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1794, 09, t. 11, n. 41-45 (1, 6, 11, 16, 21 septembre)
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10.00 Mo
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171
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LIBERTÉ, ÉGALITÉ.
( No. 41. )
Quintidi , 15 Fructidor ,
l'an deuxieme de la Republique.
( Lundi 2 Septembre 1794 , vieux ftyle.)
MERCURE
FRANÇAIS
,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTÉRAIRE
Le prix de l'Abonnement eft de 42 livres
franc de port,
CALENDRIER
REPUBLICAIN.
FRUCTIDOR.
Ere Républicaine .
2
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10 Décadi .
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J.
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4.97 32
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9797 52
4.97 59
32 4.97 66
du f.
4.97 73
La Lune de mois a 10 jours. Du 1 au 30
les jours décr.de som, le mat. & de so m. le foir.
Tems moyen
au Midi vrai
du
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Bayerische
Staatsbibliothak
München
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES,
Du Quintidi x's Fructidor , l'an deuxieme
de la République.
cr
( Lundi : Septembre 1794 , vieux style. )
Ε
LA
LOI
BIBLIOT
EnA
SE
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins
No. 18.
TABLE des matieres littéraires , depuis le 3 Juillet jusqu'au
27 Août 1794 , vieux style.
ÉPIERAMY PIGRAMME , Charade , Enigme , Logogriphe.
Discours sur le gouvernement , par A. Sidney ..
Aux Spartiates , traduit du grec , par Poinsinet .
Charade , Enigme et Logogriphe ..
Déclaration des Droits , en vaudeville
page
3.
4.
33.
34.
35 .
Féle à l'Etre Supreme .......
Poésie , Charade , Enigme , Logogriphe.....
65.
97 .
Dissertation sur l'ancienne constitution des Germains , etc .
Annonces diverses ......
99.
100.
Aux prêtres imposteurs , par Cerutti . .. 129.
Annonce ...
Gharade , Enigme , Logogriphe.
Heerfort et Claire ( roman ) .
....
..
Poésie , Charade , Enigme , Logogriphe ..
Essai sur les fèles nationales , par Boissi - d'Anglas , repré .
sentant du peuple .
Annonces de livres nouveaux .
Poésie , trad. du Tasse , par la citoyenne Gendry..
130 .
131 .
139.
169.
170.
177 .
201 .
Poésie , Charade , Enigme , Logogriphe .
Mémoire sur les subsistances ..
Annonces de livres et de gravures .
233 .
235.
236 .
Les Brunettes ( conte ) .
Charade , Exigme , Logogriphe .
La morale naturelle , etc. par Bruce .
Annonces de livres , etc....
265.
266.
267.
270.
Romance de J.J. Rousseau.. 297 .
Charade , Enigme , Logogriphe . • • ·
298.
Code de morale et de politique , etc.. £99 .
Annonces de gravures .
301. ..
Essai sur la topographie physique et médicale de Paris , etc.
Annonce de musique..
329 .
334.
Epigramme , Charade , Enigme , Logogripke .
36r.
L'enfance de J. J. Rousseau ( comédie ) ………….
363.
Annonces de livres , musique et gravure... 365 .
( No. 41. )
MERCURE FRANÇAIS
DO QUINTIDI , 15 FRUCTIDOR , l'an deuxieme de la Républiquea
( Lundi 1er. septembre 1794 , vieux style . )
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du Nº . 40 .
Le mot de la Charade est Mortaise ; celui de l'Enigme est Chapeau i
celui du Logogriphe est Secrétaire , où se trouvent art , rat , tare ,
satyre , satire monstre ) , Crête , Icare , Tir , jar , cire , ire , Atis , Sarre ,
terre et eau , Are , ruire , serre , se taire.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
L'Art militaire pour les troupes de ligne et nationales de la République
Française , conformément aux dernieres ordonnances , avec
les instructions nécessaires pour les officiers de tout grade de l'infanterie
, cavalerie , artillerie , et pour le tambour- major. Troisieme
édition , corrigée et augmentée de nouvelles manoeuvres
de campagne. In - 16 de 180 pages , avec beaucoup de figures et
de plans. Prix , a liv . pour Paris , et 2 liv . 10 sous , franç
~ffs de port , pour les départemens . A Paris , chez Dufart , imprimeur-
libraire , rue Honoré , maison d'Auvergne , uº .
L'an 2. de la République Française.
CE à
100.
E manuel peut être d'une grande utilité à tout militaire ,
soit qu'il doive commander , ou obéir . L'auteur examine d'a
bord le nouveau principe de tactique .
La tactique , ou l'art des évolutions militaires , a pour pre
mier objet de faire changer de front aux troupes , soit de
gauche à droite , soit de droite à gauche . Suivant le systême
actuel , ce changement a lieu par dos quarts de conversion ,
c'est- à-dire , des quarts de cercle en grand ou en détail ; mais
l'auteur observe que ce système tend à réprimer l'ardeur et
à enchaîner la force des soldats ; il propose , au contraire , un
systême qui permettra à chaque individu l'exercice de toutes
ses facultés. Jusqu'ici les maitres de tactique ont toujours
cherché un pivot ou un gond sur lequel ils faisaient leurs
évolutions . Ainsi , pour changer de frout à droite , le chef
de file de la premiere file à droite doit rester comme un gond ,
tandis que le bataillon parcourt autour de lui un quart de
conversion , comme une porte qui tourne sur son gond . Mais
sur un pivot ou un goud on ne peut faire que des évolutions
A 2
( 4 )
<
, par
en quart de conversion , c'est -à - dire en ligne circulaire . Done
il ne faut pas chercher un pivot , mais bien un point d'appui.
Je le trouve , dit l'auteur , dans le point extrême de l'aile sur
laquelle ou se propose de changer de front. Si je veux
exemple , changer de front à droite , je prendrai pour point
d'appui le dernier soldat en arriere . Au mot de commandement
de changer du front à droite , les troupes feront an demi
à droite excepté la premiere file et le chef de file de la seconde
fle à droite qui font une à droite ) , au commandement de
marcher , le chef de file à droite fera un pas à la droite , afin
de couvrir son arricie file qui reste immobile .
ľ
Voilà donc le quart de cercle détruit . Dans le même instant
tous se mettront en mouvement , et chacun marchant tous en
ligne droite remplira inévitablement la place qu'il doit occuper.
La même opération se fait de la même maniere à la gauche
et en arriere , à droite ou à gauche.
Ainsi , continue l'auteur , pous avons rempli toutes les conditions
itquises par cette nouvelle méthode qu'il appelle la
vraie science.
10. Les troupes marehent selon la marche naturelle de
T'homme , c'est-à- dire sur une ligne droite .
2º. Tout changement se fait sur un point fixe .
30. Chaque individu a sa route particuliere .
4º . On n'exige des soldats aucun calcul , car chaenn est
forcé d'occuper sa place , d'après une nécessité absolue...
5 °. Le mouvement se trouve réduit au moindre espace possible
, c'est - à - dire le changement de front est contenu dans le
quart de notre ligne. Il faut bien remarquer , ajoute - t -il , que
par ce principe les troupes pourront se retirer hardiment et
avec une rapidité égale à celle qui les porte en avant. L'enzemi
n'oserait les poursuivre , on s'il le faisait il n'échappe
rait qu'avec grande peine à quelque disgrace , car elles ne com
battront pas moins bien en retraite qu'en attaquant. Par exemple,
si étant en bataillon les soldats se trouvent forcés à se retirer
en arriere , ils se plient sur le point d'appui de changement
de front en arriere , et chaque file , chaque individu pivotant
sur ses talons à mesure qu'il arrive sur la ligue en arriere , se
trouve instamment en état de faire tête contre des enuemis
disposés dans la poursuite , soit pour faire feu sur eax ,
pour les attaquer avec la bayonnette ou la pique .
soit
Enfin , l'auteur soutient qu'à l'aide de ce principe les citoyens
apprendront bien vite à faire toutes les évolutions et à les faire
même mieux que les troupes les plus savament discipliuées de
l'Europe , c'est- à-dire qu'on fera toute évolution en moitié
moin de tems , et en doublant la force ; mais encore on peut
faire des évolutions qui ne peuvent pas s'exécuter par la tace
( 53
tique en usage ; tels , par exemple , font le coin , la tenaille , le
rhombe , etc. , qui sont des évolutions très - utiles , et qui par
conséquent pourraient accumuler de grandes forces sur un
front étroit
L'auteur parcourt dans son manuel tout ce qui concerne
la composition d'un régiment d'infanterie ; il donne les instructions
convenables pour le commandement , pour les exercices ,
pour l'armement ; il explique sa doctrine sur la maniere de
placer un bataillou en ordre de bataille , sur les manguvres
de rassemblement , sur la marche en colonne , sur les changemens
de direction , sur les évolutions , sur les honneurs à
rendre aux drapeaux ; eufin , sur l'enseignement nécessaire pour
apprendre à tirer avec justesse.
C'est avec le même soin qu'il détaille toutes les majoeuvres
de la cavalerie , la science et les exercices du cavalier . Il s'ate
tache aussi à développer toutes les parties de f'artillerie ; il
décrit les operations du mineur et les manoeuvres des artilleurs;
il n'omet rien de ce qu'il faut savoir relativement au
aux différentes pieces de campagne , et à la maniere de les
diriger et de les employer.
aux canons ,
Tout cela est écrit d'un style simple , clair et précis . La forme
du dialogue est mise en usage pour les explications qui demandent
à être détaillées , et beaucoup de planches gravées
servent à rendre plus sensibles les opérations expliquées dans
eet ouvrage .
ANNONCES.
Instruction publique.
Principes de la Grammaire Française , mis à la portée de la
jeunesse et de toutes les personnes qui desirent parler correctement
, et écrire , suivant les regles de l'ortographe , par
demandes et par réponses , 3e , édition ; par Chemin fils .
Lettres Républicaines , contenant les principes de l'éducation ,
du civisme , de la morale , de la civilité et de toutes les vertus
qui font les bons citoyens ; par le même."
Catéchisme des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen ,
suivi du catéchisme de la constitution , par demandes et pår
réponses ; par le même .
Chacun de ces petits ouvrages se vend to sols , et 12 sols
franc de port , chez l'auteur , rue Glasiguy , nº. 10 , eu la`
Cité , au bas du pont de la Raison.
A 3
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ALLEMAGNE,
De Hambourg , le 12 août 1794.
DEPUIS que les affaires s'engagent dans le Nord , les nonvelles
prennent un caractere d'incertitude qui tient à la différence
de voeux et d'intérêts . Suivant les unes , les Prussiens.
accélerent avec vivacité leurs dispositions contre les Polonais
depuis qu'ils ont reçu la grosse artillerie qu'ils attendoient.
Ils ont fait un mouvement en avant , et transporté leur quartier
général d'Opalin à Wolna , où ils ont établi des batteries
pour foudroyer les retranchemens de Kosciuszko .
L'impatience de Frédéric- Guillaume est telle qu'il a envoyé
à Pétersbourg le colonel Tauenien , pour presser la marche
des troupes russes , dont la lenteur a beaucoup nui aux opérations
des coalisés .
A en croire les autres , l'armée de Kosciuszko qui reçoit tous
les jours de nouveaux renforts , occupe , à l'abri de ses re
tranchemens , une position formidable sous Varsovie ; le gouvernement
provisoire redouble d'activité pour faire regner l'abondance
dans cette armée , tandis qu'une autre armee polo,
naise , divisée en plusieurs petits corps de deux à trois mille
hommes , continue à se répandre à la fois sur les frontieres
méridionales de la Prusse et sur celles du Nord . Déja les
Polonais se sont emparés des villes de Gombin , de Biala et
marchent sur celle de Suczim , et par- tout ils ont vidé les caisses
publiques , et ont mis les denrées et les bestiaux en requisition
.
:
On ajoute qu'il y a eu dernierement une affaire près de
Kollno où les troupes prussiennes , commandées par les généraux
Gocking et Gunther , ont dû beaucoup souffrir . ' Les
Prussiens avaient été trompés par de faux avis qui leur avaient
été donnés par des paysans . Pendant qu'ils s'occupaient inutilement
à chercher les Polonais , ceux - ci réunirent leurs divisions .
Renforcés par le corps de Korwovski , consistant en plus de
deux mille hommes d'infanterie de ligne , ils s'emparerent des
villages de Szboine et de Denicki qui se trouvaient en flanc
des troupes prussiennes , et prirent celles - ci en même tems à
dos . Le général Gunther se voyant ainsi pressé , se détermina
à chercher à se faire jour , et n'y parvint qu'avec une peine
extrême. Il a perdu beaucoup de monde ; on ajoute même
qu'il a laissé une partie de ses bagages et de ses canons .
( 7 )
Cependant on apprend de Dantzich que le gouvernement
prussien , qui redoute l'air de la liberté , a fait défendre à cette
ville toute relation commerciale , soit avec la République Française
, soit avec les Polonais . Les Polonais continuent toujours
à arrêter sur la Vistule les bâtimens chargés de subsistance
et destinés pour les armées prussiennes ou russes . La rècolte
en bled est très belle dans les environs de Dantzich , mais les
grandes sécheresses ont fait manquer les foins et les avoines
elles ont été telles que les rivieres et les ruisseaux n'ont pu
souvent fournir aux moulins.
D'un autre côté , des lettres de Vienne du 31 juillet annoncent
que le bruit se répand dans cette ville que les Autrichiens
qui avaient déja pénétré dans les palatinats de Lublin et de
Sandomir , commencent à revenir sur leurs pas . On attribue
en partie cette conduite aux difficultés que les Prussiens leur
ont fait éprouver dans leur invasion dans le palatinat de
Cracovie. Le cabinet de Vienne est d'ailleurs témoin de l'émbarras
extrême où se trouvent déja les coalisés qui combattent
contre les Polonais . Les Prussiens en garnison à Cracovie
sont sans cesse sur le qui vive. Jour et nuit , de fortes patrouilles
des leurs parcourent les rues , s'occupent à prévenir ou dis
perser toute espece de rassemblement . A chaque instant , ils
craignent d'être égorgés par les habitans , qui ne cessent de
leur montrer toute la profondeur de leur haine .
Des avis de Gallicie apprennent que la troupe de Félix
Potocki , composée de 600 hommes à cheval , est arrivée sur
les bords du Bog , d'où elle s'est rendue en Moldavie . Les
Russes ont demandé à l'hospodar de leur livrer cette troupe ;
mais il s'y est refusé : nouveau sujet d'inquiétude pour le cabinet
de Vienne.
Quant à la Suede et au Danemarck , ces deux puissances
paraissent toujours dans les mêmes intentions de faire rest
pecter leur neutralité , mais elles s'en tiennent toujours aux
préparatifs , et n'agissent point encore. La Suede est entrée
néanmoins en relation avec la république de Pologne , et malgré
tous les efforts des cabinets de Londres , de Berlin et dé
Pétersbourg , pour séduire ou intimider le ministre Bernstorff ,
on ne doute pas des bonnes dispositions de la cour de Copenhague
pour ce peuple valeureux qui , seul jusqu'à présent ,
combat avec celui de France les ennemis de la liberté et de
l'indépendance.
On avait déja appris de Stockholm que le tribunal de la
Cour , établi pour juger la derniere conspiration , avait condamné
, le 30 juillet , d'Armfeld à la peine de mort , et à la
confiscation de ses biens ; la même peine a été prononcée
contre Ehrenstrom et la comtesse Rudenskiold : le premier
doit avoir la main droite coupée ; les autres accusés ont été
acquittés , si ce n'est le colonel Antinoff qui est renvoyé à un
plus amplement informé.
3
A 4
( 8 )
Comme on connaît toute la prépondérance que mettrait la
Porte dans les affaires actuelles du Nord , on cherche à répandre
des nuages sur les intentions de cette puissance.
Depuis que le chevalier Ainsley , ci - devant ambassadeur
d'Angleterre auprès de la Porte , est arrivé à Vienne pour se
rendre à Londres , on affecte de dire , d'après les dernieres
lettres de Constantinople , que les conférences sont moins
vives et moins longues entre le Reis - Effendi et le ministre
Russe , depuis la réception d'un dernier courier venu de Pétersbourg
, et que les deux pnissances paraissent se rapprocher.
anastonéanmoins forcé de convenir qu'on continue de faire
les recrues dans l'empire Ottoman ; que les ordres ont été
donnés de rassembler des troupes , de pousser les travaux ,
tant dans l'arsenal de la capitale que dans tous les chantiers
de l'empire, et de fortifier les ouvrages des places frontieres ; nis
on a grand soin de publier que toutes ces mesures ne sont que
de
de precaution .
On
>
ne parait pas non plus que la Porte Ottomane ait rien
perdu de ses dispositions favorables envers la République Frangaise
. L'infatigable Descorches ayant à la fois à lutter contre la
perfidie des ministres des puissances coalisées et contre les
agens par lesquels ils ne cessent d'entraver ses opérations , est
enfin parvenu à reconnaître et à arborer , au milieu du canal
de Constantinope , le nouveau pavillon de la République Française.
Toute l'artillerie turque salua ce signe de la liberté par
des décharges redoublées . Les bâtimens français qui se trouverent
dans ce port y répondirent aussi par leur artillerie. I
y eut à bord de ces bâtimens un repas splendide auquel assisterent
tous les Français qui se trouvent dans le Levant ,
même que deux envoyés de la république de Pologne , qui
viennent d'y être accrédités . Cette fête se termina par des voeux
unanimes pour le triomphe de la liberté des peuples et de
tous leurs amis. ;
de
On apprend de Smyrne , qu'une flotte anglaise et hollandaise
, composée de vaisseaux marchands sous l'escorte d'un
vaisseau de ligne et de trois frégates , est arrivée dans ce port
et dans les ports des isles. Il y a eu un combat entre les Anglais
et les Hollandais et une des frégates françaises . Celle - ci s'est
défendue avec courage , et a eu le tems de se retirer dans le
port de Miconi. On dit que les Anglais se proposent de tenter
de bloquer cette ville .
De Francfort-sur- le- Mein , le 14 avût.
1
Les nouvelles de Vienne n'annoncent encore aucun résultat
des conférences qui ont eu lieu entre lord Spancer et les ministres
Autrichiens . On sait seulement que l'empereur va tenter
de nouveaux efforts pour secourir la coalition . Toutes les
troupes autrichiennes restées en Allemagne vont se mettre en
( و )
marche pour aller renforcer l'armée de Cobourg. Dėja un
avant- garde de 1,200 hommes de cavalerie est passée , il y a
quelques jours , par Dusseldorf. En même tems , l'empereur
sollicite vivement les princes de l'empire de fournir un triple
contingent de troupes pour aller relever les corps autrichiens
qui sont sur le Rhin , et qui sont destinés eux-mêmes à aller
augmenter l'armée de Gobourg . Mais on connait la lenteur
extrême du corps germanique, et le poids de cette guerre qui pesɔ
immédiatement et depuis long- tems sur les états des électeurs
et des autres princes qui s'étendent sur le Rhin , ne contribue
pas peu à augmenter leur dégoût . Il y a loin de la Hongrie et
de l'Autriche dans la Belgique , et les armées françaises déja
si supérieures en nombre , et qui se recrutent avec tant de
facilité , voudront- elles bien donner le tems à tous ces renforts
d'arriver ?
Cependant les embarras du cabinet de Vienne augmentent en
raison des mauvais succès de la guerre , et surtout du mécontentement
des peuples . On a découvert à Vienne des rassemblemens
secrets . Les emprisonnemens ont redoublé . Il y
a ordre de garnir les postes plus que de coutume , de multiplier
les patrouilles , et les soldats doivent être munis de
cartouches on regrette beaucoup le corps de bombardiers
qui se trouvent renfermés dans Valenciennes , et l'on craint
pour cette garnison d'élite que l'on dit être de 3,000 . Ce serait
une perte qu'on ne pourrait réparer de long- tems . An milieu
de tous ces embarras , on a eu recours de nouveau au fameux
colonel Mack que l'on croyait oublié . Il a déja cu , dit- on
plusieurs conférences avec le maréchal Lascy .
On apprend de Manheim que la prise de Trêves par les
Républicains y a jetté la consternation . Le 12 , plusieurs ba
taillons qui se trouvaient en garnison dans cette ville se sont
mis en marche pour rejoindre le corps d'Hohenlohe , qui continue
toujours à rester dans son ancienne position : il a vaine,
ment cherche à s'étendre depuis un mouvement de l'armée
principale prussienne .
Selon des nouvelles officielles en date du 8 , le quartier géné
ral de Mollendorf était à Fonheim , celui des généraux Hoheler
et Kalkreuth à Birgenfeld . Pendant le mouvement de ces
troupes , les Français se sont approchés et ont attaqué les avantpostes
de Mundenheim et d'Ogersheim : ce dernier endroit a
été vivement pressé on dit même que les Français s'en sout
emparés ; de fortes canonnades ont eu lieu du côté de Frankenthal
et des montagues .
Les Français ont fait une- reconnaissance générale depuis le
Rhia jusqu'aux montagne . Les Autrichiens ont été vivement
repoussés du côté d'Ogersheim . Les Français se sont avances,
jusqu'à Frankental. Les Prussieus ont été également mis en
déroute à Kleimkarlenbac .
( 10 )
1
PROVINCES.UNIES ET BELGIQUE.
C'est au moment de la plus grande détresse que le statdhouder
implore des états deux choses qui ne sont pas faciles à trouver
promptement , de l'argent et des troupes ; la derniere sur- tout
n'est gueres au pouvoir de la Hollande . Aussi le statdhouder
demande- t-il un recrutement général hors du pays . Mais lorsque
toutes les puissances de la coalisation sont aux expédiens pour
se procurer des soldats , lorsque l'Angleterre s'adresse vainement
aux marchands d'hommes de l'Allemagne , les états - géné.
тaux peuvent-ils se flatter d'être plus heureux .
Tous les rapports s'accordent à confirmer que les Français
dirigent leurs efforts contre le Brabant hollandais . C'est aux
environs de Breda que se concentrent les forces respectives .
On s'est occupé de mettre cette place en état de défense , et
l'on doit faire la même chose sur les bords du Moerdick.
Des forces anglaises et hollandaises gardent ces côtes . L'armée
anglaise campe toujours à la portée de Breda. Le quartiergénéral
d'Yorck est à Nispen , tandis que les Français paraissent
toujours avoir le leur à Hoogstraaten .
L'armée hollandaise est actuellement réduite à huit mille
hommes , tant à cause des pertes qu'elle a faites pendant cette
campagne , que parce qu'il a fallu en tirer des renforts pour
les garnisons des differentes forteresses . On n'a pourtant laissé
que quinze cens hommes à Berg - op-Zoom , dont les provisions
et les munitions ne sont pas d'ailleurs abondantes . Déja les
Français se sont avancés jusqu'à Ossendrecht.
Les nouvelles que l'on reçoit de la Flandre hollandaise ne
sont point rassurantes sur la situation de LEcluse . On assure
même que la garnison a offert de capituler sous des conditions
que le général Français n'a point voulu adopter.
Quant à la Belgique , les nouvelles les plus récentes annoneent
que la plus grande partie de l'armée républicaine , commandée
par le général Jourdan , est campée entre Huy et Liége
et elle s'étend jusqu'aux environs de Tongrès , en paraissant
menacer toutes les positions de l'armée de Gobourg. Les avantpostes
de celui- ci sont à la porte de Liège , et font à tout
moment le coup de fusil avec les patrouilles françaises .
·
Déja tout se prépare dans le camp républicain pour une
prochaine attaque , à laquelle on s'attend d'un jour à l'autre .
Les officiers et les soldats viennent de recevoir l'ordre de ne
pas s'absenter un instant de leur poste ; ce qui fait présumer
qu'une bataille ne tardera pas à avoir lieu . Cependant , afin
de rendre plus décisif le succès de cette affaire générale , un
corps de 20 milie combattans a été appellé vraisemblablement
de l'armée de la Moselle ; et il vient de passer par Bastoque
et Saint- Hubert , d'où il s'avance dans le pays de Condroz , dans
le dessein d'attaquer les Autrichieus en flanc .
( 11)
Le barbare général Latcur voulant se venger de l'énergie
avec laquelle les Liégois l'ont empêché de faire sauter le pont
d'arche , lors de la retraite , a jetté sur la ville un grand
nombre de bombes et de boulets rouges qui ont détruit ou
endommagé environ 300 maisons . Actuellement il continue
encore son feu , mais avec moins de vivacité.
ANGLETERRE . De Londres , le 6 Août.
Les nouvelles qu'on reçoit du continent sont si alarmantes
que d'après une entrevue de l'ambassadeur Hollandais avec les
ministres britanniques , ceux - ci sont revenus au premier projet '
qu'ils avaient abandonné , qui est de faire passer 1,6000 hommes
destinés à la défense de la Hollande . On débite que le ministre
actuel marchande 30,000 Bavarrois . Il s'est déja adressé en
vam à l'électeur de Saxe , et même , à ce qu'on dit , à d'autres
puissances.
Le bruit qui avait couru que la grande cscadre de l'amiral
Howe avait dû mettre à la voile le premier de ce mois était
prématuré. On apprend seulement de Portsmouth et de Plymouth
que quelques vaisseaux de cette escadre sont allés en
rade où ils attendent les autres , ainsi que ceux d'Espagne qui
doivent arriver de Ferrol , et ceux du Portugal qui sont attendus
de Lisbonne . Suivant les avis reçus des côtes de France ,
l'armée navale de la République se dispose à mettre à la voile
dans les premiers jours de ce mois , et il paraît important que
la supériorité de force de la nôtre ne nous expose pas à un
danger qui pourrait enfin être sans remede.
On apprend des Antilles que la fevre jaune y fait toujours les
plus grands ravages outre le général Dundas , cette maladie a
emporté beaucoup d'officiers , de soldats et de matelots , tant
de nos troupes de terre que sur nos flottes .
On n'a point eu de nouvelles ultérieures de nos progrès à
Saint-Domingue depuis la lettre du brigadier général Wirthe ,
datée du Port-au - Prince le 8 juin . ( Voici cette lettre que nous
avons promise.
Dans la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire du
Môle par le dernier paquebot , je vous rendais compte de la
situation très-critique dans laquelle j'ai trouvé ce pays , et des
détachemens sans nombre qui étaient obligés de marcher pour
la défense des différens postes je vous disais que les pa
roisses voisines de Bombarde jusqu'au Môle avaient abandonné
notre cause , et qu'un petit corps de troupes de l'intérieur ,
joint à la garnison , se trouvait assez fort du côté de la mer ,
mais presque totalement sans défense du côté de térre .
" Ayant remédié à ce défaut par une chaîne de redoutes et
de fleches qui se protégeaient mutuellement , et jugeant que
deux frégates avec une garnison suffisante étaient tout ce qu'il·
fallait pour la sûreté du Môle , je me déterminai , pour sauver
ce pays , à une entreprise hardie et décisive . Je résolus , avec
( 12 )
le concours du commodore Ford et du lieutenant - colonel
Whitelocke , qui commandait ici avec tant d'honneur , d'att :
quer le Port-au- Prince , résidence des commissaires et la capitale
de ce côté de l'isle . J'embarquai dans des transports ies
22. , 23. et 41. régimens , sauf leurs compagnies de flanc
qui avaient été laissées à la Martinique , et un détachement
formé par les compagnies de flanc qui sont ici ; ce qui formait
eu tout 1455 hommes propres pour le service .
Je partis du Môle , escorte par un vaisseau de 74 , deux
de 64 , un de 50 , trois frégates et trois corvettes ; malheureusement
le commodore fut attaqué de la fievre dès que nous
appareillâmes. Nous ram: ssâmes toutes les alleges que nous
pûmes trouver le loug de la côte , et arrivâmes dans la baie
du Port - au - Prince le 31 mai . Voyant la situation favorable
pour notre plan d'attaque , qui devait se faire en même-tems
sur les deux flancs et le centre , autant que les circonstances
pourraient le permettre , j'ordonnai à la cavalerie de milice
de Leogane de quitter ses quartiers et de s'avancer sur le che
min de Bizotton , où devait se faire l'attaque de la droite , et
à celle de l'Archaye , de se porter par la gauche aux Salines ,
où l'ennemi était posté et retranché avec du canon.
" Ces dispositions ayant été faites , je donnai ordre au major
Spencer d'aborder à un mille du fort Bizotton , avec 300 Anglais
et quelques troupes coloniales , protégés par deux corvettes
. Aussi-tôt que les deux vaisseaux de ligne et une frégate
placés à cet effet eurent fait taire le feu de l'ennemi , ce
qu'ils effectuerent en quatre heures , les troupes aborderent et
s'avancérent par differentes routes sans grande résistance ,
vers le fort. A peine étaient - elles arrivées à une petite distance
que , profitant de l'avantage que leur procurait là circonstance
d'un grand orage , mêlé de tounerre , qui survint , elles pousserent
en avant avec la bayonnette , et emporterent la place
d'assaut. Malheureusement nous y perdimès le jeune brave
Wallace , capitaine du 22. régiment ; et le capitaine Daniel ,
du 41. , fut blessé .
" Ayant gagné ce point important , je me rendis avec le
lieutenant-colonel Whitelocke , à qui je donnai le commandement
du centre , au côté opposé de la baie , où ayant debarqué
le major Handfield avec 200 Anglais , pour soutenir
l'attaque du poste des Salines , pendant que les frégates nettoyaient
la place et enfilaient les retranchemens , il attaqua ét
emporta le poste sans perte. Continuant sa marche , il tourna
le jour suivant les batteries qui défendaient l'abordage près et
à la gauche dú Port - au- Prince . L'ennemi était ainsi investi de
tous les côtés , excepté par les derrieres , et nous appercevant
que grand nombre cherchait à s'en aller par une des rades
appellée de Charbonnier , nous nous déterminâmes à un assaut
général , et fimes avancer l'escadre et l'armée . L'ennerai ,
voyant - nos mouvemens , amena son pavillon et abandonna lą
( x3 )
place , après avoir préalablement encloué ses canons sur les
fortifications de terre. Les deux commissaires de France ,
Polverel et Santhonax , ainsi que le général noir Montbrun
qui avait été blessé d'un coup de bayonnette à Bizotton ,
s'échapperent , et depuis je n'ai pu en avoir aucune nouvelle .
Instruit qu'un corps ennemi s'êtait rassemblé avec deux pieces
de canon , je donnai ordre de l'attaquer ; ce qui fut fait . Il fut
bientôt dispersé et perdit son canon . Un autre parti qui s'était
formé à la Croix- des - Bouquets , de l'autre côté de la plaine ,
sur les confins du territoire espagnol , fut également chassé.
Les habitans de cette partie de l'isle ayant demandé avec instance
que les drapeaux anglais fussent déployés , j'ai consenti
aleur desir.
99 Les ordres que j'avais reçus de sir Charles Grey me laissaient
la liberté d'agir à discrétion , en me concertant avec le
major général Willamson . L'escadre devait se rendre et s'assembler
à la baie de Tiburon , si elle ne recevait pas d'ordre
de la Jamaïque . Mais les différens rapports que je reçus du
Môle , ainsi que le danger que je prévoyais qu'elle courait à
Tiburon , m'engagerent à requérir l'officier qui la commande ,
d'appareiller immédiatement pour le Môle . Il y consentit , sur
l'exposé des raisons que je lui donnai , et à notre arrivée nous
fames reçus par les habitans comme des libérateurs . J'espere ,
monsieur ,,
que ma conduite sera approuvée par mon souverain .
» Permettez - moi , monsieur , de vous exprimer combien
j'ai eu lieu d'être satisfait du zele et de l'activité que l'escadre
et l'armée ont montrés dans cette occasion intéressante , et
du parfait accord avec lequel elles ont concouru à cette opération
. Le lieutenant - colonel Whitelocke aura l'honneur de
vous remettre ces dépêches , et personne ne peut vous donner
sur ce pays des informations plus exactes . Il a commandé ici
avec beaucoup de distinction , et s'est montré dans plusieurs
occasions difficiles et périlleuses , d'une maniere aussi hono
rable pour lui qu'utile pour le service du roi . Il a rempli ses
fonctions de quartier-maître-général pendant l'expédition ; et
pour des raisons qui tiennent au bien des colonies , je lui ai
donné le rang de colonel . J'ai aussi donné celui de lieutenant-
colonel au major Spencer , dans l'intention de le choisir
pour quartier- maître- général . C'est un officier de grand més
rite , et qui s'est distingué en plusieurs occasions . Mais comme
il ne m'appartient pas de douner des rangs , j'espere que sa
majesté voudra bien considérer leurs services . Je joins ici ,
l'état des tués et blesses , et des magasins . Comme j'ai pris
cette place le jour de la naissance de sa majesté , j'ai honoré
le fort du nom de George. Le port conserve le sień . „
J'ai l'honneur d'être , etc.
}
WHITE , brigadier- général , commandant à St. Domingue.
P. S. Le lieutenant - colonel Lenox vient d'arriver de la
Martinique avec huit compagnies de Blanc .
( 214 )
REPUBLIQUE FRANÇAIS Z.
CONVENTION NATIONAL E.
PRÉSIDENCE DE MERLIN ( de Thionville ) .
Séance du septidi , 7 Fructidor.
Des citoyens de Commune - Affranchie viennent demander
justice des vexations que des scélérats ont fait éprouver à des
malheureux habitans de la cité . Trepte-neuf citoyens avaient été
acquittés par la commission populaire ; on les retint en prison ,
et quelques tems après on les traduisit au tribunal révolutionnaire
de Paris , espérant qu'ils seraient frappés par cet instrument
des vengeances de Robespierre . Ils demandent que la
Convention rende la liberté à ces malheureux peres de
famille .
J'ajouterai , dit Fouché de Nautes , quelques traits à ce
tableau ; je dirai à la Convention nationale que les détenus
pour lesquels on réclame sont les malheureuses victimes du
Brigandage féroce qui regne à Lyon depuis trois mois au nom
de Maximilien premier.
Ces victimes , n'en doutez pas , citoyens collegues , n'étaient
que l'avant-garde sinistre de dix mille familles qui devaient
être égorgées judiciairement pour assouvir la rage sanguinaire
du tyran.
;
" Je dirai encore que ces détenus ont été jugés et acquittés
du crime de rébellion dont ils étaient prévenus . Il est possible
sans doute qu'on les ait chargés de nouveaux délits . Mais ils
ent tout expié ; la mort n'est pas dans le coup qui tranche
la vie , mais dans les angoisses horribles qui la précédent . Eh
bien citoyens collegues , sachez que depuis trois mois ils
sont chargés de chaînes , et que dans le trajet de Commune-
Affranchie à Paris ils ont été couverts de flots de honie , d'outrages
et de menaces .
" Une de ces victimes s'est vue arracher l'enfant qu'elle tenait
sur son sein . L'enfant n'a plus qu'un souffle de vie , et le lait
qui le nourrissait s'est changé en un poison brûlant qui dévore
la mere.
Je demande , au nom de la justice , de l'humanité et de
que ces infortunés soient mis sur- le- champ en
la nature
liberté.

La Convention renvoie ces réclamations au comité de sûreté
générale ; elle charge de faire mettre sur- le - champ en liberié
les citoyens qui , traduits à la commission révolutionnaire de
( 15 )
Commune-affranchie , ont été acquittés , et n'ont point été retenus
par disposition de jugemout.
Pelet invite la Convention à fixer ses regards sur la situation
de Commune affranchie . On ne s'est occupe que d'y châtier
les coupables , sans secourir les faibles , les indigens et les pa
triotes . Sursa proposition , la Convention décrete que le comité
de salut public lui rendra compte , dans le délai d'une decade ,
de la situation de cette ville et des causes qui ont retardé jusqu'ici
le retablissement de l'ordre et des affaires .
D'autres pétitionnaires dénoncent Mallarmé pour avoir pris
dans le département de la Meuse un arrêté par lequel il avait
ordonné la déportation de tous les ci devant prêtres indis
tinctement. La Convention autorise le comité de sûreté générale
de surseoir à l'exécution de tout arrêté portant une disposition
générale contraire aux lois antérieures . Mallarmé veut
justifier son arrêté ; mais sur les observations d'un membre qui
donne d'autres détails le décret est maintenu .
L'agent national du district de Beaugency demande justice
pour deux malheureuses victimes qu'un émissaire de Robes
pierre était venu arracher de leur foyer , et avait fait conduire
à Paris dans la maison du Luxembourg - Renvoyé au comité
de sûreté générale .
La société populaire de Boulogne- sur-mer dénonce deux
émissaires de Joseph Lebon comme coupables d'avoir incar
céré arbitrairement les meilleurs patriotes , et d'avoir supposé
une fausse conspiration tendante à égorger les autorités consti
tuées et la société populaire de Boulogne. -Cette pétition
sera remise au représentant du peuple Berlier qui va dans le
département , et qui examinera les faits .
Goupilleau de Fontenai , organe des comités de sûreté générale
et de salut public , déclare que ces deux comités , chargés
de présenter à l'Assemblée un mode de renouvellement
des comités révolutionnaires , n'en ont pas trouvé un seul qu'il
fût possible d'exécuter, Ils sont partis de ce principe que tout
ce qui tient au gouvernement révolutionnaire doit être dans
la main de la Convention . En conséquence , ils ont pense
qu'on devait laisser aux membres du comité de sûreté géné
rale la plus grande latitude à cet égard .
Cháles fait quelques observations contraires à ce projet. Il
propose que la Convention examine la question de savoir si
l'on ne peut point concilier la forme élective avec le gouvernement
révolutionnaire .
Charlier trouve que dans les circonstances actuelles le mode
d'élection serait infiniment dangereux . On oublie que ce moyen
est celui des Robespierre , des Couthon qui voulaient convoquer
les assemblées primaires ; c'est l'appel au peuple proposé
par les Guadet et les Vergniand.
Goupilleau ajoute à ces observations qu'une Assemblée .
chargée de faire passer un empire aussi étendu que celui de
( 16 )
La France de l'état monarchique à l'état démocratique , doit
avoir dans ses mains tous les moyens de le faire . La Convention
doit être le centre du gouvernement révolutionnaire , il
faut que ce soit elle qui le dirige ; dans combien de départemens
n'y a -t-il pas encore d'aristocrates et d'intrigans ?
La proposition de Châles n'est pas appuyée , et le projet
de Goupilleau est adopté..
Ruelle craint que les membres du comité révolutionnaire
qui sortiront de place ne deviennent l'objet des passions particulieres
, des vengeances et des haines . Il demande que les
nouveaux comités révolutionnaires ne puissent décerner , des
mandats d'arrêt contre les anciens nembres , ni contre les
membres d'administration , sans en avoir référé au représentant
du peuple sur les lieux ou au comité de sûreté générale
de la Convention .
Cette proposition est combattue par plusieurs membres , qui
trouvent que ce serait investir les comités révolutiounaires
d'une inviolabilité qu'on a 1cfusée aux représentans du peuple.
L'ordre du jour est adopté sur la proposition de Ruelle .
Lorsqu'à cette tribune , dit . Cambon , j'ai dénoncé les
manoeuvres qui s'opéraient à l'armée d'Italie , et l'arrêté qui
portait qu'on y enverrait par mois 12 millions en numéraire ,
j'étais loin de penser que cet arrêté avait été exécuté d'une
maniere indirecte . L'Assemblée apprendra avec autant de sur
prise que d'indignation , qu'Haller , qui est émigré depuis
son décret d'arrestation , avait obtenu des requisitions au nom
de la commission des subsistances militaires , et des passeports
de la part des représensans du peuple , pour aller dans
les départemens du ci - devant Languedoc et de la ci - devant
Provence , s'adresser à des juifs qui , avec les assignats de la
République , achetaient trois ou quatre fois au - dessus de la
valeur des matieres d'or et d'argent pour les exporter. C'est
déja un délit bien criminel d'avoir tiré , pour faire passer à
l'étranger , les soies du Midi et d'avoir ainsi dépouillé nos
manufactures et ôté le pain à nos ouvriers . Croiriez - vous
qu'on a obtenu de mettre en requisition toutes les huiles de
France pour les mettre en dépôt à Gênes . ,,
?
Il faut savoir , dit Delmas , qui a signé ces arrêtés . Cambon
répond c'est Robespierre jeune et Ricord . :
Ricord prend la parole et dénie d'avoir donné une autori
sation à Haller pour exporter des huiles . Cambon promet
d'apporter à l'Assemblée cette autorisation . Ricord entre ensuite
dans de plus amples explications justificatives . Il nie
qu'il y eût 12 millions de numéraire par mois versés pour
l'armée d'Italie . Cambon l'affirme. Toutes les observations
restent sans suite . Il en résulte seulement le fait qu'Haller s'est
enfui Gênes.
Séance
( 17 )
• Séance d'octidi , 8 Fructidor.

Le citoyen Chantegny , capitaine de sapeurs , écrit du bivác
à Villers - l'Evêque , et transmet à la Convention le trait de
courage suivant :
:
A´envison quinze toises des murs de Charleroi , avait
étě plantée par les esclaves une grande perche , au bout de
laquelle était placé un bouchon de paille , qui leur servait de
direction pour la batterie de l'Unité ; deja plusieurs obus
' étaient tombés dedans , et des boulets Infi aient . Le citoyen
Flayelle s'eu apperçoit , il vint vis - a-vis la septieme compagnie
du huitieme bataillon des sapeurs , qui s'est conduite aux
travaux de la tranchée avec un zele iudomptable , en disant :
voilà une grande perche qui pourrait bien faire du mal à notre
batterie ; qui veut aller l'arracher ? Aussi-tôt plusieurs sapeurs
s'offrent sans penser au danger. Le nommé Teste est celui
qui a le premier sauté par-dessus le parquet , et il a fallu agir
d'autorité pour empêcher les autres d'y aller ; le citoyen Teste
court , arrache la perche et la traîne jusque dans la tranchée .
,, Les esclaves étonnés de sa hardiesse , ou plutôt saisis
d'admiration , le voyaient de leurs remparts , tout stupéfaits ,
sans faire feu sur lui , ayant l'air de respecter un homme qui
les méprisait autant que leurs coups . ››
La section de 1 Unité adresse au représentant Lequinio un
procès- verbal , qui constate un trait de désintéressement et de
probité qui doit mériter l'estime de tout bon Républicain . Le citoyen
Riquet , gendarme des tribunaux , avait été posé comme
factionnaire à la porte du citoyen Basin , pour faire respecter
les propriétés lors de l'incendie de la ci - devant abbaye-Saint-
Germain . Non - seulement ce brave homme est resté à son
poste depuis ininuit jusqu'au lendemain 3 heures de relevée .
mais ayant apperçu des ouvriers qui avaient enfoui dans de
l'ordure quelque chose , et ne pouvant les arrêter par leur
fuite précipitée , il examina ce que ce pouvait être ; ayant
reconnu que c'était un sac d'argent , il en fit part aussi- tot au
commissaire de police ; ce sac contenait 1698 liv . en écus de
6 liv .
Autre trait de dévouement héroïque transmis par la société
populaire de la Rochette , district de Chambéry :
Par un arrêté des représentans du peuple dans ce département
, le canton de la Rochette devait fournir dix hommes
pour son contingent au bataillon de nouvelle levée , de treize
a trente ans. Jean- Baptiste Marandon se trouve compris dans
ce nombse . Son âge tendre , et plus encore sa complexion
faible et délicate , font craindre à François Marandon , son
pere , qu'il ne puisse servir utilement la patrie , et que son
remplacement n'enleve à l'agriculture des bras plus vigoureux
que les siens ; eh bien , François Marandon , à qui 67 ans d'une
vie laborieuse , passée dans un état voisin de l'infortune , ci
Tome XI.
( 18 )
quatre campagnes dans les dernieres guerres d'Italie , n'ont
rien ôté de la force , du courage et de l'énergie de la jeu
messe , ne consulte que sou cazur et son amour pour la patrie.
99 Insensible aux larmes de sa vieille épouse , et aux tendres
sollicitudes de son fils , qui veulent l'empêcher de partir , rien
ne peut lui faire abandouner son projet ; il se teni à Chambéry
, se présente au district , et offre de remplacer son fils .
L'administration , touchée d'un si généreux dévouement ,
applaudit à ce trait sublime de courage et d'amour paternel ,
accueille François Marandon , et l'admet à remplacer son
fils . ""
La Convention ordonne la mention honorable de ces differens
traits et l'insertion au bulletin.
L'évenement de l'incendie de la bibliotheque St.- Germain
donne lieu à Lakanal de proposer qu'il soit etabli une commission
, qui sera chargée d'examiner tous les livres et manuscrits
uniques et rares , afin d'én extraite et d'en publier , par
la voie de l'impression , tout ce qui peut être utile et concourir
aux progrès de la perfection des sciences et des arts , et à la
régénération des mours . La Convention charge son comité
d'instruction publique de lui faire un rapport à cet égard dans
la décade prochaine.
Deux pétitionnaires sont introduits à la barre : ils liscat
une longue dénonciation contre le citoyen Maiguet , représentant
du peuple dans les départemens des Bouches - du- Rhône ,
de Vaucluse et de l'Ardêche ; ils l'accusent d'abuser de ses
pouvoirs ponr vexer et désoler les patriotes ; ils disent que
la consternation est général , que les peres de famille sont
incarcérés , et que chaque jour le sang coule dans ces dépar
temens ; enfin ils peignent Maiguet comme un bourreau dévoué
à Robespierre.
Bourdon Cette dénonciation occasionne de vifs débats .
( de l'Oise ) rappelle le décret qui ne permet pas d'entendre
à la baire aucune déuonciation contre les représentans du
peuple , et qui les renvoie au contraire devant les comités de
sûrete generale et de salut public . Il voir un projet bien formé
d'avilir la Convention , pour engager le peuple à demander
son remplacement. Plusieurs membres réclament en faveur
du droit de pétition . Ce n ' st point avilir la Convention que
de l'instruire ; elle ne juge pas sur la simple denonciation ;
mais il est nécessaire qu'elle connaisse tout , ne fût - ce que
pour donner l'éveil sur les comités ; si la barre est fermée au
penple , qui n'auend son bonheur que de ses représentans ,
la liberté est perdue . Lorsqu'il s'est agi de Joseph Lebon , on
renvoya aussi au comite de salut public ; qu'en est- il résulté ?
c'est que
le comité a fait un rapport en faveur de Joseph
Lebon , que la Convention , mieux insnuite depuis , a envoyé
attendre dans un cachot le jugement de ses crimes.
Charlier demande que la Convention décrete qu'on ne rece
( 19 )
1
vra aucune dénonciation contre des membres absens. Rovere
sy oppose. Forestier demande qu'on fasse lecture de l'arrêté
pris par Maignet ; cette seule piece le justifiera. La Convention
décrete qu'il sera lu . Moyse Bayle annonce qu'il va le
chercher.
Dans l'intervalle , la députation de la société des Jacobins est
admise à la barre. L'orateur s'exprime en ces termes :

Représentans du peuple , la société régénérée des Jacobins
de Paris , dégagée des hommes corrompus qui s'étaient
glissés dans son sein , rendue à son énergie primitive
vient vous dire des vérités indispensables , vous demander
des mesures que le salut public commande ; après chacune des
crises qui ont eu lieu depnis la révolution , une réaction s'est
fait sentir ces dangers n'ont été que précaires et momentanés ,
et jusqu'à présent le peuple a regagné le tems perdu ; mais
jamais cette réaction ne se fit sentir d'une maniere aussi terrible
que dans les conjonctures présentes .
Nous sommes bien éloignés de douter des sentimens et
des intentions du comité de sûreté générale ; mais il conviendra
lui - même que dans la multitude des mises en liberté qu'il
a prononcées , il en est quantité qui ont fait sortir des maisons
d'arrêt des aristocrates prononcés , qui n'useront de la liberté
qu'on leur a si imprudemment rendue que pour conspirer de
nouveau contre la République .
" Nous venons vous demander l'impression de la liste de
ces hommes , afig ... ( Murmures . ) ,
fin .
Tallien demande que l'orateur soit entendu jusqu'à la
L'orateur reprend : Le crime scal peut craindre la publicité
de cette liste ; que l'on ne dise pas que ce sera ane liste
de proscription ; il n'y aura plus de proscriptions , les Sylla
sout morts et le peuple n'en souffrira jamais d'autres . Attachezvous
ensuite à établir un gouvernement révolutionnaire qui ne
soit ni à la maniere des modérés , ui à la maniere des continuateurs
de Robespierre , mais qui comprime et effraye les fripons
, les hommes corrompus , tous les ennemis du peuple , et
protege l'innocence ! ...... "
Le président répond : « La République n'oubliera jamais ce
qu'elle doit à la société , si honorablement calomniée par les
rois . Les Jacobius ont prissamment contribué à la chute du
trône , et dans ce moment beancoup de ses généreux amis
de la liberté cimentent de leur sang les droits du peuple qu'ils
our défendus par leur éloquente et courageuse énergie . Ceux - là
sur-tout ne sont pas les amis de quelques hommes ; ils n'aiment ,
ne voient que la patrie . Ceux - là n'ont pas prêté serment à la
commune criminelle , pendant que seule , abandonnée à ellemême
, forte de ses principes et de l'amour ardent et du
peuple , et de la liberté , la Convention nationale attaque .
accuse et renverse dans un seul instant le tyran que des pervers
B &
( 20 )
défendaient encore à votre tribune . Vous avez désavoué ces
monstres , vous les avez proscrits , ils tomberont bientôt sous le
glaive des lois . Faites davantage aujourd'hui ; prouvez que vous
voulez le gouvernement révolutionnaire qui peut seul conduire
à la paix et au bonheur , en donnant l'exemple de voue
soumission aux lois , et en dirigeant l'opposition contre les
ennemis du peuple et de la représentation nationale . . ( Vifs
applaudissemens . )
L'ordre du jour est vivement réclamé . La Convention
l'adopte au milieu des applaudissemens .
On demande l'impression de l'adresse des Jacobins et de la
réponse du président.
La Convention passe de nouveau à l'ordre du jour .
Moyse Bayle fait lecture de l'arrêté du représentant du
peuple , Maighet ; il en résulte que d'après les reuseignemens
pris sur la cause des troubles qui ont éclaté à Aix , il a
ordonné que les ci-devant nobles et les ci-devant prêtres retirés
en cette ville seront mis en arrestation jusqu'à la paix ,
mais qu'il en a excepté les prêtres et les religieuses mariées ,
et même ceux des nobles qui avaient donné des preuves de
civisme .
Forestier demande que la Convention approuve l'arrêté de
Maignet ; il est approuvé .
On lit ensuite un memoire justificatif de Maignet , dans
lequel il inculpe gravement Rovere ; et quaut aux inculpations
réciproques , le tout est renvoyé aux deux comités de
sûreté générale et de salut public .
Séance de nonidi , 9 Fructidor.
Dans une opinion développée , Lecointre de Versailles fait
sentir combien il est nécessaire que la représentation nationale
rende enfin à la République , une et indivisible , l'unité
de principes , d'opinions et de sentimens que les factious lui out
depuis long- tems ravie . I propose que les commissaires qui
ont été chargés de présenter le plan d'organisation du gouvernement
révolutionnaire , rédigent une déclaration des principes
qui out fait établir ce gouvernement qui doivent le
diriger et servir de regles à tous les fonctionnaires publics , et
de garantie à la liberté du peuple . Cette propostion est renvoyee
au comité de législation .
9
Berlier fait adopter quelques articles additionnels sur la loi
des donations et successions .
Fréron obtient la parole pour une motion d'ordre . Son discours
roule sur deux objets essentiels , la liberté indéfinie de
la presse , et l'établissement d'une police simple , toujours surveillante
et jamais oppressive , dont le comité de législation
présenterait incessamment le projet.
On demandait d'aller aux voix ; Moyse Bayle dit qu'il ne
faut rien décréter de confiance. Cambou , Bourdon ( de l'Oise)
( 21 )
1
et Amar pensent que la question de la liberté indéfinie de la
presse merite le plus sérieux e le plus profond examen .
La Convention décrete l'impression du discours de Freion ,
l'ajournement et le renvoi au comité de législation .
Sur le rapport de Bréard , au nom du comité de salut pu
blic , la Convention décrete que , pendant toute la durée de
la guerre , il ne sera plus fait aucun usage de la poudre, dans
les fêtes publiques . Toutes salves d'artillerie , lors de la réception
des commandans de terre ou de mer , sont pareilles
ment supprimées . Les usages pratiqués à la mer pour la reconnaiss
nce des vaisseaux , et pour assurer les pavillons ,
continueront d'avoir lieu .
Séance de désadi , 10 Fructidor.
$
Dans le nombre des adresses et des pétitions , on a remarqué
celle du citoyen Suchet - Sainte Foi , et celle du citoyen
J. P. Coste , pasteur de l'église protestante française de Charles-
Town.
Le premier propose à la Convention de décréter que chaque
département fournira , dans un bref délai , un vaisseau de ligne
de 110 canons , deux frégates de 40 , un cutter de £ 5 , et un
yasseau plat pour porter les approvisionnemens et les grains
nécessaires . Il fait don de 100 liv . pour sa part. Il appelle
également l'attention de l'Assemblée sur l'établissement d'un
canal de jonction du Rhône avec le Khin .
Le socond offre à la Convention une nouvelle machine de
guerre. C'est une carcasse d'un feu tres - violent que rien ne
peut éteindre et qui peut être lancée à plus de 800 pas , par
un calibre de 24. Six de nos vaisseaux de ligne suffiraient
pour détruire toute la marine de l'Europe . Le citoyen Coste
joint à cette offrande un boulet à froid préparé avec la même
m tiere , et qui est susceptible d'enflammer toutes les matieres
combustibles. Il termine , en jurant de perdre la vie plutôt
que de donner connaissance de son secret à qui que ce soit ,
si la Convention ne croit pas qu'on doive en faire usage.
Renvoyé aux comités de salit public , de marine et de ia
guerre.
Un député de la Guadelorpe est admis à siéger dans le sein
de la Convention , en qualite de représentant du peuple.
Des députés de la société populaire de Moulins sont admis
à la barre , et dénoncent le représentant du peuple, Forestier
et son neveu , comme ayant exercé des vexations dans le département
de l'Allier.
Forestier déclare qu'il n'a vexé aucun citoyen dans ce dépar
tement , qu'il n'a fait incarcérer qui que ce soit , à l'exception
de 12 contre révolutionnaires , la plupart ex- nobles . Il ajoute
que l'un des pétitionnaires est un fripon reconnu , qui s'est
fait chasser de la commission populaire de Commune- Affranchie
, dont il était devenu membre à force d'intrigues.
B. 3
1 22.)
P
Fouché atteste le fait ; et après plusieurs observations faites
par différens membres , les pétitionnaires et la pétition sout
renvoyés au comité de sûreté générale .
Plusieurs memhres se plaignent que des étrangers s'introduisent
dans la salle , au milieu des représentans ; ils assurent
que Robespierie et Couthon avaient fait donner à leurs agens,
des cartes pour venir siéger au milieu des députés , comme
des amis de la maison , et qui ne faisaient qu'espionner les
représentans du peuple . Ils demandent qu'on fasse cesser cet
abus. En conséquence , la Convention donuc aux huissiers la
consigne de ne laisser entrer dans l'intérieur de la salle que
les députés et les secrétaires - commis . Les étrangers qui serout
admis aux honneurs de la scance comme petititionnaires
occuperont un lieu distingué de celui où siégent les représentans.
Séance de primedi , 11 Fructidor.
Lecointre de Versailles ) demande la parole pour le lendemain
à 2 heures. J'ai à dénoncer , dit - il , à l'opinion
publique , trois membres du comité de salut public et quatre
du comité de sûreté générale , et je les nomme : Baniere ,
Collot- d'Herbois , Billaud -Varennes , Vadier , Voulland , Amar
et David. Garder plus long- tems le silence , ce serait me déclarer
leur complice . Si je demande d'avance la parole , c'est
afin de prévenir mes collegues que je dois les dénoncer ,
pour les inviter à être présens à ma dénonciation ,
et
Quand Lecointre , dit Bourdon ( de l'Oise ) vous annonce
qu'il dénoncera ser membres de cette Assemblée counus
pour des hommes probes , il provoque la responsabilité sur sa
iête . Je demande que la parole lui soit accordée pour demain .
La Convention , après l'avoir entendu , décidera si elle lui
doit des éloges ou s'il doit être réputé calomniateur et puni
comme tel. ,,
:
La section du Muséum avait communiqué aux autres sections
de Paris une adresse , dans laquelle l'on provoquait la formation
des assemblées primaires , et l'on demandait que les magistrats
du peuple tussent nommés par le peuple lui- même.
Cette adresse n'a pas été accueillie des députations viennent
annoncer qu'elle a été unanimement improuvée dans les sections
de Fontaine - Grenelle , du Bonnet - Rouge , de la Montagne
, de Mutius - Scævola , des Arcis , du Mont Blanc , des
Tuileries , de la Halle-aux-Blés , etc .; par-tout l'on veut le
maintien du gouvernement révolutionnaire , et la Convention
nationale pour ralliement. La section de la Halle - aux - Bles
demande que l'article de la delaration des droits qui consacre
la liberté de la presse , soit gravé sur les murs de la salle des
législateurs , et dans tous les lieux où s'assemblent les autorités
coustituées . Il sera fait mention honorable de la conduite
de ces sections ; leurs adresses et les réponses da président
---
( 23 )
seront insérées au bulletin . Bourdon ( de l'Oise ) observe
que Lescot- Fleuriot , ex- maire de Paris , complice de Robes
pierre , ex-noble et Autrichien , était de la section du Muséum
où il avait beaucoup de partisans .
Montinayau dit que l'un des receveurs de cette section avait
pris le nom de Socrate , et embrassé la profession de cordonnier
, pour déguiser son état. Cet homme est arrêté ; on
trouvé chez lui 80,000 liv. en assignats .

Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public
de sûreté genérale et de legislation , présente un projet sur
l'organisation des pouvoirs administratifs dans Paris . La dise
cussion en est ajournée après demain .
Treilhard , au nom du comité de salut public , anonce
que le télégraphe a signalé la prise de Valenciennes , et qu'on
attend incessamment les détails . Ce triomphe n'est pas le seul
qui honore les armes de la République . Un courier a apporté
la nouvelle de la prise du fort l'Ecluse . Il donne lecture de la
lettre du représentant du peuple Lacombe - Saint- Michel ( Voyez
les pieces officielles . )
Une députation de la majorité des sections de Paris vient
appelier la solicitude de la Convention sur l'organisation des
écoles primaires , et se plaindre de ce que la plupart des ins
tituteurs out moins consulté leurs lumieres que leur zelc .
très- Tallien obtient la parole et prononce un disc Ours
étendu , dans lequel il fait sentir à la fois la nécessité de l'union
parmi les membres de la Convention et du maintien du gouvernement
révolutionnaire jusqu'à la paix , mais dirigé sur un
plan de justice severe , mais non de terreur. Il faut commencer la
révolution par
la crainte des lois pour les actions contraires
aux lois . Que le gouvernement révolutionnaise , cette institution
austere et juste , prépare insensiblement le peuple aux bienfaits
d'une constitution libre : substituons à la justice des cannibales
la justice des républicains. Il propose que la Convention
nationale déclare au peuple Français et aux ennemis de la
République qu'elle maintiendra jusqu'à la paix le gouverne
ment révolutionnaire qu'elle a décrété ; qu'elle déclare incompatible
avec ce gouvernement la réunion actuelle des assemblées
primaires , et invite les bons citoyens à se tenir en garde
contre toute proposition astucieuse ; qu'elle déclare que la
terreur qui pese sur tous , est l'arme de la tyrannie ; que la
justice seule doit régner ; que toutes poursuites contre des écri
vains qui ont émis librement leur opinion , sont un moyen de
terreur qui tend à la tyrannie .
Ce discours a été interrompu souvent par les plus vif's applau
dissemens.
Un membre dit qu'il semble résulter du discours du préopi
nant une improbation des mesures de sûreté générale , qui
fout peser la justice sur les hommes suspects par leur état
c'est - à - dire les ci-devant nobles et prêtres . Il s'étonne de ce
B 4
( 24 )
qu'il ne paraît proposer de sévir que contre ceux que leurs ac
tions rendent dangereux à la société . Il trouve beaucoup d'erreurs
dans son discours : il en demande néaumoins l'impression
et l'ajournement du projet.
Thuriot s'y oppose : Le discours de Tallien , dit -il , aurait
réuni tous les suffrages , s'il eût cu la force de le prononcer ,
il y a six mois . Je ne vois plus de nuages sur l'horison politique
; je ne vois ici que des amis de la patrie , qu'une Convention
qui a jure de sauver la patrie , et qui la sauvera . ( Oui ,
oui , s'écrie-t- on de toutes parts . ) Ce discours fait l'éloge de ·
sa sensibilité ; mais il n'honore pas sa politique.
" Je ne puis pas me dissimuler qu'il y a eu quelques hommes
dans l'erreur ; eh bien ! nous les ferons aller droit au but :
l'échafaud n'attend que les conspirateurs. La liberté de la
presse existe mais qu'on ne vienne pas nous demander une ;
garantie pour les assassins , car c'est assassiner un homme que
de lui ravir l'honneur par la calomnie ! Toute tyrannie est
désormais impossible , et le meilleur argument contre la ter
reur , est l'organisation que vous avez donnée au gouvernement .
révolutionnaire . Je demande l'impression du discours , et l'ordi e
du jour sur le projet de décret , en rendant hommage aux
sentimens de Tallicu que je crois purs , et que je n'inculpe pas.
-- Décrété .
Bread annonce qu'un courier arrivé au comité , a confirmé
l'heureuse nouvelle de la prise de Valencienne : 1100 émigrés
ont été passés au fil de l'épée ; 227 pieces de canons en
batterie , deux magasius d'approvisionnemens de tout genre ,
800 miliers de poudres et plus de mille bêtes à cornes sont
en notre pouvoir . Demain le comité fera part des dépêches .
PARIS. Quartidi , 14 Fructidor .
En faisant contraster quelques - uns des caracteres d'un véritable
ami du peuple avec ceux de Robespierre , nous n'avons
point prétendu épuiser na sujet qui demanderait un plus grand
developpement. Nous laissons à la conscience éclairée des bons
Republicains à se faire une idée complette du premier , et à
T'histoire à peindre le second . Notre seul objet à été de i er
de ce rapprochement assez de motifs pour apprendre à se
defier du prestige des réputations , et à ne voir que les choses .
Nous sommes encore bien novices dans l'art d'étudier et de
connaître les hommes . Un tems viendra , où moins agités par
les passious individuelles , par les orages inséparables d'une
révolution qui a ouvert la caverne d'Eole , et déchainé tous
les vices , en même tems qu'elle a ranimé toutes les vertus , nous
saurons distinguer avec facilité ceux qui auront acquis des
droits réels à l'estime et à la confiance publiques ,
( 25 )`
Mais si quelque chose peut suppléer à l'expérience qui nous
manque , et rendre les erreurs moins funestes , c'est la liberté
de la presse. Qu'on se repose sur cette sentinelle active et
vigilante du soin de surveiller les personnes et les choses. Il
sera bien difficile d'échapper long- tems à cet Argus qui a cent
yeux pour observer , et cent bouches pour répandre . Tous les
usurpateurs ou les dépositaires du pouvoir absolu , tous ceux
qui ont voulu tromper les hommes ou les opprimer , ont été
les ennemis de la presse . Qui a uis plus d'entraves à la pro-
Ragation des lumieres que les rois et les prètres ? Eh bien !
malgré tous leurs efforts , lears censeurs , leurs chambres syndicales
, leur inquisition et leurs bastilles , c'est la presse qui
a détruit parmi nous leur empire ; c'est elle seule qui affranchira
le geure humain .
Gloire et reconnaissance éternelle au génie de Guttemberg
et de Schoiffer ! En inver tant l'imprimerie , ils ont plus fait pour
l'avancement des lumieres et le bonheur de l'humanité , que
le concours des siècles qui les ont précédé . Puisque tous les
moyens combines de la tyrannie ne sauraient faire rentrer aujourd'hui
cet art sublime dans le néant , n'est- ce pas une euneprise
impuissante que de vouloir en enchaîner les effets .
A quoi servaient les vexations de l'ancienne police à cet égard ?
tandis qu'cile multipliait ses recherches d'un côté ; de l'autre ,"
la presse faisant jaillir au même instant des flots d'écrits qui
bravaient le despotisme , et dévoilaient sa turpitude, La persécution
en ce genre , comme dans tous les autres , u'anéantit
jamais l'opinion qu'elle redonte . Eile ne sert qu'à aigair , à
exaspérer les esprits et à corrompre les moeurs publiques . Ua
écrivain qui , sous les auspices de la liberté , se serait exprimé
avec la bienséance , la franchise et la droiture d'un homme qui
met quelque prix à l'estime de ses semblables , s'il est comprimé
dans sa pensée , lui donuera une teinte plus caustique
et plus mordanie , quelquefois même aux dépeus de la véritć ,
Il fant bien qu'il fasse expier à la tyrannie les dangers qu'elle
lui fait courir. Lelà , l'esprit de satyre et de diatribe à la place
de l'esprit de discussion . Genez la liberté de la presse , il n'y
aura que la malignité et la calomnic qui y gagnerout.
Avant même la découverte de l'imprimerie , les crimes des
tyrans les plus soupçonneux ont - ils échappé à la plume des
historiens qui les ont transmis à la postérité ? Les Tibere , les
Néron , les Caligula n'ont-ils pas trouvé des Suetone et des
Tacite , pour les vouer à l'exécration du genre humain ? Non ,
quand Robespierre eût fait trancher la tête à tous les éclvains
dont le nom serait parvenu jusqu'à lui , des milliers de
vengeurs seraient nés de leur cendie ; il n'aurait fait que
reculer de quelques instans l'époque terrible des révélations
de l'histoire ; mais il n'aurait pu s'y soustraire .
On connaît ce trait d'un empereur de la Chine qui se
plaignait de la hardjesse d'un Mandarin ; il 14 fait venir devant
( 96 )
Ini. A quoi t'occupes - tu , lui dit-il ?
vera place dans tes anuales .
A écrire tes actions.
Quoi ! la conversation que nous avons en ce moment tron-
Oui. L'empereur le laissa
écrire , et chercha à se rendre digne de l'histoire.
Nous ne citous pas ce trait pour rappeller le gouvernement
d'un seul. L'histoire dépose trop contre les crimes des rois ; et
si dans la crise dont nous venous de sortir , le joug de l'oppression
a pesé d'une maniere si intolérable , n'est- ce pas
parce qu'un individu s'était arrogé la plus grande partie du
pouvoir . Mais nous le citons comine une preuve qu'on ne
fléchit jamais l'inexorable , l'incorruptible histoire , et que le
parti le plus sage que puissent prendre ceux qui font des lois
ou qui gouvernent , c'est de laisser un libre cours aux opinions
, et de songer sans cesse que l'histoire est là qui les
observe , et qui recueille le mal comme le bien , pour en
instruire l'avenir. Si les hommes publics avaient plus souvent
présente à leur pensée cette image salutaire et coercitive , combien
elle les éleverait au-dessus des petites passions , et don
nérait à leurs travaux ce caractere de grandeur et de sagesse
qui se fait remarquer par le tems et la postérité , en même
tems qu'il fait le bonheur des générations .
"
Eu redonnant à la presse et aux opinions , la liberté qu'elles -
n'avaient perdue que par la terreur , la Convention a été bien
plus convaincue de leur utilité qu'elle n'a été alarmee des
dangers qui pourraient en résulter. L'aristocratie et la inalveillance
discourent bien moins qu'elles n'agisseut , ce n'est pas
leur bouche qu'il faut enchaîner , c'est leurs actions . Nous
serions bien malhenreux si nous en étions encore aux premiers
tems de la révolution , où la noblesse et le clergé , levant une
tête audacieuse , infectaient la presse de leur poison aristocrauque.
Alors existait un roi et la royauté qui servait de point
de ralliement aux uns , et la constitution de 1791 que les
autres feignaient d'embrasser pour la mieux étouffer. Mais
aujourd hui l'état des choses a bien change ; plus de roi , plus
de royauté , plus de constitution monarchique . L'aristocratie
a pris zne autre forme ; elle s'est affublée par- tout du mantean du
patriotisme , elle a emprunté son langage pour précipiter la
liberté dans un abîme d'excès ; elle s'est attachée au gouvernement
évolutionnaire , pour l'emporter hors de la route ,
et le briser contre des écueils . Il n'y a que la liberté de la
presse qui puisse arracher à l'aristocratie son masque , et dépouiller
les loups de la robe du berger qu'ils avaient dérobée .
C'est précisément parce que nous avons tous besoin du gouvernement
révolutionnaire , qu'il faut conserver le seul contrepoids
qui puisse tempérer son action , si elle était dirigée
jusqu'à l'injustice . Croit - on que si la liberté de la presse cût
existé autrement qu'en théorie , il eût été facile aux derniers
tyrans d'ouvrir une carriere aussi vaste à leur systême d'oppression
?
( 27 )
.
On s'épuise vainement à rechercher des moyens de garantie
pour la liberté de la presse . Que peut- on offrir ? des lois ;
mais , en revolution , les lois elles - mêmes sont sujettes à l'instabilité
. C'est une vérité qui nous parait incontestable que ,
dans l'état actuel des choses , il ne peut exister d'autre garantie
de la liberté de la presse , que l'esprit du gouvernement et
l'opinion publique . Si , comme tout nous porte à le croire , le
gouvernement est bien pénétré de la nécessité et de l'intérêt de
laisser un libre cours aux opinions , il favorisera , il protégera
la liberté de la presse . Si cette vérité , unique sauvegarde de
toute liberté politique et individuelle , s'établit et se fortifie par
Fopinion publique , celle ci servira de guide au gouvernement .
C'est par la combinaison de ces deux moyens
par leur
action et leur réaction , que la liberté d'écrire et d'émettre sa
pensée peut se maintenir , jusqu'à ce que le gouvernement
révolutionnaire cédant sa place à un gouvernement fixe , on
mette celui- ci , par des institutions précises , hors d'état de
pouvoir y porter atteinte .

S'il s'est manifesté dans la Convention une espece de dissentiment
sur l'idée que l'on doit attacher au gouvernement révolutionnaire
; ce dissentiment a été bien plus apparent que
réel . Tout le monde veut le gouvernement révolutionnaire ;
il ne s'agit que d'en régler la mesure . Cette mesure nous paraît
facile à indiquer ; elle est dans la marche même de la révolution
. Il faudrait être avengle ou de mauvaise foi pour ne pas
voir que l'état actuel des choses n'est point ce qu'il était au
commencement de la guerre , ce qu'il était lors de la révolution
du 31 mai , ccee qu'il était lors de l'établissement du gouvernement
révolutionnaire , ce qu'il était dans le tems que l'en
nemi nous pressait au-dedans et au - dehors , ce qu'il était sons
le sceptre de fer qui vient d'être brisé . Or , si la révolution a
varié , si elle est susceptible encore de changer de nuances ,
il faut que l'esprit du gouvernement révolutionnaire change
avec elle . Vouloir la retenir à la même hauteur , quand les circonstances
ne sont plus les mêmes , est un véritable contresens
politique . Voilà ce que tout le monde a vu , et ce qui
doit mettre tout le monde d'accord .
Comité de sûreté générale.
Il a été rapporté dans plusieurs journaux un fait calomnieux
et outrageant pour le comite de sûreté générale ; on y raconte
que sur un ordre signé Voulland et Vadier , deux personnages
escortés de deux gendarmes , avaient volé des assignats et des
bijoux d'une femme logée rue Grenelle - Honoré ; qu'ayant feint
de la conduire au comité , ils avaient disparu , après av
cacheté les assiguats et autres papiers , du sceau du comité.
( 28 )
Il n'y a de vrai dans cet injurieux récit que le fait suivant :
Une femme se présente au comité , la nuit du 3 de ce mois ;
elle se plaignit d'avoir été volée par deux fileux qui , se disant
agens du comité de sûreté générale , et chargés de l'y conduire
, disparurent après s'être emparés de son porte - feuille ;
le comité , sur cette déclaration , fit vérifier ses registres , et
on n'y trouva point d'ordre contre cette femme ; il fut écrit à
la police pour rechercher les prétendus filoux dont elle donna
le signalement.
Mais il est faux qu'il ait existé de mandat d'arrêt ou d'amener
contre la citoyenne dont il s'agit ; il est faux qu'elle ait
cité dans sa déclaration les signatures alléguées dans les jontnanx
; il est faux qu'elle ait parlé de gendarmes ; il n'a pu
exister de mandat signé de deux membres seulement : enfin ,
il n'y a aucune preuve que le cachet du comité ait été employé
pour cette escroquerie vraie ou supposée .
Nous t'invitons , citoyen , à insérer cette lettre dans ton
journal ; il importe d'effacer le mauvais effet que pourrait produire
un récit aussi perfide que mensonger.
Les représentaus du peuple membres du comité de sûreté
générale.
Signés , VOLLLAND , VADIER .
Extrait du registre des arrêtés du comité de salut public de la
Convention nationale , du 6 fructidor , 2º . année de la République
Française , une et indivisible.
Le comité de salat public , d'après les différentes observations
qui lui ont été faites , que nombre de fermiers ou métayers
quittent lears fermes ou métairies sans en prendre
d'autres , et que beaucoup de citoyens qui ont contume de
s'engager pour les travaux de la campagne , soit pour un tems
limité , soit pour l'année , moyennant un prix convenu , refusent
de remplir leurs engagemens sans en avoir aucun ;
convaincu qu'il suffit de rappeller à tous les bons citoyens
les obligations qu'ils ont à remplir , arrète :
Art. 1. Les municipalités sont spécialement chargées de
faire connaitre aux fermiers et métayers qui voudraient quitter
leurs termes ou metairies , sans passer dans une autre , qu'il
est de leur devoir , pendant que sombre de citoyens exposent
leur vie pour la defense de la patrie , de travailler de leur
côté à leur procurer des subsistances en cultivant la terre .
" Ils se serviront des mêmes moyens pour éclairer tøns les
citoyens qui ont coutume de contracter dans les campagues ,
pour des travaux concernant l'agriculture , des engagemens ,
soit pour un tems limité , soit pour l'année.
" II. Si cette mesure était insaffisante , les municipalités
Sont autorisées à mettre en requisition tous les fermiers et mé-
· ayers qui quiseraient leurs fermes ou métairies , sans passer
( 29 )
dans une autre ; et ceux qui n'obéiront pas à la requisition ,
seront détenus jusqu'à ce qu'ils aient fait connaître les métajries
qu'ils doivent occuper.
,, ill . Tous les citoyens qui ont l'habitude de s'occuper
des travaux de l'agriculture , en contractant , moyennant un
prix convenu , des engagemens , soit pour un tems , soit pour
l'année , sont tenus de les remplir , et ceux qui voudraient s'y
soustraire , seront mis , par la municipalité , en requisition ,
pour le tems qui restera à courir pour remplir leur marché .
" IV. Les fermiers , métayers ou autres qui recevront avant
l'expiration des termes d'usage , suivant les cantons , un citoyen
qui se sera engagé pour un tems , sans s'être fait représenter
le certificat de la municipalité du lieu où il était en location ,
qui constatera que son tems est fini , ou qu'il a eu des raisons
légitimes pour quitter auparavant , seront condamnés par la
municipalité du lien de leur résidence , envers celui dont le
marché aura été rompu , à une indemnité qui sera fixée au
prix total de la location .
" V. Les municipalités jugeront sans appel toutes les contestations
qui pourraient survenir d'après le présent décret.
,, VI . Sont exceptés de la requisition et des dispositions
ci- dessus , tous les citoyens qui voudraient servir dans les armiées
, on être employés dans les transports .
" VII. Tous ceux qui voudraient profiter de l'exception.
portée dans l'article Vi , seront obligés , dans les 24 heures ,
de se présenter à la municipalité de leur residence , d'y déclarer
le genre de service dans les armées ou dans les transporis
, qu'ils auront choisi , et leur départ ne pourra être
retardé de plus de trois jours .
Le présent arrêté sera inséré au bulletin.
Signés au registre , R. Lindet , Carnot , Eschasseriaux ,
Treilhard , Bréard , Tallien , Biliand-Varennes , Collot- d'Her
bois , P. A. Laloy , C. A. Prieur , B. Barerre , Thariot.
NOUVEAU TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
29 thermidor. A l'ouverture de la séance ; le président a
rappellé aux jurés que le peuple leur a confié des fonctions
qui attirent les regards des citoyens . Ces fonctions , a- t-il dit ,
doivent être confiées à des hommes vertueux : le sort de l'innocent
et celui du coppable sont eutre vos mains ; vos fonetions
sont redoutables . S'il y avait parmi vous des citoyens
qui n'eussent pas assez de vertu pour les remplir , ils devraient
s'abstenir de sièger ici . Ce sauctuaire ne sera jamais profané :
la loi frappera le coupable , et elle restitutera la liberté à l'innocent.
( Applaudi . )
Après la lecture et la consignation de plusieurs décrets , l'aeeusé
, dont les noms et les qualités suivent , a été amené .
( 30 )
J. H. J. B. Bonnier , dit de Langle , âgé de 26 ans , né à
Paris , ci-devant apprentif coëffeur , ci -devant volontaire au
régiment des cuirassiers , ex-comte des Terrieres , ex-marchand
à la toilette , rue de Bussy ;
Est accusé d'avoir conspiré contre le peuple , en entretemant
des intelligences avec les ennemis , en émigrant du territoire
français , en prenant les armes contre la République ,
en rentrant clandestinement en France , en y vivant dans le
plus grand secret .
Les témoins et l'accusé entendus , les débats fermés , l'ac-
"cusateur public et le défenseur de l'accusé aussi entendus , le
résumé fait , et les questions posées par le président , les jurés
se sont retirés dans leur chambre ; ils sont rentrés dans la salle
'du tribunal.
Aussi- tôt le président a observé que Mathey , ex- curé de
Montereau , condamné à vingt années de galeres , nommé
juré , ensuite suspendu de ses fonctions par décret de la Convention
nationale du 25 de ce mois , se trouvait au nombre
des jurét ; le tribunal a déclaré les débats uls , a ordonné
qu'ils seront recommencés , et le président a enjoint à Mathey
de se retirer , ce qui a été effectué au milieu des applaudissemens
de l'auditoire ; et attendu que le tribunal allait
se rendre à la Convention nationale pour y rendre compte de
cet événement , la séance a été levée pour être reprise primidi
prochain .
1er. fructidor. J. Saumon , dit Labran , âgé de 54 ans , né
Roussinet , district de la Rochefoucault , charretier et cultivateur
à Busseroles , département de la Dordogne ;
Convaincu d'avoir sciemment tenu des propos contre- révolutionnaires
, d'avoir commis des meurtres et assassinats envers
plusieurs citoyens de la force armée , de s'être opposé au recrutement
, a été condamné à la peine de mort .
C. Maury , âgée de 50 ans , née à Notrou , femme de Saumon
; co-accusée , a été acquittée et mise en liberté .
P. A. Lavaur , âgé de 31 ans , né à Montfaucon , département
du Lot , ex - homme de loi , défenseur officieux près le
tribunal du district de Gourden ;
Convaincu d'avoir sciemment résisté aux autorités cons ituées
, d'avoir fait des rassemblemens pour empêcher le recrutement
, d'avoir provoqué le rétablissement de la royauté , et
d'avoir insulté l'arbre de la liberté , a été condamné a la peine
-de mort.
2 fructidor. Ce tribunal a pris une marche réguliere de justice
bien differente de celle qui guidait les infâmes Dumas ,
Coffinhal , etc. La soif insatiable de sang qui les dévorait ,
leur faisait ammonçeler pele-mêle leurs victimes dans la salle
du tribunal ils semblaient regretter que certe enceinte n'en
pû contenir un plus grand nombre , pour faire excouter,
·( 31 )
comme disaient ces monstres , un feu de file , sur l'innocent
comme sur le coupable. Un systême de justice succede aujourd'hui
à leur systême d'iniquité . Les accusés dont les délits leur
sont personnels , paraissent actuellement seuls dans leur cause.
Ainsi , au lieu d'aggrandir les gradins qui devaient recevoir les
accusés ( et telles étaient les dernieres résolutions des scélérats
qui ont payé de leur tête leurs execrables forfaits ) ; le public
a vu avec une espece de plaisir religieux , diminuer de plus de
moitié ces gradius . La salle a été rétablie dans l'état où elle
était au commencement de l'établissement du tribunal révolu
tionnaire .
Jean -Henri Ficher , âgé de 16 ans et demi , né à Kercastel ,
département du Bas Rhin , maréchal - ferrand à Kercastel ,
convaincu d'avoir commis à Schopaten un attentat contre la
liberté , en frappant de plusieurs coups de sabie l'arbre de la
liberté , plante dans cette commune ; inais attendu qu'il ne l'a
pas fait avec des intentions contre- révolutionnaires et avec la
plénitude de sa raison , étant très- iyre , il a été acquitté et mis
en liberté.
( La suite au numérɔ prochain) .. :
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DU NORD.
A l'Ecluse , Flandre hollandaise , le 9 fructider.
La prise audacieuse de l'isle de Cassandria était le prélįminaire
de celle de la forteresse de l'Ecluse . Nous y somines
entrés ce matin après vingt- deux jours de tranchée ouverte.
Le drapeau tricolore flotte sur les tours de cette ville , et à la
honte de la Hollande , il faut que l'emblême de la liberté
renire chez elle par le droit de conquête . L'attaque de cette
place pronvera que les Républicains Français ne sont pas moins
constans pour surmonter les obstacles que l'art et la nature
opposent à la prise des places , qu'ils sont audacieux à vaincre
leurs ennemis en rase campagne .
En vain les écluses levées ont inondé les environs de la
place ; il ne restait qu'une digue fort étroite sur laquelle on
pouvait cheminer , encore était - elle inondée deux fois par
jour par la haute marée . En vain des feux croisés étaient
dirigés sur ce point d'attaque ; rien n'a arrêté nos intrépides
guerriers
Malgré le feu le plus meurtrier , malgré la contrariété des
tems , la sape a été conduite avec la simple fascine jusqu'à
portée de pistolet des batteries de la place . J'ai vu nos soldats
dans l'eau et dans la boue jusqu'à la ceinture , qui bien loin
( 32 )
de se rebuter , eriaient : vive la République , nous n'en aurons pas
le démenti . Enfin , l'assaut avait été résolu ; les troupes l'attendaient
avec cette impatience qu'irritent les obstacles ,
lorsque la garnison a demandé à capituler , et l'on ne pouvait
pas refuser de recevoir comme prisonniers de guerre des soldats
qui n'avaient fait que leur devoir .
" Ce sera sans doute une belle page à ajouter à l'histoire de
cette guerre que la prise de cette ville . il n'a fallu rien moins
que le courage le plus intrépide pour vaincre les élémeus
Teunis , dont le moindre était le feu ; les maladies qui nous
accablaient donnaient aux tres soldats la volonté décidée de
finir par tous les moyens possibles . An ieu de marcher aux
1- atteries par des tranchées profondes de six pieds , suivant
l'usage , ils allaient souvent à découvert avec une întrepidité
qui n'a pas d'exemple.
99 C'est ainsi qu'une place qui s'est défendue plusieurs fois
pendant trois et quatre mois , est tombée en notre pouvoir au
hout de vingt-deux jours . Le général Morean , qui dirigeait ce
siége , aidé du général Eblé pour l'artillerie , et du chef de
brigade Dejean pour le génie mérite • les plus grands éloges .
» Parmi nombre de traits honorables , il en est un qui
mérite plus particulièrement d'être cité ; celui du citoyen
Brairon , grenadier du premier bataillon de la Marne , qui ,
au milieu d'ane grêle de mitraille et de mousquetterie , a été
jusqu'à la crête du glacis , éteindre quatre pots à feu l'an
après l'autre. La Convention regrettera qu'une si belle action
ait eu des suites fâcheuses , puisqu'il a fini par recevoir une
balle qui le blessa legérement à la tête .
" A présent , je dois vous parler de cette prise importante
sous les rapports utiles , non pas quant à la ville en elle- mène ,
car nos canonniers n'ont pas laissé une maison habitable ; mais
nous avons trouvé 150 bouches à feu , dont plus de moitié en
bronze , beaucoup de fer coulé , cent milliers de poudre ,
près de huit mille fusils , dont six mille neufs . Je vous ferai
passer incessamment un détail plus exact , et la capitulation .
La garnison prisonuiere est environ de deux mille hommes.
Signé , LACONBE - SAINT MICHEL , représentant du peuple.
99
N. B. Dans le séance du 12 Lecointre de Versailles a
accusé Billaud -Varennes , Collot- d'Herbois , Barrere , Voulland
, Vadier , Amar et David , d'être les complices de Robespierre,
Eillaud -Varennes a obtenu la parole , et a répondu aux
inculpations faites contre lui par Lecointre.
Sur la proposition de Thuriot , l'Assemblée toute entiere a
déclaré que ces membres n'avaient cessé de défendre la cause
du peuple , et de combattre pour la République , et a passé à
l'ordre du jour sur les inculpations dirigees contre eux par
Lecointre de Versaill.s .
( N°. 42. )
MERCURE FRANÇAIS .
DÉCADI , 20 FRUCTIDOR , l'an deuxieme de la République.
( Samedi 6 Septembre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
Diane surprise par l'Amour.
De Cupidon Diane évitait la poursuite :
Un jour surprise dans le bain ,
Elle laissa tomber son voile dans sa fuite ;
Ce Dieu le releva soudain.
Il court , en souriant , le porter à sa mere ,
Qui s'en pare d'un air vainqueur ;
Sûre que la beauté ne peut manquer de plaire ,
Sous le voile de la pudeur.
MON
CHARADE.
ON premier garantit de blessure légere ;
Mon second au plaisir invite bon vivanı
De l'ennui , du dégoût , effet trop ordinaire ,
Mon tout sur notre vie épand son poison lent,
ENIGME.
POUR OUR le chasseur d'un utile service
Je suis l'écueil des habitans des bois s
Dans les mains de l'Amour on me peint quelquefois ,
Ce Dieu m'emploie à ses tours de malice.
Je suis encor plus dangereux ,
Quand de vos doigts , belle Sophie ,
Ayant exercé l'industie ,
Je couvre vos attraits , ou pare vos cheveux .
Tome XI.
( 34 )
LOGO GRIPHE.
Ce que je suis , lecteur , tu l'es toi - même ;
Tous les rapports sont égaux entre nous :
Tu dois m'aimer comme je t'aime ,
La même loi nous assujettit tous ;
Ta dignité , ton sexe , ni ton âge
Ne t'exceptent point de la loi ,
Et le berger , comme le roi
Sont enfans du même lignage.
Eh quoi donc ton projet est - il de nous prôner ,
Grave docteur ? va -t- on me dire ,
Car dans le lieu commun que tu viens nous donner ,
On ne voit , ni le mot pour rire ,
Ni le mot même à deviner.
Soit , j'y consens , brisons sur la morale ,
Et trouvons dans mes premiers vers
Le sens d'un mot , lequel mis à l'envers
Offre d'abord un animal très - sale ;
Une grande exclamation ;
Plus , unc préposition ;
En mer , une pointe avancée ;
Une autre moins visible , es non moins redoutée ;
Encore une négation ;
Des animaux la chevelure ;
Ce qui dans tous exprime la terreur
Et le plaisir et la douleur ;
1.
"
Un arbre dont l'hiver respecte la verdure ;
L'effroi des hôtes des forêts ;
L'heureux produit des fruits de nos guerets ,
Terme où finit l'agriculture ,
Et des plus utiles sujets
Souvent l'unique nourriture,
( 35 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
-
Discours décadaires pour toutes les fêtes de l'année républicaine , publies
par numéros , selon l'ordre où ces fetes ont été décrétées par
la Convention nationale ; par le citoyen Poultier , représentant du
peuple , député par le département du Nord. Nos . 1 et 2. Prix ,
12 sols . Il y aura vingt - deux livraisons de cet ouvrage ; chaque
livraison contiendra deux discours . Le prix de chaque livraison sera
de 12 sols pour ceux qui n'auront pas souscrit ; ceux qui s'abonntront
pour onze livraisons , moyennant 6 liv . payées d'avance ,
recevront franches de port dans toute la République. Le bureau de
distribution et d'abonnement est chez Fr. Taithout l'aîné , rue
Martin , no . 51 , à l'imprimerie des écoles républicaines . L'an 2º.
de la République Française.
les
LA premiere fête est consacrée à l'Etre Suprême et à la Nature .
Cette fête doit être célébrée dans la campagne au milieu des
productions de la nature , sous la voûte du ciel et près d'une
montagne.: l'orateur prononce son discours sur le sommet de la
montagne. Il dit : Nous te saluons , pere des hommes et de la
liberté , nous élevons jusqu'à toi notre voix reconnaissante !
Tous les âges se réunisscut sous la voûte éternelle de la nature
pour te bénir et proclamer ton nom sacré . Tu nous
inspires l'amour du travail ; tu nous donnes la patience , la
force , le courage et les sentimens généreux qui relevent la
dignité de l'homme ; tu veilles à notre conservation et à notre
bonheur : tu secondes nos efforts journaliers , en faisant naître
eroître et mûrir les fruits qui servent à notre nourriture et à
nos plaisirs .
Nous te cherchions depuis long- tems à travers le voile épais
que des prêtres imposteurs avaient mis entre toi et nous ; enfin ,
ce voile est déchiré , et nous pouvons aujourd'hui te présenter
un hommage pur et digne de ta grandeur suprême......
Nous abjurons pour toujours leur funeste doctrine ; nous ne
profanerons plus la pureté de ton culte par de ridicules superstitions
; les superstitions sont nées du remord ; le remord
est né du crime. Si emportés par la violence de nos passions
nous commettons quelques fautes envers nos semblables , nous
les expierons en devenant meilleurs. Tu n'as jamais repoussé
la faiblesse qui se répent ; tu fortifies au contraire ses résolutions
chancelantes . L'homme égaré ou trompé , tu le ramenes
par l'attrait inéfaçable de l'estime et l'exemple puissant de la
vertu . Nous ne consumerons plus un tems précieux en disputes
vaines et interminables sur ton essence , sur la maniere.
dont tu existes , sur le lieu que tu habites. Ces contestations
G 2
( 36 )

ridicules , en divisant les hommes , les ont armés les uns contre
les autres et ont fait couler des flots de sang. La vertu
ne raisonne pas , elle agit. Faire ce qui te plaît , n'est - ce
pas te connaitre ? Ce qui te plaît , c'est la fraternité entre les
hommes , la modération dans la prospérité , le courage dans
les traverses de la vie , l'héroïsme dans les efforts d'une nation
qui recouvre ses droits . Ce qui te plaît , c'est le désintéressement
, la probité incorruptible , le dévouement à la patrie ,
la bienfaisance sans ostentation , l'intégrité dans les magistrats
du peuple , l'amour de la justice , la douceur , la vigilance
l'assiduité dans l'exercice des fonctious publiques , la piété
filiale , la tendresse maternelle , le respect pour la vieillesse
et pour l'enfance , et la pitié compâtissante pour les malheureux .
O nature ! tu es la bienfaitrice des hommes et la compagne
inséparable des félicités pures ; tu fais aimer l'ingénuité de
l'enfance , tu développes les graces fieres de la jeunesse , tu
remplis de force et d'activité l'âge viril , tu imprimes une donce
majesté aux cheveux blancs ; les meres te doivent leur fécon
dité et l'intérêt touchant qu'elles inspirent ; tu donnes la pudeur
aux jeunes filles , et aux hommes le sentiment irrésistible qui
les entraîne vers la beauté modeste et sans artifice ; tu fais
couler les larmes d'un pere à la naissance de son fils ; tu
semes de consolations et de joie les douleurs de la maternité !
celui qui t'abandonne se déprave et devient méchant ; il est
son propre fleau et celui de la société ; sa patrie lui est insupportable
, il tombe d'égaremens en égaremens , la vie lui pese
et l'idée de la mort le fait frissonner. En suivant les lois de
la nature , au contraire , on se complaît dans la vertu ; les jours
s'écoulent avec rapidité ; on est aimant et bon ; on ne voit
autour de soi que des frères ; on adore la liberté et son pays ;
on ne craint pas la mort , parce qu'à toute heure on est prêt
rendre compte de sa vie .... Mais en parlant de la nature ,
n'oublions pas qu'elle est l'ouvrage de l'Etre Suprême ; elle
n'est point une chose indépendante de lui ; gardons - nous de
l'en séparer , et de lui rendre un culte idolâtre en la regardant
comme une divinité particuliere . La nature , c'est l'action
de Dieu sur tout ce qui respire . C'est ce mouvement éternel
qu'il a imprimé à tout ce qui existe pour perpetuer le geure
humain et reproduire ce qui peut animer et embellir son séjour.
Suivre la nature , c'est suivre la volonté de Dieu même ,
c'est obéir aux douces lois de l'humanité ; c'est faire le bonheur
des autres en faisant son propre bonheur. Suivre la nature
c'est céder aux impulsions de son eoeur , lorsqu'il n'est pas
corrompu par la dépendance et l'habitude du vice . O nature !
Nous viendrons chaque année dans ces champs parés de tes
dons ; nous viendrons répéter nos cantiques de tendresse et de
reconnaissance.
Le deuxieme discours s'adresse au genre humain : « L'Etre
saprême a créé une grande famille qui s'est répandue sur
1-
( 37 )
tous les points de la terre , pour y former une chaîne de frað
ternité et d'amour : il grava , dans l'ame des individus de cette
famille immense , la sensibilité affectueuse de la piété accuei'-
lante : ces vertus s'y maintinrent long- tems sous l'empire des
meurs patriarchales et des saintes leis de l'humanitë ; mais
les ambitieux et les fourbes corrompirent dans la suite ces
moyens de félicité ; leur orgueil insensé , leur amour effréné
de la domination , leur soif ardente des distinctions et des
richesses produisit la défiance , la discorde , l'audace du vice ,
la dureté , le luxe et la misere : les passions , mobiles des
sentimens généreux , furent empoisonnées dans leur source , et
n'enfanterent plus que des crimes de- là les perfidies et les
brigandages , les assassinats et les guerres ; de- là les poignards
du fanatisme et les haines héréditaires des nations ; de- là les
vengeances atroces , les barbaries au nom du ciel , la désolation
et le deuil du monde . L'homme devint alors l'ennemi de /
l'homme , la nature fut oubliée et ses saintes lois fonlées aux
pieds ; on arracha le fer des entrailles de la terre , on le
façonna en armes et l'on en fit des instrumens de cruautés
et d'oppression : la tyrannie leva sa tête hideuse et jura l'entier
asservissement du genre humain . Graces te soient vendues ,
Peuple Français le genre humain par tes efforts généreux
ne sera pas asservi ; il renversera les vains complots des fourbes
et des rois . Déja dans la République entiere on célebre l'éman
cipation prochaine de tous les peuples , et la chûte inévitable
de tous les trônes .
Citoyens , c'est aujourd'hui la fête du genre humain ! Tandis
que les despotes font des voeux pour son abjection , nous en
formons pour sa prospérité et son indépendance . Que ce sentiment
sublime éleve notre pensée ! sortons du cercle étroit
de nos intérêts particuliers aggrandissons notre sensibilité ,
étéudous - la sur tout ce qui respire ! imprimons enfin à cette
imposante solemnité le caractere auguste qui lui convient .
Dieu du Peuple et de la Liberté ! toi qui veilles sur les destinées
de la terre , vois d'un oeil secourable les nations opprimées
comme nous elles sont on ouvrage , elles ont des
droits à ta justice : écrase les colosses engraissés de tes larmes !
fais sonner pour elles le tocsin révolutionnaire , l'épouventail
de la royanté réveille les de leur longue letargre qu'une
sainte rage arme leurs bras , flétris par les chaînes , du poig
nard de la mort ! que les têtes couronnées tombent d'un seul coup ,
et ce sera vraiment la fête du genre humain ! C'en est fait , les
grandes destinées du monde vont s'accomplir , et avec la régé
nération des Français doit commencer l'insurrection générale
de l'univers les siècles d'esclavage vont passer , l'oppression
va finir , et toutes les nations en levant leur massue extérminatrice
, vont répéter ensemble ce cri formidable : la liberté
ou la mort !....... O Peuples qui vous préparez aux élaus de
la liberté ! et vous qui avez recouvré vos droits en vomissant
C 3
( 38 )
aur les trônes la lave dévorante de l'insurrection ! tout n'est
pas fait encore ; de nouveaux dangers vous menacent ; mille
piéges environnent les premieres années de votre émancipation
. Vous marchez entre deux écueils : les uns venlent amortiz
voire énergie , égarer votre humanité , rendre stationnaire le
char impatient de la révolution , afin que tournant sur luimême
, vous perdiez tout-à- coup le fruit de tant de peines ,
et que vous tendiez de nouveau vos mains aux fers de la servitude.
Les autres , sé préparant de loin à la tyrannie populaire
, avec une ame possédée de l'amour de la domination ,
prennent toutes les formes républicaines ; les exagerent même
au point que le vrai patriote ne peut y atteindre ; ils caressent
bassement le peuple , le flattent avec perfidie , lui arrachent
sa confiance pour s'investir de ses pouvoirs ; ils ont toujours
à la bouche les saints noms d'égalité et de justice , et leur
ambition foule aux pieds les lois les plus sacrées . On les
voit sans cesse à la tribune mendier , par des discours empoisonneurs
, les suffrages des citoyens simples et sans expérience
qu'ils pervertissent insensiblement. Bientôt une foule de créatures
les environnent , ils deviennent des idoles qu'on ne peut
offenser sans crime . Tous ceux qui , libres dans leurs pen
sées , ne veulent pas s'agenouiller devant ces nouveaux dieux ,
sont des conspirateurs que l'on proscrit , et l'échafaud devient
le prix de leur fierté républicaine ; alors toutes les ames se
compriment. La terreur amene la défiance . Un silence profond
regne par-tout , les citoyens se fuient eu se considerent
avec effroi. En portant les yeux sur les symboles de la liberté ,
on croit voir les attributs de la mort. Le patriotisme n'est
plus que l'art de dénoneer , d'opprimer , de voler ou de
proscrire les patriotes . Pendant ce tems les ennemis de la révolution
respirent ; ils méditent leurs projets sinistres , sourient
aux malheurs publics . Quelquefois le peuple se réveille ; il
déchire le bandeau qu'on avait mis sur ses yeux ; il se leve
encore une fois , poursuit les nouveaux tyrans , les atteint ,
les frappe , ils tombent , et leur sang impur raffermit sur ses
bases la liberté qu'ils avaient voulu renverser en l'invoquant
gans cesse .
Peuples , si vous voulez être libres , n'écoutez point les
flatteurs ; aimez , au contraire , celui qui vous dit d'âpres vézités
; les Batteurs ches un peuple libre sont des serpens dangereux
qui s'attachent à la statue de la liberté , ils la caressent,
et après l'avoir enveloppée de leurs tours sinueux , ils la
serrent , l'étouffent et se mettent au- dessus d'elle , après s'être
élevés par elle. Citoyens , au nom du genre humain , reconnaissez
vos amis véritables , ils sont doux et modestes . Loin
des tribunes orageuses et mensongeres , ils méditent dans le
silence votre bonheur , et veillent à la conservation de vos
droits ; ils ne cherchent point la renommée ; ils n'ont point
l'air farouche et cruel , ni le geste menaçant ; ils n'affectent
)
139 )
ni la malpropreté , ni la singularité toujours empressés à
vous instruire , à vous éclairer , ils ne mettent dans leurs discours
ni morgues , ni fureurs. Intrépides dans les dangers de
la patrie , ils cherchent l'obscurité et la retraite quand le péril
est passé ; ils ne vantent pas leurs services , ne demandent ni
plates , ui récompenses ; leur récompense la plus douce est
la conscience d'avoir fait leur devoir et servi la liberté ,,
Nous devons nous arrêter à ces citations , en invitant nos
lecteurs d'avoir recours à l'ouvrage entier , qui deviendra un
cours d'instruction et de morale politique . Ces discours remplis
de grandes vérités et du plus par patriotisme , et animés
par les beaux mouvemens de l'éloquence et les élans du sentiment
, combattent les erreurs des préjugés , éclairent la conscience
du peuple , et lui inspirent l'enthousiasme des vertus
républicaines . Ils sont bien dignes d'être adressés à la nation
la plus puissante , la plus libre et la plus généreuse .
ANNON CE S.
Petit Décadaire d'instruction publique , almanach de poche
très intéressant , contenant 21 tables propres à faciliter l'application
du nouveau systême décimal , aux poids , aux mesures
, aux monnaies et aux tems , précédées d'une instruction
sur la maniere de s'en servir . Prix , 15 sols . A Paris , chez
Aubry , libraire , rue Baillette , nº . 2 ; et chez Dumesnil ét
Montier , rue de Socrate , nº . 6.
Almanach de cabinet , intitulé : Décadaire des poids et mesures.
contenant les anciens jours de la semaine , ainsi que le quan
tieme des anciens mois et les fêtes nouvellement décrétées .
Prix , 8 sols. A Paris , chez les mêmes que ci- dessus.
Recueil de procédés sur les teintures solides que nos végétaux
indigenes communiquent aux laines et aux lainages ; par le
citoyen d'Ambourney , négociant à Rouen ; nouvelle édition
revue et corrigée , et dans laquelle se trouve refondu le supplément
qui a paru depuis . Prix , 4 liv . , et 5 liv. pour les
départemens. A Paris , chez les mêmes que ci- dessus .
L'Antiquité renaissante ou les Français Spartiates , 1er. volume .
Prix , 1 liv. 5 sols . A Paris , chez Dubray et Farre , libraires,
maison Egalité , sous les galeries de bois .
C4
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE .
EN
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 16 Août 1794.
N attendant le résultat des grands mouvemens qui doivent
avoir lieu entre les armées qui attaquent et qui defendent la
liberté de la Pologne , toutes les nouvelles qui nous parvienneut
de ces contrées sont remplies des succès partiels qu'obtiennent
chaque jour les Polonais , et des mesures qu'ils
prennent pour assurer leur indépendance .
On mande de Bruno , en date du 1er , de ce mois , que selon
les avis reçus ici de Varsovie , le général Wieniawrski qui
commandait à Cracovie , accusé de s'être laissé corrompre et
d'avoir reçu 3000 ducats pour livrer cette ville , a été mis hors
de la loi . Son effigie a été attachée à une potence.
Il a été décidé par le tribunal , que les confédérés de Targowitz
et ceux de ' Grodno , complices de la Russie et de la
Prusse , avaient détourné du trésor public 1,417.980 florinș .
Leuis propriétés ont été déclarées responsables de cette
somme.
Les troupes polonaises se sont emparées de forêts dans les
envirous de Varsovie . La connaissance particuliere qu'elles ont
de cette localité , opposera de grands obstables à toute tentative
entreprise dans le dessein de les en déloger .
On apprend qu'outre l'armée de Kosciuszko à Varsovic , il
y a seize mille hommes dans les retranchemens pour garder
l'intérieur de cette place .
Jusqu'à présent on n'a aucune nouvelle des grandes armées
russes qui devaient inonder la Pologne . En attendant , l'insurrection
s'organise plus que jamais dans la Lithuanie et la
Courlande.
L'invasion des possessions prussiennes par les Polonais con-
' tinue à s'effectuer . Ostovitz et Viszna sont en lear pouvoir .
On avait envoyé contre eux , pour les en déloger , des troupes -
qui les jugerent inattaquables . Le bourg de Pionitzka avait
été dégarni en grande partic. Les Polonais qui en furent avertis ,
"se porterent aussi- tôt avec des forces supérieures sur le reste
des troupes qui gardaient cette position . Leur cavalerie tomba
sur leur aniere-garde pendant que huit cents cinquante hommes
d'infanterie emportaient d'assaut les retranchemens . Le général
Prussien eut toutes les peines possibles à rallier ses soldats . II
y cut un grand nombre de morts , et le reste gagna les hauteurS
dans un grand désordre .
( 41 ),
Dans l'affaire de Kollno , le général prussien Preuss a reçu
une balle au travers du corps et est mort le lendemain . Frédéric
Guillaume l'avait gratifié peu de jours auparavant de l'ordre
du mérite.
On mande de Brodi , que tandis qu'une division de Cosaques
Rasses poursuivait quelques escadrons polonais , ceux - ci leur
ont échappé par le moyen de la vitesse de leurs chevaux ,
et se sont jettés dans la ville de Podkamin . Les Cosaques en
poursuivant leur course jusqu'à la nuit ont fondu sur une
division autrichienne qu'ils ont cin d'abord être des Polonais
cette méprise , avant qu'elle ait cessé , a donné lieu à une affaire
sanglante de part et d'autre'; depuis il y a eu des plaintes réci
proques , et les chefs des troupes alliées ont été respectivement
condamnés à des peines graves . Pendant le combat , la cavalerie
polonaise a quitté sa retraite , et s'est jettée sur les camps.
russes et autrichiens elle a trouvé ensuite moyen de rejoindre
le corps principal sous les ordres du Vielowrshi .
Suivant des lettres de Limberg du 2 août , on avait annoncé
que le gouvernement autrichien était revenu sur ses pas et ne
voulait plus prendre part à la guerre contre les Polonais : mais
aujourd'hui ses dispositions paraissent toutes hostiles . Un grand
nombre de commissaires des guerres , suivis d'une partie des
boulangeries de campague , viennent de se mettre en route
pour Lublin plusieurs centaines de voitures chargées d'ap
provisionnemens partent également pour cette coutrée où les
troupes se trouveraient dénuées de toute espece de subsistances
.
Les Polonais continuent de s'approvisionner aux dépens dess
Autrichiens. Ils leur ont enlevé sur la Vistule , à trois lienes
de Varsovie , 71 bâtimens chargés de 8574 grands sacs d'orge ,
de 40,746 grands sacs de seigle et de neuf cents tonneaux de
fatine . Depuis cette prise ils se sont encore emparés de onze
mille grands sacs d'orge et de plusieurs tonneaux de farine
qu'une compagnie de négocians s'était engagée a faire conduire
jusqu'à Roterdam .
On apprend des frontieres de Pologne , en date du 4 aôut ,
que le général polonais Wawzecky qui commande à Libau , à
fait séquestrer tout l'argent appartenant au duc de Courlande
qui se trouve entre les mains des négocians .
Stanislas a proposé de se rendre à l'armée , mais Kosciuszko
lui a fait dire de rester à Varsovie .
Dans une séance du conseil national on a preposé de déclarer
libre tout paysan qui prendra les armes ou qui enverra deux de
ses fils à l'armée : les possessions des traîtres seront partagées
entre les paysans qui défendront la patrie .
Dans le camp pelonais de Mokotow on a fait , le 16 , l'inanguration
solemnelle d'un drapeau appartenant à un bataillon
d'hommes arniés de faulx . Ce drapeau est un présent des
femmes du palatinat de Brzese en Lithuanie , et a été brodé
( 42 )
par elles , sur un fond rouge on y voit dix gerbes , sar
lesquelles une pique et une faulx sont placées en sautoir : audepsus
est un bonnet de liberté ; le tout est environné d'une
couronne de laurier , sur laquelle on lit ces mots : Ils nourrissent
et défendent.
Les nouvelles reçues du camp polonais sous Varsovie , en
date du 28 juillet , sont des plus satisfaisantes . L'abondance
y regne , par une suite de l'enlevement des approvisionnemens
autrichiens faits sur la Vistule . L'argent enlevé dans les possessions
prussiennes sert à payer les troupes en partie , et un
grand nombre d'entr'elles a été muni des armes enlevées aux
Russes.
Le général prussien Schwrein commande un cordon considerable
de troupes qu'il a fallu détacher du corps principal
pour couvrir Lovicz , Skerneviez et Rava . Les magasins , les
boulangeries et les hôpitaux prussiens se trouvent établis dans
ces villes , et Frédéric Guillaume craint qu'un corps polonais
placé dans les environs , n'ait dessein de les attaquer.
russes
La ville de Sierpe dans la Prusse méridionale vient d'être
réduite en cendres . On aroit que cet évenement est une suite de
l'invasion des Polonais dans cette contrée.
Selon des avis regardés comme certains , les troupes
qui s'avançaient dans l'intérieur de la Pologne , ont été forcées
de se retirer avec une grande précipitation vers les frontieres
de la Russie . Les cruautés qu'elles ont commises par-tout où
elles ont passé , ont exaspéré les paysans Polonais . Ils se sont
levis en masse ct ont taillé en pieces plusieurs de leurs
divisions.
Les Prussiens sont toujours maîtres de Cracovie , malgré les
représentations de l'Autriche. Le général Rutz continue de
commander dans cette place.
Des lettres d'Allemagne apprennent que les Polonais ont
si peu d'inquiétude sur leur position qu'ils ont rejetté les
ouvertures qui leur avaient été faites par le roi de Prusse , et
n'ont point voulu souffrir qu'aucune espece de négociation fût
entamée.
En conséquence , les Prussiens et les Russes ont commencé ,
le 29 juillet , à jetter quelques bombes dans Varsovie et dans
le camp retranché de Kosciuszko . Mais les assiégeans voyant le
peu d'effet que produisaient leurs batteries trop éloignées ,
et se trouvant eux-mêmes fort incommodés par le feu des
Polonais , ont suspendu le bombardement le 1er , de ce mois ;
ils attendent de Breslaw de l'artillerie d'un plus gros calibre.
L'armée de Kosciuszko continue à avoir ses communications
libres avec les contrées adjacentes pour les subsistances .
apprend qu'un corps considérable de Russes a été complettement
battu près de Wilna en Lithuanie . L'armée polonaise se renforce
considérablement dans la Courlande
côté toute communication avec la Russie.

- On
et coupe de ce
( 43 )
De Francfort-sur- le-Mein , le 18 août .
La fréquence des courriers qui arrivent chaque jour des
Pays-Bas à Vienne , fait croire que les affaires de ce côté sont
dans une position très- fâcheuse . Le général - major Fischer ,
aide-de-camp de Cobourg , est arrivé avec des dépêches et une
commission que l'on présume être très importante , par la
célérité qu'il a mise à se rendre d'abord auprès de l'empereur
dans son château de Laxembourg , et de- là au conseil aulique
de guerre . Aussi- tôt il s'est tenu , en présence de l'empereur
une conférence secrette , avec le nouveau ministre des affaires
étrangeres , Thugut , et le conseiller aulique de guerre ,
Turkeim.
L'empereur cherche de tout côté à se procurer des fonds .
Après s'être adressé inutilement à la Hollande ; après avoir
ouvert un emprunt en Angleterre , qu'il avait hypothéqué sur
les Pays- Bas , qui déja ne sont plus en sa possession , il vient
de s'adresser aux Suisses pour un autre. On ne présume pas
qu'il ait plus de succès .
La position des armées sur la Meuse est à - peu - près toujours
la même on dit que les Autrichiens attendent pour agir
l'arrivée des renforts d'Allemagne. D'autres prétendent , au con-
:
"
traire , qu'ils ne
do
rien faire jusqu'après le résultat des
négociations que Spencer et Grenville ont entamées à
Vienne , et qui ont , à ce qu'on assure
pour but un traité
de subsides , par lequel l'Autriche fournirait une armée de
cent mille hommes . Mais les Français qui puisent toutes leurs
ressources en eux mêmes , et qui agissent quand les autres
déliberent , leur donneront - ils le tems d'attendre ? De toute
part on annonce qu'ils sont à la veille d'une attaque générale,
Les nouvelles du Haut - Rhin apprennent qu'on avait d'abord
résolu de jetter 10,000 Autrichiens dans Mayence pour défendre
ceue place , mais que les Prussieus regardant cette ville
comme leur principale place d'armes , se chargent de la garnir
eux - mêmes. En conséquence , le quartier- général de l'armée
impériale doit être placé à Bruschal . Depuis la prise de Trèves
par les Français , les Prussiens ont fait un mouvement pour
couvrir Coblentz , pour appuyer l'armée autrichienne sur la
Meuse . On assure que de leur côté les Français cherchent à
couper le Luxembourg et menacent Cologne .
Chaque jour il arrive des voitures de blessés dans cette
ville , ainsi qu'à Francfort . 8000 chevaux sont occupés à transporter
les grands bagages de l'armée autrichienne dans cette
derniere ville ; mais elle est si encombrée , qu'on sera obligé
de les déposer dans les environs . Des milliers de transfuges ,
arrivent de toute part ; ce qui a porté les vivres à un prix exor
bitant. Un grand nombre de familles sont réduites à la plus
grande misere .
( 44 )
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE. r
La prise du fort l'Eclure par les Français leur ouvre incon
testablement la Zélande , et les rend maîtres de l'embouchure
de l'Escaut . Déja Sas-de- Gand , Philippine et Mildebourg sont
investis et bombardés par les troupes de la République . Ou
dit même qu'elles se sont emparées du fort Izabelle . La terreur
s'étend jusqu'à Berg- op - Zoom qui ne se trouve pas dans une
position aussi favorable qu'elle l'était lorsque le maréchal Lowendal
en fit le siege en 1748. Les Français commencent à
s'approcher de Falkensward et d'Eyndhovent ; ils percent aussi
Cure Berg-op-Zoom et Breda . Le duc d'Yorck a renvoyé tous
ses bagages sur des chariots : il attend trois régimens de renfort
. Le prince d'Orange est retourne à l'armée cantonnée à
une lieuc de Breda , d'où elle s'étend jusqu'à Staybeck ; c'est
dans ce village que se trouve le point de communication entre
son armée et celle du duc d'Yorck , composée d'Anglais et
de Hessois.
Aux environs de Maestrich tout était encore tranquille le
81 août. Le corps du général Kray est le seul qui se soit posté
en-deçà de la Mense . Les Français étaient toujours à St. -Tron
et à Tongres , mais le bruit courait , lego , qu'ils avaient fait
un mouvement vers Bilsen.
Le 19 , les Autrichiens ont passé la Meuse à Vizer , pour
aller donner des renforts à leurs corps qui sont maîtres du fort
St.-Pierre en deçà de Maestrich , tandis qu'une autre colonne ,
campée entre la Chartreuse et Herve , après avoir filé à travers
les bois et les ravias de Limbourg , a essayé de surprendre le
camp des Français posté à Vierzet , au- dessus de Hui ; mais
par-tout ils ont été vigoureusement repoussés par les troupes
françaises ; ce qui a décidé Cobourg à se retirer en deux colounes
vers Aix - la - Chapelle . Mais on assure que déja les Français
sont en mouvement depuis le 24 , et que le général Jourdan
n'attend plus que la colonne de 20,000 hommes qui lui arrive
par les Ardennes , pour ataquer les Autrichiens sur tous les
points si Valenciennes et Condé tombaient en leur pou
voir , comme il y a tout lieu de le craindre , alors leur armée
se renforcerai des corps considérables qui investissent ces
places , et Cobourg ne serait plus en état de leur résister .
Le directoire du cercle du Bas - Rhin et de Westphalie a
donné ordre aux émigrés Français d'évacuer Aix - la- Chapelle
et son territoire.
On apprend d'Anvers que parmi les ôtages envoyés de cetre
ville en France , pour sûreté du paiement de la contribution
de 10 millions , demandée au nom de la République Française
, se trouve le prêtre Van- Eupen , si célebre par son fa »
natisme et sa haine contre l'Autriche . Ce qu'il y a d'assez
singulier , c'est que l'université de Louvain , qui a tant réclamé
( 45 )
auprès de Joseph II pour la conservation des priviléges de
son corps , ue prétend plus aujourd'hui faire corporation , depuis
que les Français lui ont demandé son contingent pour
la contribution .
ITALIE ET SUISSE.
sang en
Dans le tems que Robespierre faisait couler le
France , par son tribunal révolutionnaire , il trouvait des imitaleurs
a Genève . Cette malheureuse ville a été en proie ,
pendant quelque tems , à des exécutions qui paraissaient envelopper
les patriotes comme les aristocrates . Mais depuis
qu'on a appris le sort qu'avait éprouvé ce tyran à Paris , le
parti qui suivait ses traces a heureusement perdu toute son
influence , et semble honteux des excès auxquels il s'est livré .
La république de Berne ne pouvait rester indifférente à la
vae de ces désordres . Voici la proclamation qu'elle a publiée
:
Les no velles publiques nous ont appris les scenes déplorables
qui viennent de plonger dans le deuil la ville de
Genève. Cette république , à laquelle nous avons constamment
pris l'intérêt résultant des longues et intimes relations
d'allies , et des connexions habituelles d'un voisinage immediat
, est livrée à des calamités inouies dout il est impossible de
prévoir ni l'étendue , ni la durée , ni les suites . Au moment
où l'on nous faisait espérer le retour de la paix et de la tranquillité
, par le nouvel ordre de choses que le gouvernement
venait de neus anuoneer solemnellemedt , de mémne qu'au canton
de Zurich , comme le terme de toutes les dissensions ,
une troupe de gens armés et effrénés a attaqué et renversé la
liberté publique et la sûreté personnelle. On les a vus violer
a force ouverte les domiciles , en aracher une foule d'individus
, les arrêter arbitrairement , les mettre en diverses prisons .
Les violences ont été étendues jusqu'aux ministres de la religion
, d'une maniere qui semble annoncer sa proscription prochaine
dans une ville qui en fut long-tems un des principaux
appuis . Au milieu de cette subversion générale , le sang a
coulé , des citoyens ont été im.nolés contre le voeu mème de
la majorité des votans ; de nouvelles victimes sont désignées ,
de nouveaux attentats sur les personnes et les propriétés se
préparent et s'exécutent au milieu des sermens de conserver
les formes établies et les lois de l'état et Genève consternée
attend , dans la terreur , le sort que lui préparent les perturbateurs
sanguinaires qui ont usurpé le droit de disposer des
vies et des fortunes de leurs concitoyens .
,, Nous voyons , svec une douleur extrême , la triste destinée
d'une ville dont le bonheur et la paix furent de tour
tems l'objet de nos soins , et dont la situation intéressa de si
près la tranquillite de notre état et celle de la Suisse . Mais la
1
( 46 )
connaissance que nous avons acquise de la criminelle parti- .
cipation de divers individus de notre pays aux horribles excès
que nous venons de retracer , aggravant encore notre douleur
, et ajoutant à notre indignation notre sollicitude paternelle
pour la sûreté et l'honneur de notre patrie , ne nous
permet pas de tolérer sur notre territoire ces hommes souilles
par le crime .
" En conséquence nous ordonnons , par la présente publication
, que l'entrée leur en soit interdite ; et voulons que
tous ceux de nos sujets , qui seraient reconnus pour avoir eu
quelque part à ces scenes atroces , soient à l'instant dénoncés
et saisis ; nous réservant de prononcer sur les justes châtimens
que leur coupable conduite , dans une ville si long- ms
notre alliée , leur aura méritée . Nous ne doutons pas , chers
et féaux , que , partageant avec nous les sentimens qui nous
animent , vous ne redoubliez de zele dans l'exécution de la
présente ordonnance . Nous aimons sur- tout à nous persuader
qu'à la vue des malheureux évenemens qui assiégent cette république
voisine , vous appréciez d'autant mieux le bonheur
de vivre sous des lois douces et équitables , qui , secondées
d'une religion bienfaisante , nous font jouir depuis si long- tems
des biens inestimables de la paix et de la tranquillité , et de
toutes les prospérités que Dieu répand sur les peuples qu'il
aime , et dont nous éprouvons , ainsi que nos peres , la toutepuissante
protection . Ce Dieu ne nous abandonnera pas , si ,
reconnaissant ses bienfaits et mettant notre confiance en lui ,
nous cherchons à mériter sa bonté et ses faveurs par nos vertus
, par notre attachement à ses saintes lois et notre amour
pour la patrie .
( Signé par la chancellerie de Berne . )
On apprend également de Genève qu'il s'était élevé des
nuages entre le résident Français et les syndics et conseil de
cette république . Le résident avait remis une note dans laquelle
il se plaignait de quelques évenemens qu'il appellait des
insultes contre le Peuple Français . Voici la réponse qu'ils ont
faite à cette note :
Quel est le citoyen de Geneve , lui disent-ils , s'il n'est
pas un traître à sa patrie , qui puisse entrevoir quelqu'avantage
à fatiguer , comme vous le dites , le peuple des environs , à l'animer
, à l'armer contre nous !
" Nous vous le dirons sans détour , citoyen résident , ce
sont les tournures insidieuses que vous vous efforcez de donner
aux événemens , qui sont vraiment faites pour animer
contre le peuple des environs , et nous compromettre avec lui .
" Est-ce donc pour une telle oeuvre que vous avez été envoyé
au milieu de nous ?
" La nation française a mis à l'òrdre du jour la justice et
la probité ; et vous qui êtes son représentant , vous falsifiez les
faits pour nous imputer des torts !
( 47 )
,, La nation française , devenue véritablement républicaine
déploie un caractere de loyauté et de grandeur qui excite toute
notre vénération , toute notre confiance ; et vous , vous vous
abaissez aux misérables tracasseries de la diplomatie des rois !
,, La nation française veut fraterniser avec tous les peuples
libres ; et vous , vous abusez de l'influence attachée à votre
place pour compromettre , avec cette nation , le seul peuple.
qui ait adopté ses principes !
" Vous nous menacez de mémoires où seront consignés les
délits des ennemis de la France dans Geneve , depuis 1789. Nous
savons , citoyen résident , que des mémoires ont déja été composés
, et même envoyés contre nous . Nous savons qui sont
les auteurs de ces mémoires ; mais ce que nous savons aussi ,
c'est que le tems n'est plus où les visirs qui gouvernaient la
France ne souffraient pas avec patience que les petits états
eussent raison contre leurs agens . Ce que nous savons , c'est
que le comité de salut public ne refusera pas de nous écouter ;
qu'il ne jugera pas une nation toute entiere sans l'entendre , et
que nous aurons de grandes vérités à dire .
" Ne croyez donc pas , citoyen résident , nous avoir fait
une menace . Vous nous avez seulement annoncé un terme après
lequel nous soupirons , celui des tracasseries dont nous sommes
l'objet.
Citoyen résident , nous venons de vous parler avec le ton
des hommes libres . Nous venons de vous dire de dures véri
tés . Si notre langage vous offense , vos provocations réitérées
neus justifieront auprès de ceux qui font quelque cas de la
franchise et de la fermeté .
" Nous vous prévenons , citoyen résident , que nous envoyons
votre note et notre réponse au comité de salut public .
Nous estimons aussi que c'est le cas d'adopter la proposition
que vous nous fites l'hiver dernier , et que nous n'avons
jamais repoussée de faire imprimer dans certaines occasions
nos communications réciproques. Nous devons en effet , à nos
concitoyens , de leur faire connaître ce que vous nous avez
dit , et ce que vous nous avez mis dans le cas de vous répendre.
",
On ne doute pas que le comité de salut public de la Convention
Française n'examine avec scrupule la conduite de
son résident , et si elle est conforme aux instructions qu'il
reçues dans l'exercice de sa mission .
On apprend de Florence que c'est l'Angleterre qui a enjoint
au grand duc d'ordonner l'armement dont on s'occupe ,
et auquel on a donné pour prétexte le besoin de maintenir
la tranquillité intérieure . Le cabinet britannique avait déclaré
que,
faute d'obéir à cette impérieuse requisition , lui - même
ferait entrer en Toscane un nombre de soldats étrangers égal
à celui qu'il demandait.
On ressent vivement en Italie la pesanteur du joug britan(
48 )
nique . Les yeux s'ouvrent sur les résultats de la conquête de
la Corse ; on voit clairement que le commerce de la Médi
terranée va être exeessivement gêné par les Anglais , et on
espere que l'énergie des Français l'affranchira de ses entraves.
Des lettres de Turin , du 6 août , annoncent que vers le mont
Ginevre les Français continuent leurs préparatifs pour le siége
du fort Exiles . La place n'est pas cependant encore investie .
Gependant on s'est jetté de part et d'autre quelques boulets et
quelques bombes .
Du côté de Borgo - Saint - Salmazzo , on se canonne presque
tous les jours . Les Français ont établi des batteries sur la rive
du Gesso , opposée aux batteries du camp piémontais . Il y a
aussi de fréquentes escarmouches ; mais jusqu'à présent il
' en est rien résulté de considérable.
Le roi de Sardaigne a nommé gouverneur de Coni le
jeune Carignan . A Ceves on a arrêté , ces jours passés , six
personnes.
On s'occupe à Livourne à dresser des batteries , tant du côté.
de la mer que du côté de la terre . On craint que les Français
ne tentent de faire une invasion dans la Lombardie , et n'aient
en vue de s'emparer de ce lieu.
Le débarquement de la cavalerie napolitaine est achevé . Le
premier régiment consistant en 600 hommes , est parti pour
Pise et pour la Lombardie . Le second doit suivre demain .
On attend un troisieme régiment qui doit s'être embarqué à
Naples.
Des lettres de Milan apprennent que le général de Vim quitte
le commandement des troupes autrichiennes . On en donne pour
raison le mauvais état de sa santé .
Les Français ont de nouveau reçu l'ordre de s'avancer
dans le Piémont . Un corps de cavalerie considérable , venant
d'Aix , va renforcer leur armée d'Italie , et sera suivi par d'aut: es
troupes.
Les nouvelles d'Espagne ne sont point satisfaisantes . Dans
l'état d'anxiété où se trouve le gouvernement , il veut essayer
s'il trouvera sen salut dans de nouveaux agens . Tout le conseil
a été renouvellé . Le grand - inquisiteur lui - même a été
destitué et remplacé par l'archevêque de Tolede .
1
Le général Caro , désespérant de povoir ranimer le courage
abattu des soldats , a donné sa démission . Il est remplacé par
le vice -roi de Navarré . Comme ce dernier se trouve dans un
âge fort avancé , il a sous ses ordres les deux lieutenans - généraux
Verratia et Ossuna , dont l'un commandera dans la
Biscaye , l'autre dans la Navarre .
( Nous donnerous l'article Angleterre au numéro prochain . )
RÉPUBLIQUE
( 49 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAIS E
CONVENTION NATIONALE.
PAESIDENCE DE MERLIN ( de Thionville ) .
Séance de duodi , 12 Fructidor.
Jean Debrie qui avait obtenu la parole la veille , prononce
an discours énergique et éloquent , dans lequel il fait voir que
l'unité dans la Convention est le garant de l'unité dans la
République. Il est trop intéressant par ses vnes et par la pureté
de ses intentions pour ne pas le donner en entier. ( On
le trouvera au numéro prochain . )
La dénonciation qu'avait annoncée Lecointre de Versailles
avait attiré une foule innombrable d'auditeurs. Il s'exprime en
ces termes :
" Citoyens collegues , j'entreprends de démontrer à la
Convention nationale , et par pieces authentiques , et par témoins
, que les citoyens nos collegues Billaud - Varennes , Collot
- d'Herbois et Barrere , membres du comité de salut public ;
Vadier , Amar , Voulland et David , membres du comité de
sûreté générale , sont repréhensibles :
10. D'avoir comprimé , par la terreur , tous les citoyens
de la République , en signant et en faisant mettre à exécution
des ordres arbitraires d'emprisonnement , sans qu'il y ait
contre un grand nombre d'entr'eux aucune dénonciation , aucun
motif de suspicion , aucune preuve de délits énoncés dans
la loi du 17 septembre 1793.
99 2º . D'avoir étendu ce systême d'oppression et de terreur
jusques sar les membres de la Convention nationale , en souffrant
et appuyant par un silence affecté , le bruit que le comité
de salut public avait une liste de 30 membres de la Convention
nationale , désignés pour être incarcérés , et ensuite vietimés.
,, 3º . De n'avoir jamais proposé le remplacement des membres
qui manquaient dans le comité de salut public , et de
s'être perpétués exclusivement dans l'exercice de leurs fonc
tions , par la compression où ils tenaient la Convention ; Barrere,
rapporteur , ne manquant jamais , après l'annonce de quelques
victoires ou succès , de proposer impérativement la continua
tion des pouvoirs des comités.
" 4° . D'avoir , de concert avec Robespierre , anéanti la
liberté des opinions , dans le sein même de la Convention
nationale , en ne permettant la discussion d'aucune des lois
presentées par le comité de salut public.
Tome XI.
D
( 50 )
1
13
99,5 ° . D'avoir provoqué le rapport de toutes les lois favotables
à la liberté et répressives des actes arbitraires qui
s'exerçaient au nom de ces comités , avec autant d'injustice
que d'inhumanité .
9.6° . De s'être entourés d'une foule dagens , les ans perdus
de réputation et les autres couverts de crimes ; de leur avoir
donné des pouvoirs en blanc ; de n'avoir réprimé aucune de
leurs vexations , et de les avoir au contraire soutenues .
7. D'avoir rejetté et laissé sans réponse un nombre
infini de plaintes et mémoires qui leur avaient été adressés
contre leurs agens oppresseurs ; d'avoir pris leur défense , notamment
celle de Héron , Senard et autres ; d'avoir , à la tribune
même de la Convention nationale , fait leur éloge , fait
rapporter des décrets justement lancés contr'eux ; et d'avoir
par - là livré à la vengeance de ces monstres , les citoyens qui
avaient eu le courage de les dénoncer .
9, 8°. D'avoir couvert la France de prisons , de mille bastilles
; d'avoir rempli de deuil la République entiere , par
l'incarcération injuste et même sans motifs de plus de cent
mille citoyens , les uns infirmes , les autres octogénaires ;
d'autres enfin , peres de famille , et même des défenseurs de la
patrke.
" 9º . D'avoir induit en erreur leurs collegues , en répandant
le bruit , depuis que la loi cruelle du 22 prairial a été
rendue , que cette loi avait été l'ouvrage du seul Robespierre
qui ne l'avait communiquée qu'à Couthon , tandis qu'ils avaient
été avertis , même avant qu'elle passât , par des membres du
tribunal révolutionnaire , ( Fouquier , fol . 14 et 15 , ) des inconvéniens
graves qui en résulteraient .
" 10 ° . De s'être opposés , lors de la présentation de cette
loi , à l'impression et à l'ajournement qui en avaient été demandés
; les uns de l'avoir soutenue fortement ; les antres
d'avoir fait croire , par leur présence , qu'elle était l'ouvrage
et le fruit des réflexions méditées entre les deux comités , au
nom desquels elle fut présentée , ce qui prouve encore plus
clairement que la loi du 22 prairial est l'ouvrage du comité
entier , c'est un arrêté de ce comité , en date du 29 floréal ,
mis à exécution dans un département , renfermant textuelle
ment les dispositions décrétées par la loi sanguinaire du 22
prairial.
,, 11º . D'avoir , dans l'affaire d'Hébert , Vincent et autres ,
arrêté l'effet d'un mandat d'arrêt lancé contre Pache , qui
devait être nommé grand-juge par cette faction ; d'avoir intimé
Fouquier , accusateur public , l'ordre , non- seulement de ne
pas mettre à exécution le mandat d'arrét ; mais même de ne
pas permettre qu'il soit parlé de Pache , d'où il est résulté
que la parole a été interdite aux témoins qui ont voulu parier
de Pache , et même aux accusés lorsqu'ils ont demandé qu'il
parût.
( 51 )
" 12º . D'avoir , dans les mêmes vnes d'injustice , et afin
de sauver les coupables , empêché qu'il ne soit décerné des
' mandats d'arrêt contre le général Hanriot , Mathieu , son
aide-de-camp ; Lubin , jnge au tribunal du premier arrondissement
, et Gobuut , substitut de l'accusateur du tribunal cri
minel de Paris , tous impliqués dans l'affaite d'Hébert , et qui
depuis ont été guillotinés comme conspirateurs , et cela quoiqu'il
y eût contr'eux des charges graves , qui furent communiquées
par écrit au comité de salut public , où elles sont
restées ; en conséquence , la parole a été également refusée
aux accusés comme aux témoins , lorsqu'ils ont voulu parler
de ces individus ..
130. De n'avoir pas donné connaissance à la Convention
nationale de la lettre écrite par Fouquier , le 15 germinal ,
lettre dans laquelle il exposait à la Convention , que les accusés
demandaient à faire entendre 16 députés , dont les dépositions
prouveraient la fausseté des faits qu'on leur imputait ,
et qu'ils en appellaient au peuple , en cas de refus , et d'avoir
substitué à cette lettre un rapport mensonger , duquel les co -³
mités ont fait résulter que les accusés s'étaient mis en rebellion
contre la loi ; ce qui a déterminé le décret qui déclare
que tout prévenu de conspiration , qui résistera ou insultera
a la justice du tribunal , sera mis hors des débats et jugé sur
le- champ.
99 14 ° . D'avoir , ( Amar et Voulland ) en apportant eux -mêmes
le décret et en le remettant à Fouquier , dit : Voilà de quoi
vous mettre à votre aise , et mettre à la raison tous ces mutins- là.
15º . D'avoir , lorsqu'il s'est agi d'affaires importantes ,
permis et même ordonné un choix de jurés hors les sections:
qui étaient en tour , afin de prendre ceux qui étaient connus
pour les plus dociles .
,, 16. D'avoir , ( Amar , Voulland , David et Vadier ) lorsque
ces jurés étaient à la chambre des délibérations , et que le
bruit se répandait dans le tribunal que la majorité était pourl'absolution
des accnsés , passé par la Buvette , dans une petite
chambre voisine de celle des jurés , et d'avoir engagé Hermann
à les determiner , par toutes sortes de voies , à condamner
à mort , ee que celui - ci en entrant dans la chambre
du conseil a exécuté , en parlant contre les accusés , et en excitant
ceux des jurés qui avaient voté pour la mort à menacer
les autres du ressentiment des comités .
170. D'avoir plusieurs fois ordonné la mise en jagement
de 50 à 60 personnes en même-tems pour des délits différens.
,, 18. D'avoir ordonné à l'accusateur publie de faire juger ,
dans les 24 heures , les prévenus de la conspiration des prisons
, de sorte que 155 personnes dénommées dans l'acte
d'accusation du 18 messidor , devaient être jugées et périr le
même jour ; mais la crainte de l'opinion publique ayant faft
D 2
( 52 )
naître quelques réflexions , il fut décidé qu'on les mettrait en
trois fois .
19. D'avoir souffert que les mêmes témoins entretenus ,
nourris dans les prisons , et connus vulgairement sous le nom
de moutons , deposassent , à charge contre les prévenus ; et l'on
distinguait parmi ces témoins , Ferrieres , Sauve - Boeuf , ex- noble
, et Leymerie , secrétaire particulier d'Amar.
2º . D'avoir démenti formellement les dénonciations faites
à la Convention coutre Joseph Lebon , représentaut ; d'avoir
fait un rapport infidele sur sa conduite , et d'avoir déguisé
ses cruautés sous la dénomination de formes acerbes .
21. De n'avoir poiut prévenu la Convention de l'absence
de Robespierre du comité depuis quatre décades ; d'avoir souf
fert que , nonobstant son absence , il ait contindé de signer
des actes ; d'avoir caché les manoeuvres que ce conspirateur
avait employées dans la vue de tout désorgauiser , se faire
des partisans , et ruiner la chose publique.
22 °, D'avoir permis que le général Lavalette , Dufraise
et tant d'autres traîtres on conspirarens dénoncés dès longtems
aux comités , ou frappés par des décrets de la Convention
, soient restés à Paris , y aient obtenu de l'emploi ; de les
avoir mis ainsi à portée de commettre de nouveaux forfaits,
,, 23º . De n'avoir pris dans la nuit du 8 et dans la journée
dung thermidor aucunes des mesures qui pouvaient assurer
la tranquillité publique et la sûreté de la Convention , évidemment
compromise par le discours du tyran , prononcé le
8 à la tribune de la Convention , et le soir à celle des Jacobins
, qui lui avaient promis secours , force et protection .
24. De n'avoir pas fait arrêter , dans la nuit du 8 au 9 ,
le général Hanriot , le maire et l'agent national de Paris ,
Lavalette et tant d'autres principaux complices de Robespierre
, qui tous leur avaient été dénoncés par plusieurs collegues
.
· 25° . De n'avoir pris , dans la journée du 9 aucune mesure
de rigueur , afin que les décrets d'arrestation lancés contre
Robespierre et ses complices fussent exécutés , et d'avoir exposé
par cette négligence criminelle la représentation natio
nale à être égorgée , puisque les satellites des conspirateurs
ont pu le même jour arracher , sous les yeux de la Convention
nationale même et de ses comités , dans le local de celui
de sûreté générale , et sans aucune résistance , le traître Hanriot
, qui avait été retenu dans ce comité.
,, 26º . D'avoir employé des hommes reconnus pour contrerévolutionnairės
, perdus de réputation et de débauches , tarés
et même dans les liens de décret d'accusation , tels que Beaumarchais
, Espagnac , Haller et autres , et de leur avoir confié
des trésors immensenses appartenans à la République , trésors
avec lesquels ils ont émigré,
( 53 ) .
Lecointre demande qu'un secretaire fasse lecture des pieces
qui sont à l'appui de sa dénonciation .
Goujon demande la parole pour une motion d'ordre . is Avant
d'entendre , dit- il , la lecture des pieces dont on parle , il faut que
la Convention déclare si elle adopte ou rejeite ce mode de
procès qu'on veut faire ici . Mon coeur est navré quand je vois
avec quelle froide tranquillité on vient jetter au milieu de vous
des semences de division , quand je vois avec quel calme
flegmatique on propose, la perte de la patrie . L'orateur développe
cette idée d'une maniere précise et touchante . Il fait
voir que toutes ces dénonciations ne peuvent que réjouir les
aristocrates , et que ce sont eux qui les commandent .... C'est à
la Convention à empêcher le déchirement qu'on voudrait opérer......
Quelle confiance peut on avoir dans l'agence des scélérats
que nous avons renversés ? quelle créance mérite Fouquier-
Thinville , cet homme qui a intérêt de plonger le fer dans
le sein des membres de la Convention ? Afin de se sauver ,
il demande que la discussion cesse à l'instant . 99
Beaucoup de membres s'y opposent , et Billaud- Varennes
lui-même.
Il est naturel , repreud Goujon , que ceux qui sont accusés
veuillent se défendre , ils le doivent pour eux - mêmes ; mais
je ne puis m'accoutumer à l'idée qu'un secrétaire lise froidement
à cette tribune des pieces qui ineulpent des hommes qui
se sont montrés les plus chauds amis de la révolution . " II
demande qu'elles soient déposées dans le sein d'une commission
qui les examinera .
Dans un discours très-véhément , Billaud -Varennes prouve
que loin d'avoir été les complices de Robespierre , les membres
qu'on accuse ont été les premiers à dénoncer sa tyrannie. On
a reproché à Robespierre de vouloir muiler la Convention ;
et en effet , quelques jours avant sa mort , Couthon avait demandé
la tête de six représentans du peuple . Aujourd'hui ,
le même systême se renouvelle . Il semble que l'ombre de
Couthon plane encore à cette tribune , et que Lecointre ait
ramassé le testament politique de Robespierre . L'orateur entre
ensuite dans la justification des faits . Il dehe Lecointre de
justifier son accusation par des témoins dignes de foi . Il se
plaint que depuis que le tyran est abattu il n'y a pas d'infàmie
, pas d'intrigue qu'on n'ait employée pour conjurer la perte
des membres que Lecointre a désignes . I lui reproche d'avoir
gagné 50,000 liv . à la révolution , de s'être dispensé de faire
la déclaration des marchandises qu'il avait , et d'être venu le
dire au comité , qui fut assez bon pour sauver à un représentant
du peuple l'iulamie du titre d'accapareur. Biilaud termine par
demander la lecture des pieces .
Cambon observe que si l'on pouvait faire les reproches
qu'on adresse à quelques membres , ils s'appliqueraient aux
deux comités et à la Convention entiere , puisque c'est elle
D 3
( 54 )
qui a unanimement prorogé chaque mois leurs pouvoirs . II
finit par demander l'ordre du jour sur l'accusation .
Flusieurs membres s'y opposent ; l'Assemblée est vivement
agitée . Vadier est à la tribune , il tient un pistolet . Plusieurs
membres l'environnent et le font descendre . Le plus grand
trouble regne ; le president prononce que la séance est levée .
Un grand nombre de membres réclament dans le bruit ; enfiu ,
Thuriot se fait entendre . L'intérêt du peuple , dit - il , veut
qu'on rejette avec indignation les inculpations présentées par
Lecointre ; l'intérêt de la justice vent que le soupçon ne plane
point sur des membres inculpés . L'ordre du jour pur et simple
a irrité nos collegues . Ce sentiment était naturel , c'est l'ame
qui plait. Déclarons que nos collegues qu'on a voulu iuculper
se sont toujours comportés conformement au voeu national
et à celui de la Convention ; ajoutons que la Convention
rejette avec la plus profonde indignation la dénonciation de
Lecointre , et passe à l'ordre du jour . Cette proposition est
adoptée , et la séance est levée .
Séance de tridi , 13 Fructidor .
la prise
Duquesnoi qui arrive de l'armée du Nord assure que
de Valenciennes ne nous a coûté que 7 à 8 hommes, tant tués
que blessés , et qu'il n'a pas été tiré un seul coup de canon .
Carnot donne lecture des pieces officielles relatives à l'entrée
des troupes de la République dans cette place . ( Voyez Nouvelles
officielles . ) Il fait un rapport à la suite duquel la Convention
décrete que les officiers de génie , promus extraordinairement
, pour récompense de leurs services , anx grades supérieurs
à ceux dont ils étaient rǝvêtus , pourront néanmoins
continuer de rester dans leur corps , et y remplir les fonctions
qu'ils y exerçaient précédemment.
Un secrétaire fait lecture de la rédaction du décret portant
que la Convention passe à l'ordre du jour sur les inculpations
dirigées par Lecointre de Versailles contre sept représentans
du peuple.
Roux de la Haute- Marne , Duhem , Bourdon de l'Oise et
Turreau prouvent successivement que l'ordre du jour adopté
la veille n'est pas suffisant. La Convention a plus cedé à un
sentiment d'indignation que de justice. La justice veut que l'on
entende les accusateurs et les accusés , et qu'on fasse lecture
des pieces .
Lecointre déclare que plein de respect pour les décrets de
la Convention il n'a pas apporté les picces , il demande à les
aller chercher. il en réclame une qui s'est égarée hier sur le
bureau ; elle lui est rendue.
Tallién parle pour faire maintenir le décret de la veille ; c'est
le seul moyen d'étouffer tout germe de dissention . Il est tems
de songer au bonheur du peuple . Soyons unis pour faire de
( 55 )
bonnes lois , pour empêcher que le systême de Robespierre
se continue plus long- tems.
Il est appuyé par Legendre : Il est écrit , dit-il , dans le
code des nations que tout peuple qui après avoir fait une révolution
a regardé derriere lui n'en a jamais atteint le but. ( Applaudissemens
. ) Après la chûte de la Bastille , le peuple s'endormit
un instant , et la révolution fut retardée ; mais depuis
le 10 août il ne s'est point retourné ; il a imité ses defenseurs
qui portent la mort sur nos ennemis ; il veut marcher droit
au but , à l'affermissement de la liberté , comme le voyageur
qui continue sa route sans s'embarrasser des insectes qui bourdonnent
à ses oreilles . Quand donc la Convention cessera- t- elle
de rendre aujourd'hui un décret et de le rapporter demain ,
parce qu'il ne plaira pas à quelques individus ?
Je savais que Lecointre voulait faire une dénonciation
je lui dis que la premiere chose qu'il avait à examiner était de
savoir si elle était profitable ou non à l'intérêt général ; je lui
démontrai que le bien public voulait qu'il ne la fit pas . Lecointre
m'avait donné sa parole d'honneur qu'il se tairait , et cependant
il y a manqué ; Lecointe ne sait donc pas qu'une parole
d'honneur est un billet au porteur.
Citoyens , empêchons le déchirement de la République ;
souvenons - nous que des choses qui sont bonnes dans des circonstances
sont mauvaises dans d'autres , et que , si nous faisons
le procès aux événemens six semaines ou un mois après
qu'ils sont arrivés , nous pouvons risquer de rendre coupables
tous les patriotes . Je vous demande , par exemple , si l'on doit
poursuivre aujourd'hui ceux qui ont brûlé des châteaux dans
le commencement de la révolution , et qui ont tant coopéré à
la destruction de la féodalité . Je demande que la Convention
maintienne son décret d'hier , et que l'on passe à l'ordre du
jour.""
Le décret de la veille est maintenu .
Duhem , Billaud-Varennes , Vadier , Turreau , Amar insistent
pour qu'on reprenne l'accusation article par article , qu'on
lise les pieces a nesure , et qu'on accorde la parole à ceux quì
la demanderont . Cette maniere de procéder est adoptée .
Dans l'intervalle où Lecointre est allé chercher les pieces , un
officier paraît à la barre , apportant neuf drapeaux pris à l'Ecluse
. I confirme les détails donnés par le représentant du
peuple Lacombe St. Michel , et rend un hommage éclatant à
son courage ; il était sans cesse dans la tranchée.
Lecointre commence la lecture des chefs d'accusation et des
pieces. Il est interrompu par Carnot qui annonce que la nouvelle
de la prise de Conde vient d'être transmise par le thélegraphe
, en ces termes : Condé être restitué à la République ;
reddition avoir eu lieu ce matin à 6 heures.
La Convention décrete que l'armée sous Condé ne cesse de
bien mériter de la patrie , que cette ville portera désormais le
D 4
( 56 )
nom de Nord- libre , et que le décret lui sera transmis par la
voie du thélégraphe .
On reprend la discussion : à chaque article les membres inculpés
se justifient ; aucune opinion ne vient à l'appui de l'accusation.
Presque tous les articles sont dénués de pieces probantes
; elles consistent en quelques lettres signées de Fouquier-
Thinville . Enfin , après de longs débats qui se sont prolongés
jusqu'à 9 heures du soir , la Conveatión , sur la proposition de
Cambon , a declaré l'accusation de Lecointre calomnieuse .
Avant la fin de la séance , Lecointre - Puyravaux annonce que
le décret transmis par la voie du thélégraphe est déja parvenu
à Lille , et qu'on vient d'en recevoir la réponse . Le tout à élé
l'ouvrage de 3 heures.
Séance de quartidi , 14 Fructidor.
Une explosion térrible a éclaté vers 7 heures et demie du
matin , et a répandu l'effroi dans tout Paris . Dans l'inquiétude
des causes et des circonstances de cet événement , les
membres de la Convention se sont rendus sur-le - champ à leur
poste. Ou a su bientôt que c'était la poudrerie de Grenelle
qui venait de sauter , et que les citoyens accouraient en foule
pour donner du secours à leurs freres .
La Convention charge le comité de salut public de rédiger
Bur-le- champ une proclamation au peuple de Paris , pour le
rassurer et l'inviter au maintien de l'ordre . Elle décrete spontanément
que toutes les pertes seront supportées par la République
; que les parens de ceux qui auraient péri par l'effet de
cette explosion , ou auraient été blessés , seront traités comme
les défenseurs de la patrie et comme les parens de ces défenseurs
. Elle nomme une commission pour correspondre avec
elle et le comité de salut public , et elle envoie 24 de ses
membres dans les différentes sections pour calmer les inquiétudes
du peuple . Bientôt le décret et la proclamation sont
publiés.
Plusieurs membres rendent compte successivement de l'état
des choses ; il n'y a plus de danger ; on a sauvé beaucoup de
barils de poudre . Les blessés sont transportès à l'hôtel des
Invalides et à l'hôpital du Gros - caillou . Chacun s'est empressé
de fournir des matelas et tous les genres de comestibles et de
secours propres à les soulager. Les officiers de santé n'ont pas
attendu d'être mis en réquisition . Las Invalides ont donné aux
blessés leur viande et leur vin. Les traits de sensibilité et de
générosité sont innombrables . On a entendu des femmes s'écrier
: Eh bien ! si nos maris périssent nous travaillerons nous- mêmes .
Cependant plusieurs membres ne dissimulent pas qu'ils ont
entendu des propos exécrables ; que les malveillans se reveillent
plus que jamais , et qu'il est tems d'organiser la police
de Paris .
D'autres , sur-teat Fourcroi , Lanthenas et Fréron , se plai1
57 )
gnent de ce qu'on laisse l'instruction publique dans le plus pros
fond oubli , et s'élevent contre le systême de Robespierre qui
persécutait tous les gens instruits , parce qu'il était lui - même
très - ignorant ; ils demandent que Grégoire fasse un rapport
sur la dégradation des monuinens des arts et des bibliotheques
.
Grégoire commence son rapport ; mais il est interrompu par
des observations sur les événemens du jour . Un membre dit
qu'il a entendu des propos tendans à ramener la royauté , et
qu'il y a dans Paris quatre ou cinq mille brigands que Robespierre
avait fait venir.
Carrier demande que Tallien s'explique sur un 10 fructidor
qu'il a annoncé aux Jacobius . Voilà ce que c'est , ajoute-t il ,
que d'avoir donné la liberté à tant de chevaliers du poignard .
Quoique la liste de ces hommes mis en liberté n'ait pas lieu ,
on saura les découvrir ; on saura quelle est la véritable queue'
de Robespierre , et que Tallien a annoncé un 10 fructidor .
On sait , dit Bourdon ( de l'Oise ) , que toutes les conspirations
déjouées et renversées depuis la révolution ont servi de
piedestaux à d'autres traîtres . Aujourd'hui on veut ramener ,
par la terreur , le crime et la tyrannie .
Depuis la chûte de Robespierre , on a mis en liberté des
traîtres , et entr'autres Dubayet , qui a livré Mayence . ( Murmures.)
Merlin ( de Thionville ) réclame la parole.
:
être
Bourdon Voici l'analyse de vos séances depuis la mort de
Robespierre que vous a - t on demandé ? les assemblies primaires
( murmures ) ; la liberté de la presse sans garantie ; ensuite
de ne juger les gens que par leurs actions , de mantere
que celui qui aurait mis le feu aujourd'hui n'aurait
arrêté hier. Je ne demande pas , moi , le rétablissement des
cachots ; j'ai concouru à leur destruction ; mais je veux une
police forte et sévere . Je vois qu'on a fait sortir de prison des
ministres , créatures de Danton , et Dubayet ; je demande done
que les comités de salut public et de sûrete générale recherchent
les intrigues qui ont lieu dans ce moment contre la
liberté .
Tallien réclame à grands cris la parole.
La proposition de Bourdon est décrétée .
tenue à
Merlin ( de Thionville ) est entendu . Il fait l'éloge de la'
bravoure et de la bonne conduite que Dubayet a
Mayence et dans la Vendée . Il dit qu'il a été sacrifié par Bouchotte
, Ronsin et Rossignol , enragés de ce que Dubayet
voulait réellement l'anéantissement de cette guerre infernale .
Il entre dans les détails de ce qu'il a fait à Mayence , dont la
résistance a sauvé la République , en tenant 80,000 Prussiens
en échec , tandis que des places françaises se rendaient d'ellesmêmes
à l'ennemi.
J'ai , s'écrie Merlin , été pendant se siége entouré d'espions ;
( 58 )
mais ils ne m'ont jamais vu , ui Reubel , ni Dubayet , chanceler
lorsqu'il s'agissait du salut de la patrie . Je demande donc que
le comité de salut public fasse uu rapport sur le siège de
Mayence et la guerre de la Vendée . ( Applaudi . ).
Bourdon déclare qu'il n'a pas entendu inculper Merlin ( de
Thionv lle .)
Duroi demande la parole pour une motion d'ordre . Il remarque
, avec peine , qu'on se livre à des discsesions particulieres
. I fixe l'attention de la Convention sur l'organisation
de la police de Paris . Il demande qu'on s'en occupe à l'instant.
( Adopté. )
Meriin ( de Douay ) a aussi - tôt la parole , et fait adopter à
ce sujet un décret , que nous donnerons à la fin des séances .
Plusieurs membres rendent successivement compte de leur
mission dans les sections de Paris , et font l'éloge des sentimens
d'humanité des Parisiens , et de leur empressement à porter
des secours et des soulagemens à leurs freres .
Le président annonce une lettre de David , député détenu .
On en demande le renvoi au comité de sûreté générale . Je
m'oppose au renvoi , dit Bentabolle . Il n'apparterait qu'à Robespierre
d'étouffer la voix des représentans du peuple . Je suis
loin de prendre la défense de David ; je demande , par respect
pour la représentation nationale , que la lettre de David soit
lue . (Adopté. )
David se glorifie , dans sa lettre , d'avoir été accolé à sept
représentans du peuple reconnus purs . Leur victoire doit être
la sienne , et il demande à être entendu à la barre . Cette lettre
est renvoyée au comité de sûreté générale .
Grégoire reprend la parole. Dans la premiere partie de son
rapport , il avait fait voir combien on avait volé et dégradé
des monumens des sciences et arts ; il démontre dans la seconde
partie , combien il reste de ces richesses à la nation . It
propose et la Convention décrete :
66 Art . ¡ er . Les bibliotheques et monumens des sciences et
des arts , appartenant à la nation , sont confiés à la surveil
lance des bous citoyens , qui dénonceront aux autorités constituées
les auteurs des dilapidations et dégradations des monumens
.
II. Quiconque sera convaincu d'avoir , par méchanceté ,
dilapidé ou dégradé les monumens des sciences et des arts ,
sera puni de deux années de detention . Le present décret sera
inséré au bulletin des lois , et sera affiché dans le local des
autorités constituées , des sociétés populaires , et dans tous
les lieux où il y aura des mouùmens publics . "
Sur la proposition de Baraillon , la Convention décrete,
que quiconque aurait soustrait la moindre partie de bibliotheque
appartenant à la nation , sera tenu de les restituer dans
le délai d'un mois , sous les peines portées par le présent
décret.
( 59 ) .
Séance de quintidi , 15 Fructidor.
Un aide - de - camp du général Scherer a apporté les drapeaux
pris à l'ennemi au Quesnoy et à Valenciennes .
Treilhard , au nom du comité de salut public , fait lecture
des détails de la prise de Condé , aujourd'hui Nord-libre.
( Voyez Nouvelles officielles, )
Bread annonce aussi quatorze nouvelles prises .
Plusieurs décrets de secours sont adoptés , entr'autres celui
relatifs aux veuves et enfans de ceux qui ont péri dans l'explosion
du magasin à poudre.
Grégoire annonce qu'on a déposé il y a quelques jours à
la bibliotheque nationale , un manuscrit de J. J. Rousseau ,
intitulé la consolation des miseres de ma vie . On a assuré qu'il y
avait aussi à la commission des arts un autre manuscrit de lui ,
dont la suscription porte ces mots , pour n'être ouvert qu'en 1800.
On s'occupe de le chercher. Il invite ses collegues du Mont-
Blanc à faire faire des recherches dans leur département où il
doit en exister , sur- tout à Chambéry .
Treilhard donne de nouveaux détails sur l'explosion de la
poudrerie de Grenelle . Faut- il attribuer cet évidement à l'imprudence
? où est - il l'effet du plus horrible des complots ?
Les comités s'occupent à percer ce mystere . L'explosiona en
lieu à 7 heures un quart. On assure qu'elle a commencé dans
les glainoirs de la liberté ; c'est ce que semble indiquer la direction
des arbres coupés et des bâtimens renversés . Heureusement
la veille 50 milliers de poudre avaient été envoyés aux
frontieres , et les deux jours précédens il en était sorti 100 milliers
; jamais depuis trois mois il n'avait existé moins de poudre
dans la poudrerie . Quant aux malheureuses victimes qui out
peri , on u'en connait point encore exactement le nombre ,
mais il est infiniment au- dessous de celui que la malveillance
ou l'esprit d'exagération se plaît à grossir . Valenciennes et
Condé nous ont déja rendus dix fois plus que nous n'avons perdu.
Les mesures sont prises pour que la fabrication des poudres
ne soit point ralleutie ; elle sera distribuée sur plusieurs points
dans des moulins dėja existans .
Les membres du comité de salut public , désignés par le sort
pour sortir , étaient Carnot , Lindet et Barrere ; mais Collotd'Herbois
et Billaud - Varennes ayant donné leur démission ,
l'Assemblée décide qu'il n'en sortira qu'un ; le sort a indiqué
Barrere .
Tallien donne également sa démission . Nul homme , dit- il ,
dans une république , ne doit se mettre à la place des principes ;
si sa présence dans un comité peut être une pierre d'achoppement
, une espece d'entraves au succès révolutionnaire , il
doit se condamner à une espece d'ostracisme . Il fait le sacrifice
de tout amour- propie , de tout ressentiment particulier sur
l'autel de la patrie.. Applaudi , et démission acceptée . -
( 60 )
Le résultat de l'appel nominal a donné pour Douveaux membres
, Delmas , Cochon , Fourcroi et Merlin ( de Douai ) .
Séance de sextidi , 16 Fructidor.
Сенх que le sort a désigné pour sortir du comité de sûreté
générale sont : Elie- Lacoste , Von! land , Vadier et Moyse Bayle .
Il manquait en outre Jagot , David , Lavicouterie , et Rhull
par démission . Ils ont été remplacés par Colombel , Meaulle
Clauzel , Matthieu , Montmayon , Lesage- Senault , Levasseur ( de
la Meurthe et Bourdon ( de l'Oise ) .
?
Bernard de Saintes ) s'étonne de voir encore au bureau des
secrétaires Lecointre et Guffroy son complice ; il demande leur
remplacement. Cette motion'occasionne des débats tumultucux .
On rappelle que , lorsque Robespierre et ses complices présenterent
l'infâme loi du 22 prairial , Lecointre demanda deux
fois l'ajournement ou la mort. On demande l'ordre du jour , il
est adopté. Les réclamations recommencent vivement ; Lecointre
y met fin en donnant lui - même sa démission ; l'ordre du jour
est confirmé sur le remplacement de Guffroi .
Décret sur l'organilion de l'administration de la commune de Paris .
La Convention nationale , après avoir entendu ses comités
de salut public , de sûreté générale et de législation , décrete
que la commune de Paris sera administrée ainsi qu'il suit :
Art. Ier. La commission nationale du commerce et des
approvisionnemens est chargée de pourvoir immédiatement aux
subsistances et à l'approvisionnement de Paris .
99 II . La commission nationale des secours publics est chargée
de la surveillance , de la direction , de l'administra ion immédiate
des hôpitaux ; des hospices , de la distribution des
secours et de toutes les parties du service relatives à l'attribution
de cette commission .'
,, III . La commission nationale d'instruction publique est
chargée de la diction , de l'administration iminédiate des
écoles primaires , de tous les instituts nationaux , et de la surveillance
des spectacles , ainsi que de l'administration immédiate
de ceux qui appartiennent à la République , "
" IV . La commission nationale des travaux publics est
chargée de la direction , de la surveillance et des dépenses relatives
aux travaux publics , et de tous les traités relatifs à
l'illumination , entretien et nettoiement des rues et places publiques.
, V. La commission nationale d'agriculture et des arts est
chargée de l'administration immédiate des ateliers de filature ,
et de tous les arts dont la direction n'est pas attribuée à la
commission des armes , ni à la commission d'instruction publique.
( 61 )
" VI . La commission nationale des armes est chargée de la
surveillance , de la direction et de la disposition immédiate de
tous les arts relatifs à la guerre , des munitions , des armes et
de l'artillerie .
Vil . La commission nationale des administrations civile,
police et tribunaux est chargée de la surveillance de l'administration
et de la police des maisons d'arrêt , des maisons de
justice et de détention .
,, VIII. La commission nationale des revenus nationaux est
chargée de l'administration de tous les revenus et domaines
appartenans à la commune , et de tous les recouvremens qui la
concernent.
,, Elle est chargée de se faire rendre compte de l'actif et
du passif, d'en faire dresser des états , et de faire liquider les
dépenses ordinaires et extraordinaires .
,, IX . Chacune des commissions nationales nommera un ou
plusieurs agens ou chefs pour chaque partie du service , et
cet agent ou chef sera autorisé à signer toutes les expéditions ,
ordres et inandats , avec un chef de bureau .
,, X. Il y aura provisoirement , sous la surveillance du département
de Paris , deux commissions qui seront chargées ,
l'une de la partie administrative de la police municipale , l'autre
de l'assiette et de la répartition des contributions publiques .
,, XI. La commission de police administrative sera composée
de vingt membres , et celle des contributious publiques de
quiuze membres .
" Les uns et les autres seront nommés par la Convention
nationale , sur la présentation des comités de salut public , de
sûreté générale et de législation .
,, XII. Il sera attaché un agent à la commission de police
administrative .
" La nomination en sera faite de la maniere déterminée par
l'article précédent.
,, XIII. La commission de police administrative et celle
des contributions publiques éliront chacune leur président.
Les présidens seront renouvellés tous les mois , et ne pourront
être réélus qu'après un intervalle d'un mois,
" XIV . Le comité des domaines et d'aliénation indiquera ,'
sous vingt- quatre heures , les édifices nationaux qui devront
servir d'emplacement à ces deux commissions.
XV. La partie contentieuse de la partie municipale sera
exercée par le tribunal de police correctionnel .
,, XVI . Les fonctions relatives à l'état civil des citoyens
seront exercées dans chaque section par un officier public , qui
sera chargé de constater les naissances , mariages , divorces et
décès .
,, Il sera nommé par la Convention nationale , sur la présentation
du comité de législation.
Le comité civil de chaque section nommera un de ses
( 62 )
membres pour exercer les fonctions d'agent national dans les
actes relatifs anx mariages et divorces , dans lesquels la présence
de l'agent est nécessaire .
,, XVII . Les registres servant à constater dans chaque section
l'état civil des citoyens , seront faits et signés doubles ,
et il en sera déposé un à la fin de chaque mois au département.
, XVIII . Le comité civil de chaque section dressera les listes
des émigrés , qu'il enverra au département.
Les certificats de résidence et de civisme continueront
d'être délivrés par les sections , et visés , tant par les comités
volutionnaires que par le département.
99
XIX. Les comités civils des sections correspondront immédiatement
avec les comités de la Convention et avec les commissions
exécutives nationales .
,, XX. Il sera nommé par la Convention nationale , sur la
présentation du comité de législation , le nombre d'agens nationanx
qui sera jugé nécessaire près le tribunal de police correctionnelle
. "
PARIS. Nonodi , 19 Fructidor 1794-
Nous n'ajouterons rien aux détails qui ont été donnés à la
Convention sur le terrible évenement de l'explosion de la poudrerie
de Grenelle . Quoiqu'elle n'ait duré que quelques
secondes , la commotion a été si violente dans plusieurs quartiers
, tels que le fauxbourg Germain , les Champs - Elisées ,
Chaillot et Passi , que les maisons en furent ébranlées , des
cloisons renversees , des portes et des fenêtres ouvertes , les
vitres presque toutes brisées ; la plaine de Grenelle et les
lieux circonvoisins ont été couverts de débris et de ruines ,
et offraient le spectacle le plus douloureux. La secousse s'est
fait sentir jusqu'à l'extrémité du fauxbourg Antoine , et à plus
de dix lieues à la ronde , l'explosion s'est fait entendre .
Les citoyens de Paris ont donné dans cette circonstance les
plus grandes preuves de leur zele , de leur sensibilité et de
leur empressement généreux à fournir aux blessés , à leurs
femmes et à leurs enfans , tous les genres de secours et de
soulagement. La police la plus exacte s'est faite le même jour
et le lendemain . Aujourd'hui le calme le plus parfait regne
dans cette ville . Cet evenement a donné lieu , comme on devait
s'y attendre , à des soupçons , à des conjectures et surtout
à des exagérations . Les comités ont annoncé qu'ils ne
savaient point encore à quelle cause l'attribuer ; ces sortes
d'accidens sont malheureusement trop ordinaires dans les
établissemens de ce genre.
( 63 )
On assure que le général Vialle quitte l'armée des côtes de
Cherbourg , et passe en Italie avec quelques régimens des
départemens du Rhin . Il sera remplacé , dit - on , par le général
Hoche .
:
On apprend du port de la Montagne qu'on a signalé l'escadre
anglaise , mais que cette apparition n'a causé aucune
inquiétude , et n'empêche ni le cabotage , ni le commerce des
Genois . Les travaux du port continuent aver une prodigieuse
activité outre les sept vaisseaux de l'escadre qui mouillent
toujours dans le golfe de Juan , il y en a trois en rade , et
l'armement de cinq autres est beaucoup avancé . Deux frégates
mises en construction sont presque achevées . Les quilles de
trois nouveaux vaisseaux sont placées , et de nouveaux chantiers
s'établissent .
La mème activité regne dans les travaux du Havre - Marat.
Trois nouvelles frégates , ainsi que plusieurs corvettes et
bombardes , sont en construction .
On mande de Brest que l'escadre y est entierement réparée
et qu'elle n'attend plus qu'un ordre ultérieur pour mettre à
la voile.
7
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Du 2 Fructidor.
Jean Marniez , âgé de 46 ans , né et demeurant à Caraman ,
département du Lot , tanneur , accusé d'avoir manifesté le desir
de favoriser l'entrée des ennemis coalisés contre la France sur
son territoire , d'avoir menacé un officier municipal , présent
à la plantation d'un arbre de la liberté , de le pendre à cet
arbre , et d'avoir dit qu'il avait des cordes à cet effet , a été
acquitté et mis en liberté .
François Blanc , âgé de 42 ans , né à Mé , district de Commune-
Affranchie , garçon boulanger à Commune-Affranchie ;
convaincu d'avoir , le 1er . prairial , chanté dans un café à
Commune - Affranchie , des refrains de chansons tendant à l'avilissement
de la représentation nationale , et au rétablissement
de la royauté ; mais attendu qu'il ne les a pas chantés
avec des intentions contre - révolutionnaires , il a été acquitté
et mis en liberté , ainsi que les autres , aux acclamations de
Vive la République ! vive la justice nationale !
( La suite au numéro prochain . )
( 64 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE DU NORD.
Au quartier général à Ồnaing , le 10 fructidor.
Citoyens collegues , depuis mon arrivée à l'armée campée
sous les murs de Valenciennes , ayant eu l'espoir de voir à
chaque moment qui s'est écoulé , la reddition de cette impor
tante place , j'ai différé de vous écrire jusqu'à ce que je pusse
vous en apprendre la nouvelle positive. Le retard n'a pas été
long ce principal boulevard lui est restitué dans l'état respectable
. Il est bien certain que le tyran autrichien a employé
trois millions , soit à réparer les dégats que ses esclaves avaient
fait aux fortifications , soit à les perfectionner..
" La garnison est faite prisonniere ; les émigrés qui s'y
trouvent au nombre de plus de onze cents , seront livrés . L'artillerie
, consistant dans plus de 200 bouches à feu , les armes ,
près d'un million de poudre , des munitions considérables de
toute espece , de grands magazins , agent , papiers , mémoires ,
plans , renseignemens , les mines , plus de mille bêtes à cornes ,
des chevaux , avoine , grains , etc. seront fidellement remis
aux troupes de la République , sans qu'il en soit distrait aucun
objet. Je ne tarderai pas à profiter du premier moment pour
vous donner tous les détails que vous devez attendre .
Salut et fraternité.
Signé , J. B. LACOSTE , représentant du peuple .
Au quartier général d'Onaing , le 18 fructidor.
Citoyens représentans , en vous envoyant les drapeaux
pris aux garnisons du Quesnoy et de Valenciennes , je m'empresse
de vous annoncer que Condé a subi , à l'heure prescrite
, les conditions de la capitulation que vous m'avez ordonné
de lui imposer. La terreur a précédé la marche des armées victorieuses
de la République .
A ma premiere sommation , Condé s'est rendu : 1616
hommes de garnison ont déposé leurs armes et se sont rendus
prisonniers de guerre .
"" Nous avons trouvé dans la place 161 bouches à feu ,
600 fusils , sans compter ceux de la garnison , 300,000 livres
de poudre , 100,000 boulets , bombes et obuses , 150 mille
cartouches , 600,000 livres de plomb , des munitions pour six
mois , la place dans le meilleur état possible , fournie de casemates
pour une garnison beaucoup plus nombreuse que celle
qui existe .
,, Le territoire de la République ne supporte plus d'esclaves ,
30 bataillons et 15 escadrous vous demandent des oidies pour
voler à de nouveaux succès . ,,
Signé , SCHERER , général de division .
( N°. 43⋅ )
MERCURE FRANÇAIS
DU QUINTIDI , 25 FRUGTIDOR , l'an deuxieme de la République.
( Feudi 11 septembre 1794 , vieux style. )
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du Nº . 42 .
Le mot de la Charade est Deboire ; celui de l'Enigme est Filet
eclui du Logogriphe est Prochain , où se trouveut porc , eh , per ,
cap , roc , ni , crin , eri , pin , cor , pain.

NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
Les Transteverins ou les Sans - culottes du Tibre , poëme. Par le
citoyen THEODORE DESORGUES .
NOUS
ous ferons sûrement plaisir à nos lecteurs en remplissant
l'article des nouvelles littéraires de ce journal par les Transtéverins
, poëme ( 1 ) écrit avec autant de grace que de facilité , et
qui se trouve parfaitement à l'ordre du jour.
Les Transtéverins , habitans du bourg ou de la partie de
Rome , située au - delà du Tibre , appellée autrefois cité Lécnine ,
du nom du pape Léon , qui l'entoura de murailles , sont beaucoup
plus vigoureux et plus entreprenans que les Romains
d'en - deça du Tibre ; ils prétendent encore être libres , et les
souverains pontifes ont été souvent obligés de traiter avec eux ,
et de leur accorder des privileges . La plus grande partie de ces
Transteverins sont jardiniers , laboureurs , vignerons , et s'estiment
comme les descendans des premieres tribus de Rome ,
de ces tribus rustiques , qui dans les beaux tems de la république
avaient tant de considération que les plus illustres des
Romains tenaient à honneur de s'y faire aggréger . Ils traitent
les autres Romains de canailles rassemblées dans le rebut du
reste de l'Europe ; en quoi ils n'ont pas absolument tørt . "
Descript. de l'Italie , tome IV. Cet aveu , échappé de la bouclie
( 1 ) Ce poëme se trouve chez Gueffier , impr . libr . , rue Git-le -Coeur,
avec d'auties poësies du même auteur , intitulées Rousseau ou l'Enfance;
hymnes à l'etre Suprême , à la Liberté , et l'Enfance de l'année en stances
italiennes. L'auteur montre dans tous ces ouvrages une imagination
brillante et le plus grand talent pour la poësie . Cette édition precieuse
, qui sort des presses de H. J. Jansen , est imprimée avec beaucoup
de soin et d'élégance .
Tome XI . E
+
( 66 )
de l'abbé Richard , n'est pas suspect ; malgré sa pieuse indulgence
pour le pape , il a su apprécier le caractere des Transtéverins.
L'abbé Laporte parle encore avec plus d'estime de ces
braves descendans du peuple - roi , trop oubliés par la plupart
de nos voyageurs.
Et je vote uu remercîment à ces deux abbes ,
de la part de ces généreux sans- culottes du Tibre.
Rome fêtait Simon : un peuple fanatique
Inoudait à grands flots sa vaste basilique ;
L'étranger dans ses murs volait de tous côtés
Pour voir l'ordre pompeux de ses solemnités :
Et moi , loin de la foule , errant sur ses collines ,
J'allai dans le silence admirer ses ruines.
Viens , me dit mon ami , viens jamais ces remparts
D'un si riche appareil n'ont frappé tes regards .
L'airain' sacré t'appelle à cette auguste fête ;
De ce dôme éclatant vois- tu parer le faîte ?
Il doit ce soir , orné de mille feux divers ,
Tel qu'un globe enflammé s'élever dans les airs ;
Courons au Vatican ; le pontife lui-même
Y marche le front ceint du triple diadême ,
D'un cortege nombreux il prie environné ,
Et béait à l'autel le Romain prosterné.
Ah ! lui dis -je , plutôt dédaignons ces prestiges ,
Cherchons une autre Rome et de plus grands prodiges .
Qu'au temple de l'apôtre , un pontife orgueilleux
De sou coupable encens déshonore les cieux ,
Irais -je , me mélant à la foule insensée ,
De superstitions attrister ma pensée ?
Quand je puis sur ces monts , parmi ces monumens
Régénérer mon coeur par de grands sentimens !
A ces mots , je m'éloigne , et mes regards avides
Recueillent , en passant , des souvenirs rapides .
Ia , disais -je , les rois , proscrits , chargés de fers ,
Venaient au capitole étaler leurs revers ;
Ici , des nations réglant les destinées ,
Rome voyait passer les villes enchaînées.
Tout parlait à mon coeur , tout m'offrait un grand nom :-
Chaque pierre à mes yeux dictait une leçon .
Ah ! m'écriais -je , ému par taus d'objets célebies ,
Si parmi ces tombeaux , ces monumens funebres ,
Sous ces arcs triomphaux s'offiait à mes regards ,
Quelque auguste debris des descendaus de Mars ,
Qu'avec transport j'irais , reconnaissant le Tibre ;
Presser ces vieux Romains , reste d'un peuple libre !
De mes bras étendus je suppliais les cieux
De ne point rejeuer le plus doux de mes voeux ;
Soudain je vois ce pout où l'invincible Horace
A Porsenna vainqueur opposa son audace.
J'apperçois l'Aventin , où le peuple autrefois
Contre l'oppression vint réclamer ses droits ;
Où de Menenius la paisible eloquence
De Rome et du sénat resserra l'alliance .
Ce mont , en tous les tems , cher à la Liberté ,
D'un peuple indépendant est encor fréquenté.
( 67 )
La' , Rome de ses fils a rassemblé l'élite ¿
Là , des Transtéverins repose la limite .
Tel qu'un vieil obélisque , épargné par les ans
Qui voit autour de lui rouler l'ordre des tems ,
Au milieu des debris de la grandeur romaine
Le peuple éleve encor sa tête souveraine ,
Séparés par leurs murs de ces tyrans cloitrés ,
De ce troupeau rampant de Vaudales mitrés
Sous les grossiers lambeaux de l'obscure indigence
Ils ont su conserver leur mâle indépendance.
Avec Rome elle - même ils n'ont pu s'abaisser ,
Tant un grand caractere est lent à s'effacer !
Ahne jugez pas d'eux par cette foule impure
D'ambitieux dévots , enrichis d'imposture
Qui , dans le Vatican , aux intrigues nourris ,
Obtiennent un chapeau pour vingt ans de mépris !
Par ces lâches flatteurs dont la bouche vendue
Du pontife , à grands cris , annonce la venue
Et par ces vils brigands , ces pieux meurtriers
Qui du parvis de Pierre assiégent les piliers ,
Et du crime impuni montrant l'affreux exemple ,
Lavent leurs bras sanglaus sur les degrés du temple.
Ah ! les Transtévelins , plus fiers , plus généreux ,
N'abaissent point ainsi l'honneur de leurs ayeux :
Ils ignorent l'intrigue ; et d'une main avare
Ils n'ont jamais flatté l'orgueil de la tiare ,
Quand sur eux , en marchant , le pape étend les bras
Bénis , lui disent -ils , passe et ne reviens pas .
Ils blament hautement son lâche despotisme ,
Son faste , ses projets , son fatal népotisme ;
Et ce peuple , à sa mort , sans plaisir , sans chagrin ,
Du capitole en deuil entend gémir Pairain.
9
Eh pourquoi voulez - vous que leur rudesse austere
De leurs ayeux n'ait point gardé le caractere !
Le sacré despotisme , eu corrompant leurs lois ,
A sans doute altéré la chartre de leurs droits ;
Mais leur sang par toujours transmis par des Romaines ,
Avec leur noble, orgueil a coulé dans leurs veines ;
Et souvent l'étranger , en contemplant leurs traits ,
Des demi - dieux du Tibre a crù voir les portraits.
Leurs noms , riche héritage , annoncent leur naissance ;
Quand d'utiles travaux exercent leur constance ,
Accourez sur ces monts , vous entendrez Brutus ,
Vous y verrez bêcher le vieux Cincinnatus .
La main d'Agricola seme ce champ fertile ,
Ces boeufs sont à Gracchus , ce char est à Camille.
Qui din buis trondi frappe ce but roulant ?
L'Echo fidele au loin redit Coriolan.
Dans le sein de l'église , au milieu des mysteres ,
Ils conservent les moeurs , les fêtes de leurs peres ;
Ils appellent encore leurs banquets joyeux
Enée et les Troyens , peres de leurs ayeux ;
De fleurs , couchés sur l'herbe , ils couronnent leur coupe
Et pour d'illustres jeux ils rassemblent leur troupe :
L'un déploie en luttant la vigueur de son corps ,
E
( 68 )
De ses muscles tendus fait mouvoir les ressorts ,
Et sous des coups nouveaux prend des forces nouvelles .
Que de souples Darès que de nerveux Entelles !
L'autre exerçant ses pieds à d'agiles combats ,
Vers le but éloigné précipite ses pas.
Nisus à son rival rend sa chûte fatale ,
Et se releve encor pour son cher Euriale.
Celui - ci dans les airs fait bondir un balon ;
Marius le reçoit , et le rend à Caton ;
Celui- là courbe un arc , joint l'adresse à la force ,
Et d'un ormeau qui tremble il traverse l'écorce .
Ainsi , les fiers Toscans , les antiques Sabins
Aux durs travaux de Mars préparerent leurs mains ;
Ainsi , Rome autrefois en héros si féconde
Preluda par ces jeux à l'empire du monde .
Là revivent encor ses usages , ses Dieux ,
La source d'Egerie obtient toujours des voeux :
Ils n'ont point oublié les déités champêtres ;
ls offrent à Palès les dons de leurs ancêtres :
Mais de Bacchus sur-tout ils attestent le nom
Et d'un culte annuel honorent sa boisson .
A peine au carnaval reviennent ses orgies
Que d'un nectar nouveau ses menades rougies
Volent , le thyrse en main , sur des chars enflammés ,
Et promenent trois jours ses jeux accoutumés :
Le peuple alors reprend l'autorité suprême ,
Abaisse devant lui le triple diadême ,
Le barigel lui - méme exécute ses lois ,
Et le front découvert il proclame ses droits .
O Bacchus ! ton triomphe est la fête du Tibre !
Ton culte fut toujours celui d'un peuple libre !
Tu punis les tyrans , l'heureuse Egalité
Verse en riant , ta coupe à la Fraternité. ".
Ah ! si de Rome un jour ils réparent l'injure ;
Et ce jour n'est pas loin ; oui , par toi je le jure !
Dans tes rites sacrés ils liront leur devoir ,
Et devront à tes jeux leur souverain pouvoir.
Dans ces fêtes sur-tout ils étalent leur gloire :
Ces pompes à mes yeux retraçaient leur histoire .
Cependant ce jour même , ô Rome ! dans les murs
La superstition roule ses flots impurs :
Tandis qu'au vatican un troupeau fanatique
Use un bronze payen d'un baiser catholique ,
Et se trompant d'idole en son zele pieux ,
Dans un consul Romain voit le portier des cieux t
Des moines , des prélats les obscenes phalanges
Invoquant tout à tour les vierges et les anges ,
Des porte -croix mêlés à des porte- bourdon ,
De sales pénitens connus par leur bâton ,
En sac , en froc , en chappe , en capuce , en cilice ,
Promenent à pas lents leur confuse milice .
Antoine , Dominique et l'indigent François ,
Par leurs fils nazillans sont portés à la fois .
Qui dans Rome , ce jour , n'a pas sa confrairie ?
Ha mort même a la sienne , elle est la mieux nourrie.
( 69 )
1
L'homme est son patrimoine , et jamais dans les cieux e
Les saints n'ont tant reçu de messes et de voeux .
Qui peut compter les croix , les cierges , les bannieres
Et les curés à pied murmurant leurs bréviaires ?
Que de vils mendians trompent les spectateurs
Par leur feinte misere et leurs feintes douleurs .
Que je vois a cheval défiler d'excellences !
Dans leur trot solemnel de graves éminences
Etalent leurs chapeaux qu'un utile cordon
Tient en forme de bride attachés au menton ;
Et leurs manteaux flottans dont les pointes pareilles
Du cheval par un noeud séparent les oreilles:
Voyez- vous sur leurs pas ces abbés estafffers
Presser les flancs maigris de leurs faibles coursiers
Qui regrettent ces jours où sur les bords du Tage
Ils goûtaient librement un plus gras pâturage ?
Ils passent .. ombragé de ses grands émouchoirs
Soudain le pape arrive , unit les deux pouvoirs ,
Et déploie en marchant le mélange bizarre
De glaives et de clefs , de sceptre et de tiare. e .
Porté dans un fauteuil , d'imposture souillé ,
Où mollement assis il semble agenouillé ,
Devant son Dieu debout il prie ; et prosternée ,
La foule de son doigt attend sa destinée .
O Camille ! ô Pompée ! et toi , her Metellus ,
Quand le sénat dans Rome honorait vos vertus
Etait- ce là ce peuple épars sur vos collines ?
Etaient - ce là les chants qu'entonnaient vos flamines ?
Les prétresses en choeur , les vierges , les guerriers
Le front paré de fleurs , de myrthes , de lauriers ,
Montaient au capitole en chantant vos conquêtes ;
Les dépouilles du monde embellissaient vos fêtes .
Le jour , que de combats ! la nuit , que de flambeaux
Des monarques vaincus éclairaient les drapeaux !
Au bruit harmonieux des clairons , des cymbales ,
Des lions promenaient vos pompes triomphales ;
Mars , Jupiter , Venus et la mere des Dieux
Semblaient alors pour vous redescendre des cieux.
Ils amenaient la paix et rassurant la terre ,
La victoire fermait le temple de la guerre .
Mais que dis -je ! accourez , augustes fils de Mars .
Ah ! reveuez encor habiter vos remparts .
Les décrets de l'église et ses lois sacrileges
Ne parent effacer d'antiques privileges ,
Tant qu'il sera dans Rome un seul Transtéverin ,
Ne désespérez pas du peuple souverain .
De leur gloire partout ils retrouvent les marques ,
Et dans leur chûte encore ils bravent les monarques.
Christine s'indignant de leur superbe accueil ,
Un jour , au capitole , étalait son orgueil ;
Citoyens , dit l'un d'eux , cette fiere Christine
Devrait se rappeller quelle est cette colline ,
Et qu'attachés en pompe au char de leurs vainqueurs
Les rois , daus la poussiere , y trainaient leurs grandeurs ,
Quels souvenirs fameux quels transports magnanimes
K. 3
( 70 )
!
Doivent leur inspirer ces ruines sublimes !
Là , sont tracés leurs droits ; là , pleins de leurs ayeux ;
Ils viennent commercer avec ces demi-dieux .
Ce fier Traustéverin , dont l'active éloquence
Du tribunat détruit ranima la puissance ,
Rienzi , dans la nuit , veillait sur ces tombeaux ,
Et du Tibre , en silence , évoquait les héros.
Sous ses pieds chancelans les marbres s'entr'ouvrirent ,
Les mânes de Gracchus à ses regards s'offrirent ,
Enflammerent son coeur de leur tonnante voix ,
Et de l'Egalité firent parler les loix .
Sur leur tombe il jura de venger leur mémoire
le fit... Des tribuns il rétablit la gloire ,
Leur verge antique arma ses généreuses mains ;
Et du joug de l'église affranchit les Romains.
Tandis que le pontife , au sein de la mollesse ,
Traînait près de Vaucluse une obscure vieillesse ,
Rome se rani mait , et ce nouveau Brutus
Lui rendait son éclat , ses lois et ses vertus .
Les coupables partout redoutaient sa justice ;
L'or ne les sauvait pas de l'affront du supplice ,
Son nom , d'un juste effroi , glaçait les meurtriers ;
Les brigands éperdus respectaient ses couriers ,
Et les rois , à ses pieds , déposant leur couronne
Devant son tribunal humillaient leur trône .
?
Le chantre harmonieux de Laure et des Amours ,
Pétrarque , sur son luth , célébra ces beaux jours ;
Il les vit s'écouler , et sa Muse étonnée
Bientôt de Rome en pleurs plaignit la destinée.
Rienzi s'égara dans sa coupable main
Le sceptre des tribuns fut un sceptre d'airain .
O pouvoir des grandeurs ! & faiblesse de l'homme !
Le fléau des tyrans fut le tyran de Rome :
De la Tamise ainsi l'orgueilleux protecteur
Cromwel , d'un si beau titre osa flétrir l'honneur ;
Ceux même qu'il vengea devinrent ses victimes ,
Et l'immortalité le punit de ses crimes .
Ah ! si ce fier tribun soumis au frein des loix .
Toujours de la justice eût écouté la voix ,
Quels droits il eût acquis au temple de mémoire ,
Et quelle page auguste il donnait à l'histoire .
Sa mort , en étouffant le cri de ses forfaits ,
Laissa le souvenir de ses premiers bienfaits ;
Et baignés de son sang qu'ils venaient de répandre ,
Les Romains d'une larme honorerent sa cendre
Tant le peuple chérit son ancien défenseur ,
Et pardonne au génie en frappant l'oppresseur.
Par cet exemple, instruit que le tyran pâlisse ,
La route des grandeurs le conduit au supplice.
Par vous , Transteverins , il fut sacrifié ;
Vous sûtes à l'état immoler l'amitié ,
Et votre oeil attaché sur les destins de Rome
Vit toujours la patrie et jamais un seul homme.
Ah ! si dans ces remparts d'un Rienzi nouveau
L'auguste Liberté rallumait le flambeau ,
( 71 )
Tous se réveilleraient. La stupide ignorance
N'a pu leur déguiser leur antique puissance ,
Ils résistent encore à de vils préjugés ,
Et vingt siecles d'erreur ne les ont point changés.
Des tyrans de l'église et de la Germanie
Ils ont plus d'une fois fatigué le génie ;
Mais voyant un vain peuple , ami de nouveauté ,
Trafiquer de ses droits et de sa liberté ,
Indignes de servir une ville sujetić ,
T
Ils se sont renfermés dans leur noble retraite.
Là , fiers , indépendans , emportant avec cux
La patrie éplorée et leurs moeurs et leurs Dieux
Ils semblent avoir dit au despote du Tibre ',
Que Rome serve ailleurs , ici qu'elle soit libre.
Ses nombreux habitans flétris , dégénérés ,
Des Vandales , des Goths , enfans déshonorés ,
N'ont plus rien de ce sang qui coule dans nos veines ,
Ils ne sont pas Romains ; ils méritent tes chaines ;
Qu'ils réclament tes voeux , tes bulles , tes pardons :
Mais nous , du peuple- rei vertueux rejettons ,
Nous , contre les tyrans appuis de la justice ,
Nous qui de Rienzi signâmes le supplice ,
Nous ne partageons pas ce lâche abaissement :
Regne , mais loin de nous , et remplis ton serment.
Jure de maintenir nos lois et nos usages
Et ne nous force point à passer ces rivages .
Le traité fut conclu ; le pontife prudent
De ce peuple inquiet redouta l'ascendant
Il le redoute encore , et ses vils satellites
N'osent du Transtevere aborder les limites .
Allez , braves Français , secondez les Romains
Lavez au Vatican l'opprobre des humaius ;
C'est là qu'on a signé vos guerres catholiques .
Ces voûtes ont frémi de ces affreux cantiques ,
De ces hymnes de sang où , pour venger l'autel ,
D'un massacre pieux on rendait grace au ciel .
Là , Pierre sur l erreur , fondant ses priviléges
Alluma ses bachers , ses foudres sacrileges .
Eteignez ce volcan ; justifież les Dieux .
Entendez-vous crier vos freres , vos ayeux ?
La tu meuis , Basseville , et ton ombre outragée
Erre , et s'indigne encor de n'être point vengée ,
Va donc , peuple vainqueur , mais respecte les arte
Dont la religion décora ces remparts.
Une torche à la main , sur l'aveugle ignorance ,
Toujours le despotisme affermit sa puissance.
Du fanatique Ali redoute les excès !
L'homme libre se venge en laissant des bienfaits.
Voilà , peuple , voilà ta plus belle victoire ;
Fais dire à l'univers : Rome a repris sa gloire.
Rends-lui tous ses héros , ranime son déclin ,
Rome remplie encore de son premier destin ,
S'éleve , et te montrant ses augustes ruines
Etend vers toi ses bras du haut des sept collines.
E 4
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
It
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 21 août 1794-
L faut que la guerre que l'impératrice de Russie fait à la
Pologne n'excite pas un grand zele , ni un empressement bien
vif dans ses troupes , puisque des lettres de Pétersbourg , du
20 juillet , annoncent que Catherine croit avoir besoin de le
réchauffer par de nouvelles largesses . Elle vient d'envoyer des
épées d'or et des cordons de toutes couleurs à la plupart des
officiers employés dans l'armée de Pologne . Outre la gratification
d'un rouble par tête , accordée à chaque soldat , elle a
augmenté la paie annuelle de deux roubles , et celle de chaque officier de 40 . :
D'après les dispositions qu'on lui connaît envers la nation
française , on doit être peu étonné des entraves qu'elle met
dans son commerce avec la Russie ; mais ce qui surprend
davantage , c'est qu'elle à enveloppé dans la même prohition
les marchandises anglaises , quoiqu'avec une sorte de ménagement.
Voici quelques - unes des dispositions de l'ukase qu'elle a
fait publier sur la fin du mois de juis ..
Non- seulement toutes les marchandises françaises ne seront
plus vendues nulle part , aprés le 14 juillet , mais elles
doivent être renvoyées hors du pays dans l'espace de six
semaines. En cas de contravention , la marchandise sera détruite.
"
" Les vins français qui se trouvent encore dans les caves ,
seront vendus suivant la taxe le reste sera vendu à l'encan ,
et le profit en retombera à la caisse des pauvres.
» Quant à la vente des marchandises anglaises d'acier et de
fer , le plus long terme que l'on fixe , est le 1er avril 1795 .
Ce qui reste doit être renvoyé hors du pays . "
" Pour les étoffes auglaises , rayées , de soie , demi - soie ,
laine , et autres marchandises defendues , sujettes à un prompt :
dégât , et entrees avant la prohibition , le terme où leur vente
cessera est fixé au 1er avril 1796. 19
L'escadre russe était encore le 4 août dans le port d'Archangel
. On éprouve des difficultés pour la compietter en équipages
, en vivres et en munitions , tandis qu'on sait que celles
de Suede et de Danemarck sont sur le point de mettre à la
voile.
Suivant des lettres de Constantinople du 25 juillet , les dif-
(
( 73 )
férends entre la cour de Russie et la Porte sont loin d'être terminés
. Les couriers et les conférences se multiplient . Le cabinet
de Pétersbourg se plaint principalement d'un nouveau tarif
des douanes , ainsi que des entraves qu'éprouve le commerce
russe dans la mer Noire et les Dardanelles . La Russie cherche
à en imposer au divan par la terreur , elle fait répandre que
140 mille Russes marchent vers les frontieres de la Turquie ,
que 60 mille autres sont dans la Crimée , et qu'une flotte formidable
couvre la mer Noire.
Cependant on apprend que l'escadre ottomane monille en
ce moment devant Beschiktasch . Le capitan-bacha doit la com
mander en personne . On ignore encore quelle sera sa destination
; mais les équipages ont reçu l'ordre d'être prêts pour le
départ fixé au 27 de ce mois . Le divan a en outre ordonné
que tous les vaisseaux de guerre désarmés , soient mis en commission
; trois vaisseaux de ligne neufs , construits à Sinope
et dans l'Archipel , sont encore attendus ici , et doivent joindre
la flotte quand l'occasion le requerra.
Les vaisseaux anglais , porteurs des équipages du nouvel
ambassadeur arrivé à Constantinople , se trouvent à Smyrne .
Ils n'osent point faire le trajet aux Dardanelles , dans la peur
d'être pris par les frégates françaises .
D'un autre côté , on remarque beaucoup de mouvemens
parmi les troupes autrichiennes , sur les frontieres de la Furquie.
Une partie de la garnison de Semlin se porte sur Tsseg.
On met également en défense toutes les places nouvellement
acquises dans la Croatie turque , particuiérement celles de
Hoji , Dubizac et Berbir . Des ordres ont été donnés , d ce
qu'on assure , de traiter les Turcs avec égard ; mais de se tenir
en même-tems prêt à repousser toute espece d'hostilités .
Depuis que l'artillerie des Polonais , extrêmement bien servie,
a fait cesser le bombardement de Varsovie , il ne parait pas
que les Prussiens et les Russes aient fait aucune nouvelle tentative
. Voici quelle était , le 10 août , la position de Kosciuszko :
Son aile droite , couverte par la Vistule , se trouve en outre
assurée par un avant garde de 8000 hommes , postée à côté
de Blouie , et dominant la grande route de Loviez et de Pozen
( côté de la Piusse ) . Le corps d'armée commandé par
Kosciuszko , occupe les vastes retranchemens qui entourent
Varsovie . L'aile gauche est couverte par un corps de 10,000
hommes , qui occupe la route de Breslaw. Les Polonais sont
encore maîtres du pont qui communique, de Varsovie au fauxbourg
de Prague , et qui leur procure les moyens de s'approvisionner
librement . Le corps prussien qui se trouve au -delà
de la Vistule , n'est pas assez fort pour exécuter la moindre
opération de ce côté ; et les renforts russes , loin de presser
leur arrivée , sont au contraire obligés de se replier sur les
frontieres . A chaque instant des couriers partent du quartiergénéral
pour Pétersbourg . Les Prussiens se plaignent de n'être
( 74 )
point secondés par les Russes qui devaient leur être envoyés .
On apprend que des pluies abondantes ont succédé à la
sécheresse dans ces contrées ; mais la récolte de l'année n'en
a pas moins beaucoup souffert .
On mande de Stockholm , le 6 août , que le régent et le
jeane roi sont de retour de leur voyage de Dalecarlie . A leur
arrivée , il s'est tenu une conférence avec tous les ministres
qui a duré fort avant dans la nuit. On attribue ce prompt
retour à une note remise par l'ambassadeur russe ( Romanzow )
au , cabinet de Stockholm , en réponse à la demande faite à
celui de Pétersbourg de livrer d'Armfeldt , an cas qu'il vint
chercher asile en Russie. Cette note porte que la cour de
Russie agira dans cette circonstance , comme celle de Suede
avait agi au commencement du siecle , forsqu'elle refusa de
livrer des Russes rebelles qui s'étaient mis sous sa protection.
Cette réponse a si fort l'air d'une rupture , que les ambassadeurs
réciproques dans ces deux cours se sont retirés et ont
demandé un congé. — C'est une chose assez remarquable
que , tandis que la Suede et le Danemarck arment pour faire
respecter leur neutralité et leur indépendance vis - à- vis de la
Russie , celle- ci ait fait demander par son ambassadeur , au
cabinet de Stockholm , les troupes subsidiaires qu'elle prétend
que le gouvernement suédois doit fournir d'après les traités .
Par un placard affiché à Copenhague , le Copenhague , le gouvernement
vient de remercier de nouveau les Danois , de la manière la
plus touchante , des contributions volontaires qui ont été faites
et se continuent pour l'équipement de la flotte ; il déclare que
ces sommes ne serviront qu'à l'avantage de la patrie , et qu'on
fera connaître leur emploi par la voie de l'impression .
Des nouvelles altérieures de Pologne , en date du 12 août ,
portentque les Prussions et les Russes vont attaquer Kosciuszko
dans ses retranchemens , comme ou attaque une place forte ;
mais la ville et le camp ne sont point entierement certès , cc
qui facilite anx Polonais des sorties fréquentes . On assure
même qu'un corps considérable de cavalerie , muni d'artillerie
volante , et commandé par le général Rogalinski , est parvenu
à tourner les assiégeans et à les prendre à des. Ce corps
combiné avec plusieurs autres divisions , rend toutes les communications
très-difficiles , et intercepte les vivres destinés
anx armées coalisées . Les routes sont si peu sûres que les
Couriers expédiés du quartier général du roi de Prusse ont
été obligés de revenir sur leurs pas . Depuis le moment où les
coalisés ont fait modérer le feu dé leur arrillerie , Kosciuszko a
fait redoubler celui des batteries qu'il a etablies sur des hau
teurs dominant le camp prussien .
Les fonderies de canon sont dans une étonnante activité ,
elles ont ordre de ne plus fournir que des pieces du plus
gros calibre celles - ci sont aussi - tôt placées sur les redoutes
et pendant que les cloches se trouvent métamorphosées de
:
( 75 )
cette sorte , l'argenterie des églises continue d'être chaque jour
transférée à la monnaie et convertie en especes .
On vient de recevoir l'avis , que la ville de Gostin sur le
territoire de Prusse , a éprouvé le même sort que plusieurs
autres. L'armée polonaise de diversion s'en est emparée ; suivant
sa coutume , elle a mis la main sur la caisse publique ,
où les contributions venaient d'être versées. Depuis , pour
éviter autant que possible un semblable inconvénient , le gouvernement
prussien a donné ordre à tous les bureaux et à
toutes les administrations des postes , de suspendre tout envoi
d'argent.
Les diverses affaires que les Prussiens ont essuyées , leur
ont fait perdre beaucoup de monde , et sur - tout des officiers
qu'ils regrettent . Le fils aîné du roi de Prusse a lui- même
couru un grand danger. Dans un moment où la canonnade
avait cessé , il était allé se reposer dans une grange . Il donna.
l'ordre de l'éveiller au premier coup qui serait tiré . Les
Polonais recommencerent bientôt leur feu . A peine était- il
sorti , qu'une bombe tomba sur la grange , et la détruisit.
De Francfort- sur- le- Mein , le 25 août.
C'est une chose assez remarquable dans l'histoire des gonveinemens
, qu'à mesure qu'ils s'éloignent des voies de la justice
, chaque pas qu'ils font vers la tyrannie devient pour eux
un motif de plus de s'en rapprocher davantage . On tient à la
continuité des mesures oppressives par la pour que l'on a de
rendre compte de celles qu'on a déja commises , et le mal
que l'on a fait devient une raison de plus pour en faire cacore.
Tel est le systême de conduite du cabinet autrichien .
Des lettres de Vienne du 12 août annoncent que les arrestations
continuent dans toute l'étendue des possessions autrichiennes.
On dit qu'on s'est saisi à Gratz du comte d'Ecker ,
noble possessionné en Stirie , et du baron de Remferer , cidevant
chef d'une entreprise de commerce dans la mer Noire ,
commencée par quelques banquiers autrichiens . Ils doivent
être conduits ici . On les accuse , ainsi que le comte Soltyk ,
d'être du complot qu'on prétend avoir découvert. Hier , on
a amené dans cette ville de Linz et de Laibach , un grand
nombre de personnes qui ont été enfermées dans la maison
de police. On fait courir divers bruits sur le but et l'objet de
se complot. Les personnes dépendantes de la cour disent
qu'elle s'est procurée des preuves qu'il était question de s'emparer
de l'arsenal ; d'autres , sans rien articuler de précis sur
les desseins des conspirateurs , prétendent qu'on a trouvé chezeux
trois listes . Sur l'une d'elles étaient les noms de ceux sur
qui l'on pouvait compter pour le coup qu'on voulait tenter .
Sur une autre , ceux des personnes dont on pouvait par suite
espérer l'adhésion ; enfin , une troisieme liste contenait les
1
( 76 )
noms de ceux dont on jugeait qu'il importait de se défaire.
On ajoute qu'il y avait chez plusieurs d'entre les conspirateurs
des sommes considérables d'argent . On doit observer que
tous ces bruits ne sont que de simples assertions . La commission
nommée pour poursuivre tous ceux accusés de desseins
contre le gouvernement , a jusqu'à présent gardé le plus
profond silence .
L'ambassadeur de Naples a remis , il y a quelque tems , aux
membres du corps diplomatique une note relative à une déclaration
faite par la cour de Naples , qu'elle n'avait donné aucune
espece d'asyle à d'Armfeldt , réclamé par la Suede.
Le fameux Cobourg qui devait être la terreur des Français ,
comme cet autre fameux Brunswick , imite , quoique plus tard ,
l'exemple de ce dernier. Toutes les nouvelles annoncent qu'il
quitte le commandement de l'armée , et qu'il va être remplacé
par l'archiduc Charles , qui aura sous lui les généraux Clairfait ,
Beaulieu et Mack qui rentrent sur la scene . En attendant ,
Cobourg se replie toujours sur Aix- la - Chapelle et les environs ;
il a été obligé de détacher de son armée 12,000 hommes pour
aller secourir Trèves qui n'est plus susceptible de secours
puisqu'il est au pouvoir des Français . Cette distraction a beaucoup
affaibli l'armée autrichienne sur la Meuse , tandis que
celle des Français s'est renforcée de 30 bataillons et de 15 escadrons
qui formaient l'armée de siége de Condé , Valenciennes
et Quesnoy , sans parler du corps de 20,000 hommes qui est
arrivé sur la Meuse par les Ardennes . Aussi personne ne doute
ici que l'armée impériale puisse tenir contre des forces si supėrieures
.
Les nouvelles du Hant - Rhin n'annoncent qu'une variation
continuelle dans les mouvemens , ce qui annonce assez l'embarras
où l'on est de faire face aux Républicains .
La dyssenterie fait ici et dans les environs de grands ravages .
Les deux médecins , Muller et Offmann , ont publié une instruction
au peuple sur les moyens de s'en préserver , et même
de s'en guérir sans les secours des persounes de l'art .
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
Des nouvelles de la Haye du to août annoncent que te
gouvernement est dans la plus vive appréhension que les Français
ne pénetrent en Hollande par la Gueldre autrichienne.
L'armée anglaise est toujours acculée vers Breda , au milieu
des inondations qui forment sa principale défense ; mais les
Français ont appris à Cadzan et à l'Ecluse qu'ils savent triompher
des élémens . Les Anglais ne jugeant plus leur cavalerie
nécessaire dans un pays coupé par tant de canaux ,
viennent , dit- on , de l'embarquer pour l'Angleterre .
Les Français ont fait différens mouvemens vers Hezogen .
( 77 )
bursch ; ce qui met les possessions prussiennes dans le plus
grand danger.
On mande de Gertruidenberg qu'il est arrivé dans cette place
un régiment anglais , et partie d'un autre , pour en former la
garnison. Il est question d'établir en cette ville un magasin pour
l'armée anglaise . Elle a également reçu l'ordre de s'approvisionner
pour trois mois .
Les patrouilles des Français poussent jusqu'à Haagmé et
Grand-Sundart.
Les nouvelles arrivées d'Angleterre apprennent que la
mer du Nord est remplie de frégates et de corsaires français
.
On apprend d'Amsterdam que le Saas - de- Gand et Hulot
sont toujours abandonnées à elles-mêmes. L'armée hollandaise
est répartie depuis Breda jusqu'à Gorcum ; l'armée anglaise
doit s'être avancée davantage sur la droite du côté de Bois- le-
Duc et de la Meuse , pour être plus à portée de l'armée de
Cobourg. L'on sait que ces mouvemens ont été arrêtés dans
une conférence qui a eu lieu Fouron -le-Comté. La division
commandée par Hesse- d'Armstadt occupe la forteresse de
Hulst.
On annonce que plusieurs vaisseaux de ligne français ont para
à la hauteur du Texel.
Il a été publié ici un écrit à la main , signé par un grand
nombre de marchands , et dans lequel ils déclarent qu'ils ne
quitteront point cette ville et continueront leurs affaires aussi
long-tems que les circonstances le permettront . Ils ajoutent
qu'ils ne se mêleront en aucune sorte des affaires politiques
et comptent que cette neutralité dans leur conduite est ce qui
peut le plus concourir à leur procurer la sûreté de leurs per
sonnes et de leurs propriétés , soit que les alliés continuent
d'être en possession de la Hollande , soit que les Français y
effectuent une invasion .
On voit ici une liste de trente - sept , vaisseaux hollandais qui
ont été pris dans les parages du Groënland par les corsaires
français .
ANGLETERRE. De Londres , du 6 au 20 août.
Le docteur Priestley , célebre par ses principes philantropiques
et par les persécutions que la tyrannie ministerielle lui
a fait éprouver dans sa patrie , a reçu nn accueil bien différent
dans les Etats- Unis d'Amérique , où il s'est retiré avec
sa famille . Diverses sociétés lui ont envoyé des adresses conçues
dans les termes de l'amitié la plus fraternelle. Voici celle
des instituteurs de New Yorck :
Les instituteurs réunis de la cité de New- Yorck , demandent
qu'il leur soit permis de vous offrir un accueil sincere
et cordial , à votre arrivée sur cette terre de liberté .
" Pleins de l'idée de l'importance d'une acquisition si utile
( 78 )
pour l'accroissement des sciences et des lettres dans cette contrée
, nous sommes flattés qu'il soit échu à cette état , et à la
sité de New-Yorck , d'être les premiers à vous recevoir.
» Travaillant dans un champ où vous vous êtes éminenmeut
distingué , en remplissant la tâche importante et difficile
de cultiver l'esprit humain , nous contemplons avec une particultiere
satisfaction l'influence heureuse que votre séjour
dans cette contrée doit avoir sur la science vraiment utile et
les productions littéraires par lesquelles vous avez déja tant
mérité .
" Nous demandons à anticiper le bonheur de partager en
quelque sorte la défense du savoir et de la littérature que vous
avez entreprise. Dirigez et encouragez nos travaux difficiles ;
apprenez-nous à former l'homme , et répandez vos connaissances
pour un but si utile.
" Nos plus ardens souhaits , bon Prsestley , sont que vous
trouviez , dans cette terre de la simplicité et de la vertu , un
asyle assuré contre les intrigues politiques et les raffinemenz
corrupteurs de l'Europe . Que vos vertus patriotiques ajoutent
à la vigueur de notre heureuse constitution , et que la félicité
dont on jouit dans cette contrée se répande abondamment sur
votre personne et votre famille .
" Nous sommes heureux en pensant que l'auteur de la nature
, par cette communication intime du bonheur intérieur ,
qui ne peut jamais manquer à l'homme vertueux , vous assurera
cette consolation , cette joie qu'on peut trouver dans tous
les lieux , mais que le monde ne peut ui donner ai ôter. ››
Le docteur Priestley a répondu à cette adresse da
" L'accueil que je reçois dans cette contrée de ceux qui ,
comme moi , s'occupent de l'instruction de la jeunesse , m'est infiniment cher. Les diverses classes d'hommes , ainsi que les
individus , sont capables de prendre une haute idée de leur
importance ; mais certainement une des plus importantes classes
est celle qui contribue à communiquer d'utiles counaissances
en formant le caractere des hommes , en les préparant à remplir
les différens emplois de la société . Je me suis occupé sans
relâche et avec délices de cet objet . Mon principal but , en cherchant un asyle dans cette contrée , a été de trouver la terre de la simplicité et de la vertu , où je puisse me livrer sans- obstacle à mes études favorites. S'il m'était douné de choisir
un emploi pour ce qui me reste de tems , où je pourrais encore
me livrer au travail , ce serait celui où je pourrais contribuer ,
comine j'ai fait jusqu'à ce jour , et en me réunissant à vous , l'avancement de la cause de la science et de la vertu .
Parmi les pamphlets que l'esprit de liberté fait éclore , on
vient de publier ici un essai d'un nouveau dictionnaire adapté
aux circonstances actuelles.
Administration. -
Partage de convenance entre dix ou douze
individus , dont les principes politiques sont différens , pour
( 79 )
s'emparer des premieres charges de l'état , sous prétexte de
soutenir la constitution .
Alliés. Certain nombre d'armées alliées pour poursuivre
une guerre , dans laquelle chaque parti a un intérêt particulier.
Alarmist. Certain gentilhomme qui manque de place .
Coalition. Voyez administration .

Jacobin anglais. Homme qui montre la sottise de la guerre
actuelle , et qui combat les mesures prises par les ministres du roi.
Opposition. Voyez Jacobin .
Subsides . Somme énorme d'argent donnée à un prince
étranger , pour la défense de ses propres états .
-
Glorieuse victoire . Lchec de l'ennemi , mais un grand carnage
des deux côtés .
Retraite.
grade.

-
Prise d'une nouvelle position , ou marche rétro-
Défaite. Léger échec... avec la perte
des munitions , etc.
Secret de l'état. --
des canons du
camp,
Ce que tout le monde sait.
Traité. Engagement solemnel entre deux puissances qui
ne doit point être rompu , excepté quand l'an on l'autre des
contractans le jugera convenable à ses propres interêts .
Chambre des communes. Assemblée des gentilshommes
choisis par un petit nombre d'individus , pour venir au secours
des ministres avec de l'argent.
Réforme parlementaire. Chose bien desirable , mais qui ne
peut être mise en discussion , ni en tems de guerre , ni en tems
de paix.
Liberté raisonnable. - Suspension de l'acte d'habeas corpus ,
établissement des espions , des inquisitions secrettes , etc.
L'église et l'état. Les évêques et les ministres du roi.
Liberté de la presse . Liberté de louer les ministres , et
d'écrire des libelles contre leurs adversaires .
Circonstances présentes . Désastre public qui sert de prétexte
aux ministres pour prendre de nouvelles mesures et conserver
leurs places , et que la retraite des armées coalisées dans la
Hollande.
Le comte de Mercy-Argenteau est arrivé ici chargé d'une
mission expresse de l'empereur. Cette mission porte que , si
le miuistere britannique ne se hâte de fournir à S. M. Imp . des
somines considérables et promptes , soit en forme de subsides ,
soit en forme d'emprunt , ses finances ne lui permettront plus
de continuer une guerre désastreuse , et qu'il se verra contraint
de songer à une paix particuliere ( s'il le peut ) avec la Répu
blique Française . Depuis cette demande on publie que la cour
de Londres prendra à sa solde 100,000 mille Autrichiens , ou
qu'elle fournira à l'empereur 100 millions de florins . Bientôt
il faudra que l'Angleterre stipendie toute la coalition .
Pitt avait renvoyé devant les douze grands juges les personnes
qu'il avait fait arrêter pour prétenda crime de haute
trahison . Les douze grands juges se sont honorés en déclarant
( 80 )
qu'ils étaient incompétens , et que les accusés devaient être
renvoyés pardevant les juges respectifs de leur comté. Cette
décision n'a point dégoûté le ministere. Les papiers ministériels
publient qu'il va être nommé à cet effet une commis
sion qui doit s'ouvrir le 25 de ce mois .
Il se tient fréquemment des conseils chez les différens ministres
, et des couriers sont expédiés à mesure à la Haye , à
Berlin et à Vienne .
Georges vient de créer neuf nouveaux pairs , dont sept
étaient membres des communes. Cette promotion indique le
côté où ils siégeaient. La complaisance qu'a eue lord Portland
de passer de l'opposition dans le parti ministériel , n'a pu être
récompensée de la même sorte , puisque sa grace est revêtue
du plus haut titre de pairie ( celui de duc . ) Il a été créé chevalier
de l'ordre du Bain . Le cordon qu'on lui a donné avait
été , dit- on , promis à l'amiral Howe .
Nos papiers sont pleins de traits piquans contre le duc
d'Yorck. L'un d'eux rapporte que dernierement son altesse
fuyant devant l'armée française , se permit d'appeller Pichegru
un capucin sans culotte . Cela peut être , reprit un officier
témoin de ce propos ; mais V. A. R. n'a pas encore eu l'occa
sion de vérifier le fait , ear Pichegru est trop poli pour vous
tourner le derriere . "
On cite un autre fait bien propre à donner une haute idée
du caractere républicain .
Un officier Français , devancé par un trompette , est arrivé
à l'armée britannique en Hollande : il emmenait avec lui quatre
Français faits prisonniers par nos troupes , et renvoyés à condition
qu'ils ne porteraient plus les armes contre contre les
puissances coalisées . L'officier était porteu d'une réponse plus
qu'énergique pour le duc d'Yorck , La voieir : La République
n'a pas besoin de ces hommes qui sont assez vils pour ne pas?
porter les armes contre les tyraus ; elle possede d'ailleurs un
nombre de braves suffisant pour repousser l'armée jdu duc
d'Yorck jusques dans la mer. "
L'amiral Howe a reçu ordre de l'amirauté de mettre à la
voile on croit que son escadre est destinée à escorter jusqu'en
Angleterre notre flotte marchande des Indes qui se trouve
acinellement dans les ports de l'Irlande .
On éprouve ici une si grande disette de viandes de bouchezie
, que le gouvernement a jugé à propos de prohiber l'expor
tation des bêtes à cornes et viandes salées ,
On porte à 70,000 le nombre d'hommes qui dans ce moment
sont sous les armes , tant en Angleterre qu'en Ecosse .
Quatre vaisseaux de ligne portugais sont entrés à Plimouth
pour se joindre à l'amiral Howe.
Le commerce est très - peu satisfait de l'expédition du lord
Macartanai en Chine ; elle n'a eu aucun succès ; mais en revanche
on a publié une belle relation de son voyage.
( Nous donnerons quelques détails au numéro prochain . )
RÉPUBLIQUE
i
( 81 )
KEPUBLIQUE FRANÇAIS B.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE MERLIN ( de Thionville ) .
Décret sur l'organisation des comités de la Convention nationale.
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport
de sa commission établie pour l'organisation des comités ,
décrete
TITRE PREMIER.
II
Y
De la formation des comités.
aura seize comités de la Convention nationale , savoir :
Un comité de salut public , compose de douze membres ;
Uu comité de sûreté générale , composé de seize membres ;
Un comité de finances , composé de quarante huit membres ;
Un comité de législation , composé de seize membres ;
Un comité d'instruction publique , composé de seize mema
bres ;
Un comité d'agriculture et des arts , composé de douze
membres ;
¿Un comité de commerce et
d'approvisionnemens , composé
de douze membres ;
Un comité des travaux publics , mines et carrières , composé
de douze membres ;
Un comité des transports , postes et messageries , compose
de douze membres ;
Un comité militaire , composé de seize membres ;
Un comité de la marine et des colonies , composé de douze
membres ;
Un comité des secours publics , composé de douze membres
;
Un comité de division , composé de douze membres ;
Un comité des procès-verbaux , décrets et archives , composé
de seize membres ;~
Un comité de pétitions , correspondances et dépêches , composé
de douze membres ;
Un comité des inspecteurs du palais National , composé de
seize membres .
TITRE I I.
Attribution des comités . Comité de salut public.
Art.. Ier. Le comité de salut public aura sous sa surveil
lance directe et active :
Les relations extérieures ;
Tome XI. F
( 82 )
1
L'organisation et la levée des troupes de terre ;
L'exercice et la discipline des gens de guerre ;
Les plans de campagne , mouvemens et opérations militaires ;
La levée de gens de mer ;
Les classes et organisation de l'armée navale ;
La défense des colonies ;
La direction des forces et expéditions maritimes , et la
construction des vaisseaux et agrès ;
Les manufactures de toute espece d'armes , les fonderies ,
les bouches à feu et machines de guerre , les poudres , les salpêtres
, les munitions de guerre , les magasins et arsenaux pour
la guerre et la marine ;
Le travail des ports , la défense des côtes , les fortifications
et les travaux défensifs de la frontiere , les bâtimens militaires ;
Les remontes , charrois , convois et relais militaires ;
Les hôpitaux militaires ;
L'importation , la circulation intérieure , l'exportation des
denrées de toute espece ;
Les magasins nationaux ;
Les subsistances des armées ;
Leurs fournitures en effets d'habillement , équipement , cagernement
et campement.
Il a scul le droit de requisition sur les personnes et les
choses . 2
Il a le droit de faire arrêter les fonctionnaires publics et
agens civils et militaires sur lesquels il exerce sa surveillance .
Il peut les traduire an tribunal révolutionnaire , en se concertant
avec le comité de sûreté générale .
II. La trésorerie nationale lui ouvrira , pour dépenses seerettes
et extraordinaires , un crédit de dix millions ; les crédits
précédemment ouverts et non employés sont supprimés.
Comité de sûreté générale .
III. Le comité de sûreté générale a la police générale de la
République ; il décerne les mandats d'amener ou d'arrêt contre
les citoyens , et les remet en liberté , ou les traduit au tribunal
révolutionnaire .
Les délibérations pour arrêter ou mettre en liberté , doivent
être prises au moins par cinq de ses membres ; ses arrêtés
pour traduire au tribunal révolutionnaire , doivent être pris
au nombre de neuf au moins .
IV. Lorsqu'il met en arrestation les fonctionnaires publics ,
il en prévient , dans les 24 heures , les comités qui ont la
surveillance sur eux .
V. Il a particuliérement et immédiatement la police de
Paris.
.❤
Il requiert la force armée pour l'exécution de ses arrêtés .
VI. La trésorerie nationale tient à sa disposition 300,000 f.
pour dépenses extraordinaires ou secrettes.
( 83 )
Comité des finances.
VII. Le comité des finances a la surveillance active des dépenses
et revenus publics.
Il surveille la tresorerie nationale ;
L'administration des domaines et revenus nationaux , les
contributions directes ;
L'aliénation des domaines ;
Les assiguats et monnaie , la marque d'or et d'argent;
La liquidation générale ;
Le bureau de comptabilité,
Comité de législation.
VIII. Le comité de legislation a la surveillance active des
administrations civiles et des tribunaux .
Il est chargé des détails relatifs au recensement et à la classification
des lois , et de la continuation des travaux commences
en exécution des décrets des 3 floréal et 11 prairial derniers.
Comité d'instruction publique.
IX. Le comité d'instruction publique a la surveillance active
des monumens nationaux , bibliotheques publiques , musées ,
cabinets d'histoire naturelle , collections précieuses ;
Des écoles , da mode d'enseignement , des inventions et
recherches scientifiques , de la fixation des poids et mesures ,
des spectacles et des fêtes nationales.
Comité d'agriculture et des arts.
X. Le comité d'agriculture et des arts a la surveillance ace
tive des desséchemens's
Des défrichemens ;
De l'éducation des animaux domestiques ;
Des écoles vétérinaires ;
Des arts mécaniques ;
Des usines ;
Des filatures ;
Et de l'industrie manufacturiere ;
Comité de commerce et dés approvisionnemens.
XI . Le comité de commerce et des approvisionnemens à la
surveillance active de la police interieure du commerce , et
de l'établissement et police des marchés .
Il a la surveillance simple de tous les objets attribués par
les lois à la commission de commerce et approvisionnemens.
Comité des travaux publics , mines et carrieres .
XII. Le comité des travaux publics , mines et carrieres , *
F 2
( 84 )
la surveillance active de la construction des ponts et chaussées
;
Da systême général des routes rivieros et canaux de la
République ;
Des monumens et édifices nationaux civils ;
Et de l'exploitation des mines et carrieres .
Il a la surveillance simple du travail des ports , de la défense
des côtes , des fortifications , des travaux défensifs de
la frontiere et des bâtimens militaires ;
Comité des transports , postes et messageries .
XIII. Le comité des transports , postes et messageries , a la
surveillance active du roulage ;
De la poste aux lettres ;
De la poste aux chevaux .
Il a la surveillance simple des charrois , convois et relais
militaires de toute espece .
Comité militaire.
XIV. Le comité militaire a la surveillance de la force armée
de Paris . Le mot d'ordre est donné chaque jour à midi
par le président de la Convention nationale au commandant ,
et envoyé au même instant au comité militaire .
Ce comité a de plus la surveillance simple des objets attribués
à la commission des armes et poudres ;
Des hôpitaux militaires ;
De l'organisation et de la discipline des gens de guerre ;
De l'exercice des gens de guerre ;
Et des remontes et dépôts des troupes à cheval.
Comité de la marine et des colonies.
XV. Le comité de la marine et des colonies a la surveillance
simple des objets attribués à la commission de marine
et des colonies.
Comité des secours publies .
XVI . Le comité des secours publics a la surveillance
De l'administration des hôpitaux civils ;
Des secours à domicile ;
De l'extinction de la mendicité ;
Des invalides ;
Des sourds , muets et aveugles ;
Des enfans abandonnés ;
Des maisons d'arrêt , quant à la salubrité .
Comité de division .
XVII . Le comité de division est chargé de recueillir les tableaux
de population ;
185 )
Des réunions des communes ;
De l'indication des emplacemens des autorités constituées ,
et de la distribution da territoire .
Comité des procès- verbaux , décrets et archives .
XVIII. Le comité des procès-verbaux , décrets et archives ,
est divisé en deux sectionS :
La premiere a la surveillances des archives de la Convention
nationale et du sceau de la République ;
La seconde section a la surveillance de la rédaction des procès-
verbaux ;
De l'expédition des décrets ;
De l'impression ;
De la publication ;
Et de l'envoi des lois.
Comité des pétitions , correspondances et dépêches.
XIX. Le comité des pétitions , correspondances et dépêches
est divisé en deux sections :
La premiere recueille les pétitions et surveille la composition
,l'impression et l'envoi du bulletin de correspondance ;
La seconde est chargée de l'ouverture des dépêches , de leur
analyse et de la lecture à la tribune .
Comité des inspecteurs du palais National.
XX Le comité des inspecteurs du palais National a la police
dans l'enceinte du palais et du jardin National , il a la surveillance
de l'imprimerie Nationale .
Il ordonnance les dépenses de la Convention , des archives
nationales et des comités ; il ordonnance également les frais de
voyage des représentans du peuple envoyés dans les départemens
ou aux armées ; il arrête définitivement les comptes relatifs
aux dites dépenses.
XXI. La trésorerie nationale tient à sa disposition une somme
de cinq millions pour être employée aux dépenses , tout credit
précédemment ouvert et non employé est supprimé .
TITRE I I I.
Dispositions générales .
XXII. Les comités prennent toutes les mesures d'exécution
relatives aux objets dont la surveillance leur est attribuée .
XXIII . Le comité de salut public ne propose à la Convention
nationale que les lois relatives aux opérations militaires ,
navales et diplomatiques.
Les autres comités proposent directement toutes les lois relatives
aux objets sur lesquels ils ont la surveillance simple ou
active.
F 3
( 86 )
XXIV. Les commissions executives leur rendent compte et
leur donnent tous les renseignemens relatifs aux objets qu'ils
surveillent simplement ou activement.
XXV. Les comités ont tous une autorité immédiate , chacun
dans leur ressort , sur les corps administratifs et judiciaires
, pour l'exécution des mesures relatives aux objets dont
ils ont la surveillance active . I
La correspondance des autorités constituées avec les différens
comités , relativement aux attributions qui leur sont don
nées , doit être faite avec l'exactitude prescrite par la loi du
14 frimaire , dont l'exécution est maintenue dans toutes les
dispositions qui ne sont pas contraires au présent décret.
XXVI. Chaque comité a le droit de suspendre ou de destituer
les agens de l'administration qu'il surveille activement.
XXVII. Toutes les mesures , autres que celles relatives aux
opérations militaires , navales et diplomatiques , sont circonscrites
dans l'exécution des loix .
Toutes celles qui tendraient à interpréter la loi , doivent
être préalablement adoptées par la Convention nationale .
XXVIII . Tous les comités se renouvellent chaque mois par
quart la nomination des membres des comites de salut public
et de sûreté générale se fait par appel nominal , et les membres
sortant ne sont rééligibles dans l'un de ces deux comités
qu'après l'intervalle d'un mois .
XXIX . A l'égard des autres comités , les nominations s'operent
par scrutins signės ; et les membres sortans y sont
zééligibles , saus observer aucun intervalle .
XXX. Les fonctions des comités et commissions actuellement
en ' exercice , seront continuées jusqu'à la parfaite organisation
de ceux établis par la présente loi.
Séance de septidi , 17 Frucidor.
PRÉSIDENCE DE BERNARD ( de Saintes ).
Dans une séance de la veille , Bernard a été élu président ;
Tes secrétaires sont Borie , Cordier , Louchet et Renaud .
Nombreuses adresses , dons patriotiques pour l'armement
d'un vaisseau , autres pour ceux qui ont souffert de l'explosion
de la poudrérie de Grenelle .
Le citoyen Riffaut , défenseur officieux de deux pauvres cultivateurs
du département de l'Allier , et qui a contribué par ses
soins à faire annuller le jugement qui les condamnait à quatre
années de fers , sollicite des secours en faveur de ces malheu-
Renvoyé au comité des secours ..
Feux . --
Rhull fait part d'une lettre de Strasbourg , qui l'informe que
sous la précieuse bibliotheque , dite de Malthe , on a établi des.
atteliers de maréchaux , et vis - à -vis des magasins de paille .
Duhem fait la même observation à l'égard de la bibliotheque
( 87 )
des capucins et celle des ci - devant chanoines de Sainte- Gene
vieve. Duhem aurait pu ajouter que la bibliotheque nationale
a dans son voisinage deux établissemens très- sujets au feu ,
savoir ; le théâtre de l'Opéra et celui de Louvois . — Renvoyé ,
au comité d'instruction publique , chargé de prendre les me
sures de conservation .
Coupé de l'Oise ) fait , au nom du comité d'agriculture ,
un rapport sur l'éducation et les progrès des vers à soie en
France , dont l'Assemblée ordonne l'impression et l'ajourne
ment .
Bezard fait rendre un décret additionnel à la loi du 11 ventôse
, relative aux scelles apposés sur les effets et papiers des
parens des défenseurs de la patrie , dont les dispositions seront
communes aux officiers de santé et à tous autres citoyens attachés
au service des armées de la République .
Ramel fait un rapport sur le mode de liquidation de ce qui
est du à la République par la ci - devant nouvelle compagnie
des Indes , à la suite duquel il propose un décret en 16 articles ,
que la Convention a adopté.
Séance d'octidi , 18 Fructidor.
Massieu annonce que la commission nommée pour lever les
scellés apposés chez Robespierre et ses complices , a fait imprimer
, en exécution du décret de la Convention , le discours
qu'il prononça dans la séance du 8 thermidor . Il s'est trouvé
dans le manuscrit plusieurs passages qui avaient été omis lors
dé la lecture. La commission n'a pas cependant cru devoir les
dérober à l'impression . On les a fait distinguer en caracteres
italiques. Quoique ces passages contiennent des inculpations
contre plusieurs , cela n'a pas paru à la commission devoir
être une raison de les supprimer. Plusieurs membres s'écrient
que ces inculpations sont des certificats de civisme .
Bassel demande que chaque décade tous les comités viennent
successivement à la tribune instruire la Convention des opérations
qu'ils auront faites dans la décade précédente , des
entraves que leur exécution aura éprouvées , de la négligence
ou de la malveillance des agens qui n'auront pas fait leur de
Cette proposition voir. est décrétée. --
Le comité de surveillance révolutionnaire de la commune de
Marseille observe que les aristocrates , les modérés , les nobles ,
les prêtres et tous les ennemis de la chose publique levent une
tête insolente ; il demande qu'on resserre les mesures révolu
tionnaires ; il ne l'espere que de l'énergie des Montagnards ; si
la justice envers les innocens , est un devoir rigoureux , la
sévérité la plus mâle , la plus repressive , doit être sans cesse
à côté d'elle , et présenter les fers et la mort aux conspirateurs.
Renvoyé aux comités de salut public et de sûreté générale .
Après quelques rapports et quelques décrets de finances
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public et de
F4
( 88 )
sûreté générale , fait un rapport sur les militaires , les fonction
naires publics destitués et les citoyens qui ont obtenu leur
élargissement , et qui n'ont point de résidence à Paris , et qui
tous en ce moment abondent en foule dans cette commune .
Il fait rendre le décret suivant :
Art. Ier. Les militaires , commissaires des guerres et autres
citoyens employés dans les armées ou dans les places de guerre ,
qui se trouvent dans ce moment à Paris en vertu de congés ,
de commissions ou de permissions , autres que celles données
par la commission de l'organisation et du mouvement des
armées de terre , et approuvées par le comité de salut public ,
seront tenus de sortir de Paris le troisieme jour qui suivra lá
publication du présent décret , et de retourner à leur poste sans
aucun délai , sous peine de destitution , et d'être traités comine
suspects .
" II . Les militaires qui ont donné leur démission dans l'intervalle
du 14 juillet 1789 au 10 août 1792 , ayant moins de
So ans de service ; les militaires destitués ou suspendus depuis
le 10 août 1892 ; les citoyens qui , revêtus de fonctions publiques
ou employés par le gouvernement , ont été destitués on
suspendus depuis le 31 mai 1793 ; tous ceux qui , ayant été
arrêtés comme suspects ou comme prévenus de délits contrerévolutionnaires
, ont été mis en liberté depuis le 10 thermidor ;
les citoyens qui ont été chargés de missions par les représentans
du peuple dans les départemens ou près les armées ,
par les comites de salut public et de sûren générale , par le
ci - devant conseil exécutif provisoire ou par la commission de
commerce et des approvisionnemens , et dont les pouvoirs ont
pris fin , seront tenus de sortir de Paris le troisieme jour qui
Suivra la publication du présent décret , de se rendre dans leur
domicile , et d'y justifier de leur retour devant leur municipalité
, dans le delai de deux decades pour ceux qui sont à
cent lieues de distance de Paris ou au - dessous , et de
quatre
décades pour ceux qui sont à de plus grandes distances , le
tout à peine d'être traîtés comme suspects .
III. Les militaires compris dans l'article précédent seront
tenus , dans le délai et sous les peines qu'ils déterminent , de
se retirer à 20 lieues de Paris , des frontieres et des armées .
IV . Ne sont pas compris dans les dispositions de l'article II ,
1º . les citoyens qui étaient résidens à Paris avant leur dèstitution
, suspension ou arrestation ; 2. ceux qui ont été mis
en requisition , et qui remplissent en ce moment des fonctions ,
emplois ou missions qui leur ont été confiés par le gouverne
ment ou par les commissions exécutives .
,, V. Il n'est point dérogé aux dispositions de la loi du 27
germinal , relatives aux ci - devant nobles , étrangers et généraux
non en activité de service.
,, VI. Les decrets des 2 et 5 thermidor , relatifs à l'obli-
1
( 89 ) ( 89 .
gation imposée aux fonetionuaires publics et autres , de sortit
de Paris et de retourner dans leur domicile , sont rapportés . "
Séance de nonidi , 19 Fructider.
Les commissaires civils de la section des Invalides instruisent
la Convention nationale qu'un léger accident , arrivé à
Grenelle , a causé des inquiétudes aux habitans de cette scction
pendant un instant. Craignant qu'on ne répande des
bruits inquiétans parmi le peuple relativement à la poudrerie,
et que ces bruits ne parviennent à la nation , ils s'empressent
d'envoyer le procès -verbal suivant qui constate le fait :
un
Aujourd'hui 19 fructidor , à dix heures du matin ,
bruit assez fort s'est fait entendre . Ou a va s'élever une fumée
assez considérable : le tout avait été occasionné par l'explosion
d'un petit baril rempli de poussier , enseveli dans les
décombres du platelage , et qui n'a pu prendre feu que par
l'outil de l'ouvrier occupé à le décombrer. Cet ouvrier a été
seul blessé gravement , et deux autres ouvriers l'ont été trèslégerement.
"
La société des défenseurs de la République , séante aux
Jacobins , manifeste ses inquiétudes de ce que beaucoup de
pieces de canon , même des pieces de siege , des obus et des
mortiers , existent dans le camp des éleves de l'ecole de Mars .
Renvoyé au comité de salut public .
Lauthenas rappelle à la Convention qu'il a fait distribuer
un projet sur le gouvernement révolutionnaire . I pense que ,
si la déclaration des principes qu'il contient avait été consacrée
, elle aurait prévenu les agitations qu'on a derniérement
excitées dans la Convention . Il demande le renvoi de ce
projet au comité de législation pour en faire un prompt rapport.
( Adopté. )
Thibaudot , au nom du comité d'instruction publique , fait
un rapport qui a pour objet d'éclairer la Convention et le
peuple Français sur l'institution des sans - culottides qui termine
l'année révolutionnaire . Les cinq jours de fêtes se rencontrent
précisément à l'époque de l'année où les occupa
tions les plus utiles appellent tous les bras . Les défenscurs
de la patrie combattent sans cesse pour reculer nos frontieres ,
et pour faire respecter par-tout le nom Français ; tous les
jours ils se battent , tous les jours sont des fêtes pour eux .
Daus l'intérieur , les citoyens doivent employer tout leur
tems aux travaux de l'agriculture , des transports , de l'exploitation
des bois , des forges , des usines , de la fabrication
du salpêtre. Ils doivent redoubler d'efforts dans les ports ,
dans les chantiers , dans les ateliers ; assurer les subsistances ,
les verser dans les magasins rationaux , et préparer des armes ,
Voilà les plus belles fêtes pour des hommes libres . A la suite
xx
( 90 )
de ce rapport , il propose et l'Assemblée adopte le décret
suivant :
66 La Convention nationale , après avoir entendu le rapport
de son comité d'instruction publique , décrete :
Art. Ier . Le dernier jour de l'année républicaine , ciqqaieme
sans - culottide , sera consacré à une fête nationale ,
dans laquelle les citoyens de chaque commune se réuniront
pour resserrer entr'eux les liens de la fraternité , et célébrer
les victoires de la République.
II . Le comité d'instruction publique est chargé de présenter
le plan de notre fête pour Paris .
" III. Tous les citoyens de la République se livreront à
leurs travaux ordinaires , pendant les quatre premieres sansculottides
.
Thibaudot fait ensuite rendre le déeret suivant :
La Convention nationale , après avoir entendu son comité
d'instruction publique , décrete que le concours , onvert
par son décret , pour la composition des livres élémentaires ,
est prorogé jusqu'au rer . nivôse prochain , sans que le travail
du jury chargé de juger les ouvrages soit interrompu.
Un secrétaire fait lecture d'une adresse de la société populaire
de Dijon . Nous vous demandons , dit sette société :
1º. d'organiser sur- le- champ les comités révolutionnaires de
districts , dont vous avez derniérement décrété l'établissement.
2º. De les autoriser à recommencer les arrestations des personnes
suspectes , selon la loi du 17 septembre , sans avoir
égard aux élargisssemens accordés depuis .
20. Que tous les citoyens soient invités à leur communiquer,
les motifs de suspicion qu'ils peuvent avoir contre tel ou tel
individu .
4°. Que vous rendiez exécutoires dans toute la République
les mandats d'arrêt décernés par les comités révolutionnaires
contre les personnes qui ont été domiciliées dans leur arrondissement.
5º. Que vous examiniez si la loi qui ordonne de juger sur
la question intentionnelle ne serait pas susceptible de modification
.
6. D'éloigner les ci - devant nobles et les ci - devant prêtres
de toutes fonctions publiques.
79. Et enfin de contenir la liberté de la presse dans de
justes bornes tant que durera le gouvernement révolutionnaire
.
Cette adresse excite des murmares . Guyomard dit qu'il
fant ajouter à ce projet que les accusés n'auront plus de
défenseurs , et alors nous rentrerons dans le systême d'oppression
établi par la loi du 22 prairial. La Convention ne rend
pas aujourd'hui un décret pour le rapporter demain ; il faut
que les sociétés populaires et toutes les autorités apprennent à
( gr )
(
C respecter nos lois . Les uns demandent l'ordre du jour ;
les autres l'insertion au bulletin ; enfin , sur la proposition de Duhem , l'adresse est renvoyée purement et simplement au
comité de législation .
Séance de décadi , 20 Fructidor.
Bourrette , au nom du comité des secours , présente un
projet de décret pour accorder des secours aux personnes
mises en liberté depuis le 10 thermidor , et qui , au terme du
dernier décret , doivent sortir de Paris sous trois jours .
Duhem demande qu'il soit pris des mesures pour que les
secours de la République ne soient pas accordés aux muscadins
, aux nobles , à des marquis et à des comtes .
André Dumont appuie la proposition . Il ajoute que , sans
doute , Duhem u'a pas prétendu inculper le comité de sûreté
générale ; mais il se sert d'expressions singulieres et déplacées.
Pourquoi ces mots de marquis et de comtes ? qu'il les
nomme , s'il en connaît que le comité ait mis en liberté . Je
ne veux point entrer dans des personalités ; ni jetter une
pomme de discorde dans l'Assemblée . Le comité de sûreté
générale a la confiance de la Convention ou il ne l'a pas . (Beau
coup de membres s'écrient : il l'a , il l'a . )
Après quelques débats , la Convention accorde un secours
de 15 sols par lieue de poste , à tout citoyen mis en liberté
depuis le 10 thermidor , par arrêtés des comités de salut public
et de sûreté générale , ou par ceux des représentans du
peuple en mission dans les départemens , et qui était ebligé
de travailler pour vivre , pour l'aider à retourner dans son
domicile. Ces secours ne sont pas applicables aux fonctionnaires
publics mis en liberté , dont le traitement est de 1200 ! .
et au- dessus .
La commune de la Ciotat fait passer à la Convention la
liste de neuf prises faites par deux frégates et un brick , sous
le commandement du citoyen Laindel .
Une députation de la société populaire d'Aix vient désavouer
l'adresse que des pétitionnaires de cette commune avaient
présentée , et dans laquelle ils inculpaient le représentant du
peuple Maignet .
La société populaire , séante dans la salle du corps électoral
, est admise à la barre et présente une pétition pour demander
la liberté illimitée de la presse , et l'éligibilité des
fonctionnaires publics par les assemblées du peuple .
Billaud - Varennes observe que le club électoral a tonjours
été un foyer de contre - révolution . Il prit part à la conspiration
d'Hébert ; aujourd'hui qu'une nouvelle conspiration
semble s'clever , on le met encore en avant . Il demande le
renvoi de la pétition au comité de sûreté générale , afin d'en
examiner les motifs . Le renvoi est décrété .
-
1
( 92 )
Séance de primedi , 21 Fructidor.
Villers annonce que le comité de commerce et des approvisionnemens
s'occupe à perfectionner la loi du maximum , et
à rétablir entre le marchand et le consommateur , l'équilibre
qui entretient l'abondance . En attendant , il propose de proroger
jusqu'au 1er , vendemiaire de la quatrieme année de la
République , le délai fixé par l'article III du décret du 29
septembre ( vieux stile ) pour le maximum du prix des denrées ,
matieres et marchandises . Ce décret est adopté.
Barrere appelle l'attention de l'Assemblée sur deux objets
intéressans l'un est le code civil ; il annonce que le comité
de legislation s'en est occupé . Il demande que Cambacérès
soit entendu. L'autre est un plan d'institutions républicaines .
Sans les institutions , ajoute- t - il , il n'est point de république
organisée ; sans les institutions bien ordonnées , il n'est point
de république durable . Par- tout la décadence des républiques
a été précédée de la corruption des institutions sociales . Lycurgue
ne parvint à faire sa république si extraordinaire que
par des institutions , et il ne la conserva que par les mêmes
institutions . Cependant sa constitution était sévere , et en plu
sieurs points contraire aux droits de la nature , tandis que la
constitution française n'a fait que proclamer ces mêmes
droits . Il demande qu'une commission de trois députés , on
qu'une section du comité d'instruction publique soit chargée
expressément de présenter , le 15 brumaire , un plan complet
d'institutions républicaines .
Sur l'observation de plusieurs membres que le comité d'instruction
publique s'occupe de ce travail , la Convention passe
à l'ordre du jour.
Gaston , Servieres et Tallien demandent que les comités des
domaines , aliénations et finances , présentent , dans le plus
court délai , un mode d'aliénation et de location des domaines
nationaux , qui puisse se concilier avec le bien du peuple et
celui de l'agriculture .
Garnier ( de Saintes ) se plaint de ce qu'on n'a point encore
levé les scellés sur un grand nombre de maisons nationales ,
dont le mobilier et les bâtimens se dégradent.
Bentabolle demande qu'on s'occupe aussi du paiement des
émigrés et des détenus .
Toutes ces propositions sont renvoyées aux trois comités
indiqués .
La Convention s'occupe de la révision de la loi sur les émigrés
. Ce travail n'est point achevé .
( 93 )
PARIS . Quartidi , 24 Fructidor.
Le dernier discours , prononcé par Robespierre , vient de
paraître avec toutes les variantes que contenait son manuscrit.
Il serait difficile d'en présenter une analyse . On sait que l'esprit
de méthode , la précision et la clarté n'étaient pas le caractere
distinctif de son style , et il regne dans cette production encore
plus d'embarras et d'obscurité qu'on n'en remarque dans
les précédentes .
Cet embarras tenait à sa position et à la nature de ses
projets . On y voit un homme inquiet , bourrelé , qui sent
que le pouvoir est prêt à lui échapper , qu'il va être reconnu ,
et qui tourmente péniblement sa pensée pour se resaisir da
credit et de la confiance . Il veut dénoncer , et il ne dénonce
pas ; il craint de trop dire et de ne pas dire assez , il fait naître
des soupçons et n'administre aucunes preuves ; il désigne bien
plus qu'il ne nomme. On dirait qu'il place la vérité dans un
nuage , afin que chacun puisse lui donner les traits qu'il imagine
ou qui conviennent à ses passions.
A chaque page il parle de conspirations , de factions , de
trahisons , de contre- révolution , et les contre-- révolutionnaires
, les traîtres , les factieux , les conspirateurs restent dans
le vague de l'arbitraire. C'est une véritable apocalypse de
complots . Si on le juge par les principes , il n'est question
que de justice , de raison publique , de morale , de vertu et
d'amour de la patrie . Si on le juge par les faits ...... C'est
un contraste qui fait frémir. Si on le juge par les intentions.....
Tout en parlant d'humanité et de douceur , il tremble
que
gouvernement révolutionnaire ne s'adoucisse , et que le tribunal
de ce nom ne perde de son dévouement et de sa férocité .
le'
Cependant , malgré le soin qu'il prend de se dérobér , le
tyran dans son impatience se montre tout -à-coup dans cette
phrase. J'ai promis il y a quelques jours de laisser un testament
redoutable aux oppresseurs du peuple. Je vais le publier dans
ce moment avec l'indépendance qui convient à la situation où
je me suis placé. Je leur lègue la vérité terrible et la MORT . " )
Mais quels sont ces oppresseurs du peuple ? c'est le secret du
tyran ; il se réserve le droit de les désigner.
Si l'on combine ce discours avec celui que Saint-Just devait
prononcer le lendemain , on voit que c'est le commencement
d'un plan concerté entre les triumvirs. Robespierre s'offense de
ce qu'on l'accuse d'aspirer à la dictature , et fait en termes enve
loppés un long éloge de lui -même . St. -Just le défend et le loue
avec moins de retenue. Il parle de lui , comme si c'eût été
( 94 )
l'ame de Caton réunie à l'éloquence de Cicéron . L'ascendant
qu'on reproche à son ami n'est autre que celui du talent et
de la vertu . Robespierre parle dans son discours d'institutions
morales et politiques . Saint-Just propose un décret pour les établir
, sans les indiquer encore . 11 souleve un peu plus le voile ,
et il est probable que Couthon , venant après eux , était chargé
de répandre encore plus de jour. C'est ainsi que le plan se
serait déroulé insensiblement , si la Convention se fût laissée
prendre au premier piége.
De ces deux discours lus , comparés et médités avec soin ,
on peut recueillir d'excellens résultats moraux et politiques ;
ils ouvrent un vaste champ de réflexions à tous les amis de la
liberté ; car il est bon d'aller à l'école des intrigans , des ambitieux
et des pervers , ne fusse que pour apprendre à les connaître
et à s'en garantir.
Dans la séance des Jacobins du 17 , Tallien , Frèron et
Lecointre ont été exclus de cette société . Lecointre avait été
appellé et n'a pas paru. Les deux autres ont prononcé un
discours justificatif.
Dans celle du 19 , Dufourni , Laveaux , Réal , Boissel et
Yon ont été dénoncés . Il paraît que le principal grief qu'on
leur reproche est d'avoir soutenu l'opinion de la liberté indéfinie
de la presse . On a repris la discussion sur cette question.
Laveaux a jetté le gand à quiconque voudrait parler contre
cette liberté , et s'est engagé à le refuter. Monestier a pensé
qu'il fallait se borner à déclarer que la liberté de la presse
existe autant qu'elle peut exister d'après la déclaration des
droits , et que toute autre question devait être ajournée après
la guerre.
Dans la séance du 21 , on a fait la motion pour déporter
les nobles , les prêtres , les modérés , les indifférens et tous
ceux qui ne sont pas bien prononcés pour la révolution . Cette
question a été mise à l'ordre du jour , et a commencé à être
débattue .
Catherine Théos , connue sous le nom de la Mere-de-Dieu ,
est décédée dans sa maison de détention .
On écrit de Bordeaux que Lacombe , ex - président de la commission
militaire de cette ville , l'un des dignes émules de
Coffinal et de Dumas , a été condamné à la peine de mort
par une commission établie en vertu d'an arrêté du représen
tant du peuple.
( 95 )
NOUVELLES DE S ARMÉES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES .

De Perpignan , le 4 fructidor.
Bellegarde sera sous peu de jours à la république ; nous
savons par les rapports des déserteurs , que la garnison est
dans la derniere détresse . Toutes les tentatives des Espagnols
pour ravitailler cette place , et d'y porter du secours , ont
été vaines ; l'énergie et la vigilance des républicains ont su
tout prévoir , tout déjouer.
1
Tout le monde connaît l'extrême importance de cette
forteresse , qui commaude la grande route qui mene en Es
pagne . Bellegarde une fois en notre pouvoir , nous pourrions
fort bien aller rendre une petite visite aux habitans de Barcelonne
, port de mer le plus riche de l'Espagne ; nous trouverons
sur notre route Figueras , place fameuse par ses fortifications
, et sur- tout par son immense citadelle , qui a coûté
400 millions et quarante années de travail ; mais qui , par
son étendue même , n'est guere susceptible d'une grande
défense elle exige une garnison de 12 à 15 mille hommes ,
c'est-à-dire , à -peu-près la moitié de toute l'armée Espa
gnole.
" Nous trouverons encore Gironne ; les hauteurs qui la
dominent sont fortifiées par d'anciens retranchemens faits du
tems de Louis XIV , mais fort mal entretenus , et qui ne sauront
pas nous arrêter long- tems ; de là à Barcelonne , rien ne pourra
plus s'opposer à notre marche , et nous prouverons à ces fiers
Castillans , que s'ils ont obtenu quelques succès éphémeres par
la plus noire trahison , le courage des Républicains sait en
ariacher de plus solides ; qu'il sait triompher de tous les
obstacles.
De la vallée d'Aure , du 1er . fructidor.
Les Piémontais , depuis long- tems battus par nos soldats
républicains , et vraisemblablement fondant leurs espérances sur
la conjuration ourdie par l'infâme Robespierre et ses complices
, avaient médité de nous attaquer sur tous les points
dans la vallée d'Aure , et principalement aux Barricades ; ils
avaient à cet effet choisi l'élite de leurs troupes : ils se sont
présentés , les 27 et 28 thermidor , à 3 heures du matin
au nombre de 8 mille hommes ; mais les mesures que j'avais
prises , et la bravonre et la bonne conduite de nos braves
volontaires , disséminés sur plusieurs points , dans l'espace de
trois lieues , au nombre de 3000 hommes , les ont reçus de
façon à leur ôter l'envie d'y revenir . Ils nous ont laissé 30
( 96 )
prisonniers , parmi lesquels des officiers et sous- officiers , et
deux espingardes on peut juger du nombre de leurs morts
et blessés par l'activité qu'ils mettent à les remporter. Nous
n'avons eu que quatre hommes de blessés , dout un seul griévement
, et pas un de tué Vive la République ! vive la Convention
nationale !
Signé , CUM LL , adjudant - général .
Brest , le 13 fruétider .
Citoyens collegues , le combat naval du 10 au 13 prairial
vous fournit une nouvelle occasion d'acquitter une dette nationale
et sacrée .
19 Deux braves marins du vaisseau le Jemmappes , Jean Fabre
et Pierre Jurguet , y ont perdu , le premier , les deux bras ; et
le second , le bras gauche et trois doigts de la main droite .
,, Vous n'apprendrez pas sans interêt les circonstances quí
out accompagné l'évenement du premier , quartier- maître sur
le gaillard d'avant : n'etant plus nécessaire a son poste , parce
que le vaisseau était totalement dégâté , Jean Fabre marchais
sur l'écoutille pour aller servir la batterie : un boulet lui casse
le ras gauche ; il plie dans son mouchoir la main qui pendait
encore , et la met dans sa poche : Il n'y a que demi mal , dit-il à
ses camarades ; il me reste encore un bras pour le service de la patrie.
Au même instant , il descend dans l'autre batterie , prend
l'anspect et fait le service du canon pendant trois quarts d'heure,
et jusqu'au moment où un second boulet lui emporte le bras
droit . Il se rend seul au poste : le chirurgien se présente . Avant
l'amputation de chaque bras , crie avec moi vive la République ! lui
dit Fabre ; et il supposte cette double opération sans sourciller .
" En sortant de l'hôpital , ces deux braves marins sont venus
me trouver ; j'ai eu le plaisir de les garder deux jours . Il me
serait impossible de vous peindre les sentimens héroïques dont
ils sont animés ; ils répétaient sans cesse qu'ils étaient satisfaits
d'avoir versé leur sang pour la patrie ; qu'ils étaient encore
prêts à la servir ; que , dans l'ancien régime , il y a long- tems
qu'ils seraient morts de chagrin ; mais que la satisfaction qu'éprouve
leur coeur a opéré leur prompte guérison .
" J'ai été auprès d'eux l'interprête des sentimens de la Convention
nationale à l'égard des braves défenseurs de la patrie :
leur desir se bornait à retourner à Villeneuve-d'Agen , leur pays ,
et à pouvoir fournir à leur subsistance . Je les ai fait embarquer
pour Bordeaux , sur un navire qu'ils ont choisi : j'ai pourvu
à tout pour leur route ; et j'ai pris un arrêté pour qu'il soit
payé à chacun 100 livres par mois , en attendant que la Convention
nationale ait statué sur leur sort .
,, Comme ils ne pouvaient s'habiller ni manger eux-mêmes ,
je leur ai donué un marin de leur commune pour les accompagner
jusqu'à leur destination . " Salut et fraternité.
Sigui , PRIEUR ( de la Marne ) , représentant du peuple.
{ N°. 44% )
MERCURE FRANÇAIS .
DÉCADI , 30 FRUCTIDOR , l'an deuxieme de la République,
( Mardi 16 Septembre 1794 , vieux style . )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Discours historiques , critiques et politiques de Thomas Gordon , sur
Tacite et sur Salluste ; traduit de l'anglais , nouvelle édition
trois volumes in - 8 ° . , imprimés sur caracteres Cicéro -Didot. Prix ,
15 liv . brochés , pour Paris ; et 18 liv . , franc de port par la poste,
pour les départemens . A Paris , chez Buisson , libraire , rue Hautefeuille
, nº . 20.
CESEs discours très - curieux , très - intéressans , et toujours appuyés
sur les faits les plus authentiques , et sur l'autorité des
historiens les plus sûrs et les plus célebres de l'antiquité , ont
été composés pour défendre la liberté publique contre les violences
du gouvernement et l'injustice de ceux qui ont l'autorité.
Cependant il faut observer avec l'éditeur , que cet ouvrage
est d'un Anglais , partisan enthousiaste de la constitution de
son pays , dont nous connaissons les vices nombreux , et que
l'on ne doit prendre dans son livre que ce qui peut fortifier
notre amour pour le républicanisme et pour les intérêts d'un
peuple généreux , de citoyens , d'amis et de freres qui ont
pris pour devise , la liberté , l'unité , l'égalité , l'indivisibilité
de la république , ou la mort.
C'est aux lieux , dit l'auteur , où la tyrannie fait le plus sentir
ses rigueurs ; c'est en ligant l'histoire de Tacite que l'on découvre
le mieux les avantages et le bonheur inestimable de
la liberté . Le lecteur y voit que tout ce qu'il y a de doux et
d'aimable dans le monde est détruit par la tyrannie ; que les
tyrans introduisent et fomentent ce qu'il y a de plus pernicieux
et de plus détestable . On peut en tirer des conséquences,
et conclure que tout ce qu'il y a de plus précieux et de desirable
pour le bien de la société , résulte d'un état de liberté.
C'est-la seulement que les biens et la vie ne dépendent point
du caprice d'autrui , et que la conscience et les facultés de
l'ame ne sont point mises dans les chaînes. Si l'on veut que
la religion même fasse des progrès , il fautt qquu''elle soit entierement
libre . On voit que dans les pays qui sont dans l'esclavage
, la religion , cette alliance sacrée entre l'homme et
créateur , devient , par une étrange métamorphose , un'instru
Tome XI. G
son
1
( 98 ) ment de tyrannie et d'imposture . C'est une marchandise exposée
dans un marché ouvert aux imposteurs qui , attachés uni- quement et saus pudeur à un gain sordide et à un esprit de domination et à d'autres vues intéressées et mondaines , la
plupart d'entr'eux , vrais scélérats , osent prêcher le renoncement
à soi même , déclamer contre l'esprit du monde , et réclamer
la succession dés saints apôtres qui couraient le monde , pro- fessant une pauvreté volontaire . Cette hypocrisie et cette audace
poussent à bout un homme de bon sens , plus que toutes les contradictions
au sujet de la vraie sainteté. On a du dépit de
voir que tels gens , instrumens
de la tyrannie , et tyrans euxmêmes
, osent couvrir leur orgueil et leurs passions d'un pareil
manteau ; qu'ils se servent du nom et de la commission
spéciale
du deux et miséricordieux
Jésus . Ils prétendent
employer
la raison , et cependant
ils en condamnent
la recherche
; ils
parlent de savoir , et ils provignent
l'ignorance
. Ils exigent un
profond respect des peuples pour la peine qu'ils se donnent
de les tenir dans un état brut et sauvage , et ils reçoivent
de
gros revenus pour les tromper et les opprimer.
Le plan qu'on s'est proposé dans ces discours est de justifier
la divinité de l'imputation impie qu'elle protege la tyrannie , de plaider la cause de la liberté , et d'en faire voir les avan- tages , de défendre les droits des hommes et de la société , de développer les funestes conséquences de la corruption publique d'un côté , avec la beauté et l'utilité des vertus publiques de
l'autre.
Aux yeux
Dans son premier discours , l'auteur caractérise Tacite et ses
du philosophe , Tacite est sans compa..
ouvrages . raison le plus grand des historiens , le plus exact , le plus fidele, et par conséquent le plus intéressant , le plus instructif. Lors
qu'il se mit à écrire , il était plein d'expérience ; il avait beau- coup vu , beaucoup entendu , beaucoup étudié ; il connaissait
parfaitement tous les replis du coeur humain dans toutes les classes de la société ; personne n'était plus capable de bien juger , de bien peindre les hommes et les choses ; aussi se flatte-t-il d'avoir écrit sans haine et sans prétention . Tacite a évité ces deux excès . Son histoire de Tibere passe pour un chef-d'oeuvre de politique . Les Romains ne manquaient pas d'écrivains pour peindre au naturel les vices de Caligula , la stupidité de Claude et les cruautés de Néron ; mais pour écrire la vie d'un prince aussi artificieux que Tibere , il fallait un
historien tel que Tacite qui pût démasquer les fausses vertus , démêler les intrigues , discerner la réalité des apparences , et assigner les causes des événemens . L'ame de Tacite était républicaine
, il était passionné pour la liberté publique , pour prospérité de sa patrie ; il méprisait la ruse et les finesses astu- cieuses , il détestait l'injustice et la fourberie , les tyrans et leurs suppôts . Pour effrayer ecux qui seraient tentés de les imiter , en supposant qu'il y eût d'autre remede à la tyrannie
la
( 99 )
que sa destruction , Tacite saisit en écrivant toutes les occa
sions de montrer par l'incertitude , par les inquiétudes , par,
la terreur qui sans cesse poursuivent les grands scélérats , et
par leur chûte , combien on se trompo en renonçant à la probuté
pour acquérir ou conserver des grandeurs frivoles et
fugitives , et combien le sort du vertueux persécuté est préferable
à celui du scélérat heureux . Autant son style est dichirant
lorsqu'il peint les tyrans et leurs crimes , autant il est
pathétique et touchant lorsqu'il parle de l'innocence opprimér,
de la vertu persécutee ; autant il est consolant et encourageart
lorsqu'il décrit leur triomphe , autant il inspire le plaisir qu'il
ressent en racontant de grands actes de vertu ; il possede au
plus haut degre e talent de dire simplement de grandes choses ;
ses ouvrages sont pleins d'une morale excellente . Comme il
fait chérir la liberte ! comme il rend la tyrannie horrible ! comme
il couvre d'opprobre le vice , l'adulation et la servitude ! comme
sa joie se déploie dans les tems heureux de la république ,
dans lesquels la liberté de penser et d'écrire était regardée
comme un des principaux apanages de l'homme libre !
Gordon traite dans le second discours de l'usurpatión de
Gésar . Il examine d'où vient que son nom est moins odieux
que celui de Catilina. La corruption publique était favorisée
par César ; il était capable de réformer l'état , de le purger
de ses désordres ; mais il était bien éloigné d'y penser. Il est
même vraisemblable que César serait devenu plus cruel s'il
avait regné plus long- tems . La souveraine puissance rend ceux
qui la possedent insolens , soupçonneux et cruels . César ne fut
pas assez long-tems revêtu de la pourpre pour montrer tout ce
qu'il était capable de faire ; cinq mois étaient un terme trop
court pour cela. C'est un jugement précipité d'assurer que le
même homme qui avait verse le sang des armées et des nations
entieres , sans sujet et sans autorité , qui avait foule aux
pieds la liberté et les lois , qui avait mis sa patrie et toute la
terre dans l'esclavage , eût voulu épargner la vie des particuliers
, lorsqu'il en aurait craint quelque trahison ou quelque
révolte. Une marque incontestable de tyrannie , c'est de gouverner
un état pour l'amour de soi- même et de ses intérêts , et
de l'asservir plutôt que de se résoudre à en quitter les rênes.
César qui avait commis toutes sortes de crimes pour acquérir
le pouvoir souverain , en aurait cominis encore davantage pour
le conserver dès qu'il l'aurait jugé nécessaire .
Le troisieme discours roule sur Octave , nommé dans la
suite Auguste - César. L'auteur y trace les artifices lâches et
exécrables dont il se servit pour se rendre maître de l'empire.
Auguste était d'un génie médiocre , mais delié , et sachant se
servir de l'habileté des autres pour parvenir à ses fins , trèscapable
de profiter des lumieres de ceux qui en avaient plus
que lui . Ses projets étaient formés par les occasions , conduits
par les événemens , et ne partaient pas d'un plan fait de
longue main . G &
( 100 )
la su
Y
On ne peut pas dire qu'il maîtrisât la fortune , mais plutôt
qu'elle le conduisait . Dans le tems de la Republique , il n'aurait
fait qu'une mediocre figure , et n'en aurait fait aucune
s'il se fût trouvé dans la situation de Jules - César . Il n'y a
aucune apparence qu'il eût formé le dessein , et encore moins
tenté de faire ce dont César vint à bout. Il n'avait pas
périorité d'esprit , ni la réputation brillante de ce grand guer
rier , ni sa liberalité sans bornes , ui son éloquence , enchang
teresse . Celle , d'Auguste était aisée et coulante , comme il convient
à un prince , et d'un caractere différent de ce torrent
d'eloquence , de cette force d'orateur nécessaire pour remuer
et conduire l'esprit des Républicains . Auguste n'approchait
point des talens de Jules qui allait de pair avec les orateurs
du premier rang . Je ne sais si les défauts du dictateur n'avaient
pas des charmes plus capables de gagner le peuple que les
vertus d'Auguste . Cesar se fraya le chemin du trône , Auguste
trouva le chemin tout fait ; et s'il se présentait des difficultés ,
il était conduit par des dont les lumieres et le courage
gens
étaient supérieurs aux siens . Auguste reconnut ce qu'il leur
devait avec une ingratitude pleine de bassesse et de cruauté.
Il fit plusieurs choses que le grand coeur de César aurait regarde
trop au-dessous de lui . Un grand esprit ne prend aucun
plaisir à faire de mauvais tous pour de petits sujets , quoique
pour causer de grands désordres , il ne soit pas toujours besoin
d'un génie extraordinaire .
Il est question dans le quatrieme discours du gouvernement
libre et du gouvernement arbitraire , en particulier de celui
des empereurs Romains . L'auteur démontre l'absurdité du
principe que Dieu établit et protege les tyrans : les Romains
ne le eroyaient point. Les peuples , au contraire , ont le droit
de résister aux tyrans , en consultant les vues du gouvernenement
et la nature de Dieu . L'histoire atteste que les princes
dont l'esprit est borné et mauvais sont les plus avides de l'autorité
saus bornes , et que ceux dont l'ame est grande et généreuse
préferent un gouvernement limité par les lois . Les
empereurs Romains , qui avaient sacrifié leur patrie et toutes
choses sans exception à leur autorité suprême , n'en furent ni
mieux ni plus en sûreté , pour s'être rendus monarqnes abso
lus . A compter depuis Jules César , qui avait éteint la liberté
publique , et qui fut immolé aux manes de cette liberté , jusqu'à
Charlemagne , plus de trente de ces empereurs périrent
de mort violente , et quatre d'entr'eux se dounerent la mort
eux- mêmes la soldatesque disposait d'eux à sa fantaisie , et
les faisait mourir pour le moindre mécontentement. Si le prince
était choisi par le sénat , cela suffisait pour obliger l'armée à
se défaire de lui , ce qui arrivait encore quand les armées
Tavaicut nommé elies-mêmes . Ce furent les soldats qui expédicrent
de cette façon ! ' empereur Pertinax , qu'ils avaient forcé
d'accepter l'empire . Ces orgueilleux souverains , après avoir
:
( 101 )
mis sous leurs piés le sénat , le peuple et les lois , qui sont
les meilleures colonnes d'un pouvoir légitime , tenaient leur
sceptre et leur vie de la bonté des soldats qui s'étaient rendus
leurs maîtres ; et celui qui gouvernait l'univers , devenait ainsi
l'esclave de ceux qui étaient à sa solde . Tibere avouait lujmême
que toute la colere des Dieux ne pouvait le condamner
à de plus terribles tourmens , et qu'il ressentait les horreurs
de la mort à chaque instant de sa vie . Figurons - nous ce grand
prince , ce souverain de Rome , craignant d'heure en heure.
le fer des assassins ; attendant avec inquiétude les nouvelles
de la révolte des armées , la création d'un nouvel empereur
et sa propre déposition. Imaginons-nous de le voir à la cime
d'un roc , en sentinelle , le coeur rongé par les mauvais présages
, l'oeil ouvert et attentif sur les signaux du continent ,
pour apprendre s'il devait s'enfuir ou demeurer pour sauver
sa vie voyons - le à chaque moment prêt à s'abandonner à la
fureur de la mer pour aller chercher ni asyle ; voyous - le ,
après une conspiration decouverte et étouffée , se cacher neuf
mois de suite dans une hutte , si dominé par la crainte , qu'il
n'osait aller prendre l'air dans son séjour cheri de Capiée ,
quelque fortifiée que fût cette isle par ses rochers , et quelque
nombre de gardes dont elle fût entourée : enfiu Tibere craignait
tout , excepté de faire le mal , seule cause de ses craintes .
Telle était sa situation , et tel est le bonheur d'une puissance
illegitime . Tout le pouvoir de l'empire et une solitude inaccessible
, ne pouvaient donner du repos à Tibere , ni l'affranchir
des tourmens secrets dont il était réduit à confesser
,, la violence , ni le tirer de la persécution des furies veage-
" resses dont il était poursuivi . Sa mort fut violente et tragique
, comme son regne l'avait été . ››
Le cinquieme discours expose l'abus que les Romains firent
de la loi de majestate , et avec quelle rapidité les accusations
du crime de leze - majesté se multiplierent sous les pretextes
qu'elle fournissait . Le détestable Caligula , ennemi declare du
genre humain , gorgé de sang , et qui vit répandre ie sien
propre , à l'exemple des autres empereurs , s'attribua la divinité
, en exigea tous les honneurs et le culte , un temple , des
autels et des sacrifices . On ne saurait croire le nombre de
châtimens redoutables qu'il infligea à plusieurs personnes du
premier rang , pour le seul crime d'avoir manque d'invoquer
son genie divin , lorsqu'ils prêtaient quelque sermont. C'etait
un crime capital , c'en était un de leze - majeste : ceux qui en
étaient coupables , après avoir été déchirés de coups , etaient
condamnés aux mines ou aux réparations des grands chemins ,
ou à être exposés aux bêtes feroces , quelques- uns à être scies
par le milieu du corps . Voilà une divinite bien sanguinaire ;
si elle avait été toute - puissante , la race des hommes aurait
été éteinte . Tous les massacres de cet enragé , tous les efforts
de sa malignité et de sa fureur n'étant pas capables d'en venir
G 3
( 102 )
about, il souhaitait que son regne fût signalé par quelque
calamité génerale , massacre , peste , famine , incendie ou
* tremblement de terre , comme si le regne d'un parcil monstre
n'en eût pas été une assez grande ! Il enviait à Anguste le
bonheur d'avoir eu sous son regne une armée taillee en pieces ,
et à Tibere le désastre qui arriva à Fidenes , où 50,000 personnes
furent écrasées ou estropics par la chûte d'un amphi
théâtre. Les acclamations du peuple au théâtre ne s'accordant
pas avec les siennes , il forma un souhait bien digne de ce
dien , c'était que le peuple Romain n'eût qu'une tête, qu'il
9 pût abattre d'un seul coup , w
Le sixieme discours concerne l'usage pernicieux qu'on faisait
des delateurs . La loi de majestate étant corrompue , donna
de l'encouragement plus qu'il n'aurait fallu aux délateurs et
aux accusateurs , avec une ample moisson d'accusations . C'est
une sorte de gens , dit Tacite , nés pour la destruction du
genre humain , que les craintes ni les peines ne sauraient jamais
assez réprimer. C'étaieut pourtant ces gens - là , ces pestes
publiques que l'empereur recherchait , et qu'il invitait par de
grandes récompenses . Tibere eut le front de dire au sénat
que ces ennemis des lois et de la liberté étaient les gardiens
" et les défenseurs des lois . C'étaient ses défenseurs propres ,
puisqu'il le voulait ainsi , les champions des violences et de
la convoitise de l'empereur ; mais c'étaient des loups ravissans
, altérés de sang et de la fortune de tout homme de mé
rite , et de celui qui avait du bien . Pour exécuter ces projets ,
il fallait controuver quelque crime ; on en supposa donc de
toute espece . Il fallait avoir des témoins , mas tous les témoins
étaient bons , et ceux qui ne se présentaient pas d'euxmêmes
étaient achetes à prix d'argent , ou effrayés par la crainte
de la torture. On subornait les esclaves pour prendre les maîtres
; les cliens et les affranchis pour faire périr les patrons ;
et celui qui n'avait aucun ennemi périssait par la trahison
de ses propres amis . Ce fat , dit Tacite , un des plus grands
maux de ce tems - là , que les premiers du sénat se degraderent
au point de prendre l'emploi de vils délateurs : les uns , sans
aucune honte et publiquement ; les autres , en cachette par
des trames sourdes . On accusait sans distinction parens , étran
gers , amis , ennemis , connus et inconnus nulle difference
entre les choses passées depuis peu et celles que le tems
semblait avoir ensevelies . La découverte des conspirations ,
réelles ou prétendues , était le fonds le plus lucratif pour
accusateurs , et le prétexte le plus favorable à l'empereur pour
exercer sa tyrannie et perdie tous ceux dont il voulait se
défaire. Le massacre impitoyable que fit faire Constance ,
après la mort de Maxence , par son organe sanguinaire Paulus
, surnommé Catena , homme extrêmement adroit à forger
des cálomnies et des accusations , en est un exemple surpre«
`nant . Il en avait été de même après la decouverte des entreles
1
( 103 )
prises de Séjan contre Tibere. Cet empereur , qui , pendant
une longue suite d'années , avait fait périr tout ce qui faisait
ombrage à cet execrable favori , fit perir dans la suite tous
ceux qui avaient eu quelque liaison avec lui . Ce fut la même
chose lorsqu'on découvri. la conspiration de Pison contre
Néron le sénat n'eut autre chose à faire qu'à intenter des
accusations , à emprisonner ou à envoyer les gens au dernier
supplice. Rome fut toute teinte de sang , déigurée par des
morts et des funérailles ; tout homme qui était devenu odieux,
qui déplaisait ou dont on voulait se défaire , pour quelque
raison que ce fût , ne manquait pas d'être du nombre des
conspirateurs et d'être condamné au dernier supplice.
C'était un crime d'état capital de se plaindre du malheur
du tems ; car c'etait faire le procès au gouvernement. Cons
tance , second empereur chrétien , plus cruel que Néron et
Caligula , livra une grande partie de l'empire romain aux délateurs
et aux bourreaux. Il fit partir son agent sanguinaire
Paulus Calena , pour aller dans l'Orient , muni de pleius pomvoirs
, tels qu'un général qu'on aurait chargé de terminer une
grande guerre. Il s'acquitia de sa commission d'une maniere
barbare , ne respirant que le sang et le carnage .
Parmi ce débordement d'accusations , dans le tems qu'on
faisait faire les lois ou qu'on les corrompait ; qu'on lâchait la
bride aux délateurs protégés et récompensés ; que tout était
crime ; que tout homme était à craindre et que la crainte
même rendait criminel , on ne doit pas être surpris que tous
les devoirs de l'amitié et de la commisération fussent suspen
dus ; que la compassion même fût comme évanouie. Les gens
n'étaient pas seulement obligés de cacher leur compassion ou
leur douleur de la mort de leurs parens ; il fallait encore
qu'ils en témoiguassent de la joie , s'ils ne voulaient qu'on les
fit mourir eux - mêmes . Sous le regne de Neron , plusieurs
personnes dont le tyian avait fait mourir les proches parens ,
allerent dans les tempies rendre des actions de graces et faire
des offrandes . La ville était couverte de corps morts , et le
capitole rempli de sacrifices . Dans le grand massacre que
Tibere fit faire tout d'un coup des amis et des partisans de
Séjan , les rues étant jonchees de corps morts de tout âge ,
de tout sexe et de tout rang , personne de leur parenté ou de
leur connaissance n'avait la permission d'en approcher , ni de
répandre des larmes , nou pas même de les regarder ; on avait
place des espions tout auprès pour observer la contenance
des gens et les marques de leur tristesse . Outre les délateurs ,
qu'on peut regarder comme les chiens de chasse des empereurs
, qui allaient à la découverte des hommes , les prenaient
par des mois , des conjectures , des signes , des apparences ,
des preuves ridicules , des constructions de phrases forcées
et des lois corrompues ; les empereurs avaient encore d'autres
⚫utils pernicieux , que Tacite appelle instrumenta regni , jes
G 4
( 104 )
instrumens de l'autorité souveraine ; ceux - ci étaient les empoisonneurs
et les assassins . Lorsqu'il n'y avait ni lieu ni prétexte
de mettre en justice une personne distinguée par son
mérite , par son opulence ou par quelqu'autre avantage qui
l'exposait à la haine de l'empereur , ou que d'ailleurs il y avait
du danger à l'accuser ; on avait recours alors au poison et au
poignard . On peut dire véritablement que tout le corps des
gardes prétoriennes était entretenu par les tyrans , pour faire
mourir ceux dont ils voulaient se défaire , ou pour soutenir
ceux qui exécutaient leurs ordres . Que les réflexions d'un
tyran , si tant est qu'il en fasse , doivent être tristes ! sa tyrannie
fait une infinité de malheureux , pour le rendre lui- même
la plus détestable et la plus horrible de toutes les créatures ;
cèlle dont on sonhaite le plus la destruction . L'horreur qu'on
a pour lui et les dangers où il s'expose , s'augmentent à mesure
qu'il s'agrandit et qu'il prend des précautions pour sa
Bûreté. La mort funeste de la plupart des tyrans doit les convaincre
que leurs armées et le nombre de leurs gardes , bien
loin de les mettre en sûreté , c'est de là qu'ils ont le plus à
craindre .
Le septieme discours traite de l'avilissement universel des
esprits , et de la flatterie qui accompagne le pouvoir sans
bornes. Le huitieme fait connaitre l'esprit des cours . Le neu-.
vieme est consacré aux armées et aux conquêtes , dont l'auteur
examine les dangers et les inconvéniens . Dans le dixieme discours
, Gordon parle des empereurs qui font le sujet de l'histoire
de Tacite , de leurs ministres , de leurs infortunes et
des causes de leur chûte .
Les autres discours embrassent la mésintelligence des princes.
et de leurs ministres , les abus dans l'administration des finances,
les caracteres , les vices et les qualités des souveraius ; les
inclinations , les erreurs , les défauts et les verius du peuple ;
l'influence pernicieuse , les moeurs et les intérêts des nobles ;
les instructions publiques , les pasteurs et les prédicateurs .
Gordon établit en principes , et par des faits et des raisonnemens
, que celui qui est le chef de l'état devrait l'être aussi
de la religion de l'état ; que l'ignorance du peuple n'est pas
un ben garant de la sûrété de ceux qui le gouvernent ; que
la populace ignorante est toujours la plus séditieuse ; qu'il
importe aux magistrats que les sujets soient instruits comme
il faut et conformément à la raison ; que l'autorité entre les
mains des pasteurs est dangereuse ; que la volonté de Dieu
n'a été confiée à aucun nombre particulier d'hommes ; que
les pasteurs ne tiennent leur nomination , leur autorité et leurs
revenus que de l'état ; que la force en matiere de religion et
de conscience a des conséquences funestes et impies , qu'elle
est incompatible avec la nature et le but des enseignemens
religieux .
Gordon expose dans les discours du troisieme volume avec
( 105 )
:
quelle facilité le peuple entre dans une faction , et y est entretenu
par ses passions , ses préjugés et les artifices de ses
conducteurs combien il est difficile de le faire revenir ; la
partialité et l'injustice avec laquelle chaque parti regarde celui
qui lui est opposé il observe que les partis sont sujets à se
tromper dans le choix de leurs chefs . Il fait voir le peu d'égard
qu'ils ont pour la vérité et pour les bonnes moeurs dans
la concurrence des partis . Les gens de mérite sont décriés
et persécutés ; les vauriens es les scélérats sont avancés . La
liberté est opprimée et mourante . On ne put que présager ,
dit-il , la décadence de Rome , quand on vit disparaître tous
les égards dus à la vertu ; quand on vit les scélérats maîtres
de tout gouverner à leur fantaisie , et disposer de tous les emplois
; quand on vit rejetter ceux qui en étaicut les plus digues ,
uniquement parce qu'ils les méritaient ; quand on vit les gens
de néant et les scélérats préférés à cause de leur scélératesse ;
quand on vit un homme aussi indigne qu'Afranius emporter
le cousulat sur un aussi excellent personnage que Lucius-Lentulus
; et un misérable , un homme vicieux et infâme tel que
Gabinius , obtenir cette importante place. Lentulas en fut exclu ,
parce qu'il aimait sa patrie ; Afranius et Gabinius y parvinrent ,
parce qu'ils étaient créatures sans réserve de César et de Pompée
. Gabinius fut ensuite condamné comme uu voleur public ,
malgré le pouvoir et les recommandations de ses protecteurs :
il resta dans son exil jusqu'à ce que César , ayant usurpe la
souveraine puifsance dans Rome , le rappella comme un homme
propre à son service et au soutien de sa cause . Cicéron trouvait
que Lentulus était heureux d'avoir été enlevé par la mort,
avant la destruction de sa patrie qu'il aimait avec passion . Catilina
, cette peste publique , eut Faudace de se présenter pour
le consulat ; peu s'en fallut même qu'il ne l'obtînt , parce
qu'il s'était rendu populaire dans le tems même qu'il faisait
tous ses efforts et qu'il employait tout ce qu'il avait de génie
pour détruire Rome , et tout ce qu'il y avait de gens de distinction
.
Ce n'était ni Pompée , ni César , ni leurs adhérens qui étaient
amis de Rome ; les deux partis avaient un but contraire à la
liberté ; les véritables amis de Rome étaient ceux qui s'opposaient
au pouvoir et aux projets ambitieux de Pompie et de
César ; ceux qui travaillaient à maintenir l'état dans son ancienne
liberté , à le rendre indépendant de tout particulier.
Tous ceux qui suivent un chef de parti , sont en général des
gens perdus pour le corps de l'état , de sorte que , quand le
nombre des adhérens de chaque parti est grand , comme dans
la contestation entre Marius et Sylla , entre César et Pompée ,
le chef du parti qui l'emporte devient le maître de tout ; car
les adhérens d'un parti , à dessein d'abaisser et de vainere
l'autre , élevent souvent si fort leur chef et lui donnent un
si grand pouvoir , qu'il devient leur maître avant que lui ou
$
( 106 )
eux le deviennent du parti opposé . Ils se jettent dans la servitude
, afin que les autres deviennent esclaves . Plus ce chef
a de supériorité sur ses ennemis , plus il acquiert de pouvoir
sur ses amis , et en vengeant leur querelle , qui souvent n'est
fondée que sur une chimere , it devient naturellement leur
tyran. C'est ainsi que ' César asservit son propre parti , aussi
bien que celui de Pompée , et Pompée en aurait fait tout
autant , s'il eût eu le même pouvoir et le même succès . Y eut - il
sous le regne des successeurs de César la moindre distinctiou
entre le parti de César et celui de Pompée ? Non certainement,
ils furent tous également esclaves . La servitude mit bientôt
fin aux partis , même à celui qui avait le plus contribué à
introduire l'esclavage . Ceux dont les ancêtres avaient été du
parti du premier tyran , et avaient aidé à l'établir , furent éga
lement sous la dépendance , et ne purent s'en garantir . C'est
ce que les partis gagnent par leur attachement implicite à un
chef ambitieux , et par leurs desirs de vengeance . Un parti
n'en saurait ruiner un autre sans se ruiner lui -même mais
"l'obstination et la passion les aveuglent au point qu'ils ne peu
vent prévoir ce triste évenement , ou s'ils le prevoient , ils
encourent le hasard et le font arriver ordinairement.
Gordon parle ensuite des véritables citoyens et des parrieides
ou traîtres à la patrie. Si , dans l'histoire de Salluste
et dans les autres histoires de Rome , on est choqué de trouver
un si grand nombre de parricides , d'ennemis de la patrie
c'est aussi un plaisir bien sensible que celui de pouvoir compter
quelques citoyens qui lui sont fideles.
Les derniers discours de Gordon traitent de l'abdication de
Sylla ; de l'orgueil et de la mauvaise conduite des patriciens
après l'expulsion des rois ; de l'établissement et du pouvoir
des tribuns du peuple ; de la corruption publique , et particuliérement
de celle des Romains ; de la corruption des tribunaux
de justice à Rome , et de l'oppression des provinces ;
des guerres civiles . Enfin il s'étend sur les changemens qui
arrivent dans la forme du gouvernement.
Nous avons tâché de faire connaître cet ouvrage rempli de
faits , de réflexions et de vues politiques , en l'analysant dans
les propres expressions de l'auteur ; mais nous invitons nos
lecteurs à recourir à l'ouvrage entier , qui leur présentera sur
toutes les parties du gouvernement une multitude de traits
frappans , et de réflexions lumineuses .
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
ÉTATS -UNIS D'AMÉRIQUE.
COMME on
Philadelphie , le 25 Juin 1794.
HOMME on connaît la bonne foi du cabinet britannique , en
attendant le résultat des négociations entre M. Jay ( envoyé des
Etats - Unis et la cour de Londres , l'armement ordonné par
le congrès , le 9 mai , commence à s'effectuer . L'état de New-
Yorck doit fournir 8,000 hom . ; celui de Massachusset , 11880 ;
celui de Virginie , 11,370 ; la Pensylvanie , 10,780 . Ces Etats
sont tenus de fournir en outre des corps volontaires de cava
lerie et d'artillerie .
Il paraît que ees différentes levées sont destinées à agir
au besoin contre les Anglais et contre les Espagnols . Déja
-même les hostilités ont commencé . Des lettres de New-Yorck
annoncent que les Anglais ayant tenté dans la province de
Vernont , frontiere du Canada , d'élever un fort å vingt mille
de distance , sur le territoire des Etats - Unis , la force a été
employée pour les faire désister de cette entreprise . Onze
Anglais et sept Américains ont été tués . En général , dans les
états du Nord l'opinion est fortement prononcée contre les
Anglais ; les Bostoniens se prêtent moins facilement à ses
intentions , en raison de la grande étendue de leur commerce .
D'un autre côté , l'on appiend des frontieres de la Floride ,
que les Américains se sont portés contre l'établissement espagnol
de Saint- Augustin , et s'en sont emparés . Les Améri
cains auraient d'autant plus d'avantages , que les Espagnois ont
très - peu de forces dans la Floride .
Les Anglais et les Espagnols ont fait tous leurs efforts pour
engager les nations indiennes voisines , et sur - tout celle des
Crécks à se déclarer contre les Américains , mais les Créeks
ont repondu dans les termes les plus énergiques , qu'ils voulaient
vivre en paix avec tous les Blancs , et ne prendre absolament
aucune part à leurs querelles .
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 16 Août 1794.
Toutes les nouvelles qui nous arrivent des frontieres de la
Pologne , en date des 14 et 15 août , ne parlent que des avantages
remportés par les Polonais dans les différens points où
ils se sont portés , et de la bonne position de leurs armées .
( 108 )
Le camp retranché de Varsovie continue à faire un feu terrible
sur les troupes coalisées . Ce camp est divisé en quatre
parties , toutes retranchées et commmuniquant ensemble .
Kosciuszko et les généraux Dambrowski , Rajaczeck et Mokrowski
commandent chacun une de ces parties . Kosciuszko
est posté à Mokatow ; Dambrowski à Czerniakow , vis - à - vis des
Russes qui se trouvent à Willanow et dans les environs ; Rajaczeck
est devant Wola , vis - à - vis des Prussiens qui occupent le village
de Wola et les endroits voisins ; Mokronowski , qui se tient à
Powask , s'étend jusqu'à Mariemont vers Bielani , également en
présence des Prussiens qui se trouvent à Garce . Madalinski s'est de
nouvean rendu auprès de & osciuszko . Joseph Poniatowski sert
comme volontaire auprès de Mokronowski .
Dernierement un boulet toraba dans la cuisine de Frédéric-
Guillaume . Tous les régimens prussiens qui étaient dispersés
dans les environs de Varsovie ont reçu ordre de rejoindre l'armée
principale qui ne se sent pas assez forte pour résister à
une attaque. On berce toujours les Prussiens de l'arrivée prochaine
d'une armée de 40,000 Russes commandée par le prince
Repnin , amenant avec elle 80 pieces de canon de 24 , et d'une
seconde également de 40,000 hommes sous les ordres de Romanzow
. Mais ces armées n'arrivent point , et les Prussiens
murmurent. Ces lenteurs ont obligé ceux - ci à faire un monvement
en arriere ; le quartier général du roi de Prusse a rétrogradé
jusqu'à Vlochi du côté d'Opalin . Pour faire cesser
les plaintes des soldats Prussiens , Frédéric Guillaume leur a
fait distribuer des gratifications . L'avant- garde de l'armée polonaise
, composée principalement de cavalerie , a repousse et
batta une partie de l'armée prussienne du côté de Vola . Trois
officiers generaux et un ministre ont été faits prisonniers . L'armée
des assiégés s'approvisionne facilement , tandis que celle
des assiégeans manque de subsistances ; on est obligé de tout
faire venir de la Silésie .
Les Polonais Bielah et Chmlinski ont été détachés avec de
fortes divisions pour renforcer l'armée de Cichocki qui se
trouve sur les bords du Bug et de la Narew . Ce général a déja
remporté des avantages considérables sur les Russes.
On apprend en ce moment que l'armée polonaise qui se
trouve en Voihinie a livré près de Krezeminec un combat
sanglant aux Russes qui marchaient sur Varsovie : ces derniers
ont éte complettement défaits , et ont perdu leur caisse militaire
où se trouvaient huit cents florins de Pologne .
Les armées de diversion continuent d'obtenir de grands
succès . On maude de Liebau en Courlande , à la date du 8
août , que depuis quelque tems un corps de troupes russes
destiné à se rendre en Fologne pour renforcer celles qui y
sont , s'était emparé de cette ville ; mais le 6 de ce mois , une
armée de dix à ze mille Polonais , composée , en grande
partie , de troupes de ligue , et conduisant trente pieces de
( 109 )
canon et plusieurs mortiers , s'en approcha. Les Russes se
placerent au-devant des portes ; mais bientôt il furent forcés ,
par l'artillerie polonaise , de battre en retraître . Les Polonais
les suivirent dans les rues , précédés de canons chargés à mitraille
, qui couvraient la terre de morts et de blessés . Artillerie
, munitions , bagages , tout est tombé entre les mains
du vainqueur.
Au moment où le combat durait encore , un vaisseau russe
entra dans le port , et fut fort endommagé par l'artillerie des
Polonais . On apprend qu'une autre armée polonaise de 10,000
hommes vient de s'emparer de Polangen , ce qui répand l'alarme
dans le port prussien Kemel , qui n'est éloigné que de 2 lieues
de cette ville .
D'un autre côté , le général Vielhurski qui commande dans
la Lithuanie , est devenu la terreur des Russes . Deja quatre victoires
signalées ont éte le partage des troupes qu'il commande.
Dans une des dernieres affaires , il a été blessé ; mais cette
circonstance ne l'a pas empêché d'attaquer Wilna que les
Russes occupaient , et de reprendre cette ville . Son armée ne
fait plus de prisonniers russes ; tous sont passés au fil de l'épée .
Ce général se distingue par l'exactitude de la discipline. Il
vient d'annoncer qu'il ferait fusiller le premier soldat qui broncherait
étant en ligne de bataille . Il fait enlever toutes les subsistances
autour des troupes ennemies , et livre aux flammes
tous leurs repaires .
Sur les frontieres de la Prusse , les tronpes polonaises ont
fait une invasion dans la principauté de Tanog . Le général
Schenk est parti précipitamment avec le régiment de cavalerie
qu'il commande , pour essayer de les repousser : on n'a
point reçu de nouvelles de cette expédition .
a
?
On apprend de Copenhague , en date du 20 août , qu'on
a mis dans ce port et dans tous ceux du Danemarck un
embargo sur-tout ce qui s'y trouve de bâtimens anglais ; ce
qui fait présumer que la cour de Copenhague n'a point reçu
de reponse convenable à la demande en satisfaction qu'elle avait
faite à celle de Londres . Le troisieme armement danois , destiné à
augmenter la nombreuse flotte réunte , se presse avec la plus
grande activité . La flotte russe est toujours dans les ports de
Revel , d'Archangel et de Riga . Il n'y a que deux vaisseaux
russes en croisiere . On dit que la Russie attend pour agir l'arrivée
d'une escadre anglaise dans la Baltique ; mais cette escadre
pourrait bien se faire attendre aussi long- tems que
les secours
que l'impératrice a promis si souvent à la coalisation contre la
France , et qui n'ont jamais été réalisés .
Des lettres de Dresde annoncent que les états de Saxe , justement
alarmés de la coalition prussienne contre la Pologne ,
pressent vivement l'électeur d'envoyer un corps de 20,000
hommes au secours des Polonais . Ils ont fait sentir
ques
ceux-ci venaient à succomber contre les coalisés , la Saxe sa
si
( 110 )
trouverait menacée par le même despotisme , et bientôt tout
le territoire de la Germanie deviendrait la proie de la maison
d'Autriche et de la Prusse . Cette déterniination , calculée
d'après les vues de la politique et de la sagesse , ne laisse pas
que d'inquiéter la coalisation , et ferait prendre une nouvelle
face aux affaires .
De Francfort-sur- le-Mein , le 30 août .
On est très-impatient à Vienne d'apprendre le résultat des
négociations entamées par lord Spencer et Thomas Grenville.
avec le cabinet auirichien . Ce qui en a transpiré jusqu'à présent
dans les gazettes fait voir , d'un côté , l'empressement que
l'Angleterre met à soutenir la coalition , et de l'autre le peu
de ressources qui restent à l'empereur pour la continuation
de cette guerre désastreuse.
On dit que lord Spencer doit déclarer que le cabinet de
Saint-James a pu craindre que le zele de l'empereur ne fût
affaibli pour les intérêts de la coalition , auxquels l'Angleterre
a fait de si grands sacrifices ; mais que se reposant entiérement
sur la probité de la maison d Autriche , elle compte
que cette cour emploiera tous ses efforts dans un moment où
les dangers sont devenus plus grands . Georges ou ses plénipotentiaires
parleront encore comme membres du corps germanique
, comme électeur d'Hanovre , et représenteront , à ce
titre , à l'empereur combien il importe à l'Allemagne qu'il se
rende à ses sollicitations . Pour rendre celles-ci plus efficaces ,
il sera proposé , 10. de prendre à la solde de l'Angleterre
100,000 Autrichiens ; 2º . de faire régler par des plénipotentiaires
les subsides en conséquence ; 30. de faire en outre supporter
à l'Angleterre les dépenses d'équipement , etc.; 4° . de
partager par lots égaux les conquêtes que ces troupes pourront
faire ; 5º . de conserver le commandement à l'archiduc
Charle. On ajoute que , d'après les dispositions de ce traité ,
la Hollande se rendrait garante du tiers des subsides . Pour
montrer d'ailleurs combien les puissances maritimes sont affectionnées
envers la maison d'Autriche , on s'occupera encore
du soin de garantir ses états d'Italie d'une invasion . L'Angleterre
dira qu'elle offre dans ce seul dessein de continuer ses
subsides au roi de Sardaigne .
Quelques feuilles annoncent que le ci- devant d'Artois et son
fils aîné sont partis pour se rendra à Londres. On prétend
même que c'est sur l'invitation de Georges III ,
qui doit pour.
voir à leur dépense .
- Des nouvelles ultérieures apprennent que les conférences de
lord Spencer et de Grenville ont eu tout le succès que pouvait
s'en promettre le cabinet de Saint-James . L'empereur est
déterminé à une quatrieme campagne . L'Angleterre doit lui
fournir un tribut de 80 millions de florins par an. En con(
111 )
séquence , des ordres ont été expédiés pour fournir des renforts
aux armées autrichiennes du Rhin et de la Moselle .
On apprend de l'armée du Haut -Rhin , que le général autrichien
Brown a quitté le commandement de l'armée . On allegue
pour motif de sa retraite son grand âge ; d'autres l'attribuent
à la situation peu favorable des affaires .
Blankenstein en est toujours à attendre les renforts de l'armée
de Cobourg ; mais cette attente ne diminue point les alarmes
des habitans de Coblentz . L'électeur continue à faire des préparatifs
pour son départ. On indique Bonn pour le lieu de sa
retraite .
Les Prussiens font transférer à Coblentz les magasins qu'ils
avaient à Trarbach , sans avoir cependant abandonné ce lieu .
Ils s'occupent à rétablir les retranchemens sur Mont- royal ,
qu'ils avaient d'abord détruits .
On mande de Ratisbonne que le roi de Prusse a fait présenter
à la diete un mémoire des dépenses qu'il prétend avoir
faites pour la reprise de Mayence ; en voici le résultat :
Compie du e mmissariat des guerres du 29 janvier de cette
année , 991,252 reichsthalers , 12 gr . 3 pf. dépenses en fer ,
munitions , poudres et autres objets , ainsi qu'en frais de transport,
1,064,487 reichsthalers , 12 gr . 6255 pf. Supplément
au premier compte du commissariat des guerres , du 6 mai
1794 , 28,221 reichsthalers ; somme totale , 2,83,960 reichsth .
>>>
L'armée de Mollendorf et le corps du lieutenant - général
Kalkreuth occupent toujours les deux rives de la Nahe , depuis
Kreutznach jusqu'à la rive droite de la Moselle près de Trarbach.
Il ne paraît pas qu'ils fassent aucunes dispositions pour
tenter de mettre la Meuse et le Bas - Rhin à couvert. Leur objet
est d'empêcher les Français de pénétrer par le Hundstruck , et
de mettre à couvert Mayence et Manheim . Les Français gardent
toujours la ville de Treves , et ont jette un pont sur la Moselle
près de Pfaltz. Si les Français se portaient sur Coblentz , alors
le général Blankenstein tâchera de les arrêter sur la rive gauche
de laMoselle . Si les Français veulent le tourner , il se repliera sur
Coblentz , et défendra les retranchemens élevés entre la Meuse
et le Rhin. La garuison de Coblentz a été renforcée par quatre
bataillons de troupes impériales , détachées de l'armée de Saxe-
Teschen .
On apprend que le général de Vins quitte l'armée d'Italie.
PROVINCES - UNIES ET BELGIQUE.
La prise da fort l'Ecluse a conduit les Français au pied du
Saas-de-Cand. Cette forteresse est cernée , et les travaux du
siége se poussent avec vigueur par le général Moreau . Déja
même il a fait jetter quelques bombes ; ce port est important par
sa situation sur la rive gauche de l'Escaut occidental , et sa
réduction ouvrirait aux Français Ja Zélande. On apprend que
( 112 )
les Français arment en diligence à Ostende un grand nombre
de bâtimens de transport , ainsi que des chaloupes- canonnieres
que l'on croit être destinés à favoriser le siège de ce fort . Il se
fait également de grands armemens à Dunkerque .
L'armée hollandaise aux ordres du prince d'Orange , et celle
du duc d'Yorck , sont resserrées de jour en jour par l'armée
française , commandée par Pichegru . Les escarmouches entre
les postes avancés deviennent très - fréquentes . On croit qu'un
coup décisif se prépare , et que les forces républicaines tomberont
à- la -fois sur Berg-op - Zoon .
Ensuite d'une conférence qui s'est tenue à la Haye , et à
laquelle ont assisté les ministres de l'empereur et d'Angleterre ,
ainsi que celui de Prusse , le prince d'Orange est parti pour
Mastricht , ou il a dû s'aboucher avec Cobourg . On prétend
qu'il est question de défendre cette place à quelque prix que
ce soit , et de contenir ainsi le parti patriote , qui donne de
vives inquiétudes à la cour du stadthouder. Le maréchal de
Saxe disait en 1748 que la paix était dans Mastricht . Les Français
régénérés ne l'ont point oublié , et on s'attend que le
général Jourdan va faire les plus grands efforts pour chasser
les Autrichiens des environs de cette place , et en faire le
siége.
Le 4 septembre , un corps de 4000 Autrichiens a passe la
Meuse à Visé ; il a d'abord forcé les avant-postes français à se
replier , mais bientôt ceux -ci ont reçu du renfort et des pieces
d'artillerie , et ont repoussé les Autrichiens , qui ont été obligés
de repasser la Meuse en désordre et avec perte . Plusieurs
hussards de Barco se sont noyés , en repassant cette riviere à
la nage .
Les garnisons de Valenciennes et de Condé ont traversé la
Belgique , escortées par des détachemens français , et doivent,
être échangées sur les frontieres .
ANGLETERRE. De Londres , le 25 Août.
L'amiral Macbride eroise à la hauteur de Charles- Ourg , où
les Français ont 140 vaisseaux de transport , remplis de troupes
et de munitions .
La division que commande sir Sidney - Smith a pour objet ,
dit- on , une expédition contre les forces navales que les Français
ont à Dunkerque. Ces forces consistent en sept chaloupes
canonnieres et cent bâtimens de transport , que l'on croit destinés
à agir contre la Hollande..
On ajoute que le lord Malgrave s'est rendu à Douvres pour
y diriger les préparatifs de l'embarquement d'une armée de
10,000 *
( 113 )
$
3
t
2
10,000 hommes qui doit être sous ses ordres . On varie sur
l'objet de cette expédition les uns prétendent qu'il s'agit
d'une descente sur les côtes de la Bretagne ; les autres , qu'il
est question d'une attaque sur Dunkerque , et d'autres , que
l'objet de cette expédition est de proteger Flessingue ."
Les recrutemény se font avec une difficulté incroyable et par
des mesures si rigoureuses , que le peuple est indigne contrė
les enrôleurs qu'il appelle voleurs d'enfans , vendeurs de chair
humaine. Dernierement un jeune homme , pris de vin , fut
attire par une femme dans une maison situce près de Charring-
Cross , et livré aux enrôleurs , lié et garotté. Ge jeunė
homme , pour échapper à cette tyrannie , se precipita d'une
fenêtre , les bras liés derriere le dos ' , et se tua en tombant
sur le
P vé. Le peuple furieux voulait enfoncer les portes ; le
magistrat arriva , mais lorsque les pories furent ouvertes , on
ne trouva plus dans la maison qu'une vieille femme ; les enrôleurs
s'étaient évadés. Rien n'égale le scandale de la vie
infâme que ces enrôleurs menent dans ces sortes de repaires .
Une jeune femme de la campagne , qu'on y avait attirée į y
a été , il y a peu de tems , volée et ensuite violic . Les cbupables
trouvent toujours moyen de se soustraire à la justice .
Voilà un fragment de l'oppression ministérielle .
A Yorck , un habitant de cette ville a été mis en jugement
pour avoir publié un écrit dont le titre est : Lecture seriense
pour les jours de fête. L'auteur dit dans le cours de l'ouvrage ,
que les rois coalisés sont des despotes et des tyrans , et que
leur conduite ne peut manquer d'attirer sur eux la colere
divine, Il compare le tems présent à ceux dont il est fait ment
tion dans le dix - huitieme chapitre des rois . L'indiciment ( acte
d'accusation ) déclare que l'auteur a ainsi accusé le roi d'Angleterre
de tyrannie. Les jures ont prononcé qu'il était convaincu
de la publication seulement . Le juge n'ayant point été
satisfait de certe déclaration , les a renvoyés dans leur chambre
. A leur retour , ils ont donné le verdic non coupable .
M. Yorck , accusé de haute - trahison , n'a point été mis en
jugement pendant la derniere session . Cette circonstance prove
que le gouvernement n'est muni d'aucune preuve contre lui.
Son procès est ajourné sans époque fixe .
Le défaut d'espace nous force de renvoyer au numéro prechajn
, la relation de l'ambassade de lord Macarnay à la Ghine .
Tome XI.
( 114 )
RÉPUBLIQUE FRANCAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE BERNARD de Saintès ) .
› Séance du duodi , 22 Fructidor.
Un secrétaire a fait lecture d'une lettre du représentant du
penple près l'école de Mars , du camp des Sablons . Elle est ielative
à la pétition présentée par la société des défenseurs de la
République , séante au Jacobins :
Citoyen président , ceux qui sont venus à la barre manifester
des inquiétudes sur la nombreuse artillerie du camp des
Sablons , savent bien que pour exercer 300 éleves à la fois ,
il faut 40 pieces de canon de calibre ; ils savent bien que pour
leur apprendre l'usage d'un mortier , d'un obusier , d'une piece
et d'une affut de siége , il était indispensable de leur mettre
ces objets sous les yeux ; ils savent bien qu'il ne se fait rien à
l'école de Mars , qu'en vertu des décrets de la Convention
ou des arrêtés du comité de salut public ; mais ils savent aussi
que c'est coutre eux , c'est-à - dire , contre les ennemis de la
liberté qu'on travaille à cette école , et que leur grand intérêt
est de la dissoudre ; ils voudraient pour y parvenir donner
le change sur leurs véritables intentions , et faire prendre les
alarmes de l'aristocratie pour celles du patriotisme i mais le
piége est trop grossier pour être à craindre .
C'est cucore pour obtenir cette dissolution qu'ils répandent
par- tout que les éleves de Mars attendent avec impatience leur
retour dans leurs foyers, Citoyen président , dis au contraire
l'Assemblée nationale qu'un très -grand nombre demande à
partir pour les frontieres , et que tous continuent de se livrer
à l'instruction avec autant de plaisir que de succès . Dis-lui
qu'une reconnaissance sans bornes et une soumission entiere
à ses décrets , sont les deux sentimens qui animent et qui
animeront constamment les éleves de l'école de Mars . ,,
Signé , PEYSSARD .
Larsection du Contrat Social offre une somme de 24000 1 .
pour la construciton d'un vaisseau de 100 canons , qui portera
le nom de Commune- de-Paris .
Giraud appelle l'attention de la Convention sur l'organisation
de l'instruction publique . Il propose qu'à compter du
10 vendemiaire , elle s'occupera , trois jours par décade , de
cet objet important,
Sur la motion d'un membre , appuyée par Tallien , la Convention
décrete qu'il lui sera fait un rapport sur la reprise de
( 115 )
Condé , Valenciennes , le Quesnoy et Landrecies , et sur la
Situation actuelle de la République . Il faut , dit Tallien ,
apprendre à la France ce que ses représentans ont fait ; il faut
que ce rapport réduise au silence les ennemis de la chose
publique. Ce sera un des plus beaux momens pour la Convention
que celui où elle dira au peuple : un homme accusait
les intentions des comités du gouvernement ; il accusait , pour
ainsi dire , les iutentions do chaque défenseur de la patrie ,
et au moment où cet homme a disparu ; lorsqu'au systême de
terreur qu'il avait préposé , on eut fait succéder le regne de la
justice , les ennemis de la République ont pâli ; ils se sont dit
Nous n'avons rien à gagner contre des hommes qui trouvent
leur force dans la justice du gouvernement , et non dans la
guillotine. "
Duquesnoy dénonce les abus qui se commettent dans la vente
des biens nationaux . ་
Fayau fait lecture d'un travail sur cet objet. Le but qu'il
se propose est d'empêcher que les riches seuls accaparent les
biens nationaux , il veut que le Sans culotte puisse aussi en
avoir sa part , que chaque Français puisse reposer sa tête sur
sa propriété , il proscrit la vente particuliere qui ne favorise
que le riche , et veut que les biens nationaux soient distribués
entre les non et petits propriétaires par petites portions , dont
le prix serait payable en vingt années . Il réserve aux défenseurs
de la patrie et à leurs parens la partie de ces biens que
la foi leur a assuré pour récompense .
Barrere parle dans le même sens et ajoute quelques réflexions :
« Il faut, dit- il , que le comité des secours fasse une classe
de proprictaires nouveaux des hommes mariés depuis. 25 ans
jusqu'd 55 , et qui sont sans fortune . Il faut établir des atteliers
et des boutiques pour y établir les malheureux ouvriers . II
faut que , sans altérer la fortune publique , et en déclarant
qu'elle veut porter au plus haut point l'industrie , la République
dise qu'on ne pourra acquérir au - delà d'une certaine
quantité de terre . "
Tallien s'éleve de toutes ses forces contre ces hommes nou
veaux qui viennent avec des trésors amassés par des dilapidations
accaparer la fortune publique . Oui , la Convention aura
un grand compte à faire rendre à ces voleurs qui ont pillé le
peuple daus les armées , dans les charfois , dans les adminis
strations etc.
1
La Convention décrete que les comités des domaines , d'agrisoculture
, des finances et des secours publics présenteront , sous
huit jours , un projet de loi sur toutes les idées qui viennent
d'être développées .
Le président annonce qu'il vient de recevoir , par la voie de
la poste , une lettre chargée qui renferme deux petits morceaux
de bois artistement lies avec une ficelle . La lettre est écrite en
anglais . La Convention la xenvoje au comité de sûreté générals,
H &
( 116 )
1
Bréard annonce que la République vient de perdre la frégate
la Volontaire , qui , étant sortie de Rochefort pour se rendre à
Brest , fut assaillie par six frégates anglaises ; elle se défendit
vigoureusement pendant six henres , et fut ensuite se jetter à
la côte. On est occupé à en retirer les principaux agrês , ainsi
que l'artillerie , et nous ne perdrons que la coque du bâtiment.
Les citoyens de la côte ont montré le plus grand zele pour
sauver les effets que portait cette frégate . Elle n'a ´eu qu'un
homine tué et quelques blessés .
J Dans le même tems , deux de nos corvettes ont été attaquees
aussi par les Anglais . Le combat a été opiniâtre ; l'une
d'elles est rentrée dans le port , et l'autre a donné à la côte ,
d'où l'on espere la relever .
Si quelque chose doit nous consoler de ces événemens malheureux
, c'est la prise de 35 bâtimens ennemis entrés dans
les ports de la République , depuis le 14 jusqu'au 21 fructidor.
La même croisiere qui nous a enrichis de ces captures a de
plus coulé bas 30 vaisseaux hollandais et 8 anglais ; de sorte
• que la perte totale de nos ennemis , dans ces six jours , se monte
à 75 bâtimens . ( Vifs applaudissemens . )
7
L Séance de tridi , 23 Fructidor.
Sur le rapport de Roger Ducos , la Convention accorde un
supplément de 300 liv. à la pension viagere de la veuve de
J.J. Rousseau .
Un adjudant-général de l'armée du Nord apporte les drapeaux
pris sur les ennemis à la reprise de Nord - Libre ci -devant
Condé.
la c
Un membre , au nom des comités des finances , de salut public
ét des domaines , présente un projet de décret tendant à l'établissement
d'une agence de trois membres , chargés de surveiller
la conservation , location et vente des biens nationaux ,
meubles et immeubles de toute espece placés dans le département
de Paris . Ce projet donne lieu à des débats et des
éclaircissemens qui déterminent la Convention à charger les
mêmes comités d'examiner s'il convient de laisser des commissions
exécutives , intermédiaires , entre les agens et la Convention
nationale , ou s'il faut supprimer les diverses agences
qui ont été créées .
Cambacerès fait , au nom du comité de législation , un rapport
sur les principes du nouveau code civil . Il est extrèmement
applaudi , et l'Assemblée en ordonne l'impression . Nous
* le ferons connaître , lorsque cet objet sera mis à l'ordre du
jour.
Séance de quartidi , 24 Fructidor.
Bentabolle annonce que Tallien a été assassiné pendant la
nuit. Il ne croit pas que la Convention reste indifférente sur
( 117 ).
cer événeme at ; il demande que le comité de sûreté générale
lui fasse part des détails qui sont parvenus à sa connaissance .
Bientôt Dubarian monte à la tribune , an nom du comité
de sûreté générale . Citoyens , dit -il , Tallien a été assassiné
cette nuit ; le comité de sûreté générale a aussi - tôt pris les
mesures convenables pour découvrir les auteurs et complices
de cette attentat , il vous rendra compte des résultats de ces
mesures . Voici la lettre que nous a écrit le commissaire de police
de la section de l'Indivisibilité .
Citoyens , je m'empresse de vous instruire que cette nuit ,
à minuit un quart , Tallien , étant dans la rue des Quatrefils
, prêt à rentrer dans son domicile , a été attaqué par un
home ayant une edingotte foncée et un chapeau rond . Viens ,
coquin , s'est- il écrie à Tailien , il y a long-tems que je t'attends
;
il lui donne un coup de poingt dans l'estomac , et lui
lâche aussi -tôt un coup de pistolet qui lui casse l'épaule et le
renverse ; plusieurs citoyens acconrent , l'assassin s'évade , le
représentant du peuple est porté à son domicile où on lui
administre les secours qu'exige sa position : d'après le rapport
de l'officier de santé , il paraît qu'il n'y aura aucune suite
fâcheuse pour le citoyen Tallien . Aussi - tôt que j'aurai reçu
toutes les declarations , je vous les ferai passer .
de
Dubarran continue , et annonce que le comité de sûreté
générale a charge le comité civil , le juge de paix et le commissaire
de police de la section de l'Indivisibilité , prendre
toutes les mesures propres à s'assurer de l'assassin .
L'administration de police a mis des personnes à sa poursuite
, et il y a lieu de croire qu'il sera saisi sous peu de
tems .
Bentabolle observe que , puisque Tallien a été attaqué du fer
assassin , il croit qu'il est dans la conscience de tout honnête
homine de lui rendre la justice qui lui est due. On l'a accusé dans
le sein de la Convention et dans une société populaire fameuse
d'avoir prêché le modérantisme ; et je demande s'il est croyable
que les modérés eussent assassiné celui qu'ils seraient donné
pour chef. Au moment où Lepelletier éprouva le même sort ,
on disait aussi que les royalistes levaient la tête , et cependant
il fut frappé par un royaliste . La Convention doit être le centre
de l'opinion publique . On a demandé hier et avant hier qu'il
fût fait un rapport sur la situation de la République , je
demande que ce rapport soit fait sous 24 heures .
Merlin de Thionville Iless tems , que la Convention ,
abordant la question et avançant la tête sur le précipice dans
lequel on voudrait la précipiter , fasse un pas en arriere pour
mieux frapper ses ennemis. Applaudissemens .
Citoyens , existe-t- il des continuateurs de Robespierre ?
Oui , oui , s'écrie - t-on de toutes parts .
Cette question est décidée , le sang des patriotes l'atteste
Le peuple , qui ne veut plus deux autorités , veut que le regne
H3
( 118 )
des assassins finisse . Quoi ! ceux qui ont traîné Robespierre
à cette barre , voudraient- ils repasser à ce systême de terreur
!.......
Je dénonce à cette tribune ceux qui , après avoir voté à côté
de moi dans les bons principes à l'Assemblée législative , ne
sont plus aujourd'hui dans ces principes ; je dénonce ces hommes
qui ont dit dans une société célebre qu'ayant aidé à détruire
le trone , il fallait , faute de trône à abattre , abattre la Con
vention ; je dénonce ceux qui ont trempé leurs mains dans
le sang des vieillards , des femmes et des enfans ; ces hommes
qui teints dn sang des malheureux qu'ils ont sacrifiés à leurs
vengeances particulieres , veulent ramener la terreur dans le sein
de la Convention nationale . Applaudissemens .
Lisez la séance des Jacobins d'hier au soir , et vous y verrez
les représentans du peuple sous les poignards . C'est vrai
s'écrie-t- on . Voulez - vous connaître les assassins de Tallien ?
lisez la séance des Jacobins . Des mesures de sûreté générale
sont déja prises , y est -il dit : d'autres se préparent dans le silence .
Les mesures de sûreté prises , c'était l'arrestation de Réal et
Dufourni ; et savez - vous quels étaient les motifs de leur arrestation
? on voulait empêcher que Réal fût le défenseur officieux
des Nantais traduits au tribunal révolutionnaire , envoyés par
le comité révolutionnaire de Nantes , et escortés par un
détachement qui avait ordre de les assassiner en chemin . On
savait que Dufourni était un vieil ami du peuple , et le systême
de terreur ne veut plus d'amis du peuple , il ne veut que des
patriotes à la mode de Robespierre . Tels étaient les motifs.
d'arrestation de Réal et Dufourni . Je vous laisse à penser quelles
étaient les mesures qui se préparaient dans le silence .
Je reviens à la séance des Jacobins ; j'y lis : Il est bon que les
crapauds du marais levent un peu la tête , ils seront plutôt écrasés .
C'est le propos de Duhem , crient plusieurs membres .
Merlin continue la lecture du journal . « Un membre , après
avoir proposé qu'il soit présenté une adresse à la Convention
nationale , s'écrie : Il est tems que la Convention nous dise
enfin si elle est déterminée à sauver le peuple . "
Nous répondrons à l'insolent interrogateur, que le peuple
saura toujours se sauver lui -même ; qu'il n'ira pas chercher ,
pour se sauver , les poignards des assassins ; le peuple sait que
son centre est ici , il veut être conduit par la justice , et c'est
Ta notre tâche . Il a donc été arrêté que la société viendrait
en masse pour vous faire cette étrange question . Savez - vous
quels sont les rédacteurs choisis pour rédiger cette adresse ?
les vorci :
Carrier , représentant du peuple ; Royer , ci- devant substitut
de l'accusateur public ( Fouquier - Thinville ) ; et Billaud - Varennes
, membre de l'ancien comité de salut public .
Citoyens , on a ajouté que le mot vive la Convention était le
mot d'ordre des aristocrates . J'en ai dit assez , je crois , pour
( 119 )
déterminer la Convention , sinon à fermer les Jacobins , au
moins à défendre à aucun de ses membres d'y assister.
Je dois ajouter une réflexion . Et moi aussi , j'ai été aux Jacobins
; j'y ai dit , dans le tems , au peuple , que ce n'était pas
avec des discours , mais avec du canon qu'on abattrait les palais
des rois ; je dis aujourd'hui au peuple , que ce n'est point avee
des discours , mais la loi à la main qu'il faut atteindre et punirles
assassins .
On applaudit vivement le discours de Merlin , et beaucoup
de membres demandent que sa proposition soit mise aux voix .
Duhem : Je voudrais que ceux qui me traitent d'assassin
prouvassent que j'ai seulement contribué à la moindre injustice.
Avec la maniere dont Merlin a rapporté la séance des
Jacobins , il est facile de condamner tout le monde , d'anéantir......
Tous les Jacobins , ajoute un membre .
On demande que ce membre soit rappellé à l'ordre .
Duhem rapporte ensuite ce qu'il a dit dans la séance des
Jacobins ; il est vrai qu'il a dit qu'il était bon que les crapauda
du marais levassent la tête , parce qu'on les écraserait plus facilement
; mais il n'est entré dans son esprit , en prononçant ces
mots , aucune idée d'assassinat , ni d'attem: at contre la représentation
nationale . Au reste , ajoute- t- il , si quelque chose peut
prouver que l'aristocratie leve la tête , c'est bien , je pense , la
motion qui est faite de détruire les Jacobins .
:
Un membre Si la Convention paraît en ce moment divisée
d'opinions , c'est parce qu'une partie de l'Assemblée croit que
l'autre veut la destruction des sociétés populaires ; et moi , je
m'apperçois bien que cela n'est dans l'intention d'aucun représentant
du peuple.
L'Assemblée se leve toute entiere pour justifier la derniere ›
assertion de l'opinant.
Bentabolle dit qu'il va prouver par des faits , qu'il y a des
intrigans dans la société des Jacobins ; mais que la majorité
est bonne .
Il cite la radiation de sept membres de la Convention , de
cette société ; il assure que cette délibération a été enlevée par
une cabale . Cette société , dit-il , qui tient , pour ainsi dire
dans ses mains l'opinion publique ....
L'orateur est interrompu par des murmures d'improbation .
Bentabolle se plaint ensuite de ce que la société des Jacobins
a
été entraînée à envoyer une adresse aux armées .
Une société populaire , dit-il , n'a pas le droit de rien envoyer
anx armées avant que la Convention ait manifesté son
opinion.
Rewbel . Il ne faut pas que l'aristocratie puisse profiter
des débats qui s'élevent à l'occation de ce qui s'est passé dans
une société populaire ; mais aussi il faut examiner sans partialité
, sans chaleur , la position où nous nous trouvons vis - à- vis
d'une société justement célebre.
C
$
H 4
( 120 )
3
J'ai entendu dire qu'en parlant contre cette société
parlait contre le peuple ; si cela etait , lors du 9 thermidor.
le peuple aurait été eu insurrection contre ses représentans ;
car la societe etait alors en insurrection contre la représentatiou
nationale . ( applaudissemens ) N'oubliez pas , citoyens , un,
fait bien precieux ; c'est que dans la nuit du 9 thermidor , un
représentant chassa du temple la borde impure qui le souillait
alors , et vous en apporta les clefs .
Veut- on des preuves de ce qui s'est passé postérieurement ?
qu'on se rappelle que des individus qui s'annonçaient comme
composant la société régénérée se présenterent à votre barre ;
ce n'etait donc plus celle du 9 thermidor,: car , si Ceût été la
mème , yous ne l'auriez pas reçue , et vous auriez pris un parti à
son gard. Je desirerais que tous les membres de la Convention
suspendissent leur jugement sur la société actuelle , jusqu'après
le rapport qui doit nous être fait sur la situation de
la Republique , parce que probablement ce rapport nous instruita
du degré , d'épuration de la société des Jacobins , On
nous dira sûrement que la société a fait mettre sous la main
de la justice les commissaires qui avaient été nommés dans la
nuit du 9 thermidor , pour aller fraterniser avec la com.nune
rebelle contre la Convention ; on nous dira sûrement que la
sociéte a aussi fait mettre sous la main de la justice les coinmissaites
envoyés dans les sections pour remplir la même
mission . et ceux qui excitaient les tribunes à se porter sur la
Convention.
3
Je ne doute. pas que ce rapport ne nous donne des renseignemeus
très précieux , qu'il ne nous fasse connaître l'esprit
de la societe , et qu'il ne permettra pas aux aristocrates
de dire qu'elle est encore inspirée par l'esprit d'Hébert et de
Robespierre. Ce rapport nous dira aussi s'il est vrai que la
societé prétende ou non rivaliser ou dominer la Convention ;
car il ne faut plus que la Convention soit influencée d'aucune
maniere ; si la liberté la plus entiere ne regne pas dans cette
enceinte, il n'y a plus de Republique. Je pense que si les Jacobins
ont des représentations
à faire , ils les feront avec res
pect , avec décence , et sans espor d'aucune influence quel
conque car ce serait attaquer la souveraineté nationale . Je
demande l'ajournement jusqu'au rapport qui doit être fait sur
la situation de la Republique ..
Durand - Mailianne demande si , après avoir détruit toutes
les corporations , on doit encore en laisser subsister une qui
correspond avec une foule innombrable de sociétés affiliées .
Duhem je sais bien que l'on demande depuis long- tems
la destruction des sociétés ; mais nous verrous !......
Un membre demande que l'Assemblée soit permanente jusqu'à
ce qu'elle sache ce que veulent dire ces mots de Duhem
nous verrons .......
L'ordre du jour écarte cette proposition ,
( 121 )
32
Enfin on demande que l'Assemblée suspende son opinion
sur le compte des Jacobins , jusqu'à ce qu'elle ait entendu
le rapport qui lui sera fait sur la situation politique de la
Frauce ,
*
Merlin de Thionville ) demande aussi que tout ce qu'il
dit soit renvoyé aux comites chargés de ce rapport ; mais
dit- il , que ce rapport soit fait promptement , et surtout qu'il
roule entiérement sur ces trois questions : d'où venons - nous ?
où sommes - nous ? où allons - nous ?
Les propositions de Merlin et du préopinant sont décrétées
.
Fréron ; l'Assemblée est sans doute impatiente d'avoir des
nouvelles de la sante de ce nouveau mariyr de la liberté , qui ,
après avoir été assassiné moralement dans sa reputation , vient
de tomber sous le fer des meurtriers , Je demande
le coque
mite de sûreté générale nous lise le bulletin de la santé de
Tallien , qu'il soit lu tous les jours et imprimé au bulletin de
correspondance. ( Adopté . ) .
Un membre du comité de sûreté générale donne lecture du
premier bulletin de la santé de Tallien .
Il porte simplement que les officiers de santé ont trouvé
Tallien couche dans son lit , ayant une blessure à l'épaule
gauche que ceste blessure paraît être l'effet d'un coup de
pistolet tire à bout portant , dont la balle est sans doute tombce
dans la doublure de l'habit .
ceil
On observe que ce bulleun est mal rédigé , et qu'il ne
donne aucune connaissance de la santé du représentant du
peuple ; on demande en conséquence que les officiers de santé.
soient changes mais Fréron annonce qu'il a été chercher
Desault , chirurgien de l'hospice de l'Humanité .
Un secrétaire donne lecture d'une lettre des représentans
du peuple envoyés au Nord : ils écrivent de Bruxelles , en date
du 17 de ce mois , qu'ils viennent de découvrir l'instrument
horrible avec lequel les ennemis ont tenu en captivité le représentant
du peuple Drouet : c'est une mécanique au moyen
de laquelle la victime avait la tête et les mains enchaînées .
Par cette infernale invention , les cannibales avaient dessein
de faire périr Drouet de faim et de soif ; mais Gérard Lunier ,
vieillard chargé de dix enfans , lui a constamment porté à
boire et à manger . Il dit qu'il ne veut point de secours ni
d'indemnité ; ' il trouve dans son coeur sa récompense , Les représentans
du peuple envoient à la Convention cet instrument
horrible pour servir de monument de la barbarie des royalistes
.
Parrere demande qu'il soit suspendu aux voûtes de la salley
de la Convention ; mais l'Assemblée goûte davantage la proposition
faite par Sergent.
Il demande , et la Convention decrete , que cette machine
sera placée aux pieds de la statue de la Liberté , sur la place
>
( 122 )
de la Révolution ; qu'on mettra au- dessous cette inscription :
Voilà les bienfaits des despotes..
La lettre des représentans du peuple sera traduite dans toutes
les langues et envoyées aux puissances neutres . Il est déclaré
que le vieillard Gérard Lunier a bien mérité de la patrie , et les
comités sont chargés de le secourir .
Séance de quintidi , 25 Fructidor .
Plusieurs sociétés populaires témoignent , par des adresses ,
leurs alarmes sur l'audace du modérantisme et de l'aristocratie ,
qui par- tout , disent- elles , levent la tête , persécutent les patrioles
et les font incarcérer .
·
Collot - d'Herbois prend la parole : N'en doutez point ,
dit-il , les patriotes sont opprimés . Et qui les opprime ? ce
sont les aristocrates , ce sont les contre révolutionnaires ; je
vais vous les désigner ce sont ceux qui voudraient tourner
contre la patrie elle- même le voeu qu'elle a fait de ne transiger
avec aucun de ses ennemis ; ce sont ceux qui voudraient
dissoudre la Convention , ceux qui , ne ponvant disposer de
vos consciences , veulent acheter vos têtes ; at ce marché est
peut-être consommé . Il faudrait être bien aveugle pour ne pas
voir cette tourbe d'intrigans , de dilapidateurs , de fripons ,
d'esclaves , de scélérats de toute espece qui se sont coalisés
pour porter le désespoir et le deuil dans l'ame des patriotes +
ce sont eux qui nous ont empêchés d'ouvrir nos eceurs à l'allégresse
, quand le territoire de la République a été évacué………………..
L'arriere garde des Autrichiens est restée parmi vous nos armées
les ont vaincus , mais leur arriere - garde vous prépare
aussi des assauts ; vous les soutiendrez . Le combat ne sera pas
long ; les armes avec lesquelles on' se dispose à vous livrer
cette bataille , sont les libelles , la diffamation , les accusations
délirantes , les poignards . Eh bien ! guerre à ces gens.......
( Guerre à mort , s'écrie- t-on de toute part , guerre à mort . ) Oui ,
guerre à mort , citoyens , votre courage aura de plus grandes
Occasions de se développer ; adoptez à votre tour ce cri de
nos soldats peint de retraite ! La moindre hésitation vous deviendrait
fatale ; nous ne mettrons pas sous le glaive de leurs
assassins tant de braves patriotes qui ont conquis , qui ont
sauvé la liberté avec nous ; et pourtant les routes en sont
Couvertes ; de toute part on les envoie aux tribunaux , les
representans du peuple sont trompés ( on murmure ) par des
hommes qui se couvrent du masque du patriotisme ........... ??
Collot termine par ces mots : j'ai parlé des maux , mais vous
êtes puissans , vous saurez appliquer les remedes .
Ingrand cite quelques faits à l'appui des observations de
Collot , et demande que les représentans du peuple actuelle
ment en mission ne puissent pas annuller les mesures salutaires
prises par leurs collegues , sans un décret de la Convention ,
et que la loi du 17 septembre soit rigoureusement exécutée.
1
( 193 )
Guyomard demande aussi l'exécution de la loi du 17 septembre
, c'est le voeu de tout ami de la chose publique . Mais
prenez garde de servir des vengeances particulieres . On vous
parle sans cesse d'aristocratie , de moderantisme , citoyens , voulezvous
que je vous dise ce que c'est qu'un véritable aristocrate ?
un dominateur , un homme qui veut proclamer un systême
d'exclusion . Voilà , citoyens , l'aristocrate de l'ancien et du
nonveau régime . ( On applaudit. )
La nation française est démocrate , il faut que la Convention
le soit aussi , il ne faut pas qu'un petit nombre domine ,
car , comme l'a dit Jean -Jacques , là où la minorité fait la loi à
la majorité , là regue un gouvernement aristocratique : il ne
faut laisser dominer ici que les principes sanctionnés par la raison
. On applaudit. )
" Citoyens , je le sais , aucun de nous n'est arrivé ici avec
un brevet d'infaillibilité ; la Convention toute entiere n'y prétend
pas . On applaudit. ) Mais si l'aristocratie astucieuse
égare , ferme un moment la bouche du représentant qui aime
le mieux son pays , son regne est court , la vérité perce ; la
raison , le flambeau à la main , s'avance dans la carriere , les
tyrans disparaissent et les principes triomphent à jamais . ( On
applaudit. )
" On vous a parlé de l'avilissement de la Convention ;
citoyens , on n'avilit la Convention que lorsqu'on en fait une
girouette pour tourner au vent de toutes les passions . ( On
applaudit. )
En décrétant la démocratie , en organisant votre gouvernement
dans la forme élective , en centralisant tous ses ressorts
entre vos mains , en proclamant sur- tout la liberté de penser
et d'émettre son opinion , vous avez prévenu tous les abus .
Citoyens , il vaut mieux entendre une sottise que de repousser
une verité. On applaudit . )
" Qui , vos comités de gouvernement sont sagement orga
nisés mais ayez soin de les renouveller , et souvent ; le coeur
de l'homme est ambitieux ; il aime le pouvoir ; changez souvent
les membres de vos comités , il n'y a plus de dangers pour la
liberté . Perpétuez les dans l'exercice d'un pouvoir étendu
vons en faites des ambitieux ; témoin Robespierre . ( On applaudit.
)

" Nous sommes tous d'accord sur les principes ; il ne s'agit
plus que de nous entendre : ch bien ! écoutez toute la vérité ;
écoutez sur-tout les sociétés populaires ; leur énergie a souvent
sauvé la chose publique . Mais , si un ambitienx s'en emparait ,
elles pourraient la perdre. ( On applaudit. ) Que la révolution
du 9 ne soit pas un songe ? et moi aussi , j'éleverai la voix ,
mais non la tête quand il a fallu la courber sous la puissance
nationale , je l'ai fait et je m'en applaudis .
" je demande , en me résumant , que , rendant justice aux
principes , vous déciariez que désormais aucun décret ne sera
( 194 )
rendu sans avoir été soumis à une discussion préalable ; et
qu'aucun décret ne pourra être rapporté sans avoir été renvoyé
à l'examen d'un comité compétent , à charge d'en faire rapport
à un jour fixé .
99 C'est ainsi que vos délibérations prendront le caractere de
dignité qui leur convient , et que vos décrets seront marqués
au coin de la sagesse. "
Les propositions de Guyomard sont adoptées .
Bréard , au nom du comité de salut public , communique
à l'Assemblée des dépêches du commissaire envoyé aux Islesdu
-Vent, Elles sont datées du port de la Liberté , isle de la
Guadeloupe , le 4 thermidor ; elles annoncent que les Anglais ,
qui ont fait une tentative pour reprendre la Guadeloupe , ont
été entièrement defaits et obligés de se rembarquer.
Après la lecture de ces nouvelles , Bréard observe que de
jeunes mousses , à peine âgé de 10 à 11 ans , ont monté à
l'assaut à côté de leurs freres d'armes ; deux d'entr'eux ont été
blessés , un troisieme a été tué.
La Convention nationale décrete que les citoyens qui ont
reconquis une partie de la Guadeloupe , et repoussé les ennemis
, ont bien mérité de la patrie ; décrete en outre qu'elle
confirme la dénomination donnée par le général Victor Hu- :
guet , de Port- Libre au port de la Pointe- à - Pitre ; et celle de
fort de la Victoire à celui du fort du Gouvernement ; que les
lettres du général seront insérées an bulletin .
Une députation de la société des Jacobins est admise à la
barre . Elle vient faire entendre la voix des patriotes les plus
ardens et les plus courageux , qui sont poursuivis , opprimés ,
plongés dans les prisons et les cachots dont l'aristocratie vient
de sortir ce n'est pas dans quelques communes isolées , ce
n'est pas dans quelques départemens , ce t sur tous les points
de la République qu'éclate le nouveau systême de tyrannie
et d'oppression . Ce malheur inattendu ne peut plus être révoqué
en doute ; il nous est attesté tous les jours par ceux
qui échappent à la persécution . Tous les jours il nous est
annoncé par la correspondance de toutes les sociétés affiliées .
Quelle confiance peut être refusée à cette clameur unanime ,
qui se fait entendre des distances les plus éloignées , qui
nous est transmise par des témoins qui n'ont pu s'entendre
ni se concerter. Après avoir développé ce tableau , elle demande
l'exécution de la loi du 17 septembre ; elle suffit pour
prévenir egalement et les dangers de la tyrannie et ceux du
modérantisme.
Le président répond que la Convention s'occupe de l'objet
de cette demande . Les honneurs de la séance sont accordés à
la députation . L'adresse est renvoyée aux deux comités qui
doivent faire un rapport sur la situation de la République .
Meaulle demande la suspension de toutes les procédures
intentées devant les tribunaux criminels de départemens contre
les patriotes arrêtés depuis le 9 thermidor.
(( 125 )
Merlin ( de Thionville ) demande le renvoi de la proposi
tion aux deux comités . Si la suspension qu'on réclame etait
accordee , elle ferait mettre en liberte une multitude de voleurs
et de fripons , qui formerait à l'aristocratie une arrieregarde
, qui la servirait par de nouvelles manoeuvres .
A
J'entends dire très souvent , dit Boissieu , que les patriotes
sont opprimés , et il me semble que la plupart de ces
plaintes sout vagues et dénuées de toute espece de preuves.
Je demande que , pour prouver cette persécution , les sociétés
populaires soient tenues de, joiudre à leurs réclamations les
noms et le nombre des patriotes qu'elles disent opprimés . "
Rewbell pense que , s'il y a eu des patriotes opprimés , il
faut que le gouvernement vienne à leur secours ; mais il faut
aussi distinguer les vrais patriotes d'avec ces intrigans qui
prétendent l'être , parce qu'ils savent s'affubler d'un bonnet
rouge et crier bien haut les mots de liberté , de patriotisme ,
tandis que la chose n'entra jamais dans leur coeur . Il demande
la suspension non pas des procédures , mais de l'exécution
des jugemens.
Merlin de Douai remarque que les tribunaux criminels ne
connaissent point des délits contre- révolutionnaires , si ce n'est
ceux de fabrication de faux assignats et d'émigration . Certes ,
il ne peut croire que l'intention de la Convention soit de suspendre
les procédures ou les jugemens contre de pareils délits.
Ils connaissent encore des crimes , de vols et d'assassinats
, et il demande si des voleurs , des assassins doivent exciter
l'intérêt de la Convention .
Toutes ces propositions sont renvoyées aux trois comités
chargés de faire le rapport général , sur la situation de la Répu
blique.
Séance de sextidi , 26 Fructidor.
༣ win est
Une adresse de la société populaire d'Auxerre qui se plaint
de la mise en liberté d'une foule de contre - révolutionnaires ,
donne lieu à André Dumont de faire des observations pour
engager la Convention à ne pas accueillir trop legerement les
adresses qu'elle reçoit . Apprenez , poursuit- il , si quelqu'un
de vous en doute encore , que le systême actuel de vos ennemis
est l'avilissement de la Convention nationale , le découragement
des bons citoyens , et l'accroissement des rebelles de la Vendée .
On veut tout décourager, tout anéantir . Commerce , agriculture ,
arts , c'est sur vos debris et sur ceux du crédit public qu'on
vent , sous le masque du patriotisme , anéantir la République .
Quels sont vos ennemis ? ce sont ceux qui vous proposent
le discrédit des assignats , qui en attaquent l'hypotheque ,
1. parce que l'Anglais leur a dit : C'est le moyen d'esperer la
contre-revolution . On ose tout attaquer , parce que c'est le
moyen de sauver le crime et de déchirer la patrie . Sans doute
on a pu mettre dans plusieurs départemens des aristocrates en
( 126 )
1.
liberté ; mais qui les a y mis? qui l'a provoqué ? c'est-là ce qu'il
faut savoir.
Rappellez - vous ce que disait sans cesse Robespierre : On
opprime les patriotes , et il les faisait assassiner ; il caressait le
peuple, et il le trahissait ; il parlait contre la ci-devant noblesse ,
et il en était le secret partisan ; il accusait les fanatiques
et il créait le fanatisme , il parlait contre les spectacles , et il
y allait sans cesse . Eh bien ! Robespierre n'est plus , et son
systême y est encore .
On a voulu discréditer vos assignats , on a voulu la
guerre civile , on la veut encore . Vous avez été trompés , défiezvous
en ce moment ; vos trois comités vous diront la vérité ,
ils vous montreront la plaie et vous donneront les moyens
de la guérir. Des adresses qui vous arrivent , plusieurs ne
font que revenir , elles ont été faites à Paris ; c'est d'ici que
part le coup qu'on veut vous porter , parez-le. Ces principes ,
voilà le pivot sur lequel doivent reposer vos délibérations. 19
Le Lycée des arts fait hommage à la Convention d'une
découverte extrêmement utile pour la fabrication des salpêtres
et du savon ; elle consiste dans une préparation des marrons
d'inde qui sont propres à cet objet. Il propose que tous les
citoyens , daus la propriété desquels il croit des marroniers ,
soient invités , au nom de la patrie , à ne point laisser perdre
les fruits de cet arbre , et à les réunir en un lieu indiqué par
les municipalités pour les faire convertir en potasse . La Convention
renvoie sette adresse au comité d'agriculture et des
arts.
Sur le rapport de Lakanal , au nom du comité d'instruction
publique , la Convention nationale a nommé comtaisaire à la
commission de l'instruction publique , le citoyen Garat , et
les citoyens Ginguené et Clément pour adjoints .
Isoré fait rendre le décret suivant :
causes
Art. 1er. Les cultivateurs sont autorisés à se pourvoir
de blé pour renouveller leurs semences , et non pour d'autres
dans les lieux où ils croiront en trouver de propres à
leurs terrains , soit en achetant ou échangeant de gré à gré ,
à la charge de prévenir à l'avance leurs municipalités respectives,
,, II . Les municipalités donneront aux cultivateurs acte de
leurs déclarations , et préviendront chaque décade les administrations
de district des ventes et échanges , afin que les approvisionnemens
de marchés ou les requisitions n'éprouvent aucune
contrariété .
" III. Les cultivateurs saisis en contravention aux dispositions
des articles précédens seront , à la diligence des agens
nationaux des districts , traduits devant les juges de paix , qui
prononceront contre les contrevenans and amende du doable
de la valeur des grains saisis , payable aux caisses du district . „
• IV. Les´agens nationaux des districts rendront compte à
( 127 )
la commission de commerce et approvisionnemens , dans le
courant du mois de brumaire , des quantités de blés achetés
ou échangés , et designeront les communes où les blés seront
sortis et cutres . "

Sur le rapport de Léonard Bourdon , la Convention détermine
le mode de la fête qui doit avoir lieu le dernier jour
des sans - culottides .
3
On fait lecture du bulletin de la situation de la blessure
de Tallien.'
Les phlictenes se sont effacées : il n'y a pas encore de suintement
autour de l'escarre , dont l'état est toujours le même.
L'oppression et les douleurs, ont été peu sensibles depuis hier ;
il n'y a point de fievre , et toutes les fonctions des visceres
s'exercent d'une maniere satisfaisante . ,
5
Signės , NAVIER , DISADLE , SouCUE , CHABANEAU .
PARIS. Nonodi , 29 Fructidor 1794 .
C'est au moment où Tallien venait de 'reprendre la plume
pour continuer un journal , qui avait pour titre l'Ami des
Citoyens , qu'il a été assassiné . Si l'on rapproche cet evenement
des principes qu'il a professés à la tribune de la Convention ,
et qu'il se proposait de suivre avec courage dans sa feuille périodique
, il sera difficile de croire comme on a eu l'absurdité
de le répandre , que le coup qui l'a frappé , soit parti de
la main des modérés , sorte de dénomination sous , laquelle on
est convenu de désigner tous ceux qui parlent de principes et
de justice et l'on persuadera encore moins que cet affreux
attentat ne soit qu'une scene arrangée pour rendre ses ennemis
plus odieux , et la causee qu'il soutient plus intéressante .
Tous ces bruits atroces ne servent qu'à prouver , combien
dans des tems de révolution , l'esprit de parti est stupidement
crédule , ou audacieusement pervers. Quelque soit le mouf
qui ait armé l'assassin , c'est à coup sûr l'interêt de la scélératesse
et du crime .
ཙྩཾ ཏི ཏ ནྟི
L'on a fait et l'on continue de faire les recherches les plus
vigilantes pour en découvrir l'auteur . Voici ce qu'on lit dans
un paragraphe du second numéro de l'Orateur du peuple , feuille
périodique que l'on dit être rédigée par le représentant du
peuple , Fréron.
In 1966 Les rapports des officiers de santé s'accordent à dire que
le représentant du peuple Tallien ne donnera pas à ses assas
sins la joie de succomber cette fois - ci sous leurs coups ; on
est à la trace des agens de ce complot . Un homme fut trouvé et
ramassé par la garde , la même nuit , à pen de distance du lieu
s'est commis l'assassinat ; il a été conduit à la section de
1
( 128 )
A
l'indivisibilité . Il a commencé par fondre en larmes ; interrogé
sur le lieu de son domicile , il a donné une fausse adresse ;
questionné sur sa profession , il a dit être ouvrier en papiers
peints , et il résulte de ses popies aveux qu'il travaillait eucore
dernierement chez Arthur , fameux Kobespierret , qui
été guillotiné avec la
la commune rebelle . Ceci est un trait de
lumiere , et l'on découvrira sans peine que ce meurtre a été
commis par un homme instrument de la faction de Robes
pierre qui , comme on sait , n'a fait que changer de nom . "
a
Un autre papier a annoncé simplement que le nommé Four
nier , prévenu d'assassinat en la personne de Tallien , avait été
arrêté et conduit à la Force . Nous ne savons point si c'est le
même individu . 107
Les citoyens Dufouruy , Gonchon , connu sous le nom de
l'orateur du fauxbourg Saint- Antoine ; Réal , ci - devant substitut du
procureur de la commune de Paris ; Varler , dont on a souvent
parlé pour sa vehémence révolutionnaire , et Laveaux , rédacteur
du courier de Strasbourg , avaient été arrêtés avant- hier en
vertu d'ordres du comité de sûreté générale ; ifs viennent d'être
remis en liberté .
- ME 13.)
Depuis la révolution du thermidor , la publication d'une
foule de pamphlets a annonce le retour de la liberté de la presse .
Ils sont presque tous relatifs au systême d'oppression que Robespierre
avait si bien préparé , organisé et propage dans toutes
les parties de la République . On a vu paraitre successivement
la Queue de Robespierre , son Front , rendez-moi ma Queue , défends
nota Queue , réponse à la Queue , plan de conduite pour les anneaux de
la Queues, etc. etc. Cette queue est 3 interminable.nonymo
ll eût été à desirer que l'esprit d'aigreur et de personnalité
se fût moins mêlé à ces productions vehementes , où sous un
style trop acerbe on trouve néanmoins des vérités et des
idées utiles. Tous les Républicains éprouvent le besoin de
mettre un terme aux dissentions qui nous tourmenient et qui
entravent la marche du gouvernement. Les passions ne sont
guères propres à nous conduire au but. Le rapport sur la situз-
tion actuelle de la République , dont . s'occupent les trois
comités , nous mettra sans doute sur le chemin qui y conduit.
1
Le tribunal révolutionnaire s'est occupé pendant plusieurs
séances du procès de 94 Nantais . Cette affaire , sur les détails
de laquelle nous reviendrons , a offert un tissu de cruautés et
de vexations , dont les anuales de Tibere n'ont point fourni
dexemple. Ces infortunés ont tous été acquittés .

Total des prisonniers , 5260.
Nous donnerons les pieces officielles au numéro prochain . }
( No. 45 ) 45. )
MERCURE FRANÇAIS
CINQUIEME SANS - CULOTIDE , l'an deuxieme de la République.
( Dimanche 21 septembre 1794 , vieux style . )
POÉSIE.
L'évacuation du territoire de la République Française.
Ou sont-ils ces rois furieux U
De qui la superbe insolencé
Osait d'un peuple généreux
Provoquer la juste vengeance ?
Leurs soldats consternés d'horreur ,
Leurs chefs aveuglés par l'erreur
Et leurs trônes réduits en poudre ,
Ne leur laissent que la terreur
Qui suit la chûte de la foudre .
Où sont ces Léopards cruels ?
Où sont ces Aigles sanguinaires ,
Dont l'instluct funeste aux mortels
Ne respire que feux et gueries ?
Ils ont éprouvé des Français
La fiere audace et les succès ;
Et repousses loin des frontieres ,
Ils vont expier leurs forfaits ,
En frémissant dans leurs repaires .
9
O Français dans tous nos concerts
Entends les chants de la victoire ;
Oui , du vengeur de l'univers
Chantons les faits , chantons la gloire……….
" Les monts renversés par ton bras ,
» Le globe étonné , sous tes pas ,
" Entr'ouvrant ses voûtes brisées ;
1
» Et l'Anglais trouvant le trépas
» Au sein des mers ensanglantées . »
De nos guerriers , de nos héros ,
Qui janais égala la gloire !
Vous chassez , Hercules nouveaux ,
L'hydre de notre territoire .
Que nos monumens solemnels
Offrent vos travaux immortels
A la terre reconnaissante !
O Déesse de nos autels !.
O Liberté sois triomphaute !
( Bis . ) .


S
t
I
( Bis. )
D
{ Bis, }
( Bis. )
I
N. B. Ces couplets ont été demandés pour être chantés dans les fêtes
publiques par les musiciens de l'institut national . Les paroles sont du
cit. Lacombe ; la musique est du cit. Andrien l'aíné . La partition an
trouve au bureau de l'institut national , rue du Croissant
Tome XI.
2
( 130 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
La Loi naturelle au Catéchisme du Citoyen Français ; par C. F.
Volnay . Deuxieme édition , augmentée ; in-8° . de 140 pages.
A Paris , chez Fuchs , libraire & rue du Hurepoix ; Sallior ,
rue ; Onfroy , rue Victor.
meme
Cz petit ouvrage renferme des axiómes de philosophie et
de morale ; et une série de principes et d'observations qui sont
livrés à la méditation , et au développement de la raison et du
sentiment des citoyens Français . L'auteur à choisi la forme du
catéchisme par demandes et réponses , comme étant favorable
à l'analyse , ainsi qu'à l'exposition des questions et des solutions
, ou definitions courtes et précises qu'il voulait donuer ,
en les rendant par cette methode plus faciles à saisir et à
retenir. Voici de quelle maniere cet estimable philosophe procede
dans ses instructions .
D. Qu'est-ce que la loi naturelle ?
R. C'est l'ordre régulier et constant des faits par lequel Dieu
régit l'univers ; ordre que sa sagesse présente aux seus et à la
raison des hommes pour servir à leurs actions de regle égale
et commune , et pour les guider , sans distinction de pays ni
de secte , vers la perfection et le bonheur.
D. Definissez -moi clairement le mot lei .
R. Le mot loi pris littéralement signifie lecture , parce que
dans l'origine les ordonnances et les réglemens étaient la lecture
par excellence que l'on faisait au peuple , afin qu'il les observât
, et n'encourût pas les peines portées contre leur infraction
: d'où il suit que l'usage originel expliquant l'idée véritable
,
La loi se définit un ordre ou une défense d'agir , avec la
" clause expresse d'une peine attachée à l'infraction , ou d'une
récompense attachée à l'observation de cet ordre .
D. Est- ce qu'il existe de tels ordres dans la nature ? Que
signifie ce mot nature ?
R. Le mot nature prend trois sens divers :
1º . Il désigne l'univers , le monde matériel : on dit dans ce
premier sens, la beauté de la nature , la richesse de la nature ,
c'est- à -dire , des objets du ciel et de la terre offerts à nos
regards .
20. Il désigne la puissance qui anime , qui meut l'univers , en 、
la considérant comme un être distinct , comme l'ame est au
corps : l'on dit dans ce second sens , les intentions de la nature ,
les secrets incompréhensibles de la nature.
30. 11 désigne les opérations partielles de cette puissance
dans chaque être ou dans chaque classe d'êtres ; et l'on dit
131 )
dans ce troisieme sens , c'est une énigme que la naturè de
l'homme , chaque être agit selon sa nature .
Or , comme les actions de chaque être ou de chaque espece
d'êtres sont soumises à des regles constantes et generales , qui
ne peuvent être enfreintes sans que l'ordie general ou particulier
soit interventi ou troublé , l'ow donne à ces regles d'actions
et de mouvemens le nom de lois naturelles ou lois de la
nature.
D. Donnez-moi des exemples de ces lois ?
R. C'est une loi de la nature que le soleil éclaire successivement
la surface du globe terrestre ; que sa présence y
excite la lumiere et la chaleur ; que la chaleur agissant sur
l'eau forme des vapeurs ; que ces vapeurs élevées en nuages
dans les régions de l'air s'y résolvent en pluies ou en neiges ,
qui renouvellent sans cesse les eaux des sources et des neuves.
$
C'est une loi de la nature que l'eau coule de haut en bas ;
qu'elle cherche son niveau ; qu'elle soit plus pesante que l'air ;
que tous les corps tendent vers la terre ; que la flamme eleve
vers les cieux ; qu'elle désorganisé les végétaux et les animaux
; que l'air soit nécessaire à la vie de certains animaux ;
que dans certaines circonstances l'eau les suffoque et ics tue ;
que certains sucs de plantes , certains minéraux attaquent leurs
organes , détruisent leur vie , et ajusi d'une foule d'autres faits .
Or , presque tous ces faits et leurs semblables sont immuables ,
constans , réguliers ; il en resulte pour l'homme autant de
véritables ordres de s'y conformer , avec la clause expresse
d'une peine attachée à leur infraction , ou d'un bien - être
attaché à leur observation . De ananiere que si l'homme
prétend voir clair dans les tenebres s'il contrarie la marche
des saisons , l'action des élémens ; s'il prétend vivre dans l'eau
sans se noyer , toucher la flamme sans se brûler , se priver
d'air sans s'étouffer , boire du poison sans se détruire , il reçoit
de chacune de ces infractions aux lois naturelles une punition
corporelle et proportionnée à sa faute ; qu'au contraire , s'il
observe et pratique chacune de ces lois dans les rapports exacts
et réguliers qu'elles ont avec lui , il conserve son existence
et la rend aussi Leureuse qu'elle peut l'être ; et parce que
toutes ces lois , considérées relativement à l'espece humaine ,
ont pour but unique et commun de la conserver et de la rendre
heurense , on est convenu d'en rassembler l'idée sous un même
mot , et de les appeller collectivement la loi naturelle..
L'auteur développe ensuite les caracteres de la loi naturelle ;
il en compte dix principaux : le premier , c'est d'être inhérente
à l'existence des choses , par consequent d'être primitive et
antérieure à toute autre loi : le second , de venir immédiate
ment de Dieu , et d'éire présentée par lui à chaque homme :
le troisieme , d'être commune à tous les tems , à tous les pays
le quatrieme , d'être uniforme et invariable le cinquieme ,
dêne evidente et palpable : le sixieme , d'être raisonnable ou
I &
( 132 )
7
conforme à la raison et à l'entendement humain : le septieme ;
est d'être juste , ensorte que dans cette loi les peines sont proportionnées
aux infractions : le huitieme , d'être pacifique et
-tolérante : le neuvieme , d'être également bienfaisante pour tous
les hommes : le dernier caractere de la loi naturelle , c'est de
suffire seule à rendre les hommes plus heureux et meilleurs ,
parce qu'elle embrasse tout ce que les autres lois civiles ou
religieuses ont de bon et d'utile .
Cette loi , qui émane immédiatement de Dieu , enseigne son
existence ; car pour tout homme qui observe avec réflexion
le spectacle étonnant de l'univers , plus il médite sur les propriétés
et les attributs de chaque être , sur l'ordre admirable
et l'harmonie de leurs mouvemens , plus il lui est démontré
qu'il existe un agent suprême , un moteur universel et identique
désigné par le nom de Dieu ; et il est si vrai que la loi naturelle
suffit pour élever à la connaissance de Dieu , que tout ce
que les hommes out prétendu en connaître par des moyens
étrangers s'est constamment trouvé ridicule , absurde , et qu'ils
ont été obligés d'en revenir aux immuables notions de la raison
naturelle.f 1
I n'est donc pas vrai que les sectateurs de la loi naturelle
soient athées au contraire , ils ont de la divinité des idées plus
fortes et plus nobles que la plupart des autres hommes , car ils
ne la souillent point du mélange de toutes les faiblesses et
de toutes les passions de l'humanité . Ils lui rendent un culte
tout entier d'action ; la pratique et l'observation de toutes les
regles que la suprême sagesse a imposées au mouvement de
chaque être regles éternelles et inaltérables , par lesquelles
elle maintient l'ordre et l'harmonie de l'univers , et qui dans
leurs rapports avec l'homme composent la loi naturelle . Ainsi ,
la loi- naturelle consiste toute entiere en faits , dont la démonstration
peut sans cesse se renouveller aux sens , et composer
une science aussi précise et aussi . exacte que la géométrie et
les mathématiques et c'est par la raison même que la loi naturelle
forme une science exacte , que les hommes nés iguorans
et vivant distraits , ne l'ont connue jusqu'à nos jours que superficiellement.
』། ?
Le précepte fondamental et unique de la loi naturelle par
rapport à l'homme , consiste dans la conservation de soi- même.
Lahatüre ordonne à l'homme de se conserver par deux sensations
puissantes et involontaires , qu'elle a attachées comme
deux guides , deux génies gardiens à toutes ses actions : l'une ,
sensation de douleur , par laquelle elle l'avertit et le détourne
de tout ce qui tend à le détruire ; l'autre sensation de plaisir ,
par laquelle elle l'attire et le porté vers tout ce qui tend à
conserver et à développer son existence Cependant ces sensations
mêmes peuvent nous abuser momentanément sur le
but de notre conservation . Elles nous trompent alors par
ignorance ou par passion , lorsque nous agissons saus con(
133 )
naître l'action et l'effet des objets sur nos sens , ou lorsque
connaissant l'action nuisible des objets , nous nous livrons
cependant à la fougue de nos desirs et de nos appétits .
L'instruction est donc d'une nécessité tellement indispen
sable à l'existence de l'homme , que sans elle il est à chaque
instant frappé et blessé par tous les ètres qui l'environnent.
Or ces notions nécessaires à son existence et au développement
de ses facultés , il ne peut se les procurer qu'avec l'aide
de ses semblables , et vivant en société.
D. Mais la société n'est- elle pas pour l'homme un état contre
nature ?
R. Non elle est au contraire un besoin , une loi que la
mature lui impose par le propre fait fait de son organisation ;
car 10. la nature a tellement constitué l'être humain , qu'il ne
voit point son semblable d'un autre sexe , sans éprouver des
émotions et un attrait dont les suites le conduisent à vivre en
famille , qui déja est un état de société ; 2º , en le formant sensible
, elle l'a organisé de maniere que les sensations d'autrui
se réfléchissent en lui-même et y excitent des co -sentimens de
plaisir , de douleur , de pitié qui sont un attrait et un lien indissoluble
de la société ; 3º . enfin , l'état de société fondé sur
les besoins de l'homme , n'est qu'un moyen de plus de rem
plir la loi de se conserver : et dire que cet état est hors de
nature parce qu'il est plus parfait , c'est dire qu'un fruit amer
et sauvage dans let bois n'est plus le produit de la nature , alors
qu'il est doux et délicieux dans les jardins où on l'a cultivé ……..
D. Qu'est-ce que l'homme dans l'état sauvage ?
3
R. C'est un animal brute , ignorant , une bête méchante et
féroce , à la maniere des ours et des orang- outangs .
D. Est-il heureux dans cet état ?
: R. Non car il n'a que les sensations du moment , et ces
sensations sont habituellement celles de besoins violens qu'il
ne peut remplir , attendu qu'il est ignorant par nature et faible
par isolement.
D. Est- il bre ?
R. Non il est le plus esclave des êtres ; car sa vie dépend
de tout ce qui l'entoure : il n'est pas libre de manger quand
il a faim , de se reposer quand il est las , de se réchauffer
quand il a froid ; il court risque à chaque instant de périr :
aussi la nature n'a-t- elle présenté que par hasard de tels indi
vidus ; et l'on voit que tous les efforts de l'espece humaine
depuis son origine , n'ont , tendu qu'à sortir de cet état violent ,
par le besoin pressant de sa conservation ..
D. Mais ce besoin de conservation ne produit - il pas dans
les individus l'égoïsme , c'est -à - dire , l'amour de soi ? et l'égoïsme
pas contraire à l'état social ? n'est-il
R. Non car si par égoïsme vous entendez le penchant à
nuire à autrui , ce n'est plus l'amour de soi , c'est la haine
des autres. L'amour de soi , pris dans son vrai sens , pong
13
( 134 )
seulement n'est pas contraire à la société , il en est le plus
ferme appui , par la nécessité de ne pas nuire à autrui , de
peur qu'en retour , autrui ne nous nuise . Ainsi la conservation
de l'homme et le développement de ses facultés dirigees vers
ce but , sont la véritable loi de la nature dans la production
de l'être humain ; et c'est de ce principe simple et fécond
que derivent , c'est lui que se rapportent , sur lui que se
mesurent toutes les idées de bien et de mal , de vice et de vertu ,
de juste ou d'injuste , de vérité ou d'erreur , de permis ou de
défendu , qui fondent la morale de l'homme individu ou de
Thomme social .
L'auteur pose ainsi les bases du bien et du mal , du vice et
de la vertu. Le bien , selon la loi naturelle , est tout ce qui tend
à conserver et perfectionner l'homme ; le mal est tout ce qui
tend à détruire et à détériorer l'homme. Le physique est tout
ce qui agit immédiatement sur le corps ; le moral est ce qui
n'agit que par des conséquences plus ou moins prochaines . La
verlu , selon la loi natwelle , est la pratique des actions utiles
à l'individu et à la société . Le vice est la pratique des actions
nuisibles à l'individu et à la société .
D. Comment la loi naturelle prescrit - eile la pratique du
bien et de la vertu , et défend - elle celle du mal et du vice ?
R Par les avantages mêmes qui résultent de la pratique du
bien et de la vertu pour la conservation de notre corps , et
par les dommages qui résultent pour notre existence de la
pratique du mal et du vice .
D. Ses préceptes sont donc dans l'action ?
R. Oui , ils sont l'action même considerée dans son effet
présent et dans ses conséquences futures.
D. Comment divisez- vous les vertus ?
· R. Nous les divisons en trois classes : 1º . vertus individuelles
ou relatives à l'homme scul ; 2 ° . vertus domestiques
ou relatives à la famille ; 39. vertus sociales ou relatives à la
société.
Les vertus individuelles sont au nombre de cinq principales
; savoir , la science , qui comprend la prudence et la sagesse
; la temperance , qui comprend la sobrieté et la chastete ;
le courage ou la force du corps et de l'ame ; l'activité , c'est- àdire
, l'amour du travail et l'emploi du tems ; enfin la propreté
ou pureté du corps , tant dans les vêtemens que dans l'habitation.
L'auteur revient ensuite sur chacune de ces vertus individuelles
, dont il donne le développement et l'explication.
Il entend par vertus domestiques , la pratique des actions
ntiles à la famille sensće vivre dans une même maison . Ces
vertus sont l'économie , l'amour paternel , l'amour conjugal ,
T'amour filial , l'amour fraternel , et l'accomplissement des devoirs
de mattreˆét de serviteur .
Quant aux vertus sociales , on en peut compter autant qu'il
ya d'especes d'actions utiles à la société ; mais toutes se rap
( 135 )
portent à ce principe fondamental , la justice , qui seule comprend
toutes les vertus de la société . En effet , les autres vertus
, sous les noms de charité , d'humanité , de probité , d'amour
de la patrie , de sincérité , de générosité , de simplicité de
moeurs et de modestie , ne sont que des formes variées et des
applications diverses de cet axiôme : Ne fais à autrui que ce
que tu veux qu'il te fasse , qui est la définition de la justice .
Les hommes étant égaux , libres , ne se devant rien , ils
n'ont le droit de se rien demander les uns aux autres , qu'au
tant qu'ils se rendent des valeurs égales qu'autant que la
balance du donné au rendu est en équilibre : et c'est cette
égalité , cet équilibre qu'on appelle justice , équité , c'est-à-dire ,
qualité et justice sont un même mot , sout la même loi naturelle
, dont toutes les vertus sociales ne sont que des applications
et des dérives.
Nous terminerons avec l'auteur par ces utiles réflexions sur
les avantages et la nécessité de l'union , qui fait la base et le
charme de la société .
D. Qu'entendez-vous par le mot patrie ?
R. J'enter.ds la communication des citoyens qui , réunis par
des sentimens frateruels et des besoins réciproques , font de
leurs forces respectives une force commune , dont la reaction
sur chacun d'eux prend le caractere conservateur et bienfai
sant de la paternité . Dans la société les citoyens forment une
banque d'intérêt ; dans la patrie ils forment une famille de doux
attachemens ; c'est la charité , l'amour du prochain étendu à
toute une nation. Or , comme la charité ne peut s'isoler de la
justice , nul membre de la famille ne peut pretendre à ses avan-.
tages que dans la proportion de ses travaux ; s'il consomme
plus qu'il n'en résulte , il empiete nécessairement sur autrui ;
et ce n'est qu'autant qu'il consomme au-dessous de ce qu'il
produit ou de ce qu'il possede , qu'il peut acquérir des
moyeds de sacrifices et de générosité.
D. Que concluez- vous de tout ceci ?
R. J'en conclus que toutes les vertus sociales ne sont que
l'habitude des actions utiles à la société , et à l'individu qui
les pratique , qu'elles reviennent toutes à l'objet physique de la
conservation de l'homme ; que la nature ayant implanté en
nous le besoin de cette conservation , elle nous fait une lois
de toutes ses conséquences , et un crime de tout ce qui s'en
écarte ; que nous portons en nous le germe de toute vertu ,
de este perfection ; qu'il ne s'agit que de le développer ; que
nous ne sommes genereux qu'autant que nous observons les
regles établies par la nature dans le but de notre conservation
; et que toute sagesse , toute perfection , toute loi , toute
vertu , toute philosophie , consistent dans la pratique de ces
axiômes fondes sur notre propre organisation , conserve - toi .
" in truis-toi , modere-toi , vis pour tes semblables afin qu'ils
• vivent pour poi . ›› 14
MERCURE
HISTORIQUE ET POLITIQUE.
LE
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 31 août 1794.
E symptôme le plus sûr de l'appauvrissement des états a
toujours été l'augmentation des impôts . C'est le fléau qui
frappe aujourd'hui sur tous ceux qui ont eu l'extravagance
d'entrer dans la double coalition . Déja l'Angleterre et
la Hollande sent obligées de se faire les trésoriers de la ligue
qui agit contre la France . Bientôt la Russie sera dans ie même
cas envers la Prusse et l'Autriche qu'elle a engagées dans la
guerre contre la Pologne . L'impératrice , dont les embarras
et les sollicitudes augmentent à mesure que les affaires du Nord
se compliquent , se voit forcée de recourir à de nouvelles contributions
. Il est question de lever une taxe annuelle d'un
rouble par fenêtre dans les grandes villes , et d'un demi -rouble
dans les autres . La capitation et les autres impôts viennent
d'être augmentés , et les effets publics éprouvent un discrédit
sensible. Il n'y a que la France qui ne partage point cet embarras
parce qu'elle seule a l'inappréciable avantage d'un
papier -monnaie hypothéqué sur plusieurs milliards de biens
nationaux , et que les sacrifices d'un peuple libre sont inépuisablas
comme ses sentimens , pour la liberté .
Le bruit se répand que des vaisseaux russes ont forcé le
détroit du Sunde , et qu'ils se dirigent vers la Manche . Il est
difficile de croire que la Suede et le Danemarck , qui ont tant
d'interêt à fermer la Baltique , en aient souffert aussi facilement
le passage . Cette nouvelle est donc du nombre de celles dont
il faut se defier . Il en est de même de celle qu'on mande des
frontiéres de Pologne , que les Russes se sont avancés jusques
vers le fauxbourg de Prag. Ce bruit s'accorde peu avec les avis
qu'on reçoit de Varsovie , à la date du 18 août.
3
Tout y est tranquille , dit-oonn ; le roi de Prusse est toujours
dans l'attente du gros train d'artillesie , dont la premiere
division doit se rendre le 19 à Breslaw . On a fait l'ouverture
de la tranchée devant Varsovie , ou plutôt devant le camp de
Kosciuszko qui couvre cette ville ; et les batteries sont augmentées
. La nuit derniere, les Polonais tenterent de forcer un village
occupé par les Prussiens , à la gauche du camp de Wola .
Pour mieux couvrir leur dessein , ils firent une fausse attaque
à sa droite celle de la gauche s'exécuta avec beaucoup de
I
7
( 137)
vivacité , et la canonnade fut très -forte ; cependant les Prussiens
parvinrent à repousser les Polonais .
,, La disette commence à se faire sentir dans le camp prussien
. Il a fallu prendre des mesures pour lui fournir de la
viande , des légumes et autres objets . Il y a aussi des maladies .
Le général Favrat a dû entr'autres , pour cette raison , être
transporté à Rasczyn . Eugene de Wurtemberg a quitté l'armée .
,, Un officier Russe , habillé en Polonais , était parvenu à
pénétrer dans le camp de Kosciuszko , dans le dessein d'apprendre
des détails sur la situation de la ville . Il a été arrêté ,
et condamné à être pendu.
,, Le tribunal révolutionnaire de Varsovie a jugé les individus
qui ont pris part aux meurtres et aux violences du 28
juin. Il a été constaté qu'ils n'avaient agi qu'à l'instigation des
puissances coalisées . Leurs peines ont été différentes suivant
la part plus ou moins grande prise à ces événemens . Sept des
accusés out été condamnés à être pendus ; cinq à un emprisonnement
plus ou moins long , et plusieurs autres au bannissement
. D'autres , notamment le cordonnier Kiliuski , ont
été mis en liberté , comme n'ayant agi que par égarement et
nullement dans des vues criminelies .
Une nouvelle proclamation a été publiée par le conseil
national : elle enjoint à tous les Polonais qui se trouvent chez
l'étranger , sans mission du gouvernement , d'accourir à la défense
de la patrie . On lenr doune trois mois pour se reudre
en Pologne ; à l'expiration de ce délai , s'ils ne sont pas rentrés
, ils perdront leurs droits de citoyen et leurs biens.
Le palais de Radzivile et plusieurs autres , la salle de redoute
et le théâtre de Varsovie ont été changés en hôpitaux .
" Dans les derniers combats qui ont eu lieu en Courlande ,
entre les Polonais et les Russes , ces derniers ont perdu le
général Cazalinow et plusieurs autres officiers distingués . Le
lendemain de la déroute des Russes devant Lieban , les Po-
Jonais les ont attaqués de nouveau , et les ont complettement
défaits.
On apprend que le prince Repnin vient de partir de Riga
pour prendre le commandement de l'armée russe ; Galitzin qui
commande un corps de dix mille hommes est chargé d'aller
tenir tête aux Polonais qui se renforcent chaque jour dans la
Courlande et la Samogitie . "
On apprend de Stockholm , en date du 20 août , que les
états de Pomeranie doivent y envoyer incessamment plusieurs
députés , parmi lesquels on reinarque des citoyens distingués
par leurs talens et lear patriotisme . On annonce que cette
députation doit s'occuper , conjointement avec le gouverne
ment suédois , des mesures que la situation de la Pologne
peut l'engager à prendre contre un ennemi commun.
Une nouvelle compagnie d'artillerie est arrivée à Stralsund ,
où elle doit être organisée en artillerie volante . Ce nouveau

1
( 138 )
1
renfort , ajoute aux forces déja considérables qui se trouvent
dans cette contrée , semble propre à confirmer l'idée qu'on a
pu se faire déja des dispositions du cabinet de Stockholm .
On apprend en même tems de Copenhague , que l'amirauté
a donné ordre à une escadre de vaisseaux danois et suédois ,
de mettre sur-le- champ à la voile , pour se rendre dans la mer
du Nord. Cette escadre a reçu des approvisionnemens pour
dix semaines , et sera commandée par Vinterfeld . On doit , dès
demain , renforcer l'artillerie des vaisseeux restaus ; ce qui fait
présumer qu'ils mettront bientôt à la voile . Vinterfeld a reçu
un ordre cacheté qu'il ne doit ouvrir qu'à une hauteur désignée.
Des nouvelles de Russie portent qu'il vient de se former un
nonveau volcan près de Taman .
-
Le 27 février , à huit heures et demie du matin , on entendit,
tout à coup près de la langue de terre septentrionale ,
à douze werstes , en ligne droite de Taman , sous la montagne
clevée , située dans le district de Paschkoc , un bruit souterrein
semblable à celui du tonuerre . Bientôt après s'éleva , du
sommet de la montagne , une épaisse colopne de fumée et de
feu , qui resta suspendue dans les airs pendant près d'une
demi - heure ; ensuite la montagne commença à vomir , à une
distance d'un werste , une maiere argilleuse et des pierres .
Le lendemain on en trova le terrein couvert à une hauteur
considérable ( p . 2. 1. s . 2. jusqu'à 4 arschiene ) . L'ereption
a duré jusqu'au troisieme jour ; la flamme se montrait encore
de tems en tems , et l'on entendait dans la montagne un
bruit semblable à celui de l'eau bouillante . Ce phénomène est
d'autant plus remarquable , qu'il peut servir à répandre beaucoup
de jour sur l'histoire naturelle de cette contrée . On sait
maintenant d'où sont venues les ouvertures circulaires qu'on
avait observées depuis long- tems sur quelques montagnes et
hauteurs de l'isle de Phanagoria , et d'où sortait sans cesse une
espece de limon fluide ct sale qui , dans quelques endroits , est
mêlé de naphie ( bergohl . )
Une escadre française , sortie de Brest , et composée de
quatre frégates et trois corvettes , croise actuellement dans la
mer du Nord sur les côtes de Norvege .
De Francfort- sur- le -Mein , le 4 septembre.
}
Il est aujourd'hui bien décidé que l'Autriche est à la solde
de l'Angleterre . Tel a été le résultat des négociations de lord
Spencer et de Thomas Grenville . Les gazettes ont publié la
note que les commissaires Anglais ont remise aux ministres
Autrichiens pour traiter de cette affaire , et l'on y remarque le
préambule suivant : Comme il n'est point juste que les états
autrichiens supportent à eux seuls les frais de la guerre , et
que l'Angleterre se voyant , par des circonstances imprévues , dé
( 139 )
chargée d'autres engagemens , l'intention du roi de la Grande-
Bretagne est que , etc. Il est aisé de voir par ces expressions
que l'Angleterre ne continue plus ses subsides au roi de Prusse.
Le cabinet de Londres se plaignait de ce que Frédéric- Guil-
Jaume , après avoir touché plusieurs termes , ne remplissait
point ses engagemens .
D'an antre côté , des politiques qui paraissent bien connaître
le plan de conduite du cabinet de Saint James , disent
que , lorsqu'il remarque qu'un des alliés , fatigué et épuisé ,
est près d'abandonner la coalition , il a grand soin de courir
après lui et de lui offrir des subsides , pour l'engager à chân
ger de dessein ; il se promet , dans la grandeur de sa dissimulation
, de ne lui payer qu'un seul terme , et se flatte
qu'après lui avoir fait manquer ainsi l'occasion de songer à
une paix particuliere , les événemena subséquens forceront ,
malgré lui , son allié trompé , de continuer la guerre . Il faut
convenir que ces conjectures semblent très - vraisemblables ,
pour ne pas dire prouvées . Il est certain que le roi de Prusse
était très éloigné de la coalition en général et de l'empereur
en particulier , lorsque l'Angleterre est venue lui offrir des
subsides qu'elle ne vent plus lui payer maintenant . Il est également
certain que l'empereur , avant les négociations de lord
Spencer , était tout aussi défavorable à la coalition . Les alliés
de la Grande- Bretagne ne s'appercevront - ils pas qu'ils sont
ses dupes ?
Il est arrivé ici un grand nombre de personnes arrêtées
dans la Hongrie , et accusées d'avoir conspiré contre le gon
vernement . Il faut que celui- ci soit bien loin de croire qu'elles
sout les seules mécontentes , car on écrit de Croatie qu'un
grand nombre de troupes se portent vers la Hongrie . On dit
même que l'empereur doit s'y rendre en personne.
Des lettres de Gallicie apprennent que les troupes autrichiennes
qui étaient entrées en Pologne ont reçu l'ordre de
rétrograder , et sont déja en marche pour rentrer sur les possessious
autrichiennes . Cette circonstance semble indiquer que
les différends survenus entre le cabinet de Vienne et celui de
Berlin , au sujet de la Pologne , et qui avaient dėja éclaté
n'ont pu être accommodés .
La retraite de Cobourg est positive . Après avoir remis le
commandement de l'armée à Clairfait , il est parti pour Vienne .
Voici le discours qu'il a adressé à l'armée avant son départ.
et
S. M. I. ayant bien voulu avoir égard à ma très - humble
supplique , en acceptant , à cause de ma santé délabrée ,
de la diminution continuelle de mes forces , ma démission
de général en chef de l'armée principale , et en conférant
le commandement suprême de cette armée au général Clairfayt;
en conséquence , l'armée est instruite de ce changement. Je
profite de cette occasion pour témoigner aux généraux
officiers , et à toute l'armée en général , les sensations doulou
( 140 )
reuses que me cause cette séparation . Je les prie d'être convaincus
que mon estime pour des troupes si braves , ma reconnaissance
pour leur bonne volonté , pour leur attachement ,
leur amitié pour moi , seront invariables , comme leur sonvenir
me sera toujours précieux . Mes voeux pour le succès et
la gloire de leurs armes les accompagneront par- tout ; et si
je cesse en ce moment d'être leur chef et leur guide , je ne
cesserai jamais d'admirer leurs mérites , de me réjouir de leurs
hauts-faits , et d'être , fier de leur amitié .
Je me tiens persuadé qu'ils considéreront l'expression
de mes sentimens comme l'effusion d'un coeur profondément
ému , et comme la derniere preuve de mon dévouement et de
mon estime . "
Les nouvelles du Bas-Rhin n'annoncent rien de bien important
. Il Y a eu le 29 , près d'Epstin , une affaire assez chaude
entre différens corps autrichiens , prussiens et français , où
ceux ci ont eu l'avantage , et les ont repoussés jusqu'au canal
de Frankental. Selon les avis du Haut-Rhin et de la Meuse ,
on est à la veille d'une attaque générale de la part des Répu
blicains.
PROVINCES - UNIES IT BELGIQUE.
Suivant ce que l'on apprend de Leyde , à la date du 2 septembre
, il paraît que la répartition qui s'est faite des corps
de la grande armée impériale qui sont allés former des petits
camps vers Spa , Verviers , Esnecy , Montjoye et Malmedy ,
a causé un grand mouvement de la part de l'arinée anglaise ,
campée jusqu'ici près d'Oosterhom , dans le district de Breda .
Une partie de cette armée doit avoir quitté cette position ,
pour se porter dans les Pays - Bas par Diest. Ce dernier mouvement
a facilité aux Français l'occasion d'entrer en grande
force sui le territoire hollandais le long de toute la lisiere ,
depuis Berg- op Zoom jusqu'à Bois - le-Duc. Le 26 , ils ont fait
une attaque générale sur tons les postes qui la couvraient .
Dans une de ces rencontres , le major Liusing des troupes
hanovriennes , est tombé entre leurs mains . Cette attaque générale
des avant-postes annonce des entreprises plus considérables
, et particulierement le siége de Breda . Les Français
se sont approchés de la place le 28 , et un officier accompa
gne de deux trompettes , est venu la sommer de se rendre .
Le quartier-général des troupes hollandaises , qui y était établi ,
l'a quittée , ainsi que le comissariat . Le stadthouder et sa famille
en étaient revenus , le 28 , à la Haye .
Des avis ultérieurs confirment que Breda est entiérement
cerné , et que tou ! se dispose de la part des Républicains pour
assiéger cette place avec la plus grande vigueur.
Il paraît certain qu'on médite une expédition contre la
Zélande , car tous les bateaux , toutes les barques , toutes les
( 141 )
chaloupes et autres embarcations de la Flandre , viennent d'être
mises en requisition au nom de la République Française ; ce
qui annonce un projet de descente sur les côtes de la Zélande ,
qui ne sont séparées de celles de la Flandre que par l'Escaut
occidental .
Le 27 , il est arrivé à Flessingue plusieurs transports anglais
ayant à bord un corps de troupes qu'on évalue à 3,350 homm .
Les Autrichiens occupent toujours leur position sur les hauteurs
de la Chartreuse près de Liége ; ce qui a obligé les Français
et les Liegeois d'abattre le fauxbourg d'Amercoeur , dont
les maisons s'étendaient jusqu'aux postes ennemis . Les chasseurs
Tyroliens , postés le long de la rive droite de la Meuse ,
inquietent beaucoup avec leurs carabines les citoyens qui se
montrent sur les quais ; mais on croit que ces guets - à - pend vont
cesser par les dispositions que fait le général Jourdan pour
une attaque prochaine. On assure que l'armée du général
Scherer , qui avait cerné Valenciennes et Condé , va être divisée
en deux parties , dont l'une est destinée pour l'armée du
général Pichegru , et l'autre moitié pour celle du général
Jourdan.
ANGLETERRE. De Londres , du 30 août.
Tous les papiers ministériels ont annoncé que l'escadre de
l'amiral Howe a mis à la voile le 19 : elle est composee de
3 vaisseaux de 110 canons , de 5 de 98 , et de 36 autres vaisseaux
ou frégates , sans compter les corvettes et les cutters ; on
la croit déja dans le canal .
On continue toujours les levées en infanterie et en cavalerie
.
On a reçu des nouvelles de l'Inde qui annoncent la mort
de Majee - Scindia , chef des Marathes , le même qui a souvent
excité la guerre dans l'Asie : la disette regne dans ces contrées :
les habitans de l'Inde sont réduits à subsister de poisson , qui
est très rare. Les corsaires français ont fait dans ces parages
des prises très - considérables. L'Amelia Charlotta , vaisseau de
la compagnie danoise des Indes , a rencontré dans sa traversée
, 50 voiles américaines , venant d'Amérique et destinées
pour Bordeaux .
Il s'est tenu hier un conseil auquel ont assisté Pitt , lord
Grenville , le chancelier , le duc de Portland , lord Fitzwilliam
et lord Amherst. Le secrétaire d'état , Dundas , et Windham
partirent simmédiatement après sa levée , pour se rendre à
Habrood , afin d'y conférer avec lord Cornwallis . Un messager
d'état avait été envoyé à ce dernier , à sa terre dans le
comté de Suffolk , pour qu'il se rendît dans ce lieu . On
suppose qu'il aura été chargé d'une nouvelle mission sur le
Continent , relative aux négociations qui sont maintenant en
train . Mercy-Argenteau , arrivé ici depuis peu pour le même
abjet , est mort hier . Il était malade de la fievre qu'il avait
( 142 )
1
prise pendant son séjour à Hellevoet- Sluys , où il a attendu
quelque tems la frégate qui devait le conduire en Augleterre,
Depuis son débarquement il avait été contraint de garder
le lit , et il n'a pu voir aucun des ministres britanniques.
L'ambassadenr russe , Woronzow , a fait part au ministere
de l'arrivée d'une escadre de six vaisseaux de ligne et de
quatre frégates de sa nation , à la rade de Leith . L'amiral qui
les commande a envoyé ici son capitaine de pavillon pour
prendre des instructions sur sa destination ultérieure .
Des lettres de Dublin annoncent qu'il s'était fait dans cette
ville un attroupement dont le but était de mettre en liberté
les prisonniers détenus pour cause de sédition . On avait choisi
le jour où il est d'usage de prendre l'épée de la ville de la
main du lord maire , lorsqu'il parcourt les limites de la ville :
mais comme on eut connaissance du projet et commencement
de cet attroupement , la cérémonie fut différée , et cet événement
n'a point eu de suite .
Il y a peu de jours , un incendie considerable s'est manifesté
à Westminster. Le Manege et les chevaux qu'il renfer
mait ont été entierement consumés avec plus de quarante
maisons.

Relation de l'ambassade de lord Macartney à la Chine.
Lord Macartney arriva à l'embouchure de la riviere qui
conduit à Pékin , en juillet 1793 , avec son escadre composée
du Lion , de 64 cañons et de trois petits bâtimens . Le vaisseau
jetta l'ancre à très - peu de distance de la terre , et les petits
baumens approcherent presque jusqu'à l'embouchure de la
riviere , où ils trouverent plusieurs bateanx prêts à recevoir
l'ambassadeur et sa suite . Deux mandarius de haut rang l'attendaient
sur le rivage , qui était couvert de Chinois .
A sou arrivée à Pékin , il trouva , par les ordres de l'empereur
, nne grande maison fournie aux dépens du gouvernement ,
de tout ce qui pouvait être nécessaire en commodités et en
vivres pour lui et pour toute sa suite . L'escadre fut envoyée
dans un port appellé Ter- Chaew , qui est à environ quatre
journées de navigation au sud de Pekin . Pendant le séjour
qu'elle y fit , en attendant les ordres de lord Macartney , elle
reçut gratuitement tout ce dont les équipages pouvaient avoir
besoin , et même ce qu'ils pouvaient desirer. Il fut permis aux
bâtimens d'aller dans tous les ports ou rivieres de cette côte
sans être inquiétés . Un mandarin d'un certain rang ayant insulté
un des volontaires du Lion , il en fut porté plainte : le mandarin
fut dégradé . On lui ôta le bouton et le bonnet qui sont
les décorations de cette dignité . Il reçut ensuite la bastonnade
avec un barbon .
Loid Macartney , avec sa suite , quitta Pekin au commen.
cement de novembre , pour se rendre à Jehon , résidence de
( +43 )
campagne de l'empereur , environ cent cinquante milles de
la capitale , et y arriva le 14. Il y fut reçu avec les mêmes céré
monies qui avaient été observées pour l'ambassade hollandaise
en 1616. Après avoir présenté ses lettres de créance , lord Macartney
saiua l'empereur suivant l'usage de la Chine , en frappant
neuf fois la terre avec son front . L'empereur le fit mettre
à sa gauche , qui est la place d'honneur dans celte cour . Il fit
ensuite apporter du the et en prit avec lui . Quelque tems
après , l'empereur se retira pour diner et ordonna à quatre
mandarins de la premiere classe de diner avec l'ambassadeur.
Il eut encore une autre audience de l'empereur , qui se passa
avec les mêmes cérémonies , et pendant laquelle il fut ordonné
que les présens seraient portés au palais .
L'empereur a 85 ans ; c'est un homme encore plein de santé
et de vigueur. Il était habillé d'une étoffe jaune , couverte de
broderie. Il fit beaucoup de questions et parut faire une atten
tion particuliere au fils de George Staunton qui parlait un peu
chinois.
Le 20 , lord Macartney retourna à Pékin , où il arriva le 25
et le 30 , il quitta cette ville pour se rendre à Canton . L'empe
reut lui avait donné permission de visiter toutes les villes et
les provinces de la Chine , et avait commandé à trois manda
rins de la premiere classe de l'accompagner avec une garde
nombreuse , et de veiller à ce que les voitures et toutes les
choses nécessaires pour son voyage lui fussent fournies en
abondance .
Nous avons déja dit que lord Macartney n'avait pas rempli
le principal but de sa mission ; il a obtenu cependant un ordre
de l'empereur pour obliger tous les officiers du gouvernement
a porter des habits de drap , pendant trois mois de l'année ,
Quelqu'un de sa suite faisant observer à un négociant les
grandes dépenses que cette ambassade coûtait au roi d'Angleterre
, celui- ci lui répondit que celle de l'empereur de la Chine ,
pour cet objet , monterait à plus d'un million de dollars ; ee
qui étonnera d'autant moins qu'il n'y a pas un seul matelot
des équipages qui n'ait reçu quelque présent.
Malgré les ordres de l'empereur , les Chinois ont laissé entrevoir
beaucoup de jalousie sur le séjour des Anglais à Canton.
Cependant jamais il n'a été permis à un vaisseau de
guerre de pénétrer si avant , puisque le Lion est allé jusqu'à
Whompoe.
Les présens de l'Angleterre consistaient en une orrérie ,
deux globes , un thermaêtre , deux chaises de Merlin , deux
grands canons d'airain , une bouteille de phosphore , une vue de
Windsor , un tapis tissu d'or , deux beaux tapis de laine , deux
selles brodées en or , une voiture d'été et une d'hiver , dix
sabres , une paire de beaux chandeliers , un modele de vaisseau
de cent canons richement orné , et une balle d'étoffes de
toute espece.
( 144 )
La magnificence de l'empereur , de sa cour , des mandarins ,
surpasse tout ce qu'on peut, ea dire ; les étoffes de soie , les
lacques , les porcelaines donnent à leurs appartemens la plus
brillante apparence . On ne les met en parade qu'à l'occasion
de quelque grande cérémonie ; car leurs lois contre le luxe
sont très- séveres , ce qui fait régner la simplicité sur tout ce
qui les environne dans la vie commune . Dans les grandes occasions
, lorsque les grands mandarins sont dans leur habit de
cérémonies , rien de plus pompeux que leur équipage , qui est
toujours proportionné à leur ang . On ne peut concevoir un
spectacle plus magnifique que celui d'un nombre immense de
mandarins , décorés des marques de leur dignité , et placés
suivant leur rang , quand l'empereur tient sa grande cour.
Auprès d'eux sont les ministres d'état , les présidens des premiers
tribunaux , les gouverneurs et princes du sang , et des
deux côtés une multitude de soldats sous les armes.
Chacun sait où se placer , parce que le nom de tous les emplois
et offices est gravé sur des plaques de cuivre incrustées
sur le pavé de marbre. Une grande pierre précieuse , placée
au haut du bonnet , et la différence de sa couleur , servent à
distinguer les rangs . Des plumes marquent les grades , suivant
la promotion ou la dégradation . Car , quand un mandarin a
commis quelqu'offense , le public en est instruit par une plume
de corneille qu'il est obligé de porter , en sorte qu'il est luimême
le héros de sa disgrace , d'autant plus que , quand il
donne ou signe des ordres dans la province de son ressort ,
il est tenu , après avoir détaillé ses emplois , d'ajouter avant
sa signature , dechu de taut de grades , et portant maintenant
la plume de corneille , ou toute autre à laquelle il peut avoir
été condamné ; et il ne peut s'exempter de cette humiliante
formalité , que lorsque l'empereur a jugé à -propos de l'élever
à quelque nouvelle dignité . "
Les mandarins de premiere classe ne voyagent jamais qu'en
grand appareil . S'ils vont par eau ( comme ils le firent lorsqu'ils
accompagnerent lord Macartney , quand il alla visiter les bâtimens
et les jardins d'une isle voisine de Gehol ) , la barque dans
laquelle ils sont est magnifique , et précede le grand nombre de
celles qui portent leur suite. S'ils voyagent par terre , ils le
font dans une litiere , et quelquefois suivant leur fantaisie ou
l'exigence du tenis , dans une chaise tiree par des mules et
même par des hommes . Des chevaux de main les accompagnent
, et ils sont précédés ou suivis par un grand nombre de
domestiques et de soldats .
( La suite au numéro prochain.Į
RÉPUBLIQUE
( 143 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.

PRESIDENCE DE BERNARD ( de Saintes ),
Séance du septidi , 27 Fructidor.
Un membre dénonce les vexations arbitraires qui s'exercent
contre un de ses collegues , Mercier , le précurseur de la révolution.
Deux sections se sont disputées le barbare plaisir
de tourmenter sa femme et ses enfans . La section du Panthéon
a mis chez lui un garde ; on doit s'empresser de faire cesser
un acte aussi arbitraire. Goupilleau observe que si la citoyenne
Mercier s'était adressée au comité de sûreté générale elle aurait
obtenu justice . Un membre répond qu'elle y est allée ,
s'est adressée à un commis qui lui a dit avec humeur : Ce n'est
pas toi qui paie ton garde ; et il l'a renvoyée. Sur cétre récla
mation on demande le renvoi au comité de sûreté générale , et
il est décrété.
et
Lozeau prononce une opinion dans laquelle il démontre les
inconvéniens qui peuvent résulter des propositions faites par
Fayan sur le changement de vente des biens nationaux. Il
prouve évidemment qu'il résulterait de ces propositions l'affaiblissement
du gage des assignats ; que ce serait prêter à la malveillance
des motifs du discrèdit , et de crier à la banqueroute
que ce serait mettre dans l'impossibilité dé continuer la guerre ;
qu'il est contre tous les principes de vouloir qu'une nation
de vingt-cinq millions d'hommes soit toute composée d'agriculteurs
; qu'un cordonnier , qu'un maçon sont aussi utiles à
le société qu'un laboureur.
La Convention ordonne l'impression du discours , et le ren
voi aux comités chrrgés de l'examen de celui de Fayau .
Gaston attaque les propositions de Lozeau , comme devant
entraîner les suites les plus désastreuses . Il prétend que la motion
de Fayau est une motion très-sage.
Thuriot demande pourquoi , lorsqu'on a déja porté'atteinte
au crédit public , on revient sur des paradoxes qui l'ont altéré .
Bourdon de l'Oise aborde plus directement la questions.
Je crois , dit-il , que la motion de Fayau a été dictée par des
intentions pures , mais elle a produit un effet tellement fu
neste , que depuis qu'elle a été faite les assignats ont perdu
33 pour 100. Nous sommes peuple , et nous voulons le bon
heur du peuple ; mais serait- ce le vouloir que de rendre un
décret qui , populaire en apparence , appauvrirait tous les citoyens
, en paraissant leur donner une propricté un décret
Tome XI. K
( 146 )
ui , en accordant 20 ans pour le paiement des domaines na
tionaux , ne nous permettrait jamais d'accomplir le voeu qui est
dans le coeur de chacun de nous , de supprimer dans des circonstances
plus paisibles les impôts à répartition ? Si la monnaie
de la révolution perd de son prix , la dette s'accroît ; et
si la dette s'accroît , nous ne voyons pas le moment où nous
pourrons réaliser nos projets pour la félicité du peuple. , II
termine par demander la question préable sur la motion de
Fayau.
Cambon appuie la question préalable . La République pos
sede pour 13 à 14 milliards de propriété . Mais pour que la
nation en retire une valeur réelle , il faut en favoriser la vente.
Ceux qui qualifient sans cesse de fripons les acquéreurs de
biens nationaux , font naître les abus qu'ils veulent détruire .
Il en résulte que les hommes probes , mais timides , n'osent se
présenter pour acquérir , et alors des compagnies se forment ,
profitent de l'absence des enchérisseurs , et engloutissent tout.
Il s'éleve ensuite contre la propostion de Bourdon , par laquelle
il annonce le voeu de la suppression prochaine des impôts . Il
la regarde comme dangereuse pour le crédit public et la sûreté
des créanciers de la République . Il demande que la Conwention
rejette , par la question préalable , toute motion tendante
à entraver la vente et le produit des domaines nationaux
qu'elle ne prenne aucun engagement de supprimer les
impôts , et que dans les sacrifices qu'exige et que pourra exiger
la situation de la République , il soit déclaré que les propriétés
seront scrupuleusement respectées , et que la nation
veillera à ce qu'il n'y soit porté la moindre atteinte .
Les propositions de Cambon sont décrétées au milieu des
plus vifs applaudissemens .
Séance d'octidi , 28 Fructidor.
Un membre annonce qu'il regne dans le département de
l'Aveyrou une maladie épidémique qui y cause les plus grands
ravages. Les citoyens manquent des secours de l'art. Il demande
que le comité de salut public soit chargé d'y envoyer
des officiers de santé et tout ce qui est nécessaire pour empêcher
les progrès de ce fléau terrible . Renvoyé au comité
de salut public.
Edme Petit obtient la parole pour une motion d'ordre . Dans
an discours étendu sur la situation actuelle de la République
dans l'intérieur , il développe toutes les calamités qu'avait produites
le systême de Robespierre. Il termine en proposant le
projet de décret suivant :
66 1º. Qu'il est défendu à tous les membres de la Convention
de se servir dans leurs discours , motions ou rapports , des mots
ajoutés depuis Ir révolution à la langue française , soit pour
Exciter la division ou désigner des partis : ces mots sont , en(
147 )
tr'autres , ceux de montagne , plaine , marais , muscadins , fédéraå
listes , jacobins , aristocrates , feuillans , brissotins , ete.
,, 2º . Ceux qui contreviendront à cet article seront pour la
premiere fois rappellés à l'ordre , et pour la seconde fois , cons
damnés à une reclusión jusqu'à la paix.
,, 3º . Chacun des membres de la Convention sera tenu de
faire imprimer , dans un mois , le compte de sa fortuné , de ses
moyens d'existence , de ses pertes ou bénéfices depuis le 14
juillet 1789 ; il y joindra l'historique abrégé de ce qu'il a pu
faire pour la révolution . Ces comptes seront imprimés aux frais
de la République et envoyés à toutes les communes.
» 4° . Le comité d'instruction publique est chargé de rédiger
un ouvrage périodique , destiné à donner aux mois de la langue
française leur véritable sens , et à la morale républicaine sa véritable
énergie.
,, 5º. Les comités d'agriculture , de commerce et des finances
, présenteront , dans le plus court délai , les moyens de
rendre la liberté au commerce et de diminuer le prix des denrées
de premiere nécessité.
Plusieurs membres demandent l'impression de ce discours
d'autres l'ordre du jour , et se fondent sur ce que parmi des
›vues utiles , il y néanmoins des erreurs dans ce discours , eg
des mesures dangereuses dans le projet de décrét. Cependant
la Convention a porté ses regards sur le dernier article , relatif
aux moyens de revivifier l'industrie et le commerce . Plusieurs
membres ont rappelle les vexations qu'on avait exercées envers
les négocians. Il suffisait d'avoir cette profession pour être
raité d'aristocrate , d'accapareur , et ensuite persécuté , soumis
à des taxes arbitraires et incarcéré .
Toutes ces observations donnent lieu au décret suivant :
" La Convention nationale charge tous ses comités et tous
ses membres de méditer sur les moyens à prendre pour vivifier
l'agriculture , l'industrie , les sciences , les arts et le commerce.
et de lui présenter leurs vues sur cet objet important , qu'elle
recommande à toutes les sociétés populaires. Elle invite tous
les citoyens de s'en occuper et de lui faire parvenir le résultan
de leurs méditations . "
Thuriot appelle l'attention de la Convention sur l'affluence
d'hommes récemment arrivés à Paris pour présenter des plaintes
contre les représentans envoyés en mission . Il est loin de leur
prêter des intentions coupables . Mais l'assassinat de Tallien
doit donner l'éveil aux amis de la liberté . On ne voit aujour
d'hui que la répétition de ce qui se passa apres l'acceptation
de la constitution . Alors aussi Paris était rempli de réclamans ;
la Convention prit une mesure sage . 11 propose de la renouveller
, en décrétant que le comité de sûreté générale s'occupera
des moyens de connaître le nombre de ces envoyés , le
sujet de leurs missions et leurs moyens de subsistance.
2
( 245 )
Cette proposition est décretee.
Sur le rapport de Boudiu , au nom du comité d'agriculture.
le décret suivant est rendu :
- Art, le5. Il est defendu aux particuliers d'introduire leurs .
pores daus les forêts nationales jusqu'au 1er, frimaire . Les
porcs pristea contravention, seront confisqués .
H. Sont exceptés de cette disposition les bois , nationaux ,
dans, lesquels il ne se trouve point de hêtres . Les pores peuvent
y être admis cette année comme les précédentes .
III . Les autorités constituées ne pourront faire aucune
adjudication de glandée ni de fainée dans les forêts nationales ;.
etlles qui auraient pu être faites avant la promulgation du présent
decret sout nulles et non aveņues .
IV. Les propriétaires ou possesseurs de hêtres seront tenus
de déclarer à leur municipalité , avant le 20 du mois vendé
miaire & qu ils sont dans l'intention d'er ramasser le fuit pour
étre converti en huile , A défaut de déclaration , la municipalité,
fera proclamer qu'il est libre à tout particulier de ramasser le
fruit desdits arbres .
V. Les administrateurs de district sont autorisés à fournir ,
saus prix de location , à ceux qui auront de la faine à serrer
les emplacemens convenables qui se trouveront dans les bâti-,
mens nationaux à leur disposition .
29 Vil , La faîne des forêts nationales , qui ne pourra être ra
masiée par des particuliers , le sera pour le compte de la nation
par les soins des administrations de districts et des municipalitésen
to
2
VII. La commission d'agriculture et des arts prendra
toutes les autres mesures nécessaires pour que la faîne de la
récolte de cette année soit exactement ramassée et convertie en
huile.
Séance de nonidi , 29 Fructidor.
Les officiers de santé en chef de l'hôpital militaire des braves
de Namur endent compte à la Convention nationale du trait
suivant :.

"" Le 17 fructidor à 6 heures du soir , le citoyen Cheallot
âgé de 23 ans , charretier en requisition pour le service
de la République , voulant tourner sa voiture sur le
hords de la Sambre , est entraîné au plus profond de la riviere
avec ses deux chevaux , sur l'un desquels il était monté
et sa voiture chargée d'effets de campemens . Ce malheurenx
pe sachapt pas nager , allait périr , losque Julie Flon , blanchisseuse
, âgée de 17 ans , se jette dans une barque , atteint
Chevallot , le saisit par les cheveux , mais la faiblesse de son
sexe, ne lui permettant pas d'enlever un homme de cinq pieda
ix pouces et d'une grosseur proportionnée , elle appelle à
son secours, la femme Handar, autre blanchisseuse , âgée de
53 ans celle-ci prend un batelet , elles parviennent ensemble
C
( 749 )
X
retirer de l'eau ce Jenne homme sans connaissances; qui scen
pendant n'avait pas perdu tout sentiment ; elles le transportent
chez ciles , et lui administrent tous les secoursino cessaires.
Comme il ne donnait qu'un peu de signe de vie , oh le porte à
l'hôpital militaire . Après avoir employé successivement et
avec avantage les remedes indiques , les officiers de santé ont ep
la satisfaction de le rendre à la vie .
" En faisant l'éloge du courage et du dévouement de Julie
Flon etde la femme Handar , its ajoutent que ces deux citoyennes
sont connues à Namur par leur attachement pour les Français,
dont elles ont donné plusieurs fois des preuves , ce qui leur a
suscité plusieurs fois des persecutions de la part de nos ennemis.
"
1
La Convention décrete la mention honorable de cette belle
-action , l'insertion au bulletin et le renvoi aux comités d'instraction
et de salut public..
Un membre , au nom du comité de commerce , soumet
plusieurs observations sur les moyens de revivifier le com
merce et l'industrie . Il conclut par le projet de décret suivant
:
66
* ,
Tout citoyen dont l'industrie et les relations commerciales
tendent à viviher le commerce et a introduire dans la République
des matieres premieres , pour alimenter nos manufac
tures , mérite bien de la patrie .
1 Le droit de requisition et de préhension ne pent eire exercé
sur les matieres premieres qu'il justifiera avoir fait venir de
l'étranger pour alimenter ses manufactures . ,
Villers -appuie ce projet . Il pense aus»i qu'il fandra en venir
au point , pour rendre la liberté entiere au commerce , d'a
néantir les loix sur le maximum et les accaparemmens . Mais
ce tems heureux n'est pas encore arrivé . Il faut que la Convention
s'occupe , sur tout dans ce moment , des manufactures.
Nous avons besoin , dit -il , de moyens d'échanges ; pour nos
relation commerciales , et où les trouverons vous ailleurs que
dans nos manufactures ?
Theriot observe que ce projet est de la plus haute impor
tance . Il en demande 1 impression et l'ajournement .
Lakanal présente le plan de la ceremonie qui doit avois
lien dans ce jour , et un projet de décret dont voici les bases .
La Convention nationale decrete que , la seconde décade de
Vendemiaire , les cendres de J. Jseront portées au Panthéon
Français La commission d'instruction publique est chargée
du plan de fête proposée par le comite d'instruction publique.
On décrete l'impression du décret , du discours , ainsi que
Fenvoi aux départemens , aux armées jet sur-tout à Geneve.
Le cortege sera composé d'un groupe de musiciens executant
des airs du Devin du village .
Le second , de botanistes portant des faisceaux de plantes ,
150 Y
*aveċ cette inseription ; L'étude de la nature fut sa plus chere
#becupations så enkla ! , * 3 !, མ
Le troisieme , d'artistes de toute espece avec les instrumens
dé leurs arts ou métiers. Inscription : Il réhabilita les
arts utiles
། Les sections de Paris , les autorités constituées , portant les
droits de l'homme.
La stamme de la Liberté , environnée de meres , d'enfans .
Inscription : Il rendit les meres à leurs devoirs et les enfans à leur
bonheur.
Les habitans de Franciade et d'Emile , ci devant Montmo
-rency. Inseription. Gest chez nous qu'il fit Emile , Héloïse et lé
Contrat Social.
Les patriotes Genevois avec le ministre de cette République.
Inscription. Geneve avilie l'avait préscrit ; Geneve régénérée a
venge sa mémoire.
La Convention nationale , entourée d'un ruban tricolor.
Barrere demande qu'il soit élevé à Emile un monument qui
rappelle à la postérité que les cendres de J. J. ont reposé pendant
15 ans dans ce lieu. Cette proposition est renvoyée au
zomité d'instruction publique,
Léonard Bourdon obtient la parole au nom du même comité ,
et soumet à la Convention nationale le plan de la cérémonie
qui aura lieu , la cinquième sans -culotide , jour où les cendres
de l'Ami du peuple seront portées au Panthéon . Ce plan ne
téunit pas tous les suffrages .
Après quelques débats , la Convention charge son comité
'd
'instruction de lui présenter le lendemain un nouveau plan ,
afin que cette cérémonie ait lieu la derniere sans - culotide .
Séance de décadi , 30 Fructider.
Une députation des Colons de Saint-Domingue vient de nouveau
demander à la Convention d'être entendue contradictoirement
avec Santónax et Polverel ; les pétitionnaires s'engagent
prouver que ce sont eux qui ont livré aux Anglais Saint-
Domingue et les autres colonies . Ils demandent l'établissement
d'une commission de douze membres , la liberté des Colons
détenus , et la levée des scellés mis sur leurs papiers .
Dufaï , député de Saint-Domingue , s'oppose avec chaleur à
la mise en liberté. Pelet croit au contraire qu'il est de la
justice d'entendre tous les partis , et d'accorder aux Colons
la même faveur dont jouissent Polverel et Santonax . Breard
annonce qu'une commission prise dans les trois comités est
déja chargée de l'examen de cette affaire , que les comités se
sont occupés de la mise en liberté d'une partie des Colons ,
et que le rapport doit en être fait incessamment . Ces explications
déterminent l'ordre du jour.
Charles Lacroix , envoye dans le département des Ardennes ,
Efrit qu'on en a imposé à la Convention quand on lui a dit
7151 J

que les patriotes de Sédan étaient opprimés et persécutés . Ce
représentant ajoute qu'il s'est borné à faire arrêter six scélé
rais complices de Mogue , déja mis en arrestation par ordre
du comité de salut public , et auquel son collegue Levasseur
avait donné toute sa confiance , quoiqu'il en fût indigne.
Renvoyé au comité de sûreté générale , et insertion au bulletin ..
La société populaire de Georges , séante à Cherbuy , dépar
tement du Jura , exhorte la Convention à maintenir dans son
sein une union respectable , à affermir la République par dea
lois sages , et à conserver sa fermeté .
La société populaire des Sans- culottes de Chartres et la com
mune de Boulogne près Paris témoignent leur horreur de l'as
sassinat commis en la personne de Tallien . La France attend
une justice prompte et éclatante ; Robespierre n'est pas mora
tout entier. Elles jurent avec les vrais Jacobins haine éternelle
aux perturbateurs de la patrie , aux intrigans , aux scélérats
et de ne reconnaître d'autre autorité que la Convention , et
d'autre centre que dans son sein . Insertion au bulletin .
Une députation de la société populaire tenant ses séances
dans la salle électorale , est admise à la barrè ; elle déclare
qu'elle vient répondre aux calomnies lancées contre cette
société dans le sein de la Convention ; elle présente pour ces
effet un précis des services qu'elle a rendus à la patrie , danı
toutes les grandes crises de la révolution ; elle compte am
nombre de ses titres de gloire , le courage qu'elle oppose *
ceux qui veulent s'emparer des droits du peuple , et le serment
qu'elle a fait de mourir plutôt que de laisser détruire
les droits imprescriptibles de l'homme . Elle dit que celui qu
l'a calomniée , est le même qui , avec ses bottes et un fouet
à la main , lui assura que Dumourier ne trahirait jamais læ
France . Elle termine son adresse en demandant que Bodson et
Varlet , deux de ses membres , qui ont été mis en arrestation
soient élargis , ou traduits incessamment devant le tribunal révo◄
lutionnaire .
C'est moi , dit Billaud - Varennes , qui dénonçai dans cette
assemblée le club électoral , comme voulant détruire le gou
vernement révolutionnaire , en faisant restituer au peuple les
nominations c'est moi qui vous dénonçai le club comme
le centre de la conspiration d'Hébert . Ce Bodson , dont on
vous demande l'élargissement , intrigua pour Hébert dans le
club des Cordeliers , et voulut faire voiler la déclaration des
droits. Quand je parlai de Dumourier dans le club , j'arrivais
des Ardennes , et je n'avais ni bottes ni fouet j'avais
vu Dumourier rallier l'armée , après une déroute complette ;
c'était le 20 septembre . Je dis qu'on pouvait avoir quelque
confiance en lui. Le club électoral a été le foyer des complots
d'Hébert ; il veut encore la dissolution de la Convention
nationale et la réunion des assemblées primaires . Je demande
K 4
( 158 )
ae sapétition soit renvoyée au comité de sûreté générale,
Décrete .
Le citoyen Lamarck , auteur de la Flore française et de
plusieurs autres ouvrages qui lui assurent un rang distingué
parmi les savans physiciens , présente une adresse conçue en
Ces termes :
ou sa
Tout bon citoyen doit fournir à sa patrie son contingent
pour le bonheur commun , chacun selon ses fac ♦ es
portion d'intelligence . En conséquence , le citoyen Lamarck ,
professeur de Zoologie au Museum national d'Histoire Natu-
Telle , fait hommage à la Convention nationale d'un ouvrage
de physique , important pour son objet , fruit de longues
meditations et de beaucoup de recherches , et dans lequel il
présente des vues nouvelles sur les causes des principaux
phenomenes de la natute , et de ceux principalement qui
s'observent tous les jours dans les travaux ordinaires de la
vie , et sar- tout de ceux qu'offrent les faits organiques qu'il
nous importe taut de bien connaître . Ces vues peuvent donner
lien aux découvertes les plus précieuses pour les arts , et
doivent répandre un nouveau jour dans plusieurs parties de
l'art de guérir. 19
2
La Convention accepte l'hommage et en ordonne la mention
honorable. Sur la motion de Lequinio , elle charge son comité
d'instruction publique de lui faire un rapport sur l'ouvrage de
Lamarck , et d'inscrire ce citoyen sur la liste des savans appelés
à recevoir des indemnités de la nation .
N. B. L'ouvrage du citoyen Lamarck se vend chez Maradan ,
Jibraire , rue du Cimetiere - André - des-Arts , nº. 9 ; 2 vol in-8°.
Prix , 121. brochés ; et 14 liv . , franc de port par la poste , daus
tous les départemens .
Séance de la pere , sanculottide.
Une députation de la section des Tuileries et une autre de
eelle de Bou- Conseil , viennent témoigner leur sollicitude
contre le projet hautement prononcé de vouloir anéantir les
sociétés populaires . Ceux qui demandent cette dissolution ,
demanderont bientôt celle de la représentation nationale . Punissez
ces hommes qui ne peuvent être que les continuateurs
de la faction d'Orléans . Elles terminent par déclarer qu'elles
ne reconnaîtront d'autre centre que la Convention nationale
, etc.
La Convention , répond le président , a décrété la République
; les sociétés populaires en sont les bases . La Convention
nationale saura maintenir son ouvrage ; il n'y sera point
porté atteinte , ou les représentans du peuple s'enseveliraient
' sous les ruines de la liberté .
Bartere demande l'impression de cette adresse au bulletin.
Il dit que le systême qui a lieu dans ce moment est le même
que celui de Piu . Il cite à ce sujet un morceau qu'il a lu dans
( 153 )
le Moniteur. On voit dans cette piece que Pitt est d'accord
avec les hommes qui veulent la dissolution des societés popu
laires ; car il déclare qu'il est déterminé à détruire le systême
jacobin en-France.
:
Bentabolle Tous tant que nous sommes , nous sommes
jaloux de soutenir les sociétés populaires , et personne d'entre
nous n'a prétendu les attaquer ; mais , afin de faire taire les
gens qui , en débitant ces bruits , cherchent à faire perdre la
confiance à la Convention nationale ; je demande que vous décretiez
que quiconque attaquera les sociétés populaires .... Des
cris réitérés de la declaration des droits , ferment la bouche à
Bentabolle . Il continue ceux qui sont les vrais amis de Pitt
sont ceux qui veulent enlever la confiance à la Convention
nationale ; qni ne veulent pas reconnaître la majorité de la
Convention nationale . La discussion se ferme , et la Convention
ordonne l'impression de l'adresse au bulletin , et le
renvoi aux comités de salut public , de sûreté générale et de
législation .
: La section des Gravilliers est ensuite admise . Nous avons
appris avec horreur , dit elle , l'assassinat du représentant du
peuple Tallien . Nous venons assurer la Convention nationale
de ne reconnaître d'autre centre que son sein . Nous venons
jurer de verser jusqu'à la derniere goutte de notre sang pour
elle , et de n'obéir qu'à ses lois . La section demande ensuite
la garantie de la liberté de la presse , qui est le fanal terrible
et le réverbere que craignent les ennemis du peuple . Elle
témoigne à la Convention nationale sa joie de ce que le regne
de la justice remplace celui de la barbarie ; l'invite à mainte
nir avec une sévérité juste , le gouvernement révolutionnaire ,
et termine en demandant que le peuple qui veut s'éclairer , et
qui ne le peut facilement , ne pouvant s'assembler que trois
fois par mois , s'assemble comme précédemment , les quintidi
et décadi . La Convention ordonne l'insertion de cette adresse
au bulletin , èt la renvoie aux comités réunis .
Organe du comité de salut public , Carnot vient donner
des nouvelles de l'armée du Nord , et qui sont arrivées par le
télégraphe.
it Les Républicains ont poursuivi , battu l'ennemi devant
Bois - le-Duc , le 28 jusqu'à ..... heures du soir ; 1500 prisonpiers
, 8 canons , beaucoup de fusils , caissons et chevaux sont
le fruit de cette journée . ››
La Convention nationale ajourne jusqu'après l'adoption du
code civil , plusieurs articles additionnels présentés par Oudot,
sur les successions collatérales .
( 154 )
PARIS. Quatrieme Sans -culotide 1794-
Tous les amis de la liberté attendent avec confiance le rapport
des trois comités sur la situation actuelle de la Répu
blique. En indiquant sans passion , comme sans faiblesse , les
differentes sources de nos maux , ils présenteront sans doute
les remedes . Jamais nous n'avons eu besoin d'un gouvernement
plus vigoureux , plus inflexible , mais en même tems plus juste.
Depuis six ans que nous sommes en révolution , notre patrie
a été tourmentée par tant d'intrigues , de passions et de secousses
, qu'il est tems de fermer toutes les plaies , et de songer
à donner une assiette fixe à l'ordre des choses .
On ne peut se dissimuler que s'il a fallu , d'un côté , contenir
et réprimer la malveillance , de l'autre il a été commis
de grands actes d'oppression . Dans les dissensions politiques ,
comme en matiere de religion , les persécutions amenent toujours
les persécutions . Le systême eruel de Robespierre fera.
saigner long- tems la République. Tous les moyens du gouvernement
doivent tendre à ramener les esprits aigris vers des
sentimens de paix , d'union et de fraternité . Ne gardons du
passe que ce qu'il en faut pour nous instruire dans l'avenir
et que chacun fasse le sacrifice de ses ressentimens pour sauver
la chose publique .
Une république naissante périt par la faiblesse qui produit
l'oligarchie , ou par l'injustice qui fait naître le mécontentement
, et menace le corps social de dissolution . Si le gouver
nement libre a tant d'avantages sur les autres gouvernemens ,
c'est parce que , seul , il peut se faire aimer , puisqu'il est fondé
sur la justice , l'égalité et l'intérêt de tous . Préparer de bonnes
lois dans le calme de l'impartialité et de la sagesse , les faire
exécuter avec une fermeté imperturbable : voilà les deux caracteres
que
doit avoir le gouvernement révolutionnaire .
On a corrompu l'opinion , il faut l'éclairer ; on a soulevé les
passions , il faut les appaiser ; on a soufflé l'esprit de parti sur
la République , il faut l'étouffer. On s'est livré à une exagêration
désordonnée dans les mots et dans les choses , il faut
revenir à la raison et aux principes. Pour cela , que reste - t- il
à faire ? Etre juste , être ferme.
On est juste en révolution , quand on ne considere que Tintérêt
public , quand on proportionne la peine au délit , quand
on attache à ce mot délit des idées précises et exactes , quand
on ne crée de peines que celles qui sont indispensablement
nécessaires , quand on determine tellement les regles que chaque
citoyen sache ce qui lui est permis , et ce qui lui est défendu ,
et que , depuis le premier agent du gouvernement jusqu'au
dernier , aucun ne puisse faire plus que la loi ne commande .
( 155 )
On est ferme quand l'esprit du gouvernement est un , quand
il a un esprit de suite et d'ensemble , une volonté bien prononcée
et constamment soutenue , quand toutes les parties
viennent correspondre au centre , et qu'on oblige tous les gouvernés
indistinctement à courber la tête devant la loi .
si les Mais si les gouvernés veulent se faire gouvernans ,
alors tombe gouvernans se laissent eux-mêmes gouverner ;
dans une anarchie effroyable , au bout de laquelle on n'apperçoit
que la ruine de la patrie et de la liberté . Est-il un seul
Français qui veuille se précipiter dans cet abîme ! Eh bien !
gouvernans et gouvernés , sachons tous être à notre place , et
unissons nes communs efforts pour sauver la République.
on
Le citoyen Villard a été nommé ministre de la République
auprès de la république de Gênes ; et le citoyen Adet , résident
auprès de celle de Geneve .
Florian , écrivain connu par plusieurs productions en prose
et en vers , qui respirent la sensibilité , la douceur et le goût
vient de mourir à Seaux dans un âge peu avancé. Sa santé
avait été fort altérée par une longue détention à Port-Libre.
Quelques papiers , sur la foi de lettres venues des frontieres
de Pologne , ont annoncé que le roi de Prusse avait été tué
dans une affaire qui a eu lieu près de Varsovie . Cette nouvelle
est du nombre de celles qui méritent confirmation .
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE .
Depuis le 3 fructidor jusqu'à la 3eme , sans - culotide , le tribunal
a condamné à la peine de mort 14 conspirateurs et en
nemis du peuple , parmi lesquels se trouvent le nommé
François Deschamps , aide-de-camp d'Hanriot; et J.J. Lemonier.
âgé de 38 ans , né à Paris , vinaigrier , commissaire du comité
civil de la section de la maison commune , rue de la Mortelle ,
rie , convaincu de s'être réuni au conseil général de la commune
, la nuit du 9 au 10 thermidor , d'y avoir prêté un serment
quelconque , d'avoir signé des feuilles , en papier libre ,
ayant pour titre : Listes de présence des autorités constituées , et qui
ont prêté le serment , et d'avoir participé à ces délits sciemment ,
dans l'intention de seconder les projets de cette municipalité
rebelle , et avec des intentions contre- révolutionnaires .
Le même tribunal a acquitté 171 prévenus , au nombre desquels
se trouvent compris les 94 Nautais. Cette derniere affaire
a excité tant d'intérêts , et présente une suite de faits si instruc
tifs pour les amis et pour les ennemis de l'humanité , qu'on
Hous saura gré d'en donner ici une analyse ctendue.
-(-1·56 )
Affaire des Nantais.
Avant de donner les details de cette procédure , nous croyons
devoir donner un extrait d'un mémoire publie par les accuses ,
contenant l'historique des persecutions qu'on leur a fait
essuyer dans leur translation de Nantes à Paris. Il paraît que
le comite révolutionnaire de Nantes , qui les y envoyait avec
ordre de les fosilier en route , avait fait repandre le bruit que
c'était des rebelles de la Vendée , ce qui fut la cause des
traitemens qu'ils racontent avoir éprouvés .
66 Le 7 frimaire , nous sommes partis de Nantes au nombré
de 132 , conduits par un détachement du 11. bataillon de
Paris , que commandait le citoyen Eoussard. Des volontaires
trompés sur notre veritable qualité nous accablerent d'injures
violentes .
" A Varades , nous entendimes des injures et des menaces
plus fortes et plus multipliées.
" Nous devons déclarer que les braves Parisiens ont eu pour
nous tous les égards que leur commandaient la justice et l'hus
manité ; ils proclame ent qu'il periraient tous plutôt que do
laisser violer le depôt qui leur était confié . Boussard , leur
commandant , en fit la protestation. Il nous témoigna hantement
que nous paraissious dignes de toute la confiance des
Républicains , puisque nous n'avions pas trahi la sienne
lorsque mille circonstances inévitables nous en avaient fourni
Poccasion.
99 On nous avait déposés au séminaire d'Angers ; nous prénions
quelques alimens , lorsque tout à coup une garde d'environ
200 homines entre dans la cour ; on nous annonce notre
départ prochain. Des gendarmes se présenton, avec des pelotes
de cordes sous le bras , et nous annoncent qu'elles nous sont
destinées . Mille inquietudes se propagent ; le bruit s'était répandu
que ceux que nous avions remplaces au séminaire avaient été
fusilles et noyés au Pont-de - Ce le même jour . On répondait
à nos demandes avec un mystere cffrayant ; sans doute quelques
plaintes un peu vives échapperent , car un gendarme tira son
sabre , et tous les autres l'imiterent ; plusieurs volontaires , le
fusil armé , sortirent de leurs rangs , et il serait arrivé quelque
événement sinistre , si deux d'entre nous n'eussent appaisé les
gendarmes , en les assurant qu'ils trouveraient dans les detenus
la plus grande docilité . Ils se firent lier les premiers , et la
chaîne fut à l'instant formée ; un genda me pleurait . On nous
conduisit aux prisons ci -devant royales d'Angers .
Nous apprimes bientôt que le citeyen Boussard avait été
arrêté par le comité révolutionnaire d'Angers , pour savoir ,
disait- on , mis trop de chaleur dans un débat qui nous concernait
; nous apprimes aussi l'arrivée de cinq autres detenus
Nintais , et nous fùmes témoins d'un trait bien touchant d'amitié
fraternelle .
(+257 )
„1 Devayjeuné , célibataire et ufirme , avait comparu à l'appel
qui s'etait fait lors de notre départ , et s'était ainsi devoué pour
son frere aine , pere de sept enfans en bas âge , et l'unique.
soutien de toute sa famille ; celui - ci est mort à Paris après sept
jours d'agonie , et l'autre est encore parmi nous
Nous ne pourrions , sans prolonger beaucoup cet extrait ,
entrer dans les détails des soutirances que les citoyens Nantais
se plaiguent d'avoir supportées pendant leur séjour a angers ,
et qu'ils retracent dans cette relation . Nous nous bornous au
récit qui nous a paru le piùs frappant.
Nous étions dans la cour de la prison ; on ouvrit and
chapelle qui était vis- à - vis de nous ; on nous y poussa jusqu'à
ce qu'il ne fût plus possible dy en faire entrer , et nous y
étions pressés au point qu'il en falint faire sortir plusieurs.
pour pouvoir fermer la porte. Nous étions obliges de nous
ienir dans les positions les plus gênantes et les plus douloureuses
. On nous avait enfermés sans vivres et sans Jumiere.
La porte ne fut ouverte qu'a 8 heures et demie du
maun.
A notre sortie de la chapelle , les premiers objets qui
frapperent nos regards furent un égoût infect qui traversait
à decouvert la cour dans sa largeur , et un énorme tas de
fumier compose d'excrémens humains et de paille pourrie
enfin un puits qui , chaque soir était épuisé , et dont leau
fort mauvaise était la seule boisson legale des prisonniers et
Qù plusieurs de ceux- ci s'étaient noyes . Nous avions pour
co habitans des hommes condamnés aux fers , des scelerats
des , brigands. Ces misérables étant obliges de brûler de la.
paille humide pour faire bouillir l'eau qu'ils appellaient leur
soupe , il en résultait une telle infection que l'homme de la
santé la plus robuste en était affecte . Peu de jours avant notre
depart , deux, officiers municipaux , chargés de veritier si notre
situation était aussi affreuse que nous l'avions exposée , se boucherent
le nez dès l'entrée de la cour , et n'auraient pu pousser
plus loin leur visite , si nous ne leur avions donné du vinaigre
des quatre voleurs. Nous les vines répandre des larmes .
" Le nombre des cadavres deposés dans un angle voisin
du guichet était , chaque jour , de 4 , de 5 ou de 6. Plusieurs
fois ceux qui occupaient l'intérieur n'ont pu sortir de leur
cachot sans enjamber quelqu'un . Un jour nous avons vu déposer
sur trois cadavres un malheureux qui n'avait pas encore
rend le dernier soupir ; souvent des hommes qui se traînaient
sur le fumier pour leurs besoins , y sont tombés morts,
Castellan fils , âgé de 19 à 20 aus , après une agonie de quinze
jours , s'éteignit sous les yeux de son pere , sans avoir reçu
ucune espece de secours . A 4 heures du soir , nous étions
renfermés dans nos cachots , qui ne s'onvraient qu'à 8 et 10
heures du matin ; et lorsqu'après l'ordre du geolier nous tar
dions de quelques secondes à rentrer , nous étions menacés
1158 )
d'être mis aux fers dans un cachot plus horrible encore , ete ,
Tel est le régime que l'on nous a fait suivre pendant les 19
jours de notre résidence à Angers .
Le 13 frimaire , la générale battit et le canon ne tarda
pas à se faire entendre ; les brigands attaquaient Angers . Une
de leurs principales attaques se faisait près de la prison : les
balles et la mitraille pleuvaient dans la cour où nous étions
réunis ; les boulets passaient sans relache au- dessus de nos
têtes . Nous rédigeons à la hâte une pétition pour demander
des armes nous engageons notre parole de républicains de
rentrer en prison aussi- tôt après le combat. Cette pétition
portée à la municipalité y fut lue avec intérêt ; mais on n'y
fit pas droit. Les jeunes gens sur -tout en furent au désespoir ;
tous avaient porté les armes contre les rebelles , et plusieurs
s'étaient trouvés à dix - neuf et vingt actions . Le lendemain
l'attaque continue , et nous restérons nos offres . Des brigands
détenus se flattant d'une prochaine reddition de la ville , blas
phémaient la République , et menaçaient de dénoncer les
Républicains . Nous vouâmes à l'infâmie quiconque aurait la
lâcheté d'abjurer la République , quiconque n'aurait pas le
courage de se dénoncer lui-même aux brigands .
-
" Nous fûmes conduits à Saint- Mathurin . A peine arrivés ,
on nous annonce que 1500 hommes , qui sont attendus sous
un quart d'heure , ne nous permettent pas de rester en ce
lieu. Le bruit est soudain répandu qu'au même endroit , des
prisonniers escortés par le même officier qui nous conduisait
ont été fusillés , et qu'on prend des précautions pour nous
épargner ce malheur . Nous étions dans l'église , daus le plus
profond silence . Le tambour bat , la troupe défile , on ne
tarde pas
à ordonner notre départ ; nous arrivons à Rosieres ;
l'officier municipal , qui avait pourvu à notre logement , s'étonna
de nous voir encore en vie , et nous assura qu'il y avait
eu ordre de nous fusiller au Pont- de- Cé.
,, Après cinq jours de résidence dans les affreuses prisons
de Saumur , où , à chaque instaut , on nous menaçait de la
fusillade , le citoyen Follio , adjudant de la place , qui vint
nous annoncer notre départ , se servit de ces paroles remarquables
: Réjouissez- vous , mes amis , demain vous partez pour Paris ,
Plusieurs fois nous avons cherché à deviner les motifs de notre
séjour à Saumur : ce n'était pas assurément pour nous reposer
de nos fatigues , puisque nous avions séjourne dix-neuf jours
à Angers ; puisqu'à Saumur on nous avait déposé dans un local
où plusieurs d'entre nous ont contracté des maladies qui les
ont conduits au tombeau ; puisqu'enfin , sans avoir égard à
notre exténuement , on nous a conduits tous d'une traite à
Paris , où dix -neuf de nos compagnons d'infortune ont encore
perdu la vie...... Nous ne chercherons pas à approfondir da
1
( 159 )
vantage les accidens de notre voyage , ni quel fut d'abord
son but réel le voile mystérieux qui l'a accompagné va se
déchirer.
" A Tours , nous avions changé d'escorte on n'imagine
pas à quel point nos nouveaux guides , les vétérans de Mayen
ce , étaient prévenus contre nous ; ils nous le témoignerent à
la premiere vue , mais bientôt ils manifesterent leur douleur
des sentimeus qu'ils avaient eus , et nous déclarerent qu'ils
croyaient être destinés à nous fusiller ; ils nous promirent leur
appui.
- Enfin le 16 nivôse , vers les 4 heures du soir , nous arrivâmes
à Paris , presque tous malades : nous y avions été précédés
par la même erreur qui nous accompagnait sur la route .
On On nous annonçait comme des rebelles de la Vendée ; on disait
que nous étions l'état- major de l'armée catholique .
Le lendemain , tout retentit de la nouvelle que 110 brigands
, venus de Nantes , allaient être fusillés dans la plaine
des Sablons ; des journaux l'annoncerent ; on se porta vers
les Champs - Elisées pout nous voir défiler .
,, Le 18 niv&se nous fûmes transférés à la Conciergerie .
Cependant , l'opinion publique fat bientôt éclairée ..
,, Nous avions souvent trouvé de la bienveillance sur la route ;
ce n'est qu'à Paris , que nons avons trouvé l'humanité . „
Nous croyons devoir ajouter ici l'ordre signé par trois
membres du comité révolutionnaire de Nantes ; ordre qui
leur a été présenté en original , et qu'ils ont reconnu .
Au nom du comité révolutionnaire de Nantes .
Lè comandant temporaire de Nantes est requis de fournirde
suite 300 hommes de troupes soldées , pour une moitié se transporter
à la maison du Boussay , se saisir des prisonniers désignés
dans la liste ci-jointe , leur lier les mains deux à deux , et transporter
au poste de l'Eperonniere ; l'autre moitié pour se porter
aux Saintes -Claires , et conduire de cette maison à celle de
l'Eperonniere , tous les individus indiqués dans la liste également
ci -jointe ; enfin pour , le tout arrivé à l'Eperonniere ,
prendre en outre ceux détenus à cette maison d'arrêt , et les
fusiller tous indistinctement , de la maniere que le commandant
le jugera convenable . ; ,
Nantes , le 5 frimaire , l'an 2e . de la République Française ,
une et indivisible .
Signés , J. J. Goulin , M. Grandmaison et J. B. Mainguet .
Cet ordre est revêtu du cachet du comité révolutionnaire de
Nantes.
( La suite au numéro prochain )
( 160 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
COLONIES DE LA RÉPUBLIQUE.
Au port de la Liberté , isle de la Guadeloupe , ce 4 thermidor.
Citoyens , je vous ai rendu compte , par ma dépêche du
29 prairial , des événemens qui ont accompagné et suivi jusqu'à
cette époque notre arrivée en cette colonie. Ceux dont j'ai
à vous entretenir ne sont ni moins glorieux ni moins avanta
geux à la République . Les Anglais ayant appris notre arrivée ,
Jamasserent toutes leurs forces dans les différentes Antilles
qu'ils possedent , et vinrent avec six vaisseaux de ligne , dont
l'un à trois ponis , douze frégates ou autres bâtimens de guerre ,
et seize de transport , chargés de troupes et d'aristocrates . Ils
débarquerent au Gozier , dans le même lieu qu'ils avaient prés
cédemment choisi lors de leur invasion : ils s'occuperent priucipalement
du soin de s'y fortifier et de s'y retrancher avec
une lenteur et une circonspection qui déposaient de la terreur
dont ils avaient été saisis par nos succès à notre arrivée . Fleurd'Epée
étant le fort qu'ils avaient en vue de recouvrer , et n'ayant
pas d'espérance de l'emporter de vive force , quoiqu'avec des
forces infiniment supérieures aux nôtres ; ils s'en approche
rent par degré et suivant les regles de l'art , en faisant force
travaux jusqu'à ce qu'ils eussent atteint le Morne - Moscot , que
nous n'avions pu conserver faute de monde , ayant été obligės
à nous réduire à priver nos ennemis des avantages qu'ils auraient
pu en tirer en brûlant des établissemens qui étaient
dessus . En effet , ils ont été forcés par ce moyen à y employer
beaucoup plus de tems et de mesures . Nous avons également
mis ce tems à profit pour nous fortifier et nous mettre à couvert
des surprises ..
"
,, Ils avaient établi devant le fort cinq batteries , une de
cinq mortiers de 12 pouces , une de cinq pieces de canons de
36. anglais , une de trois obus , une de huit pieces de petit
calibre , et une de trois pieces de 16 et deux obus . Ils avaient
en outre trois chaloupes canonnieres qui ne cessaient , avec
leurs batteries , de tirer sur le fort de Fleur-d'épée . Il en était
de mème en ville : deux batteries , l'une établie au camp Saint-
Jean , l'autre au Morne - à-Savon , soutenue par un camp qu'ils
avaient formé à Berville , n'ont cessé de titer toutes les nuits
pendant trente jours . Ils nous ont envoyé beaucoup de boulets
rouges , ont fait beaucoup de mal à la frégate la Thétis et
à la flûte la Prévoyante ; ils nous ont coulé dix bâtimens des 90
que nous leur avons pris ; mais nous sommes à même de les
relever , et déja plusieurs le sont. La ville a été abîmée , et a
besoin de grandes réparations. La suite au n°. prochain. )
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le