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1792, 09, n. 36-39 (8, 15, 22, 29 septembre)
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LIBERTÉ
, ÉGALITÉ
.
( No. 37. )
SAMEDI 15 Septembre 1792.
MERCURE
FRANÇAIS ,
PAR UNE SOCIÉTÉ
DE PATRIOTES.
Tous les Livres , Cartes , Fampes , Mufique
& Avis divers , doivent être adreffés à M. de
la Harpe , rue du Hafard , n° . 2.
Le prix de l'Abonnement eft de 36 liv.
frane de port par tout le Royaum
あな
400 €
CALENDRIER
POUR L'ANNÉE I
1792 .
SEPTEMBRE a 30 jours & la Lung 30. Du 1 au
jo , les jours décroiffent de 52'.
mardi Marcel , Martyr.
JOURS
du NOMS DES SAINTS.
MOIS.
PHASES
de la
LUNE.
Temps moyer.
au Midi vrai.
H. M. S.
ffam. Leu , Évêque.
16.
214D. Lazare , reffufcité.
lundi Grégoire le Grand , Pape . 18
17
II 59 30
II 59 II
58 52
19 8 32
merc. Bertin , Abbé. 20 12
jeudi Onéfipe.
21 CD. Q.
57 52
vend Cloud , Prêtre. 22 le 8 , à II 57 32
8 fam. LANATIVIT. DE LAV. 23h . 18 m .
II 57 12
915 D. Omer , Évêque . 24 du mat,
II 56 SI
10 lundi . Nicolas de Tolentin . 2.5 II 56 30
11 mardi Patient , Évêque .
26 56 10
12 merc. Serdor, Évêque. 27 55 49
13 sudi Maurille , Év. d'Angers. 28
28
200
15 fam Corneille .
14 vend . 1'Exalt, de la Ste . Croix. 29 ON. L.
1616 D. Cyprien , Év.
17 lundi. Lambet , Évêque .
18 mardi Jean Chryfoftome.
19 merc. Quatre Temps ,
Lojjeu di . Euftache.
21 vend . Matthieu , Ap,
22 fam. Maurice. AUT .
2317 D. Ste. Thecle , Vierge ,
55 7
30le : 6,
II 54 56
୨
II
b . 27 m.
54 25
2 du mat.
IJ 54 ་
II 53 44
N 53 43
II 53 2
6 Dr. Q
II 52 41
7 le 23 , à r
11 12 21
8 h. 17 m.
II 52
24 lundi Andeche , Prêtre .
25 mardi Firmia , Évêque.
9 du feir.
II 40
·
26 merc . Sophie.
27jeudi . Coine & Damien, Mart.
28 vend . Ceran , Évêque.
29 fam. Michel , Archange.
3017 D. Jérôme , Prêtre .
10
II
12
13 lezo ,
14 h. 15 m.
15 du mar.
¡
1 I 19
O
JI 59
P. L. 11 50 39
à ୨ II 50 20
I I so to
49 41
135
MERCURE
FRANÇAIS,
PAR UNE SOCIÉTÉ
DE PATRIOTES.
LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
SAMEDI 8 SEPTEMBRE 1792.
A PARIS ;
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thous
rue des Poitevins , No. 18 .. 9
TABLE GÉNÉRALE
Du mois d'Août 1792 .
HANSON. 3' Mémoires , 2e. Ex. 23
34. Les Rivaix d'eux - mêmes. 5 Annonces & Notices.
Chara ie , En. Log. 211
ORPHÉT , &c.
Charade , Enig. Log.
Mémoires , 3e. Ex.
COUPLETS.
Charade, Enie. Logog,
Saint-Flour & Justine.
371Hiftoire. 55
41 Annonces & Notices. 38
431
61 Du Pouvoir exécutif.
63 Annonces & Notices.
74
641
A Paris , de l'Imprimerie de Moutard , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
MACCA
MERCURE
FRANÇAIS .
PIECES FUGITIVES.
A
U
XMM AN ES
DEMON SERI N.
T01 qui depuis dix ans , dans mon humble hermitage
,
Diffipats mes ennuis par ton charmant ramage ;
Toi qui de Philomele imitais ces accens ,
Dont elle vient , chaque printemps ,
Animer le voifin bocage ,
Tu n'es plus !... Repofant dans les bras du fommeil
,
Quel cri plaintif a cauſé mon réveil !
Dans l'ombre j'ouvre la paupiere ,
A 2 ·
4
MERCURE
Je ne diftingue rien ; inquiet , agité ;
Je faifis dans l'obfcurité
Cet inftrument d'acier , d'où jaillit la lumiere }
Alors je t'apperçois , étendu , palpitant ;
A te fecourir je m'empreſſe ;
Pour toi , dans ce fatal inſtant ,
Je fens redoubler ma tendreffe ;
1
Je te baile , je te careffe ;
De la Parque je crois arrêter le cife au
En t'échauffant de mon haleine ;
Hélas ! mon efpérance eft vaine ,
Tu péris , & mon fein eft ton premier tombeau
Sous mes yeux à desfein laiſſée ,
A chaque inftant du jour ta cage me dira :
» Sa vie eft comme une ombre en peu de
» paffée ;
>
» La tienne ainfi s'écoulera «c.
temps
"
(Par M. Lagache fils , d'Amiens.
FRANÇAIS
LES RIVAUX D'EUX - MÊMES ,
CONTE MORAL.
ت ي ب
SECONDE PARTIE.
LA lettre de Raimond lui en attira une
qui le combla de joie.
» Vous me donnez , MONSIEUR , lui
écrivit Adele , un emploi qui doit me flatter
, celui de votre furveillante ; & je l'accepte
avec plaifir. Le fils de l'ami de ma
-mere peut - il ne pas m'intéreffer ? Plus il
fuivra de près l'exemple qu'il a devant lui ,
& plus je ferai glorieufe qu'il veuille bien
compter mon eftime , pour quelque chofe.
Je vous obferverai, puifque vous le voulez ; ‹
& tout le bien qu'on me dira de vous , me
touchera fenfiblement. Je vous préviens
auffi que le mál que l'on m'en dirait ne me
ferait pas moins fenfible. Je fuis même
affez fiere pour n'être pas contente qu'on
ne m'en dît que peu de bien ; & puifque
vous donnez carriere à mon ambition , je
n'exige pas moins de vous que d'être un
homme confidérable & diftingué dans votre
état. Mais , s'il vous plaît , la furveillance
fera réciproque entre nous . J'aurai peutêtre
auffi befoin d'être animée par un peu
4
A 3
MERCURE
*
d'émulation. Je fuis , à mon tour , menacée
d'avoir un jour feize ans . Peut - être qu'à
cet âge je ferai , comme vous , attaquée
d'inquiétude , de triftefle , que fais - je ? de
langueur , de mélancolie ; car on dit que
le coeur humain eft fujet à tant d'accidens !
Alors , Monfieur , fi vous avez plus de
gaieté que moi , plus d'ardeur & plus de
courage , vous aurez la bonté de m'en communiquer
un peu. En attendant , je puis
avoir befoin d'être avertie de mes étourderies
& de mes négligences . Ma mere eft
indulgente ; & je m'apperçois bien qu'elle
daigne lailles aux ans bien de petits défauts
à corriger en moi . Mais ce qu'elle ne me
dit pas pas , elle peut quelquefois le faire entendre
à fon ami . Tâchez adroitement d'être
auffi de la confidence ; & ne manquez pas
de m'inftruire des petits mots d'avis qui
lui auront échappé , afin qu'à fon in çu
j'en faffe mon profit , & que je lui ménage
l'agréable furpriſe de voir que je prends
foin moi - même de perfectionner fon ouvrage.
Sur-tout , ne me flattez jamais ; &
commencez par fupprimer l'épithete de belle
que vous m'attribuez , fans favoir fi elle
me convient. Camille eft pour vous invifible
:: vous ne favez donc pas ficelles eft
belle , jolie ou laide ; & bien certainement
ce ne fera pás, elle qui vous dira lee.quil
en eft . L
"t
CAMILLEST
1 moles en ont
FRANGAIS
. 7
Ah ! ce qu'il en eft , je le fais , fui répondit
Raimond , ou du moins je crois le
favoir. Mais vous voulez que je l'ignore ;
& bien , fage CAMILLE , puifqu'il ne m'eft
permis que de vous donner ce nom là , qu'au
moins vous méritez fi bien , apprenez donc
le changement
prodigieux qu'a déjà fait
dans mon efprit & dans mon ame cet aimable
& tendre intérêt que vous voulez bien
prendre à moi . Les vapeurs qui femblaient
obfcurcir ma penſée , le font évanouies ; le
trouble de mes fens s'eft appaifé ; la vague
inquiétude qui m'agitait s'eft diffipée ; le
pénible tourment de ne favoir ce que je
voulais á ceffé ; mes voeux , mes fentimens,
mes défirs & mes efpérances ont trouvé un
point de repos ; mes rêveries , mes fonges
mêmes ont pris quelque folidité. Mon pere
avait beau dire ; je ne voyais fur l'avenir
qu'un immenfe brouillard
le brouillard
's'éclaircit ; j'y vois déjà poindre une étoile,
& puis encore une à côté. La gloire &
vons , vous & la gloire , & pour l'amour
de l'une & pour l'amour de l'autre , l'ardeur
du travail , de l'étude , l'impatience
de remplir , de paffer votre ambition , voilà
dès à préfent ce qui m'occupe avec délices.
J'avais lu dans mes Livres qu'il n'y avait
gueres moins d'inconftance
dans la faveur
de l'opinion que dans celle de la fortune ;
& toutes les fois que j'y penfais , je ne
fentais le coeur trife , languillant , refroidi .
A 4
8 MERCURE
Maintenant me voilà ranimé , rempli de
courage. Votre eftime , belle .... Pardon ,
j'ai voulu dire , fage Camille , votre eſtime
fera pour moi une perfpective brillante ;
& lorfque vous m'approuverez , je ferai
content de moi - même. Voilà du bonheur
affuré. Mais vous qui , pour être accomplie
, n'avez qu'à vous laiffer aller à votre
naturel , ou tout au plus qu'à vous laiſſer
conduire par les confeils de votre mere
quel befoin auriez - vous de ma fincérité ?
Ah ma fincérité vous femblera toujours
complaifante & flatteufe ; car je n'aurai jamais
que du bien à penfer de vous. Non,
votre aimable mere ne vous déguiſe rien
qu'une partie de fa joie de l'heureux fuccès
de fes foins . Le feul défaut qu'elle vous
laiffe eft votre invifibilité ; & fi jamais vous
vous en corrigez , fuffiez-vous laide , foyez
bien sûre que vous ferez belle à mes
yeux «.
HIPPOLYTE.
Adele répliqua : » Je fuis bien aife de
voir , MONSIEUR , que l'intérêt que mainan
permet que je prenne à ce qui vous touche
, change vos devoirs en plaifirs . C'eft
mon âge qui communique au vôtre fa
gaieté naturelle ; mais en échange , on dirait
que le vôtre prête je ne fais quoi de
férieux au mien. L'idée que vous avez bien
voulu me donnér de moi-même , m'a fait
prendre à mes propres yeux un air de
FRANÇAI´S.
:
dignité dont je rougis , & dont je devrais
rire . Je me regarde à mon miroir , & je me
dis voilà donc cette tête dont l'opinion ,
l'eſtime aura de l'influence fur le caractere
d'un homme qui fera peut- être un Héros !
Je m'imagine alors que je deviens moimême
une perfonne confidérable ; je me
vois dans votre avenir , je participe à votre
gloire , je m'admire dans tout ce que vous
faites de plus beau & de plus illuftre ; &
j'en ai de l'orgueil plus que vous n'en aurez
jamais. Maman , à qui je communique ce
qui fe paffe en moi , trouve que c'eſt rêver
trop férieuſement pour mon âge ; mais elle
m'avertit que dans ce férieux il y a quel
que grain de folie , & que mon imagination
doit favoir mieux fe modérer . De votre
côté , je vous vois exagérer toutes les idées
qu'on a pu vous donner de moi , me croire
une merveille , & me bercer moi -même de
toutes vos illufions. Si cela continue , il
eft poffible , dit ma mere , que la tête nous
tourne à tous les deux de bonne opinion ,
chacun de foi , & l'un de l'autre. Laiffonslà
, je vous prie , toutes ces perſonnalités ;
& parlons dans nos lettres d'autre chofe
que de nous- mêmes. J'ai mille queſtions à
vous faire fur mes études , fur mes penfées
, fur les réflexions que les Livres & la
Nature me font naître. Vous , Monfieur
vous devez recueillir tous les jours de vos
lectures , & plus encore des inftructions
As
و
010 MERCURE
X
a d'un pere qui a vécu dans le monde, uhe
foule de connaillances qui feront nouvelles
pour moi. Nous nous propofe.ons nos
doutes , nous nous confukerons l'un l'autre
fur nos goûts , fur nos fentimens ; nous
laiflerons nos opinions fe livrer quelquefois
des attaques légeres ; car maman permer la
difpute pourvu qu'elle ne foit qu'un jeu ;
& comme nous ferons tous deux de bonne
foi & fans entêtement , nous aurons fouvent
le plaifir de nous trouver d'accord
enfemble. Enfin tous les petits événemens
de notre vie , d'où il y aura quelque bonne
penſée
à recueillir , fe retraceront dans nos
lettres ; & pour vous en donner l'exemple,
je vais vous raconter ce qui m'arriva hier
matin.
» Il y a dans un village voifin de ma demeure
une petite fille appelée Marianne ,
que j'avais prife en amitié. Elle venait me
voir fouvent ; & comme elle eft donce &
gentille , je me plaifais fort avec elle , &
j'avais une envie extrême de la retenir près
de moi. Dès l'âge de dix à onze ans , j'en
témoignai le défir à ma mere. Nous verrons
cela , me dit-elle , quand vous ferez moins
enfans l'une & l'autre . Marianne était de
mon âge ; elle reffentait vivement ce qu'elle
appelait mes bontés ; & nos entretiens les
plus doux roulaient fur le plaifir que nous
aurions à paffer notre vie enfemble. Mais
depuis quelque temps je me fuis app cue
FRANCAIS.
I
qu'elle venait me voir plus rarement. Je lui
en ai fait mes plaintes ; elle s'eft exculée en
difant que fa mere lui laiffait moins de
liberté.
» J'ai cru qu'il était temps de renouveler
ma demande. Tout ce qui , fans te nuite ,
peut te faire plaifir , m'eft agreable , m'a
répondu maman. Mais comme toi , Marianne
a une mere ; l'a-t- elle confultée fur
ton projet Non , pas encore. C'était
pourtant par elle qu'il fallait commencer.
? - -
» Charlotte ( c'eft le nom de la bonne
femme ) eft venue. Il m'a été permis de
m'expliquer moi - même , & je l'ai fait le
plus doucement que j'ai pu , en l'alfurant
que Marianne ne ferait près de moi qu'en
qualité d'amie ; que j'aurais bien foin
d'elle ; & que j'efpérais que maman voudrait
bien reconnaître fon amitié pour moi.
La bonne Charlotte s'eft attendrie en m'écoutant
; & elle a regardé fa fille avec des
yeux mouillés de larmes. Marianne était
émue auffi , mais les yeux n'étaient point
mouillés . Si vous voulez fon bien , m'a
répondu fa mere , ce n'eft pas à moi de
m'y oppofer ; & quoiqu'elle me fût bien
Héceffaire dans ma vieilleffe , je vous la
cede de bon coeur. Marianne a rougi , e'le
a pris la main de Charlotte & l'a preffée
tendrement fous fes levres ; mais la mére
pleurait toujours , & la fille ne pleurait
point.
A G
12 MERCURE
"
:
Allez , a dit maman , allez toutes les
deux déjeûner à l'office ; en attendant nous
nous confulterons ma fille & moi. Et quand
nous avons été feules , eh bien ! m'a- t- elle
demandé , que t'en femble à préfent ? Ta
féfolution eft elle encore la même . Je ne
fais , lui ai - je dit : ce que je viens de voir
n'afflige. Marianne n'a pas le coeur aulli
bon que je le croyais. J'ai vu le temps
qu'elle aimait fa mere comme j'aime la
mienne Plutôt mourir , me difait - elle ,
que de lui donner du chagrin . Ah ! comme
elle eft changée ! & combien je fuis mécontente
du peu de fenfibilité qu'elle témoigne
à fes regrets ! Ce n'eft pas elle ,
m'a dit maman , c'eft vous que vous devez
en accuſer ; oui , ma fille , vous - même .
Voyez comme l'ambition que vous lui avez
infpirée altere en elle la bonté du naturel !
Marianne était née avec un coeur fenfible ;
elle eût fait fon bonheur d'être la compagne
, l'appui , la confolation de fa mere ;
& vous , en lui donnant de folles eſpérances
& de vaines penfées , vous avez tout
gâté. Et que vouliez-vous faire ? la dégoûter
de fon état ? lui faire prendre auprès
de vous des fentimens , des habitudes , un
efprit & des moeurs , qu'elle ne doit jamais
avoir , & pour cela priver fa mere de fa
compagne naturelle ? Condamner cette pauvre
femme au plus cruel état de viduité &
d'abandon ! A ces mots`, vous pouvez aifé१
FRANÇAIS. 13
ment concevoir combien mon coeur s'eft
fenti oppreffé. J'ai tâché , en pleurant, de
juſtifier mon intention . Oui , ma fille , votre
intention a été bonne , m'a dit ma mere ;
mais vous avez été féduite par un fentiment
dont il faut toujours fe défier , l'intérêt
perfonnel. II vous a fait croire , en
dépit des convenances établies , que dans
Marianne vous ne vouliez avoir qu'une
amie & une compagne ; & que fa mere
ferait heureufe de la favoir auprès de vous.
Et quoi ! vous ne faviez donc pas quel était
le coeur d'une mere ! Vous auriez dû , ma
fille , en juger par le mien. Mais vous n'avez
pas même fu ce qui fe paffait dans le
vôtre , & c'eft à moi de vous l'apprendre.
Non , ce n'était point une amie , mais une
complaifante que vous vouliez avoir. Marianne
jamais ( je l'ai bien obſervée ) ne
s'eft oubliée avec yous , jamais vous-même
ne l'avez mife fur le ton de l'égalité. Docile
, & même obéiffante , elle ne vous a
plu que par la modeftie & que par fon
humble douceur. C'eft donc là ce qui vous
a fait vouloir la déplacer , & la dérober à
fa mere. Ah ! laiffez- lui , dans fon village,
une éducation conforme à fes devoirs
analogue à fa deftinée ; & fi vous lui voulez
du bien , gardons celui que nous pouvons
lui faire , pour le moment de lui faciliter
un établiffement heureux. Il faut, ma
fille, être bienfaifante , non pas au gré de
14 MERCURE
6
"
nos fantaifies , mais avec le difcernement.
d'une raifon défintéreffée , & avec un fentiment
éclairé,
" Voilà , Monfieur , l'aimable & utile
leçon que je reçus de maman hier matin ..
Et quelle fut ma joie de fentir tous mes
torts , lorfque je vis revenir à nous Marianne
, non moins baignée de fes propres
larmes que des pleurs de fa mere , confule
d'avoir pu vouloir un moment fe feparer
d'elle , enfin rendue à la Nature , & nous
conjurant d'oublier ou de pardonner fon
erreur alors ce fut à moi d'être honteufe
de la mienne. Je le fus , je le fuis encore ; je
l'expie en vous l'avouant "..
CAMILLE.
و د
Qu'on eft heureux , trop aimable CAMILLE
, lui répondit Raimond , d'avoir
commis quelque légere erreur de bonté, de
pure innocence , lorfqu'on a tant de inodeftie
& de grace à s'en accufer ! Ah fi
le Ciel ne m'avait pas donné cetre fincérité:
dont s'honore mon coeur , votre exemple
feul , & le charme que votre candeur a
pour moi , fuffirait pour me l'inspirer ; &
je veux vons prouver qu'au moins par
quelques traits votre Hippolyte vous reffemble
: je vais donc m'accufer auffi .
» L'autre jour , tandis que mon pere
promenait l'oeil du maître fur les travaux de
Les campagnes , Je Syndic de notre Paroiffe
eft venu pour le confulter. Il n'a trouvé
FRANÇAIS. Sf
que mor; & il a bien voulu , en attendant
mon pere , m'expliquer ce qui l'amenait.
» L'avant-veille du jour où l'on devait
tirer à la Milice , un jeune & beau garçon,..
le plus eftimé du village , Fitmin érait venn
le prier en fecret de faire tomber fur lui
le fort. Le Syndic favait bien que dans les
fonctions aucune fraude ne lui était permile
; mais celle- ci était favorable aux aytres
garçons du village , & en faitant pour
Firmin ce qu'il lui demandait , loin de nuire
à perfonne , il les fervait tous à leur gre .
Cependant , pour être plus sûr de ne rien
faire que d'honnête & de jufte , il prenait
confeil de mon pere.
ور
Pourquoi , demandai -je au Syndic , çe
jeune homme, s'il veut fervir , ne s'engagetil
pas ? Que n'attend- il au moins qu'en
ait tiré au fort , pour s'offrir à la place de
celui fur lequel le fort fera tombé ? C'eſt
ce que je lui ai propofé , me répondit.cet
honnête homme ; mais il a fes raiſons , ditil
, pour ne paraître pas volontairement engagé.
S'il veut l'être , ajoutai-je , il n'y a
rien de plus libre ; & puifqu'il le demande ,
Vous pouvez fans fcrupule faire tomber furt
lui le fort. Je n'ai donc que faire , dit-il ,
d'attendre M. votre pere , & de l'importuner
de ma confultation. Je l'affurai que
l'avis de mon pere ferait le mien ; il voulut
bien m'en croire ; & en me remerciant
de l'avoir tiré de peine , il s'en alla.
16 MERCURE
Le foir , lorfque mon pere fut de retour
des champs , je lui contai ce qui s'était
paffé comme la chofe la plus fimple ;
& je ne fus pas peu furpris de voir qu'il
yattachait une férieufe importance . Tu as,
me dit - il , un peu légérement donné ton
avis pour le mien : ne te preffe plus tant
de répondre pour moi ; tu fais bien que
nos têtes ne font pas du même âge . Heureuſement
, ajouta - t - il , que le mal n'eft
pas fait encore ; & à l'inftant il envoya prier
Te Syndic de venir le voir , & de lui amener
le jeune homme.
ور
Confus , je gardai lé filence ; & lui
fans infifter fur ma faute , ne parla plus que
de fa promenade & de l'état de la campagne.
Vous croyez bien que je fus fenfible
à cette indulgente bonté. Mais bientôt arriva
le Syndic avec le jeune homme.
""
Firmin , demanda mon pere à celui - ci ,
quel âge avez - vous ? — J'ai vingt ans . -
Avez- vous encore pere & mere ?
wd
Hélas !
non , j'ai perdu ma mere. Et votre pere
eft - il âgé Il a cinquante- cinq à cinquante-
fix ans . Etes- vous fils unique ? -
?
-
-
Non, j'ai un frere aîné.-Comme vous est-il
garçon ? - Lui
même bien marié.
―
non , Monfieur ; il eft
Et il a des enfans ? -
La maison en eft pleine.
bien enſemble ?
Vivez - vous
Allez bien jufqu'ici . -
-
Votre pere eft- il à fon aife. Il était à fon
aife avant que d'avoir tout donné . -Tout
FRANÇAIS. 17
-
-
mon frere a donné ? Oui , Monfieur
tout ; mon pere & moi nous n'avons rien.
Le pauvre homme , en fe dépouillant ,
croyait , à force de travail , avoir le temps
de m'amaffer un nouvel héritage ; mais vous
favez combien les efpérances des Laboureurs
font cafuelles; les fiennes l'ont trompé
. Et voilà donc pourquoi vous voulez.
quitter la maiſon ? Oui , la maifon &
le village , où je ne puis plus me fouffrir.
Mais je ne veux pas que mon pere fache
les chagrins qu'il me caufe. Il a oublié ,
en mariant mon frere , qu'il avait deux
enfans ; je ne m'en fuis jamais permis aucune
plainte ; & grace au Ciel , je n'ai
jamais ceffé d'aimer , de révérer mon pere :
mon frere lui- même eft encore à favoir ce
que j'ai fur le coeur ; en travaillant pour
lui , je ne lui ai fait aucun reproche ; & je
n'aurais jamais connu l'envie , fi je n'avais
pas eu le malheur de connaître ... Il s'interrompit
; & mon pere ajouta , l'amour?
Et oui , Monfieur , l'amour , c'eſt l'amour
qui me perd , qui me rend la vie odieufe ,
qui me force à quitter mon pere , & qui
me détermine à m'aller faire caffer la tête
dans la premiere occafion où je pourrai
trouver la mort . En prononçant ces mots,
Firmin avait fur le vifage la réfolution &
la pâleur du déſeſpoir .
و ر
Bon jeune homme , lui dit mon pere ,
je conçois à préfent pourquoi vous vouliez
x8 MERCURE
rejeter fur le fort le reproche qu'on vous
ferait d'avoir délaiffé votre pere . Mais cette
fraude officieufe , & que vous croyez innocente
, M. le Syndic a raifon de ne pas
la croire permife. Un devoir étroit & févere
l'oblige de laiffer décider par le fort
ce que la Loi veut que le fort décide. La
regle une fois violée cefferait d'être inviclable,
& vous fentez les conféquences d'une
premiere infidélité dans les fonctions qu'il
remplit. Ne l'attendez donc pas de lui .
Mais dites moi quel eft cet amour qui
vous réduir au déſeſpoir.
-
-
Hélas ! dit Firmin , c'eft l'amour d'un
jeune homme fans bien , pour la fille d'un
homme riche , qui , comme de raiſon , veur
bien établir fon enfant. Et cette enfant
Vous aime-t- elle ? Il répondit par un filence.
Et fi vous étiez établi , affez bien pour
avoir l'affurance d'être à votre aife en travaillant
, l'obtiendriez vous de fon pere ?
C
-
Je le crois : il m'eftime affez ; même il
me femble quelquefois qu'il a la bonté de
me plaindre . S'il eft ainfi, écoutez - moi , lui
dit mon pere : Il Y a dix ans que je fais moimême
valoir mon bien ; je fais quel en eſt le
produit. Je ne veux pas que mon revenu
baiffe. Si par votre travail & votre écono
mie vous pouvez me le conferver , & y
trouver votre bien- être , la ferme en eft à
en eft
vous. Que M. le Syndic fe charge d'arran
ger fur ce plan votre mariage , vous voilà
FRANGA IS. 19
t
Arabli chez moi . Un bon pere ne fera point
puni d'un moment de faibleffe qu'il le reproche
, hélas ! peut- être plus que vous ne
penfez.
Mon pere avait raifon. Celui de Firmin
eft venu tomber à fes genoux , arrofer
fes mains de fes larmes , & lui avouer que
fans lui il ferait mort inconfolable d'avoir
fon fils . déshérité
Le Syndic en fecret a reçu de mon
pere de quoi payer un engagement libre ,
pour remplacer le jeune villageois qui tomberait
à la Milice ; & Firmin , qui , dans.
રે
quinze jours , va époufer cette Marcelle ,
qu'il aime tant & dont il eft aimé , n'a
plus envie de mourir.
و ر
Tu vois , m'a dit mon pere , que ce
qui te femblait fi fimple ne l'était pas ;
corrige- toi , mon fils , de ta légéreté ; &
pour ta peine , fais-en l'aveu à la fage Camille.
Elle t'en grondera encore plus doucement
que moi
HIPPOLYTE
On voit quel caractere de confiance &
d'intimité avait pris leur relation . Je ferais
des volumes fi je la tranfcrivais ; mais c'eft
en dire affez que d'indiquer les fources qui
la rendaient intariffable.
Les phénomenes de la Nature , les tableaux
qu'elle déployait les beautés raviffantes
dont on avait joui au lever de Ll''aaytore
sau coucher du foleil , dans les ac20
MERCURE
ر
cidens d'un orage ; les fcènes de la vie ruftique
, les incidens qui l'animaient , qui la
variaient à leurs yeux ; les impreffions morales
qu'ils rapportaient le foir de leurs
utiles promenades ; & plus abondamment
encore les fruits de leurs lectures , les obfervations
naïvement ingénieufes qu'ils fe
communiquaient fur les moeurs & fur les
ufages des temps plus ou moins reculés
les comparaifons qu'ils faiſaient des belles
actions ou des grands caracteres qui les
frappaient de reffemblance ; enfin tout ce
qui peut intéreffer de jeunes ames exalter
de jeunes efprits , fe reproduifait dans leurs
lettres avec une vivacité d'imagination , une
fincérité de fentimens & de penſées dont
leurs parens étaient charmés. On y voyait
des deux côtés l'inftruction s'accroître fenfiblement
de jour en jour , & les fruits s'en,
développer. Si dans Raimond la marche
des idées était plus réglée & plus sûret
Feffor de l'efprit dans Adele avait plus de
preftefle & de célérité. Lors même que fes
apperçus n'étaient pas affez juftes , ils
étoient fins encore ; fes erreurs avaient de
la grace dans leur douce ingénuité . Jámais
fon adverfaire n'avait railon dans leurs
difputes , fans admirer l'air fpirituel &
-charmant dont elle avait tort.
Lui , fans y penfer , ou peut-être en y
penfant , mêlait toujours à les propos quelque
allufion imperceptible , quelque trait
FRANÇA I S.
21
-
léger & furtif de louange indifcrete , ou
de fentiment échappé , qui décelait une
ame continuellement occupée de fon objet
unique ; & fans prefque jamais lui parler
d'elle - même , il avait le fecret de lui bien
faire entendre qu'il y penfait toujours.
On conçoit aifément le chemin que dut
faire dans l'efpace de trois années cette aimable
correfpondance. De temps en temps
on avait l'art cruel de retarder l'arrivée des
lettres ; & alors Dieu fait quelle nuit , quel
jour , quel fiecle de momens chacun paſſait
à les attendre. Dans Adele , l'inquiétude
ne reflemblait qu'à la tendreffe d'une foeur
alarmée fur la fanté d'un frere ablent &
vivement chéri , Mais dans Raimond , l'im
patience était le trouble & le tourment
d'une ame qui avait peine à fe pofféder.
Comme l'un des foins de fon pere était
de lui apprendre à fe commander à luimême
, il lui cachait la violence des mouvemens
qui l'agitaient ; & il fe dérobait à
lui pour aller dans la folitude les exhaler
par des foupirs . Son pere l'obfervait , l'écoutait
, le plaignait ; & avec une lettre
confolante à la main , venait enfin le fou
lager,
Lorfqu'il fut bien décidé qu'ils s'aimaient,
comme pouvaient s'aimer deux êtres invifibles
; à préfent , dit la mere , il faut leur
ménager le plaifir de fe voir , mais fans fe
reconnaître , ni le douter qu'ils foient les
22 MERCURE
* mêmes. Quoi ! Madame , dir Varanzai
encore une nouvelle épreuve ! Et fans cela,
dit-elle , comment nous affurer qu'ils fe
plaifent par la figure autant que par l'efprit
& par le caractere ? C'était bien là le
principal ; mais Facceffoire eft quelque
chofe; & fi ma fille n'avait pas aux yeux
de votre fils tout le même fuccès qu'elle a
dans fa penfée ; s'il lui fouhaitait plus de
beauté ? eût- il d'ailleurs pour elle allez d'eftime
pour la préférer aux plus belles ; jet
fais quel eft le rifque qu'elle aurait à coufir
, & je ne veux pas l'y expofer. Nous
fuppoferons un voyage qui , nous éloignant
Fun de l'autre , fufpendra leur relation ; &
chacun de notre côté , nous irons , avecnos
enfans , paffer cet hiver à Paris. Des
fociétés communes , des foupers , quelquefois
le bal , où nous les ferons inviter
ameneront des entrevues. Là , nous obferverons
l'effet que produira mutuellement
leur préfence ; & s'il eft favorable , nous
leur ménagerons quelques momens de liberté
pour filer leur petit Roman . Mais
voici le moment de nous réitérer la parole
de ne rien dire qui les décele l'un à l'autre..
Je le promets de mon côté , je l'exige du
fotre , & je l'exige abfolument .
-Cet engagement pris , & tout bien atrangé
, il fut dit qu'il y allait avoir des
voyages & une abfence durant laquelle on
ne s'écrirait point. Ce far pour eux comme
FRANÇA I Ś. ปา
n deuil annoncé. Bientôt après chacun des
deux apprit qu'on allait quitter la campagne
, & faire quelques mois de féjour à
Paris. Cette nouvelle , qui dans un autre
temps aurait pu caufer de la joie , ne fit
qu'une impreffion de trifteffe & de déplaifir
fur ces deux ames folitaires qu'un long
filence allait peut-être féparer. Enfin Raímond
avec fon pere , Adele avec fa mere,
fe rendit à Paris ; & ce qui réfulta de ce
voyage n'eft pas difficile à prévoir.
er
Par M. MARMONTEL .
( La fin au 1º . Mercure d'Oclobre. )
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
Le mot de la Charade eft Moulin ; celui
de l'Enigme eft les Notes de Mufique ; celui
di Logogriphe eſt Monde , où l'on trouve
Démon.
CHAR 4 D E.
MONNOIE , étoffe , inftrument de cuiſine ;
Voilà mes deux premiers, voilà mon tout : devino.
MERCURE
É NNIG M E.
JE fuis un tout avec ma queue ,
Dont je fuis membre fans ma queue ;
Je ne peux rien avec ma queue ,
Si l'on m'en fépare fans queue ;
J'occupe fille ou femme avec ma queue ,
Alors je fuis en mouvement fans queue ;
Bref , j'ai cinq pieds , Lecteur , avec ma queue ;
Je n'ai ni pieds ni tête fans ma queue.
( Par M. F... G... de Sédan. )·
LOGO GRIPHE.
JE fuis dans chaque Culte un objet qu'on révere ;
Les Prêtres, les Rabbins font tous mon miniftere :
Décompose mon nom , je te donne une fleur ;
Le dernier châtiment qu'éprouvait maint voleur ;
Cet emblême facré qui pare notre tête ;
L'endroit où le vaiffeau ne craint plus la tempête ;
Ce qui fert au Sauvage attaquant l'ennemi ;
Enfin , ce que Clovis reçut de Saint Remi.
(Par M. Jean-Baptifle Calvet de Rignac
Département de l'Aveiron.)
NOUVELLES
FRANÇAIS . 25
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LETTRES écrites de Barcelone à un Zélateur
de la Liberté , qui voyage en Allemagne;
Ouvrage dans lequel on donne des détails
vrais & circonftanciés , 19. fur l'état dans
lequel fe trouvaient les frontieres d'Efpagne,
en Mars 1792 , fur le cordon qu'ony
a formé, & les préparatifs deguerre qu'on
prétend y avoir été faits ; 2°. fur les
Emigrés dans ce pays , fur l'accueil qu'ils
y reçoivent , & leurs menées ; avec plufieurs
Anecdotes à ce sujet , auxquels on
a joint quelques Réflexions & des détails
philofophiques fur les moeurs , ufages &
opinions des Espagnols , &c. &c. Par M.
CH** . Citoyen Français. A Paris , chez
Buiffon , Imprim- Lib. rue Haute -feuille
N°. 20. In- 8°. Prix , 4 liv. 10 f. br.
5 liv. franc de port par la Pofte. S
CES Lettres , écrites avec la liberté & la
négligence d'une correfpondance familiere ,
n'en font pas moins curieufes & inftructives.
Elles font d'un Patriote éclairé & judicieux
qui fut véritablement chargé d'une commiflion
particuliere du Gouvernement au commencement
de cette année , pour aller en Eſpagne
reconnaître l'état des chofes & la difpofition
N° 36. 8 Septembre 1792. B
25 MERCURE
des efprits par rapport à notre Révolution .
I était plus en état que perfonne de s'acquitr
de cette commiffion que les circonftances
rendaient affez délicate. Il avait déjà paffé
quinze années de fa vie à Madrid , & parlait
l'Espagnol comme le Français. C'est toujours
un avantage précieux de favoir la Langue du
pus où l'on voyage , fur-tout comme obfervateur
; fans cette connaiffance , il eft à peu
près impoffible de fe procurer des notions juftes
fur quoi que ce foit , & l'ignorance du langage
eft une des caufes principales des erreurs où
font tombés ceux qui nous ont donné des relations
des pays lointains . Un homme qui ne
fait pas la Langue du pays , y eft , pour ainfi
dire , comme s'il était fourd , & faute d'oreilles
, fes yeux le trompent fouvent. La
facilité de s'exprimer en Espagnol a été d'une
grande utilité à notre Voyageur : on voit en
fant fes Lettres qu'elle le tira de beaucoup
d'embarras , & applanit devant lui beaucoup
dobftacles. Les défiances que fa qualité d'Etranger
& de Français infpirait au premier
inoment , femblaient disparaître , dès qu'on avait
entendu de , fa bouche une phrafe Espagnole .
En général , les nationaux , en tout pays , font
portés à regarder prefque comme un concitoyen
celui qui s'énonce dans leur idiome.
Le Français et trop porté à croire que le
fien peut lui fuffire par tout , parce qu'on
l'entend dans toute l'Europe. C'eſt une erreur ;
& un avertiffement effentiel pour quiconque
veut voyager avec fruit dans quelqu'un des
grands Etats de l'Europe , c'eft de commencer
par en apprendre la Langue. D
·
Au commencement du regne de Louis XIV ,
rien n'était plus.commun en France que de
FRANÇA I S. 27
favoir l'Efpagnol , comme aujourd'hui l'Anglais
c'eft tout le contraire à préfent , & ce
changement cft une conféquence néc fire de
l'influence politique des deux Nations . L'Efpagne
alors était prépondérante; elle n'eft plus
rien , & Angleterre cft devenue, une Fuiffance
du premier ordre voilà ce que fait la
difference des Gouvernemens . Que fera donc
la France , qui , par fes moyens naturels , a
toujours été au premier rang, fi jamais elle
parvient à s'organifer de mariere à leur donner
un principe d'action , conftant & régulier }
Elle doit être un jour , dans cette fuppofition ,
fupérieure à l'Angleterre celle - ci a bufoin
d'un comme ce dominateur ; les foutiens de fa
force & de fa profpérité font dans les deux
Indes ; ils font par conféquent incertain, &
menaces ; la France repoferait fur fes propresfondemens
, & ayant fagement renoncé à fe
faire craindre au loin , elle fe contenterait de
n'avoir rien à craindre chez ella , ce qui dé ,
formais fera le premier degré de puffince &
de bonheur , & l'ambition des Nations éclai
rées. Nous faurons bientôt fi cette haute deftinée
fera la nôtre. Il pous faut faire un violent
effort contre tant d'ennemis ; mais il ne
doir pas être long ; celui qu'ils ont fait contre
nous eft fi grand & fi néceffiirement momentané
, qu'ils ne fauraient le foutenir long-temps .
Cette premiere campagne eft pour eux tout
cu rien : fi nous ne fommes pas enyahis ( &
pour l'être avec tant de moyens de défenfe ,
il faudrait que nous ne fuffions pas des hommes
) , bientôt nous ne ferons plus même àttaqués
, & l'on négociera dès le printemps , b
A l'égard de l'Espagne , il n'y a qu'à lire
les Lettres de M. Ch ** . qui contiennent
":
,
B 2
28 MERCURE
l'exacte vérité , & l'on verra , ce que favaient
déjà tous les hommes inftruits , qu'elle eft loin
de fonger à nous faire la guerre , & encore plus
loin de le pouvoir. L'Auteur donne ici l'état
le plus détaillé de fes forces de terre & de
mer , & le donne fur le témoignage de fes
yeux tout y eft dans le délabrement , non
feulement le plus pitoyable en lui-même , mais
le plus irrémédiable , au moins de long-temps ,
par les vices de l'adminiftration & l'abâtardiffement
univerfel. Les Troupes , peu nombreufes
, ne font ni payées , ni vêtues , ni
armées ; c'eft leur état habituel , & perfonne
ne fonge à y remédier. Il n'y a nul efprit
militaire , nul nerf , nul reffort dans la Nation ,
accoutumée depuis long - temps à jouir indo-
Jemment des douceurs de fon beau climat , de
fa pareffe , de fes combats de taureaux ,
de
fes cérémonies d'Eglife , de fes Madônes , de
fes Saints , de fes guitares , de fes chapelets ,
de fes Pélerinages , & du F ndange ( 1 ) , fans
penfer ni même fe douter qu'il puiffe exifter
un meilleur état de chofes . La plus craffe
ignorance & la plus ftupide fuperftition ont
rout abruti ( fauf quelques exceptions qu'il faut
toujours fuppofer , & qui ne font rien à la
généralité ). L'orgueil qu'ils mettaient autrefois
à être le premier Peuple de l'Europe ( ils l'ont
été pendant un fiecle ) , ils le mettent aujourd'hui
à être le plus Catholique & le plus dévot.
La croyance au Pape & à la Vierge eſt
(1 ) Danfe extrêmement lafcive , qui fait les délices
des Espagnols , que nos Courtifanes n'oferaient pas fe
permettre ici , & où les Moines figurent publiquement
à Madrid.
FRANCAIS. 25
1
la mefure de leur cftime & de leur mépris.
Un Français eft à leurs yeux un bérétique tout
comme un Anglais , avec cette difference qu'ils
haiffent beaucoup plus le premier. Tout héré
tique eft à leurs yeux une efpece de monftre
qui n'a d'humain que la figure , & comme les
Grecs & les Romains appelaient barbares tous
les Peuples qui n'avaient ni leur liberté , ni
leur tactique , ni leurs lumieres ; de même les
Espagnols appellent hérétiques toutes les Natons
qui n'ont pas le bonheur d'avoir la Stc.
Inquifition chez elles , & à ce titre ils le ,
méprifent fouverainement. Voilà pourtant ce
que l'éducation monacale a fait d'une Nation
fpirituelle , généreufe & brave ; c'eft à ce
point que l'ignorance & le fanatilme peuvent
dégrader les hommes , quand une fois ils fe
font mis entre les mains des Prêtres .
Ce qu'il y a de pis , c'eft qu'on ne voit pas
comment l'Espagne fortirait des tenebres our
elle eft plongée. Il faudrait commencer par
réformer l'é Jucation dont les préjugés , ordinairement
invincibles , dominent la vie entiere
; & comment s'y prendre ? Les hommes
ne peuvent échanger leurs erreurs contre des
vérités que par la communication des idées ;
& d'où viendrait- elle ? La terreur qu'infpire le
Saist - Office rend cette communication trèsdifficile
& très dangereufe ; les converfations
font timides , même dans l'intimité , par la
crainte des familiers de l'Inquifition , & les
Livres raisonnables font prohibés comme des
poiloas . La furveillance à cet égard eft d'une
fayante fevérité. L'Efpagne répouffe les lumière,
comme all urs on repouffe la pet .
Elle s'et comme folée au milieu de l'Euro, e),
B 3
30 MERCURE
& la raifon en aura fait le tour avant de paffer
les Pyrénées.
C'est bien autre chofe encore , depuis notre
Révolution comme elle n'eft gueres connue
des Efpagnols que par les récits des Emigrés ,
on en a par- tout l'idée la plus épouvantable à
la fois & la plus ridicule ; & ce cordon établi
fur nos frontieres , qui a fait croire un moment
à des vûes hoftiles , n'était qu'une précaution
de la frayeur & une barriere contre
la contagion de ce qu'ils appellent le mal Français.
Nous fommes dans ce pays-là fous une
efpece de profcription , & cette défiance exceffive
s'étend jufques fur les Emigrés , qu'on
obferve de très - près dans les cantons qui leur
font affignés , & qu'on ne laiffe point paffer au
delà de la Catalogne , province la plus voifine
de nos frontieres. Il y a de quoi s'amufer
des converfations de l'Auteur des Lettres
avec plufieurs de ces fugitifs : chacun d'eux a
fon plan de contre Révolution tour arrangé.
& ne doute pas que ce ne foit celui qui aura
licu. Tous fe bercent journellement de l'espoir
d'un armement de l'Efpagne en leur faveur ,
& le Miniftere n'y a jamais fongé . Ils y menent
une vie plus trifte & plus ennuyeufe à
mefure que leurs refources pécuniaires deviennent
plus rares & plus difficiles ; elles
spuifent aifément dans un pays où ils font
obligés de payer tour comptant & fort cher ;
auffi l'or de la France eft il très- commun en
Catalogne ; mais il ne faut qu'un ou deux ans
de paix pour le faire rentrer chez nous par
le commerce , dans lequel il s'en faut bien
que la balance des befoins & de l'induftrie foit
égale.
Je fais bien que fur cet expofé , qui femble
FRANCAIS.
31
Hvrer ces peuples à la pitić & au mépris , des
raifonneurs ne manqueront pas de répondre
qu'au fond les Efpagnols , quelque opinion que
nous ayons d'eux , n'ont rien à nous envier;
que dans leur efclavage & leur fuperftition ,
du moins ils font tranquilles , tandis que nous
fommes dans le trouble & le danger avec notre
liberté & nos lumieres ; que le bonheur dépendant
des idées acquifes & des habitudes
les Espagnols font auffi heureux en priant dans
leurs églifes , que nous pouvons l'être en dif
putant dans nos affemblées ; auffi contents en
lifant leurs Livres de dévotion , que nous nos
Livres de Politique & de Philofophie ; en affiltant
à leurs mauvais fpectacles , que nous en
écoutant des chef d'oeuvres ; qu'en un mot ils
fe trouvent bien de leur maniere d'être , &
ne voudraient pas de la nôtre.
Cela cft vrai , non feulement des Efpagnols,
mais en général de tous les Peuples , jufqu'
ce que de nouvelles idées viennent à s'y propager
au point de faire naître de nouveaux défirs.
Sans doute ,
On ne peut défiret ce qu'on ne connaît pas ;
& c'est même une iage prévoyance de la Nature ;
afin que chaque Peuple fupporte fon état quel
qu'il foit. Qui pourrait , par exemple , fupporter
fefclavage , s'il avait l'idée & le fentiment de
la liberté ? Beaucoup de peuples ne l'ont pas ,
& reflemblent affez à ce Roi du Pegu qui ayant
demandé à des Hollandais qui était leur Roi ,
& apprenant d'eux qu'ils n'en avaient pas ,
part't , ainfi que toute la Cour , d'un long éclat
de rire , ne concevant pas comment on pouvait
fe paller de Roi . Muis que proupent contre
1
32 MERCURE
nous les raifonnemens que je viens de rappor
ter ? Rien au contraire , ils prouvent en notre
faveur ; car ils partent de ce principe que la
mefure de nos idées & de nos fentimens eft
en général ceile de notre bien - être. Or , comme
nous avons voulu & connu la liberté , qui
malgré fes premiers orages néceffairement paffagers
, eft le premier bien pour ceux qui en
cnt une fois joui , & un bien que rien ne peut
remplacer , il s'enfuit que ceux qui veulent aujourd'hui
nous l'ôter font nos plus mortels en
nemis , & que nous ne faurions trop faire pour
la conferver.
L'Auteur des Lettres , excellent Patriote , écrit
avec un ton de vérité qui infpire la confiance
& donne de l'intérêt à tous les détails de fa
narration. Il a des connaiffances , de la gaieté &
de la Philoſophie . On conçoit qu'il était en fonds
pour fe divertir de la fottife ou de la malice
des Moines Espagnols . Pour égayer auffi nos
Lecteurs , il faut leur conter un de ces Contes qui
ne valent pas ceux de la Sultane des Mille &
une Nu ts mais qui font abfolument dans le
goût des Moines du XII . frecle : ceux d'Efpagne
en font encore -là. C'eft l'Auteur des
Lettres qui va parler. Il vifitait les Hermites du
Mont-Serrat.
»
9
» Mon guide me raconta , au fujet de l'hofpitalité
que fon Couvent eft obligé d'exercer ,
» que Charles III voulut les fouftaire à cette
obligation , à condition qu'ils donneraient une
» fomme pour former un Hofpice à Barcelone.
Quelques Religieux y confentirent ; mais la
majeure partie fut pour la négative , parce
qu'ils regarderent cette innovation comme
» contraire à leur inflitution , & capable d'em→
pêcher les Pé erins de venir au Mont-Serrat. La
כ כ
2
FRANÇAIS. 35
» Vierge elle-même s'y oppofa d'une maniere
» manifefte me dit-il ) ; elle difparut de deffus
» l'Autel où vous la voyez ; on la chercha en
» vain ; on fe mit en vain en prieres pour en re-
» cevoir des nouvelles ; on ne découvrit rien ,
» & ce ne tut enfin que par révélation que le
» P. Anfelmo, vieillard refpectable, qui a 60 ans
» de Religion , nous apprit que la Vierge , en
» colere de l'affentiment qu'avaient paru donner
quelques - uns de nos PP. à l'innovation qu'on
» leur propofait , avait juré d'abandonner l'Au-
33
tel qu'elle honorait de fa préfence depuis
» plufieurs fiecles , & qu'on ne faurait le lieu
» de fa retraite que quand l'abfolue totalité
» des Moines aurait déclaré ne vouloir point
» fe prêter à cette innovation . Vous devez
» penfer qu'il n'y eut alors qu'une voix dans
» le Chapitre pour la rejeter ; & nous fumes
» du P. Anfelmo , qui eut une feconde révé-
» lation , qu'on retrouverait la fainte image
» dans la même caverne où elle avait été
» trouvée pour la premiere fois . C'était dans
» les bois & à un quart de lieue du Monaf-
» tere. Nous y allâmes proceffionnellement &
» dans la plus grande pompe , au milieu de plu-
» fieurs milliers de Pèlerins , que cette réintégration
miraculeufe avait attirés. Il n'a pas
» été queftion depuis de l'Hofpice ; le voeu du
» Ciel s'était trop bien manifefté à cet égard ,
» & la Cour de Madrid ne va jamais contre
a le voeu du Ciel «.
m
Il eft bon de favoir que ce Couvent eft richement
doté pour donner pendant trois jours
de mauvaise foupe & un mauvais grabat à
tous les Pelerins qui vont vifiter l'Hermitage
du Mont-Serrat ; & voilà pourquoi la Vierge
était fi fort en colere. Je fuis bien fûr que notre
34
MERCURE
Voyageur aura eu la difcrétion de ne pas rire
de ce conte : il aurait mal paffe fon temps.
Bien mal en prit à une pauvre femme qui vendait
des eftampes : il fe trouva par bafard chez
elle une mauvaife caricature analogue à la
Révolution Françaife . Ce chiffon fut enlevé
par la Police , & la Marchande condamnée à
fix cents francs d'amende .
:
De la maniere dent penfe l'Auteur , je fuis
étonné qu'à propos de la Sainte- Inquifition , il
ait dit Nos Livres , ceux des Anglais font
pleins de déclamations contre le S:-Office , que
fans doute on a outrées cela devait être «, Je
demanderai à l'Auteur qui montre autant d'indi
gnation que qui que ce foit contre l'Inquifition ,
comment il eft poffible d'outrer for un pareil
fujer ? Affurément je n'aime pas les déclama•
tions plus qu'un autre , mais rien de ce qu'on
a dit contre l'Inquifition ne pouvait être ni
déclamatoire ni outré , puifqu'il n'y a point d'expreffion
qui ne foit au deffous de la chofe.
Lifez feulement le Manuel des Inquifiteurs : c'eft
le Code de ce Tribunal ; il eft bien avéré , bien
authentique ; & tout ce qu'on en peut dire n'approche
pas de l'horreur qu'infpire cette feule
lecture c'eft fans contredit le dernier degrá
poffible de l'abfurdité & de l'atrocité , & limagination
ne peut pas aller au delà . Un homme
qui , dans un Ouvrage de fiction , cût imaginé
ce Tribunal , aurait paru calomnier la Nature
humaine & paffer toutes les bornes du vraifemblable.
Nous ne manquons pas d'Ecrivains
déclamateurs fur tous les fujets ; mais fur celuilà
, il n'y a rien à faire ; tout leur talent y
échouerait.
:
L'Auteur finit par une espece de réfumé fur
les Journaux Ariftocratiques & Révolutionnaires ,
FRANÇAIS. 35
qu'il apprécie très -fainement ; c'eft -à- dire , que
fon jugement eft conforme en tout à la voix
publique ; & nous nous croyons obligés de le
reconnaître , quoique nous puitions y paraître
intéreffés par le témoignage avantageux que
l'Auteur rend au Mercure , qu'il n'a pas l'injuftice
de confondre avec le Journal de Genève ,
lequel Journal était ci-devant , fous un autre
titre , la partie Politique du Mercure . Cette partie
, comme on fait , n'avait rien de commun
avec notre partie Littéraire , qui eft proprement
& originairement le Mercure , dont les nouvelles
Politiques ne faifaient autrefois qu'un acceffoire .
Ileftvrai que cette Politique était rédigée dans des
principes bien différens des nôtres ; mais chacun
ne répond que de ce qu'il écrit & de ce qu'il
figne . Les bons Citoyens feront bien aifes d'apprendre
qu'eile eft aujourd'hui confiée à deux
Ecrivains d'un patriotifine éprouvé , dont l'un
eft . M. Garat , qu'il fuffit de nommer , & dont
l'autre eft M. Le Noir , moins célebre , il eft
ileft
vrai , mais plein de mérite & de lumieres , &
qui , depuis la Révolution , a eu part à beaucomp
d'Ouvrages confacrés à la caufe de la
liberté , & dans lefquels fa modeftie l'a enpêché
de fe nommer.
ANNONCES ET NOTICES.
LA JOURNÉE DE MARATHON , ou le Triomphe
de la Liberté , Piece hiftorique en 4 Actes & en
profe , avec des Intermedes & des Chours ; par
M. Gueroult. A Paris , chez les Directeurs de
l'imprimerie du Cercle Social , rue du Théâtre
Français , No. 4.
36 MERCURE FRANÇAIS.
AGNÈS DE CHATILLON , ou le Siége de S
Jean d'Acre , Opéra héroïque à grand fpectacle ,
en 3 Actes & en vers ; repréfenté pour la premiere
fois fur le Théâtre de la rue de Louvois ,
le 12 Mai 1792. Par M. Planterre , mufique de
M. de Loife. Prix , 25 f. A Paris , chez Froullé ,
Imp-Libr. quai des Auguftins , No. 39.
NOUVELLE GRAMMAIRE ANGLAISE , ou la
Langue Anglaife réduite à fes véritables principes
; par Mlle . Scott Godfrey , préfentement
Mad . Van-Esbecq . Brochure in - 8 ° . A Paris , chez
l'Auteur , à l'Inſtitution , rue Haute - feuille ,
No. 29 ; chez Théophile Barrois le jeune , Lib.
quai des Auguftins ; Nyon jeune , Libr. pavillon
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Les Rivaux , ze. Part.
Charade , En. Log.
3 Lettres. 24
Annonces & Notices.
35
23
735.
MERCURE
FRANÇAIS.
LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
SAMEDI 15
SEPTEMBRE 1792 .
PIECES
FUGITIVES.
CHANSON
GRENADIERE.
AIR : Auffi- tôt que la lumiere.
UN Roi blanc-bec nous chicane ;
Moquons -nous de fes Houlans ,
Tremblant devant une canne ;
Ferraillant pour des Tyrans.
Citoyens , amis & freres ,
Soldats de l'Egalité ,
On lit deffus nos Bannieres :
» La mort ou la Liberté «,
N°. 37 15
Septembre 1792.
C
38
MERCURE
Tour l'Univers nous contemple ;
Amis , frappons-en plus fort;
Donnons au monde l'exemple ,
Aux Tyrans donnons la mort.
Canonniers , brûlez l'amorce ,
Redoublons tous nos efforts ;
Faifons -leur entrer par force
La vérité dans le corps.
W
COURAGE , qu'on me feconde ;
Que du Rhin ils boivent l'eau ,
Et nous , arrachons la bonde
Du tonneau de Mirabeau.
Aux Marquis le DROIT DE L'HOMME
Ne peut , dit - on , convenir ;
Mais en revanche on fait comme
A leurs femmes il fait plaifir.
→we
PLUTÔT qu'un Ariftocrate
Aux Français donne des fers ,
J'irai faire en Démocrate
Des motions aux Enfers.
t
Si Proferpine me berne ,
Et tient pour l'Abbé Mauri ,
Je la inonte à la lanterne ,
Et je fabre fon mari.
( Par M. Riouf. )
FRANÇA I S. 39
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent .
Le mot de la Charade eft Ecumoire ; celui
de l'Enigme eft Rouet ; & celui du Logogriphe
eft Sacerdoce , où l'on trouve Rofe ,
Corde, Cocarde, Rade, Arc, Sacre.
CHARADE A MLLE . ***
LES Arufpices autrefois
Par mon premier s'érigeaient en Prophetes ;
De mon dernier le déclin eft parfois
Ce que redoutent les Coquettes ;
Mais vos attraits , Zulmis , Vous font un sûr
Que jamais mon entier ne fera votre amant .
( Par M. Lagache fils, d'Amiens. )
ÉN I G M E.
1
garant
CHANSON fur l'Air du Confiteor.
JE fuis du genre féminin ,
Méchante quand je fuis vieillie ;
J'ai le front ridé , l'oeil malin ;
On ne me trouve pas jolie.
Mais , mais paffons donc fur cela ,
Voyons qui me devinera .
C &
40 MERCURE
;
IRIS , fi vous vous connaiffez ,
Vous ne pouvez pas me connaître
Cependant quand vous paraiſſez ,
Auffi - tôt vous me faites naître .
Mais , mais j'en dis trop fur cela ;
Voyons qui me devinera.
VOTRE Amant fait peut - être bien
Mon nom & toute mon affaire ;
S'il ne vous en témoigne rien ,
C'est par crainte de vous déplaire .
S'il eft heureux , il obtiendra
Le doux prix qui me détruira .
ON
LOGO GRIP HE.
N me trouve , Lecteur , à la ville , au village
Même dans les fimples hameaux ;
Ma premiere moitié voit naître le feuillage ,
Et l'autre anime les échos .
( Par M. Lagache fils , d'Amiens. )
FRANÇAIS. 41
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRES originales de Mirabeau , écrites
du Donjon de Vincennes , pendant les
années 1777 , 17-8 , 1779 & 1780 ;
contenant tous les détails farfa vie privée,
fes malheurs , & fes amours avec Sophie
Ruffey, Marquife de Monnier ; recueillies
par P. MANUEL , Citoyen Français.
4 Vol. in - 8º . A Paris , chez Garnery ,
Libraire , rue Serpente , No. 17.
MIRABEAU a été vraiment l'homme de
la Révolution. On verra , en lifant ces
Lettres , que la Nature & la fortune l'avaient
comme de concert , préparé & mûri
pour cette grande époque de notre Liberté
& de fa gloire. Il était né avec une ame
ardente & forte , un génie puiflant & flexible
, une vivacité d'imagination qui ne
nuifait en rien à la jufteffe des idées , un
penchant effréné pour le plaifir , joint à la
plus grande facilité pour le travail , & un
tempérament robufte , capable de fuffire
en même temps & au travail & au plaifir ;
unc activité de penfée qui femblait dévo-
C3
42 MERCURE
rer tous les objets , & une promptitude de
mémoire qui les embraffait tous.
-Né d'un pere qui avait de l'efprit &
des connaiffances , fon éducation fut foignée
comme elle pouvait l'être alors ; mais
les hommes tels que lui font toujours la
leur , & fon caractere & les circonftances
lui procurerent bientôt la plus rude , mais
auffi la plus inftructive de toutes , celle du
malheur. Son premier ennemi fut fon pere :
Ecrivain Législateur & homme à fyſtème ,
il avait jeté quelques idées utiles fur l'Economie
rurale & fur l'Impôt , dans de
gros Ouvrages remplis d'ailleurs du plus
ridicule fatras ; fier comme Gentilhomme ,
& vain comme Auteur , il s'enorgueilliffait
d'être un des chefs de la Secte Economiſte
, conjointement avec Quefnay
Turgot , Dupont , Roubaud , qui avaient
infiniment plus de principes & de méthode
que lui , & qui écrivaient beaucoup mieux.
Entêté & inconféquent , comme tous les
gens médiocres , il détériorait fyftematiquément
les terres en fe flattant d'enrichir
l'Etat par fa théorie , & tyrannifait fa
famille en prêchant la liberté politique ;
uniffant par un mélange affez commun
tous les préjugés de la féodalité , qui étaient
dans fon coeur , avec tout l'étalage des maximes
philofophiques qui n'étaient que fous
fa plume. Cet homme impérieux & bi- -
zarre apperçut bien vite dans la jeunelle
FRANÇA I S. 43
"
de fon fils & dans le premier développement
de fes facultés un efprit d'indépendance
dont il fut bleffé , & une fupériorité
de talens qui menaçait fa vanité . Si c'eût
été un Citoyen & un pere , il eût penfé
comme ces anciens Républicains dont le
premier voeu était d'être furpaffés par leurs
fils ; mais l'orgueil du rang & des opinions
n'en avait fait qu'un Delpote : il fut jaloux
; il le fut à l'excès , & devint un vrai
tyran . En refufant à fon fils l'honnête néceffaire
, en le mariant contre fon gré, en
traitant avec une févérité outrée des erreurs
de jeuneffe , en lui montrant fans ceffe la
rigueur d'un Juge , l'autorité d'un pere , & la
fombre défiance d'un ennemi ; enfin en lui
fermant abfolument fon ame il révolta
celle d'un jeune homme fier & fenfible ,
qui avait la connaiffance raifonnée de fes
droits , & déjà le premier fentiment de
fes forces. Au lieu de prendre les arrangemens
convenables qu'une grande richelle
mettait à fa difpofition pour payer les
dettes de fon, fils , il parut défirer en fecret
d'enchaîner le génie de ce jeune homme
par des embarras de fortune ; & fa conduite
dans la malheureuſe aventure de Ma
dame de Monnier fait juger qu'il ne vit
dans une faute très excufable par toutes
fes circonftances , qu'une occafion de le
perdre à jamais , & de l'enfevelir dans la
nait des cachors , ou de le forcer à s'ex-
C
4
44 MERCURE
patrier. On voit clairement qu'il ne lui
pardonnait pas d'apprécier le mérite de ſon
pere , & de fentir le fien. Il s'arma contre
lui du Defpotifme Ministériel , ſous prétexte
de le dérober à la vengeance des Loix,
& c'était la fienne propre qu'il fatisfaifait,
puifqu'il eft prouvé que , même fuivant
les Loix de ce temps - là , toutes vicieuſes
qu'elles étaient , Mirabeau ne pouvait jamais
être condamné . L'évaſion de Madame
de Monnier avait été volontaire ; elle avait
vingt- quatre ans , elle était mariée depuis
fix. Hn'avait point été compagnon de fa
fuite ; il n'y avait donc ni féduction ni rapt.
Il l'avait rejointe depuis , il eft vrai ; mais
cela prouvait feulement qu'ils étaient
amoureux l'un de l'autre ; l'action'en adultere
n'eut jamais lieu & ne pouvait être
intentée , parce qu'il n'y avait aucune
preuve poffible. Il n'y avait donc , encore
une fois , d'autre crime que l'amour, trèsexcufable
au moral, & nul dans les Tribunaux.
Tout ce que je viens d'expoſer eſt conſtaté
par des témoignages irrécufables dans
les Lettres de Mirabeau : il eft impoffible
d'en fufpecter l'authenticité & la véracité.
Par un hafard fingulier , c'eft entre les
mains des agens du Pouvoir abfolu que ces
Lettres étaient en dépôt , & par un autre
hafard non moins remarquable , c'était un
Lieutenant de Police qui avait porté l'inFRANÇA
I S. 4'5
dulgence jufqu'à fe rendre l'intermédiaire
de la correfpondance de deux Amans emprifonnés.
Tous les faits qu'il allegue en
réclamant juftice , ne fauraient être révoqués
en doute , puifque de la vérité de ces
faits il fait dépendre la liberté & fon honneur
, & qu'il s'adreffe à ceux qui étaient
à portée de vérifier tout , & qui étaient
les maîtres de fon fort .
Ces Lettres ont donc un avantage précieux
, celui de jeter le plus grand jour fur
le caractere d'un homme fameux qu'on a
eu tant d'intérêt à calomnier. Elles font
une réponſe péremptoire à tant d'accufations
, auffi abfurdes qu'infames , dont on
a voulu le noircit , au moment où, pour fe
venger de la gloire & des triomphes de
l'homme public , on a eu recours à la reffource
commune d'attaquer l'homme privé.
Ces Lettres font pour la mémoire de Mirabeau
une égide terrible fur laquelle il a
gravé les titres irréfragables qu'il préfente
au jugement de la Poftérité , titres d'autant
plus sûrs qu'ils n'étaient pas deftinés .
pour elle. Ce ne font point ici des Mémoi
res écrits pour le Public , ni même des
Confeffions , où l'on peut toujours ſe montrer
tel que l'on confent à être vu , mettre
d'autant plus d'artifice qu'on fait mieux
prendre l'air de la vérité , & fe faire vafoir
d'autant mieux qu'on a plus l'air de
accufer. Non , rien de tout cela : ces
Ci
MERCURE
i
Lettres, écrites dans un cachot à une Maîtreffe
, & paflant par les mains d'un Juge,
ne devaient jamais être vues par d'autres,
& fans le hafard de la Révolution , il eft
probable. qu'elles n'euffent jamais vu le
jour. Amant & malheureux, il ne pouvait
avoir d'autre confolation , d'autre befoin
que de s'épancher avec celle qu'il aimait ;.
accufé , il fe perdait s'il eût effayé un moment
d'en impofer, aux arbitres de fa deftinée.
Il ne put donc tromper ni fur les
fentimens ni fur les faits ; & fous l'un &
l'autre rapport , il y a de quoi juftifier ou
même honorer fa mémoire .
Il eft impoffible à quiconque lira ces
Lettres fans prévention , de croire que.
l'homme qui écrivait ainfi dans le Donjon
de Vincennes ait pu être un méchant , un
liche , un pervers . Ceux qui faifaient con--
fifter le courage dans ce qu'on appelait fi
ridiculement les affaires d'honneur , verront
que cet homme qu'on traitait de poltron ,.
parce qu'étant Légiflateur , il ne voulait.
pas defcendre à n'être qu'un Spa'allin
avait eu dans fa jeuneffe deux de ces affaires
- là , qu'il s'était battu une fois ,
qu'une autre fois il avait foufleté fon adverfaire
qui refufait de fe battre , & que
pour ces deux affaires il fubit une premiere
détention . Mais un courage bien autrement
admirable , c'eft celui d'ecrire, fous
les verroux de Vincennes , à des Miniftres
FRANÇA I S. 47
abfolus , à des Grands , du flyle & du ton
d'un homme libre ; de développer avec autant
d'énergie que de jufteffe tous les principes
du droit naturel en parlant à des
homines qui ne connaiffaient que le droit
du plus fort ; de répandre fur un papier
fouvent trempé des larmes de l'infortune ,
tout le feu d'une ame embrafée du faint
amour de la Liberté. C'eft- là fur-tout ce
qui annonçait dans le Mirabeau de Vincennes
, le Mirabeau de l'Aflemblée Nationale
; c'eft- là qu'on voit tout ce qu'il
devait être un jour ; c'eft- là qu'il femble .
lui- même le preffentir de loin , & entrevoir
la Révolution dans l'avenir. Combien
en effet a dû être grand dans la Tribune
de la Liberté , celui qui était fi ferme , fi
hardi , fi impofant fous les chaînes de la
tyrannie ! Mais auffi ce font ces mêmeschaînes
qui l'ont fait ce que nous l'avons
vu ; & c'eft toujours le Defpotilme qui
forme , fans y penfer , ceux qui doivent le
détruire ; c'eft lui qui prent foin de tremper
les armes dont il fera frappé.
Cette perfécution fi longue & fratroce
exercée contre Mirabeau, en comprimant le
reffort d'une ame forte , devait lui donner
une impulfion formidable , puifqu'elle ne le
brifait pas. Dans ces lettres , qui le rendront
auffi intéreffant aux yeux de la Poftérité
que fon pere y paraîtra petit &
odieux , fes forces morales fe développe-
C. 6
45
MERCURE
rent fous tous les rapports imaginables . I
trace déjà toute la théorie du Gouvernement
légal, il rafflemble des réſultats lumi
neux de fes lectures & de fes réflexions
fur toutes les parties de l'Economie politique
, fur les Sciences , fur les Arts , fur
les objets de Littérature & de goût. Son .
talent pour écrire fur toutes les matieres ,
brille de tout fon éclat dans des Lettres:
minutées avec la plus grande rapidité , qui,
offrent , parmi quelques négligences de
diction & quelques fautes de goût , une
foule de beautés de toute efpece. Comme
Ouvrage de fentiment , c'eft le feul qui
puiffe être comparé pour la vraie chaleur
& la vraie fenfibilité aux plus belles Lertres
de la Julie de Rouffeau ; & pourtant
quelle difproportion dans le fujet , la fituation
& les moyens ! Rouleau avait à fa difpofition,
tous ceux d'un Romancier qui
arrange fa fable , la gradation , le noeud
les incidens , les épiſodes , le dénouement ::
joignez y l'oeil du Public ouvert fur l'Ouvrage
, & celui de l'Auteur ouvert fur les
Public. Mirabeau , au contraire , dans la
folitude d'une prifon , dans le défefpoir ,
dans l'abandon , & dans l'incertitude plus
cruelle encore , écrit durant quatre années ,.
toujours dans la même fituation , n'ayant
jamais que le même cri , la Liberté & fa
Maitreffe , & on lit ces quatre gros Volumes,
de Lettres , où il n'y a pas un évés
FRANÇAIS. 49
nement و
avec autant de plaifir & d'intérêt
que le Roman le mieux fait & le plus
touchant. Jamais on n'a pu mieux voir
qu'il y a dans l'amour un charme qui n'eft
qu'à lui ; c'eft de n'avoir jamais qu'une
même chofe à dire & de la dire toujours
fans s'épuifer ni fe laffer jamais , & même
fans laffer les autres , quand il a l'éloquence
qui lui eft propre. On fent bien
qu'il ne s'agit pas ici des Amans vulgaires ;
en fait qu'ordinairement rien n'eft fi infipide
pour un tiers que leurs converfations:
& leurs Lettres. Il n'en eft pas de même
de l'homme fupérieur ; comme il porte fom
génie dans fes paffions , il révele tous les
fecrets de l'un & de l'autre , & les rend
d'un intérêt général.
Mais ces mêmes Lettres qui parlent f
bien au coeur , qu'on dirait que l'Auteur
n'a été occupé qu'à fentir & à aimer, parlent
en même temps à la raifon , de maniere
qu'il femble qu'il n'ait été occupé
qu'à penfer. Vous rencontrez à tout moment
des vérités fortement énoncées , des
expreffions de génie , des traits de paffion
, des raifonnemens vigoureux , des apperçus
vaftes , des réflexions fines ou profondes
. Une Lettre apologétique qu'il
adreffe à fon pere , un examen des princi--
pes contenus dans fes Ecrits , & mis en
oppofition avec fa conduite , un Mémoire:
en forme contre lui ,, envoyé au Lieutenant
so
MERCURE
de Police , font autant de chef - d'oeuvres
en leur genre , & réuniffent une dialectique
victorieufe , une ironie amere & une
éloquence noble , fans jamais paller la mefure
en rien.
Quoique la fituation de l'Auteur ne
change pas , cependant le ton de fa cor--
refpondance eft plus varié qu'on ne pourrait
l'imaginer , & l'état de fon ame femble
different au point de paffer d'un extrê
ne à l'autre , quoiqu'il n'y eût en effet
d'autre variation dans fon fort , que le plus
ou moins d'espérance de liberté. C'eft que
véritablement les degrés de l'efpérance font
les feuls événemens de la vie d'un prifonnier
, mais des événemens très- confidérables
, Aulli Mirabeau paraît tantôt dans la
plus déchirante douleur , dans le plus viclent
défeſpoir , dans le plus finiftre abattement
; tantôt dans la férénité & dans le
calme , dans les jouiflances d'un bonheur
prochain dans toute la liberté d'efprit
qu'il aurait eue dans le monde , fouvent
même dans la gaieté & le plus folâtre enjouement.
Cette derniere difpofition ne fe
montre gueres , il est vrai , que lorfqu'il
a l'affarance très prochaine de fon élargiffement.
Il menace quelquefois , dans le
cours de fa détention , de fe donner la mort,
& il paraît alors de bonne foi ; mais il ne
l'aurait fûrement pas fait tant que fa Maîtrelle
aurait vécu & l'aurait aimé : tant
7
FRANÇAIS. 31
qu'on s'aime & qu'on efpere de fe revoir,
on ne le réfour point à mourir. Comme le
bien tient de près au mal dans les chofes
humaines Mirabeau fe défole dans fa
prifon d'être féparé d'une Maîtrelle ; it
femble que ce foit-là fon plus grand malheur
; & c'était réellement celui qui lui
faifait fupporter tous les autres ; fans ce
foutien , une ame auffi ardente & auffi
fiere que la fienne aurait pu fe jeter dans.
le défefpoir ; mais le plus grand tourment
de la cap ivité eft d'être feul , & avec l'amour
on et toujours deux , même féparés
l'un de l'autre ; & voilà pourquoi l'on ne
fe tue point , quoi qu'il arrive. L'amour
vous charge de deux exiftences ; vous ne
pouvez difpofer de l'une fans attenter à
l'autre ; & comme celle - ci eft facrée, l'autre.
eft néceff.irement refpectée,
Ou a remarqué dans les Lettres de Mirabeau
des penfées , des expreflions , des
phrafes , des morc aux entiers d'emprunt ,
& tirés d'Ouvrages connus qu'il ne cite pas.
Il ne faudrait pourtant pas en conclure que
c'eft un plagiat. D'abord ces Lettres n'étaient
nullement deftinées à l'impreflion :
de plus , lifant & écrivant beaucoup &
très vite , parce que c'était fa feule reffource
, il confondait quelquefois , fans y
penfer , fes compofitions & fes lectures .
Celui qui rend ici hommage à fa mémoire,
fe glorifie d'être pour beaucoup dans ces
32 MERCURE
larcins involontaires : il y a , entre autres ,
une douzaine de vers de Melanie , réduits
en profe , fans autre retranchement que
celui de la mefure & de la rime , & d'ailleurs
confervés mot pour mot. Il n'y a
qu'une feule de ces expreflions empruntées
qu'il ait foulignée comme citation :
elle convenait au Donjon de Vincennes
comme à un Couvent : Et l'on
y
long- temps . Mais ce qui prouve que quand
il ne cite pas , c'eft uniquement fa mémoire
qui le trompe , c'est qu'il tranfcrit
quelque part huit ou dix vers de Voltaire ,
fans pouvoir fe rappeler où il les a lus.
meurt
Une des chofes qui font le plus d'honneur
à fa fenfibilité , c'eft le tendre intérêt
qu'il montre fans ceffe pour cet enfant qu'il
cut de Madame de Monnier , & qu'il perdit
fans l'avoir jamais vu . Il entre dans les
plus petits détails fur fon éducation morale
& phyfique , & paraît aufli accablé
de fa mort que s'il l'eût vu croître dans
fes bras. Les affections de la Nature n'entrent
pas fi profondément dans un mauvaiscoeur.
On regrette de ne pas connaître davantage
l'objet d'une fi grande paffion dans
un homme tel que Mirabeau. Ce Recueil
n'offre qu'une feule lettre de Madame de
Monnier ; mais elle fuffit pour donner l'idée
d'une femme dont l'efprit était fort au
deffus du commun , & c'eft beaucoup de
FRANÇA I S. $3
ne pas refter au deffous de l'opinion qu'en
donne Mirabeau.
ANNONCES ET NOTICES.
DE L'AUTORITÉ DE RABELAIS dans la Révolution
préfente & dans la Conftitution civile dụ
Clergé , ou Inftitutions Royales , Politiques & Eccléfiaftiques
; tirées de Gargantua & de Pantagruel.
Solventur rifu tabula. HOR.
Brochure in- 8° . En Utopie , de l'Imprimerie de
l'Abbaye de Théleme ; & à Paris , chez Gattey ,
Libr. au Palais -Royal , Nº. 14.
Cette Brochure très- agréable eft d'un homme
d'efprit & de fens , qui fait voir que Rabelais en
avait beaucoup plus qu'on ne lui en croit communément
. On en a extrait ici la fubftance , débarraffée
des ordures & du verbiage , & l'on a
choifi avec beaucoup de jugement les morceaux
les plus piquans , qui prouvent que Rabelais penfait
fur les Parlemens , fur le Clergé , fur les
Moines , fur le Pape , fur la Cour , précisément
comme nos Philofophes & nos Légiflateurs . 11
faut lire fur-tout le Chapitre fur l'ordre Judiciaire .
L'Auteur termine ainfi fes citations : Si vous
$4
MERCURE
» connaiffez , ' Lecteur , un trait comique ou fa-
ဘ tyrique , mieux & plus délicatement lancé que
» celui-là , je vous en fais mon compliment .
Il a toute raifon : le morceau eft charmant ; il
eft digne de Moliere .
INSTRUCTION fur la Contribution fonciere ,
dans laquelle on a expliqué comment les Impofitions
étaient perçues fous l'ancien Régime ;
comment la Contribution fonciere eft établie ;
comment elle doit être annuellement déterminée
& répartie ;
comment fe doivent faire les états
-
de Section ; comment fe doit évaluer le revenu
net des propriétés ( ce qui s'applique à l'évaluation
de toutes les propriétés
& des fruits
reftituables ) ; comment le fait la réduction
de l'arpent du Roi à la fétérée Delphinale
( ce
qui peut fervir pour la réduction de toute fupercomment
doivent fe faire la matrice
ficie ) ; -
de rôle & le rôle ; -- comment le rôle doit être
déclaré exécutoire & mis en recouvrement ;
comment doivent fe faire la perception , le recouvrement
, & les exécutions faute de payement
; comment les réductions de Contribution
peuvent être de andées & obtenues ;
comment doit fe faire la retenue de la Contribution
fur les rentes ci- devant feigneuriales &
foncieres , fur les rentes conftituées , les intérêts ,
FRANÇAIS. 55
& les penfions viageres ; & la comparaifon des
Impofitions de 1789 avec la Contribution foncicre
de 1791. L'Ouvrage eft terminé par l'examen
de cette queftion » Les Impofitions étaient
» déduites fur les fonds taillables , lors de leur
» eflimation dars les compofitions de maffe pour
» le réglement des légitimes ; aujourd'hui que
сс
tous les priviléges font abolis , la déduction de
» la Contribution fonciere doit-elle être faite «<< ?
Par M. Royer Defgranges , Homme de Loi à
Grencble ; & par M. Guedy , ci-devant Procureur
au Parlement de la même ville. 1 Volume
in- 8 ° . Prix , s liv. broc. Se vend à Paris , chez
Delalain le jeune , Libr . rue St-Jacques ; & chez
tous les Libraires du Palais - Royal .
Cette Inſtruction méthodique eft très - claire &
très-lumineufe ; elle met chacun à la portée des
vraies difpofitions de la Loi , & à l'abri de tout
arbitraire ou de toute erreur ; elle eft utile &
même néceffaire non feulement aux Contribuables ,
mais encore aux Municipalités , & même aux
Corps Adminiftratifs . Elle a eu l'approbation d'un
Miniftre des Contributions , & de plufieurs Directoires
.
DES DEVOIRS DE L'HOMME , Ouvrage traduit
du latin de M. T. Cicéron , avec des Notes &
la Vie de l'Auteur ; par Emmanuel Brofielard ,
56 MERCURE
Homme de Loi , Electeur de Paris aux annéet
1789 , 1790 & 1791 , Affeffeur du Juge de Paix
de la Section de la Place Royale , Membre du
Confeil général de la Commune. Volume de 400
pages. Prix , 4 liv. br . A Paris , chez l'Auteur ,
rue Culture- Sainte -Catherine , No. 13 ; & chez
Dupont , Imp- Libr . rue de Richelieu , No. 14 .
La traduction eft un des genres de littérature
où ce fiecle a eu de l'avantage fur le précédent ,
parce que des hommes d'un vrai talent n'ont pas
dédaigné de s'en occuper. Celle du Traité des
Devoirs , que nous annonçons ici , doit être rangée
parmi les meilleures que nous ayons : ce
n'eft point une production de pédant , comme il
y en a tant ; l'Auteur traduit avec cette liberté
fage & cette fermeté de ſtyle qui réfu! te'de l'intelligence
parfaite de l'original & de la connaiffance
réfléchie des différens procédés des deux
Langues. Sa verfion , toujours élégante , pure ,
précife , prêterait bien rarement à une critique
motivée , & jamais fur des points effentiels . Les
excellentes Notes raſſemblées à la fin du Volume ,
prouvent une vérité qui n'eſt ſentie des connaiffeurs
; c'eſt que pour faire un bon Livre en
ce genre , comme en beaucoup d'autres , il faut
être fort au deffus de fon Livre . Elles font remplies
d'idées faines , quelquefois grandes & fortes ,
toujours utiles & appropriées aux circonftances
que
FRANÇA I S. 57
préfentes. Il y a peu de fautes de goût , & le
talent s'y montre à tout moment. L'Auteur penfe
& s'exprime d'après lui - même , ce qui eft rare
dans tous les temps , & fur-tout aujourd'hui . Un
coup d'effai fi diftingué doit engager l'Auteur à
ne pas en refter là .
L'EGLISE GALLICANE vengée de toute accufation
de Schifine , & préjugés légitimes de Schifme
contre ceux qui l'en accufent . Sermons prêchés les
6 & 29 Janvier 1792 , par François de Torcy ,
Prêtre de la Doctrine Chrétienne , Recteur du
Collége Français de Saint - Omer. A Paris , même,
adreffe que ci -deſſus. Prix , 15 f.
C'eft la contre - partie de plufieurs Brochures
fanatiques on y juftifie tout ce qu'elles anathé--
matifent ; c'eft le combat de la vérité contre
l'erreur. Il faut ' efpérer que fi- cette derniere a
long-temps triomphé , l'autre finira par être la
plus forte.
POLITICON , Ou Choix des meilleurs Difcours
fur tous les fujets de Politique , traités dans la
premiere Affemblée Nationale de France ; avec
une Analyſe hiftorique & critique des Motions
& Opinions fur les mêmes fujets. Ouvrage enrichi
de Portraits gravés par les meilleurs Maîtres.
58 MERCURE
Par L. S. de Baleftrier - Canilhac, 8 Vol . in- 8 ° .
Tomes I , II , III & IV ; les V & VIº . qui forment
la 3º . & derniere Livraiſon de cet Ouvrage,
paraîtront à la fin de Septembre prochain . Prix ,
4 liv. le Volume pour Paris , & 4 liv . 10 fous
franc de port pour tout le Royaume. A Paris ,
chez l'Auteur , rue Païenne , No. 7 ; Laurent
Libr . rue de la Harpe , No. 18 ; Lacloye , Lib .
à l'Orme Saint- Gervais ; & chez les principaux-
Libraires de France .
3
in-
CODE CRIMINEL , III . Partie du Code Judiciaire
de la Collection des Décrets par ordre de
matieres ; rédigée par M. Camus & autres Membres
de l'Affemblée Nationale conftituante ;
8º. Prix , 2 liv. 10 f. br. pour Paris , & liv.
5 f. franc de port pour les Départemens ; in - 32 ,
br. 36 f. & 45 f.; in-16 , papier vélin , 4 livres
10 f. & S liv . A Paris , chez Le Boucher , Libr .
rue St -Honoré , à côté de St- Roch , Nº. 278 ,
ou à fa boutique , jardin des Feuillans , près
l'Aſſemblée Nationale ; & chez Baudouin , Imp .
de l'Affemblée , cour des Capucins-St-Honoré.
NOUVELLES RECHERCHES SUR LA LANGUE ,
l'origine & les Antiquités des Bretons , pour fervir
à l'Hiftoire de ce Peuple ; par L. T. D. C.
FRANCAI 5. 59
Capitaine au 80 ° . Régiment d'Infanterie , de l'Académie
Efpagnole de l'Hiftoire , & du Musée
de Paris . On a joint à ces Recherches un Gloffaire
ou Tableau comparatif d'un grand nombre .
de mots grecs , latins , français , efpagnols , allemands
, anglais , & c. qui , pour la forme & le
fens , ont encore confervé de nos jours le plus
grand rapport avec le Celto-Breton , & paraiſſent
avoir appartenu primitivement à cette Langue . A
Baionne ; & à Paris , chez les Marchands de
Nouveautés.
}
ESSAI SUR LA LÉGISLATION CIVILE , dédié à
la premiere Légiſlature ; par un Patriote de Tours .
Brochure . A Paris , chez Quenette , Libraire &
Commiffionnaire pour les Départemens , rue de
la Harpe , No. 172.
TOME IV . DES CONSTITUTIONS des principaux
Etats de l'Europe & des Etats - Unis de
l'Amérique ; par M. de la Croix , Profeſſeur de
Droit public au Lycée . 1 Vol . in- 8 °. A Paris ,
chez Buiffon , Imprim-Libr . rue Haute-feuille ,
No. 20. Prix , 4 liv . br. & 4 liv . 10 f. franc de
port par la Pofte.
60 MERCURE FRANÇAIS.
L'HEUREUSE NATION , ou Relation du Gouvernement
des Féliciens ; Peuple fouverainement
libre fous l'empire abſolu de ſes Loix , &c . 2
Vol . in- 8 ° . Fig. Prix , 8 liv . 10 f. br. & 9 liv .
ro f. francs de port par la Pofte. A Paris , chez
Buiffon . Impr- Libr . rue Haute-feuille , N ° . 20 .
COMPARAISON DES CONSTITUTIONS de la
Grande - Bretagne & de la France ; par Pierre
Caze , de la Société Nationale des Neuf Soeurs.
Brochure in- 8 °. A Paris , de l'Imprimerie de ladite
Société , quai des Miramionnes , Nº. 19 .
MUSIQUE.
III . RECUEIL de petits Airs de Chants , avec
accompagnement de Piano - forté ou de Harpe ;
dédié à Mad . Perregaut ; par M. Martini . Prix ,
9 liv . A Paris , chez M. Boyer , rue de Richelieu
, à la Clef d'or , paffage de l'ancien Café
de Føy.
CHANSON.
TABL E.
37 Lettres.
41
Charade, Enig. Log. 39 Annonces & Notices. 53
MERCURE
FRANÇAIS.
9 LIBERTÉ , ÉGALITÉ .
SAMEDI 22 SEPTEMBRE 1792.
PIECES FUGITIVES.
CHANSON,
AIR D'Adélaïde.
DANS L'art de plaire ,
Qui pourrait égaler Lifon ?
La Beauté qui regne à Cythere ,
D'elle pourrait prendre leçon
Dans l'art de plaire,
DANS fon fourire
Quel attrait ! qu'il eft envié !!
Que je fens tout ce qu'il doit dire
( Lorfque l'Amour eft de moitié
Dans fon fourire !
N°. 38. 22 Septembre 1792.
D
62 MERCURE
QU'ELLE eft charmante !
Que fes regards font féduifáns !
C'est un danger qui vous enchante ;
Et l'on le fouvient trop long-temps
Qu'elle eft charmante .
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
Le mot de la Charade eft Volage ; celui
de l'Enigme eft Jaloufie ; celui du Logogriphe
et Maiſon.
CHARADE.
QUAND la nuit commence à paraître ,
Le hibou quitte mon premier ;
En certain temps , Lecteur , peut-être
· Tu portes bas de mon dernier ; -
Si tu veux trouver mon entier ,
Cherche dans quelque lieu champêtre:
( Par M. Lagache fils , & Amiens. )
FRANÇAIS.
EN JG
!332 ;།
Mar Erben 201
oi asl auos elov om ok
JE ne porte qu'un nom , & pourtant j'en ai m
Mon ufage eft commun & n'eft pas moins tiles
Je fers également au pauvre comme au Roi
Mais près d'un fexe aimable eft mon plus
200
emploi.
bel
sin Mon élégance ajoute aux charmes d'Idalife
Sous diverfes couleurs on me voit à l'Eglife ;
J'accompagne toujours au Barreau l'Avocat
Et dans le même inftant ( admirez ma franghife ),
Je fers au lit des Rois , & fuis fur le grabat.
q
LOGO GRIP H E.
EH quoi ! toujours au Numéro prochain
Renverra -t- on le mot des Logogriphes ?
Que fous quelques hieroglyphes.
Il foit caché jufques au lendemain ,
Paffe encor pour cela ; mais être dans l'attente
Pendant huit jours entiers ! cette idée épouvante .
J'en veux agir tout autrement ;
Et pour ne mettre point l'efprit à la torture ,
D'abord je dirai bonnement
Quel est mon nom , ma taille & ma figure.
D 2
MERCURE
Lecteur, pour exifter d'yeux j'eus be foin toujours ,
Et cependant , admire mon effence
Les
,
ayant beaux comme ceux des Amours ,
Je me vois tous les jours privé de l'existence .
fai dit le mot : relis & tu me tiens ;
Relis , Lecteur ; cherche à ton aife..
,
67
Pour ma taille , ne t'en déplaife ,
od Elle a fept pieds , & j'y contiens
Deux des notes de la mufique ';
nsM
Un heu très- paffager ; cet homme évangélique
Dont on cite fouvent l'oileau ;
27UQUIC
Ce que le Pêcheur jette à l'eau
br
Pour faifir la gent aquatique..
i
J'en ai trop dit , je crois ; déjà tu me connais :
S'il en eft temps encore , je me tais. ***
Par M. Vifinet , Aumônier du
Bataillon des Poftes. )
', 'a :q ,
by and garbab ¿
FRANÇAIS.
2
1.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
13
COLLECTION Complette des Travaux de
M. Mirabeau l'aîné , à l Affemblée Na
• tionale ; précédée de tous les Difcours
& Ouvrages du même Auteur , prononcés
ou publies en Provence , pendant le cours
des élections : par M. ETIENNE MÉJAN.
s Volumes in-8° avec le Portrait de
Mirabeau. A Paris , de l'Imprimerie de
la veuve Lejay , rue St. - Honoré, Hotel;
d'Auvergne , No. 100 , & Je vend à lài
même adreffe.
NOUS
la
ous avons confidéré Mirabeau , dans
fes Lettres
comme homme privé ; fes
Travaux à l'Affemblée Nationale vont nous
montrer l'homme public. bolima aceb
J'avais déjà parlé de la fupériorité de
fes talens oratoires , & effayé de les carac
tériſer dès 1770 ( 1 ) , dans un temps où
peut - être
y courage
avait
- il quelque
rendre une juftice éclatante à un homme
)
( ) Mercure du 21 Août.
D
3
66 MERCURE
28
qui avait tant d'ennemis & de détracteurs
& contre qui la haine élevait des clameurs
furieufes. Mon témoignage était d'autant
moins fufpect que je n'avais aucune liaifon
avec lui. Auffi en parut- il flatté , & la
reconnaiffance qu'il me marqua me donna
occafion de le voir quelquefois. Nous nous
convenions d'autant mieux qu'il s'était
bien apperçu que je goûtais véritablement
fon éloquence qui était du bon genre ,
c'eft- à - dire antique , franche , républicaine,
n'ayant rien de la rhétorique moderne :
d'ailleurs fes principes de Politique étaient
les miens. Il penfait que s'il y avait jour à
etablir avec quelque sûreté une Monarchie
legale , il fallait, pour être conféquent, protéger
la prérogative royale, de peur de tomber
fous la tyrannie des Repréfentans ou
des Démagogues ; mais que fi l'incurable
corruption de la Cour nous forçait à une
defiance légitime , deftructive de l'action du
Gertechement , alors une Conftitution purement
Républicaine , malgré les inconvémens
qu'elle pouvait avoir dans un Empire
de 26 millions d'hommes , était , fans nulle
comparaifon préférable à une Royauté
fufpecte & avilie.to 25 (2
2110
Voici comme je m'exprimais alors fur
Mirabeau , confidéré comme Orateur.i
Ceux qui aiment à obferver les moyens.
" & les effets de l'éloquence , depuis que
"
FRANÇAIS.
67
55
fa Révolution l'a mife à portée de jouer
» le premier rôle parmi nous conmé chez
les Anciens , ont remarqué que ce qui
avait généralement le plus d'effet dans
les Allemblées , c'était la logique & les
mouvemens. Ce font auffi les deux
" grands caracteres de l'éloquence délibé→
rative , qui n'exifte réellement en France
" que depuis un an. La plupart des hommes
n'ont gueres que des apperçus va
" gues ils font donc très - fatisfaits de
celui qui leur en donne de juftes & de
* précis , chez eux la vérité n'eft , pour
** ainfi dire , qu'en germe ; ils favent dona
beaucoup de gré à celui qui le développe
; & c'eft l'avantage d'une logique
» lumineufe. Mais ce n'eft pas tout la
plupart des hommes ou s'intéreffent fai-
" blement à la vérité , ou peuvent même
» avoir un intérêt contraire. La véhémence
37
22
A
des mouvemens & l'énergie des expref-
" fions les fubjugue , da moins pour un
" moment , & ce moment fuffit . Leur
affentiment devient une paffion , & vous
» leur arrachez quelquefois ce que peutêtre
, quelques momens après , ils feront
fâchés ou furpris d'avoir cédé : voilà ce“
» qui fait l'Orateur de la chofe publique."
'Tel'eſt à mon gré , ( fans prétendre"
» ôter tien au mérite de plufieurs aures
» de nos Repréfentans , dont la Révolu
» tion a mis les talens au grand jour , tel
"3
.
D 4
68 MERCURE
•
23.
ود
eft M. Mirabeau. Il eft puiffant en logique
, en mouvemens , en expreffions :
» il eft vraiment éloquent ; c'eft l'homme.
» le plus capable d'entraîner une grande.
Aflemblée. Et combien de fois ne l'at-
il pas prouvé ! Comme Ecrivain il.
" pourrait épurer davantage fon ftyle ;
» mais nous n'avons pas encore fur la dic-.
» tion l'oreille aufli délicate que les Athé-
و د
22.
*
xi
niens , ou même les Romains du, temps.
» de Cicéron , & nous ne fommes féveres
» fur la correction & le goût que le livre.
" à la main. Il a de plus un avantage
23
לכ
'
précieux c'eft la préfence d'efprit ; ik
" fe poffede lorfqu'il meut les autres , &
" rarement il lui arrive de donner prife
fur lui en paffant la mefure en cela
comme en tout le refte , bien différent.
de tel autre de nos Députés ( 1 ) , à qui
j'ai entendu donner le nom de grand
Orateurs du moins par un parti , & qui
" n'eft , en effet , qu'un Rhéteur élégant
quand il n'eft pas un fophifte emporté ;
" qui n'attaque jamais de front une grande
queftion , mais qui commence par dé-
» naturer ou écarter le principe , & fe
jerte enfuite dans les acceffoires & les
» lieux communs où il brille par l'élocution
; qui prenant l'audace pour l'éner
gie , rifque à tout moment les affertions
و و
و و
و د
و د
و ر
( 1 ) L'Abbé Maury.
FRANÇAIS.
69
و د
W
» & les déclamations les plus révoltantes ,
" & oublie que l'Orateur ne faurait fe
» décréditer lui - même fans décréditer fa
caufe , & que l'obfervation des conve-
" nances eft une des premieres regles de
Part oratoire , d'autant plus importante
que tout le monde en eft juge , & que
quand vous la violez , vos adverfaires
triomphent & vos partifans rougiffent «.
"I c'
Qui croirait qu'après avoir ainfi loué
Mirabeau vivant , j'aye été attaqué & injurié
à ſon ſujet avec la plus virulente
amertume , fous prétexte que j'aurais dû ,
faire fon éloge au Lycée après la mort , &
que je ne l'avais pas fait Cette anecdote,
eft trop curieufe pour n'être pas rapportée.
ici : c'eft un des plus frappans exemples,
des fureurs & de la bêtife de la haine. On
imprima dans un Journal Ariftocratique
( la Feuille du Jour ) une lettre anonyme ,
comme de coutume & comme de raifon ,
où l'Auteur femblait d'abord s'étonner de
ce que je n'avais pas joint ma voix à toutes ,
celles qui célébraient à l'envi la mémoire
de Mirabeau , & paraiffait me croire auffi
capable qu'un autre de remplir ce grand
fujer . Jufques-là il n'y avait rien qui pût
m'offenfer , & fi l'Auteur n'avait pas eu
d'autre intention , je lui aurais répondu
que je n'aimais pas à refaire ce qui avait
été très bien fait , & qu'ayant payé à
-
DS
F
70. MERCURE
Mirabeau vivant le tribut de louanges qui.
lui était dû , & que je regardais commeun
devoir , fi je n'avais pas fait fon Oraifon
funebre , c'eft que M. Garat , dans le Journal
de Paris , m'avait fi heureufement devancé
, & s'était acquitté de cette glorieuſe
tâche avec tant de fuccès , que je ne trouvais
rien à dire après lui , & que je ne·
voulais pas lutter contre un chef- d'oeuvre.
Mais mon Anonyme avait bien d'autres
ties ; ce n'était pas Mirabeau qu'il voulait .
honorers tout ce qu'il cherchait , c'était
un prétexte quelconque pour voir , en fe
cachant , des invectives & des calomnies
fans inême fe donner la peine de l'invention,
ni le fouciet des inconféquences. En
effer , oubliant que les reproches qu'il m'avait
faits d'abordne pouvaient s'adreffer qu'à
in homme que lui -même croyait en état
de traiter un pareil fujet , il répétait dans le
refte de fa Lettre toutes les groffieres inepties
des Folliculaires de l'ancien Régime, & fur
mes Ouvrages & fur mon perfonnel , ne trouvait
aucun talent à celui dont il réclamait
le ralent pour un Eloge digne de Mirabeau,"
furait queje n'avais eu de réputation que
par des compilations , que j'étais jaloux de'
Lous les Ecrivains célebres , quoiqu'il n'y
chait pas un feal qui ne foit préconifé
dans mes Ecrits , & c. & c. C'eft certainehent
la premiere fois qu'un Homme de
Lettres a été fi violemment attaqué , non
241
FRANÇAI S.
pas pour les paroles , mais pour fon filence ,
& pour un filence fondé , comme on le
voit , fur de fi bonnes raiſons , & qui ne
pouvait pas être fufpect après ce que j'avais
écrit. Il fallait que l'Auteur eût an
terrible befoin de fe foulager par des injures
, pour s'emparer fi avidement d'un
à -propos fi hors de propos. Je jugeal que
c'était quelque échappé des boutiques de
l'ancienne écrivaillerie, quelque imalheureux
barbouilleur bien enragé de n'être rien à
mais qui n'ofait pas fe montrer, de peur de :
paffer par les verges du ridicule : je ne se
pondis point à fa plate diatribe , & j'aban
donnai mon lâche calomniateur aux téne
bres & au mépris où lui-même fe condannäit
. Revenons à notre Mirabeau.
1
Les Difcours qu'il prononça dans les
Affemblées de fa Province , lors de la convocation
des Etats - Généraux , & qui fe
préfentent à la tête de ce Recueil , near fort
pas la partie la moins intéreflante. Quoi
qu'il s'agille de prétentions & de querelles
depuis trois ans anéanties , on eft toujours
bien aife d'y voir les premiers pas de Mrrabeau
, qui annonçaient déjà la marche
confante & invariable qu'il a fuivie dans
fa théorie politique. On y voit par quels
degrés cet homme, né au milieu de tous ,
les préjugés féodaux & placé alors aut
centre de la plus abfurde ariftocratie , dans .
les Etats de Provence , fut conduit à le-
9+
16
#2 MERCURET
nier de fait une nobleffe que déjà il avait
abjurée dans le coeur , & à fe faire Membre
de ce qu'on appelait encore les Communes
, parce qu'il ne put réuffir à conver- ']
tir à la raifon fes Pairs , les Gentilshommes.
Ils furent même tellement effrayés de fes
opinions , qu'ils lui contefterent , fur les
plus frivoles prétextes , le droit de fiéger »
parmi eux , & ce fut cette premiere for
tife des Nobles qui donna au Tiers un
fublime transfuge dans la perfonne de Mirabeau.
rstele la jup an
à
C'eft dans ces Difcours qu'il annonce
hautement la deftruction prochaine de toutes
les chimeres féodales ; c'eft- là qu'on
trouve ces paroles qui ne tarderent pas
devenir une prophétie : » J'ai été , je fuis,
je ferai jufqu'au tombeau l'homme de la
» Liberté publique . Malheur aux Ordres
privilégiés , fi c'eft- là plutôt être l'homme
du Peuple que celui des Nobles ; car
Tes priviléges finiront , mais le Peuple
eft éternel ".
"
ود
و د
و د
Oui , & un homme qui l'a fervi comme
Mirabeau , eft auffi éternel.
Un de fes grands avantages , qui n'appartient
qu'à l'homme naturellement éloquent
, c'eft qu'il l'était fur le champ
dans toutes les circonftances & fur tous
les fujets. Ce n'eft pas à dire qu'il eût pu
faire dans le moment un Difcours fur une
FRANÇAIS. 730
matiere importante , épineuſe & étendue,
auffi bien que s'il eût été préparé. Non ,
cela n'eft pas dans la Nature , & nulle
force de génie ne peut fuppléer foudainement
à ce qui demande une force de réflexion.
Mais dans les occafions où il ne
fallait que l'apperçu d'un efprit jufte & le
mouvement d'une ame libre , il s'exprimair
auffi bien qu'il eft poffible , & les termes
nes lai manquaient pas , parce qu'il ne
manquait ni de- fentimens ni d'idées. De- là :
tant de paroles mémorables qu'on a rete
nues de lui , & qui fortaient impétueufement
de fon ame quand elle était émue ;
de-là auffi ces répliques victorieafes , ces
élans irréfiftibles qui emportaient d'emblée
la décifion quand il réfutait des adverfaires.
Comme il était alors préparé fur la
difcuffion dans laquelle il avait déjà fait
entendre une opinion méditée , les idées
affluaient , parce qu'en énonçant un avis ,
il avait prévu toutes les objections , & quel
pour un bon raifonneur, les réponfes aut
objections font toujours contenues dans les :
principes. Joignez y le mouvement de
réaction qui naît de la réfiftance : c'eff
alors qu'il tonnair , que devenu plus fort
par l'obſtacle , armé de la conviction inté
rieure , bouillant de l'impatience d'un efprit
droit qui rencontre la déraifon fur fon
paffage , il déployait une énergie renverfante
, que fa voix rempliffait l'Affemblée,
74 MERCURET
1
C
que fes geftes , fes regards , toute fon ade
tion extérieure ébranlaient & foulevaient s
pour ainfi dire , l'auditoire entier , que
l'enchaînement rapide de fes raifonnemens,
l'abondance d'expreffions heurenfes & for
tes: qui fe fuccédaient comme par infpiration
, la chaleur des mouvemens qui prés
cipitaient fes phrafes les unes fur les au
tres, l'éclat des figures qui chez lui étaient
toujours des pensées , faifaient véritables
ment de. Mirabeau le dominateur des home
mes raffemblés , & rappelaient cess mors
remarquables qu'il avait dits quelque temps :
avant la Révolation à propos d'une fem
me , alors très- paitante , qui fe refufait -à
une demande qu'il croyait jufte Ditės-bui
qu'elle a tort de me refufer, & que le moment
n'eft pas loin où le talent fera auffi une puif
fance.
619
I
20 Auff Mirabeau n'a jamais été plus,
grand , à mon avis , que lorfqu'il improvi
fair. Quoi de plus beau que ce Difcours
de vingt lignes , recueilli fur le champ
lorfqu'il s'agilfait d'envoyer au Roi une
troifieme députation pour le renvoi des
Troupes , après deux réponſes négatives ?
Dites-lui que les hordes étrangeres dont
nous fommes inveftis ont reçu hier la
vilite des Princes , des Princeffes , des
Favoris , des Favorites , & leurs careffes
& leurs exhortations & lears préfens :
» dires- lui que toute la nuit ces Satellites
·92
FRANÇAÍ 9. A
» étrangers , gorgés d'or & de vin , ont :
» prédit dans leurs chants impies l'affer
» -villement de la France , & que leurs
» voeux brutaúx invoquaient la deftruction
de l'Allemblée Nationale : dites lui que
» dans fon palais même les Courtifans onti:
» mêlé leurs danfes au fon de cette mufi-
" que barbare , & que telle fur l'avant-
» fcène de la St- Barthélemi dites lui que
" ce Henri , dont l'Univers bénit la mémoite
, celui de fes aïeux qu'il voulait
" prendre pour modele , faifait paffer des
» vivres dans Paris révolté qu'il affiégeait
" en perfonne , & que fes confeillers fé-
» roces font rebrouffer les farines que le
commerce apporte dans Paris fidele &
affamé ".
ور
و ر
*
Les befoins de l'Etat avaient engagé M.
Necker à propofer la contribution du quart
des biens de chaque Citoyen. Cette mefure
paraiffait extrême à beaucoup de Députés
, qui voulaient qu'on examinât le
plan du Miniftre des Finances , qui contenait
plufieurs autres difpofitions. Il étaitimportant
d'environner ce Miniſtre de la..
confiance de l'Affemblée, pour une efpece ..
d'impôt extraordinaire , qui exigeait furtout
la confiance publique , & Mirabeau ,
quoique connu, pour être ennemi de M.
Necker , opinait à s'en rapporter entiérement
à lui pour le mode d'impofition . Les
76
MERCURE
momens étaient chers , & on les perdair
en difficultés de détail. Mirabeau avait déjà
parlé trois fois . Il était quatre heures du foir,
rien ne fe décidait , & de laffitude , comme"
il arrive fouvent après une longue difcuf-"
fion , on était prêt à renvoyer encore l'affaire
au Comité. Il reprend la parole une
quatrieme fois , & ramaffe toutes fes forces
pour emporter le Décret. Quoiqu'en général
je fois très- fobre de citations , fi ce
n'eft dans le cas d'une critique de détail ,
quoiqu'ayant fort peu d'efpace , je croye
devoir l'employer à difcuter plutôt qu'à
copier , quoiqu'enfin le morceau dont il
s'agit foit affez étendu , je ne puis cependant
réfifter au plaifir de l'offrir aux Lecteurs
qui peuvent ne pas l'avoir fous les
yeux. C'eft dans fon genre un des plus admirables
monumens de l'Eloquence françaife.
23
و د
Au milieu de tant de débats tamultueux
, ne pourrai-je donc vous ramener
à la délibération du jour par un petit
nombre de queftions bien fimples : Dai-
» gnez , Meffieurs , daignez me répondre.
Le Miniſtre des Finances ne vous a- t-il
" pas offert le tableau le plus effrayant de
» notre fituation actuelle ? Ne vous a- t-il
" pas dit que tout délai aggravait le péril ,
» qu'un jour , une heure , un inftant pou-
" Vait le rendre mortel : Avons - nous un
FRANÇA I S 77
23-
A
» plan à fubftituer à celui qu'il propoſe ?
» —( Qui , s'écria quelqu'un . ) Je conjure
» celui qui répond oui , de confidérer que
fon plan n'eft pas connu , qu'il faut du
" temps pour le développer , l'examiner
le démontrer ; que fût- il immédiatement
foumis à notre délibération , fon Auteur
a pu fe tromper ; que fûr - il exempt de
» toute erreur , on a peut croire qu'il ne
"-l'eft pas que quand tout le monde a
» tort tout le monde a raifon ; qu'il fe
" pourrait donc que Auteur de cet autre
-projet même ayant raifon , eut tore
contre tout le monde , puifque , fans
l'affentiment de l'opinion publique , le
" plus grand talent ne faurait triompher
» tes circonftances. Et moi auli je nes
», crois pas les moyens de M. Necker les
meilleurs poffibles ; mais le ciel me prés
" ferves dans une fituation (ficritique
the
15
d'oppofer les miens aux fiens . Vainement
-je les tiendrais pouri préférables : conne
divalife point en un inftant une populat
rite prodigieufe , conquiſe par des fer-
» vices éclatans , une longue expérience ,
»
و د
la réputation du premier talent de Fi
" nancier connu , &nsil faut tout dire «
» une deftinée telle qu'elle n'échur en par
" tage xaucun mortel. Il faut donc en
revenir au plan der M. Necker. Mais
avons - nous le temps de l'examiner , de*
fonder fes baſes , de vérifier fes calculs x
73
MERCORET
"
» Non , non , mille fois - non. D'infigni
fiantes questions , des conjecturePhafardées
, des tâtonnemens infideles ; voilà
" tout ce qui , dans ce nibments, efters
", notre pouvoir. Qu'attons-nous donc faites
par le renvoi de la délibérion Man-
" quer le moment décififachatner notre
amour-propre à changer quelque chofe
à un plan que nous n'avons pas même
» conçu & diminuer par notre interven-"
tion indifcrete l'influence d'un Miniftres
→ dont le crédit financier eft:& doir êtres
" plus grand que le nôtre. Meffieurs ,ocer-
" tainement il n'y adà nisfageffe ni pré-
" voyance ; mais du moins y a-t- il de la
» bonne foi. Oh ! les déclarations les
" plus folennelles ne garantiffaient pas
" notre reſpect pour la foi publique
notre horreur pour l'infame mot de banqueroare
, j'oferais fcruter les motifs fecrets
& peut - être hélas ! ignorés de
» nous - mêmes , qui nous font fi impru
" demment reculer , au moment de pro - c
29.
clamer l'acte du plus grand dévouement,
" certainement inefficace , s'il n'eft pas ra
pide & vraiment abandonné je dirais
» à ceux qui fel familiarifent peur mêtre
avec l'idée de manquer aux engagemens
publics supar la crainte de l'excès des
facrifices , par la terreur de l'impôrys je
leur dirais , qu'est - ce donc que la ban
" quetoute , fi ce n'eft le plus cruely le 9
FRANÇA I S. 79.
133 ~
plus inique, le plus inégal , le plus défaftreux
des impôts ?. Mes amis
» écoutez un mor , un feul mot. Deux
fecles de déprédations & de brigandages
» ont creufé le gouffre où le Royaum eft
" pret de s'engloutir : il faut le combler
» ce gouffre effroyable. Eh bien ! voici la
» lifte des Propriétaires Français : choififfez
parmi les plus riches , afin de fa-
» crifier moins de Choyens . Mais choi-
" fillez car ne faut - il pas qu'un petit
» nombre périffe pour fauver la malle du
ود
62
Peuple : Allons ces deux mille Notables
" poffedent de quoi combler le déficit."
». Ramenez l'ordre dans vos finances , la
" paix & la profpérité dans le Royaume .
" Frappez , immolez fans pitié ces trifles
"e victimes ; précipitez -les dans l'abîme : il
va fe refermer.... Vous reculez d'hor-..
» reur .... Hommes inconféquens ! hom- e
» mes pufillanimes ! Eh ! ne voyez - vous <<
" donc pas qu'en décrétant la banque-
» route , ou ce qui eft plus odieux encore,
» en la rendant inévitable fans la décréter,
" Vous vous fouillez d'un acte mille fois
plus criminel , & chofe inconcevable ,
» gratuitement criminel car enfin cet hor
rible facrifice ferait du moins difparaître
le déficit. Mais croyez vous , parce ques
vous n'aurez pas payé , que vous ne
devrez plus rien ? Croyez-vous que les
milliers , les millions d'hommes , qui
'
MERCURE
» -perdront en un inftant , par l'exploſion
»,terrible ou par Les contre-coups , tout ce
qui faifait la confolation de leur vie , &
و د
<
peut- être l'unique moyen de la fuften-
" te vous laifferont paifiblement jouir de
" Votre crime ? Contemplateurs ftoïques
" des maux incalculables que cette cataf
trophe vomira fur la France , impaffibles
33 -
---
égoïftes qui penfez que ces convulfions
" -du défefpoir & de la mifere pafferont"
" comme tant d'autres , & d'autant plus
» rapidement qu'elles feront plus violen-
» tes , êtes-vous bien sûrs qué tant d'hom-“
.mes , fans pain , vous laifferent tranquil-
» lement favourer les mets dont vous n'au-
".rez voulu diminuer ni le nombre ni la
» délicateffe ? Non , vous périrez , & dans
» ila conflagration univerſelle que vous ne
frémiffez pas d'allumer , la perte de
» ^ votre honneur ne fauvera pas une feule
❞ de vos déteftables jouiffances. Voilà où
"-nous marchons ... J'entends parler de
" patriotifme, d'invocation du patriotifme,"
d'élans du patriotifme. Ah ! ne proftituez
pas ces mots & de Patrie & de Patrio-"
» tifme. It eft donc bien magnanime l'ef-
>>- fort de donner une portion de fon revenu
و و
pour fauver tout ce qu'on poffede ! Eh !"
» Meffieurs , ce n'eft- là que de la fimple
› arithmétique , & celui qui hélitera he
» peut défarmer l'indignation que par le
mépris qu'infpirera fa ftupidité. Our ," 234
FRANGA IS.
و د
"
""
"
99
93 .
99
» Meffieurs , c'eft la prudence la plus ordinaire
, la fageffe la plus triviale , c'eft
l'intérêt le plus groffier que j'invoque.
Je ne vous dis plus comme autrefois .:
Donnerez-vous les premiers aux Nations
» le fpectacle d'un Peuple affemblé pour
» manquer à la foi publique ? Je ne vous
dis plus Eh ! quels titres avez-vous à
» la Liberté , quels moyens vous reſteront
pour la maintenir , fi dès votre premier
» pas vous furpaffez les turpitudes des
Gouvernemens les plus corrompus , fi
» le befoin de votre concours & de votre
farveillance n'eft pas le garant de votre
Conftitution? Je vous dis : Vous ferez
» tous entraînés dans la ruine univerfelle ;
» & les premiers intéreffés au facrifice que
le Gouvernement vous demande , c'eſt
» vous-mêmes. Votez donc ce fubfide ex-
>>traordinaire , & que puiffe-t-il être fuffifant
votez - le , parce que fi vous
avez des doutes fur les moyens , doutes
» vagues & non éclaircis , vous n'en avez
pas fur fa néceffité & fur notre impuiffance
à le remplacer : votez - le, parce
que les circonftances publiques ne fouf-
» frent aucun retard , & que vous feriez
≫comptables de tout délai. Gardez - vous
de demander du temps ; le malheur n'en
accorde pas . Eh ! Meffieurs , à propos
» d'une ridicule motion du Palais -Royal ,
d'une rifible infurrection qui n'eut jamais
a
j
3
MERCURE
yous
d'importance que dans les imaginations
faibles ou les deffeins pervers de quel-
" ques hommes de mauvaife foi
» avez entendu nagueres ces mots force-
» cés : Catilina eft aux portes , & l'on de-
» libere ! & certainement il n'y avait au-
» tour de nous ni Catilina , ni périls , ni
factions , ni Rome mais aujourd'hui la
» banqueroute , la hideufe banqueroute eft
19 là elle menace de confumer vous , vos
propriétés , votre honneur , & vous dé-
Jolibérez «<!
3
393
SLOY S
J
J
n
Non , l'on ne délibéra plus : des cris
d'enthoufiafine attefterent la victoire de
l'Orateur , & la France vit aufli dans fon
fein ces grands triomphes de l'Eloquence
publique, ces grandes feènes Nationales ,
qui , dans l'Histoire des Anciens , nous
femblaient des prodiges d'un autre monde ,
faits pour ne jamais appartenir au nôtre.
Ceux qui les ont étudiés ne retrouventils
pas ici le talent des Cicéron & des Démofthene,
mais plus particuliérement encore
la maniere de ce dernier ; cette accumulation
graduće de moyens, de preuves
& d'effets , cet art de s'infinuer d'abord
dans l'efprit des Auditeurs en captivant
l'attention , de la redoubler par des fufpenfions
ménagées , de la frapper par de
violentes fecouffes? Mirabeau procede ici
comme les grands Maîtres ; il fait briller
*
FRANCAIS.
d'abord la lumiere du raiſonnement ; il
fubjugue la penſée ; il fouille enfuite plus
avant , & va remuer les paffions fecretes
jufqu'au fond de l'ame, l'intérêt , la crainte,
Pefpérance , la honte , l'amour - propre' ; il
frappe par-tout ; & quand il fe fent enfim
le plus fort , voyez alors comme il parle
de haut , comme il domine , comme il mêle
l'ironie à l'indignation , comme en récapitulant
tous les motifs , il porte les derniers
coups ! C'eft ainfi que l'on mene les hommes
spar la parole ; c'eft
par des morceaux
de cette force ( & il en a beaucoup ) qu'il
à mérité le titre de Démofthene Français.
Il eu peu de temps pour l'acquérir &
pour en jouir : on peut dire que fon exifcence
éntiere a été renfermée dans l'efpace
de deux années ; mais ce peu de temps a
fuffi pour lui en affurer une immortelle.
ANNONCES ET NOTICES.
Ou
LES ETATS -GÉNÉRAUX DU PARNASSE ET DE
L'EUROPE , DE L'EGLISE , ET DE CYTHERE
des quatre Poëmes . Politiques , lus au Lycée du
Palais-Royal & fuivis de plufieurs autres Poèmes
; par Dorat - Cubieres. 1 Vol. in- 8° . Prix ,
4 liv. 10 f. A Paris , de l'Imprimerie de L. P...
Couret , rue Chriſtine , Nº . 2 ; & fe vend chez
MERCURE FRANÇAIS.
le même Libraire , chez Ganey , Libr. hu Palais-
Royal & bedere: Lib. rue St- Martin', à côté
194091 67 2 2 de la rue aux ours.
THORS I
100072
que
fur
On reviendra fur cet Ouvrage , aink
tes Rivaux au Cardinalat , du même Auteur.
not ent
HISTOIRE DES ILLUSTRES FRANÇAIS , fortis
zdu ci - devant Fiers - Etat ; dédiée à l'Affemblée
"Nationale ; avec un Difcours fur les avantages
& les abus de la Nobleffe héréditaire . 2 Volum .
in- 8° ; par M. Turpin. A Paris, chez Maradan
Libr. rue du Cimetiere St- André , No. 9 .
Le 1er. Volume contient les Vies de Paulin ,
Baron de la Garde ; de Michel de l'Hôpital ; de
Fabert ; de Dugnay - Trouin le II . celles de
Chevert , de Jean- Bart , de Jacques Pierre ; des
Flibuftiers de Ducaffe , de Mahé de la Bourdonnaye
.
CHANSON
TABLE.
Charade, En. Log.
2111
61 Collection
62 Annonces & Notices.
Jer.133
MERCURE
FRANÇAIS.
LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
SAMEDI 29 SEPTEMBRE 1792 .
PIECES FUGITIVES.
ÉPITRE
D'un Enfant de l'Amour à un Enfant de
l'Hymen.
toi , fils de l'Hymen , toi , dont le froid
accueil
Infulte à mon néant pour flatter ton orgueil :
Réponds ; d'un préjugé dois-je être la victime ?
Pourquoi yeux-tu me faire un crime
D'un vain caprice du haſard ?
Pour naître un mois plus tôt , ou quelques jours
plus tard ,
En ferait- on moins légitime ? ...
Qu'a-t-on befoin du facrement
Et du mauvais latin d'un Prêtre ?
Nº. 39. 29 Septembre 1792. E
85 MERCURE
Ne vaut- il pas mieux devoir l'être
Au tendre Amour , au fentiment,
Qu'à l'ennuyeux défoeuvrement
D'un époux qui , toujours en maître ,
Moitié grondeur , moitié dormant ,
Ebauche à peine un fot ,Lou pis endor peut -être ,
Ridicule avorton que n'eûf point fait l'Amant ?
Qu'un Enfant de l'Amour meferable préférable ?
De fes mille parens , la troupe infupportable
Ne gêne point fa liberté ;
Refpectable , il eft refpecte ;
Heft aimé , s'il eft aimable ,
Et n'appartient enfin qu'à la Société .
Sii , par quelques vertus , il mérite qu'on l'aiure
S'il obtient dans les Arts d'honorables lauriers ,
S'il rend fon nom fameux dans les champs des
Guerriers ;
Serait-ce donc un mal de fe créer foi -même ?
Les talens , les vertus , voilà les vrais aïeux .
"
Mais toi , réponds , feune Orgueilleux ; ál
Dérangeant out to feul Teternelle harmonie ,
Le Ciel t'aurait-il fait & plus ticlie ch génit ,
Et d'un limen plus pur que les autres humans
Avec tes écuffons , avec tes parchemins ,
Sais-tu , d'un bras plus sûr , repouffer un outrage ?
Aux jeux fanglans de Mars montrer plus de courage
?
FRANCAIS. 87
D'un vers plus doux, plus tendre enivrer la Beauté ;
A plus de bienfaifance , unir plus de droiture ?
Es-tu donc plus que moi l'enfant de la Nature ?
Parles : qui m'a déshérité ?
Et Dunois , & Vendôme , arbitres des batailles ,
Tant d'autres que la Gloire enfanta dans Verfailles ,
Et dont elle a payé les immortels travaux ;
Pour être des bâtards , font-ils moins des Héros ?
Tu parles de contrats ? Frédéric , ou Voltaire ,
Doivent-ils leur grand nom aux actes d'un Notare ?
Un Prêtre a-t-il donc fait l'ame du fier Caton :
Un Prêtre a-t-il donné le génie à Newton ?
Dans les ficcles paffés , dans le fiecle où nous
fommes ,
Les Prêtres , les contrats ont
hommes ?
-
ils fait 10 grands
Et vous nous dépouillez , & vos barbares Loix
Des fils d'un même pere ont féparé les droits !
Vous ofez , confommant cet injufte partage
En nous ôtant l'honneur , ravir notre héritage.
Imitez nos aïeux & leu: humanitét :
Leur coeur ignorait l'impofture ;
3.
Etrangers aux Beaux- Arts , groffiers fans culture
Sans doute ils étaient loin de votre urbanité ;
Mais du moins ils ouvraient leur aime à la Nature .
In pling ofou
a
Vois même l'Eſpagnol , Efelave du Clergé
Nul bâtard n'eft chez lui martyr du préjugé ;
E :
$$ MERCURE
Citoyen comme un autre , à tout il peut prétendre ;
Dans les Camps , aux Confeils , fa voix fe fait
entendre ,
Et malgré tout l'orgueil des Moines ignorans
Malgré ces fots Docteurs & ces dévots Tyraus ,
Ce Peuple à la raifon n'a point fait cette offenſe :
Senfible au cri da fang , & toujours généreux ,
Dans fon fils naturel il veut faire un heureux ,
Et rachete par -là fon éternelle enfance.
Pour choifir un époux , la timide Beauté
Doit- elle confulter le Pontife de Rome ?
Qu'elle écoute fon coeur , & non fa vanité ,
Hélas ! quand fur ce Globe on fe trouve jeté ,
Qu'importe qui nous fit ? ... En eft-on moins un
homme ?
Qu'importe Ah ! qu'ai-je dit ? ... , Pardonne en
ce moment ,
Ma mere , ô femme aimable ! & toi , fun digne
Amant,
Pardon ; je vous devines à ces furtives larmes ,
A ce trouble imprévu, ce trouble plein de charmes,
Qui veut découvrir tout , veut tout diffimuler ,
S'obferve , fe trahit , & dit tout fans parler.
Moi, le fruit de l'amour, de l'amour le plus tendre;
Moi , je ferais ingrat ! Oferait-on prétendre
Que je puffe oublier cette douce pitié ,
Ces foins, ces foins touchans que voile l'amitié ?
FRANCA I S. 89
N'avez-vous pas mêlé dans vos baifers de flamme ,
Votre fang à mon fang , & votre ame à mon ame ?
Ah ! vos noms dans ma bouche , ô couple heureux
d'Amaus !
Seront les derniers mots de mes derniers momens.
Mais toi, quelle eft ta mere ? En Efclave amenée ,
L'intérêt fut le Dieu de fon lâche hyménée :
Par un honteux trafic on a vendu fon coeur ;
De fes jeunes appas , l'or feul , l'er fut vainqueur.
Livrée à fon époux , ou plutôt à fon maître ,
Du cloître dans fes bras elle paffe en un jour ,
Se cachant fes ennuis & fa haine peut- être ;
Tranquille , elle a joui fans connaître l'amour :
Elle a joui : Lays fait- elle davantage ?
En proie à l'homme ardent , qu'à peine elle a pu
voir ,
Lays fait par befoin , ou par libertinage ,
Ce que ta chafte mere avait fait par
devoir.
dit-on , profpere :
Un Enfant de l'Amour en tout ,
C'eft quelque chofe au moins que le bonheur.
Mais toi , pourquoi du mien prendrais - tu de
l'humeur ?
Me répondrais- tu bien d'être fils de ton pere ?...
Je veux croire avec toi , qu'aux plus touchans
appas
Ta mere ait joint encore une pudeur extrême ;
E ;
90 MERCURE
Mais quand on s'abandonne à ceux qu'on n'aime
pas ,
Que peut-on refufer à l'homme que l'on aime ...
L'intérêt , l'intérêt a changé les parens ;
L'égoïfme aujourd'hui fuccede à l'égoïfnte ;
La Nature eft muette ; on met tout en fophifme ;
peres & les fils font durs , indifférens : Les
Ton pere eft un fardeau, je vois qu'il t'importune ;
Tu calcules les jours , tu comptes fa fortune ;
Tu lis dans l'avenir le moment d'hériter ;
Tu pefes jufqu'à l'or qu'un feul jour peut couter...
Tu t'irrites en vain : oui , j'ai lu dans ton ame ;
Tu fens la vérité : ton orgueil feul me blâme.
Je t'ai trop démafqué , je t'ai trop combattu ;
Eh bien , encore un mot , & prononce toi-même.
Tu dois avoir un fils : lequel préferes - tu ,
D'un ingrat légitime , ou d'un batard qui t'aime ?..
(Par C. J. B. L*** , de Rochemont. )
""
Explication de la Charade , de l'Enigme
duLogogriphe du Mercure précédent .
Le mot de la Charade eft Troupeau ; celui
de l'Enigme eft Bonnet ; & celui du Logogriphe
et Lecteur , où l'on trouve Ut , Ré,
Rue , Luc , Rêt.
FRANÇAIS
.
91
CHA R A D E.
A MI Lecteur , fi Dieu vous prête vie ,
Le temps vous rendra mon premier ;
Thémire s'embellit en faifant mon dernier
Et bien qu'oileau , je la défie
De plumer mon entier .
;
( Par M. Lagache fils , d'Amiens. )
EN I G M E.
Sous un air de douceur extrême
Je fuis hypocrite & fans foi :
Détruire tes voleurs & te voler toi -mêre ,
Voilà , Lecteur , tout mon emploi.
GRIPH E.
L-O
GOG
JE fuis avec fix pieds un objet effroyable s
Ote ma tête & mon accent
Lecteur , je deviens à l'inftant
Un objet agréable.
( Par M. Delo me l'aîné , de Lyon . ),
E 4
91 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
3
les
RECHERCHES
hiftoriques fur la connaiffance
que les Anciens avaient de l'Inde
& fur les progrès du commerce avec cette
partie du Monde , avant la découverte du
paffage par le Cap de Bonne-Efpérance ;
fuivies d'un Appendix contenant des obfervations
fur l'état civil , les Loix & les
formalités judiciaires , les Arts
Sciences & les Inftitutions
religieufes des
Indiens. 1 Vol. in- 8°. avec deux grandes
Cartes, gravées en taille - douce. Tralit
de l'Anglais de W. KOBERTSON, Docteur
en Théologie , Membre de la Société
Royale d'Edimbourg, Principal de l'Univerfité,
& Hiftoriographe de S M. B. pour
Ecoffe. A Paris , chez Buillon , Impr-
Libr. rue Haute - feuille , N° . 20. Prix ,
s liv. 10f. br. & 6 liv. 2f. franc de port
pour tous les Départemens.
CE Livre est également recominandable
par l'importance du fujet & par les talens
T
FRANÇAIS. 93
J
connus de l'Auteur. On fait que M. Robertfon
s'eft acquis une grande réputation
dans le genre de l'Hiftoire , où il a porté
beaucoup de connaiffances & de jugement.
C'eft fans contredit un des meilleurs Hiftoriens
de notre fiecle. Il excelle fur- tout
à raffembler des réfultats lumineux fur une
foule d'objets épars dans les Annales des
Nations , & confondus dans la nuit des
fiecles ces objets font précisément ceux
- qui font les plus propres à nous faire bien
connaître le génie , les moeurs & les progrès
des différens Peuples dans toutes les
époques. où nous pouvons les atteindre , &
ce font en même temps ceux qu'avaient
trop négligés la plupart des Hiftoriens
infatigables narrateurs de combats & de
conquêtes , & qui femblent avoir penfé
que les Nations n'exiftaient que dans les
Dynafties Royales. C'eft fous ce rapport
que M. Robertfon me paraît avoir poffédé
la vraie fcience de l'Hiftoire . Nul n'a mis
plus de méthode & de clarté dans des Recherches
auffi pénibles qu'utiles ; nul n'a
porté dans le dépouillement des Ecrivains
originaux , & dans la comparaifon des autorités
une critique plus éclairée en un
mot , nul ne remplit mieux le premier
-devoir de tout Ecrivain , qui eft d'inftruire.
Il écrit d'ailleurs avec cette fagelle tranquille
, qui eft plus près de la vérité que
de l'éloquence , mais qui convenait au buc
E s
94
MERCURE
qu'il fe propofait particuliérement dans fes
Ouvrages . On avouera que dans ce réfumé
rapide fur l'état des Peuples de l'Europe ,
depuis la chute de l'Empire Romain , qu'il
a mis à la tête de fon Hiftoire de Charles-
Quint , il y avait beaucoup plus à juger
& à réfléchir qu'à fe paffionner ; & ce réfumé
eft un morceau fini , qui n'avait de
modele ni chez les Anciens , ni chez les
Modernes. N
Le ftyle de Tite -Live aurait pu convenit
davantage à la Découverte de l'Amériqué
, & celui de Tacite à la rivalité de
Charles - Quint & de François Ier . Mais il
n'y a que les Critiques bornés qui veuillent
tour affujettir à un même modele ; c'eft
un travers de l'admiration aveugle . Il faut
admirer, fans doute , ces fameux Ecrivains
de l'Antiquité ; mais il faut permettre aux
1 Modernes d'avoir une maniere différente ,
pour arriver à un but différent . La haute
éloquence était très bien placée dans le
récit de ces grands événemens , & dans la
peinture de ces hommes rares , qui femblent
n'appartenir qu'à la majeſté des anciennes
Républiques . Il faut un autre efprit
& un autre ftyle pour répandre la
lumiere fur dix ou douze fiecles de barbarie
qui compofent notre Hiftoire moderne
jufqu'à Louis XIV , pour marquer
dans ces longues rénebres tout ce qui mérite
d'être connu , & il fallait pour y réuffir
FRANCAI S. 95
le caractere d'efprit & de ftyle de M. Robertfon.
Bo
Je ne lui reprocherai donc point de n'avoir
pas mis dans fa diction toute la magnificence
que pouvait comporter l'étonnante
conquête d'un Nouveau Monde ;
mais j'obferverar que la crainte de paraître,
en fa qualité de Proteftant , un juge trop
fevere de ces expéditions religieufes & guerrieres
, fouillées de tant de cruautés , l'a
fait tomber dans une efpece de partialité
toute contraire , qui le porte à trop affaiblir
les jultes reproches qu'ont élevés tous
les Ecrivains , & même ceux de l'Espagne,
alcontre la barbarie des Conquérans de l'Amérique.
La caufe de l'humanité devait
être défendue & vengée avec plus de vigueur
. Quant à la partie du Commerce.
elle eft fupérieurement traitée ; on y retrouve
M. Robertfon tout entier.
ر
Je ne crois pas non plus qu'il ait pefé
dans une balance bien exacte Charles - Quint
& François
Ieri
la tient
à peu près
égale entre ces deux Princes , dont l'un
était incontestablement très - fupérieur à
l'autre, fous tous les rapports du Gouvernement.
François n'était autre chofe qu'un
brave Soldat , & n'eut que le courage d'un
Aventurier , fans aucune des qualités d'an
Roi . Charles , quoiqu'il n'eûr, comme tous
les Defpotes , aucune morale , avait une
grande tête de Souverain & de Politique ,
E 6
-96
MERCURE
& connaiffait l'art de régner. On avait tou
jours reproché aux Auteurs Anglais trop
d'animofité contre la France ; M. Robertfon
eft peut - être le feul qui ait montré
trop de prédilection en fa faveurr ; mais
c'est au moins une partialité purement
d'opinion & très défintéreffée ; peut - être
même ne venait elle que d'une exceffive
crainte de paraître injefte : In vitium ducit
culpa fuga.
-
Il était loin de ces différens écueils dans
l'Ouvrage fur l'Inde que nous annonçons
ici. La nature du fujet & l'époque des recherches
l'éloignent de tout intérêt particulier
, & ne lui laiffent que celui de la
vérité , qui a été , pendant toute la vie ,
l'objet de fes études. Il était plus à portée
que perfonne de la découvrir : on fait que
les Anglais , poflefleurs de l'Inde , ont fu
l'étudier & l'examiner en Savans & en Philofophes
; c'eft aux Ecrivains de cette Nation
que nous devons les connaiſſances
les plus sûres concernant cette partie du
Monde , qui , de tout temps , a excité la
curiofité des hommes inftruits , en même
temps qu'elle allumait la cupidité des Nations.
L'efpace nous manque pour donner
ici une analyfe complette & détaillée du
Livre de M. Robertfon . Un Ouvrage fi
profond & fi fubftantiel mérite d'être étudié
à toutes les pages. L'Auteur s'occupe
principalement à chercher quelles étaient
FRANÇAIS. :97
les routes du commerce de l'Inde avec
l'Europe , avant que les progrès immenfes
de la navigation nous aient conduit dans
ces contrées par le vafte circuit que décrivit
Gama , en partant des bornes de l'Océan
Atlantique , pour paffer le long des
côtes de l'Afrique , par le Cap de Bonae-
Efpérance , dans la Mer du Sud, & remonter
dans l'Océan Indien. Ce nouveau
chemin ouvrit les Indes à tous les Peuples
navigateurs de notre Europe. Auparavant
elles ne communiquaient avec notre Occident
que par le Golfe Arábique & le Nil,
ce qui fit d'Alexandrie , fituée fur notre
Méditerranée , l'entrepôt de l'Orient & de
l'Occident , pendant tant de fiecles ; la richelle
de l'Egypte & la grandeur de Venife
, qui , attachée au commerce maritime
dès fon origine , allait , fous la protection
des Puiffances qui furent fucceflivement
maîtreffes de l'Egypte , chercher au port
d'Alexandrie & dans les Echelles du Le- `
vant les marchandifes de l'Inde , & en
fournillair toute l'Europe. Pour avoir une
idée de l'opulence où Venife s'éleva par
cette voie , il faut voir les juftes appréciations
de M. Robertfon.
1
» Dès l'inftant où le goût du commerce
commença à fe reproduire en Europe , les
Vénitiens eurent une très - grande part au
commerce de l'Orient . Cette part augmenta
de plus en plus , & pendant une grande
98
MERCURE
1
partie du 1 . 1. fiecle , on peut dire qu'ils
le faifaient prefque feuls. Ce monopole
eut les fuites qu'il ne manque jamais d'avoir
par-tour où il n'y a pas de concurrence ,
& où le Marchand peut faire la loi aux
acheteurs , & régler lui- même le prix des
marchandifes qu'il livre. Ses profits furent
exorbitans. On peut fe faire quelque idée
de leur étendue pendant plufieurs fiecles ,
en fuivant le taux de l'intérêt de l'argent.
C'eft-là fans contredit la regle la plus infaillible
à laquelle on puiffe s'attacher dans
l'eftimation du profit que rendent les principaux
fonds employés dans le commerce ;
car fuivant que l'intérêt de l'argent hauffe
ou baiffe , le gain refultant de fon ufage
doit néceffairement varier & devenir excelfif
ou moderé. Depuis la fin da 1º, fiecte,
jufqu'au commencement du 16. , période
pendant lequel les Italiens déployerent tout
leur génie pour le commerce , le taux de
l'intérêt fut extrêmement élevé. Il était
ordinairement de 20 pour cent , quelquefois
aut deffus ; & jufqu'à l'an 100 il
n'avait jamais été au deffous de id ou 412
pour cent dans aucun endroit de l'Europe.
Si les profits d'un commerce aufli étendu
que celui des Vénitiens répondaient à ce
haut prix de l'argent , il ne pouvait manquer
d'être pour eux une fource abondante
de richelles , auffi bien pour l'Etat que pour
les Particuliers : Les Hiftoriens de ce temps
FRANCAIS. £9
parlent donc de la fituation de Veniſe , au
période que nous avons fous les yeux , en
termes qui ne peuvent convenir à celle.
d'aucun autre pays de l'Europe. Les revenus
de la République & les tréfors amalfés
par les Particuliers , furpallaient tout
ce que l'on favait à cet égard des autres
pays. Dans la magnificence de leurs maifons
, la richeffe de leur ameublement , la
quantité de leur vaiffelle en or & én argent
, & dans tout ce qui pouvait contribuer
à l'élégance ou à l'éclat dans leur
maniere de vivre , les Nobles de Venife
effaçaient le luxe des plus grands Monarques
au delà des Alpes ; & toute cette
pompe n'était point l'effet d'une prodigalité
aufli vaine qu'inconfidérée , c'était la
fuite naturelle d'une heureuſe induſtrie
qui , après avoir accumulé les richeffes
avec facilité , avait le droit d'en jouir avec
éclat .
Faut - il s'étonner fi Venife traverfa de
toutes fes forces l'Etabliffement des Portugais
dans l'Inde , après le paffage de Gama ?
Cette Puiffance , élevée par un commerce
exclufif des marchandifes de l'Inde , les
Vénitiens la voyaient tomber , fi d'autres
Nations allaient chercher ces mêmes marchandifes
dans l'Inde même ; & c'eft ce
qui arriva , malgré les efforts de Venife ,
qui alla jufqu'à fournir tous les fecours
poffibles au Soudan d'Egypte & au Grand100
MERCURE
Seigneur , pour chaffer les Portugais des
mers de l'Inde. Quand on voit un pays
d'obédience comme Venife s'unir à des Infideles
contre des Chrétiens foumis comme
elle au Pape , on peut penfer ce qu'eft au
fend la Religion des Puillances , miſe en
balance avec l'intérêt .
L'Auteur , qui veut toujours fe rendre
compte de tout , explique par des raifons.
très-vraisemblables , & dont il faut voir le
détail dans fon Ouvrage , pourquoi les
divers dominateurs de l'Afie laifferent fi
long- temps l'Egypte , toujours foumife &
même élclave , en poffeflion de ce riche
commerce des Indes ; pourquoi les Perfer,
entre autres , ne firent jamais ce commerce
que par terre , avec beaucoup de difficultés
& d'inconvéniens , quoiqu'ils euffent
une voie de communication fi sûre & fi
commicde par le Golfe Perfique dans l'Océan
Indien . Il'obferve très - judicieuſement
que peu de temps après le paffage du Cap
de Bonne - Efperance , Solyman , le plus
éclairé des Empereurs Turcs , maître de
l'Egypte par la conquête de fon prédéceffeur
Selim , & fentant combien il était important
pour lui de concentrer fur la Mer
Rouge & le Nil tous les débouchés du
commerce des Indes , envoya une puillante
flotte pour détruire les Etabliflemens Portugais.
Elle fut battue , & Solyman , qccupé
d'autres guerres , ne put fuivre ce
FRANÇA I S.
101
projet. Mais quelle eût donc été , comme
le remarque fort bien M. Robertfon , la
prépondérance de cette Maifon Ottomane,
aujourd'hui fi humiliée , fi elle eût pu joindre
à fes forces militaires , qui alors faifaient
trembler l'Europe , l'avantage incalculable
de pofféder exclufivement les tréfors
de l'Inde par le commerce d'Alexandrie
! C'eft à quoi mit obftacle fort heureufement
pour nous la mémorable découverte
de Gama , qui , en traçant le chemin
des Indes à travers l'étendue de l'Océan ,
rendit bientôt ce chemin familier à tous les
Européens , & réduifit à fort peu de chofe
l'entrepôt autrefois fi fameux du port d'Alexandrie.
"
On a fouvent dit que l'Europe s'appauvriffait
en exportant fon or dans l'Inde..
M. Robertfon combat certe opinion : voici
fes raifons. Cette erreur n'eft venue que
du peu d'attention que l'on a fait à la nature
& à l'ufage des métaux précieux . On
doit les envifager fous deux points de vue
différens , ou comme des fignes que toutes
les Nations civilifées font convenues d'employer
pour apprécier ou pour repréſenter
la valeur & du travail & des autres marchandifes
, & par ce moyen faciliter l'achat
du premier & le tranfport des autres , des
mains d'un propriétaire dans celles d'un
autre ; où l'on peut confidérer l'or & l'argent
comme étant en eux-mêmes des mar102
MERCURE
chandifes ou des objets de commerce que
l'on ne peut acquérir que par des objets
équivalens. C'eft fous ce point de vue que
Pon devrait envifager l'exportation des métaux
précieux en Orient ; car , comme la
Nation qui les exporte ne peut les obtenir
que par le produit de fon propre travail &
de fon induftrie , ce commerce doit , quo
que non pas d'une maniere auffi précife &
auffi directe que celui d'Amérique , contribuer
à augmenter l'induftrie générale &
l'opulence de l'Europe . Si pour prix des
rixdales néceffaires au maintien de fon conimerce
avec l'Inde , l'Angleterre eft obligée
de donner une certaine quantité de fes
étoffes de drap, ou de coton , ou de fa quincaillerie
; alors les bras d'un plus grand
nombre d'ouvriers font mis en mouvement ,
& il s'exécute une portion d'ouvrage qui,
fans ce commerce , n'aurait pas lieu . La
Nation recueille tout le bénéfice qui vient
de l'augmentation de l'induftrie. Avec l'or
& l'argent que les manufactures ont acheté
dans l'Occident , elle peut fe montrer dans
les marchés de l'Orient , & Fexportation
tant redoutée de ces métaux dans l'Inde ,
eft ce qui enrichit le Royaume au lieu de
l'appauvrir
Il nous apprend auffi comment on apprit
dans notre Occident à manufacturer
la foie & à élever l'infecte travailleur qui
la produit. On fait que les Chinois étaient
FRANÇAIS. 105
»
Don
originairement & furent pendant long
temps les feuls dépofitaires de cette ſcience .
Conftantinople même fous les Empereurs
Grecs , malgré la magnificence & les Arts,
était obligée de tirer la foie des Perfes ,
qui la recevaient des Indiens & des Chinois.
Juftinien , défirant feulement
de s'affurer une provifion fuffifante d'une
marchandife dont l'ufage était devenu indifpenfable
, mais encore jaloux d'affranchir
le commerce de fes fujets des exactions
de fes ennemis , s'efforça , par le
moyen de fon allié , le Roi Chrétien d'Abyllinie
, d'enlever aux Perfes une partie
du commerce de la foie. Il ne réuffit pas
dans cette entreprife ; mais au moment où
il s'y attendait le moins , un événemesit
imprévu lui procura , jufqu'à un certain
point , la fatisfaction qu'il défirait. Deux
Moines Perfes ayant été employés en qualité
de Miffionnaires dans quelques - unes
des Eglifes Chrétiennes , qui , comme nous
le. di Cofmus , étaient établies en différens
endroits de l'Inde , s'étaient ouvert
un chemin dans le pays des Seres ou la
Chine. Là , ils obferverent les travaux du
ver à foie , & s'inftruifirent de tous les
procédés par lefquels on parvenait à faire
de fes productions cette quantité d'étoffes
dont on admirait l'élégance. La perfpective
du gain , ou peut-être une fainte indignation
de voir des Nations Infideles feules
104 MERCURE
en poffeffion d'une branche de commerce fi
lucrative , leur fit prendre fur le champ la
route de Conftantinople. Là , ils expliquerent
à l'Empereur l'origine de la foie &
les différentes manieres de la manufacturer,
myfteres jufqu'alors inconnus , ou dont on
n'avait qu'une idée très- imparfaire én Europe.
Encouragés par fes proineffes libérales
, ils s'engagerent d'apporter dans la
Capitale un nombre fuffifant de ces étonnans
infectes , aux travaux defquels l'homme
eft fi redevable. En conféquence , ils
remplirent de leurs oeufs des cannes creufées
en dedans ; on les fit éclore , dans lá
chaleur d'un fumier ; on les nourrit des
feuilles d'un mûrier fauvage , & ils maltiplierent
, & ils travaillerent comme dans
les climats où ils avaient attiré pour
la premiere fois l'attention & les foins de
l'homme. On éleva bientôt un grand nombre
de ces infectes dans les différentes parties
de la Grece , & fur-tout dans le Péloponnefe.
Dans la fuite , & avec le même
fuccès , la Sicile effaya d'élever des vers à
foie , & fut imitée , de loin en loin , par
différentes villes d'Italie . Il s'établit dans
tous ces endroits des manufactures confidérables
, dont les ouvrages fe faifaient
avec la nouvelle foie du pays . On ne tira
plus de l'Orient la même quantité de foie ;
on conçoit que les Sujets des Empereurs
Grecs ne furent plus obligés d'avoir reFRANÇAIS.
105
cours aux Perfes pour leur provifion , & il
fe fit un changement confidérable dans la
nature des rapports commerciaux de l'Europe
& de l'Inde ".
Indépendamment de ces rapports que
l'Auteur confidere fur-tout dans les temps
antérieurs au paffage du Cap , on rencontre
dans fon Ouvrage une foule de détails
favamment approfondis fur l'ancienne Géographie
des Indes , comparée aux Cartes
modernes , fur la route d'Alexandre dans
ces contrées , fur la Religion & la Philofophie
des Brames fur les Arts , les
Moeurs & la Poéfie des Indiens ; fur les
Auteurs qui en ont parlé , &c. L'Auteur
répand la lumiere fur tous ces objets intére
fans , & montre un jugement exquis
dans toutes les queftions où la diftance des
temps & des lieux oblige la raifon de s'en
tenir aux conjectures.
La traduction de cet excellent Ouvrage
eft fans doute un fervice rendu aux Lettres ;
mais elle aurait pu être beaucoup plus
foignée du côté de la drtion , qui eſt en
général négligée , incorrecte , & qui offre
même des fautes de Grammaire inexcufables
, comme des Autels coloffales , des
milles Anglaifes. Ces deux mots font du
mafculin. Les fautes d'impreffion fréquentes
& graves , fur-tout dans des fujets où
un mot mis pour un autre change tout , &
ne peut être fuppléé que par le Lecteur
TOG MERCURE
favant , ajouterit encore aux défectuofités.
de cette Traduction . Il ferait à fouhaiter
que dans une nouvelle édition d'un Ouvrage
de ce mérite , toutes ces imperfections
difparullent , & que la correction du
ftyle & l'exactitude typographique rendiffent
la verfion digne en tout de l'original.
ANNONCES ET NOTICES,
ON mettra en vente , Lundi 1er . Octobre ,
Hôtel de Thou , rue des Poitevins , No. 18 , la
51. Livraifon de L'ENCYCLOPEDIE , par ordre
de Matieres.
Cette Livraiſon eft compafée de la douzieme
Partie des Planches d'Hiftoire Naturelle (Infectes );
par M. Bonnaterre ; du Tomé VI , 2. Partie de
l'Hiftoire Naturelle ( Infeftes ) , par M. Olivier ;
du Tome II , 2º . Partie , ( Agriculture) , par MM.
Thouin , Teffier & Fougeroux ; & du Dictionnaire
des Amuſemens & Sciences Mathématiques
& Phyfiques , avec Figures.
Le prix de cette Livraiſon eft de 41 liv. en
feuilles , & de 42 liv . 10 f. brochée.
Le Dictionnaire des Amufemens & Sciences
Physiques & Mathématiques , fe vend féparément
, en feuilles , 28 liv. 15 f. avec les Planches
, & 30 liv . s f. broché.
FRANG AND S4 107
LE FÉDÉRALISTE , OU Collection de quelqués
Ecrits en faveur de la Conftitution , propoffe
aux Etats- Unis de l'Amérique par la Convention
convoquée en 1787 ; publiés dans les Etats- Unis
par MM. Hamilton , Madiffon & Gay ; Citoyens.
de l'Etat de New -Yorck 2 Vol. in- 8° . de plus
de 900 pages. Prix , 9 liv . br. & 10 - liv. francs
de port. A Paris , chez Buiffon , impr- Libr. rue
Haute- feuille , Nº . 20. On en a tiré quelques
Exemplaires fur papier fin vélin, 13 liv. broch.
& 14 liv . francs de port.
> 1. FRAGMENS DE POLITIQUE ET D'HISTOIRE
par L... S ... Mercier , Auteur de l'An 2440 , &
L'éputé à la Convention Nationale . 3 Vol . in - 8 ° .
formant 1200 pages , imprimés fur caracteres de
Didor. Prix , 12 liv. br. & 13 liv. 10 f. francs de
port. A Paris , chez Buiffon , Lib . rue Hautefeuille
, No. 20.
-1.3 59 33 ༢ ༠༣ རྩ
DROITS DE L'HOMME , 2 ° . Partie , réuniffant
les principes & la pratique ; par Thom . Payne ,
Secrétaire du Congrès pour le Département des
Affaires Etrangeres , pendant la guerre d'Amésique
& Auteur de l'Ouvrage intitulé le Sens
comman traduit de l'Anglais far la 3. édition;
ງ
:
108 MERCURE FRANÇAIS.
in - 8 ° . Prix , 2 liv. br. & 2 liv. 10 f. franc de
port par la Pofte . A Paris , chez Buiſſon , Imp-
Libr, rue Haute- feuille , No. 20 ; & Tétu , Imp-
Lib . même rue , Nº . 14.
ESSAI SUR LA LÉGISLATION CIVILE , dédié à
la premiere Législature ; par un Patriote de Tours.
Brochure. A Paris , chez Quenette , Libraire &
Commiffionnaire pour les Départemens , rue de
La Harpe , No. 172.
A VIS.
JOURNAL DE PARIS. Ce Journal , qui n'a
rien de commun avec l'ancien Journal de Paris ,
entrepris fous les aufpiees de la Liberté & de"
l'Égalité , a commencé à paraître le to de ce
mois.
On foufcrit à Paris , au Bureau général , rue
de Seine , Fauxbourg St - Germain , No. 1405 ,
moyennant 3 liv. par mois , & 9 liv. par trimeſtre
pour Paris , & 3 liv. 10 fous & 10 liv.
10 f. pour les Départemens.
TABL E.
PITRE
85 Recherches Riftoriques. 92
Charade, Enig. Log. 91 Notices. FO6
JOURNAL
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE,
FRANCE.
De Paris , le 3 Septembre 1792
J1 1 2
L
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du mercredi , 22 août.
11 25 2
E miniftre des affaires étrangères adreffe à
l'Affemblée une lettre de l'Ambaſſadeur de Venile
qui fe plaint d'avoir été arrêté à la barrière , avec
un paffe port de ce miniftre , & ramené dans la
ville à la maifon commune , il demande la liberté
de fortir du royaume . L'Affemblée charge fon
2 comité diplomatique de lui faire un prompt rap-
"port fur la demande de l'ambaffadeur de Ve
nife .
C
11.
La difcuffion s'ouvre fur un rapport du comité
dés finances tendant à ce qu'il n'y ait pas lieu à
No. 36. 8 Septembre 1792. A
2
délibérer fur la propofition faite par MM. Lacroix
& Lejofne d'alujettir au droit d'enregistrement , à
chaque mutation , les effets au porteut..
M. Lacroix prend la parole & retrace rapidmeat
les meilleures,raifons qu'il avoit données
dans le préambule de la propofition. Dans un pays
libre toutes les propriétés doivent également être
affujetties à l'impôt . En excepter les effets au porteur
, ce feroit reconnoître encore des propriétés
privilégiées. On objecte le rallentillement de
leur clculation mais fi la mutation de ces effis
devient plus lente , l'agiotage fera plus lent auffi ,
& c'eft un grand bien que de parvenir à mettre un
frein à la cupidité des agroteurs . Le crédit des aflignats
fe fortifiera de la néceffité où feront les
capitaliftes d'y courir cofia ce n'eft poist
manquer aut obligations contractées par le gorvernement
envers les porteurs des effets publics .
Tant qu'ils conferyeront leurs effets en portefeuille
, ils ne paieront pas d'impôts ni fur le
capital , ni furles intérêts ; mais fi ces effets fortent
de leurs mains , alors il faut que les acquéreurs
paient le droit d'enregistrement comme cela fe
pratique dans toutes les autres tranfmiffions de
A propriétés qubits no putnim a
L'Alfemblée décrète , en principe , que tous les
effets au porteur feront foumis au droit, d'euregiftrement
à chaque mutation , & renvoie au
comité , pour préfenter le mode d'exécution.
Le Confeil général des Ardennes écrit pour
témoigner fon regret de tout ce qui s'eft paffé dans
< département ! Sur la motion de M, Richard ,
l'aflemblée pafle à l'ordre du jour. alia
Oulit une lettre du minifte des affaires étranégères
, qui annonce que M. Lally - Tolendal vient
de lui adrefler une réclamations dont objet eft
( 3 )
d'obtenir un paffe port pour aller en Angleterre .
Anglois d'origine , M. Lally demande ce palleport
comme étranger ; mais pour qu'on ne puiffe
pas lui oppofer fa préfence comme Frar çois dans
Je cops conftituant , il joint à fa réclamation un
acte de naturalifation en Angleterre , un paffeport
qu'il a reçu de l'ambafladeur en qualité de
gentilhomme anglois ; & e fin , une expofition dis
motifs qui l'ont determiné à al jarer le titre de
citoyen françois. , ว
L'A També renvoie cet e réclamation & les
pièces au comité de farve l'ance...
D'après la demande de la commiffion extradrdiaire
, & confidérant la néceflité de placer auprès
du juré d'accufation du nouveau tribunal
ciminel de Paris , un commiffaire , pour l'obfervation
de la régularité des formes , Allenblée
rend , avec l'urgence , le décret fuivant :
•
« L'Affemb'ée nationale confidérant que la loi
du 27 ſeptembre 1791 , fur les jurés , exige que
les actes d'accufation à préfenter au juré d'accufation
, enfemble les pièces relatives aux divers
déits , feront communiqués aux ci - devant.commiſſaires
du Roi ; »
« Décrète qu'il fera nommé , par le confeil
exécut f , un commiffaire national , lequel tempiira
, par rapport au juré d'accufation du tibunal
criminel établi par la loi du 17 debce
mois , les mêmes fonctions que celles qui étoient
attribuées aux ci -devant commiffaires du Roi
près les tribunaux, de diftrict . »
Du mercredi , féance du foir.
2
Sur le rapport de M. Queflin , au nom du comé
colonial , l'Allemblée décrète que les cojehics
Françoiles feront invitées à concourir à la
A 2
( 4)
formation de la convention nationa'e . En conféquence
, la partie Françoife de Saint - Domin
gue nommera 18 députés répartis entre les trois
provinces , d'après les trois bafes de la population
, du territoire & des contributions ; la Guadeloupe
nommera quatre députés ; la Martinique
, trois ; Sainte-Lucie , un ; Tabago , un ; la
Guyane- Françoife , un ; l'Ifle - Bourbon , deux ;
In - de-France , deux ; les établiſſemens au delà
du Cap-de - Bonne - Efpérance , deux . Tous les
citoyens libres , de quelque état & de quelque
couleur qu'ils foient , concourront à cette nomination
, à l'exception de ceux qui font dans
l'état de domefticité .
M. Albite demande que le comité colonial
préfente un mode pour la vente des biens pcffédés
dans les colonies par les émigrés . L'Affemblée
renvoie au comité.
M. Duffaulx demande la parole pour une
motion d'ordre. « Les monumens du defpotifme
tombent dans tout le royaume ; mais il faut
épargner & conferver les monumens précieux
pour les arts . Je fuis inftruit que la porte Sr.
Denis eft menacée ; que le parc de Verſailles...
( une voix qu'on le laboure ) Oui , qu'on le
laboure ; mais qu'on refpecte les arts... Les arts
appartiennent à la philofophie.... Pour moi qui
les adore , je demande grace pour leurs chefsd'oeuvres
. Je donnerai , fi l'on veut , la clef de
mon cabinet ; on n'y trouvera pas la figure
d'un Roi. » M. Cambon répond que le peuple
ne veut plus de royauté , qu'il faut en rendre
le retour impoffible. Il demande un rapport ſur
les moyens de former un muféum , qui , détruifant
l'idée de la royauté , confervera les chefsd'oeuvres
des arts. M. Brouffonnet obſerve que
( , )
les commiflaires font a lés déjà faire l'inventaire
des monumens du parc & des jardins de Verfailles
, & qu'ils vont s'occuper des moyens de
ferrer tous les chefs - d'oeuvres . « Eh , ferreront- ils:
acffi la porte St. Denis ! s'écrie M. Duffaux. »ɔ-
M. Charlier demande qu'aux emblêmes & aux
biérogliphes dont ce monument eft furchargé
on fubftitue la déclaration des droits de l'homme.
Cette propofition eft adoptée .
Plufieurs chevaliers de St. Louis viennent dépofer
leurs croix , en facrifice à l'égalité . M.
Deferos- d'Eftrées fait don de fon cordon rouge:
avec la croix pour le foulagement des veuves
& orphelins des citoyens morts à la journée
du 10 .
Du jeudi , 23 août ..
On lit une lettre des commiffaires à l'armée
du Midi . I's rendent compte de leur arrivée au
camp de Seyffieux . Accompagnés de M. Montef
quiou & de fon état - major , ils ont fait réunir
l'armée en deux divifion . A chaque fection
ils ont fait lecture du récit des évènemens du
10 & des décrets qui en ont été la ſuite . A l'inſtant
un cri unanime s'eft fait entendre : Vive la
nation , vive la liberté , vive l'égalité !
Le miniftre de la le maguerre
annonce que
réchal Luckner s'étant rendu fufpect par des propos
inciviques tenus , foit à table , foit en préfence
de l'armée , le confeil exécutif à cru devoir
le fufpendre provifoitemert ,, & le remplacer par
le général Kellermann . U a fait part en même
temps de la deftitution de M. Dillon. ( Des renfeignemens
poftérieurs ont fait changer ces réſolutions.
)
Le miniftre des affaires étrangères rend compta
A 3
( 6 )
des difpofitions des puiffances , à l'égard de la
France . La Suède témoigne ouvertement le defir
de rétablir fes relations avec nous . Le Dinnemarck
garde une neutralité parfaite . La Ruffie
n'a jamais dillimulé fes intentions malveillantes ,
& notre ambaffadeur a reçu l'ordre de quitter
inceffamment cette cour Quant à l'empire
d'Allemagne , il ne s'eft pas encore déclaré
contre nous. Il faut en excepter cependant les
trois électeurs eccléfiaftiques , & les landgravesde
Heffe Caffel & Heffe - d'Armstadt , avec qui
nous fommes dans le cas d'hoftillités imminentes.
-
Le miniftre Britannique a rappellé fon Ambaffadeur
, & il motive ce rappel fur la fufpenfion
du chef du pouvoir exécutif. Il déclare cependant
vouloir conferver la neutralité.
Convaincu que la juftice doit être la compagne
de l'économie , l'Affmblée , für le rapport
de M. Lafond , a augmenté provifoire-,
ment d'un dixième , les falaires des maîtres entretenus
& ouvriers des ports . Le payement s'en
fera chaque mois , moitié en efpèces & moitié
en aflignats . Les ouvriers malades qui feront
traités chez eux à leurs frais , conferveront leur
journée entière , & ceux qui feront traités à
Thôpital , n'auront que la demi - journée . Le
refte du décret fixe li manière dont feront payés
les dépenfes d'armemens , levées , avances aux
équipages & frais de défarmemens .
Les principes de patriotisme étant devenus la
fource des vexations continuelles des cfficiers
envers les foldats , l'Affemblée a cru devoir
prendre en confidération le fort de ces derniers
, en décrécant :
1 °. Que tous procès inftruits , tous jugemens
rendus contre des militaires , Lous pretexte de
( 7 )
manque à la difcipline , de défobéiffance , de
menaces par paroles du par geftès contre leurs
fupérieurs , depuis le 15 feptembre 1791 , font :
anoullés. 101
ནཏྭཱ 68
2ke 29.5 Que le pouvoir exécutif donnera des
ordres pour que lesdits militaires qui font actuellement
détenus , foit dans les prifons , foit dans des
places fortes , foient fur le champ mis en liberté
* ?
Du jeudi , féance du foir.
La juftice & l'humanité faifant un devoir de
ve ir au fecours des citoyens , attachés à la
meifon du Boi; & qui fe trouvent dépourvus de
toutes reffources , M. Baignoux propofe & l'Affemblée
adopte un décret dont les principales
difpofitionsifontul trop Secret
1 ° . Que tous penfionnaires pour caufe de
domefticité , qui ne ferant point en titre d'office
dans la maison de Louis XVI , & dont le traitament
n'excédera pas too hy , feront payés annuellement
dans la proportion de cette fomme ,
en préfentant Hour. brevet de penfion ' ou leur
certificat de fervice , vifé de la municipalité.
3
? 28. Que lesdits domestiques ou penfionniizes
pour caufe de domeſticité , & ayant 201
années de fervice révolues , recevront 400 liv .;
enfin ceux dont le fervice fera au- deffous de tol
a nées , recevront feulement 200 liv. , le tout
dans la proportion du temps qui s'écoulera jufqu'à í
ce que la convention nationale ait ftatué définitivement
far left fort . »ככ
3 ° . Ne feront admis au fecours provifoire
décrété par l'avis ci- deffus , que ceux qui prouveront
avoir réfidé habituellement en France
depuis l'époque de 14 juillet 1789 , & qui juftifieront
du paiement de leurs contributions pa-
3
APA4
8 )
triotiques , foncière & mobilière , ainfi que de
leur infcription au registre de la garde nationale. »
Sur la propofition de M. Lacroix , le mode ,
de déportation des prêtres infermentés eft mis
à l'ordre du jour . M. Benoifion, préfente un
projet de décret, La difcuffion s'ouvre, fur le
premier article ainfi conçu :
·
ce Tous les eccléfiaftiques non affermentés
c'est- à- dire , ceux qui , affujettis au ferment
prefcrit par la loi du 26 décembre 1790 , ne
l'auroient pas prêté , ou qui l'auroient rétracté.
fans l'avoir prêté depuis , feront tenus de fortir
hors du royaume , dans le délai de quinze jours
après la publication du préfent décreto »
Un membre propofe qu'il leur foit accordé
quinze jours pour leurs préparatifs sun autie
ne leur en accorde que trois. M. Cambon demande
qu'ils foient déportés à la Guyane Frans
çoile. M. Fauchet propofe les illes de Rhé &
d'Oléron .
MM. Brouffonnet , Reboul , Lafource Ver-,
gniaud & Léonard Robin , s'opposent à des
mcfures que l'humanité défavoue , Nous avons
le droit d'expulfer de la France des hommes qui
ne veulent point être citoyens , & non celui de
leur preferire où ils doivent porter leurs pas .
C'est une grande mefure de politique , & malheureufement
dans ces mefures , il fe neie toujours
des injuftices individuelles ; mais il ne faut
pas à ces injuftices inévitables , joindre des bar
baries & des atrocité .
La difcuffion eft fermée , & le premier article
décrété .
L'Affemblée entend à fa barre l'interrogatoire
de M. Montmorin , gouverneur de Fon-..
tainebleau arrêté & amené pour répondre fur
( و )
Paccufation relative à une note qui lui eft at
tribuée & qui a été trouvée dans un des appar
temens du château des Tuileries . Ses réponſes
font fpécieuſes. Le tribunal criminel , chargé de
cette affaire , examinera fa conduite & le jugera
.
Une députation de la commune , accompagnée:
de quelques fédérés , eft introduite à la barre..
Ele demande que les prifonniers d'Orléans
foient transférés à Paris. Elle veut une vengeance
prompte , & menace de l'infurrection du.
peuple.
La France entière , répond M. le préfi
dent , a les yeux fixés fur l'Affemblée nationale
. Aucune fection de l'empire ne peut lui reprocher
de mal employer fon temps ; il eft mi
nuit , la féance n'eft pas levée. Les menaces ne
produiront fer elle d'autre effet que de la réfgner
à mourir à fon pofte. Ce n'eft pas à nous:
qu'il appartient de changer la conſtitution ; c'eſtà
la convention nationale que nous avons ap--
pelée . Vous lui préfenterez vos pétitions ; elle
feule pourra changer l'organifation de la haute
cour nationale . Nous avons fait notre devoir.
Si notre mort eft, une dière preuve néceſſaire
pour l'en perfuader , le peuple , de l'effervefcence
duquel vous nous menacez , peut difpofer
de notre vie. Les députés qui n'ont pas
craint la mort , quand les fatellites & les fup-
Fôts du defpotifine menaçoient le peuple , qui
ont partagé avec vous tous les dangers qu'il a
com us , fauront mourir à leur poffe pour la li
berté & l'égalité. Interp: ête des fentimens de ›
Affemblée , je vous les ai fait connoître ; vous
pouvez les rapporter à vos commettans. »
L'Affemblée paffe à l'ordre du jour , & dés
A. S
( 10 )
crète que la réponse de M. le préfident , fera
confignée au procès - verbal. La féance eſt fufpendue.
Du vendredi , 24 août .
On fait lecture des adreffes d'adhésion envoyées
par les villes de Dôle , de Chaumont , de Jogny
& d'Autun . M. Hugaut dépole fur le bureau la
croix de St. Louis qu'il a gagnée par 35 ans de
fervice & par 14 campagnes.
Une lettre des adminiftrateurs du département
de la Meufe annonce que la ville de Longwy eft
bloquée par les Pruffiens . Montmédy le voit menacé.
Un membre propofe que les adminiftrateurs.
de cette ville foient autorfés à transporter dans .
un autre lieu leurs féances. L'Aflemblée paſſe à
l'ordre du jour . Les canonniers de Paris demandent
à partir fur- le -champ pour Longwy avec la
moitié de leurs canons . Des gardes nationaux , des
fédérés font la même demande . L'Affemblée applaudit
& renvoie à la commiffion extraordinaire .
On décrète que les foldats de la nouvelle gendarmerie
nationale feront payés dès le moment de
leur infcription , & que le pouvoir exécutif pourra
nommeraux diverfes places militaires tous ceux qu'il
jugera capables de les remplir.
On avoit ftatué que les effets publics payables
au porteur , feroient affujettis à un droit d'enregiftrement
à chaque mutation. M. Baignoux en
préfente le mode d'exécution qui eft adopté ainfi
quil fuit ::
Art. I. Tous les propriétaiues & porteurs
d'effets publics au porteur , tels que billets ou
coupons proverans des différens emprunts , ac- :
tions de l'ancienne & nouvelle compagnie des
Indes ou de toutes autres compagnies , & généra-
>
I
fement de tous les effets publics qui le négocient ,
feront tenus , dans le délai d'un mois après la
publication du prélent décret, de les faire enre
giftrer & vifer par les receveurs du droit d'enreguirement
, qui ouvriront un regiftre à cet effer ,
ferent mentibų , tant fur ledit registre que für
les effites publics , da non & du domicile des por
qeuda up mounIE
sinal Levha &T'enregistrement feront faits fans
fpais 304 é sblmublic ) ist .
HI. Tous les effets publics au porteurqui n'au.
ront pas été vilés dans le délaifixé par l'art . I , font
décates de hule valeur? » mon mà
! Aucun effet au porteur ne pourra être
cédé , ni tranfporté , fans un endoflement au
proficdunouveau propriétaire , lequel endollement
fera enregistré par les receveurs au droit d'enre
giftrement, & affujettis au droit de muration de
15. f. pour cent liv . , ainfi que les obligations mo
buières conformément à la troifième lection de la
première daffe du tatif annexé au décret du s‹fep
tembre 1790. *
&& V.1b diexpreffément défendu à toutes
perlonnes & inotamment à tous courriers & agens
de charge, de fairs aucune négociation , vente ou
achats d'aldits effets , d'en prendre , fecevoir ou
donner en paiement , s'ils ne font revêtus de la
formalité de l'enregistrement , à peine de nullité
des traités & d'une amende égale au montant des
offers au po teur , tant contre celui qui les aura
donné que contre celui qui les dura reçus.
૧૯
}
c. VI . Pour éviter les fraudes qui pourroient
fe commettre dans les tan parts des effets publics
au porteat,stoutes procurations qui ferofit don ees
à l'effet d'en recevoir le montant ou d'en faire la'
ceffion , contiendront le nom du " mandataire
A 6
( 12 )
peine de nullité ; & dans le cas ou ladite procuration
"Eeroit donnée à l'effet de recevoir le remboursement
d'effets au porteur, el'e fera réputée traulport &
comme telle fujette au droit fixé par l'art. IV.
VI. Toute perfonne qui fe trouveroit
nantie d'un ou plufieurs effets, publics au porteur
, & qui n'en feroit pas propriétaire dis
recte , foit en vertu de la déclaration qu'elle en
auroit faite , foit en vertu de l'endollement preferit
par l'article IV , fera condamnée à une amende
égale à la valeur des billets faifis & à la perte dudit
billet. »
M. Lavigne , au nom du comité des affignats
& monnoies , propofe & l'Affemblée adopte le
décret fuivant :
ce L'Affemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , décrète :
Art. I. Les 3.00 millions d'affignats - coupures
actuellement en fabrication feront affectés ; favoir ,
100 milions pour le fervice de la tréforesie natio-
Dale ; & les 200 millions reftans pour les échanges
dans les 83 départemens . »
O..
לכ
« II. Les verfemens & envois feror: faits à
huit époques fucceffives & en huit divifions , chacune
de 3.7% millions foo mille livres , dont la
tiers fera appliqué à la tréfor.ric nationale , & less
deux tiers aux 83 départemens il ne pourra
fous quelque prétexte que ce foit , être fait aucunt
verfement ni envoi que dans la proportion cideffus
fixée , & lorsqu'il le trouvera entièrement ›
fabriqué une femme de 37 millions soo milles
livres. »
«
3כ
III. La réparation des 100 millions pour les?
départemens , fera faite fur la base de la repréfens
tation nationale , à raifon de 268,416 liv, pats
chaque député, Pou men si Jucibabitanɔ' , goikoa
ב כ
3 ) 2.5 IV. Les adminiftrateurs du département , .à
qui feront adrefiés les envois des affignats - coupures
, en fe.ont la répartition entre les diftricts ,
d'après les bales de la population & de la contribution.
»
eViLes adminiſtrateurs de diftrict ouvriront
enfuite les échanges dans le chef lieu du diftri
& dans les municipalités , en mettant une partie
des fommes qu'ils recevront , dars les mains des
receveurs de diftrict , & l'autre partie dans celle, des
receveurs des contributions publiques , ceux ci en
difpoferont preférablement en faveur des citoyens
qui le préfenteront pour payer leurs contribuetions.
1
: ss. VI. Les commiſſaites de la trésorerie natio+
nale ne pourront recevoir aucune fummen en
alignats coupures qu'en échange , de gros affi
gnats , lefquels feront, fur-le- champ , annuliés &
b: ûés de la même manière que ceux provenant du
produit des biens nationaux..»
« VII. Les receveurs de diftrict enverront le
remplacement en gros affignats , des fammes qu'ils
auront reçues & échangées au tréforier de la caiffe
del'extraordinaire, pour être ra cillement annullés
& brûlés, el nidlib it 5
20 VIH. Les adminiſtrateurs de la câife de l'extraordinaire
ferant chargés de faire les verfemers
& les envois des petits fignats , dans les caiffes
publiques & dans les départemens . Is en tiendront
tegiftre , ainfi que des remplacemens & brûlemens
yo alive
L'Affemblée nationale con fidérant qu'il im- ,
porterdechâten , autant qu' left en fon pouvoir
, la fabrication & le timbrage des petits affi
gnats déctère que les arteliers du timb age feront
doublés fans délai , & que les travaux y feront conti
nués fans interruption , à peine de deftitutiba des
commiffaires- directeurs de fabrication . » IA
Du vendredi , Seance du foir.
$10
く
p
Des citoyens de Paris admis à la barre , demandent
que la France accorde le droit de citoyen
aux hommes généreux qui , dans tous les
pays , ont profeffé les grands principes de fa
politique univerfelle , & qui , par leurs écrits ,
ont défendu la caufe de la liberté & celle de la
révolution Françoiſe .
>
Cette demande combattue par quelques mèm
bres , eft vivement appuyée par M. Vergniaux.
Pouvons nous , ' dit zil , balancer de donner
d'offrir même le titre de citoyen François à des
hommes qui veulent la liberté du monde, Quel
moyen plus efficace pour affurer la liberté Fran
çoile , que d'affocier à nos dangers les philofophes
des nations étrangères qui ont pris la défenfe.
sh215
M. Guadet prouve fans peine combien il feroit
avantageux à la France que les Payne , les
Priestley , lesWilberforce , fuffent admis à la con
vention qui va décider de fa deftinées; & l'Af
femblée décrète unanimement que les philofophes
qui auront fervi la cauſe de la liberté , auront le
titre de citoyen François.
V75 :8
Oa lit une lettre des commiffaites de l'armée
du Rhin, Par- tout ils ont été environpés des
égards dus à leur caractère. Ils ont vifité Lanol
dau . Cette place eft dans un état redoutable.
Elle a 7,600 hommes de garniſon & 600 hommes def
gardes nationales qui , en courage & en difcipline ,
ne le cèdent en rien à la troupe de ligne , M.
ab fellduob
( 15 )
Cuftine y commande. Il a & mérite la confiance
des citoyens & des foldats .
Le rétabliſſement des fortifications fe fait avec
la plus grande activité ; mais l'argent marque.
Il manque beaucoup de chofes au bien- être des
troupes . Les commiffaires invitent l'Affemblée à
Frendre ces plaintes en confidération .
A Strasbourg , une foule immenfe s'eft préci
pitée au- devant d'eux , & faifoit entendre les cris
de vive la liberté , vive l'égalité. Au moment
de leur départ de cette ville , ils ont appris que
M. Dietrich , maire , étoit mandé à la barre de
l'Afemblée nationale , & que le confeil - général
de la commune avoit été fufpendu . Cette nouvelle
a ' caulé quelque fermentation , mais ils rendent
cette juftice au maire , qu'il a beaucoup
contribué au rétabliſſement de l'ordre .
L'Afemblée entend la lecture de plufieurs
adreffes d'adhéfion . Un jeune homme exerçant
le métier d'horloger , dépofe cent livres de fes
épargnes pour les veuves & orphelins morts dans
la féance du 10.
Du famedi , 25 coût.
M. Thuriot a obtenu la parole pour une motion
d'ordre . Il a fait fentir l'inutile & injufte
rigueur de la contrainte par corps contre les infortunés
qui ne peuvent acquitter les mois de
nourrice de leurs enfans . Il en a demandé la
fuppreflion . Cette propofition tenoit trop aux
droits facrés de l'humanité pour n'être pas adoptée.
L'Aſſemblée en la décrétant , a chargé fes comités
de finances d'examiner la queftion de ſavoir ſi
le tréfor public peut , fans inconvéniens , acquitter
les dettes des citoyens actuellement détenus pour
cet objet .
( 16 )
On fait lecture de deux lettres des commi
faires à l'armée de Luckner. Iis font part de
l'adhéſion de tous les citoyens , aux décrets du
corps législatif , & demandent que l'Affemblée
prononce que le premier bataillon de l'Alier
celui de Mayenne & Loire , en garnifon à
Verdun , où le géi éral Lafayette les a envoyés
pour n'avoir pas voulu prêter d'autre ferment
que celui de la liberté & de l'égalité , & le
6. régiment d'artillerie en gatnifon à Metz
ont bien mérité de la patrie . Cette propofition
eft décrétée ..
Au nom de la commiffion extraordinaire , M.
Genfonné fait un rapport fur les lenteurs de la
baute-cour nationale , auxquel es il affigne trois
caules la faculté indéfinie aux accufés de faire.
entendre des témoins ; l'obligation pour le tribunal
d'affifter en entier à l'audition des témoins ,
enfin la prolongation des délais dont je ut l'acculé
pour faire les récufations.
"
D'après les obfervations du rapporteur ,
fembiée adopte le décret fuivant :
PAG
ce Art. I. Les accufés devant la haute- cour
nationale , feront tenus , dans le délai de trois .
jours , après leur interrogatoire , d'indiqi et les
témoins qu'ils defireront faire entendre . »
II. Ils pourront préfenter four cet objet
leur requête enfemble ou féparément , mais fans :
prolongation du délai de trois jours .
לכ
« III. Faute par eux d'avoir préfenté leur
requête dans ledit délai , ils ne pourront faire
entendre leurs témoins qu'à l'époque , défignée.
pour le débat , il ne leur fera accordé aucun nouveau
délai . 3
« IV. Les témoirs pourront être entendus par
Kun des grands juges feulement , qui fera , à
( 17 )
cet effet , commis par le tribunal. „
• V. Les grands juges pourront adreffer aux
tribunaux criminels & aux directeurs des jurés
des commiffions . rogatoires pour recevoir les déclarations
, des témoins , qui ne feront pas domiciliés
dans l'étendue du département ou fiége
de la haute- cour nationale. »
« VI. Lorfque la lifte des 166 bauts - jurés
fera épuisée , elle fera tequile pour la formation des .
tableaux fubfequens , fans que le haut juré qui
aura été appelé une première fois puiffe s'excufer
par ce motif, & neapmoins les tableaux qui fe
trouveront formés au moment de la . publica
tion de la préfente foi , ne pourront être annullés
. »
VII. Immédiatement après le premier in
terrogatoire , le tableau général des jurés fera..
préfenté à l'accufé . Il fera tenu dans les vingtquatre
heures fuivantes de défigner les 40 jurés.
que la loi lui permet de récufer fans en expliquer
les motifs., 22.
3x
CC
VIII. Les noms des hauts jurés airfi récrés
feront exclus du tirage au fort ; il feta procédé
à la formation du tableau dans les vingt - quatre
heures fuivantes , & l'accufé fera feulement admis
à propofer des récufations motivées contre
les jurés qui feront infcrits fur ce tableau . »
се
ce IX. L'accufé n'aura qu'un délai de vingtquatre
heures pour propofer fes recufations. Ce
délai courra du moment où le tableau lui aura.
été préfenté , & le tribunal fera tenu de prononcer
fur l'admiffibilité des moyens de récufa
tion dans les vir gt - quatre heures fuivantes . »
X. Les allemblées électorales qui vont procéder
à la nomination des membres de a convention
nationale , font invitées à pro éder à
憊
*
( 18 ).
l'élection de deux nouveaux hauts jurés par département.
"
« XI. Les membres de la légiflature actuelle,
ayant rempli les fonctions de jurés d'accufationa
l'égard des accufés détenus dans les prifons de
11 haute cour nationale , font exclus de la noud
velle élection des hauts -jurés déterminée par l'ar
ticle précédent. »
XII. Jufqu'à ce que la convention nationale
ait ftatué fur la réorganisation du tribunal
de la haute cour . nationale , les grands procurateurs
de la nation , les grands juges & les
hauts jurés actuellement en exercice conti
nueront à remplir leurs fonctions julqu'à leur tèmplacement.
»
« XIII . Le miniftre de la justice eſt chargé
d'envoyer à Orléans deux commiffaires , pour
s'affurer de l'état des procédures imferuites par
la haute cour nationale , de l'état des prifons &
des précautions' prifes pour la sûreté des prifon
nics & il en fera rendre compte fans délai P
l'Aflemblée nationale , pour être paf elle , fur
ce rapport , ftatué ce qu'il appartiendra.
כ כ
33
Le miniftre de la gueire annonce la découverte
d'n nouveau live louge dans les bureaux de la
guerre, & d'un fonds de soo mille liv. qui étoit
detiné à fon aliment. I demande des commiffaires
Four en faire l'examen.
Des artistes de Lyon avoient propofé de fåbriquer
en monnoie le métal des cloches , & de '
donner à ces efpèces une perfection égale à celle
des médailles les mieux frappées , d'après la con- "
v ct on de l'excellence de leur procédé , & la né- "'
cefité d'avoir une monnoie qui ferve d'intermé¹¹
daire entre les petites coupures d'affignats & les
cfees poynant jufqu'a le jour de la fonte
3
( 19 )
des cloches , l'Affemblée rend le décret fuivant
:
Att . I. Les fieurs Mercier Mathieu..... &
autres artiftes de la ville de Lyon font autorifés
à fabriquer , pour le compte de la nation , des
efpèces de bioze au prix & conditions qui ferent .
déterminées par le pouvoir exécutif. »
« II . Lefdites efpèces feront divifées en pièces
des fous & de 3 fous. »
CC
III. Celles de 5 fols feront à la taille de fix au
marc , & celles de fous à la taille de 10 au
marc.
« IV. Les unes & les autres représenteront d'un '
côtéle bufte de la liberté fous les traits d'unefimme
a x cheveux épars , ayant à fes côtés une pique ,
furmontée d'un bonnet , la légende rei fermera les
mots liberté, égalité. »
сс
V. Le reves repréfentera une couronne de '
chêne , dans laquelle fera inferite la défignation '
de la fomme repréfentée par chaque pièce. »
« VI. La date de l'an de la liberté fera pl cée
du côté de la têté , & le millésime du côté du
revers. »
« VII Le miniftre des contributions publiques
eft tenu de fie remettre , par préférence
aux artiftes ci - deffus dénommés , les matières
de bro: ze & métal des cloches qui fe trouveront
dans les départemens du lieu où ils auront
formé des étab iflemens . »
« VIII. Lefdits artiftes remettront en efpèces
le même poids qui leur aura été fourni en
matière de bronze , faufla déduction à faire pour
le déchet qui ne pourra excéder fix pour cent du
roids defdites matières . »
« IX . Le ministre des contributions publiques "
eft auto ifé à fournir auxdits artiftes les emplace(
20 )
mens nationaux qui peuvent fervir à la prompte :
exécution de leurs travaux . »
X. Les carrés feront fournis par les artistes.
fufdénommés , à qui il fera fait remife des poinçons
néceflaires par le graveur général .
Сс
ל כ
« XI. Il fera établi auprès de chacun des atteliers
un ou deux eniôleurs monétaires , felon le
befoin , lefquels feront tenus de furveiller la fabrication
, recevoir les flaons après leur préparation ,
les remettre aux artiftes chargés du mounoyage , &
recevoir les espèces monnoyées ; en tenir iegiftie,
tant du nombre des flaous Ibres , que des ef-
Fèces monnoyées , & de celles qu'ils auront mifes au
rebut. »
« XII . La clé de l'attellier du monnoyage fera
dépolée entre leurs mains , & ils veilleront à ce qu'il
n'y puiffe êne monnoyé d'autres Aaons que cux
qui auront été par enx délivrés aux artiftes ; ils re.
pourront néanmoins s'ingérer , en aucune manière ,
dans ce qui concerne la préparation des flaons . »
« XIII. Lesenôleurs monétaires feront nommés
par la comm ffion des monncies , qui leur fournira.
les inftrumé s néceffaires . ».
Du famedi , féance du foir.
Le comité colonial obtient l'ordre de la . parcle
, & par fuite du décret qui ordonne la vente
des biens des émigrés , il fait décréter que les.
propriétés coloniales qui appartenoient aux perfonnes
rotoirement émigrées de France feront
vendus au profit de la nation . Le miniftre fera
patler dans les colonies la note des émigrés , tels que
MM. Lafayette , Maffillac , Lameth , Vaudreuil &
Galifet
M. Brival demande qu'on fupprime les fubftiutions
qui pourroient le faire fur les biens pof(
21 )
Tédés aux colonies par les émigrés . M. Lacroix
propofe de décréter à l'inftant le principe qu'il
n'y aura plus de fubftitutioas . Le principe eft décrété
.
L'Affemblée renvoie au comité de légifl .tion pour
Faire lundi fon rapport fur la nullité des fubftitutions
exiſtantes , & non encore ouvertes , & fur
Tégalité des partages .
Au nom du comité de la marine , M. le Tourneur
propofe & l'Aſſemblée adopte le décret ſuivant
:
« Il ſera attaché à l'ifle d'Oueſſant un maître
d'équipage , entretenu pour la direction & la furveillance
des fignaux maritimes , aux appointemens
annuels de 1500 liv . , fans préjudice du
commandement militaire appartenant à l'officier
commandant les troupes qui fe trouveront en garnifon
dans l'ifle. »
Du dimanche , 26 août.
M. François de Neufchâteau a demandé que
tous les membres de l'Affemblée prêtaffent le ferment
de ne pas quitter leur pofte à Paris qu'ils
ne foient remplacés par la convention nationale .
Ce qui a été adopté à l'unanimité . Cette partie
du procès- verbal fera fur le - champ imprimée , &
envoyée au département de Paris pour la tranfmettre
à la commune , aux 83 départemens , &
à leurs aſſemblées électorales par des courriers extraordinaires
.
M. Guadet propofe , au nom de la commiffion
extraordinaire , & l'Affemblée adopte unanimement
le décret fuivant :
que
« L'Affemblée nationale confidérant le's
hommes qui , par leurs écrits & par leur coutage
, ont fervi la caufe de la liberté & pré(
22 )
7
paré l'affianchiffement des peuples , ne peuvent
être regardés comme étrangers par une nation
que les lumières & fon courage ont rendue
libre ;
។ ce Confidérant que fi cinq ans de domicile en
France fuffifent pour obtenir à un étranger le
titre de citoyen François ; ce ti re eft bien plus
jultement dû à ceux qui , quel que foit le fol
qu'ls habitet , ont confacré leurs bras & leurs
veiles à défendre la caufe des peuples contre le
delpotifme des Rois , à bannir les préjugés de la
te re , & à reculer les bornes des connoiiances humaines
;
Confidérant que s'il n'eft pas permis d'elpérer
que les hommes ne forment un jour de
vant la loi come devan: la nature , qu'une feule
famille , une feule affociation , ' es amis de la liberté ,
d : la fraternité univerfelle n'en doivent pas être
moins chers à une nation qui a proclamé fa renonciation
à toute conquête & fon defir de fraternifer
avec tous les peuples ;
Confidérant enfin qu'au moment cu une conventiɔn
nationale va fixer les deftinés de la France ,
& préparer peut- être celles du genre humain , il
appartient à un peuple généreux & libre d'appeller
toutes les lumières & de déférer le droit de concou
ira ce grand acte de raifon , à des hommes qui , par
leurs fentirens , leurs écrits & leur courage , s'en
font montrés fi éminemment dignes ;
ce. Déclare déférer le titre de citoyens François à
Priestley , Payne, Benthonn , Wilberforce , Clarkfon
, Makinflosh , David Villiams , Gorani , Anacharfis
Cloor , Campe , Cormelle Paw , Petalorri ,
Washington , Hamilton , Maddifon , Klopstoc ,
Kocinsko , Gilleets . "
Plufieurs citoyens admis à la barre demandent
23 )
३
3.
2
3
1 la 14-
que la contrainte par corps pour dette foit abelic .
M. Larivière exprime fon vou pur que
flature actuelle emporte la gloire d'avoir fait
cette loi , & il demande que les comités de légiflation
& de commerce faffent fous trois jours un
rapport fur cet objet . Cette propofition eft adoptée .
On fait leur d'une lettre des adminiftrateurs
a du confeil genéral du département de la Meufe .
Ismandent que la vile de Longwi s'eft , rendue
aux ennemis le 23 de ce mois , après une capitulation
qui a donné à la garsilon les honneurs
de la guerre que Verdun , place importance
par les approvifionnemens qu'elle renferme , n'eft
point en état de défenfe. Pour qu'elle fût tenir ,
il faudroit qu'elleût 175 bouches à fen , Verdun
n'en a que 30. Elle n'a que so artilleurs , &
fa garniton n'eft pas affez exercée . Les habitans
des campagnes dans le diftrict d'Etaim fe replient
dans les bois , abandonnent leurs moiffons , leurs
habitations . Il ne demandent qu'à périr pour la
patrie , mais ils nn'est ni armes , ni munitions ,
ni moyens de défenfes . Les administrateurs tereminent,
leur, lettre en priant, l'Ademblée de
s'occuper des moyens d'arrêter les progrès de
Tennemi.
Cette nouvelle donne lieu à diverfes propofitions
M. Merlin demande que tous les ci-
-devant pobles, faicat ) obligés de donner leurs
armės, 3 BS 5
M Jean de Bry propofe l'organifation , d'un
corps de 1200 volontaires qui fe dévoueront à
avales attaquer corps à corps, individuellement ,
indes tyrans qui nous font la guerre.
Platieurs membres déclarent qu'auffi- tôt après
lasceffation de leurs fonctions , ils iront fe ranger
dans ce corps. Je ne traiterai point cette
( 24 )
C
queftion fous le rapport de fa moralité , dit M.
Vergniaux , la folution en eft dans toutes les
ames . Je n'examinerai point fi c'eſt à nous , à
nous charger du foin de délivrer les peuples des
tyrans par lefquels on dit qu'ils font opprimés.
Si vous orgnanilez un corps de tyrannicides ,
vos ennemis organiferont un corps de généralicides
. Votre décret fera un décret d'affaffinat
contre vos propres généraux , & vous ferez les
premières victimes du projet immoral qu'on vous
a propofé d'adopter.
L'Affemblée , ajoute M. Sers , ne peut rendre
la loi qu'on lui propofe fans fe déshonorer devant
toutes les nations civilifées . Un romain voulut
malacrer Porfenna ; mais ce ne fut pas par le
vou du fénar.
La propofition de M. Jean de Brie eft renvoyée
au comité.
M. Benoifton préfente la rédaction définitive
du décret fur la déportation des prêtres , & l'Affemblée
l'adopte en ces termes :
ce Art. I. Tous les eccléfiaftiques qui , étant
*affujetris au ferment preferit par la loi du 26 décembre
*1790 & celle du 17 avril 1791 , ne l'ont
pas prêté , ou qui après l'avoir prêté l'ont rétracté
& ont perfifté dans leur rétractation , feront tenuside
fortir , fous huit jours , des limites du diftrict &
du département de leur réfidence , & dans quinzaine
hors du royaume. Ces différens délais courront
du jour de la publication du préfent décret. »
cé II. En conféquence , chacun d'eux le préfentera
devant le directoire ou la municipalité du diftrict
de fa réfidence , pour y déclarer le pays
étranger dans lequel il entend fe retirer , & il lui
fera délivré , fur - le - champ , un paffe-port, qui
cont endra
J.
725 )
contiendra” ſa² déclaration , fon fignalement , la
route qu'il doit tenir , & le délai dans lequel i
doit être forti du royaume. »
« III. Paffé le délai de 15 jours , ci- devant
préfèrit , les eccléfiaftiques non - fermentés qui
n'auroient pas obéi aux difpofitions précédentes ,
feront déportés à la Guyane françoife . Les directoires
de diftiis les front arrêter & conduire de
brigades en brigades aux ports de mer les plus voifins
, qui leur feront indiqués par le confeil exé
cutif provifoire ; & celui - ci donnera , en conféquence
, des ordres pour faire équiper & approvi
fionner les vaiffeaux néceffaires au tranfport defdits
ecclefiaftiques. »
ec
IV. Ceux ainfi transférés , & ceux qui fortiront
volontairement , en exécution du préſent dé
cree , n'ayant ni penfions , ni revenus , obtiendront
chacun 3 livres par journée de 10 lieues,
jufqu'au lieu de leur embarquement , ou jufqu'aux
frontières du royaume , pour fubfifter
pendant leur route ces frais feront fupportés
par le tréfor public ; & avancés par les caiſſes de
diltricts. »
CV. Tout eccléfiaftique qui feroit refté dans
le royaume , après avoir fait fa déclaration de
fortir & obtenu paffe- port , ou qui rentreroit
après avoir forti , ſera condamné à la peine de
détention pendant 10 ans . »
сс
*
VI. Tous autres eccléfiaftiques non-fermentés
féculiers & réguliers , prêtres , fimples
cleres minorés ou frères lays fans exception ni
diftinction , quoique n'étant point affujettis au
ferment par les loit des 26 décembre 1790 , &
17 avril 1791 feront foumis à toutes les dif
pofitions précédéнvés , lorfque , par quelques
actes extérieurs , ils auront occafionné des trou
No. 36. 8 Septembre 1792. B
( 26 )
bles venus à la connoiffance des corps adminif
tratifs , ou lorfque leur éloignement fera demandé
par fix citoyens domici iés dans le même département.
»
« VII. Les directoires de diftrict feront tenus
de notifier aux eccléfiaftiques non - fermentés
qui fe trouveront dans l'un ou l'autre des deux
cas prévus par le précédent article , copie collationnée
du préfent décret , avec ſommation d'y
obéir & de s'y conformer. »
« VIII . Sont exceptés des difpofitions précédentes
, les infirmes dont les infirmités feront
conftatées par un officier de fanté , qui fera
nominé par le même confeil- général de la commune
du lieu de leur réfidence , & dont le certificat
fera vifé par le même confcil - général ;
font pareillement exceptés les fexagénaires dort
l'âge fera auffi duement conftaté. »
IX. Tous les eccléfiaftiques du même département
qui fe trouveront dans le cas des
exceptions portées par le précédent article , fe-
1ont réunis au chef- lieu du département dans
une maiſon commune , dont la municipalité aura
l'infpection & la police. »
ce X. L'Affemblée nationale n'entend par les
difpofitions précédentes , fouftraire aux peines
établies par le code pénal , les eccléſiaſtiques
non fermentés qui les auroient encourues on
pourroient les encourir par la fuite . »>
« XI. Les directoires de district informeront
régulièrement de leurs fuites & diligences aux
fios du préfent décret les directoires des départequi
veilleront à fon entière exécution
dans toute l'étendue de leur territoire , & feront
eux-mêmes tenus d'en informer le confcil exécutif
provifoite,
mensor
( 27 )
XII. Les directoires de diftrict feront en
outre tenus d'envoyer tous les quinze jours au
miniftre de l'intérieur , par l'intermédiaire des
directoires de départemens , des états nominatifs
des eccléfiaftiques de leur arrondiffement qui
feront fortis du royaume , ou auront été déportés
; & le miniftre de l'intérieur fera tenu
de communiquer de fuite à l'Affemblée nationale
lefdits états. »
Un officier du 29°, régiment d'infanterie ap-
-porte des dépêches de Philippeville,
Le 22 août, le fieur Herman Wimpffen , commandant
dans Philippeville, a difparu. M le Comte,
lieutenant- colonel du fecond bataillon de Loir
& Cher , a pris fa place , en vertu d'an conſeil de
guerre qui a été affemblé fur - le - champ. La garnifon
& les habitans de Philippeville , ont juré
de s'enfevelir fous les ruines de la place , plutôt
que de capituler avec les ennemis de la liberté
& de l'égalité.
Sur la dénonciation de l'incivilme des admi..
niftrateurs de la ville d'Arias , plufieurs membres
font la motion de renouveller les corps adminiftratifs
. On obferve qu'au moment où le peuple
eft réuni en affemblées primaires , ce feroit attenterà
fa fouveraineté. L'affemblée paffe à l'ordre dujour.
Du dimanche ,féance du foir.
Le ministre de la guerre communiqque à PACfemblée
une lettre du maréchal Luckner , qui
confirme la reddition de Longwi. L'ennemi s'eft
préfenté au nombre de 60 à 70 mille hommes
devant cette place . Le 21 de ce mois il en a fair
l'attaque , par une canonade & un bombardement
qui ont duré quinze heures. La bourgeoisie &
les corps adminiftratifs ont preffé M. Lavergne ,
commandant de la place , de fe rendre. La gar-
>
B 2
(( 28 )
11
*
nifon n'a point réfifté à leurs foilicitations . Elle
a obtenu une capitulation & fa retraite . M. Luckner
ajoute que l'ennemi occupe le territoire &
l'emplacement da camp de Fentoy , & qu'il paroît
difpofé à fe porter fur Thionville , qui n'eft
qu'à fix lieues de Longwi.
M. Crublier , membre du comité militaire ,
expofe à l'Affemblée que ce ne peut être que par
l'effet d'une trahifon que Longwi a été livré après
quinze heûres ſeulement d'attaque , fans brèche ,
fans affaut . Cette fortereffe avoit des approvifionnemens
de toute espèce , artillerie formidable,
vivres , munitions , fortifications , caffemates ,
triples mines , difpofitions néceflaires pour éviter
l'effet des bombes , tout étoit prévu , la place
avoit près de quatre mille hommes de garnifon ,
fans compter les citoyens armés , elle devoit tenir
plufieurs mois.
Get expofé fait crier à la trahifon . Il eſt confirmé
par une lettre des commiffaires à l'armée de
Luckner.
La difcuffion s'établit fur les moyens de faire
paffer de prompts fecours à l'armée du centre..
M. Lafource propofe de décséter que les armes
diftribuées au département de l'intérieur feront
données provifoirement aux volontaires nationaux
, & que tout citoyen qui aura reçu un fufil
fera tenu de le remettre , ou de marcher aux
frontières. Cette mefure eft adaptée ..
· L'Affemblée ordonne en même tems l'envoi
de deux commiffaires à Rochefort , qui feront
charger & partir pour Paris les canons & fufils
- qui le trouveront dans les différens arfenaux de
.cette ville .
Elle décrète que toute la gendarmerie nationale
du royaume , tant à pied qu'à cheval , ſera mandée
( 29 )
& réunie en des points qui feront défignés , pour
pouvoir de-là , être envoyée , foit aux frontières , “
foit au camp de réferve .
;
M. Vergniaux annonce de la part de la commiffion
extraordinaire , qu'elle n'a pu encore
prendre de détermination , relativement à la garnifon
de Longwy , par le défaut de renfeignemens
exacts fur les circonftances du fiége ; mais i
rappellant la loi , qui défend , fous peine de mort,
aux commandans de rendre aucune place à l'ennemi
fns le confentement des Corps adininifratifs
& à ceux ci de faire d'eux-mêmes aux
commandans la propofition de les rendre , l'Affemblée
décrète à l'inftant , que tout citoyen qui
dans une ville affiégée jettera l'akaime & prlera
de fe rendre , fera punt de mort.
Après avoir pris ces différentes mesures , elleadopte
la proclamation fuivante :
Aux Français habitans le département de Paris,
& les départemens voifins .
Citoyens , la place de Longwi vient d'être .
rendue ou livrée, les ennemis s'avancent . Peutêre
fe flattent-ils de trouver par- tout des traîtres,
is fe trompent ; nos armées s'indignent de cet
échec , & leur courage s'en irrite . Citoyens ,
vous partagez leur indignation : la patrie vous
appelle partez. »
CG
:
L'ABemblée nationale requiert le département
de Paris & les départemens veifins de
fournir à l'inftant 30,000 hommes armés &
équipés .
Du lundi , 27 Août.
Le Miniftre de la Guerre envoie à l'Affemblée
une copie d: la lettre qu'il a écrite au maréchal
B 3
130 )
Luckner pour lui ordonner de former une cour
martiale à l'effet de juger fur- le -champ les lâches
qui ont rendu la ville de Longwy. Il le charge
de l'inftruire des pourfuites courier par courier,
afin que la France foit inftruite de la punition
prefqu'auffitôt que du crime.
Une députation admife à la barre préfente la
petition fuivante :
» Amour pour la liberté , obéillance aux lois ,
paiement des impôts , refpect pour les propriétés ,
tels font les fentimers , qui depuis trois ans , ont
animé les cultivateurs de la paroiffe de Long Pont.
La voix qui a proclamé la patrie en danger , s'eft
fait entendre dans nos champs . Notre travail
nos fucurs nourriffcient la patrie ; notre fang va
la défendre ; 151 citoyens actifs compofent notreparoiffe
, 33 volent aux frontières. Nous laiffons
nos peres & nos freres mariés achever nos récoltes.
Lég Aateurs , nous vous les recommandons
veillez fur l'ennemi du dedans ; fi celui du dehors
vient à vous troubler, nous ne ferons plus. Nous
aurens fait notre devoir , nous venger fera le
vôre. Tout homme libre , tout français doit
mourir pour défendre la Liberté & l'Egalité. Nous
le jurons devant vous. »
La Commune dépofe 125 liv . pour les veuves
& orphelins des patriotes morts à la journée du
10 , & M. Leroux , cfficier municipal , y joint 25
liv. "
२.
L'Affemblée ordonne l'impreffion & l'envoi de
cette pétition aux 83 départemens , & mention
honcrable de la conduite des officiers munici» ^
paux & des Citoyens de cette commune.
Au nom des divers comités des finances réuni” ,
M. Baignoux préſente quelques articles addi(
31 )
tionnels au décret rendu fur les effets au por
reur , pour en affurer l'exécution .
L'Aflembée les adopte en ces termes :
Ja XIII. Les tuteurs , curateurs , notaires , receveurs
de confignation, & tous autres dépofitaires
d'actions , coupons , quittances de finances au
porteur , bordereaux d'emprunts & autres effets
ftipulés au porteur , fufceptibles d'être négociés
feront tenus de les faire vifer & enregistrer
dans le délai porté àParticle 3 , à peine d'en ré
por die perfonnellement envers les propriétaires
de nullité prononcée par l'articles . »
1 cc XIV H eft fait défenſe à tous huiffiers &
avoués de faire aucune demande , & à tous juges
& tribunaux de prononcer aucune condamnation
en vertu defdits effets publics , ftipulés au porteur
, à moins qu'ils n'aient été vifés , conformément
à l'article 3 & que tous les endoffe→
mens qui y auront été faits n'aient été enregiftrés
. »
0
XV. Le tranfport ou endoffement , preferit
par l'article VI , énoncera la date du tranfport
le prix fixé , le n° . de l'effet , les noms , profeffion
& domicile du conceffionnaire , & ne pourra
être figné en blanc le tout à peine d'une
amende égale au montant de l'effet , payable
folidairement , moitié par le cédant , moitié par
le ceffionnaire,
喝
M.
XVI. Chaque endoffement ou transport
fera préfenté à la formalité de l'enregistrement'
dans les 20 jours qui fuivront fa date ; à ce défaut,
le porteur pourra être contraint au pak ment du
triple droit d'enregistrement.
ל כ
ce XVII. Le porteur de l'effet demeurera garant
& refponfable ; fauf fon recours de payement
des droits & triples d'iceux , pour les mes
B 4
1320X
tations antérieures à fa poffeffion , faute par dui
d'avoir veillé à ce que l'effet fût mis en règ'e
avant de le recevoir. » i
« XVIII. Les receveurs d'enregistrement , qui
auront enregistré un tranfport ou endoffement ,
Lans que les précédens aient été enregiſtrés , 04
qui n'auront pas perçu le triple droit pour
ceux préfentés après le délai , feront perfonne
lement garans des omiflions , fauf la peine)
de deftitution , en cas de récidive, » .
« XIX. Les payeurs feront tenus , fous peine
d'en répondre Fe fonnellement , de n'acquitter ,.
foit les intérêts ou dividendes , foit le tout ou
partie du capi al , que fur la quittance du der
nier ceffionnaire , & fur l'acquit repréſenté du
droit d'enregistrement , tant pour la ceffion faite
au porteur , que pour celles qui auront précédé.
»
1.
lorfdits
XX . payeurs feront auffi tous ,
en feront requis , de communiquer leurs,
journaux & registres de l'année , lors courante ,"
& de la précédente , au propofé de la régie na
tionale de l'enregistrement , & , en cas de refus
, ils feront condamnés à une amende de
300 livies . i ل
*
« XXI. Il eft ordonné aux agens, de change ,
courtiers & autres commiffionnaires , de porter ,
fur le regiftre timbré & paraphé, qu'ils font
obligés de tenir , toutes les négociations de ces
effets , avec énonciations de leur nature & de
leur no. des noms , profeffion & domicile de.
Tune & de l'autre des parties , de la date & da,
prix des ceffions , & de communiquer ce regiftie ,
pour l'année courante & la précédente , aux prpofés
à la régie de l'enregistrement , fur leus réquifition
, fous la même peine d'une amende de
:
( 33 )
300 livres pour chaque refus & chaque omiffion
fur le regiftie. ».
« XXII. Le délai exigé pour le vifa defdits.
effets publics au porteur , & la préfentation aux
bureaux de l'enregistrement , les tranfports & endoffemens
qui en feront faits , fera de 3 mois ,
pour tous les poffeffionnés qui fe trouveront hers.
de l'etendue du territoire françois , à la charge
par eux de rapporter la preuve légale de leur
abfence, laquelle demeurera annexée à l'enregistre
ment. »>
сс
IceXXIII. Les procurations rappellées à l'art.,
VIII , qui auront pour objet la c.ffin d'effets
publics, ftipulés au porteur, feront réputées tranfports
, & devront être enregistrées comme les
tranfports & endoffemens , lorfqu'elles feront fuivies
de la remife des effets au mandataire , fauf
a rendre le droit pour tout ce qui excédera la
perception fur les fimples procurations , lorfqu'if
juftifiera d'un compte par lui rendu du pix def
dits effets , par acte devant notaire. »
cr XXIV . Tous lefdits effets ftipulés aù porteur
, foit fur l'état , foit fur des compagnies
d'actionnaires , feront compris dans la déclaration,
que font tenus de faire les héritiers légataires
& donataires entre vifs ou à caufe de mort , &
acquitteront le droit d'enregistrement fur le même
pied que l'acquittent les fucceffions , légs & donations
d'immeubles réels ou fictifs. 22
XXV. Les poffeffeurs d'effets publics émis ‹
par les compagnies d'actionnaires , t , pellés à
Fanicle II , font auiorifés à faire , pour la fixation
de leur contribution mobiliaire , la déduc
tion de leur revenu , provenant defdits effets ,.
en juftifiant de la retenue que le payeur leur aura
B. S.
1
( 34 )
faire de fa contribution du quart , ainfi & de même
qu'il en eft ufé pour la contribution foncière . »
« XXVI. Le verfement au tréfor public du
quart des intérêts , dividendes & bénéfices , ordonné
par l'article I , ci- deffus , fera fait dans
le mois qui fuivra leur échéance , par les direc
teurs & caiffiers des compagnies d'actionnaires ,
lé quels feront tenus d'en remettre l'état duement
certifié , tant aux commiffaires de la tiéforerie
nationale qu'au miniftre des contributions publiques
, le tout à peine d'une amende de 1000 1. »
« XXVII. Ne font pas compris dans les dif
pofitions du préfent décret , les úmples billets au
orteur dus par des compagries , & pris de gré
gré pour comptant dans le commerce , lefquele
continueront être affujettis au timbre , & ne
font fufceptibles de la formalité de l'enregistrement
que dans les cas prévus par la loi pour les
autres fous fignatures privées. »
Sur le rapport de M. Dumas , au nom du comité
militaire , l'Affemblée décrète que les troupes
coloniales qui fe trouvent en France feront orgi
nif es en régiment de ligne , pour qu'elles puiffent
marcher à l'ennemi , & elle leur affure le même
traitement qu'aux autres troupes de ligne.
Le principe de la publicité des féances des corps
adminiftratifs & municipaux étoit adopté depuis
long-temps . Le comité de légiflation en préfente
la rédaction qui eft décrétée en ces termes :
«. Art. I. Les féances des directoires & confeils
généraux d'adminiftrations , corps municipaux &
confeils généraux des communes , feront toujours
publiques , excepté dans l'art. V, ci-après. »
« II . Les directoires & confei's généraux d'adminiftrations
, corps municipaux & confeils géné
raux de commune , feront tenus de fixer & indiquer
135 )
les jours & heures ordinaires , de leurs féances,
Les féances extraordinaires feront indiquées par
affiches .
« III . Les délibérations , arrêtés & autres re❤
latifs aux objets énoncés audit article V, ci- après
qui n'auront pas été pris dans une féance publique ,
& qui n'en feront pas mention , fort déclarés
nuls. »
IV. Si de la nullité prononcée par l'articlé cideffus
il réfulte un préjudice pour l'intérêt public
ou pour l'intérêt individuel , il y aura lieu à la
refponfabilité contre les membres des directoires ,
adminiftrateurs , officiers municipaux & notables
auxquels le défaut de publicité pourra être im
puré.
" #
V. Il eft laiffé à la prudence des corps admi
niftratifs & municipaux & confèils généraux de ne
paint üfer de cette publicité pour tous les objets
concernant les mesures de fûreté , quand il pourra
y avoir du danger à délibérer publiquement fur ces
matières. »
« VI. La publicité ne fera pas néceſſaire pout
tous les objets qui ne donnent pas lieuà aucune délibération
fur le registre. 20
Une loi générale de Afemblée conftiruante
autorife le pouvoir exécutif àrequérir, en cas d'inë
vafion du territoire François , toutes les gardes na
tionales du royaume , en conféquence la commiffion
extraordinaire propofe , par l'organe de
M. Vergniaud , de laiffer aux miniftres tous les
détails de la réquifirion des 30 mille hommes
que Paris & les départemens voiſins vont fournit
Lout armés. Douze commiffaires de l'Affemblée
concourront à accélérer l'exécution du décret . Les
citoyens qui marcheront en vertu des réquifitions
qui vont être faites s'ils ont un emploi public,
B.6
4365
le conferveront avec un tiers de leurs appointemens.
Les deux tiers de leurs appointemens feront payés
aux citoyens qui les remplaceront pendant leur
ablence.
Ces différentes difpofitions font décrétées .
Du lundi , féance du foir.
• M. Boucher- Longchamp , au nom du comité des
domaines , propofe & Affemblée adopte le décrét
fuivant : 7
L'Affemblée nationale , après avoir décrété
P'urgence , décrète :
'1
Que les écha giftés des biens ci devant doma
niaux , dont les échanges ont été confirmés par des
décrets de l'Affemblée nationa'e , pourront difpofer,
commepropriétaires incommutables , de toutes
coupes ordinaires des bois quelconques quife trou
vent compris dans leurs échanges , en fe confor
mant aux loix foreftières actuellement exiltantes 4
& fans préjudice de l'exécution de la loi concernant
les biens des émigrés .
On fait lecture d'une lettre des procurateurs de
la nation auprès de la haute cour nationale. Its ané
Doncent que plufieurs affaires font prêtes à êtrejugées
, & qu'elles le feroient fans la deftitution des
commifaires du Roi . 7.
.V
Le département du Pas - de- Calais écrit à celui
des Côtes du Nord pour l'inviter à entreteniravet
les départemens voilins une correfpondance fater
nelle , & chercher de concert avec eux les moyens
d'affarer la tranquillité du royaume . Mais le di
rectoire ajoute qu'il feroit peut- être utile que la
convention nationale tînt fes féances dans un dépar
tement plus voihin du centre du royaume. Renvoyé
au comité de furveillance.
( 37 )
Un député lit des dépêches qu'il reçoit de
Sarrelouis ; elles lui annoncent que la garnifon
ainfi que les habitans foot pleins de courage &
d'ardeur , & qu'ils ne ter dront la place qu'après
s'être fait hacher en pièces .
Les Autrichiens repouffés à Landau font ac
tuellement du côté de Mertzicy . Ils font un
pont de bateau fur la Sarre ; ce qui fait penfer
qavant huit jours i's feront devant Sarrelouis .
Le même député lit une autre lettre qui annoice
que M. Jarry eft paffé chez l'étranger .
Sur le rapport d'un membre du comité "militaire
, l'Allemblée décrète qu'il fera remis à la
difpofition du miniftie de la guerre la fomme
néceffaire pour acquitter les frais occafionnés.
par le raflemblement en un feul & même lie
des chevaux des émigrés mis fous la main de là.
nation. 19
Un membre du comité colonial- propofe de
décréter que la taxe qui le perçoit fur les cafés ,
fucres & indigos , à leur entrée dans les ports
de France, continuera d'être perçue felon la loi
du mois de mars 1790. Ce décret eft adopté.
Du mardi , 18 août.
M. Albite le paiet de ce que BAſſemblée ne
reçoit aucune nouvelle des armées. On objecte
que les miniftres n'ont point reçu de fonds pour
faire les frais de la correfpondance qui devroit
être maintenant très - active , & on demande qu'il
foit mis à la diſpoſition des miniftres un million
pour les frais de correfpondance & un million
pour les dépenfes extraordinaites. Cette propo-.
fition eft décrétée 1
Des pétitionnaires font introduits à la barre.
St. Roch en argent haut de trois pieds, com
( 38 )
Paroft avec eux. Le Saint eft préfenté comme
le patron d'une confrérie, qui n'eft plus . « Cependant
, dit l'orateur , nous n'avons ceflé d'invoquer
notre St. Roch , le conjurant de guéric
ces François atteints d'une pefte politique qui
fait tant de ravages . Mais vainement ; nos voeux
n'ont pas été exaucés . Nous avons donc penfé
que fon filence tendit à la forme. Nous vous
le livrons pour lui donner celle du numeraite ,
& nous ne doutons pas que , converti en écus
qui ferviront à entretenir les foldats de la liberté,
il ne concourre beaucoup plus efficacement à
éloigner de nous ces peftiférés .
Cette offande eft accueillie par de nombreux
applaudiffemens . Le Saint part pour l'hôtel des
monnoies. A
On fait lecture d'une lettre de M. Larrynie
qui , après avoir découvert & dénoncé la fabri
que de faux affignats trouvés à Paffy , vient de
découvrir & de faire arrêter en pays étranger
des fabricateurs de faux louis , de faux écus &
de faux affignats . Il y avoit au moment de
l'arrestation , pour trois millions d'écus & de
louis fabriqués , & il y avoit deux ballots, d'aflignats
faux de 300 liv .
Les mefures opt été affez rapides pour l'enlèvement
des fabricateurs , pour qu'il n'y ait eu
que 25 mille louis étnis à raifon de 9 liv. la
pièce à ceux qui les mettoient en circulation .
L'Affemblée charge fa commiffion des monnoies
de lui faire un rapport fur la vérité &
les détails de cette découverte. 1 2
Al'occafioned'un tapsoir fur les fubftitutions
& fur les moyens de répartiréglement les
fucceffions dans les familles , dont l'Aſſemblée
ordonne ajournement , elle décrète le principe
( 39 )
que les majeurs ne feront plus foumis à la
puiffance paternelle . Elle ne s'étendra , que lur
la perfonce des mineurs .
M. Cambon , commis par l'Affemblée pour
examiner le nouveau livre rouge des bureaux
de la guerre , rapporte qu'il y a vu MM. de
Grave , Lajard & Narbonne puifer fucceffivement
par des bons du Roi , dans la caiffe de liquidation
des anciennes dettes des troupes , des fommes
de 10 , de zo , & 30 mille livres fous des motifs
qui n'ont été ni juftifiés ni délibérés par l'Affemblée
nationale .
Il demande qu'ils foient décrétés d'accufation
pour leur prévarication. L'Affemblée prononce
les décrets d'accufation contre les trois ex- mię
niftres.
·
Du mardi , féance du foir.
Une lettre de l'adminiſtration du district de
Sarrelouis annonce la dévaſtation de ce pays par
une armée de 25 mile hommes tant Auni biens
que Heffois commandée par le P.iace de Hohen-
-lohe. Le fyftême des ennemis eft de ne pas s'attacher
à prendre les places fortes , mai : d'avancer
toujours dans le pays , de raffembler enfuite une
armée formidable & de fe porter fur Paris . Le
commandant de la place , nommé par Luckner ,
conferve encore la cor fiance des adminiftrations
quoiqu'on puiffe lui reprocher quelques fauffs
démarches. Pour l'adjudant général , il l'a to: alement
perdue.
Après cette lecture , M. Merlin demande que
l'Affenblée décrète que le pouvoir exécutif retirera
à l'inftant tous les agers nommés par celui
qui l'a précédé ; qu'elle déclare que tous les commandans
de place ont perdu la confiançe de la
( 40 )
ition. M. Duhem combat cette profcription
générale . Sil eft des commandans qui infpirenti
une jufte défiance , il y en a beaucoup qui font
de zélés patrinres . Laiffez agir les mi i tres ;
its font intéreffés à ce que les choſes aillent bien ,
cir leur têre en répɔnt vis - à -vis de vous , &*
vis-à-vis des ennemis ..
M. Cambon appeie ces obfervations & demande
par les mêmes ing if le rappel dès commiffaires
de l'Affemblée. Ce qui est décrété .
Trois miaitics vien ent à l'Affemblée . Celui
de la juftice , M. Danton , parlant au nom du
confeil , expofe que ce font des terreu : s exagérées
qui font voir l'ennemi au fein de la
Frince parce qu'iis fe font emparés de Longwy
Si les commiffaires de l'Afl mb'ée n'avoient pas
contrarié les opérations du pouvoir exécu : if , déjà
l'armée remife à Kellermann le feroit concertée
avec celle de Dumourier. De l'unité d'action
nait la force. Nous avons deux a mées qui font™
prêtes à fuivre & à fondre fur lui , s'il s'avance
dans inté.icur ,
Il nous faut de la confince que l'abord de
la capitale foit facile , que la contrainte pour
les paffe ports ceffe dès demain , communiquers
avec la France entière ; qu'il ſoit fait des vifites
doric Faires pour diftribuer aux défenſeurs de lá
patrie les armes inutiles dans les mains des ci
toyens info ens , our fufpect!...
L'Affemblée applaudit , & après une courté
difcuffion elle décrète :.
1 ° . Que les municipalités font autoriſées à f.ire
des vifites domiciliaires pour chercher les armes
& faire état des chevaux inutiles & qui peuvent
fervir dins la guerre. »
2º. Ees municipalités font autorisées à dé
( 41 )
farmer les gens fufpects & à donner leurs armes,
aux défenfeurs de la patrie .
CC
בכ
3. Toutes communications feront pleine-.
ment rétablies entre Paris et les autres départemens,
4. L'Affemblée charge fix commiflaires ,
pris dans fon fein , d'aller dans les départemens,
environnant Paris , pour accélérer l'enrôlement
des citoyens .
Ofe fonvient que l'Affemblée conftituante
pat confidération pour la mémoire de Louis XV ,
& pour celle de Louis XVI , voulut dérober à
l'hiftoire les premières pages du fameux livre
puge , & les fit mettre fous le feelié ; fur la
propofition de M. Baillet , l'Affemblée décrète,
que cetre partie du livre rouge fera imprimce
& envoyée aux 83 départemens.
Du mercredi , 29 août. on ol
A la nouvelle d'une infurrection qui fe ma
ifefte dans le diftri &t de Châtillon , l'Affemblée
décrète , fauf rédaction. que tous les tribunaux
criminels jugeront fans appel tous les crimes
de contre- révolution .
•
و
M. Rulh communiqu: une lettre de M. Le La
quiaud , ferétife d'ambaffade auprès du Corps
helvétique , fa pofition eft effrayarte. It eft
entou é que de gens au défefpeit du mafface
de leurs freies ; il n'entend autour de lui que
des menaces & des imprécations . Sans la fagfle.
des gouvernemens qui font tous leurs efforts
pour calmer le peuple , tout ce qui appartient à
l'ambalade courroit rifque de perdre la vie ; il
refte cependant fans fecours au milieu de ces périls .
M. Rh demande que le pouvoir exécutif envo'
à l'Ambaffadeur de France auprès du Corps helvgi
42 F
tique les fecours qu'il réclame , & que le comité
diplomatique examine s'il ne convient pas de
rappeller cet arnbaffadeur dès qu'il aura pié enté à
la diète , la déclaration que fait la Nation fançaiſe
d'obferver religieufement les anciens traités
qui Puniffent avec la nation Suiffe . Ces propofitious
font adoptées.
Après avoir décidé à la négative une queftion
qui lui cft foumife par le Miniftre de la juftice ,
celle de favoir fi les jugemens de la haute- cour
nationale peuvent-être attaqués devant le tribunal
de caffation , l'Affemblée applaudit à un arrêté
piix par le confeil exécutif élativement au commandement
général des armées . Il eſt ainfi
conçu :
Au nom de la Nation , le confeil exécutif
confidérant que d'après la conduite tenue jufqu'à
préfent par le maréchal Luckner , & defir
manifefté par le général Kellermann de ne commander
que dans le cas où M. Luckner feroit
généraliffime , Il n'y a pas d'inconvénient à lui
donner ce grade ; qu'en le plaçant à Châ'ons
il fera à même d'aider de fes confe les généraux
des différentes armées : qu'il pourra former
dans cette ville une réſerve de troupes propres
à recevoir les débris des armées battues , arrête
qu'il eft chargé, en qualité de généraliffime des
armées , de concourir à leurs opérations par fes
confei's , qu'il tiendra regiftre de les opérations
dont il enverra copic au confeil exécutif; que,
fans préjudice de la correfpondance directe des
généraux , il recevra d'eux une copie de toutes
leurs lettres & relations , & que le confeil lui
enverra copie de tous les ordres qu'il donnera .
Du mercredi , féance du foir.
M. Chafaud annonce que 4000 volontaires du
? 43 )
département de la Charente , font partis pour
fe rendre foit au camp de Soiffons , foit aux
frontières.
Voici quelques détails des évènemens qui on
eu lieu lors de la reddition de Lorgwy , préfentés
par des officiers & foldats du troisième
bataillon des Ardennes .
Aucun moyen de défenfe n'exiftoir dans la
place le 18 , l'ennemi s'empare des poftes extérieurs.
Le 20 au foir , ur parlementaire vint
propofer de fe rendre ; la nuit du 21 au 22 , la
ville fut bombardée. Le feu ceffa à minuit & reprie
le matin avec une nouvelle violence ; on ignoroic"
où étoit le commandant ; on ne recevoit aucun
ordre. Les habitans & les corps adminiftratifs
crioient aux foldats de fe rendre . M. Lavergne
ouvrit un avis & dit que f Lafayette faifoit un
feul mouvement , 40,000 mille hommes efcaladeroient
la place . La capitulation fut réfolte
Si les corps adminiftratifs , fi le commandant
de l'artillerie & le commandant de la place luimême
ont abandonné la ga nifon ; fi cette gar
nifon a été trompée que pouvoit- clle faire ? (Plu
fieurs voix , mourir. ) Il ne nous reſte que Thonneur......
L'Aſſemblée n'a rien à ſtatuer fur cette affairè
interrompt M. Ducos ; quant aux réclamans ,
fi j'ai un confeil à leur donner , c'eft de retourner
aux frontières & d'y trouver la mort.
Ils n'ont que ce moyen de conferver l'honneur.
L'Affemblée s'eft occupée enfuite d'un long
projet fur la fupprefion de la régie des économats .
Sur le recouvrement de l'arriété & la liquidation
des créances. Il a été adopté.
744).
La Convention Nationale va faire enandre
la volonté du Peuple , & fixer les
diftinées de la France . S'élevant au milieir
des orages , cette Affemblée verra mourir
à fes pieds les vains efforts de nos ennemis
, fi , étrangère à tous les partis , elle ne.
fç laiffe ébranler ni par le choc des inté
réis divers, ni par l'impulfion des ambi- :
tions particulières. Notre première victoire
, celle qui peut feule nous en préparer
d'autes , n'eft - elle pas d'étouffer nos
difcordes , & un Peuple qui veut fa liberté
fe la flera til damier par les viles paf- ,
frons des efc'ares? Quand de fi grands intérêts
communs nous uniffent , quand le
falut de tous et dans l'union de tous , quand
il s'agit moins de délibération que de concorde
, comment la bale jalbufie , les riva
Jide, les petites intrigues oferoient elles fe
montrer, & nous faire oublier le danger
qui nous menace . -
$
Au milieu des circonftances difficiles cù
nous , nous trouvons , ce que nous devons
éviter avec le plus de foin , c'eft de fairecroire
à nos ein mis & aux mécontens que
la Convention qui va e former ne fera
que l'ouvrage de l'efprit de parti . Il ne doit
pus yavoir en France d'autre parti que celui
de la liberté & de l'égalité . Un fentiment:
de patriotifme, excufable dans fon inten(
45 )
tion , mais injufte dans fes effets , & contraire
à la liberté dont on veut affermic
T'Empire , a engagé à prendre en plufieurs
endroits des atrétés & des délibérations
pour exclure du droit de voter , a n
a'n que
de l'éligibilité , ceux qui avoient aflifté à
certains Clubs qui n'exiftent plus , & qui
attachés , au fond , au culte de la liberté ,
avoient mis quelques nuances dans leurs
opinions . Un préjugé inquiet & aveugles'eft
même étendu jufques fur les Membres de
l'Affemblée Conftituante . On a craint qu'ils
n'apportaffe at dans le Congrès national des
fouvenirs de leur propre ouvrage , & ne
fuffent trop intéreffés à s'oppofer aux modificatious
qui feroient jugées convenables .
Comme fi ceux qui ont proclamé la dé
claration des droits & la fouveraineté du
Peuple, au milieu des orages & des périls ,
n'en devoient pas être les plus courageux
défenfeurs , comme fi ceux qui ont anéanti
les ordres , les corporations . les priviléges ,
rendu les hommes à l'égalité , & & élevé
leurs conceptions au defius des événemens
& des chofes , pouvoient refter au deffous
des circonftances qui nous environnent !
Aujourd'hui , que le droit de Citoven
n'eft plus un privilége , mais une propriété
commune , ce feroit une conféquence ,
même un attentat à la liberté & à l'égalité,
que d'admettre des exclufions qui n'auroient
pas été prévues par
été prévues par la loi . La con(
46 )
fiance doit être feule le régulateur des élections.
Chaque Electeur peut avoir dans fa
confcience des motifs d'exclure ou de
nommer tel individu plutôt que tel autre ;
mais cette cfpèce d'oftracifme doit être
abandonné à la prudence & aux lumières
des Electeurs ;
l'exclufion doit être un confeil
, jamais une détermination antérieure
& écrite. Daus un moment où il s'agit de
donner enfin au
Gouvernement une affiette
fixe , & de créer des pouvoirs qui s'accordent
fans fe combattre , il feroit impolitique
de ne pas lier tous les Citoyens à
l'intérêt de la caufe commune. Ce n'eft pas
lorfque le Corps Législatif vient d'accorder,
par le décret le plus honorable , aux
perfonnages les plus illuftres de l'Europe ,
la faculté d'être admis dans notre prochaine
Convention , que nous devons refferrer les
bornes des droits que nous étendons , pour
ainfi dire , à tous les membres de la famille
du genre humein .
II
ne nous appartient pas de preffentir ni
de tracer les grandes
réfolutions qui vont
être prifes dans ce congrès , le preinier qui
ait été pofé fur des bafes
philantropiques ;
mais plus les intérêts qui vont s'y agiter
font importans , plus nous avons beſoin de
nous entoure de lumières & de patriotifme.
La quatité de
Repréſentant n'eft plus
aujourd'hui une affaire
d'intrigues , d'amour
propre & d'ambition; c'eft la plus fu(
47 )
•
blime des Magiftratures ; c'eft une déléga
tion pour prononcer fur les queftions po-
Jitiques les plus difficiles. Il s'agit de la liberté
& de la gloire d'une Nation puitiante.
Si notre Conftitution eft bonne , elle aura
infailliblement une grande influence fur le
fort des autres Peuples de l'Europe ; n'oublions
que nous allons ftipuler pour l'intérêt
du genre humain . Ayons de Repréfentans
inftruits , courageux & incorruptibles
, & la Patrie fera fauvée .
Jamais Convention Nationale n'aura été
affemblée dans des circonftances plus propres
à développer les refforts de l'énergie
& les reffources du talent. La France eft
attaquée par une ligue formidable qui a
conjuré la perte de fa liberté . Elle s'eſt armée
toute entière pour repouffer les armées
qu'appellent fur notre fol des defpotes
coalifés . Elle a au- dedans des ennemis non
moins puiffans à contenir , des confpirations
fans ceffe vomiffantes à détruire. C eft
au milieu des dangers de tous genres qu'elle
va avoir le double fardeau de la sûreté de
J'Empire & de fa régénération. Préparons-
lui des fuccès par un courage calme ,
par une ardeur infatigable , par un concert
de volonté & d'action , & cette confcience
de nos forces qui en rend l'emploi plus
éclairé & le triomphe plus certain. Nous
avons pour témoin & pour juge l'Europe
entière. Ele attend notre conduite pour
1.
( 1༡8 )
nous compter au rang des Nations libres ,
dignes de fon eftime , ou de fon indifférence.
Epargnons - lui ce dernier fentiment.
La journée du 10 , imprimant aux efprits
un grand mouvement vers la chofe
publique , n'a pas encore déconcerté fes
ennemis , leur malveillance n'a fait que
changer de forme. C'eft fous celle d'un
patriotifme de convention , ou d'un intérêt
affectueufemet fimulé qu'ils sèment encore
des agitations parmi le Peuple. Des
lettres anonymes ont été adreffées à plu
fieurs femmes pour effrayer leur timidité
par la perfect ve d'un avenir finiftre . Mettant
à profit les deux plus grands mobiles
des actions humaines , la crainte ou l'ef
pérance, ces agitateurs favent les manier
avec adreffe pour exciter tantôt des terreurs
paniques , tantôt une confiance irréfléchie.
A la première nouvelle de la prife , difons
mieux , de l'infâme livraifon de Longwi,
il fembloit que les ennemis étoient déja
aux portes de la Capitale , & que la moitié
de la France étoit en leur pouvoir ; on
en exagéroit les forces pour affoiblir nos
moyens de défenfe. On envoyoit d'Alice
magne & Ton faifoit circuler un plan d'o
pérations des forces combinées contre la
France , dont l'extravagante férocité n'au
roit été que le comble du ridicule , s'il
n'avoit
( 49 )
n'avoit pas cu pour objet d'infpirer l'effrot
& de propager de découragement. On commençoit
à faire naître de l'inquiétude fur
les fubfiftances de la Capitale , encore plus
que pour fa fûreté en même temps , on
cherchoit à femer la divifion entre les Sections
& les Repréfentans provifoires de la
Commune , & entre ceux - ci & le Corps
Législatifela ro
-nl étoit aisé d'acpercevoir le but de tous
ces moyens combines par la malveillance.
Les Citoyens ont eu le bon efprit d'éviter
le piège les femences de diffenfion ont
bientôt été étouffées. Ceux qui , dans la
journée du 10 , ont rendu des fervices G
1
importans pour le falut de la choſe pu
blique , ont fenti que la difco de étoit le
premier ennemi qu'il falloit vaincre , &
les liens de la confiance fe font refferrés
entré toutes les autorités . Il n'eft pas aufi
facile de fe guérir promptement du mal
de la peur , & c'eft pourtant le plus dangereux.
Un Peuple qui combat pour fa
liberté eft naturellement inq iet ; il eft bon
même qu'il le foit , car le fommeil du
patriotifme en feroit bientôt la mort. Mais
il faut que cette inquiétude conduiſe à
la prévoyance , fans abattre le courage .
En s'agitant , en fe froiffant les uns les
autres par des alarmes prématurées , on
ufe fes forces au lieu d'en , diriger l'emploi
, & quand on exagère le péril éloigné,
No. 36. 8 Septembre 1792. C
( 50 )
1
le péril prochain ne trouve plus que des
ames à demi vaineues par la confternation.
Les actes du défeſpoir ne font jamais que
des actes de foibleffe & de pufillanimité;
du ca'me & de l'enfemble , voilà le courage
d'un Peuple libre. Que des Courriers ,
rais ou faux , nous annoncent des fuccès
ou des revers , ne fortons point de la di
gnité de notre caractère. Quand Annibal
étoit aux portes de Rome , le Sénat vendoit
les terres dont il s'étoit emparé , il
envoyoit des Légions à Carthage ; cette
fécurité fauva la République. L'ennemi
' eft point encore à nos portes ; à peine
-t - il entamé nos frontières? marchons pour
le repouffer. Ayons le fang- froid de Rome,
& nous vaincrons comme elle .
Quand il s'agit du falut de la Patrie ,
las mesures extraordinaires font toujours
des mefutes légales. Il importoit de faire
un recenfement de toutes les armes dans
la Capitale pour en diftribuer le fuperflu
aux Volontaires qui marchent fur nos fron
tières . Tel a été l'objet des vifites domiciliaires
qui ont eu lieu les 29 & 30 du
mois dernier. Plufieurs Prêtres infermentés
& d'autres perfonnes fufpectes ont été arêtés
.
La nouvelle du péril éminent auquel
fe trouvoit expofée la ville de Verdun
ranimé le patriotifme dans tous les coeurs ,
"
& engagé les Adniiniftrateurs provifoires de
la Commune de Paris à prendre les melures
fuivantes. TA
Extrait des Arrêtés pris par le Confeil général de
là commune , dans la féance du 2 ſeptembre.
Aux armes ..... citoyens ..... aux armes , l'ennemi
eft à nos portes. $
Le procureur de la commune ayant annoncé
les dangers preffans de la pattie , les trahifons
dont rous fommes menacés , l'état de dénucment
de la Ville de Verdun , affiégée en ce moment
par les ennemis , qui , avant huit jours , yføra
peut-être en leur pouvoir
Le confeil général arrête des P
Les barrières feront à l'inftant foramées;
ava * 5! 92
20%. Tous les chevaux en état de fervir à
ceux qui fe rendent aux frontières ge feront fursle-
champ arrêtés ; »›
will. Ish sup
3. Tous les citoyens fe , tiendront prêts› à
marcher au premiernfignatylą suons) sime Istup
39
"
49. Tous des citoyens qui par leur âge ou
leurs infirmités ne peuvent marcher candeqmbment,,
dépoferont leurs armes à leurs feftioft ,
& on en armera ceux des citoyens peu fortunés
, qui fe deſtineront à voler fur les frontières
; »
: servil not
5. Tous les hommes fufgets gu,,ceux
qui , par lâcheté , refuferoient de marcher, fe-
Tont à l'inftant défat més »
ce 6°. Vingt- quatre commiffaires fe rendront furle
- champ aux armées , pour leur annoncer cette
réfolution , & dans les départemens voifins , pour
inviter les citoyens à fe réunir à leurs fières de
Paris , & marcher enfemble à l'ennemi ; 2
C 2
(252 )
27°. Le comité militaire fera permanent ; il
fe réunira à la maifon commune dans la falle
ci-devant de la reine ; »
cc 8 °. Le canon d'alarme fera tiré à l'inftant ,
la générale fera battue dans toutes les fections
Pour annoncer aux citoyens le danger de li patrie
; »
« 9°. L'Affemblée nationale , le pouvoir exécutifprovitoire
, feront prévenus de cet arrêté, »
10º. Les membres du confeil général fe rendront
fur- le -champ dans leurs fections relpec-
: tives , y annonceront les difpofitions du préſent
arrêté , y peindront avec énergie à leurs concistoyens
les dangers imminens de la patrie , les
trahifons dont nous fommes environnés ou menacés
; ils leur représenteront avec force la liberté
-menacée le territoire françois envah ; ils leur
feront fentir que le retour à l'esclavage le plus
ignominieux , eft le but de toutes les démarches
de nos ennemis & que nous devons , plutôt
que de le fouffrir , nous enlévelir fous les runes
s de notre patrie , & ne livrer nos villes que dorfqu'elles
ne feront plus qu'un monceau de cendres, »
No u 1191 Le préfent arrêté a fera fur- le- champ
-imprimé , publié affiché. Signés , HUGUENIN ,
Préfident TALLIEN , Secrétaire # - Greffier, sti
<-37
Cet Arrêté a été fuivi de la Proclamation
fuivante :
'es' Citoyens , l'ennemi eft aux portes de Paris ;
Verdun , qui l'arrête , ne peut tenir que 8 jours.
Les Citoyens qui le défendent , ont juré de
Mourit pôt que de fe re dre ; c'eft vous dire
qui vous font un rempat de leurs corps . I
el de votre devoir de voler à leur fecours.
Citoyens , marchez à l'inftant fous vos drapeaux ;
053
allons nous réunir au Champ de Mars ; qu'une
armée de 60,000 hommes le forme à l'inftant.
Allons expirer fous les coups de l'ennemi , ou
l'exterminer fous les nôtres. »
Toutes ces mefures ont été prifes le
même jour. Le zèle des Citoyens à s'en-,
rôler eft digne de la caufe qu'ils vont defendre
. Vingt - quatre heures ont fuffi pour
raflembler 60 mille Volontaires dans la,
Capitale. Ils ont été mis à la difpolition
du Confeil Exécutif qui eft chargé d'indi- ,
quer leur deftination & leur répartition.
Les fractions de ce corps formidable font
parties de fix heures en fix heures pour les
rendez- vous qui leur ont été affignés . Le
camp retranché , deftiné à couvrir Paris ,
fe forme avec une activité incróvable.
L'Affemblée nationale a invité tous les
Citoyens à concourir à l'accélération de ces
travaux , perfuadée que l'amour de la liberté ,
& l'intérêt de la défendre opéreroient les
mêmes prodiges que l'entoufalme avoit
créés au champ de la Fédération . Elle a
décrété que chaque jour , 12 de fes Membres
nommés à tour de rôle iroient encourager
les travailleurs par leur exemple. On apprend
que dans tous les Départemens la même
ardeur fe manifefte : une jeuneffe bouillante
fe difpute la gloire de voler au fecours
de la Patrie en danger , & ceux qui regrettent
de ne pouvoir partir , veulent au
moins acquitter leur patriotifme par des
C &
54.).
offrandes multipliées , & fe chargent de
cultiver les champs de leurs frères & d'avoir
foin de leurs femmes & de leurs enfans.
Et une nation qui montre une telle énergie
pourroit- elle être fubjuguée ! non, la liberté
qui pro fuit tant de fublimes efforts , furvivra
aux projets des puiffances coalifees
contre elle
Helt de ces évènemens fur lefquels l'humanité
doit jetter , en pleurant , um crêpe
funèbre , lors même que l'empire des cir
conftances femble les abfoudre. Au milieu
de l'anxieté & de l'agitation qu'ont prodaites
les nouvelles inquiétantes de nos
frontières , le Peuple , oubliant un inftant
fon caractère doux & généreux , ne s'eft
fouvent que des complots de fes ennemis.
Le 2 de ce mois , tandis le canon
que
d'alarme avoit donné l'éveil fur les dangers
de la Patrie , il s'eft porté prefque en même
temps dans toutes les prifons & maiſons
d'arrêt de la Capitale , & a immolé les
Prêtres réfractaires, ainfique ceuxqui avoient
été arrêtés pour les crimes de la confpiration
du 1o , les fabricateurs de faux affignats
, & les fcélérats qui n'attendoient
le fer des Loix pour expier leurs forfaits.
Des mefures qui fortent d'une manière fi
aff gcante de l'ordre naturel de la juftice ,
doivent tenir à de grandes caufes . Aufli
affure ton qu'une nouvelle confpiration
étoit prête à éclater. Les prifons même
que
( 55 )
en étoient le foyer . Une horde de confpira
teurs devoit en ouvrir les portes , & cette
écume des prifons répandue dans la capi
tale , devoit trouver d'autres brigands qui ,
profitant de l'inquiétude qu'infpiroient les
dangers de la patrie , auroient porté par
tout l'épouvante & l'effroi. Un ligne de
ralliement a été trouvé fur la plupart des
Prêtres , c'étoit des cartes portant une ori
flamme avec une croix , & dans le milieu ;
Miferere mei , la réponſe étoit Jefus. On
avoitarrêtéla veille dans les Champs Elifées,
un brigand qui avoit déclaré qu'ils étoient
plus de cox qui rodoient dans la Capitale ,
& ce fcélérat avoit vout fe poignarde
I paroît que les ramifications de ce plan
s'étendoient dans tous les Départemens . Dans
le même temps 300 Prêmes fanatiques
excitoient une infurrection à Cambray, La
Municipalité s'en et délivrée en les ex
portant as de-là des frontières . Dans la
Département des deux Sèvres des raffem
bleinens amés s'étoient formés , & for
mentoient la contre révolution , dont des
Prêtres étoient les miffionnaires. Dans le
Midi fe tramoit sa complot plus formi
dable encore . Plus de 40 mille confpiran
teurs devoient fe réunir à des chefs qui
pour la plupart ont été arrêtés. H n'eft
pas étonnant que tant de perfidies n'aiene
Toulevé l'indignation du Peuple , & attiré
C 4
( 56 )
des vengeances atroces que déplorera tou→
jours la fenfibilité.
Nous épargnerons à celle de nos Lecteurs,
les détails de cette terrible exécution . Mais
fi un fentiment confolateur peut adoucir le
fentiment pénible que l'on éprouve, c'eft que
le Peuple a mis dans fa fureur undifcernement
qui honore fon inftinct qui l'appelle
à être jufte. Il s'eft choifi lui - même un
Jury qui fe faifoit repréfenter les écroust
& les prifonniers pour dettes , pour mois.
de nourrice , pour des rixes particulières ,
en un mot pour des faits étrangers aux
événemens du 10. & au crime de trahifon
, il les a fauvés au milieu des cris de
vive la Nation. Les droits de la nature
ont été refpectés , & il a fuffi à plufieurs:
femmes de dire qu'elles étoient enceintes .
pour être mifes fous la fauve- garden du
Peuple. Il y a eu quelques mouvemens
autour du temple ; mais le ruban tricotore
a été pofé fur la porte par le maire ,
le Commiffaires de l'Affemblée Natio-
1
e & de la Commune ; & ce frêle &
magique fcellé s'eft transformé aux yeux
du Peuple , en une barrière infurmontable.
M. d'Offonville , Juge de Paix de la S: ction
de Bonnes - Nouvelles , prévenu de complicité
avec M. d'Angremont , pour fait d'em
bauchage , a été acquitté par le Jury foécial te
( $7 )
28 Août.. Mais M. Bachmann Major des Gardes
Suiffes , extrêmement chargé par ces derniers 3
a été condamné à mort & exécuté le
tembre...
3. Sep-
J
On a trouvé chez M. Tourteau de Septeuil ,
Tréforier de la life , Civile des bons du Roi
pour des fommes confidérables en faveur de plus
heurs perfonnes , & notamment de MM , Bouillé
& Lafayette.:
Ce dernier , arrêté , par les avant poſtes de
Rochefort , a été conduit à la Citadelle d'Ant
vers.
Rien n'égale la fluctuation de la crainte à
'efpérance relativement aux mouvemens de l'ennemi
dans la Lorraine . Plufieurs couriers arri
yés fucceffivement , ont annoncé , tantôt la prifé
de Verdun , tantôt la levée du nége . Voici la
lettre que les Commiffaires à l'amée du Centre,
éc ivoient de Metz , le 31 Août , a l'Aflemblée
Nationale ..
« M. le Préfident , fi dans notre dernière
nous vous avons donné des détails peu fatisfai
fins , c'est que noze devoir & la confiance
dont nous fommes inveftis , exigeoient de nous
la plus exacte vérité des faits mais aujour
d'hui nous avons à vous entretenir d'objets plus
agréab es. Le Pule est fi éclairé maintenant ,
qu'il n'a plus befoin de torre doctrine & qu'il
elt aufli patriote que nous : Karivée du Général
Kellermann ici , fa réunion avec Luckner a inf
piré la plus grande confiance. Les ennemis qui
avançoient fur Verdon , & qui s'imaginoient
qu'on alioit leur laiter le chemin libre pour aller à
Paris , commencent à mesurer leurs pas & *
segarder derrière eux ; ils ont fait mine de veus
Cs
( 58 )
loir attaquer Thionville ; mais ils n'y ont pas
été reçus comme à Longwy. »
·
Ala première attaque , le canon de cette ville
les a obligés de fe retirer après leur avoir tué
beaucoup de monde. Il feroit utile d'écrire au
vieux général & à M. Kellermann , une lettre
de fatisfaction, Nous avons affiſté à une counte
délibération , qui vient d'avoir lieu entre les
officiels généraux. Nous avons admiré à la
fin de cette délibération , quelques mots qui
peignent bien la loyauté de M. Luckner : « Ati
lons , Kellermann , à cheval . Ils fént auffi - tôt
partis tous deux au fecours de M. Valance
qui fe trouvoit en face de l'ennemi. Keller
mann donne ici les plus hautes idées de fon
efprit & de fes talens . Le jour où l'on publiera
qu'il eft nommé général de l'armée du centre
& que M. Luckner eft généraliffime , fera vir jour
de félicité pour l'armée. Le vieux guerrier fait
un tel cas de l'eftime de la Nation Françoife,
gu'il regarderoit comme un jour de malheur
celui où il pourroit la perdre . Nous finiffons par
vous prier de fonger aux befoins urgens des
foldats ; la plupart manquent d'habits . Ces braves
défenfeurs de la liberté feront tout avec ces gé-
Kéraux. »
Depuis lors il paroit certain , au moment où
nous écrivons que la ville de Verdun a été
pife , après avoir fait la plus vigoureuſe rififtance.
On ne fait point encore l'ennemi eft
maître de la Citadelle , on la garnifon s'écois
retirée . L'ennemi occupe actuellement Longwi ,
Etain, Fontoy , Mangienne & Richemon . Li s'eft
porté fur Thionville , mais il a été vivement
sepouffé pa: M. Felix wimpffen, Metz & Sar- Louis
fe difpofent à s'enlevelir fous les ruines de leur ville .
Not armées combinées ne tarderont pas à l'attaquer.
Les Pruffiens & far- tout les Emigrés commettent
les plus horribles biigandages fur notre territoire.
Les propriétés des aristocrates font par-
Four refpectées ; mais celles des Patriotes font
livrées au pillage & à la dévaftation . Heft à
remarquer que ces horreurs fe commettent & que
les villes fe prennent au nom de la Majesté
Très-Chrétienne. Un corps de 10 mille hommes
envoyés du Rhin , par M. Biron , s'eft joint le z
à l'armée Kellermann . Ce Général prépare un autre
corps de 15 mille hommes deſtiné à le porter
dans l'intérieur pour s'oppofer à la marche de
l'ennemi . Cent mille hommes font actuellement
dans les plaines de Châlons. M. Dumounier
s'eft emparé des gorges & des poftes avanta
geux du Clermon ois . C'eft dans l'intérieur du
Royaume que l'ennemi trouvera fon tombeau.
Le courage des Citoyens eft au plus haut dégré
d'effervefcence.
SUÈDE.
De Stockholm , le 11 Août 1792 .
Le Duc Régent fe conduit toujours für
les mêmes principes , & ces principes annoncent
un Prince qui a beaucoup de vertu
qu beaucoup d'habileté. En recherchant la
fource des inquiétudes & des malheurs qui
ont fatigué ce royaume durant tout le
dernier règne , il l'a trouvée dans la révolution
de 1772 , dans cette révolution qui ,
C6
( 60 )
en laillant fubfifter quelques formes de la
Conftitution de la Suède , l'anéantit réellement,
& foumit tout aux volontés arbitraires
du Roi. Le projet du Duc Régent,
on commence à le croire ici , eft de rendre
à la Suède fa Conſtitution , en la purgeant
des vices qui en préparèrent la ruine ; &
toutes fes opérations paroiffent en effet
condaire à ce but : ceux qui ont été les inf
trumens , ou plutôt les complices du feu
Roi , font renvoyés , & des hommes connus
pour avoir d'autres maximes font ap.
pellés à des poftes éminens ; c'eſt ainſi que
le Major général , M. Gußlavskiold , qui
dans les provinces du Midi prépare &
exécuta le plus efficacement la révolution
de 1772 , a reçu fa démiffion , & que plufieurs
des Adminiftrateurs des finances fous
le feu Roi viennent de perdre leur places
que tout le Ministère enfin change , & qu'il
n'y refte , non plus qu'à la Cour , aucune
des créatures de Guftave III. C'eft ainfi encore
que les inftitutions changent en même
temps que les hommes , & qu'une espèce
d'Affemblée de Notables va fe tenir la femaine
prochaine pour chercher les moyens
d'éteindre la dette de l'état , ou du moins
de l'acquitter. Le Duc Régent porte fa furveillance
fur les moeurs du Peuple , en
même temps que fur les finances de l'État ;
il prohibe tous les jeux de hafard , & ne
permet dans la capitale aucune de ces mai(
61 )
fons de jeu , ou plutôt de ces repaires , cù
une feule paflion raflemble autour d'elle
tous les vices. Il vient de paroître tout à-
T'heure un nouvel édit fur cet objet , qui
étend les prohibitions des jeux de hatard
des maifons publiques aux maifons privées ,
& qui prononce des peines plus févères
contre les infracteurs de cette loi fi néceffaire
aujourd'hui dans toute l'Europe. Il
eft bien vrai qu'on ne fait pas naître les
bonnes moeurs par des loix pénales , mais
les maifons de jeu ne bleffent pas feulement
les vertus , elles troublent prefque toujours
Pordre focial , & par là elles rentrent fous
l'infpection du pouvoir national qui gou
verne .
Un Prince qui gouverne avec des vues
fi morales ne pouvoit pas fe mettre au
nombre des ennemis de la France : le Duc
Régent paroît entièrement difpofé à garder
la neutralité , & c'eft un grand contrafte de
plus , & tout entier à fa gloire, entre lui &
Gustave III , qui, par fes fureurs & par fes
courfes contre la révolution françoife avoit
mérité d'être appellé le Chevalier errant des
Defpotes.
Le Duc- Régent, perfuadé que les inftitutions
les plus diverfes par leur nature
doivent être également dirigées par le caractère
propre au Gouvernement de l'Em--
pire , & que la force d'un Peuple libre ne
doit pas reffembler aux armees d'un Roi
( 62 )
abfolu , prépare une nouvelle organifation
des troupes de la Suède. Dans cet objet , il
a appellé , pour le 19 du mois prochain , à
Stockholm , les Chefs & les Capitaines de
tous les régimens .
POLOGNE.
De Varfovie , le 8 Août 1792.
Il s'imprimoit à Varfovie , fous le titre
de Gazette Nationale , un Journal qui profeffoit
& qui répandoit les principes de la
nature , de la raifon & de la liberté. L'Auteur
de cette Feuille n'avoit pas cru devoir
fuivre l'exemple de lâcheté que lui avoit
donné le Roi. En préfence des Ruffes , &
en quelque forte fous leurs bayonnettes
it écrivoit que tintroduction des armées
étrangères étoit une trakifon ; que les rebelles
étoient ceux qui agifoient contre la volonté
générale de la Nation, La Gazette nationale
a été fupprimée , & ce qui peut
furprendre davantage , le Gazetier n'a pas
été égorgé. En profcrivant le Journal , on
a même effayé de le refuter. De telles ab-
Jurdites , difent les organes de la légifla-,
trice de toutes les Ruffies , ne peuvent être
Joufferts dans le moment où on eft occupé
de la régénération de la Républiqu . Ce
feroit affurement une étrange République,
que celle à laquelle Catherine donneroit des
འད
loix... , & lemonde entier fait comment cette
femme chargée de tant de crimes régénère!
On peut efpérer encore que la Pologne
fe relevera de l'abjection où fon Roi a
voulu la mettre , & que le Roi feul y
reftera, Dans Varfovie même , au milieu
de cette ville infortunée où commandent
aujourd'hui les Ruffes , on entend des
pa
roles , on voit des fcènes cù refpire Fin
vincible amour de la liberté. Un de ces
hommes qui ne prononcent pas un vain
mot lorsqu'ils difent qu'ils aiment mieux
mourir que de porter un autre joug que
celui des Loix , le Prince Jofeph Poniatowski
eſt arrivé dans cette Capitale , &
pour le montrer fans doute au Peuple qu'il
n'abandonnera point , il eft allé, dès le foir
même , au fpectacle. A la vue de ce fidèle
Général l'attendriffement & l'enthoufiafme
ont été extrêmes & à peu près univerfels.
A l'inſtant , il a été à lui feul , le fpectacle.
Une multitude immenfe l'a environné , l'a
preffé , l'a élevé fur fes bras dont elle lui
formoit comme un pavoi : De toutes parts
retentiffoient les cris de vivent les Patriotes,
periffent lesRuffes etles traîtres ! & les Ruffes
étoient là : ils ont entendu ces cris´, ils en
ontfrémi ; mais ils ont contenu leurs mou
vemens & le fang n'a point coué. Il ne
faut pas croire que ce foit dans quelques
occafions feulement & dans ces fpectacles
qui émeuvent les ames les moins fenfioles
}
-( -64))
:
que les Polonois manifeftent de telles difpolitions.
Tout annonce qu'elles font conflantes
dans ce Peuple qui a été tourmenté
par l'anarchie , mais non pas avili par un
tranquille defpotifme. On affure que le Roi
lui- niême eft tellement perfuadé que les
Polonois ne porteront pas long- temps le
joug qu'on leur a impofé , qu'il eft dans le
dffan d'aɔdiquer la Couronne & de
Voyager en Italie un tel voyage con
vient à un Prince qui , après avoir joui
de la gloire de fe montrer à la tête d'une
grande révolution , a manqué lâchement
à fa gloire & à la liberté ! Là , il ne verra
parmi les hommes vivans que des efclaves ,
& fi les images de la liberté le préfentent
quelquefois à fes yeux , ce fera dans les
portraits de ces grands hommes de l'anliquité
auxquels on ne croit plus .
De Francfort-fur- le-Mein , le 10 Août.
Cette légion de Mirabeau qui répandoit
l'epouvante dans les villages d'Allemagne ,
& dont on ne parloit plus depuis longtemps
. commence à faire parler de nouveau
des affronts au moins qu'elle reçoit. Mirabeau
vouloit fervir dans l'armée du Prince
de Hohenlohe le Prince a chalé ces espèces
de Condottieri & le Chef de leur bande.
Mirabeau , qui croit être à lui feul une ar
mée, a voulu fe porter près de Philifs
:
( 65 )
bourg : les troupes du Cercle du Haut Rhin
l'ont fait déloger ; il a cru trouver un camp
Kehl , les Autrichiens l'ont prié de fe
mettre un peu à diftance. Il ne faut pas croire
que tous les Emigrés François foient traités
comme Mirabeau parmi les Autrichiens
& les Pruffiens. La politique des Emigrés
eft de faire croire qu'ils ne font rien dans les
armées pour ne pas allumer contre eux toute
la fureur des reflentimens de la Nation .:
Mais les Emigrés font auncmbre de 100005
ifs favent faire la guerre , & nul ne peut la
faire avec plus de rufe qu'eux contre leur pa
trie : ils connoiffent les chemins, ils parlent la
langue de la France ; ils ont des intelligences
dans leur pays qu'ils ravagent ; en
changeant de cocarde les voilà de parfaits
efpions : Il eft impoffible que les Pruffiens
& les Autrichiens dédaignent de fe ferviri
de vingt mille hommes qui peuvent leur
rendre de fi grands fervices ; on lit en effet
dans toutes les Gazettes de l'Allemagne .
qu'ils fervent ou comme incorporés dans
les armées étrangères , ou comme formant
dés corps à part.
De Manheim , le 13 Août.
Un grand nombre de ci - devant Confeillers
& Préfidens des ci- devant Parlemens
de France fe font répandus dans ce pays ,
& déjà ils commençoient à tenir des coLfé
( 66 )
rences , à délibérer magiftralement fur la
manière dont ils feroient réintégrés dans
leurs fonctions à la St. Martin prochain
ou même à la Touffaints , à la Fête de tous
les morts. La Régence Electorale leur a ordonné
de rendre compte à la Police des
motifs de leur arrivée dans ce pays , & leur
a fait défenſe de tenir Chambres aſſemblées;
il faut que la paffion de juger foit une terrible
pailion ! voilà des hommes qui veulent
abfolument redevenir les juges d'une Nation
où ils n'auroient pas un feul jufticiable
qui ne fût leur ennemi.
Clèves , le 11 Août 1792 .
Le ci - devant Abbé Mauri qu'on n'ap
pelle plus que Monfeigneur Mauri reçoit
a Mayence les hommages de tout ce qu'il
y a de grandeurs fur la terre. Les Puif
fances coalitées de l'Europe hui font la
cour. Il ne mange plus qu'avec des têtes
couronnées. On l'a vu à la même table
avec l'Empereur, l'Impératrice , le Roi de
Pruffe , le Duc de Brunswick , l'Electeur,
de Mayence , & c . , &c. Monfeigneur Mauri
admet fur-tout le Roi de Pruffe à fa familiarité.
Dans le premier entretien public qu'ils
ont eu enfemble , le Succeffeur de Frédéric
lui adreffa ainfi la parole : brave homme , je
me réjouis de vous voir ; il y a long temps
que je le defirois. On dit que fe connoître
( 167 )
en hommes eft le talent des Rois. C'eſt
fûrement le talent du Roi de Pruffe à un ,
haut degré. C'eft à Monfeigneur Mauri
qu'il parle , & il l'appelle brave homme
Tous les Journaux ont imprimé la piece
fuivante, & on la tient , dit - on , d'une main
fûre.
ESPAGNE.
De Madrid, le 16 Août 1792e
La Cour de Madrid , comme on peut
le croire, n'aime pas plus les Révolutions
que la Cour de St. James . On affure
que depuis que la nouvelle des évènemens
du 10 Août y eft arrivée , le Comte d'Aranda
a beaucoup de peine à lui faire
fuvre la fage conduite qu'il lui a tracée .
Ceux qui connoiffent l'Efpagne & le caratère
de fes Habitans continuent à croire
que , pour l'intérêt même de la Royauté
dans ce pays , il feroit très dangereux de
vouk ir leur faire combattre la liberté , les
Espagnols font fuperftitieux , mais ils ne
font pas efclaves ; ils aiment la Religion ,
mais ils ne la craignent pas ; G une fois .
ils font éclairés , ils le feront beaucoup;.
s'ils fecouent la tête , le joug qu'ils portent
fera à jamais rejetté. A la Cour même ,.
on paroît perfuadé de cela. Il y a quelques
jours , on parloit à Madrid dans quelques
lieux , tout haut , dans quelques lieux tout
( 68 )
bas , & à la veille d'un foulèvement qui
avoit éclaté à Sarragoffe , on étoit déjà
prêt à prononcer le mot d'INSURRECTION ,
& à le faire paffer dans la langue Efpaghole
; quand le fait a été éclairci , on
afu que ce n'étoit qu'un combat à coups
ૐ
de carabines entre les Habitans de deux
Paroiffes extérieures de la ville de Sarragolfe.
ITALIE.
De Naples , le 20 Août 1792 .
' On écrit de cette ville , en date du ir ,
que les querelles élevées entre le Roi de
Naples & le Pape fur les matières bénéficiales
& eccléfiaftiques alloient être terminées
; que déjà tous les articles étoient
convenus , rédigés , prêts à être fignés par
lé Général Acton , pour le Roi de Naples ;
& par le Cardinal Campanelles , pour le
Pape , lorfque tout à - coup le Cardinal s'eft
avifé de vouloir traiter avec le même férieux
le cérémonial de la HAQUENÉE. Le Général
a ri , le Cardinal s'eft fâché , & les Conférences
fe font rompues fans querien ait été
figné. Voilà ce qui fe paffe aujourd'hui entre
les Puiffances de ce même pays où il y
a'quelques fiècles s'agitoient les deftinées du
monde !!
( 62 )
2
2
GRANDE - BRETAGNE.
*
De Londres , le 21 Août.
Fren
Depuis le 10 Août , la haine de la Cour
de St. James pour la Révolution Françoife,
& les inquiétudes politiques du Cabinet
redoublent. Si George 1 , la Reine
d'Angleterre , leurs Enfans & leurs Courtifans
donnoient laLoi à la Grande- Bretagne,
la France compteroit déjà la Grande - Bretagne
parmi les fuiffances de l'Europe liquées
contre elle , mais la Cour, eft contenue
par les Miniftres , les Miniftres le font par
le Parlement , le Parlenient l'eft par Ja
Nation, la Nation eft éclairée, & par les
intérêts de fon Commerce qu'elle entend
fi bien, & par les écrits de quelques uns
de ces Repréfentans que le humain
genre
a aujourd'hui en Angleterre , comme en
France ; on peut donc croire encore qu'une
Nation qui a donné à toutes les autres
l'exemple de la liberténe fe réunira point aux
defpotes conjurés contre la liberté de la
France .
2
4
Ilparoît certain à la vérité que George-III,
comme Electeur d'Hanovre , entre dans
la conjuration de l'Autriche & de la Pruffe ;
mais il ne fait pas ce qu'il veut à Londres
" comme dans for Electorat. Il faut feulement
que les François & les Anglois
veillent à ce que le petit Prince Allemand
( 701
ne fe ferve , pour fatisfaire fes paffions ,
des moyens du Roi d'Angleterre.
Les fpeculateurs politiques qui font ici
en fi grand nombre font très occupés du
Traité définitif conclu entre la Compagnie
Angloife des Indes & Tippoo- Sultan ;
fes premiers mots de ce Traité font ceux ci :
T'amitiéfubfistant entre honorable Compagnie
et le Sirkaw de Tippoo Sultan . Dars
le Traité même , on voit que le Sultan
eft obligé de donner à la Compagnie la
moitié de fes Etats , des fommes énornies
entrois paiemens , dont les termes font trèsrapprochés
, & fes enfans en ôtage juſqu'à
ce que le Traité foit exécuté .
feroit digne de la Patrie des Sydney,
des Loke & des Chatam de voir dans cette
1uperbe portion de l'Afie , dont elle fera
fouveraine fous le nom d'une Compagnie ,
autre chofe qu'un territoire fertile & des
comptoirs de Commerce.
ALLEMAGNE
Plan de l'opération des forces en Allemagne ,
coalifées contre la France.
L'Empereur & le Roi de Prufe ont d'abord
effayé s'il fuffiroit de le préfenter pour vaincre ;
J'expérience leur a montré qu'il falloit prévoir
beaucoup de réfiftance. » {
« En conféquence , il a été arrêté les poigts
principaux qui fuivent : »
« On évitera , afin de ne pas aguérir les troupes
patriotes , de les hasceller , comme auffi d'en(
71 )
treprendre des fiéges de quelqu'importance . »
« On ne s'expofera à aucun é hec confidé
rable, afin de ne pas procurer d'encouragement ;
& quand on attaquera , ce fera toujours de plufieurs
côtés à la fcis , & avec des forces fupé
rieures. »
i
« Il ne faut pas , d'ailleurs , perdre de vue ,
que plus de deux cents chefs , répartis dans les
différens cantons de la France , ont des points
de réunion , & tiennent des fignatures nombreufes
de perfonnes qui doivent fe joindre aux
armées des princes , à fur & mefure qu'elles avanceront.
>>
« La première action de tous les contre -revolutionnaires
fera d'arrêter les partiſans de la
révolution . »
« Les armées combinées marcheront fur les
places , comme pour en faire le fiége ; mais on
s'emparera feulement des places qui ouvriront
'leurs portes , & on laiffera des détachemens de
T'armée devant celles qui voudront refifter , « fra
d'en contenir la garnifon. »
Quand on fera arrivé fur les armées patriotes
, on fe contentera de camper en leur préfence
, & on ne les combattra qu'avec avanrage
; mais en attendant on enverra de gros détachemens
s'emparer du pays & favoriler dans
chaque endroit le mouvement des contre-révolationnaires
. »
« Arrivé à cette pofition tandis que le Duc
de Brunfwiek contiendra les forces patriotes avec
Tes différentes armées , le Roi de Pruffe avancera
avec une armée en plus grande partie Pruffienne
, fe concerteta avec l'armée Autrichienne ;
& à cette époque , le préfentera l'armée dès
princes , groffie des contre révolutionnaires de
l'intérieur qui , depuis long - tems ont l'ordre du
-
"
729
#
la permiffion de refter en France , felon les em-
Flas divers qu'on leur a confié. »
cc Ceux- la qui n'au ont rejoint l'armée des
Princes que par peur , & fans être connus , feront
mis fous les ordres des chefs des détachemeus
reítés en arrière..»
६
a
« Le Roi de Pruffe marchera fur Paris , qu'en
réduira d'abord par famine. Alois aucune confidération
, même cele de la famille royale , ne
pourra rien faire changer à ces difpofitions. »
-ce
Sau
Quand on entrera dans Paris , les habitan's
en feront raffemblés en pleine campagne. Oh
en fera le triage. Les révolutionnaires feront fup
piciés. Les autres , on jette un voile fur leur
fort . Et peut- être , fuivra-t- on le fyftême de
Empereur , qui a donné par écrit ordre à tous
fes commandans de places , de n'épargner ,
premier fignal de révolte , que les femmes &
les enfans ; & en cas d'inégalité de forces , de
brûler les magasins , de faire faurer les poudres ,
& de mettre le feu dans les villes . Car on paroît
en effet décidé à préférer des déferts aux
-pays peuplés de révoltés . C'eft-là l'expreffion des
Rais ligués. »
Dans tous les cas , les maifon des révo
lutionnaires feront à l'inftant , même livrées au
Pilage , & les biens qui feront épargnés , feront
confifqués au profit du Roi. »
« Il ex fte un accord entre toutes les cours
coalifées , c'eft de m'accorder d'afyle à aucun reté
volutiornaire ; & la lifte de profcription s'étendra
jufques fur ceux qui ſe ſont déjà rendus dans
les pays étrangers . >>
On déclarera la guerre à toutes le puidances
qui n'accéderont pas à cet accord , ou qui l'é-
Juderoient , & l'on publiera un manifeſte en conféquence,
»
JOURNAL
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
FRANC E.
De Paris , le 3 Septembre 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du jeudi , 30 août .
PLULSUSIIEEUURRS réclamations fe font élevée fucceffivement
contre les commiffaires provifoires de
' la commune . Le miniftre de l'intérieur fe plaint
de ce que les commiffaires croifont fes opérations
dans l'approvifionrement de la capitale ,
& de ce qu'ils ont caffé le comité de ſubliítance ,
qui avoit toute la confiance. Il articule , ai fi que
M. Larivière , quelques autres faits , fur efquels
le comité de légif.tion cft chargé de faire fon
rapport. M. Girey -Dupré , éditeur du Patriote
François , dénonce un mandat d'arrêt lancé
---
No. 37. 15 Sep.cmbre 1792. D
( 74)
contre lui , par les mêmes commiffaires , pour
avoir imprimé qu'on avoit fait défarmer les citoyens
. M. Girey n'a pas cru que les adminitrateurs
provifoires euffent le droit de décer
ner de pareils mandats . Il a cru ne pas devoir
yobtempérer. L'Affemblée mande à la barre ce'ui
d'entr'eux qui a figné le mandat d'a rêt . Enfin
M. Genfonné apprend à l'Affemblée , au nom
de la commiffion extraordinaire , que par l'ordre
de la commune provifoire , des hommes armés
ont invefli l'Hôtel de la guerre pendant plus
de deux heures , fous prétexte que l'imprimeur
du Patriote François devoit s'y trouver.
Cette réunion de faits détermine l'Affemblée
a décréter que les fonctions des commiffaires de
la commune font terminées , que l'ancienne municipalité
reprendra les fiennes , & que les fections
nommeront chacune deux citoyens pour
former le confeil général , jufqu'aux élections
prochaines. ( On verra ci- après que ce décret a
fubi des modifications . )
Le miniftre des affaires étrangères notifie à
l'Aff: mblée que , le 8 de ce mois , il s'eft tenu
à Turin un congrès compofé des ministres d'Etat
& des généraux de l'armée Sarde pour décider fi
en attaqueroit la France , ou fi on ſe tiendroit dans
les bornes de la neutralité armée. Le prince de
Piémont s'est fortement élevé contre le projet
d'hoftilités , & il a développé les avantages de
la neutralité. Son opinion a prévalu , à la grande
fatisfaction du public , Une des premières mefures
de cette détermination a été le contr'ordre du transport
des équipages .
Le miniftre ne diffimule pas que la nouvelle des
évènemens du 10 pourroit apporter quelques chaugeniens
aux difpofitions du Roi de Sardaigne , mais
( 75 )
il confidè è que fon arm ée n'eft pas auffi forte
qu'on l'a dit . Ele ne confifte qu'en 34,500 hommes
de troupes de ligne , fans compter les milices.
Cette notification eft renvoyée au comité dir
plomatique.
Sur un rapport fait au nom du comité de l'extraordinaire
des finances , le décret fuivant eft
rendu :
te Toute fomme due par les acquéreurs des
biens nationaux , tant en intérêts qu'en capitaux
qui n'auroit pas été acquittée à l'échéance fixée
par la loi , doit intérêt depuis le jour de ladite
échéance , jufqu'à celui de l'acquitement .
Les commiflaires à l'armée da Nord écrivent
de Mézières qu'après avoir pourvu aux moyens de
déf nfe que cette ville peut oppofer à l'ennemi en
cas de fiége , ils ont fait mettre en état d'arreftation
le commandant de l'artillerie dont la négli
gence demandoit un exemple de févérité , & qu'ils
ont confié la garde de cette place à un officier
expérimenté , M. Drouart , plus connu fous le
nom de Lercy. Egalement eftimé du général Dumourier,
cet officier acquerra , fi l'eccafion s'en
préfente , la même gloire que Bayart a acquife en
defendant la même place.
Une lettre du diftri& d'Erain annonce que ce
bourg eft en la poffeffion de l'ennemi . Sur la
réquisition du commandant de Verdun , 3,000
gardes nationales fe font jettées dans cette dernière
vile . Une partie de la garde nationale du diſtrict
de Montmédy & une partie de celle de Clermont
font employés à la défenſe des ponts & des gués e
laMufe. L'Affemblée déclare que ces citoyens ont
bien mérité de la patrie.
Le confeil du département de la Haute- Marne
1
D 2
( 76 )
confirme l'arreftation de M. Lavergne , commandant
la place de Longwi. On a trouvé dans
la voiture de cet officier 36000 liv. , dont 27.
en a gent. Ses papiers font renvoyés au pouvoir
exécuuf.
L'Alemblée reprend la difcuffion fur l'état civil
. Elle en étoit au titre qui concerne les ma
riages , lorfque M. Aubert du Bayet a propofé
d'autorifer le divorce en France , en déclarant
que le mariage eft un contrat diloluble , & en
fixant la manière dont le contrat pourra ê re
rompu. M. Aubert attend de cette loi la premère
régénération des moears publiques . Loin ,
dit - il , de rompre ainfi les noeuds de l'hymenée
, vous les refferrez davantage , dès que
le divorce fera permis , il fera très rare.
O fupporte plus facilement fe peines , quand
on eft naître de les fire flair . Nous conferverons
dans le mariage cette inquiétude heureuſe
qui rend le fentimeas plus vifs . Une jeune époule
maltraitée par celui qu'elle avoit chifi , fûre que
fes liens feront rompus auffitôt qu'elle aura dépofe
fes plaintes devant un juge , redoublera de
patience , & fournira à fon époux l'occafion d'un
retour ; mais fi à l'injuſtice il joint la fréquence
des procédés odieux , par malheur trop communs,
tout exige que de parei's liens foient rompus.
M. Ducaftel obferve que le comité de légiflation
et d'avis du principe , mais il penfe qu'il
faut diftinguer les mariages faits & ceux à faire.
M. Guadet s'oppofe à ce que l'on déclare le
principe , attend qu'il l'eft déjà , & que plufieurs
tribunaux l'ont prononcé.
Cependant , comme il n'eft formellement exprimé
nulle part , l'Affembée déclare que le
mariage eft un contrat diffoluble par le divorce.
( 77)
Le comité de légiflation fe a inceffamment un
rapport fur la manière de rég'er le fort des enfans
, fur le mode par lequel l'ffi.ier civil
pourra s'aflurer qu'un premier manage a été
rompu , avant que d'en laiffer contracter un
fecord , & fur l'adoption,
"
Le comité des finances propofe de ftatuer que
tout vétéran national , officier , fous - fficier &
foldat , qui à raifon d'un fupplément de paie,,
piis fur le domame ou fur tout autre fords
jouilloit d'un traitement fupé ieur à celui qui eft
fxé par la loi du 16 mai dernier , le confervera
en entier durant fon activité de fervice , foit
que os de la prochaine organiſation des compagnies
de vétérans nationaux , il demeure dans
celle où il eft attaché aujourd'hui , foit qu'il paffe
dans une autre . Décrété. 1
Un membre demande que l'Affemblée ar ête
les patemens qui le faifoient chaque année , à
des moines allemands qui o t quelques biens en
France. M. Rulh convertit cette motion en une
propofition de féqueftrer , dès-a - préfent , tous
les biens du clergé autrichien qui font fiués en
France . Le féquftre n'eft qu'une repréfa l'es
l'empereur Léopold en avoit ufé de mème à l'égard
des Frar çois .
4
L'Affemblée décréte le féqueftre demandé par
M. Rulh , & charge fon comité de lui propofer
les moyens d'exécution .
Parmi les offrandes faites à la patrie , dans
cette féance , on diftingue celle de Marie - Cécile
princeffe Ottomane , file d'Achmet III , lun
des plus puiflans monarques de l'Ale , réfugiée en
France. Elle fait hommage à l'Aflemblée d'un
don pattiotique de 10 livres , feule fomine dont
D 3
( 78 )
fes longues iafortunes lui permettent de difpofer.
Du jeudi , féance du foir.
Deux foldats de la garde nationale de Chollet ,
département des deux Sèvres , admis à la barre ,
rendent compte à l'Aflemblée d'une is furrection
qui a eu lieu dans le duftrict de Châtillon ; ils
annoncent qu'un détachement de 60 hommes de
gardes nationales , commandé par M. Beifard ,
dont ils étoient eux- mêmes , a attaqué les
infurgens , qui étoient au nombre de 6,000 , &
les a mis en déroute.
L'Affemblée applaudit ; elle décière qu'il fera
mis à la difpofition du miniftre , ue fomme de
3000 livres , pour fubvenir aux befoins des
venves & des bleffés' ; que les noms des 60 voloataites
ferent ipferits au procès- verb.1 , avec
celui de M. Boifard' ; que les deux petitionnaires
qui font venus rendre compte de cette
affaire , & dont l'un a été bleffé d'une balle au
Bras , feront défrayés de leurs voyages , & les
frais fupportés par la nation .
Elle ftatue de plus , que les biens de ceux
qui feront convaincus d'avoir fomenté des troubles
dans les départemens , feront confifqués
& que le produit en fera verfe dans le trefor
national.
Du vendredi , 31 août.
1
L'Afemblée entend le récit d'un évènement
déplorable. La cherté des grains dans le Languedoc
a foulevé le peuple . A la vue d'une be le
récolté , il s'attendo't à une baille confiderable
Déjà elle étoit fenfible dans la ville , lorique de
( 79 )
nouveaux achats faits dans les diftricts de Carcalfonne
& de Caftelnaudari , pour al menter les départemens
de l'Hérault & da Gard , firent monter
le bled au taux où il étoit avant la moiffon . Le
peuple fe réunit au lieu des féances du département
; if demar de des vivres , on lui en accorde ;
une diminutica fur le prix , elle cft promife ;
enfin il demande la tête des adminiftrateurs . Auffitôt
les poftes font enfoncés , les armes pillées.
Paffemblée difperfée , l'inspecteur- général des rôles
eft bieffé, le procureur-général- fyndic eft mafiacré
à coups de haches .
-
3.Voici le décret que porte l'Affemblée fur ce
fanefte
évènement :
L'accufateur public du tribunal du diſtrict
de Carcaffonne pourfuivra les auteurs , fauteurs
& inftigateurs des troubles & des mestres commis
fur le canal des deux mers dit du La guedoc.
cc
23
Les administrateurs de l'Aude feront expédier
les grains , dont l'expédition fera jugée lé-
'gale . "
1
Les autres grains feront mis fous la fauvegarde
de la loi , la loyauté des bons citoyers &
la refponfabilité des communes , dans le reffort
defquelles ils fe trouvent . »
Les départemens de l'Aude , du Tarn , de
la Haute- Garonne & de l'Hérault , fe concerteront
pour protéger la navigation du canal . »
L'Aflemblée déclare que le procureur - fyndic
dy &ftrict de Carcaffonne , mort à fon pofte ,
emporte les regrets de la patrie , & a bien mérité
d'el'e.
Le miniftre de la guerre fait part des nouvelles
que deux otrriers de l'armée lui ont apportées
ce matin . L'un , dépêché par M. Dumourier
annonce qu'il vient de renforcer de deux
D
4
( 80 )
bataillons la garrifon de Verdun , que l'ennemi
menace d'ure artaque . Cette garni on eft de 4
mille hommes , non compris la ga de nationale de
cette vile , & une foule de bons & courageux ciryens
qui fe jetent dans cette place pour aider à
la défendre ; tout eft difpofé pour y faire une vigoureufe
défenfe .
D'un autre côté , Luckner écrit qu'ayant appris
la marche de l'ennemi fur Etain , il a envoyé
en avant de Verdun , près d Etain , 4 bataillogs
p endre un avant pofte avantageux. Ce corps de
troupes eft placé en avant-garde . Luckner écrit qu'il
va agir avec fon armée pour foutenir cette avantgarde
. »
Un citoyen avoit préfenté une pétition pour demander
que les mines enceintes ne fuffent point
nifes au caran. L'Affemblée confacie ce lentiment
de juftice & d'humanité par le décret fuivant
:
« Ait . Ier . Les femmes condamnées à la peine
du carcan , & qui feront trouvées enceintes au
moment de leur cordamnation , ne fibirent point
cette pené, & ne feront poit exposées zu publies
mais les garderont prifon pendant un mois , à
compter du jour de leur jugement , qui fera imprimé
, affi , hé & attaché à un poteau planté à cet
effet fur la place publique. »
сс
II. Le préfent article aura fon exécution à
l'égard desjugemens déjà rendus ; en conféquence,
les femmes condamnées à la peine du carcan & qui
font enceintes , garderent p ilon pendant un mor
qui commencera à courir du jour de leur juges
ment, »
Sur l'obfervation que quelques tribunaux , s'ap
puyant fur un décret de l'Affemblée conſtituante ,
fe difpofent à prendre des vacances' , l'Aſſembléc
༣, ༣ ,!
5
--
paffe à l'ordre du jour , attendu que pendant le
danger de la patrie , tout fonctionnaire public
doit refter à fon pofte. Elle décrète , d'après
le rapport de fa commiffion , que tous les effets
qui ont été diflrats du garde - meuble par ordre des
commiffaires des lections feront ér bls dans cet
édifice national , & que les commiffanes rendront
compte de tous les effets précieux , de For , de
l'argenrqui ont été trouvés aux Tuileries & confiés
à leur garde.
―
M. Vergniaux obferve que le préfident du confeil
de la commune ayant été mandé à la barre
de l'Affemblée , ne s'eft point conformé au décret.
M. Thuriot crot devoir repréſenter que ce décret
pourroit peut - être avoir des inconvéniens
dangereux. Que celui qui a peur d'un repréfentant
de la commune de Patis , répond M. Marbot
, laiffe faire cerx qui ont du coeur & du
courage. -M. Larivière , après un difcours
véhénient fur l'obéiffance que tout citoyen doit
aux loix , demande pour t'honneur de l'Affemblée ,
pour l'honneur de l Empire & pour la juft fication
même des citoyens de Paris , que celui d'entr'eux
qui d'abord n'avoit été que mardé à la barre y
foit amene féance tenante.- Cette propofition
eft décrétée .
M. Pétion paroît à la barre à la tête d'une
dépuration de la mucicipalité prov foire . Un de
fes membres prono ce un difcours apologetique
où il demande le rapport du décret po të contr'elle.
Si vous nous frappez , dit- il en finiſſant ,
frappez donc auffi ce peuple qui a fait la révolu
tion . Il eft maintenant en Aflemblées primaires , il
exerce fa fouveraineté ; confulez - le , & qu'il
prononce fur notre fort . Vous nous avez entendus
; pronɔncez ; nous fommes- là , Les hommes
D S
( 82 )
du 10 août ne veulent que) la justice , & qu'obéir
à la volonté du peuple .
P
M. Lacroix qui préfidoit a répondu avec une
dignité aſſortie au reſpect dû à l'Aflemblée nationale
& aux loix émanées d'elle . Il n'a pas
déguifé l'étonnement avec lequel l'Empire verroit
fa capitale , inveftiffant un confeil provifoire
d'une autorité dictatoriale , de focftraire
aux loix communes à tous & lutter d'autorité avec
l'Affemblée nationale Il les a invités à la féance.
Un moment après l'admiffion des commifaires,
trois citoyens le font préfentés à la barre , l'un
d'eux a dit : « Peuple des tribunes , repréfentans
du peuple , & vous , M. le préfident , nous venons
au nom du peuple qui eft à la porte , vous
demander la permiflion d'entrer dans l'Affemblée
pour voir nos repréfentans qui viennent de par-
Jer votre barre ; nous mourrons avec eux
nous l'avons ju é & figné ,
50
M. Vergniaux qui préfidoit alors , a répondu
que Affemblée étoit occupée de trop grands objets
, pour perdre un temps précieux en un défilement
inutile . C'eft nos repréfentans que nous défendons
, a dit l'un des citoyens . Et nous auffi ,
nous fommes vos repréſentans , dit M. Lacroix.
Allez dire à vos concitoyens , ajoute M.
Vergniaux , que l'intérêt de l'Empire nous défend
de les , recevoir ». Ils fortent.
M. Manuel , procureur de la commune , paroît
à la barre ; je fuis forti de la falle pour
me foster aux raffemblemens que l'on difoit exifter
, je n'ai trouvé que les coupables pétitionnaires
que je viens de faire arrêter. Applaudi .
Du vendredi , féance du foir.
Une députation des fourds- muets , introduite
( 83 )
à la barre , préfente la lettre ſuivante :
-
ce Les fourds muets , élèves de M. l'abbé
Sicard , viennent ici pour vous prier de leur
faire rendre leur père , leur ami , leur inftituteur
, M. l'abbé Sicard , qui eft en priſon , qui
n'a jamais fait de mai à perfonne , qui fait toujours
du bien à tout le monde , qui nous a
appris à aimer la révolution & les principes faciés
de la liberté & de l'égalité , qui aime bien tous
les hommes , les uns bons & les autres méchans
. »
L'Affemblée décrète que le pouvoir exécutif
fera tenu de rendre compte dans les vingt quatre
heures , des motifs qui ont donné lieu à la détention
de M. l'abbé Sicard.
Au nom du comité de furveillance & diplomatique
, M. Lafource fait un rapport fur l'affaire
de M. Montmorin , ex- miniftre des affaires
étrangères . Il examine les trois chefs d'accufation
que le comité a trouvés contre lui.
" 1 ° . D'avoir refuſé l'alliance avec la Pruffe. »
« 2 °. De n'avoir pas tâché de déjouer les
deffeins des princes rebelles . »
c. 3 °. D'avoir caché la coalition des princes de
l'Europe contre la liberté Françaife. »כ כ
M. Lafource conclut au décict d'accufation .
Le décret eft rendu .
L'Affemblée paffe à l'examen de la conduite
de M. Lavergne commandant de Longwy. Trois
lettres rendent la conduite fufpecte . L'une en
date du 16 où il dit que la ville eſt en état de
défenfe. L'autre du 19 où il affirme que la ville
ne peut réfifter. La troisième lui eft écrite par
un de fes amis , officier au camp ennemi , qui
l'engage par toutes fortes de raifons à livrer la
place. Une cour martiale doit prononcer fur
D 6
184)
le commandant & la garnifon ; Mais la acheté
des administrateurs , confignée dans une déclaration
remife à M. Lavergne , où Is difent que ce
commandant n'a accepté la capitulation que fur
la demande qui lui en a été faite par eux- mêmes ,
détermine l'Affemblée à porter le décret fuivant :
« Art. I. Auffi - tôt que la ville de Longwy
fe a rentrée au pouvoir de la ration Fra çoile ,
toures les mailons , à l'exception des maisons &
édifices nationaux , feront détruites & rafécs , »
II. Les habitans de Longwy font , dès -àpré
ent privés pour 10 ancées du droit de citoyen
François.
כ כ
ce III. Les commandans de tert• place alliégée
& bombardée font autorisés à faire démolir la
maifon de tout citoyen qui parlera de rendre la
plate pour éviter le bombardement . »
« IV. Le pouvoit exécutif fera paffer à la
cour_martiale chargée de juger ha condure de
M. Lavergne & de la garaifon , toutes les pièces
relatives cette affaire , adreffées à l'Aflemb ée
par les adminiftrat urs du diſtrict de Bourmont. »
Cette féance eft terminée par l'aulition cu
préfident de la commune provitoire & du fecrétaire-
greffier qui obéiffent au décret qui les a
mandés à la barre . Ils expofent par quel reifen
la commune a cru devoir porter un mandat
d'arrêt contre le rédacteur du Patriote François.
L'Affemblée leur accorde les honneurs de la
1ance & renvoie leur explication à la commiffion.
Du famedi , 1.Septembre..
Les commiffaires de l'armée du Rhin adreffert
un précis de leur million à Strasbourg, S heleftat,
Neuforiflac ,Huningue & Potentru . Dans cetic
première ville ils ont fufpendu le commandant
de la place , & autorilé M. de Biron à prendie
une partie du commandement de M. Lamorlière.
A Scheleftat à Colmar , ils ont fufpendu
plufieurs officers & fonctionnaires publics ,
A Neufbriffac , M. d'Haranbure officier général
leur a remis copie d'une déclaration , dans la
quelle il jure de refter à fon pofte , d'obéir à
fes officiers fupérieurs , de mourir pour la patrie ,
enfin d'être fidèle à la notion , à la loi , & au
Roi. M. d'Harambure était foit aimé des troupes
qu'il commande , les commillai es n'ont pris
aucune méfure à cet égard.
Dans réfuitat de leur déê he , i's font part du réfuitat de leurs opérations
, avec, des députés de la république
Suiffe de Bienne , à laquelle appartict
un défilé par lequel on puroit fe faire un paffage en France . Des troupes Frap- çoiles s'étoient avancées vers ce defilé nommé Pierre-Pertuis . Auffi-tôt la république
de Bienne a fit marcher
200 Suiffes du régiment
d'Er- neft . Cependant
la crainte d'alarmer les Fan? çois , a fit changer les difpofitions
, & '32 S iffes feu ement font venus occuper le rocher de Pierre- Pe fuis.
&
« Nous avens demar dé , continuent les com
miffaires , que la république envoyât deux dé
putés pour le concerter avec nous is font
venus & nous ont parlé avec franchife &
fincéeté. »
Prin
« Ils nous ont affuré que les Suiffes defirent ne
pas voir alterer l'union qui règne entre eux
la France ; qu'ils font trè attachés aux
.cites de la conftitution
Françoile
; que les événemens
du io août ont été jugés en Stiffe avec
la plus grande impartialité, & que les mesures
86 )
prifes à l'égard des régimens fuifles ont bien
excité le reffentiment de quelques familles , mais
non pas une haine de nation à nation. »
« Ils nous ont juré que non-
-feulement ils ne
prendroient aucune melure hoftile envers nous ,
mais même qu'ils repoufferoient tous ceux qui
voudroient le faire paffage fur leur territoire
& qu'ils étoient prêts à périr pour leurs amis
les François ; nous n'avons pas nous n'avons pas hefiré à les affurer
que la France eft attachée aux fuiffes , qu'elle
n'a eu pour objet , dans fes démarches , que
de pourvoir à fa sûreté , & qu'on avoit ordonné
aux généraux de refpecter fcrupuleufement le territoire
helvétique. "
« Nous avons écrit au bourguemeftre de Bienne,
nous espérons que l'Affemblée nationale ne défapprouvera
pas notre conduite. Les François
font armés dans le pays de Porentru , grace au
gé é al Ferrières , dont nous ne pouvons trop
fouer & les talens militaires & les vertus civiques.
Nous fommes perfuadés qu'avec de la
douceur on conciliera tous les efprits ; la moindre
violence perdroit tout . Signé , les commiffaires
envoyés de l'armée du Rhin.
Le miniftre de la guerre adreffe le bulletin
des armées. M. de Biron a pris toutes les mefures
éceffaires pour le renforcement de l'armée
Luckner, I m'ecrit que le canton de Berne a
demandé des troupes à l'Empereur , pour nous
déclarer la guerre ; mais que le corps elvétique,
eft très disposé à ne point adhérer, à cette réfolution
.
13.9 : 10 )
M. de Biron me fait encore pafter une copie
d'une lettre de Warfovje , qui prouve , d'après,
les mouvemens qui ont eu lieu en Pologue,
que bientôt le Roi de Pruffe fe repentira d'a
( 87 )
voir abandonné les Polonois , & de s'être allié
à fon ennemi naturel , contre un peuple qu'il
Jui eût importé d'avoir pour ami .
M. Kellermann m'avertit que l'ennemi fe
porte fur Thionvile , mais que fes difpofitions
militaires , la fermeté des chefs & le courage
des troupes auxquelles il en a confié l'exécution ,
ne lui laiffent aucune crainte fut le lort de cette
place .
L'Affemblée apprend par une lettre du dépar
tement de la Meule que la ville de Verdun eft
affiégée.
Dufamedi , féance du foir.
M. Guadet communique à l'Affemblée , au
nom de la commiſſion de furveillance générale ,
une lettre de MM. Mofneron & Nogaret , envoyés
par la commiſſion pour déjouer les confpirations
dans le Midi de la France. Ils ont fait.
arrêter , au fein des montagnes , un fieur Molinier
de la Carré , chef de parti , & deux autres
confpirateurs .
Du dimanche, 2 septembre.
Dans la crife actuelle , il importoit que l'adminiftration
de la commune de Paris , dont les
travaux augmen eent chaque jour , fût ſurveillée
& aidée par un plus grand nombre de citoyens,
En conféquence , I ffem lée dé rète que le nombre
des membres qui comp fent le co fcil de la
commune de Paris , fera por é à 288 , & que
les 288 commiffaires actuel fe ont membres du
confel , à moins qu'ils ne foient révo
é &
remplacés par leur sections.
Deux membres du corps municipal font introduits
à la barre . Ils annoncent que le confcil
1
( 88 )
général a arrêté qu'à l'inſtant le tocfin fera fonné
& le canon d'alarme tiré ; que tous les citoyens
de Pa is feront invités à f. réunir au Champ de
Mars pour matcher à l'ennemi , que des commiffai
es fer nt envoyés fur la route de Paris à
Châlons pour réunir aux citoyens patriotes de la
cp tale , ceux des départemens ci convoifias.
ap La poclamation du confeil de la commune eſt
Couverte d'applaudiff: mens , M. Vergniaud prend
la parole. En exp fint avec énergie la néceffité
d'u e mfure grande & décifive , il reprefente
combien feroient dangereufes en ce moment les
terreurs paniques que des ém ffaires de nos ennemis
voudio ent infpiter au peuple . Mais Paris fe
montre dans toute la grandeur ; il connoît ſes vrais
danges & la patrie eft fauvée. Que ces hordes
étrangères s'avar cent nos armées qui ne font
pas allez fo res pour les attaquer le feront pour
les faivre , pour les harceler , leur couper les
communications avec les armées extérieures. Et
fi à un point déterminé , nous leurs péfen : ons
tout-à- coup un front redoutable , fi l'armée Parienne
les pread en tête lorſqu'elles feront cernées
.
s par nos bataillon , c'eft alors qu'elles feront
dévorées par cette terre qu'elles auront profante
par leur marche facilège...
Cependant , pourquoi les retranchemens du
Camp qui eft fous les remparts de cette cié , në
fan -is pas plus avancés ? Ou font les bê het ,
les pioches qui ont élevé l'autel de la Fédération.
Quferions- nous mois ardens à confture
un camp qua préparer des fêtes ? Je demande
que l'Affemblée nationale envoie à l'inftant
& ch
que jour douze commullaires au camp , non
pour exhorter les çi oyes à travailler , mais pour
piocher eux-mêmes . Qu'ils baignent de fueur les
( 891 )
retranchemens de nos foldats , & que l'Affemblée
toute entière ait creufé la foffe de nos ennemis .
Au bruit des acclamations univerfelle , ' Affemblée
fe lève & décrète la propofition de M.
Virgniaux.
13-2
f
1
Le miniftre de la juflice vient annoncer que
tout s'ébranie , que tout bûle de combattre. I
demande que l'Affemblée conccurre avec le pouvoir
exécutif , à diriger ce mouvement fublime
du peuple , que quiconque refufera de fervir de
fa perfonne , ou de remettre les armes , foit puni
de
e mors. Qu'il foit fait une inftruction aux citoyens
pour diriger leurs mouvemens ; qu'il fort
envoyé des couriers dans tous les départemens
pour les avertir des décrets que l'Affſemblée aura
rendus ; que 12 commiffaires pris dans le fein
de l'Affemblée foient réunis au pouvoir exécutif
pour feconder fes mefures. Le tocfia qu'on
va fonner n'eft point un fignal d'alarme , c'eft
Ja charge fur les ennemis de la Patrie. Pour les
vaincre il nous faut,de l'audace , encore de
Faudace , toujours de saudace, & la France eft
fauvée. L'Allemblée, applaudit , & décrète les
différentes propofitions du miniſtre……
"
7 $
Le fuccès dépend de l'unité d'action . - M.
Dumas demande, que le pouvoir exécutif
indique des lieux de raffemblement ou fe
Tont des commiffaires ordonnateurs ; décrété,
Sur la propofition du même membre , l'Allemblée
ordonne la formation de deux corps de
troupes légères à cheval , fous la dénomination
de huffards de la liberté. Elle autoriſe le miniftrë
de la guerre à retirer à la cavalerie fes moufquetons
pour les employer de la manière la plus
utile , & notamment pour le camp de Soillons.
Elle adopte un projet de décret préſenté au nom
"
(901)
〃
de la commiffion des armes , pour le tranfport
de plufieurs pèces de can in a Parinée . Une .
partie des chevaux de pofte y feront employés .
Après avoir pris ces différentes melures pour
la déf nfe de l'Etat , l'Aflemble reçoit fabare
une foule de croyens & éoyennes. Celles - ci
apporte t des offrandes & des voeux , ceux - là
offrent leurs bras & demandent des armes. Da
commune d'Aumale fait deh de fon quart de
éferve fur la vente des domaines nationaux &
d'une fomme de 22,090 liv.
.
$
Le miniftre des affaires étrangères écrit à
Aff mblée pour fur faire part des mouvemens
que fe donne l'Impératrice de Roffie , qui, après
avoir guerrayé avec la Turquie & la Pologne ,
veut encore fe ranger parmi les ennemis de la
France. On lui a mandé de Venife qu'une forte
Ruffe a paru dans ta mer Noire , qu'elle doit fe
rendre dans la Méditerranée; quil eft parti auffi
du port d'Archangel , pour Copenhague , onze
vaiffeaux & quelques frégates qui vont le rendre
au port des Gronftade , & qu'ils portent beaucoup
de munitions de guerre. Enfin , le miniftre
de France à Hambourg lai a annoncé que ..
2006 Ruffes doivent traverser la Pologne &
l'Allemagne pour venir nous- combattre . Cette
dernière nouvelle mérite confirmation . Au fure
plus ; le miniftre obferve que ces troupes ne
pourroient arriver à leur destination qu'à l'entrée
de l'hiver, époque à laquelle nous aurons prot
bablement triomphé de nos ennemis . Quant à la
flotte qui doit entrer dans la Méditerranéelucette
nouvelle peut encore paroître fufpe &ter Cefens
dant comme elle n'eft pas invraisemblable , e
confeil éxécutif va prendre les metures réceſſaires
pour mettre nos côtes en bon état de défenſet
191 }
L'Aflemblée entend la lecture d'une proclama-.
tion de M. Blanchelande qui annonce que l'ordre
eft parfaitement rétabli à St. Domingue. 23
Voici le buletin de la guerre : M. Biron a
donné ordre à 10,000 hommes de jindre M.
Kellermann ; ils arriveront le 3 de ce mois. Il
s'occupe maintenant à organifer 15,000 hommes ,
à la tête defquels il marchera à la défenſe de la
- capitale ..
T
M. Dumourier le porte four défendre les
gorges du Clermontois & les trouées d'Autry .
Il expofe la néceffité de former un gros corps à
Châlons.
Du dimanche , féance du foir.
Nouveaux témoignages de zèle , d'ardeur pour
Ja défenſe de la patris . Un père préfente fes trois
fils qui partent pour la frontière ; les fédérés de
Marteille demandent à marcher là où le danger
eft le plus grand. Un cocher de place offie fes
deux chevaux qui font toute la propriété , pour
le fervice des armées. La barre de l'Aſſemblée
s'ouvre à une foule de citoyens qui apportent
les uns de l'argent , les autres des armes , L'A
femblée applaudit à ces traits de civiſme & de
dévouement , accueille les hommages des péti
tionnaires , & les admet aux honneurs de la
féance . 76 in ja
1
MaVitieux envoyé de Parme en France ,
muni d'un paffe - port du miniftre des affaires
étrangères , partoit pour Genève, quoiqu'il n'ait
point été rappellé par fa cour. Le peuple l'a
arrêté aux barrières , L'Aſſemblée décrète que le
ministre fera entendu fur cet objet , & qu'en
attendant M. Virieux fera mis fous la fauvegarde
de la loi .
7
V
03
D'après sun rapport fait au nom de la com- • I
1
milion militaire , fur la formation de l'étatmajor
du camp (bus Paris , l'Affemblée décrète
ce qui fuit :
« A t . I. Il fera adjoint quatre officiers - généraux
au commandant en chef chargé de préfider
à l'enſemble de la défenfive du camp fous
Paris & des poftes avancér. »
« II. Outre l'état - major fpécial du camp fons
Paris , décrété par la 1 i du 21 août , il fera attaché
au fervice de l'armée qui y eft deftinée ,
qatre officiers faifant les fonctions d'adjudansgénéraux
, un directeur - général d'artillerie , deux
commilaires- gééraux & deux commiffaites o
dinaires des gueries. "
« II. Le pouvoit exécutif efè autoriſé à employer
le nombre d'officiers du génie qu'il jugera
néceffaire pour fortifier & défendre les poftes
avancés, »
Oa lit un pojet de décret pour engager les
citoyens qui ne peuvent pas aller aux frontières ,
à donner leurs armes à ceux qui y voot. I's fe-
10 t cauffi invités à donner leurs habits de garde
national. L'Affémbléc , fur la demardé du miniftie
de la guerre , mer à la difpofition 4 millions
pour fournir aux dépenses des volontai.es
des frontières.ass 2
Une dépuration des efficiers municipaux annonce
qu'il fe fant des reffumblemens autour des prifons ,
& que le peuple veut enfoncer les portes . L'Af
femblés nomme fur - le- champ fix commiffaires
pour parler au peuple , & rétablir le calme.
M. Daffaulx , l'un d'eux , vient bientôt après
rendre compte de linut Lté de leurs repréfentations
. En vain ils ont voulu fe faire entendre ;
1 : ur voix étoit couverte par des cris tumultueux ,
Isfe font retirés , & les ténèbres ne leur ont
( 93 )
pas permis de voir ce qui le paffoit . La députation
eovoyée au temple annonce que le calme règne.
dins l'iterieur & l'extérieur , & qu'il n'y a aucune
apparence de raffemblem nt.
O lit une lettre de M. l'abbé Sicard , détenu
à l'abbaye . Il a été témoin du maffacre des prifo
iniers , & prêt à périr lui-même , il ne doit
la vie qu'au géér ux dévouement d'un hotloger ,
garde national , nommé Monnot , qui a diť au
peuple , en ouvrant la po tri e il faut que vous
perciez ce fein pour arriver à celui de l'abbé.
Sicard ; c'est l'appui , c'est le père des infortunés
Jourds & muets. L'Affemblée applaudit au courage
de Monnor , & déclare que ce brave citoyen a
bien mérité de la patris. 1
La commiffion extraordinaire propofe de transférer
dans le château de Saumur les prifonniers
d tenus dans les pii ons d'Oléars . Cette propofition
eft décrétée .
45
Trois commilaires de la commune artivent ,.
& rendent compre de leurs efforts pour arrêter lan
fu eu du peuple . Mais i's n'ont pu rien gagi er ,
& les prifons font maintenant vides . Le peuple .
avoit organifé un tribunal compoté de 12 perfones.
En exerçant fa vengeance , il a épargné
les prisonniers détenus pour dettes ou pour des
fautes légères ; tous les autres ont été immolés . Les
prètres non-fermentés ont fubile n.ême lot .
Du lundi , 3 feptembre,
Un grand nombre de dons civiques , aimes ,
chevaux , bijous , affignats font preclames . Les
mêmes fentimens , le même efprit public fe man
riften: dans tous les jeux . Les commillaires n³-{
tiona x envoyés pour accélérer la levée des vo
lontaires écrivent à l'Allemblée que les routes
font couvertes de citoyens enôés ; les communes
94 >
offrent leurs chariots . Les uns s'infcrivent , les
autres fourniffent leurs habits , leurs armes , &
foulerivent des engagemens pécuniaires pour fecourir
les femmes & les enfans de ceux qui
partent . A Amiens , la foufcription pécuniaire s'eft
portée en moins de deux heures de temps , à
60,000 liv . A Verfailles , elle a produit fur-le- !
champ 64,000 liv . , un batailion de 800 hommes
va être armé & équipé aux frais de la commune
; elle lui donne deux pièces de canon ; & lus
de 200 hommes à cheval fe forment en compagnies
franches. Troies a fourni un nombre égal d'hommes
& une foufcription de 72,000 liv.
Le miniftre des affaires étrangères informe l'Afemblée
qu'il n'avoit pu ſe refuſer à donner un
paffe-port à M. Virieux , parce qu'il eft miniftre
plénipotentiaire du duc de Parme , &
chargé des affaires de Malthe en France . Renvoyé
au comité diplomatique. Sur le rapport
d'un membre du comité de lég flation , l'Affemblée
décrète qu'il ne fera retenu dans les galères
de France , aucun étranger condamné pour des
crimes commis hors le territoire de France.
Il étoit de fon humanité de faire participer
aux adouciffemens que notre nouveau code pénal
a apportés aux peines , les perfonnes condamnées
felon les formes anciennes de la procédure
criminelle , & encore vivantes . C'eſt
d'après le voeu de fon comité de légiflation
qu'elle rend le décret fuivant :
•
« Art . I. Les demandes en abolition ou commutation
des peines afflictives ou infamantes
prononcées contre les perfonnes qui font encore
vivantes , par des jugemens rendus en dernier
reffort fur des procès inftruits felon les formes
auxquelles a été fubftituée la procédure par jurés ,
( 95 )
t
feront postées devant les juges des tribunaux
criminels des départemens , dans le reffort defquels
les procès auront été inftruits en première
inſtance . »
II. Auffi tôtquelesjuges d'an tribunal crimi
nel de département feront faifis d'une demande en
abo ition ou commutation de peines , ils fe feront
envoyer l'expédition du procès auquel cette demande
fera relative , avec toutes pièces fervant
à charge & à décharge ; & ces juges , après avoir
tout vu , tout examiné , pris tous les renseignemens
qu'ils croiront néceſſaires pour éclairer leur
religion , décideront en leur ame & confcience>>
fi le délit qui a donné lieu à la peine prononcée ,
étoit excufable ou non . ɔɔ
« III, S'ils trouvent que le délit étoit excufable
, ils prononceront la rémiffion de la peine ,
quel qu'en foit le genre. »
IV. S'ils trouvent que le délit n'étoit pas
excufable , ils examineront fi la peine prononcée
eft plus rigoureufe que celle portée au code
pénal , actuellement en vigueur contre le même
délit ; & dans ce cas ils la réduiront à celle
qu'auroit fubie le coupable , s'il eût pu être jugé
felon les difpofitions du code pénal . »
« V. La peine des fers , de la réclufion , de
1 gêne & de la détention
*
› ne pouvant , en
aucun cas , d'après le code pénal , être perpé-'
tuelle ; la perpétuité des galères ou des prifons
autrefois en ufage eft , à compter de ce jour ,
anéantic pour tous ceux qui ont pu y être con
damnés . »
23
En conféquence les condamnés qui auront
fubi ces fortes de peines pendant un temps égal ,
au plus long terme fixé par le code pénal pour
les fers & la réclufion , feront de fuite , fans
( 96 )
qu'il foit befoin d'aucun jugement , rappelés des
gale es & mis en liberté , à moins qu'il ne s'agfe
d'une récidive dans le cas prévu par l'article
f du titre II du code pénal ; dans lequel cas ils
feront , aux termes de cet article , transférés ,
pour le reste de leur vie , au lieu fixé pour la déportation
des malfaiteurs , ɔɔ
- VI. A l'égard de tous les autres , condamnés
aux galères ou aux prifons , foit perpétuelles
, foi à temps , qui n'auront pas en - 7
core tubi leur prise penda tiles temps fixe par
leur jugement , ou pendant un temps égal au
plus long terme five par le code pé lal , la peine ,
fie Per et des gave es , fra commuée en cele
des fers , de la réclation ou d : la gêne , felon
qu'il eft réglé par le code pénal pour le dé it
qui aura donné lieu à la condamnation , & la
peine de la pilon en celle de la détention . »
Tout le temps pendant lequel ils aurort
fabi la peine qui leur aura été i fligée leur feracompté
de manière que fi ce temps fu : paffe
ou égale celui fixé par le code pénal , ils feront
de fuite mis en liberté , & s'il lui eft inférieur
ils ne fubiront la peine fubftituée que pendant
un temps néceffaire pour completter la durée fixée
par le code pénal .
ככ
« VII. Les commiffaires du Roi près les tribunaux
criminels de département , dans la huitaine
qui fuivra la prononciation du jugement
en enverront les expéditions au pouvoir exécutif ,
qui eft chargé de les faire exécuter fans délai . »>
Le minifte de la guerre fait parvenir à l'Affemblée
une lettre de M. Dumourier , qui lui ma que
que fon avant garde a repouflé les Prufliens dans
une efcarmouche , leur a pris deux chevaux , & a
perdu
;
1971
a
perdu deux hommes . Il marche pour couvrir la
Champagne. Il fera joint par le camp de Pont-fur-
Sambre , qui eft dans un état refpectable . Il espère
donner les mains au général Kellermann , pour
fauver Verdun , s'il en eft encore temps . -- Le
miniftre annonce que M. Duhoux eft parti à la
tête des troupes qu'il commande. Son commiffaire-
ordonnateur mande que tous les citoyens
donnent leurs armes , & qu'il y aura à Rheims un
grand raffemblement , Rheims couvrira Châlons
& Soiffons. Une lettre de Luckner inftruit auffi le
miniftre , que fon avant-garde a repouffé avec
beaucoup d'avantage une nombreuſe reconnoiffance
de l'ennemi. Soyons calmes , fermes , unis ,
& la patrie fera fauvée. ( On applaudit. )
.M. Kerfaint , faifant fentir la néceffité de prévenir
le peuple contre les rapports infidèles par
lefquels on chercheroit à l'alarmer , décide l'Âſfemblée
à faire rédiger tous les jours , par la
commiffion extraordinaire , un bulletin national
pour recueillir les nouvelles de l'armée & les
principales opérations du gouvernement.
M. Jouneau qui étoit détenu à l'Abbaye par
un mandat d'arrêt , prévient par écrit un de ſes
collègues qu'il a été refpecté dans le maffacre nocturne
, grace à un brave canonier . On ordonne
par un décret , fa tranflation à l'Affemblée. Des
acclamations annoncent bientôt après l'arrivée de
M. Jouneau. Il paroît avec le brave homme qui
lui a fauvé la vie , & accompagné de plufieurs
citoyens qui lui ont fervi d'efcorte. M. Jouneau
rend hommage à fon libérateur , & attefte à
l'Affemblée le refpect du peuple pour les décrets.
L'Affemblée ordonne, que M. Jouneau reftera dens.
ſon ſein jufqu'à ce que le tribunal qui le pourfuit
Nos. 37. 15 Septembre 1792. E
( 98 )
lui ait indiqué la prifon dans laquelle il doit fe
rendre.
Sur le rapport de M. Lagrévole , l'Aſſemblée
décrète que l'or & l'argenterie qui se trouveront
dans les maifons ci- devant royales , & dans celles
des émigrés , feront tranſportés à la trésorerie nationale
, ou aux hôtels des monnoics les plus
voifins.
On lit une lettre de la commune de Paris . El'e
annonce que l'aflyle de Louis XVI eſt menacé , &
elle demande que l'Affemblée nomme fix commiffaires
pourfe réunir à elle & calmer l'effervescence
du peuple. Cette propofition eft auffi- tôt décrétée ,
& les commiffaires partent.
Du lundi , féance du ſoir.
Des volontaires du bataillon de Mayenne &
Loire en garniſon à Verdun demandent des armes
pour aller joindre leurs frères.
M. Choudieu fait connoître à l'Affemblée le
généreux dévouement de ce bataillon. Les volenraires
qui le compofent lui ont fait parvenir le
fruit de leurs épargnes. Faites- les paffer à nos
parens , lui écrivent - ils ; & pour les confoler
dites leur que nous fommes morts pour la patrie.
.
Sur la propofition de M. Dumas , l'Affemblée
décrète q depuis le grade de général d'armée
jufqu'à celui de maréchal- de-camp inclufivement
les places feront au choix du pouvoir exécutif ſeu
lement , fans égard à l'ancienneté de ſervice , pendant
la durée de la guerre.
M. Servan le préfente dans l'Affemblée , il
annonce , d'après une lettre particulière de Sainte-
Menchould & une lettre du directoire de la Haute-
Marne , la prise de Verdun. Mais , ajoute le
1
1
miniftre , ce n'eft pas fans doute far leur arm'e
que l'Autriche & la Pruffe ont compté pour
fubjuguer un grand people ; c'eft fur les défordres
intérieu s. On affure que les haines particulières
s'allument , on répand les idées les plus alarmantes
& les plus contradictoires . On dit dans les départemens
-frontières que l'on veut donner à la
France le Duc d'Yorck pour Roi , & que ce font
les Parifiens qui ont ce projet. A Paris , on infinue
que l'Affemblée nationale veut rétablir
Louis XVI fur le trône. Le miniftre demande
que l'Affemblée faffe une adreffe au peuple pour
le défabufer , qu'elle foit complette & léante toute
la nuit, & que la garde nationale veille à la sûreté
des perfonnes & des propriétés.
Voici le décret rendu fur les propofitions de
M. Servan :
« Art. I. La municipalité , le confeil- général,
de la commune & le commandant général de la
garde nationale de Paris font chargés d'employer
tous les moyens que la confiance de leurs citoyens
a mis en leur pouvoir , & de donner chacun en
ce qui les concerne , & fous leur refponſabilité
perfonnelle , tous les ordres néceffaires pour que,
la fûreté des perfonnes & des propriétés foit refpectée.
»
II. Tous les bons citoyens font invités à fe
rallier plus que jamais à l'Aſſemblée nationale &
aux autorités conftituées , & à concourir • par
tous les moyens qui font ca leur pouvoir , au
rétabliffement de l'ordre & de la tranquillité publique,
»
« III. Le pouvoir exécutif rendra compte dans
le jour des mefares prifes pour accélérer le dé-
Part des troupes qui doivent fe tendre aux dif-
E2
98 T
ferens camps formés en avant de Paris , & pour
fortifier les hauteurs qui couvrent cette ville. »
IV. Le maire de Paris rendra compte à
l'Affemblée , tous les jours à l'heure de midi , de
la fituation de la ville de Paris , & des mefures prifts
pour l'exécution du préfent décret, »>
V. La municipaltté , le confeil - général de
la commune , les préfidens de chaque fection ,
le commandant- général de la garde nationale ,
les commandans dans les fections , fe rendront
dans le jour à la barre de l'Aſſemblée nationale ,
pour y prêter individuellement le ferment de
maintenir de tout leur pouvo'r la liberté , l'égalité
, la fûreté des perfonnes & des propriétés ,
& de mourir , s'il le faut , pour l'exécution de la
loi. »
« VI. Les préfidens de chaque fection feront
prêter le même ferment aux citoyens de leur arrondiffement.
»
ce VII. Dans toute la France les autorités conftituées
prêterontle mêmeferment, & le feront prêter
par les citoyens . >>
ce VIII. Le préfent décret ſera proclamé folemnellement,
& porté dans chacune des quarante-huit
fections de Paris , par un commiffaire de l'Afemblée
nationale . »
Ce décret eft fuivi d'une proclamation pour
ramener tous les citoyens à la loi , à l'union qui
feule peut les rendre invincibles .]
Une lettre du miniftre de l'intérieur fait fentir
encore plus le befoin de cette union , en montrant
une déforganiſation prochaine dans tous les
pouvoirs conftitués , fi des hommes ¡zelés , mais
fans connoiffances , prétendent fe mêler journellement
de l'adminiſtration & entraver fa marche.
for
Après avoir expofé l'état des chofes , après avoir
examiné quelles fuites il doit avoir , & quelle
obligation il impofe , M. Roland jure de refter
à fon pofte jufqu'à la mort , s'il y eft utile &
qu'on le juge tel . Il demande fa démiffion & la
donne fi quelqu'un eft reconnu pouvoir mieux
l'occuper , ou que le filence des loix lui interdife
toute action .
Cette lettre dictée par une mâle éloquence
& d'après cette maxime que l'on doit la vérité
aux Peuples comme aux Rois , eft interrompue
par de fréquens applaudiffemens. L'Affemblée
en ordonne l'impreffion & la publication.
Une députation de la commune de Paris an
nonce que la ville eft parfaitement tranquille.
Du mardi , 4 Septembre.
Des intrigans cherchent à égarer le peuple ,
à le divifer , à le faire fervir d'inftrument à leur
haine , à leurs vengear ces. I's voudroient dans
leur délire , ravir à l'Affemblée nationale cette
co: fiance publique qui fait fa feule force ,
pour élever fur el'e une domination ufurpatrice ,
& livrer l'état fans défenſe à fes ennemis. L'un
des commiffaires nommés pour aller dans les
fections de Patis détabufer les citoyens fur la
projet attribué à l'Affemblée de placer fur le
trône le duc d'York ou le duc de Brunswick ,
M. Chabot , paroît à la tribune. Il eft inftant d'arrêter
les calomniateurs dans leurs progrès fur
l'efprit du peuple . Faifons tomber de leurs mains
cette arme dangereufe , la feule qui leur refte.
Laiffant à la nation le droit de fe donner le
gouvernement qu'elle jugera convenable , déclarons
individuellement que nous formes convaincus
par une funefte expérience des vices des
E
3
( 102 )
Rois & de la Royauté , & que nous les détefterons
jufqu'à la mort.
i
ces
L'Affemblée fe lève toute entière & accède à
cette déclaration . Au même moment M. Guadet
lie un projet d'adreffe aux François pour les prémunir
contre les bruits que fèment tous
hommes perfides qui , le coeur plein d'ambition
& de haine , ne parlent de liberté que pour
affervir , & d'égalité que pour s'élèver.
Cette adreffe eft terminée par ces mots remar
quables. «Les représentans du peuple jurent individuellement
haine aux Rois & à la Royauté,
ils les combattront jufqu'à leur dernier foupir, »
M. Vergniaux vient offiir à l'Aſſemblée la
démiffion de la commiffion extraordinaire , devenue
l'objet des pourfuites & des dénonciations.
On réclame l'ordre du jour . M. Lafource l'un
de les membres , infifte . ce Au nom de l'intérêt
public remplacez- nous dans un pofte où la calomnie
nous affiège. Vous ne manquerez pas
d'hommes qui , avec autant de zèle & plus de
moyens peut être , pourront rendre de plus
grands fervices . »
M. Cambon s'oppofe au voeu de la commiffion.
Il déplore les maux de la France , fi oubliant
' idée du caractère facré de repréfentant du peuple ,
l'Affemblée ne s'élève pas hautement contre les
manoeuvres des intrigans & des calomniateurs ;
par infouciance ou par foibleffe , elle laiffe
accroître leur audace , fi elle fouffre qu'ils pourfuivent
jufque dans fon fein des membres dont le
zèle & les travaux ont juftifié la confiance .
L'Aſſemblée paffe unanimement à l'ordre du
jour.
Il s'eft élevé dans quelques départemens des
inquiétudes fur les fubfiftances , quoique les écoltes
( 103 )
aient été généralement abondantes. Pour ne laiffer
fubfifter aucune crainte à cet égard , l'Aſſemblée
met à la difpofition du miniftre de l'intérieur un
fonds de douze millions qu'il emploira eň achat s
d: grains chez l'étranger.
La léance fe termine par des dons civiques.
Ua Anglois , avant de partir pour la défenfe de
la liberté , demande un paffe -port pour que fa
femme & fa mère , qu'il nourriffoit du fruit de
fon travail , puiffent retourner dans leur patrie .
L'Affemblée décrète que la femme & la mère
de ce brave homme feront nourries aux dépens
du tréfor public.
Du mardi , féance dufoir.
Le miniftre de la guerre fait paffer à l'Af
femblée une lettre des adminiftrateurs du département
de la Meufe , par laquelle ils annoncent
que la ville de Verdun s'eft rendus, le z feptembre
, à 6 heures du foir. Le courier qui l'a ap
portée eft admis à la barre , & donne quelques
détails fur les mouvemens de l'armée Dumourier,
& fur la prife de Stenay , où l'ancien régime
eft parfaitement rétabli. Les habitans & la garde
nationale fe font défendus jufqu'à la dernière
extrémité. Une femme voyant que l'ennemi
étoit maître de la ville , a empoifonné deux tonneaux
de vin ; elle en a bu la première , & en
a fait boire à 400 Autrichiens qui en font
morts avec elle.
On lit une proclamation du général Dumou
Tier à fes foldats , par laquelle il leur promet
que , quand ils auront difperfé les brigands qui
ravagent le territoire François , il les conduira
dans leurs pays pour y propager les principes dé
E
4
7104 )
La liberté. L'Affemblée en décrète l'impreffion &
J'envoi aux départemens .
La commune de Verfailles envoie l'extrait
d'un procès- verbal qui conftate qu'il a été trouvé
dans le château 1700 marcs d'argent , & que les
habitans ont formé une maffe de 100,000 liv .
pour les femmes & les enfans des citoyens qui
partent pour la défenfe de la patrie .
Un bruit circuloit fourdement . On difoit que
le peuple excité , alloit envelopper dans fes vengeances
les fignataires de la pétition Guillaume.
Le miniftre de l'intérieur rend compte des ordres
qu'il a donnés à M. Santerre , pour affurer ,
par tous les moyens qui font en fon pouvoir
la sûreté & la propriété des citoyens.
da
Cette terreur qui n'étoit née peut- être que
fentiment terrible de tant d'exécutions populaires ,
eft diffipée par le rapport que font les commiffaires
de l'Affemblée , envoyés dans les fections
pour y communiquer fes décrets . Ils annoncent
qu'elles ont prêté , entre leurs mains , le ferment
d'égalité & de 1berté . Elles ont juré qu'il ne
feroit plus commis aucune violence , & qu'elles
ne reconnoîtront jamais d'autre autorité fuprême
que celle de l'Aflemblée nationale .
-
Sur la propofition du miniftre de l'intérieur ,
l'Affemblée décrète que la gendarmerie des départemens
frontières fera payée en argent . Le
confeil exécutif fera connoître au corps législatif
l'état des magasins des arfenaux , & les détails
du plan de campagne qui peuvent être révélés
fans nuire aux fuccès de nos armes..
Du mercredi , 5 Septembre.
La rareté , des fufis & le be oin urgent de s'en
procurer , fourniuent à M. François un expé
( 105 )
2
dient . Il propofe & l'Affemblée décrète que les
employs aux douanes feront ur frvice avec
des piques , & remettront leurs armes aux directoires
qui les feront pafler au miniftre de la
guerre ou a x généraux de nos armées . Ces
arines fero teftimées a leur plus jufte val ur par
des co miffaires , pour qu'elles foient rendues
à chacun des prop iétaires après la guerre , ou
que la valeur leur en foit payée.
D'après le voeu de fon comité de commerce ,
l'Allen blée rend deux dé rets . Le premier per
met l'importation de toutes espèces de tabas en
feuilles , en payant 10 iv. du quintal pour les
tabacs qui font affujettis au droit de 18 liv. 15
fols ; 12 liv . pour ceux qui paient 25 liv . , &
15 iv. p. ur tous les autres . Le fecord eft relatif
aux objets de comptabilité dont les deux chambres
de commerce étoient cha gées . Nous don
nerons le difpofitif de ces deux décrets dans le
prochain numéro.
Sur le rapport du comité de l'ordinaire des
fiances , l'Aemblée décrète que la caiffe de .
Pextraordinaire verfera , fans délai , à la treforene
nationale , 1 ° . 14,899 732 liv . pour couvrir
l'excédent des dépe . fes ordinaires fur la recette
du mois d'août ; 2 ° . 2,317,301 liv. pour
dépenses extraordinaires de l'exercice de 1791
acquittées durant le cours du même mois ;
30.98,934,201 ' iv: pour dépei fes extraordinaires
de 1792 , aufli acquittées pendant le même
mo s .
Les commiffaires à l'armée du Rhin rendent
compte de leur miffi n. Cette frontière , depuis
Bfa çon jufqu'à Strasbourg , eft defendue par
48,000 hommes , non compris les volontaires
qui arrivent en vertu des dernières réquifi ions
ES
( 106 )
mais on manque d'armes & d'effets de campement.
La conduite de MM . Victor Broglie &
Jofeph Broglie a pait aux commiffaires être des
plus criminelles. L'Affemblée renvoie cette dénonciation
à la commiffion extraordinaire pour
en faire le rapport.
Les commiffaires envoyés à Rochefort annoncent
qu'ils font partir pour Paris une compagnie
de canoniers de la marine , avec 91 pièces de
canons de divers calibres , so mortiers , *2000
fufils , 250 piftolets , 300 haches d'armes , 400
piques , avec les bombes , les boulets & ufte files
néceffaires.
Malgré la loi qui ordonne le tranflation des
détenus de la haute - cour , au château de Saumur
, l'Affemblée apprend qu'une force aimée
les conduit à la capitale. Elle décrète que le pouvoir
exécutif enverra des commiffaires au- devant
de cette troupe , pour l'arrêter & la rappeller au
refpect des loix , & qu'il fera transférer les pri
fonniers dans une ville quelconque hors du département
de Paris , en attendant qu'i's puiffent
être conduits à Saumur .
D'après les rapports de fon comité militaire ,
l'Affemblée décrète que le pouvoir exécutif remettra
, fans délai , aux officiers de la gendarmerie
nationale de Paris élus par leurs frères
d'armes , les brevets de leurs grades refpectifs .
Elle autorife le pouvoir exécutif à faire partir
pourcles frontières , tous les gendarmes en exercice
auprès des tribunaux de la guerre qui n'y
font pas abfolument néceffaires pour le fervice
de ces tribunaux .
Elle adopte la levée d'une légion étrangère
fous le noms de Germains , dans laquelle ne
pourront être admis , fous aucun prétexte , les
( 107 )
déferteurs de l'armée. Françoife. Ce corps fera
porté à 3,000 hommes dont 1,000 à cheval , &.
2,000 à pied. Le confeil d'adminiftration , difpofera
d'une fomme de 700,000 liv . pour les fraix ,
indifpenfables & urgens de la formation de cette
légion .
On fe plaint de la difparution du numéraire ,
plufieurs caufes y devoient contribuer , mais certes ,
l'incivifme & la malveillance les ont bien maltipliées
. On vient de découvrir qu'il le fait fur
les frontières de nombreuſes exportations de numétaire
frappé au coin étranger , pour éluder les
difpofitions de la loi . L'Affemblée voulant arrêter,
ce nouveau brigandage , décrète : A
ce Art . I. Provifoirement , jufqu'à ce qu'il en,
ait été autrement ordonné , l'exportation hors du
royaume des matières d'or & d'argent , foit en,
lingots , ou ouvrages , foit en monnoies au
cours de France , ou en louis étrangers , eft pro- ,
hibée .
ג כ
« II. La peine contre ceux qui allant à l'étrapger
feront trouvés en contravention à l'article
ci- deffus fera , 1 ° . la confifcation des objets faifis ,
qui feront appliqués aux frais de la guerre ;
20. une amende équivalente au quart des objets ,
faifis & qui appartiendra à celui ou à ceux qui
auront arrêté les contrevenans ; 3 ° . fix mois de
détention . >>
III. Les étrangers , autres cependant que les
ambaffadeurs & envoyés des puiffances étrangères ,.
feront comme les regnicoles affujettis aux diſpor
fitions ci- deffus. »
« IV. Néanmoins les étrangers qui , entrant
en France & en arrivant fur la frontière , auront
fait conftater la pature & la quantité des matières
d'or & d'argent monnoyées ou non , dont ils
E 6
( 108 )
feront porteurs pourront les remporter en quite
tant la France. »
On fait lecture d'un ordre intimé , au nom.
du Roi de Pruffe & du duc de Brunſwick aux.
préfident & procureur-fyndic de la Meufe , auquel
ces adminiftrateurs ont jugé qu'il étoit fage
d'obéir . Nos lecteurs feront peut- être curieux de
connoître cette pièce ; la voici :
Copie de la fommation faite à M. Goffin , pro-,
cureur-général fyndic .
Nous , les des du grand confeil de guerre
de Sa Majefté Pruffienne , au nom & par l'au-`
torité de Ladite Majefté & de fon commandant--
général le maréchal du duc régnant de Brunswick,
enjoignons à M. Goffin , de fe rendre , fans faute ,
demain 4 feptembre , à 3 heures après -midi préciſes
, à Verdun , pour y régler les affaires concernant
le département ; & ce , fous peine d'une
exécution militaire , & d'être pourfuivi en fa
perfonne & fes biens . »
La même dépêche a été adreffée au préfident .
de l'adminiſtration .
L'Affemblée charge fa commiffion extraordi
naire de lui faire un rapport fur la conduite de
ces adminiftrateurs .
Elle ftatue enfuite définitivement , par un décret
, fur l'adminiſtration des monnoies.
Du mercredi , féance du foir.
Cette féance s'ouvre par la lecture de plufieurs
adreffes d'adh fion qui refpirent toutes l'amour
de la liberté & de l'égalité . Des compagnies de
volontaires qui volent aux frontières , le havrefac
fur le dos , défilent au bruit des applaudiffemens
univerfels ; ils font place à ceux qui ne
( 109 )
pouvant fervir la patrie de leur perfonne , ap
portent des offrandes & des voeux. Un enfant.
des ans vient dépofer 9 livres pour la guerre .
-La fection du Luxembourg offre une vierge
d'argent doré qui fe trouvoit dans l'églife de
Saint -Sulpice , & qui forme avec les ornemens .
le poids de 366 marcs . L'Allemblée envoie ce
métal à la trésorerie nationale , & accédant au
voeu de la fection , elle lui accorde en échanges
une belle vierge de marbre blanc qui fe trouve
dans une églife fupprimée.
Une députation de la feftion du Marais vient
communiquer à l'Amblée une dé ibération par
laquelle elle met fous la fauve- garde , d'après la
loi , les fignataires des pétitions , & invite lest
autres fections d'y adhérer. Celle des Arcis & la
fection du Contrar Social , ci-devant des Poltes ,
viennent juter , qu'elles fe rallieront toujours autour
de l'Affemblée nationale .
Pour faciliter le départ des citoyens qui fe
vouent à la défenſe de la patrie , l'Aſſemblée autori
e les commiffairee de la tréfore ie à délivrer
à chacune des fections de Paris une fomme de
10,000 l . en petits coupons d'affignats , pour une
égale valeur en affigna's de plus forte fomme :
chaque fection échangera enfuite aux citoyens,
prêts à partir pour les frontières , la fomme
qu'elle jugera convenable .
L'Asemblée , après avoir entendu le rapport de
fa commiffion extraordinaire , fur les pièces arrivées
ce matin , qui conftatert la lâche défiction
du préfident & du procureur général (yndic du
département de la Meufe , décrète qu'il y a ieu à
accufation contre MM. Ternaux & Goffin , admi
nitrateurs du département de la Meule qui ont
obtempéré à des ordres du duc de Brunswick
9
7110 )
2º. que ces adminiftrateurs font déclarés incapables
d'occuper aucune place ; 3º , que les membres
de la nouvelle adminiſtration qui fera formée ,
pourront transférer ou bon leur femblera , le lieude
leur féance , & qu'il en fera ainfi de toutes les
adminiftrations menacées par l'ennemi ; 4°. que
tout fonctionnaire civil ou mi itaire qui obtempé-
´rera à un ordre de l'ennemi , ou en recevra une
commiffion quelconque , fera puni de mort ;:
5°. que les biens de ces perfonnes feront vendus
comme ceux des émigrés.
D'après la demande du miniftre de la guerre ,
l'Affemblée décrète qu'il fera nommé trois commiffaires
pris dans fon fein pour furveiller &
accelérer la prompte organiſation de l'armée ſous
les murs de Châlons. Elle détermine enfuite par
un règlement particulier tous les objets de détails.
relatifs à l'organiſation , la police , & l'adminif
tration des camps destinés à la défenſe de
Paris.
Pour étendre & multiplier le plus promptement
poffible les approvifionnemens dans la capitale , il
étoit important de rétablir la libre circulation des
perfonnes. L'Affemblée rend le décret ſuivant :
« Art. Ier. Toutes les barrières de Paris feront
ouvertes fur- le- champ , & tous les citoyens pourront
entrer & fortir librement. Lorsqu'une néceffité
indifpenfable exigera la fermeture des barrières,
la municipalité fera tenue d'en donner fur-le-champ
avis au corps legiſlatif.
לכ
« II. Les citoyens qui voudront voyager hors
du département feront tenus de fe munir de paffeport
, conformément à la loi du 28 mars qui fera
cxécutée fuivant la forme & teneur. »
III. Les fections de Paris feront autorifées à.
délivrer des paffe-ports en fe conformant à la loi
( f )
du 28 mars , & les paffe- ports feront vifés par les
municipalités .
«IV. Le pouvoir exécutif eft chargé de notifier
fur- le- champ le préfent décret à la municipalité
qui le tranſmettra aux 48 fections . Il fera pareillement
chargé de veiller à fon exécution & d'en rendre
compte dans le jour . »
ee V. La loi du 28 mars fera imprimée à la
fuite du préfent décret , proclamée & affichée . » >
Une députation de la commune du Bourg- la-
Reine adhère aux décrets de l'Affemblée & demande
à être autorisée à prendre le nom de Bourg- del'Egalité.
Accordé.
Du jeudi , 7 Septembre.
M. Lequinio fait , au nom du comité d'agriculture,
un rapport fur l'entreprise d'un canal qui
doit joindre le Rhône & le Rhin , & propofe qu'il·
foit mis à la difpofition du miniftre de l'intérieur
une fomme de 25,000 liv . pour la levée des plans
de ce canal . Accordé .
Le maire de Paris vient rendre compte de la
fituation de cette ville . Tout y promet l'ordre &
la paix. Les liens de l'adminiftration vont fe refferrer
, & fon action va avoir de l'unité . La fraternité
reprend fon empire , les paffions particu--
lières fe calment ; chacun fent que le règne des
lois eft auffi celui de la liberté. L'Affemblée applaudit,
& ordonne l'affiche du difcours du maire de Paris
Pour que la fermentation & l'organifation du
camp de Paris ne rencontre aucun obſtacle ,
femblée juge qu'il eft néceflaire que toutes les autorités
qui doivent y concourir concertent leurs
mefures . En conféquence elle décrète que le confeil
général de la commune nommera trois com
millaires qui le réuniront avec trois de l'Aſſem-
*
l'Af(
112 )
blée , & les miniftres de la guerre & de l'intérieur
pour le conce ter fur la fo mation du camp de
Paris. Le comité s'affemblera pour dé ibérer chez
le miniftre de la guerre. Ii fera tenu regiftre de
toutes les délibérations . Les miniftres de la guerie
& de l'intérieur feront cha gés de l'exécution de ce.
qui aura été délibéré . Quiconque s'oppofera à,
Fexécution d'une de ces délibérations eft déclaré
ennemi de la patie.
Sur la propofition de fon comité , l'Affemblée
fupprime use rente viagère d'un million placée
fur la tête de Louis XVI & celle de Stanifas
Xavier fon fère. Le motif de cette fuppreffion eft
cette fomme n'avoit été mife au rang des
dépenfes publiques que par une fuite des malverfations
de l'ancien régime .
que
Le miniftre de la juftice fait paffer à l'Affemblée,
une lettre du corps électoral d'Eure & Loire qui
demande s'il peut ou non fire d'autres nominations
que celle des députés à la convention . D'autres
départemens prient l'Affemblée de décider fi
les
corps électoraux peuvent & doivent s'occuper
de renouveller les adminiftrations & les tribunaux.
Sur l'obfervation de M. Cambon, que l'exercice de
la fouveraineté du peuple doit être plein & entier
dans la formation de la convention , l'Affemblée
déclare qu'elle n'a aucunes loix à preferire aux
Afemblées pr maires & corps électorauz ...
Les commiffaires de l'Affemblée dans les dé-,
partemens de la Meurthe & de la Mofelle
rendent compte de leur miffion . En voici quel
ques détails.
Ils ont parcouru les départemens de la cidevant
Lorraine ; par- tout ils trouvent des preuves
de la trahifon & de la perfidie du pouvoir
exécutif les villes dégarnies , l'importante place
( 113 )
de Metz fans carons , fans bouches à feu fur le
rempart ; les foldats , foit gardes nationaux , foit
de ligne , mal habillés , & plufieurs fans armes ;
de foibles armées à oppofer à des armées nombreufes
. Tout eft réparé ; Metz eft dans le
meilleur état de défenfe , les citoyens pleins de
zèle & de courage , ainfi que les nouveaux corps
adminiftratifs & les généraux. »
Du jeudi , féance du foir.
M. Lacroix , commiffaire de la commune
pour l'app ovifionnement de Paris , rend compte
à l'Affemblée des obfervations qu'il a ecuci lies
dans fon voyage . Il a trouvé les routes du département
de Seine & Marne couvertes de folda
s. L'ardeur des citoyens eft inexprimable. Oa
a propofé dans le corps électoral de ne plus
fouffir les Rois . Le peuple veut abfolument fe
réferver le droit de corriger les étions dans
lefquelles fa confiance auroit été furpriſe , c'eſtà-
dire de rappeller fes mandataires i fidèles . -
La circulation des fubfiflances cft arrêtée dans
plufieurs lieux , par les inquiétudes qu'inipite le
fouvenir des anciens accaparcmens. M. Lacroix
demande que tous les fermiers foient tenus de
porter leurs grains dans les marchés . L'Asemblée
renvoie à l'examen des comités de commerce &
d'agriculture,
L'Affemblée entend la lecture des différentes
pièces de la capitulation de Verdun . Nous nous
réfervons d'en donner plus bas un extrait . Nous
dirons feulement ici que cette lecture eft plufieurs
fois interrompue par des mouvemens d'in,
dignation ,
( 114 )
Du vendredi , 7 Septembre:
Le conseil de la commune du Havre fait parvenir
Fétat des armes qui font dans l'arſenal de
cette ville , & qui peuvent fervir au camp de
Châlons ; favoir , 3639 fufils de ſeivice , & 291
à réparer. Renvoyé au pouvoir exécutif.
Une lettre de M. Sauffe , procureur de la commune
de Varendes , qui arrêta le Roi au mois
de jun 1791 , annonce que l'ennemi après être
entré dans Saint- Diez , a dirigé principalement
contre lui fa vengeance. I craint pour la femme
& fes fix enfans . L'Affemblée en témoignant fa
fenfibilité , renvoie cette lettre au comité de correſpondance.
M. Ruth demande que M. Martignac , commandant
à Huningue , foit defiitué pour caufe
d'incivilme , dont il fournit les preuves. L'Alfemblée
renvoie au pouvoir exécutif. Le miniftre
de la demande
guerre que l'Affemb'e prononce
la fufpenfion du premier lieutenant colonel-
commandant du 24. régiment d'infanterie .
actuellement en garnifon à Chartres , & annonce
qu'il envoie le général Ligonier pour faire partir
ce régiment & examiner la conduite de cet offi
cier. L'Affemblée décrète la fufpenfion & autorife
déformais le miniftre à la prononcer , à la
charge d'en avertir le corps législatif.
M. Courtaud fait lecture d'une lettre du confeil
fouverain de Bienne , & d'une autre du
commandant des troupes Bercoifes : elles trouveront
leur place dans le compte que nous rendrons
de la fituation de nos armées .
Le comité de légiflation foumet à l'Aſſemblée ,
par l'organe de M. Robin , le réfultat de fes
méditations fur l'établiſſement du divorce . Que
doivent être les caufes , le mode & les effets du
divorce ? Voilà les trois points fous lefquels le
comité a envifagé cet important fujet . Il a cru
d'abord devoir accorder la plus grande lat tude
à la faculté du divorce , à caufe de la nature da
contrat de mariage , qui a pour bafe principale
le confentement des époux. Mais en même-temps
il s'attache à en prévenir les abus , & confidérant
que le mariage n'eft pas feulement un
contrat de pur droit naturel , mais encore une
inftitution politique dont la confervation inté
reffe & les époux , & les enfans , & la fociété.
stière ; il environne le divorce de délais &
d'épreuves profres à fouftraire cette fainte inftitution
aux bifarrerics , à l'inſtabilité des humeurs
du caractère & des affections des conjoints .
A l'égard des effets du divorce , le législateur
les confidére relativement aux époux & aux enfans
, & il y trouve de nouveaux moyens d'en
prévenir les abus ; il s'attache ſpécialement aux
enfans , & pourvoit par les plus fages mefures
à leurs intérêts perfonnels on pécuniaires .
Tels font les principaux motifs du projet de
décret que le comité préfente. Sa rédaction ef
divifée en 4 fections : l'une fur les caufes du
divorce , l'autre fur le mode , la troisième fur
les effets par rapport aux époux , la quatrième
fur les effets par rapport aux enfans. L'Ademblée
en ordonne l'impreffion & l'ajournement.
Une députation de l'affemblée électorale du
Pas -de-Calais vient folliciter un décret pour le
renouvellement des adminiſtrations de ce dépar
tement , & la tranflation du chef lieu à Aire,
( 116 )
Elle demande en outre que tous les prêtres fa
lariés par la nation qui recevront du cafuel foient
déchus de leur traitement. L'Affemblée décrète
cette dernière propofition & renvoie les deux
autres à la convention nationale.
M. le maire de Paris fait part de la fituation
de la capitale . Des malveillans cherchent encore
à égarer le peuple ; mais les confeils , l'inftruc
tion , fon propre intérêt le rameneront au respect
des loix . 200 Suiffes échappés à la mort , one
prêté dans la place de la maifon commune le
ferment d'être fidèles à la nation & de mainte→
nir de tout leur pouvoir la liberté Françoiſe . A
ces informations fuccède la lecture de divers arrêtés
des fections , qui adhèrent aux mefures
prifes pour la sûreté des perfonnes & des propriétés
, & promettent de concourir à leur exé,
cution.
On fe fouvient que l'Affemblée avoit ajourné
la récompenfe de 100,000l . à donner aux dénon
ciateurs de la fabrique de faux affignats de Paffy.
Ele a adopté aujourd'hui ce décret en réduifant
à 50,000 liv . la fomme de cent qu'on lui avoit
propofé d'accorder.
M. Lacoste , au com du comité des fecours ,
fait un rapport fur l'intéreflante pétition de la
Veuve Poienneau , mère de vingt - deux enfans
dont fept furvivant , ont ainfi que leur père ſervi
la patrie , & les cinq qui restent aujourd'hui la
fervent avec le dévouement le plus généreux ;
cette vertueufe citoyenne dénuée maintenant de
tout fecours , invoque la bienfaiſance nationale .
L'Affen blée décrète qu'il fera acordé à la veuvé
Poiffonneau une pestion annuelle de 400 livres
Payable en deux parties égales & toujours d'as
vance .
( 117 )
Parmi les volontaires qui font venus dans
certe féance faire hommage à l'Affemblée de leur
dévouement pour la défenfe de la patrie , on a
diftingué un corps affez nombreux d'hommes de
couleur libres qui ont demandé à former une
compagnie franche .
Le courage & la vertu , leur a répondu le
préfident , font indépendans de la couleur & du
climat. Vous prouverez par votre exemple qu'ils
appartiennent aux hommes à qui de barbares préjugés
ofoient les refufer. Puiffe la France qui
vous adopte pour les défenfears , devenir bientôt
la capitale du monde libre !
Du vendredi , féance du foir.
Après la lecture des adreffes d'adhéſion & la
proclamation des dons civiques , M. Bazire ap
pelle l'attention de l'Affemblée fur le zèle inconfidéré
de plufieurs citoyens qui ont fait des
exhumations de cercueils de plomb dans les
églifes où elles ont répandu un vapeur inéphitique.
L'Affemblée défend expreffément un
pareil acte qui viole l'afile le plus facré ,
n'eft que l'égareme : t du patriotifme qui , comme
toutes les pallions , peut porter à des excès criminels
.
&
Le courier extraordinaire envoyé aux commandans
des troupes , qui , au mépris des décrets
, amenoient à Paris les prifonniers de la
haute cour , annonce que les troupes font dans
les meilleures difpofitions , & qu'elles répondent
de la confervation des prifonniers qui feront
transférés dans les prifons de Verfailles .
La prife de Longwy & de Verdun explique
( 118 )
fuffisamment les motifs de décret fuivant , que
rend l'Affemblée , après avoir entendu le rapport
de la commiffion extraordinaire,
« Art. I. Dans toutes les places en état de
fiége , & même menacées , le commandant militaire
pourra faire forir , après les avoir défarmés
, tous les citoyers qui lui paroîtront fufpects
& tous ceux dont la préfence pourroit être
inutile ou nuifible à la défenſe du pofte. »
<<< Tout commandant de place ou de pofte
eft autonfé à faire exécuter de vive force & militairement
les ordres qu'il auroit donnés , ca
vertu de l'article ci- deffus. »>
« III. Pourront également les commandans
de place affiégée , faire démolir & rafer la maiſon
de tout citoyen qui aura parlé de le tendre : &
s'il ne poffède pas de maifons , les meubles feront
brûlés publiquement. Il fera faifi pour être
puni , conformément à la loi du 20 juillet dernier.
« IV. La préfente loi fera imprimée à la fuite
de celle du 20 juillet dernier , & envoyée par
des couriers extraordinaires à tous les commandans
de place , pour la faire publier & afficher.
»
M. Clavière donne connoiffance à l'Affemblée
d'une nouvelle efpèce de café , faifie par
ne de nos douannes de la Mofelle . C'eft un
mélange de vrai café , avec une poudre végé
tale , qui pourroit être nuifible à la fanré,
L'Affemblée décrète que tous les volontaires
nationaux qui fe feront enregistrer pour voler
à la défenfe des frontières , recevront leur folde
dujour de leur enregistrement.
( 119 )
Dafamedi , 8 Septembre.
L'affemblée électorale du département du Loir
en envoyant à l'Afemblée la lifte de fes dé
putés à la convention nationale , mande auffi qu'elle
a juré haine aux Rois , réprobation à la royauté.
M. le maire de Paris informe l'Affemblée de la
fituation de la capitale . La vigilance des fections
contribue beaucoup au rétabliſſement de l'ordre .
Hier , dans l'affemblée de la commune , il s'eft
élevé avec force contre les profcriptions , contre les
agitateurs qui défignent encore des victimes , & ila
eu la fatisfaction d'entendre le concours nombreux
des citoyens qui fe trouvoit dans la ſalle de la commune
, s'écrier : nous les pourfuivrons , nous les
arrêterons. —L'Affemblée ordonne l'impreffion de
cette lettre .
Le comité d'agriculture fait un rapport fur le
mode des partages communaux. L'Aſſemblée en
ajourne la difcuffion.
Pour accélérer le tranfport des vivres , & toutes
les communications qui doivent main enant unir
& ferrer tous les François , l'Affemblée décrète
fur la demande du miniftre de l'intérieur , que la
libre circulation des chofes & des perlonnes eft
établie dans tout le royaume ; la loi du 28 mars
fur les paffe-ports ne fera exécutée qu'à dix lieues
des frontières , Elle décrète que le pouvoir exécutif
eft chargé de faire tranfporter des départemens me
nacés , tous les vivres , toutes les munitions qui s'y
trouveront , dans des départemens moins expolés.
On fait lecture d'une dépêche de M. Billaut,
commiffaire de la commune de Paris datée de
Château-Thierry Il rend compte de l'emprese
>
( 120 )
ment de tous les citoyens à s'enrôler, Tous les
chemins , dit-il , font des camps ; les mailons des
cafernes. Il donne enfuite des détails relatifs à
Ja pofition de l'ennemi , & à la marche de nos
troupes . Nous en parlerons dans un article à part , en
y joignant ceux que le miniftre de la guerre communique
chaque jour à l'Affembé .
Les comités diplomatique & de féodalité propofent
de vendre les biens de Malthe comme les
biens nationaux . Ajourné.
M. Adrien Duport , ex-député à l'Aſſemblée ,
conflituante, vient d'être arrêté a Melun . Il protefte .
de fon innocence , & demande fa liberté , Renvoyé
au pouvoir exécutif. Le ministre de la justice a
donné des ordres pour qu'on ne le transférât pas
dans ce moment à Paris .
Pour mettre la convention nationale en fituation
de connoître toutes les opérations relatives aur affignats
, Aflemblée a chargé le miniftre des contributions
publiques , les adminiftrateurs à la confection
des affignats & le tréforier de la caiffe extraordinaire
de fe concerter entre eux pour préfer ter dans,
la huitaine à l'Affemblée nationale un mémoire
nominatif de cette fituation .
Dufamedi ,flance du foir.
Les adminiftrateurs du département de l'Izère
demandent que l'Affemblée leur permette d'entrer
dans la Savoye , afin de venger les infultes
que les François y effuyent . Renvoyé au pouvoir
exécutif.
La falle actuelle de l'Affemblée eft mal - faine ,
d'un accès difficile , & ne peut contenir qu'un
petit nombre de fpectateurs . M , Pétion , à la
tête
3
( (1211))
tête d'une idéputation de la municipalité , vient
propofer Aflemblée de transférer le lieu de fes
féances aux Tuileries . Les Rois , a dit M. le
maire , ont eu affez long-temps des palais , il
eft temps que le peuple ait le fien . Renvoyé aux
commiffaires de la falle , qui feront inceffamment
leur rapport fur le projet de la municipalité.
1
-Sur le rapport de fon comité de législation ,
l'Affemblée décrète la fuppreffion des fix tribunagy
criminels , établis à Paris par la loi du 14
mars. Les caules qui font dévolue à ces tribunaux
feront inftruites & jugées par le nouveau
tribunal criminel.
C
Parmi les nombreux pétitionnaires qui fe font
prefcutés à la barre de l'Affemblée pendant le
cours de cette féance ‚ples citoyens de la fection
des Lombards fe fost diftingués par les traits
purs & vrais de patriotisme répandus dans leur
difcours. Ils ont juré d'oublier les, haines , & de
ne voir que des frères dans les fignatairesdes deux
trop famenfes pétitions. --L'Affen blée applaudit
& décrète que l'eriginal des pétitions dites des
hoit mille & des vingt mille feroit brûlé. Elle
invite de plus ceux qui auroient des liftes de ces
petitionnaires de les brûler , afin de cimenter
T'union qui doit régner entre les citoyens.
30 29
La Capitale commence enfin à refpirer
des fcènes douloureufes qui l'ont enfanglantée.
Le Peuple , fi impitoyable & fi
terrible quand il voit le fer des confpirateurs
prêt à fe tourner contre lui , ne tarde
pas à reprendre cet inftinct de morale &
N. 37. 15 Septembre 1792 F
( (122-) )
2
cette habitude d'humanité dont il ne fort
qu'à regret & par de violentes feéouffes.
On avoit parlé d'un Triumvirat. A cette
idée , que l'hiftoire a flétrie des fouvenirs
les plus odieux , les, Citoyens croyoient
voir déjà la main des Marius tracer le nom :
des victimes far des tables de profcription.
Ces tetreurs n'avoient pu eire répan
dues que par ceux qui ont tant d'intérêt
de nous détourner de nos véritables dane
gers , par des dage imaginaires . Ce n'eff
pas le moment où un Peuple régénéré , g
rieux de fa liberté conquiſe , ajuré ,
mort des tyrans que des ambitieux doin
vent choisir pour elever un autre genrei dob genreidos
tyrannie. Ces projets , qui fuppofent tousq
jours da s ceux qui les coreoivent de grands
talens joints à un grand credit populaire
n'appartiennent qu'à des Républiques de "
crépites & corrompues , où la liberté ,
déjà ébranlée par de longues fecouffes , n'at
tendpour expires, que l'audacelde quelques
hommes puiffans . Pught slob i p mount
SA
Mais finous fommes trop éclairés &
trop inquiets für notre liberté naiffante ,
pour fouffrir ni prote &eur ni, triumvirs ,
gardons nous de tomber dans un afitte,
excès , celui d'un patriotifme foupçonneux
& fanguinaire , qui ouvriroit un champ
trop facile aux Haines de Parti & agr ven
geances individuelles . Quel eft le Cifbyen
irréprochable , quel eft meilleur Patriote !
?
( 123 )
qui pourroit, vivre avec fécurité dans fon
afyle domeftique , s'il fuffifoit d'un foupçon
vague d'inciviſme répandu à deffein par
un ennemi fecret , pour le défigner au fer
des affaffins ? Cet état d'anxiété & de terreur
, pire mille fois que l'état de guerre
où l'on connoît du moins fon ennemi
jetteroit la confternation dans les familles ,
détacheroit le Citoyen de la chofe publique
, & nuiroit à toutes les tranfactions
fociales , qui repofent fur la confiance &
la sûreté des perfonnes.
S'il nous faut acheter la liberté à un
haut prix , que ce foit à celui que l'honneur
national peut avouer, & non par des
meurtres & des affaffinats. En épouvantant
l'Europe de notre férocité , ne voyonsnous
pas que nous fervons la caufe des
tyrans & que nous allons river pour
long- temps les chaînes des Peuples qu'ils
oppriment. Ne craignons nous pas que.
l'exemple de la Capitale qui exerce fur les
autres Départemens une influence fi majeure
, ne faffe de notre malheureuſe Pa
trie une terre de fang & de défolation que
fairoient les étrangers & à laquelle les
citoyens ne feroient plus attachés que par
le lien le plus pefant , celui de la contrainte
& de l'effroi .
·
Au nom de la liberté , de la gloire nationale
, de l'intérêt même du Peuple
F2
( 124 )
abjurons ces diffentions inteftines , & ces
horribles vengeances . Nous avons un autre
fupplice à réſerver aux ennemis & aux
calomniateurs de notre révolution , c'eſt
l'élan fublime & la fierté courageufe que
déploye en ce moment la Nation entière.
Des millions de foldats naiffent tout armés
de fon fein. Les grandes routes reffeniblent
à des camps , & les villages font
transformés en cafernes , pour nous fervir
de l'expreffion énergique de M. Billaut de
Varennes. C'est un fpectacle attendiiffant
de voir les vieillards , les mères , les époufes
accompagner leurs enfans , leurs maris &
les exhorter à marcher avec fermeté dans
le chemin de la gloire. Leur premier voeu
eft pour la Patrie , le fecond pour la nature,
A l'exemple des vertueufes Américaines ,
nos Citoyennes ne font occupées qu'à
coudre des tentes , à préparer des havrefacs
Or , argent , bijoux , tout ce que les
Citoyens ont de plus précieux couvre
chaque jour l'autel de la Patrie . Voilà les
vertus & les prodiges de la liberté. Temps
heureux de Sparte , de la Grèce & de Rome ,
quand vous allez renaître parmi nous , oferions
nous en fouiller l'éclat par des actions
indignes de la générofité d'un Peuple
libre?
A
Parmi les traits nombreux de dévouement
patriotiques dont la liberté s'hôñóre ,
( 1259
nous citerons avec plaifir le fuivant. Il
reçoit un nouveau prix par la manière intéleffante
avec laquelle il eft raconté : -
10
--
....
« Un Citoyen de la Section des Lombards ,
veuf & avancé en âge , avoit quatre enfans ,
appois de fa vieillefe. Deux fe préfentent à lui,
J'air trifte & inquier. Qu'avez- vous mes enfans
, leur dit-il. Mon père.... Je devine ce
qui vous agite , vous voulez partir pour 1's fronères.
Čela eft vrai , mon père ; & ce qui
nous afflige , c'eft que nous voudrions partir tous
quatre. Quoi ! pas un de vous ne veut refter
auprès de moi..... Eh bien ! ne vous chagrinez
pas , j'approuve votre zè'e, & quelque peine que
j'aie à me féparer de vous , je feas que vous avez
raifon , & vous en eſtime davantage . Au mo
ment du départ , le bon vieillard fe rend au boulevard
de Fopera ; il cherche fes fis dans les
Tangs , il les apperçoit , & leur ferant la main
tour à tour : adieu mes amis , feur dit- il , allez
& fur- tout battez - vous bien . Le Bataillon fe mer
en marche ; le vieiliard a bientôt perdu de vue
f:s enfans fuir encore des yeux l'étendard ;
des larmes roulent fur. fes joues . Mon Dieu , dit
ce bon père , comme ce drapeau s'éloigne vite !...
Ah ! fi je n'étoit pas fi vieux , je les taivrois ……… »
L...., Citoyenne de la Section des Lombards.
Les choix que font les Electeurs pour la Convention
nationale , nous promettent l'heureuse
réunion des talens & du courage. Les meilleurs
Députés de la Législature actuelle ontéré réélus ; on
yretrouve plufieurs des co ft tuants les plus connus
par leur amour incorruptible pour la liberté , tels'
queMM. Pétion , Mertin de Douai , Roberfpierre,
F 3
( 126 )
l'Abbé Sieyes , Rabaud St. Etienne, Grégoire,Maf
fieu, Lépaux , le Pelletier , &c. Déjà les Payne
les Priestley, les Anarcharfis- Cloots font appellés
dans notre Congrès national qui fera bientôt le
Congrès de la Liberté de l'Europe .
Nous avons été pendant fi long-temps
la dupe des perfidies d'un Ministère , qui
creufoit fous nos pas un abîme effrayant ,
en le dérobant fous le voile même de lá
Conftitution , que nous croyons utile à la
chofe publique de faire connoître les actes
d'un Confeil exécutif qui marche fur d'autres
principes , & appeile la confiance par
la franchife , & quelquefois par le langage
auftère de la vérité ; car la vérité eft le
befoin du Peuple. Les agitateurs ne le
flattent fouvent que pour mieux le trahir,
Les fubfiftances ont toujours été un levier
puiffant qu'ils ont fait mouvoir avec adreffe
pour mener le Peuple de l'inquiétude à
Pinfurrection. On devoit s'atendre que
dans un moment où la Patrie eft attaquée ,
où la France entière eft couverte de guerriers
qui volent à ſa défenſe , nos ennemis
intérieurs exciteroient des alarmes fur les
approvifionnemens , & renouvelleroient
cette accufation fi vague d'accaparement
& d'exportation chez l'étranger. Il falloit
donc l'éclairer fur le danger de gêner la
circulation des grains & leur deftination
pour les différens points de nos armées :
( ( 8117 ))
be
sel eft flobjet de la follicitude active du
Miniftre deTirnérieur. "
-
Le Ministre de l'Intérieur aux Corps Adminiftràifs
, &par eux , a tous fes Concitoyens .
AParisle 1 Septembre 1792 , l'an 4. de la
liberté.
cum al
3
1
J 2 Une ligue femblable à celle qui fe forma
icontre vous en 89 , ſe manifefte aujourd'hui par
des complots pareils , ou plutôt les mênies par-
-tilans du defpotfme qui cherchoient à prévenir
lefuires de la convocation des états , «' efforcent
d'anéantir les effets de la Révolution . Quelle elt
Parme favorite des tyrans ? la divifion . Comment
parvient on à divifer rapidement ? par la dé-
Hance. Sur quel objet eft- elle plus ailément excitéel?
fur celui qui tient de plus près à l'eriftence.
De quoi donc le peuple s'inquiète- t-il
d'abord ? des fubſiſtances . Voilà pourquoi , dans
tous les momens de crifes , les ennemis de la
chofe publique répandent des craintes pour arrêter
la circulation des grains , c'eft ainfi qu'ils
détournent l'attention des maux qu'ils nous préparent
& des fois qu'il nous faudroit prendre
contre eux , pour la concentrer fur un mal imagina
re , afin de nous affoiblir par nos propres
querel'es , durant lefquelles ils profitent de tous
leurs avantages. »
« La Providence qui n'a ceſſé de nous favorifer
nous donne envain de ſuperbes récoltes ; de fauffe's
terreurs femées à deffein s'emparent des efprits ;
& Lou's le prétexte de s'oppofer à des accaparemens
, on intime , on pourfuit l'acquéreur , on
ferme les denrées , & l'on produit réellement la
F. 4
difette au milieu de l'abordarce , Geft ainfi que
des Municipalités trompées s'oppofent au libre
cours des grains ; elles retiennent fur leur territoire
ceux qui doivent approvifionner les villes
& fournir les marchés , c'eft ainfi que le peuple.
égaré s'eft luiffe entraiser à la fureur , & a immodes
homes qui s'occupoient à le nourde.
Déja Nevers & Lyon ne reçoivent plus les provilions
qu'on a coutume de leur porter ; le même
inconvénent a leu fur plufieurs points de l'Empire
: par- tout on reconnoît la trame ourdie pour
nous perdre. Forts par notie maſſe ; fous par
la bonté de notre caule , nous fommes invicibles
fi nous demeurons unis, & que nous agiffous
de concert, en nous répartiſant toutes nos
refſources , tous nos moyens de défenſe , en nous
prêtant un mutuel appui. » 54 00 13
« Seroit-il poffible que dans un moment auffi
critique , auffi folennel, où l'intérêt général doit
Dous lier étroitement , on parvînt à nous combattre,
à nous déchirer les uns par les autres de boob
" Les propriétaires & les fermiers qui ont fait
des ventes avantageufes dans les dernières années ,
peuvent- ils calculer froidement fur un gain plus
confidérable, & conferver opiniâtrement luis denrées
dans cette coupable espérance .
ל כ
« Eh quoi ! fi le Peuple fouffre , ou fi la
diminution des a; proviſionnemens excite une fermentation
funefte , qu'arrivera-- ! Ocupé de
ees craintes & divifé par el'es , il en fera moins
fort contre l'ennemi , qui déjà s'empare de nos
villes , ravage les campagnes , mafacre nos fères ,
& ne fonge qu'à étendre fes horreurs , dont les
propriitaires & les fermiers feront par- tout lespremières
victimes ; »
Qu'ils font coupables & qu'ils feront ter-
F
(7129 Y
riblement punis , ces la hes que l'appréhenfion de
voir bombarder leurs maisons a potés de fe rendre
à l'ennemi ! Couverts d'infamie , en horreur à
leurs Compatriotes , méprifés de leurs vainqueurs ,
déjà courbés fous les charges que ceux- ci leur
impolent , & bientôr accablés des vexations les plus
cruelles , ils pleureront en vain fur ces triftes propriétés
, à la confervation defquelles ils ont facrifié
les devoirs les plus chers , & dont ils demeurent
honteulement les économes pour le def
potif.ne infolent qui en dévore les fruits . Le même
fort attend les hommes avides , ou le peuple aveugle
qui ne voit que fon intérêt particulier ou celui du
moment. »
3
Il n'y a plus de falut que dans le plus parfait
enfemble , dans la fraternité la plus étendue ,
dans la circulation la plus prompte de tous les moyens
& de tous les fecours.
: « Frappés de ces principes invariables , dont
l'application ne fut jamais plus néceffaire , que
les Corps Adminiftratifs , les Municipalités ,
toutes les Autorités Conftituées s'empreint de
les répandre & de les développer ; que tous les
Citoyens s'en pénètrent , qu'ils fe les rappellent les
uns aux autres , & que perfonne ne fouffie qu'il y
foit porté atteinte . »
« La circulation des grains dans un Empire
eft comparable à celle du fang dans le corps.
humain ; fi elle eft gênée , ralentie un feul inftant
, le mal- aife devient général , des accidens
graves ne tardent pas à fuivre , la machine.
dépérit ; & fi quelque puiffance extérieure l'attaque
dans cette circonitance , il eft impoffibl : qu'elle
réfifte , elle doit s'anéantir . Ne perdons point par
une déplorable méfintelligence , le glorieux réfultat
de tant d'efforis & de travaux , Après quatre
FL
( 130 )
ans d'une Révolution traveifée par tant d'intrigues
, de perfidies , de trahifons , nous laiſſeróns
nous enlever la liberté , qui déjà nous a délivrés
de tant d'abus oppreffeurs , l'égalité dont le
règne nous affureroit le bonheur! »
Laiffons dore un libre cours à tous les approvifionnemens
; que les grains follicités inégalement
, fuivant la dive fité des beſoins , recherché
par l'active induftrie , ne foient pas
cruellement retenus par l'ignorance qui s'effraye ,
ou la cupidité qui établit fon gain fur le malh:
ur pub ic ; que les départemens & les viles
jcuiffant du fuperflu , le laiffent refluer dans les'
Départemens & les villes où marque le néceffaire
que la loi reçoive par-tout fon exécu
tion pleine & prompte ; que l'attention & l'activité
de tous fe portent vers le moyen de défenfe.
Par-tout le fer doit fe convertir en piques
& fe fondre en boulets; par - tout, les femmes mêmes
dont la foibleffe n'exclut pas la généreuse activité ,
le noble dévouement,doivent s'honorer de travailler
aux habits , aux tentes des défenfeurs de a Patric.
De toutes parts , ces défenseurs doivent fe lever
& accourir vers la capitale . C'eft fur elle qué
les troupes ennemies d tigent leur courſe , parce
que c'est là qu'i's effèrent difperfer & diffondre
le Gouvernement , produire un moment d'anarchie
& fe verger d'une manière éclatante for
la ville célèbre qui renverfa la Baſtile , donna
Péveil au pe p'e & fonna le tocfin pour le renverfement
de la y annie ; c'eft de -là qu'ils veulent
répandre la terieur & reffuciter le defporifme.
Lève-toi dans ta force , lève- toi toute entière ,
Nation Françoife ! Voilà l'heure du con bat , que
ce foit celle de la voire ; il faut la remporter ou é
" zir : car tu n'as point de inénage mens à attendre de
( 131 )
troupes qui te haiffent : ne fonge done . plus
qu'à réunir & faire voler tes bataillons nombreux
; tout autre foin , toute autre inquiétude
eft une perfide fuggeftion de tes ennemis . »
Le Miniltre de l'intérieur,
Signé , ROLAND.
>
Ce font fur- tout les Habitans des campagnes
qu'il faut raffurer par de fages précautions
contre les brigandages d'un enne
mi dévastateur. C'eft à eux que le Miniftre
s'adreffe.
Le Miniftre de l'Intérirur aux Habitans des campagnes.
ec
Digne portion de la Société , habitans des
campagnes , un grand danger menace vos habitations
; des brigands dévallateurs s'avancent vers
elles ; ils y porteront le fer & le feu . Faudrat-
il que vos moiffons , que ces fruits de vos
travaux pénibles foient la proie de ces cruels
ét : angers ! Elevés dans le métier des a mes
pour fervir d'inftrumens à la férocité des defpotes
auxquels ils font affervis , n'attendez d'eux
aucun fentiment d'humanité . Si ce fentiment
n'étoit pas entièrement effacé de leur coeur , viendroient
-ils combattre un Peuple généreux qui ne
demande pour lui & pour tous les hommes que
la jib té & l'égalité . Nous réſiſterons fars doute
à leurs attaques la nation ne s'agite - elle pas
fe réunir & s'oppofer au torrent de ces
barbares ! qui peut calculer les événemens !
cc Nous vaincrons , nous exterminerons; enfin
cette horde fanguinaire ; mais il ne faut
Pas fe
le diffimuler , ces grands effets de notre cou
F 6
( 132 )
rage , nous ne les obtiendrons que par de grands
efforts , que par l'union la plus étroite de concorde
& de frate nité , que par un concours de
prudence , de précaur ons & d'activité. Deux
objets importans doivent effentiellement nous
Occuper notre défenfe & notre ſubſiſtance .
Pour l'une , il faut armer tous ces braves Citoyens
qui brûlent de voler à l'ennemi commun ; pour
l'autre , il faut mettre à l'abri les objets
cieux qui peuvent affurer notre exiſtence. C'eſt
à quoi je vous invite & vous p: effe vous furtout
, habitans des campagnes , dont les r chefles
font exposées à devenir , d'un moment à l'autre ,
la proie des flamines & du pillage .
:
30
prés
« Hâtez -vous de réalifer vos moiffons , de
faire battre & tranfporter rous vos grains , foit
dans Paris , foit dans quelqu'autres villes de
l'intérieur de l'Empire que là , chacun de
vous ait un local où il puide dépofer , fous la
foi & la garantie nationale , fes bieds , fes beftiaux
, & tout ce qu'il voudra préferver des incurfions
étrangères ; & dans le cas où les befoins
publics , qu'on eft pourtant loin de redouter
forceroient de puifer dans ces dépôts , que ce
ne fot qu'à la condition expreffe d'en être payés
fur- le- champ & au plus haut prix courant . A
cetre invitation , reconnoiffcz ma follicitude pour
vous , bons habitans des campagnes , & le defir
qui m'embrâfe de mériter la confiance d'une Nation
généreuse à laquelle je fuis dévoué jufqu'à
la mort. »
Le Miniftre de l'Intérieur.
Signé , ROLAND.
?
La juftice févère à laquelle le Peuple s'eft. -
fivré , dans ces temps de trahifon & de com(
133 )
:
plots , auroit pu devenir une profcription
fanglante envers des Citoyens , que des
haines perfonnelles pouvoient défighter aux
fers des bourreaux. Les ennemis de la chofe
publique pouvoient abufer eux mêmes de
cette terrible impulfion du Peuple en la
faisant tourner contre les meilleurs Patriotes.
C'eft pour prévenir ces funeftes erreurs
que le Miniftre de l'intérieur a cru
devoir charger le Commandant- général ,
ainfi que le Maire de Paris , de prendre
toutes les précautions , & d'employer,tous
les moyens qui font en leur pouvoir.
Lettre de M. Roland , Miniftre de l'Intérieur , “
à M. Santerre , Commandant de la Garde
Nationale Parifienne provifoire , en date du
4 Septembre 1792 , l'an 4º . de Liberté & le
1. de l'égalité.
« Au nom de la Nation , & par ordre de
J'Affemblée Nationale & du Pouvoir Exécutif
je vous enfoins , Monfieur , d'employer toutes
les forces que la Loi met dans vos mains ,
pour
empêcher que la sûreté des perfonnes & des ,
biens foit violée , & je mets fur votre refponfabilité
tout attentat commis fur un Citoyen
quelconque dans la ville de Paris . Je vous envoie
un exemplaire de la Loi , qui vous ordonne
la furveillance & la sûreté que je vous recommande
& j'info me l'Affemblée Nationale ,
le Maire de Paris , des ordres que je vous tranf-
Signé , ROLAND ,
mers. »
( 134 )
Réponse de M. Santerre.
M. LE MINISTRE ,
« Je reçois à l'inſtant votre lettre : elle me
fomme , au nom de la Loi , de veiller à la sûreté
des Citoyens. Vous repouve lez les plaies
dont mon coeur eft ulcéré , en apprenant à chaque
inftant la violation de ces mêmes Loix , & les
excès auxquels on s'eft livré. J'ai l'honneur de
Vous repréfenter , qu'auffi - tôt la nouvelle que
le peuple étoit aux prifons , j'ai donné les ordres
les plus précis aux commandans de bataillons
de former de nombreufes patrouilles , & furtout
au Commandant du Temple , & autres
voifins de la demeure du Roi , & de l'hôtel de
la Force , à qui j'ai recommandé cette prifon
qui n'étoit pas encore attaquée. »
« Je vais redoubler d'efforts auprès de la
Garde Nationale , & je vous jure , que fi elle
refte dans l'inertie , mon corps fervira de bouclier
au premier Citoyen qu'on voudra infulter.
Signé , SANTERRE ,
Lettre de M. Roland à M. le Maire , du 4
21
Septembre.
Je vous envoie , Monfieur , copie des ordres
que jadreff: au Commandant - général de la Garde
Nationale Parifienne , & je vous charge , au
nom de la Nation , d'en feconder l'exécution de
tout votre pouvoir.
33
Signé , ROLAND.
( 135 )
•
Lettre de M. Roland , à M. le Préfident de
L'Affemblée Nationale , le 4 Septembre 1792 .
« M. LE PRÉSIDENT ,
« J'ai l'honneur d'envoyer à l'Affemblée Nationale
, copie de la lettre que j'ai cru de voir
écrite à M. le Commandant - général de la Garde
Nationale Parifienne provifoire , & dont j'ai
donné communication à M. le Maire . I paroit
que le maffacre opéré dans les prifons , n'eft
pas uniquement l'effet du tranfport du Peuple ,
qui a paru faifir des Citoyens à l'afpect des dangers
dont la capitale eft menacée . "
2
Cet effet feroit momentané ; tandis que
ces cruelles opérations fe prolongent , malgré
les réquifitions que j'ai plufieurs fois adreffées air
Maire vertueux , mais fans pouvoir , dont Paris
méconnoît la voix. »
cc J'apprends que des hommes en armes font
encore à l'Abbaye , & cherchent à inonder les
cachots , dans lefquels on fuppofe qu'il refte dés
prifonniers. On parloit , ce matin , d'immoler
les fignatures de la pétition Guillaume ; on ne
fauroit prévoir les horreu´s auxquelles cette
marche fanglante peut conduire , Non , ' il n'eft
pas poffible que la majo ité des Citoyens fe pête
ces excès ! Elle fe ralliera , fans doute , à lá
voix des Repréfentans de la Nation , pour dif
peifer les hommes égarés qui les commettent.
Signé , ROLAND.
Nouvelles de nos Armées.
Armée du Nord, Le camp retranché de Maulde
( -136 ,)
:.
fi avantageufement fitué , que les Autrichiens
avoient attaqué fi fouvent fans pouvoir jamais
l'entamer , & qui fervoit de boulevard à cette
partie de nos frontières , a été levé dans la nuit
du 6 au de ce mois. L'armée s'eft repli e fous
Valenciennes & va reprendre le camp de Famars .
Qn a vu avec peine la levée d'un camp frutile
& fi redoutable , mais il faut croire que le Général
Dumourier a eu de fortes raifons pour
faire marcher une partie des Troupes de ce camp
pour renforcer fon armée & couvrir Sedan , que
le Général Clairfait menace à la tête d'une armée
de 30000 hommes , qui s'est avancée juſqu'à Carigoan.
Valenciennes , Lille & Douai feront
toujours en état de tenir en échec les Autrichiens
, qui font peu nombreux dans les Pays-
Bas . Il étoit plus important de réunir des forces,
confidérables pour couvrir la Lorraine , où les
ennemis · ont raffemblé leurs plus grandes
forces.
1
2 Armée du Centre. Les Pu flances coalifées
avoient compté fur un fyftême de terreur qui l
leur avoit réuffi à Longwy & à Verdun . Elles
fe flattoient de pénétrer jufqu'à Paris fans aucune
réfiſtance , & elles y feroient parvenues
fi les événemens du 10 n'euffent coupé le fil des
trahifons d'un Pouvoir Exécutif , qui agiffoit
d'intelligence avec elles & avoit tout préparé
pour leurs fuccès. Mais , graces à l'activité des
Généraux Luckner , Dumourier & Kellermann
qui ont pris des pofitions avantageufes , ¡ eur marche
le trouve arrêtée . Nous ne croyons pas pouvoir
mieux inftruire nos lecteurs de la diftribution
de nos forces , qu'en mettant fous leurs yeux
des lettres authentiques & le bulletin que le Mi
| 137 )
niftre de 11 Guerre Fit paffer tous les jours à
L'Alfembler.co
C
→ sh Exyain d'une lettre de Montmédi.
« Cette ville eft très fortifiée ; il y a haute
& baffe vile. La haute ville eft auffi efcarpée
queiff Balyaire près Paris . En fix minutes , on
fait le tour des , remparts . Il y a so canons de
tous calibres placés tour du long. Iy a fix
mo tiers à couvert, par des gebious & des fafcines ,
de peur d'être démontés . Nous espérons battre
Tennemi de tous les côtesà une due . Il n'y
qu'une porte pour y entrer. Nous avons cent
canonniers tous très-patriotes & inftruits , qui
feront voler la tête a quelques Impériaux Nous
fommes 18 cents hommes pour defe dre la viles
il y a des vivres pour trois mois & quand il
viendroit 40 mille hommes , nous ne les craindrions
pas, Toutes les citernes font remplies d'eau,
Et il y a un grand puits de soo pieds de profondeur
, dont la voûte eft à l'ép cuve de la bombe,
In'y a que 150 maifons dans la haute vile ; il
n'y en a guères qu'une douzaine qui fcient paffables .
Nous fommes tous décidés bien nous battre. Notre
Commandant eft M. Delignéville , Maréchal-de-
Camps c'eft un brave homme qui a beaucoup
de connoiffances militaires , & qui a bien fait
fortifier la ville depuis trois mois . L'ennemi dans
ce moment eft à lieue de Montmédy. Nous
atendons qu'il le présente pour le bien recevoir .
Tous les Habitans des environs ont apporté leurs
cffets & leurs fufils, 1131
? (138),
Lettre du Miniftre de la Guerre , au Préſident de
l'Affemblée Nationale , du 6 Septembre , l'an
quatrième de la liberté , & le premier de l'égalité.
j. iv »
M. LE PRESIDENT, Iv shud 3
« J'ai reçu hier fɔit une dépêche de M. Biròn, qui me pire des précautions qu'il prend für le
Rhin vers Porentrei , pour s'oppofer à l'ennemi
par-tout ou i voudroit pénétier. J'en ai reçu une
te matin de M. Luckner, qui fe propofe d'envoyer
M: Dumourier des Compagnies
de Grenadiers &
plufieurs pièces de poſition il annonce qud M. Galband
a repris fa pofition à Ste Menehould', 'qu'il ne négig a rien , dès que les forces feront réa
nies , pour repouffer l'ennemi. Ceft done , M. le
Préfi lent , à l'armée qui doit fe réunt fur ce pont , que nous devons donner tous nos foins ,
en y portant non-feulement les braves Citoyens
de Paris qui fe dévouent fi généreufement
, mais encore plus fpecialement & fans nul délai , tous les
Fédérés qui font dans la Capitale . »
"
«. U ₁ Officier d'Arril erie écrit hier de Metz
que la place eft autant en règle qu'il eft permis aux
hommes de le faire. »
Lettre du Miniftre de la Guerre au Président de
Affemblée Nationale , le 6 Septembre au
foir, l'an 4. de la liberté , & lê xª . de l'égalité.
$15.9
b
M. LE PRÉSIDENT ,
« J'ai reçu aujourd'hui une dépêche de M. Kellermann
, datée de Metz le 4 de ce mois ; il •
( 139 )
=
dit avoir appris que la ville de Verdun s'eft rendue
le 2 de ce mois à fix heures du foir , après n'avoir
réfifté , à ce qu'on prétend , que pendant trois
heures. »
Il va faire proclamer la ville de Metz en
état de fiége , & doit y laiffer une forte garnifon ;
il affure , comme j'ai eu l'honneur , M. le Préfident
, de vous l'annoncer ce matin , que cette
ville eft dans le meilleur état de défenſe poffible
; il ève fon camp pour fe diriger veis Châlonsfur
Marne ; vous me permettrez , M. le Préfident,
de ne pas publier ici la marche qu'il doit
tenit, vous fentez que c'est le fecret de l'Etat.
I promet , au furplus , de s'ente de avec les
Généraux de nos autres armées , pour repouffer
l'ennemi, »
Jobferverai que l'opinion de ce Général
éclairé cft , que ce feroit le comble de la folie ,
de la part des ennemis , de vouloir pénétrer juf
qu'à Paris , & qu'il ne croit pas que ce foit teur
projet. Il laiffe devant Thionville une partie des
troupes Autrich cnnes qu'il auroit bien voulu atta
quer, s'il n'avoit pas été plus convenable de voler
au plus preffé. »
M. Kellermaun fait exécuter , avec plaifir ,
l'excellent Décret qui débarraffe les Sous - Officiers
de leurs fafils, & toute la Cavalerie de fes moufquetons
, pour armer les Volontaires Nationaux de
nouvelle levée. »
Autre lettre du miniftre de la guerre au préfident de
l'Affemblée nationale , du 7 Seprembre 1792.
30 M. LE PRESIDENT ,
Je viens de recevoir une lettre de M. le Ma
·( 140 )
réchal Luckner, & une de M. Dumourier ,
je m'empreffe de vous donner connoiffance , »
M. Luckner m'annonce qu'il lâre , le plus qu'il
lui eft poffible , l'organiſation des troupes à meture
qu'elles lui arrivent, »
« Il m'annonce une infraction aux loix qu'il eft
inftant de faire ceffer. C'eft un empêchement
qu'ont mis au départ d'un convoi de farines qui
paffoit par Siffons , des bataillons qui s'y font
réunis. Vous fentez , M. le préfident , que
fi un
-pareil exemple étoit fuivi , la France ferait perdue.
Je viens de faire partir un courrier extraordinaires,
pour avertir M. la Bourdonnaye de cette contravention
, & pour lut preferire de la réprimer fans
adéki,
« M. Dumourierm'envoie une dépêche du plus
grand intérêt ; elle contient le détail de ſes projets
pour arrêter la marche de l'ennemi , s'il veut pénétrer
en France , & de ſes plans , fi au contraire
il veu retourner dans les départemens de la Meuſe
& la Molelle , &c. »
Je ne puis qu'approuver les vues de M. Da
mourier, parce qu'elies font exactement conformes
aux miennes. »
« Pardes mouvemens que le Général a faits , il
aura , avant très - peu de temps , fous les ordres .
35,000 hommes d'excellentes troupes qui , plenes
d'ardeur , de civilme & de confiance en leurs chefs,
formeroient une barrière impénétrable.
>
« M. Dumourier m'annonce que la ville de
Rheims lui a offert 1500 hommes , dont 800 grenadiers
armés & habillés , & quatre pièces de
canon . Ge renfort joindra aujourd'hui le Gé - éral
. Il est bien important , M. le préfident , que
les François fuivent ce bel exemple: mais nous ne
pouvons trop le redire , ce font des hommes ar141
; més qu'il nous faut les autres , loin de nous fervir,
nous nuifeat. »
« Le Général Dumourier tranfmet ici une anecdote
qui trouvera place dans l'hiftoile , & qui
sûrement obtiendra des applaudiflemens & des
témoignages de reconnoiffance de la part du corps ,
légiflatif. »
« Cent- dixhommes de la petite ville de Mouzon ,
prefque tous vétérans , ont abandonné leurs foyers
& leurs propriétés , ont fauvé leurs drapeaux , &*
ont ramené deux chariots remplis d'effets appar
tenans à la nation . Ils ont fait une retraite honstable
devant l'ennemi fans être entamés , & font
venus fe joindre au camp de Grand - Pré ; cù je les
ai logés , & d'où ils ont juré de partir avec moi
pour faire la campagne. »
Si les habitans de Longwy & de Verdun
avoient montré le même courage & le même patiiotifme
, la France ne feroit pas encore entamée. »
Je crois néceffaire de rendre compte de ce
trait honorable à l'Affen blée nationale , & de
folliciter une récompenfe pour ces braves gens.
cc.
Lettre du miniftre de la guerre au préfident
de l'Affemblée nationale, le 7 Septembre qu
foir, l'an 4. de la liberté , & le 1º de l'é•
galité.
M. LE PRÉSIDENT ,
J'ai reçu depuis ce matin un courrier expédié
par M. Kellerman : la lettre qu'il m'a écrite eft
datée de Toul , elle eft du 6 de ce mois , à j
heures du matin , »
M. Kellerman , après avoir achevé de met
sie la ville de Metz en un état impofant , y
( 142 )
avoir fait proclamer avec pompe la ville en étae
de fiège , & s'être affuré , en un mot , qu'il
pouvoit s'en éloigner fans danger , s'eft mis en
marche (ut Pont- à : Mouffon ; il a joint le fecours
qui lui venoit des bords du Rhin , & s'eft porté
fur Toul. Qrant à la fuite de fa marche , M.
Kellerman me dir : »
« Je veux la faire , fans , mettre dans ma confidence
bien des gens indifcrets , ne connoiffant
que cette mefure pour parvenir à des fuccès . »
« J'effè e que le corps lég flatif me permettra
de ne pas traher le fecret du général Kelleiman
, qui eft celui de l'état , & par conféquent
celui de l'Affemblée nationale , »
« M. Dumoutier m'annonce enfin qu'il me donnera
inceffamment de fes nouvelles ; que les
mouvemens de l'ennemi lui , ferviront de règle ;
car , dit-il , comme je fais toujours prêt je lève
le piquet d'une heure à l'autre .
Autre lettre du miniftre de la guerre au préſident
de l'Affemblée nationale , du 8 septembre 1792.
M. LE PRÉSIDENT,
3714.
J'ai reçu depuis hier quatre couriers , un de
M. la Bourdonnaye , un de M. Damourier, un
de M. Moreton , & un de M. Luckner, »
2
M. la Bourdonnaye m'écrit de Soiffons ; il
m'annonce que les farines que M. Luckner
croyoit arrêtées à Soiffons , lui font parvenues :
cette nouvelle me fait grand plaifir fous tous les
les rapports.
« Il m'annonce encore qu'il a fait partir pour
Châlons tous ce qui eft néceffaire pour l'établifement
& la formation du camp deſtiné à couvrir la
7439
il caphale, Ilme mande qu'il le rend à Rheims
a été fort content du dil rift de Soiffons . Du mo -1
ment ou tous les citoyens concourront au falut de
l'écut ne fera plus compromis . » ·
M. La Bourdonnaye me prie de prendre des
moyens pour empêcher les citoyens non armés de
ferdre aux camps , Quoique j'aic emiloyé pour
Parmesir à ce but des moyens que je crois puiflans,
car j'ai parlé du falut de la patrie ; je penfe fepen- 1
dant , que fi Aflemblee nationale daignoit inférer
on mot fur.ect objet , dans la première adreffe
qu'elle fera parvenir aux départemens , elle rendroit
un fervice important à la chofe publique ,
La dépêche de M. le Maréchal Luckner ne
ne contenoit que des détails purement militaires .
M.Dumourier oft toujours à lon camp de Grand-
Pré il m'annonce que le le camp Pruffien étoit ens
core a Homerville près Verdun, le Général , toujours
plein d'activité & de prévoyance , a pris des
moyens qui me paroiffent propres à lui faure connekre
les mouvemens des ennemis , & il a formé
des projets qui me femblent bien capables de contrarier
ceux qu'ils voudroient farmer
M. Moreton m'annonce le départ des fecours
demandés par M Dumourier me fair combître
les moyens dri 2 employés poujéqué ten énnemis.
nepuiflentprofiter de l'éloignement monion tané de
nós armées.39219%
s_2111, 23. 90p asla ab
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Le Minifase de la Guerre au Président de LAf
Jemblée Nationale le 10
Senigalité
,
Lan 4. de la liberté & le 1. de l'égalité,
M. LE PRÉSID T ,
« Je viens de recevoir des dépêches des géné
raux Kellermann , Biron & Ruault, »
(54 )
M. Kellermann m'annonce qu'il eft arrivé
Void , & qu'il va marche fur Lignyl fé loue s
infibiment de la bo ne volonté dont fon armée eft ,
animée , de l'ordre qu'el'e a gardé , "" &" dela
dfcipline dont elle a donné des preuves. Ce
général eft , comme vous le voyez , M. le Préd
fident , très à portée de fe joindre à MM . Du
mourier , Labourdonnaye Labourdonnaye & Lukner, Aisfiyq
le chemin de Paris me paroit infiliment difficile
à parcourir.
M. Bironi ne meʼfair part que de détails mili
taires ; le rerritoire confié à fes foins je uit d'un
calme très-beureux: »,
M. Ruault me fait part de fes craintes fur
Lille Quo que je n'ai pu voir les objets fous
le même point de vae que cer Officier - général
je n'ai point nég igé de lui indiquer des moyens, ¶
& de lur envoyer des fetours, olivu moh » ~ 10 .
Je n'ai reça alitun nouvelé de Valenusi
cichoes , ce filence Ut pour mid dun heureurs
augure ; j'ai écrit à M. Dumoufler , je l'engage
à donner des foins particuliers à cette par ne de fon
commandement .
#17005 ] 225 ? 36
Vision_LOV Wup xus 387673
am dues ennemis, ont fait fommer la , ville de
Thionvilles la paponfe forme que les cursmili
raités & adminiftrarifs ont faise , me donne fung
lieu de penfer que les étrangers a pendront cyfia
ue nous favons défendre nos places , & que
ks
François tiendront le ferment quits sour fair
de defendre jufqu'à la mort , la liberté & j'égalité,
Anbg zob zorladqah 2b siovsoon 55 29 I »
« iloul stevid i
JOURNAL
HISTORIQUE
-P
ET
&x !
POLITIQUE.
FRANCE.
De Paris , le 20 Septembre 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE
Du Dimanche 9 Septembre."
L'INCIVISME du for . régiment ci - devant Lié
geois , les excès auxquels il vient de fe porter
contre fon colonel , font tels , que l'Affemblée
n'a vu qu'un feul moyen d'arrêter les défordres de
ce corps , celui de le licencier ; en conféquence elle
charge le pouvoir exécutif de prendre les mesures
néceffaires pour opérer ce licenciement , placer
les officiers patriotes & former telle légion qu'il
trouvera convenable au bie du fervice en confer-
Vant les foldats qui auront donné des preuves d'o
béiffance & de difcipline.
No. 38. 22 Septembre 1792 G
( 146 )
Sur la propofition d'un men bre , l'Affemblée
décrète
que les mo's feel royal qui le trouvent
dans les actes rotariés , feront convertis en ceux de
fceau de ta nation .
V
Des volontaires de Béfort font allés avec du
cano s'emparer de la vile de Montbelliard qui
appartie au duc de Wurtemberg avec lequel
nous ne fommes point encore enguerre. Le minif
tre des affaires étrangères qui annonce à l'Affemblée
cette infraction au droit des gens , ajoute que
le directoire du Haut Rhin vient de prendre des
mefures pour la reflitution de cette place .
Ge
qui
Des pétitionnaires viennent demander qu'il feit
poté une loi qui fufpende, les pou fuites pour
detres contre les citoyens qui font au fervice de la
patrie fur les frontière . Renvoyé au comité de
lég flation. Sur la
deferd
ande duaumixnigftarreçodnes
la guerre , le décret
boulangers de s'enrô er , eft étendu aux ouvriers
en fer . & en bois . → Sur la propofition de M.
François de Nantes il eft décrété que le gouverneme
te achètera les fufils de munition, de
réforme qui font dans les magafins des négocians
qui font le trafic fur la côte de Guinée .
M. Damas , au nom du comité militaire , f it
décréer la formation d'un corps de chaffeurs à
cheval fous le nom d'huffards braconniers . M. Andrieu
eft au orifé à faire la levée de ce corps. C'est
ainfi que plufieurs perfonnes fe font offertes pour
différens corps de troupes légères , & l'Affemblée à
eru devoir accueillir leur ze e . Mais des plaintes
parvenues au comité de furveillance contre un
pa ticulier qui avoit été autorifé à lever une ligion
déterminent l'Aften blée à lui retirer la cor fiance ,
& à ordonner le rapport de fon décret , & pour
qu'un faux zèle ne puifle , dans aucun cas , fervir
(
1-47
de mafque aux enremis de la choſe publique , elle
iend le décret fuivant :
« Art. I. Il ne fera plus à l'avenir , & juſqu'à
ce qu'il en ait été au repeat ordonné ,
formé aucan
cops de troupes légères , fous que'ques dénomisation
que ce puiffe être , avec état- major &
adminiftration particuliè e. »
« II . Toutes les troupes légères , foit à pied ,
foit à cheval , feront à l'avenir levées par compagnies
franches , conformément aux décrets qui
ont déterminé leur formation , leur folde & leur
fervice , & pour lefquelles le pouvoir exécutif eft
fuffisamment autorifé par les loix antérieures . »
III. Tout citoyen , qui fe prop fera de lever
une compagnie de troupes légères , fera tenu de
faire afficher , pendant trois jours , dans fa fection
, ou dans fa municipalité , fon nom , le précis
de fes fervices , ou de les titres civiques , & fa
profeffion , & d'en rapporter un certificat , foit à
l'Affemblée , s'il préfente une péti ion , foit au
pouvoir ex'cutif , s'il s'adreffe directement à
lui. »
$
cc
« IV. Tout citoyen qui voudra s'engager dans
un corps de nouvelle levée , fera tenu de produire
un certificat de civilme de fa fection , ou de
fa municipalité , d'une date poftérieure au premier
feptembre de la préfente année , & de juſtifier d'ailleurs
qu'il a fait un fervice actif & perſonnel dans
la garde nationale . »
Sur la propofition de M. Rulh , l'Affemblée décrète
que les pères dont les fils n'habitent pas la
même municipalité qu'eux feront tenus d'y jufti- ,
fier de leur réfidence dans le royaume . A défaut
de faire cette preuve , leurs enfans feront préſumés
émigrs , & les pères feron: tenus de Payer aux
receveurs du diftri&t l'équipement , armement &
G
( 148 )
―
entretien d'autant de volontaires nationaux qu'ils
auront d'e fans hors de la municipalité. M.
Muraire , membre de la commiffion de farvei lance ,
à laquelle avoit été renvoyé l'examen de la malheureute
affaire de Charleville , fait décréter que
l'Affemblée nationale pour empêcher qu'à l'avenir
P'erreur du peuple n'occafionne des malheurs fenblables
au meurtre de l'ingénieur - fabricateur d'armes
à Charleville , enverra huit commiffaires pris
dans fon fein Pour furveiller dans les différentes
manufactures d'aimes du royaume , l'exécution
des loix relatives à la fabrication des armes .
* Une émeute fâcheufe a eu lieu à Caen . Le
procureur - général- fyndic y a été maffacré , L'A
femblée apprend que le calme y eft actuellement
rétabli . Les électeurs de la Sarthe en
envoyant à l'Aſſemblée la lifte des députés de
ce département , à la convention nationale.
ajoutent que fi le même patriotilme anime tous
les autres mandataires du peuple François , on
pourra mettre fur les affiches : Trône à vendre.
Du dimanche , féance du foir.
Le miniftre de la guere préfente , à la barre ,
M. Berruyer , lieutenant - général deftiné à commander
le camp de Paris . L'Affemblée reçoit fon
ferment. M. Servan ajoute , que plufieurs perfontes
lui ayant témoigné le defir de connoître
le nombre des hommes qui compofent nos armées
, leur pofition & l'état de nos places ,
attend fur cet objet le veu de l'Affemblée ; mais
qu'il croit imprudent de réveler des fecrets qui
pourroient éclairer la marche & les entreprises de
l'ennemi . L'Affemblée paffe à l'ordre du jour .
2
Un mouvement d'indignation s'étoit manifefté
( 149 )
dars la ville de Beaune , à l'occafion d'hommes
fufpectés de trabiton par le peuple , la munici
palité á cra devoir les faire enfermer , & elle
en prévient l'Allemblée par une députation qui
annonce , que cette mafure a été exécutée lans
malheur , & que tout eft rentré dans l'ordre .
-
L'Aflensblée ftatue que le décret qui établit
des tribunaux pour juger
les
crimes de confpi
ration , fera étendu à tous les départemens .
Le ministre des contributions publiques vient
fe plaindre de la difficulté qu'éprouve le confeil
exécutif provifoire , à obtenir l'expédition
des décrets . Il en eft de très- urgens , dont l'envoi ,
eft retardé d'une maniè e remarquable , d'autres
fe font égarés dans les bureaux ... L'Affemblée ,
pour obvier à de pareils inconvéniens , décicte
qu'il y aura deux commis , près du bureau des
fecrétaires , pour prendre copie des décrets rendus
, & que les commis de bureaux qui auront,
donné des preuves d'incivifme feront renvoyés .
Sur la propofition du même miniitre , l'At
femblée ftatue que toute l'argenterie qui fe trouve
actuellement dans la tréfo: erie nationale , fera
diftribuée dans les hôtels des monnoies , pour
y être convertie en eſpèces . Elle fait droit!
aux réclamations des fous - oficiers & gendarmes
de la ci- devant maréchauffée en décrétant :
de Art. Jer . Les fous - efficiers & gendarmes
faifant partie de la ci - devant maréchauffée , & .
qui , d'après Particle 1er ou . de la loi du
29 avril dernier doivent être payés de lear traitement
, à compter du 1er janvier 1791 , fur
le pied fixé par l'art. IV du titre IV de la bi
du 16 février de la même année , recevront
pour tenir lien de fupplément au traitement qu'ils
- ont reçu , & pour toute indemnité
; favoir
G 3
A 150 )
chaque maréchal des logis , 300 liv .; chaque
brigadier , 250 liv. ; & chaque cavalier , 23 1 .
Cette indemnité aura lieu indépendamment du
compte de la maffe pour 1791. La gendarmerie
nationale du département de Paris n'eft pas comprife
dans la difp fition de l'article précédent
non plus que les fous officiers & gendarmes qui
faifolent partie de la ci- devant maréchauffée de
Pin de France ; ces derniers auront le droit feulement
au compte
de la maffe . »
« En conféquence du piéfent décret , l'Af
femblée nationale amende les difpofitions de l'art .
1er. da tit . V de la loi da 29 avril dernier. »
L'Affemblée. règle enfu te par un décret, I :s
indemnités dues aux officiers & follat des régimes
de life de France & de Pondichery . A
cet effet , elle met à la difpofition du miniftre
de la marine une fomme de 150,000 liv.
Fut
La récolte des bled a été , en général , abondante
cette année ; la France a dans fon fcin
passatiegrains qui nou pour la fubfftance
de fes habitans . Mais les entiaves que
l'on met à la circulation de cette denrée dans
l'intérieur , & les approvifionnemens qui fe font.
pour nos armées & pour certains départemens ar
d'un autre côté , le manque de bras dans les
campagues pour battre 1s grains , font les prin-,
cipales caufes du défaut d'approvifionnemens des
marchés . C eft pour y ramener l'abondance , que
l'Affemblée après avoir entendu fon comité de
commerce & d'agriculture , tend le décret fui- .
vant :
ce Art . I. Les municipalités font autorisées à
retenir chacune dans fon arrondiffement , le nombre
d'ouvriers néceffaires pour le battage des grains-
& la culture des teries. »
(( 151 ))
o II. Les corps administratifs fe feront rendre ,
compte par les municipalités de l'état de l'ap
provifionnement des marchés ils pourront
d'après les renfeignemens qui leur feront don
nés , faire les réquifitions , & donner les ordres
nécefaires à tous les propriétaires , cultivateurs
& fermiers qui ayant des grains , négl geroient
d'en porter aux marchés de leur arrondiffement
refpectif.
III. Le confeil exécutif provifoire , tien
dra la main à l'exécution des décrets relatifs à
la libre circulation des grains , dans l'intérieur
du royaume. Il donnera les ordres les plus précis
pour que les loix n'éprouvent point d'obſtacles
dans leur exécution ,
Du lundi , 10 feptembre.
L'Affemblée entend la lecture d'une proclama
tion de M. Dumourier aux citoyens & à la garnifon
de Sedan pour la récept on du maréchal - decamp
Miazinski , ci - devant général Polonois ,
comme commandant de cette place . Il leur annonce
un renfort de 15,000 hommes .
.
Pour l'ordre de la comptabilité & pour la fûreté
du fervice des camps , l'Aflemblée décrète , fur la
propofition du ministre de la guerre , que le pou
voir exécutif eft aurorif à employer au fervice de
l'armée deftinée à la d fe fe de Paris , le nombre
de commillaires de guerre qu'il jugera néceflaire
pour furveiller les differens détails de l'adminiftrationvic
2
Sur le rapport de M. Vermeilh , le décret fui
vant eft rendu :
L'Aſſemblée nationale conſidérant qu'il eft
de fa juftice , autant que de l'intérêt public , de
prendre au plutôt les mesures néceffaires pour
G 4
·( 152 )
affarer les acquifitions faites par le Roi , au nom
de la Nation , décrète qu'il y a urgence. לכ
3
L'Afemblée nationale , ouï le rapport de fon
comité de lég flation , & après avoir décrété l'urgence
, décrète ce qui fuir :
A t . I. A compter du jour de la publication
du préfent décret , l'ulage des formalités
établies par l'édit du mois de juillet 1693 , pour
purger les hypothèques des biens acquis par le
pouvoir exécutif au nom de la nation ,
abrogé, »
eft
« II. Les acquifitions faites jufqu'à ce jour ,
dont les hypothèques n'auroient pas encore été
purgées, & celles qui pourront être faites à l'avenir
parle pouvoir exécutif, aunom de la nation, feront
foumifes à la formalité d'´s lettres de ratification ,
fuivant les règles établies par l'édit du mois de
juin 1671.3
III. Ces lettres feront prifes à la diligence
des commiſfaites nationaux près les tribunaux de
diftrict ou d'arrondiffement , dans le reffort defquels
feront fitués les biens vendus ou aliénés ,
a IV. Elles font affranchies de tous droits dus
d'après l'édit de 1771 , lefquels ne feront portés
que pour mémoire fur les regiftres des receveurs
chargés de leur perception , & elles feront fcellées
far la fimple repréfentation du vifa dès percepteurs
, qui tiendra lieu de la quittance des
droits. »
#
.b
V. Les procédures commencées dans les cidevant
parlemens , & autres tribunaux , fuivanci
l'édit de 1693 , qui n'auroient pas été terminées
par arrêt définitif, & dans lesquelles le prix des
acquifitions n'auroit pas été configné , font &
demeurent fupprimées . Il fera pris furtles contats
defdites acquifitions , des lettres de ratifi -q
( 153 )
cation , conformément aux articles II & III du
préfent décret . »
2
« VI . Les créanciers qui , dans le cas de l'aticle
précédent , auroient formé des oppofitions
aux greffes des ci - devant parlemens , fuivant
Fédit de 1693 , ferent tenus de les renouveler ,
fuivant les formes prefetites par l'édit de 1771,
à peine de déchéance de leurs hypo hèques. »
ל כ
VH. Pour donner un temps fuffifant à ceux
qui peuvent prétendre des priviléges ou hypothèques
fur les immeubles acquis par la nation ,
de faire leurs oppofitions , il ne fera fcellé , à
cet égard , aucune lettre de ratification , que
trois mois après la publication du préfent décret.
>>
Un article de la conftitution civile du clergé,
défend à toute églife , ou paroiffé de France de
reconnoître en aucun cas l'autorité d'un évêque
ordinaire ou métropolitain dont le fiége feroit
établi fcus la domination d'une puiffance êtrangère.
Cette loi eft restée fans exécution dans les
colonies Françoifes . Le Pontife Romain y exerce
par des préfets apoftoliques une jurifdiction di
recte fur les minifties du culte catholique établi
dans ces ifles. Ce font des moines qui difpolent
de toutes les cures , en vertu du pouvoir que
leur en a délégué l'évêque de Rome, Cet abus
dénoncé par M. Torné , eft extirpé par un déeret
de l'Affemblée qui fupprime les préfets apol
toliques dans les colonies Françoiles . {Mais Vörfque
M. Torné a propofé enfuite de faite nommer
par le pouvoir exécutif des commiffaires natio
naux eccléfiaftiques pour remplir provifonement
les fauteuils des préfets , cette propofition non
moins abufive , eft éconduite par la question
préalable . G
( 154 )
9
Des vifites faites dans différens , arfénaux &
magafias , ont montré quantité d'armes que perfonne
n'y foupçonnoit , l'Aßemblée inftruite , de
ces fraudes , décrète que tout garde magafin , inf
pecteur des ailénaux , &c. qui ne fera pas dans
la huitaine la déclaration des armes confiées à fa
garde , comme de celles qui feroient cachées dans
les magalius , fera pui de fix ans de fers . -
Après avoir procédé à l'organifation d'une nouvelle
compagnie dite de Bons Tireurs , l'Affenblée
prononce que les citoyens enrôlés dans les
differens corps de troupes légères , ne pourront
partir qu'après avoir , pardevant des commiffaires
du pouvoir exécutif , juftifié par acte authentique
de leur civifme .
Lofque la patrie eft en danger & que fes
belos font urgens , il n'eft point de lactifice
qu'elle n'ait droi ; d'attendre ; mais les pPremières
refources qu'elle réclame font celles qui peuvent
être employées fans furcharger les citoyens . De
Le nombre font fans contredit les meubles &
effets en or ou en argent , à l'ufage du culte
ebjets de puse oftentation & qui e conviennent
nullement à la fimplicité qui doit accompagner
Je fervice divin . Ceft par ces motifs , & for ug
Japport du comité des manncies que l'Aſſemblée
rend le décret faitanter
ArtIl fera fait dans les 24 heures qui
fuivront la publication du préfent décret , par des
chayens que che, if ont les confeils généraux des
communes , pris dans leur fein , un état exact
& détaillé de tous les meubles , effets & uftenfiles
en ot & en argent qui le trouveront dans
shaque églife, cathedrale paroifigle , fuceurfale ,
oratoire ou chapelle quelconque . Cet inventaire
vidu.
70
& IS ST
contiendra la défignation de chaque pièce , fa
nature & fon poids.
"
« II . Ces cff:ts feront , dans le jour fuivant ,
à la diligence & fous la refponfabilité de la municipalité
, envoyés , une copie de l'inventaire
, énoncé dans avec
récédent
, au di ectoire
du district , qui en don era décharge aux
municipalités , avec la même défignation . »
3.
II . Le directoire du district enverra , par
la voie la plus sûre & la plus prompte , à mesure
de leur réception , toutes les pièces d'or & d'argent
qui lui parviendront , à l'hôtel des mounóies
le plus voifin de fon territoire , avec une copie
de l'état détaillé qui en le - a formé , contenait
la défignation , 1º . de l'églife d'où elles proviennent
; 2°. de la nature de chaque pièce ;
30. de fon poids , »
CE IV. Une autre copie de ce même état , fera
adreflée , par le directoire du diftrict à celui du
département , qui la tranimettra , fans délai , au
miniftre des contributions publiques .
ce
25
V. Le directeur de la monnoie , après avoir
vérifié le nombre , les pièces , les poids des
pièces , comprifes en l'état , fera paffer au precureur
général - fyndic du département une reconnoiffance
portant décharge , & celui - ci en enverra
ue au directoire du district . »
VI. Ces pièces , à l'inftant de l'arrivée
feront convertis en monnoie , qui fera employée
au paiement du prêt des différentes armées francoifes.
сс
33
195
inf-
VII. Les frais de caiffe & emballage , fot
de la part des municipalités , foit de la part des
diftricts , feront remboursés fur le mémoire jetqui
fera arrêté par le directoire du difia ,
par celui du département . Le
Vife & appo
G ?
156 )
receveur du diftrict en fera l'avance fauf le
remplacement dans fa caffe par la trésorerie nationale.
CC
VIII. Le directoire de la monnoie paiera
& avancera le port des caiffes qu'il recevra fur
la facture dont feront porteurs les voituriers , &
ces débourlés lui feront alloués en dépenfes.
CC
ود
« IX. Sont exceptés des difpofitions du préfent
décret les calices faints - ciboires & autres
vales faciés feulement. "
« X. Le pouvoir exécutif eft chargé de donner
les ordres les plus exprès & les plus pofitifs pour
le prompt envoi & l'exécution du préfent décret.
»
Du lundi , féance du foir.
Une députation de la commune de Paris , com
munique à l'Affemblée une lettre écrite par M.
Billaud commilaire à Châlons. Il a trouvé
cette ville dans un état de quiétude , allamant .
Il a cra y voir règner le même efprit qui animoit
Longwy & Verdun . Rien n'étoit encore
commencé pour la formation du camp. Les provifions
né font point proportionnées aux grands
raffemblemens qui vont s'y former. Ony manque
d'armes & d'effets de campement. Cette lettre
a excité quelques inquiétudes. M. Charlier a
raffuré l'Affemblée fur les bonnes difpofitions de
fes concitoyens les Châlonois ; il a obfervé que
Châlons n'étant point une ville de défenſe ,
mefure que les volontaires arrivoient on les
envoyoit à MM. Kellermann & Dumourier.
Le miniftre de la guerie propofe de faire entrer
les volontaires nationaux , qui ne font ni
armés ni habiliés , dans les troupes de ligne
ou les armes & les habits leur feront fournis
}
plus ailément. Renvoyé au comité militaire.
Sur les 1,300,000 liv affectées à la formation
du camp de Paris , 489 389 liv . font dépensées.
Le refte eft deftiné aux hôpitaux militaires . Le
miniftre demandé un million . Accordé..
+
Les vataires de la fection de l'Arfenal , à
la veille de leur départ , viennent rendre leurs
hammages à l'Aflemblée. Ils font accompagnés
d'une troupe d'enfans aveugle - nés qui , pendant
qu'ils défilent exécutent l'air : Aux armes
citoyens. Cette fcène touchante augmente encore
d'intérêt par fempreffement de l'Affemblée
, à venir au fecours de ces infortunés . Elle
décrète , après avoir entendu fes comités réuflis
d'inftruction publique & des fecours publics .
- Art. I. Que les penfions gratuites accordées ,
pour l'année 1791 , àvingt- quatre élèves de l'établiffement
des fourds & muets, par l'art . IV de la loi du
29 juillet 1791 , & 230 élèves de l'établiffement
des aveugle- nés , par l'article II du décret
du 28 feptembre de la même année , continueront
à être payées par la trésorerie nationale
jufqu'au moment de la nouvelle organiſation de
l'inftruction publique.
CC
II . Le pouvoir exécutif employera tous les
moyens qui font à fa difpofition pour faire jouir ,
dans le plus bref délai , l'établiffe ment des aveuglenés
des fommes qui lui font attribuées par le
décret du 28 feptembre dernier , en prélevant
y a lieu , la part que peuvent réclamer
ceux des 30 élèves qui n'ont pas été nouris
dans l'établiffement , ou qui ont des droits à èrèr
cer für lefdites fommes , à quelque titre que c
foit. 6751 and purembiraqah ub othè
S'il
III. Le pouvoir exécutif fixera , fans délai ,
d'après la loi & les principes de l'équité Vé
7 +58 )
poque où doit commencer le traitement de chacun
des maîtres qui ont été ou font encore en
activité dans l'établ flement des aveugle - nés . 4 "
IV. Il prendra les informations les plus pofitives
pour s'affrer du degré d'utilité de char
cune des places de maîtres , qui reftert à remplir
dans ledit établiffement , & il en tendra
compte à l'Aemblée , pour y être flatué par
elle,
ן כ
Un citoyen qui part pour l'armée , & dont la
fortune confifte en rentes viagères fur l'état
demande que les rentes , affiles fur la tête feulemet
, foient reverfibles fur celle de fon père,
s'il peric, en combattast . L'Affemblée apouve
cette pétition, Elle décrète , en termes généraux
, que les rentiers viagers fur l'état , qui périront
en combattant pour la partie , tranfmet
troot for lay tête de leur héritier leur lente viar
gèredati shax0 % 57 % 5ふる
1
Dù mardi , 11 Septembre .....
03
L'Affemblée ordonne le defsèchement des étangs
dont les caux ftagnantes infectent l'air & les rendent
infalubres . Elle deftine en même temps une fomme
de 499,999 liya à l'encouragement des découvertes
utiles à l'agriculture .
Le tribunal criminel de la ville de Paris eft admis
à la barre. Il annonce qu'un raffemblement confi
dérable demande le jugement prompt de deux particuliers
prévenus d'avoir enlevé la caifle de lear
régiment , Pour garantir la justice aux acculé ,
l'Aſſemblée défère le tribunal connoîtra
provifovement de tous les crimes commis dans
l'étendue du département de Paris. Il fera nommé
par chaque des dits du bourg de l'Egalité & de
Sunt-Denis , deux jurés d'accufation , & deux
1459
) jurés de jugement dont il fera formé une lifte.
léparée , & ils ne feront convoqués que pour le
jugement des délits commis dans l'étendue defdits
districts .
Le département de la Seine inférieure écrit à
l'Affemblée qu'il envoye de l'artillerie à Paris &
des volontaires à l'armée , le département a feize
mille hommes devant l'ennemi.
D'après un rapport fait au nom du comité militaite
, ii fera remis à la difpofition du miniftre
de la guerre une fomme de trois millions pour
être employée aux travaux extraordinaires des
fortifications pour l'année 179-2, Les plombs
& fers qui le trouvent maintenant dans les maifons
royales feront convertis en bailes & mitrailles.
*
Les citoyens qui ont acquis des biens natio
naux dans l'efpoir du remboursement des dîmes
inféodées qui ont été fupprimées par le décret du
2.5 août de nier , peuvent le trouver par cette
fuppreffion , hors d'état de payer le prix de leurs
acquifitions, En leur accordant la faculté d'y renoncer
, " Affemblée établit dans le décret fuivant
les formes qu'ils auront à fuivre .
« Art. I. Les acquéreurs de biens nationaux
qui n'ont point donné en, paiement du prix de leur
acquifition , le montant des liquidations définitives
qu provifoires qui leur ont ét délivrées , à raifon
des dîmes infeodées par cus prétendues , ainfi que
ceux qui auront juſtifié ou juſt hieront dans les dé.
Jais & les formes preferites par les décrets , qu'il
leur étoit dû des dîmes de cette inlture , auront la
faculté de renoncer à leur acquifition . » wegh , is
1 II. Is ferent tebus de faire cette renonciaa
tion dans le délai de deux moin, à compter de cé
jousikau feciktariat: del chaque dio ectonesdundeg
( 160 )
trict , de la fituation des biens vendus , fous peine
d'en demeurer déchus fans retour , & d'être pourfuivis
pour l'exécution de leurs adjudications ,
comme tout autre acquéreur . »
« III. Les fommes que les renonçans auront
payées leur feront rendues par les receveurs de
diftrict dans la caiffe defquels elles auront été verfées
, fur la repréfentation de l'acte de renonciation
, certifié par le directoire du diſtrict , & viſé
par celui du département ; l'intérêt desdites fommes
demeurera compenſé avec les jouiffances per
çues. "
« IV. Les biens ainſi rentrés dans les mains de
la nation feront remis en vente dans les formes
preferites par les décrets. »
Diverfes plaintes portées , tant fur l'inciviſme
de plufieurs commiffaires des guerres , que fur la
lenteur des procédures qui s'inftruifent dans les
cours martiales , déterminent l'Affemblée à prononcer
la fuppreffion des commiffaires auditeurs qui
les préfident. Le miniftre de la guerre eft autorifé
à augmenter , felon les befoins de l'armée , Mes
commiffaires ordonnateurs , & à deftituer ceux
qui , par incivifme ou incapacité , feroient inhabiles
à exercer des fonctions où la confiance la
plus active eft abfolument indifpenfable . Le comité
préfentera inceffamment un nouveau plan fur l'organiſation
de la cour martiale & les jugemens militaires
.
Du mardi , féance du foir.
si Deux commiffaires nommés par le pouvoir exécutifpour
aller prendre les renfeignemens néceffaines
fur l'état des prifons & les procédures de la
haute- cour nationale , fe préfentent à la barre
pour rendre compte de leur million 5 Affem
( 161 )
I
2
blée les renvoie au pouvoir exécutif qui, les a
nommés.
Sur la propofition de M. Dumas , au nom
du comité mi itaire , l'Affemblée rend deux décrets
. Le premier , relatif aux Officiers licenciés de
la gendarmerie nationale du département de Paris ,
règle, les penfions auxquelles ils ont droit de
piétendre , en proportion de leurs fervices ; le
fecond accorde aux volontaires formés en troupes
quelconques , conformément à la loi , par le
pouvoir exécutif, un fupplément de paie de
10 fo's , depuis le jour de leur infcription juſqu'à
celui de leur départ inclufivement.
Les adminiftrateurs de la caiffe d'efcompte
offrent d'échanger contre des affignats' une fomme
de 900,000 liv. L'Affemblée accepte cette offre
généreufe & déclare qu'il en fera fait mention honorable
dans fon procès- verbal. Te
L'Affemblée avoit mis à la difpofition du pouvoir
exécutif la fomme de deux millions pour les
dépenfes extraordinaires & fecrettes. Les miniftres
fa font partagés cette fomme pour les befoins de
leur département refpectif. M. Cambon obferve
que cet arrangement eft contraire au décret qui
détermine que la dépenfe de ces deux millions
fe feroit en nom colle &if. Le miniftre des con- i
tributions publiques vieat juftifier l'emploi de la
fomme qui lui eft échue parles facrifices que le gou- ,
vernement doit fouvent faire au befein de l'arion
de la confiance & du courage . L'Affen bléc palle à
l'ordre du jour.ai 19x ^no
mal .
M. Chabot , au nom du comité de furveil- 1
lancety rend compte de l'arreftation d'un des
principaux agens de la contre- révolution qu'il net
veut pas nommer , parce que le fecret; eft encore
néceflaire. H dépofe fur le bureau 27,191 .
( 162 )
en or , défignés fous le nom de feuilles dans un
bil et que le particulier a voulu , mais en vain ,
fouftraite.
Livré à la furveillance d'un jeune volontaire
nommé Duchalat , garçon menuifier , il a fait de
nouveaux efforts pour l'engager à bi laiffer déchirer
le billet ci - deffus ; fous l'appât de 3,000-1.
Gardez votre or , a répondu le volontaire ; tant
que j'aurai du pain & de l'eau pour faire la guerre
aux contre- révolutionnaires ,jeferai content: L'A
femblée applaudit & accorde une gratification de
300 liv. au jeune Duchalat. ~
Du mercredi , 12 Septembre.
Au nom du comité des finances , M. Baignoux
fait décréter la continuation pour 1792 des lecours
accordés en 1791 aux hôpitaux & aux colléges,
Le même membre expoſe à l'Affemblée combien
il importe à l'intérêt national de connoître fans
délai les rentes & penfions qui peuvent appartenir
aux émigrés , pour en prononcer la radiation &
fur fa propofition , l'Affemblée décrère que los
payeurs des rentes , tréfotiers & autres agens du
pouvoir exécutif feront tenus de fournir dans le
delai de deux mois & fous peine de refponfabilité
un état des rentes & penfions qui n'autort
pas été payées à défaut des certificats de réfi -1
dence exigés par la loi , lefquels états, feront
adreffés au miniftre des contributions publiques/
qui les tranfmettra à l'Affemblée nationale pour
la mettre à portée de prononcer la radiation des
rentes & penfions des émigrés .
Voici la rédaction du décret précédemment
rendu , rela ivement aux parens dont les fils
ont émigré
« Art. I. Tous les pères & mères dont les fils
( 163 )
font abfens , font tengs de jaſt fiert dans le délai
de trois semaines , à leurs municipalités refpecsives
de l'existence en France de leurs fi's diſparus
ou de leur mort , ou de leur emploi en pays
étrangers pour le fervice de la nation , »
cc
II. Les pères & mères qui ne pourront pas
fournir la preuve exigée par l'article précédent ,
feront tenus de fournir & d'équiper à leurs frais
deux foldats , en place de chacun de leurs fils
émigrés , à la folde de vingt-cinq fous par jour. »
« Les pères & mères qui ont des enf、ns émigrés
, font tenus de fournir l'habillement , arniement
& folde de deux hommes par chaque enfant
émigré , & d'en verfer la valeur dans la caiffe du
receveur du district de la fituation de leur domicile.
» 3
« Ce verlement fera fait dans la quinzaine de
la publication du préfent décret ; le montant de
la folde à raifon de , 15 fous par jour par chaque
homme , fera verté d'avance pour chaque année ,
tant que duiera la guerre néanmoins les fommes
qu'ils auront payées en cxécution du préfent décret
, feront imputées fur les portions héréditaires
des erfaus abfens. »
- Pour l'exécution de l'article II , les officiers
municipaux de chaque commune fe ont , à
peine de deftitution , pater à l'administration de
diftrict le tableau de tous ceux defdits pères &
mères qui n'auront pas la preuve ordonnée. »
M. Deftrem propofe le renvoi des jurés & des
témoins appelés auprès de la haute- cour natio
nale , vu que leur préfence eft aujourd'hui inu
tile , l'Affemblée adopte cette propofition & la
renvoie au pouvoir exécutif ; elle charge ea
même- temps fon comité de légiflition de faire
inceffamment un rapport pour favoir s'il ne con
( 164 )
viendroit pas de rappeller auffi les grands juges &
les grands pro utateurs de la nation , attenda que
la o vention nationale s'occupera d'une nouvelle
& meilleure organiſation de la haute- cour."
L'Affomblée s'occupe enfuite de quelques dif-'
pofitions relatives à l'établillement da camp de
Paris. Elle autorife le pouvoir exécuuf à donner
les ordres néceffaires pour faire les abatis & démolitions
qui feront jugés indifpenfables par le
général. La maifon ci devant occupée par M.
d'Egmont Pignatelly , notoirement émigré , fera
mife à la difpofition du général , pour le loger.
& y placer les aide- de- camps & fes bureaux.
L'Aflemblée avoit renvoyé à fon comité des
foances pour en faire unfeul & même rapport , les
pétitions qui lui avoient été fucceffivement adreffées !
par les départemens , afin d'obtenir des dégrèvemens
fur la part des contributions directes
qui étoit mife à leur charge. C'eft ce rapport
que M. Guiton - Morveaux vient aujourd'hui préfenter.
L'objet en eft d'un trop grand intérêt
pour ne pas entrer dans l'analyfe des motifs qui›
juftifient l'avis du comité , & d'après lefquels ›
Affemblée prononcera .
Soixante départemens demandent tous un dégrèvement
plus ou moins confi lérable . La plupart
ont déterminé la fomme , les autres s'en
font rapportés à la juftice de l'Affembée pour ›
la fixer. Mais en lui donnant la plus foible ef- i
timation , elle s'élève à un total de plus de 48
millions , tandis qu'il ne reste à difpofer pour
cette année , en fonds de non valeur , que de
4,519,600 liv . fur la contribution foncière
2 212,000 liv . fur la contribution mobiliaie ,:
& ces fonds de non valeur font affectés non :
feulement aux réductions à accorder aux dépac-
& 1
( 165 )
temens qui apportent des preuves de furcharge;
mais encore ǎ ceux qui des malheurs momentanés
donnent droit à une modération .
Après avoir établi la différence des demandes
aux moyens , le rapporteur examine s'il y a
lieu de procéder à un dég èvement général , ou
s' convient de venir feulement au fecours des
départemens qui auroient le mieux prouvé la
furcharge. Pour parvenir à la folution de cette
queftion , il diftingue ce que les loix fur les contributions
appellent réduction , & ce qu'elles
nomment dégrèvement . La réduction eft une voie
de recours régulaire , elle fixe le contingent du
département même pour les années fuivantes ;
elle opère le rejet de l'excédent fur tous les autres
départemens. Elle n'eft prononcée qu'enfuite.
d'une inftruction contradictoire avec les départemens
voifins . Le dégrèvement , au contraire
ne produit qu'un émargement fur les rôles ,
ne préjuge point la continuation de la décharge ,
il s'accorde fur le fimple expofé de l'adminiftration
, & n'eft qu'une opération arbitraire .
Pour la rendre générale , il faudroit donc l'appuyer
fur des renfeignemens précis , fur des bafes
fixées d'ap ès les états comparatifs de chaque
département ; & ce feroit alors une ratification
de l'impôt à laquelle il eft impoffible de parvenir
actuellement , par le manque des connoiffances
qu'elle fuppofe .
il
D'où le rapporteur conclut qu'un dégrèvement
général ne feroit qu'une opération arbitraire
pour les départemens , inutile pour les contribuables
& onéreuse pour le tréfor public. Ar
bitraire , il vient de le prouver . Inutile pour
les contribuables ; la loi n'a- t- elle pas prononcé
d'avance la réduction des cotes de tous ceux
( 166 )
qui vér ficroient qu'i's font furtaxés , au - delà
de la quotité du revenu nët déterminé pour
chaque année ? & fi - l'on y ajoute les difpofitions
néceffaires pour qu'aucun ne puifle ête
contraint au paiement de plas fore fomme
même pour les termes échus , qu'auront- ils à
demander de plus ?
Enfin cette opération feroit préjudic able à la chofe
publique , puifqu'el'e épuiteroit tout - à- coup ks
retfources préparées pour faire face aux accidens
momentanés , aux pestes imprévues , fars dorrer
du foulagement fenfible à ceux qui ne fouffrent
que des vices de la répartit on dans l'intérieur
des départe rens.
Mais ne feroit-il pas jufte de faire fortir de moins
de la claffe commune , un certain nombre de
départemens qui auroient eu l'avantage de donner
à leur réclamation , une plus grande apparence
de fordement ? Cette intention , droite
en elle-même , feroit ir jufte das fon applica-'
tion . A quel titre Is uns feront-ils préfiés aux
autres , fi la comparailon ne les embraff: tous ,
& comment tenir cetre balance fans bleifer la
juſtice pub ique ? Enfi on répond à tout par
cet argume e tié de la i . Si votre contribution
s'élève au deffus du maximum' , vous avez
la voie ouverte pour faire prononcer votre décharge
; fi el'e ne l'atteint pas , il n'y a pas
lieu à réclamation .
La feule exception que le comité croit devoir
faire , fera en faveur des 17 départemens dénommés
au tableau des dégiévemens du 16 août 1791
& pour les mêmes fommes pour lequelles ils y
font compris , puifqaï's font dans la même poftion
cu ils étoient quand l'Aſſemblée décida quïl
y avoit des motifs affez puiflans pour leur ac(
167 )
corder cette décharge fans attendre leur pétition.
Nous donnerons le texte du décret important
qui a fuivi ce rapport & dont les deux premiers
articles ont été décrétés , quand l'Aſſemblée, cn
aura adopté la rédaction définitive.
Pour égayer un peu cette féance toute remplie
de décrets , nous la terminerens par un récit
de M. Rub . Je veux , ant il dit , faire connoître
à l'Affemblée quels font les trophies fut lefquels
Mirabeau cadet , autrement dit Mirabeau - Tonneau
, vient d'établir fa gloire .
Neuf bateliers de Strasbourg s'étant approchés
un peu trop près de la rive droite du Rhin , il
eft tombé valeureufement fur eux avec la touje ,
& a voulu les faire prisonniers ; mais ils le font
jettés à la nage & one regagné la rive gauche ,
& le général Mirabeau n'a eu que les bateaux.
Du mereredi , féance du foir.
t
OnOn app end chaque jour que Brunſwick avoit
plus compté fur des moyens de corruption que fur
les propres forces des puiflances coalitées . Un
membre inftruit Affemblée que le régiment de
Walsh , Irlandois , qui avoit fi lâchement.capi .
tué à Verdan , cherchoit , en fe repliant dans
L'intérieur , à faire des profélytes aux armes de
nos ennemis , en perfuadant aux habitans des
campagnes que Brunswick & le Roi de Prufte n'ep
portoient en France que des fecours aux opprimés
& des châtimens aux opp effeurs. La plus grande
partie de ce régimert a été arrêtée à Meaux par
deux bataillons de gendarmerie qui les ont défars
més . On a trouvé plufieu sica fles remplies de cocardes
blanches . Ils ont été Leconduits à Châlons
Le même membre fait lecture d'une lettre qui an(
168 )
nonce.ce.que les foldats de l'armée Dumourier font
pleins de courage & de confiance en leur chef.´
Pour mettre la convention nationale plus à
portée d'apprécier les travaux de la légiflature actuelle
, l'Affemblée a décrété , fur la propofition
de M. Vergniaux que chaque comité féra un
tableau raifonné de tous les décrets qui ont été
rendus fur les objets qui les concernoient.
Le miniftre de l'intérieur eft chargé de préfenter
dans deux jours l'état des dons patriotiques
qui a dû lui être communiqué par le confeil
général de la commune de Paris .
1
Le ministre de la guerre fait pafler le bulletin
qu'il a reçu de nos différens généraux. Il trouvera
fa place dans l'article confacré aux nouvelles
de nos armées avec les autres pièces qui complettent
le tableau de notre fituation militaire.
Rome a eu les Caton & les Brutus ; s'ils n'ont
pu fauver la liberté mourante de leur pays , ils
ont eu du moins le glorieux courage de ne pas
furvivre à la fervitude . Nous avons auffi nos
Brutus & nos Caton , & l'aurore de notre liberté
a été marquée par des dévouemens dignes des
plus beaux temps des Républiques anciennes.
M. Delaunay a rétracé à l'Affemblée la mort
illuftre du brave & généreux Beaurepaire qui ne
pouvant foutenir ni partager la honteuse défection
des fonctionnaires publics & des habitans de
Verdun, a préféré de fe donner la mort , au milieu
même du conſeil général de la commure &
du confeil de guerre.
CC de
Nous vous propofons , dit le rapporteur ,
traiter Beaurepaire , comme Rome , fi elle eût confervéfa
liberté , eût traité Caton & Brutus . Plaçons
La cendre dans le Panthéon François , que foa
nom
【(169 )
nom y foit gravé pour la honte de ceux qui ont
réduit cette ame énergique à l'extrémité de renoncer
àfervir fon pays,autrement que par l'exemple
d'un rare & fublime dévouement
.
« Le territoire François , depuis le pan- :
théon jufqu'à Sainte- Menehould , eft couvert I
de bataillons hériffés de bayonnettes & de
piques . Imaginez de quelle impreffion profonde
feront frappés tous nos guerriers , en
voyant paffer au milieu d'eux , un char funèbre,
portant les reftes d'un homme mort pour la libe
té cette vue élevera les ames , infpirera le
courage , & animera tous les coeurs du defir de
là vengeance. "
L'Affemblée a adopté à l'unanimité , le décret
fuivant :
- « L'Affemblée nationale décrète , que le corps
de Beaurepaire , commandant du rer. bataillon de
Mayeune & Loire , fera tranfporté de Sainte-
Menehould , & dépofé au panthéon François.
L'infcription fuivante , fera placée fur fa
tombe :
« Il aima nieux fe donner la mort, que de capituler
avec les 1
tyrans .
Le préfident eft chargé d'écrire à la veuve &
aux enfans de Beaurepaire .
" CC
Le pouvoir cxécutif eſt chargé de l'exécution
du préfent décret . »
On regrette de ne pas trouver dans ce rapport
un autre trait de dévouement , non moins
honorable à la caufe de la liberté , c'eft celui
d'un canonnier de la garnifon de Verdun , qui
fe mit à la bouche de fon canon , pour n'être
pas témoin de la lâcheté de ceux qui livroient la
place fans combattre !
No. 38. 15 Septembre 1792. H
( 176 )
Du jeudi , 13 Septembre .
Après plufieurs dons civiques , des adreffes.
d'adhésions & des hommages de plufieurs armes
très- meurtrières de nouvelle invention , on fait
lecture du procès- verbal de l'arreftation de M.
Victor Broglie , par la commune de Langres ,
& du fcellé mis fur fes papiers.
Sur le rapport de M. Baignoux , au nom du
comité de l'ordinaire des finances , l'Affemb'éc
met à la difpofition du miniftre de l'intérieur ,
une fomme de 60 mille livres , pour être employée
au paiement d'un quartier de gage ou
penfion , à tous ceux des penfionnaires ou gens
à gage qui étoient au fervice de Louis XVI ou
de les frères à Versailles , & qui fe font enrôlés
dans les bataillons de volontaires qui marchent
aux frontières . Les fommes payées feront
à valoir fur les rentes apanagères , affectées aux
créanciers des frères de Louis XVI.
Les commiffaires , envoyés dans le département
du Nord , inftruiſent l'Affemblée des circonftances
de la levée du camp de Maulde.
Elle a été l'effet de l'avis unanime d'un confeil
de guerre. Cette levée s'eſt effectuée fans autre
perte quel celle d'une trentaine d'hommes , après
avoir fourni les 18 bataillons demandés par M.
Dumouriez , & commandés par M. Beurnonville.
Les troupes ont été réparties à Valenciennes
, au Quelnoy , Avefnes , Landrecy &c.
Les commiffaires fe plaignent de l'incivisme de
prefque tous les tribunaux de ce département ,
dont ils demandent la fuppreffion . Les compa-.
guies franches commettent des dilapidations. Les
commiffaires ont licencié le régiment de Courten
( 174 )
Suiffe. Ils ont cru devoir fufpendre le maréchal
de cap Gelin , qui commandoit à Bruille le
7, & avoit montré plus d'impériale que de civilme
.
Pour garantir leurs frontières dégarnies par la
levée du camp de Maulde , les adminiftrateurs du
département du Nord ont requis 20,000 hommes
de gardes nationales , & demandent , pour leur
entretien , des fonds qui leur font accordés.
Le maire de Paris irftruit l'affemblée de la fituation
de la capital . L'arreftation de deux gendarmes
, foupçonnés d'avoir enlevé la caille de
leur corps , avoit produit de la fermentation parmi
le peuple. I's ont été jugés innocens par le tribunal
provifoire , & le peuple a applaudi à leur
abfolution. Les fections continuent à veiller au
maintien de l'ordre.
L'Affemblée applaudit aux foins généreux d'une
femme qui préfente à l'Aſſemblée un vieillard
épargné dans les prifons de Bicêtre , & auquel elle
a prodigué les premiers fecours. Elle intéreffe la
fenfibilité de l'Aſſemblée en la faveur. Sa pétition
eft renvoyée au comité.
On lit une lettre du miniftre de l'intérieur qui
inftruit l'Affemblée de la conduite des commiffaires
de la municipalité de Paris , envoyés dans
les départemens . Ils y exercent une autorité arbitraire
qui excite de l'inquiétude , & qui ne permet
plus aux miniftres de fupporter la refpor fabilité
des événemens . - Cette lettre eft renvoyée
aa comité de furveillance .
Au nom du comité des affignats , M. Lavigne
préfente trois projets de décrets , dont l'objet eft
d'affurer à la convention nationale les moyens
d'effectuer la réfonte générale des affignats , en lui
préparant un dépôt de papier d'affignats propor
H 2
( 172 )
tionné au befoin du fervice des caiffes publiques .
L'Affemblée les adopte.
M. le préfident lit la lettre qu'il écrit , en vertu
du décret d'hier au foir , à la veuve de M. Beaurepaire
, commandant de Verdun .
L'Affemblée en adopte la rédaction , la voici ::
« Madame , l'intrépide Beaurepaire Votre
époux , a terminé , par une mort héroïque , qua ,
rante années d'une vie guerrière ; il n'a pu fe réfoudre
à vivre dans une ville qui ne vouloit plus
être françoife ; il laiffe un grand modèle à tous
les foldats de la liberté . L'Aſſemblée nationale
fenfible à votre perte, qui eft à la fois une perte
publique , me charge de vous écrire & de vous
envoyer le décret qu'elle vient de rendre . Vous
y verrez , Madame , que la nation françoife eft
digne d'avoir des Brutus pour la défendre . Puiffe
la reconnoiffance de là patrie confoler votre douleur
& celle du fils qui vous refte ! Son père eft
mort pour la liberté , puiffe cet enfant vivre longtemps
pour elle ! Il ne peut manquer d'être un
citoyen précieux à fon pays , s'il le rappelle toujours
qu'il eft le fils de l'intrépide Beaurepaire ,»
La difcuffion s'eft ouverte fur les caufes & les
formes du divorce. M. Sedillez a jetté un nouveau
jour fur cette queftion , par la diſtinction
qu'il a établie entre le divorce volontaire ou
confentie par les deux époux , & le divorce forcé
ou demandé par l'un des deux , qu'il appelle proprement
répudiation . Dans le divorce , tout
eft terminé par l'effet feul de la volonté des
deux époux , la loi n'a point de motifs à leur
demander. Dans la répudiation , au contraire ,
l'une des parties fe plaint ; la loi doit protection
; mais elle doit examiner , car elle doitjustice
& protection à tous deux, M, Sedilleg
( 173 )
penfe que le feul moyen d'établir cette juftice
exacte , eft de former un jury de repudiation ;
de le compofer de femmes , fi c'eft le mari qui
provoque , & d'hommes , fi c'eft la femme qui
veut répudier .
€
L'Affemblée fe réfervant de prendre dans le
projet de M. Sedillez , ce qui fui paroîtroit préférable
à plufieurs difpofitions du projet du comité
de légiflation , a accordé la priorité à ce
dernier , & en a décrété d'abord les deux premiers
articles , ainfi qu'il fuit
氧
ce Art. I. Le divorce , c'eft - à- dire , la diffolution
du mariage , peut avoir heu per le
confentement mutuel du mali & de la femme . »
ec
II. Le divorce pourra avoir lieti fur la demande
d'une des parties contractantes , foit fur
la fimple allégation d'incomptabilité d'humeur ,
-foit fer des motifs déterminés .
Dujeudi , féance du foir.
Organe de la juftice & de l'humanité , M. Re-
-gnault Beaucaron, appelle enfin l'attention de l'Af
femb'ée fur de malheureux prêtres infermentés
également victimes de la loi , foit qu'ils obéident ,
foit qu'ils refufent d'obéir . Si la loi de la déportation
eft exécutée , ces prêtres courent le
ifque être immolés ; fi elle ne l'eftypas , un
fort plus affreux les attend , dans leur exil à la
Guyanne Françoife . Légiflateurs , rendez donc
à la loi fon énergie ; aux autorités confti uées
leur pouvoir , au peuple fa trarquillité , aux
prêtres infermentés la sûreté de leur exiftence ,
L'Allemblée renvoie les obfervations de M.
Regnault à la commiffion extraordinaire , pour
en faire fon rapport inceffamment.
Le miniftie de l'intérieur informe l'Affembléc
H
3
( 174 )
que le confeil exécutif provifoite , à cru devoir
fufpendre les corps adminiftratifs de Sedan &
du département de la Marne. Sur le rap ---
Fort de M. Goujon , au nom du comité des domaines
, l'Afemblée décrète , en ces termes
deux articles additionnels à la loi fur les biens
des émigrés.
ec Art. 1. La loi , du 8 avril dernier , relazive
au féqueftre des biens des émigrés , s'applique
fur les exceptions portées à tous François
fortis du royaume , foit à l'époque de la
pub ication du décret du 9 février précédent
Loit depuis & qui viendroient par la fuite . »
>
« II. En conféquence , tous ceux qui , à raiſon
de leur réfidence dans le royaume depuis fix
mois , à l'époque ci - deffus , auroient envoyé
an directoire du département de la fituation de
leurs biens , le certificat exigé d'eux par l'art.
9 de la loi du 8 avril , feront tenus , dans le
mos de la publication du préfent décret , de letenir
, dans la même forme , la juftification de
leur réfidence actuelle & habituelle , fante de
quoi , & le délai paffé , les loix , concernant
le féqueftre & l'aliénation des biens des émigrés ,
feront exécutées a leur égard.
و د
« III. Les pe fonnes qui ont des biens hors
le département où elles font leur réfidence actuelle
, feront en outre tenues fous les mêmes
peires , de répéter deux mois en deux mois , à
compter du 1. octobre prochain , l'esvei de
pareils cert ficats au directoire du département, de
la fituation de leurs biens.
D'après le voeu du même comité , le décret
fuivant cft rendu :
ce Ait. I. Toutes les rentes confituées à prix
d'argent appartenantes à la nation , & dum la per(
175 )
ception & la régie ont été confiées à la régie nationale,
fei ont mifes en vente fans délai , à la forme
des autres biens nationaux , »
Сс 11. Les débiteurs defdites rentes ferot admis ,
comme toutes autres personnes , à faire leurs foumiffiors
pour la vente & aux enchères & adjudications
, & à prix égal ils auront la préférence . »
« III. Pour l'adjudication fur les autres enchériffeurs
, aucunes defdites rentes ne pourront être
divifées pour être miles en vente , & les foumiffions
posterort fur la totalité du capital .
« IV. Les foumiffions néceffaires pour autorifer
les affiches , enchères, & adjudications , ne
pourront être inférieures aux taux ci- après déterminés
:
« Pourles rentes às pour cent , elles feron: de 13
fois le revenu net, »
« Pour celles à 4 & demi pour cent , de IS
plus un demi le revenu set. »
fois
« Pour celles à 4 pour cent , de 16 fois le revenu
net, s
« Pour celles à
le revenu net. »
& demi
3
pour cent , de 17 fois
ec Pour celles de 3 pour cent , de 18 fois le revenu
net , »
« Pour celles de 2 & demi pour cent de
le revenu net, »
20 fois
« Pour celles à 2 pour cent de 22 fois le revenu
met. »
« V. Les adjudicataires font tenus de payer le
montant de leur adjudication , dans l'annec , avec
l'intérêt , au prorata du capital par eux a quis , &
en cas d'inexécution , il y aura lieu à la folle enchère
, & autres pour fuites prefcrites pour le paiement
des autres biens nationaux , »
a VI. Immédiatement après le
}
paiement du
H 4
( 176 ))
montant total de Padjudication , l'adjudicataire recevra
du directoire du d ftrict la groffe de la rente ,
y compris toutes autres pièces & renfeignemens
ceflaires ; le fecrétaire du diftriet tiendra regiftre de
cette remife.
de VII. Il fera remis aux préposés à la perception
des droits de timbe & d'enregistrement
des extraits des procès- verbaux d'adjudication
dans la huitaine d'icelles , par le fecrétaire du difcr
« VIII. Du jour de cette remife , le prépofé
ceffera la perception , & ne pourra recouvres fur le
débiteur de la rente adjugée , que le prorata des
intérêts échus jufqu'au jour de l'adjudication & les
termes arriérés . »
IX . Les receveurs de diftrict compteront à la
caiffe de l'extraordinaire du montant des adjudications
en la forme preferite pour les autres biens nationaux,
1907 13. if
ce X. L'Affemblée nationale déroge aux lois précédentes
; en tout ce qui y feroit contraire au préfent
décret. ɔɔ
« Onobferve , 1º . que la ftérilité de cette partie
'des capitaux , fur-tout pour des rentes au- detious
de 4 pour 1oo devient plus fenfible fi l'on confidère
les frais de perceptions , de confervation d'hypothèque
, & la retenue du quart que les débiteurs
font autorités à faire NEA AROU 2
сс
Que la fufpenfion de la vente de cette eſpèce
de bien national qui , d'abord avoit été ordonnée
par l'art du titre 1 ° . de la loi du 27 mai 1790 ),
ne fauroit être prolongée plus long-temps fans adcélérer
l'emploi d'une des plus importantes & extêmes
reflources de la nation , celle de l'aliénation
des forêts . »
Une députation de la fection de Molière & la
fontaine eft admife à la barre . Elle vient pré(
177.)
-fenter le veeu qu'elle forme pour que le corps lé
giflatif n'abandonne point us pofte qu'il houores
avant que la convention nationale foit en état
de le remplacer. Elle propofe de défigner un
lieu où la convention s'aflemblera pour vér fier
fes pouvoirs. - Renvoyé à la commiffion extraor
dinaire.
Du vendredi , 14 Septembre.
MM. Merlin & Jean de Bry , qui avoient été
commis par l'Affemblée pour parcourir les départemens
voisins de Paris afin d'y preffer les enrôlemens
, font de retour . Ils fe préfentent pour
rendre compte de leur miffion . Ils ont parlé au
nom de l'Aſſemblée ; à ce nom chéri & refpecté ,
la confiance a volé au- devant d'eux . Ils ont fait
entendre les plaintes de la patrie , & la terre de
liberté s'eft couverte de
défenfeurs . Le pèle
abandonne fa fille , le fils fa mère , l'époux fon
époufe , & ceux qui ne peuvent voler aux fre ne ères ,
habillent , armert & entretiennent ceux qui le dévouent
au falut de l'Empire . Ce rapport plein
de détails touchans , a été fuivi de celui d'autres
commiffaires envoyés pour le niême objet . Par-tout
ils ont trouvé la même confiance , le mêm : courage
, le même enthoufiafme. Nous defirons ,
difent les commiffaires , que la convention nationale
fe ferve des mêmes mefures . Le peuple
a beſoin de voir fes reprefentans ; il leur adrefle
fes plaintes avec confiance , & il eft confolé q and.
il voit que l'on pente férieufement à fon bon-
> heur. L'Affemblée ordonne l'impreffion de cos
différens rapports .
..
Sur la propofition de M. Maran , elle déclare
nuls les remplacemens qui feroient faits dans les
adminiftrations & les tribunaux par des corps élec-
H S
( 178 )
raux qui n'auroient pas reçu des affemblées primaires
une miffion ſpéciale à cet effet .
Une lettre du miniftre de l'intérieur inftruit l'Affemblée
des nouveaux excès qui fe commettent à
Paris. On enlève aux paffans , les montres , les
boucles d'argent & les boucles d'oreilles . A cette
lettre eft jointe , la copie de celle que le miniftre
écit au mare , pou: l'inviter à donner promprement
les ordres néceffaires pour faire prêter force
à la loi , & réprimer des brigandages qui ne peuvent
être l'ouvrage du peuple.
Une dépêche de M. Biron annonce les bonnes
difpofitions de la majorité des Cantons Helvétiques
envers la France , & indique des moyens pour les
entr tenir. Cette lettre fera l'objet d'un rapport du
comité militaire .
Sur le rapport de M. Lavigne , l'Affemblée ren1
un décretà l'effet d'établir dans chacune des fections
de Paris un bureau d'échange en coupures d'affi-`
gnats de 10 & de 15 fous contre les billets de
confiance depuis so fous & au-deffous feulement ,
jufqu'à leur extinction totale .
Pour ôter aux habitans de Longwy & de Verdun
les moyens de ruire à la patrie qu'ils ont fi
Jâchement abandonnée , M. Choudieu propole de
décréter que tous les paiemens nationaux & les
liq idations envers ces deux villes foient fufpendus
jufqu'à ce que l'Affemblée ait défi itivement
ftatué fur leur fo: t . Cette difpofition
eit adoptée fans difcuffion. Sur le rapport du
comité d'agriculture , l'Affemb´ée déciète que les
difpofitions de la loi du 29 acú : 1792 , relative aux
mines du département du Finistère , font applicables
aux mines fituées dans le département de
PIfle & Vilaine .
Au nom du comité des domaines , M. Boucher
Longchamp propofe un projet de décret re(
179 )
latif au mode d'aliénation que le prir ce Louis-
Philippe- Jofeph eft autorilé à faire , il eft adop é
en ces termes :
« At . I. Louis- Philippe- Jofeph , prince François
, pourra continuer les aliénations qu'il a éré
autorité de faire par les lettres - patentes du mois
d'août 1784 , & la loi du 30 mars 1791 , fous
le titre de vente pure & fimple , en impofant
aux acquéreurs l'obligation d'une rente foncière
& apanagère de 7 liv . 19 lous par toife.
de terrain , exempte de toute retenue & impofition
prévue ou imprévue , rachetable au denier
vingt. »ל כ
II. Lorfque les acquéreurs voudront s'affranchir
defdites rentes , ils feront tenus d'en
vefer le capital fur le pied fixé par l'article
premier du préfent décret , entre les commiffaires
du Roi , régiffeurs des domaines natio
naux , conformément aux loix rendues fur les
rachats & amortiffemens des rentes dues à la
nation . »
« III. En cas d'amortiffement , la nation demeurera
chargée des rentes envers le prince & fes.
defcendans , & elle les acquittera fur le même
pied que les acquéreurs auroient été tenus de le
faire tant que l'effet de la loi du 20 mars 1
fubfiftera . »
1791
« IV. Les conditions portées par les précéders
articles feront énoncées dans tous les contrats
paffés en exécution du préfent décret , afin
que les droits hypothécai : es dela nation demeurent
expreffément confervés . »
GC
V. Le prince fera tenu de remettre aut
archives nationales une expédition en forme de
chaque contrat , au plus tard dans le mois de fa
date , »
H 6
( 180 )
2
2
VI. Il dépofera également aux archives ,
dans trois mois à compter de la publication du
préfent décret , des expéditions en bonne forme de
tous les contrats d'aliénation qui ont été faites
jufqu'à ce jour en vertu des lettres - patentes de
1784. »
cc VII. Seront au furplus les lettres - patentes
de 1784 exécutées felon leur forme & teneur
en tout ce qui n'eft pas contraire au préfent
décret. »
L'Aflemblée reprend la difcuffion fur le divorce .
Pufieurs articles font décrétés . Nous donnerons
le décret dans fon entier , quand toutes les difpofitions
en auront été définitivement arrêtées . Cette
difcuffion eft interrompue par une lettre du maire
de Paris . Le commandant général prévenu des excès
qui s'y commettoient , avoit devancé fes ordres ,
pour faire arrêter les perturbateurs. On a faili
les uns , on a difperfé les autres . Des hommes ,
qui ne veulent que l'anarchie , fement les bruits
les plus alarmans pour échauffer le peuple . Des
ordres font également donnés pour furveiller &
arrêter les malveillans . ·A ces nouvelles , en
fuccèdent de plus confolantes . Elles font rotifiées
par le miniftre de la guerre , & trouveroat
feur place dans le compte que nous rendions
de nos opérations militaires .
---
Du vendredi , féance du fair.
å
Les commiffai es envoyés par l'Affemblée ,
Rochefort , font le rapport de leur miffion .
Après avoir donné l'état des armes que les arfenaux
de cette ville ont procurées , ils ajoutent
que les citoyens qui ont déjà fourni un gra d
nombre de foldats à nos armées , & plus de
300,000 liv . co dons patriotiques , ont prié les
commiffaires d'offiir à l'Affemblée le refte de
leur fortune , & leur vie pour le maintien de
( 181) )
fes loix , & pour la défenſe de la liberté & de
l'égalité. Mention honorable , impreffion du
rapport .
Les commiffaires de Châlons annoncent que
tous les travaux font dans la plus grande activité.
Les bataillons qui arrivent fucceffyement
ne campent qu'un ou deux jours , & fe rendelt
aux armées. Ils ont tous deux canons . La maffe
des approvifionnemens augmente de telle forte ,
qu'on ne doit avoir aucune inquiétude. L'hôpital
qui eft très- bien fitué , contient 80 malades &
fous peu de jours il fera fuffifant pour 2000
perfonnes . On a mis en liberté les foldats du
régiment de Walhs , & on a bûlé les cocardes
blanches qui fe trouvoient à leur infu , mifés
avec de vieux effets . L'interrogatoire n'a laiffé
aucun doute fur leur civifme . Les commiffaires
appuyent fur la néceffité de n'envoyer au camp
que des troupes organisées & équipés d'une manière
uniforme . Ils offrent un moyen de le procurer,
fur le champ , 10 mille fufils , en ordonnant
d'en débaraffer l'artillerie. L'Affemblée
décrète que les fufils feront ôtés à l'artillerie .
Le miniftre de l'intérieur fait. part des évènemens
malheureux arrivés à Lyon , dans la nuit
du 9 feptembre , ou des forcenés fonto allés
mallacrer les prifonniers malgré tout le zè'e des
officiers municipaux qui les ont couvert de leur
corps , & de la garde nationale qui les fecon
doit .
1
I
Sur la propofition de M. Briffot , au nom
de la commiffion extraordinaire , l'Affemblée décrète
que le ministre de l'intérieur fera tenu de
faire préparer aux Tuileries un emplacement
propre à recevoir la convention nationale , &)
qu'il fera mis à fa difpofition une forme de
*
( 182 )
300,000 liv. , au- delà de laquelle ne pourront s'élever
les travaux qui feront faits d'après le plan de
M. Bignon.
Un membre du comité des domaines propoſe , &
l'Affemblée adopte , en ces termes , un projet de décret
relatifà l'échange de la ci-devant principauté de
Dombes.
« L'Aſſemblée nationale , après avoir entendu
le rapport de fon comité des domaines , confidérant
qu'il eft de l'intérêt national de ne pas payer
plus long- temps des fommes confidérables en
conféquence d'un acte frauduleux , décrète qu'il y
a urgence. » -
« L'Aſſemblée nationale , après avoir entendų
le rapport de fon comité des domaines , & décrété
l'urgence , décrète :
Art. I. L'Affemblée nationale révoque les
traits , vente & échange paffés , le 3 octobre
1786 , entre les commilaires du Roi d'une part ,
Cha les Rohar , ci-devant prince Soubife , comme
fondé de la procuration de Jules - Hercule Rohan
& Guéméné , & Henri- Louis -Marie Rohan Guéméné,
& tout ce qui a precédé & ſuivi ; décrète
, en conféqquence , que tous les domaines
cédés au nom du Roi font réunis au domaine
national , pour être adminiftrés par les prépolés
à la régie des fomaines nationaux , à compter
de la publication du préfent décret. »
II. L'agent du tréfor national fe pourvoira
par les voies de droit en reftitution des fommes
payées en conféquence du contrat ci- deffus ,
tant en capital qu'en rentes viagères , fous la déduction
néanmoins des feemimages & autres revenus
perçus au profit de la nation , & provenans
des biens vendus par M. Guéméné. »
« III, L'agent du tréfor national ſe pour(
183 )
voita également en remife des titres & pièces
relatifs aux terres & ci- devant feigneuries de
Trévoux, & autres ci devant feigneuries formant
Fancienne principauté de la Dombe , lefquels
biens feront , dès- à - préfent , mis en vente , fuivant
les formes décrétées pour la vente des biens
nationaux, »
ce« IV. Les terres du Châtel , Carmant &
autres vendues ou cédées par le fieur Guéméné
pär ledit acte dụ 3 octobre 1786 , demeurent en
nantiflement entre les mains de la nation juſqu'à
par fait emboursement des fommes payés , foit
audit fieur Guéméné , ſoit à ſes créanciers , tant
en e pital que tentes viagères , »
< V. La terie de Loret n'ayant pas ceffé
d'appartenir au domaine national y eft défi itivement
réunie pour être admin ft é comme tous
les autres bien n tonaux ; les bies eu déper dans
feront vendus fuivant les formes déc.étées pour la
vente des biens rationaux . »
« VI. Tus paiemens de rentes conftituées on
viagères , f is jufqu'à ce jour par la trésorerie nationale
e vertu dudit acte du 3 octobre 1786 ,
foit au ficur Guéméné , ſoit à les créanciers , cefferont
à compter du jour de la publication du préfent
décret.»גכ
Du famedi , 15 Septembre.
L'Affem ' lée eto ife M. Dubouchage, ci- devant
mi ftre de la maine à fe rendre à fes forêtions
d'infpecteur des ports & a: fénaux de la marine.
Sur le rappt de fon comité de liquidation
l'Affemblée déciète le remboursement des jurandes
& maîtriſes , dettes arriérées , des départemens de
la maifen du Roi , de la guerre , de la maris e &
des finances , dettes du clergé & pays d'état pour
( 184 )
*prenantes .
aikyti.com
la fomme dé: 8,065,975 liv . entre 3959 parties
Elle ordonne qu'il fera fait un fond
par la trésorerie nationale entre les mains du tréforier
de la ville de Paris pour le paiement des
rentes dues aux anciens propriétaires des maiſons
démolies fur les pont Marie , pout au Change ,
rue & quai de Gèvres & rue de la Pelleterie ; enfia
elle ftatue fur le mode de paiement des rentes
dues par les corps , communautés & établiſſemens
fupprimés , & par les pays d'état pour 1792 .
Cur de
Le miniftre des affaires étrangères notifie à
Affemblée des dépêches d'Allemagne , qui annoncent
comme très - prochaine , la guerre de
l'empire . Le miniftre de la guerre fait part
la deftitution de M. Felix Dumay , fieutenant- gé-
-néral , par les commilaires de l'Affemblée à l'armée
du midi fous prétexte qu'il étoit abfent . Cer
officier avoit une miffion particulière en Suiffe , &
bientôt il fera rendu à Paris pour en communiquer
le réfultat . Le miniftre prie l'Affemblée de regarder
la deftitution de cet officier comme ron- avenue.
Sa demande eft décrétée ,
en
Rien n'eft plus facile aux ennemis de la chofe
-publique que d'égarer l'opinion en dénaturant le
-récit des évènemens tranfmis à l'Affembiće ,
répandant de fauffes nouvelles & des terreurs
dénuées de fondement . C'eft pour prévenir de pareilles
machinations & pour entretenir entre le
peuple & fes repréfentans , cette confiance & cette
unité d'opinions qui fait la force des peuples libres
que l'Affemblée rend le décret fuivant :
CO
Art. I. Le bulletin imprimé par ordre de l'Affemblée
nationale fera envoyé par le miniftre de
Tintérieur à tous les départemens & dift : icts du
Royaume.
ב כ
s II. Les corps adminiftratifs feront tenus de
( 185 )
prendre tous les moyens convenables pour qu'il
foit promptement répandu & affiché dans tous les
chefs lieux de diftrict & autres heux dont la population
excèdera 2000 ames, »
III. Toute perfonne qui fera convaincue
d'avoir arraché lefdits bulletins , ou empêché leur
publication & affiche , fera pourfaivie devant les
tribunaux comme ennemie du peuple & coupable
d'offenſe à la loi , à la diligence du procureur de
la commune du lica ou feront faites lesdites affiches
& publication , & condamnée à 100 liv , d'amende
pour la première fois , & en cas de récidive ,"
deux mois de prifon.
Pour ne laiff r aucun intervallé entre la ceffation
de la légiflature & l'ouverture de la convention
nationale , l'Affemblée déciéte que fon
archivifte fera tena de lui faire parvenir la like
des députés à la convention nationale , auffi - tôt
que le nombre s'élevera à 200. Le miniftre de
Fintérieur fera préparer une falle dans l'édifice
national des Tuileries , pour y recevoir les députés
à la convention nationale , pendant la vérification
de leurs pouvoirs . ? 1
* Dǝb
0
t
Une députation de la fection des Gravilliels
vient fe plaindre des intrigues qui agitent le
corps & cctoral , dens lequel , dit- elle , l'envie
sarme impuhément de la calomnie contre les citoyens
vertueux & patriotes , qui ne partagent
pas les fureurs de quelques fact eux. C'est ainsi
que M. Bourdon , électeur de cette fection , dé
puté à la convention , par les départemens de
Oife & du Loiret , vient d'être exclu de Talfemblée
électorale . La députation demande juf
tice en faveur de ce citoyen . L'affemblée renvoie
cette conteftation à la convention qui vérifiera
les pouvoirs des députés du département
( 186 )
de Paris ; & fi elle juge , que l'exclufion d'un
électeur fape les pouvoirs de nullité , elle ordonnera
qu'il foit procédé à de nouvelles élections.
Article omis dans la féance du vendredi foir.
M. Vergniaux , au nom de la commiffion extraordinaire,
fait un rapport fur les plaintes adref
fées , tant contre les commiffaires du pouvoir
exécutif, que contre ceux qui fe difent envoyés
par la municipalité , & propofe deux projets de
décrets qui font adoptés , fans difcuffion , en ces
aermes :
«L'Affemblée nationale, après avoir décrété l'urgence
, décrete ce qui fuit :
« Art. I. Les commiffaires nommés par le pouvoir
exécutif pour aller dans les départemens , fe
renfermeront rigoureufement dans les bornes de
l'inftruction & des pouvoirs qui leur feront donnés ,
« II. Ils feront tenus de montrer leurs pouvoirs
& leurs inftructions aux autorités conftituées des
lieux où ils auront une miffion à remplir. }
« III Sals ne fe conforment pas aux articles cideflus
, ou s'ils fe permettent des réquisitions on
des actes auxquels ils ne foient pas expreffément
autorifés , ils feront arrêtés fur les ordres des
autorités conftituées, qui feront tenues d'en donner
avis , fans délai , au pouvoir exécutif , qui en
inftruira l'Affemblée nationale ..»
L'Affemblée nationale confidérant que l'ordre
ne peut exifter dans l'empire qu'autant que chaque
autorité conftituée le renfermera dans les
limites preferites par la loi , décrete qu'il y a
urgence.
L'Affemblée nationale, après avoir décrété l'urgence
, décrete ce qui fuit :
Art . I. Les municipalités ne pouvant donner
( 187 )
d'ordre , ou envoyer des comm ffaires , ni exercer
aucune fnct en municipale que dans leur
tenitoire , il el difendu à tous corps adminiftratifs
ou militaires , & à tout citoyen d'obéir à
aucune réquifition qui leur feroit faite par les
commiffaites d'une municipalité hors de l'étendue
de fon te ritoire .
« II. Si , après la publication du préfent décret,
de prétendus commiffaires faifoient de pareilles
requifitions , ils feront arrêtés & leur procès leur
fera fait comme coupables de rébellion à la loi.
«III . Ils ne peu.ront prononcer aucune fufpenfioa
ni deftitution contre les fonctionnaires públics
nommés Par le [eople fauf à eux à faire
parvenir au pouvoir exécutif provifoire les xenfeignemens
& ks plaintes qu'ils auroient lieu de
faire contre lefdits fonctionnaires publics . Les
fufpenfions ou deftitutions qu'ils pourroient avoir
prononcées font déclarées nulles , fauf au peuvoir
exécutif à prononcer le fufpenfion , s'il y
a lieu. Le pouvoir exécutif provifoire eft tenu
fous fa refponfabilité , de rappeler lefdits commiffires
contre lefquels il eft parvenu des plaintes
fondées , de leur faire rendre compte de leur
conduire.
«IV. Le préfent décret ſera envoyé fur le champ
aux armets & aux départemens .
+
Du famedi , féance du foir.
ג כ
• Les ada iniftrateurs du diftrict de Châlons
envoient à l'Affemblée une alrefe , cù ils fe
difculpert des loupçons d'incivifme qu'on commfane
de la commune de Paris , a jettés fur
cette ville . Applaudiffemers.
Le miniftre des affaires étrangères inftruit l'Afemblée
que le co ps helvétique demande des
( 1 $$ )
renfeignemens officiels fur l'affaire du 10 aoftir ,
& prefcrit aux commandans des régimens fuiffes la
conduite qu'ils doivent tenir au fujer du licenciement
de leurs régimens . - Il eut décrété que
le comité diplomatique fera incefiamment fon
rapport , fur les relanens à entretenir avec les
cantons fuiffes.
M. Pétion écrit que les violences commifes ,
hier par des perfonnes qui arra hoient des bijoux
aux paffans ont été bientôt réprimées. Le
peuple a été indigné de ces excès , & le bruit
court qu'il a pusi de mort plufieurs" coupables .
Une lettre tranfmife au comité de correfpondance
, par les comm flaires à Châlons , antende
un avantage remporté par M. Dumourier. On
écrit de Maubeuge , en date du 14', que l'ennom:
marche fur cette place avec deux fertes cotonnes
.
Il étoit naturel de prévoir que le paſſage
de la Légiſlature à la Convention Natio
nale , feroit marqué par de nouvelles agitations.
Les flatteurs du peuple qui veulent
conferver leur pouvoir , & les ennemis de
la liberté qui veulent la renverfer , cra
gnant également d'y trouver le tombeau
de leur ambition ou de leurs efpéranges ,
ont dû redoubler d'efforts & d'intrigues
pour empêcher la réunion des nouveaux
Repréfentans du peuple.
5
L
Marchant tous au même but par des
routes diferentes , on les a vu égarer tourà
tour l'opinion par des fucces ou des re(
189 )
vers exagérés. Le fyftême fur lequel ils ont
le plus compté , pour éloigner les nouyeaux
Députés , eft celui de la terreur. Ils
ont cherché à faire de la capitale un théâtre
de brigandages & de crimes.
Tandis que d'intrépides défenfeurs fortent
par milliers de fon fein , pour aller,
combattre les ennemis extérieurs , les Citoyens
, tremblans dans leurs foyers , craignent
d'y rencontrer un ennemi plus redoutable
encore. Des emprisonnemens
arbitraires fe font multipliés , fans que les.
détenus puiffent connoître ni leur accufa
teur , ni leur délit, ni l'autorité qui viole
ainfi la liberté individuelle. Des déprédations
fe commettent avec impunité . Des
Commiffaires qui fe difent tenir leur miffion
dufalut public , parcourent les Départemens,
& croifent les opérations des Dé
légués de l'Affemblée Nationale & du Pou
voir exécutif. On prêche la doctrine impie
du partage des terres , comme fi la garantie
des propriétés n'étoit pas la première &
la plus inviolable des loix fociales , comme
s'il n'étoit pas abfurde d'imaginer 25 millions
d'hommes fe diftribuant 74 millions
d'arpens de terre , comme G les revenus
induſtriels de la majeure partie de la Nation
n'étoient pas pour elle plus avantageux
que ces petites parcelles de propriétés territoriales
qui anéantiroient bientôt l'agriculture
, le commerce & les arts .
( 199 )
encore que
Une autorité invifible étoit parvenue
à enchaîner jufqu'à la penfée. Le Citoyen
n'ofoit plus fe communiquer au Citoyen
de peur de rencontrer un délateur , & retiré
dans fon afyle domeftique , il craignoit
les murs n'euffent des yeux &
des oreilles. La plume de l'écrivain patriote
étoit paralyfée , un mot , un foupçon
pouvoit le plonger dans un cachot
où le plus confolant de fes voeux étoit de
n'en jamais fortir , car le mot d'élargiffement
fi doux à l'innocence , étoit devenu
un arrêt de mort.
Enfin la Souveraineté nationale a été
menacée jufques dans l'inviolabilité des
Repréfentans du peuple. Des préfages finifdes
projets de maffacre , des invitations
fanguinaires faites dans les Départemens
, ont jetté l'effroi jufques dans le fein
de l'Affemblée nationale.
tres ,
Telle a été pendant 15 jours la fitua
tion de la Capitale. C'eft aiufi que les
ennemis de la liberté , n'ofant plus l'attaquer
ouvertement , ont voulu l'enféveli .
fous les ruines de l'anarchie , & prépare
par nos diffenfions des fuccès aux armée.
qui envahiffent notre territoire. Et tout cela
n'étoit pourtant l'ouvrage que d'une poignée
de perturbateurs ! Si l'on doit s'étonner
d'une chofe , c'eſt que cet état ait duré fi
long- tenips ; mais l'effet étoit fenti & l'on
en recherchoit la cauſe. Dans une ville im
1
( 191
menfe, oùlamoralité des individus échappe
fi aifément à l'opinion , où les acteurs ne
paroiffent fur la fcène des évènemens qu'avec
des habits de théâtre , où il fuffit au
charlatan de fe couvrir d'un mafque hypocrite
pour ufurper un grand afcendent fur
la multitude , où la théorie des féditions ne
tient qu'à quelques fous ordres employés
habilement , les factieux & les malveillans
-ont plus de moyens de combiner & de couvrir
leurs crimes , que n'en a l'homme de
bien pour s'en défendre..
Mais fi l'on parvient un inſtant à égarer
le Peuple , en donnant le change à
fa droiture , il ne tarde pas à difcerner le
point auquel il doit s'arrêter , & qu'on
voudroit lui faire franchir. Cet inftinct
judicieux devroit bien dégoûter les agitateurs
qui fondent fur fes écarts leurs coupables
efpérances. La tranquillité & l'ordre
font pour le Peuple un befoin de tous les
jours , s'il met avant tout la liberté , il
fait auffi que les défordres de l'anarchie
peuvent la lui faire perdre. L'intérêt per-
Tonnel a ramené les Sections à l'intérêt
public , elles ont vû fuir les Citoyens de
la Capitale , avec plus de rapidité que
fi
l'ennemi étoit dans fes murs . Elles ont
fenti que les Départemens , fans lefquels
Paris ne feroit rien , qui veulent la liberté
pour eux- mêmes , & non pour le
profit de quelques factieux , leur deman((
192 )
derolent compte de ce dépôt qu'elles auroient
laiffé violer. Elles fe font fouvenues
du 14 Juillet & du 10 Août , &
fe font ralliées à l'Affemblée Nationale
qu'on vouloit intimider , & qui a déployé
un grand caractère. Nous devons
dire , à la gloire du Miniftre de l'inté- .
rieur , qu'au péril de fa vie menacée par
les brigands , il a eu le courage de .
dénoncer avec perfévérance ces infâmes
manoeuvres. Après s'être concerté avec les
Préfidens des Sections , les Commandans
de bataillons & le Maire de Paris , le Corps
Législatif , perfuadé que c'eft aux Magiftrats
du peuple à veiller à fon propre falut ,
& à garantir la sûreté publique , a rendu
chaque Membre de la Commune refponfable
fur fa tête de la sûreté des prifonniers.
Cette mefure provifoire n'eft que le prélude
de celles plus générales qui doivent raffurer
les Citoyens contre les complots des agitatenrs.
Nouvelles de nos Armées.
Armée du nord : depuis la levée du camp de
Maulde , les Autrichiens fort diverfes incurfions
fur notre territoire , & exercent leurs brigandages
avec une intrépidité qui leur coute peu d'efforts ,
car ils attaquent à coup de canon des villages
fans défenſe. C'eſt ainfi qu'ils ont paru à Saint-
Amand ,
( 193 )
Amand , Mortage , Rouban , Bruille , &c. A
Saint - Amand ils ont commis des atrocités , & 1
i's ont eu des prêtres réfractai es pour inftruments -
de leur vengeance . Quelques voltigeurs ont paru
devant, Lille , les Belges leur ont donné la
chafft . Deux colonnes le font avancées for Va- ?
lenciennes ; tout étoit difpofé pour les bien recevoir.
Au premier coup de canon elles fe font
repliées. Le général Moreton a fait mettre cette
place en état de gue.re. Les corps civils & militaires
, agillent dans le plus grand concert. On
a fait une fortie , & l'ennemi a été refovité du :
côté de Condé , le maréchal de camp O-moran
a fait replier un corps d'Autrichiens , & il efpère
en débairafer cette partie de nos frontières .
Maubeuge eft menacé, mais le général Lanoue .
veille à fa défenfe , à une licue d'Orchies , l'ennemi
a été repouflé avec perte par le lieutenantcolonel
du foixante- quatorzième régiment . On
a mis en réquifition dans toute cette partie des
frontières , vingt mile gardes nationales . Les
habitans des campagnes fe joignent à eux en
foule , pleins de zele & de co
ourage ! & nous
avons cinquante mille hommes d'auxiliaires , prêts
à défendre leurs proprietés.
Arinées du Centre : la pofition de nos différens
corps d'armées a éprouvé des changemens
felon les mouvemens des ennemis . On en trouvera
les détails dans les communications du miniftre
de la guerre à l'Allemblée Nationale .
Dans celle faite le 13 , le miniftre s'exprime.
ainfi :
.» M. Dumourier m'annonce que les ennemis
ont abandonné un de leurs camps avec une précipitation
extrême ; les foldats difent que cette
précipitation , eft l'effet de quelque grand évé
No. 38. 22 Septembre 1792. I
4
( 1947 )
nement arrivé dans l'intérieur de l'armée ennemie.
M. Dumourier , fans croire à la caufe , a
profité des effets , en s'emparant de tout ce que
Ics ennemis avoient abandonné . »
M. Kellermann m'annonce fon arrivée à
Saint-Dizier. Les huffards de fa légion le font
plufieurs fois mefurés avec l'ennemi : toujours
ils ont eu un avantage marqué ; ils ont fait
quelques prifonniers de guerre , pris quelques
chevaux & tué quelques hommes . L'accord parfait
dans les vues & les moyens d'exécution
qui règne entre MM . Kellermann & Dumourier,
me paroît du plus heureux augure. »
La marche des ennemis eft encore incertaine
; mais comme ils fe font ébranlés , nous
faurons , avant peu , quels feront leurs vrais
projers ; nos généraux paroiffent les avoir tous
prévus. »
Extrait d'une lettre du Ministre de la Guerre au
Préfident de l'Affemblée Nationale , le 14 Septembre.
ec Je viens de recevoir trois lettres de M.
Kellermann , une du 12 à 7 heures du matin , une
du même jour à 8 heures du foir , une du 13 à ·
11 heures du matin . »
Par fa dé êche du 12 à 7 heures du matin
datée de Saint -Diziet , M. Kellermann m'annonce
qu'il le porte fur Bar-le-Duc . Par fa dépêche.
du 12 à 8 heures du foir , datée de Bar ,
ce générale me mande que du moment où les
Pruffiens ont appris l'arrivée de l'avant- garde de
6,000 hommes qui s'étoient avancés fur cette ville ,
ils fe font repliés fur-le- champ , & font allés rejoindre
le gros de l'armée,
719
« M. Kellermann me mande , du 13 Sep(
195 )
tembre à fix heures du matin , qu'il vient de
recevoir une lettre de M. Dumourier , par la-G
quelle il lui annonce qu'il eft attaqué fur trois
points différens . M. Kellermann ne doute pas
que le général Dumourier ne réfifle ; cependant ,
comme M. Kellermann ne veut rien donner
au hafard , il prend le parti de fe rendre à Saint-
Dizier , pour couvrir Châlons & Paris. »
:
« M. Kellermann m'annonce encore que fes
émiffaires lui ont appris qu'il fe faifoit un mou- >
vement général dans le camp ennemi ; ils ajoutent
que la contagion eft dans l'armée, Piuffienne , & >
Les Habi
que les Soldats
meurent
fous
latenu
tans du pays foupçonnent qu'un grand nombre de
tentes n'eſt point occupé .
ג כ
#1
20
ee Dans la troifième lettre , M. Kellermann
m'envoie une copie du compte rendu par M.
Wimpfen , Commandant de Thionville ; TATfemblée
apprendra avec plaifir que les ennemis
rebutés par le courage de la garni on & des
Citoyens , s'en font éloignés . Si Verdun &
Longwi avoient imité ces braves François , notre
territoire ſeroit encore dans toute fon
grité
י כ
nté
Dès que j'aurai reçu des détails de M. Du
mourier, je m'emprefferai de les tranfmettre au
Corps Légiflatif,
Signé , SERVAN.
5. We ob
Lettre du même Miniftre , du 16 Septembre
ce
170
"
M. le Préfident , j'ai l'honneur àde vous
adreffer les trois dépêches que je viens de rece- ,
voir de l'armée du Noid. Le Général Dumourier
, après m'avoir confirmé la nouvelle de l'ennem
repouffé avec quelque perte , le Général.
ennemi tué, me tranfmet un billet de M. Chazot,
>
1.
I 2
( 196 )
Lieutenant- général , daté du 14 , à 11 heures du
matin, »›
2018
Billet de M. Chizot.
Mon Général, après avoir eu le plus grand
fuccès , je viens d'être forcé à la retraite par
des forces infiniment fupérieures . J'avois cru d'abord
que l'ennemi n'avoit point de canon ; mis
une heure après l'attaque , il nous a prouvé le
contraire , par des pièces même de pofition & des
obufiers ; d'ailleurs 5,000 hommes n'ont pu tenir
contre dix à douze mille . Nous avons perdu
quelques hommes des deux armées , & peut - être
une vingtaine de bleffés . »
Les ennemis ont dû perdre beaucoup . Aiefi
Vous voyez , mon cher Général , que се
que
j'avois craint m'eft arrivé . Nous ferons plus- heureux
une autre fois.
Je ne peux vous parler de la valeur des
troupes,; je vais me retirer à Vouzier , & je
crois qu'il eft intéreffant que je me tienne dans
cette pofition , fans négliger de porter des fecours
au Général Dubouquet , lorfque les circonftances
l'exigeront , en attendant l'arrivée du Général
Bournonville & vos . ordres ultérieurs. »
сс
Le Corps législatif jugera fans doute , M.
le Préfident , qu'il étoit bien difficile aaux troupes
du Général Chazat , de fe conduire avec plus
de valeur qu'elles n'ont fait , & que leur Chef
à des droits à la reconnoiffante nationale , pour
la conduite qu'il a tenne. »
«
AVAZ
M. Dumourier me rend compte enfuite des
difpofitions qu'il a faites pour empêcher les énnemis
de pénétrer plus avant ; il m'inftruit auſſi
des ordres qu'il a donnés aux différens corps de
fon armée , pour opérer leur réunion tant avec
1
( 197 )
les troupes qu'il commande , qu'avec l'armée
de Kellermann , qui , de for. côté , a marché
pour couvrir Châlons & Reims. J'imagine , d'après
les rapports qui me font parvenus des différens
Généraux , qu'ils occupent enſemble une
pofition qui a déjà une fois fervi à des Généraux
François , à arrêter pendant une campagne
entière , avec des forces inférieures , l'ernemi
qui vouloit pénétrer fur Paris ; c'eft celle de
Suippe .
כ כ
les
M. Dumourier termine ainfi fa dépêche :
Nos troupes fe font très bien battues ,
Autrichiens ont beaucoup perdu , & nous trèspeu.
Le Prince Charles de Ligne a été tué
nous avons pris un Secrétaire du Roi de P.uffe
chargé des dépêches pour le Duc de Brunfvick.
Je vous enverrai les lettres qu'on a trouvées fur
lui , qu'on traduit en ce moment. »
Signé , SERVAN , Miniftre de la Guerre.
Autre lettre du Minifire de la Guerre , du 17 Septembre.
M. LE PRÉSIDENT ,
« Je viens de recevoir de Châlons des mou
´velles qui m'ont étonné ; M. le Maréchal Lackner ,
après m'avoir anoncé que de trois bataillons de
Volontaires auxquels il avoit donné ordre de fe
rendre à l'armée , un feul avoit voulu s'y rendre ,
continué ainfi :
ce
Hier , fur les dix heures du foir , vint un
Officier du bataillon des Lombards nous porter
' la nouvelle que le rendant à Suippe , il fut rencontré
par une multitude de Volontaires , Chareiers
& Citoyens fuyans à toutes jambes , Joi
difant que l'ennemi avoit enveloppé Suippe &
1
3.
( 198 )
t
و <
hâché le bataillon . Un inftant après, deux Cavaliers
& un Chafleur viennent femér l'alarme ,
en difant que l'armée de M. Dumourier avoit
été défaite , & que l'avant- garde à Ste . Menehould
commandée par M. Dillon avoit
été furprife à cinq heures du foir , taillée en
pièce , & le refte fait prifonnier. Vous pouvez
aifément , ajoute M. Luckner , juger des grands
mouvemens que cette nouvelle a occafionnés
parmi les Volontaires & les Citoyens ; juſqu'à
préfent le calme n'eft pas revenu . On s'occupe
à faire camper les troupes qui font en ville . »
« Quelles font , M. le Préfident , les caufes
de cette terreur panique ? je ne puis l'attribuer
qu'aux ennemis de la Révolution qui , pour nous
affoibir,emploienttouteefpècedemoyens.»ود
En effet , M. le Préfident , M. Dumourier
a levé le camp de Grandpté , & fon arrière garde
a été attaquée avec quelques fuccès par l'ennemi ;
des charetiers , des vivandiers , des hommes fans
courage ont pris la fuite , les uns vers Ste. Menehould
, les autres vers Châlons ; mais l'avantgarde
coramandée par M. Dillon , qui , d'après
les rapports faits à Châlons le 15 , fur les dix
heures da foir , avoit , difoit- on , été furprise &
taillée en pièces , étoit cependant , d'après un rapport
de M. Dillon , fait à la même heure , en
rès-bon ordre à Ste . Ménehould . Voici , M. le
Prefident , la copie de la lettre de M. Arthur Dillon
à M. le Maréchal Luckner, »
J'apprends en revenant de mes poftes , que
M. Dumourier a levé la nuit dernière fon camp
de Grandpré ; il étoit déjà rendu à fon nouveau
camp à Dammartin à dix heures du matin . Il
Paroît que fon arrière-garde a été attaquéc , qu'il
( 199 )
s'en eft fuivi une déroute, voilà tout ce que j'en
fais ; partie des équipages entrent dans la ville avec
des fuyards. J'ai envoyé favoir des nouvelles de
M. Dumourier. p..
CC
J'apprends en cet inftant qu'il a rallié fon
camp; les ennemis n'apprennent pas ce qui eft
arrivé , & qu'ils n'attaquent pas demain de bonne
heure , rien n'eft perdu.
לכ
En me réfumant , M. le Piéfident , il réfulte
que l'arriè e garde de M. Dumourier a été
attaquée , qu'elle a éprouvé quelque perte , que
quelques perfonnes ont pris l'alarme & out fui ,
mais que M. Dumourier s'eft rallié dans une
bonne pofition ; que M. Dillon n'a point été
attaqué , & que le corps de M. Bournouville ne
l'a point été non plus ; ajoutez à ces faits l'affu
rance que je viens d'avoir que M. Kellermann
eft à Vitry, qu'il doit ea être reparti pour Châlons
, que par conféquent Paris eft couvert , &
que nous n'avons véritablement à craindre que
Tindifcipline , l'infubordination dans les troupes ,
les méfiances & les foupçons parmi les Citoyens.
Un Citoyen qui arrive de Valenciennes .
m'annonce auffi que nos troupes ont remporté
proche de Douai un avantage allez confidérable ;
mais n'ayant de ce fait aucun rapport officie!
je ne puis le garantir au Corps Légiſlatif. »
сс
>
Enfin , M. le Préfident , fi nous fommes
calmes & fermes , la liberté & l'égalité fortiront
triomphantes du combat que le defpotifme &
l'aristocratie leur livrent . »
« Un Officier de l'armée de M. Dumourier
arrive en ce moment , voici fon rapport :
« L'ordre étoit rétabli le 15 à onze heures du
foir , Hier foir , M. Dumourier étoit campé
(
I 4
7.200 1
à Bro , à côté de Sainte -Ménekould ; fon'armée
étoit réunie ; les efprits étoient calmes ; les fuyards
one été arêtés , déshabillés , & renvoyés garottés ;
ils n'étoient qu'au nombre de cinquante, »
> D.. 2
Extrait d'une Lettre de M. Dumourter du 16
Septembre.iu
сс
7:15
Soyez fans inquiétude , dit ee général ; la
perfonae que vous m'avez envoyée , a vu une
retraite fur plufieurs colonnes , & une arrièregarde
dans le meilleur ordre. 1500 hommes
avoient produkt une déroute de io mille hommes.
Te a été l'effet d'une terreur panique. L'armée
eft ralliée , elle a confiance en moi , & tout fe
réparera. Si dans cet état l'ennemi étoit venu
m'attaquer , il auroit été battu . Je renvoie à
leur département deux bataillons qui ont ab ndonné
leurs canons ; j'aime mieux avoir mil'e
hommes de moins que des lâ hes dans mon armée .
J'attends ceux qui ont fui jufqu'à Rhétel & Reims;
je ferai fans pitié pour les foldats qui ont aban
donné leurs armes je ferai des exemples terri
bles... »
RUSSIE.
Les difpofitions de la Cour de Péterfbourg,
c'est - à - dire de Catherine II , à l'égard
de la France , étoient depuis longtemps
bien connues de tout le monde .Tout
le monde a lu les billets galans qu'elle a
écrits aux Princes émigrés , & tout le
( 201 )
monde a fu qu'elle leur a envoyé de l'ar
gent. Aujourd'hui deux nouvelles répar
dues depuis quelques femaines paroif
fent fe confirmer : on dit , que fière d'avoir
remis la Pologne fous fon joug , l'Impératrice
fait marcher contre la France
15 mille Ruffes qui doivent joindre les
armées combinées fous les ordres du Prince
Repnin. -On ajoute qu'elle fait partir en
même temps , de la Mer Noire , une efcadre
qui doit entrer par les Dardanelles , dans
la Méditerranée , & jetter 8,000 hon mes
de débarquement , d'abord fur les côtes de
la Corfe pour s'emparer de cette ifle , enfuite
dans le port de Marſeille pour s'ouvrir
, fur les débris de cette ville bombardée
, un paffage dans l'intérieur de la
France. Ce plan a paru , à beaucoup de
perfonnes , trop gigantefque pour être
croyable , mais en l'appréciant mieux , on
y trouvera plus de vraisemblance que de
grandeur. Quelque peu d'hommes en effet
qu'elle ait dans fes vaftes Etats , ce n'eft
pas une merveille que l'Impératrice de
toutes les Ruflies puille envoyer is mille
hommes par terre & 8 mille hanimes par
mer. Mais ce plan très vraisemblable pa
roît auffi très extravagant. Qu'eft ce que la
Ruffie pourroit faire de la Corfe fi éloignée
d'elle ? & fi 8 mille hommes fuf
foient pour prendre cette ifle , commen
(( 202 ))
raient- ils pour la garder ? Catherine II
Tagine fans doute que fon efcadre.trouvera
Ma feille fans les Marfeillois ; mais il
eft au moins probable que les Marſeillois
feront à Marseille , & il eft bon qu'une
Impératrice faffe connoiffance avec de tels
hommes. Ce qu'on peut croire auffi , c'eſt
que l'efcadre Ruffe en fe promenant fur
la Méd terranée y rencontrera l'efcadre de
France commandée par M. Trugué , &
que l'Impératrice apprendra que M. Tru
gué eft un habile Marin & un excellent
Patriote .
SUEDE.
Il y a long- temps qu'on fait en France
que les Princes émigrés ont dans toutes
les Cours de l'Europe des Agens , ou fecrets
ou publics , parfaitement reçus &
traités dans toutes les Cours. Dans prefque
toutes ils obtiennent tout ce qu'ils demandent
, & ils demandent beaucoup. M.
d'Efcars , Agent des Princes émigrés auprès
du Duc Régent de Suède , a demandé
que M. Verninac , Envoyé de France auprès
de cette Cour , reçut l'ordre de fortir
de la Suède. Cette démarche , difoit il, fera
* une chofe très agréable à Louis XVI , que
le Duc de Brunſwick va bientôt rétablir
dans fon ancienne autorité. Le Duc- Régent,
* comme on peut le croire , n'a rien répondu
( 203 )
ni für les grandes victoires que le Duc de
Brunfwick doit remporter , ni fur ce qui
féroit agréable à Louis XVI ; il a répondu
que M. Verninac n'étoit revêtu auprès de
lui d'aucun caractère diplomatique , qu'il
ne le confidéroit que comme un voyageur
François très attaché aux intérêts de la
France , & qu'aucune Nation ne pouvoit
repouffer de fon fein , fans violer le droit
des gens. M. d'Efcars & fes Commettans
n'auront pas été contens de cette réponſe :
elle donne au Duc Régent de la Suède de
nouveaux titres à l'eftime de tout ce qu'il
y a d'hommes & de peuples éclairés en
Europe.
3
1
Tous les actes du Gouvernement de ce
-Prince ont ce double caractère de juftice
& d'humanité qui feul peut rendre les autorités
refpectables . Les Comtes Claude Fr.
Horn & Adolphe , Louis Ribbing , le Lieutenant
Colonel Charles-P. Liljehorn & le
Baron Charles F. Ehrenfward avoient été
condamnés à la mort , par les Tribunaux ,
comme complices d'Ankafiroëm. Le Régent
à commué cette peine en un banniflement
perpétuel du royaume. Le peuple de
Stockholm , que cet acte de clémence auroit
dû toucher , en a murmuré . Il s'eft áttroupé
en fureur. Aucun fupplice , au gré
de ce peuple aveugle , ne pouvoit être affez
terrible contre des hommes qui ont conjuré
la mort d'un Roi deftructeur de la
14
16 T
( 204 ).
liberté & de la Conftitution de la Suède.
Et c'eft- là le peuple dont la fierte &la géné
rofité ont été rong temps citées en Europe !
C'eft- là le peuple qui a fi long temps partagé
avec les Anglois la gloire d'être préfenté
comme un modèle à tous les peuples !
non ; mais on y reconnoit bien cette populace
avilie par fon indigence & par fa
cupidité , & dont les Députés à la Diête ,
auffi vils qu'el'e , en fe rendant à l'Affemblée
des Repréfentans de la Nation , paffoient
chez les Ambaffadeurs de France &
de Ruffie , pour recevoir d'eux , avec un
écu , la motion qu'ils devoient faire , &
l'opinion qu'ils dévoient défendre.
Pour prévenit la fédition, prête à écla
ter , pour dérober aux pierres & aux couteaux
de la multitude ceux qu'il avoit dérobés
au glaive des loix , le Duc Régent
a publié une espèce de Proclamation dont
l'objet eft de juftifier fa clémence. Pour
faire refpecter cette clémence , il en rejette
le mérite fur fon frère. Il veut la faire regarder
comme le dernier ordre d'un Roi
qui étoit trop defpote pour être fi généreux.
Et voilà comment les erreurs , tantôt
des tyrans & tantôt des peuples , contraignent
les ames les plus fincères d'avoir recours
à la fineffe pour faire le bien qu'elles
voudroient faire avec magnanimité. Nous
allons rapporter la partie de cette procla
mation , que les papiers publics ont fait
620511
connoftre ; on verra que notre amour pour
la liberté ne nous fait diflimuler , ni ce qui
honore un Prince , ni ce qui accafe un
' peuple .
ес
20 .
Nonobftant la juftice de cette punition , des
srailons prépondérantes que nous voulons conferver
pour nous & la poſtérité dans ce protocole,
nous empêchent de donner notre confentement à
fon exécution . Peu de jours avant le décès du Roi ,
nous cûmes un entretien avec lui fur fon malheur.
Le Roi , dont le coeur généreux étoit toujours
difpofé au pardon , attefta que la fimple idée
d'une peine capitale , à laquelle les conjurés devoient
s'attendie , l'affectoit plus fortement que
toutes les douleurs qu'il fouffroit en ce moment ,
& qu'il ne pouvoit fe tranquiler avant que nous
ne lui cuffions donné notre parole fraternelle &c
de prince , qu'au cas qu'il dût mourir , fon interceffron
actuelle , face en faveur de fes fujets
dégénérés , feroit efficace & fuffifante pour les
fauver de la peine de mort méritée . Touchés
jufqu'aux larmes , nous osâmes répliquer au fouverain
, qu'à l'égard d'un for fait auffi horrible ,
les loix divines & humaines ne permettoient point
que on diminuât les punitions des crimes pareils
que d'ailleurs le nem Suédois & la sûreté
publique y étoient trop interefiés , pour qu'on ne
dût infifter fur une punition exemplaire. Le Roi
ému répondit : que file droit du Talion exigeoit
abfolument que le fang dût être expié par le fang ,
& que fon intervention ne fût pas affez efficace ,
il defiroit que cette vengeance le barnât uniquement
à celui qui avoit mis fa main audacieuſe
fur la perfonae faciée du Roi. S. M. ajouta encore
: qu'elle fouhaitoit que la mort de ce mi"("
206" )
:
férable pût être la feute qui réſultèroit de la fiènne
propre , & que l'on fit grace de la vie à tous les
autres confpirateurs, plus ou moins coupables , fans
égard à leur nombre , ( lequel n'étoit pas connu
aloss ). Enfin le Roi dit que cette to licitation
étoi: la dernière demande d'un frère , & le dernier
ordre d'un Roi , que la faculté d'accorder grade
ne pouvoit lui être contefiée aufli long - temps
qu'il étoit en vies & qu'en vertu de cela il exigeoit
notre promeffe folemnelle . Ces faits touchans
répandront à jamais une lumière éélatante fur
l'a ne généreufe de Guftave III ; ils immortaliferont
fa memoire encore davantage que la
-victoire près de Swenskfund : mais en êmetemps
ils formeront auffi la baſe fur laquelle
nous fondons notre decifion comme chrétieri ,
a fojets, frères & homme. Tout nous impofe le
devoir d'accomplir les ordres de rotte Roi mourant.
Il avoit une pleine puiffance de pardonner ;
l'objet le concernoit perfonnellement durant fa
vie , nous ne nous fommes jamais écartés de fa
volonté ; pourrions - nous , en qualité de frère , le
tromper au dernier moment de fa carrière ? Eu
égard à ces motifs , nous déclarons en conféquence
que la peine de mort prononcée contre
les ci- devant Comtes Claude - François Horn &
Adolphe , Louis Ribbing , contre le Lieutenant-
Colonel Charles- P . Liljehorn , & le Baron Charles-
F. Ehrensward , fera commuée en celle de banniffement
perpétuel du royaume. Ils feront dégradés
de leur nobieffe , ils perdront leurs droits & prérogatives
de citoyen , ils feront d'abord tranfportés
au-delà des frontières d'une patrie qu'ils
avoient effentée auffi horriblement , fans elpoir
d'y retourner en aucun temps ; avec défenfe ,
fous peine de la vie , de manifefter feulement ce
*
•
:
( 207 )
.
"
defir. Leur répentir & leur confcience aggraveront
leur punition , puifque nous fommes intimement
perfuadés que la mort même leur oût
préfenté un adouciffement & un foulagement ,
qu'ils ne peuvent obtenir dans une vie dévouée
au crime. Nous hâtons le moment de leur tranfport
, afin d'effacer , s'il eft poffible , le fouvenir
de la difformité de leur crime , qui fe renouvelleroit
fans ceffe , s'ils reftoient comme prifonniers
dans les forterefles du royaume . Ces
infortunés feront donc bannis à perpétuité , ils
abandonneront pour toujours le territoire Suédois
, dont ils troublèrent le repos & la félicité .
Pour mettre le comble à leur déloyauté , ils fauront
que ce même Roi , contre les jours duquel
ils avoient confpiré , leur fit grace de la vie.
Quant à ce qui concerne les autres prifonniers ,
nous confirmons la fentence que le Tribunal
Suprême a prononcée contre eux , &c. »
Le Duc Régent pourfuit l'objet qu'il paroît
avoir de régénérer les moeurs pour ré-
- tablir enfuite la liberté fur des bafes folides.
Il profcrit non par des loix mais par des
exhortations toute efpèce de luxe & furtout
le luxe dont les objets . font fournis.
par les manufactures étrangères. Ce zèle
eft louable ; on peut douter qu'il foit affez
éclairé. La corruption des Suédois n'eft pas
née de leur amour pour le luxe , mais de
leur pauvreté . C'est parce qu'ils font reftés
pauvres , tandis que les autres Nations fe.
font enrichies , que les Suédois ont été
toujours prêts à fe vendre eux & leur liberté
à tous ceux qui vouloient les acheter. Il fe-
1
12089
roit done plus raifonnable pour répandre
de bonnes moeurs parmi les Suédois , de
s'occuper à répandre parmi eux l'induſtrie
& une certaine ailance . Le pauvre eft
dans la dépendance de fes befoins , comme
le riche dans celle de fes vices. Le bien être
pour tous & l'opulence pour perfonne :
c'eft ce qui affureroit le mieux la liberté
d'un peuple. La nature elle même a affez
fait de loix contre le luxe dans la Suède dont
>le climat eft très - pur mais très-rigoureux.
Les papiers publics de l'Europe mêlent
encore le récit des petites liaifons , des
Princes entr'eux au récit des grands rapports
qui lient entr'elles les Nations. On
écrit de Stockholm que l'Impératrice de
Ruffie s'occupe déjà du mariage d'une
fiile de la Grande - Ducheffe avec le jeune
Roi de la Suède , & que pour en préparer
les noeuds elle lui a fait préfent des ORDRES
de Ruffie , montés en fort beaux diamans ;
nous ignorons jufqu'à quel point il eſt
pollible à la Suède , à fon jeune Roi & à
fon fage Régent de fe défendre de ce mariage
mais ce qui paroît certain c'eft qu'il
faut repouffer une telle union fi l'on veut
réellement travailler à la liberté de la Suède .
Catherine II qui a copié autrefois l'ESPRIT
DES LOIX dans je ne fais quelle compilation
qu'on appelloit le CODE DE RUSSIE
veut que tous les peuples foient efclaves
comme les Ruffes .
( 209 )
ر ا
POLOGNE.
De Varsovie , le 8 Septembre 1792.
Nous l'avons dit , tout n'eft pas encore
décidé pour ce malheureux pays : il
eft trahi plutôt que foumis. D'un côté il eſt
vrai , le nombre des adhéfions à la contrerévolution
opérée par les Ruffes & par
les traîtres s'accroit chaque jour : dès qu'il
Y
a une
place
à obtenir
il y a mille
efclaves
qui
s'agenouillent
devant
les
vainqueurs
;
mais
d'un
autre
côté
les
vrais
auteurs
de
la
révolution
du
trois
Mai
&
ceux
qui
s'y
étoient
dévoués
comme
à la
gloire
&
au
bonheur
de
la
Pologne
fe
relèvent
de
Tétonnement
où
les
avoft
mis
la
perfidie
du
Roi
&
fa
lâcheté
. Tandis
qu'on
envi-
Tonne
Varfovie
de
nouveaux
régimens
Ruffes
, de
toutes
parts
il
fe
forme
des
' bandes
de
braves
Polonois
, &
ces
bandes
font
des
noyaux
d'armée
. L'amour
de
la
Liberté
comme
l'amour
de
Dieu
croît
fous
le
glaive
des
perfécuteurs
, &
fi les
Polonois
ne
perdent
pas
ce
fentinient
fublime
ils
n'ont
pas
perdu
, fans
retour
, leur
liberté
.
Ce
que
leur
difoit
J.
J.
Rouſſeau
le
vérifiera
: LES
RUSSES
POURRONT
VOUS
DEVO
KER
, MAIS
ILS
NE
POURRONT
VOUS
DI-
"GÉRER
.
x
"
Ce qu'il y a de curieux pour les obferva(
210 )
1
teurs des évènemens de ce monde, c'eft que
les Ruffes & leur Impératrice en mettant
la Pologne fous leurs pieds , prétendent y
rétablir la République ; c'eft qu'ils fe flattent
même d'en impofer à cet égard à l'opinion
des Polonois , c'eft qu'ils font imprimer
des Mémoires , des efpèces de FACTUM fur
la révolution pour prouver que c'eft la
République qu'ils rétabliffent. Suivant la
logique & le langage de l'Avocat qui a
écit ce Mémoire ou plutôt ce Libelle , les
la POLOGNE
étoient des FACTIEUX & il le prouve
parce qu'ils ont donné de nouvelles loix à
la Pologne fans le confentement de l'Impé ·
ratrice de Ruffie. Cette Impératrice avoit
GARANTI l'ancienne anarchie de la Pologne,
& cette anarchie étoit le feul Gouvernement
légitime , parce que l'Impératrice l'avoit
GARANTIE . Le moment où la nouvelle
Conftitution fut établie , pourfuit l'Avocat
de Catherine II ajoute à toutes les
horreurs de cette révolution . Ce fut au moment
où la Ruffie étoit injuflement attaquée
par les Turcs. Il y avoit donc de l'injuftice
aux Turcs à ne pas trouver bon que Catherine
aliât établir fon Trône à Conftantinople
! Il n'eft pas douteux qu'avec de
pareils raifonnemens l'Impératrice de toutes
les Ruffies re put prouver tout auffi bien
qu'elle doit impofer des loix à la Grèce , à
la Pologne , à la France , aux deux mondes.
Auteurs de la Conftitution de Delle , les
( 211 )
"
*
Voilà comment raifonnent les Scribes de
cette Catherine que Voltaire exhortoit à
faire naître la raifon dans la Ruffie , à porter
la liberté dans l'Afie & qui le juroit à
Voltaire.
ALLEMAGNE.
La coalition des Puiffancès de l'Empire
contre la France fait tous les jours quelques
progrès parmi les petits Princes : les
uns y entrent volontairement, parce que leur
vanité eft flattée de fe croire menacés par les
nouveaux principes , comme les Rois ; les
autres font entraînés par des promeffes brillantes
que leur font le Roi de Pruffe &
l'Empereur ; d'autres font décidés par la
peur. Le Landgrave de Heffe Caffel paie
de 6,000 hommes qu'il fournit , l'efpérance
qu'on lui a donnée de le placer parnii les
Electeurs ; & lui - même va commander fes
troupes 2,000 hommes de l'Electorat de
Mayence font en marche , avec de l'artillerie
, pour fe rendre à l'armée du Prince de
Hohenlohe le Duc des Deux- Ponts , que
tant de motifs d'intérêt & de reconnoiffance
devroient attacher à la France , a
donné paffage par fes Etats , fans aucune
difficulté, au régiment de Château vieux
qui défertoit notre armée ; enfin , les Princes
Directeurs du Cercle de Baviere ont adreffé
:
des lettres circulaires à tous leurs Co- états
pour les inviter à mettre fur pied leur contingent.
Un accord fi étendu & fi parfait ,
en apparence , entre les Puiffances Germaniques
, faifoit croire qu'on verioit ſortir
inceffamment de la Commiffion Impériale
une déclaration de guerre de l'Empire contre
la France. Cependant , des lettres de Ratif
bonne apprennent que cette réfolution n'eft
pas arrêtée encore , & qu'il y a dans le
Collège électoral une affez grande diverfité
d'avis. Il ne faut pas en être furpris : pour
peu que les petits Souverains Allemands
aient de prudence , il leur eft facile de prévoir
qu'en aidant l'Empereur & le Roi de
Pruffe à foumettre la France, ils leur prépateroient
les moyens de les foumettre enfuite
eux mêmes , & de fe partager entre
eux toute l'Allemagne. La haine des Rois
puiffans contre les Conftitutions ne manqueroit
pas de s'étendre même fur cette
Conftitution de Princes. Peut être les petits
Souverains Allemands ont ils encore
une autre crainte ; c'eft de voir la France ,
libre enfin de déployer tous fes moyens &
toutes les forces , faire tête à cette conjuration
univerfelle , & après s'être défendue
chez elle aller chez les autres demander
raifon de toutes les injures & de toutes les
attaques. Ces petits Princes , fi foibles ,
dépendans , quels moyens auroient-ils de
?
fi
( 213 )
lui réfifter ? Quoi qu'il en foit des motifs ,
il eft certain que l'Empire n'a point encore
déclaré la guerre à la France .
L'Empereur qui auroit voulu, fans doute,
réferver toute fon attention & toutes fes
forces contre la France , peut fe voir contraint
, avant long- temps , d'en diftraire une
Fattie pour les oppofer aux Turcs. Les
Commiffaires chargés de régler définitivement
avec la Porte la démarcation des
frontières en Croatie , écrivent au Confeil
de guerre aulique , que les Turcs font
naître fans ceffe de nouvelles difficultés.
Il eft vraisemblable que ces difficultés produiront
des querelles , & les querelles la
guerre. C'eft le moment le plus favorable
pour les Turcs , c'eft leur intérêt comme
celui de la France ; & jamais il ne fe préfentera
une meilleure occafion de tirer un
grand parti , pour les deux Empires , de la
bonne intelligence qui règne depuis fi
long temps entre la France & la Porte.
རྩ་
Le Prince de Kaunitz , qui a conſervé les
places.& fon crédit fous tant d'Empereurs ,
les a enfin perdus fous celui qui vient d'être
couronné. Il n'eft plus Chancelier de Cour
& d'Etat. Il conferve la jouiflance de l'hôtel
qu'il occupoit , & fa penfion de retraite
eft fixée à 80,000 florins. Ce Miniftre a eu
une grande réputation dans la Diplomatie
del'Europe . Mais quel titre laiffe-t-il à cette
21 4 }
gloire que les fiècles décernent , & qui n'eft,
fondée que fur le bien qu'on fait aux
hommes Il a eu , dit- on , un grand caractète
mais à la tête des Empires qu'est ce
qu'un grand caractère fans un grand génie ?
Une opiniâtreté funefte aux Empires , ce
qu'on appelle le caractère , ne fert trop fouvent
qu'à donner de l'afcendant & de la
célébrité à des hommes médiocrės .
Les dernières lettres de Ratisbonne ont
appris au Miniftre des affaires étrangères
que l'Empire fe déciare contre la France.
ESPAGNE.
Le Cabinet de Madrid fe déclare - t - il ou
ne fe déclare-t - il pas contre la France ?
C'est encore un problême. Mais la France
eft plus en doute qu'en peine de la manière
dont ce problême fe réfoudra. Le
Roi d'Espagne , comme tous les Rois , doit
avoir en horreur une révolution qui apprend
aux Rois que les Peuples font leurs
maîtres , & qquu''iillss nn''eenn ffoonntt que les ferviteurs
; le Bourbon de Madrid a des motifs
particuliers de ne pas vouloir que le Bourbon
de Paris ne foit plus un Souverain. On
écrivoit , il y a quelques jours de Barcelone
que le Gouvernement d'Eſpagne a fait
acheter toutes les pailles , depuis Barcelone
jufqu'à Figuera : on écrivoit de Mala(
215 )
ga que des ordres ont été dans la Catalogne
pour que les habitans euffent à déclarer
le nombre des voitures ,
charettes
,
riots , chevaux mules & mulets qu'ils
pofsèdent & à les tenir prêts pour les livrer
chala
première requifition . On a écrit plus
r cemment de Madrid [ le 3 Septembre ]
que la commiffion a été donnée à dix Officers
généraux d'examiner l'état des troupes
& de préfenter des vues fur les moyens de
Completter & d'organiſer l'armée ; enfin des
lettres écrites de plufieurs lieux du Département
des Baffes- Pyrénées a l'Affemblée nationale
de France ont déjà fait craindre
quelque mouvement & quelqu'attaque
des Efpagnols. Tous ces faits pourroient
faire croire que l'Efpagne qui
n'a pas encore déclaré la guerre à la
France la lui fait déjà ; le Gouvernement
provifoire François , continue cependant
à penfer que le Cabinet de Madrid follicité
de toutes parts à la guerre par les Puiffances
coalifées veut refter en paix & en repos.
C'eft l'avis de d'Aranda , le meilleur ami
de l'Efpagne & le Miniftre de l'Europe qui
>connoît le mieux la France & les François .
Le Comte d'Aranda fait comprendre fans
doute à la Cour de Madrid que l'Eſpagne
féparée de la France n'auroit aucun
moyen de défendre fes Colonies contre
l'Angleterre ; il lui fait comprendre qu'a-
1
4
( 216 )
vec des finances qui font dans le plus
grand défordre , avec des troupes où il n'y
a pas un foldat qui aitfai
la guerre, avec un
Empire dépeuplé par le célibat, & par le
libertinage des Prêtres & des Moines , il
eft inpoilible que l'Efpagne ne courre pas
trop de dangers à avoir la France pour
ennemie , il lui fait comprendre que nos
Départemens du Midi , ces Départemens
fi paffionnés pour la liberté , feroient feuls
en état , non - feulement de réfilter à l'ECpagne
, mais de lui porter des coups
neftes.
fune
of
JOURNAL
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE.
FRANCE.
De Paris, le 27 Septembre 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du dimanche, 16 Septembre.
APRÈS PRÈS la lecture d'une foule de lettres d'adhéfion
, un député du département de Saone &
Loire rend compte de l'empreffement avec lequel
fes concitoyens ont formé & équipé quatre bataillons
& une compagnie franche . Rien n'a égalé
le zèle des adminiftrateurs , fi ce n'eft le dévouement
des adminiftrés . Le bataillon de ce dépar-,
tement , maintenant en garaifon à Béfort , manquoit
de linge ; l'adminiftration en eft in formée ,
& en quatre jours , deux mille chemiſes ont été
faites & envoyées ; le baraillon les a reçues.
Le comité des fiances fait mettre à la difpofi
N. 39. 29 Septembre 1792 K
7218 )
tion du miniftre de l'intérieur les fonds néceffaires
pour la continuation des travaux de
Cherbourg
.
Sur la propofition d'un membre
du comité des affignats & nonnoies , l'Affemblée
accorde dix mille livres pour la découverte d'un
timbre fec & perfectionné.
Au nom de la comarillion militaire , M.
Letourneur fait un rapport fur les moyens d'accélérer
les travaux du camp de Paris . Le
plan de M. Belair ayant paru trop vafte
Pour que ce directeur pût raisonnablement
répondre de fon exécution , dans l'efpace de
temps donné , pour le mettre en état de réfif--
ter à l'ennemi , la commiffion s'eft déterminée à y
faire concourir , l'adminiftration des ponts &
chauffées qui , par fon organifation & par la
nature de les fervices , peut en tendre de trèsutiles
dans cette ci conftance . En conféquence ,
elle propofe, & FAflemblée adopte un projet de
décret divifé en quatre titres dont le premier eft
relatif à l'organisation des travaux de M. Belair ;
le fecond concerne les travaux qui feront dirigés
par les ingénieurs des ponts & chauffées ; le
troifième & le quatrième , règlent les appointemens
des employés , les frais de voyage , de
logement , & c .
D'après le vocea de fon comité des finances ,
l'Affemblée met à la difpofition du miniftie de
l'intérieur pour les travaux de 1792 & pour les .
frais d'adminiftration des écoles gratuites des ponts
& chauflées , la fomme de fix millions & celle ,
d'un million pour les travaux extraordinaires des
ponts & chauffées autres que ceux de Cher-,
bourg , pour l'entretien des phares , tonnes &
balifes pour lefquels il n'y a point encore de
fonds affectés .
( 219 )
M. Goyer cbtient la parole pour préfenter une
an- lyfe rapide des papiers trouvés tant au château
des Tuileries que chez l'intendant de la lifte civile
. L'Afemblée applaudit à ce travail ; elle
en décrète l'impreffion & l'envoi aux armées
aux départemens & à toutes les municipalités de
l'Empire .
Le mi iftie de l'intérieur vient rappeller l'attertion
du corps légiflatif, fur un fait de la plus
grande importance . Chargé de la furveillance
générale de la police du royaume , il a voulu
approfondir un bruit répar du depuis quelquesjours
dans la capitale 3 on difoit que les premiers jours
de ce mois , quatre ou cinq cents perfonnes
avoient été arrêtées , & que les prifons étoient
garnies autant qu'avant la journée du 2 feptembre.
Le miniftre a trouvé le fait exact . Il a requis
les registres d'écrous , il n'y en avoit pas. Il n'a pu
obtenir que la repréfentation des ordres qui avoient
déternité les arreftations . Les uns font partis de la
municipalité , les autres des fections ; ceux- c
ort été lancés par des individus , ceux - là par
des comités . Quelques-uns des ces ordres font
motivés , la plupait ne le font pas. Le miniftre
remet les pièces fur le bureau , & l'Affemblée
les renvoie à la commiffion extraordinaire pour
en føre le rapport.
On cherche à agiter le peuple par des bruits
tantôt exagérés , tantôt alarmans . Hier , on répandoit
la nouvelle d'une grande victoire , aujour
d'hui on débite celle d'une défaite complette. Pour
faire ceffer ces inquiétudes , M. Couftard s'eft
tranſporté , par ordre de la commiffion extraor
dinaire , dans les bureaux de miniftre de la
guerre , afin de vérifier les différens rapports qui
s'y trouvent. I en réfulte que M. Dumourier
K 2
( 220 )
avec 26,000 hommes feulement a réfifté à 60
mille qui l'ont attaqué fur trois points ;
qu'il les a repouffés for deux ; mais que l'ennemi
a pénétré fur le troifième . Par la réu
nion de MM . Kellermann , Bournonville & des
bataillons de Paris , M. Dumouriér eft aujourd'hui
à la tête de 80,020 hommes , fans compter les bataillons
qui lui arrivent du Midi , & les gardes nationales
qui arrivent de toutes parts .
M. Vergniaux , en partageant la jufte confiance
que fait naître cette impofante réunion de forces ,
ne peut diffimuler plus long-temps fes inquiétudes
fur la lenteur des travaux du camp de Paris ,
où il n'a vu que des ouvriers mercenaires & indolens
. Il s'afflige de cette efpèce de torpeur dans
laquelle paroiffent enfevelis les citoyens rekés
à la garde de la capitale . Il en trouve la cauſe
dans les profcriptions paffées , dans le bruit des
profcriptions futures qui ont répandu la confterna
ion & l'effroi. L'homme de bien fe cache, quand
lecrime fe commet impunément . Il eft des hommes
au contraire qui ne fe montrent que dans les calamités
publiques , comme il eft des infectes malfaifans
que la terre ne produit que dans les
orages. Ces hommes répandent fans ceffe les
foupçons , les méfiances , les jaloufies , les haines ,
les vengeances. Dans leurs propos féditieux , ils
aristocratifent , fi l'on peut s'exprimer ainfi , la
vertu même , pour acquérir le droit de la fouler
aux pieds ; ils démocratifent le crime pour le commettre
avec impunité.
O citoyens de Paris , je vous le demande
avec la plus profonde émotion , ne démafquerezvous
jamais ces hommes pervers qui n'ont , pour
obtenir votre confiance , d'autres droits que la
baffeffe de leurs moyens & l'audace de leurs
[ 221 ]
1
4
1
prétentions .... Abjurez donc vos diffentions in
teftines ; que votre profonde indignation pour
le crime , encourage les hommes de bien à fe
montrer , & vous verrez auffi - tôt le réunir à
vous une foule de défenfeurs de la liberté . »
L'Asemblée invite M. Vergniaux à lui préfenter
un projet de proclamation pour engager les citoyens
à fe réunir aux ouvriers du camp de Paris .
Car tout citoyen doit être ouvrier puifqu'il s'agit
de la défenſe de tous.
M. Goyer avoit rendu compte des papiers
trouvés au château des Tuileries & des manoeuvres
de la cour ; M. Aubert demande à la fin de cette
féance , que M. Goyer foit interpellé , par l'organe
de M. le préfiien , de déclarer s'il s'eft
trouvé parmi les archives de la perfidie , la
moindre indication de trahifon contre un des
membres de l'Affemblée . M. Goyer répond
qu'aucun député, excepté M. Blancgilly , n'étoit
inculpé par les pièces trouvées au château .
Du dimanche , féance du foir.
Le miniftre de la juftice fait paffer à l'Affemblée
une lettre de M. Truguet chef d'efcadre ,
aЯuellement en rade à Toulon & un extrait du
procès- verbal de tout ce qui s'eft paffé à l'occafion
de l'inauguration du bonnet de la liberté
fur le vaiffeau commandant dans le port. L'A
femblée en décrète la mention honorable & l'impreffion
.
On fait lecture d'une adreffe du confeil - général
de la commune de Maubeuge , qui annonce
que cette ville eft à la veille d'être affiégée.
Les ennemis fe font préfentés au nombre
de 4000 , & font entrés dans le fauxbourg
en ils ont commis beaucoup de brigandages . La
K 3
( 222 )
garrifon qui n'eft compofée que d'un bataillon ,
ne peut promettre une défenfe foutenue. Elle
eft d'ailleurs dénuée de tout ce qui eft néceffa
re pour réfifter au monire effort des enne ,
mis . Cette adreffe eft renvoyée au pouvoir exécutif
La municipalité de Rouen a pris l'amêté des
fufpendre l'envoi de toutes farines & grains , La.
vile de Pe pignan s'oppofe aufli au départ , des,
faires pour les armées . Le miniftre de la gueres
qui fait part de ces faits à l'Affemblée , la prie de,
mettre un frein à ce défordre & d'arrêter , par
les mefures les plus promptes , les fuites fa- ,
eftes que cet exemple pourroit entraîner . La,
demande du minire eft renvoyée à la commife
fion extraordinaire pour en faire inceffamment
fon rapport,
Le colonel du 104 , régiment d'infanterie
après avoir témoigné , au nom des follats , le
plus profond mépris pour les calmnies répan
dues contre ce corps , offre à l'Affemblée le pro- ,
duit d'ane collecte faite dans fon régiment four
les veuves & orpheline des citoyens mots dans
la journée du 10. Une députation vient dénoncer
l'incivifme d'une grande partie des huf-)
fards de la liberté cafernés à l'école mi
raire. Renvoyé au comité de furveillance .
-
તુ
Une lettre des administrateurs du départe
ment du Pas -de Calais , annonce que les rôles !
des impofitions pour 1792 , font faits & mis
en recouvrement.
Du lundi , 17 Septembre.
On a vu dans la dernière féance que la municipalité
de Rouen s'étoit permife de mettre des
entraves à la libre circulation des graias, Volci
le décret rendu fur cet objet , dont les difpofi- ,
( 223 )
times s'étendent à tous les corps a:adminiftratifs
qui feroient tentés de fuivre un fi dangercuz
exemple.
Art . I. I fera envoyé à Rouen , pour
vérifier les faits dénone's , deux commiffaites pris
da sie fein de l'Aflemblée nationale . »
« H: Ils' ferent: autorités à fufpendre les corps
administratifs , s'il y a heu. »
« III. I eft defendu , fous peine de mort
aux commiffaires du pouvoir exécutif de requérir
, & aux corps adminiſt atifs de confentir
ou d'ordon er la difpofition des grains & farines.
amalies dans les magafins nationaux , exclufivement
diftinés à la fubfiftance des armées ; &
i eft défendu aux gard s -magafi s d'cléir à de
parcil es réquifitions . Tous les caps adminiftrat f;
devant , fons Fur refponfabilité , afferer Pexécation
des lois fur la libre circulation de glains ; -
tout adminiftrateur qui contrariera cun'allurera
pas par les équifitions néceffaires , & par tous les
meys qui font cir fon pouvoir, l'exécution def- ~
dites lois , fera pani de moit. »
IV. Les départemens ordonneront , dans le
jour de la publication da préfent décret , qu'il fera
fait dans chaque commune & chez les marchands
deb'eds & tous autres dépofitaires , un recenfement
de fes grains.
גכ
ce V. Le recenfement fait , les départemens
indiaiquerout par un arrêté pris fans délai la quantité
de grains que chaque commune devra porter
aux marchés publics , dans la proportion de celle
qu'elle poffede.
33
se VI . Si quelques cultivateurs , propriétaires
01 marchands de bled refufoient d'obéir aux
arrêtés du département & auxréquifitions des municipalités
à cet égard , leurs grains feront con-
K
4
( 224 )
fifqués , fur- le-champ tranfportés dans les magafins
nationaux , & ils feront punis d'un an de
gêne, »
cc.
« VII. Les corps adminiſtra'ifs qui auront f it
prendre des grains ou farines dans les magafias
nationaux , feront tenus de les faire rétablir en
Dature dans la huitaine , fous peine de trois mois
.de gêne. »
cc VIII. Les commiffaires de l'Affemblée nationale
feront toutes les proclamations néceffaires
pour l'inftruction du peuple , & feront
parvenir à l'Affemb'ée nationale les renfeignemens
fur les motifs qui ont déterminé l'arref
tation des grains . I's font autorifés à fufpendie
l'exécution des délibérations qui tendroient à faire
retirer des graias des magafios nationaux , ou qui
feroient contraires en quelque manière aux difpofitions
du préfent décret .
« IX. Le préfent décret fera envoyé aux 83 ›
départemens. »
Le maire de Nantes fait parvenir à l'Affemblée
Je ferment prêté individuellement par les dé–
putés de la Loire inférieure à la convention nationale.
Ils ont juré de maintenir de tout leur
pouvoir la liberté & l'égalité ; de maintenir l'uité
de l'Empire François , la sûreté des perfonnes
& le droit facté des propriétés , ou de
mourir à leur pofte pour les défendre . Tel fut
auffi le ferment de l'Affemblée quand le falut
de la France , repoſa tout entier dans les mains ,
& ce ferment ne fera pas vain. On va le voir
au milieu des provocations au meurtre & au
pllage , oppofer le front redoutable du courage
& de la vertu à la lâche audace du vice , faire
pâlir le crime & réduire les coupables au filence .
D'jà le miniftre de l'intérieur avoit inftruit l'Af(
225 )
femblée que , pendant la nuit , le garde meuble
avoit été foré & vclé . Déjà elle avoit reçu
une adreffe de la commune d'Amiens qui lui
dénonçoit un écrit imprimé & figné des adminif
trateurs du confeil de sûreté publique à Paris ,
contenant des inculpations contre plufieurs membres
'de l'Affemblée nationale , & une invitation à tous
les départemens d'imiter la mefure par laquelle
leurs frères de Paris fe font délivrés des confpirateurs
qui fe trouvoient dans les prifons , lorfque
M. Roland eft venu confirmer lui-même tous
ces attentats . On demandoit le renvoi au comité ,
mais M. Cambon veut que l'Affemblée accompliffe
fon ferment ; qu'elle meure , s'il le faut ,
Four fauver la France , & que la France foit fauvée.
Il demande que la force publique foit requife , &
que toutes les autorités conftituées foient appellées
à la barre pour recevoir les ordres de l'Affemblée .
Cette propofition eft décrétée.
Le comité de l'ordinaire des finances fait décréter
plufieurs articles additionnels à la loi du 27
août dernier concernant le vifa & l'enregistrement
des effets au porteur , pour en rendre l'exé
cution plus facile aux agens du trésor public .
M. le maréchal Luckner écrit , de Châlons ,
que d'après les différentes lettres qu'il a reçues ,
& le rapport d'un officier de l'armée de Dumourier,
il résulte que ce général a levé fon camp de Grand-
Pré , & s'est rendu à Dommartin , où fon arrièregarde
a été attaquée avec faccès par l'ennemi . Le
16 , il a campé à Brau . Toutes les forces étoient
réunies , les efprits étoient calmes . M. le maréchal
fe plaint de l'indifcipline qui règne dans le
camp de Châlons . De trois bataillons de volontaires
auxquels il avoit donné l'ordre de fe rendre à
K
( 226 )
l'armée de Dumourier , un feul avoit voulu
marcher.
сс
Le ministre de la guerre vient bientôt aprèscommuniquer
à l'Affemblée une lettre de M. Du--
mourier. Soyez fans inquiétude , lui écrit il ;:
mon arrière garde eft maintenant en bon ord e .
L'ennemi n'a pas pam ; il s'eft borné à recueil ir
ce qui a été abandonné par les nôtres qui ont vu
quelles peuvent être les fuites terribles d'une teneur
panique. Dix mille François ont fai devant 1500
ennemis . J ai commencé les exécutions , j'en ferai
de terribles. Je vais vous renvoyer Is bataillors
qui ont abandonné leurs canons . Je préfè elavaien
mille ou deux mille hommes de moins , & neposht
avoir de lâches, » ..
L'Affemblée s'occupe enfuite du licenciement
des régimens fuiffes , & d'après le rapport de
fon comité diplomatique , elle adopte la difpofition
fuivante :
ce L'Afemblée nationale , confidérant que la
fatisfaction qu'elle a déjà témoignée & qu'elle
réitère , au nom de la nation , des fervices des
régimens , fuiffes , & l'intention qu'elle a notifiée :
de continuer à vivre avec la nation fuiffe en
bonne intelligence & en bon voisinage , ne
peuvent faire regarder le licenciement & le défarmement
de ces régimens , que comme une
mefure néceffitée par les circonstances du nouvel
ordre de chofes établi en France , & par la
pénurie trop certaine d'armes , renvoie les réclamations
des régimens fuiffes au pouvoir exécutif
, à l'effet de négocier avec la dignité &
la générofité convenables , foit les indemnités
qui peuvent réfulter du licenciement , foir pour
le prix des armes , fauf la ratification du corps
légiſlatif, 22 .
}
}
7227
M. Lafource annonce à la fin de cette féance ,
que la commiffion chargée d'un travali particulier
, fur les moyens de file renaître l'ordie.
dans la capitale , fera fon rapport ce foi . Elle
a fenti que toutes les mefures partielles (toient
inutiles , & qu'il en falloit prendre une grande,
qui attaquâ: le mal dans fa racine .
Du lundi , féance dufoir.
*
Les pitonniers de Ste Pélagie adreffent à ,
1 Affen bée une péirion pour 1 fupplier de
ve Her à leur sûreté. Ils craignent à chaque mo
ment d'être égorgés . A cene lecture , un featment
de douleur & d'id gaation élite dans
l'Affemblée . On attendoit un rapport du comité
de furveilance . M. Vergniaux obferve que ce
rapot ne pouir. être fait que demain , &
qu'il imperte de ne pas retarder les précautions .
S'il n'y avoit , ajoute- t - il , que le peuple à
craindre , je dircis qu'il y a tout à efpérer ;
mais il y a des fatellites de Coblentz , des fcélérats
foudoyés pour femer la difcorde , répandre
11 confternation & nous précipiter dans l'anarchie.
M. Vergniaux explique enfuite comment
font décernés les mindats d'arrêt. La commune
de Paris s'en repofe à cet égard fur fon comité
de furveillance . Ce comité donne à des
individus le droit de faire arêter ceux qui
leur paroîtront fufpects , ceux - ci le fubdéléguent
encore à d'autres affidés dont il faut bien feconder
les vengeances , fi l'on veut en être fecondé
foi-même. Vo.là de quelle étrange férie dépendent
la vie & la liberté des citoyens ! Voilà
en quelles mains repofent la sûreté publ que !
M. Vergniaux demande que les membres de
la commune répendent , fur leurs têtes , de la
K 6
> .
( 228 )
sûreté de tous les prifoners . Cette propofition
eft décrétée .
---
M. le maire fe préfente à la tête d'une dépusation
de la commune. Il a toujours fait ce qui
a dépendu de lui pour le maintien de l'ordre
& le rétabliffement de la tranquillité ; mais il
a fouvent gémi de fon impuiffance . Dans les
momens de crife , les magiftrats devroient être ,
les premiers avertis , & c'eft toujours lui qu'on
avertit le dernier . Il affure qu'il a donné les
ordres les plus précis & les plus rigoureux. M.
e préfident a répondu que l'Affemblée périroit ,
toute ent ère , plutôt que de fouffrir plus longtemps
l'audace & l'impunité du crime. Il a nofié
le décret qui déclare tous les membres de
la commune , refponfables , fur leur tête , de
la sûreté des prifonniers , & qui lui ordonne
de préfenter , fans délai , les motifs qui ont déterminé
les mandats d'arrêt qu'el'e a lancés
contre tant d'individus . M. le maire obferve
que la commune entière ne fauroit être refponfable
de ces mandats ; que le comité de sûreté , c'eſtà-
dire un petit nombre de fes membres , les a
décernés & que lui feul doit en répondre. La
loi , réplique M. Vergniaux , qui attribue à la
commune de Paris , le droit de décerner des
mandats d'arrêt ne l'auto: ife pas à déléguer
ce droit ; il eft de fon devcir , & de fon devoir
rigoureux d'en rendre compte.
-
Du mardi , 18 feptembre.
Une lettre du commandant de Sedan , annonce
qu'il a trouvé cette ville livrée aux plus
affreufes agitations ; que le peuple s'eft porté
à des violences envers plufieurs particuliers fufpects
; mais que les fins ont bientôt rétabli le
( .229 )
calme. Cinq mille hommes compofent la garnion
au dedans ; un camp retrai ché , défendu
par un nomb e égal d'hommes & par fix redoutes ,
la p: o: ège au dehors dans la parti : qui n'eft
Fas garantie par les inondations ; an point
d'inquiétude fur la défenfe de cette place.
Le miniftre de la gue.re demande qu'il foit m's
à fa difpofition un fonds de trente ni lions pour tes
dépenfes des camps de Soiffons , Châlons
Meaux, & c. & un fonds fupplémentaire de quatie
millions pour le ſervice des étapes & convois militaires
, M. François de Neufchâteau communique
, à ce fujet , un nouveau fyltême de défenfe
adopté dans les départemens de la Meurthe
& des Volges. Des ingénieurs ont choifi des
poftes avantageux & des pofitions militaires . Ony
lace de l'artillerie & l'on y forme des petits
camps , où cent hommes campent pendant deux
jours & font rekvés par cent autres . Des fignaux
font étab'is au moyen defquels 4 ou 5coo gardes
Rationaux peuvent fe réu . ir en un inftant dans
les camps où ils ont chacun un, p . fte déterminé
à l'avance. Le plan de défenfe eft très bon pour
harceler l'ennemi , pour retarder fi marche ;
pour employer les gardes nationales fédentai es
qui malgré leur bonne volonté , ne peuvent
rélifter dans les villes & villages ouverts .
Mais il faut des règles pour l'ét.bliffement &
J'a provifionnement de ces poftes . M. François
demande que le comité militaire en faffe un
rapport. Cette propofition eft décrétée .
Les commiffaires envoyés à l'a mée du Midi
rendent un compte femmaire de leurs opérations
. C'est le réfumé des différentes lettres
qu'ils ont fucceffivement écrites à l'Aff mblée .
Les commiffaires ont terminé leur million par
( 230 )
la revue du fort de Toulon . L'arfenal eft dans
u dénument abolu d'ames & de munitions .
Le fort qui garantit la rade , n'eft en état de
défenfe que depuis un mois. Les nombreux
renfeignemens qu'ils ont recueillis , mettront à
même le pouvoir exécutif actuel de réparer les
trah fons de l'ancien .
La difcuffion s'eft établie fur le projet de décret
relatif au divorce . Plufieurs articles font décrétés
, fauf rédaction.
Du mardi , féance du foir.
•
On a vu pir combien d'horribles efforts les
ennemis intérieurs de la France cherchent à renverfer
les lois , & anéantir la liberté publique .
Parmitant de plans de corjaration fucceffivement
adoptés , découverts & abandonnés , i en eft un
qui pour être plus caché n'en eft pas moins réel ,
c'eft de tâcher d'exciter l'indignation de toute
l'Erope
& d'allumer la hame de toutes les
puiffances , contre le peuple François , en violant
fous différens prétextes , les droits de l'hofpitalité
e vers les étrangers , & particulièrement les Ang'ois
, la feul narion dont la neutralité foit bien
prononcée relativement aux affaires de la France .
Dans cette féarce , un A glois vient fe plaind e
d'un de ces attentats dont il n'eft Ta, première
vittime parmi fes compatriotes. Deux
huifiers & leurs fatellites font venus chez lui ,
& fans examen l'ont entièrement dépouilé de
fon mobiler ; linge , bijoux , argent , affignats ,
tout a été la proie de ces gens à plume. Is ont
chaflé de fa maifon une dame Angloife , & fa
domeftique, & c la fans aucun motif. L'Affemblée
indignée de la conduite qu'on a tenue envers
c:t étranges , charge le miniftre de la justice de
Pas
} 2༣« 1 )
lui rendre compter fous hair jours des n efures
ptiles pour faire dioin à la réclamation : M. Kerfaint
laifinice moment pour déchirer entièrement
le voile qui couvroir un plan auquel felin lui :
des autorités conftituées femblent être attachées .
I accufe la commune de Paris. dei favoriter les ›
excès auxquels on fe porte joureelement envers
les étrangers & fur- tout les Anglois ; fot en leur
refafant des paffe ports , foit en les inquiétant de
toutes les manieres dans leur domi ile .
-Une lettre officiel e des colonies , datée du Caple
29 juillet , annonce que cette ville ne prétente
plus dans les trois couleurs qu'un taflemblement
de frères & d'amis prêts à fe dévouer pour faire
renaître de ſes centres la partie du Nord fouillée
de tous les forfaits commis par les brigands .
Cette réunion s'eft opérée à la fédération du 14
juillet dernier. Les gardes nationales do nèrent
un repas aux citoyens de couleur , règres libres ,
& aux troupes de ligne. L'égalité , cette première
vertu civique , parut effaçer même jufqu'aux
nuances de couleur qui diftinguoient les
oppreffeurs des oppumés, & la frater ité étouffa
toutes les haines & toutes les vengeances.
feconde fête patriotique dont les roirs firent les
fraix eut aufli lieu le 20 du même mo's . La confiance
fut plus latime des deux côtés . Cette lettre
fera imprimée & envoyée aux départemens & à ở
l'armée .
Une
Le ministre de l'in é icur rend compte à l'Affemblée
de quelques faits qui prouvent que le vol du
garde- meuble , n'eft pas l'effet d'une filouterie ordinaire
, mais qu'il tient à un plan combiné de
dévastation . Il ne co çoit pas par quelle fatalité ,
malgré les réquifitions qui ont été faites à la
force armée , la garde du dépôt ne steft pas trou(
232 )
vée plus nombreuſe ; comment , au lieu de faction-,
ner au dehors , elle s'eft tenue dans l'intérieur . Il
demande peurquoi cette nuit même après l'annouce
des dangers qu'on pourroit courir , les poftes
de l'Affemblée nationale étoient généralement
dégarnis. Enfin il cbferve que M. d'Aubigny
dont les vols ont déshonoré l'écharpe qu'il avoit
ufurpée , a été relâché dans les jours des exécutions
populaires , & qu'il afpire aujourd'hui à être em
ployé dans une commiffion . M. Roland conclut
que dans ces momeas de troubles , il faut à l'Affemblée
nationale une force armée continuellement
à fa réquifition & capable de maintenir , à l'abri
de toute atteinte , & les repréfentans de la ration
& fcn tréfor & fes archives , & fes enfans , pour
qu'un feul individu ne puiffe craindre d'être troublé
dans fon repos par l'audace d'un feul brigand.
D'après un rapport fur l'adminiftration des
monnoies , & la propofition de M. Cambon l'Affemblée
autorife le pouvoir exécutif à renouveller
tous les commiffaires des monnoies & à fupprimer
tous les adjoints . Elle décrète une réduction dans
les traitemens des employés dans l'adminiſtration
des finances.
i
Du mercredi , 19 Septembre.
Les commiflaires chargés de l'examen & du
dépouillement du livre rouge , dénoncé par M.
Servan , en font le rapport . Ce livre rouge étoit
une note des fonds que les miniftres de la guerre
puifoient dans différentes caiffes particulières , &.
qui fervient à alimenter les faveurs de la cour
l'Affemblée en fuprimant ces caiffes , charge
Igent du tréfor public de pourfuivre la reftir
tion des femmes qui en ont été diftraites depuis
1782 , & d'appeller en garantie les fiçurs Mont(
233 )
!
barrey , Ségur Latour- du - Pin & autres miriftres)
chacun dans ce qui les concerne , comme ayant
autorifé & tourné à leur profit des paiemens injuftes
, & dilapidé les deniers publics .
M. Laroque , commandant de Philippeville ,
écrit à l'Affemblée que la garnifon pleine dezèle
& d'ardeur , a repouffé l'ennemi qui s'étoit
préfenté fous les murs de cette ville .
M. Roland , dont le zèle & l'activité ne laiſſent :
échapper aucun des détails de fon immenſe adminiltration
, toujours ardent à poursuivre les
abus , vient dénoncer une nouvelle déprédation .
M. Palloy, chargé d'arrêter l'incendie des petits
Lâtimens attenant au château des Tuileries , au
lieu de fe borner à exécuter cette miffion , a fait
des démolitions confidérables & a occfionné au
préjudice de la nation , une dépente de plus de
300,000 livres , il eft parti pour les frontières
fans laiffer aucun compte & fans payer les ou- ,
vriers . Une cabale inexplicable entrave fans ceffe
les mefures que prend le miniftre pour la sûreté
des propriétés nationales . Il n'a pu obtenir aucun
renfort pour la garde des Tuileries & celle du
garde- meuble. It fe plaint encore de n'avoir pu
parvenir à raffembler le nombre de juges de paix
néceffaire pour procéder à la levée des fcellés mis
dans ces deux édifices . L'Affemblée décide que
ces fcellés feront levés dans le jour & elle
nomme deux commiffaires pour y affilter.
>
On fait que des hommes perfides provoquent
les vengeances populaires contre ceux des repréfentans
du peuple qui ont manifefté des opinions
qu'ils pouvoient émettre librement , même en les
fuppofant erronnées & dargereufes . La commif
fion extraordinaire inftruite par des rapports
cfficiels que le jour où ces députés cefferont
( 2349
leurs for tions eft le jour qui doit éclairer ces
vengeances , a ciu qu'il fuffifoit , pour prévenir
cet attentat de le dénoncer au peuple lui - même.
En conféquence el'e préfente a l'Aflemblée un
projet d'adreffe aux François , où elle rappelle
les principes , garans éteinels de la Liberté publique
& individuel'e . L'Affemblée adopte cente
adreffe & décrère que les loix fur l'inviolabilité :
feront imprimées à la fuite.
Use lettre de M. Camus , archivifte , annonce
que 201 députés à la Convention font venus fe
fire inferire. L'Affemblée autorife les commiffaires
de la falle à delivrer des paffe - ports à
cruz des députés non élus à la Convention qui
defiseront retourner dans leur pays.
Voici le décret que l'Aſſemblée a rendu fur la
fûreté & fur la police de Paris :
« 19. L'afyle de tout citoyen ferá inviolable
pendant la rut ; d'un foleil à l'autre il re pourra
être fait d'arreftation que dans le cas de fil grantde
it , auquel ca il re pourra être procédé à l'exécution
du mandat d'arrêt qu'avec l'affittance da '
juge de paix des lieux. »
2° . A défaut des formalités prefcrites par
l'article précédent , le citoyen pourra ufer pour fa
défenfe , de tous les moyens qui feront en fon
pouvoir , & les auteurs de cette tentative feront
panis comme coupables d'attentats contre la fûreté
individueller »33
* 3 ° . Dans le lieu du raffemblement d'une
légiature , le canon d'alarme ne pourra être
tire & le tochia fonné que par orde de l'Affemblée
nationale . Quiconque en donneroit l'ordre,
feroit pani comme perturbateur de la tranquillité
publique. »
( 235 )
4
Décret relatif à la police.
Art. I. Les citoyens domiciliés à Paris fer
rost tenus de le faire enregistrer dans la ſection de
leur domicile ..»
II. His feront également tenus de déclarer
leur domicile , le temps de leur arrivée , le changement
de leur domiei'e & leurs occupations ordinaires.
2
III. I fera délivré à chaque citoyen un extrait
de l'enregistrement figué par le préfident & les lecrétaires
de la fection , »
ce IV. Les citoyens feront tenus de préfenter .
leur core à la première réquifition des officiers
de police & aux commandans de la force armée . »)
V. Le citoyen qui ne montrera pas fai
carte , fera conduit à la fection dont il fera réclaine
; dans le cas où il ne feroit pas reconnu ,
& ou il y auroit fait une fauffe déclaration , il fera
conduit à la municipalité , & de - là remis , dans le
Irea de fon domicile , afin qu'on s'y affure de fa
perfonne,
VI. Les étrangers arrivant à Paris , feront
tenus de faire dan : les 24 heures la déclaration :
odonnée par la loi ; les maitres d'hôtels garnis ,
feront tenus d'en donner connoiffance à leurs
hôtes. ""
« VII. Ceux qui changeront de domicile ,
feront de même leur déclaration à leur nouvelle
fection & dans le cas où ils ne fortiroient pas
de leur arronliffement , ils indiqueront leur nou-i
velle demeure ; ceux qui préfenterent une faußle .
carte , feront punis de fix mois de gêne. Chacun t
fignera far le regiftre & la carte . »
VIII. dera procédé , dans le délai de trois
( 236 )
jours , à la réélection des membres de la municipalité
dans les formes de la loi du 1er . mars
1790. "
« IX. Il fera procédé , dans le même délai ,
` à l'élection des commiflaires de police . Ces commiffaires
feront tenus de fe renfermer dans leurs
fonctions , ils ne pourront envoyer dans les maifons
d'arrêt les perſonnes domiciliées & arrêtées ,
fans avoir la fignature de deux commiffaires de la
fection. »
X. La municipalité fe conformera à la loi
pour les mesures de sûreté générale .
cc
Indépendamment de la peine de deux ans
de gêne , portée contre les fauteurs d'arrêts arbitraires
, ceux qui feront propofés pour les pourfuivre
, & qui ne l'auroient pas fait , fubiront
cere même peine .
»
« XI. Les mandats d'arrêts feront délibérés
párle maie & par quatre officiers municipaux.
30
« XII . Les cfficiers municipaux donneront
connoiffance à l'Aſſemblée nationale , dans le
délai de trois jours , des mandats d'arrêts & des
motifs qui les auront déterminés . »
ee XIII. Le miniftre de la juftice & l'accufateur
public près le tribunal criminel , font spécialement
chargés de la pour fuite de ceux qui ordonneroient
ou figneroient des ordres d'arrestations arbitraires.
>>
Le miniftre de la guerre avoit donné l'ordre
de tranfporter 1900 fufils de Saint - Omer à
Rheims . A leur paffage à St. Quentin , des
bataillons fe font permis de fe faifir de ces
armes . Dans le tumulte , un grand nombre de
fufils ont été brifés ou perdus . Ainfi les calculs
du miniftre pour l'armement d'une partie des
troupes cantonnées à Rheims , fe trouvent dé(
237 )
1
truits . L'Affemblée charge le pouvoir exécutif
de faire exécuter à la rigueur , les loix portées
contre tous ceux qui entravent les opérations.
Au nom des comités diplomatique & militaire
, M. Dumas fait un rapport fur l'échange
des prifonniers de guerre. En le fondant fur les
Principes de la liberté & de l'égalité , il rappelle
les anciens erremens que l'on fuivoit à
cet égard . Par exemple , dans les guerres d'Allemagiel
y avoit en tarif pécuniaire . Un lieute
naut général fe payoit 25 mille florins , & un
capitaine ne fe payoit que 10 florins . Ily avoit aufli
des tarifs inégaux fuivant la différence de grades.
Un capitaine fe rendoit pour tant de foldats , &
un général pour un nombre déterminé d'efficiers
.
Voici le décret que l'Affemblée adopte :
« Art. I. Il n'y aura aucun tarif pécuniaire
pour l'échange , felon les differens grades , que
dans les termes relatifs aux grades correfpondans
dans les armées ennemies. »>
« II. Il n'y aura point de tarif d'échange tel
qu'un officier ou fous- officier , de quelque grade
qu'il fort , puiffe être échangé contre un plus
grand nombre d'individus de grade inférieur . »
« III . La bale commune des échanges
qu'aucune modification re pourra altérer , fera
d'échanger homme pour homme , grade pour
grade .
+
On dénonce fucceffivement des infractions aux
loix , & des actes arbitraires cominis dans différens
heux par des commiffaires , ſe diſant porteurs
de pouvoirs de la municipalité de Paris .
Dans le département de l'Aube , un M. Yon a
affemblé le peuple & lui a défigné ſes adminiftrateurs
comme les ennemis du bien public ,
( 238 )
Ils ne peuvent plus fans danger , remplin
leurs fonctions , & ils adreffect leur démiffion
à l'Affemblée nationale . A Ris & dans les
communes voifines , d'autres commiflaires ont
pris les chevaux , & emporté les armes des
citoyens . Mais là ils ont été arrêtés par la municipalité
de Ris , qui a jugé , avec raifon
qu'elle avoit la polise de fon territoire . L'Af
femblée o donne le renvoi à la commiffion pour
en faire le rapport.
Un déir d'un autre genre eft dénoncé par le
miniftre de l'ictérieur . C'eft un arrêté du dépar
tement du Var pour convoquer à Avignon une
réunion de commiffaires à l'effet de pourvoir à
la defenſe de ces contrées . Cette mefire rendroit
nulles les difpofitions générales du pouvoir exécurif.
Dans le cours de cette féance l'Afemblée a
mis au rang des biens nationaux ceux que pof
sède en France l'ordre de Malthe , pour être
adminiftrés & vendus dans la même forme &
aux mêmes conditions que les autres domaines
nationaux. Les affruitiers actuels , feront payés
fur le tréfor public , à titre de penfion du revenu
net des bénéfices de Malthe ou penfions far lefdits .
bénéfices dont ils jouifoient , à la déduction des
dunes , droits féodaux fupprimés fans indemnités ,
des pentions done ils peuvent être grevés & du
tiers du reftant defdus revenus . Le pouvoir exe
cutif eft chargé de régler avec l'ordre de Malthe ,
la fomme annuale pour laquelle la France contribuera
à l'entretien du port & de l'hôpital de
Malthe & pour les fecours que les vaiſleanx de
derordre donneront an 'tommerce maritime Fran
çois dans la Mdherranée.
( 239 )
Du mercredi , féance du foir.
La féance s'ouvre par la lectme de la traduc
tion, littérale du brévet de coinmiffion impéria e
à la dière de Rati bine . L'Affemblée l'interiompo
pour paffer à l'ordre di'jour,
M. Chevalier , huillier , avoit été chargé de
la faifie des meubles & effets des princes émigrés ,
& le dépôr lui en étoit confié . Cependant des
membres de la commune font venus s'emparer de
l'argenterie , en lui en remettant la décharge .
L'Affemblée décète que ceux qui ont figné cette
décharge red ont compte des effets distraits ,
& que le pouvoir exécatif & des commifaires
de la tréfore ie nationale préfenteront l'état de
toute l'argenterie portée à l'hôtel des mon ole
foit par des particuliers , foit comme provenant
des églifes .
"
Au préjudice de la loi qui ordonne la 1 bre
circulation des perfonnes & des cho es , & fans
paffe port dans l'intérieur jufqu'à 1o lieues des
frontières , les voyageurs & les voituriers étoient
inquiérés dans leurs voyages . L'Aflemblée décrète
que les officiers municipaux , les commandans de
I garde nationale qui arrêteroient les voyageurs ,
feront condamnés aux dommages & intérêts ent
vers ceux qu'ils au.oient troublés , & à une détention
qui durera autant de jours qu'aura duré la
détection des perfonnes ou des chofes qu'ils auroient
détenues ou retardées .
L'Aff mblée fixe le foit des citoyens qui ont
Cervi l'état en qualité de foldats , matelors , ou
charpentiers &c . fur les vailicaux de la ci- devang
compagnie des Indes , en leur accordant , a
raifon de leurs fervices , le même traitement
( 240 )
que la loi du 30 avril dernier , accorde aux
fous officiers & foldats des armées françcies .
La commiffion de correfpondance propofe un
établiſſement de courriers compof's de citoyens
élus dans chaque fection . I's porteront foit aux
différentes armées , foit dans les départemens les
dépêches de l'Affemblée & du pouvoir exécutif.
Leurs appointemens feront fixés à 600 liv. par
an. Ii leur fera compté , en cutre , lorfqu'ils
feront en courſe , 4 liv . par jour , indépen
damment des frais de poite. Ce projet eft
adopté.
L'Affemblée décrète que l'archivifte convoquera
les députés à la convention nationale
pour demain 20 ſeptembre à 4 heures après midi ,
dans la fa'le de l'édifice national des Tuileries
qui leur eft deftisé . Le maire de Paris donnera
les ordres néceffaires pour faire fournir une garde
aux députés de la convention nationale .
Dujeudi , 20 Septembre.
M. Théodore Lameth prie l'Aflemblée de porter
un inftant fon atten ion fur l'affaire de fon
frère Charles Lameth artêté à Bare tin par l'ordre
de la municipalité de ce lieu , & détenu au fecret
à Rouen depuis un mois. Muni d'un congé du
maréchal Luckner qui lui indiquoit la ville de
Beauvais , mais qui ne l'empêchoit point d'aller
où bon lui fembleroit jufqu'à fon expiration
il partit pour le Havre pour y conduire fon
époule , & pour y régler des affaires importantes.
Le comité de furveillance chargé d'examiner
les motifs de la détention a penſé , néanmoins
qu'il étoit forti du cercle de fes devoirs milicaires
, & l'Aſſemblée décide que le pouvoir
cxécutif
7 241 )
exécutif examinera s'il y a délit militaire dans
la conduite de M. Charles Lameth. Elle le
charge de prendre toutes les mefares néceffaires
pour que M. Lameth ne foit expofé à aucune
voie de fait dans la maifon d'arrêt où il eſt
détenu.
On le fouvient que l'Affemblée conftituante
voulut réparer , autant qu'il étoit en elle , les perfécutions
exercées contre les religionnaires fugia
tifs , en les rappellant dans leur patric , & en
les faifant rentrer eux ou leurs enfans dans les
biens dont ils avoient été fi cruellement dépouillés
. L'exécution de cet honorable décrét
avoit fouffert des lenteurs ; l'Affemblée décrète
qu'il fera fait fans délai un tableau de tous les
biens faifis fur ces exilés , lequel fera imprimé
& affiché dans chaque tribunal de diſtrict . Los
religionnaires abfens , ou leurs fucceffeurs pourront
rentrer dans lefdits biens dans le délai de
trois années à compter de ce jour ; en le conformant
d'ailleurs aux loix antérieures fur cet
objet.
霏
Une lettre du maire de Paris , annonce que
cette ville eſt tranquille ; malgré les efforts des
agitateurs ; la furveillance des bons citoyens redouble
, & les confpirateurs ne pouvant plus fe
fatter de l'impunité , vont être obligés de fuir.
Chaque fection fe fait un honneur & un devoir
de protéger ce qui fe trouve dans fon enceinte.
Une loi a défendu aux fonctionnaires publics
de percevoir deux traitemens, Oa avoit déja denoncé
à l'Affemblée des membres qui confervoient
le traitement des fonctions qu'ils avoient quittées ,
& n'en reçoivent pas moins leurs indemnités de
députés. Elle ordonna alors la reftitution de
toutes les fommes touchées contre le voeu de la
N°. 39. 29 Septembre 1792 .
L
(-242')
Joi . Cette dénonciation et répétée aujourd'hui ;
elle occafio ne de vifs débats qui fe terminent
par l'invitation faite au commiffaire de la falle
de nommer les perfonnes accufées . Ce font ,
répond le commiffaire , MM . les évêques de la
Creuze , de l'Arriège , & du Calvados . M. l'évêque
de l'Arriège préfent , fe difculpe avec franchife
, & prouve qu'il a reftitué ce qu'il avoit
touché contre le voeu de la loi . La juſtification de
MM. Huguet de la Creuze & Fauchet du Calvados,
eft ajournée pour cauſe d'abſence.
L'Affemblée réintègre dans fes fonctions M.
Dulac , officier dans l'armée ci-devant commandée
par M. Lafayette . Cet officier fufpendu par les
commiffaires de l'Affemblée , n'étoit coupable
que d'une erreur bientôt abjurée dans le jugement
qu'il avoit porté du général Lafayette .
Le miniftre de l'intérieur prévient les membres
de l'Affemblée qui font députés à la convention
nationale que la falle des Tuileries eft prête pour
les recevoir ; il y met d'autant plus d'empressement,
qu'il eft inftruir qu'une affiche a été faite , au pom
de quelques députés de Paris pour inviter leurs
collègues à fe réunir ce matin aux jacobins pour
s'y conftituer.:
Dans cette féance , l'Affen blée a rendu un
décret qui règle les formes particulières de la
comptabilité des ci-devant tréforiers & receveurs
des Etats de Bourgogne , fait ceffer leurs fonctions ,
& pourvoit à l'achèvement de leur exercice . Elle a
Derminé fon décret fur le divorce .
Du jeudi , féance du foir.
La eommiffion extraordinaire fait un rapport
fur la vigoureufe iéfiftance de Thionvi le dans la
journée du 10 feptembre. L'Affembiée décrète,
( 243 )
>
au milieu des plus vifs applaudiffemens , que
Félix Wimpfen commandant de Thionville , la
garnifon & tous les citoyens de cette ville
ont honorablement défendu leur pofte & rempli
leur devoir. Que les trois huffards qui pendant
que l'ennemi avoit inveſti la place , n'ont pas
craint d'affronter les dangers qui les menaçoient ,
pour porter à Met z les dépêches dont ils étoient
chargés , feront promus , par le pouvoir exécutif
, au grade d'officier.
Les commiſſaires de la commune de Paris
viennent rendre compte de leur conduite relativement
à la faifie faite par eux des effets des princes
émigrés. Comme ils n'ont pas fatisfait à la loi
qui porte qu'ils repréfenteront les effets en
nature ou un récépiffé , l'Affemblée ordonne que
ces effets feront déposés à la trésorerie , & que
le miniftre en rendra compte fous 24 heures.
On follicite la levée des fcellés appofés fur
la - caiffe du commerce . L'Affemblée l'ordonne.
Cette difcuffion en amène une autre fur les
dangers des établiffemens des finances , qui ne
font prefque jamais que les calculs de l'avidité
fur les befoins du peuple. L'Aſſemblée décrète
que le pouvoir exécutif ne pourra plus accorder
des brevets d'invention aux auteurs des établiſ
femens relatifs aux finances , & fupprime l'effet
de ceux qui auroient été accordés .
·
Le moment approche où l'Aſſemblée va ſe
diffoudre pour faire p'ace à la convention nationale
. Elle accorde différentes gratifications
aux employés dans fes bureaux qui ont le
mieux mérité , par leur application , & elle vôte
des remercimens à la garde nationale parifienne ,
pour le zèle qu'elle a mis dans le fervice auprès du
lieu de fes féances .
L 2
( 244 )
Du vendredi , 21 Septembre .
M. François de Neufchâteau demande qu'à
l'inftant où l'Affemblée fera inftruite que la Convention
nationale s'eft conftituée , elle ceffe fes
travaux qu'elle fe tranfporte au lieu où les
membres de la Convention nationale fe font
réunis qu'elle les conduife dans la falle ordinaire
des féances , & lui ferve de garde d'hon
neur. L'Affemblée adopte ces propofitiors , &
elle charge en même temps M. François de
Neufchâteau d'être auprès de la Convention nationale
l'organe de l'Affemblée légiflative.
M. le préfident prévient l'Allemblée que dovze
commiffaires demandent à être introduits pour
lui annoncer que la Convention nationale eft conftituée.
Les commiffaites entrent. M. Grégoire
l'un d'eux , porte la parole , & dit : « Citoyens ,
la Convention nationale eft conftituée . Nous
venons de fa part vous annoncer qu'elle va fe
rendre ici pour commencer fes féances . »
L'Affemblée déclare que fa feflion eft terminée.
Elie fe rend toute entière auprès de la Convention
nationale.
CONVENTION NATIONALE.
Les citoyens qui compofoient l'Affemblée légif
lative arrivent dans la falle du château des Tuileries
, cu lá Convention eſt réunie .
M. François de Neufchâteau porte la parole .
Repréfentans de la nation , l'Aflemblée légife
lative a ceffé fes fonctions ; elle s'emprefle de
donner la première à tout l'Empire l'exemple de
la foumiflion aux lois que vous allez readre .
Elle le félicite d'avoir déposé entre vos mains
les rênes du gouvernement . Elle a arrêté que
245 }
fon premier acte de fimple citoyen feroit de fervir
de girde à la Convention nationale , & de lui
effet Phommage de fos refpect , afin de donner
à tous les François l'exemple de s'incliner de
vant la majefté du peuple que vous repréfentez ."
Nous nous felicitons de ce qu'à notre voix
toutes les affemblées primai.es de l'Empire ont
adhéré à l'invitation que nous leur avons faire.
Elles ont , en vous nommant , confacré les me-
Luces extraordinaires qu'exigeoit le falut de 24
milions d'hommes contre la perfidie d'un feu" ,
Les motifs de divifion doivent ceffer . La nation'
cutie e elt repréfentée , & vous allez ' ét blir uze
conftitution furtes bafes de la hberté & de l'égalité .
Le but de vos efforts fera de donner aux FranÇis
la liberté , des lois , la paix . La liberté , fans
Laquelle les François ne peuvent plus vivre ;
les lois , te plus ferme fondement de la liberté ;
la paix , feul & unique but de la guerre . La hbene
, les lois , la paces trois mots furent
imprimés pars Grecs fur la porte da teniple de
Delphes ; vous les imprimerez far de fol enter
de la France. Vous maintiendrez fu - tour , entre
toutes les parties de l'Empire , l'unité du gouvernement
dont vous êtes le entre 2 le lien confervateur
, & ainfi vous recueilletez les bénédic
tions de vos concitoyens , " ( On applaudit. )
La Convention nationale quitte la falle du
palais des Tuileries , & fer nd dans le lieu où le
Corps légiflatif tenoit les féances.
Els arrive . M. Pétien , élu président , prend
le fauteuil. MM . Condorcet , Briffot , Rabaut
Saint Etienne , Vergniaux , Camus & Lafource ;
s'affeyent au fecrétariat . La féance s'ouvre par
la lecture du procès- verbal de la conftitution
L 3
( 246 )
de l'Affemblée en Convention nationale. En
Voici l'acte .
Les citoyens nommés par le peuple françois
pour former la convention nationale , réunis
au nombre de 371 , après avoir vérifié leurs pouvoirs
déclarent que la convention nationale eſt
conftituée . »
M. Manuel qui voit dans la réunion des repréfentans
du peuple , une affemblée de philofophes
occupés à préparer le bonheur du monde ,
demande que le préfident de cette affemblée
qu'il appelle le président de la France , foit logé
dans le palais national des Tuileties , & que
fans ceffe environné des attributs de la loi &
de la force , les citoyens foient tenus de fe
lever devant lui . Cette propofition eft rejettée.
Plufieurs motions fe fuccèdent. Elles font combattues
& foutenues tour à tour , fans amener
aucune déciſion . M. Danton ci - devant miniftre
de la juſtice , actuellement mandataire du peuple ,
rallie les efprits & porte la délibération fur deux
principes qui felon lui , doivent fervir de première
baſe aux travaux de la Convention. Dé- ·
clarons d'abord que les représentans du peuple
font tous convaincus qu'il ne peut exifter de
conftitution ftable , qu'après l'acceptation nominative
de la majorité des citoyens dans les
affemblées primaires . Après cette déclaration
faifons en une autre non moins néceffaire . Il
faut que la loi foit auffi terrible pour défendre
la liberté & la tranquillité publique , que le peuple
l'a été pour foudroyer la tyrannie. Déclarons
que toutes les propriétés territoriales & induftielles
feront éternellement maistenues. La délibération
fuivante eft prife à l'unanimité.
( 247 )
La Convention nationale déclare qu'il ne
peut y avoir de conftitution que lo fqu'elle eft
acceptée par le peuple ; elle déclare que la sûteté
des perfonnes & des propriétés cit fous la
fauve- garde de la nation ; que les loix non
abrogées , les pouvoirs non fufpendus font provifoirement
maintenus , & que les contributions
publiques actuellement exiftantes feront perçues
comme par le paflé .
ככ
Il est une déclaration , dit M. Collot d'Herbois
, que l'Affemblée ne peut différér d'un feul
inkant , fans être infi lelle au voeu de la nation
, c'eſt l'abolition de la royauté.
PACfemblée
, par un mouvemert fpontané , ſe lève
toute entière. La royauté eft abolie en France.
Ce décret fera proclamé demain folemnellement
dans Paris , & forté par des courriers extraordinaires
dans les départemens & aux armées .
Du vendredi , féance du foir.
Les miniftres des affaires étrangères , des contributions
& de la marine le préfentent . Ils jurent
de remplir , avec exactitude & fidélité , les devoirs
impofés au premier confeil exécutif de la république
françoife.
L'Affemblée conventionne , après une difcuffion
fur l'économie intérieure des comités &
de tout ce qui peut fervir les travaux d'une grande
Aflemblée , procède à la nomination d'un vicepréfident.
Elle décrète que les fuffrages fe donneront
à haute - voix . M. Condorcet eft élu .
Deux fections de Paris viennent remercier l'Af
femblée des décrets qu'elle a déjà rendus. Elles
jurent le maintien de la République , la confervation
des perfonnes & des propriétés . Une dépu
tation de la municipalité de Verfailles annonce ,
L4
( 248 )-
que le département de Seine & Oile , ontre les
quatre bataillons qu'il a devant l'ennemi , vient
d'en équiper cinq & de leur donner des pièces de
canon . Ils font en marche & ils ont juré de fauver
la République. ; ཎྷཱ ཝཱ
Ce mct , République , n'eft jamais entendu dans
T'Affemblée fans exciter de vifs applaudiffemens .
Dufamedi , 22 feptembre .
Le procès - verbal de la féance de la veille eft
daté de l'an premier de la république françoife . La
Convention ordonne la fuppreffion de tous les
atributs de la royauté , quelque part qu'ils fe
trouvert , & la deftruction de tout ce qui pourroit
rappeller l'existence d'un gouvernement qui vient
d'être rejetts. Le feeau tera charg ; il portera
un fifceau furmonté du bonaet de la liberté , &
pour excigue , la république françoife.
La difcuffion s'ouvre fui le renouvellement de
tous les corps adminiftratifs & judiciaires , dont
la plupart font compofés d'hommes qui ont ferdu
la confiance de leurs concit yens . Cette melure
til combattue par quelques membres , mais rate
femblée fe détermine par l'efpérance , qu'une régé
nération abfolus inimera au corps politique u e
vigueur , un mouvent dont toutes les parties fe
rellentiront efficacement . Elle décrète le renouvellement
, en y comprenant les municipalités &
les juges de paix .
.-M. Tallien, demande que les juges , dont l'és (
lection va fe faire , ne foient pas pris parmi les
gens de loi exclufivement , mais que le peuple
puiffe les choifir parmi tous les citoyens . Pu-
Lieurs membres défendent les intérêts des jurifconfultes
, & peut - être , ceux là même de la justice ,
en faiſant ſentir combien d'étude & de lumières(
249 )
font néceffaires à celui qui remplit les fonctions
de juge. Si jamais le feul fentiment de l'équité &
le simple bon fens fuffisent pour diftribuer la juftice
, c'est quand nous aurons un code de lois
bien fimples & bien préciſes , Julques - là , appeller
aux fonctions de juge us homme qui ne connottroit
ni les lois , ni les formes , ce feroit confentir
au plus horrible des defpotifmes , ce feroit faite
juger la loi , & non l'établir comme la règle des
jugemens.
M. Danton invite l'Affemblée à préparer la
régénération de l'ordre judiciaire ; mais il croit
qu'il faut laiffer au peuple la plus grande latitude
dars les choix de fes juges , bien certain que les
jufticiables ne nommeront que les hommes les
plus capables de décider leurs conteftations . L'Affemblée
ferme la difcuffion & proclamant le principe
invoqué , elle déclate que le peuple a le
droit de choifit fes juges parmi tous les citoyens
de quelque claffe qu'ils foient .
Une députation de la ville d'Orléans eft admiſe
à la barre , elle annonce que le plus grand défordre
menace cette ville . Des magiftrats coupables d'infouciance
fur la misère du peuple , ont été fufpen
dus
par les affemblées primaires , & méconnoiffant
les droits du peuple , ils veulent conferver par la
force un pouvoir que la confiance lear refufes
L'Affemblée décrère qu'elle enverra à Orléans
trois commiffaires qui prendront des informations
fur les faits & employeront pour le retour du bɔn
ordre & de la tranquillité , les moyens que leur
fageffe leur fuggérera .
1:
Dufamedi , féance du foir.
Une lettre du miniftre de l'intérieur annonce
que les nouvelles qu'il reçoit de Lyon font très,
LS
1250 1
alarmantes ; que le pain & la viande y ont éré
taxés , par le confeil général de la commune
moitié au- deffous de leur valeur . Il prie l'Afemblée
d'y envoyer des commiffaires pour amener
le retour du bon ordre. Cette propofition eft
adoptée .
Le moment où la Légiflature a cédé ſa
place à la Convention Nationale , & où
celle- ci va foumettre la Conftitution à un
nouvel examen , feroit peut- être celui de
jetter un coup- d'oeil fur les travaux de ces
deux Affemblées que l'on paroît difpofé à
juger fi févèrement , parce que l'on oublie
les circonftances où elles fe font trouvées.
Quand on confidère le point d'où eft
parti l'Affemblée Conftituante , & celui où
elle eft arrivée , les obftacles fans nombre
qu'elle a eu à vaincre , les préjugés qu'il
a fallu détruire , & l'opinion qu'il s'agiffoit
, pour ainfi dire , de créer , il y auroit
de l'injuftice & même de l'ingratitude à lui
reprocher d'avoir confervé au Gouvernement
fa forme monarchique. Les inftructions
précifes qu'elle avoit reçues de fes
Commettans , le preftige de l'habitude qui
maîtrife toujours les idées , l'influence de
Rexemple des autres Nations , les élémens
hétérogènes dont elle étoit compofée ,
l'appréhenfion de ne pouvoir faire tout ce
qu'elle eut ofé, & peut - être auffi l'avantage
( 251 )
trompeur de donner plus d'intensité au
Pouvoir exécutif , en fe concentrant dans
un Repréfentant héréditaire , tous ces motifs
avoient pu la déterminer en faveur de
la Royauté.
Sa feule faute eft d'avoir préfumé qu'après
la fuite du Roi à Varennes, fes proteftations
& fon parjure , la Nation pourroit
avoir confiance en celui qui l'avoit
déjà trompée .
La Monarchie une fois confacrée , l'Affemblée
Conftituante avoit entrevu tous
. les dangers d'une Régence longue & orageufe
dont le choix même étoit un embarras
de plus ; elle avoit voulu prévenir le
choc des factions , en laiffant le Pouvoir
exécutif dans des mains qu'elle croyoit
fatisfaites des avantages qu'elle lui avoit
prodigués. Elle avoit mal jugé les Rois ,
& cette erreur a été la fource des incer
titudes , des tâtonnemens & des agitations
de la Légiflature qui lui a fuccédé. nhngr
De la pofition du Roi qui ne prenoit
dans la Conftitution que les moyens d'influence
qu'elle lui donnoit pour l'attaquer,
en paroiffant la refpecter , & de celle de
la Législature qui voyoit la liberté menacée
fans pouvoir en acquérir des preuves.com
vaincantes , étoit née cette défiance & celte
fluctuationqui n'avoit pu lui affurer une majorité
décidée. Les partifans de laCour , que
nous croyons pour la plupart s'être trompés
( 252 )
de bonne foi , s'imaginoient fervir la Confti .
tution en prenant la défenfe d'une autorité
qu'elle avoit créée. Les amis plus clairvoyans
de la liberté , qui foupçonnoient
des trahifons & des perfidies , là où les
autres ne voyoient que de la franchiſe ou
Pinquiétude du doute , étoient forcés de
fortir de la Conftitution pour la mieux
garantir. Cet état des chofes explique toute
la conduite de la Législature. Il falloit des
circonftances extraordinaires pour détromper
les uns , & fortifier les autres dans leur
opinion. Les événemens du 10 Août ont
fait jaillir la lumière , & c'eft de ce mo
ment que la Légiflature , a pris un caractère
fixé ;5 & que débarraffée de fes doutes
elle s'eft mife au niveau de l'opinion .
3. En abolifant la Royauté , la Convention
Nationale n'a fait que proclamer un Décret
que tous les François avoient déjà porté.
Heût peut-être été à defirer qu'elle eût ats
tendu peu le rendre , la réunion de tous
fes Membres , & qu'elle eût abordé la
queſtion de la théorie de la Royauté qu'elle
a refolue plus par fentiment que par un
examen approfondi des principes. Nous
tâcherons d'y fuppléer par quelques ré.
flexionsh
22.
On doit peu s'étonner que la Royauté
aitfubfiſté fi lọng temps en France , & que
le Gouvernement Républicain foit encore
fi peu connu en Europe. Cette fuperftition
( 253 )
politique tient à une infinité de caufes
Quoique les Peuples anciens n'aient pas
eu en économie politique des notions
parfaitement juftes , ils avoient compris
néanmoins que la Souveraineté réfidoit
effentiellement dans la volonté générale.
La tyrannie des Rois les avoit dégoûtés
du Gouvernement d'un feul . C'est toujours
à l'éducation de l'expérience que les hom
mes s'inftruifent ; mais la République de
Rome , après avoir dévoré les autres Na +
tions , tomba affaiffée fous fon propre
poids.. Les formes républicaines ne pouvoient
plus convenir à cette immenfité de
territoire , & il étoit difficile de faire fortir
la volonté générale de tant de Peuples de
moeurs fi diverfes. La tyrannie des Chefs
ramena les Romains à la fervitude , & les
Barbares n'eurent befoin que de paroître
pour renverser ce coloffe.
2. Ce fut là l'époque d'un nouvel ordre.
de chofes qui a influé pendant quatorze
fiècles fur le fort de l'Europe . Ces hordes
nombreufes , qui da Nord vinrent inonder
l'Occident & le midi, & fe spartager les
debris de l'Empire Romain , apportèrent
avec elles le Gouvernement militaire , fans
lequel de grandes armées ne pouvoient
fubfifter. De la différence de condition
entre les vainqueurs & Is vaincus naquit
la puiflance féodaleg cette irréconciliable
ennemie des Droits de l'Homme , qui , tan>
( 254 )
tôt rivale des Rois , tantôt leur Alliée , s'accordoit
toujours en un feul point , celui
d'affervir la multitúde ; alors le titre de Citoyen
fut oublié , & les droits politiques
furent concentrés dans les différentes branches
de la hiérarchie nobiliaire . L'affran
chiffement des Communes leur donna une
foible part au Gouvernement ; mais , déjà
il avoit pris une affiette fixe ; & fatisfaites
de cette légère affociation , elles fuivirent
le mouvement politique fans fe douter
qu'elles pouvoient le maîtrifer.
Une autre caufe avoit contribué à fortifier
cette idolâtrie royale. Les Prêtres qui ofoient
fe dire les Juges des Rois , parce qu'ils fe
difoient les Repréfentans de Dieu , & qui ,
dans tous les temps , ontfervi les tyrans qui
les fervoient à leur tour , firent defcendre le
defpotifme du ciel , pour mieux l'établir
fur la terre. L'ignorance qui pendant dixfiècles
couvrit l'Europe de fes ténèbres
força les Peuples à fléchir devant cette
double impofture , & quand les lumières
leur ont révélé peu à peu le fecret de leurs
droits , tel a été le malheureux empire des
préjugés & de l'habitude qu'ils ont obéi.
long temps aux tyrans , lors même qu'ils
dé eftoient la tyrannie.
12 Les lumières conduisent à la liberté, mais
ne la donnent pas toujours. La liberté, fem
blable à cet élément invifible , empriſonné
dans tous les corps , a befoin de frottement
( 255 )
pour brifer fon enveloppe. Il n'eft pas de
notre fujet de retracer ici les différentes
caufes qui lui ont rendu parmi nous fon
activité. Elles agiffent avec plus ou moins
de lenteur dans tous les Gouvernemens de
l'Europe , parce qu'ils portent avec eux le
germe de leur destruction , & que l'excès
du mal ramène toujours à l'ordre.
Mais en abolifant la Royauté , la Con
vention Nationale n'en a pas moins un des
problêmes politiques le plus difficile à ré-,
foudre. On peut en pofer ainfi les termes :
Trouver dans une fociété de 25 millions.
d'hommes un pouvoir exécutif qui ait affez
d'action pour faire refpecter les lois , et
maintenir le gouvernement,fans porter atteinte
à la liberté.ste
Quand on remet ce pouvoir entre les
mains d'un Roi héréditaire & inviolable
& qu'on y joint une lifte civile inimenfe ,
qu'en refulte til c'eft que , comme il eft
de la nature de tous les pouvoirs de tendre
fans ceffe à deur accroiſſement ; Hos'élève
peu à peu une autorité rivale de l'autorité
légiflative , toutes deux fe livrent des com
bats qui entretiennent l'état dans une perpétuelle
convulfion , jufqu'à ce que lune:
ou l'autre ait fuccombé. Mais dans cette
lutte réciproque , tous les avantages afont
en faveur du pouvoir dont Faction : eſt
héréditaire, qui peut combiner à loifir tous
fes moyens , qui difpofe de la force atrage
( 286 )
communique directement avec les Corps
Adminiftratifs , correfpond avec les Puiffances
étrangères , s'attache des partifans
par les places qui font à fa nomination ,
& a de plus tout l'or corrupteur d'une lifte
civile qui doit lui affurer , à la longue , là
majorité du Corps Légiflatif. Cchui - ci , au
contraire, dont les Membres fe renouvellent
dans un période très - court , qui n'a que
des lois à faire , & le maniement d'aucuns
deniers publics , qui ne connoit de l'admit
niftration que ce que l'autre pouvoir n'ofe
lui dérober , peut être aifément trompé
par les affurances perfides d'un minittère
adroit que la refponfabilité ne fauroit at
teindre dans tous les points , & qui , fous
le nafque de l'adulation & d'un patrio
tifme fimulé , peut creufer à la liberté un
précipice effrayant , avant même que le
Corps Législatif ait pu s'en appercevoir ,
& prendre des mesures pour s'en garantir.
Dixmois d'expérience qui viennent de
s'écouler , font les annales léternelles de
tous les pouvoirs exécutifs qui feront con
fiés à des Rois. 9) xush 24.19vb .
Il faut donc chercher dans le gouvernement
une autre action qui hui en affure
Refficacité , fans expofer la liberté publique
andds dangers auffi graves, La Convention
Nationale chercheraj & trouvera fans doute
cette jufte mesure de mouvement qui exige
toute la matusité de la réflexion ; car fos
( 357 )
erreurs en ce genre prépareroient au gouvernement
des feconfies dost la durés fe,
roit incalculable. Que la Convention donne
donc à cette difcuffion toute l'étendue
qu'exige fon importance. Qu'elle s'environne
des lumières des Ecrivains qui ont
médité fur ces grands objets politiques ,
qu'elle affure la liberté de la preffe , en
la purgeant de toutes les calomnies & des
immondices dont la fouillent tant de per
turbateurs à la journée. C'eft lorsqu'on
va conftruire un édifice deftiné à l'orne
ment des fiècles , qu'il faut examiner les
plans de tous les architectes ; des Michel-
Ange fortent fouvent du fein de l'obfcu
rite ; & nous auffi nous apporterons le
tribut de nos foibles efquiffes.
D !
C'eft en s'élevant à la hauteur de fon
caractère que la Convention fera refpecter
ja nepuunque. Iffent te ere ,la Léiflature
avoit faiffé prendre aux Tribunes une
influence trop peu conforme à fa dignité.
Cette indulgence ne fert pas le Peuple qui
a befoin de bonnes Loix , mais elle fert
merveilleufement les agitateurs du Peuple
qui le font agir fouvent contre fes intérêts.
Jamais les malveillans n'ont tant abufé du
mot Peuple , que dans cette Révolution.
Le Peuple eft tout dans la République ;
il eft la collection de tous les individus.
Mais il n'exerce la fouveraineté que dans
les Affemblées primaires , ou par l'organe
( 258 )
de fes Repréfentans. Il feroit auffi ridicule
de dire que le Peuple de Paris réfide dans
quelques groupes épars fur la terraffe des
Feuillans , que de prétendre que le Peuple
de Paris eft celui de toute la France. Quand
eft- ce que nous nous formerons une idée
jufte & des mots , & des chofes ?
A
Depuis le Décret de sûreté générale rendu
par la Légiflature , & auquel la Convention
Nationale eft déterminée d'ajouter de
nouvelles mefures , les agitateurs ont moins
de fuccès dans la Capitale. Les murs ne
font plus tapiffés d'autant d'affiches de
toutes les couleurs & de toutes les mefures.
Celles qui fe font fait le plus diftinguer
étoient fignées Marat , qui , à force de fe
dire l'Ami du Peuple , étoit parvenu à le
faire croire , jufqu'à ce que le Peuple ait
appris à reconnoître à d'autres titres fes
véritables amis. Son opiniâtreté à dénoncer
Jérome Pétion n'a pas peu contribué à
deffiller les yeux les moins clairvoyans. Il
eft vrai que le reproche qu'il lui a fait
n'eft pas fort grave , c'eft d'être frife ,
comme l'étoit Mirabeau . Pendant longtemps
les Janféniftes ont cru que la mo
rale févère confiftoit à porter les cheveux
plats. Les véritables Patriotes portent la
livrée de la liberté dans le coeur.
Le même afficheur qui , à fon tour , a
été très- affiché , a dénoncé également tous
( 259 )
les Miniftres comme des traîtres , hormis
le Citoyen Danion. Il faut que 'celui- ci ne
fe foit point fenti honoré d'une telle exception
, car , dans la Convention , il s'eft
élevé fortement contre les agitateurs , &
fur-tout contre tout Dictateur , Triumvirs
ou Décemvirs dont Marat provoquoit
l'établiſſement .
Quoi qu'il en foit de ces ridicules motions
de nos Républicains modernes qui
conviennent fi peu à la République , le
ca'me commence à renaître dans la Capitale.
Les Citoyens plus tranquilles ne
sempreffent plus de s'exiler. On s'occupe
dans les fections de renouveller le confeil
de la commune.
Sur un réquifitoire de la commune , il a
été arrêté que MM. Goret , Gaudichon ,
Duchefne & Boula remplaceront , au comité
de furveillance , les 4 membres qui y
avoient été introduits par M. Panis , &
qui n'avoient pas été nommés par
le peuple
; ils font adjoints aux quatre anciens
membres de ce comité .
Les Bataillons & la Gendarmerie de Paris
continuent toujours à fe rendre aux différentes
armées. Depuis le 12 , les Commiffaires
de la direction des poudres ont envoyé
à l'armée Dumourier & Kellermann
plus de 300 mille cartouches . Chaque femaine
, il en partira à - peu - près autant. Les
བ་
僵
( 260 )
travaux du camp fous Paris ne fe font pas
avec autant d'activité qu'on le defreroit ;
plus de 300 canons de tout calibre font
déjà arrivés & 4000 hommes ont com
mencé à camper à la plaine de Clichy.
La proclamation du décret de la Convention
qui abolit la Royauté , s'elt faite dans
la capitale avec beaucoup de folemnité .
Des Commiffaires de la Commune ont été
chargés d'inftruire Louis XVI de la teneur
de ce décrer.
La loi du divorce a déjà été miſe à
exécution. Le Juge de Paix de la Section
de 1792 a légalife la féparation convenue
entre deux époux pour cause d'incompatibie
lité d'humeur ; ils font convenus de partager
leurs biens par moitié , ils n'avoient point
d'Enfans
Pendant que les agitateurs & les brigands
fe croyoient tout permis , quelques
fcélérats fe font répandus dans les rues &
dans les marchés de la Capitale. Ils arrachoient
aux femmes leurs boucles d'oreille,
leur croix & autres bijoux , fous prétexte
qu'il falloit en faire un don à la patrie. I's
forcèrent les hommes à donner leurs boucles
de fouliers. Plufieurs même étoient revêtus
de ruban tricolore , & pefoient dans des
balances les bijoux qu'ils efcroquoient pour
( 261 )
donner à leur brigandage une forte d'appareil
patriotique & légal . Quelques uns ont
été à l'inftant , maffacrés par le peuple , &
d'autres ont été arrêtés .
4
Peu de jours après un vol d'une autre
importance a été commis . D'autres Brigands
s'étoient introduits pendant la nuit
dans le Garde-meuble National ; ils étoient
montés par les cordes des réverbères qui
tiennent à la colonnade de la place Louis
XV , & de- là avoient enfoncé les fenêtres
. Ils ont volé les bijoux & les diamans
les plus précieux , parmi lesquels on compte
le regent , le fancy & les hochets du Dau
phin. On a fu qu'il y avoit , depuis plufieurs
jours , de faulles patrouilles ; qu'on avoit
négligé de donner le mot d'ordre , & que ,
dans cette nuit , les poftes les plus voifins
étoient mal garnis , celui du Garde meuble
s'étoit enfermé dans l'intérieur . Une ра-
trouille peu nombreuse , dans laquelle étoit
M. Camus , ayant entendu du bruit , a
averti le pofte du Garde meuble. Les voleurs
qui paroiffent avoir été très nombreux
fe font enfui , à l'exception de trois qui
ont été arrêtés . A l'inftant la commune a
fait fermer les barrières , & on a fouillé
très fcrupuleulement toutes les voitures.
Plus de 30 perfonnes préfumées complices ,
ont été arrêtées , & plufieurs diamans précieux
retrouvés. Le Miniftre de l'intérieur
s'étoit plaint à l'Affemblée que ce voltenoit
-
··262 )
à un plan plus important qu'on ne penſoit. Deux de ces voleurs viennent d'être condamnés
à mort . Ils n'avoient voulu rien
révéler durant l'inftruction , mais , après
avoir entendu leur fentence , ils ont promis
de tout avouer , fi on leur accordoit leur
grace. Ils ont déclaré avoir enfoui des
diamans dans une des allées des Champs-
Elifées . On les y a conduits & le fait s'eft
vérifié. Des perfonnes qu'on appelloit autrefois
de confidération , ont été défignées
& arrêtées ; on a furfis à l'exécution des
condamnés , & l'on efpère tenir le fil de
cette trame de brigandages .
La contagion des exécutions populaires
s'eft communiquée
dans plufieurs Départemens.
Les Prifonniers d'Orléans qui
avoient été transférés à Versailles y ont
été maffacrés par le Peuple à l'exception
de trois. A Lyon , le Peuple ou plutôt fes
inftigateurs , le font portés à Pierre- en-
Cife & dans les différentes prifons de la
Ville , y ont immolé le plus grand nombre
des prifonniers. De nouveaux troubles ſe font encore fentir dans cette contrée . Le
Peuple y a taxé les denrées à un prix fort
inférieur . Les Officiers Municipaux fe font
conduits avec un courage qui honore leur
humanité. Ils ont expofé leur vie pour
épargner au Peuple ce meurtre illégal.
Il n'eft que trop vrai que M. Larochefou1263
)
cault a péri miférablement à Giſors. Les
habitans & la Municipalité ont employé
tous leurs efforts pour arracher ce Citoyen
des mains d'un Bataillon de Volontaires qui
venoit d'arriver , & dont le zèle égaré a
cru immoler un ennemi de la liberté , en
égorgeant celui qui l'avoit défendue même
fous l'ancien régime.
Nouvelles de nos Armées.
Armée du Nord. Les Autrichiens continuent
toujours à ravager cette partie des frontières .
On s'occupe férieufement à la purger des brigands
qui l'infeftent. Les villes de Lille , Douai ,
Valenciennes , Lequesnoy , Maubeuge , &c . ont
reçu des renforts confidérables . Quelques lettres
de Lille , du 20 de ce mois , annoncent que
le Maréchal de camp de Houx , s'eft mis en
marche , à la tête de 12 mille hommes , pouz
faire le fiège d'Ypres.
Armées du Centre. La jonction des trois armées
commandées par M. Kellermann , Dumourier
& Beurnonville , s'eft opérée le 19 , près de St.
Menehould. Elles préfentent actuellement un front
de 70 mille hommes , dont plus de 12 mille
de cavalerie . Le Général Dumourier a fait juſtice
des fuyards & des déforganiſateurs qui
avoient crié A la trahifon & fauve qui peut,
L'armée , elle- même , a demandé la punition
des lâches & des traîtres. Quarante Huffards
du 2. régiment , ci -devant Chamborant , dont
le Général étoit inquiet , font rentrés , amenant
chacun un cheval pris fur l'ennemi . L'avant(
264 )
garde de M. Duval a pris , d'un coup de filer ,
un Lieutenant & 20 Huffards Pruffiens du régiment
de Koenter.
Le 20 , la colonne de M. Kellermann a été
attaquée par les Pruffiens. Il s'eft engagé une
très-vive canonnade dont voici les détails :
Lettre du Général Kellermann au Ministre de la
Guerre.
Du Quartier- Général de Dampierre-fur-
Ouvres, le 21 Septembre , à 9 heures du
foir.
R
Je m'empreffe , Monfieur , de vous inftruire
de la journée d'hier. Les ennemis ont attaqué ,
dès la pointe du jour , M. Defprez de Craffier
qui commandoit mon avant- garde ; il s'eft replié
fur moi , en ſe défendant avec valeur & intelligence.
Les ennemis , en très- grand nombre ,
ont marché fur plufieurs colonnes . M. de Vat
lence , à la tête des Grenadiers & des Carabi
niers , les a contenus long- temps fur une haue
teur en avant de celle où je formai mes troupes .
Ne pouvant que difficilement pénétrer , ils ont
prolongé leurs troupes par ma droite , Yous la
protection d'une immenfe artillerie . Je me fuis
alors rangé en bataille ; & quelque défagréable
que fût la pofition que j'avois prife , étant loin
de croire qu'une auffi grande partie de leur armée
cût paffé par la trouée de Grand - Pré , je lui
ai préſenté le combat depuis fept heures du matin
jufqu'à fept heures du foir ; ils n'ont jamais ofé
m'attaquer , malgré la bien grande différence du
nombre , & la journée, s'eft paffée en une cal
nonade
( 265 )..
monaade de 14 heures de très- près , & qui nous
a coûté beaucoup de braves gens . On dit que les
les M
ennemis ont prodigieufement perdu , & fur-tout
de leur Cavalerie & de leur Artillerie.
1
Les troupes commandées par M. Hemget
Maréchal- de- Camp, que M. Dumourier avoit envoyées
, ainfi que M. Chazot , Lieutenant - Co
lonel , pour renforcer mon armée , fe font brillamment
conduites , & ont fait environ so Prifonniers.
>>
J'ai gardé ma pofition jufqu'à dix heures
du foir , & j'ai alors pris un autre camp fur la
droite des ennemis , qui m'ont laiff faire mon mouvement
, quoiqu'il n'ait été fiai que ce mating fans
m'attaquer. »
« Je ne puis rendre affez de juftice à la va
leur & zu zèle des Officiers-Généraux fupérieurs
& particuliers , & à la conduite des troupes . Je
les ai vues perdre des rangs entiers par Texplofion
de trois caiffons incendiés par des obus
fans fourciller , ni déranger leur alignement. Une
partie de la Cavalerie , & fur- tout les Cara-,
biniers , ont été fouvent expofés à un feu trèsmeurtrier
; ils ont été des modèles de courage.
& de tranquilité. J'avois espéré que la Cayalerie
ennemie engageroit le combat , & la mieane
étoit difpofée de manière à devoir efpérer da
fuccès . M. Defferaremme , Maréchal de Camp
d'Artillerie , a eu , ainfi que moi , un cheval fortement
bleffé d'un coup de canon ; & parmi nos
Camarades que nous regrettons , fe trouve M.
Lormier, Lieutenant- Colonel , commandant un
Batailion de Grenadiers - Volontaires , Officis dif
tingué de toures manières . »
сс
Embarraffé du choix , je ne citerai , parmi
No. 39. 29 Septembre 1792 .
M
1
( 266 -) -
ceux qui ont montré un grand courage , que
M. de Chartres & fon Aide- de- camp , & M.
de Montpenfier , dont l'extrême jeuneffe rend le
fang- froid , à un des feux les plus foutenus
qu'on puiffe voir , extrêmement remarquable . ';
ce La Nation Franço fe , après ce que j'ai vu
hier, peut être sû e que les foldats les plus
aguerris ne doivent pas l'emporter far ceux qui
fe font confacrés à la défente de la liberté ; i s
ont montré que leur confiance en leurs Généraux
étoit entière , par la maniére dont ils reftoient
à des poftes péri leux . M. Dumourier eft
venu paffer plufieurs heures avec moi aux batteries
, & m'auroit amené toute fon armée s'il
n'avoit craint d'être attaqué lui- même , il m'a
envoyé plus de troupes que je n'aurois dû en
efpérer dans fa pofition , & je ne puis affez
me louer de fa conduite avec moi. »
сс Ma perte fe porte à environ 250 , tant
tués que bleffés. Je ne dois pas vous laiffer
ignorer non plus que MM. Fabrefon , Auftace
& mon aide- de-camp Lajolet , fe fost conduits
de la manière la plus diftinguée dans l'affaite
d'hier. »
« Je vous enverrai par la prochaine occafion
des pauvres venves que je vous prierai derecommander
au corps législatif , pour leur faireobtenir
des fecours. »
Le Gécéral en Chef de l'Armée du Centre.
Signé , KELLERMANN .
La trouée qu'a fait l'ennemi par Grandpré ,
ne paroît pas lui être fort avantageufe . Des dé--
pêches du Général Kellermann du 23 , an- :
concent que les Puffiens n'ont pas ofé attaquer ,
- 1 267 )
& le Général Dumourier écrit qu'il étoit rou
jours content de fa fituation ; que les ennemis
font dans la plus grande détreffe , qu'i's meurent
de faim eux & leurs chevaux , & ne peuvent
tenir plus de deux ou trois jours. Ce Général
a crudevoir donner des ordres pour la levée
du camp de Châlons , qu'il deftine à quelque
opération , on pide of pig pa
Thionville. Des renforts ont été jettés dans
cette place , tant infanterie que cavalerie . Le
Général Félix Wimpfen continue à faire la plus
meurtrière & la plus glorieuſe défenſe. L'ennemi
n'a pas encore entrepris d'ouvrir la tranchée devant
cette place. Le Général le barcele par des
forties fréquentes & vigoureuſes.
Armée du Midi. Des dépêches officielles
noncent que M. Montefquiou eft entré le 19 en
Savoie avec une armée de p mille hommes.
La Convention Nationale a nominée MM. Gafparin
, Lacombe Saint Michel & Dubois de
Crance , trois de fes Membres , pour fe rendre
dans cette armée & y ſurveiller les opérations
militaires. On préfume que l'on fera entré également
du côté du Var.
SUEDE.
La Proclantation du Duc Régent , pour
fe faire pardonner fa clémence envers les
complices & Ankaftroëm , a eu l'effet qu'elle
devoit produire , le Peuple a abjuré fes
erreurs & les rigueurs , il a applaudi enfin
M 2₁
( 268 )
à l'humanité éclairée du Régent. Les Dalécarliens
, ces Peuples prefque entièrement
fauvages , qui fe nourrige entièrement
en grande
partie d'écorce d'arbre , qui vivent enfevelis
dans les mines de cuivre , & à qui par
conféquent l'exiftence des Rois devroit
être fi indifférente, ont été de tous les Sué
dois ceux qui ont donné le plus de regrets
à la mort de Gustave III ils étoient ceux
quis demandoient le plus hautement des
punitions terribles : on eft parvenu à les
calmer comme les autres. Cet amour pour a
leurs Rois n'eft pas chez ces Peuples une
fuperftition politique ils n'ont pas , àlicetmot
égard , plus de fuperftition que de principes.
Mais ces hommes fauvages font très fen- o
fibles : avec quelques paroles touchantes il
a toujours été facile aux Rois de Suède de
s'en faire adorer ; & on fait qu'aucun Prince
n'a eu plus que Gustave III l'hypocrifie de
la fenfibilité.
L'adminiftration du Duc-Régent s'exerce
toujours fur le même efprit, c'eft-à-dire fur un
efprit entièrement oppofé à celui du feu
Roi. Le Baron d'Oxenstiern , que Guftave
avoit envoyé auprès des Princes émigrés
en qualité d'Envoyé, comme fi ces Princes
étoient une Puiffance , a été rappellé , &
la Suède ne conferve plus aucune efpèce
de liaiſon avec des François rebelles. On
a appris en revanche à Stockholm , que
aut
Cert
we samlul sin est 1269 ) 2
l'ancien Gouverneur de cette ville , le Général
Baron d'Armfeld , s'eft chargé d'un
commandement dans l'armée des Emigrés.
Le Duc Régent de Suède , ou du moins
P'un de fes Miniftres le Chancelier d'Etat
aseulcependant un moment de complaiinfance
pour cette haine implacable que les
Puiffances de l'Europe ont vouée à la révolution
françoife . Un Journaliſte Suédois
lavoit traduit l'adreffe au Duc de Brunfswick,
traduite dans les Papiers Anglois ,
sidans tous les Papiers de l'Europe. Les Miniftres
d'Autriche & de Pruffe en ont desimandé
vengeance , comme d'une injure
faite à leur Souverain . Le Chancelier d'Etat
-a appellé le. Journaliste , ils ont caufé enfemble
, & cela s'eft appellé une femonce.
Les Puillances de l'Europe font bien inſenfées
de croire qu'elles pourront triompher
de cette Puiflance qui s'eft élevée par tout
à côté d'elles, & contre elles ; de l'Imprimerie
. Jamais les Ariftogitons & les HarmodiùsyalesBrutus
, les Hamden & les
Sydnei n'ont fait tant de mal aux tyrans que
l'ouvrier presque inconnu qui a été l'inventeur
de l'Imprimerie , que Guthemberg.
F On fait avec quelle rigueur de principes
républicains les Auteurs de la Conftitution
de la Suède avoient réglé tous les détails
de l'éducation de l'Héritiers du trône il
fuffi au Régent de rétablir dans toute
n'a
pas
M 3
( 270 )
feur force ces principes que l'ufurpateur
Gustave avoit eu trop d'intérêt de faire.
oublier , quoiqu'il leur dût tous les ralens
dont il a fait un fi mauvais ufage: le Régent
a voulu encore que le jeune Roi réçût l'éducation
commune que des Suédois reçoivent
à Upfal : il vent que, confondu avec
tous les enfans il fentel qu'il eftoun enfant
comme eux , pour prendre l'habitude de
reconnoître fes égaux dans les hommes fur
lefquels il ne règnera pas , mais fur lesquels
il fera règner les lois. La mort de fon père
& l'adminiftration de fon oncle feront de
grandes leçons pour ce jeune Prince.
T
Le Régent a réuni les Départemens de
commerce & des finances , qui en effet ont
de grands rapports enfemble , & il a organife
le Département unique qu'il en a fait ,
comme il l'étoit avant la révolution de
$774.
DANEMARCK.
Jufqu'à préfent ce royaume avoit eu la
prudence de né prendre aucune couleur dans
Ja révolution françoife. Son Gouvernement
vient de faire un acte qui pourroit l'expofer
à fortir de cette fage neutralité . Il a
fignifié au Miniftre de France, que depuis
les événemens du ro Août il ne peut plus
reconnoître en lui le caractère d'un En(
(-27 )
voyé. Il cft vrai que ce Miniftre lui- même ,
que M. de Vibraye s'étoit dépouillé de ce
Caractère , & qu'il avoit écrit au Cabinet
de Copenhague que Louis XVI étant prifonnier
, & ayant prêté fon ferment à la
Nation , à la Loi et au Roi , il ne fe regardoit
plus comme chargé des affaires de
France. C'eſt àpeu près comme fi M, Vibraye
eût cu qu'il n'y a plus de France
parce que la France n'a plus de Roi . Voila
pourtant l'effet d'un ferment fi abfurdement
libellé ! Ne diroit- on pas que la Nation ,
la Loi & le Roi étoient trois Puiflances
diftinctes & différentes ? Tandis que la Loi
n'eft que la volonté de la Nation , & qu'un
Roi , lorfqu'il y en a , ne doit en être que
le Miniftre & le Serviteur.
23
Le Prince Royal a exécuté en partie un
plan étendu de réformes très - importantes
dans la marine & dans l'armée de terré.
Six vaiffeaux de ligne Ruffes & trois frégates
fe font quelque temps arrêtés dans
cette rade. Deux frégates ont fait voile
pour la Baltique . On a préfumé que cas
vaiffeaux Ruffes étoient deftinés à fe réunir
à ceux que Gustave devoit aimer contre
France. On peut préfumer auffi que beau
coup de Delpotes mourront ou périront
comme Guftave III avant que la liberté
de la France périfle.
<
M 4
( 272 )
1
APOLOGNE.
"
Les nouvelles de ce pays continuent à
être du plus grand intérêt pour tous les
amis de l'humanité. On y voit le fentiment
de la liberté furvivre à fa perte &
le defectifine Ruffe dévoiler festerreurs
& fa
foibleffe par les foins même qu'il
prend à appefantir fa puiffance.
39 Lá Confédération générale de Pologne ,
unle aujourd'hui à celle de Lithuanie
continue fous la protection des foldats
Rules à renverfer toutes les inftitutions
créées par la révolution du 3 Mai ' , à écarter
des affaires tous ceux qui s'étoient dévoués
à la liberté de leur patrie , à recevoir , c'eftà
- dire , à forcer les adhéfiens de tous les
Falatinats à la contre-révolution ,, à faire
prêter , à tous les Polonois , le ferment de
refpecter leur efclavage & de ne jamais ten-
-ter de brifer leurs chaînes . Ce font des
Officiers Ruffes qui vont commander les
armées de la Pologne ce font des Cofaques
formant le cortége ou la Garde du
Général Rulle Kochowski qui font la police ,
Varfovie , qui arrêtent les paffans , qui
fouillent les voitures & qui les volent
pour les garantir de n'être pas volés par
d'autres nul Polonois ne peut plus voya- .
ger fans un paffe port figne du Miniflre de
16
•
ཏཾ
( 273 )
Ruffie . Tous ceux qui ont combattu avec
gloire pour la liberté & qui auroient voulu
mourir pour elle, le Maréchal Malachowski,
le Prince Jofeph Poniatowski fort cités devant
des Tribunaux , créés par la confédération
générale , & où il n'y aura d'autres
Loix que les reffentimens & les vengeances
de Catherine II , enfin , à mefure que le
monient où la Diète fera fon ouverture
s'avance, les troupes Ruffes fe multiplient ;
& c'eft au milieu des bayonnettes de cette
foldatefque du Nord, que Catherine prétend
faire émettre la libre volonté de la
REPUBLIQUE de Pologne : & Staniflås-
Augufte , le
prétendu
Roi de cette prétendue
République confent à vivre fur un Trône entouré
de tant d'outrages , fur un Trône qui eft
comme une espèce de fellette ou fa honte eft
expofée aux regards de toute l'Europe ! On
lui a dicté l'acte de fa foumiffion & de fon
éternel aviliffement dans les termes les plus
abjects, & il la figne comme on le lui a préfenté.
Nous allons copier ici cet A&te ;
il faut des monumens authentiques pour
croire à tant d'orgueil d'une
d'abaiffement de l'autre .
part ,
à tant
Afle d'acceffion du Roi de Pologne à la
Confédération générale. sb
29!
« Stanislas - Augufte , par la de
grace
MS
» Dieu & la volonté nationale , Roi de Dieu & la vol 274 )
» Pologne , &c. & c. & c. »
€
•
« Confidérant comme le moyen le plus.
» certain d'affurer l'intégrité du Royaume
» & le fort de la République dans notre
» jonction & acceffion à l'acte de la confé-
» dération générale de Targowice SANC
» TIONNÉ par la puiffance & l'intervention
» de S. M. I'Impératrice de toutes les
» Ruffies ; SOUMIS aux Confeils de cette
» SOUVERAINE ; conduits en même temps.
» par notre follicitude paternelle à diriger
» dans toutes les circonftances , nos foins
» vers le plus grand bien du pays ; nous
» accédons par la préfente déclaration ,
» conjointement avec l'armée de la Ré-
» publique à l'oeuvre ci - deffus mentionné
» de la Confédération. Fait à Varfovie ,
» le 24 Juillet 1792 , Stanislas Augufte.
"
Si on n'apprenoit pas d'autres faits de ce
pays fi malheureux , on croiroit la Pologne
non feulement vaincue , mais foumife
mais avilie , mais façonnée à jamais au joug
d'un peuple barbare & d'une femme à laquelle
aucun genre de crimes n'est étranger.
Mais on écrit en niême temps de
la Pologne que le plus grand nombre
des Officiers de l'armée donnent leur démiffion
quelque danger qu'il y ait pour
eux à ne vouloir pas être les inftrumens de
la tyrannie ; ils aiment mieux en être les
-
2751
victimes , s'il le faut. Il a paru & il s'eft répandu
dans Varfovie & dans toute la Pologne
une adreffe , des adieux du Prince
Jofeph Poniatowski , à fon armée ; & fes
adieux du Général aux Soldats de la révolution
qui refpirent l'amour des Loix pour
lefquelles ils ne peuvent plus combattre en ce
moment , annoncent que ces loix pourront
renaître encore. li paroît en même
temps des copies impriniées de lettres
écrites par ce Général à Staniflas -Augufte,
& on y voit que ce n'eft pas comme le
dit ce fantôme de Roi , conjointement avec
l'armée , qu'il a paffé l'acte de fa foumiffion
; le Général n'a épargné aucune
vérité au Roi , & il ne lui en a adouci
aucune ; car adoucir de telles vérités ce
ferit les trahir. On écrit de la Pologne
que les Diétines , quoique tenues fous les
yeux des Ruffes ont été prefque toutes
tres- orageules & qu'on y a entendu encore
les mâles accens de ces Sarmates qui préfé
roient une liberté orageufe à une tranquille
fervitude ; que dans les rues de
Varlovie il y a fréquemment des combats
entre les Ruffes & ies Polonois ; que les
Cofaques , lorfqu'ils en faifoient la police ,
ont été plufieurs fois raillés , infultés , attaqués
; que dans les femmes même & de
la claffe la plus avilie , dans les filles publiques
, l'horreur des Defpotes & de leurs
M 6
( 376 )
Satellites eft indestructible. Qu'elles ont
juré de ne jamais accorder à des Ruffes
des faveurs qu'elles offrent à tout le monde,
& que l'une d'elles , comme une Judith ,
Pun coup de hache a coupé la tête à un
Cofaque. La Ruffie & la Pruffe autont
beau renouveller & refferrer leur alliance ,
elles auront beau tout abattre un inftant
devant leurs armées combinées , des peu
ples que dans leur défaite même , confervent
de tels fentimens ne peuvent pas
être long- temps efclaves..
4
VIENNE.
累
La guerre contre la France eft depuis,
long temps la feule affaire qui occupe
beaucoup l'Empereur , fes Miniftres & les
Peuples foumis à la maifon d'Autriche. On ,
travaille nuit & jour dans les arfénaux..
67,000 fufils ont été fabriqués avec la
feule deftination de les donner aux Fran
çois qui pafferont du côté des Princes
émigrés & des ennemis de la France : il ,
eft probable qu'on a quelques regrets aux.
dépenfes de cette fabrication depuis la
journée du 10, - Le nouveau Chancelier
de l'Etat , le Comte de Colentzel , en an- ,
nonçant aux Miniftres des Affaires Etrangères
, que, déformais , c'eſt à lui qu'ils
devront s'adreffer pour les affaires de leurs
( 277 )
Cours , a invité toutes les Puiffances , dans
une Note remise à leurs Miniftres à fe
joindre aux Princes ligués contre la France
pour étouffer chez tous les Peuples les
principes & le fanatifme de liberté qui fe
répandent chez tous , & pour fecourif
T'Allemagne dans les dangers dont la France
la menace . Cette Note eft curieufe & importante
à beaucoup d'égards. M. de Cobenzel
eft naïf pour un Miniftre. Celui- là
avoue au moins que l'objet des Puiffances
liguées eft d'étouffer la liberté chez tous
les Peuples. Il n'y a plus de naïveté , il
eft vrai , à dire que l'Empire d'Allemagnet
doit être fecouru contre la France , tandis
qu'il eft notoire pour tout l'Univers que c'eft !
cet Empire qui veut tomber de tout fon
poids fur la France ; mais cela fait voir,
combien avec de la puiffance , il eft pof-s
fible d'avoir de l'audace dans la faufleté ;
& cela même eft curieux , quoique cela
ne foit pas rare . ༞ ་ I
Le Peuple de , Vienne attend avec im - 1
patience le Conclufum de la Diète fur le
Décret de Commiflion Impériale : mais les i
gens un peu inftruits des farces politiques :
qui fe jouent avec tante de majesté entre
les Puiffances rient de cette impatience du
Peuple. Il eft risible en effet d'attendre un
Conclufum fur ce qui non feulement eſt conclu
mais qui fe fait depuis longtemps. !
( 278 )
Car il y a long- temps que tous les Princes
de l'Empire grands & petits font autant
de mal qu'ils le peuvent à la France. La
Diète de Ratisbonne n'eft guère qu'un
arrière -Cabinet du Cabinet de Vienne ;
& les véritables Conclufum fe prennent à
Vienne & à Berlin.
LONDRES
Cette ville fe remplit tous les jours d'Emigrés
François les uns fatigués des tempêtes
de la Révolution , qu'ils n'ont plus
le courage ou la force de fupporter , y
cherchent fimplement le repos & la paix ;
les autres viennent y chercher la guerre
contre leur Patrie : ils ne lui trouvent pas
encore affez d'ennemis.. Il leur feroit
agréable que l'Angleterre nous attaquât
avec les Battes , tandis que tout le refte de
l'Europe nous auaqueroit avec des armées .
Pour y parvenir , ce n'eft pas auprès de
la Cour qu'ils intriguent ; la Cour intrigue
plutôi avec eux auprès du Peuple pour
le faire entrer dans ce projet. Le grand
moyen qu'ils emploient , c'eſt d'acculer les
François , non feulement de tous les crimes
qui le peuvent commettre , mais de tous
ceux qui fe peuvent imaginer. Depuis
quelque temps , pour remuer les Anglois
par des intérêts plus perfonnels , ils fup(
279 )
a
C
polent au Peuple de Paris tantôt des torts ,
tantôt des attentats contre les Anglois euxmêmes.
Ils ont dit d'abord qu'on profeffe
à Paris un grand mépris pour la "Liberté
& pour la Conftitution Britanniques ; &
tout le monde fait que nulle part en Europet
cette Liberté & cette Conftitution n'ont
reçu plus d'éloges , & que le tort des Francois
, à cet égard, confifte હàૈ defirer que la
Conftitution des Anglois foit plus parfaite ,
& leur liberté plus étendue is ont dit
enfuite que les jours de l'Ambaffadeur
d'Angleterre ont couru les plus grands dan ,
gers à Paris ; & par malheur pour eux cet
Ambaffadeur , Milord Gower , eft arrivé en
parfaite fanté en Angleterre , ils difent enfin,
& ceci eft leur grande reffource , que tous
les Anglois qui le trouvent en ce moment
en France doivent y être égorgés à unjour
convenu & fixé ; & ce qui eft vrai , c'eft
qu'une multitude d'Anglois , témoins de
ce qui fe paffe en France , offrent à l'Af
femblée Nationale leurs voeux , leur argent
& leurs bras ; & ce qui eft vrai
c'eft qu'un Anglois , dont le nom doit être
cher à tous ceux pour qui les droits ,
la liberté & le bonheur du genre humain :
font quelque chofe , le Docteur Priestley
vient d'être appellé par la Nation Françoile
parmi ceux qu'elle a choifis pour les Lé
giflateurs. Les Papiers Anglois , vendus ..C.
A
( 280 )
3
ne
prefque tous à la Cour , ne recueillent pas
feulement ces énormes abfurdités , ils en
inventent de plus énormes encore Ceft
le feul talent qu'on leur reconnoiffe ; c'eſt
même le feul auquel ils prétendent. Il
faut pas croire qu'ils loient payés par les
Miniftres ; des hommes fi vils ne peuvent
l'être que par une Cour , que par des
Princes , par des Rois , & en Angleterre
les Miniftres , lors même qu'ils font cor
rompus & corrupteurs , ne confentent pas
à partager l'ignominie de tous les vices qui
trones. Si on s'en rapportoit
aux Feuilliftes Anglois , la grande
Bretagne feroit au moment d'entrer dans la
ligue des tyrans mais voici une lettre
écrite de Londres par un Juge plus éclairé
& plus impartial des difpofitions actuelles
de l'Angleterre.
java 38 interdis
l'Angleterre.gung
font le cortégé des delto
t
213
A melure que les évènemens du 10s Anŭto
font mieux connus ici , la prévention s'affoiblit.
Il a fallu mêm: qu'ils aientSuétpéportés avec }
une malice profonde , pour avoir d'abord frappé
auffi défavorablement qu'ils l'ont fait ; car les
mefures hardies & les partis décififs ne peuvent
déplaire au génie Anglois. Il feroit donc important
d'envoyer ici le procès verbal authen
tique de tous les évènemens de cette journée
men able , & de l'y répandre avec profufion ,
Le Peuple Frar cos ne craint pas la vérités qu'il la
dife au Peuple Anglois qui la defi e. Sugimmey
un devoir pour les Repréfentans de la Nation
St
>
281
enten-
Françoite , d'envoyer chez l'Erranger les pièces
qui conftetent la perfidie du Roi & de tout le
cortege de l'ancien Pouvoir Exécutif. Si le procès
eft jugé en France , il ne l'eft pas chez les Nations
Etrangères , ou réceflairement il doit l'être ,
foit par Pinftruction , foit par les armes. Nous
fommes armés contre les Cours , mais
dons -nous avec les Peuples. Les difpofitions de
Peuple Anglois pour la France font affez favorables
, fi l'on longe aux calomnies fans nombre
A qu'une foule de François Emigrés répandent ici
depuis deux ans. Cleit dieux qu'eft venue l'opinion
que l'on penfoit férieufement en France à
offir la Couronne au Duc de Brunswick ,, &
que la régociation étoit commencée. C'eft encore
cux qui ont fait préfent au Duc d'York
d'un femblable avènement à la même Couronne
* de France . Quant ce dernier , la Nation Agloife
sen a ( ufe idée telle qu'effrayée de la
mauvaife lapté du Prince de Galles
ellefedoute
le moment eu le Duc d' Yarck, deviend a
Roi ; les Anglais ne font donc point aux , François
l'injure de croire qu'ils aient jetté les yeux
fur un pareil homme , même dans le temps quis
vouloient bien encore d'un Monarque. D'ailles
on connoît déjà à Londres la ferme détermination
de la France al n'entendre à aucune compoſition ? a
ne recevoir aucune Loi de l'Etrangersɔomino9
.
dy s'ha eston à dos ; so sa lî'rg
On écrit de Londres que l'un des Citoyens
de cette Ville les mieux inftruits des
difpofitions du Cabinet Britannique , a
afluré que ce Cabinet ne fe déciarercit
contre la France que dans un feul cas ,
( 282 )
1.5
༥
celui où on attenteroit aux jours du Roi
& de la Reine. Si cet Anglois avoit été
auffi bien inftruit de ce qui fe paffe à Paris
que de ce qui fe paffe à Londres , il auroit
fu que tout ce qu'il y a dans Paris de
gardiens vigilans de la chofe publique ,
veillent fur les jours de Louis XVI &
d'Antoinette d'Autriche.Le Peuple qu'ils ont
voulu livrer aux glaives des ennemis n'imiintera
pas , à leur égard au moins , les fureurs
dont ils lui ont donné l'exemple.
Leur fort fera prononcé par la clémence
de la Nation ou par fa juftice ; & les
Anglois qui ont affez bien connu les principes
& les bornes des autorités fociales
feroient fans doute embarraffés de dire
quel droit d'infpection la juftice d'une
- Nation peut avoir fur la juftice d'une
autre Nation. Si les Anglois étoient en-
-traînés à une guerre contre la France par
leur Roi , ils le feroient certainement contre
leur confcience trop éclairée pour ne pas
voir combien une telle guerre feroit inique
; ils le feroient contre l'intérêt de leur
commerce quis gagne plus à nos troubles
qu'il ne gagneroit à notre afferviffment ,
contre l'intérêt de leur liberté qui feroit.
bientôt menacée fi les Defpotes coalifés de
l'Europe remportoient un fi grand triomphe.
Voilà une épreuve cù on attend les
Anglois pour juger enfin définitivement
283 )
de ce qu'il faut penfer de , ce grand caractère
national tant célébré par les François
fur-tout.
2
31
200 S'il faut en croire des lettres de Weimouth
, cette attente ne fera pas longue ;
M. Pitt , le Duc de Richemont & plufieurs
autres Membres du Gouvernement doivent
syraffembler inceffamment pour conférer
fur les affaires de France & prendre une
xdemière séfolution . La meilleure de toutes
2 pour toute l'Europe feroit de faire interevenir
la médiation de l'Angleterre dans ces
* fanglantes querelles pour les faire terminer
atilement pour la liberté de la France &
s du genre humain. On écrit à Vienne que
déjà le Gouvernement Britannique a fait
des mouvemens pour engager les parties
belligérantes à dépofer les armes. Si M.
Pitt le veut , ille peut; & s'il le fait , la
gloire la plus éclatante & la plus douce
qu'un Miniftre ait jamais pu obtenir , lui
eft réfervée.
bin
Philadelphie le 24 Juillet.
Les Anglois ne peuvent être attachés
Theliver
au fuccès de la Révolution Françoiſe que
par leurs lumières . slumières , para! par leurs vertus & par
les voeux qu'ils forment pour l'amélioration
du fort de toute l'espèce humaine.
Or , en Angleterre niême & dans le dix}
284 'up so sh
huitième fiècle de fi beaux motifs ne font
pas ceux qui influent le plus dans les Confeils
d'un Roi. Les Américains , dont nous
avons fi efficacement concouru à établir
l'indépendance , doivent être attachés , par
la reconnoiffance , au triomphe de notre
liberté. Aufli tous les Papiers publics
de cette partie du monde , franche de tâut
genre de tyrannie , retentiffent - ils des voux
-que l'on y forme pour le fuccès de opos
armes & de nos loix on y parle meme
de la formation de plufieurs bataillons de
volontaires Américains qui veulent s'acquitter
anvers les Françoisen mêlant nine
feconde fois legfang des François avechle
fang des Américains Voici une lifte
de Toftes qui ont été bus dans la i délébration
folemnelle de l'anniverſaire du 14
Juillet.siq al sinstalas aula el stiolg
Santés portées par tis Clibyens de l'Amérique-
T
Unie.
all Snowhill, en MarylanAI
Notre premier & meilleur allie La Nation
allifstelle
Fra
ço
Te
Puife
le
monument
qu'elle
a
élevé
alla
iberté
braver
la
ave
at
les
rage
de
répandre fon éclat fur le monde entier .
&
T q
ub sult
jogurtot alivɔ xudy 2 '
is ned en Cambden en Caroline
ando 2 emên smstelpa as
Succès à la régénération du Gouvernement
( 285 )
François Puiffent tous les
Gouvernemens arbitraires
fubir les mêmes
changemens.
Andly, LM na kon
New-Yorck
„dii quand Strodil sl á bluzby : T
France , Puiffent les
armes & la
fageffe de le a
devenit
également la terreur des defpotes
de l'Europe
.
Les Patriotes vertueux &
inapréciables de la
France.
Sageffe & unanimité aux confeils de la France ,
& victoire à fes armes angular mol subnath
apag sigroaki ob toract the
Alexandrie en
Virginie.
!
L'Affemblée Nationale de France ! Puiffent wholwa showe
les ennemis de la liberté épandus dans cette
Nation généreufe, effuyer bientôt le châtiment
néceffaire pour leur réforme.
me tob nolva'T A VIREH ob siemind
George Town en Virginie.
ucivo allt er st.2 A zel
Les
Rattlotes
François !
Puiffèné leurs
conemis
feldiffiper
comme les
comme les yapeurs du matin, devant le
foleil levar de la liberteurs
14
I
.supiti
Aduo ziemej onŝ'a , tolliet 41 sl ship't
Wilmington . Delaware.
L'Affemblée Nationale de France ! Puiffent
le patriotifmela fagelle & l'humanité , préfi
der à fes
délibérations
des ennemis de la liberté
I
& la faire triompher ng
35 X 9030
anodil si ob zim
201
Elktou en Maryland.
Perpétuité à la liberté Françoiſe .
Charles-town en Caroline.md
Perpétuité à l'alliance entre la France & les
Etats -Unis.
Puiffe le génie bienfaifant qui a éclairé la
France , étendre fon influence fur tous les peus\
ples de la terre , & leur donner de l'énergie pour
Le régénérer !
no amian
Newark, NewJersey.
donosit celda in1
Louis XVI , Roi des François Puiſſe la
fermeté de fa conduite déjouer les ennemis de
la France !
930091 18M 1869
La mémoire de Henri IV & l'union des empires.
Puiffent les Américains , fe rappeller toujours
avec reconnoiffance leur grand & boa allié la
Nation Françoife,
pagini Les intérêts commerciaux
de la France & l'A mérique
.
Puiffe le 14 Juillet , n'être jamais oublié.
Philadelphie.
Lejouronné
la liberté
:
で
530 ab elan
généreuse & éclairée
mis de la liberté,
une Nation
any Your e
Victoire aux armées de France , fur les enneg
( 287 )
Le Roi des François ! Puiffe-t-il participer
amplement au bonheur de fa Nation .
Les contributions politiques de la France & de
l'Amérique ! Puiffent - elles avoir le même fuccès .
Amitié perpétuelle entre la France & l'Amérique.
Rochambeau , Luckner & Lafayette ! Puiffe la
victoire couronner ceux qui ne cherchent pas des
conquêtes.
Carlife en Pensilvanie.
Les membres de l'Affemblée Nationale de
France ! Puiffent - ils jouir du bonheur de voir
profpérer & fleurir leur Patrie , fous la fauvegarde
d'une Conftitution libre & de loix égales .
Puiffe l'empire des Rois , des prêtres & des
nobles tomber fous l'empire de la raiſon , de la
hberté & de la faine philofophie.
Puiffe le zèle Patriotique qui a renversé la
Baftille , animer toutes les Nations de la terre .
Puiffe la guerre actuelle contre la France
être le dernier effort du defpotifme chancelant ,
contre la liberté & les droits de l'homme.
g
COURS DES EFFETS PUBLICS. Septembre 1792
CHANGISdu27.
EFLFNuEnATdTSi..
27.
Mardi 28. Merc. 29.
Jeudi
30.
Vend. 31. Sam.1.
Amft. 33
Lond. 18.
Ham. 300.
( Actions.
2010 10.
.202010. Mad. 24.5.
Do.es. 886.900..
Emprunt Oct..
427.422. 427.422p
9.100 ...
886.900. Cad. 23. 15.
Lyon.8h.b.
Liv. 172.
Gên. 163.
Id.
Décembre
82.9.10p..
d'AvLroitl,.
Lot. d'Octobre..
Empru1n2t5 ins
15.16.
Id. So millions.. 18. 19
Sans Bulletin..
Bulletin .....
Emprunt 120
Borde. Ch ....
m18
Caiffe d'Efcompt. 1565.70.
D° .demi- act.
EauxdeP ...
Empr.
National..
3120.200.
•
15.16. CHANGESdu1.
18.19 ...
Amft. 3.34
Lond. 18.
Hain. 300.
Mad.. 24.5.
1565.70. Cadix. 23. 15.
3120.200. Liv ... 172.
Gên.. 163.
Lyon.8h.b.
AVIS TRÈS - IMPORTANT.
ON obferve que les Rédacteurs n'ont
rien de commun avec l'Abonnement , la diftri
bution , & c. C'est à M. GUTH , feul Directeur
du Journal , hôtel de Thou , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets ; autrement des lettres
fouvent importantes pourraient refter au rebut.
Ls perfonnes qui enverront à M. Guth des
eff is fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Affignats , doivent être chargées
à la Pofte , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix de l'abonnement eft de trente - fix liv frane
de port pour la Province. L'abonnement pour Paris
eft de trente-trois liv. Il faut affranchir le port
de l'argent & de la lettre , & joindre à cette
dernière le reçu da Directeur des Poftes. On foufcrit
Hôtel de Thou , rue des Poitevins. On s'adreffera
au fitur Guru Dire deur du Bureau cu
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que pour
l'année entière.
FEUCSFBeOpFLtUDEIe1mRETC7b9rSSSS2e..
EFFETS NAT. Lundi 24.| Mardi25.
Actions
Do. ises.
( Emprunt Oct.
Décembr8Ie2d.
d'AvLroi.tl..
d'octoLborte.
Empru1mn2²t5
millio8ni.0sd..
BullSeatnisn.
Bulletin
Em1p2r0umn³t.
.B.o.rC.dh.e.
Caifle d'Efcompt.
de.Dm&.eai.,-
EaudPxe.
Empr. National.
Merc. 26.
Jeudi 27.
Vend. 28
CHANGE's du29.
Amft. 35.
Sam. 29. Lend. 18.
iam. 296.
1970M.2a813d05....
1240 ..
Cad.
2135..
158. 392 ...... Liv.1
1615p.. Gen. 148.
Lyon.b.
Payeurs, année
10.101012, lettre J.
44P
8.8.9.8p.
34808580
1740 3535
410 .....
AVIS IMPORTANT.
QUELQUES Municipalités qui ont
jugé le Mercure d'après fon ancien efprit ,
ont trouvé plus commode de le brûler que
de le lire. Cette maniere d'apprécier n'e
pas plus conforme aux principes républi
cains qu'à ceux de la juftice. Il femble
qu'avant de favoirfi nous nous étions rendus
coupables d'infraction à la devife de
Liberté & Égalité , qui devait nous fervir
de garantie , il fallait prendre la peine de
s'en affurer. Nous espérons qu'à l'avenir
les droits de la liberté de la Preffe , que
nous ne fouillerons jamais , nous mettront
à l'abri des indemnités que les frais d'un
double fervice envers nos Abonnés nous
mettraient dans le cas de réclamer.
, ÉGALITÉ
.
( No. 37. )
SAMEDI 15 Septembre 1792.
MERCURE
FRANÇAIS ,
PAR UNE SOCIÉTÉ
DE PATRIOTES.
Tous les Livres , Cartes , Fampes , Mufique
& Avis divers , doivent être adreffés à M. de
la Harpe , rue du Hafard , n° . 2.
Le prix de l'Abonnement eft de 36 liv.
frane de port par tout le Royaum
あな
400 €
CALENDRIER
POUR L'ANNÉE I
1792 .
SEPTEMBRE a 30 jours & la Lung 30. Du 1 au
jo , les jours décroiffent de 52'.
mardi Marcel , Martyr.
JOURS
du NOMS DES SAINTS.
MOIS.
PHASES
de la
LUNE.
Temps moyer.
au Midi vrai.
H. M. S.
ffam. Leu , Évêque.
16.
214D. Lazare , reffufcité.
lundi Grégoire le Grand , Pape . 18
17
II 59 30
II 59 II
58 52
19 8 32
merc. Bertin , Abbé. 20 12
jeudi Onéfipe.
21 CD. Q.
57 52
vend Cloud , Prêtre. 22 le 8 , à II 57 32
8 fam. LANATIVIT. DE LAV. 23h . 18 m .
II 57 12
915 D. Omer , Évêque . 24 du mat,
II 56 SI
10 lundi . Nicolas de Tolentin . 2.5 II 56 30
11 mardi Patient , Évêque .
26 56 10
12 merc. Serdor, Évêque. 27 55 49
13 sudi Maurille , Év. d'Angers. 28
28
200
15 fam Corneille .
14 vend . 1'Exalt, de la Ste . Croix. 29 ON. L.
1616 D. Cyprien , Év.
17 lundi. Lambet , Évêque .
18 mardi Jean Chryfoftome.
19 merc. Quatre Temps ,
Lojjeu di . Euftache.
21 vend . Matthieu , Ap,
22 fam. Maurice. AUT .
2317 D. Ste. Thecle , Vierge ,
55 7
30le : 6,
II 54 56
୨
II
b . 27 m.
54 25
2 du mat.
IJ 54 ་
II 53 44
N 53 43
II 53 2
6 Dr. Q
II 52 41
7 le 23 , à r
11 12 21
8 h. 17 m.
II 52
24 lundi Andeche , Prêtre .
25 mardi Firmia , Évêque.
9 du feir.
II 40
·
26 merc . Sophie.
27jeudi . Coine & Damien, Mart.
28 vend . Ceran , Évêque.
29 fam. Michel , Archange.
3017 D. Jérôme , Prêtre .
10
II
12
13 lezo ,
14 h. 15 m.
15 du mar.
¡
1 I 19
O
JI 59
P. L. 11 50 39
à ୨ II 50 20
I I so to
49 41
135
MERCURE
FRANÇAIS,
PAR UNE SOCIÉTÉ
DE PATRIOTES.
LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
SAMEDI 8 SEPTEMBRE 1792.
A PARIS ;
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thous
rue des Poitevins , No. 18 .. 9
TABLE GÉNÉRALE
Du mois d'Août 1792 .
HANSON. 3' Mémoires , 2e. Ex. 23
34. Les Rivaix d'eux - mêmes. 5 Annonces & Notices.
Chara ie , En. Log. 211
ORPHÉT , &c.
Charade , Enig. Log.
Mémoires , 3e. Ex.
COUPLETS.
Charade, Enie. Logog,
Saint-Flour & Justine.
371Hiftoire. 55
41 Annonces & Notices. 38
431
61 Du Pouvoir exécutif.
63 Annonces & Notices.
74
641
A Paris , de l'Imprimerie de Moutard , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
MACCA
MERCURE
FRANÇAIS .
PIECES FUGITIVES.
A
U
XMM AN ES
DEMON SERI N.
T01 qui depuis dix ans , dans mon humble hermitage
,
Diffipats mes ennuis par ton charmant ramage ;
Toi qui de Philomele imitais ces accens ,
Dont elle vient , chaque printemps ,
Animer le voifin bocage ,
Tu n'es plus !... Repofant dans les bras du fommeil
,
Quel cri plaintif a cauſé mon réveil !
Dans l'ombre j'ouvre la paupiere ,
A 2 ·
4
MERCURE
Je ne diftingue rien ; inquiet , agité ;
Je faifis dans l'obfcurité
Cet inftrument d'acier , d'où jaillit la lumiere }
Alors je t'apperçois , étendu , palpitant ;
A te fecourir je m'empreſſe ;
Pour toi , dans ce fatal inſtant ,
Je fens redoubler ma tendreffe ;
1
Je te baile , je te careffe ;
De la Parque je crois arrêter le cife au
En t'échauffant de mon haleine ;
Hélas ! mon efpérance eft vaine ,
Tu péris , & mon fein eft ton premier tombeau
Sous mes yeux à desfein laiſſée ,
A chaque inftant du jour ta cage me dira :
» Sa vie eft comme une ombre en peu de
» paffée ;
>
» La tienne ainfi s'écoulera «c.
temps
"
(Par M. Lagache fils , d'Amiens.
FRANÇAIS
LES RIVAUX D'EUX - MÊMES ,
CONTE MORAL.
ت ي ب
SECONDE PARTIE.
LA lettre de Raimond lui en attira une
qui le combla de joie.
» Vous me donnez , MONSIEUR , lui
écrivit Adele , un emploi qui doit me flatter
, celui de votre furveillante ; & je l'accepte
avec plaifir. Le fils de l'ami de ma
-mere peut - il ne pas m'intéreffer ? Plus il
fuivra de près l'exemple qu'il a devant lui ,
& plus je ferai glorieufe qu'il veuille bien
compter mon eftime , pour quelque chofe.
Je vous obferverai, puifque vous le voulez ; ‹
& tout le bien qu'on me dira de vous , me
touchera fenfiblement. Je vous préviens
auffi que le mál que l'on m'en dirait ne me
ferait pas moins fenfible. Je fuis même
affez fiere pour n'être pas contente qu'on
ne m'en dît que peu de bien ; & puifque
vous donnez carriere à mon ambition , je
n'exige pas moins de vous que d'être un
homme confidérable & diftingué dans votre
état. Mais , s'il vous plaît , la furveillance
fera réciproque entre nous . J'aurai peutêtre
auffi befoin d'être animée par un peu
4
A 3
MERCURE
*
d'émulation. Je fuis , à mon tour , menacée
d'avoir un jour feize ans . Peut - être qu'à
cet âge je ferai , comme vous , attaquée
d'inquiétude , de triftefle , que fais - je ? de
langueur , de mélancolie ; car on dit que
le coeur humain eft fujet à tant d'accidens !
Alors , Monfieur , fi vous avez plus de
gaieté que moi , plus d'ardeur & plus de
courage , vous aurez la bonté de m'en communiquer
un peu. En attendant , je puis
avoir befoin d'être avertie de mes étourderies
& de mes négligences . Ma mere eft
indulgente ; & je m'apperçois bien qu'elle
daigne lailles aux ans bien de petits défauts
à corriger en moi . Mais ce qu'elle ne me
dit pas pas , elle peut quelquefois le faire entendre
à fon ami . Tâchez adroitement d'être
auffi de la confidence ; & ne manquez pas
de m'inftruire des petits mots d'avis qui
lui auront échappé , afin qu'à fon in çu
j'en faffe mon profit , & que je lui ménage
l'agréable furpriſe de voir que je prends
foin moi - même de perfectionner fon ouvrage.
Sur-tout , ne me flattez jamais ; &
commencez par fupprimer l'épithete de belle
que vous m'attribuez , fans favoir fi elle
me convient. Camille eft pour vous invifible
:: vous ne favez donc pas ficelles eft
belle , jolie ou laide ; & bien certainement
ce ne fera pás, elle qui vous dira lee.quil
en eft . L
"t
CAMILLEST
1 moles en ont
FRANGAIS
. 7
Ah ! ce qu'il en eft , je le fais , fui répondit
Raimond , ou du moins je crois le
favoir. Mais vous voulez que je l'ignore ;
& bien , fage CAMILLE , puifqu'il ne m'eft
permis que de vous donner ce nom là , qu'au
moins vous méritez fi bien , apprenez donc
le changement
prodigieux qu'a déjà fait
dans mon efprit & dans mon ame cet aimable
& tendre intérêt que vous voulez bien
prendre à moi . Les vapeurs qui femblaient
obfcurcir ma penſée , le font évanouies ; le
trouble de mes fens s'eft appaifé ; la vague
inquiétude qui m'agitait s'eft diffipée ; le
pénible tourment de ne favoir ce que je
voulais á ceffé ; mes voeux , mes fentimens,
mes défirs & mes efpérances ont trouvé un
point de repos ; mes rêveries , mes fonges
mêmes ont pris quelque folidité. Mon pere
avait beau dire ; je ne voyais fur l'avenir
qu'un immenfe brouillard
le brouillard
's'éclaircit ; j'y vois déjà poindre une étoile,
& puis encore une à côté. La gloire &
vons , vous & la gloire , & pour l'amour
de l'une & pour l'amour de l'autre , l'ardeur
du travail , de l'étude , l'impatience
de remplir , de paffer votre ambition , voilà
dès à préfent ce qui m'occupe avec délices.
J'avais lu dans mes Livres qu'il n'y avait
gueres moins d'inconftance
dans la faveur
de l'opinion que dans celle de la fortune ;
& toutes les fois que j'y penfais , je ne
fentais le coeur trife , languillant , refroidi .
A 4
8 MERCURE
Maintenant me voilà ranimé , rempli de
courage. Votre eftime , belle .... Pardon ,
j'ai voulu dire , fage Camille , votre eſtime
fera pour moi une perfpective brillante ;
& lorfque vous m'approuverez , je ferai
content de moi - même. Voilà du bonheur
affuré. Mais vous qui , pour être accomplie
, n'avez qu'à vous laiffer aller à votre
naturel , ou tout au plus qu'à vous laiſſer
conduire par les confeils de votre mere
quel befoin auriez - vous de ma fincérité ?
Ah ma fincérité vous femblera toujours
complaifante & flatteufe ; car je n'aurai jamais
que du bien à penfer de vous. Non,
votre aimable mere ne vous déguiſe rien
qu'une partie de fa joie de l'heureux fuccès
de fes foins . Le feul défaut qu'elle vous
laiffe eft votre invifibilité ; & fi jamais vous
vous en corrigez , fuffiez-vous laide , foyez
bien sûre que vous ferez belle à mes
yeux «.
HIPPOLYTE.
Adele répliqua : » Je fuis bien aife de
voir , MONSIEUR , que l'intérêt que mainan
permet que je prenne à ce qui vous touche
, change vos devoirs en plaifirs . C'eft
mon âge qui communique au vôtre fa
gaieté naturelle ; mais en échange , on dirait
que le vôtre prête je ne fais quoi de
férieux au mien. L'idée que vous avez bien
voulu me donnér de moi-même , m'a fait
prendre à mes propres yeux un air de
FRANÇAI´S.
:
dignité dont je rougis , & dont je devrais
rire . Je me regarde à mon miroir , & je me
dis voilà donc cette tête dont l'opinion ,
l'eſtime aura de l'influence fur le caractere
d'un homme qui fera peut- être un Héros !
Je m'imagine alors que je deviens moimême
une perfonne confidérable ; je me
vois dans votre avenir , je participe à votre
gloire , je m'admire dans tout ce que vous
faites de plus beau & de plus illuftre ; &
j'en ai de l'orgueil plus que vous n'en aurez
jamais. Maman , à qui je communique ce
qui fe paffe en moi , trouve que c'eſt rêver
trop férieuſement pour mon âge ; mais elle
m'avertit que dans ce férieux il y a quel
que grain de folie , & que mon imagination
doit favoir mieux fe modérer . De votre
côté , je vous vois exagérer toutes les idées
qu'on a pu vous donner de moi , me croire
une merveille , & me bercer moi -même de
toutes vos illufions. Si cela continue , il
eft poffible , dit ma mere , que la tête nous
tourne à tous les deux de bonne opinion ,
chacun de foi , & l'un de l'autre. Laiffonslà
, je vous prie , toutes ces perſonnalités ;
& parlons dans nos lettres d'autre chofe
que de nous- mêmes. J'ai mille queſtions à
vous faire fur mes études , fur mes penfées
, fur les réflexions que les Livres & la
Nature me font naître. Vous , Monfieur
vous devez recueillir tous les jours de vos
lectures , & plus encore des inftructions
As
و
010 MERCURE
X
a d'un pere qui a vécu dans le monde, uhe
foule de connaillances qui feront nouvelles
pour moi. Nous nous propofe.ons nos
doutes , nous nous confukerons l'un l'autre
fur nos goûts , fur nos fentimens ; nous
laiflerons nos opinions fe livrer quelquefois
des attaques légeres ; car maman permer la
difpute pourvu qu'elle ne foit qu'un jeu ;
& comme nous ferons tous deux de bonne
foi & fans entêtement , nous aurons fouvent
le plaifir de nous trouver d'accord
enfemble. Enfin tous les petits événemens
de notre vie , d'où il y aura quelque bonne
penſée
à recueillir , fe retraceront dans nos
lettres ; & pour vous en donner l'exemple,
je vais vous raconter ce qui m'arriva hier
matin.
» Il y a dans un village voifin de ma demeure
une petite fille appelée Marianne ,
que j'avais prife en amitié. Elle venait me
voir fouvent ; & comme elle eft donce &
gentille , je me plaifais fort avec elle , &
j'avais une envie extrême de la retenir près
de moi. Dès l'âge de dix à onze ans , j'en
témoignai le défir à ma mere. Nous verrons
cela , me dit-elle , quand vous ferez moins
enfans l'une & l'autre . Marianne était de
mon âge ; elle reffentait vivement ce qu'elle
appelait mes bontés ; & nos entretiens les
plus doux roulaient fur le plaifir que nous
aurions à paffer notre vie enfemble. Mais
depuis quelque temps je me fuis app cue
FRANCAIS.
I
qu'elle venait me voir plus rarement. Je lui
en ai fait mes plaintes ; elle s'eft exculée en
difant que fa mere lui laiffait moins de
liberté.
» J'ai cru qu'il était temps de renouveler
ma demande. Tout ce qui , fans te nuite ,
peut te faire plaifir , m'eft agreable , m'a
répondu maman. Mais comme toi , Marianne
a une mere ; l'a-t- elle confultée fur
ton projet Non , pas encore. C'était
pourtant par elle qu'il fallait commencer.
? - -
» Charlotte ( c'eft le nom de la bonne
femme ) eft venue. Il m'a été permis de
m'expliquer moi - même , & je l'ai fait le
plus doucement que j'ai pu , en l'alfurant
que Marianne ne ferait près de moi qu'en
qualité d'amie ; que j'aurais bien foin
d'elle ; & que j'efpérais que maman voudrait
bien reconnaître fon amitié pour moi.
La bonne Charlotte s'eft attendrie en m'écoutant
; & elle a regardé fa fille avec des
yeux mouillés de larmes. Marianne était
émue auffi , mais les yeux n'étaient point
mouillés . Si vous voulez fon bien , m'a
répondu fa mere , ce n'eft pas à moi de
m'y oppofer ; & quoiqu'elle me fût bien
Héceffaire dans ma vieilleffe , je vous la
cede de bon coeur. Marianne a rougi , e'le
a pris la main de Charlotte & l'a preffée
tendrement fous fes levres ; mais la mére
pleurait toujours , & la fille ne pleurait
point.
A G
12 MERCURE
"
:
Allez , a dit maman , allez toutes les
deux déjeûner à l'office ; en attendant nous
nous confulterons ma fille & moi. Et quand
nous avons été feules , eh bien ! m'a- t- elle
demandé , que t'en femble à préfent ? Ta
féfolution eft elle encore la même . Je ne
fais , lui ai - je dit : ce que je viens de voir
n'afflige. Marianne n'a pas le coeur aulli
bon que je le croyais. J'ai vu le temps
qu'elle aimait fa mere comme j'aime la
mienne Plutôt mourir , me difait - elle ,
que de lui donner du chagrin . Ah ! comme
elle eft changée ! & combien je fuis mécontente
du peu de fenfibilité qu'elle témoigne
à fes regrets ! Ce n'eft pas elle ,
m'a dit maman , c'eft vous que vous devez
en accuſer ; oui , ma fille , vous - même .
Voyez comme l'ambition que vous lui avez
infpirée altere en elle la bonté du naturel !
Marianne était née avec un coeur fenfible ;
elle eût fait fon bonheur d'être la compagne
, l'appui , la confolation de fa mere ;
& vous , en lui donnant de folles eſpérances
& de vaines penfées , vous avez tout
gâté. Et que vouliez-vous faire ? la dégoûter
de fon état ? lui faire prendre auprès
de vous des fentimens , des habitudes , un
efprit & des moeurs , qu'elle ne doit jamais
avoir , & pour cela priver fa mere de fa
compagne naturelle ? Condamner cette pauvre
femme au plus cruel état de viduité &
d'abandon ! A ces mots`, vous pouvez aifé१
FRANÇAIS. 13
ment concevoir combien mon coeur s'eft
fenti oppreffé. J'ai tâché , en pleurant, de
juſtifier mon intention . Oui , ma fille , votre
intention a été bonne , m'a dit ma mere ;
mais vous avez été féduite par un fentiment
dont il faut toujours fe défier , l'intérêt
perfonnel. II vous a fait croire , en
dépit des convenances établies , que dans
Marianne vous ne vouliez avoir qu'une
amie & une compagne ; & que fa mere
ferait heureufe de la favoir auprès de vous.
Et quoi ! vous ne faviez donc pas quel était
le coeur d'une mere ! Vous auriez dû , ma
fille , en juger par le mien. Mais vous n'avez
pas même fu ce qui fe paffait dans le
vôtre , & c'eft à moi de vous l'apprendre.
Non , ce n'était point une amie , mais une
complaifante que vous vouliez avoir. Marianne
jamais ( je l'ai bien obſervée ) ne
s'eft oubliée avec yous , jamais vous-même
ne l'avez mife fur le ton de l'égalité. Docile
, & même obéiffante , elle ne vous a
plu que par la modeftie & que par fon
humble douceur. C'eft donc là ce qui vous
a fait vouloir la déplacer , & la dérober à
fa mere. Ah ! laiffez- lui , dans fon village,
une éducation conforme à fes devoirs
analogue à fa deftinée ; & fi vous lui voulez
du bien , gardons celui que nous pouvons
lui faire , pour le moment de lui faciliter
un établiffement heureux. Il faut, ma
fille, être bienfaifante , non pas au gré de
14 MERCURE
6
"
nos fantaifies , mais avec le difcernement.
d'une raifon défintéreffée , & avec un fentiment
éclairé,
" Voilà , Monfieur , l'aimable & utile
leçon que je reçus de maman hier matin ..
Et quelle fut ma joie de fentir tous mes
torts , lorfque je vis revenir à nous Marianne
, non moins baignée de fes propres
larmes que des pleurs de fa mere , confule
d'avoir pu vouloir un moment fe feparer
d'elle , enfin rendue à la Nature , & nous
conjurant d'oublier ou de pardonner fon
erreur alors ce fut à moi d'être honteufe
de la mienne. Je le fus , je le fuis encore ; je
l'expie en vous l'avouant "..
CAMILLE.
و د
Qu'on eft heureux , trop aimable CAMILLE
, lui répondit Raimond , d'avoir
commis quelque légere erreur de bonté, de
pure innocence , lorfqu'on a tant de inodeftie
& de grace à s'en accufer ! Ah fi
le Ciel ne m'avait pas donné cetre fincérité:
dont s'honore mon coeur , votre exemple
feul , & le charme que votre candeur a
pour moi , fuffirait pour me l'inspirer ; &
je veux vons prouver qu'au moins par
quelques traits votre Hippolyte vous reffemble
: je vais donc m'accufer auffi .
» L'autre jour , tandis que mon pere
promenait l'oeil du maître fur les travaux de
Les campagnes , Je Syndic de notre Paroiffe
eft venu pour le confulter. Il n'a trouvé
FRANÇAIS. Sf
que mor; & il a bien voulu , en attendant
mon pere , m'expliquer ce qui l'amenait.
» L'avant-veille du jour où l'on devait
tirer à la Milice , un jeune & beau garçon,..
le plus eftimé du village , Fitmin érait venn
le prier en fecret de faire tomber fur lui
le fort. Le Syndic favait bien que dans les
fonctions aucune fraude ne lui était permile
; mais celle- ci était favorable aux aytres
garçons du village , & en faitant pour
Firmin ce qu'il lui demandait , loin de nuire
à perfonne , il les fervait tous à leur gre .
Cependant , pour être plus sûr de ne rien
faire que d'honnête & de jufte , il prenait
confeil de mon pere.
ور
Pourquoi , demandai -je au Syndic , çe
jeune homme, s'il veut fervir , ne s'engagetil
pas ? Que n'attend- il au moins qu'en
ait tiré au fort , pour s'offrir à la place de
celui fur lequel le fort fera tombé ? C'eſt
ce que je lui ai propofé , me répondit.cet
honnête homme ; mais il a fes raiſons , ditil
, pour ne paraître pas volontairement engagé.
S'il veut l'être , ajoutai-je , il n'y a
rien de plus libre ; & puifqu'il le demande ,
Vous pouvez fans fcrupule faire tomber furt
lui le fort. Je n'ai donc que faire , dit-il ,
d'attendre M. votre pere , & de l'importuner
de ma confultation. Je l'affurai que
l'avis de mon pere ferait le mien ; il voulut
bien m'en croire ; & en me remerciant
de l'avoir tiré de peine , il s'en alla.
16 MERCURE
Le foir , lorfque mon pere fut de retour
des champs , je lui contai ce qui s'était
paffé comme la chofe la plus fimple ;
& je ne fus pas peu furpris de voir qu'il
yattachait une férieufe importance . Tu as,
me dit - il , un peu légérement donné ton
avis pour le mien : ne te preffe plus tant
de répondre pour moi ; tu fais bien que
nos têtes ne font pas du même âge . Heureuſement
, ajouta - t - il , que le mal n'eft
pas fait encore ; & à l'inftant il envoya prier
Te Syndic de venir le voir , & de lui amener
le jeune homme.
ور
Confus , je gardai lé filence ; & lui
fans infifter fur ma faute , ne parla plus que
de fa promenade & de l'état de la campagne.
Vous croyez bien que je fus fenfible
à cette indulgente bonté. Mais bientôt arriva
le Syndic avec le jeune homme.
""
Firmin , demanda mon pere à celui - ci ,
quel âge avez - vous ? — J'ai vingt ans . -
Avez- vous encore pere & mere ?
wd
Hélas !
non , j'ai perdu ma mere. Et votre pere
eft - il âgé Il a cinquante- cinq à cinquante-
fix ans . Etes- vous fils unique ? -
?
-
-
Non, j'ai un frere aîné.-Comme vous est-il
garçon ? - Lui
même bien marié.
―
non , Monfieur ; il eft
Et il a des enfans ? -
La maison en eft pleine.
bien enſemble ?
Vivez - vous
Allez bien jufqu'ici . -
-
Votre pere eft- il à fon aife. Il était à fon
aife avant que d'avoir tout donné . -Tout
FRANÇAIS. 17
-
-
mon frere a donné ? Oui , Monfieur
tout ; mon pere & moi nous n'avons rien.
Le pauvre homme , en fe dépouillant ,
croyait , à force de travail , avoir le temps
de m'amaffer un nouvel héritage ; mais vous
favez combien les efpérances des Laboureurs
font cafuelles; les fiennes l'ont trompé
. Et voilà donc pourquoi vous voulez.
quitter la maiſon ? Oui , la maifon &
le village , où je ne puis plus me fouffrir.
Mais je ne veux pas que mon pere fache
les chagrins qu'il me caufe. Il a oublié ,
en mariant mon frere , qu'il avait deux
enfans ; je ne m'en fuis jamais permis aucune
plainte ; & grace au Ciel , je n'ai
jamais ceffé d'aimer , de révérer mon pere :
mon frere lui- même eft encore à favoir ce
que j'ai fur le coeur ; en travaillant pour
lui , je ne lui ai fait aucun reproche ; & je
n'aurais jamais connu l'envie , fi je n'avais
pas eu le malheur de connaître ... Il s'interrompit
; & mon pere ajouta , l'amour?
Et oui , Monfieur , l'amour , c'eſt l'amour
qui me perd , qui me rend la vie odieufe ,
qui me force à quitter mon pere , & qui
me détermine à m'aller faire caffer la tête
dans la premiere occafion où je pourrai
trouver la mort . En prononçant ces mots,
Firmin avait fur le vifage la réfolution &
la pâleur du déſeſpoir .
و ر
Bon jeune homme , lui dit mon pere ,
je conçois à préfent pourquoi vous vouliez
x8 MERCURE
rejeter fur le fort le reproche qu'on vous
ferait d'avoir délaiffé votre pere . Mais cette
fraude officieufe , & que vous croyez innocente
, M. le Syndic a raifon de ne pas
la croire permife. Un devoir étroit & févere
l'oblige de laiffer décider par le fort
ce que la Loi veut que le fort décide. La
regle une fois violée cefferait d'être inviclable,
& vous fentez les conféquences d'une
premiere infidélité dans les fonctions qu'il
remplit. Ne l'attendez donc pas de lui .
Mais dites moi quel eft cet amour qui
vous réduir au déſeſpoir.
-
-
Hélas ! dit Firmin , c'eft l'amour d'un
jeune homme fans bien , pour la fille d'un
homme riche , qui , comme de raiſon , veur
bien établir fon enfant. Et cette enfant
Vous aime-t- elle ? Il répondit par un filence.
Et fi vous étiez établi , affez bien pour
avoir l'affurance d'être à votre aife en travaillant
, l'obtiendriez vous de fon pere ?
C
-
Je le crois : il m'eftime affez ; même il
me femble quelquefois qu'il a la bonté de
me plaindre . S'il eft ainfi, écoutez - moi , lui
dit mon pere : Il Y a dix ans que je fais moimême
valoir mon bien ; je fais quel en eſt le
produit. Je ne veux pas que mon revenu
baiffe. Si par votre travail & votre écono
mie vous pouvez me le conferver , & y
trouver votre bien- être , la ferme en eft à
en eft
vous. Que M. le Syndic fe charge d'arran
ger fur ce plan votre mariage , vous voilà
FRANGA IS. 19
t
Arabli chez moi . Un bon pere ne fera point
puni d'un moment de faibleffe qu'il le reproche
, hélas ! peut- être plus que vous ne
penfez.
Mon pere avait raifon. Celui de Firmin
eft venu tomber à fes genoux , arrofer
fes mains de fes larmes , & lui avouer que
fans lui il ferait mort inconfolable d'avoir
fon fils . déshérité
Le Syndic en fecret a reçu de mon
pere de quoi payer un engagement libre ,
pour remplacer le jeune villageois qui tomberait
à la Milice ; & Firmin , qui , dans.
રે
quinze jours , va époufer cette Marcelle ,
qu'il aime tant & dont il eft aimé , n'a
plus envie de mourir.
و ر
Tu vois , m'a dit mon pere , que ce
qui te femblait fi fimple ne l'était pas ;
corrige- toi , mon fils , de ta légéreté ; &
pour ta peine , fais-en l'aveu à la fage Camille.
Elle t'en grondera encore plus doucement
que moi
HIPPOLYTE
On voit quel caractere de confiance &
d'intimité avait pris leur relation . Je ferais
des volumes fi je la tranfcrivais ; mais c'eft
en dire affez que d'indiquer les fources qui
la rendaient intariffable.
Les phénomenes de la Nature , les tableaux
qu'elle déployait les beautés raviffantes
dont on avait joui au lever de Ll''aaytore
sau coucher du foleil , dans les ac20
MERCURE
ر
cidens d'un orage ; les fcènes de la vie ruftique
, les incidens qui l'animaient , qui la
variaient à leurs yeux ; les impreffions morales
qu'ils rapportaient le foir de leurs
utiles promenades ; & plus abondamment
encore les fruits de leurs lectures , les obfervations
naïvement ingénieufes qu'ils fe
communiquaient fur les moeurs & fur les
ufages des temps plus ou moins reculés
les comparaifons qu'ils faiſaient des belles
actions ou des grands caracteres qui les
frappaient de reffemblance ; enfin tout ce
qui peut intéreffer de jeunes ames exalter
de jeunes efprits , fe reproduifait dans leurs
lettres avec une vivacité d'imagination , une
fincérité de fentimens & de penſées dont
leurs parens étaient charmés. On y voyait
des deux côtés l'inftruction s'accroître fenfiblement
de jour en jour , & les fruits s'en,
développer. Si dans Raimond la marche
des idées était plus réglée & plus sûret
Feffor de l'efprit dans Adele avait plus de
preftefle & de célérité. Lors même que fes
apperçus n'étaient pas affez juftes , ils
étoient fins encore ; fes erreurs avaient de
la grace dans leur douce ingénuité . Jámais
fon adverfaire n'avait railon dans leurs
difputes , fans admirer l'air fpirituel &
-charmant dont elle avait tort.
Lui , fans y penfer , ou peut-être en y
penfant , mêlait toujours à les propos quelque
allufion imperceptible , quelque trait
FRANÇA I S.
21
-
léger & furtif de louange indifcrete , ou
de fentiment échappé , qui décelait une
ame continuellement occupée de fon objet
unique ; & fans prefque jamais lui parler
d'elle - même , il avait le fecret de lui bien
faire entendre qu'il y penfait toujours.
On conçoit aifément le chemin que dut
faire dans l'efpace de trois années cette aimable
correfpondance. De temps en temps
on avait l'art cruel de retarder l'arrivée des
lettres ; & alors Dieu fait quelle nuit , quel
jour , quel fiecle de momens chacun paſſait
à les attendre. Dans Adele , l'inquiétude
ne reflemblait qu'à la tendreffe d'une foeur
alarmée fur la fanté d'un frere ablent &
vivement chéri , Mais dans Raimond , l'im
patience était le trouble & le tourment
d'une ame qui avait peine à fe pofféder.
Comme l'un des foins de fon pere était
de lui apprendre à fe commander à luimême
, il lui cachait la violence des mouvemens
qui l'agitaient ; & il fe dérobait à
lui pour aller dans la folitude les exhaler
par des foupirs . Son pere l'obfervait , l'écoutait
, le plaignait ; & avec une lettre
confolante à la main , venait enfin le fou
lager,
Lorfqu'il fut bien décidé qu'ils s'aimaient,
comme pouvaient s'aimer deux êtres invifibles
; à préfent , dit la mere , il faut leur
ménager le plaifir de fe voir , mais fans fe
reconnaître , ni le douter qu'ils foient les
22 MERCURE
* mêmes. Quoi ! Madame , dir Varanzai
encore une nouvelle épreuve ! Et fans cela,
dit-elle , comment nous affurer qu'ils fe
plaifent par la figure autant que par l'efprit
& par le caractere ? C'était bien là le
principal ; mais Facceffoire eft quelque
chofe; & fi ma fille n'avait pas aux yeux
de votre fils tout le même fuccès qu'elle a
dans fa penfée ; s'il lui fouhaitait plus de
beauté ? eût- il d'ailleurs pour elle allez d'eftime
pour la préférer aux plus belles ; jet
fais quel eft le rifque qu'elle aurait à coufir
, & je ne veux pas l'y expofer. Nous
fuppoferons un voyage qui , nous éloignant
Fun de l'autre , fufpendra leur relation ; &
chacun de notre côté , nous irons , avecnos
enfans , paffer cet hiver à Paris. Des
fociétés communes , des foupers , quelquefois
le bal , où nous les ferons inviter
ameneront des entrevues. Là , nous obferverons
l'effet que produira mutuellement
leur préfence ; & s'il eft favorable , nous
leur ménagerons quelques momens de liberté
pour filer leur petit Roman . Mais
voici le moment de nous réitérer la parole
de ne rien dire qui les décele l'un à l'autre..
Je le promets de mon côté , je l'exige du
fotre , & je l'exige abfolument .
-Cet engagement pris , & tout bien atrangé
, il fut dit qu'il y allait avoir des
voyages & une abfence durant laquelle on
ne s'écrirait point. Ce far pour eux comme
FRANÇA I Ś. ปา
n deuil annoncé. Bientôt après chacun des
deux apprit qu'on allait quitter la campagne
, & faire quelques mois de féjour à
Paris. Cette nouvelle , qui dans un autre
temps aurait pu caufer de la joie , ne fit
qu'une impreffion de trifteffe & de déplaifir
fur ces deux ames folitaires qu'un long
filence allait peut-être féparer. Enfin Raímond
avec fon pere , Adele avec fa mere,
fe rendit à Paris ; & ce qui réfulta de ce
voyage n'eft pas difficile à prévoir.
er
Par M. MARMONTEL .
( La fin au 1º . Mercure d'Oclobre. )
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
Le mot de la Charade eft Moulin ; celui
de l'Enigme eft les Notes de Mufique ; celui
di Logogriphe eſt Monde , où l'on trouve
Démon.
CHAR 4 D E.
MONNOIE , étoffe , inftrument de cuiſine ;
Voilà mes deux premiers, voilà mon tout : devino.
MERCURE
É NNIG M E.
JE fuis un tout avec ma queue ,
Dont je fuis membre fans ma queue ;
Je ne peux rien avec ma queue ,
Si l'on m'en fépare fans queue ;
J'occupe fille ou femme avec ma queue ,
Alors je fuis en mouvement fans queue ;
Bref , j'ai cinq pieds , Lecteur , avec ma queue ;
Je n'ai ni pieds ni tête fans ma queue.
( Par M. F... G... de Sédan. )·
LOGO GRIPHE.
JE fuis dans chaque Culte un objet qu'on révere ;
Les Prêtres, les Rabbins font tous mon miniftere :
Décompose mon nom , je te donne une fleur ;
Le dernier châtiment qu'éprouvait maint voleur ;
Cet emblême facré qui pare notre tête ;
L'endroit où le vaiffeau ne craint plus la tempête ;
Ce qui fert au Sauvage attaquant l'ennemi ;
Enfin , ce que Clovis reçut de Saint Remi.
(Par M. Jean-Baptifle Calvet de Rignac
Département de l'Aveiron.)
NOUVELLES
FRANÇAIS . 25
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LETTRES écrites de Barcelone à un Zélateur
de la Liberté , qui voyage en Allemagne;
Ouvrage dans lequel on donne des détails
vrais & circonftanciés , 19. fur l'état dans
lequel fe trouvaient les frontieres d'Efpagne,
en Mars 1792 , fur le cordon qu'ony
a formé, & les préparatifs deguerre qu'on
prétend y avoir été faits ; 2°. fur les
Emigrés dans ce pays , fur l'accueil qu'ils
y reçoivent , & leurs menées ; avec plufieurs
Anecdotes à ce sujet , auxquels on
a joint quelques Réflexions & des détails
philofophiques fur les moeurs , ufages &
opinions des Espagnols , &c. &c. Par M.
CH** . Citoyen Français. A Paris , chez
Buiffon , Imprim- Lib. rue Haute -feuille
N°. 20. In- 8°. Prix , 4 liv. 10 f. br.
5 liv. franc de port par la Pofte. S
CES Lettres , écrites avec la liberté & la
négligence d'une correfpondance familiere ,
n'en font pas moins curieufes & inftructives.
Elles font d'un Patriote éclairé & judicieux
qui fut véritablement chargé d'une commiflion
particuliere du Gouvernement au commencement
de cette année , pour aller en Eſpagne
reconnaître l'état des chofes & la difpofition
N° 36. 8 Septembre 1792. B
25 MERCURE
des efprits par rapport à notre Révolution .
I était plus en état que perfonne de s'acquitr
de cette commiffion que les circonftances
rendaient affez délicate. Il avait déjà paffé
quinze années de fa vie à Madrid , & parlait
l'Espagnol comme le Français. C'est toujours
un avantage précieux de favoir la Langue du
pus où l'on voyage , fur-tout comme obfervateur
; fans cette connaiffance , il eft à peu
près impoffible de fe procurer des notions juftes
fur quoi que ce foit , & l'ignorance du langage
eft une des caufes principales des erreurs où
font tombés ceux qui nous ont donné des relations
des pays lointains . Un homme qui ne
fait pas la Langue du pays , y eft , pour ainfi
dire , comme s'il était fourd , & faute d'oreilles
, fes yeux le trompent fouvent. La
facilité de s'exprimer en Espagnol a été d'une
grande utilité à notre Voyageur : on voit en
fant fes Lettres qu'elle le tira de beaucoup
d'embarras , & applanit devant lui beaucoup
dobftacles. Les défiances que fa qualité d'Etranger
& de Français infpirait au premier
inoment , femblaient disparaître , dès qu'on avait
entendu de , fa bouche une phrafe Espagnole .
En général , les nationaux , en tout pays , font
portés à regarder prefque comme un concitoyen
celui qui s'énonce dans leur idiome.
Le Français et trop porté à croire que le
fien peut lui fuffire par tout , parce qu'on
l'entend dans toute l'Europe. C'eſt une erreur ;
& un avertiffement effentiel pour quiconque
veut voyager avec fruit dans quelqu'un des
grands Etats de l'Europe , c'eft de commencer
par en apprendre la Langue. D
·
Au commencement du regne de Louis XIV ,
rien n'était plus.commun en France que de
FRANÇA I S. 27
favoir l'Efpagnol , comme aujourd'hui l'Anglais
c'eft tout le contraire à préfent , & ce
changement cft une conféquence néc fire de
l'influence politique des deux Nations . L'Efpagne
alors était prépondérante; elle n'eft plus
rien , & Angleterre cft devenue, une Fuiffance
du premier ordre voilà ce que fait la
difference des Gouvernemens . Que fera donc
la France , qui , par fes moyens naturels , a
toujours été au premier rang, fi jamais elle
parvient à s'organifer de mariere à leur donner
un principe d'action , conftant & régulier }
Elle doit être un jour , dans cette fuppofition ,
fupérieure à l'Angleterre celle - ci a bufoin
d'un comme ce dominateur ; les foutiens de fa
force & de fa profpérité font dans les deux
Indes ; ils font par conféquent incertain, &
menaces ; la France repoferait fur fes propresfondemens
, & ayant fagement renoncé à fe
faire craindre au loin , elle fe contenterait de
n'avoir rien à craindre chez ella , ce qui dé ,
formais fera le premier degré de puffince &
de bonheur , & l'ambition des Nations éclai
rées. Nous faurons bientôt fi cette haute deftinée
fera la nôtre. Il pous faut faire un violent
effort contre tant d'ennemis ; mais il ne
doir pas être long ; celui qu'ils ont fait contre
nous eft fi grand & fi néceffiirement momentané
, qu'ils ne fauraient le foutenir long-temps .
Cette premiere campagne eft pour eux tout
cu rien : fi nous ne fommes pas enyahis ( &
pour l'être avec tant de moyens de défenfe ,
il faudrait que nous ne fuffions pas des hommes
) , bientôt nous ne ferons plus même àttaqués
, & l'on négociera dès le printemps , b
A l'égard de l'Espagne , il n'y a qu'à lire
les Lettres de M. Ch ** . qui contiennent
":
,
B 2
28 MERCURE
l'exacte vérité , & l'on verra , ce que favaient
déjà tous les hommes inftruits , qu'elle eft loin
de fonger à nous faire la guerre , & encore plus
loin de le pouvoir. L'Auteur donne ici l'état
le plus détaillé de fes forces de terre & de
mer , & le donne fur le témoignage de fes
yeux tout y eft dans le délabrement , non
feulement le plus pitoyable en lui-même , mais
le plus irrémédiable , au moins de long-temps ,
par les vices de l'adminiftration & l'abâtardiffement
univerfel. Les Troupes , peu nombreufes
, ne font ni payées , ni vêtues , ni
armées ; c'eft leur état habituel , & perfonne
ne fonge à y remédier. Il n'y a nul efprit
militaire , nul nerf , nul reffort dans la Nation ,
accoutumée depuis long - temps à jouir indo-
Jemment des douceurs de fon beau climat , de
fa pareffe , de fes combats de taureaux ,
de
fes cérémonies d'Eglife , de fes Madônes , de
fes Saints , de fes guitares , de fes chapelets ,
de fes Pélerinages , & du F ndange ( 1 ) , fans
penfer ni même fe douter qu'il puiffe exifter
un meilleur état de chofes . La plus craffe
ignorance & la plus ftupide fuperftition ont
rout abruti ( fauf quelques exceptions qu'il faut
toujours fuppofer , & qui ne font rien à la
généralité ). L'orgueil qu'ils mettaient autrefois
à être le premier Peuple de l'Europe ( ils l'ont
été pendant un fiecle ) , ils le mettent aujourd'hui
à être le plus Catholique & le plus dévot.
La croyance au Pape & à la Vierge eſt
(1 ) Danfe extrêmement lafcive , qui fait les délices
des Espagnols , que nos Courtifanes n'oferaient pas fe
permettre ici , & où les Moines figurent publiquement
à Madrid.
FRANCAIS. 25
1
la mefure de leur cftime & de leur mépris.
Un Français eft à leurs yeux un bérétique tout
comme un Anglais , avec cette difference qu'ils
haiffent beaucoup plus le premier. Tout héré
tique eft à leurs yeux une efpece de monftre
qui n'a d'humain que la figure , & comme les
Grecs & les Romains appelaient barbares tous
les Peuples qui n'avaient ni leur liberté , ni
leur tactique , ni leurs lumieres ; de même les
Espagnols appellent hérétiques toutes les Natons
qui n'ont pas le bonheur d'avoir la Stc.
Inquifition chez elles , & à ce titre ils le ,
méprifent fouverainement. Voilà pourtant ce
que l'éducation monacale a fait d'une Nation
fpirituelle , généreufe & brave ; c'eft à ce
point que l'ignorance & le fanatilme peuvent
dégrader les hommes , quand une fois ils fe
font mis entre les mains des Prêtres .
Ce qu'il y a de pis , c'eft qu'on ne voit pas
comment l'Espagne fortirait des tenebres our
elle eft plongée. Il faudrait commencer par
réformer l'é Jucation dont les préjugés , ordinairement
invincibles , dominent la vie entiere
; & comment s'y prendre ? Les hommes
ne peuvent échanger leurs erreurs contre des
vérités que par la communication des idées ;
& d'où viendrait- elle ? La terreur qu'infpire le
Saist - Office rend cette communication trèsdifficile
& très dangereufe ; les converfations
font timides , même dans l'intimité , par la
crainte des familiers de l'Inquifition , & les
Livres raisonnables font prohibés comme des
poiloas . La furveillance à cet égard eft d'une
fayante fevérité. L'Efpagne répouffe les lumière,
comme all urs on repouffe la pet .
Elle s'et comme folée au milieu de l'Euro, e),
B 3
30 MERCURE
& la raifon en aura fait le tour avant de paffer
les Pyrénées.
C'est bien autre chofe encore , depuis notre
Révolution comme elle n'eft gueres connue
des Efpagnols que par les récits des Emigrés ,
on en a par- tout l'idée la plus épouvantable à
la fois & la plus ridicule ; & ce cordon établi
fur nos frontieres , qui a fait croire un moment
à des vûes hoftiles , n'était qu'une précaution
de la frayeur & une barriere contre
la contagion de ce qu'ils appellent le mal Français.
Nous fommes dans ce pays-là fous une
efpece de profcription , & cette défiance exceffive
s'étend jufques fur les Emigrés , qu'on
obferve de très - près dans les cantons qui leur
font affignés , & qu'on ne laiffe point paffer au
delà de la Catalogne , province la plus voifine
de nos frontieres. Il y a de quoi s'amufer
des converfations de l'Auteur des Lettres
avec plufieurs de ces fugitifs : chacun d'eux a
fon plan de contre Révolution tour arrangé.
& ne doute pas que ce ne foit celui qui aura
licu. Tous fe bercent journellement de l'espoir
d'un armement de l'Efpagne en leur faveur ,
& le Miniftere n'y a jamais fongé . Ils y menent
une vie plus trifte & plus ennuyeufe à
mefure que leurs refources pécuniaires deviennent
plus rares & plus difficiles ; elles
spuifent aifément dans un pays où ils font
obligés de payer tour comptant & fort cher ;
auffi l'or de la France eft il très- commun en
Catalogne ; mais il ne faut qu'un ou deux ans
de paix pour le faire rentrer chez nous par
le commerce , dans lequel il s'en faut bien
que la balance des befoins & de l'induftrie foit
égale.
Je fais bien que fur cet expofé , qui femble
FRANCAIS.
31
Hvrer ces peuples à la pitić & au mépris , des
raifonneurs ne manqueront pas de répondre
qu'au fond les Efpagnols , quelque opinion que
nous ayons d'eux , n'ont rien à nous envier;
que dans leur efclavage & leur fuperftition ,
du moins ils font tranquilles , tandis que nous
fommes dans le trouble & le danger avec notre
liberté & nos lumieres ; que le bonheur dépendant
des idées acquifes & des habitudes
les Espagnols font auffi heureux en priant dans
leurs églifes , que nous pouvons l'être en dif
putant dans nos affemblées ; auffi contents en
lifant leurs Livres de dévotion , que nous nos
Livres de Politique & de Philofophie ; en affiltant
à leurs mauvais fpectacles , que nous en
écoutant des chef d'oeuvres ; qu'en un mot ils
fe trouvent bien de leur maniere d'être , &
ne voudraient pas de la nôtre.
Cela cft vrai , non feulement des Efpagnols,
mais en général de tous les Peuples , jufqu'
ce que de nouvelles idées viennent à s'y propager
au point de faire naître de nouveaux défirs.
Sans doute ,
On ne peut défiret ce qu'on ne connaît pas ;
& c'est même une iage prévoyance de la Nature ;
afin que chaque Peuple fupporte fon état quel
qu'il foit. Qui pourrait , par exemple , fupporter
fefclavage , s'il avait l'idée & le fentiment de
la liberté ? Beaucoup de peuples ne l'ont pas ,
& reflemblent affez à ce Roi du Pegu qui ayant
demandé à des Hollandais qui était leur Roi ,
& apprenant d'eux qu'ils n'en avaient pas ,
part't , ainfi que toute la Cour , d'un long éclat
de rire , ne concevant pas comment on pouvait
fe paller de Roi . Muis que proupent contre
1
32 MERCURE
nous les raifonnemens que je viens de rappor
ter ? Rien au contraire , ils prouvent en notre
faveur ; car ils partent de ce principe que la
mefure de nos idées & de nos fentimens eft
en général ceile de notre bien - être. Or , comme
nous avons voulu & connu la liberté , qui
malgré fes premiers orages néceffairement paffagers
, eft le premier bien pour ceux qui en
cnt une fois joui , & un bien que rien ne peut
remplacer , il s'enfuit que ceux qui veulent aujourd'hui
nous l'ôter font nos plus mortels en
nemis , & que nous ne faurions trop faire pour
la conferver.
L'Auteur des Lettres , excellent Patriote , écrit
avec un ton de vérité qui infpire la confiance
& donne de l'intérêt à tous les détails de fa
narration. Il a des connaiffances , de la gaieté &
de la Philoſophie . On conçoit qu'il était en fonds
pour fe divertir de la fottife ou de la malice
des Moines Espagnols . Pour égayer auffi nos
Lecteurs , il faut leur conter un de ces Contes qui
ne valent pas ceux de la Sultane des Mille &
une Nu ts mais qui font abfolument dans le
goût des Moines du XII . frecle : ceux d'Efpagne
en font encore -là. C'eft l'Auteur des
Lettres qui va parler. Il vifitait les Hermites du
Mont-Serrat.
»
9
» Mon guide me raconta , au fujet de l'hofpitalité
que fon Couvent eft obligé d'exercer ,
» que Charles III voulut les fouftaire à cette
obligation , à condition qu'ils donneraient une
» fomme pour former un Hofpice à Barcelone.
Quelques Religieux y confentirent ; mais la
majeure partie fut pour la négative , parce
qu'ils regarderent cette innovation comme
» contraire à leur inflitution , & capable d'em→
pêcher les Pé erins de venir au Mont-Serrat. La
כ כ
2
FRANÇAIS. 35
» Vierge elle-même s'y oppofa d'une maniere
» manifefte me dit-il ) ; elle difparut de deffus
» l'Autel où vous la voyez ; on la chercha en
» vain ; on fe mit en vain en prieres pour en re-
» cevoir des nouvelles ; on ne découvrit rien ,
» & ce ne tut enfin que par révélation que le
» P. Anfelmo, vieillard refpectable, qui a 60 ans
» de Religion , nous apprit que la Vierge , en
» colere de l'affentiment qu'avaient paru donner
quelques - uns de nos PP. à l'innovation qu'on
» leur propofait , avait juré d'abandonner l'Au-
33
tel qu'elle honorait de fa préfence depuis
» plufieurs fiecles , & qu'on ne faurait le lieu
» de fa retraite que quand l'abfolue totalité
» des Moines aurait déclaré ne vouloir point
» fe prêter à cette innovation . Vous devez
» penfer qu'il n'y eut alors qu'une voix dans
» le Chapitre pour la rejeter ; & nous fumes
» du P. Anfelmo , qui eut une feconde révé-
» lation , qu'on retrouverait la fainte image
» dans la même caverne où elle avait été
» trouvée pour la premiere fois . C'était dans
» les bois & à un quart de lieue du Monaf-
» tere. Nous y allâmes proceffionnellement &
» dans la plus grande pompe , au milieu de plu-
» fieurs milliers de Pèlerins , que cette réintégration
miraculeufe avait attirés. Il n'a pas
» été queftion depuis de l'Hofpice ; le voeu du
» Ciel s'était trop bien manifefté à cet égard ,
» & la Cour de Madrid ne va jamais contre
a le voeu du Ciel «.
m
Il eft bon de favoir que ce Couvent eft richement
doté pour donner pendant trois jours
de mauvaise foupe & un mauvais grabat à
tous les Pelerins qui vont vifiter l'Hermitage
du Mont-Serrat ; & voilà pourquoi la Vierge
était fi fort en colere. Je fuis bien fûr que notre
34
MERCURE
Voyageur aura eu la difcrétion de ne pas rire
de ce conte : il aurait mal paffe fon temps.
Bien mal en prit à une pauvre femme qui vendait
des eftampes : il fe trouva par bafard chez
elle une mauvaife caricature analogue à la
Révolution Françaife . Ce chiffon fut enlevé
par la Police , & la Marchande condamnée à
fix cents francs d'amende .
:
De la maniere dent penfe l'Auteur , je fuis
étonné qu'à propos de la Sainte- Inquifition , il
ait dit Nos Livres , ceux des Anglais font
pleins de déclamations contre le S:-Office , que
fans doute on a outrées cela devait être «, Je
demanderai à l'Auteur qui montre autant d'indi
gnation que qui que ce foit contre l'Inquifition ,
comment il eft poffible d'outrer for un pareil
fujer ? Affurément je n'aime pas les déclama•
tions plus qu'un autre , mais rien de ce qu'on
a dit contre l'Inquifition ne pouvait être ni
déclamatoire ni outré , puifqu'il n'y a point d'expreffion
qui ne foit au deffous de la chofe.
Lifez feulement le Manuel des Inquifiteurs : c'eft
le Code de ce Tribunal ; il eft bien avéré , bien
authentique ; & tout ce qu'on en peut dire n'approche
pas de l'horreur qu'infpire cette feule
lecture c'eft fans contredit le dernier degrá
poffible de l'abfurdité & de l'atrocité , & limagination
ne peut pas aller au delà . Un homme
qui , dans un Ouvrage de fiction , cût imaginé
ce Tribunal , aurait paru calomnier la Nature
humaine & paffer toutes les bornes du vraifemblable.
Nous ne manquons pas d'Ecrivains
déclamateurs fur tous les fujets ; mais fur celuilà
, il n'y a rien à faire ; tout leur talent y
échouerait.
:
L'Auteur finit par une espece de réfumé fur
les Journaux Ariftocratiques & Révolutionnaires ,
FRANÇAIS. 35
qu'il apprécie très -fainement ; c'eft -à- dire , que
fon jugement eft conforme en tout à la voix
publique ; & nous nous croyons obligés de le
reconnaître , quoique nous puitions y paraître
intéreffés par le témoignage avantageux que
l'Auteur rend au Mercure , qu'il n'a pas l'injuftice
de confondre avec le Journal de Genève ,
lequel Journal était ci-devant , fous un autre
titre , la partie Politique du Mercure . Cette partie
, comme on fait , n'avait rien de commun
avec notre partie Littéraire , qui eft proprement
& originairement le Mercure , dont les nouvelles
Politiques ne faifaient autrefois qu'un acceffoire .
Ileftvrai que cette Politique était rédigée dans des
principes bien différens des nôtres ; mais chacun
ne répond que de ce qu'il écrit & de ce qu'il
figne . Les bons Citoyens feront bien aifes d'apprendre
qu'eile eft aujourd'hui confiée à deux
Ecrivains d'un patriotifine éprouvé , dont l'un
eft . M. Garat , qu'il fuffit de nommer , & dont
l'autre eft M. Le Noir , moins célebre , il eft
ileft
vrai , mais plein de mérite & de lumieres , &
qui , depuis la Révolution , a eu part à beaucomp
d'Ouvrages confacrés à la caufe de la
liberté , & dans lefquels fa modeftie l'a enpêché
de fe nommer.
ANNONCES ET NOTICES.
LA JOURNÉE DE MARATHON , ou le Triomphe
de la Liberté , Piece hiftorique en 4 Actes & en
profe , avec des Intermedes & des Chours ; par
M. Gueroult. A Paris , chez les Directeurs de
l'imprimerie du Cercle Social , rue du Théâtre
Français , No. 4.
36 MERCURE FRANÇAIS.
AGNÈS DE CHATILLON , ou le Siége de S
Jean d'Acre , Opéra héroïque à grand fpectacle ,
en 3 Actes & en vers ; repréfenté pour la premiere
fois fur le Théâtre de la rue de Louvois ,
le 12 Mai 1792. Par M. Planterre , mufique de
M. de Loife. Prix , 25 f. A Paris , chez Froullé ,
Imp-Libr. quai des Auguftins , No. 39.
NOUVELLE GRAMMAIRE ANGLAISE , ou la
Langue Anglaife réduite à fes véritables principes
; par Mlle . Scott Godfrey , préfentement
Mad . Van-Esbecq . Brochure in - 8 ° . A Paris , chez
l'Auteur , à l'Inſtitution , rue Haute - feuille ,
No. 29 ; chez Théophile Barrois le jeune , Lib.
quai des Auguftins ; Nyon jeune , Libr. pavillon
des Quatre Nations ; Boffange & Compagnie ,
Libr. rue des Noyers .
MANUEL DES CONTRIBUABLES, ou Recueil de
toutes les Loix , Proclamations & Inftructions fur
les Contributions directes , & c . Prix , 36 f. br.
& 2 liv. 5 f. rel . A Paris , chez Née de la Rochelle
, Libraire , rue du Hurepoix , Nº. 13 ; à
Melun , chez Tarbé , Imp . du Département ; à
Sens , chez la veuve Tarbé , Impr . du Roi ; &
chez tous les Libraires de Paris , & Imprimeurs
de Départemens & de Districts .
ALUX
Manes.
TABL E.
Les Rivaux , ze. Part.
Charade , En. Log.
3 Lettres. 24
Annonces & Notices.
35
23
735.
MERCURE
FRANÇAIS.
LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
SAMEDI 15
SEPTEMBRE 1792 .
PIECES
FUGITIVES.
CHANSON
GRENADIERE.
AIR : Auffi- tôt que la lumiere.
UN Roi blanc-bec nous chicane ;
Moquons -nous de fes Houlans ,
Tremblant devant une canne ;
Ferraillant pour des Tyrans.
Citoyens , amis & freres ,
Soldats de l'Egalité ,
On lit deffus nos Bannieres :
» La mort ou la Liberté «,
N°. 37 15
Septembre 1792.
C
38
MERCURE
Tour l'Univers nous contemple ;
Amis , frappons-en plus fort;
Donnons au monde l'exemple ,
Aux Tyrans donnons la mort.
Canonniers , brûlez l'amorce ,
Redoublons tous nos efforts ;
Faifons -leur entrer par force
La vérité dans le corps.
W
COURAGE , qu'on me feconde ;
Que du Rhin ils boivent l'eau ,
Et nous , arrachons la bonde
Du tonneau de Mirabeau.
Aux Marquis le DROIT DE L'HOMME
Ne peut , dit - on , convenir ;
Mais en revanche on fait comme
A leurs femmes il fait plaifir.
→we
PLUTÔT qu'un Ariftocrate
Aux Français donne des fers ,
J'irai faire en Démocrate
Des motions aux Enfers.
t
Si Proferpine me berne ,
Et tient pour l'Abbé Mauri ,
Je la inonte à la lanterne ,
Et je fabre fon mari.
( Par M. Riouf. )
FRANÇA I S. 39
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent .
Le mot de la Charade eft Ecumoire ; celui
de l'Enigme eft Rouet ; & celui du Logogriphe
eft Sacerdoce , où l'on trouve Rofe ,
Corde, Cocarde, Rade, Arc, Sacre.
CHARADE A MLLE . ***
LES Arufpices autrefois
Par mon premier s'érigeaient en Prophetes ;
De mon dernier le déclin eft parfois
Ce que redoutent les Coquettes ;
Mais vos attraits , Zulmis , Vous font un sûr
Que jamais mon entier ne fera votre amant .
( Par M. Lagache fils, d'Amiens. )
ÉN I G M E.
1
garant
CHANSON fur l'Air du Confiteor.
JE fuis du genre féminin ,
Méchante quand je fuis vieillie ;
J'ai le front ridé , l'oeil malin ;
On ne me trouve pas jolie.
Mais , mais paffons donc fur cela ,
Voyons qui me devinera .
C &
40 MERCURE
;
IRIS , fi vous vous connaiffez ,
Vous ne pouvez pas me connaître
Cependant quand vous paraiſſez ,
Auffi - tôt vous me faites naître .
Mais , mais j'en dis trop fur cela ;
Voyons qui me devinera.
VOTRE Amant fait peut - être bien
Mon nom & toute mon affaire ;
S'il ne vous en témoigne rien ,
C'est par crainte de vous déplaire .
S'il eft heureux , il obtiendra
Le doux prix qui me détruira .
ON
LOGO GRIP HE.
N me trouve , Lecteur , à la ville , au village
Même dans les fimples hameaux ;
Ma premiere moitié voit naître le feuillage ,
Et l'autre anime les échos .
( Par M. Lagache fils , d'Amiens. )
FRANÇAIS. 41
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRES originales de Mirabeau , écrites
du Donjon de Vincennes , pendant les
années 1777 , 17-8 , 1779 & 1780 ;
contenant tous les détails farfa vie privée,
fes malheurs , & fes amours avec Sophie
Ruffey, Marquife de Monnier ; recueillies
par P. MANUEL , Citoyen Français.
4 Vol. in - 8º . A Paris , chez Garnery ,
Libraire , rue Serpente , No. 17.
MIRABEAU a été vraiment l'homme de
la Révolution. On verra , en lifant ces
Lettres , que la Nature & la fortune l'avaient
comme de concert , préparé & mûri
pour cette grande époque de notre Liberté
& de fa gloire. Il était né avec une ame
ardente & forte , un génie puiflant & flexible
, une vivacité d'imagination qui ne
nuifait en rien à la jufteffe des idées , un
penchant effréné pour le plaifir , joint à la
plus grande facilité pour le travail , & un
tempérament robufte , capable de fuffire
en même temps & au travail & au plaifir ;
unc activité de penfée qui femblait dévo-
C3
42 MERCURE
rer tous les objets , & une promptitude de
mémoire qui les embraffait tous.
-Né d'un pere qui avait de l'efprit &
des connaiffances , fon éducation fut foignée
comme elle pouvait l'être alors ; mais
les hommes tels que lui font toujours la
leur , & fon caractere & les circonftances
lui procurerent bientôt la plus rude , mais
auffi la plus inftructive de toutes , celle du
malheur. Son premier ennemi fut fon pere :
Ecrivain Législateur & homme à fyſtème ,
il avait jeté quelques idées utiles fur l'Economie
rurale & fur l'Impôt , dans de
gros Ouvrages remplis d'ailleurs du plus
ridicule fatras ; fier comme Gentilhomme ,
& vain comme Auteur , il s'enorgueilliffait
d'être un des chefs de la Secte Economiſte
, conjointement avec Quefnay
Turgot , Dupont , Roubaud , qui avaient
infiniment plus de principes & de méthode
que lui , & qui écrivaient beaucoup mieux.
Entêté & inconféquent , comme tous les
gens médiocres , il détériorait fyftematiquément
les terres en fe flattant d'enrichir
l'Etat par fa théorie , & tyrannifait fa
famille en prêchant la liberté politique ;
uniffant par un mélange affez commun
tous les préjugés de la féodalité , qui étaient
dans fon coeur , avec tout l'étalage des maximes
philofophiques qui n'étaient que fous
fa plume. Cet homme impérieux & bi- -
zarre apperçut bien vite dans la jeunelle
FRANÇA I S. 43
"
de fon fils & dans le premier développement
de fes facultés un efprit d'indépendance
dont il fut bleffé , & une fupériorité
de talens qui menaçait fa vanité . Si c'eût
été un Citoyen & un pere , il eût penfé
comme ces anciens Républicains dont le
premier voeu était d'être furpaffés par leurs
fils ; mais l'orgueil du rang & des opinions
n'en avait fait qu'un Delpote : il fut jaloux
; il le fut à l'excès , & devint un vrai
tyran . En refufant à fon fils l'honnête néceffaire
, en le mariant contre fon gré, en
traitant avec une févérité outrée des erreurs
de jeuneffe , en lui montrant fans ceffe la
rigueur d'un Juge , l'autorité d'un pere , & la
fombre défiance d'un ennemi ; enfin en lui
fermant abfolument fon ame il révolta
celle d'un jeune homme fier & fenfible ,
qui avait la connaiffance raifonnée de fes
droits , & déjà le premier fentiment de
fes forces. Au lieu de prendre les arrangemens
convenables qu'une grande richelle
mettait à fa difpofition pour payer les
dettes de fon, fils , il parut défirer en fecret
d'enchaîner le génie de ce jeune homme
par des embarras de fortune ; & fa conduite
dans la malheureuſe aventure de Ma
dame de Monnier fait juger qu'il ne vit
dans une faute très excufable par toutes
fes circonftances , qu'une occafion de le
perdre à jamais , & de l'enfevelir dans la
nait des cachors , ou de le forcer à s'ex-
C
4
44 MERCURE
patrier. On voit clairement qu'il ne lui
pardonnait pas d'apprécier le mérite de ſon
pere , & de fentir le fien. Il s'arma contre
lui du Defpotifme Ministériel , ſous prétexte
de le dérober à la vengeance des Loix,
& c'était la fienne propre qu'il fatisfaifait,
puifqu'il eft prouvé que , même fuivant
les Loix de ce temps - là , toutes vicieuſes
qu'elles étaient , Mirabeau ne pouvait jamais
être condamné . L'évaſion de Madame
de Monnier avait été volontaire ; elle avait
vingt- quatre ans , elle était mariée depuis
fix. Hn'avait point été compagnon de fa
fuite ; il n'y avait donc ni féduction ni rapt.
Il l'avait rejointe depuis , il eft vrai ; mais
cela prouvait feulement qu'ils étaient
amoureux l'un de l'autre ; l'action'en adultere
n'eut jamais lieu & ne pouvait être
intentée , parce qu'il n'y avait aucune
preuve poffible. Il n'y avait donc , encore
une fois , d'autre crime que l'amour, trèsexcufable
au moral, & nul dans les Tribunaux.
Tout ce que je viens d'expoſer eſt conſtaté
par des témoignages irrécufables dans
les Lettres de Mirabeau : il eft impoffible
d'en fufpecter l'authenticité & la véracité.
Par un hafard fingulier , c'eft entre les
mains des agens du Pouvoir abfolu que ces
Lettres étaient en dépôt , & par un autre
hafard non moins remarquable , c'était un
Lieutenant de Police qui avait porté l'inFRANÇA
I S. 4'5
dulgence jufqu'à fe rendre l'intermédiaire
de la correfpondance de deux Amans emprifonnés.
Tous les faits qu'il allegue en
réclamant juftice , ne fauraient être révoqués
en doute , puifque de la vérité de ces
faits il fait dépendre la liberté & fon honneur
, & qu'il s'adreffe à ceux qui étaient
à portée de vérifier tout , & qui étaient
les maîtres de fon fort .
Ces Lettres ont donc un avantage précieux
, celui de jeter le plus grand jour fur
le caractere d'un homme fameux qu'on a
eu tant d'intérêt à calomnier. Elles font
une réponſe péremptoire à tant d'accufations
, auffi abfurdes qu'infames , dont on
a voulu le noircit , au moment où, pour fe
venger de la gloire & des triomphes de
l'homme public , on a eu recours à la reffource
commune d'attaquer l'homme privé.
Ces Lettres font pour la mémoire de Mirabeau
une égide terrible fur laquelle il a
gravé les titres irréfragables qu'il préfente
au jugement de la Poftérité , titres d'autant
plus sûrs qu'ils n'étaient pas deftinés .
pour elle. Ce ne font point ici des Mémoi
res écrits pour le Public , ni même des
Confeffions , où l'on peut toujours ſe montrer
tel que l'on confent à être vu , mettre
d'autant plus d'artifice qu'on fait mieux
prendre l'air de la vérité , & fe faire vafoir
d'autant mieux qu'on a plus l'air de
accufer. Non , rien de tout cela : ces
Ci
MERCURE
i
Lettres, écrites dans un cachot à une Maîtreffe
, & paflant par les mains d'un Juge,
ne devaient jamais être vues par d'autres,
& fans le hafard de la Révolution , il eft
probable. qu'elles n'euffent jamais vu le
jour. Amant & malheureux, il ne pouvait
avoir d'autre confolation , d'autre befoin
que de s'épancher avec celle qu'il aimait ;.
accufé , il fe perdait s'il eût effayé un moment
d'en impofer, aux arbitres de fa deftinée.
Il ne put donc tromper ni fur les
fentimens ni fur les faits ; & fous l'un &
l'autre rapport , il y a de quoi juftifier ou
même honorer fa mémoire .
Il eft impoffible à quiconque lira ces
Lettres fans prévention , de croire que.
l'homme qui écrivait ainfi dans le Donjon
de Vincennes ait pu être un méchant , un
liche , un pervers . Ceux qui faifaient con--
fifter le courage dans ce qu'on appelait fi
ridiculement les affaires d'honneur , verront
que cet homme qu'on traitait de poltron ,.
parce qu'étant Légiflateur , il ne voulait.
pas defcendre à n'être qu'un Spa'allin
avait eu dans fa jeuneffe deux de ces affaires
- là , qu'il s'était battu une fois ,
qu'une autre fois il avait foufleté fon adverfaire
qui refufait de fe battre , & que
pour ces deux affaires il fubit une premiere
détention . Mais un courage bien autrement
admirable , c'eft celui d'ecrire, fous
les verroux de Vincennes , à des Miniftres
FRANÇA I S. 47
abfolus , à des Grands , du flyle & du ton
d'un homme libre ; de développer avec autant
d'énergie que de jufteffe tous les principes
du droit naturel en parlant à des
homines qui ne connaiffaient que le droit
du plus fort ; de répandre fur un papier
fouvent trempé des larmes de l'infortune ,
tout le feu d'une ame embrafée du faint
amour de la Liberté. C'eft- là fur-tout ce
qui annonçait dans le Mirabeau de Vincennes
, le Mirabeau de l'Aflemblée Nationale
; c'eft- là qu'on voit tout ce qu'il
devait être un jour ; c'eft- là qu'il femble .
lui- même le preffentir de loin , & entrevoir
la Révolution dans l'avenir. Combien
en effet a dû être grand dans la Tribune
de la Liberté , celui qui était fi ferme , fi
hardi , fi impofant fous les chaînes de la
tyrannie ! Mais auffi ce font ces mêmeschaînes
qui l'ont fait ce que nous l'avons
vu ; & c'eft toujours le Defpotilme qui
forme , fans y penfer , ceux qui doivent le
détruire ; c'eft lui qui prent foin de tremper
les armes dont il fera frappé.
Cette perfécution fi longue & fratroce
exercée contre Mirabeau, en comprimant le
reffort d'une ame forte , devait lui donner
une impulfion formidable , puifqu'elle ne le
brifait pas. Dans ces lettres , qui le rendront
auffi intéreffant aux yeux de la Poftérité
que fon pere y paraîtra petit &
odieux , fes forces morales fe développe-
C. 6
45
MERCURE
rent fous tous les rapports imaginables . I
trace déjà toute la théorie du Gouvernement
légal, il rafflemble des réſultats lumi
neux de fes lectures & de fes réflexions
fur toutes les parties de l'Economie politique
, fur les Sciences , fur les Arts , fur
les objets de Littérature & de goût. Son .
talent pour écrire fur toutes les matieres ,
brille de tout fon éclat dans des Lettres:
minutées avec la plus grande rapidité , qui,
offrent , parmi quelques négligences de
diction & quelques fautes de goût , une
foule de beautés de toute efpece. Comme
Ouvrage de fentiment , c'eft le feul qui
puiffe être comparé pour la vraie chaleur
& la vraie fenfibilité aux plus belles Lertres
de la Julie de Rouffeau ; & pourtant
quelle difproportion dans le fujet , la fituation
& les moyens ! Rouleau avait à fa difpofition,
tous ceux d'un Romancier qui
arrange fa fable , la gradation , le noeud
les incidens , les épiſodes , le dénouement ::
joignez y l'oeil du Public ouvert fur l'Ouvrage
, & celui de l'Auteur ouvert fur les
Public. Mirabeau , au contraire , dans la
folitude d'une prifon , dans le défefpoir ,
dans l'abandon , & dans l'incertitude plus
cruelle encore , écrit durant quatre années ,.
toujours dans la même fituation , n'ayant
jamais que le même cri , la Liberté & fa
Maitreffe , & on lit ces quatre gros Volumes,
de Lettres , où il n'y a pas un évés
FRANÇAIS. 49
nement و
avec autant de plaifir & d'intérêt
que le Roman le mieux fait & le plus
touchant. Jamais on n'a pu mieux voir
qu'il y a dans l'amour un charme qui n'eft
qu'à lui ; c'eft de n'avoir jamais qu'une
même chofe à dire & de la dire toujours
fans s'épuifer ni fe laffer jamais , & même
fans laffer les autres , quand il a l'éloquence
qui lui eft propre. On fent bien
qu'il ne s'agit pas ici des Amans vulgaires ;
en fait qu'ordinairement rien n'eft fi infipide
pour un tiers que leurs converfations:
& leurs Lettres. Il n'en eft pas de même
de l'homme fupérieur ; comme il porte fom
génie dans fes paffions , il révele tous les
fecrets de l'un & de l'autre , & les rend
d'un intérêt général.
Mais ces mêmes Lettres qui parlent f
bien au coeur , qu'on dirait que l'Auteur
n'a été occupé qu'à fentir & à aimer, parlent
en même temps à la raifon , de maniere
qu'il femble qu'il n'ait été occupé
qu'à penfer. Vous rencontrez à tout moment
des vérités fortement énoncées , des
expreffions de génie , des traits de paffion
, des raifonnemens vigoureux , des apperçus
vaftes , des réflexions fines ou profondes
. Une Lettre apologétique qu'il
adreffe à fon pere , un examen des princi--
pes contenus dans fes Ecrits , & mis en
oppofition avec fa conduite , un Mémoire:
en forme contre lui ,, envoyé au Lieutenant
so
MERCURE
de Police , font autant de chef - d'oeuvres
en leur genre , & réuniffent une dialectique
victorieufe , une ironie amere & une
éloquence noble , fans jamais paller la mefure
en rien.
Quoique la fituation de l'Auteur ne
change pas , cependant le ton de fa cor--
refpondance eft plus varié qu'on ne pourrait
l'imaginer , & l'état de fon ame femble
different au point de paffer d'un extrê
ne à l'autre , quoiqu'il n'y eût en effet
d'autre variation dans fon fort , que le plus
ou moins d'espérance de liberté. C'eft que
véritablement les degrés de l'efpérance font
les feuls événemens de la vie d'un prifonnier
, mais des événemens très- confidérables
, Aulli Mirabeau paraît tantôt dans la
plus déchirante douleur , dans le plus viclent
défeſpoir , dans le plus finiftre abattement
; tantôt dans la férénité & dans le
calme , dans les jouiflances d'un bonheur
prochain dans toute la liberté d'efprit
qu'il aurait eue dans le monde , fouvent
même dans la gaieté & le plus folâtre enjouement.
Cette derniere difpofition ne fe
montre gueres , il est vrai , que lorfqu'il
a l'affarance très prochaine de fon élargiffement.
Il menace quelquefois , dans le
cours de fa détention , de fe donner la mort,
& il paraît alors de bonne foi ; mais il ne
l'aurait fûrement pas fait tant que fa Maîtrelle
aurait vécu & l'aurait aimé : tant
7
FRANÇAIS. 31
qu'on s'aime & qu'on efpere de fe revoir,
on ne le réfour point à mourir. Comme le
bien tient de près au mal dans les chofes
humaines Mirabeau fe défole dans fa
prifon d'être féparé d'une Maîtrelle ; it
femble que ce foit-là fon plus grand malheur
; & c'était réellement celui qui lui
faifait fupporter tous les autres ; fans ce
foutien , une ame auffi ardente & auffi
fiere que la fienne aurait pu fe jeter dans.
le défefpoir ; mais le plus grand tourment
de la cap ivité eft d'être feul , & avec l'amour
on et toujours deux , même féparés
l'un de l'autre ; & voilà pourquoi l'on ne
fe tue point , quoi qu'il arrive. L'amour
vous charge de deux exiftences ; vous ne
pouvez difpofer de l'une fans attenter à
l'autre ; & comme celle - ci eft facrée, l'autre.
eft néceff.irement refpectée,
Ou a remarqué dans les Lettres de Mirabeau
des penfées , des expreflions , des
phrafes , des morc aux entiers d'emprunt ,
& tirés d'Ouvrages connus qu'il ne cite pas.
Il ne faudrait pourtant pas en conclure que
c'eft un plagiat. D'abord ces Lettres n'étaient
nullement deftinées à l'impreflion :
de plus , lifant & écrivant beaucoup &
très vite , parce que c'était fa feule reffource
, il confondait quelquefois , fans y
penfer , fes compofitions & fes lectures .
Celui qui rend ici hommage à fa mémoire,
fe glorifie d'être pour beaucoup dans ces
32 MERCURE
larcins involontaires : il y a , entre autres ,
une douzaine de vers de Melanie , réduits
en profe , fans autre retranchement que
celui de la mefure & de la rime , & d'ailleurs
confervés mot pour mot. Il n'y a
qu'une feule de ces expreflions empruntées
qu'il ait foulignée comme citation :
elle convenait au Donjon de Vincennes
comme à un Couvent : Et l'on
y
long- temps . Mais ce qui prouve que quand
il ne cite pas , c'eft uniquement fa mémoire
qui le trompe , c'est qu'il tranfcrit
quelque part huit ou dix vers de Voltaire ,
fans pouvoir fe rappeler où il les a lus.
meurt
Une des chofes qui font le plus d'honneur
à fa fenfibilité , c'eft le tendre intérêt
qu'il montre fans ceffe pour cet enfant qu'il
cut de Madame de Monnier , & qu'il perdit
fans l'avoir jamais vu . Il entre dans les
plus petits détails fur fon éducation morale
& phyfique , & paraît aufli accablé
de fa mort que s'il l'eût vu croître dans
fes bras. Les affections de la Nature n'entrent
pas fi profondément dans un mauvaiscoeur.
On regrette de ne pas connaître davantage
l'objet d'une fi grande paffion dans
un homme tel que Mirabeau. Ce Recueil
n'offre qu'une feule lettre de Madame de
Monnier ; mais elle fuffit pour donner l'idée
d'une femme dont l'efprit était fort au
deffus du commun , & c'eft beaucoup de
FRANÇA I S. $3
ne pas refter au deffous de l'opinion qu'en
donne Mirabeau.
ANNONCES ET NOTICES.
DE L'AUTORITÉ DE RABELAIS dans la Révolution
préfente & dans la Conftitution civile dụ
Clergé , ou Inftitutions Royales , Politiques & Eccléfiaftiques
; tirées de Gargantua & de Pantagruel.
Solventur rifu tabula. HOR.
Brochure in- 8° . En Utopie , de l'Imprimerie de
l'Abbaye de Théleme ; & à Paris , chez Gattey ,
Libr. au Palais -Royal , Nº. 14.
Cette Brochure très- agréable eft d'un homme
d'efprit & de fens , qui fait voir que Rabelais en
avait beaucoup plus qu'on ne lui en croit communément
. On en a extrait ici la fubftance , débarraffée
des ordures & du verbiage , & l'on a
choifi avec beaucoup de jugement les morceaux
les plus piquans , qui prouvent que Rabelais penfait
fur les Parlemens , fur le Clergé , fur les
Moines , fur le Pape , fur la Cour , précisément
comme nos Philofophes & nos Légiflateurs . 11
faut lire fur-tout le Chapitre fur l'ordre Judiciaire .
L'Auteur termine ainfi fes citations : Si vous
$4
MERCURE
» connaiffez , ' Lecteur , un trait comique ou fa-
ဘ tyrique , mieux & plus délicatement lancé que
» celui-là , je vous en fais mon compliment .
Il a toute raifon : le morceau eft charmant ; il
eft digne de Moliere .
INSTRUCTION fur la Contribution fonciere ,
dans laquelle on a expliqué comment les Impofitions
étaient perçues fous l'ancien Régime ;
comment la Contribution fonciere eft établie ;
comment elle doit être annuellement déterminée
& répartie ;
comment fe doivent faire les états
-
de Section ; comment fe doit évaluer le revenu
net des propriétés ( ce qui s'applique à l'évaluation
de toutes les propriétés
& des fruits
reftituables ) ; comment le fait la réduction
de l'arpent du Roi à la fétérée Delphinale
( ce
qui peut fervir pour la réduction de toute fupercomment
doivent fe faire la matrice
ficie ) ; -
de rôle & le rôle ; -- comment le rôle doit être
déclaré exécutoire & mis en recouvrement ;
comment doivent fe faire la perception , le recouvrement
, & les exécutions faute de payement
; comment les réductions de Contribution
peuvent être de andées & obtenues ;
comment doit fe faire la retenue de la Contribution
fur les rentes ci- devant feigneuriales &
foncieres , fur les rentes conftituées , les intérêts ,
FRANÇAIS. 55
& les penfions viageres ; & la comparaifon des
Impofitions de 1789 avec la Contribution foncicre
de 1791. L'Ouvrage eft terminé par l'examen
de cette queftion » Les Impofitions étaient
» déduites fur les fonds taillables , lors de leur
» eflimation dars les compofitions de maffe pour
» le réglement des légitimes ; aujourd'hui que
сс
tous les priviléges font abolis , la déduction de
» la Contribution fonciere doit-elle être faite «<< ?
Par M. Royer Defgranges , Homme de Loi à
Grencble ; & par M. Guedy , ci-devant Procureur
au Parlement de la même ville. 1 Volume
in- 8 ° . Prix , s liv. broc. Se vend à Paris , chez
Delalain le jeune , Libr . rue St-Jacques ; & chez
tous les Libraires du Palais - Royal .
Cette Inſtruction méthodique eft très - claire &
très-lumineufe ; elle met chacun à la portée des
vraies difpofitions de la Loi , & à l'abri de tout
arbitraire ou de toute erreur ; elle eft utile &
même néceffaire non feulement aux Contribuables ,
mais encore aux Municipalités , & même aux
Corps Adminiftratifs . Elle a eu l'approbation d'un
Miniftre des Contributions , & de plufieurs Directoires
.
DES DEVOIRS DE L'HOMME , Ouvrage traduit
du latin de M. T. Cicéron , avec des Notes &
la Vie de l'Auteur ; par Emmanuel Brofielard ,
56 MERCURE
Homme de Loi , Electeur de Paris aux annéet
1789 , 1790 & 1791 , Affeffeur du Juge de Paix
de la Section de la Place Royale , Membre du
Confeil général de la Commune. Volume de 400
pages. Prix , 4 liv. br . A Paris , chez l'Auteur ,
rue Culture- Sainte -Catherine , No. 13 ; & chez
Dupont , Imp- Libr . rue de Richelieu , No. 14 .
La traduction eft un des genres de littérature
où ce fiecle a eu de l'avantage fur le précédent ,
parce que des hommes d'un vrai talent n'ont pas
dédaigné de s'en occuper. Celle du Traité des
Devoirs , que nous annonçons ici , doit être rangée
parmi les meilleures que nous ayons : ce
n'eft point une production de pédant , comme il
y en a tant ; l'Auteur traduit avec cette liberté
fage & cette fermeté de ſtyle qui réfu! te'de l'intelligence
parfaite de l'original & de la connaiffance
réfléchie des différens procédés des deux
Langues. Sa verfion , toujours élégante , pure ,
précife , prêterait bien rarement à une critique
motivée , & jamais fur des points effentiels . Les
excellentes Notes raſſemblées à la fin du Volume ,
prouvent une vérité qui n'eſt ſentie des connaiffeurs
; c'eſt que pour faire un bon Livre en
ce genre , comme en beaucoup d'autres , il faut
être fort au deffus de fon Livre . Elles font remplies
d'idées faines , quelquefois grandes & fortes ,
toujours utiles & appropriées aux circonftances
que
FRANÇA I S. 57
préfentes. Il y a peu de fautes de goût , & le
talent s'y montre à tout moment. L'Auteur penfe
& s'exprime d'après lui - même , ce qui eft rare
dans tous les temps , & fur-tout aujourd'hui . Un
coup d'effai fi diftingué doit engager l'Auteur à
ne pas en refter là .
L'EGLISE GALLICANE vengée de toute accufation
de Schifine , & préjugés légitimes de Schifme
contre ceux qui l'en accufent . Sermons prêchés les
6 & 29 Janvier 1792 , par François de Torcy ,
Prêtre de la Doctrine Chrétienne , Recteur du
Collége Français de Saint - Omer. A Paris , même,
adreffe que ci -deſſus. Prix , 15 f.
C'eft la contre - partie de plufieurs Brochures
fanatiques on y juftifie tout ce qu'elles anathé--
matifent ; c'eft le combat de la vérité contre
l'erreur. Il faut ' efpérer que fi- cette derniere a
long-temps triomphé , l'autre finira par être la
plus forte.
POLITICON , Ou Choix des meilleurs Difcours
fur tous les fujets de Politique , traités dans la
premiere Affemblée Nationale de France ; avec
une Analyſe hiftorique & critique des Motions
& Opinions fur les mêmes fujets. Ouvrage enrichi
de Portraits gravés par les meilleurs Maîtres.
58 MERCURE
Par L. S. de Baleftrier - Canilhac, 8 Vol . in- 8 ° .
Tomes I , II , III & IV ; les V & VIº . qui forment
la 3º . & derniere Livraiſon de cet Ouvrage,
paraîtront à la fin de Septembre prochain . Prix ,
4 liv. le Volume pour Paris , & 4 liv . 10 fous
franc de port pour tout le Royaume. A Paris ,
chez l'Auteur , rue Païenne , No. 7 ; Laurent
Libr . rue de la Harpe , No. 18 ; Lacloye , Lib .
à l'Orme Saint- Gervais ; & chez les principaux-
Libraires de France .
3
in-
CODE CRIMINEL , III . Partie du Code Judiciaire
de la Collection des Décrets par ordre de
matieres ; rédigée par M. Camus & autres Membres
de l'Affemblée Nationale conftituante ;
8º. Prix , 2 liv. 10 f. br. pour Paris , & liv.
5 f. franc de port pour les Départemens ; in - 32 ,
br. 36 f. & 45 f.; in-16 , papier vélin , 4 livres
10 f. & S liv . A Paris , chez Le Boucher , Libr .
rue St -Honoré , à côté de St- Roch , Nº. 278 ,
ou à fa boutique , jardin des Feuillans , près
l'Aſſemblée Nationale ; & chez Baudouin , Imp .
de l'Affemblée , cour des Capucins-St-Honoré.
NOUVELLES RECHERCHES SUR LA LANGUE ,
l'origine & les Antiquités des Bretons , pour fervir
à l'Hiftoire de ce Peuple ; par L. T. D. C.
FRANCAI 5. 59
Capitaine au 80 ° . Régiment d'Infanterie , de l'Académie
Efpagnole de l'Hiftoire , & du Musée
de Paris . On a joint à ces Recherches un Gloffaire
ou Tableau comparatif d'un grand nombre .
de mots grecs , latins , français , efpagnols , allemands
, anglais , & c. qui , pour la forme & le
fens , ont encore confervé de nos jours le plus
grand rapport avec le Celto-Breton , & paraiſſent
avoir appartenu primitivement à cette Langue . A
Baionne ; & à Paris , chez les Marchands de
Nouveautés.
}
ESSAI SUR LA LÉGISLATION CIVILE , dédié à
la premiere Légiſlature ; par un Patriote de Tours .
Brochure . A Paris , chez Quenette , Libraire &
Commiffionnaire pour les Départemens , rue de
la Harpe , No. 172.
TOME IV . DES CONSTITUTIONS des principaux
Etats de l'Europe & des Etats - Unis de
l'Amérique ; par M. de la Croix , Profeſſeur de
Droit public au Lycée . 1 Vol . in- 8 °. A Paris ,
chez Buiffon , Imprim-Libr . rue Haute-feuille ,
No. 20. Prix , 4 liv . br. & 4 liv . 10 f. franc de
port par la Pofte.
60 MERCURE FRANÇAIS.
L'HEUREUSE NATION , ou Relation du Gouvernement
des Féliciens ; Peuple fouverainement
libre fous l'empire abſolu de ſes Loix , &c . 2
Vol . in- 8 ° . Fig. Prix , 8 liv . 10 f. br. & 9 liv .
ro f. francs de port par la Pofte. A Paris , chez
Buiffon . Impr- Libr . rue Haute-feuille , N ° . 20 .
COMPARAISON DES CONSTITUTIONS de la
Grande - Bretagne & de la France ; par Pierre
Caze , de la Société Nationale des Neuf Soeurs.
Brochure in- 8 °. A Paris , de l'Imprimerie de ladite
Société , quai des Miramionnes , Nº. 19 .
MUSIQUE.
III . RECUEIL de petits Airs de Chants , avec
accompagnement de Piano - forté ou de Harpe ;
dédié à Mad . Perregaut ; par M. Martini . Prix ,
9 liv . A Paris , chez M. Boyer , rue de Richelieu
, à la Clef d'or , paffage de l'ancien Café
de Føy.
CHANSON.
TABL E.
37 Lettres.
41
Charade, Enig. Log. 39 Annonces & Notices. 53
MERCURE
FRANÇAIS.
9 LIBERTÉ , ÉGALITÉ .
SAMEDI 22 SEPTEMBRE 1792.
PIECES FUGITIVES.
CHANSON,
AIR D'Adélaïde.
DANS L'art de plaire ,
Qui pourrait égaler Lifon ?
La Beauté qui regne à Cythere ,
D'elle pourrait prendre leçon
Dans l'art de plaire,
DANS fon fourire
Quel attrait ! qu'il eft envié !!
Que je fens tout ce qu'il doit dire
( Lorfque l'Amour eft de moitié
Dans fon fourire !
N°. 38. 22 Septembre 1792.
D
62 MERCURE
QU'ELLE eft charmante !
Que fes regards font féduifáns !
C'est un danger qui vous enchante ;
Et l'on le fouvient trop long-temps
Qu'elle eft charmante .
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
Le mot de la Charade eft Volage ; celui
de l'Enigme eft Jaloufie ; celui du Logogriphe
et Maiſon.
CHARADE.
QUAND la nuit commence à paraître ,
Le hibou quitte mon premier ;
En certain temps , Lecteur , peut-être
· Tu portes bas de mon dernier ; -
Si tu veux trouver mon entier ,
Cherche dans quelque lieu champêtre:
( Par M. Lagache fils , & Amiens. )
FRANÇAIS.
EN JG
!332 ;།
Mar Erben 201
oi asl auos elov om ok
JE ne porte qu'un nom , & pourtant j'en ai m
Mon ufage eft commun & n'eft pas moins tiles
Je fers également au pauvre comme au Roi
Mais près d'un fexe aimable eft mon plus
200
emploi.
bel
sin Mon élégance ajoute aux charmes d'Idalife
Sous diverfes couleurs on me voit à l'Eglife ;
J'accompagne toujours au Barreau l'Avocat
Et dans le même inftant ( admirez ma franghife ),
Je fers au lit des Rois , & fuis fur le grabat.
q
LOGO GRIP H E.
EH quoi ! toujours au Numéro prochain
Renverra -t- on le mot des Logogriphes ?
Que fous quelques hieroglyphes.
Il foit caché jufques au lendemain ,
Paffe encor pour cela ; mais être dans l'attente
Pendant huit jours entiers ! cette idée épouvante .
J'en veux agir tout autrement ;
Et pour ne mettre point l'efprit à la torture ,
D'abord je dirai bonnement
Quel est mon nom , ma taille & ma figure.
D 2
MERCURE
Lecteur, pour exifter d'yeux j'eus be foin toujours ,
Et cependant , admire mon effence
Les
,
ayant beaux comme ceux des Amours ,
Je me vois tous les jours privé de l'existence .
fai dit le mot : relis & tu me tiens ;
Relis , Lecteur ; cherche à ton aife..
,
67
Pour ma taille , ne t'en déplaife ,
od Elle a fept pieds , & j'y contiens
Deux des notes de la mufique ';
nsM
Un heu très- paffager ; cet homme évangélique
Dont on cite fouvent l'oileau ;
27UQUIC
Ce que le Pêcheur jette à l'eau
br
Pour faifir la gent aquatique..
i
J'en ai trop dit , je crois ; déjà tu me connais :
S'il en eft temps encore , je me tais. ***
Par M. Vifinet , Aumônier du
Bataillon des Poftes. )
', 'a :q ,
by and garbab ¿
FRANÇAIS.
2
1.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
13
COLLECTION Complette des Travaux de
M. Mirabeau l'aîné , à l Affemblée Na
• tionale ; précédée de tous les Difcours
& Ouvrages du même Auteur , prononcés
ou publies en Provence , pendant le cours
des élections : par M. ETIENNE MÉJAN.
s Volumes in-8° avec le Portrait de
Mirabeau. A Paris , de l'Imprimerie de
la veuve Lejay , rue St. - Honoré, Hotel;
d'Auvergne , No. 100 , & Je vend à lài
même adreffe.
NOUS
la
ous avons confidéré Mirabeau , dans
fes Lettres
comme homme privé ; fes
Travaux à l'Affemblée Nationale vont nous
montrer l'homme public. bolima aceb
J'avais déjà parlé de la fupériorité de
fes talens oratoires , & effayé de les carac
tériſer dès 1770 ( 1 ) , dans un temps où
peut - être
y courage
avait
- il quelque
rendre une juftice éclatante à un homme
)
( ) Mercure du 21 Août.
D
3
66 MERCURE
28
qui avait tant d'ennemis & de détracteurs
& contre qui la haine élevait des clameurs
furieufes. Mon témoignage était d'autant
moins fufpect que je n'avais aucune liaifon
avec lui. Auffi en parut- il flatté , & la
reconnaiffance qu'il me marqua me donna
occafion de le voir quelquefois. Nous nous
convenions d'autant mieux qu'il s'était
bien apperçu que je goûtais véritablement
fon éloquence qui était du bon genre ,
c'eft- à - dire antique , franche , républicaine,
n'ayant rien de la rhétorique moderne :
d'ailleurs fes principes de Politique étaient
les miens. Il penfait que s'il y avait jour à
etablir avec quelque sûreté une Monarchie
legale , il fallait, pour être conféquent, protéger
la prérogative royale, de peur de tomber
fous la tyrannie des Repréfentans ou
des Démagogues ; mais que fi l'incurable
corruption de la Cour nous forçait à une
defiance légitime , deftructive de l'action du
Gertechement , alors une Conftitution purement
Républicaine , malgré les inconvémens
qu'elle pouvait avoir dans un Empire
de 26 millions d'hommes , était , fans nulle
comparaifon préférable à une Royauté
fufpecte & avilie.to 25 (2
2110
Voici comme je m'exprimais alors fur
Mirabeau , confidéré comme Orateur.i
Ceux qui aiment à obferver les moyens.
" & les effets de l'éloquence , depuis que
"
FRANÇAIS.
67
55
fa Révolution l'a mife à portée de jouer
» le premier rôle parmi nous conmé chez
les Anciens , ont remarqué que ce qui
avait généralement le plus d'effet dans
les Allemblées , c'était la logique & les
mouvemens. Ce font auffi les deux
" grands caracteres de l'éloquence délibé→
rative , qui n'exifte réellement en France
" que depuis un an. La plupart des hommes
n'ont gueres que des apperçus va
" gues ils font donc très - fatisfaits de
celui qui leur en donne de juftes & de
* précis , chez eux la vérité n'eft , pour
** ainfi dire , qu'en germe ; ils favent dona
beaucoup de gré à celui qui le développe
; & c'eft l'avantage d'une logique
» lumineufe. Mais ce n'eft pas tout la
plupart des hommes ou s'intéreffent fai-
" blement à la vérité , ou peuvent même
» avoir un intérêt contraire. La véhémence
37
22
A
des mouvemens & l'énergie des expref-
" fions les fubjugue , da moins pour un
" moment , & ce moment fuffit . Leur
affentiment devient une paffion , & vous
» leur arrachez quelquefois ce que peutêtre
, quelques momens après , ils feront
fâchés ou furpris d'avoir cédé : voilà ce“
» qui fait l'Orateur de la chofe publique."
'Tel'eſt à mon gré , ( fans prétendre"
» ôter tien au mérite de plufieurs aures
» de nos Repréfentans , dont la Révolu
» tion a mis les talens au grand jour , tel
"3
.
D 4
68 MERCURE
•
23.
ود
eft M. Mirabeau. Il eft puiffant en logique
, en mouvemens , en expreffions :
» il eft vraiment éloquent ; c'eft l'homme.
» le plus capable d'entraîner une grande.
Aflemblée. Et combien de fois ne l'at-
il pas prouvé ! Comme Ecrivain il.
" pourrait épurer davantage fon ftyle ;
» mais nous n'avons pas encore fur la dic-.
» tion l'oreille aufli délicate que les Athé-
و د
22.
*
xi
niens , ou même les Romains du, temps.
» de Cicéron , & nous ne fommes féveres
» fur la correction & le goût que le livre.
" à la main. Il a de plus un avantage
23
לכ
'
précieux c'eft la préfence d'efprit ; ik
" fe poffede lorfqu'il meut les autres , &
" rarement il lui arrive de donner prife
fur lui en paffant la mefure en cela
comme en tout le refte , bien différent.
de tel autre de nos Députés ( 1 ) , à qui
j'ai entendu donner le nom de grand
Orateurs du moins par un parti , & qui
" n'eft , en effet , qu'un Rhéteur élégant
quand il n'eft pas un fophifte emporté ;
" qui n'attaque jamais de front une grande
queftion , mais qui commence par dé-
» naturer ou écarter le principe , & fe
jerte enfuite dans les acceffoires & les
» lieux communs où il brille par l'élocution
; qui prenant l'audace pour l'éner
gie , rifque à tout moment les affertions
و و
و و
و د
و د
و ر
( 1 ) L'Abbé Maury.
FRANÇAIS.
69
و د
W
» & les déclamations les plus révoltantes ,
" & oublie que l'Orateur ne faurait fe
» décréditer lui - même fans décréditer fa
caufe , & que l'obfervation des conve-
" nances eft une des premieres regles de
Part oratoire , d'autant plus importante
que tout le monde en eft juge , & que
quand vous la violez , vos adverfaires
triomphent & vos partifans rougiffent «.
"I c'
Qui croirait qu'après avoir ainfi loué
Mirabeau vivant , j'aye été attaqué & injurié
à ſon ſujet avec la plus virulente
amertume , fous prétexte que j'aurais dû ,
faire fon éloge au Lycée après la mort , &
que je ne l'avais pas fait Cette anecdote,
eft trop curieufe pour n'être pas rapportée.
ici : c'eft un des plus frappans exemples,
des fureurs & de la bêtife de la haine. On
imprima dans un Journal Ariftocratique
( la Feuille du Jour ) une lettre anonyme ,
comme de coutume & comme de raifon ,
où l'Auteur femblait d'abord s'étonner de
ce que je n'avais pas joint ma voix à toutes ,
celles qui célébraient à l'envi la mémoire
de Mirabeau , & paraiffait me croire auffi
capable qu'un autre de remplir ce grand
fujer . Jufques-là il n'y avait rien qui pût
m'offenfer , & fi l'Auteur n'avait pas eu
d'autre intention , je lui aurais répondu
que je n'aimais pas à refaire ce qui avait
été très bien fait , & qu'ayant payé à
-
DS
F
70. MERCURE
Mirabeau vivant le tribut de louanges qui.
lui était dû , & que je regardais commeun
devoir , fi je n'avais pas fait fon Oraifon
funebre , c'eft que M. Garat , dans le Journal
de Paris , m'avait fi heureufement devancé
, & s'était acquitté de cette glorieuſe
tâche avec tant de fuccès , que je ne trouvais
rien à dire après lui , & que je ne·
voulais pas lutter contre un chef- d'oeuvre.
Mais mon Anonyme avait bien d'autres
ties ; ce n'était pas Mirabeau qu'il voulait .
honorers tout ce qu'il cherchait , c'était
un prétexte quelconque pour voir , en fe
cachant , des invectives & des calomnies
fans inême fe donner la peine de l'invention,
ni le fouciet des inconféquences. En
effer , oubliant que les reproches qu'il m'avait
faits d'abordne pouvaient s'adreffer qu'à
in homme que lui -même croyait en état
de traiter un pareil fujet , il répétait dans le
refte de fa Lettre toutes les groffieres inepties
des Folliculaires de l'ancien Régime, & fur
mes Ouvrages & fur mon perfonnel , ne trouvait
aucun talent à celui dont il réclamait
le ralent pour un Eloge digne de Mirabeau,"
furait queje n'avais eu de réputation que
par des compilations , que j'étais jaloux de'
Lous les Ecrivains célebres , quoiqu'il n'y
chait pas un feal qui ne foit préconifé
dans mes Ecrits , & c. & c. C'eft certainehent
la premiere fois qu'un Homme de
Lettres a été fi violemment attaqué , non
241
FRANÇAI S.
pas pour les paroles , mais pour fon filence ,
& pour un filence fondé , comme on le
voit , fur de fi bonnes raiſons , & qui ne
pouvait pas être fufpect après ce que j'avais
écrit. Il fallait que l'Auteur eût an
terrible befoin de fe foulager par des injures
, pour s'emparer fi avidement d'un
à -propos fi hors de propos. Je jugeal que
c'était quelque échappé des boutiques de
l'ancienne écrivaillerie, quelque imalheureux
barbouilleur bien enragé de n'être rien à
mais qui n'ofait pas fe montrer, de peur de :
paffer par les verges du ridicule : je ne se
pondis point à fa plate diatribe , & j'aban
donnai mon lâche calomniateur aux téne
bres & au mépris où lui-même fe condannäit
. Revenons à notre Mirabeau.
1
Les Difcours qu'il prononça dans les
Affemblées de fa Province , lors de la convocation
des Etats - Généraux , & qui fe
préfentent à la tête de ce Recueil , near fort
pas la partie la moins intéreflante. Quoi
qu'il s'agille de prétentions & de querelles
depuis trois ans anéanties , on eft toujours
bien aife d'y voir les premiers pas de Mrrabeau
, qui annonçaient déjà la marche
confante & invariable qu'il a fuivie dans
fa théorie politique. On y voit par quels
degrés cet homme, né au milieu de tous ,
les préjugés féodaux & placé alors aut
centre de la plus abfurde ariftocratie , dans .
les Etats de Provence , fut conduit à le-
9+
16
#2 MERCURET
nier de fait une nobleffe que déjà il avait
abjurée dans le coeur , & à fe faire Membre
de ce qu'on appelait encore les Communes
, parce qu'il ne put réuffir à conver- ']
tir à la raifon fes Pairs , les Gentilshommes.
Ils furent même tellement effrayés de fes
opinions , qu'ils lui contefterent , fur les
plus frivoles prétextes , le droit de fiéger »
parmi eux , & ce fut cette premiere for
tife des Nobles qui donna au Tiers un
fublime transfuge dans la perfonne de Mirabeau.
rstele la jup an
à
C'eft dans ces Difcours qu'il annonce
hautement la deftruction prochaine de toutes
les chimeres féodales ; c'eft- là qu'on
trouve ces paroles qui ne tarderent pas
devenir une prophétie : » J'ai été , je fuis,
je ferai jufqu'au tombeau l'homme de la
» Liberté publique . Malheur aux Ordres
privilégiés , fi c'eft- là plutôt être l'homme
du Peuple que celui des Nobles ; car
Tes priviléges finiront , mais le Peuple
eft éternel ".
"
ود
و د
و د
Oui , & un homme qui l'a fervi comme
Mirabeau , eft auffi éternel.
Un de fes grands avantages , qui n'appartient
qu'à l'homme naturellement éloquent
, c'eft qu'il l'était fur le champ
dans toutes les circonftances & fur tous
les fujets. Ce n'eft pas à dire qu'il eût pu
faire dans le moment un Difcours fur une
FRANÇAIS. 730
matiere importante , épineuſe & étendue,
auffi bien que s'il eût été préparé. Non ,
cela n'eft pas dans la Nature , & nulle
force de génie ne peut fuppléer foudainement
à ce qui demande une force de réflexion.
Mais dans les occafions où il ne
fallait que l'apperçu d'un efprit jufte & le
mouvement d'une ame libre , il s'exprimair
auffi bien qu'il eft poffible , & les termes
nes lai manquaient pas , parce qu'il ne
manquait ni de- fentimens ni d'idées. De- là :
tant de paroles mémorables qu'on a rete
nues de lui , & qui fortaient impétueufement
de fon ame quand elle était émue ;
de-là auffi ces répliques victorieafes , ces
élans irréfiftibles qui emportaient d'emblée
la décifion quand il réfutait des adverfaires.
Comme il était alors préparé fur la
difcuffion dans laquelle il avait déjà fait
entendre une opinion méditée , les idées
affluaient , parce qu'en énonçant un avis ,
il avait prévu toutes les objections , & quel
pour un bon raifonneur, les réponfes aut
objections font toujours contenues dans les :
principes. Joignez y le mouvement de
réaction qui naît de la réfiftance : c'eff
alors qu'il tonnair , que devenu plus fort
par l'obſtacle , armé de la conviction inté
rieure , bouillant de l'impatience d'un efprit
droit qui rencontre la déraifon fur fon
paffage , il déployait une énergie renverfante
, que fa voix rempliffait l'Affemblée,
74 MERCURET
1
C
que fes geftes , fes regards , toute fon ade
tion extérieure ébranlaient & foulevaient s
pour ainfi dire , l'auditoire entier , que
l'enchaînement rapide de fes raifonnemens,
l'abondance d'expreffions heurenfes & for
tes: qui fe fuccédaient comme par infpiration
, la chaleur des mouvemens qui prés
cipitaient fes phrafes les unes fur les au
tres, l'éclat des figures qui chez lui étaient
toujours des pensées , faifaient véritables
ment de. Mirabeau le dominateur des home
mes raffemblés , & rappelaient cess mors
remarquables qu'il avait dits quelque temps :
avant la Révolation à propos d'une fem
me , alors très- paitante , qui fe refufait -à
une demande qu'il croyait jufte Ditės-bui
qu'elle a tort de me refufer, & que le moment
n'eft pas loin où le talent fera auffi une puif
fance.
619
I
20 Auff Mirabeau n'a jamais été plus,
grand , à mon avis , que lorfqu'il improvi
fair. Quoi de plus beau que ce Difcours
de vingt lignes , recueilli fur le champ
lorfqu'il s'agilfait d'envoyer au Roi une
troifieme députation pour le renvoi des
Troupes , après deux réponſes négatives ?
Dites-lui que les hordes étrangeres dont
nous fommes inveftis ont reçu hier la
vilite des Princes , des Princeffes , des
Favoris , des Favorites , & leurs careffes
& leurs exhortations & lears préfens :
» dires- lui que toute la nuit ces Satellites
·92
FRANÇAÍ 9. A
» étrangers , gorgés d'or & de vin , ont :
» prédit dans leurs chants impies l'affer
» -villement de la France , & que leurs
» voeux brutaúx invoquaient la deftruction
de l'Allemblée Nationale : dites lui que
» dans fon palais même les Courtifans onti:
» mêlé leurs danfes au fon de cette mufi-
" que barbare , & que telle fur l'avant-
» fcène de la St- Barthélemi dites lui que
" ce Henri , dont l'Univers bénit la mémoite
, celui de fes aïeux qu'il voulait
" prendre pour modele , faifait paffer des
» vivres dans Paris révolté qu'il affiégeait
" en perfonne , & que fes confeillers fé-
» roces font rebrouffer les farines que le
commerce apporte dans Paris fidele &
affamé ".
ور
و ر
*
Les befoins de l'Etat avaient engagé M.
Necker à propofer la contribution du quart
des biens de chaque Citoyen. Cette mefure
paraiffait extrême à beaucoup de Députés
, qui voulaient qu'on examinât le
plan du Miniftre des Finances , qui contenait
plufieurs autres difpofitions. Il étaitimportant
d'environner ce Miniſtre de la..
confiance de l'Affemblée, pour une efpece ..
d'impôt extraordinaire , qui exigeait furtout
la confiance publique , & Mirabeau ,
quoique connu, pour être ennemi de M.
Necker , opinait à s'en rapporter entiérement
à lui pour le mode d'impofition . Les
76
MERCURE
momens étaient chers , & on les perdair
en difficultés de détail. Mirabeau avait déjà
parlé trois fois . Il était quatre heures du foir,
rien ne fe décidait , & de laffitude , comme"
il arrive fouvent après une longue difcuf-"
fion , on était prêt à renvoyer encore l'affaire
au Comité. Il reprend la parole une
quatrieme fois , & ramaffe toutes fes forces
pour emporter le Décret. Quoiqu'en général
je fois très- fobre de citations , fi ce
n'eft dans le cas d'une critique de détail ,
quoiqu'ayant fort peu d'efpace , je croye
devoir l'employer à difcuter plutôt qu'à
copier , quoiqu'enfin le morceau dont il
s'agit foit affez étendu , je ne puis cependant
réfifter au plaifir de l'offrir aux Lecteurs
qui peuvent ne pas l'avoir fous les
yeux. C'eft dans fon genre un des plus admirables
monumens de l'Eloquence françaife.
23
و د
Au milieu de tant de débats tamultueux
, ne pourrai-je donc vous ramener
à la délibération du jour par un petit
nombre de queftions bien fimples : Dai-
» gnez , Meffieurs , daignez me répondre.
Le Miniſtre des Finances ne vous a- t-il
" pas offert le tableau le plus effrayant de
» notre fituation actuelle ? Ne vous a- t-il
" pas dit que tout délai aggravait le péril ,
» qu'un jour , une heure , un inftant pou-
" Vait le rendre mortel : Avons - nous un
FRANÇA I S 77
23-
A
» plan à fubftituer à celui qu'il propoſe ?
» —( Qui , s'écria quelqu'un . ) Je conjure
» celui qui répond oui , de confidérer que
fon plan n'eft pas connu , qu'il faut du
" temps pour le développer , l'examiner
le démontrer ; que fût- il immédiatement
foumis à notre délibération , fon Auteur
a pu fe tromper ; que fûr - il exempt de
» toute erreur , on a peut croire qu'il ne
"-l'eft pas que quand tout le monde a
» tort tout le monde a raifon ; qu'il fe
" pourrait donc que Auteur de cet autre
-projet même ayant raifon , eut tore
contre tout le monde , puifque , fans
l'affentiment de l'opinion publique , le
" plus grand talent ne faurait triompher
» tes circonftances. Et moi auli je nes
», crois pas les moyens de M. Necker les
meilleurs poffibles ; mais le ciel me prés
" ferves dans une fituation (ficritique
the
15
d'oppofer les miens aux fiens . Vainement
-je les tiendrais pouri préférables : conne
divalife point en un inftant une populat
rite prodigieufe , conquiſe par des fer-
» vices éclatans , une longue expérience ,
»
و د
la réputation du premier talent de Fi
" nancier connu , &nsil faut tout dire «
» une deftinée telle qu'elle n'échur en par
" tage xaucun mortel. Il faut donc en
revenir au plan der M. Necker. Mais
avons - nous le temps de l'examiner , de*
fonder fes baſes , de vérifier fes calculs x
73
MERCORET
"
» Non , non , mille fois - non. D'infigni
fiantes questions , des conjecturePhafardées
, des tâtonnemens infideles ; voilà
" tout ce qui , dans ce nibments, efters
", notre pouvoir. Qu'attons-nous donc faites
par le renvoi de la délibérion Man-
" quer le moment décififachatner notre
amour-propre à changer quelque chofe
à un plan que nous n'avons pas même
» conçu & diminuer par notre interven-"
tion indifcrete l'influence d'un Miniftres
→ dont le crédit financier eft:& doir êtres
" plus grand que le nôtre. Meffieurs ,ocer-
" tainement il n'y adà nisfageffe ni pré-
" voyance ; mais du moins y a-t- il de la
» bonne foi. Oh ! les déclarations les
" plus folennelles ne garantiffaient pas
" notre reſpect pour la foi publique
notre horreur pour l'infame mot de banqueroare
, j'oferais fcruter les motifs fecrets
& peut - être hélas ! ignorés de
» nous - mêmes , qui nous font fi impru
" demment reculer , au moment de pro - c
29.
clamer l'acte du plus grand dévouement,
" certainement inefficace , s'il n'eft pas ra
pide & vraiment abandonné je dirais
» à ceux qui fel familiarifent peur mêtre
avec l'idée de manquer aux engagemens
publics supar la crainte de l'excès des
facrifices , par la terreur de l'impôrys je
leur dirais , qu'est - ce donc que la ban
" quetoute , fi ce n'eft le plus cruely le 9
FRANÇA I S. 79.
133 ~
plus inique, le plus inégal , le plus défaftreux
des impôts ?. Mes amis
» écoutez un mor , un feul mot. Deux
fecles de déprédations & de brigandages
» ont creufé le gouffre où le Royaum eft
" pret de s'engloutir : il faut le combler
» ce gouffre effroyable. Eh bien ! voici la
» lifte des Propriétaires Français : choififfez
parmi les plus riches , afin de fa-
» crifier moins de Choyens . Mais choi-
" fillez car ne faut - il pas qu'un petit
» nombre périffe pour fauver la malle du
ود
62
Peuple : Allons ces deux mille Notables
" poffedent de quoi combler le déficit."
». Ramenez l'ordre dans vos finances , la
" paix & la profpérité dans le Royaume .
" Frappez , immolez fans pitié ces trifles
"e victimes ; précipitez -les dans l'abîme : il
va fe refermer.... Vous reculez d'hor-..
» reur .... Hommes inconféquens ! hom- e
» mes pufillanimes ! Eh ! ne voyez - vous <<
" donc pas qu'en décrétant la banque-
» route , ou ce qui eft plus odieux encore,
» en la rendant inévitable fans la décréter,
" Vous vous fouillez d'un acte mille fois
plus criminel , & chofe inconcevable ,
» gratuitement criminel car enfin cet hor
rible facrifice ferait du moins difparaître
le déficit. Mais croyez vous , parce ques
vous n'aurez pas payé , que vous ne
devrez plus rien ? Croyez-vous que les
milliers , les millions d'hommes , qui
'
MERCURE
» -perdront en un inftant , par l'exploſion
»,terrible ou par Les contre-coups , tout ce
qui faifait la confolation de leur vie , &
و د
<
peut- être l'unique moyen de la fuften-
" te vous laifferont paifiblement jouir de
" Votre crime ? Contemplateurs ftoïques
" des maux incalculables que cette cataf
trophe vomira fur la France , impaffibles
33 -
---
égoïftes qui penfez que ces convulfions
" -du défefpoir & de la mifere pafferont"
" comme tant d'autres , & d'autant plus
» rapidement qu'elles feront plus violen-
» tes , êtes-vous bien sûrs qué tant d'hom-“
.mes , fans pain , vous laifferent tranquil-
» lement favourer les mets dont vous n'au-
".rez voulu diminuer ni le nombre ni la
» délicateffe ? Non , vous périrez , & dans
» ila conflagration univerſelle que vous ne
frémiffez pas d'allumer , la perte de
» ^ votre honneur ne fauvera pas une feule
❞ de vos déteftables jouiffances. Voilà où
"-nous marchons ... J'entends parler de
" patriotifme, d'invocation du patriotifme,"
d'élans du patriotifme. Ah ! ne proftituez
pas ces mots & de Patrie & de Patrio-"
» tifme. It eft donc bien magnanime l'ef-
>>- fort de donner une portion de fon revenu
و و
pour fauver tout ce qu'on poffede ! Eh !"
» Meffieurs , ce n'eft- là que de la fimple
› arithmétique , & celui qui hélitera he
» peut défarmer l'indignation que par le
mépris qu'infpirera fa ftupidité. Our ," 234
FRANGA IS.
و د
"
""
"
99
93 .
99
» Meffieurs , c'eft la prudence la plus ordinaire
, la fageffe la plus triviale , c'eft
l'intérêt le plus groffier que j'invoque.
Je ne vous dis plus comme autrefois .:
Donnerez-vous les premiers aux Nations
» le fpectacle d'un Peuple affemblé pour
» manquer à la foi publique ? Je ne vous
dis plus Eh ! quels titres avez-vous à
» la Liberté , quels moyens vous reſteront
pour la maintenir , fi dès votre premier
» pas vous furpaffez les turpitudes des
Gouvernemens les plus corrompus , fi
» le befoin de votre concours & de votre
farveillance n'eft pas le garant de votre
Conftitution? Je vous dis : Vous ferez
» tous entraînés dans la ruine univerfelle ;
» & les premiers intéreffés au facrifice que
le Gouvernement vous demande , c'eſt
» vous-mêmes. Votez donc ce fubfide ex-
>>traordinaire , & que puiffe-t-il être fuffifant
votez - le , parce que fi vous
avez des doutes fur les moyens , doutes
» vagues & non éclaircis , vous n'en avez
pas fur fa néceffité & fur notre impuiffance
à le remplacer : votez - le, parce
que les circonftances publiques ne fouf-
» frent aucun retard , & que vous feriez
≫comptables de tout délai. Gardez - vous
de demander du temps ; le malheur n'en
accorde pas . Eh ! Meffieurs , à propos
» d'une ridicule motion du Palais -Royal ,
d'une rifible infurrection qui n'eut jamais
a
j
3
MERCURE
yous
d'importance que dans les imaginations
faibles ou les deffeins pervers de quel-
" ques hommes de mauvaife foi
» avez entendu nagueres ces mots force-
» cés : Catilina eft aux portes , & l'on de-
» libere ! & certainement il n'y avait au-
» tour de nous ni Catilina , ni périls , ni
factions , ni Rome mais aujourd'hui la
» banqueroute , la hideufe banqueroute eft
19 là elle menace de confumer vous , vos
propriétés , votre honneur , & vous dé-
Jolibérez «<!
3
393
SLOY S
J
J
n
Non , l'on ne délibéra plus : des cris
d'enthoufiafine attefterent la victoire de
l'Orateur , & la France vit aufli dans fon
fein ces grands triomphes de l'Eloquence
publique, ces grandes feènes Nationales ,
qui , dans l'Histoire des Anciens , nous
femblaient des prodiges d'un autre monde ,
faits pour ne jamais appartenir au nôtre.
Ceux qui les ont étudiés ne retrouventils
pas ici le talent des Cicéron & des Démofthene,
mais plus particuliérement encore
la maniere de ce dernier ; cette accumulation
graduće de moyens, de preuves
& d'effets , cet art de s'infinuer d'abord
dans l'efprit des Auditeurs en captivant
l'attention , de la redoubler par des fufpenfions
ménagées , de la frapper par de
violentes fecouffes? Mirabeau procede ici
comme les grands Maîtres ; il fait briller
*
FRANCAIS.
d'abord la lumiere du raiſonnement ; il
fubjugue la penſée ; il fouille enfuite plus
avant , & va remuer les paffions fecretes
jufqu'au fond de l'ame, l'intérêt , la crainte,
Pefpérance , la honte , l'amour - propre' ; il
frappe par-tout ; & quand il fe fent enfim
le plus fort , voyez alors comme il parle
de haut , comme il domine , comme il mêle
l'ironie à l'indignation , comme en récapitulant
tous les motifs , il porte les derniers
coups ! C'eft ainfi que l'on mene les hommes
spar la parole ; c'eft
par des morceaux
de cette force ( & il en a beaucoup ) qu'il
à mérité le titre de Démofthene Français.
Il eu peu de temps pour l'acquérir &
pour en jouir : on peut dire que fon exifcence
éntiere a été renfermée dans l'efpace
de deux années ; mais ce peu de temps a
fuffi pour lui en affurer une immortelle.
ANNONCES ET NOTICES.
Ou
LES ETATS -GÉNÉRAUX DU PARNASSE ET DE
L'EUROPE , DE L'EGLISE , ET DE CYTHERE
des quatre Poëmes . Politiques , lus au Lycée du
Palais-Royal & fuivis de plufieurs autres Poèmes
; par Dorat - Cubieres. 1 Vol. in- 8° . Prix ,
4 liv. 10 f. A Paris , de l'Imprimerie de L. P...
Couret , rue Chriſtine , Nº . 2 ; & fe vend chez
MERCURE FRANÇAIS.
le même Libraire , chez Ganey , Libr. hu Palais-
Royal & bedere: Lib. rue St- Martin', à côté
194091 67 2 2 de la rue aux ours.
THORS I
100072
que
fur
On reviendra fur cet Ouvrage , aink
tes Rivaux au Cardinalat , du même Auteur.
not ent
HISTOIRE DES ILLUSTRES FRANÇAIS , fortis
zdu ci - devant Fiers - Etat ; dédiée à l'Affemblée
"Nationale ; avec un Difcours fur les avantages
& les abus de la Nobleffe héréditaire . 2 Volum .
in- 8° ; par M. Turpin. A Paris, chez Maradan
Libr. rue du Cimetiere St- André , No. 9 .
Le 1er. Volume contient les Vies de Paulin ,
Baron de la Garde ; de Michel de l'Hôpital ; de
Fabert ; de Dugnay - Trouin le II . celles de
Chevert , de Jean- Bart , de Jacques Pierre ; des
Flibuftiers de Ducaffe , de Mahé de la Bourdonnaye
.
CHANSON
TABLE.
Charade, En. Log.
2111
61 Collection
62 Annonces & Notices.
Jer.133
MERCURE
FRANÇAIS.
LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
SAMEDI 29 SEPTEMBRE 1792 .
PIECES FUGITIVES.
ÉPITRE
D'un Enfant de l'Amour à un Enfant de
l'Hymen.
toi , fils de l'Hymen , toi , dont le froid
accueil
Infulte à mon néant pour flatter ton orgueil :
Réponds ; d'un préjugé dois-je être la victime ?
Pourquoi yeux-tu me faire un crime
D'un vain caprice du haſard ?
Pour naître un mois plus tôt , ou quelques jours
plus tard ,
En ferait- on moins légitime ? ...
Qu'a-t-on befoin du facrement
Et du mauvais latin d'un Prêtre ?
Nº. 39. 29 Septembre 1792. E
85 MERCURE
Ne vaut- il pas mieux devoir l'être
Au tendre Amour , au fentiment,
Qu'à l'ennuyeux défoeuvrement
D'un époux qui , toujours en maître ,
Moitié grondeur , moitié dormant ,
Ebauche à peine un fot ,Lou pis endor peut -être ,
Ridicule avorton que n'eûf point fait l'Amant ?
Qu'un Enfant de l'Amour meferable préférable ?
De fes mille parens , la troupe infupportable
Ne gêne point fa liberté ;
Refpectable , il eft refpecte ;
Heft aimé , s'il eft aimable ,
Et n'appartient enfin qu'à la Société .
Sii , par quelques vertus , il mérite qu'on l'aiure
S'il obtient dans les Arts d'honorables lauriers ,
S'il rend fon nom fameux dans les champs des
Guerriers ;
Serait-ce donc un mal de fe créer foi -même ?
Les talens , les vertus , voilà les vrais aïeux .
"
Mais toi , réponds , feune Orgueilleux ; ál
Dérangeant out to feul Teternelle harmonie ,
Le Ciel t'aurait-il fait & plus ticlie ch génit ,
Et d'un limen plus pur que les autres humans
Avec tes écuffons , avec tes parchemins ,
Sais-tu , d'un bras plus sûr , repouffer un outrage ?
Aux jeux fanglans de Mars montrer plus de courage
?
FRANCAIS. 87
D'un vers plus doux, plus tendre enivrer la Beauté ;
A plus de bienfaifance , unir plus de droiture ?
Es-tu donc plus que moi l'enfant de la Nature ?
Parles : qui m'a déshérité ?
Et Dunois , & Vendôme , arbitres des batailles ,
Tant d'autres que la Gloire enfanta dans Verfailles ,
Et dont elle a payé les immortels travaux ;
Pour être des bâtards , font-ils moins des Héros ?
Tu parles de contrats ? Frédéric , ou Voltaire ,
Doivent-ils leur grand nom aux actes d'un Notare ?
Un Prêtre a-t-il donc fait l'ame du fier Caton :
Un Prêtre a-t-il donné le génie à Newton ?
Dans les ficcles paffés , dans le fiecle où nous
fommes ,
Les Prêtres , les contrats ont
hommes ?
-
ils fait 10 grands
Et vous nous dépouillez , & vos barbares Loix
Des fils d'un même pere ont féparé les droits !
Vous ofez , confommant cet injufte partage
En nous ôtant l'honneur , ravir notre héritage.
Imitez nos aïeux & leu: humanitét :
Leur coeur ignorait l'impofture ;
3.
Etrangers aux Beaux- Arts , groffiers fans culture
Sans doute ils étaient loin de votre urbanité ;
Mais du moins ils ouvraient leur aime à la Nature .
In pling ofou
a
Vois même l'Eſpagnol , Efelave du Clergé
Nul bâtard n'eft chez lui martyr du préjugé ;
E :
$$ MERCURE
Citoyen comme un autre , à tout il peut prétendre ;
Dans les Camps , aux Confeils , fa voix fe fait
entendre ,
Et malgré tout l'orgueil des Moines ignorans
Malgré ces fots Docteurs & ces dévots Tyraus ,
Ce Peuple à la raifon n'a point fait cette offenſe :
Senfible au cri da fang , & toujours généreux ,
Dans fon fils naturel il veut faire un heureux ,
Et rachete par -là fon éternelle enfance.
Pour choifir un époux , la timide Beauté
Doit- elle confulter le Pontife de Rome ?
Qu'elle écoute fon coeur , & non fa vanité ,
Hélas ! quand fur ce Globe on fe trouve jeté ,
Qu'importe qui nous fit ? ... En eft-on moins un
homme ?
Qu'importe Ah ! qu'ai-je dit ? ... , Pardonne en
ce moment ,
Ma mere , ô femme aimable ! & toi , fun digne
Amant,
Pardon ; je vous devines à ces furtives larmes ,
A ce trouble imprévu, ce trouble plein de charmes,
Qui veut découvrir tout , veut tout diffimuler ,
S'obferve , fe trahit , & dit tout fans parler.
Moi, le fruit de l'amour, de l'amour le plus tendre;
Moi , je ferais ingrat ! Oferait-on prétendre
Que je puffe oublier cette douce pitié ,
Ces foins, ces foins touchans que voile l'amitié ?
FRANCA I S. 89
N'avez-vous pas mêlé dans vos baifers de flamme ,
Votre fang à mon fang , & votre ame à mon ame ?
Ah ! vos noms dans ma bouche , ô couple heureux
d'Amaus !
Seront les derniers mots de mes derniers momens.
Mais toi, quelle eft ta mere ? En Efclave amenée ,
L'intérêt fut le Dieu de fon lâche hyménée :
Par un honteux trafic on a vendu fon coeur ;
De fes jeunes appas , l'or feul , l'er fut vainqueur.
Livrée à fon époux , ou plutôt à fon maître ,
Du cloître dans fes bras elle paffe en un jour ,
Se cachant fes ennuis & fa haine peut- être ;
Tranquille , elle a joui fans connaître l'amour :
Elle a joui : Lays fait- elle davantage ?
En proie à l'homme ardent , qu'à peine elle a pu
voir ,
Lays fait par befoin , ou par libertinage ,
Ce que ta chafte mere avait fait par
devoir.
dit-on , profpere :
Un Enfant de l'Amour en tout ,
C'eft quelque chofe au moins que le bonheur.
Mais toi , pourquoi du mien prendrais - tu de
l'humeur ?
Me répondrais- tu bien d'être fils de ton pere ?...
Je veux croire avec toi , qu'aux plus touchans
appas
Ta mere ait joint encore une pudeur extrême ;
E ;
90 MERCURE
Mais quand on s'abandonne à ceux qu'on n'aime
pas ,
Que peut-on refufer à l'homme que l'on aime ...
L'intérêt , l'intérêt a changé les parens ;
L'égoïfme aujourd'hui fuccede à l'égoïfnte ;
La Nature eft muette ; on met tout en fophifme ;
peres & les fils font durs , indifférens : Les
Ton pere eft un fardeau, je vois qu'il t'importune ;
Tu calcules les jours , tu comptes fa fortune ;
Tu lis dans l'avenir le moment d'hériter ;
Tu pefes jufqu'à l'or qu'un feul jour peut couter...
Tu t'irrites en vain : oui , j'ai lu dans ton ame ;
Tu fens la vérité : ton orgueil feul me blâme.
Je t'ai trop démafqué , je t'ai trop combattu ;
Eh bien , encore un mot , & prononce toi-même.
Tu dois avoir un fils : lequel préferes - tu ,
D'un ingrat légitime , ou d'un batard qui t'aime ?..
(Par C. J. B. L*** , de Rochemont. )
""
Explication de la Charade , de l'Enigme
duLogogriphe du Mercure précédent .
Le mot de la Charade eft Troupeau ; celui
de l'Enigme eft Bonnet ; & celui du Logogriphe
et Lecteur , où l'on trouve Ut , Ré,
Rue , Luc , Rêt.
FRANÇAIS
.
91
CHA R A D E.
A MI Lecteur , fi Dieu vous prête vie ,
Le temps vous rendra mon premier ;
Thémire s'embellit en faifant mon dernier
Et bien qu'oileau , je la défie
De plumer mon entier .
;
( Par M. Lagache fils , d'Amiens. )
EN I G M E.
Sous un air de douceur extrême
Je fuis hypocrite & fans foi :
Détruire tes voleurs & te voler toi -mêre ,
Voilà , Lecteur , tout mon emploi.
GRIPH E.
L-O
GOG
JE fuis avec fix pieds un objet effroyable s
Ote ma tête & mon accent
Lecteur , je deviens à l'inftant
Un objet agréable.
( Par M. Delo me l'aîné , de Lyon . ),
E 4
91 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
3
les
RECHERCHES
hiftoriques fur la connaiffance
que les Anciens avaient de l'Inde
& fur les progrès du commerce avec cette
partie du Monde , avant la découverte du
paffage par le Cap de Bonne-Efpérance ;
fuivies d'un Appendix contenant des obfervations
fur l'état civil , les Loix & les
formalités judiciaires , les Arts
Sciences & les Inftitutions
religieufes des
Indiens. 1 Vol. in- 8°. avec deux grandes
Cartes, gravées en taille - douce. Tralit
de l'Anglais de W. KOBERTSON, Docteur
en Théologie , Membre de la Société
Royale d'Edimbourg, Principal de l'Univerfité,
& Hiftoriographe de S M. B. pour
Ecoffe. A Paris , chez Buillon , Impr-
Libr. rue Haute - feuille , N° . 20. Prix ,
s liv. 10f. br. & 6 liv. 2f. franc de port
pour tous les Départemens.
CE Livre est également recominandable
par l'importance du fujet & par les talens
T
FRANÇAIS. 93
J
connus de l'Auteur. On fait que M. Robertfon
s'eft acquis une grande réputation
dans le genre de l'Hiftoire , où il a porté
beaucoup de connaiffances & de jugement.
C'eft fans contredit un des meilleurs Hiftoriens
de notre fiecle. Il excelle fur- tout
à raffembler des réfultats lumineux fur une
foule d'objets épars dans les Annales des
Nations , & confondus dans la nuit des
fiecles ces objets font précisément ceux
- qui font les plus propres à nous faire bien
connaître le génie , les moeurs & les progrès
des différens Peuples dans toutes les
époques. où nous pouvons les atteindre , &
ce font en même temps ceux qu'avaient
trop négligés la plupart des Hiftoriens
infatigables narrateurs de combats & de
conquêtes , & qui femblent avoir penfé
que les Nations n'exiftaient que dans les
Dynafties Royales. C'eft fous ce rapport
que M. Robertfon me paraît avoir poffédé
la vraie fcience de l'Hiftoire . Nul n'a mis
plus de méthode & de clarté dans des Recherches
auffi pénibles qu'utiles ; nul n'a
porté dans le dépouillement des Ecrivains
originaux , & dans la comparaifon des autorités
une critique plus éclairée en un
mot , nul ne remplit mieux le premier
-devoir de tout Ecrivain , qui eft d'inftruire.
Il écrit d'ailleurs avec cette fagelle tranquille
, qui eft plus près de la vérité que
de l'éloquence , mais qui convenait au buc
E s
94
MERCURE
qu'il fe propofait particuliérement dans fes
Ouvrages . On avouera que dans ce réfumé
rapide fur l'état des Peuples de l'Europe ,
depuis la chute de l'Empire Romain , qu'il
a mis à la tête de fon Hiftoire de Charles-
Quint , il y avait beaucoup plus à juger
& à réfléchir qu'à fe paffionner ; & ce réfumé
eft un morceau fini , qui n'avait de
modele ni chez les Anciens , ni chez les
Modernes. N
Le ftyle de Tite -Live aurait pu convenit
davantage à la Découverte de l'Amériqué
, & celui de Tacite à la rivalité de
Charles - Quint & de François Ier . Mais il
n'y a que les Critiques bornés qui veuillent
tour affujettir à un même modele ; c'eft
un travers de l'admiration aveugle . Il faut
admirer, fans doute , ces fameux Ecrivains
de l'Antiquité ; mais il faut permettre aux
1 Modernes d'avoir une maniere différente ,
pour arriver à un but différent . La haute
éloquence était très bien placée dans le
récit de ces grands événemens , & dans la
peinture de ces hommes rares , qui femblent
n'appartenir qu'à la majeſté des anciennes
Républiques . Il faut un autre efprit
& un autre ftyle pour répandre la
lumiere fur dix ou douze fiecles de barbarie
qui compofent notre Hiftoire moderne
jufqu'à Louis XIV , pour marquer
dans ces longues rénebres tout ce qui mérite
d'être connu , & il fallait pour y réuffir
FRANCAI S. 95
le caractere d'efprit & de ftyle de M. Robertfon.
Bo
Je ne lui reprocherai donc point de n'avoir
pas mis dans fa diction toute la magnificence
que pouvait comporter l'étonnante
conquête d'un Nouveau Monde ;
mais j'obferverar que la crainte de paraître,
en fa qualité de Proteftant , un juge trop
fevere de ces expéditions religieufes & guerrieres
, fouillées de tant de cruautés , l'a
fait tomber dans une efpece de partialité
toute contraire , qui le porte à trop affaiblir
les jultes reproches qu'ont élevés tous
les Ecrivains , & même ceux de l'Espagne,
alcontre la barbarie des Conquérans de l'Amérique.
La caufe de l'humanité devait
être défendue & vengée avec plus de vigueur
. Quant à la partie du Commerce.
elle eft fupérieurement traitée ; on y retrouve
M. Robertfon tout entier.
ر
Je ne crois pas non plus qu'il ait pefé
dans une balance bien exacte Charles - Quint
& François
Ieri
la tient
à peu près
égale entre ces deux Princes , dont l'un
était incontestablement très - fupérieur à
l'autre, fous tous les rapports du Gouvernement.
François n'était autre chofe qu'un
brave Soldat , & n'eut que le courage d'un
Aventurier , fans aucune des qualités d'an
Roi . Charles , quoiqu'il n'eûr, comme tous
les Defpotes , aucune morale , avait une
grande tête de Souverain & de Politique ,
E 6
-96
MERCURE
& connaiffait l'art de régner. On avait tou
jours reproché aux Auteurs Anglais trop
d'animofité contre la France ; M. Robertfon
eft peut - être le feul qui ait montré
trop de prédilection en fa faveurr ; mais
c'est au moins une partialité purement
d'opinion & très défintéreffée ; peut - être
même ne venait elle que d'une exceffive
crainte de paraître injefte : In vitium ducit
culpa fuga.
-
Il était loin de ces différens écueils dans
l'Ouvrage fur l'Inde que nous annonçons
ici. La nature du fujet & l'époque des recherches
l'éloignent de tout intérêt particulier
, & ne lui laiffent que celui de la
vérité , qui a été , pendant toute la vie ,
l'objet de fes études. Il était plus à portée
que perfonne de la découvrir : on fait que
les Anglais , poflefleurs de l'Inde , ont fu
l'étudier & l'examiner en Savans & en Philofophes
; c'eft aux Ecrivains de cette Nation
que nous devons les connaiſſances
les plus sûres concernant cette partie du
Monde , qui , de tout temps , a excité la
curiofité des hommes inftruits , en même
temps qu'elle allumait la cupidité des Nations.
L'efpace nous manque pour donner
ici une analyfe complette & détaillée du
Livre de M. Robertfon . Un Ouvrage fi
profond & fi fubftantiel mérite d'être étudié
à toutes les pages. L'Auteur s'occupe
principalement à chercher quelles étaient
FRANÇAIS. :97
les routes du commerce de l'Inde avec
l'Europe , avant que les progrès immenfes
de la navigation nous aient conduit dans
ces contrées par le vafte circuit que décrivit
Gama , en partant des bornes de l'Océan
Atlantique , pour paffer le long des
côtes de l'Afrique , par le Cap de Bonae-
Efpérance , dans la Mer du Sud, & remonter
dans l'Océan Indien. Ce nouveau
chemin ouvrit les Indes à tous les Peuples
navigateurs de notre Europe. Auparavant
elles ne communiquaient avec notre Occident
que par le Golfe Arábique & le Nil,
ce qui fit d'Alexandrie , fituée fur notre
Méditerranée , l'entrepôt de l'Orient & de
l'Occident , pendant tant de fiecles ; la richelle
de l'Egypte & la grandeur de Venife
, qui , attachée au commerce maritime
dès fon origine , allait , fous la protection
des Puiffances qui furent fucceflivement
maîtreffes de l'Egypte , chercher au port
d'Alexandrie & dans les Echelles du Le- `
vant les marchandifes de l'Inde , & en
fournillair toute l'Europe. Pour avoir une
idée de l'opulence où Venife s'éleva par
cette voie , il faut voir les juftes appréciations
de M. Robertfon.
1
» Dès l'inftant où le goût du commerce
commença à fe reproduire en Europe , les
Vénitiens eurent une très - grande part au
commerce de l'Orient . Cette part augmenta
de plus en plus , & pendant une grande
98
MERCURE
1
partie du 1 . 1. fiecle , on peut dire qu'ils
le faifaient prefque feuls. Ce monopole
eut les fuites qu'il ne manque jamais d'avoir
par-tour où il n'y a pas de concurrence ,
& où le Marchand peut faire la loi aux
acheteurs , & régler lui- même le prix des
marchandifes qu'il livre. Ses profits furent
exorbitans. On peut fe faire quelque idée
de leur étendue pendant plufieurs fiecles ,
en fuivant le taux de l'intérêt de l'argent.
C'eft-là fans contredit la regle la plus infaillible
à laquelle on puiffe s'attacher dans
l'eftimation du profit que rendent les principaux
fonds employés dans le commerce ;
car fuivant que l'intérêt de l'argent hauffe
ou baiffe , le gain refultant de fon ufage
doit néceffairement varier & devenir excelfif
ou moderé. Depuis la fin da 1º, fiecte,
jufqu'au commencement du 16. , période
pendant lequel les Italiens déployerent tout
leur génie pour le commerce , le taux de
l'intérêt fut extrêmement élevé. Il était
ordinairement de 20 pour cent , quelquefois
aut deffus ; & jufqu'à l'an 100 il
n'avait jamais été au deffous de id ou 412
pour cent dans aucun endroit de l'Europe.
Si les profits d'un commerce aufli étendu
que celui des Vénitiens répondaient à ce
haut prix de l'argent , il ne pouvait manquer
d'être pour eux une fource abondante
de richelles , auffi bien pour l'Etat que pour
les Particuliers : Les Hiftoriens de ce temps
FRANCAIS. £9
parlent donc de la fituation de Veniſe , au
période que nous avons fous les yeux , en
termes qui ne peuvent convenir à celle.
d'aucun autre pays de l'Europe. Les revenus
de la République & les tréfors amalfés
par les Particuliers , furpallaient tout
ce que l'on favait à cet égard des autres
pays. Dans la magnificence de leurs maifons
, la richeffe de leur ameublement , la
quantité de leur vaiffelle en or & én argent
, & dans tout ce qui pouvait contribuer
à l'élégance ou à l'éclat dans leur
maniere de vivre , les Nobles de Venife
effaçaient le luxe des plus grands Monarques
au delà des Alpes ; & toute cette
pompe n'était point l'effet d'une prodigalité
aufli vaine qu'inconfidérée , c'était la
fuite naturelle d'une heureuſe induſtrie
qui , après avoir accumulé les richeffes
avec facilité , avait le droit d'en jouir avec
éclat .
Faut - il s'étonner fi Venife traverfa de
toutes fes forces l'Etabliffement des Portugais
dans l'Inde , après le paffage de Gama ?
Cette Puiffance , élevée par un commerce
exclufif des marchandifes de l'Inde , les
Vénitiens la voyaient tomber , fi d'autres
Nations allaient chercher ces mêmes marchandifes
dans l'Inde même ; & c'eft ce
qui arriva , malgré les efforts de Venife ,
qui alla jufqu'à fournir tous les fecours
poffibles au Soudan d'Egypte & au Grand100
MERCURE
Seigneur , pour chaffer les Portugais des
mers de l'Inde. Quand on voit un pays
d'obédience comme Venife s'unir à des Infideles
contre des Chrétiens foumis comme
elle au Pape , on peut penfer ce qu'eft au
fend la Religion des Puillances , miſe en
balance avec l'intérêt .
L'Auteur , qui veut toujours fe rendre
compte de tout , explique par des raifons.
très-vraisemblables , & dont il faut voir le
détail dans fon Ouvrage , pourquoi les
divers dominateurs de l'Afie laifferent fi
long- temps l'Egypte , toujours foumife &
même élclave , en poffeflion de ce riche
commerce des Indes ; pourquoi les Perfer,
entre autres , ne firent jamais ce commerce
que par terre , avec beaucoup de difficultés
& d'inconvéniens , quoiqu'ils euffent
une voie de communication fi sûre & fi
commicde par le Golfe Perfique dans l'Océan
Indien . Il'obferve très - judicieuſement
que peu de temps après le paffage du Cap
de Bonne - Efperance , Solyman , le plus
éclairé des Empereurs Turcs , maître de
l'Egypte par la conquête de fon prédéceffeur
Selim , & fentant combien il était important
pour lui de concentrer fur la Mer
Rouge & le Nil tous les débouchés du
commerce des Indes , envoya une puillante
flotte pour détruire les Etabliflemens Portugais.
Elle fut battue , & Solyman , qccupé
d'autres guerres , ne put fuivre ce
FRANÇA I S.
101
projet. Mais quelle eût donc été , comme
le remarque fort bien M. Robertfon , la
prépondérance de cette Maifon Ottomane,
aujourd'hui fi humiliée , fi elle eût pu joindre
à fes forces militaires , qui alors faifaient
trembler l'Europe , l'avantage incalculable
de pofféder exclufivement les tréfors
de l'Inde par le commerce d'Alexandrie
! C'eft à quoi mit obftacle fort heureufement
pour nous la mémorable découverte
de Gama , qui , en traçant le chemin
des Indes à travers l'étendue de l'Océan ,
rendit bientôt ce chemin familier à tous les
Européens , & réduifit à fort peu de chofe
l'entrepôt autrefois fi fameux du port d'Alexandrie.
"
On a fouvent dit que l'Europe s'appauvriffait
en exportant fon or dans l'Inde..
M. Robertfon combat certe opinion : voici
fes raifons. Cette erreur n'eft venue que
du peu d'attention que l'on a fait à la nature
& à l'ufage des métaux précieux . On
doit les envifager fous deux points de vue
différens , ou comme des fignes que toutes
les Nations civilifées font convenues d'employer
pour apprécier ou pour repréſenter
la valeur & du travail & des autres marchandifes
, & par ce moyen faciliter l'achat
du premier & le tranfport des autres , des
mains d'un propriétaire dans celles d'un
autre ; où l'on peut confidérer l'or & l'argent
comme étant en eux-mêmes des mar102
MERCURE
chandifes ou des objets de commerce que
l'on ne peut acquérir que par des objets
équivalens. C'eft fous ce point de vue que
Pon devrait envifager l'exportation des métaux
précieux en Orient ; car , comme la
Nation qui les exporte ne peut les obtenir
que par le produit de fon propre travail &
de fon induftrie , ce commerce doit , quo
que non pas d'une maniere auffi précife &
auffi directe que celui d'Amérique , contribuer
à augmenter l'induftrie générale &
l'opulence de l'Europe . Si pour prix des
rixdales néceffaires au maintien de fon conimerce
avec l'Inde , l'Angleterre eft obligée
de donner une certaine quantité de fes
étoffes de drap, ou de coton , ou de fa quincaillerie
; alors les bras d'un plus grand
nombre d'ouvriers font mis en mouvement ,
& il s'exécute une portion d'ouvrage qui,
fans ce commerce , n'aurait pas lieu . La
Nation recueille tout le bénéfice qui vient
de l'augmentation de l'induftrie. Avec l'or
& l'argent que les manufactures ont acheté
dans l'Occident , elle peut fe montrer dans
les marchés de l'Orient , & Fexportation
tant redoutée de ces métaux dans l'Inde ,
eft ce qui enrichit le Royaume au lieu de
l'appauvrir
Il nous apprend auffi comment on apprit
dans notre Occident à manufacturer
la foie & à élever l'infecte travailleur qui
la produit. On fait que les Chinois étaient
FRANÇAIS. 105
»
Don
originairement & furent pendant long
temps les feuls dépofitaires de cette ſcience .
Conftantinople même fous les Empereurs
Grecs , malgré la magnificence & les Arts,
était obligée de tirer la foie des Perfes ,
qui la recevaient des Indiens & des Chinois.
Juftinien , défirant feulement
de s'affurer une provifion fuffifante d'une
marchandife dont l'ufage était devenu indifpenfable
, mais encore jaloux d'affranchir
le commerce de fes fujets des exactions
de fes ennemis , s'efforça , par le
moyen de fon allié , le Roi Chrétien d'Abyllinie
, d'enlever aux Perfes une partie
du commerce de la foie. Il ne réuffit pas
dans cette entreprife ; mais au moment où
il s'y attendait le moins , un événemesit
imprévu lui procura , jufqu'à un certain
point , la fatisfaction qu'il défirait. Deux
Moines Perfes ayant été employés en qualité
de Miffionnaires dans quelques - unes
des Eglifes Chrétiennes , qui , comme nous
le. di Cofmus , étaient établies en différens
endroits de l'Inde , s'étaient ouvert
un chemin dans le pays des Seres ou la
Chine. Là , ils obferverent les travaux du
ver à foie , & s'inftruifirent de tous les
procédés par lefquels on parvenait à faire
de fes productions cette quantité d'étoffes
dont on admirait l'élégance. La perfpective
du gain , ou peut-être une fainte indignation
de voir des Nations Infideles feules
104 MERCURE
en poffeffion d'une branche de commerce fi
lucrative , leur fit prendre fur le champ la
route de Conftantinople. Là , ils expliquerent
à l'Empereur l'origine de la foie &
les différentes manieres de la manufacturer,
myfteres jufqu'alors inconnus , ou dont on
n'avait qu'une idée très- imparfaire én Europe.
Encouragés par fes proineffes libérales
, ils s'engagerent d'apporter dans la
Capitale un nombre fuffifant de ces étonnans
infectes , aux travaux defquels l'homme
eft fi redevable. En conféquence , ils
remplirent de leurs oeufs des cannes creufées
en dedans ; on les fit éclore , dans lá
chaleur d'un fumier ; on les nourrit des
feuilles d'un mûrier fauvage , & ils maltiplierent
, & ils travaillerent comme dans
les climats où ils avaient attiré pour
la premiere fois l'attention & les foins de
l'homme. On éleva bientôt un grand nombre
de ces infectes dans les différentes parties
de la Grece , & fur-tout dans le Péloponnefe.
Dans la fuite , & avec le même
fuccès , la Sicile effaya d'élever des vers à
foie , & fut imitée , de loin en loin , par
différentes villes d'Italie . Il s'établit dans
tous ces endroits des manufactures confidérables
, dont les ouvrages fe faifaient
avec la nouvelle foie du pays . On ne tira
plus de l'Orient la même quantité de foie ;
on conçoit que les Sujets des Empereurs
Grecs ne furent plus obligés d'avoir reFRANÇAIS.
105
cours aux Perfes pour leur provifion , & il
fe fit un changement confidérable dans la
nature des rapports commerciaux de l'Europe
& de l'Inde ".
Indépendamment de ces rapports que
l'Auteur confidere fur-tout dans les temps
antérieurs au paffage du Cap , on rencontre
dans fon Ouvrage une foule de détails
favamment approfondis fur l'ancienne Géographie
des Indes , comparée aux Cartes
modernes , fur la route d'Alexandre dans
ces contrées , fur la Religion & la Philofophie
des Brames fur les Arts , les
Moeurs & la Poéfie des Indiens ; fur les
Auteurs qui en ont parlé , &c. L'Auteur
répand la lumiere fur tous ces objets intére
fans , & montre un jugement exquis
dans toutes les queftions où la diftance des
temps & des lieux oblige la raifon de s'en
tenir aux conjectures.
La traduction de cet excellent Ouvrage
eft fans doute un fervice rendu aux Lettres ;
mais elle aurait pu être beaucoup plus
foignée du côté de la drtion , qui eſt en
général négligée , incorrecte , & qui offre
même des fautes de Grammaire inexcufables
, comme des Autels coloffales , des
milles Anglaifes. Ces deux mots font du
mafculin. Les fautes d'impreffion fréquentes
& graves , fur-tout dans des fujets où
un mot mis pour un autre change tout , &
ne peut être fuppléé que par le Lecteur
TOG MERCURE
favant , ajouterit encore aux défectuofités.
de cette Traduction . Il ferait à fouhaiter
que dans une nouvelle édition d'un Ouvrage
de ce mérite , toutes ces imperfections
difparullent , & que la correction du
ftyle & l'exactitude typographique rendiffent
la verfion digne en tout de l'original.
ANNONCES ET NOTICES,
ON mettra en vente , Lundi 1er . Octobre ,
Hôtel de Thou , rue des Poitevins , No. 18 , la
51. Livraifon de L'ENCYCLOPEDIE , par ordre
de Matieres.
Cette Livraiſon eft compafée de la douzieme
Partie des Planches d'Hiftoire Naturelle (Infectes );
par M. Bonnaterre ; du Tomé VI , 2. Partie de
l'Hiftoire Naturelle ( Infeftes ) , par M. Olivier ;
du Tome II , 2º . Partie , ( Agriculture) , par MM.
Thouin , Teffier & Fougeroux ; & du Dictionnaire
des Amuſemens & Sciences Mathématiques
& Phyfiques , avec Figures.
Le prix de cette Livraiſon eft de 41 liv. en
feuilles , & de 42 liv . 10 f. brochée.
Le Dictionnaire des Amufemens & Sciences
Physiques & Mathématiques , fe vend féparément
, en feuilles , 28 liv. 15 f. avec les Planches
, & 30 liv . s f. broché.
FRANG AND S4 107
LE FÉDÉRALISTE , OU Collection de quelqués
Ecrits en faveur de la Conftitution , propoffe
aux Etats- Unis de l'Amérique par la Convention
convoquée en 1787 ; publiés dans les Etats- Unis
par MM. Hamilton , Madiffon & Gay ; Citoyens.
de l'Etat de New -Yorck 2 Vol. in- 8° . de plus
de 900 pages. Prix , 9 liv . br. & 10 - liv. francs
de port. A Paris , chez Buiffon , impr- Libr. rue
Haute- feuille , Nº . 20. On en a tiré quelques
Exemplaires fur papier fin vélin, 13 liv. broch.
& 14 liv . francs de port.
> 1. FRAGMENS DE POLITIQUE ET D'HISTOIRE
par L... S ... Mercier , Auteur de l'An 2440 , &
L'éputé à la Convention Nationale . 3 Vol . in - 8 ° .
formant 1200 pages , imprimés fur caracteres de
Didor. Prix , 12 liv. br. & 13 liv. 10 f. francs de
port. A Paris , chez Buiffon , Lib . rue Hautefeuille
, No. 20.
-1.3 59 33 ༢ ༠༣ རྩ
DROITS DE L'HOMME , 2 ° . Partie , réuniffant
les principes & la pratique ; par Thom . Payne ,
Secrétaire du Congrès pour le Département des
Affaires Etrangeres , pendant la guerre d'Amésique
& Auteur de l'Ouvrage intitulé le Sens
comman traduit de l'Anglais far la 3. édition;
ງ
:
108 MERCURE FRANÇAIS.
in - 8 ° . Prix , 2 liv. br. & 2 liv. 10 f. franc de
port par la Pofte . A Paris , chez Buiſſon , Imp-
Libr, rue Haute- feuille , No. 20 ; & Tétu , Imp-
Lib . même rue , Nº . 14.
ESSAI SUR LA LÉGISLATION CIVILE , dédié à
la premiere Législature ; par un Patriote de Tours.
Brochure. A Paris , chez Quenette , Libraire &
Commiffionnaire pour les Départemens , rue de
La Harpe , No. 172.
A VIS.
JOURNAL DE PARIS. Ce Journal , qui n'a
rien de commun avec l'ancien Journal de Paris ,
entrepris fous les aufpiees de la Liberté & de"
l'Égalité , a commencé à paraître le to de ce
mois.
On foufcrit à Paris , au Bureau général , rue
de Seine , Fauxbourg St - Germain , No. 1405 ,
moyennant 3 liv. par mois , & 9 liv. par trimeſtre
pour Paris , & 3 liv. 10 fous & 10 liv.
10 f. pour les Départemens.
TABL E.
PITRE
85 Recherches Riftoriques. 92
Charade, Enig. Log. 91 Notices. FO6
JOURNAL
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE,
FRANCE.
De Paris , le 3 Septembre 1792
J1 1 2
L
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du mercredi , 22 août.
11 25 2
E miniftre des affaires étrangères adreffe à
l'Affemblée une lettre de l'Ambaſſadeur de Venile
qui fe plaint d'avoir été arrêté à la barrière , avec
un paffe port de ce miniftre , & ramené dans la
ville à la maifon commune , il demande la liberté
de fortir du royaume . L'Affemblée charge fon
2 comité diplomatique de lui faire un prompt rap-
"port fur la demande de l'ambaffadeur de Ve
nife .
C
11.
La difcuffion s'ouvre fur un rapport du comité
dés finances tendant à ce qu'il n'y ait pas lieu à
No. 36. 8 Septembre 1792. A
2
délibérer fur la propofition faite par MM. Lacroix
& Lejofne d'alujettir au droit d'enregistrement , à
chaque mutation , les effets au porteut..
M. Lacroix prend la parole & retrace rapidmeat
les meilleures,raifons qu'il avoit données
dans le préambule de la propofition. Dans un pays
libre toutes les propriétés doivent également être
affujetties à l'impôt . En excepter les effets au porteur
, ce feroit reconnoître encore des propriétés
privilégiées. On objecte le rallentillement de
leur clculation mais fi la mutation de ces effis
devient plus lente , l'agiotage fera plus lent auffi ,
& c'eft un grand bien que de parvenir à mettre un
frein à la cupidité des agroteurs . Le crédit des aflignats
fe fortifiera de la néceffité où feront les
capitaliftes d'y courir cofia ce n'eft poist
manquer aut obligations contractées par le gorvernement
envers les porteurs des effets publics .
Tant qu'ils conferyeront leurs effets en portefeuille
, ils ne paieront pas d'impôts ni fur le
capital , ni furles intérêts ; mais fi ces effets fortent
de leurs mains , alors il faut que les acquéreurs
paient le droit d'enregistrement comme cela fe
pratique dans toutes les autres tranfmiffions de
A propriétés qubits no putnim a
L'Alfemblée décrète , en principe , que tous les
effets au porteur feront foumis au droit, d'euregiftrement
à chaque mutation , & renvoie au
comité , pour préfenter le mode d'exécution.
Le Confeil général des Ardennes écrit pour
témoigner fon regret de tout ce qui s'eft paffé dans
< département ! Sur la motion de M, Richard ,
l'aflemblée pafle à l'ordre du jour. alia
Oulit une lettre du minifte des affaires étranégères
, qui annonce que M. Lally - Tolendal vient
de lui adrefler une réclamations dont objet eft
( 3 )
d'obtenir un paffe port pour aller en Angleterre .
Anglois d'origine , M. Lally demande ce palleport
comme étranger ; mais pour qu'on ne puiffe
pas lui oppofer fa préfence comme Frar çois dans
Je cops conftituant , il joint à fa réclamation un
acte de naturalifation en Angleterre , un paffeport
qu'il a reçu de l'ambafladeur en qualité de
gentilhomme anglois ; & e fin , une expofition dis
motifs qui l'ont determiné à al jarer le titre de
citoyen françois. , ว
L'A També renvoie cet e réclamation & les
pièces au comité de farve l'ance...
D'après la demande de la commiffion extradrdiaire
, & confidérant la néceflité de placer auprès
du juré d'accufation du nouveau tribunal
ciminel de Paris , un commiffaire , pour l'obfervation
de la régularité des formes , Allenblée
rend , avec l'urgence , le décret fuivant :
•
« L'Affemb'ée nationale confidérant que la loi
du 27 ſeptembre 1791 , fur les jurés , exige que
les actes d'accufation à préfenter au juré d'accufation
, enfemble les pièces relatives aux divers
déits , feront communiqués aux ci - devant.commiſſaires
du Roi ; »
« Décrète qu'il fera nommé , par le confeil
exécut f , un commiffaire national , lequel tempiira
, par rapport au juré d'accufation du tibunal
criminel établi par la loi du 17 debce
mois , les mêmes fonctions que celles qui étoient
attribuées aux ci -devant commiffaires du Roi
près les tribunaux, de diftrict . »
Du mercredi , féance du foir.
2
Sur le rapport de M. Queflin , au nom du comé
colonial , l'Allemblée décrète que les cojehics
Françoiles feront invitées à concourir à la
A 2
( 4)
formation de la convention nationa'e . En conféquence
, la partie Françoife de Saint - Domin
gue nommera 18 députés répartis entre les trois
provinces , d'après les trois bafes de la population
, du territoire & des contributions ; la Guadeloupe
nommera quatre députés ; la Martinique
, trois ; Sainte-Lucie , un ; Tabago , un ; la
Guyane- Françoife , un ; l'Ifle - Bourbon , deux ;
In - de-France , deux ; les établiſſemens au delà
du Cap-de - Bonne - Efpérance , deux . Tous les
citoyens libres , de quelque état & de quelque
couleur qu'ils foient , concourront à cette nomination
, à l'exception de ceux qui font dans
l'état de domefticité .
M. Albite demande que le comité colonial
préfente un mode pour la vente des biens pcffédés
dans les colonies par les émigrés . L'Affemblée
renvoie au comité.
M. Duffaulx demande la parole pour une
motion d'ordre. « Les monumens du defpotifme
tombent dans tout le royaume ; mais il faut
épargner & conferver les monumens précieux
pour les arts . Je fuis inftruit que la porte Sr.
Denis eft menacée ; que le parc de Verſailles...
( une voix qu'on le laboure ) Oui , qu'on le
laboure ; mais qu'on refpecte les arts... Les arts
appartiennent à la philofophie.... Pour moi qui
les adore , je demande grace pour leurs chefsd'oeuvres
. Je donnerai , fi l'on veut , la clef de
mon cabinet ; on n'y trouvera pas la figure
d'un Roi. » M. Cambon répond que le peuple
ne veut plus de royauté , qu'il faut en rendre
le retour impoffible. Il demande un rapport ſur
les moyens de former un muféum , qui , détruifant
l'idée de la royauté , confervera les chefsd'oeuvres
des arts. M. Brouffonnet obſerve que
( , )
les commiflaires font a lés déjà faire l'inventaire
des monumens du parc & des jardins de Verfailles
, & qu'ils vont s'occuper des moyens de
ferrer tous les chefs - d'oeuvres . « Eh , ferreront- ils:
acffi la porte St. Denis ! s'écrie M. Duffaux. »ɔ-
M. Charlier demande qu'aux emblêmes & aux
biérogliphes dont ce monument eft furchargé
on fubftitue la déclaration des droits de l'homme.
Cette propofition eft adoptée .
Plufieurs chevaliers de St. Louis viennent dépofer
leurs croix , en facrifice à l'égalité . M.
Deferos- d'Eftrées fait don de fon cordon rouge:
avec la croix pour le foulagement des veuves
& orphelins des citoyens morts à la journée
du 10 .
Du jeudi , 23 août ..
On lit une lettre des commiffaires à l'armée
du Midi . I's rendent compte de leur arrivée au
camp de Seyffieux . Accompagnés de M. Montef
quiou & de fon état - major , ils ont fait réunir
l'armée en deux divifion . A chaque fection
ils ont fait lecture du récit des évènemens du
10 & des décrets qui en ont été la ſuite . A l'inſtant
un cri unanime s'eft fait entendre : Vive la
nation , vive la liberté , vive l'égalité !
Le miniftre de la le maguerre
annonce que
réchal Luckner s'étant rendu fufpect par des propos
inciviques tenus , foit à table , foit en préfence
de l'armée , le confeil exécutif à cru devoir
le fufpendre provifoitemert ,, & le remplacer par
le général Kellermann . U a fait part en même
temps de la deftitution de M. Dillon. ( Des renfeignemens
poftérieurs ont fait changer ces réſolutions.
)
Le miniftre des affaires étrangères rend compta
A 3
( 6 )
des difpofitions des puiffances , à l'égard de la
France . La Suède témoigne ouvertement le defir
de rétablir fes relations avec nous . Le Dinnemarck
garde une neutralité parfaite . La Ruffie
n'a jamais dillimulé fes intentions malveillantes ,
& notre ambaffadeur a reçu l'ordre de quitter
inceffamment cette cour Quant à l'empire
d'Allemagne , il ne s'eft pas encore déclaré
contre nous. Il faut en excepter cependant les
trois électeurs eccléfiaftiques , & les landgravesde
Heffe Caffel & Heffe - d'Armstadt , avec qui
nous fommes dans le cas d'hoftillités imminentes.
-
Le miniftre Britannique a rappellé fon Ambaffadeur
, & il motive ce rappel fur la fufpenfion
du chef du pouvoir exécutif. Il déclare cependant
vouloir conferver la neutralité.
Convaincu que la juftice doit être la compagne
de l'économie , l'Affmblée , für le rapport
de M. Lafond , a augmenté provifoire-,
ment d'un dixième , les falaires des maîtres entretenus
& ouvriers des ports . Le payement s'en
fera chaque mois , moitié en efpèces & moitié
en aflignats . Les ouvriers malades qui feront
traités chez eux à leurs frais , conferveront leur
journée entière , & ceux qui feront traités à
Thôpital , n'auront que la demi - journée . Le
refte du décret fixe li manière dont feront payés
les dépenfes d'armemens , levées , avances aux
équipages & frais de défarmemens .
Les principes de patriotisme étant devenus la
fource des vexations continuelles des cfficiers
envers les foldats , l'Affemblée a cru devoir
prendre en confidération le fort de ces derniers
, en décrécant :
1 °. Que tous procès inftruits , tous jugemens
rendus contre des militaires , Lous pretexte de
( 7 )
manque à la difcipline , de défobéiffance , de
menaces par paroles du par geftès contre leurs
fupérieurs , depuis le 15 feptembre 1791 , font :
anoullés. 101
ནཏྭཱ 68
2ke 29.5 Que le pouvoir exécutif donnera des
ordres pour que lesdits militaires qui font actuellement
détenus , foit dans les prifons , foit dans des
places fortes , foient fur le champ mis en liberté
* ?
Du jeudi , féance du foir.
La juftice & l'humanité faifant un devoir de
ve ir au fecours des citoyens , attachés à la
meifon du Boi; & qui fe trouvent dépourvus de
toutes reffources , M. Baignoux propofe & l'Affemblée
adopte un décret dont les principales
difpofitionsifontul trop Secret
1 ° . Que tous penfionnaires pour caufe de
domefticité , qui ne ferant point en titre d'office
dans la maison de Louis XVI , & dont le traitament
n'excédera pas too hy , feront payés annuellement
dans la proportion de cette fomme ,
en préfentant Hour. brevet de penfion ' ou leur
certificat de fervice , vifé de la municipalité.
3
? 28. Que lesdits domestiques ou penfionniizes
pour caufe de domeſticité , & ayant 201
années de fervice révolues , recevront 400 liv .;
enfin ceux dont le fervice fera au- deffous de tol
a nées , recevront feulement 200 liv. , le tout
dans la proportion du temps qui s'écoulera jufqu'à í
ce que la convention nationale ait ftatué définitivement
far left fort . »ככ
3 ° . Ne feront admis au fecours provifoire
décrété par l'avis ci- deffus , que ceux qui prouveront
avoir réfidé habituellement en France
depuis l'époque de 14 juillet 1789 , & qui juftifieront
du paiement de leurs contributions pa-
3
APA4
8 )
triotiques , foncière & mobilière , ainfi que de
leur infcription au registre de la garde nationale. »
Sur la propofition de M. Lacroix , le mode ,
de déportation des prêtres infermentés eft mis
à l'ordre du jour . M. Benoifion, préfente un
projet de décret, La difcuffion s'ouvre, fur le
premier article ainfi conçu :
·
ce Tous les eccléfiaftiques non affermentés
c'est- à- dire , ceux qui , affujettis au ferment
prefcrit par la loi du 26 décembre 1790 , ne
l'auroient pas prêté , ou qui l'auroient rétracté.
fans l'avoir prêté depuis , feront tenus de fortir
hors du royaume , dans le délai de quinze jours
après la publication du préfent décreto »
Un membre propofe qu'il leur foit accordé
quinze jours pour leurs préparatifs sun autie
ne leur en accorde que trois. M. Cambon demande
qu'ils foient déportés à la Guyane Frans
çoile. M. Fauchet propofe les illes de Rhé &
d'Oléron .
MM. Brouffonnet , Reboul , Lafource Ver-,
gniaud & Léonard Robin , s'opposent à des
mcfures que l'humanité défavoue , Nous avons
le droit d'expulfer de la France des hommes qui
ne veulent point être citoyens , & non celui de
leur preferire où ils doivent porter leurs pas .
C'est une grande mefure de politique , & malheureufement
dans ces mefures , il fe neie toujours
des injuftices individuelles ; mais il ne faut
pas à ces injuftices inévitables , joindre des bar
baries & des atrocité .
La difcuffion eft fermée , & le premier article
décrété .
L'Affemblée entend à fa barre l'interrogatoire
de M. Montmorin , gouverneur de Fon-..
tainebleau arrêté & amené pour répondre fur
( و )
Paccufation relative à une note qui lui eft at
tribuée & qui a été trouvée dans un des appar
temens du château des Tuileries . Ses réponſes
font fpécieuſes. Le tribunal criminel , chargé de
cette affaire , examinera fa conduite & le jugera
.
Une députation de la commune , accompagnée:
de quelques fédérés , eft introduite à la barre..
Ele demande que les prifonniers d'Orléans
foient transférés à Paris. Elle veut une vengeance
prompte , & menace de l'infurrection du.
peuple.
La France entière , répond M. le préfi
dent , a les yeux fixés fur l'Affemblée nationale
. Aucune fection de l'empire ne peut lui reprocher
de mal employer fon temps ; il eft mi
nuit , la féance n'eft pas levée. Les menaces ne
produiront fer elle d'autre effet que de la réfgner
à mourir à fon pofte. Ce n'eft pas à nous:
qu'il appartient de changer la conſtitution ; c'eſtà
la convention nationale que nous avons ap--
pelée . Vous lui préfenterez vos pétitions ; elle
feule pourra changer l'organifation de la haute
cour nationale . Nous avons fait notre devoir.
Si notre mort eft, une dière preuve néceſſaire
pour l'en perfuader , le peuple , de l'effervefcence
duquel vous nous menacez , peut difpofer
de notre vie. Les députés qui n'ont pas
craint la mort , quand les fatellites & les fup-
Fôts du defpotifine menaçoient le peuple , qui
ont partagé avec vous tous les dangers qu'il a
com us , fauront mourir à leur poffe pour la li
berté & l'égalité. Interp: ête des fentimens de ›
Affemblée , je vous les ai fait connoître ; vous
pouvez les rapporter à vos commettans. »
L'Affemblée paffe à l'ordre du jour , & dés
A. S
( 10 )
crète que la réponse de M. le préfident , fera
confignée au procès - verbal. La féance eſt fufpendue.
Du vendredi , 24 août .
On fait lecture des adreffes d'adhésion envoyées
par les villes de Dôle , de Chaumont , de Jogny
& d'Autun . M. Hugaut dépole fur le bureau la
croix de St. Louis qu'il a gagnée par 35 ans de
fervice & par 14 campagnes.
Une lettre des adminiftrateurs du département
de la Meufe annonce que la ville de Longwy eft
bloquée par les Pruffiens . Montmédy le voit menacé.
Un membre propofe que les adminiftrateurs.
de cette ville foient autorfés à transporter dans .
un autre lieu leurs féances. L'Aflemblée paſſe à
l'ordre du jour . Les canonniers de Paris demandent
à partir fur- le -champ pour Longwy avec la
moitié de leurs canons . Des gardes nationaux , des
fédérés font la même demande . L'Affemblée applaudit
& renvoie à la commiffion extraordinaire .
On décrète que les foldats de la nouvelle gendarmerie
nationale feront payés dès le moment de
leur infcription , & que le pouvoir exécutif pourra
nommeraux diverfes places militaires tous ceux qu'il
jugera capables de les remplir.
On avoit ftatué que les effets publics payables
au porteur , feroient affujettis à un droit d'enregiftrement
à chaque mutation. M. Baignoux en
préfente le mode d'exécution qui eft adopté ainfi
quil fuit ::
Art. I. Tous les propriétaiues & porteurs
d'effets publics au porteur , tels que billets ou
coupons proverans des différens emprunts , ac- :
tions de l'ancienne & nouvelle compagnie des
Indes ou de toutes autres compagnies , & généra-
>
I
fement de tous les effets publics qui le négocient ,
feront tenus , dans le délai d'un mois après la
publication du prélent décret, de les faire enre
giftrer & vifer par les receveurs du droit d'enreguirement
, qui ouvriront un regiftre à cet effer ,
ferent mentibų , tant fur ledit registre que für
les effites publics , da non & du domicile des por
qeuda up mounIE
sinal Levha &T'enregistrement feront faits fans
fpais 304 é sblmublic ) ist .
HI. Tous les effets publics au porteurqui n'au.
ront pas été vilés dans le délaifixé par l'art . I , font
décates de hule valeur? » mon mà
! Aucun effet au porteur ne pourra être
cédé , ni tranfporté , fans un endoflement au
proficdunouveau propriétaire , lequel endollement
fera enregistré par les receveurs au droit d'enre
giftrement, & affujettis au droit de muration de
15. f. pour cent liv . , ainfi que les obligations mo
buières conformément à la troifième lection de la
première daffe du tatif annexé au décret du s‹fep
tembre 1790. *
&& V.1b diexpreffément défendu à toutes
perlonnes & inotamment à tous courriers & agens
de charge, de fairs aucune négociation , vente ou
achats d'aldits effets , d'en prendre , fecevoir ou
donner en paiement , s'ils ne font revêtus de la
formalité de l'enregistrement , à peine de nullité
des traités & d'une amende égale au montant des
offers au po teur , tant contre celui qui les aura
donné que contre celui qui les dura reçus.
૧૯
}
c. VI . Pour éviter les fraudes qui pourroient
fe commettre dans les tan parts des effets publics
au porteat,stoutes procurations qui ferofit don ees
à l'effet d'en recevoir le montant ou d'en faire la'
ceffion , contiendront le nom du " mandataire
A 6
( 12 )
peine de nullité ; & dans le cas ou ladite procuration
"Eeroit donnée à l'effet de recevoir le remboursement
d'effets au porteur, el'e fera réputée traulport &
comme telle fujette au droit fixé par l'art. IV.
VI. Toute perfonne qui fe trouveroit
nantie d'un ou plufieurs effets, publics au porteur
, & qui n'en feroit pas propriétaire dis
recte , foit en vertu de la déclaration qu'elle en
auroit faite , foit en vertu de l'endollement preferit
par l'article IV , fera condamnée à une amende
égale à la valeur des billets faifis & à la perte dudit
billet. »
M. Lavigne , au nom du comité des affignats
& monnoies , propofe & l'Affemblée adopte le
décret fuivant :
ce L'Affemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , décrète :
Art. I. Les 3.00 millions d'affignats - coupures
actuellement en fabrication feront affectés ; favoir ,
100 milions pour le fervice de la tréforesie natio-
Dale ; & les 200 millions reftans pour les échanges
dans les 83 départemens . »
O..
לכ
« II. Les verfemens & envois feror: faits à
huit époques fucceffives & en huit divifions , chacune
de 3.7% millions foo mille livres , dont la
tiers fera appliqué à la tréfor.ric nationale , & less
deux tiers aux 83 départemens il ne pourra
fous quelque prétexte que ce foit , être fait aucunt
verfement ni envoi que dans la proportion cideffus
fixée , & lorsqu'il le trouvera entièrement ›
fabriqué une femme de 37 millions soo milles
livres. »
«
3כ
III. La réparation des 100 millions pour les?
départemens , fera faite fur la base de la repréfens
tation nationale , à raifon de 268,416 liv, pats
chaque député, Pou men si Jucibabitanɔ' , goikoa
ב כ
3 ) 2.5 IV. Les adminiftrateurs du département , .à
qui feront adrefiés les envois des affignats - coupures
, en fe.ont la répartition entre les diftricts ,
d'après les bales de la population & de la contribution.
»
eViLes adminiſtrateurs de diftrict ouvriront
enfuite les échanges dans le chef lieu du diftri
& dans les municipalités , en mettant une partie
des fommes qu'ils recevront , dars les mains des
receveurs de diftrict , & l'autre partie dans celle, des
receveurs des contributions publiques , ceux ci en
difpoferont preférablement en faveur des citoyens
qui le préfenteront pour payer leurs contribuetions.
1
: ss. VI. Les commiſſaites de la trésorerie natio+
nale ne pourront recevoir aucune fummen en
alignats coupures qu'en échange , de gros affi
gnats , lefquels feront, fur-le- champ , annuliés &
b: ûés de la même manière que ceux provenant du
produit des biens nationaux..»
« VII. Les receveurs de diftrict enverront le
remplacement en gros affignats , des fammes qu'ils
auront reçues & échangées au tréforier de la caiffe
del'extraordinaire, pour être ra cillement annullés
& brûlés, el nidlib it 5
20 VIH. Les adminiſtrateurs de la câife de l'extraordinaire
ferant chargés de faire les verfemers
& les envois des petits fignats , dans les caiffes
publiques & dans les départemens . Is en tiendront
tegiftre , ainfi que des remplacemens & brûlemens
yo alive
L'Affemblée nationale con fidérant qu'il im- ,
porterdechâten , autant qu' left en fon pouvoir
, la fabrication & le timbrage des petits affi
gnats déctère que les arteliers du timb age feront
doublés fans délai , & que les travaux y feront conti
nués fans interruption , à peine de deftitutiba des
commiffaires- directeurs de fabrication . » IA
Du vendredi , Seance du foir.
$10
く
p
Des citoyens de Paris admis à la barre , demandent
que la France accorde le droit de citoyen
aux hommes généreux qui , dans tous les
pays , ont profeffé les grands principes de fa
politique univerfelle , & qui , par leurs écrits ,
ont défendu la caufe de la liberté & celle de la
révolution Françoiſe .
>
Cette demande combattue par quelques mèm
bres , eft vivement appuyée par M. Vergniaux.
Pouvons nous , ' dit zil , balancer de donner
d'offrir même le titre de citoyen François à des
hommes qui veulent la liberté du monde, Quel
moyen plus efficace pour affurer la liberté Fran
çoile , que d'affocier à nos dangers les philofophes
des nations étrangères qui ont pris la défenfe.
sh215
M. Guadet prouve fans peine combien il feroit
avantageux à la France que les Payne , les
Priestley , lesWilberforce , fuffent admis à la con
vention qui va décider de fa deftinées; & l'Af
femblée décrète unanimement que les philofophes
qui auront fervi la cauſe de la liberté , auront le
titre de citoyen François.
V75 :8
Oa lit une lettre des commiffaites de l'armée
du Rhin, Par- tout ils ont été environpés des
égards dus à leur caractère. Ils ont vifité Lanol
dau . Cette place eft dans un état redoutable.
Elle a 7,600 hommes de garniſon & 600 hommes def
gardes nationales qui , en courage & en difcipline ,
ne le cèdent en rien à la troupe de ligne , M.
ab fellduob
( 15 )
Cuftine y commande. Il a & mérite la confiance
des citoyens & des foldats .
Le rétabliſſement des fortifications fe fait avec
la plus grande activité ; mais l'argent marque.
Il manque beaucoup de chofes au bien- être des
troupes . Les commiffaires invitent l'Affemblée à
Frendre ces plaintes en confidération .
A Strasbourg , une foule immenfe s'eft préci
pitée au- devant d'eux , & faifoit entendre les cris
de vive la liberté , vive l'égalité. Au moment
de leur départ de cette ville , ils ont appris que
M. Dietrich , maire , étoit mandé à la barre de
l'Afemblée nationale , & que le confeil - général
de la commune avoit été fufpendu . Cette nouvelle
a ' caulé quelque fermentation , mais ils rendent
cette juftice au maire , qu'il a beaucoup
contribué au rétabliſſement de l'ordre .
L'Afemblée entend la lecture de plufieurs
adreffes d'adhéfion . Un jeune homme exerçant
le métier d'horloger , dépofe cent livres de fes
épargnes pour les veuves & orphelins morts dans
la féance du 10.
Du famedi , 25 coût.
M. Thuriot a obtenu la parole pour une motion
d'ordre . Il a fait fentir l'inutile & injufte
rigueur de la contrainte par corps contre les infortunés
qui ne peuvent acquitter les mois de
nourrice de leurs enfans . Il en a demandé la
fuppreflion . Cette propofition tenoit trop aux
droits facrés de l'humanité pour n'être pas adoptée.
L'Aſſemblée en la décrétant , a chargé fes comités
de finances d'examiner la queftion de ſavoir ſi
le tréfor public peut , fans inconvéniens , acquitter
les dettes des citoyens actuellement détenus pour
cet objet .
( 16 )
On fait lecture de deux lettres des commi
faires à l'armée de Luckner. Iis font part de
l'adhéſion de tous les citoyens , aux décrets du
corps législatif , & demandent que l'Affemblée
prononce que le premier bataillon de l'Alier
celui de Mayenne & Loire , en garnifon à
Verdun , où le géi éral Lafayette les a envoyés
pour n'avoir pas voulu prêter d'autre ferment
que celui de la liberté & de l'égalité , & le
6. régiment d'artillerie en gatnifon à Metz
ont bien mérité de la patrie . Cette propofition
eft décrétée ..
Au nom de la commiffion extraordinaire , M.
Genfonné fait un rapport fur les lenteurs de la
baute-cour nationale , auxquel es il affigne trois
caules la faculté indéfinie aux accufés de faire.
entendre des témoins ; l'obligation pour le tribunal
d'affifter en entier à l'audition des témoins ,
enfin la prolongation des délais dont je ut l'acculé
pour faire les récufations.
"
D'après les obfervations du rapporteur ,
fembiée adopte le décret fuivant :
PAG
ce Art. I. Les accufés devant la haute- cour
nationale , feront tenus , dans le délai de trois .
jours , après leur interrogatoire , d'indiqi et les
témoins qu'ils defireront faire entendre . »
II. Ils pourront préfenter four cet objet
leur requête enfemble ou féparément , mais fans :
prolongation du délai de trois jours .
לכ
« III. Faute par eux d'avoir préfenté leur
requête dans ledit délai , ils ne pourront faire
entendre leurs témoins qu'à l'époque , défignée.
pour le débat , il ne leur fera accordé aucun nouveau
délai . 3
« IV. Les témoirs pourront être entendus par
Kun des grands juges feulement , qui fera , à
( 17 )
cet effet , commis par le tribunal. „
• V. Les grands juges pourront adreffer aux
tribunaux criminels & aux directeurs des jurés
des commiffions . rogatoires pour recevoir les déclarations
, des témoins , qui ne feront pas domiciliés
dans l'étendue du département ou fiége
de la haute- cour nationale. »
« VI. Lorfque la lifte des 166 bauts - jurés
fera épuisée , elle fera tequile pour la formation des .
tableaux fubfequens , fans que le haut juré qui
aura été appelé une première fois puiffe s'excufer
par ce motif, & neapmoins les tableaux qui fe
trouveront formés au moment de la . publica
tion de la préfente foi , ne pourront être annullés
. »
VII. Immédiatement après le premier in
terrogatoire , le tableau général des jurés fera..
préfenté à l'accufé . Il fera tenu dans les vingtquatre
heures fuivantes de défigner les 40 jurés.
que la loi lui permet de récufer fans en expliquer
les motifs., 22.
3x
CC
VIII. Les noms des hauts jurés airfi récrés
feront exclus du tirage au fort ; il feta procédé
à la formation du tableau dans les vingt - quatre
heures fuivantes , & l'accufé fera feulement admis
à propofer des récufations motivées contre
les jurés qui feront infcrits fur ce tableau . »
се
ce IX. L'accufé n'aura qu'un délai de vingtquatre
heures pour propofer fes recufations. Ce
délai courra du moment où le tableau lui aura.
été préfenté , & le tribunal fera tenu de prononcer
fur l'admiffibilité des moyens de récufa
tion dans les vir gt - quatre heures fuivantes . »
X. Les allemblées électorales qui vont procéder
à la nomination des membres de a convention
nationale , font invitées à pro éder à
憊
*
( 18 ).
l'élection de deux nouveaux hauts jurés par département.
"
« XI. Les membres de la légiflature actuelle,
ayant rempli les fonctions de jurés d'accufationa
l'égard des accufés détenus dans les prifons de
11 haute cour nationale , font exclus de la noud
velle élection des hauts -jurés déterminée par l'ar
ticle précédent. »
XII. Jufqu'à ce que la convention nationale
ait ftatué fur la réorganisation du tribunal
de la haute cour . nationale , les grands procurateurs
de la nation , les grands juges & les
hauts jurés actuellement en exercice conti
nueront à remplir leurs fonctions julqu'à leur tèmplacement.
»
« XIII . Le miniftre de la justice eſt chargé
d'envoyer à Orléans deux commiffaires , pour
s'affurer de l'état des procédures imferuites par
la haute cour nationale , de l'état des prifons &
des précautions' prifes pour la sûreté des prifon
nics & il en fera rendre compte fans délai P
l'Aflemblée nationale , pour être paf elle , fur
ce rapport , ftatué ce qu'il appartiendra.
כ כ
33
Le miniftre de la gueire annonce la découverte
d'n nouveau live louge dans les bureaux de la
guerre, & d'un fonds de soo mille liv. qui étoit
detiné à fon aliment. I demande des commiffaires
Four en faire l'examen.
Des artistes de Lyon avoient propofé de fåbriquer
en monnoie le métal des cloches , & de '
donner à ces efpèces une perfection égale à celle
des médailles les mieux frappées , d'après la con- "
v ct on de l'excellence de leur procédé , & la né- "'
cefité d'avoir une monnoie qui ferve d'intermé¹¹
daire entre les petites coupures d'affignats & les
cfees poynant jufqu'a le jour de la fonte
3
( 19 )
des cloches , l'Affemblée rend le décret fuivant
:
Att . I. Les fieurs Mercier Mathieu..... &
autres artiftes de la ville de Lyon font autorifés
à fabriquer , pour le compte de la nation , des
efpèces de bioze au prix & conditions qui ferent .
déterminées par le pouvoir exécutif. »
« II . Lefdites efpèces feront divifées en pièces
des fous & de 3 fous. »
CC
III. Celles de 5 fols feront à la taille de fix au
marc , & celles de fous à la taille de 10 au
marc.
« IV. Les unes & les autres représenteront d'un '
côtéle bufte de la liberté fous les traits d'unefimme
a x cheveux épars , ayant à fes côtés une pique ,
furmontée d'un bonnet , la légende rei fermera les
mots liberté, égalité. »
сс
V. Le reves repréfentera une couronne de '
chêne , dans laquelle fera inferite la défignation '
de la fomme repréfentée par chaque pièce. »
« VI. La date de l'an de la liberté fera pl cée
du côté de la têté , & le millésime du côté du
revers. »
« VII Le miniftre des contributions publiques
eft tenu de fie remettre , par préférence
aux artiftes ci - deffus dénommés , les matières
de bro: ze & métal des cloches qui fe trouveront
dans les départemens du lieu où ils auront
formé des étab iflemens . »
« VIII. Lefdits artiftes remettront en efpèces
le même poids qui leur aura été fourni en
matière de bronze , faufla déduction à faire pour
le déchet qui ne pourra excéder fix pour cent du
roids defdites matières . »
« IX . Le ministre des contributions publiques "
eft auto ifé à fournir auxdits artiftes les emplace(
20 )
mens nationaux qui peuvent fervir à la prompte :
exécution de leurs travaux . »
X. Les carrés feront fournis par les artistes.
fufdénommés , à qui il fera fait remife des poinçons
néceflaires par le graveur général .
Сс
ל כ
« XI. Il fera établi auprès de chacun des atteliers
un ou deux eniôleurs monétaires , felon le
befoin , lefquels feront tenus de furveiller la fabrication
, recevoir les flaons après leur préparation ,
les remettre aux artiftes chargés du mounoyage , &
recevoir les espèces monnoyées ; en tenir iegiftie,
tant du nombre des flaous Ibres , que des ef-
Fèces monnoyées , & de celles qu'ils auront mifes au
rebut. »
« XII . La clé de l'attellier du monnoyage fera
dépolée entre leurs mains , & ils veilleront à ce qu'il
n'y puiffe êne monnoyé d'autres Aaons que cux
qui auront été par enx délivrés aux artiftes ; ils re.
pourront néanmoins s'ingérer , en aucune manière ,
dans ce qui concerne la préparation des flaons . »
« XIII. Lesenôleurs monétaires feront nommés
par la comm ffion des monncies , qui leur fournira.
les inftrumé s néceffaires . ».
Du famedi , féance du foir.
Le comité colonial obtient l'ordre de la . parcle
, & par fuite du décret qui ordonne la vente
des biens des émigrés , il fait décréter que les.
propriétés coloniales qui appartenoient aux perfonnes
rotoirement émigrées de France feront
vendus au profit de la nation . Le miniftre fera
patler dans les colonies la note des émigrés , tels que
MM. Lafayette , Maffillac , Lameth , Vaudreuil &
Galifet
M. Brival demande qu'on fupprime les fubftiutions
qui pourroient le faire fur les biens pof(
21 )
Tédés aux colonies par les émigrés . M. Lacroix
propofe de décréter à l'inftant le principe qu'il
n'y aura plus de fubftitutioas . Le principe eft décrété
.
L'Affemblée renvoie au comité de légifl .tion pour
Faire lundi fon rapport fur la nullité des fubftitutions
exiſtantes , & non encore ouvertes , & fur
Tégalité des partages .
Au nom du comité de la marine , M. le Tourneur
propofe & l'Aſſemblée adopte le décret ſuivant
:
« Il ſera attaché à l'ifle d'Oueſſant un maître
d'équipage , entretenu pour la direction & la furveillance
des fignaux maritimes , aux appointemens
annuels de 1500 liv . , fans préjudice du
commandement militaire appartenant à l'officier
commandant les troupes qui fe trouveront en garnifon
dans l'ifle. »
Du dimanche , 26 août.
M. François de Neufchâteau a demandé que
tous les membres de l'Affemblée prêtaffent le ferment
de ne pas quitter leur pofte à Paris qu'ils
ne foient remplacés par la convention nationale .
Ce qui a été adopté à l'unanimité . Cette partie
du procès- verbal fera fur le - champ imprimée , &
envoyée au département de Paris pour la tranfmettre
à la commune , aux 83 départemens , &
à leurs aſſemblées électorales par des courriers extraordinaires
.
M. Guadet propofe , au nom de la commiffion
extraordinaire , & l'Affemblée adopte unanimement
le décret fuivant :
que
« L'Affemblée nationale confidérant le's
hommes qui , par leurs écrits & par leur coutage
, ont fervi la caufe de la liberté & pré(
22 )
7
paré l'affianchiffement des peuples , ne peuvent
être regardés comme étrangers par une nation
que les lumières & fon courage ont rendue
libre ;
។ ce Confidérant que fi cinq ans de domicile en
France fuffifent pour obtenir à un étranger le
titre de citoyen François ; ce ti re eft bien plus
jultement dû à ceux qui , quel que foit le fol
qu'ls habitet , ont confacré leurs bras & leurs
veiles à défendre la caufe des peuples contre le
delpotifme des Rois , à bannir les préjugés de la
te re , & à reculer les bornes des connoiiances humaines
;
Confidérant que s'il n'eft pas permis d'elpérer
que les hommes ne forment un jour de
vant la loi come devan: la nature , qu'une feule
famille , une feule affociation , ' es amis de la liberté ,
d : la fraternité univerfelle n'en doivent pas être
moins chers à une nation qui a proclamé fa renonciation
à toute conquête & fon defir de fraternifer
avec tous les peuples ;
Confidérant enfin qu'au moment cu une conventiɔn
nationale va fixer les deftinés de la France ,
& préparer peut- être celles du genre humain , il
appartient à un peuple généreux & libre d'appeller
toutes les lumières & de déférer le droit de concou
ira ce grand acte de raifon , à des hommes qui , par
leurs fentirens , leurs écrits & leur courage , s'en
font montrés fi éminemment dignes ;
ce. Déclare déférer le titre de citoyens François à
Priestley , Payne, Benthonn , Wilberforce , Clarkfon
, Makinflosh , David Villiams , Gorani , Anacharfis
Cloor , Campe , Cormelle Paw , Petalorri ,
Washington , Hamilton , Maddifon , Klopstoc ,
Kocinsko , Gilleets . "
Plufieurs citoyens admis à la barre demandent
23 )
३
3.
2
3
1 la 14-
que la contrainte par corps pour dette foit abelic .
M. Larivière exprime fon vou pur que
flature actuelle emporte la gloire d'avoir fait
cette loi , & il demande que les comités de légiflation
& de commerce faffent fous trois jours un
rapport fur cet objet . Cette propofition eft adoptée .
On fait leur d'une lettre des adminiftrateurs
a du confeil genéral du département de la Meufe .
Ismandent que la vile de Longwi s'eft , rendue
aux ennemis le 23 de ce mois , après une capitulation
qui a donné à la garsilon les honneurs
de la guerre que Verdun , place importance
par les approvifionnemens qu'elle renferme , n'eft
point en état de défenfe. Pour qu'elle fût tenir ,
il faudroit qu'elleût 175 bouches à fen , Verdun
n'en a que 30. Elle n'a que so artilleurs , &
fa garniton n'eft pas affez exercée . Les habitans
des campagnes dans le diftrict d'Etaim fe replient
dans les bois , abandonnent leurs moiffons , leurs
habitations . Il ne demandent qu'à périr pour la
patrie , mais ils nn'est ni armes , ni munitions ,
ni moyens de défenfes . Les administrateurs tereminent,
leur, lettre en priant, l'Ademblée de
s'occuper des moyens d'arrêter les progrès de
Tennemi.
Cette nouvelle donne lieu à diverfes propofitions
M. Merlin demande que tous les ci-
-devant pobles, faicat ) obligés de donner leurs
armės, 3 BS 5
M Jean de Bry propofe l'organifation , d'un
corps de 1200 volontaires qui fe dévoueront à
avales attaquer corps à corps, individuellement ,
indes tyrans qui nous font la guerre.
Platieurs membres déclarent qu'auffi- tôt après
lasceffation de leurs fonctions , ils iront fe ranger
dans ce corps. Je ne traiterai point cette
( 24 )
C
queftion fous le rapport de fa moralité , dit M.
Vergniaux , la folution en eft dans toutes les
ames . Je n'examinerai point fi c'eſt à nous , à
nous charger du foin de délivrer les peuples des
tyrans par lefquels on dit qu'ils font opprimés.
Si vous orgnanilez un corps de tyrannicides ,
vos ennemis organiferont un corps de généralicides
. Votre décret fera un décret d'affaffinat
contre vos propres généraux , & vous ferez les
premières victimes du projet immoral qu'on vous
a propofé d'adopter.
L'Affemblée , ajoute M. Sers , ne peut rendre
la loi qu'on lui propofe fans fe déshonorer devant
toutes les nations civilifées . Un romain voulut
malacrer Porfenna ; mais ce ne fut pas par le
vou du fénar.
La propofition de M. Jean de Brie eft renvoyée
au comité.
M. Benoifton préfente la rédaction définitive
du décret fur la déportation des prêtres , & l'Affemblée
l'adopte en ces termes :
ce Art. I. Tous les eccléfiaftiques qui , étant
*affujetris au ferment preferit par la loi du 26 décembre
*1790 & celle du 17 avril 1791 , ne l'ont
pas prêté , ou qui après l'avoir prêté l'ont rétracté
& ont perfifté dans leur rétractation , feront tenuside
fortir , fous huit jours , des limites du diftrict &
du département de leur réfidence , & dans quinzaine
hors du royaume. Ces différens délais courront
du jour de la publication du préfent décret. »
cé II. En conféquence , chacun d'eux le préfentera
devant le directoire ou la municipalité du diftrict
de fa réfidence , pour y déclarer le pays
étranger dans lequel il entend fe retirer , & il lui
fera délivré , fur - le - champ , un paffe-port, qui
cont endra
J.
725 )
contiendra” ſa² déclaration , fon fignalement , la
route qu'il doit tenir , & le délai dans lequel i
doit être forti du royaume. »
« III. Paffé le délai de 15 jours , ci- devant
préfèrit , les eccléfiaftiques non - fermentés qui
n'auroient pas obéi aux difpofitions précédentes ,
feront déportés à la Guyane françoife . Les directoires
de diftiis les front arrêter & conduire de
brigades en brigades aux ports de mer les plus voifins
, qui leur feront indiqués par le confeil exé
cutif provifoire ; & celui - ci donnera , en conféquence
, des ordres pour faire équiper & approvi
fionner les vaiffeaux néceffaires au tranfport defdits
ecclefiaftiques. »
ec
IV. Ceux ainfi transférés , & ceux qui fortiront
volontairement , en exécution du préſent dé
cree , n'ayant ni penfions , ni revenus , obtiendront
chacun 3 livres par journée de 10 lieues,
jufqu'au lieu de leur embarquement , ou jufqu'aux
frontières du royaume , pour fubfifter
pendant leur route ces frais feront fupportés
par le tréfor public ; & avancés par les caiſſes de
diltricts. »
CV. Tout eccléfiaftique qui feroit refté dans
le royaume , après avoir fait fa déclaration de
fortir & obtenu paffe- port , ou qui rentreroit
après avoir forti , ſera condamné à la peine de
détention pendant 10 ans . »
сс
*
VI. Tous autres eccléfiaftiques non-fermentés
féculiers & réguliers , prêtres , fimples
cleres minorés ou frères lays fans exception ni
diftinction , quoique n'étant point affujettis au
ferment par les loit des 26 décembre 1790 , &
17 avril 1791 feront foumis à toutes les dif
pofitions précédéнvés , lorfque , par quelques
actes extérieurs , ils auront occafionné des trou
No. 36. 8 Septembre 1792. B
( 26 )
bles venus à la connoiffance des corps adminif
tratifs , ou lorfque leur éloignement fera demandé
par fix citoyens domici iés dans le même département.
»
« VII. Les directoires de diftrict feront tenus
de notifier aux eccléfiaftiques non - fermentés
qui fe trouveront dans l'un ou l'autre des deux
cas prévus par le précédent article , copie collationnée
du préfent décret , avec ſommation d'y
obéir & de s'y conformer. »
« VIII . Sont exceptés des difpofitions précédentes
, les infirmes dont les infirmités feront
conftatées par un officier de fanté , qui fera
nominé par le même confeil- général de la commune
du lieu de leur réfidence , & dont le certificat
fera vifé par le même confcil - général ;
font pareillement exceptés les fexagénaires dort
l'âge fera auffi duement conftaté. »
IX. Tous les eccléfiaftiques du même département
qui fe trouveront dans le cas des
exceptions portées par le précédent article , fe-
1ont réunis au chef- lieu du département dans
une maiſon commune , dont la municipalité aura
l'infpection & la police. »
ce X. L'Affemblée nationale n'entend par les
difpofitions précédentes , fouftraire aux peines
établies par le code pénal , les eccléſiaſtiques
non fermentés qui les auroient encourues on
pourroient les encourir par la fuite . »>
« XI. Les directoires de district informeront
régulièrement de leurs fuites & diligences aux
fios du préfent décret les directoires des départequi
veilleront à fon entière exécution
dans toute l'étendue de leur territoire , & feront
eux-mêmes tenus d'en informer le confcil exécutif
provifoite,
mensor
( 27 )
XII. Les directoires de diftrict feront en
outre tenus d'envoyer tous les quinze jours au
miniftre de l'intérieur , par l'intermédiaire des
directoires de départemens , des états nominatifs
des eccléfiaftiques de leur arrondiffement qui
feront fortis du royaume , ou auront été déportés
; & le miniftre de l'intérieur fera tenu
de communiquer de fuite à l'Affemblée nationale
lefdits états. »
Un officier du 29°, régiment d'infanterie ap-
-porte des dépêches de Philippeville,
Le 22 août, le fieur Herman Wimpffen , commandant
dans Philippeville, a difparu. M le Comte,
lieutenant- colonel du fecond bataillon de Loir
& Cher , a pris fa place , en vertu d'an conſeil de
guerre qui a été affemblé fur - le - champ. La garnifon
& les habitans de Philippeville , ont juré
de s'enfevelir fous les ruines de la place , plutôt
que de capituler avec les ennemis de la liberté
& de l'égalité.
Sur la dénonciation de l'incivilme des admi..
niftrateurs de la ville d'Arias , plufieurs membres
font la motion de renouveller les corps adminiftratifs
. On obferve qu'au moment où le peuple
eft réuni en affemblées primaires , ce feroit attenterà
fa fouveraineté. L'affemblée paffe à l'ordre dujour.
Du dimanche ,féance du foir.
Le ministre de la guerre communiqque à PACfemblée
une lettre du maréchal Luckner , qui
confirme la reddition de Longwi. L'ennemi s'eft
préfenté au nombre de 60 à 70 mille hommes
devant cette place . Le 21 de ce mois il en a fair
l'attaque , par une canonade & un bombardement
qui ont duré quinze heures. La bourgeoisie &
les corps adminiftratifs ont preffé M. Lavergne ,
commandant de la place , de fe rendre. La gar-
>
B 2
(( 28 )
11
*
nifon n'a point réfifté à leurs foilicitations . Elle
a obtenu une capitulation & fa retraite . M. Luckner
ajoute que l'ennemi occupe le territoire &
l'emplacement da camp de Fentoy , & qu'il paroît
difpofé à fe porter fur Thionville , qui n'eft
qu'à fix lieues de Longwi.
M. Crublier , membre du comité militaire ,
expofe à l'Affemblée que ce ne peut être que par
l'effet d'une trahifon que Longwi a été livré après
quinze heûres ſeulement d'attaque , fans brèche ,
fans affaut . Cette fortereffe avoit des approvifionnemens
de toute espèce , artillerie formidable,
vivres , munitions , fortifications , caffemates ,
triples mines , difpofitions néceflaires pour éviter
l'effet des bombes , tout étoit prévu , la place
avoit près de quatre mille hommes de garnifon ,
fans compter les citoyens armés , elle devoit tenir
plufieurs mois.
Get expofé fait crier à la trahifon . Il eſt confirmé
par une lettre des commiffaires à l'armée de
Luckner.
La difcuffion s'établit fur les moyens de faire
paffer de prompts fecours à l'armée du centre..
M. Lafource propofe de décséter que les armes
diftribuées au département de l'intérieur feront
données provifoirement aux volontaires nationaux
, & que tout citoyen qui aura reçu un fufil
fera tenu de le remettre , ou de marcher aux
frontières. Cette mefure eft adaptée ..
· L'Affemblée ordonne en même tems l'envoi
de deux commiffaires à Rochefort , qui feront
charger & partir pour Paris les canons & fufils
- qui le trouveront dans les différens arfenaux de
.cette ville .
Elle décrète que toute la gendarmerie nationale
du royaume , tant à pied qu'à cheval , ſera mandée
( 29 )
& réunie en des points qui feront défignés , pour
pouvoir de-là , être envoyée , foit aux frontières , “
foit au camp de réferve .
;
M. Vergniaux annonce de la part de la commiffion
extraordinaire , qu'elle n'a pu encore
prendre de détermination , relativement à la garnifon
de Longwy , par le défaut de renfeignemens
exacts fur les circonftances du fiége ; mais i
rappellant la loi , qui défend , fous peine de mort,
aux commandans de rendre aucune place à l'ennemi
fns le confentement des Corps adininifratifs
& à ceux ci de faire d'eux-mêmes aux
commandans la propofition de les rendre , l'Affemblée
décrète à l'inftant , que tout citoyen qui
dans une ville affiégée jettera l'akaime & prlera
de fe rendre , fera punt de mort.
Après avoir pris ces différentes mesures , elleadopte
la proclamation fuivante :
Aux Français habitans le département de Paris,
& les départemens voifins .
Citoyens , la place de Longwi vient d'être .
rendue ou livrée, les ennemis s'avancent . Peutêre
fe flattent-ils de trouver par- tout des traîtres,
is fe trompent ; nos armées s'indignent de cet
échec , & leur courage s'en irrite . Citoyens ,
vous partagez leur indignation : la patrie vous
appelle partez. »
CG
:
L'ABemblée nationale requiert le département
de Paris & les départemens veifins de
fournir à l'inftant 30,000 hommes armés &
équipés .
Du lundi , 27 Août.
Le Miniftre de la Guerre envoie à l'Affemblée
une copie d: la lettre qu'il a écrite au maréchal
B 3
130 )
Luckner pour lui ordonner de former une cour
martiale à l'effet de juger fur- le -champ les lâches
qui ont rendu la ville de Longwy. Il le charge
de l'inftruire des pourfuites courier par courier,
afin que la France foit inftruite de la punition
prefqu'auffitôt que du crime.
Une députation admife à la barre préfente la
petition fuivante :
» Amour pour la liberté , obéillance aux lois ,
paiement des impôts , refpect pour les propriétés ,
tels font les fentimers , qui depuis trois ans , ont
animé les cultivateurs de la paroiffe de Long Pont.
La voix qui a proclamé la patrie en danger , s'eft
fait entendre dans nos champs . Notre travail
nos fucurs nourriffcient la patrie ; notre fang va
la défendre ; 151 citoyens actifs compofent notreparoiffe
, 33 volent aux frontières. Nous laiffons
nos peres & nos freres mariés achever nos récoltes.
Lég Aateurs , nous vous les recommandons
veillez fur l'ennemi du dedans ; fi celui du dehors
vient à vous troubler, nous ne ferons plus. Nous
aurens fait notre devoir , nous venger fera le
vôre. Tout homme libre , tout français doit
mourir pour défendre la Liberté & l'Egalité. Nous
le jurons devant vous. »
La Commune dépofe 125 liv . pour les veuves
& orphelins des patriotes morts à la journée du
10 , & M. Leroux , cfficier municipal , y joint 25
liv. "
२.
L'Affemblée ordonne l'impreffion & l'envoi de
cette pétition aux 83 départemens , & mention
honcrable de la conduite des officiers munici» ^
paux & des Citoyens de cette commune.
Au nom des divers comités des finances réuni” ,
M. Baignoux préſente quelques articles addi(
31 )
tionnels au décret rendu fur les effets au por
reur , pour en affurer l'exécution .
L'Aflembée les adopte en ces termes :
Ja XIII. Les tuteurs , curateurs , notaires , receveurs
de confignation, & tous autres dépofitaires
d'actions , coupons , quittances de finances au
porteur , bordereaux d'emprunts & autres effets
ftipulés au porteur , fufceptibles d'être négociés
feront tenus de les faire vifer & enregistrer
dans le délai porté àParticle 3 , à peine d'en ré
por die perfonnellement envers les propriétaires
de nullité prononcée par l'articles . »
1 cc XIV H eft fait défenſe à tous huiffiers &
avoués de faire aucune demande , & à tous juges
& tribunaux de prononcer aucune condamnation
en vertu defdits effets publics , ftipulés au porteur
, à moins qu'ils n'aient été vifés , conformément
à l'article 3 & que tous les endoffe→
mens qui y auront été faits n'aient été enregiftrés
. »
0
XV. Le tranfport ou endoffement , preferit
par l'article VI , énoncera la date du tranfport
le prix fixé , le n° . de l'effet , les noms , profeffion
& domicile du conceffionnaire , & ne pourra
être figné en blanc le tout à peine d'une
amende égale au montant de l'effet , payable
folidairement , moitié par le cédant , moitié par
le ceffionnaire,
喝
M.
XVI. Chaque endoffement ou transport
fera préfenté à la formalité de l'enregistrement'
dans les 20 jours qui fuivront fa date ; à ce défaut,
le porteur pourra être contraint au pak ment du
triple droit d'enregistrement.
ל כ
ce XVII. Le porteur de l'effet demeurera garant
& refponfable ; fauf fon recours de payement
des droits & triples d'iceux , pour les mes
B 4
1320X
tations antérieures à fa poffeffion , faute par dui
d'avoir veillé à ce que l'effet fût mis en règ'e
avant de le recevoir. » i
« XVIII. Les receveurs d'enregistrement , qui
auront enregistré un tranfport ou endoffement ,
Lans que les précédens aient été enregiſtrés , 04
qui n'auront pas perçu le triple droit pour
ceux préfentés après le délai , feront perfonne
lement garans des omiflions , fauf la peine)
de deftitution , en cas de récidive, » .
« XIX. Les payeurs feront tenus , fous peine
d'en répondre Fe fonnellement , de n'acquitter ,.
foit les intérêts ou dividendes , foit le tout ou
partie du capi al , que fur la quittance du der
nier ceffionnaire , & fur l'acquit repréſenté du
droit d'enregistrement , tant pour la ceffion faite
au porteur , que pour celles qui auront précédé.
»
1.
lorfdits
XX . payeurs feront auffi tous ,
en feront requis , de communiquer leurs,
journaux & registres de l'année , lors courante ,"
& de la précédente , au propofé de la régie na
tionale de l'enregistrement , & , en cas de refus
, ils feront condamnés à une amende de
300 livies . i ل
*
« XXI. Il eft ordonné aux agens, de change ,
courtiers & autres commiffionnaires , de porter ,
fur le regiftre timbré & paraphé, qu'ils font
obligés de tenir , toutes les négociations de ces
effets , avec énonciations de leur nature & de
leur no. des noms , profeffion & domicile de.
Tune & de l'autre des parties , de la date & da,
prix des ceffions , & de communiquer ce regiftie ,
pour l'année courante & la précédente , aux prpofés
à la régie de l'enregistrement , fur leus réquifition
, fous la même peine d'une amende de
:
( 33 )
300 livres pour chaque refus & chaque omiffion
fur le regiftie. ».
« XXII. Le délai exigé pour le vifa defdits.
effets publics au porteur , & la préfentation aux
bureaux de l'enregistrement , les tranfports & endoffemens
qui en feront faits , fera de 3 mois ,
pour tous les poffeffionnés qui fe trouveront hers.
de l'etendue du territoire françois , à la charge
par eux de rapporter la preuve légale de leur
abfence, laquelle demeurera annexée à l'enregistre
ment. »>
сс
IceXXIII. Les procurations rappellées à l'art.,
VIII , qui auront pour objet la c.ffin d'effets
publics, ftipulés au porteur, feront réputées tranfports
, & devront être enregistrées comme les
tranfports & endoffemens , lorfqu'elles feront fuivies
de la remife des effets au mandataire , fauf
a rendre le droit pour tout ce qui excédera la
perception fur les fimples procurations , lorfqu'if
juftifiera d'un compte par lui rendu du pix def
dits effets , par acte devant notaire. »
cr XXIV . Tous lefdits effets ftipulés aù porteur
, foit fur l'état , foit fur des compagnies
d'actionnaires , feront compris dans la déclaration,
que font tenus de faire les héritiers légataires
& donataires entre vifs ou à caufe de mort , &
acquitteront le droit d'enregistrement fur le même
pied que l'acquittent les fucceffions , légs & donations
d'immeubles réels ou fictifs. 22
XXV. Les poffeffeurs d'effets publics émis ‹
par les compagnies d'actionnaires , t , pellés à
Fanicle II , font auiorifés à faire , pour la fixation
de leur contribution mobiliaire , la déduc
tion de leur revenu , provenant defdits effets ,.
en juftifiant de la retenue que le payeur leur aura
B. S.
1
( 34 )
faire de fa contribution du quart , ainfi & de même
qu'il en eft ufé pour la contribution foncière . »
« XXVI. Le verfement au tréfor public du
quart des intérêts , dividendes & bénéfices , ordonné
par l'article I , ci- deffus , fera fait dans
le mois qui fuivra leur échéance , par les direc
teurs & caiffiers des compagnies d'actionnaires ,
lé quels feront tenus d'en remettre l'état duement
certifié , tant aux commiffaires de la tiéforerie
nationale qu'au miniftre des contributions publiques
, le tout à peine d'une amende de 1000 1. »
« XXVII. Ne font pas compris dans les dif
pofitions du préfent décret , les úmples billets au
orteur dus par des compagries , & pris de gré
gré pour comptant dans le commerce , lefquele
continueront être affujettis au timbre , & ne
font fufceptibles de la formalité de l'enregistrement
que dans les cas prévus par la loi pour les
autres fous fignatures privées. »
Sur le rapport de M. Dumas , au nom du comité
militaire , l'Affemblée décrète que les troupes
coloniales qui fe trouvent en France feront orgi
nif es en régiment de ligne , pour qu'elles puiffent
marcher à l'ennemi , & elle leur affure le même
traitement qu'aux autres troupes de ligne.
Le principe de la publicité des féances des corps
adminiftratifs & municipaux étoit adopté depuis
long-temps . Le comité de légiflation en préfente
la rédaction qui eft décrétée en ces termes :
«. Art. I. Les féances des directoires & confeils
généraux d'adminiftrations , corps municipaux &
confeils généraux des communes , feront toujours
publiques , excepté dans l'art. V, ci-après. »
« II . Les directoires & confei's généraux d'adminiftrations
, corps municipaux & confeils géné
raux de commune , feront tenus de fixer & indiquer
135 )
les jours & heures ordinaires , de leurs féances,
Les féances extraordinaires feront indiquées par
affiches .
« III . Les délibérations , arrêtés & autres re❤
latifs aux objets énoncés audit article V, ci- après
qui n'auront pas été pris dans une féance publique ,
& qui n'en feront pas mention , fort déclarés
nuls. »
IV. Si de la nullité prononcée par l'articlé cideffus
il réfulte un préjudice pour l'intérêt public
ou pour l'intérêt individuel , il y aura lieu à la
refponfabilité contre les membres des directoires ,
adminiftrateurs , officiers municipaux & notables
auxquels le défaut de publicité pourra être im
puré.
" #
V. Il eft laiffé à la prudence des corps admi
niftratifs & municipaux & confèils généraux de ne
paint üfer de cette publicité pour tous les objets
concernant les mesures de fûreté , quand il pourra
y avoir du danger à délibérer publiquement fur ces
matières. »
« VI. La publicité ne fera pas néceſſaire pout
tous les objets qui ne donnent pas lieuà aucune délibération
fur le registre. 20
Une loi générale de Afemblée conftiruante
autorife le pouvoir exécutif àrequérir, en cas d'inë
vafion du territoire François , toutes les gardes na
tionales du royaume , en conféquence la commiffion
extraordinaire propofe , par l'organe de
M. Vergniaud , de laiffer aux miniftres tous les
détails de la réquifirion des 30 mille hommes
que Paris & les départemens voiſins vont fournit
Lout armés. Douze commiffaires de l'Affemblée
concourront à accélérer l'exécution du décret . Les
citoyens qui marcheront en vertu des réquifitions
qui vont être faites s'ils ont un emploi public,
B.6
4365
le conferveront avec un tiers de leurs appointemens.
Les deux tiers de leurs appointemens feront payés
aux citoyens qui les remplaceront pendant leur
ablence.
Ces différentes difpofitions font décrétées .
Du lundi , féance du foir.
• M. Boucher- Longchamp , au nom du comité des
domaines , propofe & Affemblée adopte le décrét
fuivant : 7
L'Affemblée nationale , après avoir décrété
P'urgence , décrète :
'1
Que les écha giftés des biens ci devant doma
niaux , dont les échanges ont été confirmés par des
décrets de l'Affemblée nationa'e , pourront difpofer,
commepropriétaires incommutables , de toutes
coupes ordinaires des bois quelconques quife trou
vent compris dans leurs échanges , en fe confor
mant aux loix foreftières actuellement exiltantes 4
& fans préjudice de l'exécution de la loi concernant
les biens des émigrés .
On fait lecture d'une lettre des procurateurs de
la nation auprès de la haute cour nationale. Its ané
Doncent que plufieurs affaires font prêtes à êtrejugées
, & qu'elles le feroient fans la deftitution des
commifaires du Roi . 7.
.V
Le département du Pas - de- Calais écrit à celui
des Côtes du Nord pour l'inviter à entreteniravet
les départemens voilins une correfpondance fater
nelle , & chercher de concert avec eux les moyens
d'affarer la tranquillité du royaume . Mais le di
rectoire ajoute qu'il feroit peut- être utile que la
convention nationale tînt fes féances dans un dépar
tement plus voihin du centre du royaume. Renvoyé
au comité de furveillance.
( 37 )
Un député lit des dépêches qu'il reçoit de
Sarrelouis ; elles lui annoncent que la garnifon
ainfi que les habitans foot pleins de courage &
d'ardeur , & qu'ils ne ter dront la place qu'après
s'être fait hacher en pièces .
Les Autrichiens repouffés à Landau font ac
tuellement du côté de Mertzicy . Ils font un
pont de bateau fur la Sarre ; ce qui fait penfer
qavant huit jours i's feront devant Sarrelouis .
Le même député lit une autre lettre qui annoice
que M. Jarry eft paffé chez l'étranger .
Sur le rapport d'un membre du comité "militaire
, l'Allemblée décrète qu'il fera remis à la
difpofition du miniftie de la guerre la fomme
néceffaire pour acquitter les frais occafionnés.
par le raflemblement en un feul & même lie
des chevaux des émigrés mis fous la main de là.
nation. 19
Un membre du comité colonial- propofe de
décréter que la taxe qui le perçoit fur les cafés ,
fucres & indigos , à leur entrée dans les ports
de France, continuera d'être perçue felon la loi
du mois de mars 1790. Ce décret eft adopté.
Du mardi , 18 août.
M. Albite le paiet de ce que BAſſemblée ne
reçoit aucune nouvelle des armées. On objecte
que les miniftres n'ont point reçu de fonds pour
faire les frais de la correfpondance qui devroit
être maintenant très - active , & on demande qu'il
foit mis à la diſpoſition des miniftres un million
pour les frais de correfpondance & un million
pour les dépenfes extraordinaites. Cette propo-.
fition eft décrétée 1
Des pétitionnaires font introduits à la barre.
St. Roch en argent haut de trois pieds, com
( 38 )
Paroft avec eux. Le Saint eft préfenté comme
le patron d'une confrérie, qui n'eft plus . « Cependant
, dit l'orateur , nous n'avons ceflé d'invoquer
notre St. Roch , le conjurant de guéric
ces François atteints d'une pefte politique qui
fait tant de ravages . Mais vainement ; nos voeux
n'ont pas été exaucés . Nous avons donc penfé
que fon filence tendit à la forme. Nous vous
le livrons pour lui donner celle du numeraite ,
& nous ne doutons pas que , converti en écus
qui ferviront à entretenir les foldats de la liberté,
il ne concourre beaucoup plus efficacement à
éloigner de nous ces peftiférés .
Cette offande eft accueillie par de nombreux
applaudiffemens . Le Saint part pour l'hôtel des
monnoies. A
On fait lecture d'une lettre de M. Larrynie
qui , après avoir découvert & dénoncé la fabri
que de faux affignats trouvés à Paffy , vient de
découvrir & de faire arrêter en pays étranger
des fabricateurs de faux louis , de faux écus &
de faux affignats . Il y avoit au moment de
l'arrestation , pour trois millions d'écus & de
louis fabriqués , & il y avoit deux ballots, d'aflignats
faux de 300 liv .
Les mefures opt été affez rapides pour l'enlèvement
des fabricateurs , pour qu'il n'y ait eu
que 25 mille louis étnis à raifon de 9 liv. la
pièce à ceux qui les mettoient en circulation .
L'Affemblée charge fa commiffion des monnoies
de lui faire un rapport fur la vérité &
les détails de cette découverte. 1 2
Al'occafioned'un tapsoir fur les fubftitutions
& fur les moyens de répartiréglement les
fucceffions dans les familles , dont l'Aſſemblée
ordonne ajournement , elle décrète le principe
( 39 )
que les majeurs ne feront plus foumis à la
puiffance paternelle . Elle ne s'étendra , que lur
la perfonce des mineurs .
M. Cambon , commis par l'Affemblée pour
examiner le nouveau livre rouge des bureaux
de la guerre , rapporte qu'il y a vu MM. de
Grave , Lajard & Narbonne puifer fucceffivement
par des bons du Roi , dans la caiffe de liquidation
des anciennes dettes des troupes , des fommes
de 10 , de zo , & 30 mille livres fous des motifs
qui n'ont été ni juftifiés ni délibérés par l'Affemblée
nationale .
Il demande qu'ils foient décrétés d'accufation
pour leur prévarication. L'Affemblée prononce
les décrets d'accufation contre les trois ex- mię
niftres.
·
Du mardi , féance du foir.
Une lettre de l'adminiſtration du district de
Sarrelouis annonce la dévaſtation de ce pays par
une armée de 25 mile hommes tant Auni biens
que Heffois commandée par le P.iace de Hohen-
-lohe. Le fyftême des ennemis eft de ne pas s'attacher
à prendre les places fortes , mai : d'avancer
toujours dans le pays , de raffembler enfuite une
armée formidable & de fe porter fur Paris . Le
commandant de la place , nommé par Luckner ,
conferve encore la cor fiance des adminiftrations
quoiqu'on puiffe lui reprocher quelques fauffs
démarches. Pour l'adjudant général , il l'a to: alement
perdue.
Après cette lecture , M. Merlin demande que
l'Affenblée décrète que le pouvoir exécutif retirera
à l'inftant tous les agers nommés par celui
qui l'a précédé ; qu'elle déclare que tous les commandans
de place ont perdu la confiançe de la
( 40 )
ition. M. Duhem combat cette profcription
générale . Sil eft des commandans qui infpirenti
une jufte défiance , il y en a beaucoup qui font
de zélés patrinres . Laiffez agir les mi i tres ;
its font intéreffés à ce que les choſes aillent bien ,
cir leur têre en répɔnt vis - à -vis de vous , &*
vis-à-vis des ennemis ..
M. Cambon appeie ces obfervations & demande
par les mêmes ing if le rappel dès commiffaires
de l'Affemblée. Ce qui est décrété .
Trois miaitics vien ent à l'Affemblée . Celui
de la juftice , M. Danton , parlant au nom du
confeil , expofe que ce font des terreu : s exagérées
qui font voir l'ennemi au fein de la
Frince parce qu'iis fe font emparés de Longwy
Si les commiffaires de l'Afl mb'ée n'avoient pas
contrarié les opérations du pouvoir exécu : if , déjà
l'armée remife à Kellermann le feroit concertée
avec celle de Dumourier. De l'unité d'action
nait la force. Nous avons deux a mées qui font™
prêtes à fuivre & à fondre fur lui , s'il s'avance
dans inté.icur ,
Il nous faut de la confince que l'abord de
la capitale foit facile , que la contrainte pour
les paffe ports ceffe dès demain , communiquers
avec la France entière ; qu'il ſoit fait des vifites
doric Faires pour diftribuer aux défenſeurs de lá
patrie les armes inutiles dans les mains des ci
toyens info ens , our fufpect!...
L'Affemblée applaudit , & après une courté
difcuffion elle décrète :.
1 ° . Que les municipalités font autoriſées à f.ire
des vifites domiciliaires pour chercher les armes
& faire état des chevaux inutiles & qui peuvent
fervir dins la guerre. »
2º. Ees municipalités font autorisées à dé
( 41 )
farmer les gens fufpects & à donner leurs armes,
aux défenfeurs de la patrie .
CC
בכ
3. Toutes communications feront pleine-.
ment rétablies entre Paris et les autres départemens,
4. L'Affemblée charge fix commiflaires ,
pris dans fon fein , d'aller dans les départemens,
environnant Paris , pour accélérer l'enrôlement
des citoyens .
Ofe fonvient que l'Affemblée conftituante
pat confidération pour la mémoire de Louis XV ,
& pour celle de Louis XVI , voulut dérober à
l'hiftoire les premières pages du fameux livre
puge , & les fit mettre fous le feelié ; fur la
propofition de M. Baillet , l'Affemblée décrète,
que cetre partie du livre rouge fera imprimce
& envoyée aux 83 départemens.
Du mercredi , 29 août. on ol
A la nouvelle d'une infurrection qui fe ma
ifefte dans le diftri &t de Châtillon , l'Affemblée
décrète , fauf rédaction. que tous les tribunaux
criminels jugeront fans appel tous les crimes
de contre- révolution .
•
و
M. Rulh communiqu: une lettre de M. Le La
quiaud , ferétife d'ambaffade auprès du Corps
helvétique , fa pofition eft effrayarte. It eft
entou é que de gens au défefpeit du mafface
de leurs freies ; il n'entend autour de lui que
des menaces & des imprécations . Sans la fagfle.
des gouvernemens qui font tous leurs efforts
pour calmer le peuple , tout ce qui appartient à
l'ambalade courroit rifque de perdre la vie ; il
refte cependant fans fecours au milieu de ces périls .
M. Rh demande que le pouvoir exécutif envo'
à l'Ambaffadeur de France auprès du Corps helvgi
42 F
tique les fecours qu'il réclame , & que le comité
diplomatique examine s'il ne convient pas de
rappeller cet arnbaffadeur dès qu'il aura pié enté à
la diète , la déclaration que fait la Nation fançaiſe
d'obferver religieufement les anciens traités
qui Puniffent avec la nation Suiffe . Ces propofitious
font adoptées.
Après avoir décidé à la négative une queftion
qui lui cft foumife par le Miniftre de la juftice ,
celle de favoir fi les jugemens de la haute- cour
nationale peuvent-être attaqués devant le tribunal
de caffation , l'Affemblée applaudit à un arrêté
piix par le confeil exécutif élativement au commandement
général des armées . Il eſt ainfi
conçu :
Au nom de la Nation , le confeil exécutif
confidérant que d'après la conduite tenue jufqu'à
préfent par le maréchal Luckner , & defir
manifefté par le général Kellermann de ne commander
que dans le cas où M. Luckner feroit
généraliffime , Il n'y a pas d'inconvénient à lui
donner ce grade ; qu'en le plaçant à Châ'ons
il fera à même d'aider de fes confe les généraux
des différentes armées : qu'il pourra former
dans cette ville une réſerve de troupes propres
à recevoir les débris des armées battues , arrête
qu'il eft chargé, en qualité de généraliffime des
armées , de concourir à leurs opérations par fes
confei's , qu'il tiendra regiftre de les opérations
dont il enverra copic au confeil exécutif; que,
fans préjudice de la correfpondance directe des
généraux , il recevra d'eux une copie de toutes
leurs lettres & relations , & que le confeil lui
enverra copie de tous les ordres qu'il donnera .
Du mercredi , féance du foir.
M. Chafaud annonce que 4000 volontaires du
? 43 )
département de la Charente , font partis pour
fe rendre foit au camp de Soiffons , foit aux
frontières.
Voici quelques détails des évènemens qui on
eu lieu lors de la reddition de Lorgwy , préfentés
par des officiers & foldats du troisième
bataillon des Ardennes .
Aucun moyen de défenfe n'exiftoir dans la
place le 18 , l'ennemi s'empare des poftes extérieurs.
Le 20 au foir , ur parlementaire vint
propofer de fe rendre ; la nuit du 21 au 22 , la
ville fut bombardée. Le feu ceffa à minuit & reprie
le matin avec une nouvelle violence ; on ignoroic"
où étoit le commandant ; on ne recevoit aucun
ordre. Les habitans & les corps adminiftratifs
crioient aux foldats de fe rendre . M. Lavergne
ouvrit un avis & dit que f Lafayette faifoit un
feul mouvement , 40,000 mille hommes efcaladeroient
la place . La capitulation fut réfolte
Si les corps adminiftratifs , fi le commandant
de l'artillerie & le commandant de la place luimême
ont abandonné la ga nifon ; fi cette gar
nifon a été trompée que pouvoit- clle faire ? (Plu
fieurs voix , mourir. ) Il ne nous reſte que Thonneur......
L'Aſſemblée n'a rien à ſtatuer fur cette affairè
interrompt M. Ducos ; quant aux réclamans ,
fi j'ai un confeil à leur donner , c'eft de retourner
aux frontières & d'y trouver la mort.
Ils n'ont que ce moyen de conferver l'honneur.
L'Affemblée s'eft occupée enfuite d'un long
projet fur la fupprefion de la régie des économats .
Sur le recouvrement de l'arriété & la liquidation
des créances. Il a été adopté.
744).
La Convention Nationale va faire enandre
la volonté du Peuple , & fixer les
diftinées de la France . S'élevant au milieir
des orages , cette Affemblée verra mourir
à fes pieds les vains efforts de nos ennemis
, fi , étrangère à tous les partis , elle ne.
fç laiffe ébranler ni par le choc des inté
réis divers, ni par l'impulfion des ambi- :
tions particulières. Notre première victoire
, celle qui peut feule nous en préparer
d'autes , n'eft - elle pas d'étouffer nos
difcordes , & un Peuple qui veut fa liberté
fe la flera til damier par les viles paf- ,
frons des efc'ares? Quand de fi grands intérêts
communs nous uniffent , quand le
falut de tous et dans l'union de tous , quand
il s'agit moins de délibération que de concorde
, comment la bale jalbufie , les riva
Jide, les petites intrigues oferoient elles fe
montrer, & nous faire oublier le danger
qui nous menace . -
$
Au milieu des circonftances difficiles cù
nous , nous trouvons , ce que nous devons
éviter avec le plus de foin , c'eft de fairecroire
à nos ein mis & aux mécontens que
la Convention qui va e former ne fera
que l'ouvrage de l'efprit de parti . Il ne doit
pus yavoir en France d'autre parti que celui
de la liberté & de l'égalité . Un fentiment:
de patriotifme, excufable dans fon inten(
45 )
tion , mais injufte dans fes effets , & contraire
à la liberté dont on veut affermic
T'Empire , a engagé à prendre en plufieurs
endroits des atrétés & des délibérations
pour exclure du droit de voter , a n
a'n que
de l'éligibilité , ceux qui avoient aflifté à
certains Clubs qui n'exiftent plus , & qui
attachés , au fond , au culte de la liberté ,
avoient mis quelques nuances dans leurs
opinions . Un préjugé inquiet & aveugles'eft
même étendu jufques fur les Membres de
l'Affemblée Conftituante . On a craint qu'ils
n'apportaffe at dans le Congrès national des
fouvenirs de leur propre ouvrage , & ne
fuffent trop intéreffés à s'oppofer aux modificatious
qui feroient jugées convenables .
Comme fi ceux qui ont proclamé la dé
claration des droits & la fouveraineté du
Peuple, au milieu des orages & des périls ,
n'en devoient pas être les plus courageux
défenfeurs , comme fi ceux qui ont anéanti
les ordres , les corporations . les priviléges ,
rendu les hommes à l'égalité , & & élevé
leurs conceptions au defius des événemens
& des chofes , pouvoient refter au deffous
des circonftances qui nous environnent !
Aujourd'hui , que le droit de Citoven
n'eft plus un privilége , mais une propriété
commune , ce feroit une conféquence ,
même un attentat à la liberté & à l'égalité,
que d'admettre des exclufions qui n'auroient
pas été prévues par
été prévues par la loi . La con(
46 )
fiance doit être feule le régulateur des élections.
Chaque Electeur peut avoir dans fa
confcience des motifs d'exclure ou de
nommer tel individu plutôt que tel autre ;
mais cette cfpèce d'oftracifme doit être
abandonné à la prudence & aux lumières
des Electeurs ;
l'exclufion doit être un confeil
, jamais une détermination antérieure
& écrite. Daus un moment où il s'agit de
donner enfin au
Gouvernement une affiette
fixe , & de créer des pouvoirs qui s'accordent
fans fe combattre , il feroit impolitique
de ne pas lier tous les Citoyens à
l'intérêt de la caufe commune. Ce n'eft pas
lorfque le Corps Législatif vient d'accorder,
par le décret le plus honorable , aux
perfonnages les plus illuftres de l'Europe ,
la faculté d'être admis dans notre prochaine
Convention , que nous devons refferrer les
bornes des droits que nous étendons , pour
ainfi dire , à tous les membres de la famille
du genre humein .
II
ne nous appartient pas de preffentir ni
de tracer les grandes
réfolutions qui vont
être prifes dans ce congrès , le preinier qui
ait été pofé fur des bafes
philantropiques ;
mais plus les intérêts qui vont s'y agiter
font importans , plus nous avons beſoin de
nous entoure de lumières & de patriotifme.
La quatité de
Repréſentant n'eft plus
aujourd'hui une affaire
d'intrigues , d'amour
propre & d'ambition; c'eft la plus fu(
47 )
•
blime des Magiftratures ; c'eft une déléga
tion pour prononcer fur les queftions po-
Jitiques les plus difficiles. Il s'agit de la liberté
& de la gloire d'une Nation puitiante.
Si notre Conftitution eft bonne , elle aura
infailliblement une grande influence fur le
fort des autres Peuples de l'Europe ; n'oublions
que nous allons ftipuler pour l'intérêt
du genre humain . Ayons de Repréfentans
inftruits , courageux & incorruptibles
, & la Patrie fera fauvée .
Jamais Convention Nationale n'aura été
affemblée dans des circonftances plus propres
à développer les refforts de l'énergie
& les reffources du talent. La France eft
attaquée par une ligue formidable qui a
conjuré la perte de fa liberté . Elle s'eſt armée
toute entière pour repouffer les armées
qu'appellent fur notre fol des defpotes
coalifés . Elle a au- dedans des ennemis non
moins puiffans à contenir , des confpirations
fans ceffe vomiffantes à détruire. C eft
au milieu des dangers de tous genres qu'elle
va avoir le double fardeau de la sûreté de
J'Empire & de fa régénération. Préparons-
lui des fuccès par un courage calme ,
par une ardeur infatigable , par un concert
de volonté & d'action , & cette confcience
de nos forces qui en rend l'emploi plus
éclairé & le triomphe plus certain. Nous
avons pour témoin & pour juge l'Europe
entière. Ele attend notre conduite pour
1.
( 1༡8 )
nous compter au rang des Nations libres ,
dignes de fon eftime , ou de fon indifférence.
Epargnons - lui ce dernier fentiment.
La journée du 10 , imprimant aux efprits
un grand mouvement vers la chofe
publique , n'a pas encore déconcerté fes
ennemis , leur malveillance n'a fait que
changer de forme. C'eft fous celle d'un
patriotifme de convention , ou d'un intérêt
affectueufemet fimulé qu'ils sèment encore
des agitations parmi le Peuple. Des
lettres anonymes ont été adreffées à plu
fieurs femmes pour effrayer leur timidité
par la perfect ve d'un avenir finiftre . Mettant
à profit les deux plus grands mobiles
des actions humaines , la crainte ou l'ef
pérance, ces agitateurs favent les manier
avec adreffe pour exciter tantôt des terreurs
paniques , tantôt une confiance irréfléchie.
A la première nouvelle de la prife , difons
mieux , de l'infâme livraifon de Longwi,
il fembloit que les ennemis étoient déja
aux portes de la Capitale , & que la moitié
de la France étoit en leur pouvoir ; on
en exagéroit les forces pour affoiblir nos
moyens de défenfe. On envoyoit d'Alice
magne & Ton faifoit circuler un plan d'o
pérations des forces combinées contre la
France , dont l'extravagante férocité n'au
roit été que le comble du ridicule , s'il
n'avoit
( 49 )
n'avoit pas cu pour objet d'infpirer l'effrot
& de propager de découragement. On commençoit
à faire naître de l'inquiétude fur
les fubfiftances de la Capitale , encore plus
que pour fa fûreté en même temps , on
cherchoit à femer la divifion entre les Sections
& les Repréfentans provifoires de la
Commune , & entre ceux - ci & le Corps
Législatifela ro
-nl étoit aisé d'acpercevoir le but de tous
ces moyens combines par la malveillance.
Les Citoyens ont eu le bon efprit d'éviter
le piège les femences de diffenfion ont
bientôt été étouffées. Ceux qui , dans la
journée du 10 , ont rendu des fervices G
1
importans pour le falut de la choſe pu
blique , ont fenti que la difco de étoit le
premier ennemi qu'il falloit vaincre , &
les liens de la confiance fe font refferrés
entré toutes les autorités . Il n'eft pas aufi
facile de fe guérir promptement du mal
de la peur , & c'eft pourtant le plus dangereux.
Un Peuple qui combat pour fa
liberté eft naturellement inq iet ; il eft bon
même qu'il le foit , car le fommeil du
patriotifme en feroit bientôt la mort. Mais
il faut que cette inquiétude conduiſe à
la prévoyance , fans abattre le courage .
En s'agitant , en fe froiffant les uns les
autres par des alarmes prématurées , on
ufe fes forces au lieu d'en , diriger l'emploi
, & quand on exagère le péril éloigné,
No. 36. 8 Septembre 1792. C
( 50 )
1
le péril prochain ne trouve plus que des
ames à demi vaineues par la confternation.
Les actes du défeſpoir ne font jamais que
des actes de foibleffe & de pufillanimité;
du ca'me & de l'enfemble , voilà le courage
d'un Peuple libre. Que des Courriers ,
rais ou faux , nous annoncent des fuccès
ou des revers , ne fortons point de la di
gnité de notre caractère. Quand Annibal
étoit aux portes de Rome , le Sénat vendoit
les terres dont il s'étoit emparé , il
envoyoit des Légions à Carthage ; cette
fécurité fauva la République. L'ennemi
' eft point encore à nos portes ; à peine
-t - il entamé nos frontières? marchons pour
le repouffer. Ayons le fang- froid de Rome,
& nous vaincrons comme elle .
Quand il s'agit du falut de la Patrie ,
las mesures extraordinaires font toujours
des mefutes légales. Il importoit de faire
un recenfement de toutes les armes dans
la Capitale pour en diftribuer le fuperflu
aux Volontaires qui marchent fur nos fron
tières . Tel a été l'objet des vifites domiciliaires
qui ont eu lieu les 29 & 30 du
mois dernier. Plufieurs Prêtres infermentés
& d'autres perfonnes fufpectes ont été arêtés
.
La nouvelle du péril éminent auquel
fe trouvoit expofée la ville de Verdun
ranimé le patriotifme dans tous les coeurs ,
"
& engagé les Adniiniftrateurs provifoires de
la Commune de Paris à prendre les melures
fuivantes. TA
Extrait des Arrêtés pris par le Confeil général de
là commune , dans la féance du 2 ſeptembre.
Aux armes ..... citoyens ..... aux armes , l'ennemi
eft à nos portes. $
Le procureur de la commune ayant annoncé
les dangers preffans de la pattie , les trahifons
dont rous fommes menacés , l'état de dénucment
de la Ville de Verdun , affiégée en ce moment
par les ennemis , qui , avant huit jours , yføra
peut-être en leur pouvoir
Le confeil général arrête des P
Les barrières feront à l'inftant foramées;
ava * 5! 92
20%. Tous les chevaux en état de fervir à
ceux qui fe rendent aux frontières ge feront fursle-
champ arrêtés ; »›
will. Ish sup
3. Tous les citoyens fe , tiendront prêts› à
marcher au premiernfignatylą suons) sime Istup
39
"
49. Tous des citoyens qui par leur âge ou
leurs infirmités ne peuvent marcher candeqmbment,,
dépoferont leurs armes à leurs feftioft ,
& on en armera ceux des citoyens peu fortunés
, qui fe deſtineront à voler fur les frontières
; »
: servil not
5. Tous les hommes fufgets gu,,ceux
qui , par lâcheté , refuferoient de marcher, fe-
Tont à l'inftant défat més »
ce 6°. Vingt- quatre commiffaires fe rendront furle
- champ aux armées , pour leur annoncer cette
réfolution , & dans les départemens voifins , pour
inviter les citoyens à fe réunir à leurs fières de
Paris , & marcher enfemble à l'ennemi ; 2
C 2
(252 )
27°. Le comité militaire fera permanent ; il
fe réunira à la maifon commune dans la falle
ci-devant de la reine ; »
cc 8 °. Le canon d'alarme fera tiré à l'inftant ,
la générale fera battue dans toutes les fections
Pour annoncer aux citoyens le danger de li patrie
; »
« 9°. L'Affemblée nationale , le pouvoir exécutifprovitoire
, feront prévenus de cet arrêté, »
10º. Les membres du confeil général fe rendront
fur- le -champ dans leurs fections relpec-
: tives , y annonceront les difpofitions du préſent
arrêté , y peindront avec énergie à leurs concistoyens
les dangers imminens de la patrie , les
trahifons dont nous fommes environnés ou menacés
; ils leur représenteront avec force la liberté
-menacée le territoire françois envah ; ils leur
feront fentir que le retour à l'esclavage le plus
ignominieux , eft le but de toutes les démarches
de nos ennemis & que nous devons , plutôt
que de le fouffrir , nous enlévelir fous les runes
s de notre patrie , & ne livrer nos villes que dorfqu'elles
ne feront plus qu'un monceau de cendres, »
No u 1191 Le préfent arrêté a fera fur- le- champ
-imprimé , publié affiché. Signés , HUGUENIN ,
Préfident TALLIEN , Secrétaire # - Greffier, sti
<-37
Cet Arrêté a été fuivi de la Proclamation
fuivante :
'es' Citoyens , l'ennemi eft aux portes de Paris ;
Verdun , qui l'arrête , ne peut tenir que 8 jours.
Les Citoyens qui le défendent , ont juré de
Mourit pôt que de fe re dre ; c'eft vous dire
qui vous font un rempat de leurs corps . I
el de votre devoir de voler à leur fecours.
Citoyens , marchez à l'inftant fous vos drapeaux ;
053
allons nous réunir au Champ de Mars ; qu'une
armée de 60,000 hommes le forme à l'inftant.
Allons expirer fous les coups de l'ennemi , ou
l'exterminer fous les nôtres. »
Toutes ces mefures ont été prifes le
même jour. Le zèle des Citoyens à s'en-,
rôler eft digne de la caufe qu'ils vont defendre
. Vingt - quatre heures ont fuffi pour
raflembler 60 mille Volontaires dans la,
Capitale. Ils ont été mis à la difpolition
du Confeil Exécutif qui eft chargé d'indi- ,
quer leur deftination & leur répartition.
Les fractions de ce corps formidable font
parties de fix heures en fix heures pour les
rendez- vous qui leur ont été affignés . Le
camp retranché , deftiné à couvrir Paris ,
fe forme avec une activité incróvable.
L'Affemblée nationale a invité tous les
Citoyens à concourir à l'accélération de ces
travaux , perfuadée que l'amour de la liberté ,
& l'intérêt de la défendre opéreroient les
mêmes prodiges que l'entoufalme avoit
créés au champ de la Fédération . Elle a
décrété que chaque jour , 12 de fes Membres
nommés à tour de rôle iroient encourager
les travailleurs par leur exemple. On apprend
que dans tous les Départemens la même
ardeur fe manifefte : une jeuneffe bouillante
fe difpute la gloire de voler au fecours
de la Patrie en danger , & ceux qui regrettent
de ne pouvoir partir , veulent au
moins acquitter leur patriotifme par des
C &
54.).
offrandes multipliées , & fe chargent de
cultiver les champs de leurs frères & d'avoir
foin de leurs femmes & de leurs enfans.
Et une nation qui montre une telle énergie
pourroit- elle être fubjuguée ! non, la liberté
qui pro fuit tant de fublimes efforts , furvivra
aux projets des puiffances coalifees
contre elle
Helt de ces évènemens fur lefquels l'humanité
doit jetter , en pleurant , um crêpe
funèbre , lors même que l'empire des cir
conftances femble les abfoudre. Au milieu
de l'anxieté & de l'agitation qu'ont prodaites
les nouvelles inquiétantes de nos
frontières , le Peuple , oubliant un inftant
fon caractère doux & généreux , ne s'eft
fouvent que des complots de fes ennemis.
Le 2 de ce mois , tandis le canon
que
d'alarme avoit donné l'éveil fur les dangers
de la Patrie , il s'eft porté prefque en même
temps dans toutes les prifons & maiſons
d'arrêt de la Capitale , & a immolé les
Prêtres réfractaires, ainfique ceuxqui avoient
été arrêtés pour les crimes de la confpiration
du 1o , les fabricateurs de faux affignats
, & les fcélérats qui n'attendoient
le fer des Loix pour expier leurs forfaits.
Des mefures qui fortent d'une manière fi
aff gcante de l'ordre naturel de la juftice ,
doivent tenir à de grandes caufes . Aufli
affure ton qu'une nouvelle confpiration
étoit prête à éclater. Les prifons même
que
( 55 )
en étoient le foyer . Une horde de confpira
teurs devoit en ouvrir les portes , & cette
écume des prifons répandue dans la capi
tale , devoit trouver d'autres brigands qui ,
profitant de l'inquiétude qu'infpiroient les
dangers de la patrie , auroient porté par
tout l'épouvante & l'effroi. Un ligne de
ralliement a été trouvé fur la plupart des
Prêtres , c'étoit des cartes portant une ori
flamme avec une croix , & dans le milieu ;
Miferere mei , la réponſe étoit Jefus. On
avoitarrêtéla veille dans les Champs Elifées,
un brigand qui avoit déclaré qu'ils étoient
plus de cox qui rodoient dans la Capitale ,
& ce fcélérat avoit vout fe poignarde
I paroît que les ramifications de ce plan
s'étendoient dans tous les Départemens . Dans
le même temps 300 Prêmes fanatiques
excitoient une infurrection à Cambray, La
Municipalité s'en et délivrée en les ex
portant as de-là des frontières . Dans la
Département des deux Sèvres des raffem
bleinens amés s'étoient formés , & for
mentoient la contre révolution , dont des
Prêtres étoient les miffionnaires. Dans le
Midi fe tramoit sa complot plus formi
dable encore . Plus de 40 mille confpiran
teurs devoient fe réunir à des chefs qui
pour la plupart ont été arrêtés. H n'eft
pas étonnant que tant de perfidies n'aiene
Toulevé l'indignation du Peuple , & attiré
C 4
( 56 )
des vengeances atroces que déplorera tou→
jours la fenfibilité.
Nous épargnerons à celle de nos Lecteurs,
les détails de cette terrible exécution . Mais
fi un fentiment confolateur peut adoucir le
fentiment pénible que l'on éprouve, c'eft que
le Peuple a mis dans fa fureur undifcernement
qui honore fon inftinct qui l'appelle
à être jufte. Il s'eft choifi lui - même un
Jury qui fe faifoit repréfenter les écroust
& les prifonniers pour dettes , pour mois.
de nourrice , pour des rixes particulières ,
en un mot pour des faits étrangers aux
événemens du 10. & au crime de trahifon
, il les a fauvés au milieu des cris de
vive la Nation. Les droits de la nature
ont été refpectés , & il a fuffi à plufieurs:
femmes de dire qu'elles étoient enceintes .
pour être mifes fous la fauve- garden du
Peuple. Il y a eu quelques mouvemens
autour du temple ; mais le ruban tricotore
a été pofé fur la porte par le maire ,
le Commiffaires de l'Affemblée Natio-
1
e & de la Commune ; & ce frêle &
magique fcellé s'eft transformé aux yeux
du Peuple , en une barrière infurmontable.
M. d'Offonville , Juge de Paix de la S: ction
de Bonnes - Nouvelles , prévenu de complicité
avec M. d'Angremont , pour fait d'em
bauchage , a été acquitté par le Jury foécial te
( $7 )
28 Août.. Mais M. Bachmann Major des Gardes
Suiffes , extrêmement chargé par ces derniers 3
a été condamné à mort & exécuté le
tembre...
3. Sep-
J
On a trouvé chez M. Tourteau de Septeuil ,
Tréforier de la life , Civile des bons du Roi
pour des fommes confidérables en faveur de plus
heurs perfonnes , & notamment de MM , Bouillé
& Lafayette.:
Ce dernier , arrêté , par les avant poſtes de
Rochefort , a été conduit à la Citadelle d'Ant
vers.
Rien n'égale la fluctuation de la crainte à
'efpérance relativement aux mouvemens de l'ennemi
dans la Lorraine . Plufieurs couriers arri
yés fucceffivement , ont annoncé , tantôt la prifé
de Verdun , tantôt la levée du nége . Voici la
lettre que les Commiffaires à l'amée du Centre,
éc ivoient de Metz , le 31 Août , a l'Aflemblée
Nationale ..
« M. le Préfident , fi dans notre dernière
nous vous avons donné des détails peu fatisfai
fins , c'est que noze devoir & la confiance
dont nous fommes inveftis , exigeoient de nous
la plus exacte vérité des faits mais aujour
d'hui nous avons à vous entretenir d'objets plus
agréab es. Le Pule est fi éclairé maintenant ,
qu'il n'a plus befoin de torre doctrine & qu'il
elt aufli patriote que nous : Karivée du Général
Kellermann ici , fa réunion avec Luckner a inf
piré la plus grande confiance. Les ennemis qui
avançoient fur Verdon , & qui s'imaginoient
qu'on alioit leur laiter le chemin libre pour aller à
Paris , commencent à mesurer leurs pas & *
segarder derrière eux ; ils ont fait mine de veus
Cs
( 58 )
loir attaquer Thionville ; mais ils n'y ont pas
été reçus comme à Longwy. »
·
Ala première attaque , le canon de cette ville
les a obligés de fe retirer après leur avoir tué
beaucoup de monde. Il feroit utile d'écrire au
vieux général & à M. Kellermann , une lettre
de fatisfaction, Nous avons affiſté à une counte
délibération , qui vient d'avoir lieu entre les
officiels généraux. Nous avons admiré à la
fin de cette délibération , quelques mots qui
peignent bien la loyauté de M. Luckner : « Ati
lons , Kellermann , à cheval . Ils fént auffi - tôt
partis tous deux au fecours de M. Valance
qui fe trouvoit en face de l'ennemi. Keller
mann donne ici les plus hautes idées de fon
efprit & de fes talens . Le jour où l'on publiera
qu'il eft nommé général de l'armée du centre
& que M. Luckner eft généraliffime , fera vir jour
de félicité pour l'armée. Le vieux guerrier fait
un tel cas de l'eftime de la Nation Françoife,
gu'il regarderoit comme un jour de malheur
celui où il pourroit la perdre . Nous finiffons par
vous prier de fonger aux befoins urgens des
foldats ; la plupart manquent d'habits . Ces braves
défenfeurs de la liberté feront tout avec ces gé-
Kéraux. »
Depuis lors il paroit certain , au moment où
nous écrivons que la ville de Verdun a été
pife , après avoir fait la plus vigoureuſe rififtance.
On ne fait point encore l'ennemi eft
maître de la Citadelle , on la garnifon s'écois
retirée . L'ennemi occupe actuellement Longwi ,
Etain, Fontoy , Mangienne & Richemon . Li s'eft
porté fur Thionville , mais il a été vivement
sepouffé pa: M. Felix wimpffen, Metz & Sar- Louis
fe difpofent à s'enlevelir fous les ruines de leur ville .
Not armées combinées ne tarderont pas à l'attaquer.
Les Pruffiens & far- tout les Emigrés commettent
les plus horribles biigandages fur notre territoire.
Les propriétés des aristocrates font par-
Four refpectées ; mais celles des Patriotes font
livrées au pillage & à la dévaftation . Heft à
remarquer que ces horreurs fe commettent & que
les villes fe prennent au nom de la Majesté
Très-Chrétienne. Un corps de 10 mille hommes
envoyés du Rhin , par M. Biron , s'eft joint le z
à l'armée Kellermann . Ce Général prépare un autre
corps de 15 mille hommes deſtiné à le porter
dans l'intérieur pour s'oppofer à la marche de
l'ennemi . Cent mille hommes font actuellement
dans les plaines de Châlons. M. Dumounier
s'eft emparé des gorges & des poftes avanta
geux du Clermon ois . C'eft dans l'intérieur du
Royaume que l'ennemi trouvera fon tombeau.
Le courage des Citoyens eft au plus haut dégré
d'effervefcence.
SUÈDE.
De Stockholm , le 11 Août 1792 .
Le Duc Régent fe conduit toujours für
les mêmes principes , & ces principes annoncent
un Prince qui a beaucoup de vertu
qu beaucoup d'habileté. En recherchant la
fource des inquiétudes & des malheurs qui
ont fatigué ce royaume durant tout le
dernier règne , il l'a trouvée dans la révolution
de 1772 , dans cette révolution qui ,
C6
( 60 )
en laillant fubfifter quelques formes de la
Conftitution de la Suède , l'anéantit réellement,
& foumit tout aux volontés arbitraires
du Roi. Le projet du Duc Régent,
on commence à le croire ici , eft de rendre
à la Suède fa Conſtitution , en la purgeant
des vices qui en préparèrent la ruine ; &
toutes fes opérations paroiffent en effet
condaire à ce but : ceux qui ont été les inf
trumens , ou plutôt les complices du feu
Roi , font renvoyés , & des hommes connus
pour avoir d'autres maximes font ap.
pellés à des poftes éminens ; c'eſt ainſi que
le Major général , M. Gußlavskiold , qui
dans les provinces du Midi prépare &
exécuta le plus efficacement la révolution
de 1772 , a reçu fa démiffion , & que plufieurs
des Adminiftrateurs des finances fous
le feu Roi viennent de perdre leur places
que tout le Ministère enfin change , & qu'il
n'y refte , non plus qu'à la Cour , aucune
des créatures de Guftave III. C'eft ainfi encore
que les inftitutions changent en même
temps que les hommes , & qu'une espèce
d'Affemblée de Notables va fe tenir la femaine
prochaine pour chercher les moyens
d'éteindre la dette de l'état , ou du moins
de l'acquitter. Le Duc Régent porte fa furveillance
fur les moeurs du Peuple , en
même temps que fur les finances de l'État ;
il prohibe tous les jeux de hafard , & ne
permet dans la capitale aucune de ces mai(
61 )
fons de jeu , ou plutôt de ces repaires , cù
une feule paflion raflemble autour d'elle
tous les vices. Il vient de paroître tout à-
T'heure un nouvel édit fur cet objet , qui
étend les prohibitions des jeux de hatard
des maifons publiques aux maifons privées ,
& qui prononce des peines plus févères
contre les infracteurs de cette loi fi néceffaire
aujourd'hui dans toute l'Europe. Il
eft bien vrai qu'on ne fait pas naître les
bonnes moeurs par des loix pénales , mais
les maifons de jeu ne bleffent pas feulement
les vertus , elles troublent prefque toujours
Pordre focial , & par là elles rentrent fous
l'infpection du pouvoir national qui gou
verne .
Un Prince qui gouverne avec des vues
fi morales ne pouvoit pas fe mettre au
nombre des ennemis de la France : le Duc
Régent paroît entièrement difpofé à garder
la neutralité , & c'eft un grand contrafte de
plus , & tout entier à fa gloire, entre lui &
Gustave III , qui, par fes fureurs & par fes
courfes contre la révolution françoife avoit
mérité d'être appellé le Chevalier errant des
Defpotes.
Le Duc- Régent, perfuadé que les inftitutions
les plus diverfes par leur nature
doivent être également dirigées par le caractère
propre au Gouvernement de l'Em--
pire , & que la force d'un Peuple libre ne
doit pas reffembler aux armees d'un Roi
( 62 )
abfolu , prépare une nouvelle organifation
des troupes de la Suède. Dans cet objet , il
a appellé , pour le 19 du mois prochain , à
Stockholm , les Chefs & les Capitaines de
tous les régimens .
POLOGNE.
De Varfovie , le 8 Août 1792.
Il s'imprimoit à Varfovie , fous le titre
de Gazette Nationale , un Journal qui profeffoit
& qui répandoit les principes de la
nature , de la raifon & de la liberté. L'Auteur
de cette Feuille n'avoit pas cru devoir
fuivre l'exemple de lâcheté que lui avoit
donné le Roi. En préfence des Ruffes , &
en quelque forte fous leurs bayonnettes
it écrivoit que tintroduction des armées
étrangères étoit une trakifon ; que les rebelles
étoient ceux qui agifoient contre la volonté
générale de la Nation, La Gazette nationale
a été fupprimée , & ce qui peut
furprendre davantage , le Gazetier n'a pas
été égorgé. En profcrivant le Journal , on
a même effayé de le refuter. De telles ab-
Jurdites , difent les organes de la légifla-,
trice de toutes les Ruffies , ne peuvent être
Joufferts dans le moment où on eft occupé
de la régénération de la Républiqu . Ce
feroit affurement une étrange République,
que celle à laquelle Catherine donneroit des
འད
loix... , & lemonde entier fait comment cette
femme chargée de tant de crimes régénère!
On peut efpérer encore que la Pologne
fe relevera de l'abjection où fon Roi a
voulu la mettre , & que le Roi feul y
reftera, Dans Varfovie même , au milieu
de cette ville infortunée où commandent
aujourd'hui les Ruffes , on entend des
pa
roles , on voit des fcènes cù refpire Fin
vincible amour de la liberté. Un de ces
hommes qui ne prononcent pas un vain
mot lorsqu'ils difent qu'ils aiment mieux
mourir que de porter un autre joug que
celui des Loix , le Prince Jofeph Poniatowski
eſt arrivé dans cette Capitale , &
pour le montrer fans doute au Peuple qu'il
n'abandonnera point , il eft allé, dès le foir
même , au fpectacle. A la vue de ce fidèle
Général l'attendriffement & l'enthoufiafme
ont été extrêmes & à peu près univerfels.
A l'inſtant , il a été à lui feul , le fpectacle.
Une multitude immenfe l'a environné , l'a
preffé , l'a élevé fur fes bras dont elle lui
formoit comme un pavoi : De toutes parts
retentiffoient les cris de vivent les Patriotes,
periffent lesRuffes etles traîtres ! & les Ruffes
étoient là : ils ont entendu ces cris´, ils en
ontfrémi ; mais ils ont contenu leurs mou
vemens & le fang n'a point coué. Il ne
faut pas croire que ce foit dans quelques
occafions feulement & dans ces fpectacles
qui émeuvent les ames les moins fenfioles
}
-( -64))
:
que les Polonois manifeftent de telles difpolitions.
Tout annonce qu'elles font conflantes
dans ce Peuple qui a été tourmenté
par l'anarchie , mais non pas avili par un
tranquille defpotifme. On affure que le Roi
lui- niême eft tellement perfuadé que les
Polonois ne porteront pas long- temps le
joug qu'on leur a impofé , qu'il eft dans le
dffan d'aɔdiquer la Couronne & de
Voyager en Italie un tel voyage con
vient à un Prince qui , après avoir joui
de la gloire de fe montrer à la tête d'une
grande révolution , a manqué lâchement
à fa gloire & à la liberté ! Là , il ne verra
parmi les hommes vivans que des efclaves ,
& fi les images de la liberté le préfentent
quelquefois à fes yeux , ce fera dans les
portraits de ces grands hommes de l'anliquité
auxquels on ne croit plus .
De Francfort-fur- le-Mein , le 10 Août.
Cette légion de Mirabeau qui répandoit
l'epouvante dans les villages d'Allemagne ,
& dont on ne parloit plus depuis longtemps
. commence à faire parler de nouveau
des affronts au moins qu'elle reçoit. Mirabeau
vouloit fervir dans l'armée du Prince
de Hohenlohe le Prince a chalé ces espèces
de Condottieri & le Chef de leur bande.
Mirabeau , qui croit être à lui feul une ar
mée, a voulu fe porter près de Philifs
:
( 65 )
bourg : les troupes du Cercle du Haut Rhin
l'ont fait déloger ; il a cru trouver un camp
Kehl , les Autrichiens l'ont prié de fe
mettre un peu à diftance. Il ne faut pas croire
que tous les Emigrés François foient traités
comme Mirabeau parmi les Autrichiens
& les Pruffiens. La politique des Emigrés
eft de faire croire qu'ils ne font rien dans les
armées pour ne pas allumer contre eux toute
la fureur des reflentimens de la Nation .:
Mais les Emigrés font auncmbre de 100005
ifs favent faire la guerre , & nul ne peut la
faire avec plus de rufe qu'eux contre leur pa
trie : ils connoiffent les chemins, ils parlent la
langue de la France ; ils ont des intelligences
dans leur pays qu'ils ravagent ; en
changeant de cocarde les voilà de parfaits
efpions : Il eft impoffible que les Pruffiens
& les Autrichiens dédaignent de fe ferviri
de vingt mille hommes qui peuvent leur
rendre de fi grands fervices ; on lit en effet
dans toutes les Gazettes de l'Allemagne .
qu'ils fervent ou comme incorporés dans
les armées étrangères , ou comme formant
dés corps à part.
De Manheim , le 13 Août.
Un grand nombre de ci - devant Confeillers
& Préfidens des ci- devant Parlemens
de France fe font répandus dans ce pays ,
& déjà ils commençoient à tenir des coLfé
( 66 )
rences , à délibérer magiftralement fur la
manière dont ils feroient réintégrés dans
leurs fonctions à la St. Martin prochain
ou même à la Touffaints , à la Fête de tous
les morts. La Régence Electorale leur a ordonné
de rendre compte à la Police des
motifs de leur arrivée dans ce pays , & leur
a fait défenſe de tenir Chambres aſſemblées;
il faut que la paffion de juger foit une terrible
pailion ! voilà des hommes qui veulent
abfolument redevenir les juges d'une Nation
où ils n'auroient pas un feul jufticiable
qui ne fût leur ennemi.
Clèves , le 11 Août 1792 .
Le ci - devant Abbé Mauri qu'on n'ap
pelle plus que Monfeigneur Mauri reçoit
a Mayence les hommages de tout ce qu'il
y a de grandeurs fur la terre. Les Puif
fances coalitées de l'Europe hui font la
cour. Il ne mange plus qu'avec des têtes
couronnées. On l'a vu à la même table
avec l'Empereur, l'Impératrice , le Roi de
Pruffe , le Duc de Brunswick , l'Electeur,
de Mayence , & c . , &c. Monfeigneur Mauri
admet fur-tout le Roi de Pruffe à fa familiarité.
Dans le premier entretien public qu'ils
ont eu enfemble , le Succeffeur de Frédéric
lui adreffa ainfi la parole : brave homme , je
me réjouis de vous voir ; il y a long temps
que je le defirois. On dit que fe connoître
( 167 )
en hommes eft le talent des Rois. C'eſt
fûrement le talent du Roi de Pruffe à un ,
haut degré. C'eft à Monfeigneur Mauri
qu'il parle , & il l'appelle brave homme
Tous les Journaux ont imprimé la piece
fuivante, & on la tient , dit - on , d'une main
fûre.
ESPAGNE.
De Madrid, le 16 Août 1792e
La Cour de Madrid , comme on peut
le croire, n'aime pas plus les Révolutions
que la Cour de St. James . On affure
que depuis que la nouvelle des évènemens
du 10 Août y eft arrivée , le Comte d'Aranda
a beaucoup de peine à lui faire
fuvre la fage conduite qu'il lui a tracée .
Ceux qui connoiffent l'Efpagne & le caratère
de fes Habitans continuent à croire
que , pour l'intérêt même de la Royauté
dans ce pays , il feroit très dangereux de
vouk ir leur faire combattre la liberté , les
Espagnols font fuperftitieux , mais ils ne
font pas efclaves ; ils aiment la Religion ,
mais ils ne la craignent pas ; G une fois .
ils font éclairés , ils le feront beaucoup;.
s'ils fecouent la tête , le joug qu'ils portent
fera à jamais rejetté. A la Cour même ,.
on paroît perfuadé de cela. Il y a quelques
jours , on parloit à Madrid dans quelques
lieux , tout haut , dans quelques lieux tout
( 68 )
bas , & à la veille d'un foulèvement qui
avoit éclaté à Sarragoffe , on étoit déjà
prêt à prononcer le mot d'INSURRECTION ,
& à le faire paffer dans la langue Efpaghole
; quand le fait a été éclairci , on
afu que ce n'étoit qu'un combat à coups
ૐ
de carabines entre les Habitans de deux
Paroiffes extérieures de la ville de Sarragolfe.
ITALIE.
De Naples , le 20 Août 1792 .
' On écrit de cette ville , en date du ir ,
que les querelles élevées entre le Roi de
Naples & le Pape fur les matières bénéficiales
& eccléfiaftiques alloient être terminées
; que déjà tous les articles étoient
convenus , rédigés , prêts à être fignés par
lé Général Acton , pour le Roi de Naples ;
& par le Cardinal Campanelles , pour le
Pape , lorfque tout à - coup le Cardinal s'eft
avifé de vouloir traiter avec le même férieux
le cérémonial de la HAQUENÉE. Le Général
a ri , le Cardinal s'eft fâché , & les Conférences
fe font rompues fans querien ait été
figné. Voilà ce qui fe paffe aujourd'hui entre
les Puiffances de ce même pays où il y
a'quelques fiècles s'agitoient les deftinées du
monde !!
( 62 )
2
2
GRANDE - BRETAGNE.
*
De Londres , le 21 Août.
Fren
Depuis le 10 Août , la haine de la Cour
de St. James pour la Révolution Françoife,
& les inquiétudes politiques du Cabinet
redoublent. Si George 1 , la Reine
d'Angleterre , leurs Enfans & leurs Courtifans
donnoient laLoi à la Grande- Bretagne,
la France compteroit déjà la Grande - Bretagne
parmi les fuiffances de l'Europe liquées
contre elle , mais la Cour, eft contenue
par les Miniftres , les Miniftres le font par
le Parlement , le Parlenient l'eft par Ja
Nation, la Nation eft éclairée, & par les
intérêts de fon Commerce qu'elle entend
fi bien, & par les écrits de quelques uns
de ces Repréfentans que le humain
genre
a aujourd'hui en Angleterre , comme en
France ; on peut donc croire encore qu'une
Nation qui a donné à toutes les autres
l'exemple de la liberténe fe réunira point aux
defpotes conjurés contre la liberté de la
France .
2
4
Ilparoît certain à la vérité que George-III,
comme Electeur d'Hanovre , entre dans
la conjuration de l'Autriche & de la Pruffe ;
mais il ne fait pas ce qu'il veut à Londres
" comme dans for Electorat. Il faut feulement
que les François & les Anglois
veillent à ce que le petit Prince Allemand
( 701
ne fe ferve , pour fatisfaire fes paffions ,
des moyens du Roi d'Angleterre.
Les fpeculateurs politiques qui font ici
en fi grand nombre font très occupés du
Traité définitif conclu entre la Compagnie
Angloife des Indes & Tippoo- Sultan ;
fes premiers mots de ce Traité font ceux ci :
T'amitiéfubfistant entre honorable Compagnie
et le Sirkaw de Tippoo Sultan . Dars
le Traité même , on voit que le Sultan
eft obligé de donner à la Compagnie la
moitié de fes Etats , des fommes énornies
entrois paiemens , dont les termes font trèsrapprochés
, & fes enfans en ôtage juſqu'à
ce que le Traité foit exécuté .
feroit digne de la Patrie des Sydney,
des Loke & des Chatam de voir dans cette
1uperbe portion de l'Afie , dont elle fera
fouveraine fous le nom d'une Compagnie ,
autre chofe qu'un territoire fertile & des
comptoirs de Commerce.
ALLEMAGNE
Plan de l'opération des forces en Allemagne ,
coalifées contre la France.
L'Empereur & le Roi de Prufe ont d'abord
effayé s'il fuffiroit de le préfenter pour vaincre ;
J'expérience leur a montré qu'il falloit prévoir
beaucoup de réfiftance. » {
« En conféquence , il a été arrêté les poigts
principaux qui fuivent : »
« On évitera , afin de ne pas aguérir les troupes
patriotes , de les hasceller , comme auffi d'en(
71 )
treprendre des fiéges de quelqu'importance . »
« On ne s'expofera à aucun é hec confidé
rable, afin de ne pas procurer d'encouragement ;
& quand on attaquera , ce fera toujours de plufieurs
côtés à la fcis , & avec des forces fupé
rieures. »
i
« Il ne faut pas , d'ailleurs , perdre de vue ,
que plus de deux cents chefs , répartis dans les
différens cantons de la France , ont des points
de réunion , & tiennent des fignatures nombreufes
de perfonnes qui doivent fe joindre aux
armées des princes , à fur & mefure qu'elles avanceront.
>>
« La première action de tous les contre -revolutionnaires
fera d'arrêter les partiſans de la
révolution . »
« Les armées combinées marcheront fur les
places , comme pour en faire le fiége ; mais on
s'emparera feulement des places qui ouvriront
'leurs portes , & on laiffera des détachemens de
T'armée devant celles qui voudront refifter , « fra
d'en contenir la garnifon. »
Quand on fera arrivé fur les armées patriotes
, on fe contentera de camper en leur préfence
, & on ne les combattra qu'avec avanrage
; mais en attendant on enverra de gros détachemens
s'emparer du pays & favoriler dans
chaque endroit le mouvement des contre-révolationnaires
. »
« Arrivé à cette pofition tandis que le Duc
de Brunfwiek contiendra les forces patriotes avec
Tes différentes armées , le Roi de Pruffe avancera
avec une armée en plus grande partie Pruffienne
, fe concerteta avec l'armée Autrichienne ;
& à cette époque , le préfentera l'armée dès
princes , groffie des contre révolutionnaires de
l'intérieur qui , depuis long - tems ont l'ordre du
-
"
729
#
la permiffion de refter en France , felon les em-
Flas divers qu'on leur a confié. »
cc Ceux- la qui n'au ont rejoint l'armée des
Princes que par peur , & fans être connus , feront
mis fous les ordres des chefs des détachemeus
reítés en arrière..»
६
a
« Le Roi de Pruffe marchera fur Paris , qu'en
réduira d'abord par famine. Alois aucune confidération
, même cele de la famille royale , ne
pourra rien faire changer à ces difpofitions. »
-ce
Sau
Quand on entrera dans Paris , les habitan's
en feront raffemblés en pleine campagne. Oh
en fera le triage. Les révolutionnaires feront fup
piciés. Les autres , on jette un voile fur leur
fort . Et peut- être , fuivra-t- on le fyftême de
Empereur , qui a donné par écrit ordre à tous
fes commandans de places , de n'épargner ,
premier fignal de révolte , que les femmes &
les enfans ; & en cas d'inégalité de forces , de
brûler les magasins , de faire faurer les poudres ,
& de mettre le feu dans les villes . Car on paroît
en effet décidé à préférer des déferts aux
-pays peuplés de révoltés . C'eft-là l'expreffion des
Rais ligués. »
Dans tous les cas , les maifon des révo
lutionnaires feront à l'inftant , même livrées au
Pilage , & les biens qui feront épargnés , feront
confifqués au profit du Roi. »
« Il ex fte un accord entre toutes les cours
coalifées , c'eft de m'accorder d'afyle à aucun reté
volutiornaire ; & la lifte de profcription s'étendra
jufques fur ceux qui ſe ſont déjà rendus dans
les pays étrangers . >>
On déclarera la guerre à toutes le puidances
qui n'accéderont pas à cet accord , ou qui l'é-
Juderoient , & l'on publiera un manifeſte en conféquence,
»
JOURNAL
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
FRANC E.
De Paris , le 3 Septembre 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du jeudi , 30 août .
PLULSUSIIEEUURRS réclamations fe font élevée fucceffivement
contre les commiffaires provifoires de
' la commune . Le miniftre de l'intérieur fe plaint
de ce que les commiffaires croifont fes opérations
dans l'approvifionrement de la capitale ,
& de ce qu'ils ont caffé le comité de ſubliítance ,
qui avoit toute la confiance. Il articule , ai fi que
M. Larivière , quelques autres faits , fur efquels
le comité de légif.tion cft chargé de faire fon
rapport. M. Girey -Dupré , éditeur du Patriote
François , dénonce un mandat d'arrêt lancé
---
No. 37. 15 Sep.cmbre 1792. D
( 74)
contre lui , par les mêmes commiffaires , pour
avoir imprimé qu'on avoit fait défarmer les citoyens
. M. Girey n'a pas cru que les adminitrateurs
provifoires euffent le droit de décer
ner de pareils mandats . Il a cru ne pas devoir
yobtempérer. L'Affemblée mande à la barre ce'ui
d'entr'eux qui a figné le mandat d'a rêt . Enfin
M. Genfonné apprend à l'Affemblée , au nom
de la commiffion extraordinaire , que par l'ordre
de la commune provifoire , des hommes armés
ont invefli l'Hôtel de la guerre pendant plus
de deux heures , fous prétexte que l'imprimeur
du Patriote François devoit s'y trouver.
Cette réunion de faits détermine l'Affemblée
a décréter que les fonctions des commiffaires de
la commune font terminées , que l'ancienne municipalité
reprendra les fiennes , & que les fections
nommeront chacune deux citoyens pour
former le confeil général , jufqu'aux élections
prochaines. ( On verra ci- après que ce décret a
fubi des modifications . )
Le miniftre des affaires étrangères notifie à
l'Aff: mblée que , le 8 de ce mois , il s'eft tenu
à Turin un congrès compofé des ministres d'Etat
& des généraux de l'armée Sarde pour décider fi
en attaqueroit la France , ou fi on ſe tiendroit dans
les bornes de la neutralité armée. Le prince de
Piémont s'est fortement élevé contre le projet
d'hoftilités , & il a développé les avantages de
la neutralité. Son opinion a prévalu , à la grande
fatisfaction du public , Une des premières mefures
de cette détermination a été le contr'ordre du transport
des équipages .
Le miniftre ne diffimule pas que la nouvelle des
évènemens du 10 pourroit apporter quelques chaugeniens
aux difpofitions du Roi de Sardaigne , mais
( 75 )
il confidè è que fon arm ée n'eft pas auffi forte
qu'on l'a dit . Ele ne confifte qu'en 34,500 hommes
de troupes de ligne , fans compter les milices.
Cette notification eft renvoyée au comité dir
plomatique.
Sur un rapport fait au nom du comité de l'extraordinaire
des finances , le décret fuivant eft
rendu :
te Toute fomme due par les acquéreurs des
biens nationaux , tant en intérêts qu'en capitaux
qui n'auroit pas été acquittée à l'échéance fixée
par la loi , doit intérêt depuis le jour de ladite
échéance , jufqu'à celui de l'acquitement .
Les commiflaires à l'armée da Nord écrivent
de Mézières qu'après avoir pourvu aux moyens de
déf nfe que cette ville peut oppofer à l'ennemi en
cas de fiége , ils ont fait mettre en état d'arreftation
le commandant de l'artillerie dont la négli
gence demandoit un exemple de févérité , & qu'ils
ont confié la garde de cette place à un officier
expérimenté , M. Drouart , plus connu fous le
nom de Lercy. Egalement eftimé du général Dumourier,
cet officier acquerra , fi l'eccafion s'en
préfente , la même gloire que Bayart a acquife en
defendant la même place.
Une lettre du diftri& d'Erain annonce que ce
bourg eft en la poffeffion de l'ennemi . Sur la
réquisition du commandant de Verdun , 3,000
gardes nationales fe font jettées dans cette dernière
vile . Une partie de la garde nationale du diſtrict
de Montmédy & une partie de celle de Clermont
font employés à la défenſe des ponts & des gués e
laMufe. L'Affemblée déclare que ces citoyens ont
bien mérité de la patrie.
Le confeil du département de la Haute- Marne
1
D 2
( 76 )
confirme l'arreftation de M. Lavergne , commandant
la place de Longwi. On a trouvé dans
la voiture de cet officier 36000 liv. , dont 27.
en a gent. Ses papiers font renvoyés au pouvoir
exécuuf.
L'Alemblée reprend la difcuffion fur l'état civil
. Elle en étoit au titre qui concerne les ma
riages , lorfque M. Aubert du Bayet a propofé
d'autorifer le divorce en France , en déclarant
que le mariage eft un contrat diloluble , & en
fixant la manière dont le contrat pourra ê re
rompu. M. Aubert attend de cette loi la premère
régénération des moears publiques . Loin ,
dit - il , de rompre ainfi les noeuds de l'hymenée
, vous les refferrez davantage , dès que
le divorce fera permis , il fera très rare.
O fupporte plus facilement fe peines , quand
on eft naître de les fire flair . Nous conferverons
dans le mariage cette inquiétude heureuſe
qui rend le fentimeas plus vifs . Une jeune époule
maltraitée par celui qu'elle avoit chifi , fûre que
fes liens feront rompus auffitôt qu'elle aura dépofe
fes plaintes devant un juge , redoublera de
patience , & fournira à fon époux l'occafion d'un
retour ; mais fi à l'injuſtice il joint la fréquence
des procédés odieux , par malheur trop communs,
tout exige que de parei's liens foient rompus.
M. Ducaftel obferve que le comité de légiflation
et d'avis du principe , mais il penfe qu'il
faut diftinguer les mariages faits & ceux à faire.
M. Guadet s'oppofe à ce que l'on déclare le
principe , attend qu'il l'eft déjà , & que plufieurs
tribunaux l'ont prononcé.
Cependant , comme il n'eft formellement exprimé
nulle part , l'Affembée déclare que le
mariage eft un contrat diffoluble par le divorce.
( 77)
Le comité de légiflation fe a inceffamment un
rapport fur la manière de rég'er le fort des enfans
, fur le mode par lequel l'ffi.ier civil
pourra s'aflurer qu'un premier manage a été
rompu , avant que d'en laiffer contracter un
fecord , & fur l'adoption,
"
Le comité des finances propofe de ftatuer que
tout vétéran national , officier , fous - fficier &
foldat , qui à raifon d'un fupplément de paie,,
piis fur le domame ou fur tout autre fords
jouilloit d'un traitement fupé ieur à celui qui eft
fxé par la loi du 16 mai dernier , le confervera
en entier durant fon activité de fervice , foit
que os de la prochaine organiſation des compagnies
de vétérans nationaux , il demeure dans
celle où il eft attaché aujourd'hui , foit qu'il paffe
dans une autre . Décrété. 1
Un membre demande que l'Affemblée ar ête
les patemens qui le faifoient chaque année , à
des moines allemands qui o t quelques biens en
France. M. Rulh convertit cette motion en une
propofition de féqueftrer , dès-a - préfent , tous
les biens du clergé autrichien qui font fiués en
France . Le féquftre n'eft qu'une repréfa l'es
l'empereur Léopold en avoit ufé de mème à l'égard
des Frar çois .
4
L'Affemblée décréte le féqueftre demandé par
M. Rulh , & charge fon comité de lui propofer
les moyens d'exécution .
Parmi les offrandes faites à la patrie , dans
cette féance , on diftingue celle de Marie - Cécile
princeffe Ottomane , file d'Achmet III , lun
des plus puiflans monarques de l'Ale , réfugiée en
France. Elle fait hommage à l'Aflemblée d'un
don pattiotique de 10 livres , feule fomine dont
D 3
( 78 )
fes longues iafortunes lui permettent de difpofer.
Du jeudi , féance du foir.
Deux foldats de la garde nationale de Chollet ,
département des deux Sèvres , admis à la barre ,
rendent compte à l'Aflemblée d'une is furrection
qui a eu lieu dans le duftrict de Châtillon ; ils
annoncent qu'un détachement de 60 hommes de
gardes nationales , commandé par M. Beifard ,
dont ils étoient eux- mêmes , a attaqué les
infurgens , qui étoient au nombre de 6,000 , &
les a mis en déroute.
L'Affemblée applaudit ; elle décière qu'il fera
mis à la difpofition du miniftre , ue fomme de
3000 livres , pour fubvenir aux befoins des
venves & des bleffés' ; que les noms des 60 voloataites
ferent ipferits au procès- verb.1 , avec
celui de M. Boifard' ; que les deux petitionnaires
qui font venus rendre compte de cette
affaire , & dont l'un a été bleffé d'une balle au
Bras , feront défrayés de leurs voyages , & les
frais fupportés par la nation .
Elle ftatue de plus , que les biens de ceux
qui feront convaincus d'avoir fomenté des troubles
dans les départemens , feront confifqués
& que le produit en fera verfe dans le trefor
national.
Du vendredi , 31 août.
1
L'Afemblée entend le récit d'un évènement
déplorable. La cherté des grains dans le Languedoc
a foulevé le peuple . A la vue d'une be le
récolté , il s'attendo't à une baille confiderable
Déjà elle étoit fenfible dans la ville , lorique de
( 79 )
nouveaux achats faits dans les diftricts de Carcalfonne
& de Caftelnaudari , pour al menter les départemens
de l'Hérault & da Gard , firent monter
le bled au taux où il étoit avant la moiffon . Le
peuple fe réunit au lieu des féances du département
; if demar de des vivres , on lui en accorde ;
une diminutica fur le prix , elle cft promife ;
enfin il demande la tête des adminiftrateurs . Auffitôt
les poftes font enfoncés , les armes pillées.
Paffemblée difperfée , l'inspecteur- général des rôles
eft bieffé, le procureur-général- fyndic eft mafiacré
à coups de haches .
-
3.Voici le décret que porte l'Affemblée fur ce
fanefte
évènement :
L'accufateur public du tribunal du diſtrict
de Carcaffonne pourfuivra les auteurs , fauteurs
& inftigateurs des troubles & des mestres commis
fur le canal des deux mers dit du La guedoc.
cc
23
Les administrateurs de l'Aude feront expédier
les grains , dont l'expédition fera jugée lé-
'gale . "
1
Les autres grains feront mis fous la fauvegarde
de la loi , la loyauté des bons citoyers &
la refponfabilité des communes , dans le reffort
defquelles ils fe trouvent . »
Les départemens de l'Aude , du Tarn , de
la Haute- Garonne & de l'Hérault , fe concerteront
pour protéger la navigation du canal . »
L'Aflemblée déclare que le procureur - fyndic
dy &ftrict de Carcaffonne , mort à fon pofte ,
emporte les regrets de la patrie , & a bien mérité
d'el'e.
Le miniftre de la guerre fait part des nouvelles
que deux otrriers de l'armée lui ont apportées
ce matin . L'un , dépêché par M. Dumourier
annonce qu'il vient de renforcer de deux
D
4
( 80 )
bataillons la garrifon de Verdun , que l'ennemi
menace d'ure artaque . Cette garni on eft de 4
mille hommes , non compris la ga de nationale de
cette vile , & une foule de bons & courageux ciryens
qui fe jetent dans cette place pour aider à
la défendre ; tout eft difpofé pour y faire une vigoureufe
défenfe .
D'un autre côté , Luckner écrit qu'ayant appris
la marche de l'ennemi fur Etain , il a envoyé
en avant de Verdun , près d Etain , 4 bataillogs
p endre un avant pofte avantageux. Ce corps de
troupes eft placé en avant-garde . Luckner écrit qu'il
va agir avec fon armée pour foutenir cette avantgarde
. »
Un citoyen avoit préfenté une pétition pour demander
que les mines enceintes ne fuffent point
nifes au caran. L'Affemblée confacie ce lentiment
de juftice & d'humanité par le décret fuivant
:
« Ait . Ier . Les femmes condamnées à la peine
du carcan , & qui feront trouvées enceintes au
moment de leur cordamnation , ne fibirent point
cette pené, & ne feront poit exposées zu publies
mais les garderont prifon pendant un mois , à
compter du jour de leur jugement , qui fera imprimé
, affi , hé & attaché à un poteau planté à cet
effet fur la place publique. »
сс
II. Le préfent article aura fon exécution à
l'égard desjugemens déjà rendus ; en conféquence,
les femmes condamnées à la peine du carcan & qui
font enceintes , garderent p ilon pendant un mor
qui commencera à courir du jour de leur juges
ment, »
Sur l'obfervation que quelques tribunaux , s'ap
puyant fur un décret de l'Affemblée conſtituante ,
fe difpofent à prendre des vacances' , l'Aſſembléc
༣, ༣ ,!
5
--
paffe à l'ordre du jour , attendu que pendant le
danger de la patrie , tout fonctionnaire public
doit refter à fon pofte. Elle décrète , d'après
le rapport de fa commiffion , que tous les effets
qui ont été diflrats du garde - meuble par ordre des
commiffaires des lections feront ér bls dans cet
édifice national , & que les commiffanes rendront
compte de tous les effets précieux , de For , de
l'argenrqui ont été trouvés aux Tuileries & confiés
à leur garde.
―
M. Vergniaux obferve que le préfident du confeil
de la commune ayant été mandé à la barre
de l'Affemblée , ne s'eft point conformé au décret.
M. Thuriot crot devoir repréſenter que ce décret
pourroit peut - être avoir des inconvéniens
dangereux. Que celui qui a peur d'un repréfentant
de la commune de Patis , répond M. Marbot
, laiffe faire cerx qui ont du coeur & du
courage. -M. Larivière , après un difcours
véhénient fur l'obéiffance que tout citoyen doit
aux loix , demande pour t'honneur de l'Affemblée ,
pour l'honneur de l Empire & pour la juft fication
même des citoyens de Paris , que celui d'entr'eux
qui d'abord n'avoit été que mardé à la barre y
foit amene féance tenante.- Cette propofition
eft décrétée .
M. Pétion paroît à la barre à la tête d'une
dépuration de la mucicipalité prov foire . Un de
fes membres prono ce un difcours apologetique
où il demande le rapport du décret po të contr'elle.
Si vous nous frappez , dit- il en finiſſant ,
frappez donc auffi ce peuple qui a fait la révolu
tion . Il eft maintenant en Aflemblées primaires , il
exerce fa fouveraineté ; confulez - le , & qu'il
prononce fur notre fort . Vous nous avez entendus
; pronɔncez ; nous fommes- là , Les hommes
D S
( 82 )
du 10 août ne veulent que) la justice , & qu'obéir
à la volonté du peuple .
P
M. Lacroix qui préfidoit a répondu avec une
dignité aſſortie au reſpect dû à l'Aflemblée nationale
& aux loix émanées d'elle . Il n'a pas
déguifé l'étonnement avec lequel l'Empire verroit
fa capitale , inveftiffant un confeil provifoire
d'une autorité dictatoriale , de focftraire
aux loix communes à tous & lutter d'autorité avec
l'Affemblée nationale Il les a invités à la féance.
Un moment après l'admiffion des commifaires,
trois citoyens le font préfentés à la barre , l'un
d'eux a dit : « Peuple des tribunes , repréfentans
du peuple , & vous , M. le préfident , nous venons
au nom du peuple qui eft à la porte , vous
demander la permiflion d'entrer dans l'Affemblée
pour voir nos repréfentans qui viennent de par-
Jer votre barre ; nous mourrons avec eux
nous l'avons ju é & figné ,
50
M. Vergniaux qui préfidoit alors , a répondu
que Affemblée étoit occupée de trop grands objets
, pour perdre un temps précieux en un défilement
inutile . C'eft nos repréfentans que nous défendons
, a dit l'un des citoyens . Et nous auffi ,
nous fommes vos repréſentans , dit M. Lacroix.
Allez dire à vos concitoyens , ajoute M.
Vergniaux , que l'intérêt de l'Empire nous défend
de les , recevoir ». Ils fortent.
M. Manuel , procureur de la commune , paroît
à la barre ; je fuis forti de la falle pour
me foster aux raffemblemens que l'on difoit exifter
, je n'ai trouvé que les coupables pétitionnaires
que je viens de faire arrêter. Applaudi .
Du vendredi , féance du foir.
Une députation des fourds- muets , introduite
( 83 )
à la barre , préfente la lettre ſuivante :
-
ce Les fourds muets , élèves de M. l'abbé
Sicard , viennent ici pour vous prier de leur
faire rendre leur père , leur ami , leur inftituteur
, M. l'abbé Sicard , qui eft en priſon , qui
n'a jamais fait de mai à perfonne , qui fait toujours
du bien à tout le monde , qui nous a
appris à aimer la révolution & les principes faciés
de la liberté & de l'égalité , qui aime bien tous
les hommes , les uns bons & les autres méchans
. »
L'Affemblée décrète que le pouvoir exécutif
fera tenu de rendre compte dans les vingt quatre
heures , des motifs qui ont donné lieu à la détention
de M. l'abbé Sicard.
Au nom du comité de furveillance & diplomatique
, M. Lafource fait un rapport fur l'affaire
de M. Montmorin , ex- miniftre des affaires
étrangères . Il examine les trois chefs d'accufation
que le comité a trouvés contre lui.
" 1 ° . D'avoir refuſé l'alliance avec la Pruffe. »
« 2 °. De n'avoir pas tâché de déjouer les
deffeins des princes rebelles . »
c. 3 °. D'avoir caché la coalition des princes de
l'Europe contre la liberté Françaife. »כ כ
M. Lafource conclut au décict d'accufation .
Le décret eft rendu .
L'Affemblée paffe à l'examen de la conduite
de M. Lavergne commandant de Longwy. Trois
lettres rendent la conduite fufpecte . L'une en
date du 16 où il dit que la ville eſt en état de
défenfe. L'autre du 19 où il affirme que la ville
ne peut réfifter. La troisième lui eft écrite par
un de fes amis , officier au camp ennemi , qui
l'engage par toutes fortes de raifons à livrer la
place. Une cour martiale doit prononcer fur
D 6
184)
le commandant & la garnifon ; Mais la acheté
des administrateurs , confignée dans une déclaration
remife à M. Lavergne , où Is difent que ce
commandant n'a accepté la capitulation que fur
la demande qui lui en a été faite par eux- mêmes ,
détermine l'Affemblée à porter le décret fuivant :
« Art. I. Auffi - tôt que la ville de Longwy
fe a rentrée au pouvoir de la ration Fra çoile ,
toures les mailons , à l'exception des maisons &
édifices nationaux , feront détruites & rafécs , »
II. Les habitans de Longwy font , dès -àpré
ent privés pour 10 ancées du droit de citoyen
François.
כ כ
ce III. Les commandans de tert• place alliégée
& bombardée font autorisés à faire démolir la
maifon de tout citoyen qui parlera de rendre la
plate pour éviter le bombardement . »
« IV. Le pouvoit exécutif fera paffer à la
cour_martiale chargée de juger ha condure de
M. Lavergne & de la garaifon , toutes les pièces
relatives cette affaire , adreffées à l'Aflemb ée
par les adminiftrat urs du diſtrict de Bourmont. »
Cette féance eft terminée par l'aulition cu
préfident de la commune provitoire & du fecrétaire-
greffier qui obéiffent au décret qui les a
mandés à la barre . Ils expofent par quel reifen
la commune a cru devoir porter un mandat
d'arrêt contre le rédacteur du Patriote François.
L'Affemblée leur accorde les honneurs de la
1ance & renvoie leur explication à la commiffion.
Du famedi , 1.Septembre..
Les commiffaires de l'armée du Rhin adreffert
un précis de leur million à Strasbourg, S heleftat,
Neuforiflac ,Huningue & Potentru . Dans cetic
première ville ils ont fufpendu le commandant
de la place , & autorilé M. de Biron à prendie
une partie du commandement de M. Lamorlière.
A Scheleftat à Colmar , ils ont fufpendu
plufieurs officers & fonctionnaires publics ,
A Neufbriffac , M. d'Haranbure officier général
leur a remis copie d'une déclaration , dans la
quelle il jure de refter à fon pofte , d'obéir à
fes officiers fupérieurs , de mourir pour la patrie ,
enfin d'être fidèle à la notion , à la loi , & au
Roi. M. d'Harambure était foit aimé des troupes
qu'il commande , les commillai es n'ont pris
aucune méfure à cet égard.
Dans réfuitat de leur déê he , i's font part du réfuitat de leurs opérations
, avec, des députés de la république
Suiffe de Bienne , à laquelle appartict
un défilé par lequel on puroit fe faire un paffage en France . Des troupes Frap- çoiles s'étoient avancées vers ce defilé nommé Pierre-Pertuis . Auffi-tôt la république
de Bienne a fit marcher
200 Suiffes du régiment
d'Er- neft . Cependant
la crainte d'alarmer les Fan? çois , a fit changer les difpofitions
, & '32 S iffes feu ement font venus occuper le rocher de Pierre- Pe fuis.
&
« Nous avens demar dé , continuent les com
miffaires , que la république envoyât deux dé
putés pour le concerter avec nous is font
venus & nous ont parlé avec franchife &
fincéeté. »
Prin
« Ils nous ont affuré que les Suiffes defirent ne
pas voir alterer l'union qui règne entre eux
la France ; qu'ils font trè attachés aux
.cites de la conftitution
Françoile
; que les événemens
du io août ont été jugés en Stiffe avec
la plus grande impartialité, & que les mesures
86 )
prifes à l'égard des régimens fuifles ont bien
excité le reffentiment de quelques familles , mais
non pas une haine de nation à nation. »
« Ils nous ont juré que non-
-feulement ils ne
prendroient aucune melure hoftile envers nous ,
mais même qu'ils repoufferoient tous ceux qui
voudroient le faire paffage fur leur territoire
& qu'ils étoient prêts à périr pour leurs amis
les François ; nous n'avons pas nous n'avons pas hefiré à les affurer
que la France eft attachée aux fuiffes , qu'elle
n'a eu pour objet , dans fes démarches , que
de pourvoir à fa sûreté , & qu'on avoit ordonné
aux généraux de refpecter fcrupuleufement le territoire
helvétique. "
« Nous avons écrit au bourguemeftre de Bienne,
nous espérons que l'Affemblée nationale ne défapprouvera
pas notre conduite. Les François
font armés dans le pays de Porentru , grace au
gé é al Ferrières , dont nous ne pouvons trop
fouer & les talens militaires & les vertus civiques.
Nous fommes perfuadés qu'avec de la
douceur on conciliera tous les efprits ; la moindre
violence perdroit tout . Signé , les commiffaires
envoyés de l'armée du Rhin.
Le miniftre de la guerre adreffe le bulletin
des armées. M. de Biron a pris toutes les mefures
éceffaires pour le renforcement de l'armée
Luckner, I m'ecrit que le canton de Berne a
demandé des troupes à l'Empereur , pour nous
déclarer la guerre ; mais que le corps elvétique,
eft très disposé à ne point adhérer, à cette réfolution
.
13.9 : 10 )
M. de Biron me fait encore pafter une copie
d'une lettre de Warfovje , qui prouve , d'après,
les mouvemens qui ont eu lieu en Pologue,
que bientôt le Roi de Pruffe fe repentira d'a
( 87 )
voir abandonné les Polonois , & de s'être allié
à fon ennemi naturel , contre un peuple qu'il
Jui eût importé d'avoir pour ami .
M. Kellermann m'avertit que l'ennemi fe
porte fur Thionvile , mais que fes difpofitions
militaires , la fermeté des chefs & le courage
des troupes auxquelles il en a confié l'exécution ,
ne lui laiffent aucune crainte fut le lort de cette
place .
L'Affemblée apprend par une lettre du dépar
tement de la Meule que la ville de Verdun eft
affiégée.
Dufamedi , féance du foir.
M. Guadet communique à l'Affemblée , au
nom de la commiſſion de furveillance générale ,
une lettre de MM. Mofneron & Nogaret , envoyés
par la commiſſion pour déjouer les confpirations
dans le Midi de la France. Ils ont fait.
arrêter , au fein des montagnes , un fieur Molinier
de la Carré , chef de parti , & deux autres
confpirateurs .
Du dimanche, 2 septembre.
Dans la crife actuelle , il importoit que l'adminiftration
de la commune de Paris , dont les
travaux augmen eent chaque jour , fût ſurveillée
& aidée par un plus grand nombre de citoyens,
En conféquence , I ffem lée dé rète que le nombre
des membres qui comp fent le co fcil de la
commune de Paris , fera por é à 288 , & que
les 288 commiffaires actuel fe ont membres du
confel , à moins qu'ils ne foient révo
é &
remplacés par leur sections.
Deux membres du corps municipal font introduits
à la barre . Ils annoncent que le confcil
1
( 88 )
général a arrêté qu'à l'inſtant le tocfin fera fonné
& le canon d'alarme tiré ; que tous les citoyens
de Pa is feront invités à f. réunir au Champ de
Mars pour matcher à l'ennemi , que des commiffai
es fer nt envoyés fur la route de Paris à
Châlons pour réunir aux citoyens patriotes de la
cp tale , ceux des départemens ci convoifias.
ap La poclamation du confeil de la commune eſt
Couverte d'applaudiff: mens , M. Vergniaud prend
la parole. En exp fint avec énergie la néceffité
d'u e mfure grande & décifive , il reprefente
combien feroient dangereufes en ce moment les
terreurs paniques que des ém ffaires de nos ennemis
voudio ent infpiter au peuple . Mais Paris fe
montre dans toute la grandeur ; il connoît ſes vrais
danges & la patrie eft fauvée. Que ces hordes
étrangères s'avar cent nos armées qui ne font
pas allez fo res pour les attaquer le feront pour
les faivre , pour les harceler , leur couper les
communications avec les armées extérieures. Et
fi à un point déterminé , nous leurs péfen : ons
tout-à- coup un front redoutable , fi l'armée Parienne
les pread en tête lorſqu'elles feront cernées
.
s par nos bataillon , c'eft alors qu'elles feront
dévorées par cette terre qu'elles auront profante
par leur marche facilège...
Cependant , pourquoi les retranchemens du
Camp qui eft fous les remparts de cette cié , në
fan -is pas plus avancés ? Ou font les bê het ,
les pioches qui ont élevé l'autel de la Fédération.
Quferions- nous mois ardens à confture
un camp qua préparer des fêtes ? Je demande
que l'Affemblée nationale envoie à l'inftant
& ch
que jour douze commullaires au camp , non
pour exhorter les çi oyes à travailler , mais pour
piocher eux-mêmes . Qu'ils baignent de fueur les
( 891 )
retranchemens de nos foldats , & que l'Affemblée
toute entière ait creufé la foffe de nos ennemis .
Au bruit des acclamations univerfelle , ' Affemblée
fe lève & décrète la propofition de M.
Virgniaux.
13-2
f
1
Le miniftre de la juflice vient annoncer que
tout s'ébranie , que tout bûle de combattre. I
demande que l'Affemblée conccurre avec le pouvoir
exécutif , à diriger ce mouvement fublime
du peuple , que quiconque refufera de fervir de
fa perfonne , ou de remettre les armes , foit puni
de
e mors. Qu'il foit fait une inftruction aux citoyens
pour diriger leurs mouvemens ; qu'il fort
envoyé des couriers dans tous les départemens
pour les avertir des décrets que l'Affſemblée aura
rendus ; que 12 commiffaires pris dans le fein
de l'Affemblée foient réunis au pouvoir exécutif
pour feconder fes mefures. Le tocfia qu'on
va fonner n'eft point un fignal d'alarme , c'eft
Ja charge fur les ennemis de la Patrie. Pour les
vaincre il nous faut,de l'audace , encore de
Faudace , toujours de saudace, & la France eft
fauvée. L'Allemblée, applaudit , & décrète les
différentes propofitions du miniſtre……
"
7 $
Le fuccès dépend de l'unité d'action . - M.
Dumas demande, que le pouvoir exécutif
indique des lieux de raffemblement ou fe
Tont des commiffaires ordonnateurs ; décrété,
Sur la propofition du même membre , l'Allemblée
ordonne la formation de deux corps de
troupes légères à cheval , fous la dénomination
de huffards de la liberté. Elle autoriſe le miniftrë
de la guerre à retirer à la cavalerie fes moufquetons
pour les employer de la manière la plus
utile , & notamment pour le camp de Soillons.
Elle adopte un projet de décret préſenté au nom
"
(901)
〃
de la commiffion des armes , pour le tranfport
de plufieurs pèces de can in a Parinée . Une .
partie des chevaux de pofte y feront employés .
Après avoir pris ces différentes melures pour
la déf nfe de l'Etat , l'Aflemble reçoit fabare
une foule de croyens & éoyennes. Celles - ci
apporte t des offrandes & des voeux , ceux - là
offrent leurs bras & demandent des armes. Da
commune d'Aumale fait deh de fon quart de
éferve fur la vente des domaines nationaux &
d'une fomme de 22,090 liv.
.
$
Le miniftre des affaires étrangères écrit à
Aff mblée pour fur faire part des mouvemens
que fe donne l'Impératrice de Roffie , qui, après
avoir guerrayé avec la Turquie & la Pologne ,
veut encore fe ranger parmi les ennemis de la
France. On lui a mandé de Venife qu'une forte
Ruffe a paru dans ta mer Noire , qu'elle doit fe
rendre dans la Méditerranée; quil eft parti auffi
du port d'Archangel , pour Copenhague , onze
vaiffeaux & quelques frégates qui vont le rendre
au port des Gronftade , & qu'ils portent beaucoup
de munitions de guerre. Enfin , le miniftre
de France à Hambourg lai a annoncé que ..
2006 Ruffes doivent traverser la Pologne &
l'Allemagne pour venir nous- combattre . Cette
dernière nouvelle mérite confirmation . Au fure
plus ; le miniftre obferve que ces troupes ne
pourroient arriver à leur destination qu'à l'entrée
de l'hiver, époque à laquelle nous aurons prot
bablement triomphé de nos ennemis . Quant à la
flotte qui doit entrer dans la Méditerranéelucette
nouvelle peut encore paroître fufpe &ter Cefens
dant comme elle n'eft pas invraisemblable , e
confeil éxécutif va prendre les metures réceſſaires
pour mettre nos côtes en bon état de défenſet
191 }
L'Aflemblée entend la lecture d'une proclama-.
tion de M. Blanchelande qui annonce que l'ordre
eft parfaitement rétabli à St. Domingue. 23
Voici le buletin de la guerre : M. Biron a
donné ordre à 10,000 hommes de jindre M.
Kellermann ; ils arriveront le 3 de ce mois. Il
s'occupe maintenant à organifer 15,000 hommes ,
à la tête defquels il marchera à la défenſe de la
- capitale ..
T
M. Dumourier le porte four défendre les
gorges du Clermontois & les trouées d'Autry .
Il expofe la néceffité de former un gros corps à
Châlons.
Du dimanche , féance du foir.
Nouveaux témoignages de zèle , d'ardeur pour
Ja défenſe de la patris . Un père préfente fes trois
fils qui partent pour la frontière ; les fédérés de
Marteille demandent à marcher là où le danger
eft le plus grand. Un cocher de place offie fes
deux chevaux qui font toute la propriété , pour
le fervice des armées. La barre de l'Aſſemblée
s'ouvre à une foule de citoyens qui apportent
les uns de l'argent , les autres des armes , L'A
femblée applaudit à ces traits de civiſme & de
dévouement , accueille les hommages des péti
tionnaires , & les admet aux honneurs de la
féance . 76 in ja
1
MaVitieux envoyé de Parme en France ,
muni d'un paffe - port du miniftre des affaires
étrangères , partoit pour Genève, quoiqu'il n'ait
point été rappellé par fa cour. Le peuple l'a
arrêté aux barrières , L'Aſſemblée décrète que le
ministre fera entendu fur cet objet , & qu'en
attendant M. Virieux fera mis fous la fauvegarde
de la loi .
7
V
03
D'après sun rapport fait au nom de la com- • I
1
milion militaire , fur la formation de l'étatmajor
du camp (bus Paris , l'Affemblée décrète
ce qui fuit :
« A t . I. Il fera adjoint quatre officiers - généraux
au commandant en chef chargé de préfider
à l'enſemble de la défenfive du camp fous
Paris & des poftes avancér. »
« II. Outre l'état - major fpécial du camp fons
Paris , décrété par la 1 i du 21 août , il fera attaché
au fervice de l'armée qui y eft deftinée ,
qatre officiers faifant les fonctions d'adjudansgénéraux
, un directeur - général d'artillerie , deux
commilaires- gééraux & deux commiffaites o
dinaires des gueries. "
« II. Le pouvoit exécutif efè autoriſé à employer
le nombre d'officiers du génie qu'il jugera
néceffaire pour fortifier & défendre les poftes
avancés, »
Oa lit un pojet de décret pour engager les
citoyens qui ne peuvent pas aller aux frontières ,
à donner leurs armes à ceux qui y voot. I's fe-
10 t cauffi invités à donner leurs habits de garde
national. L'Affémbléc , fur la demardé du miniftie
de la guerre , mer à la difpofition 4 millions
pour fournir aux dépenses des volontai.es
des frontières.ass 2
Une dépuration des efficiers municipaux annonce
qu'il fe fant des reffumblemens autour des prifons ,
& que le peuple veut enfoncer les portes . L'Af
femblés nomme fur - le- champ fix commiffaires
pour parler au peuple , & rétablir le calme.
M. Daffaulx , l'un d'eux , vient bientôt après
rendre compte de linut Lté de leurs repréfentations
. En vain ils ont voulu fe faire entendre ;
1 : ur voix étoit couverte par des cris tumultueux ,
Isfe font retirés , & les ténèbres ne leur ont
( 93 )
pas permis de voir ce qui le paffoit . La députation
eovoyée au temple annonce que le calme règne.
dins l'iterieur & l'extérieur , & qu'il n'y a aucune
apparence de raffemblem nt.
O lit une lettre de M. l'abbé Sicard , détenu
à l'abbaye . Il a été témoin du maffacre des prifo
iniers , & prêt à périr lui-même , il ne doit
la vie qu'au géér ux dévouement d'un hotloger ,
garde national , nommé Monnot , qui a diť au
peuple , en ouvrant la po tri e il faut que vous
perciez ce fein pour arriver à celui de l'abbé.
Sicard ; c'est l'appui , c'est le père des infortunés
Jourds & muets. L'Affemblée applaudit au courage
de Monnor , & déclare que ce brave citoyen a
bien mérité de la patris. 1
La commiffion extraordinaire propofe de transférer
dans le château de Saumur les prifonniers
d tenus dans les pii ons d'Oléars . Cette propofition
eft décrétée .
45
Trois commilaires de la commune artivent ,.
& rendent compre de leurs efforts pour arrêter lan
fu eu du peuple . Mais i's n'ont pu rien gagi er ,
& les prifons font maintenant vides . Le peuple .
avoit organifé un tribunal compoté de 12 perfones.
En exerçant fa vengeance , il a épargné
les prisonniers détenus pour dettes ou pour des
fautes légères ; tous les autres ont été immolés . Les
prètres non-fermentés ont fubile n.ême lot .
Du lundi , 3 feptembre,
Un grand nombre de dons civiques , aimes ,
chevaux , bijous , affignats font preclames . Les
mêmes fentimens , le même efprit public fe man
riften: dans tous les jeux . Les commillaires n³-{
tiona x envoyés pour accélérer la levée des vo
lontaires écrivent à l'Allemblée que les routes
font couvertes de citoyens enôés ; les communes
94 >
offrent leurs chariots . Les uns s'infcrivent , les
autres fourniffent leurs habits , leurs armes , &
foulerivent des engagemens pécuniaires pour fecourir
les femmes & les enfans de ceux qui
partent . A Amiens , la foufcription pécuniaire s'eft
portée en moins de deux heures de temps , à
60,000 liv . A Verfailles , elle a produit fur-le- !
champ 64,000 liv . , un batailion de 800 hommes
va être armé & équipé aux frais de la commune
; elle lui donne deux pièces de canon ; & lus
de 200 hommes à cheval fe forment en compagnies
franches. Troies a fourni un nombre égal d'hommes
& une foufcription de 72,000 liv.
Le miniftre des affaires étrangères informe l'Afemblée
qu'il n'avoit pu ſe refuſer à donner un
paffe-port à M. Virieux , parce qu'il eft miniftre
plénipotentiaire du duc de Parme , &
chargé des affaires de Malthe en France . Renvoyé
au comité diplomatique. Sur le rapport
d'un membre du comité de lég flation , l'Affemblée
décrète qu'il ne fera retenu dans les galères
de France , aucun étranger condamné pour des
crimes commis hors le territoire de France.
Il étoit de fon humanité de faire participer
aux adouciffemens que notre nouveau code pénal
a apportés aux peines , les perfonnes condamnées
felon les formes anciennes de la procédure
criminelle , & encore vivantes . C'eſt
d'après le voeu de fon comité de légiflation
qu'elle rend le décret fuivant :
•
« Art . I. Les demandes en abolition ou commutation
des peines afflictives ou infamantes
prononcées contre les perfonnes qui font encore
vivantes , par des jugemens rendus en dernier
reffort fur des procès inftruits felon les formes
auxquelles a été fubftituée la procédure par jurés ,
( 95 )
t
feront postées devant les juges des tribunaux
criminels des départemens , dans le reffort defquels
les procès auront été inftruits en première
inſtance . »
II. Auffi tôtquelesjuges d'an tribunal crimi
nel de département feront faifis d'une demande en
abo ition ou commutation de peines , ils fe feront
envoyer l'expédition du procès auquel cette demande
fera relative , avec toutes pièces fervant
à charge & à décharge ; & ces juges , après avoir
tout vu , tout examiné , pris tous les renseignemens
qu'ils croiront néceſſaires pour éclairer leur
religion , décideront en leur ame & confcience>>
fi le délit qui a donné lieu à la peine prononcée ,
étoit excufable ou non . ɔɔ
« III, S'ils trouvent que le délit étoit excufable
, ils prononceront la rémiffion de la peine ,
quel qu'en foit le genre. »
IV. S'ils trouvent que le délit n'étoit pas
excufable , ils examineront fi la peine prononcée
eft plus rigoureufe que celle portée au code
pénal , actuellement en vigueur contre le même
délit ; & dans ce cas ils la réduiront à celle
qu'auroit fubie le coupable , s'il eût pu être jugé
felon les difpofitions du code pénal . »
« V. La peine des fers , de la réclufion , de
1 gêne & de la détention
*
› ne pouvant , en
aucun cas , d'après le code pénal , être perpé-'
tuelle ; la perpétuité des galères ou des prifons
autrefois en ufage eft , à compter de ce jour ,
anéantic pour tous ceux qui ont pu y être con
damnés . »
23
En conféquence les condamnés qui auront
fubi ces fortes de peines pendant un temps égal ,
au plus long terme fixé par le code pénal pour
les fers & la réclufion , feront de fuite , fans
( 96 )
qu'il foit befoin d'aucun jugement , rappelés des
gale es & mis en liberté , à moins qu'il ne s'agfe
d'une récidive dans le cas prévu par l'article
f du titre II du code pénal ; dans lequel cas ils
feront , aux termes de cet article , transférés ,
pour le reste de leur vie , au lieu fixé pour la déportation
des malfaiteurs , ɔɔ
- VI. A l'égard de tous les autres , condamnés
aux galères ou aux prifons , foit perpétuelles
, foi à temps , qui n'auront pas en - 7
core tubi leur prise penda tiles temps fixe par
leur jugement , ou pendant un temps égal au
plus long terme five par le code pé lal , la peine ,
fie Per et des gave es , fra commuée en cele
des fers , de la réclation ou d : la gêne , felon
qu'il eft réglé par le code pénal pour le dé it
qui aura donné lieu à la condamnation , & la
peine de la pilon en celle de la détention . »
Tout le temps pendant lequel ils aurort
fabi la peine qui leur aura été i fligée leur feracompté
de manière que fi ce temps fu : paffe
ou égale celui fixé par le code pénal , ils feront
de fuite mis en liberté , & s'il lui eft inférieur
ils ne fubiront la peine fubftituée que pendant
un temps néceffaire pour completter la durée fixée
par le code pénal .
ככ
« VII. Les commiffaires du Roi près les tribunaux
criminels de département , dans la huitaine
qui fuivra la prononciation du jugement
en enverront les expéditions au pouvoir exécutif ,
qui eft chargé de les faire exécuter fans délai . »>
Le minifte de la guerre fait parvenir à l'Affemblée
une lettre de M. Dumourier , qui lui ma que
que fon avant garde a repouflé les Prufliens dans
une efcarmouche , leur a pris deux chevaux , & a
perdu
;
1971
a
perdu deux hommes . Il marche pour couvrir la
Champagne. Il fera joint par le camp de Pont-fur-
Sambre , qui eft dans un état refpectable . Il espère
donner les mains au général Kellermann , pour
fauver Verdun , s'il en eft encore temps . -- Le
miniftre annonce que M. Duhoux eft parti à la
tête des troupes qu'il commande. Son commiffaire-
ordonnateur mande que tous les citoyens
donnent leurs armes , & qu'il y aura à Rheims un
grand raffemblement , Rheims couvrira Châlons
& Soiffons. Une lettre de Luckner inftruit auffi le
miniftre , que fon avant-garde a repouffé avec
beaucoup d'avantage une nombreuſe reconnoiffance
de l'ennemi. Soyons calmes , fermes , unis ,
& la patrie fera fauvée. ( On applaudit. )
.M. Kerfaint , faifant fentir la néceffité de prévenir
le peuple contre les rapports infidèles par
lefquels on chercheroit à l'alarmer , décide l'Âſfemblée
à faire rédiger tous les jours , par la
commiffion extraordinaire , un bulletin national
pour recueillir les nouvelles de l'armée & les
principales opérations du gouvernement.
M. Jouneau qui étoit détenu à l'Abbaye par
un mandat d'arrêt , prévient par écrit un de ſes
collègues qu'il a été refpecté dans le maffacre nocturne
, grace à un brave canonier . On ordonne
par un décret , fa tranflation à l'Affemblée. Des
acclamations annoncent bientôt après l'arrivée de
M. Jouneau. Il paroît avec le brave homme qui
lui a fauvé la vie , & accompagné de plufieurs
citoyens qui lui ont fervi d'efcorte. M. Jouneau
rend hommage à fon libérateur , & attefte à
l'Affemblée le refpect du peuple pour les décrets.
L'Affemblée ordonne, que M. Jouneau reftera dens.
ſon ſein jufqu'à ce que le tribunal qui le pourfuit
Nos. 37. 15 Septembre 1792. E
( 98 )
lui ait indiqué la prifon dans laquelle il doit fe
rendre.
Sur le rapport de M. Lagrévole , l'Aſſemblée
décrète que l'or & l'argenterie qui se trouveront
dans les maifons ci- devant royales , & dans celles
des émigrés , feront tranſportés à la trésorerie nationale
, ou aux hôtels des monnoics les plus
voifins.
On lit une lettre de la commune de Paris . El'e
annonce que l'aflyle de Louis XVI eſt menacé , &
elle demande que l'Affemblée nomme fix commiffaires
pourfe réunir à elle & calmer l'effervescence
du peuple. Cette propofition eft auffi- tôt décrétée ,
& les commiffaires partent.
Du lundi , féance du ſoir.
Des volontaires du bataillon de Mayenne &
Loire en garniſon à Verdun demandent des armes
pour aller joindre leurs frères.
M. Choudieu fait connoître à l'Affemblée le
généreux dévouement de ce bataillon. Les volenraires
qui le compofent lui ont fait parvenir le
fruit de leurs épargnes. Faites- les paffer à nos
parens , lui écrivent - ils ; & pour les confoler
dites leur que nous fommes morts pour la patrie.
.
Sur la propofition de M. Dumas , l'Affemblée
décrète q depuis le grade de général d'armée
jufqu'à celui de maréchal- de-camp inclufivement
les places feront au choix du pouvoir exécutif ſeu
lement , fans égard à l'ancienneté de ſervice , pendant
la durée de la guerre.
M. Servan le préfente dans l'Affemblée , il
annonce , d'après une lettre particulière de Sainte-
Menchould & une lettre du directoire de la Haute-
Marne , la prise de Verdun. Mais , ajoute le
1
1
miniftre , ce n'eft pas fans doute far leur arm'e
que l'Autriche & la Pruffe ont compté pour
fubjuguer un grand people ; c'eft fur les défordres
intérieu s. On affure que les haines particulières
s'allument , on répand les idées les plus alarmantes
& les plus contradictoires . On dit dans les départemens
-frontières que l'on veut donner à la
France le Duc d'Yorck pour Roi , & que ce font
les Parifiens qui ont ce projet. A Paris , on infinue
que l'Affemblée nationale veut rétablir
Louis XVI fur le trône. Le miniftre demande
que l'Affemblée faffe une adreffe au peuple pour
le défabufer , qu'elle foit complette & léante toute
la nuit, & que la garde nationale veille à la sûreté
des perfonnes & des propriétés.
Voici le décret rendu fur les propofitions de
M. Servan :
« Art. I. La municipalité , le confeil- général,
de la commune & le commandant général de la
garde nationale de Paris font chargés d'employer
tous les moyens que la confiance de leurs citoyens
a mis en leur pouvoir , & de donner chacun en
ce qui les concerne , & fous leur refponſabilité
perfonnelle , tous les ordres néceffaires pour que,
la fûreté des perfonnes & des propriétés foit refpectée.
»
II. Tous les bons citoyens font invités à fe
rallier plus que jamais à l'Aſſemblée nationale &
aux autorités conftituées , & à concourir • par
tous les moyens qui font ca leur pouvoir , au
rétabliffement de l'ordre & de la tranquillité publique,
»
« III. Le pouvoir exécutif rendra compte dans
le jour des mefares prifes pour accélérer le dé-
Part des troupes qui doivent fe tendre aux dif-
E2
98 T
ferens camps formés en avant de Paris , & pour
fortifier les hauteurs qui couvrent cette ville. »
IV. Le maire de Paris rendra compte à
l'Affemblée , tous les jours à l'heure de midi , de
la fituation de la ville de Paris , & des mefures prifts
pour l'exécution du préfent décret, »>
V. La municipaltté , le confeil - général de
la commune , les préfidens de chaque fection ,
le commandant- général de la garde nationale ,
les commandans dans les fections , fe rendront
dans le jour à la barre de l'Aſſemblée nationale ,
pour y prêter individuellement le ferment de
maintenir de tout leur pouvo'r la liberté , l'égalité
, la fûreté des perfonnes & des propriétés ,
& de mourir , s'il le faut , pour l'exécution de la
loi. »
« VI. Les préfidens de chaque fection feront
prêter le même ferment aux citoyens de leur arrondiffement.
»
ce VII. Dans toute la France les autorités conftituées
prêterontle mêmeferment, & le feront prêter
par les citoyens . >>
ce VIII. Le préfent décret ſera proclamé folemnellement,
& porté dans chacune des quarante-huit
fections de Paris , par un commiffaire de l'Afemblée
nationale . »
Ce décret eft fuivi d'une proclamation pour
ramener tous les citoyens à la loi , à l'union qui
feule peut les rendre invincibles .]
Une lettre du miniftre de l'intérieur fait fentir
encore plus le befoin de cette union , en montrant
une déforganiſation prochaine dans tous les
pouvoirs conftitués , fi des hommes ¡zelés , mais
fans connoiffances , prétendent fe mêler journellement
de l'adminiſtration & entraver fa marche.
for
Après avoir expofé l'état des chofes , après avoir
examiné quelles fuites il doit avoir , & quelle
obligation il impofe , M. Roland jure de refter
à fon pofte jufqu'à la mort , s'il y eft utile &
qu'on le juge tel . Il demande fa démiffion & la
donne fi quelqu'un eft reconnu pouvoir mieux
l'occuper , ou que le filence des loix lui interdife
toute action .
Cette lettre dictée par une mâle éloquence
& d'après cette maxime que l'on doit la vérité
aux Peuples comme aux Rois , eft interrompue
par de fréquens applaudiffemens. L'Affemblée
en ordonne l'impreffion & la publication.
Une députation de la commune de Paris an
nonce que la ville eft parfaitement tranquille.
Du mardi , 4 Septembre.
Des intrigans cherchent à égarer le peuple ,
à le divifer , à le faire fervir d'inftrument à leur
haine , à leurs vengear ces. I's voudroient dans
leur délire , ravir à l'Affemblée nationale cette
co: fiance publique qui fait fa feule force ,
pour élever fur el'e une domination ufurpatrice ,
& livrer l'état fans défenſe à fes ennemis. L'un
des commiffaires nommés pour aller dans les
fections de Patis détabufer les citoyens fur la
projet attribué à l'Affemblée de placer fur le
trône le duc d'York ou le duc de Brunswick ,
M. Chabot , paroît à la tribune. Il eft inftant d'arrêter
les calomniateurs dans leurs progrès fur
l'efprit du peuple . Faifons tomber de leurs mains
cette arme dangereufe , la feule qui leur refte.
Laiffant à la nation le droit de fe donner le
gouvernement qu'elle jugera convenable , déclarons
individuellement que nous formes convaincus
par une funefte expérience des vices des
E
3
( 102 )
Rois & de la Royauté , & que nous les détefterons
jufqu'à la mort.
i
ces
L'Affemblée fe lève toute entière & accède à
cette déclaration . Au même moment M. Guadet
lie un projet d'adreffe aux François pour les prémunir
contre les bruits que fèment tous
hommes perfides qui , le coeur plein d'ambition
& de haine , ne parlent de liberté que pour
affervir , & d'égalité que pour s'élèver.
Cette adreffe eft terminée par ces mots remar
quables. «Les représentans du peuple jurent individuellement
haine aux Rois & à la Royauté,
ils les combattront jufqu'à leur dernier foupir, »
M. Vergniaux vient offiir à l'Aſſemblée la
démiffion de la commiffion extraordinaire , devenue
l'objet des pourfuites & des dénonciations.
On réclame l'ordre du jour . M. Lafource l'un
de les membres , infifte . ce Au nom de l'intérêt
public remplacez- nous dans un pofte où la calomnie
nous affiège. Vous ne manquerez pas
d'hommes qui , avec autant de zèle & plus de
moyens peut être , pourront rendre de plus
grands fervices . »
M. Cambon s'oppofe au voeu de la commiffion.
Il déplore les maux de la France , fi oubliant
' idée du caractère facré de repréfentant du peuple ,
l'Affemblée ne s'élève pas hautement contre les
manoeuvres des intrigans & des calomniateurs ;
par infouciance ou par foibleffe , elle laiffe
accroître leur audace , fi elle fouffre qu'ils pourfuivent
jufque dans fon fein des membres dont le
zèle & les travaux ont juftifié la confiance .
L'Aſſemblée paffe unanimement à l'ordre du
jour.
Il s'eft élevé dans quelques départemens des
inquiétudes fur les fubfiftances , quoique les écoltes
( 103 )
aient été généralement abondantes. Pour ne laiffer
fubfifter aucune crainte à cet égard , l'Aſſemblée
met à la difpofition du miniftre de l'intérieur un
fonds de douze millions qu'il emploira eň achat s
d: grains chez l'étranger.
La léance fe termine par des dons civiques.
Ua Anglois , avant de partir pour la défenfe de
la liberté , demande un paffe -port pour que fa
femme & fa mère , qu'il nourriffoit du fruit de
fon travail , puiffent retourner dans leur patrie .
L'Affemblée décrète que la femme & la mère
de ce brave homme feront nourries aux dépens
du tréfor public.
Du mardi , féance dufoir.
Le miniftre de la guerre fait paffer à l'Af
femblée une lettre des adminiftrateurs du département
de la Meufe , par laquelle ils annoncent
que la ville de Verdun s'eft rendus, le z feptembre
, à 6 heures du foir. Le courier qui l'a ap
portée eft admis à la barre , & donne quelques
détails fur les mouvemens de l'armée Dumourier,
& fur la prife de Stenay , où l'ancien régime
eft parfaitement rétabli. Les habitans & la garde
nationale fe font défendus jufqu'à la dernière
extrémité. Une femme voyant que l'ennemi
étoit maître de la ville , a empoifonné deux tonneaux
de vin ; elle en a bu la première , & en
a fait boire à 400 Autrichiens qui en font
morts avec elle.
On lit une proclamation du général Dumou
Tier à fes foldats , par laquelle il leur promet
que , quand ils auront difperfé les brigands qui
ravagent le territoire François , il les conduira
dans leurs pays pour y propager les principes dé
E
4
7104 )
La liberté. L'Affemblée en décrète l'impreffion &
J'envoi aux départemens .
La commune de Verfailles envoie l'extrait
d'un procès- verbal qui conftate qu'il a été trouvé
dans le château 1700 marcs d'argent , & que les
habitans ont formé une maffe de 100,000 liv .
pour les femmes & les enfans des citoyens qui
partent pour la défenfe de la patrie .
Un bruit circuloit fourdement . On difoit que
le peuple excité , alloit envelopper dans fes vengeances
les fignataires de la pétition Guillaume.
Le miniftre de l'intérieur rend compte des ordres
qu'il a donnés à M. Santerre , pour affurer ,
par tous les moyens qui font en fon pouvoir
la sûreté & la propriété des citoyens.
da
Cette terreur qui n'étoit née peut- être que
fentiment terrible de tant d'exécutions populaires ,
eft diffipée par le rapport que font les commiffaires
de l'Affemblée , envoyés dans les fections
pour y communiquer fes décrets . Ils annoncent
qu'elles ont prêté , entre leurs mains , le ferment
d'égalité & de 1berté . Elles ont juré qu'il ne
feroit plus commis aucune violence , & qu'elles
ne reconnoîtront jamais d'autre autorité fuprême
que celle de l'Aflemblée nationale .
-
Sur la propofition du miniftre de l'intérieur ,
l'Affemblée décrète que la gendarmerie des départemens
frontières fera payée en argent . Le
confeil exécutif fera connoître au corps législatif
l'état des magasins des arfenaux , & les détails
du plan de campagne qui peuvent être révélés
fans nuire aux fuccès de nos armes..
Du mercredi , 5 Septembre.
La rareté , des fufis & le be oin urgent de s'en
procurer , fourniuent à M. François un expé
( 105 )
2
dient . Il propofe & l'Affemblée décrète que les
employs aux douanes feront ur frvice avec
des piques , & remettront leurs armes aux directoires
qui les feront pafler au miniftre de la
guerre ou a x généraux de nos armées . Ces
arines fero teftimées a leur plus jufte val ur par
des co miffaires , pour qu'elles foient rendues
à chacun des prop iétaires après la guerre , ou
que la valeur leur en foit payée.
D'après le voeu de fon comité de commerce ,
l'Allen blée rend deux dé rets . Le premier per
met l'importation de toutes espèces de tabas en
feuilles , en payant 10 iv. du quintal pour les
tabacs qui font affujettis au droit de 18 liv. 15
fols ; 12 liv . pour ceux qui paient 25 liv . , &
15 iv. p. ur tous les autres . Le fecord eft relatif
aux objets de comptabilité dont les deux chambres
de commerce étoient cha gées . Nous don
nerons le difpofitif de ces deux décrets dans le
prochain numéro.
Sur le rapport du comité de l'ordinaire des
fiances , l'Aemblée décrète que la caiffe de .
Pextraordinaire verfera , fans délai , à la treforene
nationale , 1 ° . 14,899 732 liv . pour couvrir
l'excédent des dépe . fes ordinaires fur la recette
du mois d'août ; 2 ° . 2,317,301 liv. pour
dépenses extraordinaires de l'exercice de 1791
acquittées durant le cours du même mois ;
30.98,934,201 ' iv: pour dépei fes extraordinaires
de 1792 , aufli acquittées pendant le même
mo s .
Les commiffaires à l'armée du Rhin rendent
compte de leur miffi n. Cette frontière , depuis
Bfa çon jufqu'à Strasbourg , eft defendue par
48,000 hommes , non compris les volontaires
qui arrivent en vertu des dernières réquifi ions
ES
( 106 )
mais on manque d'armes & d'effets de campement.
La conduite de MM . Victor Broglie &
Jofeph Broglie a pait aux commiffaires être des
plus criminelles. L'Affemblée renvoie cette dénonciation
à la commiffion extraordinaire pour
en faire le rapport.
Les commiffaires envoyés à Rochefort annoncent
qu'ils font partir pour Paris une compagnie
de canoniers de la marine , avec 91 pièces de
canons de divers calibres , so mortiers , *2000
fufils , 250 piftolets , 300 haches d'armes , 400
piques , avec les bombes , les boulets & ufte files
néceffaires.
Malgré la loi qui ordonne le tranflation des
détenus de la haute - cour , au château de Saumur
, l'Affemblée apprend qu'une force aimée
les conduit à la capitale. Elle décrète que le pouvoir
exécutif enverra des commiffaires au- devant
de cette troupe , pour l'arrêter & la rappeller au
refpect des loix , & qu'il fera transférer les pri
fonniers dans une ville quelconque hors du département
de Paris , en attendant qu'i's puiffent
être conduits à Saumur .
D'après les rapports de fon comité militaire ,
l'Affemblée décrète que le pouvoir exécutif remettra
, fans délai , aux officiers de la gendarmerie
nationale de Paris élus par leurs frères
d'armes , les brevets de leurs grades refpectifs .
Elle autorife le pouvoir exécutif à faire partir
pourcles frontières , tous les gendarmes en exercice
auprès des tribunaux de la guerre qui n'y
font pas abfolument néceffaires pour le fervice
de ces tribunaux .
Elle adopte la levée d'une légion étrangère
fous le noms de Germains , dans laquelle ne
pourront être admis , fous aucun prétexte , les
( 107 )
déferteurs de l'armée. Françoife. Ce corps fera
porté à 3,000 hommes dont 1,000 à cheval , &.
2,000 à pied. Le confeil d'adminiftration , difpofera
d'une fomme de 700,000 liv . pour les fraix ,
indifpenfables & urgens de la formation de cette
légion .
On fe plaint de la difparution du numéraire ,
plufieurs caufes y devoient contribuer , mais certes ,
l'incivifme & la malveillance les ont bien maltipliées
. On vient de découvrir qu'il le fait fur
les frontières de nombreuſes exportations de numétaire
frappé au coin étranger , pour éluder les
difpofitions de la loi . L'Affemblée voulant arrêter,
ce nouveau brigandage , décrète : A
ce Art . I. Provifoirement , jufqu'à ce qu'il en,
ait été autrement ordonné , l'exportation hors du
royaume des matières d'or & d'argent , foit en,
lingots , ou ouvrages , foit en monnoies au
cours de France , ou en louis étrangers , eft pro- ,
hibée .
ג כ
« II. La peine contre ceux qui allant à l'étrapger
feront trouvés en contravention à l'article
ci- deffus fera , 1 ° . la confifcation des objets faifis ,
qui feront appliqués aux frais de la guerre ;
20. une amende équivalente au quart des objets ,
faifis & qui appartiendra à celui ou à ceux qui
auront arrêté les contrevenans ; 3 ° . fix mois de
détention . >>
III. Les étrangers , autres cependant que les
ambaffadeurs & envoyés des puiffances étrangères ,.
feront comme les regnicoles affujettis aux diſpor
fitions ci- deffus. »
« IV. Néanmoins les étrangers qui , entrant
en France & en arrivant fur la frontière , auront
fait conftater la pature & la quantité des matières
d'or & d'argent monnoyées ou non , dont ils
E 6
( 108 )
feront porteurs pourront les remporter en quite
tant la France. »
On fait lecture d'un ordre intimé , au nom.
du Roi de Pruffe & du duc de Brunſwick aux.
préfident & procureur-fyndic de la Meufe , auquel
ces adminiftrateurs ont jugé qu'il étoit fage
d'obéir . Nos lecteurs feront peut- être curieux de
connoître cette pièce ; la voici :
Copie de la fommation faite à M. Goffin , pro-,
cureur-général fyndic .
Nous , les des du grand confeil de guerre
de Sa Majefté Pruffienne , au nom & par l'au-`
torité de Ladite Majefté & de fon commandant--
général le maréchal du duc régnant de Brunswick,
enjoignons à M. Goffin , de fe rendre , fans faute ,
demain 4 feptembre , à 3 heures après -midi préciſes
, à Verdun , pour y régler les affaires concernant
le département ; & ce , fous peine d'une
exécution militaire , & d'être pourfuivi en fa
perfonne & fes biens . »
La même dépêche a été adreffée au préfident .
de l'adminiſtration .
L'Affemblée charge fa commiffion extraordi
naire de lui faire un rapport fur la conduite de
ces adminiftrateurs .
Elle ftatue enfuite définitivement , par un décret
, fur l'adminiſtration des monnoies.
Du mercredi , féance du foir.
Cette féance s'ouvre par la lecture de plufieurs
adreffes d'adh fion qui refpirent toutes l'amour
de la liberté & de l'égalité . Des compagnies de
volontaires qui volent aux frontières , le havrefac
fur le dos , défilent au bruit des applaudiffemens
univerfels ; ils font place à ceux qui ne
( 109 )
pouvant fervir la patrie de leur perfonne , ap
portent des offrandes & des voeux. Un enfant.
des ans vient dépofer 9 livres pour la guerre .
-La fection du Luxembourg offre une vierge
d'argent doré qui fe trouvoit dans l'églife de
Saint -Sulpice , & qui forme avec les ornemens .
le poids de 366 marcs . L'Allemblée envoie ce
métal à la trésorerie nationale , & accédant au
voeu de la fection , elle lui accorde en échanges
une belle vierge de marbre blanc qui fe trouve
dans une églife fupprimée.
Une députation de la feftion du Marais vient
communiquer à l'Amblée une dé ibération par
laquelle elle met fous la fauve- garde , d'après la
loi , les fignataires des pétitions , & invite lest
autres fections d'y adhérer. Celle des Arcis & la
fection du Contrar Social , ci-devant des Poltes ,
viennent juter , qu'elles fe rallieront toujours autour
de l'Affemblée nationale .
Pour faciliter le départ des citoyens qui fe
vouent à la défenſe de la patrie , l'Aſſemblée autori
e les commiffairee de la tréfore ie à délivrer
à chacune des fections de Paris une fomme de
10,000 l . en petits coupons d'affignats , pour une
égale valeur en affigna's de plus forte fomme :
chaque fection échangera enfuite aux citoyens,
prêts à partir pour les frontières , la fomme
qu'elle jugera convenable .
L'Asemblée , après avoir entendu le rapport de
fa commiffion extraordinaire , fur les pièces arrivées
ce matin , qui conftatert la lâche défiction
du préfident & du procureur général (yndic du
département de la Meufe , décrète qu'il y a ieu à
accufation contre MM. Ternaux & Goffin , admi
nitrateurs du département de la Meule qui ont
obtempéré à des ordres du duc de Brunswick
9
7110 )
2º. que ces adminiftrateurs font déclarés incapables
d'occuper aucune place ; 3º , que les membres
de la nouvelle adminiſtration qui fera formée ,
pourront transférer ou bon leur femblera , le lieude
leur féance , & qu'il en fera ainfi de toutes les
adminiftrations menacées par l'ennemi ; 4°. que
tout fonctionnaire civil ou mi itaire qui obtempé-
´rera à un ordre de l'ennemi , ou en recevra une
commiffion quelconque , fera puni de mort ;:
5°. que les biens de ces perfonnes feront vendus
comme ceux des émigrés.
D'après la demande du miniftre de la guerre ,
l'Affemblée décrète qu'il fera nommé trois commiffaires
pris dans fon fein pour furveiller &
accelérer la prompte organiſation de l'armée ſous
les murs de Châlons. Elle détermine enfuite par
un règlement particulier tous les objets de détails.
relatifs à l'organiſation , la police , & l'adminif
tration des camps destinés à la défenſe de
Paris.
Pour étendre & multiplier le plus promptement
poffible les approvifionnemens dans la capitale , il
étoit important de rétablir la libre circulation des
perfonnes. L'Affemblée rend le décret ſuivant :
« Art. Ier. Toutes les barrières de Paris feront
ouvertes fur- le- champ , & tous les citoyens pourront
entrer & fortir librement. Lorsqu'une néceffité
indifpenfable exigera la fermeture des barrières,
la municipalité fera tenue d'en donner fur-le-champ
avis au corps legiſlatif.
לכ
« II. Les citoyens qui voudront voyager hors
du département feront tenus de fe munir de paffeport
, conformément à la loi du 28 mars qui fera
cxécutée fuivant la forme & teneur. »
III. Les fections de Paris feront autorifées à.
délivrer des paffe-ports en fe conformant à la loi
( f )
du 28 mars , & les paffe- ports feront vifés par les
municipalités .
«IV. Le pouvoir exécutif eft chargé de notifier
fur- le- champ le préfent décret à la municipalité
qui le tranſmettra aux 48 fections . Il fera pareillement
chargé de veiller à fon exécution & d'en rendre
compte dans le jour . »
ee V. La loi du 28 mars fera imprimée à la
fuite du préfent décret , proclamée & affichée . » >
Une députation de la commune du Bourg- la-
Reine adhère aux décrets de l'Affemblée & demande
à être autorisée à prendre le nom de Bourg- del'Egalité.
Accordé.
Du jeudi , 7 Septembre.
M. Lequinio fait , au nom du comité d'agriculture,
un rapport fur l'entreprise d'un canal qui
doit joindre le Rhône & le Rhin , & propofe qu'il·
foit mis à la difpofition du miniftre de l'intérieur
une fomme de 25,000 liv . pour la levée des plans
de ce canal . Accordé .
Le maire de Paris vient rendre compte de la
fituation de cette ville . Tout y promet l'ordre &
la paix. Les liens de l'adminiftration vont fe refferrer
, & fon action va avoir de l'unité . La fraternité
reprend fon empire , les paffions particu--
lières fe calment ; chacun fent que le règne des
lois eft auffi celui de la liberté. L'Affemblée applaudit,
& ordonne l'affiche du difcours du maire de Paris
Pour que la fermentation & l'organifation du
camp de Paris ne rencontre aucun obſtacle ,
femblée juge qu'il eft néceflaire que toutes les autorités
qui doivent y concourir concertent leurs
mefures . En conféquence elle décrète que le confeil
général de la commune nommera trois com
millaires qui le réuniront avec trois de l'Aſſem-
*
l'Af(
112 )
blée , & les miniftres de la guerre & de l'intérieur
pour le conce ter fur la fo mation du camp de
Paris. Le comité s'affemblera pour dé ibérer chez
le miniftre de la guerre. Ii fera tenu regiftre de
toutes les délibérations . Les miniftres de la guerie
& de l'intérieur feront cha gés de l'exécution de ce.
qui aura été délibéré . Quiconque s'oppofera à,
Fexécution d'une de ces délibérations eft déclaré
ennemi de la patie.
Sur la propofition de fon comité , l'Affemblée
fupprime use rente viagère d'un million placée
fur la tête de Louis XVI & celle de Stanifas
Xavier fon fère. Le motif de cette fuppreffion eft
cette fomme n'avoit été mife au rang des
dépenfes publiques que par une fuite des malverfations
de l'ancien régime .
que
Le miniftre de la juftice fait paffer à l'Affemblée,
une lettre du corps électoral d'Eure & Loire qui
demande s'il peut ou non fire d'autres nominations
que celle des députés à la convention . D'autres
départemens prient l'Affemblée de décider fi
les
corps électoraux peuvent & doivent s'occuper
de renouveller les adminiftrations & les tribunaux.
Sur l'obfervation de M. Cambon, que l'exercice de
la fouveraineté du peuple doit être plein & entier
dans la formation de la convention , l'Affemblée
déclare qu'elle n'a aucunes loix à preferire aux
Afemblées pr maires & corps électorauz ...
Les commiffaires de l'Affemblée dans les dé-,
partemens de la Meurthe & de la Mofelle
rendent compte de leur miffion . En voici quel
ques détails.
Ils ont parcouru les départemens de la cidevant
Lorraine ; par- tout ils trouvent des preuves
de la trahifon & de la perfidie du pouvoir
exécutif les villes dégarnies , l'importante place
( 113 )
de Metz fans carons , fans bouches à feu fur le
rempart ; les foldats , foit gardes nationaux , foit
de ligne , mal habillés , & plufieurs fans armes ;
de foibles armées à oppofer à des armées nombreufes
. Tout eft réparé ; Metz eft dans le
meilleur état de défenfe , les citoyens pleins de
zèle & de courage , ainfi que les nouveaux corps
adminiftratifs & les généraux. »
Du jeudi , féance du foir.
M. Lacroix , commiffaire de la commune
pour l'app ovifionnement de Paris , rend compte
à l'Affemblée des obfervations qu'il a ecuci lies
dans fon voyage . Il a trouvé les routes du département
de Seine & Marne couvertes de folda
s. L'ardeur des citoyens eft inexprimable. Oa
a propofé dans le corps électoral de ne plus
fouffir les Rois . Le peuple veut abfolument fe
réferver le droit de corriger les étions dans
lefquelles fa confiance auroit été furpriſe , c'eſtà-
dire de rappeller fes mandataires i fidèles . -
La circulation des fubfiflances cft arrêtée dans
plufieurs lieux , par les inquiétudes qu'inipite le
fouvenir des anciens accaparcmens. M. Lacroix
demande que tous les fermiers foient tenus de
porter leurs grains dans les marchés . L'Asemblée
renvoie à l'examen des comités de commerce &
d'agriculture,
L'Affemblée entend la lecture des différentes
pièces de la capitulation de Verdun . Nous nous
réfervons d'en donner plus bas un extrait . Nous
dirons feulement ici que cette lecture eft plufieurs
fois interrompue par des mouvemens d'in,
dignation ,
( 114 )
Du vendredi , 7 Septembre:
Le conseil de la commune du Havre fait parvenir
Fétat des armes qui font dans l'arſenal de
cette ville , & qui peuvent fervir au camp de
Châlons ; favoir , 3639 fufils de ſeivice , & 291
à réparer. Renvoyé au pouvoir exécutif.
Une lettre de M. Sauffe , procureur de la commune
de Varendes , qui arrêta le Roi au mois
de jun 1791 , annonce que l'ennemi après être
entré dans Saint- Diez , a dirigé principalement
contre lui fa vengeance. I craint pour la femme
& fes fix enfans . L'Affemblée en témoignant fa
fenfibilité , renvoie cette lettre au comité de correſpondance.
M. Ruth demande que M. Martignac , commandant
à Huningue , foit defiitué pour caufe
d'incivilme , dont il fournit les preuves. L'Alfemblée
renvoie au pouvoir exécutif. Le miniftre
de la demande
guerre que l'Affemb'e prononce
la fufpenfion du premier lieutenant colonel-
commandant du 24. régiment d'infanterie .
actuellement en garnifon à Chartres , & annonce
qu'il envoie le général Ligonier pour faire partir
ce régiment & examiner la conduite de cet offi
cier. L'Affemblée décrète la fufpenfion & autorife
déformais le miniftre à la prononcer , à la
charge d'en avertir le corps législatif.
M. Courtaud fait lecture d'une lettre du confeil
fouverain de Bienne , & d'une autre du
commandant des troupes Bercoifes : elles trouveront
leur place dans le compte que nous rendrons
de la fituation de nos armées .
Le comité de légiflation foumet à l'Aſſemblée ,
par l'organe de M. Robin , le réfultat de fes
méditations fur l'établiſſement du divorce . Que
doivent être les caufes , le mode & les effets du
divorce ? Voilà les trois points fous lefquels le
comité a envifagé cet important fujet . Il a cru
d'abord devoir accorder la plus grande lat tude
à la faculté du divorce , à caufe de la nature da
contrat de mariage , qui a pour bafe principale
le confentement des époux. Mais en même-temps
il s'attache à en prévenir les abus , & confidérant
que le mariage n'eft pas feulement un
contrat de pur droit naturel , mais encore une
inftitution politique dont la confervation inté
reffe & les époux , & les enfans , & la fociété.
stière ; il environne le divorce de délais &
d'épreuves profres à fouftraire cette fainte inftitution
aux bifarrerics , à l'inſtabilité des humeurs
du caractère & des affections des conjoints .
A l'égard des effets du divorce , le législateur
les confidére relativement aux époux & aux enfans
, & il y trouve de nouveaux moyens d'en
prévenir les abus ; il s'attache ſpécialement aux
enfans , & pourvoit par les plus fages mefures
à leurs intérêts perfonnels on pécuniaires .
Tels font les principaux motifs du projet de
décret que le comité préfente. Sa rédaction ef
divifée en 4 fections : l'une fur les caufes du
divorce , l'autre fur le mode , la troisième fur
les effets par rapport aux époux , la quatrième
fur les effets par rapport aux enfans. L'Ademblée
en ordonne l'impreffion & l'ajournement.
Une députation de l'affemblée électorale du
Pas -de-Calais vient folliciter un décret pour le
renouvellement des adminiſtrations de ce dépar
tement , & la tranflation du chef lieu à Aire,
( 116 )
Elle demande en outre que tous les prêtres fa
lariés par la nation qui recevront du cafuel foient
déchus de leur traitement. L'Affemblée décrète
cette dernière propofition & renvoie les deux
autres à la convention nationale.
M. le maire de Paris fait part de la fituation
de la capitale . Des malveillans cherchent encore
à égarer le peuple ; mais les confeils , l'inftruc
tion , fon propre intérêt le rameneront au respect
des loix . 200 Suiffes échappés à la mort , one
prêté dans la place de la maifon commune le
ferment d'être fidèles à la nation & de mainte→
nir de tout leur pouvoir la liberté Françoiſe . A
ces informations fuccède la lecture de divers arrêtés
des fections , qui adhèrent aux mefures
prifes pour la sûreté des perfonnes & des propriétés
, & promettent de concourir à leur exé,
cution.
On fe fouvient que l'Affemblée avoit ajourné
la récompenfe de 100,000l . à donner aux dénon
ciateurs de la fabrique de faux affignats de Paffy.
Ele a adopté aujourd'hui ce décret en réduifant
à 50,000 liv . la fomme de cent qu'on lui avoit
propofé d'accorder.
M. Lacoste , au com du comité des fecours ,
fait un rapport fur l'intéreflante pétition de la
Veuve Poienneau , mère de vingt - deux enfans
dont fept furvivant , ont ainfi que leur père ſervi
la patrie , & les cinq qui restent aujourd'hui la
fervent avec le dévouement le plus généreux ;
cette vertueufe citoyenne dénuée maintenant de
tout fecours , invoque la bienfaiſance nationale .
L'Affen blée décrète qu'il fera acordé à la veuvé
Poiffonneau une pestion annuelle de 400 livres
Payable en deux parties égales & toujours d'as
vance .
( 117 )
Parmi les volontaires qui font venus dans
certe féance faire hommage à l'Affemblée de leur
dévouement pour la défenfe de la patrie , on a
diftingué un corps affez nombreux d'hommes de
couleur libres qui ont demandé à former une
compagnie franche .
Le courage & la vertu , leur a répondu le
préfident , font indépendans de la couleur & du
climat. Vous prouverez par votre exemple qu'ils
appartiennent aux hommes à qui de barbares préjugés
ofoient les refufer. Puiffe la France qui
vous adopte pour les défenfears , devenir bientôt
la capitale du monde libre !
Du vendredi , féance du foir.
Après la lecture des adreffes d'adhéſion & la
proclamation des dons civiques , M. Bazire ap
pelle l'attention de l'Affemblée fur le zèle inconfidéré
de plufieurs citoyens qui ont fait des
exhumations de cercueils de plomb dans les
églifes où elles ont répandu un vapeur inéphitique.
L'Affemblée défend expreffément un
pareil acte qui viole l'afile le plus facré ,
n'eft que l'égareme : t du patriotifme qui , comme
toutes les pallions , peut porter à des excès criminels
.
&
Le courier extraordinaire envoyé aux commandans
des troupes , qui , au mépris des décrets
, amenoient à Paris les prifonniers de la
haute cour , annonce que les troupes font dans
les meilleures difpofitions , & qu'elles répondent
de la confervation des prifonniers qui feront
transférés dans les prifons de Verfailles .
La prife de Longwy & de Verdun explique
( 118 )
fuffisamment les motifs de décret fuivant , que
rend l'Affemblée , après avoir entendu le rapport
de la commiffion extraordinaire,
« Art. I. Dans toutes les places en état de
fiége , & même menacées , le commandant militaire
pourra faire forir , après les avoir défarmés
, tous les citoyers qui lui paroîtront fufpects
& tous ceux dont la préfence pourroit être
inutile ou nuifible à la défenſe du pofte. »
<<< Tout commandant de place ou de pofte
eft autonfé à faire exécuter de vive force & militairement
les ordres qu'il auroit donnés , ca
vertu de l'article ci- deffus. »>
« III. Pourront également les commandans
de place affiégée , faire démolir & rafer la maiſon
de tout citoyen qui aura parlé de le tendre : &
s'il ne poffède pas de maifons , les meubles feront
brûlés publiquement. Il fera faifi pour être
puni , conformément à la loi du 20 juillet dernier.
« IV. La préfente loi fera imprimée à la fuite
de celle du 20 juillet dernier , & envoyée par
des couriers extraordinaires à tous les commandans
de place , pour la faire publier & afficher.
»
M. Clavière donne connoiffance à l'Affemblée
d'une nouvelle efpèce de café , faifie par
ne de nos douannes de la Mofelle . C'eft un
mélange de vrai café , avec une poudre végé
tale , qui pourroit être nuifible à la fanré,
L'Affemblée décrète que tous les volontaires
nationaux qui fe feront enregistrer pour voler
à la défenfe des frontières , recevront leur folde
dujour de leur enregistrement.
( 119 )
Dafamedi , 8 Septembre.
L'affemblée électorale du département du Loir
en envoyant à l'Afemblée la lifte de fes dé
putés à la convention nationale , mande auffi qu'elle
a juré haine aux Rois , réprobation à la royauté.
M. le maire de Paris informe l'Affemblée de la
fituation de la capitale . La vigilance des fections
contribue beaucoup au rétabliſſement de l'ordre .
Hier , dans l'affemblée de la commune , il s'eft
élevé avec force contre les profcriptions , contre les
agitateurs qui défignent encore des victimes , & ila
eu la fatisfaction d'entendre le concours nombreux
des citoyens qui fe trouvoit dans la ſalle de la commune
, s'écrier : nous les pourfuivrons , nous les
arrêterons. —L'Affemblée ordonne l'impreffion de
cette lettre .
Le comité d'agriculture fait un rapport fur le
mode des partages communaux. L'Aſſemblée en
ajourne la difcuffion.
Pour accélérer le tranfport des vivres , & toutes
les communications qui doivent main enant unir
& ferrer tous les François , l'Affemblée décrète
fur la demande du miniftre de l'intérieur , que la
libre circulation des chofes & des perlonnes eft
établie dans tout le royaume ; la loi du 28 mars
fur les paffe-ports ne fera exécutée qu'à dix lieues
des frontières , Elle décrète que le pouvoir exécutif
eft chargé de faire tranfporter des départemens me
nacés , tous les vivres , toutes les munitions qui s'y
trouveront , dans des départemens moins expolés.
On fait lecture d'une dépêche de M. Billaut,
commiffaire de la commune de Paris datée de
Château-Thierry Il rend compte de l'emprese
>
( 120 )
ment de tous les citoyens à s'enrôler, Tous les
chemins , dit-il , font des camps ; les mailons des
cafernes. Il donne enfuite des détails relatifs à
Ja pofition de l'ennemi , & à la marche de nos
troupes . Nous en parlerons dans un article à part , en
y joignant ceux que le miniftre de la guerre communique
chaque jour à l'Affembé .
Les comités diplomatique & de féodalité propofent
de vendre les biens de Malthe comme les
biens nationaux . Ajourné.
M. Adrien Duport , ex-député à l'Aſſemblée ,
conflituante, vient d'être arrêté a Melun . Il protefte .
de fon innocence , & demande fa liberté , Renvoyé
au pouvoir exécutif. Le ministre de la justice a
donné des ordres pour qu'on ne le transférât pas
dans ce moment à Paris .
Pour mettre la convention nationale en fituation
de connoître toutes les opérations relatives aur affignats
, Aflemblée a chargé le miniftre des contributions
publiques , les adminiftrateurs à la confection
des affignats & le tréforier de la caiffe extraordinaire
de fe concerter entre eux pour préfer ter dans,
la huitaine à l'Affemblée nationale un mémoire
nominatif de cette fituation .
Dufamedi ,flance du foir.
Les adminiftrateurs du département de l'Izère
demandent que l'Affemblée leur permette d'entrer
dans la Savoye , afin de venger les infultes
que les François y effuyent . Renvoyé au pouvoir
exécutif.
La falle actuelle de l'Affemblée eft mal - faine ,
d'un accès difficile , & ne peut contenir qu'un
petit nombre de fpectateurs . M , Pétion , à la
tête
3
( (1211))
tête d'une idéputation de la municipalité , vient
propofer Aflemblée de transférer le lieu de fes
féances aux Tuileries . Les Rois , a dit M. le
maire , ont eu affez long-temps des palais , il
eft temps que le peuple ait le fien . Renvoyé aux
commiffaires de la falle , qui feront inceffamment
leur rapport fur le projet de la municipalité.
1
-Sur le rapport de fon comité de législation ,
l'Affemblée décrète la fuppreffion des fix tribunagy
criminels , établis à Paris par la loi du 14
mars. Les caules qui font dévolue à ces tribunaux
feront inftruites & jugées par le nouveau
tribunal criminel.
C
Parmi les nombreux pétitionnaires qui fe font
prefcutés à la barre de l'Affemblée pendant le
cours de cette féance ‚ples citoyens de la fection
des Lombards fe fost diftingués par les traits
purs & vrais de patriotisme répandus dans leur
difcours. Ils ont juré d'oublier les, haines , & de
ne voir que des frères dans les fignatairesdes deux
trop famenfes pétitions. --L'Affen blée applaudit
& décrète que l'eriginal des pétitions dites des
hoit mille & des vingt mille feroit brûlé. Elle
invite de plus ceux qui auroient des liftes de ces
petitionnaires de les brûler , afin de cimenter
T'union qui doit régner entre les citoyens.
30 29
La Capitale commence enfin à refpirer
des fcènes douloureufes qui l'ont enfanglantée.
Le Peuple , fi impitoyable & fi
terrible quand il voit le fer des confpirateurs
prêt à fe tourner contre lui , ne tarde
pas à reprendre cet inftinct de morale &
N. 37. 15 Septembre 1792 F
( (122-) )
2
cette habitude d'humanité dont il ne fort
qu'à regret & par de violentes feéouffes.
On avoit parlé d'un Triumvirat. A cette
idée , que l'hiftoire a flétrie des fouvenirs
les plus odieux , les, Citoyens croyoient
voir déjà la main des Marius tracer le nom :
des victimes far des tables de profcription.
Ces tetreurs n'avoient pu eire répan
dues que par ceux qui ont tant d'intérêt
de nous détourner de nos véritables dane
gers , par des dage imaginaires . Ce n'eff
pas le moment où un Peuple régénéré , g
rieux de fa liberté conquiſe , ajuré ,
mort des tyrans que des ambitieux doin
vent choisir pour elever un autre genrei dob genreidos
tyrannie. Ces projets , qui fuppofent tousq
jours da s ceux qui les coreoivent de grands
talens joints à un grand credit populaire
n'appartiennent qu'à des Républiques de "
crépites & corrompues , où la liberté ,
déjà ébranlée par de longues fecouffes , n'at
tendpour expires, que l'audacelde quelques
hommes puiffans . Pught slob i p mount
SA
Mais finous fommes trop éclairés &
trop inquiets für notre liberté naiffante ,
pour fouffrir ni prote &eur ni, triumvirs ,
gardons nous de tomber dans un afitte,
excès , celui d'un patriotifme foupçonneux
& fanguinaire , qui ouvriroit un champ
trop facile aux Haines de Parti & agr ven
geances individuelles . Quel eft le Cifbyen
irréprochable , quel eft meilleur Patriote !
?
( 123 )
qui pourroit, vivre avec fécurité dans fon
afyle domeftique , s'il fuffifoit d'un foupçon
vague d'inciviſme répandu à deffein par
un ennemi fecret , pour le défigner au fer
des affaffins ? Cet état d'anxiété & de terreur
, pire mille fois que l'état de guerre
où l'on connoît du moins fon ennemi
jetteroit la confternation dans les familles ,
détacheroit le Citoyen de la chofe publique
, & nuiroit à toutes les tranfactions
fociales , qui repofent fur la confiance &
la sûreté des perfonnes.
S'il nous faut acheter la liberté à un
haut prix , que ce foit à celui que l'honneur
national peut avouer, & non par des
meurtres & des affaffinats. En épouvantant
l'Europe de notre férocité , ne voyonsnous
pas que nous fervons la caufe des
tyrans & que nous allons river pour
long- temps les chaînes des Peuples qu'ils
oppriment. Ne craignons nous pas que.
l'exemple de la Capitale qui exerce fur les
autres Départemens une influence fi majeure
, ne faffe de notre malheureuſe Pa
trie une terre de fang & de défolation que
fairoient les étrangers & à laquelle les
citoyens ne feroient plus attachés que par
le lien le plus pefant , celui de la contrainte
& de l'effroi .
·
Au nom de la liberté , de la gloire nationale
, de l'intérêt même du Peuple
F2
( 124 )
abjurons ces diffentions inteftines , & ces
horribles vengeances . Nous avons un autre
fupplice à réſerver aux ennemis & aux
calomniateurs de notre révolution , c'eſt
l'élan fublime & la fierté courageufe que
déploye en ce moment la Nation entière.
Des millions de foldats naiffent tout armés
de fon fein. Les grandes routes reffeniblent
à des camps , & les villages font
transformés en cafernes , pour nous fervir
de l'expreffion énergique de M. Billaut de
Varennes. C'est un fpectacle attendiiffant
de voir les vieillards , les mères , les époufes
accompagner leurs enfans , leurs maris &
les exhorter à marcher avec fermeté dans
le chemin de la gloire. Leur premier voeu
eft pour la Patrie , le fecond pour la nature,
A l'exemple des vertueufes Américaines ,
nos Citoyennes ne font occupées qu'à
coudre des tentes , à préparer des havrefacs
Or , argent , bijoux , tout ce que les
Citoyens ont de plus précieux couvre
chaque jour l'autel de la Patrie . Voilà les
vertus & les prodiges de la liberté. Temps
heureux de Sparte , de la Grèce & de Rome ,
quand vous allez renaître parmi nous , oferions
nous en fouiller l'éclat par des actions
indignes de la générofité d'un Peuple
libre?
A
Parmi les traits nombreux de dévouement
patriotiques dont la liberté s'hôñóre ,
( 1259
nous citerons avec plaifir le fuivant. Il
reçoit un nouveau prix par la manière intéleffante
avec laquelle il eft raconté : -
10
--
....
« Un Citoyen de la Section des Lombards ,
veuf & avancé en âge , avoit quatre enfans ,
appois de fa vieillefe. Deux fe préfentent à lui,
J'air trifte & inquier. Qu'avez- vous mes enfans
, leur dit-il. Mon père.... Je devine ce
qui vous agite , vous voulez partir pour 1's fronères.
Čela eft vrai , mon père ; & ce qui
nous afflige , c'eft que nous voudrions partir tous
quatre. Quoi ! pas un de vous ne veut refter
auprès de moi..... Eh bien ! ne vous chagrinez
pas , j'approuve votre zè'e, & quelque peine que
j'aie à me féparer de vous , je feas que vous avez
raifon , & vous en eſtime davantage . Au mo
ment du départ , le bon vieillard fe rend au boulevard
de Fopera ; il cherche fes fis dans les
Tangs , il les apperçoit , & leur ferant la main
tour à tour : adieu mes amis , feur dit- il , allez
& fur- tout battez - vous bien . Le Bataillon fe mer
en marche ; le vieiliard a bientôt perdu de vue
f:s enfans fuir encore des yeux l'étendard ;
des larmes roulent fur. fes joues . Mon Dieu , dit
ce bon père , comme ce drapeau s'éloigne vite !...
Ah ! fi je n'étoit pas fi vieux , je les taivrois ……… »
L...., Citoyenne de la Section des Lombards.
Les choix que font les Electeurs pour la Convention
nationale , nous promettent l'heureuse
réunion des talens & du courage. Les meilleurs
Députés de la Législature actuelle ontéré réélus ; on
yretrouve plufieurs des co ft tuants les plus connus
par leur amour incorruptible pour la liberté , tels'
queMM. Pétion , Mertin de Douai , Roberfpierre,
F 3
( 126 )
l'Abbé Sieyes , Rabaud St. Etienne, Grégoire,Maf
fieu, Lépaux , le Pelletier , &c. Déjà les Payne
les Priestley, les Anarcharfis- Cloots font appellés
dans notre Congrès national qui fera bientôt le
Congrès de la Liberté de l'Europe .
Nous avons été pendant fi long-temps
la dupe des perfidies d'un Ministère , qui
creufoit fous nos pas un abîme effrayant ,
en le dérobant fous le voile même de lá
Conftitution , que nous croyons utile à la
chofe publique de faire connoître les actes
d'un Confeil exécutif qui marche fur d'autres
principes , & appeile la confiance par
la franchife , & quelquefois par le langage
auftère de la vérité ; car la vérité eft le
befoin du Peuple. Les agitateurs ne le
flattent fouvent que pour mieux le trahir,
Les fubfiftances ont toujours été un levier
puiffant qu'ils ont fait mouvoir avec adreffe
pour mener le Peuple de l'inquiétude à
Pinfurrection. On devoit s'atendre que
dans un moment où la Patrie eft attaquée ,
où la France entière eft couverte de guerriers
qui volent à ſa défenſe , nos ennemis
intérieurs exciteroient des alarmes fur les
approvifionnemens , & renouvelleroient
cette accufation fi vague d'accaparement
& d'exportation chez l'étranger. Il falloit
donc l'éclairer fur le danger de gêner la
circulation des grains & leur deftination
pour les différens points de nos armées :
( ( 8117 ))
be
sel eft flobjet de la follicitude active du
Miniftre deTirnérieur. "
-
Le Ministre de l'Intérieur aux Corps Adminiftràifs
, &par eux , a tous fes Concitoyens .
AParisle 1 Septembre 1792 , l'an 4. de la
liberté.
cum al
3
1
J 2 Une ligue femblable à celle qui fe forma
icontre vous en 89 , ſe manifefte aujourd'hui par
des complots pareils , ou plutôt les mênies par-
-tilans du defpotfme qui cherchoient à prévenir
lefuires de la convocation des états , «' efforcent
d'anéantir les effets de la Révolution . Quelle elt
Parme favorite des tyrans ? la divifion . Comment
parvient on à divifer rapidement ? par la dé-
Hance. Sur quel objet eft- elle plus ailément excitéel?
fur celui qui tient de plus près à l'eriftence.
De quoi donc le peuple s'inquiète- t-il
d'abord ? des fubſiſtances . Voilà pourquoi , dans
tous les momens de crifes , les ennemis de la
chofe publique répandent des craintes pour arrêter
la circulation des grains , c'eft ainfi qu'ils
détournent l'attention des maux qu'ils nous préparent
& des fois qu'il nous faudroit prendre
contre eux , pour la concentrer fur un mal imagina
re , afin de nous affoiblir par nos propres
querel'es , durant lefquelles ils profitent de tous
leurs avantages. »
« La Providence qui n'a ceſſé de nous favorifer
nous donne envain de ſuperbes récoltes ; de fauffe's
terreurs femées à deffein s'emparent des efprits ;
& Lou's le prétexte de s'oppofer à des accaparemens
, on intime , on pourfuit l'acquéreur , on
ferme les denrées , & l'on produit réellement la
F. 4
difette au milieu de l'abordarce , Geft ainfi que
des Municipalités trompées s'oppofent au libre
cours des grains ; elles retiennent fur leur territoire
ceux qui doivent approvifionner les villes
& fournir les marchés , c'eft ainfi que le peuple.
égaré s'eft luiffe entraiser à la fureur , & a immodes
homes qui s'occupoient à le nourde.
Déja Nevers & Lyon ne reçoivent plus les provilions
qu'on a coutume de leur porter ; le même
inconvénent a leu fur plufieurs points de l'Empire
: par- tout on reconnoît la trame ourdie pour
nous perdre. Forts par notie maſſe ; fous par
la bonté de notre caule , nous fommes invicibles
fi nous demeurons unis, & que nous agiffous
de concert, en nous répartiſant toutes nos
refſources , tous nos moyens de défenſe , en nous
prêtant un mutuel appui. » 54 00 13
« Seroit-il poffible que dans un moment auffi
critique , auffi folennel, où l'intérêt général doit
Dous lier étroitement , on parvînt à nous combattre,
à nous déchirer les uns par les autres de boob
" Les propriétaires & les fermiers qui ont fait
des ventes avantageufes dans les dernières années ,
peuvent- ils calculer froidement fur un gain plus
confidérable, & conferver opiniâtrement luis denrées
dans cette coupable espérance .
ל כ
« Eh quoi ! fi le Peuple fouffre , ou fi la
diminution des a; proviſionnemens excite une fermentation
funefte , qu'arrivera-- ! Ocupé de
ees craintes & divifé par el'es , il en fera moins
fort contre l'ennemi , qui déjà s'empare de nos
villes , ravage les campagnes , mafacre nos fères ,
& ne fonge qu'à étendre fes horreurs , dont les
propriitaires & les fermiers feront par- tout lespremières
victimes ; »
Qu'ils font coupables & qu'ils feront ter-
F
(7129 Y
riblement punis , ces la hes que l'appréhenfion de
voir bombarder leurs maisons a potés de fe rendre
à l'ennemi ! Couverts d'infamie , en horreur à
leurs Compatriotes , méprifés de leurs vainqueurs ,
déjà courbés fous les charges que ceux- ci leur
impolent , & bientôr accablés des vexations les plus
cruelles , ils pleureront en vain fur ces triftes propriétés
, à la confervation defquelles ils ont facrifié
les devoirs les plus chers , & dont ils demeurent
honteulement les économes pour le def
potif.ne infolent qui en dévore les fruits . Le même
fort attend les hommes avides , ou le peuple aveugle
qui ne voit que fon intérêt particulier ou celui du
moment. »
3
Il n'y a plus de falut que dans le plus parfait
enfemble , dans la fraternité la plus étendue ,
dans la circulation la plus prompte de tous les moyens
& de tous les fecours.
: « Frappés de ces principes invariables , dont
l'application ne fut jamais plus néceffaire , que
les Corps Adminiftratifs , les Municipalités ,
toutes les Autorités Conftituées s'empreint de
les répandre & de les développer ; que tous les
Citoyens s'en pénètrent , qu'ils fe les rappellent les
uns aux autres , & que perfonne ne fouffie qu'il y
foit porté atteinte . »
« La circulation des grains dans un Empire
eft comparable à celle du fang dans le corps.
humain ; fi elle eft gênée , ralentie un feul inftant
, le mal- aife devient général , des accidens
graves ne tardent pas à fuivre , la machine.
dépérit ; & fi quelque puiffance extérieure l'attaque
dans cette circonitance , il eft impoffibl : qu'elle
réfifte , elle doit s'anéantir . Ne perdons point par
une déplorable méfintelligence , le glorieux réfultat
de tant d'efforis & de travaux , Après quatre
FL
( 130 )
ans d'une Révolution traveifée par tant d'intrigues
, de perfidies , de trahifons , nous laiſſeróns
nous enlever la liberté , qui déjà nous a délivrés
de tant d'abus oppreffeurs , l'égalité dont le
règne nous affureroit le bonheur! »
Laiffons dore un libre cours à tous les approvifionnemens
; que les grains follicités inégalement
, fuivant la dive fité des beſoins , recherché
par l'active induftrie , ne foient pas
cruellement retenus par l'ignorance qui s'effraye ,
ou la cupidité qui établit fon gain fur le malh:
ur pub ic ; que les départemens & les viles
jcuiffant du fuperflu , le laiffent refluer dans les'
Départemens & les villes où marque le néceffaire
que la loi reçoive par-tout fon exécu
tion pleine & prompte ; que l'attention & l'activité
de tous fe portent vers le moyen de défenfe.
Par-tout le fer doit fe convertir en piques
& fe fondre en boulets; par - tout, les femmes mêmes
dont la foibleffe n'exclut pas la généreuse activité ,
le noble dévouement,doivent s'honorer de travailler
aux habits , aux tentes des défenfeurs de a Patric.
De toutes parts , ces défenseurs doivent fe lever
& accourir vers la capitale . C'eft fur elle qué
les troupes ennemies d tigent leur courſe , parce
que c'est là qu'i's effèrent difperfer & diffondre
le Gouvernement , produire un moment d'anarchie
& fe verger d'une manière éclatante for
la ville célèbre qui renverfa la Baſtile , donna
Péveil au pe p'e & fonna le tocfin pour le renverfement
de la y annie ; c'eft de -là qu'ils veulent
répandre la terieur & reffuciter le defporifme.
Lève-toi dans ta force , lève- toi toute entière ,
Nation Françoife ! Voilà l'heure du con bat , que
ce foit celle de la voire ; il faut la remporter ou é
" zir : car tu n'as point de inénage mens à attendre de
( 131 )
troupes qui te haiffent : ne fonge done . plus
qu'à réunir & faire voler tes bataillons nombreux
; tout autre foin , toute autre inquiétude
eft une perfide fuggeftion de tes ennemis . »
Le Miniltre de l'intérieur,
Signé , ROLAND.
>
Ce font fur- tout les Habitans des campagnes
qu'il faut raffurer par de fages précautions
contre les brigandages d'un enne
mi dévastateur. C'eft à eux que le Miniftre
s'adreffe.
Le Miniftre de l'Intérirur aux Habitans des campagnes.
ec
Digne portion de la Société , habitans des
campagnes , un grand danger menace vos habitations
; des brigands dévallateurs s'avancent vers
elles ; ils y porteront le fer & le feu . Faudrat-
il que vos moiffons , que ces fruits de vos
travaux pénibles foient la proie de ces cruels
ét : angers ! Elevés dans le métier des a mes
pour fervir d'inftrumens à la férocité des defpotes
auxquels ils font affervis , n'attendez d'eux
aucun fentiment d'humanité . Si ce fentiment
n'étoit pas entièrement effacé de leur coeur , viendroient
-ils combattre un Peuple généreux qui ne
demande pour lui & pour tous les hommes que
la jib té & l'égalité . Nous réſiſterons fars doute
à leurs attaques la nation ne s'agite - elle pas
fe réunir & s'oppofer au torrent de ces
barbares ! qui peut calculer les événemens !
cc Nous vaincrons , nous exterminerons; enfin
cette horde fanguinaire ; mais il ne faut
Pas fe
le diffimuler , ces grands effets de notre cou
F 6
( 132 )
rage , nous ne les obtiendrons que par de grands
efforts , que par l'union la plus étroite de concorde
& de frate nité , que par un concours de
prudence , de précaur ons & d'activité. Deux
objets importans doivent effentiellement nous
Occuper notre défenfe & notre ſubſiſtance .
Pour l'une , il faut armer tous ces braves Citoyens
qui brûlent de voler à l'ennemi commun ; pour
l'autre , il faut mettre à l'abri les objets
cieux qui peuvent affurer notre exiſtence. C'eſt
à quoi je vous invite & vous p: effe vous furtout
, habitans des campagnes , dont les r chefles
font exposées à devenir , d'un moment à l'autre ,
la proie des flamines & du pillage .
:
30
prés
« Hâtez -vous de réalifer vos moiffons , de
faire battre & tranfporter rous vos grains , foit
dans Paris , foit dans quelqu'autres villes de
l'intérieur de l'Empire que là , chacun de
vous ait un local où il puide dépofer , fous la
foi & la garantie nationale , fes bieds , fes beftiaux
, & tout ce qu'il voudra préferver des incurfions
étrangères ; & dans le cas où les befoins
publics , qu'on eft pourtant loin de redouter
forceroient de puifer dans ces dépôts , que ce
ne fot qu'à la condition expreffe d'en être payés
fur- le- champ & au plus haut prix courant . A
cetre invitation , reconnoiffcz ma follicitude pour
vous , bons habitans des campagnes , & le defir
qui m'embrâfe de mériter la confiance d'une Nation
généreuse à laquelle je fuis dévoué jufqu'à
la mort. »
Le Miniftre de l'Intérieur.
Signé , ROLAND.
?
La juftice févère à laquelle le Peuple s'eft. -
fivré , dans ces temps de trahifon & de com(
133 )
:
plots , auroit pu devenir une profcription
fanglante envers des Citoyens , que des
haines perfonnelles pouvoient défighter aux
fers des bourreaux. Les ennemis de la chofe
publique pouvoient abufer eux mêmes de
cette terrible impulfion du Peuple en la
faisant tourner contre les meilleurs Patriotes.
C'eft pour prévenir ces funeftes erreurs
que le Miniftre de l'intérieur a cru
devoir charger le Commandant- général ,
ainfi que le Maire de Paris , de prendre
toutes les précautions , & d'employer,tous
les moyens qui font en leur pouvoir.
Lettre de M. Roland , Miniftre de l'Intérieur , “
à M. Santerre , Commandant de la Garde
Nationale Parifienne provifoire , en date du
4 Septembre 1792 , l'an 4º . de Liberté & le
1. de l'égalité.
« Au nom de la Nation , & par ordre de
J'Affemblée Nationale & du Pouvoir Exécutif
je vous enfoins , Monfieur , d'employer toutes
les forces que la Loi met dans vos mains ,
pour
empêcher que la sûreté des perfonnes & des ,
biens foit violée , & je mets fur votre refponfabilité
tout attentat commis fur un Citoyen
quelconque dans la ville de Paris . Je vous envoie
un exemplaire de la Loi , qui vous ordonne
la furveillance & la sûreté que je vous recommande
& j'info me l'Affemblée Nationale ,
le Maire de Paris , des ordres que je vous tranf-
Signé , ROLAND ,
mers. »
( 134 )
Réponse de M. Santerre.
M. LE MINISTRE ,
« Je reçois à l'inſtant votre lettre : elle me
fomme , au nom de la Loi , de veiller à la sûreté
des Citoyens. Vous repouve lez les plaies
dont mon coeur eft ulcéré , en apprenant à chaque
inftant la violation de ces mêmes Loix , & les
excès auxquels on s'eft livré. J'ai l'honneur de
Vous repréfenter , qu'auffi - tôt la nouvelle que
le peuple étoit aux prifons , j'ai donné les ordres
les plus précis aux commandans de bataillons
de former de nombreufes patrouilles , & furtout
au Commandant du Temple , & autres
voifins de la demeure du Roi , & de l'hôtel de
la Force , à qui j'ai recommandé cette prifon
qui n'étoit pas encore attaquée. »
« Je vais redoubler d'efforts auprès de la
Garde Nationale , & je vous jure , que fi elle
refte dans l'inertie , mon corps fervira de bouclier
au premier Citoyen qu'on voudra infulter.
Signé , SANTERRE ,
Lettre de M. Roland à M. le Maire , du 4
21
Septembre.
Je vous envoie , Monfieur , copie des ordres
que jadreff: au Commandant - général de la Garde
Nationale Parifienne , & je vous charge , au
nom de la Nation , d'en feconder l'exécution de
tout votre pouvoir.
33
Signé , ROLAND.
( 135 )
•
Lettre de M. Roland , à M. le Préfident de
L'Affemblée Nationale , le 4 Septembre 1792 .
« M. LE PRÉSIDENT ,
« J'ai l'honneur d'envoyer à l'Affemblée Nationale
, copie de la lettre que j'ai cru de voir
écrite à M. le Commandant - général de la Garde
Nationale Parifienne provifoire , & dont j'ai
donné communication à M. le Maire . I paroit
que le maffacre opéré dans les prifons , n'eft
pas uniquement l'effet du tranfport du Peuple ,
qui a paru faifir des Citoyens à l'afpect des dangers
dont la capitale eft menacée . "
2
Cet effet feroit momentané ; tandis que
ces cruelles opérations fe prolongent , malgré
les réquifitions que j'ai plufieurs fois adreffées air
Maire vertueux , mais fans pouvoir , dont Paris
méconnoît la voix. »
cc J'apprends que des hommes en armes font
encore à l'Abbaye , & cherchent à inonder les
cachots , dans lefquels on fuppofe qu'il refte dés
prifonniers. On parloit , ce matin , d'immoler
les fignatures de la pétition Guillaume ; on ne
fauroit prévoir les horreu´s auxquelles cette
marche fanglante peut conduire , Non , ' il n'eft
pas poffible que la majo ité des Citoyens fe pête
ces excès ! Elle fe ralliera , fans doute , à lá
voix des Repréfentans de la Nation , pour dif
peifer les hommes égarés qui les commettent.
Signé , ROLAND.
Nouvelles de nos Armées.
Armée du Nord, Le camp retranché de Maulde
( -136 ,)
:.
fi avantageufement fitué , que les Autrichiens
avoient attaqué fi fouvent fans pouvoir jamais
l'entamer , & qui fervoit de boulevard à cette
partie de nos frontières , a été levé dans la nuit
du 6 au de ce mois. L'armée s'eft repli e fous
Valenciennes & va reprendre le camp de Famars .
Qn a vu avec peine la levée d'un camp frutile
& fi redoutable , mais il faut croire que le Général
Dumourier a eu de fortes raifons pour
faire marcher une partie des Troupes de ce camp
pour renforcer fon armée & couvrir Sedan , que
le Général Clairfait menace à la tête d'une armée
de 30000 hommes , qui s'est avancée juſqu'à Carigoan.
Valenciennes , Lille & Douai feront
toujours en état de tenir en échec les Autrichiens
, qui font peu nombreux dans les Pays-
Bas . Il étoit plus important de réunir des forces,
confidérables pour couvrir la Lorraine , où les
ennemis · ont raffemblé leurs plus grandes
forces.
1
2 Armée du Centre. Les Pu flances coalifées
avoient compté fur un fyftême de terreur qui l
leur avoit réuffi à Longwy & à Verdun . Elles
fe flattoient de pénétrer jufqu'à Paris fans aucune
réfiſtance , & elles y feroient parvenues
fi les événemens du 10 n'euffent coupé le fil des
trahifons d'un Pouvoir Exécutif , qui agiffoit
d'intelligence avec elles & avoit tout préparé
pour leurs fuccès. Mais , graces à l'activité des
Généraux Luckner , Dumourier & Kellermann
qui ont pris des pofitions avantageufes , ¡ eur marche
le trouve arrêtée . Nous ne croyons pas pouvoir
mieux inftruire nos lecteurs de la diftribution
de nos forces , qu'en mettant fous leurs yeux
des lettres authentiques & le bulletin que le Mi
| 137 )
niftre de 11 Guerre Fit paffer tous les jours à
L'Alfembler.co
C
→ sh Exyain d'une lettre de Montmédi.
« Cette ville eft très fortifiée ; il y a haute
& baffe vile. La haute ville eft auffi efcarpée
queiff Balyaire près Paris . En fix minutes , on
fait le tour des , remparts . Il y a so canons de
tous calibres placés tour du long. Iy a fix
mo tiers à couvert, par des gebious & des fafcines ,
de peur d'être démontés . Nous espérons battre
Tennemi de tous les côtesà une due . Il n'y
qu'une porte pour y entrer. Nous avons cent
canonniers tous très-patriotes & inftruits , qui
feront voler la tête a quelques Impériaux Nous
fommes 18 cents hommes pour defe dre la viles
il y a des vivres pour trois mois & quand il
viendroit 40 mille hommes , nous ne les craindrions
pas, Toutes les citernes font remplies d'eau,
Et il y a un grand puits de soo pieds de profondeur
, dont la voûte eft à l'ép cuve de la bombe,
In'y a que 150 maifons dans la haute vile ; il
n'y en a guères qu'une douzaine qui fcient paffables .
Nous fommes tous décidés bien nous battre. Notre
Commandant eft M. Delignéville , Maréchal-de-
Camps c'eft un brave homme qui a beaucoup
de connoiffances militaires , & qui a bien fait
fortifier la ville depuis trois mois . L'ennemi dans
ce moment eft à lieue de Montmédy. Nous
atendons qu'il le présente pour le bien recevoir .
Tous les Habitans des environs ont apporté leurs
cffets & leurs fufils, 1131
? (138),
Lettre du Miniftre de la Guerre , au Préſident de
l'Affemblée Nationale , du 6 Septembre , l'an
quatrième de la liberté , & le premier de l'égalité.
j. iv »
M. LE PRESIDENT, Iv shud 3
« J'ai reçu hier fɔit une dépêche de M. Biròn, qui me pire des précautions qu'il prend für le
Rhin vers Porentrei , pour s'oppofer à l'ennemi
par-tout ou i voudroit pénétier. J'en ai reçu une
te matin de M. Luckner, qui fe propofe d'envoyer
M: Dumourier des Compagnies
de Grenadiers &
plufieurs pièces de poſition il annonce qud M. Galband
a repris fa pofition à Ste Menehould', 'qu'il ne négig a rien , dès que les forces feront réa
nies , pour repouffer l'ennemi. Ceft done , M. le
Préfi lent , à l'armée qui doit fe réunt fur ce pont , que nous devons donner tous nos foins ,
en y portant non-feulement les braves Citoyens
de Paris qui fe dévouent fi généreufement
, mais encore plus fpecialement & fans nul délai , tous les
Fédérés qui font dans la Capitale . »
"
«. U ₁ Officier d'Arril erie écrit hier de Metz
que la place eft autant en règle qu'il eft permis aux
hommes de le faire. »
Lettre du Miniftre de la Guerre au Président de
Affemblée Nationale , le 6 Septembre au
foir, l'an 4. de la liberté , & lê xª . de l'égalité.
$15.9
b
M. LE PRÉSIDENT ,
« J'ai reçu aujourd'hui une dépêche de M. Kellermann
, datée de Metz le 4 de ce mois ; il •
( 139 )
=
dit avoir appris que la ville de Verdun s'eft rendue
le 2 de ce mois à fix heures du foir , après n'avoir
réfifté , à ce qu'on prétend , que pendant trois
heures. »
Il va faire proclamer la ville de Metz en
état de fiége , & doit y laiffer une forte garnifon ;
il affure , comme j'ai eu l'honneur , M. le Préfident
, de vous l'annoncer ce matin , que cette
ville eft dans le meilleur état de défenſe poffible
; il ève fon camp pour fe diriger veis Châlonsfur
Marne ; vous me permettrez , M. le Préfident,
de ne pas publier ici la marche qu'il doit
tenit, vous fentez que c'est le fecret de l'Etat.
I promet , au furplus , de s'ente de avec les
Généraux de nos autres armées , pour repouffer
l'ennemi, »
Jobferverai que l'opinion de ce Général
éclairé cft , que ce feroit le comble de la folie ,
de la part des ennemis , de vouloir pénétrer juf
qu'à Paris , & qu'il ne croit pas que ce foit teur
projet. Il laiffe devant Thionville une partie des
troupes Autrich cnnes qu'il auroit bien voulu atta
quer, s'il n'avoit pas été plus convenable de voler
au plus preffé. »
M. Kellermaun fait exécuter , avec plaifir ,
l'excellent Décret qui débarraffe les Sous - Officiers
de leurs fafils, & toute la Cavalerie de fes moufquetons
, pour armer les Volontaires Nationaux de
nouvelle levée. »
Autre lettre du miniftre de la guerre au préfident de
l'Affemblée nationale , du 7 Seprembre 1792.
30 M. LE PRESIDENT ,
Je viens de recevoir une lettre de M. le Ma
·( 140 )
réchal Luckner, & une de M. Dumourier ,
je m'empreffe de vous donner connoiffance , »
M. Luckner m'annonce qu'il lâre , le plus qu'il
lui eft poffible , l'organiſation des troupes à meture
qu'elles lui arrivent, »
« Il m'annonce une infraction aux loix qu'il eft
inftant de faire ceffer. C'eft un empêchement
qu'ont mis au départ d'un convoi de farines qui
paffoit par Siffons , des bataillons qui s'y font
réunis. Vous fentez , M. le préfident , que
fi un
-pareil exemple étoit fuivi , la France ferait perdue.
Je viens de faire partir un courrier extraordinaires,
pour avertir M. la Bourdonnaye de cette contravention
, & pour lut preferire de la réprimer fans
adéki,
« M. Dumourierm'envoie une dépêche du plus
grand intérêt ; elle contient le détail de ſes projets
pour arrêter la marche de l'ennemi , s'il veut pénétrer
en France , & de ſes plans , fi au contraire
il veu retourner dans les départemens de la Meuſe
& la Molelle , &c. »
Je ne puis qu'approuver les vues de M. Da
mourier, parce qu'elies font exactement conformes
aux miennes. »
« Pardes mouvemens que le Général a faits , il
aura , avant très - peu de temps , fous les ordres .
35,000 hommes d'excellentes troupes qui , plenes
d'ardeur , de civilme & de confiance en leurs chefs,
formeroient une barrière impénétrable.
>
« M. Dumourier m'annonce que la ville de
Rheims lui a offert 1500 hommes , dont 800 grenadiers
armés & habillés , & quatre pièces de
canon . Ge renfort joindra aujourd'hui le Gé - éral
. Il est bien important , M. le préfident , que
les François fuivent ce bel exemple: mais nous ne
pouvons trop le redire , ce font des hommes ar141
; més qu'il nous faut les autres , loin de nous fervir,
nous nuifeat. »
« Le Général Dumourier tranfmet ici une anecdote
qui trouvera place dans l'hiftoile , & qui
sûrement obtiendra des applaudiflemens & des
témoignages de reconnoiffance de la part du corps ,
légiflatif. »
« Cent- dixhommes de la petite ville de Mouzon ,
prefque tous vétérans , ont abandonné leurs foyers
& leurs propriétés , ont fauvé leurs drapeaux , &*
ont ramené deux chariots remplis d'effets appar
tenans à la nation . Ils ont fait une retraite honstable
devant l'ennemi fans être entamés , & font
venus fe joindre au camp de Grand - Pré ; cù je les
ai logés , & d'où ils ont juré de partir avec moi
pour faire la campagne. »
Si les habitans de Longwy & de Verdun
avoient montré le même courage & le même patiiotifme
, la France ne feroit pas encore entamée. »
Je crois néceffaire de rendre compte de ce
trait honorable à l'Affen blée nationale , & de
folliciter une récompenfe pour ces braves gens.
cc.
Lettre du miniftre de la guerre au préfident
de l'Affemblée nationale, le 7 Septembre qu
foir, l'an 4. de la liberté , & le 1º de l'é•
galité.
M. LE PRÉSIDENT ,
J'ai reçu depuis ce matin un courrier expédié
par M. Kellerman : la lettre qu'il m'a écrite eft
datée de Toul , elle eft du 6 de ce mois , à j
heures du matin , »
M. Kellerman , après avoir achevé de met
sie la ville de Metz en un état impofant , y
( 142 )
avoir fait proclamer avec pompe la ville en étae
de fiège , & s'être affuré , en un mot , qu'il
pouvoit s'en éloigner fans danger , s'eft mis en
marche (ut Pont- à : Mouffon ; il a joint le fecours
qui lui venoit des bords du Rhin , & s'eft porté
fur Toul. Qrant à la fuite de fa marche , M.
Kellerman me dir : »
« Je veux la faire , fans , mettre dans ma confidence
bien des gens indifcrets , ne connoiffant
que cette mefure pour parvenir à des fuccès . »
« J'effè e que le corps lég flatif me permettra
de ne pas traher le fecret du général Kelleiman
, qui eft celui de l'état , & par conféquent
celui de l'Affemblée nationale , »
« M. Dumoutier m'annonce enfin qu'il me donnera
inceffamment de fes nouvelles ; que les
mouvemens de l'ennemi lui , ferviront de règle ;
car , dit-il , comme je fais toujours prêt je lève
le piquet d'une heure à l'autre .
Autre lettre du miniftre de la guerre au préſident
de l'Affemblée nationale , du 8 septembre 1792.
M. LE PRÉSIDENT,
3714.
J'ai reçu depuis hier quatre couriers , un de
M. la Bourdonnaye , un de M. Damourier, un
de M. Moreton , & un de M. Luckner, »
2
M. la Bourdonnaye m'écrit de Soiffons ; il
m'annonce que les farines que M. Luckner
croyoit arrêtées à Soiffons , lui font parvenues :
cette nouvelle me fait grand plaifir fous tous les
les rapports.
« Il m'annonce encore qu'il a fait partir pour
Châlons tous ce qui eft néceffaire pour l'établifement
& la formation du camp deſtiné à couvrir la
7439
il caphale, Ilme mande qu'il le rend à Rheims
a été fort content du dil rift de Soiffons . Du mo -1
ment ou tous les citoyens concourront au falut de
l'écut ne fera plus compromis . » ·
M. La Bourdonnaye me prie de prendre des
moyens pour empêcher les citoyens non armés de
ferdre aux camps , Quoique j'aic emiloyé pour
Parmesir à ce but des moyens que je crois puiflans,
car j'ai parlé du falut de la patrie ; je penfe fepen- 1
dant , que fi Aflemblee nationale daignoit inférer
on mot fur.ect objet , dans la première adreffe
qu'elle fera parvenir aux départemens , elle rendroit
un fervice important à la chofe publique ,
La dépêche de M. le Maréchal Luckner ne
ne contenoit que des détails purement militaires .
M.Dumourier oft toujours à lon camp de Grand-
Pré il m'annonce que le le camp Pruffien étoit ens
core a Homerville près Verdun, le Général , toujours
plein d'activité & de prévoyance , a pris des
moyens qui me paroiffent propres à lui faure connekre
les mouvemens des ennemis , & il a formé
des projets qui me femblent bien capables de contrarier
ceux qu'ils voudroient farmer
M. Moreton m'annonce le départ des fecours
demandés par M Dumourier me fair combître
les moyens dri 2 employés poujéqué ten énnemis.
nepuiflentprofiter de l'éloignement monion tané de
nós armées.39219%
s_2111, 23. 90p asla ab
op 1 @ooly zon sb t
Le Minifase de la Guerre au Président de LAf
Jemblée Nationale le 10
Senigalité
,
Lan 4. de la liberté & le 1. de l'égalité,
M. LE PRÉSID T ,
« Je viens de recevoir des dépêches des géné
raux Kellermann , Biron & Ruault, »
(54 )
M. Kellermann m'annonce qu'il eft arrivé
Void , & qu'il va marche fur Lignyl fé loue s
infibiment de la bo ne volonté dont fon armée eft ,
animée , de l'ordre qu'el'e a gardé , "" &" dela
dfcipline dont elle a donné des preuves. Ce
général eft , comme vous le voyez , M. le Préd
fident , très à portée de fe joindre à MM . Du
mourier , Labourdonnaye Labourdonnaye & Lukner, Aisfiyq
le chemin de Paris me paroit infiliment difficile
à parcourir.
M. Bironi ne meʼfair part que de détails mili
taires ; le rerritoire confié à fes foins je uit d'un
calme très-beureux: »,
M. Ruault me fait part de fes craintes fur
Lille Quo que je n'ai pu voir les objets fous
le même point de vae que cer Officier - général
je n'ai point nég igé de lui indiquer des moyens, ¶
& de lur envoyer des fetours, olivu moh » ~ 10 .
Je n'ai reça alitun nouvelé de Valenusi
cichoes , ce filence Ut pour mid dun heureurs
augure ; j'ai écrit à M. Dumoufler , je l'engage
à donner des foins particuliers à cette par ne de fon
commandement .
#17005 ] 225 ? 36
Vision_LOV Wup xus 387673
am dues ennemis, ont fait fommer la , ville de
Thionvilles la paponfe forme que les cursmili
raités & adminiftrarifs ont faise , me donne fung
lieu de penfer que les étrangers a pendront cyfia
ue nous favons défendre nos places , & que
ks
François tiendront le ferment quits sour fair
de defendre jufqu'à la mort , la liberté & j'égalité,
Anbg zob zorladqah 2b siovsoon 55 29 I »
« iloul stevid i
JOURNAL
HISTORIQUE
-P
ET
&x !
POLITIQUE.
FRANCE.
De Paris , le 20 Septembre 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE
Du Dimanche 9 Septembre."
L'INCIVISME du for . régiment ci - devant Lié
geois , les excès auxquels il vient de fe porter
contre fon colonel , font tels , que l'Affemblée
n'a vu qu'un feul moyen d'arrêter les défordres de
ce corps , celui de le licencier ; en conféquence elle
charge le pouvoir exécutif de prendre les mesures
néceffaires pour opérer ce licenciement , placer
les officiers patriotes & former telle légion qu'il
trouvera convenable au bie du fervice en confer-
Vant les foldats qui auront donné des preuves d'o
béiffance & de difcipline.
No. 38. 22 Septembre 1792 G
( 146 )
Sur la propofition d'un men bre , l'Affemblée
décrète
que les mo's feel royal qui le trouvent
dans les actes rotariés , feront convertis en ceux de
fceau de ta nation .
V
Des volontaires de Béfort font allés avec du
cano s'emparer de la vile de Montbelliard qui
appartie au duc de Wurtemberg avec lequel
nous ne fommes point encore enguerre. Le minif
tre des affaires étrangères qui annonce à l'Affemblée
cette infraction au droit des gens , ajoute que
le directoire du Haut Rhin vient de prendre des
mefures pour la reflitution de cette place .
Ge
qui
Des pétitionnaires viennent demander qu'il feit
poté une loi qui fufpende, les pou fuites pour
detres contre les citoyens qui font au fervice de la
patrie fur les frontière . Renvoyé au comité de
lég flation. Sur la
deferd
ande duaumixnigftarreçodnes
la guerre , le décret
boulangers de s'enrô er , eft étendu aux ouvriers
en fer . & en bois . → Sur la propofition de M.
François de Nantes il eft décrété que le gouverneme
te achètera les fufils de munition, de
réforme qui font dans les magafins des négocians
qui font le trafic fur la côte de Guinée .
M. Damas , au nom du comité militaire , f it
décréer la formation d'un corps de chaffeurs à
cheval fous le nom d'huffards braconniers . M. Andrieu
eft au orifé à faire la levée de ce corps. C'est
ainfi que plufieurs perfonnes fe font offertes pour
différens corps de troupes légères , & l'Affemblée à
eru devoir accueillir leur ze e . Mais des plaintes
parvenues au comité de furveillance contre un
pa ticulier qui avoit été autorifé à lever une ligion
déterminent l'Aften blée à lui retirer la cor fiance ,
& à ordonner le rapport de fon décret , & pour
qu'un faux zèle ne puifle , dans aucun cas , fervir
(
1-47
de mafque aux enremis de la choſe publique , elle
iend le décret fuivant :
« Art. I. Il ne fera plus à l'avenir , & juſqu'à
ce qu'il en ait été au repeat ordonné ,
formé aucan
cops de troupes légères , fous que'ques dénomisation
que ce puiffe être , avec état- major &
adminiftration particuliè e. »
« II . Toutes les troupes légères , foit à pied ,
foit à cheval , feront à l'avenir levées par compagnies
franches , conformément aux décrets qui
ont déterminé leur formation , leur folde & leur
fervice , & pour lefquelles le pouvoir exécutif eft
fuffisamment autorifé par les loix antérieures . »
III. Tout citoyen , qui fe prop fera de lever
une compagnie de troupes légères , fera tenu de
faire afficher , pendant trois jours , dans fa fection
, ou dans fa municipalité , fon nom , le précis
de fes fervices , ou de les titres civiques , & fa
profeffion , & d'en rapporter un certificat , foit à
l'Affemblée , s'il préfente une péti ion , foit au
pouvoir ex'cutif , s'il s'adreffe directement à
lui. »
$
cc
« IV. Tout citoyen qui voudra s'engager dans
un corps de nouvelle levée , fera tenu de produire
un certificat de civilme de fa fection , ou de
fa municipalité , d'une date poftérieure au premier
feptembre de la préfente année , & de juſtifier d'ailleurs
qu'il a fait un fervice actif & perſonnel dans
la garde nationale . »
Sur la propofition de M. Rulh , l'Affemblée décrète
que les pères dont les fils n'habitent pas la
même municipalité qu'eux feront tenus d'y jufti- ,
fier de leur réfidence dans le royaume . A défaut
de faire cette preuve , leurs enfans feront préſumés
émigrs , & les pères feron: tenus de Payer aux
receveurs du diftri&t l'équipement , armement &
G
( 148 )
―
entretien d'autant de volontaires nationaux qu'ils
auront d'e fans hors de la municipalité. M.
Muraire , membre de la commiffion de farvei lance ,
à laquelle avoit été renvoyé l'examen de la malheureute
affaire de Charleville , fait décréter que
l'Affemblée nationale pour empêcher qu'à l'avenir
P'erreur du peuple n'occafionne des malheurs fenblables
au meurtre de l'ingénieur - fabricateur d'armes
à Charleville , enverra huit commiffaires pris
dans fon fein Pour furveiller dans les différentes
manufactures d'aimes du royaume , l'exécution
des loix relatives à la fabrication des armes .
* Une émeute fâcheufe a eu lieu à Caen . Le
procureur - général- fyndic y a été maffacré , L'A
femblée apprend que le calme y eft actuellement
rétabli . Les électeurs de la Sarthe en
envoyant à l'Aſſemblée la lifte des députés de
ce département , à la convention nationale.
ajoutent que fi le même patriotilme anime tous
les autres mandataires du peuple François , on
pourra mettre fur les affiches : Trône à vendre.
Du dimanche , féance du foir.
Le miniftre de la guere préfente , à la barre ,
M. Berruyer , lieutenant - général deftiné à commander
le camp de Paris . L'Affemblée reçoit fon
ferment. M. Servan ajoute , que plufieurs perfontes
lui ayant témoigné le defir de connoître
le nombre des hommes qui compofent nos armées
, leur pofition & l'état de nos places ,
attend fur cet objet le veu de l'Affemblée ; mais
qu'il croit imprudent de réveler des fecrets qui
pourroient éclairer la marche & les entreprises de
l'ennemi . L'Affemblée paffe à l'ordre du jour .
2
Un mouvement d'indignation s'étoit manifefté
( 149 )
dars la ville de Beaune , à l'occafion d'hommes
fufpectés de trabiton par le peuple , la munici
palité á cra devoir les faire enfermer , & elle
en prévient l'Allemblée par une députation qui
annonce , que cette mafure a été exécutée lans
malheur , & que tout eft rentré dans l'ordre .
-
L'Aflensblée ftatue que le décret qui établit
des tribunaux pour juger
les
crimes de confpi
ration , fera étendu à tous les départemens .
Le ministre des contributions publiques vient
fe plaindre de la difficulté qu'éprouve le confeil
exécutif provifoire , à obtenir l'expédition
des décrets . Il en eft de très- urgens , dont l'envoi ,
eft retardé d'une maniè e remarquable , d'autres
fe font égarés dans les bureaux ... L'Affemblée ,
pour obvier à de pareils inconvéniens , décicte
qu'il y aura deux commis , près du bureau des
fecrétaires , pour prendre copie des décrets rendus
, & que les commis de bureaux qui auront,
donné des preuves d'incivifme feront renvoyés .
Sur la propofition du même miniitre , l'At
femblée ftatue que toute l'argenterie qui fe trouve
actuellement dans la tréfo: erie nationale , fera
diftribuée dans les hôtels des monnoies , pour
y être convertie en eſpèces . Elle fait droit!
aux réclamations des fous - oficiers & gendarmes
de la ci- devant maréchauffée en décrétant :
de Art. Jer . Les fous - efficiers & gendarmes
faifant partie de la ci - devant maréchauffée , & .
qui , d'après Particle 1er ou . de la loi du
29 avril dernier doivent être payés de lear traitement
, à compter du 1er janvier 1791 , fur
le pied fixé par l'art. IV du titre IV de la bi
du 16 février de la même année , recevront
pour tenir lien de fupplément au traitement qu'ils
- ont reçu , & pour toute indemnité
; favoir
G 3
A 150 )
chaque maréchal des logis , 300 liv .; chaque
brigadier , 250 liv. ; & chaque cavalier , 23 1 .
Cette indemnité aura lieu indépendamment du
compte de la maffe pour 1791. La gendarmerie
nationale du département de Paris n'eft pas comprife
dans la difp fition de l'article précédent
non plus que les fous officiers & gendarmes qui
faifolent partie de la ci- devant maréchauffée de
Pin de France ; ces derniers auront le droit feulement
au compte
de la maffe . »
« En conféquence du piéfent décret , l'Af
femblée nationale amende les difpofitions de l'art .
1er. da tit . V de la loi da 29 avril dernier. »
L'Affemblée. règle enfu te par un décret, I :s
indemnités dues aux officiers & follat des régimes
de life de France & de Pondichery . A
cet effet , elle met à la difpofition du miniftre
de la marine une fomme de 150,000 liv.
Fut
La récolte des bled a été , en général , abondante
cette année ; la France a dans fon fcin
passatiegrains qui nou pour la fubfftance
de fes habitans . Mais les entiaves que
l'on met à la circulation de cette denrée dans
l'intérieur , & les approvifionnemens qui fe font.
pour nos armées & pour certains départemens ar
d'un autre côté , le manque de bras dans les
campagues pour battre 1s grains , font les prin-,
cipales caufes du défaut d'approvifionnemens des
marchés . C eft pour y ramener l'abondance , que
l'Affemblée après avoir entendu fon comité de
commerce & d'agriculture , tend le décret fui- .
vant :
ce Art . I. Les municipalités font autorisées à
retenir chacune dans fon arrondiffement , le nombre
d'ouvriers néceffaires pour le battage des grains-
& la culture des teries. »
(( 151 ))
o II. Les corps administratifs fe feront rendre ,
compte par les municipalités de l'état de l'ap
provifionnement des marchés ils pourront
d'après les renfeignemens qui leur feront don
nés , faire les réquifitions , & donner les ordres
nécefaires à tous les propriétaires , cultivateurs
& fermiers qui ayant des grains , négl geroient
d'en porter aux marchés de leur arrondiffement
refpectif.
III. Le confeil exécutif provifoire , tien
dra la main à l'exécution des décrets relatifs à
la libre circulation des grains , dans l'intérieur
du royaume. Il donnera les ordres les plus précis
pour que les loix n'éprouvent point d'obſtacles
dans leur exécution ,
Du lundi , 10 feptembre.
L'Affemblée entend la lecture d'une proclama
tion de M. Dumourier aux citoyens & à la garnifon
de Sedan pour la récept on du maréchal - decamp
Miazinski , ci - devant général Polonois ,
comme commandant de cette place . Il leur annonce
un renfort de 15,000 hommes .
.
Pour l'ordre de la comptabilité & pour la fûreté
du fervice des camps , l'Aflemblée décrète , fur la
propofition du ministre de la guerre , que le pou
voir exécutif eft aurorif à employer au fervice de
l'armée deftinée à la d fe fe de Paris , le nombre
de commillaires de guerre qu'il jugera néceflaire
pour furveiller les differens détails de l'adminiftrationvic
2
Sur le rapport de M. Vermeilh , le décret fui
vant eft rendu :
L'Aſſemblée nationale conſidérant qu'il eft
de fa juftice , autant que de l'intérêt public , de
prendre au plutôt les mesures néceffaires pour
G 4
·( 152 )
affarer les acquifitions faites par le Roi , au nom
de la Nation , décrète qu'il y a urgence. לכ
3
L'Afemblée nationale , ouï le rapport de fon
comité de lég flation , & après avoir décrété l'urgence
, décrète ce qui fuir :
A t . I. A compter du jour de la publication
du préfent décret , l'ulage des formalités
établies par l'édit du mois de juillet 1693 , pour
purger les hypothèques des biens acquis par le
pouvoir exécutif au nom de la nation ,
abrogé, »
eft
« II. Les acquifitions faites jufqu'à ce jour ,
dont les hypothèques n'auroient pas encore été
purgées, & celles qui pourront être faites à l'avenir
parle pouvoir exécutif, aunom de la nation, feront
foumifes à la formalité d'´s lettres de ratification ,
fuivant les règles établies par l'édit du mois de
juin 1671.3
III. Ces lettres feront prifes à la diligence
des commiſfaites nationaux près les tribunaux de
diftrict ou d'arrondiffement , dans le reffort defquels
feront fitués les biens vendus ou aliénés ,
a IV. Elles font affranchies de tous droits dus
d'après l'édit de 1771 , lefquels ne feront portés
que pour mémoire fur les regiftres des receveurs
chargés de leur perception , & elles feront fcellées
far la fimple repréfentation du vifa dès percepteurs
, qui tiendra lieu de la quittance des
droits. »
#
.b
V. Les procédures commencées dans les cidevant
parlemens , & autres tribunaux , fuivanci
l'édit de 1693 , qui n'auroient pas été terminées
par arrêt définitif, & dans lesquelles le prix des
acquifitions n'auroit pas été configné , font &
demeurent fupprimées . Il fera pris furtles contats
defdites acquifitions , des lettres de ratifi -q
( 153 )
cation , conformément aux articles II & III du
préfent décret . »
2
« VI . Les créanciers qui , dans le cas de l'aticle
précédent , auroient formé des oppofitions
aux greffes des ci - devant parlemens , fuivant
Fédit de 1693 , ferent tenus de les renouveler ,
fuivant les formes prefetites par l'édit de 1771,
à peine de déchéance de leurs hypo hèques. »
ל כ
VH. Pour donner un temps fuffifant à ceux
qui peuvent prétendre des priviléges ou hypothèques
fur les immeubles acquis par la nation ,
de faire leurs oppofitions , il ne fera fcellé , à
cet égard , aucune lettre de ratification , que
trois mois après la publication du préfent décret.
>>
Un article de la conftitution civile du clergé,
défend à toute églife , ou paroiffé de France de
reconnoître en aucun cas l'autorité d'un évêque
ordinaire ou métropolitain dont le fiége feroit
établi fcus la domination d'une puiffance êtrangère.
Cette loi eft restée fans exécution dans les
colonies Françoifes . Le Pontife Romain y exerce
par des préfets apoftoliques une jurifdiction di
recte fur les minifties du culte catholique établi
dans ces ifles. Ce font des moines qui difpolent
de toutes les cures , en vertu du pouvoir que
leur en a délégué l'évêque de Rome, Cet abus
dénoncé par M. Torné , eft extirpé par un déeret
de l'Affemblée qui fupprime les préfets apol
toliques dans les colonies Françoiles . {Mais Vörfque
M. Torné a propofé enfuite de faite nommer
par le pouvoir exécutif des commiffaires natio
naux eccléfiaftiques pour remplir provifonement
les fauteuils des préfets , cette propofition non
moins abufive , eft éconduite par la question
préalable . G
( 154 )
9
Des vifites faites dans différens , arfénaux &
magafias , ont montré quantité d'armes que perfonne
n'y foupçonnoit , l'Aßemblée inftruite , de
ces fraudes , décrète que tout garde magafin , inf
pecteur des ailénaux , &c. qui ne fera pas dans
la huitaine la déclaration des armes confiées à fa
garde , comme de celles qui feroient cachées dans
les magalius , fera pui de fix ans de fers . -
Après avoir procédé à l'organifation d'une nouvelle
compagnie dite de Bons Tireurs , l'Affenblée
prononce que les citoyens enrôlés dans les
differens corps de troupes légères , ne pourront
partir qu'après avoir , pardevant des commiffaires
du pouvoir exécutif , juftifié par acte authentique
de leur civifme .
Lofque la patrie eft en danger & que fes
belos font urgens , il n'eft point de lactifice
qu'elle n'ait droi ; d'attendre ; mais les pPremières
refources qu'elle réclame font celles qui peuvent
être employées fans furcharger les citoyens . De
Le nombre font fans contredit les meubles &
effets en or ou en argent , à l'ufage du culte
ebjets de puse oftentation & qui e conviennent
nullement à la fimplicité qui doit accompagner
Je fervice divin . Ceft par ces motifs , & for ug
Japport du comité des manncies que l'Aſſemblée
rend le décret faitanter
ArtIl fera fait dans les 24 heures qui
fuivront la publication du préfent décret , par des
chayens que che, if ont les confeils généraux des
communes , pris dans leur fein , un état exact
& détaillé de tous les meubles , effets & uftenfiles
en ot & en argent qui le trouveront dans
shaque églife, cathedrale paroifigle , fuceurfale ,
oratoire ou chapelle quelconque . Cet inventaire
vidu.
70
& IS ST
contiendra la défignation de chaque pièce , fa
nature & fon poids.
"
« II . Ces cff:ts feront , dans le jour fuivant ,
à la diligence & fous la refponfabilité de la municipalité
, envoyés , une copie de l'inventaire
, énoncé dans avec
récédent
, au di ectoire
du district , qui en don era décharge aux
municipalités , avec la même défignation . »
3.
II . Le directoire du district enverra , par
la voie la plus sûre & la plus prompte , à mesure
de leur réception , toutes les pièces d'or & d'argent
qui lui parviendront , à l'hôtel des mounóies
le plus voifin de fon territoire , avec une copie
de l'état détaillé qui en le - a formé , contenait
la défignation , 1º . de l'églife d'où elles proviennent
; 2°. de la nature de chaque pièce ;
30. de fon poids , »
CE IV. Une autre copie de ce même état , fera
adreflée , par le directoire du diftrict à celui du
département , qui la tranimettra , fans délai , au
miniftre des contributions publiques .
ce
25
V. Le directeur de la monnoie , après avoir
vérifié le nombre , les pièces , les poids des
pièces , comprifes en l'état , fera paffer au precureur
général - fyndic du département une reconnoiffance
portant décharge , & celui - ci en enverra
ue au directoire du district . »
VI. Ces pièces , à l'inftant de l'arrivée
feront convertis en monnoie , qui fera employée
au paiement du prêt des différentes armées francoifes.
сс
33
195
inf-
VII. Les frais de caiffe & emballage , fot
de la part des municipalités , foit de la part des
diftricts , feront remboursés fur le mémoire jetqui
fera arrêté par le directoire du difia ,
par celui du département . Le
Vife & appo
G ?
156 )
receveur du diftrict en fera l'avance fauf le
remplacement dans fa caffe par la trésorerie nationale.
CC
VIII. Le directoire de la monnoie paiera
& avancera le port des caiffes qu'il recevra fur
la facture dont feront porteurs les voituriers , &
ces débourlés lui feront alloués en dépenfes.
CC
ود
« IX. Sont exceptés des difpofitions du préfent
décret les calices faints - ciboires & autres
vales faciés feulement. "
« X. Le pouvoir exécutif eft chargé de donner
les ordres les plus exprès & les plus pofitifs pour
le prompt envoi & l'exécution du préfent décret.
»
Du lundi , féance du foir.
Une députation de la commune de Paris , com
munique à l'Affemblée une lettre écrite par M.
Billaud commilaire à Châlons. Il a trouvé
cette ville dans un état de quiétude , allamant .
Il a cra y voir règner le même efprit qui animoit
Longwy & Verdun . Rien n'étoit encore
commencé pour la formation du camp. Les provifions
né font point proportionnées aux grands
raffemblemens qui vont s'y former. Ony manque
d'armes & d'effets de campement. Cette lettre
a excité quelques inquiétudes. M. Charlier a
raffuré l'Affemblée fur les bonnes difpofitions de
fes concitoyens les Châlonois ; il a obfervé que
Châlons n'étant point une ville de défenſe ,
mefure que les volontaires arrivoient on les
envoyoit à MM. Kellermann & Dumourier.
Le miniftre de la guerie propofe de faire entrer
les volontaires nationaux , qui ne font ni
armés ni habiliés , dans les troupes de ligne
ou les armes & les habits leur feront fournis
}
plus ailément. Renvoyé au comité militaire.
Sur les 1,300,000 liv affectées à la formation
du camp de Paris , 489 389 liv . font dépensées.
Le refte eft deftiné aux hôpitaux militaires . Le
miniftre demandé un million . Accordé..
+
Les vataires de la fection de l'Arfenal , à
la veille de leur départ , viennent rendre leurs
hammages à l'Aflemblée. Ils font accompagnés
d'une troupe d'enfans aveugle - nés qui , pendant
qu'ils défilent exécutent l'air : Aux armes
citoyens. Cette fcène touchante augmente encore
d'intérêt par fempreffement de l'Affemblée
, à venir au fecours de ces infortunés . Elle
décrète , après avoir entendu fes comités réuflis
d'inftruction publique & des fecours publics .
- Art. I. Que les penfions gratuites accordées ,
pour l'année 1791 , àvingt- quatre élèves de l'établiffement
des fourds & muets, par l'art . IV de la loi du
29 juillet 1791 , & 230 élèves de l'établiffement
des aveugle- nés , par l'article II du décret
du 28 feptembre de la même année , continueront
à être payées par la trésorerie nationale
jufqu'au moment de la nouvelle organiſation de
l'inftruction publique.
CC
II . Le pouvoir exécutif employera tous les
moyens qui font à fa difpofition pour faire jouir ,
dans le plus bref délai , l'établiffe ment des aveuglenés
des fommes qui lui font attribuées par le
décret du 28 feptembre dernier , en prélevant
y a lieu , la part que peuvent réclamer
ceux des 30 élèves qui n'ont pas été nouris
dans l'établiffement , ou qui ont des droits à èrèr
cer für lefdites fommes , à quelque titre que c
foit. 6751 and purembiraqah ub othè
S'il
III. Le pouvoir exécutif fixera , fans délai ,
d'après la loi & les principes de l'équité Vé
7 +58 )
poque où doit commencer le traitement de chacun
des maîtres qui ont été ou font encore en
activité dans l'établ flement des aveugle - nés . 4 "
IV. Il prendra les informations les plus pofitives
pour s'affrer du degré d'utilité de char
cune des places de maîtres , qui reftert à remplir
dans ledit établiffement , & il en tendra
compte à l'Aemblée , pour y être flatué par
elle,
ן כ
Un citoyen qui part pour l'armée , & dont la
fortune confifte en rentes viagères fur l'état
demande que les rentes , affiles fur la tête feulemet
, foient reverfibles fur celle de fon père,
s'il peric, en combattast . L'Affemblée apouve
cette pétition, Elle décrète , en termes généraux
, que les rentiers viagers fur l'état , qui périront
en combattant pour la partie , tranfmet
troot for lay tête de leur héritier leur lente viar
gèredati shax0 % 57 % 5ふる
1
Dù mardi , 11 Septembre .....
03
L'Affemblée ordonne le defsèchement des étangs
dont les caux ftagnantes infectent l'air & les rendent
infalubres . Elle deftine en même temps une fomme
de 499,999 liya à l'encouragement des découvertes
utiles à l'agriculture .
Le tribunal criminel de la ville de Paris eft admis
à la barre. Il annonce qu'un raffemblement confi
dérable demande le jugement prompt de deux particuliers
prévenus d'avoir enlevé la caifle de lear
régiment , Pour garantir la justice aux acculé ,
l'Aſſemblée défère le tribunal connoîtra
provifovement de tous les crimes commis dans
l'étendue du département de Paris. Il fera nommé
par chaque des dits du bourg de l'Egalité & de
Sunt-Denis , deux jurés d'accufation , & deux
1459
) jurés de jugement dont il fera formé une lifte.
léparée , & ils ne feront convoqués que pour le
jugement des délits commis dans l'étendue defdits
districts .
Le département de la Seine inférieure écrit à
l'Affemblée qu'il envoye de l'artillerie à Paris &
des volontaires à l'armée , le département a feize
mille hommes devant l'ennemi.
D'après un rapport fait au nom du comité militaite
, ii fera remis à la difpofition du miniftre
de la guerre une fomme de trois millions pour
être employée aux travaux extraordinaires des
fortifications pour l'année 179-2, Les plombs
& fers qui le trouvent maintenant dans les maifons
royales feront convertis en bailes & mitrailles.
*
Les citoyens qui ont acquis des biens natio
naux dans l'efpoir du remboursement des dîmes
inféodées qui ont été fupprimées par le décret du
2.5 août de nier , peuvent le trouver par cette
fuppreffion , hors d'état de payer le prix de leurs
acquifitions, En leur accordant la faculté d'y renoncer
, " Affemblée établit dans le décret fuivant
les formes qu'ils auront à fuivre .
« Art. I. Les acquéreurs de biens nationaux
qui n'ont point donné en, paiement du prix de leur
acquifition , le montant des liquidations définitives
qu provifoires qui leur ont ét délivrées , à raifon
des dîmes infeodées par cus prétendues , ainfi que
ceux qui auront juſtifié ou juſt hieront dans les dé.
Jais & les formes preferites par les décrets , qu'il
leur étoit dû des dîmes de cette inlture , auront la
faculté de renoncer à leur acquifition . » wegh , is
1 II. Is ferent tebus de faire cette renonciaa
tion dans le délai de deux moin, à compter de cé
jousikau feciktariat: del chaque dio ectonesdundeg
( 160 )
trict , de la fituation des biens vendus , fous peine
d'en demeurer déchus fans retour , & d'être pourfuivis
pour l'exécution de leurs adjudications ,
comme tout autre acquéreur . »
« III. Les fommes que les renonçans auront
payées leur feront rendues par les receveurs de
diftrict dans la caiffe defquels elles auront été verfées
, fur la repréfentation de l'acte de renonciation
, certifié par le directoire du diſtrict , & viſé
par celui du département ; l'intérêt desdites fommes
demeurera compenſé avec les jouiffances per
çues. "
« IV. Les biens ainſi rentrés dans les mains de
la nation feront remis en vente dans les formes
preferites par les décrets. »
Diverfes plaintes portées , tant fur l'inciviſme
de plufieurs commiffaires des guerres , que fur la
lenteur des procédures qui s'inftruifent dans les
cours martiales , déterminent l'Affemblée à prononcer
la fuppreffion des commiffaires auditeurs qui
les préfident. Le miniftre de la guerre eft autorifé
à augmenter , felon les befoins de l'armée , Mes
commiffaires ordonnateurs , & à deftituer ceux
qui , par incivifme ou incapacité , feroient inhabiles
à exercer des fonctions où la confiance la
plus active eft abfolument indifpenfable . Le comité
préfentera inceffamment un nouveau plan fur l'organiſation
de la cour martiale & les jugemens militaires
.
Du mardi , féance du foir.
si Deux commiffaires nommés par le pouvoir exécutifpour
aller prendre les renfeignemens néceffaines
fur l'état des prifons & les procédures de la
haute- cour nationale , fe préfentent à la barre
pour rendre compte de leur million 5 Affem
( 161 )
I
2
blée les renvoie au pouvoir exécutif qui, les a
nommés.
Sur la propofition de M. Dumas , au nom
du comité mi itaire , l'Affemblée rend deux décrets
. Le premier , relatif aux Officiers licenciés de
la gendarmerie nationale du département de Paris ,
règle, les penfions auxquelles ils ont droit de
piétendre , en proportion de leurs fervices ; le
fecond accorde aux volontaires formés en troupes
quelconques , conformément à la loi , par le
pouvoir exécutif, un fupplément de paie de
10 fo's , depuis le jour de leur infcription juſqu'à
celui de leur départ inclufivement.
Les adminiftrateurs de la caiffe d'efcompte
offrent d'échanger contre des affignats' une fomme
de 900,000 liv. L'Affemblée accepte cette offre
généreufe & déclare qu'il en fera fait mention honorable
dans fon procès- verbal. Te
L'Affemblée avoit mis à la difpofition du pouvoir
exécutif la fomme de deux millions pour les
dépenfes extraordinaires & fecrettes. Les miniftres
fa font partagés cette fomme pour les befoins de
leur département refpectif. M. Cambon obferve
que cet arrangement eft contraire au décret qui
détermine que la dépenfe de ces deux millions
fe feroit en nom colle &if. Le miniftre des con- i
tributions publiques vieat juftifier l'emploi de la
fomme qui lui eft échue parles facrifices que le gou- ,
vernement doit fouvent faire au befein de l'arion
de la confiance & du courage . L'Affen bléc palle à
l'ordre du jour.ai 19x ^no
mal .
M. Chabot , au nom du comité de furveil- 1
lancety rend compte de l'arreftation d'un des
principaux agens de la contre- révolution qu'il net
veut pas nommer , parce que le fecret; eft encore
néceflaire. H dépofe fur le bureau 27,191 .
( 162 )
en or , défignés fous le nom de feuilles dans un
bil et que le particulier a voulu , mais en vain ,
fouftraite.
Livré à la furveillance d'un jeune volontaire
nommé Duchalat , garçon menuifier , il a fait de
nouveaux efforts pour l'engager à bi laiffer déchirer
le billet ci - deffus ; fous l'appât de 3,000-1.
Gardez votre or , a répondu le volontaire ; tant
que j'aurai du pain & de l'eau pour faire la guerre
aux contre- révolutionnaires ,jeferai content: L'A
femblée applaudit & accorde une gratification de
300 liv. au jeune Duchalat. ~
Du mercredi , 12 Septembre.
Au nom du comité des finances , M. Baignoux
fait décréter la continuation pour 1792 des lecours
accordés en 1791 aux hôpitaux & aux colléges,
Le même membre expoſe à l'Affemblée combien
il importe à l'intérêt national de connoître fans
délai les rentes & penfions qui peuvent appartenir
aux émigrés , pour en prononcer la radiation &
fur fa propofition , l'Affemblée décrère que los
payeurs des rentes , tréfotiers & autres agens du
pouvoir exécutif feront tenus de fournir dans le
delai de deux mois & fous peine de refponfabilité
un état des rentes & penfions qui n'autort
pas été payées à défaut des certificats de réfi -1
dence exigés par la loi , lefquels états, feront
adreffés au miniftre des contributions publiques/
qui les tranfmettra à l'Affemblée nationale pour
la mettre à portée de prononcer la radiation des
rentes & penfions des émigrés .
Voici la rédaction du décret précédemment
rendu , rela ivement aux parens dont les fils
ont émigré
« Art. I. Tous les pères & mères dont les fils
( 163 )
font abfens , font tengs de jaſt fiert dans le délai
de trois semaines , à leurs municipalités refpecsives
de l'existence en France de leurs fi's diſparus
ou de leur mort , ou de leur emploi en pays
étrangers pour le fervice de la nation , »
cc
II. Les pères & mères qui ne pourront pas
fournir la preuve exigée par l'article précédent ,
feront tenus de fournir & d'équiper à leurs frais
deux foldats , en place de chacun de leurs fils
émigrés , à la folde de vingt-cinq fous par jour. »
« Les pères & mères qui ont des enf、ns émigrés
, font tenus de fournir l'habillement , arniement
& folde de deux hommes par chaque enfant
émigré , & d'en verfer la valeur dans la caiffe du
receveur du district de la fituation de leur domicile.
» 3
« Ce verlement fera fait dans la quinzaine de
la publication du préfent décret ; le montant de
la folde à raifon de , 15 fous par jour par chaque
homme , fera verté d'avance pour chaque année ,
tant que duiera la guerre néanmoins les fommes
qu'ils auront payées en cxécution du préfent décret
, feront imputées fur les portions héréditaires
des erfaus abfens. »
- Pour l'exécution de l'article II , les officiers
municipaux de chaque commune fe ont , à
peine de deftitution , pater à l'administration de
diftrict le tableau de tous ceux defdits pères &
mères qui n'auront pas la preuve ordonnée. »
M. Deftrem propofe le renvoi des jurés & des
témoins appelés auprès de la haute- cour natio
nale , vu que leur préfence eft aujourd'hui inu
tile , l'Affemblée adopte cette propofition & la
renvoie au pouvoir exécutif ; elle charge ea
même- temps fon comité de légiflition de faire
inceffamment un rapport pour favoir s'il ne con
( 164 )
viendroit pas de rappeller auffi les grands juges &
les grands pro utateurs de la nation , attenda que
la o vention nationale s'occupera d'une nouvelle
& meilleure organiſation de la haute- cour."
L'Affomblée s'occupe enfuite de quelques dif-'
pofitions relatives à l'établillement da camp de
Paris. Elle autorife le pouvoir exécuuf à donner
les ordres néceffaires pour faire les abatis & démolitions
qui feront jugés indifpenfables par le
général. La maifon ci devant occupée par M.
d'Egmont Pignatelly , notoirement émigré , fera
mife à la difpofition du général , pour le loger.
& y placer les aide- de- camps & fes bureaux.
L'Aflemblée avoit renvoyé à fon comité des
foances pour en faire unfeul & même rapport , les
pétitions qui lui avoient été fucceffivement adreffées !
par les départemens , afin d'obtenir des dégrèvemens
fur la part des contributions directes
qui étoit mife à leur charge. C'eft ce rapport
que M. Guiton - Morveaux vient aujourd'hui préfenter.
L'objet en eft d'un trop grand intérêt
pour ne pas entrer dans l'analyfe des motifs qui›
juftifient l'avis du comité , & d'après lefquels ›
Affemblée prononcera .
Soixante départemens demandent tous un dégrèvement
plus ou moins confi lérable . La plupart
ont déterminé la fomme , les autres s'en
font rapportés à la juftice de l'Affembée pour ›
la fixer. Mais en lui donnant la plus foible ef- i
timation , elle s'élève à un total de plus de 48
millions , tandis qu'il ne reste à difpofer pour
cette année , en fonds de non valeur , que de
4,519,600 liv . fur la contribution foncière
2 212,000 liv . fur la contribution mobiliaie ,:
& ces fonds de non valeur font affectés non :
feulement aux réductions à accorder aux dépac-
& 1
( 165 )
temens qui apportent des preuves de furcharge;
mais encore ǎ ceux qui des malheurs momentanés
donnent droit à une modération .
Après avoir établi la différence des demandes
aux moyens , le rapporteur examine s'il y a
lieu de procéder à un dég èvement général , ou
s' convient de venir feulement au fecours des
départemens qui auroient le mieux prouvé la
furcharge. Pour parvenir à la folution de cette
queftion , il diftingue ce que les loix fur les contributions
appellent réduction , & ce qu'elles
nomment dégrèvement . La réduction eft une voie
de recours régulaire , elle fixe le contingent du
département même pour les années fuivantes ;
elle opère le rejet de l'excédent fur tous les autres
départemens. Elle n'eft prononcée qu'enfuite.
d'une inftruction contradictoire avec les départemens
voifins . Le dégrèvement , au contraire
ne produit qu'un émargement fur les rôles ,
ne préjuge point la continuation de la décharge ,
il s'accorde fur le fimple expofé de l'adminiftration
, & n'eft qu'une opération arbitraire .
Pour la rendre générale , il faudroit donc l'appuyer
fur des renfeignemens précis , fur des bafes
fixées d'ap ès les états comparatifs de chaque
département ; & ce feroit alors une ratification
de l'impôt à laquelle il eft impoffible de parvenir
actuellement , par le manque des connoiffances
qu'elle fuppofe .
il
D'où le rapporteur conclut qu'un dégrèvement
général ne feroit qu'une opération arbitraire
pour les départemens , inutile pour les contribuables
& onéreuse pour le tréfor public. Ar
bitraire , il vient de le prouver . Inutile pour
les contribuables ; la loi n'a- t- elle pas prononcé
d'avance la réduction des cotes de tous ceux
( 166 )
qui vér ficroient qu'i's font furtaxés , au - delà
de la quotité du revenu nët déterminé pour
chaque année ? & fi - l'on y ajoute les difpofitions
néceffaires pour qu'aucun ne puifle ête
contraint au paiement de plas fore fomme
même pour les termes échus , qu'auront- ils à
demander de plus ?
Enfin cette opération feroit préjudic able à la chofe
publique , puifqu'el'e épuiteroit tout - à- coup ks
retfources préparées pour faire face aux accidens
momentanés , aux pestes imprévues , fars dorrer
du foulagement fenfible à ceux qui ne fouffrent
que des vices de la répartit on dans l'intérieur
des départe rens.
Mais ne feroit-il pas jufte de faire fortir de moins
de la claffe commune , un certain nombre de
départemens qui auroient eu l'avantage de donner
à leur réclamation , une plus grande apparence
de fordement ? Cette intention , droite
en elle-même , feroit ir jufte das fon applica-'
tion . A quel titre Is uns feront-ils préfiés aux
autres , fi la comparailon ne les embraff: tous ,
& comment tenir cetre balance fans bleifer la
juſtice pub ique ? Enfi on répond à tout par
cet argume e tié de la i . Si votre contribution
s'élève au deffus du maximum' , vous avez
la voie ouverte pour faire prononcer votre décharge
; fi el'e ne l'atteint pas , il n'y a pas
lieu à réclamation .
La feule exception que le comité croit devoir
faire , fera en faveur des 17 départemens dénommés
au tableau des dégiévemens du 16 août 1791
& pour les mêmes fommes pour lequelles ils y
font compris , puifqaï's font dans la même poftion
cu ils étoient quand l'Aſſemblée décida quïl
y avoit des motifs affez puiflans pour leur ac(
167 )
corder cette décharge fans attendre leur pétition.
Nous donnerons le texte du décret important
qui a fuivi ce rapport & dont les deux premiers
articles ont été décrétés , quand l'Aſſemblée, cn
aura adopté la rédaction définitive.
Pour égayer un peu cette féance toute remplie
de décrets , nous la terminerens par un récit
de M. Rub . Je veux , ant il dit , faire connoître
à l'Affemblée quels font les trophies fut lefquels
Mirabeau cadet , autrement dit Mirabeau - Tonneau
, vient d'établir fa gloire .
Neuf bateliers de Strasbourg s'étant approchés
un peu trop près de la rive droite du Rhin , il
eft tombé valeureufement fur eux avec la touje ,
& a voulu les faire prisonniers ; mais ils le font
jettés à la nage & one regagné la rive gauche ,
& le général Mirabeau n'a eu que les bateaux.
Du mereredi , féance du foir.
t
OnOn app end chaque jour que Brunſwick avoit
plus compté fur des moyens de corruption que fur
les propres forces des puiflances coalitées . Un
membre inftruit Affemblée que le régiment de
Walsh , Irlandois , qui avoit fi lâchement.capi .
tué à Verdan , cherchoit , en fe repliant dans
L'intérieur , à faire des profélytes aux armes de
nos ennemis , en perfuadant aux habitans des
campagnes que Brunswick & le Roi de Prufte n'ep
portoient en France que des fecours aux opprimés
& des châtimens aux opp effeurs. La plus grande
partie de ce régimert a été arrêtée à Meaux par
deux bataillons de gendarmerie qui les ont défars
més . On a trouvé plufieu sica fles remplies de cocardes
blanches . Ils ont été Leconduits à Châlons
Le même membre fait lecture d'une lettre qui an(
168 )
nonce.ce.que les foldats de l'armée Dumourier font
pleins de courage & de confiance en leur chef.´
Pour mettre la convention nationale plus à
portée d'apprécier les travaux de la légiflature actuelle
, l'Affemblée a décrété , fur la propofition
de M. Vergniaux que chaque comité féra un
tableau raifonné de tous les décrets qui ont été
rendus fur les objets qui les concernoient.
Le miniftre de l'intérieur eft chargé de préfenter
dans deux jours l'état des dons patriotiques
qui a dû lui être communiqué par le confeil
général de la commune de Paris .
1
Le ministre de la guerre fait pafler le bulletin
qu'il a reçu de nos différens généraux. Il trouvera
fa place dans l'article confacré aux nouvelles
de nos armées avec les autres pièces qui complettent
le tableau de notre fituation militaire.
Rome a eu les Caton & les Brutus ; s'ils n'ont
pu fauver la liberté mourante de leur pays , ils
ont eu du moins le glorieux courage de ne pas
furvivre à la fervitude . Nous avons auffi nos
Brutus & nos Caton , & l'aurore de notre liberté
a été marquée par des dévouemens dignes des
plus beaux temps des Républiques anciennes.
M. Delaunay a rétracé à l'Affemblée la mort
illuftre du brave & généreux Beaurepaire qui ne
pouvant foutenir ni partager la honteuse défection
des fonctionnaires publics & des habitans de
Verdun, a préféré de fe donner la mort , au milieu
même du conſeil général de la commure &
du confeil de guerre.
CC de
Nous vous propofons , dit le rapporteur ,
traiter Beaurepaire , comme Rome , fi elle eût confervéfa
liberté , eût traité Caton & Brutus . Plaçons
La cendre dans le Panthéon François , que foa
nom
【(169 )
nom y foit gravé pour la honte de ceux qui ont
réduit cette ame énergique à l'extrémité de renoncer
àfervir fon pays,autrement que par l'exemple
d'un rare & fublime dévouement
.
« Le territoire François , depuis le pan- :
théon jufqu'à Sainte- Menehould , eft couvert I
de bataillons hériffés de bayonnettes & de
piques . Imaginez de quelle impreffion profonde
feront frappés tous nos guerriers , en
voyant paffer au milieu d'eux , un char funèbre,
portant les reftes d'un homme mort pour la libe
té cette vue élevera les ames , infpirera le
courage , & animera tous les coeurs du defir de
là vengeance. "
L'Affemblée a adopté à l'unanimité , le décret
fuivant :
- « L'Affemblée nationale décrète , que le corps
de Beaurepaire , commandant du rer. bataillon de
Mayeune & Loire , fera tranfporté de Sainte-
Menehould , & dépofé au panthéon François.
L'infcription fuivante , fera placée fur fa
tombe :
« Il aima nieux fe donner la mort, que de capituler
avec les 1
tyrans .
Le préfident eft chargé d'écrire à la veuve &
aux enfans de Beaurepaire .
" CC
Le pouvoir cxécutif eſt chargé de l'exécution
du préfent décret . »
On regrette de ne pas trouver dans ce rapport
un autre trait de dévouement , non moins
honorable à la caufe de la liberté , c'eft celui
d'un canonnier de la garnifon de Verdun , qui
fe mit à la bouche de fon canon , pour n'être
pas témoin de la lâcheté de ceux qui livroient la
place fans combattre !
No. 38. 15 Septembre 1792. H
( 176 )
Du jeudi , 13 Septembre .
Après plufieurs dons civiques , des adreffes.
d'adhésions & des hommages de plufieurs armes
très- meurtrières de nouvelle invention , on fait
lecture du procès- verbal de l'arreftation de M.
Victor Broglie , par la commune de Langres ,
& du fcellé mis fur fes papiers.
Sur le rapport de M. Baignoux , au nom du
comité de l'ordinaire des finances , l'Affemb'éc
met à la difpofition du miniftre de l'intérieur ,
une fomme de 60 mille livres , pour être employée
au paiement d'un quartier de gage ou
penfion , à tous ceux des penfionnaires ou gens
à gage qui étoient au fervice de Louis XVI ou
de les frères à Versailles , & qui fe font enrôlés
dans les bataillons de volontaires qui marchent
aux frontières . Les fommes payées feront
à valoir fur les rentes apanagères , affectées aux
créanciers des frères de Louis XVI.
Les commiffaires , envoyés dans le département
du Nord , inftruiſent l'Affemblée des circonftances
de la levée du camp de Maulde.
Elle a été l'effet de l'avis unanime d'un confeil
de guerre. Cette levée s'eſt effectuée fans autre
perte quel celle d'une trentaine d'hommes , après
avoir fourni les 18 bataillons demandés par M.
Dumouriez , & commandés par M. Beurnonville.
Les troupes ont été réparties à Valenciennes
, au Quelnoy , Avefnes , Landrecy &c.
Les commiffaires fe plaignent de l'incivisme de
prefque tous les tribunaux de ce département ,
dont ils demandent la fuppreffion . Les compa-.
guies franches commettent des dilapidations. Les
commiffaires ont licencié le régiment de Courten
( 174 )
Suiffe. Ils ont cru devoir fufpendre le maréchal
de cap Gelin , qui commandoit à Bruille le
7, & avoit montré plus d'impériale que de civilme
.
Pour garantir leurs frontières dégarnies par la
levée du camp de Maulde , les adminiftrateurs du
département du Nord ont requis 20,000 hommes
de gardes nationales , & demandent , pour leur
entretien , des fonds qui leur font accordés.
Le maire de Paris irftruit l'affemblée de la fituation
de la capital . L'arreftation de deux gendarmes
, foupçonnés d'avoir enlevé la caille de
leur corps , avoit produit de la fermentation parmi
le peuple. I's ont été jugés innocens par le tribunal
provifoire , & le peuple a applaudi à leur
abfolution. Les fections continuent à veiller au
maintien de l'ordre.
L'Affemblée applaudit aux foins généreux d'une
femme qui préfente à l'Aſſemblée un vieillard
épargné dans les prifons de Bicêtre , & auquel elle
a prodigué les premiers fecours. Elle intéreffe la
fenfibilité de l'Aſſemblée en la faveur. Sa pétition
eft renvoyée au comité.
On lit une lettre du miniftre de l'intérieur qui
inftruit l'Affemblée de la conduite des commiffaires
de la municipalité de Paris , envoyés dans
les départemens . Ils y exercent une autorité arbitraire
qui excite de l'inquiétude , & qui ne permet
plus aux miniftres de fupporter la refpor fabilité
des événemens . - Cette lettre eft renvoyée
aa comité de furveillance .
Au nom du comité des affignats , M. Lavigne
préfente trois projets de décrets , dont l'objet eft
d'affurer à la convention nationale les moyens
d'effectuer la réfonte générale des affignats , en lui
préparant un dépôt de papier d'affignats propor
H 2
( 172 )
tionné au befoin du fervice des caiffes publiques .
L'Affemblée les adopte.
M. le préfident lit la lettre qu'il écrit , en vertu
du décret d'hier au foir , à la veuve de M. Beaurepaire
, commandant de Verdun .
L'Affemblée en adopte la rédaction , la voici ::
« Madame , l'intrépide Beaurepaire Votre
époux , a terminé , par une mort héroïque , qua ,
rante années d'une vie guerrière ; il n'a pu fe réfoudre
à vivre dans une ville qui ne vouloit plus
être françoife ; il laiffe un grand modèle à tous
les foldats de la liberté . L'Aſſemblée nationale
fenfible à votre perte, qui eft à la fois une perte
publique , me charge de vous écrire & de vous
envoyer le décret qu'elle vient de rendre . Vous
y verrez , Madame , que la nation françoife eft
digne d'avoir des Brutus pour la défendre . Puiffe
la reconnoiffance de là patrie confoler votre douleur
& celle du fils qui vous refte ! Son père eft
mort pour la liberté , puiffe cet enfant vivre longtemps
pour elle ! Il ne peut manquer d'être un
citoyen précieux à fon pays , s'il le rappelle toujours
qu'il eft le fils de l'intrépide Beaurepaire ,»
La difcuffion s'eft ouverte fur les caufes & les
formes du divorce. M. Sedillez a jetté un nouveau
jour fur cette queftion , par la diſtinction
qu'il a établie entre le divorce volontaire ou
confentie par les deux époux , & le divorce forcé
ou demandé par l'un des deux , qu'il appelle proprement
répudiation . Dans le divorce , tout
eft terminé par l'effet feul de la volonté des
deux époux , la loi n'a point de motifs à leur
demander. Dans la répudiation , au contraire ,
l'une des parties fe plaint ; la loi doit protection
; mais elle doit examiner , car elle doitjustice
& protection à tous deux, M, Sedilleg
( 173 )
penfe que le feul moyen d'établir cette juftice
exacte , eft de former un jury de repudiation ;
de le compofer de femmes , fi c'eft le mari qui
provoque , & d'hommes , fi c'eft la femme qui
veut répudier .
€
L'Affemblée fe réfervant de prendre dans le
projet de M. Sedillez , ce qui fui paroîtroit préférable
à plufieurs difpofitions du projet du comité
de légiflation , a accordé la priorité à ce
dernier , & en a décrété d'abord les deux premiers
articles , ainfi qu'il fuit
氧
ce Art. I. Le divorce , c'eft - à- dire , la diffolution
du mariage , peut avoir heu per le
confentement mutuel du mali & de la femme . »
ec
II. Le divorce pourra avoir lieti fur la demande
d'une des parties contractantes , foit fur
la fimple allégation d'incomptabilité d'humeur ,
-foit fer des motifs déterminés .
Dujeudi , féance du foir.
Organe de la juftice & de l'humanité , M. Re-
-gnault Beaucaron, appelle enfin l'attention de l'Af
femb'ée fur de malheureux prêtres infermentés
également victimes de la loi , foit qu'ils obéident ,
foit qu'ils refufent d'obéir . Si la loi de la déportation
eft exécutée , ces prêtres courent le
ifque être immolés ; fi elle ne l'eftypas , un
fort plus affreux les attend , dans leur exil à la
Guyanne Françoife . Légiflateurs , rendez donc
à la loi fon énergie ; aux autorités confti uées
leur pouvoir , au peuple fa trarquillité , aux
prêtres infermentés la sûreté de leur exiftence ,
L'Allemblée renvoie les obfervations de M.
Regnault à la commiffion extraordinaire , pour
en faire fon rapport inceffamment.
Le miniftie de l'intérieur informe l'Affembléc
H
3
( 174 )
que le confeil exécutif provifoite , à cru devoir
fufpendre les corps adminiftratifs de Sedan &
du département de la Marne. Sur le rap ---
Fort de M. Goujon , au nom du comité des domaines
, l'Afemblée décrète , en ces termes
deux articles additionnels à la loi fur les biens
des émigrés.
ec Art. 1. La loi , du 8 avril dernier , relazive
au féqueftre des biens des émigrés , s'applique
fur les exceptions portées à tous François
fortis du royaume , foit à l'époque de la
pub ication du décret du 9 février précédent
Loit depuis & qui viendroient par la fuite . »
>
« II. En conféquence , tous ceux qui , à raiſon
de leur réfidence dans le royaume depuis fix
mois , à l'époque ci - deffus , auroient envoyé
an directoire du département de la fituation de
leurs biens , le certificat exigé d'eux par l'art.
9 de la loi du 8 avril , feront tenus , dans le
mos de la publication du préfent décret , de letenir
, dans la même forme , la juftification de
leur réfidence actuelle & habituelle , fante de
quoi , & le délai paffé , les loix , concernant
le féqueftre & l'aliénation des biens des émigrés ,
feront exécutées a leur égard.
و د
« III. Les pe fonnes qui ont des biens hors
le département où elles font leur réfidence actuelle
, feront en outre tenues fous les mêmes
peires , de répéter deux mois en deux mois , à
compter du 1. octobre prochain , l'esvei de
pareils cert ficats au directoire du département, de
la fituation de leurs biens.
D'après le voeu du même comité , le décret
fuivant cft rendu :
ce Ait. I. Toutes les rentes confituées à prix
d'argent appartenantes à la nation , & dum la per(
175 )
ception & la régie ont été confiées à la régie nationale,
fei ont mifes en vente fans délai , à la forme
des autres biens nationaux , »
Сс 11. Les débiteurs defdites rentes ferot admis ,
comme toutes autres personnes , à faire leurs foumiffiors
pour la vente & aux enchères & adjudications
, & à prix égal ils auront la préférence . »
« III. Pour l'adjudication fur les autres enchériffeurs
, aucunes defdites rentes ne pourront être
divifées pour être miles en vente , & les foumiffions
posterort fur la totalité du capital .
« IV. Les foumiffions néceffaires pour autorifer
les affiches , enchères, & adjudications , ne
pourront être inférieures aux taux ci- après déterminés
:
« Pourles rentes às pour cent , elles feron: de 13
fois le revenu net, »
« Pour celles à 4 & demi pour cent , de IS
plus un demi le revenu set. »
fois
« Pour celles à 4 pour cent , de 16 fois le revenu
net, s
« Pour celles à
le revenu net. »
& demi
3
pour cent , de 17 fois
ec Pour celles de 3 pour cent , de 18 fois le revenu
net , »
« Pour celles de 2 & demi pour cent de
le revenu net, »
20 fois
« Pour celles à 2 pour cent de 22 fois le revenu
met. »
« V. Les adjudicataires font tenus de payer le
montant de leur adjudication , dans l'annec , avec
l'intérêt , au prorata du capital par eux a quis , &
en cas d'inexécution , il y aura lieu à la folle enchère
, & autres pour fuites prefcrites pour le paiement
des autres biens nationaux , »
a VI. Immédiatement après le
}
paiement du
H 4
( 176 ))
montant total de Padjudication , l'adjudicataire recevra
du directoire du d ftrict la groffe de la rente ,
y compris toutes autres pièces & renfeignemens
ceflaires ; le fecrétaire du diftriet tiendra regiftre de
cette remife.
de VII. Il fera remis aux préposés à la perception
des droits de timbe & d'enregistrement
des extraits des procès- verbaux d'adjudication
dans la huitaine d'icelles , par le fecrétaire du difcr
« VIII. Du jour de cette remife , le prépofé
ceffera la perception , & ne pourra recouvres fur le
débiteur de la rente adjugée , que le prorata des
intérêts échus jufqu'au jour de l'adjudication & les
termes arriérés . »
IX . Les receveurs de diftrict compteront à la
caiffe de l'extraordinaire du montant des adjudications
en la forme preferite pour les autres biens nationaux,
1907 13. if
ce X. L'Affemblée nationale déroge aux lois précédentes
; en tout ce qui y feroit contraire au préfent
décret. ɔɔ
« Onobferve , 1º . que la ftérilité de cette partie
'des capitaux , fur-tout pour des rentes au- detious
de 4 pour 1oo devient plus fenfible fi l'on confidère
les frais de perceptions , de confervation d'hypothèque
, & la retenue du quart que les débiteurs
font autorités à faire NEA AROU 2
сс
Que la fufpenfion de la vente de cette eſpèce
de bien national qui , d'abord avoit été ordonnée
par l'art du titre 1 ° . de la loi du 27 mai 1790 ),
ne fauroit être prolongée plus long-temps fans adcélérer
l'emploi d'une des plus importantes & extêmes
reflources de la nation , celle de l'aliénation
des forêts . »
Une députation de la fection de Molière & la
fontaine eft admife à la barre . Elle vient pré(
177.)
-fenter le veeu qu'elle forme pour que le corps lé
giflatif n'abandonne point us pofte qu'il houores
avant que la convention nationale foit en état
de le remplacer. Elle propofe de défigner un
lieu où la convention s'aflemblera pour vér fier
fes pouvoirs. - Renvoyé à la commiffion extraor
dinaire.
Du vendredi , 14 Septembre.
MM. Merlin & Jean de Bry , qui avoient été
commis par l'Affemblée pour parcourir les départemens
voisins de Paris afin d'y preffer les enrôlemens
, font de retour . Ils fe préfentent pour
rendre compte de leur miffion . Ils ont parlé au
nom de l'Aſſemblée ; à ce nom chéri & refpecté ,
la confiance a volé au- devant d'eux . Ils ont fait
entendre les plaintes de la patrie , & la terre de
liberté s'eft couverte de
défenfeurs . Le pèle
abandonne fa fille , le fils fa mère , l'époux fon
époufe , & ceux qui ne peuvent voler aux fre ne ères ,
habillent , armert & entretiennent ceux qui le dévouent
au falut de l'Empire . Ce rapport plein
de détails touchans , a été fuivi de celui d'autres
commiffaires envoyés pour le niême objet . Par-tout
ils ont trouvé la même confiance , le mêm : courage
, le même enthoufiafme. Nous defirons ,
difent les commiffaires , que la convention nationale
fe ferve des mêmes mefures . Le peuple
a beſoin de voir fes reprefentans ; il leur adrefle
fes plaintes avec confiance , & il eft confolé q and.
il voit que l'on pente férieufement à fon bon-
> heur. L'Affemblée ordonne l'impreffion de cos
différens rapports .
..
Sur la propofition de M. Maran , elle déclare
nuls les remplacemens qui feroient faits dans les
adminiftrations & les tribunaux par des corps élec-
H S
( 178 )
raux qui n'auroient pas reçu des affemblées primaires
une miffion ſpéciale à cet effet .
Une lettre du miniftre de l'intérieur inftruit l'Affemblée
des nouveaux excès qui fe commettent à
Paris. On enlève aux paffans , les montres , les
boucles d'argent & les boucles d'oreilles . A cette
lettre eft jointe , la copie de celle que le miniftre
écit au mare , pou: l'inviter à donner promprement
les ordres néceffaires pour faire prêter force
à la loi , & réprimer des brigandages qui ne peuvent
être l'ouvrage du peuple.
Une dépêche de M. Biron annonce les bonnes
difpofitions de la majorité des Cantons Helvétiques
envers la France , & indique des moyens pour les
entr tenir. Cette lettre fera l'objet d'un rapport du
comité militaire .
Sur le rapport de M. Lavigne , l'Affemblée ren1
un décretà l'effet d'établir dans chacune des fections
de Paris un bureau d'échange en coupures d'affi-`
gnats de 10 & de 15 fous contre les billets de
confiance depuis so fous & au-deffous feulement ,
jufqu'à leur extinction totale .
Pour ôter aux habitans de Longwy & de Verdun
les moyens de ruire à la patrie qu'ils ont fi
Jâchement abandonnée , M. Choudieu propole de
décréter que tous les paiemens nationaux & les
liq idations envers ces deux villes foient fufpendus
jufqu'à ce que l'Affemblée ait défi itivement
ftatué fur leur fo: t . Cette difpofition
eit adoptée fans difcuffion. Sur le rapport du
comité d'agriculture , l'Affemb´ée déciète que les
difpofitions de la loi du 29 acú : 1792 , relative aux
mines du département du Finistère , font applicables
aux mines fituées dans le département de
PIfle & Vilaine .
Au nom du comité des domaines , M. Boucher
Longchamp propofe un projet de décret re(
179 )
latif au mode d'aliénation que le prir ce Louis-
Philippe- Jofeph eft autorilé à faire , il eft adop é
en ces termes :
« At . I. Louis- Philippe- Jofeph , prince François
, pourra continuer les aliénations qu'il a éré
autorité de faire par les lettres - patentes du mois
d'août 1784 , & la loi du 30 mars 1791 , fous
le titre de vente pure & fimple , en impofant
aux acquéreurs l'obligation d'une rente foncière
& apanagère de 7 liv . 19 lous par toife.
de terrain , exempte de toute retenue & impofition
prévue ou imprévue , rachetable au denier
vingt. »ל כ
II. Lorfque les acquéreurs voudront s'affranchir
defdites rentes , ils feront tenus d'en
vefer le capital fur le pied fixé par l'article
premier du préfent décret , entre les commiffaires
du Roi , régiffeurs des domaines natio
naux , conformément aux loix rendues fur les
rachats & amortiffemens des rentes dues à la
nation . »
« III. En cas d'amortiffement , la nation demeurera
chargée des rentes envers le prince & fes.
defcendans , & elle les acquittera fur le même
pied que les acquéreurs auroient été tenus de le
faire tant que l'effet de la loi du 20 mars 1
fubfiftera . »
1791
« IV. Les conditions portées par les précéders
articles feront énoncées dans tous les contrats
paffés en exécution du préfent décret , afin
que les droits hypothécai : es dela nation demeurent
expreffément confervés . »
GC
V. Le prince fera tenu de remettre aut
archives nationales une expédition en forme de
chaque contrat , au plus tard dans le mois de fa
date , »
H 6
( 180 )
2
2
VI. Il dépofera également aux archives ,
dans trois mois à compter de la publication du
préfent décret , des expéditions en bonne forme de
tous les contrats d'aliénation qui ont été faites
jufqu'à ce jour en vertu des lettres - patentes de
1784. »
cc VII. Seront au furplus les lettres - patentes
de 1784 exécutées felon leur forme & teneur
en tout ce qui n'eft pas contraire au préfent
décret. »
L'Aflemblée reprend la difcuffion fur le divorce .
Pufieurs articles font décrétés . Nous donnerons
le décret dans fon entier , quand toutes les difpofitions
en auront été définitivement arrêtées . Cette
difcuffion eft interrompue par une lettre du maire
de Paris . Le commandant général prévenu des excès
qui s'y commettoient , avoit devancé fes ordres ,
pour faire arrêter les perturbateurs. On a faili
les uns , on a difperfé les autres . Des hommes ,
qui ne veulent que l'anarchie , fement les bruits
les plus alarmans pour échauffer le peuple . Des
ordres font également donnés pour furveiller &
arrêter les malveillans . ·A ces nouvelles , en
fuccèdent de plus confolantes . Elles font rotifiées
par le miniftre de la guerre , & trouveroat
feur place dans le compte que nous rendions
de nos opérations militaires .
---
Du vendredi , féance du fair.
å
Les commiffai es envoyés par l'Affemblée ,
Rochefort , font le rapport de leur miffion .
Après avoir donné l'état des armes que les arfenaux
de cette ville ont procurées , ils ajoutent
que les citoyens qui ont déjà fourni un gra d
nombre de foldats à nos armées , & plus de
300,000 liv . co dons patriotiques , ont prié les
commiffaires d'offiir à l'Affemblée le refte de
leur fortune , & leur vie pour le maintien de
( 181) )
fes loix , & pour la défenſe de la liberté & de
l'égalité. Mention honorable , impreffion du
rapport .
Les commiffaires de Châlons annoncent que
tous les travaux font dans la plus grande activité.
Les bataillons qui arrivent fucceffyement
ne campent qu'un ou deux jours , & fe rendelt
aux armées. Ils ont tous deux canons . La maffe
des approvifionnemens augmente de telle forte ,
qu'on ne doit avoir aucune inquiétude. L'hôpital
qui eft très- bien fitué , contient 80 malades &
fous peu de jours il fera fuffifant pour 2000
perfonnes . On a mis en liberté les foldats du
régiment de Walhs , & on a bûlé les cocardes
blanches qui fe trouvoient à leur infu , mifés
avec de vieux effets . L'interrogatoire n'a laiffé
aucun doute fur leur civifme . Les commiffaires
appuyent fur la néceffité de n'envoyer au camp
que des troupes organisées & équipés d'une manière
uniforme . Ils offrent un moyen de le procurer,
fur le champ , 10 mille fufils , en ordonnant
d'en débaraffer l'artillerie. L'Affemblée
décrète que les fufils feront ôtés à l'artillerie .
Le miniftre de l'intérieur fait. part des évènemens
malheureux arrivés à Lyon , dans la nuit
du 9 feptembre , ou des forcenés fonto allés
mallacrer les prifonniers malgré tout le zè'e des
officiers municipaux qui les ont couvert de leur
corps , & de la garde nationale qui les fecon
doit .
1
I
Sur la propofition de M. Briffot , au nom
de la commiffion extraordinaire , l'Affemblée décrète
que le ministre de l'intérieur fera tenu de
faire préparer aux Tuileries un emplacement
propre à recevoir la convention nationale , &)
qu'il fera mis à fa difpofition une forme de
*
( 182 )
300,000 liv. , au- delà de laquelle ne pourront s'élever
les travaux qui feront faits d'après le plan de
M. Bignon.
Un membre du comité des domaines propoſe , &
l'Affemblée adopte , en ces termes , un projet de décret
relatifà l'échange de la ci-devant principauté de
Dombes.
« L'Aſſemblée nationale , après avoir entendu
le rapport de fon comité des domaines , confidérant
qu'il eft de l'intérêt national de ne pas payer
plus long- temps des fommes confidérables en
conféquence d'un acte frauduleux , décrète qu'il y
a urgence. » -
« L'Aſſemblée nationale , après avoir entendų
le rapport de fon comité des domaines , & décrété
l'urgence , décrète :
Art. I. L'Affemblée nationale révoque les
traits , vente & échange paffés , le 3 octobre
1786 , entre les commilaires du Roi d'une part ,
Cha les Rohar , ci-devant prince Soubife , comme
fondé de la procuration de Jules - Hercule Rohan
& Guéméné , & Henri- Louis -Marie Rohan Guéméné,
& tout ce qui a precédé & ſuivi ; décrète
, en conféqquence , que tous les domaines
cédés au nom du Roi font réunis au domaine
national , pour être adminiftrés par les prépolés
à la régie des fomaines nationaux , à compter
de la publication du préfent décret. »
II. L'agent du tréfor national fe pourvoira
par les voies de droit en reftitution des fommes
payées en conféquence du contrat ci- deffus ,
tant en capital qu'en rentes viagères , fous la déduction
néanmoins des feemimages & autres revenus
perçus au profit de la nation , & provenans
des biens vendus par M. Guéméné. »
« III, L'agent du tréfor national ſe pour(
183 )
voita également en remife des titres & pièces
relatifs aux terres & ci- devant feigneuries de
Trévoux, & autres ci devant feigneuries formant
Fancienne principauté de la Dombe , lefquels
biens feront , dès- à - préfent , mis en vente , fuivant
les formes décrétées pour la vente des biens
nationaux, »
ce« IV. Les terres du Châtel , Carmant &
autres vendues ou cédées par le fieur Guéméné
pär ledit acte dụ 3 octobre 1786 , demeurent en
nantiflement entre les mains de la nation juſqu'à
par fait emboursement des fommes payés , foit
audit fieur Guéméné , ſoit à ſes créanciers , tant
en e pital que tentes viagères , »
< V. La terie de Loret n'ayant pas ceffé
d'appartenir au domaine national y eft défi itivement
réunie pour être admin ft é comme tous
les autres bien n tonaux ; les bies eu déper dans
feront vendus fuivant les formes déc.étées pour la
vente des biens rationaux . »
« VI. Tus paiemens de rentes conftituées on
viagères , f is jufqu'à ce jour par la trésorerie nationale
e vertu dudit acte du 3 octobre 1786 ,
foit au ficur Guéméné , ſoit à les créanciers , cefferont
à compter du jour de la publication du préfent
décret.»גכ
Du famedi , 15 Septembre.
L'Affem ' lée eto ife M. Dubouchage, ci- devant
mi ftre de la maine à fe rendre à fes forêtions
d'infpecteur des ports & a: fénaux de la marine.
Sur le rappt de fon comité de liquidation
l'Affemblée déciète le remboursement des jurandes
& maîtriſes , dettes arriérées , des départemens de
la maifen du Roi , de la guerre , de la maris e &
des finances , dettes du clergé & pays d'état pour
( 184 )
*prenantes .
aikyti.com
la fomme dé: 8,065,975 liv . entre 3959 parties
Elle ordonne qu'il fera fait un fond
par la trésorerie nationale entre les mains du tréforier
de la ville de Paris pour le paiement des
rentes dues aux anciens propriétaires des maiſons
démolies fur les pont Marie , pout au Change ,
rue & quai de Gèvres & rue de la Pelleterie ; enfia
elle ftatue fur le mode de paiement des rentes
dues par les corps , communautés & établiſſemens
fupprimés , & par les pays d'état pour 1792 .
Cur de
Le miniftre des affaires étrangères notifie à
Affemblée des dépêches d'Allemagne , qui annoncent
comme très - prochaine , la guerre de
l'empire . Le miniftre de la guerre fait part
la deftitution de M. Felix Dumay , fieutenant- gé-
-néral , par les commilaires de l'Affemblée à l'armée
du midi fous prétexte qu'il étoit abfent . Cer
officier avoit une miffion particulière en Suiffe , &
bientôt il fera rendu à Paris pour en communiquer
le réfultat . Le miniftre prie l'Affemblée de regarder
la deftitution de cet officier comme ron- avenue.
Sa demande eft décrétée ,
en
Rien n'eft plus facile aux ennemis de la chofe
-publique que d'égarer l'opinion en dénaturant le
-récit des évènemens tranfmis à l'Affembiće ,
répandant de fauffes nouvelles & des terreurs
dénuées de fondement . C'eft pour prévenir de pareilles
machinations & pour entretenir entre le
peuple & fes repréfentans , cette confiance & cette
unité d'opinions qui fait la force des peuples libres
que l'Affemblée rend le décret fuivant :
CO
Art. I. Le bulletin imprimé par ordre de l'Affemblée
nationale fera envoyé par le miniftre de
Tintérieur à tous les départemens & dift : icts du
Royaume.
ב כ
s II. Les corps adminiftratifs feront tenus de
( 185 )
prendre tous les moyens convenables pour qu'il
foit promptement répandu & affiché dans tous les
chefs lieux de diftrict & autres heux dont la population
excèdera 2000 ames, »
III. Toute perfonne qui fera convaincue
d'avoir arraché lefdits bulletins , ou empêché leur
publication & affiche , fera pourfaivie devant les
tribunaux comme ennemie du peuple & coupable
d'offenſe à la loi , à la diligence du procureur de
la commune du lica ou feront faites lesdites affiches
& publication , & condamnée à 100 liv , d'amende
pour la première fois , & en cas de récidive ,"
deux mois de prifon.
Pour ne laiff r aucun intervallé entre la ceffation
de la légiflature & l'ouverture de la convention
nationale , l'Affemblée déciéte que fon
archivifte fera tena de lui faire parvenir la like
des députés à la convention nationale , auffi - tôt
que le nombre s'élevera à 200. Le miniftre de
Fintérieur fera préparer une falle dans l'édifice
national des Tuileries , pour y recevoir les députés
à la convention nationale , pendant la vérification
de leurs pouvoirs . ? 1
* Dǝb
0
t
Une députation de la fection des Gravilliels
vient fe plaindre des intrigues qui agitent le
corps & cctoral , dens lequel , dit- elle , l'envie
sarme impuhément de la calomnie contre les citoyens
vertueux & patriotes , qui ne partagent
pas les fureurs de quelques fact eux. C'est ainsi
que M. Bourdon , électeur de cette fection , dé
puté à la convention , par les départemens de
Oife & du Loiret , vient d'être exclu de Talfemblée
électorale . La députation demande juf
tice en faveur de ce citoyen . L'affemblée renvoie
cette conteftation à la convention qui vérifiera
les pouvoirs des députés du département
( 186 )
de Paris ; & fi elle juge , que l'exclufion d'un
électeur fape les pouvoirs de nullité , elle ordonnera
qu'il foit procédé à de nouvelles élections.
Article omis dans la féance du vendredi foir.
M. Vergniaux , au nom de la commiffion extraordinaire,
fait un rapport fur les plaintes adref
fées , tant contre les commiffaires du pouvoir
exécutif, que contre ceux qui fe difent envoyés
par la municipalité , & propofe deux projets de
décrets qui font adoptés , fans difcuffion , en ces
aermes :
«L'Affemblée nationale, après avoir décrété l'urgence
, décrete ce qui fuit :
« Art. I. Les commiffaires nommés par le pouvoir
exécutif pour aller dans les départemens , fe
renfermeront rigoureufement dans les bornes de
l'inftruction & des pouvoirs qui leur feront donnés ,
« II. Ils feront tenus de montrer leurs pouvoirs
& leurs inftructions aux autorités conftituées des
lieux où ils auront une miffion à remplir. }
« III Sals ne fe conforment pas aux articles cideflus
, ou s'ils fe permettent des réquisitions on
des actes auxquels ils ne foient pas expreffément
autorifés , ils feront arrêtés fur les ordres des
autorités conftituées, qui feront tenues d'en donner
avis , fans délai , au pouvoir exécutif , qui en
inftruira l'Affemblée nationale ..»
L'Affemblée nationale confidérant que l'ordre
ne peut exifter dans l'empire qu'autant que chaque
autorité conftituée le renfermera dans les
limites preferites par la loi , décrete qu'il y a
urgence.
L'Affemblée nationale, après avoir décrété l'urgence
, décrete ce qui fuit :
Art . I. Les municipalités ne pouvant donner
( 187 )
d'ordre , ou envoyer des comm ffaires , ni exercer
aucune fnct en municipale que dans leur
tenitoire , il el difendu à tous corps adminiftratifs
ou militaires , & à tout citoyen d'obéir à
aucune réquifition qui leur feroit faite par les
commiffaites d'une municipalité hors de l'étendue
de fon te ritoire .
« II. Si , après la publication du préfent décret,
de prétendus commiffaires faifoient de pareilles
requifitions , ils feront arrêtés & leur procès leur
fera fait comme coupables de rébellion à la loi.
«III . Ils ne peu.ront prononcer aucune fufpenfioa
ni deftitution contre les fonctionnaires públics
nommés Par le [eople fauf à eux à faire
parvenir au pouvoir exécutif provifoire les xenfeignemens
& ks plaintes qu'ils auroient lieu de
faire contre lefdits fonctionnaires publics . Les
fufpenfions ou deftitutions qu'ils pourroient avoir
prononcées font déclarées nulles , fauf au peuvoir
exécutif à prononcer le fufpenfion , s'il y
a lieu. Le pouvoir exécutif provifoire eft tenu
fous fa refponfabilité , de rappeler lefdits commiffires
contre lefquels il eft parvenu des plaintes
fondées , de leur faire rendre compte de leur
conduire.
«IV. Le préfent décret ſera envoyé fur le champ
aux armets & aux départemens .
+
Du famedi , féance du foir.
ג כ
• Les ada iniftrateurs du diftrict de Châlons
envoient à l'Affemblée une alrefe , cù ils fe
difculpert des loupçons d'incivifme qu'on commfane
de la commune de Paris , a jettés fur
cette ville . Applaudiffemers.
Le miniftre des affaires étrangères inftruit l'Afemblée
que le co ps helvétique demande des
( 1 $$ )
renfeignemens officiels fur l'affaire du 10 aoftir ,
& prefcrit aux commandans des régimens fuiffes la
conduite qu'ils doivent tenir au fujer du licenciement
de leurs régimens . - Il eut décrété que
le comité diplomatique fera incefiamment fon
rapport , fur les relanens à entretenir avec les
cantons fuiffes.
M. Pétion écrit que les violences commifes ,
hier par des perfonnes qui arra hoient des bijoux
aux paffans ont été bientôt réprimées. Le
peuple a été indigné de ces excès , & le bruit
court qu'il a pusi de mort plufieurs" coupables .
Une lettre tranfmife au comité de correfpondance
, par les comm flaires à Châlons , antende
un avantage remporté par M. Dumourier. On
écrit de Maubeuge , en date du 14', que l'ennom:
marche fur cette place avec deux fertes cotonnes
.
Il étoit naturel de prévoir que le paſſage
de la Légiſlature à la Convention Natio
nale , feroit marqué par de nouvelles agitations.
Les flatteurs du peuple qui veulent
conferver leur pouvoir , & les ennemis de
la liberté qui veulent la renverfer , cra
gnant également d'y trouver le tombeau
de leur ambition ou de leurs efpéranges ,
ont dû redoubler d'efforts & d'intrigues
pour empêcher la réunion des nouveaux
Repréfentans du peuple.
5
L
Marchant tous au même but par des
routes diferentes , on les a vu égarer tourà
tour l'opinion par des fucces ou des re(
189 )
vers exagérés. Le fyftême fur lequel ils ont
le plus compté , pour éloigner les nouyeaux
Députés , eft celui de la terreur. Ils
ont cherché à faire de la capitale un théâtre
de brigandages & de crimes.
Tandis que d'intrépides défenfeurs fortent
par milliers de fon fein , pour aller,
combattre les ennemis extérieurs , les Citoyens
, tremblans dans leurs foyers , craignent
d'y rencontrer un ennemi plus redoutable
encore. Des emprisonnemens
arbitraires fe font multipliés , fans que les.
détenus puiffent connoître ni leur accufa
teur , ni leur délit, ni l'autorité qui viole
ainfi la liberté individuelle. Des déprédations
fe commettent avec impunité . Des
Commiffaires qui fe difent tenir leur miffion
dufalut public , parcourent les Départemens,
& croifent les opérations des Dé
légués de l'Affemblée Nationale & du Pou
voir exécutif. On prêche la doctrine impie
du partage des terres , comme fi la garantie
des propriétés n'étoit pas la première &
la plus inviolable des loix fociales , comme
s'il n'étoit pas abfurde d'imaginer 25 millions
d'hommes fe diftribuant 74 millions
d'arpens de terre , comme G les revenus
induſtriels de la majeure partie de la Nation
n'étoient pas pour elle plus avantageux
que ces petites parcelles de propriétés territoriales
qui anéantiroient bientôt l'agriculture
, le commerce & les arts .
( 199 )
encore que
Une autorité invifible étoit parvenue
à enchaîner jufqu'à la penfée. Le Citoyen
n'ofoit plus fe communiquer au Citoyen
de peur de rencontrer un délateur , & retiré
dans fon afyle domeftique , il craignoit
les murs n'euffent des yeux &
des oreilles. La plume de l'écrivain patriote
étoit paralyfée , un mot , un foupçon
pouvoit le plonger dans un cachot
où le plus confolant de fes voeux étoit de
n'en jamais fortir , car le mot d'élargiffement
fi doux à l'innocence , étoit devenu
un arrêt de mort.
Enfin la Souveraineté nationale a été
menacée jufques dans l'inviolabilité des
Repréfentans du peuple. Des préfages finifdes
projets de maffacre , des invitations
fanguinaires faites dans les Départemens
, ont jetté l'effroi jufques dans le fein
de l'Affemblée nationale.
tres ,
Telle a été pendant 15 jours la fitua
tion de la Capitale. C'eft aiufi que les
ennemis de la liberté , n'ofant plus l'attaquer
ouvertement , ont voulu l'enféveli .
fous les ruines de l'anarchie , & prépare
par nos diffenfions des fuccès aux armée.
qui envahiffent notre territoire. Et tout cela
n'étoit pourtant l'ouvrage que d'une poignée
de perturbateurs ! Si l'on doit s'étonner
d'une chofe , c'eſt que cet état ait duré fi
long- tenips ; mais l'effet étoit fenti & l'on
en recherchoit la cauſe. Dans une ville im
1
( 191
menfe, oùlamoralité des individus échappe
fi aifément à l'opinion , où les acteurs ne
paroiffent fur la fcène des évènemens qu'avec
des habits de théâtre , où il fuffit au
charlatan de fe couvrir d'un mafque hypocrite
pour ufurper un grand afcendent fur
la multitude , où la théorie des féditions ne
tient qu'à quelques fous ordres employés
habilement , les factieux & les malveillans
-ont plus de moyens de combiner & de couvrir
leurs crimes , que n'en a l'homme de
bien pour s'en défendre..
Mais fi l'on parvient un inſtant à égarer
le Peuple , en donnant le change à
fa droiture , il ne tarde pas à difcerner le
point auquel il doit s'arrêter , & qu'on
voudroit lui faire franchir. Cet inftinct
judicieux devroit bien dégoûter les agitateurs
qui fondent fur fes écarts leurs coupables
efpérances. La tranquillité & l'ordre
font pour le Peuple un befoin de tous les
jours , s'il met avant tout la liberté , il
fait auffi que les défordres de l'anarchie
peuvent la lui faire perdre. L'intérêt per-
Tonnel a ramené les Sections à l'intérêt
public , elles ont vû fuir les Citoyens de
la Capitale , avec plus de rapidité que
fi
l'ennemi étoit dans fes murs . Elles ont
fenti que les Départemens , fans lefquels
Paris ne feroit rien , qui veulent la liberté
pour eux- mêmes , & non pour le
profit de quelques factieux , leur deman((
192 )
derolent compte de ce dépôt qu'elles auroient
laiffé violer. Elles fe font fouvenues
du 14 Juillet & du 10 Août , &
fe font ralliées à l'Affemblée Nationale
qu'on vouloit intimider , & qui a déployé
un grand caractère. Nous devons
dire , à la gloire du Miniftre de l'inté- .
rieur , qu'au péril de fa vie menacée par
les brigands , il a eu le courage de .
dénoncer avec perfévérance ces infâmes
manoeuvres. Après s'être concerté avec les
Préfidens des Sections , les Commandans
de bataillons & le Maire de Paris , le Corps
Législatif , perfuadé que c'eft aux Magiftrats
du peuple à veiller à fon propre falut ,
& à garantir la sûreté publique , a rendu
chaque Membre de la Commune refponfable
fur fa tête de la sûreté des prifonniers.
Cette mefure provifoire n'eft que le prélude
de celles plus générales qui doivent raffurer
les Citoyens contre les complots des agitatenrs.
Nouvelles de nos Armées.
Armée du nord : depuis la levée du camp de
Maulde , les Autrichiens fort diverfes incurfions
fur notre territoire , & exercent leurs brigandages
avec une intrépidité qui leur coute peu d'efforts ,
car ils attaquent à coup de canon des villages
fans défenſe. C'eſt ainfi qu'ils ont paru à Saint-
Amand ,
( 193 )
Amand , Mortage , Rouban , Bruille , &c. A
Saint - Amand ils ont commis des atrocités , & 1
i's ont eu des prêtres réfractai es pour inftruments -
de leur vengeance . Quelques voltigeurs ont paru
devant, Lille , les Belges leur ont donné la
chafft . Deux colonnes le font avancées for Va- ?
lenciennes ; tout étoit difpofé pour les bien recevoir.
Au premier coup de canon elles fe font
repliées. Le général Moreton a fait mettre cette
place en état de gue.re. Les corps civils & militaires
, agillent dans le plus grand concert. On
a fait une fortie , & l'ennemi a été refovité du :
côté de Condé , le maréchal de camp O-moran
a fait replier un corps d'Autrichiens , & il efpère
en débairafer cette partie de nos frontières .
Maubeuge eft menacé, mais le général Lanoue .
veille à fa défenfe , à une licue d'Orchies , l'ennemi
a été repouflé avec perte par le lieutenantcolonel
du foixante- quatorzième régiment . On
a mis en réquifition dans toute cette partie des
frontières , vingt mile gardes nationales . Les
habitans des campagnes fe joignent à eux en
foule , pleins de zele & de co
ourage ! & nous
avons cinquante mille hommes d'auxiliaires , prêts
à défendre leurs proprietés.
Arinées du Centre : la pofition de nos différens
corps d'armées a éprouvé des changemens
felon les mouvemens des ennemis . On en trouvera
les détails dans les communications du miniftre
de la guerre à l'Allemblée Nationale .
Dans celle faite le 13 , le miniftre s'exprime.
ainfi :
.» M. Dumourier m'annonce que les ennemis
ont abandonné un de leurs camps avec une précipitation
extrême ; les foldats difent que cette
précipitation , eft l'effet de quelque grand évé
No. 38. 22 Septembre 1792. I
4
( 1947 )
nement arrivé dans l'intérieur de l'armée ennemie.
M. Dumourier , fans croire à la caufe , a
profité des effets , en s'emparant de tout ce que
Ics ennemis avoient abandonné . »
M. Kellermann m'annonce fon arrivée à
Saint-Dizier. Les huffards de fa légion le font
plufieurs fois mefurés avec l'ennemi : toujours
ils ont eu un avantage marqué ; ils ont fait
quelques prifonniers de guerre , pris quelques
chevaux & tué quelques hommes . L'accord parfait
dans les vues & les moyens d'exécution
qui règne entre MM . Kellermann & Dumourier,
me paroît du plus heureux augure. »
La marche des ennemis eft encore incertaine
; mais comme ils fe font ébranlés , nous
faurons , avant peu , quels feront leurs vrais
projers ; nos généraux paroiffent les avoir tous
prévus. »
Extrait d'une lettre du Ministre de la Guerre au
Préfident de l'Affemblée Nationale , le 14 Septembre.
ec Je viens de recevoir trois lettres de M.
Kellermann , une du 12 à 7 heures du matin , une
du même jour à 8 heures du foir , une du 13 à ·
11 heures du matin . »
Par fa dé êche du 12 à 7 heures du matin
datée de Saint -Diziet , M. Kellermann m'annonce
qu'il le porte fur Bar-le-Duc . Par fa dépêche.
du 12 à 8 heures du foir , datée de Bar ,
ce générale me mande que du moment où les
Pruffiens ont appris l'arrivée de l'avant- garde de
6,000 hommes qui s'étoient avancés fur cette ville ,
ils fe font repliés fur-le- champ , & font allés rejoindre
le gros de l'armée,
719
« M. Kellermann me mande , du 13 Sep(
195 )
tembre à fix heures du matin , qu'il vient de
recevoir une lettre de M. Dumourier , par la-G
quelle il lui annonce qu'il eft attaqué fur trois
points différens . M. Kellermann ne doute pas
que le général Dumourier ne réfifle ; cependant ,
comme M. Kellermann ne veut rien donner
au hafard , il prend le parti de fe rendre à Saint-
Dizier , pour couvrir Châlons & Paris. »
:
« M. Kellermann m'annonce encore que fes
émiffaires lui ont appris qu'il fe faifoit un mou- >
vement général dans le camp ennemi ; ils ajoutent
que la contagion eft dans l'armée, Piuffienne , & >
Les Habi
que les Soldats
meurent
fous
latenu
tans du pays foupçonnent qu'un grand nombre de
tentes n'eſt point occupé .
ג כ
#1
20
ee Dans la troifième lettre , M. Kellermann
m'envoie une copie du compte rendu par M.
Wimpfen , Commandant de Thionville ; TATfemblée
apprendra avec plaifir que les ennemis
rebutés par le courage de la garni on & des
Citoyens , s'en font éloignés . Si Verdun &
Longwi avoient imité ces braves François , notre
territoire ſeroit encore dans toute fon
grité
י כ
nté
Dès que j'aurai reçu des détails de M. Du
mourier, je m'emprefferai de les tranfmettre au
Corps Légiflatif,
Signé , SERVAN.
5. We ob
Lettre du même Miniftre , du 16 Septembre
ce
170
"
M. le Préfident , j'ai l'honneur àde vous
adreffer les trois dépêches que je viens de rece- ,
voir de l'armée du Noid. Le Général Dumourier
, après m'avoir confirmé la nouvelle de l'ennem
repouffé avec quelque perte , le Général.
ennemi tué, me tranfmet un billet de M. Chazot,
>
1.
I 2
( 196 )
Lieutenant- général , daté du 14 , à 11 heures du
matin, »›
2018
Billet de M. Chizot.
Mon Général, après avoir eu le plus grand
fuccès , je viens d'être forcé à la retraite par
des forces infiniment fupérieures . J'avois cru d'abord
que l'ennemi n'avoit point de canon ; mis
une heure après l'attaque , il nous a prouvé le
contraire , par des pièces même de pofition & des
obufiers ; d'ailleurs 5,000 hommes n'ont pu tenir
contre dix à douze mille . Nous avons perdu
quelques hommes des deux armées , & peut - être
une vingtaine de bleffés . »
Les ennemis ont dû perdre beaucoup . Aiefi
Vous voyez , mon cher Général , que се
que
j'avois craint m'eft arrivé . Nous ferons plus- heureux
une autre fois.
Je ne peux vous parler de la valeur des
troupes,; je vais me retirer à Vouzier , & je
crois qu'il eft intéreffant que je me tienne dans
cette pofition , fans négliger de porter des fecours
au Général Dubouquet , lorfque les circonftances
l'exigeront , en attendant l'arrivée du Général
Bournonville & vos . ordres ultérieurs. »
сс
Le Corps législatif jugera fans doute , M.
le Préfident , qu'il étoit bien difficile aaux troupes
du Général Chazat , de fe conduire avec plus
de valeur qu'elles n'ont fait , & que leur Chef
à des droits à la reconnoiffante nationale , pour
la conduite qu'il a tenne. »
«
AVAZ
M. Dumourier me rend compte enfuite des
difpofitions qu'il a faites pour empêcher les énnemis
de pénétrer plus avant ; il m'inftruit auſſi
des ordres qu'il a donnés aux différens corps de
fon armée , pour opérer leur réunion tant avec
1
( 197 )
les troupes qu'il commande , qu'avec l'armée
de Kellermann , qui , de for. côté , a marché
pour couvrir Châlons & Reims. J'imagine , d'après
les rapports qui me font parvenus des différens
Généraux , qu'ils occupent enſemble une
pofition qui a déjà une fois fervi à des Généraux
François , à arrêter pendant une campagne
entière , avec des forces inférieures , l'ernemi
qui vouloit pénétrer fur Paris ; c'eft celle de
Suippe .
כ כ
les
M. Dumourier termine ainfi fa dépêche :
Nos troupes fe font très bien battues ,
Autrichiens ont beaucoup perdu , & nous trèspeu.
Le Prince Charles de Ligne a été tué
nous avons pris un Secrétaire du Roi de P.uffe
chargé des dépêches pour le Duc de Brunfvick.
Je vous enverrai les lettres qu'on a trouvées fur
lui , qu'on traduit en ce moment. »
Signé , SERVAN , Miniftre de la Guerre.
Autre lettre du Minifire de la Guerre , du 17 Septembre.
M. LE PRÉSIDENT ,
« Je viens de recevoir de Châlons des mou
´velles qui m'ont étonné ; M. le Maréchal Lackner ,
après m'avoir anoncé que de trois bataillons de
Volontaires auxquels il avoit donné ordre de fe
rendre à l'armée , un feul avoit voulu s'y rendre ,
continué ainfi :
ce
Hier , fur les dix heures du foir , vint un
Officier du bataillon des Lombards nous porter
' la nouvelle que le rendant à Suippe , il fut rencontré
par une multitude de Volontaires , Chareiers
& Citoyens fuyans à toutes jambes , Joi
difant que l'ennemi avoit enveloppé Suippe &
1
3.
( 198 )
t
و <
hâché le bataillon . Un inftant après, deux Cavaliers
& un Chafleur viennent femér l'alarme ,
en difant que l'armée de M. Dumourier avoit
été défaite , & que l'avant- garde à Ste . Menehould
commandée par M. Dillon avoit
été furprife à cinq heures du foir , taillée en
pièce , & le refte fait prifonnier. Vous pouvez
aifément , ajoute M. Luckner , juger des grands
mouvemens que cette nouvelle a occafionnés
parmi les Volontaires & les Citoyens ; juſqu'à
préfent le calme n'eft pas revenu . On s'occupe
à faire camper les troupes qui font en ville . »
« Quelles font , M. le Préfident , les caufes
de cette terreur panique ? je ne puis l'attribuer
qu'aux ennemis de la Révolution qui , pour nous
affoibir,emploienttouteefpècedemoyens.»ود
En effet , M. le Préfident , M. Dumourier
a levé le camp de Grandpté , & fon arrière garde
a été attaquée avec quelques fuccès par l'ennemi ;
des charetiers , des vivandiers , des hommes fans
courage ont pris la fuite , les uns vers Ste. Menehould
, les autres vers Châlons ; mais l'avantgarde
coramandée par M. Dillon , qui , d'après
les rapports faits à Châlons le 15 , fur les dix
heures da foir , avoit , difoit- on , été furprise &
taillée en pièces , étoit cependant , d'après un rapport
de M. Dillon , fait à la même heure , en
rès-bon ordre à Ste . Ménehould . Voici , M. le
Prefident , la copie de la lettre de M. Arthur Dillon
à M. le Maréchal Luckner, »
J'apprends en revenant de mes poftes , que
M. Dumourier a levé la nuit dernière fon camp
de Grandpré ; il étoit déjà rendu à fon nouveau
camp à Dammartin à dix heures du matin . Il
Paroît que fon arrière-garde a été attaquéc , qu'il
( 199 )
s'en eft fuivi une déroute, voilà tout ce que j'en
fais ; partie des équipages entrent dans la ville avec
des fuyards. J'ai envoyé favoir des nouvelles de
M. Dumourier. p..
CC
J'apprends en cet inftant qu'il a rallié fon
camp; les ennemis n'apprennent pas ce qui eft
arrivé , & qu'ils n'attaquent pas demain de bonne
heure , rien n'eft perdu.
לכ
En me réfumant , M. le Piéfident , il réfulte
que l'arriè e garde de M. Dumourier a été
attaquée , qu'elle a éprouvé quelque perte , que
quelques perfonnes ont pris l'alarme & out fui ,
mais que M. Dumourier s'eft rallié dans une
bonne pofition ; que M. Dillon n'a point été
attaqué , & que le corps de M. Bournouville ne
l'a point été non plus ; ajoutez à ces faits l'affu
rance que je viens d'avoir que M. Kellermann
eft à Vitry, qu'il doit ea être reparti pour Châlons
, que par conféquent Paris eft couvert , &
que nous n'avons véritablement à craindre que
Tindifcipline , l'infubordination dans les troupes ,
les méfiances & les foupçons parmi les Citoyens.
Un Citoyen qui arrive de Valenciennes .
m'annonce auffi que nos troupes ont remporté
proche de Douai un avantage allez confidérable ;
mais n'ayant de ce fait aucun rapport officie!
je ne puis le garantir au Corps Légiſlatif. »
сс
>
Enfin , M. le Préfident , fi nous fommes
calmes & fermes , la liberté & l'égalité fortiront
triomphantes du combat que le defpotifme &
l'aristocratie leur livrent . »
« Un Officier de l'armée de M. Dumourier
arrive en ce moment , voici fon rapport :
« L'ordre étoit rétabli le 15 à onze heures du
foir , Hier foir , M. Dumourier étoit campé
(
I 4
7.200 1
à Bro , à côté de Sainte -Ménekould ; fon'armée
étoit réunie ; les efprits étoient calmes ; les fuyards
one été arêtés , déshabillés , & renvoyés garottés ;
ils n'étoient qu'au nombre de cinquante, »
> D.. 2
Extrait d'une Lettre de M. Dumourter du 16
Septembre.iu
сс
7:15
Soyez fans inquiétude , dit ee général ; la
perfonae que vous m'avez envoyée , a vu une
retraite fur plufieurs colonnes , & une arrièregarde
dans le meilleur ordre. 1500 hommes
avoient produkt une déroute de io mille hommes.
Te a été l'effet d'une terreur panique. L'armée
eft ralliée , elle a confiance en moi , & tout fe
réparera. Si dans cet état l'ennemi étoit venu
m'attaquer , il auroit été battu . Je renvoie à
leur département deux bataillons qui ont ab ndonné
leurs canons ; j'aime mieux avoir mil'e
hommes de moins que des lâ hes dans mon armée .
J'attends ceux qui ont fui jufqu'à Rhétel & Reims;
je ferai fans pitié pour les foldats qui ont aban
donné leurs armes je ferai des exemples terri
bles... »
RUSSIE.
Les difpofitions de la Cour de Péterfbourg,
c'est - à - dire de Catherine II , à l'égard
de la France , étoient depuis longtemps
bien connues de tout le monde .Tout
le monde a lu les billets galans qu'elle a
écrits aux Princes émigrés , & tout le
( 201 )
monde a fu qu'elle leur a envoyé de l'ar
gent. Aujourd'hui deux nouvelles répar
dues depuis quelques femaines paroif
fent fe confirmer : on dit , que fière d'avoir
remis la Pologne fous fon joug , l'Impératrice
fait marcher contre la France
15 mille Ruffes qui doivent joindre les
armées combinées fous les ordres du Prince
Repnin. -On ajoute qu'elle fait partir en
même temps , de la Mer Noire , une efcadre
qui doit entrer par les Dardanelles , dans
la Méditerranée , & jetter 8,000 hon mes
de débarquement , d'abord fur les côtes de
la Corfe pour s'emparer de cette ifle , enfuite
dans le port de Marſeille pour s'ouvrir
, fur les débris de cette ville bombardée
, un paffage dans l'intérieur de la
France. Ce plan a paru , à beaucoup de
perfonnes , trop gigantefque pour être
croyable , mais en l'appréciant mieux , on
y trouvera plus de vraisemblance que de
grandeur. Quelque peu d'hommes en effet
qu'elle ait dans fes vaftes Etats , ce n'eft
pas une merveille que l'Impératrice de
toutes les Ruflies puille envoyer is mille
hommes par terre & 8 mille hanimes par
mer. Mais ce plan très vraisemblable pa
roît auffi très extravagant. Qu'eft ce que la
Ruffie pourroit faire de la Corfe fi éloignée
d'elle ? & fi 8 mille hommes fuf
foient pour prendre cette ifle , commen
(( 202 ))
raient- ils pour la garder ? Catherine II
Tagine fans doute que fon efcadre.trouvera
Ma feille fans les Marfeillois ; mais il
eft au moins probable que les Marſeillois
feront à Marseille , & il eft bon qu'une
Impératrice faffe connoiffance avec de tels
hommes. Ce qu'on peut croire auffi , c'eſt
que l'efcadre Ruffe en fe promenant fur
la Méd terranée y rencontrera l'efcadre de
France commandée par M. Trugué , &
que l'Impératrice apprendra que M. Tru
gué eft un habile Marin & un excellent
Patriote .
SUEDE.
Il y a long- temps qu'on fait en France
que les Princes émigrés ont dans toutes
les Cours de l'Europe des Agens , ou fecrets
ou publics , parfaitement reçus &
traités dans toutes les Cours. Dans prefque
toutes ils obtiennent tout ce qu'ils demandent
, & ils demandent beaucoup. M.
d'Efcars , Agent des Princes émigrés auprès
du Duc Régent de Suède , a demandé
que M. Verninac , Envoyé de France auprès
de cette Cour , reçut l'ordre de fortir
de la Suède. Cette démarche , difoit il, fera
* une chofe très agréable à Louis XVI , que
le Duc de Brunſwick va bientôt rétablir
dans fon ancienne autorité. Le Duc- Régent,
* comme on peut le croire , n'a rien répondu
( 203 )
ni für les grandes victoires que le Duc de
Brunfwick doit remporter , ni fur ce qui
féroit agréable à Louis XVI ; il a répondu
que M. Verninac n'étoit revêtu auprès de
lui d'aucun caractère diplomatique , qu'il
ne le confidéroit que comme un voyageur
François très attaché aux intérêts de la
France , & qu'aucune Nation ne pouvoit
repouffer de fon fein , fans violer le droit
des gens. M. d'Efcars & fes Commettans
n'auront pas été contens de cette réponſe :
elle donne au Duc Régent de la Suède de
nouveaux titres à l'eftime de tout ce qu'il
y a d'hommes & de peuples éclairés en
Europe.
3
1
Tous les actes du Gouvernement de ce
-Prince ont ce double caractère de juftice
& d'humanité qui feul peut rendre les autorités
refpectables . Les Comtes Claude Fr.
Horn & Adolphe , Louis Ribbing , le Lieutenant
Colonel Charles-P. Liljehorn & le
Baron Charles F. Ehrenfward avoient été
condamnés à la mort , par les Tribunaux ,
comme complices d'Ankafiroëm. Le Régent
à commué cette peine en un banniflement
perpétuel du royaume. Le peuple de
Stockholm , que cet acte de clémence auroit
dû toucher , en a murmuré . Il s'eft áttroupé
en fureur. Aucun fupplice , au gré
de ce peuple aveugle , ne pouvoit être affez
terrible contre des hommes qui ont conjuré
la mort d'un Roi deftructeur de la
14
16 T
( 204 ).
liberté & de la Conftitution de la Suède.
Et c'eft- là le peuple dont la fierte &la géné
rofité ont été rong temps citées en Europe !
C'eft- là le peuple qui a fi long temps partagé
avec les Anglois la gloire d'être préfenté
comme un modèle à tous les peuples !
non ; mais on y reconnoit bien cette populace
avilie par fon indigence & par fa
cupidité , & dont les Députés à la Diête ,
auffi vils qu'el'e , en fe rendant à l'Affemblée
des Repréfentans de la Nation , paffoient
chez les Ambaffadeurs de France &
de Ruffie , pour recevoir d'eux , avec un
écu , la motion qu'ils devoient faire , &
l'opinion qu'ils dévoient défendre.
Pour prévenit la fédition, prête à écla
ter , pour dérober aux pierres & aux couteaux
de la multitude ceux qu'il avoit dérobés
au glaive des loix , le Duc Régent
a publié une espèce de Proclamation dont
l'objet eft de juftifier fa clémence. Pour
faire refpecter cette clémence , il en rejette
le mérite fur fon frère. Il veut la faire regarder
comme le dernier ordre d'un Roi
qui étoit trop defpote pour être fi généreux.
Et voilà comment les erreurs , tantôt
des tyrans & tantôt des peuples , contraignent
les ames les plus fincères d'avoir recours
à la fineffe pour faire le bien qu'elles
voudroient faire avec magnanimité. Nous
allons rapporter la partie de cette procla
mation , que les papiers publics ont fait
620511
connoftre ; on verra que notre amour pour
la liberté ne nous fait diflimuler , ni ce qui
honore un Prince , ni ce qui accafe un
' peuple .
ес
20 .
Nonobftant la juftice de cette punition , des
srailons prépondérantes que nous voulons conferver
pour nous & la poſtérité dans ce protocole,
nous empêchent de donner notre confentement à
fon exécution . Peu de jours avant le décès du Roi ,
nous cûmes un entretien avec lui fur fon malheur.
Le Roi , dont le coeur généreux étoit toujours
difpofé au pardon , attefta que la fimple idée
d'une peine capitale , à laquelle les conjurés devoient
s'attendie , l'affectoit plus fortement que
toutes les douleurs qu'il fouffroit en ce moment ,
& qu'il ne pouvoit fe tranquiler avant que nous
ne lui cuffions donné notre parole fraternelle &c
de prince , qu'au cas qu'il dût mourir , fon interceffron
actuelle , face en faveur de fes fujets
dégénérés , feroit efficace & fuffifante pour les
fauver de la peine de mort méritée . Touchés
jufqu'aux larmes , nous osâmes répliquer au fouverain
, qu'à l'égard d'un for fait auffi horrible ,
les loix divines & humaines ne permettoient point
que on diminuât les punitions des crimes pareils
que d'ailleurs le nem Suédois & la sûreté
publique y étoient trop interefiés , pour qu'on ne
dût infifter fur une punition exemplaire. Le Roi
ému répondit : que file droit du Talion exigeoit
abfolument que le fang dût être expié par le fang ,
& que fon intervention ne fût pas affez efficace ,
il defiroit que cette vengeance le barnât uniquement
à celui qui avoit mis fa main audacieuſe
fur la perfonae faciée du Roi. S. M. ajouta encore
: qu'elle fouhaitoit que la mort de ce mi"("
206" )
:
férable pût être la feute qui réſultèroit de la fiènne
propre , & que l'on fit grace de la vie à tous les
autres confpirateurs, plus ou moins coupables , fans
égard à leur nombre , ( lequel n'étoit pas connu
aloss ). Enfin le Roi dit que cette to licitation
étoi: la dernière demande d'un frère , & le dernier
ordre d'un Roi , que la faculté d'accorder grade
ne pouvoit lui être contefiée aufli long - temps
qu'il étoit en vies & qu'en vertu de cela il exigeoit
notre promeffe folemnelle . Ces faits touchans
répandront à jamais une lumière éélatante fur
l'a ne généreufe de Guftave III ; ils immortaliferont
fa memoire encore davantage que la
-victoire près de Swenskfund : mais en êmetemps
ils formeront auffi la baſe fur laquelle
nous fondons notre decifion comme chrétieri ,
a fojets, frères & homme. Tout nous impofe le
devoir d'accomplir les ordres de rotte Roi mourant.
Il avoit une pleine puiffance de pardonner ;
l'objet le concernoit perfonnellement durant fa
vie , nous ne nous fommes jamais écartés de fa
volonté ; pourrions - nous , en qualité de frère , le
tromper au dernier moment de fa carrière ? Eu
égard à ces motifs , nous déclarons en conféquence
que la peine de mort prononcée contre
les ci- devant Comtes Claude - François Horn &
Adolphe , Louis Ribbing , contre le Lieutenant-
Colonel Charles- P . Liljehorn , & le Baron Charles-
F. Ehrensward , fera commuée en celle de banniffement
perpétuel du royaume. Ils feront dégradés
de leur nobieffe , ils perdront leurs droits & prérogatives
de citoyen , ils feront d'abord tranfportés
au-delà des frontières d'une patrie qu'ils
avoient effentée auffi horriblement , fans elpoir
d'y retourner en aucun temps ; avec défenfe ,
fous peine de la vie , de manifefter feulement ce
*
•
:
( 207 )
.
"
defir. Leur répentir & leur confcience aggraveront
leur punition , puifque nous fommes intimement
perfuadés que la mort même leur oût
préfenté un adouciffement & un foulagement ,
qu'ils ne peuvent obtenir dans une vie dévouée
au crime. Nous hâtons le moment de leur tranfport
, afin d'effacer , s'il eft poffible , le fouvenir
de la difformité de leur crime , qui fe renouvelleroit
fans ceffe , s'ils reftoient comme prifonniers
dans les forterefles du royaume . Ces
infortunés feront donc bannis à perpétuité , ils
abandonneront pour toujours le territoire Suédois
, dont ils troublèrent le repos & la félicité .
Pour mettre le comble à leur déloyauté , ils fauront
que ce même Roi , contre les jours duquel
ils avoient confpiré , leur fit grace de la vie.
Quant à ce qui concerne les autres prifonniers ,
nous confirmons la fentence que le Tribunal
Suprême a prononcée contre eux , &c. »
Le Duc Régent pourfuit l'objet qu'il paroît
avoir de régénérer les moeurs pour ré-
- tablir enfuite la liberté fur des bafes folides.
Il profcrit non par des loix mais par des
exhortations toute efpèce de luxe & furtout
le luxe dont les objets . font fournis.
par les manufactures étrangères. Ce zèle
eft louable ; on peut douter qu'il foit affez
éclairé. La corruption des Suédois n'eft pas
née de leur amour pour le luxe , mais de
leur pauvreté . C'est parce qu'ils font reftés
pauvres , tandis que les autres Nations fe.
font enrichies , que les Suédois ont été
toujours prêts à fe vendre eux & leur liberté
à tous ceux qui vouloient les acheter. Il fe-
1
12089
roit done plus raifonnable pour répandre
de bonnes moeurs parmi les Suédois , de
s'occuper à répandre parmi eux l'induſtrie
& une certaine ailance . Le pauvre eft
dans la dépendance de fes befoins , comme
le riche dans celle de fes vices. Le bien être
pour tous & l'opulence pour perfonne :
c'eft ce qui affureroit le mieux la liberté
d'un peuple. La nature elle même a affez
fait de loix contre le luxe dans la Suède dont
>le climat eft très - pur mais très-rigoureux.
Les papiers publics de l'Europe mêlent
encore le récit des petites liaifons , des
Princes entr'eux au récit des grands rapports
qui lient entr'elles les Nations. On
écrit de Stockholm que l'Impératrice de
Ruffie s'occupe déjà du mariage d'une
fiile de la Grande - Ducheffe avec le jeune
Roi de la Suède , & que pour en préparer
les noeuds elle lui a fait préfent des ORDRES
de Ruffie , montés en fort beaux diamans ;
nous ignorons jufqu'à quel point il eſt
pollible à la Suède , à fon jeune Roi & à
fon fage Régent de fe défendre de ce mariage
mais ce qui paroît certain c'eft qu'il
faut repouffer une telle union fi l'on veut
réellement travailler à la liberté de la Suède .
Catherine II qui a copié autrefois l'ESPRIT
DES LOIX dans je ne fais quelle compilation
qu'on appelloit le CODE DE RUSSIE
veut que tous les peuples foient efclaves
comme les Ruffes .
( 209 )
ر ا
POLOGNE.
De Varsovie , le 8 Septembre 1792.
Nous l'avons dit , tout n'eft pas encore
décidé pour ce malheureux pays : il
eft trahi plutôt que foumis. D'un côté il eſt
vrai , le nombre des adhéfions à la contrerévolution
opérée par les Ruffes & par
les traîtres s'accroit chaque jour : dès qu'il
Y
a une
place
à obtenir
il y a mille
efclaves
qui
s'agenouillent
devant
les
vainqueurs
;
mais
d'un
autre
côté
les
vrais
auteurs
de
la
révolution
du
trois
Mai
&
ceux
qui
s'y
étoient
dévoués
comme
à la
gloire
&
au
bonheur
de
la
Pologne
fe
relèvent
de
Tétonnement
où
les
avoft
mis
la
perfidie
du
Roi
&
fa
lâcheté
. Tandis
qu'on
envi-
Tonne
Varfovie
de
nouveaux
régimens
Ruffes
, de
toutes
parts
il
fe
forme
des
' bandes
de
braves
Polonois
, &
ces
bandes
font
des
noyaux
d'armée
. L'amour
de
la
Liberté
comme
l'amour
de
Dieu
croît
fous
le
glaive
des
perfécuteurs
, &
fi les
Polonois
ne
perdent
pas
ce
fentinient
fublime
ils
n'ont
pas
perdu
, fans
retour
, leur
liberté
.
Ce
que
leur
difoit
J.
J.
Rouſſeau
le
vérifiera
: LES
RUSSES
POURRONT
VOUS
DEVO
KER
, MAIS
ILS
NE
POURRONT
VOUS
DI-
"GÉRER
.
x
"
Ce qu'il y a de curieux pour les obferva(
210 )
1
teurs des évènemens de ce monde, c'eft que
les Ruffes & leur Impératrice en mettant
la Pologne fous leurs pieds , prétendent y
rétablir la République ; c'eft qu'ils fe flattent
même d'en impofer à cet égard à l'opinion
des Polonois , c'eft qu'ils font imprimer
des Mémoires , des efpèces de FACTUM fur
la révolution pour prouver que c'eft la
République qu'ils rétabliffent. Suivant la
logique & le langage de l'Avocat qui a
écit ce Mémoire ou plutôt ce Libelle , les
la POLOGNE
étoient des FACTIEUX & il le prouve
parce qu'ils ont donné de nouvelles loix à
la Pologne fans le confentement de l'Impé ·
ratrice de Ruffie. Cette Impératrice avoit
GARANTI l'ancienne anarchie de la Pologne,
& cette anarchie étoit le feul Gouvernement
légitime , parce que l'Impératrice l'avoit
GARANTIE . Le moment où la nouvelle
Conftitution fut établie , pourfuit l'Avocat
de Catherine II ajoute à toutes les
horreurs de cette révolution . Ce fut au moment
où la Ruffie étoit injuflement attaquée
par les Turcs. Il y avoit donc de l'injuftice
aux Turcs à ne pas trouver bon que Catherine
aliât établir fon Trône à Conftantinople
! Il n'eft pas douteux qu'avec de
pareils raifonnemens l'Impératrice de toutes
les Ruffies re put prouver tout auffi bien
qu'elle doit impofer des loix à la Grèce , à
la Pologne , à la France , aux deux mondes.
Auteurs de la Conftitution de Delle , les
( 211 )
"
*
Voilà comment raifonnent les Scribes de
cette Catherine que Voltaire exhortoit à
faire naître la raifon dans la Ruffie , à porter
la liberté dans l'Afie & qui le juroit à
Voltaire.
ALLEMAGNE.
La coalition des Puiffancès de l'Empire
contre la France fait tous les jours quelques
progrès parmi les petits Princes : les
uns y entrent volontairement, parce que leur
vanité eft flattée de fe croire menacés par les
nouveaux principes , comme les Rois ; les
autres font entraînés par des promeffes brillantes
que leur font le Roi de Pruffe &
l'Empereur ; d'autres font décidés par la
peur. Le Landgrave de Heffe Caffel paie
de 6,000 hommes qu'il fournit , l'efpérance
qu'on lui a donnée de le placer parnii les
Electeurs ; & lui - même va commander fes
troupes 2,000 hommes de l'Electorat de
Mayence font en marche , avec de l'artillerie
, pour fe rendre à l'armée du Prince de
Hohenlohe le Duc des Deux- Ponts , que
tant de motifs d'intérêt & de reconnoiffance
devroient attacher à la France , a
donné paffage par fes Etats , fans aucune
difficulté, au régiment de Château vieux
qui défertoit notre armée ; enfin , les Princes
Directeurs du Cercle de Baviere ont adreffé
:
des lettres circulaires à tous leurs Co- états
pour les inviter à mettre fur pied leur contingent.
Un accord fi étendu & fi parfait ,
en apparence , entre les Puiffances Germaniques
, faifoit croire qu'on verioit ſortir
inceffamment de la Commiffion Impériale
une déclaration de guerre de l'Empire contre
la France. Cependant , des lettres de Ratif
bonne apprennent que cette réfolution n'eft
pas arrêtée encore , & qu'il y a dans le
Collège électoral une affez grande diverfité
d'avis. Il ne faut pas en être furpris : pour
peu que les petits Souverains Allemands
aient de prudence , il leur eft facile de prévoir
qu'en aidant l'Empereur & le Roi de
Pruffe à foumettre la France, ils leur prépateroient
les moyens de les foumettre enfuite
eux mêmes , & de fe partager entre
eux toute l'Allemagne. La haine des Rois
puiffans contre les Conftitutions ne manqueroit
pas de s'étendre même fur cette
Conftitution de Princes. Peut être les petits
Souverains Allemands ont ils encore
une autre crainte ; c'eft de voir la France ,
libre enfin de déployer tous fes moyens &
toutes les forces , faire tête à cette conjuration
univerfelle , & après s'être défendue
chez elle aller chez les autres demander
raifon de toutes les injures & de toutes les
attaques. Ces petits Princes , fi foibles ,
dépendans , quels moyens auroient-ils de
?
fi
( 213 )
lui réfifter ? Quoi qu'il en foit des motifs ,
il eft certain que l'Empire n'a point encore
déclaré la guerre à la France .
L'Empereur qui auroit voulu, fans doute,
réferver toute fon attention & toutes fes
forces contre la France , peut fe voir contraint
, avant long- temps , d'en diftraire une
Fattie pour les oppofer aux Turcs. Les
Commiffaires chargés de régler définitivement
avec la Porte la démarcation des
frontières en Croatie , écrivent au Confeil
de guerre aulique , que les Turcs font
naître fans ceffe de nouvelles difficultés.
Il eft vraisemblable que ces difficultés produiront
des querelles , & les querelles la
guerre. C'eft le moment le plus favorable
pour les Turcs , c'eft leur intérêt comme
celui de la France ; & jamais il ne fe préfentera
une meilleure occafion de tirer un
grand parti , pour les deux Empires , de la
bonne intelligence qui règne depuis fi
long temps entre la France & la Porte.
རྩ་
Le Prince de Kaunitz , qui a conſervé les
places.& fon crédit fous tant d'Empereurs ,
les a enfin perdus fous celui qui vient d'être
couronné. Il n'eft plus Chancelier de Cour
& d'Etat. Il conferve la jouiflance de l'hôtel
qu'il occupoit , & fa penfion de retraite
eft fixée à 80,000 florins. Ce Miniftre a eu
une grande réputation dans la Diplomatie
del'Europe . Mais quel titre laiffe-t-il à cette
21 4 }
gloire que les fiècles décernent , & qui n'eft,
fondée que fur le bien qu'on fait aux
hommes Il a eu , dit- on , un grand caractète
mais à la tête des Empires qu'est ce
qu'un grand caractère fans un grand génie ?
Une opiniâtreté funefte aux Empires , ce
qu'on appelle le caractère , ne fert trop fouvent
qu'à donner de l'afcendant & de la
célébrité à des hommes médiocrės .
Les dernières lettres de Ratisbonne ont
appris au Miniftre des affaires étrangères
que l'Empire fe déciare contre la France.
ESPAGNE.
Le Cabinet de Madrid fe déclare - t - il ou
ne fe déclare-t - il pas contre la France ?
C'est encore un problême. Mais la France
eft plus en doute qu'en peine de la manière
dont ce problême fe réfoudra. Le
Roi d'Espagne , comme tous les Rois , doit
avoir en horreur une révolution qui apprend
aux Rois que les Peuples font leurs
maîtres , & qquu''iillss nn''eenn ffoonntt que les ferviteurs
; le Bourbon de Madrid a des motifs
particuliers de ne pas vouloir que le Bourbon
de Paris ne foit plus un Souverain. On
écrivoit , il y a quelques jours de Barcelone
que le Gouvernement d'Eſpagne a fait
acheter toutes les pailles , depuis Barcelone
jufqu'à Figuera : on écrivoit de Mala(
215 )
ga que des ordres ont été dans la Catalogne
pour que les habitans euffent à déclarer
le nombre des voitures ,
charettes
,
riots , chevaux mules & mulets qu'ils
pofsèdent & à les tenir prêts pour les livrer
chala
première requifition . On a écrit plus
r cemment de Madrid [ le 3 Septembre ]
que la commiffion a été donnée à dix Officers
généraux d'examiner l'état des troupes
& de préfenter des vues fur les moyens de
Completter & d'organiſer l'armée ; enfin des
lettres écrites de plufieurs lieux du Département
des Baffes- Pyrénées a l'Affemblée nationale
de France ont déjà fait craindre
quelque mouvement & quelqu'attaque
des Efpagnols. Tous ces faits pourroient
faire croire que l'Efpagne qui
n'a pas encore déclaré la guerre à la
France la lui fait déjà ; le Gouvernement
provifoire François , continue cependant
à penfer que le Cabinet de Madrid follicité
de toutes parts à la guerre par les Puiffances
coalifées veut refter en paix & en repos.
C'eft l'avis de d'Aranda , le meilleur ami
de l'Efpagne & le Miniftre de l'Europe qui
>connoît le mieux la France & les François .
Le Comte d'Aranda fait comprendre fans
doute à la Cour de Madrid que l'Eſpagne
féparée de la France n'auroit aucun
moyen de défendre fes Colonies contre
l'Angleterre ; il lui fait comprendre qu'a-
1
4
( 216 )
vec des finances qui font dans le plus
grand défordre , avec des troupes où il n'y
a pas un foldat qui aitfai
la guerre, avec un
Empire dépeuplé par le célibat, & par le
libertinage des Prêtres & des Moines , il
eft inpoilible que l'Efpagne ne courre pas
trop de dangers à avoir la France pour
ennemie , il lui fait comprendre que nos
Départemens du Midi , ces Départemens
fi paffionnés pour la liberté , feroient feuls
en état , non - feulement de réfilter à l'ECpagne
, mais de lui porter des coups
neftes.
fune
of
JOURNAL
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE.
FRANCE.
De Paris, le 27 Septembre 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du dimanche, 16 Septembre.
APRÈS PRÈS la lecture d'une foule de lettres d'adhéfion
, un député du département de Saone &
Loire rend compte de l'empreffement avec lequel
fes concitoyens ont formé & équipé quatre bataillons
& une compagnie franche . Rien n'a égalé
le zèle des adminiftrateurs , fi ce n'eft le dévouement
des adminiftrés . Le bataillon de ce dépar-,
tement , maintenant en garaifon à Béfort , manquoit
de linge ; l'adminiftration en eft in formée ,
& en quatre jours , deux mille chemiſes ont été
faites & envoyées ; le baraillon les a reçues.
Le comité des fiances fait mettre à la difpofi
N. 39. 29 Septembre 1792 K
7218 )
tion du miniftre de l'intérieur les fonds néceffaires
pour la continuation des travaux de
Cherbourg
.
Sur la propofition d'un membre
du comité des affignats & nonnoies , l'Affemblée
accorde dix mille livres pour la découverte d'un
timbre fec & perfectionné.
Au nom de la comarillion militaire , M.
Letourneur fait un rapport fur les moyens d'accélérer
les travaux du camp de Paris . Le
plan de M. Belair ayant paru trop vafte
Pour que ce directeur pût raisonnablement
répondre de fon exécution , dans l'efpace de
temps donné , pour le mettre en état de réfif--
ter à l'ennemi , la commiffion s'eft déterminée à y
faire concourir , l'adminiftration des ponts &
chauffées qui , par fon organifation & par la
nature de les fervices , peut en tendre de trèsutiles
dans cette ci conftance . En conféquence ,
elle propofe, & FAflemblée adopte un projet de
décret divifé en quatre titres dont le premier eft
relatif à l'organisation des travaux de M. Belair ;
le fecond concerne les travaux qui feront dirigés
par les ingénieurs des ponts & chauffées ; le
troifième & le quatrième , règlent les appointemens
des employés , les frais de voyage , de
logement , & c .
D'après le vocea de fon comité des finances ,
l'Affemblée met à la difpofition du miniftie de
l'intérieur pour les travaux de 1792 & pour les .
frais d'adminiftration des écoles gratuites des ponts
& chauflées , la fomme de fix millions & celle ,
d'un million pour les travaux extraordinaires des
ponts & chauffées autres que ceux de Cher-,
bourg , pour l'entretien des phares , tonnes &
balifes pour lefquels il n'y a point encore de
fonds affectés .
( 219 )
M. Goyer cbtient la parole pour préfenter une
an- lyfe rapide des papiers trouvés tant au château
des Tuileries que chez l'intendant de la lifte civile
. L'Afemblée applaudit à ce travail ; elle
en décrète l'impreffion & l'envoi aux armées
aux départemens & à toutes les municipalités de
l'Empire .
Le mi iftie de l'intérieur vient rappeller l'attertion
du corps légiflatif, fur un fait de la plus
grande importance . Chargé de la furveillance
générale de la police du royaume , il a voulu
approfondir un bruit répar du depuis quelquesjours
dans la capitale 3 on difoit que les premiers jours
de ce mois , quatre ou cinq cents perfonnes
avoient été arrêtées , & que les prifons étoient
garnies autant qu'avant la journée du 2 feptembre.
Le miniftre a trouvé le fait exact . Il a requis
les registres d'écrous , il n'y en avoit pas. Il n'a pu
obtenir que la repréfentation des ordres qui avoient
déternité les arreftations . Les uns font partis de la
municipalité , les autres des fections ; ceux- c
ort été lancés par des individus , ceux - là par
des comités . Quelques-uns des ces ordres font
motivés , la plupait ne le font pas. Le miniftre
remet les pièces fur le bureau , & l'Affemblée
les renvoie à la commiffion extraordinaire pour
en føre le rapport.
On cherche à agiter le peuple par des bruits
tantôt exagérés , tantôt alarmans . Hier , on répandoit
la nouvelle d'une grande victoire , aujour
d'hui on débite celle d'une défaite complette. Pour
faire ceffer ces inquiétudes , M. Couftard s'eft
tranſporté , par ordre de la commiffion extraor
dinaire , dans les bureaux de miniftre de la
guerre , afin de vérifier les différens rapports qui
s'y trouvent. I en réfulte que M. Dumourier
K 2
( 220 )
avec 26,000 hommes feulement a réfifté à 60
mille qui l'ont attaqué fur trois points ;
qu'il les a repouffés for deux ; mais que l'ennemi
a pénétré fur le troifième . Par la réu
nion de MM . Kellermann , Bournonville & des
bataillons de Paris , M. Dumouriér eft aujourd'hui
à la tête de 80,020 hommes , fans compter les bataillons
qui lui arrivent du Midi , & les gardes nationales
qui arrivent de toutes parts .
M. Vergniaux , en partageant la jufte confiance
que fait naître cette impofante réunion de forces ,
ne peut diffimuler plus long-temps fes inquiétudes
fur la lenteur des travaux du camp de Paris ,
où il n'a vu que des ouvriers mercenaires & indolens
. Il s'afflige de cette efpèce de torpeur dans
laquelle paroiffent enfevelis les citoyens rekés
à la garde de la capitale . Il en trouve la cauſe
dans les profcriptions paffées , dans le bruit des
profcriptions futures qui ont répandu la confterna
ion & l'effroi. L'homme de bien fe cache, quand
lecrime fe commet impunément . Il eft des hommes
au contraire qui ne fe montrent que dans les calamités
publiques , comme il eft des infectes malfaifans
que la terre ne produit que dans les
orages. Ces hommes répandent fans ceffe les
foupçons , les méfiances , les jaloufies , les haines ,
les vengeances. Dans leurs propos féditieux , ils
aristocratifent , fi l'on peut s'exprimer ainfi , la
vertu même , pour acquérir le droit de la fouler
aux pieds ; ils démocratifent le crime pour le commettre
avec impunité.
O citoyens de Paris , je vous le demande
avec la plus profonde émotion , ne démafquerezvous
jamais ces hommes pervers qui n'ont , pour
obtenir votre confiance , d'autres droits que la
baffeffe de leurs moyens & l'audace de leurs
[ 221 ]
1
4
1
prétentions .... Abjurez donc vos diffentions in
teftines ; que votre profonde indignation pour
le crime , encourage les hommes de bien à fe
montrer , & vous verrez auffi - tôt le réunir à
vous une foule de défenfeurs de la liberté . »
L'Asemblée invite M. Vergniaux à lui préfenter
un projet de proclamation pour engager les citoyens
à fe réunir aux ouvriers du camp de Paris .
Car tout citoyen doit être ouvrier puifqu'il s'agit
de la défenſe de tous.
M. Goyer avoit rendu compte des papiers
trouvés au château des Tuileries & des manoeuvres
de la cour ; M. Aubert demande à la fin de cette
féance , que M. Goyer foit interpellé , par l'organe
de M. le préfiien , de déclarer s'il s'eft
trouvé parmi les archives de la perfidie , la
moindre indication de trahifon contre un des
membres de l'Affemblée . M. Goyer répond
qu'aucun député, excepté M. Blancgilly , n'étoit
inculpé par les pièces trouvées au château .
Du dimanche , féance du foir.
Le miniftre de la juftice fait paffer à l'Affemblée
une lettre de M. Truguet chef d'efcadre ,
aЯuellement en rade à Toulon & un extrait du
procès- verbal de tout ce qui s'eft paffé à l'occafion
de l'inauguration du bonnet de la liberté
fur le vaiffeau commandant dans le port. L'A
femblée en décrète la mention honorable & l'impreffion
.
On fait lecture d'une adreffe du confeil - général
de la commune de Maubeuge , qui annonce
que cette ville eft à la veille d'être affiégée.
Les ennemis fe font préfentés au nombre
de 4000 , & font entrés dans le fauxbourg
en ils ont commis beaucoup de brigandages . La
K 3
( 222 )
garrifon qui n'eft compofée que d'un bataillon ,
ne peut promettre une défenfe foutenue. Elle
eft d'ailleurs dénuée de tout ce qui eft néceffa
re pour réfifter au monire effort des enne ,
mis . Cette adreffe eft renvoyée au pouvoir exécutif
La municipalité de Rouen a pris l'amêté des
fufpendre l'envoi de toutes farines & grains , La.
vile de Pe pignan s'oppofe aufli au départ , des,
faires pour les armées . Le miniftre de la gueres
qui fait part de ces faits à l'Affemblée , la prie de,
mettre un frein à ce défordre & d'arrêter , par
les mefures les plus promptes , les fuites fa- ,
eftes que cet exemple pourroit entraîner . La,
demande du minire eft renvoyée à la commife
fion extraordinaire pour en faire inceffamment
fon rapport,
Le colonel du 104 , régiment d'infanterie
après avoir témoigné , au nom des follats , le
plus profond mépris pour les calmnies répan
dues contre ce corps , offre à l'Affemblée le pro- ,
duit d'ane collecte faite dans fon régiment four
les veuves & orpheline des citoyens mots dans
la journée du 10. Une députation vient dénoncer
l'incivifme d'une grande partie des huf-)
fards de la liberté cafernés à l'école mi
raire. Renvoyé au comité de furveillance .
-
તુ
Une lettre des administrateurs du départe
ment du Pas -de Calais , annonce que les rôles !
des impofitions pour 1792 , font faits & mis
en recouvrement.
Du lundi , 17 Septembre.
On a vu dans la dernière féance que la municipalité
de Rouen s'étoit permife de mettre des
entraves à la libre circulation des graias, Volci
le décret rendu fur cet objet , dont les difpofi- ,
( 223 )
times s'étendent à tous les corps a:adminiftratifs
qui feroient tentés de fuivre un fi dangercuz
exemple.
Art . I. I fera envoyé à Rouen , pour
vérifier les faits dénone's , deux commiffaites pris
da sie fein de l'Aflemblée nationale . »
« H: Ils' ferent: autorités à fufpendre les corps
administratifs , s'il y a heu. »
« III. I eft defendu , fous peine de mort
aux commiffaires du pouvoir exécutif de requérir
, & aux corps adminiſt atifs de confentir
ou d'ordon er la difpofition des grains & farines.
amalies dans les magafins nationaux , exclufivement
diftinés à la fubfiftance des armées ; &
i eft défendu aux gard s -magafi s d'cléir à de
parcil es réquifitions . Tous les caps adminiftrat f;
devant , fons Fur refponfabilité , afferer Pexécation
des lois fur la libre circulation de glains ; -
tout adminiftrateur qui contrariera cun'allurera
pas par les équifitions néceffaires , & par tous les
meys qui font cir fon pouvoir, l'exécution def- ~
dites lois , fera pani de moit. »
IV. Les départemens ordonneront , dans le
jour de la publication da préfent décret , qu'il fera
fait dans chaque commune & chez les marchands
deb'eds & tous autres dépofitaires , un recenfement
de fes grains.
גכ
ce V. Le recenfement fait , les départemens
indiaiquerout par un arrêté pris fans délai la quantité
de grains que chaque commune devra porter
aux marchés publics , dans la proportion de celle
qu'elle poffede.
33
se VI . Si quelques cultivateurs , propriétaires
01 marchands de bled refufoient d'obéir aux
arrêtés du département & auxréquifitions des municipalités
à cet égard , leurs grains feront con-
K
4
( 224 )
fifqués , fur- le-champ tranfportés dans les magafins
nationaux , & ils feront punis d'un an de
gêne, »
cc.
« VII. Les corps adminiſtra'ifs qui auront f it
prendre des grains ou farines dans les magafias
nationaux , feront tenus de les faire rétablir en
Dature dans la huitaine , fous peine de trois mois
.de gêne. »
cc VIII. Les commiffaires de l'Affemblée nationale
feront toutes les proclamations néceffaires
pour l'inftruction du peuple , & feront
parvenir à l'Affemb'ée nationale les renfeignemens
fur les motifs qui ont déterminé l'arref
tation des grains . I's font autorifés à fufpendie
l'exécution des délibérations qui tendroient à faire
retirer des graias des magafios nationaux , ou qui
feroient contraires en quelque manière aux difpofitions
du préfent décret .
« IX. Le préfent décret fera envoyé aux 83 ›
départemens. »
Le maire de Nantes fait parvenir à l'Affemblée
Je ferment prêté individuellement par les dé–
putés de la Loire inférieure à la convention nationale.
Ils ont juré de maintenir de tout leur
pouvoir la liberté & l'égalité ; de maintenir l'uité
de l'Empire François , la sûreté des perfonnes
& le droit facté des propriétés , ou de
mourir à leur pofte pour les défendre . Tel fut
auffi le ferment de l'Affemblée quand le falut
de la France , repoſa tout entier dans les mains ,
& ce ferment ne fera pas vain. On va le voir
au milieu des provocations au meurtre & au
pllage , oppofer le front redoutable du courage
& de la vertu à la lâche audace du vice , faire
pâlir le crime & réduire les coupables au filence .
D'jà le miniftre de l'intérieur avoit inftruit l'Af(
225 )
femblée que , pendant la nuit , le garde meuble
avoit été foré & vclé . Déjà elle avoit reçu
une adreffe de la commune d'Amiens qui lui
dénonçoit un écrit imprimé & figné des adminif
trateurs du confeil de sûreté publique à Paris ,
contenant des inculpations contre plufieurs membres
'de l'Affemblée nationale , & une invitation à tous
les départemens d'imiter la mefure par laquelle
leurs frères de Paris fe font délivrés des confpirateurs
qui fe trouvoient dans les prifons , lorfque
M. Roland eft venu confirmer lui-même tous
ces attentats . On demandoit le renvoi au comité ,
mais M. Cambon veut que l'Affemblée accompliffe
fon ferment ; qu'elle meure , s'il le faut ,
Four fauver la France , & que la France foit fauvée.
Il demande que la force publique foit requife , &
que toutes les autorités conftituées foient appellées
à la barre pour recevoir les ordres de l'Affemblée .
Cette propofition eft décrétée.
Le comité de l'ordinaire des finances fait décréter
plufieurs articles additionnels à la loi du 27
août dernier concernant le vifa & l'enregistrement
des effets au porteur , pour en rendre l'exé
cution plus facile aux agens du trésor public .
M. le maréchal Luckner écrit , de Châlons ,
que d'après les différentes lettres qu'il a reçues ,
& le rapport d'un officier de l'armée de Dumourier,
il résulte que ce général a levé fon camp de Grand-
Pré , & s'est rendu à Dommartin , où fon arrièregarde
a été attaquée avec faccès par l'ennemi . Le
16 , il a campé à Brau . Toutes les forces étoient
réunies , les efprits étoient calmes . M. le maréchal
fe plaint de l'indifcipline qui règne dans le
camp de Châlons . De trois bataillons de volontaires
auxquels il avoit donné l'ordre de fe rendre à
K
( 226 )
l'armée de Dumourier , un feul avoit voulu
marcher.
сс
Le ministre de la guerre vient bientôt aprèscommuniquer
à l'Affemblée une lettre de M. Du--
mourier. Soyez fans inquiétude , lui écrit il ;:
mon arrière garde eft maintenant en bon ord e .
L'ennemi n'a pas pam ; il s'eft borné à recueil ir
ce qui a été abandonné par les nôtres qui ont vu
quelles peuvent être les fuites terribles d'une teneur
panique. Dix mille François ont fai devant 1500
ennemis . J ai commencé les exécutions , j'en ferai
de terribles. Je vais vous renvoyer Is bataillors
qui ont abandonné leurs canons . Je préfè elavaien
mille ou deux mille hommes de moins , & neposht
avoir de lâches, » ..
L'Affemblée s'occupe enfuite du licenciement
des régimens fuiffes , & d'après le rapport de
fon comité diplomatique , elle adopte la difpofition
fuivante :
ce L'Afemblée nationale , confidérant que la
fatisfaction qu'elle a déjà témoignée & qu'elle
réitère , au nom de la nation , des fervices des
régimens , fuiffes , & l'intention qu'elle a notifiée :
de continuer à vivre avec la nation fuiffe en
bonne intelligence & en bon voisinage , ne
peuvent faire regarder le licenciement & le défarmement
de ces régimens , que comme une
mefure néceffitée par les circonstances du nouvel
ordre de chofes établi en France , & par la
pénurie trop certaine d'armes , renvoie les réclamations
des régimens fuiffes au pouvoir exécutif
, à l'effet de négocier avec la dignité &
la générofité convenables , foit les indemnités
qui peuvent réfulter du licenciement , foir pour
le prix des armes , fauf la ratification du corps
légiſlatif, 22 .
}
}
7227
M. Lafource annonce à la fin de cette féance ,
que la commiffion chargée d'un travali particulier
, fur les moyens de file renaître l'ordie.
dans la capitale , fera fon rapport ce foi . Elle
a fenti que toutes les mefures partielles (toient
inutiles , & qu'il en falloit prendre une grande,
qui attaquâ: le mal dans fa racine .
Du lundi , féance dufoir.
*
Les pitonniers de Ste Pélagie adreffent à ,
1 Affen bée une péirion pour 1 fupplier de
ve Her à leur sûreté. Ils craignent à chaque mo
ment d'être égorgés . A cene lecture , un featment
de douleur & d'id gaation élite dans
l'Affemblée . On attendoit un rapport du comité
de furveilance . M. Vergniaux obferve que ce
rapot ne pouir. être fait que demain , &
qu'il imperte de ne pas retarder les précautions .
S'il n'y avoit , ajoute- t - il , que le peuple à
craindre , je dircis qu'il y a tout à efpérer ;
mais il y a des fatellites de Coblentz , des fcélérats
foudoyés pour femer la difcorde , répandre
11 confternation & nous précipiter dans l'anarchie.
M. Vergniaux explique enfuite comment
font décernés les mindats d'arrêt. La commune
de Paris s'en repofe à cet égard fur fon comité
de furveillance . Ce comité donne à des
individus le droit de faire arêter ceux qui
leur paroîtront fufpects , ceux - ci le fubdéléguent
encore à d'autres affidés dont il faut bien feconder
les vengeances , fi l'on veut en être fecondé
foi-même. Vo.là de quelle étrange férie dépendent
la vie & la liberté des citoyens ! Voilà
en quelles mains repofent la sûreté publ que !
M. Vergniaux demande que les membres de
la commune répendent , fur leurs têtes , de la
K 6
> .
( 228 )
sûreté de tous les prifoners . Cette propofition
eft décrétée .
---
M. le maire fe préfente à la tête d'une dépusation
de la commune. Il a toujours fait ce qui
a dépendu de lui pour le maintien de l'ordre
& le rétabliffement de la tranquillité ; mais il
a fouvent gémi de fon impuiffance . Dans les
momens de crife , les magiftrats devroient être ,
les premiers avertis , & c'eft toujours lui qu'on
avertit le dernier . Il affure qu'il a donné les
ordres les plus précis & les plus rigoureux. M.
e préfident a répondu que l'Affemblée périroit ,
toute ent ère , plutôt que de fouffrir plus longtemps
l'audace & l'impunité du crime. Il a nofié
le décret qui déclare tous les membres de
la commune , refponfables , fur leur tête , de
la sûreté des prifonniers , & qui lui ordonne
de préfenter , fans délai , les motifs qui ont déterminé
les mandats d'arrêt qu'el'e a lancés
contre tant d'individus . M. le maire obferve
que la commune entière ne fauroit être refponfable
de ces mandats ; que le comité de sûreté , c'eſtà-
dire un petit nombre de fes membres , les a
décernés & que lui feul doit en répondre. La
loi , réplique M. Vergniaux , qui attribue à la
commune de Paris , le droit de décerner des
mandats d'arrêt ne l'auto: ife pas à déléguer
ce droit ; il eft de fon devcir , & de fon devoir
rigoureux d'en rendre compte.
-
Du mardi , 18 feptembre.
Une lettre du commandant de Sedan , annonce
qu'il a trouvé cette ville livrée aux plus
affreufes agitations ; que le peuple s'eft porté
à des violences envers plufieurs particuliers fufpects
; mais que les fins ont bientôt rétabli le
( .229 )
calme. Cinq mille hommes compofent la garnion
au dedans ; un camp retrai ché , défendu
par un nomb e égal d'hommes & par fix redoutes ,
la p: o: ège au dehors dans la parti : qui n'eft
Fas garantie par les inondations ; an point
d'inquiétude fur la défenfe de cette place.
Le miniftre de la gue.re demande qu'il foit m's
à fa difpofition un fonds de trente ni lions pour tes
dépenfes des camps de Soiffons , Châlons
Meaux, & c. & un fonds fupplémentaire de quatie
millions pour le ſervice des étapes & convois militaires
, M. François de Neufchâteau communique
, à ce fujet , un nouveau fyltême de défenfe
adopté dans les départemens de la Meurthe
& des Volges. Des ingénieurs ont choifi des
poftes avantageux & des pofitions militaires . Ony
lace de l'artillerie & l'on y forme des petits
camps , où cent hommes campent pendant deux
jours & font rekvés par cent autres . Des fignaux
font étab'is au moyen defquels 4 ou 5coo gardes
Rationaux peuvent fe réu . ir en un inftant dans
les camps où ils ont chacun un, p . fte déterminé
à l'avance. Le plan de défenfe eft très bon pour
harceler l'ennemi , pour retarder fi marche ;
pour employer les gardes nationales fédentai es
qui malgré leur bonne volonté , ne peuvent
rélifter dans les villes & villages ouverts .
Mais il faut des règles pour l'ét.bliffement &
J'a provifionnement de ces poftes . M. François
demande que le comité militaire en faffe un
rapport. Cette propofition eft décrétée .
Les commiffaires envoyés à l'a mée du Midi
rendent un compte femmaire de leurs opérations
. C'est le réfumé des différentes lettres
qu'ils ont fucceffivement écrites à l'Aff mblée .
Les commiffaires ont terminé leur million par
( 230 )
la revue du fort de Toulon . L'arfenal eft dans
u dénument abolu d'ames & de munitions .
Le fort qui garantit la rade , n'eft en état de
défenfe que depuis un mois. Les nombreux
renfeignemens qu'ils ont recueillis , mettront à
même le pouvoir exécutif actuel de réparer les
trah fons de l'ancien .
La difcuffion s'eft établie fur le projet de décret
relatif au divorce . Plufieurs articles font décrétés
, fauf rédaction.
Du mardi , féance du foir.
•
On a vu pir combien d'horribles efforts les
ennemis intérieurs de la France cherchent à renverfer
les lois , & anéantir la liberté publique .
Parmitant de plans de corjaration fucceffivement
adoptés , découverts & abandonnés , i en eft un
qui pour être plus caché n'en eft pas moins réel ,
c'eft de tâcher d'exciter l'indignation de toute
l'Erope
& d'allumer la hame de toutes les
puiffances , contre le peuple François , en violant
fous différens prétextes , les droits de l'hofpitalité
e vers les étrangers , & particulièrement les Ang'ois
, la feul narion dont la neutralité foit bien
prononcée relativement aux affaires de la France .
Dans cette féarce , un A glois vient fe plaind e
d'un de ces attentats dont il n'eft Ta, première
vittime parmi fes compatriotes. Deux
huifiers & leurs fatellites font venus chez lui ,
& fans examen l'ont entièrement dépouilé de
fon mobiler ; linge , bijoux , argent , affignats ,
tout a été la proie de ces gens à plume. Is ont
chaflé de fa maifon une dame Angloife , & fa
domeftique, & c la fans aucun motif. L'Affemblée
indignée de la conduite qu'on a tenue envers
c:t étranges , charge le miniftre de la justice de
Pas
} 2༣« 1 )
lui rendre compter fous hair jours des n efures
ptiles pour faire dioin à la réclamation : M. Kerfaint
laifinice moment pour déchirer entièrement
le voile qui couvroir un plan auquel felin lui :
des autorités conftituées femblent être attachées .
I accufe la commune de Paris. dei favoriter les ›
excès auxquels on fe porte joureelement envers
les étrangers & fur- tout les Anglois ; fot en leur
refafant des paffe ports , foit en les inquiétant de
toutes les manieres dans leur domi ile .
-Une lettre officiel e des colonies , datée du Caple
29 juillet , annonce que cette ville ne prétente
plus dans les trois couleurs qu'un taflemblement
de frères & d'amis prêts à fe dévouer pour faire
renaître de ſes centres la partie du Nord fouillée
de tous les forfaits commis par les brigands .
Cette réunion s'eft opérée à la fédération du 14
juillet dernier. Les gardes nationales do nèrent
un repas aux citoyens de couleur , règres libres ,
& aux troupes de ligne. L'égalité , cette première
vertu civique , parut effaçer même jufqu'aux
nuances de couleur qui diftinguoient les
oppreffeurs des oppumés, & la frater ité étouffa
toutes les haines & toutes les vengeances.
feconde fête patriotique dont les roirs firent les
fraix eut aufli lieu le 20 du même mo's . La confiance
fut plus latime des deux côtés . Cette lettre
fera imprimée & envoyée aux départemens & à ở
l'armée .
Une
Le ministre de l'in é icur rend compte à l'Affemblée
de quelques faits qui prouvent que le vol du
garde- meuble , n'eft pas l'effet d'une filouterie ordinaire
, mais qu'il tient à un plan combiné de
dévastation . Il ne co çoit pas par quelle fatalité ,
malgré les réquifitions qui ont été faites à la
force armée , la garde du dépôt ne steft pas trou(
232 )
vée plus nombreuſe ; comment , au lieu de faction-,
ner au dehors , elle s'eft tenue dans l'intérieur . Il
demande peurquoi cette nuit même après l'annouce
des dangers qu'on pourroit courir , les poftes
de l'Affemblée nationale étoient généralement
dégarnis. Enfin il cbferve que M. d'Aubigny
dont les vols ont déshonoré l'écharpe qu'il avoit
ufurpée , a été relâché dans les jours des exécutions
populaires , & qu'il afpire aujourd'hui à être em
ployé dans une commiffion . M. Roland conclut
que dans ces momeas de troubles , il faut à l'Affemblée
nationale une force armée continuellement
à fa réquifition & capable de maintenir , à l'abri
de toute atteinte , & les repréfentans de la ration
& fcn tréfor & fes archives , & fes enfans , pour
qu'un feul individu ne puiffe craindre d'être troublé
dans fon repos par l'audace d'un feul brigand.
D'après un rapport fur l'adminiftration des
monnoies , & la propofition de M. Cambon l'Affemblée
autorife le pouvoir exécutif à renouveller
tous les commiffaires des monnoies & à fupprimer
tous les adjoints . Elle décrète une réduction dans
les traitemens des employés dans l'adminiſtration
des finances.
i
Du mercredi , 19 Septembre.
Les commiflaires chargés de l'examen & du
dépouillement du livre rouge , dénoncé par M.
Servan , en font le rapport . Ce livre rouge étoit
une note des fonds que les miniftres de la guerre
puifoient dans différentes caiffes particulières , &.
qui fervient à alimenter les faveurs de la cour
l'Affemblée en fuprimant ces caiffes , charge
Igent du tréfor public de pourfuivre la reftir
tion des femmes qui en ont été diftraites depuis
1782 , & d'appeller en garantie les fiçurs Mont(
233 )
!
barrey , Ségur Latour- du - Pin & autres miriftres)
chacun dans ce qui les concerne , comme ayant
autorifé & tourné à leur profit des paiemens injuftes
, & dilapidé les deniers publics .
M. Laroque , commandant de Philippeville ,
écrit à l'Affemblée que la garnifon pleine dezèle
& d'ardeur , a repouffé l'ennemi qui s'étoit
préfenté fous les murs de cette ville .
M. Roland , dont le zèle & l'activité ne laiſſent :
échapper aucun des détails de fon immenſe adminiltration
, toujours ardent à poursuivre les
abus , vient dénoncer une nouvelle déprédation .
M. Palloy, chargé d'arrêter l'incendie des petits
Lâtimens attenant au château des Tuileries , au
lieu de fe borner à exécuter cette miffion , a fait
des démolitions confidérables & a occfionné au
préjudice de la nation , une dépente de plus de
300,000 livres , il eft parti pour les frontières
fans laiffer aucun compte & fans payer les ou- ,
vriers . Une cabale inexplicable entrave fans ceffe
les mefures que prend le miniftre pour la sûreté
des propriétés nationales . Il n'a pu obtenir aucun
renfort pour la garde des Tuileries & celle du
garde- meuble. It fe plaint encore de n'avoir pu
parvenir à raffembler le nombre de juges de paix
néceffaire pour procéder à la levée des fcellés mis
dans ces deux édifices . L'Affemblée décide que
ces fcellés feront levés dans le jour & elle
nomme deux commiffaires pour y affilter.
>
On fait que des hommes perfides provoquent
les vengeances populaires contre ceux des repréfentans
du peuple qui ont manifefté des opinions
qu'ils pouvoient émettre librement , même en les
fuppofant erronnées & dargereufes . La commif
fion extraordinaire inftruite par des rapports
cfficiels que le jour où ces députés cefferont
( 2349
leurs for tions eft le jour qui doit éclairer ces
vengeances , a ciu qu'il fuffifoit , pour prévenir
cet attentat de le dénoncer au peuple lui - même.
En conféquence el'e préfente a l'Aflemblée un
projet d'adreffe aux François , où elle rappelle
les principes , garans éteinels de la Liberté publique
& individuel'e . L'Affemblée adopte cente
adreffe & décrère que les loix fur l'inviolabilité :
feront imprimées à la fuite.
Use lettre de M. Camus , archivifte , annonce
que 201 députés à la Convention font venus fe
fire inferire. L'Affemblée autorife les commiffaires
de la falle à delivrer des paffe - ports à
cruz des députés non élus à la Convention qui
defiseront retourner dans leur pays.
Voici le décret que l'Aſſemblée a rendu fur la
fûreté & fur la police de Paris :
« 19. L'afyle de tout citoyen ferá inviolable
pendant la rut ; d'un foleil à l'autre il re pourra
être fait d'arreftation que dans le cas de fil grantde
it , auquel ca il re pourra être procédé à l'exécution
du mandat d'arrêt qu'avec l'affittance da '
juge de paix des lieux. »
2° . A défaut des formalités prefcrites par
l'article précédent , le citoyen pourra ufer pour fa
défenfe , de tous les moyens qui feront en fon
pouvoir , & les auteurs de cette tentative feront
panis comme coupables d'attentats contre la fûreté
individueller »33
* 3 ° . Dans le lieu du raffemblement d'une
légiature , le canon d'alarme ne pourra être
tire & le tochia fonné que par orde de l'Affemblée
nationale . Quiconque en donneroit l'ordre,
feroit pani comme perturbateur de la tranquillité
publique. »
( 235 )
4
Décret relatif à la police.
Art. I. Les citoyens domiciliés à Paris fer
rost tenus de le faire enregistrer dans la ſection de
leur domicile ..»
II. His feront également tenus de déclarer
leur domicile , le temps de leur arrivée , le changement
de leur domiei'e & leurs occupations ordinaires.
2
III. I fera délivré à chaque citoyen un extrait
de l'enregistrement figué par le préfident & les lecrétaires
de la fection , »
ce IV. Les citoyens feront tenus de préfenter .
leur core à la première réquifition des officiers
de police & aux commandans de la force armée . »)
V. Le citoyen qui ne montrera pas fai
carte , fera conduit à la fection dont il fera réclaine
; dans le cas où il ne feroit pas reconnu ,
& ou il y auroit fait une fauffe déclaration , il fera
conduit à la municipalité , & de - là remis , dans le
Irea de fon domicile , afin qu'on s'y affure de fa
perfonne,
VI. Les étrangers arrivant à Paris , feront
tenus de faire dan : les 24 heures la déclaration :
odonnée par la loi ; les maitres d'hôtels garnis ,
feront tenus d'en donner connoiffance à leurs
hôtes. ""
« VII. Ceux qui changeront de domicile ,
feront de même leur déclaration à leur nouvelle
fection & dans le cas où ils ne fortiroient pas
de leur arronliffement , ils indiqueront leur nou-i
velle demeure ; ceux qui préfenterent une faußle .
carte , feront punis de fix mois de gêne. Chacun t
fignera far le regiftre & la carte . »
VIII. dera procédé , dans le délai de trois
( 236 )
jours , à la réélection des membres de la municipalité
dans les formes de la loi du 1er . mars
1790. "
« IX. Il fera procédé , dans le même délai ,
` à l'élection des commiflaires de police . Ces commiffaires
feront tenus de fe renfermer dans leurs
fonctions , ils ne pourront envoyer dans les maifons
d'arrêt les perſonnes domiciliées & arrêtées ,
fans avoir la fignature de deux commiffaires de la
fection. »
X. La municipalité fe conformera à la loi
pour les mesures de sûreté générale .
cc
Indépendamment de la peine de deux ans
de gêne , portée contre les fauteurs d'arrêts arbitraires
, ceux qui feront propofés pour les pourfuivre
, & qui ne l'auroient pas fait , fubiront
cere même peine .
»
« XI. Les mandats d'arrêts feront délibérés
párle maie & par quatre officiers municipaux.
30
« XII . Les cfficiers municipaux donneront
connoiffance à l'Aſſemblée nationale , dans le
délai de trois jours , des mandats d'arrêts & des
motifs qui les auront déterminés . »
ee XIII. Le miniftre de la juftice & l'accufateur
public près le tribunal criminel , font spécialement
chargés de la pour fuite de ceux qui ordonneroient
ou figneroient des ordres d'arrestations arbitraires.
>>
Le miniftre de la guerre avoit donné l'ordre
de tranfporter 1900 fufils de Saint - Omer à
Rheims . A leur paffage à St. Quentin , des
bataillons fe font permis de fe faifir de ces
armes . Dans le tumulte , un grand nombre de
fufils ont été brifés ou perdus . Ainfi les calculs
du miniftre pour l'armement d'une partie des
troupes cantonnées à Rheims , fe trouvent dé(
237 )
1
truits . L'Affemblée charge le pouvoir exécutif
de faire exécuter à la rigueur , les loix portées
contre tous ceux qui entravent les opérations.
Au nom des comités diplomatique & militaire
, M. Dumas fait un rapport fur l'échange
des prifonniers de guerre. En le fondant fur les
Principes de la liberté & de l'égalité , il rappelle
les anciens erremens que l'on fuivoit à
cet égard . Par exemple , dans les guerres d'Allemagiel
y avoit en tarif pécuniaire . Un lieute
naut général fe payoit 25 mille florins , & un
capitaine ne fe payoit que 10 florins . Ily avoit aufli
des tarifs inégaux fuivant la différence de grades.
Un capitaine fe rendoit pour tant de foldats , &
un général pour un nombre déterminé d'efficiers
.
Voici le décret que l'Affemblée adopte :
« Art. I. Il n'y aura aucun tarif pécuniaire
pour l'échange , felon les differens grades , que
dans les termes relatifs aux grades correfpondans
dans les armées ennemies. »>
« II. Il n'y aura point de tarif d'échange tel
qu'un officier ou fous- officier , de quelque grade
qu'il fort , puiffe être échangé contre un plus
grand nombre d'individus de grade inférieur . »
« III . La bale commune des échanges
qu'aucune modification re pourra altérer , fera
d'échanger homme pour homme , grade pour
grade .
+
On dénonce fucceffivement des infractions aux
loix , & des actes arbitraires cominis dans différens
heux par des commiffaires , ſe diſant porteurs
de pouvoirs de la municipalité de Paris .
Dans le département de l'Aube , un M. Yon a
affemblé le peuple & lui a défigné ſes adminiftrateurs
comme les ennemis du bien public ,
( 238 )
Ils ne peuvent plus fans danger , remplin
leurs fonctions , & ils adreffect leur démiffion
à l'Affemblée nationale . A Ris & dans les
communes voifines , d'autres commiflaires ont
pris les chevaux , & emporté les armes des
citoyens . Mais là ils ont été arrêtés par la municipalité
de Ris , qui a jugé , avec raifon
qu'elle avoit la polise de fon territoire . L'Af
femblée o donne le renvoi à la commiffion pour
en faire le rapport.
Un déir d'un autre genre eft dénoncé par le
miniftre de l'ictérieur . C'eft un arrêté du dépar
tement du Var pour convoquer à Avignon une
réunion de commiffaires à l'effet de pourvoir à
la defenſe de ces contrées . Cette mefire rendroit
nulles les difpofitions générales du pouvoir exécurif.
Dans le cours de cette féance l'Afemblée a
mis au rang des biens nationaux ceux que pof
sède en France l'ordre de Malthe , pour être
adminiftrés & vendus dans la même forme &
aux mêmes conditions que les autres domaines
nationaux. Les affruitiers actuels , feront payés
fur le tréfor public , à titre de penfion du revenu
net des bénéfices de Malthe ou penfions far lefdits .
bénéfices dont ils jouifoient , à la déduction des
dunes , droits féodaux fupprimés fans indemnités ,
des pentions done ils peuvent être grevés & du
tiers du reftant defdus revenus . Le pouvoir exe
cutif eft chargé de régler avec l'ordre de Malthe ,
la fomme annuale pour laquelle la France contribuera
à l'entretien du port & de l'hôpital de
Malthe & pour les fecours que les vaiſleanx de
derordre donneront an 'tommerce maritime Fran
çois dans la Mdherranée.
( 239 )
Du mercredi , féance du foir.
La féance s'ouvre par la lectme de la traduc
tion, littérale du brévet de coinmiffion impéria e
à la dière de Rati bine . L'Affemblée l'interiompo
pour paffer à l'ordre di'jour,
M. Chevalier , huillier , avoit été chargé de
la faifie des meubles & effets des princes émigrés ,
& le dépôr lui en étoit confié . Cependant des
membres de la commune font venus s'emparer de
l'argenterie , en lui en remettant la décharge .
L'Affemblée décète que ceux qui ont figné cette
décharge red ont compte des effets distraits ,
& que le pouvoir exécatif & des commifaires
de la tréfore ie nationale préfenteront l'état de
toute l'argenterie portée à l'hôtel des mon ole
foit par des particuliers , foit comme provenant
des églifes .
"
Au préjudice de la loi qui ordonne la 1 bre
circulation des perfonnes & des cho es , & fans
paffe port dans l'intérieur jufqu'à 1o lieues des
frontières , les voyageurs & les voituriers étoient
inquiérés dans leurs voyages . L'Aflemblée décrète
que les officiers municipaux , les commandans de
I garde nationale qui arrêteroient les voyageurs ,
feront condamnés aux dommages & intérêts ent
vers ceux qu'ils au.oient troublés , & à une détention
qui durera autant de jours qu'aura duré la
détection des perfonnes ou des chofes qu'ils auroient
détenues ou retardées .
L'Aff mblée fixe le foit des citoyens qui ont
Cervi l'état en qualité de foldats , matelors , ou
charpentiers &c . fur les vailicaux de la ci- devang
compagnie des Indes , en leur accordant , a
raifon de leurs fervices , le même traitement
( 240 )
que la loi du 30 avril dernier , accorde aux
fous officiers & foldats des armées françcies .
La commiffion de correfpondance propofe un
établiſſement de courriers compof's de citoyens
élus dans chaque fection . I's porteront foit aux
différentes armées , foit dans les départemens les
dépêches de l'Affemblée & du pouvoir exécutif.
Leurs appointemens feront fixés à 600 liv. par
an. Ii leur fera compté , en cutre , lorfqu'ils
feront en courſe , 4 liv . par jour , indépen
damment des frais de poite. Ce projet eft
adopté.
L'Affemblée décrète que l'archivifte convoquera
les députés à la convention nationale
pour demain 20 ſeptembre à 4 heures après midi ,
dans la fa'le de l'édifice national des Tuileries
qui leur eft deftisé . Le maire de Paris donnera
les ordres néceffaires pour faire fournir une garde
aux députés de la convention nationale .
Dujeudi , 20 Septembre.
M. Théodore Lameth prie l'Aflemblée de porter
un inftant fon atten ion fur l'affaire de fon
frère Charles Lameth artêté à Bare tin par l'ordre
de la municipalité de ce lieu , & détenu au fecret
à Rouen depuis un mois. Muni d'un congé du
maréchal Luckner qui lui indiquoit la ville de
Beauvais , mais qui ne l'empêchoit point d'aller
où bon lui fembleroit jufqu'à fon expiration
il partit pour le Havre pour y conduire fon
époule , & pour y régler des affaires importantes.
Le comité de furveillance chargé d'examiner
les motifs de la détention a penſé , néanmoins
qu'il étoit forti du cercle de fes devoirs milicaires
, & l'Aſſemblée décide que le pouvoir
cxécutif
7 241 )
exécutif examinera s'il y a délit militaire dans
la conduite de M. Charles Lameth. Elle le
charge de prendre toutes les mefares néceffaires
pour que M. Lameth ne foit expofé à aucune
voie de fait dans la maifon d'arrêt où il eſt
détenu.
On le fouvient que l'Affemblée conftituante
voulut réparer , autant qu'il étoit en elle , les perfécutions
exercées contre les religionnaires fugia
tifs , en les rappellant dans leur patric , & en
les faifant rentrer eux ou leurs enfans dans les
biens dont ils avoient été fi cruellement dépouillés
. L'exécution de cet honorable décrét
avoit fouffert des lenteurs ; l'Affemblée décrète
qu'il fera fait fans délai un tableau de tous les
biens faifis fur ces exilés , lequel fera imprimé
& affiché dans chaque tribunal de diſtrict . Los
religionnaires abfens , ou leurs fucceffeurs pourront
rentrer dans lefdits biens dans le délai de
trois années à compter de ce jour ; en le conformant
d'ailleurs aux loix antérieures fur cet
objet.
霏
Une lettre du maire de Paris , annonce que
cette ville eſt tranquille ; malgré les efforts des
agitateurs ; la furveillance des bons citoyens redouble
, & les confpirateurs ne pouvant plus fe
fatter de l'impunité , vont être obligés de fuir.
Chaque fection fe fait un honneur & un devoir
de protéger ce qui fe trouve dans fon enceinte.
Une loi a défendu aux fonctionnaires publics
de percevoir deux traitemens, Oa avoit déja denoncé
à l'Affemblée des membres qui confervoient
le traitement des fonctions qu'ils avoient quittées ,
& n'en reçoivent pas moins leurs indemnités de
députés. Elle ordonna alors la reftitution de
toutes les fommes touchées contre le voeu de la
N°. 39. 29 Septembre 1792 .
L
(-242')
Joi . Cette dénonciation et répétée aujourd'hui ;
elle occafio ne de vifs débats qui fe terminent
par l'invitation faite au commiffaire de la falle
de nommer les perfonnes accufées . Ce font ,
répond le commiffaire , MM . les évêques de la
Creuze , de l'Arriège , & du Calvados . M. l'évêque
de l'Arriège préfent , fe difculpe avec franchife
, & prouve qu'il a reftitué ce qu'il avoit
touché contre le voeu de la loi . La juſtification de
MM. Huguet de la Creuze & Fauchet du Calvados,
eft ajournée pour cauſe d'abſence.
L'Affemblée réintègre dans fes fonctions M.
Dulac , officier dans l'armée ci-devant commandée
par M. Lafayette . Cet officier fufpendu par les
commiffaires de l'Affemblée , n'étoit coupable
que d'une erreur bientôt abjurée dans le jugement
qu'il avoit porté du général Lafayette .
Le miniftre de l'intérieur prévient les membres
de l'Affemblée qui font députés à la convention
nationale que la falle des Tuileries eft prête pour
les recevoir ; il y met d'autant plus d'empressement,
qu'il eft inftruir qu'une affiche a été faite , au pom
de quelques députés de Paris pour inviter leurs
collègues à fe réunir ce matin aux jacobins pour
s'y conftituer.:
Dans cette féance , l'Affen blée a rendu un
décret qui règle les formes particulières de la
comptabilité des ci-devant tréforiers & receveurs
des Etats de Bourgogne , fait ceffer leurs fonctions ,
& pourvoit à l'achèvement de leur exercice . Elle a
Derminé fon décret fur le divorce .
Du jeudi , féance du foir.
La eommiffion extraordinaire fait un rapport
fur la vigoureufe iéfiftance de Thionvi le dans la
journée du 10 feptembre. L'Affembiée décrète,
( 243 )
>
au milieu des plus vifs applaudiffemens , que
Félix Wimpfen commandant de Thionville , la
garnifon & tous les citoyens de cette ville
ont honorablement défendu leur pofte & rempli
leur devoir. Que les trois huffards qui pendant
que l'ennemi avoit inveſti la place , n'ont pas
craint d'affronter les dangers qui les menaçoient ,
pour porter à Met z les dépêches dont ils étoient
chargés , feront promus , par le pouvoir exécutif
, au grade d'officier.
Les commiſſaires de la commune de Paris
viennent rendre compte de leur conduite relativement
à la faifie faite par eux des effets des princes
émigrés. Comme ils n'ont pas fatisfait à la loi
qui porte qu'ils repréfenteront les effets en
nature ou un récépiffé , l'Affemblée ordonne que
ces effets feront déposés à la trésorerie , & que
le miniftre en rendra compte fous 24 heures.
On follicite la levée des fcellés appofés fur
la - caiffe du commerce . L'Affemblée l'ordonne.
Cette difcuffion en amène une autre fur les
dangers des établiffemens des finances , qui ne
font prefque jamais que les calculs de l'avidité
fur les befoins du peuple. L'Aſſemblée décrète
que le pouvoir exécutif ne pourra plus accorder
des brevets d'invention aux auteurs des établiſ
femens relatifs aux finances , & fupprime l'effet
de ceux qui auroient été accordés .
·
Le moment approche où l'Aſſemblée va ſe
diffoudre pour faire p'ace à la convention nationale
. Elle accorde différentes gratifications
aux employés dans fes bureaux qui ont le
mieux mérité , par leur application , & elle vôte
des remercimens à la garde nationale parifienne ,
pour le zèle qu'elle a mis dans le fervice auprès du
lieu de fes féances .
L 2
( 244 )
Du vendredi , 21 Septembre .
M. François de Neufchâteau demande qu'à
l'inftant où l'Affemblée fera inftruite que la Convention
nationale s'eft conftituée , elle ceffe fes
travaux qu'elle fe tranfporte au lieu où les
membres de la Convention nationale fe font
réunis qu'elle les conduife dans la falle ordinaire
des féances , & lui ferve de garde d'hon
neur. L'Affemblée adopte ces propofitiors , &
elle charge en même temps M. François de
Neufchâteau d'être auprès de la Convention nationale
l'organe de l'Affemblée légiflative.
M. le préfident prévient l'Allemblée que dovze
commiffaires demandent à être introduits pour
lui annoncer que la Convention nationale eft conftituée.
Les commiffaites entrent. M. Grégoire
l'un d'eux , porte la parole , & dit : « Citoyens ,
la Convention nationale eft conftituée . Nous
venons de fa part vous annoncer qu'elle va fe
rendre ici pour commencer fes féances . »
L'Affemblée déclare que fa feflion eft terminée.
Elie fe rend toute entière auprès de la Convention
nationale.
CONVENTION NATIONALE.
Les citoyens qui compofoient l'Affemblée légif
lative arrivent dans la falle du château des Tuileries
, cu lá Convention eſt réunie .
M. François de Neufchâteau porte la parole .
Repréfentans de la nation , l'Aflemblée légife
lative a ceffé fes fonctions ; elle s'emprefle de
donner la première à tout l'Empire l'exemple de
la foumiflion aux lois que vous allez readre .
Elle le félicite d'avoir déposé entre vos mains
les rênes du gouvernement . Elle a arrêté que
245 }
fon premier acte de fimple citoyen feroit de fervir
de girde à la Convention nationale , & de lui
effet Phommage de fos refpect , afin de donner
à tous les François l'exemple de s'incliner de
vant la majefté du peuple que vous repréfentez ."
Nous nous felicitons de ce qu'à notre voix
toutes les affemblées primai.es de l'Empire ont
adhéré à l'invitation que nous leur avons faire.
Elles ont , en vous nommant , confacré les me-
Luces extraordinaires qu'exigeoit le falut de 24
milions d'hommes contre la perfidie d'un feu" ,
Les motifs de divifion doivent ceffer . La nation'
cutie e elt repréfentée , & vous allez ' ét blir uze
conftitution furtes bafes de la hberté & de l'égalité .
Le but de vos efforts fera de donner aux FranÇis
la liberté , des lois , la paix . La liberté , fans
Laquelle les François ne peuvent plus vivre ;
les lois , te plus ferme fondement de la liberté ;
la paix , feul & unique but de la guerre . La hbene
, les lois , la paces trois mots furent
imprimés pars Grecs fur la porte da teniple de
Delphes ; vous les imprimerez far de fol enter
de la France. Vous maintiendrez fu - tour , entre
toutes les parties de l'Empire , l'unité du gouvernement
dont vous êtes le entre 2 le lien confervateur
, & ainfi vous recueilletez les bénédic
tions de vos concitoyens , " ( On applaudit. )
La Convention nationale quitte la falle du
palais des Tuileries , & fer nd dans le lieu où le
Corps légiflatif tenoit les féances.
Els arrive . M. Pétien , élu président , prend
le fauteuil. MM . Condorcet , Briffot , Rabaut
Saint Etienne , Vergniaux , Camus & Lafource ;
s'affeyent au fecrétariat . La féance s'ouvre par
la lecture du procès- verbal de la conftitution
L 3
( 246 )
de l'Affemblée en Convention nationale. En
Voici l'acte .
Les citoyens nommés par le peuple françois
pour former la convention nationale , réunis
au nombre de 371 , après avoir vérifié leurs pouvoirs
déclarent que la convention nationale eſt
conftituée . »
M. Manuel qui voit dans la réunion des repréfentans
du peuple , une affemblée de philofophes
occupés à préparer le bonheur du monde ,
demande que le préfident de cette affemblée
qu'il appelle le président de la France , foit logé
dans le palais national des Tuileties , & que
fans ceffe environné des attributs de la loi &
de la force , les citoyens foient tenus de fe
lever devant lui . Cette propofition eft rejettée.
Plufieurs motions fe fuccèdent. Elles font combattues
& foutenues tour à tour , fans amener
aucune déciſion . M. Danton ci - devant miniftre
de la juſtice , actuellement mandataire du peuple ,
rallie les efprits & porte la délibération fur deux
principes qui felon lui , doivent fervir de première
baſe aux travaux de la Convention. Dé- ·
clarons d'abord que les représentans du peuple
font tous convaincus qu'il ne peut exifter de
conftitution ftable , qu'après l'acceptation nominative
de la majorité des citoyens dans les
affemblées primaires . Après cette déclaration
faifons en une autre non moins néceffaire . Il
faut que la loi foit auffi terrible pour défendre
la liberté & la tranquillité publique , que le peuple
l'a été pour foudroyer la tyrannie. Déclarons
que toutes les propriétés territoriales & induftielles
feront éternellement maistenues. La délibération
fuivante eft prife à l'unanimité.
( 247 )
La Convention nationale déclare qu'il ne
peut y avoir de conftitution que lo fqu'elle eft
acceptée par le peuple ; elle déclare que la sûteté
des perfonnes & des propriétés cit fous la
fauve- garde de la nation ; que les loix non
abrogées , les pouvoirs non fufpendus font provifoirement
maintenus , & que les contributions
publiques actuellement exiftantes feront perçues
comme par le paflé .
ככ
Il est une déclaration , dit M. Collot d'Herbois
, que l'Affemblée ne peut différér d'un feul
inkant , fans être infi lelle au voeu de la nation
, c'eſt l'abolition de la royauté.
PACfemblée
, par un mouvemert fpontané , ſe lève
toute entière. La royauté eft abolie en France.
Ce décret fera proclamé demain folemnellement
dans Paris , & forté par des courriers extraordinaires
dans les départemens & aux armées .
Du vendredi , féance du foir.
Les miniftres des affaires étrangères , des contributions
& de la marine le préfentent . Ils jurent
de remplir , avec exactitude & fidélité , les devoirs
impofés au premier confeil exécutif de la république
françoife.
L'Affemblée conventionne , après une difcuffion
fur l'économie intérieure des comités &
de tout ce qui peut fervir les travaux d'une grande
Aflemblée , procède à la nomination d'un vicepréfident.
Elle décrète que les fuffrages fe donneront
à haute - voix . M. Condorcet eft élu .
Deux fections de Paris viennent remercier l'Af
femblée des décrets qu'elle a déjà rendus. Elles
jurent le maintien de la République , la confervation
des perfonnes & des propriétés . Une dépu
tation de la municipalité de Verfailles annonce ,
L4
( 248 )-
que le département de Seine & Oile , ontre les
quatre bataillons qu'il a devant l'ennemi , vient
d'en équiper cinq & de leur donner des pièces de
canon . Ils font en marche & ils ont juré de fauver
la République. ; ཎྷཱ ཝཱ
Ce mct , République , n'eft jamais entendu dans
T'Affemblée fans exciter de vifs applaudiffemens .
Dufamedi , 22 feptembre .
Le procès - verbal de la féance de la veille eft
daté de l'an premier de la république françoife . La
Convention ordonne la fuppreffion de tous les
atributs de la royauté , quelque part qu'ils fe
trouvert , & la deftruction de tout ce qui pourroit
rappeller l'existence d'un gouvernement qui vient
d'être rejetts. Le feeau tera charg ; il portera
un fifceau furmonté du bonaet de la liberté , &
pour excigue , la république françoife.
La difcuffion s'ouvre fui le renouvellement de
tous les corps adminiftratifs & judiciaires , dont
la plupart font compofés d'hommes qui ont ferdu
la confiance de leurs concit yens . Cette melure
til combattue par quelques membres , mais rate
femblée fe détermine par l'efpérance , qu'une régé
nération abfolus inimera au corps politique u e
vigueur , un mouvent dont toutes les parties fe
rellentiront efficacement . Elle décrète le renouvellement
, en y comprenant les municipalités &
les juges de paix .
.-M. Tallien, demande que les juges , dont l'és (
lection va fe faire , ne foient pas pris parmi les
gens de loi exclufivement , mais que le peuple
puiffe les choifir parmi tous les citoyens . Pu-
Lieurs membres défendent les intérêts des jurifconfultes
, & peut - être , ceux là même de la justice ,
en faiſant ſentir combien d'étude & de lumières(
249 )
font néceffaires à celui qui remplit les fonctions
de juge. Si jamais le feul fentiment de l'équité &
le simple bon fens fuffisent pour diftribuer la juftice
, c'est quand nous aurons un code de lois
bien fimples & bien préciſes , Julques - là , appeller
aux fonctions de juge us homme qui ne connottroit
ni les lois , ni les formes , ce feroit confentir
au plus horrible des defpotifmes , ce feroit faite
juger la loi , & non l'établir comme la règle des
jugemens.
M. Danton invite l'Affemblée à préparer la
régénération de l'ordre judiciaire ; mais il croit
qu'il faut laiffer au peuple la plus grande latitude
dars les choix de fes juges , bien certain que les
jufticiables ne nommeront que les hommes les
plus capables de décider leurs conteftations . L'Affemblée
ferme la difcuffion & proclamant le principe
invoqué , elle déclate que le peuple a le
droit de choifit fes juges parmi tous les citoyens
de quelque claffe qu'ils foient .
Une députation de la ville d'Orléans eft admiſe
à la barre , elle annonce que le plus grand défordre
menace cette ville . Des magiftrats coupables d'infouciance
fur la misère du peuple , ont été fufpen
dus
par les affemblées primaires , & méconnoiffant
les droits du peuple , ils veulent conferver par la
force un pouvoir que la confiance lear refufes
L'Affemblée décrère qu'elle enverra à Orléans
trois commiffaires qui prendront des informations
fur les faits & employeront pour le retour du bɔn
ordre & de la tranquillité , les moyens que leur
fageffe leur fuggérera .
1:
Dufamedi , féance du foir.
Une lettre du miniftre de l'intérieur annonce
que les nouvelles qu'il reçoit de Lyon font très,
LS
1250 1
alarmantes ; que le pain & la viande y ont éré
taxés , par le confeil général de la commune
moitié au- deffous de leur valeur . Il prie l'Afemblée
d'y envoyer des commiffaires pour amener
le retour du bon ordre. Cette propofition eft
adoptée .
Le moment où la Légiflature a cédé ſa
place à la Convention Nationale , & où
celle- ci va foumettre la Conftitution à un
nouvel examen , feroit peut- être celui de
jetter un coup- d'oeil fur les travaux de ces
deux Affemblées que l'on paroît difpofé à
juger fi févèrement , parce que l'on oublie
les circonftances où elles fe font trouvées.
Quand on confidère le point d'où eft
parti l'Affemblée Conftituante , & celui où
elle eft arrivée , les obftacles fans nombre
qu'elle a eu à vaincre , les préjugés qu'il
a fallu détruire , & l'opinion qu'il s'agiffoit
, pour ainfi dire , de créer , il y auroit
de l'injuftice & même de l'ingratitude à lui
reprocher d'avoir confervé au Gouvernement
fa forme monarchique. Les inftructions
précifes qu'elle avoit reçues de fes
Commettans , le preftige de l'habitude qui
maîtrife toujours les idées , l'influence de
Rexemple des autres Nations , les élémens
hétérogènes dont elle étoit compofée ,
l'appréhenfion de ne pouvoir faire tout ce
qu'elle eut ofé, & peut - être auffi l'avantage
( 251 )
trompeur de donner plus d'intensité au
Pouvoir exécutif , en fe concentrant dans
un Repréfentant héréditaire , tous ces motifs
avoient pu la déterminer en faveur de
la Royauté.
Sa feule faute eft d'avoir préfumé qu'après
la fuite du Roi à Varennes, fes proteftations
& fon parjure , la Nation pourroit
avoir confiance en celui qui l'avoit
déjà trompée .
La Monarchie une fois confacrée , l'Affemblée
Conftituante avoit entrevu tous
. les dangers d'une Régence longue & orageufe
dont le choix même étoit un embarras
de plus ; elle avoit voulu prévenir le
choc des factions , en laiffant le Pouvoir
exécutif dans des mains qu'elle croyoit
fatisfaites des avantages qu'elle lui avoit
prodigués. Elle avoit mal jugé les Rois ,
& cette erreur a été la fource des incer
titudes , des tâtonnemens & des agitations
de la Légiflature qui lui a fuccédé. nhngr
De la pofition du Roi qui ne prenoit
dans la Conftitution que les moyens d'influence
qu'elle lui donnoit pour l'attaquer,
en paroiffant la refpecter , & de celle de
la Législature qui voyoit la liberté menacée
fans pouvoir en acquérir des preuves.com
vaincantes , étoit née cette défiance & celte
fluctuationqui n'avoit pu lui affurer une majorité
décidée. Les partifans de laCour , que
nous croyons pour la plupart s'être trompés
( 252 )
de bonne foi , s'imaginoient fervir la Confti .
tution en prenant la défenfe d'une autorité
qu'elle avoit créée. Les amis plus clairvoyans
de la liberté , qui foupçonnoient
des trahifons & des perfidies , là où les
autres ne voyoient que de la franchiſe ou
Pinquiétude du doute , étoient forcés de
fortir de la Conftitution pour la mieux
garantir. Cet état des chofes explique toute
la conduite de la Législature. Il falloit des
circonftances extraordinaires pour détromper
les uns , & fortifier les autres dans leur
opinion. Les événemens du 10 Août ont
fait jaillir la lumière , & c'eft de ce mo
ment que la Légiflature , a pris un caractère
fixé ;5 & que débarraffée de fes doutes
elle s'eft mife au niveau de l'opinion .
3. En abolifant la Royauté , la Convention
Nationale n'a fait que proclamer un Décret
que tous les François avoient déjà porté.
Heût peut-être été à defirer qu'elle eût ats
tendu peu le rendre , la réunion de tous
fes Membres , & qu'elle eût abordé la
queſtion de la théorie de la Royauté qu'elle
a refolue plus par fentiment que par un
examen approfondi des principes. Nous
tâcherons d'y fuppléer par quelques ré.
flexionsh
22.
On doit peu s'étonner que la Royauté
aitfubfiſté fi lọng temps en France , & que
le Gouvernement Républicain foit encore
fi peu connu en Europe. Cette fuperftition
( 253 )
politique tient à une infinité de caufes
Quoique les Peuples anciens n'aient pas
eu en économie politique des notions
parfaitement juftes , ils avoient compris
néanmoins que la Souveraineté réfidoit
effentiellement dans la volonté générale.
La tyrannie des Rois les avoit dégoûtés
du Gouvernement d'un feul . C'est toujours
à l'éducation de l'expérience que les hom
mes s'inftruifent ; mais la République de
Rome , après avoir dévoré les autres Na +
tions , tomba affaiffée fous fon propre
poids.. Les formes républicaines ne pouvoient
plus convenir à cette immenfité de
territoire , & il étoit difficile de faire fortir
la volonté générale de tant de Peuples de
moeurs fi diverfes. La tyrannie des Chefs
ramena les Romains à la fervitude , & les
Barbares n'eurent befoin que de paroître
pour renverser ce coloffe.
2. Ce fut là l'époque d'un nouvel ordre.
de chofes qui a influé pendant quatorze
fiècles fur le fort de l'Europe . Ces hordes
nombreufes , qui da Nord vinrent inonder
l'Occident & le midi, & fe spartager les
debris de l'Empire Romain , apportèrent
avec elles le Gouvernement militaire , fans
lequel de grandes armées ne pouvoient
fubfifter. De la différence de condition
entre les vainqueurs & Is vaincus naquit
la puiflance féodaleg cette irréconciliable
ennemie des Droits de l'Homme , qui , tan>
( 254 )
tôt rivale des Rois , tantôt leur Alliée , s'accordoit
toujours en un feul point , celui
d'affervir la multitúde ; alors le titre de Citoyen
fut oublié , & les droits politiques
furent concentrés dans les différentes branches
de la hiérarchie nobiliaire . L'affran
chiffement des Communes leur donna une
foible part au Gouvernement ; mais , déjà
il avoit pris une affiette fixe ; & fatisfaites
de cette légère affociation , elles fuivirent
le mouvement politique fans fe douter
qu'elles pouvoient le maîtrifer.
Une autre caufe avoit contribué à fortifier
cette idolâtrie royale. Les Prêtres qui ofoient
fe dire les Juges des Rois , parce qu'ils fe
difoient les Repréfentans de Dieu , & qui ,
dans tous les temps , ontfervi les tyrans qui
les fervoient à leur tour , firent defcendre le
defpotifme du ciel , pour mieux l'établir
fur la terre. L'ignorance qui pendant dixfiècles
couvrit l'Europe de fes ténèbres
força les Peuples à fléchir devant cette
double impofture , & quand les lumières
leur ont révélé peu à peu le fecret de leurs
droits , tel a été le malheureux empire des
préjugés & de l'habitude qu'ils ont obéi.
long temps aux tyrans , lors même qu'ils
dé eftoient la tyrannie.
12 Les lumières conduisent à la liberté, mais
ne la donnent pas toujours. La liberté, fem
blable à cet élément invifible , empriſonné
dans tous les corps , a befoin de frottement
( 255 )
pour brifer fon enveloppe. Il n'eft pas de
notre fujet de retracer ici les différentes
caufes qui lui ont rendu parmi nous fon
activité. Elles agiffent avec plus ou moins
de lenteur dans tous les Gouvernemens de
l'Europe , parce qu'ils portent avec eux le
germe de leur destruction , & que l'excès
du mal ramène toujours à l'ordre.
Mais en abolifant la Royauté , la Con
vention Nationale n'en a pas moins un des
problêmes politiques le plus difficile à ré-,
foudre. On peut en pofer ainfi les termes :
Trouver dans une fociété de 25 millions.
d'hommes un pouvoir exécutif qui ait affez
d'action pour faire refpecter les lois , et
maintenir le gouvernement,fans porter atteinte
à la liberté.ste
Quand on remet ce pouvoir entre les
mains d'un Roi héréditaire & inviolable
& qu'on y joint une lifte civile inimenfe ,
qu'en refulte til c'eft que , comme il eft
de la nature de tous les pouvoirs de tendre
fans ceffe à deur accroiſſement ; Hos'élève
peu à peu une autorité rivale de l'autorité
légiflative , toutes deux fe livrent des com
bats qui entretiennent l'état dans une perpétuelle
convulfion , jufqu'à ce que lune:
ou l'autre ait fuccombé. Mais dans cette
lutte réciproque , tous les avantages afont
en faveur du pouvoir dont Faction : eſt
héréditaire, qui peut combiner à loifir tous
fes moyens , qui difpofe de la force atrage
( 286 )
communique directement avec les Corps
Adminiftratifs , correfpond avec les Puiffances
étrangères , s'attache des partifans
par les places qui font à fa nomination ,
& a de plus tout l'or corrupteur d'une lifte
civile qui doit lui affurer , à la longue , là
majorité du Corps Légiflatif. Cchui - ci , au
contraire, dont les Membres fe renouvellent
dans un période très - court , qui n'a que
des lois à faire , & le maniement d'aucuns
deniers publics , qui ne connoit de l'admit
niftration que ce que l'autre pouvoir n'ofe
lui dérober , peut être aifément trompé
par les affurances perfides d'un minittère
adroit que la refponfabilité ne fauroit at
teindre dans tous les points , & qui , fous
le nafque de l'adulation & d'un patrio
tifme fimulé , peut creufer à la liberté un
précipice effrayant , avant même que le
Corps Législatif ait pu s'en appercevoir ,
& prendre des mesures pour s'en garantir.
Dixmois d'expérience qui viennent de
s'écouler , font les annales léternelles de
tous les pouvoirs exécutifs qui feront con
fiés à des Rois. 9) xush 24.19vb .
Il faut donc chercher dans le gouvernement
une autre action qui hui en affure
Refficacité , fans expofer la liberté publique
andds dangers auffi graves, La Convention
Nationale chercheraj & trouvera fans doute
cette jufte mesure de mouvement qui exige
toute la matusité de la réflexion ; car fos
( 357 )
erreurs en ce genre prépareroient au gouvernement
des feconfies dost la durés fe,
roit incalculable. Que la Convention donne
donc à cette difcuffion toute l'étendue
qu'exige fon importance. Qu'elle s'environne
des lumières des Ecrivains qui ont
médité fur ces grands objets politiques ,
qu'elle affure la liberté de la preffe , en
la purgeant de toutes les calomnies & des
immondices dont la fouillent tant de per
turbateurs à la journée. C'eft lorsqu'on
va conftruire un édifice deftiné à l'orne
ment des fiècles , qu'il faut examiner les
plans de tous les architectes ; des Michel-
Ange fortent fouvent du fein de l'obfcu
rite ; & nous auffi nous apporterons le
tribut de nos foibles efquiffes.
D !
C'eft en s'élevant à la hauteur de fon
caractère que la Convention fera refpecter
ja nepuunque. Iffent te ere ,la Léiflature
avoit faiffé prendre aux Tribunes une
influence trop peu conforme à fa dignité.
Cette indulgence ne fert pas le Peuple qui
a befoin de bonnes Loix , mais elle fert
merveilleufement les agitateurs du Peuple
qui le font agir fouvent contre fes intérêts.
Jamais les malveillans n'ont tant abufé du
mot Peuple , que dans cette Révolution.
Le Peuple eft tout dans la République ;
il eft la collection de tous les individus.
Mais il n'exerce la fouveraineté que dans
les Affemblées primaires , ou par l'organe
( 258 )
de fes Repréfentans. Il feroit auffi ridicule
de dire que le Peuple de Paris réfide dans
quelques groupes épars fur la terraffe des
Feuillans , que de prétendre que le Peuple
de Paris eft celui de toute la France. Quand
eft- ce que nous nous formerons une idée
jufte & des mots , & des chofes ?
A
Depuis le Décret de sûreté générale rendu
par la Légiflature , & auquel la Convention
Nationale eft déterminée d'ajouter de
nouvelles mefures , les agitateurs ont moins
de fuccès dans la Capitale. Les murs ne
font plus tapiffés d'autant d'affiches de
toutes les couleurs & de toutes les mefures.
Celles qui fe font fait le plus diftinguer
étoient fignées Marat , qui , à force de fe
dire l'Ami du Peuple , étoit parvenu à le
faire croire , jufqu'à ce que le Peuple ait
appris à reconnoître à d'autres titres fes
véritables amis. Son opiniâtreté à dénoncer
Jérome Pétion n'a pas peu contribué à
deffiller les yeux les moins clairvoyans. Il
eft vrai que le reproche qu'il lui a fait
n'eft pas fort grave , c'eft d'être frife ,
comme l'étoit Mirabeau . Pendant longtemps
les Janféniftes ont cru que la mo
rale févère confiftoit à porter les cheveux
plats. Les véritables Patriotes portent la
livrée de la liberté dans le coeur.
Le même afficheur qui , à fon tour , a
été très- affiché , a dénoncé également tous
( 259 )
les Miniftres comme des traîtres , hormis
le Citoyen Danion. Il faut que 'celui- ci ne
fe foit point fenti honoré d'une telle exception
, car , dans la Convention , il s'eft
élevé fortement contre les agitateurs , &
fur-tout contre tout Dictateur , Triumvirs
ou Décemvirs dont Marat provoquoit
l'établiſſement .
Quoi qu'il en foit de ces ridicules motions
de nos Républicains modernes qui
conviennent fi peu à la République , le
ca'me commence à renaître dans la Capitale.
Les Citoyens plus tranquilles ne
sempreffent plus de s'exiler. On s'occupe
dans les fections de renouveller le confeil
de la commune.
Sur un réquifitoire de la commune , il a
été arrêté que MM. Goret , Gaudichon ,
Duchefne & Boula remplaceront , au comité
de furveillance , les 4 membres qui y
avoient été introduits par M. Panis , &
qui n'avoient pas été nommés par
le peuple
; ils font adjoints aux quatre anciens
membres de ce comité .
Les Bataillons & la Gendarmerie de Paris
continuent toujours à fe rendre aux différentes
armées. Depuis le 12 , les Commiffaires
de la direction des poudres ont envoyé
à l'armée Dumourier & Kellermann
plus de 300 mille cartouches . Chaque femaine
, il en partira à - peu - près autant. Les
བ་
僵
( 260 )
travaux du camp fous Paris ne fe font pas
avec autant d'activité qu'on le defreroit ;
plus de 300 canons de tout calibre font
déjà arrivés & 4000 hommes ont com
mencé à camper à la plaine de Clichy.
La proclamation du décret de la Convention
qui abolit la Royauté , s'elt faite dans
la capitale avec beaucoup de folemnité .
Des Commiffaires de la Commune ont été
chargés d'inftruire Louis XVI de la teneur
de ce décrer.
La loi du divorce a déjà été miſe à
exécution. Le Juge de Paix de la Section
de 1792 a légalife la féparation convenue
entre deux époux pour cause d'incompatibie
lité d'humeur ; ils font convenus de partager
leurs biens par moitié , ils n'avoient point
d'Enfans
Pendant que les agitateurs & les brigands
fe croyoient tout permis , quelques
fcélérats fe font répandus dans les rues &
dans les marchés de la Capitale. Ils arrachoient
aux femmes leurs boucles d'oreille,
leur croix & autres bijoux , fous prétexte
qu'il falloit en faire un don à la patrie. I's
forcèrent les hommes à donner leurs boucles
de fouliers. Plufieurs même étoient revêtus
de ruban tricolore , & pefoient dans des
balances les bijoux qu'ils efcroquoient pour
( 261 )
donner à leur brigandage une forte d'appareil
patriotique & légal . Quelques uns ont
été à l'inftant , maffacrés par le peuple , &
d'autres ont été arrêtés .
4
Peu de jours après un vol d'une autre
importance a été commis . D'autres Brigands
s'étoient introduits pendant la nuit
dans le Garde-meuble National ; ils étoient
montés par les cordes des réverbères qui
tiennent à la colonnade de la place Louis
XV , & de- là avoient enfoncé les fenêtres
. Ils ont volé les bijoux & les diamans
les plus précieux , parmi lesquels on compte
le regent , le fancy & les hochets du Dau
phin. On a fu qu'il y avoit , depuis plufieurs
jours , de faulles patrouilles ; qu'on avoit
négligé de donner le mot d'ordre , & que ,
dans cette nuit , les poftes les plus voifins
étoient mal garnis , celui du Garde meuble
s'étoit enfermé dans l'intérieur . Une ра-
trouille peu nombreuse , dans laquelle étoit
M. Camus , ayant entendu du bruit , a
averti le pofte du Garde meuble. Les voleurs
qui paroiffent avoir été très nombreux
fe font enfui , à l'exception de trois qui
ont été arrêtés . A l'inftant la commune a
fait fermer les barrières , & on a fouillé
très fcrupuleulement toutes les voitures.
Plus de 30 perfonnes préfumées complices ,
ont été arrêtées , & plufieurs diamans précieux
retrouvés. Le Miniftre de l'intérieur
s'étoit plaint à l'Affemblée que ce voltenoit
-
··262 )
à un plan plus important qu'on ne penſoit. Deux de ces voleurs viennent d'être condamnés
à mort . Ils n'avoient voulu rien
révéler durant l'inftruction , mais , après
avoir entendu leur fentence , ils ont promis
de tout avouer , fi on leur accordoit leur
grace. Ils ont déclaré avoir enfoui des
diamans dans une des allées des Champs-
Elifées . On les y a conduits & le fait s'eft
vérifié. Des perfonnes qu'on appelloit autrefois
de confidération , ont été défignées
& arrêtées ; on a furfis à l'exécution des
condamnés , & l'on efpère tenir le fil de
cette trame de brigandages .
La contagion des exécutions populaires
s'eft communiquée
dans plufieurs Départemens.
Les Prifonniers d'Orléans qui
avoient été transférés à Versailles y ont
été maffacrés par le Peuple à l'exception
de trois. A Lyon , le Peuple ou plutôt fes
inftigateurs , le font portés à Pierre- en-
Cife & dans les différentes prifons de la
Ville , y ont immolé le plus grand nombre
des prifonniers. De nouveaux troubles ſe font encore fentir dans cette contrée . Le
Peuple y a taxé les denrées à un prix fort
inférieur . Les Officiers Municipaux fe font
conduits avec un courage qui honore leur
humanité. Ils ont expofé leur vie pour
épargner au Peuple ce meurtre illégal.
Il n'eft que trop vrai que M. Larochefou1263
)
cault a péri miférablement à Giſors. Les
habitans & la Municipalité ont employé
tous leurs efforts pour arracher ce Citoyen
des mains d'un Bataillon de Volontaires qui
venoit d'arriver , & dont le zèle égaré a
cru immoler un ennemi de la liberté , en
égorgeant celui qui l'avoit défendue même
fous l'ancien régime.
Nouvelles de nos Armées.
Armée du Nord. Les Autrichiens continuent
toujours à ravager cette partie des frontières .
On s'occupe férieufement à la purger des brigands
qui l'infeftent. Les villes de Lille , Douai ,
Valenciennes , Lequesnoy , Maubeuge , &c . ont
reçu des renforts confidérables . Quelques lettres
de Lille , du 20 de ce mois , annoncent que
le Maréchal de camp de Houx , s'eft mis en
marche , à la tête de 12 mille hommes , pouz
faire le fiège d'Ypres.
Armées du Centre. La jonction des trois armées
commandées par M. Kellermann , Dumourier
& Beurnonville , s'eft opérée le 19 , près de St.
Menehould. Elles préfentent actuellement un front
de 70 mille hommes , dont plus de 12 mille
de cavalerie . Le Général Dumourier a fait juſtice
des fuyards & des déforganiſateurs qui
avoient crié A la trahifon & fauve qui peut,
L'armée , elle- même , a demandé la punition
des lâches & des traîtres. Quarante Huffards
du 2. régiment , ci -devant Chamborant , dont
le Général étoit inquiet , font rentrés , amenant
chacun un cheval pris fur l'ennemi . L'avant(
264 )
garde de M. Duval a pris , d'un coup de filer ,
un Lieutenant & 20 Huffards Pruffiens du régiment
de Koenter.
Le 20 , la colonne de M. Kellermann a été
attaquée par les Pruffiens. Il s'eft engagé une
très-vive canonnade dont voici les détails :
Lettre du Général Kellermann au Ministre de la
Guerre.
Du Quartier- Général de Dampierre-fur-
Ouvres, le 21 Septembre , à 9 heures du
foir.
R
Je m'empreffe , Monfieur , de vous inftruire
de la journée d'hier. Les ennemis ont attaqué ,
dès la pointe du jour , M. Defprez de Craffier
qui commandoit mon avant- garde ; il s'eft replié
fur moi , en ſe défendant avec valeur & intelligence.
Les ennemis , en très- grand nombre ,
ont marché fur plufieurs colonnes . M. de Vat
lence , à la tête des Grenadiers & des Carabi
niers , les a contenus long- temps fur une haue
teur en avant de celle où je formai mes troupes .
Ne pouvant que difficilement pénétrer , ils ont
prolongé leurs troupes par ma droite , Yous la
protection d'une immenfe artillerie . Je me fuis
alors rangé en bataille ; & quelque défagréable
que fût la pofition que j'avois prife , étant loin
de croire qu'une auffi grande partie de leur armée
cût paffé par la trouée de Grand - Pré , je lui
ai préſenté le combat depuis fept heures du matin
jufqu'à fept heures du foir ; ils n'ont jamais ofé
m'attaquer , malgré la bien grande différence du
nombre , & la journée, s'eft paffée en une cal
nonade
( 265 )..
monaade de 14 heures de très- près , & qui nous
a coûté beaucoup de braves gens . On dit que les
les M
ennemis ont prodigieufement perdu , & fur-tout
de leur Cavalerie & de leur Artillerie.
1
Les troupes commandées par M. Hemget
Maréchal- de- Camp, que M. Dumourier avoit envoyées
, ainfi que M. Chazot , Lieutenant - Co
lonel , pour renforcer mon armée , fe font brillamment
conduites , & ont fait environ so Prifonniers.
>>
J'ai gardé ma pofition jufqu'à dix heures
du foir , & j'ai alors pris un autre camp fur la
droite des ennemis , qui m'ont laiff faire mon mouvement
, quoiqu'il n'ait été fiai que ce mating fans
m'attaquer. »
« Je ne puis rendre affez de juftice à la va
leur & zu zèle des Officiers-Généraux fupérieurs
& particuliers , & à la conduite des troupes . Je
les ai vues perdre des rangs entiers par Texplofion
de trois caiffons incendiés par des obus
fans fourciller , ni déranger leur alignement. Une
partie de la Cavalerie , & fur- tout les Cara-,
biniers , ont été fouvent expofés à un feu trèsmeurtrier
; ils ont été des modèles de courage.
& de tranquilité. J'avois espéré que la Cayalerie
ennemie engageroit le combat , & la mieane
étoit difpofée de manière à devoir efpérer da
fuccès . M. Defferaremme , Maréchal de Camp
d'Artillerie , a eu , ainfi que moi , un cheval fortement
bleffé d'un coup de canon ; & parmi nos
Camarades que nous regrettons , fe trouve M.
Lormier, Lieutenant- Colonel , commandant un
Batailion de Grenadiers - Volontaires , Officis dif
tingué de toures manières . »
сс
Embarraffé du choix , je ne citerai , parmi
No. 39. 29 Septembre 1792 .
M
1
( 266 -) -
ceux qui ont montré un grand courage , que
M. de Chartres & fon Aide- de- camp , & M.
de Montpenfier , dont l'extrême jeuneffe rend le
fang- froid , à un des feux les plus foutenus
qu'on puiffe voir , extrêmement remarquable . ';
ce La Nation Franço fe , après ce que j'ai vu
hier, peut être sû e que les foldats les plus
aguerris ne doivent pas l'emporter far ceux qui
fe font confacrés à la défente de la liberté ; i s
ont montré que leur confiance en leurs Généraux
étoit entière , par la maniére dont ils reftoient
à des poftes péri leux . M. Dumourier eft
venu paffer plufieurs heures avec moi aux batteries
, & m'auroit amené toute fon armée s'il
n'avoit craint d'être attaqué lui- même , il m'a
envoyé plus de troupes que je n'aurois dû en
efpérer dans fa pofition , & je ne puis affez
me louer de fa conduite avec moi. »
сс Ma perte fe porte à environ 250 , tant
tués que bleffés. Je ne dois pas vous laiffer
ignorer non plus que MM. Fabrefon , Auftace
& mon aide- de-camp Lajolet , fe fost conduits
de la manière la plus diftinguée dans l'affaite
d'hier. »
« Je vous enverrai par la prochaine occafion
des pauvres venves que je vous prierai derecommander
au corps législatif , pour leur faireobtenir
des fecours. »
Le Gécéral en Chef de l'Armée du Centre.
Signé , KELLERMANN .
La trouée qu'a fait l'ennemi par Grandpré ,
ne paroît pas lui être fort avantageufe . Des dé--
pêches du Général Kellermann du 23 , an- :
concent que les Puffiens n'ont pas ofé attaquer ,
- 1 267 )
& le Général Dumourier écrit qu'il étoit rou
jours content de fa fituation ; que les ennemis
font dans la plus grande détreffe , qu'i's meurent
de faim eux & leurs chevaux , & ne peuvent
tenir plus de deux ou trois jours. Ce Général
a crudevoir donner des ordres pour la levée
du camp de Châlons , qu'il deftine à quelque
opération , on pide of pig pa
Thionville. Des renforts ont été jettés dans
cette place , tant infanterie que cavalerie . Le
Général Félix Wimpfen continue à faire la plus
meurtrière & la plus glorieuſe défenſe. L'ennemi
n'a pas encore entrepris d'ouvrir la tranchée devant
cette place. Le Général le barcele par des
forties fréquentes & vigoureuſes.
Armée du Midi. Des dépêches officielles
noncent que M. Montefquiou eft entré le 19 en
Savoie avec une armée de p mille hommes.
La Convention Nationale a nominée MM. Gafparin
, Lacombe Saint Michel & Dubois de
Crance , trois de fes Membres , pour fe rendre
dans cette armée & y ſurveiller les opérations
militaires. On préfume que l'on fera entré également
du côté du Var.
SUEDE.
La Proclantation du Duc Régent , pour
fe faire pardonner fa clémence envers les
complices & Ankaftroëm , a eu l'effet qu'elle
devoit produire , le Peuple a abjuré fes
erreurs & les rigueurs , il a applaudi enfin
M 2₁
( 268 )
à l'humanité éclairée du Régent. Les Dalécarliens
, ces Peuples prefque entièrement
fauvages , qui fe nourrige entièrement
en grande
partie d'écorce d'arbre , qui vivent enfevelis
dans les mines de cuivre , & à qui par
conféquent l'exiftence des Rois devroit
être fi indifférente, ont été de tous les Sué
dois ceux qui ont donné le plus de regrets
à la mort de Gustave III ils étoient ceux
quis demandoient le plus hautement des
punitions terribles : on eft parvenu à les
calmer comme les autres. Cet amour pour a
leurs Rois n'eft pas chez ces Peuples une
fuperftition politique ils n'ont pas , àlicetmot
égard , plus de fuperftition que de principes.
Mais ces hommes fauvages font très fen- o
fibles : avec quelques paroles touchantes il
a toujours été facile aux Rois de Suède de
s'en faire adorer ; & on fait qu'aucun Prince
n'a eu plus que Gustave III l'hypocrifie de
la fenfibilité.
L'adminiftration du Duc-Régent s'exerce
toujours fur le même efprit, c'eft-à-dire fur un
efprit entièrement oppofé à celui du feu
Roi. Le Baron d'Oxenstiern , que Guftave
avoit envoyé auprès des Princes émigrés
en qualité d'Envoyé, comme fi ces Princes
étoient une Puiffance , a été rappellé , &
la Suède ne conferve plus aucune efpèce
de liaiſon avec des François rebelles. On
a appris en revanche à Stockholm , que
aut
Cert
we samlul sin est 1269 ) 2
l'ancien Gouverneur de cette ville , le Général
Baron d'Armfeld , s'eft chargé d'un
commandement dans l'armée des Emigrés.
Le Duc Régent de Suède , ou du moins
P'un de fes Miniftres le Chancelier d'Etat
aseulcependant un moment de complaiinfance
pour cette haine implacable que les
Puiffances de l'Europe ont vouée à la révolution
françoife . Un Journaliſte Suédois
lavoit traduit l'adreffe au Duc de Brunfswick,
traduite dans les Papiers Anglois ,
sidans tous les Papiers de l'Europe. Les Miniftres
d'Autriche & de Pruffe en ont desimandé
vengeance , comme d'une injure
faite à leur Souverain . Le Chancelier d'Etat
-a appellé le. Journaliste , ils ont caufé enfemble
, & cela s'eft appellé une femonce.
Les Puillances de l'Europe font bien inſenfées
de croire qu'elles pourront triompher
de cette Puiflance qui s'eft élevée par tout
à côté d'elles, & contre elles ; de l'Imprimerie
. Jamais les Ariftogitons & les HarmodiùsyalesBrutus
, les Hamden & les
Sydnei n'ont fait tant de mal aux tyrans que
l'ouvrier presque inconnu qui a été l'inventeur
de l'Imprimerie , que Guthemberg.
F On fait avec quelle rigueur de principes
républicains les Auteurs de la Conftitution
de la Suède avoient réglé tous les détails
de l'éducation de l'Héritiers du trône il
fuffi au Régent de rétablir dans toute
n'a
pas
M 3
( 270 )
feur force ces principes que l'ufurpateur
Gustave avoit eu trop d'intérêt de faire.
oublier , quoiqu'il leur dût tous les ralens
dont il a fait un fi mauvais ufage: le Régent
a voulu encore que le jeune Roi réçût l'éducation
commune que des Suédois reçoivent
à Upfal : il vent que, confondu avec
tous les enfans il fentel qu'il eftoun enfant
comme eux , pour prendre l'habitude de
reconnoître fes égaux dans les hommes fur
lefquels il ne règnera pas , mais fur lesquels
il fera règner les lois. La mort de fon père
& l'adminiftration de fon oncle feront de
grandes leçons pour ce jeune Prince.
T
Le Régent a réuni les Départemens de
commerce & des finances , qui en effet ont
de grands rapports enfemble , & il a organife
le Département unique qu'il en a fait ,
comme il l'étoit avant la révolution de
$774.
DANEMARCK.
Jufqu'à préfent ce royaume avoit eu la
prudence de né prendre aucune couleur dans
Ja révolution françoife. Son Gouvernement
vient de faire un acte qui pourroit l'expofer
à fortir de cette fage neutralité . Il a
fignifié au Miniftre de France, que depuis
les événemens du ro Août il ne peut plus
reconnoître en lui le caractère d'un En(
(-27 )
voyé. Il cft vrai que ce Miniftre lui- même ,
que M. de Vibraye s'étoit dépouillé de ce
Caractère , & qu'il avoit écrit au Cabinet
de Copenhague que Louis XVI étant prifonnier
, & ayant prêté fon ferment à la
Nation , à la Loi et au Roi , il ne fe regardoit
plus comme chargé des affaires de
France. C'eſt àpeu près comme fi M, Vibraye
eût cu qu'il n'y a plus de France
parce que la France n'a plus de Roi . Voila
pourtant l'effet d'un ferment fi abfurdement
libellé ! Ne diroit- on pas que la Nation ,
la Loi & le Roi étoient trois Puiflances
diftinctes & différentes ? Tandis que la Loi
n'eft que la volonté de la Nation , & qu'un
Roi , lorfqu'il y en a , ne doit en être que
le Miniftre & le Serviteur.
23
Le Prince Royal a exécuté en partie un
plan étendu de réformes très - importantes
dans la marine & dans l'armée de terré.
Six vaiffeaux de ligne Ruffes & trois frégates
fe font quelque temps arrêtés dans
cette rade. Deux frégates ont fait voile
pour la Baltique . On a préfumé que cas
vaiffeaux Ruffes étoient deftinés à fe réunir
à ceux que Gustave devoit aimer contre
France. On peut préfumer auffi que beau
coup de Delpotes mourront ou périront
comme Guftave III avant que la liberté
de la France périfle.
<
M 4
( 272 )
1
APOLOGNE.
"
Les nouvelles de ce pays continuent à
être du plus grand intérêt pour tous les
amis de l'humanité. On y voit le fentiment
de la liberté furvivre à fa perte &
le defectifine Ruffe dévoiler festerreurs
& fa
foibleffe par les foins même qu'il
prend à appefantir fa puiffance.
39 Lá Confédération générale de Pologne ,
unle aujourd'hui à celle de Lithuanie
continue fous la protection des foldats
Rules à renverfer toutes les inftitutions
créées par la révolution du 3 Mai ' , à écarter
des affaires tous ceux qui s'étoient dévoués
à la liberté de leur patrie , à recevoir , c'eftà
- dire , à forcer les adhéfiens de tous les
Falatinats à la contre-révolution ,, à faire
prêter , à tous les Polonois , le ferment de
refpecter leur efclavage & de ne jamais ten-
-ter de brifer leurs chaînes . Ce font des
Officiers Ruffes qui vont commander les
armées de la Pologne ce font des Cofaques
formant le cortége ou la Garde du
Général Rulle Kochowski qui font la police ,
Varfovie , qui arrêtent les paffans , qui
fouillent les voitures & qui les volent
pour les garantir de n'être pas volés par
d'autres nul Polonois ne peut plus voya- .
ger fans un paffe port figne du Miniflre de
16
•
ཏཾ
( 273 )
Ruffie . Tous ceux qui ont combattu avec
gloire pour la liberté & qui auroient voulu
mourir pour elle, le Maréchal Malachowski,
le Prince Jofeph Poniatowski fort cités devant
des Tribunaux , créés par la confédération
générale , & où il n'y aura d'autres
Loix que les reffentimens & les vengeances
de Catherine II , enfin , à mefure que le
monient où la Diète fera fon ouverture
s'avance, les troupes Ruffes fe multiplient ;
& c'eft au milieu des bayonnettes de cette
foldatefque du Nord, que Catherine prétend
faire émettre la libre volonté de la
REPUBLIQUE de Pologne : & Staniflås-
Augufte , le
prétendu
Roi de cette prétendue
République confent à vivre fur un Trône entouré
de tant d'outrages , fur un Trône qui eft
comme une espèce de fellette ou fa honte eft
expofée aux regards de toute l'Europe ! On
lui a dicté l'acte de fa foumiffion & de fon
éternel aviliffement dans les termes les plus
abjects, & il la figne comme on le lui a préfenté.
Nous allons copier ici cet A&te ;
il faut des monumens authentiques pour
croire à tant d'orgueil d'une
d'abaiffement de l'autre .
part ,
à tant
Afle d'acceffion du Roi de Pologne à la
Confédération générale. sb
29!
« Stanislas - Augufte , par la de
grace
MS
» Dieu & la volonté nationale , Roi de Dieu & la vol 274 )
» Pologne , &c. & c. & c. »
€
•
« Confidérant comme le moyen le plus.
» certain d'affurer l'intégrité du Royaume
» & le fort de la République dans notre
» jonction & acceffion à l'acte de la confé-
» dération générale de Targowice SANC
» TIONNÉ par la puiffance & l'intervention
» de S. M. I'Impératrice de toutes les
» Ruffies ; SOUMIS aux Confeils de cette
» SOUVERAINE ; conduits en même temps.
» par notre follicitude paternelle à diriger
» dans toutes les circonftances , nos foins
» vers le plus grand bien du pays ; nous
» accédons par la préfente déclaration ,
» conjointement avec l'armée de la Ré-
» publique à l'oeuvre ci - deffus mentionné
» de la Confédération. Fait à Varfovie ,
» le 24 Juillet 1792 , Stanislas Augufte.
"
Si on n'apprenoit pas d'autres faits de ce
pays fi malheureux , on croiroit la Pologne
non feulement vaincue , mais foumife
mais avilie , mais façonnée à jamais au joug
d'un peuple barbare & d'une femme à laquelle
aucun genre de crimes n'est étranger.
Mais on écrit en niême temps de
la Pologne que le plus grand nombre
des Officiers de l'armée donnent leur démiffion
quelque danger qu'il y ait pour
eux à ne vouloir pas être les inftrumens de
la tyrannie ; ils aiment mieux en être les
-
2751
victimes , s'il le faut. Il a paru & il s'eft répandu
dans Varfovie & dans toute la Pologne
une adreffe , des adieux du Prince
Jofeph Poniatowski , à fon armée ; & fes
adieux du Général aux Soldats de la révolution
qui refpirent l'amour des Loix pour
lefquelles ils ne peuvent plus combattre en ce
moment , annoncent que ces loix pourront
renaître encore. li paroît en même
temps des copies impriniées de lettres
écrites par ce Général à Staniflas -Augufte,
& on y voit que ce n'eft pas comme le
dit ce fantôme de Roi , conjointement avec
l'armée , qu'il a paffé l'acte de fa foumiffion
; le Général n'a épargné aucune
vérité au Roi , & il ne lui en a adouci
aucune ; car adoucir de telles vérités ce
ferit les trahir. On écrit de la Pologne
que les Diétines , quoique tenues fous les
yeux des Ruffes ont été prefque toutes
tres- orageules & qu'on y a entendu encore
les mâles accens de ces Sarmates qui préfé
roient une liberté orageufe à une tranquille
fervitude ; que dans les rues de
Varlovie il y a fréquemment des combats
entre les Ruffes & ies Polonois ; que les
Cofaques , lorfqu'ils en faifoient la police ,
ont été plufieurs fois raillés , infultés , attaqués
; que dans les femmes même & de
la claffe la plus avilie , dans les filles publiques
, l'horreur des Defpotes & de leurs
M 6
( 376 )
Satellites eft indestructible. Qu'elles ont
juré de ne jamais accorder à des Ruffes
des faveurs qu'elles offrent à tout le monde,
& que l'une d'elles , comme une Judith ,
Pun coup de hache a coupé la tête à un
Cofaque. La Ruffie & la Pruffe autont
beau renouveller & refferrer leur alliance ,
elles auront beau tout abattre un inftant
devant leurs armées combinées , des peu
ples que dans leur défaite même , confervent
de tels fentimens ne peuvent pas
être long- temps efclaves..
4
VIENNE.
累
La guerre contre la France eft depuis,
long temps la feule affaire qui occupe
beaucoup l'Empereur , fes Miniftres & les
Peuples foumis à la maifon d'Autriche. On ,
travaille nuit & jour dans les arfénaux..
67,000 fufils ont été fabriqués avec la
feule deftination de les donner aux Fran
çois qui pafferont du côté des Princes
émigrés & des ennemis de la France : il ,
eft probable qu'on a quelques regrets aux.
dépenfes de cette fabrication depuis la
journée du 10, - Le nouveau Chancelier
de l'Etat , le Comte de Colentzel , en an- ,
nonçant aux Miniftres des Affaires Etrangères
, que, déformais , c'eſt à lui qu'ils
devront s'adreffer pour les affaires de leurs
( 277 )
Cours , a invité toutes les Puiffances , dans
une Note remise à leurs Miniftres à fe
joindre aux Princes ligués contre la France
pour étouffer chez tous les Peuples les
principes & le fanatifme de liberté qui fe
répandent chez tous , & pour fecourif
T'Allemagne dans les dangers dont la France
la menace . Cette Note eft curieufe & importante
à beaucoup d'égards. M. de Cobenzel
eft naïf pour un Miniftre. Celui- là
avoue au moins que l'objet des Puiffances
liguées eft d'étouffer la liberté chez tous
les Peuples. Il n'y a plus de naïveté , il
eft vrai , à dire que l'Empire d'Allemagnet
doit être fecouru contre la France , tandis
qu'il eft notoire pour tout l'Univers que c'eft !
cet Empire qui veut tomber de tout fon
poids fur la France ; mais cela fait voir,
combien avec de la puiffance , il eft pof-s
fible d'avoir de l'audace dans la faufleté ;
& cela même eft curieux , quoique cela
ne foit pas rare . ༞ ་ I
Le Peuple de , Vienne attend avec im - 1
patience le Conclufum de la Diète fur le
Décret de Commiflion Impériale : mais les i
gens un peu inftruits des farces politiques :
qui fe jouent avec tante de majesté entre
les Puiffances rient de cette impatience du
Peuple. Il eft risible en effet d'attendre un
Conclufum fur ce qui non feulement eſt conclu
mais qui fe fait depuis longtemps. !
( 278 )
Car il y a long- temps que tous les Princes
de l'Empire grands & petits font autant
de mal qu'ils le peuvent à la France. La
Diète de Ratisbonne n'eft guère qu'un
arrière -Cabinet du Cabinet de Vienne ;
& les véritables Conclufum fe prennent à
Vienne & à Berlin.
LONDRES
Cette ville fe remplit tous les jours d'Emigrés
François les uns fatigués des tempêtes
de la Révolution , qu'ils n'ont plus
le courage ou la force de fupporter , y
cherchent fimplement le repos & la paix ;
les autres viennent y chercher la guerre
contre leur Patrie : ils ne lui trouvent pas
encore affez d'ennemis.. Il leur feroit
agréable que l'Angleterre nous attaquât
avec les Battes , tandis que tout le refte de
l'Europe nous auaqueroit avec des armées .
Pour y parvenir , ce n'eft pas auprès de
la Cour qu'ils intriguent ; la Cour intrigue
plutôi avec eux auprès du Peuple pour
le faire entrer dans ce projet. Le grand
moyen qu'ils emploient , c'eſt d'acculer les
François , non feulement de tous les crimes
qui le peuvent commettre , mais de tous
ceux qui fe peuvent imaginer. Depuis
quelque temps , pour remuer les Anglois
par des intérêts plus perfonnels , ils fup(
279 )
a
C
polent au Peuple de Paris tantôt des torts ,
tantôt des attentats contre les Anglois euxmêmes.
Ils ont dit d'abord qu'on profeffe
à Paris un grand mépris pour la "Liberté
& pour la Conftitution Britanniques ; &
tout le monde fait que nulle part en Europet
cette Liberté & cette Conftitution n'ont
reçu plus d'éloges , & que le tort des Francois
, à cet égard, confifte હàૈ defirer que la
Conftitution des Anglois foit plus parfaite ,
& leur liberté plus étendue is ont dit
enfuite que les jours de l'Ambaffadeur
d'Angleterre ont couru les plus grands dan ,
gers à Paris ; & par malheur pour eux cet
Ambaffadeur , Milord Gower , eft arrivé en
parfaite fanté en Angleterre , ils difent enfin,
& ceci eft leur grande reffource , que tous
les Anglois qui le trouvent en ce moment
en France doivent y être égorgés à unjour
convenu & fixé ; & ce qui eft vrai , c'eft
qu'une multitude d'Anglois , témoins de
ce qui fe paffe en France , offrent à l'Af
femblée Nationale leurs voeux , leur argent
& leurs bras ; & ce qui eft vrai
c'eft qu'un Anglois , dont le nom doit être
cher à tous ceux pour qui les droits ,
la liberté & le bonheur du genre humain :
font quelque chofe , le Docteur Priestley
vient d'être appellé par la Nation Françoile
parmi ceux qu'elle a choifis pour les Lé
giflateurs. Les Papiers Anglois , vendus ..C.
A
( 280 )
3
ne
prefque tous à la Cour , ne recueillent pas
feulement ces énormes abfurdités , ils en
inventent de plus énormes encore Ceft
le feul talent qu'on leur reconnoiffe ; c'eſt
même le feul auquel ils prétendent. Il
faut pas croire qu'ils loient payés par les
Miniftres ; des hommes fi vils ne peuvent
l'être que par une Cour , que par des
Princes , par des Rois , & en Angleterre
les Miniftres , lors même qu'ils font cor
rompus & corrupteurs , ne confentent pas
à partager l'ignominie de tous les vices qui
trones. Si on s'en rapportoit
aux Feuilliftes Anglois , la grande
Bretagne feroit au moment d'entrer dans la
ligue des tyrans mais voici une lettre
écrite de Londres par un Juge plus éclairé
& plus impartial des difpofitions actuelles
de l'Angleterre.
java 38 interdis
l'Angleterre.gung
font le cortégé des delto
t
213
A melure que les évènemens du 10s Anŭto
font mieux connus ici , la prévention s'affoiblit.
Il a fallu mêm: qu'ils aientSuétpéportés avec }
une malice profonde , pour avoir d'abord frappé
auffi défavorablement qu'ils l'ont fait ; car les
mefures hardies & les partis décififs ne peuvent
déplaire au génie Anglois. Il feroit donc important
d'envoyer ici le procès verbal authen
tique de tous les évènemens de cette journée
men able , & de l'y répandre avec profufion ,
Le Peuple Frar cos ne craint pas la vérités qu'il la
dife au Peuple Anglois qui la defi e. Sugimmey
un devoir pour les Repréfentans de la Nation
St
>
281
enten-
Françoite , d'envoyer chez l'Erranger les pièces
qui conftetent la perfidie du Roi & de tout le
cortege de l'ancien Pouvoir Exécutif. Si le procès
eft jugé en France , il ne l'eft pas chez les Nations
Etrangères , ou réceflairement il doit l'être ,
foit par Pinftruction , foit par les armes. Nous
fommes armés contre les Cours , mais
dons -nous avec les Peuples. Les difpofitions de
Peuple Anglois pour la France font affez favorables
, fi l'on longe aux calomnies fans nombre
A qu'une foule de François Emigrés répandent ici
depuis deux ans. Cleit dieux qu'eft venue l'opinion
que l'on penfoit férieufement en France à
offir la Couronne au Duc de Brunswick ,, &
que la régociation étoit commencée. C'eft encore
cux qui ont fait préfent au Duc d'York
d'un femblable avènement à la même Couronne
* de France . Quant ce dernier , la Nation Agloife
sen a ( ufe idée telle qu'effrayée de la
mauvaife lapté du Prince de Galles
ellefedoute
le moment eu le Duc d' Yarck, deviend a
Roi ; les Anglais ne font donc point aux , François
l'injure de croire qu'ils aient jetté les yeux
fur un pareil homme , même dans le temps quis
vouloient bien encore d'un Monarque. D'ailles
on connoît déjà à Londres la ferme détermination
de la France al n'entendre à aucune compoſition ? a
ne recevoir aucune Loi de l'Etrangersɔomino9
.
dy s'ha eston à dos ; so sa lî'rg
On écrit de Londres que l'un des Citoyens
de cette Ville les mieux inftruits des
difpofitions du Cabinet Britannique , a
afluré que ce Cabinet ne fe déciarercit
contre la France que dans un feul cas ,
( 282 )
1.5
༥
celui où on attenteroit aux jours du Roi
& de la Reine. Si cet Anglois avoit été
auffi bien inftruit de ce qui fe paffe à Paris
que de ce qui fe paffe à Londres , il auroit
fu que tout ce qu'il y a dans Paris de
gardiens vigilans de la chofe publique ,
veillent fur les jours de Louis XVI &
d'Antoinette d'Autriche.Le Peuple qu'ils ont
voulu livrer aux glaives des ennemis n'imiintera
pas , à leur égard au moins , les fureurs
dont ils lui ont donné l'exemple.
Leur fort fera prononcé par la clémence
de la Nation ou par fa juftice ; & les
Anglois qui ont affez bien connu les principes
& les bornes des autorités fociales
feroient fans doute embarraffés de dire
quel droit d'infpection la juftice d'une
- Nation peut avoir fur la juftice d'une
autre Nation. Si les Anglois étoient en-
-traînés à une guerre contre la France par
leur Roi , ils le feroient certainement contre
leur confcience trop éclairée pour ne pas
voir combien une telle guerre feroit inique
; ils le feroient contre l'intérêt de leur
commerce quis gagne plus à nos troubles
qu'il ne gagneroit à notre afferviffment ,
contre l'intérêt de leur liberté qui feroit.
bientôt menacée fi les Defpotes coalifés de
l'Europe remportoient un fi grand triomphe.
Voilà une épreuve cù on attend les
Anglois pour juger enfin définitivement
283 )
de ce qu'il faut penfer de , ce grand caractère
national tant célébré par les François
fur-tout.
2
31
200 S'il faut en croire des lettres de Weimouth
, cette attente ne fera pas longue ;
M. Pitt , le Duc de Richemont & plufieurs
autres Membres du Gouvernement doivent
syraffembler inceffamment pour conférer
fur les affaires de France & prendre une
xdemière séfolution . La meilleure de toutes
2 pour toute l'Europe feroit de faire interevenir
la médiation de l'Angleterre dans ces
* fanglantes querelles pour les faire terminer
atilement pour la liberté de la France &
s du genre humain. On écrit à Vienne que
déjà le Gouvernement Britannique a fait
des mouvemens pour engager les parties
belligérantes à dépofer les armes. Si M.
Pitt le veut , ille peut; & s'il le fait , la
gloire la plus éclatante & la plus douce
qu'un Miniftre ait jamais pu obtenir , lui
eft réfervée.
bin
Philadelphie le 24 Juillet.
Les Anglois ne peuvent être attachés
Theliver
au fuccès de la Révolution Françoiſe que
par leurs lumières . slumières , para! par leurs vertus & par
les voeux qu'ils forment pour l'amélioration
du fort de toute l'espèce humaine.
Or , en Angleterre niême & dans le dix}
284 'up so sh
huitième fiècle de fi beaux motifs ne font
pas ceux qui influent le plus dans les Confeils
d'un Roi. Les Américains , dont nous
avons fi efficacement concouru à établir
l'indépendance , doivent être attachés , par
la reconnoiffance , au triomphe de notre
liberté. Aufli tous les Papiers publics
de cette partie du monde , franche de tâut
genre de tyrannie , retentiffent - ils des voux
-que l'on y forme pour le fuccès de opos
armes & de nos loix on y parle meme
de la formation de plufieurs bataillons de
volontaires Américains qui veulent s'acquitter
anvers les Françoisen mêlant nine
feconde fois legfang des François avechle
fang des Américains Voici une lifte
de Toftes qui ont été bus dans la i délébration
folemnelle de l'anniverſaire du 14
Juillet.siq al sinstalas aula el stiolg
Santés portées par tis Clibyens de l'Amérique-
T
Unie.
all Snowhill, en MarylanAI
Notre premier & meilleur allie La Nation
allifstelle
Fra
ço
Te
Puife
le
monument
qu'elle
a
élevé
alla
iberté
braver
la
ave
at
les
rage
de
répandre fon éclat fur le monde entier .
&
T q
ub sult
jogurtot alivɔ xudy 2 '
is ned en Cambden en Caroline
ando 2 emên smstelpa as
Succès à la régénération du Gouvernement
( 285 )
François Puiffent tous les
Gouvernemens arbitraires
fubir les mêmes
changemens.
Andly, LM na kon
New-Yorck
„dii quand Strodil sl á bluzby : T
France , Puiffent les
armes & la
fageffe de le a
devenit
également la terreur des defpotes
de l'Europe
.
Les Patriotes vertueux &
inapréciables de la
France.
Sageffe & unanimité aux confeils de la France ,
& victoire à fes armes angular mol subnath
apag sigroaki ob toract the
Alexandrie en
Virginie.
!
L'Affemblée Nationale de France ! Puiffent wholwa showe
les ennemis de la liberté épandus dans cette
Nation généreufe, effuyer bientôt le châtiment
néceffaire pour leur réforme.
me tob nolva'T A VIREH ob siemind
George Town en Virginie.
ucivo allt er st.2 A zel
Les
Rattlotes
François !
Puiffèné leurs
conemis
feldiffiper
comme les
comme les yapeurs du matin, devant le
foleil levar de la liberteurs
14
I
.supiti
Aduo ziemej onŝ'a , tolliet 41 sl ship't
Wilmington . Delaware.
L'Affemblée Nationale de France ! Puiffent
le patriotifmela fagelle & l'humanité , préfi
der à fes
délibérations
des ennemis de la liberté
I
& la faire triompher ng
35 X 9030
anodil si ob zim
201
Elktou en Maryland.
Perpétuité à la liberté Françoiſe .
Charles-town en Caroline.md
Perpétuité à l'alliance entre la France & les
Etats -Unis.
Puiffe le génie bienfaifant qui a éclairé la
France , étendre fon influence fur tous les peus\
ples de la terre , & leur donner de l'énergie pour
Le régénérer !
no amian
Newark, NewJersey.
donosit celda in1
Louis XVI , Roi des François Puiſſe la
fermeté de fa conduite déjouer les ennemis de
la France !
930091 18M 1869
La mémoire de Henri IV & l'union des empires.
Puiffent les Américains , fe rappeller toujours
avec reconnoiffance leur grand & boa allié la
Nation Françoife,
pagini Les intérêts commerciaux
de la France & l'A mérique
.
Puiffe le 14 Juillet , n'être jamais oublié.
Philadelphie.
Lejouronné
la liberté
:
で
530 ab elan
généreuse & éclairée
mis de la liberté,
une Nation
any Your e
Victoire aux armées de France , fur les enneg
( 287 )
Le Roi des François ! Puiffe-t-il participer
amplement au bonheur de fa Nation .
Les contributions politiques de la France & de
l'Amérique ! Puiffent - elles avoir le même fuccès .
Amitié perpétuelle entre la France & l'Amérique.
Rochambeau , Luckner & Lafayette ! Puiffe la
victoire couronner ceux qui ne cherchent pas des
conquêtes.
Carlife en Pensilvanie.
Les membres de l'Affemblée Nationale de
France ! Puiffent - ils jouir du bonheur de voir
profpérer & fleurir leur Patrie , fous la fauvegarde
d'une Conftitution libre & de loix égales .
Puiffe l'empire des Rois , des prêtres & des
nobles tomber fous l'empire de la raiſon , de la
hberté & de la faine philofophie.
Puiffe le zèle Patriotique qui a renversé la
Baftille , animer toutes les Nations de la terre .
Puiffe la guerre actuelle contre la France
être le dernier effort du defpotifme chancelant ,
contre la liberté & les droits de l'homme.
g
COURS DES EFFETS PUBLICS. Septembre 1792
CHANGISdu27.
EFLFNuEnATdTSi..
27.
Mardi 28. Merc. 29.
Jeudi
30.
Vend. 31. Sam.1.
Amft. 33
Lond. 18.
Ham. 300.
( Actions.
2010 10.
.202010. Mad. 24.5.
Do.es. 886.900..
Emprunt Oct..
427.422. 427.422p
9.100 ...
886.900. Cad. 23. 15.
Lyon.8h.b.
Liv. 172.
Gên. 163.
Id.
Décembre
82.9.10p..
d'AvLroitl,.
Lot. d'Octobre..
Empru1n2t5 ins
15.16.
Id. So millions.. 18. 19
Sans Bulletin..
Bulletin .....
Emprunt 120
Borde. Ch ....
m18
Caiffe d'Efcompt. 1565.70.
D° .demi- act.
EauxdeP ...
Empr.
National..
3120.200.
•
15.16. CHANGESdu1.
18.19 ...
Amft. 3.34
Lond. 18.
Hain. 300.
Mad.. 24.5.
1565.70. Cadix. 23. 15.
3120.200. Liv ... 172.
Gên.. 163.
Lyon.8h.b.
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Hôtel de Thou , rue des Poitevins. On s'adreffera
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Do. ises.
( Emprunt Oct.
Décembr8Ie2d.
d'AvLroi.tl..
d'octoLborte.
Empru1mn2²t5
millio8ni.0sd..
BullSeatnisn.
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Em1p2r0umn³t.
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iam. 296.
1970M.2a813d05....
1240 ..
Cad.
2135..
158. 392 ...... Liv.1
1615p.. Gen. 148.
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Payeurs, année
10.101012, lettre J.
44P
8.8.9.8p.
34808580
1740 3535
410 .....
AVIS IMPORTANT.
QUELQUES Municipalités qui ont
jugé le Mercure d'après fon ancien efprit ,
ont trouvé plus commode de le brûler que
de le lire. Cette maniere d'apprécier n'e
pas plus conforme aux principes républi
cains qu'à ceux de la juftice. Il femble
qu'avant de favoirfi nous nous étions rendus
coupables d'infraction à la devife de
Liberté & Égalité , qui devait nous fervir
de garantie , il fallait prendre la peine de
s'en affurer. Nous espérons qu'à l'avenir
les droits de la liberté de la Preffe , que
nous ne fouillerons jamais , nous mettront
à l'abri des indemnités que les frais d'un
double fervice envers nos Abonnés nous
mettraient dans le cas de réclamer.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères