davantage.... Demain
vous sanrez tout... Nancy , aimez- moi.... Madame , dites - lui
de m'aimer toujours ... Rieu ne m'arrête... Je fuis .... les cris
de l'amour... ceux de la nature... En vain ils me poursuivent...
Je suis sourd à tous ces sentimens... J'arrive à bord.... et je
vis encore !... et c'est à vous que j'écris ... Lisez ces lettres...
voyez ces réponses ... Ne croyez point , frere barbare , que je
renonce à mon amour.... Un jour je serai libre... Le ciel.....
le ciel avant peu punira l'orgueil et les tyrans ! ...
Adraste de retour en France , au sein de sa famille , né par
se refuser aux desirs de ses parens , et contracta un mariage
dont il fit part lui-même à son amante . Celle , lui écrit - il ,
qui fait depuis long- tems mon bonheur , était bien digne de
devenir le soeur de Nancy , l'épouse de ton amant ...... C'est
elle -même qui a desiré que je lui retraçasse ton souvenir . Souvent
elle m'a reproché d'avoir offert en sacrifice à l'hymen
les lettres que ton coeur dictait , que ta main m'écrivit ... Oui ,
Nancy , tes lettres , les miennes , notre histoire , tes cheveux
même , je brûlai tout au moment où je montai les marches de
l'antel.... Ne me reproche point ma cruauté ! ... elle était absolument
nécessaire... Ce fut pour moi un sacrifice bien doaloureux
!... Ces talisman d'amour ont cessé de couvrir mon coeur ,
cependant il respire encore !... La tendresse d'une épouse , jeune ,
belle , vertueuse , une autre Nancy l'a rappellé à l'existence
et au bonheur.... L'amour a cédé ses droits à l'amitié . Tous
nos sentimens lui appartiendront désormais . C'est à elle à étermiser
notre amour , vos vertus et ma gloire ..... Adieu , man
aimable Nancy ! ... adieu , ma soeur bien - aimée !
( La suite au numéro prochain. )
ANNONCES.
et
Mémoire sur la meilleure méthode d'extraire et de raffiner le
salpêtre par Tronson Ducoudrai , capiline au corps d'artillerie
. Nouvelle édition . Prix , 2 liv . broche. A Paris , chez
Batillot , libraire , rue du Cimetiere-André nº . 15 , section
92 GET BA
de Marat.
7
Instruction , extraite des pensées de J. J. Rousseau , à l'usage
des enfans des écoles primaires Se trouve chez le citoyen
Langlois , libraire -imprimeur , rue de Thionville , no . 1840.
C 4
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
Iv
ALLEMAGNE.
i
De Mambourg , le 10 Septembre 1794.
L'est sans doute assez difficile de déterminer au juste à quel
point la Porte ottomaue et les puissances du Nord de l'Europe
prendront parti dans la guerre actuelle , dont les généreux
efforts des Polonais , pour recouvrer leur liberté et arracher
aux demembreurs les lambeaux sanglans de leur patrię ,
ont singulierement changé les combinaisons pour la Turquie
et le Nord de l'Europe . Mais ce qui n'est pas difficile à conjecturer
, c'est que de quelque maniere que les choses tournent,
et quand bien même la fortune finirait par trahir la cause des
Polonais , il n'en serait pas moins vrai en dernier résultat que
la Russie , la Prusse et l'Autriche se seraient affaiblies , peutêtre
même épuisées , pour n'acquérir qu'une possession précaire
d'un pays où le feu sacre , de la liberté ne manquerait
pas de se rallumer tôt ou tard , parce qu'on ne pourra jamais
I'y éteindre jusqu'à la derniere étincelle .
Cette hypothese est cutore la moins défavorable aux trois
puissances co- partageantes : mais que serait - ce si la Porte
ottomane , sentant que ses véritables intérêts sont et ont toujours
été de rester liée avec la France et la Pologne contre
la Russie et l'Autriche , dont les systêmes d'envahissement
sont connus et prouvės , venait à déployer contre ces puissances
toutes les forces de terre , et de mer qu'elle est capable
de faire agir ? Car enfin , la Turquie a beaucoup d'hommes et
d'argent , taudis que l'Autriche et la Russie n'ont plus ni l'un
ni l'autre. Il en résulterait ce que l'on doit desirer pour la
tranquillité du Nord et de l'Europe en général , que ces orgueilleuses
puissances seraient obligées de descendre du rang
de prépondérantes , et se trouveraient réduites à l'heureuse
impuissance de faire du mal . Pendant ce tems des puissances.
peu riches , mais justes , mais modérées , et qu'on peut regarder
comme des gens de probité dans la société de l'Europe,
où l'on ne considere lors les nations que comune des individus
, venaient tomber entre leurs mains non souillées des
déprédations le commerce du Nord . En un mot , les autres
peuples de l'Europe auraient à faire à la Suede et au Danemarck,
et s'en trouveraient bien . La Pologne régénérée , couverte
d'hommes libres qui cultiveraient ses fertiles campagnes ,
deviendrait le grenier d'abondance de l'Europe , et les démem
par
( 41 )
breurs , ainsi que leurs lâches complices , rentreraient dans
une pénurieuse nullité.
Nous allous joindre ici les dernieres nouvelles qui confirment
plus ou moins ces vues : nous serons aussi exacts à donner
même celles qui les combattraient.
De Constantinople , le 4 août.
La Porte continue de prendre à son service des officiers'
étrangers , pour exercer ses troupes et ses matelots , et diriger
la construction de ses vaisseaux et de ses fortifications . On
vient de voir arriver dans ce port un vaisseau de ligne , de
30 pieces de cauon , construit par un offeier Français . Trois
autres de même force sont attendus de la mer Noire .
-La conduite derniérement tenue par les Anglais contre les
frégates françaises , dans les parages de la domination turque ,
a été vigoureusement dénoncée . La Porte a ordonné que , dans
le cas où les vaisseaux des puissances alliées chercheraient à
livrer des combats dans ses parages , les escadres turques les
inviteraient d'abord à se séparer ; et que , si ces vaisseaux per-.
sistaient dans leurs démonstrations , elles eussent à les attaquer.
Des escadres turques doivent être en conséquence stationnées
à Smirne ct daus les autres ports .
On assure que les revenus publics sont augmentés annuellement
de 35 millions de piastres . De grands changemens sont
attendus dans le ministere . Le bruit court que le grand-visie
lui-même doit quitter les affaires . On donne pour raison de
cette retraite son grand âge , qui ne lui permet plus de coutinuer
ses fonctions.
De Pétersbourg , le 14 août.
Catherine doit aliéner une partie des déserts immenses qui
se trouvent dans l'empire russe . Son but par - la est de les
faire mettre en culture ; mais ce projet fastueux est d'une
difficile , pour ne pas dire impossible exécution . Les hommes
manquent en Russie sur les terres deja cultivées , et il n'est
point de bras superflus pour les fiches et les landes . On parle
aussi de procéder à un examen très -rigoureux des concessions
de terres antérieurement faites par la cour. Une commission
sera nommée pour rechercher leurs motifs , et cu cas qu'elle
les trouve insuffisans , elle prououcera le retour de ces terres
à la couronue .
Les impôts du timbre , celui pris sur les oarchands , pour
être autorisés à vendre , celui des passe-ports , viennent d'être
considérablement augmentés. Les forges de fer et de cuivre
sont soumises à de nouvelles contributions . Les juifs paient
par - tout un droit double de celui qui est imposé aux autres
habitans. Enfin il est question de procéder à un nouveau dénombrement
de toute la population , et l'ou assure qu'il va se
faire un recrutement.
( 42 )
ར
Le général Romanzow est encore en Ukraine , ce qui indique
que les forces russes ne sont pas encore en mouvement.
Les dernieres nouvelles d'Archangel portaient que la flotte
russe était prête à mettre à la voile .
De Francfort-sur - le -Mein , le 13 septembre .
30
1901062
La position de l'empereur s'est pas moins embarrassante que
celle du roi de Prusse ; on pourrait même dire que les Pays-
Bas perdus , et la détresse où est la Hongrie , affligée de disette
et de maladies contagieuses , lai préparent un avenir encore
plus triste : c'est une faible consolation que les 80 millions
d'écus d'Allemagne promis par l'Angleterre , mais qu'il ne peut
gagner qu'en fournissant 100,000 hommes qu'il n'a pas , ou
du moins qu'il ne pourra donner qu'autant que le corps Germanique
voudra bien fournir sou contingent au quintuple ; ce
a quoi ne paraissent pas du tout disposés les petits princes et
les électeurs , que la guerre contre la France n'intéresse que médiocrement
, les uns en étant beaucoup trop éloignés pour avoir
jamais affaire directement à elle , et les autres , particuliere
ment les possessionnés , préférant de perdre les indemnités qu'ils
out eu la maladresse de ne pas accepter dans le tems , à perdre
tous leurs états ou du moins à les voir ravager. Le marché
avec la Grande-Bretagne pourrait done ne pas temir , et l'empereur
rester sans hommes et sans argent . C'est encore ce qu'il
pourrait faire de plus sage , puisqu'il faut choisir le moindre
des maux , et que le subside de l'Angleterre ne le dédommagerait
pas des hommes qu'il enverrait encore faire tuer par
les Français . Il résulte de ce mal - aise chagrinant des reproches
amers et réciproques entre l'empereur et le roi de Prusse,
d'ailleurs ennemis naturels , même lorsqu'ils s'associent pour
co-partager. Il parait que c'étaient des espérances de co- partage
qui les avaient rennis passagérement dans cette guerre
contre la République Française : elles ont été cruellement
trompées ces espérances ! il a fallu faire des frais considérables
pour cette entreprise , et aujourd'hui c'est à qui ne les payera
pas , à qui les laissera retomber charitablement sur son fidele
allié .
Plusieurs nouvelles viennent à l'appui de ces différentes
assertions , et semblent prouver que la coalition pourrait bien
se dissoudre , malgré le ciment des gninées du cabinet de
Saint-James pour consolider cet édifice ruineux
De Vienne, le 30 août .
Les commissaires Anglais ont quitté cette résidence pour
retourner à Londres , et l'on continue de dire qu'ils sont parvenus
an but de leur mission . On varie sur les conditions du
traité qui a dû être arrêté entre eux et le cabinet de Vienne.
Le bruit le plus répandu est que l'Angleterre doit prendre à
sa solde 120,000 hommes ; que les arinemens , équipement et
( 43 )
transports seront en outre à sa charge et à ceite de la Hollande.
Ou ajoute que , pour ne pas trop fatiguer l'Autriche et
les états héréditaires , il a été stipulé qu'ils ne fourniraient
que 20,000 hommes ; le surplus serait tiré des autres états de
l'Empire. Cette clause , si elle est vraie , est faite pour paraître
très- extraordinaire , et doit être regardée comme entiérement
illusoire . Si par-tout les cercles , les états de l'Empire
refusent le contingent que l'empereur ne cesse de demauder
, comuient les faire consentir de se prêter à ce qu'il
a stipulé sans eux , contre leur voeu bien connu?
00 THE
On annonce qu'il vient encore de survenir un nouvean
changement dans la position de l'Autriche vis-à - vis de la Pologne
. C'est pour la troisieme fooiiss que , depuis le commencement
de l'insurrection , le cabinet de Vienne aura pris . upe
détermination différente ; et celle - ci paraît due à l'interven
tion de Luchésini , nouvellement arrivé ici . Il est aujourd'hui
question que les troupes autrichiennes . qui commençaiest
dėja à se replier vers les frontieses de la Gallicie , vont reprendre
leur route vers l'intérieur du Palatinat de Cracovie
et de Sandorir. Frédéric- Guillaume avait long- tems refusë de
permettre aux Autrichiens d'occuper ces deux Palatimats ;
mais obligé depuis d'employer toute son armée au siége de
Varsovie , il a cédé à la demande de François on dit même
que les Autrichiens sont déja en possession de Cracovie.
Pendant que le duc de Saxe - Teschen presse inutilement les
cercles et les princes d'Allemagne de fournir leur contingent à
l'armée de l'empire , et que ceux - ci refusent ouvertement ou
éludent ses demandes sous divers prétextes , l'empereur ne
cesse , de son côté , d'envoyer à la dictature des décrets et
des invitations . Chaque jour , il sollicite le corps germanique ,
qui reste immobile , de prendre des mesures actives et vigoureuses
contre les Français . Après avoir retracé tout ce qu'il dit
avoir été fait par lui pour la défense de l'empire , et offert
un long détail des sacrifices qu'il s'est volontairement imposés
, François fait un tablean des moyens formidables qui sont
à la disposition de la France , et qu'elle emploje ; il représente
que non- seulement la France a fait de cette guerre , d'abord
défensive pour elle , une guerre offensive , mais que maintenant
les troupes de la coalition elle-même se trouvent hors
d'état de se tenir sur la défensive . Il termine en disant qu'après
avoir éprouvé une perte immense d'hommes , épuisé ses trésors
il lui sera impossible , sans le secours de l'empire , de conti
nuer une guerre aussi terrible...
Depuis quelques jours on annonce que des renforts qui ont
passé le Rhin a Worms, vont joindre l'armée allemande , et
qu'alors celle-ci ne tardera point à se porter sur Lautern , Les
Républicains semblent avoir prévu que ce mouvement devait
avoir lieu ; ils se retrancheni sur tous les points à Turckheim ,
a Lantern , à Landschoul . Ils ont deux bataillons à Landsthoud
( 44 )
et six à Lautern . On n'apprend rien de Trêves . Il parait que
les Autrichiens étaient encore le 10 à Wittlich . Planckenstein
aemis le commandement de son corps au général Melas .
Le 5 , des croates et des hussard's de Wurmser attaquereut
un avant- poste français près la Montague- rouge . Toute cette
troupe a été
e a été faite prisonniere , apres qu'un grand nombre eût
été blessé et plusieurs tués . Les Français ont six canons de 12
sur cette montagne . On croit qu'une partie de l'armce prussienne
passera la Moselle à Trarbach : les pontons doivent y
être arrivés le 11. Les Prussiens viennent de remettre Mayence
à la garde des Autrichiens .
De Clèves , 10 septembre.
Des
*On se rappelle que , lorsque les Autrichiens et les Prussiens
furent repoussés , l'an passé , au -delà du Rhin par le géneral
Pichegru , chacune des deux nations voulut rejeter sur l'autre
la honte de cette déroute . Brunswick se plaignit hautement de
la conduite de Wurmser. L'Autrichien récrimina ; et la cour
de Vienne affecta de bien traiter son général , pour faire sentir
que ce n'était point à lui qu'elle attribuait ses revers .
scenes pareilles se renouvellent . Les Autrichiens , effrayés des
nouveaux succès des Français , s'en prennent aux Prussiens .
Ils disent , à qui veut l'entendre , que la Prusse semble chercher
à perdre l'Empire , uniquement pour écraser la maison
d'Autriche ; et que ses généraux sacrifient des villes et des
cantons entiers , pour ne pas se trouver sous le commandement
d'autres officiers . Kalkreuth vient sur-tout d'être dénoncé par
eux comme n'ayant rien voulu faire de ce qu'il aurait dû tenter
pour défendre Trêves . Cette accusation est devenue si publique
, a été tellement multipliée , que ce Prussien a cru
devoir y répondre . Dans cette intention , il a fait insérer une
note assez longue dans les feuilles publiques , et prétend avoir
agi autant qu'il était en lui. On remarque beaucoup d'humeur
dans cette piece . Le général en chef Mollendoifl'a approuvée ,
et y a inséré lui - même un article pour la justification du cabinet
de Berlin .
PROVINCES UNIES IT BELGIQUE.
Toutes les lettres des frontieres annoncent que les Français
s'en approchent sur cinq colonnes . Le 28 du mois dernier ,
leur avant- garde était deja à Orchot.
Le gouvernement craint beaucoup pour Bréda . D'abord il
avait pensé qu'il pourrait être protegé par divers mouvemens
de l'armée . Mais tout est changé depuis que l'armée a été
obligée de battre en retraite , et que tous les avant - postes ont
été contraints de se replier.
Les mouvemens des Français vers la Basse -Meuse indiquent
qu'ils semblent diriger leur marche de maniere à faire leur
( 45 )
jonction avec une partie de l'armée de la Moselle , qui doit
faire une invasion dans le pays de Juliers . Si cette réunion
s'opere , on peut pronostiquer pour cette contrée un résultat
semblable à celui qui a eu lieu pour les Pays - Bas autrichiens ,
après la jonction de l'armée du Nord et de la Sambre .
Le recrutement est en train dans la province de Hollande .
On donne eo florins à chaque recrue et l'on promet divers
avantages dont les soldats n'ont pas joui jusqu'à présent. Cependant
le recrutement s'opere avec beaucoup de peine.
ANGLETERRE. De Londres , le 2 septembre.
DeNew- Yorck . La cause de la liberté que défendent les Français
devait naturellement avoir beaucoup de partisans dans nos états ;
par la même raison , les Auglais , qui sont armés pour la défense
du despotisme royal et ministériel , ont trouve ici beaucoup
d'antagonistes aussi on a vu que , dans la fameuse séance
du congrès américain sur la paix ou la guerre contre l'Angleterre
, les voix ont été également partagées , et que l'avis seul
du général Washington a décidé la neutralité.
Depuis cette époque , l'esprit de liberté fait de grands progrès
dans tous nos états , et les démarches violentes de l'Angleterre
à notre égard ont enlevé un grand nombre de partisans
à Pitt . On ne doute plus ici que ce ne soit ce ministre qui a
déchaîné contre nous différentes peuplades d'Indiens , et on a
appris qu'ils ont surpris et pillé en dernier lieu un convoi de
vivres et de munitions , destinés pour l'armée de notre général
de. Wayne , destinée à agir contre les postes que les Anglais
ont établi sur nos frontieres , au mépris des traités . Ces infractions
répétées aux clauses de notre pacification avec l'Angleterre
, indignent le peuple Américain , qui est prêt à se
lever en masse pour les faire cesser .
Le 7 juillet a été l'anniversaire de la liberté américaine ;
cette époque a été célébrée dans tous les Etats - Unis avec tous
les transports du patriotisme par- tout on a porté des toasts
à la liberté et à la prospérité de la République Française . Malgré
les calomnies ' qu'on cherche à repandre contre le président
du congrès , tout le peuple lui a montré dans cette occasion
toute son estime et toute sa reconnaissance . Puisse - t-il ,
répétaient les Américains , vivre long - tems pour jouir de la
plus riche récompense qu'un patriote puisse recevoir , l'atta
chement d'un peuple reconnaissant et heureux ! Puissent les
efforts des Français , ajoutent - ils , se terminer par un gouvernement
libre et républicain ! Puissent la paix et l'union , et
tous les biens qui les accompagnent , assurer le bonheur public
et individuel de ce peuple ! "
On doit procéder , le 25 octobre , à une nouvelle élection
des membres du congrès .
( 46 )
On s'occupe avec beaucoup d'ardeur de l'établissement de
la nouvelle ville de Washington , où le congrès s'assemblera
à l'avenir. La maison du président est déja entièrement construite
la plupart des autres bâtimens sont au moment d'être
couverts .
La grande escadre de l'amiral Howe était encore à Saint-
Helens le 31 août. Les papiers ministeriels publient que les
derniers troubles qui ont eu lieu à Londres , ont été suscités
par les clubs institués pour la réforme parlementaire . On vient
d'établir un camp dans le comté de Sussex . Le nouveau secrétaire
de la guerre , Windham , est parti pour se rendre à
l'armée d'Yorck.
TA $10 .
La suspension de la loi d'habeas corpus a causé dans les
trois royaumes un mécontentement général , qui s'est manifesté
par des mouvemens populaires dans les villes et même
dans les campagues .
Une lettre de Portsmouth , en date du 30 , annonce que le
29 us incendie a consumé dans ce port , peu de distance
de l'arsenal , l'Impétueux , vaisseau français de 74 canons
pris par l'amiral Howe . En peu de tems les flammes s'éleverent
à une grande hauteur , et présenterent un spectacle effrayant .
Sur-le-champ nombre de chaloupes s'étant amarrées ensemble ,
se formerent sur deux colonnes pour s'efforcer d'accrocher
l'impétueux avec de fortes chaînes à l'avant et à l'arriere , afin
de l'éloigner du Northumberland , qui en était voisin , et de le
/ conduire dans un endroit où la communication du feu ne fût
point à craindre . Elles en vinrent à bout. L'incendie dura
jusqu'à neuf heures du soir ; mais il ne fut entiérement éteint
qu'a minuit , après avoir consumé le vaisseau jusqu'à fleur d'ean .
Quelques Espagnols , qui étaient à bord , périrent dans les
Hammes. Un d'eux trouva moyen de s'échapper ; et ayant été
anêté , il a raconté qu'ils essayaient de faire prendre le feu
à des cartouches mouillées. Il a été conduit en prison , et
lou assure que depuis on a encore arrêté quatre ou cinq
autres personnes .
La semaine derniere , les commandans et officiers des corps
d'émigrés Français à la solde de la Grande- Bretagne , se sont
Embarqués à Greenwich , à bord d'une fregate préparée pour
Let effet par le gouvernement . Elle a aussi- tôt fait voile pour
le Continent , où ces officiers s'établiront dans les postes qui
lear sont désigués , pour faire la levée de leurs corps res
pectifs.
*
Nous savons de très-bonne part que le comte d'Artois ne
s'est rendu en Hollande que pour ses affaires particulieres ;
il n'est pas du tout question de sou arrivée en Angleterre ;
a contraire , il doit passer quelque tems dans le voisinage
de la Haye , où on lui prépare un palais appartenant au
stadhouder.
( 47 )
KEPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE ' ANDRÉ DUMONT.
Séance de duodi , a Vendemiairesno 91
usdbuiW
Dans la séance du soir de la veille , André Dumont a été
nommé président ; Lozeau , Laporte Pelet , secrétaires.
Une adresse de la société populaire de Delveze , département
du Puy- de -Dôme , qui se plaint de ce que la Convention
a rapporté son décret qui ordonnait l'impression de la
liste des détenus élargis , avec les noms des solliciteurs , donne
lieu à quelques débats . Les uns demandent l'insertion au bulletin
; d'autres s'y opposent , en soutenant que les principes
de cette adresse sont opposés à ceux de la Convention . L'adresse
est renvoyée au comité de sûreté générale .
Le secrétaire , interprête de la République Française en
Suisse , fait passer un don de 1,600 liv. pour les veuves et
orphelins de nos braves freres d'armes . Il y joint une lettre
de Berlin qui contient des détails sur la bonne conduite des
prisonniers Français .
Guiton-Morveau rend compte de l'application qu'on a faite
de la découverte des aërostats à l'art de la guerre. Ils ont servi
plusieurs fois à faire connaître la position et les mouvemens
des armées ennemies , et cette connaissance a contribué aux
succès de la bataille de Fleurus et à la derniere victoire que
l'armée de Sambre et Meuse vient de remporter sur les coalisés.
Il entre dans des détails propres à tranquilliser sur
l'établissement de Meudon , qui n'est destiné qu'à des expériences
dont les résultats servent aux armées.
Moyse Bayle donne lecture d'une lettre des représentans
du peuple à Marseille , adressée à leurs collegues de la dépus
sation des Bouches - du - Rhône , et qui est , dit-il , de nature à
rassurer la Convention . ་
Ils annoncent que la grande masse des citoyens de Mar.
seille est excellente , mais comprimée par la terreur que sement
des scélérats couverts de crimes ; les yeux commencent
à se désiller ; ils esperent que les meneurs ne tarderont pas
à être dejoués et punis. Jitog sup si
Ils ajoutent que le premier des sanculotides , on proposa
dans la société populaire , de déclarer traître à la patrie qui
conque voudrait trouver dans cette société des frippons et
des dilapidateurs.
( 48 )
Thuriot dit que cette lettre , au lieu de rassurer sur la situation
de Marseille , n'est propre qu'à exciter davantage la
sollicitude ; car comment se rassurer sur l'esprit public
quand on ose faire une semblable proposition dans la societé ?
Je deinande que Treilhard donne lecture d'une autre lettre
des mémes représentaus au comité de salut public .
Treilhard donne lecture de cette lettre qui contient peu
près les mêmes faits que la précédente ; mais où il est dit de
plus , qu'il se forme des rassemblemens à deux lienes aux
environs de Marseille ; que l'on a découvert des souterreins
qui communiquaieut aux magasins d'armes et par où l'on
pouvait les enlever.
L'Assemblée décrete l'insertion de ces lettres au bulletin .
Moyse Bayle se plaint de ce que Fréron , dans sa feuille
d'aujourd'hui , intitulée l'Orateur du peuple , l'a dénoncé ainsi
Granet comme des conspirateurs ; on lui dit de s'adresser
aux tribunaux ou d'écrire . L'Assemblee passe à l'ordre du
jour.
que
Monestier et Durand - Maillane annoncent que , quoique
députés du département des Bouches - du - Rhône , on ne leur
commuuique jamais la correspondance de Marseille . Ils font
cette déclaration pour servir en tems et lien .
L'Assemblee est très - agitée ; Granet , Duhem , Moyse Bayle ,
Fréron , Barras et beaucoup d'autres parlent haut et avec vivacité.
Raamps s'écrie qu'on a des pieces qui prouvent que
Freron et Barras sont des dilapidateurs : alors le tumulte augmente
; Barras s'écrie qu'il attendait qu'on le dénoncât pour
rompre le silence ; il demande que ces pieces soient à l'instant
lues à la tribune ; je répondrai ensuite , dit - il , j'appelle
sur moi la vengeance nationale si j'ai demérité de la patrie ;
mais j'appelle aussi sur mes dénonciateurs la justice de l'Assemblée
; car je vois ici l'auteur de la révolte du Midi ; cet
homme qui soutient jusqu'à la fin ceux que vous avez conduits
à l'échafaud .
,, Cenx qui nous accusent , dit Fréron , parce que nous
avons sauvé l'armée du Midi , sont ceux qui ont fait r'ouvrir
les sections de Marseille qui étaient fermées . J'ai des pieces
à la main qui prouvent que Granet et Bayle sont les auteurs
de la conjuration qui éclate à Marseille ; que Moyse Bayle a
été un des plus grands fauteurs du fédéralisme , en laissant
avilir la représentation nationale. La dénonciation que l'on
veut faire coutre Barras et moi est vieille de six mois et arra ,
chée à l'un des deux correspondans de Barbaroux , auquel l'on
avait promis de les soustraire à l'échafaud , et qui n'ont pû y
échaper , quoiqu'ils eussent pour défenseurs officieux Moyse
Bayle et Granet . Ces deux contre - révolutionnaires sont le
president et le vice - président de la société populaire de
Marseille. Je demande que les pieces soient lues , et je prouverai
ensuite quelles sont les causes du fédéralisme du Midi.
99
Merlin
( 49 )
Merlin ( de Thionville ) demande la formation par appel
nominal d'une commissiou où cette affaire soivrenvoyée .
Alors Ruamps declare que ce qu'il a dit contre Barras et
Freroa , il le tient de Granet , et qu'il a seulement demandé
qu'on lût les pieces . afin que .....
Legendre , interrompant Raamps : tu n'es, dit-il , qu'on'
lieutenant , tu es soufflé par des chefs qui se cachent. Il eft tems
que la Convention , que le peuple , que la Republique entiere
ouvrent les yeux sur des hommes qui voudraient mener la
Convention comme ils mener les speciales et les societés
populaires , qui n'ont perdu de leur energie que parce qu'ils
en sont les mencurs. Ce ne sont pas ceux qui crient , mais
ceux qui baissent la tête ici comme aux Jacobius , et se cachent
derriere la toile , Savez- vous ce qui les effrale ? c'est ce qui a
effrayé tous les tyrams ; c'est la liberté de la presse ; ils craignent
d'être démasqués ces hommes couverts de sang que l'on met
en avant , et qui menent les Jacobins. Ce n'est pas moi ,
j'espere , s'ecrie Ruamps .
}
Les Jacobins ouvriront les yeux , ils verront qu'ils ont dans
leur sein des gens qui voudraient rétablir la commune pour
rivaliser la Convention ; ils s'appercevront que quand l'ora
teur est à leur tribune , Robespierre est dans le trou du soufe.
fleur qui souffle l'acteur. Lafayette , Neckeriet autres craignaient
aussi la liberté de la presse ; et si la liberté de la presse
eût existé sous Charles IX , le massacre de la Saint- Barthélemi
n'eût pas eu lieu . ››
Ici Legendre éleve la voix et s'éerie je demande à toute
l'Assemblée si elle s'oppose i la liberte de la presse ?
*
L'Assemblée se leve , excepté quelques membres du haut ,
et l'on s ecrie : non , non ! ( Les tribunes applaudissent vive meut . )
Je jure avec tous les Republicains , que je poiguarderai
eelui qui voudrait imiter Robespierre . Parmi les lieutenans on
en remarque qui ont rougi la mer , en lui envoyant les reflux
de la Loire couverte de sang , er qui ont réduir les habitans
du Tropique à n'avoir que du sang pour baptême . Voila les
monstres qui dirigent lesJacobins et qui out organisé les troubles
du Midi. Que faisait on aux Jacobins sous Robespierre ? on
chassait un membre de la Convention pour son opinion à la
Convention . Que fait- on aujourd'hui`aux Jacobins on chasse
un membre de la Convention pour son opinion à la Convention.
On á dit dans cette société ……. Un rocher de la mon◄
tagne se détachera , écrasera ce qui se présentera à sa rencontre
; nous sommes six , cela suffit . Vous êtes six ! mais le
peuple , oui tout le peuple ; car tous les gens fables qui , jusqu'au
10 thermidor etaient incertains , se sont reunis à la Convention
le peuple , le comptez vous pour rien ? Sans doute ,
nous sontieudrous les societes populaires , elles sont le bou
levard de la liberté ; mais il ne faut pas qu'elles se laissent
mener par une poignée, de miserables. Citoyens représentansa
Tome XII.
......
t
1.3
750 )
que le bonheur du peuple seal vous anime ? Jettez en entrant
dans cette salle de manteau de la haine . Quand vous aurez
fait le bonheur du peuple , vous vous assommerez après , si
vous voulez. Legendre demande qu'on rappelle à l'ordre
quiconque se levera pour une motion tendante à une querelle
particuliere.
Fréron produit une piece , signée de Granet et de Moyse
Bayle , contre Marat. Moyse Bayle dit que Fréron ne nomme
pas tous les signataires . Eh bien ! dit Fréron , les autres sont
Barbaroux , Duperret , Duprat et Mainvielle , et ils sont tous
guillotinės.
Toutes ces pieces et dénonciations réciproques sont ren .
voyées aux trois comités de salut public , de sûreté générale
et de législation .
Jean - de-Bry présente des idées intéressantes sur l'éducation
et les institutions sociales , et le renvoi au comité d'instruction
. 7
Roger - Ducos , au nom du comité des secours publics , a
fait un rapport sur des soins généreux que le citoyen Gérard
Meunier , pauvre et chargé de dix enfans , a prodigués au
représentant du peuple Drouet , tombé au pouvoir des brigands
de l'Autriche , et détenu par eux dans un cachot å
Bruxelles ,...... Il faut le répéter à l'univers entier ; non , la
tyrannie la plus oppressive ne se montra jamais plus raffinée
en supplices , tant est implacable et féroce la haine des rois
contre la liberté des peuples ! L'instrument fatal enchaînait
à-la- fois et la tête et les mains de Dronet , qui , dans cet état
d'immobilité , ne pouvait exister que par la main hardie et
bienfaisante du brave Meunier ...... L'action de Meunier l'eût
précipité dans les fers , si le tyran d'Autriche en cût eu connaissance
; la République Française l'aura récompensée par
une déclaration que l'histoire recueillera , et par des secours
qui arracheront le bienfaiteur de Drouet à l'infortune et à l'ingratitude
de son pays......
La Convention a chargé la trésorerie nationale de payer
Gérard Meunier une somme de 6000 liv . Il jouira d'une pension
de 1500 liv. , réversible par portions égales sur la tête de
ses enfans . Ceux - ci en jouiront jusqu'à l'âge de 18 ans
laquelle époque il leur sera payé à chacun 1000 liv.
président écrira à Meunier , au nom du peuple Français .
Séance de tridi , 3 Vendemiaire .
" å
Le
Une députation de la commune d'Arras est admise . L'orateur
fait un tableau rapide de toutes les vicissitudes que les
intrigans ont fait éprouver à la révolution . Il existe à côté de
vous une société fameuse dans nos annales , jadis l'arêne où
des champions de la liberté s'exerçaient à la lutte qu'ils devaient
soutenir contre le despotisme ; depuis , la cour d'un
dictateur insolent , qui du haut de sa tribune aux harangues.
( 51 )
•
étendait sur toute la France un sceptre de fer ; et mainte
nant nous présentant l'image d'un parlement dictatorial , ou
l'on discute les moyens de museler le peuple , et de donner
des fers même à la pensée . Ses variations tiennent aux différens
caracteres de ces hommes que les révolutions populaires
roulent avec elles . La vertu n'est pas toujours le seul levier
des révolutions , l'inquiete ambition s'att che souvent à elles ,
comme un alimentea sa cupidité ... Maintenez le gouverne
ment révolutionnaire ; marquez du sceau d'une réprobation
civique , ces hommes qui ne savent exister que dans les crises
convulsives , et qui , comme les serpens , ne savent vivre qu'en
s'alimentant de leur propre venin .
Le président répond : C'est en vain que la malveillance.
s'agite pour égaier le peuple . Ne craignez rien pour la liberté
et l'égalité , elles sont impérissables : défiez - vous de ceux qui
sement la division , et ne parlent que de terreur. Ne craignen
pas que la Convention laisse jamais élever à côté d'elle une
autorité usurpée qui voudrait la rivaliser ; elle ne souffrira pas
plus cette rivalité monstrueuse , qu'elle ne souffrirait qu'on
voulût détruire les sociétés populaires qui ont courageusement
défendu les droits du peuple . "
Foureroi , organe du comité de salut public , donne lecture
des pieces officielles qui annoncent la prise de Bellegarde
dans son intégrité . Voyez dans le précédent numéro la lettre
du général Dugommier ; celle des représentans du peuple contient
les mêmes détails . )
La Convention décrete , 1º , que l'armée des Pyrénées orientales
ne eesse de bien mériter de la patrie ; 2 ° . que le fort de
Bellegarde portera désormais le noin de Sud - libre ; 3 ° que
l'évacuation entiere du territoire de la République sera célébrée
par une fête décadi prochain ; 4 ° . que la nouvelle de la
reddition de Bellegarde sera envoyée à toutes les armées , que
le télégraphe la transmettra sur-le - champ à l'armée du Nord .
Le représentant du peuple dans le département de la Vienne
écrit que les patriotes ne sont point , comme on l'a prétendu ,
persécutés dans ce département.
La société populaire de Compiegne se plaint de ce qu'on a
dit que dans cette commuue l'aristocratie levait la tête ; elle nie
le fait , et ne reconnaît de centre que la Convention . Celle
de Montdidier prétend que le modérantisme et l'aristocratie se
téveillent .
----
Une députation des citoyens composant les cinq sections
de la commune de St. - Omer , département du Pas - de - Calais ,
vient tracer le tableau des cruautés et des oppressions commises
dans ce département , par Joseph Lebon , dont elle demande
le prompt jugement . Elle voue à l'exécration les continuateurs
de Robespierre , et déclare que Duhem s est trompé dans le
rapport qu'il a fait aux Jacobius et à la Convention , relative .
ment à notre commune ,
Da
( 52 )
Duhem déclare qu'il n'a point dit que le peuple de SaintÖmer
ne fût pas
bon en masse , ni qu'il soit en insurrection ,
mais que des fédéralistes , des contre - révolutionnaires agitaient
le peuple et cherchaient à l'égarer. Il ajoute qu'on lui a dit ,
par exemple , que l'individu qui a porté la parole a été traduit
au tribunal révolutionnaire , comme dilapidateur . Il demande
le renvoi du pétitionnaire au comité de sûreté générale ..
Plusieurs membres observent que cet individu a été acquitté.
Après d'assez vifs débats , l'Assemblée ordonne l'insertion dé
l'adresse au bulletin , et le renvoi des dénonciations au comité
de sûreté générale.
Fourcroi fait un rapport sur l'établissement d'une école des
travaux publics , dont le centre sera à Paris . Impression et
ajournement.
Rovere demande que la commission chargée de la levée
des scellés sur les papiers de Robespierre , fasse imprimer son
catéchisme et la lettre que Fayau a écrite à Robespierre relativement
à Phelippeau .
Bentabolle étend la motion à toutes les pieces qui tiennent
à la conjuration . Ces propositions vont décrélées .
Séance de quartidi , 4 Vendemiaire.
Lequinio fait connaître à la Convention le trait suivant :
Les brigands s'étaient portés chez le citoyen Lefloch ,
saboutier , dans les bois de Trédion , à quelque lieues de
Vannes ; voulant savoir si leurs camarades s'étaient emparés
de la ville de Malétroit , distante de trois lieues , ils chargerent
de ce message la femme du sabottier , lui donnerent
un de leurs chevaux , et la sommerent de rapporter la réponse
sous six heures ; ils garderent en ôtage son mari et son enfant
encore à la mammelle . Cette femme se met en route ;
mais n'écoutant que la voix de la patrie , au lieu de se rendre
à Malétroit , elle tourne vers une bourgade peu distante
avertit un patriote sûr ; des forces sont réunies , les brigands
sont mis en fuite , et la ville de Malétroit est préservée de
leur fureur. Mais deux jours après ils reviennent à la chaumiere
du sabottier , brisent tous ses meubles et réduisent
cette famille vertueuse à la misere la plus absolue . Insertion
au bulletin et renvoi aux comités d'instruction publique
ct des secours.
Delmas , au nom du comité de salut public , annonce que
le même jour où l'armée du Nord frappait les Hessois et les
Anglais , l'armée des Alpes signalait de nouveau son courage .
Il donne lecture des dépèches arrivées de cette armée . ( Voyez
Nouvelles officielles . ) Mention honorable des deux divisions
de l'armée des Alpes , et insertion des pieces au bulletin .
Merlin ( de Thionville ) saisit cette occasion pour présenter
quelques idées sur la fête qui doit célébrer la grandeur du
peuple Français , et l'expulsion des ennemis de son territoire ."
! 53 )
Que dans cette fête , dit - il , le peuple n'ait pas l'air d'être,
au parterre , pour voir figurer ses maîtres ; qu'il n'attende pas
trois heures un froid concert ; qu'on n'y voie plus de ces
décorations de théâtre , de ces statues de plâtre qui faisaieut
croire que la République , comme elles , ne devait durer que
deux jours , Imitous les Romains , auxquels je ne veux pouriant
pas nous assimiler . Ils gravaient sur des colonnes qui
existent encore : Til jour , les armées romaines ont baltų les
tyrans . 29 — Renvoyé an comité d'instruction publique ,
Breard annonce 25 nouve les prises matitimes , dont deux
sont estimées de 70 à 80,000 liv . sterling. Plasieurs de ces
bâtimens étaient chargés de cuivre , de bois de construction , etc.
Il donne ensuite lecture de la piece suivante :
Paris , 5. sanculotide , l'an qe , de la République , uns et indi-.
visible .
Citoyen représentant , j'ai eu connaissance d'un fait que
Je crois intéressant de te communiquer , afin que tu en fasse
part au comité de salut publie ; il donne un grand développement
à la conspiration de Robespierre .
" Voici ce qui m'a été dit :
99 La Martinique a été prise le 20 mars ( vieux style . ) Les
troupes anglaises se placcient dans les maisons des citoyens .
Le capitaine des grenadiers , Eentabourg , prit possession de
la maison du citoyen Damboularet , contrôleur de la marine ;
celui- ci étant porte sur la liste des déportés , et vessant mettre
ordre à ses aliaires pour s'embarquer , Eentabourg lui dit :
Vous allez en France , vous serez guillotiné, Comment , li
dit Camboulaiet , vous plaisantez , en me disant que je
serai guillotiné ; on ne guillotine que les traitres et les ariatocrates
, et je ne suis déporté que parce que je suis patriote ,
et que je ne puis vivre sous un gouvernement ennemi . Oh !
c'est égal , répliqua Bentabourg . Robespierre guillotine et
patriotes et aristocrates . Vous arriverez en France , vous trouverez
du changement ; Robespierre protége la fille et le fils
du roi de France , et c'est lui qui les fera passer en Angle
terie , et vous aurez un roi , etc.
" Si on fait attention que ce propos a été tenn en Amérique
en mars 1794 , il y a lieu de croire que la conspiration de
Robespierre est de longue haleine , et qu'un des chaînons auquel
elle était liée est l'Angleterre , qui n'a jamais perdu de
vue de s'approprier le commerce exclusif par lequel on gouverne
le monde l'Angleterre devait garantir la tyrannie de
Robespierre qui , de son côté , lui aurait garanti la propriété
des colonies et de quelques ports en France ; ce premier pas
aurait eu toutes les suites qu'on peut concevoir ; ce qu'il y a
de particulier , c'est que Robespierre n'a jamais rien voulu
envoyer aux colonies .
Je donne cet avis , citoyen représentant , parce que je
D 3
( 54 )
erois qu'il est utile de recueillir tout ce qui peut avoir du
rapport avec les dangers qui ont menacé la République ; ce
propos a été tenu à la Martinique , en présence de dix citoyens
qui sont en France. ,,
Insertion au bulletin ,
Thuriot annonce que la secte infâme de Robespierre , obligée
d'abandonner son premier plan sur lequel comptait l'Angleterre
, vient d'en adopter un nouveau. Les complices de la
conspiration se répandent dans les départemens , font ou font
faire , par des affidés ou des hommes trompés , des motions
dont l'objet est d'exciter l'alarme sur les subsistances , dans
les lieux même où regue l'abondauce : plusieurs sont déja
arrêtés . Il est bon que cette vérité soit connue de toute la
France , afin que les sociétés populaires s'empressent de faire
saisir sur le- champ ces hommes criminels , s'ils se présentent ,
et les livrent à la justice ,
Merlin ( de Douai ) , au nom des trois comités réunis , pré,
sente des dispositions additionnelles aux mesures prises contre
les étrangers ; elles sont décrétées en ces termes :
Art. 1er . Geux qui n'étant pas résidans à Paris à l'époque
da er, messidor , y sont arrivés postérieurement à la publica,
tion de la loi du 3e , jour des sauculotides , seront tenus d'en
sortir le 3e . jour qui suivra la publication du présent décret,
II . Seront également tenus de sortir de Paris , trois jours
après leur arrivée , ceux qui s'y rendront à l'avenir , et ce
jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné .
III . Sont exceptés des dispositions des articles précédens ,
ceux qui sont compris dans les exceptions portées par les lois
des 3. et 4. jours des sanculotides .
IV. Le comité de sûrete générale est autorisé à donner
des permissions pour rester à Paris , à ceux qui y viendraient
pour des causes d'une utilité ou justice reconnues , non comprises
dans lesdites exceptions .
" V. L'insertion du présent décret au bulletin de corres
pondance tiendra lien de publication .
Séance de quintidi , 5 Vendemiaire.
Prieur ( de la Côte - d'or ) fait , au nom du comité de salut public
, un rapport sur l'établissement : il confirme ce qui a été
déclaré plus d'une fois , que cet établissement n'est relatif qu'à
des expériences dont les résultats servent aux succès de nos
armes , qu'il n'est point de nature à inspirer des inquiétudes ,
puisqu'il est surveillé continuellement par un représentant du
peuple. Il fait lecture du réglement de police extérieure . Lą
Convention l'approuve , et décrete en outre qu'il y aura près
cet établissement deux représentans du peuple qui seront chan
gés tous les trois mois , et qui seront autorisés à se transporter
dans les lieux où se fabriquent les objets d'approvisionnemens
( 33 )
destinés pour Meudon , lorsqu'il sera nécessaire d'en presser
l'activité .
Le citoyen Schmidt , facteur d'instrumens , fait hommage
à la Convention , 1º . d'une machine hydraulique , avec laquelle
on peut descendre dans l'eau à quelque profondeur que ce
soit ; scier , clouer , percer des trous , attacher des cordages ,
ramasser des choses au fond de l'eau , sans compression d'eau
ni d'air rester une demi-journée sous l'eau , entretenir des
conversations avec ceux qui sont dessus ; 20. d'une charrue
quitexige moitié moins de forces pour la trainer ;" . d'une
échelle qui se monte à volonté , et qui peut être d'un trèsgrand
secours dans les cas d'incendie. Mention honorable
et renvoi aux comités d'agriculture et des arts .
315
Une adresse , où il est dit que l'aristocratie et le modérantisme
levent la tête , donne lieu de vifs débats . Levasseur
en demande l'insertion au bulletin . D'autres membres se
plaignent de ce que la commission dés dépêéhës në lit que
des adresses rédigées dans certains sens , et ne fait point connaître
les autres . Levasseur demande si l'on veut étouffer l
voix du peuple , qui , ne pouvant se rassembler en sectionst
n'a de moyens pour se faire entendre que la voix des sociétés
populaires.
་
Personne plus que moi , dit Bréard , ne respecte les sociétés
polalaires ; mais Levasseur est dans l'erreur s'il croit
que quelques citoyens réunis puissent représenter le voeu du
peuple. Le peuple seul , réuni dans son entier , est en droit
d'exprimer son voeu ; mais il ne peut l'être par cinq à sik
intrigans qui écartent les sociétés populaires des sages principes
de leurs institutions . 19 La Convention renvoie
l'adresse au comité de sûreté générale.
whande
La veuve de J. J. Rousseau vient déposer deux manuscrits
que lui avait remis son époux une heure avant sa mort , avec
une inscription qui annonce que son intention est , que le
scean apposé sur l'enveloppe , ne soit rompu qu'en 1801
Des débats s'élevent pour savoir si l'on ouvrira le manuserit
; plusieurs membres s'y opposent. Thuriot déclare que ,
s'il y a dans cet ouvrage des choses indiscretes , il ne sera
pas public ; mais s'il ressemble aux autres ouvrages de Rousseau ,
pourquoi en priver plus long -tems le public.
La Convention décrete que le paquet sera ouvert . Lakanal
annonce que Fécriture de ce manuscrit est de J. J. Rousseau,
On en ordonne le renvoi am comité d'instruction .
La commune de la Rochelle réclame contre les hommes qui
ont osé dire que l'aristocratie se relevait dans ses murs . Elle
jure de ne reconnaître de centre que la Convention , et de lois
que les siennes. La société de Pezenas demande l'impression
de la liste des détenus élargis , le maintien du gouverne-
- ment révolutionnaire et la liberté, de la presse.. Renvoyé au
* comité de sûreté générale.
D 4
( 36 )
Séance de sextidi , 6 Vendemiaire.
Lakanal ; au nom du comité d'instruction publique , rend
compte du manuscrit de JJ. Rousseau ; ce n'est qu'une nou
Welle copie de ses 10ofessions , avec quelques variantes, d'expressions
et de pensées . Les personnes qui n'ttaient que designes
dans' ouvrage. sout nommées en tomies, lettres dans
le manuscrit , Il pourra être employe dans une nouvelle édition.
La lecture du manuscrit de fauteur du Contrat Social et
d'Emile four une reflexion qu'on n'a pas faire jusqu ici dans
les divers juge meus qu'on a portes sur le caractere des onvrages
de ce grand homme . Son premier jet dans la compo
sition c'est toujours une pesce ingesiense ; mais il Fefface
ensuite pour y substituer un trait de sentiment.. Lakanal invite
les depositae des manuscrits de ce philosophe , les aublier .
Nombis d'adresses de socrates populaires et d'autorités constituees
remercientia Convention d'avoir mis la justice à l'ordre
du jour ; elles l'invitem a poursuivre les complices de Robespiente
, et offrent leurs bras et leur sang pour le salut de la
patriend
6
On fait lecture d'une lettre de Charles Lacroix , repiesentani
du peuple täis de departement des Aldennes."
dit
Je ne me suis jamas ecarte , dit-il , de Tausterite des principes
; il est faux que j'aie mis en place des fayetistes et donné
la liberté des contre révolutionnaires , comme l'a
Levasseur . Je vous transmets des pieces constatant les cames
d'un partisan forcene de Robespierre , qui a opprime le départentent
des Ardennes , qui a voulu le vendaliser en détruisant
des monumens des arts , qui a`dresse , des listes de proscription
et comis des ba baries atroces. C'est le même qui
a souillé dernierement voire barre et qu'on pas rougi de
Vous designer comme un excellent patricte . vous annonce
que la société populaire'de Monzon et le comité révolutionnaire
de Sedan but desavoné les adresses présentées en leur
nom à la Convention par des intrigans qui ont crié à l'oppres
sion des patriotes et au triomplie de l'aiiftocratic . Insertion
au bulletin renvoi au comité de sûrere genérale .
} Eschasseriaux présente quelques dispositions relatives aux
peres et meres qui auraient adhere , a l'emigration de leurs
enfans ; elles donent lieu a des débats qui se terminent par
le renvoi au comite de legislation , pour y êtic revues , et ensuite
présentées de nouveau.
292 24
( 57 )
1
PARIS. Nonidi Vendemiaire , 3e ,' année de la République .
Les nouveaux comités révolutionnaires de Paris , qui ne sont
plus qu'au nombre de douze , savoir un comite l'arronpour
dissement de quatre sections , viennent d'être organisés , et
sont entrés en exercice .
Loys et Ferru , membre de la société des Jacobins , ont été
arrêtes par ordre du comité de sûrete generale .
Dans la scance des Jacobins du 3 vendemiaire , un citoyen ,
que l'ou dit être commandant de canouniers , s'étant échappé
daus le cours d'une opinion tres - vehemente et très - irréfléchic ,
jusqu'à dire qu'il y avait une vaste conspiration dans le sein
meine de la Convention , a été interrompu par les marques de la
plus vive improbation . Resson , Duhem et Levasseur se sont
elev s contre ces hommes qui viennent jetter les brandons de
la discorde au sein de la société . Ils ont defendu la dignité de
la représentation nationale , et declare qu'elle etait pure , et
qu'elle saurait punir toutes les factions et les factieux . Bassal
a annoncé que ce citoyen n'etait point membre de ia société.
Après beaucoup d'agitations , l'opinant a été arrêté , et conduit
au comité de sûreté generale .
Si l'on rapproche ce fait de ce qui s'est passe dans la société
populaire de Marseille , et plus récemment dans celle de Commune-
affranchie , où quelques individus se sont permis d'outrager
la Convention , et d'avancer que le souverain était immédiatement
dans les soci tes populaires , il est aisé de voir
qu'il y a un système forme pour avilir la Convention , et
exciter des roubles par le moyen des societes poplaires . Ces
societés sauront se garantir du piege qui leur es tendu , et se
rallier intimemcut à la representa on nationale.
La lettre que l'on va line repandra un nouveau jour sur le
plan de subversion "que l'on s'efforce de combine ) . Elle est
écrite officiellement par un agent de la Republique aux commissaires
des relations extericures , et adressées par celui- ci au
comité de salut public . Elle est ainsi conçue :
6. Les Anglais se vantent beaucoup qu'il y a un parti qui
travaille pour eux à Paris . Ce sont des gens apostes pour jetter
des pommes de discorde au milieu de la Convention , et pour
faire ressusciter cet ancien systême qui avait tant fait d'ennemis
à la France .
19 Les Anglais disent , et toutes leurs gazettes ne cessent de
répéter qu'il faudra bien que certe terreur revienne à l'ordre
du jour et que dans peu on réhabilitera la memoire de Robespierre.
C'est la discorde qui doit , selon eux ramener cet
état de choses.
( 58 )
S'ils ne parviennent pas à fomenter une dissention à Paris ,
ils n'esperent plus de contre- révolution . Ils se flattent cependant
que dans trois mois les Pays -Bas seront tout évacués , et
ce ne doit point être la force armée qui opérera cet événement.
Sont -ils fondés dans leurs conjectures ? c'est ce que
j'ignore ; peut-être qu'ils ne répandent tous ces bruits que pour
ne pas faire perdre conrage aux autres .
" Il paraît qu'il y avait un plan de susciter la dissention en
Languedoc , dans le Dauphiné et en Provence , où les Piemontais
auraient pu donner des secours . Ce plan existe-t-il encore ?
Il y a des émigres qui s'en flattent . ››
ལྟ་བ་ ཉ
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de l'affaire des Nantais.
Nous avons déjà fait connaître dans l'avant- dernier n ° . les
détails de la translation de ces infortunés de Nantes à Paris . Ils
font frémir tout ame qui n'a pas encore perdu tout sentiment
de justice et d'humanité . Ceux qui nous restent à raconter
forment le développement de cette affaire , et offrent le tableau
de tout ce que la férocité et le fanatisme des spinions
révolutionnaires peut inspirer d'horreur lorsqu'ils sont dirigés
par l'esprit de vertiges et de crimes .
Ces 94 Nantais , reste de 132 qui étaient partis de Nantes ,
étaient accusés d'avoir conspiré contre le peuple , les uns en
employant des manoeuvres tendantes à favoriser le systême liberticide
des fédéralistes , en entretenant des intelligences avec
les émigrés , d'autres en employant des manoeuvres tendantes
à égarer les citoyens et à corrompre l'esprit public par le
fanatisme , en tenant des propos contre-révolutionnaires ,
discréditant les assignats par l'agiotage , etc.
en
40
La procédure , qui a duré 7 jours , a attiré un concours
prodigieux de citoyens . Le calme et la décence qui ont regué
pendant les débats , ont présenté un heureux contraste avec
la sanguinaire précipitation de l'ancien tribunal , et les ironies.
atroces dont on a vu autrefois Dumas accabler les accusés eg
leur lisant leur arrêt de mort . Les juges et les jurés se montrent s
aujourd'hui dignes de représenter la justice nationale. Ce qui
a excité le grand intérêt que le public a pris à cette procédure
, avant même que l'innocence de ceux qui en étaient
T'objet fut légalement reconnue , c'est l'atrocité de leurs persécuteurs
, qui , traduits au tribunal pour leurs crimes , ont
osé se présenter comme témoins . On a vu dans cette cause
des assassins déposer contre leurs propres victimes , et n'abandonner
le rôle d'accusateurs insolens que lorsqu'ils furent con
traints d'avouer leur perfidie et leurs forfaits dévoilés. Ç'était
J
( 59 )
une grande présomption en faveur des accusés que de voir
parmi leurs dénonciateurs ces membres du comite révolution.
naire de Nantes , qui avaient signé l'ordre de les fasiller ,
sans qu'aucun jugement eut précédé cet arrêt , et qui , peu
de tems auparavant , avaient fait périr , dans la foire , par des
bateaux à soupapes , plusieurs centaines de leurs concitoyens .
Comme les principaux traits de cette affaire ont été reproduits
par le citoyen Tronçon - Ducondray , défenseur othcieux
des accusés , nous nous bornons à donner un précis de son
discours.
C'est avec peine , dit- il , que je retrace le tableau de nos calamités
; mais ce tablean servira du moins à donner à nos
ames plus d'énergie . Sans doute il faut terrasser l'aristocratie
et le modérantisme ; mais on ne doit pas perdre de vue les
machiavelistes modernes .
99 Quelques-uns des accusés ont été momentanément égarés ;
la plupart on combattn pour la patrie , et sont converts de
cicatrices honorables . Des assassinats execrables ont profané
la liberté le tribunal doit un exemple à l'Europe ; vous
-devez apprendre aux tyrans coalisés ce que c'est que le vrai
patriote , et comment la justice lui est favorable.
:
,, En octobre dernier , un comité révolutionnaire fut établi
à Nantes ; il a trafiqué de la vie et de l'honneur des citoyens . II
était composé d'hommes vils et perdus de moeurs ; Goulin ,
même dans l'ancien régime , était connu sous le nom de
Toué .
,, Grandmaison a reconnu lui- même qu'il avait été un assassin.
Les citoyens ont été livrés à ces hommes pleins des
maximes de Robespierre ; ils ont versé des flots de sang : à
chaque instant ils inventaient de nouvelles conspirations poar
accuser des citoyens et les faire périr ; ils disaient qu'il fallait
égorger en masse tous les prisonniers .
" Une centaine de prêtres fanatiques qui devaient être déportés
, furent saisis on les envoya sur la Loire , dans le baleau
à soupape ; on les dépouilla et on les précipita dans les
flors ; le bateau a servi à plusieurs noyades . Ce mot nouveau
a consacré des forfaits nouveaux ; cette conduite de rigueur
a peut être réduit les rebelles au désespoir et prolongé les
guerres de la Vendée . 1
Vous ne perdrez pas de vue la condnite politique , patriotique
et républicaine de Phelippes-Tronjoly , de cet accusé
qui , dans tous les tems , se déclara l'ennemi du despotisme
et seul dans la ville de Nantes , se dévouant pour sa patrie ,
n'a pas craint d'attaquer le comité révolutionnaire , de le
poursuivre.
" Lẹ 14 frimaire , le tribunal révolutionnaire , dont Phe(
60 ).
i
lippes était président , condamna à mort six conspirateurs
on fit suspendre l'exécution de leur jugement ; on voulait délibérer
s'il ne valait pas mieux faire périr des prisonniers en
masse . Phelippes s'y opposa forteinent , en disant qu'il existait
à Nantes un tribunal révolutionnaire , une commission
militaire et un tribunal criminel ; qu'il fallait juger les détenus
; qu'il se déclarait leur défenseur , jusqu'à ce que la loi
prononçât ; qu'il ne connaissait pas l'abominable justice da
comité quel courage ! Le lendemain le comité voulut remettre
en délibération si l'on ferdin périr les prisonniers en masse ;
il établit qu'il existait une vaste conspiration dans toutes les
maisons d'arrêt ; il parla d'une liste de plus de 300 détenus :
Phelippes témoigna encore sa résistance , il se retira ; il fut
appelé président contre- révolutionnaire par Goulin .
Le 15 , arriva l'ordre de fusiller les détenus . Aucun n'était
condamné à mort ; vingt avaient été iucateérés la veille ,
d'aptres acquittés , d'autres détenes par jugement de police
correctionnelle , etc.
" Le commandant temporaire de la place de Nantes s'opposa
à l'exécution de cet ordre , et le dénonça aux administrations
. Ce trait vous rappelle sans doute les Charny , les
Saint-Hérau , les Tanneguy- Leveneur , les Degordes , les Maudelot
, etc. Ces généreux commaudans de provinces , qui s'opposerent
aux massacres de la Saint Barthelemi , ordonné par
Charles IX , en disant qu'ils ne seraient jamais les bourreaux
de leurs freres .
,, Le 21 , le comité apprête une autre scene à la maison
de justice ; ou s'y livre à un repas bicchique . Goulin tire de
sa poche un peloton de ficelle ; il s'approche des prisonniers ,
il leur lie les mains . Phelippes avait fait défense d'extraire les
prisoniers sans jugement ou sans ordre ; le concierge s'oppose
cette extraction , il n'est pas écouté ; ou les conduit à coups
de sabre au port ; ils moutent sur le bateau fatal , la kache´se
-fait entendre , ils sont engloutis . Un sent s'échappe , il passe
la nuit suspendu aux rochers ; ou l'apperçoit , on le remet
en prison .
Des femmes enceintes furent aussi englouties dans la Laire ;
des enfans de 7 , 8 , 9 et 10 ans subirent le même sort ; des
ames sensibles demanderent à se charger de ces derniers
quelques-uns leur furent accordés ; les autres , apparemment
regardés comme des louvetaux , furent refusés et noyes , malgré
les réclamatious des citoyens .
,, Ainsi périrent des générations innocentes , sans aucun
acte qui puisse constater leur mort. Dites , hommes barbares ,
comment rendrez - vous à la patrie des femmes qui auraient
engendré des défenseurs à la liberté , et des enfans qui , dans
quelques années , auraient combattu les satellites des tyrans.
( 61 )
Phelippes réclame encore ; mais il ne fait que de vains
efforts. Il apprend que les membres du comité , pour donner
un air de justice à leur barbarie , et pour ne pas tout exter
miner à- la -fois , s'amusent à tirer au sort la vie des prisonniers;
trois boules blanches leur sauvaient la vie , les noires les livraient
à la mort. Le nombre des noyades est incalculable.
Phelippes reçut , le 27 et le 29 frimaire , des ordres de
faire guillotiner sans jugement , le premier 23 , le second 27
brigands pris les armes à la main ; il fit des représentations
il reçut des ordres plus positifs . Parmi ces brigands se trouvaient
des enfans de 13 et 14 ans , et 7 femmes , L'exécuteur
des jugemens criminels est mort de chagrin , deux jours après ,
d'avoir guillotiné ces femmes .
Le 7 et le 11 nivôse , Phelippes publia une ordonnance
relative à la noyade de 129 détenus à la maison de justice de
Buffay , faite dans la nuit du 24 au 25 frimaire ; elle fut mal
accueillie . Il tomba malade et il fut remplacé . Il exerça les
fonctions de juge au tribunal du district de Nantes .
Le 25 germinal , époque à laquelle trop de vérités allaient
être révélées , Moreau de Grandmaison , maître d'armes , et
membre du tribunal révolutionnaire , le menaça et lui dit :
99
Tu n'en es pas quite , je te dénoncerai comme fédéraliste .
Il fut arrêté , traduit au tribunal révolutionnaire , et attaché
pendant toute la route avec un scélérat qui a été condamné
a mort; il quitta Nantes avec cette tranquillité d'ame qui caractérise
l'innocence : il se sépara de cette ville malheureuse où
il n'existe plus de commerce , et dont les habitans marchent
sur les ruines de toutes les vertus et sur les torches de tous
les crimes .
" On vient de m'apprendre que 144 femmes regardées comme
suspectes , qui , incarcérées dans cette ville , travaillaient à faire
des chemises , des gueues pour les défenseurs de la patrie ,
furent aussi conduites dans le bateau et noyées .
" La quantité de cadavres engloutis dans la Loire , a été
telle que l'ean de ce fleuve en a été infectée au point qu'une
ordonnance de police en a interdit l'usage aux habitans de
Nantes , et méme la pêche du poisson. Les hommes sanguimaires
qui veulent légitimer ces mesures , disent que l'on n'a agi
ainsi que pour sauver la patrie . Tibere et Louis XI pensaient
que l'intérêt de l'Etat , dans certaines circonstances , exigeait
de la sévérité ; mais leurs satellites ne se permirent jamais aucun
acte semblable sans y ètre autorisés par leurs maîtres.
Il suffit , citoyens jurés d'avoir jeté un coup - d'oeil sur les
figures des accusateurs pour être pleinement convaincu que le
crime accusait l'innocence . Mais on saura enchaîner ces hommes
sanguinaires qui voudraient nous transformer en bourreaux
La justice révolutionnaire excuse l'erreur , et protege l'innosence.
99
( 62 )
Le président résume les questions.
La declaration du jury porte en substance : Qu'il a existé
une conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la République
, contre la liberté et la sûreté du peuple ; que Villenave ,
Fournier , Dorvo , Pecot , Briere , Poton , Sotin l'aîné , Le-
Joux , sont auteurs ou complices de cette conspiration , mais
qu'ils ne l'ont pas fait avec des intentions contre - révolution-
Daires.
Que Phelippes , dit Trone-Joli , est auteur on complice.
d'actes et airêtés fédéralistes qui ont eu lieu à Nantes , au
mois de juillet 1793 , mais qu'il ne l'a pas fait avec des intentious
contre - révolutionnaires .
" Qu'à l'égard des autres accusés , d'avoir trempé dans la
conspiration par les délits qui leur ont été attribués dans la
procedure , le fait n'est pas constant .
En conséquence , le tribunal acquitte les 94 accusés , et
ordonne qui soient mis en liberté. "1
Le presid. a x citoyens acquittés : Depuis long-tems privés de la
liberté , séparés de ce que vous avez de plus cher , le glaive
de la loi était suspendu sur vos têtes . Ne vous faites pas illu
sion , plusieurs d'entre vous ne sont pas ex mpts
de reproches
; sans doute votre premier sentiment est un tribut de
reconnaissance pour la loi qur institua le jury , pour cette loi
bienfaisante et propice à ceux qui , coupables par le fait , ne
le furent pas par l'intention ; n'oubliez jamais que c'est à cette
salotaire institution que plusieurs d'entre vous doivent anjourd'hui
leur absolution , puisque sans cette loi , premier fruit de
not heureuse regénération , la hache nationale les eût atteints.
,, Retournez dans vos foyers , allez consacrer vos premiers
momens à la consolation de vos familles , racontez à vos concitoyens
le tendre intérêt que vous ont témoigné les Parisiens ,
et que votre attachement inviolable à la République répare l'erreur
momentanée dans laquelle vous avez été entrainés . Sans
doute vos enfans , vos concitoyens vous parleront de ce
tribunal ; ch bien , dites - leur qu'il n'est terrible que pour le
coupable , que l'humanité y est la vertu des juges , comme la
justice le premier mobile de leurs travaux . 99
A peine le président a - t - il cessé de parler , que la salle
du tribunal retentit des cris universels de vive la République !
tous les coeurs sout émus tous les spectateurs ont les yeux
fixés sur les infortunés Nantais rendus à la patrie et à la liberté
aprés de si longues souffrancesa
2
Devrai jeune , qui s'était dévoué généreusement aux horreurs
d'une captivité de 11 mois pour rendre un pere à sa nombreuse
famille , est invité par le président à venir recevoir l'acco
*
( 63 )
lade fraternelle , comme un juste hommage à son action hés
roïque. Cette scene touchante excite de nouveaux témoignages
de sensibilité ; on entend partout dans la salle et à l'extérieur
ces expressions : Ils sont acquittés , tant mieux ! Vive la République.
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES .
Copie de la lettre écrite par le général en chef de l'armée des Pyrénées
orientales , au commandant du fort de Bellegarde ; au quartiergénéral
de Bellegarde , la 2º . sanculotide.
Je ne peux accepter aucune de tes propositions . La garnison
se rendra à disposition ; elle attendra son sort de la générosité
française. "
Signé , DUGOMMIER.
Copie de la réponse à la lettre du général en chef Dugommier , faite
par te commandant du fort Bellegarde , au général en chef de
l'arméefrançaise des Pyrénées orientales , le commandant espagnol
de la place de Bellegarde .
A la réplique que tu me fais , je réponds être d'accord
avec ce que tu proposes et ce que tu offres . 1 %
Bellegarde , le 18 septembre 1794-
Signé , le marquis DE VALLESENTORE.
Pour copie conforme . Signé , DUGOMMIER , général en chef.
ARMÉE DES ALPES.
Au quartier-général sous Briançon , le 30 fructidor.
Citoyens collegues , le transport des vivres est difficile
dans un pays montagneux , et sur- tont à l'armée des Alpes , à
cause de la grande distance qui sépare les lieux où sont placés
nes magasins , des postes qu'occupent les défenseurs de la
patrie.
" Les Républicains ont l'art de s'approvisionner à peu do
frais ; nos braves freres d'armes viennent de le prouver en
allant chercher en Piémont des boeufs , des moutons , du pain ,
du vin , des pieces de canon , des fusils , de la poudre et autres
objets nécessaires à une armée .
Le 28 de ce mois , nous avons attaqué les Piémontais sur
plusieurs points . Deux divisions de notre armée ont concouru
à cette opération ; chacune a fait sou devoir . Pendant 24 heures
曬
( 64 )
nos soldats sont demenrés exposés à la pluie et au mauvais
tems , sans que rien ait pu rallentir leur ardeur.
,, La division du géneral Vaubois a attaqué sur la droite .
L'ennemi occupait des positions inexpugnables ; il nous a prouvé
par une fusillade très vive et soutenue , l'intention de nous
opposer une forte résistance : mais bientôt le pas de charge
et la bayonnette ont terminé le différend . Nos freres d'arines
sont tombés sur les postes avancés de l'ennemi et les ont
égorgés ; le reste de l'armée piémontaise a cherché son salut
dans la fuite . Sa retraite a été trop précipitée pour que cette
division des troupes républicaines ait pu faire plus de 128- prisonniers
; mais elle a ramené 1200 moutons , 160 bêtes à
cornes , beaucoup de bêtes de somme et d'autres objets dont je
ne puis vous donner le détail dans ce moment , parce que le
commissaire des guerres n'a pas pu faire parvenir encore les
états.
:
" La division du général Pelapra a formé une attaque sur
la gauche à la tête était le général en chef provisoire Petit
Guillaume et le générat de brigade Gouvion . L'ennemi était
maitre à droite et à gauche du village de Lachenal , de trois
positions sur les hautes montagnes où il y avait plus de 3coo
hommes bien retranchés ; chacune de nos colonnes a marché
sur les avant- postes piémoutais la bayonnette en avant , sans
brûler une amorce : nous les avons taillés en pieces , 200 ennemis
au moins sont restes sur la place .
,, L'armée piémontaise n'a pas oublié de recourir à ses
moyens ordinaires . Elle a fait ronfler le canon , il n'a fait
de mal à personne . Une grêle de balles a été dirigée sur
nons , trois républicains seulement ont reçu de légeres blessures
. Il fallait le pas de charge pour en imposer aux ennemis .
Nos freres d'armes leur ont presenté la bayonnette , leur fuite
précipitée nous a mis en possession de leur camp tout tendu ,
de deux canons de sept et de cinq , et de plusieurs épingardes .
Nous avons fait 153 prisonniers au nombre desquels se trouvent
quatorze officiers et le comte Saint - Martin , que ses brigandages
ont rendu fameux et qui jouit en Piemont d'une haute considération
. Les deux divisions de l'armee républicaine n'ont
perdu que quatre hommes. Si je devais parler des actions
d'éclat , j'aurais à citer chacun des soldats , des officiers et
généraux . Nous avons pris beaucoup de boeufs , de moutons et
de mulets , toutes les munitions de guerre de l'ennemi ,
600 fusils , du pain et du viu . On s'occupe actuellement à
rassembler tous ces objets dans notre camp .
( N °. 3. )
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDÍ 15 VENDEMIAIRE , Pan troisieme de la République.
( Lundi 6 Octobre 1794 , vieux' siyle . ' )
Li
POÉSIE. , ry auroid
( Ode. )
DES
LE VENGEUR.
ES aquilons fougueux les rapides haleine
Des cendres de tes fils couvrent au loin nos plaines a
Les tems sont arrivés , tremble , fiere Albion ....
Sans avoir sa valeur tu reçus en partage
Les vices de Carthage ,
2: A
,
НБ
Et la nouvelle Rome a plus d'un Scipion .
Elle s'éleve aux cieux cette Rome nouvelle
Et l'immortalité sur son front étincelle !
Le siecle de Brutus à la terre est rendu !
Du sang de l'étranger la frontiere est fumante ,
La France triomphante
Voit l'aigle palpitant sur la poudre étendu .
Où sont vos légions , présomptueux monarques ?
Vos soldats en tombant ont fatigué les parques ;
9.
fi
JA
Mars foule aux pieds l'orgueil de vos fionis terrassés :
Il enchaîne vos fils , vos épouses tremblantes ,
Et de ses mains , sanglantes
Traine au fond des enfers vos trônes renversés . ~
Mais de nombreux vaisseaux les ondes sont couvertes.
La perfide Albion s'irritant par ses pertes ,
Des batailles encor veut tenter le hasard .
Des bords du nouveau - monde , aux rives de la France ,
Une flotte s'avance ......
Dieu sera- t - elle en proie aux dents du léopard ?
Non , non , du léopard nous préviendrons las rage.
Nous partons ; l'Océan déja loin du rivage
Voit sur ses flots amers nos étendards flottans.
A ce terrible aspect l'Anglais perd son au ace ;
Un more effroi remplace
La passagere ardeur de ces vils combattams .
Tome XII .
( 66 )
L'Anglais est plus nombreux , mais les fils de la France
Ne craignent point le nombre , et triomphans d'avance
De leur gloire future ils respirent l'éclat.
Mars accourt , l'oeil ardent et la bouche écumante ,
Sa lance menaçante
Frappe son bouclier et sonne le combat.
Le bronze en feu vomit la foudre rugissante ,
Le pôle retentit , le soleil s'épouvante ,
Des torrens de fumée obscurcissent le jour.
De mille et mille feux l'onde semble allumée ;
Et la mort affamée
tressailli de joie en son affreux séjour .
Mais à nos fiers guerriers la victoire est fidelle !
Le sang de l'ennemi de tous côtés ruisselle ;
Des navires anglais la foudre ouvre les flancs: \
Les mourans frappent l'air de leur voix gémissante ,
Et l'ombre turbulente
Roule autour des vaisseaux des cadavres brûlans.
Trois vaisseaux d'Albion s'abyment dans les ondes ;
Tout fuit ; Thétis répete en ses grottes profondes
Les chants républicains de nos jeunes héros .
Ah ! melons quelques pleurs à ces chants de victoire ,
Et célébrons la gloire
Des guerriers du Vengeur engloutis dans les flots .
Neptune a vu souvent dans son onde glacée ,
La baleine en fureur de toute part pressée ,
Des sauvages du Nord soutenant les assauts ;
Elle attaque , elle fuit , revient , plonge , surnage ,
Et dévoue au naufrage
Ses cruels aggresseurs et leurs frêles vaisseaux .
Tel paraît le Vengeur au milieu du carnage ,
Accablé d'ennemis qu'il immole à sa rage .
Mille bouches d'airain tonnent sur le Vengeur.
L'avide Anglais sur lui de tous côtés s'élance ;
Mais deux fois sa vaillance.
Repousse des Anglais l'impuissante fureur .
Rends-toi , lui dit l'Anglais d'une voix menaçante .
Le Français ranimant sa force défaillante ,
( 67 )
Préfere à l'esclavage un trépas glorieux.
Et tout prêt à périr , le Vengeur plus terrible ,
Semble encore invincible ,
Et rend ses ennemis de sa mort envieux .
Tandis que dans son sein la flamme le dévore ,
La foudre qu'aux Anglais le Vengeur lance encore
Couvre de feurs débris les flots ensanglantés .
Ainsi l'Etna vomit la flamme et l'épouvante ,
Et de sa lave ardente
Inonde autour de lui tous les champs dévastés .
On voit sur l'Océan les antennes brisées ;
Le vent traîne en lambeaux les voiles embråsées ;
Le gouvernail se rompt ; les mâts sont emportés ;
Du navire entr'ouvert les flancs se désunissent ;
Sur les flots qui mugissent
La pâle mort s'avance à pas précipités .
Ç'en est fait , le Vengeur voit sa perte certaine.
Sur le dernier des ponts chaque soldat se traîne ,
Leve les mains aux cieux et bénit son pays.
L'air retentit des chants de la troupe héroïque :
VIVE LA RÉPUBLIQUE !
L'abîme est refermé l'air répete leurs cris .
Des flammes et des flots , volontaires victimes ,
Vous mourez en vainqueurs , ô guerriers magnanimes !
Vous mourez en héros , c'est le sort des Français ..
Ah ! dans Paris s'éleve un temple de mémoire ,
Et vos noms , votre histoire ,
Cravés dans tous les coeurs , ne périront jamais .
Contre l'oubli des tems la gloire est une égide.
De nos ans passagers le cours est si rapide....
Imitons ces héros , rendons - nous immortels .
La gloire est préférable à la plus longue vie.
Mourons pour la paurie ;
Chez nos derniers neveux nous aurons des autels .
Par le citoyen . PHILIPON,
Explication des Charade et Enigme du nº . 2 .
Le mot de la Charade est Amer ; celui de l'Enigme est Manchon.
( 68 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
TONGA ET PEGGY NY REDON.
TONGA et Peggy Nyredon , autre nouvelle américaîne , fait
le pendant de celle d'Adraste et Nancy . C'est encore un jeune
officier Français , philosophe chagrin , qui , pendant les dernieres
guerres de l'Amérique , rencontre en se promenant
Tomes Nyredon , vieillard , qui l'invite à venir dans sa maison.
Miss Peggy , sa fille , salue Tonga avec grace , et par un compliment
honnête elle le remercie de s'être rendu aux instances
de son pere , qui desirait depuis long- tems de recevoir chez
lui des efficiers Français . Cette aimable miss , âgée de 18 aus ,
est d'une figure très agréable , mais ayant cette pâleur qui
peint et inspire le sentiment et la tendresse ; les cheveux trèsnoirs
, une taille aisée , la démarche gracieuse . Elle est le seul
enfant que sir Tomes ait eu de l'épouse qu'il avait cheri pendant
20 années , et dont il pleurait la perte depuis plusieurs
mois. Tonga croyait n'avoir jamais mieux counu tout le prix
de l'existence , que depuis qu'il passait sesjours avec sir Tomes
et sa charmante fille . Ils avaient renversé toutes ses idées sur
la nature humaine ; on l'entendait maintenant exakter sa perfection.
Ces deux nouveaux êtres lui avaient fait créer un
autre univers. C'était avec eux qu'il venait se délasser des
fatigues de l'étude . Son esprit trouvait toujours à acquérir
dans les entretiens du pere ; les sentimens de son coeur se développaient
avec miss Peggy. Il appellait souvent le secours
de sa raison pour se préparer à l'idée cruelle de la séparation .
Cependant ce moment redouté approchait. L'on nous menace
du départ de l'armée française , lui dit un jour sir Tomés .
Sous trois semaines au plutard nous partirons . Je ne me
permets point de le craindre , puisque nous sommes destinés
à combattre pour vous procurer le bonheur en asurant votre
liberté ; étant utiles au meilleur des peuples , nous remplirons.
les voeux de nos compatriotes , et cette idée plaît bien à mon
coeur. Tonga qui , dans toutes les circonstances où l'armée
française se trouva , s'était toujours distingué par une valeur
rare , avait été remarqué favorablement des chefs des deux
armées . Sa correspondance avec sir Tomes fat toujours bien
suivie ; toutes ses lettres parlaient de miss Peggy et semblaient
n'être écrites que pour elle . Mais ayant été griévement blessé
au siége d'Yorck , il obtint la permission de demeurer en
Amérique pour s'y rétablir , et jusqu'au moment où il pourrait
repasser en France. Aussi-tôt qu'il se crut en état de supporter
la fatigue du voyage , il se rendit auprès de miss Peggy.
i
( 69 )
Les tendres soins de cette sensible amante rendirent son rétablissement
aussi prompt qu'heureux . Cependant Tonga fut
obligé , malgré son amour et sa juste reconnaisance , de s'arracher
, après des scenes de douleur et de tendresse , et sans
avoir encore osé déclarer sa passion , aux embrassemens du
vieillard et de sa vertueuse fille . Il arrive à Brest et part aussitôt
pour aller rejoindre sa famille , dont depuis dix-huit mois
il n'avait point reça de nouvelles ; et c'est ce silence étonnant
qui l'empêcha de faire aucune promesse à son amante . Mais
quelle fut sa douleur en apprenant la mort de son pere ! il y
avait près d'un an qu'il n'était plus . Il versa quelque tems des
larmes sur la tombe de son pere ; après avoir payé ce premier
tribut de douleur à la nature , il réalisa en especes les biens
dont il était devenu possesseur , et repartit aussi - tôt pour
rejoindre sir Tomes et miss Peggy , et avec la ferme résolution
de ne plus s'en séparer .
Un jour que sir Tomes se promenait dans la campagne
s'abandonnant entièrement à ses justes douleurs , il apperçoit...
non , ses yeux ne le trompent point .... c'est Tonga ! .... Son
sang se glace par le saisissement que cause à son coeur l'excès
de la joie qu'il ne peut supporter ... Il veut s'écrier ; sa langue
ne peut articuler aucun son ... Ses bras s'ouvrent d'eux-mêmes .
Tonga accourt se précipiter sur le coeur de son ami , de
son pere. Après quatre mois d'absence , il venait d'arriver pour
vivre désormais avec sir Tomes et miss Peggy , et assurer pour
toujours leur bonheur et le sien . Ah ! mon fils , s'écrie enfin
sir Tomes , tu viens me rendre une fille qui te chérit , et que
ton absence arrachait à la vie , à ma tendresse et à ton amour !
Quoi , miss Peggy ? ...... Mon ami , mon fils , peu de
jours après ten cruel depart , son amour pour toi l'a réduite
au désespoir ; et si tu veux la voir encore , cours à son appar.
tement ; va disputer à la mort le peu de vie qui reste à ton
amante . - Non , mon pere , elle ne mourra point . Tonga
vole à l'appartement de miss Peggy ; il est reconnu .... Celle
qui un moment encore allait cesser d'être , trouve des forces
pour la joie ....... Elle s'élance , sans vêtemens , hors de son
lit , et vient répuiser la vie dans les embrassemens d'un vertueux
amant. Sir Tomes est présent à cette scene pathétique .
Ils n'ont pas encore prononcé une seule parole , et leurs
coeurs cependant n'ont plus rien à s'apprendre . Peggy ,
voici mon fils , c'est ton époux ! - Oui , sir Tomes adorable
Peggy maître de mes volontés , entierement à mon amour ,
j'apporte ma fortune à vos pieds ; vous aviez mon coeur , et
dès ce jour je vais être heureux . Tenga , mon époux !
l'ami de mon coeur ; si Peggy est nécessaire à ton bonhear
comme tn l'es au mien , ah ! que ...... Sir Tomes ramene sa
fille dans son lit. Miss Peggy s'écrie , en rougissant : Ah !
mon pere j'étais couverte de ma vertu et de celle de mon
époux. "
---
('70 )
Les forces de miss Peggy revinrent sensiblement , et an bout
de quinze jours l'amour le plus vrai fut couronné par l'hymen
le plus heureux . C'est dans l'isle fortunée de Rhodes , que l'on
peut voir encore ces deux parfaits amans . La nature a beni
leur union . Trois enfans resserrent étroitement les tendres liens
qui les attachent à la vie . Sir Tomes vit toujours avec eux .
Le bonheur et la tendresse sont fixés dans cette aimable
retraite .
ANNONCES.
Le livre du Républicain , dédié aux amis de la vertu . Volume
de près de 500 pages , formant la collection du premier trimestre.
3 liv. 10 sous , broché , et 4 liv . 15 sous franc de port :
même prix , relié , sans le port. Les élémens qui entrent dans
la composition de cet ouvrage en font un livre classique , pour
le second degré d'instruction . On y trouve , 10. les rapports
et instructions émanés du sein de la Convention nationale , et
qui ont pour objet la morale , l'éducation , l'agriculture , les
arts utiles , les fêtés natiouales avec les hymnes et discours , etc.
2º. Le recueil des actions héroïques et civiques. 30. Les morceaux
choisis dans la littérature ancienne et moderne , les plus
propres à former le coeur et l'esprit.
On souscrit , pour la suite de cet ouvrage qui paraît par
cahier , chaque decade , moyennant 18 liv . par an , pour Paris ;
et 22 liv. pour les départemens , franc de port. Chez Chemin
fils , rue Glatiguy , no. 10 , en la Cité , au bas du pont de la
Raison .
On trouve chez lui toutes sortes d'almanachs .
1
Les Nuits d'Young , en vers français , avec le texte de Letourneur
; poëme en 4 chants , 4 volumes in- 12 .
Télémaque , en vers français , avec le texte de Fénélon ;
citations des poëtes grecs , latins et français , et notes ; poëme
en 24 chants , 6 volumes in - 12 , presses de Didot l'aîné , papier
vélin ..
Ces deux ouvrages paraissent à raison de 24 liv. pour les
Nuits d'Young , et de 48 liv . pour le Télémaque . On les
trouve chez J. E. Hardouin , auteur et éditeur , rue Antoine ,
nº . 64 , vis - à - vis celle Fourcy ; Girod et Tessier , libraires
rue de la Harpe , au coin de celle des Deux - Portes ; et Bailly,
libraire , rue Honoré , barriere des Sergens.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LA
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 Septembre 1794.
n'ont recours
guerre de Pologne prend de jour en jour un caractere
de guerre nationale. Non - seulement le peuple Polonais s'est
insurgé dans tous les palatinats , mais il a porté le flambeau
de l'insurrection dans toutes les provinces méridionales de la
Prusse . Frédéric - Guillaume a vainement essayé d'en arrêter les
progrès par une belle proclamation paternelle à ses fideles sujets ,
an bonheur desquels il a constamment pris le plus grand interêt
. Ces paroles doucereuses auxquelles les rois n'
que lorsque les moyens de force leur manquent ou qu'ils de
sont paint encore réunis n'ont point rallenti l'ardeur des
insurgés. Ils continuent à porter le fer et la flamme sur toute
cette partie des frontieres , à s'emparer des villes et des caisses
publiques , à brûler les magasins dont ils ne peuvent profiter
à couper toutes les communications , et à intercepter le coinmerce.
Cette guerre de diversion a été poussée avec tant d'activité
et de succès , qu'elle a produit tout l'effet que les braves-
Polonais devaient en attendre. Voici ce qu'on apprend des
environs de Varsovie , à la date du 6 septembre.
Le roi de Prusse vient de lever le siége de Varsovie . Il
a été réduit à cette extrémité par le succès de l'insurrection
et de l'invasion de la Prusse méridionale . Par- tout , dans
cette contrée , les administrations royales ont été jettées dans
les prisons , les garnisons prussiennes faites prisonnieres de:
guerre ; tous les magasins des subsistances ou des fourages
destinés pour l'armee prussienne , sont devenus la proie des
Polonais . Maîtres de tous les grands chemins , ceux- ci se sont
presque par-tour emparés des transports d'artillerie et de munitions
qui devaient servir au siége , sans pouvoir les remplacer
, et tremblant en outre pour la Silésie , sur les frontieres
de laquelle on a déja porté le fer et la flamme , Frédéric Guil
laume a jugé qui lui était impossible de s'arrêter plus longtems
devant Varsovie . Dès aujourd'hui son armée s'est miseen
route pour Rasczin , dans l'intention de défendre la Prusse
méridionale.
" Un nouveau corps de troupes russes , sous le comman--
dement de Fersen , était parvenu à rejoindre celles qui étaient
avec les Prussiens devant Varsovie : les Russes ainsi réunis
pouvaient monter à quinze mille hommes ; craignant d'être
E 4
9
·
trop faibles contre l'armée de Kosciuszko , après la retraite
de celle de Prusse , ils ont également pris le parti de se retirer ,
et gagnent Piaèsesia , par des matches' forcées . "
encore connu.
$1
2
" On n'a point encore de certitude que les troupes autri .
chiennes occupent Cracovie-; - on-sait seulement qu'au nombre
de dix - sept mille hommes , elles se sont mises en marche
pour Lublin , dans l'intérieur de la Pologue . Kosciuszko a
fait demander à Harnoncourt , qui les commande , les motifs
de cette invasion . Ha'ajoute qu'il repousserait la force
id
per
la force . On dit que déja il y a eu plusieurs affaires sanglantes
entre les troupes respectives , Une panie de la colonne revenue
de Brody sest portce vers Dubno dass, la Volh nie . "
3.A On ap
append de Stockholm que la récolte a eté mauvaise
dans la plupart des provinces de Suede , que le gouvernement
a fait defense de se servir de grains pour faire du brandevin .
Le contre -amira ! Puke est parti pour se rendre à Caisk ona ; on le
dit charge d'une mission très importante , dont l'objet n'estpoint
Sinau. Le differend élevé entre le cabinet de Stockholm
et celui de Naples , relativement au refus motivé que celui- ci a
fait de lai remettre d'Armfeldt , accusé de baute trahison , n'est
point encore termine . Le cabinet de Stockholm vient de publier
à ce sujet une piece qui contient les reproches les plus
vifs à la cour de Naples . I la termine en déclarant que toute
communication cessera désormais entre ces deux puissances
jusqu'au moment où il aura plu au roi de Naples de donner
à celui de Suede une réparation proportionnée à l'éclat de
l'offense . En attendant , le ministre ou agent du gouvernement
ne doit
plus communiquer avec ceux de Naples , et tout Suedois
attaché au service du roi des Deux- Siciles a ordre d'en
sortir promptement , sous peine de perdre tous ses droits dans
sa patrie. Le cabinet de Stockholm se resume , en disant qu'il a
assez de forces entre ses mains pour se procurer à lui - même
Ja juste satisfaction qu'il demande'; en consequence , l'amiraulé
de Calskrona a reçu l'ordre d'envoyer plusieurs vaisseaux de
ligne et frégates à Naples pour appuyer ces réclamations .
L
13
Des lettres particulieres de Londres disent que le gouver
nement britannique a donné ordre à ses escadres de ne plus
arrêter les bâtimens neutres chargés de subsistances pour la
France. Si ce parti a été réellement pris , on ne peut l'attribuer
qu'aux pertes énormes que le commerce anglais a souffertes
depuis qu'il a provoqué la réciprocité .
1:
On dit que les négocians de Copenhague ont pareillement
reçu l'assurance , de Londres , qu'on leur ferait raison du
chargement des vaisseaux qu'on leur a enlevés , et des pertes
que cetre conduite leur a occasionnées . Selon cet avis , le
ministère britannique doit avoir fait droit à leurs réclamations
avant la de l'année actuelle .
On apprend de Copenhague , que le 15 dans l'après -midi un
viclent incendie se manifesta tout-à- coup à l'amirauté. Les ma
173 1
gasins de la marine ont couru le plus grand danger . Cependant
on est parvenu à éteindre le feu à l'aide des moyens dont
on avait déja fait l'essai . Les magasins sont restés intacts . Cet
événement a donné lieu à des soupçons , et on en accuse assez
onvertement les puissances à qui la neutralité armée doit
deplaire .
ན ! །
De Francfort-sur- le-Mein , le 18 septembre .
Depuis que l'empereur s'est mis à la solde de l'Angleterre ,
il emploie tous les moyens de requisition pour tirer le corps
germanique de sa léthargie . Le ministre impérial a remis à
l'assemblée du cercle du Haut- Rhin un mémoire qui prouve
à la fois l'état de détresse du cabinet d'Autriche , la difficulté
de faire nouvoir ce corps fédératif qui pour avoir tant de
membres n'en marche pas plus vite , et la terreur qu'inspirent
les armées de la République Française.
Le ministre impérial rappelle , au nom de l'empereur ,
que la cour de Vienne , même avant la guerre , n'a point omis
de faire connaître aux états de l'Empire les fonds borués de
la maison archiducales qu'immédiatement après l'explosión de
la guerre , elle a insisté sur des préparatifs prompts pour
mettre à l'abri les frontieres ; qu'il a été proposé dans le dernier
interregne une association des cercles antérieurs et une
union plus étroite , proportionnée au danger , attendu que ces
provinces sont les premieres exposées à une invasion , et qu'on
pouvait prévoir que les résolutions de l'Empire seraient prises
,avec lenteur, et que les états éloignés , à la faveur des formes
compliquées , se soustrairaient à la coopération effective aussi
long- tems que possible ; mais que , bien que ce projet fût regardé
comme constitutionnel , il n'a eu aucun effet à cause
des diverses formalités .
" Après avoir dit qu'ons.se flaitait qu'après l'élection de
l'empereur , l'Empire entier prendrait des mesures plus grandes
et plus énergiques , et que , faute d'avoir pris cette précaution ,
les provinces se trouverent hors de défense , et Mayence
tomba entre les mains des Français , ce qui fit que presque
toute la seconde campagne se passa en efforts pour reprendre
cette ville le ministre impérial ajoute que plusieurs états
ayant opiné que le tems ne devait pas se perdre à organiserune arrace
de l'Empire en regle, l'empereur permit de joindre les contingens
aux tronpes de l'une ou de l'autre des puissances alliées , et
qu'attendu le besoin d'argent où elles se trouvaient , on consentit
que les états de FEmpire , incapables de mettre sur pied
des soldats , fournissent les contingens en argent , selon une
estimation très- modique . On s'est débattu dans les cercles , si
l'on était obligé de fournir les contingens selon les décrets
de l'Empire de 1681 ; quelques états out renouvellé leur demande
pour la diminution de leur quote - part ; d'autres ont
( 74 )
63°
allégué leur impuissance , et même quelques -uns des états les
plus considérables ont refusé leur contigent , sous le prétexte
qu'il n'existait pas d'armée de l'Empire.
" Lorsqu'à l'ouverture de cette campagne le roi de Prusse
menaça de retirer ses troupes , par la raison qu'il ne recevait
point de subsides , et que les Français se renforçaient extrêmement
, il ne resta , selon le ministre impériale , d'autres
moyens pour avoir un secours momentané , que d'insister sur
l'arinement des habitans des cercles , et pour couper tous les
prétextes , de presser l'organisation de l'armée de l'Empire
dans la forme constitutionnelle. Mais malgré que l'empereur
ait fait tout ce qui dépendait de lui , l'armement des habitans
des frontieres n'eut pas lieu ; quelques états ne se fiaient
à leurs sujets , et d'autres craignaient les frais . L'armée de
1 Empire , continue toujours le ministre impérial , n'est même
ps formée jusqu'à présent , où les deux tiers de la campagne
sont écoulés , où les ennemis triomphent par- tout. On ne veut
pas , ou l'on ne peut pas , à ce que l'on dit , et c'est l'unique
texte sur lequel plusieurs états se soustraient à la prestation
du contingent d'Empire . "
pas
" Un long récit de ce que la maison d'Autriche dit avoir
fait pour le soutenement de cette guerre vient ensuite : après
se trouve le recit de sa situation .
99 Ces efforts extraordinaires , ces sacrifices si sensibles et
si irréparables pour les pays héréditaires , à présent qu'on a
entiérement négligé de les soutenir suffisamment et assez - tôt ,
n'ont pu que différer un peu le dernier coup effroyable que
l'Empire doit attendre par la conquête des provinces sur le
bord du Rhin et au-delà de ce fleuve . Cependant , comme
les états héréditaires sont , pour ainsi dire , épuisés d'hommes
et d'argent , le remede extrême devient à présent nécessaire
pour prévenir la décadence des forces , si l'on veut détourner
encore le coup mortel qui menace l'Allemagne de la subversion
de sa constitution ; d'autant plus que les ennemis , instruits
de la situation des choses , redoublent de leur côté
leurs efforts les plus violens , afin que les armées harassées
ne puissent se refaire. Leurs progrès sont si formidables ,
la cour impériale et royale est dans la nécessité certaine ses
troupes et de les faire rentrer en dedans de ses frontieres , si
l'Empire n'oppose pas à l'ennemi une force également redoutable
, et ne seconde point ainsi , le plus promptemens passible
, la cour impériale et royale dans cette lutte fatigante .
Les efforts de celle - ci seraient réellement infructueux , si elle
voulait entreprendre de couvrir seule la frontiere de l'Empire
depuis Basle jusqu'à Luxembourg et l'on saurait aussi peu
nier qu'une armée sur les dents , hors d'état de se refaire
qui ne trouve nulle part aucun secours ni de quoi se rafraî
chir , doive tâcher de gagner les confins de son propre pays
où , se trouvant plus proche , elle peut être mieux pourvue
que
•
275 1
et appuyée par le courage des fideles habitans' des états impériaux
et royaux . Il semble du moins juste de hasarder les
dernieres forces uniquement pour la défense de sa propre
maison , lorsqu'on a devant les yeux la triste vérité , qu'avec
la meilleure volonté l'on n'est pas à meme de sauver ses voisins
, ses amis .
Malgré ces vives instances il paraît que les cercles et états de
l'empire persistent dans leur intention d'éviter , par toutes
voies , le contingent que l'empereur demande. L'assemblée de
la diete de Ratisbonne a renvoyé au 6 octobre le commencement
des delibérations sur les propositions qui se trouvent dans
le décret impérial , ce qui prouve assez des vues opposées à
celles de Joseph . Il ne faut pas oublier que l'électeur de
Mayence , pour accélérer la demande et la réception des instructions
relatives à ce déciet , l'avoir d'avance communiqué
aux envoyés des divers états .
Le bruit qui s'était répandu que le géneral Wurmser devait
se rendre à l'armée du Rhin , est dénué de fondement.
Le maréchal Sordis doit prendre le commandement des
troupes impériales dans le Brisgaw .
Le clergé de Mayence a été obligé de livrer son argenterie à
titre de contribution militaire .
On apprend de Vienne le 6 septembre , que les commissaires
Auglais ont envoyé à Londres la convention arrêtée entr'eux
et le cabinet autrichien , et demandent sa ratification . Le ministre
de Hollande qui se trouve ici doit accéder à ces arrangemens.
Les politiques prétendent que les puissances maritimes
u'ont fait des offres si considérables pour retenir l'Auriche
dans la coalition qu'à cause du danger imminent qui
menace in Hollande . Le bruit court que pendant toute la durée
de la guerre il restera à Vienne deux commissaires Anglais , et
que deux autres seront auprès de l'armée pour veiller à ce que
les fournitures soient exactement faites , et toutes les conditions
du traité rigoureusement remplies . On peut s'attendre
à voir ces commissaires commander avec autant de morgue que
le ministre britannique le fait en Toscane . Ce sera le sort des
membres de la maison d'Autriche , de cette maison si hautaine ,
de recevoir chez eux des ordres d'une puissance étrangere ;
c'est à ce prix que celle - ci leur aura accordé sa ruineuse
amitié.
Il s'est tenu , il y a peu de jours , chez le ministre dictatorial
des finances , un conseil dont le but était de trouver des
fonds pour satisfaire aux dépenses sans cesse renaissantes de
la guerre l'embarras est extrême . On ignore si des mesures
définitives ont été arrêtées . Luchesini , après un séjour de
quatre jours , est parti en toute hâte pour se rendre auprès da
roi de Prusse . Il paraît que c'est à lui qu'on doit le parti qu'a
pris , repris , après l'avoir abandonné , le cabinet de Vienne de
seconder la coalition contre la Pologne . Le quartier général
( 76 )
des troupes autrichiennes destinées à remplir cet objet , doit
être établi d'abord à Lublin ; on dit même que deja leur avantgarde
est déja arrivée dans cette ville .
ITALI E.
Des lettres de Gênes du 11 septembre annoncent que le 4 ,
le petit conseil a reçu l'avis officiel que les Anglais avaient
levé le blocus du port.
Depuis , le chargé d'affaires de France a remis une note au
secrétaire d'état , dans laquelle il déclare qu'il considere la
levée du blocus comme le résultat de la connivence , non da
gouvernement génois , mais des partisans de la coalition . Selon
Jui , ces derniers , dans le dessein , non- seulement de procurer
une entrée dans le port aux flottes ennemies de la République
Française , mais encore de parvenir à mettre à exécution quel
ques desseins ourdis , d'après la vaine espérance que l'armée
française d'Italie resterait sur la simple defensive , ont vu que
pour éviter de rompre ouvertement avec la France ' il était
Décessaire de faire faire une déclaration préliminaire et formelle
relative à ce blocus .
Les préparatifs des Français ne cessent point d'être formidables
. De nombreux bataillons , venus du côté de Vintimille ,
ont renforcé leur armée : ils sont accompagnés de convois considérables
de munitions et de vivres . A Nice , on a embarqué
pour l'armée des canons de gros calibre et des mortiers .
Le camp français qui se trouve sur le territoire d'Albenga ' ,
s'angmente chaque jour. On ignore encore sa destination .
1
Le représentant Salicetti et le général Servan , accompagnés
de plusieurs autres officiers et d'un détachement de soldats ,
sont arrivés à Final . Ils en sont repartis après avoir eu une
conférence avec le gouverneur génois . Un gros corps de Français
s'approche de Savone.
ANGLETERRE. De Londres , le 8 Septembre.
L'escadre de l'amiral Howe , composée de 29 vaisseaux de
ligne , dont 8 à 3 pouts , doit être jointe par 6 vaisseaux portugais
. On croit que 48 heures après le départ de cette escadre
, le convoi de 100 bâtimens , chargés de grains pour l'Espagne
, mettra à la voile sous l'escorte de l'escadre de la même
marian .
Suivant le rapport fait par le capitaine Durham , qui croi-
' sait derniérement avec sa frégate sur les côtes de France ,
Pescadre française , actuellement dans le port de Brest , est de
e5 vaisseaux de ligne , et l'on en équipe 12 autres en toute
uiligence .
la mort de Mercy Argenteau n'interrompra point les négociations
entamées entre notre cour et celle de Vienne . C'est
( 77 )
Starembergh qui est chargé de les suivre il a remis au roi
la lettre particuliere que l'empereur lui a écrite , et dans
laquelle il assure , dit - on , Pitt , de son intention de pousser
la guerre plus vivement que jamais . Le bruit court ici que
l'ambassade de lord Spencer à Vienne , causera la retraite
de plusieurs généraux de l'armée autrichienne , auxquels on
attribue en partie les malhenreux évenemens qui ont eu lieu
depuis quelques -tems . Les généraux Clairfayt et Beaulieu ,
sont ceux qui ont la confiance générale de l'armée auurichienue
, et ils en dirigeront désormais tous les mouvemens ,
il est question de leur envoyer des renforts considérables .
.
Jeudi dernier , à minuit , la tour de Londres a été mise
dans un parfait état de défense . Les canons étaient placés et
chargés à mitraille la plus grande confusion régnait dans la
tour et les prisonniers étaient dans l'alarme . Il paraît que
ces dispositions provenaient de ce que plusieurs corps -d'enrôleurs
s'étaient réfugiés dans la tour , et que le peuple sem
blait déterminé à les attaquer ; ce qui occasionna du bruit
une grande fermentation ; tous les militaires avaient or e
d'être à leur poste , comme si l'on se fût attendu réellement
à un siége. Mais hélas ! tout était tranquille. Hier matin M. Pitt ,
Dundas et lord Lougborough visiterent la tour , ils y resterent
même fort long- tems. Nous ne savons pas qui peut les
avoir déterminé à cette visite ; mais ce qu'il y a de certain ,
c'est que les personnes détenues comme suspectes , ne sont
pas mieux traitées depuis cette époque .'
Les emigrations en Amerique qui se multiplient sur tous
les points de l'Angleterre , de l'Ecosse et de l'Irlande , doivent
prouver au gouvernement le peu de confiance qu'inspirent ses
mesures , et combien l'esprit qui le dirige pese d'une maniere
oppressive sur les citoyens qui preferent de s'expatrier , plutôt
que de vivre sous des lois qui deviennent insupportables.
Malgré toutes les précautions prises par le ministere pour
dérober la connaissance de ce qui se passe dans la Guadeloupe
et à Saint-Domingue , on sait que rien n'est plus précaire que
nos mouvelles conquêtes aux Indes occidentales . On assure
que déja nous avons été obligés d'évacuer presqu'entiérement
la Guadeloupe , et qu'à Saint-Domingue les forces françaises
s'y accroissent chaque jour. La perspective de ces conquêtes
était cependant le grand motif que donnait Pitt de la continuation
de la guerre ; il avait flatté le commerce d'un dédom
magement immense ; mais au lieu d'accroître nos colonies ,
nous sommes menacés de perdre les nôtres par la crainte où
l'on est que l'esprit d'indépendance ne s'étende des colonies
conquises dans nos propres colonies .
L'ambassadeur d'Espague a reuni dans la maison du café
Batson , tous les marchands de sa nation qui se trouvent ici .
Cette assemblée s'est occupée à chercher les mesures que lui
ent paru nécessiter les progrès rapides des Français . Dans la
( 78 )
province maritime de la Biscaye , depuis la prise de Fontarabie,
des lettres nouvellement reçues apprennent que les forces
des Français s'accroissent chaque jour ; ils s'emparent de tout
ce qui est devant eux , sans que les habitans fassent la moindre
résistance , et le peuple , à l'exception des ecclésiastiques et
des nobles , est extrêmement porte pour eux . Un corps de
10,000 Républicains , muni d'un train considérable d'artillerie
et d'une grande abondance de toutes les choses nécessaires ,
s'est mis en marche pour s'assurer de tous les passages qui
conduisent à Bilbao . Un autré corps doit suivre le premier et
entreprendre le siége de cette place commerçante. Inte la
Biscaye et ses ports sont menacés. Il est difficile , de croire
que le gouvernement espagnol puisse les secourir assez puissamment
pour les empêcher de tomber entre les maius des
Français .
On ignore encore quel a été le résultat des délibérations
des négocians espagnols . On sait seulement qu'il a du être mis
sous les yeux des ministres .
L'escadre russe arrivée de la rade de Leith est composée
de g vaisseaux de 74 canons , de 4 de 66 et de 2 frégates ; elte
est partie d'Archangel vers la mi - juin . L'officier qui , apres
avoir ais pied à terre est venu à Londres , a eu une conterence
avec l'ambassadeur de Russie et le lord Grenville. Il est
reparti pour retourner à bord. Cette apparition d'une escadre
russe dans un des ports britanniques avait beaucoup occupé
les politiques . Il paraît aujourd'hui qu'elle n'est entrée dans
la rade de Leith que pour y prendre des vivres et des informations
sur les affaires générales ; elle va faire voile pour Pétersbourg.
Les ministres vondraient faire froire au maintien de la paix
avec les Américains ; mais les griefs de ceux -ci s'accroissent
chaque jour. Des avis reçus du Canada apprennent entr'autres
que le gouverneur Limeoé reçoit souvent des visites des sauvages.
Ces derniers lui apportent des chevelures d'Américains
qu'il a grand soin de leur faire payer.
Les mêmes avis ajoutent que le solliciteur général a été envoyé
à Mont- Réal par le gouverneur lord Dorchester , pour
mettre à exécution le bill d'anbaine , passé à Quebec par l'assemblée
législative , et qui déclare que tous ceux qui refusent
de prêter serment de fidélité à Georges III , seront emprisonnés
Ou tenus de quitter le pays . Depuis ce moment un grand nombre
de tamilles a pris le parti d'emigrer .
( 79 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE D'ANDRÉ DUMONT,
Séance du septidi , 7 Vendemiaire.
On donne lecture d'une lettre de Théophile Berlier , représentant
du peuple dans les départemens du Nord et du Pas - de-
Calais , écrite de Saint- Omer , le 4 vendemiaire . Elle est ainsi
conçue :
Citoyen président , le nouveau complot que la Convention
nationale vient de déjouer a été vù avec horreur dans les dépara
temens que je parcours .
" Non , ce n'est pas Marseille , ce n'est pas une section du
Peuple Français quia pu se souiller d'un tel erime . Il est l'ouvrage
de quelques meneurs perfides qui trouveront , comme tous leurs
semblabies , le châtiment que la justice nationale réserve aux
traitres et aux conspirateurs. De tels attentats ne sont point à
craindre ici . La Convention nationale y est vénérée et chérie ;
c'est le centre unique , c'est le point de ralliement universellement
reconnu . Tu peux , citoyen président , en donner l'assurance
à nos collegues . L'on veut fortement dans ces contrées le
regne de la justice et le maintien du gouvernement révolutionaire
qui n'en est pas l'ennemi :
Le Peuple entier sait qu'au milieu de la tourmente l'exercice
de sa souveraineté doit être délégué à un centre actif ; mais il
abhorre l'arbitraire qui, dans ce pays sur tout,fit tant de ravages ;
une seule chose était à craindre , c'était la réaction ; mais j'obtiens
tous les jours des résultats heureux : il n'y aura point de
contre partie toujours funeste à la tranquillité et à la liberté publique
: il n'y aura que le crime de poursuivi ; l'erreur est déjà
pardonnée ; et ceux qui ne passerent les limites que par excès
de zele , ne seront pas proscrits par leurs fretes .
Je lis dans les journaux qu'en plusieurs points de la République
l'aristocratic releve la tête : ne prendrait- on pas pour le
réveil de ce monstre la sérénité universelle ramenée par le regne
de la justice ? Voilà du moins tout ce que j'apperçois dans les
deux départemens dont j'ai parcouru la majeure partic . Ley
thermidor est véritablement une nouvelle ère pour eux : on v
retrouve tout le feu patriotique , et tout l'enthousiasme du 14
juillet 1789 ; il n'y a que quelques petits tyrans qui n'y trou
vent pas leur compte , mais la liberté n'y perd rien .
" La partie maritime du Nord n'est pourtant pas tout-à- fait dégagée
de superstition ; c'est un mal auquel j'espere apporter re-
村
( So )
mede . Tout ira bien , d'ailleurs , dans le Nord de la République' ;
et si la révolution y compte des prosélytes modernes , les vrais
véterans n'y perdront pas leur rang.
Salut et fraternité , Signé , BERLIER .
Mention honorable , et insertion au bulletin.
Chenier, au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête qui devait avoir lieu le décadi suivant
pour célébrer l'entiere évacuation du territoire de la République
par les ennemis . Plusieurs membres demandent que
ce plan soit général pour toute la République , et que la fête
soit ajournée au 30 vendemiaire . La Convention charge son
comité d'instruction de lui présenter un nouveau plan général.
Cambaceres fait un rapport sur la situation de la République
dans toutes les parties de l'administration confiée au comité
de législation , à la suite duquel il propose trois projets de
décret , dont les deux derniers sont ajournés . Par le premier,
il sera incessamment pourvu à la composition et organisation ,
an complet des autorités constituées dans toute l'étendue de
la République , de maniere qu'au 1er . brumaire prochain , il
ne se trouve pas de places vacantes parmi ces autorités . Les
autres articles sont relatifs au mode d'organisation .
Grassons fait connaître à la Convention le trait suivant :
Lorsque la Martinique fut prise par les Anglais , ces féroces
ennemis embarquerent les citoyens de toute couleur , qui avaient
témoigné leur attachement à la République. Le citoyen Pavillon ,
homme de couleur , lieutenant des chasseurs , s'était signalé par
son intrépidité et sa haine contre l'aristocratie . Il fut embarqué;
il résista à toutes les sollicitatious qui lui furent faites de rester
au milieu des émigrés qui étaient rentrés avec les Anglais . Sa
mere lui écrivit la lettre suivante :
4. Ces deux mots sont pour vous faire savoir ma façon de penser.
Je vous prie , sur toutes choses , de n'employer personne
pour vous débarquer , j'ai grande envie de vous voir : mais
j'aime mieux me priver de ce plaisir . Si la férocité des aristo .
crates voniait vons faire fusiller , subissez la mort plutôt que
de leur demander grace ; vous êtes mon seul fils , mais pour
la liberté , je vous sacrifie . Mon fils , je vous le répete , je
vous ai toujours donné les principes d'un républicain ; si on a
violé nos droits dans les colonies , on ne les violera pas où
vous allez. 1 ,
肇
La Convention décrete la mention honorable du trait de
dévoûment de la citoyenne Pavillon , le renvoi au comité
d'instruction publique ; elle charge le comité de salut public
de procurer de l'emploi dans les armées au citoyen Pavillon ,
son fils.
Les réprésentans du peuple Charlier et Pocholte , envoyés
à Commune-Affranchic , donnent des détails sur la situation
de cette commune,
" La
·( 81 )
A
La société populaire , écrivent - ils , semblait avoir été choisie
tes jours derniers par les intrigans pour être le théâtre de
leurs mouvemens contre -révolutionnaires et le foyer des complots
les plus sinistres . Un orateur avait osé y proférer ces
paroles impies ... Le souverain est immédiatement dans les
sociétés populaires ... Il est un grand principe qu'on ne
saurait jamais trop méditer ; ce n'est pas une société populaire
seule qui est le souverain ; ce n'en est qu'une fraction . La volonté
génerale se compose du voeu de chaque société populaire .
" A la suite de son discours artificieusement prolongé , et sur
sa proposition , un nombre considérable de ci- devant fonc-.
tionnaires avaient été admis sans examen ; l'impression et
l'affiche de ces scandaleuses erreurs avaient été arrêtées sans
discussion ; les murs en étaient couverts ; les bons citoyens
en frémissaient , et la terreur reprenait son empire.
Soulevés d'une juste indignation , à la vue de cette marche
audaciense , nous avons rappelle la société aux principes
ajourné ses séances , qui se tenaient dans une salle de spectacle
, jusqu'au moment où elle aura trouvé un local plus
propre à l'ordre et à la gravité de ses délibérations ; soamis
à une épuration nouvelle ceux de ses membres qu'une motion
insidieuse avait fait admettre en masse , et envoyé l'ora .
teur au comité de sûreté générale . Cet homme a-t- il été l'instrument
d'une intrigue locale ? ou l'étrange paradoxe qu'il a
mis en avant appartient- il à un complot plus vaste dans lequel
on cherchait à envelopper la Republique entiere ? C'est ce
que votre comité examinera dans sa sagesse , et d'après les
renseignemens que nous lui fournirons . Mais nous demandons
à tout républicain qui pense , si l'aristocratie , désespérée de
n'avoir pu entrainer le peuple dans le piége qu'elle lui avait
tendu , en lui proposant la convocation des assemblées pri
maires , pouvait imaginer un systême plus atroce que celui
de transporter dans les sociétés populaires l'exercice de la
souveraineté , pour préparer par- là l'anéantissement du gouvernement
révolutionnaire , de la Convention nationale et de
la liberté? Nous n'avons eu besoin que de sigualer ces erreurs
pour en faire sentir les désastreuses conséquences . L'arrêté
dans lequel nous les dénonçons à l'opinion publique , parut
hier de toutes parts on se rassemblait pour le lire . Ces prin
cipes recevaient un assentiment général ; c'est qu'ils sont puisés
dans la nature , et que le peuple , qui sent ses droits , ne se
trompe jamais quand on les lui expose avec franchise . Nous
vous en faisons passer quelques exemplaires , et nous joignons.
le placard infâme qui l'a provoqué . Comptez sur notre dévot
ment et notre haine inextinguible pour tous les empiriques ,
tous les dominateurs et tous les traitres . "
:
Salut et fraternité . Signés , POCHOLLE , CHARLIER .
Ces dépêches applaudies sont insérées au Bulletin , et ren,
voyées au comité de sûreté générale .
Fourcroi fait adopter un projet de décret dont les disposi-
Tome XII. F
( 8 )
tions tendent à l'exécution d'une école centrale des travaux
publies , qui sera ouverte à Paris , le 10 frimaire prochain .
Il ne sera admis en qualité d'éleves , que des jeunes gens
qui auront justifié de leur bonne conduite , ainsi que de leur
attachement aux principes républicains , et qui auront prouvé
leur intelligence en subissant un examen sur l'arithmétique et
sur les élémens d'algebre et de géométrie. Les examens
qui doivent commencer au 1er, brumaire , et finir au 10 , auront
lieu dans les communes suivantes : Dune- Libre , Amiens ,
Mézieres , Caen , Rouen , Reims , Paris , Metz , Strasbourg ,
Brest , Rennes , Nantes , Tours , Auxerre , Dijon , Rochefort ,
Bordeaux , Bayonne , Toulouse , Montpellier , Marseille et
Grenoble. Les éleves appellés par la commission des tra
vaux publics , pour completter le nombre de 400 , se rendront
à Paris avant le 10 frimaire ; leur voyage leur sera payé , et
ils recevront un traitement annuel de 1200 liv. , pendant les
trois ans nécessaires au cours ordinaire des études , apres lequel
ils seront employés aux fonctions d'ingénieur pour le's
différens genres de travaux publics , d'après la capacité et l'aptitude
qu'ils auront montrées , etc.
Séance d'octidi , 8 Vendemiaire.
Grégoire fait un rapport intéressant sur l'utilité d'un dépôt
général des machines , instrumens , outils , modeles , dessins
pour les procédés des arts et métiers : il propose de créer
pour cet effet un conservatoire , composé de trois citoyens démonstrateurs
et d'un dessinateur. Le discours et le projet
de Grégoire seront imprimés . La discussion en est ajournée à
trois jours après la distribution .
Sautereau , représentant du peuple à Rouen , écrit à la Convention
que le général Tuncq , mis en liberté après une longue
détention , s'était , aux termes de la loi qui ordonne aux officiers
destitués de se retirer à 20 lieues de Paris , réfugié avec
sa femme et ses enfans dans la chaumiere de sa mere . Une
modique rente de 400 liv . que possede cette mere était la seule
ressource de toute cette famille . Tuncq vient d'être obligé de
quitter cette retraite , parce que la municipalité lui a prouvé
qu'elle n'était distante de Paris que de 18 lieues et demie . Ce
brave militaire , qui a rendu de grands services dans la Vendée ,
est maintenant en proie à tous les besoins , sans asile et sans
ressource .
Thibault : Tout le monde sait que ce général a été destitué
par une intrigue , dont l'objet était de mettre Rossiglol à sa
place je ne sais par quelle fatalité il est chassé de tous les
lieux où il se retire . "
L'official Les généraux qui ont bien servi la République
dans la Vendée ont été mis dans les fers : on n'a conservé que
les égorgeurs , parce qu'on avait ses raisons pour éterniser
cette guerre. Une amnistie avait été accordée à tous les ha
( 83 )
bitans de ce malheureux pays qui déposeraient leurs armes.
Elle les eût ramenés dans le sein de la patrie . Déja un grand
nombre rapportaient leurs armes ; Carrier les fit fusiller malgré
les promesses qu'on leurs avait faites . Des officiers municipaux
vinrent en écharpe pour fraterniser avec les républicains
Carrier leur fit éprouver le même sort . Un autre jour,
une femme venait d'être fusillée ; on amene à Carrier ses deux
´enfans , âgés l'un de neuf mois , l'autre de deux ans , et on lui
demanda ce qu'il en fallait faire : Si l'on les laisse vivre ,
, dit- il , ils se rappelleront du traitement de leur mere , et ce
" sont des louveteaux que la République nourrira dans son
" sein : qu'ils soient fusillés ! ( Mouvement d'horreur dans
l'Assemblée . ),
Voilà comment s'est perpétuée le guerre de la Vendée . Les
attrocités n'ont fait qu'augmenter le nombre des rébelles . On
les a poussés au désespoir , en les plaçant entre la mort et la
nécessité de se battre sans cesse . Ce sont les horreurs commises
qui sont cause de la renaissance de cette guerre.
Carrier Je n'ignore point les colomnies qu'on publie
contre moi ; mais j'y répondrai dans un rapport que je vais
livrer à l'impression . Je démontrerai que j'avais terminé la
guerre de la Vendée , et qu'il ne restait tout au plus que 300.
brigands : l'armée l'attestera . J'ai toujours reçu avec cordialité
les communes qui se sont présentees pour fraterniser ; et ,
si l'on prouve que j'ai fait fusiller des femmes et des enfans
je consens à porter ma tête sur l'échafaud .
" C'est contre mes ordres que la division de l'armée du
Nord s'est portée sur des communes qui ne remuaient pas ;
au lieu d'aller exterminer le reste des rebelles commandés par
Charette , elle s'est disséminée sur plusieurs points , et c'est
la cause des progrès qu'ont fait depuis les brigands . Ils sont
maintenant aux portes de Nantes , au nombre de plus de
30 mille ; ils ont , prés le camp de la Rouillere , massacrė
six cents de nos soldats et taillé en pieces tout un bataillon.
Is occupent depuis Rennes jusqu'à Nantes , depuis Nantes
jusqu'à Angers , et depuis Angers jusqu'à Avranch • ; c'est- àdire
, un espace de 60 lieues d'étendue sur 40 de largeur .
" Quant aux faits que l'on m'oppose , je dois vous dire
que j'ai pris des arrêtés qui prouvent le contraire : Thureau .
Bourbotte et moi nous avons défendu de mettre eu jugement
des enfans de l'un et l'autre sexe , depuis l'âge de douze ans
jusqu'à seize . Il n'y avoit pas un chouan quand j'ai quitté le
pays . Si cette guerre s'est rallumée ; si elle est manaçante pour
la liberté.......
Ici , Carrier est interrompu par de violens murmures , qui
déja s'étaient fait entendre pendant son discours .
Merlin , de Thionville , prend la parole , et dit : « Lorsque
j'étais à Montaigu , j'avais rappelé vingt communes dans le sein
de la République ; elles avaient déposé leurs armes , et s'éq
F 2
( 84 )
taient vaillamment défendues contre Charette . Cependant elles
ont été égorgées par l'armée , aussi - tôt après mon rappel . "
Carrier s'écrie que c'est le général Thureau qui a exécute ce
massacre .
Merlin reprend : Si j'avais été là , et qu'on eût égorgé
ces malheureux sous mes yeux , un tel crime n'eût pas été
impuni . Ainsi Carrier est au moins coupable de l'avoir toléré .
Le tableau qu'il vient de vous faire de la Vendée est beaucoup
exagéré elle ne se releve que depuis qu'on a fait des efforts
pour ramener le systême de l'injustice et de la terreur : elle se
grossit , peut-être , de ceux qu'on a menacés de la déportation
.
" C'est avec ces motions incendiaires qu'on accroît le nombre
de nos ennemis , qu'on les réduit au désespoir . Mais le comité
de salut publique est instruit de tout ; il s'occupe des moyens
de terminer cette guerre , qui ne sera pas menaçante pour la
liberté , comme on se plaît à le dire . ,,
Duroy : Je dois vous rendre compte d'un fait . J'étais ces
jours derniers au comité de salut public ; Carrier s'y présenta ,
manifesta de l'indignation centre les inculpations dirigées de
tous côtés contre lui , et fit part de l'intention où il était de
faire un rapport sur la situation actuelle du département de
l'Ouest , et dans lequel il démontrerait , disait - il , que la guerre
de la Vendée était alarmante .
Il disait être en relation avec les autorités constituées et
avec des patriotes . Le comité , aussi bien informé que lui , lui
dit que la situation de la Vendée n'était point alarmante comme
il le prétendait . Je dis alors à Carrier que cela n'avait rien de
commun avec les crimes qu'on lui imputait , et qu'il ne devait
s'occuper que de démontrer son innocence , en rendant un
compte exact et détaillé de sa conduite . Il parut se rendre à cet
avis , et je m'étonne qu'au lieu de répondre directement aux
faits qu'on articule contre lui , il promene votre attention sur
des objets étrangers et qui peuvent répandre des inquiétudes
mal fondées parmi nos concitoyens . S'il était besoin de mesures
urgentes , le comité de salut public connaît trop bien ses
devoirs pour ne pas vous les présenter . ››
Carrier : Je n'ai vu de ma vie ni femmes , ni enfans de brigands
, et je n'ai pas donné les ordres affreux dont on vous a
parlé . "
Magnin : La Vendée n'est pas un objet alarmant , il s'en
faut de beaucoup . Elle ne se releve que parce que des hommes
couverts de sang ont été jusqu'à présent impunis . De ce
nombre est Thureau général en chef. Il ya un an , Laignelot et
Lequinio avaient réduit à 300 brigands l'armée de Charette .
Mais Thureau a distribué l'armée en douze colonnes , qui ont
été envoyées sur plusieurs points différens dans le département
de l'Ouest , et qui n'ont connu d'autre art militaire que d'égorger
les habitans et les agriculteurs : il a souffert que les
( 85 )
soldats missent au bout de leurs bayonnetes des enfans d'un ou
deux mois .
" Les grains avaient été mis en réquisition dans toutes les
communes ; mais les officiers municipaux ne pouvant pas
fournir de charettes pour les transporter , ils ont été fusillés et
les grains brûlés .
" Heins et Francastel ont approuvé la conduite de Thureau ;
ce général vous a écrit que l'armée avait tué 5 ou 6 mille brigands
. Voulez-vous savoir ce que c'est que cette victoire tant
vantée ? la voici :
" Les habitans s'étaient réunis aux champs pour leurs travaux
agraires , jet on les a fusillés . ( Mouvement d'horreur. )
Lorsque je suis allé à l'ancien comité de salut public pour lui
rendre compte de ces faits , il y a eu des membres qui m'ont
appellé protecteur des brigands ; ( nommez- les , s'écrie - t- on , )
ils sont passés . Mais j'en appelle à Carnot : ils m'ont traité
d'imposteur ; ils m'ont dit que j'étais un modéré , un alarmiste
.
" Les brigands qui se réunissent maintenant sont presque tous
des gens sans aveu . Les cultivateurs vous tendent les bras : ils
marchent bien quelquefois , mais le pistolet sous la gorge . Le
noyau est composé de contre- révolutionnaires , de héros de
500 liv . , de prisonniers prussiens et autrichiens qui se sont
échappés : il est tout au plus de 3 ou 4000 hommes . Les cultivateurs
se retirent la nuit dans les bois , et ils se cachent pour
ne pas porter les armes contre les républicains .
Le comité de salut public prend des mesures pour terminer
cette guerre . Je demande qu'il nous présente la liste des
chefs de division et de brigade qui se sont rendus coupables de
tant d'atrocités : Huchet est du nombre ; il a fait fusiller des
femmes après les avoir violées . ",
Laignelot : Quand j'étais à Rochefort avec Lequiuio , nous
avons été indignés que l'on vous ait dit à la tribune que la
Vendée n'existait plus , tandis qu'elle n'avait j'amais été plus
dangereuse que dans ce moment - là . On dégarnissait Machecoul
pour faire le siége de Noirmoutier ; et lorsque nous nous
emparions de cette derniere ville , Charette occupait déja la
premiere. Je reçus ordre d'aller à Brest . Je me mis à la tête de
1,500 républicains , et nous battîmes 2,500 brigands qui n'avaient
que des fusils et point de canons .
" Je partis. En route , je vis dix mille hommes de l'armée du
Nord qui brûlaient d'aller exterminer le reste des chouans . J'ai
appris qu'on a parlé depuis de transplanter les habitans de la
Vendée ; ce qui a contribué beaucoup à grossir le nombre des
rebelles . J'ai chez moi une dénonciation siguée , portant que
Garrier a dit que là où il ne doit pas exister un homme , il ne
doit pas y avoir un grain de bled. ( Mouvement d'horreur et
d'indignation . ) Je revins à Paris . On me demanda au comité ,
quels étaient les moyens de terminer cette guerre ; je dis qu'il
F 3
( 86 )
fallait envoyer dans la Vendée des représentans séveres , mais
justes et humains , et qu'il fallait ramener par la douceur les
hommes égarés . Carnot m'assura que ces principes étaient dans
son coeur ; mais le comité me dit que ceux qui étaient sur les
lieux étaient mieux informés que moi .
" Quelque tems après , un courier apporta au comité un
arrêté des représentans qui ordonnait de brûler 60 communes
depuis Fontenay jusqu'aux Sables , c'est - à -dire , les communes
les plus patriotes . Le comité en fit suspendre l'exécution ;
déja 2 communes et 60 tonneaux de grains avaient été la proie
des flammes. On a beau déployer contre nous cette ferocité ,
disaient les habitans , ce n'est pas la Convention . Nous voulons
vivre et mourir républicains . " Ils sont allés dans les
bois , ont coupé dés branches d'arbres , et se sont fait des
cabanes. ( Applaudissemens . )
" On a dit que Dubois - Crancé avait organisé la guerre
civile dans la Vendée ; c'est de toute fausseté je dois dire
qu'il a fait partir plus de 40 mille citoyens de la premiere
requisition.
Ce qui prouve que Robespierre a prolongé la guerre
de la Vendée , c'est que le 9 thermidor on a battu la générale à
Laval ; que les Anglais devaient , le même jour , vomir 6,000
émigrés sur notre territoire , et que six combats devaient être
livrés à la fois . Envoyez dans cette contrée 15,000 hommes
de bonne troupe , des représentans vertueux probes et
humains bientôt il ne sera plus question des brigands . "
( Applaudi. )
Carnot : La majorité étant dans le comité de salut public ,
je ne pouvais pas mettre mon opinion à la place de la sienne .
Huchet avait été mis en arrestation , mais Robespierre l'a
fait renvoyer à son poste avec un grade snpérieur : j'ai signé
malgré moi son brevet . Lorsque Robespiere à été démasqué , j'ai
proposé au comité un systême contraire à celui de destruction ,
qui avait été d'abord adopté , et il a été accueilli. La guerre de
la Vendée tire à sa fin . Il y a 40 à 50 mille républicains d'un
côté , 73 mille d'un autre : é'est plus qu'il n'en faut pour dé
truire trois ou quatre mille brigands . ›, ( Applaudi . ) `
Merlin , de Thionville : Partout où le plan de Carnot à été
suivi , nous avons été victorieux ; quand on s'est mis à égorger,
nous avons été battus .
:
Lequinio Robespiere empêchait qu'on ne parlât à la tritribune
de la situation de la Vendée ; c'est parce qu'on a ignoré
ce qui se passait , que les maux se sont perpétués : la séance
d'aujourd'hui est une victoire sur les brigands . Applaudi .
Un membre donne lecture d'une lettre datée de Saumur
dans laquelle on dit : Nous avons enfin le bonheur de posséder
des représentans qui se distinguent par leur affabilité et
leur douceur. Quelle différence d'avec les égorgeurs ! Ceux-ci
( 87 )
se font chérir et craindre , tandis que les autres n'inspiraient
que l'effroi .
Le cinquieme jour des sanculotides , les brigands ont
été battus près du camp de Toircé : on leur a tué 20 › hommes .
Nous avons eu 30 républicains de blessés et 6 de tués . ›› Applaudi
,
Billaud-Varennes : Le sistême de l'ancien comité de salut
public a toujours été contraire aux mesures de rigeur. ( Cela
n'est pas vrai , s'écrie- t- on ) Pour bien juger sa conduite , il
faut se rappeller que la Vendée était de cent mille hommes , et
qu'il fallait les combattre avec l'énergie qui convient à des répu
blicains . On parle d'égorgement ! il n'en a jamais été question
dans ces délibérations ; plusieurs ont eu lieu en présence des
réprésentans qui composent les députations de ces départemens,
et ils peuvent dire s'il n'a pas toujours repoussé les mesures
de barbarie. "
( Carnot a dit le contraire , s'écrie Clauzel . )
Carnot : Je dois dire que Billaud m'a toujours paru être
opposé aux atrocités qui se sont commises dans la Vendée .
On demande de toutes parts l'arrestation du général Thureau
. Billaud la demande aussi ; il dit que c'est contre l'avis da
comité qu'il est encore en fonctions .
La Convention décrete : 1 ° . Que ce général sera arrêté surle-
champ , ainsi que Huchet et Grignon . ( Ce dernier a fait
aussi fusiller des officiers municipaux en écharpe :)
20. Que la correspondance des représentans et des généraux
qui ont été dans la Vendée , avec le comité de salut public
sera imprimée , ainsi que les rapports faits au sujet de cette
guerre par le même comité , et que le tout sera distribué aux
membres de l'Assemblée :
3° . Que le comité de salut public fera un rapport sur la conduite
des généraux et des commissions militaires de la Vendée .
On avait aussi décrété l'arrestation du général Charpentier.
Mais sur de nouvelles observations présentées par un membre ,
la Convention a chargé le comité de sûreté générale de prendre
des renseignemens à son égard.
Séance de nonidi , 9 Vendemiaire.
Hentz donne à la Convention quelques éclaircissemens sur
les inculpations qui lui ont été faites , ainsi qu'à son collegue
Francastel , relativement aux horreurs commises dans la Vendée
. Si Thurreau a égorgé des femmes et des enfans , ils n'y
ont pris aucune part , puisqu'ils n'ont été envoyés à la Vendée
qu'après que le mal a été commis. Ils ont invité les bons
citoyens à se retirer à 20 lieues des départemens ravagés , afin
d'isoler les brigands ; ils n'ont pas vu égorger un seul homme,
ils ne l'auraient jamais souffert. Quant à l'arrêté pour brûler
60 villages , ils disaient au contraire à Thurreau : tu ne brû-
F4
}
( 88 )
leras que ce qui est indispensable à la destruction des brigands
.
Beniabolle observe qu'il y a peu de représentans dans la
Vendée auxquels on ne puisse faire des reproches . Il ajoute
que Heutz a pris aussi des mesures barbares qui ont deshonoré
nos armes ; il existe de lui un arrêté qui a été imprimé
en allemand , par lequel il ordonnait de brûler une ville entiere
, parce qu'il s'y trouvait des aristocrates . Est ce en
agissant avec cette cruauté qu'on peut faire aimer , bénir la
révolution ? Je n'accuse pas les intentions de notre collegue ,
mais il pourrait bien avoir des reproches à se faire .
Tous ces détails sont renvoyés aux comités .
-
Cambon rend compte , au nom du comité des finances , des
somines qui ont été imposées et perçues dans la Belgique , et
de celles qui sont arrivées à la trésorerie nationale .
Le convoi composé de 29 charriots , arrivé le 5 du courant
à la trésorerie nationale , était composé de 3,441,343 liv . ;
c'est le septieme qui est entré à la trésorerie . Le total des
sommes reçues monte à 13,359,404 liv . , tant en lingots qu'ea
monnaie française et étrangere . Voici l'état précis de la quotité
des sommes imposées et perçues sur chaque ville .
Bruxelles imposée à 5,000,000 liv . , a payé 5.000,000.
Anvers imposée à 10,000,000 liv . , a payé 2,836,810 liv .
Malines imposée à 1,500,000 liv . , a payé 1,260,076 1. 6 sous
9 den .
Lierre imposée à 500,000 liv. , a payé 300,000 liv.
Gand imposée à 7,000,000 liv . , a payé 1,445,262 liv. 14 sous
5 den .
Oudenarde imposée à 500,000 liv . , a payé 43,997 liv. 4 sous
11 den.
Bruges imposée à 4,000,000 liv .; Ostende , 2,000,000 liv . ;
Ypres , 1,000,000 liv .; Courtray , 3,000,000 liv . ; ces quatre
villes n'ont encore rien payé ,
7
Louvain imposée à 2,000,000 I. , a payé 1,332,933 1 14 sous,
den .
Namur imposée à 5,000,000 liv. , a payé 227,551 div . 17 sous
7 den .
Tournay imposée à 4,000,000 liv . , a payé 220,000 liv .
Alost et Ninove imposées à 4,000,000 1 ,, ont payé 190,505 le
14 sous 7 den .
;
Mons imposée à 1.640,875 liv . , a payé 1,293,630 liv.
Ath imposée à 150,000 liv . , a payé 150,000 liv .
Hui qui ' est
9 den.
pas encore imposée , a paye 126,171 liv . 2 sous,
2
Les opérations des représentans du peuple dans la Belgique
ne se bornent pas à la levée du numéraire , ils envoient en
France les objets utiles aux arts , à l'enseignement et aux fa
briques , ils s'occupent même de la vente des domaines natio
( 89 )
manx qui est déja commencée , et leur produit nous servira à
retirer une partie des assignats de la circulation .
La trésorerie nationale , outre les sommes arrivées de la
Belgique , vient de recevoir de l'agent chargé des opérations
du même genre dans le pays de Trêves , l'avis d'un envoi qu'il
vient de faire au payeur général de la Moselle , montant à-
915,523 liv. 6 sous 5 den . , provenant tant de la contribution
de trois millions imposée sur le pays de Trêves que de diverses
saisies . Cet envoi est composé de 227,483 liv . 8 sous 3 den. en
numéraire , et le surplus en assignats ; il est accompagne d'un
caisson chargé du trône électoral . La République n'ayant aucun
emploi à faire de ce meuble , l'exemple que vous avez donné
par la punition du tyran , devant avertir les ambitieux qu'il
serait dangereux pour eux d'avoir l'envie d'y monter , à quelque
titre que ce puisse être , nous enverrons au creuset national
les matieres d'or et d'argent qui font son ornement .
Eschasseriaux l'aîné , au nom des comités de salut public et
de commerce , fait un rapport dans lequel il fait sentir la nécessité
d'augmenter le foyer de lumieres propres à éclairer et
ranimer toutes les branches du commerce et de l'industrie . Il
propose à cet effet un projet qui a pour objet de porter la
commission de commerce et des approvisionnemens à cinq
commissaires , et d'établir un conseil de commerce composé
de douze citoyens , choisis dans les différentes places de commerce
, pour présenter les ressources de la France dans toutes
les branches commerciales intérieures et extérieures . La Convention
en ordonne l'impression et l'ajournement .
Marec , au nom des comités réunis de salut public , de sûreté
générale , de marine et des colonies , propose la formation
d'une commission de neuf membres par appel nominal , pour
s'occuper de l'examen et du rapport de l'affaire des colonies .
Ce projet de décret est adopté .
Séance de décadi , 10 Vendemiaire.
La Convention improuve l'adresse de la société populaire
de Richelieu , par laquelle cette société témoigne sa surprise
de ce que les représentans du peuple donnent la liberté aux
détenus sans consulter les comités de surveillance et les sociétés
populaires .
Une autre société populaire du département de l'Ardêche ,
insiste sur l'impression de la liste des détenus mis en liberté ,
et des personnes qui les ont réclamés .
Guyomard demande que cette adresse soit renvoyée au comité
de sûreté générale . *
Au moment , dit - il , où l'on semble jouer l'opinion pu
blique à la hausse et à la baisse , c'est à la Convention qu'il
appartiendra de la fixer . On parle de montagne ! Entend - on
par là ceux qui ne veulent pas de dominateurs ? nous sommes
tous de la montagne . Y aurait-il donc içi par le fait , une chambre
( go )
haute et une chambre basse ? Quelques aristocrates ont pa
se glisser parmi les citoyens mis en liberté , eh bien ! demain.
vous les reprendrez . Je ne parle point en faveur des nobles
ni des prêtres ; je sais qu'il y en a fort peu de bons ; mais ne
laissons point rétablir le systême de la terreur , ne soyons ni
modérés ni exagérés . "
Clauzel ajoute que c'est précisément un moine qui a rédigé
cette adresse . Le renvoi est décrété .
Duhem prétend que l'on ferait aussi bien de n'insérer aucune
adresse dans le Bulletin .
Laporte répond que les adresses qui sont dans le sens des
principes ne sauraient recevoir trop de publicité . Il demande
l'ordre du jour sur les propositions de Duhem. Adopté..
La société populaire séante à la salle électorale est admise
à la barre. Elle présente des considérations sur plusieurs
objets importans . Le premier est la loi de préemption et de
requisition , qui gêne le commerce et la circulation des subsistances
, et cause leur rareté et leur renchérissement rapide.
Le second est le rétablissement des deux assemblées de sections
par décade . Le troisieme , le rétablissement de la municipalité
de Paris et l'élection de la magistrature par le peuple.
Enfin elle demande que la Convention mette les droits de
Thomme à l'ordre du jour ; ils sont , après la nature , son ou
vrage . Elle termine par assurer la Convention que tous les
citoyens composant la société sont décidés à servir de rempart
à la représentation nationale , ainsi qu'à maintenir les
droits imprescriptibles et inaliénables de l'homme , et de s'opposer
de tous les moyens que leur donneront les principes ,
la raison et la justice , à l'établissement de la tyrannie , sous
quelque forme qu'elle se présente.
: Le président répond Citoyens , vous demandez une
commune pour Paris , et le droit de nommer vous - mêmes
vos magistrats ; vous étendez cette demande à vos freres des
départemens ; ignorez -vous donc que le gouvernement révolutionnaire
existe et que la Convention nationale a juré de le
maintenir jusqu'à la paix . La Convention respecte le droit
de pétition ; mais elle sait aussi respecter ses sermens .
9
Cette pétition est renvoyée au comité de sûreté générale .
Le reste de la séance a été employé à des pétitions individuelles
, renvoyées à divers comités .
Sur la motion de Bourdon ( de l'Oise ) , la Convention nationale
autorise son comité de sûreté générale à statuer sur
toutes les détentions jusqu'à la paix , prononcées par jugemens
des différens tribunaux pour motifs de suspicion seulement
jusqu'au 10 thermidor.
Séance de primedi , 11 Vendemiaire.
La société populaire d'Ussel , département de la Correze
s'autorisant d'un passage de Rousseau , tronqué et mal appli
1
( 91 )
qué , déclare dans une adresse que l'humanité est incompa
tible avec le patriotisme , et s'éleve contre la liberté de la
presse ; d'un côté on demandait la mention honorable , de
l'autre le renvoi au comité de sûreté générale . Clausel s'oppóse
à ces deux propositions , et prouve que les principes de
cette adresse , injurieuse même à Rousseau , étant contraires
aux principes que professe l'Assemblée , elle doit les improuver.
L'improbation est décrétée .
Pour fixer désormais l'opinion publique , Thibaudot demande
qu'il soit rédigé une adresse au peuple français , dans laquelle
les principes seront exposés d'une maniere simple , distincte et
positive. Alors , dit-il , vous verrez le peuple entier se rallier
autour de ces principes . Vous aurez une pierre de touche pour
distinguer ceux qui veulent la liberté pour elle-même , des intrigans
et des fripons . Quand on osera proférer dans les sociétés
populaires ou ailleurs des principes opposés à ceux que vous
aurez proclamés , on sera honni . L'Assemblée charge ses trois
comités de la rédaction de cette adresse .
Laloi , au nom du comité de salut public , fait lecture de plusieurs
dépêches . D'un côté , la prise d'Aix- la-Chapelle , l'investissement
de Maestricht , l'arriere- garde des Autrichiens bat
tue ;
;
de l'autre , des avantages considérables remportés par
l'armée d'Italie . Un échec essuyé sur le Haut-Rhin ordres
déja donnés pour le réparer. Trente prises amenés dans nos
ports , et neuf coulés bas .
Les sections du Museum et révolutionnaire se présentent
en masse ; elles s'elevent contre les hommes de sang , les scélérats
qui regrettent le tyran et voudraient ébranler la fidélité ,
la loyauté des citoyens elles pensent que le salut de la patrie.
est dans les restaurations des droits du peuple , dans la réunion
de tous les bons citoyens : elles regardent les réquisitions et
préhensions sur les denrées de nécessité premiere , comme
incompatibles avec la facilité des approvisionnemens : elles
adherent à l'adresse présentée hier par la société populaire
séante dans la salle ci - devant électorale , ainsi qu'à celle de la
section du Panthéon - Français , présentée le 1 sanculotide ;
elles improuvent l'adresse de Dijon , qui leur a été envoyée,
par la société des Jacobins de Paris , comme tendant à l'avilissement
de la Représentation nationale , au renversement des
principes éternels de justice , et au rétablissement du régime
de la terreur : elles ne pensent pas que , pour comprimer l'aristocratie
, il faille égorger les hommes , sans savoir s'ils
sont coupables : elles demandent deux assemblées de sections
par décade : elles jurent de servir de rempart à la Convention
nationale. Cette adresse , souvent applaudie , est renvoyée
aux trois comités .
--
Une députation de la majorité des sections de Paris vient
demander le rapport du décret qui a réduit les assemblées de
sections à une par décade , et le rétablissement de l'assemblée
du quintidi.- Renyoyé aux comités .
( 92 )
Les sections de l'Homme -Armé et du Temple viennent
féliciter la Convention , et lui jurer un attachement inviolable
. Celle du Temple déclare que les complices de Robes.
pierre respirent encore , et regrettent la portion de sang
dont ils s'abreuvaient tous les jours : elle demande le réta
blissement de l'assemblée du quintidi . L'adresse de cette
section sera mentionée honorablement et insérée au bulletin
.
La section des Piques demande aussi l'assemblée du quintidi
; son adresse très - bien écrite et débitée , est souvent applaudie
; mais comme on y remarquait certaines expressions
qui sentent assez fortement la terreur , elle a été renvoyée purement
et simplement aux trois comités .
PARIS . Quartidi , 14 Vendemiaire , 3º , année de la République .
On sait maintenant à quoi s'en tenir sur cette diversité d'adresses
qui sont parvenues à la Convention sur l'état actuel de
la République et l'esprit du gouvernement . Elle provient de
deux opinions bien distinctes ; l'une qui voudrait rappeller les
jours de terreur et d'épouvante dont nous sommes à peine
sortis , et qui croit qu'on n'en peut jamais faire assez pour
contenir les ennemis de la liberté . L'autre qui pense que la
justice seule suffit à tous , et fera plus de partisans à la Répu
blique que les moyens d'oppression et de tyranuie.
La premiere opinion se compose de tous ceux qui craignant
que la justice du gouvernement ne les atteigne , voudraient
conserver leur rang dans la classe des oppresseurs , de peur
d'être à leur tour l'objet du ressentiment des opprimés . Pour
l'honneur de l'humanité , le nombre de ceux - là est petit , mais
il ne faut pas espérer de les ramener ; il suffit de les contenir.
Il est ensuite une multitude de citoyens qui , avec moins de
lumieres que de bonnes intentions , se sont fait une habitude
de principes exagérés , et croyent que le patriotisme est là où
se trouve l'excès , à -peu-près comme ces dévots qui s'attachaient
plus à la religion par les pratiques austeres et rigoureuses , que
par la douceur de ses maximes . Ceux- ci sont la dupe des
autres ; mais ils ne le seront pas long- tems , parce qu'ils veulent
véritablement le salut de la République ; le tems et l'instruction
les feront revenit de leur erreur.
L'autre opinion se forme du concours nombreux de citoyens
qui , témoins ou victimes des oppressions qui ont pesé sur les
patriotes , croient que ce systême serait funeste à la liberté s'il
venait à se reproduire , qui s'étant toujours maintenus à la hauteur
des vrais principes s'applaudissent de leur retour , qui se
rallient en foule à la Convention , et embrassent , comme elle ,
Ja justice qui est le premier des devoirs pour les individus et
pour les gouvernement .
( 93 )
Voilà la cause de cette opposition qui s'est manifestée dans
l'esprit des adresses . Elle cesserait bien vite , si l'intrigue et les
passions permettaient à la raison de se faire entendre . Que
voulez - vous , dirait- on aux pns et aux autres ? Surveiller ,' contenir
tous les ennemis de la liberté , maintenir le gouvernement
révolutionnaire jusqu'à la paix , combattre toute espece de tyrannie
, opérer le salut de la République : c'est le veu commun .
Mais quand on est d'accord , sur les choses , on est bientôt divisé
sur les mots . On qualifie d'aristocrate , de modéré , de contrerévolutionnaire
, quiconque ne pense ni n'agit dans le sens de tel
parti sans s'attacher à la véritable signification des termes .
C'est avec cette malheureuse subversion dans les idées qu'on
est parvenu dans le cours de la révolution à s'aigrir , à se suspecter
, à s'accuser réciproquement. Que la Convention fixe
donc la langue comme les principes de la liberté ; qu'elle se
hâte d'en proclamer le rudiment , et l'on reconnaîtra les malintentionnés
qui refuseront de s'entendre , et l'on discernera
facilement les vrais et les faux amis de la chose publique ; car
il est tems de ne plus marcher au hasard et de mettre un terme
à tous ces dissentimens .
Les représentans du peuple , au nombre de huit , détenus
dans la maison d'arrêt des Ecossais , viennent de publier use
pétition à la Convention , par laquelle ils demandent qu'on les
juge s'ils sont coupables , ou qu'on leur rende la liberté s'ils
sont innocens. Nous ferons connaître l'analyse de leurs moyens
de défense .
Le ci-devant abbé Girault Soulavie , résident de France à
Geneve , contre lequel cette république avait porté des plaintes
graves , a été conduit à Paris par la Gendarmerie , et transféré
dans une prison . On assure qu'on a trouvé dans ses papiers une
correspondance avec Robespierre , des principes duquel il était
le zélé propagateur.
La flotte anglaise , composée de 40 voiles , tant vaisseaux que
frégates et bâtimens légers , a été apperçue , la 2º . sanculotide
à 30 lieues des Sorlingues .
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DU NORD .
Extrait d'une lettre de Gillet , datée du 5 vendémiaire.
On a pris à l'investissement de Maestricht quinze bateaux
chargés de farine et d'avoine ; cette prise vaut un million au
inoins ; un autre bateau chargé de canons et de mortiers a été
coulé bas. Il a été pris à Aix-la- Chapelle quinze pieces de
H
( 94 )*
bronze qui vont être transportées
fondues. "
en
France pour être
Au quartier général , à Herve , le .... Citoyens représentans ,
je vous préviens que du mouvement général qui s'est fait hier
il résulte que Reckem et Stokem ont été forcés . Je présume que
Masseyck aura essuye le même sort : je n'en ai cependant pas reçu
de nouvelles ; que Maestricht est investi ; que l'ennemi a été
chassé des bois d'Aix - la-Chapelle , et que les magistrats de
cette ville viennent de nous en porter les clefs . La résistance que
nous a opposée l'ennemi n'a pas été très conséquente ; il s'est
sans doute rappellé de la correction républicaine qu'a reçue
avant-hier son arriere -garde , sur les hauteurs d'Henri- Chapelle
qu'elle a voulu défendre , et où elle a perdu 800 hommes tués
ou blessés ; notre perte dans cette affaire est de 15 hommes tues
et cent vingt- trois blessés .
Salut et fraternité.
Signé , JOURDAN , commandant en chef l'armée de Sambre et Meuse.
ARMÉE D'ITALIE .
Au quartier-général de Cairo , le 2 vendémiaire. Citoyens
représentans , depuis l'expédition d'Oneille et de Saorgio , les
rassemblemens de l'ennemi à Cairo , au nombre de 12,000 hommes
, avec 50 pieces de canon , menaçaient l'armée d'Italie .
" Des avis certains annouçaient un projet concerté de l'ar
mée austro- sarde avec les flottes combinées d'Angleterre et
d'Espagne , pour s'emparer de Savone , et porter la guerre
chez une république sage et tranquille , pour nous faire perdre
les ressources si avantageuses de sa neutralité .
" L'exécution de leur projet allait s'effectuer , si les représentans
du peuple , Salicetti et Albitte , députés près cette
armée , n'avaient ordonné de les prévenir sur-le-champ par une
attaque que la bravoure seule des Républicains , inférieurs en
nombre , pouvait faire réussir ,
La troisieme sanculotide , le poste de Saint Jacques , situé
sur la partie de l'Apennin qui sépare les forteresses de Savone
et Finale des vallées de la Bormida , occupées par l'ennemi ,
fortifié par un double retranchement , a été enlevé à la bayonnette
avec une telle bravoure , que la terreur nous a précédés
dans les postes de Bormida , Mallere , Pallere , Altare.
" L'ennemi les a évacués avec une telle promptitude , qu'on
n'a pu le retrouver que dans la plaine de Carcare , où il avait
fait avancer tous ses rassemblemens du Cairo , pour en venir
à une affaire décisive .
,, La marche d'une de nos colonnes , inconnue à l'ennemi ,
arrive le 4 très - précipitamment au château de Cossario , force
ce poste redoutable , et l'armée autrichienne allait être coupée
et renfermée dans les gorges de la Bormida , lorsqu'une fuite
précipitée est devenue son unique salut .
( 95 )
•
La nuit ne permettait pas de les atteindre , et l'armée a
bivaqué autour de ses représentans.
La cinquieme sanculotide , les Républicains poursuivirent
leur marche , et rencontrerent l'ennemi à la Roquette de Cairo :
l'artillerie et la cavalerie ennemie y avaient des positions avan
tageuses , et l'infanterie y était protégée par des hauteurs d'un
difficile accès , il ne restait qu'une heure et demie de jour :
une attaque aussi prompte que bien combinée les a repoussés
dans tous les points ; et notre cavalerie allait fondre sur la leur,
et enlever leur artillerie , si un ravin imprévu n'eût arrêté
son impétuosité , et si la nuit n'eût mis fin à une affaire qui
nous promettait encore des plus grands succès .
" La présence des représentans du peuple au milieu de nos
freres d'armes , partageant leurs dangers et leurs fatigues , animait
leur courage , au point qu'ils combattaient encore après
une heure de nuit obscure.
" A la faveur des rideaux de la Bormida , l'ennemi avait
pris une position en arriere de Dego qui , suspendant le combat
, nous laissait pourtant l'espoir de le battre encore au jour,
si la nouvelle de sa fuite à plus de cinq lieues de Dego , pour
se porter sur Alexandrie , n'eût mis fin à nos victoires.
Cette affire a coûté à la République le sang d'environ
80 de nos freres d'armes et autant de blessés .
" La perte de l'ennemi se monte à plus de 1000 hommes ,
tant tués que blessés et prisonniers , et il nous a laissé dans
des magasins de quoi nourrir l'armée pendant un mois.
Tout le monde , tant officiers que soldats , a fait son devoir
en brave Républicain .
,, Parmi ceux qui se sont le plus distingués , je dois citer
le général divisionnaire Massena , et les généraux de brigade
Laharpe et Cervoni .
" J'aurai aussi à vous parler , par une autre dépêche , de deax
actions héroïques , pour lesquelles j'ai encore des renseignemens
à recueillir.
" C'est ainsi , citoyens representans , que l'armée d'Italie à
célébré la 5º . sanculotide et le 1er . de l'an 3e . de la République
Française . Vive la République !
Signé , DUMERBION , général en chef.
Les Allemands , en cherchant à ridiculiser les premieres
découvertes de Mongolfier , qu'ils traitaient dans leurs feuilles
périodiques de légèreté française , et au sujet desquelles le caustique
Kesner publia plusieurs épigrammes mordantes , ne se
doutaient gueres qu'un jour ces découvertes précieuses , perfectionnées
par le génie tout-puissant de la Liberté , contribue
raient beaucoup à la défaite des satellites du despotisme et à
l'humiliation de l'infâme maison d'Autriche . Tout le monde
( 96 )
connaît l'anecdote du fameux ballon aërostatique à la bataille
du Fleurus ; nous nous flattons que nos abonnés liront aver
plaisir le rapport tel qu'il fut fait avant la bataille de Fleurus
au représentant du peuple , Guiton , et à Jourdan , général en
chef de l'armée de Sambre et Meuse.
De l'aerostat devant Fleurus , à deux cents toises d'élevation .
Je soussigné , adjudant- général , chef de brigade , ai monté
dans l'aerostat commandé par le capitaine Coutelle , à la cense
de Fais , aux avantt-- postes du camp de Lambusart ; et m'étant
élevé à la hauteur de deux cents toises , ai resté en station pendanı
deux heures et ai observé :
1º . Sur la gauche , en arriere de Sombref , un escadron de
cavalerie ennemie rangé en bataille avec des vedettes sur la
chaussée , sur laquelle sont deux pieces de campagne .
2º . Plusieurs escadrons près de Bottey de mêine rangé en
bataille , la gauche appuyée du coté de l'Orneau .
30. Un fort detachement d'infanterie à la droite de Saint-
Martin -Balatre .
4° . Des grandes gardes dans les vergers de Longrenelle .
5º . Un camp que j'ai évalué à environ 25 à 30 mille hommes .
La gauche appuyée du côté de Gembloux et la droite vers Gentinnes
, avec des avant - postes près du bois de Sombref.
6. Un corps d'infanterie entre Spy et Onox .
Nota. L'ennemi est alerte , et ses avant -postes sont en mouvement
; il paraît que la vue du ballon l'intrigue beaucoup .
P. S. Dans la séance du 12 , Treilhard a annoncé la reprise
de Keiserlautern , par l'armée du Rhin . Celle du Nord s'est
emparée du fort de Creve coeur , qui nous conduit à Bois -le-
Duc , et ouvre le Brabant hollandais ; celle des Pyrénées a battu
les Espagnols près de Bellegarde ; 470 pieces de canon ont été
prises.
A Marseille , les scélérats continuateurs de Robespierre , dont
le mot de raliement est la montagne , se sont mis en insurrection
contre la Convention . Les jours des représentans out couru le
plus grand danger. Les bataillons de volontaires ont contenu
les brigands ; les principaux ont été arrêtés ; ils vont être
jugés .
Dans la séance du 13 , la Convention a chargé les comités de
salut public , de sûreté générale et de législation , de présenter
les mesures de police générale , pour contenir les intrigans ,
les brigands et les fripons . Elle a chargé les mêmes comités ,
sur la motion de Dubois - Crancé , d'épurer la société des Jacobins
, et d'indiquer les moyens de la rendre utile à la chose
publique .
( N °. 4. )
A...
T
"
*
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 VENDÉMIAIRE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 11 Octobre 1794 , vieux style . )
MUSEUM DES ARTS.
Leltre écrite de Paris à Nancy , sur la nouvelle exposition des
tableaux au Muséum national.
POUR Pour les étrangers qui arrivent à Paris , comme pour les
des
habitans de cette grande cité , c'est un délassement agréable ,
c'est un précieux moyen d'instruction que cette quantité de
chef-d'oeuvres de peinture et de sculpture dont la vue réjouit ,
au Muséum , les vrais amis des arts , et prépare , initie les profanes
à la connaissance , trop rare et trop peu desirée ,
beautés que le pinceau et le ciseau enfantent , en multipliant ,
par l'imitation , les merveilles de la nature . J'ai parcouru cette
superbe galerie avec vous , mon cher ami , qui savez apprécier
et aimer le beau . Vous étiez , quoiqu'absent , à côté de moi ,
et voici ce que je vous disais en admirant les tableaux des
Ponssin, des Tition , des Pietre de Cortone , des Vernet , des
Claude Lorrain , etc. Je le dis maintenant à d'autres ; j'ose ici
répéter mes observations , parce que je les crois fondées sur
les principes , sur les rapports de la nature et de l'art .
En parlant d'un Museum formé à Paris , sans doute dn
Français doit commencer son analyse par celle des tableaux
d'un peintre de sa nation ; et entre tous les artistes , mes compatriotes
, qui plus a mérité la prééminence que le Poussin ? II
aura donc mes premiers hommages . Le Poussin fut , dans toute
l'étendue du mot , un beau génie . Issu des Normands destructeurs
de l'art , il l'aima et l'honora autant que ces barbares
l'avaient haï et méprisé . Il recueillit ce qu'avait épargné leur
fureur , il se recueillit lui -même auprès de ces restes précieux .
- Echappé aux persécutions d'un ministre puissant , loin des intrigues
d'une cour orageuse , il embrassait , arrivant à Rome ,
une colonne grecque , en lui disant : Je ne te quitterai plus . Le
Poussin fut un artiste antique dans des tems modernes . Il est
dans notre école de peinture ce que sent dans notre littérature
les écrivains solitaires du ci-devant Port- royal. Les jennes
éleves , peintres ou littérateurs , doivent , entre tant de modeles ,
singulierement aimer , méditer et tâcher d'imiter les produc
tions d'un artiste qui fut un sage . Les bons sentimens sont la
source des bonnes pensées ; c'est au feu d'un grand coeur que
Tome XII . G
( 98 )
?
...
l'esprit s'éclaire . La vie chaste , laborieuse et retirée du Poussin ,
sa réponse au fastueux cardinal qui le visitait et savait l'appré
cier , sa résistance aux promesses des cours , son désinièressement
et sa modestie sont de grandes leçons pour les artistes ;
ils doivent étendre jusqu'aux beaux arts le fameux précepte
de
Tacite et d'Horace : Plus valent boni mores quam bone leges ......
Quid leges sine mortbus ? Le Poussin , sincere ami du bien ,
voulut donc l'exprimer , l'opérer dans ses tableaux , et par ses
tableaux , son talent acquitta sa dette civique ; ce fut son tribut
de bienfaisance à l'humanité trompée et opprimée. Il pensa
fortement , et il peignit de même ; aussi fut-il surnommé dans
sou tems le peintre des gens d'esprit , le peintre des gens qui
pensent. Les Italiens le nommaient il pittor del pensieri , comme
its nommaient le Dominicain il pittor de gli affetti , et ce ne serait
pas un parallele insignifiant que celui que l'on pourrait établir
entre le peintre des pensées et le peintre des affections .
Quoi qu'il en soit , ce qui caractérise éminemment les tableaux
du Poussin , c'est une grande conception , une idée noble , une
exécution sage , dégagée de tout ce qui est bas , et même vulgaire
. Ses personnages sont dans une position parlante et indicative
du sujet , leur attitude est convenable , variée et méditée
pour le plus grand effet ; le Poussin exprimait parfaitement le
repos du corps , qui le plus souvent annonce le mouvement de
l'ame , le travail de l'esprit ; enfin , toutes ses têtes sont animées
d'un sentiment convenable au lieu , au tems , à l'action
représentée ; l'expression en est à la fois forte et simple . Dans
les tableaux du Poussin il n'y a rien de vague , il a tout soigne ,
il a songé à tout et n'a rien oublié de ce qui pouvait contribuer
à rendre sa peusée . Les accessoires sont aussi digues
d'éloges que les principaux objets ; nul n'a mieux entendu
que le Poussin le costume et l'architecture antique ; il a deviné
, il a peint , dans ses paysages , la nature des premiers
tems , Son tableau du déluge fixe les regards du plus grand
nombre des amateurs . C'est un poëme , un beau poëme , et qui
n'a point de parties faibles ; tout y est de génie , jusqu'à la
couleur qui est étonnament forte , vraie et tragique . Le centre ,
l'objet principal de ce tableau ( après l'avoir nie , J. J. Rousseau
en convint avec le peintre de Virginie ) c'est l'enfant ; son péril ,
son innocence et la douleur de ses parens accroissent la terreur
qu'inspire l'image de l'universelle destruction . Le serpent
qui sort de la roche noyée ajoute à l'horreur , et c'est une
pensée sublime d'avoir , dans le tableau de la punition du genre
humain , représenté la cause et le signe emblématique de sa
faute . Le Poussin a su donner une grande fraîcheur , un air
de paix et d'innocence aux jardins enchantés qui furent le
berceau de nos premiers parens. Le paysage a un autre genre
de beauté dans le tableau de Booz et Ruth. La campagne et les
ondes d'une moisson dorée , y sont peintes avec une vérité
Fare ; ci quand on n'y verrait pas de moissonneurs , l'ardeur du
( 99 )
2
ciel annoncerait assez l'instant de la récolte. Ce ciel brûlant
est encore parfaitement représenté dans le tableau de Josué et
Caleb ; il semble que le soleil ait calciné les tours , les murs et
les rochers qui défendent Jériche . Mais la plaine cultivée , ses
arbres chargés de fruits , et l'énormité de la grappe rapportée
par les deux envoyés de Moyse , prouvent que ces climats
sont chands sans être stériles , et que la terre d'au-delà du
Jourdain est digne de son nom ; les bords du Nil ont un autre
aspect dans le tableau de Moyse sauvé des eaux ; ces bords fameux
le deviennent encore davantage par la grande scene dont ils
sont témoins , et que le Poussin a représentée avec son expression
et son exactitude ordinaires . Sans affaiblir l'impression
de ses chef-d'oeuvres par une longue analyse , j'arrêterai un
moment vos regards sur le magnifique tableau de la femme
adultere. Dans une scene parfaitement ordonnée , contrastée ,
costumée , le Poussin a peint , avec une perfection inexprimable
, des sentimens bien différens , la honte et les remords
de la femme coupable inspirant la compassion , la douceur du
Ghrist , l'admiration , la surprise et la joie que son jugement ,
doux autant que spirituel , inspire à ses disciples ; enfin , le
dépit et la coufusion des docteurs implacables ; on voit , on
admire l'effet prodigieux qui résulte de l'opposition de ces
sentimens dont les acteurs de cette scene intéressante sont
pénétrés depuis le sommet du front jusqu'à la plante des pieds .
Ce tableau suffirait , sans le témoignage historique , pour prouver
que le Poussin fut an homme doux et sage . Mais pourquoi
ces tableaux , et plusieurs autres du même maître ,
sont-ils pas extrêmement attachans ? C'est qu'ils manquent de
grace , eu du moins qu'ils n'ont pas le mérite de la grace au
même degré que tous les autres , el ce mérite est peut- être le
premier ; il éleva Raphaël au plus haut point de son art , il
fit aimer le pinceau du Correge , malgré sou incorrection ; il
fit oublier les défauts de plusieurs grands maîtres . Dans des
tableaux spécialement destinés à représenter le triomphe de la
beauté , le Poussin est inexcusable de n'avoir pas peint de
belles femmes . Sa Ruth est laide , et paraît avoir 50 ans. Eve
est moins désagréable , mais elle n'est point belle . Ce défaut
de grace féminine se fait particulierement remarquer dans un
tableau où le Poussin a représenté un groupe de jeunes filles
c'est celui de l'envoyé d'Abraham offrant au bord de la fontaine
des présens à Rebecca , la future épouse de son jeune
maître Isaac . Rebecca n'a point du tout les graces de la jeunesse
et de la beauté , elle en est même plus dépourvue que
telle de ses compagnes , et sa figure est triste . On peut faire le
même reproche aux femmes qui sont dans le tableau de Moyse
sauvé des eaux . La princesse d'Egypte a peu ou point d'attraits ,
et elle est servie par des femmes qui en ont encore moins . C'est
un grand démérite dans un tableau de ce genre , et dans toute
peinture représentant cette aimable moitié du genre humain ,
G &
ne
;
13
| 100 )
des
dont la beauté fait l'essence et la force . A la place de Ruth ;
d'Eve , de Rebecca , de ses compagnes , et des Egyptiennes du
Poussin , supposez de belles filles de Raphaël , du Correge ,
du Titien , du Cortone ou du Giorgion , et vous sentirez combien
les tableaux de Poussin gagneraient à cette métamorphose ;
dans votre pensée ils vous paraîtront tout autres . On dit , pour
excuser le Poussin , qu'il a la grace sévere ; je ne connais peint
de grace severe dans la représentation des femmes . Il était
sans doute inspiré par le génie des arts , celui qui écrivant pour
les artistes intitula son livre : De la grace dans les ouvrages de
l'art. Vinkelman nous rendit service , lorsqu'il analysa les ou,
vrages les plus gracieux , lorsqu'entre les plus grands artistes
il fi remarquer ceux qui s'étaient le plus illustré par la grace
de leurs productions , la grace qui est le charme de la nature .
La grace plus belle encore que la beauté , dit l'écrivain qui en eut
tant , le naturel Lafontaine ; les hommes disent la bonne grace ,
pour exprimer sans doute l'amabilité qu'elle donne en effet . Ou
aime ce qui est utile , ce qui plait est jugé bon . Qu'est- ce qui
peut nier qu'une belle femme ne soit la grace même ? et comment
excuser le Poussin de n'avoir pas dans ses femmes représente
la beauté , source de la grace ? Le peintre des affections ,
qui sous plusieurs rapports est , comme nous l'avons dit , comparable
au peintre des pensees , eut un pinceau plus gracieux
que son rival . Voyez le concert ( du Dominiquin ) . Pour rendre
le même sujet , le Poussin eût peint d'habiles musiciens ,
savans , des compositeurs , des artistes graves , profondément
pénétrés de l'exécution d'un chef- d'oeuvre. Plus aimable dans
sa pensée , le Dominiquin nous présente des jeunes gens et des
enfans sourians aux premiers accords de l'harmonie . S'il avait
peint des artistes , des auditeurs plus doctes et d'un âge plus
mur , il aurait déridé leurs fronts par l'expression de la joie
sentimentale qui naît des grands effets de la musique ; il aurait
représenté des hommes jugeant des beautés de l'art , comme
il en faut juger , plutôt par sentiment que par raisonnement ;
enfin , le defaut de grace , chez le Poussin , se fait encore
remarquer dans la couleur de ses chairs et de ses vêtemens ,
laquelle est souvent terme et triste ; ce que l'on ne peut pas
dire de ses paysages , ouvrages vraiment ad nirables , dignes
des plus grands éloges , et au- dessus de tout reproche . La
couleur en est naturelle et fait illusion ; la perspective est
infiniment savante , et d'une vérité qui ravit : on se promene
dans ces vastes campagnes embellies par la fraîcheur des bois
et des eaux ; l'oeil parcourt ces grands espaces qui ne sont point
imaginaires , et dont il peut estimer les distances ; ce qui est
bien le comble de l'art : l'artiste médiocre est une espece de
fou qui vit , qui veut nous faire vivre dans des régions , et avec
des person ages imaginaires . Le grand artiste réalise ses fctions
; ce qui n'existe pas , il le fait exister on habite les
lieux , on converse avec les êtres créés par son génie.... Je
·
( 101 )
la
ne puis m'empêcher de revenir sur le beau tableau de Moyse
sauvé des eaux , dans lequel j'ai cru remarquer une grande imperfection
; c'est la figure du Nil , assise au bord de ce fleuve.
Ce vieillard n'est pas assez allégorique , puisqu'il n'est pas
beaucoup plus pétrisé , ou métallisie , que les autres personnages
de cette scene avec lesquels on dirait qu'il converse
face tournée vers eux , et ayant l'air de leur redemander l'enfant
arraché à ses ondes . La taille et la nudité de ce pere inconnu
ne le distinguent pas assez de la princesse d'Egypte
et de ses femmes ; il n'est pas assez statne , ou les personnages
de ce tableau le sont trop... Maintenant que j'ai fini mes remarques
improbatives , faut - il en avoir des remords , et craindre.
d'être blâme moi-même pour avoir osé blâmer quelque chose
dans un aussi grand homme que le Poussin ? Non , je ne crains ,
ni ne me repens . J'ai loué le Poussin autant que j'ai pu , et tou
jours beaucoup moins qu'il ne le mérite dans ce qu'il a de
beau ; mais tout ne l'est pas dans ses oeuvres , parce qu'il fat
homme , sujet à l'erreur ; je le suis aussi , moi , qui me permets
de scruter son génie : j'abandonne donc volontiers ces remarques
, et celles qui vont suivre , si on ne les trouve pas justes
pourvu que l'on croie qu'en les faisant j'ai été de bonne foi ,
et animé du seul desir d'être utile , je serai fort content.
Une grande partie de la collection des ports de France ,
peints par l'illustre Vernet , orne la galerie du Muséum . Les
quatre premiers tableaux en entrant , représentent les ports
de Dieppe , de la Rochelle et de Bordeaux ; ceux qui les out
vus lorsqu'ils ont été faits , pourront y trouver quelque dégra
dation de couleur ; un ton un peu gris donne de la monotonie
à ces marines , et empêche que les formes et les détails n'en
soient aussi saillans qu'ils le pourraient être , vu l'exactitude
avec laquelle ils sont peints on sait que Vernet excellait à
représenter ces petites figures , ces petites scênes charmantes ,
qui donnent à ses tableaux le mouvement et la vie . De même
on admirera toujours ses grandes masses , l'architecture des
ports , les vaisseaux , proches ou éloignés , les bords de la mer
et l'étendue de sa plage , parce que ce grand maître y a mis toute
la vérité , tous les effets de la perspective , science qu'il possédait
au suprême degré . Les vues de Bayonne et de Toulon
sont d'un ton de couleur différent et plus ferme , quoiqu'un
peu brun .... On ne peut parler des oeuvres de Vernet , sang
citer celles d'un maître qui lui est souvent comparé , Claude
Lorrain , dont on voit , dans la même galerie , plusieurs marines,
Les eaux en sont parfaitement belles et transparentes , quelques
amateurs les préferent aux canx de Vernet ; je ne contredirai
point leur jugement , et je ne donnerai pas non plus la préséance
au Lorrain sur l'Avignonnais ; en tout , les tableaux de
celui- ci offrent une scêne plus grande , plus vraie , plus satisfaisante
dans son effet et admirable dans son exécution . Si les
gaux de Vernet sont moins légeres et moins diaphanes , il les
G 3
( 102 )
le
a embellies , et rendues vraies , par des reflets de lumiere que
son rival ne peint qu'imparfaitement. Les feux du soleil , les
clartés de la lune , le soir et l'aurore , embellissent de leurs
effets merveilleux les marines de Vernet , et suffiraient
pour
placer au premier rang des paysagistes . Il a encore rendu parfaitement
l'accord des cieux et des ondes , conspirant ensemble
pour le calme ou pour la tempête ; il a peint les nuages
aussi bien que les flots , c'est ce qui se voit surtout dans ses
deux tableaux représentans la pêche du thon , et le port de
Cette ; ce sont à mes yeux deux chef- doeuvres , sous tous les
rapports , et qui réunissent tous les mérites de rart.
Le Titien brille sans doute dans cette galerie ; puisqu'il y
est , il y brille de tout l'éclat d'un coloris vrai , animé , voluptueux
, et frais comme si le tableau était achevé d'hier . On
s'attache à celui qui représente Jupiter sous la forme d'un
satyre , admirant la nymphe Antiope endormie ( 1 ) . Rien n'est
comparable à la carnation de cette belle dormeuse , dont le
corps ( sur-tout la tête et les bras ) est bien posé et parfaitement
en repos . C'est dommage que l'incorrection du reste , que des
cuisses , et plus encore des jambes courtes , semblables aux
jambes d'an petit garçon , défigurent ce beau tableau . Pour
excuser le peintre , on ne peut point dire qu'il a peint un
racoarci , il me l'a pas dû , il ne l'a pas voulu faire dans la position
où il a mis la nymphe. A ses côtés , on voit l'Amour endormi
, auquel le Titien a encore imprudemment donné une
énorme ampleur de reins qui lui ôte toute sa grace enfantine ,
et qui est aussi hidense qu'incorrecte . Le Titien a dû se
complaire à peindre celle qu'il aimait ; aussi nous en a - t-il laissé
ane charmante et ingéniense image , où on le voit derriere sa
belle maîtresse , un peu dans l'ombre , comme de raison , et
lui présentant un miroir où il l'invite à admirer elle - même ses
attraits . Cette idée est aussi dans le Tasse , contemporain , de
Titien . Renaud couché près d'Armide , dans ses délicieux
jardins , lui présente un miroir , et lui dit : « Mirar tu almen
potessi il proprio volto ! ch'el guardotuo , ch'altrove non
è pago , gioirebbe felice in se rivolto .
59
Enfin l'on peut croire , d'après ce tableau , que le Titien
avait , du moins quant à la beauté , bien choisi l'objet de son
affection . La figure de sa maîtresse est spirituelle , tendre , et
doucement animée des feux de l'amour et de la joie . Faut- il
s'étonner qu'il ait déployé dans ce portrait tant d'art et de sentiment
? il voyait sa belle sourire à ses travaux , il l'aimait autant
qu'il en était aimé , en traçant son image chérie , il ne travaillait
pas comme tant de peintres et de poëtes qui peignent des Iris en
l'air. Ua autre tableau de ce maître , plus considérable et
non moins beau , offre une allégorie intéressante . Une jeune
(1 ) C'est par erreur qu'on attribue ici au Titien le tableau de
Jupiter et Antiope , qui est un des chef- d'oeuvres du Correge .
( 103 )
fille tient dans sa main droite un globe . Un guerrier dont le superbe
caractere de tête annonce l'état et la valeur , un général
qu'on dit être le marquis de Guast , si fameux au tems du Titien
dans les guerres d'Italie , est auprès de cette fille , et posant
sur elle une main téméraire , il a l'air de préférer les trésors
de son sein à tous les trésors du globe . Une autre jeune personne
présente un faisceau à la belle , dont la figure est infiniment
gracieuse , simple et touchante par l'air de candeur et
d'innocence que le peintre y a répandu . Les cheveux et les
vêtemens parfaitemens peints ajoutent aux attraits de cette fille
charmante ; son bras nad dispute de blancheur et de beauté
avec son sein.
Un tableau apporté à Paris depuis 12 ou 15 ans seulement , un
tableau peu connu jusqu'à présent des amateurs français , et digue
de fixer les regards du monde , balance ou efface ce que le
Muséum offre de plus merveilleux en peinture ; c'est une oeuvre
de Pietre de Gortone , dont le pinceau docte et sentimental a su
dignement représenter un grand sujet , le retour de Jacob dans
sa famille. On sait que Jacob ( dont le nom signifie dans sa
racine , hébraïque , supplantant ) ayant dérobé a son pere la
bénédiction paternelle qu'attendait Esau le fils aîné ; que facob ,
dis-je , craignant ce frere irrité , et suivant les conseils d'une
tendre mere , s'en alla en Syrie chez son oncle Laban , dont il
fut 7 ans esclave et pasteur , pour épouser Rachel , sa fille
cadette ; et que le jour du mariage étant arrivé , on le trompa
en lui faisant épouser Lia , la soeur ainée de Rachel . ( Ceci est
utile pour l'intelligence du tableau . ) Jacob ayant servi 7 autres
années pour obtenir enfin Rachel , dont il était épris , et l'ayant
obtenue , revint au bout de 20 ans dans son pays natal ,
comblé de bien ; mais craignant le ressentiment de son frere Esaü,
it lui envoya plusieurs de ses gens pour lui offrir des présens ,
et lui demander son amitié ; enfin , les deux freres se rencontrerent
et se reconcilierent sur les bords du Jourdain . Le Cortone
a saisi le moment de cette reconciliation où Esau , serrant
la main de son frere , lui demande ce que c'est que tout
ce qu'il voit , et où Jacob , montrant de sa main libre toute sa
suite , répond à Esau : Ce sont les épouses , les enfans , les esclaves
el les troupeaux que le seigneur a donné à votre serviteur . La joie
est peine sur son visage ; on y voit la jouissance d'un succès
presqu'inattendu , et l'épanchement d'un bon coeur long - tems
oppressé par " la crainte et le desir.
L'aînée des épouses , Lia , regarde avec un air d'humeur et
d'orgueil les avances faites par son mari ; elle a l'air de dire à
son beau-frere : Comme vous voudrez , Le peintre l'a judicieusement
placée au fond du tableau ; dans cette scene , elle a comme dans
le coeur de son époux , la deuxieme place ; la premiere est
pour Rachel , qui occupe toute l'avant - scêve , et qui en est
bien digne. Sa figure est un modele de beauté innocente , de
grace et de douceur ; l'amour et l'ami lé , l'esprit , le calme
G 4
( 104 )
et la joie se peignent sur ce beau visage ; ils y sont fondus , exprimés
avec tout l'art d'un pinceau correct , suave et facile .
Les cheveux relevés en voyageuse , renoués avec grace , ombragent
un peu les angles du front , et contribuent à former
l'ovale parfait de cette tête enchanteresse , dont le charme
caractéristique est la douceur. Le Cortone n'ignorait pas
sans doute , et il a rendu dans son tableau la signification de
Rachel , nom qui exprime le plus grand charme d'une femme ,
nom qui dit plus que douce et douceur , qui désigne la douceur
vivante ; Rachel siguifie brebis . Le Cortone nous la moutre
donc dans tout l'étendue du terme , cette douce Rachel , dont
J. J. Rousseau a dit avec tant d'éloquence et de sentiment :
O douce Rachel , fille charmante , et si constamment aimée , heureux
celui qui pour le posséder ne regretta pas 14 ans d'esclavage ! On ne
trouvera nulle part plus d'ensemble dans les traits , plus
de cet accord harmonieux de toutes les parties d'un beau
visage , miroir de l'ame , réunion simple et merveilleuse de tous
les sigues de la vie ; c'est bien ici une beaute des premiers
âges du genre humain , une femme en qui tout est beau , ses
bras nuds et son sein découvert , sur lequel repose un bel
enfant , sont d'une forme parfaite , d'une carnation fraîche
' es brillante , sa taille est élégante et haute , son attitude est
noble et modeste ; vêtue tres - simplement , comme l'épouse,
d'un pasteur nomade , elle a plus d'air de grandeur que toutes
ces reines chargées d'atours dont nous voyons tant de por
traits . Enfin , son rôle dans cette -scene est digne d'elle . Eller
sourit à un de ses enfans qui offre un fruit à celui qui est sur
son sein , elle tient l'autre par le bras ; Rachel , mere avant
toutes choses , ne s'inquiette point de la reconciliation des deux
freres qu'elle ne regarde seulement pas ; avec toute la sécurité
d'une ame douce et grande , qui ne croit point à la haine , elle
attend le succès d'une entrevue importante , et ne paraît pas en
avoir douté . Je me suis étendu , j'ai cru le devoir faire , sur
la figure , unique en graces et beautés , qui décore ce merveilleux
tableau , Le paysage y est font bien traité ; c'est dommage
que la scene en soit un peu étroite . Esaü aussi n'a pas une
tête assez antique ; il paroît alqué sur une figure beaucoup
plus moderne , et trop conna il a un peu l'air d'un St. Pierre,
Auprès de sa belle maitresse , le jeune esclave qui est assis
par terre sur des vêtemens , comme pour soigner les enfans
qui à peine leves sont sortis de dessous la tente pittoresquement
suspendue et attachée au baut d'un grand arbre ; cet
esclave , dis-je , est encore remarquable par la correction élé--
gante avec laquelle tour son corps est dessiné , et par les
agrémens de sa figure , dans un genre de beauté qui indique
non moins que son attitude , son état dans la maison de
Jacob. Observez surtout qu'il est tranquille , de la tranquil
lité de sa maîtresse , tel maître , tel valet , die un proverbe an
tique et sage on voit sur le visage de ce jeune et fidels serviteur
une paix , une joie cafantine.
1
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
Les
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 20 Septembre 1794.
Es nouvelles de Thorn confirment la levée du siége de Varsovie.
Le roi de Prusse court en diligence secourir ses propres
provinces , et le rôle de l'attaque qu'il avait pris avec tant d'arrogance
et de sécurité , s'est changé en moins d'un mois en
celni de la défense . La diversion des Polonais dans la Prusse
méridionale l'avait déja obligé à détacher de son armée sous
Varsovie un corps de 6000 hommes aux ordres du général
Szekuli ; après beaucoup d'obstacles , ce corps était parvenu à
s'approcher jusqu'à Gombin..
Arrivé dans ce lieu , le général Szekuli voyant s'accroître
les obstacles qui devaient s'opposer à ses opérations ultérieures,
publia une proclamation . Il annonça que la vie et la fortune
de tous les habitaus , sans distinction de sexe , soit nobles ,
bourgeois , prêtres ou paysans , répondraient au roi de Prusse
de la part qu'ils auraient prise à l'insurrection . Ce moyen ne
fit qu'augmenter l'énergie des insurgés , au point qu'on annonce
que toute l'armée prussienne , après avoir levé le siége de
Varsovie , va marcher vers la Prusse méridionale ; mais il est
à croire que l'armée de Kosciuszko qui est dans les retrans
chemens , ou du moins une partie , va poursuivre à son tour
les assiegeans .
Toutes les forges de la Prusse méridionale sont employées
à fabriquer des armes ; déja une énorme quantité de fauix et
de piques a été distribuće . Le peuple s'est levé en masse depuis
l'âge de 17 ans jusqu'à 60 , et s'organise en bataillons
ou escadions . Les grands propriétaires sont tenus de fournir ,
selon leurs moyens , aux divers besoins de cette nouvelle levée .
y a peine de mort contre ceux qui s'y refuseraient .
11
On vient d'apprendre que les insurgés ont pénétré dans le
district de Netz , et se sont emparés des villes d'Ecksin , de
Szivin ; ils se sont avancés jusqu'à trois lieues de Brouberg ,
et sont maîtres de la grande route de Berlin , dout ils ne sont
éloignés que de douze lieues .
La confédération qui s'est assemblée à Gnesne a envoyé des
universaux dans la Prusse orientale et occidentale , pour engager
les provinces à envoyer des députés , et à prendre les
aimes contre l'ennemi commus . On assure que l'insurrection
commence à se propager dans ces deux coutrées , ce qui a
( 106 )
nécessité de nouvelles proclamations de la part du cabinet de
Berlin. On ajoute qu'une armée d'insurgés marche vers la
Prusse occidentale ; par- tout où elle passe elle rassemble les
paysans sous les drapeaux de la liberté , et leur annonce la
suppression des corvées féodales qui , sur huit jours , leur en
prenaient cinq.
On a de nouveau essayé d'envoyer , par Pozen , des couriers
pour porter des fonds au quartier - général du roi de Prusse ;
ils ont encore été interceptés. Plusieurs administrateurs prus-
Biens ont été très - maltraités ; d'autres ont obtenu lear liberté.
OnOn remarque sur les passe- ports qui ont été délivrés à ces der
niers , le sceau de la république de Pologne ; et parmi les
signatures , celle de plusieurs chanoines de Gnesne . Les préires
semblent avoir pris une part très - active à l'insurrection .
On mande de Vienne que c'est aux souples négociations de
Lucchesini que l'on doit la part active que le cabinet de
Vienne est resclu de prendre dans la guerre de Pologne. Le
grand motif qu'il a fait valoir a été qu'il importait à la cour
de Vienne de détourner les peuples des états héréditaires des
idées de liberté qui se manifestent en Hongrie , en Gallicie , en
Transylvanie et dans d'autres provinces , et que la guerre seule
pouvait être pour eux un objet de distraction ; en conséquence ,
l'empereur a chargé le général Schutz de se mettre à la tête
d'une armée autrichienne qui se trouve aux environs de Body ,
et de faire avec elle une invasion en Pologne .
On dit que les troupes autrichiennes ont dû déja dépasser
Lublin et Krasmistaw. L'empereur , pour completter les transports
militaires a ordonné d'enrôler par fotce , en Gallicie
les charretiers . Le général Harponcourt est maintenant occupé
à passer en revne toutes les troupes qui se trouvent dans cette
province. Un comte Hongrois en a été nommé gouverneur.
La cour de Copenhague vient de rappeller tous les matelots
Danois qui sont en ce moment employés sur les bâtimeus
etrangers . Cette mesure a jetté l'alarme parmi les commerçans
Russes qui craignent que par ce rappel beaucoup d'entre eux
ne s'arrêtent dans le Sund , et que la navigation n'éprouve ainsi
de grandes entraves .
L'impératrice de Russie vient de donner des ordres pour
construire à Hadgibey , sur la mer Noire , un port pour les
vaisseaux de guerre ci les bâtimens marchauds . Il sera ouvert
à tous les navires qui , en vertu des traités , ont la liberté de
naviguer dans cette mer.
On apprend de Stockholm qu'il se fait beaucoup de mouvement
dans les troupes de terre . Depuis que les armemens
maritimes sont presque achevés , le gouvernement fait rétablir
en hâre les ouvrages de Werholm et de Frédérisbourg , deux
forteresses qui defendent cette ville du côté de la mer. Il est
à remarquer que ce travail n'a été commencé que depuis que
( 107 )
l'ambassadeur de Russie , Romanzow , a quitté cette résidence
pour retourner à Pétersbourg.
Une nouvelle forteresse à l'entrée de la mer Noire , près du
village de Sari-Jer , a été bâtie par ordre de la Porte ; tout le
canal de la mer Noire est à présent fortifié . Ces ouvrages sont
garnis d'un grand nombre de gros canons , et gardés par un
corps de canonniers nouvellement levé et discipliné.
Des lettres de Constantinople apprennent que les commandans
des deux caravelles qui devaient garder le port de Smirne , et ceux
des deux autres qui étaient sorties pour convrir l'Archipel , de
même que tous les commandans des châteaux et forteresses
sur les mers de la domination ottomane , avaient reçu l'ordre
le plus positif de faire fen , sans aucun égard , sur tous les bâtimens
qui violerajent la neutralité que la Porte avait adoptée .
Depuis que les Polonais ont levé l'étendard de l'insurrection
, on s'attendait de jour en jour à voir la Porte profiter
d'une si belle occasion pour se déclarer contre la Russie ; mais
les conjectures des politiques habiles ont été trompées dans
cette circonstance : le divan flotte toujours dans l'incertitude .
Des avis de Constantinople nous apprennent que le brait
s'étant répandu que le projet de la Russie était de partager la
Pologne , la Porte en a été fort alarmée à cause des suites
funestes qui pourraient en résulter pour ses intérêts ; mais on
ajoute qu'elle a déclaré que néanmoins la bonne intelligence
entr'elle et la Russie continuait à être telle , qu'il n'y avait
ancune apparence de rupture entre les deux empires , au moins
pour cette année . Cependant on fait continuer les travaux à
l'arsenal avec beaucoup d'activité , et deux frégates sont parties
pour la mer Noire , pour transporter des matériaux .
De Francfort- sur- le -Mein , le 23 septembre.
Le gouvernement autrichien s'occupe toujours des arrestations
. On amene continuellement à Vienne des prisouniers de
la Hongrie et des autres possessions autrichiennes , ainsi que
de la Gallicic , où l'on dit qu'une grande insurrection était au
moment d'éclater. S'il faut en croire le gouvernement , tous les
conjurés se communiquaient entre eux , et méditaient un vaste
plan de conspiration . Cependant plusieurs de ces hommes , que
l'on dit être suspects , cessent de l'être dès le moment qu'ils
s'enrôlent contre la France . Si eette méthode était une sorte de
presse inspirée par les commissaires anglais qui surveillent
l'exécution du dernier marché de soldats , conclu avec l'Augleterre
; il faut convenir que rien ne serait plus propre à détruire
le peu d'affection qui pent rester encore à certains
peuples pour leurs rois .
Les papiers dévoués aux puissances coalisées parlent beaucoup
de lettres de Constantinople , suivant lesquelles on prétend
que la Porte a annoncé aux ministres de ces puissances
( 108 )
que le premier dragoman , frere de l'Hospodar de Valachie ,
a été déposé ; que le Reis Effendi n'avait evite de subir le même
sort qu'en offrant lui- même sa démission ; qu'elle avait formé
le nouveau conseil d'état,, et exilé deux de ses principaux
membres soupçonnés de partialité envers les Français ; qu'en
outre , elle avait fait passer des troupes et deux caravelles à
Smyrne , pour empêcher toute descente ou blocus de la part
des frégates françaises , après le depart du convoi anglo-hol-
Jandais et de frégates qui l'escortent ; qu'enfin , elle a fait savoir
au chargé d'affaires de France de faire partir sans délai de
Constantinople tous les Français qui y sont sans emploi , ou
dont la présence n'est point nécessaire pour leur commerce ou
négoce .
Mais ces nouvelles paraissent apocriphes ou du moins fort
exagérées. Il se peut que la Porte ait eru devoir faire quelque
déclaration à la Russie , pour éloigner dans le moment actuel
une rupture , que peut- être elle ne voudrait point voir arriver
à cette heure , et au moment où elle peut n'être pas entiérement
prête. Mais on sait d'ailleurs que la Porte fait conti-
Buer les travaux de l'arsenal avec beaucoup d'activité , et que
deux de ses frégates viennent de partir pour la mer Noire ,
afin de chercher des matériaux . Le Reis Effendi a effectivement
offert sa démission ; mais le grand-seigneur , loin de l'accepter
, l'a comblé de louanges et de témoignages de contentement
, et lui a ordonné de continuer ses fonctions . Il est encore
certain qu'aucun de ceux des Français , qu'on disait devoir
partir , ne l'a fait , et que tous sont restés jusqu'à ce jour à
Constantinople sous divers prétextes.
On apprend de Brandebourg que l'intérieur de la Prusse se
trouve entiérement dénué de troupes ; toutes sont employees
contre la France et la Pologne . On parle en conséquence d'une
levée d'an corps de volontaires de dix mille hommes , destiné
à la garde du pays .
La marche des dépôts des régimens Heinric , Kleist ,
Kruzac , et d'autres complémens qui devaicut se rendre au
Rhin , vient d'être suspendue . Le cabinet de Berlin est
dans l'incertitude de savoir s'il ne sera pas plutôt contraint
de les porter sur la Prusse orientale et occidentale , où
l'on craint une insurrection semblable à celle de la Prusse
méridionale .
De nouveaux renforts ont été envoyés à Francfort- sur- l'Oder,
qui continue à être menacé par les Polonais . Les postes sont
toujours interceptées entre Berlin et Pozen .
Le ministre prussien à Stockholm vient de revenir à Berlin .
On ne parle point de le remplacer . Cette circonstance annonce
qu'il regne peu d'intelligence entre ces deux puissances.
Les fourages commencent à manquer généralement dans
toute la Hongrie et la Gallicie. L'impossibilité de nourrir les
bestiaux en a fait tomber la valeur , au point que maintenant
( 109 )
dans ces contrées une vache ne vaut qu'un ducát ( 12 liv. ) ; un
boeuf, deux ducats ; une brebis , un kreutzer ( I liv . 10 sous ) .
Il est toujours question du prochain départ de François pour
la Hongrie.
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
Bois-le - Duc , Grave , Breda et Maestricht sont assiégés à- la
fois par les troupes républicaines . La prise du fort de Crêvecoeur
, qui donne la facilité de saigner les inondations qui entourent
Bois- le- Duc , entraînera bientôt celle de cette forteresse.
On prétend qu'elle a déja voulu capituler , mais que les Répu
blicains ont refusé de comprendre dant la capitulation 700
émigrés qui font partie de la garnison . La rapidité des succès
des Français plongent les Statdhoudériens dans la consternation
, et réjouit fort les patriotes hollandais ; on assure qu'il
y aara des mouvemens populaires dès que les armées républicaines
auront passé la Meuse et le Wach .
On écrit de Tilbourg près Bréda , qu'un des principaux ha
bitans de ce bourg donua , il y a quelques jours , à dîner à
plusieurs officiers Français : la plus grande fraternité a régné
pendant tout le repas . Un des officiers remit ensuite à un des
fonctionnaires publics de Tilbourg une note , dans laquelle se
trouvaient les trois objets suivans : un projet d'adoption de
la constitution française ; un ordre à tous les habitans d'apporter
leurs armes à Tilbourg ; enfin , une promesse de payer
les dommages que les patrouilles françaises ont pu occasion
ner anx jardins et arbres fruitiers .
Cette anecdote précieuse et la conduite loyale que tiennent
par- tout les soldats Républicains , doivent leur gagner les Coears
de tous les habitans de ces contrées , et rassurer ceux -ci contre
les suggestions perfides d'un tas d'émissaires , soudoyés par les
despotes trembians , pour semer par tout la erainte et la méfiance
.
Voici une nouvelle preuve de cette loyauté républicaine
derniérement une division de 500 Français se présenta à Hivarenbeck
dans les environs de Bois - le - Duc ; ils traiterent les
habitans avec beaucoup de douceur , appellerent bons citoyens
ceux qui n'avaient pas abandonué leurs foyers , et marquerent
le plus profond mépris pour ceux qui les avaient fui . Aucune
maison ne fut endommagée , aucune contribution levée . Une
partie de la troupe resta dans les rues , pendant que les autres
soldats se contenterent de pain , qu'ils payerent avant de
partir.
Voilà comme les soldats Français répondent à leurs vils et
lâches calomniateurs !
L'armée de Sambre et Meuse poursuit également d'un pas
rapide sa marche victorieuse . La ville de Maestricht est entiérement
investie ; les Autrichiens sont en pleine retraite pour
( 110 )
se sauver au- delà du Rhin ; ils ont laissé un petit corps campé
sur la montagne et sous le canon du fort Saint- Pierre.
Les Autrichiens en abandonnant la Meuse et retournant en
Allemagne , gagnent aussi utilement pour l'Angleterre et le
stadthouder , le subside énorme qu'on a accordé à l'empereur,
que le roi de Prusse a gagné celui qu'il a reçu pour le même
objet , en allant se faire battre en Pologne .
1
ANGLETERRE. De Londres , le 13 septembre.
Depuis que l'Angleterre s'est vue réduite à payer toutes les
puissances pour les retenir dans la coalition , ses finances sont
dans un tel état d'épuisement , qu'il est question d'une nouvelle
convocation du parlement.
le
On parle d'une nouvelle convocation du parlement pour
4 novembre , la minorité aura de beaux sujets de parler contre
la guerre ; mais la majorité toujours soumise , vatera de nouveaux
subsides pour la continuer .
Il sera aussi question , à la rentrée du parlement , de l'abandon
où le ministere a laissé nos possessions et notre commerce
dans les Indes orientales , où les corsaires français s'enrichissent
journellement de nos dépouilles .
Les craintes d'une descente des Français commencent à se
renouveller ; aussi le ministere prend -il des mesures qui annoncent
que les menaces des Républicains ne lui paraissent
pas vaines et chimériqnes : il doit s'établir seize camps sur la
côte , entre Douvre et Southampton le cordon de troupes
destiné à défendre cette partie de l'Angleterre , doit être
de 30,000 hommes , tirés des milices , des feusibles et des corps
de nouvelle levée .
Un vaisseau marchand , arrivé d'Elseneur , a appris qu'une
escadre française , composée de deux vaisseaux de 50 canons ,
deux de 40 et de deux frégates , est maintenant occupée à croiser
sur les côtes de Norwege elle a fait un grand nombre de
prises , qu'elle a conduites à Elseneur. Le maître de ce bâtiment
a dit n'avoir rencontré , dans son voyage , aucun vaisseau
de guerre anglais pour protéger les bâtimens marchands de
leur nation dans les mers du Nord .
Les ministres ont reçu des dépêches de sir Charles Grey
en date du 30 juillet . Il en résulte qu'il était à cette époque
à la Martinique avec sir John Jervis , où il attend des renforts
sans lesquels il ne peut rien entreprendre. Les Français
sout toujours en possession de la Grande-Terre de la Guadeloupe
.
La fievre rouge continue à faire de grands ravages dans les
troupes britanniques . On cite entr'autres le 43. régiment ,
fort de 700 hommes lorsqu'il quitta l'Irlande , et réduit aujourd'hui
, dit-on , à 70 ou 80 .
Il vient d'entrer dans les ports de la Grande - Bretagne plu .
( 111 )
sieurs vaisseaux des Indes orientales , appartenans à la compagnie
, dont la cargaison est évaluée à huit millions sterling
. Les nouvelles d'ailleurs , reçues le cette contrée ,
d'une nature satisfaisante pour l'Angleterre .
sont pas
11e
Une lettre de Calcutta , en date du 29 janvier , s'exprime
ainsi :
Le ministero a sacrifié cette contrée en n'envoyant point
quelques frégates pour la protection du commerce ; les Français
se trouvent ainsi souverains sur les mers de l'Inde , et
chaque jour leurs corsaires enlevent nos bâtimens mar
chands.
Le gouvernement ici s'est va obligé d'ordonner à quatre
vaisseaux de l'Inde de se mettre en état de donner quelque
protection à notre commerce ; mais ces vaisseaux manquent
d'officiers et d'hommes , et de toute espece de moyens et d'encouragement
pour risquer un combat.
" Cette négligence de M. Pitt ne peut qu'aliéner de lui le
peuple de cette contrée . Le commodore Cornwallis a envoyé
le pen de vaisseaux de guerre qui se trouvaient ici . Une mesure
si impolitique et si étroite ne saurait être trop détestée .
La Minerve , la seule frégate de guerre qui soit dans l'Inde ,
est incapable de servir ; elle est maintenant dans le chantier
de Bombay, pendant que les corsaires français viennent croiser
jusques dans nos rades . Cet état de choses dégrade , au - delà
de toute expression , le gouvernement britannique dans l'esprit
des natifs de l'Inde , etc. etc. is
Les ministres ont reçu , ces jours derniers , des dépêches da
duc d'Yorck , de lord St , Hélene , ambassadeur à la Haye , de
Windham qui se trouvait dans cette résidence ; d'autres , de
lord Malmesbury qui est à Francfort , et de lord Spencer , envoyé
extraordinaire à Vienne , sont également arrivées .
Les papiers de la trésorerie , en parlant de la mission de ce
dernier , gardent encore le silence sur le traité des subsides
qu'on est persuadé qu'il a contracté au nom de la Grande-
Bretagne ils se bornent à dire que cette mission , ainsi que le
voyage de sir Windham sur le Continent doivent produire un
changement considérable dans la conduite des alliés , et faire
employer d'autres hommes et d'autres mesures ; d'où , suivant
ces papiers , il ne peut manquer de résulter de grands avantages
pour l'Angleterre . Quelques personnes disent en effet que
le principal but du voyage de sir Windham est de déterminer
Yorck à se désister du commandement de l'armée britannique ;
qu'il lui en a fait l'ouverture , mais sans tuccès .
( 112 )
REPUBLIQUE FRANÇAISL.
CONVENTION NATIONAL E.
PRESIDENCI D'ANDRÉ DUMONT .
Séance du duodi , 12 Vendemiaire .
Des citoyens de la section Lepelletier viennent dévoiler
des manoeuvres pratiquées contre la Convention .
Nous venons , dit l'orateur , vous prouver que des hommes
atroces préparent des pétitions sanguinaires
, qu'ils se glissent
dans les sections de Paris pour y opprimer les Républicains ,
pour intercepter
la véritable voix du peuple , et substituer
celle de l'anarchie et du terrorisme . Nous vous apportons une
déclaration de plusieurs patriotes qui out eu le courage de
signer la vérité. "
L'orateur lit cette déclaration : elle porte que dans l'assemblée
générale de la section Lepelletier , tenue le 10 vendemiaire
, il fut proposé de nommer une députation pour féliciter
la Convention sur ses travaux et sur la situation politique de la
France , détaillée dans le rapport de Robert Linder ; cette
motion avait été appuyée par la majorité , et elle allait être
mise aux voix , lorsque quelques citoyens s'y opposerent , en
faisant un bruit épouvantable , en menaçant l'orateur , le président
et les citoyens qui étaient de cet avis .
Chrétien , ex-juré du tribunal revolutionnaire, fut le premier
à s'opposer à cette proposition , et celui qui montra le plus de
fureur ; il excitait les citoyens à augmenter le seandale ; enfin
il empêcha de prendre aucune délibération alors les citoyens
se retirerent parce qu'il était dix heures et demie passées , et
Chétien avec ceux qui pensaient comme lui , arrêterent qu'une
nombreuse députation irait feliciter les Jacobins sur le discours
d'Andoin
Nous dénonçons ce Chrétien , reprend l'orateur , malgré
qu'il nous ait menacés de nous immoler , si jamais il temonfait
sur son tribunal de sang ; nous dénonçons cet homme qui
dit sans cesse qu'on attaque les Jacobins , lorsqu'on n'approuve
pas son opinion ; cet homme que les Jacobins chasserent
lorsqu'ils auront connaissance de la piece que nous allons
vous lire , car cette société a arrêté qu'elle ne recevrait pas au
nombre de ses membres tous ceux qui ne justifieraient pas
qu'ils étaient à leur poste dans la unit du 9 au 10 thermidor ,
ou qu'ils défendaient la Convention . "
Ici l'orateur lit une déclaration faite par Chrétien à la société
Lepelletier , le 30 thermidor. Elle constate que Chrétien a
avoué
( 113 )
avoué qu'il n'avait pas quitté les Jacobins les 8 et 9 thermidor
que le 9 à dix heures du soir ( heure à laquelle la Commune
rebelle était hors de la loi ) il y était encore qu'ensuite il s'est
retiré dans un café , où s'étant réuni à plusieurs patriotes , ils
avaient tenu un conciliabule dont le résultat avait été que lui
Chrétien resterait à la maison , tandis que les uns iraient à la
Commune , d'autres à la Convention , et d'autres aux Jacobins
, et qu'on l'avertirait de l'endroit où il y aurait le plus de
danger , afin qu'il pût s'y porter.
Nons ne considerons que la République , ajoute l'orateur :
un patriote , s'il est Jacobin , est cher à nos yeux ; un patriote ,
s'il n'est pas Jacobia , est encore cher à nos yeux . ( Vifs applaudissemens
. ) Mais , représentans , c'est ainsi que l'opinion publi
que se trouve comprimée par un petit nombre d'individus qui
n'excitent du trouble que pour se soustraire au châtiment qui
les attend . Nous sommes patriotes ; que la Convention parle ,
et nous irons partout où seront ses ennemis .
Sur la motion de Dubois - Crancé , l'Assemblée décrete l'arrestation
de Chrétien ,
Thariot trouve la mesure insuffisante ; il faut attendre tous
les agens de Robespierre qui cherchent à porter par-tout l'incendie
et le carnage ; il s'étonne que tandis que nos artees font
trembler les tyrans , on balance à enchaîner quelques scélérats .
Les soudoyes de Pitt et de Cobourg , emploient tous les
efforts possibles pour determiner un grand mouvement an
milieu de nous , afin qu'il soit profitable aux ennemis de l'intérieur;
depuis deux ans , la même faction est organisee . Ces
hommes prennent différentes formes , mais ils tendent au meme
but.
Ces hommes là sont faciles à reconnaître ; ce sont ceux qui
ne veulent pas qu'on parle raison , qui ne veulent point catendre
les principes , ce sont ceux qui veulent persuader que
c'estst par
la tyrannie qu'on asseoira la liberté , ce sont ceux qui
veulent qu'au milieu des fers , on crie vive la Liberté ! Dans
une République bien organisée , il faut que les autorités soient
respectées ; il faut que ceux qui , de leur propre mouvement ,
ou à l'instigation des aristocrates qui se cachent , venlent les
avilir , soient punis . Ils sont les partisans de Robespierre ceuxlà
qui s'élevent contre la loi , contre la Convention , ceux - là
qui insultent un peuple en disant qu'ils sont les patriotes par
excellence . Ceux-là sont les patisans de Robespierre qui ne
veulent pas le regne de la justice , qui mettent l'arbitraire à sa
place , qui ne veulent que du sang. Il n'y a de patriotes que
ceux qui aiment l'ordre et les lois , que ceux qui veulent qu'on
respecte la Convention et la majesté du peuple. Je demaude
que le tribunal révolutionnaire continue l'information contre
les nombreux partisans et complices de Robespierre , et que
le comité de sûreté générale lui fasse passer toutes les picees
relatives à cette conspiration . Cette proposition est décrétée
Tome XII . H
( 114 )
•
Merlin , de Douai , ajoute que la correspondance du comité
de salut public lui a appris depuis quinze jours que les rois
coalisés , et spécialement le pape sont désespérés de la catastrophe
qui a fait tomber la tête de Robespierre . D'autres lettres
ont appris au comité que Pitt et sou conseil sont plongés dans
l'effroi de cette mort , et qu'ils ont déclaré qu'il fallait donner
tout de bon la guerre civile à la France .
Clauzel observe que d'après les renseignemens venus sur le
compte des nommés Clémenee et Marchand , ils avaient été mis
eu arrestation . La faction qui les protege est venue surprendie
à votre religion leur mise en liberté. Ils en ont prunté aussitôt
pour aller dans la section du Mont-Blanc empêcher les pa
triotes d'entendre la lecture du rapport de Lindet , pour faire
lire à la place des adresses liberticides , et notamment celle de
Dijon. Les gens qui ont demandé leur élargissement , n'ont eu ,
à l'exception d'an seal qui a été trompé , d'antre but que de les
faire servir à leurs projets . Il demaude que ces deux individus
soient arrêtés .
Cette proposition est décrétée .
Bourdon de l'Oise ajoute qu'il n'y a pas de brigandages que
ces deux individus n'aient commis dans le département de Seine
ét Oise ; afin qu'à l'avenir la Convention ne soit pas trompée
sur les demandes de mise en liberté , il propose et la Convention
décrete , que toutes les demandes de ce genre seront renvoyées
au comité de sûreté générale .
Merlin de Thionville donne connoissance d'une déclaration
faite au comité de sûreté générale , par des citoyens de la sec
tion de Guillaume Tell. Il en résulte que le comité de salut
public , ayant adressé au président de cette section le rapport
de Robert Lindet , douze ou quinze intrigans , au nombre desquels
se trouvait une partie de l'ancien comité révolutionnaire ,
s'opposerent à ce qu'il n'en fût pas fait lecture , et demanderent
qu'on lût à la place l'adresse des Jacobins. Le citoyen Viqueur ,
vice-président , avait été accusé de n'avoir pas paru à la section
dans la nuit du 9 au 10 thermidor,il avait déclaré qu'il avait resté
à son bureau des messageries jusqu'à 2 heures du matin . Un
membre demande qu'il fût tenu de justifier de ce fait . Alors
les mêmes intrigans se répandirent en menaces contre ce même
citoyen et contre un autre qui l'avait appuyé , et prirent des
notes sur eux , ce qui ne laisse aucun doute qu'on ne veuille
faire une nouvelle liste de proscription . Il faut donc que la
Convention, se hâte de tranquilliser les habitans de Paris , si
elle veut être secondée dans le desir qu'elle a de faire le bien.
Laporte demande que les fonctionnaires publics de Paris
soient tenus d'apporter au comité de sûreté genérale les pieces
qui prouvent où ils étaient le 9 thermidor , et ce qu'ils ont
fait à cette époque .
·
Bourdon de l'Oise trouve cette proposition inutile . Les an
gieus comités révolutionnaires ont commis deux sortes de
( 115 )
crimes , le brigandage et les assassinats judiciaires . Maintenant
la justice est confiee à des hommes purs ; qu'on ne croie pas
que ces hommes qu'on appellait modérés de sauront pas faire
leur devoir . Déja ils ont dresse des procès-verbaux : un comité
tout entier a été mis en état d'arrestation . On nous avait dénoncé
le comité de la section du bonne -Rouge , comme ayant
volé et falsifié onze pages d'un registre qu'ils sont alles faire
relier , et où ils ont mis des signatures nouvelles parmi les auciennes
. Nous l'avons envoyé au tribunal revolutionnaire
comme voleur et faussaire . Ayez confiance dans votre comité
de sûreté generale , il vous rendra compte jour par jour de
ses opérations pour panir les fripons et les conspirateurs. La
proposition de Laporte y est renvoyee .
Legendre dénonce de nouveau Collo -d'Herbois , Billand-
Varennes et Bartere , comme complices de Robespierre ; cette
dénonciation donne lieu à une discussion très vive et très prolongée
, dans laquelle les trois membres denouces ont été entendas.
Merlin , de Thionville , demande qu'il sont formé une commission
de douze membres pour examiner leur conduite . Cette
proposition est d'abord, mise aux voix et décrétée ; mais une
partie de l'Assemblée prétend n'avoir pas entendu , et réclame
avec violence . Après quelques instans le calme se rétablit.
Carnot demande la parole et l'obrient
Citoyens , dit il , les accuses ont réclamé mon témoi
gnage ; il y aurait de ma part de la lâcheté à le leur refuser . Je
déclare que tout ce qu'ont dit mes collegues , est de la plus
exacte verité ; j'ai assisté à toutes les déliberations du comité ;
il est faux , comme on l'a bureau . Je dois dire avancé , que j'ai été relégué dans mon
comité de salut públic ils se sont
déclarés contre Robespierre , seulement lorsque je les pressais
de l'accus、r ; en avouant qu'il était coupable , ils ne croyaient
pas qu'il the encore tems de le denoncer. La preuve que
j'avais en enx la plus grande confiance , c'est que j'ai signé plasieurs
fois ce qu'il me presenta sans le lire . Lorsque Robes
pierre s'est totalemeut déclaré , je les ai engagés à ne pas
signer les arretes de police générale qu'il nous presenterait
et ils furent de mon avis . Voilà , citoyens , ce que j'avais à
dire ; s'ils m'ont trompé , je l'ignore ; mais ayant toujours delibéré
avec eux , je déclare que je ne m'en séparerai point.
Prieur de la Côte - d'Or a parlé dans le même sens .
Bréard déclare que le projet de l'Angleterre est de perdre
la Convention par la Convention elle- même ; mais le tems
n'est pas loin où nous dirous : Albion , te nous as fait trop de
mal pour que nous puissions te pardonner. " Bientôt le comité
de salut public vous fera un rapport sur ses opérations et sur la
conduite des membres qui nous ont précédes . En attendant ce
rapport , ne donnons pas à l'aristocratie l'occasion de s'applaudir
de nos divisions. Bréard demande l'ordre du jour et le
Renvoi du tout au comité. Adopté. Ha
( 116 )
1
Dans le cours de cette discussion , Cambon a dévoilé des faits
intéressans à connaître. Le premier , c'est qu'un mois avant
la journée du 31 mai , six membres du comité de salut public
d'alors , savoir : Quiton , Lindet , Bréard , Delmas , Barrere et
Cambon , eurent le courage de siguer un registre secret , ой
Robespierre et Danton étaient accusés . Ces six membres ont
été pendant un mois sur le point d'être victimes de leurs signatures.
Le second , c'est que quelque tems après que la premiere
pétition contre plusieurs membres de l'Assemblée fut faite à la
barre , Danton partit pour la campagne. On nous apprit ,
dit Cambon , qu'il allait à Charenton avee Robespierre pour y
combiner des mesures . Mon assiduité au comité faisait que je
décachetais toutes les lettres : on annonçait dans une que Robespierie
, Danton , Pache et la commune se réunissaient à
Charenton . Le fait fut constaté . Nous appellâmes les membres
dénoncés , nous leur dimes : Nous pouvons faire un rapport
contre vous voulez- vous être dominateurs ? Danton dit : il
est vrai , nous avons été dîner ensemble , mais ne crains rien , nous
sauberons la liberté ! "
"
Le troisieme , c'est que dans le même tems on nous dénonçait
que dans des conciliabules il était question de proclamer
le jeune Capet roi de France . Nous fimes arrêter les individus
qui nous avaient été dénoncés ; mais nous le fûmes à notre
tour , à toutes les tribunes , à toutes les barres . Un autre comité
fut nommé , et Robespierre y prit place.
Treilhard , au nom du comité de salut public annonce la
reprise du poste de Kaiserslautern , par l'armée du Rhin , et la
prise du fort de Creve- cour qui est la clef des eaux de Bois - le-
Duc dans le Brabant hollandais , et quelques avantages remportés
par les armées des Pyrénées orientale et occidentale ..
( Voyez Nouvelles officielles . )
Treilhard donne lecture d'une lettre des représentans du
peuple à Marseille , et de plusieurs autres pieces . Il en resulte
que Marseille à levé le 5 vendemiaire à deux heures après - midi
l'étendard de la rébellion la plus marquée . La Convention a été
outragée , ses lois méprisées ; on a attenté à la vie des représentans
ils ne craignent pas la mort pour sauver la patrie ; depuis
quinze jours ils savaient qu'on voulait les assassiner ; le moment
était venu où l'on voulait exécuter ce projet ; ils ont attendu
avec fermeté et courage , et ont résisté contre les meurtriers .
Les représentans du peuple ont pris un arrêté portant formation
d'une commission pour juger de suite les attroupés pris
en armes menaçant la Convention nationale . Leur position est
on ne peut pas plus inquiétante ; ils voient d'un côté les scelérats
les plus prononcés , et de l'autre des hommes comprimés
par la terreur. Les uns font leur possible pour soulever les
campagnes , les autres disent qu'ils aiment la République et que
1 Convention est leur point de ralliement .
( 117 )
Ils s'occupent maintenant à ce que Marseille ne soit pas
perda pour la République ; dans ce moment , elle ne luii appartient
que faiblement.
Le nouveau comité révolutionnaire de Marseille écrit , en
date du 7 vendémiaire , qu'il est parvenu à arracher les masques
, et que le glaive de la loi va bientot nous venger des coupables
.
A la suite de ce rapport , la Convention a approuvé les mesures
prises par les représentans du peuple , a chargé le comité
de salut pubile de faire porter à Marseille des forces suffisantes ,
et a licencié les gendarmes qui étaient à Marseille , et qui ont
secondé les projets des rébelles .
Séance de tridi , 13 Vendemiaire.
Clauzel donne lecture d'une lettre des représentans du peuple
à Commune- Affranchie , Ils annoncent qu'ils viennent de saisir
de nouveaux coutinuateurs de Robespierre , qui jetaient l'alarme
dans cette grande commune , et qu'ils les envoient au tribunal
révolutionnaire . Cette lettre est suivie d'une autre du conseilgénéral
de la même commune , qui porte des félicitations sur
la sage conduite des représentans du peuple Pochol et Charlier
, qui y ramenent véritablement la justice ; elle demande
aussi le rapport du décret qui met cette commune en état de
rébellion .
Fouché de Nantes ) appuie cette demande ; mais il pense
qu'elle ne peut avoir lieu que lorsqu'on aura arrêté dans cette
commuue 400 brigands , qui y répandent encore la désolation .
( Renvoyé au comité de sûreté générale . )
Richard , dans une motion d'ordre , fait le tableau de la
fraternité , de l'union qui animent nos freres d'armes , et invite
les représentaus du peuple à suivre cet exemple , et à
faire des lois sages pour consolider les travaux des héros qui.
versent leur sang pour la patrie . Il parle avec force contre
les intrigans et les fripons qui se glissent dans les sociétés populaires
, pour se soustraire à la vengeance nationale . Il réclame
des mesures vigoureuses contre cette classe d'hommes
infects . Il est souvent applaudi , et la Convention décrete que
son opinion sera imprimée.
I
Goupillcau se plaint de ce que la Convention souffre que sa
bare soit souillée par des adresses qui demandent l'anéantissement
du gouvernement révolutionnaire , et qu'elle en décrete.
quelquefois la mention honorable .
Bourdon ( de l'Oise ) s'éleve aussi contre les abus qui regnent
dans les pétitions et les sociétés populaires . Il déclare que
Souvent le crime s'y réfugie pour n'être pas découvert. Les
sociétés populaires ne doivent être , dit-il , que l'asile de la
vertu ; il appartient à la Convention nationale d'en éloigner
toute l'impureté , et de les purger des scélérats souilles de
crimes et de rapines qui y exercent leur influence. Les péti
H 3
( 118 )
tions ne doivent plns être présentées que revêtues de signa-"
tures . Il cite à ce sujet une pétition liberticide qui demandair
le renouvellement d'une commune encore toute fumante du
sang qu'elle a fait répandre avec Robespierre . Il tonne contre
les intrigaus qui agitent les sections , réclame des mesures vigoureuses
, ane police aussi sévere et aussi juste dans l'intérieur
que celle qui existe dans les armées . ( Applaudi . )
Pelet , après avoir observé que les dissentions qui regnent
dans la Convention nationale viennent de ce que les membres
de la Convention font rayer de la liste de cette société leurs
collegues , demande qu'il soit décrété que les députés ne pourrout
dire membres d'aucune société.
Plusieurs membres réclament en ce moment les droits de
l'home .
Tyrion se présente pour appuyer cette proposition : J'ai
tonjours cté jacobin , dit - il , et j'ai toujours concouru avec
cette societe au bonheur du peuple ; mais après avoir examiné
les circonstances actuelles , je crois que la proposition faite
est juste .
Qu'ai je vu depuis assez de tems aux jacobins ? des mem.
bres du gouvernement y parlant presque exclusivement ; des
iatrigans y accourir de toutes parts , se faire jacobins et appuyer
les opinions des premiers , pour avoir des places : j'y
ai vu des fripons venir se mettre à couvert sous le manicau
de Robespierre j'ai vu que par le systême de ce scélérat les
vrais jacobins n'avaient pas d'opinion , lui seul et ses agens
epinaient ; j'y ai vu l'opinion publique anéantie , et les membres
de la Convention proscrits par des dominateurs ; j'y ai
vu des sections de Paris , des canonniers venir jurer attachement
à la société .
7
Plusieurs membres s'écrient que non . On répond que le
fait est vrai .
Tyrion adhere à la proposition de Pelet , tant que durera
le gouvernement révolutionnaire . ( Beaucoup de membres se
levent. )
Crassous combat cette opinion . Il n'inculpe point le membre
qui l'a émise ; mais il déclare qu'elle est subversible des prin
cipes et des droits de l'homme . Il applandit aux mesures présent
es par Bourdon et Richard , pour atteindre les fripons et
les intrigans par-tout où ils se trouvent ; mais il réfute celle
de Pelet , en disant que le gislateur , hors du lieu de ses
séances , redevient simple citoyen , et qu'il a le droit d'aller
fraterniser où il voudra avec les patriotes . ( Crassous est applaudi
, et en réclame l'ordre du jour . )
Dubois-Crance n'adopte pas la proposition de Pelet et dè
Thyrion , et porte l'atention de la Convention sur un autre
objet. Les représentans du peuple dans les départemens ont
reçu de la Convention les pouvoirs d'épurer les autorités
constituées et les sociétés populaires . Pourquoi donc , dit - il ,
( 119 )
la Convention ne pourrait- elle épurer celle des jacobins . ( Vifs
applaudissemens . )
Il parcourt ensuite ce qui s'est passé aux jacobins depuis
le 9 thermidor. Qu'y a - t-où vu ? des sections égarées aller leur
jurer attachement . Des membres s'écrient non ; que c'était
pour la Convention.
-
Le témoignage d'attachement à la Convention , reprend
Dubo s -Grancé , devait lai être apporté à elle- même et non à
d'autres ; mais on ne niera pas que Marseille a promis un bataillon
à cette societé pour la soutenir . Il conclut en demandant
le renvoi aux trois comités , pour présenter les moyens
de rendre cette société utile . Cette proposition , fortement
appuyée par Bourdon ( de l'Oise ) , est décrétée au milieu des.
pius vifs applaudissemens.
Cette séance se termine par un rapport du comité de saluz
public , qui justifie pleinement Barras et Fréron des inculpations
à eux faites par Granet , d'avoir été des dilapidateurs
lors de leur mission dans les Bouches - du- Rhône . La Convention
décrete que ces représentans ont bien rempli leur mission .
rapport du comité sera inséré au bulletin . Le
Séance de quantidi , 14 Vendemiaire.
Après différens décrets de secours publics , accordés à différentes
personnes , parmi lesquelles l'on remarque la veuve de
l'ex-ministre Lebrun , et les veuves et enfans des citoyens
ma sacrés dans la journée du Champ-de- Mars . La Convention
autorise les comités civils de sectious à délivrer les certificats
de civisme dans la commune de Paris . Il est défendu à
tontes les autorités constituées d'exiger des citoyens qu'ils
declarent , pour obtenir ces certificats , s'ils sont ou non .
fonctionnaires publics , ou s'ils ont rempli une commission
ou emploi.
Gossuin rend compte des opérations du comité militaire pendant
la derniere décade , des mesures qu'il a prises pour corfiger
les abus dans cette partie , et l'améliorer , et principalement
pour procurer à nos freres blessés tous les moyens possibles
de soulagement.
Eschasseriaux l'aîné , au nom des comités de salut publie et
de commerce , reproduit à la discussion le projet de décret
ajourné sur l'augmentation du nombre des membres de la commission
des subsistanees , et sur la création d'un conseil à
Cette commission .
Ce dernier article donne lieu à de vifs débats . Plusieurs
membres craignent de voir rétablir une chambre de commerce
qui , au lieu de le vivifier , pourrais le gêner par des entraves
et des vues particulieres , et qui pourrait s'arroger les pouvoirs
de la commission . D'autres répondent qu'il ne s'agit point dechambre
de commerce , mais de réunir des personnes éclai
sées qui communiqueraient leurs lumieres. Goujon demande
HA
( 120 )
qu'on passe à l'ordre du jour , motivé sur ce que le comité de
salut public peut faire des requisitions , et sur ce que la commission
peut s'entourer des lumieres dont elle peut avoir be-
#oin. L'ordre du jour ainsi motivé est décrété . Le reste du
projet est adopté en ces termes :
Art er. La commission de commerce et des approvisionnemens
de la République sera composée de cinq commissaires .
" II . Ces commissaires sont les citoyens Picquet , Joannot ,
Magio , Leguiller , Louis Momeron . "
Séance de quintidi , 15 Vendemiaire._
La section des Marchés , munie de l'adhésion de vingt - six
sections de Paris , demande le rapport du décret qui restreint
à une par décade le nombre des assemblées des sections de
Paris. Renvoyé aux trois comités .
--
Carnot , au nom du comité de salut public , fait le rapport
Suivant.
Citoyens , une victoire signalée vient de mettre le comble
la gloire de l'armée de Sambre et Meuse ; l'ennemi retranché
sur les bords de la Roër , sous la protection de la forteresse
de Juliers , vient d'êtrǝ complettement battu , et la førteresse
de Juliers est prise .
Cet évenement est le plus important de tous ceux qui
ent encore eu lieu dans le cours de cette campagne , sans
même en excepter la bataille de Fleurus ; il coupe tout espoir
de secours à Mastricht , assure un point d'appui près des
bords du Rhin , relegue l'ennemi au delà de ce fleuve , ouvre
la Hollande , assure nos quartiers d'hiver et nous rend maîtres
de toutes les ressources des pays de Limbourg , Cologne ,
Treves , Luxembourg et Juliers .
" L'opération était aussi la plus difficile qui eût encore été
faite . L'ennemi avait rallié toutes ses forces , il était au nombre
de près de 80,000 hommes ; tous les avantages de la nature
et de l'art étaient pour lui ; mais nous avions pour nous le
courage , la confiance , le souvenir de notre gloire et que
sont tous les obstacles de l'art et de la nature près du génie
de la liberté et de l'amour de la patrie !
,, Citoyens , vous n'avez donc plus au dehors que les ennemis
humiliés et fuyans. C'est ainsi que les armées ont accompli
leur tâche les premieres ; c'est à nous d'accomplir la nôtre .
Elles nous ont imposé le devoir d'écraser les ennemis du dedans
. Citoyens , les armées triomphantes sont dociles à votre
voix , et vous seuffririez que quelques intrigans vinssent ici
dicter des lois ! Non , il est tems que la représentation na.
tionale de ses bras de géant saisisse toutes les factions , qu'en
les frappant l'une contre l'autre elle les réduise en poudre ,
et qu'elle annonce enfin qu'elle seule veut rester, dépositaire ,
des droits du peuple , et qu'elle anéantira quiconque osera
Chawad
( 121 )
porter la main , hypocrite ou furieuse , n'importe , au char de
la révolution.
Il fait lecture des dépêches. ( Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention nationale déclare que l'armée de Sambre et
Meuse ne cesse de bien mériter de la patrie .
La nouvelle de la victoire remportée par les troupes françaises
sous les murs de Juliers sera portée à toutes les armées
de la République par des couriers extraordinaires .
Les dépêches de l'armée de Sambre et Meuse , ainsi que le
rapport du comité de salut public seront insérés dans le Bulletin
de la Convention nationale .
L'Assemblée procede à l'appel nominal pour le remplacement
au comité de salut public , de Lindet , Carnot et Prieur ( de
la Côte-d'or ) qui devaient en sortir . Le résultat de l'appel
donne pour nouveaux membres , Richard , Prieur ( de la Marne )
et Guitton- Morvaux .
Séance de sextidi , 16 Vendemiaire.
(
Amar , Dubarran , Bernard ( de Saintes ) et Louis ( du Bas-
Rhin ) étant sortis du comité de sûreté générale , l'appel nominal
a donné pour les remplacer , Rewbell , Laporte , Reverchon
et Bentabole.
Une députation de Commune- Affranchie vient réclamer de
la justice de la Convention des mesures pour le rétablissement
du commerce et des manufactures de cette ville . Elle proteste
du civisme de ses habitans , et demande le rapport du décret
qui la déclarait en état de rébellion .
Villers , au nom du comité de commerce , fait un rapport
sur la situation de cette commune , à la suite duquel l'Assemblée
rend le décret suivant :
Art. 1er. Le decret qui changeait le nom de la commune
de Lyon en celui de Commune- Affranchie est rapporté.
,, H. La commune de Lyon n'est plus en état de rébellion
et de siége .
,, III . La confiscation , prononcée par le décret du 25 pluviøse
, n'aura lieu que pour les objets d'équipement et d'armement.
,, IV. Les propriétaires des marchandises arrêtées sont autorisés
à les réclamer auprès des municipalités où elles sont arrêtées
. " "
Sur la proposition de Peyssard , la Convention ajcute à son
décret , que la colonne élevée à Lyon portant ces mots : Lyon
fut rebelle , Lyon n'est plus , sera abattue .
La Convention déclare également que la commune de Lonsle-
Saulnier n'est plus en état de rébellion.
On fait lecture d'une adresse de la société populaire régénérée
de Marseille .
Graces éternelles vous soient rendues , s'exprime- t- elle ;
encore une fois votre énergie a sauvé le Midi et la République ;
( rez )
encore une fois vons préparez de nouveanx triomphes à nos
freres d'armes , en étouffant dans l'intérieur les factions scélérates
et fédéralistes qui n'avaient aidé la révolution que pour
s'arroger la puissance du peuple ; qui ne voyaient la République
que dans eux , le gouvernement que dans leurs mains
et la nation que dans des assemblées révoltées , d'où ils expulsaient
les hommes énergiques qui pouvaient les démasquer et
arracher le peuple de l'erreur dans laquelle ils avaient soin de
F'entretenir . Veillez , autour de vous , législateurs , comme vos
dignes délégués veillent à la sûreté des dépôts que vous leur
avez confiés . C'est à la sagacité de ceux que vous nous avez
envoyés ; c'est à leur énergie , à leur courage héroïque que nous
devons le jour bienheureux de notre régénération . S'ils eussent
balancé un moment entre leur vie et leur devoir , ils tombaient
sous les coups meurtriers des assassins qui les entouraient ;
mais ils ont bravé le fer homicide ; et , aidés du commandant
de la place , de la brave garrison qui est dans nos murs , des
autorités épurées et des bons citoyens , ils ont terrassé les
scélérats que les Marseillais livreront sans pitié comme sans
miséricorde , à la vengeance nationale qui les attend. 19
Cette société invite la Convention à extirper les racines de
cet arbre impur , à arracher le masque à tous les perfides , à
prémunir tous les bons citoyens de Paris contre le poison
de la révolte que l'on cherche à faire circuler dans toute la
République à terrasser tous les dominateurs . Elle proteste de
son dévouement à la Convention , qu'elle n'aura d'autre solli
citude que celle de sa sûreté , d'autre centre d' union qu'elle i
d'autre pouvoir à reconnaître que ceux qui en émaueront.
Cette adresse a été vivement applaudie , comme contenant
les principes de la Convention . Elle sera insérée au Bulletin ,
et placardée .
La société et la commune de Beauvais , ainsi que celle de
Niort , écrivent dans le même sens .
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
ses comités de salut public et de commerce , les autorise à
rectifier les erreurs qui ont pu se glisser dans la confection
du tableau général du maximum , approuvé par le décret du
6 ventóse .
On reprend la discussion sur la confiscation des biens des
peres et meres , soit ex-nobles , soit ex-roturiers , qui ont des
enfans émigrés. Cette question est encore renvoyée au comité
de législation , pour en mieux déterminer les exceptions que
la justice réclame.
PARIS , 19 Vendemiaire , 3º . année de la République .
Chaque jour les départemens s'applaudissent des principes
de jastice et de fermeté qui dirigent la Convention. Par-iont
( 123 )
on rend hommage à la conduite des représentans du peuple
délégués. Il ne s'agit ni de faire rétrograder la révolution , ni
de favoriser l'aristocratie et le modérantisme , ni de comprimer
les patriotes . Trop long-tems on s'est occupé des mois ;
il s'agit d'apprécier les choses , et de juger les personnes non
plus sur leur livree , mais sur leurs actions . Il s'agit de savoir`
si l'on prolongera la révolution dans le sens et le mouvement
que lui avait imprimé Robespierre , ou si le salut de la République
n'exige pas qu'on en fixe irrévocablement le terme , et
si après avoir tont altéré , tout détruit , tout désorganisé par
un systême de terreur et d'oppressieu qui n'eut jamais d'exemple
, il n'est pas tems enfiu de réparer tant de maux , de consolider
l'édifice de la liberté , et de sauver la gloire de la nation
française que des scélérats ont souillée de tant de crimes .
Cette question ne doit plus être un problême pour les bous
eitoyens.
La proposition faite à la Convention , et renvoyée à ses
comités , d'épurer la société des Jacobins et de rechercher les
moyens de la rendre utile , a donné lieu à une grande discussion
dans les séances de cette société des 13 et 15 de ce
mois . Sur la proposition de Raisson , appuyée par Fayau , la
société avait d'abord arrêté qu'elle irait à la barre présenter
à la Convention la liste de ses membres , et les certificats
fournis par chacun d'eux , qui attestent où ils étaient la nuit
du 9 au 10 thermidor , et pour lui demander que , quel que soit
le mode d'épuration , la Convention fasse imprimer les noms
de ceux qui seront exclus , et les motifs de leur exclusion .
1
Mais dans la séance du 15 on a demandé la rapport de cet
arrêté . Plusieurs membres se sont fondés sur ce que les sociétés
populaires existant en vertu de la déclaration des droits , la
Couvention n'a pas celui de les éparer ni de les réorganiser ;
ce droit n'appartient qu'aux sociétés ; elles seules peuvent
admettre ou exclure leurs membres . Les organiser , c'est en
détruire l'essence , c'est vouloir les rendre les organes de ceux
qui les auraient organisés ; elles ne peuvent jamais devenir autotités
constituées , ni même institutions civiles . On peut demander
les intrigans qui se seraient glissés dans leur sein , elles
les livreront elles - mêmes ; mais prétendre que le gouvernement
peut les organiser , c'est la subversion des principes et la perte
de la liberté. On objecte que les représentans du peuple , envoyés
dans les départemens , y ont épuré les sociétés ; le fait
n'est pas exact ; ce sont les sociétés qui se sont épurées , et
si les représentans l'avaient fait , ils se seraient arrogé un ponvoir
qu'ils n'ont pas . On renouvelle aujourd'hui contre les
Jacobins le même systême et les mêmes calomnies qu'employaient
les Chapelier , les Brissot , les Roland , et Léopold
Ini - même. Les Jacobins ont triomphé de toutes ces atteintes ;
ils triompheront encore . L'arrêté a été rapporté.
( 124 )
Le général Canclaux , qui avait si bien servi dans la guerre
de la Vendée , et qui pour cela même avait été incarcéré , vient
d'être nommé général en chef de l'armée de l'Ouest ; Dumas ,
actuellement général de l'armée de l'Ouest , prendra le commandement
en chef de l'armée des côtes de Brest ; et Moulins ,
général en chef de cette armée , prendra celui de l'armée des
Alpes .
Le procès du fameux comité révolutionnaire de Nanies doit
commencer à s'instruire le 25 de ce mois . On s'attend que
l'instruction fera connaître tous les auteurs et complices de
cette horrible boucherie. Il y a trois jours que Fouquier- Tinville
a été interrogé à Sainte - Pélagie . On croit qu'il sera mis
en jugement dans le courant de la décade prochaine .
Il paraît ici une dénonciation, violente contre les membres
du tribunal révolutionnaire de Brest. Elle est divisée en 34
chefs d'accusation qui , s'ils étaient tous vrais , prouveraient
que ce tribunal rivalisait avec les bourreaux aux ordres de
Robespierre , si -nen pour le nombre de victimes , du moins
pour la férocité et l'inhumanité qu'il déployait contre les prévenus.
La société connue sous le nom de club électoral , qui
s'assemblait dans une salle du ci- devant évêché , a transporté
provisoirement le lieu de ses séances dans la salle de l'assemblée
générale de la section du Muséum . On se rappelle l'adresse
de cette société à la Convention pour demander le rétablissement
de la municipalité de Paris , et l'élection des magistrats
par le peuple . Les commissaires ont rendu compte du
peu de succès de leur députation ; mais ils ont déclaré que
plusieurs sections ont donné leur entiere adhésion aux principes
contenus dans cette adresse . Ces sections sont celles de
la République , du Muséum , de la Cité , du Panthéon , du
faubourg Montmartre , des Lombards , des Arcis , de la Maison-
Commune, des Gravilliers , des Quinze- Vingts , de Montreuil
, et la section Révolutionnaire . Il paraît , d'après le
rapport des commissaires , que l'adresse de la société populairc
de Dijon a été improuvée par un grand nombre de sections .
Cependant la séance a été terminée par un arrêté , portant
que l'adresse de la société dite des Electeurs sera envoyée à
toutes les sociétés populaires de Paris , même à celle des Jacobins.
Dans la séance du 17 , on y a fait lecture d'une brochure
qui a pour titre Gare l'explosion . Variet , auteur de cette
brochure , a pris pour devise : Périsse le gouvernement révolutionnaire
plutôt qu'un principe . On y remarque ce passage :
Quelle monstruosité sociale , quel chef- d'oeuvre de machiavélisme
que ce gouvernement révolutionnaire ! pour teat être
qui raisonne , gouvernement et révolution sont incompatibles ,
A moins que le peuple ne veuille constituer ses fondés de pou
( 195 )
voirs en permanence d'insurrection contre lui -même ; ce qu'i
est absurde de croire . Voilà le premier usage que ce citoyen
fait de son élargissement sollicité par la société . Il est à remarquer
que cet adversaire aujourd'hui si ardent du gouvernement
révolutionnaire , s'était montré jusqu'à présent le révolutionnaire
le plus enragé.
1
Sans doute nous devons tons desirer d'arriver promptement
à une forme de gouvernement stable et permanente ; mais
est- ce une intention bien patriotique et une vue bien raisonnée
, que de provoquer en ce moment la cessation du gouvernement
révolutionnaire , qui n'est autre que la réunion des
moyens propres à affermir la République , lorsque le comité
de salut public a seul le secret des opérations de nos armées ,
si bien dirigées et si glorieusement triomphantes ; lorsque
l'esprit de faction qui nous agite encore et les efforts des pervers
exigent , dans le gouvernement , une unité de mesures et
de forces pour les contenir ; lorsque 1,200,000 de nos freres
occupés à combattre , à chasser , à vaincre les satellites des
puissances ennemies , ne peuvent venir prendre leur place dans
les assemblées primaires , et exercer les droits de citoyen
après avoir si bien rempli ceux de héros ; lorsque l'organisation
du pouvoir exécutif , d'où dépend le jeu du gouvernement
et le maintien de la liberté , a besoin d'être revue , méditée ,
réfléchie dans le silence des passions .
Nola. Au moment où nous écrivions ces réflexions , Bourdou
( de l'Oise ) dénonçait le club électoral à la Convention.
S'il était un moment où le gouvernement révolutionnaire
dût exciter tant de sollicitude , c'était lorsqu'il était concentré
dans les mains d'un tigre , lorsqu'il ne se manifestait que par
des actes de la plus monstrueuse et de la plus cruelle tyrannie.
Alors le club électoral gardait le plus profond silence ; il
est étrange qu'il le rompe aujourd'hui que ce gouvernement ,
entouré de la confiance publique , s'occupe de faire oublier les
calamités de l'ancien , et a pris pour devise : Périssent tous les
scélérals plutôt que les principes de la justice .
Suivant des nouvelles particulieres arrivées des départemens
méridionaux , l'opinion générale , en Italie , est que la guerre
civile de la Vendée va renaître dans les contrées méridionales
de la France . Il n'est pas douteux que les moteurs des séditions
fomentées à Lyon et à Marseille n'aient été en relation
avec la cour de Turin . Sans les mancevvres criminelles des
conspirateurs et des continuateurs de Robespierre , le drapeau
tricolore flotterait déja dans toutes les plaines du Piémont .
Les déclarations suivantes viennent à l'appui de ces nouvelles .
Déclarations qui donnent ne idée juste des prétendus patriotes par
excellence qui étaient à la tête des mouvemens contre - révolutionnaires
qui ont eu lieu à Marseille le 5 vendémiaire.
Le 7 vendémiaire , l'an 3e . de la République Française une
f
( 126 )
et indivisible , le nommé Gaston , gendarme , étant sur le point
d'être exécuté , en sautant trois fois sur l'échafaud , a dit : Je
meurs pour Toulon ; vivent les Anglais !
Signé , BOURGOIN , capitaine en second d'artillerie , premier bataillon
des Gravilliers ; VICOUREUX , capitaine des grenadiers .
Pierre-Antoine Margaine certifie avoir entendu dire au patient
au bas de la guillotine : Vivent les Anglais , au Port-la-Montague !
Signé , MARGAINE , sous - lieutenant des grenadiers au premier bataillon
des Gravilliers.
Avoir entendu ces mots .
Signé , ANSIAUME¤ , sergent-major du premier bataillon des Gravilliers
.
[
Pour copie couforme , signé , MAGNIN , secrétaire des représentans
du peuple dans les départemens des Bouches-du- Rhône et du Var.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
A Heeswick , leg vendémiaire .
" Nous vous annonçons , citoyens collegues , la prise importante
du fort de Creve - Coeur , sur la Meuse , une des principales
clés de Bois-le- Duc , avec laquelle nous serons maitres
de l'inondation . Nous joignons à notre lettre la capitulation ;
500 hommes , 29 bouches à feu , 1000 fusils neufs , armés de
leurs bayounettes , 10 fusils de rempart , 30 milliers de poudre
, et la terreur dans Bois- le-Duc , sont le résultat de la
reddition de ce fort.
" Cette prise importante par les suites qu'elle doit avoir ,
est principalement due à l'audace du général de division Delmas
, qui a deployé avec beaucoup de supériorité les armes
morales et physiques alternativement .
" Groiriez -vous qu'il a attaqué cette place avec des pieces
de bataills ; aussi a - t - il ouvert la tranchée à 80 toises des
glacis , et le cheminement s'est fait avec l'audace républicaine
dont il donne l'exemple aux troupes qu'il commande . C'est
encore lui qui a pris un fort à 250 toises du corps de la place
de Bois- le - Duc , dont il affranchit les palissades à cheval ,
suivi de huit régimens de hussards .
" Pitt , Cobourg , Yorck et Guillaume n'approuveront sûrement
pas cette mauiere de se rendre maître des places ; ils
ne la trouveront pas dans leurs livres de tactique ; mais il
n'est donné qu'à l'audace républicaine et française de franchir
avec succès les regles de l'art . 11
Signés , BELLEGARDE et J. P. LACOMBE ( du Tarn ) .
représentans du peupie.
Au quartier-général à Juliers , le 12 vendémiaire."
,
,, J'ai différé jusqu'à ce moment , chers collegues , à vous
rendre compte des derniers succès de l'armée de Sambre ct
( 127 )
Meuse , afin de pouvoir vous annoncer en même tems une vic
toire, et la prise d'une place forte , d'une citadelle , de 62 pieces
de canon et d'une grande quantite de poudre et de munitions .
,, Vous avez vu , par nos dernieres dépêches , que l'armée
autrichienne , battue en detail à Sprimont et à Clermont , les
2 et 4 sanculotides , s'était réunie en masse sur la Roër , forte
encore de 60 a 80 mille hommes .
" Le preinier de ce mois , nous nous rendimes maîtres d'Aixla
- Chapelle , et l'armee vint camper dans la plaine d'Aldenhoven
, la gauche appuyée à la Roer , et la droite à Schwiler
sur la Deute . Le projet de l'ennemi esir de défendre le passage
de la Roër et de se ménager une communication avec Maestricht.
Il avait établi pour cet effet une forte partie de son
armée en deçà de cette riviere , dans la position qui se trouve
derriere Aldenhoven et en avant deJuliers . Cette position , dėja
très - forte par elle -même , était encore fortifiée par des lignes
et des redoutes qui la défendaient sur tous les points .
" Nous étions bien décides à poursuivre nos succès , et
Jourdan résolut de forcer l'ennemi dans ses derniers retranchemens.
Il fallait , pour reussir , une de ses manoeuvres savantes
et hardies qui rendent possibles les plus grandes entreprises
lorsqu'elles sont exécutées par des officiers expérimentés et des
soldats intrépides ; car la Roër , quoique gueable en beaucoup
d'endroits , était grossie par les pluies qui tombaicut depuis dix
jours . D'ailleurs tous les gués étaient dégradés , hérissés de
chevaux de frise , les pouts rumpus , et les hauteurs qui se prolongent
sur la rive droite de la Roër , depuis sa source jusqu'à
Ruiemonde , étaient couvertes de lignes et de redoutes delendues
par une artillerie formidable .
Jourdan divisa son armée en quatre corps : il donna le com
mandement de l'aîle droite au général Scherer ; la ganche fut
confiée au général Kleber ; l'avant - garde au généra¡ efebvre :
il se réserva le commandement du centre , formant le corps de
bataille , ayant sous ses ordres les généraux de division Matry ,
Morlet , Championet et Dubeis . Scherer étail chargé de forcer
le passage de Duaren ; Kleber devait attaquer sur la gauche à
Keinsberg , et l'avant-garde à Linuich , pendant que le corys
de bataille attaquerait le camp eu avant de juliers.
A cinq heures du matin , toutes les colounes se m
mirent en
marche toutes attaquerent avec une égale valeur : dans moins
de deux heures , le camp de Juliers fut forcé et les redoutes
emportées avec une intrépidité sans exemple.
La cavalerie ennemie se présenta pour protéger la retraite.
Elle fut chargée , culbutée et poursuivie jusques sur le glacis
de Juliers . Elle ne dut son saint , ainsi que toute l'armée eunemie
, qu'au canon de la place qui nous empêcha de poursuivre
plus loin . Le premier et le quatorzieme regiment de dragons se
sont distingués dans cette affaire.
" Les autres colonnes eurent un égal succès ; mais elles
prouverent des difficultés d'un autre genre . Lorsque l'avan
( 128 )
garde se présenta à Linnich , I ennemi avait détruit le pont et
mis le feu à la ville , et tous les passages ayant été rendus impratiquables
, il fallut établir des ponts sous un feu terrible d'arillerie
et de mousqueterie . C'est ce qu'on exécuta au moyen
de ta protection de notre artillerie , qui , dans cette circons
tance comme dans toutes les autres , prouva sa grande supériorité
sur celle de l'ennemi , au point qu'il fut force d'abandonner
les redoutes et de se retirer . Cependant les ponts
n'ayant pu être construits avant la nuit, le passage de la riviere
ne put s'effectuer complettement. Tout était disposé pour
l'exécuter ce matin , lorsque la chûte du brouillard nous a laissé
voir sur l'autre rive que l'ennemi était en fuite .
" On avait fait construire pendant la nuit plusieurs redoutes
devant Juliers ; on y avait établi sur-le- champ une batterie d'o - `
busiers pour bombarder la place . Cette batterie commençait à
faire un grand effet , lorsque le drapeau blane a été arboré sur
la citadelle . Une députation de magistrats est venue nous
remettre les clés de la ville qui avait été évacuée pendant la
nuit. La place s'est rendue à discretion .
La journée d'hier doit être mémorable pour les armées
de la République . Une armée de 60 à 80,000 hommes , vaincue
dans la position la plus formidable ; une place plus forte que
Landrecies évacuée , ayant une bonne citadelle , ses fossés
pleins d'eau , et dans le meilleur état de defense , conquise
sans coup férir , avec toute son artillerie ; un arsenal bien
pourvu , et plus de 50 milliers de poudre ; voilà , chers collegues
, les fruits de cette brillante journée .
" La perte de l'ennemi est immense de l'autre côté de la
Roër : la terre est couverte de morts jusques dans ses lignes ;
c'est ce qu'on a pu vérifier ce matin , et ce que prouve sa retraite
précipitée ; tout présente à sa faite le spectacle de la
défaite la plus complette . Plusieurs colonnes de cavalerie , d'artillerie
légere et de grenadiers sont à sa poursuite , et j'ap
prends dans ce moment que le général Dubois , à la tète de six
régimens de cavalerie , a rejoint les équipages de l'ennemi sur
la route de Cologne . Nous avons fait environ 6co prisonniers .
" Je ne puis citer tous les traits d'héroïsme et de bravoure
qui honorent cette journée ; il faudrait citer tous les corps ,
tous les généraux , tous les officiers et soldats , parce que tous
se sont montrés en héros . J'en recueillerai seulement deux :
le premier est de l'avant- garde des divisions aux ordres du
général Kléber ; ces braves soldats , impatiens du délai qu'exigeait
la construction d'un pont , se précipiterent dans la riviere
, la passerent à la nage , attaquerent les retranchemens
de l'ennemi, et les emporterent la bayonnette et l'épée à la main .
Le second concerne deux escadrons de chasseurs commandés
par le général d'Harpont ; ils rencontrerent quatre
escadrons de hussards ennemis ; ils les chargerent , saus considérer
leur nombre , et les culbuterent dans la riviere ; presque
tous ont été pris , noyés ou sabrés .
Salut et fraternité. Signé, GILLET , représentant du peuple.
( N°. 5. )
MERCURE FRANÇAIS .
Du quintidi 25 VENDEMIAIRE , t'an troisieme de la République.
( Feudi 16 Octobre 1794 , vieux style . )
LA MORT DE FLORIAN. ( Élégie . }
VENEZ , habitans de Cythere , Ε
Venez arroser de vos pleurs
La tombe agreste et solitaire
D'un mortel chéri des neuf soeurs
Celui qui savait tant nous plaire
En peignant vos jeux , vos vertus ,
L'aimable Florian n'est plus .
La parque avide et sanguinaire
A tranché le fil de ses jours ;
Il nous est ravi pour toujours .
Aux accens d'une plainte amere
Donnez , donnez un libre cours
Que votre peine vous soit chere ;
Et , n'écoutant que votre coeur ,
Gravez sur l'écorce légere
27-
Ces mots dictés par la douleur :
" L'Amour vient de perdre son frere ;
» Adieu tendresse adieu bonheur ! »
Parsemez ensuite la terre
De fleurs qui semblent naître exprès ;
Et que le saule tutélaire
S'unisse au lugubre cyprès .
Que la belle et tendre Glycere ,
Conduite par son jeune amant ,
Foule tristement la fougere ..
Pour arriver au monument.
C'est là qu'ils feront le serment
De s'aimer , sans que rien n'altere
L'excès du plus pur sentiment .
Et lorsque Phébé nous éclaire ,
C'est-là qu'au son du chalumeau
Tous deux orneront le tombeau
Tome XII. I'
( 130 J
D'une guirlande printanniere .
C'est encor là qu'une bergere
En menant paître son troupeau ,
De Florian , qu'on y révere ,
Fera répéter à l'écho
Le nom gravé sur chaque ormeau.
La beauté naïve et sincere
Pourra seule dans ce séjour
Remplir un si doux ministere.
Celui qui célébra l'Amour
Doit être pleuré par sa mere.
Par le citoyen GRETRY , fils,
Vers sur la mort de FLORIAN.
Dis bords heureux du Gard , ah ! quelle voix plaintive
Vient de frapper soudain mon oreille et mon coeur ! ...
Dieux ! je crois voir l'Amour avec sa soeur—
Que cherchez -vous sur cette rive ,
Couple charmant dont j'ignore le nom ?
Vos deux coeurs sont en proie à la tristesse amere ;
Qui peut vous affliger ? Pleurez-vous une mere ? -
Cherchez -vous un amant ? - Un amant ! hélas , non ! --
Némorin en ces lieux jouit de la lumiere ;
Un autre à son heure derniere
Emporte tout nos voeux et notre affection .
De la vertu nous pleurons le modele ,
Un injuste soupçon a causé son trépas ;
Il aima son pays qu'il servit avec zele ;
On l'en punit , il ne s'en plaignit pas .
Galathée est ma soeur , en moi voyez Estelle ,
Le bonheur de l'aimer fut notre unique bien ;
Ah ! si la France perd un digne citoyen ,
Nous perdons pour jamais l'ami le plus fidele .
Par le citoyen FORESTIER-BOINVILLIERS,
( 131 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Discours décadaires pour toutes les fêtes de l'année Républicaine
par le citoyen Poullier , représentant du peuple. Seconde livraison ,
nos . 3 et 4. Prix , 12 sous . On s'abanne chez les freres Hautbout ,
imprimeurs des écoles républicaines , rue Martin , nº . 51 , vis-àwis
le théâtre des Sanculottes . On paie 6 liv . pour onze livraisons
contenant 22 nos . Il n'y a pas d'époques déterminées pour la dis
tribution .
L'ORATEUR
' ORATEUR débute dans son troisieme discours par ce beau
mouvement d'éloquence : Quel est ce peuple étonnant qui
dans le cours d'une révolution orageuse a montré tant de
constance , développé tant d'énergie , affronté tant de dangers ,
vaincu tant d'obstacles , écrasé tant de factions , et foudroyé
surles points de ses diverses frontieres les phalanges innombrables
qui voulaient l'asservir ? Quel est ce peuple si puissant que
l'Europe entiere ne peut intimider , qui au milieu des plus noires
trahisons terrasse à la fois vingt tyrans , commande à la victoire
, et compte autant de soldats que de citoyens , et autant
de héros que de soldats ? Quel est ce peuple éclairé qui à des
fables ridicules , à des erreurs trop long tems respectées , 2
substitué les principes de la morale universelle et le culte
sublime de la nature et de l'égalité? Quel est ce peuple magnanime
chez qui l'amour de la patrie est une passion que les
sacrifices ne font qu'accroître , et qui devient une source intarissable
d'actions héroïques ? Quel est ce peuple enfin , qui
marchant avec rapidité vers la perfection sociale n'a jamais eu
de modele , et qui doit en servir à l'univers ? C'est le peuple
Français . L'orateur caractérise ensuite les gorvernemens de
toutes les nations de l'Europe . Examinez , dit- il , s'il en est une
que vous puissiez lui comparer. Ce ne sera point l'Angleterre
qui , toute entiere à son or , constamment occupée de spéculations
mercantiles , salarie le crime et des mercenaires pour
renverser l'édifice de notre indépendance , et n'a pour garang
de sa liberté expirante qu'un pariement lâche et corrompu ,
qui se met sans pudeur à l'enchere d'un ministre astucieux es
perfidel
99
Sera - ce la Hollande , dont les forces sont dirigées par un
imbécile et une intrigante , qui chaque jour déchirent ane page
de la constitution batave ? ....
Penples indignes d'être cités la France assise au milieu de
vous leve sa tête majestueuse et libre , et vous appelle an partage
de ses destinées ; sans doute elle a eu son tems de sommeil
et de servitude. Voyons comment du plus insupportable
1 2
( 132 )
esclavage elle s'est élevée à un si haut degré de gloire ? Voyons
comment , soumise depuis des siecles à des lois arbitraires ,
asservie à une multitude de tyrannies , elle s'est élancée audessus
de toutes les autres nations .
L'orateur parcourt les différentes époques de notre hon.
teuse servitude ; il rappelle avec énergie les fléaux qui ont été à
la suite de la féodalité , des gens de lois , des traitans , des ccclésiastiques
, et rapprochant ces anciennes calamités de celles de
nos jours , il dit : 66 Quel que soit le tems , les circonstances ,
les méchans se ressemblent toujours , comme l'on peut s'en
convaincre en comparant le faux dévot avec le faux patriote .
Les hypocrites en religion et en patriotisme ont la même
physionomie , tendent au même but , emploient les mêmes
moyens. Si vous offensez un dévot , vous offensez le ciel ; si
vous maltraitez un faux patriote , vous attaquez la République .
Un dévot faisait voeu de pauvreté , et dès ce moment il vivait
dans la plus grande abondance . Un faux patriote fait voeu de
sanculouisme , et dès ce moment il achete à vil prix des domaines
de la nation ; il les païe avec le fruit de ses rapines ; il se ménage
à la paix une vie douce , aisée , et prépare ainsi le retour
de l'aristocratie que nous avons voulu détruire . Le dévot ne
néglige rien pour se faire une réputation de sainteté , arrange
modestement ses habits ; ses cheveux sont négligée ; il n'emploie
dans son langage que les mots consacrés à la piété la
plus onctueuse ; il voit par- tout des vices et du scandale ; il
provoque à chaque instant la foudre du ciel sur les mondains :
le faux patriote mutile sa chevelure , allonge ou raccourcit les
différentes parties de son habillement , arme sa main délicate
d'une massue , prend la barbe d'Hercule , se forme un répertoire
des phrases les plus révolutionnaires , et il invoque à
chaque instant la vindicte nationale contre les aristocrates
c'est - à - dire contre la nation elle -même ; car lorqu'il passe en
revue ses concitoyens , il ne voit que lui à la hauteur , et une
douzaine peut- être après lui.
"
Les dévots ont passé ; les faux patriotes passeront aussi : ils
se dévoreront les uns les autres ; et pour rendre leur supplice
plus terrible , ils s'accuseront mutuellement ; ils se pousseront
de leurs propres mains sur l'échafaud , théâtre digne de leurs
forfaits ; et quand la derniere tête de leurs complices sera tombée
, la République sera fondée , et la vertu pourra se montrer
sans périls et sans crainte .
Après avoir peint à grands traits les faits et les héros de la
révolution , l'orateur s'écrie : Peuple Français , le bruit de tes
grandes destinées va remplir l'univers ; l'on ne pourra plus.
méditer sur la liberté sans penser à tes longs et glorieux travaux
; dans l'histoire de ce que tu as fait , chaque nation verra
ce qu'elle doit faire pour parvenir à l'indépendance . Quelle
leçon tu donnes au genre humain ! Jamais l'antiquité n'a fourni
des événemens si rapides et si extraordinaires , i des exemples
( 133 )
si terribles et si imposans . En peu d'années tu as vu des
siecles ! Il est tems que tu recueilles le fruit de tant d'efforts
magnanimes ; il est tems que tu jouisses paisiblement de la liberté
que tu as conquise. Encore un peu de persévérance , et
l'horison du bonheur va s'entr'ouvrir pour toi . Mais ne souffre
plus que des brigands dénaturent ton caractere humain et
bon . Sois terrible contre le crime : méfie- toi des charlatans :
chasse comme une peste publique ces gens hideux de vices
et qui ne parlent que de vertus ces dénonciateurs éternels
qui voudraient détruire tout ce qui s'oppose à leur ambition
qui voient un coupable dans celui qui les efface à la tribune
ou qui les surpasse en courage et en énergie ; façonne- toi aux
mours simples de l'égalité ; oublie tes antiques habitudes , tea
penchans frivoles , ton inconstance et ta légereté ; imprime à
tes institutions ces formes austeres et durables qui sont les plus
solides appuis des républiques ; éteins dans la passion de la
félicité commune l'intérêt sordide , le stérile égoïsme , l'ambition
audacieuse et l'envie qui flétrit tout ; sache t'oublier pour
la patrie . La patrie ! ce mot n'est plus prononcé par un Français
sans un frémissement de plaisir et d'orgueil.
ANNONCES.
Cérémonies à l'usage des fêtes nationales décadaires et sanculotides
de la République Française , saisies dans leur bus
moral , combinées dans leurs rapports généraux , et rendues
propres à être exécutées dans les moindres communes ; par
les éditeurs da Rituel républicain . Prix , 1 liv. 5 sous , frano
de port , pour les départemens .
Almanach du bon-homme Richard , moral , instractif et amusants
12 et 15 sous .
Nouveau Chansonnier républicain , avec le décadáire ; 15 es
20 sous .
Almanach des Fêtes nationales ; 8 et 10 sous.
liem des Sanculottes ; 8 et 10 sous .
Almanach historique de la révolution ; 12 et 15 sous .
Chez Chemin fils , rue Glatigny , no . 10 , en la Cité , au bas
du pont de la Raison . On trouve chez lui des Almanachs de
cabinet en cartou et sous verre , des almanachs chantans , et tous
les ouvrages d'insruction publique.
13
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 27 Septembre 1794.
Les nouvelles du Nord continuent d'offrir beaucoup d'inté
térêt aux amis de la liberté . On y voit avec plaisir la meilleure
intelligence regner entre la Suede et le Danemarck , dont les
forces réunies font déja et feront encore mieux respecter leur
neutralité si utile à leur commerce.
Des lettres de Copenhague , du 18 septembre , confirment
cette assertion , elles disent :
Les escadres combinées de Suede et de Danemarck , faisant
ensemble douze vaisseaux de ligne , quatre frégates et trois cutters
, ont mis à la voile . Le prince royal a monté le vaisseau
Amiral . Cette flotte doit aller à Helsingor , et de - là tenir la
mer jusqu'à la fin du mois .
Depuis que les Anglais ont déclaré qu'ils n'arrêteraient plus
les bâtimens neutres chargés de grains , la compagnie des Assurances
a repris son activité .
Le due de Sudermanie , qui a fait ses preuves de bravoure et
d'habileté en gouvernement , s'est réservé le commandement
en chef de la flotte suédoise , en cas qu'elle soit obligée d'agir,
et en outre les quatre départemens de la marine .
D'un autre côté , tandis que la Russie est presque affligée de
disette , les Polonais , jadis condamnés à labourer pour elle une
terre fertile , continuent de lutter avec le plus grand succès
contre les Russes et les Prussiens , et de soustraire à ces iyrans
et leurs propriétés et leurs personnes .
Voici ce que portent les dernieres nouvelles de cette belle
contrée , désormais affranchie du joug. Nous les rangerons dans
leur ordre de date . Les premieres sont de Thorn , 9 septembre ;
les secondes , des frontieres , 10 septembre.
La marche de l'armée prussienne vers la Prusse méridionale
n'a point rallenti l'ardeur des insurgens dans cette contrée . Ils
viennent de publier un manifeste de leur camp près Rombin .
Tous les citoyens sont sommés de défendre la cause commune ,
et de se trouver , dans l'espace de huit jours , au quarier géné
ral avec des vivres pour un mois. On reconnaît dans cette
piece , que toutes les sectes et toutes les religions doivent être
admises , sans aucune espece de distinction ; et les principes
de liberté et d'égalité y sont reconnus et proclamiés . Elle a été
( 135 ) distribuée avec profusion
dans les provinces
voisines , et doit concourir à propager l'esprit d'insurrection
.
Jusqu'à présent le corps commandé
par le général Szekuly
n'a pu rejoindre
les insurgens
: ceux ci répandus daus les forêts
sont à couvert par d'immenses
abattis et de formidables
re- tranchemens
. Les Prussiens
envelopperent
il y a quelque·
tems une abbaye où les Polonais avaient mis plusieurs
prison- niers Prusssiens
: il n'y avait pour les garder que 30 paysans
armés qui ne voulurent
point se rendre à des forces bien sapérieures
, et préférerent
de périr les armes à la main.
ni d'ar-
Les insurgens
de la Prusse méridionale
ne manquent
tillerie , ui de munitions
. Dernierement
ils se sont rendas maîtres de plusieurs
batteries venant de Graudenz
On ajoute
qu'ils ont fait la même chose d'un transport
considérable d'argent expedié pour les armées prussiennes
, et qu'ils se sont
en outre emparés des magasins royaux de sel : plusieurs milliers d'entre eux avaient passé la Drevens ces jours derniers , ce qui
jetta les plus vives alarmes à Thorn ; la garnison demeura suc
pied toute la nuit . On apprend dans l'instant que l'arriere - garde de l'armée prussienne
vient d'être vigoureusement
attaquée par Kosciusko . On annonce même que ce général a fait des dispositions
qu
annoncent
qu'il songe à attaquer le centre de l'armée com
mandée par le roi.
Un corps de l'armée polonaise
de Conrlande
s'est mis en
marche pour se combiner
avec celle de Lithuanie . L'armée russe qui se retire de devant Varsovie peut se trouver ainsi entre
deux feux avant d'avoir rejoint l'armée principale
. On n'entend plus d'ailleurs parler de cette derniere . On assure que l'armée prussienne
se retire de devant Var sovie dans le plus grand désordre , et est vivement harcelé pendant sa route. Frédéric Guillaume , pour pallier la honte de sa retraite , fait publier qu'il n'agit qu'en vertu d'une convention
particuliere
.
ils
Dans la Prusse méridionale , les insurgés ont, foulé aux pieds l'aigle prussienne ; ils en ont même attaché une à une potence . En donnant des ordres aux administrateurs
Prussians , avaient le pistolet à la main . On donne à chaque paysan armé 20 gros par jour et des vivres . Tous les actes émanés du roi on du gouvernement
et écrits en parchemin , ont servi à faire des cartouches . Les habitans Allemands ont été forcés à coulen
des balles.
La cause de la retraite de Frédéric - Guillaume est maintenant
bien connue , quelque soin qu'on ait pris pour le cacher . Voici quelques détails sur les attaques continuellement
renouvellées
par les Polonais qui étaient dans les retranchemens
, contre le camp prussien , antérieurement
à cette époque . Le 28 , le corps de troupes prassiennes
occupant les env
14
( 136 )
y
rons de Povonshi , fut vigoureusement assailli : il y eut 6 offi
ciers et 78 soldats de tués , 13 officiers et 334 soldats blessés ; ,
le 29 , les Polonais attaquerent de nouveau les tranchées à la
gauche de Wola. Les Prussiens perdirent dans cette occasion .
le capitaine Melantin et un grand nombre de soldats . Ce fut
ce jour que le colonel Szeknli quitta le quartier genéral avec un
corps de troupes considérable , pour se potter dans la Prusse
méridionale. Le 31 , les Polonais ayant appris la diminution
des forces de leurs ennemis attaquerent , une heure avant le
jour , toutes les lignes de leurs positions du côté de Wavrzev ;
ils profiterent de la nuit pour faire avancer trois brigades de
cavalerie , montant a 2,000 hommes , aves 4,000 hommes d'infanterie
qui tomberent à l'improviste sur les postes prussiens.
L'aile gauche de ces derniers fut ensuite tournee ,
et deux
régimens de cavalerie et plusieurs bataillons d'infanterie atta
qués à dos ; tous les ouvrages avancés se trouverent enveloppés
la fois . Un corps de cavalerie polonaise de 800 hommes eut
l'audace de pénétrer entre deux retranchemens prussicas , et
de s'exposer à un feu terrible d'artillerie ; un autre corps de
savalerie vint attaquer les redoutes sans être soutenu par aucune
infanterie . Cette affaire a été une des plus générales et des plus
meurtrieres qu'il y ait eu ; la nuit seule mit fin à l'acharnement
des Polonais . Dans celle du 1er , au 2 septembre , ils se pré- ,
senterent de nouveau . Toutes les positions prussiennes et l'aile
gauche des Russes eurent beaucoup à souffrir . Le 5 , le général
Amadriez quitta l'armée prussienne pour aller renforcer le gé
néral Schonfeldt ; le 6 , dès le matin , la retraite des Prussiens
commença à s'effectuer ; toute l'artillerie de siége se mit en
route , et fut suivie des bagages . On a apperçu un corps considérable
de Polonais qui se mettaient en devoir de poursuivre
et de harceler les Prussiens . Les deux premieres colonnes de
ceux- ci sont arrivées à Radzin , où est leur nouveau camp . On
y attend encore la troisieme qui forme l'arriere - garde .
Les Polonais paraissent avoir pris des leçons des Français sur
plusieurs points , et en avoir profité . Des lettres du 10 septembre
des environs de Varsovie s'expriment ainsi :
Parmi les mesures prises par le gouvernement provisoire
on remarque celle d'une émission d'assignats . Le 25 août , il a
publié une déclaration à ce sujet , où il dit que , dans le dessein
de faciliter la circulation et les moyens d'échange , il avait ,
des le 3 juillet , annoncé une émission d'assignats , et qu'il
enjoint aujourd'hui à tous les magistrats et à tous les commissaires
du bon ordre , de faire publier la prochaine mise
en circulation de ces assignats . Il déclare , 1 ° . que ces assignats
sont hypothéqués sur tous les biens dont la narion
polonaise a la propriété et la disposition ; 2 ° . que leur capital
est de 60 millions de florins de Pologne ; 3 ° . qu'ils seront
divisés en assignats de 5 , de 35 , de 50 , de 100 , de 500 , et
( 137 )
葛
!
enfin de 1000 florins ; que chacuue de ces classes aura une
couleur différente qui est désignée ; 4 ° . qu'indépendamment
des signes secrets et connus uniquement de la direction nom
mée par le gouvernement , il a choisi des commissaires charges
d'apposer leur signature à chacun de ces assignats ; 5° . qu'une ,
récompense sera accordée à tous ceux qui découvriront des
contrefacteurs ; 6º . qu'il est enjoint de recevoir ces assignats
comme argent comptant pour toute espece de paiement , sou
les peines de la loi du 8 juillet ; qu'ils seront reçus de préfé
rence dans le paiement des biens nationaux qui seront vendus
et porteront un intérêt de 5 p . 100 ; 7 ° . qu'au premier de
cembre de la présente année , il sera mis en vente pour 51 mil.
lions de florins de biens nationaux , après trois annonces con
sécutives .
De Francfort-sur- le-Mein , le 30 septembre.
Les affaires du jeune François et de son associé Frédéric
Guillaume vont très-mal au dedans et au dehors. Ces princes,
ne sont point à se repentir d'avoir entrepris la guerre contre.
la République Française . L'orgueil de l'ancienne maison d'Autriche
, celui de la nouvelle maison de Brandebourg , qui ne lui
cede guere , sont à la veille de se voir humilies jusqu'à être
contraints de demander la paix . En vain essayent - ils de nouvelles
dispositions militaires , en vain changent- ils de généraux ,
des défaites constantes leur apprennent ce que peut un grand
peuple qui combat pour sa liberté . Ils reçoivent même une
double leçon à cet égard . Les braves Polonais , quoiqu'avec
moins de ressource que la France qui lutte avec avantage contre
les nations les plus puissantes de l'Europe , savent aussi faire
face aux Russes , aux Prussiens et aux Autrichiens combinés ;
aussi tous ces gouvernemens deviennent- ils soupçonneux . Leg
arrestations les plus arbitraires s'y multiplient , particulierement
en Autriche .
Voici ce qu'on mande de Vienne le 4 septembre.
Une des personnes arrêtées dernierement par ordre du gouvernement
comme prévenue de conspiration , s'est pendue
dans la prison . Son corps a été exposé sur les glacis de la
place , avec une inscription infamante ; une foule immense du
peuple s'est portée à cet endroit pour considerer ce spectacle ,
De fortes patrouilles d'infanterie et de cavalerie sont accourues ,
et ne se sont retirées que long- tems après que le peuple eur
abandonné ce lien. •
Le cabinet vient de recevoir aujourd'hui la nouvelle de la
retraite du roi de Prusse de devant Varsovie . Cette circonstance
ajoute à l'abattemeut qu'il laisse voir depuis long- tems . Il ne
peut se dissimuler que les causes qui ont déterminé Frédéric
Guillaume à agir ainsi , sont les grandes pertes que son armée
a essuyées pendant ce siege ; l'extrême lenteur des Russes à lui
138 )
fournir des secours qu'ils lui avaient promis promptement , et
dont il n'a reçu que de faibles portions ; enfin , le mouvement
révolutionnaire qui s'est communiqué avec rapidité dans les
propres possessions du roi du Prusse . Le cabinet autrichien ne
s'était décidé à tenter de son côté une invasion en Pologne ,
que sur l'assurance que ceux de Pétersbourg et de Berlin lui
avaient donnée de la prochaine reddition de Varsovic , ot de
la facilité extrême que les trois puissances auraient à réduire
toute cette contrée . Il voit aujourd'hui combien ces promesses
étaient mensongeres .
On a déja fait dans les généraux des changemens qui ne
seront probablement pas les derniers . L'archidae Charles commandera
l'aile droite de l'armée , le général Alvinzy l'aile
gauche , et le comte de Clairfayt le centre. Le prince de Colloredo
vient d'arriver de l'armée de la Meuse , avec de nouveaux
plans excellens , à ce qu'on dit ; le colonel Mack , qui
en avait aussi d'excellens , à ce qu'on disait dans le tems , est
parti pour l'armée da Rhin . En général , il y a beaucoup de
mouvemens militaires , mais plutôt dans les officiers que dans
les armées , qui paraissent frappées de ee decouragement
qu'amenent des défaites successives . Le cabinet de Vienne en
est aux espérances , et aux espérances mal fondées . On prétend
qu'il se flatte de recevoir très - incessamment le premier
terme du subside des Anglais , dont la totalité a été fixée à
83 millions d'écus d'empire . Mais comment son espoir pourrait-
il se réaliser ; il oublie , dans son impatience , que le parlement
britannique ne sera convoqué que le 4 novembre au
plutôt ; qu'il faut que le traité conclu par M. Pité lai soit préscaté
; que l'opposition le discute , et que les communes
votent les sommes stipulées . Il oublie encore que l'Angleterre
e voudra donner de l'argent qu'en recevant des hommes , dont
elle a le plus grand besoin , ou du moins en étant sûre qu'on
les fera agir contre la France , suivant ses vues . L'inexactitude
du roi de Prusse , dont les engagemens n'ont pas été très -bien
remplis à cet égard , doit inspirer une juste défiance au cabinet
de Saint-James , et lui servir de leçon , pour me donner sonargent
qu'à bonnes enseignes .
Il y a eu , le 2 septembre , une affaire à Neustadt , où le
corps aux ordres du général Wartensleben, se mettant en mouyement
sur Deidesheim , a attaqué les Français ; la canonnade
a duré deux heures avec beaucoup de vivacité. On ajoute que
le soir, à six heures , les Français ont abandonné Mundenheim
et Rheinhenheim , et se sont portés vers Schifferstadt et
Neuhoffen. Mais suivant des nouvelles beaucoup plus récentes ,
et qui paraissent sûres , depuis , les Prussiens se sont retirés
entiérement au delà du Rhin , du côté de Neustadt . Ils laissent
ainsi Mayence à découvert et une grande partie du Palatinat
१
( 139 )
Les mêmes avis ajoutent que la terreur est extrême chez les
coalisés les troupes ont plusieurs fois refusé de se battre :
la République Française riomple au dedans et au dehors .
On a pris la résolution de mettre Manheim en état de défense
pour six mois . L'empereur a déclaré qu'il entrerait pour
quelque chose dans les dépeuses que l'approvisionnement et
la construction des nouveaux ouvrages ont nécessitées . On
porte ces frais à près d'un million de florins .
Un journal officiel de Schwetzingen dit que , le 24 septem
bre , le corps d'armée aux ordres de Wartensleben a repassé
le Rbin , et repris son ancien camp derriere Manheim , le long
du Necker.
Hohenlohe s'est également retiré pour rentrer dans son ancienne
position des environs de Grunstadt ; ce qui a rouvert
Lautern aux Prançais , dout les patrouilles se portaient , suivant
les mêmes avis , jusqu'à Turkheim .
Nous venons d'apprendre ici , par des lettres de Cologne ,
que , le 26 , on se battait dès le matin près de Buren ; la gauche
des coalisés était forte de 25,000 hommes ; le centre de
40,000 , et la droite le long de la Roer de 15,000 . Malgré
ces forces considérables , si elles sont réelles , les Autrichiens
n'ont pas l'air de se maintenir sur la Roër. Le passage que les
bagages font du Rhin près de Cologne , sur deux pouts nouvellement
construits , annonce qu'ils comptent être , au contraire
, forcés d'abandonner cette derniere position
retirer de l'autre côté de ce fleuve.
Le roi de Prusse a dû arriver le 25 à Breslaw .
*
ITALIE E T SUI S E.
de se
Les français ne cessent d'envoyer par mer et par la voie
de terre , sur la riviere du Ponent , d'immenses munitions
destinées pour le Piémont. Les autrichiens réunis aux piémontais
sont au nombre de dix mille por s'opposer aux
républicains.
Un vaisseau danois , venant de Lisbonne , a appris que
l'escadre espagnole , commandée par Langara , et qui avait
été réunie à la flotte anglaise près le golphe de Han , faisait
maintenant voile pour Valence d'où elle doit retourner à
Cadix . La flotte du golphe de Rozas doit se rendre également
dans ce dernier port. Ces mesures paraissent produites par la
crainte que l'on a à Cadix même que la flotte française de
Brest ne tente quelque surprise .
Le général de Vins a décidément quitté Turin , et a pris la
route de Vienne . Il sera remplacé par le général Wallis . -
t
( 140 )
On apprend de Turin , que , le 16 , sur l'avis reça , que
les Français s'avançaient du côté de Saluces , et s'étaient déjà
emparés d'un poste appelé le Chinale ; deux bataillons d'autri
chiens se sont mis en marche de cette ville pour aller renforcer
les troupes de ce côté . Depuis , toutes les troupes autrichiennes
sont parties pour se porter sur Mondovi , d'aprè les
nouveaux mouvemens des Français .
Des lettres de Milans , do 22 septembre , disent que le 16
un courrier extraordinaire du cabinet Sarde y a laissé un pa.
quet pour le ministre anglais , Drake , qu'il en est allé porter
un autre au ci- devant Monsieur qui se trouve à Véronne , et
que de-là il doit pousser jusqu'à Vienne , vraisemblablement
pour solliciter des secours .
Tandis que le Piémont est dans les plus grandes inquiétudes ,
nne petite république , amie de la France et des cantons suisses ,
et également ennemie du roi de Sardaigne , vient de faire éclater
sa joie d'avoir terminé avec succès une révolution devenue
nécessaire chez elle , et de ce que la république française a
rappellé un envoyé qui ne lui convenait pas , et l'a remplacé
par un ministre qui ne s'occupera que d'entretenir l'harmonie
entre les deux alliés , et ne s'immiscera pas indiscrètement
dans les affaires particulieres de la république de Genève.
Voici ce qu'on mande de cette ville , en date du 25 septembre.
Le moment de l'audience du citoyen Adet , envoyé par
la république française comme résident auprès de nous , fut
fixé par les syndics et lui , à lundi 22 , à deux heures .
Dès midi , douze ou quinze cents citoyens en uniforme -
bordèrent la haie , depuis la résidence jusqu'à la maison commune.
Les drapeaux de la répuplique flottaient dans tous les
rangs ; les citoyennes et les enfans remplissaient tout l'espace
des rues non occupées par le cortège ; toutes les fenêtres étaient
garnies de spectateurs .
A deux heures après midi , quatre membres du conseil‚¨
précédés de fix huissiers , partirent de la maison commune
pour aller prendre le citoyen résident. Its le trouvèrent catouré
d'un assez grand nombre de Français , maires , présidens
de district ou de comités de surveillance , officiers-généraux
et autres , qui avaient été invités d'avance par le conseil . Après
quelques mots dictés , de part et d'autre , bien plus par le
sentiment que par une étiquette d'usage , le résident , accompagné
des membres du conseil , et escorté de cette nombreuse
suite de Français , se mit en marche vers la maison commune ,
Toute la troupe présentait les armes ; tous les tambours battaient
au champ.
( 141 )
Deux nouveaux administrateurs le reçurent au bas du perron
de la maison commune ; le procureur-général vint le prendre
à son tour à la premiere porte ; le conduisit dans la grande
salle , et le plaça au haut des gradins qui avaient été préparés
exprès , à la droite du premier syndic , et sous les trois drapeaux
de Genêve , de France et des Etats - Unis . Alors les
antres membres du conseil prirent place . Les Français qui
venaient ensuite furent introduits au- dedans de la barre , et
placés sur des banquettes disposées à cet effet : la foule des
Genèvois qui occupait tout le reste de la salle , était immense .
Le résident saisit le premier moment de silence pour remettre
ses lettres de créance au premier syndic , qui donna ordre
à l'un des secrétaires d'en faire lecture. Pendant qu'elle fut
faite , tout le conseil , le résident et le reste de l'assemblée
demeurerent debout . Le résident prononça ensuite son discours ;
le président du conseil lui répondit ; et au moment où il lui
donna le baiser fraternel au nom du peuple souverain de
Genève , les acclamations redoublerent , une salve de canon
et la musique qui se firent eutendre , acheverent de déterminer
l'explosion de tous les sentimens dont chacun était animé .
Enfin , le résident descendit l'estrade ; les membres du conseil
qui étaient allés le prendre chez lui , ly ramenerent au
travers de la même haie , des mêmes bénédictions ,
cris sans cesse répétés : vive la république française ! vive la
convention nationale de France .
et des
A quatre heures après - midi , les deux syndics retournerent
chercher le résident et les Français qui étaient à sa suite , et
les ramenerent à la maison commute , où les autres citoyens
genèvois défilerent devant lui . La journée fut terminée par
un banquet qu'anima la plus touchante cordialité.
ANGLETERRE. De Londres , le 18 Septembre.
Le 9 , il s'est tenu à Weymouth un conseil en présence
du roi. Le bruit général est qu'on y a décidé de convoquer le
parlement le 4 novembre . On s'attend à de fortes réclamations
de l'opposition sur le subside considérable accordé à l'empereur
pour le retenir dans la ligue des puissances coalisées .
On parle aussi beaucoup du prochain mariage du prince
de Galles avec une princesse de Brunswick ; c'est le lord
Fitz William qui doit remplacer le lord Westnoreland dans la
vice-royauté d'Irlande , dont le parlement , gagué par la cour ,
lui est entierement dévoué .
1
7
( 142 )
RÉPUBLIQUE FRANÇA I´S E.
CONVENTION NATIONALE.
PRE DENCE DI CAMBACERÉS.
Séance de septidi , 17 Vendemiaire.
Dans la séance extraordinaire de la veille , Cambacerés a
été nommé président ; Eschasserianx le jeune , Boissy d'Anglas
et Guiomard , secrétaires .
Boisset , représentant du peuple , écrit qu'il a rempli les
vues de la Convention dans le département de l'Ain . Le peuple
est content , le cultivateur respire et ne craint plus l'oppression
; le commerçant essuye ses larmes et l'industrie reprend
son activité . Il va remplir la même mission dans le départe
ment de Saône et Loire.
Boursault rend le même compte pour les départemens des
côtes du Nord , Isle et Vilaine , et des côtes de Brest .
Grégoire , au nom da comité d'instruction , fait un rapport
très- intéressant sur les encouragemens et récompenses à accorder
aux savans , aux gens de lettres et aux artistes . Après
avoir fait le tableau des malheurs de l'indigence et de la liberté
des grands hommes à commencer par Homere jusqu'à
nos jours après avoir montré qu'il n'est aucune partie dens
les arts , dans les sciences et dans les lettres qui ne concoure
aux progrès et à l'avancement de l'esprit humain , et qui n'ait influé
puissamment sur les progrès de la liberté et le bonheur des
peuples ; après avoir fait sentir combien il importe à la République
Française et à l'affermissement de la révolution d'encou
rager le mérite , le talent et le génie , il a proposé le projet de
décret suivant :
Art. Ier . Sur les fonds mais a la disposition de la commission
d'instruction publique , il sera pris jusqu'à la concur.
rence de cent mille écus , pour encouragement , récompenses et
pensions . à accorder aux savans , aux gens de lettres et aux
artistes dont les talens sont utiles à la patrie.
,, II . Le comité d'instruction publique présentera . sans
délai , un rapport sur le mode de répartition de cette somme ,
et la Convention nationale prononcera définitivement. ››
Dans le cours de son rapport , Grégoire avait annoncé que
le savant Dombey , qui a enrichi l'histoire naturelle et la botanique
de ses voyages et de ses découvertes au Pérou , venait
de périr dans la petite isle de Montferra , après avoir été pris
par des corsaires ennemis . Boyssy d'Anglas a demandé que son
( x4 )
nom soit inscrit sur la colonne élevée dans le Panthéon. Rens
voyé au comité de salut public.
Lavicomterie présente quelques vues particulieres sur la
morale calculée sur l'intérêt même des hommes . Sea discours
est le développement de cette maxime d'expérience : la na
ture punit les crimes de la terre par des tourmens terrestres
temporels , soit physiques ou moraux ; elle récompense la
vertu par un bonheur temporel , soit physique ou meral. Si
nous avions une échelle morale de perversites , nous aurions
précisément le degré de supplice , et si l'on peut s'exprimer ainsi
le tarif du malheur d'un criminel . Si nous pouvions descendre
d'un poins connu de probité , de perfection de verta , à tel
individu , nous aurions la somme de son bonheur. D'après
ces vues , il propose d'inviter tous les savans de donnér à la
Convention nationale une échelle graduée des délits et des
vices et des tourmens qu'ils traînent après eux sur la terre .
L'Assemblée décrete l'impression de ce discours et le renvoi
au comité d'instruction publique.
Séance d'octidi , 18 Vendemiaire.
Corrighy , de la députation corse , réclame des secours en
faveur des réfugiés de cette partie de la Répubique , qui oat
fui la tyrannie et la trahison de Paoli . Il présente des réflexions
sur un arrêté du comité de salut public , qui déclare
rebelles tous les Corses qui seront pris sur des bâtimens por
tant pavillon paoli , corse ou anglais . Il fait voir que plusieurs
familles de patriotes ne seraient point coupables pour avoir
cherché les moyens de se soustraire à la domination de ce
traître . Il demande que le comité de salut public examine de
nouveau cet arrêté , afin de ne point confondre les bons citoyens
avec les contre -révolutionnaires .
Cette proposition est adoptée , et la Convention accorde des
secours aux refugiés Corses .
Après plusieurs décrets de finances , la Convention entend
la lecture que Cambacéres lui fait de l'adresse aux Français ,
contenant les principes autour desquels doivent se réunir tous
les amis de la liberté.
L'Assemblée l'a souvent interrompue par de vifs applaudissemens
, et a décrété qu'elle sera imprimée , envoyée à toutes
les administrations de département et de district , aux municipalités
, aux comités de sections , aux armées et aux sociétés
populaires ; qu'elle sera publiée par les municipalités , affichée
dans les salles décadaires , et lue dans les , assemblées de sece
tions ; qu'elle sera distribuée à chacun de ses membres , au
nombre de six exemplaires , et traduite dans toutes les langues
que les administrations de districts la feront réimprimer , et que
agens nationaux l'enverront aux instituteurs pour en faire
lecture à leurs éleves . ( Voyez cette adresse à lafin des séances . )
les
い
( 144 )
le
Merlin de Thionville annonce à la Convention , afin que
peuple le sache , que le comité de sûreté générale a fait arrêter
un ci -devant commissaire exécutif, arrivé tout exprès des Pyrénées
pour nier à la Convention le droit qu'elle a d'épurer les
sociétés populaires . Cet homme , nommé Giot , a emporté , en
partant , la caisse de nos collegues aux Pyrénéés .
Cavaignac , qui a en occasion de connaître et de juger co
Giot , le présente comme un espion de Robespierre auprès des
armées , et comme un agitateur de la société populaire de
Bayonne.
que
Bourdon ( de l'Oise ) trouve que l'adresse peut faire un
excellent effet sur l'esprit des bons citoyens , mais qu'elle n'est
pas suffisante pour comprimer les méchans . Nous sommes
instruits dans Paris , et dans toutes les grandes communes
de la république . il y a des conciliabules de voleurs et de
scélérats qui conspirent en secret On a chassé du ci -devant
évêché , qui était devenu le réceptacle de l'anarchie , le club dit
Electoral , et il est allé tenir ses séances à votre porte , dans la
salle du Muséum . Savez - vous ce qu'on y discutait cette nuit ?
L'anéantissement de la Convention on y posait en principe
que la Convention n'avait été envoyée que pour juger le der
nier tyran et faire une constitution ; on en concluait qu'elle
devait se retirer après , et laisser aux brigands qui se sont mis
a côté des patriotes le doux plaisir de ravager la plus belle
république du monde , de faire périr les propriétaires , et de
se gorger de richesses . Le peuple témoin de ces horreurs ,
mais qui ne les partage pas , a interrompu plusieurs fois les
Orateurs , et les a rappellés aux principes . Ce qui s'est passé
dans ce club vous indique ce que vous devez faire. Il faut se
servir de la massue du peuple contre les méchans ; comme
Hercule , il faut combattre les voleurs et les brigands . Je crois
que les mesures que je vais vous proposer seront de nature à
déjouer les complots qu'ils voudraient ourdir .
Bourdon propose ensuite de déclarer que la Convention ne
souffrira pas qu'il soit ports atteinte à la souveraineté et à la
dignité du peuple Français par l'abus du droit de pétition , et
par aucune motion insidieuse ; qu'il n'y a pas lieu à délibé rer sur la demande en rétablissement des assemblées demi- décadaires
, non plus que sur celui de la municipalité de Paris ,
et de regarder comme suspects ceux qui dans la nuit du g
thermidor ont prêché la desobéissance à la Convention , et
ceux qni depuis ont continué ce systême dans la République.
Goupilleau de Fontenai ) et Tallien pensent que ces propositions
ont besoin d'être meditées ; celui - ci ne veut point
qu'on sépare le club électoral des Jacobins et de tous les agitateurs
qui veulent sauver par le désordre leurs vols et leurs
rapines . Il demande que les trois comités soient chargés de
faire un rapport détaillé sur les mesures vigoureuses à prendre
contre les agitateurs de toutes les especes , afin qu'après les
avoir
( 145 )
avoir anéantis nous puissions nous occuper paisiblement des
grands travaux qui nous restent à faire pour le bonheur du
peuple. Cette preposition est adoptée .
Séance de nonidi . 19 Vendemiaire .
Lakanal annonce que le corps de J. J. Rousseau arrive aujourd'hui
à 2 heures au Jardin - national . Il demande que la
Convention nomme une députation de douze membres pour
aller le recevoir ; que leur collegue Delaire , qui a eu le bonheur
d'obtenir l'estime de ce grand homme , soit aussi invité
à s'y rendre. Décrété .
Thuriot , au nom du comité de salut public , fait le récit des
nouveaux succès obtenus dans la Belgique .
L'armée de Sambre et Meuse , après avoir forcé l'ennemi
sur les bords de la Roër , s'est empressée de profiter de sa victoire
; elle a divisé ses troupes en trois colounes ; une s'est portée
sur Boun , pour lier la droite de cette armée avec la gauche
de l'armée de la Moselle ; une autre sur la route de Dusseldorf ,
et la troisieme sur Cologne ; lorsque les Français se sont
portés à Hens , ville séparée de Dusseldorf par le Rhin , les
avant - postes de l'ennemi l'avaient abandonnée . Retranchés
dans Dusseldorf , ils ont , de cette ville , fait feu de leur artillerie
sur l'avant garde du général Kleber ; à l'instant elle a
été bombardée ; elle était en feu lorsque notre collègue Gillet
écrivait sa dépêche . L'armée française est en possession de
Cologue ; elle y a trouve une artillerie nombreuse , un arsenal
qu'on annonce être l'un des mieux fournis de l'Europe , et de
vastes magasins .
Représentans du peuple , notre objet est rempli , l'ennemi a
été obligé de passer le Rhin et de nous abandonner les lieux
les plus avantageux pour les quartiers d'hiver. Ge qui s'est
passe à Cologne lors de l'arrivée de nos troupes est une
picuve irresistible que tous les peuples abhorrent le joug du
despotisme , et qu'il est de la plus sage politique de séparer
toujours leur cause de celle des tyrans .
Tous les habitans de cette ville se sont pressés sur le passage
des soldats de la liberté . Ils ont fait entendre l'expression
de l'admiration et de l'allégresse .. Il semblait qu'en possédant
dans leurs murs une partie d'une armée immortalisée
par une suite non interrompue de victoires , ils se croyaient
assez heureux pour être associés à sa gloire .
Ce grend acte de possession que nous avons fait , et ceux
qui doivent le suivre , encourageront le peuple qui demande à
grands cris compte de l'or et du sang qui n'ont été versés
que pour servir l'orgueil et assurer le regne universel de la
tyannie ; ils donneront de l'énergie aux hommes qui cher
chent les grands principes et qui paraissent disposés , chez
toutes les puissances coalisées , à parler en faveur de la liberté
et de l'égalité .
Tome XII.
K
( 146 )
Que la Convention reste à la hauteur où elle est , et c'en
est fait ; tous les ennemis de la République sont anéantis .
La Convention nationale décrete :
Art. 1er . L'armée de Sambre et Meuse ne cesse de bien
mériter de la patrie .
" II. Le rapport fait au comité de salut public et la lettre
de Gillet , représentant du peuple , seront imprimés , insérés
au bulletin , et envoyés aux armées .
19 III. Les papiers envoyés aux armées , le seront également
aux éleves de l'école de Mars . "
Richard annonce que le télégraphe a signalé la prise de
Bois- le-Due par l'armée du Nord .
Dahem prétend que depuis le systême d'indulgence qu'on
veut établir , grand nombre d'émigrés échappent au glaive de
la loi , et qu'on semble favoriser les ennemis de la patrie , Ces
mots excitent des murmures . Personne de nous , s'écrient
plusieurs membres , ne veut favoriser les émigrés. Duhem se
reprend , en disant qu'il n'a entendu parler que des pamphlets
qui , dans ce moment , empoisonnent l'esprit public.
Merlin ( de Douai ) et Richard répondent que ceux des émigrés
qui ont été pris les armes à la main ont été fusillés , et
que les autres sent traduits devant le tribuual eriminel du
département du Nord . On peut se reposer sur les soldats de
la République pour faire vengeance de ces scélérats . Il n'est
pas d'idée de leur haine implacable pour ces assassins de la
patrie tous ceux qui tombent dans leurs mains n'obtiennent
point de quartier. A Ypres il se trouva beaucoup d'émigrés
distingués ; des Autrichiens ont tout fait pour vouloir les sauver
en les déguisant de différentes maniares ; mais nos soldats
ont eu plus de pénétration que les ennemis de ruse . Les émigrés
ont été reconnus par eux , et fusillés à Nieuport . Les
Républicains ont resté un tems considérable dans l'eau jusqu'à
la ceinture , acharnés après 600 de ces scélérats , et les ont
tous détruits . A l'Ecluse , ils en ont également fusillé plus de
500. La Convention nationale ne doit donc pas être inquiete .
sur le châtiment réservé aux émigrés .
Par l'adoption de deux décrets , l'un sur l'organisation d'un
tribunal de police correctionnelle , l'autre portant qu'il sera
formé à Paris , sous le nom de conservatoire des arts et métiers ,
et sous l'inspection de la commission d'agriculture et des arts ,
un dépôt de machines , modeles , outils , dessins , deseriptions;
et livres dans tous les genres d'arts et métiers . L'original des
instrumens et machines inventés ou perfectionnés sera déposé
au conservatoire .
Séance de décadi , go Vendemiaire.
Les membres du département de Paris , le tribunal révolu-,
tionnaire , le tribunal eriminel et celui de cassation , viennent,
feliciter la Convention sur ses travaux , et déclarent qu'ils se,
( 147 )
rallieront toujours aux principes développés dans l'adresse au
peuple Français , et concourront de tout leur pouvoir à leur
propagation et à leur uiomphe .
Les adresses et la réponse du président seront impriméess
au bulletin . Les pétitionnaires sont invités à assister à la céré-.
mouie qui doit avoir lieu pour la translation des cendres de
J. J. Rousseau au Panthéon .
Les représentans du peuple dans le département des Bouches-
du- Rhône écrivent que le peuple de Marseille , libre ,
heureux et reconnaissant , jure de n'avoir d'autre point de
ralliement que la Convention nationale , et d'autres principes :
que la République une et indivisible . Il vous à l'exécration
la mémoire des agitateurs et des tyrans du Midi . La société ›
populaire a repris ses séances , aux cris répétés de vive la Ré
publique vive la Convention ! guerre aux fripons , aux dilapida- › teurs et aux tyrans ! Insertion au bulletin . - -
L'institut national de musique est introduit dans la salle.
Il la fait retentir des airs charmans du Devin du village et do
couplets analogues à la cérémonie. Le président annonce
ensuite que tout est prêt , et l'Assemblée va se réunir au
cortège.
Séance de primedi , 21 Vendemiaire .
Cette séance a été presque entierement consacrée à l'admission
d'un grand nombre de sections de Paris , qui sont venuest
déclarer leur adhésion aux principes contenus dans l'adresse
au peuple Français , et jurer de ne reconnaître d'autre centre:
que la Convention . Ces sections sont celles des Arcis , de
l'Arsenal , de Lepelletier , de Mutius Scovola , du Mont-Blanc ,
Poissonniere , des Quinze - Vingts , de l'Observatoire , de la
Fraternité , de Brutos , de Guillaume Tell , de l'Indivisibilité ,
de la Réanion , de Marat , de la Halle - au-Blé , de Popincourt
et de l'Homme - Armé . Plusieurs d'entr'elles ont désavoué lest
arrêtés et les adresses qu'avaient surpris des intrigans , quis
attendaient que la majorité des citoyens eussent quitté la
séancé , pour s'emparer des délibérations et les faire passer à
leur gré.
Merlin ( de Thionville ) s'est élevé contre cette espece d'usur
pateurs , qui osent mettre leur volonté à la place du nom du
peuple. Il a demande que les comités fussent chargés d'examiner
la conduite de ces intrigans .
Crassous réclame l'ordre du jour , motivé sur ce que le désaveu
des sectious suffit , et que cette motion attaque la liberté'
des opinions , et détruit les principes,
La liberté des opinions , répond Thuriot , bien loin d'être
attaquée , est conservée par cette mesure . Ne sont- ils pas ennemis
de la liberté ceux qui menacent sans cesse de l'echafaud
les hommes qui ne votent pas comme eux , ceux qui ne
parlent que de poignards et de sang , ceux qui voudraient
K 2
( 148 )
}
opérer les déchirement et le déshonneur de notre patrie , en
mettant le crime à l'ordre du jour ? Ne sont-ils pas les ennemis
de la liberté des opinions , ceux qui restent dans les
assemblées de section passé l'heure fixée par la loi , et profitent
de l'absence des citoyens pour prendre en conciliabule
des arrêtés infâmes ? Citoyens de Paris , surveillez les auteurs
de ces manoeuvres , réprimez ceux qui abusent de votre nom ;
songez qu'il existe en quelque sorte , dans chaque section du
peuple , une solidarité pour la nation entiere : ainsi , en vous
prononçant aujourd'hui fortement pour les principes , vous
avez bien mérité du peuple Français . " Thariot demande
que , sans donner un effet rétroactif à l'idée de Merlin , l'on
charge le comité de sûreté générale de présenter un projet
de loi pénale contre ceux qui s'assemblent clandestinement
dans les sections , et émettent ainsi leur voeu individuel en le
faisant passer pour celui de tous leurs concitoyens . Gette
proposition est décrétée .
Les nouveaux comités révolutionnaires sont venus également
protester qu'ils concourront de tout leur pouvoir au maintien
des lois et au regne de la justice ...
A l'occasion de plusieurs dénonciations ou demandes contenues
dans quelques-unes de ces adresses , la Convention a
rendu plusieurs décrets dont voici la substance :
66.1 . Les banqueroutiers ne pourront exercer aucune fonction
publique. ,
920. Les scellés apposés chez les personnes dont la fortune
n'est pas de boo div.de revenus seront levés sans
délai .
,, 3 ° . Le décret qui exclut les femmes de la garde des
scellés , niaura son application que pour les scellés sur effets
nationaux et non pour ceux apposés sur effets particuliers .
49. Le comité des finances fera un rapport sur les gratifications
promises par les diverses sections de Paris anx peres ,
meres , femmes , veuves et enfans des défenseurs de la patrie
dans la Vendée. ,,
La Convention nationale au peuple français.
Français , au milieu de vos triomphes , l'on médite votre
peric. Quelques hommes pervers voudraient creuser , au sein
de la France , le tombeau de la liberté.... Nous taire serait vous
trahir , et le plus saint de nos devoirs est de vous éclairer sur les
périls qui vous entourent .
Vos ennemis les plus dangereux ne sont pas ces satellites
du despotisme que vous êtes accoutumés à vaincre : ec sont
leurs perfides émissaires qui , mélés avec vous , combattent votre
indépendance par l'imposture et par la calomnie .
Les héritiers des crimes de Robespierre, et de tous les
( 149 )
conspirateurs que vous avez terrassés , s'agitent en tous sens
pour ébranler la République , et , couverts de masques différens ,
cherchent à vous conduire à la contre- révolution à travers les
désordres et l'anarchie .
Tel est le caractere de ceux que l'ambition pousse à la
tyrannie. Ils proclament des prinsipes ; ils se parent des sentimens
qu'ils n'ont pas ; ils se disent les amis du peuple , et ils
n'aiment que la domination ; ils parlent des droits du peuple ,
et ils ne cherchent qu'à les lui ravir .
,, Prançais , vous ne vous laisserez plus surprendre à ces
infinuations mensong eres . Instruits par l'expérience , vous ne
pouvez plus être trompés . Le mal vous a conseillé le remede .
Vous étiez près de tomber dans les pieges des méchans ; la
République allait périr : vous n'avez fait qu'un cri , vive la Convention
! et les méchans ont été confondus , et la République
a été sauvée .
" Souvenez -vous que tant que le peuple et la Convention ne
feront qu'un , les efforts des ennemis de la liberté viendront
expirer à vos pieds , comme des vagues écumantes viennent se
briser contre les rechers .
,, Rendus à votre premiere énergie , vous ne souffrirez plus
que quelques individus en imposent à votre raison , et vous
n'oublierez pas que le plus grand malheur d'un peuple est celui
d'une tourmente continuelle .
" C'est ce que savent trop bien ceux qui voudraient vous
pousser au sommeil de la mort dans les bras de la tyrannie.
" Ralliés à la voix de vos représentans , vous ne perdrez
jamais de vue que la garantie de la liberté est tout à - la-fois ,
et dans la force du peuple , et dans sa réunion au gouvernement
qui a mérité sa confiance . 1
,, De son côté , la Convention nationale , constante dans
sa marche , appuyée sur la volonté du peuple , maintiendra ,
en le régularisant , le gouvernement qui a sauvé la République
.
Elle le maintiendra dégagé des vexations , des mesures
cruelles , des iniquités dont il a été le prétexte , et avec lesquelles
nos ennemis affectent de le confondre . Elle le maintiendra
dans toute sa pureté et dans toute son énergie , malgré
les tentatives de ceux qui veulent altérer l'une ou exagérer
l'autre .
" Elle le maintiendra jusqu'à l'entiere destruction de tons
les ennemis de la révolution , malgré l'hypocrite patriotisme
de ceux qui demandent le gouvernement constituonnel dans
des espérances perfides .
Oui , nous le jurons : Nous demenrerons à notre poste
jusqu'au moment où la révolution sera consommée , jusqu'au
moment où la République triomphante , donnant la loi à tous
ses ennemis , pourra jouir , sous la garantie de ses victoires •
K 3 1
( 150 )
des fruits d'une constitution aussi solide que la paix qu'elle
anra dictée .
,, Nons saurons épargner l'erreur , et frapper le crime,
Soyez inexorables pour l'immoralité : l'homme immoral døit
être rejeté de la société comme un élément dangereux , corruptible
par sa nature , et toujours prêt à se rallier au parti des
conspirateurs.
" Ne confondez pas avec ceux qui ont constamment soutenu
la cause de la liberté , ceux pour qui l'agitation est un besoin ,
et le désordre un moyen de fortune : écoutez les premiers ;
fuyez les autres .
Vos représentans ne souffriront pas que les fonctions
publiques soient exercées par d'autres que par des véritables
amis du penple : ils en éloigneront ces hommes perfides qui
ne parlent sans cesse des droits du peuple que pour s'en résesver
exclusivement l'exercice .
Après avoir exprimé ses sollicitudes , manifesté ses pensées
et ses intentions , la Convention nationale rappelle au
peuple Français des principes sacrés , des vérités éternelles qui
doivent rallier tous les citoyens .
Une hation ne peut point se régir par les décisions d'une
volonté passagere qui cede à toutes les passions ; c'est par la
seule autorité des lois qu'elle doit être conduite .
Les lois ne sont destinées qu'à garantir l'exercice des
droits . C'est cette précieuse garantie que l'homme est venu
chercher dans les associations politiques , et elles la lui assurent
à l'aide du gouvernement , qui coutient le citoyen dans
le cercle de ses devoirs .
Tout ce qui porte atteinte à l'exercice de ces droits , est
un délit contre l'organisation sociale .
Il faut que la liberté individuelle ne trouve de limites
qu'an point où elle commence à blesser la liberté d'autrui ;
c'est la loi qui doit reconnaître et marquer ces limites.
" Les propriétés doivent être sacrees . Loin de nous des
systêmes dictés par l'immoralité et la paresse , qui atténuent
l'horreur du larcin , et l'érigent en doctrine . Que l'action de la
loi assure donc le droit de propriété comme elle assure tous
les autres droits du citoyen .
,, Mais qui doit établir la loi ? Le peuple seul , par l'organe
des représentans auxquels il a délégué ce pouvoir.
» Ancane autorité particuliere , aucune réunion n'est le
peuple ; aucune ne doit parler , ne doit agir en son nom .
Si une main téméraire s'avançait pour saisir les droits
du peuple sur l'autel de la patrie , la Convention se montrerait
d'autant plus jalouse de développer contre l'usurpateur le
pouvoir dont elle est revêtue , qu'elle doit compte au peuple
des attentats commis contre sa souveraineré .
Dans sa fermeté , la Convention nationale ne se départira
jamais de la sagesse ; elle écouterá avec attention les réclama(
151 )
tions qui fui seront adressées ; mais elle ne souffrira point que
le droit d'éclairer et d'avertir devienne un moyen d'oppression
et d'avillissement , et qu'il s'éleve jamais des voix qui parlenr
plus haut que la Réprésentation nationale.
" Elle prendra contre les intrigane , contre ceux qui peuvent
encore regretter la royaute ; l'attitude la plus vigourense . Elle
maintiendra les mesures de sûrete que le salut public com.
mande ; mais elle ne consentira point qu'elles soient arbitrairement
étendues , et que la suspicion soit une source de calamités
.
,, Enfin tous les actes da gouvernement porteront le caractère
de la justice ; mais cette justice ne sera plus présentée à la
France , sortant des cachots , toute couverté de sang , comme
l'avaient figurée de vils et hypocrites conspirateurs ,
,, Français , considérez comme vos ennemis tous ceux qui
voudraient attaquer obliquement ou d'une maniere directe la
liberté , l'égalité , l'unité , l'indivisibilité de la République .
" Fuyez ceux qui parlent sans cesse de sang et d'échafaudsy
ces patriotes exclusifs , ces hommes outrés , ces hommes enrichis
par la révolution , qui redoutent l'action de la justice , et
qui comptent trouver leur salut dans la confusion et dans l'anarchie
.
Eftimez , recherchez ces hommes laborieux et modestes :
ces êtres bons et pars qui fuient les places , et qui pratiquent
sans ostentation les vertus républicaines .
» Ne perdez jamais de vue que si le mouvement rapide et
violent est nécessaire pour faire une révolution , c'est an calme
e: à la prudence de la terminer.
" Uaissez- vons donc dans un centre commun : l'amour et
le respect des lois .
,, Voyez vos braves frères d'arines vous donner l'exemple
de cette obéissance sublime dans leur soumission et leur dévoûment.
Leur gloire est de reconnaître la voix de leurs chefs ;
ils bénissent sans cesse les décrets de la Convention nationale ;
s'ils souffrent , ils en rejettent le malheur sur les circonstances ;
s'ils meureat , lear dernier cri est pour la République .
,, Et vous , dans le sein des villes et des campagnes , vous
vous laisseriez agiter par de vaines querelles ! vous jetteriez
dans vos assemblées des obstacles qui retarderaient la marche
triomphale de la révolution !
" O Français ! quelle douleur pour nous , quelle satisfaction
pour nos ennemis , de voir la France victorieuse au dehors
et déchirée au dedans ! Non , ils ne l'auront pas , ce cruel
plaisir ; et ce que la Convension a fait dans les armées , elle le
fera dans le sein de la République .
Les vertus guerrieres enfantent les héros ; les vertus domestiques
forment le citoyen , et ce sont ces vertus , soutenues
et fortifiées d'an invincible attachement aux principes républicains
, qui perpétuent dans une nation généreuse ce feu sacré ,
K 4
( 152 )
ce grand caractere qui a fait du peuple Français le premier
peuple de l'Univers .
C'est alors que tous les agitateurs étant déconcertés ,
on verra tous les partis tomber et s'éteindre d'eux -mêmes ;
car , dans tous les partis , il y a des gens qui font de bruit pour
en faire , et du mal sans y rien gagner : ce sont comme autant
de vents opposés , qui , sans rendre aucun service au pilote , ne
servent qu'à troubler la manoeuvre .
" Citoyens , toutes les vertus doivent concourir à l'établissement
d'une République . Vous avez déployé tour - à - tour la
force pour renverser la bastille et le trône ; la patience , pour
supporter les maux inséparables d'une grande révolution ; le
courage , pour repouser les barbares qui voulaient forcer nos
frontieres le tems est venu de vaincre encore vos ennemis
par la fermeté et par la sagesse . Il faut que le calme succede
enfia à tant d'orages . Le vaisseau de la République , tant de
fois battu par la tempête , touche déja le rivage ; gardez- vous
de le repousser au milieu des écueils . Laissez-le s'avancer dan's
le port en fendant d'an cours heureux une mer obéissante , au
milieu des transports d'un peuple libre , heureux et triomphant.
PARIS. Quartidi , 24 Vendemiaire , 3e , année de la République.
Le Panthéon s'est enfin onvert à un homme de génie , à un
homme vertueux . Voltaire avait rendu de grands services à
l'esprit humain en combattant les préjugés , la superstition
et le fanatisme , mais il est donteux qu'il eût embrassé les principes
de la révolution . Rousseau par ses écrits philosophiques l'a
dévancée , et lui a appartenu tout entier. S'il en eût été
témoin , on l'aurait compté peut être au nombre des victimes de
la férocité des brigands , mais il eût été digne de mourir pour
la cause de la liberté . Quoique né à Genève , il a vécu , il a
écrit , il est mort en France , qui était devenu , pour ainsi dire ,
sa patrie d'adoption . La translation de ses cendres au Panthéon
a eu lieu décadi dernier. Ç'a été un jour de fête auguste
et solemnel . Ç'en sera toujours un pour tous ceux qui liront
ses immortels ouvrages .
La reconnaissance nationale avait déja rendu un juste hom.
mage à celui de nos écrivains dout l'éloquence mâle et vigourense
avait donné au peuple Français cette impulsion puissante
qui devait renverser tous les despotismes , dont la philosophie
avait osé remonter à l'origine des sociétés , et déchirer le
voile dont les moines et les tyrans avaient couvert le berceau
des institutions sociales . Déja on avait décerné une statue à
l'auteur d'Emile et du Contrat Social , et accordé une pension
à sa veuve .
( 153 J
Ce n'était pas assez pour la nation française , sa reconais
sance devait être aussi éclatante que les bienfaits qu'elle en
avait reçus . Vers midi , lorsque la Convention nationale eut
quitté le lieu de ses séances , le président , du haut du péristile
du jardin national , où l'on voyait flotter les drapeaux
ennemis témoins des victoires annoncées ta veille , donne au
peuple assemblé en foule pour la fête , le récit des détails
des glorieuses journées dans lesquelles les armées viennent
de cueillir de nouveaux lauriers , et ajouter de nouveaux
titres à la reconnaissance publique . Le peupie lui répond
par des applaudissemens , par des cris mille fois répétés :
Vive la République vive la Convention nationale et agite
d'une maniere expressive ses chapeaux dans les airs . Les accens
d'une musique mélodieuse se mêlent ensuite aussi - tôt à ceux
de l'allégresse publique , et donnent le signal du départ pour
la fête .
Tous les accessoires de la cérémonie sont assortis au génie
et au caractere du philosophe que l'on célebre . Chaque emblême
offre une allusion aux diverses études qui ont rempli
le cours de sa carriere ; et la nature semble avoir fait presque
tous les frais de ces divers emblêmes . Ici paraît un char surmonté
des divers instrumens des arts , avec cette inscription a
Il réhabilita les arts utiles . Il est suivi d'un autre , couvert de
plantes , de fleurs et de fruits , avec ces mots : L'étude de lai
nature le consolait de l'injustice des hommes . Plus loin , une
renommée pose une comoane de chêne sur ses immortels
ouvrages ; elle précede les grandes tables des droits de l'homme
, au bas desquelles on lit : Il réclame le premier ces droits
imprescriptibles. Ce qui semble fixer plus particulièrement les
regards , sont des femmes et des enfans grouppés sur un char
de forme antique , dont le spectacle rappelle les préjugés que
le philosophe a vaincus , en rendant les meres à leurs premiers
devoirs , et en brisant les liens dont on garottait l'enfance.
On apperçoit aussi à la cérémonie Francklin et Voltaire ,
bien dignes tous deux d'assister à cette fête nationale ; l'un ,
pour avoir donné au peuple Américain le secret de ses forces
et de son indépendance ; l'antre , pour avoir secoué tous les
jougs , rompa toutes les chaînes de la superstition , et fait dans
Topinion la même révolution que les principes républicains
font aujourd'hui chez tous les peuples de l'Europe . Au milieu
du coriége paraît le tombeau dans une isle de peupliers , environnés
des habitans d'Hermenonville , et portant deux inscriptions
l'une , Vitam impendere vero ; l'autre , Ici repose
l'homme de la nature et de la vérité .
Pendant cette marche à- la - fois funéraire et triomphale , lé
peuple garde une espece de silence religieux , et paraît craindre
de troubler le repos de celui qui a sacrifié son goût de la
' solitude et de la vie champêtre pour l'arracher aux fers de la
1
( 154 )
tyrannie , qui a consacré sa vie à rappeller les hommes à la
vertu , et à leur démontrer que l'accomplissement des devoirs
de citoyen et de ceux que prescrit la nature , est pour tous le
seul chemin du bonheur .
La Convention poursuit avec ardeur le noble plan qu'elle
s'est formé de purger la révolution de ces amas d'intrigans
de voleurs , de dilapidateurs et de brigands sanguinaires qui
n'ont cessé de la souiller. On sait maintenant à quoi s'en tenir
sur le compte de ces patriotes par excellence qui ne veulent
ramener le régime de la terreur que pour échapper au glaive
de la justice . Si les vols et les brigandages qui ont été commis
dans presque tous les départemens , si l'oppression la plus
inouie , la férocité la plus raffinée , le sang qui a coulé à grands
flots dans une grande partie de la République , et les acenes
atroces dont les bords de la Loire ont été le théâtre , ne suffisaient
pas pour dessiller les yeux de tous les amis de la liberté
sur leurs infames auteurs , le dernier trait qui vient de parvenir
à la Convention nationale acheverait de les signaler et
de crier vengeance contre tant d'attentats envers l'humanité , la
pudeur , la justice et l'innocence .
1
Dans la séance du 22 , il a été fait lecture de plusieurs pieces
authentiques , desquelles il résulte que l'adjudant - général
Lefevre donna ordre de faire jetter à la mer , au - dessous de
Nantes , 41 personnes , parmi lesquelles se trouvaient deux
hommes , dont l'un aveugle depuis 6 ans et âgé de 78 ans ;
douze femmes de différens âges , et quinze enfans dont dix
depuis l'âge de 6 à 10 ans , et cinq à la mammelle , et que cet
ordre affreux fut exécuté le lendemain à 5 heures du soir. La
Convention a donné ordre de faire arrêter cet exécrable Cannibale
, ainsi que le capitaine de navire et tous les exécuteurs
d'un pareil forfait. Elle a décidé de plus que le tribunal révolutionuaire
s'occuperait , toute affaire cessante , de l'instruction
et du jugement des membres du comité révolutionnaire de
Nantes , si connus par des forfaits du même genre , et de tous
les auteurs et complices en quelque lieu qu'ils soient , et de
quelques fonctions qu'ils soient revêtus . En conséquence , l'acte
d'accusation a déja été dressé par l'accusateur public , et le
procès de ces monstres va bientôt commencer.
Beaucoup d'arrestations ont été faites dans différentes , seetions
, en vertu d'ordres du comité de sûreté générale . On
compte dans le nombre beaucoup de Jacobins.
Celui qui rédigeait le journal de la Montagne a écrit à la société
des Jacobins , qu'il ne se sentait plus assez d'audace pour continuer
à rendre compte de leurs séances . Ce mot d'audace a
excité beaucoup de murmures , et a été regardé comme injurieux
.
On a trouvé il y a deux jours , dans les latrines des Inva(
155 )
lides , un militaire poignardé et baigné dans son sang. Sur- lechamp
tous ceux qui habitent cet hospice ont été consignés :
on n'a point encore découvert les auteurs de cet assassinat.
Les derniers avis reçus de nos armées portent que les Pras .
siens se sont retirés entierement au - delà du Rhin , du côté
du Newstadt : ils laissent ainsi Mayence à découvert et une
grande partie du Palatinat . La terreur regne dans les armées
des ennemis ; les troupes refuseut de combattre contre les
défenseurs de la liberté .
On écrit da Port de la Montagne que l'escadre de don Josu
de Langara vient de se séparer de la division du commodore
Hottam , pour retourner à Cartbagene , et de-là à Cadix . On
assure qu'il a éclaté une grande mésintelligence entre les marius
des deux nations .
Ou mande de Marseille que 105 conspirateurs ont été condamnés
à mort . Cette ville jouit de la plus grande tranquillité
: la société populaire ne s'agite plus au milieu des factions .
des fureurs , des poignards et des proseriptions . On assure
que , dans le tumulte qui a failli boulverser cette grande ville ,
on avait mis le feu à la maison du représentant du peuple
Granet . Heureusement les bons citoyens sont parvenus à l'éteindre
.
On parle d'un plénipotentiaire espagnol , arrivé à Paris
pour demander la paix au nom de sa cour : on va jusqu'à
nommer celui qu'on dit chargé de cette mission . Nous ne garantissons
pas la vérité de cette nouvelle ; mais nous lisons dans
l'extrait d'une lettre écrite de Perpignan , le 8 de ce mois ,
et insérée dans le Courrier Patriotique du département de
l'Isere , du 17 , ces mots qui viennent à l'appui du bruit qui
se répand : Un courrier est parti hier pour la Convention
pour parler de faix particuliere chose certaine. Trente - quatre
déserteurs sont arrivés ce matin , à 10 heures 43 autres . Ils
sont presque tous français . Tous s'accordent à dire que le
soldat espagnol est rongé par la vermine , accablé de misere
et de coups ; qu'il n'a que de très - mauvais pain , et une once
de lard pour toute viande ; qu'il est excessivement fatigué , et
ne veut plus se battre.
Il paraît une autre adresse à la Convention , rédigée par
les douze représentans du peuple détenus à Port-Libre , parmi
lesquels on remarque Dusaulx et Mercier , deux hommes de
lettres connus par leur amour pour la liberté , sous le régime
même du despotisme . Elle a pour objet d'expliquer l'écrit qu'on
a qualifié de protestation , et qui a servi de motif à leur détention .
Ils la considerent sur les trois points de vue suivans .
1º . La dénonciation courageuse de plusieurs personnages
qui venaient d'acquérir une grande puissance ;
2. Le recit fidele des événemens dont nous avions été
les témoins ;
3º . L'expression de nos craintes et de nos douloureuses
prévoyances.
( 156 )
,, Oui , disent- ils , nous les avions connus et appréciés dèslors
ceux qui avaient joué les premiers rôles dans ces événemens
" D'où était venue en effet cette premiere pétition , déclarée
calomnieuse par la Convention nationale , et dirigée contre
une partie de ses membres ? Des municipaux de Paris . Quel est
celui dont l'arrestation avalt servi de motifs aux premiers mouvemens?
Hébert . De qui était composé ce comité central , qui
à l'Evêché organisait l'insurrection ? De Gusman , de Prely , de
Pereira , des deux Frey , de Dubuisson , de Desfieux , etc. Qui com+
mandait la force armée ? Hanriot. Qui présidait extraordinaire
ment la Convention ? Hérault . Qui lui demandait avec insolence
si elle osait se croire capable de sauver la patrie ? Simon ..
Qui convertissait en motions les demandes du comité central
et de la municipalité ? Couthon . Qui sont ceux enfin qui , dans
la Convention nationale , dans les clubs , dans les bureaux
dans les tribunaux , ont pris la part la plus active à tout ce qui
a précédé ou suivi ces journées ? St. Just et Julien de Toulouse ,
comme rapporteurs ; Chabot , Fabre - d'Eglantine , Chaumette ,
Clootz , comme témoins ; Momoro , Vincent , Boichet , Ronsin ,
Lullier , Osselin ... Robespierre , comme agitateurs et promoteurs
de proscriptions .
" Eh bien les municipaux de Paris , les Espagnols ,
Autrichiens et les Prussiens du comité central ; Hébert et ses
complices , Robespierre et ses adjoints , voilà les personnages
que nous ne voulions pas regarder comme les sauveurs de la
patrie, et que nous osions désigner comme des séditieux et des
traîtres. Ces conspirateurs ne sont plus. De crime en crime et
même de succès en succès , une pente irrésistible a dû les précipiter
à leur perte ; car si les révolutions frappent quelquefois
des victimes innocentes , du moins elles n'épargnent aucun
coupable ; et au milieu de tous les périls qu'elles disséminent ,
les chances les plus favorables sont encore pour la vertu , pour
Ja probité et pour le patriotisme courageux . 1
" Le second objet de notre projet d'adresse était l'exposé
des faits qui venaient de se passer sous nos yeux , et dont nous
avions sans doute le droit d'instruire nos commettans .
,, Cet exposé , qu'on le publie donc enfin , et qu'on le rapproche
des trois éditions du procès - verbal de ces deux séances ;
car la rédaction en a été recommencée trois fois .
""
Qu'on le rapproche des récits publiés par les députés de
la Somme , par ceux de l'Aisne , par plusieurs autres de nos
collegues.
" Qu'on le rapproche de cette déclaration volumineuse que
Chabot a remise , avant sa mort , entre les mains des comités
gouvernans , et qui n'a point encore vu le jour.
" Qu'on le rapproche des aveux de Gusman et de quelques
autres séditieux qui ont affirmé durant leur détention , que
c'était contre la Représentation nationale toute entiere que
( 157 )
l'insurrection des 31 mai et 2 juin était dirigée .
" Qu'on le rapproche de cette déclaration secrette ; dont
Cambon vient d'attester l'existence , et que plusieurs députés ,
composant alors le comité de salut public , ont signée.
" Qu'on le rapproche enfin de tout ce qui , à différentes
époques , a été dit ou écrit sur ces journées par Baaire , par
Barrere , par Boucher - Sauveur , etc.
Oni , au mépris de tontes les lois , des conspirateurs Espagnols
, Autrichiens , ou indigues du nom Français , out , le 31
mai , fait tirer le canon d'alarme , sonné le tocsin , fermé les
barrieres , et intercepté les communications .
,, Oui , durant la séance du 2 juin , une consigne donnée
par ces factieux nous retint captifs dans la salle de nos délibérations
; on vain nous décrétâmes la levée de cette consigne ,
elle subsista malgré nos décrets . Il nous fut interdit ,
lement de sortir , mais de regarder par les fenêtres les dispositions
hostiles qui se prenaient autour de nous.
non - seu-
,, Oui , au milieu de cette séance , Barrere , Cambon , Bazire
vinrent avec l'accent de l'effroi nous annoncer les périls dont
nous étions environnés ; ils nous attesterent que l'on distribuait
de l'argent à la maniere autrichienne , dans les rangs de la force
armée ; que nous n'ètions pas libres ; que ce n'était point à des esclaves
qu'il appartenait de faire des lois ; qu'au surplus rien ne pouvait justifier
le décret demandé par la municipalité.
Oui , durant cette journée , tandis que les citoyens de
Paris donnaient à la représentation nationale des témoignages
de confiance et de respect , Hanriot et ses affidés satellites , revenus
tout exprès de la Vendée , nous parlaient avec l'insolence
du crime ; et notre président extraordinaire Hérault , leur répondait
avec l'intelligence d'un complice et la bassesse d'un
valet.
,, Oui , enfin , Hanriot a donné à ses soldats , l'ordre de diriger
contre la Convention nationale leurs sabres et leurs canons,
et cet ordre a été exécuté .
" Tels sont les faits principaux contenus dans notre projet
d'adresse , et à l'exposé desquels il nous était bien permis de
joindre l'expression de nos tristes pressentimens.
" Il nous semblait donc que la municipalité de Paris , ardent
foyer de contre- révolution , allait devenir de jour en jour plus
audacieuse , et que la Convention demeurait exposée à perdre ,
dans la même proportion , sa liberté , son énergie , sa puissance.
Il nous semblait qu'entre les mains d'administrateurs et de
généraux infideles , les désastres de la Vendée allaient se prolon
ger sans mesure , et que l'anarchie , provoquant par ses excès
tous les fanatismes , ennemis de la République , allumerait au
sein de la patrie , des guerres civiles de tous les genres .
Il nous semblait qu'Hebert , le plus actif des conspirateurs
subalternes , allait répandre plus que jamais , les poisons de
la calomnie et de la discorde ; qu'au parquet de la commune ,
( 158 )
aux Cordeliers , aux Jacobins , à la barre et dans les tribunes
de la Convention , dans les cafés et les lieux publics , dans ses
feuilles dégoûtantes, soudoyées par Bouchotte et par l'étranger ,'
Hebert serait par- tout le promoteur eifréné des agitations , et le '
corrupteur long-tems impuni de la morale populaire .
" Il nous semblait que de vilsintrigans ne tarderaient pas de
s'emparer de toutes les branches de l'économie publique et tra- vailleraient avec un affreux succès à la ruine du commerce , au
découragement des arts , à l'appauvrissement
de toutes les
branches de la prospérité sociale.
" Il nous semblait que des passions fougueuse usurperaient
de plus en plus le domaine de la pensée ; que des mouvemens
séditieux se mettraient décidément à la place des conceptions
législatives ; que , l'habitude des agitations et des secousses une
fois établie , les questions les plus importantes se résondraient
désormais par des crises et non par des délibérations , qu'en un
mot, les destinées de la patrie seraient abandonnées auxchances
des tumultes.
" Il nous semblait enfin , qu'une impulsion funeste était
donnée à la révolution , et qu'après avoir décrit un cerale de
calamités , la France pouvait être conduite à une servitude au
moins passagere ; soit qu'on essayât de la replacer sous le joug'
de la royauté ; soit que des décemvirs , des triumvirs , ou un
dictateur essent l'audace d'exercer sur elle use farouche et
meurtriere tyrannie .
Tels sont les consternans présages que nous avions conçus
et déposés dans notre projet d'adresse , et nous n'avons pas
le bonheur d'avoir conçu des alarmes illusoires „
Ils répondent ensuite aux reproches de royalisme et de fédéralisme
, et font voir , en expliquant sur- tout ce qu'on doit
entendre par ce dernier mot , que jamais ils ne se sont écartés
un instant des principes sacrés de l'unité et de l'indivisibilité de
la République . Cet écrit fait beaucoup de sensation , et les
comités sont chargés de faire leur rapport de cette affaire avant
le 1er. brumaire.
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES .
L'abondance des matieres ne nous avait pas permis de donner
les dépêches officielles de cette armée , nous y suppléons aujourd'hui.
Rien ne doit être perdu dans la série historique de nos succès.f
Au quartier-général de l'Alguliena , le 2 vendémiaire.
Citoyens représentans , La Union a voulu s'approcher de
Bellegarde lorsqu'il n'était plus tems. Le 5e . jour des sanculotides
il fit avancer 7000 hommes sur notre avant-garde ; il
porta également vers notre gauche de gros détachemens d'infanterie
et de cavalerie ; et à la pointe du jour il nous attaqua ,
( 159 )
pour s'emparer d'une position intermédiaire qu'il croyait avane
tageuse à son armée ; il y trouva , pour son malheur , quelques
bataillons de nos chasseurs , qui justifierent bien leur dénomi
nation , et qui , après quelques heures d'engagement trèschaud
, mirent en déroute tout ce gibier espagnol .
" Les détachemens de notre centre et de notre gauche
eurent le même succès vis -à - vis des colonnes qu'ils combattirent
. Nos chasseurs ont pris à l'ennemi 4 pieces de canon:
et quelques autres effets ; et par - tout il a été repoussé dans
ses retranchemens jusques sous le fen de ses batteries . Sa
perte , en général , est évaluée à 600 hommes laissés sur le
champ de bataille ; nous avons eu 50 blessés et quelques morta
à proportion .
Je ne dois pas vous laisser ignorer un trait qui fait honneur
à l'humanité , et que je n'ai pas manqué de récompenser
au nom de la République. Un Garde-vallone , Liégeois do naissance
, déserté au milieu du combat , passe à côté d'un de nos
freres blessé. Viens , lui dit- il , camarade , avec moi ; ils te tueront
si tu restes ici . Il le charge sur ses épaules , et le porte
pendant plus d'une heure pour gagner l'ambulance . Ce vertueux
Liégeois est bien digne de la liberté que nous avons
donnée à sa patrie . Tous les déserteurs qui nous arrivent en
très-grand nombre , démontrent , d'une maniere bien touchante,
le plaisir qu'ils ont de se trouver avec des hommes libres . Je
crois qu'il ne resterait pas un soldat au tyran de Madrid , s'ils
voyaient tous l'accueil que nous faisons à leurs camarades ,
" L'engagement que nous avons eu avec les ennemis le
dernier jour de la sancalotide leur a été beaucoup plus fu
neste que nous ne l'avions pensé . Les derniers déserteurs qui
nous sont arrivés en foule , rapportent unanimement qu'ils ont
eu une grande quantité de blessés , dont la plupart sont morts.
Ils évaluent leur perte à douze cents hommes. Nos braves
chasseurs leur avaient donné une telle épouvante , que pour
fuir plus lestement , ils ont jeté leurs armes que l'on nous
rapporte chaque jour. La -Union était présent à l'affaire pour
en imposer aux fuyards ; il en a fait fusiller quelques- uns et
envoyé plusieurs autres aux galeres . Depuis cet échec , il a
voulu nous tâter ailleurs . Nous avons été attaqués à l'extrême
frontiere , du côté de Saint- Laurent de Cerda : on venait
de confectionner quelques redoutes à Costonges. L'ennemi
a voulu les étrener en enlevant le poste qu'elle défendait , mais
il n'a pas été plus heureux qu'à la montagne-Noire . Non- seulement
nos freres d'armes l'ont vigoureusement repoussé , mais
encore le poursuivent jusques dans son camp , ils l'ont enlevé.
( Vifs applaudissemens . ) Mauitions de guerre et de bonche ,
et effets de campemens , tout a passé au service de la République.
Nous avons en très -peu de blessés , encore moins de
tués . L'ennemi ne peut pas eu dire autant.
Salut et fraternité .
Signé , DUGOMMIER général en chef.
( 1 ნი )
•
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
A Cologne , le 16 vendémiaire.
L'armée de Sambre et Meuse , chers collegues , avait entrepris
de chasser l'ennemi au - delà du Rhin ; je vous annonce
qu'elle a rempli sa mission . Nous entrâmes hier à Cologne
aux acclamations d'un peuple immense qui se pressait sur
notre passage , pour voir une armée célèbre par une suite
non interrompue de victoires .
Les ennemis avaient profité de la nuit précédente pour
achever leur retraite au moyen de ponts qu'ils avaient jetés
sur différens points au - dessous de Cologne .
" L'armée est satisfaite d'elle- même ; elle jouit de ses travaux
en voyant les rives du Rhin , et je crois que les Autrichieus
sont encore plus contens de voir cette barriere entre
nous et eux ; car il ne s'est presque pas écoulé un jour de
puis six mois , qu'ils n'aient entendu à leur réveil le bruit
de nos canons , ce qui les gênait beaucoup .
Cologne renferme de grands magasins , une artillerie nombreuse
, et un arsenal qui est , dit - on , l'au des mieux pourvus
de l'Europe . J'ai denné les ordres nécessaires pour dresser
des inventaires que je vous enverrai aussi - tôt qu'ils m'auront
été remis .
Je vous envoie les clés des villes de Cologne , de Juliers
et d'Aix- la - Chapelle . "
Salut et fraternité. Signé , GILLET , représentant du peuple.
A Juliers , le 13 vendémiaire .
L'ins-
Citoyen président , nous avons reçu le drapeau que la
Convention nationale nous a fait passer par deux défenseurs
de la patrie honorablement blessés de cette armée .
cription qu'il porte nous dédommage bien des fatigues de la
guerre , et est bien faite pour redoubler notre zele , notre
courage et notre haine pour les tyrans.
Nous te prions de dire à la Convention nationale que
nous pensons que cette récompense nous met dans l'obligation
de faire encore plus que nous n'avons fait . Nous te prions
de lui dire que ce drapeau nous servira de ralliement et sera
la terreur de nos eanemis ; enfin , citoyen président , nous
jurons tous sur ce drapeau de vaincre les ennemis de la république
, ou de mourir sur le champ de bataille .
,, Nous jurons d'être inviolablement attachés à la Convention
nationale. ""
Salut et fraternité . Signé , JOURDAN , commandant en chef.
Transmission de Lille , par le thélégraphe , du 19 vendémiaire
au malin .
Bois- le- Duc est au pouvoir des républicains depuis le 16 .
La garnison , faite prisonniere de guerre , doit être échangée
en nombre égal de nos républicains , grade pour grade ,
excepte 408 émigrés qui doivent être livrés pour leur faire
subir la peine portée par la loi.::Signé , CHAPPE , ingénieur.
1
MERCURE FRANÇAIS
DECADI 30 VENDÉMIAIRE , l'as troisieme de la République.
( Mardi 21 Octobre 1794 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Sur l'abus des mots et les différentes variations des idées dans la
révolution (1).
DANS les disputes métaphysiques , dans les querelles de
eligion , dans les dissentions civiles et politiques , les hommes
se sont presque toujours persécutés , hais et égorgés , faute de
s'entendre . Les mois ont une telle influence sur les idées , et
les idées sur les actions , qu'un des plus grands services qu'on
cût pu rendre à la révolution , aurait été d'assigner aux principaux
sigues de nos idées en politique leur véritable significa
tion , et de bien définir avant que de raisonner ; les grammairiens
se sont bien plus occupés de la physique des langues
que de leur esprit ; et les littérateurs , de leur esprit que de
leur valeur philosophique .
On répete tous les jours que tout le monde est d'accord sur
les principes , et l'on ne s'accorde pas même sur le sens des
mois qui les designent . Dans le tems qu'on parlait le plus de
principes . de justice et de vertu , les regles les plus communes
de l'ordre social , de la justice , de la raison et de l'humanité
étaient violes avec une audace et une derision telle qu'on ne
s'est jamais joué avec autant d'effionterie des droits de l'espece
humaine.
Sans doute que les passions et les vices ont beaucoup influé
sur la subversion des mots et des choses dans la série des crises
révolutionnaires que nous avons éprouvées depuis six ans.
Mais l'ignorance peut également en revendiquer sa bonne part.
L'ignorance est un fonds inépuisable que les jougicurs , les
charlatans et les fripons ont toujours fait valoir à leur profit , à
Commencer par ceux qui ont parle aux hommes au nom de
Dieu , jusqu'à ceux qui leur ont parle au nom de leur intérêt
personnel.
C'est une chose bien remarquable que la revolution qui a
(1 ) Ce morceau est extrait d'un ouvrage actuellement sous presse
L'auteur nous a permis d'en extraire quelques fragmens.
Tome XII. L
( 162 )
sans
commencé par les lamieres , qui , quoi qu'on en puisse dire ;
no se serait point faite sans elles , ait été jettée si promptement
hors de ses premieres routes par une poignée de scélérats
sans connaissances , sans principes , sans morale ,
autre talent que celui d'en imposer par un patriotisme simulé ,
et le jeu artificieux de quelques mots qui exerçaient sur la multitude
un empire d'autant plus grand qu'ils étaient moins compris
, et qu'on avait eu soin de les détourner de leur véritable
acception .
Jamais ces dignes successeurs des Attila , des Omar et des
Tamerlans ne seraient parvenus à tromper une nation qui
comptait dans son sein tant de personnes éclairées , s'ils n'avaient
commencé par les rendre suspectes , par frapper de
proscription toute espece de mérite et de talent , et par éteindre
Successivement tous les fauaux qui auraient pu marquer les
écuciis samés sur la route.
Il n'est pas inutile , au point où nous sommes arrivés dans la
révolution , de jetter sur elle un coup d'oeil rétrograde , et de
rechercher comment , à l'aide de sept à huit mots , on a pu
opérer un changement si extraordinaire dans les idées , et
fermer la bouche à tous ceux qui auraient pu démasquer les
propagateurs d'une doctrine aussi trompeuse que sanguinaire .
Nous aurions bien peu profité de notre éducation politique ,
si après tant de chutes , d'erreurs et de crimes , nous n'avions
pas acquis le droit d'examiner froidement le passé , afin d'en
tirer des leçons utiles pour l'avenir.
Au commencement de la révolution , la nation ne parut
d'abord divisée qu'en deux partis , les patriotes et les aristecrates
. Saus se former une idée bien précise du mot de patriote ,
on y attacha celle d'un sentiment profond pour la réforme
des abus de l'ancien régime qui pesaient sur une classe trop
nombreuse de la societé , pour ne pas faire desirer un ordre de
choses meilleur. Tous ceux qui portaient véritablement ce sentiment
dans le coeur furent qualifiés de patriotes , avant même de
pouvoir l'appliquer à un système politique , fixe et déterminé . Le
desir de la liberté et l'enthousiasme qui l'accompague tenait lieu
de principes an plus grand nombre , et unissait les esprits d'un
lien d'autant plus étroit , qu'il n'était point encore altéré par le
choc des débats politiques et par les passions qu'enfantent la
chaleur et la diversité des partis .
On comprit sous le nom d'aristocrates , la noblesse , le clergé , les
parlemens et tous les privilégiés qui s'efforçaient de faire prevaloir
leur intérêt particulier à l'intérêt général de la grande
majorité des citoyens qui constituaient véritablement le peuple
ou la nation . Jusques- là les idées furent assez d'accord avec les
mots.
( 163 )
Mais , après l'établissement des sociétés populaires , qui prirent
le nom de Jacobins , du lieu où la société - mere de Paris tenait ses
séances, et qui ont été un si puissant levier dans la révolution , des
intrigues et des ambitions particulieres ayant divisé d'opinion les
patriotes , il se détacha des Jacobins une colonie qui alla s'assembler
dans l'église des Feuillans , dénomination qui , en dounaut
Ouverture à une espece de schisme entre les patriotes , devint dans
la suite le premier étendard de l'esprit de parti. Quoique cette
colonie se réunit bientôt au club de 1789 qui s'était formé au
ci-devant Palais - royal , elle conserva , par l'habitude de l'opinion
, son nom de Feuillans .
Alors on vit , dans les départemens , les sociétés populaires
se ranger sous l'une ou sous l'autre de ces bannieres ; et ce
qui , dans un tems calme n'aurait été que l'effet naturel de la
liberté des opinions , et aurait répandu sur les discussions politiques
un plus grand jour , par la maniere diverse de les envisager
, ne servit qu'à fomenter les haines et les dissentions .
Il arriva en politique ce qu'on a toujours remarqué en matiere
de religion , le schisme fut mis sur la même ligne que l'hérésie
, et le Feuillant fut aussi odieux au Jacobin que l'aristocrate
, c'est-à -dire l'ennemi commun de la liberté . Il arriva
encore , ce qu'on a vu depuis dans les différentes sociétés , c'est
que des aristocrates mitigés , des nebles de la minorité qui
travaillaient en secret pour l'établissement des deux chambres ,
se glisserent parmi les Feuillans , et tous les membres de cette
société furent enveloppés dans la même défaveur.
D'an autre côté , des aristocrates plus prononcés se réunirent
sous le nom de club monarchien . On n'a jamais eu des
notions bien claires sur cette espece de secte politique . A en
juger par les opinions connues des principaux membres de
cette société , leurs principes ne devaient pas être favorables
à la liberté . Aussi abuserent-ils du nom qu'ils s'étaient don'
nés ; car assurément ils ne voulaient pas la monarchie constitutionnelle
, telle qu'elle était alors dans l'opinion de l'assemblée
constituante. Le peuple soupçonna avec raison que ces monarchistes
n'etaient que les partisans et les défenseurs des intérêts
de la cour contre les intérêts de la nation ; il en fit justice ;
ils furent dissous .
Ainsi , les mots de patriote , jacobin , feuillant , monarchiste ;
aristocrate , formereni le vocabulaire peu étendu des opinions.
politiques qui caractériserent dette premiere période de la révo
lution .
Malgré les bornes de cette nomenclature , on commença déja
à ne plus s'entendre et à abuser de l'acception des termes . On
vit les principaux membres de cette minorité astucieuse de la
moblesse afficher un patriotisme ardent , et couyrir du másque
L 2
( 164 )
d'une popularité usurpée , leur vou secret pour les deux chambres
dont ils n'avaient jamais perdu de vue l'accomplissement.
Leur émigration presqu'entiere a bicu prouvé depuis , l'abus
qu'ils avaient fait du titre de patriote .
Ce mot servit aussi à justifier beaucoup d'excès répréhensibles
. Il suffisait de se dire patriote ( et les intrigans commençaient
à spéculer sur cette qualification respectable ) pour s'assurer
d'un brevet d'impunité. Les abus du patriotisme trouverent
un apologiste intrépide dans un homme qui jettait lentement
et avec peine les fondemens d'une célébrité devenue
dans la suite si désastreuse . On n'a pas assez remarqué jusqu'à
quel point cet homme , qui n'était digne ni de tant d'éloges , ni
de tant de critique , a contribué à dépraver les idées morales
et politiques , à corrompre le langage et à substituer l'esprit
de secte à l'esprit public.
Doué de talehs médiocres , mais dévoré d'une ambition
profonde , Robespierre , instruit à l'école de tous les anciens
démagogues , s'apperçut bientôt que le plus sûr moyen de jouer
un rôle dans la révolution était de flatter constamment le
peuple , d'avoir sans cesse ses intérêts et ses droits à la bouche ;
mais ce n'était pas du peuple , considéré dans la réunion de
tous les citoyens , qu'il entendait parler. Cette dénomination
n'a jamais été employée dans ce sens auguste et vrai par tons
ceux qui , comme lui et avec lui , oat cu le besoin de tromper
la multitude pour la diriger avec plus de facilité . Il appli
quait ce mot respectable à toute espece de faction et de rassemblement.
Les tribunes de l'assemblée constituante étaient le
peuple ; celles des Jacobins étaient le peuple ; le moindre groupe
des Taileries ou des places publiques était le peuple ; des
hommes égarés ou payés interceptaient-ils la circulation des
grains , on se livraient-ils à quelques mouvemens séditieux ?
c'était encore le peuple. Il voyait le peuple par-tout , excepté
là où il était véritablement . On verra dans la suite combien
l'abus et la fausse application de ce mot a causé de troubles
et de secousse dans la révolution .
Il obtint d'abord peu de crédit dans l'assemblée constituante .
Le murmure le précédait souvent à la tribune ; on savait ce qu'il
allait dire , et ce qu'il disait était toujours ou la justification
d'ua excès ou un excès dans les principes . Mais à force de répéter
les trois ou quatre mots de son dictionnaire démagogique , il
parvint à se faire écouter et même à se faire suivre de tous ceux
dont il flattait les passions , et qui , avec une ignorance profonde
des idées politiques , n'ayant de la liberté que le desir
et l'instinct , étaient d'autant plus disposés à goûter des principes
nouveaux pour eux , que dans l'opinion insultante de
l'ancien gouvernement , ils n'étaient presque comptés pour rien .
Il fut donc regardé par le cortege de ses prosélytes comme le
( 165 )
grand défenseur de la liberté et des droits du peuple , précisément
parce qu'il violait cette propriété de tons , an profit de quelques-
nus. Le nombre des disciples s'est accru successivement
à mesure que la doctrine du maître s'est propagée , et que les
circonstances révolutionnaires , sur lesquelles il a inflaé , ont fait
incliner les idées vers la démagogie la plus avengle , la plus
barbare et la plus oppressive . Mais il n'est pas moins vrai que
c'est sous l'assemblée constituante, et sur - tout à l'époque de
cette revision si honteuse , qu'il`a élevé l'édifice d'un pouvoir
qui ne l'a écrasé qu'après avoir couvert la France de meurtres
de deuil et de larmes.
•
Il faut dire pourtant que s'il a été un de ceux qui aient prolongé
aussi long-tems le prestige des réputations et la durée de
la tyrannie , au sein méme d'une république , c'est qu'il est
celui qui a le moins dévié des principes qu'il s'était fait , et qui
ait counu le mieux l'art de cacher ses vues secrettes sous ses
opinions publiques , Il s'est montré le premier jour ce qu'il a
ete le dernier ; il n'y a eu de différence que celle des tems et
dés moyens , et ces moyens ne sont pas la partie la moins
curieuse de l'histoire du pouvoir et de l'abus des mots pour
maitriser les choses.
Sous la premiere législature , les idées prirent une autre
forme , et les mots une autre acception . Déja sur la fin de l'assemblée
constituante , un parti nombreux de véritables amis
de la liberté , qui devinaient les fourberies de la cour et s'indignaient
du manège des reviseurs , avaient embrassé les principes
républicains , comme les seuls qui pussent nous délivrer
du poison qui s'était attaché à la constitution naissante pour la
corrompre.
A cette époque , tout le monde parut être constitutionnel , mais
avec des intentions bien différentes .
en
On embrassait à la cour la constitution , comme les courtisans
embrasaient, leurs amis , pour les mieux étouffer. Le pouvoir
executif n'executait point , et entravait la constitution ,
feignant de la soutenir . Il s'en faisait une égide dans tous les
points qui servaient à ses vues. Pour tout le reste , il l'abandonnait
aux convulsions de son enfance , et la poussait de
chûte en chûte , en se plaignant qu'elle ne pouvait marcher.
Les aristocrates parlaient aussi de la constitution , mais les
uns s'en jouaient secrettement avec la cour , et conspiraient sa
ruine. Delà ce fameux cabinet autrichien , objet de tant de
doutes , de tant de diatribes , et sur l'existence duquel il n'a
plus été permis dans la suite de disputer. Pour les autres ,
la constitution fut un mot de convention dont ils couvraient
le projet des deux chambres toujours poursuivi avec la même
ardeur ; ce parti que favorisait la cour sans l'adopter , en a été
constamment la dupe .
L3
( 166 )
Les républicains se ralliaient également à la constitution ,
parce qu'ils savaient qu'elle était presque toute républicaine ,
et qu'en brisant la seule piece qui gênait le mouvement des
autres , ils composeraient de ses augustes débris une constitution
où la liberté et l'égalité ne seraient plus une inutile et
vaine théorie. Ils profiterent des perfidies de la cour , et mul
tiplierent sur ses pas les piéges salutaires qui l'ont perdue .
Enfin , il y eut des constitutionnels de bonne foi , qui , sans
être ennemis du gouvernement républicain , parce qu'ils ai
maient la liberté , voulaient essayer la constitution comme on
essaie une machine par le jeu tranquille et successif de ses
rouages . C'est dans cet objet que , dupes de la faiblesse de leurs
vues et de la droiture de leurs intentions , dupes des cajoleries
hypocrites de la cour qui les trompait comme elle trompait
les bicameristes , ils combattaient à la fois , et les républicains
qu'ils regardaient comme des factieux et des agitateurs , sans
connaître leurs desseins secrets , ou sans croire peut - être à
leurs succès , ét les aristocrates dont ils connaissaient la haine
pour la constitution et pour la liberté . Delà ce cri de ralliement
: La constitution , toute la constitution , rien que la constitution
, autour duquel vinrent se ranger les fourbes et les hypocrites
qui en voulaient le moins , comme ils étaient alles se
ranger sous les drapeaux des Jacobius et des Feuillans .
Tous ces élémens entrerent dans la législature , et y produisirent
une fermentation qui ue s'éteignit que dans la grande
révolution du 10 août 1792 .
La constitution de 1791 portait avee elle le germe de sa
destruction . Elle avait trop fait pour la république pour ne
pas y conduire , et trop peu pour la monarchie pour qu'elle
subsistât. En accordant au roi une liste civile de plus de 30 millions
, elle lui avait donné en moyens de corruption plus qu'elle
ne lui avait attribué en moyens constitutionnels . Le veto n'était
qu'une arme illusoire , puisque la législature pouvait l'éluder
par des décrets d'urgence . C'était une arme odieuse , puisqu'elle
mettait le pouvoir exécutif en opposition avec la faveur publique
, et l'on se souvient de l'effet que produisait sur une
partie du peuple , ce mot si souvent répété , et duquel il ne
' est jamais formé qu'une idée confuse et défavorable. C'était
bien plus que tout cela , c'était une arme meurtriere pour la
liberté , puisqu'elle mettait la législation et le sort de 25 millions
d'hommes à la discrétion et au caprice d'an seul.
Toutes ces réflexions prouvent combien il est difficile de
concilier l'existence d'un roi avec celle de la liberté . De l'incohérence
entre ces deux choses devait naître une lutte violente
qui ne pouvait finir que par la chûte de l'une ou de
( 167 )
l'autre. Le roi avee sa liste civile intrigua , corrompit , com
pira . Les partisans de la république , forts de toute la puissance
que donne l'amour de la liberté et de l'égalité , s'entendirent ,
se serrerent et marcherent d'un pas ferme vers ce but glorieux
de leurs efforts . Lès constitutionnels , trop faibles pour soutenir
un édifice qui s'écroulait de toutes parts , essayerent en vain
d'en rapprocher les parties , et d'opérer des reconciliations entre
des intérets irréconciliables . Ces scenes ridicules de comédie ,
ne furcot ni plus sinceres , ni plus durables que celles dont l'assemblee
constituante avait tant de fois donne l'exemple . La
cour resta avec ses projets hostiles , les républicains avec leur
énergie . Aidé des federés , le peuple de Paris se leva et le.
trône disparut. 9
Arrêtons-nous un moment pour considérer la marche des
idées et les variations du langage politique.
Le mot de patriote , qui n'avait signifié d'abord que l'ennemi
des abus de l'ancien régime , prit alors la signification
d'ennemi de la royauté. Ceux que les aristocrates , les royalistes
et même les coustituennels traitaient d'agitateurs et de factieux ,
devinrent avec raison les véritables patriotes ou les républi
cains , et les partisans de la monarchie constitutionnelle furent
rangés indistinctement dans la classe des aristocrates , non sans
quelque injustice , car il y avait moins loin de la constitution.
à la république , que de l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale
à la constitution elle -même . Il ne fallait pas confondre dans la
même dénomination ceux dont les opinions avaient été si
opposées ; car des constitutionnels le plus grand nombre ,
peut être même la totalité sont devenus d'excellens républi
cains . Mais tel était déja le funeste effet des passions , qu'on
qualifiait du nou le plus odienx quiconque ne se jettait pas
entierement daus le sens de tel parii ; tactique qui a été depuis
employée avec tant de succès par tous ceux qui ont voulu
diriger les événemens au gré de leur systême , de leur intérêt
et de leur criminelle ambition .
et
Il ne faut pas abandonner cette époque de la révolution , sans
rappeller les fautes qu'on a reproché à l'assemblée constituante.
La premiere a été d'avoir laissé le pouvoir exécutif dans les
mains de celui qui avait le plus d'intérêt de conspirer contre
la liberté la secoude , de n'avoir pas produit d'un seuljet la
constitution ; la troisieme , d'avoir gardé dans son sein des
représentans qui ne représentaient que des castes privilégiées
et non le peuple ; la derniere et la plus grave sans doute
de n'avoir pas décrété la république après la faite du roi à
Varennes .
Pour apprécier avec impartialité la justice ou la rigueur de
LA
1168 )
ees reproches , il faudrait se reportera ux tems et aux époques ,
ealculer la force des circonstances , des évenemens , des obstacles
, des préjugés et des opinions. La plus grande erreur
dans laquelle on soit tombé , a été de croire qu'on eût pu mais
triser la révolution avec la même facilité qu'on la juge . Il est
plus aisé de marquer les fautes après qu'elles sont faites , qu'il
ne l'eût été de les prévenir , et cet effet rétroactif donné à la
censure est un des plus injustes et des plus cruels abus qui
aient été commis . S'il est vrai que pour les nations , comme
pour les individus , la meilleure éducation soit celle de l'expérience
, nous montreron's que nous avons dû passer par tous
les dégrés révolutionnaires , et épaiser tous les genres d'erreurs
et de folies avant de faire retour à la raison , aux principes et
à la véritable liberté ,
( La suite dans un prochain numéro . }
ANNONCES.
Almanach des campagnes ou l'ami du cultivateur , ouvrage dans
lequel les habitans des campagnes trouveront des moyens de
cultiver avec fruit , et des motifs d'aimer l'agriculture . Prix ,
I liv. 4 sous . Se trouve à Paris , chez Meurant , libraire , cloître
Honoré.
**
Nécessaire républicain , contenant les principes de grammaire
française à l'usage des deux sexes , de l'arithm tique décimale
et de la tenue des livres à parties doubles , la maniere de vérifier
les écritures falsifiées , suivie d'un entretien de morale ,
Prix , 1 liv . 10 sous . Par M. F. Baron , artiste écrivain . Se trouve
à Paris chez Frantelin , imprimeur , rue de la Grande - Truan¬
derie , nº . 27 ; et chez l'auteur , rue Baillet , section du Muséum ,
no. 9.
GRAVURE..
Le vrai calendrier républicain , dessiné et gravé par Queverdo ,
Le prix est de 3 iv . en deux feuilles , beau papier ; 1 l . 10 sous
papier ordinaire , et 3 liv . cartonné . A Paris , chez l'auteur ,
rue Poupée , nº , 6 , section de Marat . ་
On trouve à la même adresse les Maximes républicaines et les
Droits de l'Homme , orues de figures gravees avec soin. Deux
feuilles , prix , 3 liv .
MUSIQUE.
Le départ de soldat républicain , couplet dialogué , paroles de
Félix Nogaret , musiqne de Giroux , avec accommpagnement de
guitarte . Prix , 19 sous , chez Freres , passage du SaumioN , TUŞ
Montmartre.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2 Octobre 1794 .
ES Polonais continuent de se montrer dignes de la liberté
qu'ils veulent avoir et qu'ils auront en effet d'une maniere d'autant
plus glorieuse pour eux qu'ils n'en seront redevables qu'à
eux-mêmes , la Porte Ottomane paraissant avoir négligé cette
occasion précieuse d'affaiblir et d'humilier d'anciens ennemis ,
et de s'acquérir des amis naturels et vraiment utiles .
Frédéric Guillaume , inquiet sur le sort de cette guerre commencée
sous de si mauvais auspices , et qui tourne déja si mal ,
cherche à séduire les habitans de la ville de Thorn , pour les
detourner de faire cause commune avec leurs freres de la
Prusse méridionale . Il a étendu le privilége d'être exempt de
la conscription militaire , dont le corps des marchands jouissait
seul , à tous les autres ; et pour capter la bienveillance du
bourgmestre , rédacteur d'une gazette , il a créé ce journaliste
conseiller de guerre . Ces faveurs qui ne lai coûtent pas grand
chose , lui produisent encore moins qu'elles ne lui coûtent ,
comme on va le voir par des nouvelles postérieures à celles- ci
qui sont du 13 septembre .
Des frontieres , 13 septembre, L'intérieur de la Prusse méridionale
présente en tont lieu le spectacle de l'insurrection . Les
polonais , partagés en une infinité de petites divisions , ou plutôt
de légions composées de cavalerie et d'infanterie , ayant même ,
pour la plupart , de l'artillerie , traversent à chaque instant tont
le pays , se portent d'un château à l'autre : enmenent avec eux
les proprietaires , et recrutent les domestiques ; par - tout , sur
leur chemin , ils s'emparent des chevaux des postes royales , et
coupent les communications entre les villes principales . Les
prussiens n'ont pu jusqu'à présent atteindre ces légions volantes
; elles s'enfoncent dans les bois quand des forces prépondérantes
les menacent , et sortent de leur retraite quand celleséi
se sont portées d'un autre côté .
Szekuli n'est encore parvenu qu'à se saisir de quelques comités
organisés et nommés dans plusieurs lieux par les insurgens
. Un évêque et son chapitre faisoient partie d'un de ces comités
; sommés sous peine de confiscation de biens , de prêter un
nouveau serment au roi de Prusse , tous l'ont unanimement refuse
. On les menace actuellement de leur ôter la vie ; et ils ne
paraissent point ébranles , Qu remarque qu'en général les
( 170 )
prêtres se servent de l'empire qu'ils ont encore sur l'esprit des
habitans pour les animer coutre les ennemis extérieurs . Ils représentertau
peuple qu'il lui sera facile de vaincre , et l'entretiennent
sans cesse des défaites des Prussiens et des Autrichiens sur le
Rhin . Aux conseils , aux exhortations , le clergé joint des secours
effectifs . Le seul couvent de Vongrovicz vient d'envoyer cent
paysang armés à Guesne .
Szekuli a sommé le camp des insurgens , établi près de Ra
drejow, de se rendre : on ne lui a répondu qu'à coups de canon .
Les Prussiens semblent craindre beaucoup que l'insurrection
ne se propage dans la Prusse occidentale . Ils font passer un
grand nombre de troupes dans ces contrées .
-
Le bruit qui s'était répandu qu'il y avait des négociations entamées
entre le roi de Prusse et les Polonais , est dénué de fondement.
Kosciuszko à chargé vigoureusement l'arriere garde
prussienne , et menacé le centre de l'armée . On avait également
annoncé le départ de Frédéric Guillaume pour Berlin . On dit
aujourd'hui qu'il doit au contraire se rendre à Breslaw en Silésie
, où il doit passer l'hiver.
Il paraît constant que Repnia qui commande la grande armée
russe , se porte vers le Daiester sur les frontieres turques . Il est
poursuivi par l'armée polonaise de Lithuanie et une partie de
celle de Courlande . Son flanc droit est en outre menacé par le
corps d'armée commandé par le général Hauman dans le palatinat
de Volhinie .
Le roi de Prusse avait pris de l'humeur de ce que l'armée
russe , qu'il attendait sous les murs de Varsovie , avait fait si
peu de diligence ; mais Catherine s'est justifiée en prouvant
que ses troupes avaient trouvé sur la route une résistance sur
laquelle on n'avait point compté , si bien que l'amitié , ou ce
que les rois appellent de ce nom , est rétablie entre les deux '
anciens co partageans , qui ayant autrefois gagné a partie ensemble
pourraient bien aujourd'hui la perdre ensemble . M. de
Tanezien a déployé à Pétersbourg le caractere d'envoyé de la
Prusse,, et va suivre les affaires dont le comte de Golz était
charge , c'est-à - dire veiller sur-tout à ce qu'on fasse passer des
secours à son maître . Au reste , il en a grand besoin , car
la révolution est complette dans toute la Prusse située sur
la rive gauche de la Vistule . A Leneric , les troupes de Frédéric-
Gillaume n'ont échappé qu'en se jettant dans un château .
Elles n'ont pas été si heureuses à Sieradz. Toutes ont péri par
le fer , ou ont été faites prisonnieres de guerre . Il en a été de
même des directeurs et des commis des douanes .
a
L'insurrection s'est également communiquée dans la Prusse
sur la rive droite de la Vistule . Le corps d'armée commandé
par Schonfeld , été obligé de se mettre en mouvement .
A l'approche des Prussiens les insurgés avaient abandonné
la ville de Guesne ,, et s'étaient rétirés dans les forêts du
Rogowo: Les Prussiens s'étant mis à leur poursuite , ont été
3
( 171 )
à
entraînés au milieu des chemins mauvais et rendus inaccessibles
à l'artillerie et à la cavalerie par des abattis impraticables .
Pendant qu'ils étaient occupés à se dégager , les insurgés sont
rentrés à Gaesne par un autre côté . Ils ont établi un camp.
deux lieues de Czerniewo , et pris une position avantageuse.
Les Prussiens avaient laissé des tentes en dépot dans ce lieu ,
qui ont servi à former ce camp
La Suede et le Danemarck se tiennent toujours en observation
, mais sur le point d'agir avec vigueur lorsqu'il le faudra .
Les trois mois de commandement de l'escadre combinée de
ces deux puissances , plus franchement liées que la Russie et
la Prusse , étant expirés , c'est l'amiral suédois Wachtmeister
qui va en prendre la direction à Helsingor ; pendant ce tems
on s'occupe à Carlskrone de finir plusieurs vaisseaux qui sont
sur le chantier ; mais probablement la saison avancée ne permettra
pas d'en mettre d'autres en commission .
De Francfort -sur- le-Mein , le 7 octobre.
On mande de Vienne que la position de l'empereur est tou
jours à - peu - près la même , c'est - à - dire très - embarrassante . Ce
jeune prince , encore peu accoutumé à tenir les rênes d'un
etat , et qui a d'ailleurs perdu plusieurs de ses vieux ministres ,
dont l'expérience pouvait supplier à ce qui lui en manque ,
entr'autres le vieux Kaunitz , ne trouve plus dans ses sujets la
même docilité , le même dévouement , et c'est à l'époque où
le besoin s'en fait sentir davantage .
Au chagrin de la perte des Pays-Bas , celui de voir ses plus
habiles généraux si completement battus par les Français , que
les uns se retirent et qu'il est obligé de déplacer les autres ,
se joint encore le regret de s'être imprudemment mêlé de la
guerre de Pologne ; l'inquiétude de ce que pourront devenir
les mouvemens populaires qui se manifestent , même dans sa
capitale , et sur- tout la difficulté de faire consentir les membres
du corps germanique à lui fournir la majeure partie des
100,000 hommes pour lesquels l'Angleterre s'est engagée à lui
fournir un subside dont il a le plus grand besoin , mais dont
en même-tems il ne touchera pas un sou avant que la Grande-
Bretagne ne soit sûre qu'il est en état de remplir ses promesses
.
Voilà le tableau filele des circonstances épineuses où se
trouve ce jeune prince , et c'est ce que confirment diverses
nouvelles de la Haute -Allemagne.
Selon les dernieres de Gallicie , une colonne de troupes
autrichiennes s'est avancée jusqu'à Brzese en Pologne . Les
circonstances qui ont forcé à la retraite les Prussiens et les
Russes ne peuvent manquer d'influer sur la destination de ces
noupes . Il faut convenir qu'elles paraissent n'être pullement
( 172 )
en mesure pour agir contre les forces que Kosciuszko et les
Polonais peuvent maintenant employer contre elles.
La majeure partie des comitats hongrois se sont plaints fortement
des arrestations faites en Hongrie par ordre du gouvernement
autrichien . On croit que l'empereur renverra en
Hongrie les personnes de cette nation arrêtées et amenées à
Vienne , conformément au privilége qu'elles ont de ne pouvoir
être jugées que dans leur patrie .
Les commissaires anglais restent plus long - tems dans cette
capitale qu'on ne s'y serait attendu ; leur courier pour Londres
est de retour , mais sans la ratification du traité ; on parle
même de difficultés assez vives entre les cabinets de Vienne et
de Saint-James .
Les affaires de l'empereur et du roi de Prusse , qui vont si
mal chez eux , ne prennent pas une meilleure tournure dans
notre voisinage . Au reste leurs inquiétudes , leurs craintes , et
même leurs pertes sont partagées par les électeurs et les princes
dont les états bordent le Rhin .
-
L'alarme régnait , il y a quelques jours , dans Coblentz , ce
fameux rendez - vous des émigrés , ce bercean de la guerre actuelle.
L'archiduc Charles et l'archiduchesse Marie - Christine
J'avaient quitté dès le 24 du mois dernier , pour chercher un
asyle plus sûr à Schwetzingen . Le général Mollendorf était
aussi arrivé le 23 à Kreutznach avec le quartier- général prussien
. Mais ces mouvemens particuliers n'empêchent pas les
Français d'en faire de plus utiles et de plus décisifs . Nombreux
comme ils le sont , et accoutumés depuis quelque tems à décider
la victoire à la bayonnette , si l'on suspend leur marche
d'un côté , ils percent par un autre , et ne tardent pas à revenir
emporter le premier poste qu'on leur disputait . Par exemple
, quoiqu'ils aient passé la Meuse à Ormont , et qu'ils se
soient portés dans les environs de Ruremonde et dans le bailliage
de Monfort , dépendant de la Gueldre Prussienne ; quoiqu'ils
aient chassé devant eux tous les Autrichiens postés de
ce côté , cela ue les a pas empêchés d'essayer derniérement de
pénétrer du côté d'Eiffel . On sait qu'ils se sont montrés à
trois lieues de Prum . Les Autrichiens ont replié leurs magasins
on en voyait bien encore quelques bataillons à Wiltich ,
mais ils devaient également se retirer sur Kaisersesch . Ce Rés
publicains qui semblent se multiplier par leur activité , ont aussi
occupé Marcick et Sittard . Tous les magasins qui se trouvaient
dans cette contrée out été en conséquence portés vers le Rhtn.
Les craintes des coalisés sont d'autant plus fondées de ce côté ,
que les Anglais ont été forcés de battre en retraite . — Ils
continuent par- tout où ils se portent à maintenir la plus exacte
discipline ; mais ils exigent de fortes contributions .
―
Voici ce qu'on mande des environs de Cologne , le 1er , octobre .
On a jetté un pont de bateaux devant Coblentz . Le général
Melas s'est retiré avec son corps d'armée jusqu'à Caisersech .
( 173 )
On assure que les Français ont reçu à Trèves un renfort de
13,000 hommes . C'est cette circonstance qui vraisemblablement
a forcé la retraite de Mélas .
La garnison autrichienne de Condé a passé par Coblentz .
Elle allait à Francfort pour y être échangée contre des prisonniers
français . Elle doit ensuite aller servir contre les
Polonais .
L'armée anglaise se trouve actuellement entre Grave et
Clèves . Le quartier général d'Yorck est à Grasberg , à deux
lieues de Tieves .
Le 25 du mois dernier , on a fait sortir de Dusseldorf les
émigrés et les étrangers qui s'y trouvaient en assez grand nombre
pour les remplacer par un corps d'Autrichiens . Il faut qu'on
ne fasse pas grand fond sur ces défenseurs ; car on a déjà embalé
la fameuse galerie des tableaux , et l'on s'occupe d'en faite
autant des archives .
Le bruit court dans notre ville qu'il est question de la tenue ,
aussi prochaine que cela sera possible , d'un congrès de différens
princes. On eu fixe même le lieu , et l'on dit que c'est à
Hanau qu'il s'assemblera pour délibérer sur la conjoncture diffi
cile où se trouve maintenant le corps germanique . En attendant
, les politiques s'agitenttoujours beaucoup pour parvenir à
connaître les dispositions du traite que les commissaires anglais
ont proposé à l'Autriche , ou que celle - ci exige . On varie sur
ces dispositions , et aujourd'hui l'on prétend qu'il faut ajouter
à celles qui dėja ont éte vues dans les feuilles publiques , les suivantes
:
1 °. L'Angleterre paiera sur- le - champ à l'empereur , et dans
le lieu que celle-ci indiquera , les subsides stipules .
2º . Elle fera coïncider ses efforts avec ceux de l'empereur
pour reconquérir au plutôt les Pays - Bas ..
1
30. Les Pays- Bas auront à l'avenir , pour leur défense , une
milice permanente.
4° . La convention de la Haye est supprimée .
5°. L'empereur recevra annuellement de l'Angleterra et de
la Hollande quatre millions de florins pour la garde de Macstricht
, de Breda et de toutes les places barrieres.
Le bruit se répand qu'attendu les événemens arrivés en Pologue
, qui deviennent chaque jour plus sérieux pour le roi de
Prusse , Frédéric Guillaume ne laissera après la campagne actuelle
que 16 à 20,000 hommes sur les bords du Rhin .
Hohenlohe doit avoir le commandement de ces troupes .
Pendant que les divers membres de l'empire germanique
refusent ouvertement ou éludent de fournir leur contingent à
P'armée de l'empire , l'électeur d'Hanovre s'efforce de ies persuader
par son exemple. Cependant , comme deja il a épuisé
ses possessions d'hommes pour les joindre à l'armée anglaise ,
et que d'ailleurs les peuples d'Hanovre ont paru déja depuis
long- tems bieu décidés à ne plus souffrir un nouveau recrute(
174 )
(
ment , et se sont livrés , à cette occasion , à divers mouvemens ,
Georges ne fournira point de soldats ; l'empereur se charge
de son contingent , et ce dernier recevra 131 florins pour
chaque fantassia , le triple pour chaque cavalier . Ce contingent
est évalué à 4,000 hommes .
L'archiduc Charles a été nommé feld maréchal : il doit en
sette qualité servir sous Saxe -Teschen à l'armée du Rhin.
PROVINCES - UNIES IT BELGIQUE.
La cour statoudhérienne est dans le plus profond chagrin . Elle
n'ose publier le récit officiel des sanglantes affaires des 14 et 15 , ȧ
la suite desquelles d'Yorck a été forcé de repasser la Meuse . Mais
on sait que l'armée combinée , anglaise et hollandaise , après
une résistance forte , fut mise en déroute le second jour . Dans
l'extrême confusion qui regnait , le pont de l'Aa à Midelrode fut
coupé avant que toute l'armée eût achevé de passer de sorte
que ceux qui se trouvaient encore au - delà de l'Aa , farent tués
ou prisonniers , ou contrains de passer la riviere à la nage , et
T'on dit que grand nombre de ces derniers se noyerent.
On dit aujourd'hui que le quartier -général d'Yorck , d'abord
établi à Wichem , a dû être transféré le 20 à Cranesbourg , à
deux lieues de Cleves . Un corps de quelques mille hommes
est campé devant Grave : un autre corps de troupes hanovriennes
est posté entre Moock et Afferden ; enfin , une division
de 4 mille hommes est cantonnée à Gennep et dans les
environs , pour couvrir cette partie de la Meuse . Toutes les
opérations paraissent maintenant se diriger vers la frontiere du
pays de Cleves et de la Gueldre . Les mesures défensives qui
ont été prises ont produit par-tout des dégâts désolans . Les
alentours des places sont couverts de ruines et de bâtimens
démolis , et les cultivateurs du pays se trouvent privés de tout
moyen de subsister .
Il a dû arriver des renforts de troupes allemandes à l'armée
combinée , anglaise et hollandaise , pour remplacer les pertes
énormes qu'elle a faites le 14 et le 15. Elle avait d'ailleurs été
déja extrêmement affaiblié qar le grand nombre de garnisons
qu'il a fallu laisser à Berg- op-Zoom , Breda , Bois -le-Duc ;
Gertruidenberg , Williamstadt , Grave , etc.
Les troupes anglaises qui avaient passé en dernieu lieu ca
Zélande ont été rembarquées pour passer , à ce que l'on apprend ,
dans les Indes occidentales .
Des lettres de la mème ville du 26 sept. disent : Malgré l'envie
et l'intérêt que la cour statdhoudérienne aurait de le céler ;
le premier jour , la perte des Anglais a été immense , le régiment
d'Yorck a été haché en pieces , trois autres ont été faits
prisonniers. Une foule d'Hanovriens et de Hessois ont péris
dans l'eau en voulant se sauver à la nage. L'affaire du 15 a été :
Russi funeste. Les Anglais ont été obligés de se replier avec la
"
( 175 )
plus grande précipitation jusqu'aux environs de Nimègue . II
parait que l'armée hollandaise n'a point pris part à ces événemens
ruineux . Elle est , pour la plus grande partie , distribuée
dans les places fortes , et le reste se trouve dans les environs
de Gertruidenberg et de Heuden .
On écrit d'Herzogenbosch que chaque jour on s'attend dans
cette place à un siége , ce qui y cause la plus vive inquiétude .
Les armées françaises s'augmentent journellement dans le
Brabant-hollandais . Il ne cesse de leur arriver des renforts en
hommes et en artillerie. Les Français continuent à faire raser les
fortifications de l'Ecluse . Le bruit court qu'ils en feront de
même à toutes les places conquises.
On assure que quatre mille Prussiens de la garnison de Vesel
vont se porter sur Nimègue pour renforcer les Anglais .
Le 21 , à Amsterdam , l'argent de banque est tombé jusqu'à
14 pour 100. Il tombera encore infiniment plus bas si l'armée
anglaise continue de tirer sa selde de cette ville , par des lettres
de change sur Londres.
Le gouvernement de Geneve a usé de représailles envers
les Hollandais . Il vient de décréte que tous les négocians ,
banquiers et tous ceux qui ont des relations commerciales avec
les Hollandais , seraient tenus de déclarer les sommes dont ils
leur sont redevables . Il est défendu en outre de rien payer en
Hollande ce qui regarde les lettres de change , même non
aequittées .
Le gouvernement , livré à ses transes , redoute tente espèce
de rassemblement où les hommes peuvent se communiquer leurs
sujets de plainte et leurs espérances . Il y avait encore à Harlem
un cabinet de lecture ; toutes les associations de cette espece.
viennent d'être défendues de nouveau , sur le fondement qu'on
s'occupe dans leur sein , plus de politique que de littérature .
Enfin , les derniers avis reçus de Venloo s'exprimens ainsi :
Les munitions qu'on avait embarquées pour Overstevins doivent
revenir chez nous . Les bateliers chargés de les conduire ont été
attaqués en route : un grand nombre d'entre eux à péri ,
Le magasin impérial qu'on transportait à Maestricht a dû éga
lement retrograder ; mais un grand nombre de bateaux sont
tombés au pouvoir des Français qui dominent les deux rives de
la Meuse . Toute communication avec Maestricht est coupée .
Plusieurs convois qu'on voulait diriger par terre ont été enlevés .
Les habitans des environs sont contraints d'amener toutes leurs
subsistances dans cette ville , et les maisons qui se trouvent sous
le canon de la place vont être détruites ; il n'y a plus que deux
portes de libres , celles de Gueldre et de Cologne .
( 176 )
ESPAGNE. De Madrid , le 1er . septembre.
On a ordonné des prieres publiques pendant neuf jours dans
toute l'étendue de l'Espagne , afin d'implorer le secours du ciel
contre les Français .
La cour abattue par les revers qu'essuyent les armées espagnoles
, affecte de les attribuer à la trahison des siens . A
Bilboa , un jugement a déclare quatorze personnes convaincues
de correspondance avec les Français , et leur suppliee a été
ordonné douze ont été pendus a Pampelune . On a dit que ,
daus une des dernieres affaires , les canons avaient été chargés
avec du sable au lieu de poudre . Le roi d'Espagne a en outre
condamné douze des principaux officiers qui étaient dans Collioure
lorsque les Français se sont rendus mittes de cette
place , à servir pendant deux ans en qualite de simples soldats ,
dans les troupes postées sur la côte d'Afrique. Il est permis à ces
officiers , en cas que ce jugement ne leur convienne pas , de
demander à être juges par une cour martiale .
Le vice - roi de Navarre , qui commande l'armée en Biscaye ,
a demandé de puissans renforts aux états de cette province .
Ils ont décrété que tous les hommes enrôlés dans le sens militaire
se rassembleraient à une poque determinée à lieu indiqué ,
et se formeraient en trois corps ; le premier de ces corps est
destiné à joindre l'armée ; le second doit défendre la frontiere ,
et le troisieme demeurer en réserve . Les états ont décrété en
ontre que les besoins s'augmentant , tous les individus mâles ,
de 17 à 60 ans , sans aucune distinction de classes , seraient
tenus de prendre les armes , sous peine de eonsfiscation de
biens. Cette peine a été étendue à tous ceux qui ont émigré de
la province. Depuis , le gouvernement a enjoint à tous les officiers
cougédiés ou pensionnés de se rendre à l'armée . Enfin
ciaquante mille fusils ont dû être envoyés de Madrid à Burgos .
On s'occupe dans la premiere de ces deux villes à organiser
un corps de douze mille hommes de milice qui doivent former
une garnison , et remplacer les troupes de ligne qui sont
parties .
1
a
Mais tous ces préparatifs militaires sont peu faits pour en
imposer. Il est certain que l'ordre de la levée en masse
produit par-tout une grande fermentation , les mécontentemens
eclatent en tous lieux , sur-tout a Barcelonne , Valence et à
Madrid même ; le moment où l'on met des armes dans la main
du peuple ne pouvait pas être moins opportun pour la cour :
l'armée murmure elle - même , et beaucoup d'officiers commencent
à se plaindre tout haut de l'impolitique
de cette
guerre.
L'amiral Borja est arrivé an Ferol avec son escadre . Le
Magnanime de 74 canons a échoué et coulé à fond ; mais l'équipage
a été sauvé.
RÉPUBLIQUE
( 177 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE CAMBACÉRES.
Séance de duodi , 22 Vendemiaire .
Merlin ( de Thionville ) a dit : Citoyens , l'impunité accordée
jusqu'à présent aux hommes de sang qui ont commis des massacres
à Nantes , en a occasionné de nouveau . J'ai entre les
mains les lettres , les ordres et arrêtés relatifs à cette nouvelle
scene d'horreur ; il résulte de toutes ces pieces que l'adjudantgénéral
Lefebvre a donué l'ordre abominable de faire noyer 47
malheureux , et que le capitaine Macé a eu la barbarie d'exécuter
cet ordre. Il portait qu'il prendrait sur son bâtiment deux
hommes , dont l'un aveugle depuis 6 ans , était âgé de 78 ans ;
dix femmes de différens âges ; dix filles , de 15 à 25 ans , et
quinze enfans , dont huit de 6 à 10 ans , et sept à la mammelle.
Un mouvement d'horreur s'éleve tout- à - coup dans l'Assemblée.
Ce même capitaine devait prendre avec lui quatre fusilliers et
un caporal , et arrivé à la hauteur de Pierre - Moine jetter indistinctement
tous ces infortunés dans les flots . Vous demandez
sans doute , citoyens , les motifs d'un jugement si atroce , les
voici ; toute leur condamnation était renfermée dans ces mots a
Parens des rébelles .
L'indignation de l'Assemblée est à son comble . Beaucoup de
membres demandent la mise hors de la loi de ce scélérat Lefebvre .
Je m'oppose à cette motion , dit un membre ,je demande simplement
l'arrestation et la traduction au tribunal révolutionaire de
cet homme qui ne se sera pas porté seul à un tel acte de cruauté
et qui a sans doute éte dirigé par un plus graud scélérat que lui ,
caché derriere le rideau . Il faut l'entendre pour connaître ses
complices .
André Dumont dit qu'on ne peut se dissimuler que le second
acio de cette tragédie n'a eu lieu que par l'impunité accordée
aux acteurs du premier. Les buveurs de sang , ajoute- t- il , sont
plus près de nous qu'on ne pense . C'est Carrier , s'écrie - t- on
de toute part . En effet , continue Dumont , comment croire
que le comité révolutionnaire de Nantes ait pris sur lui de
commettre tant d'horreurs s'il n'y eût été autorisé par une
puissance supérieure . Si la patrie est en ce moment agitée , les
vrais coupables sont les hommes de sang qui cherchent par
tous les moyens possibles à s'assurer l'impunité de leurs
crimes. L'ou se plaint , et avec raison , de ce que le comité
-u'a point encore été mis en jugement ; mais il ne fant pas 18
Tome XII.
M
( 178 )
•
borner à lui seul , il faut que le tribunal révolutionnaire , toute
affaire cessante mette ca jugement tous les scélérats , tous
les buveurs de sang , par-tout où ils se trouvent , de quelque
grade , de quelques fonctions qu'ils soient revêtus.
La Convention prononce d'abord l'arrestation de Lefebvre
et sa traduction an tribunal révolutionnaire. Sur la demande
de plusieurs membres , elle rend le même décret à l'égard de
Macé , capitaine du bâtiment , du caporal et des quate fusil
liers . Elle arrête ensuite que le tribunal revolutionnaire , toute
affaire cessante , jugera le comité révolutionnaire de Nantes ;
qu'il fera arrêter ses complices par- tout où ils se trouveront ,
à la charge d'en rendie compte au comité de sûreté générale
qui lui présentera les mesures ultérieures de sûreté qui pourraient
lui paraître nécessaires .
Voici les pieces dont Merlin est porteur ; elles sont si essentielles
à connaître que nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser
de les mettre sous les yeux de nos lecteurs .
-
Bouquet, commisoaire des guerres , au représentant Merlin . Nantes ,
le 10 vendémiaire , l'an 3e . de la République une et indivisible.
Lis et frémis d'horrear : dis à la Convention nationale que
je viens de dénoncer à tes collegues du comité de salut public ,
T'adjudant- general Lefebvre , qui a eu la feroce inhumanité de
faire noyer de sang -froid des femmes et des enfans à la mammelle ,
( Mouvement d'horreur et d'indignation . ) au mépris d'un
arrêté des corps constitués. Je t'envoie copie des pieces dont
les originaux sont entre mes mains : ta haine connue pour ces
infâmes généraux , me persuade que tu ne négligeras rien pour
faire arrêter de suite ce cannibale , qui commande à Painboeuf , et
qui revient des eaux de Bourbonne , où il a obtenu de se faire
guérir d'une épaule qu'il s'était foulée , non pas au service de
la République , comine il l'a peut- être fait accroire , mais en
faisant une châte au sortir d'un repas .
Salut et Fraternité . BOUQUET.
Extrait du registre des dilibérations de la Commune de Bourgneuf ,
le 3 ventôse , an 2º . de la République française une et indivisible ,
séance tenue par Guillony , Cavalier , Brisson, Olivier , Noël,
Béjaud et Piron ; Hymen , agent national , présent.
L'adjudant- général Lefebvre, commandant à Bourgneuf ,
ayant demandé à la municipalité son avis sur les cinquante
femmes et enfans , et deux hommes arrêtés et amenés ici hier
des marais de Saint- Cyr , pays reconnu pour insurgé et dont la
plupart des maris sont au brigandage ;
" A été arrêté de son consentement , vu le grand nombre
d'enfans , qu'ils seraient tous envoyés à Nantes au département
, pour y être jugés , et auquel il sera écrit à ce sujet ;
" Arrêté de plus que par l'avis du commissaire des guerres ,
toutes les personnes susdites seront de suite conduites au collet
( 179 )
par la garde , pour y être mises à bord du bâtiment qu'il a mis
en réquisition à cet effet , pour les conduire à Nantes sous la
responsabilité du capitaine dudit bâtiment ;
Arrêté en outre qu'expédition du présent sera envoyée au
département sous la signature des comparans ?
Pour copie conforme , AUCIER , secrétaire -greffier . "
Extrait des registres des déclarations faites par-devant la munici
palité de Bourg- aeuf.
Le 17 fructidor , an second de la République française ,
une et indivisible , a comparn le citoyen Bouquet , commissaire
des guerres à la résidence de Bourg- neuf, lequel a déclaré qu'il
s'etait passé , le 9 ventôse dernier , un événement dont il est
nécessaire pour la société de connaître les motifs et la justice ,
et consistant dans la mort de plusieurs femmes et enfias , jetés
à la mer à la hauteur de Pierre-Moine , dans la baye de Bourgneuf
, conduits sur le bâtiment de Pierre Macé , capitaine , par
ordre de l'adjudant général Lefebvre , signé de lui , et a donné
copie dudit ordre , dout a été requis le dépôt , qu'il a refusé
et a gardé devers lui , pour en faire usage ainsi qu'il appartient,
lequel ordre a été signé de nous en marge , et a ledit Bouques
signé. ›› Signé , BOUQUET.
A aussi comparu le citoyen Macé , capitaine du bâtiment
le Destin , lequel a déclaré qu'il avait reçu l'ordre dont il
s'agit , remis an citoyen Bouquet , et qu'en vertu de cet ordre
le 5 ventóse , il embarqua sur les 7 heures du soir , avec leurs
vivres jusqu'à Nantes , 41 personnes , parmi lesquelles se tronvaient
deux hommes , dont un aveugle depuis 6 ans , âgé de
78 ans ; douze femmes de différens âges ; douze filles de différens
âges , et quinze enfaus , dont dix depuis l'âge de 6 à
10 ans et ciaq à la mammelle ; qu'il les embarqua étant en
station à Bourg- neuf , avec quatre fusiliers volontaires et un
caporal , lesquels le lendemain , à 6 heures du soir , jeterent
les 41 personnes ci- dessus désignées , en vertu de l'ordre rapporté
, en présence dudit Macé et de l'équipage , aussi - tôt
qu'il fut à la hauteur de Pierre - Moine , et a ledit Macé signé . ‚
Signé , PIERRE MACÉ .
"
Suit la copie de l'ordre :
LIBERTÉ , INDIVISIBILITÉ , ÉGALITÉ .
Bourg- neuf, 5 ventôse , an 2º . de la République une et indivisible .
Il est ordonné à Pierre Macé , capitaine du bâtiment le'
Destin , de faire remettre à terre la nommée Jeanne Biclet ,
femme de Jean Piraud ; et le surplus sera çenduit par lui à la
hauteur de Pierre- Moine ; là , il les fera jeter à la mer comme
rebeiles à la loi ; et après cette opération , il retournera à son
poste. " Signé , LEFEBVRE , adjudant-général .
M &
1
( 180 )
An-dessous est écrit : De plus les quatre fusiliers et le ca
poral qui sont à son bord . Signé , P. FOUCAUD .
Pour copie conforme à l'original resté entre mes mains.
Signé , BOUQUET , commissaire des guerres .
Signé , HUBIN , maire ; GUITTENY , officier municipal,
Pour copie conforme , signé , AUGIER.
Pour copie conforme , signé , Bouquet.
Plusieurs sections de Paris , les sociétés populaires de Versailles
, de Sedan et de Poitiers , et un grand nombre d'autres
députations félicitent la Convention sur son adresse au peuple
et sur ses travaux , et l'invitent à rester à son poste . Elles expriment
leur attachement inviolable à la représentation natio
nale et à la République une et indivisible . Elles ne recon .
naissent que la Convention pour point de ralliement . Elles
vouent à l'indignation et au mépris public les hommes de
sang qui veulent par la terreur arrêter la vengeance nationale
qui les poursuit . Enfin elles l'invitent à ne pas souffrir qu'aucune
association entreprenne d'élever sa puissance contre la
sienne , et à faire respecter la souverainete qu'elle exerce au
nom du peuple. Mention honorable et insertion au bulletin .
Baraillon présente ensuite à la Convention quelques mesures
contre les fripons et dilapidateurs de la fortune publique ;
contre ceux qui ont adjugé ou se sont fait adjuger des biens
nationaux à des prix au- dessous de la valeur de l'estimation ;
contre ceux qui ont pillé ou dévasté les maisons d'émigrés ,
des déportés , des agens suspects ou des maisons nationales ;
contre ceux qui ont détourné à leur profit des deniers nationaux
; contre ceux qui n'ont pas fait remise des effets dont
ils se sont emparés dans les églises ou monasteres ; contre
ceux enfin qui ont levé , touché ou reçu des taxes révolutionnaires
sans en prouver l'emploi . Cambon observe que les
Comités des finances , de législation et de sûreté générale s'occupent
de cet objet ; qu'ils présenteront incessamment leur
travail. Les mesures proposées par Baraillon sont renvoyées
ces trois comités .
Crassous représente à la Conventiou qu'en ordonnant que
les cendres de J. J. Rousseau seraient transportées au Panthéon
, elle en a privé les habitans d'Ermenonville . Il demande
qu'il soit érigé dans cette commune un monument qui rappelle
à ces bons citoyens le séjour que J. J. a fait au milieu
d'eux. Renvoyé au comité d'instruction publique .
: Boissy il est un autre monument à élever à la gloire de
Rousseau ; c'est de déposer ses manuscrits à la bibliotheque
nationale. Il y a dix ans , lorsqu'on imprima ses oeuvres , que
les éditeurs s'engagerent de les déposer dans la bibliotheque
d'un peuple libre : jusqu'à présent ils n'avaient pu le trouver ;
aujourd'hui il existe , c'est le peuple français . Je propose que
la Convention les fasse demander à l'un des éditeurs , qui ha
( 181 )
bite Neufchatel en Suisse . Je suis persuadé qu'il ne refusers
pas de céder à la République ce monument de la gloire de
Rousseau . La proposition de Boissy est décrétée .
-
Un secrétaire fait lecture d'une lettre des députés de la
Convention , détenus dans la maison d'arrêt de Port - Libre ,
et dont voici la substance : Cambon a proclamé dernierement
à votre tribune les inquiétudes du comité de salut public
sur les évenemens du 31 mai peut-on nous faire un
crime de les avoir partagées ? Cependant , depuis un an , nous
voyons se renouveller pour nous le régime de la bastille ,
Nous comptons nos jours par
des outrages et nos nuits par
des sentimens de terreur. Nous vous demandons justice ; pour
nous , car nous avons besoin que notre innocence paraisse
dans tout son éclat ; pour vous car vous ne pouvez pas vou
loir que nous soyions plus long- tems opprimés. Un membre
appuie cette demande , et il propose que les comités de salut
public , de sûreté générale et de législation s'occupent , sans
délai , de l'examen de l'affaire de tous les députés détenus
dans les maisons d'arrêt , ou qui sont en arrestation chez eux
et au nombre de 71 , et qu'en attendant , la piece qui a servi
de motif à leur détention soit imprimée et distribuée aux
membres . Cette proposition est décrétée à l'unanimité et au
milieu des plus vifs applaudissemens . Un autre membre a demandé
que les détenus fussent présens à ce rapport. La Con
vention a passé à l'ordre du jour , motivé sur ce qu'un décret
consacrait ce droit.
Séance de tridi , 23 Vendemiaire .
Richard , au nom du comité de salut public , annonce à la
Convention la nouvelle officielle de la prise de Bois- le - Duc
et que nous avons trouvé dans cette place 146 bouches à feu
dont 107 en bronze , 130 milliers de poudre , une quantité
immense de fer coulé , et gooo fusils . Les prisonniers de guerre
sont au nombre de 2,500 . Nos quartiers d'hiver et nos subsistances
se trouvent ainsi assurés . Il ajoute que la place, de
Bois-le-Duc , si importante par ses rapports militaires et politiques
, a été regardée , depuis le fameux siège du prince d'Orange
, comme inattaquable , et que jamais siége n'offrit plus de
difficultés . Aussi les préparatifs de nos généraux ont- ils été
savans , et les armes du génie et de l'artillerie ont bien secondé
les bayonnettes , et quinze jours ont suffi aux Républicains pour
s'en rendre maîtres . Il termine par dire que les représentans
du peuple , Lacombe et Bellegarde , qui ont fait part de cette
nouvelle au comité , lui annoncent que le brave Pichegru est
malade , mais qu'il sera bientôt guéri, Ce courageux Républi
cain a fait ces deux dernieres campagnes sans être battu . La
général de division , Moreau , distingué par les services impor
tans qu'il a rendus , le remplace provisoirement.
Parmi les dresses qui formaient la correspondance , on a
M 3
( 182 )
distingué celle de la société populaire de Dijon . Elle était
conçue en termes très équivoques , et l'on voyait qu'elle cherchait
à paraître venir à resipiscence , sans cependant abandonner
aucun de ses principes . L'adresse est en effet moins violente
que la premiere , mais elle roule dans le même sens .
Legislateurs , y est-il dit , quand vous avez décrété la mention
honotable et l'insertion au Bulletin de ces adresses doucereuses
qui improuvaient la nôtre , vous n'avez pas remarqué le poison
dangereux qu'elles distillaient . On veut en diffamant les sociétés
Populaires , desunir le peuple d'avec le psnple ; nous ne sommes
pas les dupes de ces captieuses insinuations. Nons jurons de
soutenir les Jacobins et les sociétés populaires qui sont dans les
bous principes . Nous nous rallierons à la Convention , et nous
ne reconnaitrons qu'elle pour point de ralliement . 99
Romme en demande la mention honorable et l'insertion au
Bulletin , mais Guyomard et Rewbell combattent cette proposition
la regardent cette adresse comme une demi-conversion .
Is voient qu'elle a tonjours l'impudeur de s'élever contre les
décrets de la Conventien , et de se croire le peuple . D'ailleurs ,
elle est dementie par la conduite des signataires qui , étant en
même tems membres de la municipalité , ont poussé l'audace
jusqu'à refuser d'exécuter les arrêtés du comité de sûreté générale
pour les mises en liberté , avant d'y avoir apposé leur
visa .
Après une courte , mais assez vive discussion , l'Assemblée
refuse la mention honorable et l'insertion aú Bulletin , et renvoie
l'adresse au comité de sûreté générale .
Richard prend de nouveau la parole , au nom des comités de
salut public , de commerce et des approvisionuemens , et il fait
decreter que les représentans du peuple , Villier et Desrues , se
Tendront sur le champ aux ports de Brest et de l'Orient , pour
accelerer l'envoi et ta distribution , tant à Paris que dans les .
départemens , d'une quantité très- considérable d'objets de picmiere
nécessité qui y sont en ce moment.
Un mendre observe que près des armces il existe des dépôts
de matieres qui seraient d'une utilité très - grande pour l'usage
des citoyens . Il cite les suifs , dont une très - grande quantité est
emmagasinée près les armees et n'y est d'aucun usage . Il demande
que la commission de commerce et des approvisionnemens
s'occupe sans délai de la répartition de ces matières
premieres .
Richard declare que la commission s'occupe de ces mesures,
et il fait espérer à la Convention que bientôt les citoyens
ressentiront les heureux effets de ses travaux .
Un autre membre dir que Brest et l'Orient ne sont pas les
seuls ports où les matieres et marchandises prises sur l'ennemi
aient été emmagasinées . Il proposé de charger les représentans
du peuple en mission dans les départemens maritimes ,
de prendre les mêmes mesures. Cette proposition est décrétée,
( 183 )
La Convention nomme ensuite à 46 grades dont elle a la
disposition , anx termes des décrets .
La société populaire de la rue de Seve , et celle des defenseurs
de la République , viennent feliciter la Convention sur
son adresse au peuple , et rendre hommage aux principes
qu'elle y a développés .
Une députation de la section des Champs - Elysées vient
rétracter les adhésions qu'elle avait données aux adresses que
la Convention avait improuvées .
Les représentans du peuple près l'école de Mars écrivent
à la Convention qu'il est impossible de leur procurer une
jouissance plus douce , que celle que leur donnent tous les
jours les éleves de l'école de Mars , dont la surveillance leur
est confiée , par le bon esprit qui regne parmi eux , et par la
conduite vraiment admirable qu'ils ont tenue en allant à Poissy ,
et pendant leur séjour dans cette ville .
Toutes les municipalités voisines admirent la discipline qui
regne parmi eux , et qui s'y maintient sans contrainte. La
uit précédente on a battu la générale à 2 heures du matin ;
en moins de dix minutes toute l'armée était en bataille dans
le plus grand ordre et le plus absolu silence. Les manoeuvres
s'exécutent aussi avec promptitude et la plus grande précision .
La séance s'est terminée par la lecture qu'a faite Bréard ,
au nom du comité de salut public , de la lettre qu'ecrivent
les Républicains composant l'armée navale à la Convention
nationale . Matelots , soldats , officiers , capitaines , généraux , ”
tous jurent que , ralliés à l'étendard glorieux que leur a donné
la patrie , et qui flotte au milieu de leurs vaisseaux , guidés
par lui au chemin de la victoire , ils vont bientôt délivier les
mers des brigands qui les infestent , comme leurs freres des
armées de terre ont purgé le sol de la liberté des esclaves
qui le souillaient. Bréard ajoute que 26 bâtimens pris sur les
ennemis sont entrés dans les ports de la République , et que
9 ont été coulés à fond .
Séance de quartidi , 24 Vendemiaire.
Sur les plaintes d'un volontaire estropié , et dont la mere
indigente n'a reçu aucun secours , la Convention décrete que
le comité des secours fera rendre compte à la commission
de l'emploi des sommes qui sont à sa disposition pour cet
`objet.
Léonard Bourdon se plaint aussi de ce qu'il est calomnié
par l'Orateur du peuple ; il demande une loi contre les calomniatcurs.
Pelet observe que la loi existe et réclame l'ordre
du jour. Il ajoute que les députés ne doivent pas avoir une
justice particuliere , et que , comme les autres citoyens , ils
doivent avoir recours aux tribunaux , lorsqu'ils sont injustement
attaqués . L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la
réclamation de Bourdon. M. 4.
( 134 )
Les se fons des Piques et de Bonne-Nouvelle , l'administration
du district de Versailles , plusieurs communes et antorités
constituées félicitent la Convention suu son adresse
` énergique aux Français . La section de Bonne- Nouvelle rejette
sur les agitateurs qui sont dans son sein l'adhésion qu'elle a
donnée à l'adresse de la société populaire de Dijon ; mais elle
a appris à les connaître et s'en défiera . Elle termine ainsi :
il faut enfin que l'honnête homme respire , il faut дне les
fonctions publiques soient gérées par des hommes purs , que
la Convention soit respectée . La section ne reconnaît point
d'intermédiaire entre le peuple et la Convention , son mot
d'ordre est la seule Convention , toute la Convention , et rien que
la Convention . ( Applaudissemens . ) Ces adresses seront insérées
au bulletin .
Au nom du comité de législation , Garran- Coulon sonmet
à la Convention un projet de décret sur les incompatibilités.
des fonctions administratives et judiciaires. Il dit que toutes
les lois faites à cet égard et celle qu'il propose dérivent de ce
grand principe que la séparation des pouvoirs est le plus sûr
garant de la liberté et de la justice . On a conclu de- là que
les fonctions administratives et judiciaires devaient être exercéés
par des mains différentes , et que dans l'ordre de chacune
de ces fonctious , celles du même genre qui étaient subordon.
nées les unes aux autres , ne pouvaient pas non plus être exercées
par les mêmes personnes . Eufin , comme les fonctions
publiques ne doivent pas être un objet de cupidité pour les
citoyens , et que le traitement qui y est attaché n'est qu'une
indemnité du tems que les fonctionnaires emploiraient à se
procurer leur subsistance et celle de leur famille , on a encore
établi l'incompatibilité de deux traitemens trop considérables
et celles des fonctions auxquelles ces traitemens sont attachés ,
· C'est d'après ces bases que le rapporteur propose et la Convention
adopte le décret .
Boissier , au nom du comité de marine et des colonies , fait
adopter un décret que nous donnerons également au prochain
numéro .
La rédaction de plusieurs décrets rendus dans les séances.
précédentes , est définitivement adoptée ainsi qu'il suit :
La Convention nationale décrete que tous ceux qui ayant
fait faillite ne se sont pas complettement libérés avec leurs
créanciers , ne peuvent exercer aucune fonction publique
Le bureau des domaines nationaux de Paris et les corps
administratifs sont tenus de faire lever , dans le délai de deux
décades , sous peine de supporter les frais de garde , tous les
scellés qui ont été ou seront apposés sur les meubles et effets
des émigrés , déportés , condamnés ou détenus , pour lesdits
meubles et effets être vendas ou inventoriés ,,,
Lesnotaires qui depuis la loi du 29 septembre 1791 , ayant
1
>
f 185 )
continué leurs fonctions ,, oont été suspendus ou destitués ,
faute d'avoir produit dans le délai prescrit le certificat de
eivisme exigé par la loi ; ceux qui n'ayant pa l'obtenir ont
donné leur démission pour ne pas encourir la peine de suspicion
, et qui néanmoins l'ont produit depuis ou le produiront
à l'avenir , seront immédiatement réintégrés dans leurs
fonctions.
La vente des immeubles nationaux , suspendue par arrêté
du comité de salut public , du 10 messidor , sera continuée . "
Séance de quintidi , 25 Vendemiaire .
Salengros présente des mesures pour rendre la Sambre navi
gable. On demande le renvoi aux comités d'agriculture et de
commerc , pour en faire un rapport sous trois jours . Duhem
observe que les transports sur le Rhin en seront beaucoup plus
faciles. Le renvoi est décrété pour en faire un rapport dans
ec délai .
Les pétitionnaires sont adm's . Ce sont des députations des
communes de Calais , Thouars , Versailles et Montmarat , qui
viennent féliciter la Convention sur son adresse au peuple
français .
Le lycée des arts après s'être acquitté de ce devoir civique ,
instruit la Convention d'une nouvelle dévouverte , qui consiste
à faire de la potasse avec les sommites du lilas , c'est - à - dire les
grains qui tiennent apaès la fleur de cet arbre . Les expériences
faites , ont donné soixante- quinze livres de potasse sur cent
livres de cette graine . Bordons nos routes de lilas et de marronniers
, dit l'orateur , et s'est en semant des fleurs sur nos pas
que nous nous procurerons les moyens de fabriquer la foudre
qui écrasera le reste des tyrans coalisés contre la République . »
Delmas , au nom des trois comités réunis , présente un projet
' de décret , dont l'objet est de défendre entre les sociétés quelconques
, une correspondance en nom collectif , et de les
remettre sous l'action du gouvernement. Une vive et longue
discussion s'éleve . Pelet demande l'ajournement , Thibeaudot
l'appuie. I invoque les droits de l'homme , qui permettent.
à tous les citoyens de s'assembler paisiblement et de correspondre
entr'eux . Cependant il convient que l'on a eu tort de
donner une part au gouvernement , aux sociétés populaires . On
lui répond que personne ne conteste les services rendus par
les sociétés populaires , et qu'elles ont puissamment concouru
à renverser la tyrannie ; mais que beaucoup d'intrigans , de
scélérats couverts du masque du patriotisme s'y sont introduits
et veulent renverser la liberté . Le foyer de la contre - révolution
n'était-il pas aux Jacobins le 9 thermidor ? Qui ignore que c'est
dans cette société qu'une foule de continuateurs de Robespierre
se sont refugiés ? L'objet du décret est de ramener les
sociétés populaires sous l'action du gouvernement ; cela atta
que -t-il la déclaration des droits ? Lejeune n'en prétend past
( 186 )
moins que ce projet conduit à ravir aux citoyens le droit que
leur assurent la déclaration des droits et la constitution . Merlin
( de Thionville ) s'écrie qu'on s'écarte de la question , et qu'on
cherche à donner le change au peuple , en lui faisant croire
qu'on veut détruire les sociétés populaires , ce qui n'est pas
dans l'esprit de la Convention ; de toutes parts l'on entend ,
non , non ; et les tribunes applaudissent vivement .
1
Rewbel prenant la parole , s'adresse au peuple , et lui montre
le précipice où les hommes qui empruntent son nom voudraient
l'entraîner ; des hommes qui, non rassassiés d'une partie de son
sang qu'ils ont fait couler , voudraient en verser jusqu'à la
dernière goutte . Bentabole : qui a été nommé pour sauver le
peuple ? La Convention . La Convention doit donc être libre
et digagée de toute entrave , et ne doit pas souffrir à coté
d'elle une autorité rivale . Si elle la souffre , elle éloigne le
vaisseau du port ; le sang , le meurtre , tous les crimes se répandent
de nouveau sur la terre . Quoi les autorités ne pour
ront point correspondre entr'elles , et des sociétés en aurout le
droit ! Je le demande au peuple : qu'il parle et qu'il dise lequel
des deux centres il préfere , des Jacobins ou de la Convention
! Des cris innombrables partent des tribuues : Vive la Con¬
vention .
Bourdon ( de l'Oise ) : quelles sont les sociétés dont on parle?
Je les regarde comme des collections de moines qui se choi
sissent entr'eux , et j'en conclus que c'est une aristocratie . Ce
n'est pas que je pense que les citoyens ne puissent pas se
reunir paisiblement en société ; mais je vois l'aristoerație dans
les affiliations et les correspondances entr'elles . Voulez- vous
avoir une paix gloriense , ajoute Bourdon , dites aux Belges :
Vous serez libres sans Jacobins ; la liberté ne vous coûtera pas
comme à nous du sang , des meurtres par lesquels Pitt a voulu
éloigner de nous les peuples . Ne faites pas dire aux étrangers :
avec qui ferons - nons la paix , est- ce avec les Jacobins ou avec
la Convention ?
Duhem , Grassous , Dubarran , demandent l'ordre da jour ;
Dubois Crancé et Thuriet l'adoption du décret ; enfin il est
mis à la discussion article par article , et adopté comme il
suit :
Art. Ier. Toutes affiliations , aggrégations , fédérations ,
ainsi que toutes correspondances , eu nom collectif entre sociétés
, sous quelques dénominations qu'elles existent , sont
defendues comme subversives du gouvernement et contraire à
l'unité de la République .
" II . Aucunes pétitions ou adresses ne peuvent être faites en
nom collectif.
" Elles doivent être individuellement signées .
,, III . Il est défendu aux antorités constituées de statuer sur
les adresses ou pétitions faites en nom collectif.
" IV. Ceux qui signeront comme président ou secrétaire ,
1187 )
des adresses ou pétitions faites en nom collectif , seront arrêtés ,
et détenus comme suspects .
" V. Chaque société dressera , immédiatement après la
publication du présent décret le tableau de tous les membres
qui la composent.
" Ce tableau indiquera les noms et prénoms de chacun des
membres , son âge , le lieu de sa naissance , ' sa profession et
demeure avant et depuis le 14 juillet 1789 , et la date de son
admission dans la société .
VI . Copic de ce tableau sera , dans les deux décades qui
suivront la publication du présent décret , adressée à l'agent
national du district.
,, VII . Ii en sera , dans le même délai , adressé une autre
copie à l'agent national de la Commune dans laquelle chaque
société est établie .
Cette copie sera et demeurera affichée dans le lieu des
séances de la municipalité .
" VIII . A Paris , l'envoi prescrit par l'article précédent
sera fait à l'agent national piès la commission de police administrative
; et l'affiche , ordonnée par le même article , aura
lieu dans la salle des séances de cette commission .
,, IX , La formation , l'envoi et l'affiche des tableaux ordonnés
par les trois articles précédens , serout renouvellés dans les
deux premieres décades de nivôse prochain , et ensuite de trois
mois en trois mois .
" X. Tout contrevenant à ene disposition quelconque du
présent décret seaa arrêté et détenu comme suspect.
Séance de sextidi , 26 Vendemiaire .
Giraud , au nom du comité de commerce et des approvisionnemens
, soumet à la discussion un projet de décret , relatif
aux citoyens dout l'industrie et les relations à l'étranger ont
pour but d'encourager les manufactures , vivifier le commerce
et introduire dans la République les matieres premieres propres
à alimenter nos fabriques . Ce projet est adopté dans les
termes suivans :
Art . 1er, Tout citoyen dont l'industrie et les relations
tendent à vivifier le commerce et les manufactures , ou à introduire
dans la République des matieres premieres propres à
les alimenter , mérite bien de la patrie .
11. Le droit de requisition et de préemption ne pourra
être exercé sur les matières premieres que les fabriquans justifieront
avoir fait venir de l'étranger pour l'aliment de leurs
fabriques .
99 III. Le présent décret sera inséré au bulletin des lois et
des correspondances . ",
Sur le rapport du comité des finances , la Convention nas
tionale décrete que le citoyen Lagrange , mathématicien , continuera
de jouir de la pension viagere de 6000 liv. qui la
avait été accordée,
་( 188 )
Romme expose que le citoyen Messier , astronome , rend de
grands services à la matine depuis 40 ans . Il vient de faire
une chûte qui lui a cassé un bras et une jambe . Il est dans
ne si grande pénurie , qu'il n'a pas de quoi acheter une
chandelle pour travailler pendant la nuit. Il demande pour
lui un secours provisoire et un emploi dans la marine .
Renvoyé au comité des secours .
Navier , représentant du peuple , détenu dans la maison
d'arrêt de Port- Libre , demande à la Convention la permission
de rentrer dans sa maison à cause de l'altération de sa santě ,
et pour prendre des remedes qu'il est impossible de se procarer
en prison. La permission est accordée . Un membre
saisit cette occasion et dit que Lamarre , qui est aussi député ,
se trouve dans le même cas , mais qu'il est . gardé par an gendarme
. La Convention décrete que le gendarme se retirera .
Eschasseriaux présente la suite du décret sur la révision de
la loi des émigrés . Quelques dispositions en sont décrétées
avec des amendemeus . Nous les donnerons dès que la rédac
tion en aura été définitivement adoptée .
Duhem demande , par motion d'ordre , que l'on prenne
des mesures d'administration relativement à la Belgique . Il la
représente comme remplie de commissaires qui se croisent et
entravent la marche du gouvernement. Il dit que les habitans
ne savent à quoi s'en tenir , et que les malveillans en profient
pour éloigner de nous leurs coeurs .
Tallien répond à Duhem que ce n'est pas dans le moment
où nous entrons dans la Hollande qu'il faut faire un plan de
Jégislation pour la Belgique . Nous ne devons regarder la Belgique
que comme un pays conquis , où nous devons prendre
tous les dédommagemens que nous pouvons y trouver pour
les frais de la guerre . Nous ne tarderons pas sans doute de
nous occuper des principes politiques qui doivent nous diriger
dans les négociations . Mais quant à la motion de Duhem .
il pense qu'il ne faut rien précipiter , et il conclut à l'ordre du
jour. ( Adopté. )
PARIS , 29 Vendémiaire , l'an 3º . de la République.
Le décret sur les sociétés populaires à été l'objet d'une
Bongue discussion dans la séance des Jacobins du 26 de ce
mois . Après une délibération très-embarrassante , la société a
chargé son comité de correspondance de présenter à la prochaine
séance les moyens par lesquels elle pourra continuer ses
relations avec les tociétés affiliées , sans violer le décret qui les
défend en nom collectif.
On apprend que le bombardement de Dusseldorf se continue
avec la plus grande activité . Il en est de même du siège de
Maestricht,
( 189 )
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Le 25 , a commencé l'instruction du procès des membres da
comité révolutionnaire de Nantes . Que les ames sensibles lisent
si elles peuvent ce tissu de crimes et d'horreurs ; il faudrait
créer une langue pour les exprimer ; et cependant il s'est trouvé
des hommes qui les ont commis de sang - froid , et qui survivent
à lenr conscience ! S'il était encore quelque sentiment d'humanité
dans l'ame des partisans du regne de Robespierre , il fandrait
, pour tout supplice , les condamner à assister à ce juge
ment. Nous allons choisir les principaux traits de l'acte d'accusation.
Extrait de l'acte d'accusation.
4. La nuit du 24 an 25 frimaire , 129 prisonniers , pris au
hasard , sont arrachés des cachots ; liés , garottés , traînés sur le
port , embarqués sur une gabarre , ct engloutis sous les eaux.
Goulin tenait la liste fatale fatale ; Joly liait les malhenreuses
victimes , et Crand - Maison les précipitait dans la Loire. Le
projet fut arrêté dans le comité , et les ordres donnés par ses
membres. Maignet convient l'avoir signé , Grand-Maison avoue
qu'il a lui-même fait engloutir les victimes , et Goulin prési
dait à cette exécution funeste qui confondit en un instant le
coupable et l'innoent , qui détruisit tous les droits sacrés de la
nature , viola ceux de la liberté , et d'un nuage de sang obscurcit
les plus beaux jours de son regne.
La nécessité avait , dit- on , exigé cette mesure , et les cir◄
constances étaient impérieuses . A-t-on jamais pu transiger avecla
justice et l'humanité ? Quelle loi barbare peut conférer à
des citoyens le droit de faire périr ses concitoyens , sans
avoir scellé du sceau de la justice le crime qui les rend coupables
?
" Des victimes innocentes , des enfans sortant à peine des
mains de la nature , étaient désignés par ces nouveaux Caligula
; ils étaient livrés aux flots . Les prieres des citoyens ne
purent toucher le coeur de ces barbares . Maignet est le seul
dentr'eux qui déclare en avoir sourtrait au naufrage près de
500 , qu'il confia , à l'insçu de comité , aux soins bienfaisans
des habitans qui les réclamaient.
,, Néron contemplait le fatal vaisseau qui renfermait sa mere
et que les eaux du Tibre faisaient flotter sous ses fenêtres ;
les membres du comité de Nantes veulent l'imiter. Ils font
construire une gabarre à soupape : elle est destinée à recevoir
les victimes que le hasard désignera ; et plus d'une fois elle
servit lear trop cruelle barbarie . Ils ne voilaient , pas même
entr'eux leurs forfaits ; et Maiguet déclare qu'ils appelaient ces
affreuses expéditions , les baignades. C'est ainsi qu'ils qualiGaient
un crime que Néron rougit d'avoir commis une seule fois sur
une seule personne , et qu'eux , plus erueis et plus scélérats ,
ent commis plusieurs fois et sur des milliers de malheureux.
( 190 )
1
Quoiqu'on ait des preuves matérielles de plus d'une expédition
de ce genre , on a l'aveu de plusieurs accusés qui ;
décbfvés par les remords , ont été forcés de déclarer qu'il y en
avit cu de quatre à huit , ce sont leurs expressions .
Deux des malheureux dévoués à la mort , engloutis sous
es eaux , luttent contre les flots et s'échappent à la faveur des
ombres de la nuit ; c'étaient Leroy et Garnier . Ils sont rencon-
Pres le lendemain , encore tremblans et respiraus à peine .
Gaullin , Chaux et Graudinaison en sont instruits : ils deli
berent si on les replongera à l'eau ; et ils finissent par les
merie dans des cachots , où ils languirent pendant 3 mois .
Les 129 individus enlevés des prisons n'étaient qu'une
partie des malheureux inscrits sur la fatale liste : elle en coutenait
150. La copie de cette liste est jointe atx pieces .
Ivies de sang et de vin , ces cannibales reconnaissaient
à peine leurs victimes , et leurs yeux se refusaient à lire la
trace de leurs forfaits .
" Pour consommer tant de crimes , il fallait s'associer les
êtres les plus immoraux. On forme une compagnie revolu
tionnaire ; on choisit les sujets les plus abjects et Goullin
osait demander encore s'il en existait de plus scélérais .
"
C'est cette compagnie qui fut l'instrument de tous les
crimes du comité. Plusieurs des citoyens qui la composaient
étaient égarés ; et l'aveu qu'ils en ont fait , ne laisse pas don
ter un instant des mauauvres que l'on employait pour les
faire agir.
Tant d'atrocités devaient émouvoir l'ame du patriote . Pas
un Nantais n'ose élever la voix ; chacun d'eux venait courber
la tête sous le joug de ces despotes sanguinaires ; un seul veut
venger sa pairie ; Phelippes , accusateur public , verbalise
contre le comité ; il lui demande compte des sommes qu'il a
touchées et des innocens qu'il a sacrifiés ; il invite chaque
citoyen à lui donner le relevé de ce qu'il a payé , et à lui
procurer les connaissances certaines des actes arbitraires de
ce comité. Ces demarches ne sont pas infructueuses ; une
foule de preuves s'accumule ; on se rallie autour de cet homme
qui ose attaquer les nouveaux tyraus ; on lui parle le langage
de , la verite ; il est bientôt convaincu de la scélératesse des
membres du comité ; il consigue les faits dans des procès-ver
baux qui sont joints aux pieces du proces . Se voyant ainsi
poursuivi , le comité fait afficher une ordonnance qui invite les
citoyens à venir déclarer ce qu'ils avaient donné .
་
Les particuliers se présentent ; ou leur fait écrire ce que ,
In veut ; on leur fait declarer qu'ils ont donné librement telle
me , tandis qu'ils y avaient été forcés ; on leur fit désigner
ni une paris pour les frais du comité , une autre pour
ricité de l'air , une autre pour l'arrangement d'un cheerait
extrêmement nécessaire à Chaux , et enfin une
}
pour payer les frais des voitures qui avaient con❤
Son is malheureux désignés par le comité.
i 191. )
- ,, La déclaration des citoyens produisit la connaissance d'une
recette d'environ 500,000 liv . que le comité avait faite , et cepen
dant son compte ne portait en actif que 200 et quelques mille 1 .
" Deja Phelippes soulevait le voile qui cachait la verité ; déja
on apperçoit ses premiers rayons , lorsqu'il est traduit au tribunal
revolutionnaire par ces hommes qui craignaient la lumiere ,
et qui pâlissaient à l'aspect de la vertu .
Ainsi se réalisa la promesse de Grand-Maison . Les membres
du comité avaient surpris la confiance des représentans du peuple
Bourbotte et Bo ; mais la justice triompha ; les membres du comité
furent bientôt démasqués ; les deux représentans du peuple
les firent incarcérer , et les traduisirent au tribunal révolutionnaire
.
" C'est ainsi que ces hommes sanguinaires , foulant aux pieds
l'honneur , prétendaient euter la liberté sur le tronc sauvage du
crime ; c'est ainsi que ces hommes barbares croyaient , à l'ombre
de l'impunité , consommer leurs forfaits ; ils voulaient assassiner
la liberté et plonger leur patrie dans de nouveaux fers . Dignes
émules de Robespierre , ils ne comptaient leurs jouissances que
par le nombre des victimes , et la soif du sang était pour eux un
besoin.
1
,, Loin d'éteindre et d'anéantir une guerre malheureuse qui
déchire le sein de la patrie , ils en attisaient le feu par leurs
cruautés ; ils servaient les projets de nos perfides ennemis , qui ,
pournous subjuguer , ont recours à tout ce que la bassesse leur
suggere ; qui , ne pouvant attaquer de front les Républicains ,
cherchent dans leur sein de vils esclaves qui cachent sous le
masque du patriotisme l'ame la plus scélérate et le coeur le plus
corrompu .
29
Qu'onjette un regard sur leur vie privée , qu'on les considere
particulierement , on verra Goullin commandant despotiquement
ses collegues et les forcer à signer tout ce que sa
cruauté lui suggérait ; on l'entendra répondre à une malheu
reuse épouse qui demande des nouvelles de son mari : « Bon ,
qu'importe ; plutôt il mourra , plutôt nous aurons son bien .
,, Parcourez la vie de Chaux , vous le verrez au district ,
intimidant et menaçant tous ceux qui paraissent ses concurrens
, et se faire adjuger tontes les métairies de la terre de
la Barossier ; vous l'entendrez dire , en parlant d'un local
qui lui convenait : Je connais un moyen de
procurer ; je ferai arrêter le propriétaire , et pour sortir de
prison , il sera assez heureux de m'abandonner son terrein .
me le
,, Perrochaux marchande froidement la liberté des citoyens :
la fille Bretonville sollicite pour son pere ; pour prix de
sa liberté , il exige le sacrifice de l'honneur de cette intéressante
solliciteuse : il demande à la citoyenue Ollemard
Dudan 50 mille liv. pour l'exempter d'être incarcérée .
,, Il saisit à la veuve Daigneau Mallet pour 60 livres de tabac ,
il la conduit en prison : quelques tems après elle recouvre sa
( 192 )
liberté ; elle réclame sa marchandise ; Perrochaux paraît s'interresser
pour elle , il l'invite à le suivre à la maison du Bon
Pasteur , et là , il lui déclare qu'elle est de nouvean prisonniere .
La citoyenne Decombe est par lui conduite sur une galiotte
hollandaise où elle périt de misere.
,, Grand- Maison fut assassin avant la révolution ; depuis
il maltraitait toutes les malheureuses victimes qu'il incarcerait ,
il s'appropriait l'argenterie que l'on séquestrait , il exécutait les
noyades et signait les arrêts de mort .
Jolly faisait les exécutions , il s'emparait de tout ce qu'il
trouvait bijoux , argenterie , effets précieux , tout convenait
sa rapacité : il était grand exécuteur , c'était lui qui liait les
malheureux condamnés à mort , et qui se trouvait à toutes les
ceremonies journalieres du comité .
" Bachelier , comme président , conduisait toute les opérations
du comité ; il faisait incarcérer tout ce qui nuisait à ses
intérets ; il s'appropriait l'argenterie qu'on offrait en døn , et
dirigait les expeditions nocturnes.
" Bologniel conduis t jusqu'à Angers les cent trente - deux
Nantais envoyes à Paris , il leur fit éprouver les plus horribles
tourmens ; il souffrit qu'un malheureux pere eût toute une
nuit le spectacle déchirant de son fils mort à ses côtés . A son
retour , il força Delamarre à lui rendre un bon de vingt mille
livres , signé du représentant Carrier , qu'il lui avait remis
avant son départ , et dont il avait touché le moutant .
Naux levait et posait seul les scellés chez les particuliers
incarcérés ; il faisait des visites nocturnes dans les maisons des
détenus , et s'appropriait tout ce qui lui convenait.
" Pinard était le grand pourvoyeur ; il servait aux expédi
tions de la campagne ; il pillait , volait impunément et fesait
conduire chez chacun des membres du comité tout ce dont
ils avaient besoin pour l'usage journalier de leur maison .
Maignet était l'instrument passif du comité ; il signait tout
ce qu'on lui présentait , notamment les arrêts de mort et l'ordre
des noyades.
" Gallon s'appropriait les huiles et les eaux-de -vie ; il en a
pris , sans payer , plusieurs barils chez le citoyen Plissonueau ,
" Durassier faisait les visites domiciliaires ; et exigeait des
contributions. N at payer au citoyen Lemoine 2,400 liv. pour
n'être pas incarcéré .
Bataillé et Lévêque étaient les agens secrets du comité ; ils
arrêtaient indistinctement avec ou sans ordre , et étaient toujours
prêts à marcher au moindre signal des membres du comité.
" Les conspirateurs les plus prononcés , les ennemis les plus
cruels de la République ont-ils plus perfidement assassiné la
liberté ; ont- ils attenté avec plus d'audace à la souveraineté nationale
? Concussions , dilapidations , vols , brigandages , immoralité
, abus d'autorité et de pouvoir , meurtres , assassinats ;
voilà les crimes dont les accusés se sont couverts , et voilà les
srimes que le tribunal a à punir. ››
( N. 7. )
MERCURE FRANÇAIS.
DU QUINTIDI 5 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République..
( Dimanche 26 Octobre 1794 , vieux style . )
ON
ENIGM E.
N me voit peu dans l'Italie ,
Dans la France , je suis bien plus communément,
Je ne connais pour ma patric
Que de certains cantons où l'on m aime ardemment.
Ma couleur est plus ou moins blonde .
Je ne suis point aimé de tout le monde ,
Encor moins fus -je aimé des Dieux ,
Quoique je sois un don des cieux .
Immédiatement je descends d'une mere ,
Origine , dit - on , de beaucoup de misere .
L'instant où je naquis decida de son sort.
La roue , hélas devint l'instrument de sa mort.
Jef
LOGO GRIPH E.
E fais l'amusement de ma belle maîtresse
Par mille iunoceus petits jeux :
Je lui plais , elle me carresse ;
D'un tendre amour nous nous aimons tous deux.
Sept pieds composent tout mon être .
A ces traits , cher lecteur , tu peux me reconnaître,
J'offre à tes yeux quatre saisons ;
Un effronté qui va gueusant par les maisons ;
Deux ames l'une l'autre unics
Jusqu'au point d'exposer leurs vies ;
Un mot qui marque l'amitié ;
Un autre dont l'orgueil est très mortifié
Mais en me retranchant la tête ,
S'il te plaît d'arracher mon coeur
Adieu mes amours ma conquête !
Mou reste en corrige l'ardeur.
Tome XII . N
( 194 )
·
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Essai historique et politique sur l'état de Gênes , considéré sous le rapport
des avantages que sa position peut offrir aux armes de la République
française , en cas de guerre en Italie ; rédigé d'aprés diffe .
rens mémoires , par un agent politique'de la Republique , en Itatic .
Un volume in 80 , de 316 pages , Prix , 4 liv . Chez A. Cl . Forget ,
ue du Four- Honoré , uº . 487 .
Voi
OICI l'idée générale et le tableau intéressant et curieux
que l'auteur donne de l'état de Gênes. Cette ville est la capitale
d'un état que les Romains nommaient Ligurie Cisalpine ,
et qui conserve encore aujourdhui , à peu de choses près ,
les bornes qu'il avait alors . Les révolutions qué Gênes a éprouvees
lui ont fait perdre les établissemeni que le génie et
le courage de ses habitans lui avaient formes en Asie et en
Afrique .
i
Daus ces tems d'aveuglement où par l'absurde piété de nos
ancêtres on vit les princes abandonner leurs états ; les particuliers
, leurs familles , et porter au delà des mers une imprudence
si digue des malheureux succès qui l'ont suivie ; les Génois
partageaient avec un petit nombre de nations les moyens
mécessaires à l'exécution de ces projets . Ils avaient tellement
perfectionné la navigation , qu'ils étaient, alors les plus habiles
pilotes de la Méditerranée , et peut-être les seuls commerçans de
I'Eope.
Les counaissances particulieres que ces républicains avaient
des lieux où l'on voulait porter la guerre , et la situation avantageuse
de leur pays firent choisir Gênes pour être l'entrepôt
des préparatifs indispensables à ces étonnantes entreprises . Les
Génois ouvrirent leurs ports à toutes les puissances de l'Europe
. La fertilité de l'Italie remplir leurs magasins de cette
imsease quantité de vivres nécessaires à d'innombrables armées.
Excellens mécaniciens , ils inventetent une nouvelle artillerie
, dont on fit usage avec succès dans les sièges qui sonmirent
tant de places aux Européens , et tandis que les flottes
des autres nations ne transportaient en Asie que des combattaus
, celles des Génois , devenues leurs guides et leurs pourvoyeurs
, les suivaient chargées de toutes sortes de munitions
de guerre et de provisions de bouche . Les diverses puissances
auxquelles ils fournirent ces secours s'acquitterent envers eux
de maniere à les enrichir. 1
Nous devons une justice plus étendue à la part que prirent
les Génois aux guerres de la Palestine . Ils joignirent le courage
à l'industrie , et plusieurs d'entre eux se signalerent par
( 195 )
des actions mémorables contre les Musulmans ; - mais trouvant
dans leurs conquêtes un prix alors négligé par la plupart des
croisés , au lieu de les pousser dans l'intérieur des contrées
contre lesquelles ils portaient les armes , ils s'attacherent parti
culierement à obtenir pour leur partage quelques villes maritimes
, où ils établirent des comptoirs qui leur donnerent des
facilités pour continuer un trafic dont ils devaient seuls retirer
tout le produit. Une conduite si peu semblable à celle de la
plupart des nations qui en furent les témoins , eut aussi des
succès bien différens .
Lorsque tant d'efforts successifs et inutiles eurent épuisé
d'hommes et d'argent presque soutes les nations , et qu'une
triste expérience eut enfin ouvert les yeux à l'Europe aveu
glée , la plupart des princes qui dirigeaient ces folles et bar
bares entreprises , abandonnerent à leurs propres forces quel,
ques petits états qui s'étaient formés dans ces regions ennes
mies , et les virent bientôt renversés , tandis que les Génois ,
à qui des guerres si funestes aux autres peuples avaient apporté
les plus grandes richesses , se trouvaient les maîtres du commerce
, et conservaient encore en Asie et en Afrique les établissemens
qu'ils devaient à leur sage politique . Ce fut alors que
Gênes parvint à ce haut degré de considération dont elle s'est
tant éloiguée depuis . On vit jusqu'aux puissances du premier
ordre briguer son alliance . Elle fit souvent pencher la balance ,
et décida les plus grandes querelles .
La république de Pise , voisine et rivale de celle de Gênes ,
célebre pour lui avoir disputé par des guerres si longues et
si cruelles les istes de Corse et de Sardaigne , avait imité:an
conduite pendant les croisades . Elle partageait avec elle les
domaines qui avaient cansé leers anciennes divisions , et les
avantages que leur avaient procures les dernieres circonstances .
Leur rivalité devint alors plus intéressante pour le reste de
l'Europe enfia , Gênes triompha de Pise , dont puissance
passa toute entiere du côté des vainqueurs .
Uae troisieme république , également maritime , dont les
forces s'étaient accrues par la division de ces deux premieres ,
succéda à Pise pour disputer aux Genois les richesse du commerce
. Gêues remporta encore de si grands avantages sur ces
nouveaux canemis , qu'elle vit bientôt cette superbe Venise réduite
à implorer la clemence d'un de ses citoyens. L'opiniâtreté
de Pierre Doria qui l'assiégeait , après avoir envahi presque
toutes ses possessions de terre ferme , est peut-être la seule cause
qui ait délivré les Vénitiens d'un sort semblable à celui des
Pisans.
Si l'on considere le rôle que jouerent alors en Europe les
habitans d'un petit pays , dont la longueur est tout au plus de
60 lieues , et la largeur de 5 ou 6 , espace pris dans l'épaisseur
des montagnes les plus stériles de l'Apennin , on ne pourra
s'empêcher de remarquer combien la puissance maritime a dana
N &
196 )
tous les tems procuré d'avantages . Celle des Génois , dans la
Méditerranée , était alors sans contredit supérieure à celle des
autres nations ; mais la gloire et les richesses qui en furent les
fruits , devinrent bientôt la source d'une infinite de malheurs ,'
et précipiterent cet état dans l'abaissement où il est aujour
d'hui.
Ce n'était pas seulement avec la République que l'on formait
des alliances ; plusieurs souverains rechercherent aussi
celles des particuliers puissans par leur crédit et leurs immenses
richesses . Ces sortes d'alliances dans un gouvernement
dont l'égalité doit être la base , en angmentant la disproportion
des conditions , y introduisirent les factions qui la déchirerent
si long-tems. Outre celle des Guelfes et des Gibelins , com .
munes à toute l'Italie , quelques uns des citoyens de Gênes en
avaient encore de particulieres . Ces factions diviserent souvent
le peuple , et souvent elles le réunirent contre la noblesse . La
dignité de chef de la république qui était alors inamovible par
la constitution de l'état , sribsista rarement une année de suite
dans la même personne , et fut même souvent abolie . Tant de
révolutions intestines ne permirent pas aux Génois d'administrer
utilement les affaires du dehors ; ils se virent insensiblement
dépouillés de toutes leurs possessions étrangeres , et réduits
à leur stérile territoire et aux seuls avantages que cet
état doit à la nature , comme ses ports , ses mouillages , son
golfe et ses communications avec le reste de l'Italie .
La faiblesse des Génois leur attira des ennemis , qui jusqu'alors
les avaient craints , et ils se virent hors d'état de leur résistere
sans une protection étrangere. La faction qui se trouvait
supérieure détermina le choix de la nation ; c'est ainsi que les
Adornes appellerent les Français , et soumirent leur république
à Charles VI , et que peu après les Doria et les Spinola appel-
Jerent à leur tour le marquis de Montferrat , et successivement
le duc de Milan ; car la haine mutuelle des factions dominantes
excitait presque toujours de promptes révolutions qui renver-
>saient en un instant l'autorité que l'on était parvenu à etablir.
"
Enfin , lorsque les puissances auxquelles les Génois se trouvaient
soumis furent engagées dans des affaires sur lesquelles
la possession de cet état pouvait influer essentiellement , cette
considération les obligea quelquefois à prendre des précautions
pour y consolider l'autorité ; mais négligeant toujours des sûretés
qu'elles ne pouvaient trouver que dans la reforme totale
du gouvernement et la destruction des factions , elles laisserent
subsister dans l'esprit de ces peuples des dispositions trop funestes
à leur repos .
Une noblesse toujours fiere , jalouse , intéressée , un peuple
que le souvenir de la liberté qu'il venait de perdre , et dont
il connaissait le prix , rendait remuant et jaloux de la reconquerir
, exposerent perpétuellement cette république aux maneuvres
des étrangers .
€ 197 1
Pendant les guerres presque continuelles , dont l'Italie fat
déchirée depuis l'expédition de Charles VIII jusqu'à la fin du
regne de François Ier . , l'état de Gênes , dont la possession était
si avantageuse aux puissances belligérantes , passa successivement
dans leurs mains . Les forces réelles de cet état furent
presque anéanties par ces nouvelles révolutions , seulement
les avantages que ses possesseurs en tiraient tour - a- tour lui
conservaient encore une espece de considération .
Après la révolution dont André Doria fat l'auteur , ce géné
reux citoyen préférant la liberté de sa patrie à une vaine autorité
que le peuple voulait lui décerner , sentit que pour l'affermi
, il fallait réformer les lois . Il s'attacha sur- tout à soustraire
son pays au joug de Charles - Quint , et ses successeurs
ont tenté vainement de lui imposer ; il ne put toutefois empêcher
que , les engagemens de Gênes avec la couronne d'Espagne
, ne s'entrainassent contre son gré dans toutes les querelles
de cette puissance . Cette république en a été la victime
dans les fameuses guerres que les ministres Richelieu et Maza
rin ont terminées par des traités avantageux pour le France et
la maison de Savoye , à qui les droits de Génois ont été sacri
fiés en beaucoup d'occasions , et sur-tout à l'époque de la succession
du Mont - Ferrat . Depuis la révolution d'André Doria ,
la France n'a fait aucune tentative sérieuse pour se rétablir
dans la possession de Gênes , si l'on en excepte trois entreprises
que leur peu de succès pourrait faire passer sous silence .
La premiere est l'expédition de Termes en 1553 , dans
laquelle ce général soumit la plus grande partie de l'ifle de
Corse . La France en conserva les plus importantes places.
jusqu'en l'année 1559 , que Henri II , par le dix-septieme aricle
du traité qu'il fit avec Philippe II , roi d'Espagne , s'obligea
de rendre aux Génois les places qu'il occupait dans ce royaume.
La seconde est la conjuration de Fiesque , qui , préparée de
longue main par des moyens auxquels la France eut tant de
part , éclata enfin en 1554 , avee un succès qui répondit peu
aux espérances que cette puissance en avait conçues .
La troisieme est la campagne de 1625 , dans laquelle le
connétable Lesdiguieres , joignant à l'armée du duc de Savoye
un corps de troupes françaises , entreprit , de concert avec ce
prince , la conquête de l'état de Gênes . Le traité qui unissait
ces deux armées portait , que leur conquête serait partagée
entre la France et la maison de Savoye ; mais , cette nouvelle
entreprise n'ent pas plus de succès que la conjuration de
Fiesque . Depuis ce tems , la France a paru oublier totalement
cette république , et la puissance sous la protection de laquelle
elle subsistait , ne l'a guères moins négligée . L'Espagne , après
l'avoir épuisée par des emprunts dont elle ne payait pas les
intérêts très- exactement , l'a sacrifiée aux puissances maritimes
nouvellement alliées à la maison d'Autriche , pendant que la
N 3
( 198 )
ville de Marseille achevait de la dépouiller de son commerce
dans le Levant.
Dans cet état de décadence , les Génois auraient vraisemblablement
perdu la possession de la Corse , si l'Espagne n'eût
pas eu un grand intérêt d'empêcher qu'aucune autre puissance
ne s'agrandit à leurs dépens , et si , depuis que la maison d'Autriche
a perdu la couronne d'Espagne , les avantages opposés
des autres puissances de l'Europe n'eussent pas concouru au
même dessein .
Ce n'était plus cette république célebre qui couvrait autrefois
la mer de ses vaisseaux , qui avait pris et délivré des rois
dont la puissance avait porté la guerre avec des succès éclatans
dans diverses parties du monde , et dont plusieurs états d'Italie
avaient reçu la lei : Gênes était bien méconnaissable dans le
degré d'abaissement où elle parut devant l'orgueilleux Louis
XIV , en réparation de quelques démarches imprudentes où
ses engagemens avec l'Espagne l'avaient entraînée.
Insensiblement le peu de cas que l'on faisait des Génois ,
s'étendit sur tous les avantages que l'on pouvait retirer de leur
état dans les guerres qui se firent en Italie . La France , accoutumée
par ses liaisons avec la maison de Savoye à n'y faire
pénétrer ses armées que par les passages des Alpes , négligea
entierement Gênes . Dans la guerre de 1700 , Louis XIV obtint
de Victor Amédée , duc de Savoye , un passage pour ses troupes..
Les armées de ce prince , jointes à celles de Philippe V , son
petit- fils , curent d'abord les plus grands succès , qui furent
ensuite détruits par l'infidélité de Victor Amedee . Dès lors on
aurait dû ouvrir les yeux sur les avantages que leur offrait la
position de Gênes ; mais il était réservé, à d'autres tems et à
d'autres circonstances de faire apprécier toute l'importance de cet état.
Le dernier traité de Worms , par lequel la reine de Hongric
achetait , avec un mépris marqué pour cette république ,
les secours du roi de Sardaigne , par la cession d'une partie
des états de Gênes , produisit bientôt le traité d'Aranjuez . Alors
les Genois , forcés d'abandonner la neutralité , chercherent leur
sûreté dans une alliance avec la France et l'Espagne .
7
Les évenemens qui ont suivi ce traité sont bien capables de
dissiper l'erreur que la faiblesse des Génois , autant que la politique
du roi de Sardaigne , avaient entretenue . Il fant à cet
égard rappeller des réflexions qui ont été communes à tous
les politiques et à tous les militaires de l'Europe , lorsqu'ils ,
ont vu le traité d'Aranjuez changer , avec tant de facilite , le
systême d'une guerre dans laquelle l'Espagne épuisait en vain
ses trésors et ses forces , pour pénétrer en Italie , et lorsque
la jonction de l'armée du général de Gages avec celle de l'infant
, devenue si nécessaire et si difficile , fut exécutée, par les
seules dispositions des Geneis , et par la situation de leur
pays.
( 199 )
Les premiers succès de ces armées anéantis , malgré les
espérances les mieux fondées et les suites funestes de leurs
retraites de l'Italie , sont une grande preuve des avantages
qu'offre l'alliance des Génois . Les dispositions de Bellisle ( maréchal
de France ) pour le salut de la Provence , favorisees par
la révolution de Gênes , font également voir tout le parti que
la France peut tirer de sa situation dans l'hypothese d'une
guerre offensive ou défensive .
On n'avait pu s'empêcher de remarquer ces avantages dans
un tems où la source en était ignorée , par le peu de connaissances
que l'on avait de cette république' ; mais la France
les a depuis autrement appréciées , lorsqu'elle chargea successivement
de sa défense les généraux Boufflers et Richelieu ; es
le détail de ces expéditions , en mettant à portée de connaître
ce pays , nous a fait sentir davantage l'importance de sa position
.
Suivent 13 articles qui présentent dans leur ensemble les
développemens , les details et les preuves historiques de ce qui
vient d'être dit relativement aux avantages que les puissances
de l'Europe , et particulierement la République Française , peuvent
tirer de la constitution de l'état de Gênes et de sa situation
physique et politique.
Nous terminerons l'analyse de cet ouvrage par la supposi
tion que fait l'auteur , que la république de Gênes , attaquée
par les principales forces de l'Italie , soit secourue par la
France . Telles peu considérables que fussent les forces maritimes
que cette puissance ferait agir , elles seraient toujours
suffisantes pour faire passer dans l'état de Gênes tous les
secours qu'elle voudrait lui donner.
Dans la guerre présente de la liberté contre la tyrannie
où la République Française paraît diriger ses véritables efforts
contre les Pays - Bas et l'Allemagne , si elle se proposait encore
de faire une diversion avantageuse en Italie , capable
d'occuper une grande partie des forces de l'Autriche et de
ses alliés , il suffirait qu'elle fit passer dans l'état de Gênes un
corps de 15 à 20,000 hommes . Ces forces , confiées à un général
habile qui connût bien les rapports extérieurs et intérieurs
de cet état , suffiraieut pour remplir parfaitement cette
disposition , dont les suites pourraient contribuer au triomphe
général de la liberté et à l'anéantissement du despotisme.
On pourrait craindre qu'une armée considérable , reufermée.
dans l'état de Gênes , ne fût exposée à y manquer de subsis
tances , qu'elle ne saurait trouver dans ce pays hors d'étas de
nourrir ses propres babitans ; mais en réfléchissant sur l'état
de Gênes , il est aisé de comprendre que cette crainte n'a
aucun fondement , à moins qu'on ne suppose l'état bloqué
dans toute son étendue par terre et par mer ; ce qui est de
toute impossibilité . L'existence de nos armées dans les départemens
méridionaux , et particulierement dans celui des Alpes
N 4
( 200 )
maritimes , fournirait le moyen d'exécuter la premiere disposition
pour l'envoi des trompes avec tant de secret et de diligence
que nos ennemis , malgré leur surveillance , auraient à
peine le tems d'en être instruits . Cette disposition de la République
forcerait les coalises , et l'Autriche sur- tout , à porter
des forces considerables vers les fontieres de Gênes , pour
préserver les plines fetites du Piemont et de la Lombardie
d'une invasion . La France , d'uninstant à l'autre , pourrait aussi ,
par une augmentation subite de troupes , rendre cette guerre
offensive . Elle trouverait dans l'intérieur de l'Italie , malgré la
superstition qui y regue encore , de nombreux partisans de la
liberté .
ANNONCES.
Instructions sur les différentes écritures posées et expédiées par
Lechaid , membre du Lycée des arts . A Paris , chez l'auteur ,
rue des Fosses - Saint Germain , près celle de l'Arbre - sec
n ° . 230 .
Instructions sur les traitemens des asphixies par le mephitisme ,
des noys , des personues mordues par des animaux enrages ,
des empoisonnés , des personnes réduites à l'état d'asphixie
par le froid , avec des observations sur les causes de ces
accidens ; par Antoine Portal , professeur d'anatomie au muséum
d'histoire naturelle : in - 12 . Prix , 1 liv . 10 sols . A Paris ,
chez Guidy et Firmin Gourdin , rue Nicaise , nº . 502 le
concierge du college de France , place Cambray ; le concierge
du jardin des Plantes , et les principaux libraires .
L'agnie de tous les tyrans ou les moyens de fabriquer la
poudre qui va les exterminer. Prix , 1 liv . 10 sols ; chez Galletti,
imprimeur , aux jacobins , rue Honoré.
GRAVURES.
Adoration à l'Etre suprême , représentée sous l'emblême d'un
enfant ailé , assis et paraissant contempler les merveilles de
la nature.
L'éducation , autre estampe de même grandeur , et faisant
pendaut à la premiere .
Ces deux estampes se vendent à Paris , chez Julien Fatou
boulevard Italien ; et à Poitiers , chez Auguste Faton , libraire,
Le prix de chacune de ces deux estampes est de 6 liv . , en
couleur , et de 3 liv . , en noir.
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 7 Octobre 1794.
Es nouvelles du Nord de l'Europe et de la Turquie continuent
d'être du plus grand intérêt . En effet , toutes ces nonvelles
sont liées jusqu'à un certain point ; et l'observateur philosophe
formant dans son coeur des voeux pour l'affranchissement
de tous les peuples , aime à démêler dans ce qui a été et
dans ce qui est la cause de ce qui sera . Il aime à voir dans
leurs germes les grands résul ats dont la génération prochaine
va être étonnée en Europe , et peut- être dans trois parties
du monde .
Après le peuple français soutenant à lui seul les efforts de
presque toute l'Europe , sans contredit le plus intéressant est
le Polonais , ce généreux descendant des braves Sarinates ,
auquel il n'a fallu pour briser ses triples chaînes rivées à deux
fois, et faire trembler à leur tour ses tyrans , qu'un homme de genie
qui l'electrisat et qui le convainquit sui - tout qu'en opérant de
grandes choses par le peuple , c'etait aussi pour le peuple qu'il
les opérait , sans aucune vue d'ambition particuliere . Cet éloge
ne sera pas prématuré , ou pour mieux dire ce sera seulement une
justice rendue au digne éleve de l'immortel Washington . Arriere
la pensée désolante que Kosciuszko veuille jamais être le Demourier
de sa patrie , et entacher un nom que les générations
futures ne prononceront qu'avec amour et reconnaissance en
Pologne , et par- tout ailleurs avec le respect dû aux Epami
nondas , aux Timoleon , aux Philopemen . Une satisfaction bien
n'arrivera pas seul à la gloire ; elle inserira aussi dans la mévive
pour celui qui le por e avec tant d'honneur ce nom , c'est qu'il
moire des hommes ceux de ses généreux freres d'armes qui
exécutent avec tant de bravoure et d'intelligence les plans conçus
par son génie .
Au reste , toutes les circonstances semblent coopérer aux
succès des braves Polonais : la division , ou du moins le refio'-
dissement se met entre la Prusse et l'Autriche , et il ne paraît
pas que la Russie , dont les troupes sont disséminées , puizse
aider beaucoup le roi de Prusse . Suivant des nouvelles des frontieres
du 25 septembre , il ne reste plus un seul de ses soldats
dans la part du gâteau polonais qui avait échappe à la voracité
des rois . Le corps posté à Couin s'est replié à Calisch pour
couvrir des magasins . Memmel et Dantzick se trouvent exposés
( ૧૦૧ )
ainsi que Konigsberg actuellement menacé par le général Men .
Il y a eu une affaire très chaude à Johannisberg. Kosciuszko a
renforcé les armées de ce côté. Le quartier général prussien
est à Rava . On ne sait trop comment faire subsister l'hiver
les trois colonnes de l'armée dans la Prusse méridionale . Les
Polonais se portent de Haven à Grodno centre les Russes qui
auront de la peine à effectuer leur jonction .
Les succès des insurgés continuent dans la Prusse meridionale
et occidentale . Par - tout ils recrutent de gré ou de force . Dernierement
ils l'ont fait jusqu'aux environs de Smygel . La ville
d'Exyn est une de leurs places d'armes ; et de- là ils font des
excursions dans tous les environs . Ils se sont emparés de la
ville de Gollenz , et ont envoyé sommer celle de Margonindorf
de leur fournir cent recrues armés . Par- tout leurs manifestes ou
leurs écrits sont répandus avec profusion . Par- tout l'aigle
prussienne est arrachée et remplacée par les armes de la
république polonaise . Tous les magasins tombent en leur
pouvoir. Les magistrats sont obligés de leur prêter serment ;
et les contributions royales se perçoivent au nom du peuple
polonais.
Depuis l'approche de l'armée commandée par Szekuli , les
insurgés se sont portés sur la route de Breslaw . Quelques - uns
d'entr'eux , nobles pour la plupart , s'etant arrêtés trop longtems
dans un château , furent enveloppés par les Prussiens :
Szekuli envoya sur- le-champ chercher le bourreau de Thorn .
Les potences étaient dtji dressées , lorsqu'il arriva un ordre
de Frédéric Guillaume de suspendre ceue exécution : toutes
ces personnes ont été conduites dans les prisons de cette
ville.
Un parti d'insurgés s'est également montré à Nieszawa , ou
se trouvent les douanes . Pendant qu'une grande partie du
corps de Szekuli marchait contre lui , les autres firent une
incursion jusqu'à Brzesc , Kamion et même Soldan . La communication
entre les corps prussiens se trouve ainsi coupée .
On s'occupe à sauver les magasins ; le plus grand désordre
regne également du côté de Conin et de Petricau .
Une division considérable de Polonais , commandée par
Zackrzewski , se trouve à Tekar , à quatorze lieues de Thorn .
Madalinski doit avoir passé le Burg et la Horet : il menace
plus que jamais la Prusse occidentale.
On n'entend point parler des opérations des armées russes ;
on sait seulement que celle qui se retire de devant Varsovie est
vivement poursuivie.
On annonce que les Autrichiens , attaqués dans les palatinats
de Cracovie et de Sandomir , se replient avec précipitation vers
les frontieres de la Gallicie .
Le roi de Prusse , disent des lettres de Breslaw en Silèsie , datées
du 23 septembre , a été obligé de détacher 30,000 hommes
pour les porter vers les frontieres de la Silésie , pour arrêter
( 203 )
les suites d'une invasion qu'y ont faite les troupes polonaises .
L'on assure qu'il vient de réclamer de l'empereur un corps de
vingt mille hommes , comme troupes auxiliaires . Il invoque
les traités subsistans entre la Prusse et l'Autriche , et dit ,
pour appuyer sa demande , qu'il se trouve dans le cas prévu.
par ces traités , puisque ses Etats sont exposés à une invasion
.
La Suede a fourni à l'armée polonaise de Lithuanie denx
cents pieces de canon et dix mille fusils. Ces objets ont été
échangés contre des subsistances , dont les Suédois avaient le
plus grand besoin . Le cabinet de Stockholm en a fait venir
de Courlande , après des arrangemens préalables pris avec le
gouvernement polonais , qui avait défendu d'abord toute espece
d'exportation .
Madalinski vient de remporter un avantage signalé sur les
Prussiens dans la Prusse orientale . Ce général commande une
armée de dix mille homines .
Le journal de la retraite de l'armée prussienne de la Pologne
vient d'être publié . On n'a point cache les entraves continuelles
que les Polonais n'ont cessé de lui faire éprouver .
L'académie des sciences de Berlin a tenu une séance extraordinaire
à l'occasion de la fête du roi . Le vieux Hertzberg a lu
un très- long discours , dans lequel il a cherché à prouver que
Frédéric II avait eu , dès 1787 , l'idée d'établir une neutralité
pour le commerce par mer. Le conseiller Dénina a fait ensuite
sa cour au despotisme . Il a prétendu , dans une dissertation ,
que les formes démocratiques des gouvernemens sont contraires
aux progrés des sciences et des arts. La séance a été terminée
par des observations sur la télégraphie , qui occupe actuellement
les têtes de la plupart des académiciens dé l'Europe .
Ces jours derniers on a trouvé deux vers allemands placés
sur le piédestal de la statue de Frédéric II , dont voici le
sens : Vieux Frédéric leve - toi , fais -le promptement , sans
" quoi ta gloire , ton pays et tes sujets sont perdus. Le
gouvernement se livre à la recherche de l'auteur de cette
inscription ; mais l'esprit qui l'a dicté parait régner dans
tout Bein .
Enfin le grand procès du baron d'Armfeldt est terminé
disent des lettres de Stockholm , du 24 septembre ; l'exécution
des conspirateurs a même eu lieu hier : une forte escorte amena
à 10 heures du matin , sur la place publique , Eherenstrom ,
ci - devant secrétaire du cabinet : il fut exposé une heure sur un
échafaud ; ensuite on le mena dans les prisons Smedgard , où il
doit rester jusqu'au rer. octobre , jour fixé pour sa mort : ee
délai lui est laissé , suivant l'usage de Suede , pour s'y préparer.
On lut ensuite au peuple le jugement par contumace contre
d'Armfeldt. Le bourreau attacha le sentence à un poteau ; ensuite
commença l'exposition de la comtesse Rudensktold , ¿
qui le roi a fait grace de la vie , ainsi qu'Aminoff , mais qui
( 204 )
passeront le reste de leurs jours , l'une dans une maison de
correction , l'autre dans la for teresse de Carlstein .
Voici ce que portent des lettres de Constantinople du 24 août
et du 28 juin.
1º. une
La Porte a déclaré aux ministres étrangers qu'elle saurait
maintenir et faire respecter sa neutralité , et qu'en conséquence ,
scadre turque se rendrait dans l'Archipel pour arrêter
les host tés entre les frégates anglaises , bollandaises et françaises
. On sait que les premieres étaient expressément venues
en nombre supérieur pour forcer les trois frégates françaises
qui se trouvent dans ces parages . ) 2 ° . Que l'agent de la République
Française , Descorches , serait invité , au nom de la
bonne harmonie qui subsiste entre ces deux états , à enjoindre
à quelques Français , soi - disant Jacobins , et à quelques autres
individus de cette nation , devenus suspects à la Porte par leurs
liaisons , et parmi lesquels se trouve le nommé Henin , de partir
pour la France ; que le gouvernement turc fouruirait même à
cet effet toutes les facilités , comme vaisseaux de transports , etc. ,
et que les Français paisibles , ayant une profession connue
pourraient rester dans les possessions ottomanes , sous la surveillance
des agens reconnus de la République Française , avec
lesquels seuls le divan vent avoir des rapports. 1
Le Reis - Effendi Rachid a obtenu sa démission . Il a été remplacé
par Duri - Effendi , celui qui s'est trouvé au congrès de
Cristow et de Jassy , en qualité de plénipotentiaire . Un parti
considérable s'est bientôt formé contre le nouveau ministre .
On lui a reproché de ne pas montrer assez d'empressement à
saisir la circonstance des embarras où les évenemens arrivés
en Pologne ont dû jetter la Russie . Le triomphe qu'il avait
remporté sur quelques membres du corps des Ulémas n'a pas
été long. Il a déja été forcé de quitter ce poste . Ce dernier
évenement a répandu la consternation chez tous les ministres
des puissances coalisées .
8
Le citoyen Descorches , envoyé extraordinaire de la République
près la Porte ottomane , avait annoncé au proconsul
provisoire , par une lettre du 6 messidor , qu'il avait reçu le
décret de la Convention nationale , qui supprimait pavillon
décrété par l'Assemblée constituante , et lui substituaile pavil
lon républicain . Sur cette lettre , il invitait le procousul à engager
les Français , fixés sur cette échelle , à se réunir tous à la
fête décadaire d'aujourd'hui , dans laquelle , avec l'a grément de
la Porte , le nouveau pavillon serait arboré dans le port de
Constantinople
.
Ce matin , deux vaisseaux français ont été tirés en rade ,
presqu'à la pointe du sérail . Les pavillons ottoman , américain ,
et ceux de quelques puissances qui n'ont pas souillé leurs armes.
dans la ligue impie des tyrans , flottaient sur ces deux vaisseaux
avec l'ancien pavillon prêt à disparaître .
A deux heures , les agens de la République se sont embar
qués à l'échelle de Karakeuil , sur un canot peint aux trois cou
( 205 )
:
leurs , conduit par r2 marins français , parés des couleurs natio
nales 200 Français qui les attendaient sur le pont et sur les
vergues des deux vaisseaux , les ont accueillis au son d'une musique
guerriere , et par les cris de Vive la République !
Arrivé à bord , l'envoyé de la république a prononcé le discours
suivant :
Citoyens , nous sommes rassemblés ici pour
de notre nouveau pavillon .
l'arboration
L'empressement que vous avez mis à y prendre part indique
deja quels sont les sentimens que cette cérémonie développe
dans vos ames ; ce doit être en effet un grand jour pour
des republicains français , et peut- être trouvérez - vous que le
licu où nous le célébrons peut encore en augmenter l'intérêt.
C'est un grand jour , puisque nous allons consacrer par l'inau
guration des couleurs du peuple le triomphe des droits des
hommes sur les crimes des tyrans .
Le pavillon français fut toujours respecté dans le Levant
c'est même une observation digne de remarque , que jamais
depuis l'existence de l'empire ottoman il n'a eu de combats à
livrer dans ces parages .
Une destinée plus heureuse encore attend sans doute le
pavillon républicain . Les Turcs nous prouvent tous les jours
par une hospitalité plus amicale qu'elle n'ait jamais été , par des
voeux et un intérêt bien prononcés en notre faveur , qu'ils ont
su de bonne heure voir dans nos couleurs ce qu'elles expriment
effectivement , énergie , candeur , fidélité.
,, Marins républicains , en vous montrant par-tout sous le signe de
ces vertus , que vos actions en offrent également par - tout le caractere
; que le pavillon sacré , puisqu'il est la banniere de la sainte
liberte , de la sainte égalité , que le pavillon tricolor , qui va
dorénavant flotter sur vos bords , ne puisse être apperçu d'aucun
homme de bien sans faire sa consolation , qu'il ne puisse
frapper les regards d'un tyran , d'un parjure , d'un hypocrite ;
enfin , d'aucun de ces êtres immondes dont le feu de la liberté
purifie la terre chaque jour sans faire son supplice .
,, Voilà , braves marins , quelle est votre tâche ; et vous la
remplirez à l'exemple de vos freres d'armes dont les drapeaux
sont devenus l'effroi des despotes et des vices , l'asyle du malheur
, l'enseigne des vertus ; vous la remplirez , car , et vous
aussi , vous êtes sans - culoties.
" Etre suprême , témoin de nos pensées , confident de nos
sentimens , tu continueras de leur accorder la puissante assistance
que ta justice ne refusa jamais à des cours purs , droits ,
aimant le bien , qui ne respirent que pour le bonheur de leurs
semblables et la destruction des mechans : tu sais que c'est aussi
pour ta cause que nous versons notre sang , puisqu'en brisant
tous les jougs qui pesaient sur nos têtes nous avons recouvré
l'usage de nos yeux pour te contempler dans toute ta gran
deur , celui de notre raison pour t'offrir des hommages plus
dignes de toi .
( 206 )
A la suite de ce discours , le citoyen Descorches a lu le décret
de la Convention nationale qui , en anéantissant un pavillon où
l'Assemblée constituante avait paru économiser les couleurs
nationales sur les étendards du despotisme , ordonne qu'il sera
remplacé par un pavillon véritablement tricolor.
:
Le discours de l'envoyé de la république et le décret de la
Convention nationale ont été entendus dans un silence respectueux
immédiatement après le pavillon royaliste a fait place
au pavillon républicain qui a été hissé et appuyé par 21 coups
de canon , et aux nouvelles acclamations de vive la République ! {
Un pique-nique fraternel était préparé à bord , où beaucoup
de citoyennes françaises embellissaient la fête : la frugalité ,
l'amitié , la gaieté en ont été l'ame.
Les commissaires nommés pour l'ordre des fêtes décadaires
ont proposé des toasts qui ont été portés avec enthousiasme .
De Francfort-sur- le- Mein , le 10 octobre.
Il nous vient ici assez peu de nouvelles de Vienne , où il
paraît que l'embarras du ministere et le découragement continuent
d'affecter vivement le jeune empereur , dont on dit
même la santé chancelante . Il a fait expédier vers la fin du
mois dernier des lettres circulaires pour un nouveau recrutement
que le mauvais état des armées impériales rend indispensable.
On assure qu'il y en aura encore d'autres en novembre ;
et ce ne sera gueres qu'à cette époque qu'on pourra determiner
le nombre des recrues . En attendant , les troupes qui se trouvent
dans cette capitale sont soigneusement exercés tous les jours
sur les glacis de la place. Quant à celles qu'on avait fait marcher
en Pologne , elles pu pénétrer au- delà de Brzesc ,
et le bruit court qu'elles été obligées de se replier d'un
autre côté .
•
L'exécution de plusieurs militaires coupables de haute trahison
a dû avoir lieu vers la fin du mois dernier, Parmi les prisonniers
, arrêtés il y a peu de tems , il s'en trouve qui ont
fabriqué de faux passe-ports , et qui ont ainsi facilite de grands
transports de comestibles en France.
L'empereur a nommé le general d'artillerie comte de Kaunitz
au commandement de la Croatie , l'une des provinces d'où il
tire să meilleure cavalerie légere . Ce pays , comme plusieurs
autres , et particulierement la haute Autriche , est menacé de
disette , parce que la récolte y a été fort mauvaise cette année ;
ce qui a déterminé à prohiber rigoureusement l'exportation des
grains.
Mais les nouvelles les plus intéressantes , celles qui peuvent
mieux faire connaître Petat désespéré de la coalition , c'est
pour ainsi dire nous qui les envoyous à Vienne. Plusieurs de
ces évenemens se passent presqu'à nos portes . Il vient de sor
ir , au commencement du mois , de la chancellerie de notre
( 207 )
ville , une proclamation très- pressante , qui invite la bourgeoisie
à faire des dons voloutaires pour les armées du Rhin de la
coalition . Ces contribuutions doivent se payer en differens
termes , dont le premier a commencé au 1er . de ce mois . On
se prépare à publier dans toutes les églises un supplément à
cette piece.
Les Français continuent de bombarder Dusseldorf avec acti
vité quoiqu'ils soient maîtres de Juliers , une ordonnance des
états de Bergues et de Juliers déclare qu'il sera levé une nouvelle
imposition , à titre de contribution de l'Empire et des
cercles. Les habitans sont divisés en six classes , dont chacune
payera proportionnellement à ses facultés . On demande en
outre au clergé catholique dix pour cent de ses revenus , et
l'on n'oublie pas les juifs , que cette vexation disposera à deyenir
Français des qu'ils le pourront.
On mande de Coblentz qu'il ne cesse de passer par cette
ville des couriers pour se rendre à Vienne. Il est probable
qu'ils vont rendre compte des suites de la déroute du 18 , et
de la retraite du général Naueldorf qui commandait un corps
´d'armée dans l'Eiffel , ce qui fait échouer tous les projets des
Autrichiens en faveur de Trèves . Des lettres du 5 , des bords
du Rhin , disent qu'on voit arriver une quantité énorme do
blessés , entr'autres 20 d'un régiment de dragons autrichiens ,
dont on prétend que c'est le reste . Elles ajoutent : il y a plus
de 4000 voitures de bagages en mouvement ; la chancelleria
de guerre et la boulangerie ont rétrogradé les chevaux sont
sur les dents ; on ne voit sur les chemius du côté de Maëstricht
, Spa , Malmedy , etc. que fuyards , malades , blessés ,
bagages militaires et particuliers .
Les nouvelles qui nous arrivent en ce moment de Vienne ,
portent que le bruit précédemment repandu des difficultés suivenues
entre le cabinet de Vienne et celui de St.-James , relativement
au subside , s'accrédite de jour en jour , sur - toutdepuis
la reprise de Valenciennes et de Condé , qui n'annonce
que trop aux Anglais que les Autrichiens ne parviendront pas
à reconquérir les Pays- Bas aussi facilement qu'ils l'avaient probableinent
annoncé . On sent assez que cette conquête tenait
à coeur aux Anglais , qui se seraient ménagé des avantages
commerciaux aux dépens même , s'il l'eût fallu , de la Hollande
, leur fidelle alliée . Suivant les mêmes lettres , le gouvernement
autrichien vient de décider , d'une maniere assez
impolitique mais d'ailleurs conforme au mauvais état de ses
finances , qu'il ne payera pas les intérêts des emprunts faits
par lui dans les Pays - Bas , tant que les Français occupeiont
ces contrées .
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
Les Français ont forcé le camp autrichien au - dessus de
Liége. Leur passage sur la Meuse s'est effectué sur plusieurs
22
( 208 )
points. Toutes les positions au-devant de la pere de Wich se
sont repliées sur Limbourg . On enlève les pouts et les bateaux .
Le canon ne cesse de se faire entendre ; l'effroi regue dans
Cette contree . Le bruit se répand que les Français , après
avoir chasse les Anglais de devant Grave , marchent sur Nimeguc
.
Voici le compte rendu , il y a peu de jours , par une feuille
publique de cette contrée , des forces que les Français emploient
contre la Hollande . Selon elle , Pichegru , à la téte de
30,000 hommes , marchait vers Grave. Jourdan commande ,
daus les environs de Maestricht , 60,000 hommes ; un corps de.
20,000 s'est avancé vers Herzogenbusch . Suillard est devant
Breda avec 10,000 ; Dandeloi commande un corps pareil dans
les environs de Gertruydenberg ; Vandamme est devant Bergop
Zoom , à la tête de 15,000 hommes . Les Français ont en
outre de fortes garnisons dans les places conquises.
:
Tel était l'état des choses le 4 octobre ; mais loiu de s'améliorer
pour la Hollande , elles ont encere empire depuis . Herzogenbusch
se trouve entie ement cerné par les Français ils
ont coupé toute communication ; on a seulement appris de
Hersden que le bruit du canon se fait entendre continuellement
de ce côté . D'ailleurs , plus de nouvelles de Maestricht
depuis le 19 septembre . On sait bien que le corps de Kray
s'y est jette ; mais cet habile officier n'est point resté dans la
place . Le fait est qu'on craint beaucoup que les Français ne
penetrent par la Gueldre et ne s'emparent ainsi des places
fortes , en les tournant par leurs derrieres où elles le sont
moius . Le resultat de ces terreurs , qu'on ne saurait appeler
paniques , c'est que le gouvernement en est réduit à chercher ,
à prevenir et à arêter les émigrations . On a déclaré vacantes
les places d'an grand nombre d'hommes publics et de magistrats
; et dernierement à Rotterdam , le peuple s'appercevant
que le secrétaire de l'amirauté et le bourguemestre Vander-
Haim voulaient s'embarquer avec leurs effets les plus précieux
pour Altona , les a empêché de partir , en menaçant de raser
leurs maisons .
Suivant des nouvelles encore plus récentes , puisqu'elles
sont du 8 , les Français ne se bornent pas à cerner Herzogenbusch
; ils le bombardent vivement et ne cessent de faire un
feu terrible sur Maestricht . Les Anglais et les Hessois abandonnent
la partie et s'enfoncent dans le pays de Cleves . Venloo
enveloppe ne tiendra pas long - tems , vu la faiblesse de sa
garnison . La désolation est dans Rotterdam dont on embarque
et charge toutes les richesses publiques et particulieres , pour
leur chercher un dépôt plus sûr.
RÉPUBLIQUE
( 209 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONAL E.
PRESIDENCE DE CAMBA CERÉS .
Séance du septidi , 27 Vendemiaire.
La société populaire de la Chapelle.Taillefer , district de
Gueret , département de Creuze , l'administration du département
de l'Yonne , séante à Auxerre , les citoyens composant
les onze sections d'Orléans félicitent la Convention d'avoir
fait succéder le regne de la justice à celui de la terreur ; ils se
sont indignés de l'assassinat cominis en la personne de Tallien
. Faites marcher , disent- ils , la révolution rapidement
vers son but ; maintenez la liberté de la presse ; faites justice
des traîtres , des intrigans , des fripons , des dilapidateurs de la
fortune publique ; déployez des mesures repressives contre ces
satrapes révolutionnaires qui sement par-tout l'épouvante , qui
ne veulent la terreur que parce qu'elle leur est nécessaire pour
ensevelir leurs crimes . Si vous êtes attaqués , le peuple est là
pour vous défendre ; nous ne reconnaissons d'autorité légi
time que celle de la Convention . " .
André Dumont se plaint de ce que le discours de Robert
Lindet, sur l'état de la République , et le rapport de Grégoire
sur les encouragemens à accorder aux savans , aux artistes et
aux gens de lettres , n'ont été remis qu'hier à l'agence des lois .
Il demande que cette agence soit chargée de l'impression des
rapports dont l'envoi est ordonné . Décrété .
Un citoyen offre les moyens de faire aller le télégraphe pendant
la nuit. Mention honorable .
On fait lecture d'une lettre du représentant du peuple ,
Turreau , prés les armées des Alpes et d'Italie. Il rend compte
de sa conduite dans la guerre de la Vendée . Il en résulte , que
loin d'avoir excusé la conduite du général Turreau, il n'ajamais
été le témoin de ses opérations . Certes , dit-il , s'il s'est rendu
coupable des forfaits inouis qui vous ont été dénoncés , et que
j'eusse été sur les lieux , toutes les facultés de mon être eussent
été consacrées à les prévenir , et si je n'avais pas réussi , j'aurais
appellé de toutes mes forces le fer vengeur des lois et
l'exécration de la République sur la tête de leur abominable
auteur . Il finit par invoquer le témoignage de tous les reprėsentans
du peuple qui oat clé en mission dans la Vendée , et
qui ont été témoin de sa conduite . Cette lettre est renvoyée au
comité de sûreté générale .
Tome XII .
( 210 )
-
Sur le rapport de Menuau , au nom du comité des secours
la Convention décrete que les citoyens réfugiés des départemens
envahis par les brigands et autres ennemis de la République , ceux
des Isles -du-Vent , sous le Vent , déportés , et les Corses , ainsi
que ceux de tous les établissemens français en- deçà et en - delà
du Cap de Bonne-Espérance , soit en Afrique , soit en Asie ,
ont droit à un secours . Les réfugiés et déportés , âgés de
moins de 60 ans , recevront le secours de 75 liv . par mois ; les
femmes et les enfans au dessus de 12 ans recevront les deux
tiers de cette somme ; les eufans au-dessous de cet âge ne recevront
que le tiers . Les réfugiés ou déportés , âges de plus
de 60 ans , recevront 3 liv . par jour ; et les femmes du même
âge , 40 sous. Telles sont les principales dispositions de ce
décret.
Chenier , au nom du comité d'instruction publique , présente
le plan de la fête qui doit avoir lieu décadi prochain .
pour célébrer les victoires de la Republique . Il la fait préceder
de plusieurs observations importantes sur l'esprit qui va diriger
les travaux de l'instruction publique .
Une commission sage , éclairée , laborieuse , amie de la
philosophie , et par conséquent des hommes , puisque la philosophie
les rend meilleurs , a remplacé cette commission
imbécille et conspiratrice , qui sous le jong sanglant de Robespierre
, organisait avec tant de soin l'ignoranée et la barbarie
. Il faudra bien encore épurer la commission temporaire
des arts , et y porter comme en triomphe , ces artistes célebres
et opprimés , qui n'avaient commis d'autre délit que d'avoir
offensé par des succes mérités , l'orgueil d'un rival bassement
jaloux. Il faudra, écarter cette foule de petits intrigans sans
moyens , qui luttaient contre le talent avec la calomnie , qui
sous le regne des triumvirs , obstruaient les avenues du comité
da salut public , obtenaient sans peine des requisitions qu'on
refusait au vrai mérite , sollicitaient , mettaient en mouvement
toutes les autorités constituées pour faire imprimer leurs brochures
, pour faire graver leurs dessins et leur musique , pour
faire chanter leurs vaudevilles , pour faire représenter leurs
pieces de théâtre , et qui , vrais dilapidateurs de la fortune du
peuple , ne rougissaient pas d'élever , anx frais de la République
étonnée , des monumens d'ignominie pour la littérature
et les arts de la République . "
( On verra ci -après , à l'article Paris , l'exécution du plan de
celle fête. )
Séance d'octidi , 28 Vendemiaire.
151cahiers
Lakanal offre à la Convention le fruit de ses recherches sur
les manuscrits de J. J. Rousseau . Voici , dit- il ,
écrits en entier de la inain de ce grand homme ; ils renferment
divers morceaux qui n'ont jamais paru , et le germe des prin(
211 )
L
cipales productions de son génie . On y voit le premier jet
de ses pensées , et les modifications qu'elles ont éprouvées
avant d'avoir cette perfection admirable de style qu'on trouve
dans tout ce qui est sorti de sa plume. Ces manuscrits étaient
au pouvoir de la citoyenne Mogurier. I annonce qu'il offrira
bientôt l'original de l'ouvrage de ce philosophe sur le goa
vernement de Pologne , où il se trouve plusieurs passages importans
que le despotisme avait fait supprimer . Le libraire .
Poinçot , qui prépare une edition complette des oeuvres de
Rousseau , aura communication de ces manuscrits . I annonce
ensuite qu'il présentera sous trois jours un rapport sur les
écoles primaires et sur les écoles normales .
Richard et Pocholle écrivent de Lyon que la proclamation
du décret qui rend à cette commune sox ancien nom , et ses
habitans les droits de citoyen , a excité les transports les plus
vifs de la joie et de la reconnaissance . A cette lettre est jointe
une adresse du conseil general de la commune de Lyon , qui
remercie la Convention du décret qu'elle a rendu en faveur
de cette ville , et declare qu'elle contient autant de défenseurs
intrépides de la liberté qu'elle renferme d'habitans . « Nous
vous en conjurons , ajoute t- il , achevez votre ouvrage , jetez
vos regards paternels sur cette masse de citoyens que l'erreur ,
et non le crime , entraîna dans la rébellion , et qui , fuyant
une cité que leur , travail , animais , sont alles cacher leur dous
leur et leurs regrets dans le fond d'une retraite obscure . La
plupart de nos ateliers sont sans chefs ; des milliers de bras
oisifs attendent leur industrie nourricière ; rendez les au be
soin du peuple , rendez les à leurs familles , rendez les à leur
patrie . Dites que leur égarement , expié par une année d'angoisses
et d'amertumes , est oublié ; dites que les décrets lancés
contre eux vont cesser de les atteindre , et n'abandonnez à la
sévérité des lois que les conspirateurs impies , que les sacrileges
ennemis de notre liberté, Insertion de l'adresse et de la
lettre au bulletin .
Sur le rapport de Cambon , la Convention décrete que les ,
biens des Français absens du territoire de la République avant
le 1er juillet 1789 , dont la jouissance avait été accordée antérieurement
à cette époque à leurs héritiers ou ayant droit ,
ne sont pas compris dans les dispositions de la loi du 11 bramaire
, qui ordonne le séquestre des biens des Français qui ,
sortis de la République avant le 1er . juillet 1789 , n'étaient
pas rentrés le 11 brumaire.
Le même rapporteur fait un rapport relatif à la réduction
des membres des comités civils des sections de Paris . Le
nombre , daus chaque comité sera réduit à 12. Ils seront renouvelles
par quart tous les trois mois par le comité de législation
, qui fera imprimer et distribner à la Convention le nom
des citoyens qu'il aura choisis . Il sera tenu à l'avenir , dans
chaque comité civil , un registre de présence , et les secrétaires
O &
( 212 )
constateront chaque jour , par leurs signatures , les noms des
membres présens et en activité de service .
Dans le cours de son rapport , Cambon a fait une remarque`
d'économie financiere bien importante . Il a démontré que le
nombre des membres des comités stipendiés à 3 liv . par jour ,
se montait à 540,000 ; ce qui occasionnait une dépense
journaliere de 1,620,000 liv. , et par an de 591,300,000 liv.
Goupilleau ( de Fontenai ) écrit de Bésiers , et donne des
détails sur la situation d'Avignon et du département de Vaucluse.
Il répond à une dénonciation de prétendus patriotes
d'Avignon , insérée dans leJournal de la Montagne , par laquelle
on l'accuse d'avoir comprimé le patriotisme , de protéger le
crime , de mettre en liberté des royalistes , dés fédéralistes ,
et d'avoir fait fermer la société populaire .
Il résulte des renseignemens pris par Goupilleau , que les
agens de Robespierre se donnaient la main de Marseille à
Avignon ; qu'une poignée de acélérats avaient résolu de faire
du Midi un vaste cimetiere , et de so partager les dépouilles.
des citoyens qu'ils égorgeaient ; qu'on y méditait sérieusement
la contre - revolution ; qu'on y voulait l'anéantissement des
sciences , du commerce , de l'agriculture et des arts ; qu'à la
foire de Beaucaire , à la suite d'une orgie , et par partie de
plaisirs , on mit tous les négocians en arrestation ; qu'à la veille
de la récolte , plus de 4000 agriculteurs ont été enlevés à leur
famille et à leurs travaux ; que les meres des défenseurs de la
patrie étaient celles qu'on persécutait de préférence . Il les a
vues dans les prisons , livrées au désespoir , mourantes et
tenant dans leurs bras des enfans qu'elles ne pouvaient plus
alaiter. Voilà les aristocrates qu'il protége . Il est bien coupable
aussi , si c'est un crime de gémir sur toutes les atrocités commises
par le tribunal de sang établi à Orange , et dont la mémoire
ne doit passer qu'avec horreur à la postérité la plus
reculée . Il a falt arrêter les membres de ce tribunal sur l'invitation
du comité de salut public . Il n'a fait mettre en arrestation
dans le département de Vaucluse que deux individus ,
d'après les motifs les plus graves. Lorsqu'il est arrivé , la consternation
était peinte sur toutes les figures ; on était parvenu
à y faire détester la révolution ; aujourd'hui on l'aime et le
calme se rétablit . Les prétendus patriotes qui le dénoncent
sont à coup sûr de ces mauvais magistrats , la terreur de leurs
concitoyens , qu'il a ére obligé de destituer. Ce sont ces gens
carnivores , partisans et héritiers de Robespierre , qui regrettent
de tems où il leur était loisible de voler et de massacrer impunément
; ce sont ces hommes qui , sans cesse le mot de vertu
à là bouche et la scélératesse dans le coeur , n'avaient pas de
pain il y a six mois , et qui vivent maintenant dans une scandalense
opulence ; ce sont ces hommes pervers , dilapidateurs
de la fortune publique , voleurs de celles des particuliers , qui
sé'levent de totes leurs forces contre des mises en liberté
( 213 )
prononcées en faveur de citoyens qui dénoncent leurs rapines
leurs contributions forcées , leurs concussions , toutes les horreurs
dont ils se sont rendus coupables .
L'Assemblée ordoune l'insertion de cette lettre au bulletin .
Une adresse de la société populaire de Carpentras confirme
les mêmes faits . Elle désavone l'adresse qu'on a attribuée à cette
société , et qui ne se trouve point sur ses registres . Elle invite
la Convention à se méfier de ces circulaires dictées par l'audace
désespérée de voir finir un système oppressif. Les aristoerates
et les modérés n'ont jamais siégé dans cette société .
Achevez de purger le sol républicain de tous les fripons ; frappez
indistinctement tous les scélérats , et que le gouvernement
révolutionnaire ne soit plus que la terreur des mèchans , seuls
ennemis qui restent à la République .
Paganel fait un rapport sur l'insalubrité des prisons et des
maisons d'arrêt , à la suite duquel le comité de législation a
été chargé de présenter un projet de loi sur la police et le
régime intérieur des prisous , et donnera des ordres à la commission
de police et des tribunaux , pour que les prisonniers
de la Conciergerie soient traduits dans une autre prison . Le
comité des travaux publics prendra toutes les mesures néces- ,
saires pour rendre habitables et salubres les prisons , maisons
d'arrêt , de repression , de détention et hospices de santé .
Les comités d'agriculture et des arts , de commerce et d'approvisionnemens
prendront des mesures pour employer les déte--
nus des deux sexes à un travail utile , journalier et non interrompu.
Celui des secours publics est chargé de procurer
aux vieillards , aux infirmes , aux malades , et généralement à
tous les détenus , une nourriture saine et suffisante , le linge
et les vêtemens indispensables . Chaque comité rendra
compte , avant le 20 brumaire , des mesures qu'il est chargé
de prendre.
--
Séance de nonidi , 29 Fendemiaire .
Après la lecture d'une foule d'adresses qui adherent aux
principes contenus dans celle de la Convention au peuple
français , André Dumont observe , au nom du comité de sûreté
genérale , que , par décret du 22 de ce mois , la Cenvention
a chargé le tribunal révolutionnaire de continuer le
procès du comité de Nantes , et de rendre compte des difficultés
, s'il s'en trouvait , au comité de sûreté générale , qui
proposerait à la Convention les mesures que la justice pourrait
exiger ; mais par un décret antérieur , les trois comités
se trouvent chargés de se réunir pour faire un rapport sur
cette espece de difficulté . En conséquence , André Dumont
provoque l'adjonction des comités de salut public et de législation
à celui de sûreté générale . Décrété.
-
Dubois- Crancé expose qu'un nommé Julien Leroi , qui avait
été condamné à 4 ans de fers , pour avoir vendu un cheval qui
0 3
( 814 )
ne Ini appartenait pas , a éte compris dans les noyades de
Nantes. Ce malheureux , ayant les mains attachées derriere le
dos , après avoir lutté pendant huit he res contre les flots ,
est parvenu a se sauver ; mais il fut repris et jette dans un
cachot , afin qu'il ne pût dévoiler ces horreurs . Dubois- Craucé.
pense qu'il a assez expié sa faute par les tourmens qu'il a ens
dures . I demande qu'il soit rendu à la liberté .
--- Cette proposition
est renvoyee an coinite de sûreté générale .
A l'occasion du decret d'adjonction qui vient d'être rendu.
sur la demande de Dumont , Tallien ne pense pas qu'il soit
besoin pour cette affaire de la reunion des trois comites . parce
qu'aucon comite ne doit avoir l'initiative sur ce qui peut toucher
immédiatement à la representation nationale . Il estime
que c'est à la Convention seule a statuer , et il rappelle le
tems où les comités pouvaient venir déeimer la Convcution et
désigner les têtes qui devaient tomber sur l'échafaud ; mais il
rappelle la proposition qu'avait faite Cambacerès , dans une
precedente stance , de nommer une commission de 12 mem
bres qui ne seraient d'aucun comité , et qui feraient les fonetions
de rapporteur , daus le cas où un représentant se trouverait
prévenu de quelques delits de nature à le faire meure
en jugement.
Lejeune s'éleve contre l'idée d'une commission ; il prétend
que c'est une chamb e ardente que l'on veut etablir pour détruire
la réprésentation nationale et de servir les projets de
Pitt.
Pelet pense , comme Lejeune . que la coalition aspire à dé
truire la Convention nationale ; c'est dans cet objet qu'elle a
suscité parmi nous tant de factions ; mais la journée du 10
thermidor la obligée de changer de système ; maintenant elle
cherche à frapper d'ignominie la Convention . Des soupçons
planent sur un representant du peuple , non dans des pamphlets
, mais tout le peuple de Paris , toute la France sait ce
qui se passe au tribunal dans l'affaire du comité révolution -
naire de Nantes . Il est urgent d'eclairer le peuple . Il demande
que les pieces que le comité peut avoir reçues soient presen
tecs dans deux jours .
Dumont declare que le décret qu'il a demandé n'a pour
objet que de provoquer des moyens de garantie pour la représentation
. Il ne s'agit pas d'un individu , mais de traiter la
question d'une maniere generale ; il ajoute qu'il n'est parvenu
encore aucune piece , et que , dans une affaire aussi importante,
il ne suffit pas de la déclaration d'un temoin ou d'un accusé ,
qu'il fant eucore des preuves écrites et convaincantes .
Cambacerès quitte le fauteuil , et explique ce qu'il a entendu
par la commission dont il a parlé . Ce n'est point une chambre
ardente à la maniere de Richelieu , comme le pense Lejeune ,
mais une simple commission qui n'aurait d'autre pouvoir que
celui de faire part des renseignemens.
( 215 )
Thuriot pense comme des préopináns , que la coalition
n'a d'autre but que de poignarder la representation natiomale
. Il sait que ce projet existe encore , et qu'il est appuyé
au dedans par des scélérats , qui cherchent à susciter des
haines et des vengeances parmi les représentans du peuple .
1 déclare qu'il n'entend point vouloir mettre le crime à
l'abri , s'il se trouve dans la représentation nationale . Il parle
ensuite de la commission . Ce projet a été mûrement discuté
dans les comités , où l'on ne peut craindre le ressentiment
des passions ; car ils forment 50 membres ; si l'un d'eux parlait
interêt particulier , les 49 autres prévaudraient. Cependant ,
soit que dans un comite il pût y avoir quelque particularité
relativement à la mission d'un membre , les trois comités ont
cuvisagé cette commission proposée sous le rapport qu'elle
serait nommée par appel nominal , isolée des comités , qu'elle
recevrait les dénonciatious portées à la Convention nationale
par les trois comités , les examinerait , et ferait un rapport ,
d'aprés lequel la Convention pourrait juger définitivement .
La discussion se ferme . Le tout est renvoyé aux trois comités,
pour en faire un prompt rapport.
Un membre rappelle à la Convention qu'elle avait chargé
ges comités de lui faire un rapport avant le 1er, brumaire sur
les députés détenus. On observe que la piece qui a servi de
motif à leur détention ne se trouve point au comité de sûreté
generale . Amar déclare qu'elle est restée jointe aux pieces qui
se trouvent au tribunal révolutionnaire . Sur la proposition de
Bentabole , la Convention décrete que le greffier du tribunal
fera remettre dans 24 heures certe piece comittéé de sûreté
générale.
Il n'y a point eu de séance le décadi ; la Convention a assisté
à la fête des victoires.
Seance de primedi , 1er . Brumaire.
Deux députés détenus obtiennent la permission d'aller rétablir
leur santé dans leur maison .
Pénieres reproduit encore la demande du rapport sur les
députés détenus : il ne veut point jetter les yeux sur le passé' ;
il faut affermir la République avant de confier la vérité à l'histoire
; mais depuis le 9 thermidor , tous les citoyens obtien
neut justice . La Convention la refusera- t- elle à des collegues
qui gémissent depuis plus de 15 mois dans les prisons.
Merlin (de Thionville ) annonce que la protestation , signée
par ces députés , a été seulement remise à minuit au comité ,
qui sur-le - champ l'a envoyée à l'impression pour être disaibuée
. Il pense qu'il ne faut rien précipiter , mais attendre
le rapport.
Thuriot réclame l'ordre du jour , et te motive sur ce qu'il
serait dangereux de faire le procès à la journée du 31 mai .
0 4
( 216 )
Guyomard , Pelet , Roux et plusieurs autres membres come
batteut l'ordre du jour , et prétendent que la révolution salu
taire da 31 mai n'a rien de commun avec les motifs qui ont
déterminé la détention des 71 députés.
La discussion devient extrêmement vive et agitée . On fait
differentes imputations aux détenus .
Tallien énumere les bons effets qu'a produits la révolution
du 31 mai ; mais il a réclamé à grand cris l'application des principes
de justice , développés par la Convention . Il rappelle
les tems malheureux où des scélérats venaient à la tribune
désigner les représentans du peuple qu'ils envoyaient à l'échafaud.
Il rappelle ce qui concerne le malheureux Fhilippeaux ;
comment le feroce et execrable Robespictre s'opposa avec fareur
A ce que l'épouse de cet infortuné soit entendue . Il blâme la
conduite d'un représentant qui a semblé faire , il y a quelque
tems , le procès au 31 mai . Il ne veut pas qu'en révolution on
jette les yeux en arriere ; mais il pense que la Convention
nationale doit éclairer la France , et lui faire connaître si les
mandataires arrêtés sont coupables . Il conclut au rapport.
Bentabolie demande que le registre secret du comité de
salut public lors du 31 mai , et que Cambon a dit exister ,
soit deposé aux archives nationales , afin que la malveillance
ne cherche pas à decrier la révolution du 31 mai.
Cambon prend la parole et déclare persister dans la déclaration
qu'il avait faite , sur ce que Clausel lui avait dit ,
pourquoi , dans le teins , il n'avait pas dénoncé les conspirateurs
; il repond qu'alors le comité fit un rapport sur cet objet ,
sans cependant nommer les personnes . Il dit que le peuple a
régularisé la révolution du 31 mai , de maniere qu'elle a été
applaudie par toute la République ; mais qu'elle a été suscitée
par des innigans . Il renouvelle ce qu'il a dit sur les conciliabules
de Danton , de Robespierre et de Pache , à Charenton ;
que le but de leurs discussions était de demander l'arrestation
de 22 membres . Il declare que la premiere pétition contre ces
députés est de Danton ; qu'il l'a vu remettre à l'individu qui
l'a prononcée .
Cambon paile ensuite d'un autre complet des mêmes personnages
qui , le 8 juillet , voulaient remettre le petit Capet
.sur le trône . Enfin , Cambon déclare franchement que Robespierre
et d'autres avaient formé le plan de conduire à l'échafaud
tous les appelans au peuple , et ensuite de sacrifier le
reste de la Convention ; qu'il a tout fait pour détruire ces
projets execrables ; que le comité de salut public de ce tema
avait fait des rapports , pour inviter la Convention nationale
a se métier des conspirascurs ; mais le colosse de popularité
que ces scélérats s'étaient acquis ; mais les pétitions qui se succédaient
à la barre ; mais la férocité de ces hommes cruels , ont
étouffé la voix des vrais patriotes prêts à se faire entendre .
Des mouvemens d'inquiétudes se font sentir . ) Combon
( 217 )
monte à la tribune , et dit qu'il va déchirer le voile . ( Ap
plaudi . )
Il annonce que le systême de terreur a été organisé par
la cour ; qu'il a existé par conséquent , avant la Convention.
C'est par ce systême , continué par les dominateurs d'alors ,
qu'après la suspension de Capet , ils voulurent essayer de
dissoudre le corps législatif , pour donner la régence à d'Orléans
, et ensuite en faire un roi . Les massacres du 2 septembre
ont accompagné cette circonstance . Ici Cambon dit
qu'un des auteurs de ce massacre est Tallien . Que le 31
août il est venu à la barre avec Pétion déclarer que tant
de prêtres étaient rassemblés dans un tel endroit ; et que si
l'Assemblée n'en faisait justice , le sol de la liberté en serait
purgé. ( On frémit . ) Tallien réclame la parole . -- Cambon
continue , et dit que c'est de ce moment qu'est parti le
systême de terreur ; et qu'il n'a fait que changer de main.
Tallien releve le fait avancé par Cambon . Il appelle en
témoignage tous les vrais patriotes d'alors , sur ce qu'il est venu
au corps législatif réclamer contre les massacres ; qu'il s'est
jeté à travers les poignards des égorgeurs pour les empêcher
d'aller au temple sacrifier le dépôt qu'alors la représentation
nationale avait confié à la commune de Paris . Au reste , il demande
à ce sujet que sa conduite soit examinée avec sévérité ,
ne voulant pas être confondu avec les scélérats qui ont noyé
dans la Loire , fusillé à Lyon , et égorgé dans le Midi. Le sang
innocent n'effraie point mon esprit pendant la nuit. Des fantômes
horribles n'épouvantent point mon imagination . Qu'on
demande ce que j'ai fait à Bordeaux , et ce qu'on a fait à
Nantes , à Lyon .....:
Barrere et Delmas déclarent avoir signé le registre secret
dont a parlé Cambon .
Delmas dit qu'à Charenton , on voyait se rassembler Danton
, Robespierre , Chabot , Bazire et Pache ; qu'il a voulu
parler lors de l'arrestation des derniers députés que Robespierre
a envoyé à l'échafaud ; mais que sa voix a été étouffée .
Robert Lindet fait un discours très - étendu pour établir que
la révolution du 31 mai a été favorable à la République ,
La Convention ferme la discussion , et passe à l'ordre da
jour , s'en rapportant an zele des comités pour faire leur
rapport sur les députés détenus aussi - tôt qu'il sera possible.
Merlin ( de Douai ) : Citoyens , tandis que forts de la confiance
du peuple , et investis de sa puissance , vous faites une
guerre ouverte et implacable aux crimes et aux factions qui
trop long - tems ont désolé l'intérieur de la République , nos
braves armées continuent de poursuivre avec leur courage
ordinaire , les féroces ennemis qui ont osé s'armer contre elle
au-dehors .
Voici le précis des nouvelles qui sont parvenues depuis
avant- hier au comité de salut public :
1218 )
L'armée de Sambre et Meuse vient de s'emparer de la
forteresse de Stephenwerth , sur la Meuse , au - dessus de Ruremonde
.
L'armice du Nord pousse l'ennemi avec son succès ordinaire .
Celles du Rhin et de la Moselle ne déploient pas moins de
vigueur coutre les Prussiens dans le Palatinat . Depuis plusieurs
jours , elles se sont emparées du poste important de
Trabach , sur la Moselle , et none collegue Bourbotte nous
envoie aujourd'hui les clefs de Kreutznach , place qui nous
assure une position avantageuse entre Coblentz et Mayence .
Les représentans du peuple et les généraux se louent beaucoup
du bon esprit et de la discipline des troupes..
PARIS . Quantidi , 4 Brumaire , 3e . année de la République.
La bonne harmonie qui regne dans la Convention depuis le
9 thermidor a failli être troublée un instant par le zele impatient
de plusieurs membres à desiander le rapport précipité
de l'affaire des 71 députés détenus . La justice est maintenant
un droit que tous les citoyens peuvent revendiquer . Mais comment
rendre compte de cette affaire saus parler de la journée
du 31 mai ? Est- ce bien le moment de porter sur cette époque
de la révolution ce coup- d'oeil tranquille et impartial qui appartient
à l'histoire ? Toutes les lumieres qui peuvent servir
à éclairer cette partie de nos événemens politiques ont- elles
été recueillies ? Ce n'est ni par les motifs , ni par les formes
qui ont accompagné cette journée qu'il faut la juger , mais
par les resultats heureux qu'elle a produits . Il faudrait être bien
aveugle ou de bien mauvaise foi pour ne pas voir que c'est
depuis cette époque que le gouvernement a pris une marche.
ferme et suivie , qu'il y a eu de l'ensemble dans les opérations
du corps représentatif , que les plans de la guerré ont été sageinent
combinés , et que nos armées ont été par-tout constamment
triomphantes . S'il y a eu dans l'intérieur un régime d'oppression
, dont le souvenir tourmentera long- tems nos imaginations
épouvantées , si ceux qui l'ont établi se promettaient
d'en recueillir les fruits execrables , ils out payé leurs crimes
de leur tête , et nous avons la consolante certitude que ces
jours d'horreur ne renaîtront plus . Jouissons de cette douce
perspective , et ne réveillons plus des passions dont l'oubli
tient au salut de la République . La captivité des détenus , s'ils
sont jugés innocens , aura sans doute un terme prochain ; mats
l'intérêt public est la premiere justice des nations , et la politique
utile le premier devoir des gouvernans. Il est des choses
qu'il faut abandonner au pouvoir insensible , mais sûr , də
l'opinion . L'ordre du jour , tel qu'il a été motivé , est l'issue
la plus heureuse que pouvait avoir cette discussion.
( 219 )
La fête des victoires a été célébrée décadi dernier au champ de
la Federation , par le tems le plus favorable . C'est une de celles
dont on a joui avec le plus de satisfaction , parce qu'en rappellant
l'idée des succès glorieux de nos armées , elle n'etait troublée
par aucun de ces sentimens sinistres que l'on avait peine
à déguiser dans les fêtes précédentes .
Dès le point du jour un rappel général avait invité les
citoyens à s'armer pour la fête . Le carillon de la Samaritaine
donnait le signal de l'allégresse pablique. On vit les citoyens
de tout âge s'acheminer vers le champ de la Fédération . La
force arme s'y rendait aussi tambour battant et enseignes
deployées . Il etait environ deux heures , lorsque toutes les
sections furent arrivées . Alors la Convention sortit de l'Ecole
militaire où elle s'était assemblée ; et au milieu d'une musique
triomphale , elle s'avança vers le rocher qui avait changé de
forme et qui paraissait une citadelle inexpugnable . Lorsqueles
représentans da people furent places sur cette forteresse
le président prononça un discours analogue à la ceremonie ;
on chanta l'hymne de la victoire , et l'institut national he
retentir les airs de ces accords harmonieux que dirige
Gossec.
Un peuple immense couvrait les glacis , et tous les yeux
se porterent sur un fort construit à l'extrémité du champ de
la Federation , et que les élevés de l'ecole de Mars devaient
prendre d'assaut . Leur cavalerie , dont une partie avait pris
les couleurs de nos ennemis , a fait d'abord dans la plaine ce
que l'on appelle là petite guere . Nous n'expliquerous pas en
termes de tactique les diferentes évolutions de cette jeune
armée , il suffira de dire que les manoeuvres ont éte exécutées
avec une telle precision , qu'elles etonnaient de vieux militaires
témoins de ces jeux..
Lorsque la Grèce assemblée dans les champs de l'Elide ,
applaudissait au triomphe des athletes vainqueurs , c'etait
à des hommes long - tems exercés qu'elle off ait le jaurier de
la victoire ; mais ici les représentans de la République Fançaise
et la multitude de citoyens qui assistaient à ce spectacle
interessant , avaient sous les yeux de jeunes gens qui n'ont
pas encore atteint leur quatrieme lustre , et qui , il y a à peine
six mois , n'avaient encore manié que le soc ou la houlene ,
Les progrès de cette jeunesse guerriere paraîtront un jour des
fables à la postérite ; puisqu'ils étonnent même les contem
porains .
Lorsque le fort eut été enlevé , et que le drapean tricolore
eut remplacé sur ses tours les enseignes blanches qui y
avaient flotte pendant le siege , l'armée victorieuse est rentree
dans le champ de la Fédération , conduisant avec elle le char
de la victoire , devant lequel on portait des trophées formés e
de drapeaux ennemis . Les soldats blessés marchaient avec cette
jeunesse animée du desir de les yenger ; et ce cortege im .
( 220 )
posant s'est avancé avec la Convention nationale , vers le temple
de l'Immortalité , où le président a gravé sur une colonne
les noms de nos quatorze armées .
"
Le soir le jardin du Palais national a été illuminé sur le
bassin circulaire qui est en face du pavillon de l'Unité
dans la même isle eù dix jours auparavant on avait déposé les
cendres de Rousseau , etait une arne que la députation de
la Convention nationale est venue orner d'une branche de
laurier. C'était un hommage qu'elle rendait à la mémoire.
de nos braves défenseurs morts dans les combats .
Des danses joyeuses ont terminé la fête des victoires , signe
du bonheur qui doit couronner les efforts des amis de la
liberté .
Dans la séance du 29 vendémiaire , la société des Jacobins
, sur la proposition de Crassous , a arrêté qu'il serait
redigé une circulaire à tous les amis de la liberté , pour leur
exposer les principes comme la profession de foi politique de
la société , laquelle sera signée individuellement par tous les
men.bres. Crassous avait proposé qu'elle fût signée également
par tous les habitués des tribunes ; mais Maure a fait sentir
les inconvéniens de cette mesure , qui a été rejettée .
Des lettres de Port-Malo , du 25 vendémiaire , annoncent
que trois colonnes de l'armée de l'Ouest ont attaqué les brigands
de la Vendée , et les ont mis en déroute . 5000 d'entre
eux ont demandé à mettre bas les armes . Il est probable que
les mesures de prudence , de justice et d'humanité que prendront
les représentans du peuple , donneront à cette guerre
une direction qui en accélérera le terme et retablira le calme
dans cette partie de la République .
·
L'adjudant général Lefebvre , dont la Convention avait
ordonné l'arrestation , est arrivé et a été transféré à la Conciergerie
. Il avait déja été arrêté par ordre de l'accusateur
public , avant même le décret .
On a arrêté ces jours derniers l'auteur d'an pamphlet séditieux
, ayant pour titre : Nous mourons de faim ; le peuple est bon ,
il faut que cela finisse.
Un nouveau convoi d'argent monnoyé et en lingot est arrivé
de la Belgique à la trésorerie nationale .
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Depuis la 3. sanculotide jusqu'au 24 vendémiaire inclusivement
, le tribunal a condamné à la peine de mort 24 conspirateurs
et ennemis du peuple , deux à la déportation , et un à
quatre années de fer. Il a acquitté 155 prévenus , dont la plus
( 221 )
grande partie a été mise en liberté ; les autres détenns en ex
cution du décret de la Convention .
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Les débats de la procédure intentée an comité révolutionnaire
de Nantes ont commencé aujourd'hui ; deux témoins
ont été entendus ; ils ont retracé les crimes , les horreurs ,
les forfaits commis , les cruautés , les barbaries exercées dans
la commune de Nantes. Le malheur de cette ville infortunée
a dit le premier témoin , date de la fondation du comité
révolutionnaire , où l'on ne plaça que des hommes immoraux
et ignorans , la terreur arriva avec enx . Carrier la seconda ;
trois crimes étaient alors impardonnables : et qui le croirait !
ces crimes étaient la probité , le talent et les richesses ; Carrier ,
a-t-il ajouté , en parlant à la tribune de la société populaire ,
le sabre nud à la main , alluma , dans un auditoire nombreux ,
composé de citoyens malheureusement trop faciles à l'écouter,
toutes les passions les plus haineuses . Plus de deux mille arrestations
eureut " lieu alors.
Le témoin a fait ensuite le tableau du régime affreux
qui régnait dans les prisons de Nantes , dans lesquelles 10,000
citoyens ont péri de maladie ou de misere ; il a porté jusqu'à
30,000 le nombre des individus qui ont perdu la vie , soit
dans les prisons de cette ville , soit par les fusillades ou
noyades qui y ont eu lieu , en y comprenant les brigands .
En parlant des noyades' , il a déclaré avoir appris d'un
citoyen qu'il a nommé que , par un rafinement de barbarie ,
on déshabillait les jeunes garçons et les jeunes filles ; on les
attachait deux à deux et on les précipitait dans la Loire , et que
ce genre de noyade était appellé wariage républicain.
Plusieurs des accusés ont déclaré et répoudu aux inculpations
qui leur ont été faites , qu'ils ont exécuté les ordres de
Carrier ajoutant que ces ordres n'étaient pas donnés par
écrit.
Laéné , premier témoin , a rappellé la noyade de go
prêtres , dont deux septuagénaires échappés au naufrage furent
roulés sur le port , et recueillis avec humanité par des matelots
qui leur donnerent leur eau- de-vie pour les réchauffer ... Ils
furent conduits au comité , et il ignore s'ils ont été noyés ; mais
ils ont diparu . "
Goulin a affirmé qu'il n'avait eu aucune connaissance de
la noyade des 90 prêtres ; mais a reconnu avoir participé à
celle des prisonniers du Buffay , au nombre d'environ 120
il a argué des circonstances qui exigeaient impérieusement ,
selon lui , de telles mesures ; il a vonlu faire un paralelle de ce
qui se passa au mois de septembre 1792 , à Paris , lorsqu'on
y apprit que les Prussiens occupaient les plaines de la Champagne
. ( De violens murmures se sont fait entendre. )
( 222 )
Dobsent a rappellé à l'accusé qu'un crime n'a jamais
légitimé un autre crime ; que si quelques scélérats commirent
alors des forfaits , le peuple de Paris , toujours juste et rempli
d'humanité , n'y eut aucune part , et que les bons et vrais
patriotes ne furent jamais des septembriseurs . ( La salle a
retenti d'applaudissemens et de bravo , long- tems répétés par .
tout I auditoire . )
Laéné a ajouté que les noyades se frent d'abord à l'entrée:
de la nuit , ensuite en pleia jour ; il a entendu plusieurs fois
les cris des victimes qu'on mayait ; il a entendu les fusillades ;
il a vu mener an supplice des hommes , des femmes et des
enfans ; on fosillait à Nantes dans trois endroits ; on a massacré
sur la place du département un si grand nombre de brigands
qui avaient rendu les armes , que trois cents hommes furent
employes et occupés pendant six semaines à recouvrir les
fosses de ceux qui avaient ainsi péri .
L'accusé Chaux declare qu'il n'avait aucune connoissance
des mariages républicains ; mais que Lamberty et Fouquet ,
exécuteurs des ordres de Carrier , étaient bien capables d'avoir
inventé et de s'être livrés à de pareilles atrocités .
Le second témoin , Beaujoux , accusateur public , a dit
qu'il avait connaissance de plusieurs noyades faites à Nantes ;
que s'étant opposé à l'extraction et à l'enlevement de 30 femmes.
grosses , de 12 à 15 enfaus de 8 , 10 et 12 ans , qu'il avait fait
mettre dans un entrepôt , il fut menacé de la guillotine par Fouquet
et Lamberty qui voulaient les enlever pour les moyer en
verin des ordres illimités dont ils étaient porteurs.
Grand - Maison a assuré que Carrier plaint et a
reproché plusieurs fois au comité de l'est
de ce qu'il ne prenait que a
de demi-mesures , et qu'il traitait ce comité de contre - révola
tionnaire lorsqu'il s'opposait aux grandes mesures .
Joly est convenu d'avoir attaché un à un , derriere le dos ,
les mains des prisonniers que l'on conduisait sur les bateaux ;
il a ajoute qu'il lui en avait passé par les mains plus de 18
mille , mais qu'il n'avait assisté à aucune noyade . Il a ensuite
parle d'une noyade de 400 personnages qui a eu , lien devant ,
Coron ; il a vu leurs cadavies sur la surface de la Loire.
Du 26. Des noyades d'enfans et autres , ont encore été
reprochees as comite révolutionnaire de Nantes .
Guignon , accusateur publie de la commission militaire ,
ayant appris que Fouquet et Lamberty continuaient à noyer ,
signifia au geolier de ne plus perieure aucune extraction
de detenus . Lamberty communiqua cet ordre a Carrier , qui
manda chez lui la commission ; le président s'y rendit . Carrier
lui dit : c'est donc toi qui donne des ordres contraires aux
miens , juge , puisque to veux juger ; mais si dans deux heures .
l'entrepôt n'est pas jugé , je te fais fusille , ainsi que la commission.
Le président fut tellement intimidé que la fievre le
( 223 )
saisit et qu'il mourut sous peu de jours . Dans les accès de sa
fevre , il s'écriait : Carrier est - il parti ? Carrier est un scélérat
; Carrier est-il arrêté ?
Ou se rendit à l'entrepôt pour les jugemens.
Lamberty dit à Carrier qu'il restait un grand nombre de
détenus dans l'entrepôt ; il y en avait une quarantaine , dont
huit innocens ; la commission fit apeller les huit innocens ;
eing de ces derniers avaient déja été conduits au bateau et
noyés ; les trois autres furent mis en liberté .
Le témoin a lu l'ordre donné par Carrier et Lamberty , le
16 frimaire ; il est ainsi conçu a
Au nom de la République Française une et indivisible , à Nantes ,
le 16 frimaire , l'an ge . de la République.
* Carrier , représentant du peuple près l'armée de l'Ouest ,
invite et requiert le nombre de citoyens que Guillaume Lamberty
voudra choisir , à obéir à tous les ordres qu'il leur
donuera pour une expédition que nous lui avons confiée ;
requiert le commandant des postes de Nantes de laisser passer .
soit la nuit , soit le jour , ledit Lamberty et les citoyens qu'il
conduira avec lui ; défend à qui que ce soit de mettre la
moindre entrave aux opérations que pourront nécessiter leurs
expéditions . " Signé , CARRIER.
On présumes que cet ordre avait été donné pour la
noyade des go prètres , et qu'il a servi pour les autres noyades
et fusillades .
D
L'original est annexé au procès de Fouquet etode Lam-"
berty.
Dubois - Crancé a été entendu ensuite ; il a déclaré que
Carrier n'était plus à Nantes lorsqu'il y arriva ; que sa mission
n'avait rien de commun avec celle de Carrier . Dubois - Crancé ,
en visitant les fonderies d'Inderet , etc. a vu les bords de la
Loire garnis d'hommes occupés à enterrer les cadavres que ce
fleuve avait vomis . A cette époque , a-t -il dit , les mouvemens
des rebelles n'étaient pas menaçans pour la République ; car
depuis l'affaire de Savenay , il ne restait qu'environ 400 brigands
.
Les mesures de rigueur que l'on la prises n'ont servi qu'à
readre cette guerre affreuse ; il fallait employer la douceur ,
l'on n'y aurait pas perda 200 mille hommes . Les habitans de
ces cautons étaient les plus hospitaliers de la République .
La ville de Nantes était dans un tel état de stupeur que
personne dans les rues n'abordait un représentant ; il n'a vu
les habitans de cette malheurense cité qu'à la société populaire
, qui lui a paru daus les bons principes.
Beaujoux a encore été entendu , il avait oublié de dire
( 224 )
hier que l'on faisait payer 100 liv. à chaque individu arrêté
pour le conduire à la maison de détention de l'Eperonniere ;
ce qui est prouvé par plusieurs déclarations ; et a ajouté que
le comité a souffert ces exactions .
Les accusés ont donné des explications à ce sujet qui
ont paru peu satisfaisantes. Ce témoin a déclaré que lorsqu'il
arriva à Nantes , la terreur y était tellement à l'ordre
du jour , que des citoyens qui se rencontraient dans les
rues , n'osaient se regarder en face dans la crainte d'être
Boyés.
Un pere , une mere , un citoyen paisible , frisonnaient ,
étaient dans de continuelles allarmes ; ils avaient l'ame affaisée ,
l'esprit abattu , et lorsqu'ils entendaient une voiture s'arrêter
dans la rue , ils se persuadaient qu'on venait pour les arrêter.
Wolf , employé aux portes , a déclaré que Pinard s'était
emparé de 45 mille livres et d'une montre d'or qui.
appartenaient à la famille Beauge , lorsqu'elle fut arrêtée ;
l'accusé a avoué avoir tout gardé , ot a prétendu que la montre
était d'argent.
Le témoin a ajouté que Lamberty fut fait adjudant - général
d'artillerie par Carrier , qui lui donna des chevaux et
une galiotte hollandaise , où il donnait à manger , et que
Chaux donna lecture à la société populaire de Nantes de la
liste des 132 Nantais , en présence de Prieur ( de la Marue ) ,
qui voulait entendre les réclamations ; mais ils étaient partis
pour Paris , et l'ordre du comité exigeait de ne faire aucunes
réclamations , sous peine , pour les réclamans , d'être regardés
comme suspects .
·
Philippe Tronjoli a été ensuite entendu ; il a exposé
qu'il a dénoncé Carrier , et qu'il se porte dénonciateur et accusateur.
Des gens , a - t-il dit , qui me craignent , disent que je
suis fou , mais je ne le suis pas . Il a retracé avec précision ,
tous les faits qu'il articula lors du procès des 94 Nantais ,
et que nous publiâmes alors dans cette feuille . Il a dit que
25 noyades avaient eu lieu à Nantes , dont une de 600 enfans.
Il a parlé des mariages républicains : avant de jetter à l'eau
les jennes fillas et les jeuues garçons , attachés deux à deux , on
les laissait nuds dans cette attitude , pendant une demi- heure ;
on leur donnait ensuite des coups de sabre sur la tête , puis
on les précipitait dans la Loire . ( Frémissemens d'horreur . )
Les soldats de la compagnie - Marat se sont plaints plusieurs
fois d'avoir les bias fatigués des coups de sabres qu'ils
avaient donnés aux noyés ; il a ajouté que le 27 frimaire , il
reçut de Carrier l'ordre de faire guillotiner , saus jugemens ,
les brigands pris les armes à la main ou sans armes .
( La suite au numéro prochain . )
( N°. S. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 31 Octobre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
Vers sur la chûte du tyran .
CATILINA n'est plus. Quel beau jour pour la France !
Dans le coeur des tyrans va mourir l'espérance .
En perdant Robespierre , ils perdent leur appui .
Leurs projets insensés sont tombés avec lui .
Sur un peuple abusé sa perfide éloquence
Exerça trop long- tems sa maligne influence
On cût dit qu'il voulait affranchir l'univers ,
Tandis qu'à sa patrie il préparait des fers .
Les trênes , à l'entendre , étaient son point de mire į
Des tyrans , à l'en croire , il détestait l'empire .
Pour les rendre odieux son pinceau n'omit rien
En faisant leurs portraits , il nous faisait le sien .
La vertu , dont le nom fut toujours dans sa bouche ,
N'avait jamais entré dans son ame farouche ;
Ainsi que ces beautés qu'ornent de faux appas ,
Il ne parut jamais que ce qu'il n'était pas .
2
Sans cesse à la tribune il parlait de justice ,
Tandis qu'il envoyait l'innocence au supplice.
Sans cesse en ses discours il invoqua les dieux ;
Il parla comme un prêtre , il ne vécut pas mieux,
Profitons du malheur : instruits à son école ,
Aimons la liberté , n'ayons point d'autre idole .
Servons notre patrie , et défendons· la bien .
A nos yeux elle est tout , les hommes ne sont rien .
Par le cit. LELONG de Renned,
Explication des Enigme et Logogrphe du N° . 7.
Le mot de l'Enigme est Cidre celui du Logogriphe est Moineau ,
où se trouvent an , moine , emi et amie , uni , âne et fam.
Tome XII.
P
( 225 )
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
.
Constitution des principaux Etats de l'Europe et des Etats Unis de
l'Amérique ; par le citoyen Delacroix , ancien professeur de droit
public , au Lycée. In-8° . , Tome V. A Paris , chez Buisson , libraire ,
rue Hautefeuille.
Il
Ly a déja plus d'un an que ce volume , qui termine l'ouvrage
du citoyen Delacroix , a paru ; nous avons attendu des
jours plus favorables à la liberté de la pensée pour le faire
connaitre.
On se rappelle que les trois premiers volumes ont eu pour
objet de placer sous nos yeux les diverses formes de gouvernemens
établis parmi les nations qui se croient éclairées , et qui
sont cependant encore bien loin de cette science qui tient de
si près au bonheur des sociétés .
Les deux derniers sont uniquement consacrés à faire connaître
l'origine des Français , et par quels dégrés ils sont arrivés
à l'existence républicaine .
Ce tableau exigeait un grand développement et cette impartialité
qui caractérise l'histoire et lui doune du prix . L'au
teur n'a dissimulé ni les fautes des rois , ni les erreurs da
peuple. On y voit la nation se reposer pendant des siecles .
avec une aveugle confiance , du soin de son bonheur sur des
princes qui ne s'occupent que de leurs querelles , de leurs passions
et de leur propre gloire .
On sent que les rois , ea ne s'identifiant jamais avec le
peuple , en lui rendant égoïsme pour affection , orgueil pour
soumission , avidité pour offres généreuses , ont dû finir par le
lasser d'une puissance qui n'était qu'onéreuse , au lieu d'être
protectrice , et qu'ils ont eux-mêmes amené de loin la chûte
de lear trône
L'auteur , parvenu aux dernieres scenes de notre révolution ,
a peint les principaux personnages qui y ont figuré ; il les
a décrits comme un écrivain qui ne tient à aucun parti , et en
yeut s'attacher qu'à la vérité . Ses intentions sont toujours pures .
Si ses idées ne s'élevent pas quelquefois à la hauteur qu'on
leur desirerait , on remarque que c'est un sentiment bon et
hamain qui les comprime.
1
Son discours sur l'influence des vertus dans les républiques
renferme des principes qui se sont obscurcis sous l'empire
du crime et de la tyrannie cet empire monstrueux a passé ,
at le peuple jouit déja du bonheur de voir rendre hommage
( 227 )
aux grandes maximes qui sont les bâses de la sécurité et de fa
félicité publiques.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur un ouvrage dont
l'utilité est reconnue ; les premiers volumes sont à la troisieme
édition ; les deux derniers ne nous paraissent pas moins intéressans
que ceux qui les ont précédés .
La nouvelle Chartreuse ou ma détention à Port - Libre ; par le citoyen
Vigée. A Paris , de l'imprimerie de Francklin , rue de Cléry ,
n°. 75. L'an 2. de la République . Epitre au citoyen M** .
L'auteur nous prévient dans une note , à la tête de cette jolie
bagatelle qu'elle n'est que le tableau très - exact de la prison
où il a langui sept mois . J'avais ( continue- t-il ) été transféré
de celle - ci dans celle des Carmes , qui , grace aux lois
protectrices des patriotes opprimés , s'est ouverte pour moi
après onze jours de la plus pénible detention. 31 ་ ;
La Chartreuse de Gresset paraît avoir donné au citoyen Vigée,
déja bien connu par des pieces de théâtre pleines d'agrément et
de goût , le modele de la nouvelle Chartreuse qui présente la
description d'un lieu où le poëte aurait été fondé à gémir , et
où cependant il a su conserver les graces de l'imagination , et
les répandre avec discernement . Il dit à son ami-g
39
.. Garde- toi de croire
Que j'aille d'affreuses visions
" Te tracer une sombre histoire ,
" Parler cachots , crier verroux ,
Quand je ne suis que sous la grille ;
» Faire , en mentant aux yeux de tous
» De Port-Libre une autre Bostille ,
» Et , chargeant ma narration
" De toute l'ampoule tragique ,
箕
n Risquer l'amplification
" En écolier de hétorique :
» Non ; ma muse est trop véridique ,
99
Je ne veux pas en conte en l'air ,
" Transformer un fait bien notoire :
29
Je ne peindrai donc point l'enfer ,
Quand je ne suis qu'en purgatoire.
" Mais d'objets rians ou nouveaux
» je jouis , croira-t - on peut - être ,
» A travers les doubles barreaux
" Dont se décore ma fenêtre .
» L'hiver en son austérité ,
1
( 25 )
La campagne en sa nudité
» Conservent un aspect champêtre ¿
Et quand la neige en gros floccons
" Tombe et s'étend sur nos vallons ;
» Quand des vents la fougueuse halcino ,
Soufflant au loin les noirs frimats ,
» Attaque et brise avec fracas
» Des arbres la cime hautaine ,
" Quand l'urne des tristes hyades
Trouble de ses flots orageux-
L'urne paisible des Nayades ,
" Pour nous encore c'est un plaisir ,
Sans le manteau , sans la fourure
Sans nous exposer à l'injure
D'un air tout prêt à nous saisir ,
De contempler la marche sûre ,
» L'ordre constant , les grands effets ,
Et les phénomenes secrets
" De l'inexplicable nature.
Par malheur en mon froid réduit .
» Je n'ai que l'éternel spectacle
D'un triple mur , vieux réceptacle
" De quelques vieux oiseaux de nuit ,
" Et l'enceinte bieu resserrée ,
" Bien uniforme , bien quarrée ,
» De quinze toises de terrain
» Du titre aimable de jardin
" Très-mal à propos honorée ,
» Puisqu'au lieu de ces jeunes plans”,
" Doux objets des soins de Pomone ,
" Et de ces arbustes rians
,, Où Flore cueille sa couronne ,
» Vingt tilleuls rangés au cordeau ,
" Et l'if , ami du noir tombeau ,
Prouveraient à la terre entiere
" Que peu de mois auparavant
" Cette insupportable glaciere ,
Ce lieu funeste à tout vivant ,
» Servait aux morts de cimetiere . J
Le citoyen Vigée termine cette épître par ce tableau touchant
( 229 )
qui prouve qu'il sait manier avec succès les divers
la poésie .
Tu crois sans doute que Morphée ,
Me réservant un doux repos ,
Vient sur ma paupiere échauffée
" Verser ses humides pavots :
» Non ; dans le silence de l'ombre
" Mon eil plongeant un regard sombre
23 Vingt fois recule épouyanté
" A l'aspect des noires images
99 Qu'enfantent les affreux présages
" Dont mon esprit est tourmenté.
» Dans ma périble inquiétude
" Vainement je cherche à bannir
Le triste et cruel souvenir ,
" Qui me rend à la solitude ,
Où , sans terreur pour l'avenir ,
" Dans les agrémens de l'étude ,
» Dans un délicieux loisir ,
» Et du travail et du plaisir ,
""
J'avais contracté l'habitude :
" C'est l'amitié que j'apperçois
" Errante autour de ma demeure,
" Comptant les jours , attendant l'heure
" Où ses bras s'ouvriront pour moi .
""
Époux , amant et pere tendre ,
" A chaque instant je crois entendre
" La voix d'un objet adoré ,
" Dans ses regrets , dans sa tristesse
" Appellant , réclamant sans cesse
" Le coeur dont il est séparé :
39
Je ressens ses vives alarmes
Lorsqu'il faut essuyer les larmes
D'un enfant notre unique espoir ,
» Trop jeune encore pour savoir
29 Quelle main lui ravit son pere ;
,, Mais dans ses cris , son désespoir ,
S'étonnant de ne recevoir ».
Que des caresses de sa mere . »
crayons da
P 3
( 23 )
ANNONCES.
On mettra en vente , primedi 11 brumaire , l'an 3è . de la
République , rue des Pquevins , nº . 18 , la cinquante- huitieme
livraison de l'Encyclopedie méthodique , par ordre de matieres ,
composée :
Du tome V , premiere partie des Antiquités ; par le citoyen
Mongez :
Du tome III , premiere partie de la Philosophie ancienne et
moderne ; par le citoyen Naigeon :
Et de la seizième partie de l'Histoire naturelle , formant la
sixieme partie des planches de la Botanique ; par le citoyen
Lamarck.
Le prix de cette livraison est de 39 liv . en feuilles , et de
40 liv. 10 sols brochée .
Le port de chaque livraison , est au compte des souscripteurs
.
Observations sur les maladies des armées dans les camps et les
garnisons , avec des mémoires sur les substances septiques et
anti - septiques ; par Pringle . Deuxieme édition , revue , corrigée
et augmentée ; in- 8° . brochée , 6 liv .
Description abrégée des maladies qui regnent dans les armées ,
avec la méthode de les traiter ; par Vanswieten . Nouvelle edition
; in- 12 brochée , 2 lv.
Traité ou réflexions tirées de la pratique sur les plaies d'armes
à feu ; par Ledran . Deuxieme édition , avec quelques additions
de l'auteur ; in- 12 broché , 2`liv .
Précis de chirurgie- pratiqué , contenant l'histoire des mala- .
dies chirurgicales , et la maniere la plus én usage de les traiter ,
avec des observations et des remarques critiques sur différens
points ; par Portal. Deux volumes in-8 ° . , avec figures en taille
donce , relié , 13 liv .
Les livres ci- dessus se tronvent chez Théophile Barrois le
jeune , libraire , quai des Augustins , nº . 18 .
GRAVURE.
·Pompe funebre en l'honneur des martyrs de la liberté dans la
journée du 10 août 1798 , célébrée dans le Jardin-national le`
25 du même mois ; dessinée par Monet , et gravée par Helmann.
Prix , 6 liv . en noir , et 12 liv. en couleur.
Se trouve à Paris chez l'auteur , rác Honoré , près les Jacobins
, no. 1497-
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
ALLEMAGNE,
De Hambourg, le 12 Octobre 1794.
L'IMPERATRICE
' IMPERATRICE de Russie , qui a tant cherché la gloire ou
plutôt la famosité, paraît destinés à voir empoisonner sa vieillesse
par ce qu'elle appelle sans doute des malheurs , des revers , ct
ce qui sera dans le fait le succès , le bonheur des peuples auxquels
son orgueil était flatté de commander , quoiqu'aucun des
droits fictifs , pas même celui de naissance , ne l'eût appellée
à les gouverner. Les beaux jours , les jours de plaisir de la petite
princesse d'Anhalt , qui avait fait une fortune si prodigieuse,
sont entierement passés ; le sort qui toujours change , qui ne
promit jamais un bonheur sans mélange , a substitué dans ses
mains ensanglantées du meurtre d'un époux , à la coupe du
nectar des Dieux dont elle s'enivra long - tems , la coupe ameré
que boivent tous les hommes , et qu'elle est forcée de boire
jusqu'à la lie . Elle ne sera plus désormais famense que par les
échecs que recevra sa puissance , les mortifications qu'épronvera
son orgueil , et peut- être par la haine de ses sujets détrompes
, qui verront qu'elle a sacrifié la félicité réelle des
peuples à la splendeur factice de sa capitale.
Voici ce qu'on mande de Pétersbourg , en date du 5 septembre
: La cour ne permet pas de dire un mot sur ce qui se
passe en Pologne ; mais il n'en a pas moins transpiré dans le
public , que la revolution obtient chaque jour de nouveaux
succès , et qu'elle s'est propagée jusques dans la Courlande et
sur les frontieres de la Livonie . C
Les Polonais sont maîtres de Liebau , une partie de la noblesse
de Gourlande s'est retirée à Riga ; "Pautre s'est réunie
au peuple , qui a par- tout embrassé la cause polonaise avec la
plus grande ardeur ; la seule ville de Windau a refusé le serment
a la république : par-tout ailleurs it a été prêté avec le
plus grand empressement.
Les Polonais font des incursions sur de territoire russe du
côté de la Livonie et de la Russie Blanche . La ville de Dunabourg
, dans cette premiere province , en a éprouver les effets .
Un courrier du général Repnin y a été blessé à son passage.
Le gouvernement russe , forcé de songer à la défense ide ses
frontieres , a rappelé le genéral Derfelden qu'il envoyait contre
Varsovic , et à qui il a fait dite d'aller couvrir la Courlande .
Il résulte de ces mouvemens une grande disette dans plusieuse
P 4
( 232 )
provinces russes , voisines de Pologne et de Lithuanie . La
Russie Blanche , où les vivres étaient déja très rares l'année
derniere , se trouve presque frappée de ce fléau . Le fait est
que , dans ce moment actuel , les denrées coûtent quatre fois
plus que leur prix ordinaire , parce qu'on en a tire beaucoup
pour la subsistance des armées russes en Pologne.
Il faut joindre à ces nouvelles les suivantes , qui confirment
combien vont mal les affaires de la Russie , de l'Autriche et
sur tout de la Prusse , à qui non - seulement la nouvelle mais
même l'ancienne portion de la Pologue envahie par Frédéricle
- grand il y a plus de 20 ans , échappe tous les jours. Ces
nouvelles interessantes sont les unes de la capitale , les autres
des frontieres , sous les dates des 25 , 26 et 30 septembre.
On va voir par l'état suivant si Varsovie était suffisamment
approvisionnée pour soutenir un siege , même d'une longue
durée . Cela explique pourquoi les denrées n'ont pas beaucoup
augmenté pendant qu il a eu lieu , et fait honneur à la prudence
de ceux qui menent cette guerre , et au patriotisme des Polonais
capables de sacrifices .
Froment , 1758 septiers ; seigle , 2629 ; orge , 1587 ; farine
de froment , 1221 ; idem de seigle , 3630 ; idem de sarrasin , 152 ;
idem de differens gruages , 550 ; de pois , 236. 851 chariots de
légumes , 3223 boeufs , 3983 veaux , 1112 cochons . 4892
agneaux , 59,559 volailles , goo tonncaux de beurre , 240
pieces de lard , 347 tonneaux de bierre , 20 d'eau -de-vic ,
4416 cents d'oeufs , 843 douzaines de fromages , 448 bariques
de poissons 1188 caisses de farines enlevées aux Autrichiens ,
952 chevreuils , 524 tonnes de sel , 136 de harengs , 5317
chariots de foin , 552 de paille , 3965 de bois , 885 de charbon .
すぐDepuis la levée du siége , le gouvernement acquiert chaque
jour plus de consistance et de stabilité. Le mouvement des
diverses administrations commence à s'ordonner.
Le conseil national vient de publier une proclamation qui
enjoint à tous les préposés au recrutement , do munir chaque
nouveau soldat d'une pelisse de peau de mouton . Cette précaution
indique que l'intention est de pousser les opération's
militaires bien avant dans l'hiver ,
Un couriervient d'apporter ici la nouvelle qu'il s'est engagé
une affaire dans le palatinat de Sendomir , entre les Polonais
et les Autrichiens . Plusieurs escadrons de ces derniers , en.
tr'autres celui de Modene , et quelques bataillons , parmi lesquels
on compte celui de Starai , ont été culbutés , Le général
autrichien Auverberg a eu beaucoup de peine à rallier ses
troupes pour effectuer sa retraite . Le même courier ajouté
que les Autrichiens regagnent leur territoire avec précipi
tation.
On annonce que les troupes russes s'avancent de Volhinie ,
sous les ordres du général Swarow . Ce n'est pas la premiere
( 233 )
fois que cette marche ne s'est opérée que dans les papiersnouvelles
, Il paraît au contraire constant que celles de ces
troupes qui étaient employées au siège de Varsovie , n'ont
point encore pu rejoindre l'armée aux ordres du géneral
Repnin .
Les efforts du corps de Szekuli et des autres armées prussiennes
, maintenant employees contre les insurgés de la Prusse
méridionale , n'ont point produit jusqu'à présent l'effet que
Frédéric-Guillaume en attendait . Les derniers avis apprenncut,
au contraire , qu'un corps considerable d'insurgés marchait
de nouveau sur Thorn. Kosciuszko a detaché en outre 18,000
hommes pour soutenir leurs efforts . Le passage du Bug et de
la Narew est définitivement effectué par l'armée sous les ordres
de Madalinski . Ce général menace tout le pays .
Un détachement de 1500 Polonais , composé en grande
partie de cavalerie , s'est emparé de Sínilno , où se trouvaient
réunies plusieurs caisses des environs . Depuis , dans une autre
affaire contre le général Schwerin , ce détachement a perdu
son commandant , Miniewski , qui a été tué .
On mande de Kalisch que l'insurrection se propage plus
que jamais dans cette contiée . Toute communicatiou est coupée
avec la Silésie .
"
Les insurgés commencent décidément à se montrer dans la
Prusse occidentale . On reçut dernierement avis à Ripin que
plusieurs centaines d'hommes , revêtus de l'habit militaire
occupaient les forêts . Sur-le - champ les hussards prussiens reçarent
ordre de se tenir prêts à marcher au premier signal .
Des détails plus positifs étant arrives , cette troupe se mit en
mouvement ; elle trouva les insurgés retranches derriere des
abatis , et ne pui les atteindre . Ceux - ci semblent sur- tout se
livrer à des incursions aux environs de la Bzoura . Ils ont mis
le feu à un grand magasin de farines destinées pour les armées
prussiennes , qui se trouvait à Piecziski . Jusqu'à ce moment ,
les soldats de Frédéric Guillaume se sont bornés à surveiller
les divers châteaux , dans le dessein d'empêcher les propriétaires
de porter des secours aux insurges . Une partie de ces
derniers a déja passé la Vistale , pour se réunir à ceux de la
Prasse méridionale . Tout indique qu'à moins que le roi de
Prusse n'envoie des secours prompts et considérables dans
cette contrée , un grand incendie va s'y manifester.
De Francfort-sur- le - Mein , le 15 octobre.
Suivant des lettres de Vienne , du 3 , on n'avait pas encore
pu s'assurer si le cabinet de Vienne et celui de Saint - James
marchent enfin d'accord ; c'est pourtant une chose très importante
à constater pour tous les coalisés . On sait seulement
que le courier' impérial Horitz a repris la route de Londres ,
( 234 )
et que les deux négociateurs anglais restent à Vienne . Ces,
commissaires ne doivent en sortir que pour se rendre à Pétersbourg
: ils vont presser Catherine de donner enfin à la
coalition des secours plus réels que la fumée de ses promesses ,
et de débuter à prouver sa bonne volonté en fournissant des
forces navales . Mais comme on ne peut pas plus compter sur
elle que par le passé , les préparatifs pour une nouvelle campagne
se continuent avec assez d'activité , quoiqu'avec la
mauvaise humeur de jetter des matériaux dans un goufre qu'on
désespere de combler. Ce même Wurmuser , à qui les Prussiens
reprocherent l'année passée la déroute des armées coalisées
sur le Rhin , est encore chargé , par l'empereur , du
commandement d'une des armées autrichiennes . Il est bien
certain que , s'il perd cette revanche , il ne lui restera qu'à
quitter la partie ..
Le cabinet autrichien a regu , de son internonce à Constantinople
, de dernie ses dépêches dont la teneur n'est pas.
agréable . Elles lui apprennent qu'on s'attend à de nouveaux
changemens dans le ministere de la Porte . Il est question
non seulement de la démission de Reis - Effendi presque certaine
, mais même de celle du grand visir . La retraite de ces
deux hommes , qui tiennent le timon des affaires , pourrait
bien en changer la direction , parce qu'elle laisserait les rênes
de l'état au capitan-pacha , qui ne manquerait pas de faire
déclarer la guerre à la Russie. Ces conjonctures difficiles sont
propres à inquiéter beaucoup les ministres du jeune empereur
.
de
L'électeur de Mayence à autorisé la levée d'un corp
volontaires de 1000 hommes par un chef particulier ( Majon ) .
35,000 florins doivent être employés à cet effet. On remarque
que , jusqu'à présent , il n'y a que Mayence et Fulde qui
aient fourni le quadruple contingent fixé par la diete de Ratisbonne.
Les dernieres lettres d'Augsbourg portent qu'on y est dans
de vives inquiétudes , à l'occasion d'un grand rassemblement
de troupes françaises qui se trouvent dans les environs de
Hunningue.
D'autres nouvelles de Vienne s'expriment ainsi sur la position
du cabinet autrichien ;
Tous les jours les difficultés de continuer la guerre angmentent
de la part des puissances coalisées ; les rois sont pressés
au Midi et au Nord par les Républicains armés , et le
despotisme européen se trouve cerné par les armées innombrables
que la Pologne et la France out mises sur pied pour
défendre leur indépendance . L'insurrection polonaise a déja
gagné la Prusse occidentale ; tout annonce que si le roi de
Prusse n'envoie dans cette partie de ses états des forces considérables
, un mouvement général va s'y manifester ; au milieu
de ces obstacles , le cabinet de Berlin presse et menace le cabinet
( 135 )
de Vienne ; la cabinet de Vienne à son tour menace le cabinet de
Saint -James . Pitt est tous les mois obligé d'épuiser les trésors
de son éloquence et les trésors de l'état , pour faire sentir
l'empereur que la guerre actuelle , qui lui enieve les Pays - Bas ,
est une guerre utile et avantageuse . Malgré les nuages qui ont
paru s'élever entre les deux cours , le cabiuet autrichien cede
aux sollicitations du gouvernement anglais ; il se décide à continuer
la guerre , et les préparatifs se fout pour une nouvelle
campagne . Le général Wurinser va reparaître sur la seene
et l'on croit qu'il aura le commandement d'une des armées
autrichiennes .
PROVINCES- UNIES . De la Haye , le 8 octobre.
L'événement prévu depuis long-tems par les personnes en
état de juger les opérations militaires , s'est enfin réalisé . Les
Allemands se sont trouvés forcés d'abandonner à la fois toutes
leurs positions sur la Roër , la Dure et dans les environs de
Juliers. Jourdan , digne du nom des plus grands généraux , et ›
les officiers qui servent sous ses ordres , ou qui sont à la tête
d'autres armées , ont développé des talens admirés de leurs
ennemis même , et rédoublé d'activité . Pendant que le premier
pénétrait avec la masse principale de ses forces du côté d'Aixla-
Chapelle , une autre colonne se dirigeait par Malmedi et
Stavelot vers l'Eiffel , pour en déloger les Allemands sous les
ordres de Navendorf , se réunir à l'armée de Trêves , conqué.
rir ainsi toute la rive gauche jusqu'à Coblentz , et envelopper
l'armée de l'aile gauche de l'armée principale des Allemands .
Les armées coalisées s'apperçurent que c'était-li le principal
but des mouvemens des Républicains ; elles jugerent que , puisqu'ils
l'avaient rempli , il ne leur restait qu'à faire une retraite
précipitée . Cependant pour l'effectuer avec quelque sûreté
elles ont voulu en resserrant les débris de leurs forces essayer
encore de se mesurer avec les Français . En conséquence , il y
éut une affaire chaque jour depuis le 28 septembre . On y
déploya de part et d'autre tout le courage qu'inspirent les
succes , tout celui que donne le désespoir : les avantages se balangaient.
Mais la scene changea tout-à -coup . Le 1er , octobre
la masse principale des Républicains s'ebraniant renversa toutes ,
les positions de l'aile droite de ses ennemis près de Linnich. La
cavalerie allemande fi des efforts étonnans ; vingt pieces d'un
fort calibre ne cesserent de faire un feu terrible sur les assaillans
, mais rien ne put les arrêter ; ils recommençaient sans
cesse leurs attaques , et par cette opiniâtreté s'assurerent une
victoire décisive ; car les Allemands furent enfin forcés de céder
sur tous les points à la fois .
•
Dès le lendemain , les Républicains passent la Roër . Ils s'em--
parent des villes et des villages , et cernent Juliers . Il est impossible
de peindre l'abattement des chefs des Allemands , la
20
( 236 )
terrenr des habitans et le désespoir des soldats . Toute la cavalerie
a déja passé le Rhin à Cologne , et l'armée entiere la suit.
Ainsi , toute communication entre l'armée coalisée de la Mo.
selle et Luxembourg se trouve coupée , et déja les Français
'approchent de cette derniere place avec des forces imposantes.
La cour du stadthouder avait à peine appris la nouvelle du
siége du fort de Creve- Coeur qu'elle a reçu celle de sa reddition
. Cette place est jugée avec raison comme de la plus
haute importance . Sa situation à l'embouchure de la Dieste la
rend la clef des Ecluses , qui auraient pu servir à mettre scus
Peau Herzogenbusch . Ce seul point de communication ôté à
cette derniere place , elle se trouve maintenant cernée et sera
bientôt prise .
On s'occupe en général dans diverses parties de nos frontieres
d'élever des retranchemens . Le prince d'Orange est
arrivé ici en toute håte , et reparti sur-le- champ poor Nimegue ,
où est le quartier- général des Anglais . Loin de faire des préparatifs
pour se porter en avant , il est au contraire question
de la retraite de cette armée . Les Hessois et les Hanovriens
couvrent la Gueldre . On fortifie Bommeler-Vart , endroit par
lequel les Français pourraient plus facilement pénétrer dans
cette province. Mais on ne peut se dissimuler que la possession
du fort de Creve - Coeur ne leur ouvre plusieurs autres
passages. On sait aussi , par des lettres de Heusden , que
les Français , après avoir pris poste à Elshood et Harstedle ,
se sont portés en marche forcée sur Breda ; on parfait même
d'une forte canonnade entendue de ce côté. Le bruit court
aussi que l'escadre française qui a détruit la flotte hollandaise
venant d'Irlande , vient de tomber sur les bâtimens chargés
de harengs , dont elle a enlevé un grand nombre..
-
On est tellement irrité de la perte de Creve Coeur , que la
conduite du colonel Tieboel doit être examinée par un conseil
de guerre. Il est déja dans la prison du prévôt- général .
Les troupes du duc d'Yorck se sont permis par- tout de tels
excès ,,
que leur manque de discipline a excité les plus vives
réclamations. Ce prince a publié , dans les derniers jours de
septembre , un ordre général pour rappeler à leur devoir les
officiers aussi bien que les soldats , et l'on espero que les
principaux coupables seront séverement punis.
ANGLETERRE. De Londres , le 30 Septembre.
Le retour du roi avec sa famille , de Weymouth & Windsor,
qui a eu lieu le 27 au soir , a pensé devenir funeste à ce
prince , s'il faut en croire un bruit assez généralement répandu .
Peu s'en est fallu qu'il n'ait été assassiné ; au moins est - il certain
que le duc de Poriland a fait arrêter , samedi au soir ,
d'après des renseignemens , deux particuliers fortement soupcongés
d'en avoir conçu le projet . On les conduisit à huit
heures devant le conseil du cabinet , qui crut devoir s'ajour(
237 )
ner au lendemain matin à onze heures , pour examiner plus
amplement les prisonniers. En effet , ces individus furent con
duits le 28 devant le lord chancelier , le comte de Mansfield ,
le lord Grenville , etc. Le magistrat Fordt et les procureurs et
solliciteurs généraux les accompagnaient.
Les prévenus , nommés Higgins et Lemaître , devaient , à
ce qu'on assure , se rendre à Windsor pour assassiner le roi ;
les uns disent au spectacle , les autres à son passage sur la
terrasse au moyen d'un dard empoisonné , lancé par une
es.ece de fusil à vent , qui pouvait porter à la distance de
cent verges. Higgins , garçon apothicaire , s'était chargé d'em
poisonner le dard que devait lancer Lemaître , ouvrier en
boîtes de montre.
Hier 29 , le conseil s'est assemblé de nouveau et a fait arrê
ter le nommé Smith , des papiers duquel on s'est emparé.
On garde séparément et très -soigneusement ces trois individus
, qui ont été dénoncés par un certain Upton , leur com
plice des l'origine , mais que ses remords ont empêche de
poursuivre cette entreprise jusqu'à la fin il est aussi arrêté,
Le conseil s'assemble encore aujourd'hui , relativement
cette affaire .
:
Les nouvelles importantes que nous allons donner nous arrivant
dans l'instant même , nous n'avons pu les ranger sous les
titres qui leur conviennent : cependant nous n'avons pas voulu
en priver nos lecteurs , et nous avons préféré de les leur donner
par Post-scriptum.
TURQUIE. Des frontieres , 28 août . P. S. L'horton politique
se couvre chaque jour de nuages qui annoncent la tempête .
Déja la plus grande partie des Jannissaires qui se trouvaient à
Constantinople et dans les environs a reçu ordre de marcher
vers les bords du Danube . Cinq vaisseaux , dont l'un de 120
pieces de canon , et quatre de 74 sont sur les chantiers . On
construit encore une grande quantité de chaloupes canonnieres
. La réparation et l'approvisionnement des places frontieres
occupent une multitude de bras . On remarque que les
corps de canonniers se renforcent et s'exercent journellement ;
en un mot , il paraît que la Porte , abusée d'abord par les ministres
des puissances coalisées , sur la situation des choses en
Pologne , s'apprête à profiter des conjonctures actuelles pour se
tenger de l'ennemi commun.
De Vienne , le 20 octobre . Les lettres de Jassy annoncent que
tous les Jannissaires d'Europe ont reçu l'ordre de se tenir
prêts à marcher , et que le même ordre a été donné à ceux
d'Asie . Plusieurs personnes de notre ville viennent d'être ar-
Têtées ; parmi elles se trouve le conseiller de régence Gothardi.
12
· ITALIE . Ce 20 octobre. Le 26 septembre une division
d'environ 6000 Français est entrée dans la ville de Savone ,
d'où elle s'est rendue à Final .
( 238 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne . )
Séance du duodi , 2 Brumaire.
Le renouvellement du bureau a donné pour président ,
Prieur ( de la Marne ) , et pour secrétaires , Grassous , Goujon
et Guimberteau .
Guyton-Morveau a fait , au nom du comité de salut public
, un rapport sur les progrès des éleves de l'école de Mars
dans le camp de la plaine des Sablons . Il a suffi de moins
de quatre mois à ces enfans de la patrie , au nombre de 3500 ,
venus de tous les départemens , pour s'instruire dans tous les
geures d'exercices et d'évolutions militaires , dans les différentes
armes , et pour apprendre les premiers élémens de la
tactique. Leurs progres ont étonné les militaires les plus expérimentés
. Leur régime a été celui qui convient à des Républicains
, la frugalité et l'égalité , et leur conduite a répouda
au zele et aux connaissances de leurs instituteurs . A la suite
de ce rapport extrêmement intéressant , Guyton a proposé
et l'Assemblée a adopté le décret suivant :
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité de salut public , décrete ce qui suit
Art. 1. En conformité de l'article XI de la loi du 13
prairial dernier , le camp des Sablons sera levé , et les éleves
de l'école de Mars retourneront dans leurs foyers . Il leur sera
en conséquence délié , par le commissaire de Fecole , des
états de route, comme ils en ont eu pour venir à Paris , et avec
les mêmes précautions .
II. Les éleves remporteront les effets d'habillement et d'équipement
qui ont été à leur usage personnel pendant leur
séjour à l'école de Mars , ainsi que leur sabre ; ils eu conserveront
la propriété.
III . Les fusils , les piques , l'artillerie et tous les objets
qui en dépendent , les chevaux et leur équipement , enfin les
effets de campement , ustensiles , outils , fournitures , autres
que celles mentionnées à l'article précédent , seront retablis
dans les divers magasins nationaux d'où ils ont été tires .
" IV. Pour plus de facilité , l'évacuation du camp des Sablons
commencera à se faire par partie aussi - tôt après la notiḥcation
di présent décret , et de maniere que l'operation soit achevée
Le 15 brumaire présent mois.
( 239 )
Le comité de salut public est chargé de donner les ordres
nécessaires pour régler les dispositions de détail relatives à cet
objet , afin de prévenir tout abus et d'assurer la conservation des
établissemens da camp qui ne sont pas susceptibles de déplacement.
» V. Le comité de salut public est autorisé à placer dans
les armées de la République , ou employer dans d'autres fonc
tions , ceux des éleves et des instructeurs qui y seraient propres .
" Le Comité prendra en conséquence tous les renseigne
mens nécessaires pour faire ces placemens d'une maniere
convenable , suivant que les besoins de la République l'exigeront.
,, VI. Le comité militaire fera , le plus promptement pos
sible , un rapport sur les moyens d'établit pendant l'hiver , à
Paris , des cours publics pour perfectionner l'instruction sur
toutes les parties de l'art militaire , et sur celles du service des
commissaires des guerres .
" VII. Le comité d'agriculture proposera aussi incessamment
à la Convention un projet de décret pour faire faire à
un certain nombre d'enfans, pen fortunés l'apprentissage de
divers métiers , dont la nation payera les frais .
,, Les élevés de l'école de Mars pourront être admis à
cet avantage , suivant le mode qui sera prescrit , et s'ils
remplissent les conditions qui seront éxigées .
,, VIII . La Convention nationale déclare qu'elle est satisfaite
de la conduite des éleves de l'école de Mars et de leurs progrès
dans les différens genres d'instruction qui leur ont été donnés ,
ainsi que da zele des instructeurs et agens qui ont concouru
former cet établissement. **
" La Convention nationale attend des éleves de l'école de
Mars , qu'ils conserveront les vertus républicaines qu'on leur
a fait pratiquer , et que , par leur entier dévoûment à la patrie ,
ils s'acquitteront envers elle du bienfait qu'ils en ont reçu .
IX. Le présent décret et le rapport seront insérés au
bailetin de correspondance , imprimés et distribués ; il sera
remis un exemplaire à chacun des éleves , instructeurs et
auties officiers du camp , par les représentans du peuple près
l'école de Mars , qui certifieront à la suite qu'ils ont suivi les
exercices du camp depuis son établissement jusqu'à sa levée ,
" Cette attestation leur servira à faire entrer cet espace
de tems daus l'état de leur service dans les armées de la République.
",
Les représentans du peuple dans les départemens des
Bouches -du- Rhône , du Vard et de l'Ardêche , donnent les
détails les plus satisfaisans sur les situations actuelles des habitans
de Marseille . On se rallie à la Convention , et on y déteste
les scélérats qui voulaient les précipiter dans l'abyme .
Les sections de la Fontaine- de- Grenelle , des Sans- culottes ,
du Contrat- social et de la Fidélité , viennent assurer la Con
( 240 )
vention de leur dévouement à la représentation nationale et
anx principes qu'elle protesse. Meation honorable .
On fait lecture d'une lettre des représentans du peuple près
1 armée du Rhin , qui annoncent de nouveaux avantages ainsi
que la jonction de l'armée de la Moselle à celle du Rhiu .
Voyez Pieces officielles )
Merlin ( de Douai ) présente , au nom des trois comités ,
on projet de décret pour déterminer les cas , les formes où un
représentant du peuple pourrait être mis en jugement.
Penés présente un autre projet. L'assemblée ordonne l'impression
et l'ajournement de tous deux . Pour ne pas entrer
dans des répétitions , nous en ferens mention lorsque l'an ou
l'autre sera décrété .
Merlin de Thionville ) fait un rapport sur la mission de
Dubois - Crancé à Lyon . Il en résulte que les inculpations qui
avaient été faites à ce représentant du peuple par Couthon et
Robespierre , étaient absolument fausses , et l'assemblée déclare
que Dubois - Crancé à bien rempli sa mission près l'armée
des Alpes , et notamment à Lyon .
Plusieurs députés détenus obtiennent la permission d'aller
rétablir leur santé dans leur domicile .
Séance de tridi , 3 Brumaire.
Un membre fait , au nom du comité des décrets et archives ,
un rapport sur l'admission d'un suppléant du département
de l'Allier , nommé Chabot . Des difficultés s'élevent snr son
admission . On objecte que dans le procès -verbal d'élection
sous la date du 26 août 1792 , l'assemblée primaire avait donué
mandat formel à ses représentans de maintenir le pouvoir monarchique
en France . Un membre ajoute que dans l'assemblée
électorale de son département , ce suppléant avait développé
ses principes personnels , et qu'ils étaient conformes à ceux
exprimés dans le mandat. Après quelques débats la Convention
décrete que le suppléant Chabot du département de l'Allier
ne sera point admis dans son sein.
Clausel , au nom du comité de sûreté générale , demande le
rappel du représentant du peuple Dartigoyte . On demande le
motif du rappel. Goupilleau ( de Fontenai ) dit que c'est pare
que Dartigoyte , absent depuis très long- tems , dirige des
opérations publiques , quoiqu'il ne soit chargé d'ancue mission
par l'assemblée . La Convention ordonne son rappel .
Chaudron -Rousseau demande que les députes qui depuis
plus de trois mois sont en mission dans les départemens soient
rappellés dans le sein de la Convention . Pelet demande que
le comité de législation présente une loi contre les députés ,
qui , sans avoir une mission de la Convention , remplissent
dans les départemens des fonctions publiques .
Tallien appuie ces proposions . Nous ne pouvons nons
dissimuler , dit-il , qu'il est de certains hommes qui cherchent
( 241 )
se perpétuer dans l'exercice du pouvoir ; accoutumés , depuis
vingt mois , à exercer une dictature dans les départemens , ils
trouvent difficile de redevenir simples représentans dans le
sein de la Convention . Les lois que vous faites ici doivent être
également exécutées dans toute la Republique ; cependant
telle est la dictature partrelle qu'exercent quelques hommes ,
que l'exécution en est suspendue dans differens départemens
pour y substituer des arrêtés contraires. La représentation doit'
être une et non disséminée . C'est à la volonté générale que les
citoyens doivent obeir , et non quelques volontés particu
lieres . Le peuple est las du joug sous lequel des individus l'ont
fait plier. Faisons ici de bonnes tois ; que les vengeances
particulieres cessent ; faisons aimer les vertus et la justice , et
que les Français jonissent enfin da fruit de leurs sacrifices . "
Tallien demande que les comites de salut public , de sûreté
générale et de législation , soient chargé de proposer un projet
de loi , 1 °. sur la peine à infliger à ceux des reprefentans du
people qui , après le terme de leur mission expire , exercens
encore des fonctions ; 2 ° . sur les moyens de donner de l'uniformité
aux opérations des représentans du peuple envoyés
dans les départemens , et de reprimer les abus qui peuvent
résulter de l'exercice des pouvoirs illimites qui leur sont conférés
; 30, de déterminer les circonstances dans lesquelles il
convient d'employer ce grand moyen de salut públic ."
La Convention charge son comité d'examiner les proposi
tions de Tallien.
Lakanal , au nom du comité d'instruction , publique , présente
un projet de loi sur l'établissement a Paris , d'une école
centrale pour former des instituteurs . L'Assemblée en ordonne
l'impression et Fajournement.
Séance de quartidi , 4 Brumaire,
Une députation de la section du Panthéon - français vient féliciter
la Convention sur son adresse au peuple . Elle invite à
reporter son attention sur la loi du 17 septembre , afiu de luí
ôter tout ce qu'elle a de vague et d'arbitraire .
On demande la mention honorable et le renvoi aux comités
de législation et de sûreté générale . Clausel et Cambaceres s'y
opposent . Celui - ci observe que celle - ci a été rédigée en trèsgrande
connaissance de cause ; qu'il est vrai que les prejugés
et les liaisons connues de certains individus ont force de les
mettre dans la classe des gens suspects , mais que la Convention
a placé l'exception à côté de la regle , en disant que cette
loi ne serait pas applicable à ceux qui avaient donne des preuves
d'attachement à la révolution , et en laissant au comite de
sûreté générale la plus grande latitude pour prévenir les abus . Les
décrets que la Convention a rendu sdepuis le 9 thermidor doivent
calaner toutes les inquiétudes sur l'arbitraire . Il
peuple sache que pour son salut la Convention faut que le
Tome XII.
ne permettra
&
L
242
jamais que la révolution rétrograde ; il demande l'ordre du jour
sur le renvoi aux cemités. dadding Adopté.
D'Artigoyte dénonce dans une lettre quelques intrigans qui
se sont mis à la tête de la société populaire de Toulouse , qui
vexent et calomnient les citoyens les plus probes , et insultent
aux représentans du peuple. Clausel , Cavaignac , Chaudron-
Rousseau et plusieurs membres articulent des faits graves contre
ces partisans de la tyrannie de Robespierre qui ont eu l'audace
d'entraver les arrêtés du comité de sûreté générale , et de les
faire discuter dans la société populaire . Ils correspondent avee
toutes les sociétés du Midi qu'ils égarent. Ces intrigans sont ,
Artaud , directeur des postes , qui avait été traduit à Paris ,
et qui a été élargi , on ne sait comment ; Desbarreaux - Gerville
( comédien ) et Bélas , secrétaire du district. Ils demandent
contre eux le décret d'arrestation. La Convention le prononce
.
Richard , au nom du comité de salut public , fait part de
nouveaux succès de l'armée du Rhin et de celle du Nord .
( Voyez Pieces officielles. ) Il annonce es même tems 18 nouvelles
prises faites sur les Anglais , les Espagnols et les Hollandais
, et 19 bâtimens coulés bas . Parmi ces prises se trouve
un bâtiment espagnol , ayant à son bord 10,632 piastres et
10,000 liv. en assignats , et un navire anglais sur lequel il y
avait 1563 liv . portugaises , 138 marc de poudre d'or , et plusieurs
autres cargaisous richement chargées .
On reprend la suite de la discussion sur la loi concernant
les émigrés.
Eschasseriaux l'aîné présente , au nom du comité de salut
public , un rapport et un projet de décret sur les moyens de
restreindre et de régulariser les requisitions. L'Assemblée en
erdonne l'impression et l'ajournement.
Séance de quintidi , 5 Brumaire .
Dans une foule d'adresses on félicite la Convention sur ses
principes et son énergie ; on y jure haine aux intrigans , et on
invite la Convention à ne pas souffrir que quelques scélérats
aient l'audace d'usurper l'autorité que le peuple, a déléguée à
elle seule . Le peuple , entr'autre de Dijon , désavoue l'adresse
liberticide qu'on avait colportée sous le nom de la société
populaire cette société invite elle -même la Convention à
bannir la terreur. Voici la profession de foi de tous les habitans
dé cette commune .
7
Nous soutiendrons la Convention au péril de la vie . Elle
doit faire la loi , la faire par sa majorité ou son ensemble
et cinq à six individus n'ont pas le droit de substituer leur
yolonté à la sienne. Nous ne reconnaitrons aucune puissance
ivale ; nous maintiendrons l'exécution des lois le peuple
parlera en masse ou en majorité , et quelques individus ne
seront pas la commune de Dijon. 27 Insertion an Bulletin .
La Convention accorde à plusieurs dépatés détenus la faculté
d'alier rétablir leur santé dans leur maison .
La barre s'ouvre aux pétitionnaires Plusieurs font hommage
des productions de leur art ou de leurs talens .
Richard annonce de nouvelles victoires et la prise de plusieurs
villes par l'armée du Rhin et celle du Nord . | Veyez
Nouvelles officielles . )
Pendant que nos armées , dit Merlin ( de Thionville ) poursuivent
les satellites des tyrans , le comité de sûreté générale
fait la guerre aux intrigans et aux fripons ; il avait ordonné
l'incarcération du nommé Baboeuf , qui , condamné précédemment
à 4 aus de fers , s'est soustrait à un mandat d'arrêt du
comité de sûreté générale . Cet homme a trouvé refuge dans le
club électoral , auquel il a fait passer un discours plus séditieux
que celui qu'il y avait précédemment prononcé .
La société a pris un arrêté en nom collectif qui en ordonne
l'impression . En vertu du décret qui donne à la Convention
la police des sociétés populaires , le comité a fait arrêter le
président , les deux secrétaires et apposer les scellés sur les
papiers de la société. ( Applaudissemens . )
Tallien ,, par motion d'ordre , appelle l'attention de l'Assemblée
sur le décret qui avait mis hors de la loi la commission
de Bordeaux . La plupart des membres de cette commission
sont tombés sous le glaive de là lòi ; mais par le
second article de ce décret , la même peine était portée contre
quiconque avait servi les projets de cette commission ou obéi
à ses ordres . Il en résulte qu'une foule de malheureux , qui
n'ont été qu'égarés , se trouvent sous la proscription . Comme
Paris , Bordeaux a eu son Dumas et son Coffinhal . Un Lacombe
a fait guillotiner plus de 400 de ces victimes de l'erreur.
Il demande le rapport de cette partie du décret , et le
renvoi de sa proposition aux trois comités pour en faire leur
rapport. Adopté. )
Un autre membre observe que beaucoup de citoyens , sachant
que paraître devant le tribunal de Robespierre c'était
porter sa tête sous le coutean assassin , se sont soustraits à
des mandats d'arrêt , et out été mis hors la loi sur un rapport
de Saint-Just . Il demande que la situation de ces infor
tunés et les mesures à prendre sur leur compte soient l'objec
d'un rapport des trois comités réunis . ( Décreté . )
Dubois - Crancé rappelle la proposition qu'il a faite , il y a
un mois , pour organiser enfin dans les prisons une police
telle qu'on ne vienne plus dire qu'il y existe des conspirations
.
Un membre instruit l'Assemblée qu'ayant fait plusieurs
fois des reproches au général d'Auican de ce qu'il se taisait
sur les événemens de la Vendée , dont il avait été le témoin ;
ce général vient de lui écrire une lettre dont il le somme de
donner lecture à la Convention .
Q. *
apres avoir cité les dangers que lui a fait
courir sa franchise , s'engage à prouver qu'on a massacré des
vieillards dans leur lit , des enfans sur le sein de leur mere ,
guillotine des femmes enceintes , d'autres au moment de leurs
coaches , noyé et fusillé , non seulement à Nantes , mais à
30 lieues en remontant la Loire . Il offre de nommer les
hommes qui ont fait brfiler d'immenses magasins de subsistances
et d'objets nécessaires , tandis que l'armée était dans
le dénuement le plus affreux ; il jure qu'il fera voir clairement
que les hommes qui sont aujourd'hui philantropes ,
étaient alors des monstres sanguinaires .
Levasseur dit que ce d'Anican qui se vante d'avoir sauvé
Angers , s'est mis au contraire dans son lit pendant le siège
de cette ville sous le prétexte d'us mal de jambe : comme je
suis chirurgien , dit-il , et que je me connais à ces sortes de
maux , j'ai visité cette jambe , et je ne l'ai point trouvée
malade .
Merlin ( de Thionville ) ignore si ce fait est vrai , mais il
assure qu'il a combattu dans la Vendée à côté de d'Anican ,
et qu'il l'a toujours vn se battre en brave homme."
Le fait avancé par Levasseur , dit Dubois- Crancé , n'est pas
exact ; car d'Anican , au lieu de se faire porter dans son lit ,.
s'est fait porter sur le rempart.
La lettre est renvoyée aux trois comités , ainsi que l'assertion
d'un membre qui assure que le général Carpentier reçut
un ordre de Tureau , de déclarer en état de rébellion la ville
des Sables d'Olonne et d'y mettre le feu.
Séance de sextidi , 6 Brumaire.
Delmas annonce la prise de Coblentz , de Cleves et de
Gueldres , par deux divisions de l'armée de Sambre et Meuse..
( Voyez pieces officielles . ) Ces nouvelles , ajoute Delmas , sont
la meilleure réponse à faire à ceux qui disent dans certaines
assemblées que le gouvernement veut faire rétrograder les armées
sur nos places de premiere ligne , pour faire ensuite la
paix. On voit que ni les armées , ni ceux qui les dirigent ,
ne sont dans cette confidence .
Sur la proposition du comité de salut public , Merlin ( de)
Thionville ) se rendra sur- le - champ à l'armée du Rhin et de
la Moselle.
Merlin ( de Douai ) , avant de soumettre à la discussion le
projet de loi relatif au mode d'accusation des représentans du
peuple , soumet quelques réflexions qui décident l'Assemblée"
a rejetter le projet qui avait été présenté par Peyrès , pour
accorder la priorité à celui des comités .
Raffron obtient la parole pour une motion d'ordre Depuis
plusieurs jours , dit- il , et certes depuis long- tems le tribunal
révolutionnaire vous a fait connaitre que l'instruction"
dans l'affaire de Nantes se trouvait arrêtée par des déclarations
1
( 45 )
qui exigent que notre collegue Garrier intervienne dans les
débats. Mille bouches déposent contre lui ; les témoins , les
accusés , les coupables même le chargent . A- t -il commis où
non les horreurs dont on l'accuse ? voilà la question ; les comités
doivent avoir reçu des renseignemens et des pieces qui
éclairciront sa conduite ; il ne s'agit que de les lire. Le peuple
indignement outrage demande justice contre les coupables . Le
tems n'est plus où l'on présentait les plus affreuses atrocités
comme des formes acerbes , et où l'on associait les laurierà de
Fleurus aux actes tyranniques de Lebon . Raffron conclut
en demandant que , séance tenante , les comités fassent leur
rapport sur Lebon et Carrier.
Plusieurs membres observent qu'avant de faire droit à la
motion d'ordre de Raffron , l'Assemblée s'occupe des mesures
générales contenues dans le projet de décret des comités .
Merlin fait lecture du 1er . article , ainsi conçu :
Toute dénonciation contre un représentant du peuple sera
portée ou renvoyée devant les comités de salut publie , de
sûreté générale et de législation . "
Cet article est décrété .
Le second porte : Si les trois comités pensent qu'il doit
être donné suite à la dénonciation , ils déclateront à la Convention
qu'il y a lieu à examen . ››
Un membre pense que les comités doivent déclarer également
s'il n'y a pas lieu à examen , parce qu'il ne faut pas laisser
planer le soupçon sur un représentant .
Goupilleau observe que si l'on adopte cet amendement , on
pourra venir dénoncer pendant six mois tous les représentans ,
et que la Convention n'aurait autre chose à faire qu'à écouter
des dénonciations.
อ
Duhem pense qu'avant d'examiner la conduite du dénoncé ,
il faut examiner la moralité du dénonciateur . « Les hommes
de la révolution , dit- il , ont pour ennemis tous les ennemis
de la liberté . Les représentans en mission sont tous dénoncés .
et par qui ? par ceux- mêmes qu'ils ont poursuivis et punis ;
je voudrais bien voir les gardes - du - corps du 5 octobre dénoncer
les héroïnes de cette journée ; je voudrais bien voir aussi
les chevaliers du poignard dénoncer les fondateurs de la liberté ;
je voudrais bien voir le gouverneur de la Bastille dénoncer
ceux qui l'ont prise ; les Charrettes et les brigands de la Vendée
dénoncer ceux qui ont mis fin à cette guerre ....... Plusieurs
voix : Et Carrier ..... Duhem reprend que l'on cherche à calomnier
la Convention ; il demande une isi contre les calomniateurs
.
Bourdon ( de l'Oise ) propose par amenendement que le faux
dénonciateur soit renvoyé au tribunal révolutionnaire.
Thuriot , Guyomard et Pelet combattent l'amendement , et
Boutiennent que jamais la justice n'avilira la Convention natio
nale . Le second article est décrété
Q 3
( 246 )
Daham et Bourdon insistent pour leur amendement ; la dis
cussion se rouvre . Pelet et Tallien font sentir que le mode gé
nérique de ces propositions ne saurait être adopté sans examen
, et qu'il convient de renvoyer aux trois comités pour
bien déterminer ce que c'est que faux dénonciateur et calomniateur.
Le renvoi est ordonné , et l'article adopté . La suite da
projet de décret sera reprise dans la prochaine séance .
PARIS , 9 Brumaire , l'an 3. de la République.
La plupart des députés qui étaient détenus sont actuellement
en liberté ; ils ont obtenu la permission d'aller rétablir
leur santé. On a beaucoup parlé de l'acte qui a servi de motif.
à leur détention , et jusqu'à présent il était resté inconnu.
Les comités viennent de le rendre public . Chacun peut maintenant
le juger.
Déclaration des soixanté - onze députés , du 6 juin 1793.
Les représentans du peuple français , soussignés ,
Considérant qu'an milieu des évenemens qui provoquent
l'indignation de la République entiere , ils ne peuvent garder
le silence sur les attentats commis envers la représentation
nationale , sans s'accuser eux-mêmes de la plus honteuse faiblesse
ou d'une complicité encore plus criminelle ;
Considérant que les mêmes conspirateurs qui , depuis l'époque
où la République a été proclamče , n'ont cessé d'attaquer
la représentation nationale , viennent enfin de consommer
leurs forfaits , en violant la majesté du peuple dans la personne
de ses représentans , en dispersant ou enchaînant quelques-
uns d'entre eux , et en courbant les autres sous le joug
de cette audacieuse tyrannie ;
Considéraut que les chefs de cette faction , enhardis par
une longue impunité , forts de leur audace et du nombre de
leurs complices , se sont emparés de toutes les branches de
la puissance exécutive , des trésors , des moyens de défense
et des ressources de la nation , dont ils disposent à leur gré
et qu'ils tournent conrre elle ;
Qu'ils ont à leurs ordres les chefs de la force armée et
les autorités constituées de Paris ; que la majorité des habitans
de cette ville , intimidée par les excès d'une faction que
la loi ne peut atteindre , effrayée par les proscriptions dont
elle est menacée sans cesse , non seulement ne peut pas réprimer
les manoeuvres des conspirateurs , mais que souvent
même , par respect pour la loi qui commande l'obéissance
( 247 T
aux autorités constituées , elle se voit forcée de concourir en
quelque sorte à l'exécution de leurs complots 3
Considérant que telle est l'oppression sous laquelle gémit
la Convention nationale , qu'aucun de ses décrets ne peut
être exécuté , s'il n'est approuvé ou dicté par les chefs de
cette faction ; que les conspirateurs se sont constitués par le
fait les seuls organes de la volonté générale , et qu'ils ont
fendu les restes de la représentation nationale l'instrument
passif de leur volonté ;
et
Considérant que la Convention nationale , après avoir été
forcée d'investir d'une autorité illimitée les commissaires
qu'elle a envoyés dans les départemens et aux armées ,
que cette faction a exclusivement désignés , n'a pu réprimer
les actes arbitraires qu'ils se sont permis , ni même formellement
improuver les maximes incendiaires et désorganisatrices
que la plupart d'entr'eux ont propagées ;
Considerant que non seulement la Convention nationale
n'a pu faire poursuivre ni les dilapidateurs de la fortune publique
, ni les scélérats qui ont commandé des assassinats et
des pillages , mais encore que les conspirateurs , après avoir
vu leurs projets échouer dans la nuit da 10 au 11 mars , en
ont repris l'exécution avec plns de forces à l'époque des 20 ,
21 , 27 et 31 mai , 1 et 2 juin derniers ;
Qu'à cette derniere époque on a fait battre la générale ,
sonné le tocsin et tirer le canon d'alarme ; que les barrieres
de la ville ont été fermées , toutes les communications interceptées
, le secret des lettres violé , la salle de la Convention
bloquée par une force armée de plus de 60,000 hommes ;
qu'une artillerie formidable a été placée à toute les avenues
du palais National ; qu'on y a établi des grils pour le service.
des canons , chauffer des boalets et former tous les prépa
ratifs d'ou assant ;
•
Que des bataillons destinés pour la Vendée , et retenus à
dessein dans les environs de Paris , se trouverent au nombre
des assiégeans ; que des satellites dévoués aux conjurés , et
préparés à l'exécution de leurs sanguinaires complots , occuperent
les postes les plus importans et les issues de la salle
qu'ils furent ouvertement récompensés de leur zele par des
distributions de vivres et d'argent ;
Qu'au moment où la Convention nationale se présenta en
corps aux avenues du palais pour enjoindre à la forée armée.
de se retirer , le commandant . investi par les conjurés de la
plus insolente dictature , osa demander que les députés pros-.
crits fussent livrés à la vengeance du peuple ; et que , sur le
refus de la Conventton , il eut l'atroce impudence de erier
aux armes , et de faire mettre en péril la vie des représentans
du peuple Français ;
Considérant enfia que c'est par des manoeuvres de cette
nature qu'on est parvenu à arracher à la Convention , ou plu
Q4
( 248 )
tôt à la sixieme partie des membres qui la composent , un
décret qui prononce l'arrestation arbitraire qui enleve à leurs
fonctions , saus accusation , sans preuve , sans discussion ,
au mépris de toutes les formes , et par la violation la plus
criminelle du droit des gens et de la souverainete nationale ,
trente - deux représentans désigués et proscrits par les conspirateurs
eux - mêmes ;
Déclarent à leurs commettans aux citoyens de tous les
départemens , au peuple Français , dont les droits et la souveraineté
ont été aussi audacieusement violės , que depuis
Tinstant où l'intégrité de la représentation a été rompue par
un acte de violence , dont l'histoire des nations n'avait pas
encore offert d'exemple , ils n'ont pû ni dû prendre part aux
délibérations de l'Assemblée ;
Que réduits , par les circonstances malheureuses qui les
entourent , à l'impossibilité d'opposer , par leurs efforts individuels
, le moindre obstacle anx succes des conspirateurs
ils ne peuvent que dénoncer à la Republique entiere les
scenes odieuses dont ils ont tous été les témoins et les victimes.
A Paris , le 6 juin , l'an second de la République Française .
Signés , Lauze Duperret , Ig . Cazeneuve , Laplaigne , Chasselin ,
Girault , Dugue- Dassé , Rouault , Dufaulx , Lebreton , Defermon;
Couppé , J. P. Saurine , Queinée , Salmon , Lacaze
aîné , V. F. Corbel , J. Ovitter , Ferroux , ayaut déja protesté
le 2 de ce mois dans la Convention ; J. A. Rabaut, Fayolle ,
Derazey , Rubereau , F. Aubry , Bailleul , Ruault , Obelin ,
Babey , C. A. A. Blade , Maisse , Peyre , Bohan , H. Eleury ,
Vernier , Grenot , Jary , Amyon , ayant déja protesté le 2 de
ce mois dans la salle de la Convention ; Laurenceot , Laurencel ,
Serre , Saladan , Chassel , Vallée , Mercier , Mazuyer , Royer,
Duprat , Lefebvre , Olivier - Gérente , Garilhe , Varlet , Dubuse
, Savarry , Delamarre , Dalray Doublay . A Paris , ce ,
19 juin , audit an , P. Delleville , Blangni , Massa , Faure ,
Hecquel , B. Descamps , Lefebvre , Dannou , Perrier , ayant
déja protesté lé 2 de ce mois dans la salle de la Convention ;
Blaux , Stradens , Bresson , Marbet , Rouzet , ayant déja protesté
le 2 de ce mois ; Tournier , ayant deja protesté le 2 de
ce mois dans la salle de la Convention ; Vincent , Blavier ,
ayant déja protesté le 2 de ce mois ; Moysset , Saint - Prix et
Gamon.
Certifié conforme à l'original . A Paris , ce 1ee , brumaire ,
l'an 3. de la République Française , une et indivisible .
Les membres composant le comité de sûreté générale de la
Convention nationale .
Signés , CLAUZEL , président ;
MONMAYOU , LEVASSEUR ( de la Meurthe ) , secrétaires.
6
( 249 )
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DU RHIN ET DE LA MOSELLE.
Neustadt , quartier-général , le 26 vendémiaire , l'an trois.
Le 16 vendémiaire , le drapean dont la République a récompensé
le courage de nos freres d'armes , leur a été présenté
dans la plaine de Montbac. Ils ont tous juré , sous ce signe
glorieux, la mort des tyranset de leurs esclaves . Ils ont tous juré
l'attachement et le dévouement le plus entier à la République ,
une et indivisible , et nous avons de snite marché à l'ennemi.
Le comité de salur public a dû vous dire déja que le lendemain
nous lui tuâmes de 3 à 400 cavaliers et chevaux . Nous lui
primes 50 à 60 hussards , autant de chevaux de selle , et 48
chevaux de trait . Nous enlevâmes la ville de Franckental de
viye force , et nous arrêtâmes le courier de Mayence , chargé
de dépêches les plus importantes que nous avons transmis au
comité de salut public . Le lendemain , nous tuâmes de 25 à 30
chevaux dans une reconnaissance , et nous prîmes Sechelles ,
Odembach , la ville de Volsheim et tout le pays adjacent. Le
lendemain , l'armée de la Moselle et celle du Rhin ont opéré
leur joncion à Lautrec , où nous nous réunîmes les représen
tans avec les généraux en chef de l'armée , pour combiner la
marche des deux armées .
,, Le 23 , nous nous sommes emparés des villes d'Auterberg ,
Rouquenhausem , Cousberg , Alzeim et Oberhouse.
, Le 94 , des villes de Gelheim et Grunstadt .
L'armée de la Moselle , avec laquelle nous agissions de
concert , prenait en même Trarbach , Bercastel , Birkenfeld ,
Oberstein , Kirn , Meisenheim , et marche sur Creutzaach .
Demain sans doute nous ajouterons à nos conquêtes Phidelcheio
, Leiselhem , Phedersheim et la ville de Worms ,
" Ceux qui jetteront un regard sur la carte seront peut- être
étonnés qu'en 7 jours de tems nous nous soyons emparé d'une
si vaste étendue de pays , des positions les plus formidables ,
avec le plus mauvais tus possible . Nous poursuivons nos efforts ,
communs avec la même audace , et ce sera par des conquêtes
encore plus importantes que l'armée du Rhin saura prouver la
reconnaissance que lui inspire le témoignage de satisfaction publique
que la Convention a donné au nom de la patrie . ,,
Signé , FERRAND , neveu .
Worms , 27 vendémiaire , 7 heures du soir.
Frankental a été pris hier 26 , et nous sommes entrés ce
soir à 6 heures dans la jolie ville épiscopale de l'évêque de
( 250 )
Worms. On cât dit que le digne prélat avait conjuré contre
nous tous les élémens , la pluie , la grêle ; nos chevaux s'enfonçant
dans les engrais , toutes les routes inondées .
" Mais le génie de la République avait conjuré aussi de son
côté le courage et le mépris de tous les dangers . Nos troupes
ont été reçues , à 6 heures , comme des libérateurs . Les habitans
se sont empressés de venir au- devant de leurs besoins , en
leur procurant tous les comestibles qu'ils pouvaient desirer , en
les accueillant avec cordialité . A Worms , il paraît qu'ils seront
également bien traités . Je n'y suis que depuis une demi- heure .
Signé , FERRAND .
L'armée du Nord s'est emparé du fort St. -André , situé an
confluent du Vaalh et de la Meuse .
Eingen , 29 vendémiaire.
L'armée de la Moselle vient de porter , des rives de la
Sare , sur celles du Rhin , le drapeau tricolor que la Convention
nationale lui envoya dernierement. Nous venons de le
promener au sein de la ville de Bingen , qui nous a ouvert ses
portes il n'y a qu'un instant , après que nous en avons cu
chassé l'ennemi avec quelques coups de canon et une courte
fusillade. Il avait cependant , nous a - t- on dit , dans ce pays ,
juré de nons vendre cher cette place importante par sa position
et celles qui l'entourent , et par les deux communications de
Mayence et de Coblentz . Recevez des clefs de la ville de Bingen ,
dont les habitans nous ont reçu avec de grands témoignages de
joie et de satisfaction . Il nous faudrait des pages d'écriture, si je
voulais vous rendre compte du courage et du bon esprit des
troupes et de tous les temoignages avantageux qui leur sont dus.
Quand elles sont dans un lieu , on les entend crier Allons
dans celui plus avant.
Signé, BOURBOTTI , représentant du peuple.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
Au quartier général à Cologne , le 3 Brumaire.
Aussi- tôt que votre collegue Gillet m'eut communiqué
que vous desiriez que l'armée de Sambre et Mense dérigeât
des troupes sur Coblentz , j'ai donné ordre au général Marceau
de partir avec la division qu'il commande pour marcher
sur cette ville. Ce général est arrivé le 1er. brumaire , à Andernach
, il y a rencontré les hussards ennemis et il les
a chargés vigoureusement ; plusieurs ont été tués , et 50 bien
accoutrés et équipés ont été faits prisonniers. Nous avons
eu 3 hommes de tués ou égarés dans cette affaire . Le général
Marceau a continué sa marche et s'est rendu hier dévant
Coblentz ; il a trouvé l'ennemi retranché daus les positions
avantageuses , en avant de cette ville , il l'a attaqué
vigoureusement , les redoutes ont été enlevées de vive force
( 251 )
per l'infanterie et tournées par la cavalerie ; enfin l'ennemi a
été forcé de passer le Rhin et de laisser au pouvoir des roupes
de la République la ville de Coblentz. L'étendard tricolor
Botte maintenant sur les murs d'une ville , jadis le repaire
des déserteurs de la patrie , qui avait pris pour devise : L'honneur
est à Coblentz . Oui , sans doute , c'était là qu'on devait
trouver l'honneur ; mais il appartient aux soldats fideles de
la cause de la liberté et non à de vils émigrés . Je ne peux pas
vous donner dans ce moment des détails circonstanciés sur
cette affaire , parce que le général Marceau n'a pas eu le
teme de me les faire passer , je vous les enverrai aussi-tôt que
je les aurai reçus .
Je vous préviens que l'aile gauche de l'armée occupe la
ville de Cléves , et correspond par ce moyen , avec l'armée
du Nord .
Salut et fraternité .
Signé JOURDAN , commandant en chef.
ARMÉI DU NORD.
Bulletin télégraphique du 4 brumaire , depuis 4 heures et demie jusqu'à
5 heures 20 minutes.
{ Transmission de Lille , composée sur le vocabulaire de l'ingénieur . )
Hultz , Saas - de - Gand , Philippine et Axel sont au pouvoir
de la République depuis le 2 de ce mois ; un seul Français a
été blessé dangereusement. 19
Signé , GHAPPE , ingénieur- télégraphe.
Une lettre de Briés , représentant du peuple à Bruxelles
en date du 2 brumaire , confirmée par d'autres dépêches , nous
annonce que , le 29 vendémiaire , l'armée du Nord a batte les
débris de l'armée anglaise et hollandaise au - delà de la Meuse ,
du côté de Houtemer . Sept cents prisonniers , quatre pieces de
canon et un drapeau , sont les fruits actuels de cette victoire . „
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes , du 26.
On a donné lecture de deux ordres signés de Carrier. Le
premier enjoint au citoyen Phelippe de faire éxécuter , sans
jugemens 24 brigands , et un autre d'en faire éxécuter de
même 27 , et dans la liste se trouve des femmes et des
enfans .
On a aussi lu un procès verbal de Phelippe , président
du tribunal , où les ordres de Carrier et le jugement sont
consignés.
Il a cité une affiche imprimée du comité , qui ordonnait
aux citoyens qui avaient reçu des enfans des brigands , de
( 252 )
les remettre , sous peine d'être regardés comme suspects , et
ces enfans furent noyés.
Phelippe a été de suite entendu en ses dépositions ; il a
articule des faits contre Carrier dont quelques- uns ont paru
vagues . Le président l'a invité à se renfermer dans les faits
qui pouvaient regarder les accusés .
•
Phelippe a reproché des faits graves , des vols et des
exactions aux accusés. Le president les a interrogés sur ces
faits , dont quelques - uns out eté nies , d'autres expliqués
d'autres avoués . Il est résulté des débats de cette séance ,
que Leroy et Garnier , échappés à une noyade , furent mis
au secret , pour qu'ils ne révélassent point aux autres prisonniers
ce qui s'était passé , et Gonlin a assuré qu'ils n'avaient
pas été noyés , puisqu'ils étaient à Paris . Il a dé
plus été avoué que deux ou trois gabarres servant aux
noyades ont été achetés par Lamberty et payées par le comité
; que Carrier avait dit en secret à Goulin que tout
était arraugé pour l'expédition ; que la compagnie - Maiat fut
mandee ; que plusieurs membres du comité s'y trouverent ,
comme surveillans , ont- ils dit ; que les prisonniers furent
mis dans le bateau à 4 heures du matin ; que Lamberty avait
promis de se charger de cette expédition , et qu'en son absence
elle fut effectuée ,
Bologniel s'est expliqué franchement sur plusieurs faits .
Tous les accusés ont nié avoir connaissance des sabrades
d'une foule de brigands qui furent massacrés sur la place du
département , quoique le comité révolutionnaire tint ses
séances dans l'une des salles du département ; mais plusieurs
ont avoué que Hubert qui était dans les prisons où l'on
prétendait qu'il existait des conspirations , qui était regardé
comme un voleur , et qui avait fourni les listes des détenus
qui ont été noyés , avait été envoyé sur un vaisseau
pour servir dans la marine , en récompense , sans doute ,
des services signalés qu'il avait rendus .
On a peut- être oublié , non ; car on se rappelle très -bien
que sous la tyrannie de Robespierre , il y avait dans les maisons
d'arrêt de Paris , certains iudividus qui ont prétendu
qu'il y avait existé , et qu'il y existait encore alors des
conspirations ; ils déposerent de ces faits , et le tribunal du
dernier tyran envoya à l'échafaud une foule de citoyens de
tout âge , de tout sexe , de tout état , prévenus de différen's
délits et détenus à Eicêtre , au Luxembourg , à St. - Lazare
et à la Force.
Du 27. Phelippe a encore fait des déclarations dans cette affaire :
le comité révolutionnaire , a- t-il dit , envoyait à la commission
militaire , pour y être jugés , des brigands qui n'avaient
pas été pris les armes à la main . Les biens de ces condamnés
ont été séquestrés , et leurs parens ne peuvent en
( 253 )
jouir . Il m'est revenu qu'on les taisait passer pour des émigrés .
Ces commissions militaires jugaient même des femmes.
Goullin m'a reproche d'avoir , lorsque j'étais au , tribunal ,
la conscience trop timoree , me disant que l'on devait incure
sous le rasoir national certaines personnes sur l'étiquette du
sac . Anterieurement à la loi du 14 frimaire , le comité
pouvait mettre en liberté les detenus . A cette époque
j'entendis dire à Chaux : Si cette loi 'avait as
portée , nous aurions fait passer en prison tous les bis
de Nantes les uns après les autres , pour y faire un seminaire
d'une décade , plus ou moins ; ils en auraient mieux
valu . "
Le citoyen Debourgues doit deposer que s'étant adressé à
Carrier pour une compétence , il lui répondit : la guillotine ,
toujours la guillotine . Quoique j'eusse defendu que la guillo
tine fût constamment levee , Carrier ordonna qu'elle le fûr
toujours. J'ai entendu dire , a- t il ajouté , que Carrier avair
fait noyer trois belles femmes , qui avaient été prises , je crois ,
à la Vendée , et avec lesquelles il avait couche . Le prési lent
a observe à Phelippe qu'il poussait trop loin ses observations
et ses inquiétudes ; il l'a invité à citer des faits sur les accusés
.
Un des jurés a observé que la défense des accusés portait
sur des circonstances impérieuses dans lesquelles les accusés
disaient s'être trouves . Phelippe a été interpelle de déclarer
quel etait alors l'état de la ville de Nantes ; il a reptiqué que
lesbrigands n'etaient pas menaçans à cette époque ; que la
ille était tranquille , et que l'on avait tout fait pour faire révolter
le peuple.
3
On a deinaudé ensuite à Phelippe s'il avait connaissanee
que quelque autorité constituée eût fait une proclamation aux
brigands , pour les engager à venir à récipiscence , et leur faire
pressentir qu'il y aurait une amnistie. Il a répondu qu'il le
royait , mais qu'il n'en était pas sûr ; que Merlin s'était conduit
dans ce pays d'une maniere à le faire desirer , et à ramener
la paix et la tranquillité.
Aux reproches de Phelippe , Goullin répond qu'il a seule
ment dit que Phelippe avait un bras de fer pour les petis délits ,
andis qu'il acquittait les aristocrates .
Chaux affirme qu'il n'a pas parlé de séminaire ; il a dit que
helippe en a imposé , qu'il n'a cité que des faits vagues , qu'il
est plaint d'avoir été emprisonné par le comité , dans le tems
ue le comité lui -même était dans les fers .
René Nau , ci - devant armateur , quartier- maître de la comaguie
Marat à Nantes , a été ensuite entendu ; il a été témoin
une noyade qui eut lieu dans la nuit de 24 an 25 frimaire ;
es membres du comité adresserent une lettre au capitaine
eury elle lui enjoignait de faire transporrer la compagnie
arat au vestibule du département , d'où elle se rendit à
:
( 254 )
Buffay. Les prisonniers furent appellés à 10 heures da soir
par Goullin qui tenait la liste ; Mainguet et un autre y étaient ,
il conduisit deux fois des prisonniers au quai Robin : ils se
plaignaient en chemin , on leur dit qu'on les menait à Belle-
Isle on les déposa au corps - de garde de la machine : les détenus
murmuraient à la geole du Buffay , c'étaient des hommes
de 25 à 40 ans ; il a vu une gabarre échouée qu'on lui a dit avoir
servi à des noyades ; il a ajouté qu'il avait appris que Lamberty
avait une galiote à soupape . Goullin lui donne un ordre pour
faire passer sa gabarre au port de la Pêcherie.
: Grand- Maison se trouva sur la gabarre ; il porta ensuite
l'ordre au corsaire en station au milieu de la Loire ; en remettant
le billet , il entendit les prisonniers qui offraient leur
argent à Grand-Maison qui leur dit de le porter à Charette ;
le bateau qui l'avait conduit à la gabarre reçut ceux qui y
avaient conduit les prisonniers et les mit à terre. Des charpen-
Liess armés de haches étaient sur des batelets ; les prisonniers
furent submergés. Après plusieurs interpellations qui lui ont
été faites , il a été mis an rang des accusés , comme prévenu
d'avoir participé , de son aveu , à l'expédition de la noyade
de la nuit du 24 au 25 ; d'avoir commis des infidélités dans
ses fonctions , d'avoir exercé des actes arbitraires , etc. etc.
9
66
1
Du 28. Julien le Roy , âgé de 29 ans né à Montoire , marchand
de veaux , condamné par jugement depuis deux ans
à quatre ans de détention , pour avoir vendu un cheval qui
ne lui appartenait pas , a été entendu comme témoin. J'étais ,
a - t- il dit , dans les prisons du Buffay , à l'époque où des
membres du comité révolutionnaire et la compagnie de Marac
s'y transporterent pour effectuer la noyade qui eut lieu dans
la nuit du 24 au 25 frimaire . Ils arriverent vers dix heures
du soir au Buffay ; ils étaient armés de sabres et de pistolets
et ils tenaient des listes. On nous fit tous lever , et on nous
ordonna de faire nos paquets on nous fit entrer deux à deux
dans la geole ; là , on nous attacha les mains derriere le dos ;
nos paquets resterent à la geole , on nous dit qu'on nous les
ferait tenir le lendemain . On nous laissa nos habits , mais on
en enleva aux prisonniers leur porte - feuille , leurs boucles
d'argent,leur montre, ete . Attachés ensemble au nombre de 18 ,
on nous conduisit au corps- de - garde de la machine : nous
croyious que nous serions fasilles.
Quelques uns de nos conducteurs nous dirent qu'on nou
conduisait à Belle - Isle . L'un d'eux avait une hache sur l'épaule
Garnier et James étaient attachés ensemble ; le premier s'evada
Grand- Maison brûla la cervelle au second , parce que so
camarade s'était sauvé . A bord de la gabare nous trouvâme
deux petites échelles pour y entrer . Attaches deux à deu
nous ne pouvions descendre ; on coupa un de nos liens ; mai
comme l'échelle était trop courte , on nous prit par la tête , e
i 255 )
on nous jetta en bas . Avec mes dents , je vins à bout de couper
la corde qui attachait les mains à mon camarade , à son tour il
me délia , etc. ( Il mentre sa corde . ) Nos conducteurs fermerent
l'écoutille ; ils chavirerent la gabarre ; avec des haches
ils leverent le sabord , le fond s'ouvrit , nous fûmes tous engloutis
, an nombre de 165. Je nageai pendant deux heures
sur les cadavres en mettant le doigt entre deux planches ,
je m'accrochai à la gabarre . Une barque arriva ; le batelier , avec
un grapin , enfonça le pont de la gabarre échouée ; il me jetta
une corde , et j'échappai ainsi seul à la mort. Arrivé au corpsde-
garde , je dis que je venais du Montoire , et que j'avais manqué
de me noyer ; mais à onze heures du matin on me conduisit
au comité révolutionnaire ; les membres qui le composerent
se regarderent et se mirent à rire . Joly dit : Voilà un homme
qui s'est sauvé , qu'en ferons - nous ? Il faut le foutre à l'eau .
Bachelier ajouta : Il faut le conduire au Buffay , nous le mencrons
ce soir avec les autres . On me mit une capote sur la tête ,
et je fus ainsi reconduit au Buffay , où l'on me mit au secret ,
et à onze heures du soir dans une basse - fosse , où j'ai demeuré
trois mois et demi . Chaque jour on me donnait une demi - livre
de pain et une demi - chopine l'eau . "
Les accusés ont été interrogés sur les faits , dont quelques -uns
ont été avoués et les autres nies .
Le président a ensuite annoncé que l'on venait de lui remettre
un paqurt pour la victime qui avait échappé à la noyade ;
ce qui prouve a-t-il dit , les sentimens d'humanité qui animent
les citoyens qui composent cette assemblée.
Ducourt , perruquier , membre de la compagnie Marat ,
et qui alié avec Joly les prisonniers du Buffay , a déposé à -peuprès
les mêmes faits .
Bernier , femme de Hervé- Labauche , détenue depuis dix
mois , et Hervé- Labauche , son mari , détenu depuis neuf mois ,
ont déposé des mauvais traitemens que ce dernier a éprouvés
lors de son arrestation avec sa fille , et de l'enlevement de 4000
livres , fait à Herve- Labauche par Pinard et quatre noirs ses
satellites , qui ont bu son vin muscat et enlevé plusieurs effets
dans sa métairie près Nantes .
Ce vieillard respectable , infrme , âgé de 71 ans , et domicilié
dans les environs de Nantes , a reproché à Pinard de lui
avoir dit : « Vous n'avez que deux partis , ou de boire à la
grande tasse , ou la fusillade. Arrivé , a- t- il dit , au comité
avec ma fille , Goullia nous traita de brigands ; je lui répondis
que j'étais proprietaire dans les environs de Nantes. Nous
fumes conduits à neuf heures du soir à l'entrepôt , c'est-à-dire ,
dans la prison où l'os mettait ceux qui devaient être jugés.
Un membre de la commission militaire nous interrogea ; il vit
que nous n'etions pas des brigands , et il nous fit transf rer la
même nuit au Buffay , et une heure après , tous ceux qui étaient
à l'entrepôt furent noyes.
( 256 ) ( 256 )
goo Pinard a affirmé que le témoin n'avait pas plus de 900 liv.
qu'il a partagé avec les quatre noirs . On a ensuite donné lecture
d'un ordre signé Goullin , conçu ainsi qu'il suit :
Le nomnié Luzeau , dit Lamulonniere , reconnu de tous
tems par son aristocratie , sa femme et sa fille tous déguisés
en paysans , ont été trouvés dans les marais de la Gibaudiere ,
chez la veuve Alliot , ont été saisis et conduits devant le comité
revolutionnaire par le citoyen Pinard .
Ont été trouvés par le même , et trouvés cachés dans le
même lieu , le nommé Hervé , dit Labauche , et sa fille déguisés
également en paysans .
On recommande les gredins ci - dessus qui , outre le crime
de s'être cachés déguisés , d'avoir brigandés , sont chargés d'avoir
chacun deux fils émigrés .
Ces honnêtes gens sont fatigués , malades , ont besoin des
soins les plus délicats ; c'est justice de leur expédier billet
d'hôpital ; en vérité , en vérité , le comité révolutionnaire ne
peut s'empêcher de les recommander chaudement à ses freres
de la commission militaire et révolutionnaire .
Signé , Grand - Maison , Chaux et Goullin .
Je certifie cette recommandation écrite de la main de Goullin
, laquelle est déposée en original aux pieces du procès
de la famille de Labauche.
Paris , de 26 vendémiaire , 3e , année républicaine .
Signé , Brignon .
Goullin a prétendu que ce que l'on vient de lire n'est qu'une
lettre confidentielle et une mauvaise plaisanterie .
( La suite au numéro prochain )
P. S. Le bruit se répand qu'il y a eu à la Haye et à Amsterdam
ane insurrection du peuple dont on ne connaît point encore les
détails . On dit qu'elle a été occasionnée par la résolution du
statdhouder et de son conseil , de recourir aux grandes inondations
, et d'abandonner la Hollande après avoir emporté toutes
ses richesses . Cette résolution qui ensevelissait la Hollande sous
les eaux , et ruinait entierement le peuple , a déterminé les
patriotes à se prononcer , et le peuple n'a point voulu souffrir
qu'on rompit les grandes digues . Cette nouvelle prend quelque
consistance .
Dans la séance d'octodi , les trois comités ont déclaré qu'il
y avait lieu à examen de la conduite du représentant du peuple
Carrier dans l'affaire de Nantes . - Let élégraphe a transmis
la nouvelle de la prise de Vanloo qui s'est rendue le 6 .
-
( No. 9. )
MERCURE FRANÇAIS .
DU QUINTIDI 15 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 5 novembre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
MAXIMES DE CONDUITÉ,
RÉPRIMEZ MEZ tout emportement ;
On se nuit , alors qu'on offense ;
Et l'on hâte son châtiment
Quand on croit hâter sa vengeance .
La dispute est souvent funeste autant que vaine :
A
A ces combats d'esprit craignez de vous livrer ;
Que le flambeaa divin qui doit vous éclairer ?
Ne soit pas en vos mains le flambeau de la haine .
De l'émulation distinguez bien l'envie ;
L'une mene à la gloire , et Fautre au déshonneur ;
L'une est l'aliment du génie ,
Et l'autre est le poison du coeur .
Par un humble maintien qu'on estime et qu'on aime ,
Adoucissez l'aigreur de vos rivaux jaloux ;
Bevant eux rentrez en vous - même ,
Et ne parlez jamais de vous..
1
Toutes les passions s'éteignent avec l'âge ;
L'amour-propre ne meurt jamais ,
Ce flatteur est tyran , redoutez ses attraits
Et vivez avec lui sans être en esclavage .
Tome XII
&
5
31.
*
( 258 )
་
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
Instructions tirées de l'exemple des animaux, sur les devoirs de la jeu
nesse , à l'usage des écoles primaires ; ouvrage autant utile qu'amusant
, suivi d'observations sur les avantages de la République Française
, une et indivisible.
( Vade ad formicam , ô piger ! considera vias ejus . )
PROV.
In- 16 , avec figures , de 230 pages . Prix , 30 sous broché ; it
40 sous , franc de port. A Paris , chez Maradan , libraire , rue du,
Cimetiere-André- des - Arcs , nº . 9 , l'an 3e.
V.OICI comme l'auteur s'exprime dans son avant-propos qui
fait bien connaitre l'utilité et l'agrément de son précieux ét
ingénieux ouvrage , dans lequel l'instruction est toujours appuyée
par l'exemple ; et la saine morale enseignée par le pur
instinct des animaux . Salomon renvoie les hommes à l'école
des animaux pour leur apprendre à pratiquer leurs devoirs , et
il n'y a pas de doute que cette méthode ne soit excellente . Le
créateur à voulu , dit l'immortel Fénelon , que les êtres raisonnables
trouvassent jusques chez les bêtes qui n'ont qu'un
instinct , un moyen de confondre leur paresse et leur lâcheté ;
il ajoute que les enfans sé faisant un plaisir de jouer tantôt
avec les quadrupedes , et tantôt avec les oiseaux , ont plus d'occasion
que personne d'observer leur sensibilité , leur intelligence
, leur adresse .
a
Ils sont tous les jours à portée de voir jusqu'où va leur attachement
, jusqu'où s'étend leur reconnaissance et leur fidélité „
On dit que le célebre Hersant , professeur de l'université de
Paris , fit un jour apporter au milieu de ses écoliers une ruche
de verre , et qu'à l'aspect des abeilles qui travaillaient sans
relâche à la confection de la cire et du miel , il apostropha
ses disciples , en leur enjoignant d'être au moins aussi laborieux
que ce petit peuple dont l'industrie et l'activité méritent
notre admiration et les plus grands éloges . Combien leurs
ouvrages ne sont-ils pas utiles , et combien ne sont- ils pas multipliés
, si l'on considere cette prodigieuse quantité de cire qu'on
brûle dans toutes les parties du monde ?
>
D'ailleurs , quel avantage ne tire -t- on pas de la sociéte des
animaux qu'on apprivoise ? Ils deviennent nos amis , ils nous
amusent, ils nous intéressent , sur-tout quand nous vieillissons
ou quand la maladie nous prive de la compagnie de nos semblables.
Une araignée même fit long - tems les délices d'un malheureux
prisonnier , elle était attentive à sa voix , elle semblait
( 259 )
le caresser , ce qui faisait dire au célebre Réaumur , que la
structure et la prévoyance d'un insecte avaient quelque chose
de plus merveilleux que le firmament même. Je ne m'étonne
plus si des philosophes du premier ordre passent leur vie à étu
dier le mécanisme des insectes , s'ils s'appliquent à découvrir
tout ce qu'ils operent pour se nourrir et pour se préserver des
pieges et des accidens .
Quoique les animaux domestiques et les oiseaux privés soient
pls interessans par leur maniere de proceder dans leurs jeux ,
ceux qui habitent dans les forêts nous offrent des exemples
capables de faire rougir l'homme vicieux ; la chasteté de l'éléphant
, la douceur de la colombe , l'activité de la tourmi sont
presque des vertus aux yeux d'un sage observateur qui sait
tout apprécier.
La jeunesse naturellement portée à s'excuser n'a rien à
repondre , quand on lui objecte des êtres qui , quoique privés
de la parole et de la raison , remplissent leur tâche avec fidélité
, et contribuent par leur soumission aux volontés de
l'homme qui les assujettit à maintenir l'ordre de l'univers .
pas
Combien le fils qui n'obéit point à sa mere n'est- il pas confondu
à la vue du tendre agneau qui suit fidelement tous les
de la brebis , et qui étudie jusques dans ses regards où il doit
aller ; à la vue da poussin qui , quoique pouvant marcher seul ,
et se nourrir sans aucun secours , ne veut tenir sa subsistance
que de la poule qui lui a donné le jour?
Les exemples qu'on puise dans l'histoire , soit qu'on les tire
des moeurs des héros , soit des actions des hommes recomman.
dables par leurs talens , out trop de disproportion avec les
enfans pour leur faire impression ; mais la vue des animaux avec
lesquels ils se familiarisen n'a rien qui ne leur soit analogue.
Le jeune chat joue comme l'enfant qui aime à jouer ; l'oiseau
prend l'essort comme l'enfant cherche à se récréer , et il voit
dans l'un et l'autre une docilité surprenante aux ordres de ceux
qui sont leurs maîtres . De là vient qu'Esope , Phedre , Lafonlaine
crurent devoir faire dialoguer les bêtes , et qu'ils en tirerent
un sens moral , capable d'agir sur l'esprit et le coeur de
la jeunesse . On n'a pas honte de n'être pas un héros , mais
on rougit d'être inférieur a la bête , du côte des sentimens .
Les animaux , disait le philosophe Plotin , sont la copie de
l'homme , comme nous sommes celle de l'Etre créateur , et à
la honte de l'humanité cette copie vaut souvent mieux que
l'original ; cela est si vrai , qu'on prefere le chien fidele a
l'homme insensible , le lion reconnaissant à l'homme ingrat ,
l'abeille à l'homme oisif. Un tel est mort , disait un jour Sevigné ,
sans avoir fait aucun bien . Ah ! que n'était-il plutôt un versà
soie , il aurait du moins servi le public .
La question sur l'ame des bêtes , quoique souvent fort agitée,
et toujours inutilement , prouve au moins qu'elles ont un
instinct presqu'égal à la raison humaide. On ferait un ample
R
$
( 260 )
L
recueil des services qu'elles rendirent dans tous les tems , soi
par leur prévoyance , soit par leur gratitude envers leurs bienfaiteurs.
Ce qu'il y a de sûr , c'est que , sans vouloir appro
fondir leur état qui nous sera toujours caché , malgré les réflexions
de Descartes qui les réduit à la qualité de simples
machines , malgre celles de Bougeant qui les assimile presqu'à
nous , elles sont de la plus grande utilité tant pour nous servir
que pour nous instruire sur nos devoirs. La vigilance du coq
m'enchante , disait Leibnitz , de même que la sagacité de l'abeille
me ravit , elle qui malgré la ténuité des organes et la faiblesse
de son petit corps trouve par un travail opin ane le
moyen d'éclairer les nuits , et de nous prodiguer un aliment
qui , sans la découverte du sucre , nous paraîtrait mille fois plus
précieux . Quelle serait , ajoutait-il , la surprise d'un aveugle -né
qui recouvrant la vue tout à- coup se trouverait au milien d'use
salle tapissée du plus beau lampasse , éclairée des plus belles
bougies , et à qui l'on montrerait une abeille et un
vers à
soie , comme les auteurs de la brillante lumiere et de la magnifique
étoffe dout ses yeux seraient frappés , il ne pourrait se
persuader une chose aussi éloignée de sa conception .
Il y a sans doute une distance infinie de la bête à l'homme
dans l'ordre intellectuel , car , outre que son ame est dans son
sang , selon Salomon , elle n'a rien à prétendre que la mort ;
' mais elle n'en est pas moins digne de nos regards et de notre
imitation par la maniere dont elle suit fidelement les lois de
la nature , et dont elle se regle selon la volonté de l'homme
auquel elle est assujettie .
D'après ce léger apperça , dit l'auteur , j'ose offrir cet ouvrage
comme une production qui manquait à la jeunesse , et
dont elle peut tirer d'autant plus d'avantage qu'il amuse en
' instruisant , et que les faits qu'il renferme sont exactement
vrais . Il est sans doute humiliant pour les hommes de voir que
leur propre histoire , toujours souillée par des vices et par des
atrocités sans nombre , est moins consolante à liredes
animaux .
que celle
L'auteur a cru devoir joindre à la fin de son ouvrage quelques
observations sur les avantages de la République Française ,
qui feront connaître combien la doctrine de l'égalité et de la
liberté est favorable aux sciences . Il y a long- tems que l'on
dit que les Muses n'étaient fécondes qu'autant qu'elles étaient
libres , et que les lettres mettaient tous les hommes au même
niveau , faisant disparaître et les richesses et les conditions :
je suis au niveau des monarques , disait Pope , parce que je
suis philosophe .
Passons à quelques exemples de morale tirés de l'admirable
instinct des animaux . Nous ne pouvons mieux commencer que.
par ce charmant modele de la piété filiale.
Il y avait à Messine , ville de Sicile , depuis long- tems fameuse
dans l'histoire , et sur- tout depuis le dernier tremble(
61 )
ment de terre , une corneille qui , blessée par les chasseurs
ne pouvait ni voler , ni marcher. Ses petits , au nombre de six .
se succederent sans interruption pour lui porter des alimens
et on les voyait chaque jour faire usage de leurs pattes et de
leur bec pour la tourner sur le lit qu'ils lui avaient dressé .
Il ne cessaient de la becquetter , et par le battement de leurs
aîles de lui exprimer leur affection . L'on observa que deux
conchaient exactement auprès de cette mere impotente , et
qu'ils lui prodiguaient tout ce que la nature pouvait leur inspirer
. Ele mourut an bout de quelques semaines , et ce fut un
croassement qui e finissait pas ; il y eutjusqu'à des obseques où
la tendresse hi le éclata . Le magistrat Cupoli rapporte avoir vu
les cornillons maîner avec respect le corps qu'ils couvrirent euxmêmes
de feuillages , e il ajoute qu'ils allerent ensuite se tapir
sous un arb.e , comme s'ils n'eussent plus eu la force de per
cher , et que trois d'entre cux atteints d'un violent hoquet
expireren: soqués par la douleur . Combien ce fait , attesté
pa celui qui le cite comme étant arrivé dans son jardin , et
comme l'ayant scrupuleus ment examiné de ses propres yeux ,
n'est-il pas capable de confondre les enfans qui refusent inhumainement
à leurs parens les secours dout ils ont besoin ,
qui sont assez baibares pour oublier ce qu'il en a coûté à une
mere , contiute lement occupée de leur existence et de leur
bonheur.
et
L'amitié et la docilité sont les vertus du chien . Il y en a
qui , malheureuses victimes de la fursur d'un maître , se sont
laissés tuer plutôt que de regimber ; observez celui qui veille
la garde des brebis . Un seul regard du berger l'instruit de
ce qu'il doit faire , et il n'est pas à craindre qu'il y manque .
Il tourne et retourne sans cesse , tantôt l'oeil sur le maître
tantôt sur le troupeau , jusqu'à ce qu'il ait connu ce qu'on
veut lui ordonner . Il jappe , il poursuit la brebis ; il la ramene
avec une vitesse extraordinaire , d'après les signes qu'on lui
fait.
•
On a conservé l'histoire d'un chat qui , dans un couvent
de moines , s'était tellement plié à la regle , qu'il suivait exac
tement les exercices du cloître . Il se rendait comme eux à
l'église , au réfectoire , à la salle de conversation : un religieux
l'avait ainsi dressé.
Il existe chez les Cosaqnes , peuple habitant de l'Ukraine ,
qui fait une partie de la Pologne , une race de chevaux errans ,
abandonnés pour ainsi dire à eux - mêmes , et qui obéissent
de concert au commandement de quelqu'un d'entr'eux . Il fait
le tour de sa troupe dans les attaques qu'ils livrent aux voleurs
et aux loups , et si quelque cheval sort du rang , reste
en arriere , il court à lui , le frappe d'un coup d'épaule , et
lui fait reprendre sa place. La docilité qui regne parmi les
chevaux qui lui sont subordonnés , est le meilleur exemple
qu'on puisse citer à des soldats ou à des écoliers indiscipli
R 3
( 262 )
nés . Buffon rapporte ce fait comme une chose absolument
hois de doute.
Combien l'amour du travail ne se fait - il pas remarquer dans
plusieurs especes d'animaux .
Les abeilles renfermées dans différentes ruches , qui semblent
autant de mouasteres ou plutôt de manufactures , chacune
s'applique sans relâche à remplir son devoir. C'est la république
la plus admirable à raison de l'ordre qui y regne et
du profit qu'on en retire : il n'y a point de ruche qui ne
rapporte annuellement vingt quatre livres à son maître . Fixons
un moment cet objet : ii a trop d'analogie avec la France
pour être mis en oubli , elle qui se transformant aujourd'hui
dans une république une et indivisible , nous promet les jours
les plus prosperes.
Les abeilles forment donc une république qui a pu engager
les hommes à mettre en société leurs biens , lear force , leurs
talens , pour se faire une félicité relative à leurs besoins , pour
vivre enfin dans une honnête liberté et dans une égalité, de
sorte qu'on porte tous également les charges de l'état , et que
cela s'observe sans nuire à la liberté ; car l'homme naît essentiellement
libre , et la société composée de plusieurs individus
, ne doit interdire que ce qui serait contraire à la loi . Je
reviens aux abeilles , et je les présente à mes lecteurs comme
se fabriquant à chacune une celule où l'on trouve , ainsi que
dans les communautés , des dortoirs et des lieux commons ;
et c'est là qu'elles élaborent cette cire et ce miel qui cons
tribuent admirablement aux richesses de l'état. Le travail est
le grand mobile des ruches , ce qui les soutient , ce qui en
fait l'ame et la vie . Par le travail tout est dans l'ordre et tout
est en paix . Ainsi dans les colléges , lorsque les écoliers travaillent
avec ferveur , la discipline se maintient parfaitement ,
ét il n'y a ni châtiment , ni dissention . Il n'est pas possible
de suivre des yeux ces différeus essaims d'ouvrieres qui se
répandent dans la campagne , et qui , chargées du suc des
fleurs , reviennent à point nommé composer leur cire et leur
miel . Si les frelons osent se présenter pour manger le fruit
de leur travail , elles en font justice , couvrant les enters
de la ruche de leurs cadavres , et nous apprenant par ce
trait à repousser avec la plus grande vigueur les ennemis de
la patrie , comme des loups ravissans qu'on doit exterminer.
Dès l'aube du jour , le travail d'une ruche commence , et il
continue jusqu'à la nuit. Apiès avoir successivement passé
dans les calices de différentes fleurs pour en pomper le suc ,
les abeilles reviennent avec célérité se livrer au travail. Celle
qui ne s'occuperait pas serait vexée par les autres et obligée
de déguerpir.
Quel travail de la part des castors , quand ils se bâtissent
des retraites au milieu des eaux ! C'est l'ouvrage du meilleur
architecte , et l'on ne peut en avoir une juste idée que lors(
263 )
qu'on l'a vu. Dès le mois de juin et de juillet , ils viennent
de tous côtés , se réunissent au nombre de deux ou trois cents ,
mais toujours sur le bord de l'eau. Quand ils ne trouvent
point d'étangs , ils en forment dans les eaux courantes des
Heuves ou des ruisseaux , par le moyen d'une digue ou d'une
chaussée qu'ils ont le courage et l'instinct d'entreprendre. A
voir la maniere dont ils conduisent cet ouvrage et dont ils
l'exécutent , on leur croirait une ame réfléchissante . Ils rongeut,
ils scient , après avoir dépouillé un arbre de ses branches ;
ils le traînent jusqu'au bord de la riviere enfin , avec les
dents comme avec les pattes , on dresse les pieux , on les
enfouce , et avec une queue platte , ovale et couverte d'écailles,
on fait du mortier et l'on vient à bout de construire un pilotis
de cent pieds de longueur , sur une épaisseur de douze ,
à la base qui décroît jusqu'à deux ou trois pieds par un talus
dout la pente et la hauteur répondent à la profondeur des
eaux. Chaque castor se fait ensuite une cabane dans l'eau
sur le pilotis , et il y a jusqu'à deux et trois étages ; on y voit
des portes , des fenêtres , desorte qu'on peut la comparer à la
chambre la mieux conditionnée . C'est à tout prendre un animal
fort extraordinaire , qui , long de trois ou quatre pieds et du
poids d'environ 60 livres , est extrêmement fort par ses mus
cles , et trouve dans ses doigts séparés aux pieds de devant
une espece de main , dont il se sert avec le même avantage
que nous , mais ayant au- dessus de nous celui de nager natu-
Fellement. Il est tout-à- fait républicain pour sa mauiere de
vivre , aimant singulierement la liberté.
Quel beau sentiment que celui de la gratitude , s'écriait un
"Romain ! mais où le trouver ? si ce n'est chez les bêtes mêmes
les plus féroces , qui , dans cette partie , nous surpassent. On
connaît le beau trait de ce lion qui , dans nn cirque romain ,
reconnut un esclave qui lui avait autrefois ôté une épine
du pied , et vint le caresser quand on crut l'exposer à sa
fureur.
Les éléphans sont uniques en fait de reconnaissance . Un
soldat de Pondichery , qui avais coutume de porter une mesure
d'arac à un jeune éléphant , lorsqu'il touchait son prêt ,
se voyant un jour poursuivi par la garde , se réfugia sous lui
et s'y endormit. Il ne fut pas possible à la garde de l'arracher
de cet asyle ; l'éléphant le d fendit avec sa trompe , et
pour le rassurer quand il s'éveilla , il lui prodigua des caresses
de maniere à lui causer la plus grande surprise .
L'amitié est encore bien remarquable dans les animaux .
Qu'y a -t-il de plus aimant que le chien et le cheval ? Le premier
s'expose avec une ardeur incroyable quand il s'agit de
secourir son maître ; il brave le fer et jusqu'au feu même
pour lui sauver la vie . L'on en vit un à Cologne se précipiter
au milieu d'un incendie , à dessein d'arracher aux flammes celui
qui l'avait élevé . Les chevaux s'attachent tellement à ceux
R 4
( 264 )
qui les soignent qu'ils les baisent affectueusement , et qu'ils
s'attristent et maigrissent lorsqu'ils demeurent long- temps sans
Les voir . On a vu un jeune cheval qui broyait avec ses dents .
Je foin destine à la nourriture d'un vieil étalon , dont la
mâchoire était usée 1
"
$
C'est ainsi que l'auteur , en parcourant l'instinct des différenies
especes d'animaux donne des leçons et des exemples
de prudence , de prévoyance , d'adresse , de mémoire ,
de clémence de temperance , d'industrie , de courage . I
fait surtout sentir les avantages de l'éducation , en citant , ses
admirables effets dans les bêtes même les plus sauvages .
Quand je pense , dit- il , qu'un fion prolesse la clemence ,
qu'un ours s'adoucit et pardonne , je m'écrie : o malheureuse
humanité devait donc t'avilir au point d'être inférieure aux
qualités de la brute , même ? L'animal est sensible c
l'homme est cruel ; l'animal pardonne et l'homme se venge !
In ལུ་ ཕྱ་ བ །༽
S
tet
*
ANNONCES.
19
Le livre du Républicain , dédié aux amis de la vertu , orné da
-portrait en taille douce de J. J. Rousseau , tome II, formant
la collection du premier trimestre des clemens qui entrent
dans la composition de cet ouvrage en font, un livre classique .
Prix , 3 liv . 10 sous pour Paris et 4 liv. 15 spus ( franc de
port ) pour les départemens. A Paris , chez Chemin fils , rue
Glatigny , no . 10 , en la Cité, each
* 9%
I
Le Chansonnier de la Montagne , ou recueil de chansons , vaudevilles
, potpourris et hymnes patriotiques ; par différens auteurs
. Prix , 2 liv . pour Paris , et 2 liv. 5 sous ( franc de port )
"pour tous les départemens . A Paris , chez Favre , libraire , maison
Egalité , galeries de bois , no . 220 .
ཏི ། J08 F GRAVURE.
Anacreons d'après le tableau de J. B. Restout ; gravë par J. L.
Anselin , Prix , 16 liv . Chez l'auteur , rue du Theatre- français.
1
MUSIQUE.
Invocation à l'Etre suprême , patoles du citoyen Laporte , mussique
dulcitoyen Andrien l'aîné , dédiée à la section du faubourg
7 Mont-Marat. Prix , 6liv.
Cet hymne est en prose , composé de phrases courtes et
d'expressions, heureuses que le musicien a su embellir par le
charme de ses chants mélodieux et par les grands effets d'une
harmonie imposante.
MERCURE
*
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
2
ON
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 17 Octobre 1794.
Na quelque crainte de la disette en Suede , où les subsis
tances deviennent de jour en jour plus rares ; ce qui manque
est sur tout le bled et le beurre . Le gouvernement a défendu
de vendre ce dernier article , ainsi que des pommes de terre å
des acheteurs étrangers qui avaient paru dans l'isle de Rugen :
il a d'ailleurs pris des mesures pour tirer promptement des
grains de Pomeranie .
Au reste , ces embarras intérieurs ne naisent en rien à la
fermeté que déploient la Suede et le Danemarck , tellement
unies dans les circonstances présentes qu'on peut les considérer
comme une seule et même puissance en état d'opposer une
digue insurmontable à l'ambition de la Russie , et même à celle
de la Prasse , de forcer les impérieux Anglais à quitter le ton
de suprématie qu'ils affectent dans toutes les mers , de prêter
une aide puissante à ses amis , et peut- être un jour , en se
joignant avec la Porte Ouomane et la Pologne , de repousser les
Russes jusques dans les parties glacées de l'Asie .
Les escadres combinées de Suede et de Danemarck ne doivent
rentrer qu'à la fin d'octobre ; elles n'auront peut- être pas
besoin de ressortir pour faire respecter la neutralité suédodanoise
, du moins à en juger par des lettres de Copenhague
du 6 , qui disent : Hier , l'on a reçu par la malle de Londres
copie des instructions que le cabinet de Saint -James vient de
donner aux commandans et capitaines de ses vaisseaux de
guerre et armateurs : elles révoquent l'article des instructions ,
en date du 8 juin 1793 , par lequel il était enjoint d'arrêter
tous vaisseaux et bâtimens chargés en tout ou en partie de
grains ou de farines pour les ports de Fiance , ou ceux occupés
par des troupes françaises , et de les envoyer aux ports les plus
proches , afin d'y acheter ces grains et farines pour le compte
du gouvernement britannique , avec indemnité du fret , etc. ,
En même tems la cour de Londres a déclaré être disposée à
payer les cargaisons de tous les navires appartenans à des sujets
danois qui avaient été amenés en Angleterre . On évalue le total
de ces paiemens et celui des indemnités à la somme de
557 mille liv . sterling . Cela pourrait même avancer la rentrée
des flottes .
Tandis que Stockholm et Copenhague cherchent et réussissent
( 266 )
-
à maintenir dans leurs parages une paix qui leur est si utile pour
leur commerce , le roi de Prusse est forcé, de son côté, de rassem
bler suffisamment de troupes , s'il le peut , pour éteindre dans leur
sang et dans celui des Polonais , contre lesquels il les mene ,
le feu de l'insurrection ou celui de la liberté , qui sont la même
chose au commencement d'une révolution , ou du meins également
nécessaires , puisqu'on ne peut arriver à l'une que par
l'autre .
On marque des frontieres , en date du premier de ce mois ,
que 28 batailtous et 20 scadrons prussiens vont être mis en
mouvement pour renforcer le cordon des prémieres troupes
qui se trouvent beaucoup trop faibles pour les garder . Frédéric
Guillaume paraît, craindre sur- tout pour la Silesie , menacée par
la grande armée polonaise d'une invasion prochaine , qui a
peut- être déja commencé au moment où ces nouvelles nous
arrivent. Cependant l'impartialité force d'avouer que dans une
action près de Konin les insurgés ont perda à -peu -près mille
hommes tués ou noyés dans la Waria , et qu'étant revenus à
la charge en Cujavie , le colonel Szekuli a remporté sur eux
plusieurs avantages près d'Eksin. La meilleure preuve que
cela ne les a ni trop affaiblis , ni par conséquent découragés ,
c'est qu'ils ont depuis effectué leur jonction avec les armées
emmandées par Dambrouski , Madalinski : Posen et Gnesne
sont cernés par ces généraux . Du côté de la Lithuanie , ils se
sont approchés , au nombre de 18,000 Polonais et Courlandais ,
jusqu'à deux lieues de Sadorgen.
Le brave Kosciuszko ne néglige rien pour assurer le succès
de la révolution polonaise . Les dispositions qu'il prend pour
le civil sont aussi sages , aussi bien combinées que celles qu'il
fait pour la partie militaire. Au reste , il conserve autant qu'il
lui est possible , en tout , la sévérité , l'exactitude et l'exécution
précise et prompte qui caractérise ces dernieres , et il a bien
fait d'en transporter les formes dans le gouvernement intérieur
, et fera bien de les y maintenir jusqu'à ce que le grand
oeuvre de l'affranchissement de sa patrie soit accompli . Un pays
en révolution au - dedans et attaqué au dehors doit être un vaste
camp , dont les villes sont les redoutes destinées à le fortifier ,
et où l'on doit maintenir la discipline la plus sévere . C'est ce
que l'éleve de Washington a très bien scnti : en voici la
preuve.
·
Depuis la levée du siige de Varsovie , on répare à force tous
les retranchemens . Les approvisionnemens pour les troupes et
les habitans continuent à être faits comme pendant la durée
du siége. On loue beaucoup le courage de la municipalité qui
a combattu à la tête des citoyens , dans toutes les occasions ,
contre les Prussiens et les Russes . Le conseil national a fait
primer la liste de tous les magnats qui ont reçu des pensióna
1
( 267 )
ou des présens des puissances coalisées. Le tribunal institué
pour les juger a repris ses fonctions .
D'après ce que Kosciuszko a écrit le 23 au conseil national ,
on a cassé le tribunal criminel da duché de Mazuren , et établi
un tribunal militaire composé de dix membres , au numbre
desquels se trouve le Madalinski . Tous ceux qui se sont op
poses au bon ordre , qui ont semé de fausses uouvelles parmi
le peuple , ou entretenu des correspondances avec l'ensemi ,
seront traduits à ce tribunal militaire .
La même nation qui a cu la sagesse d'émettre à l'instar des
Français , des especes d'assignats pour faire face aux frais de
la guerre , a la prudence de leur donner une garantie. On mande
d: Courlande qu'on s'y livre avec beaucoup d'activité à la vente
des biens devenus nationaux .
Suivant des nouvelles des frontieres , en date du 5 octobre ,
Te général russe Swarow a obtenu divers avantages sur l'armée
polonaise de Lithuanie dans les environs de Braese . Mais ces
pertes ont été bien compensées ; car un corps de Polonais ,
commandé par Oginski , a passé la Duina , et vient d'effectuer
une invasion dans l'intérieur de la Livonie russe . Cet évé,
nément forcera les troupes de Catherine de se replier de nouveau.
D'ailleurs , une autre armée de 10,000 Polonais s'approche
de la ville de Dantzick. Mais ce qui est bien plus important
, ce sont les deux nouvelles suivantes qui paraissent
authentiques. Les insurgés ont attaqué le colonel Szekuli près
de Dromberg, et dans une sanglante affaire le corps commandé
par cet officier a été presque taillé en pieces ; lai-même a reçų
une blessure , des suites de laquelle il est mort.
:
Les Prussiens ont laissé des magasins immenses de fourages
à Blonie leur retraite a été si précipitée qu'ils n'ont pas eu
le tems de les brûler. Depuis plusieurs jours , 300 voitures sont
occupées à les transporter à Varsovie . On a également trouvé
un grand nombre de canons , de mortiers et de boulets que
les Prussiens avaien : jettés dans des puits.
Tout indique qu'il y aura une campagne d'hiver . Le roi de
Prusse vient d'ordonner plusieurs milliers de pelisses pour ses
troupes.
De Francfort-sur- le-Mein , le 20 octobre.
Les nouvelles des défaites successives des Antrichiens sont
aujourd'hui confirmées au point qu'il n'y a plus lieu d'en douter
elles sont données avec des détails désespérans pour la
coalition . Il est certain qu'ils ont essuyé des pertes énormes
sur- tout en cavalerie . Dans les dernieres affaires près de Cologne
, les régimens impériaux de Jordis , de Ruckmeister , de
l'archiduc Charles et la légion du même nom levée dans les
Pays-Bas , ont été presque complettement taillés en pieces.
Ces corps eat perdu non seulement leur artillerie de cam.
( 268 )
pagne , leurs bagages , mais encore leur artillerie de réserve.
Le feld - maréchal Otto , le général - major Gruber ont été faits
prisouniers ; et il ne peut y avoir aucun doute qu'un grand
nombre de soldats n'ait eprouvé le même sort.
Le général Mollendorf est en mouvement vers la Moselle ,
Le roi de Prusse continue de retirer sa meilleure artillerie .
Une partie deja arrivée à Berlin va être employee contre les
Polonais .
Les Français , maîtres de plusieurs postes importans , ont
1800 hommes à Frankenthal. Sur les montagnes , ieurs troupes
s'étendent jusqu'à Bockenheim . Les Prussiens ont abandonné
les environs de Zimmern . Les ponts établis sur le Rhin a
Worms et Oppenheim ont été leves ; en general les Français
sont maîtres de ces côtés , et pourraient bien rentrer dans
Mayence , où le pont destiné au passage des troupes prussiennes
a été transfere , et qui sert de passage aujourd'hui à tous les
magasins qu'on s'empresse de transporter au- delà du Rhin .
Des lettres du Haut - Rhin , en date du 16 , disent que l'armée
prossienne s'est trouvee pendant quelques instans en face
des Français qui , au nombre de 60 000 hommes , soat en
marche sur le Hundrusck , par Hezmerskeil et Thalfang. Ses
avant postes ont ete culbutes , et elle a juge a propos de se
retirer. Dans cette affaire , les Français ont fait prisonniers un
grand nombre de hussards prussiens dits de Kohler .
Dans la nuit du 13 , l'armée commande e par Hohenlohe
abandonna sa position dans les environs de Grunstadt et de
Worms. Cette retraite est la suite des avantages remportés
par l'armée française de la Moselle du côte de Kientnach . Son
aile droite était , dès le 11 , à Kirn , à deux lieues de Kirchberg
; une autre partie était à Trarbach , et se dirigeait sur
Coblentz , le long des deux rives de la Moselle , pendant que
l'armee de Sambre et Meuse s'approchait du même point par
Andernach .
. D'autres lettres disent : Linnich et Duren sont en partie
consumées. A Bonn , on attend les Français d'un moment à
Tauire ils ont donné bataille , après avoir reconnu toute la
journée , la veille , la position des Impériaux , par le moyen
d'un aërostat . Mastricht et Luxembourg se trouvent maintenant
abandonnés à leurs seules forces . On a proposé aux bouches
inutiles de cette derniere ville de sortir . Elle n'a que
10,000 hommes de garnison .
ESPAGNE ET PORTUGAL.
De Madrid , 30 sept . Selon les dernieres nouvelles venues des
armées , les Français conservent leurs conquêtes de St. - Sébastien ,
de Fontarabie et d'Irum , sans qu'il soit possible de songer å les
en déloger. Ils se sont fortifiés dans tous ces lieux , Leur centre
de réunion est dans la ville de Toloze , d'où ils détachent
( 269 )
2
continuellement des troupes qui vont faire des incursions .
Parmi les pertes que les Espagnols ont eu à souffrir , il faut
compter celle de la fameuse fabrique d'armes de Plazenzia ,
qui a été brûlée et entièrement détruite . On apprend d'ail
leurs que le genéral espagnol Sangro a voulu tenter une expédition
sur la frontiere de l'Arrangon , dont les suites ont
été très -malheureuses .
Au milieu de ces revers qui se succedeut sans interruption ,
les Espagnols ont obtenu un avantage sur un petit corps de
Français , qui a eté publié avec beaucoup de faste par la
cour , et a beaucoup plu à la superstition d'une partie du
peuple , à en croire la relation même publiée à cette occasion
par le ministere . On donna avis à Elgoibar , que deux
cents Français se trouvaient à Azpeitia . Le tocsin fut sonné , et
après de longs preparatifs detailés dans la relation , les
habitans de tous les environs se leverent en masse et marcherent
contr'eux . Les Français avaient inventorie l'argenterie
du sanctuaire de Loyola , distant d'une demi-lieue d'Azpeitia .
L'alcade avait été emmené par eux en ôtage . La troupe
d'Egoidar se porta avec précipitation au sanctuaire de Loyola ,
pour s'emparer de l'effigie et des reliques d'Ignace , et sauver
l'argenterie de l'église . Arrivée à la chapelle , elle brisa les
portes , se saisit de l'argenterie et des ornemens . La relation
dit ingénuement que les Espagnols mirent beaucoup de promptitude
dans cette expédition , parce qu'ils apprirent que les
Français se réunissaient à Azpeitia , et qu'un corps des leurs
n'était déja qu'à une demi-lieue de la montagne d'Emparan .
Les Français ne tarderent pas en effet à paraître . Toute cette
masse espagnole fit sur eux un fu qui dura près de 3 heures ,
et parvint à sauver sa proie qui fut conduite à la ville dite la
Vittoria . Les reliques furent portées sur- le - champ à l'église , à
la suite d'une procession composée de toute la troupe . Le
peuple assista à cette cérémonie , dit toujours la relation , avee
une grande tendresse .
Dans le dessein d'empêcher que les restes d'Ignace ne soient
ainsi exposés à l'avenir , on a en grand soin de les faire venir à
St.-Ildephonse. Tout le chapitre de la Trinité s'est mis en
marche après diner ) pour aller au- devant du convoi , par laporte
de Segovie . Il était accompagné des gardes - du - corps et
du saint- office . Le chapitre , après avoir reçu le dépôt , est revenu
à la collégiale , en passant devant le palais . Les gardes
espagnoles et wallones étaient sous les armes. Le roi , sa femme
et sa famille parurent sur un balcon , et y demeurerent tout
le tems que le certège passa ; ils se rendirent ensuite à l'église ,
pour implorer l'assistance d'Ignace dans ces conjonctures diffi
ciles . Charles IV , de retour dans son palais , unt cercle , et donna
sa main à baiser a tous les officiers de la troupe . Il a depuis
décidé que les reliques d'Iguace demeureraient exposées à dé
convert pendant quelques jours dans l'église , et qu'elles se
О
( 270 )
raient ensuite envoyées à l'armée . On espere que la présence
de ce nouveau falladium servira à ranimer le courage des troupes
espagnoles.
Le roi vient de publier une circulaire et un édit dans la
province de Vitoria. La premiere invite les habitans à soutetenir
de tous les moyens qui sont en leur pouvoir ce qu'elle
appelle la cause de Dieu , du roi et de sa patrie ; le second
enjoint de dénoncer tous ceux qui tentent d'introduire les
maximes françaises , et déclare qu'ils seront panis du dernier
supplice.
Les membres du conseil d'état sont assujettis à une retenue
de 25 pour 100 de leurs honoraires , par le même édit qui met
un impôt de 4 pour 100 sur tous les salaires , pensions et traitemens
, à l'exception de ceux des militaires en activité de service
. Une taxe de 7 millions de réaux doit être mise sur le
clergé , et sera perçue à titre de subside extraordinaire . Les
biens de cette corporation sont en outre affectés aux paiemens
des dépenses de la guerre actuelle .
La banque d'Espagne a passé un marché avec l'Angleterre ,
par lequel celle- ci s'engage à fournir 30,000 fusils .
Lisbonne, 2 sept. Un courier expédié par l'ambassadeur portugais
à Madrid , est arrivé ici ces jours derniers . Un conseil d'etat ex
traordinaire fut tenu à cette occasion , et se rassembla deux fois.
dans la même journée . Des ordres furent expédiés sur- le- champ
dans les diverses provinces pour completter , le plutôt possible ,
tous les régimens de cavalerie et d'infanterie. Quatre d'entre
eux doivent se rendre ici , et remplacer la garnison actuelle ,
qui va dans la Navarre renforcer les Espagnols. On doit travailler
à mettre en état de défense toute la côte du Nord et
les frontieres du côté de l'Espagne . Les armes et les uniformes
nécessaires pour toutes ces troupes , qui seront portées au com
plet où elles doivent être pendant la guerre , seront tirées des
arsenaux de terre . On doit également s'occuper de mettre
l'artillerie sur un pied convenable , et l'on continue l'armement
maritime. Les dépenses que ces divers objets nécessitent étant
Sufiniment considérables , il a fallu en suspendre beaucoup
d'autres. Un grand nombre d'ouvriers occupés dans des fabriques
et à des travaux publics , ont été congédiés.
La frégate l'Ulysse vient de partir pour Gibraltar ; un autre
bâtiment est allé porter à Maroc le tribut accoutumé.
ITALIE ET SUISSE.
Suivant des lettres de Naples , du 4 octobre , lé gouvernement
s'occupe toujours de la levée des 16,000 hommes précédemment
ordonnée . Mais il y rencontre aussi toujours les
( 271 )
"
en
plus grandes difficultés ; elles sont égales , et ce n'est pas peu
dire , à celles qu'il éprouve pour se procurer de l'argent . Il
avait pourtant déja déclaré par un édit , comme on doit se le
rappeler , que les hommes coupables d'homicide à la suite
de rixes , et ceux qui ont fait des blessures ou porté des armes
défendues , en un mot , les demi assassins , connus en Italie
sous le nom de braves , seraient admissibles dans les nouveaux
corps . Cette disposition n'a produit que très - peu d'effet ,
sorte qu'il a fallu recourir à d'autres . Beaucoup de jeunes
gens avaient pris le parti de se marier pour se soustraire à la
conscription militaire . Aujourd'hui , une nouvelle loi déclare
que les mariages contractés depuis le 10 du mois dernier ,
ne pourront exempter de l'enrôlement , auquel sont aussi
assujettis les ecclésiastiques séculiers et même religieux qui
n'ont point encore le sous -diaconat. On motive ce dernier
article du réglement sur ce que cette guerre- ci est une espece
de guerre sainte , entreprise principalement pour la défense de
la religion.
Après avoir essayé de se procurer des hommes de cette maniere
, et Dien sait quels hommes , de vrais soldats de le
Vierge-Marie , propres à monter la garde avec un parasol ; ce
même gouvernement , si babile dans ses opérations , vient de
créer une junte composée de quatre membres , qni a commencé
par se faire donner un état exact de la situation des
caisses de tous les banquiers et changer tous les caissiers . On
ignore quelle sera la suite de cette opération .
Le roi de Sardaigne , que cette guerre touche aujourd'hui
plus directement que celui de Naples , prend aussi des mesures
un peu plus actives . A Valence , on s'occupe à organiser le
masse des habitans en état de porter les armes : ils seront
réunis à ceux de la Lomellina et du Mont-Ferrat ; ce qui
pourra procurer, du moins à ce que l'on espère , 40,000 hommes
armés , sur- tout si l'on parvient à étendre cette mesure. Le
commandement de cette force ou plutôt de cette milice sera
confié à Ghilini , major du régiment de Tortonne.
Le camp d'Acqui a pourtant enfin reçu des renforts : il doit
renfermer maintenant 20,000 hommes , qui s'éteudent depuis
ce lieu jusqu'à Tezzo ; il y en a 600 en avant- garde pour la
défense du Mont Ferrat au Caixo .
Cependant les Français sont à Vado , sans connaître précisément
leurs forces ; on peut les croire assez considérables
car tous les rapports s'accordent à dire qu'ils se fortifient et
emploient continuellement 600 travailleurs à élever de nouvelles
batteries . On sait d'ailleurs qu'il leur est arrivé de gros
renforts à Nice ; et l'on présume que leur intention est de
garder la riviere de Gênes , Savone et Finale , et d'empêcher
que les Anglais ne tentent quelque débarquement. Dans ce
dessein , les premiers ont établi un camp hérissé, de batteries
, sur la montagne dite de Saint -Jacques.
( 272 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne } .
Séance de septidi , 7 Brumaire.
Le représentant du peuple , Lequinio , fait hommage à la
Convention d'un ouvrage intitulé : La guerre de la Vendée ét
des Chouans. Il a mis au grand jour ce que la France a tant
d'intérêt de conuaître sur ces deux plaies politiques , c'est- àdire
, leur cause productive , les vices qui les almenient et
leur vrai mode de destruction . Il y a joint un recueil de
pieces originales , où quelques genéraux contre- revolutionnaires
trouveront la conviction complette de leur scélératesse ,
et le voile dont les coquins avaient enveloppé ce mécanisme
de tyrannie est déchiré sans menagement.
Diverses lettres des représentans du peuple dans les départemens
annoncent le dévouement des citoyens à la Convention
et leur haise contre les hommes de sang , de vices et
de rapines .
Les citoyens composant la société populaire de Nantes désavouent
l'adhésion donnée à l'adresse de Dijon .
Lakanal fait un rapport intéressant sur l'organisation des
écoles primaires , et lit un projet de décret dont la Convention
ordonne l'impression et l'ajournement très -prochain .
Sur le rapport de Maillard , au nom du comité d'agr clture
et des arts , la Convention décrete que toute exploitation de
bois dans lesquelles des communes seraient entrées , en vertu
de sentences arbitrales , demeurera suspendue jusqu'à ce qu'il
en ait été autrement ordonné .
On reprend la discussion sur le projet des trois comités ,
concernant la garantie de la representation nationale et les
moyens de mettre en jugement un représentant. Il s'agissait
de savoir si l'on établirait une commission . Après quelques
débats peu prolongés , l'Assemblée décrete qu'il y aura une
commission .
Dans la série des questions proposées , celle qui a donné
lieu à plus de difficultés était de savoir comment seraient
nommés les membres de cette commission et en quel nombre ;
les uns voulaient qu'elle fût choisie par appel nominal ; d'autres
par la voie du sort ; ceste derniere opicion a prevalu , et
on a renvoyé aux comités plusieurs propositions sur la maniere
de procéder au tirage au sort.
"}
Stance
( 273 )
Séance d'octidi , 8 Brumaire .
Baraillon fait part à l'Assemblée des plaintes formées par
un Anglais , se disant commandant de vaisseaux parlementaires ,
et qui se prétend victime d'un attentat contre le droit des nations
. L'Assemblée charge son comité de salut public de lai
rendre compte dans le plus bref délai des motifs de la détention
de cet officier , nommé Attrol Vood , et des équipages
qu'il commandait.
Grégoire , au nom du comité d'instruction publique , fait
un rapport sur les dégradations commises sur divers monumens
des arts , et sur les moyens de les prévenir. Le projet
de décret suivant est adopté :
Art. Ier. Les agens nationaux et les administrateurs de
district sont individuellement et collectivement responsables
des destructions et dégradations commises dans leur arrondissement
respectif , sur les livres , les antiques et les autres monumens
des sciences et arts , à moins qu'ils ne justifient de
l'impossibilité réelle où ils ont été de los empêcher.
,, II , Dans la décade qui suivra la réception du présent
décret , ils rendront compte à la commission d'instruction
publique de l'état de la bibliotheque et de tous les monumens
des sciences et d'arts qui sont dans leur arrondissement , ainsi
que des dégradations et des dilapidations qui auraient été
commises .
,, III . La commission d'instruction publique et la commission
temporaire des arts prendront toutes les mesures nécessaires
pour l'exécution du présent décret , sous la surveillance
du comité d'instruction publique . Il dénoncera à la
Convention nationale les administrations qui auraient négligé
de s'y conformer. "
Merlin ( de Douai ) lit le bulletin télégraphique suivant :
Le 6 , Venloo est tombé au pouvoir de la République ,
après quatre jours de tranchée ouverte ; la garnison est retournée
chez elle avec les honneurs de la guerre.
» L'avantage de cette réduction est immense ; la place n'est
pas endommagée . " ( Vifs applaudissemens . )
L'Assemblée reprend la discussion sur le projet de décret
relatif aux députés accusés .
Merlin ( de Douai ) relit les articles décrétés de la loi sur
les formalités à remplir pour dénoncer et accuser les représentans
du peuple. Les articles suivans sont décrétés sans
discussion .
Voici le décret entier :
La Convention nationale , après avoir entendu ses comités
de salut public , de sûreté générale et de législation ,
décrete :
" Art. Ier . Toute dénonciation contre un représentant du
peuple sera portée ou renvoyée devant les comités de salug
Tome XII . S
( 274 )
public , de sûreté générale et de législation réunis , et elle
lui sera communiquée avant qu'il puisse en être rendu compte
à la Convention nationale .
II. Si les trois comités pensent qu'il doit être donné
suite à la dénonciation , ils déclarerout à la Convention nationale
qu'ils éstiment qu'il y a lieu à examen .
Cette déclaration ne sera point motivée .
III . Il sera , immédiatement après , nommé au sort une
commission de vingt - un membres de la Convention nationale
, pour lui faire un rapport sur les faits dénoncés , et sur
les pieces produites à l'appui.
" IV . Pour parvenir à effectuer cette nomination , il sera
fait un appel nominal de tous les membres de la Convention
nationale , extraction faite de ceux qui seront en mission ou
absens en vertu de décret , ainsi que des membres des trois
comités ci - dessus désignés , et du prévenu,
V. Chaque membre appelé se présentera à la tribune ; il
inscrira son nom sur un bulletin disposé à cet effet , qu'il
remettra ostensiblement au président .
Le président en fera lecture , et le déposera dans une
urne qui sera placée sur le bureau .
" VI . Si un membre appelé n'est pas présent à la séance ,
il sera supplée , pour l'inscription de son nom , par l'un des
secrétaires , qui signera le bulletin.
" VII. L'appel nominal terminé , le président agitera l'urne ,
et l'un des secrétaires en tirera successivement 21 bulletins .
Le nom de chaque membre compris dans le bulletin sorti ,
il sera verifié par deux secrétaires , et remis au président ,
qui le prociamera à haute voix ,
,, VIII . Aucun des membres désignés par le sort ne pourra
être récasé ni se récuser .
,, IX. Le rapport de la commission ne pourra porter que
sur les faits compris dans la dénonciation sur laquelle les
trois comités auront déclaré qu'il y a lieu à examen , ou résul
tant des pieces remises par cux à la commission .
,, X. Avant de présenter son rapport à la Convention nationale
, la commission entendra le prévenu , lui communiquera
les pieces , sans déplacement , et lui en fera délivrer
copie , s'il la demande ,
XI. Après , le rapport , s'il tend au décret d'accusation ,
la Convention, uationale décidera s'il y a lieu à l'arrestation
provisoire .
XII. Le rapport et les pieces y relatives seront imprimés
et distribués .
" XIII. Le prévenu pourra faire imprimer et distribuer aux
membres de la Convention nationale , telles pieces et mémoires
qu'il jugera utiles à sa defense .
,, XIV . Le prévenu sera présent à la discussion , et y sera
entendu sur les faits articulés et précisés qui devront servir
de bases à l'acte d'accusation .
1
( 275 )
XV. Il ne pourra être rendu de décret d'accusation qu'à
l'appel nominal .
XVI. Si la Convention nationale décrete qu'il y a lieu à
accusation contre le prévenu , la commission présentera le
lendemain l'acte d'accusation , qui contiendra les faits articulés
et précisés sur lesquels le prévenu aura été entendu dans la
Convention nationale , et sur lesquels l'iustruction devra
porter.
» XVII. Le tribunal qui sera chargé d'instruire ne pourra
informer et juger que sur les faits compris dans l'acte d'accusation.
"
La Convention nationale décrete qu'il y aura une séance
extraordinaire le soir pour procéder à la nomination de la
commission .
Dans cette séance , le sort a désigné les citoyens dont les
noms suivent :
f
Monestier , Rivery , Martinel , Arbogast , Bandran , François
( de la Somme ) , Romne , Reynaud (de la Haute - Loire ) ,
Gauthier jeune ( des Côtes - du - Nord ) , Lefranc , Guerin ( du
Loiret ) Bonnet ( de l'Aude ) . Serviere , Hommier - Eloi , Lanthenas
, Dubreuil , Chénier , Laa , Vidalot , Marcoz , Bodin .
Séance de nonidi , 9 Brumaire.
Thuriot donne lecture des dépêches arrivées de l'armée des
Pyrénées occidentales , et qui annoncent une victoire rempostée
sur l'armée espagnole. ( Voyez Nouvelles officielles . )
66 La Convention décrete que l'armée des Pyrénées occidentales
ne cesse de bien mériter de la patrie ,,,
Un citoyen chargé par le commissaire civil près le dépar
tement de Jemmappe , d'apporter les saints trouvés dans les
souterrains de l'église de Ste . Gertrude de Mous , se présente
à la barre pour en annoncer l'arrivée au creuset national . Au
nombre de ces saints sont : un St. Antoine , un St. Fiacre , une
Ste . Barbe , un St. Michel , un St. Eloi , un St. Adrien avec
son chapeau , un gros et petit St. Christophe , un St. Hilaire ,
un St. Evremont , un St. Pierre , un St. Crepin et un St. Crepinien
armés de pied en cap , un St. Sebastien , un St. Jacques.
et un St. Paul , etc. ( Mention honorable et insertion au bulletin.
)
Une députation de la commune de Bordeaux se présente à
la barre. Forte de la conscience de ses commettans , elle vient
apporter à la Convention nationale et à la France entiere le
voeu de la commune de Bordeaux , et proteste de son attachement
à la Convention et de son ardent amour pour la liberté et
l'égalité .
Les pétitionnaires parlent ensuite du décret du 6 août qui
frappent une foule de malheureux citoyens égarés du département
du Bec - d'Ambès , et qui a été une arme sanguinaire et
féroce entre les mains des agens du Catilina moderne , des
S 2
( 276 )
་ fripons et des dilapidateurs. Ils observent que les Bordelais
eux -mêmes revenus de leur erreur , ont arrété les conspira
teurs qui les avaient trompés , et les ont livrés au glaive de la
loi . Ils rappelent les sacrifices qu'ils ont faits , les millions
qu'ils ont offerts pour venir au secours de la patrie . 60,000
hommes sont partis de ces contrées pour aller combattre les
ennemis de la patrie ; et Bordeaux souffre , depuis un an , les
horreurs de la famine sans se plaindre ; au contraire , les cris
de vive la République une et indivisible , vive la Convention ,
s'y font entendre ! Ils concluent en demandant le rapport du
décret du 6 août.
Un membre convertit cette demande en motion . Il est appuyé
par Garnier ( de Xaintes ) , qui atteste que Bordeaux est
dans les meilleurs principes .
Tallien déclare qu'il desire aussi ce rapport, l'ayant demandé
le premier ; mais il ne veut pas que la Convention rapporte
un tel décret sans un rapport préalable du comité , et il demande
que ce rapport soit fait primidi prochain.
- Guyomar se range de l'avis de Tallien . Le renvoi au
comité , pour en faire un prompt rapport , est décrété.
-
Un membre renouvelle sa proposition sur le décret du 23
ventôse , renda sur la proposition de St. Just et de Robespierre
, qui met hors de la loi les individus qui se seront
soustraits à un mandat d'arrêt . On demande l'ordre du
jour , motivé sur ce que cette proposition a déja été renvoyée .
Richard fixe aussi l'attention de la Convention nationale
sur un décret qui a déclaré en rébellion la ville de Beauvais ,
parce qu'elle avait mal accueilli le conspirateur Mazuel.
Renvoi au comité , pour en faire un prompt rapport.
Lakanal soumet à la discussion un projet de décret sur les
écoles normales . Comme il a souffert beaucoup d'amendemens ,
nous le donnerons lors de son entiere rédaction .
Séance de décadi , 10 Brumaire.
Le représentant du peuple , Boisset , écrit qu'il vient d'épurer
les autorités constituées de Châlons et d'Autun ; que les animosités
et les désunions qui régnaient entre les membres de
la société populaire , l'ont déterminé à le suspendre , et à
former un nouveau noyau épurateur. Toutes ces opérations
se sont faites au milieu des applaudissemens du peuple.
Richard donne lecture des dépêches arrivées des armées du
Nord et de Sambre et Meuse ; elles sont datées de Bois - le-
Duc , le 2 brumaire , et rendent compte des actions qui oat '
eu lieu , le gS , entre la division de Sounam et une division
de celle d'Yore , que le télégraphe avait déjà annoncées . Voyez
Nouvelles officielles . )
Ces dépêches annonçaient que le citoyen Jacques Mercier
hussard du ge . régiment , apportait lui-même le drapeau qu'il
avait pris aux Anglais . Ce brave hussard est admis à la barre.
( 277 )
Représentans du peuple , dit - il , je sais micus me
que parler. Je vous apporte un drapeau que j'ai arraché anx eunemis
de la liberté. Nons laissons à nos representaus , le soin
de vous transmettre nos actions ; notre devoir , à nous , est
de mourir s'il le faut pour l'exécution de vos décrets , et de
voir dans la Convention nationale notre premier étendard
autour duquel nous devons nons ranger ; je l'ai fait , et je
suis prêt à le faire encore .
Un officier de l'état - major de l'armée du Nord , qui accompagne
le citoyen Mercier , demande la parole ,
Représentans , je dois vous observer que le brave hussard
qui vous apporte l'emblême du despotisme , qu'il a arraché luimême
à ses satellites , a été cause que trois compagnies de son
régiment se sont ralliées , et ont pris tout le bataillon ennemi ,
qui est le 37. régiment anglais .
Après la réponse du président , la Convention nationale admet
ce brave hussard , ainsi que le citoyen qui l'accompagne , anx
honneurs de la séance ; charge son comité de salut public de
lui procurer de l'avancement , et sur la proposition d'un membre
, le président lui donne l'accolade fraternelle , au milieu des
plus vifs applaudissemens .
Des élèves de l'école de Mars , avant de rentrer dans leurs
foyers , viennent offirir à la Convention , par l'organe de l'un
d'entr'eux , l'hommage de la plus vive reconnoissance . Ils sout
accueillis avec les plus vifs applaudissemens , et le président
leur témoigne toute la satisfaction de l'Assemblée sur leurs progrès
dans l'art militaire , et dans la discipline qui doit caracté
riser de vrais républicains .
Monestier , au nom de la commission des 21 , annonce que
l'un d'entr'eux , le représentant Bonnet , n'a point encore paru
à la commission ; il demande si la commission doit être absolument
composée de 21 membres pour chacune de ses délibérations
.
Cette question donne lieu à des débats qui se terminent par
décréter que la commission ne pourra délibérer qu'au nombre
de 21 , et que chaque membre qui ne se rendra pas aux séances ,
sera tenu d'exposer ses motifs à la Convention .
Le reste de la séance a été employé à entendre des pétitions
particulières .
Séance de primedi , 11 Brumaire.
Les citoyens de Dune - Libre félicitent la Convention sur
son adresse au peuple , et demandent à conserver l'ancien nom
de leur commune , celui de Dunkerque . Renvoyé au comité
de d'vision ,
Une lettre des citoyens Monestier et Chenier , président
secrétaire de la commission des vingt- un , annonce que Bonnee
n'a point encore paru à ses délibérations . Il s'éleve des mumures
, Un membre observe que Bonnet est en commission
S 3
( 278 )
particuliere . La Convention charge un de ses huissiers d'aller
inviter Bonnet de se rendre sur- le - champ dans le sein de la
Convention . Quelque tems après , l'haissier rend compte de
son message . Le portier lui a dit que le citoyen Bnnet était
parti depuis trois jours pour surveiller une manufacture de
papier ; qu'on lui a fait savoir sa nomination à la commission
des vingt-un , et qu'on l'attend ce soir .
Après quelques debats , la Convention déclare que la commission
pourra délibérer au nombre de dix - sept membres , dérogeant
à son décret de la veille , et que la commission appor
tera le procès- verbal où seront inscrits les noms de ceux qui
ont assisté à ses deliberations .
Oudot fait un rapport , et présente un projet de décret relatif
aux scellés et aux sequestres des biens des détenus comme
suspects .
Duhein ne veut point que les personnes arrêtées pour simple
cause de suspicion , puissent avoir communication avec un ou
deux parens , ou couseils , pour la gestion de leurs affaires . Il
voit dans ce mot communication une porte ouverte aux conspirations
. Clausel le réfute avec force . Les articles suivans sont
décrétes .
66 Art. Ier . Le scellé sera apposé sur les papiers de toute
personne arrêtée comme suspecte , eu sa présence , ou en celle
de son foudé de pouvoir , ci de deux citoyens appellés comme
témoins.
II . Dans les trois jours , il sera procédé à la reconnaissance
et à la levée du scellé ; l'examen des papiers et effets sur
lesquels il a été mis , sera fait aussi en présence du détenn ou
de son fondé de pouvoir , et de deux témóias ; ce dont il sera
dressé procès - verbal .
" III. S'il se trouve des preaves ou indices de délit on de
crime , le commissaire à la levée du scellé est autorisé à distraire
les pieces qui y sont relatives , après les avoir paraphées
et fait signer par les témoins , par le détenu ou son fondé de
pouvoir , après avoir fait mention du tout dans son procèsverbal
, auquel ces pieces demeureront anncxées .
Expédition de cet acte sera donnée au détenu dans les
vingi quatre heures .
IV. Les personnes arrêtées pour simple cause de suspicion
conserveront l'administration de leurs bicus , meubles et immeubles
, pendant leur détention .
pres V. Elles pourront avoir communication , heures aux
crites par la municipalité , avec un ou deux parens ou conseils
, pour la gestion de leurs affaires . Les parens ou conseils
serent agréés par le comité révolutionnaire du district . Ces
parens seront munis de certificats de civisme .
VI. Anssi- tôt après la publication du présent décret , il
sera donué main-levée à tous les détenus simplement comme
ruspects , du séquestre qui peut avoir été mis sur leurs biens ,
( 279 )
et la libre administration de leurs meubles et de leurs revenus
leur sera rendue . "
Le reste du projet de décret est ajourné .
PARIS . Quartidi , 14 Brumaire , 3e . année de la République.
L'instruction de la procédure contre les membres du comité
révolutionnaire de Nantes , commencee depuis le 25 du mois
dernier , n'est point encore terminée ; ce n'est pas que les faits
ne soient suffisamment éclaircis . On ne fait plus que multiplier
les témoignages , sans beaucoup ajouter aux lumieres déja ácquises.
Si , pour l'éclaircissement de la vérité , il est nécessaire
que le représentant du peuple , Cartier , intervienne dans les
débats , il est vraisemblable que l'instruction ne se prolonge
que parce que la Convention n'a pris encore aucune résolution
définitive à son égard .
La commission des vingt- nn , qui doit faire son rapport sur
les imputations faites à Carrier , a d'abord été entravée par
l'absence d'un de ses membres , et par la nécessité de leur réu
nion complette ; il a fallu lever cet obstacle . Un autre événement
a succédé . La commission avait invité Carrier à se rendre
dans son sein , et il s'y rendait , avant hier matin , lorsqu'il a
été arrêté par un inspecteur de police qui cria : Ferce à la loi !
et soudain un officier des vétérans lúi mit la main dessus , et
tous deux le conduisirent ainsi à la commission qui témoigna
sa surprise de l'outrage qu'on faisait à la représentation nationale
; l'inspecteur de police interrogé , à répondu qu'il avait
des ordres. Cependant il est résulte des éclaircissemens pris
auprès du comité de sûreté générale , que ni la commission ni
ce comité n'en avaient donné aucun . Ce fait dénoncé à la
Convention y a causé beaucoup d'effervescence . Legendre a
déclaré que depuis plusieurs jours le comité de sûreté générale
était prévend que des malveillans cherchent à égarer le
peuple , ca lui faisant croire que la Convention veut sauver
Carrier , et qu'une insurrection se préparait si cela arriva . Le
comité , a ajouté Legendre , aussi - tôt après le décret portant
qu'il y avait lieu à examen , s'est borné à écrirene lettre à
l'administration de police pour qu'elle veillât avec tous les
moyens de prudence possible , à ce que Carrier ne sortit pás
de Paris , ce député n'ayani ni congë , i mission . Voilà à
quoi se sont réduites toutes les mesures prises par le comité .
Rewbell a observé que ce prétendu ordre donné à l'inspecteur
de police pourrait bien avoir été concerté pour mettre la Convention
et les comités en défaut . Il a assuré que l'administration
de police n'en avait donné aucun . Le comité a été chargé de
l'éclaircissement de ce fait , et l'on croit que la commission qui
a déja entendu Carrier , ne tardera pas à faire son rapport.
( 280 )
On vient de publier , dans quelques journaux , quelques nouveaux
traits à ajenter au tableau déja connu du régime des prisous
sous la tyrannie de Robespierre ; les faits qu'ont va lire
se sont passés dans la maison d'arrêt ci - devant Saint- Lazare .
une
10. Le citoyen Maillé , âgé de 16 ans , a été conduit à
l'échafaud , pour avoir observé qu'un hareng salé , de son
diner , était mangé et rempli de vers ; cette observation a
été regardée par les agens de Robespierre , comme
rébellion , et ce malheureux jeune homme a eté guillotinė ;
ce fait est à la connaissance des détenus qui existent encore
dans la maison Lazare .
2º. La citoyenne Maillet a été enlevée de la maison
Lazare , par méprise , au lieu de la citoyenne Maillé , et
conduite ensuite au tribunal de sang ; elle a été condamnée
à mort et exécutée , quoique la méprise fût reconnue ,
le prétexte qu'elle le serait vraisemblablement dans peu , et
qu'il fallait autant lui faire son affaire aujourd'hui .
SOUS
39. Un individu a été aussi livré à la mort , pour avoir
refusé une somme de 200 liv. aux 28 et 30 assassins qui fai
saient les listes de proscriptions ; ces infâmes mêlés parmi
les prisonniers , déposaient au tribunal , et décidaient de la
vie des victimes qui y étaient conduites. Ces 28 ou 30
coquins étaient désignés comme les seuls qui devaient
échapper à la guillotine , sur 800 personnes qui étaient
détenues dans la maison .
4° . Au mois de floréal , des administrateurs de police
vinrent enlever aux prisonniers leurs assignats , bijoux ,
couteanx , rasoirs et ciseaux , et continrent , pendant ces
vols , les détenus par petites , troupes , dans des espaces
resserrés , afin de les extorquer plus facilement.
50. Toutes correspondances avec le déhors a été interdite
aux prisonniers , et leurs parens ne purent savoir le danger
qu'ils epuraient ; on avait eu sein de changer le concierge de
la maison qui était suspect d'humanité , pour mettre à sa
un nommé Suné qui refusait un bouillon à un malade à
face
l'extrémité.
60. La nourriture était horriblement mauvaise ; des harengs
salés , de la merluche et des fromages remplis de vers pendant
les chaleurs de l'été ; et le vin , un composé très - préjudiciable
à la santé.
On supposa des conspirations , et en trois jours en entassa
dans les charriots go victimes , qui furent conduites à l'échafaud.
Dans le moment où l'on enlevait les victimes , les guichetiers
se précipitaient sur elles avec les plus affreux transports
, ainsi qu'une meute de chiens sur leur proie .
Le bulletin des prisons de Paris porte le nombre des détenus
A 4028.
Les prisonniers qui étaient à la Conciergerie viennent d'être
( 281 )
transférés dans la maison d'arrêt du Plessis . Ce séjour était
devenu inhabitable à cause de l'infection et de l'insalubrité de
l'air ; il n'est resté à la Conciergerie que les membres et les
ageus du comité révolutionnaire de Nantes actuellement au tribunal
révolutionnaire .
On apprend de Brest que Villaret -Joyeuse vient d'être promu
an grade de vice - amiral .
NOUVELLES OFFICIELL I S.
ARMÉE DES PYRÉNÉES OCCIDENTALES.
De la fonderie d'Egny , le 29 vendemiaire.
L'Espagnol fuit de toutes parts , citoyens représentans , sa
déroute est complette , ses lignes sont forcées , ses redoutes
évacuées ou emportées , son artillerie dans nos mains , 2000 morts ,
à peu- prés un pareil nombre de prisonniers , 50 pièces d'artillerie
prises avec leurs caissons , et plusieurs attelages , des effets
de campement en assez grand nombre ; et des fusils.
" La Navarre espagnole , conquise presque sous les murs de
Pampelune , les fonderies d'Orbay cette et d'Egny , estimées 25
à 30 millions , la fameuse mâture royale d'Irati , sont les trophées
utiles et brillans de la victoire de l'armée des Pyrénées
Occidentales. 99
19 Je ne vous remettrai pas ici sous les yeux la marche de nos
colonnes , je vous ai rendu compte , dans nos dernières dépêches
, du plan d'attaque que j'avais proposé au conseil de
guerre qui l'avait approuvé , et qui avait été adopté par les
représentans du Peuple ; j'y ai joint un croquis de notre mouvement
; il a été exécuté tel qu'il est tracé sur cette carte. "
· Nous avons atteint le but que nous nous étions proposé
celui de forcer l'ennemi à quitter ses lignes , et de nous emparer
de ses redoutes et de son artillerie , de détruire les fonderies
d'Orbaycette et d'Egny , de semer le désordre dans son armée ,
de lui couper enfin la communication directe avec Pampelune."
" Nous avons réuni ces différens avantages dans les journées
des 26 et 27 vendémiaire. "
" Des colonnes se mouvant à des distances de près de 50
lieues , sont venues former autour lui un cercle , d'où il n'aurait
pas dû échapper un seul homme , si dans un pays de montagues
, à des distances si considérables , en pays ennemi , on
pouvait calculer avec précision les marches , et prévoir les
obstacles sans cesse renaissans que l'aveugle hasard se plaît à
faire naître . 11
,, L'ennemi instruit de notre mouvement , de la marche des
colonnes , a profité de la nuit da 26 au 27 , et d'un brouillard
( 282 )
épais , accompagné d'une pluie abondante , pour faire sa retraite
par Sangonesa ; il a passé entre les colonnes venant de Tardée ,
et la colonne infernale venant par Lans . Cette dernière coloune ,
égarée dans les bois par le peu de connoissance des guides ,
n'est arrivée à Burgnet que le 27 au matin ; elle devait y aniver
le 26 : les Espagnols ont saisi avec précision notre mouvement ,
et pris le seul chemin de retraite que ce retard leur laissait encore
. Je n'en doute point , si la colonne infernale , que j'avais
ainsi appellée , parce que seule elle eût pu écraser l'aimée espagnole
réunie , n'avait été retardée ; je n'en doute point , je
yous le répete , toute l'aimée espagnole eût été forcée de mettre
bas les armes . Mes présomptions se tournent en certitude par
les succès qu'a obtenu s n avantt-- garde , réunie à trois bataillons
, venant d'Almendos . Ces forces réunies ont eu un combat
des plus vifs et des plus opiniâtres à soutenir avec l'armée
espagnole , composee d'environ sept mille hommes ; ils sont
presque tous demeurés sur le champ de bataille , ou faits
prisonniers .
" Les colonnes venues d'Oyaca et Tolosa sur l'Ecombery
ont aussi exécuté leur mouvement avec tout le succès possible ;
l'ennemi , au nombre de 6,000 hommes de troupes de ligne ,
de 8,000 peysaus , de 800 chevaux et des pièces d'artillerie ,
a , pendant long - tems , disputé le passage à nos troupes ; mais
noue feu , la charge et la bayonneste ont mis fin à cette lutte
entre les hommes de la liberté et les hommes de la tyrannie . "
" Les représentans du peuple , Carran et Baudot , ont suivi
notre mouvement à la tête de nos colonnes : sans doute , ils
rendront un témoignage satisfaisant de la conduite vraiment
héroïque de l'armée des Pyrénées occidentales . "
" Occupé à donner des ordres pour disposer l'armée dans
le meilleur ordre possible , je ne peux vous donner de plus
grands détails : vous les trouverai dans les rapports ci - joints .
des officiers - généraux qui commandaient , des généraux Fregeville
, Dumas , et celui du général Digonet , qui a pris la fonderie
d'Egay , et poursuivi avec vigueur l'ennemi jusqu'à Viscaret
, ils ne me sont pas encore parvenus ; dès que je les aurai ,
je m'empresserai de vous les faire passer . "
" Je ne vous ferai point l'éloge du courage des républicains
que j'ai l'honneur de commander , les succès éclatans qui viennent
de couronner leurs efforts , parlent assez éloquemment
pour eux ; mais je dois un hommage public à leur constance ,
aleur impassibilité , à leur discipline , à leur sobriété . Le croiriez-
vous , représentans ? la colonne infernale a marché 43
heures sur 48 , pour arriver à tems à sa destination , qu'elle
aurait atteint sans la mal -adresse des guides et le mauvais
tems.
La colonne partie de Tardet , après quatre jours de marche
dans des montagnes presque inaccessibles , n'ayant eu pour
toute subsistance que trois biscuits , ne s'est pas plaint , et s'est
( 283 )
contenté de crier vive la république lorsqu'arrivée à Orbeycette
, je n'ai pu lai faire donner du pain qu'elle était veone me
demander . L'ennemi avait brûlé ses fours ; on ne pouvait pas
faire de pain ; on lui a distribué de la farine pour en faire de
la bouillie . Elle a oublié dans ce repas frugal ses peines et ses
fatigues , et n'a plus songé qu'au triomphes de la république .
Notre perte se porte au plus à cinquante hommes hors də
combat. "
Salut et fraternité .
Signé , MONCEY , général.
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUS E.
Bois-le- Duc , le 2 brumaire.
Nous vous avons annoncé , chers collegues , par la voie da
telegraphe , l'affaire qui a eu lieu le 28 vendémiaire entre
Meuse et Vaalh , entre la division de Souham , de l'armée du
Nord , et un corps considérable de l'armée d'Yorck : avant de
vous écrire , nous avons voulu en avoir les details , et les
voici :
Aprés la prise de Bois- le- Duc , les ennemis craignant
que nous ne terrassions le passage de la Meuse , se répandirent
de maniere à nous le disputer ; n'ayant pas , à l'armée du
Nord , d'équipages de ponts , ces moyens nous manquant pour
passer , à force ouverte , un fleuve aussi considérable , il était
nécessaire d'avoir recours à la ruse . Nous avons menacé en
même tems de tenter un passage du côté de Grave ; nous avons
fait des dispositions ostensibles , pour attaquer l'île´ de Romel ,
en face du fort de Creve - Coeur .
" L'ennemi a pris le change , il a établi son quartier- général
entre Vaalh et Leck , vis - à - vis Bomel , a jeté beaucoup de
troupes dans cette ile , et a seulement laissé un corps d'observation
devant Grave pour couvrir Nimegue . Nous avons
rassemblé , à la hâte , tout ce que nous avions de bateaux , et
fait construire , daus une nuit , un pont vis- à- vis de Teffelen ,
et le lendemain notre armée s'est trouvée entre Meuse et
Vaalh , ss que l'ennemi . ait eu le tems de s'y opposer.
29 L'ennemi a pris des positions pour disputer le passage
vers Nimegue ; il s'est réuni en masse en face de la division de
Souham , qui est la plus forte de notre armée ; elle est de 18 å
20,000 homimes .
" Le 28 , cette division l'a attaqué sur différens points ;
malgré les obstacles du terrein , qui étaient en faveur de l'ennemi
, et la résistance qu'il a faite , il a été battu complettement ,
et le résultat en a été 500 prisonniers faits , quatre picces de
canon prises , un drapeau , la légion de Rohan émigré entierement
détruite ; de 400 qu'ils étaient , il ne s'en est pas
échappé 60 , et sur lesquels il n'y en a pas 10 qui ne soient
haches de coups de sabre. Nos hussards , las de les sabrer ,
( 284 )
en ont fait 60 prisonniers , qui ont été fusilles. conformément
à la lei ,
» Le 3e, et le ge , régiment de hussards ont ea principalement
occasion de s'y distinguer ; nous vous envoyons le citoyen
Jacques Mercier , hussard dn ge . régiment , apporter lui-même
le drapeau qu'il a enlevé aux ennemis ; il mérite l'attention de
la Convention nationale ; nous demandons une sous-lieutenance
pour lui .
" Le citoyen Schneider , hussard au 3. régiment , envoie
à la Convention un de ces bijoux de l'ancien régime , qu'il a
pris sur un capitaine de la légion de Rohan , après l'avoir
attaqué , sabré , terrassé et fait prisonnier ; ce hussard a déja
plusieurs affaires mémorables sur son compte , dans lesquelles
il a fait voir qu'il joignait à la plus grande bravoure la sensibilité
la plus intéressante : à l'affaire de Kaiserslautern , il avait
pris quelques pieces d'or à un capitaine prussien , il renconura
un paysan qui avait été volé par les Prussiens , il lui donna
tout ce qu'il avait , en lui disant : Tu es un pere de famille ,
tu en as plus besoin que moi . Nous demandons pour lui une
sous - lieutenance , ainsi que pour le premier . "
Le citoyen Genois , hussard an 3. régiment , accablé par
le nombre , est tombé noyé dans son sang , et n'a pu dire que
ces mots :Je suis content , je meurs pour la république , Si les ressources
de la jeunesse le font revenir , nous demandons pour
lui le grade de sous- lieutenant. "
Après avoir parlé de la classe intéressante et nombreuse
des simples soldats , il est juste de donner à leurs frères qui
les dirigent , les éloges qu'ils ont justement mérités . Le général
de division , Souhain , s'est conduit avec son intrépidité et son
activité ordinaires : il a surveillé tout, et s'est trouvé à toutes les
attaques . Il a été parfaitement secondé par les généraux Macdonal
, Dewente et Jardon : ce dernier , qui mérite les plus
grands éloges , saisi deux fois par les hussards ennemis , s'en
est débarrassé ; il a eu un cheval tué sous lui , a pris un de
ceux de ses ordonnances , et a continué la charge à la tête
des braves républicains qui ont exterminé la légion de Rohan ;
san aide- de- camp s'est conduit avec bravoure ; il a été blessé
grievement. Nous demandons de l'avancement pour lui ; mais
nous ne savons pas encore quel est son grade , nous vous l'écri
rons incessamment . "
" Un détachement du ge , régiment de hussards , après une
charge vigoureuse , où le général Fox a été vigoureusement
sabré , s'est trouvé enveloppé par trois escadrons ennemis ,
qui , les croyant de bonne prise , leur criaient : Rendez - vous
hussards . Mais le brave Thouvenot qui les commandait , a répondu
à coups de sabre : c'est ainsi que je me rends et , suivi
dans son audace par ses compagnons d'arme , il s'est fait
jour à travers les escadrons . "
Nous avons cru , citoyens collegues , que vous appren
( 285 )
dricz avec intérêt ces différens détails : il serait trop long de
les multiplier ; mais nous pouvons dire que la division de
Souham s'est conduite avec l'audace et l'intrépidité de nos
Républicains , et c'est tout dire . "
Salut et fraternité .
Signés , BELLEGARDE , J. P. LACOMBE ( du Tarn ) représentans du
peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Titelin , détenu au Buffay , dans la nuit du 24 au 25 frimaire
, a aussi donné des renseignemens sur la noyade qui
ut lieu à cette époque ; il fut rayé de la liste fatale . Goullin
a assuré que c'était lui qui l'avait fait rayer ; il me doit la vie ,
a- t- il dit ; le président a répliqué : bien d'autres vous doivent
la mort.
Thomas , officier de santé de l'hôpital révolutionnaire
de Nantes , a accusé Chaux de l'avoir sollicité , le 7 prairial
, au comité révolutionnaire , où il était allé demander
des paillasses et de la paille pour les détenus dans cette maison
, et où , en 2 jours , il en mourait au moins 50 , à faire
une bonne dénonciation contre Phelippe Tronjoly.
Il a accuse le comité d'avoir fait noyer ou fusiller 4 à 500
enfans qui étaient à l'entrepôt , et dont les plus âgés n'avaient
pas 14 ans. Mainguet , a - t- il dit , me donna un bon pour en
retirer une fille de 11 ans , et un garçon de 13 ans . Ils étaient
si malpropres , que je fus obligé de les faire raser , d'emprunter
dans le voisinage , des chemises ; il faisait très -froid, un
de mes amis et moi les emportâmes enveloppés dans nos manteaux.
Le lendemain , des citoyens , dont plusieurs avaient
aussi des bons , voulurent en aller chercher ; il n'y en avait
plus , quoique la veille il y en ent au moins 500 : ils avaient
été noyés .
Un jour , an homme sensible entra dans cette boucherie
pour voir un enfant ; il y trouva un tas de cadavres d'enfans
encore palpitans : il y en chercha un qui n'eût pas encora
rendu les derniers soupirs.
L'a ccusateur public près la commission militaire , après
avoir donné quelques explications à ce sujet , et avoir rappellé
les démarches qu'il avait faites pour le soulagement des
victimes , a déclaré que Carrier disait , en parlant de ces enfans :
Ce sont des viperes , il faut les étouffer .
Thomas a continué ce récit d'horreurs , qui a attristé les
ames et affaissé de douleur et d'indiguation les esprits de tous
les auditeurs , au point qu on en était tellement oppressé , que l
l'on pouvait à peine respirer , et que la plume qui retraçait taut
d'atrocités est tombée plusieurs fois de la main.
1
( 286 )
Il a dit: Un jour que je me transportai à l'entrepôt pour
y constater la grossesse de 30 à 40 femmes enceintes de 8 mois ,
même de huit mais et demi , je trouvai dans les salles des
cadavres d'enfans encore palpitans et tombés dans des baquets
remplis d'excrémens . Ces femmes étaient tellement saisies de
frayeur , que lorsqu'elles voyaient un homme , elles croyaient
que c'était un noyeur . Quelques jours après j'entrai pour les voir,
j'appris qu'elles avaient été noyées ou fusillées. ( Frémissement
d'horreur. )
Le représentant Bô , à qui Nantes doit son salat , ordonna
à Rolin , médecin , et à moi de visiter toutes les maisons d'arrêt
de Nantes : dans deux , nous n'y trouvâmes ni feu , ni matelats
, ni paille , ai baquet , ni bois , tout y manqesit. En 4
minutes , nous y avons vu périr 4 à 5 enfans . Nous nous
informâmes dans le voisinage s'il n'y avait pas quelques ames
charitables pour secourir des detenus , et sur-tout les enfans .
L'ame navrée de douleur , et les larmes aux yeux , on nous dit :
Comment voulez-vous que nous portions des secours à ces
femmes et à ces enfans , Grand - Maison fait emprisonner tous
ceux qui leur en porteat . J'accuse le comité d'avoir fait incarcérer
ceux qui avaieut de la fortune , quelques talens et de
l'humanité. Je leur reproche les noyades ; 7 à 8 brigands , à la
vérité , ont été sabrés à la porte da comité , sous prétexte qu'ilétait
trop tard pour les conduire à l'entrepôt .
Je déclare , en finissant , que dans le courant de Arimaire ,
dans un café , un batellier , nommé Perdran , qui était ivre ,
me demanda du tabac , en me disant : Je l'ai bien gagné car je
viens d'en expédier 7 à 800. Je m'informai comment il expédiait
ces victimes : il me dit que d'abord il les dépouillait ,
ôtait leurs habits , les attachait par les poignets et par les bras ,
les faisait monter deux à deux dans un bateau , d'où il les préeipitait
dans la Loire , la tête la premiere. Pour connaître
toutes les cruautés qu'il exerçait , je lui observai que quelquesuns
pouvaient bien nager sur le dos ; il me répondit que quand
cela arrivait , il avait des gafs pour les assommer.
Les accusés ont nié plusieurs des faits qui leur sont imputés ;
quelques- uns avouent s'être trouvés à la noyade du 24 au 25 ;
mais ils disent que s'est la seule à laquelle ils ont participé.
Ma tête est dévouée , a dit Goullin , il ne m'en coûterait pas
plus de les avouer toutes que d'en avouer une .
Phelippe Tronjoly a répété qu'il s'était porté dénonciateur
de Carrier ; que cette dénonciation était grave : il a demandé à
être mis en prison pour le soutien de son accusation : il faut ,
a-t-il dit , que ma tête ou celle de Carrier tombe.
Le président a rappellé le décret relatif à l'instruction du
procés du comité révolutionnaire de Nantes , et a déclaré
que le tribunal , qui a fait son devoir , et qui dans le moment
s'occupe à remplir le but de cette loi , n'a apcun reproche à
faire à Phelippe Tronjoly.
1
"
( 287 )
Du 29. Les débats se sont onverts sur les déclarations da
témoin Thomas ; Goullin a nié les faits qui le concernent , et a
assuré qu'il a toujours favorablement écouté, les réclamations
de ceux qui proposaient de servir de la République ; que , s'il
a signé un ordre de transferement à l'entrepôt , il ne l'a fait
que pour soustraire les malheureux dont avait parlé Thomas
l'epidémie qui régnait dans cet hospice. Le témoin a persisté
à dire que sa déposition était véritable.
Le président a observé à Goullin , qu'un homme qui avait
fait traduire an tribunal révolutionnaire , séant à Paris , plasieurs
des 132 Nantais , sans spécifier d'autres motifs , que
celui de muscadins et de modérés , pouvait bien avoir envoyé des
individus , seulement coupables de fautes légeres , dans une
prison où ils devaient trouver la mort,
Goullin a prétendu qu'il y avait alors d'autres motifs pour
l'arrestation de ces Nantais . Vous avez cependant signé le contraire
, a repliqué le président , qui a rappellé à ce sujet le serment
prêté par la compagnie-Marat , dans la société populaire
de Vincent- la-Montagne , serment par lequel chaque membre
de cette compagnie jurait une guerre à mort aux muscadins et
aux modérés . Cela peut être , a répondu Goullin ; mais repor
tez- vous aux tems et aux circonstances , les principés qui aujourd'hui
paraissent atroces , n'étaient alors que révolutionnaires .
Grand- Maison a nié les faits qui lui sont imputés .
Le président a interpellé Goullin de lui dire ce que sont
devenus les 4 à 500 enfans qui étaient dans l'entrepôt , et qui en
furent enlevés , Goullin a répondu : Si quelqu'un peut donner
des éclaircissemens sur ces enfans , certainement c'est la commission
militaire qui siégeait dans cet entrepôt , et qui devait
en avoir la surveillance .
L'accusateur public près cette commission a répondu que
la commission tenait , il est vrai , ses séances dans l'une des
salles de l'entrepôt ; mais qu'elle s'occupait seulement de juger
les brigands qui étaient conduits devant elle par Joly , agent
du comité ; qu'au reste , il a écrit plusieurs fois au comite de
sûreté générale pour demander quel parti l'on prendrait à l'égard
des enfans des brigands , et qu'il n'en reçut aucune réponse ;
que s'étant adressé à Carrier , ce représentant lui répondit , que
ces enfans étaient des viperes ; qu'il fallait les étouffer .
Au reste , Goullin a déclaré que Fouquet et Lamberty ,
deox scélérats qui avaient reçu de Carrier le droit de vie et de
mort , pouvaient bien être les auteurs de la soustraction et de
la mort de ces enfans .
Fourrier , directeur de l'hospice révolutionnaire , a déposé
des mêmes faits que Thomas , relatifs aux 37 détenus qui demandaient
à être jugés par le comité , et à servir la République .
Il a ajouté qu'il s'était rendu plusieurs fois chez le représentant
Carrier , pour y porter les réclamations de plusieurs municipalités
voisines , en faveur des détenus dans cette maison :
| 288 )
1
1
Carrier , au lieu de les examiner et d'y faire droit , ne répondit
qu'en sacrant et en jurant ; il tirait son sabre , et menaçait le
porteur de le faire guillotiner et jeter par la fenêtre .
Le témoin , croyant trouver de l'humanité dans le secrétaire
du représentant , voulut s'adresser à lui , en l'absence de
Carrier qui allait très-souvent se délasser dans une superbe
maison de campagne , située dans l'un des fauxbourgs de la
ville ; mais le secrétaire , dont le nom était Marat , était à se
délasser dans un lit qu'il ne quittait pas avant midi . Toutes ces
réclamations furent donc inutiles ; aucun détenu ne furent mis
en liberté , jusqu'à l'arrivée du représentant Bô , qui n'ajourna
point la justice , et délivra sur-le-champ 17 détenus .
Le témoin a de plus déclaré qu'il avait connoissance des
mariages républicains qui se faisaient en attachant un vieillard et
une vieille femme , et un jeune homme à une jeune fille ; qu'on
les laissait dans cette attitude pendant une demi -heure ; qu'on
leur donnait des coups de sabre sur la tête , et qu'ensuite on
les précipitait dans la Loire.
Chaux , en cherchant à justifier le comité sur le régime
affreux des prisons , s'est écrié : Il est bien malheureux pour le
comité d'avoir eu à faire à un représentant féroce . Le président
a rappellé l'accusé à la modération , et celui- ci a fait des excuses
au tribunal et au peuple .
La veuve Simon Dumet , régisseur de l'entrepôt , a déclaré
qu'elle avait appris de son mari que 58 pretres étaient arrivés
dans cette prison trois semaines apres la Toussaint ; qu'ils y
étaient restés cinq jours seuls ; que le comité révolationnaire
leur fit ôter leurs effets précieux ; que ces prêtres furent enlevés
à dix heures du soir , et conduits sur le port à la baignade . Elle
a remis à l'accusateur public plusieurs papiers , dont un , qui a
été déroulé , porte que 597 brigands , qui étaient venus déposer
leurs armes avec un drapeau blanc , n'en avaient pas moins été
fusillés . Elle a aussi eu connaissance de fusillades ; elle a vu passer
ceux qui étaient conduits à ce genre de supplice , et parmijeux
se trouvaient des femmes grosses. Son fils , âgé de 14 ans , a
failli être la victime de ces bourreaux ; il a été rencontré dans
la cour par Lamberty , qui était occupé à faire lier les détenus ;
celui- ci voulut le faire lier aussi. A ce récit , la mere a versé de
larmes ; mais a - t - elle continué , l'enfant jeta des cris
perçaus , reclama son pere , et dit qu'il était de la maison .
Lamberty lacha sa proie ; la mere voulut se plaindre : sas
tu , répondit Lamberty , que ta vie est au bout de mon sabre.
Titelin , témoin déjà entendu , à ajouté à sa déclaration que ,
s'étant trouvé en prison avec Fouquet , celui- ci s'était vanté
d'en avoir expédié , lui seul , plus de neuf mille ; il aurait
désiré recouvrer sa liberté pendant 24 heures seulement ; il
prétendait qu'il ne lui fallait que ce tems pour balayer toutes
les prisons.
( No. 10. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Lundi 10 Novembre 1794 , vieux style . )
PHILOSOPHIE POLITIQUE
Suite dufragment sur l'abus des mots et les différentes variations des
idées dans la révolution ( 1) .
DEUXIEME ÉPOQUE DEPUIS LE DIX AOUT JUSQU'AU TRENTE- ÛN MAI .
Il semblait que la journée du 10 août aurait dû calmer les
passions , rapprocher les esprits , rendre les idées politiques
plus saines , et accorder les mots avec les choses . Le trône n'était
plus le pouvoir exécutif était dans les mains de ministres
choisis par la Législature ; une Convention etait appellée pour
juger le tyran et donner une constitution au Peuple ; tous les
voeux se tournaient vers la République , et l'on aurait eru que
la révolution allait toucher à son terme. A peine était- elle commencée.
La destruction du trône , qui avait été l'objet des communs
efforts , sans être celui des intentious communes , mit
tout-à-coup à découvert les ambitions , les intrigues , les vices ,
les partis , tout ce reste impur de quatorze siecies de corrup
tion et d'esclavage . Au dehors , des armées formidables menaçaient
d'envahir le territoire ; au dedans , l'influence de l'étranger
organisait un système de corruption et de trouble qui tendait ,
sous mille formes différentes , à avilir et à dissoudre le Corps
Législatif. Ce parti , dont on sentait les effets sans pouvoir
en atteindre les causes , était soutenu par les royalistes qui ,
revenus de leur premier étonnement , s'efforçaient de relever
les débris de la royauté . Une autre faction qui avait commencé
avec la révolution , qui tantôt s'était montrée à force ouverte ,
tantôt s'était repitée dans l'ombre , selon la politique des cir
constances , la faction d'Orléans ( 2 ) se ranimait avec une activité
(1 ) Voyez au n . 6 le commencement de cet article.
( 2 ) On nous dispensera de rassembler ici les preuves de l'exittence
de cette faction. Elles ne sont point équivoques pour quiconque à
suivi avec quelqu'attention la marche secrete et même ostensible de
la révolution . L'histoire ne sera pas embarrassée dans le choix des
motifs de sa conviction . La plus grande raison de douter aurait dû
être la connaissance morale et individuelle du personnage au profit
duquel cette faction agissait . Mais où sont ceux qui , dans la révolu…)
Tome XII . T
( 290 )
*
qui n'était pas moins funeste pour être plus eachée . Enfin , un amas
d'intrigans et d'hommes avides de pouvoir ou de richesses , ne
voyaient , dans la situation nouvelle de la France , qu'un objet
d'ambition et de proie .
Il résulta de cet horrible mélange un plan de désorganisation
et d'anarchie , auquel chaque parti travailla selon ses vues et
ses moyens . En paraissant divisés d'intérêt , ils s'accordsient
tous en cela seul qu'ils s'opposaient au rétablissement de l'ordre,
et ne voulaient aucune assiette fixe de gouvernement . L'effet
de ce plan fut si prompt qu'à peine le Corps Législatif eut- il
ordonné la suspension du roi , qu'il devint l'objet des plus horribles
calomnies . Les plus ardens promoteurs de la révolution
du 10 août furent diffamés , outragés , menacés . Robespierre ,
qui avait deja brigué et accepté modestement le titre de conseiller
du peuple , Robespierre , qu'on n'avait point va dans le danger ,
s'était mis à la tête de la commune de Paris ( 1 ) , et venait commander
insolemment des décrets à la Législature. Dansle tems que
la trahison livrait nos places sur les frontieres , on parlait à Paris
de Triumvirat. Le Corps Législatif décrétait que 30,000 hommes.
sortiraient de Paris pour aller combattre les ennemis , et l'on ,
affichait sur tous les murs qu'il ne fallait point exécuter ce
décret. Des visites domiciliaires étaient ordonnées pour désarmer
les gens suspects , et l'on ne définissait point ce qu'on en
tendait par ce mot qui prêtait une si grande latitude à l'arbitraire.
La vengeance et la haine choisissaient leurs victimes ;
les prisons se remplissaient et ne se vidaient par des massacres
que pour se remplir encore . La commune sous l'influence
d'une tyrannie dont la plupart des auteurs ne sont plus , envoyait
dans les départemens une adresse et des émissaires pour
y provoquer de semblables horreurs , et y prêcher le meurtre ,
le pillage et l'oubli de toutes les lois . Les dominateurs s'essayaient
aux proscriptions , et créaient déja ce systême de terreur
qui fut porté depuis à un degré de perfection qu auraient envié
ces monstres d'empereurs qui pendant 18 siecles ont épouvanté
9 .
tion , n'aient consulté que leurs propres moyens , pour coucevoir
d'ambitieuses espérances ? D'Orléans était méprisé et incapable ; mais
il y avait des hommes adroits qui dirigeaient son parti , et dans les
derniers tems l'ambition qu'il avait commencée pour lui - même , il
semblait ne la continuer que pour ses enfans dont le début inspirait
de l'intérêt , et qui n'en étaient que plus dangereux pour la liberté
de leur pays .
(1 ), Il n'a plus été permis de douter du projet qu'avait la commune
d'établir une suprématie sur toutes les autres municipalités de la
République , et de rivaliser avec la Convention . Mais ce crime , qui
a été celui des factieux qui avaient composé la commune de gens qui
leur étaient dévoués , n'a jamais été celui du peuple de Paris . C'est
un hommage qu'on se plait à lui rendre. Il a fait justice des factieux
et de leurs instrumens .
(( 2912 ))
T'histoire , et que leurs émules ont laissé si loin derrière eux, t
Dans l'absence du gouvernement , car le peu qu'il y en avaitɔ
était sans confiance et sans énergie , les factions calculaient
sur les désordres et les malheurs publics , et redoutaient un
succès de nos armes , comme elles craignaient la réunion des .
nouveaux représentans du People .
Heureusement le même jour où Kellermann arrêtait Brunswick
dans les plaines de Champagne , la Convention nationale ouvrait
sa session. Les vrais amis de la liberté mettaient en ellecteurs
espérances ; elles ne furent point d'abord déçues . Le premier acte
de sa puissance fut l'abolition de la royauté et l'établissement de
la République. Qui n'aurait cru encore que l'adhésion de la
France entiere à ce décret allait éteindre toutes les haines , ea
cimenter l'union de tous les patriotes , et forcer les aristocrates )
et les royalistes à se cacher et à se taire , et à endurer pour
supplice le spectacle de la félicité commune . Mais cette félicité
n'entrait dans le plan ni des ambitieux de domination , ni des
déprédateurs , ni des factions ennemies qui voulaient étouffer la
République dans son berceau . Il fallait éprouver tous les maux
qui naissent du patriotisme sans lumieres , des lumieres sans
patriotisme , des hypocrites de liberté , et de cette horde de
scélérats à qui tout convenait , excepté le bonheur de tous.
Comment au milieu de tant d'orages la Convention n'en auraitelle
pas ressenti quelqu'atteinte ?
Si notre plan se bornait à tracer les vérités inexorables, de
l'histoire , nous dirions comme dans une assemblée nombreuse
, dont la plupart des membres sont inconnus les uns
aux autres , il est facile de faire naître des défiances ; comment
ces defances dirigées par des hommes habiles se tournent en
jalousies , en rivalités , en haines ; comment l'amour du bien
peut égarer quand l'amour - propre y mêle son poison ; comment
il est dangereux de s'occuper trop des personnes , quand
une nation cutiere attend qu'on s'occupe de ses intérêts ; comment
il est impolitique de vouloir arracher de force ce qu'il
faut obtenir du tems et des circonstances ; comment une démarche
mal calculée est nuisible quand on n'est pas sûr du:
succès ; et comment des ambitieux et des hommes adroits savent
tirer avantages de la faiblesse , de l'irrésolution , des demi mesures
et des propositions inconsidérées . Il nous suffira de diae
que depuis l'ouverture de sa session , jusqu'à la crise du 31 mai ,
la Convention toujours agitée , toujours travaillée de passions.
et de luttes intestines , cherchant vainement une majorité qui
ne savait se prononcer , s'est traînée péniblement sans avoir
marqué sa carriere par aucun des grands résultats que l'on avait
droit d'attendre , si l'on en excepte la condamnation du tyran .
Combien dans cet intervalle de huit mois les idées politiques ,
ont été interverties , les principes méconnus , le sens des mots,
dénaturé , et les choses bouleversées ! Avec quels succès tou $
les levains de corruption ont fermenté , toutes les factions enne
T &
(1292 )
mies de la République ont travaillé à sa ruine , et les dominaeurs
à l'élévation de leur puissance !
Élargir un prisonnier , dans la langue de tous les Peuples
qui ont conservé quelques notions de justice , signifiait mettre en
liberté. Eh bien ! dans celle des infâmes auteurs des journées
de septembre , ce mot voulait dire massacrer. Un étranger , un
Prussien dont il est inoui qu'on ait toléré si long- tems les extravagances
et méconnu les intentions , Clootz , qui s'était surnommé
Anacharsis , avait jugé ces horribles journées si honotrables
à la révolution , qu'il avait créé tout exprès un verbe
pour en perpétuer le souvenir , et l'on appellait septembriser
l'acte par lequel on commettait ces meurtres exéerables ,
septembriseurs ceux qui les exécutaient . Il n'est pas jusqu'à l'égalité
, ce sentiment si cher aux ames libres , qui rappelle toutes
les idées de philantropie et de fraternité , dont le sens ne fut
indignement pervesti par ces nouveaux et féroces grammairiens ;
quand il ne signifiait pas pillage , envahissement , vol , il était synonime
de massacre , et par la métaphore la plus insultante , cela
s'appellait promener la faulx de l'égalité. On eût dit qu'entre les
mains de ces furieux l'égalité n'était que l'affreux pouvoir de
détruire l'égalité .
et
La premiere condition du pacte social est sans contredit la
sureté des personnes et des choses . On sait qu'en révolution ce
qui est juste n'est pas toujours ce qui est possible . Jamais on
n'avait usé si largement de la commodité de cette maxime expérimentale
. Il s'était fait un tei renversement dans les notions les
plus communes sur la propriété , qu'on eût cru que cette garantie ,
premier bienfait de fa liberté et des lois sociales , était un outrage
fait à la liberté et à l'ordre social, Le mot riche était devenu le
synonyme de COUPABLE ; négociant , celui d'ACCAPAREUR ; fermier ,
d'ENNEMI PUBLIC. On engagesit le peuple à faire la guerre aux
subsistances pour avoir des subsistances , et à l'industrie pour
se procurer à meilleur compte les productions industrielles .
On parlait du partage des terres et de l'abolition des propriétés ,
comme si ç'eût été des privileges et des distinctions de l'ancien
régime. A catendre les nouveaux professeurs d'économie politique
, il ne fallait plus aux Français que du fer et du pain ,
comme si une nation de 25 millions d'hommes pouvait se gouveraer
par les mêmes principes que la petite république de
Sparte ! Comme si la position de la France qui touche aux deux
mers n'en avait pas fait une puissance commerciale ! Comme
si l'agriculture pouvait exister et fleurir sans l'emploi des matieres
premieres , et les débouchés du commerce , de l'industrie
et des arts !
L'insurrection du peuple avait créé la liberté ; on voulait la
ravir par la permanence des insurrections. Ce n'était plus ce
droit sacré , derniere ressource d'une nation opprimée qui brise
ses fers sur la tête des tyrans ; c'était l'agitation convulsive d'une
( 293 )
poignée de gens sans aveu et d'énergumenes que les chefs faisaient
mouvoir à leur volonté . C'étaient de véritables émeutes ,
et des émeutes partielles que l'on travestissait en actes du
Peuple souverain. On en avait dressé le tarif ; on en connaissait
l'organisation ; on pouvait en prédire les époques.n
L'institution des sociétés populaires , si admirable en ellemême
, si utile sous l'influence de la liberté des opinions , s'était
dépravée sous l'influence des dominateurs qui en faisaient l'instrument
de leurs projets. Les Cordeliers gouvernaient lesJacobins
de Paris ; ceux - ci étendaient leur action sur les sociétés
affiliées , et voulaient maîtriser jusqu'à la Convention ellemême
.
Au milieu des défiances , des soupçons , des calomnies , des
dénonciations et des placards incendiaires et diffamatoires qui
tapissaient les murs ou circulaient de toutes parts , cilan'était
plus possible de reconnaître ai les amis , ni les ennemis de la
liberté . L'ari d'égarer l'opinion et de perdre les meilleurs patriótes
avait été perfectionné à un point qu'on aurait pu réduire sa
tables de probabilité les époques de lear chûte. Les patriotes
de 89 étaient transformés en aristocrates , et les aristocrates en
patriotes; il ne leur en coûtait que de s'affubler du bonnet rouge
et du pantalon , et de vociférer à quelque tribune des diatribes
hypocritement révolutionnaires . On était alternativement un
ou l'autre , selon que l'on adoptait ou que l'on n'adoptait pas
la livrée de tel ou de tel parti. Les mots d'Aristocrate en de
Feuillant commençaient même à vieillir. De nouvelles passions
avaient créé de nouveaux termes ; il´n'était- question que des
Brissotins , des Girondins , des Rolandins qui eėderent bientôt la
place •
Appelux
Modérés
, aux
Hommes
d'Etat
, aux Gens
suspects
aux
Appellans au Peuple , aux Fédéralistes qui furent remplacé à leur
tour par les Clubistes de la Sainte- Chapelle , les signataines de la
pétition des huit mille et des vingt mille , qui disparurent devant
Tes traitres , les conspirateurs , les contre- révolutionnaires , lescè¥BCmis
du peuple (1 ) . Ce n'est pas que d'un autre côté la langue
révolutionnaire ne se soit enrichie des mots de Maratiste , d'Ultra-
Révolutionnaire, Hebertiste, et dernierement de Robespierristes cade
Terroristes qui termineroat , il faut l'espérer , cette malheureuse
et trop longue nomenclature de nos erreurs de nos passions
et de nos discordes . ab P
?
Fatre tobwamo0
Et au milieuu de ces convulsions et de ces fureurs , où étaient
Ja pairie , la liberté , l'égalité , la justice , la raison , les regles
les plus simples de la logique et du bon sens ? Où elles étaient !
dans le coeur d'une foule de bons citoyens qui ne partageaient
point cet aveugle délire , qui ne pouvaient parler , qui auraient
parlé inutilement , car comment se faire entendre au milieu des
(1) Il y a eu sans donte des traîtres , des conspirateurs , des contrerévolutionnaires
et des ennemis du Peuple . Mais il ne s'agit ici que
de l'abus qu'on a fait de ces mots , et cet abus a été crûek
T: 3
( 294 )
-vents déchaînés et des flots en furie , mais qui n'ont jamais
désespéré du salut de la République ? Elles étaient où elles
sont encore dans le coeur de ceux qui se sont laissé emporter
sur cet océán révolutionnaire , et qui , après avoir été témoins
de tant de naufrages et de désastres , ont abordé la plage en
- signalant la terre par des cris d'allégresse , et sont softis de cet
abyme , honteux de s'y étré¹jettés , et résolus de le combler .
2
Rien n'est plus commun dans les révolutions que d'adopter
des mots de parti , sans qu'il vienne à l'esprit de personne de
chercher à les définir . Ceux qui ont intérêt d'attiser le feu des
discordes civiles , se gardent bien de permettre qu'on use du
seul moyen que les hommes puissent avoir de s'entendre .
Si l'on eût demandé tant de gens qui répétaient sans cesse les
iqualifications de Girondins , qu'est- ce donc qu'un Girondin ? Ils
auraient été fort embarrassés de donner une réponse claire
aev batisfaisante. En dernière analyse , on n'aurait pas eu d'autre
définition que celle - ci :TC'est un homme qui ne pense pas
comme nous , ou plutôt comme ceux dont nous avons épousé
les opinions sans les mieux comprendre. Il se peut que ceux
zqu'oùu appellé la faction de la Gironde , se fussent lignés pour
faire prévaloir leurs opinions ; mais le parti opposé ne s'était - il
pas ligue pour faire prévaloir les siennes ? 11 se peut encore
qu'entraînés par des passions ardentes , ils aient eu le tort
asgrave dais une Republique , de vouloir établir le despotisme
de l'amour- propre , et que s'ils eussent triomphé , ils eussent
prété persécuteurs à leur tour. Nous ne voulons point anticiper
sur le jugement de l'histoire , ai être moins sévère qu'elle ;
almais fallait-il de part et d'autre ne juger des opinions que
7 par les personnes ? Fallait- il jouer le salut de la République
dans des querelles de parti et des animosités personnelles ?
af Fallait-il méconnaître et avilir le caractere anguste de reprézsentans
du Peuple ? Fallait - il envelopper dans la même pros-
-cription et considérer comme mauvais citoyens ceux qui , couserant
leur indépendance , n'avaient fléchi le genou devant aucune
idulé , qui ne s'étaient alliés qu'aux principes , sans être
persuadés qu'ils cessassent d'être tels parce qu'ils s'étaient
rencontrés sur les levies de quelques individus que l'esprit
despart avait marqués du sceau de la réprobation , yon tə
-*
E
**
Comment est - il venu dans l'idée de comprendre les modérés
andans le nombre de ceux qu'il fallait persécuter ? Qu'entenvadait-
on par ce mot que l'on n'a pás mieux défiui que les
autres
?
Erance
ces hommes
froids
uniquement
occupés
de leurs
inanmérêts
¹
; siμdifférens
au bien
comme
au mal de la République
,
ansincapables
de nuire
et de servir
, prêts
à recevoir
le joug
defla
servitude
aussi
docilement
que les lois de la République
, qui
ne faisaient
pas assez
pour
être réputés
ennemis
de la liberté
,
et qui faisaient
trop
peu
pour
en être
les proselytes
? Ces
hommes
étaient
bien
coupables
sans
doute
. Mais
, du moins
allait
- il les signaler
de maniere
à ne tomber
dans
aucune
més
27
་
( 295 ) '
prise ? Et comment les découvrir ? Comment pénétrer dans
f'intérieur le plas secret de la pensée ? Comment accuser un
homme qui se taît et dont les actions ne sont point contraires
à l'ordre public ? Méritaient - ils d'être compris dans la même
classe que ceux dont les opinions et la malveillance n'étaient
point équivoques? Etaient- ils coupables au même dégré que ces
aristocrates déguisés sous le manteau du cynisme révolutionnaire
, ou ees intrigans qui ne s'étaient jettés dans la révolution
que pour s'en faire un patrimoine , ou ces forcenés qui auraient
précipité la République dans un abyme , s'ils n'avaient été arrêtés
dans l'essor de leurs extravagances ou de leurs crimes ?
?
Entendait- on au contraire par modérés , ces hommes doux et
modestes , à qui ces formes de la révolution convenaient moins
que ses principes , dont la sensibilité , la droiture et les lumieres
s'indignaient du pillage , des déprédations , des massacres
, du vandalisme et de la politique féroce des dominateurs
, et qui auraient servi avec zele la cause de la liberté , si
l'on ne se fût hâté de les repousser en les investissant de soupçons
et de crainte , et en les plongeant dans les cachots ?
Ah ! sans doute ils étaient et ils sont nombreux dans la Répu-
Oblique. Les persécuter n'était pas seulement une injustice ,
c'était l'effet de la tactique habile des scélérats qui voulaient
s'emparer du pouvoir ; ils savaient bien qu'ils ne les auraient
jamais pour amis . Mais loin d'avoir murmuré contre la patrie
ni perdu de leur amour pour la liberté , ils s'honorent des per
sécutions qu'ils ont souffertes , et la liberté ne leur est devenue
que plus chere . S'ils eussent péri sous le couteau des proscriptious,
ils auraient emporté en mourant le pressentiment de
la révolution qui a enfin délivré la France de ses oppresseurs .
Il y avait à Athènes une loi qui condamnait à la mort tout
citoyen qui ne prenait pas un parti daus les dissentions ; on
l'a souvent citée contre les modérés . Mais quand il faut choisir
entre le crime ou la folie , peut - on blâmer un hounête homme
de s'abstenir ? Oui , il faut oser le dire , après toutes les herreurs
dont nous avons été les témoins ou les victimes , il viendra
un tems où cette même qualification de modéré , qui a été
la cause ou le prétexte de tant de vexations , sera un titre
d'honneur et de gloire .
Quel abus n'a - t -on pas fait de l'opinion des membres de la
Convention qui avaient voté pour l'appel au Peuple lors du jugement
de Capet. Cette opinion pouvait être impolitique
irréfléchie ; elle pouvait jetter au milieu des Assemblées primaires
un germe de discorde , et ranimer les intrigues , et les
espérances des aristocrates et des royalistes , quoique la majorité
de lanation se fût assez prononcée sur les crimes du tyran.
Mais un hommage aussi peu équivoque rendu à la souveraineté
du Peuple , devait- il être présenté comme une atteinte portée
à ses droits , et mériter à ceux qui avaient eu cette opinion le
titre d'ennemi du Peuple ? Ces mêmes représentans avaient-ils
T4
( 296 )
hésité à déclarer le roi coupable ? Ne s'étaient-ils pas tous réunis
sur la derniere question pour voter contre le sursis à l'exécution
du jugement?
Après la motion sur la garde de la Convention , après la dénonciation
de Louvet contre Robespierre , le jugement du roi
a eté l'une des causes les plus ardentes de dissention au sein de
l'Assemblée représentative . Faut- il s'en étonner ? Qu'on se
rappelle les bruits qu'on faisait courir sur les projets de la
faction d'Orléans et l'état de defiance et de perplexité qui en
était le résultat ? On disait que les uns ne voulaient la mort du
roi que pour faire revivre la royauté sur une autre tête ; que les
autres voulaient tuer la royaute , mais non le roi qu'il fallait
condamner au long supplice de la vie . On s'indignait de l'impudeur
avec laquelle ce Philippe , que l'opinion avait marqué
du scean du vice et de l'opprobre , avait voté la mort de son
parent , comme s'il eût été un Brutus , et cet empressement
féroce avait accru les soupçons sur le motif d'une conduite
qu'on trouvait trop révoltanie pour n'être pas suspecte d'hypocrisie
et d'ambition .
Le supplice du tyran était juste ; il avait rassasié le trône
de conspirations contre la constitution et le Peuple. Mais
l'opinion de ceux qui , les yeux toujours fixés sur la faction
d'Orléans , avaient pensé qu'il était aussi politique que magua
nime de le condamner à l'exil comme Tarquin , devait-elle.
être regardée comme une conspiration ? Ne fallait - il rien accorder
aux circonstances nouvelles et extraordinaires dans
lesquelles on se trouvait ? La tête du tyran tombée , quel prétexie
, quel intérêt restait-il pour faire de l'opinion de l'appel au
Peuple un cri de haine et de proscription ? Qui ne voit ,
aujourd'hui que le tems nous a donné la clé des événemens ,
que c'étaient les mêmes dominateurs qui ont été depuis
et jugés , qui cherchaient à perde un parti qu'iis.
redoutaient , et qui saisissaient habilement l'occasion la plus
favorable pour rehausser leur crédit aux yeux du Peuple dont
on surprend si aisément la faveur , par les opinions extrêmes.
et l'artifice d'une feinte popularité . - Si l'effervescence , malheureusement
trop ordinaire à ces tems de parti , cât pu permettre
aux esprits d'écouter ou de faire des réflexions aussi
naturelles et aussi raisonnables , aurait - on excité ou conservé
pendant si long- tems une prévention aussi odieuse contre les
appellans ?
connus
C'est du sein de ces funestes débats qu'est née la qualification
d'Homme d'Etat , qu'assurément ou n'aurait jamais soupgoune
devoir être une injure . Dans le cours de la discusssion
sur le procès du roi , il était échappé à quelques représentans
de dire qu'ils n'opinaient pas comme juges , mais comme
hommes d'état. Soudain Pesprit de parti s'empara de cette expression
, et l'on vit la tourbe des agens et des sous - ordres , se
répandre par-tout , en criant contre les hommes d'état , sans(
297 )
se douter de la valeur de ce terme , ni de l'honneur qu'ils fai
saient à ceux auxquels ils en faisaient l'application . Quiconque
était atteint du soupçon de pouvoir lier quelques idées et de
parler sa langue avec un peu de correction était traité d'homme.
d'état. Tous ceux qu'on voulait écarter des assemblées publiques
étaient transformés en hommes d'état ; jamais il n'y avait en tant
d'hommes d'état , avec si peu de raison d'en mériter le titre.
Pour faire contraster ce mot créé par un parti , un autre imagina
celui d'homme de proie . C'est ainsi qu'on se faisait une
guerre de mots qui n'aurait été que ridicule , si les mots
n'eussent eu une influence si terrible sur les choses.
L'accusation de fédéralisme était plus grave . Après le décret
solemnel sur l'unité et l'indivisibilité de la République , l'idée
de vouloir la démembrer pour en faire autant de petits états
particuliers , devait produire un effet d'autant plus odieux sur
le Peuple , qu'il était plus attaché à la forme de gouvernement
qu'il venait d'adopter . Comme nous ne sommes dirigés , dans
ces considérations , par aucun sentiment de prévention ni de
partialité , nous ne savons jusqu'à quel point était fondé ce
reproche dont chaque parti se chargeait réciproquement. Ce
que nous savons , c'est que ce projet était de tous le plus
absurde , le plus impolitique , le plus impraticable , au milieu
d'une guerre sur tous les points de nos frontieres , qui exigeait
l'accord et la réunion de toutes nos forces ; avec une
dette publique immense , garantie par la nation entiere ; avec
l'existence d'un papier-monnaie dont le gage reposait sur des
biens nationaux diversement répartis dans chaque département
avec un systême d'impôt et de finances qui nécessitait une impulsion
et un centre communs . Plus l'idée d'un pareil projet
présentait d'obstacles , et était opposée à uos intérêts et à notre
situation morale , civile et politique , plus la raison voulait qu'ou
se rendit difficile sur la nature des preuves . En a - t- on produit
de satisfaisantes ? c'est un problême dont il faut laisser la solution
à l'histoire ; car pour les événemens postérieurs au 31 mai ,
nous les réduirons bientôt à leur juste appréciation . Bornonsnous
à remarquer que s'il s'est rencontré des hommes que des
passions aient emporté dans des écarts compables , il n'a jamais
été juste d'envelopper dans la même accusation une foule de
citoyens qui ont toujours repoussé l'idée de fédéralisme , malgré
l'opiniâtreté qu'on mettait à les en soupçonner .
C'est dans cette subversion des idées raisonnables , dans cette
disposition effervescente des esprits , que la révolution du
31 mai est venue onvrir un nouvel ordre d'abus dans les
mots , dans les principes et dans les choses . Cette époque , qui
a été marquée à la fois par la plus grande tyrannie au - dedans
et les plus grands succès au-dehors , mérite d'être considérée
sous le double rapport de ses causes et de ses effets.
1
La fin dans un prochain numéro . )
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 22 Octobre 1794-
Les Polonais , devenus invincibles sous la conduite d'un gé .
néral dans lequel ils ont la plus grande coufiance , continuent
d'avoir des succès marqués contre la Russie et la Prusse . Une
partie de leur défensive consiste dans l'attaque même qui rénssit
toujours aux peuples , dont le cri de guerre est vivre libre oa
mourir. Déja ils ont enlevé à la Russie la Courlande que l'on
pouvait regarder comme une des provinces de ce vaste empire ,
puisque les ducs qui la gouvernaient étaient depuis long- tems à
sa nomination : ils sont entrès aussi en force sur plusieurs
points contigus du territoire russe , soit de l'ancien , soit de
celui qui était le fruit des deux partages . D'un autre, côté , ils
menacent le roi de Prusse jusques dans ses propres possessions ,
et le font trembler pour la perte de la Sil.sie . L'Autriche
ila la forcent à l'inaction , et l'enchaînent , pour ainsi dire
la crainte . Ces prodiges sont dus à l'amour de la liberté : elle
seule a le privilége d'étonner par des semblables merveilles .
, par
Voici ce qu'on mande des frontieres , du 30 septembre :
Depuis que l'armée polonaise commandée par le général
Mirbach , s'est approchee de Sodarge , le corps prussien de
Brunneck s'est porté vers les frontieres de la Lithuanie . Les
hostilités ont commencé . Un détachement considérable de
hussards , soutenu par une division de dragons , avait été
commandé pour reconnaître les Polonais ; il a été enveloppé ;
un grand nombre a été tué , le reste poursuivi jusqu'au - delà
des frontieres prussiennes.
Les assiégés de Varsovie n'ont appris l'insurrection dans
Ja Prusse méridionale que huit jours après qu'elle eut éclaté .
Deux insurgés parvinrent , après des obslables sans nombre ,
à apporter cette grande nouvelle au camp de Kosciuszko . On
se rappelle que plusieurs feuilles avaient publié que Frédéric-
Guillaume avoit entamé une négociation avec les Polonais .
Voici ce qu'il y a de vrai : Quelques jours avant que ceux- ci
sussent ce qui était arrivé dans la Prusse méridionale , le roi
de Prusse envoya , sous quelque prétexte , le général Manstein
dans le camp polonais . Ce dernier eut même une entrevue
avec le général Zaionezck. Il faut savoir que Manstein a accompagné
le roi de Prusse et Brunswick lorsqu'ils entrerent en
Champagne en 1792. Après quelques propos oiseux , le Prus-
}
( 299 )
₹
I
"
sien parut vouloir entamer le véritable objet de sa mission .
Le général polonais l'interrompit tout de suite , en lui demandant
des nouvelles de Dumourier. Cette brusque interpellation
déconcerta Manstein , qui ne tarda pas à se retirer.
Il y a eu des fêtes publiques à Varsovie , à l'occasion des
succès remportés de toutes parts sur les Prussiens . Le conseil
national - a écrit à Kosciuszko pour s'y rendre . Ce général
a répondu que ses occupations militaires l'empêchaient de
déférer à cette invitation ; il a protesté d'ailleurs qu'on devait
tout au courage des soldats Polonais , aux efforts des citoyens
de Varsovie . et à la sagesse et à la vigueur du gouvernement.
Pour augmenter l'émulation parmi les soldats , Kosciuszko
a fair distribuer à ceux qui se sont le plus distingués , des auneaux
d'or , sur lesquels sont ces mots : La patrie à ses défenseurs.
Le roi de Prusse a voulu singer cette mesure ; il a distri-
♫bué , de son côté , quelques médailles à ses soldats.´
a
Des lettres de Thorn du 4 octobre annoncent que le tribunal
érigé dans cette ville contre ceux qu'on nomme les rebelles ,
suspendu ses opérations , parec que les environs de cette ville
elle-mème sont dans les plus vives alarmes , depuis qu'on a
appris que les troupes envoyées par Kosciusko ont effectué leur
jonction avec les insurgés , et s'étendent de plus en plus dans
le distric de Netz.
-
Ges mêmes lettres annoncent que les Polonais se sont emparés
de Fordam et de Bromberg, à la suite de l'affaire sanglante
près de Barczim , où le général prussien Szekuli a été tué
d'un coup de canon ', et ses troupes forcées de se retirer du
côté de Schwtz , Les Polonais , ajoutent- elles , se sont avancés
dans la province dont la réduction ne peut que leur être
très facile : 18,000 Polonais ont déja entamé sur différens
points la Prusse occidentale , e les insurgés de Lithuanie
jettent la terreur jusqu'aux portes de Memel. Les vainqueurs
ont trouvé des magasins tros- riches dans Bromberg , dont la
garnison a été faite prisonniere , ainsi que celle de Fordam .
Pozen est sérieusement menacé par l'approche d'un gros corps
de leurs troupes , qui a passé la Vistule à Ptozk .
quis C'est assurément là une belle occasion pour la Porte otto-
-mane de se déclarer en faveur dés Polonais ; mais il paraît
squ'elle n'en fera rien et qu'elle eraint de se brouiller avec
la Russie. Voici du moins ce que portent des lettres de
Constantinople du 25 août :
Après que la longue discussion entre le ministere ottoman
set l'envoyé de Russie sur le nouveau tarif de la douane , cut
été portée à un point tres -sérieux , le premier a suspendu
l'affaire , en déclarant qu'il s'en remettait à ce sujet à la discrétion
de l'impératrice , On aurait pu croire qu'une résolu
tion aussi franche et aussi généreuse de la part de la Porte ,
étaitoun gage certain pour la conservation de la paix ; mais le
300 )
changement qui vient de survenir dans l'administration n'auto
rise point ces esperances.
Rachi - Effendi , ministre des affaires étrangeres , a obtenu ,
le 19 de ce mois , la démission qu'il sollicitait depuis quelque
tems . Il est remplacé par Docri- Effendi , premier roespametsi ,
ou contrôleur des finauces , et ci - devant troisieme ministreplénipotentiaire
au congrès de Sistowe. Ce ministre , qui a été
employé dans plusieurs degrés de la chancellerie du divan ,
est parfaitement instruit des affaires de ce disastere ; et sa
commission au congrès l'a mis à même d'acquérir des connaissances
sur les intérêts respectifs des puissances européannes.
On croit que ce changement dans le ministere sera bientôt
suivi d'un autre , et l'on dit généralement que Jussuf -Pacha ,
qui a déja été deux fois grand- visir , pourrait bien être rappellé
de Jedda , pour remplacer le ministre qui occupe actuellement
ce poste important. Comme on connaît à Jussuf- Pacha
des sentimens favorables à la cause de la Convention française
, on a lieu de supposer que son rappel , après toutes les
réformes qui ont eu lieu , annonce des troubles pro chains
avec les voisins , d'autant que le : capitan pacha partage , diton
, son opinion sur les affaires politiques du tems .
2
f
1
3
Un incident qui a récemment eu lieu aurait pu y conduire ;
mais la Porte a cru devoir le terminer de la, maniere la plus
amiable. Le grand-seigneur , faisant , chaque semaine un tour
de promenade hors de la ville , se rendit , le 7 du courant
à la prairie près de Bujukdaré , où il dina sous les tenies
qu'on y avait dressees Ayant permis à tout le monde de s'approcher
, pour voir les différens jeux qu'on y faisait ; l'envoyé
de Russie , accompagné d'un seul officier de la légation ,
était comine d'usage ) incognito du nombre des curieux ;
mais nouvellement arrivé , et ignorant peut-être les usages ,
il s'approcha trop près de la tente du souverain , de sorte
que l'officier de garde lai dit de se retirer. Le ministre russe
n'ayant pas déféré à cet avertissement , l'officier le menaça
de son bâton de commandement : on Favertit du caractère
de celui qu'il menaçait ; mais il n'en tint aucun compte . Le
grand -seigneur , informé de ce qui se passait , fit, sur - le- champ
dégrader l'officier , et l'envoya au sérail pour être d'ailleurs
puni . Onire cette marque de désapprobation , il fit rendre
à l'envoyé une visite publique par le Bostangi Pachi , premier
officier et commandant du sérail à son palais à Bujukdaré
, lui fit faire des excuses sur ce qui était arrivé , et présenter
, de la part , du ministere ottoman , use boëte d'or ,
renfermant des aromates précieux fort estimés ..
Le ministere a fait dresser , le 19 de ce mois , une note
exacle de tous les bâtimens étrangers mouillés ici relative
tant au port auquel ils appartiennent , qu'au nombre de leurs
canons. On ignore encore le véritable motif de cette mesure.
1
( 301 )
En même-tomt que les changemens réalisés ou prévus dans le
ministere font craindre l'interruption de la paix , il se répand
que l'empereur cherche à se servir de la médiation
de la Porte pour faire un accommodement avec les Français ;
qu'il y a déja cu des propositions faites et une entrevue à
ce sujet , entre le ministere et l'internonce .
De Francfort-sur- le-Mein , le 25 octobre.
Le cabinet de l'Europe . qui attire le plus l'attention dans ce
moment , est sans contredit celui de Vienne ; mais il est bien
difficile de déterminer, non-senlement le parti qu'il prendra , mais
même celui qu'il a envie de prendre . Sa fluctuation est portée au
point que toutes les conjectures s'évanouissent successivement ,
et ne laissent pas même d'apperçus. Que penser en effet d'un
gouvernement qui ne sait pas ce qu'il veut faire , qui lors même
qu'il le saurait ne le pourrait pas , qui , enfin et à coup sûr ,
ne veut pas ce qu'il devrait faire , et ne cédera qu'à l'imperieuse
nécessité . Le bruit a d'abord couru que , fatigué de ses revers ,
l'empereur desirait mettre fin à la guerre contre la France , et
espérait conclure une paix qui sauverait les débris de sa fortune
et de son honneur. Les commissaires Anglais ont paru
dans sa capitale ; alors on a dit que le jeune François s'était .
rattaché à la coalition moyennant le subside payé par l'Angleterre
, qui exigeait qu'il restât deux de ses commissaires à Vienne
et deux auprès des armées pour surveiller l'exécution des are
ticles du traité , dont les conditions étaient rendues publiques .
Bientôt on a publié que les négociateurs ne s'entendaient plus ,
et la fréquence des couriers de Vienne à Londres et de Londres
à Vienne a paru prouver qu'ils avaient au moins besoin de beaucoup
d'explications de leurs cours respectives .
Enfin , le 8 octobre , lord Spencer et Thomas Grenville ont
pris congé de l'empereur. Saus doute , il est possible que ce
soit après avoir signé le traité ; mais le bruit public veut le
contraire ; et le brait public , quelquefois en faute sur les détails ,
trompe rarement sur le fond. Il est en effet très - permis de croire
que l'empereur n'aura pas pu s'engager à fournir les 100,000
homines que la Grande-Bretagne offrait de payer , mais dont il est
probable aussi qu'elle voulait avoir, pour son argent , à -peu-près la
direction . Ainsi , voilà deux puissaances , l'une sans hommes ,
l'autre sans argent , ce nerf de la guerre , livrées à leurs ressources
insuffisantes pour la continuer. Les guinées anglaises
ne sont point un talisman qui puisse empêcher les Republicains
Français de marcher de conquêtes en conquêtes en Hollande ,
et les soldats auuichiens mal payés , mal nourvis , mal couverts
et bien battus , ne les empêcheront pas non plus de continuer
à porter leurs armes victorieuses dans la basse Allemagne , où
le très - petit neveu du graud Frédévic , assez occupé d'avoir
affaire aux braves Polonais , ne peut laisser qu'une faible armée ,
(( 302) ))
dont il est impossible de rien distraire pour la défense des
places que les Autrichiens n'entendent point , sans exposer le
reste à être battu complettement . C'est ce que les géneraux de
Frédéric Guillaume ont bien seat quand ils m'ont pas voulu
se charger de défendre Mayence , parce que des 35,000 hommes
à leur disposition il en aurait fallu détacher 18 à 20,000 ; its
out laissé aux Autrichiens , aux Palatins et aux Hessois la honte
et le chagrin d'échouer dans la defence de cette place .
Nous pourrions dans l'examen de la position de l'Autriche
faire entrer en ligne de compte le parti qu'elle sera aussi obligée
de prendre relativement à la Pologne. Elle avait fait marcher
des troupes du côté de la Gallicie ; mais il paraît que ees.
troupes sont revenues sans rien faire , grace à leur faiblesse
et à la prudence de leurs généraux . On ajoute que Kosciuszko
a consenti lui-même à dissimuler les justes griefs que la Pologne
devait ressentir de la violation de son territoire par les
troupes autrichiennes ; il est facile de croire que la politique
a pu suggérer ce parti à ce général dans un moment où il a
déja à combattre deux puissans ennemis . Quoi qu'il en soit ,
on annonce que Lucchesini est de nouveau attendu à Vienne , et
l'incertain François sera peut- être encore poussé par lui à des
projets hostiles contre les Polonais .
Nous nous bornons à indiquer ces rapports forcés avec la
Pologne , ou pour mieux dire avec les deux puissances co- partageantes
auxquelles il a fallu fournir un prétexte quelconque
de l'abandon de leur cause , et qui finiront vraisemblablement
par sommer l'empereur de faire pour elles ce qu'elles n'auraient
peut- être pas fait pour lui . Mais on peut et on doit
ajouter au tableau de sa position , vis - à-vis de la France , que , de
son aveu même , ses armées sont dans un grand délabrement ;
de son aveu encore , les membres du corps germanique tâchent
d'éviter de fournir leur contingent à l'armée d'empire . En outre,
l'épuisement des finances est tel qu'il est question de suspendre
toute espece de paiement en argent , remplacé par des
coupons , à l'exception de celui des employés depuis 100
jusqu'à 500 florins .
Au reste , le gouvernement est plus soupçonneux que jamais ;
les arrestations contre les personnes du pays se multiplient , et
une nouvelle ordonnance enjoint à tous les Français qui ne
peuvent pas prouver qu'ils sont établis dans la capitale depuis
4 ans , de la quitter. On prétend qu'il y a parmi ees Français
des apôtres des nouveaux principes , et le plus étonnant , c'est
qu'il se trouve dans les principaux prisonniers arrêtés il y a
quelque tems comme conspiratears , et qu'on accuse d'avoir
des relations avec ces Français , des militaires , des médecins ,
des professeurs de mathématiques qui les ont enseignées à l'empereur
, des bénéficiers nommés par lui , et même jusqu'à des
membres de la police de Vienne.
1
( 303 )
L'armée prussienne a repassé le Rhin en entier sur plusieurs
ponts de bateaux ; etle 20 , le général autrichien New a pris le
gouvernement de Mayence avec une garnison de 6000 hommes ,
qui doit être renforcée de 12,000 Palatins et Hessois , Le 6,
la diete d'Empire a accédé unanimement à la proposition de
la cour de Vienne , en ordonnant la levée de tous les contingens
au quintnple. Mais il est plus aisé de l'ordonner que
de l'effectuer. D'ailleurs le bruit sourd d'un changement considerable
dans le systême germanique commence à se répandre
dans tous les petits états libres ou non de l'Allemagne . Tout
ce qu'on en dit jusqu'ici se borne à un plan fait par la maison
d'Autriche , et appuyé par quelques autres puissances majeures ,
pour se récupérer d'une maniere quelconque des pertes que
cette ambitieuse maison a éprouvées dans la guerre si désastreuse
de la coalition . Si ce systême était réellement adopté
le plectuntur Achivi serait cruellement confirmé , à moins que
la liberté , dont l'esprit se propage par-tout , ne s'y oppose
ici comme ailleurs ,
Suivant des lettres de Vienne , la gazette de la cour annonce :
que le général de Klebeck et le général de Kempf ont été
laissés à Mastricht avec 8 bataillons et 200 hommes de cavalerie
pour renforcer la garnison de cette place . Mais on ne
croit pas beaucoup dans notre ville de Francfort au succès
de cette défense , depuis qu'on sait positivement avec quelles
forces redoutables les Français attaquent cette ville . D'ailleurs :
la bonne intelligence nécessaire est bien loin de régner entre
les différens corps chargés de la defense des Provinces- Unies .
On apprend de Berg- op - Zoom que , le 12 , des troubles ont
éclaté parmi la garnison. Ils ont été la suite d'une rixe sur-*
venue entre les troupes Hollandaises et les Hessois . Ces derniers
ont été soutenus par les Anglais . Le commandant Vander
Duin est pourtant parvenu à rétablir la tranquillité .
L'amiral Kinsbergen , arrivé de Zélande à la Haye , s'est
mis en route pour disposer la defense da Zuyderzee , après
avoir eu une conférence avec le statdhouder et son fils aîné.
Il est tems et grand tems de porter des secours efficaces à la
Hollande , si l'on veut la sauver car une partie de l'armée
française a investi Nimegue . Un autre corps de la même armée
resserre Breda de près . Les Français , après avoir passé la
Meuse à Venloo , portent la terreur dans l'intérieur de la
Gueldre , et l'aile gauche de leur armée de Sambre et Meuse
pénétre de plus en plus dans la partie de la Westphalie prussienne.
Il parait que le projet des géneraux français est de
passer le Rhin à Wesel , et de couper à cette forteresse ses
communications avec les autres possessions du roi de Prusse .
( 304 )
>
REPUBLIQUE FRANÇAIS B
CONVENTION NATION L L.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne. )
Séance de duodi , 12 Brumaire.
Sur le rapport de Joannot , au nom dn comité des finances ,
la Convention a rendu le décret suivant :
Art . Ier. Toutes les pensions accordées par décret portant
le nom des pensionnaires , seront payées par la treso- .
rerie nationale , sur le vu du décret , sans autre formalité que
la production du certificat exigé par la loi du 6 germinal.
II. Les certificats de résidence exigibles pour les payemens
à faire à la trésorerie nationale , seront valables pendant les
six mois de la date du visa du directoire du district. "
Le président annonce que la commission des vingt - un est
maintenant au complet , attendu que Bonet s'est rendu dans'
Son sein.
Laa , au nom de cette commission déclare qu'elle avait invité
le représentant Carrier à se rendre dans son sein ; elle a été
surprise de l'y voir arriver ce matin , accompagné d'un inspec
teur de police et de deux officiers qui l'avaient arrêté . Cet
inspecteur a dit avoir des ordres . A ces mots , il s'est manifesté
beaucoup d'agitation ; on a demandé de qui. Guyomard.
Romme , Legendre , Montmayou et plusieurs auties ont donné
des éclaircissemens . Il en résulte qu'aussi - tôt que la Gonvention
eut décrété qu'il y avait lieu à examen de la conduite de
Carrier , le bureau de police du comité de sûreté générale ,
qui depuis 15 jours recevait des avis qui faisaient craindre la
fuite de Carrier , et que dans le cas où il s'enfuirait il n'y eût
une insurrection dans Paris , avait écrit a l'administation de
police de le faire surveiller avec toute la prudence qui convient
à des Républicains , et que s'il tentait de sortir du département
, elle le fit conduire avec tout le respect dû à son
earactere au comite de sûreté générale , at endu qu'il n'avait
ni passe-port , ni congé . Le comité s'était déterminé à cette
mesure parce que les ennemis du peuple qui se mêlent avec
lui , essayaient de lui persuader que la Convention avait
dessein de sauver Carrier ; afin d'éviter que des représentans
du people , dont la présence était nécessaire dans l'affaire des
Nantais , y parassent , ce qui n'aurait pas manqué de compromettre
la Convention dans l'opinion publique . Mais aussi - tôt
que le comité eut appris que Carrier était arrêté , il a
ordonné qu'il fût mis eu liberté , et a fait mettre
en état
d'arrestation
( 505 )
d'arrestation l'inspecteur de police qui dans le fait n'avait reçu
aucun ordre .
Duhem pense que le comité n'aurait pas dû violer un prias
cipe sur de simples dénonciations , dût- on le trairer d'homme
de sang , et dussent tous les Chouans qui sont à Paris le calomnier ,
il s'en moque ; il s'éleve contre le nouveau tribunal révolutionmaire
et sur- tout contre l'accusateur public qu'il veut qu'on mande
à la barre pour avoir fait afficher l'acte d'accusation contre le
comité révolutionnaire de Nantes . L'acharnement qu'on mani
nifeste n'est pas dirigé contre un seul homme . On veut perdre
tous ceux qui dans la Vendée ont taché de sauver la chose
publique.
La Convention n'a pas donné à Fréron la mission expresse
de demander chaque jour quelques têtes nouvelles , et la police
devrait veiller à ce que l'opinion publique ne fût pas travaillée
comme elle l'est ; c'est à la Convention entiere qu'on en veut.
Il se plaint de ce qu'on souffre que des hommes viennent déposer
dans l'affaire de Nantes avec des passe - ports signés des Chouans.
Il demande que le comité de sûreté généraie fasse examiner
les étrangers qui sont à Paris et les passe - ports que les Chouans,
ont délivrés.
Cicogne n'est point étonné que Duhem ealomnie le nouveau
tribunal révolutionnaire composé d'hommes justes nommés par
la Convention ; n'a - t-il pas défendu le tribunal du 22 prairial ?
n'en a-t-il pas été l'apologiste?Les débats se prolongent encores
beaucoup de voix reclament l'ordre du jour ; l'Assemblée y
met fin en l'adoptant.
Thibault , au nom du comité des finances , propose un décret
dont la disposition principale est que la commission des revenus
nationaux fera adresser , saus délai , un compte général en déber
et crédit de toutes les matieres d'or et d'argent qui ont été,
versées dans les hôtels des monnaies de la République , depuis .
le 14 juillet 1789 jusqu'à ce jour , et des versemens en especes
de monnaies en provenant , qui ont été faits à la trésorerie
nationale dans les caisses des revenus de districts , ou dans celles
des payeurs des départemens ou des armées .
Cambon rappelle les trois époques différentes de la révo
Iation où l'on s'est servi de l'argenterie des églises comme.
aucun ordre n'était établi , on n'a pas manqué d'en détourner
beaucoup . Dans cette dilapidation de la fortune publique ,
les conspirateurs avaient un triple but , d'abord de s'enrichir
en volant beaucoup , ensuite d'armer contre la Convention
le fanatisme et les préjugés , et le troisieme de répandre à la
tribune de la commnue que toutes ces offraudes produiraient
au moins deux ou trois milliards , afin d'attaquer les repré
sentans du peuple comme des dilapidateurs , puisque le fait est
que cette argenterie ne produira guères que 25 à 30 millions .
Il appuie son assertion sur des calculs ; il demande que chaque
commune de la République fasse passer le procès- verbal de .
Tome XII.
( 306 )
Fargenterie des églises avec l'indication des personnes qui l'ont
enlevée ; par ce moyen l'on connaîtra tous les fripons et tous
lés dilapidateurs .
Lesage-Senault demande le même compte pour les matieres
des cloches. Cambon et Thibault l'appuient , en observant que
c'est la disproportion entre la valeur monétaire et la valeur
étallique qui a fait disparaître la petite monnaie , que des spéculateurs
ont accaparée ; mais le comité s'occupe d'en éverser
un autre qui soit à l'abri des spéculations.
Boursault prend la parole pour témoigner sa surprise de ce
qu'on a dit dans l'Assemblée qu'on voulait rétablir le systême
de terreur , relativement à la guerre de la Vendée . J'ai pareouru
, dit-il , toutes les communes de ces contrées , je pais dire
que depuis que la Convention a adopté des mesures de justice
et d'humanite , cette guerre est bien moins terrible . On peut
diviser les Chouans en deux classes ; les premiers sont des
assassins de profession ; les autres des paysans fanatisés . A
Rhédon , j'ai fait inviter les habitans des campagnes insurgés et
non insurgés à venir écouter les paroles de paix . Ils répondirent:
Si Fon nous parle de justice , nous irons entendre les représentans ;
si l'on nous parle de guillotine , nous retournerons dans nos commanes
reprendre nos fusils . J'ai trouvé dans ces communes des
patriotes à la hauteur de la Convention . On a dit qu'il y
avait à Paris des hommes venus avec des passe - ports des
Chouans . Fiez-vous aux mesures de surveillance de vos comités
ni les intrigans , ni les royalistes , ni les faux patriotes , ni
les Chouans n'échapperont à cette surveillance.
A
Organe des trois comités du gouvernement , Porcher fait
an rapport sur la situation actuelle des habitans de Bordeaux .
Si quelques- uns ont été égarés , il y a quinze mois , la masse
est dans les meilleurs principes républicains ; il propose et
PAssemblée adopte un décret qui révoque la loi du 6 août
1793 , qui avait mis hors de la loi tous ceux qui avaient
participé aux actes de la commission dite populaire. Il n'y
a d'exception que pour Cers , président du département ,
qui est en fuite et qui reste hors de la loi .
Sur les observations de Pelet , le comité de division est
chargé de faire un rapport sur les communes de la Répu-
Blique qui avaient changé de nom pour prendre des denominations
romaines , grecques ou révolutionnaires .
Séance de tridi , 13 Brumaire.
On fait lecture d'une lettre des représentans du peuple ,
Baudot et Garran , près l'armée des Pyrénées occidentales.
Ils annoncent que nos ancêtres , du tems de Charlemagne ,
farent défaits dans la plaine de Roncevaux ; l'orgueilleux Espagnol
, en mémoire de cet événement , avait élevé une pyramide
sur le champ de bataille. Vaincu à son tour , au giême
( 307 )
endroit , par les Français Républicains , ce fragile édifice de
sa vanité , a été brisé..
Sur le rapport de Cambon , la Convention à décrété ce
qui suit :
Art. Ier . Les personnes qui ont vendú leurs rentes vidgeres
avec faculté de réméré , pourront rentrer d'ici au 1er nivôse
prochain dans la propriété de leursdites rentes , en rapportant
à la trésorerie , d'ici à cette époque , le consentement
de leur acheteur .
II. Ceux qui ne rapporteront pas ce consentement dans
le délai fixé , mais qui se présenteront d'ici an 1er , ventôse
prochain à la trésorerie nationale , auront droit au capital provenant
de la liquidation , qui excédera la somme qu'ils ont
reçue lors de l'aliénation .
III. Les vendeurs avec faculté de rémère uront l'option
de convertir en une inscription sur le grand de lå dette
consolidée , ou sur le grand livre de la dette viagere , le capital
- qui leur reviendra par la liquidation . ainsi qu'il est fixé par
les décrets des 23 floréal et 8 messidor . 95
•, IV. Ceux qui n'auront pas déclaré , d'ici au 1er . ventôse
prochain , s'ils entendent ou non conserver des rentes via
geres , seront considércs avoir opté pour des rentes viagéres ,
jusqu'à concurrence du maximum déterminé par les lois.99
Paganel , au nom du comité des secours , a fait un rapport
sur les citoyennes employées à l'hospice des Invalides . Elles
étaient presque toutes des créatures de Dumas , de Robespierre
et de tous les conspirateurs qui avaient peuplé les établissemens
publics de leurs partisans . Elles avaient contribué à faire écon➡
duire et incarcérer le citoyen Sabathier , connu de l'Europe
entiere par ses connaissances chirurgicales . L'immoralité s'y
portait à des excès que le rapporteur croit devoir passer sous
silence. Le comité les avait renvoyées pour les remplacer par
des hommes . Ces intrigans ont invogné la protection dea Jacobins
, et sur leur petition elles avaient obtenu , dans la séance
d'hier , un décret qui les maintenait provisoirement en place.
Paganel a proposé de rapporter le décret . Le rapport en a étê
ordonné malgré les oppositions de Léonard Bourdon qui a pris
la défense des citoyennes .
Le général de brigade Despinois , accompagné de plusieurs
de ses freres d'armes , présente à la Convention 26 drapeaux
pris sur les Espagnols . Il reçoit l'accolade fraternelle , et est
invité aux honneurs de la séance .
Le citoyen Drugos , capitaine au septieme régiment de hussards
, est admis à la barre. Duroy observe que ce brave mili
taire reçu 35 blessures qui le forcent de suspendre la continuation
de ses services. Le président fuf témoigne , au nom de
l'Assemblée , le plus vif intérêt , et lui donne l'accolade au'
milieu des applaudissemens .
I
Sur la proposition de Richard , organe du comité de salut
Va
( 308 )
public , la Convention remplace le général Dumerbion , com
mandant en chef l'armée d'Italie , par le citoyen Scherer , gé,
néral de division à l'armée de Sambre et Meuse. Le mauvais
état de sa santé est le seul motif de sa retraite . Le comité et
Albitte ont rendu le témoignage de son habileté et de son
civisme .
Le citoyen Maugaury , ci - devant consul de la République.
près des Etats -Unis de l'Amérique , a été nommé à la place de
sommissaire des relations extérieures , ci - devant occupée par
le citoyen Bucher.
Séance de quartidi , 14 Brumaire.
Robert Lindet , au nom des trois comités de commerce , de
législation et de salut public , présente un nouveau mode de
fixer le max des grains on en demande l'impression et
Pafournement. Tallien l'appuie , fondé sur l'importance de la
matiere qui exige d'être profondément méditée . Il appelle surtout
l'attention de l'Assemblée sur la disette de bois et de
charbon qui se fait éprouver à Paris . Si le maximum peut accroître
le besoin du peuple , il faut le rejetter . Il demande
encore que la commission de commerce rende compte des
millions en écus mis à sa disposition pour acheter des grains.
La Convention ajourne le projet de décret à trois jours après
sa distribution .
Cambon fait des réflexions plus générales sur les abus résultans
du commerce fait par le gouvernement , et sur toutes les
denrées sujettes au maximum. Il demande que les comités de
salut public , de commerce et des finances présentent un travail
général sur le maximum , et les moyens de régulariser les opérations
de la commission des approvisionnemens qui doit pourvoir
aux besoins de la République , mais ne pas faire le commerce
elle seule . Il est tems de faire cesser cette grande lutte
de l'intérêt d'une agence du gouvernement contre l'intérêt particulier
de chaque citoyen . Les propositions de Cambon sont
décrétées .
Coupé ( de l'Oise ) demande que les requisitions soient ajoutées
au travail général que les comités doivent faire sur le
maximum.
Peletdemande que le comité des finances présente le tableau
des finances de la Republique .
Tallien fait plusieurs observations sur les causes du renchérissement
des denrées ; et il le trouve ainsi que Pelet dans la
trop grande masse d'assignats en circulation .
A la suite d'une discussion qui a embrasse , sans les approfondir
encore , des questions d'économie politique très-importantes
, la Convention a chargé les comités des finances , d'agriculture
et de commerce de méditer les moyens de retirer le plus
possible d'assiguais de la circulation .
1
( 30g )
*
Séance de quintidi , 15 Brumaire.
En attendant que la Convention fût assez nombreuse pour
procéder à l'appel nominal pour le remplacement d'une partie
des membres du comité de salut public , Bentabolle dénonce
les discours atroces prononcés dans la derniere séance des
jacobins ; il cite le paragraphe suivant , extrait du journal det
la Montagne , où Billaud-Varennes s'exprime ainsi :
On accuse les patriotes de garder le silence , mais le lion
n'est pas mort quand il sommeille , et à son réveil il extermine
tous ses ennemis. La tranchée est ouverte , les patriotes
vont reprendre leur énergie , et engager le peuple à se réveiller.
"
Est- ce , continue Bentabolle , dans un moment où nos
armées sont victorienses de toutes parts , où la Convention
épure toutes les autorités constituées , punit les assassins ?
Est-ce dans le moment où la representation nationale annonce
à l'Europe qu'elle veut un gouvernement digne de la nation ,
an gouvernement établi sur la justice et sur l'équité , dans le
moment où la République prospere autant qu'il est possible ;
est-ce dans un pareil moment qu'il faut dire au peuple qu'il
doit se réveiller ? Je demande que celui qui a tenu ce propos
l'explique , et nous dise pourquoi ce lion qui dort doit se
réveiller. "
Plusieurs fois Bentabolle a été interrompu dans le cours de
son opinion par des invectives qui l'ont empêché long- tems
de reprendre la parole.
Billaud - Varennes ne désavoue pas l'opinion qu'il a émise
aux jacobins. Il prétend que les aristocrates et les contrerévolutionnaires
levent la tête plus que jamais . Il a dit et il
soutient qu'on a élargi les aristocrates les plus gaugrénés ,
entr'autres la femme de Tourzel , ci - devant gouvernante des
enfans de France , et qui seule peut former un noyau de
contre-révolution . Il a dit qu'on rendait à la liberté des gens
de cette espece , tandis qu'on arrêtait de braves sans - culottes
et les meilleurs patriotes . On ne peut pas mal interpréter
l'idée qu'il a eue d'inviter le peuple à se réveiller ; c'est le
sommeil des hommes sur leurs droits qui les amene à l'esclavage
.
Tallien obtient la parole :
" On a dit , qu'à Paris , comme à Mastricht , la brêche était
ouverte : eh bien , représentans dignes de votre mission , soyez-y
tous sur la brêche ! ( Oui , oui , s'ecrient tous les membres de la
Convention ; les plus vifs applaudissemens se prolongent. )
Puisque l'on demande des vérités , j'en vais dire . Ce sont les
hommes qui ont peur , parce qu'ils voient le glaive de la
justice suspandu sur les têtes criminelles ; ce sont ces hommes
qui voudraient faire rétrograder la révolution ; ce sont là les
véritables conspirateurs . ( Applaudissemens .
V 3
( 310 ):
systême abomi Contre
" Lorsqu'ils ont vu que la Convention portait le flambeau
dans toutes les parties de l'admiuistration , lorsqu'ils ont vu
que toute la France se prononçait avec énergie contre les
hommes de sang , ( Oui oui , s'écrie - t- on de toutes parts eur
applaudissant . ) contre ceux qui voudraient en perpétuer le
ils se sont dit : Effrayons tous les
bons citoyens ; repandons qu'on va attaquer toutes les époques
de la révolution , et nous réunirons à notre parti tous ceux
qui y ont contribué . Ils ont voulu faire considérer comme
mesures révolutionnaires , ces assassinats horribles qui out
cnsanglanté les bords de la Loire , et par lesquels on a fait
périr beaucoup de patriotes ( Applaudissemeus ) lorsque ces
hommes ont vu que l'individu qu'on accuse de tous ces crimes ,
pour lequel nous avons été les premiers à demander toutes les
sauvegardes possibles , afin que l'innocent ne fût pas confondu
avec le coupable , afin que l'on pût examiner si les
mesures qu'il avait prises avaient été commandées par le salut
de la chose publique , ou bien si ce n'étaient que des assassinats
ordonnés de sang - froid ; lorsqu'ils ont vu , dis - je , que
cet homme était poursuivi , que la Convention s'occupait de
la connaissance de ces crimes , ils ont été dire aux jacobins
qu'il fallait que le peuple s'éveillât , afin qu'à la faveur du
mouvement qu'ils voulaient exciter , ceux qui avaient approuvé
les mesures prises par Carrier , pussent trouver un
moyen de salut . ( Applaudissemens . )
Tallien prolonge encore son oppinion . Il répond aux
reproches que l'on affecte de répéter sans cesse que les aris ,
tocrates levent la tête . ignore , dit -il , si une femme peutà
elle seule former ua noyau de contre- revolution ; je ne la
connais pas ; je ne sais qui l'a mise en liberté ; mais si eile
peut être dangereuse , il est des comités auxquels vous pouvez
vous adresser , et qui sau ont bien l'empêcher de nuire . Mais
ne venez pas pour cela faire flotter l'opinion du peuple entre
votre systême sanguinaire et le systême de la justice qui doit
seule régner. I demande qu'on prolonge la discussion pour
éclairer le peuple.
-
Bourdon de l'Oise ) parle dans le même sens . Il soutient
que les jacobins ont trop long - tems dominé la France . Je
causals dernierement , a -t- il dit , avec un de leurs partisans ; il
me niait qu'ils eussent jamais gouverné la République . Cela
est vrai , lui répondis-je , ils ne savaient que conduire les
citoyens à l'échafaud . - Bourdon fait ensuite le tablean
rapide de la situation politique de l'Europe et de celle de
la République , et il en conclut qu'on ne doit pas s'occuper
de ces misérables passions , ni des meneurs des jacobins qui
sont à présent de bien pétits mencurs .
Dans une opinion brûlante d'une chaleur naturelle , Legendre
tonne contre les corsaires politiques , qui , n'ayant pas assez
fait de prises , s'en vont aux jacobins pour égarer le peuple.
( 311 )
Ce n'est pas une insurrection que l'on pent craindre ; il ne
peut venir qu'une révolte de la part des jacobins ; mais quand
on en connaît les chefs , elle cesse à l'instant. Le peuple ne
soutient point une poignée de misérables . Voulez -vous
connaître les gens qui blament les mesures que vous avez prises ?
Eh bien , sachez qu'ils avaient couvert la France de spectres et
de paralytiques . J'interpelle mon collegue Bourdon de dire si ,
en visitant les prisons , nous n'y avons pas trouvé un très,
grand nombre d'individus qui ressemblaient plus à des spectres
qu'à des hommes , des vieillards aux yeux caves et renfoucés ,
qui étaient couverts de la crasse de la misere , des sourds et
des muets accusés de conspiration , ?? — Tous cela est vrai ,
dit Bourdon , on avait emprisonné les hommes , parce qu'ils
étaient vieux et riches .
-
Legendre prend le peuple à témoin qu'il voudrait que l'auteur
de la nature condamnât ces hommes de proie à ne jamais
mourir. Leurs forfaits écrits dans l'histoire se retraceraient à
la postérité , qui les verrait traîner leur caducité dans l'opprobre.
Il dirait à ses enfans , à ses neveux soyez honnêtes
gens , craignez le châtiment du crime ; il ne meurt jamais
et il pâlit de honte lorsqu'il rencontre un homme de bien.
Puis s'adressant à ces hommes : De quoi vous plaignezvous
, leur dit-il ! ese de ce que l'on pe fait plus incarcérer
par centaine , de ce que l'on ne guillotine plus 50 , 60 et
So personnes par jour ? Ah ! je l'avoue , notre plaisir est
différent du vôtre ..... Ne devriez vous pas être contens ?
Nous voudrions vous faire oublier vos crimes que nous tâ→
chons de réparer , et cependant vous allez dans une société
dont vous avez fait un repaire affreux ; vous allez pour y
égarer le peu de peuple qui s'y porte ; mais ne vous y trompez
pas , vos partisans ne sont poiut nombreux . Parmi les
citoyens qui assistent à vos séances , beaucoup n'y vont que
pour vous connaître et vous apprécier..... Qu'ils ne croient
pas de réussir ces prêcheurs de révolte contre la Convention !
qu'ils sachent qu'il n'est pas un pere de famille , pas un seul
bon citoyen qui ne fasse un rempart de son corps à la représentation
nationale . Il demande que toutes les fois que
quelques - uns de ses membres aura prêché la révolte aux
jacobins , elle sévisse fortement contr'eux , et que , pour punir
les autres séditieux , elle s'en repose sur son comité de sûreté
générale .
Reverchon déclare que , depuis deux mois qu'il est au comité
de sûreté générale , et qu'il s'est attaché à la correspondance ,
il ne cesse de voir que par - tout le peuple est véritablement
attaché à la Convention .
Clausel annonce qu'une correspondance très-sûre a appris
au comité de sûreté générale que les propositiona de révolte
qui ont été faites aux jacobins , ont été dictées par un comité
d'émigrés qui se trouvent en Suisse . On a oublié de vous
V 4
( 312 )
instruite qu'un membre de cette Assemblée a dit , le lende
main du jour même où vous rendites le décret sur la police
des sociétés populaires , qu'il fallait prendre les moyens de
rendre ce décret nul , ou du moins de l'éluder ... ( Plusieurs
voix crient c'est Crassous . ) ... Clausel demande que les trois
comités de gouvernement soient charges de proposer des mesures
qui empêchent aucun représentant du peuple de prêcher
la révolte contre la Convention .
Cette proposition est décrétée au milieu des applaudisse
mens.
Le président donne lecture d'une lettre qu'il vient de recevoir
; elle est conçue en ces termes :
4
Si la Convention veut savoir la vérité , je la lui dirai à
Ta barre . Je lui démontrerai qu'il existe uue conspiration tendante
à son annéantissement en reproduisant un nouveau systême
de terreur ...... 9 On interrompt , en demandant le renvoi
de cette lettre aux trois comités . Il est décrété .
On procede à l'appel nominal pour le renouvellement des
membres du comité de salut public qui sont sortis ; ces membres
sont Laloi , Treillard et Eschassériaux . Ceux qui les remplacent
sont : Cambacérès , Carnot et Pelet .
Séance de sextidi , 16 Brumaire.
Merlin ( de Thionville ) Legendre ( de Paris ) , André Dumont
et Goupilleau ( de Fontenai ) , sortis du cemité de sûreté générale
, ont été remplacés par Barras , Laignelot , Garnier (de
l'Aube ) et Hermann ( de la Meuse . )
( Nous reviendrons sur cette séance au prochain numéro . )
Décret sur l'établissement des écoles normalės,
La Convention nationale , voulant accélérer l'époque où
elle pourra faire répandre d'une maniere uniforme dans toute
la République l'instruction nécessaire à des citoyens Français ,
décrete :
Art. Ier. Il sera établi à Paris une école normale , où seront
appellés de toutes les parties de la République , des citoyens
déja instruits dans les sciences utiles , pour apprendлe , sous
les professeurs les plus habiles , dans tous les genres , l'art
d'enseigner,
II. Les administrations de district enverront à l'école
normale un nombre d'éleves proportionné à la population :
la base proportionnelle sera d'un pour 20,000 habitans , A Faris ,
les éleves seront désignés par l'administration du départe -
ment.
,, III. Le choix des administrations ne pourra se fixer que
sur des citoyens qui réuniront à des moeurs pures un patrie(
313 )
tisme éprouvé , et les dispositions nécessaires pour recevoir et
pour répandre l'instruction .
,, IV. Les éleves de l'école normale ne pourront être âgés dé
moins de 21 ans .
P
" V. Ils se rendront à Paris avant la fin de frimaire prochain ;
ils recevront , pour le voyage et pendant la durée du cours
normal , le traitement accordé aux éleves de l'école centrale
des travaux publics .
" VI. Le comité d'instruction publique désignéra les
citoyens qu'il croira les plus propres à remplir les fonctions
d'instituteur dans l'école normale , et en soumettra la liste
l'approbation de la Convention , et il fixera leur salaire de coneert
avec le comité des finances .
VII . Ces instituteurs donneront des leçons aux éleve
sur l'art d'enseigner la morale , et former le coeur des jeunes
Républicains à la pratique des vertus publiques et privées .
,, VIII. Ils leur apprendront d'abord à appliquer à l'enseignement
de la lecture , de l'écriture , les premiers élémens du
calcul , de la géométrie - pratique , de l'histoire de la grammaire
française , les méthodes tracées dans les livres élémentaires
adoptés par la Convention nationale , et publiés par ses
ordres .
,, IX . La durée des cours normaux sera au moins de quatre
mois.
" X. Deux représentans du peuple , designés par la Convention
nationale , se tiendront près l'école normale , et correspondront
avec le comité d'instruction publique sur tous les
objets qui pourraient intéresser cet important établissement .
XI. Les éleves formés à cette école républicaine , rentreront
à la fin du cours , dans leurs districts respectifs ; ils ouvriront
dans les trois chefs - lieux de canton désignés par l'administra
tion de district , une école normale , dont l'objet sera de transmettre
aux citoyens et aux citoyennes qui voudront se vouer à
l'instruction publique , la méthode d'enseignement qu'ils
auront acquise dans l'école normale de Paris .
,, XII . Ces nouveaux cours seront au moins de quatre
mois.
,, XIII. Les écoles normales des départemens seront sous
la surveillance des autorités constituées .
", XIV. Le comité d'instruction publique est chargé de
rédiger le plan de ces écoles nationales , et de déterminer le
mode d'enseignement qui devra y être suivi .
" XV. Chaque décade , le comité d'instruction publique
rendra compte à la Convention de la situation de l'école normale
de Paris et des écoles normales secondes qui seront établies , en
exécution du présent décret , sur toute la surface de la Répu
blique.
( 314 )
PARIS. Nonidi , 19 Brumaire , l'an 3e . de la République.
Les horribles révélations , sorties de l'instruction du procès
contre le comité révolutionnaire de Nantes , étaient de nature
à predule une impression profonde sur le peuple . Jamais les
anuales de la férocité n'avaient offert une suite d'outrages plus
sanglans à la nature , à la padeur , à l'humanité . La part que
parait y avoir prise un représentant du peuple a dû augmenter
Je sentiment de l'indignation publique . D'un autre côté , les
coupables connus ou inconnus , ont dû s'agiter en tout sens
pour échapper aux recherches et aux vengeances de la justice .
les
Pour y parvenir , il fallait faire contraster les dévastations et
les horreurs commises par les brigauds de la Vendée , avec
atrocités exercées par les membres du comité révolutionnaire
de Nantes . La ligne de démarcation n'était pas difficile à
assigner. Personne n'a pu vouloir ni n'a voulu s'apitoyer sur
le sort des rebelles et des brigands pris les armes à la main ,
et moins encore sur les chefs fanatiques qui les ont engagés à
porter par-tout et le fer et la flamme ; leur supplice était un
acte de rigueur politique , effet malheureusement nécessaire
dans les guerres civiles . Mais qu'avaient de common avec cette
sévérité indispensable les massacres commis envers des femmes
enceintes , des enfaus à la mammelle , des enfans au-dessous de
12 ou 15 ans , des vieillards , des infirmes et d'une foule de..
malheureux qui , sur la foi d'une amnistie trompeuse , étaient
venus déposer leurs armes , et qu'on a fait fusiller ou noyer
impitoyablement ? Comment excuser par la nécessité des mesues
révolutionnaires ces formes ingénieusement féroces , ces
noyades de jeunes filles et de jeunes garçons que l'on dépouil-
Jait auds , qu'on liait ensemble pour en faire , par une déri
sion outrageante , des mariages républicains ? Comment excuser
ces condamuations sans jugemens , ces entrepôts infects où les
victimes entassées mouraient de la peste , si elles n'étaient pas
livres à l'avide cruauté de leurs bourreaux , ces vengeances et
pes horribles proscriptions exercées envers des citoyens , ou
étrangers , à la guaire de la Vendée , ou qui n'y avaient is le
pied que pour y combattre les rebelles ?
Il fallait faire croire que les témoins n'étaient eux- mêmes que
des brigands des Vendéens et des Chouans , tandis que la ville
entiere de Nantes est venue déposer unanimement de toutes
ces horreurs . Il fallait persuader que tous ceux qui s'indignent
de tant de forfaits et en attendent justice , sont des aristocrates ,
des contre- révolutionnaires , des partisans des rebelles , des conspi
rateurs ; qu'on voulait faire le procès à la révolution , et que le
tribunal révolutionnaire lui - même était venda à une faction
conspiratrice. C'est toujours la même tactique , le même abus
L
i
315
)
des mots ; il n'a jamais été permis de s'élever contre les massacres
, les brigandages et les désordres publics , de réclamer
les droits de la justice , de la raison et de l'humanité , de délivrer
enfin cette malheureuse patrie du joug du crime et de la
terreur , sans que des hommes égarés ou pervers n'ait crié à
l'aristocratie et à la contre - révolution . Ils voudraient se rendre
inviolables et sacrés , en se couvrant de l'égide de la liberté,
et du patriotisme auxquels its insultent journellement par leurs
excés , leur folie et leurs crimes . Mais cette misérable tactique
est aujourd'hui trop connue et trop usée pour faire illusion au
peuple qu'ils ont trop long-tems égarés , et qui n'est plus la
dupe de leur jonglerie et de leur charlatanisme.
all est encore des hommes qui , lorsqu'on veut écarter des
sociétés populaires les meneurs qui les trompent , lorsqu'on
veut ramener tous les citoyens au joug salutaire des lois et à
l'unité du gouvernement , croient avoir tout dit quand ils ont
répété qu'on en veut aux Jacobins , et que Pitt et Cobourg
n'ont cessé de déclamer aussi contre eux . Aveugles qu'ils sont !
comme si les tyrans coalisés , qui veulent nous dechirer par
les dissentions , étaient assez mal- adroits pour se rendre les
apologistes des sociétes populaires ! comme s'il n'était pas de
leur astucieuse politique de crier , d'un côté , contre les Jacobins
, tandis que de l'antre ils les poussent par leurs émissaires
à des écarts représensibles pour leur faire dire , quand on veut
les rappeller à l'ordre : Voyez nos ennemis , ils parlent comme vous .
ils veulent nous détruire. Et les vrais Jacobins sont la dupe de ce
grossier machiavélisme ! Et ils croient de bonne foi que ni Pitt ,
ni Cobourg , ni les émigrés , ni tous les tyrans desilent sérieusement
leur destruction ! Non , ils ne veulent pas détruire les
Jacobins , mais ils veulent les influencer , ils veulent en faire leur .
foyer de discorde et l'arsenal de toutes les motions incendiaires .
Le jour où les Jacobius reconnaîtront ce piége , et ne parleront:
plus que raison , justice et obéissance aux lois , sera un jour de
mort pour les tyrans .
L'escadre française , long- tems bloquée par les Anglais et les
Espagnols dans le golfe de Juan , vient de rentrer dans le port
de Toulon ; dans le trajet de son retour , elle n'a pas rencontré
un seul ennemi ; ainsi le projet des Anglais , leur insolence à
annoncer dans leurs papiers que cette flotte avait été prise et
brûlée par eux , sont anéantis , et bientôt nos braves marins
réunis feront sentir à ces insulaires leur terrible vengeance .
Depuis plusieursjours les scellés avaient été mis sur les papiers
du président du club électoral ; ils viennent d'être apposés aussi
sur les cartons de cette société .
Bergasse , ex-constituant , a été condamné par le tribunal révolutionnaire
à la détention , comme suspect , jusqu'a la paix .
( 316 )
On écrit du quartier- général de Mutterstadt , le 5 brumaire
que les armees du Rhin et de la Moselle , aussi redoutables par
leur nombre que par le courage qui anime chaque soldat , sont
réunies en ce moment sous les murs de Mayence , qu'elles se
disposent d'attaquer avec lenr vivacité ordinaire .
Un autre corps considérable , sous les ordres du général de
division Vachat , est devant Manheim ; on travaille sans relâche
aux ouvrages nécessaires pour ouvrir la tranchée ; les habitans
s'y prêtent de bon coeur , et bientôt le repaire d'émigrans sera
au pouvoir des Républicains , on disparaîtra de la surface de la
terre.
Antoine Petit , l'un des plus habiles et des plus célebres médecins
de l'Europe , vient de mourir à Orléans sa patrie .
Le siége de Nimegue est commencé ; celui de Mastreicht se
poursuit toujours avec vigueur : cette place est attaquée sur trois
points ; tous les paralleles et les lignes de circonvallations sont
terminés.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes , du 29.
**
Chamoi , aîné , secrétaire adjoint pour les armées , a déclaré
qu'ayant été prévenu d'infidélité dans la comptabilité des deniers
de la république , on l'avertit que l'armée révolutionnaire
était à sa poursuite ; aussi - tôt il s'informa de l'endroit où cette
armée était campée au cabaret , lui repondit son frere.
:
Je n'aime point le cabaret , a dit le témoin . Je me rendis
à l'instant au comité révolutionnaire ; on m'y donna a mandat
d'arrêt pour un manteau qu'on ne me rendit point en sortant.
Celui-ci a fait une description pitorresque de toutes les souffrances
qu'il a éprouvées dans les différentes prisons qu'il a
parcourues. Je me trouvai , a - t- il ajouté , à l'hôpital revolutionnaire
, lorsqu'on vint m'avertir qu'il existait un ordre
signé Goullin , pour me transférer avec les autres à l'entrepôt ;
aussi- tôt moi , qui n'aime pas l'eau , je foutis le camp par lafenêtre
, dans la crainte d'être noyé.
Nota. Dans l'une des dernieres séances , lorsque Nau , ainė ,
quartier-maître de l'armée révolutionnaire , fat entendu en ses
déclarations , il remit au président l'arrêté suivant qui est
ainsi conçu.
་
Nantes , le 7. jour de la 1ere , décade du 2º . mois dè l'an 11º .
de la République Française.
Les véritables braves sans - culottes de Nantes appellés
( 317 )
par les représentans du Peuple de la Convention nationale
et administrateurs du département , se sont assemblés à
4 heures de l'après -midi , provisoirement dans l'une des
chambres de la maison Gottin , pour y établir les commissaires
qui avaient été convoqués pour former entr'eux une compagnie
révolutionnaire . Après l'examen , ils ont été reçus : suivent
les noms des 41 membres qui la composaient .
:
" Les représentans du peuple Français près l'armée de
l'Ouest , approuvent et confirment la formation de la compagnie
révolutionnaire , telle qu'elle est organisée de
l'autre part , lui conferent collectivement et individuellement
à chaque membre , le droit de surveillance sur tous les
citoyens suspects de Nantes , sur les étrangers qui y entrent
ou y résident ; sur ceux qui s'y réfugient ; sur tous les accaparcurs
de toutes especes ; sur tous ceux qui chercheront à
soustraire ou à recéler frauduleusement les subsistances , marchandises
et deurées de premiere nécessité , ou qui auraient
déjà commis de pareils délits . Enfin , ladite compagnie veillera
sur tous les malveillans et ennemis de la République française
elle sera tenue de les dénoncer au comité de surveillance établi
à Nantes , en ce qui les concernera , et aux représentans du
peuple , s'il s'agit d'un complot contre la liberté nationale ou
la sûreté générale de la République .
" Chaque membre de la compagnie aura le droit de faire.
arrêter , ou d'arrêter tout individu dont il croira prudent de
s'assurer , à la charge de le conduire de suite au comité de surveillance.
La compagnie . surveillera , de plus , tous les conciliabules
des ennemis de la révolution ; elle s'attachera à la décou
verte de toutes les assemblées appellées chambres littéraires ;
elle dénoncera le tout au comité de surveillance . Les membres
de la compagnie arrêteront ou feront arrêter tous les individus
qu'ils trouveront assister aux conciliabules ou chambres littéraires.
La compagnie exercera la surveillance et les pouvoirs
qui lui sont délégués par le présent arrêté , dans toute l'étendue
du département de la Loire inférieure . La force publique
obéira par- tout aux requisitions qui lui seront adressées , soit
au nom de la compagnie , soit au nom individuel des membres
qui la composent. La compagnie , et ses membres en
particulier , auront le droit de faire des visites domiciliaires
par- tout où ils le jugeront convenable dans Nantes et dans
l'étendue du département de la Loire inférieure . Nul individu
ne pourra s'y opposer , et sera tenu au contraire ,
d'ouvrir aux membres de la compagnie les portes de tous
les lieux et appartemens où ils jugeront convenable de porter
leur surveillance et leurs recherches . En cas de refus , les
membres de la compagnie demeureront autorises à faire ouvrir
les portes par des gens de l'art , même à les faire enfoncer ,
s'il y a lieu . En cas de rébellion , ils requerreront la force
armée , qui sera tenue de leur prêter obéissance et secours.
1
( 318 )
Ceux qui auront opposé la rebellion , seront saisis sur- lechamp
, et punis comme rébelles à l'exercice de l'autorité
légitime. "
Signés , les représentans du peuple près l'armée de l'Ouest ,
réunis à Nantes , le 9 du 2e . mois , an second de la République
Française .
Signés , FRANCASTEL , CARRIER .
Les représentans du peuple , après avoir reconnu l'exactitude
que la compagnie révolutionnaire , dite Marat , a mise
à exécuter les ordres , à elle donnés , accorde à chaque
membre de ladite compagnie , 10 liv . par jour , pour favoriser
les besoins de chaque individu . Le quartier - maître sera
tenu de faire le paiement à l'expiration de chaque décade .
Nantes , le 30 brumaire , l'an second , etc. 8
Signé , le représentant du peuple , CARRIER .
"9
• Du 11. brumaire au matin . Les jurés ont déclaré qu'ils
n'étaient pas suffisamment instruits pour prononcer sur cette
affaire.
Bernard Lacaise gardien de la maison d'arrêt du Buffay , `
2. été entendu . Il a fait une très - longue déclaration sur le
départ des prisonniers qui furent noyes le 21 au 25 frimaire :
entr'autres choses , il a reproché à Goullin de s'être rendu
à la prison dans cette nuit désastreuse , d'avoir fait ajouter
à la liste fatale 15 individus arrivés la veille , d'avoir fait presser
leur départ, etc.
Goullin a dit avoir avodé déja plusieurs de ces faits , et
qu'il est inutile de lui faire toujours répéter la même chose ;
que c'est Carrier qui a donné l'ordre. Il a demandé à s'expliquer
, et a donné lecture de ce qui suit :
Aux jurés du tribunal révolutionnaire.
de Nantes.
Les membres du comité
Depuis assez long- tems les huées , les humiliations et
les haines grondent sur nos têtes ; depuis long - tems des soupçons
horribles , accrédités par quelques faits , nous livrent
journellement à mille morts ; et l'auteur de toutes nos angoisses
jouit encore de sa liberté ! et l'homme qui électrisa
nos têtes , guida nos mouvemens , despotisa nos opinions ,
dirigea nos démarches , contemple paisiblement nos alarmes
et notre désespoir ! Non , la justice réclame celui qui abuse
de notre bonne - foi pour nous perdre ; celui qui , nous montrant
le goufre où nous nous jettâmes aveuglément à sa voix ,
est assez làche pour nous abandonner sur le bord . Il importe
à notre cause que Garrier comparaisse au tribunal ; les juges ,
le peuple enfin doivent apprendre que nous ne fûmes que
les instrumens passifs de ses ordres et de ses fureurs.
" Qu'on interpelle tous les patriotes de Nantes , tous de
ferment qu'un cri . Carrier seul a provoqué , prêché , com(
319 )
mandé hautement toutes les mesures révolutionnaires ; ~Carrier
força le président du tribunal de guillotiner , sans jugement
, quarante Vendéens pris les armes à la main ; Carrier
força la commission militaire d'assassiner légalement 3 mille
brigands qui empestaient la Cité ; Carrier donna droit de vie
et de mort sur des rebelles réprouvés par la loi , aux Lamberty
et Fouquet , qui abuserent de leurs pouvoirs pour immoler
jusqu'à des femmes enceintes et des enfans ; Carrier ,
lors d'une menace d'insurrection au Buffay et d'invasion de
l'armée catholique , proposa à toutes les administrations réunies
de faire périr les prisonniers en masse.
,, Carrier commanda de faire noyer cent et quelques individus
, dont il croyait le sacrifice important au repos des
prisons et de la Cité . Carrier seul enfin donna cette impulsion
terrible qui jetta hors des bornes des patriotes ardens , mais
de bonne foi.
" Jurés , vous dont le maintien annonce l'impartialité , vous
qui tenez en vos mains la vie et l'honneur de tant de victimes
égarées , vous ne prononcerez pas sur leur sort , sans avoir
entendu l'auteur de tous les maux et de toutes leurs fautes,
Au nom de la justice et de la vérité , que Carrier paraisse ,
qu'il vienne justifier ses malheureux agens , ou qu'il ait la gran,
deur de s'avouer le senl coupable. "
Sur le réquisitoire de l'accusateur public , cette piece a été
signée à l'instant par Goullin , et paraphée par le président ,
ne varietur , et envoyée de suite au comité de sûreté géné .
rale .
Bernard Lacaise , gardien de la maison d'arrêt du Buffay ,
a déclaré que dans la nuit affreuse du 24 au 25 frimaire , deux
membres de la compagnie Marat , qu'il ne connait pas .
apporterent au Buffay deux paquets de cordes , vers les neuf
heures du soir , et qu'ils demanderent à enlever 155 détenus ,
pour les transférer à Belle Isle , à l'effet d'y construire promp
tement un fort. Ces deux individus se retirerent ; à dix heures
du soir , 30 ou 40 soldats de cette compagnie arrivent , ainsi
que plusieurs autres particuliers , dans le courant de la nuit.
Ils demanderent d'abord 155 prisonniers . Je ne puis vous les
livrer sans ordre , a - t - il dit ; aussi - tôt deux de ses particuliers
se rendirent , je crois , au comité , et m'apparterent une liste
de 155 détenus avec un ordre signé de trois membres du
comité de les leur livrer. Je leur observai que plusieurs de
ceux portés sur cette liste , étaient en liberté , ou malades
dans des hospices , ou morts .
Les soldats de la compagnie Marat demanderent à boire et
à manger , et après avoir bien bu et bien mangé , ils défirent
lears paquets de cordes et s'amuserent à se lier les uns les
autres , pour connaître ceux qui seraient , en ce genre , les plus
habiles ; Jely remporta le prix : les portes des chambres des
prisonniers furent ouvertes , on les amena à la geole : Joly se
( 320 )
mit en exercice ; il leur lia les mains derriere les dos , et les
attacha deux à deux ; comme il suait sang et eau , quelques- uns
de ses camarades partagerent ses travaux et ses execrables fonc
tions.
-
Grand Maison entra dans la cour et fit faire diligence .
Goullin fit peste et rage de ce qu'on ne pouvait completter
la liste de 155 prisonniers ; car , calcul fait de ceux restans et
portés sur la liste , ils ne s'en trouva qu'une centaine , non
compris les morts et les absens . Eh bien , dit Goullin , que l'on
fasse descendre les 15 prisonniers que j'ai envoyé ici ce soir ;
on les garotta de même ; au lieu de 155 , Goullin se contenta
de 129 ; mais comme ce nombre n'était pas encore complet , il
ordonna que l'on prît indistinctement les premiers venus ,
parce que le tem; pressait , attendu que la marée baissait . Ils
furent si pressés , qu'ils oublierent d'aller chercher dans les
hôpitaux les malades désignés sur cette liste fatale ; ces victimes
sortirent vers les 4 heures du matin . Goullin et Grand- Maison
les accompagnerent. Ces malheureux proscrits était au nombre
de 129 ; plusieurs n'avaient pas subi le jugement , d'autres
étaient condamnés à quelques années et à quelques mois de
détention , etc.
Durasier est venu deux fois au Buffay ; il m'a dit que si
le nombre des prisonniers était trop considérable , il les ferait
noyer comme les autres. Dans la crainte d'être noyé moi- même ,
je n'osai porter plaintes . Ces infortunés , en partant , laisserent
leurs chemises et leurs vieilles culottes , en recommandant
qu'on les fit blanchir , et qu'on les leur envoyât. Ma femme ,
morte depuis , le leur promit . Quelque tems après la noyade ,
ma femme reçut ordre du comité d'envoyer ces hardes chez
la blanchisseuse , où elles sont encore.
( La suite au numéro prochain. }
P. S. Richard , dans la séance d'hier , a annoncé la prise de
Maestricht par l'armée de Sambre et Meuse , après onze jours
de tranchée ouverte. La garnison qui était nombreuse a été faite
prisonniere . On a pris 200 pieces d'artillerie et des magasins
considérables .
L'armée de la Moselle a fait tomber en son pouvoir le ført de
Rheinfeld sur la rive droite du Rhin , et sur la même ligne que
Mayence . Ce fort était important par sa position et par une
défense formidable ; 39 bouches à feu , des mortiers , des fusils ,
des tentes , des munitions de guerre et de bouche de toutes
especes ont été la suite de cette prise.
( No. 11. )
MERCURE FRANÇAIS.
DU QUINTIDI 25 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 15 novembre 1794 , vieux style . )
J
POÉSIE.
LE TIBRE. ( Conte )
UN Gascon , grand observateur
Conçut un jour la fantaisie
De voyager en Italie ;
Et s'arrêtant à Rome , on crat lui faire honneur
En offrant à ses yeux les monumens antiques ,
Les théâtres et les portiques,
Qui des Romains jadis annonçaient la grandeur .
Ensuite on conduisit notre homme
Au fleuve dont les eaux baignent les murs de Rome,
Eh bien ! lui dit son compagnon ,
Est-il une riviere et si belle et si grande
Dans ton fameux pays gascon ?
L'autre lui répliqua : Sandis , quelle demande !
Je ne vois là rien de si beau ;
Ce Tibre , mon ami , n'est point une merveilles |
S'il osait se montrer au pied de mon château] ,
Je le ferais mettre en bouteille .
j .
Tome XII.
Par la citoyen GRETRY ,,
ว
93
1
( 32 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Recherches sur les causes des principaux faits physiques , et particulierement
sur celles de la combustion , de l'élévation de l'eau dans
l'état de vapeur ; de la chaleur produite par le fistlement des corps
solides entre eux ; de la chaleur qui se rend sensible dans les décompositions
subites , dans les effervescences et dans le corps de beaucoup
d'animaux pendant la durée de leur vie ; de la causticité ,
de la saveur et de l'odeur de certains composés ; de la couleur des
corps ; de l'origine des composés et de tous les minéraux ; enfin , de
l'entretien de la vie des êtres organiques , de leur accroissement , de
leur état de vigueur , de leur dépérissement et de leur mort ; avec
une planche gravée . Par J. B. Lamarck , professeur de zoologie au
Muséum national d'histoire naturelle ; 2 volumes in - 8º . Prix , 12 l. ,
et 14 liv. franc de port par la poste. A Paris , chez Maradan ,
libraire , rue du Cimetiere - André - des - Arcs , nº . 9.
Cx qui fait la véritable richesse de la physique et de la chymic ,
ce sont les faits bien constatés qui s'y rapportent , et à cet
égard on peut dire que l'énorme quantité de faits , maintenant
connus , forme une masse de connaissances précieuses qui n'est
susceptible que d'être augmentée , puisqu'on peut assurer que
ce qui est reconnu pour vrai dans un tems , ne peut jamais
par la suite passer véritablement faux . Il n'en est pas de
pour
même des connaissances que l'on tire de ces faits , car elles sont
dans le cas d'être abandonnées , eussent elles été adoptées universellement
, dès que d'autres conséquences plus simples et
d'une application plus gónérale sont offertes à l'opinion
publique .
Dans l'ouvrage dont nous allons rendre compte , l'auteur
ne conteste aucun des faits généralement reconnus par les
physiciens et les chymistes . Mais les conséquences qu'il en
tire sont bien différentes de celles qu'on a cru pouvoir tirer
jusqu'à ce jour.
Le premier des deux volumes qui composent l'ouvrage intéressant
dont il s'agit traite uniquement de la matiere du feu ;
matiere dont l'existence n'est point une hypothese , mais est
bien constatée par une infinité de faits qui la démontrent. 11-
paraît , comme le pense l'auteur , que c'est absolument de la
juste connaissance de cette matiere que dépendia toujours celle
des causes de presque tous les phénomenes physiques et chymiques
observés jusqu'à présent.
La nouvelle théorie du feu dans l'ouvrage dont il est main-
⚫ tenant question , semble rapprochée de celle qu'on nomme
théorie du phlogistique ou de Stahl ; mais elle en est bien distinguée
sa ce que l'auteur , reconnaissant dans la nature ce
( 923 )
1
feu dans différens états , lui attribue dans chacun de ces états
des facultés très - particulieres ; facultés tellement différentes
entre elles que les chymistes pneumatiques les out rapportées
à diverses sortes de matieres auxquelles ils ont donné des noms
particuliers .
Le citoyen Lamarck distingue en effet trois états particuliers
dans lesquels la matiere du feu peut être observée ou reconnue
dans la nature ( 1 ) .
1º. La matiere du feu dans son état naturel , c'est - à - dire libre
et non modifiée , pénetre tout , est répandue uniformément
par-tout , forme comme une mer immense au milieu de laquelle
tous les autres corps , l'atmosphere même , sont plongés ; et
sans avoir la faculté de causer la dilatation des corps , ni de
produire la chaleur ; elle constitue , par son extrême élasticité ,
la matiere propagatrice du bruit et du son .
2º . Cette même matiere condensée et fixée dans la plupart
des corps comme principe constituant , y forme par sa présence
, soit les différens degrés d'opacité de ces corps , soit leurs
diverses colorations , à raison de ses différens états de découvrement
, soit enfin toutes les nuances de leur sapidité , s'ils en ont ,
selon l'état d'union des principes constitutifs de ces corps .
3°. La matiere du feu en expansion , c'est - à - dire dans l'état particulier
, ou étant modifiée , mais libre , elle s'étend pour se
délivrer de l'état forcé de condensation dans lequel une cause
quelconque l'avait réduite . Cette matiere fait alors un effort ou
mouvement expansif proportionné à son degré de condensation
. Or , cet effet d'expansion qui la rend repulsive dans toutes
ses parties , et éminemment active , diminue progressivement
à mesure que cette matiere se rarefie ; mais ne s'anéantit ou ne
cesse entierement que lorsqu'elle a repris la varité qui est dans
son essence . is
Tels sont les trois états remarquables dans lesquels la matiere
du feu s'obsérve tous les jours dans les phénomenes naidrels
qui en dépendent ; phenomenes qu'il sera toujours impossible
d'expliquer d'une maniere satisfaisante , selon l'auteur , tant
que ces états particuliers de la matiere du feu ne seront pas
reconnus .
Le feu fixé, dans la théorie da citoyen Lamarck , n'est point
du tout le thlogistique de Stahl , puisque c'est une substance
simple , condensée et enchaînée par l'etat de combinaison , et
ce n'est pas non plus l'air inflammable condensé et fixé dans
les corps , comme on l'a dit ; car l'air inflammable n'est point
une substance simple , mais est un composé susceptible d'être
détruit par la combustion . Ensuite les facultés si remarquables
du feu en expansion ne sont dues qu'à un état passager de la
matiere du feu qui fait effort pour reprendre son état naturel :
(1 ) Le carbone , l'oxygene , le calorique ,
X 8
( 324 )
or , parvenue à cet état , la matiere du feu cesse alors d'être
capable de dilater les corps , de causer la chaleur , de liquefier
les métaux , de vaporiser les fluides , etc. etc. , et rien de cela
n'est connu dans la théorie de Stahl..
Dans la théorie très simple du citoyen Lamarck on n'a plus
besoin de supposer à la matiere du fet un mouvement de
vibration continuel dans ses plus petites parties , ni de supposer
que ses molécules essentielles , en tendant à s'approcher
entre elles par les lois de l'attraction , se repoussent dans leur
plus grand rapprochement pour se rapprocher ensuite et se
repousser de même continuellement et successivement , ni enfin
de supposer que cette matiere est essentiellement répulsive. Si
le feu en expansion a ses parties dans un véritable état de répulsion
, ce n'est que par circonstance et non par essence , et ,
comme on vient de le dire , cet état est passager.
Les facultés de la matiere du feu dans ses différens états et
dans toutes les circonstances étant bien déterminées , les autres
parties de la théorie du citoyen Lamarck deviennent alors trèsintelligibles
, et acquierent même un degré d'évidence qu'aucune
autre ne peut se flatter d'offrir. Aussi , le second volume
qui les contient présente- t- il une suite de considérations nouvelles
des plus importantes à connaître , par exemple , sa belle
théorie des composés qui ont une tendance réelle à effectuer
leur décomposition ; tendance cependant qui , comme enchainée
par l'intimité d'union des principes , n'est nullement effective
dans les uns , tandis que dans les autres elle l'est d'une maniere
éminente ; cette théorie , dis-je , remplace , avec une supériorité
frappante pour l'explication des faits connus , la singuliere
hypothese des affinités chymiques , c'est-à-dire de ce penchant
particulier attribué depuis si long - tems à certaines substances
pour s'unir ou se marier avec d'autres .
Les nouveaux principes de cette théorie des composés offrent
en effet sur la coloration des corps , sur la sapidité plus ou
moins grande de ceux qui en sont doués , et enfin sur les prin
cipaux faits organiques , des considérations piquantes et du plus
grand intérêt , mais qu'il est impossible de faire ici connaître
cause des bornes nécessaires de cette analyse.
+
Le citoyen Lamarck termine son ouvrage en traitant de l'origine
des composés , et particulierement de celle de tous les
minéraux. Il fait voir , contre les idées reçues , que la nature
ne tend nullement à former des combinaisons , et qu'au conraire
elle s'efforce sans cesse de détruire toutes celles qui
existent. Il developpe enfin cette grande idée qui lui est propre,
savoir ; que l'action organique des êtres vivans a seule la faculté
de former des combinaisons directes , et il en résulte que
toutes les substances qui composent le regne minéral sont
produites par les altérations successives qu'ont subies les maieres
composées qui ont fait partie des êtres vivans , et qui se
sont trouvées abandonnées au pouvoir de la nature.
( 325 )
Conclusion . Cet ouvrage intéressant par son objet , et véritablement
piquant par la nouveauté des considérations qu'il
renferme , présente sur les causes des principaux faits connus
en physique et en chymie uue théorie nouvelle , générale , et
par-tout liée dans ses principes . A la vérité , cette théorie s'éloigne
à beaucoup d'égards de la théorie pneumatique que la
plupart des chymistes modernes ont adoptée . Mais cette considération
doit- elle faire rejetter sans examen la nouvelle qui est
exposée dans cet ouvrage ? Non , sans doute ; il suffit que cette
derniere présente une nouvelle occasion de considérer les faits
connus , et d'en expliquer les causes , pour que l'intérêt de la
science exige qu'on l'examine , qu'on en discute le fondement
et la dépendance des principes , qu'on la compare aux autres
théories connues , qu'on recherche laquelle est la plus générale
et la moins compliquée , et qu'après un examen suffisant
on réfute celles qui méritent de l'être .
11 résulte encore de la nouvelle et sublime théorie de cct
ouvrage profond , toujours appuyé sur le raisonnement le plus
lumineux et sur l'expérience la plus exacte , que de toutes
parts la nature présente une succession alternative de vie et
de mort , de formation et de destruction , de mouvement et
de repos effectifs . L'auteur y démontre sensiblement que les
frottemens ou les chocs de deux corps solides l'un contre
l'autre occasionnent de la chaleur , et souvent font paraître
une matiere active , qui appliquée à de certains corps les détruit
en peu de tems ; là , un degré de chaleur déterminée ,
communiqué à tel ou tel fluide , le vaporise et le fait exhaler
dans l'air ; d'un autre côté , telle substance se trouve en contact
avec tel ou tel corps , produit sur-le-champ des phénomenes de
destruction , occasionne des combinaisons nouvelles , et donne
lieu à une chaleur qui se manifeste sans avoir été communiquée
; en un mot , tout ce qui est à la portée de nos sens nous
présente perpétuellement , et dans les relations des substances
simples entre elles , et dans les facultés des composés qui
existent , des faits qui la plupart paraissent inconcevables , mais
qui étant soumis à des lois fixes et constantes , nous laissent
toujours l'espoir d'en découvrir la véritable origine.
On sent l'importance de l'étude de ces faits et de la recherche
des causes qui les occasionnent constamment. La connexion
de l'homme avec tous les corps et les êtres au milieu desquels
il se trouve placé ; en un mot , avec tout ce qui constitue la
nature même , est trop manifeste pour que de veritables découvertes
en ce genre ne soient pas les plus utiles des connaissances
qu'il puisse acquérir. C'est sous ce point de vue si inté
ressant qu'il faut considérer l'ouvrage du citoyen Lamarck , et
que l'on doit en recommander la lecture et la méditation aux
hommes instruits , et à ceux qui ne sont point indifférens au
superbe spectacle de la nature et à la connaissance de leur
propre organisation .
X 3
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
Les
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 24 Octobre 1794 .
Es cours de Suede et de Danemarck continuent de jouir dé
tous les avantages commerciaux que leur procure leur neutral
lité armée qu'elles savent faire respecter. Aussi tous les plans
d'amélioration intérieure se suivent - ils avec sagesse et constauce .
Aussi remedie - t - on dans ces deux états à l'infertilité du sol ,
et suit- on avec succès la culture des arts utiles , des sciences
et même des beaux arts ; en un mot , ces deux contrées sontelles
aussi heureuses que le permet la nature du sol et du
climat . Les cabinets de Stockholm et de Copenhague , sentant
bien tout le prix d'une union qui a doublé leurs forces , ont
abjuré toutes les petites jalousies particulieres qui les travail
laient autrefois , pour contracter une amitié vraisemblablement
durable .
Tandis que le ci - devant ambassadeur de France , baron de
Staël , qui depuis a été à Copenhague pour le traité relatif à
la neutralité armée , est à la veille de se rendre en Suisse , afin
d'être à portée de rentrer dans le territoire de la République
Française dès qu'il en recevra l'ordre , le fils du premier ministre
Danois , comte de Bernstorff , vient d'être nommé pour
resider i Stockholm avec le titre de ministre plénipotentiaire.
La flotte danoise est rentrée le 10 octobre dans le port de
Copenhague ; elle venait d'Helsingor où elle s'est séparée de
la flotte suédoise , leur jonction n'étant plus nécessaire pour
assurer le commerce des deux puissances dans un moment où
la mauvaise saison ne permet pas d'en faire beaucoup . Les
troupes de ligne embarquées sur cette flotte vont être mises à
terre pour être exercées après un peu
de repos , en remplaçant
celles qui exécutent dans les environs de la capitale les
manoeuvres d'automne.
Des lettres de Smyrne , en date du 10 septembre , s'expriment
ainsi Depuis quelque tems deux caravelles turques
l'une de 60 canons , l'autre de 40 , sont entrées dans ce port .
Elles n'ont fait jusqu'à ce jour aucune démonstration pour
empêcher la sortie de divers corsaires àrmés par les Français .
On annonçait aussi que des bâtimens turcs devaient croiser
continuellement dans la baye ; ils restent au contraire dans la
rade . Une fregate française , de retour depuis peu dans ce
port , vient d'en sortir de nouveau .
( 327 )
D'autres lettres de la même date , mais venant de Constan
tinople , disent :
Il est arrivé dernierement , en cette capitale , un Français
dont on ignore le nom , mais qu'on soupçonne être un agent
secret de sa République . Quels que soient les desseins de la
Porte, dans les circonstances actuelles , on continue avec la plus
grande activité les travaux , tant dans notre port que dans
tous les chantiers et arsenaux ; on radoube et l'on équipe les
anciens . On vient d'en mettre un sur les chantiers , qui portera
110 canons . Le capitan pacha se trouve actuellement aux Dardanelles
, où l'on construit d'autres vaisseaux de guerre de
diverses grandeurs . L'ordre du grand - seigneur est qu'ils soient
prêts à être employés dès le printems prochain . Des ordres
´semblables ont été donnés aux troupes de terre , qui doivent ,
sous peu de tems , être prêtes à marcher. Les Jannissaires et
autres milices turques se pourvoient de tentes et de tout ce qui
est nécessaire dans les armées ; de sorte que tout paraît annoncer
uue guerre prochaine.
Des bords de la Vistule , 9 octobre . Il y a eu une affaire d'une
grande importance entre les Russes et les Polonais sur les bords
du Bog , près de Brzesc en Lithuanie . Les détails n'en sont
pas encore connus . On sait seulement que le général Suwarow
, après avoir passé le Bog , s'est approché de l'aîle gauche
des Polonais , les a chargés à l'arme branche . Les Polonais ont
été attaqués à dix reprises différentes ; ce n'est qu'à la derniere
qu'ils ont battu en retraite . Le combat a duré hnit heures .
D'après l'acharnement qui a eu lieu de part et d'autres , la perte
a dû être immense . Les Polonais ont perdu la majeure partie de
leur artillerie . Le général Suwarow devait se mettre en marche
pour se porter sur Varsovie . Kosciuszko ayant appris l'événement
de cette affaire , s'est mis en mouvement à la tête d'une
armée considérable pour s'opposer au général russe ; il a passé
la Vistule à Praga , et l'on annonce qu'à son approche Suwarow
à interompu sa marche , et qu'il a même commencé à
rétrogader . Il paraît décidé que dans cette conjoncture , Kosciuszko
va tenter quelque entreprise d'éclat , et l'on s'attend
aux plus grands événemens .
Les généraux Prussiens qui ont rassemblé leurs forces du
côté de la Silésie n'ont encore rien entrepris contre les insurgés.
Jusqu'à présent ils se sont bornés à des préparatifs . Le
bruit court que 20 mille Prussiens vont être rappellés des bords
du Rhin pour s'opposer aux Polonais .
Madalinski a fait enterrer Szekuli avec les honneurs de la
guerre il a donné une sauve- garde à sa fille . Les Polonais
ont trouvé à Bromberg un magasin considérable d'armés . Une
forte contribution a été imposée sur les habitans ; tous les effetsroyaux
ont été enlevés , et les biens de même nature
sequestrés sur-le-champ. Les insurgés poursuivent les débris,
X1
( 328 )
de l'armée de Szekuli : ils se sont emparés de tous les bateaux
qui se trouvaient sur la Vistule . Une de leurs divisions s'est
portée à Gounsko à une lieue et demie de Thorn ,, et paraît
vouloir tenter dans ce lieu la passage de ce fleuve . Déja les
Polonais sont maîtres de sa navigation , à l'aide d'une artillerie
forte , placée sur les hauteurs qui dominent Forsdam , qui
n'est lui-même qu'à quelques heues de Thorn .
La ville de Dantzick est plus que jamais menacée . Les
Prussiens annoncent devoir faire de grands efforts pour la
défendre .
Toute espece de communication entre la Prusse méridionale
et Posen se trouve coupée . Cette ville est entierement
cernée par les Polonais . Par-tout sur leur passage les employés
du gouvernement prusssien prennent la fuite ; lorsque les Polonais
les rencontrent , ils les jettent en prison , ou les emmènent
à lenr suite.
Suivant des feuilles allemandes , plusieurs couriers extraor
dinaires partis de l'armée prussienne sont allés porter au cabinet
de Berlin et à celui de Vienne la nouvelle que Kosciuszko
était tombé entre les mains des Russes , à la suite d'une affaire
sanglante contre eux , où il avait reçu une blessure considérable
à l'épaule .
A en croire ces papiers , Kosciuszko s'était mis en marche
le 10 de ce mois , pour aller à la rencontre du général Su
warow , qui, après avoir battu un corps de Polonois commandé
par le général Sierakowski , le 18 septembre , près de Brzesc
en Lithuanie , se portait sur Varsovie. Aucuns détails ne sont
donnés on se borne à dire que le général Fersen , commandant
un corps d'armée russe , a attaqué Kosciuszko ; qu'il a
été repoussé trois fois , mais qu'à la quatrieme , les Polonais
ons été mis dans une déroute complette . Kosciuszko est ,
dit-on , tombé de cheval après avoir reçu trois blessures .
C'est dans ce moment et au milieu du désordre des siens ,
qu'on prétend qu'il a été fait prisonnier. Les genéraux Kurakowski
, Kamiensky et Sendschwitz sont dits avoir partagé
son sort. L'on ajoute que les Russes , divisés en deux corps ,
l'un sous les ordres du général Repnin , l'autre sous ceux du
général Suwarow , marchent sur Varsovie , au nombre , de
40,000 hommes .
Sans rejetter entierement l'authenticité de cette nouvelle ,
on ne peut s'empêcher de remarquer qu'elle a besoin de confirmatiou
. Il paraît qu'elle a d'abord paru dans les feuilles prussiennes
disposées à recueillir , et peut - être à faire naître des
bruits désavantageux à la cause polonaise , et crues propres à
décourager les insurgés des Prusse méridionale et occidentale.
Elle a été précédée de détails dont l'exagération et la fausseté
ont été dépuis prouvées .
( 329 )
De Francfort-sur -le-Mein , le 28 octobre.
Suivant des lettres de Vienne , le prince de Lichtenstein ,
qui avait été eloigné de toute espece de fonctions publiques ,
et déclaré incapable de succéder à son frere pour avoir été
nommé citoyen Français , vient de rentrer en grace anprès de
l'empereur. Cette circonstance fait naître plusieurs conjectures.
En général on croit , et eela est très - croyable , que l'empereur
est extrêmement fatigué de cette guerre ruineuse . On
ajoute que , dans la derniere conférence avec ses ministres , il
a laissé percer son opinion à cet égard . Ce bruit qu'on se
plaît à répandre , peut - être uniquement parce qu'il est eonforme
au voeu du peuple , a concouru , disent des lettres de
la capitale , en date du 15 , à donner ici un peu de faveur aux
billets de banque , dont le cours a haussé depuis quelques
jours . Suivant ces mêmes lettres , il est arrivé , depuis le 10
octobre , un grand nombre de couriers envoyés par la Czarine ,
pour presser l'Autriche de continuer la guerre contre la
France . Cette princesse offre , à ce qu'on dit , 30,000 hommes
ou 2,000,000 florins . Mais ce ne sont pas 30,000 hommes de
plus ou cette foible somme qui pourraient déterminer l'empereur
, sur-tout s'il est privé de la majeure partie des secours
de la Prusse , trop occupée contre les Polonais pour être
d'une grande utilité à la coalition , dont on ne peut se dissimuler
que la masse tend à sé dissoudre , à en juger par les
nouvelles suivantes de Ratisbonne , datées du 12 octobre :
#
La diete de l'Empire a deféré à la demande de l'empereur
concernant la levée da quintuple contingent. Le décret qui
l'ordonne a passé dans la séance du 13 , après de vifs débats .
L'envoyé de Suede , pour le duché de Holstein , a refusé
formellement d'y accéder. Vingt un autres envoyés re se sont
pas prononcés , sous prétexte qu'ils attendaient des instructions
. Plusieurs se sont excusés sur l'impossibilité où
trouvent les états qu'ils représentent de subvenir à ces dépenses
; d'autres ont demandé des rabais . L'envoyé de l'électeur
Palatin a déclaré qu'on devait s'occuper de chercher les
moyens de faire une paix honorable . Il a été appuyé par les
envoyés de quelques princes .
se
On sait en outre que le roi de Prusse a dû partir le 20 de
ce mois de Postdam pour Hanau où doit se tenir l'espece de
congrès des princes germaniques , pour délibérer sur la situa
tion actuelle de l'Allemagne . Il paraît que Frédéric - Guillaume ,
encore plus las que l'empereur de cette guerre à laquelle il
prend depuis quelque tems le moins de part qu'il peut , préférerait
que l'Autriche réunit ses forces aux siennes pour écraser
les Polonais . Il a même envoyé au jeane François , son
plus habile négociateur , le marquis de Lucchesini qui s'es
abouché avec le ministre des affaires étrangeres baron de Thugu
( 330 )
Il en est résulté l'ordre de mettre toutes les troupes autri
chiennes en Gallicie sur le pied de guerre . Apparemment que
les hostilités ont recommencé , car les Polonais se sont emparés
de 15,000 tonneaux de sel appartenant à l'empereur qui
se trouvaient à Woldaw et de plusieurs magasins destinés pour
ses armées .
Elles n'ont pas plus de succès sur les bords du Rhin ces
armées autrichiennes, qui semblent condamnées depuis quelque
tems à des défaites successives . Les Français paraissent avoir
abandonné le bombardement de Dusseldorf pour se porter
vers Mayence , dont leurs patrouilles commencent à s'appro
cher , et qui n'a encore que le tiers de la garnison qu'elle doit
avoir , les 12,000 Palatins et Hessois , par lesquels on compte
la completter , n'ayant pas encore rejoint les 6,000 Autrichiens
auxquels l'armée prussienne a remis la garde de la
place .
On nous écrit de cette ville , en date du 24 octobre : Aujourd'hui
, au son du tambour , on a publié un ordre portant
que tous les clubistes , de même que tous les mendians étrangers
et gens suspects , aient à évacuer la ville sous 24 heures ;
les clubistes , sous peine de mort ; les autres , sous de dures
peines afflictives . Le gouvernement a en même tems fait défendre
sur la vie de tenir aucun propos de méchanceté , et
de parler de ne pas se défendre ou de se rendre. Les patrouilles
ennemies se sont avancées jusqu'à une licue d'ici .
Des lettres de Suisse , datées de Constance sur les bords du
lac , contiennent les particularités suivantes , qui nous ont paru
très-curieuses :
et
Il y a ici trois sortes d'émigrés ; le plus grand nombre ,
ceux établis les premiers dans cette ville professent le royalisme ,
et sont des membres du clergé et de la noblesse . Parmi eux se
trouvent des ci-devant généraux , des ex - maréchaux - de - camp ,
des ex-chevaliers et des militaires de tout grade. A la tête du
clergé , se trouvent l'ex -archevêque de Paris , et les ex- évêques
de Saint-Malo , de Nisme , de Langres et de Comminge . Cette
elasse forme une colonie de 8 à goo individus , tant hommes
que femmes . Les émigrés de la seconde sorte sont des officiers
qui ont servi dans les armées de la République et ont
accompagné Dnmourier. Le gouvernement les regarde comme
des jacobins , et les a envoyés ici pour qu'ils fussent à portée
d'être surveillés : les émigrés royalistes n'ont aucun commerce
avec eux . La troisieme classe est de nouvelle forma.
tion . Elle renferme les émigrés de Lyon , les marchands qui
sont venus ici avec les débris de leur fortune . Ils sont protégés
, et l'on voudrait les fixes duas le dessein de s'en servir
pour le commerce avec l'Allemagne . Ils ont déja établi des
1 331 )
fabriques de chapeaux et d'ouvrage de broderie , et le gou
vernement voudrait les porter à établir des fabriques de
soierie .
Les émigrés de la premiere classe ressentent , depuis longtems
, les atteintes de la misere . Les fabriques d'ouvrages de
broderie sont venues leur offrir une ressource . Il en est plusieurs
qui y travaillent à 20 et 30 sols par jour .
De la Haye , le 20 octobre..
D'après les dernieres nouvelles d'Amsterdam on y prenait
les mesures nécessaires pour les grandes inondations . Les plus
vigoureuses protestations , les murmures les plus violens se font
entendre , à cause des dommages immenses qui doivent résulter
de ce parti , si ou vient à le prendre.
Chaque jour la cour stadhoudérienne reçoit des avis plus.
propres à accroître ses alarmes . Depuis les dernieres défaites
des armées autrichiennes , qui ont été forcées de
repasser le
Rhin en abandonnaut aux Français toute la rive droite , les
Anglais et les Hanovriens n'ont cessé de battre en retraite ;
ils ont également laissé toutes les positions qu'ils occupaient
dans le pays de Clève et de Gueldre : toute cette contrée se
trouve ainsi découverte . Dès le 7 , Yorck faisait les préparatifs
pour se retirer au- delà du Rhin ; ce jour , ses bagages et sa
grosse artillerie ont passé ce fleuve .
Les secours qu'on espérait tirer des armées alliées deviennent
illusoires , et la Hollande se trouve maintenant abandonnée
à elle - même . Le prince héréditaire s'est rendu à Amsterdam
pour se concerter sur les moyens de défense à employer. Le
stathouder l'y a suivi . Il a dû proposer de recevoir en eette
ville une garnison auglaise .
Dans le moment actuel , on est occupé d'une négociation
d'argent pour le compte des Provinces - Unies . Un emprunt
a été ouvert à ciuq pour cent , taux considérable et même
exhorbitant en Hollande .
Le gouvernement n'a pas seulement les Français à craindre ;
il redoute autant le peuple Hollandais , et sa peur se laisse voir
à découvert dans les actes qui émanent de lui .
Le magistrat d'Amsterdam vient de publier une proclama
tion très-severe contre ceux qu'il dit répandre des bruits insidieux
, ou tendans à alarmer les bons citoyens.
La Frise vient d'envoyer ici des députés . On assuré que
l'objet de leur mission est d'insister sur la nécessité de faire
la paix avec la France .
On transporte en Angleterre des prisonniers de guerre
Français , qui étaient gardés à Viancy , non loin d'Utrecht.
Les Français établissent de nouvelles batteries à Creve
Coeur.
( 332 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PRIEUR ( de la Marne } .
Suite de la séance de sextidi , 16 brumaire .
Lequiaio qui n'avait pu émettre hier son opinion dans la
discussion relative aux jacobins , demande à faire une motion
d'ordre Lorsque la tyrannie royale , existait , a - t - il dit ,
l'influence des représentans du peuple sur une société populaire
et l'influence de cette société sur les représentans , était
nécessaire pour éclairer le peuple , le guider et faire marcher
la révolution. Mais aujourd'hui que le tyran n'est plus , que la
révolution est faite , et qu'il ne nous reste plus qu'à consolider
le systême républicain par de bonnes lois , quel pourrait être
l'effet de cette influence réciproque ? Quel pas pouvons nous
faire en avant , qui ne tende à nous plonger dans le précipice ?
Les jacobins ne seraient que ce qu'ils doivent être , si les représentans
du peuple cessaient de se rendre au milieu d'eux .
Je suis resté tant que je l'ai cru atile à la chose publique ;
anjourd'hui , j'y renonce solennellement. Je demande que
vous défendiez à tout représentant du peuple d'être membre
d'aucune société politique . Le plus honnête d'entre nous
le plus attentif sur lui - même s'expose à s'y faire influencer
par quelque charlatanerie oratoire , et à ne rapportet ici que
l'opinion de la société au lieu de la sienne . Voilà pour l'homme.
de bonne foi .
.
" Calculez ensuite pour celui que l'envie de dominer
dirige , et qui veut arriver à la gloire au moyen d'une tempête
révolutionnaire. Vous sericz comptables envers la nation
de votre insouciance , si vous n'interdissiez à vos membres
l'occasion de ces désordres politiques .
Et qu'on ne dise pas que j'attaque ici les sociétés populaires
je les crois essentielles au peuple et au succès de la
révolution . Mais il faut qu'elles se bornent à leur institution et
qu'elles cessent d'être des actuelles destinées à l'élévation dé
quelques ambitieux . Je conclus donc à ce qu'aucun représentant
du peuple ne puisse être membre d'une société politique
quelconque. "
Laneau : Si j'avais eu à émettre l'opinion de Lequinio , je
l'aurais fait avec sang froid , et je n'aurais pas pâli .... L'Assemblée
est quelque tems agitée . Le président rappelle plu
sieurs membres à l'ordre . Le calme renaît.
Laneau continue : La proposition de Lequinio est atten(
333 )
tatoire aux droits de l'homme . Il vaudrait autant dire que nous
n'avons pas le droit de parler ici.
Le préopinant n'est pas de bonne- foi . Moi , je déclare que
j'ai été aux jacobins ; que je suis jacobin , et que ceux qui ne
sont pas jacobins ne sont pas les hommes de la République .'
Les jacobins sont amis de la justice et de la vertu : ceux qui
leur font la guerre ne sont ni justes ni vertueux .
18 Clauzel Je combas aussi la motion de Lequinio . Il n'est
jamais entré dans l'idée de la Convention d'empêcher aucun
de ses membres d'aller dans une société . Mais , comme je vous
l'ai dit hier , si la Convention ne preuait des mesures fermes
elle serait responsable des agitations perpétuelles dans lesquelles
quatre ou cinq meneurs de cette assemblée entretiendraient
la société des jacobins . "
Clauzel conclut à l'ordre du jour ou au renvoi aux comités
pour présenter les moyens nécessaires .
Duhem : Je provoque l'examen de ma conduite et de mes
opinions par les trois comités . Il y a assez long- tems qu'un
certain nombre d'hommes font peser le soupçon sur la tête des
meilleurs patriotes , pour que ceux - ci aient le droit de demander
justice. Le tyran que vous avez abattu nous assommait avec
une massue de plomb ; mais aujourd'hui on nous tue à coups
d'épingle. Puisqu'on prétend qu'il existe une faction , il faut
avoir le courage de l'attaquer de front. Il faut prouver que moi ,
qu'on a désigné , j'excite à la révolte sinon je déclarerai
calomniateurs ceux qui m'accusent.
" Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on attaque les jacobins :
depuis l'assemblée constituante jusqu'à ce jour , ils ont été en
butte à toutes les calomnies . Et qui scut ceux qui les attaquent !
Ce sont Lequinio , Tallien , Fréton et Dubois- Grancé , qui les
ont épurés . "
Si je les avais éparés , tu n'y serais pas , s'écrie Dubois-
Crancé.
Duhem allait continuer . Bourdon , de l'Oise , sollicite vivement
la parole pour une motion d'ordre .
Il ne faut pas , dit-il , que la Conveution devienne ainsi ,
tous les jours , le jouet audacieux des passions de quelques
hommes . Vous avez des comités : s'ils méritent votre confiance.....
( Oui , oui , s'écrie- t - on . ) Eh bien ! autorisez les à
empêcher les désordres qui ont lieu aux jacobins, et ne donnez
pas le ridicule spectacle d'une assemblée qui se déchire pour
quatre à cinq intrigans de part et d'autre. Je demande que la
Convention toute entiere , plus forte que les passions qui
l'agitent en ce moment , passe à l'ordre du jour . „
L'ordre du jour est décrété .
Le président annonce que douze membres de la société des
jacobins , demandent à présenter une pétition signée individuellement.
L'Assemblée décrete qu'ils seront entendus . Un
instant après ils paraissent,
( 334 )
L
L'orateur : Les citoyens soussignés de la société des jaco
bins , inviolablement attachés à la Convention nationale , seul
centre du gouvernement out été profondément affligés de ce
que plusieurs citoyens de cette société ont été dénoncés publi
quement.
"
" Un membre du comité de sûreté générale a dit qu'il existait
une correspondance entre les jacobius et un comité d'émigrés
en Suisse. Cette dénonciation n'est pas du nombre de
celles qu'on peut mépriser.
" Nous espérons que la Convention ordonnera qu'il lui
soit présenté an rapport à ce sujet . S'il y a parmi nous des
hommes criminels , qu'il en soit fait justice si l'imputation est
sans fondement , que la Convention le déclare publiquement. ››
Suivent les 12 signatures .
:
Clauzel: Les représentans du peuple qui émettent , dans
le sein de l'Assemblée , une opinion , n'en doivent compte
qu'à la Convention ; cependant comme on pourrait induire
de mon silence , que j'ai voulu abuser l'Assemblée , je dois dire
que je me suis fondé sur une lettre parvenue au comité de
sûreté générale , et venant d'un pays où il existe un ministre
anglais , Fitz - Gérald , qui , d'accord avec les Lameth et les
autres émigrés , a declaré qu'il fallait diviser la Convention
nationale avec les sociétés populaires , et pour y faire faire
des motions ridiculement exagérées , y faire dire à un homme
que , s'il était soutenu par quatre autres qui eussent son courage
, la Convention serait écrasée ; y faire dire qu'on est sur la
brêche , etc.
,, Vous pensez bien que le comité d'émigrés n'est pas assez
dépourvu d'esprit pour entretenir des rélations avec tous les
membres de la société des jacobins . Mais nous avons vu s'exécuter
ce qu'ils y avaient annoncé . ",
-L Maure Les membres de la société des jacobins ne sont
pas venus vous demander de compte ; mais ils demandent que
la Convention sépare l'alliage qu'il peut y avoir parmi eux .
Cette correspondance avec les émigrés existe ou non il faut
un rapport. Et comme la pétition ne contient rien qui ne soit
dans les principes , j'en demande l'insertion au bulletin . "
Rewbell : Il doit exister la même égalité pour les
jacobins que pour les autres citoyens ; en conséquence , nous
ne devons pas nous en entretenir plus long- tems . Où en seriezvous
, si chaque citoyen inculpé venait à la barre vous demander
un rapport ? Je conclus à l'ordre du jour sur le tout . " Adopté.
Sur la motion de Tallien , les comités feront , dans le delai
de 3 jours , un rapport général sur les détenus impliqués dans
l'affaire du 9 thermidor. Il croit que le plus grand nombre a
été égaré , et que c'est sur tout les chefs de la conspiration qu'il
faut frapper.
La commission des Colonies propose de mettre , en liberté
provisoire , Page , Brusley , Raymond , Larchevesque - Thibaud
( 335 )
et Millet , se disant commissaires civils de Saint- Domingue?
Plusieurs membres demandent l'ajournement de ce projet.
D'autres observent que Santonax et Polverel jouissent de leur
liberté , quoiqu'il y ait eu contr'eux un décret d'accusation ,
et qu'on ne doit rien préjuger dans l'affaire des Colonies .
Garnier de Saintes ) dit : La justice veut que Santhonax
et Polverel soient réincarcérés , ou que leurs accusateurs soient
remis en liberté . ,,
La proposition de la commission des Colonies est adoptée .
Séance du septidi , 17 Brumaire.
PRESIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris ) .
Clausel , au nom du comité de sûreté générale , donne
lecture d'une lettre du représentant du peuple , Cales , envoyé
dans le département de la Côte - d'or. Il annonce que la ville
de Dijon a éprouvé les effets de la terreur comme toutes
celles de la République . Il s'y est commis des fautes , des
horreurs , des injustices et des crimes , mais heureusement
c'était l'ouvrage de peu de personnes. La société populaire
faisait tout trembler , corps administratifs , citoyens , districts
voisins , tout était soumis à ses lois , et trois ou quatre hommes
lui en donnaient à elle -même . Cette société et la municipalité .
ne faisaient qu'un même corps ; les lois étaient méconnues ou
méprisées ; on arrêtait et détenait arbitrairement les citoyens
et les voyageurs ; on faisait plus , on mettait hors de la loi par
arrêté de la municipalité ; on avait créé une armée révolutionnaire
qui coûtait 6,000 liv. par mois ; les ouvriers qui la composaient
ne travaillaient plus , leurs occupations étaient de remplir
les tribunes du club . Tandis que les citoyens vivaient
dans les pleurs et les larmes , les chefs de cette faction faisaient
des festins scandaleux ; on mettait sur la liste des émigrés des
citoyens qui n'avaient jamais émigré , et on les empêchait d'avoir
des ceruficats de résidence . Le représentant du peuple a cassé
cette armée révolutionnaire , a fait arrêter Delmasse , chef du
bureau des émigrés , et s'occupe à tout réparer et à tout épurer.
Il termine en disant que Dijon était l'intermédiairo qui
liait Marseille et Paris ; on a vu la cabale lire les lettres de.
cette ville , et les jetter au feu .
Goupillean , envoyé dans les départemens de Vaucluse , du
Gard , de l'Hérault et de l'Aveyron donne des détails satisfaisans
sur l'esprit qui y regue . Il en est de même dans les
départemens du Nord et du Pas de Calais où se trouve le représentant
du peuple , Berlier. Plus de tyrannie , plus d'arbitraire ,
guerre aux aristocrates reconnus et aux fripons ; voilà l'espiit
public.
Sur le rapport de Robeijot , au nom du comité d'agricul
ture i la Convention a rapporté l'article III du decret du
( 336 )
15 nivôse qui défendait , sous peine de confiscation et de
quatre années de fers , de préparer le cuir de veau à la maniere
dite anglaise.
Raffron se plaint des lenteurs de la commission des vingt-un .
Y a -t-il des preuves des faits qu'on impute à Carrier , ou n'y en
a-t -il pas ? Tout le travail de la commission se réduit à cet
examen ; faut- il donc tant de tems ? Raffron demande que la
Convention enjoigne à sa commission de faire son rapport
depuis long- tems attendu . Il faut enfin faire cesser les inquiétudes
du public , et éclaircir teus les soupçons .
C'est sans doute , dit Bourdon de l'Oise , un spectacle bien
touchant de voir un homme , dont la carriere est presque
achevée , s'indigner contre le crime , et réclamer son châtiment.
Mais il ne faut rien précipiter ; la commission travaille
jour et nuit à son rapport ; si Carrier est coupable qu'il boïve
l'ignominie à longs traits ; chaque jour de sa vie est déja un
supplice pour lui . Il est là , ne craignez pas qu'il s'échappe i
la loi saura bien l'atteindre. Bourdon demande l'ordre du
jour ; il est adopté .
Cambon annonce à la Convention et prévient tous les citoyens
que la malveillance profite de la discussion sur les moyens
de tirer des assignats de la circulation , pour répandre que l'on
veut démonétiser les premiers assignats républicains qui ont
été émis . Le comité des finances a cru qu'il était nécessaire de
prémunir l'opinion contre un tel projet de démonétisation .
Le dire de Cambon sera inséré au bulletin .
Sur la proposition de Dufay , appayée par Bourdon ( de
l'Oise ) , la Convention nationale décrete que tous les Colons
des isles françaises seront mis en liberté , excepté ceux qui
composaient le club de l'hôtel Massiac .
Bréard annonce le retour à Toulon de l'escadre française
bloquée au golfe de Juan .
Robert Lindet remet à la discussion le projet de décret sur
le maximum du prix des grains. Il proposait , par le 1er . article .
de le porter à la moitié en sus du prix de 1790 .
Réal et d'Artigoyte font sentir combien cette mesure serait
nuisible à l'agriculture dans tous les départemens méridionaux
où les semences se vendent de gré à gré de 60 à 70 liv . le
quintal. Les terres dans ces pays de petite culture ne produisent
que le 3 ou 4 pour 1 ; de sorte qu'en augmentant seulement
de moitié en sus du prix de 1790 , le cultivateur serait
en perte. Sur la proposition de d'Artigoyte , le maximum est
porté à deux tiers au lieu de moitié en sus de 1790 .
Séance d'octidi , 18 Brumaire.
Dès le commencement de la séance , le bruit s'était répandu
que Mastricht était pris . La joie était peinte sur tous les visages .
Richard monte à la tribune ; les plus vifs applaudissemens l'y
accompagnent, Il annonce que Mastricht est au pouvoir de la
République.
( 337 )
République. Toute la Convention s'éleve aux cris de vive la
République, et de nombreux applaudissemens expriment la
satisfaction générale .
Richard annonce ensuite la prise da fort de Rhinfeld par
l'armée de la Moselle . ( Vayez Nouvelles officielles . ) L'Assemblée
décrete que les armées de Sambre et Meuse , de la Moselle ,
ne cessent de bien mériter de la patrie.
"" ་ ་་་
Sur la proposition de Richard , la Convention autorise le
comité de salut public à envoyer deux représentans du peuple
en mission secrette .
On reprend la discussion sur la suite du maximum . Nous
donnerons le décret lorsqu'il sera complet .
Deux propositions faites , l'une par Cambon , l'autre par
Duhem , ont produit une grande agitation dans l'Assemblée .
Cambon pensait que l'augmentation du maximum devait en
produire une pour les rentiers et les fonctionnaires publics
qui , ayant un revenu ou traitement fixe ne peuvent plus subsister
per le renchérissement progressif des denrées . Duhem
voulait que cette indemnité ne regardât que la classe de ceux
dont le revenu est au dessous de 2000 liv . Il demande aussi le
rapport du décret qui ordonne la retenue du cinquieme sur les
rentes au -dessous de 2000 liv.
On demandait le renvoi du tout au comité de finances
lorsqne Tallien réclame la parole et soutient qu'il y a de la
perfidie dans cette discussion. Cambon se précipite alors à la
tribune. Il justifie sa motion en disant que s'est un acte de
justice. Il faut que personne ne souffre dans le nouveau
systême ; il faut rendre à toutes les classes de la société comme
aux agriculteurs , les droits qu'on ne peut leur ravir . Il s'attend
' bien que Tallien et les autres faiseurs de libelles le déchiréront
dans leurs pamphlets périodiques ; mais il ne craiut rien , sa
conduite a toujours été pure . Qu'on aille à la trésorerie , on y
trouvera tout dans le plus bel ordre. Il reproche ensuite à
Tallien d'avoir trempé ses mains , du moins par ses opinións ,
dans les massacres du 2 septembre ; d'avoir , lorsqu'il était à la
commune , donné sa griffe pour faire payer une somme de
1,500,000 liv. , dont la destination le ferait rougir ; d'avoir
défendu le brigandage , lorsque lui Cambon défendait les
propriétés. Il accuse Tallien d'avoir méconnu l'Assemblée en
disant : Vous avez beau décreter , la commune n'exécutera pas . Ces
mots sont consignés dans les procès - verbaux ; d'avoir administré
à Bordeaux , et de n'avoir renda aucun compte...........
Ce n'est pas , dit Tallien , sur ce qui m'est personnel que je
prends la parole , mais sur la proposition de Cambon ; je la
trouve inconvenante et impolitique Tout le monde sent la
nécessité de diminuer la masse des assignats ; silon augmente
les dépenses de l'état , n'est-il pas vrai que l'on augmente le
nombre des assignats , et par suite le prix des denrées . Il appuie
la proposition de Duhem , et pense qu'on aurait du aller plus
Tome XII.
dû
Y
( 338 )
loin , et qu'il fallait dispenser de l'imposition des citoyens qui
n'ont qu'une petite rente ou qu'une petite pension. Il ne s'occape
point ici des injures ; lorsque la Convention voudra
entendre les dénonciations , il prend l'engagement de répondre
à tout. Il ne demandera pas des délais éternels et il insiste
pour qu'on examine sa conduite . Lorsqu'il écrit , il signe , et
il est toujours prêt à donner à ceux qui se prétendent inculpés
tous les moyens de justification possible.
•
Une voix crie : Tu es donc le censeur de la Convention ; une
autre : Sommes- nous sous la domination des libellistes.
Goupilleau de Fontenai ) trouve que c'est professer un
étrange principe , lorsqu'on dit à cette tribane : Pourquoi
les individas qui se prétendent inculpés ne m'envoient- ils pas
lear justification ? De quel droit un individu vient-il s'ériger
en tribunal universel. Un représentant doit être au comité
ou à la Convention , et lorsqu'il n'est pas à l'un ou à l'autre de
ces deux postes , il doit s'occuper à méditer les objets qui
y seront discutés , mais il ne doit pas faire un vil trafic dans
des journaux , ni calculer si , en disant du mal de tel ou tel
individu , il vendra 6000 feuilles de plus que s'il n'en parlait
pas. Il demande que la Convention renvoie à l'examen des
trois comités la question tant de fois débattue , de savoir si
an representant du peuple peut être en même tems journaliste.
Les débats deviennent très - vifs . Bentabolé réfute la motion
de Goupilleau. L'effervescence se prolonge ; un grand nombre
demande la levée de la séance , d'autres l'ordre du jour. Clausel
déclare que Goupilleau demande lui - même l'ordre du jour sur
a proposition. L'Assemblée passe sur le tout.
Séance de nonidi , 19 Brumaire.
Pelet , au nom du comité de salut public , annonce l'entrée ,
dans les ports de la République , de différentes prises faites sur
les ennemis ; leur cargaison est très -précieuse .
i
Organe du comité d'instruction publique , Lakanal soumet
à l'Assemblée le choix des instituteurs qui doivent remplir
Ies fonctions des écoles Normales . Ce sont les citoyens Lagrange
, Charles Bonnet , Bertholet , Garat , J. H. Bernardin-
Saint-Pierre , Daubenton , Hauy , Volney , Siccard , Monge ,
Thouin , Hallé. L'Assemblée approuve cette nomination .
Johannot propose , au nom des comités de salut public ,
de commerce et des finances réunis , un projet de décret qui
tend à ne plus donner suite aux décrets relatifs au sequestre
des biens des sujets des puissances avec lesquelles nous sommes
en guerre , et à rembourser à ceux qui ont fait le dépôt les
sommes versées à la trésorerie nationale en conséquence de
ces décrets .
Monnot , Bourdon ( de l'Oise ) , Cambon et Barrere combattent
ce projet , et prouvent que ce projet ne pourrait
( 339 )
.
profiter 1°. qu'aux émigrés sans ressource dans foutè l'Europe
, et qui mettent leurs perfides espérances derriere de
prétendus avantages du commerce ; 2 ° . aux puissances à qui
☎l faut du numéraire pour solder leurs troupes , qui n'en ont
plus et qui pourraient s'en procurer par ce moyen ; 3 ° . enfin
aux agioteurs de toute espece qui nous ont fait au moral
comme au physique , le plus grand mal , et avili le plus
qu'ils ont pu le signe national . Mais comme Johannot avait
proposé d'accorder aux négocians une prime d'eucouragement,
et Cambon que le dépôt tenant à l'égard des Anglais , des
Hollandais , des Espagnols , etc. soit levé pour tous les étrangers
des pays où les armées de la République sont entrées ;
Barrere demande le renvoi de ces deux propositions , pour
être mûries par les comités , et la question préalable sur le
projet de décret. Adopté.
-
--
t
Séance de décadi , 20 Brumaire.
--
On fait lecture d'une pétition de trois jeunes gens de Laon ,
département de l'Ain , qui se plaignent d'avoir été persécutés .
Ce sont d'excellens patriotes , dit Lejeune , que les enne
mis du peuple poursuivent. Puisqu'on assasine les patriotes
à Paris , s'écrie Duhem , on peut bien les assassiner ailleurs .
Ce début , qui annonçait une séance orageuse , était relatif
à ce qui s'était passé la veille aux jacobins , où le peuple
s'était porté en foute et avait trouble leur séance.
Duhem dénonce ce qu'l appelle le siége et le bombardement
des jacobins ; il en attribue la cause aux pamphlets de
Fréron et de Tallien , et à ce qu'un membre de cette Assemblée
avait parlé d'une correspondance entre les émigrés en
Suisse et quelqoes membres des jacobins. Il accusé les comités
de gouvernement de n'avoir pas mis assez d'activité
pour réprimer ce mouvement , et de les avoir laissés en proie
à toutes les furenrs des contre- révolutionnaires .
Bourdon de l'Oise ) dément ces faits . Clausel atteste
qu'aussi -tôt que les comités furent instruits de ce rassemble
ment , ils ordonnerent à la force armée d'engager le peuple
à se retirer , et arrêterent que trois membres de chacun des
comités monteraient à cheval pour se porter sur les lieux .
Duroi , dans un très - long discours souvent interrompu ,
parle contre le modérantisme , et se plaint qu'on vexe les
plus ardens patriotes , et finit par demander que , séance tenante
, et par appel nominal , on renouvelle le comité de
sûreté générale.
Clausel demande que Rewbell , qui présidait les quatre
comités , rende compte des délibérations qui y ont été prises .
Rewbell , qui était à la tribune depuis long - tems , demande
la parole ; on s'y oppose ; quelques membres s'agitent violemment
; elle lui est accordée .
44 ,Citoyens , dit - il , hier la séance du comité de sûreté
( 340 )
générale s'était prolongée jusqu'à 5 heures ; mais au premier
avis du trouble qui se manifestait , tous les, membres se réu
nirent , et à S heures tous étaient à leur poste . Ce n'est
pas moi que les quatre comités ont choisi pour être leur or
gane ce ne sera donc pas un rapport que je vais vous faire ,
mais simplement un récit des faits et le résumé des opinions
qui ont été émises dans les comités lorsque je présidais .
" Un membre de cette Assemblée a dit aux jacobins que,
les partis étaient en présence ; je crois qu'il s'est trompė ; il
n'y a qu'un parti en France , celui qui veut sauver la République
( Vifs applaudissemens .. — Oui , oui , s'écrie - t-on de
toutes parts. ) Comme il n'y a qu'un parti , il ne doit y avoir
qu'un seul cri de ralliement , et ce cri de ralliement doit
être vive le Peuple ! vive la République vive la Convention.
nationale ! On applaudit . ) Tout autre cri qui servirait de
ralliement à une faction n'est qu'un cri de révolte , un cri de
guerre civile : c'est d'après ce principe que vos comités se sont
conduits , vous allez les juger.
99 Les yeux les moins exercés à la tactique des factions de
vraient s'appercevoir que ce qui se passe en ce moment n'est
qu'une suite et une conséquence de ce qui a lieu depuis 15 mois
Avez-vous donc oublié que le but des hommes qui sont venus.
ici commander à la Convention , et lui faire des demandes
qui ont conduit plusieurs de ses membres à l'échafaud , était
d'avilir la représentation nationale , pour être les dominateurs
de la France : ce fait existe . 19
+
Duhem : C'est au Palais - Royal" qu'on avilit la Convention
nationale. 2
Rewbell : Oui , je suis sur la brêche , ma vie est à la pa
trie , je l'offre ; mais avant de la perdre , j'aurai le courage de
dire toute la vérité. ( Vifs applaudissemens. ) Où la tyrannie
s'est- elle organisée , où a - t- elle eu ses suppôts , ses satellites ?
c'est aux jacobins . Qui a couvert la France de deuil , porté
le désespoir dans les familles , peuplé la République de bastilles
, rendu le régime républicain si odieux , qu'un esclave
courbé sous le poids de ses fers eût refusé d'y vivre ? les jacobins
. ( Vifs applaudissemens. ) Qui regrette le régime affreux
sous lequel nous avons vécu ? les jacobins . Si vous n'avez pas
le courage de vous prononcer en ce moment , il n'y a plus
de République , parce que vous aurez des jacobins . ( Nou
veaux applaudissemens . )
Gaston Je déclare pour le salut de la République.........
( Grand bruit. )
Plusieurs voix : La parole est à Rewbell .
mais que cha
Rewbell Sans doute il est des aristocrates ,
cun de nous descende dans sa conscience , qu'il jette un coupd'oeil
sur l'intérieur de la République , il verra que ceux qui
dans les départemens font les patriotes les plus exagérés ,
étaient aristocrates au commencement de la révolution. ( On
( 341 )
applaudit. ) Etait- ce les aristocrates , à la maniere de certaines
gens , qui , dans la nuit du 9 au 10 thermidor , conspiraient
contre la République ? Etait ce les aristocrates qui , dans cette
nuit célebre , remplissaient les tribunes et des jacobins et de
la commune rebelle ? Etait- ce les aristocrates qui voulaient
assassiner la représentation nationale ? Etait- ce les aristocrates
qui voulaient dominer pour se gorger d'or ? Non , c'étaient
les jacobins . ( On applaudit. )
-Pouvez vous vous dissimuler , sans passer pour des lâches ,
que le systême qui existait aux jacobins avant le 9 thermidor,
ne soit le même que l'on suit maintenant ? Quel est le jacobin
rebelle qui soit tombé sous le glaive de la loi depuis le 9 thermidor
, si ce n'est le vice- président ? S'il y avait un président
aux jacobins dans la nuit du 9 au 10 thermidor , il y avait
aussi une assemblée ; pourquoi avoir puni l'uu et faire grace
aux autres ? Quelles sont maintenant les tribunes des jacobins?
les mêmes du 9 thermidor : elles sont composées de furies
de guillotine ( on applaudit ) , qui ne font d'autres métiers que
de les remplir , et de venir assiéger celles de la Convention
nationale ( on applaudit ) , dans l'espoir de comprimer le
courage des. gens de bien ; mais elles ne réussiront pas . ( On
applaudit. ) Souffrir que de misérables factions se mettent audessus
de la Convention nationale ! quelle honte pour nous !
Depuis quelque tems , des gens soudoyés par la faction se
mêlaient aux groupes , et affectaient de se mettre en opposition
avec la Convention nationale , pour sonder l'opinion pu
blique le premier jour , ce petit manége leur a réussi ; mais
le secoud jour , le peuple avait ouvert les yeux , et les battans
ont été battus. ( On rit . ) Alors , grand bruit ; ils ont dit
tout était perdu , parce que des jacobins avaient reçu quelques
coups de bâton . ( On rit.et on applaudit . ) Ce qu'on faisait
il y a quelques mois , se répete aujourd'hui : des gens sans
aveu se mêlent dans les groupes et , je ne sais pourquoi ,
crient les uns Vivent les Jacobins ! et les autres : Vive la Convention
! $ 1
Duhem : C'est faux ( Bruit . )
-Plusieurs membres : C'est vrai.
-
que
Rewbell est interrompu , et a beaucoup de peine à continuer.
Il ajoute qu'il est prouvé que dans des groupes on a
maltraité des citoyens qui criaient : Vive la Convention ! et que
d'autres individus substituaient à ce cri celui de vivent les jacobins
! A bas la Convention ! Les mesures sont si bien prises par
les comités que les malveillans ne réussiront en rien . Les
comités ont senti la nécessité d'arrêter les funestes effets de la
calomnie , par laquelle on voudrait nous traîner d'anarchie en
anarchie an royalisme . Ils ont arrêté que les séances des jacobins
seraient provisoirement suspendues jusqu'à ce qu'il en
soit autrement ordonné par la Convention ; le rapport est
prêt , et ils y joindront un projet de décret sur la calomnie.
J
Y3
( 34 )
Après beaucoup d'agitations , le tout est renvoyé aux quatre
comités reunis pour en faire un prompt rapport , et la séance
est levée .
Séance de primedi , 21 Brumaire .
Une députation de la section des amis de la patrie vient
demander vengeance des attentats commis contre plusieurs
membres de la société des jacobins et des tribunes .
P Duhem , Lejeune , Fayau , Audouin et plusieurs antres demandent
l'insertion au bulletin et la mention honorable .
Baraillon , le renvoi aux quatre comités . Ce renvoi est décrété
à une grande majorité . Alors des cris se font entendre d'une
partie de la salle pour demander l'appel nominal . Duhem ,
Barrere , Billaud-Varennes et plusieurs autres se précipitent au
bureau pour s'inscrire . Après beaucoup d'agitations , Boudin
/ annonce que la commission des vingt- un demande à être entendue
. On réclame encore l'appel nominal ; mais Romme
monte à la tribune ; le calme renaît peu à peu , et le rapport
commence.
Après avoir entré dans les détails de la marche suivie par la
commission dans cette affaire , le rapporteur énonce les faits
contenus dans les pieces et déclarations qui ont été remises à
cette commission par les trois comités réunis en voici le
précis.
Il résulte que Carrier en arrivant à Nantes est prévenu d'avoir
vomi des imprecations contre tous les habitans de Nantes ,
sur-tout contre les riches négocians ; d'avoir ordonné leur
arrestation , ou sinon de les faire décimer et de les faire fasiller ;
d'avoir tout fait pour exciter des émeutes dans cette ville , et
la mettre en état de rébellion ; d'avoir traite Nantes de repaire
de la Vendée ; d'avoir donné le signal de proscription contre
les riches de cette ville ; d'avoir fait fouiller dans leurs comptoirs
d'avoir donné ce signal , le sabrè à la main , dans la
société populaire ; d'avoir dit à table , avec sept à huit de ses
confidens : Qu'il aurait voulu voir Nantes en contre - révolution
, afin de la déclarer en état de rebellion ; d'avoir dit an
comité révolutionnaire de cette commune que 500 têtes devraient
être à bas , tandis qu'une seule n'était pas tombée ;
d'avoir mis des fonds considerables à la disposition de la municipalité
de cette ville ; d'avoir fait arrêter tous les courtiers ,
les vendeurs et revendeurs de denrées de premiere nécessité ,
sans donner les moufs de leur arrestation ; d'avòir» maltraité
de la maniere la plus insolente des bateliers qui venaient réclamer
la levée de l'embargo mis sur leurs bateaux ; d'avoir
voulu jetter au feu un juge de paix , pour n'avoir pas voulu
faire une levée illicite de scellés ; d'avoir reproché à Goullin
que le comité révolutionnaire ne prenait que des demi-mesures ;
d'avoir été invisible pour la société populaire et les corps ad-
- ministratifs ; de n'avoir été visible que pour état-major ; d'avoir
1343 )
maltraité un nommé Champenois qui venait lui demander le
complément des corps administratifs , et qui lui parlait en
homme libre ; d'avoir renvoyé durement et menacé de mort
une députation des Rosiers qui venait lui demander des subsistances
; d'avoir reçu les députés de la société populaire et
des corps administratifs à coups de poing et de sabre ; de
n'avoir jamais voulu entendre de renseignemens sur la guerre
de la Vendée ; d'avoir dit à ses gardes pourquoi ils n'avaient
pas frappé de la bayonnette un homme qui venait lui deman
der du pain ; d'avoir , sur la pétition d'une commune de la
Vendée , écrit au général Hatsa d'enlever tout ce qui s'y trou
verait , parce que c'était l'ordre de la Convention de livrer
aux, flemmes toutes les habitations de ce pays , et d'en exter
miner tous les habitans . ( Murmures . )
Ici le rapporteur donne lecture d'une lettre , d'après laquelle
on n'osait ni se plaindre ni parler à Nantes , où les patriotes
étaient comprimés . Cette lettre l'accuse d'avoir fait partir de
Nantes un convoi considérable de grains , sous l'escorte de
15 hommes , malgré les plus vives représentations ; ce convoi
a été pris par les brigands , et les conducteurs ont eté égor
gés ; d'avoir voulu frapper de son sabre un citoyen qui venait
réclamer auprès de lui , au moment où il était au coin du fen
avec deux dames ; de s'être fait approvisionner à tout prix
avant l'heure du marché ; d'avoir voulu jetter à la tête d'un
citoyen un chandelier , parce qu'il venait demander qu'on ne
fit point partir un détenu malade ; de n'avoir jamais paru à
la société populaire que le sabre à la main ; de n'être jamais
sorii de la banlieue de Nantes , et de n'avoir pas osé se montrer
à la tête des armées ; d'avoir fait rapporter , le sabre à la
main , plusieurs arrêtés de la société populaire ; de n'avoirjamais
voulu entendre le rapport qu'on lui faisait sur la guerre de la
Vendée , Et ici le rapporteur donne lecture de deux lettres de
la société populaire de St. - Vincent . Ces lettres lui reprochent
l'insouciance qu'il mettait à terminer cette guerre , et la maniere
atroce dont il recevait les déclarations des patriotes à ce
sujet. Ces lettres portent encore , que si Carrier eût voulu
écouter des conseils , il eût été facile de prendre Charette et
son état-major.
Une lettre de Tours accuse aussi Carrier de dureté envers
d'excellens patriotes et des officiers municipaux qu'il faisaie
emprisonner ; d'avoir négligé ce qui regardait les charrois militaires
, et d'avoir menacé de la guillotine les directeurs qui
manquaient de tout pour réparer le mal . Carrier est accusé
d'avoir mis sous la direction du comité révolutionnaire de
Nantes la compagnie dite de Marat, organisée par son collegue
Francastel et lv , pour en imposer aux malveillans ; d'avoir
arrêté que chaque membre de cette compagnie serait payé
10 liv, par jour , et de l'avoir autorisée à faire , sous l'inspection
du comité , des visites domiciliaires 1 , à enfoncer les portes
Y 4
( 344 )
de ceux qui se refuseraient à ces visites , et à les traiter comme
rebelles ; d'avoir confirmé des arrêrés de ce comité , contre
les hommes opulens de Nantes , sous pretexte qu'ils étaient
de connivence avec les rebelles . Un de ces arrétés portait
que tous ces hommes inscrits sur une liste particuliere , seraient
arrêtés , conduits à Paris , et que s'ils murmuraient
en route , on les fusillerait .
Un nommé Lebattéux s'était mis à la tête d'une armée révolutionnaire
sans aucun pouvoir. Cet homme levait des
contributions , pillait et dévastait tout. En vain les administrations
en firent des reproches à Carrier , il leur répondit
d'agir de concert avec lui . Malgré la loi du 14 frimaire qui
détruisait les armées révolutionnaires , cet homme n'en était
pas moins à la tête de son armée . Il se faisait livrer des prisonniers
et les faisait fusiller . Il fut enfin arrêté par ordre du
représentant Tehouart. Carrier le fit mettre en liberté , et par un
arrêté le recommanda à toute la France ; il défendit même
l'obéissance an représentant ci- dessus , qu'il désignait comme
un contre - révolutionnaire ; et Lebatteux revêtu de peunoirs
par Carrier fit alors fusiller sans jugement.
Le rapporteur fait part ensuite des faits déposés au tribunal
sur sur les noyades des femmes grosses et des enfans , etc.
( On a vu ces faits successivement dans les séances du tribunal
révolutionnaire que nous avons données . Le rapporteur
it une lettre du représentant Bô , d'après laquelle il invite le
tribunal à lui faire part des dénonciations qui pourraient
avoir lieu contie Carrier , et qu'il y répondra.
D'autres pieces accusent Garrier d'avoir fait noyer des
femmes prévenues d'inconduite , et entr'autres trois belles
femmes qu'il avait séduites . ( Violens murmures . }
Une déposition d'une citoyenne excite sur- tout l'indignation.
Son frere était en état d'arrestation ; elle va chez Car-
Hier savoir quel est le sort de son frere . Quel âge a-t-il ?
dit celui- ci . 36 ans . Il est bon à foutre à l'eau- ; il faut
qu'il périsse , et les trois quarts des autres avec
lai .
Cette femme se jette à genoux et réclame le jugement de
son frere : C'est moi qui l'ai prononcé , répond Carrier , et
si tu raisonnes , tu iras aussi ( murmures violens ) , et il la
congédie en la frappant de fourrean de son, sabre . Il la rappelle
et lui dit que , si elle veut satisfaire sa passion , elle
aura son frere. Cette femme répond qu'elle ne connaissait
que l'honneur. Elle demande avec instance la permission de
voir son frere . Carrier ta renvoie au comité . Au comité on
Jai dit que son frere était à l'entrepôt , et qu'il allait être conduit
à Paimbeuf. Elle apprend qu'il va partir. Elle retourne
auprès de Carrier , lui demander la permission de donner à
son frere de quoi vivre pendant la route . Celui - ci lui répond
qu'il n'a besoin de rien , qu'il a suffisamment à boire. ( Violens
murmures. } - "
345 )
2
Suivent iei des faits sur les noyades et les mariages répu¿
blicains . ( Nous les avons fait connaître. )
Une piece accuse Carrier d'avoir entretenu des liaisons
déshonnêtes avec la femme Normand , avec laquelle il faisait
des dépenses extraordinaires . On lui demanda qui payerait.
La guillotine , a- t- il répondu. ( Les , murmures deviennent de
plus en plus violens. )
Il est dit dans une autre piece , que les commis de l'état
major disaient : Il faut aller trouver telle ou telle femme , le
représentant Carrier en a besoin .
Une autre piece porte qu'une députation de Nantes vint
ici pour réclamer des subsistances , et s'adressa à Carrier. Pour
Nantes , a répondu celui-ci , j'y voudrais voir la famine et le
feu ; il n'y avait qu'un seul patriote , et vous l'avez guillotiné .
Romme conclut en annonçant que l'avis de la commission
des vingt-un est qu'il y a lieu à accusation contre le représentant
Carrier. ( On applaudit vivement. ) Le président rappelle
au calme .
Plusieurs membres de la commission attestent qu'à l'exception
de Romme , le voeu a été unanime .
Carrier demande à être entendu , la parole lui est accordée .
Il parle du capitole et de la roche tarpeïenne ; de lauriers
cueillis par lui , qu'il craint de voir se changer en cyprès ; il
dit qu'il a sauvé la patrie ; que les brigands étaient au nombre
de 160 mille quand il est arrivé ; et qu'ils étaient réduits à 300
quand il est parti : il dit que ceux qui l'accusent , ceux qui
disent du mal de lui sont des Chouans , des Vendéens , des
royalistes , des aristocrates , des fanatiques , des modérés : il
dit qu'il était à Nantes l'image de la représentation nationale ,
et que l'attaquer , c'est attaquer la représentation .
Il dit que si l'on parvient à faire son procès tout est perdu ;
le procès sera fait pareillement aux anciens comités à la
Convention , au 14 juillet , aux 5 et 6 octobre , au 10 août ,
aux 2 et 3 septembre , au peuple enfin et à la liberté . Il dénonce
à l'univers , le président , l'accusateur public , le substitut , les
jurés de l'une des sections du tribunal révolutionnaire , les
témoins , et le peuple qui assiste au tribunal , comme des
Chouans et des Vendéens .
Pour excuser , en quelque sorte , les horreurs qu'on lui
-impute , il cite les proscriptions de Marius et de Sylla , les
guerres de la ligue , la Saint - Barthelemi , et même les barbaries
inouies auxquelles se sont livrés les brigands vendéens
aigris par les cruautés de l'opinant et de ses satellites . Il termine
par déclarer qu'il est prêt à faire le sacrifice de sa vie , et que
les brigands n'ont jamais vu ses talons , quoiqu'une foule de
témoignages concoururent à prouver qu'il a été aussi lâche que
: cruel .
1
Le discours de Carrier qui était écrit a duré plus de deux
heures . Après beaucoup d'agitations dans une très - petite partie
( 346 )
de l'Assemblée , la Convention décrete l'arrestation provisoire
de Carrier , sous la garde de quatre gendarmes , aux frais
de la nation , et renvoie la discussion après l'impression des
pieces et du rapport. La séance est levée au milieu des cris
réitérés de vive la Convention . Ce cri se repete dans les envi
rons du Palais national et du jardin des Tuileries .
J
PARIS. Quartidi , 24 Brumaire , 3. année de la République.
Deux objets importans ont marqué les travaux de la Conven
tion dans cette demi-décade ; l'un est le rapport sur l'affaire de
Carrier ; l'autre , la elôture des Jacobins . "
L'indignation publique avait précédé ce rapport , et sans rien
préjuger sur l'innocence ou sur les crimes de Carrier , l'opinion
s'était assez formée par une instruction de 25 jours , pour desirer
qu'il fût mis en cause . Le peuple , plein de confiance dans
un tribunal dont il apprécie les sages lenteurs et l incorruptible
équité , a été trop long-tems rassassié du spectacle de tant de
victimes immolées par les bourreaux de Robespierre , pour
ne pas voir la main de la justice s'appesantir à son tour sur
la tête de ceux qui avaient corrompu sa morale et son instinct
et montré un mépris si profond de la vie des hommes que le
sang coulait par torrens dans toute la République.
*
Dapois plusieurs jours le peuple appellait à grands cris Carrier
au tribunal , et ce cri de l'indignation avait été entendu avec
effroi de tous ceux à qui l'on pouvait demander compte des
mêmes abus d'autorité et de la même oppression ; il était naturel
qu'ils fissent cause commune avec celui qui se trouvait
pressé de si près par la justice nationale . On s'agitait aux
jacobins pour sauver Carrier. Le même parti devait s'agiter
a la Convention pour atteindre le même but , ou du moins
pour retarder le rapport et préparer quelque mouvement. On
ne peut douter que ce qui s'est passé dans la séance du 20 ,
relativement aux jacobins , et dans celle du lendemain à l'occasion
de la pétition de la section des Amis de la Patrie , n'ait
eu pour objet d'engager quelque querelle , et d'opérer par ce
moyen une diversion favorable à l'affaire de Carrier.
Mais le tems n'est plus où les ressorts de cette vieille tactique
produisaient quelques effets parmi le peuple , et quelque
soin que l'on eût pris de garnir quelquès tribunes d'affidés ,
l'opinion du peuple s'était trop prononcée ; la Convention a
éte ferme et calme ; il a bien fallu que le rapport se fît , et les
applaudissemens innombrables qui out suivi le décret d'arrestation
provisoire rendu contre Carrier , ont bien prouvé à ce
qui reste de la faction de Robespierre , que leur influence est
mulle , et que le peuple n'est plus le jouet de leurs intrigues .
Le décret a été exécuté sur - le - champ avec la plus grande trans
( 347 )
quillité ; Carrier a été reconduit chez lui par quatre gendarmes,
et la seule chose que se soit permise le peuple , a été de lui
faire entendre , par ses acclamations , combien il était satisfait
que le prévenu de tant de crimes ne pût échapper à la vengeance
des lois s'il est coupable.
On a vu , dans la séance du 20 , les détails de la scene arrivée
la veille aux jacobias , et les efforts impuissans d'un parti
pour en faire un tison de discorde , soit que cette scene cût été
préparée par ceux mêmes qui en ont fait un objet de plainte ,
soit qu'elle eût été la suite naturelle de l'effervescence da
peuple , fatigué de ne plus retrouver aux jacobins que les
conspirateurs du 9 thermidor. Ils se sont rassemblés le 21 , le
soir même du rapport ct du décret sur Carrier. Une force armée
respectable entourait le lieu de leurs séances , pour y maintenir
Fordre et la tranquillité . Le peuple les a couvert de huées pendant
une partie de la nuit . Pendant ce tems , les quatre comités
réunis délibéraient . A trois heures du matin , des commissaires
de police , accompagnés de gendarmes sont venus , mu
nis d'un arrêté des quatre comités , faire sortir les membres qui
restaient , ont mis les scellés sur les archives , ont fermé la
porte , et déposé les clefs au secretariat du comité de sûreté
générale. Dans la même matinée du 22 , les comités ont rendu
compte à la Convention de leur arrêté et de son exécution , et
la Convention l'a approuvé au milieu des applaudissemens et
des transports de joie inexprimables.
:
Reconnaissance au courageux Legendre et à l'estimable
Rewbell , pour avoir montré avec tant d'énergie combien les
jacobius étaient déchus de leurs anciens principes , et peu
dignes aujourd'hui des services qu'ils avaient rendus . Il est une
chose assez remarquable que les Lameth , les Lafayette , les
Dumourier , les Hebert , Danton , Chabot , Fabre d'Eglantine ,
Ronsin , Momero , Robespierre , Couthon , Saint-Just , tous les
conspirateurs qui ont agité successivement la République sont
sortis des jacobins . C'est que c'est toujours là où est le foyer
du plus grand patriotisme , que les intrigans et les pervers vont
essayer leur influence et verser leur poison . Mais quand le
nombre des pervers et des intrigaus , est tellement prépondérant
, qu'il fait taire celui des hommes purs et bien intentionnés ,
et qu'ils sont parvenus à corrompre l'institution la plùs utile ;
alors pour l'honneur même de cette institution , l'intérêt publie
exige qu'elle soit suspendue , car il n'est point de loi au- dessus,
du salut de la République .
On a dit que lorsqu'on est allé fermer les jacobins , ils étaient
occupés à lire l'article de la Déclaration des Droits , qui parle,
de la résistance à l'oppression . Ce n'est pas la premiere fois qu'on'
a invoqué cette Déclaration pour faire un abus cruct de ses
saintes maximes . Tantôt des scélérats l'ont voilée quand ilė
voulaient agir contre ses dispositions ; tantôt ils l'ont réclamée ,
lorsqu'ils la croyaient utile à leurs projets. Oui , sans doute la
( 348 )
résistance à l'oppression est un droit inaliénable ; mais c'est le
droit de tous , et non d'une poignée de factieux que l'on veut
empêcher de nuire , et soumettre à l'action du gouvernement.
Autrement il faudrait dire que le voleur et l'assassin que poursuit
la maréchaussée , a aussi le droit de résister à l'oppression.
Et voilà comment on a perpétuellement abusé des mois et des
principes au gré des intérêts et des passions.
NOUVELLES OFFICIELLIS. LL
ARMÉE DE SAMBRE ET MEUSE.
Au quartier général devant Mastricht , à Pettersheim , le 14 brumaire.
Citoyens collegues , Mastricht est à la République . La
place s'est rendue ce matin à 5 heures , après douze jours de
tranchée ouverte . Nous ne vous dirons point combien cette
entreprise était difficile , sur-tout dans une saison aussi avan.
cée. On sait que Mastricht est une des plus fortes places de
l'Europe ; elle était défendue par une garnison nombreuse et
plus de 200 pieces d'artillerie. La contenance des assiégés
semblait annoncer d'abord qu'il faudrait recourir aux derniers
moyens pour la réduire ; mais la célérité et l'audace de nos
travaux , et le feu terrible de notre artillerie les ont bientôt .
couvaincus que toute résistance était inutile . La ga inison s'est
rendue prisonniere de guerre . ( On applaudit. )
,, L'armée de Sambre et Meuse s'est montrée digne d'ellemême
dans cette grande entreprise ; elle a bravé avec une
constance et un courage au- dessus de tous éloges , le mauvais
tems et le feu des batteries de la place . Accoutumés à vaincre
les soldats s'indignaient qu'une place isolée osât leur résister ;
jamais on ne vit plus de zele dans les travaux ; les jours de tranchée
semblaient être pour chaque soldat un jour de fête.
( Applaudissemens . ) Nous devons des éloges aux officiers de
toutes les armes . Le général Kleber commandait en chef l'armée
de siége Bollemont , l'artillerie , et Marescot dirigeait les travaux
du génie . Un grand accord a régné dans toutes les opé
rations et tous ont parfaitement rempli leur devoir. Le nombre
des Républicains que nous avons à regretter est d'environ 60
et 1oo blessés.
Nous ne pouvons encore vous donner l'état des magasins
, ou de l'artillerie et des munitions ; on s'occupe d'en dresser
des inventaires que nous vous enverrons aussi - tôt qu'ils
nous auront été remis . **
Salut at fraternité.
Signés FREGINE BELLEGARDE et GILLET , représentans, du peuple.
( 349 )
MOSELLE.
ARMÉE DE LA
Coblentz , le 11 brumaire .
Après avoir chassé l'armée prussienne toute entiere audelà
du Rhin , après nous être rendus maîtres de la rive
gauche de ce fleuve , depuis Mayence jusqu'à Coblentz , et avoir
fait tomber ce principal repaire des brigands royaux et des
émigrés , il nous restait encore , chers collegues , à forcer les
Autrichiens de nous céder , avant la perte de Mayence , celuï
qu'ils occupaient sur la même ligne entre Dopper et Bacarat ,
et qui , coupant nos communications dans cette partie de la
rive gauche du Rhin , nous causait une gêne fatigante . Le fort
de Rheinfeld , à la défense duquel la nature et l'art ont également
contribué , ce fort , protégé d'ailleurs par des batteries
nombreuses et établies sur la rive droite du Rhin , donnait
encore à l'ennemi la faculté de s'étendre sur la rive opposée ,
de faire des incursions dans le pays d'où nous l'avions repoussé
, et de communiquer librement d'an bord à l'autre ,
au moyen du pont volant qu'ils avaient établi sur cette partie
du Rhin .
Le général Vincent , auquel l'ordre de s'emparar de ce
fort avait été donné , prit , pour en aller faire la reconnaissance
, un moyen que je ne crois pas devoir vous laisser
ignorer. Ce général n'ayant pas la vue très-bonne , et vou
lant s'approcher d'assez près pour bien connaître par lui- même
les coins par lesquels on pourrait attaquer , se dépouilla de
l'uniforme de général , prit celui de soldat , et feignit d'être
en sentinelle perdue , avec un fusil de munition au bras.
L'ennemi tira sur lui plusieurs coups de carabine ; mais ne
s'attachant pas a sa personne avec autant d'acharnement que
s'il eût cru fusiller un chef , le général Vincent eut le tems
de bien reconnaître , et la position du ført et celle où l'on
pourrait établir des batteries . Il profita de la nuit pour faire'
tous les ouvrages nécessaires à l'attaque de cette place son
artillerie de position , augmentée de quatre obusiers et de'
quatre pieces de 12 , fut amenée devant la citadelle , contre
laquelle avait aussi marché la division du général Debrun .
Vainement l'ennemi voulut - il faire usage des batteries tant du
fort que de celles placées sur la rive droite , où il avait un
nombre considérable de pieces de gros calibre . Les moyens'
développés par le général Vincent lui parurent si decisifs
que les troupes qui composaient la garnison du fort se sont
précipitées sur la rive droite , et cette place où il paraît , par
tout ce qu'on y a laissé , qu'on avait l'intention de la défendre
long- tems , est tombée de cette maniere au pouvoir
de la République. Nous y avons trouvé 39 bouches à feu ,
dont la majeure partie en bronze et de gros calibre , des
mortiers , des fusils , 250 tentes , presque toutes d'officiers ,
( 350 )
des munitions de guerre et de bouche de toute espece , et
en très-grande quantité , particulierement en poudre , et en
outre un château dont tous les appartemens , meublés d'une
maniere distinguée , donnent à penser que l'ennemi ne s'attendait
pas à en être si -tôt délogé, Il croyait bien , en nous
abandonnant cette place , qu'il nous allait faire regretter de
nous en être approchés . Il avait préparé tous les moyens de
la faire sauter aussi-tôt que nous y serions entrés . On a trouvé
dans un souterrain une mêche allumée , qui devait communiquer
le feu au magasin à poudre et à plusieurs bombes ,
dont l'explosion allait avoir lieu , quand le génie tutélaire ,
qui veille sur tous les Républicains , nous l'a fait appercevoir
assez tôt pour l'empêcher .
Les magistrats de Giwerhs , que le sort de Rhinfeld défend
, sont venus nous apporter les clés de cette ville ; je
vous les envoie avec celles de Coblentz , qui n'avaient pas
été remises aussi- tôt l'entrée de nos troupes dans cette place .
dont les habitans paraissent ne pas s'habituer facilement à nos
figures , et moins encore à nos moeurs républicaines . 19
Salut et fraternité ,
Signé , BOURBOTTE , représentant du peuple.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIR L.
Suite de la procédure du comité révolutionnaire de Nantes.
Suite de la séance du 1er. brumaire. A son tour , Grand-
Maison fut incarcéré au Buffay ; il pleurait , il craignait qu'on
ne lui fit un procès pour la noyade. N'aviez - vous pas , lui
dis -je , des ordres de Carrier ? il me répondit : Carrier nous
avait donné des ordres pour les conduve sur des bateaux
mais non pas pour les noyer.
A raison de maladie , depuis quatre mois j'étais absent
de chez moi ; je n'y rentrai que la veille de la noyade : deux
mois après cet évenement barbare , Goullin me demanda la
liste des 129 victimes , sous prétexte d'y faire quelques ch'angemens
je la livrai ; je l'ai réclamé plusieurs fois , sans
jamais avoir pu la tenir . Ce témoin a reproché à Pinard ,
d'avoir soustrait des effets dans les maisons des riches , ´et
d'avoir mis le feu , et d'avoir conduit chez différens membres
du comité , du bois qui avait appartenu a des émigrés . Il`a
déclaré que la révolte qui avait eu lieu au Buffay , était
l'ouvrage de 5 à 6 scélérats piliers de prison , mais que
les détenus comme suspects n'y avaient nullement participé.
Le président a interpellé les accusés de répondre sur les
faits qui leur sont imputés . Goullin a répondu que la liste
des 155 fut faite le 14 frimaire , et que les 15 particuliers qui
( 351 )
y furent portés quelques jours avant le 24 , étaient des brigands
pris les armes à la main , et qui aujourd'hui seraient
des Chouans. Il est convenu de certains faits , et a nié les
autres.
Sur plusieurs reproches faits à Goullin , entr'autres d'avoir
accéléré le départ des détenus pour la noyade ; il faut l'avouer.
a-t-il dit , mais Carrier en avait donné l'ordre ; il a ensuite
dit au tribunal , et a obtenu de faire la déclaration que nous
avons publiée dans un des numéros précédens , et à laquelle
ont adhéré les autres accusés .
Grand-Maison a répondu , qu'il n'avait été qu'un être passif,
qu'il n'avait pas dit que Carrier eût donné des ordres seulement
pour conduire les prisonniers sur les bateaux , mais
qu'il avait couvert cela du prétexte de translation . Durassier
a nié le fait à lui imputé . D'autres ont répondu que des membres
de la commission civile avaient envoyé du bois à differens
membres du comité ; que plusieurs l'avaient payé , et
que d'autres en doivent encore le prix à la nation . Naux a
déclaré que Goullin avait été égaré par Carrier ; que Goullin ,
perdu par Carrier , a fait périr plusieurs peres de famille.
au
Goullin a ensuite donné des renseignemens sur la mort
de James ; ce n'est pas Grand - Maison qui lui a enfoncé le
crâne avec le pomeau d'un pistolet , mais c'est Bataillé ,
jourd'hui mourant , qui lui a donné des coups de sabre.
Pinard a dit que le feu n'avait été mis que dans les maisons
des brigands qui s'étaient révoltés .
Les deux soeurs Réal , l'une âgée de 17 ans , l'autre de 18 ,
détenues , par jugement , jusqu'à la paix , aux Saintes - Claires à
Nantes , ont reproché au comité de leur avoir enlevé du linge
qu'elles envoyaient de Machecoul chez un nommé Pinau ,
étant dans l'intention de venir habiter Nantes , depuis l'arrestation
de leur mere , qui mourut à Saint- Charles à Nantes .
Pinau réclama le linge ; il fut arrêté , et sortit de prison au
bout de 15 jours par jugement. Goullin a répondu que leur
mere était accusée d'avoir reçu des émigrés ; ce linge est encore
au comité.
Carré , gouvernante des enfans de J. B. Toinette , négociant
à Nantes , a accusé Chaux et Goullin d'avoir fait éprouver
toutes sortes de mauvais traitemens aux deux freres Toinette ;
d'avoir enlevé de leurs magasins 227 barriques de via d'Anjou ,
des grains , leurs valises , qui contenaient de l'or , des lettres
de change , des billets et porte-feuilles remplis d'assignals , etc .;
ces malheureux , a- t - elle ajouté , sont morts en prison et
laissent 12 enfans en bas âge .
Goullin a répondu que les Toinette étaient les ennemis de
la revolution , que l'or et les assignats républicains avaient été
remis au receveur du district , leurs armes à la commission
militaire , etc.
Chaux a déclaré que les vins et les grains des freres Toinette ,
( 352 )
comme ceux des autres citoyens , avaient été mis en réquisítion
.
Thomas qui s'est trouvé à plusieurs combats contre les brigands
de la Vendée a parlé en faveur des deux freres Toinette
; ils ont combattu , a-t-il dit , à mes côtés ; dans tous les
tems , ils ont rendu de grands services à la patrie ; ils soula
geaient les infortunés , ils approvisionnaient Nantes de vins
de bleds , etc .; mais ils avaient aux yeux des jaloux , des
envieux , des hommes cupides , de grands torts , ils étaient
riches ; car ils jouissaient d'une fortune de 150,000 liv.
Du 2. A l'ouverture de la séance , la veuve Mallet , marchande
de tabac , détenue depuis un an au Bon- Pasteur à Nantes , a
été entendue eile a déclaré qu'elle avait été arrêtée sans motifs
par la compagnie Marat ; qu'à son arrivée à Paris , elle a été
mise en liberté par le comité de sûreté générale.
:
Elle a informé le tribunal que Richard , adjudant-général de
l'armée révolutionnaire , dite Marat , et quatre de ses satellites
lui enleverent des pieces d'or et d'argent , 700 liv . en assignats
et 70,000 livres de tabac , en prétendant que cette marchandise
était en requisition . Cinqsemaines après mon arrestation , a-t- elle
dit , Perrochaux et Bologniel m'apporterent ma liberté , je reclamai
ce qui m'avait été enlevé ; deux jours après je fus réincarcérée
par une ruse de Perrochaux qui , m'engageant d'aller
au comité pour avoir les clefs de mon appartement , m'invita ,
en chemin faisant , d'aller voir ma soeur aussi détenue au Bon-
Pasteur , et dont il m'avait montré sa mise en liberté . Arrivée
dans cette maison , on me déclara que j'étais de nouveau prisonniere.
J'ai toujours cru que la réclamation de mes effets était
le motif de ma réincarcération .
Cette catastrophe inattendue altéra ma santé ; pendant les
deux jours de ma liberté j'avais eu connaissance des noyades et
fusillades ; j'exposai mes craintes et mes douleurs à Perrochaux
qui chaque jour visitait la prison : La guillotine guérira tout
cela , me dit - il . ( Murmures d'horreur. )
(La suite au numéro prochain )
P. S. Carnot , dans la séance du 22 , a annoncé la prise de
Nimegue et du fort de Sehenck par une division de l'armée
de Sambre et Meuse ; il y avait 80 canons , presque tous en
bronze ; la garnison prisonniere . Les Anglais en fuyant ont eu
l'infamie de tirer sur les Hollandais leurs alliés .
La division du contre- amiral Nielly , a pris aux Anglais le
vaisseau de ligne l'Alexander de 74 canons , monté par le commodore
Rodney- Bline qui escortait un convoi dont on croit
qu'une partie est tombée en notre pouvoir.
( No. 11. X
MERCURE FRANÇAIS
DECADI 30 BRUMAIRE , l'an troisieme de la République.
(Jeudi 20 Novembre 1794 , vieux style , }
Voyage en Afrique et en Asie , principalement au Japon , pendant les
années 1770-1779 , servant de suite au voyage de D. Sparmann ;
par Charles- Pierre Thunberg , de l'ordre de Wasa , professeur de
botanique à l'université d'Upsal , et membre de plusieurs sociétés
savantes . Traduit du Suédois , avec des notes du traducteur ;
in- 8 ° . de 550 pages ; broché , 7 liv . Chez Fuchs , libraire , quai
des Augustins , no . 28.
E
PREMIER EXTRAIT .
Le traducteur a profité de l'abrégé que Forster a fait du journal
trop diffus des voyages de Thunberg; ainsi , il a donné
tout ce qui est intéressant et utile dans la relation du naturaliste
suédois , qui s'est principalement attaché à faire connaître les
productions végétales da Cap de Bonne Epérance , dont
Sparmann , son compatriote , avait déja décrit les especes les
plus rares d'animaux .
Transportons- nous tout de suite avec le voyageur suédois
au Cap de Bonne- Espérance , dont la description peut être
utile et intéressante dans les circonstances présentes des conquêtes
rapides des Français . La ville du Cap est entourée de
murs assez solides pour pouvoir résister contre l'attaque que
les naturels du pays pourraient entreprendre. Les maisons y
sont toutes bâties en briques , blanchies en dehors , ordinairement
d'un ou deux étages ; rarement plus hautes . Les toits
en sont plats , avec un chaperon peu élevé , couverts d'une
espece de graminée ou de roseau particulier à ce pays ,
très-propre à l'usage auquel on le destine . Les ouragans qui
sont très- fréquens dans cette pointe de l'Afrique , et qui y
causent souvent des dégâts considérables , ne permettent pas
l'emploi des tiles pour en couvrir les toits , ni de donner aux
maisons une élévation plus considerable. La maison du gouverneur
et celle qui sert de magazin à la compagnie sont peutêtre
les deux seules à trois étages.
et
La ville a trois places publiques . Sur l'une se trouve l'église
réformée ; la maison de ville est bâtie sur la seconde de ces
places , aussi grande que la premiere ; la troisieme place établie
depuis peu sert de marché pour les gens de la campagne qui y
wendent leurs denrées . Sur la même place on a construit un
Tome XII . Ꮓ
( 354 )
corps-de - garde , principalement destiné pour sprveiller les incendies.
Pour mieux défendre la ville du côté de la mer , on vient
d'établir plusieurs nouvelles batteries sur le bord même de la
mer. La citadelle , qui devrait remplir ce but , fat construite à
une époque où il fallait principalement chercher à defendre
la ville du côté de la terre , conte les aggressions que les Hottentots
auraient pu tenter . Mais comme par la suite on s'est
apperçu que les canons de la citadelle ne batraient pas suffisamment
la rade , on a cu recours aux nouvelles batterfes. ”
Depuis la guerre d'Amérique , où l'on traignait au Cap l'arrivee
d'une escadre française , ce batteries , au nombre de
quatre , sent dans un très - bon état de défense , et peuvent en
imposer à unnee flotte formidable.
Plusieurs rues de la ville sont pourvues de canaux , dont
l'eau , quoique peu abondante , est d'un grand service pour
les habitans ; on a su l'amener des montagnes voisines . On ne
voit point de domestiques européens au Cap . Tous les habitans
se font servir par des esclaves noirs ou bruns , qui vien
nent de l'isle de Madagascar , on de quelques antres parties des
Indes orientales . Ces esclaves apprennent ici toutes sortes de
´métiers , et deviennent , selon leur intelligence , plus ou moins
utiles à leurs maîtres , sur tout quand ils ont appris le métier
de tailleur , de menuisier , de mâçon ou de cuisinier . Le maître
´d'un pareil esclave le loue alors à d'autres , à la journée , à la
semaine ou au mois , et l'esclave est teau de rapporter tous
les jours à son propriétaire une certaine somme . Les esclaves
mâles portent leurs cheveux entortillès d'un mouchoir en
guise de turban . Les femmes et les filles roulent également leurs
cheveux en forme de houppe ; elles les tiennent assujettis au
haut de la tête , à l'aide d'une longue épingle. L'habillement
des esclaves consiste eu une espece de camisole courte et n
long pantalon ; ils vont pieds nuds et sans chapeau . On voit
aux environs de la ville un grand nombre de vergers et de
beaux jardins potagers Le jardin qui appartient à la compagnie
hollandaise seit de promenade publique. La ménagerie
est située au bout de ce jardin ; elle est toujours riche en animaux
curieux . Les potagers du Cap fournissent aux vaisseaux
qui y relâchent les végétaux dont ils ont besoin pour se rafraî
chir . Plusieurs especes d'arbres apportés d'Europe au Cap ,
comme chênes , peupliers noirs , etc. se dépouillent de leur feuillage
comme dans leur pays natal , tandis que les arbres indigenes
conservent leur verdure toute l'année . Plusieurs couches
inférieures des moutagnes et des collines qui environnent la
ville du Cap sont composées d'une argile picotée de rouge .
Cette couleur est due aux infiltrations des eaux qui y déposent
des parties ochréacées. La partie supérieure des collines présente
un assemblage confus de pierres de différentes grosseurs .
La citadelle , qui défend la ville du Cap , est située à l'est de
( 355 )
la ville près de la mer. Elle est entourée de huit murs et de
fossés assez profonds , et pourvue de logemens spacieux et com
modes : l'état militaire du Cap est sur un assez mauvais pied ,
et décele cet esprit d'économie qui distingue les établissemens
hollandais dont les chefs sout des négocians .
La température douce dont on jouit au Cap , presque tonte
l'année , dispense les habitans de faire usa e de poëles ou de
cheminees . La compagnie tire ses esclaves en grande partie de
Madagascar ; quelquefois elle en achete de ceux que les officiers
des nations étrangeres amenent des grandes lades . Les offciers
des bâtimens étrangers qui viennent d Europe relâcher au
Cap , font ordinairement un commerce très - lacratif avec différentes
marchandises . Le vin , la bierre , le tabac , toutes sortes
de clincailleries , des habits , des souliers , du verre , et différens
meubles , sont les articles qu'ils y vendent avee le plus
de profit . Plusieurs especes de comestibles sont encore d'un
bon débit. Le séjour que les vaisseaux étrangers font au Cap
est ordinairement de peu de durée ; la plupart ne s'y arrêtent
que pour renouveller leurs provisions . Ceux qui y arrivent
d'Europe dans les mois d'avril , de mai et de juin vendent souvent
leurs marchandises à l'encan ; alors ils sont obligés de
payer au fisc de la compagnie cinq rixdalers de droit par
chaque caisse. Ce droit surpasse celui que l'on paie pour les
. mêmes marchandises à Amsterdam , où l'on ne paie que cinq florins
chaque caisse ; mais il faut considérer que toutes les marchandises
apportées d'Europe au Cap s'y vendent avec un
bénéfice de 30 jusqu'à 100 pour 100. Dans la ville du Cap
tout le monde est commerçant ; chaque pere de famille exerce,
outre son métier ou sou emploi , une branche de commerce .
Souvent la mere , les fils où les filles font chacun séparément
un petit trafic. Il résulte de cet esprit mercantile universellement
répandu , un inconvénient pour le commerce en graud , ce qui
fait qu'on voit si peu de véritables négocians au Cap.
K
L'emploi économique de plusieurs productions naturelles
qui se trouvent au Cap doivent fixer l'attention des naturalistes .
Le rotang , espece de roseau semblable au bambou , est employé
pour en faire des jalousies devant les fenêtres pour cet
usage , on le fend en morceaux fort minces que l'on réunit
ensuite avec du fil ; le même roseau sert, encore à faire des
corbeilles et autres ustensiles . Le gros bambou , quoique
creux, et en apparence peu solide , résiste ependant à un
point étonnant ; on l'emploie pour branches d'échelles , pour
brancards et autres choses semblables ; les morceaux les plas
minces servent à faire dee clôtures autour des jardins . Le boia
à brûler est généralement rare au Cap ; on le remplace par
bruyeres et autres broussailles . On ne voit point de pierre à
chaux dans toute l'étendue de la colonie du Cap ; pour se
procurer de la chaux , on est obligé de se servir des coquillages
que l'on trouve sur le bord de la mer.
des
Z 8
( 356 )
Les habitans du Praal , campagne à peu de distance du Cap ;
sout fort riches en bestiaux , comme chevaux , boeufs , vaches ,
brebis , chevres , oies et canards . Pendant le jour , tous ces
troupeaux sont gardés par un Hottentot , qui les reconduit le
soir à la maison . La nuit on renferme chaque espece de bétail
séparément dans une espece de petite cour entourée d'une
clôture faite avec de la terre glaise , où ils passent la nuit à
découvert. Les moutons du Cap ' , cn général , si connus à cause
de leurs grosses queues , portent tous nne laine fort grosse et
longue , peu crêpue et assez semblable au poil de chevre. Cette
laine parait peu propre à la fabrication des étoffes , et n'est
jamais exportée.
La culture de la vigne est dans un état très - florissant au
Praal. On y tient la vigne fort basse , sans la soutenir par des
échalas , parce que l'on prétend que cette méthode y est plus
productive , et que les raisins sont de meilleure qualité .
Les habitans de ce canton , comme dans tout le reste de la
colonic , sont cultivateurs et soldats en même tems , toujours
prêts à marcher contre l'ennemi qui pourrait attaquer le Cap ;
ils sont divisés en compagnies , et les officiers qui les commandent
sont choisis paimi eux . A l'approche d'un ennemi ,
ou quand une flotte considérable se presente à l'improviste à
Ja rade du Cap , on donne des signaux par quelques coups
de canon ou par des drapeaux plantés dans les endroits les plus
élevés . Les canons d'alarme sont placés dans différens endroits
de la colonie . Celui qui se trouve sur la montagne du Lion
donne le premier signal par sept coups qui se succedent par
intervalle ; ensuite celui de Font-rivier se fait entendre , et ainsi
les autres de proche en proche . Avant de tirer le canon ,
fait flotter un drapeau qui ordinairement est placé sur la même
batterie à côté du canon .
on
Le grand nombre de serpens qui se trouvent dans ce canton
et dans plusieurs endroits de l'intérieur du pays , est un véritable
fléau pour les gens de la campagne. Au Praal on regarde le
sang desséché d'une espece de tortue terrestre comme spéci
fique contre la morsure de ces reptiles .
On trouve aux environs du Cap le territoire de Constance ,
fameux par le vin que l'on vend sous ce nom en Europe . Le
vin de Constance , aussi connu sous le nom de vin du Cap ,
vieut surtout dans deux habitations de ce canton qui s'appellent
grande et petite Constance . On en fait du rouge et du
blanc. La quantite de ces vins qu'on récolte annuellement varie
selon les anuées ; on compte pour l'ordinaire sur 60 tonneaux
de vin rouge , et sur go de blanc , Le tonneau de ce pays contient
150 mesures , ou à - peu - près 500 bouteilles . Depuis plusieurs
années on récolte dans d'autres habitations , tant à
Constance que dans les environs , du vin qui ne le cede ea rien
au véritable vin de Constance mais il est défendu d'exporter
ce vin sous le même nom ; on le désigne ordinairement au Cap
( 357 )
1
sous le nom de vin stomachique ; et c'est sous cette qualification
que les bâtimens étrangers l'achetent à un prix beaucoup
au-dessous de celui du vin dit de Constance , que la compagnie
fait exporter et vendre en Hollande pour son compte .
On commence à Stellenbosch , dès le mois d'avril et de mai ,
à labourer les terres destinées à porter du blé la même année .
Le froment que l'on récolte dans ce canton rapporte , à ce que
disent les habitans , depuis 10 jusqu'à 25 fois la mise .
Le fourmillier qui , selon Buffon , ne se trouve qu'en Amérique
, est pourtant un animal assez commun dans les environs de
Stellenbosch et de la ville du Cap . Il est regardé au Cap
comme un excellent gibier .
Thunberg quitte le Cap dans le dessein de faire rn voyage
dans différentes contrées de l'Afrique Il se pourvoit d'un chariot
solide , couvert de toile , et d'un attelage de trois paires
de boeufs . Il se procure bon nombre de caisses , de sacs , de
boëtes , de provisions et d'eau- de - vie . Il fait les préparatifs
nécessaires pour faire une ample collection des singularités de
la nature dans les trois regnes animal , végétal et minéral ; il se
fait accompagner d'un jardinier bon naturaliste ; d'un officier
du Cap et d'un sergent , habiles chasseurs , et de deux Hottentots
pour domestiques . Il avait aussi plusieurs chevaux de selle .
Nous le suivrons de loin en loin dans son voyage , comme dans
ses conquêtes d'objets d'histoire naturelle .
Dans une isle de l'abbaye de Saldanha , on fait la chasse
aux phoques ou chiens marins , animaux qui pesent de 12 à
1500 livres , dont la graisse fournit beaucoup d'huile . On
trouve aussi dans les anses de cette baye la seche à huit
pattes . Ce ver rend un suc noir qui peut servir d'encre étant
mêlé avec une petite quantité de vinaigre . L'albuca major est
une très-belle plante liliacée , dont la tige est très - succulente et
un peu mucilagineuse . Les Hottentots s'en servent pour se
désaltérer dans les grandes chaleurs . Aux environs de Swel
lendam on trouve des bains chauds , qui semblent gardés par
une quantité immense de serpens de toutes especes et gran
deurs , souvent empelottones . Plus loin se présente une
grande forêt en amphithéâtre , où il y a une quantité d'arbres.
d'especes singulieres , tels que l'arbre de Camassie qui , par
l'éclat et la beauté de son poli , est très - propre à l'ébénisterie ;
le bois puant qu'on emploie pour meubles , malgré une odeur
désagréable qui s'affaiblit en vieillissant ; le bois jaune trèspesant
, et très- compact ; le piper capeuse de Linné , bon pour
épicer les viandes . L'olivier du cap est un bois blanc et solide
employé dans la ménuiserie . On tire de la plante dite l'atragene
vessicatoria , une poudre dont les gens du pays se fout un
vessicatoire pour la guérison des affections rhumathismales . Ce
fut dans cette forêt que les voyageurs eurent à soutenir les
attaques d'un buffle furieux , dont ils ne se garantirent qu'en
Z 3
( 358 )
grimpant sur des arbres , et en lui abandonnant deux chevaux
q'il éventra et foula sousses pieds.
Thunberg revient au Cap avec une ample collection de
plantes , et se prépare à d'autres voyages jusqu'aux frontieres
du pays des Cafres ; il rencontra dans ses courses périlleuses
des lions , des gazelles qui marchent en bandes , et des
Boshmann , hommes plus sauvages , qui s'emparent des troupeaux
et des richesses des fermiers de ces contrées avec une
célérité qu'il est impossible de prévoir et d'empêcher . Enfin
l'auteur s'embarqua pour se rendre à Batavia dans l'isle de Java
en Asie . La rade de Batavia est assez spacieuse , mais peu pro-,
fonde et d'un fond vaseux . Le grand nombre de petites isles ,
dont se trouve couverte la rade , défend la ville contre les ouragaus
; plusieurs de ces isles renferment des magasins à l'usage
de la compagnie hollandaise . Les bâtimens peuvent se mettre à
l'ancre à peu de distance de la ville , et on remonte ensuite la
riviere dans des barques .
La ville de Batavia est grande et belle , à l'embouchure de
la riviere ; elle est défendue par nn fort ou château -d'eau , dont
les cauons peuvent battre toute la rade . Les rues de Batavia ne
sont point pavées , parce que l'ardeur du soleil brûlerait les pieds
nuds des esclaves qui sont en grand nombre , et nuirait aux
chevaux qui , dans ce pays , ne sont point férés . Les canaux
qui traversent la ville sont pourvus en plusieurs endroits
de batteries garnies de canons qui , en cas de tumulte , peuvent
battre les canaux et les rues . Vers l'intérieur de l'isle , Batavia
a un fauxbourg très - beau et grand , habité par des Européens ,
des Chinois et plusieurs autres nations indiennes . Hors du
fauxbourg on trouve un grand nombre de maisons de campagne
et de beaux jardins. Il y a six églises à Batavia pour
différentes religions. La compagnie hollandaise possede dans
Ja ville un observatoire mal entretenu , une belle imprimerie ,
et une riche bibliotheque . Les Chinois exercent un commerce
très -étendala et plusieurs arts et métiers à Batavia et aux environs .
La population de cette ville peut mouter à 140,000 ames , et on
y compte 5270 maisons . Les Européens établis à Batavi ,
parlent généralement le hollandais , et les autres nations le malais
qui est la langne la plus répandue dans les grandes Indes. Le
séjour de Batavia est très - mal- sain à cause de la pesanteur de
l'air , et d'une chaleur étouffante. Les habitans de Batavia
sont renommés pour leur hospitalité envers les étrangers . Le
gouverneur de Batavia a l'autorité et le faste d'un souverain .
Il préside le grand conseil composé de cine sénateurs qui ont`
voix décisive , et de pinsieurs sénateurs qui n'ont point de voix
délibérative .
Le commerce de Batavia consiste principalement en sucre ,
en épices , en opium , que l'on tire en grande partie du
Bengale. On sait combien les Indiens sont adonnés à l'usage de
-ce narcotique qu'ils savent préparer de mille manieres diffé
( 359 )
J
rentes et qu'ils mêlent en petite quantité avec le tabac à fumer.
Les Européens y font un trafic très - avantageux de viandes
salées , de vin , de bierre , et de toutes sortes de clincaillerie .
Toutes les especes de monnaies y ont cours .
Les Javanais ont le teint bazané , les yeux noirs , le nez
court , les cheveux noirs et longs , la bouche moyenne , et la
levre supérieure tant soit peu relevée en croissant . Ils sont pour
la plupart d'une taille au-dessus de la moyenne et d'un extérieur
agréable . Leur habillement est très - simple , les hommes
enveloppent leurs cheveux d'un mouchoir en guise de turban ,
et les femmes en forment une houppe au haut de la tête qu'elles
assujetissent avec une longue épingle. L'habit des hommes
consiste en une espece de reste longue , garnie sur le devant
d'un très- grand nombre de boutons ; au dessus de la veste , ils
mettent le kajen , qui ressemble à une robe -de- chambre étroite
qu'ils serrent autour du corps à l'aide d'une ceinture. Les deux
sexes portent des pantonfles dont la pointe est tronquée et un
pen relevée ; ils ne se servent jamais de bas . Les femmes ont
autour du corps une robe ou plutôt une espece d'étoffe qui
descend jusqu'aux pieds , et à laquelle elle font prendre les plis
convenables. La partie supérieure du corps est couverte d'une
espece de chemise courte .
ง
Les armes des Javanais sont de différentes especes . Le kris
ressemble à un couteau de chasse , que les riches et les pauvres
portent également sur le côté droit très - en arriere
ou sur le
dos attaché à un cordon . Outre le kris , ils se servent encore
d'un sabre plus long , et d'un poignard qu'ils portent dans.
la ceinture Les domestiques se distinguent par une arme en
forme de couperet très- court , mais large , qu'ils emploient
ordinairement pour se frayer un passage à travers les broussailles
épaisses dont l'isle de Java abonde .
Les instrumens de musique des Javanais sont une espece de
violon à deux cordes ; un tambour qu'ils battent des deux bouts
avec les doigts , un instrument singulier , composé de plusieurs
morceaux de bois de différentes largeurs qui posent par chaque
bout sur une piece de bois creux , dont ils tirent des soas en
frappant dessus avec un petit marteau de bois . Ils se servent
encore d'une espece de chandron de cuivre suspendu , et de deux
bassins de cuivre qu'ils frappent en mesure l'un contre l'autre,
L'isle de Java , quoique d'une étendue moyenne , est cependant
divisée en plusieurs royaumes et principautés , dont les
chefs ou les souverains sont plus ou moins dépendans de la
compagnie hollandaise .
Les habitans de Java se nourrissent principalement de plus
sieurs especes de volailles , ainsi que de poissons . Les moutons
réussissent mal dans cette isle à cause de la trop grande cha❤
leur. On cultive avec avantage le riz qui sert à la nourriture
principale des habitans , et à faire l'ariak , boisson forte , trea
24
( 360 )
recherchée des Indiens . L'isle de Java est très riche en productions
végétales , entre lesquelles on distingue l'arbre à pain .:
Elle est encore abondante en plantes aromatiques . On y trouve
aux embouchures des rivieres des crocodiles , et beaucoup de
reptiles venimeux , ct dans les forêts , des buffles , des éléphans ,
des rhinocéros , des lions , des oiseaux du plus beau plumage ,
et quantité d'especes singulieres qui appartiennent au pays .
L'auteur quitte Batavia , et s'embarque pour son voyage
au Japon , où nous le suivrons dans un autre extrait que
nous sommes obligés de renvoyer à un numéro prochain ,
ANNONCES.
Les concerts de Romainville , ou choix de romances , chansons
, ariettes , rondes , vaudevilles , etc. , orné de gravures :
Les vers sont enfans de la lyre ;
Il faut les chanter , non les lire .
In 16. A Paris , chez Louis , libraire , rue Séverin , nº . 29 .
Ce joli recueil rassemble un mélange agréable de poésies
légeres et nouvelles , avec les airs notés et gravés sur tous .
les tons de gaîté , de sentiment , de tristesse , d'amour , de'
volupté , de critique , etc.
" L'éditeur invite ceux qui auraient des romances chansons
, etc. , qu'ils desireraient faire entrer dans la composi
tion de ce recueil , de les envoyer , franc de port , au citoyen
Louis , libraire . Ils voudront bien indiquer les airs , si les
chansons sont sur des airs connus , et en envoyer la musique ,
si les airs sont nouveaux .
fait
Voyage philosophique et pittoresque , sur les rives du Rhin , à
Liége , dans la Flandre , le Brabant , la Hollande , etc ,
en 1790 ; par G. Forster , l'un des compagnons de Cook :
traduit de l'allemand , avec des notes critiques sur la physique
, la politique et les arts ; par Charles Pougens . A Paris ,
chez F. Buisson , libraire , rue Hautefeuille , nº . 20. 2 vol .
in - 8 ° . de 430 pages chacun , sur caracteres Didot . Prix ,
10 liv . 10 sols brochés , et 12 liv . 10 sols frane de port ,
par
la poste , pour les departemens . Nous donnerons incessam
une analyse de ce voyage intéressant .
Nourean Calendrier pour l'an IIIe . de l'ère républicaine ,
grandeur de 8 pouces et demi sur 11 pouces . Ce calendrier ,
où l'on voit sous un seul aspect les douze mois de l'année ,
est orné de différens attributs agréablement dessinés . Il se
vend 2 liv . A Paris , chez Aubert , graveur , rue Jean- de-
Beauvais , nº . 34 ; ct chez Bauce , rue Séverin , nº . 216 .
MERCURE
HISTORIQUE
ET POLITIQUE
.
ALLEMAGNE
.
De Hambourg , le 29 Octobre 1794.
et les
OUT semble
annoncer
que la Porte
Ottomane
veut enfin
prendre
quelque
part aux grands
événemens
dont l'Europe
est
le théâtre
, et être comptée
pour quelque
chose
parmi
les
poissances
. Il est bien tard si son intention
est de secourir
la
Pologne
; car sans admettre
encore
les relations
prussiennes
,
sans doute
exagérées
, des avantages
que les Russes
Prussiens
ont remportés
sur les Polonais
, du moins
est - il
certain
que ces derniers
ont éprouvé
des revers
, et essuyé
des pertes
difficiles
à réparer
. Quoi qu'il en soit , le capitan
pacha
, disent
des lettres
de Constantinople
, datées
du 28 septembre
, est de retour
des Dardanelles
, où il a donné
des ordres
pour la construction
de trois vaisseaux
de 74 canons
. On travaille
dans ce port avec la plus grande
activité
à mettre
la
flotte en état de sortir au printems
prochain
. On pourvoit
d'armes
et l'on met en état de défense
les forteresses
qui sont sur
le canal et sur la mer Noire ; on occupe
10,000
hommes
à ces
travaux
, et on exerce
constamment
les troupes
de terre dont le
nombre
est augmenté
chaque
jour.
Les dispositions de la Porte en faveur de la France continuent
d'être très- favorables , puisqu'elle laisse ses corsaires et
armateurs parcourir l'Archipel , malgré les protestations des
puissances coalisées . Les Turcs estiment singulierement la valeur
des Républicains Français qui font tête , à eux seuls , à la
majeure partie de l'Europe . Cette admiration augmentera en- core par la lecture du mémoire historique qui contient le récit
de toutes les opérations militaires des Français , et que le citoyen
Descorches a remis dernierement au grand- seigneur : il jouit d'une grande considération aupres du divan , aussi a - t- il obtenu
le renvoi en France de plusieurs de ses compatriotes dont la
turbulence ou les intrigues pouvaient compromettre les inté- rêts de la nation . Ces Français vus de mauvais oeil à Constantinople
y ont été embarqués , au nombre de 150 , sur des vaisseaux
turcs qui doivent les conduire à Marseille .
L'article suivant nous a paru du plus grand intérêt , et fera
d'autant plus regretter le brave Kosciuszko , si le bruit de sa
défaite et de sa inort se confirme , qu'il servira à faire mieux
connaître ce héros , qui fut tout à la fois le Brutus et le Decius
de sa patrie . Puisse la liberté des Polonais , cimentée de sou
( 362 )
sang , ne pas céder aux efforts de la coalition qui l'attaque aujourd'hui
avec tant de fureur , et à laquelle l'Autriche vient se
joindre comme dans les deux partages précédens !
La victoire remportée , les 18 et 19 septembre , par le général
Suwarow sur les Polonais , commandés par le général
Sierakowiski , perd aujourd'hui beaucoup de son éclat . On
avait d'abord publié que , de 15 à 16,000 hommes de troupes
de ligne , sans compter les paysans armés dont l'armée polonaise
était composée , 300 seuls avaient échappé au carnage ,
et 5co faits prisonniers ; et que toute leur artlilerie était tombée
au pouvoirs des Russes . On disait eu outre que le général
Suwarow , profitant de cet étonnant succès , s'était mis en
marche sur Varsovie . Il est au contraire certain que les Po-
Jonais , qui étaient inférieurs de moité en rombre aux Russes ,
attaqués le 18 à l'improviste , firent une vigoureuse résistance
, et se retirerent en très-bon ordre vers Brzesc . Le lendemain
, les Russes ayant attaqué de nouveau , la violence
de leur choc mit à la vérité le désordre parmi les troupes
polonaises , dont la plupart se debanderent. Cette deroute .
est sur-tout imputée aux officiers qui ne firent point leur de
voir dans cette occasion , et vont être mis en jugement. Le
général polonais fut contraint à ne plus songer qu'à mettre à
couvert le reste de son armée. Il jeta son canon dans la
riviere , pour empêcher qu'il ne tombat entre les mains de
J'ennemi . Sur ces entrefaites , Suwarow ayant appris que
Kosciuszko s'était rendu en personne à Sielce , dans le voisinage
de Bizesc , prit lui - même le parti de la retraite. Aiusi
cette action qui , suivant les premiers avis , pataissait si alarmante
, ne se trouve plus être qu'un léger échec , dout le plus
grand effet n'a été que dans l'opinion . Les Russes en effet ,
loin d'en tirer avantage , ont abandonné leur terrein encore
jonché de morts ; et les Polonais n'ont eu que la peine de se
rassembler et de retirer de l'eau leurs canons . Leur perte
d'ailleurs a été moins considérable que , celle des Russes qui ,
suivant quelques rapports , a été de 5000 hommes , qu'on
n'avait d'abord portcs qu'à 100 morts et à un nombre à- peuprès
égal de blessés . D'après cet exemple , n'est - ce pas aujourd'hui
le cas d'attendre encore pour porter sou jugement
sur la deruiere affaire . La suite ne pourra -t -elle pas prouver
qu'il y a aussi peu de vérité et autant d'exagération dans le
récit qu'on en a fait que dans celui qui a été donné des
deux premieres ?
Voici , quoi qu'il en soit , le discours que Kosciuszko prononça
à ton armée au moment où il se mettait en route de
Varsovie pour se porrer contre les Russes :
Enfans de la patrie , écoutez la voix d'une mere qui
Jutte contre la mort et réclame votre secours ! Son existence
est entré vos mains les aimes que vous portez , c'est elle .
qui vous les a confiées ; et certes , vous ne voulez pas jetter
:
"
( 363 )
ces armes et consentir à voir succomber votre patrie . Non
la seule idée que la patrie peut périr ou tomber dans l'ignominie
arrache des larmes à ses véritables enfans ; armons-nous
tous , soyons décidés à mourir ou à vaincre . Cette résolution
suffira pour nous procurer la victoire . Après avoir rempli notre
devoir , nous revolerons dans les bras de nos freres ; des lau
riers présentés par la reconnaissance nous attendent. Celui
qui ne partage point ces sentimens peut sortir des rangs ; je
le délie de ses engagemens ; qu'il ne craigne rien , je lui saurai
gré de sa franchise je le répete , je lui rend son serment de
soldat . Un tel homme ne doit point se trouver avec nous ; il
faul que les témoins de la mort soient les sauveurs des braves.
Que nous importe le nombre. Je suis sûr de vaincre en marchant
au combat avec des hommes qui ont juré de vaincre ou
de mourir. Ce n'est pas le nombre des soldats qui procure la
victoire , c'est le courage qui naît sur- tout de la justice de la
cause qu'on défend. Hommes qui ne pensez pas comme nous ,
je vous le dis encore , sortez des rangs , sur ma parole , je
vous laisserai librement aller . "
Aucun soldat ne sortit des rangs ; tous au contraire fortement
émus , s'écrierent d'une commune voix , qu'ils juraient , en
présence du ciel et de la terre , de mourir pour la patrie.
Kosciuszko , partageant l'émotion de l'armée , mit l'épée à la
main , et s'adressant à ses freres d'armes : « Venez donc
vaincre ou mourir ; j'espere que celui qui regle les destinées
des peuplés nous donnera la victoire. Et toi , grand Dieu , qui
fis l'homme à ton image pour être libre et heureux , défendsmous
! ..... En avant , marche ,
De Francfort-sur- le-Mein , le 3 novembre.
11 est toujours question de la paix , ou du moins des projets
et des efforts pour Pobtenir que font differeus membres
du corps germanique . Deja même , si l'on en croit plusieurs
feuilles allemandes , le roi de Prusse a ouvert en Suisse une
négociation à ce sujet , et peut- être la prochaine arrivée dans
ce pays du baron de Staët , ci - devant ambassadeur de Suede
auprès de la France , a - t - elle rapport à ces mesures de pacifica
tion . C'est ce que feraient croire quelques phrases d'un trèshumble
avis de l'empire à présenter à S. M. l'empereur , pour en
être confirmé , comme de besoin , que nous nous conterjerons
de donner par extrait .
Il a été exposé par le ministre dictatorial de l'archevêque
de Mayence , en sa qualité de grand chancelier de l'Empiae ,
que l'empereur , en faisant la proposition du quintuple , s'était
déclaré prêt à écouter et à prendre en consideration toutes les idées
qui pourraient lui être offertes , dans la vue de rendre l'Empire
au bien être ; que l'Empire avait dû prendre fait et cause
pour ses états qui , en Alsace et en Lorraine , souffraient de
1
1
( 364 )
la violation de leurs droits ; que la guerre que l'Empire avait
faite , n'avait eu jusqu'ici d'autre but que le maintien des sti
pulations de la paix de 1648 , garantie par la France même ;
qu'il n'avait jamis été question de s'immiscer dans les affaires
intérieures du gouvernement français ; qu'au lieu de parvenir.
à ce but , l'Empire a perdu une province après l'autre ; que les
pays antérieurs , quoique son occupés par l'ennemi , ont extraordinairement
souffert ; que l'électeur est donc d'avis que ,
tout en faisant avec ardeur les préparatifs d'une nouvelle et
peut- être plus heureuse campagne , l'on prouve réellement aux
citoyens pacifiques que l'on est en effet sérieusement disposé
à donner la paix à l'Empire ; que l'Empire peut sans hési
tation déclarer à la nation françoise , qu'il ne songe qu'à sa .
conservation et non à son aggrandissement , et qu'il n'est nul- .
lement dans l'intention de se soncier de ce qui se fait dans l'intérieur
de la France .
L'électeur observe qu'à la question , si la déclaration pa- ›
cifique doit avoir lieu , est liée la question , de savoir comment
on s'y prendra pour la faire . Il pense que l'Empire .
combattant pour le maintien de ce qui , par la paix fondamentale
de 1648 , garantie par la couronne de Suede , aujour- .
d'hui neutre , forme son état de possession , il n'y a aucune
difficulté à prier le roi de Suede d'intervenir efficacement
pour le lui procurer ; que le même rapport existe à l'égard du
roi de Danemarck , qui , en sa qualité de roi , a pris le
parti de la neutralité ; qu'il est donc d'avis que l'Empire
requiert les cours de Suede et de Danemarck , à l'effet d'interposer
leurs meilleurs offices pour lui procurer une paix
acceptable ; que les négociations de paix pourraient être
conduites pendant l'hiver , si ces deux cours qui viennent
d'être nommées , s'employaient sans délai à amener préalablement
une cessation d'armes et d'hostilités , etc. etc.
•
Des lettres de Vienne , tout en disant que les bruits de paix
prennent toujours plus de consistance , et en ajoutant que la
Porte Ottomane a promis d'interposer sa médiation , disent
néanmoins que les levées se continuent toujours dans les provinces
de la domination autrichienne , et que c'est principa
lement la cavalerie que l'on s'attache à renforcer. Mais ce qui ,
sans être plus positif , semble donner encore plus de vraisemblance
à cet espoir d'une paix prochaine , c'est qu'on ajoute
chez nous , où ces bruits courent également , des détails . On
aura , dit - on , cet hiver au moins une armistice ou une trêve ,
pendant laquelle on pourra travailler à la paix ; et suivant
quelques personnes qui se prétendent bien instruites , l'électeur
de Mayence , en sa qualité de chancelier de l'empire , a écrit à
Wetzlar que l'on pouvait y laisser les archives qui devaient
être transférées à Schweinfurt , sur le fondement que les Français
ne se porteraient point au- delà du Rhin , et que d'un autre
côté on avait entamé des négociations pour la paix .
( 365 ) '
D'ailleurs , l'empereur doit la desirer , et il a besoin de
concentrer toute sa force dans ses propres états pour y maintenir
son autorité , si la prétendue conjuration qui a fait incar
"cérer tant de personnes est vraie. Une feuille vient de publier
un historique de ce qu'elle dit avoir été fait par les prisonniers
d'état détenus à Vienne . Elle n'indique point la source où elle
a puisé , et il nous est impossible de déterminer le degré de
confiance qu'on peut donner à ce récit.
Depuis plus d'un an , les conjurés avaient l'oeil attentif
sur tout ce qui pouvait produire le mécontentement parmi le
peuple . Un de leurs moyens favoris pour parvenir à exciter la
fermentation , était de faire renchérir le bled . Pour cet effet ,
Brandstelter était chargé de visiter les moulins et les économies
rurales , où il se trouvait de grandes provisions de grains , et
d'engager les propriétaires à les lui vendre , ou à quelqu'un de
ses confreres . L'accaparement devait conduire à la disette , et
la disette à la révolte . On avait aussi compté que la rareté du
bois ferait murmurer le peuple . Les fabricans qui manquent
d'ouvrage devaient augmenter le nombre des mécontens ;
enfin , les conjurés s'étaient fait un parti considérable en Hon-
/ grie , où ils se proposaient de délivrer et d'ariner les prisonniers
Français . Sans la vigilance de la police , et la résistance de
certaiues personnes qu'on s'est vainement efforcé de séduire ,
le complot aurait pu avoir des suites funestes , d'autant plus
facilement , qu'un assez grand nombre de personnes distinguées
par leurs places ou leurs rangs , y avaient donné les mains . Le
fieutenant de la place , Hébenstreit , avait su se procurer les clés
de l'arsenal , dont il voulait tirer les armes pour les donner au
peuple. On avait dressé les listes des habitans de Vienne , où
l'on voyait des noms des coujurés et ceux des proscrits . Le
comte Bathiani de Hongrie , doit avoir répandu des écrits
jacobins ; un autre est soupçonné d'avoir fait des enrôlemens
secrets. Depuis quelques jours , on a arrêté les comtes Bathiani ,
Fetstelitz et Kilowitz , et les barons Segrey et Ettling . Le cidevant
directeur du théâtre Gothardi , qui jouissait d'une retraite
de 2,500 florins , a été arrêté ; un ci-devant entrepreneur
d'un théâtre Gumpf, l'a été également. On a mis en prison
les freres Bielack , dont l'un était capitaine et professeur à
l'academie des cadets de Vienne . On apprend que l'avocatJntz ,
un des détenus , dit n'avoir pris aucune part à tout ce qui a pu
´être fait . ››
Une autre raison aussi déterminante pour l'empereur de desirer
la paix , c'est que les armées françaises du Nord et de
Sambre et Meuse ont été renforcées au point qu'elles montent
maintenant à 300,000 hommes , et que l'Autriche et la Prusse
sont loin de pouvoir leur opposer un nombre égal de combattans ,
supposé même que le nombre suffit contre des troupes dont la
valeur n'avait besoin que de l'habitude de manier les armes .
L'armee impériale doit incessamment prendre ses quartiers
( 366 )
d'hiver sur le bord du Rhin . Le quartier - général sera à Sie
gerburg. L'armée prussienne cantonne sur la rive droite du
Rhiu , depuis le lieu en face de Guntersblum sur la droite en
descendant le Rheingau , jusqu'au , Mont- Saint Jean ( Johannisberg
) . Les détachemens s'étendent jusqu'à Lorch et Caub.
Le quartier-général de Mollenderf est toujours à Rocnheim ,
celui de Hohenlohe à Gioigerau , celui de Kalkreuth à Wisbaden
.
On assure que les 20,000 hommes de contingent aux ordres
de ce dernier général retournent combaure en Pologue , et
que le este va couvrir la Westphalie .
Nos feuilles rendent elles - ménies cette justice aux Français ,
qu'excepte les requisitions et contributious qu'on exige a Cologne,
et à Aix - la - Chapelle , et qui ont été autorisces de tout
tem's par le droit de la guerre , les habitans n'ont qu'à se
Jouer des troupes de la République ; elles observent la plus
exacte discipline et respectent les propriétés. Les Français qui
ont levé en partie le camp de la Chartreuse et de Schonborn-
Just , tandis que les impériaux entraient en quartier d'hiver
du côté d'Ehrenbreistein , ont fait annoncer aux habitans de
Coblentz et de l'autre rive du Rhin , effarouches par le bruit
des armes , qu'ils pouvaient retourner chez eux tranquillement
et avec toute sûreté pour leurs personnes et leurs biens.
?
PROVINCES-UNIES. De la Haye , le 26 octobre.
Les Français ont fait intimer aux membres de l'ordre équestre
et aux autres personnes riches qui ont des biens dans la mairie
de Bois-le-duc , l'ordre exprès de retourner les occúper , faute de
quoi ces biens se aienr vendus au profit de la République Française
. Ces dispositions annoncent assez au stadthouder que
c'est plus particulierement à lui qu'aux Ho landais que la Republique
Française fait la guerre , puisqu'elle veut le priver' ,
autant qu'il est en elle , des conseils , des secours pécuniaires
et même des bias des nobles qui lui sont attaches : en aafffaiblissant
ainsi son parti , on fortifie d'autant celui des mécontens
de l'ordre equestre qui avaient été écartés des places , et la classe.
des négocians à qui le joug de la maison d'Orange est en
horreur. Ces ennemis du stadthouder ont pour eux une partie
du peuple qui les secondera puissammeut contre lui , lorsque
les Français , pénétrant dans les Provinces Unies , mettront des
ressentimens comprimés , mais non éteints , à même d'éclater.
Cependant dans la Gueldre on cherche à disputer aux
Français le terrein pied à pied , et l'on éleve de fortes batteries
du côté d'Utrecht piès de l'étang formé par le Leck.
Malgré ces préparatifs , 12,000 Français ont passé la Meuse
à Kessel ; ils sont déja dans les environs de Geldern et de Goch.
Heureusement , disent des lettres de la Haye du 21 octobre ,
les troupes de la République Française n'ont encore fait
( 367 )
aucune tentative sur Heusden , cette clef de la province de
Hollande. Comme le gouverneur de cette place , le lieutenantgénerai
Kietschmar , est tombé malade , les états -généraux en
ont donné le commandement au général - major de Hora
chef du régiment de Waldeck. Le 16 , on a envoyé à
Willemstad et à Gorkum , mille Hessois de la garnison de
Berg of -Zoom ; ce n'est pas pour rester dans ces deux places ,
mais pour se porter plus loin.
-
Les états de Hollande ont interdit , par une proclamation
tonte aliesse , où les citoyens prenant l'initiative se permettent
de juger des affaires du gouvernement avant que luimême
en ait délibéré. On proscrit également les pétitious qui
interpelleraient le pouvoir suprême de rendre compte de sa conduite
, et l'ou interdit les clubs , sociétés et autres lieux de
rassemblement comme suspects ...
Ce qui a vraisemblaient donné lieu à ces mesures , un peu
violentes , on ne peut se le dissimuler , ce sont les réclamations
des habitans d'Amsterdam , contre les grandes inondations
qu'on voulait fsire . La fermentation a été telle que la
garnison s'est vue forcée de passer plusieurs nuits en armes.
Le peuple se portait aussi en foule aux lieux où il pouvait
être question de percer les digues , et il y aurait eu infailliblement
des voies de fait , si l'on avait insisté sur l'exécution
de cette mesure de désespoir .
On n'a encore rien de positif sur les succès de la députa
tion que les états de Frise ont envoyée à la Hayé ; voici quel
est son objet :
Les états de Frise s'étant formés , le 30 septembre , en
assemblée générale , on y débattit la question principale de
savoir : Si ce qui avait été inutilement soutenu à la Haye , par une
commission particuliere , c'est- à - dire , par MM. B. Ringers , de
Franecker , et de Haveren , de Wolfinga , ne devait pas être résolu
par une delibération commune ? Et , s'il n'était pas de la prudence
et même du devoir , que cette province , pur son propre intéret , se
séparâl des auteurs , et travaillat à son propre bien , par des moyens
qui appartiennent à elle ? "
Eu conséquence , il fut proposé : 1 ° . De reconnaître la
République Française ; 2 ° . de faire la paix avec elle ; 3 ° . de
changer la constitution de la Frise au gré de la République
Française ; 4° . de s'allier avec elle ; 5º . de renoncer à l'alliance
avec l'Angleterre et la Prusse ; 6º . de sacrifier les intérêts
particuliers du stathouder et de sa maison ; 7 ° . de rappeller
les fugitifs et de les indemniser. 19
Ces objets furent agréés en deux séances consécutives , où
les familles de Lyndt et de Hambræk , attachées au stathouder ,
refuserent de voter.
Le 2 octobre quatre commissaires furent nommés à l'effet
de porter cette résolution à la Haye .
( 368 )
+
Le bourgmestre Marcus , de Leyde , a résigné sa place.
Parmi les motifs qu'il a allégués , il a dit :
L'ita moralité , cette mere de l'athéisme , est à son comble
; les finances sont dans un délabiement auquel il est deven
impossible de remédier jamais ; les charges que porte
le peuple sont écrasantes , et néanmoins hors de niveau avec
les dépenses publiques ; les pays de la généralité ont été dévastés
et pillés par les ailies ; dans l'intérieur , une discorde
qui anéantit tout , tandis qu'au- dehors les armées d'un peuple
puisaant , à qui rien ne peut résister , sont entrées sur le territoire
de la république , et à la veille de fairu la conquête
de cette province . Quand on parviendrait à les en empécher ,
en ayant recours aux inondations , P'habitant de la campagne
sera toujours reduit par celle - ci à l'état le plus déplorable
. "
A Breda , tout est encore tranquille . Les affiches de la
Haye , du 24 , disent que le duc regnant de Brunswick y est
atten du avant peu , pour prendre le commandement de l'armée
qui doit défendre la Hollande . Ce prince , disent - elles ,
en a été requis par les états - généraux , et par le ministere
anglais.
ESPAGNE . De Madrid , le 30 septembre.
Le gouvernement a reçu la nouvelle que le riche convoi
d'Amérique , venant de Lima et de Buenos - Ayres , était entré
tant dans le port de Cadix que dans celui de la Corogne . I
apporte entr'autres beaucoup d'argent appartenant aux intéresses
. Cet argent sera versé dans le trésor royal , et les propriétaires
doivent recevoir en échange des billets portant reconnaissance
, ou quelqu'espece de papier- monnaie.
Deux corvettes , sous les ordres du capitaine Malaspina , sont
renités en même tems que le convoi . On se rappelle qu'elles
furent expédiées en 1789 pour faire un voyage d'observation
autour da globe . Le recit de ce voyage est attendu avec beancoup
d'impatience.
Voici à quoi se bornent les nouvelles reçues des armées
espagnoles.Le général La-Union , commandant celle de Catalogne,
mande que voulant prendre une position qui pût resserrer les
Français davantage , il fit faire un mouvemeut le 17 , au centre
de son amée , pour s'emparer d'une hauteur sur le chemin de
la Junquerea qui va à Cammini . Les Français n'ont point découvert
son iutention , et ont au contraire cru qu'il se préparait
à ataquer leur arriere-garde . Les Espagnols se sont ainsi
emparés avec facilité du poste qu'ils avaient en vue . Ils ont
élevé dessus douze batteries . Les Français , au depart du courier,
ne s'étaient pas encore occupés de les déloger ; mais le génég
ral Espagnol avait distribué 2,000 hommes à chacun des géné
raux Courten et de Santa- Chiara , pour s'opposer à eux dès
qu'ils tenteraient quelque chose.
RÉPUBLIQUE
( 369 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE LEGENDRE ( de Paris . )
Séance de duodi , 22 Brumaire.
•
La section du Mont- Blanc se montre en masse et demande
qu'une députation soit admise . Elle vient applaudir avec
la France entiere aux principes contenus dans l'adresse au
Peuple Français . Sans les lois les plus séveres , dit l'orateur
, vous verrez toujours à côté de vous de ces sociétés
qui , cherchant à rivaliser et à neutraliser vos pouvoirs , nous
replongeraient bientôt dans le despotisme . La où les droits
du peuple et de ses représentans sont mécounus ou avilis
nous ne voyons plus qu'un rassemblement dangereux et
plus dangereux encore , lorsque les ramifications de ses complots
se prolongent jusqu'aux extrémités de la Republique .
" Maintenez le droit des sociétés populaires , mais sur- tout
empêchez les de se centraliser ; frappez les perturbateurs .
Si le citoyen de Paris n'a pas plus de droit que celui du
hameau le plus faible , pourquoi les sociétés populaires de
Paris auraient - elles plus de droit , plus de pouvoirs que celles
des communes de la République les moius peuplees ?
·
"
"
La section de la Fraternité est venue exprimer à - peu - près
les mêmes sentimens. Insertion des deux discours au Bulletin
mention honorable et honneurs de la séance.
Carnot annonce la prise de Nimegue et du fort de Schenck
par l'armée du Nord et celle du vaisseau l'Alexander de 74 canons
, et de 43 vaisseaux de commerce , par la division du
contre-amiral Nielly . ( Voyez Nouvelles officielles . )
C'est donc envain , dit-il, que de coupables et lâches libellistes ,
ont tenté d'énerver le courage des armées françaises , en s'efforçant
de leur ôter la confiance qu'elles ont dans la Convention
nationale et dans les membres du gouvernement qu'elle
a choisis . La honte écrase les pamphlétaires , la gloire couvre les
defenseurs de la République , et l'ennemi des factions brave ( galement
et le poignard de l'assassin et la dent du reptile ; il
a une horreur égale et pour ceux qui vivent de sang et pour
ceux qui vivent de fiel . L'homme dont la vie est sans reproche
repose en paix sur sa conscience , et ne craint la calomnie
que parce qu'elle le sort de l'obscurité qu'il desire . Quelque
impure qu'en soit la source , il s'en afflige , non pour lui- même,
mais pour la probité qu'elle blesse , pour l'esprit public
Tome XII .
Aa
!
( 370 )
qu'elle égare , pour la représentation nationale qu'elle avilit
et qu'elle outrage .
Pajol , aide-de- camp du général Kleber , présente à la Convention
36 drapeaux que l'armée de Sambre et Meuse vient
tout nouvellement d'enlever à nos ennemis . Continuez
dit- il , peres du peuple , à cultiver de nouveaux lauriers ; l'armée
de Sambre et Meuse est prête à les cueillir .
L'Assemblée déclare que l'armée du Nord et la division
du contre - amiral Nielly ont bien mérité de la patrie.
Après quelques dénonciations sur les dilapidations commises
sur la fortune publique , Clauzel demande que Laignelot ,
qui a été chargé par les quatre comités réunis de faire un
apport sur les événemens de la nuit derniere , soit entendu .
Laignelot monte à la tribune , il fait lecture de l'arrêté des
comités , portant , 1 ° . que les quatre comités réunis arrêtent
de suspendre les séances de la société des jacobins ( des
applaudissemens partent de tous les côtés de la salle } ; 2º . que
leur salle sera fermée à l'instant , et les clés déposées au sécrétariat
du comité de sûreté générale ; 3 ° . la commission administrative
de police est chargée de l'exécution de l'arrêté dont
il sera renda compte à la Convention .
par
La passion , dit Laiguelot , n'est entrée pour rien dans
cette détermination ; elle a dictée le seul intérêt de la patrie
. Nous avons rendu justice au bien qu'ont fait les jacobins ,
et en les fermaut nous avons respecté les principes auxquels ,
nous ne pouvions porter aucune atteinte ; nous avons cru qu'il
fallait admettre, par- tout des sociétés populaires , parce qu'elles
sont inhérentes au gouvernement républicain . Mais nous n'avous
point vu dans la société des Jacobins une société vraiment,
purement pepulaire .
Nous y avons vu des hommes à peine connus dens la
révolution , menés par quelques hommes qui y sont trop conmus
peut-être , et dont il est tems d'abattre l'influence , car
elle pourrait être funeste à la République . Nous avons pensé.
qu'il était fatal pour la France , qu'il était indécent , qu'il était
déshonorant pour la Convention nationale qu'une poignée,
d'hommes sans moeurs , qui n'aiment point leur pays , qui n'ont
jamais embrassé la cause du peuple que pour la trakir ... Nous
avons cru qu'il était honteux pour la République que la Conveution
qui la représente , souffrit plus long - tems qu'une
poignée d'hommes semblables osassent rivaliser avec elle . Les
jacobins ont été protégés , soutenus , lorsqu'ils n'ont rivalisé
que de vertu , et non pas de puissance avec l'autorité légitime .
S'ils étaient encore ce qu'ils furent autrefois , les vrais amis
du peuple , auraient- ils voulu avilir la Convention ? Quelques
murmures dans une extrémité de la salle . ) Oui , oui , s'écrie- t- on
de toutes parts.
" Serait - il donc nécessaire qu'on rappellât à des représentans
du peuple , des principes qui doivent être gravés dans
( 371 )
leurs coeurs ? Dans quel gouvernement bien ordonné a - t- on vu
deux pouvoirs rivaux ? dans quelle république a - t - on vu un
gouvernement à côté d'un gouvernement ? dans quel pays
a- t- on vu à côté de l'autorité légitime , une autorité capricieuse
qui n'est avouée par qui que ce soit , une autorité qui veut
usurper la puissance du peuple ? Le 9 thermidor , les jacobins
étaient en pleine révolte ; ( Oui , oui , s'écrie - t - on de toutes
parts en applaudissant ) depuis le 9 thermidor , les jacobins
usant de l'impunité , croyant que la représentation nationale
n'avait ni courage , ni caractere , qu'elle les regardait comme
l'arche sacrée à laquelle il n'était pas permis de toucher , ont
continué leur plan de révolte . On a osé dire dans cette société ,
et ce propos a été applaudi par toutes les tribunes , que la brêche
était ouverte et que les armées étaient eu présence : je vous
demande s'il doit y avoir deux partis en France ; il n'y a
qu'une République , il ne doit y avoir qu'une Convention,
Les jacobins sont une faction , et tout ce qui est faction est
punisable.
"
Les comités qui aiment la patrie , quoi qu'on en dise , qui
ne veulent pas de déchiremens , qui voudraient pouvoir rallier
tous les membres de la Convention , ont pense qu'il était
utile pour la liberté publique , d'étouffer un foyer de discordes ,
de factions et de disseutions ; les comités ont pensé que tout
le peuple applaudirait à la mesure sublime qu'ils ont prise :
ils ont cru que dès que l'opinion publique s'était aussi fortement
prononcée qu'on l'a remarqué hier , il était de leur devoir
de lui obéir , et il était de leur devoir d'empêcher que le sang
ne fût versé .
Nous n'avons jamais eu l'intention d'attaquer les sociétés populaires
, je le repete ; et nous nous sommes dit : Nous n'avons
le droit de fermer les portes que là où il s'éleve des factions
et où l'on prêche la guerre civile ; mais les sociétés des sections
sont vraiment les sociétés du peuple . Nous les main- .
tiendrons , la Convention les maintiendra . ( Oni , oui , s'écrient
tous les membres . ) Je demande la Convention approuve
les mesures prises par les quatre comités pour assurer la tranquillité
et affermir la liberté publique . "
que
Le rapporteur a été souvent interrompu par les plus vifs
applaudissemens , et quoiqu'un seul membre , Chalez , ait récla
mé l'appel nominal , l'arrêté des comités est approuvé à la
presqu'unanimité . Le séance se leve au milieu des bravo , et des
cris mille fois répétés de vive la République de vive la Convention
!
Séance de tridi , 23 Brumaire.
Carrier écrit à l'Assemblée pour lui demander la faculté
d'avoir un secrétaire , et de recevoir les visites de ses amis.
La Convention la lui accorde , sous condition de la présence
de quatre gendarmes.
Baraillon annonce , sans la lire , une adresse dans laquelle ,
A a a
( 372 )
1
1
on dénonce des prêtres qui disent des messes pour les ames du
purgatoire , et se les font payer . Il en demande le renvoie a u
comité de sûreté générale. Cela n'est pas étonnant , s'ecrie
Duhem, on a mis en liberté tous les prêtres réfractaires .
Châteauneuf-Raudon dit que cette assertion de Duhem est
en contradiction avec celle qu'il va faire , c'est que depuis
quinze jours il sollicite , auprès du comité de sûreté générale ,
sans pouvoir l'obtenir , l'élargissement d'un prêtre qui a nonseulement
prêté serment , mais qui a rendu de grands services
à la révolution .
Durand -Maillane demande qu'il soit décrété qu'il est enjoint
au comité de sûreté générale de s'occuper du sort des prêtres ,
et de distinguer sar-tout les prêtres constitutionnels , et qui ont
rendu des services à la patrie , d'avec les prêtres réfractaires.
Décrété .
Un artiste fait hommage à la Convention du buste de Sauveur
, président du district de la Roche - Bernard , assassiné par
les brigands de la Vendée , pour n'avoir pas voulu crier vive le
roi. Mention honorable , insertion au bulletin .
Bourdon ( de l'Oise ) : Il est fâcheux , pour un député , d'être
obligé d'entretenir la Convention de lui-même ; mais comme
on m'accuse d'avoir fait le métier de fripier à Versailles , et d'en
avoir rapporté quatre voitures de meubles ; je déclare que je n'ai
Jamais été fripier , et que je n'ai pas quatre voitures de meubles.
Ou rit beaucoup ; et quelqu'un s'écrie que ce n'est qu'une
erreur de nom .
Sur le rapport du comité de commerce , la Convention suspend
le droit de perception sur les laines , fil , coton , poil dechevre
, etc.
Séance de quartidi , 24 Brumaire .
Après la lecture d'une foule d'adresses qui contiennent des
protestations d'attachement et de fidélité à la République et à
la Convention , et de nouveaux sermens de détruire tout ce
qui pourrait rivaliser avec elle , et usurper sa puissance ,
Clausel observe que l'Assemblée , ivre de la joie que les victoires
de la République avaient répandue dans tous les coeurs ,
leva son avant derniere séance sans ordonner l'impression du
rapport de Laiguelo :; il en demande l'insertion au Bulletin et
l'envoi à toutes les sociétés populaires ,
Levasseur de la Sarthe ) et Gaston prétendent que ce rapport
a été improvisé , que même il n'a pas été approuvé par
les quatre comités ; il s'oppose à l'impression et à l'envoi ,
et demande que les comités présentent une nouvelle rédaction
du rapport.
3
Clausel répond qu'il est si peu vrai que les quatre comités
n'aient pas adopté ce qu'a dit Laignelot , que celui- ci n'a rapporté
qu'une très - petite partie de la discussion qui avait cu
lieu. Il ajoute que la presqu'unanimité de la Convention avait
i 373 )
14
adopté ce rapport , et qu'on ne peut s'opposer à son impression
. La Gonvention la décrete , ainsi que l'envoi aux autorités
constituées et aux sociétés populaires . Gaston et Taillefer réclament.
Legendre qui préside dit : « Le décret est rendu, on
ne m'intimidera pas par des vociférations . 19
Dubois Dubai rend compte de la situation de l'esprit public
à Caen. L'égarement de ses habitans , après le 31 mai , n'a été
que le résultat de leur ardent patriotisme , inquiet sur le sort
de la représentaion nationale . Ils prirent les armes , dès qu'on
Leur ent persuadé qu'elle n'était pas libre ; ils les mirent bas
sans efforis dès qu'on les eut convaincus du contraire . Ils demandent
le rapport du décret par lequel il était ordonné qu'il
serait élevé une colonne sur les ruines du château de Caen
inju: ieuse aux intentions pures qui n'ont cessé de diriger les
citoyens de cette commune , et en général ceux du département
du Calvados . La Convention décrete le renvoi au comité de
salut public pour en être fait un prompt rapport.
Cadroy obtient la parole pour une motion d'ordre . Il présente
quelques réflexions générales , et un projet de décret
sur l'organisation et la police des sociétés populaires , et sur
plusieurs auttes objets de travail des comités . La Convention
en ordonne d'impression et l'ajournement
"
Audouin prend la parole , pour la premiere fois , et propose
aussi une motion d'ordre . Dans un discours qui ne manque
pas d'énergie , mais qui y'offre que des généralités , il fait sentir ,
soit pour l'intérêt de la République , soit pour celui des ar
mees la nécessité de s'occuper promptement des lois qui
doivent être et la conséquence et l'affermissement de la constitution
, I demande que la Convention invite chacau de ses
membres à lui, présenter des plans propres à remplir cet objet.
L'Assemblée ordonne l'impression et le renvoi de ce discours
aux comites de salut public et de législation.don .
Troisieme motion d'ordre , celle de Barrere : après avoir
jetté nn coup d'ail sur la révolution du g thermidor qui a
abaitu le tyran et la tyrannie , rappellé, le regne de la justice
et de l'égalité qui lui succede , fait sentir les dangers de l'esprit
de parti , il craint les aristocrates : vindicatifs qui voudraient
abuser d'une majorité législative ; il craint le pani de l'étranges
dont il ne cessera jamais d accuser les complots que lorsqu'ils
seront détruits , qui doit faire ses derniers efforts pour égarer
les citoyens , pour assoupir le peuple , pour intercepter ou
corrompre les mieres , denaturer ses volontés , surhausser
le prix des matieres de première nécessité , faire perdre à l'onvrier
, aupres des boutiquas , un tems précieux . Il prétend qu'il
existe un comité secret de l'étranger , et que deja on a erié : A
bas la République !
Il craint certains politiques qui veulent selon lui la prééminence
de la constitution anglaise et les bienfaits de la constiution
americaine. Il craint une politique perfide qui est
A a 3
( 374 )
鑫
"
basée , dit-on , 10. sur le danger que les rois de l'Europe
entrevoient en laissant dans le continent européen une
démocratie puissante , une République bien organisée et
une égalité constitutionnelle ; 20. sur l'intérêt des anciennes
castes privilégiées et des ambitieux de tous les partis , qui
trouveraient dans une constitution modifiée un sénat ou
une chambre de représentans . Il craint que les intrigans qui
rodent autour de la Convention ne s'emparent des victoires
innombrables des douze armées , ne mettent à profit , contre le
peuple , les succès des sans - culottes , et ne donnent quelque
triomphe à l'aristocratie au prix du sang de tant de milliers
de Répulicains qui ont péri sur les frontieres et dans les
pay's ennemis pour assurer la liberté française. I craint une
paix humiliante , une transaction avec les préjugés ; mais cette
paix ne saurait être faite en altérant une seule ligne de la
constitution républicaine , palladium de nos libertés et caution
des droits de l'homme..... Il conclut à ce que la Convention
charge quelques membres du comité de législation , ou une
commistion de cinq membres , de préparer d'avance les lois
organiques de la constitution acceptée par le peuple français
le 10 août 1793 .
Pelet s'étonne des changemens bien extraordinaires qui se
sont opérés dans une partie des membres de l'Assemblée .
Ceux qui étaient les plus opposés au gouvernement constitu
tiounel " ceux qui faisaient un crime à leurs collegues d'oser
-parler de constitution , sont ceux aujourd'hui qui se préci
pitent dans l'arême et la demandent à grands cris . Je vois ,
-dit -il , dans cette propositions, un piége infiniment adroit pour
décourager nos freres d'armes et encourager nos ennemis ; car
. Pitt connaît la situation de l'Europe , il sera éternellement l'ennemi
du nom Français ; et il sait que tous les peuples , fatigués
de la guerre et admirateurs du conrage des Français .
pensent à leur demander la paix . Il entre dans la politique du
gonvernement britannique de mettre tout en oeuvre pour empêcher
que cette paix soit conelucor je vous le demande ,
quel moyen plus adroit peut-il employer, pour y parveni ,
que celui de diviser la Convention ? Quel moyen plus adroit
peut-il employer que celui de vous porter à vous occuper des
lois organiques de la constitution , tandis que toutes vos réflexions
doivent se porter sur les mesures à prendre pour écraser
vos ennemis ? Comment estil possible qu'en faisant des lois ,
nous puissions pourvoir aux besoins des armées , et diriger ta
guerre, avec vigneur ?
Lorsque vous eûtes la sublime idée de déclarer que la France
formerait une République , vous ne doutiez pas qu'il y eût
dans votre sein des hommes qui , en prêchant l'intérêt du
-peuple , n'avaient en vue que leur intérêt particulier ; des
hommes qui ont certainement des continuateurs ; mais leurs
continuateurs pe seront pas plus heureux qu'eux -mêmes.
( 375 )
4
Vous avez , depuis le g thermidor , pris une marche sublimeg
vous avez fait disparaître la terreur à laquelle quelques - uns de
Vos membres applaudissaient , à laquelle ils attribuaient le
bonheur de la France ; cependant , depuis cette journée , sans
échafaud , sans tuerie , nos freres d'armes ne cessent pas un instant
de battre nos ennemis .
On dit qu'il y a à Paris des Chouans , des agens de Pitt , des
aristocrates. Je le crois aussi qu'il y en a ; mais si je les connais
sais , je ne viendrais pas le dire à cette tribune ; j'irais les dénoncer
au comité de sûreté générale , afin qu'ils ne pussent
échapper.
Pelet ajoute qu'il doit , à l'acquit de sa conscience , dire à
la Convention qu'après avoir détruit le systême de terreur
qui bientôt aurait amené l'esclavage , il faut encore prendre
garde que les partisans de ce systême abominable ne nous
jettent dans l'excès contraire , car les partisans de Robespierre
ne veulent que le désordre et l'anarchie , et quand ils ne peuvent
pas dominer dans une faction , ils se rejettent dans une autre. La
majorité des hommes qui ont voulu mener la Convention a été
mise à sa place ; ils ont péri sur l'échafaud ; il reste encore
quelques - uns de leurs partisans , il faut les laisser dans la
boue où ils se sont enfoncés . 7 8
Tallien ajoute des observations importantes à celles de
Pelet , il remarque dans le discours de Barrere le dessein
d'accréditer les bruits que répandent les aristocrates pour faire
croire que c'est encore une nouvelle faction qui a proposé les
décrets salutaires rendus depuis le 9 thermidor. C'est à son
avis uue seconde édition du rapport du dernier comité de
salut public ; il prouve que cette révolution est toate entiere
l'ouvrage du peuple . C'est lui qui depuis ce tems n'a cessé de
faire retentir cette enceinte des cris de vive la Convention ! Aujourd'hui
que les armées françaises sont par tout victorieuses , on
voudrait faire croire aux départemens qu'une faction nouvelle
vient de s'emparer des rênes du gouvernement , et préparer
uue paix honteuse pour la République ! ah sans doute !
cette faction est redoutable ; c'est celle de 25 millions de
Français contre les fripons et les scélérats. Cette faction veut
· le regne de la loi égale pour tous , et ne souffrira pas plus le
rétablissement de la terreur que l'établissement du modéran-
› tisme à la maniere des aristocrates . Cette faction sait qu'il
n'est pas nécessaire d'élever un grand nombre de bastilles
pour gouverner ; il suffit de bennes lois , et ce qui est le
fondement de toute législation , des moeurs , de la justice et de
la probité
*
:
Si je voulais , continue-t- il , faire un rapprochement du
discours qui vous a été présenté , avec ce que disaient d'autres
conspirateurs , je vous rappellerais qu'Hebert fut aussi , dans
d'autres tems , demander aux Cordeliers l'établissement de la
constitution. Je dirais qu'on s'éleve contre les comités du
A a 4
( 376 )
gouvernement , parce qu'ils font et feront toujours le bien, parce
qu'on n'est plus membre de ces comites . Mais je ferais aussi
une invitation à ces mêmes hommes je leur dirais : enfermezvousdans
vos cabinets , méditez -y sur vos crimes , et venez ensuite
á cette tribune apporter le tribut de vos remords . Si les idées
que vous présenterez tendent au bonheur du peuple , nous
nous empresserons de les adopter sans examiner la source d'où
-elles découlent....... C'est en ce moment sur-toat que vous
êtes vraiment grands aux yeux de l'Europe Depais long-tems
des hommes qui aiment sincerement la République , aspiraient
à un nouvel ordre de choses ; ce nouvel o dre de choses est
arrive le 9 thermidor ; la justice reprenant son empire , et
étendant ses rameaux sur toute la Republique , a rallié tous
les Français . Que le gouvernement prenne des mesures sages
pour faire une paix honorable avec quelques uns de nos
cnnemis ; et à l'aide des va sseaux hoilandais ct espagnols ,
portons- nous ensuite avec vigueur sur les bords de la Tamise
et detruisons la nouvelle Carthage .
Tallien demaede l'ordre du jour sur les propositions faites
par Audouin et Barrere .
Bartere demande la parole ; plusieurs membres veulent que
la séance soit levée . Après quelques debats pour savoir si la
diseassion continuera , Richard demande qu'on ne s'occupe
pas de disputes particulieres . Sans doute , il est nécessaire
que la Convention connaisse les fiipons ; mais ce n'est pas
ainsi qu'il faut les démasquer ; car on aurait deux cents discussions
de cette nature . L'Assemblée a de trop grands travanx
à faire pour se livrer à des débats particuliers ; il insiste
pour l'ordre du jour , en l'ordre du jour est adopté.
Séance de quintidi , 25 Brumaire.
Organe du comité de sûreté générale , Armand donne connaissance
d'un rapport fait par la commission de police sur ce
qui s'est passé dans la société populaire des Quiuze -Vingts ,
fauxbourg Antoine . Ce rapport est ainsi conçu :
Le 24 brumaire , après la lecture dn procès -verbal , Tronville ,
commandant en second de la force armée , y douna lecture
d'un libells , dans lequel la Convention est trainée dans la
bone. Ce n'etait là qu'un prélude à une nuée de gens inconnus
se disant membres des jacobins et du club électoral se sont
présentés dans la salle , en disant : Braves citoyens du fauxbourg
Antoine , vous qui êtes les seuls soutiens du peuple ,
vous voyez les malheureux jacobins persécutés ; nous vous
demandons à être reçus dans votre société . Nons nous sommes
dirt Allens au fauxbourg Antoine , nons y seront inattaquables :
réunis , nous porterons des coups plus sûrs , pour garantir le
peuple et la Convention de l'esclavage. La société a arrêté
que tous ceux qui se présenteraient , seraient admis sans autre
examen. Fiers d'être regus , ils se sont permis les propos les
( 377 )
•
"
plus atroces contre la Convention et le gouvernerment , ont
provoqué l'insurrection , en lisant plusieurs fois avec emphase
cet article de la déclaration des droits de l'homme : Quand
le gouvernement viole les droits du peuple , l'insurrection est
pour le peuple , et pour chaque portion du peuple , le plus
sacré des droits et le plus indispensable des devoirs . "
•
Les esprits étaient dans la plus grande fermentation ,
lorsque le président Tronville lut une lettre du nommé Edony
détenu au Luxembourg , dans laquelle il appellait les hommes
de sang les seuls vrais patriotes . Après mille vociferations ,
voyant qu'ils ne pouvaient parvenir à leurs fins , les nouveaux
venus proposerent une adresse pour la séance prochaine qui
fut indiquée au sextidi ; adresse qui contiendrait le récit de ce
qui s'etait passé dans cette séance , et ils promirent d'amener
une grande quantité de freres .
" Les membres de la société n'ont rien dit ; ce sont ceux
qui étaient venus des autres sections qui ont tout fait . Blay
du comité révolutionnaire de la section des Quinze - Vingis ,
parla avec la plus grande circonspection . Les femmes tenaient
plus de la moitié de la salle , et l'on promit une forte recrue
pour sextidi . ,,
Armand ajoute que ce n'est pas pour prémunir l'opinion
publique contre les menées des agitateurs que le comité donne
connaissance de ces faits ; l'opinion publique saura toujours
distinguer les fripons des honnêtes citoyens ; mais c'est pour .
apprendre à tous les intrigans que le gouvernement est à leur
suite , que nous vivons , que nous dormons avec eux , si toutefois
le crime peut dormir. Nous savons quels sont ceux qui
se proposent d'acheter 20,000 bonnets rouges . Nous savons
aussi quels sont ceux qui courent chez tous les marchands
pour acheter une grande quantité de pistolets , n'importe à quel
prix et quelles conditions . Les comités ne cessent de veiller
et de mériter votre confiance ; et je vous annonce que Tronville
et Tissot , deux des chefs de ce mouvement doivent être
arrêtés dans cet instant.
Tallien assure qu'on cherche envain à égarer les bons citoyens
du fauxbourg Antoine . Ils ont répondu à ces hommes
nouveaux : Ce n'est pas avec vous que nous avons renversé la
Bastille et que nous avons fait le 10 août : il prend de- là occasion
pour appeller l'attention de l'Assemblée sur la disette factice
des objets de premiere nécessité , sur-tout du bois et du charbon;
il répete qu'il y a eu dans l'administration des subsistances
de Paris la plus grande malveillance . Il invite les comités à
surveiller cette partie si essentielle . Occupez - vous du peuple
, dit-il , et ne croyez pas que quelques hommes parviendront
à l'égarer ; le peuple qui vit dans les atteliers , dans
les manufactures , chérit la Conevation , et c'est là le vrai
peuple celui qui travaille , et non pas ces misérables qui vivent
à ne rien faire , si ce n'est du mal . Les bonnes citoyennes
( 378 )
t
sont ces femmes respectables qui restent chez elles à soigner
leur ménage , élever leurs enfans , et non pas , comme l'a
dit un de nos collegues , ces furies de guillotines qu'on voyait
toujours dans les tribunes des jacobins ; ne sachant rien , ne
connaissant rien , applaudissant à tort et à travers à tout ce
qui est bon et mauvais , pourvu que cela sortît de la bouche
qu'on leur avait désignée .
Rewbell donne , au nom du comité de sûreté générale , des
éclaircissemens sur l'état des magasins des Quatre-Nations et
de Saint- Sulpice ; il s'y est transporté avec Goupilleau , son
collegue , et ils n'y ont trouvé aucunes marchandises gâtées .
Cambacerès assure que le comité de salut public s'occupe
continuellement de la partie essentielle des subsistances . Il a
éte pris des mesures pour réparer les erreurs qui avaient pu
être faites , et donner à cette partie toute l'activité dont elle a
besoin ; mais il faut que la Convenion et les bons eitoyens
réchauffent le zele des comités , en rendant justice à leur civisme
et à leur bonne volonté . La Convention passe à l'ordre
du jour.
Čet ordre appellait la lecture des adresses et l'audition
des pétitionnaires . Le général de brigade d'Expinoy vient ,
au nom de ses freres d'arme et du général Dugommier , demander
pour le brave Labarre les honneurs que la patrie
reconnaissante décerne aux services signalés de ses défenseurs
morts en combattant pour elle . Il présente le tableau des services
et des faits glorieux de ee général. Insertion au bulletin
et renvoi de la demaude au comité d'instruction publique.
Santhonax , ci devant commissaire civil à Saint Domingue ,
présente une série de faits contre les planteurs de cette colonie
, et demande que la Convention suspende son opinion
jusqu'après le rapport de la commission . Un instant après ,
les fondés de pouvoirs des colons de Saint- Domingue , réfugiés
dans les Etats -Unis , viennent accuser à leur tour Polxerel
et Santhonax , Ces pétitious contradictoires sont renvoyées
à la commission chargée de cette affaire .
Lakanal annonce qu'il existe une version des écrits du célebre
philosophe Bacon , dans les papiers d'un des conspisateurs
que la justice a frappé ; elle est attribuée à un littérateur
distingue , et pourrait être extrêmement utile pour les
écoles normales . Le comité d'instruction a chargé Lakanalet
Deleyre , son collegue , d'examiner cette traduction , et de
présenter sans délai le résultat de son travail. Il demande que
le comité d'instruction soit autorisé à faire imprimer cet ou
vrage aux frais du gouvernement , si les commissaires ne le
jugent pas indigne du philosophe anglais . La proposition de
Lakanal est adoptée .
Séance de sextidi , 26 Brumaire.
Le citoyen Delormel fait hommage à la Convention natio
( 379 )
<
nale d'un ouvrage qui a pour titre Projet de langue universelle.
Cette langue , dit-il , par la simplicité de ses moyens et
la facilite de ses combinaisons , aurait le double avantage de
classer dans la mémoire les objets des sciences , et de devenir
promptement universelle comme l'art du calcul .
Sur la proposition de Baraillon , l'Assemblée renvoie le
projet et la petition à son comité d'instruction pour lui en
faire son rapport .
Le comité d'agriculture et des arts présente le citoven Lhéj
ritier pour remplir les fonctions de commissaire dans cette
partie de l'administration , à la place de celui qui vient de
décéder. La Convention approuve cette nomination .
Lakanal soumet à la discussion le projet d'organisation des
écoles primaires ; après quelques débats , il est adopté .
( Nous le donnerons au numéro prochain . )
Sur le rapport de Paganel , au nom du comité des secours ,
la Convention accorde un secours provisoire de 665 liv . à la
veuve du citoyen Philippeau , représentant du peuple.
PARIS. Nonidi , 29 Brumaire , l'an 3e . de la République .
On a pu s'étonner sans doute de voir éclorre à la fois tant
de motions d'ordre sur les lois organiques qui doivent découler
de la constitution , et avancer sur-tout qu'il me fallait pas
en altérer une seule ligne . Ne serait- ce point une nouvelle pomme
de discorde jettée d'avance pour diviser la représentation , et
inquiéter l'opinion publique . Tout le monde sait dans quelles
circonstances et avec quelle précipitation la constitution de
1793 fut rédigée et présentce à l'acceptation du peuple. La
nation ne peut avoir d'autre intérêt que celui d'établir un gouvernement
démocratique et représentatif qui puisse en garantir
la durée et défendre la liberté publique contre tous les dangers
qu'il est de la sagesse des législateurs de prévoir , car ane
constitution ne doit jamais être ni une affaire de circonstances ,
ni un objet de passions ou de préjugés ; ce doit être le gage
aussi immuable qu'il est possible de la felicité d'un grand
peuple .
S'il arrivait qu'elle n'eût pas atteint dans son ensemble on
dans ses parties le degré de perfection que nous devons tous
desirer , serait- ce donc un sentiment condamnable , que de
chercher à réparer les omissions ou les erreurs qui s'y seraient
glissées ? Pourquoi done cet empressement à s'interdire jusqu'à
T'espoir d'améliorer un édifice si import? Quand les esprits
se ressentent encore de l'ébranlement des passions et de la
fureur des partis , quand la paix , très prebaole sans doute ,
n'est point encore faite avec nos ennemis , quandd l'ordre r'est
-point encore affermi dans l'intérieur , et que la disposition à
( 380 )
l'obéissance aux lois ( sans laquelle il ne peut y avoir de gouvernement
durable ) se trouve encore altérée par une longue
succession d'inquiétudes et d'anarchie , était- ce bien le moment
de s'occuper du passage de l'état révolutionnaire où nous
sommes à l'état fixe et permanent sous lequel nous devons
vivre ? Qui de nous voudrait prolonger l'ordre précaire où
nous existons ? mais qui de nous aussi ne doit pas ambitionner
d'affermir la liberté sur des bases inébranlables ?
si l'on
La tranquillité publique n'a point été tromblée par la dissolution
desjacobins ; il y avait long tems que cette societé célebre
ne s'occupait plus que de dénonciations et de passions individuelles
qui avaient remplacé ces grandes discussions d'intérêt
publie qui caractérisent des hommes libres qui veulent le bien
de leur pays. L'on se ferait une idée bien fausse
croyait que la mesure qu'a cru devoir prendre la Convention
soit une atteinte portée à l'existence des sociétés populaires .
Dans une république , tous les citoyens ont droit de s'entrete
nir de la chose de tous , et malheur au peuple libre qui serait
assez insouciant sur les affaires publiques pour garder sur elles
ce silence morne , triste avant - coureur de la servitude ; mais ce
droit précieux et inalienable ne saurait être un privilége exclusif
, ni le pouvoir de créer des corporations séparées du reste
des citoyens , et moins encore des autorités rivales des autorités
constituées . Les sociétés populaires doivent être dans chaque
commune leforum où le peuple peut s'assembler pour causer des
intérêts politiques qui le touchent de si près . Tout individu
qui jouit des droits de citoyen peut y venir offrir le tribut de
ses lumieres et de son amour pour la patrie ; c'est lorsque ces
sociétés seront vraiment populaires , qu'elles auront un grand
caractere d'utilité politique et morale , et qu'elles pourront
influer sur l'epinion publique , comme elles en recevront la
réaction , car l'opinion libre comme la pensée n'existe point
dans telle ou telle corporation partielle et privilégiée ; elle se
compose du sentiment individuel , et ne devient un tribunal
redoutable que lorsque ses jugemens éclairés par une instruction
illimitée , lui appartiennent tout entiers .
Depuis que les scellés avaient été mis sur les papiers de la
société connue sous le nom de Club électoral , elle avait interrompu
ses séances ; elle vient de les reprendre dans une des
salles du Muséum ; plusieurs membres de la société des jacobins
s'y sont réunis . Mais cette société n'offre point le caractere
que nous venons d'indiquer ; c'est encore une association privilégiée
, où nul ne peut être admis sans faire preuve des opinions
dont la société indique la mesure , et cette mesure pe
paraît pas être celle de l'opinion publique ; il y a plus de fermentation
que de discussion : c'est plutôt un rassemblement
( 381 )
de gens de parti qu'ane assemblée dirigée par les senles vies
de s'instruire , et ce que l'on y remarque le plus , non sans
quelqu'étonnement , est une quantité prodigieuse de femmes
à qui , pour le plus grand nombre , les moindres idées poli
tiques sont étrangeres , et que Rousseau aurait trouvées bien
mieux placées au sein de leur famille ou dans un attelier laborieux.
Toutes ces aggregations ne sont qu'une suite des circonstances
et des passions du moment ; l'opinion publique les
surveille , et si elles devenaient dangereuses à , la tranquillité et
à l'amour des lois , il est à présumer qu'elles cesseraient bientôt
d'exister.
L'opinion publique et celle de la majorité de la Convention
a toujours distingué , au milieu des reproches que des
écrits polémiques adressent aujoud'hui à l'ancien comité de
salut public , plusieurs membres qui jouissent de l'estime et de
la confiance de leurs collegues . De ce nombre est Carnot qui
vient d'être réélu membre du nouveau comité de salut public ,
où ses talens militaires l'ont appellé de nouveau ; on lui attribue
le plan de campagne qui a rendu par-tout nos armées
victorieuses. Les étrangers même ne peuvent s'empêcher de
lui rendre cette justice , et voici de quelle maniere le rédacteur
d'une feuille anglaise très - connue s'exprime sur son compte.
Article traduit du Morning- Chronicle du 24 octobre ( 3 brumaire).
Après avoir rendu compte du rapport de Carnot sur la
reprise de Valenciennes , de Coudé , etc. le Morning- Chronicle
ajoute :
4
A
Carnot qui parle ainsi de Robespierre n'a jamais en rien
de commun avec les factions intestines qui ont inondé sa patrie
d'on torrent de sang ; il a donné toute son attention et appli
que ses talens aux moyens de repousser les ennemis de l'exterieur
et d'éteindre la guerre civile : il jouit de la confiance
et de l'estime dans toutes les parties , et on ne l'a jamais attaqué
comme partisan ou agent de Robespierre . C'est à lui
comme au premier directeur des operations militaires , que les
Français sont redevables de toutes leurs victoires ; Merlin ( de
Thionville ) a dit de lui , et ses collegues ont tacitement avoué ,
que toutes les fois que ses plans out été suivis , les Republicains
étaient vainqueurs ; et que lorsqu'on s'en écartait , on
était toujours battu .
Nous avons rapporté dans notre précédent numéro la loi sur
les écoles normales . Le département de Paris s'est empressé de
faire la proclamation suivante , dont la publicité importe à tous
ceux qui sont dans le cas d'en profiter .
Le département , délibérant sur l'exécution de la loi
( 382 )
do 9 brumaire
, relative à l'établissement
des écoles normales ;
Convaincu
que le succès de cet établissement
, dont les
résultats
heureux
doivent répandre
dans toute la République
les principes
de morale et d'instruction
, si nécessaires
au
maintien
de la liberté et à la restauration
des moeurs , dépend
en grande partie du bon choix des éleves qui vont être dêsignés
;
L'agent national entendu dans son requisitoire , arrête :
1º . Il sera ouvert au secrétariat du département , un
registre pour y recevoir les noms et demeures des candidats
qui se présenteront.
•
99 2º . Les candidats déposeront , en venant se faire inserire ,
leurs actes de naissance et les certificats attestant leur bonue
conduite et leur patriotisme.
6. 3 ° . Ils y joindront un mémoire ou déclaration signée
d'eux , des fonctions qu'ils ont exercées , des travaux auxquels
ils se sont livrés , du genre de connaissances qu'ils ont acquis .
" 4° . Ce registre sera clos le 15 frimaire prochain .
50. Les candidats inscrits seront convoqués à des jours
fixes , à dater du 15 fiimaire , pour être examinés , afin de
juger ceux qui réuniront les qualités morales et politiques ,
et les dispositions nécessaires pour être admis au nombre des
éleves . Cet examen se fera par deux administrateurs et quatre
eitoyens nommés par le département.
,, 6° . Le nombre des éleves sera déterminé par le départe
ment , d'après les tableaux de population qui seront mis sous
ses yeux .
7 ° . Le présent arrêté sera imprimé avec la loi du 9 bru
maire , relative à l'établissement des écoles normales , affiché
et envoyé aux 48 sections , pour être lu à la prochaine assemblée
décadaire .
Signés , HOUZEAU , président ; DUPIN , secrétaire - général.
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DE SAMBRE ET MLUSE.
De Nimegue , du 18 brumaire .
Nous vous annonçons , citoyens collegues , la prise de
Nimegue. Nous n'avons pas besoin de vous en démontrer l'importance
. Nous y avons pris trois bataillons , formant à-penprès
1900 hommes , So bouches à feu , presque toutes en
bronze . Nous n'avons pas encore les détails des poudres , munitions
et autres objets , ni des vivres qui peuvent s'y trouver ;
les officiers de chaque arme procédent en ce moment à l'inventaire
des objets qui les concernent.
( 383 )
" La reddition de cette place paraît due aux dispositions
savantes qui ont été faites par le général Moreau , et à la prise
du fort de Schenck ; tous les moyens ayant éte rassemblés pour
faire au-
-dessous de ce fort un passage sur le Vaalh , les ennemis
se sont cru tournés , et n'ont pas voulu tenter le sort d'une
bataille .
Les Anglais ont donné une marque de leur loyauté ordi
naire . Ils ont fait les premiers la retraite ; et quand ils ont eu
passé le Vaalh , ils ont tiré sur les Hollandais et détruit entierement
le pont de sorte que ceux - ci ont été obligés de se
rendre prisonniers . Ils ont , ce matin , déposé les armes sur
les glacis de la ville , et yout en Frauce prisonniers de
guerre .
" Voilà donc le fameux duc d'Yorck qui fuit au loin devant
les Français qu'il méprisait taut , et qui paraît avoir autant de
loyauté vis - à - vis les alliés de sa nation , que de bravoure vis -àvis
de ses ennemis .
Les François ont montré leur intrépidité ordinaire . Une
sortie de 5000 hommes ennemis a été repoussée par les simples
gardes de la tranchée , et par un bataillon que commandait le
général de brigade Jardon . Nos troupes out fondu avec une
telle impétuosité sur l'ennemi , que 400 sont restés sur la
place , la sortie entiere a été repoussee jusqu'au chemin couvert
; et nous n'avons eu dans notre retraite que bo hom.nes
tant tués que blessés par le canon de la place .
,, Les canonniers ont tiré avec leur adresse ordinaire.
Deux batteries , composées de six pieces en tout , ont rompu
deux fois le pont de bateaux . du Vaalh , malgre le feu croisé
des batteries ennemies , qui étaieut composées de plus de
40 pieces de canon , "
Salut et fraternité .
Signés , LACOMBE ( du Tarn ) , BELLEGARDE , représentans du
Penple François .
Au quartier général de Mastricht , le 18 brumaire .
Je vous envoie , chers collegues , par un aide- de-camp
du général Klebert , 36 drapeaux hollandais et autrichiens ,
31 appartenant à la garnison de Mastricht , 4 ont été pris a la
bataille de l'Ourt , et un à Mons , avec des pieces de canon
de 17 , par la cent vingt - troisieme deni -brigade d'infanterie
et la trente deuxieme division de gendarmerie , le 14 messidor
dernier. Il en reste un trente - septieme qui fait la partie de ceux
pris à la bataille de l'Onrt , que je vous enverrai lorsque le
chef de l'état- major de l'armée me l'aura remis .
,, Nous avons trouvé à Mastricht , 1 ° . 332 bouches à feu ,
( ' 384 )
parmi lesquelles il y en a 302 de bronze , presque tontes de
gros calibre. Cette formidable artillerie ne provient pas toute
de la place ; les Autrichiens avaient fait de Mastricht leur place
d'armes , et il y avaient laissé le reste de leur artillerie de
siége . Voilà pourquoi nous n'avons pu , à notre grand étonnement
, mettre la main dessus en les poursuivant de la Meuse
au Rhin ; 2º . 380 milliers de poudre , non compris ce qui est
employé à l'arsenal et dans les mines ; 3 ° . 14 mille fusils ,
outre ceux de la garnison .
" La fameuse tête de crocodile est trouvée ; c'est dans son
genre l'an des plus beaux morceaux d'histoire naturelle qu'il
existe. "
Salut et fraternité .
Signé , GILLET , représentant du peuple ..
P. S. On avait répandu le bruit que Goupilleau ( de Fontenai
) et Projeau avaient été assasinés à Villejuif près Paris
en allant en mission . Le comité de sûreté générale a démenti
ce bruit. C'est un citoyen de Lyon qui a été attaqué par des
voleurs qui l'ont devalisé après l'avoir grievement blessé et tué
le postillon . Des mesures ont été prises pour s'assurer des brigands.
Dans la séance du 28 , Richard a annoncé qu'une division de
l'armée du Nord.s'est emparée du poste important de Burich
près Vezel , après avoir tué ou fait prisonniers 150 hommes.
L'armée des Pyrénées orientales s'est emparée de Castella ,
défendu par sept retranchemens placés en amphithéâtre.
La discussion sur Carrier s'ouvre prime li .
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
RS travaux de la Convention nationale acquérarie
de jour en jour un nouveau degré d'intérêt par l'importance
des objets dont elle s'occupe les événemens
Aeureux qui se succedent avec rapidité , & qui sont dus
au gouvernement révolutionnaire , une campagne , l'une
des plus memorables dont les fastes d'un peuple libre
aiem jamais fourni l'exemple ; toutes ces considérations
nous ont déterminés à rendre plus frequente la distribution
de ce Journal.
Ainsi , à compter du mois de Prairial , le Mercure
paratra regulierement tous les cinq jours , savoir les
quintili er decadi , et sera composé de deux feuilles au
moins , souvent de deuxfeuilles et demie , suivant l'av
bondance des matieres.
Par ce nouveau plan , les séances de la Convention
seront plus rapprochées ; les nouvelles étrangeres , celles
des armées et de l'intérieur seront presqu'à jour , du
moyen des post-scriptum qui seront livrés , dès la veille ,
à l'impression. Par- là , nous serons pour ainsi dire au
niveau des feuilles du jour dans la plus grande parti
des départemens où le service des postes n'eft pas jour
nalier , et nous conserverons l'avantage de réunir dans
un plus grand ensemble les faits , les événemens et les
pieces officielles qui méritent de fixer l'attention.
Nous ne changerons rien d'ailleurs à l'ordonnance
ee Journal. Les mémes matieres de politique et de listérature
y seront traitées on continuera d'y rapporter
les séances de la Commune de Paris , de la Société des
Jacobins et les jagemens du Tribunal révolutionnaire.
En faisant connaître les rapports importans du Comité
de falut public , et ceux des autres Comités . nous propagerans
les grands principes de la morale publique qui
forment la base de notre gouvernement republicain .
Le prix de l'abonnement , qui a été jusqu'à présent
de 36 liv. franc de port pour les départemens et pour
Paris , sera désormais de 42 iv. La cherté excessive
du papier et les frais d'impression , plus que doublés ,
nécessitent de notre part , cette augmentation.
On s'adressera , pour souserine , ou fit. GUTH , rue
des Peisevins , n . 18.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères