→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Nom du fichier
1792, 08, n. 31-35 (4, 18, 31 août)
Taille
16.80 Mo
Format
Nombre de pages
369
Source
Année de téléchargement
Texte
( No.31. )
SAMEDI 4 Août 1792.
MERCURE
FRANÇAIS ,
COMPOSE par M. DE LA HARPE , quant
la partie littéraire ; par M. MARMONTED
pour les Contes ; & par M. FRAMERY
pour les Spectacles ,
M. MALLET DU PAN eft feul chargé de
la partie politique.
Tous les Livres , Cartes , Estampes , Mufique.
& Avis divers , doivent être adreflés à M. de
la Harpe , rue du Hafard , no, 2.
Le prix de l'Abonnement eft de 36 tir .
frane de port par tout le Royaume.
ཀཡེསཔཏནྟིཔསམནིནི།ཏིཝཱཏུ
CALENDRIER
POUR L'ANNEE 1792 .
AQUST 31 jus & la Lune 15. Du f al 31
fes jours décroulcot d 48 ,
TOURS
du
MOIS.
NONS DAS JAINTS.
Temps, my
2leadh Etienne, Paye .
merc. Pierre auxliens.
vend. Invent, does Exigne.
Tam , Dominique, inf, d . CF. )
2. Sufcepts de la Steps
La Transfigurat . de N.
mard Gattan,
47
42
pri 1 tes
5 50 du foir. S 23
merc. faftin , Martyr.
jeudi Romain , Martyr.
S 16
ond Laurent , Martyr.
safari Sufcept , de la Cour, d'Ep . 24 hi
1414 D. Claire , Vierge,
Hrands. Hyppolite.
44mardi Pugil -Jette.
mer , PASSUMPTION.
16jen Roch , Confeilsur,
vend. Mammids , Martyrs
am . Helene Imperauice.
1912. Louis , Eveje.
solandi. Bernard , Abby de Clay,
mardi Privat , Evêque.
22 merc Symphorien ,- Martyr.
3jeudi. Sudoirs , divêque
241 vend . Barthelem , Apotre.
251fam . Louis , Rote France,
25 13 D. Zéplatin , Pape .
2lundi. Cétaire , Eveque
m .
25 da Toir.
Arles. 198
1746
b . tom.
du feit
35-
2 du mat.
3
10 1. 18
OP. L. 4.
26
14 h . 38 m.
15 dufoir. 47.
28 mardi Auguftin , Eveque d'ilip , 12
29merc. Decollat de Jean-Bapt . 3 leàtel
30 jeudi. Fiacre , Solitaire .
31ivend. Médéric , Abbe .
MERCURE
FRANCAIS,
POLITIQUE , HISTORIQUE
ET
LITTÉRAIRE ,
COMPOSÉ par M, DE LA HARPE ,
quant à la partie Littéraire ; par M.
MARMONTEL , pour les Contes ; & par
M. FRAMERY , pour les Spectacles.
J
M. MALLET DU PAN , Citoyen
de Genève , eft feul chargé du Mercure
Politique & Hiftorique,
SAMEDI 4 A OUT 1792 .
PARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Tho 1,
rue des Poitevins , Nº . 1§ .
1
TABLE GÉNÉRALE
Du mois de Juillet 1792 .
A NGELINA
Les Bateliers de Befons.
Charade , En , Log .
CHANSON.
Charan , Eng. Log.
Mémoires.
3 Mémoires.
4 Annonces & Notices .
37 Spectacles.
38 Notices.
40
A
Monfieur ....
Charade, Enig. Logog.
Anecdotes.
*
61 Variété.
61 Spectacles .
65 Notices.
TRADUCTION.
Charade, Enig . Logog.
Mémoires , &c.
8 Variété.

Annonces & Notices.
.M
26
36
72
75
81
194
107
A Paris , de l'Imprimerie de Moutard& rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni .
Bayerische
Staetsbibliothek
München
MERCURE
FRANÇAIS.
PIECES FUGITIVES.
CHAN S ON.
GÉNÉREUSE NÉREUS E Lifette ,"
Confens à m'écouter ;
La faute que j'ai faite
Ne doit point t'irriter.
Me crois- tu donc capable
De trahir ton ſecret :
L'Amour feul eft coupable ,
Lui feul fut indifcret.
Tu fais que fur l'herbette
Tous les foirs nous caufons ;
Sur le fait d'amourette
Toujours nous devifons.
Des charmes qu'il préfere
Chacun fit le tableau ;
Des tiens j'ai fu me taire
L'effort eft affez beau.
;
A 2
MERCURE
f
MAIS un jour que Silvandre
De la jeune Cloris
Vantait le regard tendre ,
Le doux & fin foutis :
Il est une Bergere
Repris -je vivement
Plus sûre encor de plaire ,
Sans y prétendre autant.
PHILEMON d'Afpafic
Cita le teint charmant ;
Corilas d'Egerie
Le corfage élégant.
Je conviens de leur grace ;
Mais , dis-je , à tous les yeux ,
Une autre les efface ,
Une autre eſt encor mieux.
A
A ces mots la querelle,
Entre nous s'échauffa ;
Pour défendre fa Belle ,
Chacun m'apostropha.
En te nommant , Bergere
Je les attrapais bien ....
Un mot les faiſait taire ;
Pourtant je ne dis rien .
L
FRANÇAIS. 5
MAIS forcé de répondre
A leur emportement ,
N'ofant pas les confondre ,
Je leur dis fimplement :
La Beauté qui m'eft cherc
En elle réunit
Tous les moyens de plaire
Qu'ailleurs on applaudij
>
ELLE eft bien plus jolie ,
Plus fine que Cloris
Plus douce que Julie
Plus tendre que Doris ,
Plus fraiche qu'Aſpaſie ;
Plus vive qu'Aglać ,
Mieux faite qu'Egerie ,
Plus légère qu'Eglé.
A ce portrait , Liſette ,
Ils dirent tous ton nom.
Ma bouche fut muette ›
En vain elle eût dit non ;
On lut fur mon viſage
Ce plaifir fi flatteur ,
De voir chaque fuffrage
D'accord avec mon coeur.
A 3
MERCURE
LES RIVAUX D'EUX-MÊMES ,
CONTE MORAL.
SOUS
PREMIERE PARTIE.
>
ous le beau ciel de la Touraine , dans
ces plaines riantes où le Cher promene fes
eaux , un loyal Gentilhomme , un ancien
Militaire , veuf , & pere d'un fils unique
Varanzai , retiré du monde , jouiffait dans
fa folitude des feuls biens dignes de payer
d'honorables & longs travaux. Affez riche
pour fe donner les plaifirs de la bienfaifance
, confidéré , chéri de tout fon voifinage
, il préfidait à la culture de fes champs
& de fes jardins ; il faifait fon occupation la
plus férieufe & la plus affidue de l'éducation
de fon fils ; & pour lui rendre fes études
plus faciles , plus attrayantes , il prenait
foin lui-même de lui en frayer la route &
de la lui femer de fleurs . Raimond ( c'était
le nom du fils ) avait feize ans . Déjà fortifié
par des exercices pénibles , fa raille
fa figure , fon caractere mâle , & la trempe
de fon efprit qui répondait à celle de fon
ame , tout donnait de lui les plus belles
les plus folides eſpérances : il était l'ami
FRANÇAIS.
de fon pere , & fon pere était fon ami
fans que ni d'un côté la plus docile obéiffance
, ni de l'autre l'autorité la plus abfolue
& la plus révérée , altérât les douceurs
de leur intimité. Une tendreffe mutuelle
conciliait , accordait tout , & femblait
tout égalifer .
1
De l'autre côté de la Loire , fur les
bords de la Cife , Mad . de Blofel & Adele
fa fille étaient un autre exemple de cette
union tendre , qui de deux ames n'en fait
qu'une. La continuelle habitude de commander
avec douceur , d'obéir avec complaifance
, avait fi bien familiarifé le devoir
avec le penchant , & le refpect avec l'amour,
que ce ne femblait être qu'un même fentiment
comme une même volonté.
Adele avait à peine fes treize ans accomplis
; mais l'éducation , fans rien hâter
en elle , ne laiffait pas d'avoir un peu devancé
l'âge. Ce n'étaient point les fruits
précoces de l'efprit & de la raifon , mais
c'en était déjà, la fleur : celle de fa béauté ,
fans être épanouie , brillait d'un éclat ravillant.
De tels voifins étaient bien faits pour
fe connaître ; mais ils vivaient fi retirés
fi contens de leur folitude , qu'il fallut
le fort fe mêlât de les rapprocher.
Varanzai dînait quelquefois chez l'Intendant
de la Province , homme d'un efprit .
fage d'un commerce facile , & qui ,
que
A 4
8 MERCURE
dans les fonctions de fa place , avait pour
principe , qu'on fait toujours refpecter
affez l'autorité qu'on fait chérir. Madame
de Blofel , bien digue de goûter & d'apprécier
un tel homme , l'allait voir auffi
quelquefois.
Ce fut chez lui que s'étant rencontrés ,
les deux voifins fe prirent d'amitié l'un
pour l'autre . Il eft ailé de croire que
cette fympathie commença par des entretiens
fur l'article de leurs enfans , &
fur les fois qu'ils fe donnaient tous.
deux , avec tant de plaifir , pour les former
& les infruire. Lorfque de bons parens
fe rencontrent enfemble , & que
mutuellement ils ont la complaifance de
laiffer pader leur tendreffe fur l'unique
objet qui les touche , un tel fujet ne
arit point; & après l'avoir épuifé , on
fe regrette , on a befoin de le revoir ,
pour l'épuifer encore .
Séfalve , l'homme aimable dont je vous
ai parlé , flatté que c'eût été chez lui qu'ils
euffent lié connaiffance , mit de l'empreffement
à les y attirer ; & chaque nouvelle
entrevue ajoutait à leur liaiſon plas
d'intérêt encore , & plus de cordialité.
Madame , dit un jour le bon pere à la
bonne mere , avec quelque réſerve &
quelque modeftie que vous parliez de
votre fille , je vois cependant qu'elle eft
belle , pleine d'efprit , d'un naturel heuFRANÇA
I S.
reux ; & que formé fur fon modele , le
caractere de cette enfant achevera d'en
faire une femme accomplie. De mon côté ,
j'avoue que je n'oferais dire de mon fils
tout le bien que j'en penfe , & que j'en
efpere. Leur âge & leur état font d'ailleurs
affortis , leurs fortunes le font affez ;
pourquoi ne nous accorderious - nous pas
à les deftiner l'un à l'autre ?
Monfieur , lui répon iit Mad . de Blofel ,
je vais vous paraître fantafque & peutêtre
un peu romanefque ; mais d'abord
je ne veux donner pour époux à nà
fille qu'un homme qui lui plaife ; en
fecond lieu , je veux qu'elle l'aime fas
l'avoir vu ; enfin je veux aufli que fans
la voir il la préfére à tout ce qu'il aura
vu de plus beau dans le monde ; c'eftlà
, je crois , le feul moyen de s'affarer
d'une inclination durable. Rien n'eft fi
féduifant & fi trompeur que la beauté.
Dès que l'ail eft charmé , le coeur. eft
pris , ou plutôt il croit l'étre. Sur - tout
à l'âge de votre fils , dès qu'on voit une
jolie femme , & qu'on fe fent pour elle
ce défir qu'on appelle amour , on fe perfuade
bien vite qu'elle eft bonne , fenfible ,
aimante ; qu'elle fera fage & fidelle. Comment
, dans ce joli corfet , fous ce joli
chapeau de fleurs , parmi tant de charmes
nailfans , ne trouverait - on pas un coeur
fincere & tendre , un efprit jufke & rai-.
A s
10
MERCURE
fonnable , plein d'agrément & de douceur
telle eft le plus fouvent l'illufion de
la jeuneffe , & cet enchantement qu'a
tant de fois détruit un an , un mois de
mariage. Eh bien , Monfieur , il en eſt
de même de notre côté , & avec plus de
danger encore ; car plus le coeur eft fimple ,
innocent , ingénu , & plus il eft facile
aux yeux de le tromper. Entre ma fille
& le jeune homme que je choifirai à fon
gré , je ne veux donc rien qui en impofe
ni à l'un , ni à l'autre ; & avant de fe voir,
je veux que leurs efprits , leurs goûts , leurs
caracteres fe foient preffentis, & connus.
Notre pofition eft favorable à cette épreuve.
Nos enfans ne fe font point vus . Adele
ne fait point fi Raimond est au monde.
Affurément , dit Varanzai , Raimond ne
fait pas davantage s'il y a dans le monde
une Adele : je me fuis bien gardé juſqu'à
préfent d'attacher fa penfée à un pareil
objet. La Loire eft donc entre eux un océan ,
reprit Mad. de Blofel ; & il ne s'agit plus
que de nous bien affurer de nous - mêmes.
Je vous demande votre parole , & je vous
engage la mienne qu'aucun indice ne
laiffera connaître à nos enfans leurs noms ,
ni leur naiffance ; & qu'ils n'auront aucun
moyen de le communiquer ni de s'écrire
à notre infçu . Ils prendront des noms, fabuleux
. Ma fille fignera Camille , votre fils
Hippolyte , fi vous voulez. Ce n'eft pas
ر
FRANQA IS.
If
Tout ; voici l'article effentiel . Des deux côtés,
les lettres pafferont fous nos yeux fans que
perfonne , que nous deux , foit de la confidence
, ni fe mêle de l'entremife ; & fur
l'article des bienséances , nous en ferons
vous & moi les cenfeurs. Mais , ce feul
article excepté , il faut nous jurer l'un à
l'autre de n'y pas altérer un mot. Il faut
que leur efprit & leur ame s'y laiffent
voir dans toute la candeur & l'ingénuité
de leur âge. Monfieur , point de faibleffe
, point d'infidélité fur ce point -là ,
je vous en prie . J'y ferai délicate & févere
jufqu'au fcrupule ; & je compte de même
fur votre bonne foi . Oh ! je vous la promets
, dit-il , dans la plus exacte rigueur.
Seulement , reprit- elle , s'ils laillaient échapper
quelque trait qui leur décelât qui nous
fommes, ou bien , s'il leur prenait envie ,
comme il eft affez naturel , de fe communiquer
leurs portraits dans leurs lettres ,
nous fupprimerions celles-là . Voyez , Monfieur
, fi la conduite de ce petit Roman
vous plaît , & vous convient autant qu'à
moi . Nous aviferons dans la fuite au moyen
d'en amener le dénouement .
Je ne vous diflimule point , Madame.
répondit Varanzai , qu'en rendant mon
fils invifible , je crois lui dérober un bien
grand avantage ; car enfin , puifqu'il faut
le dire , il eft beau , lefte & fait à peindre.
Eh ! Monfieur , répliqua Mad. de Blole) ,
A 6
12
MERCURE
·
-
>
croyez -vous que ma fille ne foit pas jolie
& bien faite, & que je ne la prive d'aucun
de fes attraits en la tenant comme voilée ?
Mais je vous ai dit mes raifons. - Oui
Madame , elles font très bonnes , & j'y
cede fans réfiftance. Dès demain donc l'invifible
Hippolyte adreffera fon premier
hommage à cette invifible Camille qui ne
fera , je le prévois , que trop aimable encore
& trop féduifante pour lui .
Raimond , dit Varanzai à fon fils en le
revoyant , tu te plains quelquefois de la
folitude où nous vivons ; & par malheur ,
jufqu'au moment où je te lancerai dans la
carriere de la gloire , ma fituation ne me
permet pas de te produire dans le monde .
Je fens bien que la chaffe , l'équitation , le
maniement des armes , tous les exercices
du corps font peu intéreffans pour une
ame jeune & fenfible , & que ton goût .
pour les Mathématiques , pour le Génie
& le Dellin , doit fe refroidir quelquefois.
La gloire , qui de près infpire tant d'ardeur
, lorfqu'on la voit fous les drapeaux
& à la tête d'une armée en bataille , n'a
pas le même atirait lorfqu'on ne l'apperçoit
qu'éloignée , incertaine , & du fond ,
d'un obfcur repos . Quant aux lectures que
nous faifons enfemble , je ne m'étonne pas
qu'en avançant en âge tu n'en fois plus
auffi paffionnément épris : je fais même la
caufe de ton inquiétude & de l'ennui dont
FRANÇA I S. 13
tu te plains ; mais je crois avoir découvert
le moyen de les difliper.
,
J'ai pour amie , dans la Province , une
veuve riche & bien née qui , n'ayant
qu'une fille unique & un peu plus jeune
que toi , l'éleve avec le plus grand foin . Je
ne te dirai point fi elle est belle où jolie ;
feulement je fais qu'elle eft bien ; & pour
les qualités de l'efprit & de l'ame , elle
laiffe tout efpérer. Mais il ne tient qu'à
toi d'en favoir davantage ; car fa mere
veut bien permettre que , pour vous former
l'un & l'autre dans l'art d'écrire avec
grace & décence , vous fovez en relation .
C'eſt un amufement que je t'ai ménagé.
-
-
Raimond , en entendant ces mots , fe
fentit treffaillir le coeur. Et quel âge
a-t-elle , imon pere ? Elle a treize ans :
elle en aura dix-fept accomplis quand tu
en auras vingt. Et vous croyez qu'elle
eft jolie ? Je ne dis pas cela : ce mot de
vanité n'eft point échappé à fa mere.-
Dire qu'elle est bien , n'eft- ce pas faire entendre
qu'elle est jolie ? Non pas expreffément.
C'eſt dire au moins qu'elle eft
bien faire ? Bien faire , oui , fa mere
en convient. C'eft dire auffi que dans
les yeux , dans la bouche , enfin dans les
iraits , elle n'a rien que d'agréable. -Oh
non , rien de déplaifant , je le crois.- Une
mere eft modefte en parlant de fa fille ; & fi,
par exemple , elle-même elle a de la beauté ,
- -
-
-
14
MERCURE
C
vue. --
elle ne dira pas , ma fille me reffemble .
Pour la mere , je puis te dire qu'elle eft...
-Belle encore, n'eft- ce pas ? Eh bien , fa
fille eft fon portrait , j'en fuis fûr . Puifqu'elle
convient des agrémens de l'ame &
de l'efprit , c'eft convenir de ceux de la
figure & du langage . C'eft fur - tout faire
entendre qu'elle a dans la phyfionomie.
beaucoup de fenfibilité, beaucoup de fineffe
& de grace ; car la phyfionomie , & furtout
le regard eft l'expreffion fidelle de l'efprit
& de l'ame. Tu fais déjà , mon
fils , tout cela mieux que moi ; car tu la
vois dans ta penfée , & moi je ne l'ai jamais
Son nom ?- Camille . Oh ! de
nom- là n'eft certainement pas celui de la
laideur. Et fon nom de famille ? Tu le
fauras un jour. Quant à préfent , qu'il te
fuffife d'être affuré qu'elle a de la naiffance
& la meilleure éducation . Eh
quoi , mon pere je lui écrirai fans favoir
qui elle eft , où elle eft quelle eft fa famille
Oui , ce et qu'à travers le
voile du myftere que fa mere veut bien
permettre que vous foyez en relation . Vos
lettres pafferont fous nos yeux , par nos
mains ; & toi , fous le nom d'Hippolyte ,
tu lui feras inconnu de même , fans qu'il
te foit permis de giffer dans tes lettres
aucun figne qui de déçele : bien entendu
qu'elle , de fon côté , obfervera la même
loi. Mais , mon pere , ceci n'est donc
!
FRANÇAIS. Is
J
qu'un jeu d'enfans ? Pourquoi ? Si avec
le temps , & à l'âge où fa mere & moi nous
croirons pouvoir faire ceffer entre vous l'anonyme
, vous avez pris affez de goût &
d'inclination l'un pour l'autre , ce jeu d'enfans
pourra fort bien devenir férieux , &
telle eft notre intention . Mais nous ne vou¬
lons pas que ce foit par les yeux que
votre inclination commence ; car les yeux
font des féducteurs , qui en ont trompé
mille avant vous , entends - tu bien ? Voilà
le vrai mot de l'énigme . Oui , mon pere ,
j'entends , dit Raimond , d'un air trifte ;
rien n'eft plus fage affurément ! Mais au
moins , fans indifcrétion , ne puis - je pas
vous demander fi elle eft brune ou blonde ?
En vérité , je n'en fais rien , lui répondit
fon pere ; & fi je le favais , il ne
me ferait pas permis de te le dire ; car fur
tous ces détails , nous nous fommes promis
, fa mere & moi , un filence religieux.
A la bonne heure , j'en ferai quitte pour
donner à Camille l'éclat des blondes & le
piquant des brunes : ce fera le moyen de
ne pas m'y tromper.
Je vous laiffe à penfer quel peintre ce
dut être que l'imagination d'un folitaire
de feize ans . Dans une feule nuit , le portrait
de Camille fut efquiffe de vingt manieres
; & c'était toujours le plus beau qu'il:
trouvait le plus reffemblant.
fon réveil , il s'empreffa de lui écrire ;
16 MERCURE
& fa lettre fe reffentit de la vivacité des
rêves dont il était encore ému. Son pere
en fouriant la lut , la déchira , & lui donna
quelques leçons for les convenances du
Ayle , lui dit de rampérer le fien , & lui
recommanda de bien fe fouvenir qu'il écrivait
à l'innocence même. Le jeune homme ,
avec bien de la peine , fe modéra dans fes
expreffions ; & il écrivit en ces mots :
MADEMOISELLE ,
و ر »Lorsqu'unjeuneSauvage,quicomme
moi s'appelait Hippolyte , eut atteint l'age
de feize ans , la folitude qu'il avait rant
aimée , la chaffe dont il avait fait fon unique
plaifir , les bois où il était heureux ,
fon arc , les javelots qu'il maniait avec
adreffe , fes chevaux qu'il avait domptés &
qu'il avait rendus dociles à fa voix , commencerent
à l'ennuyer. Comme lui je fais
parvenu à ma feizieme année , comme lui
je m'ennuie , & des amuſemens qui reffemblent
aux fiens n'ont plus pour moi le
même attrait.
" Tou: l'amour d'un bon pere , tous les
foins qu'il fe donne , de varier pour moi
le cercle de la vie que nous meñons à la
campagne , mes études ques exercices ,
mes délaffemens , tien , n'a pu me fauver
de je ne fais quelle inquiete & pénible
langueur qui m'eft venue failir. Le plus
FRANGAIS.
>
doux intérêt de mes occupations , celui,
de rendre mon pere heureux & de mériter
on feftime en répondant à fon amour
n'a pu lui-même remplir le vuide qui s'eft
fait dans mon ame. Mon pere l'a fenti :
il a fu qu'il y avait au monde un objet
digne de m'infpirer un autre genre d'émulation
; il a prévu , Mademoifelle , que
le défir de me rendre eflimable & louable
à vos yeux , ranimerait tout mon courage
il a penfé que s'il m'était permis de vous
parler , au moins par lettres , de ma fituation
, elle en ferait plus douce ; de mes
devoirs , de mes études , le goût qui m'y
attache , en deviendrait ,plus vif. Il a follicité
pour moi , & il a obtenu de votre
aimable mere la permiffion de vous écrire ,
avec la flatteufe efpérance que vous daigneriez
me répondre. Hélas ! je ne vous
devrai point une faveur fi précieuſe : vous
ne ferez qu'obéir , je le fais . Mais fi vous
commencez par obéir fans peine , & fi
avec le temps j'obtiens que cette obéif
face foit pour vous un amufement , je
n'oferais dire un plaifir , je ferai encore
bien heureux ". HIPPOLYTE.
La réponſe fe fit attendre comme fi elle
était venue de bien loin. Raimond brûlait
d'impatience de la voir arriver ; enfin elle
arriva.
Je favais , MONSIEUR , que ma mere
MERCURE
vous avait permis de m'écrire , lui répondit
Adele ; mais j'attendais de vous la lettre
que l'on écrit à un enfant ; & au lieu d'uir
léger & fimple badinage , c'eſt le ton le
plus férieux ! Vous ne favez donc pas que
je n'ai que treize ans ? On dit que vous
en avez feize . Mais à feize ans eft" on
déjà ſi vieux , pour être fi mélancolique
Vous me citez l'exemple de je ne fais quel
Hippolyte , qui à cet age - là n'avait plus
de plaifir rien . Je vous plains de lut ref
fembler. Mais pourquoi lui reffemblez-vous ?
Je vis auffi à la campagne , & affez feule
avec maran ; mais j'y vis fans ennui &
fans inquiétude . Tous mes momens font
Ples je fais les varier. Ce que je fais į
ou m'occupe ou m'amufe. Je lis, je peinss
je chante , je cultive mes fleurs j'ai foin de
mes oifeaux , qui chantent gaînent comme
moi ; je travaille auprès de ma mere , &
ce travail eft encore un amufement. Nos
promenades font pour moi des galeries de
tableaux que
que nous préfente la nature , &
maman m'apprend à jouir de leur riche va
riété. En nous promenant nous caufons
nous raifonnons fur nos lectures . Maman
a la bonté de me laiffer en dire mon fentiment
& ma penfée : fi je dis bien , elle
fourit , c'eft le figne de fon fuffrage : sil
m'échappe quelque ineptie , elle m'en fait
appercevoir , & nous en rions toutes les
deux. Au retour , ' je reprends mes Livres
FRANÇAIS. 196
ou ma harpe , & fi je m'apperçois que
je l'égaye en la camaman
foit rêveule ,
que
» Vous , Monfieur , comment pouvezvous
être trifte auprès d'un bon pere ? Et
lorfqu'il eft content de vous , ne l'êtesvous
pas de vous - même ? Avez-vous befoin
qu'un enfant ranime en vous le goût du
travail , l'amour de l'étude , l'ambition de
vous diftinguer dans les talens de votre
état ? En vérité , je fuis tentée de croire ,
que vous avez voulu éprouver à quel point,
ma vanité feroit crédule. Je n'en obéirai
pas moins à ce devoir de bienféance que
Pas
l'on me fait de vous répondre. Mais ayez
la bonté , Monfieur , de ne plus oublier,
mon âge , & de prendre avec moi le to
que doit vous infpirer l'afpect riant,
Nature , & l'ainable gaieté des champs-
J'aime la paftorale , mais je n'aime point,
l'élégie .
CAMILLE.
e
Raimond , un peu piqué du ftyle de
cette réponſe , y répliqua :
MADEMOISELLE
» J'ai eu treize ans , comme vous , autrefois
; & je fais qu'à cet âge on ne plaint
guere ceux qui ont le malheur d'en avoir,
feize . Mais vous aurez vous-même un jour ce
malheur- là. En attendant , je vous félicite
de la férénité répandue fur vos beaux jours,
+
1
20 MERCURE
Vos occupations , vos plaifirs fe fuccedent ,
comme les flots paifibles d'un ruiffeau qui
ferpente & gazouille parmi les fleurs ; une
bonne mere eft pour vous le monde ; dès
qu'elle vous fourit , votre coeur eft content.
Tout cela fait bien votre éloge ! Mais plus
on eft exempt des tribulations de la vie ,
plus il eft beau d'y compatir. Daignez donc
plaindre un peu la fituation d'un jeune
homme , qui a connu ce repos délicieux
que vous goûtez , mais qui l'a perdu. Vous
eres étonnée , belle Camille , que dans la
folitude mon émulation ait befoin d'être animée
par l'efpérance d'obtenir votre eftime ,
vous avez la modeftie de vous croire
encore un enfant ! Et pourquoi ne voulezvous
pas que dès à préfent , fi je puis
j'accoutume votre ame jeune & pure à
prendre quelque intérêt à moi , à mes travaux,
à mes fuccès , à ce que je puis faire
de louable , & , je l'ofe dire , de reconmandable
peut - être ? Ah ! fi j'étais bien
sûr qu'à commencer dès l'âge le plus tendre
, Camille eût la bonté de s'occuper de
moi , de me ſouhaiter de la gloire , de me
fuivre des yeux dans la carriere où je dois
entrer ; qui fait ce que l'émulation dont
elle enflammerait mon coeur , ferait capable
de produire ? Ayez pour moi de l'ambition,
& tant qu'il vous plaira. Cette ambition
fera la mienne ; & je promets , finon de
la remplir , au moins d'y faire non poffiFRANÇA
I S.
21
ble. Mais ne me perdez pas de vue ; & que
je puiffe me flatter d'être fans ceffe fous
vos yeux ".
er
HIPPOLYTE
Par M. MARMONTEL .
( La fuite au 1. Mercure de Septembre . )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
Le mot de la Charade eft Découdre, celui
de l'Enigme eft Tambour , celui du Logogriphe
eft Chirurgien , où l'on trouve Cire ,
Ruche , Ecu , Hure , Riche , Chine , Urine ,
Cure, Crin, Uri, Nice, Cuir, Urne, Chien.
CHARA DE .
MON ON tout est mon premier
Devenu mon dernier.
É NIG M E.
MALGRÉ toute l'ingratitude
Dont on ufe trop envers moi ,
A te fervir , Lecteur , je borne mon étude ,
Et foulager tes maux eft mon unique emploi.
22 ** MERCURE
Le jour , la nuit , je fuis à ton fervice.
Très-fouvent pour un rien , pour un léger caprice ,
Tu me fais endurer les temps froids , les temps
chauds ;
Jamais je ne me plains ; & vois ton injuftice
Si-tôt que je parais tu me tournés le dos ,
Mon afpect te déplaît : ſenſible à cet outrage
Ce n'eft qu'avec effort que je fais mon ouvrage.
Ma befogne finie , ô comble de malheur !
Rien ne peut arrêter ton aveugle fureur ,
Tu me plonges , cruel , en une étroite biere ;
Tu voudrais pour toujours m'y ravir la lumiere ;
Mais bientôt je te vois , craignant tout pour tes
jours ,
Revenir lâchement mendier mes fecours .
JE
LOGO GRI P. HE.
E n'ai que quatre pieds , mais je fuis bien
étrange ;
Sans ma tête on me boit , avec tête on me mange .
(Par M. Delorme l'aîné, de Lyon .)
СӘЛА M
3
FRANGA IS. 2.3
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MÉMOIRES d'une Société célebre ,
confidérée comme Corps Littéraire & Académique
, depuis le commencement de ce
Siecle ; ou Mémoires des Jéfuites fur les
Sciences , les Belles- Lettres & les Arts :
publies par M. l'Abbé GROSIER, Trois
Volumes in-8°. , avec Figures. A Paris ,
chez Defer de Maifonneuve , Libraire ,
rue du Foin- St -Jacques , la porte cochere
qu coin de la rue Bouttebrie.
"J
}
on
Q
7097
و د
?
و ر
و ر
SECOND EXTRAIT.
LU
ui a remplacé les Jéfuites , dit M.
Abbé Grofier , dans les fonctions fi
précieufes de l'inftruction publique ?
Quels hommes, dans ces Lycées ouverts
au premier âge , ont fuccédé aux Jou-
Vency , aux Rapin aux Vaniere , aux
Sanadon , aux Coffart , aux Porée , aux
» &c. la Sante , & one ) as punim
ob Mais abord il y a ici un petit artifice ,
qui , dès qu'on l'apperçoit , retombe fur le
Rhéteur qui l'emploie car tous ces homanes
qui furent en effet des Gens de Lettres
eftimables & des Maîtres renommés ,
quoique tous Ecrivains plus ou moins mé
24
MERCURE
diocres , appartiennent à la fin du Siecle
dernier ou au commencement de celui- ci :
il y avait trente ou quarante ans qu'aucun
d'eux n'existait plus , quand leurs Colléges
ont été fermés , & puifqu'un panégyriste de
la Société n'ofe pas citer un feul de leurs
fucceffeurs , on peut en conclure que ceuxci
étaient loin de les valoir , & que ces
Maîtres du bon temps n'avaient pas été
remplacés dans le nôtre. En effet , qui peut
ignorer combien les érudes érafent baillées
chez les féfuites depuis la mort de Porée,
leur dernier coryphée ; combien celles de
1Univerité leur étaient devenues fupérieures
, fur- tout depuis la fondation de
ces Prix , qui avaient exciré tant d'émulation
? Quant aux Jéfuites célebres nommés
ci-deffoscorre même Univerſité n'avait-
elle pas à lent oppofer , à peu près
de leur temps , des Maitres dignes de leur
ère comparés , Rollin , Coffin , Herfan ,
Grenan , &c . Rollin feul , qui n'eft pourtant
qu'un Ecrivain du fecond ordre
C
7
ENIU
ne
leur eft -il pas fupérieur ? Quel eft celui
d'entre eux qui ait donné à l'Inftitution
publique un Ouvrage qui vaille le Traité
des Feudes a S'agit £ il d'éloquence & de
roefje torines des harangues de Le Beau
me petivent elles pas bien foutenir le pal
raile avec celles de Porée & de La Sante ?
Et toutes ces harangues , confidérées en
elles - mêmes , que font -elles , à peu de
chofe
FRANÇAIS. 25
chofe près , que des amplifications de Collége
? A l'égard de la poéfie latine , j'oppoferai
ce même Le Beau aux deux Jéfuites
qui , felon moi , ont eu le goût de la
latinité & de la verfification le plus pur
& le plus antique , La Rue & Commire.
Je laiffe de côté fes Fables ; il n'a pas
connu le ſtyle de ce genre ; mais la plupart
de fes Pieces détachées fur des fujets tirés
de l'Hiftoire ou de l'Ecriture , me paraiffent
excellentes. Comme il eft foutenu par les
Anciens , il ne donne point dans les idées
fauffes ou petites que l'on trouve trop
fouvent dans La Rue & Commire , & encore
plus dans ceux qui leur font inférieurs.
Le Beau , dans fes poéfies , paraît s'être
pénétré de l'efprit de la faine antiquité
dont les Jéfuites fe font trop fouvent écartés
en vers comme en profe. Voycz fa
Mort d'Abel , fa Prife de Syracuſe , dont je
me rappelle ces beaux vers , où il peint
Marcellus méditant fur les viciffitudes des
chofes humaines au moment du lac de
cette ville fameuſe :
Tacitifque fub undis
Nomin 1 tot demerfa ducum , gentifquefepultum
-Cecropiæ decus & victas veneratur Athenas.
Ce dernier trait , victas veneratur Athenas,
eft fublime . Je ne connais rien de cette
force dans les Poëtes Jéfuites. On me par-
Nº. 31. 4 Août 1792 .
B
26 MERCURE
donnera de citer du latin en parlant à un
ancien Profeffeur : C'eft avec les dévots
( comme dit Voltaire ) qu'il faut réciter fon
bréviaire.
Vaniere & Rapin ont entrepris , il eft
vrai , des Poëmes plus confidérables , mais
deftitués d'invention , d'imagination , de
plan , d'intérêt , de variété ; ils font en général
élégans , mais froids , & plus verfificateurs
que Poëtes.
و ر
» C'était dans les leçons de ces Maîtres
habiles ( continue M. l'Abbé Grofier )
" que la plus floriffante jeunesse de France
» venait puifer non feulement les principes
du goût & d'une littérature faine , mais
» encore la connaillance & l'amour de la
Religion ".
33
30
Cette jeunelle était - elle plus floriffante
que celle des Univerfités ? L'Auteur , ex-
Jéfuite , fe conformant au temps , temporibas
indulgens , n'a pas voulu dire crument
, toute la jeune Nobleffe de France ;
& il eft vrai qu'elle rempliffait le Collége
des Jéfuites de Paris ; c'était leur ambition
& leur gloire ; ils affectaient de faire entendre
dans la diftribution publique de leurs
Prix tous les grands noms de la Nobleffe
Françaife. Il faut fuppofer que chez eux
les priviléges s'étendaient jufqu'à l'efprit
& aux talens ; car dans les diftributions de
l'Univerfité , qui ne laiffait pas que d'avoir
aufli beaucoup de Nobleffe dans fon fein ,
FRANÇAIS. 27
:
rien n'était plus rare que d'entendre un
nom connu , c'étaient prefque toujours des
roturiers , & même de la derniere claffe du
peuple , qui enlevaient toutes les couronnes
les liftes imprimées en font foi . Cette
obfervation qu'on a faite cent fois , & trèspropre
à faire connaître l'efprit général qui
fe manifefte dans les petites chofes comme
dans les grandes , fait- elle plus d'honneur
aux Jéfuites qu'à l'Univerfité ? c'eft ce dont
je fais juge M. l'Abbé Grofier lui-même.
Pourquoi nous faire remarquer que l'on
puifait chez les Jéfaites l'amour & la connaiffance
de la Religion ? Eft - ce pour nous
faire entendre qu'on s'y attachait moins
dans les autres Colléges ? Je puis arrefter
le contraire : elle y tenait une très- grande
place , peut être même une trop grande :
il ne faut pas que les Colléges foient des
Couvens , & ils l'étaient à peu près.
Ce n'eft pas , au refte , qu'on puiffe reprocher
à M. l'Abbé Grofier un efprit de
détraction à l'égard de l'Univerfité de Paris.
La rivalité de Corps ne l'a point rendu
injuſte fur ce point : au contraire , il donne
les plus grands éloges & les plus mérités
à cette Compagnie lettrée ; ce qui n'empêche
pas qu'elle-même ne convienne aujourd'hui
, par la voix de fes Membres less
plus éclairés , que fon Plan d'Education
était défectueux fous bien des rapports ,
même fous celui des études , & doit dés
B
28 MERCURE
formais faire place à un Plan d'Inftitu
tion publique vraiment nationale , tel que
l'ont tracé MM. de Talleyrand & Condorcer.
Mais quand il ajoute , à propos de
l'émulation qu'infpiraient les Jéfuites à
l'Univerfité : ce ferait le cas de dire qu'il
était néceffaire à la gloire de Rome que
ود
Carthage exiftât " , j'oferai lui dire que
ce n'était pas le cas ; que ce rapprochement
peche un peu par la trop grande difproportion
des objets que Rome & Carthage
'ont que faire là , & que cette phrafe
qui fans doute lui eft échappée , fent encore
l'homme de Collége.
و ر
ود
و د
Depuis l'expulfion de ces Inftituteurs
" par état , nos Ecoles nationales fe fontelles
perfectionnées ? .... Qu'on m'explique
donc comment il arrive que ce
n'eft que depuis trente ans que s'élevent
» de toutes les parties du Royaume ces
plaintes vives & fréquentes , ce gémif-
» fement univerfel fur la décadence & la
" perte de l'éducation , & c. ""...
On voit bien que l'Auteur voudrait nous
faire entendre que l'éducation publique a
tout perdu avec les Jéfuites. Je lui répondrai
d'abord que nous n'avons jamais eu
d'Ecoles nationales , quoique nous en ayons
de publiques ; que ces deux chofes font
très - différentes , & qu'il aurait dû s'en
douter ; enfuite qu'il eft très-vrai que dans
notre éducation publique , telle qu'elle
FRANÇAIS. 29
érait , les Jéfuites ont certainement rendu
de grands fervices ; qu'ils étaient , en général
, laborieux , appliqués , inftruits , de:
moeurs décentes & même féveres , affectionnés
à leurs travaux & à leur regle ::
c'eft un témoignage qu'on leur doit , qui ne
peut être conteſté que par l'animofité per
fonnelle ; & il doit convenir auffi , de fon
côté, que celui qui leur rend bien volontiers
ce témoignage , n'a aucun intérêt à dire autre
éhofe que la vérité. Il n'eft pas moins vrai
que depuis la fuppreffion de ces Maifons
nombreuſes , ouvertes à la jeuneffe dans
différentes Provinces de France , la difficulté
de les remplacer fur le champ par
d'autres Communautés religieufes , moins.
accoutumées aux mêmes fonctions , ou par
des Colléges féculiers nouvellement formés
, a dû faire éprouver pendant quelques:
années une espece de vide dans les moyens
d'inftruction publique. Mais attribuer à ce
vide , qui depuis a été rempli autant qu'il
pouvait l'être dans notre Gouvernement
ces plaintes fréquentes fur l'éducation ', c'eft,,
je crois , fe faire une illufion volontaire..
C'eft précisément depuis trente ans que less
Ecrivains Philofophes , organes de tous les
hommes raisonnables , ont élevé des récla
mations & des plaintes fur ce qui manquait
, à tant d'égards , à notre fyftême
d'éducation & d'études ; c'eft l'efprit pu
blic , qui fe formant par degrés depuis cette
23
B39
30
MERCURE
époque jufqu'à nos jours , a répété fans
ceffe qu'il était temps de fonger à faire dans
nos écoles des hommes & des citoyens , &
non pas feulement des latiniftes & des rhéteurs
. S'imaginer que ces nouvelles idées
étaient feulement une commémoration &
un regret des Jéfuites , c'eft fe montrer foi
même plus Jéfuite qu'il n'eft permis de
Pêtre.
Leur intrépide préconifeur paffe des Colléges
aux Eglifes , demandant par- tout les
Jéfuites , & s'écriant toujours que tout s'eft
anéanti avec eux. » Les beaux jours de la
Chaire ont difparu avec les Jéfuites « .
Je réponds d'abord que ce qu'on peut appeler
les beaux jours de la Chaire , c'eſt-àdire
ceux de la grande & véritable éloquence
dans la prédication , ont diſparu avec
Matillon & l'Abbé Poulle , nos deux premiers
Orateurs en ce genre , dans l'ordre
du talent , & les derniers dans l'ordre des
temps . M. l'Abbé Grolier ne daigne pas
meme les nommer dans fa longue nomenclature
des Prédicateurs célebres : cela eft
tout fimple ; ils n'étaient pas Jéfuites.
Cependant il ferait temps qu'un homme
aufli inftruit que M. l'Abbé Grofier le mit
au deffus de cette petite routine de Communauté
, de ne jamais louer que ce qui
fort de leur fein. » C'eft aux PP. de Lingende
& de la Colombiere que l'élo-
2 quance chrétienne a dû fon aurore en
» France . Cela eft vrai. L'humble
ود
33.
» -
FRANÇAIS. 301
» Bourdaloue a eu la gloire de mettre le
» fceau à fa perfection , de fournir des
» modeles à l'ast , & de pofer des bornes
" que fes fucceffeurs n'ont point encore
"
ni
franchies « Je n'en crois rien du tout
& j'aurai pour moi l'avis de tous les Gens
de Lettres , de tous les Lecteurs éclairés
enfin ce qu'on peut appeler l'opinion pu-,
blique , qui , fur ce point , eft depuis longtemps
fixée. Ce n'eft pas ici le heu d'approfondir
cette difcuffion ; je l'ai fait ailleurs
; mais il eft reconnu aujourd'hui qu'il
s'en faut de beaucoup que Bourdaloue ait
mis le fceau à la perfection de l'éloquence.
chrétienne , ni qu'il en foit le modele
qu'il en ait pofe les bornes : cet éloge n'eft
dû qu'à Maffillon. Je fuis faché qu'il ait
été Oratorien , c'eft une raifon pour qu'un
Jéluite n'ofe pas même le nommer ; mais
il eft lu de tout le monde , & Bourdaloue
ne le fera jamais que dans les Séminaires ;
On fair , depuis Maffillon , que Bourdaloue
était infiniment plus Théologien qu'Ora
teur. Sa gloire a été d'avoir le premier
formé la diction de la Chaire , de l'avoir
épurée , de l'avoir rendue conftamment décente
& raisonnable , & c'eft beaucoup il
a été , fous ce point de vue feulement , le
premier modele. Perfonne , comme a trèsbien
dit Voltaire , ne l'a fait oublier ; mais
on la infiniment furpalle.
:
Quel Corps me s'honorerait d'avoir,
» produit un Girouft, uz Segaud , un La
32
72 MERCURE
Rue , un: Cheminais , un Neuville , ur
Chapelain «?
Ces formules emphatiques ( dans le langage
des Grammairiens ) , réfervées par le
goût pour les hommes du premier ordre ,,
font déplacées quand il s'agit d'Orateurs
qui font tout au plus du fecond. Je ne
connais point les Sermons de Chapelain :
ils ne font pas imprimés. La Rue , Che
minais , Neuville , ont perdu prefque toute
feur réputation en imprimant : c'eft - là
l'écueil des talens médiocres. Segaud feul a
furvécu il a quelques Sermons fort beaux;
mais la plus grande partie eft très - faible .
Parmi les Prédicateurs vivans , M. l'Abbé
Grofier loue exclufivement les Abbés Beauregard
, Lenfant , de Marolles, Figon , Andemot,
Le Gué , tous ex-Jéfuites . Ce font ,
dit- il , les feu's qui excitent encore un con
oursfoutenu . C'eft aux autres Prédicateurs ,
tant féculiers que réguliers , à commencer
par M. l'Abbé Maury , ceft à ceux qui les
ont entendus à voir comment ils doivent
prendre cette exclufion. Nous autres profanes
, nous attendons que ces Meffieurs
impriment pour favoir ce qu'il en faut
penfer::
Des Prédicateurs aux Miffionnaires , il
femble qu'il n'y ait qu'un pas ; mais ce pasi
eft immenfe , il conduir aux extrémités du
monde .. Perfonne n'a jamais nié qu'il n'y
ent un grand courage à entreprendre ' ces :
Miffions lointaines , à en fupporter les fa
1 33 FRANÇA I S.
·
"
tigues & les dégoûts , à en braver les dangers.
Mais indépendamment de l'enthoufiafme
religieux , également capable de produire
de grands efforts & de grands crimes
, on a obfervé que l'orgueil de dominer
des multitudes d'hommes par des idées
furnaturelles , & de fe faire , pour ainfr
dire , Dieu de ce monde en annonçant celui
de l'autre , était une efpece de jouiffance
enivrante , une forte d'exaltation de l'amour
propre , qui pouvait enfanter des
prodiges. On peut demander , il eſt vrai
pourquoi cet amour de la domination étant
naturel à l'homme , l'efprit de profélytifme
eft pourtant particulier aux Chrétiens. Mais
on peut répondre , ce me femble , qu'il
n'y a auffi que les Chrétiens chez qui les
combats des opinions religieufes aient jamais
donné une grande exiſtence à ceux qui les
foutenaient, & que ces combats ayant duré
de fiecle en fiecle depuis la naiffance du
Chriftianifme , ont pu faire naître chez les
Chrétiens un genre d'ambition inconnu
chez tous les autres peuples anciens ou
modernes. L'amour propre fe modifie là
l'infini , fuivant les idées acquifes par l'éducation
& par l'habitude ; & de-là vient.
qu'il a , d'un pôle à l'autre , des caracteres
différens , & que celui d'un Européen ne
reffemble pas à celui d'un Afiatique.
(La fin au Mercure fuivant. )
34
MERCURE
, ANNONCES ET NOTICES.
On a mis en vente , le Lundi 30 Juillet , Hôtel
de Thou , rue des Poitevins , la foc . Livraifon
de l'ENCYCLOPÉDIE.
Cette Livraifon eft compofée de la onzieme
Partie ou Livraifon des Planches d'Hiftoire Naturelles
Partie de la Botanique , par M. de la
Marck ; du Tome II de l'Affemblée Nationale ;
Débats , par M. Peuchet , ancien Adminiftrateur:
de la ville de Paris ; du Tome X , 2. Partie ,
de la Jurifprudence , terminant le Dictionnaire
particulier de la Police & Municipalité , par le
même M. Peuchet ; du Tome III , 2. Partic
des Manufactures & Arts , par M, Rolland de la
Platiere , ci -devant Miniftre de l'intérieur .
291 100
Le prix de cette Livraifon eft de 41 liv. en
feurtles , & de 42 liv. 10 f. brochée..
A
( Nota. Le Volume de l'Affemblée Nationale fe
vend féparément , ainfi que les Planches d'Hitoire
Naturelle , de M. de la Marck , & l'Ency-"
clopédiana : la vente des autres Dictionnaires , fé
parés de L'ENCYCLOPEDIE , n'aura lieu que vers
la fin de l'année..
FRANÇAIS.
35
TABLEAUX , Statues , Bas- Reliefs & Camées
de la Galerie de Florence & du Palais Pitti ,
deffinés par M. Wicar , Peintre , ſous la direction
de M. Lacombe , Peintre ; avec les explications
par M. Mongez l'aîné , de l'Académie des Infcriptions
& Belles Lettres , & c. imprimés far
papier vélin fupe : fin de Johannot d'Annonay.
12. Livraiſon. Prix , -18 livres . A Paris , chez
Lacombe , Peintre , Editeur de l'Ouvrage , rue
de la Harpe , Nº. 84.
Cette fuperbe Collection fe continue avec des
foins dignes de fa beauté.
DEVAUX , Libraire , à Paris , rue de Chartres ,
N°. 382 , & au Palais -Royal , Nº . 181 , vient
de mettre en vente le XII . Volume de la Nou-
VELLE LÉGISLATION , ou Collection complette ,
& par ordre de Matieres , des Décrets rendus
par l'Affemblée Nationale conftituante .
Ce Volume eft le III . & dernier de Ordinaire
des Finances ; contenant , 1 °. les Droits
d'Enregistrement ; 2 ° . le Timbre ; 3 ° . Contribution
mobiliaire ; 4° . Inftruction fur cette Contribution
; 5. Principes généraux fur la Contribution
mobiliaire ; 6 °. Tarif des Droits d'entrée ,
de forrie ; 7° . l'Etat des Marchandifes prohibées
à l'entrée du Royaume , à la fortie ; 8°. Droits
de Patentes ; 9º. Contribution fonciere & mobil'aire
pour 1791 ; 100. de la Régie des Droits
d'Enregistrement & autres y réunis ; 11 °. Contribution
fonciete & mobiliaire ; 12º. Adreſſe aux
Français fur les Contributions publiques ; 13 ° .
Régie des Poudres & Salpêtres ; 14. Contribution
fonciere & mobiliaire pour 1792 , &c . &c,
" 3.6 MERCURE FRANÇAIS.
Le prix de chaque Volume eft de 3 liv. 15 f
pour les Soufcripteurs de Paris , & 4 liv. 10 f.
pour ceux des Départemens . On recevra des foumiflions
jufqu'au 1 Août , aux prix ci- deffus. On
vend féparément les Codes , s liv. chaque Vol.
;
LE NOUVEAU ROBINSON , pour fervir à l'amuſement
& à l'inftruction de l'un & de l'autre fexc
Ouvrage traduit de l'Allemand , & orné de 30
Gravures. 2 Vol . in - 12 . Prix , 6 liv . br. A Paris ,
chez Poinçot , Lib. rue de la Harpe , N°. 135 .
LETTRES écrites de Barcelone , à un Zélateur
de la Liberté, qui voyage en Allemagne ; Ouvrage
dans lequel on donne des détails vrais &
circonftanciés , 1 ° . fur l'état dans lequel le trouvaient
les Frontieres d'Efpagne en Mars 1792 ,
fur le cordon qu'on y a formé , & les préparatifs
de guerre qu'on prétend y avoir été faits ;
20. fur les Emigrés dans ce pays , fur l'accueil
qu'ils y reçoivent , & leurs menées avec plufieurs
Anecdotes à ce fujet , auxquels on a joint
quelques Réflexions & des détails philofophiques
fur les Mccurs , Ufages & Opinions des Efpagnols
, & c. &c. Par M. Ch ... Citoyen Français .
I Vol . in- 8 °. de 450 pages . Prix , 4 liv. 10 fous
br. & liv. franc de port par la Pofte . A Paris ,
'chez Buiffon, Imp- Lib . rue Haute- feuille , Nº. 20 .
C
J
HANSON.
TA BL EO
7.
3 Mémoires , 2e. Ex.
Les Rivaux d'eux - mêmes . s Annonces & Notices.
23
34
Charade, En . Log. 201
JOURNAL
HEBDOMADAIRE.
SAMEDI 18 AOUT 179211
PIECES FUGITIVES.
ORPHÉE ET EURIDICE ,
FABLE premiere du dixieme Livre des
METAMORPHOSES D'OVIDE.
HYMEN a pris l'effor fous la voûte azureé :
L'air frémit dans les plis de fa robe empourprée .
Hvole vers la Thrace , où le plus tendre Amant
Orphée attend le Dieu pour bénir fon ferment.
Il vient; mais du Deftin douloureux interprete ,
Son viſage eft finiftre , & fa bouche eſt muette.
Sa torche , en pétillant , fume & fe fond en pleurs ;
Er l'air excite en vain fes mourantes lueurs .
Le malheur fuit de près un fi fâcheux auguré.
Belle Euridice , un jour qu'errant fur la verdute,
Tu cours , en te jouant , fur la mouffe & les fleurs ,
Ton pied foule un ferpent ; tu pâlis , & tu meurs.
Nos. 32 & 33. 18 Août 1792 . C
33 JOURNAL
Epoux défelpéré , le Chantre de la Thrace ,
Las de fe plaindre au Ciel qui fouffrit la difgrace
Ola franchir vivant la porte des Enfers .
A travers les détours de ces cbfeurs déferts ,
Peuplés confufément de livides fantômes ,
Il aborda les Dieux de ces fombres Royaumes.
Là , d'une voix plaintive , & la lyre à la main ,
11 dit : Divinités du Monde fouterrain ,
Vous , dont tout ce qui naît entichit le domaine
Un déir curieux n'eft point ce qui m'amene ,
Ni l'orgueil d'enchaîner , à mes pieds serraílé ,
Le chien au triple col , de ferpens hérité. O
Je viens redemander une épouſe ravie.
De fa beauté fragile , au matin de fa vie ,
La dent d'une vipere a moiffonné la fleur .
J'ai voulu fupporter fa perte & ma douleur z zl
Je ne l'ai pu : je cede ; & je l'ai dû peut-être . in
L'Amour regne en Tyran ; l'Enfer doit lesbon ?
Eaître ;
Et des temps reculés fi les récits font vrais It
Lui feul rendit Pluton le gendre de Cérès.
Par ce fombre chaos , & cet Empire horrible,
Où regne avec la mort un filence terrible ,
Redonnez. Euridice à mes pleurs , à mes chants ,
Et renouez pour moi le fil de fes beaux ans.
Tout mortel , en naiffant , eft votre tributaire C.
C'eft ici des vivans la demeure derniere :
HEBDOMADAIR E. 39.
Tot ou tard on arrive à ce terme du fort ,
Et le plus vafte Empire cft celui de la Mort,
Euridice elle- même , à vos décrets fujette
De la Nature auffi doit acquitter la dette,
Rendez lui pour un teinps des jours trop tôt
perdus .
J'implore comme un don les ans qui lui font dus .
Si le Deftin cruel rejette ma priere ,
C'en eft fait je renonce à revoir la lumiere ;
Plus de retour fans elle : accordez à mes voeux
La grace d'Euridice , ou la mort de tous deux.
Il chante , & fous fes doigts fa lyre gémiſſante
Seconde de fa voix l'expreflon touchante .
Les Manes étonnés , fpectres vains & fans corps ,
Pleurent autour de lui , touchés de fes accords,
Sysiphe écoute , affis fur fa roche fatale.
L'onde fuit & revient fans irriter Tantale.
L'urne échappe à vos mains , ô filles de Bélus !
Et le bec du vaurour , bourreau de Tytius ,
Suſpend pour un moment les avides morfures.
Ixion fur la roue , oubliant fes tortures ,
S'arrête aux chants d'Orphée ; attentive à la
voix ,
L'Euménide pleura pour la premiere fois,
Pluton cede lui -même ; un charme irrésistible
A furpris la pitié dans fon coeur inflexible,
C &
40
JOURNAL
Il appelle Euridice : elle vient ; mais , hélas !
Sa plaie encor récente a retardé fes pas.
Ellc eft enfin rendue à fon époux fidele ;
Mais s'il jette un regard , un feul regard fur elle ,
Ayant qu'elle ait quitté l'Empire de la Nuit ,
Des faveurs de Pluton il perdra tout le fiuit.
Par un fentier ob cur , tortueufe caverne ,
Ils remontent tous deux les gouffres de l'Averne,
Orphée a prefque atteint la barriere du jour.
Soudain impatient & de crainte & d'amour ,
I regarde.... Euridice , hélas ! en vain rendue ,
Echappe à fon Amant un coup d'oeil l'a perdue .
Il la rappelle en vain du gefte & de la voix.
Elle meurt , fans fe plaindre , une feconde fois.
Eh ! quelle plainte encore aurait- elle formée ?
Eft - ce un crime pour lui de l'avoir trop aimée ?
Pa un dernier feupir que l'époux n'entend pas ,
Adicu , dit-elle ; & rentre aux gouffres du trépas .
( Par M. de St-Ange. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Journal précédent.
Le mot de la Charade eft Vinaigre ; celui
de l'Enigme elt Seringue celui du Logogriphe
cft Veau , où l'on trouve Eau.
HEBDOMADAIRE.
CHARADE.
LE matin & le foir on tire mon premier ;
Au moulin , lorfqu'on veut on trouve mon
dernierr ;
>
Au Concert , au Théâtre , on entend mon entier ,
J
ÉN IG M E.
A l'ame forte avec un corps débile ;
Je réunis l'agréable & l'uțile. -
Dans majeuneffe on me recherche peu
Mais l'amateur , jaloux de ma vieilleffe
Quand l'ignorant me croit digne du feu ,
Me croit , pour lui , digne de fa tendreffe ;
Je fers les R's , les Jeux & les Amours ,
Et les fureurs & la fombre trifteffe.
Né dans les bois , on m'entend dans les Cours
Je fers aux voeux des Galans de la ville ;
J'allége auffi le poids des jours
Aux habitans de mon premier afile :
Et pour tant de faveurs n'es- tu pas étonné
Qu'à la corde à jamais j'aye été condamné ?
C
42 JOURNAL
LOGO GRIPH E.
DANSIES
ANS les bureaux , Le&eur , je fuis fouvent utř'e ; 、
J'ai fix pieds , & je fuis du genre féminin .
Rarement on écrit fans me prendre à la main .
En me décompofant la recherche eft facile .
De mes pieds tranfpofés vois les combinaiſons ;
Elles t'offrent d'abord trois différens
pronoms ;
Une note , & le nom des Loix de l'Angleterré ;
De beaucoup de nos maux la caufe très-amere ;
Le globe pourchaffé d'un jeu noble & favant ;
Le titre que pourfuit la femme en fe parant ;
Ce qu'il faut employer en efprit , en cuiſine ;
Et d'un puiffant-feccars fouvent en Médecine 3
Un meuble néceſſaire à tout bon cavalier.
Si tu m'as deviné , tu peux le publier .
ཙཱ
( Par M. D...t fils , à l' Arfenal.)
HEBDOMADAIRE. 43
ج ت
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MÉMOIRES d'une Société célebre ,
confidérée comme Corps Littéraire & Académiques
depuis le commencement de ce
Siecle , ou Mémoires des Jefuites fur les
Sciences , les Belles i ettres & les Arts :
publies par M. l'Abbé GROSIER. Trois
Volumes in- 8°. ↳ avec Figures. A Paris ,
chez Defer de Maifonneuve Libraire ,
· rue du Foin - St Jacques , la porte cochere
au coin de la rue Bouttebrie.
DERNIER EXTRAIT.
L'ORDRE
' ORDRE des Jésuites avait tiré trop de
luftre de fes Millions; pour que leur pane
gyrifte ne relevât pas ce titre de gloire auffi
magnifiquement
qu'il lui eft poffible. Le
tableau eût été plus frappant encore , fi fes
pinceaux avaient eu plus d'énergie ; peu de
Lujets en étaient auffi fufceptibles mais
ce n'eft pas la force qui caractériſe le ſtyle
de l'Auteur. Aa refte , fes peintures font
nobles , intéreffantes & yraies , c'eſt déjà
un affez grand mérite, & pour cette fois, il
n'y a rien exagéré , le fujet l'en difpenfait
Il a fagement mis de côté tout le merveilleux
des anciennes Relations ; & n'a infifté
T

4
44 EJOURNAL
E H
que fur la réunion vraiment admirable d'intrépidité
& de douceur, qui diftinguait ces
conquérans fpirituels du Nouveau - Monde,
& qu'il oppofe habilement aux cruautés
exercées par les conquérans guerriers . Il
rappelle le Gouvernement paternel du Paraguay
, & les éloges qu'il a obtenus de
Philofophes , tels que Voltaire & Montelquieu
; les fervices importans qu'ont rendus
les Millionnaires Jefuites , les feuls qui
nous aient fait - connaître cet immenfe Epire
de la Chine , fes Annales , fes Arts ,
les productions . C'eft - la fans contredit la
plus belle partie de l'hiftoire des Jéfuités :
il eft trifte qu'elle ait fini par des fautes
inexcufables , par une rage de controverfe
qui-rendit ridicules & dangereux , aux yeux
des Chinois , ces mêmes hommes que les
Sciences & les Arts de l'Europe leur avalent
rendys respectables ; par une ambition
ufurpatrice qui révolta le Gouvernement ,
& fit chaffer enfin les Jéfuites & leur Religion
d'un des plus vaftes Royaumes de
la Terre. Sur rout cela , M. Abbé Grot
fier ufe de la figure de reticence ; & l'on
avouera que celle lapeft ici très - bien employée.
9f91 MusiÅTab
Il revient aux nomenclatures & aux
exagérations , quand il s'agit des Lettres :
il affure qu'elles ont perdu beaucoup à la
deftruction des Jéfuites : il est très -permis
d'en douter. Il eft de fait que la Société
!
HEBDOMADAIRE. 45
·
était depuis long- temps affez ftérile en ce
genre. Une des raifons qui avaient pu y
contribuer , c'eft que la Philofophie avait
donné aux Lettres un effor plus hardi &
plus étendu , qu'il était difficile de fuivre
fous la chaîne des préjugés monaftiques. Ce
qui était arrivé au P. Bougeant pour fat
Brochure, aufli médiocre qu'innocente, du
Langage des bêtes , n'était pas fait pour
encourager & à écrire & à penfer. Bofcovich
dans les Mathématiques , & Griffer
dans l'Hiftoire , avaient montré des connaiffances
: c'eſt à peu près là que fe réduifait
tout ce qui reftait aux Jéfuites en
Sciences & en Littérature ; & c'est ici le
heu d'obferver que jamais en aucun genre
ils ne s'étaient élevés bien haut les noms
que cite M. l'Abbé Grofier vont me fervit
de preuve. Je laiffe de côté les Théolo
giens ; il y en a tant ! & quelle Commitnauté
n'en a pas fourni une nombreufe
portée ? Les Géometres font un peu plus
rares ; ceux des Jéfuites , dans le fiecle
dernier , n'ont pas laiffé une grande réputation.
Caftel a été connu dans celui - ci ,
mais par la folle bizarrerie de fes idées ,
comme Hardouin par fes paradoxes en érudition
. Parmi les Savans , Petau , Sirmond ,
Kircher , Labbe , feront toujours diftingués
par leurs études laborieufes & leurs connaiffances
polygraphiques ; mais aucun
d'eux n'eft à comparer ni pour la fagaciré
1
46 JOURNAL
des recherches , ni pour l'utilité qu'on en
peut retirer, aux Mabillon , aux Ducange,
aux Pafq ier , aux Montfaucon , que confultent
tous les jours ceux qui ont des
livres pour s'inftruire. Il eft étonnant qu'au
nombre des Savans Jéfuites on n'ait pas
nommé ici Duhalde , dont le grand Ouvrage
fur la Chine eft certainement le plus
inftructif qui foit forti de la plume des
Jéfuites.
Quant aux Hiftoriens , M. l'Abbé Grofer
place au premier rang le P. d'Orléans ,
Auteur des Revolutions d'Angleterre , & le
P. Bougeant , Auteur du Traité de Weftphalie.
Ce dernier Ouvrage eft rrès- recommandable
par la méthode , la clarté , l'exactitude
, & par la fage fimplicité du ftyle.
Ce Livre et très - bien fait : c'eft, avec les
Mémoires du P. d'Avrigny , ce que les Jéfuites
ont fait de meilleur en Hiftoire . Mais
pourtant ces Ouvrages , qui font plus d'éradition
que de talent , ne fauraient placer
leurs Auteurs au premier rang des Hiftoriens
, même parmi les Français , chez qui
cette branche de Littérature, qui ne peut être
fécondée que par la Liberté , a été jufqu'ici
La moins fertile. Le talent de peindre les
Nations , les Cours & les hommes , un ftyle
au niveau des grands fujets , voilà ce qui
mérite la premiere place , & parmi nous
Elai fur l'Hiftoire générale de Voltaire , la
Vie de Charles XII, le Siecle de Louis XIV
1
HEBDOMADAIRE. 47
tout imparfait qu'il eft , les Révolutions de
Suede & de Portugal , de Vertot , la Conjuration
de Venife , de St- Real , I Eſprit de la
Ligue , font encore ce que nous avons de
plus eftimé , & fuppofent un efprit fort
fupérieur à celui des P. Bougean: & d'AVrigny
Four le P.d'Orleans , il était trop au
deilous de ton fajer , & par fes facultes
qui étaient affez communes , & par fon
état qui ne lui permet pas d'écrire l'Hiftoire
d'une Nagon hibe Proteftante . Il a
quelques morceaux eloquens , quoique fa
diction foit inégale & incorrecte ; mais à
dater de la réforme fous Henti VIII , la
lecture de fon Livre n'eft pas fupportable
pour un homme inftruit & impartial ; &
c'est bien pis encore , à l'époque de Jacques
Second & de Guillaume III. Le P.
d'Orléans n'eft alors qu'un plat & ignorant
adulateur de Louis XIV & de l'Eglite Romaine.
J'en dis autant , avec tout le Public , de
ce trivial & infidele compilateur Daniel.
Toutes ces prétendues réputations , dont
s'appuie, M. l'Abbé Grofier , font du temps
où l'influence des Jéfuites s'étendait jufques
far la fortune qu'ils faifaient aux
Ecrivains de leur Société ; ils les donnaient
à lire à la jeuneffe qu'ils élevaient ; ils les
piônaient dans un monde intéreffe à les
croire, & à les faire croire ; ils les exal-
C6
JOURNALI
taient dans leurs Journaux. Le temps a fait
juftice , & l'on fait aujourd'hui que Da
niel , dont tout le mérite eft d'avoir rec
tifié les erreurs de Mezerai dans les deux
premieres Races , n'eft depuis la troifieme
qu'un Hiftorien de parti , à qui le menfonge
ne coute rien , & de plus , un narrateur
platement & froidement prolixe
Que dire de Catrou & Rouillé , fi pro
fondément oubliés & trop heureux de
Pêtre , d'un Berreyer fi fameux par le ri
dicule Faire trophée de ces noms- là , en
vérité c'eft appeler au feftin les aveugles &
les boiteux.
Longueval & Pallavicin ne fe trouvent
ici que pour nous rappeler , apparemment,
la diftance qu'il y a de l'Hiftoire du Concile
de Trente, du dernier , à celle de Fra -Paolo,
& de l'Hiftoire de l'Eglife Gallicane , da
premier , à celle de l'Eglife , de l'Abbé
Fleury.
Voici encore Maffée , Strada , Turfelin ,
Molina. Il faut croire que l'Auteur s'eft
trompé de nom & a voulu dire Mariana ;
cependant l'Errata ne fait point mention
de cette faute. Quoi qu'il en foit , il n'y
a point d'Hiftorien qui s'appelle Molina.
Maffée a compofé feize Livres de l'Hiftoire
des Indes , Strada celle des Guerres civiles
des Pays - Bas , Mariana celle d'Espagne ,
Turfelin un Abrégé d'Hiftoire Univerfelle.
Tous font eftimés pour l'élégance de leur
HEBDOMADAIRE. 49
latinité moderne ; mais tous ont écrit en
déclamateurs & en Moines ; & nous avions
dans le même temps un de Thou , dont le
latin vaut bien le leur, & dont l'efprit vaut
un peu mieux .
J'ai parlé ci-deffus des Poëtes : refte les
Critiques , les Commentateurs , Traducreurs
, tous ceux qu'on défigne fous le nom
générique de Littérateurs ; ce font , au
choix du panégyrifte , Buffier , Bouhours ,
Brumoy, Jouvency , Sanadon , Ducerceau
Baudory , Menetrier , Vavaleur , Oudin
André , Berthier. La plupart ne font gueres
connus que dans les Colléges ; & les vers
de Ducerceau font très mauvais , même
pour les Colléges. La traduction du Théar
tre des Grecs , de Brumoy , a donné aux
gens du monde une idée des Poëtes dramatiques
de l'Antiquité , & toute défec
tueufe qu'elle était , elle n'a pas été inutile .
Les Ouvrages élémentaires de Buffer ont
difparu depuis long - temps , même des Ecoles
, parce qu'on a fait infiniment mieux .
Bouhours ne manquait ni d'efprit , ni d'une
certaine critique , mais l'excellente critique
de Barbier - d'Aucour , fi célebre fous le
nom de Sentimens de Cléante , a fait voir
tout ce qui manquait à Bouhours .
Ce court réfumé prouve que dans aucun
genre les Ecrivains Jéfuites n'ont pa
atteindre plus haut que le fecond rang tout
au plus comme dans la Prédication &
2
JOURNAL
dans Hiftoire , & que la plupart font
reftés fort as deffous . Ce n'eft pas le nombre
, c'eft la valeur des hommes qui pete
dans la balance de la Poftérité , & fous ce
rapport ; qui eft celui de la raifon & de la
vérité , la Société calebre le cede à l'Oratoire
, qui a fon Mallon , & qui a de
plus un Malicbranche , veritable Philofophe
dans quelques parties de fa Métaphyfique
qucique vifi nuaire dans celles où il a voulu
1'allier à la Théologie : les Jefuites n'ont pas
un feul Philofophie . La Société le cede , pour
la fcience & l'erudition , aux Bénédictins :
elle le cede , dans l'Hiftoire , aux Genove
fains , qui ont un Anquetil , très-fupérieur
à tous les Hiftoriens Jefuites : elle le cede
à Port- Royal , dont le feul Pafcal enleverait
à lui , par le poids de fon génie , l'Ecole
toute entiere d'Ignace , comme dans
l'allégorie imaginée par Homere , Jupiter
enlevait à lui tous les Dieux par la force
de fon bras ; & ce même Port- Royal , qui
n'était qu'une petite Communauté de Solitaires
perfecutés & opprimés , l'emporte
encore fur la puiffante Société par l'excellence
de fes Livres d'éducation , regardés à
jamais comme claffiques. t
M. l'Abbé Grofier , qui tire parti de
tout , revendique en quelque forte pour la
Société des hommes célebres qui en ont
porté un moment la robe , à peu près
comme une Maifon d'Education revendi
HEBDOMADAIRE.
-
querait la gloire qu'auraient acquife depuis
fes Eleves. Il eft vrai que c'eft dans une
modefle cellule , comme il le dit fort bien ,
qu'eft né le charmant Poëme de Vert- Vert :
c'était en effet un prodige ; mais il eſt unique
; Vert- Fert & la Chartreuse étaient
vraiment des fruits étrangers au fol qui les
portait , & quand l'Auteur voulut s'élever
jufqu'au Mechant , il y avait long - temps
qu'il avait quitté fa celule. Il en était de
même de Guymond de ta Touche , quand il
donna Iphigénie en Tau ide. » Les Gedoyn,
" les Fraguier , les d'Olivet , tes Velly, les
و د
Marfy , les Desfontaines , les Fréron ".
J'ai déjà remarqué combien ce plurier les,
employé per emphafim , comme difent les
Grammairiens , était aujourd'hui ridiculement
prodigué. Nos Journaux , nos Brochures
en font remplis. Quand on dit les "
Voltaire , les Montefquieu , les Rouffeau ,
tout Lecteur fent la convenance de cette
formule qui déligne les hommes rares ; mais
quand on l'applique à ce qu'il y a de plus
commun , il reconnaît la petite charlatanerie
maladroite de la médiocrité qui voudrait
ufurper les honneurs du génie . D'O-
· livet érait un bon Grammairien & un trèsfaible
Traducteur ; Gedoyn nous a laiffé
une Traduction de Quintilien juſtement
eftimée , mais qui pourrait être beaucoup
meilleure Fraguier eft du commun des
érudits , & Velly du commun des Hifto:
32 JOURNAL
riens. Marly , Auteur d'un Poëme latin fur
la Peinture , vaut mieux qu'eux tous ; il
avait réellement du talent , & M. le Mietre
lui eft redevable de ce qu'il y a de plus
beau dans le Poëine qu'il a fait d'après le
fien. Desfontaines eft apprécié depuis longtemps
; fa Traduction de Virgile , reléguée
dans les Colléges , eft miférable , & il eſt
impoffible d'en foutenir la lecture , quand
on connaît l'original . Dans la Critique il
ne manquait pas de connaiſſances ; mais fon
goût était très -peu sûr , en mettant même
de côté la partialité. Permis à M. l'Abbé
Grofier d'accufer la mienne , à l'égard de
Fréron ; mais quoique je lui aye l'obligation
de m'avoir affocié dans fa haine aux
-grands Ecrivains qu'il a conftamment déchirés
, je fuis obligé d'affirmer en confcience
que c'était un pauvre homme ; &
fans parler des excès honteux qui ont férri
à jamais fa mémoire, tout véritable homme
de Lettres fait , & M. l'Abbé Grofier luimême
fait auffi bien que moi , combien
Fréron était borné dans fes lumieres , &
fuperficiel dans fa critique. On le met pourtant
ici parmi des Ecrivains qui ont eu du
- mérite . Ce que c'eft que d'avoir été Jé-
- fuite ! On n'avait jamais dit les Fréron , que
comme on dit les Gacon , les Zoiles , les
Clément , pour défigner les plus fignalés
détracteurs des talens ; car cet article emphatique
les s'emploie auffi pour ce qui a
r
HEBDOMADAIRE. 53
1)
marqué en mal comme en bien ; & voilà que
M. l'Abbé Groffer nous dit hardiment , les
Gedorn , les Marfy , les Fréron ! Il fuffic !
d'avoir por é le bonnet à trois cornes pour
avoir de lui une Oraifon funebre . Ne va
t-il pas jufqu'à vouloir auffi alfocier les
Jéfuites à la célébrité de l'Abbé Raynal ,
de Cerutti , de Millot , qu'il appelle des
transfuges de la Société , parce qu'ils ont
habité quelque temps une de fes Maifons,
comme on appellerait transfuges ceux qui
fortiraient d'un College où ils auraient
étudié ? ( car jufqu'au moment des voeux ,
la Communauté des Jefuites n'était pas
autre chofe. ) Je fuis étonné qu'il ne lui
attribute pas auffi la gloire d'avoir produir
des Généraux célebres , parce que le Comte
de St- Germain avait auffi été Jefuite."
Je crains que M. l'Abbé Grofier ne fe
foit pas apperçu que bien loin que ces
noms plus ou moins fameux fervillent fa
caufe , il y avait au contraire de la maladrele
à les citer. En effet , quand des
hommes remarquables , fur - tout par une
Philofophie libre & hardie & un efprit
ennemi des préjugés ont fui loin de la
Société pour donner l'effor à leur penſée ,
n'ont - ils pas attefté que la penfée était
efclave chez les Jéfuites ? Ainfi la gloire de
ces Ecrivains accufe la Société , bien loin
de la juftifier ou de l'honorer.
,
་ ་
C
*** Finiffons fur ce qui regarde la Société,
54 JOURNALI
par un témoignage qui ne faurait être fufpect
de paffion. Le Kzar Pierre n'était alfurément
ni Janf- nifte , ni Encyclopédifte ;
il ne connaiffait les Jefuites que par la Renommée
& partoire . Voici comme il
s'exprimait , en 1719 , dans un Décrer qui
leur interdifait l'entrée de fes Etats , affiché
à la porte de l'Eglife Catholique de Saint-
Pétersbourg.
و د
و د
و ر
ور
" Je fais que la plupart des Jéfuites font
éminemment inftruits dans toutes les
» parties des Sciences & des Arts , que
fous ce point de vue ils pourraient être
infiniment utiles, aux, Empires. Mais far
chant également qu'ils ne font fervir la
Religion qu'à leur utilité perfonnelle ,
» que cet extérieur de piété cache une an
bition déméfurée & des refforts compli
qués d'intrigues , dont le jeu ne rend
qu'à groffir leur opulence , & à étab
ou affermir la domination du Pape , cu
" plutôt la leur , dans tous les Etats de
l'Europe ; que leurs Ecoles ne font qu'un
inftrument de tyrannie , ils font trop
» ennemis du repos & trop puins pour
faire efpérer qu'ils ne voudront plus fe
meler des affanes de mon Empire je
renonce au bonheur de les poffeder , &
ne puis m'étonner affez qu'il exifte en-
" core des Cours en Europe qui se veuil-
» lent pas ouvrir les yeux fur leur infidieufe
conduite. Quelque chofe que l'on
و ر
و ر
HEBDOMADAIRE.
و ر
ور
publie de la fine politique des Cours
d'Espagne & de France , je trouve leur
prudence en défaut , de tolérer chez elles
" une Congrégation qui à fu acquérit la
propriété de tant de domaines en Eurere
" & en Amérique , qui leur a fufcité tant
» de maux , & qui a été la caufe de la
mort factilége de plufieurs de leurs Rois ".
"
Catherine & Frédéric leur ont permis
depuis d'inftruire la jeuneffe en Ruffie &
en Pruffe , parce qu'ils ne les ont pas regardés
comme à craindre dans des pays ou
le fanatifme eft inconnu , mais ces Cours
politiques de France & d'Elpagne , qui
ne pouvaient pas avoir les mêmes motifs
de fécurité , le font repenties d'avoir penfé
trop tard comme le Kzar Pierre.
HISTOIRE de la Révolution , & de l'établiffement
d'une Conftitution en France ;
précédée de l'expofé rapide des Adminif
trations fucceffives qui ont déterminé cette
Révolution mémorable par deux Athis
de la Liberté. Derniers Livraison . Tomes
VI& VII in-8°. A Paris, chez Clavelin ,
Libraire , rue Haute-feuille , No.5 , près
St-André-des Arts. Prix , liv. 4 fous
pour Paris , & 8 liv. 4 f. rendus francs de
port dans tous les Départemens.
516
JOURNAL
Nota. L'Ouvrage complet , en 7 Volumes
in-8°. , eft du prix de 25 liv, pour Paris ,
& de 18 liv. franc dans tout le Royaume.
CET Ouvrage doit faire honneur à fes
Auteurs fous plus d'un rapport : il refpite
le patriotifme le plus ardent & le plus pur,
& il ne s'y mêle aucun des vices de l'efprit
de parti. L'amour de la vérité & de la juſtice
, inféparable de l'amour de la Liberté,
paraît avoir conduit leur plume. Tous les
événemens font claffes avec ordre , & racontés
, en général , avec nobleffe & intérêt.
On peut faire quelques reproches an
ftyle, qui n'eft pas toujours exempt de cette
déclamation trop à la mode ; & qui man
que fouvent de précifion. Le corps de
P'Ouvrage eft aufiì furchargé d'une foule
de détails , de difcours & de Décrets , qui
font , par eux mêmes , plutôt des pieces
juftificatives qu'on peut trouver par - tour
ailleurs , que des parties intégrantes d'une
Hiftoire ; mais il faut s'attendre que tout
ce qu'on écrit jufqu'ici dans ce genre offrira
plutôt des matériaux qu'une Hiftoire rédigée
fuivant les principes du genre : fi près
des événemens , il eft trop difficile de mettre
dans la narration aflez de choix & de
mefure. L'Ouvrage que l'on annonce ici
fera du moins un des meilleurs & des plus
utiles que l'on ait pu compofet à cette
HEBDOMADAIRE. $7
époque , qui n'eft pas encore , à beaucoup
près , celle où l'Hiftorien pourra fe trouver
dans un point de vue affez élevé pour
embraffer tout l'enfemble de cette mémorable
Révolution , & en deffiner un tableau
complet & régulier.
Les deux Hiftoriens ont eu la fageffe de
ne pas vouloir trop devancer ce moment
qui n'eft pas arrivé. Quand les caufes ne
font pas encore bien connues , ils fe bornent
à des conjectures raisonnables ; nulle
exagération , nulle partialité dans leurs
jugemens. La lecture de cet Ouvrage eft
fur- tout propre à nourrir & fortifier cet
attachement aux principes de liberté , fans
lequel on n'eft pas long- temps libre. Cette
multitude de faits remarquables qui ont
fignalé notre Révolution , & que leur fucceffion
rapide peut quelquefois effacer les
uns par les autres , eft ici retracée de maniere
à faire fentir une vérité que nos ennemis
cherchent en vain à détruire ; c'est
que dans le long ébranlement que nous
avons éprouvé & que nous reffentons endore
, fi le Peuple, Français a commis des
faures que perfonne ne lui reproche avec
plus d'amertume que ceux qui les ont occafionnées
, il a bien plus fouvent montré ,
une grandeur qui n'était qu'à lui , & qui
doit l'élever allez à fes propres yeux pour
le rendre à jamais.invincible.

$82
JOURNAL
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRES DE TACITE , en latin & en francais
, avec des Notes fur le textes par J... H .., '
Dotteville , de Oratoire , Correffondant de
Acadic des Infcriptions & Belles- Lettres . 3e ,
¿dition , reyue & corrigée . Tomes I & II. A
Paris , chez Froullé , Imp - Libr. quai des Auguf
tins , No. 39 , au coin de la rue Pavée,
Tacité eft fi difficile à traduire, & fi intéreſ→
fant à connaîte , que ceux qui l'ont fait paffer
dans notre Langue avec quelque fuccès , ont
rité de la reconnaillance , fur- tout de la part
de ceux qui ne font pas à portée de lire l'original
. Le P. Dotteville eft du petit nombre des
Traduceurs de Tacite qui ont jufqu'ici approché
du but. Son travail eft eftimé des Latiniftes , &
le nombre de fes éditions prouve qu'il a eu des
Lecteurs . Ga nous annonce que ces deux Volumes
des Hiires feront bientôt fuivis des An- .
nales ; & la réimpreffion de ces fortes d'Ouvrages
eft un fervice rendu aux Amateurs des Lettres,
:
CONSIDERATIONS fur la Révolution Françaiſe
& fur la Corjuration des Puiflances de l'Europe
contre la iberté & les droits des hommes ; ou
Examen de la Proclamation des Gouverneurs des
Lays - Bas pr Dominique - Jofeph Garat , ex-
Député de l'Affemblée Nat onale conflituante. A
Paris , chez Buiffon , Imprim- Libr. rue Hautefeuille
, Nº. 20. Prix , 24 C. , & 30 f, franc de
port pour les Départemens.
+
HEBDOMADAIRE. $9.
9.75019 224 9
Cet Duvrage, que l'on peut appeler le manifeſte
de l'humanite contre les Tyrans , doit être re
garle comme la meilleure production de l'Auteur
, compté depuis long- temps parmi les plus
dignes défenfeurs de la Liberté . Le grand talent
qu'il a fouvent fignalé dans la plus belle de toutes
les caufes , s'eft élevé ici jufqu'à la perfection .
Cette Brochure , qui n'a pas cent pages , n'eft
pas fufceptible d'extrait il faudrait la citer
prefque toute bentiere fi l'on voulait citer tout
ce qui mérite d'être remarqué. Ce ne font point
des déclamations & dest ánvectives , toujours . fi
faciles & fi communes c'est l'éloquence de la
raifon , éloquence toujours victorieufe & quelquefeis
fublime . A quelques fautes près, foit dans
la diction , foit dans les conftructions , fautes
qui ne font que de régligence & d'inadvertence ,
& non point de faiblefle , & qu'on ferait difpa
Litre en un quart - d'heure , ce morceau eft un
chef-d'oeuvre.
12
N. B. L'Auteur a fait du mafculin le mot aire
( en latin area ) il eft du féminin. On le remarque
ici , afin qu'il n'oublie pas de le corriger dans
une nouvelle édition .
GRAVURE.
PORTRAIT DE GABRIEL-HONORÉ MIRABEAU ,
gravé au lavis en couleur ; par P ... M .... Alix ,
faifant pendant à ceux de VOLTAIRE , JJ
ROUSSEAU , MABLY , MONTAIGNE & LINNÉ ,
de 9 pouces fur 7 trois quarts , & de forme ovale,
Tous ces Portraits font d'un fini précieux & de
la plus parfaite reffemblance. Les épreuves fent
60 JOURNAL HEBDOMADAIRE.
tirées fur papier vélin fuperfin. Ils fe yendent
6 liv . chacun. A Paris , chez M. F. Drouhin
Editeur & Propriétaire des Antiquités Nationales ,
rue Chriſtine , Nº. 2. On peut ſe les procurer
féparément , fi l'on veut.
G έ ο RAPHI- E.
ATLAS NATIONAL pottatif de la France ,
comprenant fa nouvelle divifioneh 83 Départemens
, décrétée par l'Affemblée Nationale , les
155 16 & 16 Février 1790 , fanctionnée par -le
Roi, le 4 Mars fuivant : par M. Moithey , Ingénicur
, ancien Profeficur de Mathématique , &c .
Prix , 27 hv . A Paris , chez l'Auteur , rue de la
Harpe , No. 109 ; la veuve Duchefne , Libr . rué
St-Jacques ; Belin , Libr. même rue , près Saint-
Yves ; Guod & Teffier , Libr . rue de la Harpe ,
au coin de celle des Deux - Portes ; veuve Bailly ,
Libr. rue Saint - Honoré , Barricre des Sergens ;
Onfroy , Libr . rue St -Victor ; & Defnos , Libr.-
au bas de la rue St -Jacques..
On trouvera chez les Libraires ci -deffus , le
DICTIONNAIRE Hydrographique de la France
par le même ; in- 8°. Broché , 4 liv. ro f. Cet
Ouvrage manquait à la Géographie de la France .
Σ
ORPHET, &c.
TABLE.
I
Ear de , Enig. Log.
Memoires, 3e. Ex.
37 Hiftoire.
41 Annonces & Nprices.
431
I'F
1
Year 135..
MERCURE
FRANÇAIS.
LIBERTÉ , ÉGALITÉ .
VENDREDI 31 AOUT 1792 .
PIECES FUGITIVES.
COUPLETS SUR CRÉBILLON FILS ,
Qui avait été fe plaindre à la Police de ce
qu'un Journaliste avait dit du mal des
Tragédies de fon pere.
L'AVEZ - Vous vu ce grand garçon ,
Portant le nom de Crébillon ;
Mais qui n'eft pas fils de fon pere ?
Laire là , laire lanlere , & c.
Ne vous méprenez , s'il vous plaît ;
Entendez qu'à fon pere il eft.
Beaucoup moins que Thomas à Pierre .
Laire là , &c.
Nota. Ces Couplets couturent manufcrits dans le temps ;
ils n'ont jamais été imprimés.
Nº . 34 & 35. 31 Août-1792. D.
62 MERCURE
IL fit quelque Roman fretin ,
Quelque amphigouri libertin ,
Dont on ne fe fouvient plus guere .
Laire là , & c.
SON chef- d'oeuvre c'eft le Sopha
C'eflà que , vainqueur d'Angola ,
Il a furpaflé la Morliere.
Laire là , &c .
Il fait grand bruit parce qu'on a ,
A tous les vers de fon papa ,
Préféré Racine & Voltaire .
Laire là , & c.
QUELQU'UN , comme il criait fi haut ,
Lui dit : Taifez - vous , grand nigaud ;
Ce ne font pas- là vos affaires.
Laire là , & c.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent .
Le mot de la Charade eſt Baſſon ; celui
de l'Enigme eft Violon ; & celui du Logogriphe
eft Sebille , où l'on trouve Il, Elle,
Se, Si, Bill, Bile, Bille, Belle, Sel, Selle.
FRANÇAIS.
CARA DE.
MON premier tient de l'animal
Sans mon fecond point de dentelles ;
Et l'on peut , fans lui faire mal , い
A mon entier couper les ailes .
( Par M. Lagache fils , d'Amiens. )
ÉN I G M E.
J
NOTRE nombre eft celui des merveilles da
Monde ;
Sur un corps délié nous portons telle ronde ;
Notre fexe eft le féminin >
Et , par un bizarre deſtin ,
Sans qu'une de nous en murmure ,
On enchaîne nos pieds pour nous faire courir s
Mais pour nous arrêter il ne faut qu'un foupir.
Ami Lecteur , fi d'aventure ,
D'après ces traits tu ne nous connais pas ,
Prends l'Hymne de S. Jean , tu nous y trouveras.
( Par le même. )
LOGO GRIP NE.
JE fuis un compofé de mille êtres divers.
Mets ma tête à mes pieds : j'habite les Enfers .
( Par le même. )
1 2
64
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SAINT- FLOUR & JUSTINE, ou Hiftoire
d'une jeune Françaife du 18me. Siecle ;
avec un Dialogue fur le caractere moral
des Femmes par M. de F*** . 2 Vol.
in - 11 . A Paris , chez M. Huet , Directeur
du Bureau de la Correfpondance des
Artiftes & des Amateurs des Sciences &
des Arts , rue St - Honoré, vis -à- vis la
grille des Jacobins , N°. 70.
CETTE efpece de Roman , en deux petits
volumes , offre un fingulier mélange : il y
a de tout, & c'eft un de ces cadres ima-.
ginés , d'après la Nouvelle Héloïfe & les
Ouvrages de Sterne , pour y raffembler
tout ce qu'on veut. La forme épiftolaire .
eft une commodité de plus pour prendre
tous les tons & traiter tous les fujets. I a
partie la plus faible de l'Ouvrage eft celle
qu'on peut appeler d'invention , la partie
romanefque. L'Auteur , en cherchant l'extraordinaire
, eft tombé dans l'invraiſemblance
. Son Hércine , Juftine , eft affurément
une femme comme il n'y en a pas.
$ 1.
FRANÇAI S.
Que févere pour un jeune homme fenfible
& vertueux qu'elle aime , elle cede par inexpérience
à un libertin adroit & entreprenant
qu'elle n'aime pas , cela fe conçoit ,
& n'eſt pas , à beaucoup près , fans exemple
; qu'enfuite mariée contre fon inclina
tion à un homme riche & vieux , qui n'a
de fon mari que le nom , elle continue à
vivre par convenance avec celui qui l'a
féduite le premier , cela eft encore plus
commun ; mais voici ce qu'on n'attend
pas , & ce que de pareils commencemens
rendent incroyable. Ce jeune homme qu'elle
aimait & que fes parens n'ont pas voulu
lui donner pour époux , St- Flour eſt allé
courir le monde pour oublier fon amour ,
& revient plus amoureux que jamais. Juftine
eft alors brouillée avec fon féducteur' ;
cette premiere intrigue a occafionné des
aventures fâcheufes qui ont éclaté ; fon .
mari , qui eft un honnête homme , lui a
tout pardonné , eft affez raiſonnable pour
ne point lui demander un amour dent il
n'a pas befoin , & fe trouve affez heureux
de la fociété & des foins d'une femme
aimable. C'eft dans ces circonstances qu'elle
retrouve St-Flour , qu'elle aime d'autant
plus qu'elle a fenti que peu d'hommes le
valaient. De fon côté , St-Flour , rigoriffe
en morale & en amour , fe fait une loi de
refpecter dans le prétendu mari de Juftine
un noeud qui n'exifte que dans la minute
D 3
$6 MERCURE
du contrat. Sa Maîtreffe , femble partager
fes fcrupules , & tous deux jurent de s'en
tenir à l'union des ames. Mais Juftine, qui
n'a juré que pour paraître auffi fublime
que fon Amant , n'a point du tout envie
de tenir ce ferment téméraire : elle prodigue
à St-Flour les agaceries les plus féduifantes
, & il ne tarde pas à y fuccomber .
Qu'en arrive-t-il ? Dès le lendemain Juftine
lui écrit qu'elle a tout fait pour l'attirer
dans le piége & le faire manquer à fes fer-
& que pour s'en punir , elle vient
mens ,
de s'empoisonner .
Comment accorder des chofes , fi incompatibles
? Qu'une femme d'une vertu inflexible
ne fe pardonne pas une premiere faibleffe
& fe condamne à mourir , cela eft
conféquent , quoique infiniment dur & infiniment
care. Mais quoi celle - ci s'eft
bien permis d'époufer un homme qu'elle
trompe, en confervant fon premier Amant,
que pourtant elle n'aime pas ; & pour
une faute bien plus excufable , pour avoir
fait le bonheur d'un autre amant à qui elle
doit tant , fans que ce bonheur nuife en
rien à celui de cet homme qui n'eft pas
plus jaloux qu'il n'eft mari , elle ne trouve
rien de mieux que de mourir de livrer
à un défefpoir affreux l'homme le plus
digne d'être aimé ! C'eft - là , fans doute
une étrange morale & une combinaiſon
fans exemple..
FRANÇA I S.
67
Cependant ôrez ce tragique mal- entendu ,
dans lequel l'imagination de l'Auteur s'eft
légarée , & vous trouverez que cette imagination
le fert beaucoup mieux dans les
détails. Il y a de la paffion & de la vérité ,
des peintures intéreffantes en plus d'un
genre , des chofes bien vues & bien faifies,
des fcenes bien tracées ; c'eft , en un mot ,
l'ouvrage d'un homme qui a de l'efprit &
de la fenfibilité. La fienne eft naturellement
réfléchiffante , tantôt mélancolique & terdre
, tantôt vive & paffionnée. Il paraît
aimer beaucoup les femmes ; ce n'eft pas
un moyen sûr pour les juger toujours bien ,
mais c'en eft un pour en parler avec intérêt,
même lorsqu'on en dit le plus de mal . La
premiere partie de eet Ouvrage roule toute
entiere fur elles les apperçus de l'Auteur
à cet égard ne font pas tous également
juftes ; mais toutes les penfées font d'un
homme honnête & droit , ami des moeurs
& de la vertu . Il énonce ainfi dans la Préface
les motifs qui l'ont porté à écrire .
?
و د » Le befoin d'écrire nait du vide de l'ame.
» Le vrai fage caufe volontiers de fes opi-
" nions , mais il n'écrit point. L'homme
emporté par une paffion violente n'écrit
point non plus. Ainfi l'extrême fagelle
» & l'extrême folie operent à peu près fur
» nous des effets pareils , & nous con-
» centrent également au dedans de nous..
L'homme qui vit dans la folitude , pear
D 4
68 MERCURE
ور
"
» fant plus & agiffant moins , éprouve à
un certain âge le befoin d'écrire. Comme
il n'a autour de lui perfonne à qui il
puiffe communiquer les fentimens & fes
» idées , il les confie au papier. C'eft un
» ami fidele , toujours prêt à le foulager du
pénible fardeau de penfer feul. N'ayant
point de fociété qui l'intéreffe , il s'en
fait une de fes Ecrits ; ne pouvant caufer
» avec fon voifin , il parle à l'homme de
tous les pays ; mais ne voulant ni briller
ni jouer un rôle , il n'écrit point pour
» la multitude ; il écrit pour ceux qui
penfent comme lui , quelque part qu'ils
foient , parmi les contemporains ou dans
la Poftérité « .

."
و د
و د
ور
La plupart de ces idées me paraiffent
manquer de jufteffe. Eft- il vrai que le befoin
d'écrire naiffe du vide de l'ame ? Er
que pourrait écrire , du moins qui méritât
d'être lu , un homme qui n'aurait rien
dans l'ame ? Ce font , au contraire , ceux
dont l'ame a pu amaffer beaucoup de fentimens
, & l'efprit beaucoup d'idées , ce font
ceux -là qui ont véritablement le befoin
d'écrire ; dans les autres , c'eft la fantaifie
de la vanité ou du défoeuvrement. Si l'Auteur
entend par vide de l'ame l'abfence
des grandes paffions , comme on peut l'inférer
de ce qu'il dit enfuite , c'est autre
chofe; mais dans ce cas -là même il ne s'eft
pas encore bien exprimé. Il eft vrai qu'un
FRANÇA I S.
homme emporté par une paffion violente ne
fonge gueres à écrire ; mais auffi rien de
violent n'eft durable , & les paffions violentes
ne font pas l'état habituel de l'homme.
On peut ne pas les éprouver , & n'avoir
ni l'ame ni même le coeur vide. Une paffion
forte & malheureufe peut empêcher d'écrire
; mais c'eft un extrême : aucun extrême
ne dure ; on meurt ou en guérir.
-
Pourquoi donc le vrai fage n'ecrirait-il
point ? Cet axiome eft bizarre . Sans doute,
il y a toujours quelque rifque à écrire ; on
s'expofe aux vents de l'opinion ; mais il n'y
a que l'égome abfolu qui ne veuille rien
rifquer pour être utile aux autres , & le
vrai fage eft - il affez égoïite pour vouloir
rendre fa fageffe ftérile ? Heureufement ,
beaucoup de fages ont penfé tout autre
ment. Sans cela , aurions nous tant de
beaux Ouvrages qui ont inftruit les hommes?
J'avouerai que dans la folitude on a le
befoin d'être occupé ; qu'à un certain âge
on peut être tenté d'écrire , parce qu'on a
moins de moyens d'action & un plus grand
fonds de penfées ; mais faut - il pour cela
n'avoir perfonne à qui l'on puiffe communiquerfesfentimens
& fes idées , point de fociété
qui nous intéreffe ? Heureufement il
n'eft pas commun d'être ré luit à cette efpece
de folitude : elle n'eft : elle n'eft pas faite pour
l'homme , & ce ferait acheter bien cher le
plaifir d'écrire.
D s
70 MERCURE
Pourquoi d'ailleurs le Sage n'écrirait- il
que pour ceux qui penfent comme lui ? C'est
comme fi nous ne veulions parler qu'à ceux.
qui feraient de notre avis ; il y aurait làdedans
trop d'amour- propre, & bientôt trop
d'ennui par écrit comme de vive . voix , on
met fes idées dans le commerce général des
efprits ; elles rapportent & fructifient plus .
ou moins , felon leur valeur & felon le
remps ;.mais de toutes ces mifes différentes ,
fe compofe , à la longue , le magafin de las
raifon univerfelle , où puifent tous les âges
& toutes les Nations.
L'Auteur n'y aura pas fourni un contingent
inutile dans ce qu'il dit des femmes
& fur tout de leur véritable deftination ,.
marquée par la Nature ( quoi qu'on en ait
voulu dire) , dans la fubordination des vertus .
domeftiques , conjugales & maternelles..
Rouffeau & d'autres Philofophes l'avaient
déjà enfeigné ; mais on ne faurait trop
revenir fur les vérités effentielles , fur-tout
lorfqu'on cherche , d'un autre côté , à, y
fubftituer des doctrines fophiftiques & gratuitement
: adulatoires . Affurément les femmes
ne pourraient qu'y perdre jamais il
n'y aura un partage plus doux & plus par--
ticuliérement fait pour elles que celui des
1oins & des devoirs d'une mere de famille,,
auxquels la Nature femble avoir pris plaifir
à attacher tant de jouiffances de tous les
momens..
FRANÇAIS. 7E
Ce qu'il y a de plus heureux , c'eft que
dans ce plan de vie rien n'empêche les
femmes de fatisfaire un de leurs premiersfentimens
, le défir de mettre en ufage & en
valeur tout ce qu'elles ont d'agrément &
de mérite. Mais fur la mefure qu'elles doivent
y garder pour leur propre intérêt
l'Auteur leur à donné une très bonne
leçon .
"
"
"
- "
»
ود
-
Que la femme foit aufli réfervée fur
les charmes de fon efprit que fur ceux .
de fa perfonne.. Il lui eft perinis de faire
imaginer tout ce qu'elle vaut , elle peut
» même quelquefois fe montrer, pour ainfi
dire, toute entiere ; mais la pudeur s'é-
» tend jufques fur l'ame ; une modefte
honte la voile, ainfi que le
le corps , aux
regards indifcrets de la curiofité . C'eft
» à l'amant , à l'ami , à l'époux qu'appar
" tient cette jouiffance précieuſe de tout
» l'être. C'eft à fe rendre meilleure à fesi
" propres yeux , & plus aimable aux yeux
» de ceux auxquels il lui importe feuls de
plaire que la femme doit employer fest
" talens , fes connaiffances , fen efprit , &
» non pas à briller dans un cercle étroit de
→ petits admirateurs , & c...
"
Ces idées pourraient être quelquefois
mieux rendues ; mais elles font délicates
& vraies. Pourquoi , en effet , une femme
qui aime & qui eft bien aimée fe croiraitelle
permis de faire connaître toas fes
D &
72
MERCURE
moyens de plaire à d'autres qu'à celui qui
feul lui plaît , & qui ne veut plaire qu'à
elle feule? Son amant n'a-t-il pas droit de
lui dire Vous êtes mon tréfor , & je he
veux pas que , fous aucun rapport , un autre
que moi en fache tout le prix . Indépendamment
des faveurs réfervées à l'amour
, il y a mille petites chofes qui ne
doivent être que pour moi . Sans doute , je
fuis bien aife que vous foyez aimable pourtout
le monde ; mais il y a une maniere de
l'être que vous devez garder pour moi feul.
·Il·y a une maniere de fourire , de parler
de marcher , un degré de gaieté , d'abandon
, une certine liberté de penfer & de
s'exprimer , dont le fecret doit être entre
nous deux . Et ce n'eft point là une jaloufie
tirannique qui vous impofe gratuitement des
-facrifices pembles à l'amour- propre. Non ,
ceux queje demande ne font-ils pas plus que
compentés dans l'amour ? Ce que vous pouvez
y perdre de fuccès & d'éclat dans la
fociété, vaut-il pour un coeur rendre ce que
vous gagnerez dans le mien ? Les applaudiffemens
des cercles vaudront-ils pour vous
tout le plaifir que nous goûterons à fentir
enfemble , à ne favoir qu'à nous deux ce
"que vous valez ? Tout doit être exclufif
dans l'amour , parce que l'amour donne à
tout un prix que fui feul peur donner.
L'Auteur dit , ou du moins fair dire par
St-Four , qui eft le moraliſte de l'Ouvrage,
FRANÇAIS. 73
?
"
»
"
"
d'un
& qu'on peut regarder en général comme
l'interprete des penfées de l'Auteur , " que
» les femmes redoutent & fuient ces pat-
» fions exclufives qui font que le bonheur
» de l'amant ne dépend plus que du moral.
de l'amour, en forre que d'un mot,
gefte , d'un regard , fon amante peut empoifonner
tous les plaifirs ..... que tant
d'amour les embarraffe, &c. « Je crois
tout le contraire , & cette allertion de St-
Flour n'eft pas recevable , même en le donnant
pour un cenfeur des femmes , parce
que s'énonçant d'ordinaire en homme judicieux
, il ne doit pas leur faire un reproche
fi éloigné de la vérité. Il n'y a pas
de fentiment plus généralement naturel aux
femmes que le défir d'être aimées autant
qu'il eft poffible , & h -deffus il n'y a jamais
d'excès aux yeux de celle qui aime .
La raifon en eft fimple : quoi de plus doux
pour l'être faible que d'exercer un fi grand
empire fur la force , de l'exercer à tout
moment , & par conféquent d'avoir à tout
moment la certitude d'être adoré ? C'eft
véritablement faire le rôle d'une espece de
Divinité ; & s'il n'y avait pas tant de douceur
, comment pardonneraient-elles fi fouvent
& fi aifément les emportemens de la
jaloufie , qui vont fi loin pour fi peu de
chofe ? Mais auffi comment ne pardonnerait-
on pas un genre de folie dont on eft
la caufe , & qui eft tel que chaque mou
74
MERCURE
vement de colere & chaque injure veur
dire feulement , je vous aime à en perdre
Pefprit ? Il eft clair qu'il faudrait être bien:
tyran pour reprocher le délire à celui à
qui l'on a donné la fievre , & très heureufement
les femmes n'ont pas cette efpece
de tyrannie.
"
"
و ر
-
Ce St-Flour tombe quelquefois dans de
fingulieres contradictions , apparemment:
parce que fa tête eft un peu exaltée , dès
qu'il s'agit des femmes. J'adore tant de
» chofes oppofées , tantôt une taille fvelte,
» un port de Reine , un regard fier , une
figure mutine , un fourire fin , une bou-
» che agaçante , un parler mignard ; tantôt
" de grands yeux bleus languiffans d'a-
" mour , des contours arrondis , des
graces .
» touchantes , une démarche molle , un air
» d'abandon , & c. «.
" .

Et quelques lignes après : Une femme
graffe & fraîche ne dit rien à mon coeur,
» & ne parle que faiblement à mes fens ;
» mais ces tailles légeres , élancées......
» ô mon ami ! & c.....
"
: Soit honneur affurément aux tailles légeres
& élancées ; mais il oublie qu'une:
femme graffe & fraiche peut avoir tous ces
charmes qu'il vient de détailler , & que:
tout à l'heure il adorait. Il ne faut pas
comme on dit , difputer des goûts ; mais
c'eft pour cela qu'il n'en faut exclure au
eun , du moins fans de bonnes raiſons..
FRANCAIS. 75
Jn morceau fur Madame de Sévigné.
mérite également d'être remarqué & par ce
qui en eft vrai & par ce qui ne l'eft pas.
"
و د
.. 1
La Nature a fait la femme plus fenfitive
& moins intelligente que l'homme;
» c'eft donc plus par les fentimens que par
fes connaillances qu'elle intéreffe ; c'eft:
fon coeur & non fon efprir que nous
» aimons à trouver dans la converfation..
Rappelez - vous avec quel plaifir nous
» lifions les Lettres de Mad. de Sévigné.
n
33:
"
93
32
وو
و د
Qu'est - ce qui nous charmait dans cette
» lecture Sont - ce les connaiffances de
» cette femme aimable ? Eft ce fon efprit
» comme Auteur ? Il n'y a peut - être pas
» un feul homme parini cette foule de
Poëtes , fi vilipendés par Boileau , quis
n'ait réellement plus d'efprit , de vérita-
» ble acquit , de goût , que Madame de
Sévigné. Cependant on ne lit plus les
Ouvrages de ces Poëtes ; on ne lit même
plus les Ecrivains de Port- Royal , bien
fupérieurs aux Bourfault & aux Chape
» lain. Pourquoi lit - on toujours les Let--
» tres de Mad. de Sévigné ? Parce qu'on:
y trouve la peinture naïve du coeur d'une
» femme , l'êrre le plus approprié à l'hom
» me focial . Ce qui , dans ces Lettres , pa
». raît un défaut de goût comme Auteur ,,
» devient un mérite par cela même que ce
» défaut tient au fexe. Quand je vois Mad..
» de Sévigné fe plaire à la lecture des Ro--
"
22
*
76 MERCURE
»
و ر
"
»
"
33
" mans de la Calprenede , en avoir honte,
dire pour s'excufer que les fentimens en
font admirables , & qu'elle a toujours
aimé les grands coups d'épée , je recon-
» nais la femme , qui , faible au phyfique
ainfi qu'au moral , doit fe paflionner
pour le vrai courage & admirer la véritable
grandeur. Ajoutez à l'intérêt que
» Mad. de Sévigné infpire pour elle-même,
celui qu'elle infpire pour toutes les fem-
» mes charmantes dont elle nous fait bien
plus connaître le coeur que l'efprit , Mel-
» dames de Coulanges , de Vins , de Lavardin
, de la Fayette , fur- tout cette
excellente Ducheffe de Chaulnes , dont
» elle dit , je lui ai appris l'amitié ; fi zélée
pour les douces pratiques de cette union
religieufe des ames , qu'elle y portait
l'enthoufiafme & le culte de l'amour :
» Vous verrez pourquoi ces Lettres font &
feront toujours les délices des hommes
qui ont une amne. Oui , cette lecture
laiffe , des femmes de ce temps , un fou-
» venir enchanteur ; on foupire malgré foi ,
» on ferme le Livre , on regarde de tout
» côté fi l'on n'appercevra rien de femblable
le coeur ému ne cherche qu'à
s'épancher ".
"
ود
"
"
99
"}
Ce qu'il y a de mieux penfé , de mieux
fenti dans ce paffage , c'eft qu'en effet on
retrouve dans vadame de Sévigné tout ce
qu'on attend d'une femme , & c'eft- là fon
FRANÇAIS. 77
mérite particulier ; mais ce n'eft pas le feul ;
& croirons nous en effet que les plus mauvais
Poëtes de fon temps aient eu plus
d'efprit qu'elle , plus de goût ? Non , ce
me femble : plus d'acquit , oui , c'eft-à dire
plus de littérature ; mais Mad. de Sévigné
a beaucoup d'efprit proprement dit ; fon
gout n'eft pas sûr dans les jugemens , parce
qu'elle le foumet , fuivant l'ufage de prefque
tout ce qu'on appelait gens du monde,
à la mode & aux préjugés du jour ; mais
elle l'a très - pur en écrivant couramment
, ce qui marque un heureux naturel.
Madame de Sévigné fait très bien d'être
femme autant qu'il eft poffible de l'être ;
mais il y a dans fes Lettres une foule de
morceaux de tout genre dont fe ferait honneur
l'homme qui écrit le mieux.
Du POUVOIR EXÉCUTIE dans les
grands Etats ; par M. NECKER. 2 Vol.
in-8 ° . Prix , 9 liv. broc. A Paris , chez
Plaffan , Libraire , rue du Cimetiere St-
André-des-Arts.
CET Ouvrage eft un examen critique de
la Conftitution Françaife mife en oppofition
avec celle des Anglais & des Améri
cains. On y retrouve le grand talent d'E16
MERCURE
:
crivain , l'éloquence connue de l'Auteur
& fes lumieres en adminiſtration , acquifes
par l'expérience & fortifiées par l'habitude
de réfléchir. On n'en fera ici aucune analyfe
, & voici pourquoi : d'abord les objections
& les reproches font à peu près les
mêmes qu'on a déjà vus dans plufieurs
autres Ouvrages , & qui ont été fouvent
difcu ; il n'y a de nouveau que la maniere
de les expofer & de les développer
particuliere à l'Auteur. De plus ( & cette
confidération eft.la plus effentielle ) , ce n'eft
plus le moment de juftifier notre Confti-"
tution il s'agir aujourd'hui de défendre
notre Liberté. Déjà , il eft vrai , depuis la
mémorable journée du 10 Août , nous
fommes raffurés fur les dangers domeftiques.
C'eft fur des mines & des volcans que
nous marchions aux combats : les minės.
font éventées , les volcans font fermés , les
confpirateurs font éloignés ou punis ; mais
enfin 200 mille Soldats viennent fondre
fur la France pour y remettre l'ordre ; c'eft
un fort beau deffein & fort exemplaire ;
mais s'ils étaient les plus forts, on peut être
sûr que l'ordre qu'ils établiraient ferait
celui de l'efclavage : les Defpotes & les
Vainqueurs n'en connaiffent pas d'autre.
Commençons donc par repouffer vigoureafement
ces Miffionnaires armés , & quand
s aurons triomphé des ennemis du dealors
la Nation pourra s'occuper uniFRANÇAIS.
quement de profiter des leçons du temps &
de l'expérience pour réformer ce qui lui paraîtra
défectueux dans fen Gouvernement.
Perfonne n'a jamais prétendu que notre
Conftitution fût irréprochable , pas même
ceux qui l'ont faite . Il y a donc beaucoup
de vérités utiles & reconnues dans le Livre
de M. Necker qui la cenfure. On fe permettra
cependant ici une feule obfervation
, que l'on foumet au Lecteur impartial
. M. Necker juge fans ceffe l'Aſſemblée
conftituante , comme il jugerait Lycurgue
ou Solon , donnant tranquillement des Loix
à un Peuple qui les attend dans le calme
prefond de l'entiere docilité. Eft - ce ainfi
qu'a travaillé cette Affemblée fi amérement
cenfurée ? Eft-il poffible d'oublier ou de fe
diffimuler les obftacles de tour genre qu'elle
a dû néceffairement éprouver en élevant
l'édifice d'un nouveau Gouvernement fur
des ruines entaffées par une Révolution
violente , & au milieu d'une foule d'ennemis
déclarés ou fecrets , qui , pour ramener
l'ancien ordre de chofes , cherchaient à rendre
impraticable l'établiffement du nouveau
? La réfiftance furieuf du parti contre-
révolutionnaire n'a - t - elle pas dû produire
un effet de réaction dans le parti de
Ta Liberté ? Quoique celui ci fut fans comparaifon
le plus fort , croit on que les
confpirations continuelles , les provocations ,
emportées , ou les menées fourdes , les ex-
·
MERCURE
plofions du fanatifme , ou les trames de
l'hypocrifie , n'aient pas dû exciter des reffentimens
? Est- il étonnant , lorfque tant de
gens s'efforçaient de maintenir ou de rappeler
le pouvoir abfolu , que la défiance
ait refferté les limites du pouvoir royal
Tranchons le mot ofons parler comme
parlera la Poftérité . N'a - t - on pas tenté
l'impoffible en voulant faire du dernier Roi
abfòlu le premier Roi conftitutionnel ? Ces
deux chofes s'excluent par leur nature . Inde
mali labes. Et fi la France ( à qui très- certai
nement le pouvoir royal ne peut être utile
qu'autant qu'il aurait cette jufte étendue qui
ne peut exifter qu'avec la confiance réciproque
) , fi la France eft pouflée à faire
l'effai du Gouvernement Républicain ,
qui faudra-t-il s'en prendre ? Comment fe
fait- il que M. Necker n'ait pas dit un mot,
un feul mot de cette lutte piniâtre & defeſpérée
qui a duré depuis la convocation
des Etats-Généraux & qui dure encore ?
Pourquoi les reproches ne s'adreffent - ils
qu'aux premieres erreurs fi excufables dans
une Liberté naiffante & combattue , & ne
tombent-ils jamais fur les erreurs dieufement
obſtinées d'une ariftocrarie a vérérée
? On fe demande , où eft cet efprit de
juflice & de morale dont l'Auteur fair profeffion
? Pourquoi il ne tient pas la balance
égale comme l'Hiftoire la tienda e bui
eft certain , c'eft que les leçons feners dans
FRANÇAIS.
fon Livre auraient beaucoup plus d'effet ,
s'il eût pris le parti de dire la vérité à tour
le monde , & il était placé pour la dire.
ANNONCES ET NOTICES.
LE LYCÉE DE LA JEUNESSE , ou les Etules rẻ-
parées nouveau Cours d'inftruction , à l'ufage
des jeunes gens de l'un & de l'autre fexe , &
particulièrement de ceux dont les études ont été
interrompues ou négligées . 2 Vol . in- 12 ; nouvelle
édition , corrigée & augmentée ; par M.
Mouftalon . A Paris , chez Serviere , Libr. rue
St-Jean-de-Beauvais.
On peut s'étonner qu'un Livre deftiné à l'inſtruction
de la jeuneffe commence par offrir, dans,
le titre même , une faute de Langue on ne
di: point réparer les études on peut les réformer
, les perfectionner , les fuppléer : on ne les
répare point. L'Auteur aurait énoncé fon objet
clairement & correctement en mettant , Supplé
ment aux premieres études . Mais ce Supplément
eft-il ce qu'il doit être ? Dans un moment où les
Livres d'éducation vont acquérir une toute autre
importance qu'ils n'avaient , l'intérêt public ne
peimer pas de diffimuler la vérité. Cet Ouvrage
n'eft gueres, comme tant d'autres du même genre,
qu'une compilation des Grammaires & des Rhétoriques
connues ; il n'y la de nouveau que le
titre. Mais l'Auteur ne paraît pas avoir eu affez
de goût & de connaiffances pour compiler avec
choix ; & fon Livre , dont la partie élémentaire
fe retrouve par - tout & devrait encore être re
MERCURE
faite , n'offrirait gueres à la jeuneffe , dans la
partie de la littérature & du goût , que des erreurs
& des préjugés .
DEVOIRS DES CITOYENS FIDELES , fur l'état
de la Religion & des Moeurs en France . A Paris ,
chez Leclere , Lib . rue Saint- Martin , Nº. 254
près la rue aux Ours. Prix ,
f.
EXAMEN DU DÉCRET de l'Affemblée Nationale
conftituante , du 27 Août 1791 , où l'on
traite la queftion du Célibat Eccléfiaftique , de
I'Indiffolubilité du mariage , &c . pour les concilier
avec ce Décret ; par M. Ch . d. j . r . anc .
E. D. r. Brochure du prix de 25 f. & 32 f. franc
de port pour les Départemens. A Paris , même
adreffe que ci deffus.
Ces deux Brochures ont le même objet : c'eft
la défenfe des vieux préjugés eccléfiaftiques par
des moyens qui ne font pas nouveaux : c'eſt toujours
la même méthode , toujours l'ancienne autorité
donnée pour loi , comme fi la raiſon n'était
pas la plus ancienne de toutes les autorités
; toujours les affertions miles à la place des.
preuves , & la déclamation à la place du raiſonnement.
On en peut juger par un feul trait : il
eft dit pofitivement , dans la feconde de ces Brochures
, que le mariage des Prêtres foulevera
» les moins fcrupuleux , & peut ébranler l'édifice
de la Conftitution «. N'eft - ce pas croire les
hommes d'aujourd'hui beaucoup plus ftupides
qu'ils ne l'étaient au feizieme fiecle , puifqu'alors
tant de Nations Chrétiennes adopterent le ma-.
riage des Prêtres , bien loin d'en être foulevées ?
Aina l'abomination de la défolation fera dans le
FRANÇA I S. 83
lieu faint , parce que les Prêtres Catholiques feront
des enfans légitimes , comme tous les Prêres
Proteftans & Grecs ! Ne voilà - t - il pas un
grand fcandale ?
O vanas hominum mentes ! ô pellora coeca !
ESSA fur les Principes de la Morale nati
relle ; par M. Boefnier de l'Orme.
que pauperibus prodeft , locupletibus æque.
In-8°. A Blois , chez Jean - François Billaut ,
Impr-Libr.; & à Paris , chez Onfroi , Libr . ruc
St-Victor , Nº. 11.
C'eft le produit des réflexions d'un Philofophe
folitaire , ftudieux , ami des hommes , qui a
voulu fe rendre compte à lui-même de fes idées
fur le principe de nos devoirs & fur leurs con
féquences dans la vie privée & dans l'ordre politique.
La nature de fon fujer eft telle qu'il n'était
gueres poffible de ne pas fe rencontrer fouvent
avec les autres Moraliftes qui l'ont précédé ;
mais il a fu faire un tout , clafler les objets &
pofer des réfultats. Son ftyle clair & fimple eft
animé de cette efpece d'intérêt que répand fur
fes Ecrits un homme de bien qui fent vivement
le défir d'être utile voudrait faire ainer la
vertu comme il l'aime , & nous faire profiter de
fon expérience & de les réflexions, Ce Livre eftimable
eft fur - tout propre à être mis entre les
mains des jeunes gens . La métaphyfique des premiers
Chapitres n'eft pas au deffus de leur intelligence,
pour peu qu'ils aient fait quelques études,
& le refte de l'Ouvrage eft fait pour les éclairer
& les guider dans la carriere de la vie .
་ ། ་
$4
MERCURE FRANÇAIS.
LE PARFAIT GUERRIER , ou l'Eſprit Militaire
, & c. in- 8° . A Paris , chez Laurens jeune
Libr-Impr. rue St-Jacques , N ° . 37.
OEUVRES DIVERSES de Mad. de Montanclos >
ci-devant Mad . de Princen. 2 Vol. in- 12 . Prix ,
6 liv. br. A Paris , chez Delalain , Libr. rue St-
Jacques ; & chez les principaux Libraires du
Royaume .

AV I S..
ETANT affurée , Monfieur , que fea M. de
Maurepas n'a jamais écrit aucun Mémoire des
événemens qui fe font paffés pendant fon Miniftere
, & qu'il n'a recueilli ni fait recueillir
aucune Note par fes Secrétaires , ce que les
perfonnes qui vivaient habituellement avec lui
certifieraient comme moi , je défavoue les Mémoires
qui paraiffent fous fon nom , comme ne
lui appartenant point. Je vous prie Monfieur
de vouloir bien faire inférer mon défaveu dans
le prochain N° . de votre Mercure Français.
Je fuis très-parfaitement ,
MONSIEUR ,
>
Votre très-humble & très- obéiffante
fervante ,
LA VRILLIERE DE MAUREPAS.
Paris , le 4 Août 1792 .
TABLE .
OUPLETS .
Charade , Enig. Logog .
Saint-Flour & Juftine.
61 Du Pouvoir exécutif.
63 Annonces & Notices.
641
Ro
MERCURE
HISTORIQUE
ET
als s
ab
POLITIQUE
RUSSIE
De Pétersbourg, le 29 Juin 1792 .
Les dernières nouvelles reçues de la Pologne
, en confirmant ce qu'on favoit déjà
de l'état de déforganiſation de ce royaume ,
de la foibleffe der fes armées , des partis
qui le déchirent & des premiers fuccès
de nos troupes contre lui, sannoncent une
action importanté, & peut être décifive ,
qui s'eft paffée entre le corps d'armée aux
ordres du Général Poniatowski & le corps .
Ruffe commandé par le Général Markow.
Ce dernier attaqué le camp. Polonois
retranché à Polonne , s'en eft emparé , a
tué une grande quantité de monde à l'ennemi
, pris fon artillerie ,fa caiffe , fait mille
N⚫. 31. 4 Aoûn 1792 .
A
prifonniers , & forcé le Général à fe retirer
dans l'intérieur du pays , harcelé par
nos troupes qui pourfuivoienr encore
fon armée en défordre au départ du
courier. Il faut attendre de nouveaux détails
fur cet évènement , qui peut danger
en très-peu de temps la face des affaires ,
& donner une grande prépondérance à la
confédération de Targowicz, auprès de
laquelle S. M. a accrédité le Baron de
Buhler , en annonçant qu'elle recevroit
également l'Envoyé que cette Affemblée
nommeroit pour réfider auprès d'elle.
SUÈDE
De Stockholm , le 13 Juillet 1792 .
Les complices d'Ankoftroën ont obtemu
un délai ils ont été transférés à Frédé
ricſchof, & l'on doit revoir leur proces.
On penfecaffez généralement que le Ré
gent commuera la peine de mort à laquelle
ils ont été condamnés. La Cour Suprême
de Juftice s'occupe de cette affaire.
I
M. de Bombelles Ambaffadeur de
France à Naples avant la révolution , vient
d'arriver ici de Pétersbourg. On le croity
avec beaucoup de vraisemblance , Yenu
Bour folliciter notre Cour d'effectuer le
traité de feu S. M. avec l'Impératrice de
Ruffie, relativement aux affaires de Frances
On ignore quelle fera à cet égard la détermination
du Régent ; mais l'on ne voit
guères qu'il pât fe refufer à tenir les eni
gagemens de Gustave , dans une caufe qui
paroît devoir plus encore intéreffer la
Suède que les autres Cours coalifées , ou
la forme de Gouvernement
ne permet
point aux factions d'attaquer auffi facile
ment les droits du Trône.
POLOGNE.
De Varfovie, le 7 Juillet 1792 .
Des mouvemens d'anarchie ont eu lieu
à Cracovie. Le
traché
que toute la
ville n'imitât pas fa alégrelle
a infulté ceux qui s'y refufoient , maltraité
leurs perfonnes , & brifé les fenêtres de
leurs maifons. Il a fallu toute la condacendance
qui amène l'impunité , pour
rappeller les mutins à la raiſon ; ils prétendent
que faifant partie du Souverain
ils ne peuvent être cités devant aucun Juge.
A force de haranguer , M. Soltik eft parvenu
à les calmer , jufqu'à ce qu'ils recom
mencent.
A &
( 4 )
Un Brigadier nommé Rudnicki elt paffé
du côté des Ruffes , &, comme fi l'on étoit
3 bien sûr de fortir victorieux de cette
guerre , & oubliant que dès qu'il y a deux
grands partis dans un Gouvernement de
la veille , élevé fur la ruine des anciennes
loix , il ne peut exifter de véritables crimes!
de lèze nation , l'effigie de cet Officier a été
attachée à une potence , en attendant qu'on
l'y mette lui même.
al sup
ette lu
Il étoit aifé de prévoir que la confédération
de Targowicz prendroit fous la
protection des armes Ruffes , une confiftance
funefte aux mefures décrétées pour le maintien
de la Conftitution de 1791 ; & en effet,
cette affemblée vient déjà de jetter de l'embarras
& une intertitude dans les opérations
financières de la Diète , par l'uni
verfal publié le 7 Juin & dont l'objet eft
de prévenir les Etrangers & les Nationaux
qu'on ne reconnoîtra pas pour dette Na-.
tionale les fonds prêtés à la Diète de Varfovie
, dont le réfultat a été de détruire
l'ancienne & légitime forme du Gouvernement
Polonois.
De nouveaux rapports ont confirmé la nouvelle
le que le Général Zabiello , qui commande
en Lithuanie , a été attaqué par les Ruffes le 4 de
ce mois , & a été obligé de fe replier , tranfportint
avec lui fes bleffés , dont le nombre n'a point
5 )
1-7
ét aufh confidérable que fi la réfiſtance avoit été
longue ; l'on en ignore la quantité . Le Prince
Poniatowsky a été obligé de quitter le pofte de
Warkov ke , où les Rulles l'avoient forcé de le
retrancher , il eſt alle fe placer près de Dubienka ,
fur les frontières de la Gallicie . Dans ce mouvement
, il a encore été attaqué par les Ruffes , qui
ont été reçus vigoureufement , & repouflés par le
Général Kofeinskò, --- Une eftafette , arrivée ici
le 7 , a appris que les Ruffes font entrés à
Grodno dans la Lithuanie , fans y commettre
aucun défordre & comme des Alliés &- des Protecteurs
amis ; leur armée cft actuellement à trente
milles de Varfovie.
ALLEMAGNE.
De
Francfort-fui-i- , të 24 Juillet.
L'entrevue du Roi de Praffe , de l'Em
pereur , des Electeurs , du Duc de Brunf
wick qui a eu lieu le 20 à Mayense , occupe
l'Europe entière , & préfage de grands
évènemens .
Tout s'y eft paflé avec fecret , avec
fimplicité , avec dignité. L'Empereur , l'Impératrice
, leur Famille , & leur fuite
font partis d'ici le 19 pour fe rendrel
à Mayence ; l'Electeur de Cologne étoit
dans la voiture de Leurs Majeftés . Le Roi
de Pruffe qui a également palé ici s'eft
A
3.
( 8 )
trouvé le 20 au lieu du rendez-vous. Leurs
Majeftés Impériales en font parties le 21
en prenant leur route par Ausbourg &
Munich pour le rendre à Prague où le
Couronnement doit le faire dans les premiers
jours d'Août. Le Roi de Prufle eft
parti le même jour pour Coblentz.
76
f
A
L'Empereur s'eft montré d'une manière
gagner
agner tous les cours. Sa jeuneffe , fes
malheurs domeftiques , fa phyfionomie
douce , délicate , fpirituelle & modefte difpofent
à l'aimer.
La deftination des Emigrés Feançois eft
définitivement arrêtée , 5,000 iront avec
M. le Prince de Condé joindre dans le
:
Brifgau l'armée du Generai ae VCR ,
8,000 avec les Princes François fuivront
les Pruffiens ; 4,000 paffent en Brabant à
l'armée du Général Clairfait ils feront
les uns & les autres , comme on l'a déjà
dit , abfolument fubordonnés , en dernière
ligne comme corps de réferve , & éloignés
des opérations offenfives.
Les troupes
Autrichiennes
fe concentrent
fur les frontières
de la Lorraine
du côté .
du Duché
de Luxembourg
. Deux
bataillons
de Kinsky
& de Mathefen
, arrivés
le´
à Bercaftel
& à Veldentz
, devoient
y
féjourner , mais des exprès venus de Luxembourg,
leur firent continuer leurmarche
jufqu'à Grevenmacher , où , s'étant réunis
à un bataillon de Hohenlohe , un de Stuart
& de la Cavalerie & de l'artillerie , ils fe
portèrent du côté de la Lorraine. Les Frana
çois avoient fait une petite incurfion de
co côté près de Romeig & Morshotz , à l'ex
trémité du Duché de Luxembourg.
12,000 Autrichiens , faifant partie de
l'armée du Brifgau , font actuellement
rendus au camp de Schwazingen . Plu
fieurs perfonnes ont été arrêtées ici , entr'autres
le Comte de Wingenftein , fecond
fis da Prince régnant de ce nom. Il avoit
levé un régiment pour le fervice des Princes ,
& l'on ignore les motifs de fon arreftation ;
il a trouvé moyen de s'échapper . M. Oberlin
, Emigré , Lieutenant - Colonel du régiment
de Berchiny , Hullards , a également
été arrêté de l'ordre des Princes François
fur le chemin des Deux Ponts à Binghen.
On prétend que cet Officier avoit une
correfpondance fuivie & fecrette avec le
Comte de Finkenstein & deux autres Offi
ciers arrêtés à Francfort fur des foupçons
d'intrigues contre la vie de l'Empereur.
Quelques autres François arrêtés avant le
Couronnement ont été relâchés .
+
1
(8)
·
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 24 Juillet.
L'incendie allumé par la France fur le
continent fixe exclufivement l'attention
générale. On attend le réfultat das grandes
mefures prifes par les Cours d'Allemagne
& du Nord , pour empêcher qu'il ne fe
dans les Etats propage voifins. Mais il n'eſt
point du tout démontré que nous voulions
nous réunir aux Cours coalifées.
L'on penfe que les forces mifes en mouvement
fulfilent pour ramener l'ordre & la
paix , & que ce que nous pouvons faire
de plus convenable eft de nous tenir prêts
à tout évènement , fans les provoquer , ni
les craindre. +
C'eft peut- être dans cette dernière intention
que le camp de Bagshot & l'ar
mement d'une efcadre ont coincidé enfemble,
L'un & l'autre peuvent avoir auffi
quelque rapport indirect avec les inquié
tudes qu'une faction affez turbulente étoit
parvenue à exciter. Quoi qu'il en foit ,
l'on continue de faire, faire des évolutiens
au camp , & l'on croit qu'elles fe termi
neront par une attaque générale fimulée ,
à laquelle leurs Majeftés aflifteront .
L'efcadre eft fortie de Portſmouth le 11 :
elle est composée d'un vaiffeau de so canons,
de
quatre de 74. de quatre frégates de 325
trois de 2 4, & fix cutters de 16 à 18 canons.
Il y a à Plimouth quelques autres vaiffeaux
en commiffion.
PAYS- B A S.
De Bruxelles , le 28 Juillet 1792.
On cite un trait d'humanité de Madame
PArchiducheffe notre Gouvernante , qui
mérite d'être rapporté , quelqu'ordinaire
qu'il foit d'en voir de femblables dans fon
augufte famille.
L'époufe d'un Officier de la Garde Nationale
de France , fait prifonnier fur les
frontières , eft venue réclamer auprès de
cette Princeffe la liberté de fon mari, « Je
vous l'accorde , dit avec bonté Madame
l'Archiduchelle , mais je plains l'égarenient
de votre époux , qui n'eft , probablement
comme tant d'autres , que l'inftrument
aveugle de la faction qui fait le malheur
de la France aujourd'hui . » La Princeffe
a joint à cette grace un don d'une fomme
d'argent pour dédommager cette jeune
mère de famille des frais de fon voyage.
Le Gouvernement a rendu compte des
évènemens de l'affaire d'Orchies, dans les
termes fuivans .
« M. le Lieutenant- Général Comte de la
AS
( 8 )

GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 24 Juillet.
L'incendie allumé par la France fur le
continent fixe exclufivement l'attention
générale. On attend le réfultat das grandes
mefures prifes par les Cours d'Allemagne
& du Nord , pour empêcher qu'il ne fe
propage dans les Etats voifins. Mais il n'eft
point du tout démontré que nous voulions
nous réunir aux Cours coalifées,
L'on penfe que les forces mifes en mouvement
fuftilent pour ramener l'ordre & la
paix , & que ce que nous pouvons faire
de plus convenable eft de nous tenir prêts
à tout évènement , fans les provoquer , ni
les craindre.
C'eft peut- être dans cette dernière intention
que le camp de Bagshot & l'armement
d'une efcadre ont coincidé en
femble, L'un & l'autre peuvent avoir auffi
quelque rapport indirect avec les inquiétudes
qu'une faction affez turbulente étoit
parvenue à exciter. Quoi qu'il en foit ,
l'on continue de faire, faire des évolutions
au camp 3 & l'on croit qu'elles fe teran
neront par une attaque générale fimulée
à laquelle leurs Majeftés affifteront.
L'efcadre eft fortie de Portſmouth le 11:
elle est composée d'un vaiffeau de so canons,
X9 J
de quatre
trois de 2
de 74 , de quatre frégates de 32 ,
4, & fix cutters de 16 à 18 canons.
Il y a à Plimouth quelques autres vaiffeaux
en commiffion.
14
PAYS- B A S.
2 De Bruxelles , le 28 Juillet 1792.
&
On cite un trait d'humanité de Madame
PArchiducheffe notre Gouvernante , qui
mérite d'être rapporté , quelqu'ordinaire
qu'il foit d'en voir de femblables dans fon
augufte famille.
L'époufe d'un Officier de la Garde Nationale
de France , fait prifonnier fur les
frontières , eft venue réclamer auprès de
cette Princeffe la liberté de fon mari. « Je
vous l'accorde , dit avec bonté Madame
l'Archiduchelle , mais je plains l'égarenient
de votre époux , qui n'eft , probablement
comme tant d'autres , que l'inftrument
aveugle de la faction qui fait le malheur
de la France aujourd'hui. » La Princeffe
a joint à cette grace un don d'une fomme
d'argent pour dédommager cette jeune
mère de famille des frais de fon voyage .
Le Gouvernement a rendu compte des
évènemens de l'affaire d'Orchies dans les
termes fuivans .
M. le Lieutenant- Général " Comte de la
AS
Tour ayant refolu d'attaquer , le 15 , à la pointe
du jour , la ville d'Orchies , d'où il avoit eu rap→
port qu'il le trouvoit une garniſon de 7 à 800
hommes ; il détacha à cet effet M. le Comte
de Keim , avec un Bataillon de Bender , pour
attaquer cette ville du côté de Valenciennes &
de Douai , & marcha lui-même avec un autre
Bataillon vers la porte de Tournay . --- Quelques
patrouilles de Payfans armés en avant d'Orchies ,
qui donnèrent fur notre avant- garde , portèrent
cependant l'alarme à la garniſon qui fe trouva
rangée en bataille , foutenue de deux pièces de
canon devant la ville , ce qui engagea le combat
avec les Chaffeurs de l'avant-garde , avant le
moment où l'attaque combinée devoit fe faire .
C'eft à cette première décharge que nous perdimes
le brave Capitaine Griger de l'Artillerie ,
tué du premier coup qui fe tira des fauxbourgs
de la ville , & que le brave Major Dandiny des
Chaffeurs fut bleffé . --- La colorne de M. le
Colonel de Keim , qui avoit le plus long chemin
à faire , & qui avoit repouffé en attendant les
avant-poftes ennemis , étant arrivées cependant
quelque temps après près du moulin à vent fur
Moat- Calvaire , commença l'attaque par les
fauxbourgs avec cinq cens hommes , ayant la fé
le refte pour obferver les routes de Douai & de
Valenciennes ; l'ennemi fit face contre elle des
semparts de la ville , mais auffi -tôt que la porte
de Douai fut enfoncée à coups de canon & de
hiches , le Colonel y entra à la tête de fon
monde, tandis que le Capitaine Baron de Craitshiem
efcalada la ville d'un autre côtế ; on fit main
baffe fur tout ce qui fut trouvé les armes à la
main. La garnifon ennemie fe précipita , durant
ce temps, hors de la porte opposée par quelle
trouva le moyen de fe fauver , parce que le
détachement qui devoir l'en empêcher avoit manqué
cer objet par le brouillard. Elle y forma une
elpèce de carré qu'attaqua le Capitaine Baron
de Craitsheim avec fa Compagnie ; & lorfque .
le Colonel Baron de Keim cut raffemblé le refte
de fon monde , détaché pour nettoyer les remparts
& les rues , & qu'il étoit préparé pour s'avancer
fur ce carré avec un détachement d'Infanterie
devancé par un peloton de Chevaux-
Légers de Latour , fous les ordres du Capitaine
Baron de Vincent , l'ennemi prit la fuite , &
abandonna un canon de quatre livres de balle
avec un caiflon de munitions , dont s'emparèrent
Is Capitaines Barons de Craitsheim & de Vincent,
L'ennemi a perdu environ 70 morts ,
peut être au- delà , & a laiffé dans la ville un
magafin affez confidérable , qu'il eût été сcеeрpeеnд-
dant impoffible de brûler fans incendier la ville.
M. le Colonel de Keim , qui répugnoit à
Je porter à ce dernier parti , traverfa donc la
ville fans permettre à aucuns Soldats de fortir
de fes rangs , ce qui donna l'exemple rare d'une
Ville prife d'affaut , où tous les Habitans paisibles
reftèrent dans une fécurité parfaite , ouvrirent
leurs maifons & leurs boutiques , & ne donnèrent
aucun figne de frayeur . Cette colonne n'a
perdu que quatre morts & fix bleffés , & l'autre a
cu dix morts & un plus grand nombre de bleffés
à l'attaque des fauxbourgs . Nous avons fait neuf
Prifonniers . A midi , toutes les troupes rentrèrent
au camp de Tournay . »
---
A 6
6 22 1
FRANCE.
na De Paris , le 1. Août 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE,
Du famedi , 21 juillet.
"
Deux décrets d'urgence ont ftatué 1 °. que nonobftant
les nouvelles loix antérieures , l'avance
ment pour l'artillerie aura lieu en temps de guerre
comme en temps de paix , 20. qu'il fera payé
2,141 livres pour les frais de l'expédition du
camp de Jalès , en février .
Quelques réclamations en faveur de particu
liers arrêtés comme portant les mêmes noms que
d'autres décrétés d'accufation avec les complices
de M, Dufaillant ; & un acte de coalition des
amis du Roi & de la patrie , paffé entre un che
valier de Saint-Lotris & un perruquier , qui ont
eu l'incivifme de fe concerter pour réfifter aux
brigans ; acte décué de Signatures & trouvé dans
Ja boue par un parote ...... feront la matiè
d'un rapport du comité de furveillance .
Onife retrouve à l'ordre du jour qui étoit la
fcuffion de l'affaire de M. de la Fayette.
сс
M. Lafource a longuement énuméré les atten
ats du général , & les a tous vus dans « l'infolence
menfongère » de fuppofer une faction autour &
même au fein du corps législatif. « Ce que la
Fayette appelle la faction jacobite , c'est cette
majorité qui en confentant qué Céfar fût grand ,
a toujours voulu que Rome fûr libre.... Ainfi
donc , d'après la Fayette , les repréſentans du.
peuple font courbés fous le joug de quelques
chefs de parti , à genou devant quelques intri
gans , profternés baffement aux pieds de quelques
féditieux..... Un général qui peint ain
l'Affemblée des mandataires d'un grand peuple ,
eft un infolent , un liberticide , un confpitateur.
Il ne falloit plus qu'un mot , & la Fayette la
prononcé que le pouvoir royal , dit - il , foit
intact. O! perfidie dont on a peine à concevoir
la profondeur que vous ont dit de plus les
Léopold , les Kaunitz & les rebelles qui ne veu
lent que rétablir la monarchie & la religion ? 30
Te préfenter feul infolent confpirateur !
eft-ce que tu pouvois donc te préfenter autrement
?... audacieux Catilina !... J'attefte , far le
témoignage rendu par le maréchal Luckner , que
La Fayette a fait diftribuer à fon armée pour
100,000 liv. d'eau- de - vie…….. Il a voulu la faire
marcher vers la capitale , engager le brave
Luckner, qui a été irflexible , à partager cet acte
de fcélérateffe & de trabifon . La propofition a
été faite à M. Luckner par M. Bureau de Puzy..
J'invoque ici le témoignage de fix de mes collègues
, auxquels cet exécrable projet a été révélé
en même-temps qu'à moi ; ce fout MM . Briffot,
Guadet ( éclats de rire d'une partie de la falle
& applaudiffemens des galeries ) , Genfonné ,
Lamarque , Delmas , Hérault de Séchelles... S'il
refte le moindre doute , je confens à être aufſt
coupable , aufh vil , auffi exécré que le traître
dont le nom fel me fait frémir .... Que m'im
portent la haine , la calomnie , les poignards !
je demande que la Fayette foit mis en état d'ac
cufation. Bryars tranfports. L'impreffion ! il
n'y a pas lieu à dél bérer , Tumulte affreux . M.
છે
Choudieu dit que le bureau n'a pas la confiance
( 14 )
de l'Affemblée... A l'abbaye. - L'ordre dujour..
On y paffe .
M. Vergniaud lit & l'Affemblée décrète un
atte législatif ainfi conçu
« L'Affemblée nationale , confidérant que depuis
long- temps les miniftres ont déclaré qu'ils
ne croyoient pas pouvoir fervir utilement la chofe
publique ; qu'en conféquence , ils ont donné leur
démiffion ; "
« Confidérant qu'une pareille déclaration de
leur part a dû altérer dans toutes les parties de
Padminiftration la confiance fans laquelle il eft
impoffible d'affurer le fuccès de nos opérations
qu'elle peut même nuire à l'harmonie qui eft
importante , & que l'Affemblée nationale , confidérant
que dans les circonftances graves ou fe
trouve la nation , la méfintelligence entre les
autorités conftituées , le moindre embarras dans
Fexécution des moyens de défenfe , les plus
légères fautes , ou même l'inaction la plus momentanée
du pouvoir exécutif pourroient conduire
aux revers les plus funeftes ; »
« Déclare au Roi que le falut de la patrie
commande impérieufement de recompofer le miniftère
, & que ce renouvellement ne peut être
différé fans un accroiffement incalculable des
dangers qui menacent la liberté & la conftitu
tion , décrète que le préfent acte fera porté au
Roi dans le jour.
}
Une lettre du Roi annonce que S. M. viene
de nommer M. Dubouchage , miniftre de la
marine , & M. Champion , miniftre de l'inté-
Ficur.
La parole eft à M. Dumolard, qui débite une
apologie très- véhémente de M. de la Fayette
& foutient qu'au Roi feul appartenoit de blâmer
сс
ce général s'il fût venu fans congé ; qu'aucune
loi n'interdit le droit facré de pétition indivi
duelle à un général ; & que loin d'apporter le
voeu de fon armée , M. de la Fayette étoit venu
pour empêcher fon armée d'émettre un voeu
collectif. « Seroit- il coupable d'avoir provoqué la
punition des attentats du 20 juin ? Il n'y a que
les complices de ces attentats qui puiflent le
plaindre de l'horreur qu'en a reffentie toute la
France. Le feroit- il d'avoir réclamé l'exécution
d'un décret déjà rendu fur les fociétés populaires ?
Il dénonce les factieux , on l'accule d'être le chef
d'une faction . »
On entraîne le peuple crédule par des rappro
chemens perfides... On s'écrie : j'ai démontré...
C'eft ainfi qu'on a démontré les confpirations du
prétendu comité Autrichien , & puis des lettres
anonymes , des adrefles d'inconnus , tout ce qu'on
a le front d'appeller l'opinion publique ... Com
ment ne feroit- il pas coupable , dit- on alors
quand le peuple fe lève tout intier pour demander
fa tête ... Ici une violente fortie contre ces
intrigans fubalternes , ces aboyeurs fidèles à la
main qui les foudoic , ces orateurs de cafés &
de carrefours , la horde impure de tous les follicu
laires promoteurs d'anarchie & de régicide ...
Voilà les agens des manoeuvres dont nous fom
mes journellement affaillis . »
M. Torné, évêque conftitutionnel de Bourges
a donné les tournures emphatiques & bouffonies
à tout ce qu'on avoit déjà redit jufqu'à fatiété.
« Faut - il rire de cette démarche rétrograde
comme d'une extravagance comique , ou la réprimer.
comme une infraction à la loi ? Eft- ce ici
le chef d'une faction , ou fa guerre contre les Jacobins
n'eft-elle pas le pendant du délire de Dom
1
1
716 )
Quichotte attaquant des troupeaux & des moulins
vent ... Il femble nous menacer de la peine dess
veitales . Tranquillifez- vous , preux chevalier de
la conftitution ... Ce n'eft pas un accès de tendreffe
paternelle pour un ouvrage enfant de fon cer
veau . Hélas ! il ne s'arma , au Champ -de -Mars ,
que pour défigurer & muriler cet enfant d'autrui ...
Cesgrands politiques ne voyant dans la conſtitution
que la doctrine des dupes & l'enrayure des fots , fe
fervent de ce grand mot comme d'un levier pour
foulever le peuple. De qui tenez- vous ce pouvoir
de général amphybie ? Quel officier civil vous a
requis ?... Le général Wafington parut , un jour,
au congrès pour l'entretenir d'affaires publiques :
remontez fur votre cheval de bataille , lui dit le
préfident , l'armée vous attend ; c'est à nous à
régler l'intérieur. On auroit dû dire à la Fayette :
allez , allez expier des intrigues criminelles dans
les prifons d'Orléans , »

Alors M. Torné a peint le peuple rendant hommage
à la loi le 20 juin , aux Tuileries . « Jamais
le palais de nos rois ne fut plus véritablement
grand jamais le peuple n'avoit déployé fous les
yeux du monarque tant de force , de modération
& de refpect enſemble pour fa perfonne & pour
la loi ; jamais un roi ne fut plus dignement entouré.
Jamais il n'eut une cour plus digne d'un
père du peuple , & jamais lui - même il n'eut une
popularité plus touchante & plus calme. »
CC
C'eft par une rufe de guerre , bien digne de
l'admiration des honnêtes gens , que la Fayette
fufpend fa miffion de combattre une armée Autrichienne,
pour venir à Paris combattre , fans raiſonner,
une claffe de politiques qui raifonnent fans combattre
.Comme ce petit Condé brilleroit aujourd'hui
dans une guerre de pots - de- chambre !... Salut au
( 17 )
général des Feuillans !... Il calomnie fon armée ,
& vous a forté le voeu de fon état- major…….
Qu'il eflaye , s'il l'ofe , de tourner contre le parti
qu'il abhorre , fes amis invariables , ces ir trépides
ennemis de la conftitution... » Par un aveuglement
impoffible , s'il n'étoit volontaire , l'évêque
apologiste des attestats du 20 juin , méconnoiflant
que ce qu'il va dire s'y applique bien mieux qu'à
l'acte d'un général qui ne quitte fon armée que
Pour quelques heures , s'est écrié : « mais eft- ce
parce que le crime n'a pas eu d'effet défafireux
qu'il doit échapper au glaive de la loi ? Ne
fuffi -il pas que , de fa rature , il puiffe avoir des
fuites malheureufes ? Est- ce parce que l'affaffin
n'a pas confommé le ca me qu'il a tenté , qu'il ne
doit pas en fubir la pein : ?»ןכ
Les morceaux es plus rifbles de cette harangue
où iillyy en a tant d'exéctables , ont été ceux où
l'orateur a reproché à M. la Fayette l'abus de la
maxime : l'infurrection eft le plus faint des devoirs;
& ceux où mettant en oppofit.on Robe fierre &
Carra , chefs des Jacobins , avec les honnêtes gens ,
il a compté parmi ces derniers livrés à fes plats
farcalmes , Louis XVI fuyant , le 20 juin 17914
le prince de Kaunitz , Léopold , François 11.
Frédéric Guillaume , Catherine II , les princes Ba
nobles émigrés , & c. Revenant à l'armée , il
dit : « Soldats de la patrie , vous êtes citoyens , &
l'on voudroit peut- être vous réduire à l'infamie
de n'être que des mannequins homicides ( nondélibérans
! ) ; à devenir nos bourreaux ! Votre
premier maître eft le peuple fouverain , le Roi n'en
eft qu'un délégué foumis , comme vous , à lui refter
fidèle , fous peine d'être , comme vous , déchu
de l'honneur de le fervir . » On devine les conclu-
Cons de l'évêque - général qui a cru devoir ajouter
( 8 )
Je fais céder aux intérêts de la Nation ma mee
dération naturelle & la charité paſtorale . » La
falie à retenti vingt fois des applaudiffemens des
galeries.
a
ссих
M. Mayerue demandoit l'impreffion pour que
M. Forné cûr l'affurance de n'être pas confondu
avec les honnêtes gens ; M. Puiraveaux , que la
dél bération fatfufpendue ; M. Hua , qu'on terminâr
, parce que la calomnie déforganifoit l'armée
; M. Thevenet , qu'on jugeât M. la Fayette
aufli vite que M. Pétion , toutes ces maneuvres
achevant de ruiner la chofe pub'ique, Mais
qui prévoyoient que le fuccès ne feroit pas pour eux ,
prolongeoient le tumulte. MM. Chabot , Bazire,
Eauchet, &c. affiégeoient tour- à-tour le bureau &
la tribune. Des huées , des hurlemens , des coups
de fiffet partis de toutes les galeries ont cou--
vert la voix de M. Thévenet . « Entendez-vous
les rugiffemens de l'anarchie , difcient plufieurs
voix ? » Les fédérés s'entre- invitoient à fortir des
galeries oppofées. Le préfident a mis & ôté fon
chapeau. Les mots : fcélérats , brigands , fortez ,
videz lafalle , à bas , ont été fouvent proférés .
du haut des galeries ou divers particuliers fe permettoient
de menacer du poing & du fabre , des
membres & le préſident de l'Affemblée. On anonce
des attroupemers aux portes de la falle.
co La liberté eft violée , il n'y a plus d'Aflemblée
nationale , dit un député que le préfident rappelie
à l'ordre. » Le vacarme diminue.
MM. Fauchet , Bagire & Guerin attachent
le fort de M. la Fayette à la vérification du
mellage de M. Bureau de Puzy . M. Guadee
raconte qu'étant chez l'évêque de Paris avec fix
de fes collègues & M. Lucker , ita retenu ces(
19 )
aines réponfes de M. Luckner & les, a notées &
lit fa note conçue en ces termes :
Lui ayant demandé s'il étoit vrai qu'on lui

cut propafé de venir à Paris avec fon armée après
l'évènement du 20 juin , M. Luckner a répondu
ences termes : Je ne nie pas . C'eft M. Bureau de
Puzy qui a été , je crois , trois fois président de
Aflemblée conftituante , qui m'a fait cette propofition
de la part de M. la Fayette. J'ai réponda
je ne mènerai jamais mon armée que contre les
ennemis du dehors. La Fayette geut faire ce qu'il
voudra : mais s'il marche fur Paris , je marche ai
contre lui & je le dauberai ( Les tribunes ont
applaudi ). M. Bureau de Puzy me répondit
alors : mais la vie du Roi eft en danger . »
On fomme M. Guader de figner fa note , il la
figne & fes fix collègues , MM. Briffor , Genfonné
, Lafource , &c. la fignent avec lui. Per
fonne n'a réclamé le témoignage , bien auffi ref-
P table, de l'évêque de Paris, & l'on n'a pas infifte
M Luc
fur la confequence que nic proPOSTIE…….
kner eft coupable de n'avoir pas dépolé juridiquement
un pareil projet ; que s'ik dément Pakéga- i
tion , l'ordre du jour n'effacera la honte d'aucun
côté. Un officier de garde avertit qu'un raflemblement
fe porte aux Tuileries , & M. Barine
que le tochin fonne à St. - Roch . Il s'agiffoit de
mander le maire , le voici à la barre (vive Pétion ! )
Le maire dit :
Je viens d'apprendre qu'un mouvement s'étoit
fait fentir dans les environs de l'Affemblée. Je
me tuis empreffé de m'y rendre pour remplie le
plus facré des devoirs , celui de maintenir l'aidre
J'ai tout vifité , & je n'ai rien trouvé qui puifle
alarmer. Plusieurs citoyens , il eft vrai , vouloient>
catrer au jardin des Tuileries , je m'y luis op
( 20 ) .
pofé . Ils ont eu égard au magiftrat qui leur parloit
; ils ont dit qu'ils n'entreroient pas , & qu'ils
feroient fentiselle aux portes . »
Les cris : vive Potion ! recommencer . Les débats
ferenouent. M. Genfonné loutient que M. la
Fayette a menacé l'Affenblée de fon armée . On
lui crie qu'il ment . Enfin il a été décrété que « la
difcuffion fur la réition & fur la lettre de M. là
Fayette , étoit ajournée jufqu'après la vérification
du fait relatif à la propofition adreffée par M. Bareau
de Puzy au maré hal Luckner , de faire marcher
les deux armêts fur Patis , »
Du dimanche, 22 juillet.
1
Sur des inquiétudes vagues du département
de Saône & Loire , & des nouvelles très - confufes
de mouvemens en Savoie , le miniftre des
affaires étrangères a été chargé de rendre compte
de ce qu'il en fait. En explication de fon
décret de la veille , l'Affemblée décrète que MM .
la Fayette & Luckner répondront précisément
1ur la dénonciation de M. Guadet dont copie
leur fera envoyée , & mande M, Bureau de Puzy
à la barre.
M. Deuzi folicite des mefures pour affurer
la tranquillité des délibérations & empê.her que
les députés ne foient hués , infultés , menacés.
M. Torné renvoie la motion à l'inquifition de
Portugal . M. Choudieu rejette les torts du vacarme
des galeries fur les députés qui ne refpectent
pas affez dans ces galeries , « le peuple
qu'ils répréfentent , qui eft leur fouverain &
leur juge ( l'Affemblée murmure & les galeries
crient : oui , oui ) . » Il dit qu'il nommera ceux
qui provoquent le peuple , & prétend qu'on veut
gêner l'expreffion de l'opinion nationale , offenfer
( 21 )
la majefté du peuple , & faire de la falle « un
repaire femblable à celui des Tuileries ( applau
dilemens des galeries ) . » M. Lecointre a révélé
qu'il y a un plan formé peur faifir l'occafion de
réprimer les auditeurs , & d'exiger d'eux le refpea
fervile qu'on avoit autrefois devant les
tyrans . Pour que la loi fût l'expreffion 1.bre de
la volonté générale , M. Lagrévol vouloit que
le décret qui défend tout figne d'approbation ou
d'improbation fût imprimé , afhé . Il l'eft. On
page à l'ordre du jour . Demain ce décret fera
Ienouvellé.
Le fcrutin , pour la préfidence , offre 458
votans inferits & 464 billets. M. Lejofne demande
qu'on en écarte « l'intrigue & la coalition
( murmures ). » Ce fcrutin eft déclaré nul .
сс
M. Choudieu propofe une organifation pro-,
viloire pour les fédérés jufqu'a Soiffons ; ce
qui favoriferoit l'idée de ceux qui fouhaiteroient
que les fedérés féjournaffent quelque temps à
Paris . Le miniftre écrit que tout eft prêt pour
leur route & pour le camp , y en envoyât - on
1500 par jour. Ils recevront 30 fous jufqu'au
moment de leur départ. Tout le refte de la
féance fe remplit de pétitions renvoyées aux comités
compétens.
Du lundi, 23 juillet.
M. Marans fait envoyer au comité de légiflation
la queftion de favoir fi des pères de famille
qui entretiennent leurs enfans à Coblentz font
fufceptibles d'emplois publics. -- Le fieur Thierry
demande fi un mariage contracté & déclaré nul
par l'évêque diocéfain , quant au facrement
peut avoir les effets civils. On paffe à l'ordre
du jour motive fur ce qu'il n'y a déformais ni
( 22 )
juts , ni catholiques , i proteffans aux yeux
de la loi qui ne voit dans le mariage que le
, contrat civil. 4
Dés fédérés , témoins des difcuffions de l'Arfemblée
, s'empreffent de protefter que venus
dans de bonnes intentions , ils brûlent d'aller
aux frontières & s'en retourneroient dans leurs
départemens plutôt que de refter à Paris ce of
l'on cherche a les égarer par des propofitions
atroces. Ils hairent que leurs camarades
ayett le courage de rétifter « à tous les moyens
de féduction qu'on emploie pour les faire entrer
dans des complots abonifiables . Cette adreffe
elt fignée « Ricard , fédéré , autorilé pár 60
de fes camarades ' de' la' haute Loifé & de la
Côte- d'or , tous du nombre des honnêtes - gens
C" Eclats de rire" ) . M. Chéron veut configner
dans le procès- verbal ce titre d'honnêtes-”
gens qu'on' ne paiviendrai
à avilir ; » M.
сс
σε
"
33 6-8
و د
Léopold , que l'adrelle foit imprimée & envoyée
aux 83 départemens « pour prouver , dit- il , á la
France qu'il n'y a que des hommes profondément
immotaur qui aient renoncé à la qualité
honnêtes gens ; & pout fervir de contre - poifon
aur opinions immotalés qui ont été fro
férées jufques dans le fein de l'Affemblée. -
Que le mot infâme d'honnêtes gens , foit rayé,
s'écrie M.. Lejofne. » L'Affemblée décrère
que loifqu'on en aura vé- ,
afe
leta in
rifië la fignature.
2 187
Le ministre de la guerre rend compte , par
écrit , des mouvemens combinés des armées du
Rhin & da centre , fous les ordres de M. Luckner
, & de celle du Nord , confiée à M. de la
Fayette , conformément à l'opinion expreffe de
M. Luckierqu'il n'y autoft aucun inconvénient
(( 230))
à ce que chaque général em chèf confervat la
majeure partie des troupes qu'il commandeit
va que , d'après les mouvemens de l'ennemi
les deux armées du Nord & du centre rappro
chées vers leur droite , matcheroient dans le
même fens , fans le croiler ni s'embarraffér . If
annonce que M. Athur Dillon commandera del
Dunkerque à Giver & les camps de Maubeuge ,
Famars & Maulde , de l'Efcaut à la Sambre.
$
Aces détails , le miniftre joint ceux de la
príle & de l'évacuation d'Orchies , par 3,600
autrichiens ayant 16 pièces de canon , felon M
Labourdonnaye commandant à Lille ; par 7 à 87
mille autrichiens , ayant 12 canons & des obufiers
, felon Mo de la Fayette ; & un post-fcripa
tum de M. de la Noue , de Maubeuge , du 18 ,
portant que 10,000 autrichiens' , commandés par
M. le Duc de Saxe- Tefchen , viennent de s'établir
à Bavey , Tenières & Malplaquet.
Du nord volant au midi , M. Cambon peint
l'armée de Mé de Montefquiou dénuée de tout ,
menacée des forces de la Savoie , les oliviers prêts”
à être arrachés , la récolte de 60 ans expofée à
périr. I protefte que jamais il n'ouvrira l'avis de
violer la conftitution , regrette amèrement de
n'avoir que les moyens que fournit pour faus
ver la pauries parle d'aller fe faire tuer à l'armée
defite de connot.e les motifs de l'arrivée de M.
de Montefquiou à Paris , & demande « quel eft?
l'homme qui veut perdre la patrie en la laiffant
fans défenfe , tandis qu'il y a 8,000 hommes
infcrits à Paris pour aller aux frontières ? My
Reboulveusqu'onajournd a mercrediun rapportfuri
les caufes & les remèdes dudanger de la patries &
fur l'exiſtence ous laonon- existence d'un pouvoir
exécutif; & fur la motion de M. Lafource , l'Af(
24)
femblée charge fa commiffion extraordinaire de
refoudre les questions fuivantes :
1°. Quels font les maux de la patrie ? 2°. quelles
en font les caufes ? °.ies moyens employés jufqu'à-
préfent font- ils fuffifans ? 4°. y a-t-il lieu
de prendre des moyens extraordinaires , & quels
font- ils ?
Une femme enceinte verfe du plomb fondu dans
l'oreille de fon mari endormi , répond à la juftice,
que c'est une envie de femme groffe ; procèsverbaux
, vifiçes d'accoucheurs , confultations de
médecins qui déclarent que la femme enceinte
peut avoir de ces fantailies , & le porter à des
actes indépendans de la volonté morale qui fe
refule au crime ; renvoi au corps législatif , rap-l
port , lecture de toutes les pièces; enfin décret .
qui ftatue qu'il n'y a pas lieu à faire une nouvelle
loi , attenda que les jurés ont le droit de
prononcer que l'accufé eft excufable , d'après curi
confcience . T
Le ministre des affaires étrangères n'annonce
que 10,000 autrichiens en Savoye , & les intentions
peu favorables de la cour de Turin.
M. Briffot s'engage à prouver que ce miniſtre
doit aller à Orléans , pour n'avoir pas prévenu
affez -tôt l'Aflemblée de la marche des Pruffiens ,
&pour avoir tu que le Roi de Sardaigne a 60,000
hommes à la folde , fans compter ro, 000 Na
politains , confidences de M. de Montefquious
confirmées par M. Ducos. Jufqu'à quand f
Meffieurs , s'eft écrié M. de Kerfaint , jouerezvous
le rôle honteux & ignoble de voir les trahifons
d'un pouvoir fur lequel vous avez la préé
minence , fans en faire juſtice à la nation ? Je
demande qué ma dénonciation contre le Roiloie
! Cannol A lá sb nuneai si vi renvoyée
cc
1
: сс
renvoyée à votre commiffion extraordinaire , &
qu'elle voye s'il n'eft pas tombé dans le cas de
déchéance que le corps législatif a le droit de
prononcer , quand le Roi n'a pas fait fon devoir
pour défendre la nation contre les ennemis . ››
Des fédérés fon : introduits à la batre , & leut
orateur dit Repréfentaus élus par le peuple
pour défendre fes droits , écoutez encore au
jourd'hui le cri de la douleur . Des femaines fe
font paffées depuis que vous avez déclaré que la
patrie eft en danger , & vous ne nous indiquez
aucun moyen de la fauver..... Nous , citoyens
des 83 départemens , nous qui fommes forts de
l'opinion réfléchie & fortement prononcée de
tous les François , nous vous l'indiquons ce remède
, nous veus difons que la fource de nos
maux eft dans l'abus qu'a fait de fon autorité
te chef du pouvoir exécutif ; qu'elle eft encore
dans les états - majors de l'armée , dans une
grande partie des directoires de départemens &
de diftricts , dans les tribunaux , & en partic
dans votre fein ..... Délibérez féance tenante &
fans défemparer.... Sufpendez le pouvoir exécu
tif. La conftitution ne parle que de la déchéan
ce ; mais pour
déclarer le Roi déchu , il faut le
juger , & pour le juger il faut que le Roi foir
fufpendu provifoirement , Convoquez les affemblées
primaires pour vous mettre en état de
connoître le voeu de la majorité du peuple pour
la convocation d'une convention nationale fug
les articles prétendus conftitutionnels relatifs au
pouvoir exécutif. Il n'y a plus une heure , une
feconde à perdre..... Evitez à votre patric une
fecouffe uriverfelle ..... Il ne lui refteroit plus
qu'une feule reffource , celle de déployer toute
a force & d'écrafer tous les tyrans . » La falle
No. 31. 4 Août 1792.
B
( 26 )
retenti des applaudiffemens des galeries & de
plufieurs membres de l'Affemblée.
Le préfident a répondu que l'Aſſemblée trouveroit
dans la conftitution .... A ces mots , les
galeries out crié : non , non , & ont hué le prédent.
Les pétitionnaires font admis aux hanneurs
de la féance. MM. Deuzi & Cartier
Douineau rappelloient les fermens & n'invoquoient
que l'ordre du jour. « Sondez votre confcience,
comme noi , difoit M. Guérin . Les pétitionnaires
vous propofent d'examiner fi le Roi eft dans le
cas de déchéance. Montrez- moi un article de la
conftitution qui défende d'aborder cette queftion .
Si nous ne l'abordons pas , nous fommes des
lâches ; & ceux qui s'y opp fent , je les dénonce
à la patric. Dénoncez moi , dit M. Boulan
ger. Tous , tous , crient beaucoup de membres
de l'un des côtés en fe levant . Et moi
je vous dénonce à la France entière comme un
faufaire , reprend M. Boulanger en s'adreflant
à M. Guérin. »
--
..
--
U membre a longuement differté dans le fens
de M. Douineau. Le Roi n'eft pas dans le
cas de la déchéance. Il y eft.Il n'y eft pas..
Vos fermens. Bruit exceflif, M. Vergniaud
obtient la parole , diftingue le feu qui éclaire
du feu qui brûle , fe couvie du décret portant
que toutes les adreffes feront renvoyées à la
commiffion extraordinaire fans diſcuſſion , établit
que c'eft pour que les adreffes utiles foient
l'objet d'un rapport , & les adreſſes inconſtitu
tionnelles l'objet d'une jufte cenfure , & fait paffer
a fordre du jour ainfi motivé.
Pour confirmer les difpofitions que venoient
de prendre les généraux de l'armée du Rhin
MM. de la Morlière , Biron , Victor de Bro
( 27 )
glie & de Wimpfen ; organe de la commillion,
extraordinaire , M. de Vaublanc a lu & l'Affemblée
a décrété 8 articles , portant qu'elle app ouve
lefdites réquifitions des 17 & 19 juillet , dont
l'effet eft de mettre en activité , dans les fix départemens
de cette fontière , un nombre de
gardes nationaux égal au fixième des citoyens
actifs , pour porter l'armée à 80,000 , & ainfi la
force difponible à 40,000 hommes ; que les volontaires
raflemblés feront organifés & foldés
comme les autres , les armes & les outils payés
par le tréfor public , des carabines livrées , des
compagnies de chaffeurs provifoirement formées
& habulées au gré du général.
M. Jean de Bry a reproduit les articles ajour
nés fur la refponfabilité folidaire des miniftres ,"
que M. Laporte teftreignoit à la majorité des
minifties opinant dans le confeil. De ce qu'on
avoit déjà demandé un compte général au miniſtère
& de ce que tout miniſtre eft reſponſable,
M. Guyton de Morveau a conclu que fa refpon
fabilité devoit être folidaire à dater du jour où
l'on a déclaré la patrie en danger ; & il rendoit
refponfables tous les confeils du Roi de tout
gang , même des fuites des omiffions.
M. Guadet a foutenu ces mesures contre
MM. Merlet & Bigas qui les croyoient inadmifibles
. M. Hua ne voyoit pas comment on
pouvoit rendre le miniftre de la juftice refpon-
Table d'une omiffion du miniftre de la guerre.
Tout paroifloit fimple & jufte à M. Genforné
vu que a le corps légiflatif jageroit enfuite
d'apres fa confcience , s'il devoir acquitter tel
miniftre , ou accufer tout le ministère.... Dans
Fioftitution du juré difoit-alonga fuivis cette
B
( 28 )
matche ; & vous devez de même laiffer cela
l'arbitrage du juge . »
« Je demande , s'eft écrié M. de Jaucourt
qu'on donne la dictature d'opinion aux députés
du département de la Gironde. -- Qu'ils nous
envoient à domicile les projets qu'ils auront ar¬
rêtés , a dit M. Mayerne. » La motion de M.
Guyton a été décrétée en ces termes :
« L'Affemblée nationale , confidérant que le
plus facré de fes devoirs eft de déployer tous
les moyens que la conftitution met à la difpofition
, pour prévenir & faire promptement ceffer
le darger de la patrie ; confidérant que l'on ne
peut contribuer p'us efficacement à remplir cet
objet important que de donner à la reſponſabilité
des miniftres & confeillers publics & fecrets
du pouvoir exécutif, toute la latitude que le falur
de l'état exige dans de telles circonſtances : »
« Déciète que quand le corps légiflatif a proclamé
dans les formes preferites par le décret du
S de ce mois , que la patrie eft en darger , in
dépendamment des cas où cette refponfabilité
peut être exercée contre les agens du pouvoir
exécutif , tous les miniftres font folidairement
refponfables foit des actes délibérés au confeil ;
relatifs à la sûreté intérieure & extérieure de
l'état qui auroient occafionné le danger , foit de
la négligence des mesures qui auroient dû y être
prifes pour le prévenir ou en arrêter les pro
grès. »
ес
Laquelle refponfabilité folidaire aura lieu
également contre tous les miniftres , après la
proclamation du danger , & tant qu'elle ne fera
pas révoquée.
33
On a chargé le comité de légiſlation de s'ocê
( 29 )
cuper d'une loi pour punir ceux d'entre les légif
lateurs qui concourroient à la nomination des
minifties.
Du lundi ,féance du foir.
L'Aemblée a décrété la mention honorable
du zèl : des adminiftrateurs de la Drôme à faire
percevoir les contributions ; a paflé à l'ordre, du
jour fur la demande de furfeoir à l'exécution du
jugement d'un homme qui , condamné à la mort
pour fabrication de faux affignats , invoquoit un
fecond examen du juré ; a renvoyé au comité
diplomatique une convention pour échange de
prifonniers entre M. de la Fayette & M. le duc
de Saxe- Tefchen ; & paffé à l'ordre du jour fur
l'avis officiel de l'affaffinat des deux prêtres infermentés
égorgés à Bordeaux ; fo.fait dont M.
Garreau difoit que la pourfuite devoit être dirigée
contre le pouvoir exécutif qui n'avoit pas
fanctionné le décret relatif aux prêtres. CC Le
tribunal criminel n'a pas fait fon devoir , ajoutoit
M. Ducos. Certes , quand les tribunaux ne
font pas juftice…….. je n'achève point , » ( c'étoit
réfuter M. Garreau. ) On, veut légalifer ks
affaffinats , comme on a légalité les raflemblemens
tumultuaires , obfervoit M. Brunck, » M.
Vivier annonce que , dans le département de
l'Indre , le tribunal criminel a puni un prêtre féditieux
; mention honorable. Du moins , dans
cetre hypothefe , peut- on voir que le veto n'empêche
pas de punir les féditieux même quand
ils font prêtres.

Sa Majesté notifie la nomination de M.
d'Abancourt au ministère de la guerre , & la
remife du porte-feuille des affaires étrangères
Par interim , à M. Dubouchage, M. Ducos a
>
B
3
( 30 )

fouhaité un moyen d'avoir promptement un mi
niftère complet ; les murmures ont été couverts
des applaudiffemens des galeries.
M. Choudieu a lu l'adreffe fuivante , datée
d'Angers , le 18 juillet 1792 , qu'il a dite accompagnée
de 10 pages de fignatures de fes
concitoyens :*
J 2
1
« Législateurs , Louis XVI a trahi la France
& fes fermens ; le peuple eft fon fouverain.
Prononcez fa dechéance , & la patrie eft ſauvée .
Les galeries ont applaudi avec tranfport . Plu-
Geurs membres ont crié : à l'abbaye. « Je defire
d'être envoyé à l'abbaye pour une telle ad effe ,
a dit M. Choudieu..... On a introduit à la
barre le département de Paris .
Par une fuite de nombreufes démiffions & dur
refus des fuppléans , le directoire , le comité
contentieux & le confeil font incomplets . Ce
cas n'a pas été prévu . L'orateur , M. Ræderer,
dit que c'eft à l'Affemblée à remplir cette lacune
de la loi , ou que le zèle peut provifoirement
tenir lieu du nombre.
Trois canonniers demandent , à la barre , la
fufpenfion du pouvoir exécutif & l'établiffement
d'une commiffion provifoire qui le remplace . M.
Genfonné , préfident , leur répond : « L'Affemblée
nationale applaudit……… » Non , non , s'écrient
plufieurs voix. Il menace de rappeller nominativement
à l'ordre ceux qui l'interrompent , &
répète les mêmes paroles.Non , non ; -- oui ,
oui. M. Genfonné perfifte à répondre que
l'Affemblée applaudit au civilme des pétitionnaires
, & leur décerne les honneurs de la féance
au bruit des applaudiffemens des galeries & d'ure
partie de l'Affemblée , puis on fe retrouve à l'ordre
du jour.
( 31 )
Un décret applaudi a levé la fufpenfion de
procureur de la commune de Paris , comme un
décret fondé fur les mêmes motifs avoit levé
celle du maire. -- Il a été mis , d'urgence , à la
difpofition du miniftre de la guerre , 3,050,497 l.
de première mile pour les fix légions créées par
la loi du 19 avril 1792 , & 204,660 liv. pour leur
dépenfe par mois ; 4,903,731 hv. de première.
mife des augmentations ordonnées dans les fix
régimens de huffards ; 219,363 liv . pour le mois ;
3.733,156 liv, de première m fe & $ 89,955 liv.
par mois , pour les trois légions franche & 54 com
pagnies créées par la lɔi du 3 1 mai ; 18,825 151
de premiè e mife , & 1,917,001 iv. par mois
pour les augmentations décrétées dans les batail-
Tons de gardes nationales les S: & 14 mai ; e fin
9.527,616 1. de première mife , & 1,064,630 !.
pour les 42 bataillons de nouvelle ' formation
Total , avec les fous omis , 46,033,764 liv.
·Du mardi , 24 juillet.
13
On a décrété le versement de 400,000 livres
dans la caiffe de l'hôtel des invalides , & .l'impreffion
& l'ajournement d'un projet de décret
de M. Rougier la Bergerie , au nom du comité
d'agriculture , fur les encouragemens dont font
fufceptibles les établiffemens faits aux environs
de la capitale pour la propagation des cfpèces de
bêtes à laine tirées de l'Angleterre , de l'Eſpagne ,
´de l'Italie , &c.
Deux articles adoptés d'urgence ont ordonné
ce qui fuit :
Art. 1. Les receveurs de diftrict ne pourront
annuller les affignats provenans des revenus
des biens des émigrés , & les verferont néan
moins dans la caille de l'extraordinaire , où ils
B
4
【32 )
1
refteront jufqu'à ce que l'Aſſemblée nationale en
ait autrement décrété. »
ce II. Le commiffaire du Roi , CC adminiftrateur
de la caiffe d: l'extraordinaire , inftruira l'Affemblée
nationale , à la fin de chaque mois , du
montant des rentrées des revenus de ces biens ,
--
Admis à la barre , au bruit des applaudiffemens
, & interpellé par le préfident co. formément
à un décret de la veille , M. de Montefquiou
a lu un mémoire que nous analyferons en
peu de lignes. Il n'eft plus permis de douter
des préparatifs de la Sardaigne. Les Piémontois
montrent à découvert leurs difpofitions hoftiles .
Depuis 15 jours , les troupes font payées fur le
pied de guerre en Savoye. Une lettre paftorale
de l'archevêque de Turin , répandue dans le Piémont
, invite tous les fidèles à faire des prières
pour le fuccès des armes du Roi de Sardaigne
** contre les François rebelles à leur religion &
à leur Roi ( éclats de rite ). Douze mille Autrichiens
font prêts à fe joindre à l'armée de
Savoye , qui fera portée ainsi à 60, coo hommes.
Il paroît que l'attaque fe fera par Lyon , ce qui
pourroit mettre l'armée du Rhin entre deux feux .
M. de Montefquiou a 94 bataillons ( dont 48 nationaux
& 10 régimens de ligne , dont le déficit
eft de 4 oop hommes) ; il n'a que 39 bataillons de
difponibles , & on lui demande d'en faire paffer
20 à l'armée du Rhin . La frontière des Pyrénées
en occupe 16. Le général attend 22,000 fufils
& 21 bataillons de nouvelle création ; il propofe
d'en compoft des compagnies de grenadiers &
chiffeurs des gardes nationales & recommande
inſtamment à l'Aſſemblée les objets détaillés dans
les états qu'il a remis au miniftre... Honneurs de
la féance & nouveaux applaudiffemens.
"
33
Ajoutant à tout cela le fruit de les réflexions ,
M. Rouyer a dit on compte en France deux
millions de gardes nationaux armés ;' on doit calculer
fur 400,000 grenadiers & 300,000 chaffeurs.
Décrétez que tous les grenadiers du
royaume à l'exception des gens mariés , fe rendront
aux frontières ; il vous restera encore un
noyau de 110 à 120 mille grenadiers . » La commiffion
extraordinaire fera fon rapport.
M. d'Abancourt , miniftre de la guerre , protefte
, par écrit , de fes fentimens à l'Aſſemblée.
L'Affemblée a déc été , d'urgence , que « dérogeant
pour cette fois feulement aux décrets
précédemment rendus , qui avoient fixé la taille
à cinq pieds & à dix- huit ans l'âge que tout citoyen
devra avoir pour s'inferire ou s'engager à
fe vir fa patrie , elle autorife les directoires de
département , diftricts , municipalités & commiffaires
nommés par eux à recevoir les jeunes gens
de l'âge de feize ans , pourvu toutefois qu'ils aient
la force néceffaire pour fupporter les fatigues de
la guerre.
Au nom de la commiflion extraordinaire , M.
Vergniaud a fait adopter plufieurs articles qui
autorifent les généraux d'armées chargés de la
défenfe des frontières à prendre les mêmes mefures
que les généraux de l'armée du Rhin , mefures
approuvées par le décret d'hier , en comprenant
dans le nombre des gardes nationales qu'ils requerront
, le quart ou au plus la moitié de chacune
des compagnies de grenadiers ou de ci - devant
chaffeurs des différens bataillons .
Une lettre du miniftre de la guerre confirme
que l'ennemi fe renforce à Bavay ; que les garnifons
d'Avefnes , du Quefnoy , Landrécies font
augmentées ; que l'incendie qui s'eft manifeſté
BS
( 34 )
Valenciennes , a confumé beaucoup d'effets de
campement. Le garde- magafin dit que le feu a
pris dans un amas de couvertures goudronnées ,
ce qui eft poffible.
M. Duhem a demandé que la difcuffion s'ouvrit
demain fur la déchéance ou la fufpenfion du Roi
qu'il accufoit de trabifon . M. Vergniaud étrangement
éloigné de fes hypothèſes , a répondu
que la comm ffion extraordinaire s'occupoit des
mcfures de sûreté générale , même de « celles
dont on parle fans ceffe & peut- être trop » &
qu'elle eft incapable d'en propofer qui puiffent
jetter des femences de difcorde & amener la guerre
civiles que lorfqu'elle, auroit manqué à fes devoirs
, on pourroit la cenfürer. Les applaudiffemens
donnés à la modération de M. Vergniaud,
ont terminé la féance .
Du mardi ,féance du foir.
Six millions d'affignats , qui feront brûlés demain
, porteront , felon le calcul de M. Amelot ,
591 millions la fomme des affignats brûlés.
M. Grangeneuve a fait ce qu'il lui a plu de
nommer un rapport fur l'affaire d'Arles . Après
quelques débats , l'Affemblée à renvoyé cinq
membres du directoire du département des Bouches
du Rhône à leurs fonctions , décerné des
indemnités pour frais de voyage & féjour à tous
ceux qui ont comparu à la barre , & ajourné la
difcuffion du refte .
Du mercredi , 25. juillet
Quelques évêques conftitutionnels affermentés
& députés cumulent les deux traitemens. M. Font
avoulu les juſtifier ; mais un ſecond décret a org
( 38 )
donné la reftitution des fommés induement per
çues.
Un pétitionnaire , après avoir pofé le grand
principe que la civalerie fe compofe d'hommes &
de chevaux , a propofé d'appeller au fervice de la
patrie , par des récompenfes , les poftitions & les
piqueurs ; de décréter que tous les chevaux de
luxe feront à la nation , & d'armer de piques tous
les foldats qui n'ont pas de fufils . Voyant M.
Carnot l'aîné , à la tribune , M. Laureau a cu
qu'un militaire alloit faire difparoître ces propofi
tions d'opposer des piques aux canons , aux fufils ,
aux bayonnettes , propofitions que M. Laureau
tenoit pour ridicules . « Point du tout , a dit M.
Carnot , je viens appuyer le voeu du pétitionnaire . »
Alors M. Carnot a cité les Grecs , les Romains ,
Ja phalange Macédonienne, Condé, Turenne , Montécuculli
, Saxe , Folard , Rohan , 3000 fuiffes à
la bataille de Dreux , les batailles de Navarre
Marignan , Montcontour , la milice de Londres
dans l'armée du Parlement contre le Roi à la
bataille de Newbury , &c. pour prouver que « la
pique eft la reine des armes , »>
M. Laureau a cité les batailles où l'on avoit
mieux fenti l'infériorité & les inconvéniens des
piques devant les canons & les fufils ; les progrès
de l'art de la guerre depuis Guftave- Adolphe ; les
dangers de toute nouveauté adoptée en pretence
de l'ennemi le plus exercé , le plus difcipliné ; l'autorité
de Puyfigur , de Knoock , de Frédéric II ;
l'avantage d'une longue bayonnette. M. Lecointre
Puyravaux lui a férieufement oppofé une exclation
de M. Briffot qui difois dernièrement , à la
tribune : « Vous manquez d'habits ! Les Améri
caias manquoient de fouliers. Vous manquez de
fufils ! Armez- vous de piques , de lances , de
B
*
( 36 )
haches , de frondes. Ne s'élèvera-t-il pas un
homme de génie qui invente la manière dont les
peuples libres doivent faire la guerre ? »
-

« Et moi je dis : M. Carnot l'a trouvée cette
manière , a pourfuivi M. Lecointre . » Il a poliment
raillé M. Laureau en le comparant au ridicule
philofophe qui vouloit apprendre le métier de la
guerre à Annibal. «Je ne fuis point militaire ,
a- t- il ajouté. On le voit bien , lui a répondu
quelqu'un. Mais je foutiens qu'avec le fimple
fens commun.
Ilfaut en avoir , lui a réparti
une de fes connoiffances ... » Alors il eft fâché :
« Je dénonce , a -t-il dit en colère , non pas an
préfident , non pas à l'Affemblée nationale , mais
à toute la cité , à toute la France , le plus auda
cieux , le plus impertinent de tous les hommes
un homme qui vient de m'infulter en me difant
que je n'ai pas le fens commun ( rires & mur
mures ) . Je fais bien que le fens de la liberté n'eft
pas le fens commun de ces Meffieurs ( montrant
une partie de l'Allemblée. Applaudi des galeries ) ...
·Point de phrafes , ont crié plufieurs membres ;
mais des raifons. 25 On a renvoyé cette moiffon
d'idées neuves au comité militaire , ainfi que la
propofition de M. Lafource d'oppofer aux Tyroliens
des braconniers & des gardes - chaffe...
-
>
Le département & la municipalité d'Avefnes
écrivent à M. Goffſuin « On veut abfolument
livrer cette barrière au tyran de Autriche . Nous
fommes joués ou vendus. L'armée de la Fayette
qui voloit , difoit -on , au fecours du département
du Rhin , eft restée plus de 10jours pour faire 14
lieues. Maître du cours de la Sambre , l'ennemi
menace Aveles . Il nous manque 280co paliffades .
Nous n'avons qu'une compagnie d'artilleurs , deux
bataillons de volontaires , point de cavalerie , fi
( 37 )
non 30 chaffeurs aucun fonds pour faire des
avances. D'Avefnes à Paris il n'y a pas une place
fortifiée . Nous mourrons à notre pofte ; nos dermères
paroles feront liberté & conftitution. »
Mention honorable & renvoi à la commiffion .
Partant de ces nouvelles & des vives inquiétudes
de M. Carnot le jeune , fur les mouvemens des
armées , M. Duhem s'eft écrié que le pouvoir
exécutif trahiffoit la patrie , & les galeries ont
répété : Oui , oui , oui . « Il faut juger le Roi.
L'Aflemblée ne doit pas s'emparer du pouvoir
xxécutif. Point de mefures mitoyennes . Recherchons
les caufes du malheur de la France . Si nous
ne pouvons la fauver , ayons le courage de le lui
dire , afin que le peuple fe fauve lui-même ( bravo !)
Abordons la quellion , a dit M. Crestin . Si le
Roi eft coupable , il faut le déclarer franchement ;
S'il eft innocent, faifons ceffer toutes les méfiances .>>
Ces motions fans ceffe renouvellées n'offroient
à M. Voifin qu'un moyen d'échauffer la multitude.
Revenant au projet , de M. Genſonné, projet d'in •
quifition municipale , M. Briffot i'a trouvé jufte
néceffaire & conftitutionnel ; il eft convenu qu'il
existe une faction , mais peu nombreuſe , de promoreurs
du républicaniſme par le régicide ; & il
leur a repréfenté que le régicide étoit le moyen
Je plus sûr de manquer leur but en rendant la
royauté permanente ; que l'Angleterre dut la téfurrection
de la royauté à la mort de Charles I.
D'ailleurs , le tribunal ou le comité de dictateurs ,
propofés par M. Genfonné , ne tient en rien de
Pinquifition , & les mandats d'arrêts feroient plus.
civiquement décernés par les municipaux que par
les juges de paix , contre le texte précis de la
conftitution que cette innovation në violera nul(
38 )
lement ; fi l'Affemblée dé ègue aux municipaux ce
droit réservé aux juges , is agiront en cela comme
juges , & tout fera en règle. On a décrété l'impreffion
du difcours de M. Briffot.
L'Aſſemblée avoit rendu les deux décrets fui.
vans Premier décret :
Art. I. Tout commandant de place forte
revêtue ou bastionnée , qui la rendra avant qu'il
y ait brêche acceffible & praticable au corps de
ladite place , qu'il n'ait foutenu au moins un
affaut , dans le cas feulement où il y auroit un retranchement
intérieur fait à l'avance ou pendant
le fiége , fera puni de mort. »
сс
11. Les places de guerre étant la propriété de
tout l'empire , dans aucun cas les habitans ni corps
administratifs ne pourront requérir un commandant
de place de la rendre , fous peine d'être traités
comme des révoltés & des traîtres à la patrie , »
ce HI. Lorfqu'une ville affiégée aura brêche
acceffible & praticable au coups de la place , &
qu'elle aura foutenu au moins un affaut dans le
cas prévu par l'article premier ci- deffus : que le
confeil de guerre aura jugé que ne pouvant plus
fe défendre par les moyens des retranchemens
intérieurs , elle doit être rendue , il ne pourra
néanmoins le rendre ni capituler que du confentement
du confeil - général de la commune & des
corps adminiftratifs réunis , s'il y en a dans la
place. » Second décret .
« Art. I. Les prévenus du crime d'enrôlement
pour les ennemis de l'Etat , ou pour troubler la
sûreté intérieure du royaume , Leront poursuivis
de la manière preferite par les loix , foit devant
les officiers de police , foit devant les tribunaux
criminels , jufqu'à jugement définitif incluſivement,
»
1:39
IC
a
18:
II. Les militaires , favfant partie de l'armée
françoile , prévenus d'avoir ento é , pour le même
objet , d'autres militaires , feront poursuivis &
jugés par les cours martiales de la manière
preferite par les loix des 22 feptembre 1790 , &
30 ſeptembre 1791. "
Du mercredi , féance dufoir. in
Une députation
d'anonymes
eft venue
dire à
-la barre , que la fufpenfion
du Roi feroit inconfti
tutionnelle
, qu'ain/ i leur vecu ſe bornoit
à la déchéance
. Applaudiffemens
des galeries
, réponfe
du préfident
, & les honneurs
de la falle .
.
D'autres citoyens ont demandé l'élargiffement
des heurs Paris & Boulan pour avoir dit, felon
la Chronique article de M. Condorcet , que
Louis XVI ou la conflitation devoit fuccomber,
& tenu des propas non moins civiques dans une
affemblée de fection , M. Duhem vouloit qu'on
·les élargit fur- le- champ , & réformoit tous les tribunaux
ariftociates & tous les directoire's payés par
la lifte civile. Les galeries ont applaudi M. Duhem ,
& hué M. oifin qui repréfentoie que fur l'ex
pofé vrai ou faux de quelques pétitionnaires , l'Af
femblée ne devoit pas réucir le pouvoir judiciaire
au pouvoir législatif , & qu'il falloit refpecter la
hiérarchie des autorités conftituées , fous le pré-
‹ texte que les affemblées primaites font fous Pa
furveillance immédiate de l'Affemblée nationale ,
Coubliant que les fections re font vraiment affem .
blées primaires que lorfqu'elles ont pour objet
-le choix des électeurs , ce dont il n'étoit pas
queftion , & qué , dans ce cas même , la loi leur
interdit toute eflète de délibération , M. Grangeneuve
a prétenda qu'il y avoit incompétence
de la part du tribunal Aemblée a déciété
همال
3
l'élargiffement des curs Paris & Boulan &
l'improbation des juges .
?
Le préfident répond à une citoyenne qui offre
fon bras pour délivrer le monde de tous les
tyzans , qu'elle eft plus faite pour les adoucir
que pour les combattre & admet aux honneurs
de la féance cette bravi tyrannicide. Un nouveau
pétitionnaire foi difant porteur du voeu de
10,000 citoyens , a dénoncé le département de
Paris , celui de la Somme, la cour , & a demandé
la permanence des fections . M. Thuriot
convertit en motion ce voeu de permanence , &
l'Aflemblée le décrète.
M. Fauchet dénonce un amas d'armes au
château des Tuileries où il affure que beaucoup
de gardes nationales entrent at més pour en fortir
fans armes . Ce véridique évêque & M.
Thuriot demandent que la partie du jardin nommée
terralle des Feuillans , foit , malgré le mur,
déclarée faire partie de l'enceinte de l'Affemblée .
Envain M. Hauffi obferve-t- il que cette propofition
ne tend qu'à favorifer les attroupemens 3
elle eft décrétée au bruit des applau diffemens des
galeries.
Du jeudi , 26 juillet."
De nombreuſes victimes d'inondations qui ont
caufé pour plus de fix millions de dommage ,
font renvoyées au comité des fecours .
M. Lacroix annonce que l'Angleterie fait un
armement confidérable ; M. Michel en dit autant
de la Ruffie. M. Laureau affure que l'Angleterre
ne pardonne point aux François d'avoir
aidé fes colonies à fecouer le jour ; que fes victoires
dans l'Inde & le befoin de s'y foutenir la
Portent à convoiter les illes de France & de
( 4 )
Bourbon que l'abbé Raynal en a donné l'avis
trop négligé ; qu'il faut le précautionner plutôt
aujourd'hui que demain contre des hoftilités
imminentes . M. Duhem vouloit qu'on décrétât,
Léance tenante , 30 vaiffeaux que voteit M. La:
croix. Les miniftres diront ce qu'ils lavent , &
les propofitions font renvoyées aux comités dit
plomatique , de marine & de finances ...
Quinze articles de M. Hugot , adoptés d'ur
gence , ont créé une nouvelle légion fous la dénomination
de légionfranche étrangère , compolée
de 2,822 hommes dont soo à cheval , qui fe
formera à Dunkerque . La tréfoterie mettra à la
difpofition du miniftre de la guerre 2,238,553 1.
pour l'équipement , &c. ; fur laquelle fomme il
remboursera au miniftre des affaires étrangères
les avances faites par M. Dumourier au confeil
d'adminiftration de ladite légion .
On renvoie au comité de légiſlation les témoignages
que M. Dejoly a tranfmis à l'Affemblee
, de la douleur qu'éprouve le tribunal da
décret qui l'improuve fur parole au fujet des
fieurs Paris & Boulan , & la demande de réformer
cette partie du décret.
M. Mouyffet obtient un congé pour un mois.
M. Lafaye donne la démiffion ; M. d'Averhoult
écit que , voulant fe rendre à fon pofte militaire
, il envoie fa démiffion . La dernière eft
fort applaudie quoique M. Lecointre- Puyravaux
y voie un parjure ; & l'Affemblée paſſe à l'ordre
du jour.
Motivant l'urgence fur la néceffité de mettre
à la tête des citoyens- foldats des officiers expé
rimentés , M. Delmas propofe d'autorifer les
généraux en chef à employer les officiers géné
Jaux retirés , au nombre d'un lieutenant - général
>
-
( 42 )
& de trois maréchaux - de- camp pour chaque ars
mée. M. Gafparin a vivement cenforé le comité
militaire de l'Affemblée conftituante d'avoir fol
Licité le doublement des régimens d'infanterie de
ligne & divifé les gardes nationales volontaires
en bataillors , au lieu d'en faire auffi des régimens
de même force . Il a imputé cette différence
au deffein de féparer ces corps & d'éloi
gher les chefs des bataillons de l'avancement
auquel font appellés les chefs des régimens . En
attendant la plus fainte égalité , l'opinant qui
jettoit ainfi des germes de divifion dans l'armée,
a propofé de décréter que les chef . des batail
lous des gardes nationales feront admis à l'avan
cement accordé aux officiers de ligne . Un membre
y a vu l'avantage de ne plus donner le commandement
aux ariftocrates.
+ COLF
Après s'être déclaré partifan zélé de tout
avancement mérité par des fervices , M. Dumas
a dit qu'il falloit tenir ces deux forces , le , gardes
nationales & les troupes de ligne , bien réparées
fans peine d'anéantir la liberté fous un gouver
santo militaire. Nous fommes parvenus ,
a-t- il pou fuivi , à ce point de délire que l'on
rétabliroir l'ancienne nobleffe ... C'est parce que
je ne fais pas un noble d'origine , mais un foldat
devenu général , qu'il me convient de m'oppoſer
à cette horrible injuftice . Dire au peuple que
tous les ci- devant nobles font ariftocrates , qu'il
ya une cafte proforite qu'il faut détruire , c'est
une abominable doctrine . Je ne veux pas qu'on
diftingue.... La postérité reviendra fur nos juge
mers précipités . Ne laillez pas corrompre l'efprit
public par un principe abominable tel que celui
de perfécuter la nobieffe jufques dans ceux - là
même qui ont le plus mérité de la patrie. Que

*mérite foit apprécié indépendamment d'un
nom effacé..... Ces huées ne m'atteignent pas.
Le peuple me rendra juftice tôt ou tard. Je
demanderai à ceux qui murmurent , quels font
les gages qu'ils ont donnés à la patrie , quels
ont éte leuis facrifices , leur fortune , leurs titres ,
Jeurs pertes ? M. Dumas ne fait jamais mieux
baffoué. Tout eft renvoyé au comité militaire.
1 Ce foir l'Affemblée formera une commiffion
qui s'occupera de pourvoir d'armes les foldats
de la liberté. Divers états portent à 230,000 les
fufils des arfenaux ; mais il y en a 16,000 de
-top courts , 16,000 de trop lourds ; & M. Dumas
obferve qu'il en faut de réferve pour le cas de
fége. Nouveau renvoi .
Les adminiftrateurs de la Manche adreflent à
Affemblée un paquet de lettres interceptées fur
sune femme arrivant de Jerfey. On a hué M.
Hua qui vouloit que le fecret des lettres füt ref-
-pelié , & le paquet a été remis au comité de furveillance.
M. Guadet a lu un projet d'adreffe au Roi ,
rédigé par la commiffion extraordinaire « dans
le langage d'une grande nation qui penfe que ,
file falut du Roi cft attaché à celui de la nation
, le falut de la nation n'eft point attaché à
celui de fon Roi. C'est l'élixir des maximes
débitées depuis plufieurs femaines. Tout y découle
de l'hypothèle que le Roi eft refponfable
de tout ce qui fe fait en fon nom dans toute
P'Europe.
« Si le Roi étoit condamné avec légèreté , la
dit M. Briffot, toute la nation pourroit bien ne
pas vous foutenir dans vos mefures ultérieures.
Si vous violez la conſtitution , ne voyez-vous
pas les portes du royaume ouvertes par les Fran
( 44 )
fois aux étrangers ; ces François leur ferrant la
main, les invitant à venir avec eux affermir leur
conftitution, & maintenir le Roi fur le trô e
contre les efforts des factieux. Beaucoup de
François attachent au titre de Roi la conferva
tion des propriétés. La fufpenfion doit être pré
cédée de la preuve de la déchéance encourue
Toute dictature enverferoit la conftitution & fa
chûte donne au defpotiſme étranger & intérieur
un afcendant effroyable , & ruine la cauſe populaire.
Une convocation des affemblées primaires
nous perdroit infailliblement . Qui vous a dir
qu'une foule de propriétaires & de citoyens paitibles
n'y attribueroient pas leurs maux à la foibleffe
du pouvoir exécutif, ne chercheroient pas
ale fortifier ? Les cours de l'Europe , des écrivains
de divers partis , Nécker, d'Antraigues &
Mounier s'attachent à prouver la néceffité de cette
convocation qui royaliferoit notre conſtitution ...
Mais la nation s'éclairera par une difcuffion folemnelle
, le moment viendra, où en jugeant, nous
ne ferons que fes vengeurs & fes organes. Les ennemis
s'avancent ; foit... Mais ce qui feroit
encore plus dangereux , c'eft que la moitié de
la nation fe joig à ros ennemis, .. " lLes conclufions
, peu directes , de M. Briffot , ont été de
charger la commiffion d'examiner fi le Roi
eft dans le cas de la déchéance ; 2 °, la charger
dé préfenter un projet d'adreffe pour prémunir
le peuple contre les mefures inconftitutionnelles
& exagérées qui pourroient ruiner la caufe de la
libertés
On a décrété l'impreffion de ce difcours , &c
Borateur applaudi de plufieurs de fes collègues ,
seft forti comvert des huées des galeries.
Du jeudi , féance du foir pasɔ
M. Voifin demande l'abolition , le rapport
du décret fur la publicité de la terraffe des Taileries
dite des Feuillans , & obferve de quelle
refponfabilité fe chargeroit l'Affemblée files
faites de ce décret inutile venoient à compromettre
la sûreté perfonnelle du Roi. M. La
marque accale l'opinant de calomnier le peuple .
On apprend que le Roi s'eft occupé de l'exécu
tion. M. Hébert rappelle que le jardin , qu'on
s'obſtine à ouvrir , n'a été fermé que parce que
des ateroupemens y infultoient le Roi. Il eft
décrété que le décret ne fera pas rapporté . La
terralle étoit ouverte aux députés , elle le fera
déformais à la multitude .
Une lettre du ministre de la marine communique
la lifte des vaiffeaux fortis de Portfmouth
D'ayant à bord des vivres que pour 15 jours
& une note de l'armement de la Ruffie. -- Le
miniftre de l'intérieur écrit que le Roi informe
des bruits répandus de prétendus amas d'armes
aux Tuileries , a interrompu fon fommeil pour
faire inviter le maire à visiter le château ; ques
pour donner plus de folemnité à cette vifite ,
M. Pétion avoit préféré d'en charger fix offi
eiersi muhicipaux , fur les obfervations préalables
defquels le maire attend encore que le corps muni
cipal ait prononcé . Au fujet de ces bruits nés de la
dénonciation de l'évêque du Calvados , M.
Condorcet a la bonne foi d'écrire dans la chronique.
« ces foupçons populaires font injurieux fans
doute ; mais n'eſt - il pas aauffi trop facile de les
infpirer pour acquérir enfuite le droit de s'en
plaindre ? i mild mo
P

oM, Barbantanne écrit à l'Aſſemblée pour com(
48 )
Battre l'opinion d'un miniftre qui l'a répréfenté
comme n'ayant pas la confiance publique. Ce
général le vante d'avoir évité l'effufion du fang
à Aix, affure que les patriotes Marſeillois réuniffent
« à l'ame des Spartiates le charme &
la grâce des Athéniens » ; protefte qu'il n'a
eu « aucune part au défarmement du régiment
d'Erneft ; annonce qu'il plante l'arbre de la
liberté daus le comtat & que l'Affemblée n'en
entendra plus parler. » Oa décrète l'impreffion
de la lettre & l'envoi au comité militaite .

Un rapport de M. Carlier fur le procès que
M. Grangeneuve intente à M. Jouneau , a été
fuivi de longs débats où plufieurs membres au
torifoient le juge de paix à faire à l'égard de
M. Jouneau ce qu'ils avoient trouvé fort mauvais
que M. Delarivière fit à l'égard de MM.
Chabot , Merlin & Bazire ; & où M. Tarbé a
été condamné à 8 jours d'arrêts pour avoir dit :
je demande que la rédaction de M. Guadet
fot généralisée de manière qu'à chaque injure .
à chaque inſute , à chaque foufflet que pourra
recevoir un député , l'Aſſembléc ne perde pas
un temps précieux pour la France entière & qu'on
fache s'il y a lieu ou non à décerner le mandat
d'amener contre un repréfentant du peuple. »
M. Tarbé n'a pu d'abord conduire fa phrate
que jufqu'au mot foufflet que MM. Thurios &
Lafource ont traité d'injure atroce faite au corps
légiflatif... Etrange diſcuſſion dans laquelle M.
Lafource a dit je n'avois jamais cru aux génics
maifaifans mais l'Affemblée m'a convaincu de
leur existence. Je vois ici des hommes qui entretiennent
des rélations coupables avec les confpirateurs
, & qui pour, hâter la ruine d'un corps
dont ils ne font pas dignes d'être membres , pro
147)
voquent tons les jours fon avlliffement. Puif
que l'Affemblée n'a pas le pouvoir de vomir de
fon fein les membres qui la déshonorent , jel
demande que le membre qui s'eft permis cet
outrage & c. , foit envoyé à l'abbaye pour trois
jours ( vifs applaudiffemens des auditeurs , des
accufateurs & des juges ) ... Ou M. Beugrot
apdico « il eſt aiſé à tout homme impartial de
Juger lequel des deux , de M. Tarbé & de M.
Lafource , mérite la cenfure de l'Affemblée.....
Il ne faut confidérer ici ni celui qui a reçu ni
celui qui a donné des coups de pied au cu
( à l'abbaye , à l'abbaye ) » ... Où M. de Jaucourt
a dit : « c'eft une tactique infâme de la
part de ces meffieurs , de récriminer contre nous
& de nous dénoncer au peuple comme les auteurs
des maux qu'ils attirent fur la France
( bruit horrible des galeries ), "
>
Voici le projet de décret de M. Guadet , tel
qu'il a été adopté :
« L'Aſſemblée nationale décrète que le juge
de paix de la fection des Lombards elt autorfé
à délivrer un mandat d'amener contre le fieur ?
Jouneau , député à l'Affemblée nationale : charge
ledit juge de paix de donner fans délai , conformément
à la conſtitution , connoiffance au
corps législatif du mandat d'arrêt dans le cas où il
y auroit lieu à le délivrer . »
La municipité de Strasbourg dénonce une
correfpondance entre quelques habitans de cette
ville & les émigrés , & demande une avancee
de 300,000 liv. qu'un décret lui accorde fur - lechamp.
Du vendredi , 27 juillet.
M. Laureau a fait recommander au comité ďa
W
( 48 )
griculture fa motion de s'occuper des moyens &
travaux propres à préferver les riverains de lay
Loire des inondations périodiques , en obfervant
que deux millions de dépenfes en auroient épargné›
20 de dommages.
Introduit à la barre avec un autre citoyen
M. Zacharie Butlet , cultivateur & efficies muni-
·cipal d'Eftrées piès Saint -Denis , a raconté qu'il a
couru le rifque d'être taillé en pièces , qu'il vient
Le réfugier au fein de l'Affemblée , qu'il a paſſé
pour un fcélérat , quoique digne de l'écharpe par
lon civilme. Tel a été le récit de fes aventures.
Le 20 juillet un détachement du 14. régiment
des troupes légères parties de Paris , arrive à
Eftrées ; M. Butlet & fes deux filles , l'une de I fi
& l'autre de 16 ans , fortent pour voir paffer ce
détachément. Quelques officiers le rappellent
avoir vu M. Butlet à Paris ; il s'entend nom )
merce par un capitaine qu'il avoit connu autrefois
aux meffageries , & l'invite à fe rafraîchir. » Is
lui difent: vous êtes un jacobin , un fcélérat , vous
méritez cent coups de bâton . Nous avons juré de
maffacrer tous les jacobins . Ils perfuadent au peus
ple que les jacobins font les feules caufes de la
guerre & du pillage auquel le livreront les Pruf
fiers & les Autrichiers ; l'exhortent à brûler tous
les clubs ; tombent fur M. Butlet que le maire
préfent refufe de protéger , & que les foldats
font évader par une porte de devière . Les officiers
entrent de force , dans fa maiſon , la parcou
rent du grenier à la cave . L'un d'eux ſe vante , en
fortant , d'avoir , le fabre nud à la main , violé
une des deux filles que le père attefte s'être dé
robée aux outrages en fe cachant dans une armoire.
Mais l'efficier n'en a pas moins fait l'atroce
plaifanterie
( 49 )
viol
roc
dary
plaifanterie de retenir , parmi ceux qui l'é outoicht
, un parrain & une martanie pour enfant
qui naîtroit de ce viol . Les foldats it bien fermoné
leurs officiers , leur ont dit : fans les
jatobins , vous nous feriez marcher à quatre pettes
(bravo !). I's partirent enfin , & le maire tance
par M. Butlet lui répondit : vous êtes un jacobin ;
j'aurois voulu qu'on vous coupût en mille morceaux...
On a décerné les honneurs de la féancé
aux pétitionnaires , & renvoyé la plaiste au pouvoir
exécutif pour en rendre compre & pour que
PAffemblée détermine la peine encourue par cot
état- major.
-M. Felix de Wimpfen avertit les adminiftrateurs
de Thionville que leur ville eft menac
d'un fitge , que les citoyens s'y pourvoient dé
vivres pour trois mois , qu'on en affure à la
cliffe qui ne peut faire des approvifionnemens , &
que l'on fe procure beaucoup de pompes contre
les incendies . Un décret accorde 25,000 liv . de
fecours à la maricipalité de Thionville .
Le maire de Paris rend compte , àla barre , des
évènemens de la nuit . On projetroit de foulever
les fauxbourgs de Saine Antoine & de Saint- Mar
ceau , d'y joindre les fédérés & la gade natio
bale de Versailles & de les porter aux Thuile
riés. M. Pétion accourt fur l'emplacement de la
baftil e à minuit ; ces citoyens , pénétrés du dan
ger de 1 patrie , étaient à table. It les harangue ;
ils feront tranquilles , Il vole au fauxbourg Saint-
Marceau . La ſection eſt aſſemblée ; un émiſſaire
inconnu ) vient de la folliciter à marcheravec fes
canons chorangue & paix. Acing heures , le
toelin fonne au fauxbourg Saint Antoine , on y
bat la générale . Le maire s'y tranfporte. Le ba
taillon eft fous les armes. Tout eft tranquille.
№ 31. 4 Août 1792.n
-NO &
Au nom de la municipalité , le maire invoque
a moyen d'arrêter l'émigration , une défente a
tout citoyen libre de fortir du royaume , & un
comité de furveillance dans la capitale avec attri
bution de pouvoirs analogues aux , circonftances,
Réponse du préfident , honneurs de la falle , &
applaudiffemens redoublés des galeries & d'une
partie de l'Afemblée.
On baffoue M. Hue qui veut qu'on remonte
aux promoteurs de ces mouvemens , de ce tocfin
de la générale battue , de ces projets , de cet énif
faire défigné & impuni.
Sur la motion de M. Faucher , l'Affemblée décrète
, fauf rédaction , la fuppreflion des paffe
ports pour les pays étrangers; & M. Mayerne y
Fait ajouter la nullité des palle-ports expédiés.
1
Une députation du comité des Belges & des
Liégeois a été admife à la barre. L'orateur a dit
que leurs ames étoient libres & leur patrie efclaves
qu'ils méditent les moyens d'affranchir leur pays ;
que M. Jarry s'eſt oppofé à tout mouvement populaire
, a étouffé l'infurrection naiſſante de la
Belgique, I's ont parié de leur gloire , de leurs
droits , de leur fortune , de leurs facrifices , de
leurs tyrans , imploré de quoiſe vêtir, la reftitution
d'un canon que M. Luckner leur a donné à Cour
tray,la punition del'incendiaire /arry qualifié lares
traite de Courtray de fuite. ( Ils ont les honneurs de
la féance, applaudiffemens & mention honorable. ).
M. Aréna dénonce le dernier ministère , &
notamment M. Lajard qui , dit- il , a ordonné la
retraite de Courtray , & c. M. Dumas , bra
vant les huées jufqu'à s'entendre dire « allez - vous
en , dénonce le ministère antérieur à celui que
M. Aréna n'inculpoit que par des allégations s
M. Dumas y oppofe des faits , impute tout aux
projets , auz ordres abfurdes de MM. Dumoue
rier, Sirvan , &c. fondés fur l'efpoir illufoire &
honteux de l'infurrection des Belges promile far
d'obfcurs intrigans . Ces dénonciations feront
écrites , remifes à la commillion extraordinaire
& le miriltre rendra compte de l'avance met de
M. Jarry , nommé lieutenant général ( au dire
de M. Duhem ) , depuis l'incendie de Courtrey.
en
De folides raifonnemens de M. Becquey combattent
le projet inquifitorial & dictatorial de
M. Genfonné exalté par M. Briffot ; des phrafts
de M. Herault de Séchelles , le mod fierit ,
l'étayant de fubtiles diftinctions entre la poice Ala
& police fuprême qui , felon lui ,
appartient au corps légiflatif , doit dominer (ur
le pouvoir exécutif & peut être déléguée à des
nailliers de municipaux.
Le miniftre de la guerre annonce que la pofi
tion de M. Arthur Dillon eft meilleure qu'on
ne la fuppofoit , que nos troupes ont de fréquens
avantages dans les efcarmouches ; & il affure que
M. Jarry n'a été ni nommé , ni proposé pour être
pronu au grade de lieutenant - général , & que le
Roi a ordonné des ordres très- preffans pour que
cet officier foit jugé & puni , s'il le mérite . Quelques
vox ont demandé le renvoi a M. Duhem
qui dénoncera encore des faits à l'infgnation du
peuples & il fe trouvera des leg flateurs qui di ont
avecM. Thuriota Il n'y a pas de doute , &c . ! »
Du vendredi , féance du foir.
«
Une lettre de M. de la Reynie acenfe M.
Thurtot de calomnie . M. Lavigne , député , dit
que M. Thuriot selt oppofé a par de menées
particulières de concert avec les commis au
procès- vcibal , àrenvoi à la fanction du de
C &
» a
152 )
cret qui accorde 100,000 liv. à M. de la Reynie,
pour dénonciation de fabricateurs de faux alignats
, M. Thuriot accufe M. Lavigne d'avoir
voulu hârer l'envoi de ce décret , dont un décret
poftérieur a fufpendu l'exécution . Quelques
membres croient qu'on n'a fufpendu que lá pait e
qui ordonnoit le brûlement de pièces néce ilaires
au cas d'une révision du procès ; d'autres , que la
revifion peut prouver que les 100,000 livics
n'étoient pas dues. L'Affemblée pale à l'o dre
du jour.
"
Mais M. de la Reynie traité , fans preuve ,
de fcélérat capab'e de féduire un ami pour gagnet
une récompenfe en le dénonçant , s'eft permis
d'inculper de menfonge un législateur. « Si vous
tolérez que des particuliers vous infu tent pour
vos opinions , dit M. Rouyer , bientôt ils viendront
vous chaffer. » M. Laureau voudroit
étendre la loi appellée par « le befoin de confidération
jufqu'aux indécentes huées des galeries.
Une partie de la falle éclate de rire , &
le tout eft renvoyé au comité de légiflation.
=
·
Les règlemens des agens de change font
maintenus , bien que non - enregistrés au parlement.
Des gardes nationaux viennent expofer qu'étant
de fervice au bas de la terrafle des Feuillans
ils ont été infultés par le peuple qu'un grenadier
voulant fauver des mains de la multitude"
un citoyen ( c'étoit M. d'Efprémenil ) a eu fon
épaulette arrachée , fon fabre & fon bonner enlevés
, qu'au moment où ils parlent ce malheureux
citoyen périt peut être au Palais - Royal . Ils
demandent pour la sûreté commune & pour
éviter de mettre aux prifes la garde nationale
& les autres citoyens , que l'Affemblée veuil.c
153
bien retirer le décret qui déclare la terraffe des
Feuillans partie de l'enceinte du corps lég flatif
Une voix a invoqué l'ordre du jour fur ce récit
cù un homme étoit repréfenté prêt à périr victime
de la multitude . Les aines fenfibles fe font
braées à un mouvenient de fté le indignation .
La députation eit entrée couverte des huées des
galeries , & on a renvoyé fa pétition à la comnifion
extraordinai e qui n'en fera fon rapport
que demain.
3 Du famedi, 28 Juillet.
Le rapport relatif aux biens de l'ordre de
Malthe cft ajourné à jeudi.
36
M. Martin , dit le juste avoit honnenient cru
devoir juft fier la commune de Marseille de
l'adreffe cù l'on demande que la royauté foit
élective. Aujourd'aui M. Granet dément cette
calomnie & dépofe fur le bureau les procès- verbaux
des 24 fections de Marfeille qui adhérent
à ladite adrefie . Renvoyé à la commiffion.
2
A la lecture du procès - verbal de la féance
d'hier foir , M. Lejofne trouve la pétition des
gardes nationales injurieufe au peuple. M. de
Kerfaint attefte que le peuple s'eft conduit avec
prulence & dignité , qu'il na « laiffé échapper
fon indignation que contre un homme qui lui
éroit en exécration ( M. d'Efpréménil dépouil'é
alfaffine , dont tout le corps n'offroit qu'une
b'effure d'où le fang ruiffeloit. ) » M. de Kerfaint
impute à cet homme des propos que celuici
n'a pas tenus , fon nom fent ayant été lel
motif unique de tant d'excès ; & l'opinant ajoute
que refpectant la fageffe du décret , le peuple
eft refte fur la terraffe & comme s'il cût regardé
le jardin des Tuileries comme un pays ennemi,
C 3
#
M. Chabot a dit que cette garde nationale « qui
prétendoit avoir été infultée , n'étoit que des
individus prévenus d'ineivilme , des gardes du
Roi , des chevaliers du roignard indignés de ce
que le peuple les empêche de confpirer dans le
jardin des Tuileries par la préfence majestueule ;
car , a- t -il poursuivi , la majeté réfide ellen
tiellement dans le peuple... »
ce
Pour tour concilier , M. Lej ne veut que
Lejefne lé
procès- verbal porte des gardes nationales fe : «
font plaint d'injures prétendues faites à la garde
nationale .... » M. Charlier :: « de foi - difant
girdes nationales fe font plaints de prétendues
injures... » Enfin « des particuliers revêtus
Lusiforme national ... & des injures prétenes.
» Après de fi lorgs debats , cette dernière
uction a été adoptée , malgré l'obfervation
d'an membre que c'eroit réelement une députation
de la garde nationale ; & fur la remarque
de M. Theriot que des particuliers zèlés le rén
niffoient à la garde au châ: eau on a décrété
que la municipalité feroit chargée de veiller à
ce qu'il ne fû admis à la garde du château que
des citoyens inferits dans le bataillon de fervice.
Les anis de la conflitution de Troyes gé
milent du refroidillement de l'efprit public. M.
de Ke faint attribue ce malheur au loin qu'on
a d'afficher les proclamations du Roi daus lef
quelles le peuple , dit - il , n'a pas beaucoup de
confiance ; & il propofe & fit déciéter que
le miniſtre , rendra compte des mefutes prifes
pour faire afficher les actes du corps légiftif,
M. Lemonicy a vu dans le raffenbement de
1,500 Belges & Legeois fous les drapeaux de
la liberté , un fpectacle plus beau que celui
qu'offre à Dicų , Luivant un ancien , l'homme
1
de bien aux prifes avec l'infortune ; & il a con
elu d'un rapport oratoire , que « fans rien pré
juger fur l'existence politique de ce corps » , il
convenoit de leur donner un fecours de 500, ocol.
pour leur équipement &e . L'Affembléc a déciété
ce ecours , & à remite du canon réclamé par
tes a li´s de la nation Françoife.
- " Vorci la rédaction du gouveau décret fur les
fade - ports :
«L'Affemblée nationale , confidérant que dans
les dangers de la patrie , tous les citoyens font en
état de requifition continuelle , & qu'il eft réceffaire
d'empêcher qu'aucun d'eux ne puitle fe fouftaire
au devoir facié de marcher au fecours de lå
patrie , lortqu'il en eft requis dans les formes lédécrète
qu'il y a urgence. »
ce L'Alien bé bat onale , après avoir décrété
Turgente , & dérogeat a l'article V de fon décrét
du premier fvher fernier , décrète ce qui fuit : »
« Art , Jr. Jafqu'à ce que l'Allemblée natiohale
ait déclaré que la patrie n'eft plus en danger
, il ne pourra plus être délivré de paffe ports
pour fortir du royaume , à aucun citoyen François
, Les paffe - ports, qui auront été accordés juf
qu'à ce jour , pour fortir du royaume , & dont il
D'auroit point été fait pf ge , font déclarés nuls,
« II. Il pourra néanmoins être délivré des
paffe ports , conformément au décret du premier
février dernier , à ceux qui ont une miffion du
gouvernement , ainfi qu'aux perfonnes de lebr
Innte , compotée feulement d'un fecrétaire , deux
domeftiques , fes femme & enfans ; gens de mer ,
aux régocians & a leurs facteurs , notoirement
connus pour être dans Pulage de faire , à ra fon
de leur commerce ou de leurs affaires , des
voyages chez l'étranger aux cultivateurs , pour
C 4
( 56 )
l'exploitation de leurs héritages & la verte de leurs
denrées, »
« III. Les paffe-ports continueront d'être exe
clavement délivrés par la municipalité ; & les
miniftres n'en pourront délivier aux citoyens qui
fe piéfenteront devant eux , qu'en vifant dans
celui qu'ils donneront celui délivré par la municipalité
. »
a IV. Ceux qui , fans paffe- ports , ou en
vertu de pafle- ports fuppofés , feroient convaincus
d'être fortis du royaume , feront réputés émigrés ,
& comme tels font foumis aux difpofitions de
toutes les loix rendues contre les émigrés . 33
« V. Les difficultés qui pourroient s'élever fur
la validité des pale- ports , ou fur le refus d'en
délivrer , conformément aux difpofitions de r
ticle II c -dellus , feront décidées adininiftrative
ment par les directoires de département , fur
l'avis des directoires de diftrict. »
VI. Les prépofés des douanes , les gendar
mes nationaux , les gardes nationales , les troupes
de ligne , font chargés d'exiger des voyageurs
leurs paffe ports . »5
Au nom de la commiffion extraordinaire.
laiffant comme non- avenues les horreurs commifes
far la terraffe des feuillans & au palaisroyal
fur M. d'Efpréménil , M. Quinette a établi
que la dignité & l'indépendance du corps légif
latifexigent que le peuple circule librement autour
de la falle , & a propofé trois articles qu'on a dé
crétés en ces termes :
csArt. Ier. Les infpecteurs de la falie font
antotifés à faire afficher dans le lieu où ils le
jageront néceflaire , l'acte,du corps légiflatif qui
dclate que la terrafle dite des Feuillans eft immé
diatement contigue au lieu de les féances . »
( 57 )
« II. Les infpecteurs de la falle arrêteront ,
dans le premier jour , les mesures de police qui
affureront le bon ordre & la tranquillité dans l'en
ceinte des féances de l'Affemblée nationale . »
« III. Le comité des domaines fera , fous trois
jours , un rapport fur la question de favoir fi la
jouiffance du jardin des Tuileries appartient exclu
fivement au premier fonctionnaire public .
Du famedi , féance du foir.
33
M. Defthem a fait décréter de nombreuſes rectifications
du tarif des douanes. Elles occuperojent
ici plufieurs pages , & la politique exté-
Ficure les rend moins urgentes à connoître . Quelqu'un
vouloit qu'on fupprimâr les douanes ; ce
projet n'a pas pris . On a deſtiné 750,000 liv .
aux travaux du port de Cherbourg ; & paffe
Fordre du jour fur la motion de décréter la permanence
des fections des villes de plus de 4,000
ames.
Perpétuellement en butte à la calomnie ,
aux perfécutions , aux menées de la haine ;
réduits à l'impoffibilité morale d'énoncer
notre opinion fur les caufes du malheur
public , ne pouvant d'ailleurs en parler
avec l'indifférence de ceux qu'aucune injuftice
ne touche , qu'aucun attachement
à leur pays ne dirige , nous croyons utile
& jufte de prévenir nos Lecteurs , que pour
ne point fournir de nouveaux prétextes
d'achatnement contre nous nous nous
abftiendrons de toutes confidérations fur
les évènemens & ceux qui les font naître
1.
( 58 )
que nous nous renfermerons dans l'expofe
des faits , affez graves pour n'avoir point
befoin de commentaire , fans jama's cependant
en dénaturer les traits , quelques me
naces , quelques moyens qu'on puiffe
mettre en ufage pour nous y forcer . Telle fera notre cook
temps où une
Police , également jufte & févère pour
tous les partis , ne tolérera plus d'un côté
des maximes d'anarchie , des provocations
au crime , pendant qu'elle puniroit de
l'autre l'expreffion publique de l'indignation
qu'elles infpirent.
Jeudi 26 , les Fédérés ont paffé la nuit en
ogies fur la place de la Baftille & dans le fauxbourg
St. Antoine, Sur les heures du foir , une de
ces difputes indécentes , dons quelques membres
de l'Affemblée donnent fouvent le fpectacle .
avoit lieu entre MM . Briffot, Ladebat & autres ,
à l'iffue de la féance. Auffi - tôt la nouvelle fe
répand parmi les Fédérés que MM Merlin
Chabot & les Patriotes font affafficés les
Ariftocrates qu' dépôt de 180mille fufils eft
aux Tuileries que les canons fauxbourg
5
par
Hont être emmenés ; on crie aux armes , qu'i
Faut inveftir le château , exterminer les traîtres
on s'apprêté à partir . La feène alloit commencer
Ja générale eft battue , des heures du mati
quatre à cinq mille Gardes Nationaux étoient
aux Tuileries, L'incertitude do favoir fi la Garde
Nationale fe réuniroit aux Fédérés , la lettre
écrite à deux heures de nuit , par le Miniltre de
Fintérieur au Mare , pour lui dire
jefte informée de ce qu'on dit d'un dépôt d'armes
dire que SaMa"
sah
ale
au château, demande qu'on y faffe perquifition
dans le moment même, & quelque accident
ignore , ont empê hé les fcènes du 20 de recommencer,
M. Pétion eft a lé au fauxbourg ,
a confeille à ces Meffieurs de conferver leur
digité toutes les motions de fufpenfion , de
deftitution du Pouvoir exécutif , font reffées
fans fuité pour le moment. Le lendemain un
au re incident a donné lieu au Peuple d'exercer fa
fureur fur un de fes anciens Lég flateurs , M.
Daval d'Eprémefail. Il fe promenoit dans les
groupes des Tuileries & vouloir , difoit - on
provoquer le Peuple a rompre la barrière &
forcer les gardes placées entre la terraffe des
Eeuillans , ou l'Alfemblée a voulu que l'on
passat & le refte du jardin où l'on ne paffe pas.
Il a été auffi- tor , traîné , frappé , dépouillé
jufqu'a la chemife , menacé de la lanterne ,
bieté de coups de fabre , & périffoit immanquablement
fans le fecours de quelques Gardes
Nationaux qu'ils ont fouftrait à la rage de la
a raged
multitude. M. Pétion s'eft rendu auprès de fon
aucien collègue réfugié au Trefor public ; il a
été frappé de l'inconftance du Peuple , en voyant
celui qui en avoit été l'idole , le protecteur
devenu l'objet de fon aveugle fureur & prêt à péric
par les mains. Il eft faux , au refte , que M.
Eprémefail ait tenu le propos dont ou s'eft ,
comme de coutume , étayé pour excufer les
violences commifes contre lui. Il ne difoit rien
ne jouoit point le rôle d'efpion de Coblentz
commeon l'a ditauffi , puifque depuis la clôture de
la première Affemblée , M. d'Eprémesnil n'a
point quitté la France. On croit qu'il ne périra
point de les bleffgres , dont plufieurs font
d'ailleurs très dangereuses . 2 !
2
C &
( 60 )
Le jeudi au foir , M. Champion Miniltse de
l'intérieur , avoit également couru les rifques
de perdre la même maniè e . It s'étoit
transporté au lieu du bauquer des Fédérés ; il
fut reconnu . Au feul nom du Miniftre , la po
pulace entre en fureur ; on s'arme contre un
homme , qui comme M. d'Eprémefail , n'avoit
point même une canne pour fa défenſe ; il eft
pourſuivi , fappé de coups de fabres & force
de fe réfugier pour fauver la vie dans une maifon
Vifine.
3
Ces violences impunies , lâchement excufés
par des Oateurs hypocrites ou des Journalistes
Téditieux , devoient néceffairement amener de
plus grands défordres encore , & faire fentir
quel dégré d'opprobre la Capitale , eft enfia réduite
à préfent.
Ainfi que nous l'avions annoneé , les Fêdéré
Martellois font arivés ici le 30 , groffis
de tout ce qu'ils ont trouvé dans la route de
difpofé à les fivre ; ils font entre fix à fept
cents avec deux pièces de canon . Leur piéfen e
s'est fait remarquer par un redoublement d' - gisations
& d'inquiétude populair . Plufieurs perfonnes
ont été infuhées , bleffées , parce qu'elles
portoient des Cocardes de rubans , ces Meffieurs
veulent & la Municipali é a ordonné qu'on n'en
porte plus que de laine , fous le nom de Cocarde
Militaire. Ces actes contre la tranqaifité des
Habitans ont été diffimulés avec ce mélange de
foumiffion , de crainte & d'arp audiffemens qui
caractérisent pn Peuple naturellement incapable
d'exiger le refpect des Loix avec le fentiment
prononcé de la juftice & de la véritable li
berté, Enha fur les quatre heures , une des 2
C
( 61 )
A
cent mille provocations chaque jour imaginées
pour fatisfaire des haines implacables , a fait
naitre une rixe entre quelques Sola : s de la
Garde Nationale dinant aux Cham s E yfées , &
quelques hommes groffiers répandus dans les envios.
Ceux- ci fe croyant infultés par les Gardes
Nationaux qui ne paroiffoient point difpofés à
fe voir éternellement moleftés , appellent à leur
fecours les Marfeil'ois . Plufieurs centaines arrivent;
malgré le vin , l'exaltation , la difpute
fe calme , l'on parcft fatisfait réciproquement , &
Jes Gardes Nationaux , dont quelques - uns étoier t
de garde au Château , fe retiroient à leur pofte ,
lofqu'ils furent fuivis par des Fédérés . Les provections
devinrent plus infoutenable ; les Gardes
Nationaux font menacés ; trois d'entr'eux qui
revenoient par la rue St. Fiorentin , font affaillis
, percés de coups . M. Duhamel, Liedtenant
des Grenadiers du Bataillon des Filles Saint-
Thomas eft tué , jetté dans le ruiffeau , foulé
aux pieds . Les autres ont été gravement bleffés ,
tant par les armes blanches que par les coups de
piftolets tirés fur eux ; ils doivent avoir également
bieffes plufieurs des Affaillans dans la réfiftance
qu'ils ont fake , & avec les armes qu'ils
opt employées pour les repouffer.
La licence meurtrière eit encore plus effrayante
daes les Provinces , fr cependant quelque chofe
peut furpaffer le meurtre & fe brigandage fous
les yeux du Roi , de l'Alemblée Nationale , &
au milieu d'une force publique confidérable.
L'affaire fi mal connue , fi embrouillée du fiége
du château de Bannes , a été fuivie des plus cou-,
pables ex és dont les Annales d'aucune Révolution
offient l'exemple, Les troupes Fédéïées qui one
་་་ །
1621
Préfidé àla défaite de M. Dufaillant le font jettées,
dans le pays , & y ont incendié les propriétés,
des profcrits . Une multitude de Familles font
dans la défolation , & livrées à toutes les fureurs
du fanatifme & de la vengrance . Le 14 , une
multitude de gens armés , faifant partie des,
troupes envoyées conte le prétendu camp de
Jalès , s'eft portie à la prifon d'Alais , en a
fait fortir quelques incendiaires de châteaux qu'on
y voit renfermés ; on a affommé le jeune Che-,
Valier Defgrigny , Offer de Marine , fa tête
a été mile au bout d'une pique , & promenée
par la ville Les mêmes crimes ont été exercés
contre Madame Gaillard , 941 , comme M.
Defgrigny , avoit été miſe en prifon pour cauſe
d'aristocratie, Elle a été mife en lambeaux, &
fa tête promenée dans la ville . Les Officiers
Municipaux n'ont pensé à employer la force
qu'après que ces attentats ont été commis .
t
Alais n'a point été feule livrée à ces cruautés im
pynies , applaudies on affaflinoit à Marseille , le
22 , un M. Boyer Marchand de Drap, jeune,
homme de vingt- huit ans , connu par fon amour
pour les loix, la juftice , & par conséquent ,
convaincu d'ariftocratie : il a été pendu à un
réverbère. Sa feivante avoit accufé de vou
loir égorger le Maire & les Officiers Mapi
cipaux. Il avoit , difoit - on , une provifion de Cot
cardes blanches & d'habits verts. Ces railons ab
furdes & révoltantes trouvent pourtant des Ag
probateurs , comme on trouve des fcélérats allez
hardis pour applaudir aux fcènes que nous venons
de rapporter :
Y
De nouveaux rapports certains apprennent que
le lendemain du meurtre de M. Boyer, à Marſeille
yos ayuss perfonnes fubilloient le même, fors à
( 63 )
de ces derniers étoit un Perruquier que le
Peuple pendit à la porte de la boutique en préſence
de fa femme enceinte .
Les enrôlemens fe continuent à Paris , &
l'on compte plus de 12 à 15,000 garçons de
boutique ouvriers , journaliers & autres ,
qui ont reçu leur engagement pour partire
Cette augmentation de défenfe ajoute encore
à l'aflurance de ceux qui croient que
l'armement des étrangers n'aboutira à rien
qu'ils n'oferont point nous attaquer, qu'ils
fuccomberoient , & que d'ailleurs ils ne
voudroient point verfer le fang d'un Peuple
qui le leve pour défendre fa liberté. Que
ce raifonnement foit fondé , ou ne le doit
pas il n'en eft pas moins vrai , nous le
répétons, que l'on regarde la guerre comme
une chole beaucoup moins inquiétante
que les intrigues de tel ou tel parti , &
que les préparatifs que l'on fait , paroiffent
moins d'effet de la certitude du danger que
des mefures que la prudence & la dignité
nationale doivent dicter. Telle eft vraiment
la difpofition des efprits dans le parti rés
volutionnaire , le plus fart, le plus nomp
breux.

M. le Roux de- la-ville, ancien Membre de
Municipalité , eft nommé Miniftre des
Contributions pubiiques.
d
wot
Il paroit que de nouvelles combinaifen
opt donné lieu à des déplacemens dans
( 64 )
l'armée du Brabant. Le camp fortifié de
Bavay , qu'elle occupoit le 17 , a été évacui
le 28 dans la matinée & l'ennemi
s'eft porté vers le bois de Sars où il étoit
avant .
"
L'armée françoife du centre eft campée
à Montmédy , Longwi & dans les environs.
Elle paroît deſtinée à garder la trouée
qui ſe préfente de ce côté de la France ,
entre la Lorraine & le Luxembourg.
L'on a démenti dans la Gazette de
Bruxelles le bruit répandu avec affectation
dans les Journaux François , que les Autichiens
avoient pillé huit maiſons à Orchies
, niaffacré le Maire , quelques Officiers
Municipaux , & autres Citoyens . Ces
faits font faux ; s'il eft péri quelqu'un , c'eft
les armes à la main , & non par aucun acte
de lâcheté réfléchie.
Les colonnes Autrichiennes qui ont traverfé
la Bavière & le Haut Palatinat , ont
éprouvé quelques défertions . Elles s'élèvent;
dit on , a 700 hommes tant de Cavalerie
que d'Infanterie.
pofées
Les forces actuelles du Brifgaw font compofées
de buit régimens d'infanterie , 22, 200
hommes ; trois régimens de Cavalerie, 4,700
hommes ; Croates & Efclavons , 3,600 : le
tout formant 30,300 hommes au camp, de
Schatzinguen. De Rhinfeld à Kell , quatre
régimens d'Infanterie , 11,800; quatre régimens
de Cavalerie , soso ; Chaffeurs &
Creates , 850 en tout , 45,000 dans le
Brifgaw ,
Toutes les lettres de Mayence s'accordent
à dire que la veille de l'entrevue de
l'Empereur , du Roi de Prufle , & dés
Généraux , l'Electeur fit avertir notre Envoyé
Conftitutionnel , M. Villar , de fortir
de la ville , fa préfence y étant auffi cho
quante que déplacée . Notre Envoyé a auffitot
obéi , -Notre flotte , deftinée à poster
à Saint - Domingue M. Defparbès pour y
faire exécuter le Décret du 24 Mars eit
encore à l'ifle d'Aix . Cette flotte eft compofée
d'un vaiffeau de 74 canons , de
Trégates , de 17 navires de tranfport ,
bord defquels font 8,000 hommes de dé
barquement. Le Tribunal de Famille de
la maifon d'Orléans a prononcé la féparation
de Mademoifelle de Penthièvre , de
M. d'Orléans fon mari , le 25 de ce mois.
--
--
Il circule dans le public une Déclaration
du Duc de Brunswick , que nous rapportérons
ici , quoique l'authenticité de cette
pièce foit conteftée par quelques perfonnes
qui s'étonnent qu'elle foit foufcrite du nom
de Brunswick - Lunebourg , nom de la maifon
qui règne en Angleterre , au lieu du nom
de Brunswick-Wolfemburell , que porte le
Duc règnant de Brunfwick, Commandant
des armées combinées.
Déclaration que S. A. S. le Duc régnant
de Brunswick Lunebourg , Commandang
les armées combinées de LL. MM, l'Empereur
et le Roi de Pruffe , adreffe aux
Habitans de la France.
LL. MM . l'Empereur & le Roi de
Pruffe n'ayant confié le commandement des
armées combinées qu'ils ont fait raflembler
fur les frontières de la France , j'ai voulu
annoncer aux habitans de ce Royaume les
motifs qui ont déterminé les mesures des
deux Souverains & les intentions qui les
guident. »
Après avoir fupprimé arbitrairement
les droits & poffellions des Princes Allemands
en Allace & Lorraine , troublé &
renverfé dans l'intérieur le bon ordre & le
Gouvernement légitimé , exercé contre la
perfonne facrée du Roi & contre fon Augufte
Famille des attentats & des violences
qui font encore perpétuées & renouvellées
de jour en jour , ceux qui ont ufurpé ·les
rêves de l'Akim niſtration, ont enfin comblé
la mefure , en filant déclarer une guerre
i jufte à S. M. Empereur , & en attaquant
les provinces fituées aux Pays Bas . Quelques
- unes des poffeilions de l'Empire Germanique
ont été enveloppées dans cette
oppreffior , & plufieurs autres u'ont échappé
zu même danger qu'en cedant aux menaces
imperieules du parti dominant & de fes
émiilaires
. »
zosaidinon cobi . § ab
167
S. M. le Roi de Pruffe , unie, avec
S. M. Impériale par les liens ane alliance
étroite & défenfive , & Memb.e prépon
dérant lui- même du Corps Germanique ,
n'a donc pu fe difpenfer de marcher au
fecours de fon Allie & de fes co - Etats
& c'eft fors ce double rapport qu'il prend
Ja défenfe de ce Monarque & de l'Aller
niagne. »...
A ces grands intérêts , fe joint encore
un but également important , & qui tient
à coeur aux deux Souverains , c'eft de faire
ceffer l'anarchie dans l'intérieur de la France,
d'arrêter les attaques portées au Tône & à
l'Autel , de rétablir le Pouvoir légal , de
rendre au Roi la sûreté & la liberté dont
il eft privé , & de le mettre en état d'exercer
' Autorité légitime qui lui eft due. »
« Convaincu que la partie faine de la
Nation Françoife abhorre les excès d'une
faction qui la fubjugue , & que le plus
grand nombre des habitans , attend avec
impatience le moment du fecours cour fe
déclarer ouvertentent contre les entreprifes
odieufes de leurs opprefleurs , S. M. Em
pereur & S. M. le Roi de Pruffe les appellent
& les invitent à retourner fans délai
aux voies de la raifon , de la juftice , de
fordre & de la paix. C'eft dans ces vues
que moi foutligne , Général Commandant
en Chef les deux armées , declare ,
1º. Qu'entraînées dans la guerre préfer te
{ ૪૪ )
par des circonftances irréfiftibles , les deux
Cours alliées ne fe propofent d'autre but
que le bonheur de la France , fans prétendre
s'enrichir par des conquêtes. »
« 2 °. Qu'elles n'entendent point s'immifcer
dans le Gouvernement intérieur de
la France , mais qu'elles veulent uniquement
délivrer le Roi , la Reine & la Famille
Royale de leur captivité , & procurer
S. M. Très Chrétienne la sûreté néceffaire
pour qu'elle puiffe faire fans danger , fans
obftacles , les convocations qu'elle jugera
à propos , & travailler à affurer le bonheur
de fes Sujets fuivant fes promeffes , & aut
tant qu'il dépendra d'elle. »
3°. Que les armées combinées
protégeront
les villes , bourgs & villages , &
les perfonnes & les biens de tous ceux qui
fe foumettront au Roi , & qu'elles concourront
au rétabliffement inftantané de
l'ordre & de la police dans toute la
France. »
4° Que les Gardes Nationales font
fommés de veiller provifoirement à la tranquillité
des villes & des campagnes , à la
sûreté des perfonnes & des biens de tous les
François jufqu'à l'arrivée des troupes de LL.
MM. Impériale & Royale , ou juſqu'à ce
qu'il en foit autrement ordonné, fous peine
den être perfonnellement refponfables :
qu'au contraire , ceux des Gardes, Nationales
qui auront combattu contre les troupes
des deux Cours alliées , & qui feront
( 69 )
* pris , les armes à la main , feront traités
en ennemis & punis comme rebelles à
leur Roi & comme perturbateurs du repos
public. »
B
5° . Que les Généraux , Officiers , bas-
Officiers & Soldats des troupes de ligne
Françoifes , font également fommés de
revanir à leur ancienne fidélité , & de fe
foumettre fur- le-champ au Roi , leur légitime
Souverain. »
,
« 6 ° . Que les Membres , des Départemens
, des Diftricts & des Municipalités
feront également refpon ables fur leurs
têtes & fur leurs biens de tous les délits ,
incendies , affaffinats , pillages & voies de
fait qu'ils lailleront commettre , ou qu'ils
ne fe feront pas notoirement efforcés d'empêcher
dans leur territoire qu'ils feront
également tenus de continuer provifoirement
leurs fonctions jufqu'à ce que S. M.
Très Chrétienne, remife en pleine liberté ,
y ait pourvu ultérieurement , ou qu'il en
ait été autrement ordonné en fon nom
dans l'intervalle. »
2
« 7° . Queles habitans des villes , bourgs
& villages qui oferoient fe défendre contre
les troupes de LL. MM. Impériale &
Royale , & tirer für elles , foit en rafe campagne
, foit par les fenêtres , portes & ou
vertures de leurs maifons , feront punis
fur -le champ fuivant la rigueur du droit
de la guerre , ou leurs maifons démolies
"
u brulees. Tous les habitans au contraire
defdites villes , bourgs & villages qui s'emprefferont
de fe foumettre à leur Roi , en
ouvrant leurs portes aux troupes de LL.
MM. , Teront a l'inftant fous leur fauvegarde
inimédiate ; les perfonnes , leurs
biens , leurs efters feront fous la protection
des loix , & il fera pourvu à la sûreté générale
de tous & chacun d'eux. >>
1
.
8°. La ville de Paris & tous fes habitans
fans diftinction , feront tenus de fe
foumettre fur le champ & fans délai au
Roi , de mettre ce Prince en pleine & entière
liberté , & de lui affurer ainfi qu'à
toutes les perfonnes Royales l'inviolabrité
& le refpect auxquels le droit de la nature
& des gens obirge les Sujets envers les
Souverains ; LL. MM. Impériale & Royale
rendant perfonnellement refponfab es de
tous les évènemens , fur leurs têtes , pour
être jugés militairement , fans epoir de
pardon , tous les Membres de l'Affemblée
Nationale, du Département , du Diſtrict, de
la Municipalité , & de la Garde Nationale
de Paris , Juges de Paix , & tous autres
qu'il appartiendra ; déclarant en outre le irsdites
Majeftés , fur leut foi & parole d'Empereur
& de Roi , que fi le château des
Tuileries eft forcé ou infulté , que s'il eſt
fait la moindre violence , le moindre ou
trage à leurs MM. le Roi & la Reine &
à la Famille Royale , s'il n'eft pas pourvu
immédiatement à leur sûreté , à leit con-
Tervation & à leur liberté , eles en tireront
une vengeance exemplaire & à jamais mémorable
, en livrant la ville de Paris à une
exécution milaire & à une fubverfion
totale, & les révoltés , coupables d'attentats,
au fupplice qu'ils auront mérité : leurs
Majeftés Imperiale & Royale promettent
au contraire aux habitans de la ville de
Paris d'employer leurs bons offices auprès
de S. M. Très Chrétienne pour obtenir le
Fardon de leurs torts & de leurs erreurs . &
de prendre les metures les plus vigoureufes
pour affurer leurs perfonnes & leus biens ,
ils obéiffent promptement & exactement
à l'injonction ci deffus.
« Enfin LL. MM. ne pouvant reconnoître
pour Loix en France que celles qui
émaneront du Roi , jouillant d'une libité
parfaite, proteftent d'avance contre l'authenticité
de toutes les déclarations qu
pourroient être faites au nom de S. M.
Très - Chrétienne , tant que fa perfonne
Tacrée , celle de la Reine & de toute la
Famille Royale ne feront Fas réellement
en suret kom à de quoi L. MM . Impériale
& Royale invitent & follicitet
S. M. Très Chrétienne de défigner la ville
de fon Royaume , la plus vifine de fes
frontières dans laquel'e elle jugera à propos
de fe retirer avec la Reine & fa Familie
, fous une bonne & sûre escorte ,
872 )
qui lui fera envoyée pour cet effet , afin
que S. M. Très-Chrétienne puiffe , en toute
sûreté appeller auprès d'elle les Miniftres
& les Confeillers qu'il lui plaira défigner ,
faire telles convocations qui lui paroîtront
convenables , pourvoir au rétabliſſement
du bon ordre & régler l'adniiniftration de
fon Royaume. »
8
F
« Enan je déclare & m'engage encore
en mon propre & privé nom , & en ma
qualité fufdite de faire obferver par tout
aux troupes confiées à mon commandement
, une bonne & exacte difcipline ,
promettant de traiter avec douceur & modération
, les Sujets bien intentionnés qui
fe montreront paifioles & foumis , & de
n'employer la force qu'envers ceux qui fe
rendront coupables de réfiftance ou de
mauvaiſe volonté . »
7
« C'eſt par ces rafons que je requiers
& exhorte tous les habitans du Royaume ,
de la manière la plus torte & la plus inftante,
de ne pas s'oppofer à la marche & aux .
opérations des troupes que je commande,
mais de leur accorder plutôt par- tout
une libre entrée , & toute bonne volonté ,
aide & affiftance , que les circonftances
pourront exiger. »
« Dɔnné au Quartier général de Coblentz
, le 25 Juillet 1791. »
་་་
Signé ,
NAND , DUC DE BRUNSWICK- LUNEBOURG."
ND
CHARLES
GUILLAUME
- FERDIJOURNAL
HISTORIQUE
E'T
POLITIQUE.
FRANCE.
De Paris , le 8 Août 1792 .
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du dimanche , 29 juillet.
M. Koch a fait un rapport fur la vente de
l'abbaye de Walgatt , à laquelle le département
de la Mofelle a négligé de procéder ; décrété
que le procureur- général -fyndic de ce département
fera mandé à la barre pour expliquer les motifs de
cette négligence.
M. Bureau de Puzy paraît à la barre , il entre
dans de grands détails juftificatifs tant fur lui que
fur les difcours tenus par M. Lafayette & fur lefquels
l'Affemblée avoit décidé qu'il feroit enten
Nos . 32 et 33. 18 Août 1792, D.
( 74 )
du. M. Bureau a figné les pièces dont il avoit
donné lecture , l'impreflion en a été ordonnée & le
tout renvoyé à la commiffion , qui en fera fon
rapport .
Du lundi , 30 juillet.
"L'on fait lecture d'une délibération de la Commune
de Coulommiers relative à une pétition
qu'avoit rédigée M. Chabroud , fous le nom
d'acte d'union , laquelle devoit être préfentée à
l'Affemblée nationale & qu'on avoit adreflée à
une multitude de municipalités pour lui trouver
des fignataires ; cette pétition eft regardée comme
dangereufe par la municipalité de Coulommiers
qui ne connoît d'autre centre de ralliement que
corps législatif.
le
Une lettre de M. Lafayette datée de Longwi ,
26 Juillet , annonce les prétendus fenti nens de ce
général fur les droits de l'homme & l'idée qu'il
s'eft faite de la fouveraineté des peuples ; le ton
en eft infultant ; on y lit : « Je fuis interpellé fur
un fait ai- je propofé à M. le maréchal Luckner
de marcher avec nos armées fur Paris ? à quoi je
réponds en quatre mots fort courts ; cela n'eft pas
vrai. Cette étrange lettre eft renvoyée à la commiffion
extraordinaire .
On annonce la défertion du lieutenant- général
Gelb & du maréchal- de- camp Balthazar. Il
eft décrété que les noms des déferteurs feront dorénavant
livrés à l'infamie . & envoyés aux mu→
nicipalités.
Au nom du comité militaire , M. Lacuée a lu &
Affemblée a décrété quatre articles relatifs au
fervice perfonnel dans la garde nationale . Voici.e
décret :
1. Les citoyens qui ne fe font pas fait inferire
au rôle des gardes nationales , n'en feront pas
( 75)
moins le fervice comme les citoyens infcrits .
2. Chaque jour de ſervice d'un citoyen non
inferit fera remplacé par u e taxe éga'e au vingtième
de la contribu iɔn mobiliaite dudit citoyen ,
laquelle néanmoins ne pourra être moindre de
deux journées de travail .
3. Les citoyens actifs inferits qui ne feroient
point de fervice , ou qui ne fe feroient point
remplacer feront affujettis à une taxe égale au
vingtième de la contribution mobilière par chaque
jour de garde qu'ils auront refuſé de monter .
4°. Tout citoyen qui manquera une première
fois fera puni d'une peine pécuniaire. Son nom
fera inferit & affiché dans les corps de garde , -
& pour la troisième fois , il fera puni de huit
jours de prifon & de deux ans de fufpenfion des
droits de citoyen actif.
Tant que la sûreté publique fera menacée
nul citoyen ne pourra le faire remplacer fauf les
exceptions déjà prononcées , ou à moins d'un
empêchement jugé légitime par les municipalités .
Du lundi , féance du foir.
Conformément aux derniers états de la municipalité
, le miniſtre de la gue re annonce que
le nombre des citoyens enrôlés pour le camp de
Soiffons s'élève à 5,514. '
M. Vaublanc écrit à l'Affemblée qu'il s'eft
retiré de la commiffion extraordinaire,
Les patriotes remarquoient depuis quelque tems
que la couleur des cocardes à Paris varioit d'une
manière fufpecte , & la municipalité , pour prévenir
les rixes , avoit ordonné qu'on ne portât déformais
que des cocardes de laine . M. Lacroix fait obferver
que la loi ne prononce point fur le gente de
l'étoffe , que , pourvu que les cocardes foient aux
D2
( 76 )
1
trois couleurs , on étoit libre de les choir à fon
gré. L'Affemblée paffe à l'ordre du jour motivé
fur l'obfervation de M. Lacroix.
L'Affemblée a décrété que les écoliers bourfie
s qui iront aux frontières conferveront leur
penfion comme s'ils euffent refté à Paris .
L'on décrète les articles fuivans fur la contribution
fonciète .
nances ,
ce L'Affemblée nationale , après avoir entendu
le rapport de fon comité de l'ordinaire des files
trois lectures de projet de décret
qui lui a été préfenté , lefquelles ont été faites.
les 9 février , 31 mars , 18 & 27 juillet dernier ,
& après avoir décrété qu'elle étoit en état de
rendre le décret définitif , décrète ce qui fuit :
ce Art. I. La proportion de la contribution
foncière avec le revenu net foncier , au- deffus
de laquelle la co:ifation de chaque contribuable
ne doit pas s'élever , eft fixée pour 1792 , au cinquième
du revenu net foncier ; en conféquence
tout contribuable qui juftifiera avoir été cotifé à
une fomme plus forte que le cinquième de fon
revenu net foncier , à raifon du principal de la
contribution foncière , aura droit à une réduction
, en le conformant aux règles profetites par
la loi du 28 août 1791 , fur les décharges & modérations.
»
« II. Les débiteurs autorifés par la loi du
premier décembre 1790 , à faire une retenue
fur les rentes ci- devant feigneuriales ou foncières ,
fur les intérêts des rentes perpétuelles conftituées
, foit en argent , foit en dentées , le feront
au qunit du montant defdites rentes ou preftation
pour l'année 1792 ; les débiteurs de rentes
ou penfions viagères le feront auffi au quart ,
mais feulement fur le revenu que le capital ,
( 77 )
3
s'il eft connu , produiroit au denier vingt ; &
dans le cas où le capital ne fera pas connu its
le feront au huitième du montant de la rente
ou penfion viagère ; le tout fans préjudice des
baux à rentes ou autres contrats faits fous la condition
de la non etenue des impofitions .
ככ
>
III . La retenue fera faite en argent fur les
rentes ou preftations en argent , & en nature
fur les rentes en denrées & preftations en quotité
de fruits . Elle fera faite au moment où le débiteur
acquittera la fente ou la preftation ; & ceux
des débiteurs de rentes perpétuelles ou viagères
& de preftations quelconques fujettes à retenue
qui ayant fait des paiemers avant la publication
de la préfente loi , n'auroient fait la retenue pour
1792 , qu'à un taux inférieur à celui déterminé par
le précédent article , font autorifés à fe faire reftituer
jafqu'à la concurrence du montant de la retenue
fixes par ce décret. »
On lit une lettre de M. Luckner , relative à
l'affaire de M. Lafayette . Le général y dit que
c'eft fans doute à la difficulté qu'il a de s'expliquer
en françois , qu'on doit attribuer la différence
de la converfation tenue par lui chez
l'évêque de Paris , & les expreffions qu'on lui
attribue. Il finit par affurer l'Aſſemblée , la
France entière de fon attachement aux principes
de la liberté & de fon dévouement à une caufe
que les diffentions inteftines peuvent feules empêcher
de triompher. L'Affemblée ordonne l'impreffion
de cette lettre & le renvoi à la commiffion
extraordinaire .
Quelques gardes nationaux font venus rendre
compte de l'évènement arrivé´ la veille aux
Champs - Elifées , fruit de quelques provocations
concertées par l'intrigue contre les fédérés Marfeil-
D 3
( 78 )
lois , & où M. Duhamel , grenadier du bataillon
des Petits - Pères , a perdu la vie . Cette affaire cft
renvoyée partie aux tribunaux , partie au comité
de farveillance , pour fuivre les rapports qu'on
trouveroit en: re cette fcène & d'autres femblables
dont on a déjà eu connoiffance.
Du mardi , 31 juillet.
Deux décrets ont ftatué 1 ° . qu'il fera mis à
la difpofition du ministre de l'intérieur 3 milions
pour fubvenir au manque de fubfiftances que
pourront éprouver les places festes menacées de
fiége ; 2 ° . que tout citoyen qui aura quelque
procédé ou marché utile à propoſer concernant
eu la fabrication ou la livraiſon du papier bon
pour les affignats , leur impreffion , gravure ou
timbrage , pourra s'inferire au comité des affigats
ou monnoies où le regiftre des foumiffions.
fera ouvert jufqu'au .31 feptembre . Un décret
de la veille avoit mis 2,500,000 liv . à la difpofition
du miniftre de la
guerre pour
l'habillement
des bataillons de volontaires nationaux.
On a décrété une nouvelle création de 300
millions en affignats , hypothéqués fur la vente
des palais épifcopaux , des mailons actuellement
occupées par les religieufes , des quarts de té
ferve & futaies dépendans des biens ci - devant
du clergé & des fonds de bois épars que l'on
jugera pouvoir être vendus ,
Le miniftre de la guerre annonce que le nombre
des fédérés eft maintenant à Soifons de
8,083 .
Du mardi , féance du foir.
Des citoyennes de Paris dépofent au fein de
l'Alemb.éc une pique furmontée du bonnet de
( 72 )
l'égalité ; elles demandent à être aimées pour la
défense de la liberté . Elles reçoivent les honneurs
de li féance au milieu des plus vifs applaudiffemens.
M. Lejofne propofe d'effectuer la fuppreffion
de toutes les maifons conventuelles des deux
fexes . L'Affemblée a renvoyé aux comités des
finances & des domaines les nombreuſes motions
que cette propofition a fait naître pour ca rendre
compre inceflamment .
L'Affemblée , après plusieurs débats fur les
évènemens de lundi , a décrété d'envoyer trois
membres de l'Affemblée nationale à Soiffons ,
pour préparer ce qui peut être néceffaire pour y
recevoir les fédérés . MM. Gafparin , Lacombe
St. Michel & Carnot font choifis par appel
nominal pour cette miflion .
Du mercredi , premier août.
Le miniftre de l'intérieur communique à l'Af
femblée une proclamation du Roi fur les évènemens
du 30 juillet , ainfi qu'une copie de la
lettre du miniftre de la juftice au tribunal criminel
, pour faire des pourfuites judiciaires contre
les auteurs des délits commis .
Un courier extraordinaire apporte au préfident
un arrêté du département des Bouches- du - Rhône,
une proclamation des corps adminiftratifs , judiciaires
& militaires réunis à plufieurs citoyens &
au préfident des amis de la conftitution de Marfeille
, deux déclarations de la commune & du diftrict
d'Aix , deux lettres des directoires des départemens
de la Dôme & des Baffes - Alpes . Comme
le fond de la principale pièce forme la ſubſtance
des autres , il fuffira d'en extraire une . Le confeil
général du département des Bouches - du-
D 4
( 80 )
Rhône confidérant que 70,000 Sardes menacent
les frontières de la France du côté de la Savoie ;
que l'armée du midi , déjà très - foible , eft menacée
d'être encore affoiblie par la diftraction de
vingt bataillons ordonnée par le pouvoir exécutif
pour renforcer l'armée du Rhin ; confidésant
que le département des Bouches- du - Rhône ,
& la ville de Marfeille , fur- tout , font particulièrement
menacés , a arrêté , 1 °. qu'il fera ordonné
une levée de 6,000 volontaires dans le
département pour renforcer l'armée du midi , dont
l'entretien fera payé par les cailles publiques. A
l'effet de quoi il cft fait de très - févères détenfes
à tous les caifiers & receveurs nationaux de fe
deffaifir des fommes qu'ils ont en main , jufqu'à
ce que , par le directoire , il en ait été autrement
ordonné ; 2 °. Que tous les commandans de
l'armée du midi font invités à refter à leur pofte ;
3 ° . que l'arrêté fera envoyé à l'Affembléc nationale
, pour être foumis à fon approbation , &
pour la prier d'enjoindre au pouvoir exécutif de
laiffer toute entière l'armée du général Montefquiou
. On a décrété le renvoi à la commiffion extraordinaire
.
Le préfident annonce qu'il vient de recevoir un
paquet timbré de Bruxelles , contenant un imprimé
intitulé : Déclaration de S. A. S. le Duc
de Brunfwi.k Lunebourg , commandant -général
des armées combinées de l'Empereur & du Roi de
Pruffe , aux habitans de la France. L'Affemblée
pafle à l'ordre dujour. Les expreffions de cet écrit
ont paru fi atroces , & fi ridicules en même temps ,
qu'on pourroit douter que le Duc de Brunswick
en fut l'auteur .
Sur la propofition de M. Jean de Bry , par-
Jant au nom de la commiſhion extraordinaire , le
( 81 )
décret fuivant a fixé le traitement à faire aug
prifonniers de guerre :
« L'Aſſemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , décrète ce qui fuit :
Art . 1. On fuivra , envers tous les étrangers
pris les armes à la main , les règles établies par
le décret du ..... Dans le cas où les loix ordinaires
de la guerre feroient violées par les puiffances
ennemies , tout noble étranger , tout officier,
tout général, quelle que foit fa dignité ou fon
titre , qui fera pris les armes à la main contre la
nation Françoife , fera traité de la même manière
que l'auront été les citoyens François , les cificiers
ou foldats des bataillons de volontaires ,
les gardes nationales fédentaires , & les foldats de
troupes de ligne pris les armes à la main . »
:
« II. Dans tous les cas on fuivra , à l'égard
des fo'dats des troupes ennemies , les règles ordinaires
de la guerre. »
Après des débats auxquels on ne devoit pas
s'attendre fur une propofition de M. Carnot , concernant
la néceffité d'armer les citoyens , il a été
décrété que les départemens s'occuperont d'une
fabrication de piques d'après un modèle qui fera
indiqué. Chaque municipalité en diftribucra aux
citoyens qui en demanderont.
Du mercredi , féance du foir.
M. Ducos annorc que la fociété des amis de
la conftitutión de Bordeaux a nommé 24 commilaires
pour enrôler des foldats deftinés à défendre
la patrie ; elle a formé un fonds deftiné
à donner so liv . d'encouragement.
On décrète qu'il fera formé un corps militaire
fous le nom de légion des Allobroges , deftiné à
recevoir ceux des habitans de la Savoie qui
DS
( 82 )
pafferoient volontairement au ſervice de la France.
Une lettre du Ro annonce que M. Bigot
de Ste. Croix eft nommé au miniftère des affaires
étrangères.
L'Aflemblée a , par un déciet , annullé les
arrêtés & débérations du confeil du département
des Bouches du-Rhône , des juges & offi
ciers militaires, & rappelé à l'obfervation rigou
reute de la loi les adminiftrateurs & les citoyens
qu'un zèle ardent a écartés des principes les plus
falutaires.
Du jeudi , 2 août.
M. d'Abancourt , miniftre de la guerre , fait
connoître à l'Affemblée que le Roi a nommé
pour officiers - généraux du camp de Soiffons ,
MM. Cuftines , lieutenant général ; Alexandre
Beauharnois & Chadelas , adjudans - généraux ;
Servan & Charton , maréchaux de- camp; Dorly,
Renard & Curvelle , commiffaires des guerres .
M. Tolofan , maréchal de camp , commande
les troupes établies à Soiffons & dans les environs.
Une lettre de Soiffons annonce qu'il s'eft
trouvé des fragmens de verre dans le pain des
volontaires de Soiffons, Le miniftre a ordonné
des informations à cet égard .
Du jeudi , féance du foir.
A l'occafion d'une demande de 120,000 livres
faite par la ville de Nacy pour des fecours urgens
, M. Cambon fait décréter que le comité
de l'extraordinaire des finances préfentera dans
huit jours un mode de paiement des dettes de
toutes les villes .
Une multitude de citoyens & citoyennes ,
1 881
juftement alarmés du bruit qui s'étoit répanda
qu'on avoit empoifonné les foldats du camp de
Soiffons avec du verre pillé , fe préfente dans
l'Afemblée & demande vengeance de ce crime .
Le préfident annor ce aux citoyens préfens que
l'Affemblée a décrété l'envoi de trois commiffaires
à Soiffons pour prendre connoiffance de l'objet
de leur plainte , & qu'on va de plas y envoyer
un courrier afin de preffer la réponſe des commiffaires.
Du vendredi , 3 août .
On fait lecture de quelques lettres qui annoncent
du défordre à Mons & les difpofitions
des troupes Autrichiennes à la défertion ; on
apprend auffi que le département des Vofges ,
requis par les généraux , a fourni fon contingent.
Les trois commiffaires envoyés à Soiffons inftruifest
l'Affemblée que le bruit alarmant qui
s'étoit répandu fur les fragmens de verre trouvés
dans le pain , eft fans fondement ; que cet accident
n'a caufé la mort d'aucun foldat ; qu'il eft
arrivé , parce que les vitraux de l'églife où fe
fabrique le pain font en mauvais état , & qu'il
en eft tombé plufieurs morceaux dedans la pâte .
"
Sur la propofition de M. Jean de Bry ca a
décrété que tout François qui aura fervi fous
les drapeaux de la liberté pendant le temps de
cette guerre jouira des droits de citoyen actif.
M. Dejoly , miniftre de la juftice , entre dans
l'Affemblée & préfente , au nom du Roi , le
meffage fuivant
« M. LE PRÉSIDENT >
" Il circule depuis quelques jours un écrit in-
D 6
( 84 )
titulé : Déclaration de . A. S. M. le duc régrant
de Brunfwick- Lunebourg , commandant des
armées combinées de Leurs Majeftés l'Empereur ta
le Roi de Pruffe adreffée aux habitans de &
France. Cet écrit ne préfente aucun des carac
tères qui pourroit en garantir l'authenticité , &
n'a été envoyé par aucun de mes miniftres dans
les cours d'Allemagne qui avoifinent le plus nos
frontières . Cependant fa publicité me paroît exiger
une nouvelle déclaration de mes fentimens & de
mes principes. >>
« La France fe voit menacée par une grande
réunion de forces . Reconnoiffons tous le befoin
de nous réunir . La calomnié aura peine à croite
la trifteffe de mon coeur , à la vue des maux
& des malheurs qui fe préparent ; mais ceux qui
favent ce que valent à mes yeux le fang & la
fortune du peuple , croiront à mes inquiétudes ,
à mes chagrins. "
« J'ai porté fur le trône des fentimens pacifiques
, parce que la paix eft le premier befcin
du peuple & le premier devoir des Rois.. Mes
anciens miniftres favent quels efforts j'ai faits
pour éviter la guerre. Je fentois combien la paix
étoit néceflaire. Elle feule pouvoit éclairer la
nation fur la nouvelle forme de fon gouvernement
. Elle feule pouvoit , en épargnant des malheurs
au peuple , me faire foutenir le caractère
que jai voulu prendre dans cette révolution .
Mais j'ai cédé à l'avis unanime de mon confeil ,
au vou manifefté d'une grande partie de la nation
, & plufieurs fois exprimé par l'Aflemblée
nationale . »
сс La guerre déclarée , je n'ai négligé aucun
des moyens d'en affurer le fuccès . Mes miniftres
l'ordre de fe concerter avec les comités
reçu
( 85 )
de l'Afemblée nationale & avec les généraux.
Si l'évènement n'a pas encore répondu aux cfpérances
de la nation , ne devons - nous pas en
accufer nos diffentions inteftines , les progrès de
l'efprit de parti , & fur- tout l'état de nos armées
qui avoient befoin d'être encore exercées ? Mais
la nation verra croître mes efforts avec ceux des
puiffances ennemies . Je prendrai de concert avec
Affemblée nationale tous les moyens pour que
les malheurs inévitables de la guerre foient profitables
à fa liberté & à fa gloire. J'ai accepté la
conſtitution . La majorité de la nation la defiioit .
J'ai cru qu'elle y plaçoit fon bonheur , & ce
bonheur fait l'unique occupation de ma vie .
Depuis ce moment je me fuis fait une loi 'y
être fidèle , & j'ai donné ordre à mes miniftres
de la prendre pour feule règle de leur conduite.
Seul , je n'ai pas voulu mettre mes lumières à
la place de l'expérience , ni ma volonté à la
place de mon ferment . J'ai dû travailler au bonheur
du peuple. J'ai fait ce que j'ai dû. C'eſt
affez pour le coeur d'un homme de bien. One
me verra jamais compofer fur la gloire ou fur
les intérêts de la nation. , recevoir la loi des
étrangers , ou celle d'un parti . C'eft à la nation
que je me dois . Je ne fais qu'un avec elle. Aucun
intérêt ne pourra m'en féparer . Elle feule fera
écoutée . Je maintiendrai jufqu'à mon dernier
foupir l'indépendance nationale . Les dangers perfonnels
ne font rien auprès des malheurs publics.
Et qu'est- ce que des dangers perfonnels pour un
-Roi à qui on veut enlever l'amour du peuple ?
C'eft - là qu'eft la véritable plaie de mon coeur.
Un jour le peuple faura peut- être combien fon
bonheur m'eft cher , combien il fut toujours &
mon ſeul intérêt & mon premier befoin . Que
2
( 86 )
de chagrins pourroient être effacés par les plus
légères marques de fon retour » !
.
Signé , LOUIS .
Et plus bas , BIGOT DE SAINTE- CROIX .
Quelques membres demandent l'impreffion de
cette pièce , d'autres s'y oppofent , en obſervant
que le Roi qui a beaucoup parlé le langage de la
conſtitution , ne paroît jamais avoir tenté fincèrement
de la faire refpecter dans l'étranger. L'im
preffion eft rejettée .
M. Pétion fe préfente à la barre & demande
à lire une pétition dont les fections de Paris
l'ont chargé comme premier magiftrat de la
Commune.
M. Pétion. « Légiflateurs , c'eft loifque la
patrie eft en danger que tous fes enfans doivent
fe preffer autour d'elle ; & jamais un fi grand
péril n'a menacé la patrie . La commune de Paris
nous envoie vers vous ; nous venons apporter
dans le fanctuaire des loix le voeu d'une ville
inmenfe . Pénétrée de refpect pour les repréfentans
de la nation , pleine de confiance en leur
courageux patriotifme , elle n'a point défefpéré
du falut public; mais elle croit que pour guérir
les maux de la France , il faut les attaquer dans
leur fource , & ne pas perdre un moment . C'eſt
avec douleur qu'elle vous dénonce par notre
organe le chef du pouvoir exécutif. Le peuple a
fans doute le droit d'être indigné contre lui ;
mais le langage de la colère ne convient point
aux hommes forts . Contraints , par Louis XVI
à l'accufer devant vous & devant la France entière
, nous l'accuferons facs amertume comme
fans ménagemens pufillanimes . Il n'eft plus tems
d'écouter cetre longue indulgence qui fied bien
aux peuples généreux , mais qui encourage les
187 )

Rois au parjure ; & les paffions les plus refpec
tables doivent le taire quand il s'agit de fauver
l'Etat , »
CC
Nous ne vous retracerons pas la conduite
entière de Louis XVI depuis les premiers jours
de la révolution , fes projets fanguinaires contre
la ville de Paris , fa prédilection pour les nobles
& les prêtres , l'averfion qu'il témoignoit au
corps du peuple , l'Affemblée nationale conftituante
outragée par des valets de cour , inveſtie
par des hommes armés , errante au milieu d'une
ville royale , & ne trouvant d'afile que dans un
jeu de paume. Nous ne vous retracerons pas
des fermens tant de fois violés , des protefta
tions renouvellées fans ceffe , & fans cefle démenties
par les actions , juſqu'au moment où
une fuite perfide vint ouvrir les yeux aux citoyens
les plus aveuglés par le fanatifme de
l'elclavage . Nous laifferons à l'écart tout ce qui
eft couvert du pardon du peuple ; mais le pardon
n'eft pas l'oubli . Vainement d'ailleurs nous poutrions
oublier tous ces délits ; ils fouilleront les
pages de l'hiftoire , & la postérité s'en fou
viendra. »
CA
Cependant , législateurs , il eft de notre
devoir de vous rappeller en traits rapides , les
bienfaits de la nation envers Louis XVI , &
l'ingratitude de ce prince . Que de raifons pou
voient l'écarter du trône au moment où le peuple
a reconquis la fouveraineté ! La mémoire d'une
dynaftie impérieufe & dévorante , où l'on compte.
un Roi contre vingt tyrans , le defpotifme héréditaire
s'accroiffant de règne en rège avec la
mi ère du peuple ; les finances publiques entièrement
rui ées par Louis XVI & par fes deur
prédécesleurs des traités infames perdant l'hon
( 88 )
1
!
reur national ; les éternels ennemis de la France
devenant les alliés & fes maîtres voilà quels
étoient les droits de Louis XVI au fceptre conftitutionnel
. La nation , fidelle à ſon caractère , a
mieux aimé être généreufe que prudente : le
defpote d'une terte efclave eft devenu le Roi
d'un peuple libre : après avoir tenté de fuir la
France , pour régner fur Coblentz , il a été replacé
fur le trône , peut-être contre le voeu de
la nation qu'il auroit fallu confulter . »
сс Des bienfaits fans nombre ont fuivi ce grand
bienfait . Nous avons vu dans les derniers tems
de l'Aflemblée conftituante , les droits du peuple
affoiblis , pour renforcer le pouvoir royal ; le
premier fonctionnaire public devenu repréſentant
héréditaire , une maifon militaire créée pour la
fplendeur de fon trôle , & fon autorité légale
foutenue par une lifte qui n'a d'autres limites
que celles qu'il a bien voulu lui preferire .
כ כ
« Et bientôt nous avons vu tous les bienfaits
de la nation tournés contr'elle . Le pouvoir délégué
à Louis XVI pour maintenir la liberté , s'eft
armé pour la renyerfer. Nous jetons un coupd'eil
fur l'intérieur de l'Empire . Des minifties
pervers font éloignés par la force irrésistible du
mépris public ; ce font eux que Louis XVI
regrette. Leurs fuccefleurs avertiffent la nation
& le Roi du danger qui environne la patrie ; ils
font chaffés pat Louis XVI , pour s'être montrés
citoyens. L'inviolabilité royale & la fluctuation
perpétuelle du ministère éludent chaque jour la
refponfabilité des agens du pouvoir exécutif. Use
garde confpiratrice eft diffoute en apparence ;
mais elle exifte encore : elle eft encore foudoyée
par Louis XVI , elle feme le trouble , & mûrit
la guerre civile . Des prêties perturbateurs ,
( 89 )
abufant de leur pouvoir fur les confciences timides ;
arment les enfans contre les pères ; & , de la
terre faciée de la liberté , ils envoient de nouveaux
foldats fous les drapeaux de la fervitude .
Ces ennemis du peuple font protégés par l'ap
pel au peuple , & Louis XVI leur maintient le
droit de confpirer . Des directoires de départemens
coalilés , oſent ſe conſtituer arbitres ent - e l'Alfemblée
nationale & le Roi . Ils forment une
eſpèce de chambre haute éparfe au fein de l'em-
Fire quelques - uns même ufurpent l'autorité
légiflatrice , & , par l'effet d'une ignorance profonde
, en déclamant contre les républicains , ils
femblent vouloir organifer la France en république
federative. C'elt au nom du Roi qu'ils allument
les divifions inteftines ; & le Roi n'a point
défavoué avec indignation deux cents adminiftrateurs
ftupides ou coupables , démentis , d'un bout
de la France à l'autre , par l'immenfe majorité des
adminiftrés !
Au dehors , des armées ennemies menacent
notre territoire. Deux defpores publient contre
la nation françoife un manifefte auffi infolent
qu'abfurde. Des François parricides , conduits
par les frères , les parens , les alliés du Roi , fe
préparent à déchirer le fein de leur patrie. Déjà
l'ennemi , fur nos frontières , oppofe des boutreaux
à nos guerriers . Et c'eft pour venger
Louis XVI que la fouveraineté nationale eft impudemment
outragée ; c'eft four venger Louis
XVI que l'exécrable maifon d'Autriche ajoute un
nouveau chapitre à l'hiftoire de fes cruautés ; c'eft
pour venger Louis XVI , que des tyrans ont renouvellé
le fouhait de Caligula , & qu'ils voudroient
aaéantir , d'un feul coup , tous les citoyens
de la France !
1
( 95 ).
Les promeffes flatteufes d'un miniftre ont fait
déclarer la guerre , & nous l'avons commencée
avec des armées incomplettes & dénuées de tout.
En vain la Belgique nous appelle ; des ordres
pervers ont enchaîné l'ardeur de nos foldats ; nos
premiers pas dan's ces belles contrées ont été marqués
par l'incendie ; & l'incendiaire eft encore au
milieu du camp des François ! Tous les décrets
que l'Affemblée nationale a rendus pour renforcer
nos troupes , font annullés par le refus de
fanction , ou par des lenteurs perfides . Et l'ennemi
s'avance à grands pas , tandis que des patriciens
commandent les armées de l'égalité ; tandis
que nos généraux quittent leur pofte en face ,
de l'ennemi , laiffent délibérer la force armée ,
viennent préfenter aux légiflateurs fon voeu qu'elle
n'a pu légalement énoncer , & calomnient un peuple
libre , que leur devoir eft de défendre .
« Le chef du pouvoir exécutif eft le premier
anneau de la chaîne contre- révolutionnaire. Il
femble participer aux complots de Pilnitz , qu'il
a fait connoître tard . Son nom lutte chaque
jour contre celui de la nation ; ſon nom eſt un
fignal de difcorde entre le peuple & fes magiftrats
, entre les foldats & les généraux . Il a féparé
les intérêts de ceux de la nation . Nous les
féparons comme lui . Loin de s'être opposé par
aucun acte formel aux ennemis du dehors & de
l'intérieur , fa conduite eft un acte formel &
perpétuel de défobéiſſance à la conftitution . Tant
que nous aurons un Roi femblable , la liberté
ne peut s'affermir ; & nous voulons demeurer
libres . Par un refte d'indulgence , nous aurions
defiré pouvoir vous demander la fufpenfion de
Louis XVI, tant qu'exiftera le danger de la
patrie ; mais la conftitution s'y oppofe, Louis XVI
( 91 )
invoque fans ceffe la conftitution ; nous l'ind
voquons à notre tour , & nous demandons fa déchéance,
»
Cette grande meſure une fois portée , comme
il est très-douteux que la nation puifle avoir
confiance en la dynaltie actuelle , nous deman
dons que des miniftres , folidairement refponfables
, nommés par l'Affemblée nationale , mais
hors de fon fein , fuivant la loi conftitutionnelle ,
nommés par le fcrutin des hommes libres , a
haute voix , exercent provifoirement le pouvoir
exécutif , en attendant que la volonté du peuple ,
notre fouverain & le vôtre , foit légalement prononcée
dans une convention nationale , auffi - tôt
que la fûreté de l'Etat pourra le permettre. Cependant
, que nos ennemis , quels qu'ils foient ,
fe rangent tous au - delà de nos frontières ; que
des lâches & des parjures abandonnent le fol
de la liberté ; que trois cents mille efclaves s'avancent
, ils trouveront devant eux dix millions
d'hommes libres , prêts à la mort comme à la
victoire , combattant pour l'égalité , pour le toit
paternel , pour leurs femmes , leurs enfans & leurs
vieillards . Que chacun de nous foit foldat tourà-
tour; & , s'il faut avoir l'honneur de mourir pour
la patrie , qu'avant de rendre le dernier foupir
chacun de nous illuftre fa mémoire par lamort d'un
efclave ou d'un tyran. »
Cette pétition elt renvoyée au comité de l'extraor
dinaire .
Du vendredi , féance du foir,
Le Roi fait pafler à l'Aſſemblée une note qui
l'inftruit que l'Electeur de Cologne , le Margrave
de Bâde & le duc de Wirtemberg fe font déclarés
contre la France . Cette nouvelle donne lieu à
( 92 )
des réflexions fur la négligence manifefte du pou-
-voir exécutif de maintenir nos intérêts au- dehors ,
& conduit naturellement la difcuffion à l'ajournement
de la queftion de la déchéance à jeudi .
Des commiffaires de l'Affemblée ont affifté à
Li diftribution des prix de l'univerfité ; celui qui
a remporté le premier a été couronné par les
commiffaires , qui fe louent du bon efprit qui
règne parmi ces jeunes gens , & du patriotiſme
qui les anime.
On décrète la vente des maiſons des congré
gations enfeignantes .
-
On reçoit de nouveaux détails fur le verre
trouvé dans le pain des troupes à Soiffons , ils
confirment ce qu'on favoit du hafard de cet
accident. Les commiffaires de Soiffons fe plaignent
en même temps que les troupes n'aient
point de place pour le loger ( négligence inconcevable)
; ils propofent un couvent de religieufes
qui fe trouve dans la ville ; l'Affemblée le décrète,
ainfi que la motion des autres maifons religieufes :
les comités propoſeront le mode d'indemnités pour
les religieufes & religieux qui feront ainfi privés
de leur logement.
Une députation de la fection de Mauconfeil
fe préfente à la barre , fon orateur -lit un arrêté
pris par lequel elle déclare qu'elle ne reconnoît
plus Louis XVI pour Roi des François , &
qu'elle abjure le veu quelle a fait de lui être
fidèle , comme furpris à fa foi .
La fection du Jardin des Plantes écrit qu'elle
a reçu l'arrêté de celle de Mauconfeil , & quelle
n'a pas cru pouvoir délibérer deffus .
Une députation de la fection des Gravilliers
vient propofer des mefures pour prononcer fur
la déchéance du Roi,
( 93 )
Un décret motivé annulle l'arrêté de la fection
de Mauconfeil , invite tous les citoyens à renfermer
leur zèle dans les limites de la loi.
Du famedi , 4 août.
Le miniftre de la guerre a donné connoiſſance
à l'Affemblée
de la nomination
de MM . Rouvère
Duprat le jeune & Ferrand , comme députés d'Avignon
& de Louvere .
On a fait lecture d'une lettre des confeils du département
du Gard , des diftras & de la co nmunė
de Nilmes , portant qu'il n'y a pas lieu à délibérer
fur l'adreffe & les propofitions qui leur font communiquées
par quatre députés de la commune de
Marfeille , qu'ils n'admettront aucune mesure qui
les fépare de la nation , & que , comme les
peuples de leur reffort , ils veulent vivre libres ou
mourir pour la conftitution qui établit l'unité de
l'empire françois .
M.. Louvel rend compte de quelques troubles
arrivés dans les premiers jours d'avril à Evron.
Le fanatifme y avoit raflemblé 500 payfans révoltés
contre la loi la force armée a diffipé les
hommes égarés , ainfi que les factieux qui les
conduifoient.
Un grand nombre de citoyens de Paris , fous
le nom de pétitionnaires du Champ- de- Mars , fe
préfentent à la barre , & demandent que l'Affenblée
prononce fur les torts du pouvoir exécutif,
& la déchéance s'il fe trouve qu'il l'ait mé
ritée .
Le préfident a répondu à ces citoyens que leur
adreffe feroit examinée , & les a invité aux honneurs
de la féance .
M. Lacombe Saint-Michel a lu un mémoire
› au nom des trois commiflaires revenus de Soiffons.
( 94 )
Ils rendent un compte fatisfaisant de l'état des
troupes , & de leurs difpofitions à fervir courageu
fement leur patrie. On reconnoît à leur langage
comme à leur zèle que ces commiffaires ont été
bien choifis .
On deftine une fomme de 500,000 liv . au
paiement des frais de la fabrication d'affignats.
Du famedi , féance du foir.
L'on a renvoyé au comité diplomatique
donner des éclairciffemens fur les motifs que
peut avoir eu M. d'Affry de ne pas obéir aux
ordres du Roi , qui portoient que les Suiffes s'éloignaffent
de 30,000 toifes du lieu de l'Aſſemblée.
On lit une lettre de M. Arthur Dillon ; elle
annonce que la déſertion eſt fréquente chez l'ennemi,
qu'avec quelques foins on pourra l'augmenter
encore ; que nos troupes font chaque jour de nouveaux
progrès dans la difcipline , & ont prefque
toujours l'avantage dans les petits combats qu'elles
livrent à l'ennemi.
Du dimanche , s aout.
Des citoyens de la fection de Mirabeau préfentent
38 volontaires qu'ils ont équipés , &
qui font prêts à partir pour la frontière. L'Affemblée
applaudit , invite les citoyens aux honneurs
de la féance , & décrète que les noms de ces
38 jeunes foldats feront infcrits au procès- verbal.
Du lundi , féance du foir.
Le ministre de la guerre annonce que le nombre
des fédérés actuellement au camp de Soiffons
s'élève à 9,000 .
Plufieurs pétitionnaires fe préfentent à la barre
& demandent la déchéance du Roi.
( 95 )
Des grenadiers de la garde nationale dépofent
fur le bureau leurs épaulettes & leurs bonnets ;
ils ne veulent d'autre, diftinction que celle de
marcher les premiers à la frontière & Y mourir
pour la patrie . Ces fentimens généreux font applaudis
, & ceux qui les profeffent admis aux
honneurs de la féance.
Du mardi , 7 août.
Au commencement de la féance , il s'eft élevé
du bruit dans les galeries , l'engorgement des.
corridors par où devoient paffer les patrouilles
pour la police de l'enceinte y a donné lieu . Pour
prévenir ces défagrémens à l'avenir , il a été décidé
que les citoyens qui fuivent les féances de
l'Affemblée , nommeroient entr'eux quatre com
miffaires chargés de faire la police dans les galeries
& autorités à défigner aux fentinelles ceux
qui pourroient troubler les féances & la tranquillité
de l'endroit.
M. Merlet eft nommé préfident .
L'on a décrété , fauf rédaction , une augmentation
de traitement pour les religieux & reli
gieufes obligés de quitter leurs maifons . Ce traitement
eft regardé comme indemnité du loyer
qu'ils feront obligés de payer.
Du mardi , féance du foir.
Les citoyens du département des Volges &
de la ville de Strasbourg , témoignent le defir
de fe rendre aux frontières le plutôt poffible pour
y défendre la patrie. La mention honorable de
ce dévouement eft ordonnée fur le procès - verbal.
Des députés de Toulon annoncent qu'il y a
cu des troubles chez eux ; que plufieurs perfonnes
ན་
(96)
foupçonnées complices du traître D.faillant ont
péri des mains du peuple ; que cependant on eft
parvenu à rétablir la tranquillité. On accorde les
honneurs de la féance aux députés , & les procès
- verbaux dont ils font porteurs , font repvoyés
au comité des vingt- un.
Du mercredi 8 août . >
Des avis reçus de divers départemens annoncent
que, de toutes parts on fait de nombreuſes
recrues que l'on envoie aux frontières , & qui
toutes paroiffent difpofées à défendre courageufement
leur patrie.
Quelques grenadiers & chaffeurs demandent à
être confervés , & motivent leur demande fur les
fervices qu'ont rendus ces corps . On lit des arrêtés
de quelques fectiors de Paris , qui témoignent de
graves inquiétudes fur l'arrêté de la fection de
Mauconfeil, relativement à la déchéance du Roi
en ce que le corps légiflatif peut feul prononcer
fur cette queftion ; ces adreffes font renvoyées à
la commiffion ."
L'on a créé une légion dite des Allobroges ,
deftinée à recevoir ceux des foldats & habitans
de la Savoye qui voudroient fe réunir aux François
pour la défenſe de la liberté . Ce corps fera
formé à Grenoble.
Les foldats , que le complet des régimens n'avoit
point permis de recevoir , feront néanmoins
admis au fervice dans d'autres corps que ceux
qu'ils avoient d'abord choifis .
L'on commence la difcuffion de l'affaire de
M. Lafayette , par entendre le rapport de M.
Jean de Bry. Ce généreux député ne fut jamais
déguifer fa penfée . Il l'a dite toute entière fur la
conduite impardonnable du général. Les débats
ont
197 )
ont été tumultueux . L'intrigue agite , les uns , la
timidité paralyfe les autres ; enfin , l'Affemblée ,
après avoir entendu un long difcours de M. Vaublanc
, & fait l'appel nominal a décidé , à une
majorité de 400 voix contre 224 , qu'il n'y avoit
point lieu à accufation contre M. Lafayette.
Du jeudi , 9 août.
La haute cour nationale a acquitté M. Delatre
le 6 août , il a été mis en liberté le 7 .
Une adreffe des adminiftrateurs du département
du Loiret annonce la volonté conftante du
peuple de maintenir la conftitution . Même adreſſe
des adminiftrateurs de la Seine inférieure .
Sur le rapport de M. Henry , l'Affemblée nationale
informée que malgré les difpofitions des
articles X & XI de fon décret fur le mode de féqueftre
des biens des émigrés , il fe délivre des
certificats de réfidence à des perfonnes notoirement
connues pour avoir émigré , & n'être rentrés
en France que depuis fix mois , décrète qu'il y
a urgence.
L'Aflemblée nationale après avoir décrété l'urgence
, décrète que les demandes à fin d'obtention
de certificats de réfidence , feront affichées
dans la commune , trois jours avant que les
certificats , fur ces demandes , puiffent être délivrés
, fous les peines portées contre les officiers
municipaux par l'article X du décret fur le féqueftre
des biens des émigrés .
On a repris la difcuffion fur la déchéance ; rien
n'a été décidé. M. Lamarque avoit propofé ,
qu'attendu que , pendant qu'on difcuteroit cette
queftion importante , le pouvoir exécutif devoit
refter fufpendu dans les mains du Roi , on décrétất
; 1. que l'Affemblée fera en féance per-
Ncs.
(S. 32 et 33 , 4 Août 1792 .
E
( 98 )
marente ; 2 ° . que tous les citoyens qui fon
à Paris , depuis moins d'un an , les fédérés exceptés
ferort tenus d'exhiber des certificats de
civifine de leur municipalité ou de fe retizer ;
3 que ceux qui s'y refuferont , pourront être
arrêtés comme fufpects ; 4° . qu'on arrêtera la
diftribution des journaux notoirement connus par
lear incivifine ; 5 ° . qu'il fera fait un recueil &
un rapport de tous les comptes rendus par les
miniftres & de toutes les dénonciations qui les
concernent ; 6 ° . qu'ils rendront compte tous les
jours à midi de l'état de leur département relpectif
; 7° . que les trois commifaires revenus
de Soiffon's & quatre autres feront envoyés aux
armées du Nord , da Centre & du Rhin.
On fait lecture d'une lettre du miniftre de la
juftice . Voici à - peu - piès ce qu'elle conténoit :
« M. le préfident , le mal eft à fon comble :
j'ai écrit buit lettres à l'Affemblée pour lui demander
une loi répre five contre ceux qui provoquent
au crime . Cependant des agitateurs ne
ceffent d'exciter chaque jour le peuple au meu tre
& à tous les, excès. Hier encore des citoyens ont
été pourfaivis & forcés de fuire. Je déclare que
fans le prompt fecours du corps légiflatif , il va
devenir impoffible au gouvernement de répondre
de la sûreté des pe- fonnes & des propriétés.
Quelques membres le font plaints , tant par
kettres , que dans l'Affemblée , qu'ils avoient été
menacés ; M. Vaublanc fur-tout a dit qu'on
étoit venu chez lui , & qu'il penfoit qu'il falloit
transférer ailleurs le lieu des féances.
Ces plaintes & la lettre du miniftre ont été le
fujet de débats affez multipliés fur les moyens
d'allurer la tranquillité publique . M. Roederer ,
procureur général- fyndic avoit été mandé pour
( 99 )
qu'il s'expliquât fur le même objet . Il a répondu
qu'à peine fut - il que des députés avoient été
infultés , il en avoir écrit au Maire ; qu'il demanda
à la municipalité ce qu'on devot per fer
du bruit qu'on répandoit de neuf cents hommes
qui devoient entrer pendant la nuit . Le Maire
lui a répondu à- peu - frès : « Les melures que
j'ai prifes pour prévenir ou atiêter les défordres
font très- fimples ; j'ai prié des officiers munici
paux de fe rendre à l'Affemblée & au château ;
j'ai convoqué le corps municipal pour le matin ,
le confeil général pour le foir , j'ai écrit au commandant
-général de renforcer les portes du châ
teau , d'avoir des réferves . » A l'égard de 900
hommes , M. le Maire n'en a point connoiſſance ,
сс
on
)
D'après cette lettie , continue M. Roederer
M. Pétion fut i vité à venir le foir même au
confeil du département ; il ne s'y eft point trouvé.
Ce matin le confeil du départemet a reça un
arrêté de la fection du Roi de Sicile , fur un
arrêté de la fection des Quinze Vinges portant
que « fi le corps législatif n'avoit point prononcé!
demain ( aujourd'hui ) fur le fort du Roi ,
fonneroit le techin , on batteroit la générale ,
afiu que le peuple le levât tout entier ; qu'il feroit
donné connoiffance du préfent arrêté anx 47 fec
tions & aux fédérés , en les engageant à y adhérer.
Sur cet artêté , la fection du Roi de Sicile
déclaroit qu'elle ne pouvoit y adhérer , &
qu'elle invitoit celle des Quinze- Vingis a fe ren-.
fermer dans la conftitution . ୮
Le confeil a pris auffi-tôt un arrêté qui im
prouve celui de la fection des Quinze Vingts , er
joint à la municipalué d'inforter fans délai de
département des mefures qu'elle aura prifes pour
empêcher qu'on ne donne le tocfin , & c . après
E 2
( 100 )
quelques difcuffions l'on décrète que le miniftre de
la guerre rendra compte de l'état du camp .
M. Condorcet lit un rapport & un projet d'inf
truction à adreffer au peuple fur l'exercice de fa
fouveraineté.
M. Petion eft introduit à la barre. Ce magiftrat
y rend compte des m :fures que la municipalité
avoit prifes pour maintenir la tranquillité
que troubloient des bruits d'enlèvement du Roi,
La garde du Roi , a t-il dit , cft composée de
citoyens pris dans tous les bataillons ; il y a
deux réferves , une au carrouzel , l'autre à la
place Louis XV ; « la municipalité » , ajoute M.
Maire , eft perfuadée que dans les circonftances
critiques on doit toujours employer tous les
moyens de la confiance & de la perfuafion .
L'Affemblée applaudit , & la féance eft levée.
Du vendredi , 10 août.
39
Au bruit du tocfin & de la générale , des
membres s'étant réunis dans la falle en nombre
fuffilant pour délibérer , la féance s'eft ouverte à
deux heures du matin .
On informe l'Affemblée que le maire eſt retenu
aux Tuileries , que l'on veut l'y garder en
ôtage: Un décret mande le maire à la barre. Il
rend compte des mesures qu'il a prifes pour
maintenir la sûreté publique. L'Affemblée le
renvoye à les fonctions . Bientôt fe fuccèdent ,
à la barre , des orateurs députés par différentes
fections de Paris , & qui tous annoncent
que la fermentation des efprits & les mouvemens
des fauxbourgs proviennent de ce que le peuple
regarde la cour comme contre- révolutionnaire &
qu'il s'irrite de fa longue patience à fupporter les
trahiſons du pouvoit cxécutif,
( 101 )
L'Affemblée s'occupoit de l'abolition graduelle
de la traite des nègres , quand le miniftre de
la juftice eft arrivé pour dire que l'unique moyen
de garder le Roi étoit d'envoyer auprès de fa
perfonne une députation de l'Affemblée nationale
, & que le Roi le defiroit pour la sûreté
& celle de fa famille. Au fort des débats fur
cet objt , trois officiers municipaux expofent.
que des commiffaires nommés par les 48 fections
fe font conftitués en confeil - général de la
commune , oft déjà décerné un mandat d'arrêt
contre le commandant général de la garde nationale
( M. Mandat ) , & procédé à la réorganifation
de l'état- major. Le tout eft renvoyé
la commiffion extraordinaire .
Un officier municipal annonce que le Roi ,
la Reine , fa famille , les miniftres , les adminiftrateurs
du département demandent à ſe préfenter
à l'Affembée nationale , qui nomme une
députation pour aller au devant du Roi.
Le Roi , la Reine , leur fam lle , accompagnés
de deux miniftres , entrent , dirigent leurs pas
vers les fiéges deftinés aux miniftres. Le Roi dit :
Je fuis venu ici pour éviter un grand crime
& je pense que je ne faurois être plus en sûreté
qu'au milieu de vous , Meffieurs . Le préfident
répond au Roi Vous pouvez , Sire , compter :
fur la fermeté de l'Affemblée nationale ; fes
membres ontjuré de mourir en foutenant les droits
du peuple & les autorités conftituées . Le Roi
s'affied à côté du préfident ; mais , d'après l'obfervation
de quelques membres que la conftitution
interdit au corps légiflatif toute délibé
ration en préſence du Roi , l'Aſſemblée décide
que le Roi & fa famille fe placeront dans une
loge fituée derrière le fauteuil du préfident .
E 3
( 102 )
Pitroduit à la barre avec des adminiftrateurs
& des officiers municipaux , M. Ræderer a rendu
compre des faits fuivans . M. Pétion informé
dés raffenblemens & du tochin , eft venu au
chateau à minuit . M. Ræderer y étoit auffi. Un
décret ayant mandé le maire , & le commandant
-général étart airêté , on n'a plus eu , au
châreau , i co noiffance de ce qui fe patioit
aux fections , ri relation avec le chef de la
gad nationale. Seulement y a - t- on fu que le
Fruple demandoit la têre du commandant - gééral
qu'un grand raflemblement s'étoit formé
fut la place du Carroufel & que les canons
toleht tournés fur le château . Les adminiftrateurs
y accourent , fappellent au peuple la loi
qui borne à 20 le nombre des pétitionnaires ;
& le procureur-général -fyndic requiert , au nom
d: la loi , une jufte défenfe contre tout aggref
fur, ajoutant ; vous ne ferez pas affaillans , à
Dieu ne plaife ! vous ne ferez que fur la défenve.
Pour toute réponse , les canonniers déchargent
leuis canons ( applaudiffemens ) . Un'
homme dit que le rafemblement tout catier
veut refter autour de PAemblée nationale jufqu'à
cequ'elle ait prononcé la déchéance du Roi ,
A ce récit , M. Ræderer ajoute : « La municipalité
étant déforganifée , le commandant de
Ya garde nationale n'exiftant plus pour nous ,
nous ne nous fommes plus fentis en état de
garder le dépôt qui nous étoit confié . Nous avons
confeil'é au Roi de fe tranfporter avec fa faniille
dans l'Allemblée nationale ... Notre force'
étant paralyfée , inexiftante , nous ne pouvons
plus en avoir d'autre que celle qu'il p'aira à
l'Affemblée nationale de nous donner...... On
m'informe actuellement , pourfuit le procureur
( 153 )
-
géréal , que le châ cau vient d'être force.
Ce n'eft qu'alors qu'on dit s'ap percevoir
que l'infurrection étoit générale contre le pouvoir
exécutif , & que, le peuple s'y était décidé
pour fauver la patrie , ce qui le prouve , c'eft qu'a
l'inftant même , fur la main de M. Lejefe ,
l'Aſſemblée décrète l'acte législatif a fi conçu :
---
« L'Afmblée nationale met les propriétés &
les perfonnes fous la fauve - garde du peuple de
Paris , & décère ques députés feront nommés
pour aller porter cette déclatation . » La deputation
fort on entend une décharge de ca
nons ; le préfident rappelle aux membres confternés
qu'ils font à leur pofte. Le Roi dit qu'il
a donné aux Suifles l'ordre de ne point tit.
Les coups de canons redoublent , & le bruit de la
moufqueterie s'y joint. Use partie de la députation
differfée rentre dans la falle. Des citoyens
armés veulent s'y introduire ; des députés s'y
oppofent , le pélident fe couvre , le ca'me remait
, 1 Alembée crie : vive la nation , & les gens
armés s'eloignent . M. Guadet préfide.
ce
Deji ( & comme à l'infu de chacun ) s'eft ouvert
unnouvel ordre de chofes . Une députation de la fection
des Thermes de Julien vient dire à la barre :
Tous lescitoyens de Patis font unis par les mêmes
fentimens , ontjuré de maintenir la liberté & l'égalité
, font fatigués des crimes de la cour, La fection
nous charge de ratifier la pétition préfentée par M.
le maire . Ofez jurer que vous fauverez l'empire . »
Nous lejurons , s'écrient tous les membres de l'Affemblée
en levant la main…….. & certe féance , de
laquelle va dépendre le falut de la France , reftera
gravée à jamais dans le coeur de tout homme qui
fentira le prix de la liberté & de l'égalité.
Les nouveaux repréfentans de la conimune
E 4
( 104 )
portant trois bannières ornées des mots patrie ,
égalité , liberté , viennent offrir leur voeu pour
la déchéance du Roi ; promettent d'apporter
demain leur procès - verbal de cette journée à
jamais mémorable pour qu'il foit envoyé aux
municipalités , & annoncent que MM. Pétion ,
Manuel & Danton font maintenus dans leurs
places , & que M. Santerre eft commandantgénéral
provifoire de la garde nationale .
M. Montaut fait décréter qu'il fera procédé
à un appel nominal , & que chaque men.be
montera à la tribune & jurera , au nom de la
nation , de maintenir la liberté , l'égalité , ou
de mourir à fon pofte.
Un décret préfenté par M. Bazire , déclare
que cles Suiffes & autres étrangers font fous
la fauve- garde de la loi & des vertus hofpitalières
du peuple.
25
Divers citoyens apportent fucceffivement des
bijoux trouvées chez la Reine ' , plufieurs effers
de l'argenterie , une malle pleine; des affignats
de l'or , & un paquet de lettres , dont la connoiffance
, dit la députation qui l'appoite , auroit dés
tourné l'Affemblée d'innocenter M. Lafayette . Ces
lettres font renvoyées au comité de furveillance , la
malle aux archives , & le refte à la maifon commune.
On apprend que M. d'Affry eft en prifon
pour la sûreté & qu'on a mis les fcellés chez
lui. Des pétitionnaires dépofent que les Suiffes les
ont attirés par desfignes d'amitié , &les ont enfuite
fufillés. « Eft- ce là , dit l'orateur , comme des citoyens
François doivent être reçus au palais de leur
Roi ? Apprenez que le feu eft aux Tuileries , & que
nous ne l'arrêterons qu'après que la vengeance du
peuple fera fatisfaire . Je fuis chargé , encore une
( 105 )
fois , au nom de ce peuple , de vous demander fr
déchéance du chef du pouvoir exécutif. C'eft
une juftice que nous réclamons , nous l'attendons
de vous . » Le préfident leur a répondu :
« L'Aſſemblée nationale veille au falut de l'empire.
Vous pouvez affuser au peuple qu'elle va prendre
à l'inftant les grandes mefures qu'exigent for
falut. » }
Les Suiffes en garnifon à Courbevoie vencient
à Paris , & les citoyens armés alloient à leur rencontre.
Un ordre du Roi , ( figné dans l'Affemblée
) avec le contre -feing du préfident , a prefcrit
à ces Suiffes de pofer les armes.
J
M. Lamarque dit que la commiffion extraordinaire
a fagement fufpendu le départ des couriers ,
pour empêcher que des écrits men fongers ne jettent
l'alarme dans les départemens ; & il propose une
adreffe pour inftruire les citoyens François « que:
fes représentans ne négligent rien pour fauver la
patrie ; pour faire connoître aux habitans de la
campagne que l'infurrection de cette journée n'a
été que l'effet de la laffitude du peuple ; qu'enfin
le moyen de fauver la France , dans cette terrible
catastrophe , cft l'union de tous les Frangois.
L'opinant eft chargé de rédiger l'adrefe..
Je viens , a dit M. Vergniaud , au nom de
la commiffion extraordinaire , vous préfenter une
mefure bien rigoureufe ; mais je m'en rapporte
à la douleur dont vous êtes pénétrés , pour juger
combien il importe au falat de la patrie que
vous l'adopticz fur le champ. » En conféquence:
les décrets fuivans font portés .
»
י
ל כ
« L'Affemblée nationale confidéiant que less
dangers de la patrie font parvenus à leur
comble ; »
cs
Que c'eft pour le corps législatif le plus faint
E
S
( 106 )
1
des devoirs , d'employer tous les moyens de la
fauver ; »
Qu'il eft impoffible d'en trouver d'efficaces ,
Fant qu'on ne s'occupera pas de tarir la fource
de fes maux »
« Confidérant que fes maux dérivent principalement
des défices qu'a infpirées la conduite
du chef du pouvoir exécutif , dans une guerre
entrepriſe en fon nom contre la conftitution &
Tindépendance nationale ; ..
Que ces défiances ont provoqué , de diverfes
paitics de l'Empire , un vou tendant à la révocation
de l'autorité déléguée à Louis XVI ; » ·
Confidéraat néanmoins que le corps légifla
if ne doit & ne veut aggrandir la fienne par
aucunes ufurpations , que dans les circonftances
.cxraordinaires , cù l'ont placé des évènemens
imprévus par toutes les laix , il ne peut concilier
ce qu'il doit à la fidélité inébranlable à la
conflitution , avec fa ferme réfolution de s'enfévelir
fous les ruines du temple de la liberté.
plutôt que de la laiffer pétir , qu'en recoufant à
la fouveraineté du peuple & prenant en même-
-temps les précautions indifpenfables pour que ce
ecours ne foit pas rendu illufoire par des trashifons
; décrète ce qui fuit : »
1
Art. I. Le peuple François eft invité à
former une convection nationale . La commiffion
extraordinaire préfentera demain un projet pour
indiquer le mode & l'époque de cette convention ,
« Il. Le chef du pouvoir exécutif eft provifoirement
fufpendu de fes fonctions , juſqu'à ce
que la convertion nationale ait prononce fur les
amefuses qu'elle croira devoit adopter pour affurer
la fouve aine du peuple , & le règne de la liberté
& de l'égalité ,
¿
( 107 )
III. La commiffion extraordinaire préfentera
dans le jour un mode d'organifer un nouveau
ministère. ,ל
* IV. Les miniftres actuellement en activité
continueront provifoirement l'exercice de leurs
fonctions .
« V. La commiffion extraordinaire préfentera
également , dans le jour , un projet de décret far
la nomination du gouverneur du prince royal.
<<« VI. Le paiement de la lifte civile demeurera
fufpendu jufqu'à la décifion de la convention nationale
, la commiffion extraordinaire préfentera
dins ving - quatre heures un projet de décret far
le traitement à accorder , au Roi pendant la fufpenfion.
22
10
« VII . Les regiftres de 11 liftë civile feront dépofés
fur le bureau de l'Affemblée nationale ,
après avoir été cotés & paraphés par deux commillaites
de l'Aflemblée qui fe tranfporteront à
cet effet chez l'intendant de la lifte civile . » ?
cc VIII. Le Roi & fa famille demeureront
dans l'enceinte du corps législatif jufqu'à ce que
le calme foit rétabi dans Paris . »
IX. Le département donnera des ordres
pour lui faire préparer dans le jour un logement
au Luxembourg , où ils feront mais fous la garde
des citoyens & de la loi »
сс
:1
X. Tout forctionnaire public , tout ſold t ,
fous officier , officier , de tels grades qu'ils folent ,
& général d'armée , qui dans ces jours d'alarmes
abandonnera fon pofte , eft déclaré infâme &
traître à la patrie. »
·
1
XI. Le département & la municipalité de
Paris , feront proclamer fur-le- champ & foleinnellement
le préfent décret. »
« XII . Il fera envoyé par des coutiers ex-
E 6
† 108 )
traordinaires aux 83 départemens qui feront
tenus de le faire parvenir dans les 24 heures
aux municipalités de leur reffort pour y être
proclamé avec la même folemnité . »
M. Guadet lit huit articles auxquels M. Briffot
en ajoute un , qui eft décrété , portant que les
miniftres actuels ont perdu la confiance de la
nation. Voici la fubftance des mesures adoptées
d'après M. Guadet :
1º. Les miniftres feront nommés provifoirement
par l'Affemblée nationale , dans l'ordre indiqué
par les articles fuivans ; 2 ° . chaque membre
nommera , à haute voix , un fujer ; 3 °. le
fecrétaire du confeil & le gouverneur du Prince
royal feront nommés de la même manière.
Les pompiers accourus au chateau demandent
des commiffaires de l'Affemblée , pour rétablir
l'ordre fans lequel il eft impoffible d'éteindre
l'incendie qui menace de s'étendre . On obferve
que ce foin regarde la municipalité.
Des citoyens couverts de fang & de pouffière
viennent dire à la barre : « depuis long- temps.
une cour perfide fe joue du peupie François &
prépare la cataſtrophe qui vient d'éclater . C'eft
elle qui a fait couler notre fang. Nous n'avons
pénétré dans ce palais qu'en marchant fur les
cadavres de nos frères maffacrés . Nous avons
fait prifonniers plufieurs des malheureux inftrumens
de la trahilſon d'un Roi perfile ... Plufieurs
ont mis bas les armes . Nous voulons n'employer
contre eux que celle de la générosité. » L'orateur
embraffe un Suiffe , s'évanouit , eſt ſecouru ,
implore l'honneur d'alimenter ce Suiffe ... Mention
honorable de ce bruit & de tous les actes
de vrai civisme.
( 109 )
M. Jean de Bry a fait décréter les trois foix
qui fuivent :
« Art . I. Les décrets déjà rendus , qui n'ont
pas encore été fan&tionnés , auront force de loi. »
ce II . Il fera enjoint au miniftre de la juftice
d'y appofer le fceau de Etat , fans qu'il foit.
befoin de la fanction du Roi , & de figner les
minutes & expéditions qui doivent être envoyées
aux tribunaux , »
« III. Les mi iftres arrêteront & figneront
enfemble les adreffes & proclamations & autres.
actes de même eſpèce . »
M. Chabot confeille à l'Affemblée de charger
un citoyen , nommé Clément d'annoncer au.
peuple la fufpenfion du Roi , en cbfervant que
a le nom de ce citoyen eft fait pour inspirer la
confiance , & convient à celui qui porte des
paroles de paix. » Sa propofition eft décrétée .
Ces trois articles propofés par M. Choudieu
font décrétés :
« 1° . Qu'il foit fait un camp fous les murs.
de Paris ; camp qui fera compofé des citoyens
de Paris qui voudront s'y enrôler , & des autres
citoyens qui y viendront ; »
2°. Que les canonniers de Paris puiffent
faire comme ils l'avoient demandé , des efplanades
d'artillerie fur les hauteurs de Montmartre
; »
3 °. Que dès -à- préfent l'Affemblée eſt en
féance permanente . »
L'Affemblée nomme les douze commiffaires
qui doivent fe rendre aux quatre armées , aux
quelles les miniftres , intérpellés , déclarent en
fignant qu'il n'a été expédié aucune proclama
tion.
"A la demande de M. Jean de Bry , l'Affem
( 110 )
blée décrète unanimement que , pour la prochaine
convention , tout citoyen âgé de 25 ans,
& vivant du produit de fon travail , fera admis
à voter dans les affemblées primaires .
M. Chabot rentre & attefte que plus de deux
cents mille hommes ont répondu que Louis XVI
& la famille feront plus en sûreté à Paris que
par-tout ailleurs ; que l'incendie eft véritablement
malheureux , qu'il faut un homme de
confiance pour l'arrêter ; il nomme & l'Ailemblée
y autorife M. Palloy.
Un décret ftatue que MM. Roland, Clavière
& Servan reprendront leurs fonctions de minitres
; les fcelles feront appofés chez M.
Bonne- Carrère . Sa milion en Amérique eft révoquée.
Les fcellés feront aufli appotés ſur les
papiers de l'adminiftrateur de la lifte civile .
L'Aflemblée adopte une inftruction pour les
douze commiffaires envoyés aux armées , & leur
confère, le droit de deftituer tous les fonctionnaires
publics civils & militaires en avertiffant
le corps légflatif.
Sur 284 votans , 222 voix nomment M.
Danton miniftre de la juftice. M. Monge eft
élu miniftre de la marine ; M. Lebrun miniftre
des affaires étrangères , & M. Grouvelle fecrétaire
du confeil . M. d'Abancourt eft décrété
d'accufation pour n'avoirpasfait partirles Saiffes .
"On autorife les corps adminiftratifs & munici
paux a fire toutes vifites domiciliaires pour favoir
fi les gens fufpects n'ont ni poudres ni armes
cachées . On décerne 30 fous par jour aux fédérés
. On décrète ja reélection de tous les juges
de paix , & que tous les citoyens y concourront.
Les 620 chevaux de la ci- devant garde confti(
m )
tutionnelle du Roi font mis à la difpofition de
la nation.
Dufamedi 11 août , 7 heures du matin .
Louis XVI & fa famille reprennent leurs
places dans la même loge que la veille .
Soixante foldats Suiffes réfugiés dans un bâtiment
adjacent au local de l'Affemblée , courent
-rifque d'être enlevés par le peuple ; M. San-
-terre eft chargé de pourvoir à leur sû eté. Le
peuple abat toutes les ftatues de Rois & n'épargnant
pas même celle de Henri IV , donne à
connoître toute l'étendue de fon amour pour la
liberté & l'égalité :
,
Les repréfentans de la Commune ont fufpendu
tous les juges de paix , en ont. commis les fonttions
aux affemblées générales des Sections ; défendu
provifoirement de fortir de la ville ;
fufpendu le dire &toire & le cofeil du départe➡ .
ment , en ce qui concerne Patis . M. Pétion eſt
configné chez lui pour le dérober à une ligue
d'affaffins . Bientôt le magiftrat du peuple a reparu
, remercient l'Affemblée .
Il fera commé une cour martiale pour juger
les Stiffes de tout grade.
Le commandant - général provifoire annonce
que la fermentation dure toujours , & qu'il eft
conven ble que le Roi refte dans l'enceinte.
MM. Roland , Clavière , Monge , Danton , &
peu après M. Lebrun prêtent le nouveau ferment
de maintenir la liberté, l'égalité , ou de mourir à
leur pofte.
Des Saiffes , admis à la barre , accufent leur
état- major , & difent qu'il eft caufe de tous les
maux qui retombent fur eux & fur la brave nation
francoife.
( 112 )
M. Roederer eft autorisé à faire lever les fcellés
appofés au Luxembourg fur les effets de Monfieur
, & préparer le logement pour le Roi & fa
famille .
Sur la propofition de M. Guadet on décrète
l'inftruction fuivante :
« L'Affemblée nationale , confilérant qu'elle
n'a pas le droit de foumettre à des règles impératives
l'exercice de la fouveraineté , dans la formation
d'une convention nationale , & que cependa
til importe au falut public , que les affemblées
primaires & électorales le forment en mêmetemps
, agiffent avec uniformité , & que la convention
nationale foit promptement raffemblée ,
Invite les citoyens , au nom de la liberté , de
l'égalité & de la patrie , à fe conformer aux règles
fuivantes :
« At. I. Les affemblées primaires nommeront
le même nombre d'électeurs qu'elles ont
nommés dans les dernières élections . »
ce IL. La diftinction des François en citoyens.
actifs & non -actifs , fera fupprimée , & pour y
être admis , il fuffira dêtre François , âgé de 21
ans , domicilié depuis un an , vivant de fon revenu
ou du produit de fon travail , & n'étant
pas en état de domefticité. Quant à ceux , qui ,
réunifant les conditions d'activité étoient appellés
par la loi à prêter ferment civique , ils deviont ,
pour être adinis , juftifier de la preſtation de ce
ferment. »
« III. Les conditions d'éligibilité exigées pour
les électeurs ou pour les repréfentans n'étant
point applicables à une convention nationale , il
Luffira , pour être éligible comme député qu
comme électeur , d'être âgé de 25 ans , de réunir
les conditions exigées par l'article précédent.
( 113 )
« IV. Chaque département nommera le nombre
de députés & de fuppléans qu'il a nommés
pour la légiflature actuelle . »
« V. Les élections le feront fuivant le même
mode que pour les affemblées légiflatives . :
ככ
VI. Les affemblées primaires font invitées
à revêtir leurs repréfentans d'une confiance ili
mitée. »
« VII. Les affemblées primaires fe réuniront
le dimanche 26 août four nommer les élec
teurs , >>
« VIII. Les électeurs nommés par les affemblées
primaires fe raffembleront le dimanche z
feptenbre , pour procéder à l'élection des députés
à la convention nationale. »
« IX. Les affemblées electorales ſe tiendront
dans les lieux indiqués par le tableau qui fera
annexé au préfent décret. »
« X. Attendu la néceffité d'accélérer les élections
, les préfidens , fecrétaires & fcrutateurs ,
tant dans les affemblées primaires , que dans les
affemblées électorales , feront choifis à la pluralité
& par un feul ferutin .
35
« XI. Le choix des affemblées primaires &
des affemblées électorales pourra porter fur tout
citoyen réuniffant les conditions ci- deffus rappellées
, quelles que foient les fonctions publi
ques qu'il exerce , ou qu'il ait ci - devant exercées
. »
сс
XII. Les citoyens prêteront dans les affemblées
primaires , & les électeurs dans les affemblées
électorales , le ferment de maintenir la
liberté & l'égalité , où de mourir en les défendant.
»
« XIII. Les députés fe rendront à Paris le
20 feptembre , & ils fe feront inferire aux at(
114 )
сс >
chives de l'Affemblée nationa'e . Dè qu'ils feront
au nombre de deux cens , l'Affemblée nationale
indiqueta le jour de l'ouverture de leurs féances . »
XIV . L'Aemblée nationale après avoir
indiqué aux citoyens far çois les, règles auxquelles
elle a cru devoir les inviter de fe cor former , confidérant
que les circonftances & la juftice follicitent
également ure indemaité en faveur des électours
, décrète qu'il y a urgence . »
« L'Asiemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , décrète que les électeurs qui front
obligés de s'éloigner de leur domicile recevront
20 Tous par lieuc , & 3 liv: par jour de féjour . »
« L'adminiſtration principale du lieu où le ralfembleront
les affemblées électorales , eſt autorifée
à délivrer les ordonnances néceffaires pour
l'acquittement de l'indemnité due aux électeurs
fauf à faire le remplacement dans les caites du
diftrict , fur le produit des fous additionnels du
département. "
« L'inſtruction & le décret ci - deffus feront
pour plus prompte expédition , adreflés directement
, tant aux adiniftrations de diftrift , qu'aux
adminiftrations de département ; il en fera envoyé.
à chaque adminiftration de diftria un con.bre fuffifant
d'exemplaires pour qu'elle le tranſmette ,
fans délai , à chaque municipalité.
Du dimanche, 12 août , 7 heures du matin...
L'Affemblée nationale , dit M. Grangeneuve,
a voulu que le Roi & fa famille fußent log's
dans fon enceinte , & que fa garde für compolee
de 25 hommes , & je viens d'en trouver plus de
19 qui encombrent le corridor . Comment voulezvous
que l'Affemblée réponde de l'existence du
Roi, fi nous laiſſons approcher de lui des hommes
( 115 )
que nous ne connoiffons par . » M. Calon obferve
qu'il y a so hommes au moment où l'on
rciève les poftes ; M. Choudieu demande une lifte
de tous ceux qui fervent le Roi ; un autre membre ,
que la garde du Roi foit de 15 gardes & de 15
gendarmes natioraux ; un troisième , que le commandant
en réponds . Ces dive:fes motions fout
décrites.
Des dépités de la commune annoncent qu'il
y a beaucoup de faufles patrouilles . On craint
un projet d'enlever le Roi. Ils propofent de loger
le Roi à l'évêché , & difent qu'alors ils en répondront
fur leur tête, Ua particulier eft conduit
à la barre , & fe nomme Rohan Chabot ;
interrogé par le préfident , il déclare être inferit
dans un bataillon de Paris , & qu'il eft venu au
château pour garder le Roi fans réquifition . L'Affemblée
le renvoie devant le comité de la fection
& fait appofer les fcellés fur les papiers dont il
eft porteur. M. Choudieu demande que le Roi
foit tenu de nommer les perfonnes qui l'environnent .
L'Affemblée décrète , mande à la barre MM . de
Narbonne & ( le prince de Poix , & ordonne de
doubler la garde de la falle .
Lettre de directoire de la Marne , qui adhère
en fon nom & au nom de tous les corps adminiftratifs
& judiciaires du reffort , à tout ce que l'Affemblée
a fait le 10 août , & prête comme elle le
ferment de maintenir la liberté , l'égalité , ou de
mourir en les défendant.
- Deux officiers du 10º . bataillon des fédérés
en garnifon à Laon , préfentent , au nom de
leurs fères d'armes , une pétition en ces termes :
« Les ennemis de la patrie ne font plus . Le pou-/
voir exécutif eft rerraflé. Gloire aux législateurs ,
bénédiction aux pèses de la patric. Des armes ,"
( 116 )
& nous volons à la défenſe de la liberté & de
I égalité, » Applaudie & renvoyée au comité militaire.
Tribut d'éloge & proteftations de foumiffion aux
nouveaux décrets , au nom de la fection de Paris
dite des Plantes ; mention honorable & l'impreffion
décrétée .
Ua emig₁é a écrit , le 7 août , à M. Cuftine ,
pour l'inviter à livrer Landau aux princes , lui
promettre & rang & décoration , & le menacer
de 35,000 hommes qui font au pied de la place.
M. Cufiine a fait imprimer cette lettre . La commune
de Landau l'adreffe à l'Affemblée en la fuppliant
de ne pas lui enlever M. Cuftine , fon bouclier
, fon ami , fon père . Au comité de furveillance .
CC
:
A la barre , un citoyen dénonce que , le 9 au
foir , le Roi a été porté en triomphe au château
, qu'on y a crié vive le Roi ! & non :
vive la nation ! I affirme auffi que c'est du
château qu'eft venu l'ordre de fonner le to fin
« C'eft , dit -il , le château qui a affiegé la nation
, & non la nation qui a affiégé le château . »
M. Loyal, caporal de la garde nationale , dénonce
que les officiers ont dit que , d'après les
ordres donnés par M. Mandat , le bataillon étoit
réfervé à attaquer la queue d'un raflemblement
confidérable du peuple des fauxbourgs .
On paffe à l'ordre du jour fur plufieurs propofitions
d'inferire honorablement au procès - verballes
noms des membres préfens à la féance du 10 août ,
lors du ferment . Des fédérés font hommage à l'Affemblée
du drapeau des Suiffes , conquis par M.
Lange , aidé des grenadiers de St. Laurent. La députation
défile au milieu des acclamations : vive la
liberté ! vive l'égalité ! vive la nation ! & l'Aſſem
blée décrète que le drapeau fera fufpendu à la voûte
( 117 )
du temple de la liberté , & que les fédérés feront
le fervice avec la garde nationale .
Le confeil de la commune annonce que l'ordre
règne dans Paris , & qu'il ne fera plus empoisonné
par les journaux incendiaires .
Les trois commiffaires chargés de fiire l'inventaire
des papiers du Roi , MM. Bazire , Merlin
& Goupilleau , déclarent avoir trouvé dans fon
fecrétane des lettres de la fociété de Marſeille
adreffées aux jacobins de Paris fous le couvert de
M. Blancgilly , parce qu'elle fe déficit de la
pofte , lettres que M. Blancgilly a portées au
Roi avec des apoftilles...
M. Anacharfis Cloots , orateur du genre hu
main , eft introduit à la barre , il prononce un difcoursrempli
de fes vues prophétiques for la liberté
des peuples. Il offre à la nation françoiſe une légion
pruffienne prête à voler aux frontières : garant
de la haine héréditaire de ces braves Vandales pour
la maifon d'Autriche , l'orateur montre à l'Affemblée,
dans la perfonne du colonel qui doit les commander
, un homme que Frédéric- le - Grand a lu
diftinguer dans des guerres longues & fameuses.
Sur le rapport de M. Quinette , organe de la
commiffion extraordinaire , l'Affemblée a décrété
que l'hôtel du miniftre de la juftice eft réservée
pour l'habitation du Roi & de fa famille ; qu'il
fera donné une garde au Roi fous les ordres &
la furveillance du maire de Paris & du commandant
général de la garde nationale ; qu'elle garantira
la sûreté du Roi & de fa famille & en
demeurera refponfable ; qu'il fera accordé au Roi ,
pour la dépenfe de fa maifon , une fomme de
500,000 liv . jufqu'au jour de la réunion de la
convention nationale , fomme payée par femaine
& par portions égales ; que les revenus des do(
118 )
maines du département de la lifte civile feront
verfés dans la caiffe de la trésorerie nationale ;
& que nul ne pourra entrer chez le Roi fans un
bon de la muni.ipalité .
M. Genfonné a reproduit fon projet de police
de sûrété , qui a été adopté tel que le voici :
« L'Affemblée national , confidérant que la
répreffion des délits qui troublent la fociété exige
le concours de l'action de la police de sûreté ,
& de celle de la justice ;
Que l'action de cette police doit être d'autant
plus prompte , & d'autant plus active , que la
recherche des délits auxquels elle s'applique , in-.
téreffe plus effeuriellement la sûreté générale ;
Qu'il importe de déterminer quels feront les
mandataires chargés d'exercer cette police , à
l'égard des crimes qui compromettent la sûreté
extérieure ou intérieure de l'Etat , & dont la
connoiffance eft réservée à l'Affemblée nationale
;
Confidérant , enfin , que la tranquillité pu- ,
blique exige que
les corps adminiftratifs prennent .
des mesures de police févères contre cette ule.
de perfonnes fufpectes & non domiciliées , dont
l'affluence fe porte dans les principales villes du
royaume , & qui affichent l'inciviſme , l'amour
du défordre , & la haine de la conftitution . »
Décrète qu'il y a urgence.
« L'Affemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , décrète ce qui fuit :
Art . I. Les directoires de département
ceux des diftricts , & les municipalités des villes
au-deffus de vingt mille ames de population ,
feront , à l'avenir , chargés des fonctions de la
police de sûreté générale , pour la recherche des
crimes qui compromettent la sûreté extérieure
( 119 )
on intérieure de l'Etat , & dont la connoiffance
eft réservée à l'Affemblée nationale . »
« II. Tous ceux qui auront coaneilance d'un
délit de la qualité portée en l'article précédent ,
feront tenus d'en donner avis fur le champ à la
municipalité ou au directoire de diftrict , & de
faire au greffe de la municipalité , ou au fecré
tariat du district , la remife de toutes les pièces.
& renfeignemens qui y feroient relatifs , & qu'ils
auroient en leur poffeffion .

ג כ
« III. La municipalité , dans le cas prévu par
l'article 1er & , à fon défaut , le dirc &toire de
district , fera fans délai toutes les informations
neceffaires pour s'afurer du corps de délit & de
la perfonne des prévenus , s'il y'a licu, »
сс IV. Dans le cas où le réfaltat des informations
détermineroit un mandat d'arrêt contre
un ou plufieurs prévenus , la municipalité fera
paffer , dans les vingt-quatre heures , au directoire
du diftrict , une expédition des procès - verbaux
& des interrogatoires . Le fecrétaire du
diftri& fera tenu d'en donner fans. frais un récépillé.
ג כ
" V. Dans les vingt- quatre heures fuivantes ,
le directoire du district fera paffer le tout , avec
fon avis , au directoire de département , & il en
fera délivré de même un récépifié fans frais par
le fecrétaire du département. »
VI. Dans les vingt - quatre heures fuivantes ,
le directoire de département fera tenn de décider
s'il y a lieu ou non de confirmer les mandats.
d'arrêts ; il pourra ordonner de nouvelles informations
, y procéder lui même , & décerner de
fon chef de nouveaux mandats d'arrêts contre
d'autresprévenus,»לכ
sc VII. Dans le cas où il y auroit cu an ou
( 120 )
plufieurs mandats d'arrêts prononcés ou confirmés
par le directoire , il fera tenu , dans le plus bref
délai , d'adreſſer à l'Aſſemblée nationale une expédition
de toutes les pièces qui auront motivé´·
fa
delibération . »
« VIII. Les municipalités & directoires de
district & de département pourront agir d'office
& fans dénonciation . »
сс
ce IX. Les difpofitions de la loi du 29 feptembre
, concernant l'exercice de la police de
sûreté , & les formes , à oblerver par les juges de
paix , feront fuivies par les corps adminiftratifs ,
en tout ce qui n'eft pas contraire aux difpofitions
du préfent décret . »
« X. Dans le cas où on porteroit devant un
juge de paix la dénonciation d'un crime de la
qualité portée au premier article ou devant la murîcipalité
, & le diſtrict celle d'un délit de la compétence
des tribunaux ordinaires ; ils feront tenus
d'en prononcer respectivement le renvoi , & de
faire remettre à leurs greffes refpectifs les pièces
dont la dénonciation pourroit être appuyée , le
tout dans les vingt- quatre heures , & il leur fera"
délivré fans frais un récépiffé defdites pièces &
de la délibération en renvoi. »
ce XI. Le comité actuel de furveillance de
l'Aſſemblée nationale fera à l'avenir défigné fous
le nom de comité de police de sûreté générale . »
cc XII. Ce comité fera expreffément chargé .
d'entretenir une correfpondance fuivie avec les
directoires de département ; il pourra leur adreffer
directement des notes inftructives , leur demander
des renfeignemens & de nouvelles informations
fur les faits dont la vérification lui paroîtra utile
ou convenable , & recueillir toutes les pièces qui
lui feront adreffées ou qui lui auront été renvoyécs
( 121 )

voyées par l'Affemblée nationale , pour en faire
fon rapport dius le plus bref délai, »
« XIII. S'il y a eu des arreſtations pronon-'
cées par les corps adminiftratifs , immédiatement
après la réception des pièces , & dans les vinge
quatre heures fuivantes , le comité fera tenu d'en
faire fon rapport. »
« XIV. Toutes perfonnes qui fe trouveroient
nantics de pièces relatives foir à des accufations™
déjà portées , foit à des dénonciations déjà faites";
ou à la pourſuite de quelque délit de la qualité
mentionnée dans le premier article , feront tedans
les trois jours qui fuivront la publi
cation de la loi , d'en faire la remite au greffe de
leur municipalité , ou de les adreffer directement
au comité de police & de sûreté générale , »!
nues ,
t
XV. Provifoirement , & jufqu'à ce qu'il en
ait été autrement ordonné , dans tout le royaume
les gardes nationales feront en état de réquifition
permanente , & l'exécution du décret qui permet
aux citoyens de fer faire remplacer pour le fers
vice de la garde nationale , demeutera fufpehdue.
»
: « XVI. Les municipalités dans les villes ' audeffus
de 20 mille ames de population ^ , » font>
autorisées à faire , lorfque les circonftances l'exi
geront , & après avoir obtenu l'approbation du
directoire de dépattement , fur l'avis du direc
toire de diftrict , tel réglement de police qu'elles
jugeront convenable , foit pour faire procéder au
recenlement particulier des perfonnes fufpectes
& non domiciliées ; foit pour réprimer les propos
injurieux tenus par elles dans les lieux publics
contre la nation & la conſtitution françoiſe
fort pour défendre route autre cocarde & autre
figne de ralliement que la cocarde aux couleurs
N. 32 et 33. 11 Août 1792. F
( 122 )
nationales , foit pour interdire tout raffemblement
des perfonnes fufpectes , & en ordonner ,"
s'il y a lieu , le défarmement , à la charge que
les peines portées par lefdits réglemens , ne pourrort
excéder une détention pour l'espace d'une
année: »
sc XVII. Soit que le directoire du département
approuve ou fufpende les arrêtés du corps municipal
en exécution de l'article précédent ; il fera
teau d'adreffer , dans la huitaine , au miniftre
de l'intérieur une copie de fa délibération avec les
motifs qui l'auront déterminée ; & le ministre de
l'intérieur en, rendra compte à l'Affemblée nationale
dans la huitaine fuivante , »
XVIII . En cas de troubles , les membres
compofant les corps municipaux , les directoires
de diftricts & de départemens feront perfonnellement
refponfables de l'inexécution des difpofitions
du préfent décret. »
Un décret propofé par M. Carnot , a invité
les citoyens à s'inferire à la municipalité pour
layformation d'un corps de cavalerie nationale .
Les Gendarmes nationaux font autorifés
nommer leurs officiers .
2 •Ma Manuel fe préfente à la barre & dit :
« Légiflateurs , la France eft libre , parce que
le Roi eft enfin foumis à la loi , c'étoit à vous
à donner ce grand exemple à tous les peuples ;
il ne reste plus à Louis XVI que le droit de
fe juftifier devant le fouverain ; & ce droit feul
le met fous la fauve-garde de la nation. Le
Temple peut fervir de demeure au Roi & à fa
famille. Il fera gardé par 20 hommes que fournirent
chacune des 48 fections . Si vous confiez
à la nation , le Roi , fa femme & leur four ; ils
yaferont conduits demain avec tout le reſpect dû
5
1
( 123 )
au malheur. On leur interceptera toute corref
pondance ; car ils n'ont que des traitres pour
ami . Les rues qu'ils traverferont feront bordées
de tous ces foldats de la révolution qui les ferort
rougir d'avoir cru qu'il y avoit parmi eux des
efclaves prêts à foutenir le defpotifme ; & leur
plus grand fupplice fera d'entendre crier ; Vive
la nation la liberté !
Le préfident objecte le décret rendu dans la
même féance . M. Manuel répond que d'après
ce décret la municipalité ne peut être refponfable
de la perfonne du Roi , l'hôtel du miniftre
de la juftice étant entouré de mailons par
lefquelles il eft très - facile de s'écha per . L'Afſemblée
s'en remet aux foins de la commune .
ces termes : сс
Une députation du confeil - général de la commune
de Paris admife à la barre s'exprime en
Après le grand acte par lequel
le peuple fouverain vient de reconquérir fa liberté
& vous-mêmes , il ne peut plus exifter
d'intermédiaire entre le peuple & vous.
TET
Obligés à déployer les mesures les plus vigou
reufes pour fauver l'état , il faut que ceux qu'il
à choisis lui- même pour les magiftrats , ayent
toute la pléitude du pouvoir qui convient au
Louverain. Si vous créez un autre pouvoir qui
domine ou balance l'autorité des délégués,, immédiats
du peuple , alors la force populaire ne
fera plus une... Il faudra que le peuple , pour
fe délivrer de cette puiffance deftructive de fa
fouveraineté s'arme encore une fois de fa vengeance.
Quand lepeuple a fauvé la patrie ; quand
Vous avez ordonné une convention nationale
qui doit vous remplacer , qu'avez - vous autre
chole à faire qu'a fatisfaire fon vocu ?... Daignez
nous raflurer contre les dangers d'une nefure
1
F 2
( un décret du matin portant création d'un nou
veau directoire du département ) qui détruiroit
ce que le peuple a fair ... Vous emportérez avec
vous les bénédictions d'un peuple libre. Nous
vous conjurons de confirmer l'arrêté pris par le
confeil - général de la commune, de Paris , afin
qu'il ne foit pas procede a la
formation d'un
nouveau directoire de département ( applaudif
femens . - M. Thuriot appuye cet avis de
tous les motifs d'harmonie & de fimplification
de gouvernement , & demande le rapport du
décret. M. Lacroix réduit l'action de la turveillance,
du directoire à ce ce qui concerne les conibutions
, & fa motion eft décrétée .
Les membres du tribunal d'Evreux félicitent
Affembiée , par écrit , des mesures qu'e le a
prifes le 10 & prêtent le nouveau ferment .
2
Du lundi , 13 août. 15
Nous avons omis trois décrets de famedi , qui
ont ftatué, 1°. que toutes les villes de guerre , &
particulièrement Paris , feront app ovifionnées de
poudre ; 2 °. que la tréforerie verleia 850,000 liv .
par mois , à compter du 1er janvier , dans la
caifle de la municipalité de Paris , pour les frais
de la police militaire établie près de fes bureaux ;
3°. que M. Antoine , ex - conftituant , maire de
Metz , contre lequel le département de la Mofelle
a lancé un mandat d'airêt , fera rendu à ſes
fonctions , & que le préfiient & le procureurgénéral-
fyndic de ce départeineht viendront à la
barre.
Aujourd'hui , un d'eret rend à leurs fonctions
MM. Rebecquy & Bertin , commiffaires envoyés à
Avignon & fufpendus par le département des
Bouches du Rhône , dont on improuvé l'arrêté.
8299
8
Un autre abolit & prohibe tous les coftumes
religieux , excepté durant les fonctions , fous
peine d'une amende décrétée fauf rédaction .
Un troisième affigne des penfions aux perfonnes
de l'un & de l'autre fexe attachées aux congré
gations féculières . Quiconque n'aura pas prêté le
fement n'aura pas de traitement .
*
")
L'Affemblée renvoie au comité de furveillance
plufieurs dénonciations que M. Lafource dépofe
fur le bureau , contre le directoire du département
de l'Arriége à la commiffion extraordinaire la
dénonciation que fait M. Albitie de la demande.
du-diftrict de Dieppe à la municipalité de Dieppes
d'un commillaire pour former une efpèce de
comité central d'après un arêté du département.
de la Seine inférieure ; au comité de sûreté générale
un projet de la nouvelle commune de Paris
pour organife une haute cour à Paris compo
lée de 48 jurés tités des 48 fections & de 48
autres jurés pris parmi les fédérés qui , formeroient
le juré d'accufation, & d'autant pour le juré de
jugement , le tout présidé par quatre grands jurés
tires de l'Aflemblée nationale & deux grands procurateurs
qu'on en tirercit également.
On hit une lettre de M. Grouvelle qui renouvelle
fes fermes de défendre la liberté & l'égalité
dans les fonctions qui lui font confiées .
Une lettre du président du département de Loir !
& Cher, portant qu'à la réception du décret qui
fufpend le pouvoir exécutif dans les mains du
Roi , les corps adminiftratifs de Blois fè font.
réucis pour avifer aux mefures que preferivoient
les circonstances , & que le tombeau de l'Affemblée
nationale fera le leur.. Parcille lettre des
adminiftrateurs du confeil général du département
de l'Yonne , Parcille de la municipalité de
-
F3
( 126 )
Dieppe. Une lettre du procureur-généralfyndic
du département de S.ône & Loire , qui
rend compte de l'ardeur des enrôlemens & des
Préparatifs faits pour répouffer l'ennemi ; l'on
décrète la mention honorablé de ces diverfes
adreffes. .
#2
Au nom de la commiffion extraordinaire , M.
Condorcet lit une expofition des motifs d'après
tefquels l'Affemblée nationale a proclamé la convocation
d'une convention nationale , & prononcé
la fufpenfion du pouvoir éxécutif dans les mains
du Roi. Sur la motion de M. Briffot , un décret
a ftatué que cette expofition fera imprimée , affichée
, envoyée à tous les départemens , diftricts ,
municipalités & ambaffadeus Franç i . La voici :
- L'Affemblée nationale doit à la nation ","
FEurope , à la postérité , un compte févère des
motifs qui ont déterminé fes dernières réfolutions
. 30 anni. 1 24
25 11 { {
*
Placée nithe le devoir de refter fidelle à les
fermens (& celui de fauver la patrie , elle à vòulu
les reinpir tous deux 2 -la- fois , & faire tout ce
qu'exigeoit le falut public , fans ufurper les pou
voirs que le peuple ne lui avoit pas confiés . »
*
* A T'ouverture de fa fethion , un räffemb'ement
d'émigrés fat les frontières , correfpondant
avec tout ce que les départemens , tout ce que
les troupes de ligne renferméient encore d'ennemis
de la liberté , & les piêtres fanatiques por-"
tant le trouble dans les ames fuperftitieufes ,
cherchoient à perfuader aux citoyens égatés que.
la conftitution bleffoit les droits de la conſcience
, & que la loi avoit confié les fonctions religieufes
à des fchifmatiques & à des facriléges
. “་ ང་ཉྭ ། ༄
Enfin , une convention formée entre des
(-127 )
Rois puiffans menaçoient la liberté Françoile
ils fe croyoient en droit de fixer jufqu'a quel
point l'intérêt de leur defpotifme nous permettoit
d'être libre , & fe flattoient de voir la fou
veraineté du peuple & l'indépendance de l'Empire
François s'abaiffer devant les armées de kurs
efclaves. » t
Ainfi tout annonçoit une guerre civile &
religieufe , dont une guerre étrangère augmenteroit
bientôt le danger. »ود
• « L'Aſſemblée nationale a cru devoir réprimer
les émigrés , & contenir les pêtres fact eux par
des décrets févères , & le Roi a employé contre
fes décrets le refus fufpenfif de fanction que la
conftitution lui accordoit . Cependant ces émigrés
, ces prêtres agiffoient au nom du Roi ;
c'étoit pour le résabir dans ce qu'ils appell . ient
fon autorité légitime , que les uns avoient pris
les armes , que les autres prêchoient l'affallinat &
la trahifon. Ces émigrés étoient les frères du Roi,
fes parens , fes pa: tifans, fes courtifans, fes anciens
gardes. Et tandis que le rapprochement de ce
fait & de la co duite du Roi autorifoient , comu
mandoient même la défiance , ce refus de fanction
mis à des décrets qui ne pouvoient être
fufpendus fans être anéantis , montroit c'airement
comment le veto fufpenfif, fuivant la loi , devenu
définitif par la manière de l'employer , donnoit
au Roi le pouvoir illimité & arbitraire de rendie
nulles toutes les mefutes que le corps légiflatif
croiroit néceflaires au maintien de la liberté. »
ce Dès ce moment , d'un bout de l'Empire à
l'autre , le peuple montra les fombres inqui -tudes
, quitannoncèrent les orages , & les fonrçons
injuricux au pouvoir exécutif Le manifeftèrent
avec énergic.
ןכ
F 4
( 128 )
« L'Affemblée nationale ne fut pas découra
gée ; des princes , qui fe difoient les alliés de la
France , avoient donné aux émigrés , non un
afyle , mais la liberté de s'armer , de le former
en corps de troupes , de lever des Toldats , de
faire des approvifionnemens de guerre , & le
Roi fut invité , par un meffage folennel , à rompre
, fur cette violation du droit des gens , na
lence qui avoit duré trop long- temps . Il parut
céder au vou national ; des préparatifs de guerre
furent ordonnés , mais bientôt on s'apperçut que
les négociations , dirigées par un ministère foible
ou complice , fe barnoit à obtenir de vaines
promeffes , qui , demeurant fans exécution , ne
pouvoient érte regardées que comme un piége
ou comme un ourrage . La ligue des Rois prenoir
cependant une activité nouvelle , & à la tête de
cette ligue paroifloit l'Empereur , beau-fière du
Roi des François , uni à la nation , par un traité
utile à lui feul , que l'Affemblée conftituante ,
trompée par le ministère , ayoit maintenu en fa
crfiant pour le conferver , l'espérance alors for
dée d'une alliance avec la maifon de Brande .
bourg. "
- L'Affemblée nationale crnt qu'il étoit néceffare
à la sû eté de la France d'obliger l'Empereur
à déclarer s'il vouloit être fon allié ou fon
ennemi , & à prononcer enue deux traités contradictoires
, dont l'un l'obligeoit à donner du
fecours à la France , & l'autre l'engageoit à..
l'accaquer , través qui ne pouvoient fe concilier
enfemble fans avouer l'intention de féparer le ›
Roi de la nation , & de faire regarder la guerie
contre le peupe François comme un fecours
donné à fun alé . La réponſe de 1 Empereur au
gmenta les défiances que cette combinaifon de
citconftances
rendorf
129 ) circonftances rendoit fi naturelle . Il y répétoie
contre l'Affemb'ée des repréfentans du peuple
François , contre les fociétés populaires établies
dans nos villes , les abfurdes inculpations dont
les émigrés , dont les partifans du miniflère François
fatiguent depuis long- temps les preffes contre-
révolutionnaires . Il proteftoit de fon defir de
refter Pallié du Roi , & ' il venoit de figcer une
nouvelle ligue contre la France en faveur de
l'autorité du Roi des Frar çois. »
Ces liguts , ces traités , les intrigues des
émigrés qui les avoient follicités au nom du Roi,
avoient été cachés par les miniftres aux rèpréfentans
du peuple. Aucun défavcu public de ces
intrigues , aucun effort du Roi pour prévenir ou
diifiper cette conjuration de monarques , n'avoient
monti ni aux citoyens François , ni aux peuples
de l'Europe , que le Roi avoit fincèrement uni fa
caufe à celle de la nation. »
2
Cette connivence apparente entre le cabinet
des Turkeries & celui de Vienne , frappa tous les."
efprits ; l'
avec femb ée nationale crut devoir éxaminer ™
la conduité du miniſtre des affaitéš '
étrangeres, & un décret d'acculation fut la fuite
de cet examen ; fes collègues difparurent avec
kai , & le conleil du Roi fut formé dès miniftres
Fattioles ,
« Le fucceffeur de Léopold fuivit la politique
de fon père , vouloir exiger , pour les princes
poffeffionnés en Alface , des dédommagemens
incompatibles avec la conftitution Françoife , &
contraires à l'indépendance de la nation. Il vouloit
que la France trait la confiance , & violâe
les droits du peuple Avignonois ; il annonçoit
enfin d'autres griefs qui ne pouvoient , diſoit- ils
FS
( 130 ).
fe difcuter avant d'avoir effayé la force des
armes. »
сс
« Le Roi parut fentir que cette provocation
2 guerre ne pouvoit être tolérée fans. mon
trer une honteufe foibleffe ; il parut fentir combien
étoit perfide ce langage d'un ennemi qui
fembloit ne s'intéreffer à lon fort , & ne defirer
fon alliance , que pour jetter entre lui & le peuple
des femences de difcorde , capables d'énerver nos
forces & d'en arrêter ou d'en troubler les mou- i
vemens ; il propofa la guerre de l'avis unanime
de fon confeil , & la guerre fut décrétée . »
« En protégeant les raflemblemens d'émigrés ,
en leur promettant de menacer nos frontières , en
montrant des troupes toutes prêtes à les feconder :
en cas d'un premier fuccès , en leur préparant une
retraite , en perfiftant dans une ligue menaçante,
Je Roi de Hongrie obligeoit la France à des préparatifs
de défenſe ruineux , épuifoit fes finances,
encourageoit l'audace des confpirateurs répandes.
dans les départemens , excitoit les inquiétudes.
des citoyens , & par - là y fomentoit , y perpétgoit
le trouble. Jamais des hoftilités plus réelles .
n'ont legitimé la guerre , & la déclarer n'étoit
que la repuffer , 32
« L'Affemblée nationale put alors juger julqu'à
quel point , malgré des promeffes fi fouvent
répétées , tous les préparatifs de défenſc
avoient été négligés. Néanmoins les inquiétudes,,
les défiances s'arrêtoient encore fur les miniftres,,
fur les confeils fecrets du Roi ; mais on vit
bientôt les miniftres patriotes contrariés dans
leurs opérations avec acharnement par les partifans
de l'autorité royale , par ceux qui faifoient
parade d'un attachement perfonnel pour le Roi. ».
Nos armées étoient tourmentées par des di(
131 )
vifions politiques ; on femoit la difcorde parmi
les chets des troupes , entre les généraux & le
ministère . On vouloit transformer en inftrument
du parti qui ne cacha ' pas le defir de fubftituer
fa volonté à celle des repréfentans de la nation,
ces armées deftinées à la défenfe extérieure du
territoire François . au maintien de l'indépendance
de la nation . »
Les machinations des prêtres devenues plus
activés au moment de la guerre , rendoient indifpenfable
une loi répreffive ; elle fut portée . »
« La formation d'un camp entre Paris & les
frontières étoit une difpofition heureufement
combinée pour la défenfe extérieure , en mêmetemps
qu'elle fervoit à raffurer les départemens
intérieurs & à prévenir les troubles que les inquiétudes
auroient pu produire. Ces deux déctets
furent rejettés , & la formation de ce camp
fut ordonnée ; mais les miniftres patrictes furent
renvoyés . »
La conftitution avoit accordé au Roi une
garde de 1800 hommes , & cette garde manifeftoit
avec audace un incivifme qui indignoit ,
ou effrayoit les citoyers ; la haine de la conftitution
, & fur-tout celle de la liberté , de l'éga- ,
lité , étoient les titres pour y être admis , »
« L'Affemblée fut forcée de la difloudse povr
prévenir & les troubles que cette garde ne pou
voit manquer de caufer bientôt , & les com lo
de contre- révolution dont il ne le man.feftoit
déjà que trop d'indices , »
« Le décret fut fanctionné ; mais une proclamation
du Roi donnoit des éloges à ceux mêmes
dont il venoit de prononcer le licenciement , àd
ceux qu'il avoit reconnus pour des hommes
*
F6
( 132 )
juſtement actufés d'être les ennemis de la li
berté. »
« Les nouveaux miniftres excitoient de juftes
défiances , & comme ces défiances ne pouvoieĄŁ
plus s'arrêter fur eux - mêmes . eles porte ent
fur le Roi lui-même . »
c L'application du refus de fanction aux décrets
néceffités par les circonftances , & dont
l'exécution doit être prompte & ceifer avec elles ,
fut regardée dans l'opinion générale comme une
interprétation de l'acte conftitutionnel , contraire
à la liberté & à l'efprit même de la co ftitution.
L'agitation du peupe de Paris fut extrême ; une
foule immenfe de citoyens fe réunirent pour
former une pétition , pour demander le rappel,
des miniftres patriotes , & la rétractation du refus,
de fanctionner des décrets en faveur defquels
l'opinion générale s'étoit hautement manifeftée.
Ils demandèrent à defi er en armes devant l'A
femblée nationale , après que leurs députés auroient
la leur pétition , Certe permiffion , que
d'autres cops armés avoient déja obtenue , leur
fut accordée als defiroient prefenter au Roi la
même pétition , & la préfentet fous les formes
érablies per la loi ; mais , au moment cu les .
officiers municipaux venoient leur annoncer que
Teurs députés , d'aboid refufés , allaient être
admis , la porre s'ouvrit , & la foule le précipita
dans, le château . Le zèle du maire de Paris ,
l'afcendant que Les vertus , que fon patriotifme
lui donnent fur les citoyens , la piéfence des repréfentans
du peuple , dont les députations fucceffives
entourerent conftamment le Roi , prévinrent
tous les défordres , & peu de raflembiemens
aufli nombreux en ont moins produit , » ། འ
:
"
(( 133 )
ec Le Roi avoit arbore les enfeignes de la li
berté , il avoit rendu juſtice aux citoyens , en ,
déclarant qu'il fe croyoit en sûreté au milieu
d'eux; le jour de la fédération approchoit des
gitoyens de tous les départemens devoient fe
rendre à Paris , y jurer de maintenir cette li
berté pour laquelle ils allaient combattre fur les.
frontières , tout pouvoit encore le réparer ; mais
les ariftocrates ne virent , dans les évènemens
44 20 juin , qu'une occafion favorable de femer
la divifion entre les habitans de Paris & ceux
des départemens , entre le peuple & l'armée .
entre les diverfes pertipas de langa de nationale
entre les citoyens qui reftoient dans leurs
foyers & ceux qui volpient à la défense de l'étarss
des,le lendemain le Roi chargea de langagei
we proclamation calomnicufe fus diftribuée avec
profufion dans les armées ; un de leurs généran
vint , au nom de la fienne, demander vengeancel
& défigner fe victimes . Un affez grand nombre
de directoires de département , dans des arrêtés
inconftitutionnels , laifièrent entrevoir leur:
projet formé de s'élever comme una puiſſance
intermédiaire entre, l'Aſſemblée nationale & ades
Rois des juges do pax coma encèrent dans le
Palais même du Roi , une procédure ténébreufdd
dans laquelle on efpéroit enveloppen ceur des
patriotes dont on redoutait le plus la vigilance>
& les talens. Dája, bun de ces juges avow effayéb
de porter atteinte à l'inviolabilité des repréfentans
du peuple , & four anrençost un plan adcoi
tement combinés pour trouver dans l'ordre judise
ciaire un moyen de donner à autorités royales
une extenfion arbitraire. Des lettres du ministres
Connoient d'employer la force contre des fédérés
qui viendroient faire à Paris les ferment deocomed
V
?
( 134 ))
battre pour la liberté , & il fallut toute l'activité
de l'Aflemblée nationale , tout le partiotifme de
l'armée & tout le zèle des citoyens éclairés pour
prévenir les effets funeftes de ce projet dé
forganiſateur , qui pouvoit allumer la guerre
civile ( 1) .
ec
DY
« L'Allemblée nationale vit alors que le falut!
public ex geoit des mesures extraordinaires .
Elle ouvrit une difcuffion fur les moyens
de fauver la patrie ; elie inftitua une commiffion
extraordinaire chargée de les méditer & de les
préparer. »
La déclaration que la patrie étoit en danger
appelle tous les citoyens à fa défenfe commune ,
sous les citoyens à leurs poftes ; & cependant au
milieu des plaintes fans cette répétées fur l'inaction
du gouvernement , fur la négligence ou la
mauvaile combinaifon des préparatifs de guerre ,
fur des mouvemens des armées inutiles ou dan-
1:0 #
(4) Un mouvement de patriotiſme avoit éteint
dans une réunion fraternelle , les divifions qui
s'étoient manifeftées trop fouvent dans l'Affemblée
nationale , & il pouvoir en naître encore
un moyen de falut. Les pourfuites commencées
de l'ordre du Roi , à la requête de l'intendant
de la lifte civile pouvoient être arrêtées .
Le vertueux Pétion puni par une fufpenfion
d'avoir épargné le fang du peuple , pouvoit être
rétabli par le Roi , & cette longue fuite de fautes
& de trabifons pouvoit encore retomber toute
entière fur ces confeillers perfides , auxquels un
peuple confiant avoit la longue habitude d'attri
buer tous les crimes des Roisket 9600 Take

( 135 )
gereux , dont le but avoué étoit de favorifer les
combinaiſons d'un des généraux , on voit des
miniftres inconnus ou futpects fe fuccéder rapidement
, & préſenter , avec de nouveaux noms
la même inactivité & les mêmes principes.
«
Une déclaration du général ennemi , qui
dévouoir à la mort tous les hommes libres , &
promettoit aux Jâches & aux traitres fa honteufe®
protection , devoit augmenter les foupçons. L'ennemi
de la France ne fembloit être occupé que
de la défenfe du Roi des François . Vingt- cinq
millions d'hommes n'étoient rien pour lui auprès
d'une fami le privilégiée ; leur fang devoit
couvrir la terre Pour venger les plus foibles
outrages, & le Roi , au lieu de témoigner fom
indignation , contre un manifefte deftiné à lui
enlever la confiance du peuple , ſembloit n'y
oppofer qu'a regret un timide défaveu .
3
*
« Peut-on s'étonner que la défiance contre le
chef fuprême du pouvoir exécutif , ait infpirés
aux citoyens de ne plus voir les forces deftinées .
à la défenſe commune , à la difpofition du Roi
au nom duquel la France étoit attaquée , & le
foin de maintenir la tranquillité intérieure confié
à celui dont les intérêts étoient le prétexte
de tous les troubles. A ces motifs communs
la France entière , il cen exiftoit d'autres pourb
Les habitans de Paris . Ils voyoient les fimillesb
des confpirateurs de Coblentz former la fociété
habituelle du Roi & de fa famille . Des écrivains
foudoyés par la lifte civile , cherchoient
par de lâches calomnies y à rendre les Parifiens
odieux ou fufpects au reste de la France. On
cherchoit à femer la divifion entre les citoyens
pauvres & les citoyens riches ; des maroeuvies.
perfides agitoient la garde nationale ; on s'ocçus
( ( 1367 ) )
13
poit d'y former un parti royalifle. Enfin les en
nemis de la liberté fembloient s'être partagés
entre Paris & Coblentz , & leur audace croifloit
avec leur nombre. » 3
La conftitution chargeoit le Roi de notifier
à l'Aflemblée nationale les hoftilités imminentes ;
& il a fallu de longues follicitations pour obtenir
› du miniſtère la connoillance tardive de la marche ?
des troupes prufflennies . La conftitution prononce 1
conpele Roi une abdication Egale , s'il ne s'opppfe
point par un acte form I aux entreprifes for
mées en fon nom contre la nation , & les princes
émigrés avoient fait des emprunts pebliés
! nom du Roi , avoient acheté en fon nom des ?
troupes étrangères , avoient lévé en fon nom ?
des régimens François , & lui avoient formé hols
de France une mailon militaire , & ees faits
étoient connus depuis plus de fix mois ; fango
qu'il donnâr des déclarations publiques dont les
réclamations auprès des poiffinces étrangèls au
rozent empêché le faccès de ces mancovies?;
&roûte fatisfait au devoir que la constitution lis
impoloir pounesi
"b moï #I'S
C'eft d'après tous ces motifs que de beme!
Breufes pétitions envoyées d'un grand he mbret
de départemens , le vecu de preticars fections
de Parisuivi d'un ves général émis au nont
de la commune entière , folheirèrentla déchéance !
du Roi ou la fufpenfion cù pouvoir royal, &
Affemblée nationale he pouvoit plus fe refuſer
à d'examen de cette grande queftian . » blog
7
collétoit det for devoir de ne la prononcer?
qu'après un examen mur & réfléchi , après une
difcuffion folennelle , après avoir entendu ³
pefévtoutes les bopinions ; mais la patience da¶
peuple émit épaifée tout à coup il a para tou
I
+
( 137 )
entier réuni dans un même but & dans une mêne
volonté ; il s'eft porté vers le lieu de la réfilence
du Roi , & le Roi eft venu chercher un aſyle
dans le fein de l'Affemblée des repréſentans da
peuple , dont il avoit que l'union fraternelle
des habitans de Paris avec les citoyens des départemens
, rendoit toujours l'enceinte un afyle
inviolable & facié . Des gardes nationales le
trouvoient chargés de défendre la réfidence que
le Roi venoit d'abandonner ; mais on avoit
placé avec eux des foldats Suiffes . »
Le peuple voyoit depuis long - temps , avec
une furpiife inquiète , des bataillons Suiffes partager
la garde du Roi , malgré la loi qui ne lui
permet pas d'avoir une garde étrangère . Depuis
long-temps il étoit aifé de prévoir que cette violation
directe de la loi , qui , par fa nature
frapport fans ceffe tous les yeux , ameneroit tôt
ou tard de grands malheurs . L'Affemb'ée nationale
n'avoit rien négligé pour les prévenir ,
Des rapports , des difcuflicas , des motions faites
par fes men bres & renvoyées à fes comkés
avoient averti le Roi , depuis plufieurs mois
de la néceffité de faire difp . roître d'auprès de
lui des hommes que , par- tout ailleurs , les François
regarderont comme des amis & des frères
mais qu'ils ne pouvoient voir refler malgré le
voeu de la conftitution , auprès du Roi confti
tutionel , fans foupçonner d'être les inftrumens
des ennemis de la liberté . »
Un déeres les avoit éloignés ; leur chef ,
appuyé par le minifère , y demanda des chan
gemens ; l'Affemblée nationale y confentits une
portion des foldats devoir refter auprès de Paris ,
mais fans aucun fervice qui pût renouveller les
inquiétudes ; & c'eft malgré le voeu de l'Affema
( 138 )
blée nationale , malgré la loi , que le 10 août ,
ils étoient employes à une fonction , dont tous
les motifs d'humanité & de pudence auroient
dû les écarter. Ils reçurent l'orde de faire feu
fur les citoyens armés , au moment où les
citoyens les invitoient à la paix , cũ des fignes ,
non équivoques de fraternité annonçoient qu'elle
alloit être acceptée , au moment où l'on voyoit
du château une députation de l'Aſſemblée nationale
s'avancer au milieu des armes , pour
Forter des paroles de conciliation , & prévenir
le carnage ; dès cet inftant rien ne put arrêter
la vengeance du peuple , qui éprouvoit une tra
hifon nouvelle , au moment où il venoit fe
plaindre de celles dont il avoit long - temps été
la victime. »
« Au milieu de ces défaftres , l'Affemblée
nationale affligée , mais calme , fi le ferment
de maintenir l'égalité & la liberté ou de mourie
à fon pofte ; elle fit le ferment de fauver la
France & elle en chercha les moyens . »
« Elle n'en a vu qu'un feu , celui de recourir
à la volonté fuprême du peuple , & de l'inviter
à exercer immédiatement le droit inaliénable de
fouveraineté que la conftitutión a reconnu &
qu'elle n'avoit pu foumettre à aucune reftriction.
L'intérêt public exigeoit que le peuple manifeflât
ſa volonté par le veea d'une convention:
nationale , invetie par lui de pouvoirs illimités ; ɔ
il n'exigeoit pas moins que les membres de cette
convention fuflent élus dans chaque départe
ment , d'une manière uniforme & fuivant un
nombre régulier . Mais l'Aflemblée nationale ne
pouvoit reltreindre les pouvoirs du peuple fou
verain de qui feul elle tient ceux qu'elle exe ce
Elle a dû le borac à le conjurer au nom de
H
ན་
( 139 )
1
être
la patrie , de fuivre les règles fimples qu'elle lui
a tracées. Elle y a refpecté les formes inftituées
pour les élections , parce que les établiſſemens
de formes nouvelles , préférables en elles mêmes ,
auroient été une fource de lenteur , & peutde
divifion. Elle n'y a confervé aucune des conditions
d'éligibilité , aucune des limites au droit
d'élire , ou d'être élu , établies par les loix antérieures
, parce que ces luix , qui font autant
de reftrictions à l'exercice du droit de fouveraineté
, ne font pas applicables à une convention
nationale , où ce droit doit s'exercer avec
une entière indépendance , la diftinction entre
les citoyens actifs n'y paroît point , parce qu'elle
elt auffi l'ouvrage de la loi. "
« Les fer les conditions exigées , font celles que
la mature même a preferits , telle que la néceffité
d'appartenit par une habitation conftante au
territoire où l'on exerce le droit de cité ; d'avoir
l'âge où l'on eft cenfé par les lois de la nation
dont on fait partic , être en état d'exercer la plénitude
de fes droits perfonnels ; enfin , d'avoir confervé
l'indépendance abfolue de fes volontés . » L
сс
ככ
Mais i faut du temps pour affembler de
Douveaux repréfentans du peuple , & quoique
l'Affemblée nationale ait preflé les époques des
opérations que cette convention néceffite , quoiqu'elle
ait accéléré le moment où elle doit celfer
de porter le poids de la chofe publique , de manière
à éviter le plus léger fourçon de vues ambitfeufes
, le terme de quarante jours auroit encore
expofé la patrie à de grands malheurs , &
le peuple à des mouvemens dangereux , fi l'on
cût laifé au Roi l'exercice des pouvoirs que la
conftitution lui a conférés ; & la fufpenfion de
ces pouvoirs a paru aux repréſentans du peuple
1
1,140,
ܐ
le feul moyen de fauver la France & la K
berté. »
E prononçant la fufpenfion néceffaire
Affemblée n'a point excédé fes pouvoirs ; la
conflitution l'autorife à la prononcer dans le cas
d'abſence du Roi , lorfque le terme où cette
abfence entraîne une abdication légale n'eft pas
encore arrivé , c'elt- à- dire , dans le cas ou il
n'y a pas lieu encore à une réfolution définitive ,
mais ou une rigueur provifoire eft évidemment
néceffaire , où il feroit abfurde de laiffer le pouvoir
entre des mains qui ne peuvent plus en faire
un ufage libre & utile . Or , ici ces conditions fe
réunillent avec la même évidence que dans le
cas prévu par la même conftitution , & en nous
conduifant d'après les principes qu'elle a tracés ,
nous lui avons obéi , bien loin d'y avoir porté une
arteinte contraire à nos fermens . »
« La conftitution a prévu que toute cumulation
de pouvoirs étoit dangereufe , & pouvoit
changer en tyrans du peuple ceux qui ne doivent
en être que les répréfentans ; mais elle a fenti aufli
que ce danger fuppofoit un long exercice de
Certe puiflance extraordinaire , & le terme de
deux mois eft celui qu'elle a fixé pour tous les cas
où elle permet cette réunion , que d'ailleurs elle a £
févèrement preferit . :
cc
לכ
L'Allemblée nationale , loin de prolonger
cette durée , l'a réduite à quarante jours teulement
, & loin d'excéder le terme Exé par la loi ,
en s'appuyant fur l'excufe de la néceffité , elle
a voulu le réduire dans des limites encore plus
étroites. Lorfque le pouvoir de fanctionner les
loix eft fufpendu , la conflitution a prononcé
que les décrets du corps lég flatif enauroient
par eux- mêmes le caractère & l'automté ,
LD 2 &
7
1
( 141
ne peut
puifque celui à qui la conftitution avoit attribué
le choix des miniftres ne pouvoit plus exercer
Les fonctions , il falloit qu'une loi nouvelle remit
le choix en d'autres mains . L'Aflemblée s'en eft,
attribué le droit à elle-même , parce que ce droit
être donné qu'à des électeurs qui appar
tiennent a la nation entière , & qu'eux feuls en
ce moment ont ce caractère; mais elle n'a pas
youlu qu'on pût la, foupçonner d'avoir voulu ,
en fe conférant ce pouvoir , fervit des , vues,
ambitieufes & perfonnelles ; elle a décréré que
L'élection ie feroit à haute voix , que chacun de fes
membies prononceroit fon choir devant la repré
fentation nationale toute entière , devant les citoyens
nombreux qui affiftet a les féances . »
Elle a voulu que chacun de les membres,
eût pour juger, fes.co lègues , le public pour témoin,
& qu'il répondit de fon choix à la nation,
entière .
CC

Citoyens François , réunifions toutes nos
forces contre la tyrannie étrangère , qui ofe
menacer de fa vengeance 26 milions d'hommes,
libre : Dans fix femarees, un pouvoir que tout
citoyen reconnoît , prononcera fur nos divifions :
malheur-a-celui qui, écoutant , -pendant-ce- court
efpace , des fa tien períonnels , ne le dé-,
voueroit pas tout enter a la défenfe, commune ;
qui ne verroit pas qu'au moment où la volonté
fouveraine du peuple va le faire entendre , nous,
n'avons plus pour enemis que les confpirateurs .
de Pilni z & leurs com ices ( 1 ) .
( 1) C'eſt au mieu d'une guerre étrangère
c'eit au moment où des armées nombreufes fe
( 142 )
CC
Citoyens , c'eft à vous à juger fi vos repréfentans
ont exercé pour votre bonheur les pouvoirs
que vous leur avez confiés , s'ils ont rempli
votre voeu en faifant de ces pouvoirs un ufage
qu'eux ni vous n'ont pu prévoir. Pour nous , nous
avons fait notre devoir en embraffant avec courage
le feul moyen de conferver la Iberté , qui
fe foit offert à notre penfée. Prêts à mourir pour
che au poſte où vous nous avez places , nous emporterons
du moins , en le quittant , la confolation
de l'avoir bien fervie. »
CC
nous
Quelque jugement que nos contemporains
ou la poftér té puiflent porter de nous ,
n'aurons pas à craindre celui de notre conſcience ;
à quelque danger que nous foyons expofés , il
nous reftera le bonheur d'avoir épargné les flots
de fang françois , qu'une conduite plus foible auroit
fait couler ; nous échapperons du moins aux
remords , & nous n'aurons pas à nous reprocher
d'avoir vu un moyen de fauver la patrie , & de
n'avoir pas ofé l'embraffer. "
Signés GUADET , prefident ; GOUJON ,
G. ROMME , MARANE , CRETIN , ARENA , LECOINTRE
- PUIRAVEAUX , fecrétaires.
---
préparent à un invaſion formidable , que nous
appellons les citoyens à difcuter , dans une paifible
affemblée , les droits de la liberté. Ce
qui eût été téméraire chez un autre peuple , ne
nous a point paru au-deffus du courage & du
patriotisme des François , & nous n'aurons pas
la douleur de nous être trompés , en les jugeant
dignes d'oublier tout autre intérêt pour celui de la
liberté , de facrifier tout autre fentiment à l'amour
de la patrie .
( 143 )
M. Chabot annonce què certains perfonnages
qui feront dévoilés à la tribune , ont égaré les
Suiffes ; que le Roi & la famille royale les exhortoient
à tirer far le peuples que ces malheureux
Suifles croyoient défendre le Roi conftitutionnel
dans fa maiſon , tandis qu'il étoit à l'Aſſemblée.
Deux commiffaires de la commune viennent affurer
que
fon comité de furveillance prouvera , fous
peu de jours , la vérité de ce qu'annonce M. Chabot
; que la ville de Paris eft tranquille , grâce à
l'activité des citoyens « dont plufieurs n'ont pris
aucun repos depuis plufieurs jours ; que toutes les
prefles contre- révolutionnaires font difperfées ;
que les nouvelles alarmes conçues fur la sûreté
du père de l'ami des citoyens ( M, Pétion ) étoient
fondées ; mais que tous les affaffins font dans les
fers & qu'une garde de deux perfonnes veillera
conſtamment ſur les jours...
M. Hoffmann demande que tous les châteaux
que le Roi s'étoit réservés foient évacués & que
les adminiftrations faffent , à l'égard des hôtes
fufpects de ces maifons , telles difpofitions que la
police preferira . Sa propofition eft décrétée .
L'intendant de la lifte civile a été conduit à
l'Abbaye.
M.deMontefquiou écrit au miniftre de la guerre
que les bataillons fe forment avec une grande
célérité ; qu'il feroit défolant que tant de zèle
devint inutile faute d'enſemble ; que la pénurie
d'officiers généraux eft grande ; qu'ils veulent être
payés , ne pas fervir , & donnent l'exemple de
l'infubordination ... Ces obfervations font renvoyées
au comité militaire .
Le directoire du département de la Seine inférieure
écrit de Rouen qu'il a ordonné la tranſcription
fur fes regiftres , l'impreffion & la publication
( 144)
de la foi relative à la Cuſpenſion du Roi, M. La
croix propofe de mander le procureur- généra - fyndic
à la barre , de donner un grand exemple de
fivérité , & ajoute qu'on dit que la loi n'a été
enregistrée qu'avec des modifications. On mande
M. Briffot que le département l'a déclarée nulle,
mais que les lections affemblées ont caffé l'arrêté
du département. Le procureur- général - fyndic eft
mandé à la barie..
On mande à M. Brouffonnet que, M. Lian
court a paffé en revue , famedi foir , à Rouen,
un détachement du régiment de Salis - Samade &
d'un autre régiment , a fait prêter aux foldats le
ferment civique , deura voulu faire crier : vive le
Roi ! a envoyé aux arrêts un officier qui a crié
vive la Nation ! Un membre dénonce que › lat
municipalité de Rouen vient d'acheter 8 canons
& 3000 fufils ; ces divers avis font renvoyés au
comité de furveillance .
Un officier de la garde nationale de Paris dé
pofe que , dans la nuit du 9 an 10 , il vint au
château, àit beures , 7 à 8 cents hommes , prefque
tous décorés , atmés de carabines ; qu'on mit
une compagnie de Suiffes fous fes ordres ; que les
officiels voulurent l'endoctriner , mais que fur
Les réponses fermes , ils lai jurè ent de ne fairefeu
qu'après les gardes national qu'à 5 heuresan
diftribua de l'eau de vie aux Saiffes ; que les
chavaliers du poigrard le rangèrent par pelotons ;
qu'il alloit les faire pofoncters quand le Roiferendu
à l'Alembee. U aure garde na
tional dit que les chevaliers da poignardvoyant
que les volontaires refufoient de tirer ,
tentèrent de leur arracher leurs armes ; que les
36 hommes de fon polte & lui ſe rangèrest du :
côté
d
( 145 )
côté du peuple & qu'il n'en échappa que cinq.ro
M. Vergniaud a lu un rapport au nom de
la commiflion extraordinaire , où il propofoit
de deftiaer l'églife de la Magdeleine , moyennant
un million pour l'achever , aux féances de la
convention nationale. Après quelques débats
l'Aſſemblée a décrété l'ajournement indéfini .
Deux décrets ont ordonné rº . la fabrication de
100 pièces de canon du calibre de 4 livres ,
Paris ; 2°. que le travail des ouvriers des manufactures
d'armes de Charleville , Maubeuge &
Saift -Etienne leur fera compté comme des an
nées de fervice.
Du mardi , 14 août.
MM. Antonelle , Péraldy & Kerfaint , commillaires
de l'Affemblée nationale envoyés à l'armée
du centre , écrivent , de Reims , le 12 août ,
à 8 heures du foir . La commiffion a reçu partout
les plus grands témoignages de refpe&t &
d'affection , diffipé les alarmes , & n'a vu nulle
part d'autres mouvemens que ceux de l'admiration
& de la reconnoiffatce pour la conduite
Lénergique des Parifiens & des braves fédérés ,
& une confiance entière dans l'Affemblée. A
Soifons , le fement de défendre la liberté, l'égalité
, ou de mourir à fon pofie , a été prété
par les citoyens en armes & fans armes , les adminiftrateurs
du district , la municipalité & l'étatmajor
, & fuivis des cris redoublés : vive la
nation ! vive l'Affemblée nationale ! A Reims ,
l'illumination , des feux de joie & les mêmes acclamations
ont fignalé la publique alégieke . On
sannonce aux commiffaires que l'armée eft trompée
, mais ils font convaincus qu'ils ne trouveront
aucun obftacle à l'éclairer ... Un décret
Nos. 32 et 33. 18 Août 1792. G
( 146 )
a ordonné que ce rapport fera imprimé , envoyé
aux 83 départemens , & pubié à l'instant,
par les foins de la commune de Paris , pour convaincre
les citoyens de Paris & les fédérés que rous
les vrais François n'ont qu'un efprit & qu'un coeur,
Un orateur annonce , à la barre , que les
vertus de Henri IV avoient d'abord arrêté les
citoyens prêts à abattre fa ftatue , mais qu'on s'eft
fouvenu qu'il n'étoit pas Roi conftitutionnel ;
on n'a vu que le defpote & foudain la ftatue
eft tombée. Ils demandent à y ſubſtituer les
tables des droits de l'homme . Sur les motions
de MM. Lacroix & Thuriot , l'Aſſemblée décrète
que tout le bronze des monumens , des
églifes & des maifons royales fera fondu en canons .
M. François de Neufchâteau propofe de vendre
les biens des émigrés à bail , à rentes , par petites
portions de 2 , 3 , 4 arpens , afin que les pauvres
puiffent en avoir. Sa propofition eft adoptée .
Admis à la barre , les membres du tribunal
de caffation notifient l'enregistrement de la loi
qui fufpend les fonctions du chef du pouvoir
exécutif, & prêtent le nouveau ferment. Le préfident
répond que l'eftime du peuple fera leur récompenfe.
Applaudifiemens , impreffion & envoi
à tous les tribunaux du royaume .
Ou lit une adreffe des adminiftrateurs du département
de Loir & Cher à leurs concitoyens ,
portant qu'ils viennent de recevoir le décret
qui dicare le Roi fufperdu de fes fonctions , &
que , dans cette crife , il faut payer les contributions
plus exactement que jamais , refpecter les
propriétés , & fe rallier autour de l'Affemblée
nationale. M. Chabot atteſté que la garde nationale
adhère à cette adreffe , qui obtient auffi - tôt la
mention honorable .
L'on renvoie à la cour martiale une lettre trouvée
( 147 )
1
dans la poche d'un Suiffe ( où il eft dit que les
Proffiens & les Autch ens , fecondés de Suifles ,
feront fur le territoire Fra çois , pour le 15 aût)
comme pouvant fervir de bafes aux interrogatoires
que fubiront les Suiſſes renfermés au Palais-
Bourbon .
Le confeil général du département de la Nièvre
a plaudit au décret qui fufpend les fonctions du
Roi. Des citoyens de Bar- le Duc en félicitent le
corps légiflatif. Applaudiffemens & mention hono
tab e de ces adreſſes .
Hier , le peuple indigné s'affembloit autour
de la mailen de M. Lafayette. Un membre
de la commune y accourut. On fit tomber l'infcription.
Le calme fe rétablit . Il y a eu , ce
matin , 540 paffe- ports diftribués . L'orateur de
la députation de la commune chargé d'expofer
' ces détails de police demande une loi qui
reftreigne les pafe- ports aux gens qui afprovifionnent
Paris , ou les armées & aux négocians
munis de patentes . Au comité de furveillance .
Un décret ordonne au miniftre de la guerre
de tirer promptement de l'arfenal de Douay 20
pièces de canon de 12 livres de balle & 10
obufiers , pour le camp fous les murs de Paris ;
de faire fabriquer à Paris 50 pièces de canon de
12 livres de balle , & les affuts néceffaires , L'Affemblée
avoit décerné 500,000 liv. pour les
premiers 100 canons de 4 ; elle affigne 400,000 !, -
pour ceux - ci.
M. Roberfpierre , orateur d'une députation de
citoyens de la fection de la place Vendôme ,
propofe , à la barre , de décréter , qu'au licu
où étoit la ftatue de Louis XIV, il fera élevé
une pyramide aux citoyens morts , le to août ,
en combattant pour la liberté. Certe propoft
G2
( 148 )
tion eft renvoyée au comité d'inftruction pu
blique.
Une députation des tribunaux criminels provi
foires témoigne fa reconnoiffance à l'Affemblée &
prêté le nouveau ferment.
M. Ducos propofe de fupprimer tous les
commiffaires du Roi près les tribunaux , & de
les remplacer par des commiffaires nationaux.
L'Affemblée décrète la fufpenfion , & renvoie au
comité de légiflation pour lemode de remplacement.
La municipalité de Breftécrit qu'elle a fait marché
avec un vaiffeau qui a fervi autrefois à la traite des
nègres , pour tranfporter fur les côtes d'Espagne 72
prêtres réfractaires âgés de moins de 70 ans . M. Reboul
affure qu'il en eft parti pour le même pays ,
plus de 200 du département de l'Hérault. Cinq
cents citoyens demandent à former , à leurs frais ,
le premier bataillon du camp de Paris , & font
préfentés par la commune , dont une députation
vient demander le décret fur la cour martiale.
L'Affemblée rapporte le décret rendu pour la
formation d'une cour martiale , renvoie aux
tribunaux ordinaires , en autorifant les 48 fections
de Paris à nommer chacune deux jurés
d'accufation & deux jurés de jugement , le tout fauf rédaction. Elle a décreté d'accufation M.
Blancgilly , député de Marfeille.
--
POLOGNE
.
Extrait d'une Lettre de Varfovie , du 27
Juillet 1792.
Le fort de notre patrie eft aujourd'hui
définitivement décidé : après la lecture de
la lettre que l'Impératrice vient d'écrire de
*
*
·
( 149 )
fa propre main au Roi , & dans laquelle
elle lui déclare que , comme les Cours de
Vienne & de Berlin étoient pleinement
d'accord avec elle de rétablir l'ancienne
forme de régence du Royaume & de la
République de Pologne , ce feroit en vain
qu'il leur oppoferoit une longue réſiſtance ,
qui ne feroit que verfer inutilement & en
pure perte le fang humain , en attirant de
plus grands malheurs fur la Nation Polonoife.
Le Roi , après la lecture de cette
lettre , fit convoquer le 23 , les Députés
des Provinces , raffemblés dans cette Capitale
, & leur communiqua le contenu de
la lettre , en leur déclarant que dénué de
tout fecours étranger & trop foible pour
réfifter lui feul à toutes les forces de l'Empire
de Ruffie , il s'étoit vu obligé , pour
éviter de plus grands maux , de renoncer
à la Conftitution dans laquelle la Nation
'Polonoife avoit mis fon bonheur , & de
figner l'Acte de contre-fédération.
Cet évènement inopiné & malheureux
a caufé la plus grande fermentation dans
le public : le Prince Primat , Comte de
Mnifzeck & le Miniftre Chreptowitz , ont
fuivi , à la vérité , l'exemple du Roi , mais
les Maréchaux de la Diète Malachowski
& Sapiehá ont refufé de figner la contrefédération.
La plupart des Grands du Royaume ont
déjà abandonné la Capitale & les autres
G3
V 150 )
fe difpofent à fuivre leur exemple , les
Palais de Varlovie vont fe trouver inhabités.
L'on regarde cette défection dans
l'état de douleur où nous fommes plongés ,
plutôt comme un bien que comme un
mal ; elle préviendra des malheurs qu'il
feroit impoffible d'empêcher dans un moment
où les troupes font abfentes & où
les efprits font aigris & agités.
Plus de deux mille Gentilshommes. arrivés
des Provinces fe font raffemblés hier
dans un jardin public , & de là tranfportés
chez les Maréchaux de la Diète qui n'avoient
point voulu figner la contre -fédération ,
dans l'intention de les en féliciter & de
les en remercier.
Immédiatement après l'audience que le
Roi avoit donnée aux Députés pour les
inftruire de la fituation des affaires , on
expédia des couriers aux Commandans de
nos armées pour leur ordonner de faire
-ceffer toutes hoftilités.
On ignore fi ces armées refteront fur
pied en entier ou fi elles feront réduites ;
telle eft la tifte fituation des chofes que
cet arrangement dépend des conditions que
la Ruffie preferira conjointement avec les
Cours de Vienae & de Berlin.
Ce qui ajute au malheur de la Pologne ,
c'eft qu'elle foit obligée de recevoir la loi
de l'étranger au moment où nos troupes
( 151 )
viennent de donner de nouvelles marques
de courage & de patriotifme.
Le Général Kofzinsko s'étoit retranché
au-deffus de Dubienka , fon front étoit
couvert par une file de batteries , & fon
dos par les frontières de la Gallicie. Malgré
cela les Ruffes , fous les ordres du Général
Kochowki , & forts de 15 à 17 mille hom
mes ont tenté, le 18 Juillet , de forcer le
paffage du Bog , vis-à vis de ces retranchemens
; mais cette entreprife leur a coûté
au-delà de trois mille hommes , tandis que
notre armée couverte de les batteries avoit
peine compté 200 morts.
Mais enfinle général fut obligé de quitter
ce pofte parce que le Colonel Palmback
fe tourna par la Gallicie en paflant la rivière
de Strizew . Ce Colonel , au refte , ainfi que
deux autres de fa Nation , périrent dans
cette attaque qu'ils firent de nos batteries.
Le Corps des Nobles & Citoyens du
Duché de Courlande & de Sémigale a
réclaré la ga antié de l'Impératrice de
Ruffie pour la décision qui a été faite
ici en faveur du Duc & de la Bourgeoifie
de ces deux Provinces , & l'on pente que
tout y fera remis fur l'ancien pied.
ALLEMAGNE .
De Vienne , le 3 Août 1792 ,
Le travail de la démarcation - des limites
G 4
( 152 )
'du côté de la Bofnie avec les commiffaires
Turcs va très -lentement. Les Turcs font des
raffemblemens de troupes dans cette Province
: ils y forment un camp dont on
ignore le but ; 2000 fpahis y font entrés
dernièrement. Ces circonftances nous obli
gent à prendre des précautions pour notre
sûreté , de ce côté.
Plufieurs généraux ont été mandés ici
par le Confeil Aulique de guerre , qui
a ordonné une nouvelle levée de recrues ;
ces levées font murmurer les gens de la
campagne , qui fe trouvent enlevés à leurs
fainilles & à leurs travaux.
On a reçu l'avis
que la Cour
de Pétersbourg
a propofé
à celle
de Berlin
de renouveller
l'ancien
Traité
d'alliance
& que
cette
Cour
y confent
, moyennant
que
ques
changemens
relatifs
aux circonftances
actuelles .
De Berlin , le 10 Août 1792 .
Expofe fuccinct des raisons qui ont déterminé
Sa Maj: te le Roi de Pruffe à
prendre les armes contre la France.
« Sa Majefté Pruffienne croit pouvoir ſe
Alatter , que les Puiffances de l'Europe &
le Public en général n'auront pas attendu
cet expofé , pour fixer leur opinion fur la
juftice de la caule qu'elle va défendre .
( 15 ; )
1
En effet , à moins de vouloir méconnoître
les obligations , que les engagemens du
Roi & fes relations politiques lui impofent
, dénaturer les faits les mieux conftatés
, & fermer les yeux fur la conduite
du Gouvernement actuel de la France ,
perfonne fans doute ne pourra difconvenir ,
que les mefures guerrières , auxquelles Sa
Majefté s'eft décidée à regret , ne foient la
fuite naturelle des réfolutions violentes
que la fougue du parti , qui domine dans
ce Royaume , lui a fait adopter , & dont
il étoit aifé de prévoir les conféquences
funeftes. »
<< Non contens d'avoir violé ouvertément
, par la fupreffion notoire des droits
& poffeffions des Princes Allemands en
Alface & en Lorraine , les Traités , qui
lient la France à l'Empire Germanique ;
d'avoir donné cours à des principes Tubverfifs
de toute fubordination fociale , & .
par- là même , du repos & de la félicité
des Nations & cherché à répandre en
d'autres pays , par la propagation de ces
principes , les germes de la licence & de .
l'anarchie , qui ont bouleversé la France ;
d'avoir toléré , accueilli , débité même ,
les difcours & les écrits les plus outrageans
, contre la perfonne facrée & l'autorité
légale des Souverains ; ceux qui fe
font emparés des rênes de l'Adminiftration
Françoile ont enfin comblé la meſure , en
GS
( 154 )
fa fant déclarer une guerre injufte à S. M
le Roi de Hongrie & de Bohème , & fuivre
immédiatement cette déclaration des hoftilités
effectives , commifes contre les Provinces
Belgiques de ce Monarque. »
« L'empire Germanique , dont les Pays-
' Bas Autrichiens font partie , comme Cercle
de Bourgogne , s'eft trouvé néceffairement
compris dans cette aggreffion : mais d'autres
faits encore n'ont que trop juftifié la crainte
des invafions hoftiles , que les préparatifs
menaçans des François aux frontières
avoient depuis long - temps fait naître en
Allemagne. Les terres de l'Evêché de Bâle ,
partie inconteftable de l'Empire , ont été
occupées par un détachement de l'armée
Françoife , & fe trouvent encore en fon
pouvoir & à fa difcrétion . Des incurfions
des troupes de la même Nation , ou des
corps de rebelles raffemblés fous leurs aufpices
, ont défolé le pays de Liège. Il eft
à prévoir avec certitude , qu'auffi - tôt que
les convenances de la guerre paroîtroient
Le confeiller , les autres Provinces de l'Allemagne
éprouveroient le même fort ; & il
fuffit de connoître leur pofition locale ,
pour fentir le danger imminent auquel
elles font fans ceffe expofées. »
« Il feroit fuperflu d'entrer dans le détail
des faits , qu'on vient d'alléguer : ils font
potoires ; & l'Europe entière en a été &
en eft encore journellement témoin. Op
7:155 )
fe difpenfe également de difcuter ici l'in
juftice évidente de l'aggreffion des François.
S'il étoit poffible qu'il reftât quelques
doutes à ce fujet , its feront entièrement
lévés ,,
pour quiconque voudra pefer avec
impartialité les argumens victorieux , renfermés
fur ce point dans les pièces diplomatiques
du Cabinet de Vienne. »
« Sa Majesté Pruffienne s'eft p'ûe à conferver
pendant long- temps l'espoir , qu'enfin
, après tant d'agitations & d'inconféquences
, les perfonnes , qui dirigeoient
Adminiftration Françoife , reviendroient
à des principes de modération & de fageffe
, & écarteroient ainfi les extrémités ,
auxquelles les chofes en font malheureufement
venues . C'eft dans cette vue falutaire
, qu'elle chargea , dès le commencement
des préparatifs militaires de la France
aux frontières de l'Empire , fondés fur
l'afyle accordé par quelques Etats aux Emigrés
François , fon Miniftre à Paris , le
Comte de Coltz, de déclarer au Ministère
de S. M. Très Chrétienne comme le
Chargé d'Affaires de S. M. l'Empereur alors
régnant avoit également eu ordre de le
faire : « Qu'elle envifageroit une invafion
des troupes Françoifes , fur le territoire
» de l'Empire Germanique , comme une
» déclaration de guerre & s'y oppoferoit
» de toutes fes forces. » Le même Miniftre,
d'après les ordres qu'il en avoit reçus , fe
G 6
( 156 )
joignit à plufieurs repriſes aux repréfentations
du fufdit Chargé d'Affaires , en donnant
à connoître de la façon la plus expreffe,
<< que le Roi marcheroit invariablement ,
» à l'égard des affaires de France , fur la
» même ligne avec S. M. Apoftolique. »
L'évènement a fait voir , combien peu
l'attente du Roi , quant à l'effet qu'il fe
promettoit de ces déclarations énergiques ,
étoit fondée ; mais au moins le parti , dont
les déterminations fougueufes ont amené
les hoftilités , ne pourra- t- il jamais prétexter
caufe d'ignorance fur les intentions
de Sa Majesté c'eft à lui plus particulièrement,
mais généralement aux principes
manifeftés publiquement par les deux Affemblées
nationales , principes qui attaquent
tous les Gouvernemens & voudroient
les ébranler dans leurs bafes , que la France
aura à s'en prendre de l'effufion du fang
humain & des malheurs , que les circonftances
actuelles ont déjà attirés & pourrontattirer
encore fur elle . Unie avec S. M.
Apoftolique par les liens d'une alliance
étroite & défenfive , S. M. Pruffienne auroit
agi d'une façon contraire à fes engagemens ,
en demeurant fpectatrice tranquille de la
guerre déclarée à ce Souverain : Elle n'a
donc pas hésité de rappeller fen Miniftré
de Paris & de fe porter avec vigueur à la
défenſe de fon allié . Membre prépondérant
du Corps Germanique , elle doit encore à
( 157 )
fes relations en cette qualité , de marcher
au fecours de fes Co-Eiats , contre les attaques
qu'ils ont déjà éprouvées , & dont ils
font encore journellement menacés. C'eft
ainfi , fous le double rapport d'allié de
S. M. Apoftolique & d'Etat puillant de
l'Empire , que Sa Majefté prend les armes ;
& c'eft la défenfe des Etats de ce Monarque
& de l'Allemagne , qui forme le premier
but de fes armemens. »
Mais le Roi ne rempliroit qu'imparfaitement
les principes qu'il vient de profeffer
, s'il n'étendoit les efforts de fes armes à
une autre forte de défenfe , dont fes fentimens
patriotiques lui impofent également
le devoir. Chacun fait comment l'Affemblée
Nationale de France , au mépris des
loix les plus facrées , du droit des gens ,
& contre la teneur expreffe des traités , a
dépouillé les Princes Allemands de leurs
droits & poffeffions inconteftables en Alface
& Lorraine , & les déductions , que
plufieurs de ces Princes ont eux - mêmes
fait publier , ainfi que les délibérations &
les arrêtés de la Diète de Ratisbonne fur
cette importante niatière , fourniront à tous
ceux qui voudront en prendre connoiffance
les preuves les plus convaincantes de
l'injuftice des procédés du Gouvernement
François à cet égard , lequel n'a propofé
jufqu'à préfent , pour en dédommager les
parties léfées [ le tout en adoptant un lan(
158 )
gage péremptoire & des mefures menaçantes
que des indemnités entièrement infuffifantes
& inadmiflibles. Il eft digne du
Roi & de fon augufte Allié de faire rendre
justice à ces Princes opprimé , & de maintenir
ainfi la foi des traités , bafe unique de
l'union & de la confiance réciproque des
Peuples , & fondement eflentiel de leur
tranquillité & de leur bonheur . »
« eft enfin un dernier but des armemens
du Roi , plus étendu encore que le
précédent , & non moins digne des vues
fages & bienfaifantes des Cours alliées. Il
tend à prévenir les maux incalculabies , qui
pourroient réfulter encore pour la France ,
pour l'Europe , pour l'humanité entière ,
de ce funefte efprit d'infubordination générale
, de fubverfion de tous les pouvoirs
de licence & d'anarchie , dont il femble
qu'une malheureufe expérience auroit déjà
dû arrêter les progrès. Il n'eft aucune Puif
fance intéreffée au maintien de l'équilibre
de l'Europe , à laquelle il puiffe être indifférent
de voir le royaume de France , qui
formoit jalis un poids fi confidérable dans
cette grande balance, livré plus long- temps
aux agitations intérieures, & aux horreurs
du défordre & de l'anarchie , qui ont, pour
ainfi dire , anéanti fon exiftence politique ;
il n'eft aucun François , aimant véritablement
fa Patrie , qui ne doive defirer ardemment
de les voir terminées ; aucun homme
( 1 ; 9 )
enfin, fincèrement ami de l'humanité , qui
puiffe ne pas afpirer à voir mettre des
bornes, foit à ce preftige d'une liberté maientendue,
dont le fantôme éblouiffant égare
les Peuples loin de la route de leur vrai
bonheur , en altérant les heureux liens de
l'attachement & de la confiance , qui doivent
les unir à des Princes , leurs pères &
leurs defenfeurs ; fit fur-tout à la fougue
effrénée des méchans , qui ne cherchent à
détruire le refpect dû aux Gouvernemens ,
que pour facrifier , fur les débris des trônes,
à l'idole de leur infatiable ambition , ou
d'une vile cupidité. Faire ceffer l'anarchie
en France , y rétablir pour cet effet un
pouvoir légal fur les bafes effentielles d'une
forme monarchique , affurer par là même
1es autres Gouvernemens contre les attentats
& les efforts incendiaires d'une troupe
frénétique ; tel eft le grand objet que le
Roi , conjointement avec fon Allié , fe
propofe encore , affuré dans cette noble
entreprife , non feulement de l'aveu de
toutes les Puiffances de l'Europe , qui en
reconnoiffent la juftice & la néceffité , mais
en général du fuffrage & des voeux de quicon
que s'intéreffe fincèrement au bonheur
du genre humain . »
« S. M. eft bien éloignée de vouloir rejetter
fur la Nation Françoife en entier la
faute des circonstances fâcheufes qui la
forcent à prendre les armes ; elle eft per(
160 )
fuadée que la partie faine , & fans doute
la plus nombreuſe de cette Nation eſtimable,
abhorre les excès d'une faction trop
puiffante , reconnoît les dangers auxquels
fes intrigues l'expofent , & delire vivement
le retour de la justice , de l'ordre & de la
paix. Malheureufement , l'expérience fait
voir que l'influence momentanée de ce
Parti n'eft encore que trop réelle , quoique
l'évènement ait déjà démontré le néant de
fes coupables projets , fondés fur des infurrections
que lui feul cherchoit à fomenter.
La différence de fentiment des perſonnes
bien intentionnées , quelque certaine qu'elle
foit , n'eft ainsi , pour le moment encore ' ,
que peu fenfible dans fes effets ; mais Sa
Maj. efpère, qu'ouvrant enfin les yeux , fur
la fituation effrayante de leur Patrie , elles
montreront toute l'énergie qu'une caufe
auffi jufte doit infpirer , & qu'enviſageant
les troupes alliées , raffemblées fur leurs
frontières , comme des protecteurs & de
vrais amis , dont la Providence favorifera
les armes , elles fauront réduire à leur juſte
valeur les factieux qui ont mis la France
en combuſtion , & qui feront feuls refpon-
Tables du fang que leurs entreprifes criminelles
auront fait verfer.
Berlin , le 26 Juin 1792.
De Francfort-fur- le-Mein , le 10 Août.
Le Général Prince d'Efterhazy eft arrivé
( 161 )
t
à Fribourg le 28 Juillet ; il y a pris le
commandement de l'armée. Le Général de
Wallis commande l'artillerie.
Le Général de Clerfait , qui a eu une
entrevue avec le Roi de Pruffe , conduit
des Pays -Bas à l'armée Pruffienne 14.000
hommes ; cette armée fe porte vers le
Luxembourg.
Cédant enfin aux follicitations des Cours ,
le Cercle de Franconie a accédé à l'affociation
des Cercles ; il a déclaré que malgré
l'épuiſement de fes forces , il armera pour
la défenfe intérieure & pour repouffer les
attaques , extérieures , mais il demande au
préalable que la Diète s'explique à ce
fujet.
L'Electeur de Cologne inftruit que le
Clergé régulier de fes Etats faifoit beaucoup
de dettes , a publié nouvellement
une ordonnance qui défend de lui faire
des avances , fans le confentement exprès
des fupérieurs.
Le régiment Autrichien de Stein a paffé
par Kempten le 28 Juillet pour fe rendre
aux environs du Rhin ; il a été fuivi le
lendemain par un Bataillon de 1,100 Volontaires
de la Légion de Branovasky ,
compofée de Hongrois , d'Efciavons & de
Vallaques . Cette troupe irrégulière & mal
difciplinée eft armée d'une carabine &
d'un fabre.
( 162 )
De Manheim , le 8 Août.
Le Général Autrichien Comte d'Erbach
a paffé le 4 le Rhin près de Philisbourg
avec s
Hataillons
d'Infanterie
&
6 efcadrons
de Cavalerie ; il s'eft porté entre
Heiligftein & Schewingen.
pour
On apprend dans ce moment que le
Prince de Hohenlohe eft en marche avec
fon armée livrer bataille à celle que
commande M. Kellermann. Les François ,
ajoute- t-on , font très difpofés à recevoir
l'ennemi .
FRANCE.
De Paris , le 10 Août 1792
Les circonstances extraordinaires viennent
e fin de confommer la Révolution , & de
faire triompher la liberté et l'égalité en
France. Nous renvoyons au prochain nu
méro les importantes réflexions que font
naître de fi grands évènemens . Les nouveaux
Rédacteurs de ce Journal fe bornent
maintenant à donner quelques fcènes des
pièces principales.
Extraitdu Regiflre des délibérations du Cónfeil
général des Commiſſaires de la majorité
des Sections.
Du dimanche 12 Août , l'an 4° . de la liberté,
« L'Afemblée générale de la Commune
confidérant que le premier de fes loins eft de
rétablir l'ordie public ; »
( 163 )
Que les coftumes eccléfiaftiques mal vus
du Peuple peuvent expofer à quelques infultes
ceux qui continuent à s'en revêtir ; »
сс
Que le décret qui les fupprime néceffite la
plus prompte exécution ; »
CC
Arrête , le Procureur de la Commune entendu
, que ce décret aura dès ce jour , ſon
entière exécution , & que le préfent arrêté ſera ,
fur - le-champ , imprimé , affiché & envoyé aux
quarante- huit Sections . »
Signé , LULLIER , Préfident du Confeil- général
; TRUCHON , Secretaire.
Autre arrêté du Confeil général des Commiffaires
des Sections , du iz Août.
« Le Confeil général de la Commune arrête
33
>
« Le fubftitut du Procureur de la Commune
entendu : »
ce Que la place des Victoires fe nommera déformais
la place de la Victoire Nationale ; &
qu'il fera érigé une piramide (ur laquelle feront
gravés les noms des généreux Citoyens morts
pour la liberté dans la journée du 10 Août 1792 ,
l'an 4. de la liberté . »
Arrête que le préfent arrêté fera imprimé ,
affiché & envoyé au 48 Stations ,
Signés , LULLIER , Préfident du Conſeil général';
TRUCHON , Secrétaire .
Le Confeil général des Commiffaires des quarante-
huit Sations a arrêté , que les paffe - ports
délivrés jufqu'au 13 exclufivement , foit aux
Officiers , foit aux Fourniffeurs , & à tous autres
par les anciens Miniftres , front ruis & ne poutront
être vifés qu'après avoir été ſpécialement
reconnus par les nouveaux Miniltres.
( 164 )
Le Confeil de Juftice auprès du Miniftre
de ce Département étoit composé de
MM. I'Efparot , beau- père de M. Duveyrier,
Leroy, Moreau de St. Méry , Serfon.
Ileft compofé aujourd hui de MM . Paré,
Préfident du Tribunal de Saint Germain ,
ancien Préſident du Diftrict des Cordeliers ;
Collot d'Herbois , Barrere de Vieuzac , Roberspierre.
Juges et Membres du Juré nommés dans la
nuis du 17 au 18 Août , pour prendre
connoiffance des crimes du 10 , et prononcer
fur lefdits crimes.
Juges. Robespierre , Offelin , Mathieu
Pepin de Grouette , Lavaux , Daubigny ,
Dubail, Coffinhal.
Acculateurs publics . Lullier , Réal.
Greffiers. Brulé, Gardy , Bourdon , Mollard.
Membres du Juré. Leroy , Blandin , Bolleaux
, Lohier, Loiſeau , Calliere de l'Etang,
Perdrix.
Suppléans. Defvieux , Boucher René
Jaillan , Maire , Dumouchel, Jurie , Mullot
Danger , Andrieux.
"Lettres trouvées dans le fecrétaire de la
Reine.
On connoît l'acte généreux de M. Collard de
Trône , qui a remis à la Commune , 1,500 louis
-trouvés dans le fecrétaire de la Reine ; voici les deux
lettres qui étoient auprès. La première que nous
( 165 )
avons vue chez le Patriote Gorfas, eft de la main
même de la Reine ; elle montre la protection ou
verte qu'elle accorde aux Emigrés .
[ Cette note eft de la propre main de
Marie- Antoinette ; elle eft vifiblement écrite
à l'Archiducheffe. ]
Lifte des gens de ma connoiffance.
Le Duc & Ducheffe de Choiseul . Le Duc
& Ducheffe de Prafin, Hautefort. Les Duchátelet.
Détrées . D'Aubeterre. Les Comtes de Broglie.
Les frères de Montazer. Monf. d'Aumont.
Monf. Gerard. Monf. Blondel. La Beauveau
Religieufe . Sa compagne, »
« Je vous recommande en général tous les
Lorrains dans tout ce que vous pourrez leur être
utile, »
« Les Durfort , c'eft à cette Famille que
vous marquerez en toute occafion votre reconnoiffance
& attention , de même pour l'Abbé de
Vermont. Le fort de ces deux personnes m'eft à
coeur. Mon Ambaffadeur eft shargé d'en avoir
foin. Je ferois fachée d'être la première à
fortir de mes principes , de ne recommander
perfonne ; mais vous & moi , devons trop à
ces perfonnes pour ne pas chercher en toutes
occafions à leur être utiles , fi nous le pouvons
fans trop d'impegno . Confultez - vous avec Merci, »
On a trouvé cette autre lettre qui n'a pas
de fignature , ni de date ; mais cette date eft
aifée à trouver par le fait.
Ces deux lettres ont été remifes à la
Commiffion extraordinaire.
«Vous ne feriez pas contente de moi, fi je ne
vous donnois pas quelques nouvelles de nos belles
( 866 )
opérations militaires . Dix fois nous avons changé de
camp depuis mon arrivée à l'armée……. Nous étions
définitivement au camp de Brouenne , à une lieue
de Stenay, avec une petite divifion de 4000 hommes ,
lorique les deux armées qui étoient en Flandre , par
le refultat d'une combinaison d'opératio s concertées,
font venues nous joindre. Le père Luckner s'eft
retiré du côté de Metz , avec une armée d'environ
25,000 hommes , & M. Lafayette avec un corps
de 20,000 a occupé le pays en-deça de Longwy ,
pour couvrir les villes de Stenay , Montmédi &
Verdun. Nous fommes actuellement dans cette
Pficion ; mais malgré le nombre & les fanfaronnades
de nos volontaires ,
il ne nous eft
core arrivé de rien tenter avec fuccès . »
pas en
Tout ce que nous avions prévu devoir artiver,
avec une armée fans difcipline & facs fubordination
, fe réalife à la lettre. Des foldats qui
veulent tous être officiers pour les avantages ,
qui ne prêchent que la loi , & qui ne reconnoiffent
que celle qui les favorife ; qui cient la
trahifon , lorfque la peur ou la foibleffe les oblige
de fuir ; qui attribuent aux ennemis de leur opi
nion tout ce qui n'eft que l'effet de leur maue
vaiſe manoeuvie & de leur fotte & ignorante
préfomption ; des officiers qui n'ont eu ni les
moyens , ni les connoiffances néceffaires à leur
métier ; qui font d'autant moins capables de commander
que les uns ne doivent leurs places qu'à
l'infurrection , les autres à l'expulfion combinée
qu'ils ont faite de leurs propres & naturels fupérieurs
; des chefs qui , pour la plupart , n'ofent
punir le vice , de crainte de déplaire au foldat ,
qui lui accordent tout ce qu'il veut , & à quel prix
que ce foit : voilà un apperçu de la compofition des
armées. »>
(1167 )
Nous fommes ici 30,000 hommes , & nous
■ 'ofons pas faire la moindre tentative . Le 13
du mois dernier , un détachement de 800 hommes
de Loure armée s'eft porté fur les terres de
l'Empire , à l'abbaye d'Orval , cu il n'y avoit
pas un foldat Autrichien . Des Moines , quel
ques domestiques , & des femmes qui pleuroient ,
n'ont pas été difficiles à affujettir ; nous nous
fommes donc fièrement emparés de l'abbaye , de
la chapelle , des cuifines , caves , jardin & dépendances
, & pendant 24 heures , le bonnet
rouge , de Paris , a flotté dans ce féjour , au milieu
de l'enthoufialme des guerriers vainqueurs,
Mais pendant que ce vafte bâtiment retentifloit
des cris de vivre où mourir , on vint annoncer
que des troupes Autrichiennes étoient en marche
pour fe mefurer avec nos intrépides vainqueurs
d'abbaye. La générale bat , on eft effrayé ; on
ne pense plus qu'à COURIR POUR VIVRES ON
croit entendre des coups de canon , parce qu'une
porte agitée par le ventfrappe fortement ; on ne
fait plus que devenir ; on oublie lefameux ferment
devenu fi commun . Des volontaires , fans s'inquiéter
de leur fac ni de leur fufil , courene
çà & là , la tête perdue , voyant l'image de la
mort dans tout ce qui se préfente à leur yeux
enfin on parvient à force de menaces & de févérité,
à raflembler les champions , & vite on abandonne
Oval & les Moines , fans que perfonne
fe foit avifé de retourner pour planter le trèsfameux
bonnet. »
Autre expédition . Le 27 du mois dernier , à
la tête d'un convoi confidérable & de 40 pièces
de canon , nous fommes allés au nombre de
3,500 hommes pour établir une municipalité ſur
les terres de l'Empire. Nous avons bientôt été
( 168 )
les maîtres , puifque nous étions feuls ; il n'eſt
pas un enfant , pas une femme qui n'ait redouté
l'effet de nos fabres aiguilés jufqu'à la garde.
Les volailles ont effuyé un carnage terrible ,
chacun a tremblé devant le bonnet rouge ; nous
nous fommes emparés de toutes les maiſons des
payfans , & même d'un couvent de Cordeliers
avec notre bravoure ordinaire . Tout a fléchi ,
tout a tremblé pendant vingt -quatre heures devant
nos étendards & nos étendards tricolor; on
étoit encore tout difpofé à vaincre ou à prendre
le parti accoutumé , lorfque 2 ou 300 Houlars
ont paru dans les environs ; il falloit voir notre
artillerie contre ces malheureux... Le fang François
eft précieux ! L'ennemi n'avoit que fon
moufquet ; nous nous fommes tenus à grande
portée de canon ; enfin , à force de tirer à tra
vers les bois où ils étoient embuſqués , trois
'malheureux ont été tués . Nous nous fomines
retirés chantant des hymnes au bonnet rouge ,
couverts des dépouilles de l'ennemi , & nous
étions encore occupés à raconter nos hauts faits ,
& à nous reftaurer de nos fatigues avec le vin
des malheureux Cordeliers Autrichiens , lorfque
l'on annonce l'arrivée d'un Corps de troupes de
T'Empire. Nous avons failli tout abandonners ,
artillerie , munitions , convoi , &c. pour reprendre
la route de France ; le moindre coup de fufil
nous faifoit donner dix coups d'éperon ' ; enfin ,
à force de fatigues , nous nous fommes échappés
aux grandes pourſuites des Autrichiens qui étoient
fau nombre de 600 , & NOUS ETIONS 5.500 .
Ce que je vous dis eft à la lettre ; je puis vous
le certifier , puifque j'y étois . J'aurai encore plufeurs
expéditions de ce genre à vous raconter ,
ce fera pour une autre fois . Cela va bien ; encoge
quelque temps , &.... Adieu .
JOURNAL
HISTORIQUE
EST
POLITIQUE
FRANC E.
Il n'eſt pas befoin de prévenir nos Lecteurs
, que les principes que nous avons
adoptés dans la rédaction du travail qui
vient de nous être confié , contraſteront
avec ceux que les amis de la liberté regrettoient
de trouver dans un Journal dont une
partie étoit déjà confacrée à fon triomphe.
Nous n'avons pas attendu les derniers événemens
pour avoir une opinion formée fur
la révolution . Hiftorien exact des travaux
du Corps Légiflatif & de la Convention
qui doit le fuivre , nous recueillerons les
pièces effentielles , les opinions les plus déçifives
, & nous rapporterons avec fidélité
les décrets & les réfolutions qui feront
N's. 34 et 35. 31 Aoûs 1792. H
( 170 )
d'un intérêt généra !. En traitant la Politique
intérieure , nous ne nous écarterons jamais
du refpect que l'on doit à la vérité & du
fentiment de l'utilité publique. Nous ferons
impartial , non dans le fens que des
principes équivoques avoient rendu fi juftement
fufpect , mais dans celui dont doit
s'honorer tout Ecrivain qui attache quelque
prix à l'eftime.; Soumiffion aux loix ,
union entre les Citoyens , confiance dans les
Repréfentans du Peuple , haine de la tyrannie
, fuccès à nos armes voilà déformais
la religion de tout Citoyen qui defire
avec ardeur le faiut de fon pays. Ainfi , ce
Journal ramené à une unité de principes
défirée depuis long - temps , propagera des
idées faines fur ce dernier période de la
Révolution , & deviendra peut - être un jour
un dépôt que l'Hiftoire ne dédaignera pas
de confulter.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
De Paris , le 15 Août 1792..
Du mercredi , 15 août.
Cette féance a vu s'accroître , avec des dons
civiques , le nombre des adreffes d'adhéſion & des
témoignages de foumiffion & de dévouement aux
décrets de l'Affemblée. Municipalités , diftricts ,
départemens , tribunaux civils & criminels , tous
jurent de maintenir la liberté & l'égalité .
M. Goffain fe plaint de l'inaction & de l'in
( 171))
dulgence des cours martiales. L'incendiaire Jarry
qui a déshonoré les armes françoifes , en brûlant
les fauxbourgs de Courtrai , n'eft point encore
jugé . D'autres officiers coupables ont échappé à la
punition de leurs délits , il propofe de charger les
tribunaux criminels , les plus voifins des armées ,
de remplacer les cours martiales. La commilfion
extraordinaire , réunie au comité de légiflation
, eft chargée de l'examen de cette quellion .
-.
Après avoir entendu M. Charlier , officier mu
nicipal de la Ville de Lyon , deftitué pour fon civifme
par le directoire du departement de Rhône
& Loire , l'Affemblée rend cet officier public à Les
fonctions.
On fait lecture d'une lettre des commiſſaires
de l'armée du nord. En voici le contenu :
Cambrai , 13 août , l'an 4 de la liberté.
M. le préfident , nous nous empreffons de vous
inftruire des réſultats de notre miflion depuis notre
départ , afin que vous en puiffiez rendre compte
à l'Affemblée nationale . Ce n'eft Pas fans difficulté
que nous fommes fortis de Paris ; la furveillance
du peuple étoit fi active , que nous avons été arrêrés
à chaque pofte. N'ayant pu avoir de gendar
mes nationaux au moment de notre départ , à
raifon de la tranflation des Suiffes , cela donné
des foupçons aux citoyens ; il a fallu envoyer à
la commune qui fur- le-champ nous a envoyé plufieurs
admin ftrateurs par le fecours defquels nous
avons continué notre route, Il étoit alors une
heure du matin , quoique nous fuffiens partis de
l'Affemblée nationale avant huit heures du foir.
Nous avons trouvé le peuple rès - calme fur toute
la route ; il nous a manifeftè feulement fes inquiétudes
fur les évènemens de Paris ; nous l'avons
?
H 2
( 172 )
éclairé & raffuré , en lui difant la vérité . Nous
"fommes fatisfaits de l'efprit public des citoyens de
la ville de Roye ; la municipalité nous a donné
'des preuves de civifme ; le maire eft un ancien
membre de l'Affemblée conftiruante . Nous avons
11 à cet adminiftrateur , en préfence des citoyens ,
tous les actes du corps légiflatif , & ceux relatifs à
notre million . Dans le court efpace de temps que
nous avons demeuré dans cette ville , nous n'a
vons qu'à donner des éloges aux citoyens & à
Ja municipalité. Nous n'avons pas un témoignace
auffi fatisfaisant à vous rendre de la plus gra de
partie des officiers municipaux de la ville de Péronne.
Le civilme des adminiftrateurs du district
nous a paru mieux prononcé ,
« Nous fommes arrivés à Cambray à une heure
du matin , & comme nous avions été annoncés au
commandant de la place pour faise ouvrir les
portes , nous avons eu à notré lever une vifite de
ce commandant , & d'une députation de la fociété
des amis de la confiitution . Nous nous fommes
rendus immédiatement après à la maiſon commune
, & étant montés au lieu des féances des
adminiftrateurs de diftrict , nous les avons priés
de fe réunir au confeil général de la commune
ce qu'ils ont fait . Ils nous ont tous donné des
preuves de leur patriotifme , & nous pouvons affurer
qu'ils font bien difpofés à concourir au falt
de la chofe publique . Leur conduite nous a paru
tellement digne d'éloges , que nous croyons devoir
vous en demander la mention bonorable dans le
procès -verbal. »
« Nous avons auffi à nous louer infiniment
des citoyens compofant la garde nationale , &
autres de cette ville. Ils nous ont comblés d'hommages
; ils ont voulu nous donner une garde
( 173 )
}
d'honneur , & un détachement pour nous accom
pagner & nous fuivre par-tout , malgré tous nos
efforts pour les en empêcher . Nous réclamons
auffi la mention honorable dans le procès-verbal ,
pour ces zélés appuis de la liberté & de l'égalité,
qu'ils ont juré en notre préfence de maintenir &
de défendre au péril de leur vie , ainfi que de
faire exécuter les décrets du corps législatif. Les
adminiftrateurs du diftrict , les officiers municipaux
ont prêté le ferment , & donné les mêmes
affurances. >>
« Nous n'avons pas vu les membres du tribunal
du diftrict , mais aufli nous en avons bien
entendu parler ; les plaintes ont été générales
contre eux , non-teulement de la part des citoyens
, mais même des autorités conftituées , &
rous avons été conjurés de les fufpendre de leurs
fonctions . Nous n'avons pas cru devoir prononcer
la fufpenfion d'un tribunal entier que nous
n'étions pas à même de remplacer ; mais il doit :
nous être remis une ou plufieurs pétitions fignées
de plus de 2 , coo citoyens ; nous les ferens paller
alors au corps législatif , qui prendra contre ce
tribunal telle mefure que fa lageffe lui indiqueras ,
mais nous croyons qu'il cft temps de de ivrer
l'empire de cette engeance qui femble n'avoir
d'autre objet que d'opprimer le patriotifme , &
d'anéantir l'efprit public , » T
« Nous devons vous inftruire auffi que nons
avons eu connoiffance qu'un courier de l'armée ;
de Lafayette a été expédié de l'administration de ,
Mezieres aux départemens de l'Aifne & du Nord.
Nous avons vu & interrogé ce courier , porteur
des réponfes de ces départemens . Nous ne pouvons
vous permettre aucunes réflexions fur cette
corr.fpondance : au furplus , nous ferons igçef-
H 3
( 174).
famment parvenir au corps légiftarif le procès-"
verbal , contenant le détail des demandes , iéclamations
, & de tous autres objets intéreflans
dont nous avons eu nous occuper dans
ville. Nous allons nous rendre au camp de Valenciennes
, pour continuer nos opérations. L'Affemblée
nationale doit compter que nous ferons
tous nos efforts pour répondre dignement à fa
confiance par notre activité & notre courage. »
Les commiffaires de l'Affemblée nationale pour
l'arméedu Nord, J. F. B. DELMAS , BELLEGARDE ,
DUBOIS DUBAIS .
Au nom du comité des fecours , M. Germignac
appelle la fenfibilité de l'Affemblée fur le
fort des malheureux pères de famille qui , en
donnant des citoyens à l'Etat , fen: dans l'im
paiffance de payer le lat qui les nourrit.
L'Affemble adopte le décret fuivant :
L'Affemblée nationale , après avoir entendu
le rapport de fon comité des fecours publics ;
confidérant qu'elle a mis au rang de fes premiers.
devoirs celui de favo ifer la population , & qu'un
des moyens les plus propres de remplir celui- ci ,
eft de venir au fecours des pères de famille détenus
eu mis en état de contrainte pour frais de
mois de nourrice , décrè e qu'il y a urgence. »
-« L'Aſſemblée nationale après avoir décrété
Furgence , décrète ce qui fuit :
Art. 1. Il fera pris fur les fonds qui font
à la difpofition du miniftre de l'ntérieur , une
fomme de cent quarante mlle Ivres pour être
diftribuée aux pères de fam le détenus ou mis
en état de contrainte pour frais de mois de nourrice
, avant l'époque du premier août ,
de tous
les départemens du royaume , autres que celui
( 175 )
(
de Paris , & de ceux qui ont déjà eu part an
bénéfice du décret du 1er décembre 1791. »
« II. Le miniftre eft tenu de rendre compte
tous les deux mois de l'emploi de la fomme
énoncée en l'article 1 .
er
Il importoit dans ce moment de crise de refferrer
les liens qui uniffent le citoyen à la patrie.
M. Lagrévolle propofe & l'Affemblée décrète
que tous les fonctionnaires publics feront tenus
de prêter , dans la huitaine , du jour de la pu
blication du préfent décret , le ferment d'être
fidelles à la nation , & de maintenir de tous leurs:
pouvoirs la liberté & l'égalité ou de mourir à
leurs poftes. Les confeils généraux de département
, de diftrict & de la commune le piêteront
dans la falle de leur féance ; il fera prêté
par tous les autres fonctionnaires , en préfence
de la municipalité du lieu de leur réfidence ou
de leur établiffement . Les jours où ce ferment
fera prêté , feront indiqués par affiche , vingtquatre
heures à l'avance , afin que le peuple.
puiffe y affifter.
Auffi-tôt que le confeil- général du département.
de Seine & Marne eut reçu officiellement le décret
de fufpenfion du Roi , il chargea deux de fes
commiflaires d'aller appofer les fcellés fur les
meubles & effets du château de Fontainebleau &
de prendre toutes les mefures pour défendre la
forêt d'aucuns dégâts . On apprend avec fatisfaction
que la municipalité de Calais a mis tous,
les rôles de 1792 en recouvremens › que les
jeunes gens volent fur les frontières & que les
vieillards prennent foin de leurs foyers. Deux
députés de l'ifle des Cayes accufent le gouver- ;
neur de la Martinique , & fe plaignent des len
teurs du comité colonial à faire fon rapport fur
-
H
4
( 176 )
leur admiflion au corps I'giflatif. Un Membre
de ce comité obferve qu'il eft prêt , mas qu'il
paroît que ces deux particuliers font députés vers
le corps législatif & non au corps légitlatif. Renvoyé
au comité.
MM. Cambon , Andrein , Bazire , Dubaver
& Lagrévole provoquent l'impreffion & la publication
de toutes les pièces trouvées dans les appartemens
du Roi. Cette propofition eft adoptée ;
mais il fera fait un rapport particulier de celles
trouvées chez l'intendant de la lifte civile.
Les lenteurs du pouvoir exécutif'ont déterminé
le confeil général du département de Mayenne
Loire de prendre fur eux de fournir des armés
& habillemens aux volontaires nat onaux enrôlés.
Il réclame le rembourſement des avances . Renvoyé
au comité de l'extraordinaire .
-La commane
Le comité de furveillance étit chargé d'un
rapport fur les paffe - ports , il prop fe par l'organe
de M. Bazire de s'en rapporter à la vigilance
de la commune de Paris .
de Lifeux demande la punition de Louis XVI,
& celle de Cahors fe plaint que le pouvoir exé-,
cutif n'a pris aucunes mefures pour atmer &
équiper les volontaires prêts à partir . Renvo, é
au comité. — L'Affembl´e reç it ' des mains de
M. Bourlot , canenier du faubourg St, Antoine
, le dépôt de 17 pièces d'argenterie qu'il
a enlevées des mains d'un voleur qui les avoit
dérobées au châ eau. Inferi,tion au procèsverbal.
* On connoît les forfanteries de l'autocratrice
du Nord. E'le croit traiter la France comme la
Pologne . Elle a chargé fes miniftres de remettre
à-M. Genet , notre chargé d'affaires , une note
qui lui enjoint de quitter Pétersbourg fous buit
( 177 )
jours. M. Genet ajoute que l'Impératrice fufcite
des ennemis à la France dans toutes les cours
étrangères.
Le miniftre de l'intérieur annonce que le confeil
a cru devoir prononcer la fufpenfion provi
foire des départemens de Rhône & Loire , de la
Mofelle , de l'Aifne & de la Somme . M.
Goffuin provoque une prompt rapport fur ce qui
peur concerner la difcipline des armées d'un
peuple libre.. ?
-
Affemblée adopte fur le rapport de M. Geh
fonné , au nom de la commiflion de sûreté générale
, le projet de décret fuivant :
1 °. Le confeil exécutif provifoire , formé
par les fix miniftres que le corps législatif a
nommés , eft chargé de toutes les fonctions exé-
Ictives.
es 2. Il est chargé de faire fceller & promulguer
les loix de l'Etat.
2. Chaque miniftre remplira , à tour de
rôle , & ſemaine par femaine , les fonctions de
préfident du confeil .
4. Il fera fait deux copies de chaque loi ,
fignées du miniftre de la juftice , & fcellées
du fceau de l'Etat . L'u e de ces copies fra dépofée
aux archives du fceau , l'autre aux archives
de l'Affemblée nationale. »
T
5 °. La promulgation des loix fe fera dans
la forme fuivante. Les décrets de l'Affemblée
nationale feront intitulés loix , & ils feront pu
bliés fans être précédés d'aucune formule , inafs
ils feront fuivis de la formule fuivante : « Au
nom de la nation , le confeil exécutif provifoiré
mande aux corps adminiftratifs & tribunaux , de
faire tranfcrire , &c. S
6º. Le fccau de l'Etat fera change ; il por-
HS
.
( 178 )
tera déformais la figure de la liberté armée d'une
pique , furmontée du bonnet de la libercé , & pour
légende : Au nom de la nation Franço fe.
"3 J
7. Les expéditions exécutoires des jugemens
des tribunaux feront intitulés : Au nom
de la nation , &ç… »
cé, 8 ° . Les commiffaires provifoires nommés
par les tribunaux pour remplir les fonctions des
commiffaires du Roi , porteront le nom de commiffaires
nationaux. »
9. Jufqu'à ce que le nouveau fceau de
Etat foit gravé , le miniftré de la juſtice ſe
fervira de l'ance . "
10. Les formules, ci-deffus indiquées feront
fuivies par les minilires & par tous les agens de
Ja puiffance exécutive pour la publication de
tous les actes & ordres quelconques. »
On foupçonnoit , depuis long- temps , que la
mailon du Roi à Coblentz étoit entretenue aux
frais de la lifte civile. Les pièces fuivantes dont
M. Bazire a fat lecture , prouvent du moins
que , jufqu'au 1er juillet 1792 , les gardes- ducorps
ont reçu leur folde du Roi.
"
Pièces trouvées dans le fecrétaire du Roi,
SIRE ,
er
« J'ai l'honneur de remettre à votre Majefte
les états de recette & de dépense de fes quatre
compagnies des gardes- du-corps , du 1er avril
1788 au 1. juillet 1792. Votre Majefté verra
avec quelle économie & quelle fidélité elle a
toujours été fervie , fous tous les rapports , par
cette troupe fi cruellement traitée. C'eft faire
faigner le coeur de votre Majeſté que de lui en
1 .
( 179 )
parler . Ces comptés les
ont
été huit
jours
pourre
mains de M. de la Porte : quand votre Majefté
les aura examinés , je la fupplie de mettre fon
approbation aux états fignés de nou . »
« Je joins ici un mémoire à - peu-près femblable
au premier que j'ai remis à votre Majesté :
je la fupplie d'écrire fes ordres à côté. Je crois
que M. de Collinot mérite bien une gratification
de 8oco liv . »
се
8
Il refte encore deux gardes au plus de chaque
compagne je les ai retenus , afin de
e ne pas
Jaiffer dégrader les effets précieux du corps . M.
de Flomont eft dans l'intention de partir ; & M.
de Collino le fu vroit , s'il ne venoit de rendre,
ce qui retarde fon
départ .
сс
לכ
Quant à M. d'Agreffeau & à moi , Sire ,
nous croyons que notre devoir nous enchaîne à
fa perfonne , & nous ne la quitterons que par
ordre de votre Majefté.
"
« Je ſuis avec l'attachement & le reſpect le plus
profond , Sre , de votre Majefté le très-humble,
très-foumis & fidèle fujet. »
сс
, un
PHILIPPE DE NOAILLES DE POIx.
Votre Majefté trouvera aufli ci -joint
mémoire explicatif des dépenfes du cops , &
une lettre que j'ai reçue de Coblentz .
De Coblentz ce 7 octobre 1791.
Vous m'avez comblé de vos bontés & de
votre intérê ; & , en votre abfence , je me fais
un devoir de reconno flance de vous prévenir de
tout ce qui pourroit être agréable & le au
corps . Il appartient à une perfonne telle que
vous de n'attendre aucune follicitation , & de
vous mettre en avant de la manière la plus
marquée , en difant à M. Desfontaines de dé
H6
( 180 )
1

poler chez MM . Tourton & Ravel , banquiers
a Paris , tous les fouds de la caile du corps en
affignats , & de lui demander des lettres de crédit
Four pareille fomme fur des banquiers les plus
connus de l'Angleterre & de la Ho lande , & de
les apporter à Coblentz , où , en préfence d'un
confeil d'adminiftration , il fera conftiter l'état
de li caffe de 1 minière la plus pofitive , en
recevra décharge du corps qui fe chargera en
totalité des fods , s'en rendra refponfable , &
en donnera dé harge valable à tous ceux qui
auront coopéré à cette opération. Il fera tendu
compte au Roi , dans la forme ordinaire , de
l'emploi de ces fonds auxquels il ne fera touché
que dans des cas ungens & de la première néceffié
, pour le foutien & les opérations du
corps . Au cas que , par des circonftance; imprévues
, les princes fflent gênés pour fubvenir
aux frais néceffaires du corps , la folde contimuera
à être reçue par M. Defcomtré , & envoyée
fur-le- hmp au corps, mo's par mois , en
dépofint la fomme chez MM . Tourton & Ravel,
qui donnero est des lettres de crédit pour pa
reille fomme , fur la Hollande ou fur Francfort.
Au furplus , le confeil d'adminiftration aviseroit
à cette opération dont il dirigeroit le fuccès . Ce
feroit compromette le Roi que de l'autorifer de
fon approbation ; c'eft au corps à fe charger de
tous les évènemens & à s'en rend: e refponfable.
Vous feul êtes capable de lui rendre un pa eil
fervice , qui achevera de vous obtenir le fuffrage
entier du co ps , ce dont je ne ceffe de m'ocsuper.
»
Note de M. de Poix.
J'ai l'honneur de foumettre à votre Majefté,
de nouveau , les propofitions ci - après , fur lef(
181 )
quelles je la fupplic de me donner fes ordres .
« M. de Collinot a travaillé , fans aucune
granification quelconque , à tous les comptes des
comp.gies ; votre Majefté veut - elle bien fixer
' celle à lui accorder ? »
« Votre Majefté veut- elle réunit les chevaux
& effes de gardes - du- corps à Compiègne , Fon
tain:bleau , Verfail es ou Rambouilk t. »
Les habits & houffes , chaperon , appar
' tiennent aux gardes du corps , ainfi que les che
vaux aux cfficers ; voue Majefté ordonne- t- elle
qu'ils foient remis à ceux auxquels ils appar
tiennent. >>
L'intention de votre Majefté n'eft - e'le pas
que le corps fi: payé jufqu'au 1. janvier 1792 ,
fauf, d'ici à ce temps à prendre de nouveaux
' ordre de votre Majefté ? 33
« Il faut un ord e par écrit de votre Majefté
pour que M. Desfontaines , homme d'un rare
mérite , fe charge de tout le détail du corps' ,
pour en rendre compte à M. l'intendant de la lifte
civile ; je demande les ordres de votre Majefté.
Dans le cas où cette propofi ion ne conv endroit
P.s à votre Majefté , que tout fords foit remis à
celui qui fera indiqué par M. de la Porte, »
Du mercredi , féance dufoir.
L'indignation qu'a fait naître la conduite du
Roi , engage M. Cambon à propofer d'effacer à
l'avenir fon effigie des monnaies . Renvoyé à la
commiffion. On décrè e que l'effige du Roi en
b.s relief , placée derrière le préfident , fera
remplacée par la déclaration des droits . Il réfulte
, dit M. Merlin , de plus de 400 le :ties
qui font au comité de furveillance , que le plan
& l'époque de l'attaque des enne.nis fur Thio(
182 )
ville étoient connus à Paris , que c'eft à Paris
qu'et le foyer de la confpiration de Cob'entz. Je
demande que les femmes & les enfans des émigrés
deviennent pour nous des ôtages . Décrété.
M. H get , évêque de la Creuze , accufe des
députés d'avoir été du confeil du Roi ; il donnera
fes renfeignemens au comité de furveillance .
-L'Affemblée électorale qui avoit été placée
à Longwi , aura lieu à Metz. Sur la motion de
M. Choudieu , tous les chevaux des mailons des
émigrés dans tous les départemens , feront employés
, ainfi que ceux du Roi , à monter les
compagnies fanches , à l'exception des chevaux
néceffaires à l'agriculture.
Au nom de la commiffion des renfeignemens ,
M. Goyer préfente ure multitude d'états qui
prouvent que la lifte civile foldoit tous les écrivains
contre révolutionnaires , faifeurs d'affiches
& de libelles , parmi lefquels il s'en trouve
qui avoient pour objet de difcréditer les affignats .
I lit plufieurs lettres contenant des plans de
contre - révolution & d'éloignement du Roi , des
projets de maflacrer les jacobins , de diffoudre
' Affemblée & de s'affurer du duc d'Orléans.
On a trouvé le mémoire de quantité de boîtes
qui fervoient de figne de ralliement aux chevaliers
du poignard , fur lesquelles étoient des
gravures reprétentant la France fauvée de la
rage des jacobins . Dans le nombre des pièces
on remarque le billet fuivant :
Billet des princes , enfermé dans un porte -feuille
trouvé dans les appartemens du Roi.
« Je vous ai écrit , mais c'étoit par la poſte.
Je n'ai rien pu dire . Nous fommes ici deux qui
n'en font qu'un ; mêmes fentimens , mêmes prin-
?
( 183. )
cipes , même ardeur pour vous fervir . Nous
gardons le filence ; mais c'eft qu'en le rompant
trop tôt , nous vous compromettrions ; mais
nous parlerons des qquuee nous ferons furs de l'appui
général , & ce moment eft proche . Si l'on
nous parle de la part de ces gens- là , nous n'écouterons
rien . Si c'eft de la vôtre , nous écouterons
, mais nous irons droit notre chemin .
Ainfi , fi l'on veut que vous nous fafficz dire
quelque chofe , ne vous gêrrez pas . Soyez tranquille
fur votre fûreté. Nous n'exiftons que pour
Vouss fervir ; nous y travaillons avec ardeur , &
tout va bien . Nos ennemis même ont trop d'interêt
à votre confervation, pour commettre un crime
* iuutile , & qui acheveroit de les perdre . Adieu.
Signé , L. S. X. , Ch. P.
I
Note trouvée avec des lettres adreffées à M. de
Montmorin , ex-miniftre , dans fon apparte
ment aux Tuileries.
« 1 °. Si l'on fait partir les gardes- fuiffes ; il
y a lieu de le craindre . »
1 :
« 2º . La déchéance doit avoir lieu , ce que
l'on pourra favoir à l'avance . »
3 °. Si un mouvement populaire fait craindre
pour les jours du Roi , que fon inviolabilité ne
feroit plus autant refpectée par le peuple. »
4. Si la garde nationale , toujours infouciante
& timide , ne laiffoit efpérer aucun fecours
-réel.
«
Voilà quatre questions probab es fur l'affir-
* mative , & qui déterminent la néceffité d'avifer à
un parti . »
« Le Roi continueroit i ! à demeurer exposé à
tant de dangers , ou bien proftroit-il de l'affiftance
encore poffible des Gardes-Suiſſes , qui , une
( 184 )
fois partis, ne pourroient être remplacés par aucun
corps armé. »
O peut croire que dans le cas cu le Roi
fe détermineroit à quitter Paris pour re pas dépa
Ter la diftance preferite par la conftitution ,
1 feroit fuivi par la minorité de l'Affemblée. Les
proclamations néceffaires pour la sûreté du Roi ,
& de fa famille & de l'ordre public , pourroient
être faites par cette fection de l'Aſſemblée , de concert
avec le Roi, »
Les conftitutionnels defirent que le Roi fe
conduife par eux. Il ne faut cependant pas les
confondre tous enfemble. Une converfation que
j'ai eue ce matin avec deux députés, ne m'a pas
rendu plus tranquille fur la fuite des évènemens.
»
« Les queſtions ci-contre ont été le principal
-objet de cette converfation ; ils font difpofis à
quitter l'Affemblée ; mais ils veulent attendre les
derniers évènement , afin d'être utiles , ju qu'au
dernier moment. Un des deux , avec qui j'ai eu
une converfation , defireroit que le Roi partit
avec un détacheme t de gardes nationales de
P.ris , dans l'arrondiflement fixé par la conftitution.
Il n'a pas pu cependant difconvénir qu'il
y avoit de grands inconvéniens & de grands
dangers à partir ou à refter. On prétend qu'une
grande partie de la garde nationale fuivroit le
Roi. Je ne le penfe pas ; & on croit en effer difficilement
que les mêmes perfonnes qui ont laiffé
entrerdans le château à main armée, puiffent quitter
leus foyers , qu'ils livrent au pillage, pour fuivre
le Roi. »
« Je ferai inftruit à l'avance du patti que
prendra l'Affemblée fur le projet de déchéance ,
parce qu'on eft maintenant par députation à re(
185 )
cenfer les opinions pour le oui en pour le non s
on cherche même à faire prendre rn engagement
par écrit à ceux qui font pour s'y oppofer,
afin de les forcer à tenir leur opinion . »
Voici , dit M. Larivière , une pièce de la
main de M. Deleffart . Le titre en marge de l'o- ,
riginal eft de la propre main du Roi . »
Projet du comité des miniftres , concerté avec MM.
Alexandre Lameth & Barnave.
« 1°. Refufer la fanction. »
2º . Ecrire une nouvelle lettre aux princes ,
d'un ton fraternel & reyal . »
1
3. Nouvelle proclamation fur les émigrans ,
d'un ſtyle ferme , & marquant bien l'intention de '
maintenir la conſtitution . »
ce
4. Réquifition motivée aux puiffances , de
nefouff ir fur leur territoire aucun raffemblement ,
armement , ni préparatifs hoftiles . »
f
5. Etablir trois cours martiales , & faire ,
sil elt néceffaire , de nouvelles difpofitions rela
tivement aux démiffions , défcrtions , remplace
mens , & c. »
ce
Le minifte de la juftice portera à l'Affembléc
& remettra lui- même au préfilent le décret
revêtu de la formule : Le Roi examinera. »
« Il expofera enfuite , en parlant en fon p' opte
com , que le Roi auroit accueilli quelques dif
pofitions de la lei ; mais que fa faction étant
indivifible , & c. It dia que le Roi n'a jamais
perdu de vue cet objet ; il rappel'era d'une manière
générale ce qui a été fait , telle que la proclamation
fur les émigrations , la lettre que le Roi a
déjà écrite aux princes fes frères; il lira la pou
velle lettre qui fera écrite ; il annoncera les dif
( 186 )
pofitions tant anciennes que nouvelles, dont chaque
miniftre rendra immédiatement compte. » ›
Le ministre des affaires étrangères rappellera ;
les précédentes difpofitions , & fera valoir le bon
effet qu'elles ont produit auprès de l'Empereur , en
faifant connoître les ordres qu'il a donnés dans
les Pays - Bas. Il fera part de la nouvelle réquifition
. "
« Le miniftre de la guerre rendra compte de
qui le concerne . »
ce
Le ministre de l'intérieur dira que les décrets
déjà rendus , relativement aux paiemens des
penfions , traitemens , & c. , font foigneufement
exécutés . »
« On eftime qu'enfuite le Roi feroit une chofe
extrêmement utile , en demandant à chaque département
un certain nombre d'hommes pour être
placés dans la garde .
, כ
Sur cette pièce , l'Affemblée décrète d'accufation
MM. Alexandre Lemeth , Barnave ; & les anciens
miniftres , Duportail , Duport- du- Tertre ,
Bertrand & Tarbé. M. Montmorin , qui n'étoit
plus en place , eft feulement mandé à la
baire.
Dujeudi matin , 16 août.
L'huiffier chargé de l'exécution du décret qui
mande M. Montmorin à la barre , annonce qu'il
s'eft tranfporté chez lui & quan lui a répondu
qu'il étoit parti depuis vendredi. Les fcellés feront
mis fur fes papers . Nouveau tribut d'hommage
, adhéfion & preftations de ferment.

Le procureur - général - fyndic du département
de la Seine inférieure , mandé à la barre , ap..
porte l'expédition en forme de l'arrêté de ce dé(
187 )
partement qui ordonne l'impreffion , publication
& envoi du décret relatif à la fufpenfion du Roi .
Interrogé s'il eft vrai que fon département ait
expédié un courier extraordinaire au miniftre de
la juftice , au département de Paris & à M.
Ducaftel , qu'on ait eu le projet d'amener le Roi
à Rouen , fi des p.êtres infernentés ont pris les
ames , fi le département a fair yenir 8 canons du
Havre , & fi MM. Liancourt & Bachmann
officier Suiffe , ont fait prêter , mercredi dernier ,
au régiment ci - devant Bourgogne , & à celui de
Salis Samade , un ferment particulier , & crier :
vive le Roi. Il répond que le courrier n'a été
adreflé qu'à M. Ducaftel ; qu'il ignore s'il étoit
chargé d'autres dépêches , que l'objet de celle
adreffée à M. Ducaftel étoit de s'informer s'il
étoit vrai que les Autrichiens euffent fait une
invafion fur le territoire François , & d'annoncer
l'appréhenfion où on étoit à Rouen d'une defcente
des Anglois fur les côtes de la Manches
que les canons qu'on a fait venir du Havre étoient
deftinés aux volontaires nouvellement enrô és ;
qu'il eft très- vrai que M. Liancourt a fait prêter
un ferment aux troupes ; mais que le départ ment
ne pouvoit s'y oppofer. Quant au projet d'amener
le Roi à Rouen , il n'en a jamais été queſtion dans
le confeil - général . Il convient qu'il y avoit 4 ou
5 mille prêtres infermentés à Rouen , mais il ne
fait fi les Suiffes leur ont fait faire l'exercice .
M. Ducaftel convient de l'envoi du courrier. La
lettre du directoire ne contenoit que dix à douze,
lignes , & comme il étoit malade , il l'a te voyée
à M. Vimar, fon coliègue , pour y faire répocfe.
de concert avec la députation ; M. Vimar déclare
que la réponſe a été faite chez M. Tarbé , cu probablement
la lettre eſt reſtée . M. Tarbé a cherché
( 188 )
chez lui la lettre & ne l'a point trouvée , & fi ,
FAff.mblée le defire , l'original doit exifter dans
les regiftre du département. Toue ces explic
tions fe terminent par l'ordre du jour , non fans
murmure .
M. Merlin annonce que le maréchal Luckner
a repouflé les autrichiens à Sick. His avoient
à leur tête un émigré qui défigacit les maifons
des patriotes qu'il falloit piler , & ce'le's des
atiftocrates qu'il falloit épargner. Ce traitre a été
conduit aux prifons de Thionville par des volontaires
du bataillon de Scine & O.fe. Applaudi ,
& mention honorable de la conduite des volon
taires . Je demande , ajoute M. Merlin , qu'ua
Courier extraordinaire porte aux aimées les
preuves de conviction des trahifons de la cour.
Déciété.
Deux citoyens de Strasbourg & un vicaire
épifcopal de la même ville , dénoncent le directoire
da département du Bas -Rhin , & particulèrement
M. Dietrich , maire de Strasbourg.
Le pouvoir exécutif eft chargé de rendre compte
dans 24 heures , des mesures qu'il aura prifes
envers ce département.
*
La fureté de la capitale erigeoit depuis longtemps
na camp fous les murs. Le décret fuivait
cft rendu :
L'Affemblée nationale , cor fi lérant qu'il importé
de pourvoir , dans le plus bref délai , aux
moyens qui doivent accélérer la formation du
camp qu'elle a décrété devoir être éubi fur
Paris , dec ce qu'il y a urgence, »
« L'Affemblée nationale , après avoit entendu
le rapport de fes commiffaires & décrété l'urgence
, décrète ce qui fuit : »
Art . I. Le pouvoir exécutif fe conceitera
(.189 )
avec la municipalité de Paris , à l'effet de prendre
les mefures les plus promptes pour le procurer
tous les effets de campement néceflaires à la fo
mation d'un camp de 40,0 : 0 hommes . »
"
II. Il eft auto if à pafler tous les marchés ,
for partiels , foit généraux , relatifs aux diverſes
fournitures qui devront être complettées pour
l'époque du 25 du préfent mois, »
« III. En conféquence , la trésorerie mationale
tiendra à la difpofition du pouvoir exécutifla
fomme de 500,000 livres . »
» IV. Les objets de campemens qui appar
tenoient aux batai lons fuiffes , & quite trouvent.
Toit à Paris , foit dans les cafeines de Ruelle
& de Courbevoie , ou dans les dé , ôts , ai fi
que ceux qui peuvent le trouver dans les maifons
royales , fort mis à la difpofition du pouvoir
exécutif , pour être employés à la formation
du camp , fauf à règler l'indemnité s'il y á
lieu. "
On a fi fouvent calomnié le peuple , qu'il
importe de le jager par fon langage. Nous connoilfons
peu de difcours qui vaille celui qu'a
prononcé M. Gouchon , orateur d'une députation
des hommes du 14 juillet & du 10 août .
сс
Législateurs , a-t-il dit , nous l'avions déjà
proclamée cette vér té fondée fur la nature des
chofes , & les attentats du defpotifme : les rois ,
les miniftres , la lifte civile pafferont , mais les
droits de l'ho nme & la fouveraineté nationale ne
pafferont jamais .... En marchant , pour ainsi dire ,
a tatons , & à la faveur d'un demi-jour,, dans la
carrière ouverte fous leurs pas , no premiers légiflateurs
le font écartés de la route qui devoit
les conduire au temple de la vérité. Confultant
les ufages , & non pas les principes , les confon(
190 )
dant auffi quelquefois , ils n'ont pas fenti que l'autorité
la plus refpectable eft celle qui guide , &
non pas celle qui ordonne ; que les moeurs font le
fruit du gouvernement , & que l'ignorance & la
corruption peferont fur les hommes tant que le
pouvoir chargé de réprimer les défordies ne fera
qe les exciter ou les applaudir. Comment n'at-
on pas fenti qu'élever un mur de féparation entre
les citoyens , c'étoit lesifoler , nourrir l'orgueil des
uns & la jaloufie des autres , perpétuer l'anarchie
au lieu de la réprimer , rendre impoffible le retour
de la paix & des vertus fociales ? Comment les
iches ne voient ils pas que le feul moyen de
conferver leurs propriétés eft de vêtir le pauvre ,
& non pas de le dépouiller tout-à -fait ; de prendre
part à fes maux , & non pas de les aggraver ?
Comment n'ont-ils pas le bon efprit de s'appercevoir
qu'il eft plus aifé de s'élever par la probité
que par l'iatrigue ? .... Imbécilles égoïftes !
Vous le connoiffez trop ce peuple que vous calomniez.
Ah ! nous en jurens par l'expérience ,
nous ferions les premiers à combattre vos oppreffeurs
... Eh ! n'eft-ce pas des offrandes
de la claffe induftrieufe que l'autel de la patrie
eft couverte ? N'eft- ce pas du fang de nos enfans
& de nos frères , que les champs de Philippeville
font rougis ? ...... C'eft que nous fongeons
plus à fauver l'honneur de la patrie
qu'à augmenter notre bien ; nous qui craignons
plus la honte que la mort ; nous qui fommes
toujours fortis purs de la lie des factions ; nous
enfin qu'il eft impoffible de familiarifer avecl'ap
parence même de la fervitude ...... Ce n'eft pas
affez d'avoir détruit les tyrans & les factions ,
nous devons en arracher la caufe productrice.
Ce ne font pas les hommes qu'il faut changer ,
( 191 )
mais les idées & les chofes, Les révolutions les
plus fanglantes n'ont amené pour l'ordinaire que
la mort des coupables , fans tarir la fource du
crime. Que l'exemple du paffé nous ferve à nous
qui avons encore les armes à la main , à nous
que le génie & des malheurs ont affez éclairés !
Que notre corps focial ne préfente plus un tronc
décharné , furmonté d'une tête hideufe , & nourri
de la fubftance de tous ; mais des hommes réunis
par le devoir & le patriotifme . Nos beaux
efprits s'occupent depuis long-temps d'une balance
politique , nous l'avons trouvée fans la
chercher ; elle eft dans le coeur de l'homme……..
Ayez un gouvernement qui mette le pauvre audeffus
des foibles reffources , & le riche audeffous
de fes moyens. L'équilibre fera parfait....
Noo , légiflateurs , nous ne coëffons plus la fi
berté d'une couronne , elle, eft fi bien avec fon
bonnet de laine ! République ou monarchie , préfident
ou Roi.......... Eh ! peuple enfant que
vous importe les mots pourvu que nous ayons
un gouvernement à l'ombre duquel nous puiffions
vivre heureux & libres , pourvu que l'émulation
prenne la place de l'intrigue , l'amour
du bien général celle du royalifme ; pourvu que
la nation , fource unique de toutes les graces ,
foit l'unique objet de toutes les affections ;
pourvu que nous ayons enfin , deux pouvoirsdivifés
par leurs droits , mais unis. »
L'Affemblée ordonne l'impreffion de cette pétition
; dont nous n'avons choifi que les traits les
plus faillants .
Quelques articles de la loi fur l'état civil des
citoyens ont été décrétés . La majorité eft fixée à
21 ans. Les citoyens avant cet âge ne pourront fe
marier fans le confentement de leurs père & mère
( 192 )
ou d'une affemblée de cinq parens , convoqués
par le procureur de la commune & tenue en la
prefence de 11 municip lire . Adéfaut de parens, les
voifins les plus proches feront requis par le procureur
de la co.amune . Nous donnerons cette loi
dans fon entier quand nous en aurons le complément.
2
Du jeudi , féance du foir.
Un huiffier de l'Affemble rend compte de
profition des fcellés dans la maifon de M.
Montmorin. Oa y a trouvé un afiez grand rombre
de fufils , d'épées , de poignards , & un
paquet de 1.mes d'épées brifé:s . La commune de
Saint-Denis deftine les bronzes, trouvés dans les
églifes de ce lieu à être fondus en canons. On propofe
de verfer au réfor public , l'argent mennoyé
& les bijoux trouvés au château des Tuileries
Beaucoup de meubles en or & en argent matlifont
difparu des maifons royales. Le comité des finances
eft chargé de faire un rapport fur la vente des
bijoux & diamans de la couronne. La loi fur la
fufpenfion a été reçue avec enthousiasme dans le
département des Volges. Un grand nombre de
volontaires font partis pour les frontières en
criant vive la nation fans Roi . Même zèle ,
même ardeur dans le département de Saône &
Loire , dans le diſtrict de Bar- le-Duc , dans celui
de Vierzon & la commune d'Ang.rs. Vous avez
déclaré la patrie en danger , dir le diftrict de
Cognac ; non elle n'y eft point ; elie eft fauxée,
puifque tous les citoyens volent à fa défenfe ; dans
le ditit de Cognac , qui eft le moins étendu
du département le rombre des enrôlés eft de
650. Si tous les diſtricts du royaume contribuent
:

dans
( 193 )
dans la même proportion , vous pouvez compter
fur un renfort de 100,000 hommes . Nos volontaj
en font jeunes , vigoureux ; ils ont l'ame
de Coclés & le bras de Milon . Voilà pourtant
l'ouvrage de ces fociétés populaires , de ces jacobins
fans- culottes , qui font déceltés des hon,
-nêtes- gens, parce qu'ils prêchent égalité & 11
liberté, qu'ils profcrivent les préjugés , l'égoïſme
& la tyrannic.
A l'inftant que le maréchal Luckner conĥe à
M. Cuftine la place de Landau , la cour le nomme
au commandement du camp de Soiffons . Un
tel défenfeur de la partie eût été trop utile fur
les frontières. Voici de quelle manière ce général
s'explique dans une lettre à l'Affemb'ée :
Co
Appellé par le dernier miniftere pour éta-
Flir la police dans le camp qui va fe former près
de Soiffons , je fuis prêt à fervir la patrie où on
me défignera en fofte ; mais il m'eft impoffible
de difiimuler le regret que j'aurois de m'éloigner
de la frontière , & d'abandonner le théâtre des
combats pour rentrer dans l'intérieur . J'avoue
franchement que je peux être utile & plus utile
fur la frontière , que je ne le ferois dans le camp
près Paris , & que j'aurois droit de me plaindre
de ce qu'on a cherché à me dégoûter du fervice,
d'abord en jettant du louche fur mes intentions
par des caloninies que ma loyauté a bientôt
diffipées , enfuite en m'ordonnant de m'éloigner
des dangers .
ود
ee M. le maréchal Luckner ayant jugé que M.
Martignac commandoit mal à Landau , m'a déféré
le gouvernement de cette place. Je m'y
fuis rendu auffi-tôt que l'ordre m'en a été donnés
il y avoit cinq nuits que je ne dormois pas , &
Nis. 34 et 35. 31 Août 1792. I
( 1941)
T
j'étois excédé de fatigue : jugez quel a été mon
étonnement , quand , me préfentant devant cette
place , je l'ai trouvée démantelée au point que
j'y fuis entré à cheval par une des brêches des
murailles tombées en mâlure ; 40 hommes à
cheval y feroient entrés de front.
ce Les chemins couveits de la place n'étoient
point paliffadés ; les poternes étoient ouvertes ♬
la garnifon de 4 mille hommes étoit fans chef;
fes commandans n'avoient point de lieu de ralliement
; rien n'étoit prévu . J'appelai la municipalité
pour faire rendre compte de l'état de la ville ; le
compte fut court ; il fe bornoit à me dire que rien
n'étoit prévu.
לכ
1,
Ge Sans prendre aucun repos , je fis mûrer les
poternes ; je difpofai & j'indiquai les lieux de raf-
Temblemens aux premiers appels ; j'indiquai à
chacun fa place dans le cas d'une bataille ; je poſai
les pièces d'artillerie & je les garnis de bon nombre
de cartouches à canon . »
ce Accablé de fatigues , je me couchai , bien
m'a pris d'avoir fait des préparatifs ; car à mon
téveil , l'ennemi fe trouvoit avancé à quinze cents
toifes de la place. Un des premiers officiers de
Partillerie avoit émigré pour le hâter d'annoncer
aux ennemis les difpofitions que je me preffois de
faire. »
« Nous fommes fortis avec affurance far l'ennemi
; nous l'avons chargé rudement; fa retraite
a été une fuite. Jugez , après tout cela , fi j'ai
envie de quitter les frontières ou j'espère bien être
utile. Applaudiffemens , impreffion & envoi de la
lettre à l'armée .
L'Affemblée a décrété qu'il ſera adjoint à tous
kes bataillons de volontaires une compagnie de
( 195 )
anonniers , & que le miniftre de la guerre avan
cera les fonds nécellaires à la fonte des canons qui
feront attachés aux bataillons qui n'en ont point.
On le fouvient des provocations & des mauvais
traitemens de M. Jouneau envers M. Grange
neuve. L'Affemblée confidérant que la pourfutte
contre ce député ne peut être continuée fans que
le corps lég flatif ait décrété qu'il y a lieu à accufas
tion , décrète qu'il y a lieu à l'accufer.
Du vendredi matin , 17 août.
Que ceux qui répèters fans ceffe que l'Affemblée
nationale n'eit pas libre , & qu'elle obéit fervilement
aux impulfions du peuple,apprennent à juger
de la fermeté de fes principes par le trait fuivant.
Un repréſentant provifoire de la commune
eft venu annoncer que fi le corps législatif ne
décrète pas , ſans défemparer , que chaque fection
nommera un citoyen pour juger les auteurs des
crimes du 10 , le tocfin fonnera , la générale
battra , & le peuple fe fera juftice . Il faut
dit M. Choudieu , éclairer le peuple & non le
flatter. On vous demande un tribunal inquifitorial
, je m'y oppoferai de toutes mes forces.
Il ne faut pas, ajoute M. Thurist , que quelques
Vindividus peu inftruits des vrais principes viennent
fubftituer ici leur volonté particulière à la volonté
générale. Si dans un moment où l'on devroit
lentit que le befoin le plus preffant eft de
fe réunir , on cherche encore à entraîner le peuple
dans des mouvemens d'infurrection , c'eft aux
membres du corps légiflatif à donner l'exemple
de la fermeté , & à mou ir plutôt que de fouffrir
la moindre atteinte à la loi, Le peuple , tou
I 2
( 196 )
jours jufte quand on l'éclaire , a applaudi avee
Franfport à cette dignité de caractère . La conmiffion
extraordinaire s'étoit déjà occupé de la formation
de ce tribunal , & fur le rapport de M. Hérault
, elle a rendu le décret fuivant :
L'Affemblée rationale , confidérant qu'après
avoir remédié à l'infuffifance du juré déjà exiftant
, par un nouveau juré d'accufation & de
jugement des crimes commis dans la journée du
10 août courant , & des autres crimes y relatifs ,
circonftances & dépendances , elle doit pareillement
remédier à l'infuffifance du tribunal crim
nel & des tribunaux d'arrondiffement du dépa: -
tement de Paris , décrète qu'il y a urgence.
ל כ
L'Affemblée nationale , après av ir décrété
rurgence, décrète ce qui fuit :
Arr. I. Il fera procédé à la formation d'un
Chips électoral pour nommer les membres d'un
tr.bunal criminel destinés à juger les crimes commis
dans la journée du 10 août courant , & autres crimes
yielanfs , circonftances & dépendances . »
II. Ce tribunal fera compofé de huit juges ,
huit fuppléans , deux accufateurs publics , quatre
greffiers , heit commis - greffiers , de deux commif-
Jaires nationaux , nommés par le pouvoir exécutif
provifoire,
« Le tribunal fera divifé en deux ſections ,
compofées chacune de quatre juges , quatre fuppléans
, un accufateur public , deux greffiers
quatre commis- greffiers , & d'un commiffaire national,
»
« Les deux juges qui auront été élus les premiers
préfideront chacun une des fections , "
Les greffiers de chaque fection préſentéront
quatre commis qui , après avoir été agréés par les
( 197 )
juges de chaque fection , prêterent le ferment devant
le tribuna' , »
« III. Les fonctions des juges , des accufateurs
publics & des commiffaires nationaux , ainſi que
celles des directeurs de jurés , dont il fera parlé
ci- après , feront les mêmes que celles des juges du
t ibunal criminel , du directeur de juré , de l'accufateur
publi: & du commiffaire du Roi , dont il eft
queftion à la loi du 29 feptembre 1791, fur les
jurés. »
« Les juges prononceront en dernier reffort
fans qu'il puille y avoirlieua recours au tribunal de caffation
, » .
« IV. Le corps électoral fera composé d'en
éle&teur nommé par chaque fe &ion de Paris , à la
pluralité relative des fuffages.
در
" Le doyen d'âge fera préfident du corps électorals
les plus âgés après lui feront fcrutateurs , &
le préfident & es ferütateurs nommerent le feciétaire,
23
« V. Le procureur général de la commune
convoquera fur-iz- champ , pour la nomination des
ékcteurs , les affemblées des fections de Paris . 35
CC
Chaque fection enverra à l'inftant à la commune
électeur par elle nommé , avec expédition du
procès-verbal de fen élection . »
Auffi-tôt après la réunion à la maiſon commune
de 36 électeurs ; dont les pouvoirs feront véfés
par le procureur de la commune , l'Aſſemblée
électorale fe formera & commencera les élections
. >>
«VI, Le corps électoral nommera fept directeurs
dejuié. »
R
Quute directeurs de juré formeront un tribunal
qui remplira les fonctions affignées aux tribunaux
I 3
( 198 )
ordinaires , dans les cas où les directeurs du juré font
obligés d'y référer . »
BC Les quatre premiers directeurs nommés formeront
ce tribunal, »
« Les qualités néceffaites pour être nommé juge
fuppléant , directeur du juré , accufateur public , &
commiffaire national , font d'être âgé de 25 ans , &
d'avoir exercé les fonctions de juge , d'homme de
loi , ou d'avoué , au moins pendant un an , auprès
d'un tribunal. »
сс
« VII. Les nominations des juges , des fup- ,
pléans , des accufateurs publics , le ferort à la
pluralité abfolue des fuffrages du corps éleèoral
; celles des greffiers fe feront à la įlura'ité´
↓ relative. <
« VIII. L´s juges , les fuppléans , les diresteurs
de juré & les accufateurs publus , prêteront
, en préfence des repréfer tans de la com
mune , chargée de choisir le leu de leur Ténée
& de les inftaller , le ferment d'être fidèles à la
nation , de mantenir la liberté , légalité & l'éxésution
des loix , ou de mourir à leur pofte.
Les commiffaires nationaux & les greffiers
prêteront , après l'inftallation , le même fermer.t
entre les mains des juges .
cc
22
IX. Les deux fctions du tribunal criminel
feront en activité fans intervalle de ceffion , &
les délais pour la convocation & la réunion des
jurés d'acculation & de jugement "" ne pourront
jamais excéder vingt quatre heures. »
« X. Le coftume & le traitement des membes
compofant le tribunal créé par le préfent
décret , feront les mêmes que ceux attribués aux
membres du tribunal criminel du département
de Paris, "
1 199
>
• XI. Le préfent décret fera proclamé folem
nellement dans le jour , par les repréfentans de
la commune dans les places publiques de la
ville de Paris , lu , publié & affiché dans chaque
affemblée de fection , & certificat defdites proclamations
, lecture & affiche fera envoyé , fans
délai , à l'Affemblée nationale , par les comités
de fection & par le procureur de la commune.de
>
с
sûr
M. Goyer it diverfes pièces trouvées chez le
Roi , notamment une lettre de Milan , du 27
avril , adreffée à M. Ponteau , fecrétaire
l'intendant de la fte civile . On le félicite de a
bonne nouvelle apportée , par un courier extraor
dinaire , envoyé de Paris à Turin , de Turin à
Milan ; & cette nouvelle eft la déclaration de
guere contre le Roi de Bohême & de Hongrie.
On le charge de remercier nos imbécilles légiflateurs
, de ce qu'en donnant dans le panneau
ils fe font mis la corde au cou . Si , votre Affem
blée nationale , ajoute le correfpondant
été plus modérée elle auroit eu encore quelque
temps de répi ; car les puiffances ne devoient
attaquer qu'après l'élection de l'Empereur , mais
elle a voulu avancer la punition des jacobins ;
nous en ferons juftice : l'exemple en fera terrible
J'ai parcouru toute la Suiffe ; elle a horreur des
jacobins & de leur Affemblée nationale ; l'ECpagne
a promis de prendre à fa folde les Suiffes
catholiques qui fervent en France , & la Sardaigne
fe charge de la folde des régimens calviniftes.
Le Roi de Sardaigne a fait arrêter le
fieur Semonville , ambaffadeur de l'Aflemblée
nationale , & jacobin , il alloit demander une
explication définitive & cathégorique , mais nous
penfons qu'il étoit chargé de tuer le Roi de
Sardaigne . De quoi n'eft pas capable un jacobin !
I 4
( 200 )
"}
Le Roi de Pruffe eft malade ; on d't que Tim
pératrice itali . Les jacobi: s'ont juré la mort
de tous les Rois. Nous aurons bientô un concife
rational qui chaffera les intrus , & nous les
mettrons à biêtre ... On termine cette lettre
par ces mots : « guerre aux affignats , la ban
queroute commencera par là . Oa rétab ira le
clergé , les parlemens ...... Tant pis pour ceux
qui ont acheté les biens du clergé . »
Dans ule ure latre , on lince il n'y a pas
un moment à perdre les émigrés entreront fous
peu en France . I faut faire fentir à la bourgeoifie
que le Roi feul pour la fauver. » Plufears
autres libel es avoient pour objet de provoquer
la ixe qui eut lieu aux Champs- Elifées ,
le jour de l'arrivée des fédérés de Maifeille . Ou
a trouvé une affiche qui devoit être placardée ,
le jour même des évènemens du 10 , dans la
quelle on invitat la garde nationale à égorger
les Ma feillois . Toutes ces pièces feront imprimées
& envoyées aux armées , d'autres letties
ont paru de nature à ne pouvoir être ' ues publiquement.
L'Allemblée les a renvoyées au comité
de furveillance .
Sur la demande du maréchal Luckner , PALfemblée
décrète que la payé des troupes qui font
dans toutes les places frontières fera faite en entier
en argent. Un fédéré qui , én arrivant à Paris,
s'eft rendu aux Tui eries & qui a vu tomber fen
frère à côté de lui , a perdu dans le combat un
porte-feuille où il y avoit 660 liv. Il demande
& l'Affemble lui accorde le rembourfoment.
A l'inftant où le bruit s'eft répandu que les
trois commiffures envoyés à l'armée de Lafayette
aveient été arrêtés & emprifonnés à Sédan , les
·fédérés des 83 départemens fent venus offrir leurs.
2011
bras pour venger cet attentat à l'inviolabilité des
repréfentans du peuple . Mêmes difpofitions des
habitués du café de Jean- Jacques Rouffeau. L'AC
femblée n'avoit point encore reçu de nouvelles
officielles. M. Vergniaud penfe qu'il ne faut
point le livrer à des inquiétudes prématurées.
Cependant il fait lecture d'une lettre des commilaires
envoyés à l'armée du Nord , datée de
Valenciennes le 15 août , dans laquelle ils annoncent
que le bruit de cette arreftation vient
de fe répandre dans cette ville . Deux autres
lettres non encore officielles accréditent ce bruit.
Enfin arrive l'extrait du procès-verbal du confeil
permanent du département des Ardennes qui confirme
la nouvelle & déclare inconftitutionnelle la
loi relative à la fufpenfion du pouvoir exécutif ,
& fur le rapport de M. Vergniaud l'Affemblée
rend le décret fuivant :
re-
« L'Aflemblée nationale , informée que les
trois commillaires envoyés par elle à l'armée du
centre , ont été arrêtés à S.dan par ordre du
maire , & que le confeil du département des
Ardennes a pris un arrêté le 15 de ce mois contraire
aux décrets de l'Affemblée nationale
latifà la fufpenfion du chef du pouvoir éxécutif, & à
-la convocation de la convention nationale ; confidérant
que l'arreftation des commiffaires de
l'Affemblée & l'arrêté du directoire du département
font une rébellion à la loi , un attentat à
la fouveraine.é du peuple , à l'inviolabilité de fes
repréſentans , & à la liberté ; l'Affemblée décrète
qu'il y a urgence. »
« L'Affemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , déc ète ce qui fuit :
Art. 1. Les adminiftrateurs du département
des Ardennes , ceux du district de Sedan , fes
( ( 202 )
officiers municipaux & les commandans de la
force publique de la même ville demeurent perfonnellement
refponfables de la sûreté & de la
liberté des commiffaires de l'Affemblée nationale.
»
cc II . Les 14 adminiſtrateurs & le procureurgénéral-
fyndic du département des Ardennes qui
ont concouru à l'arrêté du 15 du préfent mois
& le maire de Sedan feront mis en état d'arreftation
& traduits à la barre de l'Affemblée nationale
pour y être interrogés . Le pouvoir exécutif
eft chargé de donner les ordres les plus
prompts pour l'exécution du préfent décret . »
ce III. Il fera envoyé dans le département des
Ardennes trois nouveaux commiffaires pris dans
le fein de l'Affemblée nationale. »
ee IV. Ils font autorisés à requérir la force
publique loit du département des Ardennes , foit
des départemens voifins , foit même des armécs
& du camp de Soiffons , pour affurer la liberté
de leurs fonctions . 38
ce V. L'Affemblée nationale déclare infâmes
& traîtres à la patrie les officiers civils ou militaires
& les citoyens qui refuferoient d'obéir à
la réquifition de ies comm ffaires . »
ec VI. Les commiffaires font auto ifés à s'établir
dans telle ville qu'ils jugeront convenable à
y convoquer les corps adminiftrat fs , à y prendre
toutes les informations & toutes les mesures que
commandent le falut de la patrie & la tranquillité
du département des Ardennes , »
« VII. Is font chargés de faire les proclamations
, de publier les inftructions , de répandre
les pièces relatives à la conduite , à la fufpenfion
du chef du pouvoir exécutif , les adrefles de
l'Affemblée nationale ; en un mot , tout ce qui
7203 ) 1
pourra éclairer l'opinion du peuple , celle de
l'armée , & fondre tous les fentimens dans un
feul qui doit animer aujourd'hui l'Empire , celui
de conferver la liberté & l'égalité .
33
« VIII. Les membres du confeil du départe
ment des Ardennes , demeurés fidelles à la pa
trie , & à la caufe du peuple , de la liberté &
de l'égalité , font autorisés à prendre , dans les
directoires de diftrict , le nombre d'adminiftrateurs
néceffaires pour completter l'adminiſtration
du département . »
IX. L'Affemblée nationale chargé le pouvoir
éxécutif de donner les ordres néceffaires , & d'employer
tous les moyens convenables pour feconder
les mefures des commilaires , & pour l'exécution
du préfent décret . »
Les nouveaux commiffaires font MM. Qui
nette , Ifnard & Baudin. Ils partent à l'inftant .
Le miniftre de la guerre par intérim inftruit
Affemblée qu'il a donné des ordres pour faire
fondre 100 pièces de canons , & nommé des
commiffaires pour vérifier l'état de l'arfenal de
Paris. M. Tardiveau annonce que les membres
nommés pour correlpondre avecles armées , font
MM. Ducos , Lagrévole , Lachaife , Marbot ,
Bruat & Lequinio .
,
On lit une lettre de M. Dumourier , écrite
du camp de Maulde. Il promet de concourir au
falut de la patrie par une fidélité à toute épreuve ,
ou de mourir à fon pofte. Il joint copie de la
lettre qu'il a écrite au général Dillon. Il l'invite
jl le preffe a réunir tous fes moyens & à ne point
fuivre le fyftême d'inaction ' adopté par M. Lafayette
qui , en nous rendant foibles par - tout
donne aux Autrichiens le moyen de cho fir leur
point d'attaque & d'en affurer le fuccès . Ce font ,
I 6
( 204 )
ajoute- t-il , ces combinaifons perfides ou maladroites
de nos armées qui , jointes aux trames
de nos ennemis de la liberté , ont amené l'inévitable
& terrible catastrophe du 10 août.
Cette féance a vu s'accroître encore le nombre
des adhéfions.
Du vendredi , féance du foir.
Un des moyens employés par les ennemis de
la liberté pour égarer l'opinion , étoit la voie des
journaux. Ceux mêmes qui par leur nature ne
devoient être qu'un tableau fidèle de tout ce
qui s'agitoit dans le corps légiflatif s'occupoient
a dénaturer & à empoifonner les débats . Tel
étoit le Logographe dont l'entrepriſe étoit confiée
à M. Laborde , banquier de la cour. མ
L'Affemblée décrète que la loge du Logogra
phe fera fermée .
Le comité de furveillance reçoit l'ordre que
M. Lafayette a diftribué dans fon armée , relativement
aux évènemens du 10. Il est ain
conçu :
Ordre du 13 août.
« Le général d'armée , perfuadé que les foldats
d'une nation libre , en même temps qu'ils font
foumis à une exacte fubordination , ne doivent
pas refter dans une fervile ignorance des intérêts
de leur pays , a promis aux troupes qu'il commande
de ne jamais leur diffimuler les évènemens
qui pourroient intéreffer leur patriotifme.
C'eft avec une vivs douleur qu'il a appris les
derniers défordres qui ont eu lieu dans la capí ,
tale. »
« L'Affemblée nationale , après avoir , le mer
gredi , repouflé , à une majorité des deux tiers
( 205
de voix , le décret d'accufation demandé contre.
lui , a été infultée , & plufieurs de fes membres
ont couru le danger de la vie . Ces mêmes per
fonncs qui avoient attaqué l'Affemblée , >
ont
fait de vains efforts , le jeudi , pour obtenir la
déchéance du Roi. Le vendredi , une foule
d'hommes armés ayant à leur tête la troupe dite
des Marfeillois , s'eft portée au château , où les
gardes nationales & les fuiffes qui le défendoient ,
ont rendu un combat long & meurtrier de part
& d'autre , mais ayant cédé à la fupériorité du
nombre , ils ont été pour la plupart égorgés 3
le commandant de la garde parifienne a eu
la tête coupée par des brigands ; & au milieu
de ce maffacre , le Roi & fa famille , ainfi que
le département de Paris , fe fent réfugiés au
fein du corps légiflatif , qui lui - même a été
entouré d'une troupe féditieufe . C'est dans ce
moment que la fufpenfion du Roi a été prononcée.
« Telles font les nouvelles qui font parvenues an
général d'armée , quoiqu'il ne les ait pas encore
reçues officiellement & d'une manière directe ;
mais après les inquiétudes qui fe font répandues
dans le camp & la curiofité que ees bruits affreux
ont excitée , il a cru ne pouvoir plus tarder de
laiffer connoître aux troupes ce que lui- même
avoit pu en apptendre. C'eft ainfi qu'au moment
où les foldats de la conftitution ſe diſpoſent à
combattre & à mourir pour elle , que les factieux
évidemment payés par nos ennemis extérieurs
excitent des mouvemens dans la capitale , y atti
rent des brigands avides de pillage , la fouillent
par des meurtres , menacent & violentent les
autorités conftituées , & cherchent par- tout les
moyens de renverser la conftitution , que nous
avons juré de maintenir, »
( 206 )
« Quadt à nous , qui dans cette conftitution avons
reconnu la volonté librement exprimée de la nation
françoile , qui nous y fommes liés par un ferment
qui renferme les principes facrés de la liberté & de
l'égalité , & de tous les moyens de la félicité pu
blique , nous devons ne pas nous laiffer décourager
par aucun des efforts que les ennemis de la
liberté puiffent faire pour diminuer notre zèle-;
mais au contraire nous rallier en bons citoyens &
braves foldats autour de la conſtitution , & jurer
de vivre pour l'obferver , & de mourir pour la
défendre. 39
C'eft ainfi , difoit M. Bazire , que Lafayette
a cherché à égarer fon armée, en fuppofant que
le corps législatif n'étoit pas libre , que la garde
nationale s'étoit réunie, aux Suiffes pour repeuffer
le peuple , que le commandant de la garde parifienne
avoit eu la tête coupée . Remarquez avec
quelle perfidie il fait réfugier dans le fein de l'Af
femblée , non -feulement le Roi , mais le département
& la municipalité pour faire croire que
toutes les autorités conftituées avoient été expofées
à des violences. Je demand : que Lafayette
foit déclaré ennemi de la liberté & de l'égalité. Les
foldats , ajeure M. Bréard , font loin de partager
les festimens de leur général . Les ch f , ont
voulu leur faire prêter le termert de fidélité à la
Nation & au Roi ; ils n'ont répondu que par un
morne filence , & les officiers fe fost retirés en
grinçant les deuts. M. Chabot accufe ceux qui ont
voté pour le décret d'acculation de tout le fang
qui a coulé. Lafayette efte catre des confpirations
des Tuileries . L'opinant cite lalestre qu'il écrivoit à
Ja Reine , où il difoit que « la journée du 20 juin
n'avoit pas cu tout le fuccès qu'on devoit en
attendre , parce que la garde nationale ne s'étoit
( 207 )
pas montrée ; mais que le mouvement du jeudi
9 août devoit avoir plus de fuccès ; qu'il fuffioit
d'agir enforte que le gros éprouvât quelqu'infulte,
afi de pouvcit frapper les grands coups , & faire
marcher les bleus . Il appuie la motion de M.
Bazire. Enfin , fur celle de M. Thuriot , l'Affemblée
charge fa commiffion extraordinaire de
lui préfenter le tableau des délits de M. Lafayette.
M. Saladin dénonce le département de la
Somme , pour s'être permis de fufpendre l'exécution
d'un acte du corps législatif. L'Aſſemblée
deftitue ce département.
En fe déclarant permanente , l'Affemblée nationale
avoit befoin de régler le mode de fes
féances. Ele a adopté le décret fuivant que lui
a préfente M. Hérault :
1. Les féances de l'Affemblée nationale
s'ouvriront tous les jours à huit heures du matin
, & dureront jufqu'à quatre. »
20. Depuis quatre heures jufqu'à fix , fix
membres refteront dans la falle . »
сс
3. Les féances de l'après - midi s'ouvriront
à fix heures , & dureront jufqu'à onze. »
ec« 4° . Depuis onze heures jufqu'au lendemain
matin , trente membres refteront pour recevoir
les députations & les dépêches , & faire avertir,
en cas de befoin , les autres députés .
לכ
Sur le rapport fait au nom du comité militaire
, par. M. Carnot le jeune , le décret fuivant
eft rendu : 靠
ce 1 °. Les citoyens qui fe font infcrits à la
municipalité de Paris , pour former des compagnies
de gendarmerie à pied , fe réuniront à la
commune , »
20. Chaque compagnie fera composée d'un
capitaine , 3 lieutenans , 4 maréchaux- des - logis ,
( 208 )
12 brigadiers , 92 gendarmes & un tambour. »
cc 30. La municipalité de Paris fera parvenir ,
tous les huit jours , au miniftre de la guerre l'état
des citoyens infcrits . »
·
cc 4° . Ces citoyens fe concerteront entre eux
pour le diftribuer en compagnies ; s'ils ne peuvent
s'arranger , le tirage au fort levera toutes les
difficultés . »5
ce
5°. Auffitôt après leur formation en compagnies
ils nommeront leurs officiers & fousofficiers
, conformément à la loi du is novembre
. »
ec 6° . Ils auront le même traitement , la même
folde & la même expectative que le refte de la
gendarmerie à pied . "
7°. La trésorerie nationale remettra au miniftre
de la guerre une fomme de 600,000 liv .
pour l'équipement & l'armement de ces compagnies
. »
8°. Le département de Paris pourvoira à fon
logement. »
Le miniftre de la guerre fait paffer à l'Aſſemblés
une lettre du maréchat Luckner.
Au quartier-général de Richemont , le 15 d'août ,
l'an 4. de la liberté.
« J'ai reçu , Monfieur , les dépêches que vous
m'avez fait l'honneur de m'adiefler par un courrier
, elles étoient en cinq lettres différentes , la
première m'annonce le rappel de M. Servan , au
miniftère de la guerre , la continuation de me
charger des opérations militaires fous ma propre
refponfabilité , avec les forces qui font à ma difpofition
; & enfin des commiffaires de l'Aſſemblée
nationale , après lefquels j'ai defiré depuis 6 longtemps
, & que mes follicitations étoient tou
( 209 )
jours en vain . Je fuis charmé de cette difpo
fiton pour pouvoir au moins faire connoître
par leurs propres yeux l'état de mon armée agiffalte.
»
Votre lettre a précédé ces commiflaires
puifque je n'en ai encore vu aucun. Je ferai toujours
ce que mon Konneur & ma confcience me
dcteront. La deuxième contenant la note d'un
mitaire étrangers; la difpofition que j'avois
Frojectée pour Metz depuis deux jours peuttotalement
faire évanouir les projets du prince
de Brunswick , puifque ce matin j'avois déjà
fat filer quelques troupes dans une proximité
plus rapprochée de Metz , & d'ici à deux jours
toute mon armée aura changé de pofition vers cette
ville . La troifième fait mention des malheurs atrivés
au régiment des ci- devant Gardes - Suiffes.
J'emploierai tous mes moyens pour que les mêmes
évènemens n'aient pas lieu envers ceux des régimens
Suiffes qui fe trouvent dans l'étenduede mon com
mandement. La conduite qu'ils ont tenue jufqu'à
préfent me dor ne la certitude qu'ils ne feront point
les aggreffeurs. La quatrième m'annonce que M.
Cutine a été confervé dans fon commandement
Landau. La cinquième accorde à M. Bellemont
M. Paris pour commander fous fes ordres à
Metz. Je vais faire part de cette difpofition à M.
Lafayette , fous les ordres duquel M. Pâris fe
trouve dans ce moment . Si ce maréchal- de-camo
cût été dans mon commandement , je l'aurois placé
à Metz. »
« Je joins ici , Monfieur , un tableau de l'armée
que je commande , il vous fera connoître
la force foit des garnisons , foit des corps agiffans,
»
Le maréchal de France , LUCKNER.
2101
Du famedi matin , 18´août.

La ville de Salins eft déclarée avoir bien mérite
de la patrie pour le zèle que fes citoyens ont mis
à s'enioler & à contribuer aux frais de la guerre .
Un bateau , chargé de bombes & de boulets ,
allant à Rouen , fans lettre de voiture , a été
arrêté par la commune de Mantes, L'Affemblée ordonne
que les boulets & bombes ferviront au camp
fous Paris ,
Une lettre de MM . Gafparin , Lacombe- Saint-
Michel & Rouyer , commiffaires à l'armée du
Midi , annonce le fuccès de leur miffion à Lyon .
Les ariftocrates fe cachent; les patriotes montrent
autant de courage que de fécurité . Les commif
faires ont rencontré par - tout fur leur route des
abres couronnés du bonnet de la liberté , &
des eitoyens , s'enrôlant pour la défenfe de la
patric
Jaloux d'effacer tout foupçon d'inciviſme , les
adminiftrateurs de Ronen offrent de prêter entre
les mains de l'Affemblée nationale le ferment de
maintenir la liberté & l'égalité ou de mourir à leur
pofte . Renvoyé à la commiffion.
Le confeil exécutif rappelle M. Lafayette , &
nomme à fa place M. Dumourier. En confirmant
la nouvelle de l'arreftation des commiffaires à
Sedan , la commune de Rheims annonce que la
vie de M. Kerfaint a été en danger.
M. Leveneur , officier - général , avoit dit à fes
troupes : voulez-vous combattre pour votre Roi ,
pour la conftitution , ou pour des factieux . Les
fo'dats répondent : nous voulons refter ànotre pofte.
Mention honorable de la conduite de ces braves
volontaires, Le miniftre de la guerre par interim
I
( 211 ) ,
T
inftruit Affemblée de l'arrefta ion de Charles La
meth dans la commune de Barentin.
Les commifaires à l'armée du Rhin écrivent de
Phalsbourg, qu'ils ont lu à la garnifon ' e décret
du to. Vive la liberté , l'égalité ; vive l'Affemblée
nationale ; tel eft le cri des citoyens & des toldats.
Piuficus citoyens d'Irlande félicitent la ration
Trançoife fur fa révolution ; i's joignent à leur
adrefle un don de 6,850 liv . , à titre de citoyens
de l'univers . M. Menou , comandant de la 17º .
divifion , accompagné de fon état- major , vient
-prêter le ferment de maintenir la liberté & l'égalité.
Une multitude d'adhéfions devient un nouveau
gage de l'opinion publique fur les évènemens
actuels.
La fufpenfion des commiffaires du Roi exigeoit
de nouvelles mesures de remplacement .
Eiles fe trouvent dans le décret fuivant :
« L'Affemblée nationale , confidérant que par
fon décret du 14 de ce mois alle a fufpendu les
commiffaires du Roi près les tribunaux civils &
criminels , que l'intérêt & l'adminiftration de la
juftice exigent qu'il foit promptement pourvu à
leur remplacement , décrète qu'il y a urgence.
« Art. I. Le confeil- général de chaque dif
trict nommera , dans le plus bief délai , à la pluralité
des fuffrages & par la voie du ferutin , un
citoyen réuniffant les conditions d'éligibilité exigées
par la loi , pour exercer provifairement les
fonctions de commiffaire du pouvoir exécutif
pès le tribunal de fon arrondiffement . »
« II . Les confeils - généraux des départemens
Bommeront également un citoyen réuniflant les
conditions d'éligibilité exigées par la loi , pour
remplir provifoirement , près le tribunal criminel
4212 )

1
de leur reffort , les fonctions de commiffaire du
pouvoir exécutif. >>
« III. A Patis la nomisation des citoyens.
destinés à remplir les for&tons de commilaires
du pouvoir exécutif , près les tribunaux darrondiffenient
, fera faite par le co feil - général de
la commune , & par deux membres de chacun
des confeils - généraux des diſtricts du Bourg- la-
Reine & Saint-Denis ; à l'égard du citoyen qui
devra remplir ces mêmes functions près le tribunal
de police correctionnelle , établi à Paris ,
il fera nommé par le feul confcil - général de la
-commune . »
« IV. Les juges du tribunal de caffation ,
ainsi que ceux des fix tribunaux crimine's établis
provifoirement à Paris , Hómmerent , par la voie
du fcrutin & à la pluralité des fuffrages , celui
qui devra remplir dans chacun defdits tribunaux
les fonctions de cominiffaite du pouvoir exécutif;
le fubftitur qui exerce piès le tribunal de
caffation feia remplacé en la même forme & de
la même manière. »
V. Ne pourront être élus dans aucun des
tribunaux ci - deffus dénommés , les commiffaires .
du Roi & fubftitur qui étoient en exercice lors
de la publication du décret du 14 de ce mois. »
se VI. Les commiffaires du pouvoir exécutif
-& fubflitut qui feront nommés en vertu du préfent
décret , televrout le même traitement que
celui qui étoit accordé aux commilares du
Roi. »
Oa jugera du degré d'égaiement dans lequel
on cherchait à plonger l'armée du Nord & le
géréral Dillon lui-même , par la lettre adreffée
la M. Richard , par M. Chauvet , capitaine au
( 21 ; )
bataillon de la Sarte . Cet offi ier , qui écrit le
14 , du camp de Pont- fur- Sambre près Mau
beuge , demande à ce député ce fi effe& ivement
les Tuileries & la falie de l'Aſſemblée nationale
font détruites ; fi le Roi & Antoinette fe fontrendas
avec les députés au Luxembourg , fous
1 fauve - garde des Parifiens ; fi Paris eft en
guerre civile depuis quarre à cinq jours , & fi
enfin cette capitale touche à fa raine , ainfi
qu'on l'a dit hier à l'armée . » Le refte de la
lettre prouve l'erreur dans laquelle fe trouvoit
fe général Dillon ; cette erreur avoit conduit
le général à déterminer fon armée à porter du
fecours à la capitale. Cette pièce feit de
fondement à un décret par lequel l'Aſſemblée
déclare que M. Dillon a perdu la confiance de
la nation . On verra dans la fuire que ce général
mieux inftruit s'eft empreffé de prêter le nouveau
ferment.
De nouvelles pièces fur la conduite de la municipalité
de Sedan font lues par M. Merlin ,
qui annonce en même- temps que MM. Belon
& Moreau , commiffaires ordonnateurs , l'un à
Mézières & l'autre à Sedan , on déferté chez
l'ennemi , & qu'il ne refte plus que M. Valcourt,
excellent citoyen. L'Affemblée ordonne l'arreftatation
de tous les membres du confeil- général
de cette commune , & déclare tous les citoyens
de Sedan refponfables fur leur tête de la liberté
& de la vie des trois commiffaires arrêtés .
Une députation des nouveaux adminiſtrateurs
de la commune de Paris demande à être autorifée
à prendre diverfes meſures pour le recouvrement
des contributions & la direction du
Mont de Piété ; le renvoi en eft fait au comité
de l'ordinaire des finances,

( 214 )
**Un ` des miniftres inftruit l'Aflemblée qu'un
détachement d'émig és qui avoit paflé le Rhin ,
a été vivement repoullé par une patrouille de
Farmée de Kellermann .
En mêm- temps il annonce que la commune de
Nancy a rems fes armes aux volontaires nationaux
qui en manquoient. Mention honorable .
Nouvelle dénonciation des citoyens de Strasbourg
corte M. Diétricth. Le confeil du département
du Haut Rhin fait naître , par fa
conduite , des fentim´ns bien différents .
ссce Au moment , difent les adminiftrateurs
où la loi du 10 nous eft parvenue , nous avons
invité le confeil du diftri & de la commune
à ſe réunir à nous . Cette nombreuſe Aſſemblée
fut à peine formés , que chacun par un mouvement
fimultané fe leva pour renouveller le
ferment de vivre libre ou de mourir. Nous avons
nommé quatre commiffaires pour nous rappro
cher des généraux qui commandent depuis Landau
jufqu'à Weiffembourg. L'Aflemblée peut
compter fur le développement le plus énergique
des forces de nos concitoyens ; nous devons à
M. Darembure , commandant fur la frontière ,
la juftice de dire qu'il n'a pas attendu nos commiffires
pour manifefter fes bonnes difpofitions ,,
nous vous envoyons copie de la lettre qu'il nous
a écrite . >>
Dans cette lettre M. Darembure promet de le
réunir à toutes les autorités conftituées pour
fauver l'état.
Sur un nouveau développement donné par
M. Rulh , M. Diétricth , maire de Strasbourg ,
eft mandé à la barre .
> 2 Des dépêches de Douai annoncent que le
confeil général du département s'eft empreffé de
( 275 1
publier le décret de la fufpenfion du pouvoir
exécutif, ea y joignant une adreffe auric toy ns
conçue dans les termes les plus patriotiques.
Mention honorable . Même enthoufiafme des
citoyens de Bordeaux .
La cour avoit foudoyé tant d'écrivains mercenaires
pour dépraver l'opinion publique , qu'il
éto't temps d'accorder un encouragement aux
écrivairs patriotes, Le décret fuivant a été
rendu :
& L'Affemblée nationale que depuis long-temps
des ennemis de la patrie travaillent à corrompre
T'opinion pat des correfpondances menfongères .
des libelles inciviques , enfin par toutes fortes
d'écrits calomnieux & empoi ommés .; qu'il importe
de montrer à la nation Françoiſe la vérité
qu'on fait tant d'efforts pour lui cecher , décrète
quee la trésorerie nationale mettra à la difpofition
du ministre de l'intérieur , à la charge par lui
'd'en rendre compte , une fomme de 100 mille
livres four entretenir les correfpondances qu'il
jugera néceffaires , & pour envoyer dans 1s
départemens & dans les armées , les écrits propes
à les éclairer fur les manoeuvres des ennemis
de la chofe publique.
Décrète que cette fomme fera prife fur les fix
millions de dépenfes fecrettes accordés au miniftre
des affaires étrangères.
ככ
Sur de nouveaux renfeignemens l'Aſſemblée
fufpend le décret relatif à M. Dillon.
Dufamedi , féance du foir.
Les collaborateurs du Logographe qui n'avo'ent
rien de commun avec les entrepreneurs dont ils
blâmoient les opinions , promettent de recueillir
fidèlement les difcuffions & foumettent leur travail
à l'infpection d'un des comités de l'Affembléo
( 216 )
rationale. On leur permet de prendre provifoi
rement des notes dans leur ancien local,
M. Merlin lit des dépêches de Merz du 15
août. Le confeil général du département hifioit
fur le décret de fufpenfion . M. Antoine , maire
de cette ville , ſe préſente à la municipalité , &
dit aux adminiftrateurs : fi vous ne voulez pas
fauver le peuple de Merz , je le fauverai , moi.
Auffi-tôt le tocfin fonne. Les citoyens fe raffemblent.
On annonce l'arrivée de M. Luckner
Il paroît & dit qu'il va faire marcher fon armée
entre Metz & Pont-à-Mouffon pour s'opposer à
l'ennemi . La délibération eft reprife. Le maire
parle & la publication des décrets eft ordonnée
à l'unanimité . Le nom de M. Antoine feta- infcrit
au procès -verbal, & l'extraitlui en fera envoyé.
M. Muller , officier pruffien qui a préféré de
combattre pour la liberté fous les drapeaux de
Kellermann , demande , que lebienfait que l'Affemblée
accorde aux foldats étrangers , foit érendu
aux officiers . Renvoyé au comité militaire . Des
canoniers du corps d'artillerie des ifles 'de France
& de Bourbon témoignent le defir d'être employés
fur les frontières. Renvoyé au pouvoir
exécutif. La léance fe termine par la lecture
d'une multitude d'adreffes de diverfes commu :es
qui adhèrent à tous les décrets rendus depuis la
journée du 10 .
Du dimanche , 19 août.
Plufieurs départemens , diftricts & communes ,
envolent leur adhésion aux décrets du 10. Leurs
voeux font pour le maintien de la liberté & de
J'égalité , ils fe rallieront tous pour écarter le
fléau de la difcorde & pour terraffer l'ennemi
commun.
Une
( 217 )
1
Une lettre du département du Var , anronce
que le faut de la chofe publique lui a fait une
Toid gnet par la déportation , les prêt es infermentés
de ce département,,
Quelques adminiftrano s ayant déjà pris cette
me ure indifpenfable dans les circonflances actue
les , & le corps legiflatif devant maintenir
l'unité des loix dans tout ¡Empie , M. Cambor
demande que la déportation des prêtres i fermentes
foit exécutée dans tous les départemens,
L'Aflemblée décrète le prin ipe & en renvoie là
redection à la commiffioa extraordinaire.
M. Merlin met fous les yeux de l'Affemblée
deux bons du Roi qui prouvent que le 6 de cè
mois , la lifte civile payoit encore les dépenfes
des princes émigrés . Impreſſion de ces deux pièces
& envoi aux 83 députemens .
Le feeau de l'Affumée portoit ces mots : la
Lot & le Roi, M. Lacroix demande qu'il porte
Ceux- ci Nation Frangoife . Ce changement
eft adopté & étendu à tous les corps adminif
tarifs & judiciaires .
сс
G
3
ל כ
Au nom du comité de furveillance & de la
commiflion extraordinaire , Delaunai līt un
projet d'adriffe aux François , pour les inviter
feconder de tous leurs efferts es représentans
dupeuple se des ennemis étrangers nous menacent,
notre union feule peut les vaincre ... Citoyens ,
TAflemblée nationale vous offre feule , ce point
de ralliement nécellaire au falut public , vous ne
pouvez vous séparer d'el'e fans trahir la patrie...
Les hommes qui ont bravé pour vous les menaces
des Rois & les poignards des confpirateurs ,
ne peuvent connoître qu'une fule crainte celle
de vous voir perdre par vos divifions le fruit de
leur courage ; & pour pix d'avoir brifé les fers

Nos. 34 et 35. 3.1 Août 1792. K
( 218 )
qu'une cour perfide vous avoit préparés , ils ne
vous demandent qu'une feule récompenfe , c'eft
de les aider encore quelques jours à fauver la
patric. »
L'Affemblée adopte certe adreffe & en ordonne
l'impreffion & la publication .
La commiffion extraordinaire , par l'organe de
M. Hérault , propofe le décret fuivant fur différentes
queftions foumifes à l'Affemblée , par les
membres du tribunal criminél & du jury de
Paris.
« Art. I. L'accufé aura pendant 12 heures ,
feulement , en communication , la lifte des témoins.
»
« II. L'interrogatoire fecret , prefcrit par l'article
X du titre VI fur la procédure devant le
tribunal criminel , eft fupprimé. L'accusé paroîtra
feulement devant le préfident , ou tel autre juge
commis par lui , en préfence de l'accufateur pu
blic & du greffier , pour déclarer s'il a fait
choix d'un confeil , ou pour qu'il lui en foir
nommé un d'office. »
cc III. L'accuſé aura la faculté de conférer avec
fes confeils , à l'inftant même où il aura été entendu
, fans avoir égard au délai de deux jours
contenu dans l'inftruction . »
« IV. La loi relative aux réculations motivées
ou non-motivées fubfiftera dans fon intégrité
; mais lefdites récufations feront propofées
dans le délai de trois heures . »
« V. Les membres du juré qui auront fait
leur fervice dans une affaire , ne feront point
foumis au prochain tirage , & leurs noms ne
feront replacés dans l'urne , qu'au tirage ſubſéquent,
»
« VI. Le délai de trois jours accordé par la
( 219 )
loi , entre le jugement & l'exécution ; ayant
pour objet de donner au condamné le temps de
fe pourvoir en caffation , eft fupprimé , attendu
que la loi du 17 de ce mois , abroge le recours
au tribunal de caffation . »
« VII. Le préfert décret fera imprimé , pu
blié & affiché dans le jour . ❤
Ce projet de décret eft adopté.
On introduit à la barre plufieurs volontaires
nationaux dans l'armée de M. Lafayette. Ils
rendent compte d'un ordre émané de lui , dans
lequel les décrets rendus depuis le 10 , font
traités d'actes odieux dictés par une faction
tyrannique . M. Merlin produit une foule de
pièces d'où résultent des preuves de la révolte
de ce général contre la loi. Enfin , M. Merlin
confirme ces faits par la lecture d'une lettre des
tro's nouveaux commiffaires de l'Affemblée
écrite de Maifon-neuve le 18 août , dont voici
l'extrait.
"
« Nous rencontrons dans la nuit des volon→
taires de l'armée de M. Lafayette , qui nous
font fat que ce général & fon état-major ont
levé le mafque. Vous verrez par les pièces qu'ils
vous produiront , & que nous n'avons eu que
le temps de lire , que l'on a travaillé l'armée
de la manière la plus perfide & la plus criminelle
; que l'on eft parvenu à en égarer la plus
grande partie , & qu'on l'excite marcher vers
Paris. Il réfulte encore de ce que nous ont dit
ces volontaires , & de ce que nous avons appris
en route , qu'il feroit de la plus grande imprudence
de fe rendre à Sedan , où nous tomberions
certainement dans les mains des rébelles .
Nous marcherons avec circonfpection , & on
fondant le terrain, »
K 2
( 220 )
Nous ferons partir du lieu où nous nous
arrêterons des fro.lamations propres à toucher
& à ramener les citoyens & les foldats égares ;
mais difficulté fera de les faire parvenir à Far-"
mée , où l'on intercepte tous les papiers patrio
diques.
er
Expédiez-nous courier fur courier , nous
en ferons de même. Nous devons vous faire
obferver que le confeil général de la commure
de Sedan a requis la force armée de M. Lafayette
pour arrêter vos premiers commiffaires ,
a déclaré , de concert avec les généraux , ne
pouvoir les élargir qu'autant que le Roi & l'Affemblée
nationale feront libres . Il n'a pas été
ponible aux volontaires , porteurs de la préfinte ,
de fe procurer un extrait de cet arêté. Is VOUŠ
donneront de Vive voix de plus grandes inftructions.
5 ,
to
12.0 Sines , ISHARD , QUINETTE , BAUDIN .
L'Alfemblée approuve la rédaction definitive
des décrets' redus far lorga ifation de a garde
nationale de Paris & fut la formation du camp de
cè te vil .
D
Les difpofitions principales du premier décret
font , que la garde nationale de Patis fera div.fée
en 48 fections , fous la dénomination de fections
armées ; qu'il y aura un commanda , t général élu
pour trois mois , & un feul drapeau a x couleurs
de la nation entre les deux divifions du centre de
chaque fection armée , avec cette inf.ription : Liberté
& Egalité.
Le Tecond décret eft conçu en ces termes :
Art. I. Le camp de Paris fera compo é du
nombre de
2 Tections oyens fourni temp rarement
mar
les
aimées de Paris , de citoyens des
voifins , des batailloas de fédérés , des fix batail(
221 )
loss qui feront formés dans Paris , & autres qui
pourroient l'être dans les communes voilines ,
de
la cavalerie nationale formée à cet effet , des deux
divifions de gendarmerie nationale que doivent
fournir les 83 departemens , & des détachemens
de la gendarmerie nationale de Paris , tant à pied
qu'a cheval. »
II. Chaque fection armée de la ville de Paris
, fournira , four le fervice du camp , au moins
deux compagnies qui feront relevées tous les
quatre jours , de manière cependant qe le fervice
foit réglé uniformément entre les citoyens ,
« III. I fera levé dans la ville de Paris fix bataillons
de volontaires, nationaux , deftités au
fervice du camp de Paris ; ils feront organifés ,
habillés & foldés de la même manière que les bataillons
nationaux déjà formés . »
il
« IV . Indépendamment de ces fix bataillons ,
fera également formé d'autres bataillons compofes
des citoyens de Paris & des communes voisines
qui le préfenteront pour fervir conftamment au
camp, & qui feront organifés comme ceux décréés
ci-deffus . >>
« V. S'il le trouvoir de l'excédent après la formation
des bataillons , il en feroit formé des compagnies
qui fere ent le fervice comme compagnies
franches en attendant qu'il s'en trouve un pombre
fufifa r pour former un bataillon . » ce
CC
VI, Lepo vor cxécu if eft autorifè̟ à nommer
, de conceit avec la commuoc de Paris qui
fera tenue de confulter les fections , le général du
camp & de l'armée employée à la définie de Paris ,
airfi que les officiers de l'état- major qui devront y
fervir , & dont le nombre eft d terminé ainfi
qu'il fuit, »9
VII. Un commandant général du camp & de
·K
3
7222 )
T'armée , un chef d'état - major , quatre adjudans
généraux , fx aides-de- camp , un directeur général
des travaux & de l'illerie , qui aura focs
fes ordres un directeur en fecord pour chacune de
fes deux parties , & les coopérateurs qui feront
jugés néceffaires pour la conduite de dits tra-
.
vaux.
« VIII . Le commandant général communiquera
régulièrement au confeil de la commune de Paris
les comptes qu'il rendra au pouvoir exécutif. »
« IX. Tout citoyen affujetti à monter la garde
perfonnellement , en vertu du décret du ...., fela
tenu de fe rendre au camp , fur l'o, dre qui lui en
fera donné par le commandant de ſa ſection armée ,
d'après l'ordre que celui- ci en anra reçu du conamandant
général . »ל כ
<<X. Tout citoyen campé , quel que feit fon
gride & l'arme dans laquelle il fe trouvera
fervir recevra les diftributions en vivres ,
fourages & uftenfiles fixées par les décrets
& règlemens relatifs aux fournitures de campagne.
»
XI. Les citoyens des fections armées qui ne
feront qu'un fervice temporaire au camp , airfi
que ceux employés audit camp , fans être attachés
à aucune troupe , ne feront point tenus de porter
-l'uniforme ; mais aucun citoyen employé au camp
ne pourra en porter d'autre que l'ut forme national
, ou celui de la troupe à laquelle il feroit
particulièrement attaché , fi cette troupe fe trouvoit
employée au camp ou dans les poftes < xtérieurs.
»
« XII. Le confeil de la commune de Paris eft
antorifé à prévenir les communes ou cantons voifins
qu'on prépare une ligne défenfive près Paris ,
& à les inviter à fe concerter pour donner l'état
( 223 )
2
des citoyens armés qu'ils pourront fournir tempo
rairement au fervice du camp ou dans les poſtes
avancés. »
XIII. Le pouvoir exécutif fe concertera avec
le confeil de la commune de Paris , tant pour les
approvifionhemens du camp que pour les règlemers
relatifs à l'application des forces mobiles à
la defenfe locale , l'ordre du fervice pour la garde ,
la garnifon des forts & l'indication des poftes , fuivant
les pofitions , la nature du terrein & l'effèce
d'armes.
L'Afemblée après quelques débats , rend le
décret fuivant :
J
" Art. I. Il y a lieu à accufation contre
Moitié Lafayette , ci-devant général de l'armée
du Nord. »
II. Le pouvoir exécutif eft expreffément
chargé de mettre, promptement à exécution , le
préfent décret. »
21.L'Affemblée nationale enjoint à toutes les
autorités conftituées , & à tous les citoyens &
foldats , de s'afflurer dudit Motié Lafayette ,
par tous les moyens poffibles.
33
« III. L'Affemblée nationale défend à l'armée
du Nord , de reconnoître ledit Mottié- Lafayette
& de lui porter aucune obéiffance ; défend pareillement
aux corps adminiftratifs , municipa
lités , & à tous fonctionnaires publics , de lui
prêter aucune affiftance & d'obéir à aucune de
fes réquifitions , ainfi qu'à tous dépofitaires publics
, de rien payer pour ladite armée , que
fur les ordres du général Dumourier , nommé
pour remplacer ledit Lafayette , & ce , fous
peine d'être déclaré s complices de rébellion..
ટ !! .
K 4
( 224 )
Du dimanche , fance du foir.
* OnOn hit une lettre des commiffaires de l'armée
du Rhin , qui mandent que les décrets' relatifs
à la fufpenfion du Roi , ont été reçus avec foumifion
par les différents corps de troupes , campées
à Weilembourg , & par le général Biron ;
mais qu'il n'en a pas été de même de fon étatmajor
, dont plufieurs officiers ont paru tergiverfer
& monter peu de réfolution . Les cohmilaires
on: crú devoir fufpendre de leurs fonctions
MM. Victor Broglie , Brige ; & Cafa-
Telly du Falga: Après avoir vu le camp de M.
Biron , ils le tranfpo tèrent à celui de M. Kellermann
à Lauterbourg , ou les troupes donnèrent
les mêmes figres d'enthoufiafme pour la
liberté , pour l'Affemblée nationale , & pour
fon général. L'état- major partage les mêmes fe -
~timens . L'Afemblée vote une lettre de fatis ,
faction aux généraux Biron & Kellermann .

Cette lecture eft fuivie de cele de nouvelles
Padreffes d'adhéfion . Use lettre datée de Phalsboug
, annonce que tous les foldats om erě :
vive la nation , en app enant le décret fut la
fufpenfion du Poi.
M. Ducos piorofe une ad effe à l'armée du
"Nord, pour la fortfr & la maintenir dans les
bonnes difpofitions ; TAffemblée l'adopte & ap
plaudit.
Du lundi 20 sapût.
2.1 B
Sur les obfervations de plufieurs membres ,
l'Atiemblée décide qu'une ou lufieurs féances ,
par femaines , feront confacrées aux fian.cs
& qu'elle s'occupera , concurrenime t , de bafes
de l'éducation nationale & des établiemens de
225 ).
fecours publics . Elle applaudit enfuite à la 18cture
d'une foul : d'adreffes de félicitat ons &
d'adhéfions .
Le niiniftre des affaires étrangères tranfmet
la réponse de l'ambaffadeur de Veni'e , aux
plantes qu'1 lui avoir por ées , relativement à
l'outrage fait au pavillon nation 1 , par l'équipage
d'un bâtiment verifien , dans le port de
Gênes . Cet évènement n'eft que Taffet d'une
rixe fu venue entre des particuliers , des deux
nations , qui peut fe réparer par une juftice récieroque
; ma's qui ne fauroit a'térer la paix qui
fubfifte entre Ven fe & la France .
w
Uo des commiffaires chargés de taffenbiler 1's
papers trouvés tant au château des Tuileries que
chez M. Delaporte , lit un mémoire d'impreffion
contenant un bordereau de différens pamphlets
imprimés aux frais de la lifte civile & que la
cour faifoit publier.
L'Affemblée ordonne l'impreffion de certe lifte.
Ua courier . ex raordinaire apporte des dépêches
du département de l'Aif e ; elles contienhent
deux lettres du général Lafayette q3 pretendja
fer faiblion par la conftitui meme.
Le département dénbè e & anête que , pénétré
d'une profonde indignation contre M. Lafayette ,
i ordonne à tous citoyens de fe faifir de lui.
Mention honorable au procès verbal.
M. A thui Dillon eft dénoncé par un arrêté
du confeil du diftrict de Douai qui produit une
lettre de ce lieutenant général ai conçue : Je
ferment que
"

he
violera
jamais le »
emier
conçue q
fait de maintenir la conftitution ; je n'ai jufqu'ici
négligé aucun moyen de vaincre les
ensemis exté ieurs , mais les affies préfentent
» une face nouvelle. » L'Aflemblée fur la motion
Kj
( 226 )
de M. Duhem , déclare que M. Dillon a perdu
la confiance de la nation .
M. Lejofne représente une motion précédemment
faite par M. Lacroix , tendante à foumettre
les effets au porteur à l'enregistrement &
à l'impôt du cinquième ; ajourné .
Au nom de la commiffion extraordinaire , M.
Lafource propofe & l'Aemblée adopte le décret
fuivant , relatif à la fufpenfion de plufieurs efficiers
de l'armée .
« L'Aſſemblée nationale confidérant qu'il importe
d'éloigner des armées les cfficiers fufpendus
ou deftitués , dont les intrigues & les manoeuvres
pourroient tendre à égarer les citoyens qui ont
pris les armes pour la défenſe de la patrie , &
après avoir décrété l'urgence , décrète ce qui
fuit :
« Tous les généraux en chef , les cfficiersgénéraux
& autres officiers de tout grade , qui
auroient été deftitués ou fufpendus , foit par le
pouvoir exécutif , foit par les commiffaires de
l'Affemblée nationale , foit par l'Affemblée nationale
ele même , feront tenus de s'éloigner
far -le champ à une diftance de 20 lieues au
moins de l'armée où ils étoient employés , & ne
pourront le rapprocher à une moindre diftance
des autres armées , fous peine de détention pendant
tout le temps de la guerre . Ils feront tenus
en conféquence de juftifier au pouvoir exécutif
du lieu de leur domicile , par une déclaration de
la municipalité . »
M. Briffot fait un rapport fur la continuation
des capitulations de la France avec les cantons
Helvétiques. Ces cantons s'étoient engagés en
1777 à fournir à la France 13,494 hommes . Leur
nombre ne monte pas aujourd'hui à 11 mille
!
7227)
hommes , mais qui forment une force publique ,
ifolée & étrangère à ros principes . Ap ès avoit
prouvé qu'il eft impoffible de concilier leur exiftence
en France avec la conſtitution , & que des
citoyens ne peuvent confier leur défer fe qu'à des
citoyens , M. Briffot lit un projet de décret qui
eft adopté en ces termes :
ee Art . I. Les régimens fuiffes & alliés de la
Suiffe , actuellement au fervice de France , cefferont
d'y êtie . »
« II. Le pouvoir exécutif eft chargé de témoigner
aux cantons Helvétiques , au nom de la
Nation Fra çoife , fa reconnoiflance pour les
fervices par eux rendus dans les armées Françoiles
. »
« III . L'Aſſemblée nationale voulant donner
aux Suiffes une preuve de fon eftime , décrète
que les Suiffes qui ont jufqu'à préfent fervi la
Nation Françoife , & qui voudront entrer dans
des régimens François ou dans des légions , jouiront
de tous les droits accordés aux citoyens
François , & recevront en s'engageant , favoir :
les fergens , 300 liv. , les caporaux 200 liv. ,
& les foldats 150 liv. Les fergens & caporaux
obtiendront leur rang dans le rang où ils entreront
concurement avea les François , & jouitont
dès ce moment de la haute paye . »>!
}
IV. Les retraites , penfions & indemnités
pour les capitaines - propriétaires des compagnies ;
les penfions pour les fous - offi.icts & foldats fuiffes
qui voudrout fe retirer , feront fixées conformé
ment à l'efprit des capitulations & à la générofité
qui caractérife la Nation Françoife , & qu'elle
doit à de fideles alliés. Ces penfions & retraites
feront payées conformément aux capitulations
, comme par le paffé , en argent ,
K 6.
( 228 )
aifi que celles agcordées aux Saiffes , jufqu'à
ce jour n Ery
« V. Le pouvoir exécutif eft chargé de pourvoir
à la sûreté de tous off jets & foldats fuifles
qui voudront fe retirer , & de veiller à ce qu'ils
foient traités comme d'anciens aliés ; mais ils ne
pourroat fe rendre aux frontières que par déta
chemens , qui n'excéderont pas 20 hommes , &
ils feront fans armes . — Le prix des armes fera
remboursé par le pouvoir exécutif , à qui de
drpit
« VI. Le pouvoir exécutif nommera des com
miffares pour , conjointement avec des commilaires
musicipaux , veiller dans chaque régiment
à la prompte exécution de la préfente loi ,
qui fera lue a la tête de chaque compagnie , pour
recevoir les déclarations de ceux qui voudront le
retirer ou prendre du fervice en France ; faire le
tableau des penfions accordées à ceux qui vou
dront les retirer, & veiller à l'incorporation de
ceux qui voudront refter au fervice , fauf à
foumettre à l'Ammblée nationale les difficultés
que pourroient faire naît e ces penſions & retraites
. »
2
« VII. Le pouvoir exécutif cft chargé de fate
cnn iere , aux, cantons ! Helvétiques les identioas
de la Fences d'entre esir avec eux toutes les
relations d'amitié , de fraternité , del commerce
& de bom veilinage , conformément au traité du
28 mai 1777. "
L'attice relatif au mode du remplacement ou
de l'avancemput des officiers Stifles qui voudront
prendre du fe vice dans les régions François ,
eft revoyé au commé nullauca : 52
Une lettre de M. Dumourier , nouveau gés
néral de l'arméelatu Noid , communiquće , par le
1
( 229 ).
miniftre de la guerre , annonce qu'il va s'occuper
des mefures les plus promptes pour la délivrance
des commiflaires arrêtés à Sedan. Après cette
opération il portera , dit - il , nos armes & notre
liberté dans les provinces frontières qui gémiffest
fous le defpotifme . « C'eft airfi que le
peuple Romain traufportoit une armée en Afrique
, pendant qu'Annibal étoit aux portes de
Rome. »
A cette lecture fuccède le rapport des commilfaires
du confeil- général de la commune de
Paris , envoyés avec un detachement de gardes
nationales , à la recherche des confpirateurs réf.
giés dans les communes des campagnes . Ils ont
mieux fit ; ils ont éteint des haies , réconcilié
des partis divités d'opinion , A Marly , il exitoit
denx prêtres fexagénaires d'un avoit refufé le
ferment , Pautre l'avoit rétracté . De là de miférables
querelles d'eghfe . Je les ai fait affembler
avec les habitans , dit le rapporteur ; & je leur
ai fortement repréfenté à tous combien il eft indigne
de fe laifler agiter par des fujets de querelles
auffi miférab es . Je fuis parvenu à artacher
des larmes aux deux prêtres Brave hom
me , le font ils écries , nous ferons tout ce que
vous croirez bọn ; & les afliitans de faire éclater
leur fat sfction mutuelle , & de témoigner com
bien ils defiroient conferver des pafteurs qui favoient
immoler de vaines opinions , à la religion
du coeur & à la charté de évangile .
Le commiffae ordon teur de l'armée du
Rhin écrit que 30,000 recrues renforcent Larmée
& qu'il en arrive encore d'autres ; ce qui la
portera a 82,000 hommes , HMT I SIA »
DAM
130 )
Du lundi , féance du foir.
M. Merlin fait part à l'Affemblée des craintes
que conçoivent les habitans des villes de Sarrelouis
, Bitche & Thionville . I's n'ofent fe former
en affemblées primaires , de peur que l'ennemi
qui fe trouve pofté près de ces places ,
ne profite du temps du ralfemblement pour faire
une tentative qui pourroit lui réuffir . Its demandent
que les affembléés primaires fe tiennent
dans les chefs- lieux de diftricts .
Cette demande convertie en motion eſt décrétée.
Sur la propofition de M. Thuriot , la
municipalité de Paris eft autorisée à payer un
fecours provifoire de so liv . aux veuves & enfans
qui prouveront que leurs maris & leurs
pères ont été tués à la journée du 16 août .
Quoique le régime féodal eût été aboli ; il
fubfiftoit encore dans des droits onéreux qui faifoient
naître une foule de conteftations & de
procès ruineux pour les habitans des campagnes.
L'Aflemblée voulant hâter le moment où l'affran
chiffement des propriétés affurera l'indépendance
abfolue des citoyens , & donnera l'effor aux progrès
de l'agriculture , rend le décret fuivant d'après
le rapport de fon comité de féodalité :
TITRE PREMIER.
Du rachat fucceffif & féparé des droits fixes ou cafuels
, & du mode de converfion du champart en
une rente annuelle fixe.
I
Art . I. Tout propriétaire de fief , ou dé
fonds ci - devant mouvans d'un fief en cenfive ,
ou roturièrement , fera admis à racheter léparés
( 231 )
ment , foit les droits cafuels confervés , foit les
Cins & autres redevances annuelles & fixes , de
quelque nature qu'ils foient , & fous quelque
dénomination qu'ils exiftent , fans être obligé
de faire en même temps le rachat des uns & des
autres . >>
Il pourra auffi racheter féparément & fucceffivement
les différens droits cafuels , détaillés
dans la feconde & troisième difpofition de l'atticle
II du titre III du décret du 15 mars 1790. "
« II. Les propriétaires de ci - devant fiefs , qui
auront reçu le rachat en tout ou en partie des droits
feigneuriaux fixes ou cafuels , dépendans de leurs
fiefs , & qui feront foumis eux - mêmes à des
droits cafuels , envers un autre fief, feront tenus
de fe conformer exactement , à l'égard du fief
dont ils relèvent, à tout ce quileur eft preferit par
les art. XLIV, XLV & XLVIdu décret du 3; mai
1790, »
« III. Tout propriétaire de ci - devant fief ou de
fonds , folidaire ou non folidaire , qui voudra s'affranchir
des droits cafuels , aura la faculté de
payer partiellement le capital du rachat defdits
droits , ainfi qu'il fuit :
« Deux dixièmes dans le mois , à compter du
jur de la liquidation définitive , dans le cas ou
elle doit avoir lieu , ou du jour de l'effre qu'il
en fera dans les cas prévus par les articles
XXXVII , XXXVIII & XXXIX du décret du 3
mai 1790. »
« Un dixième dans le fecond mois , un dixième
dans chacun des deux fuivans , & les cinq autres
dixièmes de fix mois en fix mois ; de manière que
la totalité du paiement foit effectuée dans le cours
de deux ans & dix mois , conformément à ce qui a
été précédemment décrété à l'égard des droits fixes
( 232 )
& cafuels provenans des biers nationaux , par le
décret du 14 novembre 1790. »
5
« Il acquittera , en même temps , l'intérêt au
taux de quatre pour cent fans retenue , cet inté êt
diminuant au prorata u remboursement du capital.
»
(
« IV. Le redevable remettra au propriétaire
des droits cafuels , lors du premier paiement ,
use reconnoillance devaut noraire , portant l'obigation
de payer aux termes fixés par le précédent
article , avec l'intérêt à quatre pour cent : »
« Le propriétaire de dits droits pourra , en vertu
de cette reconuoiffance , huitaine après une fommation
de payer , faite au redevable aux frais
de ce dernier , ufer envers lui , fes héritiers ' ,
acquéreurs on ayans - caufe, de tootes voies de contrainte
& exécution autorifées par les lois , fans
qu'il ait befoin d'ob enir de jugement préalable , à
moins qu'il ne veui le faifir les immeubles du redevable.
« Cette reconnoiffance ne fera foumiſe qu'à un
droit d'enregistrement de quinze fous."

ce V. Porront néanmoins les redevables accé
lérer kur ibération , par des paiemens plus confidérables
& plus rapprochés , ou même le libé
er ent è ement à que que échéance que ce
foit , auxquels cas les intérêts dimi ueront également
à proportion des paiemens , ou s'éteind: ont
avec le tier remboursement du capital: »
2
VI. Les champarts , tafque , terrage , arage,
agrier , complant , fete , dîmes féodales , dans
kes lieur où elles exiftent , & autres redevances
de même nature , pourront être rachetés par
les redevables , & leurs capitaux remboursés ,
de même que les droits cafuels , ainfi & de la
1.

( 2331)
2
manière établie par les articles III , IV & V cideflus
.
ec A compter du jour de l'offre , comme du
premier paiement fait en conféquence de la lquidation
définitive , le propriétaire defdites redevances
ne pourra les exiger , ni les lever en
nature ; l'année lors courante fera payée au prorata
du temps écoulé depuis la récolte précédente,,
fur le pied de l'intérêt à quatre pour cent fans retenue.
»
cc
**
VII. Néanmoins le décret du 14 novembre
1790 continuera d'avoir fon entière & pleine
exécution à l'égard du rachat , foit des droits cafucls
, foit des cens & redevances annuelles & fixes
ci-devant feigneuriales , de quelque nature & espèce
qu'ils foient , dus aux ci -devant fiefs appartenant à
la nation. »
« VIII. Tout propriétaire de fonds grevé de
rente foncière perpétuelle , créée irrachetable , ou
devenue telle par convention ou prefeription , &
déclarée rachetable par le décret du 18 dé embic
1790 , qui rembourfera La rente avant que le rachat
des droits cafuels en ait été fait , fera tenu de
remplir ce qui eft preferit par l'article X du titre IV
du même décret . »
IX. Chaque quittance de rachats , foit de
dots fixes , foit de droits cafuels , fera affujere
au droit d'enregistrement de 15 fous , étab i far
l'article unique du titre VII du décret du 18 décembre
1790. »
« Les frais en feront à la charge de celui qui
fera le rachat. »
། ; ,
X. Tout redevable de champart , tafque ,
terrage , agrier , complant , fete , dimes fodales ,
dans les lieux où elles exiftent , & autres redevances
de même nature , pourra exiger , quand
( 234 )
bon lui femblera , la converfion en une rente ou
redevance annuelle d'une quotité fixe de grains ,
payable aux termes ordinaires jufqu'au rachat. »
« XI. A cet effet , le redevable fera notifier au
propriétaire de la redevance , ou à fon dernier domicile
, fa demande de converfion . »

« Elle contiendra la quotité de redevance , la
nature & l'étendue de chaque pièce de terre qui y
eft føjetre , par arpens , journaux ou autres mefures
locales & connues , ainfi que les confins , tenans
& aboutiffans de chacune defdites pièces de
t.rre . »
сс
"
« XII. Il fera procédé par des experts que les
parties nommeront , ou qui feront nommés d'office
par le juge , à une évaluation de ce que le
fonds produit habi ullement en chaque eſpèce de
grains , dans une année commune.
« Ils inféreront à la fuite leur avis motivé fur
la quotité fixe & l'efpèce de la rente en gràins qui
doit remplacer annuellement la redevance jufqu'au
rachat ; cette quotité devra être déterminée dans
la proportion du produit de l'année commune du
fonds en grains. »
XIII. En cas de diverfité d'avis de la part
des
experts , le juge nommera un tiers d'office ,
fi les parties n'en choififfent pas un de conceit . Les
"frais de l'expertife feront à la charge du redevable.
»
XIV. L'Affemblée nationale déroge à l'article
XLII du décret du 13 mai 1790 ; en conféquence
tout propriétaire qui a racheté les droits
feignzuriaux cafuels & autres , dont fon fonds
étoit grevé , même poftérieurement au délai de
deux ans , fixé par ledit article XLII , ou qui les
rachetera par la fuite , pourra aliéner le même
fonds , fans être foumis à aucun droit de mutation ,
ا ر
( 235 )
qui demeurera irrévocablement éteint par le rachat
antérieur , à quelque époque que l'aliénation
Le faffe poftérieurement . »
XV. Nul ne pourra à l'avenir faire aucune
convention ou ftipulation ter dante à créer des
dro ts cafuels , fous quelque dér omina: on que
ce foir , à peine de nullité defdites conventions.
»
TITRE II.
Mode de rach. t des cens , rentes & autres redevances
folidaires,
J
« Art. I. Les co - débiteurs , folidaires de cens
ou redevances annue les fixes , ou de droits cafuels
confervés , même de rente foncière perpétuelle
irrache able , ou devenue telle par convention
ou prefeription , pourront racheter à
l'avenir , divifément , fuivant ce qui eft décrété
par les articles premier & fuivant du titre précédent
, leur portion contributive defdites redevances
, rente , droits fixes & cafuels , en fe
conformant à ce qui fera preferit par les ar icles
fuivans , faus que , fous prétexte de la folidarité
, is puident être contraints à remboutfer
ar-delà de leur quote- part, "
« II. Ceux qui poffèdent divifément partie
d'un fonds grévé folidairement d'un ou de plufieurs
des droits mentionnés en l'article précédent
, feront obligés de vé ifier par reconnoiffances
ou autres actes faits avec les potfelfeu's
deflits droits , ou leurs receveus & agens , la
quotité dont ils font tenus dans la tota ité des
droits, »
« Les quittances données par les poffeffeurs
des droits , leurs receveurs ou agens , & les
( 236 )
collecteurs des rôles & rentiers , fervi ont également
à conftater la quotité des doits foldai es
qu'on voudra racheter , lorfque cette quotité y
fera déterminée . »
« III . Les cod biteurs qui poffèdent indivifément
un fonds grévé d'un ou de plusieurs des
fufdits droits , feront tenus de faire préalab ement
conftater & vérifier , à frais communs , &
proportionnellement à la por ion qui appartient
à chacun dans le fonds greve , la quotité def
dits dois folidaires à laquelle ils font individuellement
foun is , contradictoirement avec le
propriétaire defdits droits , ou lui dûment apfelé.
»
сс
I
Il en fera de même des co--débiteurs qui
quoique poffédant divifément , ne pourront point
vérifier de la manière prefcrite par l'article précédent
, la quotité dont ils font tenus dans la
totalité des mêmes droits . »
« IV. Un feul pourra contraindre les autres
co- débiteurs à concourir à la vérification exigée
par l'article précédent , dans les cas qui y lont
prévus. »
« Cette vérification préalable , faite contradictoirement
ou fur défaut , ou arrêtée de gré à
gré , fervira à chacun des autres co - débiteurs
lorfqu'ils voudront , par la foite , affa chir
Ieurs propriétés , fans qu's foient terus d'en
faire une nouvelle . »
« V. A gard des mêmes droits folidaires
dus à la nation , la vérification de la quotité
dont le poffeffeur du fonds grevé voudra fe
libérer , fera faite & conftatée (uivant les règles
prefcrites par les articles II , III & IV ci- dedus,
contradictoirement avec les prépofés de 1. régie,
fous l'infpection du directoire de diftr.ft . »
( 237 )
VI. Les autres co- débiteurs des droits , redevances
& rentes dont une cu plufieurs portrons
feulement auront été rachetées , continueront
d'être tenus folidairement du furplus jolqu'au
rachat qu'ils pourront en faire partiel ement
, fuivant les règles ci - deffus prelcrites .
TITRE III.
De la prefeription des redevances fixées à l'avenir,
& du paiement de celles arriérées depuis & y
compris 1789, jufqu'en 1791 inclufivement.
« Art . I. Les arrérages à écheoir de cens
redevances , même de rentes foncières , ci - de-
Vant perpétuelles , fe preferiront à l'avenir par
cinq ans , à compter du jour de la publication
du préfent décret , s'ils n'ont été confervés par
la reconnoiffance du redevable , ou par des
Fourfuites judiciaires . »
ce II. Néanmoins la preferiprion pour les droits
corporels & incorporels , appartenans à des particuliers
, eft & démeurera luffendue , depuis le
2 novembre 1780 jufqu'au 2 novembre : 794 ,
fans qu'elle puifle étre alléguée pour aucune
partie du temps qui fera éccué pendant le cours
defdites cinq années , foit pour le fonds defdits
droits , foir pour les arrérages , conformément
à ce qui a été décrété à l'égard des mêmes droits
appartenans à la nation par le décret du premier
juillet 1791. P
« III. Les relevables d'ariérages, de cens ,
rentes , champarts , & autres redevances annuelles
, de quelque nature que ce foit , échus
en 1789 1790 1791 , auront la faculté de
( 238 )
fe libérer , en trois paiemens égaux , de la ma
nière fuivante : »
Ils feront tenus de payer , dès cette année ,
un tiers du montant des fufdits arrérages , à
l'échéance du terme ordinaire , un tiers au même
terme de 1793 , & le dernier tiers à pareil terme
de 1794 , fans préjudice de l'année courante &
de celles a écheoir , qui fe paieront aux termes
fixés. »
« IV. Toutes les difpofitions du préfent dééret
feront également communes à tous les droits
fires ou cafuels , de quelque nature que ce foit ,
appa tenans , ou qui appartiendront à la nation ,
ou qui dépendoient des domaines ci-devant dits
de la couronne . »
< V. Tous les décrets antérieurs relatifs au
rachat des cens , redevances & autres droits fixes
ou cafuels , ai fi que des rentes foncières , cidevant
perpétuelles , auxquels il n'eſt point dérogé
par le préfent décret , continueront d'être
exécutés, "
Du mardi , 21 août .
Le ministre des contributions publiques , écrit
que M. le maire de Paris demande la fomme
décrétée pour le Roi , par chaque femaine . Sur
la motion de M. Choudieu , l'Affemblée décrète
que la fomme fera remife aux commiffaires de
la commune , qui feront chargés de faire fournir
au Roi tout ce qu'il demandera .
L'Affemblée ordonne la lecture d'une lettre
des commiffaires à l'armée du Nord , du 19 août .
Ils n'ont que d'heureuſes nouvelles à marquer.
On les a accueillis à Valenciennes avec les plus
vifs fentimens d'allégreffe . Ils étoient au camp
de Maulde , lorfqu'un courier y a apporté la ,
239 )
nouvelle de la nomination du général Damou
rier , à la place du général en chef de l'armée
du Nord. Une joie univerfelle a éclaté . Les
commiffaires s'attachent à lever tous les foupçons
de trahifon répandas fur le compte de M. Dilis
l'ont reconnu en tout loyal & vrai .
Son acte du 13 pourroit être un reproche
mais il ne connoiffoit po'nt les fairs , ni les vrais
coupables .
-tɔn ;
On demande la fufperfion du décret relatif
à M. Dillon , L'Affemblée renvoie à la commiffion
extraordinaire.
La municipalité de Paris fait part d'une lettre
trouvée fous le fcellé des papiers de M. Gilet ,
notaire de la lifte civile , qui annonce une explofion
prochaine , & elle prévient que M. Gilet
eft maintenant à l'abbaye .
L'Affemblée entend la lecture de la notice
d'une multitude d'adreffes d'adhéſion ; elle reço t
les fermens & les dons patriotiques de plufieurs
citoyens , pour les frais de la guerre.
Du mardi , féance du foir.
M. Servan annonce à l'Affemblée que M.
Lafayette & fon état - major font paffés chez
l'étranger , la nuit du 19 au 20. Et que les
commiffaires détenus à Sedan font maintenant
en liberté. ( On applaudit. ) Un membre demande
que l'officier qui a 'apporté cette nouvelle
au miniftre , foit invité à rendre compte à l'Affemblée
, de ce dont il a été témoin. Cette propofition
eft décrétée . »
M. de Montmorin , ex-miniftre , comparoit à
la barre , pour fubir l'interrogatoire qui avoit
été exigé de lui , par un décret rendu dans le
cours de la femaine dernière. Il répond qu'il
( 240 )
ignere i on a ordonné aux fuies de ti er fer
le peuple . I pie qu'une note trouvée au château
parmi des let es d effées à M. Montmorin
, foit de lui . Il écrit en marge de ce te
note quelques lignes pour fervir de comparaifon
de l'écriture. Il obferve qu'il exifte un autre
Montmorin , a qui cette note appartient peutêtre
, & qu'il n'a point d'appartement au château
..
Interrogé fur plufieurs points de les relations
politiques quand il étoit au miniſtère , il dit qu'il
n'a point eu une connoiffance officielle de la convention
de Pilnitz , & que c'eft pour cela qu'il ne
f'a point notifie à l'Affemblée nationale. Tout lui
annonçoit des mefures pacifiques de la part des
cours de Vienne & de Berlin ; & lorfque le
danger le manifefta , il en avoit i formé l'Ademblée
conftituante avec grand foin , par le canal de
fon comité.
L'Affemblée fe réserve de prononcer fur l'artef
tation de M. Montmorin .
Le miniftre de l'intérieur lit une lettre de la
commune de Sedan , qui fe juftifie de la conduite
qu'elle a tenue envers les trois premiers commiffaires
de l'Affemblée ; dès qu'elle n'a pu douter du
caractère dont ils étoient revêtus , elle a délibéré
leur élargiffement , elle leur a témoigné toute la
confidération qui leur eft due.
Cette lecture a été fuivie de celle de deux lettres
de M. Lafayette à la municipalité de Sedan . Dans
la première , il lui ordonne d'arrêter les commiffaires
de l'Affemblée . Dans la feconde , il déclare
qu'il va éloigner une tête profcrite par les ennemis
de la liberté, mais qui ne veut fe courber fous au-
Icup defpotifme. ‚ mas salami aaj supp
M.
( 241 )
M. Dorat- Cubièrès admis à là barre prononce
le difcours fuivant , en préfentant à l'Aſſemblée
un volume de fes poëmes fur la révolution ( 1 ) ,
& un don patriotique de 100 liv .
Législateurs , quelques efprits pufillanimes
& froids ont prétendu que les beaux arts &
entr'autres la poéfie & l'éloquence n'avoient
guère fleuri que fous les Rois , & que les rayons
du trône réfléchis fur les talens avoient prêté au
génie un nouvel éclat . Il eſt bien vrai qu'il y
a eu quelques grands pceres fous les règnes
d'Augufte , de Léon X & de Louis XIV : mais
combien ces paëtes n'auroient - ils pas été plus
grands , s'ils avoient vécu fous le règne de la
liberté ! Qu'on fe peigne un Efchyle & un Sophocle
, révélant les crimes des Rois dans leurs
immortelles tragédies ; un Demofthènes tonnant
contre eux du haut de la tribune qu'on fe
peigne Tirtée fur- tout , l'impétueux Tirtée célébrant
la valeur guerrière avec tant de force &
de grandeur , qu'il fit remporter aux Spartiates
une victoire complette fur les Mefféniens. Tirtée
& Démosthènes , Sophocte & Efchyle vivoient- ils
(1 ) Les Etats-généraux du Parnaffe de l'Europe
, de l'Eglife & de Cythère , ou les quatre
Peëmes politiques , lus au Lycée du Palais-
Royal , & fuivis de plufieurs autres poëmes ; par
M. Dorat- Cubières , 1 volume in - 8 °. de 400
pages , 4 liv. 10 fous ; de l'imprimerie & chez
L. P. Couret , libraire , rue Chriftine , n°. 2 ;
Leclere , libraire , rue St. Martin , à côté de la
rue aux Ours ; Mlle. Soret , libraire , au Palais-
Royal ; Girod & Teffier , rue de la Harpe
n°. 61 .
Nos. 34 et 35. 31 Août 1792 L
( 242 )
fous des Rois 2. Eft - ce l'or de la lifte civile
d'Athênes qui les a payés de leurs travaux ou
qui les a encouragés ? non , Meffieurs , ron ;
c'eft l'amour brûlant de la patrie ; c'eſt le feu
facré de la liberté. Et quel eft homme qui ne
s'exprime pas mieux , lorfqu'il eft libre , que
lorfqu'il eft fajet d'un Roi ? N'est- ce pas furtout
à leur langage qu'on reconnoît les efclaves?
»
« Si des hikoires de Rome & de la G èce
nous defcendors juſqu'à la nôtre , nous y trouverons
peu ou prefque point de modèles de
l'éloquence politique , de cette éloquence hardie
qui remue , pour ainsi dire , les Etats jufques
dans leurs fondemens , & poufle les hommes
vers la liberté . Cette fublime éloquence ne fleurit
guère que dans les r ' publiques ou dans les gouvernemens
qui approchent de la république , &
malheureuſement nous avons toujours vécu lous
des Rois , & malheureufenient nous avons toujours
été opprimés par des defpotes . Remarquez
cependant , Meffieurs , que Corneille , que le
grand Corneille , le feul de nos poètes qui peutêtre
foit digne d'être avoué par vous ; remar
quez , dis-je , que ce poëte illuftre Alcuit dans
un temps où de grandes fecouffes politiques
donnoient aux efprits plus de force & de majefté
, & fembloient électifer toutes les ames .
Le defpotifme du cruel Louis XIII peſoit fur
fur toute la France , lorfque Corneille naquit.
La guerre étoit au - dedans & au dehors du
royaume on ne combatroit pas encore pour la
liberté que nous venons de conquérir . Cependant
nos vertueux frères les proteftans ,
hommes éclairés & prefque tous philofophes ,
que la fecte catholique perfécutoit & qu'elle
-
ces
( 243 )
nomma Sellaires , quoiqu'elle mérita feule de
titre odieux , les proteftans , dis - je , proposèrent
les premièrs de renverser l'hydre royale & de
faire une république de la France : ils vouloient
la divifer en huis cercles , dont les rayons n'auroient
correfpondu qu'à un centre commun ; &
ce fut fans doute d'après cette grande & belle
idée , que Corneille mit ce vers admirable dans
la bouche d'un de les perſonnages :
« Pour être plus qu'un Roi , tu te crois quelque
chofe . »
« Pourquoi n'imiterions - nous pas le grand Car
neille , Meffieurs , depuis que vous nous avez
délivrés du mal des Rois , de ce mal qui infe&c
encore la plupart des contrées de l'Europe , &
dont j'espère que le genre humain fera bientôt
délivré à fon tour , grace à vos fublimes décrets
? J'avoue , Meffieurs , qu'ils ont influé fur
moi d'une manière prefque miraculeufe : j'étois
guéri depuis long - temps de la fuperftition religieufe
, & , guéri par vous de tout préjugé politique
; j'ai compofé , depuis la révolution , dix
à douze poënes renfermés dans un feul volume ,
& qui font tous en faveur de la liberté . Je viens
vous les offiir , Meffieurs , ces poëmes patriotiques
, & j'y ajoute la fomme de cent livres :
c'eft le denier de la veuve , que je deftine aux
veuves qu'a faites le malfacre de la Saint- Laurent.
»
Ge difcours a été applaudi , & M. Dorat
Cubières admis aux honneurs de la féance , Meng
tion honorable dans le procès - verbal.
( 244 )·
Durant le cours de la Révolution , on a
pu remarquer , comme un de ces traits frappans
dont la fortune puiffe combler un
Peuple , qu'il n'y a pas eu un feul complot
formé contre la liberté , pas un péril
éminent qui ait menacé la chofe publique ,
qui n'ait attiré à fes auteurs un châtiment
foudain , & n'ait fervi au triomphe des
bafes impériffables de la Conftitution .
L'ingénieux Lambertini difoit , que la
France étoit le royaume le mieux gouverné
, parce qu'il l'étoit par la Providence.
Ce trait de fatire d'un Evêque de Rome
feroit aujourd'hui un trait de vérité.
Tous ces agens de confpiration avoient
bien mal jugé le Peuple. Ils parloient fans
ceffe de Fadlieux & de Jacobins , comme
fi ce n'eût été qu'une poignée d'individus ,
& ils n'ont pas vu que c'étoit la Nation
entière ; car la Nation n'a pas besoin de
l'efprit de parti pour aimer la liberté , &
pour la défendre contre les confpirateurs
du dedans & les ennemis du dehors . Avant
même que Louis XVI eût accepté la Conftitution
, & pendant les travaux de la révifion
, une coalition s'étoit formée pour la
renverfer , & cette coalition , d'autant plus
dangereufe qu'elle fe couvroit en apparence
de l'égide de l'Acte Conftitutionnel , a entraîné
la Cour dans un fyftême combiné
( 245 )
Z
de rufes , d'intrigues & de perfidies dont
elle devoit être la victime.
Qu'on ne demande plus pourquoi la
Conftitution a toujours été paralyfée, pour ,
quoi les Adminiftrations ont fi fort négligé
leurs devoirs , pourquoi les Emigrés & les
Prêtres perturbateurs ont échappé pendant
fi long temps aux Décrets qui auroient pu
réprimer leurs coupables manoeuvres , pourquoi
les préparatifs de la guerre ont été
fi infuffilans , pourquoi nos armées ont eurfi
peu de fuccès dans le Brabant avec un espoir
fi fondé d'en obtenir , pourquoi tant de
calomnies pour décrier l'Affemblée Nationale
, difcréditer les affignats , ruiner la
fortune publique ; tant d'écrits incendiaires ,
tant de complots formés pour exciter le
trouble & la guerre civile dans le royaume ?
La journée du to a tout révélé.
Ce long tiffu de crimes & de trahifons
va être livré aux yeux d'une Nation dont
l'imprudenté générofité pour une cour perfide
n'avoit fait qu'accroître fon audace.
L'Europe lira , pour la première fois , dans
les replis fecrets de la politique des Rois, &
apprendra àconnoître ce qu'ils méditent contre
la liberté des Peuples . Nous ne pouvons
encore fonder toutes les profondeurs de ce
mystère d'iniquités. Le Corps Légiflatif
s'occupe à en recueillir les preuves nom-
-breufes. C'est un cahos d'intrigues & de
noirceurs qui fuppofe divers plans qui fe
L 3
( 246 )
croifoient & fe combinoient , pour arriver
à un terme commun , celui du renversement
de la Conftitution . On ne fait point
fi le Roi vouloit fuir à Rouen , ou fe retirer
dans quelques places frontières , fous la
protection de l'armée Lafayette ; fi la conjuration
avoit pour objet l'établiffentent
des deux Chambres , avec une augmentation
de prérogatives royales , ou le retour du
régime arbitraire médité à Coblentz. On
a trouvé des traces innombrables d'intelligence
avec les Emigrés. Il eſt prouvé que
la lifte civile entretenoît la maiſon du Roi
à Coblentz , & que les Puiffances ennemies
agiffoient de concert avec le Roi :
en un mot , la Cour étoit devenue le centre
de tous les partis , hors celui qui vouloit
la conftitution.
Il étoit impoffible que cette lutte de
la tyrannie contre la liberté ne fe terminât
par quelque grande explosion. La
journée du 10 étoit préparée de longue
main. La Cour multiplioit les émeutes , &
nourriffoit les factions dans l'efpoir de
mettre les Citoyens aux prifes avec les Citoyens
, & de faire fortir tout à coup le
parti qui lui étoit dévoué. Nous avons
des motifs de conviction que dans la journée
du 10 , la Cour fe croyoit affurée de
plus de 30 mille fatellites.
Un des Membres de l'Aflemblée Nationale
s'occupe de raffembler tous les fils de
( 247 )
cette horrible conjuration. Nous atten
drons ce réfultat fondé fur des pièces juftificatives
, pour ne point égarer l'opinion
par des inexactitudes & des confidérations
conjecturales. Ce que nous en dirons aujourd'hui
, c'eft que tout avoit été préparé
par la Cour pour provoquer un grand
mouvement pendant la nuit , & que s'il fe
fut exécuté, au gré des Conjurés , le Roi
fuyoit , les Patriotes & le Peuple étoient
inveftis par diverfes colonnes ; il fe faifoit
un carnage effroyable , & fi le
parti du Roi eut triomphé , la hache
des profcriptions fe promenoit dans la
capitale. La générale & le tocfin appellè
rent en vain le peuple ; il n'y eut que les
bataillers de la garde nationale qui fe
raffemblèrent. On eut dit au fignal non
interrompu de l'alarme que Paris étoit à
feu & à fang ; tout y fut tranquille &
le plan de conjuration fut déconcerté. Ce
que nous dirons , c'eft que l'attaque a
commencé par les fatellites du Château ,
& fans aucune réquifition de la part des
Magiftrats , que par la plus noire des perfidies
, au moment ou des paroles de paix
étoient portées aux Suiffes , où les bataillens
étoit confondus pêle mêle avec le
peuple dans le Carroufel , attendant avec
fécurité le réfultat des conférences que ceux
du Château avoient eux-mêmes provoqués ,
Cut-à- coup partit des fenêtres un feu ter
L 4
( 248 )
tible de monfqueterie qui , avant qu'on eut
pû fe rallier , tua ou bleffa plufieurs centaines
de citoyens ; c'eft qu'on doit à l'intrépidité
& au courage des fédérés qui ef-
Tuyèrent le premier feu & fe rallièrent préci
pitamment , d'avoir commencé & achevé
de fuccès de cette action meurtrière qui
dura plus de quatre heures ; c'eſt que l'acharnement
& la valeur de ces Sans - Culottes
fi audacieufement dédaignés , étoient tels
qu'ils alloient dans les cours , au milieu
d'une grêle de moufqueterie , ramaffer les
boulets pour en recharger de nouveau les
canons qui les avoient vomis ; c'est que
les malheureux Suiffes , égarés par leurs
chefs , féduits par les largeffes d'une Cour
tache & corrompue , ont été les cruelles
victimes du complot des confpirateurs . La
plupart portoient au fond du coeur des
fentimens patriotiques , mais on leur avoit
perfuadé que le Roi étoit encore au Château
, & qu'ils combattoient pour défendre
fa vie. Ils ont prefque tous péri martyrs
de leur erreur , & ce n'eft pas un des moindres
forfaits que l'on ait à reprocher aux infâmes
provocateurs de cette journée . On ne
connoît point au jufte le nombre des morts
reftés de part & d'autre fur le champ de
bataille ; on l'évalue de trois à quatre
mille.
Un des réfultats heureux de cette nouvelle
révolution , dont les ennemis de la
249 )
liberté s'étoient promis une autre iffue
c'eft qu'elle a confondu tous les partis dans
un feul. Il n'y a plus de Jacobins , de
Feuillants , de Monarchistes , il n'y a que
des Citoyens & des Amis de la Liberté &
de l'Egalité; les mal intentionnés fe cachent
ou fe taifent , & l'unité d'intérêts s'élève
enfin fur la ruine de toutes les factions.
Il ne fe forme jamais de partis dans les
Révolutions , que parce qu'il y a des partis
oppofés. Ainfi le veut la nature qui a pris
foin de placer une force à côté d'une réfiftance
. On a beaucoup déclamé contre
les Jacobins , & fans les Jacobins , la liberté
ne feroit peut- être plus. Qui eft ce qui a entretenu
pendant fi long- temps l'inquiétude
& l'agitation dans les efprits ? C'est qu'il
n'y avoit point encore de parti dominant ,
c'est que les premiers Repréfentans du Peu
ple ont cru que la Révolution étoit finie ,
parce qu'ils avoient achevé la Conftitution ;
c'eft qu'en plaçant dans la Conſtitution
même un régulateur qui eut pu en maintenir
le mouvement , s'il eut agi de bonnefoi
, ils ont trop négligé les moyens de
corriger fes écarts ; c'eft que l'Affemblée
conftituante a commis une grande faute
en facrifiant la politique & la raifon d'Etat,
à des principes de raifon & de juftice ,
comme fi les grandes paflions fe taifoient
devant elles . Elle a oublié que les reffentimens
& les complots furvivroient à leur
L S
( 250 )
ouvrage & travailleroient à le détruire . Elle
a voulu gouverner un Peuple en révolution,
par des maximes qui n'en fuppofoient
plus l'exiftence. Elle a fait une déclaration
des droits , & fes ennemis en ont abufé
contre elle . Elle a confacré la liberté de la
preffe , & fes ennemis en ont profité pour
égarer l'opinion. Les plus dangereux détracteurs
de la Conftitution , étoient ceuxlà
même qui l'invoquoient fans ceffe ; &
quand le Peuple fatigué de ce culte hypocrite
& dérifoire , a puni les profanateurs ,
on les a entendu encore crier à la Conftitution
violée. Il falloit donc jetter un
voile fur la Conftitution pour la fauver ;
le Peuple a eu le courage de le faire .
L'opinion avoit préparé depuis longtemps
cette falutaire fecouffe . On le voit
à la multitude d'adhéfions , que le Corps
Légiflatif a reçu de toutes les parties de
P'Empire. Par-tout la fufperfion du Pou
voir Exécutif a été envifagée comme la
première mefure de falut public. On
croyoit avoir gagné dix batailles , en fe
débarraffant de celui dont les trahifons
pouvoient nous les faire perdre. Les armées
ont infpiré dans le premier inftant ,
quelque inquiétude , non que leur patriotifme
& leur amour pour la liberté fut
équivoque , mais on avoit lieu de craindre
l'infidélité des rapports & les manoeuvres
de la malveillance. Elles ont été vaines
( 25x )
des Commiffaires les ont éclairés fur les
évènemens du 10. Les Soldats Citoyens ,
& les Citoyens - Soldats , font restés partout
invariablement attachés à la Nation
& à fes Repréfentans. Ils favent maintenant
pour quelle caufe ils vont verfer leur
fang.
Un de ces hommes beaucoup plus loué
qu'apprécié , à demi caractère comme à
demi talent , en qui l'on prenoit pour mo
deftie , la timide circonfpection de l'incertitude
, dont le fecret dans la carrière
politique & militaire confiftoit à faire
préfumer plus de moyens qu'il n'en montroit
, qui a toujours attendu les évènemens
plus qu'il ne les a maîtrifés , dont
la marche dans la Révolution n'a jamais
été celle d'un ami franc & ouvert de la
liberté , tantôt Jacobin tantôt Feuillant ,
fervant la Cour , dont il avoit été ou paru
être l'ennemi ; cet homme avoit eu l'ambitieux
délire d'afpirer au rôle de protecteur
, fans s'appercevoir que la Nation
étoit trop éclairée pour fouffrir d'autre
ambition que celle de la fervir . Il s'étoit
fait le Chef d'un parti , quand fon pays ne
lui demandoit que d'être le Chef d'une
armée : il avoit abandonné fon pofte pour
venir menacer de fes Soldats le Corps Légiflatif,
il ne lui reftoit plus qu'à violer la
Souveraineté Nationale . Il a ofé faire emprifonner
à Sedan les Commiffaires en-
L 6
( 252 )
voyés à fon armée , en prenant fur lui feu
la refponfabilité de cet audacieux outrage.
Enfin , après avoir cherché à égarer fes
Soldats par les récits les plus impofteurs ,
il ne lui a manqué pour marcher fur Paris
& commencer la guerre civile que des
fatellites de la rébellion : il n'a trouvé
dans fon armée que des Citoyens. Si M.
Lafayette ignoroit les complots de la Cour,
il devoit attendre les Commiffaires de
l'Affemblée. S'il en étoit inftruit , ce n'étoit
qu'un vil confpirateur. En fuyant , il a
échappé à fon fupplice ; il n'échappera
pas à celui de l'opinion.
Dans les armées du Rhin & du Midi ,
les Commiffaires n'ont trouvé , comme
dans celles du Nord & du Centre , que
des défenfeurs généreux de la Liberté &
de l'Egalité. Tous les Chefs , à l'exception
d'un très - petit nombre d'Officiers qui ont
été fufpendus , ont prêté avec ivreffe , ainfi
que les Soldats , le ferment de les maintenir
ou de mourir pour leur défenfe. Il
femble que le Soleil du Midi mûriffe plus
promptement les hommes à la liberté , &
fi jamais elle s'exiloit des bords de la
Seine , elle fe réfugieroit fur les rochers
des Alpes & des Pyrénées . Le fentiment
énergique de l'indépendance qui unit les
Citoyens de tous les Départemens , a créé
par tout d'innombrables bataillons. Nous
pouvons être vaincus , mais jamais nous ne
( 253 )
ferons affervis. Les Puiffances conjurées,
peuvent inonder notre fol du torrent de
leurs légions ; elles n'y arracheront pas le
germe de la liberté ; elles ne feront que
nous apprendre à détefter plus fortement
les Rois. La guerre que fait un Peuple
libre ne reffemble point à celle que commandent
les defpotes . Lorfque ceux ci ont
épuisé leurs tréfors & leurs hommes , ils
terminent leur querelle par des traités . Un
Peuple qui veut être libre ne connoît point
de capitulation ; tant qu'il a du fer & du
pain , il fe bat contre les tyrans , & ne poſe
les armes que lorfqu'il a fait reconnoître
fon indépendance .
Voilà ce que nous devons être ; voilà
ce que nous ferons. La liberté eft une
fubftitution impériffable ; c'eft la feule que
nous devions conferver. Soyons unis , &
nous arriverons plus promptement à ce
terme. Si l'ennemi pénètre dans l'intérieur ,
gardons nous de courir les hafards des
grandes batailles. Il faut le cerner , l'affamer
, le harceler ; il faut qu'à chaque pas
qu'il voudra faire il laiffe un gage de
fon imprudence & de fa témérité. Défendons
nous, & de l'ivreffe d'un triomphe,
& du découragement d'une défaite. Songeons
à réparer nos pertes , avant même de
les avoir effuyées . Tandis qu'une partie de
nos légions s'oppofera , fur notre territoire,
aux efforts de nos ennemis , portons l'autre
( 254 )
au milieu de leurs propres foyers , & puifque
dans leur aveuglement ils ne favent
pas refpecter les droits d'un Peuple qui ne
leur demandoit que leur indifférence, faifons
- leur une guerre inconnue jufqu'alors ,
celle des lumières contre la tyrannie , &
des Peuples contre les Rois. Nous terminerons
ces réflexions par une vérité qui les
renferme toutes , c'eft que le temps des
demi- meſures eft paffé ; nous n'avons plus
qu'à choifir entre une oppreffion longue ,
dure & fanglante , ou la chûte de nos oppreffeurs
; marchons.
Le Tribunal inftitué pour connoître des
crimes relatifs à la confpiration du 10 s'eft
occupéfans interruption de l'inftruction du
proces de plufieurs détenus. Le 21 Août
elle a condamné à la mort M. Colnotd'Angremont
, & il a été exécuté aux fambeaux
fur la place du Carroufel . I étoit le
chef d'une armée d'efpions divifés par brigades
aux ordres du Miniſtère & foudoyée
par la lifte civile. Cette horde de brigands
difféminée dans la Capitale étoit chargée
d'exciter les mouvemers & les féditions
dont la Cour avoit beſoin. Ils avoient des
fignes de ralliement & rendoient tous les
foirs compte de leur journée à ce d'Angremont
qui en prenoit trois notes , l'une
pour le Roi , l'autre pour le Miniftre , &
a troifième pour an fieur Lieutaud , de8255
)
meurant au Fauxbourg Saint- Germain , il
étoit de plus convaincu d'embauchage pour
l'armée des Princes.
Le 24 , M. Delaporte , Intendant de la
lifte civile, a fubi le même fupplice à 6 heures
du foir, après une inftruction qui a duré
plus de 37 heures . Il eft mort avecbeaucoup
de calme & de fermeté . Il a foutenu que les
pièces de conviction trouvées parmi fes papiers
, étoient relatives à fon Secrétaire ,
quoique plufieurs lettres fuffent à fon
adreffe . Il eft convenu de l'exiftence d'une
grande confpiration qui devoit éclater du 9
au 10 , mais il a nié qu'il en fut complice .
Il a été convaincu d'avoir employé les
fonds de la lifte civile à foudoyer des écrits
incendiaires , deftinés à prêcher la fédition ,
le meurtre & la contre-révolution.
Le troifième qui a été condamné & exécuté
le 25 à 9 heures du foir , eft M. Durofoy,
Auteur de la Gazette de Paris , &
convaincu de connivence avec ies Emigrés.
MM. l'imal, l'Abbé Sauvade & Guillot ,
condamnés à mort depuis long- temps pour
fabrication de faux affignats à Paffy , qui en
avoient appellé au Tribunal de Caffation ,
ont été exécutés le 27 du même mois , fur
la place de Grève. Ils avoient toujours
efpéré que dans l'intervalle la contre-ré
volution s'opéreroit , & les fauveroit du
ſupplice. Un' des fils du Bourreau , en faij
( 256 )
fiffant la tête d'un des exécutés , eft tombé
fur le pavé , & s'eft brifé la tête. Son père a
témoigné la plus profonde douleur.
Après un bombardement de 9 heures ,
la ville de Longwi s'eft rendue , le 23 Août ,
aux Pruffiens , que l'on a préfumé être forts
de 60 mille hommes. Le Maréchal Luckner
en a témoigné fon indignation. Cette
place étoit de nature à foutenir un fiége
de quelques jours. La garnifon a obtenu
de fortir avec tous les honneurs de la
guerre on a nommé une Cour Martiale
pour juger la conduite du Commandant
de la place , & l'on envoie des renforts confidérables
à l'armée du centre.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 17 Août 1792 .
L'Impératrice de Ruffie , cette femme
étonnante fous tant de rapports , sûre de
laiffer à la poftérité beaucoup de fujets
d'éloges & de blâme , tourmente encore fon
exiſtence prête à finir , en troublant celle de
fes voifins. La malheureufe République de
Pologne , dont elle fe vante d'être la fidelle
Alliée , n'obtiendra la paix qu'aux
conditions fuivantes qu'elle dicte impérieufement
les armes à la main . Elle exige ,
1°. le rétabliffement de l'ancienne forme
( 257 )
du Gouvernement ; chofe convenue entre
les trois Puiffances alliées : 2 °. la renonciation
à l'hérédité du trône à laquelle Sa
Majefté ne peut pas confentir , même fi
elle étoit offerte en faveur de fa famille :
3 °. la convocation d'une nouvelle Drète . En
écrivant au Baron de Bulher , fon Miniftre
plénipotentiaire à la Confédération de Targowitz
, elle traite le grand Maréchal Po
tocki d'inftigateur d'un parti qu'il a fu féduire
, & dont fon inutile voyage à Berlin
doit avoir fait évanouir les chimériques
efpérances d'être fecouru par la Cour de
Pruffe ; elle ajoute que celle- ci , par ſa réponſe
, a plutôt confirmé le langage qu'elle
avoit déjà tenu fur la Conftitution du 3 Mal,
comme fur un objet qui n'a rien de commun
avec fon alliance avec la République
de Pologne . « Dans peu , on pourra vous
donner , ajoute - t - elle , des preuves encore
plus précifes & plus authentiques que cette
Cour eft parfaitement d'accord avec moi ,
& fur les principes & fur les vues que j'ai
manifeftés relativement aux affaires politiques
de la Pologne . » Il eft clair , d'après
ces derniers mots , que le fyftême d'oppreffion
embraffé par la Ruffie , la Pruffe &
l'Autriche et plus profond , plus étendu
que ne l'avoit cru d'abord l'Europe qui en
a tout à craindre .
A peine a - t - elle arrangé les affaires de
Pologne à fon gré , car elles le font , puif(
258 )
que Staniflas s'arrête au milieu dune honorable
réfiftance dijà couronnée par des
fuccès qui en auroient amené de nouveaux,
& qu'il reçoit humblement les ordres de
l'Autocratrice , elle fonge à détacher 25000
honinies de fon armés d'exécution , pour
les envoyer fur les bords du Rhin combattre
contre la France. Les Officiers favent
d'avance , s'ils en reviennent , à quelles faveurs
ils doivent s'attendre. Catherine a
prodigué , à l'occafion de l'anniverſaire de
Ion Couronnement , des décorations , des
grades , des centaines de Payfans aux il-
Tuftres vainqueurs des troupes de Factio
nifles , c'eft le nom que la fervile Cour de
Rullie donne aux Patriotes Polonois ; elle
a auffi fait preffer le Duc de Sudermanie de la
feconder dans le généreux projet d'écrafer
la liberté en France ; mais le Régent de
la Suède , animé d'un efprit de fageile &
de modération qui lui fait honneur , &
fera sûrement du bien à fon pays , s'y. eft
refufé. Ce Prince fe montre favorable à la
liberté de la preffe , il abolit la coutume
honteufe de folliciter à genoux , il veut
qu'on lui parle dhomme à homme , il encourage
tous les arts de la paix dans un
royaume que l'amb tion de Guſtave n'a
que trop fatigué de tous les maux de la
guerre. En vain MM. de Bombelles & d'Efcars
, Ambaffadeurs & Miniftres plénipotentiaires
des Emigrés , ont- ils aufli fait
( 259 )
leurs efforts pour l'engager dans leur que
relle , non moins ridicule qu'injufte ; ils
n'ont rien obtenu. M, Verninac , Envoyé
de France , a fu fe concilier à cette Cour
l'eftime perfonnelle qui lui eft due , & y
prendre l'influence du Repréfentant d'une
grande Nation. Le Danemarck gardera la
même neutralité ; on s'y occupe beaucoup
d'exercer les élèves de la marine . La paix ,
la paix fi néceffaire , ou du moins fi utile
à tous les Etats , l'eft encore plus à celui - ci ;
la nature lui a donné pour moiffon l'empire
du Sund ; c'eft là fa richeffe. Il eſt paffé
par ce détroit , depuis le 27 jufqu'au 30
Juillet , 212 navires.
Nous croyors devoir ajouter à ce tableau
général & rapide de l'état du Nord ,
où la trifte pofition de la Pologne, rayée
du livre de la liberté , vient affliger l'oeil ,
quelques nouvelles particulières d'un intérêt
inférieur , mais qu'on s'attend à trouver
dans un Journal qui fournira fes matériaux
à l'Hiftoire.
La Grande Ducheffe eft accouchée le
22 Juillet d'une fille qui a reçu au baptême
les noms d'Olga Pawlorfna.
Il court un bruit qui n'eft point invraifemblable
, c'eft que l'Impératrice de Ruffie
veut placer fon petit- fils Conftantin fur le
trône de Pologne, en le mariant avec la fille
de l'Electeur de Saxe , appellée à cette
Couronne par le voeu de la République
( 260 )
On a trouvé dans les papiers du feu Roi
de Suède beaucoup de manufcrits de fa compofition
, entre autres l'hiſtoire de fon temps
& de fon adminiftration . Ces papiers feront
dépofés à la bibliothèque d'Upfal , où ils
refteront so ans fous les fcellés .
De Francfort-fur- l - Mein , le 24 Août.

2
Le jeure Empereur parti le 22 Juillet de
Mayence avec l'Impératrice , & l'Archiduc
Jofeph eft arrivé à Prague le 31 du même
mois ; on lui a fait une réception folemnelle
, & fon Couronnement a dû avoir
lieu le 9 d'Août. A peine parvenu au Trône
Impérial , avant même d'y monter , & fimplement
comme chef de la Maifon d'autriche
, ce Prince fe trouve engagé dans une
guerre qu'il ne tenoit qu'à lui d'éviter. On
pourroit ajouter que l'état de fes finances
l'amour de fes Peuples , le befoin de répaser,
d'améliorer la fituation de fes Etats
héréditaires , altérée fous les règnes de fon
oncle & de fon père , lui en faifoient une
loi auffi bien que la juftice ; motifs qu'il
étoit plus digne de confulter qu'aucun
Paince par fes vertus perfonnelles , fi jamais
les Princes , entourés comme ils le
font de Confeillers perfides , pouvoient les
écouter. Pour faire cette guerre avec fuccès,
François a contracté une alliance étonnante,
fi l'on ne veut pas dire monftrueuſe , avec
la Pruffe , fon ennemie naturalle , qui probablement
en tirera plus d'avantages que
( 261 )
lui. Déjà chargé d'une dette de 500 millions
, il a fallu fonger à fe procurer de
nouvelles reffources pour mouvoir ces armées
prodigieufes , dont un feul pas coûte
des fommes énormes quand on veut agir
à une fi grande diftance de chez foi . Auffi,
après avoir fait fabriquer pour 30 millions
de billets de banque , qui n'ont pu avoir
cours en Allemagne , le Cabinet de Vienne
a til ouvert des emprunts à Gênes , à Francfort
, en Hollande, à Bruxelles : ces opérations
de finances ont échoué , ou vont du
moins très- lentement , les emprunts ne fuffifant
pas on a mis des impôts ; ils ont déjà
produit leur effet ordinaire , lorfqu'ils paffent
la meſure de ce que les Peuples en
peuvent fupporter ; il en eft réfulté des mécontentemens
qui ne cefferont qu'en fuppri
mant la caufe , ce qui n'eft pas poffible de
fi tôt en effet , on porte l'armée Autrichienne
à 126,470 hommes . Sera - ce le Roi
de Pruffe , fon Allié depuis la convention
de Pilnitz , qui prodiguant les tréfors amaſ
fés par l'économie du Grand Frédéric ,
avancera les frais de cette guerre ? Mais fans
doute il en fera payer chèrement le capital &
les intérêts. Toutes les nouvelles de Vienne
ajoutent que les manufactures des Etats de
l'Empereur , & la première de toutes l'agriculture
, fe fentent déjà beaucoup des facrifices
multipliés de bras qu'exige une
guerre qui n'a pas l'air de devoir finir en
une campagne : car fi François & le Roi de
( 262 )
Pruffe déploient des forces redoutables ,
comme on ne peut fe le diffimuler , puifque
leurs troupes , réunies avec celles des Emigrés
, montent , par apperçu , à 206,510
hommes , on ne fauroit nier non plus que
Ja France eft en état de leur en oppofer autant
, & même davantage. Un foulagement
pour les deux Princes , c'eft qu'il paroît certain
que ceci va devenir une guerre d'Empire,
& qu'en conféquence les Membres
du Corps Germanique fourniront leur con
tingent en hommes , ou en nunéraire. L'Electeur
de Saxe a déjà accédé , ainfi que le
Cercle de Franconie , &c., & les Puiffances
liguées contre la France ont publié de nouveaux
Manifeftes , que les bornes de ce
Journal ne nous permettent pas d'inférer
pour le moment , même par extrait. - On
attend l'Empereur à Vienne dans les premiers
jours du mois d'Août. Il ne tarderoit
peut-être pas à compter un ennemi de plus ,
fila Ruffie avoit moins d'influence dans le
Confeil de la Porte Ottomane , car il y a
des différends avec les Commiffaires Turcs
pour la dé imitation , & l'on parle niême
de quelques mouvemens du côté de Choczim
& de Belgrade.
FRONTIÈRES.
Nous croyons devoir réunir fous ce titre
générique le tableau des mouvemens des ar(
263 )
mées combiné s contre nous. Il y a de cette
manière une économie de place qui tourne
au profit de la curiofité , plus légitime que
jamais , des Lecteurs de ce Journal , à qui
l'on a promis de n'y rien omettre d'important.
« Les Puiffances coalifées concertent leurs mouvemens
qui commencent à devenir très - vifs , trèsrapides
, & femblent annoncer qu'il y aura fous
peu quelque action finon déciſive du moins marquante
:: les ennemis veulent prendre leur revanche
des efcarmouches qui ont eu lieu dans les Pays-
Bas entr'eux , & les François : les Autrichiens
fort maltraités ont fait tranfporter à Bruxelles 26
chariots de blefés & de malades . · M. de Condé
arrivé le 8 Août à Spire avec fon corps de troupes
a paffé le Rhin pour le porter fur le Brifgaw
tandis que l'armée Autrichienne commandée par
le Prince de Hohenlohe s'eft repliée fur Neuftadt ,
& que le Général Comte d'Erbach a établi fon
camp fur les hauteurs de Lingenfeld & placé un
pofte au pont de Gemmersheim , »
...
On mande de Trèves que le gros de l'armée
P.uffienne encore campée le 9 près de Contz , n'y
devoit refter que peu de jours , & qu'il apprccheroit
inceffamment des frontières de France,
Quant aux Emigrés dont on exagèrè vraiſembla,
blement le nombre en le portant à 30,000 hommes
, ils ont affis leur camp près de l'Abbaye de
Mergen fur la Mofelle ; ces raffemblemens & leur
Téjour dans un pays peu étendu n'ont pas manqué
d'y produire l'effet auffi fâcheux qu'ordinaire de
renchérir excelfivement le prix des vivres ; les
habitans manifeſteroient , s'ils l'ofoient , le defir
d'être débarraffés de ces hôtes incommodes
( 264 )
Les Frères du Roi des François étoient à la
même époque à Kirchberg à la tête d'une troupe
de 8,000 hommes , également campés ; Farmée
Autrichienne laffe d'être ftationnaire s'étoit portée
vers Anweiler pour tâcher de pénétrer par -là dans
l'Alface . Après plufieurs mouvemens intermé- -
diaires , tels que l'attaque de Sieik par les ennemis
qui y ont commis des horreurs & la reprife
de ce village par les François , le combat du
pofte de Fontoy où les François ont repouffé 8
à to mille hommes , on reçoit la nouvelle certaine
que l'armée Pruffienne , commandée par le
Roi de Pruffe en perfonne , canonne & bombarde -
Longwy or bute que l'armée Impériale de
Hohenlohe tiena Metz en échec , & qu'il eft
queftion de bloquer & de furprendre en mêmetemps
plufieurs forts , villes frontières de la France .
où les Emigrés ont des traîtres à leur difpofition .
Du côté de l'Efpagne les Émigrés le hâtent
de réunir leurs recrues & d'en augmenter le nom.
bre , afin de feconder les attaques projettées contre
la France. Il paroît que la Savoye n'attaque
pas encore , on y craint même d'être prévenu .
:
Il faut que la France fe méfie de l'Angleterre ,
malgré les proteftations d'amitié ou du moins de
neutralité le temps eft venu de dire la vérité
toute entière . Le Cabinet de St. James n'a pas
rappellé fon Ambaffadeur fans intentions , quoiqu'il
foit vraisemblable que le Peuple Anglois ne
les partage pas en dernière analyfe , la Cour
faura bien décider la guerre fi elle veut .
Une lettre de Namur , datée du 20 , annonce
que les avant poftes de Rochefort , commandés
par M. d'Harnoncourt, bat arrêté M. Lafayette
&-fon état major
LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
( Nos . 32 & 33 )
SAMEDI 18 Août 1792.

MERCURE
FRANÇAIS ,
COMPOSÉ PAR UNE SOCIÉTÉ
DE PATRIOTES.
Tous les Livres , Cartes , Eftampes , Mufique ,
& Avis divers , doivent être adreflés à M. de
la Harpe , rue du Hafard n °.. 2 .
Le prix de l'Abonnement eft de 36 liv.
franc de port par tout le Royaume.
7
AVIS AUX SOUSCRIPTEURS .
LES circonftances ayant interrompu le
travail & l'expédition du Mercure
nous réuniffons les deux Numéros , afin
defatisfaire nos Soufcripteurs , qui recevront
à l'avenir ce Journal comme ci - devant.
La Partie Politique & celle de l'Affemblée
Nationale font maintenant confiées à des
Rédacteurs pénétres des principes de la
liberté & de l'égalité.
La Partie Littérairefera toujours rédigée
par les mêmes perfonnes.
CALENDRIER
POUR L'ANNÉE 1792 .
?
AOUST a 31 jours & la Lune 30. Du I au 31 ,
les jours décroillent de 48 .
1
JOURS
du
Mots.
NOMS DES SAINTS.
PHASES
de la
LUNK.
Temps moyen
au Midi vra:.
H. M. S.
merc. Pierre aux liens. S
jeudi. Etienne , Pape . 47
vend.Invent. de S Etienne. P. L. S.. 42
fam. Dominique, Inf. des F. Pr . 17 lo2 ,
d2
36
30
23
mardi Gaëtan.
20!
16
21
Martyr.
22 CD .
2. Q.
2 le 2 ,
10 D. Sufcept. de la Ste . Croix . 18 h . 20 1 .
La Transfigurat . de N. S. 19 du foir.
merc. Juftin , Martyr.
jeudi Romain
rovend Laurent , Martyr.
11am Sufcept. de la Cour. d'Ep.
12 11 D. Claire , Vierge.
13lundi. Hyppolite .
14 mardi Vigil -June.
15 merc L'ASSOMPTION.
16 jeudi Roch , Confeffeur.
17 vend . Mainmès , Martyr.
8fam . Hélene , Impératrice.
1912. Louis , Evêque.
20 ; lundi. Bernard , Abbé de Clairv .
21 mardi Privat , Evêque.
22 , merc Symphorien , Martyr.
jeudi. Sidoine , Evêque ,
24 vend. Barthélemi , Apôtre.
25 fam . Louis , Roi de France.
25 13 D. Zéphirin , Pape.
24 h . 4 m.
2. du foir.
26
27
du foir.
4 12
28 N. L.
3
129 ie 36
3 46
7,
1
h . com . 33
20
7
2 52
2 38
6 Dr Q • 2 23
7 le 25 a 7 จ 2 7
8 h. 35 m.
9 du mar.
52
I 3 ་
10 I 18
1
O
P. L. 44
13 le41 , à 10 O 26
h. 9 m. O O
is du foir. 11 19 49
lundi Céfaite , Evêque d'Arles .
28 mardi Auguftin , Evêque d'Hip 12
29 merc. Décollat de Jean Bapt.
o jeudi . Fiacre , Solitaire .
1 vend. Médéric , Abbé.
AVIS TRÈS - IMPORTANT.
ÓN obferve que les Rédacteurs n'ont
rien de commun avec l'Abonnement , la diftribution
, & c. C'est à M. GOTH , feul Direäeur
du Journal , hôtel de Thon , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets ; autrement des lettres
Jouvent importantes pour at refter au rebut.
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Affignats , doivent être, chargées
à la Pofte , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix de l'abonnement eft de trente fix liv . franc
de port pour la Province. L'abonnement pour Paris
eft de trenterois liv i faut affranchir le part
de l'argent & de a lettre , & joindre à cette
dernièr le reçu da Directeur des Peftes. On fouf
crit Hôtel de Thou , rue des Poitevins . On s'adreffera
au fear GUTH Dire@eur du Bureau du
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que pour
l'année entiere.
"
LIBERTÉ , ÉGALITÉ,
Nos . 34 & 35 )
VENDREDI A4 Avût 1792.
MERCURE
FRANÇAIS ,
PAR UNE SOGJÉT É
DE PATRIOTES .
Tous les Livres , Cartes , Eſtampès , Mufque ,
& Avis divers , doivent être adreffes à M. de
la Harpe , rue du Hafard , n°. 2.
Le prix de l'Abonnement eft de 36 liv.
franc de port par tout le Royaume.
AVIS AUX
SOUSCRIPTEURS.
DANS notre dernier Numéro notre
(
" nous
avons rendu compte des motifs qui en ont
retardé l'expédition ; maintenant que tous
les obfacles font levés , pour mettre nos
Soufcripteurs au courant , nous donnons encore
deux Numéros réunis dans un même
cahier U AVO
Ce Journal n'éprouvera plus d'interruption
, & les envois s'en feront comme ci- devant
, le Samedi de chaquesemaine.
T
La PaniePolitique & celle de l'Affemblée
Nationale font maintenant confiées à des
Rédacteurs pénétrés des principes de la
liberté & de l'égalité. ch
231
37
" mob ded
La Partie Littéraire ſera toujours rédigée.
par les mêmes perfonnes "
3. 24 .
COURS DES
EFFETS
PUBLICS Août 1792.
Lundi20
CHANGLSdu24
amit
. 32.
Lond. 17.
Mard21 Metc. 22. fear 23. Vend. 14 Sam. 25- Han. 318.
FFFETS NAT Lundi 20. Mard21
Actions..
Do.es ..
Emprint Oct..
Id. Décembre82
Lot. d'Avril..
Lot.
d'Octobre.
Emprunt
tan
Id. 85 millions..
Sans Bulletin.
Bulletin..
Emprunt 120
Borde. Ch.
2020.10..
| 366030..
417.412P.
9.10p..
Sp.
Sp
1990
1718
Caiffe d'Efrompt
Do.demi- act.
EauxdeP..
Empr.
National..
1830.23
3780.78.
Mad. 15.10.
Cad.2).
Liv. 174.
Gen. 160.
Lyon. P.
Fayeurs année
1792, lettreC.
AVIS TRÈS - IMPORTANT.
ON obferve que les Rédacteurs n'ont
vien de commun avec l'Abonnement , la difri
bution , &c. C'eft à M. GUTH , feul Diredeur
du Journal , hôtel de Thou , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets ; autrement des lettres
feuvent importantes pourraient refter au rebut.
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
ffers fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Afignats , doivent dire chargées
à la Pofte , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix de l'Abonnement eft de trente-fix liv .frant
de port pour la Province . L'abonnement pour Paris
eft de trente-trois liv, il faut affranchir le port
de l'argent & de la lettre , & joindre à cette
dernière la reçu du Dircdeur des Pofles. On foufs
crit Hôtel deThou , rue des Poitevins. On s'adreffera
au feur GUTH , Directeur de Burean 1 A
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que pour
l'année entiere.
COURS DES EFFETS PUBLICS. Avril 1792.
EPPETS NAT. Lundi 23. Mardi 24. Merc. 25.
Actions ...... 2030.35.12035.40.. 2060.80..
Do fer
Emprunt Oct
Id.Dicembr82e
Let d'Avril..
Lot, d'Octobre
Emprunt12m4:4
millioI8nd0s.
422.20 422 ...
5.4.
4:3.
CHANGES du2
Amft. 324.
Lond. 17
Hem. 310
Mad.. 25.
Cadix
25.
Liv.. 172.
Gên.. 162.
Lyon.2p.
année Payeurs,
1791 Lettre M.
Sans Bulletin.
Bulletin.
3.2
Emprunt 120 ms ...
BorCdhe
Caiffe d'Efcompt. 3715.25.373
deDamseit.:
FauxdeP.
3730.45.38 0.795-
1855.581860.67.1872.90..
Empr. National 4-4.
AVIS TRÈS - IMPORTANT.
LE Public eft prévenu qu'on ne recevra ja
mais dans ce Journal aucune réclamation , aucun
détail d'intérêt particulier employé dans d'autres
Feuilles. On ne fait ufage que des lettres fignées
& qui rendent compte de faits bien confiarés.
On obferve encore que les Rédacteurs n'ont
rien de commun avec l'Abonnement , la diflri
bution , &c. Ceft à M. GUTH , feul Directeur
du Journal , hotel de Thou , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets ; autrement des lettres
Jouvent importantes pourraient refler au rebut,
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , ponr acquit de leur Abonnee
ment , voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés. Les lettres
contenant des Afignats , doivent être charge
à la Pofte , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix de l'abonnement eft de trente- fix lig
franc de port pour la Province , L'Affemblée Na
tionale , parfon Décret du 17 Août , ayant double
le port de ce Journal, L'abonnement pour Paris
eft de trente trois liv. Il faut affranchir le port
de fargent & de la lettre , & joindre à cette
dernière le reçu du Directeur des Poftes. On fouf
crit Hôtel de Thou , rue des Poitevins. On s'a
dreffera au fieur GUTH , Directeur de Bureau de
Mercure, L'abonnement ne peut avoir lieu que
pour l'année endere.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le