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1792, 06, n. 22-26 (2, 9, 16, 23, 30 juin)
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( No. 22. )
SAMEDI 2 Juin 1792.
MERCURE
FRANÇAIS ,
Courosi par M. DE LA PARPE quant
la partie littéraire par M. MARMONTEL ,
pour les Contes , & par M. FRAMERY ,
pour les Spectacles.
M. MALLET DU PAN eft feul charge
de la partie politique,
Tous les Livres , Cartes , Eftampes , Mufique
Avis divers, doivent être adreffés à M. de
la Harpe , rue du Mafard , n . 2,
Le prix de l'Abonnement eft de 36 liv.
frane de port par tout le Royaume .
CALENDRIER
POUR L'ANNÉE 1792 .
JUIN a 40 jours & la Lune go. Du prem. au 15 les jours
crement , mata & foir , de 8 ; & du 26 au go , ils décroient de 2.
OURS
du
Mors.
Temps moyen
eu Midi vrai, NOMS DES SAINTS.
1 vend, Pamphile.
2 fam. Pothin , Évêque .
D. LA TRINITE.
lundi Optat , Evêque.
mardi Boniface , Evêque.
merc. Norbert , Évêque.
jeudi. FrE- DIEU.
8 , vend , Médard , Évêque .
fam. Prime.
2. Landry , Evêque.
lundi Barnabé , Apôtre .
mardi Bafilide.
merc. Antoine de Padoue.
14jeudi. Octave Fête- Dieu.
I vend Guy , Martyr.
16 ( am, S. Fargeau & S. Fergeon .
3D.Avir, Abbé. I
18lundi Ste. Marine , Vierge.
19 mardi S. Gervais & S. Pronais.
20 merc, Silvere , Pape. Ex . 69.
jeudi. Lefroy , Abbé.
2 vend. Paulin , Évêque.
3fam . Vigile-Jeûne.
24 4 D. Nativ, S. Jean - Baptifle.
25 lundi. Profper,
26mardi Babolein , Abbé.
17 merc. Ladifias , Roi,
28cudi Vigile June.
29ver.d.. Pierre & S. Paul , Ap.
ofam. Commém. de S. Paul .
16 1
J. PHASES
de de la
LUNY. H. M. S.
II 57 39
231
II 57.40
14 P. 1. 1 57 59
$7 49
1158
و
ת ו
11 58 20
11 58 37
42
13
12
6
41 59 48
11 59 30
17
h. 2
128
du mat
.
20
21
22
CD. Q.
23e11 ,
e
24 h. 43 m.
19 42
11 19-55
21 du foir.
26
271 20
281 33
29 N. L. 46
о
13
26
32
52
17
30
2 h 51 m.
3 da foir.
Dr. Q.
à 2
10fle 27,
11h , 27 m.
12 du foir.
00
102
42
2 14
6
18
468
MERCURE
FRANÇAIS,
POLITIQUE , HISTORIQUE
ET LITTÉRAIRE ;
COMPOSÉ par M. DE LA HARPE ,
quant à la partie Littéraire ; par M.
MARMONTEL , pour les Contes ; & par
M. FRAMERY , pour les Spectacles.
M. MALLET DU PAN , Citoyen
de Genêve , eft feul chargé du Mercure
Politique & Hiftorique.
SAMEDI 2 JUIN 1792.
A PARIS ;
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou ;
rue des Poitevins , Nº . 18 .
TABLE GÉNÉRALE
Du mois de Mai 1792.
C
A Malame G...
Les Bateliers de Befons.
Charade , En. Log.
EPIGRAMME.
Stances à Julie V...
Chanfon.
Charade , Enig , Log.
Précis hiftorique .
PROPHETIE.
Charade, Enig. Logog.
Nouvelles
Nouvelles
.
STANCES.
3 Le Retour du Mari.
Annonces & Notices.
21
37 Expofition.
23
28
39 Spectacles .
38 Bibliotheque.
48
52
40,Notices.
55
421 58
61 Spectacles.
64 Notices.
80
84
66
Charade, Enig, Logog.
8 Le Collatéral.
.90 87 Annonces & Notices . 102
A Paris , de l'Imprimerie de Moutard , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni.
BIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENS12.
م س
MERCURE
FRANÇAIS.
PIECES FUGITIVES.
VERS
A Mad. de B... pour la Fête de Ste. Sufanne,
fa Patrone.
Voous portez à bon droit le beau nom de Suſanne
Sufanne , ainfi que vous , eut l'art un peu profane
De plaire & d'infpirer l'amour & les défirs.
La vieilleſſe , réduite à l'honneur d'être fage
Retrouve à vos genoux plus que des fouvenirs
L'adolefcence y prend l'ufage des foupirs.
Tout s'empreffe à vous rendre hommage ;
Et près de vous , il n'eft qu'un âge ;
C'est toujours celui des plaifirs.
( Par M. Saint-Ange.
1
A 1
MERCURE
LES BATELIERS DE BESONS ,
CONTE MORAL.
ON
Seconde Partie.
MoN hiftoire , dit le bon pere en prenant
la parole , n'a rien d'affez intéreffant pour
occuper ces Dames ; & fans le malheur de
ma fille , je ne parlerais pas du mien. Le
Ciel me l'a rendue : voilà ce que ma deftinée
a de plus merveilleux ; le reste en eft
tout fimple : ce qui m'eft arrivé peut arriver
à tout le monde.
Mon pere , Etienne Lorizan , était un
habile Horloger . Il fut du nombre des
Artiftes que le Czar Pierre fit venir de
Paris en Ruffie . J'étais bien jeune encore.
J'accompagnai mon pere. Dans un pays
où les Arts d'agrément étaient nouveaux
& rares , il fut facile à un bon Horloger
de faire une honnête , fortune en peu de
temps. Mais vous favez que dans un pere
la faibleffe la plus commune eft de vouloir
donner à fes enfans un état au deffus du
fien. Mon pere , qui peut être n'eftimait
pas affez cet Art qui l'avait enrichi , me
le fit négliger pour les Mathématiques
dont Pierre avait fondé l'Ecole. Je n'y
·
FRANÇAIS.
étais pas encore bien avancé , lorfque le
Czar defcendit au tombeau ; mon père l'y
fuivit de près. Sa fanté frêle & délicate ne
put réfifter au climat.
Avant la mort , il m'avait marié à une
jeune Mofcovite , dont les biens étaient
fitués dans le Royaume de Kazan , vers les
plaines où le Volga eft le plus voisin du
Tanais. Par-là fa tendre prévoyance avait
voulu me fauver du péril auquel il fuccombait
lui-même ; & redoutant pour moi
ce froid mordant du Nord de la Ruffie :
Mon fils , m'avait - il dit , crois-mci , vat'en
vieillir fous le ciel du Midi. Je différai
de fuivre ce confeil ; & la faveur de Cstherine
& d'Anne me retint auprès de leur
Cour. Mais quand vint la Révolution que
fit dans cet Empire le courage d'Elifabeth ;
attrifté de voir la difgrace de deux protec
teurs de mon pere , Ofterman & Munik
les premiers hommes de l'Etat , plus affligé
encore du dépérillement de la fanté
de ma femme,, que je voyais laeguir ,
depuis qu'elle avait mis au jour fa fille
unique , je me fouvins de l'avis fage que
mon pere m'avait donné , & peu jaloux
de la célébrité qu'auraient pu m'acquérir
de fayantes études , j'allai fur le Volga
chercher un ciel plus doux , & un repos
plus affuré.
Vous croyez bien , ajouta- t- il , que dans
un pays où les hommes appartiennent au
A 3
6 MERCURE
fol & en font la richeffe , ce n'eſt pas moins
pour le propriétaire une regle d'économie
qu'un principe d'humanité de ménager les
fiens ; & que s'il lui était facile de leur
apprendre à être libres , il n'aurait garde
de négliger ce moyen de les rendre heureux.
C'était là mon ambition ; & par
les progrès des lumieres , de l'exemple &
de l'habitude , en leur donnant de bonnes
moeurs , j'efpérais les mettre en état de
mériter de douces loix.
-
Cette efpérance fut détruite par un évé- .
nement que j'aurais dû prévoir dans un
temps de Révolution. Les Tartares , yoifins
des rives du Volga , y firent des courfes
fréquentes ; & par l'une des bandes qui
faifaient le butin , ma demeure fut faccagée.
Ma femme n'était plus ; ma fille me
fut enlevée à l'âge de quinze ans ; & moi
je fus réduit en efclavage. Hélas ! ce ne
fut ni mon bien ni ma liberté que je
pleurai. J'étais pere ; ma fille était dans les
mains des Tartares ; & je croyais la perdre
pour jamais c'était la feule de mes
peines qui pesât fur mon coeur ; le refte
n'était rien. Mais ma fille ! ma fille ! je
n'ofais pas même penfer au fort qu'elle
avait dû fubir.
Plus d'une fois , parmi les Mufulmans
j'aurais fervi des Maîtres affez doux , fi
j'avais eu quelqu'un des talens d'un Efclave.
J'étais docile & diligent , mais faiFRANÇAIS.
7.
ble , mal- adroit , & inhabile à tout ; la
bêche et le feul inftrument que je maniais.
affez bien , encore étais- je bientôt las de
cet exercice pénible. Lorſqu'on me demandait
ce que j'avais appris , pour ſavoir à
quoi j'étais bon , je répondais toujours
les Langues, les Mathématiques . Ce n'était
pas ce qu'il fallait à mes bons Mufulmans ,
& fans me quereller , me trouvant inutile,
ils me revendaient à vil prix .
Ainfi de place en place , je me vis promené
dans cette Afie , autrefois fi célebre
qu'on appelle la Natolie . Je cheminais
patieniment fur les ruines de l'Empire de
Darius & d'Alexandre , & dans les plaines
où Scipion avait défait Anticchus. Je vis le
détroit où Xercès avait fait paffer fon armée ;
je me rappelai fon retour. Je parcourus le
Royaume de Mithridate & celui de Créfus.
J'apperçus de loin , dans Byzance , ce Sérail
qui occupe la place de l'antique palais
de Conftantin. Je traverfai les champs où
s'élevaient les murs de Troie ; & je crus
diftinguer encore le Scamandre & le Sim is.
Quelquefois , béchant un jardin fur les
ruines enfevelies d'Ephefe , de Nyfe , ou
de Sardes , je penfais à Munik , qui était
en Sibérie , béchant la terre comme moi.
Vous croyez bien qu'auprès de ces Révolutions
, celle de ma fortune me femblait
peu de chofe.
Enfin j'avais trouvé ma place chez un
A 4
8 MERCURE
Négociant de Damas ; & mon talent pour
le calcul m'en faiſait eſtimer. C'était un
honnête homme : fenfible , indulgent , équitable
, fon caractere était un mélange de
douceur & de gravité ; mais par malheur
je ne favais pas qu'il était Sectateur de la
Doctrine de Pithagore. - De Pithagore !
-Oui , Mefdames , j'ai retrouvé là toute
Fancienne Philofophie ; des Ecoles de
Stoiciens , d'Epicuriens , de Sceptiques .
Pourquoi s'en étonner ? j'étais dans leur
pays ; il n'eft pas bien étrange qu'après
quelques mille ans , les efprits de Zénon
d'Epicure, de Pithagore y rodent encore çà
& là .
?
Mon Philofophe ayant donc entendu
crier un chien que j'avais chaffe de la
maifon : Pourquoi , me dit- il doucement ,
avez-vous battu ce chien-là ? Savez - vous
quelle ame l'anime c'eft bien certainement
celle d'un homme vigilant , ferviable , reconnaiffant
, d'un ami fenfible & fidele ;
pourquoi donc la faire fouffrir ? Que l'on
perce de coups un fanglier , un tigre , un
loup vorace , on ne fait que punir l'ame
d'un méchant homme , l'ame d'un Bacha ,
d'un Vifir. Mais dans le chien , dans le
chameau , dans l'éléphant , refpectons ,
mon ami , le malheur d'un homme de
bien , dont l'ame n'eft qu'en pénitence de
quelque faute , hélas ! peut- être bien légere
, que le Ciel lui fait expier. Comme
1
FRANÇAIS. 9
il me vit un peu furpris de fa Doctrine
il voulut bien me l'expliquer.
Quand l'homme expire , me dit - il , 'fr
fon ame n'eft pas bien pure, fon châtiment
eft de paffer dans le corps de quelque
animal d'un caractere analogue au fien ( &
il me fit un long détail de ces diverfes métamorphofes
) ; mais après une expiation
plus ou moins longue , ajouta - t - il , elle
revient, purifiée , animer un homme naillant,
Rien ne ferait plus confolant , lui disje
, que votre Doctrine , fi l'on fe fouve
nait de ce qu'on a été ; mais malheureufement
l'oubli coupe le fil de l'exiſtence
& à chaque mutation , " c'eft une ame nouvelle
& un homme nouveau. Il m'écouta ,
les yeux baiffés ; & après avoir réfléchi
quelques momens Vous me faites- là , me
dit - il , l'objection d'un incrédule. Vous
avez du fentir qu'elle m'affligerait ; & ce
n'eft pas à vous de vouloir m'affliger. Je
ne vous ai fait aucun mal , & vous m'en
faites un cruel en me troublant dans ma
croyance. Le lendemain il me vendit.
On cherchait pour le Dey d'Alger un
Efclave , Interprete des Langues de l'Europe.
J'en favais quelques - unes ; on m'acheta
pour lui , & je paffai à fon fervice.
C'était l'homme du monde qui fe donnaie
le moins la peine de penfer . Il était enrieux
& grand queftionneur , mais trèsfacile
à fatisfaire; & pourvu qu'on lai sé
A s
10 MERCURE
4
pondit , comme aux enfans , quelque chofe
qu'il crût entendre , vrai ou non , il était
content.
Par exemple , quand je lui ees dit d'où
je venais , il me demanda s'il y avait dans
ce pays - là un Soleil , des Etoiles & une
Lune. Je répondis que non ; mais que de
loin on s'y chauffait à fon Soleil , & que la
nuit on était éclairé par fa Lune & par les
Etoiles . Je vis qu'il était fier que tout cela
ne fût qu'à lui.
Toi qui es favant , me dit - il un foir
fais-tu ce que deviennent les Etoiles qui
tombent ? Je me gardai bien de lui dire que
les Etoiles ne tombaient pas ; il fe ferait mis
en colere. Je rae fouvins du mot de Fontenelle
, & je répondis que ces Etoiles allaient
former les nouvelles Lunes. Fort
bien , dit- il , & les vieilles Lunes ? - Elles
fe brifent en Etoiles , pour remplacer celles
qui tombent. J'entends , dit - il ; & cela
m'explique ce que devint la Lune que fendit
Mahomet.
Une autre fois il me demanda pourquoi
les bêtes ne parlaient point. Les unes , répondis-
je , ne parlent point , parce qu'elles
ne favent que dire ; les autres , parce
qu'elles ont peur de dire des fottifes , &
qu'elles aiment mieux fe taire que de parler
imprudemment. Celles - là , dit - il , ont
raifon ; & fi mon perroquet eût été auffì
fage , je ne lui aurais pas fait couper la
FRANÇAI S.
tête pour une impertinence qu'il me dit
T'autre jour. Cet exemple du perroquet fut
un avis pour l'Interprete.
و
A propos des Arts de l'Europe , il me
demanda fi on y favait faire la pluie & le
beau temps. Je répondis qu'oui , mais que
c'était un Art exercé par les femmes . Il
m'en demanda le fecret. Je ne le fais past
bien , lui disje ; mais c'eft avec des girouettes
, qu'elles font tourner à leur gré.
Il crut entendre ce mécanisme . Je veux
dit-il , que l'on m'amene quelqu'une de ces
ouvrieres ; & fi jamais , pour quelque Antbaffade
, je t'envoie dans ton pays , tu me
feras ce plaifir-là. Je l'affurai de tout mon
zele. Mais je lui étais néceffaire dans mes
fonctions d'Interprete ; & je ferais encore
auprès de lui , fi le Ciel , qui voulait me
réunir avec ma fille , n'eût pas permis
qu'une belle pendule , dont le Roi avait
fait préfent à mon curieux Barbarefque, fe
fût tout à coup dérangée.
D'abord on s'apperçoit qu'elle eft privée
de mouvement : grande alarme dans le palais.
On la remonte ; mais elle avance , elle
retarde , elle s'arrête encore ; le Dey prétend
qu'elle a perdu l'efprit , & promet
tout au monde à qui le lui rendra ; car ,
à quelque prix que ce foit , il veat favoir
F'heure qu'il eft. Je m'apperçus même qu'il
regardait cet accident comme un mauvais
préfage , & qu'il en perdait le fommeil.
A 6
12 MERCURE
Alors me fouvenant des premieres leçons
que j'avais prifes de mon pere , dans l'Art
qu'il m'avait fait quitter , j'efperai d'en
favoir encore affez pour remédier à l'accident
de la pendule ; & j'ofai dire que fi,
pour récompenfe , le Dey voulait bien
m'accorder la liberté , je croyais affez bien
connaître cette merveilleufe machine pour
en rétablir les refforts . La liberté me fut
promile avec ferment par Mahomet , ferment
qu'un vrai Croyant n'a jamais violé..
Je parvins , en effet, à remettre la pendule
dans fon bon fens ; & le Dey , ravi de la
voir plus raifonnable que jamais , tint fa
parole , & confentit que je fuffe du nombre
des Captifs rachetés .
Cà , me dit- il , lorfqu'en me profternaut
devant lui je lui rendis graces , fouvienstoi
de ma commiflion . Je n'ai ici que des
girouettes que le vent fait aller; j'en veux
avoir de celles qui font aller le vent ; &
i tu peux m'en procurer , je t'en aurai
encore plus d'obligation que d'avoir guéri
ma pendule. Voilà , Mefdames , par quel
moyen je fortis d'esclavage ; & comment
par de longs détours , mais par la pente
caturelle du courant de la vie , mené de
Paris à Moskou, de Ruffie en Afrique, &
d'Alger à Befons , je me trouve avec mes
nfans.
En effet , dirent mes deux compagnes ,
il n'y a rien dans tout cela que de fimple
& de naturel.
FRANÇA I S.
13
Pour intermede , on nous fervit la ma
telote . Nous la trouvâmes délicieufe ; &
après le fouper , ce fur le tour de la Bate
Jiere de répondre au défir que nous avions
d'entendre ce qui lui était arrivé .
و د
Quand je fus prife par les Tartares
nous dit Bathilde , j'avais dans l'ame deux
fentimens qui , grace au Ciel , ne m'ont
jamais abandonnée , la pudeur & la piété.
Je n'avais qu'une idée bien confule de
feur objet ; mais je favais que pour être
fans tache devant Dieu & devant le monde,
je ne devais permettre aucune liberté à
aucan homme qu'à mon mari ; & que nuk
homme ne pouvait être mon mari qu'il
ne füit Chrétien. Voilà , Meldames , ce qui
rout fimplement a confervé mon innocence.
Quoi ! dit Adélaïde , même chez les
Tartares ! Chez les Tartares , reprit- elle ,
je dus , il eft vrai , mon falut à l'avarice
du brigand dont j'étais le butin ; car il
me regardait comme un diamant pur , qui
eût perdu fa valeur fi on l'avait terni.
En m'enlevant , il m'avait prife en croupė :
le cheval qu'il montait allait plus vite que
le vent ; & moi , toure éplorée , toute
épezdce que j'étais , j'avais encore , il faut
que je l'avoue , a peur de me laiffer tomber.
Je pleurais , je me défolais , j'appelais
mon pere à mon aide ; mais par un mouvement
involontaire , je me tenais toujours
à la ceinture du Tartare. Le cruel , avec
14 MERCURE
un fourire & un regard dont je frémis encore
, tournant vers moi la tête , infultait
à la fois à ma crainte & à ma douleur.
Nous arrivâmes dans fon camp ; & là ,
je vis fes compagnons m'entourer , le féliciter
, & lui s'applaudir de fa proie , mais
la garder à vue , appuyé fur fon arc , &
prêt à la défendre fi quelqu'un eût ofé
vouloir la lui ravir .
Quand nous fumes feuls dans fa tente ,
il m'offrit , d'un air auffi doux que pouvait
l'avoir un Tartare , de partager avec
lui fon fouper c'étaient quelques lambeaux
de chair crue & fanglante , feulement
un peu attendrie fous la felle de fon
cheval. Je refufai cette pâture'; mais fes
inftances , redoublées d'un air impatient ,
me forcerent enfin de boire un peu de lait.
Il fallut obéir. J'étais en fon pouvoir ; je
voulais , s'il étais poffible , qu'il eût quelque
pitié de moi. Mais je vous laide à
penfer , Meldames , quelle eft la pitié
d'un Tartare pour une fille de quinze ans.
Celui- ci me voyait pleurer fans être touché
de mes larmes , & fon regard , ſi j'avais
pu l'entendre , exprimait autre chofe
que de la compaffion. Cependant , fans
favoir ce qu'il ruminat en lui-même , je
vis bien qu'il le combattait & qu'il ſe faifait
violence. Tout à coup murmurant tout
bas quelques paroles, il quitta brufquement
le fiége du gazon où nous étions affis , fir
FRANCAIS.
J
quelques pas hors de fa tente , rêva quelques
momens , puis revenant à moi en fecouant
la tête, me montra la peau d'ours fur
laquelle j'allais coucher. Faible , tremblante,
à la merci , le corps excédé de fatigue & de
douleur , qu'aurais-je fait ? J'invoquai mon
bon Ange , je me recommandai à lui , &
couchée auprès du Tartare que j'entendais
frémir , je veillai , je pleurai long- temps ;
mais je finis par céder au fommeil . Non
jamais l'innocence n'a couru plus de rifques.
Mais , je vous l'ai dit , j'étais là
comme un tréfor fous la main d'un avare ;
& le prix qu'il en attendait le fit s'abftenir
d'y toucher.
Le lendemain , nous arrivâmes au port
d'Azow , où je fus vendue pour le Sérail
du Grand - Seigneur ; & le vaiffeau fur
lequel je paffai , fut un afile où je fus
gardée avec le plus humble refpect.
En débarquant fous les murs du Sérail,
je fus conduite par le Kuflir-Aga , Chef
des Eunuques noirs , dans l'appartement
des Novices. Là , fous les yeux d'une
Surintendante , appelée Kadan- Kahia , je
fus , ainfi que mes compagnes , élevée
avec foin dans les moeurs du Sérail. Une
févere modeftie , une docilité parfaite ,
quelques jeux innocens , quelques travaux
légers , une étude affidue des Langues.
Orientales , & l'émulation la plus vive
pour les talens qui rendent la beauté plus
1
16 . MERCURE
to
aimable , comme la Danfe & la Mufique
telle était à peu près , la regle de cette
efpece de Couvent. Je m'affligeais d'y
être captive , mais je ne m'en défolais pas .
Loin de me défier du foin que l'on prenait
de nous enfeigner l'art de plaire, je
m'étonnais qu'on eût pour nous tant de
bonté. L'élégance de nos parures , l'attention
& la diligence que l'on avait à neus
fervir , ne m'alarmait pas davantage ; &
fans favoir ce qu'on voulait de moi je
n'en augurais ancun mal. Mais dans le
premier entretien que je pus avoir en fecret
avec l'une de mes compagnes , j'appris ma
deftinée ; & dès ce moment- là je fus dans
la douleur. Etre livrée aux fantaifies d'un
homme qui ne ferait pas mon mari , qui
n'était pas même Chrétien ; être captive
dans fon palais , jufqu'au moment où je
ferais mere , ou que laffé de moi , il daignerait
me céder pour femme à quelqu'un
de fes Favoris ; enfin être réduite à diffimuler
ma Croyance pour m'accommoder
à la fienne ; me faire Mafulmane , parce
qu'il était Mufulman : tout cela me fut
odieux.
Les femmes qui nous inftruifaient , &
Ja Sultane mere , à qui l'on nous menait
faire la cour , ne ceffaient de nous dire
que pour nous le bonheur fuprême ferait
de plaire au fublime Sultan , & de mériter
les faveurs. Ces humiliantes leçons
FRANÇA I´S. 17
me flétriffaient le coeur ; j'étais d'une triftelle
que rien ne pouvait diffiper. Je ne
favais comment me faire renvoyer , j'aurais
voulu de bon coeur être laide ; j'eus
bien des fois l'envie de me défigurer ; je
n'en eus jamais le courage. Soir & matin,
je priais mon bon Ange de me tirer de là;
& je veux croire que ce fut lui qui m'en
infpira le moyen.
it
Un jour que mes compagnes , pour
fatter la Sultane mere , difaient merveilles
de la grandeur & de la gloire de fon fils :
Hélas ! mon fils , dit - elle , ferait le plus
heureux des Souverains du Monde , comme
i en eft le plus puiffant & le plus magnifique
, fans le malheur qu'il eut dans
fon enfance de voir un chat croquer une
fouris. L'impreffion qui lui en eft reſtée
lui a fait prendre en averfion ces deux
efpeces d'animaux. S'il en voit un , s'il
croit l'entendre , il en a des friffons & des
treffaillemens qu'on a de la peine à calmer..
C'est un fecret , ajouta la Sultane , dont
il faut bien que vous foyez inftruites , afin
que fi jamais cet accident lui arrive lorfque
vous ferez avec lui , vous me faffiez
appeler bien vite ; car le plus prompt remede
à fes convulfions , c'eft la préſence
de fa mere .
L'une de mes compagnes prit la liberté
de lui dire qu'il devait être bien aifé de
prévenir cet accident. Hé non , dít la Sul18
MERCURE
:
tale , cela n'eft pas facile. Si le Sultan
ne déteftait que les fouris , les chats feraient
fa fauve- garde ; s'il ne haïffait que
les chats , on négligerait les fouris. Mais
fans les uns , comment fe garantir des autres
? Les piéges ne font pas un moyen
sûr quelques fouris s'y prennent , mais
le grand nombre s'en échappe ; & pour
n'en pas laiffer peupler tout le Sérail , il
a fallu du moins y fouffrir quelques chats.
Tel a été le réfultat de la fageffe de nos
confeils felon cette grande maxime , que
de deux maux , dont l'un fert de remede
à l'autre , & qu'on ne peut détruire enfemble
, c'eſt le moindre qu'il faut choifir.
Nous parûmes toutes fenfibles à l'afflic
tion de la Sultane ; & moi - même je dis
que c'était bien dommage qu'une cauſe fi
mince & fi futile en apparence , troublât
tant de profpérités.
Lorfqu'on put fe flatter de nous avoir
donné affez de talens & de graces pour
plaire aux yeux de notre Souverain , l'on
obtint de lui la faveur de nous voir & de
nous entendre. J'eus d'abord peu de fuccès
devant lui. Mon chant , ma danfe , ma
figure , tout lui parut froid comme glace ;
& en parlant de moi , j'eus le plaifir de
lui entendre dire qu'il ne manquait à cela
qu'une ame. Ah ! cette ame , je l'avais
bien , mais je ne l'avais pas pour lui.
Celles de mes compagues qui , dès l'enFRANÇA
I S.
19
fance , deftinées à l'efclavage , n'avaient
prefque aucun fentiment de pudeur ni de
liberté , fe difputerent fes regards ; mais
ni la vive Napolitaine , ni la tendre Efpagnole
qui partageaient mon fort , ne me
firent rougir pour elles. Avec une noble
décence , elles attendirent du moins l'hommage
dû à leur beauté . La préférence leur
fut donnée ; je ne la leur enviai .point.
Toutes les fois que le Sultan venait
choisir une nouvelle Favorite , je tremblais
que ce ne fût moi . Je me tenais les yeux
baiffés , immobile , interdite , le friffon
dans le coeur , la confufion fur le vifage ;
& fi la trifteffe avait pu le rebuter , j'étais
fauvée. Mais il la prit , cette trifteffe
pour de la jaloufie , & ma froideur pour
du dépit. Emire eft mécontente , dit-il en
fouriant ( Emire était le nom que l'on
m'avait donné ) ; elle a raifon d'être piquée.
J'ai trop tardé à faire voir combien
elle eft belle à mes yeux. Mais je ménage
mes plaifirs , & je fais.réparer mes torts.
A ces mots , croyant me combler de bon-
Feur & de gloire , il me préfenta le mou--
choir. Peu s'en fallut que ma main tremblante
ne le laifsât tomber ; mais que n'eûtil
pas fait de moi fi je l'avais mis en colere
! Je parus donc foumife fans paraître
Alattée , & j'eus bien de la peine à fléchir
le gendu. J'en fus févérement grondée par
la vieille Surintendante ; & il me fut bien
20 MERCURE
recommandé d'oublier , le foir , avec lui ,
cette ridicule pudeur.
Par M. MARMONTEL.
( La fin au 1. Mercure de Juillet. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Guitare , celui
de l'Enigme eft Fauteuil , & celui du Loge
griphe et Potage , où l'on trouve Otage's
Tage ( ville & fleuve ) , Age , Pot.
CHARA D E.
LA fille cache mor dernier ;
Et mon premier te fert à cuire mon entier.
ON
ENIGME A DOUBLE MOT..
N me bat, & men bruit infpire la terreur
En me coupant la tête , & m'arrachant le coeur
Je fais le Dieu malia qui tient fous fon Empire .
Les Rois , & les Bergers , & tout ce qui refpire,?
LOGO GRIPHE.
RACINE , fur fix pieds , cuite au pot , je nourris ..
Sur cinq , pour m'éviter , c'eft befogne à Paris . !
FRANÇAIS.
21
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
MÉMOIRES de la Minorité de Louis XV,
par J. B. MASSILLON , Evêque de
Clermont , Membre du Confeil de Confcience
fous la Régence de Philippe d'Orléans
,& l'un des Quarante de l'Académie
Françaife. In-8°. A Paris , chez Buiffon ,
Imp-Lib. rue Haute-feuille, N° . io . Prix,
3 liv. 10f. br. & 4 liv. franc de port.
UN des titres donnés ici à Maillon
fait fourire de pitié l'homme qui réfléchit
fur les fottifes humaines , en fe rappelant
celles de notre ancien Gouvernement. Un
Confeil de confcience ! A- t- on jamais plus
ridiculement affemblé deux idées qui s'excluent
l'une l'autre ? Quel rapport entre
la confcience & un Confeil ? Comment la
chofe qui , par la nature , appartient le
plus indépendamment à chaque individu ,
Feut- elle être foumile à un Confeil? Nous
ne fommes pas encore affez avancés pour
que de pareilles réflexions foient inutiles ;
il faut que l'on nous faffe rougir encore
long temps avant que nous foyons corrigés
, & l'on ne doit négliger aucune occafion
de nous accoutumer à cette rectitude
d'idées , qui nous a été fi long - temps
étrangere,
22
MERCURE
Au refte , ce n'était pas la faute de
Maffillon , s'il y avait un Confeil de confeience
fous une Adminiſtration qui avait
fort peu de confcience. Il en avait lui ; il
avait celle d'un homme honnête & éclairé ;
c'eft un témoignage que la Poftérité a
rendu à fa mémoire , & l'Ouvrage dont il
s'agit ici fert encore à le confirmer.
·
J
>
Il fait voir non feulement que Maffillon
avait un très bon efprit , ce qui était
prouvé , puifqu'il était grand Órateur
mais que cet efprit pouvait s'appliquer
avec fuccès , à des objets fort éloignés de
l'éloquence de la Chaire , qui était ſon
talent particulier ; qu'il était très- inftruit
en matiere de Gouvernement , & avait
jeté un coup d'oeil attentif & jufte fur les
événemens dont il fut témoin , & fur les
acteurs qui occupaient alors la grande
Scène du Monde.
Ce fut en 1730 que Louis XV engagea
Maffillon à rédiger pour lui ce Précis hiftorique
fur les affaires de la Régence . Il
n'eft pas à préfumer que ce fût à l'infçu ,
& même fans l'avis du Cardinal de Fleuri,
que le jeune Roi fon éleve donna cette
marque de confiance à Maffillon ; & cependant
il eſt à remarquer que l'Auteur
de ces Mémoires ne donne aucune louange
au Cardinal de Fleuri.
Ils font intéreffans & inftructifs par
beaucoup de faits particuliers & de détails
FRANÇA I S. 23
de l'intérieur de la Cour , qu'on ne trouve
pas ailleurs , par le ton de bonne foi &
l'efprit de juftice qu'on y voit dominer
d'un bout à l'autre . Le ftyle en eſt facile
& fimple , quelquefois même un peu négligé
, c'est plutôt celui d'e correfpondance
que de l'Hiftoire , & en cela l'Auteur
allait à fon but ; il devait être plus
occupé d'écrire pour le Roi qui le confultait
, que pour le Public & la Poftérité
qui vraisemblablement ne devaient pas lire
ces Mémoires ; mais la clarté du récit &
la netteté des développemens , qualités
importantes & qui manquent quelquefois
à ces fortes d'Ecrits confidentiels , marquent
une main exercée & un Ecrivain
fupérieur à fon travail.
-
Il ne perd point l'occafion d'inculquer
au Roi des maximes de Gouvernement
très judicieuſes , qui ne font point tournées
avec une affectation de profondeur
mais qui n'en font pas moins d'un grand
fens , frappantes d'évidence , d'une application
étendue , & d'une utilité conftante.
La confiance du Prince , qui femblait demander
la vérité , & fon âge, qui en paraît
moins ennemi que tout autre autorifent
Maffillon à ne lui rien diffimuler, ni
de ce que le paffé avait de honteux, ni de
ce que l'avenir avait de menaçant. On
s'apperçoit que Maffillon connaiſfait les
plaies profondes de notre Gouvernement,
1
a
24
MERCURE
ce que la corruption de la Régence y avait
ajouté , & ce qu'on pouvait craindre de
la difpofition que montrait déjà le Monarque
à fe laiffer gouverner. Il a le courage de
lui dire que les Princes qui ne gouvernent
pas par eux-mêmes , font toujours mineurs.
Il femble prévoir de loin toutes les fuites
que peut avoir , chez une Nation comme
la nôtre , cette habitude de méprifer l'autorité
, que j'indiquais , il n'y a pas longtemps
( 1 ) , comme une des caufes primitives
de notre Révolution ; il avertit le
Roi que les Grands , qu'on eft porté à
croire les appuis naturels de l'Autorité
Souveraine , la fouffrent très- impatiemment
dès qu'elle ne fait pas tout pour eux , &
au fond ne l'aiment gueres que pour euxmêmes.
Enfin il réfulte de la lecture de
ces Mémoires, que fi Louis XV a toujours
voulu être mineur , ce n'eft pas faute d'avoir
reçu de bons confeils. Mais que fert
cette inftruction tardive , toujours trop fai-
-ble contre le caractere que l'éducation peut
feule modifier ? & l'on fait que celle de
-Louis XV avait toujours tendu à lui ôter
tout reffort & toute volonté.
1.
Il n'y a que deux endroits fur leſquels
je trouverais quelque reproche à faire à
Maffillon voici le premier.
: " On avait
( 1 ) Voyez l'Article des Mémoires du Miniftere
du Duc d'Aiguillon , 28 Avril dernier.
proposé
FRANCAIS.
25
propofe au Régent de déclarer le Pci quitte
envers les Sujets de ce qu'il leur devait ;
& c'eût été faire aux Français une banqueroute
d'environ dix huit cent millions.
Le Duc d'Orléans trouva ce plan odieux
& effectivement il l'é ait ; dérer le parti en lui me , quoiqu'à confi-
1
& le comparant .
le
avec les opérations que l'on fit depuis , l'Etat
en général en cút été mieux , fi on Feût
fuivi . J'avoue que je n'en crois rien . Je
crois que le plus mauvais de tous les partis
eft celui qui par une violation onverte
& abfolue de la foi publique , donne
le plus grand de tous les fcandales , & détruit
toute reffonrce pour l'avenir. Je fais
bien que les liquidations & réductions du
fameux Vifa où aboutit le Syfteme de Law,
furent une espece de banqueroute partielle
& palliée; mais pourtant les circonstances
font quelque chofe en pareille matiere ;
& Kaviliffement d'un papier, dont l'intérêt
avait été poré cent fois au delà de fa valeur
, ne pouvait , quelque mal qu'il fît à
beaucoup de Particuliers , fe comparer
ni dans fon principe , ni dans les effets
à la fpoliation avouée & authentique de
tous ceux qui avaient de fi bonne foi
avancé leurs fonds à l'Etat. Qu'on fe figure
quelle longue impreffion d'effroi &
d'horreur aurait pu produire un Edit tel
que celui qu'on propofait au Régent , &
qui aurait dit à d'innombrables
créanciers
qui avaient d'autres créanciers ; L'Etat a
N °. 22. 2 Juin 1794 Amouriɔ zəi B
16
MERCURE
reçu votre argent , & l'Etar déclare qu'il
he vous doit rien. C'eût été un boulever-
Tement cent fois plus odieux & plus dangereux
que la chute d'une Banque de papiermonnie
; c'eût été élever une barriere
éternelle entre les befoins de l'Etat
& les fecours qu'il pouvait attendre des
Citoyens. Ils porterent encore leur argent ,
& en quantité , dans les nombreux emprunts
qui fuivirent le Syme ; mais après
une banqueroute totale & folennelle, telle
qu'on voulait que le Régent la fît , jamais
on n'eû, trouvé un écu . Il y a des impreffions
dont les hommes ne reviennent pas
& je fais furpris que Maffillon air avancé
une opinion fi erronée en morale & , en
politique .
""
L'autre endroit dont je veux parler regarde
ces énormes for unes que l'on vit
s'élever dans le temps où ce qu'on appelait
la grande machine de la Finance était un
myflere profond , impénétrable même au
Gouvernement , & connu feulement des
principaux Agens de la Ferme générale.
Mafillon dit à ce fujet : La néceflité de
dépenfes promptes , & qui ne permettent
pas d'attendre le temps de recette , porte
chercher das fecours extraordinaires , & ce
font les cas où l'on eft bien heureux de
trouver des bouffes fortes , qui puiffent
faire des avances , au moyen de certain
intérêt que le Roi donne à gagner. Si ces
fortunes font donc un mal en elles - mêmes,
il y a des circonftances où elles font utiles
à
FRANÇAIS. 27
è l'Etat ou au Roi , qui doivent ne faire
qu'un «.
Voltaire & beaucoup d'autres Ecrivas
ont fait la même remarque. Elle n'eft pas
deftituée de tout fondement ; mais dans ces
fortes d'obfervations , qui ne font vraies
que fur un fait , il eft de devoir de prévenir
les conféquences très- faufles & trèsdangereufes
qui pourraient en faire un
principe d'erreur. Ce fair prouve feulement
une vérité très - commune , c'eft qu'il n'y
a gueres de mal général dent il ne puiffe
réfuker quelque avantage particulier
comme il n'y a point de bien général dont
il ne puiffe nitre quelque abus . Mais il
fallait d'abord reconnaître qu'il était de la
plus mauvaife politique de tolérer ces for
tunes abufives, fondées, fur une perception,
d'impôts arbitraire & ignorée , & fur la
disproportion inconnue entre ce que la
Ferme générale tirait des Peuples , & ca
qu'elle rendait au Roi. L'expérience a
prouvé depuis que non feulement la juf
tice était blue par cette cppreflion des
Peuples , mais que l'Autorité même faifais
un très- mauvais calcul , en tariffant la ré
Litable fource des vichefes de l'Etat , c'eft
à- due l'aifance générale & la fécurité des
properts , pour fe procurer des relfources
palfageres & difpendieufes , qui devaient
péccffaiement fir par une ruine toalet
c'était , en effet , raifonner précisément
comme ces riches diffipareurs qui le laif
faient voler par leurs Lendans , pourvu
28 MERCURE
qu'ils puffent leur emprunter au befoin de
gates fommes , dont les prêteurs étaient
stde fe payer largement par leurs mains .
On fait cu bouriffit cetre conduité :
toute la fortinė allait à la fin aux hom-'
mes d'affaires , & le maître à l'Hôpital.
Voilà ce qui eft arrivé en France : après
avoir long-temps emprunté de ceux à qui
elle permettide pilerle People , elle a
vu celui- ci réduit à ne pouvoir plus rien
donner , ceux - là à ne pouvoir plus rien
prendre , elle même réduite à ne pouvoir
plus rien recevoir , & tout a croûlé. L'ordre
, Fordre , en tout & par - tout il n'y a
que a la de bon & de sûr.
-A ces deux paffages près , tout ce que
dit Maillon eft en foi- même une leçon
excellente , & de plus , approprice au Prince
qu'il inftruifair , & dat il parait avoir
cennu de benne heure tous les défauts :
qu'on en juge par le morceau fuivant. » JI
fenible que parce que nos Princes font
grands , ils fcient difpenfis de parler , &
c'elt certainement me grande erreur, Hy
a mille occafions dans lefquelles un Prince
qui fait parler à la multitude gagne plus
que par le poids de toute fon autorité . Les
mécontens même n'aborder.t jamais leur
maître que dans le defir intérieur d'être
défarmés , & ils le font sûrement quand le
Prince veut dire un mot. Combien Henri
IV, par exemple , ne rencontra - t - il pas
d'obftacles qu'il furmonta , parce qu'il favait
parler J'infifle fur cet Article par
FRANÇAIS. 29
l'amour & l'attachement que je lens pour
mon Roi ".
Il eut bean infifter : on fait combien la
leçon a été inutile. Louis XV était peutêtre
le feul à ignorer le ridicule que dans
toute l'Europe en verfait à pleine main
fur cette impuillance de parler , qu'on appelait
un des tics de la Maifon de Bourbon ,
& que les Latins , par une expreflion éner
gique qui manque à notre Langue & qu'on
ne peut fuppléer , eppelaient infantia (1 )
Tandis qu'il n'était queftion parmi nous
que des converfations toujours intéreffantes
que tout Voyageur , un peu connu , ne
manquait jamais d'avoir avec les Souve
rains de l'Europe , en Angleterre , en Pruffe,
en Ruffie , dans toute l'Allemagne , on fa
vait par coeur , à Verfailles , les trois on
quatre queftions infignifiantes que le Roi
ne marquant pas de faire à tout Etranger
qui lui était préfenté , & qui étaient conftamment
les mêmes. On peut imaginer
combien ce protocole faifait rire , fur- tour
quand on le rapprochait de ce que nous
( 1) Il eft bon d'avertir ceux qui ne favent pas
le latin , que ces mots enfant & enfance , que nous
avens ties dinfans & ďinfintia , fignifient pro
preme: t ner-parlant , non-parler ; & que les Lains
les appliquaient à ceux qui n'ayant point profire
du dévelop, ement des facultés de l'homme ,
fen b'aient encore être reflés dans l'âge où l'on ne
fait pas parler. B.3 1
30 MRCURE
1.
répétions fans celle de la morgue Allemande
& de l'urbanité Française.
- -
Pour faive fentir combien à ce sujet les
idées & les muis des E rangers étaient
éloignées des nôtres , il ne fera pas hors
de propos de rapporter une converfation
que j'eus avec un Prince d'une des premiers
Maifons Souveraines d'Alemagne ,
homme de beat coup de mérite & de fene,
chez qui j'avais demeuré quelque temps.
Il me demenda fi le Roi Louis XV m'avait
jamais fait l'aonneur de me parler. →
Jamais . Vous n'avez donc jamais cu cccafion
de le v . it ? Jeus l'honneur de
lui ê re préfenté lors de mon premier Ouvrage
qui fut joué devant lui avec beaucoup
de fuccès , & ce fut lui- même qui
youlur en voir l'amédr.. Et il ne vous
dir tieNn : il me regarda beaucoup ,
& fe contena de dire à ceux qui étaient
au pur de lui , que j'ais ben jeune . -
Mais n'a - t - il j mais parlé ' atix homines
célebres de fon Royaume , à Voltaire , à
Bffon , à Rukau , à d'Alembert , & c. ?
--Jamais . Mais à qui parle-t-il donc ?
( Je répec les propres paroles du Prince. )
-
Je vais vous dire une ch fe ( ajoutai -je )
qui vous fe comprendre les raif ns de
ce filence , fans que je les explique Je
fuppofe qu'à la chatfe ; dans un de ces
momensù le Roi fe trouve quelquefois
à peu prè, fut , & n'ayant autour de lui
que quelques Valets , il apperçoive un de
ces hommes que vous vencz de nommer,
FRANÇAIS. 31
qu'il connaît fort bien , & que la circonftorice
amene alors tout près de lui ; vous
pouvez être sûr que ce n'eft pas à lui qu'il
adrelle a li parole , mais de préférence au
poſtillen , au cocher , on au piqueur. —Je
vous- entends , me ddur le Pri: ce; & j'avais
dit l'exact vérité.
Les gens fenfis verront bien que ce n'et
nullement par efp it de fati e que je fuis
entré dans ces détails. Je n'ai jamais rien
en de common avec ces déclamateurs feanda'eux
, qui s'imaginent que l'eſprit dè
Patriote & d: Libe té confite à invectiverec
1 plus b uale in cence contre
celui dont la dignité conflituti nnell : commande
le relpect , fans que ce ref ect légitime
& cellaire rufe em Acher de
dire ne fet le des vérités utiles à la chofe
publique. Je me fuis même plus d'une
fois devé publiquement contre cos forces
nés qui prétendent on courage , lërfqu'il
n'y en a plus que dis a jutte mefare de
nos avantages : c'eil à enx que l'on peut
appliquer , en le parodiant , ce vers fameux
de Corneille :
Pour in ulter un Roi , tú te crois quelque chofel
Quant à moi , je n'ai d'aure objet dans
ce que j'écris que de donner une idée de .
1 fré des couleus & de la n tre des
inftructions que purra employer 1 Hif
toire , lofqu'avec fon imparti le f vérité
elle peinde ce que nous étions & ce que
nous femmes.
32 MERCURE
Maillen n'y manque pas dans les M'-
moires : il y et toujours le fincere interprote
de l'opinion publique . Il dit , on par-
Lint de Ponchorrain , que fon Adminif
tration , derɛment arbitare , avait fait détefter
de toute la Marine : S: retraite
lui permit de s'apercevoir du mépris gé
nér 1 d ns lean 1 il était tombé «. Rien
n'est plus vrai , & voici une An- calore cartaine
qui en eft la preuve. Un Offic
de Marine , qavat affaire auprès du
Miniftre , arrive en pofte chez Penchartrain
avans de favoir qu'il venait d'être
renvoyé. Il est introduit fur le champ ,
également furpris de la flitude qu'il rencontre
& de li fa. Té de l'ac ès. Timide.
& les yeux baffes , il expofe in affaire à
l'ex- Minire , qui lui répond d'un ten
fort peli Monfieur , cela ne me regarde
plus. Quoi ! ( dit P'Officier en filant
un pas en a rière & relevant les yeux pour
toifer fon home ) eft- ce que Monfeigneur
ne fe ait plus ? ………….. Non , Monfieur,
L'Officier le regarde quelque temps , &
tout à coup frappant dans les mains , s'écrie
avec toute la brufq e fanchife d'un
vrai Marin : Four çà , j'en fais bien aife.
Et il fe retire plus content qu'il n'était
venu.
-
L'Editeur a mis an devant de res MS
moires une Not ce hiftorique fur la Vie &
tes Ecrits de Maillon , dans laquelle il
n'y a d. b n que ce qu'il cire de ce grand
Orateur . On s'apperçoit d'a:Feurs , au preFRANÇAIS.
33
**
·
mier coup d'oeil , qu'il n'a i les connaiffances
, ni le jugement , ni le ftyle nécef
faires pour traiter les objets qu'il veut
embaffer. I appelle Maffillon un Ecrivain
Révolutionnaire , expreflion très-déplacée y
car Maffillon n'était & ne pouvait être
alors que du nombre des honnêtes gens ,
qui déuraient que fous un jeune Roi le
Gouvernement fentît la néceffité de le réformer
lui-même ; & c'eft dans ce déffein
que , comme Oateur & comme Hiſtorien ,
il montrait le mal & indiquait les remedes
. Ce n'eft que long temps après , &
lorfque le mal fur à fon cémble , que des
hfophes , tels que Voraire , Roffeau,
Mably , Helvetius , comprirent & firent
comprendre qu'il n'y avait de reffources
que dans une Revolution totale : ce font
ceux-là qui furent vraiment des Ecrivains
Révolutionnaires. Helvetius n'efpérait rien
que de la conquête il ne nous croyait pas
dignes d'une guerre civile. Mably voyait
nieux , & devina jufte d'où viendrait le
premier ébrankment , des Parlemens , qui
finiraient par demander les Etats - Généraux ."
Calci , naturelement auftere & brufque ,
fe fa.hait très - férieufement contre ceux
qui applaud ffient à quelques- unes de ces
reformes d'un moment , qui ne guériffent
jamais rien dans un Etat , dont l'inftabilité
de principes & d'adminiftration eft un des
vices cffentiels . Tant pis ( difait il ) fi l'on
fait quelque bien ; cela foutiendra quelque
temps la vieille machine qu'il faut renverfer.
34
MERCURE
pas
L'Editeur dit beaucoup de m: 1 de notre
ancien Clergé , & alluren ent il y ade quoi ;
mis il s'en faut bien qu'il fache frapper
julte . Il prétend que la prélature ét.it en
gentral inepte &. ignorante. Il fe trompe
beaucoup s ce n'est pas par- là qu'elle péchait ;
elle ne manquait ni de lunieres ni de talens.
I fe plaint que le Clergé ne fic
all.z
d'accueil au mérité . Cela n'eft pas plus jute ,
Il n'y avait point de caniste cù le mérite
fuc plus fûr de perser que dans celle de
FEgile , par deux raifons , d'abord parce
qu'il n'y en avait point cù les récompenfes
Coûtaffent moins , enfuite parce qu'on y fen
tait la nécefité de fe fortifier dhommes qui
euffent des moyens ; car déjà l'en comme.-
çait à s'appercevoir des forces & des fuccès
de l'ennemi. Je fais , à n'en pouvoir douter ,
que tel d'entre eux fe bornait à défirer que
Les chefes duraffent autant que lui. Si l'on
demande pourquoi do c ils ne firant rien
pour prévenir leur chute , c'eft que cela était
impoffible ; que l'efprit de corps ne recule
point ; que la partie fanatique était bien
foin d'être d'accord avec la partie éclairée
c'eft fur- tout que leur exillence abufive était
immédiatement life aux intérêts du defputifme
, qu'elle ne pouvait rétrograder qu'avec
lui , & qu'elle tait par cor féquent nécef-
Grée à re tomber qu'avec lui.
Ilaline que les Eccléfiaftiques diftingués
n'obtenaientque du pain & de modiques recom
penfes. Non , hors Epifcopar , ils obtenaieut
sont, & allez facilement. L'Abbé Paulle
FRANÇAIS. 35
pour fept ou hit Sermons , eur une Abbaye
de trente mille livres de rente , & ne prêcha
plu . L'Abbé Maury , pour des Sermo s
bien inf rieurs à ceux de l'Abbé Poulle ,
eut neuf ou dix mille livres en bénéfices .
Les places de Grinds -Vicaires , ordinairement
accompagnées lus tô: ou plus tard de
bénéfices contidérables , étaient remplie le
plus Youvent par des gars d'efprit & de
mérite L'Editerr n'a rafon one fur Exifcapt.
Cette exclufion habirnelle dont il y
a pen d'exceptions , telles que Maffillon
Fle hier , l'Abbé de Beauvais , renait à l'infurmontable
pr'jugé de la Nob'effe , nerfual'e
que toutes les places éminentes lui
appartenaient exclufiv ment , & qui ne
ponvait pas plus fouffin ' m'me concevoir
un Rotorier Evêque , que Capitaine de vaiffeau
Royal , ou Maréchal de France. Ge
prajugé , fi fort chez elle qu'on ne l'aurait
jamai derrit , cf en même tempe la plus
forte preuve qu'il ne reftait d'auke remede
que de la détruire elle-même . Ele confer tait
pourtant , en faveur des Rouriers d'un
mérite pr dominant , qu'on leur donnât
quelques -uns de ces Frêch's qu'on a pelait
à la Cour des Evchés de laquais , & c'étaient
ces petits Dioccfes enfoncés dans les montagnes
de Provencs .
Parmides Orateurs de la Chaire , qui ont
( dit il ) mérité l'attention de leurs contemporains
, l'Editeur cite fur la même ligne
L-tour- du Pin , Neuville , Poulle & Maury.
Il ne fait pas que les deux premiers , qui
16 MERCURE FRANÇAIS.
•
n'étaient que de froids Rhéteurs à antithefes,
ont été oubliés dès qu'ils ont été imprimés ;
que l'Abbé Poulle , feul véritable Orateur
que nous avons vu dans la chaire depuis
Maillon , ne devait pas être confonda avec
cox , & que FAbbé Maury , dont nous
avons que deux Panégyriques de Saints ,
a montré cans ce genre un talent eftimable:
ile vri , p'us fain & plus fort que celui
de Neuville & de Latour-du -Pin , mais
à une grande diftance de l'Abbé Poulle.
Il cite encore M. Farchet , déclamateur
ridicule aux yeux de tout homme de g út ,
qui , avant la Révolution , n'était cornu
que par des morceaux dun très mauvais
fyle , n'avait montré , lorfqu'il prêcha devant
l'Académie , qu'an - talent très - inégal , &
qui , dans ce qu'il a publé depuis , est loia
d'avoir fair quelque progrès.
1 L'Editeur nomine quelques aut es Eccléfiftiques
, dont on a , depuis la Révolution ,
des Ouvrages oft més , & qui fe four diftin
gués comme Citoyens & comme Ecrivains ,
mais qui ne peuvent être encore comptés
parmi les Orateurs .
” , ”
T A BLE.
Les Bare cers, ze . Part.
7511
"
Chorale, En . Log .
4 Mémoires.
20
21
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 9 JUIN 1792 .
PIECES FUGITIVES.
HISTOIRE
DE M. L'ÉVÊQUE DE
UN jour deux jeunes Mousquetaires ,
Gris ou Noirs, il n'importe gueres ,
Difputant vivement au jeu ,
1 97
L'un reçut un foufflet de l'autre.
Dans un pays comme le nôtre
Un fouffler fe pardonne peu.
La Difcorde , artifant. le feu ,
Veut qu'on fe hatte , qu'on fe tue
Le fouffleteur s'y préparait ,
Mais le fouffleté regardait
La chofe fous le point de vue
Que la Prudence lui montrait.
No. 23. 9 Juin 1792.
C
MERCURE
La crainte de perdre la vie ,
Le der de fauver l'honneur
Lurrent quelque temps dans fon coeur .
L'honneur l'aiguillonne & lui crie :
Arme- toi d'un noble courroux
>
Venge-toi , va percer de coups
L'auteur de ton
ignominic.syki
Mais la Raifon lui dit : Tout doux !
Ceux qui fe battent font des fous.*******
Trends un milieu qui concilie
T'honneur avec l'opinion
A qui le Monde facrific .
Pardonne à la main étoudic
Qui , fans mauvaiſe intention
A pa faire cette action . A
La Raifon-parlait d'or fans doute ;
Mais chacun fait de quels mépris
Ses, avis , que le Sage goûte ,
Etaient d'ordinaire accueillis
Des Moufquetaires Noirs & Gris ( 1 ) .
Celui- ci cependant l'écoute ,
Se difpofe à fuivre fes loix ;
Et c'eft pour la premiere fois
Que fu l'efprit d'un Moufquetaire
La Raifon , dit-on , a fu faire
Reconnaître & valoir les droits.
( 1 ) Ceci n'eft pas fans exception ; j'en ai connu de
fort raifonnables .
BYET CORA
WRCIA
FRANÇAIS. 39
Il avait l'ame pacifique
Et peu propre , dit la chronique ,
Pour le noble métier de Mars.
Bientôt quittant fes étendards ,
Il va dans une folitude
Se mettre à l'abri des brocards
De fes compagnons goguenards ,
Donner quelque temps à rétude.
Là , d'un coftume ume trop mondain
Abjurant
le luxe profane
A l'aide d'un peu de latin
On l'affuble
d'une foutane,
Ce n'eft plus ce jeune Aigrefin
Portant
fon chapeau
fur foreille
;
C'eft Monfieur
l'Abbé Chérubin
En manteau
court. en rabat fin ,
Qui fait le conduire
à merveille
Auprès
du fexe féminin ,
วิ
Ses titres en vieux parchemin
*** Prouvent fon antique nobleffe ;
Et même on dit qu'une Princeffe
L'appelle fon petit - couſin ;
Jugez s'il fera fon chemin ,
Pour la forme , il entre en Licence;
La Sorbonne en fait un Docteur,
It eft fair Prêtre par difpenfe
D'âge auffi bien que de fcience,
¿
MERCURE
Bientôt , charmant Prédicateur ,
Songeant moins à toucher qu'à plaire ,
Il amufe fon Auditeur
Par des portraits de caractere ,
Par des phrafes , des traits brillans
Tirés , non pas de l'Evangile ,
Ni des Sermons de Saint Bafile ,
Mais de nos modernes Romans .
Sur la tête l'on accumule
Bénéfices & penfions ;
Et la Cour n'a point de fcrupule
De l'emploi qu'il fait de fes dons.
Enfin celui que la fottife
Avait mis au rang des Poltrons
Aujourd'hui , Prince de l'Eglife ,
Donne des Bénédictions,
( Par M. J. T. Montaffi, )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
Le mot de la Charade eft Potage , ceux
de l'Enigme font Tambour & Amour , ceux
du Logogriphe font Carotte & Crottes
+
FRANÇAIS.
CHARA DE.
L'HOMME défire mon premier 3
La Coquette craint mon dernier ;
Le Laboureur redoute mon entier.
PAR un
( Par M. Waton. )
É
N 1G
M
&
41
AR un très - grand miracle , & non pas dans
un rêve ,
D'une côte d'Adam Dieu fit notre mère Eve :
Je vous en offre autant ; fur fept pieds mafculin
doublez m , je fuis mon féminin .
Otez P ,
Encore un mot , Lecteur
blême ;
Vous Laurez mon pro-
Pour tout vrai bon Chrétien , fans nous point de
baptême.
(Par un Abanně. )
L GOGRIP HE.
Dix pieds , Lecteur , forment mon tout :
Pour la centieme fois je vais encor paraître.
Cent fois tu m'as trouvé ; du premier coup, pestêtre
;
N'importe , j'entreprends de te pouffer à bout,
C 3
42
MERGURE
Décomposé , d'abord je te préfente
Un vale à mettre des liqueurs ;
Un grand Prophete ; & ce que des Acteurs
S'efforcent de bien faire une graine abondante
des
vapeurs 5
Ce qui fait de Julie une beauté charmante 3
~~~ Le mot qui lui donnait à dix ans
Un noble inftrument de musique ;
Le plus défiré des métaux ;
Un terme très-académique ;
Un délice fouvent bachique ;
&
Ce qui refte au fond des tonneaux ;
Le fynonyme de cabane ;
Un Saint Orfévres un animal ; qa
Un péché nommé capital ;
Le deffus de la peau d'un âneo
Un fleuve en France
smoke france , un autre loin de nous. I
Une volaille domestique
;
Un nom qui fait tant de jaloux vora del ?
Ce qu'il faut fuivre fans réplique
Enfin
pour ne rien échapper ,
L'inftrument dont le fon te dira : va fouper,
( Par MD... )
" CI
εύ
8 37:3
FRANÇAIS . 41
NOUVELLES LITTÉRAIRES U
od
des
LA VIE DE GUILLAUME PENNA
Fondateur de la Pensilvanie , premier Le
giflateur connu des Etats- Unis de l'Amé
rique. Ouvrage contenant historique, des
premiers fondemens de Philadelphi
Loix & de la Conftitution des Etats- Unis
de l'Amérique , des principes & actions de
la Société des Amis , vulgairement connus
fous le nom de Quakers , &c. Volum !
in-8°. Par J. MARSILLAC , Docteur en
Médecine , Député extraordinaire des
Amis de France à l'Affemblée Nationale.
A Paris , de l'Imprimerie du Cercle Social,
rue du Théâtre de la Nation , Nº,
LAESEs Quakers font la feule fociété d'Illuminés
qui ait été enthoufiafte fans être
intolérante , la feule qui n'ait jamais voulu
s'armer pour quelque efpece de guerre
que ce fût. Ils fe croient infpirés de Dieu ,
mais ils ne condamment nullement les opinions
religieufes des autres Sectes , & penfent
qu'il n'est point de caufe légitime qui
C 4
44
MERCURE
puiffe autorifer des hommes à fe battre
contre des hommes. Voilà ce qui les diftingue
véritablement aux yeux de la Philofophie
; car d'ailleurs les petites fingularités
dans l'extérieur & dans les manieres,
la contuine de turoyer , de ne point porter.
de boutons , de ne point fe découvrir la
tête, font en elles- mêmes très- indifférentes
& ne valent pas même la peine d'être remarquées.
Elles peuvent appartenir, comme
toutes les chofes de cette nature , à des
charlatans au bien qu'à des hommes raifonnables.
Il y a plus : c'eft une petiteffe & un
en êtement de mettre de e à ces
fortes de chofes qui n'en ont aucune.
L'Auteur de la Vie de Penn raconte un
fair qui peut fervir de preuve à cette vérité.
Son pere, qui tenait un rang confidérable
à la Cour , défirait qu'il fe préfentât
devant le Roi & le Duc d'Yorck , ce qu'il
ne pouvait faire fans avoir , comme tout le
monde , le chapeau bas. » Penn demanda
» du temps pour y réfléchir...... Il fe
retira , s'humilia profondément devant
fon Créateur , le fupplia de lui faire
connaître fa volonté célefte à cet égard.
Sa confcience ne tarda pas à lui faire
» fentir qu'il ne devait pas découvrir fa
» tête devant des hommes , ni leur prodi
" guer des honneurs & des hommages
réfervés au feul Créateur
D
ן ג
FRANÇAIS.
Je ne fuis pas furpris qu'un Quaker ,
Ecrivant la Vie de Penn , applaudiffe &
confacre , autant qu'il eft en lui , toutes
les actions , toutes les paroles , toutes les
maximes de fon Saint : c'eft précisément
un Moine écrivant l'Hiftoire du ondateur
de fon Ordre , ou un Janfén fte faifant le
panégyrique d'Auguftin . Mais je dirai au
Quaker : Mon ami , il eſt de principe chez
toi de rapporter tout à la raison & de la
prendre feule pour regle. He bien ! pourrais-
tu me dire comment la volonté célefte
& la confcience peuvent, fuivant la raifon ,
faire fentir à quelqu'un qu'il y a du mal
à ôter fon chapeau devant des hommes
que c'eft prodiguer à la créature l'hommage
réfervé au Createur ? N'eft ce pas au contraite
la raifon qui devrait te faire fentir
qu'avoir la rêre couverte ou découverte
devant des hommes , eft un ufage purement
arbitraire , & tellement arbitraire que levant
des Afiatiques il ferait indécent d'ôter
fon turban , comme devant des uropéens
de gar ler fon chapeau ? Je te conjure de me
dire où tu as pris que ce fût un hommage
réfervé au Créateur d'avoir la tête que en lui
parlant. Qu'importe à Dieu , je te prie ,
que tu aves on tu n'ayes pas de chapeau ?
Quel plaifir peut-il trouver à ce que tu
t'enthumes pour l'honore ? Mon ami, ne
devrais tu pas favoir qu'il faut diftinguer
entre les figues naturels & les fignes de
46
MERCURE
1
convention? Il y a des fignes naturels qui
ont la même valeur cheztous les Peuples
d'un bout du Monde à l'autre , c'eft un
figne d'infériorité & de fupplication de
fléchir les genoux. Tu aurais donc raifon
d'en conclure que la genuflexion eft un
hommage que Thomme ne doit pas à
l'homme, & qui eft refervé au maître de
tous les hommes. Voilà qui eft raiſonnable.
Quant aux fignes de convention , ce font
des marques de déférence réciproque que
les hommes ont imaginées pour fe témoi
gner des égards mutuels qui rendent à les
adoucir & qui appartenant à tout le
monde , n'élevent ni n'humilient perfonne.
S'il y en a même de particuliers pour les
hommes conftitués en digniré , la raifon
ne défend point de les obferver , quand
la Loi les a établis & qu'ils ne blellent ;
en rien la nature huname or , la Lei
peur les établir très conféquemment, puik
qu'elle veut que les Repréfentans de la
Loi portent des marques extérieures qui
avertiffent de refpecter en eux la Loi , à
qui tout le monde doit refpect. Donc , fi
la Loi veut que tu parles à ton premièr
Magiftrat , à ton Roi , à ton Juge , à ton
Maire , chapeau bas , tu as tort de t'y refufer;
cat ces fignes convenus ne dégradent
en rien la dignité d'homme , qui eft la prémiere
, & ils fervent à maintenir la dignité
de la Loi , dent but humme libre¹à
FRANÇAIS .
befoin & tu fais que les hommes ayant
des fens font fufceptibles d'être menés part
les lens , & que par conséquent gles im
preflions fenfibles doivent venità, l'appui
des idées morales & poutiques , & ne doiv
vent pas être négligées par le Législateurs
Je voudrais bish favoir a préfent ce que ta
volonté célefle & la confcience , que tu as hi?
mal à propos invoquées pour un chapeau.
peuvent opposer à ces reflexions qui feslientl
Barurellement a Chapitre des Chapeaud
lysa peut - être un peniplus de difti - l
ouhé fur l'article de la guerre . La réfor
lions de ne la faire jamais , confidence.
fous le point de vue d'une philantropre
univerfelle , infpire d'abord l'admirations
mais en y regardant de près , on trouve;
que ce n'estencore qu'en extrême , & tons .
les extremes font des erteurs. Sans doute,
fi l'on pouvaitfelatter qu'un pareil exem
ple fûr , pour les autres Peuples i d'une
eficacité probable , & du moins pas trop
éloignée , cet avantage précieux pourrait
balancer bien des inconvéniens mais il y
a plus d'un fiecle que cet exemple fubfile
, & il n'a encore en produit. Si nous
avons plus d'espérance pour l'avenir , c'eft
uniquement d'après cette présomption mo
tale , qu'à mesure que les Peuples , en s'eclairant
, le rapprocheront de la Libertés
is feront moms exposés à guerroyer pour
d'intézet oų danganraiſe des Rois ou des
C G
MERCURE
Miniftres , & s'appercevront que ceuxfont
en effer les teuls qui puiffent quel
quefois gagner à la guerre, au lieu que les
Peuples , vainqueurs ou vaincus, ne peu
vent jamais qu'y perdre beaucoup. Cente
expérience réfléchie doit done , avec le
temps , rendre les guerres de plus en plus
rares ; mais cette expérience , contrariée
par les paffions qui dans tous les temps
Teront les mêmes, fera néceffairement lente,
& d'autant plus que toutes les Nations de
Europe le rouchant par des intérêts politiques,
long - temps l'ébranlement d'une
feule fuffra pour entraîner les autres.
Quant à ceux qui , depuis deux ans , rêvent
tous les matins la régénération totale
& la fraternité univerfelle qu'ils s'arrendent
à voir au premier jour , comme les Juifs
à voir le Mellie , il faur renvoyer ces grands
Miffionnaires aux vitions beatifiques de
l'Abbé Faucher , qui appelait , de route la
force de fa vox , tous les habitans des quatre
coins du Globe au Cirque du Palais-
Royal, pour les réunir par l'amour, ou bien
aux prophéties apocalyptiques de l'Orateur
du gen e humain , qui , trois ou quatre fois
pa femaine , nct tous les Rois à nos pieds.
C'eft un fing alier perfonnage que cet Anaeharfis
, & qui ne fe doute pas que for
grant férieux eft grandemens plaifant. Ca
ferait tenté de s'égaver un peu fur fon
compte il y aurait de quor; mais enfa
FRANÇAIS.
il nous a donné douze mille franes pour
la guerre , & à vingt fous par ligne , cela
peut faire pardonner douze mille folies
L'Aretio dirait peut - être , comme autres
fois, que c'est bien peu ; mais l'argent, eft
rare, & les fottifes font bien communes :
ce n'eft pas le moment de le rendre & dif
ficile. Je reviens à mes bons Quakers.
Ne ferait- il pas plus raifonnable de ne
fe permettre de combattre que dans le cas
d'une défenſe légitime & néceffaire ? Cha
que individu n'eft pas obligé à autre chofe ;
& pourquoi , fur ce point , la morale des
Nations irait- elle plus loin que celle des
particuliers ? J'avoue que je ne fuis point
du tout content de l'obftination que montrerent
les Quakers à ne pas vouloir prendre
les armes avec leurs concitoyens & leurs
freres d'Amérique pour repouffer la tyran
nie des Anglais. Quoi ! l'on viendra chez
moi , de la part du Roi Ceorge , la ba onnette
au bout du fufil, pour prendre mon
champ , ma mafon , ma femme , mes enfans
, & je me ferai un fcrupule de confcience
de repouffer ces brigands enrégimen
és ! Je ferai comme les Juifs qui fe
Jaffaient égorger le jour du Sabbar A 11
a point de lumiere célefte qui puiffe ordon
sner ou juſtifier cet imbécille devouement,
Mais ce bel exemple touchera les hom
mes , & j'aurai des imitateurs , & l'on ne
fe battra plus. Oui, comptez - y ; cela
A
MERCURE!
peut arriver dans quelques centaines dank
nées ; & en attendant , favez-vous ce quel
vous faites? vous encouragez des méchang
que vous voulez converting Que ferait il
arrivés toute l'Amérique et pentead
agi comme les Quakers? Croyez vous quer
le Parlement d'Angleterre fe fûr convering
L'Amérique ferant aujourd'hui plus eliana
qu'elle ne l'avait jamais éré , plus accable
d'impôts arbitraires , & c'eit alors vraie
quiun bel exemple await été perlu poun
l'Univers , non pas l'exemple des bonnes
gens qui fe laiffent garrotter ; mais celui
des braves gens qui favent fe battre pour
être libres. Mais l'Evangile ordonne à
celui qui reçoit un foufflet , de tendre l'aus
tre joue.Oui , cela cft fort bon , comme
on difait dans un drôle de Livre , pont gan
gner le Paradis & être chaffé de fon Regi
ment : mais foyez sûr que s'il y avait beau
coup de foufflerés qui tendillent l'autre
Joue , il y aurait beaucoup de foufflerans.
qui recommenceraient. Les brutaux affoms
ment ceux qui fe laiffent faire , &. font
très-polis avec ceux qui ipoften . Les op
preffeurs cherchent les victimes , comme les
fipons cherchent les dupes . En un mot
je fuis de l'avis de l'Hector d'Homere com
tre, tous les Quakers du Monde : on lei
oppofeit auffi la Religion des Angures. On
fait ce qu'il répondit :
རྩ
Difendte få Tatrie eft le meilleur augure.
FRANÇAIS.
Il y a un beau vers dans Lucain : le Gé
néral la Fayette , qaifair fes vieux Auteurs,
de fut gravet fur la Médaille décernée à nos
brates Gardes Françaifese rokove poin
Ignorant ne datos , nè quifquam ferviat, enfes?
Le fer nous fut donné pour que nul n'ait un maître,
Je fais bien qu'on s'en eft fervi long- temps,
pour faire tour le contraire ; mais les modes
changent, & le monde le déuaife peu à
Pell
། : ཏོ Au refte , cette Hiftoire, de Pennt eft
curieufe. Elle eft compofee , en grande par
tie , de les Lettres aux Amis , des Interro
gatoires qu'il eur à fubir devant les Tribunaux
, des Iuftractions qu'il envoyait à
fes freres de tous les pays , du Code de
Légiflation qui fut la premiere bafe du
Gouvernement Fraternel de Penfilvanie , &
qui , cent ans après , a fervi de modele
aux Etats - Unis . Les Quakers font les
feuls qui aient donné au Monde l'exemple
d'une Société politique , uniquement fondée
fur la morale. Ils durent cet avantage
unique à leur établiffement dans des con
ées lointaines d'un autre hémisphere , à
leur inébranlable fermeté dans leurs principes
, & en même temps à l'opinion que
l'on avait de leur caractere pacifiques
qui raffurait contre les alarmes qu'infpirent
toujours des Secaites & des Novateurs .
52. MERCURE
Les Puiffances prirent le parti de les failler
tranquilles , en voyant qu'elles ne pou
vaient rien gagner fur eux , & qu'elles
n'en avaient rien à craindre.. Mais left
bon de remarquer que jamais ils ne fe
feraient multipliés au point où ils le font,
& n'auraient acquis tant de confiftance
s'ils n'avaient été animés de l'efprit de
profelytifine & de l'enthoufiafme religieux ,
fur-tout dans les premiers temps de la fin
dation de leur Secte. S'ils n'avaient eu que
des principes philofophiques , ils auraient
toujours éré difperfés , obfeurs , & peu
nombreux , & ne feraient jamais parvenus
à former un Peuple. La raifen feule ne
fonde rien ; elle ne peut que régler & ordonner
plus ou moins ce que les paffions
ont établi celles- ci feules , on ne laurait
trop lere lire , font un mobile l'action. En le
croyant infpirés , les Quakers l'ont fait croire
aux autres enrhoufiaftes , ils ont fait des
enthouſiates & ont vaincu la plus redou
table des persécutions , le ridicule. Les
vertus douces & pa ieures obtiennent tout
au plus l'eftime des hommes , mais ne les
entraînent pas ; au lieu que les Quak rs
parlant toujours à leurs Juges au nom de
Dieu, bravant toutes Is Puiffa ces par
Pidée d'une Poiffance fuper eure , fe difant
touiours remplis de l'fprit & conduits par
fprit , agirent fur l'imagination , & fe
frem d'ailleurs , de leur fingularité extêFRANÇAIS.
享受
rieure , un type caractéristique & un fignal
de ralliement. Leur fondateur Penn fut un
homme véritablement vertueux ; il ne fe
démentit pas dans le cours de fa longue
carriere , & , ce qui fait plaifir à penfer , if
fur heureux autant qu'un homme peut
l'être. Les perfécutions qu'il éprouva ne
troublerent point ce bonheur : il fe retirait
dans fa confcience , & voyait les progrès
de fa Secte accrue par ces perfecutions
mêmes , & les profpérités de la cofonie
naiffante , aimée des Sauvages fes
voifins , & autorifée par la mere - Patrie.
Il trouva dans fa femme & dans fes enfans.
toutes les jouiffances domeftiques , les prémieres
& les plus sûres de toutes , parce
qu'elles tiennent aux fentimens naturels , &
qu'elles font de tous les momens ; il eut
une exiſtence honorée , une mort douce ,
& laiffa une mémoire à jamais chérie,
Comparez à cette deftinée celle des Cortès ,
des Pizarres , & de tous les Conquérans
du Nouveau - Monde , & jugez fi la place
brillante qu'ils occupent dans les faftes de
la Renommée , peut valoir , aux yeux de la
raifon, la place que Penn occupera toujours
dans l'Hiftoire des Amis de l'Humanité
14 MER CUARTE
SPECTACLES.
AUCUN Théâtre , depuis notre dernier Article
, n'a eu de fuccès affer brillant pour que
nous devions en entretenir nos Lecteurs ; fi
ee n'eft peut- être celui de la rue de Louvois ,
où le Public va voir avec affluence Agnès de
Châtillon , Opéra-comique en trois Actes , mis
avec beaucoup de pompe , d'éclat & d's foins
infinis de la part des Acteurs & des Entrepreneurs.
Le fujet de cette Piere , fans érre
ni très-neuf , ni d'un intrêt prior , eft sz
agréable pour ajouter au plaifir que caufent la
beauté du Spectacle , ainfi que la richeffe &
la fidélité du coftume & des décorations. La
Mufique offre auff des beautés qui ont été
fenties : elle eft d'un Amateur de Lyon . Les
paroles font de M. Plantaire , Comédien,
"
que
mais
Ne pouvant annoncer de nouvelles richeffes
fur les autres Théatres , nous parlerons d'une
perte vraiment fâcheufe que vient de faire le
Théâtre Italien. Peu de temps avant la clôture
des Spectacles , les Journaux annoncerent qu
M. Clairval avait demandé la retraite
its apprirent en même temps qu'une députa
tion de la Comédie , qui honorait également &
cet Acteur eftimable , & fes Camarades qui la
lui adreffaient , l'avait engagé à refter. Depuis
l'ouverture , de nouvelles inftances de fa part
ont été acceptées , & il fe retire avec une penfion
bien méritée par trente-trois ans de travaux
& de fuccès non interrompus.
FRANGAMS.
M. Clairval débuta , très - jeune , à l'ancien
Opéra - comique. Une très jolie figure , uné
voix agréable , une maniere de chanter rem
plie d'expreffion,, & parfaitement d'accord avec
les paroles qu'il chantait ; une diction pure
toujours jufte , dans laquelle on reconnaiffait
le ton du monde choifi qu'il voyait , & l'é
ducation foignée qu'il s'était donne lui-même,
un maintien noble , & cependant fufceptible,
lorfqu'il le voulait de beaucoup de comique
& de gaieté telles étaient les qualités que
cet Acteur montra conftamment jufqu'à la fin
de fa carriere , & qui , dès fes débuts , l'éleverent
au premier emploi.y .
:
1
On a vu la preuve de la flxibilité prodi
gieufe de fon talent dans le premier rôle qui
de fit connaître , celui d'Da ne s'aviſe jamais de
ront , où ronr à tour jeune homme charmant ,
vieillard infirme , laquais begue , & vieille de
crépite , il donnait à tous ces déguifemens le
jufte caractere qui leur convenait. Dans le Pierrot
du Tableau Parlant, qui contrattait fi bienavec les
Amoureux nobles , fon emploi ordinaire ; un rôle
encore plus remarquable peut-être , fur celui de
Montaucial , jeune Soldat toujours ivre , anais
toujours aimable & gai , que M. Clairval fu
rendre avec cette nuance délicare de décence
qu'il était fi difficile de faifir fans affaiblir de
comique , & en évitant la caricature où un Aceur
médiocre n'eût
pane
de tomber.
Qui ne fe rappelle , dans ces derniers temps ,
& le ton noble & paffionné qu'il mettait dans
l'Amant jaloux , & l'infouciante légèreté du
Marquis des Evénemens imprévus , & de vifintérêt
qu'il répandais fur le rôle de Blonde , &
la vérité fi comique du Convalefcent de qualité
56
MERCURE
& de tant d'autres rôles où M. Clairval développa
des talens propres à faire la réputation
de dix Acteurs? Il n'en eft aucun qui ne laiffe
le regret de ce qu'une carriere fi longue a
pourtant été fi-tôt terminée.
Ceux qui l'ont connu dans fa vie privée ,
auraient encore d'autres éloges à lui donner.
Ses Camarades n'ont point oublié combien fes
confeils & fes foins leur ont été utiles dans
toutes les affaires ; & les Auteurs fe rappellent
avec plaifir que dans les lectures de Pieces ,
nul n'en fentait mieux le mérite & les défauts ,
n'en faififfait l'enfemble & les détails avec plus
de facilité. La foule d'Acteurs nouveaux que
la Liberté a fait éclore , ne fera point oublier
M. Clairval. On peut multiplier à l'infini les
Théâtres , mais créer des Artiftes diftingués
eft le fecret de la Nature , & n'eft pas celui
de la Comédie.
ANNONCES ET NOTICES.
. ו י ל ו ה
AU CORPS LEGISLATIF , fur la propofition
faite de vendre les Forêts Nationales ; par M,
Kaimworth. A Paris , de l'Imprimerie de H... Fol
Janfen , Cloitre St-Honoré,
ཏི, REFLEXIONS d'un Patriote fur les Affignats
&c, par M, Mercier. Même adreffe...
EUVRES POSTHUMES D'ATHANASE AUGER.
Tome I. in- 8 °, A Paris , même adreſſe que
dallus.
FRANÇA I´S. 37
:
ARLEQUIN AFFICHEVR , Comédie - Parade en
un Acte & en profe , mêlée de Vaudevilles , analogue
à l'ouverture du Théâtre du Vaudeville ;
par MM. Radet , Desfontaines & Barré repréfentée
pour la premiere fois , fur ledit Théâtre ,
le Lundi 9 Avril 1792. Prix , 1 livre . A Paris ,
chez Brunet , Libr. rue de Marivaux , place de
la Comédie Italienne , & au Théâtre du Vaudeville
, rue de Chartres.
ARABELLE ET ALTAMONT , Tragédie en trois
Actes & en vers ; par M. de la Montagne , Auteur
de plufieurs Poëmes Dramatiques , Poéfies
diverfes & autres Ouvrages,, traduits de l'Anglais .
A Paris , de l'Imprimerie de Creuzet & Comp.
rue des Prêtres St-Paul , Nº. 5.
JEAN SANSTERRE ou la Mort d'Arthur ,
Tragédie en trois Actes & en vers ; par M. Ducis ,
l'un des Quarante de l'Académie Françaife ; repréfentée
pour la premiere fois , fur le Théâtre
Français de la rue de Richelieu , le Mardi 28
Juin 1791. A Paris , chez Gueffier , Impr- Libr.
quai des Auguſtins , Nº. 17.
RÉFLEXIONS CRITIQUES d'un Laïque fur la
fuite du Préfervatifcontre le Schifme , ou M. de
Larriere réfuté par lui- même. A Paris , de l'Imprimerie
de Guerbaert , rue Dauphine , Hôtel de
Genlis , No. 92. Prix , 25 l.
DES SOCIÉTÉS POPULAIRES, confidérées comme
une branche effentielle de l'inftruction publique ;
par F. Lanthenas . A Paris , chez les Directeurs
de l'Imprimerie du Cercle Social , rue du Théâtre
Français , No. 4.
58
MERCURE
VOYAGE dans les Départemens de la France "
enrichi de Tableaux géographiques & d'Eftampes.
A Paris , chez Brion , Definateur, rue de Vaugirard
, Nº . 98 , près le Théâtre de la Nation ;
chez Buiffon , Imprim-Libr. rue Haute - feuille ,
No. 20 ; Defenne , Lib. au Palais- Royal , Num ,
T & 2 ; & chez les Directeurs de l'Imprimerie du
Cercle Social , rue du Théâtre de la Nation ,
N. 4.
Cet Ouvrage , d'une Société d'Artiftes & de
Gens de Lettres, eft arès-foigné dans les détails ,
& d'une belle exécution. Il en paraît un Cahier
tous les quinze jours , à compter du 1er Avril
1792. On peut fe procurer chaque Cahier féparément
; on ſouſcrit pour le tout. Chaque Cahier
cofitera 2 liv. 10 L. pour Paris , & 3 liv. Four les
Départemens , franc de port. Ceux qui s'inferiront
pour la totalité auront les premieres Epre
ves , & chaque 12 ° . Cahier gratis , ainſi que les
deux derniers.
20
LES VEILLEES de la bonne Mere Gérard , traduites
du Bas- Breton ; par un des Amis de la
Conftitution à Bernay. A Paris , chez Froullé ,
Libr. quai des Auguſtins,
LEFTRE au Comité d'Inftruction publique , on
Expofition raifonnée du nouveau Syflême de
Lecture , applicable à toutes les Langues ; par
J. B. Maudrų. A Paris , chez l'Auteus , rue St-
Martin maifon de M. Perret , Limonadier , N
3441 & Bluet pere , Libr. Font St-Michel..
FRANCAIS
LE GUIDE DES ETRANGERS qui voyagent en
Angleterre par M. Dutens , de la Société R.
de Londres , & de l'Académie des Infcriptions
& Belles - Lettres do Paris . In-12 . Piix , 30 f. br.
A Londres ; & le trouve à Paris , chez Legrasi
Libr . quai Conti, en face du Pont - Neuf; & chez
Delalain jeune , Libr. rue St-Jacques , No. 13.
·LETTRE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE DI
FRANCE , par un de les Membres , actuellement
à Londres. In & A Paris , chez Audiffret , Commiffionnaire
en Librairie , rue Poupée , Nº. 11
& chez les Marchands de Nouveautés.
PLAN NOUVEAU fur les Hypotheques , pré- ,
fenté à l'Affemblée Nationale Législative , le 18
Décembre 1791 , & renvoyé par elle à fon Ce
mité de Législation ; par M. Mengin, A Paris ,
de l'Imprimerie de Gueffier , Libr. quai des Auguftins
, No. 17.
RÉGLEMENS pour l'Etabliffement des Sourds-
Muets & des Aveugles -nés , fondé par les Dév
crets de l'Affemblée Nationale , du 21 Juillet &
du 28 Septembre 1791 , fanctionnés par le Roi.
Brochure in-4° . A Paris , chez les Marchands de
Nouveautés."
ANTIQUITÉS NATIONALES , ou Recueil de
Monumens pour fervir à hiftoire générale & particuliere
de l'Empire Français , tels que Tombeaux
Infcriptions , Statues , Vitraux , Frefques , & c. tirés
des Abbayes , Monafteres, Châteaux, & autres lieux,
60 MERCURE FRANÇAIS.
devenus Domaines Nationaux . Préfentées à l'Aſſemblée
Nationale , & favorablement accueillies par
elle. Par Aubin Louis Millin ; fixieme Livraiſon
de la deuxieme année de foufcription ; fin du
troifieme Volume.
On fouferit à Paris , chez M. Drouhin , Editeur
& Propriétaire dudit Ouvrage , rue Chriftine ,
N. 2 ; chez Defenne , au Palais- Royal ; chez
Blanchon , rue Gift- le - Coeur , vis -à - vis celle de
l'Irondelle ; chez Garnery , rue Serpente , N° 17 ;
& chez tous les principaux Libraires de l'Europe.
Le prix de la Souſcription , compoſée d'environ
96 feuilles , belle typographie , & d'environ 120
Eftampes > le tout faifant deux volume's
in 4° . eft de 84 liv. & 92 liv,,
franc de port
jufqu'aux frontieres.
gros
JZÉLIDE ET CALDIGNY , Drame en cinq actes ,
en profe , refufé au Théâtre Français de la rue
de Richelieu , le 4 Avril 1791. A Paris , chez
Dupont , Imprimeur- Libraire , rue de Richelieu ,
N° . 14.
GRAVURE.
寶
a
PORTRAIT de Charles Linné , de pouces ,
fur 8 , de forme ovale , gravé en couleur au lavis ,
par P. M. Alix , faifant pendant à ceux de Voltaire ,
J. J. Rouffeau , Mably & Montaigne , gravés
par le même. Prix , 6 livres chacun. A Paris , chez
M. Drouhin , Editeur & Propriétaire des Antiquités
Nationales , tue Chriftine , No. 2 , F. S. G.
ISTOIRE.
TABLE.
Charade , Eng. Log.
La Vie de Penn,
37 Spectacles.
41 Annonces & Notices.
4sl
54
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 16 JUIN 1792.
PIECES FUGITIVES.
LE VEAU D'OR
É PIGRAM ME.
DANS un cercle on traitait de la Métempſycoſe.
Damis foutenant cette cauſe ,
Dit Je fus jadis le Veau d'or ,
:
Meffieurs , & c'eſt chofe très -sûre
Le fouvenir m'en reste encor.
Vous n'avez , lui dit-on , perdu que lá dorure.
( Par M. Dayde. )
No. 24. 16 Juin 1792.
D
62 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eft Orage ; ceux de
l'Enigme font Compere, Commere ; celui du
Logogriphe eft Logogriphe , où l'on trouve
Phiole,Elie, Role, Orge, Gorge, Ogre, Lire,
Or, Pole, Orgie, Lie , Loge, Eloi, Loir, Ire,
Poil, Loire, Po, Oie, Roi, Loi, Horloge.
CHARADE.
MON tout fe fert de mon premier ,
Four becqueter mon dernier.
ÉN I G M E.
LA terre me produit fous une forme vile ;
Mais de l'art & du feu j'en reçois une utile .
Cette forme , Lecteur , obéit à ta voix.
Me veux - tu courte , longue , ou plate , ou circulaire
?
Dis , l'ouvrier de moi fera tout pour te plaire .
Je puis me replier , m'enfoncer à ton choix.
Tu dois juger par-là combien je fuis docile.
Ne crois pas cependant que je fois fans défaut.
Du crime quelquefois inftrument trop fervile ,
Contre mes attentats on dreſſa l'échafaut.
FRANÇAIS. 63
Jen pourrais citer mille , & malgré ton reproche ,
Peut-être, cher Lecteur, me tiens-tu dans ta poche,
LOGO GRIP HE.
JE fuis fur mes fix pieds Royaume & Nation
D'un loyal caractere a dérivé mon nom ;
Malgré ma répugnance , en me coupant la tête ,
Du vieux & mauvais lard je deviens l'épithete ;
Sur cinq pieds , feu Fréron de moi voulut un jour ,
Pour l'ami Pcinfinet créer charge à la Cour ;
Sur cinq encor je fuis une grande coquille ;
Sur cinq autres retiens un vaiffeau fur fa quille ;
Toujours fur cinq enfin , fpectacle familier ,
Moliere m'annoblit dans le fiecle dernier.
Je ne finirais pas fi je voulais m'ébattre ,
Avec cinq pieds reftans , fur deux , fur trois , fur
quatre :,
Je finis donc fur trois par l'inftrument vanté ,
Qui valut à la Suiffe entiere liberté. ,
D 1
64
MERCURE
1
*** NOUVELLES LITTÉRAIRES
LE PASSÉ , LE PRÉSENT LAVENIR
Comédies , chacune en un Acte & en vers,
reçues au Théâtre de la Nation le 30
Juillet 1791 ; par L. B. PICARD.
Quæ fint , quæ fuerint , qua mók
ventura trahantur C VIRG.?
Prix , 30f. A Paris , à l'Imprimerie du
Poftillon , rue Baffe du Rempart de la
Magdeleine, No. 12 ; chez Fievée, Imp-
Libr. rue Serpente ; chez Mlle. Sulan',
Libr. au Palais - Royal ; au Bureau du
Journal du Soir, rue de Chartres ; & chèz
tous les Marchands de Nouveautés.
mlorob zlul : 5
CET Ouvrage eft le coup d'effai d'uh
jeune homme qui annonce des difpofitions
naturelles , & dont les fautes font celles de
l'inexpérience dans un Art très- difficile : elles
méritent donc quelque excufe , & les difpofitions
méritent quelque encouragement .
Son objet a été de préfenter trois actions
différentes dans trois Actes ifolés , mais où
il fait revenir les mêmes Acteurs à des
FRANÇAIS. 65
pas
•
époques plus ou moins éloignées , & de
montrer dans ces trois actions ce que nous
étions avant la Révolution , ce que nous
fommes, & ce que nous ferons . On voit
que ce cadre n'eft pas dans les formes ordinaires
; mais ce n'eft le feul de ce genre ,
& ce ne ferait pas un grand inconvénient ,
fi d'ailleurs il était bien rempli. Un défaut
plus réel , c'eft de faire de l'avenir un ſujet
dramatique. On fait que cette peinture eft
néceffairement trop arbitraire , & que , déterminée
par l'imagination de l'Auteur , elle
peut fort bien ne pas fe trouver d'accord
avec les idées du Spectateur , ni avec la
raifon des bons Juges. Cette partie de l'Ouvrage
de M. Picard eft auffi la plus défectueufe
dans l'exécution . Celle du premier
Atte était facile , & le fond n'en était que
trop riche pour un feul Acte : c'eft le tableau
des abus du Defpotifme.
Un M. Dunoir , riche Bourgeois , veut
donner la fille en mariage , fans qu'on fache
trop pourquoi , à un Abbé fans fortune
Précepteur du neveu d'un Archevêque.
Il veut lui faire quitter le petit coller pour
ce mariage , affez extraordinaire dans l'ancien
Régime , & qui devait en conféquence
être. beaucoup plus motivé qu'il ne l'eft .
Madame Dunoir , qui a d'autres vûes que
fon , mari , ideftine fa fille au Marquis
Duribar , frere de ce même Archevêque ,
& affez accrédité à la Cour pour prétendre
1
D3
66 MERCURE
au Miniftere , d'ailleurs homme auffi depravé
qu'il eft poffible. La fille , de fon côté ,
a fait un autre choix ; c'eſt un jeune Auteur
nommé Dulis , qui n'a pour toute fortune
que fon mérite & fon talent. Le Marquis
imagine un expédient fort fimple pour écar
ter ce rival ; c'eft de l'envoyer à la Baftille
par Lettre de cachet ; & cela lui eft
d'autant plus aifé que fa foeur vient d'être
déclarée Maîtreffe du Roi. Il s'en félicite
avec fon frere l'Archevêque ; l'un s'attend
à être nommé Miniftre au premier moment ;
l'autre compte fur la Feuille des Bénéfices
LE MARQUIS.
Ah ! çà , mon cher Prélat , ne perdons pas de temps ,
Et prenons entre nous quelques arrangemens.
Comment nous comporter quand nous ferons Miniftres
?
L'ARCHEVÊQUE.
Bon ! écarter du Roi tous préfages finiftres
Epargner au Sultan le fardeau de régner ,
Ne lui laiffer de foin que celui de figner ;
Nous repofer , tandis que force Secrétaires ,
Payés bien cher , feront bien ou mal les affaires ;
Avoir de Beaux - Efprits honnêtement gagés,
Faire des efpions de tous nos protégés ,
Aimer , jouer & boire en l'honneur de la France
Nous monter un moment à nos jours d'audience
Fromettre à tout le monde & tenir à bien peu ,
Tout cela, dans le fond, mon frere , n'eft qu'un jeu.
FRANÇAIS.
67
C'était en effet un jeu , mais que le
Peuple payait un peu cher. Il y a dans ce
morceau de la facilité , & ce qui fuit eft
allez gai.
LE
MARQUIS.
A merveille ; mais moi , je fuis noyé de dettes ,
L'ARCHEVÊQUE.
Je le fuis comme vous ; mais réflexions faites ,
Je ne les payerai pas ; chargeons nos héritiers
Du foin de s'arranger avec nos créanciers .
L'Archevêque fort pour aller répéter le
rôle de Colin , qu'il doit jouer le foir avec
Madame Duncir. Ce trait ne manque pas
de vérité. Nous avons eu un Prédicateur du
Roi , l'Abbé de Boifment , qui jouait la Co
médie avec diftinction dans for Château du
Landin , & un Garde des Sceaux qui excellait
dans les Crifpin .
"
Survient un Garde - chaffe du Marquis ,
qui amene un Payfan , arrêté pour avoir
tiré fur les lapins de Monfeigneur. Ce
Payfan fe trouve le pere de Deschamps
Valet de Chambre du Marquis & fon agent
dans les grandes occafions , comme on va
le voir. Il demande, à fon Maître la grace
de fon pere ; mais le Maître eft inflexible
dès qu'il s'agit de lapins . Defchamps , qur
le connaît affez pour le prendre par fon
faible , court chercher fa four , une fort
D
4
68 MERCURE
jolie Payfanne , & la préfente au Marquis
celui-ci , en la voyant , ne trouve plus le
pere fi coupable & lui fait grace , quoique
l'honnête Payfan n'en veuille pas à ce prix ;
& reproche à Defchamps fon infamie . Mais
Defchamps, auffi corrompu que fon Maître ,
entraîne de force fon pere , de concert avec
les deux Gardes- challe . La petite Payſanne
refufe les offres de Monfeigneur , & le retire.
Mais le Marquis a recours à fon fidele Defchamps
. Il lui dit :
Tu n'es pas fcrupuleux , toi ?
DESCHAMP S.
Fi donc , Monfeigneur !
A la petite , à moi , vous faites trop d'honneur.
Je me fuis bien défait de mes façons groffieres ;
J'ai des gens comme il faut adopté les manieres ;
Tout le monde , à Paris , fe conduit comme moi ..
Je fais pour Monfeigneur ce qu'il fait pour le Roi.
Je fuis au fait.
Ce dernier trait eft fort , & , de Valet à
Maître , pourrait s'appeler une infolence , fi
l'on pouvait traiter fes complices d'infolens .
Auffi le Marquis s'en garde bien , & trouve
même Defchamps fort aimable , pourvu
qu'il parvienne à conduire la Payfanne
revêche à la petite maifon de Monfeigneur.
Deschamps s'en charge avec joie ; mais on
apprend un moment après que Dulis s'eft
rencontré fort à propos fur la route , au
FRANÇAIS.
6.9
•
moment où Defchamps enlevait fa foeur de
force dans une voiture du Marquis . Dulis
eft tombé à grands coups de fouet fur le
raviffeur , qui vient conter fa déconvenue
au Marquis , occupé dans le même moment
avec un Gripart , fon Procureur , fon Bailli ,
fon Juge Fifcal : il le chargeait de faire
tomber le billet noir de la milice à Lucas ,
jeune Payfan aimé de la foeur de Deschamps ;
car cet homme ne manque pas de moyens
d'éconduire les rivaux. Cependant , comme
celui dont il s'eft fervi contre la Payfanne
n'a pas réuffi , il chaffe Defchamps
pour
avoir été fi mal adroit . M. & Madame Duhoir
, inftruits de cette horrible aventure , fe
rénniffent pour rompre avec le Marquis.
Mais un Exempt arrive d'un côté pour
arrêter Dulis , & de l'autre un Courrier apporte
au Marquis la nouvelle des premiers
effets du crédit de fa four : il eft nommé
Miniftre , & fon frere a la Feuille . Dulis s'en
ya coucher à la Baftille , l'Abbé Préceptenr
, qui a voulu faire des leçons de Morale
à l'Archevêque , eft envoyé pour deux ans
au Séminaire, & l'Archevêque & le Marquis
s'en vont régner.
Il y a dans ce canevas des intentions
comiques & dramatiques qui ne pouvaient
pas être remplies dans un feul Acte , & cette
difproportion eft une premiere faute qui en
a entraîné d'autres.
Dans l'intervalle de ce premier Acte , qui
DS
701 MERCURE
s'appelle le Temps Paffé , au fecond qui
s'appelle le Temps Prefent , la Révolution
a eu lieu ; ce qui fuppofe un laps de temps
affez confidérable , car l'aventure de cette
Maîtreffe du Roi & de fes freres n'eft
fûrement pas applicable au regne actuel.
Les chofes , comme on peut fe l'imaginer ,
font bien changées. La fille de Dunoir
pour tirer fon amant de prifen & fon pere
de l'exil , avait confenti à époufer le Marquis
, ce qui n'eft nullement vraisemblable :
comment fuppofer qu'un Miniftre toutpuiffant
ait épousé la fille d'un Bourgeois ,
amoureufe d'un autre ? Au refte , ce mariage.
n'a pas été heureux : le Marquis n'a rien
tenu de ce qu'il avait promis. Dulis , devenu
libre , eft allé on ne fait où ; le Marquis
eft féparé de fa femme ; il a pris la fuiteau
moment de la Révolution , il eft revenu
pour échapper à l'impofition triple ; il eſt
ruiné à peu près & demeure par grace
chez fon beau- pere , qui lui a accordé un
logement dans fa maifon. Defchamps s'eft
fait Journaliſte Ariftocrate , quoiqu'il penfe ,
dit-il , tout le contraire au fond de l'ame ;,
mais il a voulu s'enrichir . Il conte tout ce
qu'on vient d'entendre à Lafleur , nouveau
Valet du Marquis . Leur dialogue eft plaiſant,
& mérite d'être cité ..
X
LAFLEUR.
་ །
Quoi ! Deſchamps Journaliſte à peine fais-tu lire .
FRANÇA I S. 71
( Ce n'eft affurément pas le feul à qui l'on:
puiffe faire cette obfervation. )
DESCHAMP S.
Tu dis vrai ; cependant je fais métier d'écrire.
J'ai huit mille abonnés.
Ariftocrates.
LAFLEUR..
Et tes principes font ?....
DESCHA MP S.,
LAFLEUR.
Bien ; mais ne crains - tu pas
DESCHAMPSNo
La Loi nous garantit des fureurs populaires .
,
Cela eft jufte ; mais la Loi ne devrait pass
garantir du carcan ceux qui violent la Loi;
& c'eft la violer bien formellement que de
prêcher la révolte contre toutes les Autorités
conftituées que d'appeler ouvertement
les Français au maffacre , au pillage , à
l'incendie , que de dreffer des liftes de profcriptions
, de défiguer , de nommer pour
victimes les Repréſentans de la Nation , le
Roi , les Généraux , les Miniftres , less
Magiftrats , & c.; tout cela s'eft fair mille
fois , & n'a pas encore été puni une feule,
Français , quand faurez-vous que la puni-
DC
72 MERCURE
tion des méchans eft la fauve- garde de la
Liberté Souvenez - vous de ce Peuple qui
a mis fur les portes de la prifon publique ,
Libertas. Vouloir gouverner fans punir
c'est vouloir faire la guerre fans fe fervir de
fes armes. Continuons..
Et le Peuple d'ailleus à nous ne fonge gueres.
Il eft quelques momens de tribulation ;
Mais tout cela fe borne à des coups de bâton .
Du refte , de l'efprit des autres je profite ;
Sans y mettre du mien , ma Feuille a du mérite .
D'un ci-devant Marquis je reçois un Couplet,
Un bon Mot d'un Abbé ; contre certain Décret ,
L'un fait un Calembour , l'autre une Parodie ;
Chacun , pour m'errichir , épuife fon génie.
Ce qu'on m'envoie au fond n'eft pas bien merveilleux
,
Et fi je m'en mêlais , je ferais beaucoup mieux .
Je paye un pauvre Auteur qui prend beaucoup de
peine
Pour refondre le tout , & moi je me promene ;
Je dine chez les Grands , j'ai le cabriolet ,
Les femmes que je veux , & le petit Jockey.
Je pourfuis vivement un certain Monaftere ,
Que j'obtiendrai malgré la chaleur de l'enchere.
Je joue à tous les jeux , je gagne énormément ;
On me paye en écus , & je vends mon argent.
Le Marquis , correfpondant de Coblentz,
tient,dans la maifon de M. Dunoir , abfent
depuis deux jours , des affemblées d'Emigrés ,
pendant la nuit. Il fe propofe auffi d'amener
à Coblentz Henriette , la feconde fille de
M. Dunoir , qu'il veut faire épouser à fon
FRANÇAIS . 73
و
neveu. Affemblée d'Emigrés qui finiffent
par s'injurier tous , les Nobles ne voulant
point des Parlemens , les Parlemens ne voulant
point du Clergé & e. cette fcène ,
bien imaginée pour le fond , mais qui
pouvait être plus piquante dans l'exécution,
a éré imprimée dans la Chronique . Cet
Abbé , que nous avons vu au premier
Acte , relégué dans un Séminaire par
l'Archevêque , & qui eft devenu Curé conftitutionnel
, n'en eft pas moins amoureux
d'Henriette ; mais il attend le divorce comme
bien d'autres . Il évente & déjoue les projers
du Marquis fur elle ; il met en fuite l'affemblée
qu'il a découverte.
Les projets de l'Ariftocratie
( Leur dit Henriette )
Ne font bons aujourd'hui qu'à mettre en Comédie .
Rien n'eft plus vrai , pourvu qu'on n'empêche
pas nos amés & féaux La Fayette &
Lukner de battre les Autrichiens. Sans les
factieux , les Ariftocrates ne feraient que
ridicules mais auffi les factieux les fervent
fi bien !....
Au troifieme Acte , nous fommes dans
l'Avenir :
L'efpa e eft vafte ; auffi s'y promene - t- il bien.
i Métrom.
Cet Avenir ne faurait fe fuppofer fort
74
MERCURE
éloigné , car nous retrouvons les mêmes
Acteurs ; & c'eft ce qui aurait dû avertir
l'Auteur de ne pas aller fi vite dans fon
Avenir. Voltaire a dit , dans un de ses accès
de gaîté folâtre :
J'ai fouhaité cent fois , dans ma verte jeuneſſe ,
De voir notre Saint Pere , au fortir de la Meffe
Avec le grand Lama danſant un cotillon .
ر
L'Auteur , qui apparemment a pris
cela au férieux comme aurait pu faire
Anacharfis Klootz , ne manque pas de faire
arriver ici le grand Lama , que fes Sujets
du Tibet ont chaffé , & à qui la France fait
mille écus de penſion : il y joint le Mogol
& le Sophi , qui viennent voir à Paris la
Fédération de l'Univers. Comme l'Auteur
a fu quelquefois mettre de la vérité dans
fes peintures , il faut lui dire férieuſement
qu'il doit ôter de fa Pièce , s'il veut la faire
jouer, ces caricatures grotesques. Il eft fort
douteux que dans plufieurs fiecles on fache
feulement au Mogol , en Perfe & au Tiber
ce que c'eft que notre Révolution ; & d'ail-
Jeurs qu'avons - nous befoin du Tibet & du
Lama Soyons bien chez nous , & les
autres deviendront , avec le temps , ce qu'ils
pourront . S'occuper fi fort de l'Univers
c'est s'occuper peu de fa Patrie , & l'on ne
fext point fa Patrie par des rêves .
FRANCA I S. 75
TRAITÉ curieux fur les Cataclyfmes ou
Déluges , les Révolutions du Globe , le
principe fexuel & la génération des Miné
raux ; par un Membre de l'Académie de
Cortone. A Mr. FERDINAND MAZ
ZANTI. Brochure in- 8 °. A St- Germainen-
Laye , de l'Imprimerie de Goujon
Libraire , rue des Récollets
Ce n'eft point des idées nouvelles qu'il
faut chercher dans ce Traité : l'Auteur ne
fait gueres qu'y rendre compte de les
lectures à un ami occupé comme lui de
phyfique & d'érudition. Son Traité eft divifé
en Lettres. La premiere roule fur les incpdations
que le globe a éprouvées à différentes
époques, & l'Auteur répete à ce fujet
ce que les Savans , depuis Voffius jufqu'à
Voltaire , ont écrit fur l'impoffibilité d'uns
déluge univerfel & fur les différentes dates
que l'on y affigne. Dans la feconde , il expofe
les conjectures & les calculs de M. Bianchini
& de Nog *** , fur les laves du
Véfuve , & fur l'efpace de temps que fuppofe
la formation des différentes couches
que ces laves ont dépofées. Il y a quelque
différence entre les réfultats de ces deux
Savans ; mais tous deux remontent au delà
76 MERCURE
de l'époque marquée pour la création du
Monde dans la Chronologie facrée . Dans
la troifieme , il traite des tremblemens de
terre , des éruptions volcaniques , de tous
les bouleverfemens caufés par l'action combinée
de l'air & du feu dans les entrailles
de la terre , & des déplacemens occafionnés
par ces fecouffes inteftines. Il rappelle à ce
fujet les opinions de divers Phyficiens , & y
mêle , quelquefois fes propres conjectures .
Il parait ne pas croire que l'ifle de Ceylan ,
la Serendib des Arabes , foit la Taprobane
des Anciens ; opinion cependant qui paraît
très- probable , & confirmée par le fuffrage
des hommes les plus inftruits.
L'Auteur parle d'une tentative auffi finguliere
que hardie de M. l'Abbé B.. , connu
'par d'excellens Mémoires fur la théorie de
la foudre afcen lante , découverte qui eft de
nos jours . M. l'Abbé B *. propofe d'établir
des paratr.mblemens de terre , comme nous
avons des paratònnerres. Ce feraient de
'longues barres de ter , enduites d'un vernis
bitumineux , afin de les préferver de la
touille , & dont la parrie extérieure ferait
armée de plufieurs pointes divergentes trèsaiguës
, qu'il appelle verticiles . Les verticiles
de la partie enfoncée ferviraient à fous- tirer
la matiere électrique fur - abondante , tranfmife
alors par toute la longueur de cette
fubftance métallique & déchargée dans l'atmofphere
, fous la forme d'aigrettes , par
FRANÇAIS. 77
les pointes fupérieures. La premiere objection
qui fe préfente contre cette efpece de
préfervatif , eft précisément cellé que fait
l'Auteur du Traité : qui peut favoir où
font ces foyers fubterranés & leur diſtance
dans l'intérieur de la terre ? Comment
efpérer qu'on puiffe en approcher d'affez
près pour y placer une de ces barres électriques
? On ne voit gueres de folution
à cette difficulté , & pourtant il eſt vrai de'
dire avec l'Auteur, que cette idée eſt d'un
génie inventif, qui a confidéré la Nature
d'affez près pour fentir que nous ne pouvons
pas favoir où s'arrête la faculté que nous,
avons de prévenir & de combattre fes
fléaux en dirigeant fes forces , & que par
conféquent tous les efforts en ce genre
doivent être encouragés , les plus infructueux
pouvant nous conduire, avec le temps ,
aux plus efficaces .
,
La quatrieme Lettre offre des détails fur
les innombrables ifles de la mer du Sud .
qui favorisent l'hypothefe de Maillet
adoptée par Buffon , & ridiculifée par
Voltaire , mais affez probable , quoi qu'on
en ait voulu dire , que diverfes parties du
globe ont été fuceffivement couvertes ou
abandonnées par les eaux. Il s'arrête un
moment fur l'ile des Anachoretes , qu'il
voudrait que l'on eût nommée l'ifle des
Sages , parce que fes habitans , difperfés
dans des pirogues , & occupés à la pêche ¿
78 MERCURE
ne daignerent pas fe détourner un moment
de leur travail pour regarder la frégate la
Boudeufe , qui paffait à la vue de leurs.
côtes , lorfque M. de Bougainville revenait
de Taïti. Il eft fûr que cette profonde
indifférence forme un contrafte très- marqué
avec la curiofité ordinaire aux peuplades
fauvages . Mais qui fait fi cette indifférence ,
peu naturelle à l'homme toujours avide de
connaître & curieux de nouveauté , n'eft
pas le dernier terme de l'ignorance & de
Pabrutiflement ? Dans tous les cas , elle ne
pourrait être nommée fageffe qu'autant
qu'il ferait prouvé qu'elle eft la fuite de
prinsipes réfléchis . L'Auteur fe répand ici
en exclamations & en apoftrophes , qui font
précisément les mêmes que celles de J. J.
Rouffeau , en faveur de la vie fauvage , &
contre l'état civilifé. » O Nations policées
29
>
& vous , dédaigneux Européens , fi fiers
» de vos Loix , de vos Arts , de votre menfongere
induftrie..... Sauvages de Rome ,
de Paris & de Londres , olez jeter quelques
regards fur ces heureux enfans de
» la Nature , & rougiffez de votre ſtupide
barbarie "..
f
Au lieu de rebattre fans ceffe ces lieux
communs que les jeunes têtes prennent pour
de la philofophie , je voudrais qu'on effayât
de répondre une fois à ce qui a déjà été
obfervé à propos de cette facile & monotone
fatire des Nations civilifées , fondée fur l'é
FRANÇAIS. 79
loge tout auffi frivole des Peuples ignorans
que l'on nomme Sauvages. La queftion eft de
favoir fi l'homme étant effentiellement fociable
2 il peut contredire fa deſtination
naturelle qui le conduit, avec le temps , à tous
les progrès , & , par une conféquence fimultanée
, à tous les abus de la civiliſation , &
fi , ce premier point une fois réfolu comme
il doit l'être en bonne Logique , c'eſt - à-dire
que
par
l'inévitable néceffité de fuivre le voeu
de la Nature , proportionnellement
au developpement
des facultés de l'efpece , plus ou
moins accéléré par les caufes occafionnelles
,
il est d'un véritable Philofophe de prétendre
à faire rétrograder l'homme vers l'ignorance ,
au lieu de lui apprendre à mieux profiter
de fes lumieres. Ce fecond point n'eft pas
plus difficile à réfoudre que le premier par
l'expérience
& l'analogie ; & il s'enfuit
toutes ces belles phrafes , fi aifément éloquentes
, ne font autre chofe qu'une décla
mation de Rhéteur , puifqu'au fond elles ne
peuvent ni rien prouver , ni rien enſeigner ,
ni rien produire. Je fais que c'eft réduire
à peu de chofe une partie des Ouvrages de
Rouffeau, Mais je dirai à ceux qui fe paffionnent
pour un nom , qu'eft- ce qu'un nom
devant la vérité ? Faut-il que la vérité ait
tort , afin que Rouffeau ait raison ? Si vous
ne pouvez rien oppofer aux raiſonnemens
qui le réfutent , eh bien , il n'aura eu dans
fes premiers Ouvrages que l'éloquence
des
86 MERCURE
mots ; mais il aura eu l'éloquence des chofes
dans celles des Lettres de fon Héloïfe , où
il y a de la vraie paffion ; dans fon Emile ,
ou
il
a
prêté
le
charme
de
fon
élocution
aux
vérités
établies
par
Locke
fur
FEducation
;
dans
fon
Contrat
Social
,
où
il
a
renforcé
de
toute
l'énergie
de
fon
ftyle
les
principes
politiques
de
ce
fage
Anglais
, le
premier
penfeur
du
Monde
. N'y
a- t- il pas
là
encore
affez
de
gloire
? Celle
-là
eft
réelle
&
que
fert
-il
de
vouloir
lui
en
donner
une
autre
Il
eft
temps
plus
que
jamais
de
ne
jurer
par
perfonne
, mais
feulement
par
la
vérité
&
par
la
liberté
. Dans la cinquieme Lettre , l'Auteur déve
loppe avec autant de précifion que d'élégance
les différences fexuelles des fleurs ,
& ce fyftême de génération végétale , entrevu
autrefois par Pline le Naturalifte ;
enfuite par Camerarius , à la fin du feizieme
fiecle , dáns fon Traité de Plantis , puis par
le favant Ray , cent ans après , dans fon
Hiftoire des Plantes , & enfin démontré
de nos jours par le fameux Linné . Ce ſujet
mene l'Auteur à une digreffion fur lafeve ,
qui eft l'objet de la fixieme Lettre , & qui
renferme plufieurs obfervations curieufes
d'un des meilleurs Phyficiens de de fiecle ,
l'Abbé Fontana .
L'Auteur emploie la feptieme & derniere
Lettre à foutenir Fhypothefe de la géné
sation des métaux , un peu moins prouvée
FRANGA, I S.
que celle des végétaux , mais qui de nos jours
a déjà été appuyée de beaucoup d'indices
& de probabilités. Si ce fyftême général
d'un moyen uniforme dans la reproduction
des êtres , celui de la génération fexuelle ,
acquérait une certitude décidée, que devient
drait cette diftinction des trois regnes de
la Nature , fi long-temps confacrée parmi les
Savans ?
En combattant quelques paffages de ces
Lettres , je n'ai pas prétendu , à beaucoup
près ,, diminuer rien de leur mérité . Elles
Jont d'un homme à qui la plupart des Sciences
phyfiques paraiffent familieres , & qui a
porté dans cette étude toute la chaleur
d'une imagination que le travail des recherches
n'a point refroidie ; auffi anime- t - elle
fon ftyle , quel que foit le fujet qu'il traite :
fon élocution eft auffi abondante que flexible,
auffi noble que facile. Il a de la richeffe
dans l'expreffion , & crée fouvent des mots
à la fois fcientifiques & pittorefques , qui ,
lom d'obfcurcir fés idées par le néologifme ,
leur donnent plus de clarté & de force ,
parce que ces termes nouveaux font formés
fuivant les regles de l'analogie , qui ne font
connues que des hommes inftruits . On peut
remarquer quelques incorrections , quelques
fautes de goût : " Il eft trifte que les
hommes veulent toujours déifier leur igno-
› rance & que des obfcurités infolubles
» à leur faibleffe , &c, « . Veulent eſt proba81
MERCURE
blement une faute d'impreffion ; la conf
truction demandait veuillent ; mais des
obfcurités ne font ni folubles ni infolubles ;
ici l'expreffion figurée eft fauffe ; le mot
propre était , impénétrables. » Des heures
qui ne devraient être que le patrimoine
» de la vérité « , font une expreffion recherchée
, & qui n'a aucune jufteffe. Mais
fi l'on remarque ces fautes , c'eft qu'elles
font très-rares , & qu'en général le ſtyle eft
celui qui embellit les Sciences & l'érudition
du coloris qui leur eft propre , comme
la philofophie de l'Auteur ( fi l'on excepte
le paffage où il a répété Rouffeau ) eft celles
qui peut conduire à la vérité , en éloignant
de toute fuperftition & de tout préjugé.
ANNONCES ET NOTICES.
DÉFENSE DES DROITS DES FEMMES , fuivie de
quelques confidérations fur des fujets politiques
& moraux. Ouvrage traduit de l'Anglais , de Mary
Wolstonecraft , & dédié à M. l'ancien Evêque
d'Autun ; 2 vol . in - 8 ° . Prix , 6 livres broché , &
6 livres 12 fols franc de port par la pofte. A
Paris , chez Buiffon , Libraire , rue Haute - Feuille ,
N°. 20.
On reviendra für cet Ouvrage.
FRANÇAIS. 33
MANUEL DES BUREAUX DE PAIX & de Jurifprudence
charitable ; contenant des Inftructions
la folution de beaucoup de queftions relatives
aux Bureaux de Paix , aux fonctions des Membres
qui les compofent , à leur caractere , & aux actes
qui fe paffent dans ces Bureaux , avec une Table
des matieres par ordre alphabétique . Ouvrage
utile aux Membres des Bureaux de Paix , & à
l'inftruction des Citoyens qui veulent éviter des
procès. Par un ancien Avocat , Membre d'un Bureau
de Paix . Petit in- 12 . Prix , 1 livre to fols
broché. A Paris , chez Knapen , Imprimeur-
Libraire , au bas du Pont St. -Michel.
LE HAMEAU DE LAGNIELAS , fuivi du Ruiffean
& de Cecile & Blondel ou l'Oratoire , & du Nid
de la Fauvette, & c. Par l'Auteur du Citoyen des
Alpes. Petit in- 12, A Paris de l'Imprimerie de C.-
F. Perlet , rue S. André- des-Arcs.
DISCOURS fur ce fujet : Combien il nous importe
d'avoir la paix , quels font les moyens de
nous la procurer ; lu dans la Société des Amis
de la Vérité ; par Athanafe Auger fuivi de
quelques Réflexions fur la néceffité d'obér à la
Loi. Prix , 8 f. A Paris , de l'Imprimerie de L...
P... Couret , rue Chriftine , No. 2 ; Gattey
Libr. au Palais - Royal ; Leclere , Lib. rue Saint-
Martin , à côté de la rue aux Qurs.
LETTRE fur la Séance Royale du 23 Juin
1789. Prix , 6 L. Mêmes adrefes que ci-deus,
84 MERCURE FRANÇAIS.
MÉMOIRE du Baron de Capellan de Marfch ,
Membre de l'Ordre Equeftre du Comté de Zutphen
& des Etats Souverains du Duché de Gueldre
, Député extraordinaire de l'Aſſemblée de LL.
HH. PP. les Etats- Généraux des Provinces - Unies ;
condamné à perdre la tête par une Sentence de
la Cour de Gueldre , du 8 Août 1788 , après le
bouleversement de la République par les Troupes
Pruffiennes traduit du Hollandais ; in - 8 °. A
Paris , de l'Imprimerie de H. J. Janfen , Cloître
Saint- Honoré.
, LES RIVAUX AU CARDINALAT ou la Mort
de l'Abbé Maury , Poëme Héroï - comique en
trois Chants ; par Dorat - Cubieres . A Paris ,
de
I'Imprimerie d'Urbain Domergue ' , rue Saint-
Thomas du Louvre , maifon d'Orléans.
MÉMOIRES DU COMTE DE MAUREPAS
Miniftre de la Marine ; 3. Edition , corrigée
& augmentée , avec onze Caricatures du temps ,
gravées en taille- douce. 3 Volum . in - 8 ° . Prix ,
To liv. br. & 11 liv . 10 f. francs de port par la
Pofte. A Paris , chez Buiffon , Impr - Libr . rue
Haute-feuille , N ° . 20. On peut fe procurer
même Ouvrage à Lyon , chez les FF. Bruyfet ,
rue St-Dominique.
Nous reviendrons fur ces Mémoires,
TABLE.
EPIGRAM PIGRAMME.
Charade , Enig. Logog.
Le Paffe , &c.
61 Traité.
le
75
62 Annonces & Notices. 82
641
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 23 JUIN 1792.
PIECES FUGITIVES,
CHAN SON
POUR L'ARMÉE FRANÇAISE.
AIR Auffi-tôt que la lumiere , &c.
JADES ADIS aux Champs de la Guerre ,
Automate obéiffant ,
Pour les Maîtres de la Terre
Le Soldat donnait fon fang,
Le laurier de la Victoire
Couronnait-il fa valeur ?
Un Tyran avait la gloire ,
Un Peuple entier le malheur,
N°, 25. 23 Juin 1792.
84
MERCURE
O la fotte idolatrie
De s'égorger pour des Rois !.
Nous , armés pour la Patrie ,
Né défendons que fes droits.
Du brave Soldat en France
On a bien changé le fort ;
Vainqueur , on le récompenfe ,
On l'honore après la mort.
ewe
MONTREZ enfin qui vous êtes ,
Peuples de tout l'Univers ;
Levez fiérement vos têtes "
Et brifez d'indignes fers.
Réunis , lancez la foudre
Sur le Defpote effronté :
A l'inftant il tombe en poudre
Aux pieds de la Liberté.
( Par M. D.. T... Grenadier-volontaire
de la Garde Nationale Parifienne. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
LE mot de la Charade eft Becfigue, celui
de l'Enigme eft le Fer , celui du Logogriphe
eft France, où-Kon trouvé Rance, Loran,
Nacre , Ancre , Farce , Arc.
FRANÇAIS.
CHAR A D E.
DE la mere de mon premier
Vous avez tout l'éclat , adorable Glicere ;
Depuis près de vingt ans vous êtes ma derniere ;
Et mon cout, fans vous voir , me femble un fiecle
entier.
É N I G
M E.
JE fuis , Lecteur
, une maiſon
gentille
;
Avcé plaifir
l'ouvrier
m'arrondir
,
Légérement
fur un pivot me mit ,
Si que je tourne
& même
je frétille
.
Une commere
habite
le premier
,
Qui de parler
fait fon unique
affaire
,
Ange & Démon
, nuifible
& falu aire ,
Sage parfois
, fouvent
fo e à lier.
A mon fecond
demeure
un locataire
,
Inceffamment
d'ua catarie
affligé ,
Sale & bruyant
, mais le propriétaire
Poist
ne voudrair
lui donner
fon congé .
Mon troifieme
eft une double
guérite
,
Où deux gémeaux
font poftés
pour tout voir
Et rien n'échappe
à ce couple
hypocrite
;
Mais il cft fourd
: on ne peut tout avoir.
Deux
pavillons
fis à l'une & l'autre
aile
Servent
d'afile à deux autres
gémeaux
;
;
E 2
88 MERCURE
T
Aveugles-nés , qui , de leurs foupiraux ,
Ecoutent tout ce que dit la femelle .
LOGO GRIPHE.
LE Laboureur , le Jardinier ,
De moi , dans leurs travaux , font le plus grand
ufage
Et quoique je ne fois qu'un abject aſſemblage
Ils favent bien m'apprécier :
Mais je vais , cher Lecteur, m'expliquer davantage..
Retourne mes fix pieds , & tu verras dedans
L'ouvrage principal de la maçonneric ;
L'Empire de Neptune ; un des quatre élémens
Ce qui donne à la Poéfie
Sa cadence & fon harmonic i
Le fynonyme de hautain ;
Deux notes ; un pronom ; un terme de dédain ,
Ce tranfport violent qui naît de la colere ,
Et fouvent des plus dangereux ;
Un fruit très-doux ; un métal néceſſaire
Quoique pourtant peu précieux.
Ami Lecteur , la/ choſe eſt affez claire ,
Devine à préfent fi tu veux.
( Par M, D ... de Lyon . )
FRANÇAIS.
89
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
MÉMOIRES du Comte de Maurepas ,
Miniftre de la Marine , &c. Troifieme
Edition , avec onze Caricatures du temps,
gravées en taille douce 3 Volum. in- 8°.
Prix , 10 liv. br. & 11 liv. 10 f.francs
de port par la Pofte. A Paris , chez
Buiffon , Impr- Libr. rae Haute feuille ,
N. 10 ; & à Lyon , chez les Freres
Brayler , rue Saint Dominique...
La. PREMIER EXTRAIT.
Ceux qui , fur le titre de ce Livre &
1
fur le nom de fon Auteur , qui a été
long-temps Miniftre , & qui l'était quand
it écrivit, s'attendraient à lire les Mémoires
d'un homme d'Etat , feraient bien
trompés. Si l'on excepte deux morceaux
qui font une partie du III : Volume , &
qui font une efpece de compte rendu au
Roi , en 1730 , fur le commerce extérieur
du Royaume , & fur les encouragemens
dont il eft fufceptible , on ne trouve rien
d'ailleurs qui concerne la Politique & le
Gouvernement ; on peut même douter que
1
E 3
58
MIERGIURIE
par
ces deux morceaux foient du Comte de
Maurepas , attendu l'ufage affez généralement
établi dans le Miniftere , d'emprunter
la plume d'un premier Commis pour
ces fortes de pieces oftenfibles , dont un
Miniftre fe faifait honneur dans le Cont
fel, mais que rarement il était en état
de faire lui - même. Plus cet ufage érait
commun , plus les exceptions étaient remarquées
; elles font fi connues des gens
inftruits que je ne crains pas qu'on m'accufe
d'avoir voulu les diffimuler pour généralifer
le reproche. On n'ignore point,
par exemple , que M. Turgot & M. Necker
ne fe fervaient que de leur plume , &
auraient eu tort d'emprunter celle d'aucun
autre. Ce n'eft pas que dans cette tourbe
fi fuperficielle qu'on appelait le grand
mondes on n'ait répété mille fois que
que
Thomas était le faifeur de M. Necker , &
que les Economiftes qui entouraient Tur
got , étaient les Rédacteurs de fes Edits.
Ces propos de l'ignorance ou de l'envie
étaient fondés principalement fur l'opinion
reçue , qu'un homme en place ne faifait
rien par lui-même. On oubliait que MM.
Necker & Turgot étaient Hommes de
Lettres dans toute l'étendue de ce terme
& les hommes à portée de voir & de juger
ne pouvaient s'empêcher de rire , quand
ils entendaient affirmer , avec un grand
férieux , que Thomas faifait les Ouvrages
r
FRANÇAIS.
de M. Necker , quoiqu'il n'y eût pas le
moindre rapport entre le ftyle & la mapiere
de ces deux Ecrivains . Ces mêmes
hommes , qui favaient que l'Abbé de Boifment
avait fait le préambule fameux du
fameux Lit de Juftice de 1765 , favaient
auffi que fi le Chancelier , Maupeou était
hors d'état de rien écrire qui approchât de
ce préambule , aucun des Economiftes
amis de Turgot , n'écrivait auffi bien que
lui. Mais cela n'empêche pas que tous
ces ridicules oui - dire ne fe répetent dans
des Recueils d'Anecdores reproduits fous
toutes les formes , commandés à tant la
feuille par des Libraires avides , compofes
par de pauvres Diables qui n'ont jamais
rien vu , & reçus comine parole de l'Evangile
par des fots qui croient y enten fre
finelle.
Il n'eft pas à craindre du moins que l'on
contefte au Comte de Maurepas les Mémoires
: ils font écrits avec une telle négligence
& en fi mauvais langage , qu'il
n'y a perfonne qui n'ait pu , les faire ils
reffemblent affez , pour le ftyle , au gravid
Livre de Mad. Doublet , & aux Mémoires
de Bachaumont ( dont on a fait depuis les
Mémoires fecrets) ; mais il y a cette dif
férence effentielle que ceux- ci , rédigés
quiconque apportait fa nouvelle , ou , faute
de mieux , par un Valet de chambre , du
vieux Préfident de Bachaumont , font rein-
EA
par
92 MERCURE
plis de fottifes & de fauffetés , & que les
Mémoires de Maurepas , quoique toulant
, le plus fouvent , fur d'allez petits
objets , font du moins l'ouvrage d'un
homme qui voit les chofes de près &
qui fait d'origine ce que le Public ne fait
qu'avec le temps après.Ils font donc, fous ce
point de vue , très- curieux : on peut d'ailleurs
s'affurer de la véracité de l'Auteur ,
en rapprochant fon récit de beaucoup d'autres
Mémoires que nous avions déjà fur
la fin du regne de Louis XIV , fur la Régence
, fur le regne de Louis XV ; épo-
Iques qui nous font aujourd'hui , graces à
tant de fecours , affez bien connues , jufques
dans les détails les plus fecrets , pour
qu'il foit facile à préfent d'en faire une
Hiftoire aut fidelle qu'inftructive. 179
Ces Mémoires ont un autre avantage ,
c'eft de faire bien connaître leur Aureur ,
& de confirmer l'opinion qu'il laiffa de
lui , lorfque rappelé au Gouvernement par
un hafard imprévu & fans exemple , dans
un âge qui eft celui de l'expérience & de
la fageffe , après trente ans de retraite qui
fuppofent de longues réflexions , près d'un
jeune Roi dont il avait toute la confiance ,
il n'apporta pas dans l'Adminiftration une
feule idée qui pût faire voir qu'il avait
tiré quelque profit de fes années , de fón
expérience & de fa retraite. Il revenait cependant
avec des préfages avantageux . Il
FRANÇAIS . 93
avait été renvoyé , en 1749 , pour avoir
choqué une Favorite , & cela feul était un
titre de popularité ; il paffait pour aimer
les Lettres , & c'était à lui que les Philofophes
avaient dédié l'Encyclopédie. Ennemi
des perfécutions religieufes qu'exerçait
le Cardinal de Fleury avec un grand
air de bénignité ; affez favorable à la li
berté d'écrite & de penfer , autant du
moins qu'un Miniftre pouvait l'être fous
Louis XV , on pouvait préfumer que fous
un nouveau Regne qui annonçait toute
forte d'encouragemens & de réformes , il
ferait jaloux d'y contribuer autant que le
permettait la place éminente qu'il occupait.
Mais dès qu'il y fut , il parut également
au deffous & de ce qu'il pouvait par
certe place , & de ce qu'on avait efpéré
de fon retour. Il n'affecta que la fupério
rité d'un vieux Courtifan dans l'art de fe
maintenir , & la facilité de mettre , fa
vieilleffe au ton d'une jeune Cour , de lui
tracer même des leçons d'infouciance & de
frivolité , & de dire le premier bon mot
-du quart d'heure fur chaque événement
du jour. Ce qui fe fit de bien dans quelques
parties , il le laiffa faire fans y prendre
part , & fit congédier les Miniftres qui
l'avaient fait , dès qu'ils ne parurent pas
affez dépendans de lui . Il ne témoigna pas
le moindre intérêt pour les Lettres ; il
n'eut pas même l'efprit d'oublier fes pe-
Es
嘴
94
MIERCURE
tires animofités contre Voltaire , pour fe
faire honneur d'appeler à Verlailles cer
illuftre vieillard qui avait la faibleffe de le
défirer ; & il eut la mal-adrefle de laiffer
voir à la France & à l'Europe que l'opinion
publique était devenue une puiffancebien
prépondérante , puifque Paris décer
nait à Voltaire des honneurs fans exemple,
dont la Cour demeurait fpectatrice im
mobile & muette , entre les réclamations.
furieufes de l'Archevêque & du Clergé ,.
& les fourdes menaces du Parlement. Il
n'a pas échappé aux obfervateurs que ce
triomple inoui qui confterna Verſailles, cu
Fon ofait à peine en parler , & pluheurs.
circonftances fingulieres du féjour de Voltaire
à Paris , étaient un des événemens :
publics qui annonçait déjà un grand changement
dans les efprits.
Tout ce caractere du Comte de Mau
repas fe trouve dans fes Mémoires ; pour
peu qu'on y porre un oeil attentif , on y
voit ce fond de frivolité , cette vanité jafoufe
, ce goût & cette habitude des petites
chofes qui étaient fes qualités diſtinctives.
Ils offrent l'extrait de 2 Volumes
rédigés entre lui & fon Secrétaire Sale, en
partie pendant le cours de fon Miniftere, &
avec le plus grand foin. Qui croirait que ces.
Volumes , compofés par un homme qui
devait être occupé d'objets fi importans ,
ne continffent queres , à en juger par l'exFRANCAIS
.
trait , que les petites anecdores , les petites
intrigues , les petites hiftoires de la Cour
& de la ville , ne fuffent , en un mot ,
qu'une espece d'Ana , ramaffé ( pour me
fervir ici des jolis vers de Greflet
viennent fort à propos ,;)
Par un de ces oififs errans
Qui chaque jour , far lear pupitre ,
Rapportent tous les vers courans , 21
Et qui , dans le changeant Empire
Des Amours & de la Satire
Acteurs , Spectateurs tour à tour
Poffedent toujours à merveile
L'hiftoriette de la veille
Avec l'étiquette du jour ?
Qui croirait
qu'on
y e
3 ,
s qui
'on y emploie la moitié
d'un Volume à nous faire l'hiftoire détail-
Fée & raifonnée du Régiment de la Calotte,
fottife aujourd'hui fi profondément oùbliée
, que bien des Lecteurs demanderont
ce que c'eft , & je leur en faurai bon
gré ) , que cette hiftoire , enrichie d'une
foule de pieces juftificatives , ne nous eft
donnée que comme une très- petite partie
de la grande Hiftoire de ce Régiment , dighe
Ouvrage d'un Miniftre d'Etat , qu'on nous
affure qu'elle contient plus de 400 pieces
contre Voltaire feul ; jugez du refte ! )
qu'enfin ce rare morceau commence ainfi -
Un des plus beaux monumens de l'HICtoire
du 18 Siecle , eft , fans contredie,
E 6-1
56
MERCURE
» celui du Régiment de la Calotte ? Et
qu'on n'imagine pas que c'eft une ironie ;
rien n'eft plus férieux ; la fuite ne perinet
pas d'en douter j'y reviendrai tout à
l'heure.
Le Comte de Maurepas fait de juftes
reproches au Cardinal de Fleury fur l'abandon
où il laiffa la Marine , fur fon ridicule
entêtement pour la Bulle , fur fon
dévouement fervile à la Cour de Rome ,
& fur les opprellions arbitraires dont les
Janféniftes furent les victimes : il a raiſon ;
mais ce qui fait voir que ce n'eft pas par
un efprit de juftice , c'eft qu'il n'en rend
aucune à ce que ce Miniftre a fait de
bon , au foin qu'il eut d'écarter de nous
la guerre , fur- tout avec les Anglais , repos
néceffaire qui donna le temps à la France
de revenir de l'épuifement des dernieres
années de Louis XIV & des fecouffes du
Systême , & qui la rendit , vers l'an 1740,
auffi riche & auffi floriflante qu'elle avait
jamais pu l'être fous un Gouvernement abfolu.
Il dénigre beaucoup toute la politique
extérieure du Cardinal à l'époque de la
guerre de 1734 ; & il eft de fait que cette
guerre eft la feule du regne de Louis XV
qui ait été bien entendue , la feule qui
ait été heureufe fous tous les rapports ,
d'abord parce qu'elle fur très- courte , ce
qui prouve que les mefures étaient bien
prifes ; enfuite parce qu'on n'y eut que
FRANÇAI S.
97
"
des avantages , & qu'ils coûterent peu ;
enfin parce qu'elle diminua capitalement
la puiffance de la Maifon d'Autriche en
Italie , où la Maifon de Bourbon acquir
le Trône de Naples & de Sicile ; enfin ,
parce qu'elle augmenta de la Lorraine &
du Barrois la puiffance territoriale des
Français.
Il montre beaucoup d'humeur contre
les premieres Maîtrelles de Louis XV' ;
mais en examinant l'état des chofes au
moment où il écrivait , on fent trop que
fa cenfure n'a pour fondement, ni la morale
ni la politique. Pour la morale , il
ne fe montre nulle part auftere en principes
, & il en était fort éloigné : on pourrait
même , en fe rappelant la réputation
du Comte de Maurepas en fait de galanterie
, lui, citer la Fable du Renard fans
queue , qui voulait l'ôter à tous fes confreres
les Renards. Pour la politique , il
faut fe fouvenir que , de fon aveu, Mad.
de Mailly ne fe mêla de rien que d'aimer
le Roi , & ne coûta rien à la France ;
quant à elle , il lui en coûta le long repentir
d'une faibleffe excufable & paffagere ,
repentir qui dura toute fa vie , & dont la
juftice du Peuple fe fouvint plus que de
fa faure ; qu'à l'égard de Mad . de Chateauroux
, à l'inftant même où il fe déchaine
contre elle ( tous ces écrits ont une
date marquée ) , elle montrait un carać+
98
MERCURE
tere noble & élevé , attefté par tous fes
contemporains ; elle voulait faire de fon
Amant un homme & un Roi ; elle le détermainait
à le mettre à la tête de fes
Armées , démarche qui le rendit fi cher
alors à tout un Peuple facilement enthoufiafte
, & réellement lui faifait honneur
; elle voulait qu'il fortît de fon indolence
& gouvernât par lui-même il en
exifte des preuves. Sa inor auffi affreufe
que fubite , fut auribuée au poilon , &
pour cette fois , ce crime , tonjours fi aifénient
foupçonné .& fi difficilement prouve,
n'était pas fans vraisemblance. Il eft permis
de préfumer que l'animofité que le
Comte de Maurepas montre contre elle ,
& qu'il fignala de même contre celle qui
lur fuccéda , n'était au fond qu'une jaloufie
d'autorité.
[I
A confidérer la chofe en elle - même
ce n'eft pas un plus grand tort dans un
Roi que dans un autre homme , d'avoir
des Maîtreffes, quand il n'eft pas affez heureux
pour trouver auprès de lui un bonheur
légitime , affurément le plus défirable
de tous , mais qui ne dépend pas tou
jours de nous ce qui eft important &
difficile , c'eft de ne pas donner fon autorité
avec fon coeur , & pourtant nous en
avons vu un exemple dans un Prince naturellement
paffionné pour les femmes ,
Henri IV ; fès amours n'influereur point
FRANGA I S. 99
·
moins dans les chofes graves , fur fon
Gouvernement. Il foutint conftamment fon
ami Sulli contre toutes fes Maîtrefles ; on
fait même qu'il alla jufqu'à donner un
fouffler à la plus emportée de toutes la
Marquife de Verneuil.. Ce fouffler n'eft
peut-être pas ce qu'il y a de plus louable ,
ce pouvait bien n'être qu'une vivacité d'Amant
; mais ce qui eft d'un homme &
d'un Roi , ce font ces paroles que tout
monde a retenues : Apprenez , Madame,
queje trouverai plutôt dix Maîtreffes comme
vous qu'un Minifire comme lui. Quand fa
conduire répond à un tel langage, & que
le lendemain la Mairrelle , après avoir
bien pleuré , eft obligée de faire les premieres
démarches près du Miniftre qu'elle
voulait renvoyer, qquuaanndd ddeeppuuiiss ce temps;
elle n'ofe plus ouvrir la bouche conte
lui , cela eft peut - être plus beau que de
n'avoir point de Maîtreffes. Ainfi , loin de
dire comme Bayle ( qui a laiffé , je ne fais
comment , échapper de fa plume cette
phrafe groffiere & ridicule ) , il n'a manquéà
Henri IV , pour fa gloire , que de n'ere
pas Eunuque * je dirai rien na manqué à
fa gloire , puifqu'il a eu celle de régner
même fur fes paffions..
:
L'Auteur des Mémoires , en remontant
jufqu'aux derniers temps de Louis XIV
fair un précis de la naiffance & des commencemens
de la célebre Maintenon & des :
ico MERCURE
principaux événemens de fa vie. Il n'y a
là que ce qui a été écrit par-tout ; mais à
propos de la prédiction qui lui fut faite
par un maçon , qu'elle ferait un jour époufe
du Roi, il ajoute » On a affuré que dès :
» ce moment elle ne fir pas un pas qui
" ne tendît à parvenir à la place qui lui
avait été promife , quoiqu'elle en parit
extrêmement éloignée ". Très éloignée
en effet , puifqu'alors elle était Mad . Scarfon
. Comment un homme de quelque efprit
peut- il énoncer férieufement une pareille
ineptie ? Si la femme de Scarron avait
1
-
fonger réellement à devenir celle de
Louis XIV , elle eût été réellement folle.
Celle qui eut affez de fens pour voir jour
à tant d'élévation , lorfque l'amour du
Roi pour elle rendit au moins la chofe
poffible , avait auffi trop de fens pour rêver
un femblable projet , quand il était
hors de toutes les vraifemblances morales ;
& ceux qui , dans les deftinées extraordinaires
, veulent toujours voir un même
deffein depuis le premier pas jufqu'au dernier
, montrent une bien grande ignorance
des hommes & des chofes. Plus un homine
eft habile , plus il regle fa marche fur les
moyens que le hafard lui préfente , & qui,
le plus fouvent , ne font pas ceux qu'il a
prévus ou préparés. Madame Scarron ne
pouvait pas deviner que le hafard la ferair
choifir pour élever en fecret les enfans de
FRANÇAIS.
c1
Mad . de Montefpan : ce fut là le premier
échelon de fa fortune. Quand les circonftances
l'eurent fait connaître du Roi , elle
put encore moins s'attendre qu'à l'âge de
quarante-cinq ans elle lui infpirerait une
grande paflion , & d'autant moins qu'il
commença par avoir pour elle un éloignement
marqué. Elle ne put donc jufquclà
, fans être infenfée , avoir le moindre
preffentiment de fon avenir. Mais quand
elle vit le Roi très- amoureux , & qu'elle
le connut très - dévot , c'eft alors qu'avec
beaucoup d'efprit , elle put concevoir le
projet de l'amener jufqu'au mariage. Cer
efprit après tout ( car il en fallait ) n'eſt
pas très rare dans une femme. Quelle eft la
femme ( parmi celles qui ne font ni fones
ni amoureufes ) qui ne fache pas à peu
près ce qu'elle peut faire de fon Amant?
Madame de Maintenon n'était ni l'un ni
l'autre. Elle était aimable , ainbitieufe &
adroite ; le Roi était fur le retour , tendre ,
faible , crédule , bigot. Elle dut voir alors
qu'avec des refus & des coquetteries d'un
-côté , de l'autre , avec des défirs & des
fcrupules, il y avait de quoi parvenir à
tout; & elle y parvint. Perfonne n'y fut
trompé dans le temps ; & toute fon hiftoire
eft très-bien expliquée dans le fameux
Sonnet qui finit par ce vers :
Il eut peur de l'Enfer ; le lâche , & je fus Reine.
102 MERCURE
•
Voilà le mot , & l'amour une fois donné ,
toute cette aventure n'eft au fond qu'un
mariage de confcience , que les noms de
Louis XIV & de Scarron rendent plus
fingulier qu'un autre.
A peine a - t on parlé de celui du Dau
phin , Menfeigneur , avec Mlle. Choin ,
qui n'eft pas moins réel & gueres moins
hors des convenances , & qui eut les mêmes
motifs d'autres Mémoires l'avaient
attefté il l'eft encore & avec détail
dans ceux de M. de Maurepas. On fait
ce qui fut dit alors : On s'allie finguliérement
dans cette Maifon là . Si Louis XV
eût vécu , qu'il eût confervé une certaine
fanté , & acquis une certaine dévotion ,
qui peut répondre qu'il n'eût pas époufé
Mad. du Barry ? Avec un Prêtre & du lecret
, n'eft-il pas fort commode d'arranger
fon plaifir & fa confcience pour ce mondeci
& pour l'autre ??
M. de Maurepas paraît croire que Mad.
de Maintenon
avait cé lé à fon Amant
, long-temps
avant
de l'époufer
. Certe
opinion
, contraire
à celle de tous les Hifto- riens du temps
, eft bien peu réfléchie
.
Quand
nous n'aurions
pas les lettres
de la ·Favorite
, quand
nous n'y aurions
pas tu ce
mot fi connu
& fi décifif
: Je le renvoie toujours
affligé
& jamais
défeſpéré
; il ſuffi- rait de favoir
quel plan de conduite
elle
FRANÇAIS. 101
a fuivi dès le commencement , pour comprendre
qu'elle ne pouvait pas céder fans
aller directement contre fon but , ce dont
elle était incapable avec fon efprit & ſon
caractere . C'eft fur-tout en mêlant la Rehigien
à l'amour qu'elle avait affujetti l'ame
à la fois timorée & fenfible de Louis XIV ;
c'est en jouant auprès de lui le double
rôle d'une femme qui aime & d'une dés
vote qui prêche , en l'effrayant d'une liais
fon illégitime & lui faifant entrevoir les
charmes d'une union irréprochable, qu'elle
Pavait arraché des bras de Mad. de Montefpan
. Comment aurait-elle pu fe démentir
elle-même au point de faire ce qu'elle
regardait comme fi coupable ? Elle perdair
dès- lors tout fon afcendant , & n'était plus
qu'une femme comme une autre aux yeux
d'un homme qui avait le befom d'aimer
confciencieufement . L'excellente fcène que
Racine eût pu faire d'une converfation
entre deux Amans de ce genre, de celle,
par exemple , qui décida le mariage ! Sans
doute , le charme de fes vers n'eût érẻ
qu'à lui ; mais les deux perfonnages avaient
allez d'efpritpour qu'il ne leur eût pas prêté
d'autres idées & d'autres fentimens que
ceux qu'ils ont pu exprimer entre eux .
( La fuite au N° . prochain.)
C
2.11 .
104 MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
DEVAUX , Libraire , à Paris , rue de Chartres
N°. 382 , & au Palais- Royal , Nº. 181 , vient
de mettre en vente le X. Volume de la Nou-
VELLE LEGISLATION , du Collection complete
& par ordre de Matieres de tous les Décrets
rendus par l'Affemblée Nationale conftituante .
Ce Volume cft le premier du Code de l'Extraordinaire
des Finances , & contient les Décrets
relatifs aux Dons Patriotiques & à l'Aliénation
des Domaines Nationaux.
Les Volumes qui ont paru , font : 1º . les Pouvoirs
Légiflatif , Exécutif & Adminiftratif ; Partie
complette , Vol . 2 °. Code Judiciaire ; Partie
complette , 2 Vol . 3 ° . Code Eccléfiaftique ; Part:
complette , 2 Vol . 4. Code de l'Ordinaire des
Finances , 2 Volum .; le 3. qui complette cette
Partie , va paraître. Le prix de chaque Volume
eft de 3 liv. 15 fous pour MM. les Abonnés de
Paris , & 4 liv. 10 f. pour ceux des Départemens ;
chaque Code fe vend féparément 4 liv. 10 fous
pour Paris , & liv. frane de port par la Pofte. !
Cette Collection fera terminée par une Table
générale & féparée des Matieres , par ordre alphabétique.
Cette Table , qui aura 7 à 800
pages , fera délivrée gratis à MM. les Soufcripteurs
& à ceux qui fouferiront encore jufqu'au
15 Juillet prochain . Les perfonnes qui défireront
foufcrire voudront bien faire paffer le montant
des dix Volumes qui paraiffent : ils ne payeront
enfuite qu'en recevant chaque Livraiſon ; & la
derniere ne fe payera qu'en recevant la Table générale
des Matieres, Il y aura 18 Volumes.
FRANÇAI S. ·105
LA SAINTE BIBLE , contenant l'Ancien & le
Nouveau-Teftament , traduite en français fur la
Vulgate par M. Lemaître de Sacy ; nouvelle
édition , ornée de 300 Figures , gtavées d'après
les Deffins de M. Marill er. 1. Livraison , qui
commence le Tome III. A Paris , chez Defer de
Maisonneuve , Libraire , rue du Fein- St- Jacques ,
Hôtel de la Reine Blanche , No. 11. De l'Imprimeric
de Monfieur.
Cette fuperbe Edition , chef- d'oeuvre de typo
graphie & de gravure , fe continue toujours avec
le même foin & la même perfection.
LA CONSTITUTION FRANÇAISE , décrétée. par
l'Affemblée Nationale conftituante , aux années
1789 , 1790 & 1791 , acceptée par le Roi le 14
Septembre 1791 ; fuivie d'une Table alphabétique
des 83 Départemens , de celle des villes & des
Bourgs où le trouvent des Diſtricts , de l'origine
des noms des Départemens , du tableau des Tribunaux
, de Paris divifé en 48 Sections & fes fix
Tribunaux , du tableau des 28 Divifions de la
Gendarmerie Nationale , & des Entretiens du P.
Gérard petit format. A Paris , chez les Soeurs
Traitenelle , Brocheufes , maifon Florence , paffage
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des Jéfuites fur les Sciences , les Belles - Lettres &
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in-8° . avec Figures. A Paris , même adreffe que
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On reviendra fur cet Ouvrage.
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Cette Collection contient l'Hiftoire du Cheva-
Her Tiran Leblanc ; le Caloandre fidele ; les
Soirées du Bois de Boulogne ; Recueil de ces
Meffieurs ; Hiftoire nouvelle & Mémoires ramaflés
; les Manteaux ; le Pot-pourri , Ouvrage
de ces Dames & de ces Meffieurs ; Contes Orien
taux ; Féeries nouvelles ; Cinq Contes de Fées ;
Cadichon & Jeannette ; Hiftoire de Guillaume
Cocher de fiacre ; Aventures des Bals de bois
les Fêtes roulantes & les Regrets des petites Rues ;
Mémoires de l'Académie des Colporteurs ; les
Etrennes de la Saint -Jean ; les Ecoffeufes ou les
;
ufs de Pâques ; Recueil de ces Dames ; Effais
hiftoriques fur les Lanternes ; Hiftoire des Chats
& des Rats ; Mémoires de l'Académie de Troies;
Mémoires de l'Académie de ces Dames & de ces
Mefheurs.
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Fenfées détachées , Traits d'Hiftoire , & Anecdotes
des Hommes célebres depuis la renaiſſance
des Lettres jufqu'à nos jours ; fuivis d'un Choix
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& Contes à rire , tirés de différens Recueils .
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ci-deffus , on ne les payera que 72 liv, au lieu
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rédaction de la Déclaration des Droits , adoptée
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chez M. Garnier , place de la Comédie.
Cet Ouvrage , affez recommandé par le nom
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en général , & de la vraie maniere d'accorder la
Harpe & le Piano,
TABLE.
8, Mémoires .
871Notices.
CHANSON.
Charade, Enig. Log.
194
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 30 JUIN 1792.
PIECES FUGITIVES.
AU VILLAGE D'A V* *.
AIR : Je fuis Lindor , de PAESIELLO ,
SÉJOUR charmant , las ! qu'il faut que je laiſſe,
Où l'on n'eft point fatisfait à demi ;
C'eſt dans ton fein qu'il me refte un ami ,
Un tendre ami que j'aimerai fans ceffe !
Quoi ! j'oublirais , fans devenir coupable ,
Son coeur aimant , fon coeur droit , généreux ,
Et ce penchant à faire des heureux ,
Qui des humains le rend le plus aimable ?
N °, 26. 30 Juin 1792 .
F
110
MERCURE
Он ! que de fois dans fon ame fenfible
Je dépofai mes chagrins , mon ennui ;
Et que de fois je fortis d'avec lui
Plus foulagée , & pourtant moins paifible !
POUR mon bonheur je devins fon amie ;
C'eft de fon fort que dépend mon deftin ;
Contre mon choix fi je livre ma main ,
Mon coeur au moins eft à lui pour la vie.
SOUR charmant , fi doux à ma mémoirɛ ‚
Toi qui ne peux jamais être oublié ,
Si mes accens font chers à l'amitié ,
A te chanter je veux mettre ma gloire ,
( Par Stella Werenfelt. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent .
TE mot de la Charade eft Journée ; celui
de l'Enigme eft la Tete ; celui du Logogriphe
eft Fumier , où l'on trouve Mur, Mer,
Feu, Rime, Fier, Mi , Ré , Me , Fi , Furie ,
Mûre , Fer.
FRANÇAI S. III
CHAR A D E.
MON fecond eft trois fois contenu dans mon
tout ;
Mon premier vous le dit , & c'eft inconteſtable ;
Mais pour venir de moi plus aifément à bout ,
Cherchez-moi dans la main d'un des Dieux de
la Fable .
É N, I G M E.
Nous fommes bon nombre de foeurs ,
Dont l'étroite union & l'heureux
affemblage
Plaifent fort à nos poffeffeurs
.
Si quelqu'une de nous à la maifon fait rage ,
Elle fort , & fouvent caufe bien des douleurs.
Chez nous la qualité de belles
Ne va point fans la dureté ;
Et plus nous avons de bonté ,
Plus on nous éprouve cruelles.
LOGO GRIPHE.
LECTEUR , je fuis dans ce moment
Couvert du plus épais feuillage ,
Et mainte fois fous mon ombrage ,
J'ai vu le Poëte & l'Amant
F 2
112 MERCURE
Tous deux s'exercer au langage
De l'efprit & du fentiment.
Neuf pieds compofent tout mon être :
Retourne-les , tu vois paraître
Un arbre qui n'a point de fruit ;
Un obfcur & trifte réduit ;
Un amas d'eau fouvent croupie ;
Une riviere d'Italie ;
Un quadrupede ; un élément ;
Un mal terrible ; un mois charmant ;
Ce qui fert à notre défenſe ;
Une riviere de la France ;
Deux notes ; deux pronoms divers ;
Ce qu'on trouve à la fin d'un vèrs ;
Un meuble utile à la toilette ;
Ce que toujours fage fillette
A dix- huit ans défire avoir ;
Un Art très -utile à ſavoir ,
Sur-tout quand par mer on voyage ;
De Dieu le plus parfait ouvrage ;
Le riche féjour des métaux ;
Le plus ftupide des oifeaux ;
Un amas d'eau confidérable ;
Un Saint ; un mortel eſtimable ;
Un Patriarche ; un Magiftrat ;
Un fynonyme à Potentat ;
Une ville en Héros féconde ,
Jadis Capitale du Monde ;
Enfin , dans moi l'on trouve encor
Ce métal.en France fi rare .
Ah ! s'il en eft dans ton tréfor ,
Lecteur , fois- en donc moins avare .
(Par un Abonne. )
FRANÇAIS.
113
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
-૨
MEMOIRES du Comte de Maurepas ,
Miniftre de la Marine , &c. Troisieme
Edition , avec onze Caricatures du temps,
gravées en taille douce. 3 Volum. in-» °.
Prix , 10 liv. br. & 11 liv . 10 f.francs
de port par la Pofte. A Paris , cheż
Buiffon , Impr- Libr. rue Haute - feuille ,
N°. 20 ; & à Lyon , chez les Freres
Bruyfet , rue Saint- Dominique.
SECOND EXTRAIT .
PUISQUE UISQUE nous en fommes aux mariages
extraordinaires , il ne faut pas oublier celui
de Boffuet avec Mlle . de Mauleon . On a
beaucoup crié contre Voltaire pour en
avoir parlé le premier : M. de Maurepas le
rapporte comme un fait certain.
Un autre mariage qui ne laiffe pas d'avoir
auffi fes fingularités , c'eft celui d'un
Roi de France avec la fille d'un Staroſte
Polonais , que les armes de Charles XII
avaient fait un moment Roi de Pologne
& qui depuis , dépouillé & fugitif , s'était
retiré à Veiffembourg , où il était dans une
F3
114
MERCURE
telle mifere , qu'il fallut d'abord envoyer
des chemiſes à fa fille en lui offrant la couronne
de France. Ce n'était pas qu'elle
fût dans le cas de la belle Mazarin , à qui
Mad . de Sévigné écrivait fi plaifamment :
Vous voyagez comme une Heroine de Roman
; force diamans & point de chemiſes.
La fille de Staniflas n'avait pas plus de
l'un que de l'autre ; & pour premier préfent
de noces , elle reçut un trouffeau complet.
Le Comte de Maurepas trouve cette
alliance monftrueufe : il eft bien vrai que
c'était l'ouvrage d'une Madame de Prie ,
Maîtreffe du premier Minire , M. Le Duc,
& qui lui perfuada que pour rendre fon
pouvoir inébranlable , il fallait donner au
Roi une femme qui ne fût rien par ellemême
, & qui devant tout au Miniftre
fût auffi toute entiere à lui . Mais on peut
quelquefois , par des motifs très - perfonnels
, faire une chofe bonne & fage en
elle-même. Les mariages de nos Rois avec
des Princeffes étrangeres ont eu le plus
fouvent des fuites funeftes , parce qu'ils
font naître des prétentions qui font des
fources de guerre , & qu'on fait entrer les
Peuples comme une propriété dans les
claufes du contrat : or , tout ce qui eft une
caufe prochaine d'ambition & de guerre ,
eft certainement un grand mal dans la
faine politique , qui ne doit fonger qu'au
bonheur des Peuples. Quant à la politique
FRANÇA I S.
115
perfonnelle de M, Le Duc & de Mad . de
Prie , elle ne valait rien du tout : il ne faut
point compter fur la reconnaiffance , & à la
Cour moins qu'ailleurs ; & puis , ce qu'une
Reine de France peut être dans le Gouvernement
ne dépend point de ce qu'elle
était avant fon mariage , mais de fon caractere,
du plus ou moins d'envie de dominer
, des moyens qu'elle peut avoir pour
y parvenir , & des circonftances où elle fe
trouve. Catherine de Médicis n'était rien
moins qu'une grande Dame par fa naiffance
, & on fait quel terrible pouvoir
elle exerça fous trois Regnes .
1 >
Le Comte de Maurepas a raffemblé le
plus qu'il a pu de pieces fatiriques conte
le Gouvernement de fon temps ; outre le
goût naturel qu'il avait pour la fatire , il
ne pouvait fouffrir la domination du Catdinal
de Fleury, qui afferviffait les autres
Minidres, & la plupart de ces pieces étaient
contre le Cardinal. C'en était affez pour
les rendre précieufes à Maurepas , qui
d'ailleurs , ne montre pas , dans la maniere
dont il parle de tous ces pamphlets , beaucoup
de tact ni de jugement. Il rapporte
une lettre écrite à Henri IV par des jeunes
gens ivres , & il n'y a rien du tout dans
cette lettre qui fente l'ivreffe ; elle eft amere
& quelquefois injufte , mais raifonnée. Il
en cire une autre écrite au nom de Louis
XIV à fon fucceffeur , & qui eft une cri-
M
FA
116 MERCURE
tique fanglante de toute l'adminiſtration de
Fleury ; il a l'air de la regarder comme
une piece victorieufe, qu'il n'était pas poffible
de méprifer , & il ne s'apperçoit pas
qu'elle eft d'un bout à l'autre d'une maladreffe
ridicule , en ce qu'elle fuppofe
Louis XIV reprochant à fon fucceffeur
tout ce que lui - même avait fait , & lui
donnant des kçons qui retombent de tout
leur poids fur celui qui les donne : paffe
encore fi le mort qu'on fait parler était
cenfé faire une confeffion , & s'il avait foin
de dire Ne faites pas ce que j'ai fait.
Point du tout il ne s'excufe que fur la
Bulle : fur ce feul point , il avoue qu'il a
été trompé ; & fur tout le refte , il s'exprime
comme un Mentor avec fon Eleve.
Il lui fait for - tout un grand crime de ne
pas déférer aux remontrances de fes Parlemens
. Cela n'a-t-il pas bonne grace dans
la bouche d'un Prince qui avait fupprimé
même le droit de remontrances ? Rien au
monde n'était plus facile que de faire à
cette fatire , fi mal imaginée, une réponse
péremptoire , & qui plus eft très- plaifante .
Le Cardinal aima mieux la faire brûler par
le Parlement. Brûler n'eft pas répondre
dit fort bien Maurepas . Il à d'autant plus
raifen , que répondre n'était pas difficile ,
comme on vient de le voir ; ce qui n'empêche
pas que ce mot ne foit fort pour un
Min.fre de ce temps - là : mais c'était un
Miniftre mécontent.
FRANÇAIS.
117
On trouve ici les J'ai vu , qui firent
mettre Voltaire à la Baftille pendant treize
mois. Ils n'étaient pas de lui ; il eft facile
de s'en convaincre en les lifant , quand on
ne faurait pas que fur ce point l'innocence
de Voltaire fut reconnue. Cependant l'Auteur
des Mémoires paraît perfuadé qu'ils
font de Voltaire. En voici des paffages :
J'ai vu même l'erreur en tous lieux triomphante
La vérité trahie & la Foi chancelante ;
J'ai vu le lieu faint avili ....
J'ai vu de faints Prélats devenir la victime
Du feu qui les anime , &c .
Indépendamment de la platitude de ces
vers , qui ne voit qu'il s'agit ici des querelles
du Janfénifme ? & qui peut ignorer
quel mépris Voltaire , dès ce temps - là
avait affiché pour toutes ces folies : "Neftil
pas plaifant d'entendre Voltaire s'apitoyer
fur la Foi chancelante ? &c. Vous
verrez que Voltaire avait beaucoup de Foi !
lui que fes Profefleurs de Rhétorique défignaient
d'avance comme le Drapeau des
Incrédules ; c'étaient les expreffions du Jéfuire
Lejay. Qui peut douter que ces vers
ne foient de quelque fuppôt du Janfénifme
? Mais , comme difait très -bien Lagrange-
Chancel ( qui eut raifon cette fois )
en parlant , dans les Philippiques , de cette
inique détention du jeune Arouet :
FS
118 MERCURE
On punit les vers qu'il peut faire ,
Plutôt que les vers qu'il a faits .
Nous trouvons auffi deux Couplets fur
Villeroi , cet homme fi nul & fi vain , le
feul que Louis XIV daigna nommerSon
Favori , & qu'il fit entrer au Confeil avant
le vainqueur de Dénain , quoique Villeroi
fût de la même force au Confeil qu'à
l'Armée. Il s'agit ici de l'affaire de Crémone,
& des deux Couplets , il y en a un
de joli , fur l'air du Branle de Metz.
Villéroi , grand Prince Eugene ,
Vous fait lever de matin .
Pâris fit moins de chemin
Pour prendre la belle Hélene .
On vous l'aurait envoyé
Sans vous donner tant de peine ;
On vous l'aurait envoyé
Si vous l'aviez demandé .
Il eſt étonnant que Maurepas , grand
collecteur de Couplets & d'Epigrammes
n'ait pas cité ce quatrain , qui pouvait être
de quelque Soldat , le Louftic du Régiment ,
mais qui n'en eft pas moins le meilleur ,
fans comparaifon , qu'on ait fait fur cette
affaire de Crémone .
Palfembleu , l'aventure eft bonne
Et notre bonheur fans égal ;
Nous avons recouvré Crémone >
Et perdu notre Général.
FRANÇAI S. 115
Au refte , on fut toujours affez heureux
en Couplets fur ce Courtifan dont la fortune
nous a été fi fatale. En voici un dont
les Mémoires ne font pas mention , & qui
méritait bien de n'être pas oublié il eft
fur l'air Vendôme , Vendôme , qui ajoute
beaucoup au fel des paroles.
Villeroi , Villeroi
A fort bien fervi le Roi .
Guillaume , Guillaume.
...
:
Cette naïveté fi piquante & fi rare eft
la perfection de ce genre.
I y a loin des Couplers de cerre tournure
à ces Calottes , qui tiennent une fi
grande place dans les travaux & dans l'opinion
du Comte de Maurepas. S'il n'y a
pas de quoi s'en étonner , puifqu'il avone
franchement que la plupart font de lui ,
il n'y a pas non plus de quoi fe vanter ;
car elles font toutes de la derniere platitude.
Je m'en rapporte à qui pourra les lire
jufqu'au bout : en voici des échantillons .
Que dites- vous de la momie ? ( Voltaire)
La foif de l'or le feche ainfi ,
Et le corrofif de l'envie.
Eft-il affis , debout , couché ?
Non , fur deux fiageolets il flotte ,
Entouré d'une redingotte ,
Qu'à Londre il eut à bon marché.
Son corps tout diflcqué cano.te ;
Sa mâchoire avide grignotte ;
F &
120 MERCURE
Son regard eft cffarouché.
Vous connaiffez ce Don Quichotte
Qui dans la cage eft attaché ;
Son fec cadavre eft embroché
A fa rapiere encor pucelle , &c.
Venez , favante Académie
Encenfez-le fur votre feuil ;
Ces Meffieurs lui feront accueil ,
Ou l'excufe la plus polie
De n'avoir pas incorporé
Chez eux un mortel fi taré ...
Voltaire avec mépris les traite ,
C'eft leurs jetons feuls qu'il regrette , & c.
Mais Ciel qui bouche les paffages ?
Qu'entendons - nous ? quelles clameurs !
Haro fur le Roi des Rimeurs.
On veut l'arrêter pour les gages ;
C'eft un monde de Soufcripteurs ,
De Libraires & d'Imprimeurs ,
Parlant de vols , de brigandages , & c .
En voici un autre :
2
"
Nous les Régens de la Calctie ,
Aux fideles de la Marotte ,
A qui ces préfentes verront ;
Salut Arouet , dit Voltaire
Par un efprit loin du vulgaire ,
Par fes mémorables Ecrits ,
Comme auffi rar fes faits & dits ,,
S'étant rendu recommandable ,
FRANÇAIS.
121
Et ne croyant ni Dieu ni Diable ;
Ayant de plus riches talens
Qu'aucun autre à quatre-vingts ans ;
Savoir , Boutique d'infolence ,
Grand Magafin d'impertinence ,
Grenier plein de rats les plus gros , &c.
En voilà bien affez : tout eft de cette
force. Ce n'eft pas-là tout- à-fait le ton de
plaifanterie de Chapelle & d'Hamilton ;
mais chacun a le fien , & c'était apparemment
celui du Comte de Maurepas . Au
reſte , un Miniftre n'eft pas obligé de bien
faire des vers , ni même de s'y connaître ;
mais peut-être l'eft- il de s'occuper d'autre
chofe que de recueillir avec tant de foin de
fi pitoyables rapfodies , & de les groffir de
fes productions .
Il infifte beaucoup fur l'importance dont
étaient , felon lui , ces Calottes dans l'opinion
publique ; il affure que les Miniftres
les commandaient dans l'occafion , & favaient
en tirer parti pour écarter des hom-
' ines dangereux ou de fauffes opérations.
Tout cela eft infiniment exagéré , & peut
mériter quelques obfervations qui réduiront
le tout à l'exacte vérité.
-
On n'ignore pas que le ridicule a toujours
été une arme puiffante , fur tout
chez les Français , Nation regardée de
tout temps comme prodigieufement vaine ,
& chez qui cette vanité s'eft exaltée en
122 MERCURE
raifon de l'efprit de fociété , devenu , depuis
Louis XIV , le plus dominant de tous
les efprits. De là l'Empire de la mode, du
bon ton , & de toutes les petites chofes
qui infuaient tant fur les grandes , avant
même que cet efprit fût formé ; & du temps
de la Ligue , la fatire Ménippée combattit
avec fuccès les fermons du Fanatifme &
l'or de l'Efpagne . Elle eft reftée dans toutes
les Bibliotheques comme un monument
hiftorique très- précieux , parce que , malgré
l'imperfection du langage encore un
peu groffier , elle joint un fel très- piquant
au développement très- inftructif des intér
rêts & des menées de tous les partis. Le
Français , naturellement vif & malin , &
auffi fufceptible de recevoir la vérité que
l'erreur , accueillit beaucoup les différentes
pieces qui compofent cette fatire , écrites
d'ailleurs par les meilleurs efprits & les
meilleurs Citoyens du temps , & l'on ne
peut douter qu'elles n'aient contribué beaucoup
à l'abaiffement des factieux & au
rétabliffement de Henri IV .
Du temps de la Fronde , on ne négligea
pas non plus cette arme du ridicule ; tous
les partis s'en fervirent d'autant mieux que
tous y prêtaient également. Les Mémoires
du fiecle dernier nous ont confervé quelques-
unes de ces nombreuſes Marinades,
qu'on voyait éclore chaque jour : quoique
meilleures que les Calottes , elles ne font
FRANÇAIS. 113
pas bonnes , & l'on ne fe fouvient aujourd'hui
que de quelques Couplets de Blot
& de Marigny, qui font véritablement fort
heureux. Quant aux Mazarinades , toutes
celles qui ne font pas dans les Mémoires
du temps ( & c'eft , fans nulle comparaifon
, le plus grand nombre ) , font tellement
anéanties , que rien ne ferait plus
difficile aujourd'hui que d'en trouver un
Recueil ; & quand par hafard on en voit
un annoncé dans les Catalogues de ventes,
c'eft vraiment une rareté. Dès que les intérêts
du moment font paffés , tout ce qui
n'a pas quelque mérite réel fait pour tous
les temps , tombe néceffairement dans le
plus profond oubli . M. de Maurepas nous
affure gravement que les Bibliotheques ont
confervé les Calottes je fuis convaincu
qu'excepté chez quelques curieux Bibliomanes
, qui mettent leur amour - propre à
pofféder ce que peu de perfonnes peuvent
avoir & ce dont perfonne ne fe foucie ,
on aurait d'ailleurs bien de la peine à trouver
ces copies ; & quiconque a des Livres
a la fatire Ménippée.
Il y a bien des raifons pour que ces
Calottes , que les Mémoires de Maurepas
ne feront pas revivre , aient depuis longtemps
difparu de la mémoire des hommes.
1º . Elles font d'un goût déreftable ; & paffé
l'inftant de la curiofité & de la malignité ,
deux paffions pour qui tout eft bon , la
124 MERCURE
-
lecture en eft dégoûtante. 2 ° . L'uniformité
d'un cadre toujours le même devait , à la
longue , rebuter le Public qui veut une
forte de variété, même dans la méchanceté
qui l'amufe. 3. Pour vaincre cette monotonie
, le talent même n'aurait pas fuffi , '
& fi le talent fe permet quelquefois une
faillie , une facétie , foit pour s'égayer , foit
pour le venger , il ne fait pas métier de
brocarder indifféremment tout le monde :
il n'y en a point d'exemple. C'étaient donch
les derniers des Ecrivains , ou quelques
méchans obfcurs & timides , ou des hommes
médiocres & vains qui fe faifaient
une occupation & une jouifance de cas
fortes de Libelles , & les productions de
ces gens - là ne font jamais de durée . 4º.
Dès que ce cadre fut connu , l'efprit de
parti s'en empara , & fi quelques gens.
avaient été attaqués avec juftice , quoique
groffiérement, bientôt on s'adteffa fur- tout
au mérite & à la réputation en tout genre,
parce que les méchans & les jaloux ont
un instinct , ( & c'eft le feul qu'ils aient )
qui les avertit qu'en rabaiffant tout ce qui
vaur quelque chofe , ils auront tous les
fots pour eux. C'eft ce calcul sûr & facile
qui a fait fubfifter tellement quellement
les Fréron , les Sabatiers de Caftres ,
les Clément , les Linguet , les Royou , &
autres de la même trompe , qui n'avaient
précisément que ce qu'il faut d'efprit pour
FRANÇAIS. 125
être parmi les fots ce que les beliers font
parmi les moutons ; c'est - à - dire pour fe
mettre à la tête du troupeau & le mener.
On fait ce qu'ils font devenus , & chacun
eft à portée d'apprécier leur caractere.
Si l'on veut avoir une idée de toute la
bêtife de l'efprit de parti , il faut lire dans
ces Mémoires la Culotte faite au fujet des
miracles du cimetiere de Saint - Médard.
On croirait d'abord que c'eft pour s'en
moquer , & le champ était vafte : point
du tout ; c'eft pour en parler du ton de
l'admiration la plus niaiſement férieufe :
double ineptie ; car ce férieux forme une
difparate également ridicule avec le fujet
& avec le genre. Que dire des convulfionnaires
de St-Médard , diſtribuant des brevers
de folie car c'eft ce que fignifiaient
les Calottes )? Ne font-ce pas les Petites-
Maifons affemblées pour rendre un arrêt
en forme contre le bon fens ? & c'eſt ainfi
que M. de Maurepas s'imagine qu'on formait
l'efprit public !
Ces Mémoires offrent à toutes les pages
des preuves non feulement de fon peu de
difcernement & de goût , mais même du
peu de connaiffance qu'il avait de la Langue
, défaut , on doit l'avouer , affez rare
à la Cour , où l'on le piquait à un certain
point de parler du moins paffablement.
M. de Teffé ( dit-il ) fans être un for ,
» était bien l'un des bonnes gens de fon
"
126 MERCURE
" temps en fait de Spiritualité " . Peu de
Courtifans auraient ignoré que , quoiqu'on
dife fort bien un homme fpirituel , le mot
de fpiritualité ne s'applique jamais dans
notre Langue qu'aux chofes de la Religion
& du falut , & par oppofition aux chofes
temporelles .
•
Il dit en propres termes que les Fables
de la Mottefont fort fottes ; c'est ce jugement
qui eft une fottife. Les Fables de la
Motte ne font rien moins que fottes , &
ce n'eft pas l'efprit qui lui manquait ; il
s'en faut de beaucoup ; ces Fables font
prefque toutes fort ingénieufes ; ce qui
leur manque , c'eft le naturel & la grace,
genre d'efprit rare & précieux , néceffaire
fur tout dans la Fable ; & pourtant la
Motte eft parvenu , feulement à force d'ef
prit , à faire quelques Fables qui font encore
les plus jolies que nous ayons , je ne
dirai pas après La Fontaine , mais depuis
La Fontaine ; car après lui il n'y a rien .
ود
"3
-
La premiere idée de la formation du
Régiment de la Calotte ( dit encore l'Au-
» teur des Mémoires , toujours avec la
» même gravité ) , fut de former une So-
» ciété qui aurait pour but de corriger les
moeurs , de réformer le ftyle à la mode ,
" en le tournant en ridicule , & d'ériger
" un Tribunal oppofé à celui de- l'Acadé-
» mie Françaiſe ".
FRANÇAI'S.
127
On a vu dans ce que j'ai cité , & l'on
peut voir dans tout le refte , avec quel ftyle
ces Meffieurs voulaient réformer le ftyle des
autres ; on a vu par les calomnies atroces
& impudentes contre Voltaire , comment
ils prétendaient corriger les moeurs ; & pour
ce qui eft de l'Académie , fi le ftyle des
complimens de réception & des pieces
couronnées a long- temps prêté au ridicule,
ce font les bons Ecrivains de l'Académie
même qui l'ont fait fentir , & qui l'ont
corrigé un peu mieux que l'ignorante grofhéreté
de Meffieurs de la Calotte.
39
ود
„ La derniere des Calottines un peu
» connues eſt de 1744. Madame de Pompadour
, qui a un ton grivois & bourgeois
à la Cour , où elle eût dû porter
" pour plaire le grand ton des premieres
» Favorites du Roi , entrait en convulfion
» au nom du Régiment de la Calotte ; &
» comme elle fuccéda , pour l'empire de la
» Cour , au Cardinal de Fleury , ce Régiment,
battu par l'autorité, difparut du
Royaume de France , où l'on rira peu
» déformais tant que Mad. de Pompadour
» régnera «.
و ر
">
و ر
On reconnaît aifément à ce paffage le
Miniftre que la Favorite fit renvoyer non
pas précisément pour une Calottine , mais
pour une Chanfon affez jolie que tout le
monde connaît & qui eft par-tout :
128 MERCURE
Une petite Bourgeoife ,
Elevée à la grivoife , &c.
Cette Chanfon fut attribuée à Maurepas
, ennemi déclaré de la Favorite , & qui
avait réellement fait le Couplet , contre
elle , fur les Fleurs : celui - là était de fa
force ; ce n'était qu'un Calembour ; mais
la Chanfon était d'un homme de fa fociété
, de Pont-de-Veyle : elle courut toute
la France : la Marquife ne la pardonna pas,
non plus que le Couplet , & parvint à s'en
venger. Il eft plaifant que l'Auteur des
Mémoires , qui dit lui-même que rien n'a
jamais empêché les Français de rire & de
chanfonner , prétende que fon cher Régiment
de la Calotte a difparu , battu par
l'Autorité. Ce n'eft pas l'Autorité qui détruit
ces Régimens - là ; c'eſt le dégoûr &
l'ennui. Il eft encore plus plaifant qu'il ne
veuille plus qu'on rie en France , parce
qu'il n'eft plus à la Cour. On y a pourtant
ri depuis , & fouvent de fort bonne
grace. Jamais le Français n'a perdu le talent
du Couplet & de l'Epigramme ; & il
n'y a pas d'année qui n'ait vu des Pieces
de ce genre , heurcufement un peu meilleures
que les Calottines. M. de Maurepas
a beau nous répéter en termes exprès , que
toutes ces Calottines font d'un plaifant &
d'unfel infiniment piquant ; on lui répondra,
avec Moliere :
FRANÇA I Sa̸ 129
Pour les trouver ainfi , vous avez vos raifons ;
Mais vous trouverez bon qu'on en puiffe avoir
d'autres ,
Qui fe difpenferont de fe foumettre aux vôtres.
( La fin au Mercure fuivant. )
4
JÉSUS- CHRIST , ou la Véritable Religion ,
Tragédie ; par M. DE BOH AIRE.
Paris , chez la veuve Duchefne & Fils ,
Libraires , rue Saint- Jacques, au Temple
du Goût.
VOLTAIRE reçut un jour,une lettre du
Gardien d'une Capuciniere de Province :
le Moine lui mandait qu'on avait joué
dans fon Couvent la Tragédie chrétienne
de Zaire avec la plus grande édification ;
que la Piece avait été fort bien exécutée ;
que le rôle de Zaïre était parfaitement
rempli par un jeune Novice d'une trèsjolie
figure , dont on avait caché la barbe
dans un facher couleur de rofe , &c. Il
ajoutait , après beaucoup de complimens à
Auteur , qui avait été affez heureux pour
trouver un fujet fi touchant & fi édifiant ,
qu'il ne lui manquait plus , pour mettre
le comble à fa gloire , que de traiter un
fujet bien plus touchant encore & plus
1301 MERCURE
édifiant , la Paffion de Notre- Seigneur J. C..
Là - deffus , le bon Gardien s'échauffait
merveilleufement & déployait toute fon
éloquence pour prouver qu'aucun fujet de
Tragédie ne pouvait entrer en comparaiſon
avec celui - là . J'ai vu la lettre ; elle était
curieufe , mais pas tant que la Piece de
M. Bohaire .
Voltaire répondit qu'il ne fe fentait pas
un génie capable de foutenir un fi grand
fujet. M. Bohaire n'a pas été auffi modefte
ni auffi timide. Il nous apprend dans une
Lettre aux Comédiens , que fa Tragédie eft
d'un genre nouveau. Il eft bien vrai que
depuis long- temps nous avons une foule
de genres nouveaux , fi nous en croyons les
Préfaces des Auteurs ; mais il faut avouer
qu'en effet la Piece de M. Bohaire a quelque
chofe de particulier.
Il nous prévient que la lecture d'un Ouvrage
auffi important ne convient pas aux
efprits faibles & fufceptibles de préjugés ;
que ces gens là ne voudront jamais voir
d'un bon oeil la repréfentation d'un tel fujet
fur le Théâtre. C'eſt dommage ; mais peutêtre
, en récompenfe , cet important Ouvrage
conviendra - t - il mieux aux efprits
forts : ce qui eft certain , c'eft qu'il faudrait
avoir de l'humeur pour le voir d'un
mauvais oeil.
L'Auteur défire modeler le Spectacle de
cette Piece fur celui d'Athalie , former des
FRANÇA I S. 131
Chours & même des Danfes , & prier l'Académie
de Mufique de fe joindre aux Comé-.
diens Français . Pourquoi pas ? Il y a déjà
quelques années que j'attends le Maffacre
des Innocens en Opéra - comique , & le
Déluge univerfel en Ballets. En attendant,
voilà qu'on nous promet la Paffion en
Choeurs & en Danfes : il eft clair que nous
avançons .
M. Bohaire eft convaincu qu'un enfemble
auffi parfait ne pourrait manquer d'avoir
un grandfuccès. Cela eft extrêmement vraifemblable.
Maintenant , pour donner une idée du
genre & du ftyle de la Piece , je crois que
quelques vers fuffiront.
Et Salomon lui-même , en fon plus grand éclát ,
Ne fut pas mieux vêtu que l'eft le feringat.
Couronné d'une épine , & le viſage en fang ,
De tous ces affaflins , Jéfus eft vers le flanc ,
Un rofeau dans la main , vêtu de l'écarlate ,
Suivi de Magdeleine , & de Marie & Marthe.
Dans leurs forfaits , c'eft peu de le myſtifier ;
Ils ont déjà la croix pour le crucifier,
On nous difpenfera , fans doute , d'en
citer davantage ; mais il eft bon d'avertir,
de peur qu'on ne s'y méprenne , que cet
Ouvrage a été compofé le plus férieuſe132
MERCURE
FRANÇAIS
.
ment du monde , & que & les Juifs ont
myftifié le Sauveur , l'Auteur très - certainement
n'a voulu myftifier perfonne.
ANNONCES ET NOTICES .
la
TOME IV & dernier des MÉMOIRES du Comte
DE MAUREPAS , Miniftre de la Marine
&c. &c. &c.; avec onze Caricatures du temps ,'
gravées en taille - douce. Volume in- 8 °. Prix ,
liv. br. & 3 liv. 10 fous franc de port par
Pofte. A Paris , chez Buiffon , Impr - Libr . rue
Haute-feuille , N ° . 20. On peut fe procurer le
même Ouvrage à Lyon , chez les FF. Bruyfet ,
rue St- Dominique .
3
Ce Volume le vend féparément aux perfonnes
qui ont acquis les trois premiers.
Nous rendrons compte de ce IV . Volume , à
la fuite des autres. Il y a des endroits qui contredifent
quelques inductions que nous avons tirées
des premiers Volumes ; mais il fera aifé de faire
voir , en rapprochant les paffages , que c'eft
l'Auteur qui n'a pas toujours été d'accord avec
lui-même , parce qu'écrivant fur les mêmes perfonnes
en différens temps , il a fuivi les différentes
impreffions dont il était affecté.
Av
TABLE.
U Village d'Av **. 109 Jésus - Chrift.
Charade , Eng. Logog. 111 Notices .
Mémoires , 2e. Ex.
149
732
MERCURE
HISTORIQUE
E
E T
POLITIQUE.
SUÈDE.
De Stockholm , le 4 Mai 1792.
Le Duc de Sudermanie Régent du
royaume, que les Feuilles de France avoient
tué , s'occupe avec fuccès des affaires
Le crédit s'affermit chaque jour fous fon
Gouvernement ferme & prudent ; le calme
eft rétabli dans la capitale , & tout donne
à penfer que la paix intérieure fera conf
tamment maintenue par la vigueur du nouveau
règne , & la haine que le dernier
évènement a infpiré à un Peuple fage &
libre contre les fcélérats qui pour regner
ont fait affaffiner leur Roi.
Il n'eft pas vrai , comme les Papiers François
l'ont auffi débité, que la Ruffie intrigue
parmi nous pour y exciter des troubles : le
N°. 22. 2 Juin 1794.
*
'dernier malheur eft l'oeuvre du fanatiſme ,
& non celui de la corruption de cette Cour;
& c'eft un menfonge affreux de le donner
à entendre, quand tout annonce & prouve
le contraire.
Le Comte de Stackelberg, Miniftre de
Ruffie à Stockholm , a reçu ordre de fa
Cour de propofer au Roi d'entretenir des
Amballadeurs réciproques , en affurant le
Ministère Suédois que Sa Majefté iTmpératrice
étoit prête de nommer un Ambaffadeur,
& de prouver par la combien elle
étoit jaloufe d'entretenir la même intelligence
& l'harmonie qui régnoient entre
les deux Etats avant la mort du Roi.
Cette invitation a été reçue de notre Cour
avec fatisfaction , & l'on s'attend à voir
inceffamment le Comte de Stackelberg déployer
ici le caractère d'Ambaffadeur.
La cérémonie des Ord es a eu lieu , comme
à l'ordinaire , dans la Chapelle du Château
Je 28 Avril . Le Duc de Sudermanie a préſidé
le Chapitre , comme Tuteur du jeune Roi , &
a décoré , de l'Ordre des Séraphins , M. le
Comte de Rareth , qui avoit été nommé par
le feu Roi à la fuite de la dernière Dièté tenue à
Gefle.
Une Ordonnance du Magiftrat vient
d'annoncer que la tranquillité étant rétablie
dans la ville , on peut maintenant for
tir la nuit fans feu.
A
( 3 )
ESPAGNE.
De Madrid, le 10 Mai 1792.
M. de la Vauguyon , ci - devant Ambaſfadeur
du Roi de France , a eu fon audience
de congé , & a remis au Miniftre fes
lettres de rappel . Il eft remplacé par M.
Bourgoing: ce dernier a été préfenté le 6 à
la Cour.
L'on attend quelque changement important
dans le Ministère : voici un état des
forces de l'armée d'Efpagne.
OC
-
Trente- un régimens d'infanterie Espagnole ,
à préfent de treize compagnies pat bataillon , done
chacune eft de so Fufiliers , de deux Sergens &
d'un Tambour , ce qui fait 64,077 hommes .
Trois régimens d'infanterie Iriandoife , qui font fix.
bataillons , formant 4, 13 4 hommes. Trois ré
gimens d'infanterie Italienne, formant fix bataillons
qui donnent également 4,134 hommes . -- Trois.
régimens d'infanterie Wallonne , faiſant le même
nombre 4,134 hommes. Six régimens d'infan
terie Suiffe , dont deux font de quatre bataillons
& quatre de deux bataillons chacun , formant
11,024 hommes. Cinq régimens de gardescotes
qui doanent enſemble 5,220 hommes ;
de forte que l'infanterie s'élève , fans compter
les Officiers , à 92,723 hommes. 33 1égimens
de cavalerie de trois efcadrons , faifant
11,880 hommes , ce qui fait 18,360 hommes de
cavalerie. La maison militaire du Roi d'Eſpa- .
gne eft compofée de trois efcadrons de gardes, ducorps
, d'un efcadron des Grenadiers à cheval
Ce qui fait 750 hommes de cavalerie. L'infante
A 2
( 4 ))
rie eft composée du régiment des Gardes Efpagnoles
& de celui des Gardes Wallonnes , montant
enfemble , à 8,000 hommes ; ainfi la totalité de
l'armée Espagnole monte à 119,800 hommes , indépendamment
des milices, »
1 ALLEMAGNE.
De Vienne le 14 Mai 1791. tory l
Marie - Louife , Infante d'Espagne , âgée
de 47 ans , Impératrice , Reine de Hongrie
& de Bohême , époufe de feu Sa Majefté
Impériale , Léopold II , eft morte le
12 de ce mois , à quatre heures après midi ,
après avoir reçu les derniers Sacremens en
préſence du Roi & de la Reine , des Archiducs
, Archiducheffes & autres Perfonnes
de la Cour,
L'on met chaque jour une nouvelle activité
dans les difpofitions militaires qu'exige
la guerre contre la France . Quinze mille .
hommes font partis de la Bohême le 10 ;
l'ordre eft donné d'en hâter la marche...
Cette troupe fe réunira aux Pruffiens tirés
de la Siléfie au nombre de 1.2,000 , & ira :
groir l'armée des Pays - Bas , où fe rendront
auffi le Prince de Waldeck , le Géneral
de Clairfait & l'Archiduc Charles.
Indépendamment des deux Corps d'armée.
fur le Rhin & aux Pays Bas , on paroit,
porté à en faire agir un du côté de l'a
lie ; au moins des ordres ont-ils été donnés
detenir un Corps de 8 à 9 mille hommes des
( 05 )
troupes du Milanois prêt à fe porter où les
évènemenspourroient l'appeller . LeComte
de Strafoldo le commandera.
Malgré les dépenfes que ces préparatifs
occafionneront le Roi a déclaré que fon
intention n'étoit point d'établir de noueveaux
fubfides , pas même celui de guerre
& qu'il trouve dans fon patrimoine des reffources
fuffifantes fans furcharger les Peuples
de fes Etats.
J
Au refte on peut connoître par la précipitation
que l'on met dans les préparatifs
, le peu de précautions qu'avoient
prifes contre un peuple entreprenant les
Cours de Vienne , de Berlin & de l'Allemagne
; elles étoient mal inftruites de
Tétat de la France , on leur en avoit trop
exagéré la foibleffe ou les moyens de réfiltance
intérieure du parti des mécontens. Il
n'eft pas même sûr qu'avant le raffemblement
des forces fuffifantes pour porter
quelque coup décifif , les François n'aient
pris les devants & effectué quelques - uns
des plans qu'ils ont depuis long temps le
projet de tenter. Tel eft l'effet inévitable
de l'incurie & de l'habitude de ne voir les
forces de fon ennemi que d'après les rap❤
-ports de fon propre parti .
De Ratisbonne , le 17 Mai.
Les Miniftres de Vienne & de Berlin , á
la Diète de l'Empire , ont remis aux autres
A 3
( ( 6 )
Miniftres une note de réquifition & d'exhortation
relative aux affaires préfentes :
voici cette pièce importante qui doit faire
ceffer tous les refus de forme & les neutralités
apparentes des Etats qui ne s'étoient
point encore ouvertement déclarés .
*
D'après l'affociation faite entre tous les
Princes , fur l'invitation de l'Empereur défunt ,
pour la sûreté & la défenfe de l'Empire , les
Rois de Hongrie & de Prufle effèrent conjoin.
tement , qu'aucun des Etats de l'Empire ne fe
détachera , que tons au contraire fe hâteront de
contribuer , par tous les moyens qui font en leur
pouvoir , à foutenir la guerre contre la France
qui menace l'Empire . Leurs Majeftés demandent
que les fufdits Etats , fans entrer en aucune
difcuffion fur la queftion qu'on pourroit faire ,
fi ladite guerre eft contre l'Empire ou contre la
Maifon d'Autriche , s'expliquent cathégoriquement
fur les fecours qu'ils voudront donner , &
fur lefquels toutefois on leur laiffe le libre arbitre
, le flattant néanmoins qu'ils feront próportionnés
à la grandeur des Etats refpectifs .
Ces fecours pourront être donnés ou en troupes,
ou en attirails de guerre & armes , ou en argent,
ou en vivres , ou encore dans la pleine liberé
aux armées beliigérantes de fe recruter days
lefdits Etats . Si , contre toute attente , il fa
trouvoit quelqu'Etat qui , par quelque raifon
que ce fut , renonçât à l'affociation lefd.res
Majeftés le verroient obligés de couvrir parement
& fimplement leurs propres Eats , ainh
que ceux de leurs alliés , abandonnant les auties
à leur propre fort. Elles adopteroient même ce
principe , qui n'eft pas pour nous eft contre nous ,
( 7)
& le mettroient en pratique fuivant que les cir
conftances pourroient l'exiger. Mais leurs Ma
jeftés comptent trop fur le patriotisme de tous
les Etats de l'Empire , pour ne pas être affurées
d'avance de recevoir de chacun d'eux prompte
& fatisfaifante réponſe. »
Cette déclaration , dans laquelle le Parti
François , agillant en Allemagne , a voulu
faire trouver aux Princes qu'elle concerne
des motifs de réclamation , n'a excité aucune
plainte réelie ; elle accélérera la levée
contingens. Déjà l'Electeur de Cologne
a demandé & obtenu des Etats de l'Electorat
les fommes qui lui font néceffaires
pour fournir fon contingent en troupes ,
fuivant les loix de l'Empire.
des
Tout annonce la réfolution d'avancer
l'époque du Couronnement de l'Empereur.
Sur la propofition de l'Electeur de Mayence,
le College Electoral doit fe raffembler un
mois plutôt qu'on ne l'avcit annoncé ; ce
fera dans les premiers jours de Juin au lieu
' de Juillet.
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 23 Mai.
1
Les évènemens du continent ne nous ont
point permis de fixer l'attention du Lecteur
fur les intrigues avortées , dont on a
fait ufage pour exciter des divifions dans
le Parlement & le Gouvernement Britan-
A 4
( 8 )
nique. Les Inftigateurs de la réforme parlementaire
, dans un moment où tous les
brûlots de la France font aux aguets pour
femer la difcorde parmi nous , ont été démafqués
, & leurs tentatives repouffées par
les délibérations du Parlement. Nous rewviendrons
fur ces faits importans ; mais
aujourd'hui , pour préfenter un enſemble
des négociations & des menées qu'occafonne
la guerre entre la France & les Cours
d'Allemagne , nous rapporterons une note
remife officiellement au Ministère , pour
en obtenir la déclaration formelle d'une
neutralité effective . En attendant que l'Angleterre
prononce cette neutralité , dont
peut être elle auroit à fe repentir , fi l'infurrection
françoife gagnoit fes Etats ; voici
la pièce en queftion , remife au Lord Grenville
,le 12 Mai. On y trouve le ftyle du
' nouveau Miniſtère François ; mais on fera
difficilement convaincu que ce foit pour le
bonheur de la Frar ce que le Roi ait déclaré
la guerre aux Peuples protecteurs de fa
Famille , & à des Rois qui vouloient fouftraire
les Etats à la rage d'un parti vraiment
fanatique & meurtrier.
« Le Roi des François , en envoyant un Miniftre
Plénipotentiaire à Londres , l'a fpécialement
chargé de commencer fa miffion par måmifefter
au Gouvernement Britannique les raiſons
zimpérieufes qui ont décidé la France à la guerre
contre le Roi de Hongrie & de Bohême ,
2
9 )
pensé qu'il doit cette manifeftation à la pureté
des intentions qui l'animent , autant qu'aux loix
du bon voisinage & au prix qu'il attache à tabt
ce qui peut entretenir la confiance & l'amitiś
entre deux Empires qui ont aujourd'hui , plus
que jamais , des motifs de fe rapprocher & de
s'unir. Devenu Roi d'une Nation libre après
avoir juré le maintien de la Conftitution qu'elle
s'eft donnée , il n'a pas peu fenti profondément
toutes les atteintes qu'on vouloit porter à cette
même Constitution & fa feule probité et luffi
pour lui commander de les prévenir & de les
.combattre. ”
Le Roi a vu une grande corjuration ſe former
contre la France , les agens de cette ligue
couvrir d'une outrageante pitié pour lui , les apprêts
de leurs deffeins ; & Sa Majefté a eu la
douleur de compter parmi eux les François dont
tant de puiffans motifs & des liens fi particuliers
fembloient lui garantir la fidélité . Le
Roi n'a point épargné les voies de la perfuafion ,
pour les ramener à leur devoir & pour diffiper cotre
igue menaçante que foutenoient & fortifioient
leurs coupables efpérances ; mais l'Empereur
Léopold , moteur & chef déclaré de ce vaſte
complot , & après ſon décès , François , Roide
Hongrie & de Bohême n'ont fatisfait à aucure
des demandes franches & réitérées du Roi ; après
avoir fatigué par des délais & des réponses vagues
, l'impatience des François accrue chaque jour par
de nouvelles provocations , ces Princes ont face
ceffivement avoué la coalition des Puiffances
contre la France ; ils ne fe fort point défendus de
Ja part qu'ils y avoient prife , ri de celle qu'ils
y prenoient encore ; lein de fe difpofer à la
diffoudre par leur influence , ils ont cherché à
1!
A
S
( 10 )
110
la lier à des faits qui , d'abord étoient étran
gers , & fur lefquels la France n'a jamais te fuf
juftice aux perfonnes intéreffées , & comme fi
le Roi de Hongrie vouloit confaérer la erpétuité
de l'atteinte qu'il porte à la fouveraineté
de l'Empire François , il a déclaré
que cette coalition également injurieuſe pour le
Roi & pour la Nation ne pouvoit ceffer , tant
que la Frar ce ne ferit pas celler les motifs graves
qui en avoient provoqué l'ouverture , c'est - àdire
, tant que la France , jaloufe de fon indépendance
, ne fe relâch roit en rien de fa nouvelle
conflitution . Une telle réponse , précédée
& foutenue des préparatifs les plus évidemment
hoftiles , & d'une protection mal diffimulée
pour des rebelles , a dû paroître à l'Affemblée
Nationale , au Roi & à la France entière , une
agreffion manif:fte ; car c'eft commencer la
guerre que d'annoncer qu'on ramaffe , qu'on
appelle de toutes parts des forces , pour contraindre
les habitans d'un pays à altérer la forme du
Gouvernement qu'ils ont librement choifi , &
: qu'ils ont fait ferment de défendre. Or c'eſt là
le fens & comme la fubftance de toutes les
réponſes évalives du Miniftre de l'Empereur &
du Roi de Hongrie aux explications fimples &
loyales que le Roi leur a demandées . Ainfi
: le Roi s'eft vu contraint à entrer dans une
guerre qui lui étoit déjà déclarée : mais religieufement
fidele aux principes de fa conftitution
, quel que puiffe être d'finitivement le fo: t
des armes dans cette guerre , la France repoufle
toute idée d'agrandiflement elle veut conferver
fes limites , fa liberté , fa conftitution , fon
droit incommutable de fe réformer elle - même
quand elle le jugera à propos , elle ne confentira
"
--
r
jamais que , fous aucun rapport , des Puiffances
étagères entreprennent de lui donner des loix ,
ou ofent en conferver l'eſpoir : mais cette fièrté
' même , fi paturelle & fi jufte , eſt un sûr
>
1
garant
à toutes les Puiffances qui ne l'auront pas
provoquée non - feulement de fes difpofitions
conftamment pacifiques , mais auffi
du refpect que les François fauront mon
trer , dans tous les temps , pour les Loix ,
les ufages & toutes les formes des Gouvernemens
des différens Peuples , auffi le Roi veut
que l'on fache qu'il désavoueroit hautement &
avec févérité tous ceux de fes agens dans les
Cours Erangères en paix avec la France , qui
oferoient s'écarter un inftant de ce refpect , foit
en fomentant , ou favorifant des foulèvemens
contre l'ordre établi , foit en intervenant , de
qelque manière que ce puiffe être dans la po-
Lique intérieure de ces Etats , fous le prérezte
d'un profelitifme , qui , exercé chez des Puilfances
amies , feroit une véritable violation du
droit des gens . --- Le Roi efpère que le Gogvernement
Britannique verra dans cet expofé la
juftice incontestable & la néceffité de la guerre
que foutient la Nation Françoile contre le Roi
de Bohème & de Hongrie ; & qu'il y trouvera
de plus un principe commun de liberté & d'indépendance
dont il ne doit pas être moins jaloux
que la France; car l'Angleterre auffi eft libre , parce
qu'elle a voulu l'être ; & certes , elle n'a pas
fouffert que d'autres Puiffances vinffent la
contraindre à changer la Conftitution qu'elle
a adoptée , qu'elles prêtaffent le moindre appui
à fes fujets rebelles , ni qu'ils prétendiffent s'immifcer
, fous aucuns prétextes , dans fes débats
intérieurs. Perfuadé que Sa Majefté Britan-
C*
A 6
C
nique ne défire pas moins ardemment que fai
de voir comfolder & refferrer la bonne intelligence
& l'union entre les deux Etats
le Roi demande que , conformément à l'art . III
du traité de navigation & de commerce , du 26
Septembre 1786 , Sa Majefté Britannique veuille
rappeler à tous les Sujets de la Grande- Bretagne
& d'Irlande , & faire publier en la forme ordinaire,
dans ces deux Royaumes , & les Illes & Pays qui
en dépend nt , la défenfe expreffe d'exercer contre
la France ou contre les navires François , aucune
hoftilité par des courfes en mer , & de prendre
aucune patente , commiffien ou lettres de repréfailles
des différens Princes ou Etats qui font ou
feront en guerre avec la France ou d'ufer en au-
'cune manière de teles patentes en commiſſions.
£
Le Roi demande en outre que tous les articles
au fufdit traité , qui ont rapport au cas où l'une
des Puiffances contractantes fe trouveroit en
guerre , & fpécialement les art . 3 , 16 , 24 , 39 ,
140 & 41 , folent ponctuellement obfervés & exé-
"cutés , ainfi que Sa Majesté eſt déterminée à en
ufer de fon côté pour toutes les ftipulations de
Traité,
PROVINCES- UNIES.
De la Haye, le 22 Mai.
Milord Auckland, Ambaffadeur extraordinaire
de Sa Majefté Britannique , eft
arrivé ici de Londres le 12. Le 14 il a
"bot fé fon rétour au Préfident des Etats-
Généraux , qui lui a rendu vifite fuivant
Tufage. Les négociations ont été reprifes
13
fur lescirconftances préfentes. M. de Maulde,
Envoyé de France , eft également arrivé le
16 , il a remis fes lettres de créance le
18 & rendu fes vifites ordinaires les jours
fuivans . M. de Gouvernet eft parti le même
jour pour Paris.
.
Rien ne paroît encore indiquer le parti
que nos provinces prendront dans les circonftances
actuelles ; on peut feulement
juger que leurs intérêts leur preſcrivent
de ne le déclarer que lorfqu'elles connof
front bien pofitivement les intentions de
l'Angleterre , & , tout mûrement pefé , il
ne feroit pas trop abfurde de conclure
qu'elles accéderont au Traité d'alliance défenfive
arrêté entre les Cours de Vienne &
de Berlin; c'est même ce qu'il eft poffible de
préfunier de la démarche que vient de faire
le Miniftre de Pruffe , Comte de Keller , en
communiquant la Note qui fuit à leurs
Hautes Puiffances le 24 Avril dernier.
« Les liaifons de confiance & d'amitié , depuis
quelque temps projettées auffi bien à Berlin qu'à
Vierne , ont été cimentées formellement entre
les deux cours par un traité d'alliance défenfive
figné à Berlin , le 7 Février & ratifié peu avant
le décès de l'Empereur . »
« Le Roi de Prutfe , qui n'a pas voulu tar
der de communiquer ce Traité à V. H. P. a
autorifs le fouffigné , fon Envoyé extraordinaire
& Miniftre Plénipotentiaire , à leur en remettre
une copie , qu'il a l'honneur de leur préfenter
aujourd'hui,
( 14 )
Les ftipulations qui y font contenues ayant
pour but la tranquillité générale de l'Europe , le
repos & le bonheur des Peuples , Sa Majefté
les croit de nature à être appliquées fans le
moindre inconvient à la pofition & aux intérêts
des Provinces -Unies. »
« Le Roi de Hongrie & de Bohême , de fon
côté , fe difpofant , Hauts & Puiffaus Seigneurs
à vous inviter à concourir à cette alliance , &¸à
vous propofer des engagemens défenfifs anal gues
à ceux du fufdit Traité , l'amitié & les relations
étroites qui unifient déjà la Cour de
Pruffe à la République , engagent S. M. Pruffienne
à prévenir V. H. P. fur les ouvertures
que S. M. Apoftolique va leur faire. Le Roi ne
fauroic fe difpenfer de témoigner en même-temps
la fatisfaction qu'il reffentiroit à voir la Répu
blique adopter les mêmes principes qui ont déterminé
l'alliance de S. M. avec la maifon d'Autriche,
Souhaitant que V. H. P. enviſagent
fous le même point de vue , l'utilité & les avantages
qui réfulteront de ces liaiſons , le Roi fe
félicitera de pouvoir , autant qu'il dépendra de
S. M. , contribuer au fuccès d'une négociation
qui ne fauroit manquer de tourner au bien de
la République , & à la fati faction de toutes les
Puiflances intéreffées .
La Haye , le 24 Avril 1792.
Le Comte de KELLER .
PAYS- BAS.
De Bruxelles , le 20 Mai.
Le camp formé à Leuze , entre Mons &
( 15 )
3
2
•
Tournay , vient d'être transféré da : s cette
première ville. On a cruette pofition plus
avantageufe , parce quelle concentre davantage
les troupes & les met à portée de
fecourir plus promptement les frontières
fur la Meufe , menacées par l'armée de
M. de la Fayette. Les poftes que ce Général
occupe lui donnent des moyens multipliés
de nous furprendre & de fe porter inopinément
fur Namur ou Charleroi , c'eft en
même temps celle des trois armées dont
la tenue , la difcipline & les mouvemens
ont le plus d'enfemble & de régularité.
Auffi infpire t- elle , comme nous venons
de le dire , plus d'inquiétude que les autres.
Depuis l'affaire de Quiévrain , il ne s'eft
rien paffé de bien important , tout fe reduit
à quelques rencontres de partis , &
quelques tentatives de part & d'autre fur
les bourgs voifins...
Le 7 dans l'après midi une foixantair e
de Gardes Nationaux François , ont fait
une incurfion à Waton , dans la Flandre
maritime , du côté d'Ypres . Ils y font árrivés
tambour bat ant , enſeignes déployées ,
& après avoir abattú un arbre , ils l'ont
planté fur la place en y attachant le drapeau
National , ils ont défendu au Bailly de
l'endroit d'y toucher , & lui ont ordonné
d'inftruire le Peuple de cette difpofition.
Le 16 , pendant la nuit un détachement
d'Infanterie & de Chaffeurs Autrichiens
( 16 )
eft allé attaquer un pofte François , fous
le canon de Condé , ce pofte étoit compofe
de treize hommes qui fe défendirent
avec beaucoup de courage , & dont dix
furent tués & les trois autres faits prifonniers.
Les Autrichiens ont perdu autant de
monde que les François. Le 11 , un détachement
de Huffards Autrichiens a fait
rencontre d'un parti de Dragons François ;
ils fe font chaudement battus , & les derniers
ont perdu neuf hommes , fept ont été
faits prifonniers & conduits à Mons , notre
perte a été à peu près égale.
Depuis , une affaire plus férieufe a eu
lieu a Bavey , entre Maubeuge & Valenciennes
, dans le Hainault François.
Voici ce que le Gouvernement vient d'en
publier
« Son Alteffe Royale ayant eu avis qu'ily avoit
a Bavey un corps de troupes Françoifes , compofé
de Huffards , de Chaffeurs & d'Infántérie
de ligne , ordonna les difpofitions pour
les furprendre.
Ele détacha , à cet effet , pendant
la nuit du 16 au 17 de ce mois un corps de
troupe de Sa Majeflé , fuffifant . I arriva devant
Bavey à la pointe du jour. Les Hudlards François
gag èrent à l'inftant les portes du côté oppofé,
& le fauvèrent à toute bride ; l'Infanterie
tenta quelque réliftance ; mais nos troupes
après avoir tiré fept à huit coups d'obufier
ayant foncé dans la ville , le drapeau blanc fut
arboré , & on fir prifonier de guerre le ref
tant de la garnifon , confiftant en quatre Offi
( 17 )
ciers , cent huit bas - Officiers & Soldats du re
-giment de Vintimille & des Chaffeurs de Gévaudan
. On ne fait pas encore à combien monte
le nombre des François tués dans cette affaire,
& la perte , de notre côté , ſe rédait à un
Hoffard & un Chaffeur , quatre de nos Chalfeurs
y ont auffi été bleſſés . »
་
&
Pour éclairer le Peuple fur les moyens
de féduction qu'on emploie pour l'entraîner
dans la révolte & prévenir la pu
blication des libelles , le Gouvernement
a adreffé la lettre fuivante aux Confeillers-
fifeaux des provinces des Pays - Bas ;
elle eft datée du 28 Avril. Un double en a
été envoyé aux Magiftrats & Officiers des
principales villes.
Marie & Albert , Lieutenans , Gouverneurs,
& Capitaines Généraux des Pays - Bas , & c . Sa
Majefté ayant été informée que , malgré les
mefures févères , & fouvent réitérées du Gouvernement
, il circule dans ces Provinces , quantité
de libelles & de pamphlets , qui continuent
à y entretenir les haines & 1 efprit de parti ; elle
nous a fait connoître , par dépêche datée de
Vienne , du 23 Mars dernier , que fon intention
eft qu'on redouble de furveillance & de
févérité , à l'effet d'empêcher efficacement l'im-
-preffion , la publication & le débit de tout écrit
attaquant , foit directement, foit indirectement
les particuliers ou les corps , ou Communautés
Religieufes ou Laïques , quand même , il ne
contiendroit quedes chofes vraics , mais fâcheufes
à entendre ; & qu'au furplus fon intention eft ,
qu'aucune infulte d'un parti contre l'autre , ne
refe impunie, En vous faifant paffer dès
718 )
(
ordres pofitifs de Sa Majefté , nous devons nous
rappeler ainfi que nous l'avons déjà fait , conbien
il intéreffe au bien - être de ces pays , d'y
fair : ceffer irrévocablement tout efprit de parti ,
& en conféquence , en vous chargeart de nouveau
de veiller avec la plus grande exactitude ,
à l'obfervation ponctuelle des édits exiftans contre
l'impreffion & la publication de libelles & de
-pamphlets , ainfi que des ordonnances contre les
perturbateurs du repos public , notamment de
celle du 2 Mars 1791. Nous voulons que toute
contravention quelconque à ces édits & ordonnances
, foit l'objet de la plus rigoureufe , comme
de la plus diligente pourfuite de votre Ministère ;
'à tant &c.
Cependant l'agitation intérienre fomentée
, entretenue par les intrigues & les ménaces
du parti Révolutionnaire François ,
continue de donner lieu à des défordres ,
qui partagent les foins du Gouvernement.
A Wavre , à Nivelle , à Tirlemont , il y
a eu des infurrections , & l'on a été obligé
d'y faire marcher de la troupe le 14 il y
a eu une rixe affez vive à Malines entre
le parti foi difant patriote , & auteur des
troubles , comme tout parti qui porte ce
:nom l'eft ordinairement , & le parti Royalifte.
On croit qu'il eft refté 8 à 10 perfonnes
fur la place dans cette fâcheufe querelle.
Le Magiltrat a envoyé ici une eftafette
demander du fecours. Plufieurs autres
villes , Anvers & Louvain continuent d'être
des foyers de révolte ; l'affaire des fubfides
1( 19 )
me fe termine point , ces deux dernières
villes fe font réunies aux nations de Bruxelles
, pour mettre des reftrictions à la
levée confentie par les deux Ordres premiers
des Etats. Dans une pofition fi critique
la vigilance de la police fe porte
principalement fur les François , qui font
arêtés s'ils ne font porteurs d'un paffeport
des d'Uzès et de Villequier ;
dars lequel cas on les fait paffer à Varmés
des Princes François.
...
Mais fi l'agitation règne parmi le peuple ,
le militaire eft ferme dans fon devoir ; autcan
foldat n'eft paífé à l'é'ranger , les offi
ciers f. nt actifs & vigilans. On efpère avec
ce fecours & les autres moyens de pru-
-dence , de fageffe & de fermeté empêcher
les progrès de la fermentation .
Le Courier Herden , dépêché à Berlin
Pour y porter la nouvelle des hoftilités
commencées par les François , eft revenu
ici le 12 & a apporté la nouvelle officielle
de la marche de l'armée Pruffienne
Les lettres de Bonn , du 18 Mai , annoncent
que l'Electeur de Cologre avoit reçu
le 13 , une lettre du Roi de Pruffe ; Sa Majefte
le prévient de la marche de fe troupes
fur le Rhin , & que le Général de Schonfeld
eft chargé de tous les arrangemes relatifs
à leur marche pour laquelle Sa Majesté
fait les réquifitions d'u'age.
(( 20 )
Le Prince Charles de Ligne , Colonel au
Corps du Génie , & qui s'eft fi fort diffingué
par fes talens militaires dans la guerre
contre les Turcs , vient d'arriver ici avec le
-Comte de Dietrichstein , Major dans le
même Corps. L'Archiduc Charles , frère
de Sa Majefté , doit inceffamment arriver.
Ils fe rendront tous à l'armée de Mons , où
fe trouve notre Gouverneur - Général , le
Duc de Saxe-Tefchen , fon époufe refte ici .
FRANCE.
De Paris , le 30 Mai 1792.
N. B. Nos Lecteurs ayant lieu d'attendre de
dous déformais plus de récit d'actions que d'analyfe
de verbiage déclamatoire , cette partie-ci du
Journal fe réduira naturellement à la fubftance ou
au texte des Décrets d'intérêt commun , & aux
.principaux traits des débats , évènemens ou fcènes
qui pourront caractériser l'efprit dominant de la
Légiflature & la moralité de fes féances.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du dimanche, 20 mai.
Un article additionnel a étendu les difpofitions
du décret fur les étrangers , à tous les diftricts
extérieurs de la capitale ; & après let offrandes
accoutumées , M. Hua a lu un rapport fur la
queftion du garde- du -fceau : accordera- t- on des
lettres de grace aux accufés jugés avant l'inftallation
des jurés , dans les cas où les conclufions ™
des jurés, feroient , fubftituées à la clémence
royale ? M. Lacroix a fait décréter qu'on s'occu
peroit de la dénonciation de l'ex- miniftre M.Duport
du Tertre , avant de difcuter le projet de permettre
au Roi d'accorder ou grace ou commutation
de peine .
-On eft revenu au juge de paix . Un décret
l'avoit renvoyé au comité ; M. Lacroix a exigé !
qu'on y revînt fur- le- champ. « Ce qui s'eft paffés
hier , a crié M. Bréard , intéreffe la sûreté de
l'Empire... Décerner contre des repréſentans de
la nation des mandats d'amener fans preuves légales
( eux- mêmes s'étoient vantés d'avoir fourni
farticle au libellifte ! ). Il n'auroit pu le faire
tout au plus que contre un vagabond; mais un député
eft un citoyen domicilié... » Des clameurs
ont demandé la révocation du décret de renvoi.
M. Ramond a tenu le langage de la raiſon &
a été hué . « Il faut , difoit-il , que notre juge
ment n'ait pas l'air d'un mouvement de colère...
Quelle étrange opinion on auroit du corps légis
latif , fi l'on croyoit ( avec M. Guadet ) qu'il ne
s'y trouveroit pas 200 membres étrangers aux
factions : que des mandats d'amener pourroient
vider la falle ? Mais pour regagner un peu de
popularité , il a cru devoir ajouter : « Si le pou
voir judiciaire vouloit détruire le corps législatif ,
la conftitution verroit s'élever des millions de
défenfeurs ; alors l'infurrection feroit le plus faint
des devoirs pour fauver les deux pouvoirs menacés
de l'invafion du troiſième . » Ces maximes
étoient d'autant plus déplacées que le pou
voir législatif a fini par immoler le pouvoir ju
diciaire , malgré la déclaration des droits qui die
expreffément toute fociésé dans laquelle la gar
( 22 )
rantie des droits n'eſt pas affurée , ni lafeparation
des pouvoirs déterminée , n'a pas de conf
titution ( art. XVI ) . Or , tout citoyen a´le droit !
de n'être ni calomnié , ni livré aux phalanges de
délateurs inviolables ; & fi pour maintenir &
venger l'impunité d'affaffinats moraux , les légis
lateurs incarcèrent un juge qu'ils devoient en
voyer au tribunal de caslation , le pouvoir législatif
foule aux pieds le pouvoir judicaire , il n'y
a plus de conftitution .
Eu promettant modération & fageffe , M .:
Gusdet a feint de ne vouloir pas liér le mandat
d'amener à de grands complots fous - entendus ; a
Lutenu que le juge auroit dû le borner à examiner
les preuves contre M. Carra , fi leur déclaration
juftifiit M. Carra . « La conflitution ne ,
permet , à l'égard d'un législateur , qu'un mandat
d'arrêt & non un fimple mandat d'amener ; &
ici qui peut le plus ne peut pas le moins . Nos
nouvelles loix n'ont pas mis la diffamation au
nombre des crimes ; le mandat d'amener ( pourĮ
ue diffamation avouée , qui expofe les citoyens ,
calomniés a être égorgés ) , étoit donc un attentat
contre la liberté du peuple. Il existe réellement ,
un comité autrichien , a t - il poursuivi , puiſque
MM. Bertrand & Montmorin ont figné ; mi-:
niftres d'Etat. Dequel état , fi ce n'eft deCoblentz ?..
Ici la falle a retenci d'applaudiemens & de bravo!;
réitérés. Ce comité autrichien ( de Coblentz ! ) . !
c'eſt la réunion des hommes qui veulent divifer ,
le peuple & la garde nationale de Paris , perdre,
nos finances , femer la divifion dans l'armée
exciter les foldats contre les officiers ( bravo !,
bravo ! ). Etoit-il fi difficile au juge Larivière de
découvrir que le miniftre qui a laiffé avilir autant,
qu'il a pu la majeſté du peuple François aux yeux
(23 )
des nations étrangères , für un homme vendu
& néceffairement membre de cette faction qui
veut nous détruire ?... Que cet autre miniftre
qui a laiffé échapper de fes mains toute notre
marine , qui a impudemment menti au corps
législatif afin de l'endormir da is la fécurité , étoit
encore un des membres de cette faction ? »
Enfin fes conclufions ont été un décret d'ac-:
cufation contre M. Larivière , au grand contentement
des galeries & d'une partie de l'Affemblée.
Le garde- du- fceau , M. Duranthon , eft entré
& a dit :
ງ
« Le Roi vient de m'appeller pour m'annoncer
la réfelution qu'il a prite de dénoncer aux
tribunaux les calomnies qui fe répandent depuis
quelques jours , avec une licence qui n'a plus
de fiein , fur l'existence d'un prétendu comité
Autrichien . Peut - être S. M. auroit- elle dédaigné
ces rumeurs me fongères , fi elles n'avoient exiſté
que dans ces libelles que vous avez justement
Youés à la vengeance des loix ; mais comme el es
font parvenues au corps législatif , elle craint
que prenant quelque confiftance dans le fanétu ire
dès loix , elles n'obtiennent l'effet qu'on en defire,
celui de déforgauife : l'armée & l'Etat ; ele
m'a en conféquence chargé de communiquer à
l'Affemblée nationale le parti qu'elle a pris de
dénoncer aux tribunaux les auteurs de cette calomnie.
Elle veut que le fantôme avec lequel
la calomnie cherche à effrayer le peuple , loir
enfin diffipé , & qu'au moyen d une procédure.
juridique & légale , la nation foit pleinement
convaincue de la loyauté de ſes démarches , de
fon attachement à la conftitution & de fa per
( 24)
févérance dans le ferment qu'elle a fait pour la
défendre. »
Ce miniftre a remis la lettre du Roi conçue
en ces termes :
« J'ai chargé , M. le préfident , le miniftre
de la juftice de faire part à l'Affemblée nationale
de l'ordre qu'il vient d'adreffer de ma part
accufateur public , au fujet du prétendu comiré
autrichien ; il importe au bien de l'Etat
que cette affaire foit parfaitement éclaircie . Je
pente que l'Affemblée nationale ordonnera de
communiquer au tribunal les renfeignemens que
plufieurs de fes membres ont dit avoir fur cette
affaire . Elle fentira aifément l'inconvenance qu'il
y a de recevoir de pareilles dénonciations , de
n'en laiffer percer que ce qui peut entretenir les
foupçons dans le public , & le danger de m'en
laiffer ignorer les auteurs. » Signé , LOUIS. ,
Contre figné , DURANTHON,
M. Hebert a demandé un rapport en comité
général. Une foule de membres ont accouru au
bureau pour figner cette demande ; mais , avec
la candeur qui règne dans ces fortes de débats ,
M. Genfonné a repréfenté que pour obtenir un
comité général , il ne fuffifoit pas de la motion
d'un feul membre , & de violens murmures en
ont étouffé la propofition . Faifant arme de tout,
M. Guyton de Morveau a cité un décret du 23
juin 1789 , portant qu'aucun député ne pourra
être arrêté ni jugé pour les opinions qu'il auroit
prononcées dans les états -généraux. Quelqu'un l'a
renvoyé aux états- généraux , plaifanterie qui n'a
pas pris ; & l'on a ajourné la difcuffion fur la
lettre da Roi jufqu'après la difcuffion actuelle fi
utile au peuple, qui la paye.
Du
( 25 )
1
Du nacré vrai des faits , M. Hauffi de Robe
et a conclu que l'Affemblée ayant pallé à
l'ordre du jour conformément à la motion de M.
Dumolard , n'avoit d'abord vu dans cette affaire
qu'ane pourfuite très - conftitutionnellement judi
caire contre trois de fes membres pour objets
étrangers aux fonctions lég flatives ; que la diffa
mation eft un crime , puifque la conſtitution
( ch. III. ) dit que la réparation peut en être
pourfuivie par voie criminelle ; que la déclara
tion des droits dit que tout citoyen appellé on
faifi , doit obéir ; que « communiquer à un li
bellifte , publier des calomnies , n'eft pas une
fonction de législateur » ; que c'eſt à la cour de
calation à juger les juges qui excèdent leurs
droits qu'il feroit affreux de vivre dans un pays [
( libre ! ) ou 745 perfonnes auroient le droit de
calomnier fous l'inviolabilité... Ces obfervations
ont été baffouées . Des huées ont coupé la parole.
à M. Robin Léonard qui rappelloit que l'Affemblée
avoit ouvert la carrière au juge qu'elle
vouloit punir ; des cris : à l'abbaye , ont réduit
au filence M. Genty qui réclamoit la juftice,
Beaucoup de membres font fortis de la falle
& après ces défertions inexcufables , une orageufe
majorité a décrété d'accufation M. Etienne de
Larivière , au bruit des battemens de mains , &
les galeries ont crié vive l'Affemblée nationale !
M. Briffot s'eft engagé à dénoncer mercredi le
comité autrichien , cà en démontrer l'exiſtence , à
faire tomber fur les coupables le coup qu'on vou
loit tourner contre l'Affemblée » ; affertion maladroite
qui tendoit à rendre l'Affemblée folidaire
des calomnics imputées à MM. Chabot , Bagire.
& Merlin. M. Carnot l'aîné a dit que MM. Che
ton , Dumolard & de Vaublanc avoient paffé
N. 22. 2 Juin 1792. B
( 26 )
avec le juge de paix acculé , la nuit qui précéda les
mandats. Ils ont tous protesté que c'étoit une impofture.
Alors M. Carnot a attribué cette confidence
à M. Juéry , M. Juéry à M. Merlin , celuici
à M. Ingard , ce dernier à l'évêque conftitutionnel
de Limoges ; ces caquets , dignes décoliers
qui fe traitent mutuellement de peftards
one confumé un temps précieux . Enfin l'obfervation
de M. Genfonné , qu'on ne pouvoit attenter
à l'inviolabilité des légiflateurs qu'autant
qu'ils auroient été corrompus par de l'argent ,
l'ordre du jour ont terminé la féance .
Du lundi 21 mai.
>
Neuf des ci- devant Cent - Suiffes de la garde du
Roi ,fe retiroient dans leur patrie manis de congés
& de paffe-ports ; ils font arrêtés par la municipalité
de Béfort , en vertu d'une lettre de M. Lecointre.
Sur leur jufte plainte , M. Lecointre a lu ,
dans une longue apologie écrite , que quatre des
Cent-Suifles étoient venus , le 11 du courant
lui dénoncer que 18 de leurs camarades , fufpects
d'incivilme , fous le prétexte d'aller en Suiffe,
émigroient pour fe rendre à Coblentz. Il fe hâte
d'écrite aux municipaux de Béfort de feiller les
équipages & les malles de ces voyageurs : « on
croit , leur mande- t-il , qu'ils peuvent être porteurs
de lettres de leur capitaine commandant
M. Coffé -Briffac pour les Princes ; vous fentez
quel parti il y auroit à tirer fi on les trouvoit
chargés de pièces femblables... Le comité de furveillance
n'ayant pu être affemblé , je figne feul
la préfente , Les neuf Cent - Suifles interrogés ,
incarcérés , réclament leur liberté. Les munipaux
onreu le guignon ou la gaucherie de ne trouver
dans les porte - feuilles arbitrairement vifités comme
((27 )
en Turquie à l'ordre d'un Pacha qu'une notë
contenant ces mots : « Voici ce qu'il feroit bon
d'apporter guêtres noires , ceinturon blanc , cha->
peau uni , culottes & veſtes blanches , boutons
uniformes. »
6C
Défolé de n'avoir que cela , M. Lecointre en atiré
le meilleur parti qu'il a pu en découvrant
un projet de contre- révolution dans chaque
fyllabe & pour entretenir l'auditoire d'autres
chofe que de culottes , & c. il a dit , fort à propos :
Tout le monde fait qu'un Cent Suiffe , nomméi
Clerinde , ci-devant caporal , caffé par une déli
bération unanime du corps , malgré les inftances
de M. Briffac , pour caufe de lâcheté , de baffeffe ,
de vol & de tromperies , a été , par lui , pourvu
d'une place de lieutenant dans la garde actuelle
du Roi , & décoré de la Croix de St. Louis. » D'ai
dit encore : A la journée du 5 octobre 1789
lorfqu'appellé par ma place à faifir le commande
ment des forces nationales que les chefs fupérieurs
laifsèrent s'échapper de leurs mains , j'arrêtai les
voitures du Roi , de la Reine , de M. de St. Priest,
malgré la permiffion par écrit que la municipalité
de Verſailles avoit donnée à M. d'Estaing d'ac
compagner le Roi jufqu'au lieu de fa retraite ; la
patrie a reconnu que j'avois lauvé la France , &
il me fut voté des remercimens... Et ces diffamations
gratuites , cette platte jactance hyperbo-
Jique avoient pour but de démontrer que les neuf
Cent-Suiffes étoient fufpects & la lettre - de- cachet
du fauveur de la France un acte légitime . Puis
M. Lecointre a parlé de fa confcience & s'en eft
remis à la juftice de l'Affemblée .
M. Merlet a divague pour conclure à ce que
M. Lecointre fût livré à la févérité de la loi s'il
avoir agi , non ca qualité de repréſentant de la
B2
(: 2-8- );
EX
Nation , mais en particulier ( diftinction qui pre
jugeoit MM . Bazire , Merlin & Chabot ) ; il
demandé qu'on mandat les municipes de Béfort
la barre & qu'on indemnisât les Suiffes, Les gale
ries l'ont bravement hué. L'évêque du Calvados ,
a redit cent fois que ces neuf Suiffes étoient
fufpects.
*
M. de Girardin a repréfenté que l'Affemblée , ayant puni la veille un juge de paix , pour des ordres arbitraires , elle devoit avoir la même
impartialité à l'égard de tous les citoyens , prou- ver qu'elle n'a pas deux poids & deux meſures ; & il a follicité un décret d'accufation contre
M. Lecointre. « Il faut , a dit M. Lacroix , que , les députés fachent que hors de l'Affemblée , ils ne
font que fimples particuliers ( hier ils agiffoient
toujours en repréſentans de la nation ) . L'opi-
M. Le- que
nant a ponfé & l'Affemblée a décrété
cointre devoit aller paffer trois jours à l'Abbaye.
Celui-ci s'eft foumis à la peine avec la refpec
tueule réfignation de l'homme qui en feroit convenu
d'avance , & il a été décrété que le pouvoir ,
exécutif donneroit les ordres néceffaires pour
l'élargiffement
des neuf Suiffes.
Du lundi , féance dufoir
8
53
Les nouveaux adminiftrateurs
des postes , jacobins
leftement fubftitués à des citoyens irrépro
chables , au moyen d'un ordre abfolu de M.
Clavière qui a figaifié à ceux - ci qu'on les deftituoit
fans examiner leur conduite , font venus à la
barre dénigrer leurs prédéceffeurs , l'ancien régime
defpotique , promettre des miracles de civilme,
le fecret des lettres auquel on eroira fi"
l'on veur , la sûreté des affignats , & recevoir
gs bonneurs de la féance, ma non <
(~29 )
On a renvoyé aux comités une lettre du Rof,
contre-fignée du miniftre de la marine , qui demande
5147,408 liv. de fonds exraordinaires
pour ce département .
Le miniſtre de l'intérieur a notifié la nomination
de MM. Borelly & Fabre à la place de
MM. Rebecqui & Bertin , commiffaires révoqués
par le département des Bouches-du - Rhône . --Un
projet de M. François de Nantes a été ajourné ,
& la queſtion préalable a brufquement écarté un
projet relatif a la liquidation & aux indemnités
des commiffaires au châtelet de Paris .
Du mardi, 22 mai.
Les départemens des Landes , des Baffes - Pyrénées
, des Pyrénées orientales , de l'hère & de
l'Ain , ont pris des arrêtés pour fufpendre l'exportation
des orges , avoines , légumes , fourrages
& beftiaux de toute efpèce. Par un décret
d'urgence motivé fur l'extenfion , inconftitutionnelle
des droits adminiſtratifs , & fur les funeftes
effets politiques de pareils arrêtés , l'Aſſemblée
a ftatué que le pouvoir exécutif donnera des
ordres pour qu'ils demeurent fans effet , & que
le miniftre rendra compte des mesures qu'il aura
prifes. La conftitution dit : Le Roi eft le chef
fuprême de l'adminiſtration générale du royaume
(tit. III , ch. IV , art. I )... Les adminißrateurs
font des agens élus.... pour exercer , fous la furveillance
& l'autorité du Roi , les fonctions adminiftratives
( ibid , fe&t , II , art , II ... Le Rai
à le droit d'annuller les actes des adminiftrateurs.....
contraires aux loix & aux ordres qu'il
leur aura adreffés ( art . V) . Ce n'eft point exercer
un droit fuprême que de n'agir que d'après un
décret ſpécial pour chaque objet . En ne fe bor
B 3
7301)
ant pas à rendre des loix générales , en autori .
-fant ces fortes de rapports directs entre elle &
alos directoires zien décrétant pour tous les faits ,
l'Affemblée n'admet que fon propte pouvoir , &
ne voir qu'un inftrument paffif à fes ordres dans
celui qu'ellesa cependant reconnu chef fuprême.
Au milieu de l'effervefcence , des paffions les
plus ardentes & du fanatifme , l'attention eft
tellement diftraite , abforbée , qu'à peine le pu
blic fe doutera-t - il que la législature a fixé ,
adopté de confiance , aujourd'hui , ce qu'il a plâ
à M. Cambon de nommer les tableaux des dettes
& reflources nationales . Auffi les a- t - on décrétés ,
article par article , en fe levant & s'aflèyant
en beaucoup moins de temps qu'il n'en a fallu
pour favor fi l'ex- capucin M. Chabot zauroit
I'honneur d'être diffamateur civique inviolable ,
& fi le juge de paix , M. de la Rivière , étoit
criminel de lèze - nation dans la perfonne de
MM. Chabot , Bazire & Merlin. Nous donne-
Frons ou analyferons ces tableaux lorfque la fuite
ten aura été décrétée . Il nous fuffira d'obferver
*ici que M. Cambon a hypothéqué les rentes que
doit l'Etat , fur les propriétés de tous les François
, & a dit : « le comité auroit pu calculer
ainfi , s'il avoit voulu vous faire riches ; cent
millions de rentes forment un capital de deux
milliards à cinq pour cent , d'un milliard à dix
Pour cent ; les propriétés de tous les François
valent 40 milliards , nous aurions donc un excédent
de 38 à 39 milliards .... » A côté de tant
de zéro , nous nous difpenferons de tenir le
menu compte des écus & des fous que produi
fent les offrandes quotidiennes.
Du mardi , féance du foi
This
Un décret d'urgence ordonné aux municipali
·( 31 )
tés des villes maritimes de recevoir , dans heir
jours , à compter de la publication du décret , en
préfence des juges de commerce , & des nouveaux
receveurs , les comptes des anciens prépolės , greffiers
& receveurs du ci - devant amiral de France ;
& elles feront le versement du produit de tous
droits dans les caiffes de diftrict , fous l'autorifation
des corps adminiſtratifs qui arrêteront définiivement
lefdits comptes , conformément à la loi
du 13 acût 1791. L'état rembourfera à l'amital
les frais de l'impreffion des congés & pafle - potts
de mer délivrés par lui depuis le s mai 1791. II
fera donné des appointemens provifoires aux nouveaux
prépofés à la police des ports . Les paffeports
de mer feront expédiés au nom du Roi &
contre - fignés du miniftre de la matine . ( Pourquoi
charger des municipaux de fonctions qui ne font
nullement municipales ? ).
La féance n'a produit d'ailleurs qu'un fecond
décret ,
auffi d'urgence , qui accorde à 25 départemens
dénommés, 1,200,000 liv . en tout , diftribuées
de manière que tel recevra 10,000 liv .,,. &
tél autre 150,000 liv . à titre d'avance , pour la
confection & l'entretien des routes ; & qui autorife
le pouvoir exécutif à faire acquitter provifoirement
les dépenfes des travaux publics à la con
currence de deux millions fo0,000 liv . jufqu'au
premier juillet prochain . Cinq articles y font, relatifs
au traitement des ingénieurs des Ponts &
Chauffées .
Du mercredi , 23 mai.
L'Affemblée a fixé , par un décret , la fomme
à attribuer à chaque officier ou employé de l'armée
pour tenir lieu du logement qui ne pourra être
fourni en nature dans les établilemens militaires.
B 4
( 2 )
Elle ita depuis too liv . par mois , pour le général
d'armée , & so liv. pour le colonel , jufqu'à 18
v. pour le capitaine , & 12 liv. pour l'aumsnier
, & c.
Sur le rapport de M. Lacombe de Saint - Michel,
les quatre articles fuivans ont été décrétés d'urgence
.
сс L'Affemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , décrète ce qui fuit : »
Art. I. Il fera accordé aux officiers du corps
de l'artillerie la moitié des places des lieutenans
en fecond , vacantes en ce moment , & la moitié
de celles qui viendront à vaquer d'ici au premier
août prochain ; mais à cette époque défignée ,
il fera nommé aux places , conformément à l'article
II du titre II de la loi du 27 avril 1791. "
II. Le pouvoir exécutif donnera les ordres
néceffaires pour qu'au premier août prochain , il
foit fait à Châlons un examen , tant des élèves de
l'artillerie , que des afpirans qui fe préfenteront
pour les remplacer . »
« III. Les fujets qui fe préfenteront pour être
élèves , pourront y être admis jufqu'à l'âge de
30 ans , &, s'ils ont fervi dans le corps , à tout
âge. »
IV. Le pouvoir exécutif fera délivrer des
lettres d'examen aux fous -officiers & foldats de
toutes les armes qui croiront avoir les connoiffances
fur lefquelles ils feront examinés , & moyenmant
qu'ils aient juftifié préalablement des autres
conditions exigées par la loi . »
Abordant enfin le principal objet de la féance
fous la forme de motion d'ordre , M. Boiftard
a repréfenté à l'Affemblée que l'Europe alloit
la juger fur le calme qui règneroit dans la difution
qu'on alloit ouvrir 5 & croyant cetre
( 33 )
attitude infuffifante , il a dit : Je prie M. le
président de rappeller aux excellens citoyens qui
occupent les tribunes , le décret qui leur défend
tout figne d'approbation ou d'improbation. » Le
préfident a rempli les voeux de l'opinant , &
M. Genfonné a pris la parole.
Il a dénoncé la lettre par laquelle le Roi informe
l'Affemblée de l'ordre qu'il a donné de pourſuivre
les calomniateurs qui afpirent à troubler le peuple,
à diriger des phalanges de fcélérats vers le château,
en fuppofant un comité autrichien . Cette lettre a
paru à M. Genfonné injurieuſe au corps légiſlatif,
dangereuse pour la sûreté publique , attentatoire àla
conftitution, une preuve de plus de l'exiſtence du comité
autrichien , « LeRoi n'a ni pu ni dû enjoindre
au miniftre d'enjoindre à l'accufateur de pourfuivre
l'affaire de ce comité... La pourfuite de ces
délits eft exclufivement attribuée aux légiflateurs
( ici l'orateur confond le comité autrichien avec
les lâches diffamateurs qui le fuppofent )... Sans
doute il importoit pour la fécurité des confpirateurs
d'annuller votre furveillance , d'en fubordonner
l'action aux pourfuites d'un officier de
police de prévenir l'accufation du corps législatif
par des procédures commencées devant les tribunaux
ordinaires , d'enchaîner les citoyens qui
-les furveillent , dans la crainte de ſe voir compromis
; de trouver leur fauve- garde dans l'excès de
leur audace... Ah ! qu'il n'y ait plus de coupables ,
& il n'y aura plus de dénonciations . Au lieu de
s'attacher à réfroidir votre zèle , pourquoi ne pas
chercher à l'exciter davantage ? Au lieu de marquer
un fi tendre intérêt à des hommes pourſuivis
par des foupçons trop légitimes , pourquoi ne pas
annoncer le deffein de les voir accufés & convaincus
? Tel eft l'unique vou que le Roi des François
B
S.
( 34 )
seur exprimé s'il eût été délivré de la fanefte obfef
fion qui l'environne...
Après avoir dit du plus grand férieux «J'at
prouvé que l'ordre donné au tribunal criminel eft
contraire à la conftitution » ; M. Genfonné s'eft
chargé de jetter des torrens de lumières fur ces
trois questions y a - t - il un comité autrichien ?
A- t-on des preuves fuffifantes contre quelques- uns
des chefs de cette confpiration ? Quelles mefurqs
faut-il prendre pour en découvrir les complices ? It
' auroit ajouté : que faut- il faire pour déterrer quelque
part les premières preuves de ce que je vais
affi:mer , que fon amplification n'en eût pas acquis
-un degré de plus de ridicule .
Quant à la première de fes trois queftions ,
voici les moyens la corruption de la cour , la
conduite qu'elle a tenue depuis la révolution
( peut- être de Varennes à Paris ! ) ; la coalition
des puiflances en faveur d'un Roi fi bien traité ;
la guerre ( déclarée par l'Affemblée au nom du
Roi obligé d'y foufcrire ) ; les machinations , les
dénonciations ; des notes indicatives , qu'on n'indique
pas ; les raffemblemens à Paris , à Saint-
Denis , à Auteuil , à Bagatelle , defquels en ne
donne nulle preuve ; des parens d'émigrés attachés
au fervice du château ( le Roi lui-même a
des frères émigrés ) ; l'aviliffement de la légiſlature
; la plainte de MM . de Bertrand & de
Montmorin , l'action du juge de paix , & la
kettre du Roi tendante à démafquer les calomniateurs
. Ici M. Genfonné a répété toutes les
inculpations des clubs de Breft , & c. contre M.
de Bertrand , lars tenir compte des réfutations ;
puis faifant de fa diatribe comme une formule
bannale où l'on peut mettre tel nom qu'on veut,
a prolixement appliqué à M. de Montmorin
( 35 )
tout ce que d'autres déclamateurs avoient déjà
débité contre M. Deleffart.
tille ».
V
Succeffeur de M. Genfonné à la tribune , M.
Briffot a finement furpris le comité autrichien
dans le germe , l'a vu éclore en 1756 , dicter
le traité qui , felon lui , facrifia le peuple à une
famille , la France à l'Autriche . Ce comité devint
un fil qui dirigeoit ccles Montmorin & les
Deteffart , qui n'étoient que des manequins.....
Et Mercy ( on dit M. Carra & Mercy tout court )
dirigeoit encore ce fil après la chute de la baf-
« Voici les traits caractériſtique du comité
: 1 °. dévouemnt abfolu à la prérogative
royale ; 20. dévouement aux intérêts de la maifon
d'Autriche ; 3 ° . point d'alliance avec la
Prufle & l'Angleterre, quelque facile que cela füt ;
4. indulgence pour les émigrés , fans cependant
-adhérer à tous leurs voeux ; . compofition pour
la guerre avec la maifon d'Autriche , après avoir
fait tout ce qui pouvoit la provoquer ( qu'on fe
rappelle les voeux pacifiques de M. Briffot , & fa
dénonciation contre M. Deleffart pour avoir tâché
d'éloigner la guerre ) ; 6°. protection pour le fyf
tême des deux chimbres . »
Si je prouve , s'est écrié vingt fois M. Briffot ;
& pour accomplir fes faftucufes promeffes , if s'eft
humblement rabattu fur quelques lignes d'une
note trouvée par lui & M. Lafource dans les archives
des affaires étrangères livrées à de pareilles
mains . M. de Montmorin écrivoit à M. de Noailles,
à Vienne , le 3 août 1791 :
« Les meilleurs efprits de l'Aſſemblée nationale
-fe lont réunis , & fe concertent avec les véritables
ferviteurs du Roi pour foutenir la monarchie &
Four rendre au Roi toute l'autorité néceffaire
pour gouverner ; & il ne fe paffera pas quinze
B 6
( 38 )
1
jours fans qu'il y ait eu des changemens à l'étar
vraiment déplorable dé cette famille. »
L
›
S'accrochant au nom de M. de Montmorin
pour le foutenir à la tribune , le rhéteur oubliant
l'amniftie accordée même à Jourdan a fait des
crimes à l'ex-miniftre de ce que la France rninée' ,
livrée à des factieux , vomiffant des outrages &
des calomnies contre tous les peuples de l'Europe
, n'a pas un allié ; de n'avoir pas révélé à
l'Affemblée tout ce qu'elle favoit , vouloit , &
-caufoit des myſtères de gazettes ; la coalition
- des Rois , & dès 1791 , les armemens de la
Ruffie & de la Suède qui même encore aujour-
-d'hui font problématiques ; & ce qu'il y a de
plus plaifant dans ce délire , d'avoir ménagé le
fecours de la France à l'Autriche , fachant à quel
- point l'Autriche étoit épouvantée de l'idée de
rompre avec la France ; & de n'avoir pas répondu
aux lettres de M. Geneft que perfonne
ne voyoit à Pétersbourg , & qui , plus généreux
patriote que M. Wolney , a fait don à la patrie
d'une médaille qu'il avoit reçue de Guftave III.
Il faut que la malignité ait un charme fecret pour
faire écouter patiemment de pareilles inepties .
Toujours également heureux en citations de pièces
: probantes , M. Briffot a cité jufqu'à une lettre
de l'envoyé de France à Genève , datée du 5
- acût 1790 , commençant & finiffant par ces mots
qui l'auroient fait tomber des mains de tout
autre dénonciateur : «lorfque j'eus l'honneur de
prendre congé de vous , l'année dernière , vous
me permites... fi vous n'approuviez pas ce que
je fais... » En quoi une femblable lettre peutelle
compromettre celui qui la reçoit & l'inculper
de connivence contre - révolutionnaire avec M. le
comte d'Artois ? Enfin , M. Briſſot a imputé à
"
·( 37 )
M. de Montmorin l'aristocratie de tous les envoyés
, les punitions infligées aux propagandistes ,
l'indignatie de toutes les cours pour des profeffeurs
de régicide , &c .
De M. de Montmorin il eft paffé à MM.
Deleffart , Duport-du- Tertre & de Bertrand ; il
a redit tout ce qu'en ont débité fes propres libelles
; mais toujours vague , il n'a rien parti
cularifé. Il n'a étonné perfonne en imputant à
M. de Bertrand les maffacies & les incendies de
St. Domingue ; dès qu'il avoit le front d'en
parler , il n'y avoit pas plus de honte à en accufer
cet ex- miniftre que tout autre. Enfin , les
déroutes de Mons & de Tournay , l'affaffinat
de M. Dillon , les plans de guerre abfurdement
conçus par le miniftre des affaires étrangères
protégé de M. Briffot , & la démiflion de M.
de Rochambeau ....... Telles font les oeuvres du
comité autrichien , Cette déclamation digne dest
groupes de la Rapée , a fini par le rabachage
des phrafes vides de M. Genfonné , & par les
conclufions : décret d'accufation contre M. de
Montmorin ; prompt rapport contre M. Duportdu-
Tertre ; ordre au miniftre de la marine de
livrer des pièces relatives aux colonies qui puiffent
incriminer M. de Bertrand ; & recherches ,
informations du comité de furveillance , regiſtre
ouvert aux délations pour découvrir le comité
autrichien , dont on a fi bien démontré l'exiftence
, & qui coûte déjà plus de cent mille francs
de difcuffion au peuple qui payera encore l'impreffion
de ces volumineufes extravagances .
Un long filence a été l'expreffion involontaire
de la furprife univerfelle de voir des montagnes
en travail ne pas accoucher même d'une fouris.
On a joué aux orateurs confus le mauvais toux
38 J
de décréter auffi l'impreffion de leurs pièces jultificatives.
M. Rouyer a promis de dénoncer M.
Duranthon , comme aristocrate peine ou comme
patriote ignare. M. de Vaublanc le croyant ac
cufé de favorifer les deux chambres , a prié les
bons citoyens de lui plonger un poignard dans
le coeur , s'il adoptoit ce fyftême. On n'a pas
même applaudi aux coups de poignards de bons
citoyens . Le miniftre de la juftice a écrit au
préfident : «Vous apprendrez , fans doute , avec
un fenfible plaifir que tout eft rentré fous l'empire
de la loi , que la plupart des brigands
d'Avignon font en fuite. De longs éclats de
rire , & la féance eft levée.
-
Du mercredi , féance dufoir.
Deux articles décrétés d'urgence , ont décerné
à tous les armateurs François qui fe livreront à la
pêche de la baleine & du cachalot dans les mers
du Nord & du Midi , la prime de so livres par
tonneau de jauge accordée le mai 1786 , aux
Nantukois établis en France ; & ordonné le paiement
des primes dues à ceux- ci . L'Affemblée
50
a déclaré qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur
l'extradition de trois particuliers arrêtés depuis
long- temps à Huningue , & réclamés par la cour
de Vienne comme accufés d'avoir fabriqué de
faux billets de la banque de Vienne . A ce fujet ,
M. Condorcet dit dans fa chronique « les chefs
de cette maifon ( d'Autriche ) ont dû ceffer de
prétendre aux égards ufités entre les gouvernemens
des nations civilifées . » Et il figne , bien
sur de ne pouvoir pas fe déshonorer aux yeux
de l'Europe.
Du jeudi , 24 mai.
M. Lejofne a follicité des mefures pour un
( 391
recrutement très- inftant de canoniers , dont
manque plus de 3,300 à l'armée ; & il a obfervé
qu'il y en avoit dans tous les corps militaires ,
que même il y en a qui végètent dans la garde
du Roi ... Le comité nilitaire s'occupera d'un
mode de recrutement.
Il a été préfenté une pétition en faveur des
administrateurs des poftes deftitués par M. Cla
vière , & une dénonciation de cet acte arbitraire
du miniftre jacobin qui prive de leur état des
citoyens eftimables , des pères de famille. On a
demandé le renvoi au pouvoir exécutif ( à M.
Clavière ) , au comité des finances ; on eft paffé
à l'ordre du jour.
Retombé de tout fon poids fur les prêtres nonaffermentés
, M. Ichon , prêtre conftitutionnel ,
leur a bravement imputé tous les malheurs de la
France , & a vu en eux le véritable comité autrichien
, ce qui a beaucoup réjoui ceux qui le
tiennent fi bien en priant qu'on le cherche . M.
Lecointre- Puyravaux ne voyoit rien de fi fimple
que de décréter l'un des projets , n'importe lequel .
M. Lacroix fe pafloir de rapport , & exholtoit
l'Affemb ée à fe débarraffer de la tutelle des comités...
Et de la tutelle de la précipitation , a
dit M. de Girardin en ajoutant que tous les
factieux n'étoient pas en foutanne . D'orageux
-débats le font terminés par la priorité accordée
au projet de M. François de Nantes .
"
7
Celui de M. Benotton a été difcuté article par
article ; il donnoit aux corps adminiftratifs le
droit, inoui de prononcer la déportation fur toute
plipte portée par 20 citoyens actifs . MM. Hua ,
Becquey & Ramond ont réclamé les jurés & des
juges . M. Lacroix admettoit la déportation
comme peine ; mais M. Guadet a pouflé la fran
(1940 ))
chiffe de l'atroce injuftice jufqu'à répouffer le
mot peine en admettant la déportation , parce
que ce feroit préjuger qu'elle devroit être prononcée
par les tribunaux , & que leur laiffer ce
' droit ce feroit s'expofer à ne voir punir aucun
prêtre. Par le comble de cet aveuglement qui
naît de l'oubli de toute humanité , M. Guadet
a eru juftifier fa melure inconftitutionnelle en
alléguant le nombre des malheureux qu'elle dé
voueroit ; il a trouvé les raisons de M. Ramond
bonnes pour quelques prévenus , mais les fiennes
meilleures contre so mille prêtres . Les galeries
l'ont fétti de leurs applaudiffemens , & la mòtion
a été décrétée en ces termes :
ce L'Alfemblée nationale décrète , comme me-
.fare de sûreté publique & de police générale
la déportation de tous eccléfiaftiques non- affer-
-mentés , dans les cas & de la manière énoncés
ci- après .
Du vendredi , 25 mai.
L'Europe connoît peu M. Brival comme orateur
& législateur ; mais il eft très connu pour
savoir écrit au Roi des François de lui faire rendre
ou payer une canne à dard , qu'une fentinelle
avoit retenue à l'entrée des Tuileries , & pour
s'être exprimé en ces termes : Vous êtes inviolable
, je le fais auffi .... Tandis que je vais
m'occuper des intérêts de mon fouverain & du
vôtre , le peuple , il faut qu'on ne porté aucune
atteinte à ma propriété. » Aujourd'hui , ce M.
Brival a lu à l'Affemblée une lettre particulière
de Valenciennes du 22 mai . Elle annonce que
le famedi , 46 foldats-citoyens & citoyens-foldats
ayant apperçu « une colonne Autrichienne,
(41 )
?
de 400 hommes ", tirèrent des coups de canon
à mitraille que l'ennemi s'étant cantonné dans
une maifon rouge , ils l'en délogèrent à coups
de canon à boulets , & trouvèrent 15 morts
parmi lesquels trois prêtres ingénieufement déguilés
en dragons. Ces nouvelles ont été fort
applaudies.
-
Une députation de citoyens qui ne fe font
pas nommés publiquement , eft venue à la barre
Te plaindre d'une lettre que le Roi a écrite au
fujet des faux bruits que M. Pétion accréditoit
de fon mieux fur une prochaine évafion de Sa
Majefté. Ils ont dit que M. Pétion méritoit la
confiance publique ; qu'ils vouloien bien ne pas
examiner le Roi avoit pu écrire au département
fans faire contre figner fa lettre par un
miniftre ; mais qu'ils en dénonçoient la publication
comme un délit national . Ils ont répété que
le maire , « inftruit que le Roi devoit partir
dans la nuit du 22 au 23 ... » On a interrompu
le harangueur ; plufieurs membres ont invoqué
l'ordre du jour au bruit des huées des galeries,
M. Lacroix a , pour s'inftruire des faits , ob
tenu que la pétition feroit entendue ; les galeries
ont crié bravo ! bravo ! comme aux théâtres
de la foire , & la falle a retenti de leurs applau
diffemens & de ceux de quelques législateurs .
L'orateur a dit que le commandant de la garde
nationale avoit communniqué au Roi l'ordre
fecret de M. Pétion de doubler les gardes &
les patrouilles ; que c'étoit une trahifon qui fe
lioit avec les mandats d'amener décernés contre
MM. Bazire , Merlin & Chabot , & a fini par
ces mots : « Si M. Pétion perdoit la confiance
publique , il n'y auroit plus de sûreté pour nous,
La députation applaudie des galeries & de quel
( 42 )
ques membres , a reçu les honneurs de la féance;
& entre M. Pétion flagorné , & Louis XVI
inculpé , l'Affemblée eft paffée à l'ordre du jour.
Deux décrets d'urgence ont ftatué : 1. que
le corps d'artillerie fera recruté de foldats de
l'infanterie de ligne ; 2 °. que le 5. régiment de
dragons ayant livré les coupables fauteurs de
l'infubordination , de la déroute & des affaffinats ,
ce régiment étoit honorablement acquitté , & que
I'Affemblée renvoyoit au pouvoir exécutif.
M. Condorcet a fait le rapport des dépenfes
annuelles qu'exigera le plan d'éducation natio
nale que propofent les moraliftes du comité d'inftruction
. Elles s'éleveront à 24 millions.
Sur la motion de M. Charlier qu'il étoit importanre
de couler à fond l'affaire des prêtres
il s'eft engagé de nouveaux débats qui n'ont
offert aucune nouvelle idée , pas même de cruauté.
On eft revenu au projet de les déporter en vertu
d'une fimple dénonciation de 20 citoyens actifs .
M. Thuriot écartoit l'obligation de prouver leur
qualité de citoyens actifs , & vouloit que les di
rectoires ne fuffent pas autorisés à en vérifier les
plaintes. MM. Voyfin , Véron , Dalmas d'Aubenas
& Ferrière , ont foutenu que rien ne prouvoit
mieux l'atrocité de la mefure propofée ;
que c'étoit confacrer l'iniquité , le defpotifme ,,
Fimmoralité , livrer tous les prêtres à la merci
de 20 brigands ou d'un fcélérat qui en payeroit
19. Que fera- t-on fi 20 , 40 , fi 100 citoyens
nient ce qu'affirmeront 20 dénonciateurs , demandoit
M. Bigot ? Quand deux témoins
atteftent qu'un homme eft un affaffin , mille
témoins qui le nieroient ne le fauveroient pas ,
lui a répondu M. Lecointre- Puiravaux. M.
Genfonné s'en remettoit à la fageffe des admi-
··
7.43·)
niftrateurs, Selon M. Lacroix , la dénonciation
de deux témoins & l'avis du directoire , ou celle
de 20 citoyens actifs fans avis de directoire
fr ffifoient pour déporter un prêtre inaffermenté.
Le bon & doux M. Ifnard trouvoit que la déportation
étoit non une mesure de rigueur, mais
une mesure d'indulgence . On a accordé la prio-.
ité à la rédaction de M. Robin , portant que
« Les directoires de département pourront
fur la demande de 20 citoyens actifs du même
canton , & fur l'avis du directoire du diftrict ,
ordonner la déportation contre les prêtres nonaffermentés
, comme inftigateurs de troubles . »
'
M. Hérault de Séchelles arrêtoit , fans délai ,
incarceroit tout prêtre fur la dénonciation de 20
bandits payant trois journées de contribution.
annuelle ; & laifoit au directoire , compofé même
de proteftans , & c. , le droit de prononcer la
déportation . Toujours auffi prudentes la juftice
& l'humanité de M. Guadet l'ont fait frémir du
doute que jettoit fur l'exécution le mot pourront
ou pourra ; il a exigé qu'on y fubftituât feront
tenus ou fera tenu , & l'article couvert d'applau
diffemens & de bravo ! a été décrété en ces
sermes :
Lorfque 20 citoyens actifs d'un canton de
manderont qu'un eccléfiaftique non fermenté
quitte le royaume , le directoire du département
fera tenu de l'ordonner , fi l'avis du district eft
conforme. Si l'avis du diftrict n'eft pas conforme
à la demande des 20 citoyens actifs , le
directoire du département fera vérifier , par des
commiffaires , fi la préfence de cet eccléfiaftique
nuit à la tranquillité publique ; & fur l'avis des
commiflaires , s'il eft conforme à la demande
( 44 )
des 20 petitionnaires , la déportation fera éga
lement ordonnée . »
Du vendredi , féance du foir.
On renvoie au comité des douze les pièces
relatives à de nouveaux troubles élevés dans
plufieurs points du département du Var. --- Ce
matin , la fociété ambulante des amis de la
conftitution de la Vendée , dont M. Goupilleau
a dit aux rieurs qu'elle va de village en village propager
les principes de la révolution , avoit offert
490 livres. Ce foir les patriotes , ambulans ou
autres , de cette même Vendée , follicitent la
déportation des prêtres . --- Un harangueur donne
trois louis d'or , & prédit qu'inceffamment les
tyrans défileront enchaînés devant l'Affembléc
comme dans Rome libre le vainqueur traînoit
les Rois au capitole, --- Sur le rapport du comité
de liquidation , il a été décrété que la caiffe de
l'extraordinaire payera 16 millions 724,969 liv .
montant de 2,114 offices de judicature ou mimiftériels
liquidés ,
Du famedi , 26 mai.
Des châteaux dévaftés , des propriétés de fimples
citoyens pillées ou faccagées , des excès
commis contre les magiftrats du peuple outragés
dans l'exercice de leurs fonctions , ont motivé
une adreffe des adminiftrateurs du Var. L'AL
femblée en a décrété la mention honorable.
Un décret a autorifé la municipalité de Mon
tauban à emprunter 8,000 liv . pour achat des
armes néceffaires à la garde nationale , à rembourfer
avec les fous additionnels de 1793 .
--MMP Bertin & Rebeequi écrivent qu'on les a
calom.iés , attribuent à des préventions le décret
45. >
qui fufpend leurs fonctions de commiſſaires. Ils
ne fe font fait escorter par les brigands , n'ont ,
partagé le triomphe des Jourdan , &c. , que pour,
raffurer les bons citoyens ; cet expédient moral
Leur a parfaitement réuffi . Forts de leur confcience
, ils le hâtent de venir rendre compte
& fe repofent fur la juftice que promet l'édifiante
complaifance avec laquelle on écoute de pareilles
lettres de prévenus , mandés à la batre.
›
M. Michel a fait , à grands coups de figures
de rhétorique , le fiège des tours du château deg
St. Malo , a propofé de les rafer , & a obſervé,
fans fe douter de ce que fa remarque offroit de
plaifant , que ce ne fut qu'en efcaladant ce château
, en l'enlevant aux facieux aux révoltés
aux ligueurs , au duc de Mayenne , que les ,
habitans de St. Malo fecouèrent le joug des rébelles
& parvinrent à conferver une place fi importante
à Henri IV. Un décret a ordonné que
le pouvoir exécutif feroit fon rapport fur l'inutilité
où le danger de ces tours.
L'Affemblée a ftatué d'urgence , qu'il pourra
être tiré des trois régimens de ligne & des deux
bataillons d'infanterie légère qui font à Paris .
dés détachemens qu'on portera , felon les befoins ,
dans les départemens de l'Cife , de Seine &
Marne & de Seine & Oife , d'ou font partis des
bataillons pour les frontières. Elle a auffi décrété
d'urgence les articles fuivans :
ૐ
ce Art. I. Les places de guerre & poftes militaires
dont l'état eft ci -après , feront , jufqu'à
ce qu'il ait été autrement ftatué , comme étart
en état de guerre fauf les cas où ils feroient
déclarés par les généraux d'armée , être en état
de frege , conformément aux articles X , XI &
XII du titre premier de la loidu 10 juillet 1791. ❤
( 46 )
II . Indépendamment des places & poftes
militaires portés au tableau annexé à la loi du
10 juillet 1791 , le Roi propofera an corps légiflatif
les poftes que , par leur pofition , il
croira devoir être confidérés comme étant en
état de
guerre.
III. Les généraux d'armée font autorisés à
déclarer & faire proclamer que tels ou tels poftes
qu'ils occuperont font en état de guerre , toutes
les fois qu'ils le jugeront néceffaire à . la sûreté
& à la police de l'armée ; ils feront également
proclamer lorfque cet état devra ceffer . Le pouvoir
exécutif demeure chargé d'en rendre compte
fur- le-champ au corps législatif. »
.M. Merlin a voulu dénoncer le miniftère actuel
, lui reprocher e l'inexécution de la volonté
générale » foutenir qu'après avoir e puifé à
pleines mains dans le tréfor pour les préparatifs
de guerre , aujourd'hui que les armées regorgent
de provifions , & qu'il ne s'agit que de
chaffer 40,000 efclaves de la Belgique & porter
la liberté au-delà de Bruxelles , l'inaction eft un
crime... Le tumulte & l'ordre du jour ont
arrêté brufquement les victoires de M. Merlin ,
ce qu'il a trouvé affreux .
ל כ
On a repris la difcuffion fur les prêtres. Un
membre avoit cité , la veille , des paffages du
contrat focial ou J. J. Rouffeau établit qu'il eft
une profeffion de foi civile fans laquelle on n'eft
ni bon citoyen ni fujet fidèle. Il faut croire un .
Dieu , la vie à venit , fes peines pour le méchant ,
Les récompenfes pour le jufte , à peine d'être
chaffé . Il bannifloit auffi ceux qui diroient :
hors l'églife point de falut. Il réfulteroit de fa
morale que nos philofophes devroient être bannis.
' Son efprit de parti contredifoit manifefte
47 )
ment fa morale en banniffant auffi les Catho
liques ; les athées qu'il repouffoit feront pro-"
tégés , les prêtres que fa haine calomnioit feront
déportés.
Aujourd'hui , après des redites du même parti
qui , fous le prétendu règne de la liberté , couvre
impudemment la juftice & l'humanité violées des
mots , mefure de police , on a décrété plufieurs
articles que nous tranferirons loifqu'on en aura
fixé la rédaction définitivé.
Ces débats avoient été interrompus par la
lecture d'une relation de M. de la Fayette , du
24 mai . Il annonce & décrit un avantage remporté
, entre Hamptinne & Philippeville , par
M. Gouvion commandant 4,000 hommes , fur
JesAutrichiens qui en avoient , dit- il , 8,000 , qu'il
a repouffés deux fois, qui l'ont repouffé la troiſième
fois , lui ont pris trois canons & des chevaux , tué
24 hommes , dont trois officiers ; bleffé 67 , dont
dix officiers , & fait perdre une demi-lieue de
terrain . Mais l'ennemi ayant retrogradé , la pofition
où l'on avoit combattu étoit occupée , deux
heures après l'affaire , par les François qui ont
montré le plus beau fang- froid , la plus grande
difcipline , le plus brillant courage & fauvé an
canon . De bruyans applaudiffemens ont accueilli
d'aufli heureufes nouvelles.
- Du famedi , féance du foir.
L'un des commiffaires civils envoyés à Saint-
Domingue , M. de Mirebeck , a détaillé , à la
barre de l'Affemblée , le compte de fa miffion qu'il
avoit déjà rendu ou prédifpofé dans la fociété
des amis de la conftitution de Bordeaux . Un
parti féditieux opprime la colonie ; c'eft , felon
( 48 ).
1
lui , la faction des 85 ou des Léopardins ing
nieulement appellés ainfi du nom du vaifeau ,
qui les tranfporta tous en France en 1790 .
Excepté les chefs des brigands , qu'il a bien
traités , & les vrais promoteurs du carnage qu'il
s'eft fcrupuleufement gardé d'indiquer , M. de
Mirbeck a bâmé tout le monde en ne louant
que lui feul & fes collègues.
ל כ
A l'en croire fur la parole , l'Affemb'ée coloniale
a provoqué le meurtre en déclarant
l'éternelle vérité que a les traités arrachés par la
force & la perfidic ne peuvent avoir qu'un fuccès
paflager. Si le décert du 15 mai 1791 eût été
foutenu de forces impofantes ( pour plus de
liberté ) , la colonie étoit fauvée ; c'eſt- à - dire
les mulâtres impunis y auroient triomphé de leurs
bienfaiteurs devenus leurs victimes légales . En
arrivant au Cap , les commiffaires reçurent des
députations de l'affemblée générale , en écharpes
noires , fignes de deuil ; de l'affemblée provin
ciale du Nord , en écharpes rouges , fignes da
fang qui fumoit encore . Inftallatien pompeufe ,
harangues , proclamations philantropiques , amniftie.
Toujours aufli prudens que véridiques ,
les commiffaires furent bientôt dans l'opinion de
l'orateur , les dieux tutélaires de la colonic .
Ils ont une entrevue avec Jean - François
généraliffime des nègres . Ils en furent très -contens
, parce que Jean- François defcendit de che
val , fe mit à genoux à leurs pieds , implora
l'amniftie pour fon état major , aflura que c'étoit
par humanité qu'il avoit coupé la tête au féroce
Jeannot , & leur envoya 21 prifonniers . Mais
les intrigues ( non prouvées ) de l'hôtel de Maf
Lac à Paris , celles des Léopardins au Cap , firent
foupçonner
( 49 )
N
foupçonner ces prôncurs de l'égalité fraternelle ,
de principes anti - coloniaux . « Notre conduite
nous a mérité l'eftime & la vénération des gene
debien , a dit modeftement M. deMirbeck. » Mais
raffemblée coloniale , les trois affemblées provinciales
& tous les corps populaires convinrent
que perfonne ne correfpondroit avec des com
miffaires fi révérés . Is devoient recevoir us
avifo tous les 15 jours ; point d'avifo . Ceci
retombe fur le miniftre . On contefte la validité
de leurs pouvoirs , on croit qu'ils afpirent à
donner la liberté aux efclaves & à ne protéger
que les mulâtres . Quelle calomnie ! M. Romme
pérore ; M. de Mirbeck écrit des pcëmes en
profe où il s'écrie : « Grands Dieux ! où fommesnous
? ... Les cris des malheureux retentiffent
déjàjufqu'aux voûtes du ciel ( bravo ! ) . » Il court
le rifque d'être embarqué malgré lui . Délibérant
la comme ailleurs , les galeries opinent tout
haut pour qu'on le noye. M. de Blanchelande
n'étoit épargné que parce que tous craignoient
d'effayer d'un nouveau général, « Quant à nous
on nous fouhaita un bon voyage... Le général
defiroit un entretien avec nous 3 j'ai déjoué
l'affreux complot , & me fuis rendu pendant la
nuit , avec mes porte - feuilles , fur un vaiſſeau
marchand. » -- Un mémoire expliquera le refte de
cette miffion fi bien remplie. L'orateur couvert d'ap
plaudiffemens , reçoit les honneurs de la féance .
On décrète le remboursement de 5,511,815 liv .
de jurandes & maîtriſes .
Du dimanche , 27 mai.
Le procureur de la commune de Paris , M
Manuel, décrété d'ajournement perfonnel comme
prévenu d'un vol de manufcrits imprimés en
fraude , eft-il interdit par le feul fait du décret ?
Nº. 22 , 2 Juin 1792 . C
( 50 )
L'ancienne ordonnance & l'antique honneur prononcent
affirmativement . M. Pétion foumet la
queftion au corps légiflutif , fans parler des
feènes fcandaleufes qui l'ont fuivie dans les
affemblées municipales où M. Manuel a traité
de gredins , & c . ceux qui le croyoient fuf
pendu. Le même comité en fera ſon rapport ſons
trois jours.
---
On a décrété l'impreffion de quelques objets
qui fe reproduiront. Le comité des douze
rendra compte jeudi prochain de la dénonciation
d'une correfpondance où les adminiftrateurs du
Tarn , M. Lacombe St. Michel & M. Lafource,
miniftre proteftant , ont impliqué MM. Vigier
& de Lautrec & tous les prêtres du midi de la
France comme tramant une grande conſpiration.
---
Le ministre de la guerre expliquera inces
famment à M. Rouyer pourquoi l'Etat folde
400,000 hommes & n'en a que 150,000 dans
fes trois armées . - Voici la rédaction définitive
du décret fur les prêtres non - affermentés , ineroyable
exemple de la tolérance & de l'humahite
philofophiques. Il eft de notre juftice d'ob
ferver que depuis que la déportation de ces infortunés
a été décrétée en principe , contre tous
les principes , la prefque totalité des membres
qui fiégent dans l'an des côtés de fa falle n'a
voulu prendre aucune part à fa délibération .
L'Affemblée nationale , confidérant que les
efforts auxquels fe livrent conftamment les eccléfiaftiques
non- fermentés pour renverser la
conftitution , ne permettent pas de fuppofer à
ces eccléfiaftiques la volonté de s'anir au paste .
focial , & que ce feroit compromettre le falut
public que de regarder plus long-temps comme
membres de la fociété des hommes qui cherchene
( ST )
évidemment à la diffondre ; confidérant que les
loix pénales font fans force contre des hommes
qui , agillant fur les confciences pour les éga
rer, derobent preſque toujours leurs mancouvres
criminelles aux yeux de ceux qui pourroient les
faire réprimer & punir ; après avoir décrété
l'urgence , décrète ce qui fuit : »
Art. I. La déportation des eccléfiaftiques
iffermentés aura lieu , comme meſure de sûrété
publique & de police générale , dans les cas
& fuivant les formes énoncés ci- aprèss
ec II. Seront confidérés comme occléfiaftiques
infermentés tous ceux qui , affujettis au ferment :
prefcrit par la loi du 26 décembre 1790 , ne
l'auroient pas prêté ; ceux auffi qui , n'étant pas
foumis à cette loi , n'ont pas prêté le ferment
civique poftérieurement au 3 feptembre , dernier
jour où la conftitution Françoife fut déclarée
achevées ceux enfin qui auront rétracté l'un ou
l'autre ferment .
a III. Lorfque 20 citoyens actifs d'un même
canton fe réuniront pour demander la déportation
d'un eccléfiaftique non-fermenté , le directoire
du département fera tenu de prononcer la
déportation , fi l'avis du directoire de diftrict eft .
conforme à la pétition . »
cé IV. Lorsque l'avis du directoire de diſtrict ;
ne fera pas conforme à la pétition , le directoire
de département fera teau de faire vérifier , par
des commiffaires , fi la préfence de l'eccléfiaftique
on des eccléfiaftiques dénoncés , nuit à la tranquillité
publique ; & , fur l'avis de ces commilaires
, s'il eft conforme à la pétition , le directoire
du département fera également tenu de
prononcer la déportation , "
fa V5 Dans lesboubun eccléfiaſtique.mone
1
С 2
('52 )
fermenté auroit , par des actes extérieurs , excité,
des troubles , les faits pourront être dénoncés au
directoire du département par un ou plufieurs ,
citoyens actifs ; après la vérification des faits ,:
la déportation fera pareillement prononcée. »>
« VI. La demande ou pétition dont il eft parlé
dans les précédens articles , devant être fignée
de ceux qui la formeront , fera remife par eux
au directoire du diſtrict ; ils en affirmeront la
vérité devant le même directoire , qui leur fera
délivrer , par fon fecrétaire , fur papier libre &
fans frais , un certificat du dépôt de cette pétition.
»
« VII. Le dire&oire du diſtrict vérifiera fur
les tableaux qui doivent être déposés dans fon
fecrétariat , ou par tout autre moyen , fi les fignataires
de la pétition font véritablement citoyens
actifs . D'après cette vérification , il donnera fon
avis & le fera paffer à l'adminiſtration du département
dans les trois jours qui fuivront la
date du dépôt. »
VIII Dans le cas où les citoyens actifs qui
auront à fermer la pétition prefcrite , ne fauroient
écrire , elle fera reçue en préfence du
procureur - fyndic , par le fecrétaire du diſtrict ,
qui , après l'avoir rédigée , en donnera lecture
aux pétitionnaires , & relatera leur déclaration
de ne favoir figner. »
« IX. Lorſque les préalables preferits par les
articles précédens auront été remplis , tant de la
part des pétitionnaires , que de la part du di
rectoire de district , le directoire de département
fera tenu de ftatuer , dans trois jours , fi l'avis
du directoire de diftrict cft conforme à la pétition.
»
< X. Lorsque l'avis du directoire de diſtric
753 ( 53 )
C
ne fera pas conforme à la pétition , le directoire
de département aura quinze jours pour faire
procéder aux vérifications prefcrites en pareil
cas, & pour ftatuer définitivement. »
ou « XI. L'avis du directoire de diftrict ,
celui des commiffaires- vérificate ars , étant conforme
à la pétition , il fera enjoint par l'arrêté
du directoire de département , aux cccléfiaftiques
fujets à la déportation ' , de fortir & fe retirer
dans les vingt quatre heures hors des limites du
diſtrict de leur réfidence ; dans trois jours hors des
limites du département , & dans le mois hors
du royaume ces différens délais courront du
jour où la fommation leur en fera faire à la
requête du procureur - fyndie du département
fuites & diligences du procureur fyndic du diftrict.
35
<< XII. Copie de l'arrêté du département fera
no ifite à chacun des eccléfiaftiques , fi jets à la
déportation , ou à leur dernier domicile connu ,
avec fammation d'y obéir & s'y cor former ; cette
rotification fe fera fur papier libre , fans auties
frais que les vacations de l'huiffier , modérés aux
deux tiers des vacations ordinaires , & fera foumiſe
à l'enregistrement gratuit. »
XIII. Si- tôr après cette notification , l'eccléfiaftique
fera tenu de déclarer devant la mupicipalité
du lieu de fa réfidence ou devant le
directoire de district , le pays étranger dans lequel
il entend fe retirer ; & illai fera dé ivré , furle
-champ , par la municipalité ou le directoire
du diftrict , un paffe port qui contiendra fon
fignalement , fa déclaration , la route qu'il doit
tenir , & le délai dans lequel il doit être forti
du royaume. »
·
XIV. Dans le cas où l'eccléfiaftique n'o-
C 3
( 34 )
béiroit pas à la fommation à lui faite , le pro
cureur-fyndic du diftrict fera tenu de requérir
la gendarmerie nationale , pour le faire transférer
de brigades en brigades au- delà des frontières
les plus voifines du lieu de fon départ ;
& les frais de cette tranflation , dont il ſera
dreffé procès -verbal , feront retenus fur fa penfion
ou fes revenus. »
XV. Lorfque l'eccléfiaftique contre lequel
la déportation fera prononcée , n'aura ni penfion ,
ni revenu , i recevra trois livres par journée de
dix licues jufqu'aux frontières , pour le faire
fubfifter pendant la route : ces frais feront fup→
portés par le tréfor public & avancés par la
caiffe du diftrict fur lequel réfidoit cet ecclés
fiaftique. »ככ
« XVI. Ceux des eccléfiaftiques contre lef
quels la déportation aura été prononcée , qui
refteroient dans le royaume après avoir déclaré
leur retraite , ou qui rentreroient après leur
forties, feront condamnés à la peine de détention
pendant dix ans . »
« XVII. Les directoires de département ſeront
tenus d'envoyer chaque mois au pouvoir exé
cutif, qui en rendra compte à l'Affemblée na❤
tionale , l'état nominatif des eccléfiaftiques dont
il aura prononcé la déportation . »
ce XVIII. L'Affemblée nationale n'entend
par les précédentes difpofitions , fouftraire aux
peines établies par le code pénal , les ecclé
fiaftiques non- fermentés qui les auroient encourues
, ou pourroient les encourir par la fuite. »
XIX. Le préfent décret fera porté, dans le
jour , à la ſanction, »
C'eft un grand trait de l'hiftcire des
7351
hommes & de la contagion des efprits ,
qu'en moins de trois ans de temps on foit
parvenu à établir , par l'opinion feule , une
effrayante tyrannie fur vingt millions d'individus,
en leur perfuadant qu'ils font libres,
qu'on en ait entraîné une grande partie à ſe
précipiter fousle joug de quelques agitateurs,
à fe dévouer à la mort pour enfoutenir les
volontés , lors même qu'ils croient ne com
battre que pour la liberté ; qu'on ait à ce
point renversé toutes les lumières naturelles ,
que des hommes, d'ailleurs probes, fe croient
appuyés de la juſtice en protégeant les écarts
d'une oppreffion inhumaine ; qu'on ait
pu donner au fanatifme une activité telle
que tout- à - coup une multitude de perfonnes
, ci- devant fenfées , aient facrifié au
pouvoir des dominateurs la juſtice natu
relle , & jufqu'aux fentimens de l'amour
filial & paternel ; que cette corruption des
idées , de la conduite & des moeurs ait été
qualifiée du nom de régénération ; qu'on
ait appellé volonté nationale , une doctrine
confufément énoncée , & violemment.combattue
; que la délation & le crime aient
reçu les honneurs du triomphe ; qu'on ait
méprifé à ce point la foi des Peuples que
de femer parmi eux des germes de révolte
& d'anarchie , pour fervir une injuſte ambition
; qu'on ait juftifié ces attentats par
des fuccès & par l'impunité qu'aflure une
C
158 )
force redoutable & menaçante ; que le droit
de confervation perfonnelle foit devenu un
titre de profcription , & qu'une fociété
troublée , agitée , par tant des caufes , ne
préfente que des hommes fanatiques , ou
livrés à une diffipation journalière . Tel eft
cependant le tableau qu'offre la France aujourd'hui
, & que déjà plufieurs époques
de l'hiftoire avoient préfenté , mais avec un
caractère moins prononcé , & des traits
moins capables de faire connoître la perver
fité des hommes. Mais cet état violent n'en
déforganife pas moins la fociété , ne la fait
pas moins rétrograder par l'aviliffement
ou la deftruction de tous les arts de
la civilifation. Cette fecouffe a rendu les
habitudes féroces , lorfqu'on s'imagine
qu'elles font devenues guerrières ; les procédés
durs , injuftes , quand on croit qu'ils
ne font que francs ; enfin , la corruption
s'eft accrue de tous les moyens que les
paffions politiques ajoutent à ceux de la
cupidité & de l'ignorance populaire. ;
Mais c'eft dans la Capitale fur tout , c'estlà
qu'on peut voir l'effet de la fubverfion
des droits fur les mouvemens & les opinons
d'une immenfe multitude , qui croit
être libre en détruifant , en déchirant le fein
de la Patrie & traînant dans la boue , ce que
les temps & la morale avoient appris aux
hommes à oppofer aux arts de la tyrannie
& de la ferverfité ambitieufe.
( 57 )
Le Prince avili , entouré d'un Peuple
infultant à fes peines , fans lui marquer allez
de confiance pour le mettre à portée de les
faire ceffer en travaillant au bonheur public
& à la liberté commune ; une tourbe d'agi- "
táteurs marqués d'un refpect extérieur pour
lès loix , & ne cherchant que leur intérêt ,
une avidité de gagner dans les malheurs publics
, & de faire tourner la fortune naticnale
à l'avantage des intérêts privés ; l'aveuglement
fur ces calamités & la facilité qu'il
donne de les attribuer indifféremment au
parti qu'il eft utile aux dominateurs d'opprimer.
à
C'eft ce qu'atteftent les derniers évè
nemens ; ils étoient préparés dès la
fête des Soldats de Châteauvieux ;
ce moment on vouloit favoir à quoi s'en
tenir fur les forces du parti , comme fi l'on
avoit doué de fa toute - puiffance ; mais les
Bourdonnemens impuiffans de ce qu'on
nomme Feuillans avoient choqué l'oreille
des Jacobins , ceux ci par une adreffe qui
leur eft propre, vouloient fonder l'opinion ;
its engagèrent le combat , & le fuccès ne
fut point douteux ; cet avantage dont ils
étoient bien sûrs diffipa toutes leurs
inquiétudes ; leur plan ne pouvoit plus
trouver d'obſtacle ; on pouvoit tourner le
peuple à volonté lorfqu'on lui avoit fait
fubir une auffi bonne épreuve , les menées
contre la Cour recommencèrent ; elles
cs
( 58 )
avoient été comme impuiffantes pendant
un temps , ainfi que quelques tentatives trop .
prématurées contre la garde du Roi . Deux
placards fameux par leur fanatifm.e, réchauf
fèrent les efprits ; il falloit tenir le peuple
en délire fur les évènemens de la guerre ,
faire retomber fur la Cour les pertes que
nous effuyerions & prendre garde que des
fuccès n'attiraffent au Roi quelque . confidération
qui nuiroit au projet , bien ſuivi ,
bien combiné de l'avilir de plus en plus.
On ne fut embarraſſé que fur le choix des
moyens , on trouva dans les feuilles la
dénomination de comité autrichien ; cette
découverte étoit de nature à faire d'autant
plus d'impreffion fur le peuple , qu'il n'eft."
poffible à perfonne d'entendre ce que peut
fignifier un comité Autrichien. On infulta
la Reine ; on redoubla de fanatifme dans les
écrits journaliers , dans les tribunes ; & ce
con ité fut dénoncé à l'Affemblée nationale.
Cependant la crainte d'échouer dans les
fuites qu'on vouloit donner à cette dénonciation
, fuites que tout le monde fait &
qu'il faut cependant dire , le procès contre
les perfonnes les plus refpectables & la Reine
elle- même , cette crainte d'échouer fit publier
une calomnie affreufe contre le Prince ;
on accrédita qu'il vouloit s'en aller , comme
s'il n'avoit pas dit pofitivement que fon intention
étoit de refter à Paris ; comme fi ce
malheureux Prince ne fe conformoit point
759 )
ainfi que fa trifte famille , à l'état que les
évènemens leur prefcrivent ; mais ces bruits
étoient eux-mêmes élevés afin que par les
nombreux outrages qu'ils attirent à S. M.
elle pût laifler échapper quelque defir de
voir enfin fes enfans , fes amis , fouftraits à
un pareil opprobre & à une dégradation
auffi peu méritée ,
Quoi qu'il en foit pendant qu'on dénonçoit
à l'Aifemblée , M. le Maire de Paris
écrivoit au Commandant de la Garde de
prendre des fûretés contre l'évafion du Roi;
on verra dans les pièces que nous allons
rapporter fur quel fondement M. Pétion
établiffoit des foupçons aufli injurieux à la
juftice du Monarque & à fon amour pour
la paix nous ajouterons qu'un arrêté du
Confeil- Général de la Commune du 26 a
approuvé la conduite du Maire & fa ' ettre'
au Commandant , nouvelle preuve que le
parti Feuillant , conftitutionnel , qui forme
une des fractions de ce Confeil , ne peut
point tenir dans la difcuffion contre l'autre
parti , qui dans toutes les melures qu'il lui
plaît d'ordonner, n'eft que feulement confé
quent, non pas précisément à la conftitu
tion , il n'eſt déjà plus queſtion de cela ,
mais aux principes qui ont fervi de me tifs a
la conduite & de texte aux loix de l'Ailem
blée nationale ,
Св
( 60 )
Lettre du Roi au Directoire du Département de Paris,
le 23 Mai.
2
2 Je vous envoie , MM. la copie d'une
lette que j'écris à la Municipalité , fur une lettre
que M. le Mine a écrite au Commandant de la
Garde Nationale ; vous fentirez aisément la méchanceté
de ce bruit répandu dans les circonftances
où nous nous trouvons. Je ne doute pas
le Directoire ne redouble de vigilance &
de foin pour le maintien de la tranquillité publique
. »
que
Signé , LOUIS.
Copiede la lettredu Roià la Municipalité de Paris,
le 13 Mai 1792.
ce J'ai vu, MM. , une lettre que M. le Maire
a écrite , hier au foir , au Commandant de la.
Garde Nationale , où il le prévient d'inquiétude fur
mon départ pendant la nuit , fondé , dit-il , fur
des probabilités & des indices. Il mêle cette nouvelle
avec des bruits de mouvemeus & d'émeutes
& il lui ordonne de niultiplier les patrouilles , &
de les rendre nombreuſes . Pourquoi M. le Maire
fur de pareils bruits , donne- t-il des ordres à
M. le Commandant- Général , & ne m'en fait - il
rien dire , lui qui , par la Conftitution , doit
faire exécuter fous mon ordre les Loix pour le
maintien de la tranquillité publique ? A- t- il oublié,
la lettre que j'ai écrite à la Municipalité au mois
de Février dernier ? Vous reconnoîtrez aifément
MM. , que ce bruit , dans les circonftances
Préfentes ; eft une nouvelle & horrible calomnie
, à l'aide de laquelle on espère foulever le
Peuple , & l'égarer fur la caufe des mouvemens
actuels, Je fuis informé de toutes les manoeuvres
·
( 61 )
qu'on emploie pour échauffer les efprits , & pour
m'obliger à m'éloigner de la Capitale ; mais on
lé tentera envain. Lorfque la France à des ennemis
à combattre au - dedans & au- dehors , c'eft
das la Capita'e que ma place eft marquée ;
c'eft-là que j'effère parvenir à tromper l'efpérence
coupable des Factieux . Je me fie fans
réferve aux Citoyens de Paris , à cette Garde,
Nationale qui s'eft toujours refpectée , & dont'
lés Détachemens , employés fur nos frontières ,'
viennent de donner une nouvelle preuve de leur
excellent efprit . Elle fentira que fon honneur
exige en ce moment qu'elle redouble de zèle¹
& de vigilance ; entouré d'elle , & fort de la
pureté de mes intentions , je ferai toujours tranquille
fur les évènemens qui pourront arrivers
& quelque chofe que l'on faffe , rien n'altérera
ma follicitude & mes foins pour le bien du
royaume . »
Lettre du Maire de Paris à fes Concitoyens , a
l'occafion de celle adreffée par le Roi à la Municipalité
de Paris.
2
CITOYENS ,
ee Il m'étoit difficile de prévoir qu'ure réquifition
, fimple en elle- même , dictée par la
prudence , confiée à celui à qui la loi a remis le
dépôt de la force armée de la Capitale , devien
droit une affaire grave , portée au Tribunal de
l'opinion. 1
כ כ
Les crconftances dans lefquelles nous nous
trouvons font diffi iles ; les efprits font agités ,
des Etrangers , dont la plupart font très - fufpects ,
affluent à Paris ; la France entière en conçoir
des inquiétudes ; on parle hautement de pro(
· 6.2 )·
jets de contre-révolution ; l'on parle d'exciter
des mouvemens violens , au milieu defquels .
on commettroit des attentats & on enlèveroit le
Roi. »ל כ
Des lettres , des avis fans nombre , dénoncent
ces faits & les environnent , les uns de vrailemblances
, les autres de preuves. »
Le 23 Mai étoit le jour fixé par l'Affem ,
blée Nationale pour une difcuffion importante ;
ce jour étoit attendu avec une vive impatience .
Je vis la veille plufieurs Citoyens qui me
dirent qu'il y avoit des mouvemens extraordi
naires au château . Je reçus une lettre qui m'anno
çoit pofitivement que la fcène des poignards
devoit le renouveller. Le foir , à dix heures
une femme , très - digne de foi , vint me faire
part de quelques détails qui n'étoient pas à négliger.
Dans le même moment différentes perfonnes m'affurè
ent que des raffemblemens com nençoient à fe
fo: mer autour des Tuileries , & me prefsèrent avec
inftance de prendre des mefures. M'étoit-il permis
de refter dans l'inaction ? L'indifférence eût été un
délit . »
«J'écrivis la lettre fuivante , le 22 , à dix heures
& demie du foir :
Plufieurs perfonnes , M. le Commandant-
Général , me font part d'inquiétudes fur le dé-,
part du Roi pour cette nuit ; on parle auffi , pour.
ce: te nuit , de mouvemens & d'émeutes. On accompagne
le tout de probabilités & d'indices . Je
vous prie en conféquence de ne pas perdre un
inftant , & de prendre toutes les mesures d'eblervation
& de prudence , de multiplier les pa-,
trouilles dans les environs , & de les rendre nom
breuſes , »
( 63 )
« Il mesemble que cette lettre eft fage & corçue .
dans les termes les plus mefurés . »
K
Que j'aie eu le droit de l'adreffer à M. le
Commandan : -Général ; que j'aie eu le droit d'engaer
ce dernier à employer tous les moyens de
prudence , & à multiplier les patrouilles ; c'et
ce qui ne peut pas faire de doute . Il ett gliffe ,
à cet égard , une erieur très - remarquable dans la
lettre du Roi ; par la Co ftitution , le Roi , comme
Chef fuprême de l'administration , peut donner des
ordres au Département , qui les tranfmet aux Municipalités
, & voilà la chaîne defcendante ; inais
pour toutes les fonctions qui font dans l'effence
des pouvoirs municipaux , comme la Police , qui
Jeur eft attribuée , les Municipalités exercent ces
fonctions immédiatement & fans recevoir d'ordres ;
les Départemens les furveillent , & le Roi domine
fur le tout ; voilà la chaîne afcendante . Il n'eft
donc pas ex at de dire que je devois prendre les
ordres du Roi , car alors ce feroit lui qui feroit
la Police de Paris , qui communiquereit fes volontés
au Maire , lequel les feroit paſſer au Ch:f
de la Garde. Le Roi fe trouveroit même , par là
commander la Garde Nationale , qui , par la loi ,
n'eft pas entre les mains . »
"
« Je crois donc que ma lettre , en elle- même
étoit prudente , & que j'avois caractère pou l'écrire
. Je dirai plus que j'en avois l'obligation .
« Elle ne devoit être connue que de M. le
Commandant & de moi , comme toutes celles que
je lui écris pour l'ordre du fervice & le maintien
de la tranquillité publique . Ici , je veux croire qu'il
n'y a qu'iadifciétion de la part de M. le Com
mandant , ou de celui à qui il a confié ma lettre
mais Intrigant qui l'a remife au Roi , &
qui a cherché , à quelque prix que ce für , à
( 64 )
lui donner de la publicité , a manifeftement eu
de mauvaifes intentions , celle , par
exemple , de faire croire que le Roi n'étoit pas
libre , qu'on cherchoit à l'enchaîner . On fait
que c'est le fyftême favori , & conftamment
fuivi d'une claffe d'hommes , ennemis implacables
de notre Révolution & de notre Conf
titution . »
« Le Roi regarde comme une horrible calomnie
le bruit que l'on a répandu, de fon dé
part . Eh bien qui eft ce qui a accrédité
ce bruit ? Ce font ceux qui ont donné de la publicité
à une lettre cor fidenti : l'e. »
<<
Mais , puifqu'elle eft fous les yeux de tout
le monde , je demande qu'on la juge avec févérisé
: tour homme impartial remarquera fans
peine que fi le Roi , lui- même , avoit eu des
précautions à prendre pour la tranquillité publique
& pour la sûreté de fa perfonne , il n'en
eût pas imaginé d'autres . »
« Eût-il voulu réſiſter à un parti de Factieux
qui eût tenté de le ravir à la Nation ? Il auroit
commandé force & furveillance. »
сс
« Eût-il voulu empêcher que des malveillans
fe précipitaffent en foule dans le château ?
Hauroit commandé force & furveillance. »
EC
גכ
Qu'ai - je requis ? Force & furveillance."
Qu'ai-je fait ? J'ai veillé , quand mes Concitoyens
dorinoient. » PÉTION .
Paris , le 24 Mai , l'an 4º. de la Liberté.
Ce galimathias double de M. Pétion a produit
l'effet qu'on defiroit ; c'eft encore le
Roi qui a tort, & pour le lui prouver, pour
rénouveller les fcènes du 6 Octobre , une
bande de gens armés de piques , de bâtons ,
( 65 )
eft allée mardi 29 , dans la matinée , provoquer
la Gaide du Roi , planter au - deffus
de la principale porte du château le Drapeau
& le Bonnet de l'anarchie , & infulter
d'une manière indécente à la foibleffe de
ce Prince. Sa famille étoit dans le plus
grand danger. Des difcours de meurtre fe
tenoient publiquement dans les cours.
L'Affemblée avoit déclaré Ja veille la permanence
de fes féances ; la garde du Roi eft
détruite. Tout Paris eft dans une forte d'agi
tat on ; il ne s'eft cependant commis auc
meurtre cette fois . La faction eft plus puiffante
que jamais , & à moins d'évènemens
favorables, on eft fondé en motifs pour dire
que l'on doit s'attendre à voir les derniers
excès fe commettre contre le Roi & fa Famille.
Les maifons ont été éclairées la
nuit.
Quand une fois en effet le Peuple eft con
vaincu d'un principe erroné , il doit en tirer
toutes les conféquences qui naiffent des
paflions violentes & de la cupidité ; cette
manière d'agir eft le réfultat du fyftême
de fa fouveraineté abfolue , comme de
l'égalité abftraite , érigée en maxime d'état
, réfulte bien clairement que quiconque
pofsède une propriété confidérable eft un
traître , un aristocrate ; auffi les Clubs
Jacobins qui font très - conféquens dans
l'application des adages de la révolu166
)
tion , traitent ils également les Nobles
& les Propriétaires ; ils dépouillent ceuxci
, comme ils ont profcrit les autres,
Lorfque l'abfence n'en peut pas être le prétexte
, l'incirifme doit fuffire, c'eft là fur- tout
la doctrine des provinces du Midi . Les
Propriétaires y font affujettis à toutes les
oppreffions des Clubs , & s'attendent Tils
ont la foibleffe de l'avouer ) à voir publier
la loi agraire. En attendant , on leur fait
dans quelques endroits payer des contributions.
A Beauffet près Toulon , voici
ce qui vient de fe paffer. On les condamne
à l'amende de 2 ou 300 liv . lorfqu'ils ne
prouvent point leur affiliation à un elub ,
Pluieurs ayant voulu refufer de payer
ont été mis en prifon . Un refte de courage
engagea quelques perfonnes à dénoncer
ces excès du Club. Deux témoins
furent entendus par l'Accufateur public ;
ils atteſtèrent les violences. Le Club'inftruit
de cet incivilme des témoins s'aſſembla ,
courut chez eux , les fit traîner fur la place
publique où ils furent fufillés. D'autres actes
de patriotifme , acceffoires de celui - là
furent en même temps commis , fans qu'on
puiffe efpérer de les voir punis. Qui vou
doit fervir de témoins ?
M. de Narbonne , ex-Miniftre de la guerre &
M. de Hefe ont été nommés Lieutenans - Généraux
dans l'armée Françoife . MM. de Crillon & de
Noailles ont donné leur démiflion.
( 67 )
Il paroit que les défordres qui ont ravagé , dépeuplé
le Comtar & la ville d'Avignon , vont
érendre leur empire fur Porentru & les environs ;
le Palais du Prince a été forcé , dévasté , incendié :
les principaux habitans font menacés & l'on fait
déjà dire à la populace qu'elle veut la réunion à
la France.
La Diète Helvétique eft affemblée à Fravenfeld
pour délibérer fur deux points importans
; 1. le parti à prendre relativement
aux régimens Suifles au fervice de
France ; 2 °. la déclaration d'une neutralité
armée , & la levée de troupes pour border
& garder les frontières du côté de la
France. Le régiment d'Erneft eft parti
par Romans ; fa route eft déterminée par le
fort de l'Eclufe : on le croit deftiné à garnir
la frontière entre Cafpel & la montagne..
A Genève on prend des sûretés ; on fait
des difpofitions contre les entreprifes qui
pourroient compromettre le repos de l'Etat
à l'intérieur ou au dehois.
Les troupes Sardes fous le commandement
du Comte de Lazari , fe cantonnent dans la
Savoie & le Comté de Nice ; elles s'élèvent
à 15,000 hommes . Elles feront , en cas
de befoin, appuyées de celles du Milanois.
Il n'y a guère moins de 12,000 hommes
de troupes Allemandes & 24 bouches à feu
dans le Brifga . Le camp eft actuellement
entre Saarpach & Appenweyer.. Ily arrive
( 68 )
journellement des provifions de bouche &
de guerre ; elles font tirées fur- tout des
pays de Baden , de Wirtemberg & du Palatinat
ces trois Etats n'ont , comme les
autres , qu'une neutralité apparente qui ceffera
fi- tôt qu'ils pourront oppofer à la violence
& aux hoftilités une force fuffifante..
Le nombre des Emigrés augmente dans le
pays deLiège; ils font répandus dans les villes
des environs , fur tout à Vifé , Verviers ,
Hui , St.-Tront. Ils viennent de recevoir
1200 fufils qui ont été diftribués. Il eft
arrivé plufieurs pelotons de leur Cavalerie
à Hui & à Stavelot , ces jours derniers,
Le Corps détaché de l'armée de M. de la
Fayette , fous les ordres de M. de Gouvion ,
s'eft porté dans les environs de Florence
pour y intercepter des fourrages deſtinés à
Farmée Autrichienne avec 4,000 hommes
& fix pièces de canons . Le Comte de Starays
pofté dans les environs de Charleroi , eft
allé l'attaquer avec vingt cinq compagnies
d'infanterie & chaffeurs , & quatre efca ,
drons de cavalerie légère , ce qui fut exé
cuté le 23 Mai matin . En conféquence
M. de Gouvion a fait fa retraite fur Philippe
ville & a laiffé en chemin quelques équipages
& trois canons. Il a perdu 23 hommes
; le nombre des bleffés s'élève à 67 ; la
perte des Autrichiens , en hommes , eft àpeu
-près la même .
( 69 )
Il y a eu , le 18 & 19 , quelques quelques efcarmouches
à Rume , village Autrichien près
d'Orchies , où 200 dragons François s'étoient
avancés & fe font retirés après un
combat ou nous avons perdu 4 ous hommes
; un détachement de chaffeurs tyroliens
eft allé dans un autre village abattre l'arbre
de la libertéfrançoife, & emporter lebonnet.
Le lendemain les François font revenus en
plus grand nombre , mais le Général la
Tour s'étant préfenté avec 3,000 hommes
de troupes , nous nous fommes retirés . On
apprend qu'il y a eu une autre action à Rumigies
, village François , dont on ne connoît
point les détails & ou les Autrichiens
ont chaffé le Curé conftitutionnel & emmené
quelques chevaux ; on dit que M. de
Biron marche avec 6,000 hommes .
Lettre au Rédacteur.
Extrait d'une lettre de St. Marc , 12 avril 179 2..
-« Le canon retentit tous les jours ; les Citoyens
de Couleur fe font emparés de 104 Blancs ;
ils propofent de les rendre pour fix perfonnes , vrais
auteurs des maux de ce quartier. M. de St, Léger,
vient de s'en aller fur la Galathée ; les Mulâtres
font fortis au nombre de 400 , & ont attaqué & pris
le camp Borel , à l'Artibonitte ; tout a été faccagé
chez ce Membre de l'Affemblée , & il doit ſon falut
à la fuite ; c'eft un Factieux des plus acharnés. Il y
a cu peu de perte , dans cette action , du côté des
( 73 )
Mu'atres. Deux des camps de l'Artibonitte fe fert
diffous d'eux-mêmes ; le dérachement de troupes de
ligne , fans Chef , a été très- maltraité ; les fuyards
fe font ralliés à la Saline , »
« L'Arcahayevient d'éprouver une infurrection
de Nègres ; quelques Blancs ont été malfacrés ; une
feule habtation (Robert ) brûlée , toutes les grandes!
cafes piliées . Les Gens de Couleur le font replés
d'abord dans les mornes ; ils font redefcendus
quelques jours après , & ont rétabli les atteliers fur
les habitations , où ils ont repris leurs travaux . Le.
premier mouvement de révolte étoit parti de la
plaine du Cul - de- Sac , ou les gens du Port - au-
Prince étoient campés à lá Croix- des- Bouquets ,
dent ils venofent de s'emparer depuis quelques
jours , ils avoient avec eux des Nègres armés quit
ont porté le levain de la révolte à l'Arcahaye ; mais
ils viennent d'en être bien punis , ces inftrumens)
d'une vengeance aveugle. »
ce
L'armée de la Croix - des -Bouquets , diffoute
d'après les inftances du Commiffaire St. Léger,
s'étoit retirée au Mirrebalais , où on ſut bientôt la
nouvelle invafion du Port -au -Prince , & le malfacre
de quelques Mu'âtres reftés dans le bourg.
-Les Nègres nombreux de cette plaine ont re-s
gardé avec mépris certe horde de brigands , &
pendant qu'elle le croyoir en fûreté dans les refranchemens
de l'ancienne armée , ils ont prévenu les
Mulâtres du Mirrebalais , qui , de concert avec
cur , ont attaqué ce camp nutamment , ont tué
fro hommes & difperfé le refte , ils ont repris
toare l'artillerie & font maîtres du pofte ; on l'armée
fe tallier fans doute . -AL-Les Gens de Coulëur
ne veulent plus parmi eux de Branes. Dans
cette partie , ils ont promis , à leur tour, le pillage .
azenie Negrés que la Paroiffe & les environs:
de la Croix - des-Bouquets fourniffent ; ils veulent
e trer au Port - au- Prince, & y mettre tout à feu
& à fang.
"
« Les hauteurs de tout le Port-au - Prince font
dépeuplées de Blancs fugitifs ou immolés . »
сс
que tout
Léoganne fut envahi par une irruption que
M. deSt. Léger a repouffée avec les Gens de Cou
leur & ceux de la frégate la Galachée. Toutes les
pièces & grandes caunes de ces plaines ont été incendiées,
ce qui d'abord avoit fait croise
étoit détruit. Le Chef de cette entreprife , qui fe
diftingue par la cruauté , fe nomme Romaine ; fa
réfidence étoit au Trou- Coffi , hauteurs de Léogane
; il mène fa horde , compofée de libres &
d'efclaves , pêle-mêle , par la fuperftition , aux
forfaits les plus inouis ; il ne fait nulle diftinction
de Parti , d'âge ni de fexe ; il fe mêle de prédictions.
M. de St. Léger a manqué d'être affaffiné. par Pun
de fes Emiflaires qui partoit peut- être de plus loin
un homme de couleur s'eft dévoué pour lui , ainfi
que le Chevalier d'Affus à Gloftercamp . Cette
même claſſe a refufé la propofition des Nègres de
ce Romaine , de s'unir pour maflacrer les Blancs ;
elle a, au contraire , marché de concert avec ces
derniers au trou Coffi , s'en eft emparé , ainſi quede
plufieurs Satellites de Romaine , qu'on a manqué ,
& qui reprêche encore fon infernale doctrine. M.
de St. Léger, avant fon départ , avoit rétabli les
Nègres dans la plaine, »
« Au Petit-Goave , on a repouflé les brigands ,
on y eft affez tranquille & uni . »
Au Petit - Trou , aux Baladeures , on eft en
proie aux infurrections qui fe font répandues dans
la partie du Sud , toute incendiée à la fuite d'une
action entre les Gens de Gouleur & ceux du régiment
de Provence, Depuis , les premiers contipuent
( 72 )
keurs incurfions ; cependant on n'a pas de nouvelles
récentes de ce pays-là.
93
« Jacmel eft prefqu'entièrement dépeuplé par
des fuccès divers qui nous conduiront bientôt à
notre anéantiffement total , fur- tout les forces
qui nous arrivent égorgent les gens de bien capables
de faire renaître l'autorité , & qui fupportent avec
courage tant d'adverſité. »
Ajoutez à cet horrible cadre une difette (1)
générale dans les quartiers en proie aux troubles.
Nos Affemblées coupables ont armé des forbans
qui interceptenttous les navires & caboteurs qui
pourroient alimenter tous les endroits qui ne font
pas dans leurs principes d'antropophage. Le bas de
la côte , entre lePort-au- Prince & Jérémie , manque
de tout. Nous envoyons un navire à Léogane
pour l'approvifionner. La Croix - des - Bouquets &
hauteurs font menacés de la famine. »
« Le Borée eft toujours au Port-au -Prince en
infurrection , & ne peut fortir. M. de Cambis , qui
commande la Galathée , traite ces Corfaires en
camarades ; ils font comme lui , dit- il , bâtiment
de l'Etat & légalement armés. Cependant , ils
sançonnent les bâtimens du commerce , canonnent
la côte , égorgent les Paffagers qui leur déplaifent,
pillent les habitations , volent les Nègres , les beftiaux
& les denrées . »
( 1 ) Le numéraire difparoît , & la dilapidation
des Affemblées eft énorme.
ERRATA. Dans le dernier Numéro , page 222 ,
dernière ligne , lifez 1791 , au lieu de 1790 ; &
page 287 , lifez Vicquemont au lieu de . Nicque
mont.
MERCURE
LE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE,
RUSSIE.
De Pétersbourg , le 4 Mai 1792 .
E Traité d'alliance entre les Cours de
Vienne & de Berlin a été notifié à l'Impératrice
avec invitation d'y accéder ; on
ne connoît point encore fa réponſe , mais
tout laiffe à penfer qu'elle ne fe refuſera
pas à un moyen de sûreté qui ne peut
qu'affurer la tranquillité de l'Europe par
la ftabilité des Gouvernemens & des Etats
respectifs.
Les principes dangereux propagés ici
par les François , comme ailleurs , les ont
fait furveiller plus particulièrement ; plufieurs
ont été arrêtés , & mis en prifon.
Cette rigueur , qu'en tout autre temps l'on
blâmeroit , eft regardée , généralement ,
No. 23. 9 Juin 1792. D
( 74 )
comme une mefure de sureté indifpenfable.
C'eſt le même motif qui a porté l'Impératrice
à éloigner tous ceux de cette Nation
qui font à fon fervice , & particulièrement
attachés à la cuifine. Au refte , deux des
François détenus ont été relâchés ; S. M.
a même fait témoigner à l'un d'eux qu'elle
reconnoiffoit avec plaifir qu'il ne partageoit
point les opinions de ceux de fa Nation
qui s'étoient attiré par leur conduite la
haine publique & la févérité du Gouvernement.
Les autres , encore en priſon , n'en
fortiront qu'aux conditions de quitter la´
Ruffie , ou feront exilés dans les provinces
du Nord ; c'est au moins l'opinion générale
ici .
On a remarqué que les conférences entre
le Comte de Cobenizel, Miniftre de Vienne,
le Comte de Golz, Miniftre de Pruffe , &
le Comte Offermann font très fréquentes.
It eft aifé de foupçonner quel en peut être
le fujet politique ; cependant on doit attendre
des évènemens à juger des véritables.
intentions des Cours , & de leurs réfolutions
définitives . L'efcadre de Cronftadt
fe borne à trois vaiffeaux & quatre frégates
en armement ; ils iront attendre neuf autres
vaiffeaux de ligne & fix frégates conftruites
à Archangel , pour les ramener dans le port
de Cronfadt ; mais jufqu'à préfent on ne
leur connoît point d'autre deſtination.
( 75 )
7
POLOGNE.
De Varfovie , le 14 Mai 1792.
L'oppofition de la Cour de Pétersbourg
aux changemens effectués fubitement dans
notre Gouvernement , & fur-tout à la loi
qui rend héréditaire la Couronne, d'élective
qu'elle étoit , cette oppofition prend
un caractère prononcé , & menace d'une
guerre effective la nouvelle Conſtitution.
de la République.
Cette détermination de la Cour de Pétersbourg
a été accélérée par nos difpofitions
militaires & la marche des troupes.
depuis le Décret de la Diète du 16 Avril
dernier. Plufieurs régimens font arrivés ici
pour y être paffés en revue , & de là répartis
dans les Corps d'armée de la Lithuanie &
de l'Ukraine. Le régiment du Prince de
Wurtemberg, avec celui de Potocki , cavalerie
, font partis , ainfi que celui de Dziatinski
, infanterie , avec du canon & les munitions
néceffaires .
De fon côté l'Impératrice de Ruffie a
donné ordre à un corps de 25 à 30 mille
hommes de troupe d'élite de fe rendre fur
nos frontières . Ils feront bientôt fuivis d'un
plus grand nombre , & les Officiers qui
doivent les commander font pattis .
En même-temps le Miniftre de Péters-
D 2
( 76 )
bourg a notifié au nom de fa Souveraine ,
que
defirant maintenir l'ordre , la paix & la
forme du Gouverment Polonois , & notamment
le droit d'élire un Roi , qui appartient
à la République , elle ne peut approu
ver la nouvelle Conftitution , & qu'elle
s'oppoſera à ſon exécution.
Ce nouvel orage , que quelques perfonnes
ardentes méprifent, jettent de l'inquiétude
& de l'embarras dans les affaires ;
il donne un moyen d'activité aux mécontehs
, & peut fournir des reffources trèsfolides
au parti de l'oppofition . Ces commencemens
de troubles fe trouveront encore
accrus par l'enthoufiafme que l'on
paroît vouloir répandre parmi le Peuple
; enthoufiafme qui n'eft point du
courage , qui mène au fanatifme , à la perfecution
, & fait d'un obftacle facile à
détruire , une infurmontable réfiftance . Au
moins les expreffions, que l'on met dans la
bouche du Roi , à un repas donné par le
Corps-de -ville le 13 de ce mois , femblentelles
annoncer cet efprit d'ardeur . Ce
Prince , dit -on , répondit aux fantés qu'on
lui porta par ces paroles : « Le moment eſt
venu où les diftinctions font détruites ; où
l'homme eft rapproché de l'homme , & c . »
C'eft avec des maximes à peu près femblables
, des adages pareils , que la France
a fait de l'exercice du droit national , de .
faire dans fon Gouvernement les réformes
( 77 )
que les Etats - généraux auroient trouvées
utiles , un moyen d'anarchie & de divifions
politiques dont on ne voit point le terme.
ALLEMAGNE.
"
De Berlin , le 24 Mai 1792 .
Le Roi part pour les revues de Magdebourg
; il fe rendra enfuite à celles de Poméranie,
& delà à Anfpach , Bareith & à
l'armée. Sa Majefté avoit paffé en revue ,
la
femaine dernière , les régimens arrivés des
garnifons voifines, & la revue générale a eu
lieu enfuite , fuivant l'ufage. Il a été donné
des ordres aux régimens en garnifon dans
la Poméranie de fe tenir prêts à marcher ;
l'on croit qu'il en paffera une partie fur
les frontières de la Pologne ; ceux de Braun
& de Lignowky , qui font partie de notre
garnifon , doivent fe rendre en Siléfie .
Ces foins militaires font peut être la
caufe du retard de la marche des troupes
à leur deſtination du Rhin & des Pays-
Bas ; ce qu'il y a de vrai c'eft qu'on n'apprend
point encore que l'on en ait vu pafler dans
aucune des villes qui fe rencontrent fur la
route qu'elles doivent tenir ; lenteur que
l'on voudroit attribuer à des incertitudes
dans notre Cabinet , quoique jufqu'à préfent
on ne connoiffe aucun motif qui ait pu
le faire changer de détermination.
Le Prince de Hohenlohe , Général de
D.3.
( 78 )
l'Artillerie , au fervice de l'Autriche , eft
arrivé le 18 de Poftdam dans cette capitale
; il a defcendu chez l'Ambaffadeur de
Vienne , & a foupé avec la Reine à Monbijoux.
Le Duc de Brunswick eft à Poftdam.
Le Roi a nommé M. de Heymann ,
autrefois Officier au fervice de France , Major-
général de Cavalerie ; il fera employé
dans l'armée qui doit s'avancer fur le Rhin ,
De Francfort-fur- le-Mein , le 25 Mai.
C'est le 23 de ce mois que le Cercle du
Directoire du Cercle du Haut- Rhin a reçu
la réquifition de la Cour de Berlin pour
le paffage des quatre régimens d'Infanterie
& de deux de Huffards qui doivent
arriver dans nos quartiers le 13 Juillet prochain
; ce qui , comme l'on voit , n'annonce
pas une grande célérité dans l'arrivée
des troupes Pruffiennes fi impatiemment
attendues . Celles de l'Autriche arrivent
, mais lentement ; les Corps qui
doivent fe mettre en marche pour le Brifgaw
de la Bohême & de la Moravie , n'ont
dû en partir que le 14 de ce mois . Il a
été conclu un marché par le Ministère Autrichien
, pour le tranfport des so pièces
de canon du calibre de 12 , 18 & 24 livres
de balles.
Nous rapporterons ici le texte du traité
d'alliance arrêté entre les Rois de Pruffe &
圜
( 79 )
de Hongrie , le 7 février , dont il a été plufieurs
fois queſtion dans les numéros précédens
, & que le Roi de Pruffe a ratifié le
17 février.
« Sa Majefté l'Empereur , Roi de Hongrie
& de Bohême , & Sa Majefté le Roi de Pruffe ,
animées du plus grand zèle pour la tranquillité
publique , & defirant affurer le repos & la profpérité
de leurs Etats héréditaires fur une baffe
inébranlable , le font déterminées à refferrer , par
les noeuds d'une alliance intime & perpétuelle , les
'fentimens de confiance , d'amitié & de bon voifinage
qui les uniffent. Elles ont autorifé , pour
cet effet , S. M. l'Empereur , &c . , le Prince
Henry XIV de Reuff, fon Envoyé Extraordinaire
à la Cour de Pruffe , &c.; Sa Majeſté le
Roi de Pruffe , & c.; fes Miniftres d'Etat de
Guerre & de Cabinet , Charles Guillaume, Comte
de Finckeftein , Frédéric , Comte de Schulembourg
& Philippe , Baron d'Alvenfleben , lefquels après
s'être communiqué leurs pleins pouvoirs , font
convenus des articles fuivans :
« Art. I. Il y aura une amitié & une union
fincère & conftante entre S. M. l'Empereur &
S. M. le Roi de Pruffe , leurs héritiers & fucceffeurs
, Royaumes , Etats & Sujets héréditaires ;
en conféquence les hautes parties contractantes
apporteront la plus grande attention à maintenir
entr'elles & leurs Etats & Sujets , une bonne
intelligence & correfpondance réciproques , &
elles éviteront tout ce qui pourroit altérer à
l'avenir la tranquillité & l'union heureuſement
établies entr'elles , & donneront au contraire tous
leurs foins à procurer , en toute occafion , leur
utilité , honneurs & avantages mutuels, »
D
4
780 )
1
II. Tous les Traités intérieurs , & nommément
ceux de Bre flau , de Diefde , de Hubert'sbourg
& de Tefchen , font renouvellés & confirmés
par le préfent Traité dans la meilleure
forme , comme s'ils étoient inférés ici de mot à
mot, »
« III. S. M. l'Empereur & S. M. Pruffienne,
promettent & s'engagent , pour elles & leurs
héritiers , de garantir & de défendre tous les
Etats , Provinces & Domaines héréditaires qu'elles
pofèdent actuellement de part & d'autre , Comre
les attaques de quelque Puiffance que ce foit . »
« IV. Par une fuite de cette garantie réci
proque , les deux hautes parties contractantes
travailleront , de concert , pour le maintien de
la paix ; elles employeront , dans le cas cù les
Etats de l'une d'entr'elles feroient menacés d'une
invafion , leurs bons cffices les plus efficaces pour
l'empêcher. Mais fi ces bons offices n'avoient pas
l'effet defiré , & que T'une ou l'autre d'entr'elles
fût réellement attaquée , elles s'obligent , pour
ce cas , à fe fecourir mutuellement avec un corps
de 15000 hommes d'Infanterie , 5000 de Cavalerie.
»
« V. Ce fecours fe mettra en marche deux
mois après la réquifition faite par la partie astaquée
, & demeurera à fa difpofition pendant
toute la durée de la guerre dans laquelle elle fe
trouvera engagée . Il fera payé & entretenu , par
la puiffance requife , par- tout cu fon alliée fera
agir mais la partie requérante lui fournira le
Pain & fourrage néceffaires , fur le pied unité
dans fes propres troupes , fi néanmoins la partie
réquérante préféroit aux fecours effectifs en
hommes , l'équivalent en, argent , elle en aura
le choix , & , dan's ce cas , le fecours fera évalué
( 81 )
à 60,000 écus en argent blanc , par an , pour
1,000 hommes d'Infanterie , & à 80,000 écus
pour 1,000 hommes de Cavalerie ; le tout payable
annuellement , ou , dans la même proportion
par mois , cet argent fe payera d'après le titre
des monnoies , reçu dars l'Empire , & appellé
convention , Golden fuffe ; le marc d'argent rendant
13 écus & un tiers . »
« VI. Dans le cas ou les fecours, ftipulés ne
feroient pas fuffifans pour la défenſe de la Puif-
Lance requérante , la Puiflance requife les augmentera
fucceffivement felon le befoin de fon
allié , les circonftances & le concert qu'on prendra
alors . »
« VII. Pour atteindre complettement les vucs
falutaires que les deux Hautes Puiffances , contractantes
, le propofent de ce préfent Traité
elles fe réferveit d'inviter de concert la Cour
Impériale de Ruffie , les deux Puiffances martimes
& S. A. Electorale de Saxe , à s'unir mutuellement
avec elles ; par les engagemens ,
analogues aux ftipulations ci - deffus. »
ce VIII. Et comme elles n'ont en particulier
rien plus à coeur , que de voir perpétuer la tranquillité
& la profpérité de l'Allemagne , & qu'elles ,
'envifagent cet objet comme undes plus principaux ,
de leur union , les deux hautes parties contrac→
promettent & s'engagent , mutuellément
, de veiller foigneufement , à maintenir"
la Conftitution Germanique , dans toute fon
intégrité , telle qu'elle a été établie par les Loix
& les Traités . »
tantes ,
ce IX. Elles s'engagent auffi à ne contracter
aucune autre alliance , à l'infu l'une de l'autre
& donneront ordre à leurs Miniftres dans les
Gours Etrangères , de fe communiquer , ami
D S
( 82 )
calement , tout ce qu'il importeroit de parvenir
à la connoiſſance des Puiffances unies . »
« X. Le préfent Traité d'alliance défenfive ,
fera ratifié de part & d'autre , & l'échange des
rat fications le fera dans l'efpace de trois femaines ,
on plutôt , fi faire fe put. »
En foi de quoi , nous fouffignés , munis de
pleins pouvous de Leurs Majeftés Impériale &
Prullienne, avons appofés le cachet de nos armes.
Fait à Berlin , le 7 Février 1792 .
•
On apprend de Bareith qu'un Courier
y a apporté le 16 , l'état des troupes Pruffiennes
qui de la Siléfie fe rendent fur le
Rhin en paffant par cette Principauté. Elles
s'élèvent à dix mille hommes. On doit y
joindre une partie de celles qui font dans
les deux Margraviats d'Anfpach & de Bareith
, & déjà le régiment de Renouart , en
garnifon à Bareith a reçu l'ordre depuis le 8
de ce mois de fe tenir prêt à marcher. Cet
ordre eft conçu en ces termes : « Comme il
pourroit arriver que Sa Majefté feroit obligée
de faire marcher un corps de troupes.
contre l'Affemblée nationale de France ,
ce régiment doit fe tenir prêt à marcher
le 30 de ce mois , fi l'ordre pour le départ
cft apporté la veille . »
De Ratisbonne , le 24 Mai.
La Diète s'eft conftituée en activité fous,
l'autorité des Vicaires de l'Empire , qui font
les Electeurs Palatin & de Saxe; il paroît
( 83 )
cependant que cette démarche éprouve
quelqu'oppofition de la part de quelques
Miniftres , ce qui donne lieu de penfer
que le commiffaire principal , prorogera
Tes Séances jufqu'après l'élection de l'Em .
pereur. Ce Commiffaire eft le Prince-Evêque
de Ratisbonne.
L'affociation des Cercles antérieurs de
l'Empire pour le maintien de leurs droits
& autorités , vient d'être renouvelléé ; le
Cercle de Souabe invité à y accéder a pris
le 19 Avril dernier l'arrêté fuivant , porté à
la dictature de la Diète.
1. Décidé qu'on répondroit aux deux Cours
de Hongrie & de Pruffe , qu'on étoit difpofé ,
dans le temps à fe prêter à une affociation avec
les Cercles du Haut -Rhin & Electoral , & par
la fuite ayce ceux de Franconie & de Bavière , mais
uniquement pour la confervation de la tranquillité
intérieure , & pour s'aider l'un & l'autre
en cas de befoin , contre leurs mouvemens extérieurs
& intérieurs , cependant fans préjudice
de toutes les refolutions que le St. Empire ca
corps pourroit prendre pour la tranquillité de
l'Empire ; 2 ° . décidé de mettre le militaire fur
Je pied de guerre ( à-peu-près quatorze mille
hommes ) ; 3 ° . décidé de mettre 600 hommes
de garniton à Offenbourg , defquels 300 ref,
teront dans ladite ville , so détachés à Kehl
& 150 à Gigenbach ; 4° . laiffer à la prudence
du Directoire & du Duc de Vurtemberg , de
ftatuer fur ce que les circonftances pourroient
exiger à l'égard de ce détachement,
D 6
( 84 )
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 19 Mai.
Les tentatives multipliées pour exciter le
peuple à la révolte & renverfer la forme du
Gouvernement fous le prétexte de le régénérer
, ont enfin décidé le miniſtère à oppofer
des mesures de vigueur aux menées des
perturbateurs de l'ordre public ; & la proclamation
fuivante a été rendue le 21 , &
publiée le 22 de ce mois.
« DE PAR L. E RO 1. Plufieurs écrits
féditieux & incendiaires
ayant été imprimés , pubiés & répandus , adroitement , pour exciter
des tumultes & des défordres , en s'efforç.nt de
faire naître des foupçons & des mécontentemens
dans l'efprit de nos fidèles Sujets , à l'égard des Loix & de l'heureufe Conftitution
du Gouvernement
civil & religieux établi dans le royaume ; & en travaillant à avilir & à faire méprifer les
inftitutions fages & falutaires , fondées à l'époque
de la glorieufe, Révolution , & depuis
fortifiées & affermies par les Loix ſubféquentes
, pour la fauve-garde & le maintien des droits &
franchifes de nos amés & fidèles Sujets ; & comme
différens écrits ont été auffi imprimés , publiés & diftribués avec adreffe , recommandons
lefdites
malicieufes & coupables publications
à l'attention. de tous nos fidèles & chers Sujets , & d'autant que
nous fommes auffi fondés à croire qu'il s'eft établi
des correfpondances
avec plufieurs perfonnes dans les pays Etrangers , dans l'intention de faire
réuffir les criminels & perfides projets ci- deffus mentionnés , & comme la richeffe , le bonheur
& la profpérité de ce Royaume dépendent prin(
85 )
-
cipalement , fous la protection de la providence
divine , d'une foumiffion légitime aux Loix)
d'une jufte confiance dans l'intégrité & la fageffe
du Parlement , & d'une continuation de cet attachement
fans bornes au Gouvernement & à
la Conftitution du Royaume , qui a toujours d.ftingué
fes habitans ; n'y ayant rien d'ailleurs que
nous defirions fi ardemment que d'affuter la paix
& la profpérité publique , & de garantir à nos
chers Sujets la pleine jouiffance de leurs droits &
franchifes , fous les rapports religieux & civils :
nous étant donc déterminés a réprimer autant
qu'il eft en nous ces machinations perverfes &
féditieufes , & à détourner toutes perfonnes de
fuivre un exemple auffi dangereux , avons jugé
à propos , par l'avis de notre Confeil privé
de publier cette proclamation Royale afin qu'elle
ferve d'avertiffement folemnel à tous nos chers
Sujers , pour ' eur propre bor hour & celui de leur
poftérité , de fe garder de toutes ces tentatives ,
dont le but eft vifiblement de renve: fr tout Gouvernement
régulier dans ce Royaume , & qui font
incompatibles avec la paix & l'ordre de la fociété ,
& pour les exhorter vivement dans tous les temps,
& de tout leur pouvoir , à éviter & à décourager
toutes déma: ches tendantes à produire des émeutes
& des troubles ; & nous enjoignons ftrictement
& ordonnons à tous nos Magiftrats dans toute
l'étendue de notre Royaume de la Grande - Bre
tagne , de faire des . enquêtes & informations
diligentes pour arriver à la découverte des Auteurs
& imprimeurs des ces écrits pervers & féditieux
, ainfi que de toutes autres perfonnes
qui répandront lefdits écrits , & de plus nous
enjoignons & ordonnons à tous nos Sherifs &
juges de Paix , Magiftrats principaux dans nos
( 86 )
bourgs , villes & corporations , & à tous nos
autres Officiers & Magiftrats dans notre Royaume
de la Grande - Bretagne , de prendre dans leur
différentes & refpectives ftations les mesures les
plus promptes & les plus efficaces pour prévenir
& réprimer toute émeute , tous tumulres &
défordres que pourroient effayer de fufciter certaines
perfonnes ; lefquels tumultes , quelque
prétexte qu'on veuille leur donner , vont nonfeulement
contre les Loix ; mais même nuiſent
aux intérêts les plus importans de ce Royaume .
Et nous enjoignons de plus & ordonnons à
chacun de nos Magiftrats ci - deffus mentionnés
de faire paffer de temps à autre à un de nos
principaux Secrétaires d'Etat des renseignemens
complets fur le compte de telles ou telles perfonnes
, qui feront trouvées coupables des délits
ci - deffus énoncés , ou qui aideront ,
quelque manière que ce foit , les coupables ;
étant fermement décidés pour la paix & le bonheur
de nos fidèles & chers Sujets , à faire éxécuter
à la rigueur les Loix contre lesdits coupables
. "
› en
« Donné à notre Cour , au Palais de la Reine ,
le 21. jour de Mai 1792 , dans la 32º , année
de notre règne. သ
Cette proclamation a été l'objet d'une
difcuffion longue & agitée dans la Chambre
des Communes le 26. Il étoit queſtion de
décider fi l'on préfenteroit au Roi une
adreffe de remercîment pour cet acte de
l'autorité royale néceffaire au maintien de
l'ordre public. Le parti de l'oppofition , en
cela vraiment oppofé aux intérêts du peu
( 87 )
ple , a fait quelques efforts pour empêcher
que l'adreffe pafsât ; mais le parti Miniftériel
, fur le banc duquel s'eft rangé depuis
quelque temps le fameux Burke &
d'autres orateurs diftingués , appuyé fur des
raifons folides de liberté & de paix publique
, a décidé la Chambre à cette démarche
utile & conftitutionnelle ; & l'adreffe a
été votée à une grande majorité.
Le 23 , le confeil de la ville de Londres ,
qui repréſente cette grande cité, a également
voté une adreffe de remercîmens à Sa Majefté
pour la proclamation , qu'il regarde
comme une marque de l'attention éclairée
du Roi à préferver la conftitution des atteintes
qu'on veut y porter.
A ces moyens de répreffion contre les
propagateurs des principes de révolte & de
violence , le Gouvernement en réunit d'autres
plus efficaces encore ; on va former dans
cette intention un camp à Bagshot , village
fitué à environ 15 milles de Londres . Il fera
compofé de 5,000 hommes d'infanterie , de
deux efcadrons de dragons légers & de deux
bataillons d'artilleurs . Il fera fous les ordres
du Duc d' Yorck ; on croit que le Roi s'y
rendra pour le paffer en revue dans le mois
de Juillet , époque où il fera formé.
Il y a eu plufieurs émeutes depuis quelque
temps en différentes villes , fur tout
àBirmingham , où les féditieux ont démoli
5 ou 6 maifons ; on en attribue la cauſe à
( 88 )
une rixe dans laquelle un cavalier du régiment
d'Oxford a été tué dans un lieu
de débanche ; dix ou douze des plus mutins
ont été arrêtés . A Nottingham la cherté
des denrées a donné lieu également à des
attroupemens qu'on a heureufement diffipés,
ainfi qu'a Norwich , fans qu'il y ait eu perfonne
de tué.
Le Roi a retiré les fceaux au Lord
Thurlow , Grand Chancelier d'Angleterre ,
le 18 de ce mois . On croit affez généralement
que les principes du Lord Thurlow
étoient en oppofition avec ceux de M. Pitt ,
& quecette divifion ne pouvoit qu'affoiblir
le Ministère qui a befoin d'une grande union
dans ce moment. Le Lord George Bridge
Rodney , Amiral de l'efcadre blanche , &
Vice Airal d'Angleterre , eft mort le 24
dans fa 74 année. Son fils George , à préfent
Lord Rodney , fuccède à fes titres & à
fes biens.
-
Voici la réponse que le Lord Grenville
a faite , le 24 , à la note officielle qui lui a
été remife par M. Chauvelin , & que nous
avons rapportée dans le dernier n° . Nous
ferons connoître dans le fuivant une proclamation
de Sa Majeſté du 25 qui annonce
une neutralité temporaire de la part de la
Grande- Bretagne dans la guerre qui vient
d'éclater entre la France & la Cour deVienne.
Le Souffigné , Secrétaire du Roi , a eu l'hon,
( 89 )
neur de mettre fous les yeux de Sa Majefté la
note officielle que M. Chauvelin lui a remife le
15 de ce mois , il a l'ordre de témoigner à ce Miniftre
combien Sa Majesté est toujours fe fible
aux preuves d'amitié & de confiance qu'elle reçoit
de la part de Sa Majefté très -chrétienne , &
avec combien de fincérité elle y tépond par des
fentimens parfaitement réciproques.……. Sa Majeſté
n'a pu apprendre qu'avec le regret le plus profond
la nouvelle de la guerre qui a malheureufement
éclaté entre Sa Majefté le Roi très - chrétien
& Sa Majesté le Roi de Hongrie & de Bohême ;
ce fentiment lui eft également dicté par l'amour
de l'humanité, par l'intérêt qu'elle prend au maintien
de la tranquilité de l'Europe , & par les voeux
qu'elle fait toujours pour le bonheur perfonnel de
leurs Majeftés très - chrétiennes & apoftoliques
& pour la profpérité de leurs Etats . Dans les circonftances
actuelles , elle croit devoir s'abftenir
d'entrer dans la difcuffion des motifs & des démarches
de part & d'autre qui ont amené une
rupture fi afflgeante pour un Souverain voifin &
ami des deux Parties Belligérantes . En le bornant
donc à examiner les voeux qu'elle ne ceffera de
former pour le rétabl flement prompt & permanent
de la paix , elle n'héfite cependant pas de donner
à Sa Majesté très - chrétienne l'affurance directe &
pofitive de fon empreffement à remplir de la manière
la plus exacte les ftipulations du traité de
navigation & de commerce dont Sa Majesté trèschrétienne
demande l'exécution . Fidèle à tous les
engagemens , Sa Majefté apportera le plus grand
foin au maintien de la bonne intelligence qui fubfifte
fi heureusement entre elle & Sa Majellé trèschrétienne
, s'attendant avec confiance qu'animée
des mêmes fentimens , Sa Majefté très - chrétienne
4
+
.
( 90 )
ne manquera pas de contribuer au même but ,
en faifant refpecter de fa part les droits de Sa Majefté
& de fes Alliés , en défendant rigoureuſement
toute démarche qui pourroit troubler cette
amitié que Sa Majesté à toujours défiré de con.
folider & de perpétuer pour le bonheur des deux
Empires.
Signé , GRENVILLE .
PAY S - B A S.
De Bruxelles , le 25 Mai 1792.
Les Magiftrats de la ville de Mons ont
adreffé au Général de Beaulieu une lettre
pleine de fentimens de reconnoiffance pour
le fuccès avec lequel le général a diffipé l'armée
Françoife & Quiévrain le mois dernier.
» Nous ne manquerons pas , difent- ils ,
de faire paffer à la poftérité la plus reculée ,
que vous avez fauvé notre ville du pillage ,
de l'incendie & du maffacre auxquels elle
devoit néceffairement être livrée le 30 du
mois dernier par des ennemis deftructeurs
de la Religion & de toute organifation fociale
; & que cette victoire a préfervé en
même temps les Pays - Bas de leur deftruc
tion totale. Nous n'avons pu voir qu'en
frémiffant conduire en triomphe , dans
notre capitale , les forges , les fourneaux ,
les grils deftinés à rougir les boulets qui
avoient été pris par nos généreux défen(
91 )
feurs , fur des ennemis fe difant philofophes
, & qui nous ont laiffé après leur
fuite honteufe , la preuve la plus évidente
des horreurs & des calamités qu'ils nous
deftinoient, & dont ils ont fait éprouver une
partie aux infortunés Habitans deQuiévrain
& de Bouffu. » Signé les Magiftrats de la
ville de Mons.
La Gazette du Gouvernement vient de
publier le bulletin officiel de ce qui s'eft
paffé entre un détachement de l'armée
Françoife , aux ordres du Général la Fayette,
& celui commandé par le Comte Sztaray,
Le voici ;
« Le corps détaché de l'armée de M. de la
Fayette, & commandé par M. de Gouvion , ayant
quitté la poſition qu'il avoit gardée pendant quelque
temps près la rive gauche de la Meufe , pour
fe porter du côté de Florenne , M. le Général
Comte de Sztaray , pofté dans les environs de
Charleroi , forma le projet de l'y attaquer avec
vingt Compagnies d'Infanterie & Chaffeurs , &
quatre efcadrons de Cavalerie légère , ce qui fut
exécuté le 23 au matin , avec tant de réfolution &
de bravoure , que malgré la pofition avantageufe
de l'ennemi , foutenu d'un grand feu d'artillerie ,
l'on parvient non- feulement à l'en déloger & à
s'emparer de tout le terrein de fon camp , dont
une partie deviat la proie des vainqueurs , mais
encore à le pouffer jufques dans la fortereffe de
Philippeville , & à lui enlever trois pièces de canon
& l'affut d'une quatrième dans fa retraite.
La défaite de l'ennemi cût vraiſemblablement été
( 92 )
plus complette encore fans le voifinage de Philippeville
, fous le canon de laquelle il a pu fe
rallier , & qui obligea le général Sztaray a artêter
fts progrès . li fe borna en conféquence à refter
encore quelque temps fur le terrein occupé par
fes troupes à la fin du combat , & après avoir
fait ramaffer tous les bleffés , ainfi que les canons
& autres trophées , & avoir fait rafraîchir
les Soldats , il fe mit en marche , tambour battant
, fans être fuivi que de loin par le corps
qu'il avoit attaqué , dont on ne vit avancer
que quelque Cavalerie vers le terrein de leur
ancien camp. La perte que nous avons faite
en cette journée , ne monte qu'à fept ou huit
de tués & une vingtaine de bleffés , celle de
l'ennemi monte à près de deux cents morts
parmi lefquels le Colonel Maubourg & un Chevalier
de St. Louis , dont on ignore le nom . »
441
Le Gouvernement a également publié le
bulletin que voici :
сс« Le 27 , à trois heures du matin , nos troupes
ont attaqué un détachement d'Infanterie Françoife
, placé en avant de Condé , dans le pofte
appelé le Coq. Les François ont été repouffés
julque dans Condé , après avoir eu une trentaine
d'hommes tant fabrés que tués , outre trois
prifonniers. Nous avons eu hait bleffés & un
mort. »
L'Archiduc Charles eft de retour de Vienne .
Le Général d'artillerie , Comte de Clairfayt, étoit
arrivé avant, S. A. R. , auffi de Vienne ; il a déja
pris infpection des campemens de notre armée . :
L'ar eftation de M. Ruelle , Secrétaire de
la Légation Françoife , n'eft point une vio(
93 )
lation du droit des gens , comme on l'avoit
d'abord publié avec affectation . Ce Jacobin
s'étoit permis des difccus & des démarches
qui ne tendoient à rien moins qu'à
répandre parmi nous les maximes de fa
fecte , maximes qui ont fi bien régénéré la
Fiance , qu'après une longue anarchie intérieure
, il lui faut aujourd'hui foutenir une
guerre défaftreufe contre fes voifins . On
apprend , au refte , que la liberté vient de
lui être rendue .
FRANCE.
De Paris , le 6 Juin 1792.
SECONDE ASsembléb naTIONALI.
Du lundi , 28 mai.
M. Lecointre a dit à l'Affemblée : « Meffieurs,
de toute part vous avez été trompés . Jamais
vous n'avez voulu entendre la vérité . Vous aurez
des armes quand vous voudrez .... » & il alu une
lettre emphatique du maire de Saint-Etienne
qui commençoit par Vivre libre ou mourir, &
qui lui promettoit des fufils par milliers . On l'a
renvoyée au comité militaire .
Un membre a énuméré les obftacles qui , jufqu'à
préfent , ont rallenti l'activité de la hautecour.
Obfcurité , incommodité du local , héfitation
de l'Affemblée fur l'organiſation définitive
de se tribunal & fur les moyens d'y mettre la
dernière main en éludant la fanction royale ,
*
2
( 94 )
difficultés relatives au nombre & au délai des récufations
de jurés , incxactitude de leur lifte ,
infuffifance du même commiffaire du Roi pour
le diſtrict d'Orléans & pour la haute-cour ; telles
font les principales caufes de ce retard . Elle a 17
procès à juger. MM. Varnier , Tardy & Noirot
feront les premiers expédiés.
сс
Après un long rapport de M. Tourneur fur
les travaux de Cherbourg , le miniftre de la
guerre a follicité l'armement des communes des
frontières , même maritimes. Le général Cuftines
& toutes les municipalités qui bordent les Alpes,
depuis Huningue jufqu'à Antibe , demandent
qu'on les arme. C'eſt l'affaire , au plus , de
200,000 fufils , fans compter les 30,000 néceffaires
pour remplacer ceux qui ont été enlevés
à Lyon , dans la Vendée & à Lille , & la quantité
qu'il en faut encore pour les volontaires nationaux.
Mais M. Servan y pourvoit en offrant
24 à 30 liv. par fufi . « Pendant la guerre , qui
doit toujours être une calamité publique , a-t-il
dit , nous devons , à l'inftar des Romains , ne
plus nous permettre que l'habit militaire
(bravo ! )... Le moment eft arrivé où la nation
doit fe lever toute entière ( applaudiffemens redoublés
). Il a propofé auffi de former , dans
chaque département , un corps de 1000 hommes
, qui s'engageroient pour un an , s'exerceroient
les dimanches , & recevraient 3 à 4 fous
par jour ; & il a foutenu que ces corps le formeroient
bien plus facilement que ceux d'auxiliaires.
Au refte , M. Servan a repréfenté le
danger de tout compte des forces militaires rendu
ca public , & a très-inftamment prié l'Affemblée
de terminer ce qui regarde les légions , les compagnies
franches , l'envoi de quelques troupes
( 95 )
de Paris à l'armée , les rations de pain , de vian
de , les logemens , &c..
4
M. Duhem a loué le miniftre actuel aux dépens
de M. de Narbonne , inſiſté ſur une nombreufe
fabrication de piques , & l'Aſſemblée a
décrété l'impreffion du difcours de M. Servan ,
& a mis cette matière urgente à l'ordre de tous
les jours .
Le miniftre de la marine a dit que , depuis
deux mois qu'il eft en place , il n'a rien pu faire
entre des dimiffions , un vide affreux , des loix
inexécutables & , pour les modifier , des queftions
qui demeurent indecifes. Les détails qu'il
a produits des incohérences , des abfurdités du
cade maritime que le procureur M. Fermond &
d'autres légiflateurs de cette trempe ont leftement
donné à la France régénérée , ayant cxcité les
applaudiffemens de ceux qui fe flattent d'y remédier
, on a mis le comité de marine à l'ordre
du jour , comme le comité militaire , pour s'oc- ,
cuper d'objets plus férieux.
Franchiffant tous les intermédiaires conftitu-.
tionnels , les municipaux de Neuilly adreffent
directement à l'Affemblée un procès- verbal , portant
qu'une douzaine ou environ de foldats
gardes - Suiffes danfoient , chez un marchand de
vin , avec des cocardes blanches ; qu'on a battu
la générale , fans ordre ; que ces Suiffes ont bleffé
des citoyens en difant que la cocarde blanche
étoit celle de leur Roi & gravée dans leur ame;
que le commandant des calernes de Courbevoye
a cavoyé un fergent pour chercher ces greñadiers
arrêtés , & a promis route fatisfaction ; que
tout eft rentré dans l'ordre. Cette miſérable
fcène de cabaret , ces cocardes qui n'ont peutêtre
paru blanches que parce que les couleurs en
"
896 )
étoient fanées , on: provoqué les exclamations
de M. Lafource , miniftre proteftant , coutre
« des étrangers qui prêchent la révolte aux portes
de la falle des repréfentans du peuple. » Il a
demandé qu'on fit une loi. M. Guadet lui a
prouvé qu'elle étoit faite fous le titre de provocation
à la défobéiflance . Les municipaux parloient
de bleffés , fans nommer perfonne ; M.
Guadet a parlé de meurtre ; a lié le fait aux
projets des confpirateurs anonymes de Paris ; a
dit : »on eft informé qu'un grand nombre de cocardes
blanches s'y préparent ( ce qui peut rappeler
au lecteur le pré ute des maffacres de
Nimes ) . On a mentionné honorablement le zèle
dès municipaux ; & un évènement non moins
extraordinaire , a fixé toute l'attention de l'auditoiré
.
3
Encore un procès-verbal de municipalité ( de
St. Cloud ) . L'adminiſtrateur de la lifte civile ,
M. de Laporte , a fait brûler 52 ballots de papier
dans le four de peinture de la fabrique de porcelaine
de Sèves , appartenante au Roi . Délations
, tranſport , épaiffe fumée , quatre bouches
ardentes le public , difent les honnêtes municipaux
, preffent déjà que c'eſt quelque chofe de
conféquence que l'on a voulu fouftraire à la vue
de nos auguftes légiflateurs ... Le directeur , M.
Regnier, y affiftoit , & un abbé inconnu.
:
Tout cela annonce un délit criminel..... » M.
Merlin foupçonne que ce font les archives du
comité autrichien , comme fi de pretendus confpirateurs
avoient befoin d'archives . Cette ineptie
eft couverte d'éclats de rire & de battemens de
mains , ainfi que Boileau l'avoit prédit.
La perfpicacité de M. Chabot voit dans ces
25 ballots
197
12 ballots de papiers ; dans la plainte en calòme
nie rendue contre lui , MM. Bazire & Merlin;
dans la querelle des foldats vifiblement enivrés
à Neuilly ; dans tout ce qui fe paffe ( & qu'on
ignote ) à Paris , le complot de diffoudre l'Affemblée
nationale ; & fon impartialité demande le
renvoi du tout au comité de furveillance , c'eftà-
dire à lui- même & à MM. Merlin & Batires
MM. Ifnard & Guadet veulent que M. de Laporte
foit mandé à la barre , & M. Guadet affirme
gravement que rien n'intéreſſe plus ce la sûreté
de l'Etat & la confiance dont le Roi a befoin
de s'inveftir . » Un décret mande M. de Laporte à
la barre.
En attendant , on repouffe un projet de M.
Lafond- Ladebat , tendant à créer une place d'ordonnateur
- général des dépenfes particulières du
corps législatif , projet appuyé de M. Cambon ,
qui difoit « Si le pouvoir exécutif a d'autres
prérogatives que hous , nous ne lommes que fes
fubalternes . Arrive M. de Laporte , & le préfidenț
commence l'interrogatoire,
:
Il en résulte que les papiers brûlés étoient en 3
ballots ( & non 52 ) , contenant l'édition entière
des mémoires de Madame de Lamothe , achetés
à M. Gueffier , libraire ; aucun abbé n'a affiſté
au brûlement. On permet à M. de Laporte de fe
retirer . M. Merlin demande que M. Régnier
efoic amené fans communication avec perfonne» ,
& fe fâche contre ceux qui invoquent les principes
quand il s'agit de fauver la chofe publique . »
Un décret mande M. Gueffier fur- le- champ.
CB
Revenu à la charge , M. Chabot s'engage à
prouver qu'ily a 60,000 cocardes blanches commandées
à Paris ; que des officiers fe promènent
fous les portes des Tuileries en criant : au diable:
N°. 23. 9 Juin 1792. E
798 )
La nation que ce des journaux ariftocratiques
voudroient, ravaler jufquès , dans la boue la première
aflemblée de l'univers ; & promet de
lire 182 pièces probantes ; mais feulement le
jour du rapport , pour que les accufés n'imitent
pas M. de Montmorin , qui vient de s'embarquer
à Boulogne - fur - Mer , avec Madame de
Lamballe & M. de Caraman « Nous en avons ,
a- t-il dit , la preuve acquife par la municipalité
de cette ville ; & M. Genfonné a bâri des
phrafes fur le départ certain de M. de Montmorin.
32
Par une gradation bien remarquable , cette
difcuffion nourrie ainfi de vérités toujours plus.
importantes pour le falut de l'Etat , a conduit
M. Bazire à dénoncer la garde conftitutionnelle
du Roi , où il a dit qu'il y a des prêtres réfrac
taires des émigrés , & « pas un feul individu
qui fûr éligible aux termes de la conftitution .
Enfuite , il a parlé d'orgies où l'on boit à la
fanté du Roi , de la Reine , de M. le comte.
d'Artois. M. Lacroix a dit : « L'Aſſemblée eft
fur un volcan ; l'orage eft prêt à crever... Qu'on
entende M. Bagire ce foir , M. Bazire demande
jufqu'au lendemais , pour préſenter un léger tra-
Vail ou lh annonce qu'il ne meura pas de prétention
, n'ayant pas le temps de le rendre auf :
éloquent qu'il le pourroit dans d'autres circonf .
tances. M. Carnot jeune propofe de tenir féance
jour & nuit , & comme à l'époque du départ
du Roi pour Varennes ( grands applaudiffemens ) .
M. Gamond voudroit quà l'imitation des confúls
de Rome, l'Affemblée fit une proclamation ,
bien utile , en ces termes : Citoyens , la répu
blique eft en péril ; prenez les armes , & tenequ
vous fur vos gardes, Ce M. Gamond n'a pas
:
1991
T'air de le douter que les confuls étoient le pou
voir exécutif & avoient feuls des licteurs à Rome ,
& que les citoyens y étoient des privilégiés à
l'égard de la multitude .
L'Affemblée a décrété que les gardes feroient
doublées , que le maire rendroit compte tous les
matins de la fituation de Paris ; & à propos de
foldats ivres qui portent des cocardes blanches ,
fanées ou retournées , de ballots de papier brûlés
dans un four , d'émigrés & de prêties qu'on
prétend faire partie d'une garde conftitutionnelle
dont la totalité re va pas à 1800 hommes , au
milieu de 4 millions de bras armés , l'Aſſemblée
fe voit en danger & déclare que fa féance fera
permanente.
Du lundi , 28 mai , féance permanente , à fept
heures du foir.
M. Mayerne a vainement exigé que l'affertion
de MM. Chabot & Genfonné, relative au prétendu
départ de M. de Montmorin , fût inférée au pros
cès-verbal ; M. d'Averhoult qu'on y rétablit ce
fait omis ; on a réclamé l'ordre du jour . M. Thuriot
a dit qu'il faudroit y configner auffi que
M. d'Averhoult annonçoit depuis mois des
fufils qui n'arrivoient pas de Hollande ; M. Meri
lin , , que M. Dumas avoit répondu fur la tête du
civilme du régiment de Royal- Allemand . Ces exa
cellentes défaites ont amené l'interrogatoire de
M. Gueffier , libraire , ceux de M. Régnier , di
recteur de la manufacture de Sève , de M. Gérard,
entrepreneur & peintre & de deux ouvriers de
cette manufacture interrogés féparément , dont
nous ne ferons ici qu'un feul extrait.
[
Il en eft réfulté les éclairciffemens fuivans . Un
Jibraire ou un imprimeur de Londres a envoyé à
E 2
( 100 )
--
M. Gueffier , à Paris , toute l'édition des Mémoires
de Madamede Lamothe. M. Rifton , défenſeur offi-
\ cieux & muni de pouvoirs de M. de Lamothe a
acheté cet ouvrage pour le fupprimer comme immoral
& dangereux même à l'intérêt bien entendu
de la patrie. Les 30 ballots enveloppés de natte
angloiſe ont été brûlés dans le four à Sève. Nous
croyons devoir nous difpenfer de citer des queftions
puériles minutieufes , & des réponfes cathégoriques
, mais tenant de la fade fimplicité des
demandes , telles que : Quelles font vos occupations
habituelles ? Je fuis libraire... Je
fuis peintre... Je fuis journalier , -Les ballots
étoient-ils entiers ? On les éventroit . -- Quelle
en étoit l'enveloppe ? La première d'écorce de
tilleul . Y travaillez - vous quelquefois ( au four)?
- Oui , M. le Préſident . Que contenoit le
papier ? Parbonheur pour moi je ne fais ni A
ni B, ( exclamation remarquable dans un fiècle de
lumières ) &c... » Ces traits fuffiront pour donner
une idée de ce qu'un membre a ofé comparer aux
procédés d'un tribunal d'inquifition , rapprochement
qui a excité de violentes clameurs à
l'ordre , & qui a fait dire à M. Charlier : « Nous
ne fommes pas ici un tribunal d'inquifition ; mais
un tribunal de vérité ; nous rempliffons les fonctions
juridiques & les plus importantes. « M. Lecointre
auroit defiré qu'on déroulât quelques
eftampes indécentes que M. Regnier avoit fouftraites
aux flammes & offroit de dépofer fur le
bureau ; des murmures ont coupé la parole à
M. Lecointre & M. Regnier a remporté ſes eſtampes
roulées.
110
On a lu 1º . une lettre des adminiſtrateurs de
Longwy , qui annoncent que M. Gaston , commandant
de la place , 17 officiers & 15 foldats
( 101 )
viennent d'émigrer ; que la place eft fans mun
tons , en partie dén a iclée , que beaucoup d'ha
bitans défertent. M. Gaston , le député , a dit
que fon frère lui écrivoit , le 23 : «Je sens que
je n'en puis plus , mais j'irai toujours ... Quand
on s'eft dévoué à une bonne caufe , impavidum
ferient ruina, » --- 2º . Unclettre de M. de Montmorin
confond l'impofture de fon départ de Boulogne
pour l'Angleterre & protefte qu'il n'est
forti & ne fortira de Paris qu'après avoir eu fatisfaction
des calomniateurs ; démenti fuperflu ,
puifque M. Chabot lui - même favoit très - bien
que M. de Montmorin l'avoit dénoncé à Paris
depuis le jour où il le fuppofoit parti.
+
3
Pour obvier au trouble qu'on a tant de peine à
prifuader afin qu'il commence , M. Chiron a
propolé un récenfement , des vifites , le défarmement
de tout homme non infcrit dans la garde
nationale. L'ordre du jour a écarté cette mal-adreffe
contre les protecteurs des piques.
En difant de M. de Montmorin : « J'ignore s '
eft parti & revenu , ´ » M. Chabot a communiqué
la copie d'une lettre des municipaux de Boulogne
qui atteftent que l'ex- miniftre Montmorin eft
parti , le 8 , pour Londres , avec Madame de Lambefc.
(Il avoit dit : Madame de Lamballe. ) Cette
cope lui eft envoyée par M. Pétion , maite de Paris.
On s'eft aufi- tôt retrouvé à l'ordre du jour ; &
Fon a fu que deux fections de Paris vouloient fe
déclarer permanentes . Les orateurs ont reçu les
honneurs de la féance .
Un décret en 22 articles a ordonné la levée de
54 compagnies fianches , de 200 hommes chacure
, y compris les officiers ; de trois légions franches
, une de 18 compagnies d'infanterie légère &
de 8 à cheval , dont les huffards ci devant Saxe &
E 3 .
( 102 )
les cavaliers ci-devant Royal - Allemand formeront
le noyau ; cette légion fera formée par les foins
du général Kellermann ; les deux autres pareilles
feront attachées aux armées de MM. Luckner &
Lafayette. La moitié au moins des places y devront
être réservées à des citoyens brevetés
comme ayant fervi depuis la révolution dans les
troupes de ligne ou dans la garde nationale ; le
refte au choix des généraux , même à des étrangers
. L'engagement fera de s liv . pour le premier
mois & 30 fous pour chaque mois , de fervice en
fus de la folde
Suite de la féance permanente du mardi
29 mai.
?
Organe du comité militaire , M. Couftard a
rapporté que le premier mai une chaife fat
arrêtée en traverfant le camp de Tiercelet. M. de
Riccé , maréchal- de- camp , accourut. C'étoit la
voiture de M. Oberlin , lieutenant - colonel du
premier régiment de huffards qu'entouroiens
1,500 foldats qui le traitoient en émigré quoi
qu'il fût là préfent. Toutes les inftances du général
furent inutiles , ils fe permirent même de
lui faire des reproches fur des ordres qu'il avoit
donnés relativement au fervice , & , malgré lui
ils vifitèrent la voiture. On y trouva du galon de
livrée. A la motion de pendre M. Oberlin fuccé
dèrent des centaines de coups de fufil auxquels il
n'échappa que par la viteffe de fon cheval. M. de
Riccé , ou ré de menaces , attendit M. de Crillon
pour rem tre le commandement. Le comité &
I'Affembiée ont jugé fa conduite irréprochable , &
on a décrété la pou fuite des fauteurs de cette in
furrection , 28 jours après le délit.
( 103 )
M. Pétion eft venu dire , à la barre : ce Paris
eft le rendez-vous de gens fans aveu , de mécon
tens & d'ennemis de la chofe publique ... Il femble
qu'on fe fait le fyftême pernicieux de dépraver
l'opinion... Cet attentat moral doit être réprimé
par vous. Tout anhorçoit une crife violente ....
Vous avez parlé , les citoyens de Paris fe font
tous levés... La garde nationale a montré le zèle
te plus actif. On eft sûr de la trouver dans le
chemin de l'honneur & de la loi……. La maſſe des
c'toyens eft excellente ... Les hommes du 14 juillet
exiftent encore... La nuit a été calme , & rien ne
préfage un jour orageux ... Montrez - vous conftamment
grands , conftamment inflexibles ; gardeż
toujours l'attitude impofante qui vous convient.
Déployez votre caractère , & alors foyez tranquilles...
לכ
Le préfident lui a répondu : «L'Affemblée pren
dra dans la plus férieuſe confidération les détails
que vous venez de lui donner. » On a décrété
l'impreffion des phra'es du maire & la mention
honorable du zèle de la garde nationale .
Un décret a permis aux citoyens de la fection
des gobelins de traverfer la falle . Deux à trois mille
hommes , femmes , enfans , armés de fufils , fabres
, piques , bâtons , faulx , ferpes , &c . ont défilé
au bruit de fix tambours , des applaudiffemen's
& des cris : vive la nation ! ayant pour bannière le
bonnet rouge de la liberté... & ators M. Bazire a
fait fon rapport fur la garde du Roi.
- Après avoir dit que lorfqu'il accufe , fa langue
fe désèche & fon ftyle n'a plus de belles couleurs ,
il a non prouvé , mais affirmé , que la garde du
Roi , peu nombreuſe lorfqu'elle prêta le ferment
s'eft groffie depuis , de gens inaffermentés ; qu'on
en a congédié dés patriotes pour les remplacer pat
E
4
( 104 )
d'anciens gardes- du -corps , des comtes , des valets ,
des féminaristes , des chiffoniftes d'Arles & par « de
ees hommes qui tour-a-tour affaffment ou font
affaffinés . Pouvant , felon lui , fe borner à la
conviction intime de chacun des auditeurs , il a
bien voulu démontrer ce que tout le monde favoit,
& pour le démontrer il s'eft mis à répéter : je déelare...
Ses pièces probantes fe font réduites à des
dénonciations anonymes & à une brochure intitulée
: Bouquet au Roi T. C. Louis XVI , le jour
de fa fête 1791 , « ouvrage qui fut fait , a - t-il dit,
quand le Roi étoit prifonnier, & qui contient la
cenfure la plus amère & la plus aftucieufe des
nouvelles loix . » A l'en croire , chacun des gardes
La trouvé fur fon lit fans favoir qui l'y avoit
dépofé. Il en a fait un crime aux chefs , comme fi
de femblables tours étoient impoffibles aux Jacobins
, mais ces étranges preuves ont été renforcées
, 1 °. d'un commentaire fur la poignée du
fabre des gardes qui eft une tête de coq couronné ,
gallus & rex ; de propos contre la nation atteſtés
fur des oui dire ; de plaifanteries fur les poux aux
urois couleurs , d'imprécations contre le corps refpectable
des fans - culottes; de témoignages de
joie à la nouvelle des éch: cs de Mons & deTournay
auxquels l'Affemblée elle-même femb'e applaudir
tacitement, tant qu'elle protège & careffe l'obferde
miniftre qui les caufa , & qui fe vanta de n'avoir
compré que fus l'infurrection des Belges , & non
fur une attaque regulière & loyale des fantés
de M. de Condé , de M. d'Artois , de M. de Lambefe
; des mots Prince Royal échappés à un garde
que les camarades vouloient étrangler pour lui
apprendre à dire Dauphin ; de l'affertion que le
Roi feroit parti le jour de la faturnale des galé-
Liens de Châteauvieux , que l'orateur a la civique
( 105 )
bonne-foi d'appeller la fête de la liberté , fi les
relais n'cuflent manqué... Tel a été l'échaffaudage
de fa miférable dénonciation .
Selon lui , il ne refte d'honnêtes citoyens dans
cette garde que ceux qui s'y couvrent du maſque
de l'ariftocratie pour êt e les délateurs des autres .
Sans avoir produit une ombre d'information légale
, authentique , contradictoirement débattue ,
ni le nom de deux témoins feulement pour un
feul fait , il a dit je vous ai prouvé... Et afin
de préferver le Roi des entreprifes d'une garde
où l'efprit de corps eft de défendre le Roi , de
fervir le Roi , & pour délivrer Paris peuplé de
31000 gardes nationaux & d'autant d'hommes à
piques , du redoutable fléau de cette garde de
1200 fantaffins & de 600 cavaliers , parmi lefquels
M. Bazire en dénonce une vingtaine fur
la foi de dénonciateurs qu'il re nomme pas ; de
cette garde dont il a dit : « ce tes les gardes- ducorps
qui ont caufé le réveil du peuple, & pro
voqué la fameuse journée du 6 octobre ( 1789 ) ,
avoient bien moins abufé de 1. patience des bons
citoyens
" ... İl a cor clu à ce que la garde conftitutionnelle
du Roi demeurât licenciée ( bravo !) ;
à ce que le comité militaire préfentât un mode
d'organifation conforme aux loix ; & que les
Gardes- Suiffes en fillent provifoirement le ferviceconjointement
avec lagarde nationale ( grands
applaudillemens ).
On a demandé la lecture des pièces ; mais des
invalides font venus à point dénoncer que leurs
commandans avoient donné hier la configne d'ouvrir
les portes de l'hôtel à toute troupe armée
qui le préfenteroit pendant la nuit , foit de la
garde nationale , foit de la garde du Roi « qui
ne pourroit le préfentes fans trahison , ( même
E
S
( 106 )
1
1
Pour la sûreté ! ) "; & après avoir honteufement
dénoncé leurs chefs , ils ont protefté qu'ils crieront
toujours vive la nation ! vive la loi ! vivè
le Roi ! & aufli : vivre libres ou mourir ( bravo ! )
L'affemblée leur témoigne fa fatisfaction , les
invite aux honneurs de la féance , & pande les
chefs.
La lecture des pièces ayant été trouvée trop
Tongue , on l'a interrompue pour ouvrir la difcuf
fion que le peu de membres a fait ajourner à
7 heures. Nous en rapporterons le commencement
avec la fuite en réfumant le tout.
Suite de la féance permanente , du mardi 29 mai
au foir.
Mandé à la barre , M. de Sombreuil , lieute
nant- général , commandant des invalides , a fubi
úa interrogatoire dont voici la fubftance. Il
apprit hier qu'il y avoit du trouble à Paris ; la
veille , on avoit volé les vafes facrés de la chapelle
de l'hôtel & jetté les hofties . Craignant de
nouveaux defordres , il donna , de fon propre
mouvement , la configne d'offiir azyle à tous
ceux qui le réclameroient , tant gardes nationaux
que gardes du Roi ; de laiffer entrer toute troupe
qui fe préfenteroit en armes , parce qu'il ne
voyoit aucun moyen de réfifter à une attaque ,
& pour éviter l'effufion du fang. Dans fon récit
il a gémi du relâchement de la difcipline , qui
étoit caufe qu'on avoit volé fes vafes facrés
dans fa facriftie , comme un dépofitaire fidèle &
fenfible peut dire mon trifor , mon coffre , més
clefs . Jouant impitoyablement fur le mot , au
rifque de livrer aux fureurs de la multitude un
vicillard en qui foixante ans de fervice ſemblaient
( 107 )
excufer des expreffions inexactes , mais cordiales ,
dans une langue qui n'eft pas la fienne ; M.
Rouyer , que s'avoit pas ému la profanation de
ce que la religion a de plus facté , s'eft écrié :
« Je ne puis entendre blafphémer la nation que
je n'en fois indigné . Depuis une heure , M.
Sombreuil répond : ma facriftie , mes vafes facrés....
Ils appartiennent à la nation . » Les galeries
ont applaudi à ce cruel civilme ; mais
plufieurs membres l'ont rappellé à l'ordre . M. de
* Sombreuil retiré , on a interrogé M. Rifton ,
acquéreur des 30 ballots de papier , qui a confirmé
les dépofitions précédentes , & la diſcuffien
s'eft engagée fur la garde du Roi.
Déjà M. Couthon avoit invité J'Afemblée à
déployer un grand caractère , à prendre l'attitude
impolante , & c. en difant « tout l'empire eft
couvert de confpirateurs , ce qui faifoit à tort
de la confpiration une vraie loi , la volonté générale
; & il avoit ajouté « le centre de ces
confpirateurs eft , nous le favons tous , au château
des Tuileries » ; pour conclure , au bruit
des applaudiffemens , qu'il falloit « purger le
voifinage de la falle nationale de cette troupe
de brigands qui confpite contre la patrie » , &
licencier la garde du Roi , par une meſure de
police , afin d'éluder le fatal veto ....
M. Carnot jeune avoit douté que l'Affemblée
eût le droit de licencier la garde conftitutionnelle
du Roi , fubftitué la fufpenfion au licenciement
, demandé une députation de 60 membres
au Roi , que les accufés fuffent entendus
& M. de Briffac mandé ...... « C'eft à Orléans
qu'il faut le mander , s'étoit écrié le miniftre
proteftant M. Lafource . On avoit hué M. Durnás
qne foutehoit que l'Affemblée ne pouvoit i
E 6
( 108 )
*
fufpendre ni licencier la garde du Roi , & qu'il
falloit ne punir que les individus coupables. M.
Lafource ne la licencioit pas , mais la déclaroit
nulle ; M. Lacroix tiroit le droit de la licer cier
de la conftitution qui ne le défend pas ; il adoptoit
deux conftitutions une pofitive & une négative,
Après avoir réfuté M. Lacroix , M. Ramond
inffté fur l'injuftice du licenciement qui pupiroit
les innocens ( murmures ) ; a cité l'exemple
du procédé contraire de l'Affemblée à l'égard des
régimens réintégrés dès qu'ils ont livré les traitres
, les affaffins de la déroute de Tournay. Il
vouloit prévenir le Roi , pourfuivre les violateurs
de la loi , des preuves , un rapport , des décrets
rendus en connoiffance de caufe.
M.. Guadet prenoit la parole , M. Froudière
l'a prié de parler plus en log cien qu'en décla
mateur; ces mots ont excité un long orage.
Les
membres & les galeries crioient en chorus : à
T'abbaye. M. Lafource invite M. Guadet à couvrir
de mépris cette profonde indécence » ; &
M. Jean de Bry provoquoit l'Affemblée à punir
cet excès d'audace ………….. Oui , oui , ont crié les
galeries . « Si en me rappellant à l'ordre , on
pouvoit le rétablir dans les 83 départemens , a
repris M. Froudière... » Après un long vacarme
& trois décrets , M. Froudière a été condamné
à fe rendre à Fabbaye pour trois jours.
Libre de pérorer à fon aife , M. Guadet a redit
tout ce qu'on favoit , foutenu que le licenctement
n'étant ni un acte du pouvoir exécutif, ni
un acte du pouvoir judiciaire , il étoit réfervé au
pouvoir législatif. Il ne manquoit que de prou
ver que le licenciement étoit l'unique mefure
poffible & juftes mais on n'y regarde pas de fi
1
((-1094 )
près le licenciement détruita l'efprit de corps
qui eft un efprit de révolte . Un rapport n'ajou
teroit pás un rayon aux lumières de M. Guadet .
Licenciez le corps , accufez les chefs ; le Roi
fanctionnerace il fait tout ce que l'intérêt
blic lui commande . »
ל כ
pu-
M. de Girardin eft convenu de l'existence
d'une vafte conſpiration , du projet d'avilir &
diffoudre Affemb é ; mais il a vu qu'on cherchoit
à exciter la révolte contre un autre pouvoir
forti de la même fource , de la fouveraineté du
peuples que fi d'un côté l'on prêche l'affaffinat
contre l'Affemblée , de l'autre on prêche impu
nément le régicide , on excite le peuple à fe
porter au château . Selon lui , l'intérêt de ces
deux factions eft le même ; c'eft de faire partir
le Roi , « l'une pour le placer à fa tête , l'autre
pour le mettre fous fes pieds... Ayant donné
carrière à la vénération conftitutionnelle pour la
perfonne facrée du Roi des François , qu'il a fouvent
traité d'individu , de l'homme , &c. , l'élève de
J. J. Roufféau a établi que les François n'écou
teroient pas une poignée d'intrigans qui cherchent
à troubler l'Empire , que l'Affemb'ée s'attacherojt
à la conftitution qui donne une garde au Roi ,
que le licenciement le laifferoit fans garde , violeroit
la conftitution folemnellement jurée , que
Je prétendu droit de licencier & de recréer cette
garde n'auroit aucun terme , qu'on fe retraceroit
Fépoque où la garde de Charles I fut licenciée ,
& que « ce rapprochement feroit extrêmement
facheur. Il propoſoit un meflage au Roi . Nous
ranonçons à donner une idée du tumulte indéfiniffable
, affreux , qui a fouvent interrompu M.
de Girardin , applaudi des galeries tant qu'il a
parlé de l'homme , de l'individu qui ſeroit aufli
•
20
( 110 )
bien à Coblentz . M. Cambon qui lui a fuccédé,
s'eft maintenu à la hauteur de MM. Chabot',
Bazire , &c.n
Le licenciement a paru à M. d'Averhoult ne
pouvoir être prononcé ni par le Roi , ni par
Affemblée , & il a dit que fi chaque parti obtenoit
, dictoit des décrets d'accufation , ce feroit
renouveller les profcriptions de Marius & de
Sylla . Si 24 millions d'hommes armés rafluroient
M. Larivière contre 1800 gardes du Roi , il redoutoit
ceux- ci non comme moſſe armée , mais comme
corps ; & ces raifonnemens ont trouvé des mains
pour les applaudir . M. Dalmas d'Aubenas a parlé
le langage du bon fens & de la juſtice , demandé
des informations , des preuves , la punition dés
feuls coupables. Mais M. Vergniaud a differté
fur les factieux qui ne plaignent que le Roi , ne
nomment que le Roi ( bravo ! ) ; il a compaté
1800 gardes aux gardes Prétoriennes , aux Ja-
-nilaires ; ' il a per fé qu'un décret fanctionné
librement comme tous les autres , pouvoit tout ;
& que l'Affemblée ayant eu le droit d'empêcher
la garde Roi de venir à l'existence , avoit celui
de lui ôter l'existence ( bravo ! ) , & a ſubſtitâé
renouvellement à licenciement. M. Ramond à dit
qu'on avoit aufli peu le droit de licencier la garde
du Roi que de renvoyer fa cuifine ou le miniftère
, fous le prétexte d'efprit de corps. Sur la
rédaction de M. Guadet , l'Affemblée a décrété
d'urgence ce qui fuit :
« Art. 1. La garde foldée actuelle du Roi eft
licenciée , & fera fans délar renouvelée conformément
aux loix . 591510. *
11. Jufqu'à la formation de la nouvelle garde
du Roi , la garde nationale de Paris fera le fervice
auprès de fa perfonne , ainfi & de la même
manière qu'il fe faifoit avant l'établiffement de
la garde du Roi. »
On paffe à M. de Briffac. M. Becquey obſerve
qu'il n'y a ni rapport , ne plainte , ni preuves3
que M. Bazire eft le feul qui ait lu les pièces;
que ce membre a dénoncé M. Varnier fur des
lettres dont les fignatures ont été démontrées
fauffes & M. Varnier eft en prifon depuis fi
long- temps ! ) ; que le départ de M. de Montmorin
s'eft trouvé une fauffe nouvelle ; qu'on a
reçu des dénonciations de mécontens expulfés de
la gardes que rien ne confirme l'admiffion alléguée
de fujets inéligibles ; qu'il n'y a que des
Préfomptions vagues , des propos. Il a défié M.
Bazire de produire les moindres preuves. Les
pièces lui ont paru fufpectes comme fournies
par des anonymes ou fignées de noms inconnus
M. Bazire lui- même ; & il invoquoit la préalable.
L'ex- capucin M. Chabot a répondu que ces
obfervations étoient toutes fauffes & les preuves
excellentes ; a pris à témoin la députation de
l'Aveyron qui n'a rien dit ; a fini par remarquer
que fi les pièces étoient ignorées de cinq
des douze membres du comité , cela venoit de
ce que la confiance ( des dénonciateurs ) ne fe
commandoit pas . M. Calvet a traité ces déla
teurs anonymes de canaille , de gredins.... Tu
multe horrible. A l'ordre... à l'abbaye ... justice...
on veut décourager les bons citoyens qui dénon
cent... « Lors de la lecture des pièces , a repris
M. Calvet , j'ai toujours entendu hire MM.
tels & tels en blanc. » Eclats de rire , à l'ordre
à l'abbaye... M. Lacroix l'accufe d'être un exprivilégié
, veut qu'il faffe une réparation éclab
tante au peuple. M. Boulanger croit bonnement
( 112 )
que c'eft une fédition dans la falle. « Je fais du
peuple , réplique M. Calvet ; un délateur anonyme
eft un gredin . Ce n'eft point infulter le
peuple que de le dire, Caron le nomma en dé,
nonçant des confpirateurs. Ces lâches délations
nous ramèneroient aux temps des Tibère & des
Séjan, à ces temps que vous me rappellez fouvent
; je vous parle avec franchiſe .... » Le vaearme
a été au comble. « Jamais outrage ne fut
auffi grave , s'eft écrié M. Guadet. » M. Dumas
demande la parole pour l'acculé. M. Saladin
Jui impute de vouloir faire croire que l'Affembléc
eft compofée de Séjan & de Tibère . « Qu'on
chaffe tous les contre - révolutionnaires , répète
M. Merlin. ». On décrète que M. Calvet ne
fera pas entendu , & qu'il ira pour trois jours
à l'abbaye.
сс
M. Chabot fe vante humblement tout haut
que M. de Jaucourt vient de le menacer de cent
coups de bâton , & il proteste qu'il ne craint ni
bâtons , ni épées . M. de Jaucourt répond n'avoir
tenu cette converſation confidentielle qu'a l'homme
& non au légiflateur . L'Affemblée paffe à l'ordre
du jour , & M. Chabot , qui s'y trouve , affirme
, fur fon honneur , que les dénonciateurs de
M. de Briffac font des gens recommandables par
Jeur patriotisme , & obferve que fi M. Bazire
n'a pas conclu à l'acculation , c'étoit parceque
M. Bagire favoit que d'autres membres la voroient
( Locke avoit raifon d'établir qu'en tour
al falloit s'entendre ) ..... Enfin l'Affemblée décrète
M. de Briffac d'accufation , & ajourne la
même féance au lendemain, au lieu de la ievers
ce qui cût été bien différent pour le falut de
l'Etat,
( 113 )
Suite de la féance permanente , du mercredi
30 mui.
a con- Un décret d'urgence , en 17 articles ,
firmé , déterminé , organifé les foldes , demifoldes
& fecours payables aux invalides de la
marine , aux veuves , aux ouvriers des ports &
arfenaux & à leurs enfans . Nous reviendrons
ailleurs à divers objets dont on a décrété l'impreffion
& l'ajournement .
M. deKerfaint a lu' un long difcours fur l'abolition
de la courſe ou des corfaires , & l'Aſſemblée
a difcuté le projet du comité portant , ' rº . qu'il
ne fera plus délivré de lettres de marque ; 20%
qu'aucun vaiffeau de commerce ni même de
l'Etat ne pourra s'emparer d'un vaiffeau de commerce
, à moins qu'il n'y foit contraint par l'agref
fion ; 3 ° . que les corfaires pris feront interrogés
par l'accufateur public , & que s'il s'y trouve
des François , ils feront punis de mort ; 4° . qué
les pertes & dommages , du fait de cortaires
formeront la matière de réclanjations en indemnités
préalables à toute négociation pour la paix ;
5°. Que le Roi fera invité à négocier la fuppreffion
générale des corfaires . It cût été
difficile d'imaginer un projet de loi plus roma
nefque dans les moyens , & plus abfurde dans
fa rédaction .
M. Lafource a tâché de concilier le principe de
ne pas faire la guerre aux particulièrs , & la prise
des vaifleaux marchands de l'ennemi. Il adoptoit
le premier article , & renvoyoit les détails après le
fuccès des ambaffades . M. Rouyer a foutenu que
les corfaires étoient fort utiles , & qu'il falloit
conferver les anciennes loix , attendu que les Rois
ne font pas d'aufli grands philofophes que ceux
114 )
qui ont fait rotre fublime conftitution . » --- M.
Arena ne vouloit abfolument qu'une guerre pros
tectrice , bienfaifante , amicale , fraternelle , « en
un mot , difoit - il du plus beau férieux , un genre
de guerre tout nouveau qui puiffe nous attirer
Peftime , l'amitié & la reconnoiffance de tous les
hommes , & nous faire refpecter de tous les trônes
de l'univers . Plus fin , M. Gougé s'emparoit,
au paffage , de tous les tréfors qui alloient dans
les ports enrichir l'ennemi & payer des bataillons,
& voyoit la courſe peupler la marine de Duquesne,
de Jean- Bart , de Dugué Trouin , &c.
I Après beaucoup de difcuffions femblables ;
l'Affemblée a décrété que le Roi feroit prié de nés
gocier, le refte demeurant ajourné .
La difcuffion avoit été ia'errompue par la lec
ture d'une lettre de M. Pétion , portant : « Toutes
les ames ont fraternifé ... l'air a retenti de cris
d'allégreffe & de cet air fameux (ça ira ) qui rés
jouit les bons citoyens & fait trembler les méchans;
Tout nous a retracé la première image de la révolution
... La nuit a été tranquille. »
Suite de la féance permanente , du mercredi foir,
Divers rapports ou projets renvoyés fe repro
duiront. L'auteur du Roman de Faublas , M.
Louvet , admis à la barre , comme orateur de la
fection de Paris dire des Lombards , a dit en
fubftance : « La foudre vient de tomber fur ceux
qui la préparoient contre nous. Plufieurs Catilina
font ou vont à Orléans ... Les hommes du 14
juillet font toujours autour de vous... Mais nous
avions alors une police active & puiffante. Les
magiftrats pouvoient furprendre le confpirateur
jafques dans fon repaire...: La liberté ne peur
être bien défendue , dans ce moment de crife.
( 115 )
que par les mêmes moyens qui , dans des cír
conftances à- peu près femblables , l'ont conquife....
Il vaut mieux prévenir les crimes que d'avoir
les punir ; fur-tout il importe d'empêcher , par
de fages précautions , qu'enfin le jour n'arrive
où nous ferions réduis à l'affreule néceffité de
faire ruiffeler , dans les rues de la capitale , le
fang des rebelles ... Le jour où ils oferoient attaquer
ce temple de liberté , ce jour - là , nous
le jurons par la liberté même , leur race impie
difparoîtroit. Ses conclufions ont été de donner
aux magiftrats du peuple de plusvigoureux moyens
de répreffion & d'autorifer les affemblées des
fections à être permanentes ; ce qui étoit menacer
du carnage pour accréditer de féditieufes
chimères , & demander , au nom de la liberté ,
de violer la liberté. On a décrété l'impreffion du
difcours & le renvoi au comité .
»
Les adminiftrateurs du département de l'Aifne,
follicitent de prompts fecours pour leurs admi
niftrés prêts à manquer de pain , les grains allant
tous ou à Paris ou à l'armée . On les a renvoyés
au comité compétent.
M. Genfonné , dont l'éloquence , la logique
& la politique font trop connues pour qu'on doive
ici tranfcrire vingt pages de fes oraifons , en a
terminé une des plus vides d'idées faines , par
un projet de loi d'occafion en 18 articles qui
déféreroit une dictature abfolue à chacun des cent
milliers d'adminiſtrateurs & magiſtrats qui gou
vernent le royaume , érigeroit le moindre propos
en crime d'Etat & le puniroit philofophiquement
d'une année de cachot au gré d'autant de fou
verains & de leurs délateurs irrefponfables. L'Al
femblée a fixé l'ajournement de la difcuffion du
( 116 )
projet à 4 jours après la diftribution , Nous rẻ-
famerons les 18 articles lors de la diſcuſſion .
Un décret d'urgence a ftatué que les officiers
de tous grades des ci -devant grenadiers royaux ,
régimens provinciaux & bataillons de garnifons ,
jouiront des avantages accordés aux officiers des
troupes de ligne réformés..
Suite de la féance permanente , du jeudi 31 maí.
Après quelques dons proclamés , deux citoyens
d'Arles , admis à la barre , ont dénoncé , au
nom de 110 propriétaires , des vexations exercées
fous l'autorifation des fieurs Rebeequi &
Bertin , commiffaires du département , propriétés
violécs , maifons pillées & détruites , des grains
volés pour 100,000 livres . On a renvoyé leur
plainte au comité.
M. Emméry
a communiqué
à l'Aſſemblée
une
déclaration
du Roi de Hongrie
& des gouverneurs
des Pays-Bas , qui permet
, par provifion
,
tout ravire François non armé & n'ayant à bord
aucune munition de guerre , d'arriver dans le
port d'Oftende & d'en fortit en sûreté , tant que
ladite permiflion ne fera pas révoquée publiquement
& que la France en agira réciproquement
à l'égard des navires marchands Autrichiens .
Le mairé de Paris écrit : « la journée d'hier
donnoit quelque inquiétude ; on craignoit que
l'exécution du décret contre la garde du Roi ne
fut pas paifible : mais les précautions de prudence
, qui ont été prifes , ont affuré à la loi le
refpect qui lui eft dû. » La vérité du fait eft qu'il
n'y avoit aucune appréhenfion fondée d'oppofi
tion quelconque. M. Pétion ajoute que , la veille ,
il y a eu un peu de mouvement à l'occafion de
117 )
la cherté du pain , mais qu'il a fuffi d'inftruire
le peuple de fon devoir par des affiches. Cette
importante correfpondance a été applaudie.
M. Dumourier a lu la note officielle remife ,
le 15 mai , au Lord Grenville par M. Chauvelin
, & la réponse du Lord Grenville au nom
du Roi d'Angleterre. S. M. Britannique y témoigne
combien elle eft fenfible aux preuves
d'amitié & de confiance qu'elle reçoit de la part
de S. M. T. C. & avec combien de fincérité
elle y répond par des fentimens réciproques ; fon
profond regret de la déclaration de guerre faite
au Roi de Hongrie , dicté par les voeux qu'elle
fait toujours pour le bonheur perfonnel de Leurs
M. T. C. & A. , & pour la profpérité de leurs
Etats s'abftient de toute difcuffion de motifs
dans les circonftances actuelles ; affure S. M. T. C.
de fon empreffement à remplir le traité ( affez
avantageux ) de commerce & de navigation , à
maintenir la meilleure intelligence << entre elle
& SM. T. C. » & s'attend que S. M. T. C
fera refpecter les droits de S, M. B. & de fes
alliés,
Le même miniftre a lu une proclamation du
25 mai , ou le Roi d'Angleterre défend à fes
fujets de prendre aucune lettre de marque « contre
quelque Prince ou Etat que ce loit , à préfent
ami de S. M. ou contre leurs fujets ... d'accepter
aucune commiffion pour armer ou pour exercer
for mer , le corfairage , ainfi qu'aucune lettre de
repréfaille de tout Prince quelconque ennemi du
Roi T. C. , ou de troubler , en quelque manière
que ce foit , les fujets de ladite Majefté. »
Après avoir lu , cette pièce vifiblement obtenue
par le miniftre d'Autriche , autant que par M
Chauvelin & fon confeil d'ambaſſade.
( 118 )
Des rumeurs d'impatience ont fermé la bouche
à M. Lafource qui difoit que l'Angleterre avoit
prévenu l'Aflemblée dans le beau projet d'abolir
la courfe ; & à un autre membre qui a pensé tout
haut que le Roi de Hongrie , agiffant tandis qu'on
diſcouroit , venoit de donner aux légiflateurs du
centre du globe un exemple de philofophie pratique.
Tout ce dont il a été queftion d'ailleurs fe
reproduira aux époques des ajournemens , ainfi
que les inftances de M. Amelot pour hâter la fabrication
des affignats , parce qu'il ne reftoit hier
au foir , que 5,300,000 liv. pour arriver au maximum
des affignats à mettre en circulation , &
que la tréforerie avoit encore à recevoir 23 millions
fur les 56 que devoit y verfer dernièrement la
caiffe extraordinaire .
Suite & fin de la féance permanente , du jeudi
foir.
Les rapports ordonnés feront connoître , dans
leur temps ; 1º . ce qu'a mandé le miniſtre de la
marine d'un combat qui a eu lieu entre une frégate
Napolitaine & deux corfaires d'Alger fur les
côtes de France ; 2°. un projet d'équiper les volortaires,
à la charge, par chacun d'eux , de payer aux
entrepreneurs 10 ou 15 fous par femaine ; 3 ° . ce
que propofera l'un des comités des finances fur la
demande qu'a faite M. Clavière , de 30,000 liv.
pour meubler le rez - de- chauffée de fon nouvel
hôtel de miniftre des contributions de 30,000 liv.
pour meubler le premier étage , & de 25,000 liv,
pour meubler le logement de fes domestiques ;
mémoires économico - civiques dont on a beaucoup
ri & que M. Bagire renvoyoit au comité de
furveillance,
Des invalides auffi bons patriotes aujourd'hui
( 119 )
qu'ils le furent la femaine dernière en accu
fant leurs officiers , font venus dénoncer , à la
batre , M. de Sombreuil comme ayant trompé l'A
femblée , en affirmant qu'il n'y avoit pas d'armes
à l'hôtel. Heureufement le miniftre de la guerre
avoit averti l'Affemblée le matin qu'on venoit d'y.
dépofer 2,400 fabres. Quel perionnage on fait
jouer à des législateurs & à des invalides !
Enfin M. Bazire ayant réfléchi que la permanence
n'étoit plus indiſpenſable , & obfervé qu'elle
mettoit tous les efprits en fufpens , que «< tout)
pourroit être en feu dans le royaume fi l'Affenblée
prolongeoit encore un état qui paroit prouver
que la France eft en péril ; » un décret a déclaré
que la féance n'étoit plus permanente ; un autre
a voté des remercîmens au directoire , à la mú- ,
nicipalité , à la garde nationale & à la gendarmee
nationale pour le zèle avec lequel ils ont maintenu
la tranquillité publique pendant la permanence
du corps légiſlatif.
7
Du vendredi , premier juin .
A 10 heures & demie il n'y avoit pas affez
de membres pour délibérer fur les moyens de .
taxation propofés pour tâcher d'obtenir que l'Aſfemblée
fût une autrefois affez nombreuſe.
>
Sur un rapport de M. Thévenin , on a décrété
que les commiffaires de police , dans toute la
France , feront élus pour deux ans & pourront
être réélus à chaque nomination , au ſcrutin individuel
, à la pluralité des fuffrages , en obfervant
les mêmes conditions que pour les élections
des municipaux ; & que leurs fonctions feront
incompatibles avec celles d'officier municipal , de'
notaire & d'avoué qu'ils porteront un chaperon
au trois couleurs , & ne pourront être révo
20
( 120 )
qués , mais deftitués pour forfaiture jugée . La
ville de Paris demeure exceptée des difpofitions
du préfent décret.
-
M. Chabot aura l'honneur de faire lundi fon
grand rapport fur la conjuration dont la France
eft menacée. Il trembloit qu'il ne fûr trop tard .
lundi pour fauver la pátrie ; mais la fête décrétée
au fajet de l'affaffinat de Simonneau à motivé le
délai de 24 heures, On a mis au rabais les
appointemens des miniftres . Celui des affaires
étrangères a été réduit à 7,000 liv .; les autres à
50,000 livres. Ils avoient le double . Les débats
n'intérefferoient perfonne. Nous remarquerons .
feulement que M. Merlin a dit que le premier
avoit affez des 6 millions décrétés pour les dépenfes
fecrètes , & que M. Guadet a établi fans
conteftation que le miniftre devoit rendre compte
de ces 6 millions , variante qui paroît promettre
de nouveaux orages.
Le maire de Paris écrit que tout eft tranquille,
& qu'il ne parlera pas d'un affaffinat & d'un vol
confidérable fait dans une églife. Il demande s'il
doit continuer ces fortes de rapports quotidiens .
Malgré leur utilité un décret l'en difpenfe .
Des Bo:delois apportent foixante & quelques
mille livres , des bijoux & un ducaton du Pape ,
qui a excité des rires très - ingénieux. Leur orateur
, M. Delpech , a débité une harangue véhémente
qui fera imprimée aux frais de la nation.
On y a diftingué ces traits un tyran de plus
dans la ligue auroit- il changé nos réfolutions?...
C'eft au coeur qu'il faut frapper l'hydre ... Vous
avez foudroyé les vils agens des confpirateurs...
La France entière eft un camp... Augufte Affemblée
, ton unité fait ra grandeur ! Qu'il eft :
beau
beau , qu'il eft majeftueux ce tout indiviſible !..
Point de nobles , jamais deux chambres... & c.
( Bravo ! bravo !)
M. Cambon difoit des miniftres ( que M. de
Kerfaint renvoyait leftement à la lifte civile ) :
ce qu'ils demeurent en chambre garnie... Qu'ils
entrent dans leur hôtel avec leur bonnet de nuit...
qu'on leur donne des bureaux cù ils iront comme
tous les fonctionnaires publics . » Le même M.
Cambon trouvoit que l'honneur étcit Ja , partie
effentielle du falaire de pareils miniffres , mais
que leurs commis n'auroient pas affez d'un maximum
de 8,000 liv. Un décret a cependant fixé
le maximun des commis à 8,000 liv. On avoic
déjà décrété les articles fuivans :
t
ce Art. I. La tréfoteric nationale paiera pour
la lifte civile en 1792 , la fomme de vingt-cinq
millions , conformément au décret du 26 mai &
à l'acte conftitutionnel .
לכ
cc II. A Louis-Jofeph Philippe prince françois
, pour fa rente apanagère , un million ,
ce III. Pour le traitement de Louis- Staniflas-
Xavier, & Charles - Philippe , frères du Roi ,
jufqu'au 12 février dernier , date de la fuppreffion
des deux millions de traitement qui leur
avoient été accordés par la loi du 6 avril , dépenfes
extraordinaires pour cette année , deux
cent trente- trois mille trois cent trente- trois liv.
"fix fuls huit deniers. »
ce IV. Pour la rente apanagère de ces deux
princes , affectée au paiement de leurs créan
ciers , dépenfes extraordinaires , deux millions. »
« V. Ces dépenfes feront payées par la tréforerie
nationale dans les formes décrétées . »
сс
VI. L'Affemblée nationale fupprime les
N°. 23. 9 Juin 1792.
F
( 122 )
quatre-vingt mille livres attribuées par loi du 25
mai 1791 , au confeil particulier du Rɔi . »
« La tréforerie nationale payera 300,000 liv.
pour les dépenses de la haute-cour. »>
Du vendredi , féance du foir.
Les vétérans de la patrie , autrement les inva
lides , ont lu à la barre , une adrefle à l'arméc
pour lui faire aimer la fubordination . Ilssy rappellent
les journées de Fontenoy , Lawfeld , Rau-
Cour , & difent : « Les Autrichiens fuyo ent
devant nos armes , les villes fe rendoient , leurs
murailles s'écrouloient à l'afpe& du nom François.
Saxe , Lowendal ne font plus ; mais , vous êtes
commandés par des guerriers qui , comme eux ,
font de vrais héros . » Cette adreffe dictée par
des fentimens refpectables , mais qu'on auroit dû
mieux écrire , fera imprimée & envoyée aux arhées
de citoyens - foldats & de foldats - citoyens.
Du famedi , 2 juin.
M. Mayerne a obfervé que les prétendues
pièces juftificatives du dernier difcours de M. Briffot
, ne font que des fragmens de lettres interprétées
par M. Briffot. L'imprimeur a reçu l'ordre
de n'imprimer que les pièces qui feront certifiées
par les comités réunis ; mais M. Briffot lui a dit :
« Imprimez toujours , qu'elles foient certifiées ou
mon ; c'cft fur mon compto. » La nation ne
payera pas du moins ces rapfodies de la plus impudente
intrigue.
M. Saladin a reffaffé tous les griefs allégués
contre M. Duport du Tertre , & y en a joint
de nouveaux des galeriens retenus malgré l'am
niftie ; le département de l'Aude omis , le département
de l'Aube répété deux fois dans la liſte imprimés
des hauts - jurés ( ce qui eft probablement
123 }
une faute d'impreflion , un 6 pour un d3l'étrange
crime de lèze nation ! ) le nom d'un juré infcrit
pour un autres erreur qu'on a tardé de rectifier .
M. Quatremère a défendu M. Duport du Tertre
en prouvant que l'intérêt du corps législatif doit
être de ne point expofer légèrement le crédit de
fon opinion aux cenfures des jugemens de la hautecour
nationale ; »... en accufant , dans le cas contraire
, de perverfité les auteurs d'une loi qui
repoufferois des places la timide honnêteté, & en
auroit fait l'appât & la proie d'hommes affez ftu
pides pour efpérer d'échapper à cet inextricable
tiffu d'une immorale & perfile refponſabilité , on
allez fcélérats pour fe inénager les moyens de
l'éluder . En repréfentaut à l'Affemblée que
toutes ces ordénonciations & accufations ne
laiffent au Roi que le droit illufoire de nommer
feul, derévoquer feul les miniftres , quoique la réa
lité de ce droit foit acquife au Roi par la conftiturion
que ces infatigables accufateurs ont pourtantjuré de
maintenir. Le ner yeux orateur a réduit les chefs
de la dénonciation à ce qu'ils font aux yeux de .
tout homme impartial . Puis recourant à une
tournure oratoire , il a dir :
*
44
Meffieurs , fi la caufe de la liberté pouvoit
être ou trahie , cu mak défendues file fol efpoir
des révoltés de Coblentz pouvoit fe réa
lifer ; files robes rouges du parlement de Tour
nay revenoient à leur fuite féger de nouveau
dans la grande chambre , certes , M. Duport
feroit accufé ; mais feroit- ce pour de pareils
fujets Non ; mais il le feroit pour avoir été ,
lui troisième sélecteur , réuni à l'hôtel - de- ville
dans la nuit 'du 12 juillet 1789. Il le feroit
Supour avoir figné la pétition d'armer les citoyens de
Paris, le feroit pour avoir , dans les jours
E &
:
( 124 )
de famine , fauvé Paris du fléau qu'on avoit
préparé coptre lui. Il le feroit pour avoir préfidé
pendant une année à la clairvoyante police
qui a lauvé Paris..ceIl le feroit pour avoir , J:21
juin , contre les ordres exprès du Roi , reçu des
pouvoirs de la nation , & dépofé dans cette affemblée
, le fceau de l'état, ( on a beaucoup applaudi.
) »
сс
Modeftement perfuadé que les miniſtres comme
lui font des Ariftides , le miniftre de l'intérieur
eft venue remercier l'Affemblée de les avoir
honorés d'une réduction qu'elle jugeoit bien que
leur civisme applau tiroit ; » demander la faculté
d'organifer & réformer toutes les parties de
fon département ced'après les principes d'ordre
& d'économie dontl'Affemblée doune l'exemple ; »
folliciter un -payement de 6 millions pour acheter
encore des bleds ; le renvoi de plus de 300
députés des corps adminiſtratifs qui font à Paris -
au lieu d'être à leur pofte ; & un maximum fupérieur
à 8,000 liv. pour fes commis……. aux comités
compétens.
Du famedi , féance du foir.
M. Saint Léger l'un des commiſfaires civils envoyés
à St. Domingue admis à la barre , a rendu
compte de fa miffion , avec autant de vérité que
M. de Mirbeck, Op a décrété l'impreffion de fon
discours , le renvoi au comité colonial ,. & le
harangueur a reçu les honneurs de la féance .
a Une députation de citoyens de couleur de
St. Domingue , a protesté que le décret du
48 mars dernier rend la vie à leurs commettanš ;
qu'ils ont tous juré l'égalité ou la mort ; que cetre
égalité eft le you, de tous les colons blancs , à
pl'exception de quelques aventuriers, « Légifa11(
21-251)
teurs , & vous tous , François , non , vous n'au
rez pas d'amis plus fidèles , de frères plus attachés
que les hommes de couleur de St. Domingue » ..
Ces affurances que tant de faits démentent , ont
été couvertes d'applaudiffemens , en attendant
qu'on puiffe en déférer d'auffi fincères à quelque
député des amis & frères nègres quand ils auront
fout incendié , tout égorgé , pour tout égalifer
& la députation a reçu les honneurs de la falle.
Si quelque chofe peut ajouter à l'indigna
aion qu'infpire le fuccès de l'intrigue infernale
qui a détruit la Garde du Roi , c'eft
Phypocrifie atroce de ceux qui l'ont préparée
, & fi heureufement conduite à fa fin.
Un refte de pudeur les retenoit encore ; ils
n'ofoient à ce point avilir l'autorité royale ,
fans s'étayer, de quelqu'abfurde dénonciation
, fans appeller à leur fecours la férocité
populaire & la haine des ennemis du
Roi, qui ne leur a jamais fait de mal. On
eut donc recours aux délations , aux piques ,
aux journaux , aux groupes , & bientôt une
viile imbécille & forcenée parut.demander
& approuver un acte , qui devient tyrannique
, dès là qu'il n'eft la punition d'au
-cún délit prouvé , d'aucun attentat poſitif
ax loix de l'Etat.
Ii eft impoffible à quiconque n'eft point
par le fait des évènemens à portée de fuivre
ces menées coupables , d'apprécier la pro-
F
3.
7126 )
fonde aftuce , l'habileté , la terue , Fintelligence
du crime que les agitateurs révolutionnaires
mettent dans la guerre qu'ils
ont déclarée au trône & à la libertépublique.
Suivant toutes les chances , ils doivent atteindre
le but qu'ils fe propofent , à moins
que des circonftances affez fortes ne les
arrêtent au milieu de leurs fuccès . On ne
voit pas même qu'à la première tentative
ils aient befoin d'autre prétexte de conduite
que leur confcience & le civisme de leurs
intentions. Quand un Peuple eft avili à ce
point qu'on peut le mener à la fervitude
par la haine , il n'eft pas même digne qu'on
mette quelqu'art à le tromper , ou qu'on
déguife des motifs qu'on peut toujours lui .
faire refpecter par la force.
C'eft néanmoins encore par une formalité
de ménagement pour lui que le Décret
-contre la Garde du Roi futporté à la fanction
la nuit même qu'il fut rendu . On voulut
donner à cette démarche de parti les.
couleurs de la loi , & perfuader le Peuple
de fon utilité , de fa juftice , par l'attache
d'un confentement qu'on étoit bien sûr
d'obtenir , ou dont on avoit moyen de fe
paffer en cas de refus . La Garde fut donc
relevée le même jour par un bataillon national,
fans la moindre apparence de réſiſtance .
On ne croit pas au refte que le Roi recom
pofe fa Garde de fi- tôt , à moins qu'on ne l'y
oblige , quelque dur qu'il foit pour lui de
( 127 )
fe dorner des Gardes qui ne feroient pas.
de fon choix. En attendant , voici l'Ordonnance
qu'il a rendue fur le fort des Serviteurs
qu'on vient de lui ôter.
« Sa Majesté voulant donner à fa garde une
preuve de fon affion & de la fatisfaction
qu'elle a de fon fervice , continue les appointe
mens de folde de tous les Officiers , fous- Offciers
, Gardes , & de tout ce qui compofe l'Etat-
Major , jufqu'à ce qu'elle ait fait connoître fes
intentions ultérieures à cet égard ; & néanmcins
leur accorde des cor gés pour fe retirer ou bon
leurfemblera . Le Roi accorde à ceux de la Garde
qui n'ont pas d'afyle à Paris , & qui voudront
y refter , de conferver leur logement actuel a
I'Ecole Militaire , jufqu'à ce qu'ils s'en foient
procuré, »
· « Les Gardes qui ne resteront pas à Paris ,
donneront leur adreffe bien détaillée au Quartier
Maître - Tréforier , afin que l'on puiffe
prendre les mesures néceffaires pour les faire
jouir , fans retard , du traitement que Sa Majefté
leur conferve , & qu'elle auroit defiré pouvoir
améliorer encore , pour leur témoigner la fatisfaction
de leur conduite diftinguée . »
Quiconque a vu les affaffinats de MM.
Berthier , Foulon , Launay , quiconque a
été témoin des applaudiflemens qu'on leur
a prodigués , de l'hypocrifie lâche avec laquelle
on a publié que de pareils accidens
étoient fâcheux , mais l'effet de la jufte
colère d'un peuple long- temps opprimé ,
quiconque a réfléchi fur l'impunité des
crimes du 6 Octobre , a dû prévoir les
F 4
( 128 )
1
meurtres de MM . Mauduit , Macnemara ,
Dillon , Simoneau , & c . égorgés par ceux
qui devoient , en les défendant , maintenir
le refpect des loix fous leur autorité. C'est
ainfi que l'efprit de vengeance & de parti
en facrifiant la juft ce a l'intérêt , au patriotifme
, jette dans les habitudes du peuple
un germe de baffeffe atroce que l'impunité
ne fait qu'accroître & qu'on tente enfuite
vainement de détruire par des fêtes & des
amuſemens populaires . Tel a cependant été
J'objet de la cérémonie funèbre exécutée Dimanche
en l'honneur de M. Simoneau , Maire
d'Etampes , affaliné , comme on fait , par
des fcélérats qui le haïffoient & le punirent
d'être honnête homme & ennemi du
défordre .
On n'a rien négligé pour donner à cette
expiation une pompe & un appareil de gra.
vité qui puffent faire impreflion fur la
multitude : la Loi y étoit repréfentée fous
toutes les formes , on y voyoit fon Autel ,
fon Glaive , fa forme Coloffale , fes attri-
-buts , & la bastille , enfeigne d'infurrection ,
de peur fans doute que le peuple n'en perde
T'habitude. Ces peintures , accompagnées ,
fuivant l'ufage , des Membres des quarantehuit
Souverainetés de Paris , connues fous le
nom de Sections , des Enfeignes des 83
Départemens , des Juges de paix , des
Miniftres , de la Municipalité , de Gardes
nationales , &c. ont traverfé Paris , au mi-
U
'´( 1291)
Heu d'an Penple qui fembloit interroger
Fun & l'autre pour favoir ce qu'on lui voutoit
dire avec cet appareil Romain , auffi
étranger à nos moeurs que les coutumes &
la vie privée de cette ancienne nation.
Arrivé au Champ de Mars , on y a
chanté , fait mouvoir les drapeaux , les
hommes , les peintures , & l'on a terminé
Ja Fête par un morceau de Mufique triomphate
de M. Goffec.
Tels font les moyens qu'on croit bonnement
propres à ramener le peuple à l'amour
de fes devoirs & des Loix , tandis
que d'un autre côté Fon affecte de traîner
dans la boue tout ce que la Religion , la
Juftice & l'intérêt public lui ordonnent
de refpecter , tandis qu'on autorife toutes
les diatribes contre le Prince & la Religion
, les feuls moyens de force & de
Liberté publique qu'on puifle conftamment
employer pour le bonheur du peuple
mênie.
Autli plus conféquent qu'on ne le croiroit
, le peuple sa t- il , dès le lendemain
de cette Fête de la Loi , donné une nou
velle preuve de fon oubli des Loix. Malgré
celles qui défendent les raffemblemens armés
, qui nereconnoiffent de force publique
que dans les Gardes nationales & de ligne ,
une multitude de gensi armés de piques , de
bâtons , de crochets , de fufils , a été tumul
trairement à l'Affemblée nationale y des
2. Milding us"
( 1301
mander l'incorporation des anciens Gardes
Françoifes dans la troupe de Paris , en promettant
dans fa route d'en obtenir la fuppreffion
du veto , la diminution du prix des
denrées & du pain , qui véritablement augmente
chaque jour.
L'inquiétude à cet égard commence à
devenir férieufe , & comme on n'a plus
comme en 1789 & 1790 , un Vauvilliers ,
dont l'active adminiftration a fu prévenir
la difette par des approvifionnemens confidérables
, il eft à craindre que la Municipalité
ne devienne un beau matin, la victime
de fon ignorance ou de fon incurie
à cet égard. En attendant elle s'occupe à
infulter à la religion , à chercher les moyens
de la détruire par tout ce que les maximes
de la Révolution offrent de facilité contre
elle, comme elles en offrent contre le Trône;
c'eft en conféquence de cette doctrine &
de la déclaration des droits , que le Corps
Municipal vient de faire afficher , à l'oc
cafion de la Fête Dieu ; 1º. qu'aux termes
de la Conftitution il ne peut forcer les
Citoyens à tendre ni tapiffer , en aucun
temps , l'extérieur de leurs maiſons ; ne
pouvant gêner en aucune manière les opinions
religieufes ; 2 °. que les Citoyens ne
devant fe mettre fous les armes que pour
Fexécution de la Loi , & la sûreté publique
, la Garde Nationale. ne peut affiſter
aux cérémonies d'un culte quelconques
a que la profpérité publique & l'intérêt
•
( 131 )
privé ne permettant pas de fufpendre la
liberté & l'activité du commerce , les Ci
toyens ont le droit d'exercer en tout temps
leurs facultés induftrielles. En conféquence ,
le Corps Municipal enjoint aux Officiers.
de Police & à la Garde Nationale de veiller à
l'ordre public conformément à ces maximės.
Il eft probable que le Corps Municipal
fera éconduit par le Public qui , libre de
manifefter fon opinion , continuera de
rendre au culte les honneurs qui lui font
dûs , & appréciera ces baffes menées dont
le motif & les refforts font connus.
M. Manuel, furnommé l'anti- Roi , fobriquet
dont il fe fait honneur , s'eft tiré
d'affaire ; le Décret d'ajournement perfonnel
, lancé contre lui pour la vente qu'il
a faite des écrits de Mirabeau , appartenans
de droit à fa famille , a été levé
& le tout civilifé . Quiconque connoît
l'efprit de Paris & l'engouement populaire
devoit bien s'attendre à ce réſultat . On doit
cependant dire que M. Verrières , Commiffaire
du Roi auprès du Tribunal qui
avoit décrété M. Manuel , a foutenu avec
courage les principes du droit & de la
raifon ; mais le vertueux Procureur de la
Commune pourfuivi par les ennemis de la
Révolution , l'a vertement réprimandé de
cet incivisme , qui ne reftera sûrement pas
impuni. Mais en tout ceci , comme dans le
F 6
( 132 )
refte , on ne voit de conféquent que les
Jacobins , qui favent profiter de l'égarenient
qu'eux - mêmes ont fait naître , &
qu'ils favent fi bien entretenir.
Le petit échec qu'ils ont éprouvé il y
a quelque temps à Soiffons , où le Peuple
fe mutina contre une de leurs loges , vient
d'être avantageufement reparé . L'arrivée
d'un bataillon du Département du Calvados
leur en a fourni Poccafion , le 17
du mois dernier. Ces Volontaires ont crié
vive la Nation ; les fenêtres de quelques
Citoyens ennemis du Club ont été caffées ;
plufieurs perfonnes maltraitées , deux entr'autres
ont éprouvé les plus indignes
traitemens ; ils ont vingt fois manqué de
perdre la vie qu'ils n'ont confervée que
par la reffource ordinaire de les envoyer
en prifon , au milieu d'une troupe de furieux
qui demandoient leur tête à grands
eris. Cette expédition patriotique a rétabli
le Club qui va reprendre fes féances avec
un nouveau civiſme.
Une lettre que nous recevons de l'Auvergne
, nous apprend que M. Laftic , ha
bitant riche & refpectable de la Paroiffede
St. Martin , a eu le 18 & jours fuivans
fa maifon pillée , fes propriétés ravagées
, fa famille difperfée , & s'eft vu
obligé de fe fauver pour ne point être
égorgé par des brigands armés qu'on avoit
( 133 )
ameutés contre lui c'étoit un Propriétaire.
On vient de fe convaincre enfin , que le
prétendu Comité Autrichien n'étoit qu'un
leurre effroyable dont on s'eft fervi pour
abufer le Public , qui ne s'en corrigera pas
plus pour ce a. Le rapport du dénonciateur
Chabot a paru à fes partifans même
abfurde & contradictoire. Mais ce qu'on
vouloit , on la cbtenu ; le Comité Autrichien
peut devenir ce qu'il voudre . Quelques
Membres ont propofé d'envoyer le
rapporteur à l'Abbaye c'eft la petite
guerre de ces Meffieurs , dont perfonne n'eft
dupe.
La dénonciation contre M. Duport , ce
Minifire Plebeien , dont le civifnie a été
à fi jufte titre proclamé , & qui , fars carac
tère dans fa place , pour ne point avoir ſu
défendre fon Roi , n'en a pas moins ene
couru la difgrace de fes ennemis , ce Miniftre
qui a pouffé le refpect fuperftitieux
pour le parti régnant , jufqu'à nuire ,
par zèle , à ceux qui ne le menageoient
point comme lui , cette dénonciation n'a
point eu un caractère aufli atroce que
celle de MM. de Montmorin & de Bertrand.
L'un & l'autre viennent de publier leurs
bfervations juftificatives. Nous regrettons
de ne pouvoir les rapporter , nous ferons
feulenient connoître le fommaire de celles
du premier.
( 134 )
M. de Montmortin y fuit M. Briffot dans
fes points d'accufation , 1 °. celui - ci accufe
le Miniftre de s'être entendu avec l'Autriche
lorfqu'on prit la Bafti : le ; & à cette époque.
M. de Montmorin n'étoit point dans le Miniftère.
Il en fortit le 12 Juillet , & n'y rentra
que le 20 ; 2 °. d'avoir facrifié les intérêts
de la Nation à l'Etranger , favorifé les
Emigrés , difcrédité l'Affemblée Nationale
; enfin , depuis l'Acte Conftitutionnel
jufqu'au 10 Mars , d'avoir été
d'un Comité Autrichien pour prouver
tout cela , M. Briffot invoque la cortefpondance
de M. de Montmorin , & fe plaint en
même temps qu'on en a retiré les principales
pièces du dépôt des Affaires Etrangères ;
fur quoi le Miniftre lui obferve que cette
fouftraction eft impoffible , puifque toutes
les pièces font numérotées , & qu'avec un
peu d'attention on s'appercevroit des lacu
mes. Quant au refte , c'eft avec la correfpondance
même que M. de Montmorin répond à
M. Briffot , & il efpère que l'Affemblée
Nationale en ayant ordonné l'impreflion ,
il lui fuffit d'y renvoyer le Public , pour
prouver la droiture de fes intentions . Il
faut en effet que cette correfpondance foit
bien décifive en faveur de l'Accufé , puifque
M. Briffot a eu la mauvaiſe foi de ne faire
imprimer à la fuite du Difcours qu'il a
prononcé à l'Affemblée , que quelques
fragmens de cette correfpondance ; frag-
1
71359
mens tronqués,& qui ne préfentent les chofes
que comnie il plaît à l'Accufateur.
M. Briffot paffe enfuite à d'autres prétendus
délits , & la fatigue qu'il met à les
réunir & à les gonfler prouve bien & leur
infuffifance & la haine du Journaliſte Briffot,
dont l'acharnement contre tout ce qui
eft plus que lui , attefte la baffeffe &l'ignc
rance féroce. Il reproche donc au Miniftre ;
1º. la journée du 18 Février ; 2 °. la décla
ration des intentions du Roi fur la Révolu
tion , & qui , dit-il , ne fut point envoyée
aux Cours étrangères ; 3 ° . la démiffion que
donna & que retira à cette époque M. de
Montmorin; 4°. la plainte que le Miniftre
porta contre une lettre inférée dans le Moniteur
, où ce papier évidemment livré à la
faction dominante , inculpoit d'une manière
grave M. de Montmorin ; s ° . le paffe-port
donné deux fois à Madame de Korff, pour
faciliter le voyage à Varennes , ce qui
prouve , fuivant M. Briffot , la part que
le Miniftre a eu au complot.
A quoi M. de Montmorin répond qu'il
ignore ce que veut dire M. Briffot par la
journée du 18 Février ; 1 °. que la déniffion
donnée & retirée par lui , n'eft point une
comédie , comme le dit le Journaliste-
Député , mais qu'il fut forcé à refter dans
le Ministère , parce que des deux perfonnes
que le Roi nomma dans le temps , aucune
n'accepta ; 2 °, que les plaintes contenues
( 236 )
au Moniteur & le pafle-port de Madame
Korff, ont été jugés par l'Affemblée conftituante
, & la conduite de M. de Montmorin
déclarée irréprochable ; & c'eft une
méchanceté groffiere à M. Briffon d'affecter
de rendre problématique ce qui a été
difcuté & jugé.
LeJournaliſte Briffot trouve enfuite trèsmauvais
que M. de Montmorin ait écrit le
3 Août 1791 à M. de Noailles , notre Miniftre
à Vienne , que les meilleurs efprits
de l'Affemblée fe font réunis & concertés
avec les véritables ferviteurs du Roi pour
foutenir la Monarchie , & rendre à S. M.
l'autorité néceffaire pour gouverner » ;
comme s'il n'étoit point vrai qu'à cetté
époque les Membres les plus diftingués
fe font réunis afin de profiter
de la révifion de l'Acte Conftitutionnel
pour rétablir la tranquillité du Royaume
& faire ceffer la captivité du Roi ; &
comme s'il y avoit de la forfaiture à em
ployer le mot de ferviteurs du Roi pour
defigner les Miniftres & ceux qui fervent
Etat ,fous fes ordres ? M. Briffot reproche
encore à M. de Montmorin d'avoir
u des nouvelles qu'il recevoit de M. de
Noailles ; & il eft prouvé que le Miniftre
n'en recevoit point qu'il ne les communiquât
au Comité Diplomatique , quil
décidoit quellès étoient celles qu'il étoit
atile de faire connoître à l'Affeniblée ; &
1
( 137 )
remarquez que le Comité Diplomatique
étoit grolli de prefque tous les autres Comités
dans les chofes importantes , enforte
que fuivant M. Briot ils feroient tous
coupables d'avoir eu de la prudence dans
un moment où elle étoit fur- tout néceffaire.
Quant au nombre des troupes qui
étoient dans les Pays Bas , dont parle M.
Briot , l'Affemblée Conftituante en a
toujours été inftruite :. ce nombre n'a point
varié , & ce n'est que depuis la déclaration
de guerre qu'elles ont été effectivement
augmentées.
Le dénonciateur veut encore trouver M.
de Montmorin coupable d'avoir penis que
M. Caflelnau le rendit auprès de M. le
Comte d'Artois , à la perfonne de qui il
étoit attaché , quoiqu'il fût Miniftre de
France à Genève ; cela fe paffoit en Juillet
1789 ; M. d'Artois venoit de quitter la
France , il n'y avoit point de railon de le
lui refufer , niais fi tôt que M. de Montmorin
eut connoiffance de quelques démarches
fufpectes de M. de Cafielnau , la
place fut fupprimée , & une lettre qu'il
écrivi au Miniftre , le 5 Août 1790 , refta
fans réponſe , ainfi qu'on peut s'en affurer
par l'apoftille qui fut mife deffus la lettre
dans le temps.
6
Voilà en bref les réponses aux prétendus
griefs de M. Briffot contre M. de Montmorin
; on peut ajouter que ce Miniftre a
( 138 )
tellement conduit les affaires & ménagé
les Cours étrangères , qu'à fa retraite il n'y
avoit aucun préparatif de guerre contre
la France , & que nous étions véritablement
en paix avec tout le monde. On ne
peut pas dire la même chofe aujourd'hui
que M. Briffot dirige la politique de l'Etat.
Toutes ces intrigues au refte , toute cette
guerre d'accufations & de dénonciations, tendent
évidemment à effrayer lePrince maiheu
reux & à l'obliger au prix d'un abandon de
pourfuite contre tant d'hommes innocens , à
renoncer au droitde fanction, dont l'uſage im
puiffant déplaît à nos Souverains modernes.
A défaut des moyens employés jufqu'à
préfent , on en a de plus pofitifs ; déjà les
porteurs de piques , de haches , de fufiis ,
qui font allés , comme nous venons de le
dire à l'Aſſemblée , ont crié publiquement
& hautement à bas le veto ; & l'on faura
accufer comme auteur de la réfiftance du
Roi une tête fi chère , qu'il faudra bien
qu'il cède enfuite on fera ce que l'on
voudra. Au milieu de ces dangers , Paris
eft auffi tranquille qu'au milieu de la
paix & de l'abondance , les gens riches
font infouciaas , le Peuple eft fanatique
, & foumis aux Factieux . Il fait la
loi par eux & eux par lui ; & le Peuple
ici défigne fur-tout la petite Bourgeoifie .
La Diète Helvétique a dû fe féparer au commencement
du mois. Elle a arrêté par fes déli7
139 F
bérations , 1. d'obferver une neutralité armées
2º. de faire part de cette neutralité aux Puiffances
Belligérantes ; 3º . de fournir un contine
gent de deux à trois mille hommes , pour faire
refpecter le territoire de Bâle fur lequel les Fran
çois pourroient s'avancer.
Il est sûr que la République de Genève accé
dera à cette neutralité armée ; & elle a entamé
dés négociations , pour cet objet , avec les Can
tons voifins, La Milice de cette République a
été paffée en revue ; on y fait les difpofitions
néceflaires pour la défenfe en cas d'arcaque ou
d'hoftilités quelconques , Les intrigues & le fyftême
des Révolutionnaires François y font gé
néralement dércités , ainfi que dans la Suiffe &
les Etats de Savcic.
La Toscane veut auffi faire refpecter la nett
tralité , c'est- à - dire , en d'autres termes , qu'elle
fe met en défenfe contre les attaques inopinées.
Le port de Livourne , les forts & le mole ont
été garnis de canons ; les tours qui s'étendert
fur ces côtes ont également été garnies d'artillerie
, & l'on a fait renouveller la publication
de la neutralité.
Il n'y a aucune nouvelle importante des ar
mées ; les évènemens fe préparent , & il faut les
attendre pour fe former quelque idée de notre .
fituation future . La défertion continue, Les Princes
ont annoncé aux Officiers retirés près d'eux que
leur intention étoit qu'on ne portât aucune
marque des grades ou diftinctions que le Roi auroit
accordés depuis la Révolution , & fur-tous
depuis fa captivité.
M. de Blumendorf, qui depuis la retraite de
-M. le Comte de Mercy- Argenteau a été chargé
( 140 )
des affaires de la Cour de Vienne ici , & M.
Le Comte de Golz , Miniftre de Pruffe , font
paitis , ils vont l'on & l'autre à Bruxelles . Le
chargé d'affaires de Suède fe retire par congé ,
& doit fe rendre également à Bruxelles , ai fi que
le chargé d'affaires de Ruffie . Ces deux derniers
ne font pas encore partis .
-
Le Roi anommé M. de Serviere, Gouver
neur général de St. Domingue. . M. de
Narbonne a refufé le grade de Lieutenantgénéral
auquel il avoit été nommé.
Lettre au Rédacteur.
Extrait d'une lettre de Mahé , côte Malabar
le 9 Décembre 1795.
La frégate la Refolue filant partie de la ſtation
de l'Inde a été deltinée par M. de Saint- Félix ,
qui la commande , à protéger le commerce Fran
çois contre les ma attes fur la côte Malabar pendant
la mouflon du N. E.; en conféquence nous
Loys fommes rendus le 16 Novembre 1791
Mahé , comproi: François fur cette côte , nous en
fommes partis le 19 Novembre au matin , efcbttaut
les navires l'Indien , de la Rochele , & le Marquis
de la Fayette , de Saint -Malo . Le premier alloit à
Mangalor prendre un chargement de riz pour la
Colonie de Mahé qui eft dans la plus grande dé
t effe de vivres , & le fecord devoit remonter la
côre sjufqu'à Bombay . A fept heures du matin
nous avons paffé à une heué de Talichery , étabiffement
Aglois , voifin de Mahé , & fur la
ride duquel étoient mouillées trois frégates Anglifes
. Nous en avons apperçu deux qui mettoient
fous voies & qui dirigeoient leurs routes
fur nous, Adeux heures après midi, elles étoient à
( 141 )
•
portée du canon , une d'elle a tiré deux coups de
canon à poudre auquel nous avons répondu pas
un même nombre nous avons jugé qu'elles
avoient quelque chofe à nous dire ; on a mis
en panne en faifant fignal au convoi de continuer
fa route fans avoir égard à la manoeuvre de la
frégate. Une d'elles nommée le Phenix de 40
canons de 18 eft venue fe mettre en panne fous
le vent à nous , en nous difant quelque chofe
que nous n'avons pas compris , puis elle nous a
cavoyé un Officier à bord, qui a dit au Capitaine
que ces frégates avoient ordre du Commodore
Cornwallis , commandant la ſtation Angloise qui
eft à Talichery , de visiter les deux navires fous
notre escorte ; le Capitaine a demandé à cet
Officier fi la Grande Bretagne étoit en guerre
avec la France , qu'il n'ignoroit pas celle que les
Anglois ont avec Tippo - Sultan , mais que le
commerce de la Nation Françoiſe ne devoit pas
être troublé , qu'il étoit ici pour aſſurer ſa liberté
& le protéger contre les Corfaires marattes , qu'à
la mer comme nous n'étions en vue d'aucune
place de leurs ennemis ils ne pouvoient vifiter
batimens fous la protection du pavillon François
fans enfreindre le droit des gens & outrager
I gloire de la Nation , qu'il ne le fouffriroit jamais
& qu'il repoufferoit la force par la force
es'ils vouloient l'entreprendre , ce dont M. de
Callamand a prié l'Officier Anglois de bien inftruire
le Capitaine du Phoenix. A peine le canot
avoit- il debordé de la Réfolue que l'on a vu la
Perfévérance , l'autre frégate Angloife de même.
force , aborder le Marquis de la Fayette & un
canot fe diriger fur l'Indien qu'il a bientôt
atteint ,, & un Officier Anglois eft monté à bord.
Nous étions alors vergue à vergue du Phanix
( 142 )
qui avoit déja tiré plufieurs coups de canon à
boulet fur les bâtimens marchans . M. de Callamand
a ordonné d'envoyer la volée à laquelle le
Phoenix a ripofté & le combat s'eft engagé , la
Perfévérance voyant l'action commencée , a dirigé
fa route de l'avant à nous , où elle nous a canonnés
à portée du piſtoler. Après plusieurs volées
dans lesquelles notie barre de gouvernail a été
brifée , & le gouvernail iui -même très - avai , ce
qui nous a empêché de gouverner le refte du
combat , le Phænix s'eft laiflé culer & eft vēna
nous paffer de l'arrière fi près qu'il nous a caffé
la vergue de brigantine & emporté le pavillon
qui a refté dans les manoeuvres. Le combat a
duré dans cette pofition pendant une heure &
demie. Alors M. de Callumand , qui n'avoit pu
éviter ni fortir de cette pofition , ne gourvenant
plus & ayant fes manoeuvres coupées , les voiles
abattues , fes gaillards abandonnés , un grand
nombre de canons de la batterie démontés , n'en
ayant que quelques - uns qui puffent atteindre les
Frégates Angloifes , qui évitoient de ſe tenir par
le travers, le feu étant dans la Cambufe & dans
' Archipompe ; M. de Callamand , dis - je , s'eft
vu dans la néceffité ciuelle d'amener pour éviter
une plus grande deſtruction dans fon équipage.
Dans cet évènement malheureux nous avons perdu .
13 hommes , & nous avons eu 5 bleffés ; dans
le nombre de ces derniers fontMM. de Callamand,
de Bellamy, & Molenaer Sous - Lieutenant , mais
peu dangereufement.
Après le combat , nos Bâtimens ont été vifités
par les Frégates Angloiles qui les ont laiffés aller
enfuite à leurs deftinations refpectives,
Unofficier du Phoenix eft venu à bord , & a dir ,
M. de Callamand , que fon Capitaine étoit
( 14 ; )
fâché de l'évènement qui venoit de fe paffer;
mais qu'ayant l'ordre de vifiter nos Bâtimens
Marchands , il l'avoit exécuté , mais que n'ayant
pas celui . de nous amariner , il prioit feulement
M. de Callamand de remettre fon pavilon ,
d'envoyer un Officier à fon bord , ou d'y aller luimême
& faire fuivre la Fégate la Réfolue , jufqu'à
Talichery , pour avifer avec le Commodore
Cornwalis, au parti à prendre dans cette circonftance
fa :heufe. M. de Callamand lui a répondu qu'il
avoit été infuité par les Erégates Angloiſes en tirant
à boulet fur les Batimens fous fon eforte ,
qu'il avoit employé les forces qui lui avoient été
confiées à repoutler cette infulte , mais qu'ayant
été infuffi antes , il s'étoit rendu aux forces fupérieures
qui l'avoient attaqués , & qu'il fe reconnoifloit
prifonnier de la Grande Bretagne , qu'ils
pouvoient difpofer de lui & de fa Frégate , comme
il leur plairoit ; fur ce , ils ont amené le fecond
de la Refolue à bord du Phenix , & ont envoyé
un Lieutenant de la Perfeverance , trois Officiers ,
& quarante hommes d'équipage de la même Frégate
pour conduire la Refolue à Talichery , toujours
efcortée de la Perfeverance , où nous avons
mouillé le 23 Novembre au foir. Le 24 , à 7
heures du matin , M. de Cornwallis a fait dire à
M. de Callamand qu'il ne le reconnoiflcit pas
comme prifonnier , & qu'il réfervoit de traiter
cette affaire avec M. de St. Felix , commandant
la Station , auflitôt fon arrivée à la Côte , & qu'en
conféquence il alioit faire reconduire la Réfolue
en rade de Mahé , cù nous avons mouillé le 24
au foir. Auflitôt les Offi.iers Anglois & leuts.
équipages , ont retourné à bord de leur Frégate.
qui étoit venue nous escorter ; ils ont laiffé à M. de
( 144 )
Callamand le foin de difpofer de fa Frégate ,
comme il le jugeroit à propos. ~
Nous attendons toujours M. de St. Felix , qui
fera lui - même extrêmement embarraffé du parti
qu'il aura à prendre , étant très - inférieur en
forces aux Anglois, qui fe permettent journellement
de vifiter tous les bâtimens qui naviguent fur cette
côte , de crainte que l'on ne porte du fecours à
Tippoo-Sultan leur ennemi.
! J'ignore quel parti prendra la France , mais
notre commerce eft entièrement perdu fi on n'en
voye des forces navales , capables de tenir tête
aux Anglois dans ces mers. Je ne me permets pas
d'autres réflexions , de peur qu'elles ne foient
trop amères . Je charge l'Officier que l'on envoye
en France rendre compte de cet évènement , dè
vous remettre lui - même cette lettre.
M. Blin vient de publier la quarante - fixième
livraison de fa galerie des portraits des Grands
Hommes , Femmes illuftres & fujets mémorables
de l'Hiftoire de France , gravés en couleur. Cette
livraiſon contient , 1º . le Préfident Molé & l'évènement
de 1648 , où ce Magiftrat calma par
fes difcours fermes , le Peuple ameuté contre
Jui ; .2°. le Chancelier d'Agueffeau , & l'ouver
ture des dépôts de bled qu'il fit faire en la préfence
dans la difette de 1709.*
M. Colon , Mé lecin & ancien Chirurgien de
Bicêtre , tient à Gentilly près Paris , une jolie
Maifon de Santé , où il reçoit des Malades des
deux fexes. On y eft traité avec tout le foin',
l'attention & le fecret qu'on peut defirer .
MERCURE
ai
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
POLOGNE
De Karfovie , le 21 Mai 1792 .
La guerre avec la Ruffle eſt maintenant
inévitable. Cette Puiffance requife d'effectuer
la garantie de l'ancienne forme du Gouvernement
Polonois , par ceux qui ne veulent
point de la nouvelle , a donné des
ordres pour la marche d'un Corps d'armée
de 30 à 40 mille hommes fur les terres
de la république par l'Ukraine. Ces forces
feront augmentées à mesure que les befins
l'exigeront , & l'on peut s'attendre
à les voir accrues des efforts des mécontens
, dont le nombre eft devenu confidérable
par le décret de vente des Starofties
& les changemens trop inopinément faits
No. 24. 16 Juin 1792 .
:
G
( 146 )
dans les formes anciennes de la République.
Cet évènement auquel on auroit dû s'attendre,
rend incertaines aujourd'hui les opérations
du nouveau régime , & jette dans les
affaires un embarras que rend plus difficultueufe
encore la multitude de mesures qu'il
eft inftant de prendre pour maintenir la sûreté
au dehors & au dedans de l'Etat. L'emprunt
de 30 millions , fur lequel on comptoit
, & dont les fonds devoient être faits
dans l'étranger , eft à - peu - près défefpéré ,
puifque repofant fur la vente des Starofties
, on peut craindre que l'évènement de
la guerre n'en détruife l'hypothèque en
remettant les chofes fur l'ancien pied.
Comme toutes les grandes Affemblées
dans les momens de crife , la Diète cherche
par de nombreux Décrets & des difpofitions
hâtives de foutenir fon ouvrage
contre le choc violent que la guerre & les
troubles intérieurs lui préparent. Déjà l'on
a adopté les propofitions de rappeller les
Emigrés , de confifquer les biens de ceux
qui fe joindroient aux étrangers pour
effectuer le rétabliſſement de l'ancien Gouvernement,
ce que très - irrégulièrement l'on
appelle porter les armes contre fa patrie ,
de négocier l'alliance de quelque Puiffance
, d'indemnifer ceux qui auroient
fouffert des évènemens de la guerre ; enfin
( 147 )
de réunir au Corps de l'armée Polonoiſe
tous les petits Corps de troupes que les
grands proprietaires étoient en poffeffion
d'entretenir pour leur propre fervice .
On recrute en même temps avec beaucoup
d'activité , afin de compléter les régimens
qui font ou doivent fe rendre aux frontières
, & l'on s'attend à voir paroître une
réponse à la déclaration motivée de guerre,
que l'Impératrice a fait notifier à la république.
Voici au refte cette déclaration dé
Ja Cour de Pétersbourg , qui parmi les motils
de différens genres qu'elle renferme , en
préfente de très légitimes , & fans le refpect
defquels il n'y auroit aucune folidité entre
les engagemens refpectifs & protecteurs
que les Peuples contractent entre eux ,
conme moyens de paix & de liberté politique.
« La liberté & l'indépendance de la féréniffime
république de Po'ogne a dars tous les temps excité
l'attention & l'intérêt de tous les voifins . S. M.
l'Impératrice de toutes les Ruffies , qui à ce titre
joint celui de les engagemens formels & pofitifs
avec la répub ique , s'eft encore plus particulièremert
attachée à veiller à la confervation intacte
de ces deux a tributs précieux de fon exiſtence PGlirique.
Ces foins conftans & magnanimes de Sa
Majefté , effets de fon amour de la justice & de
l'ordre , autant que de fon affection & de fa
bienveillance pour une Nation , que l'identité
d'origine , de langue & de tant d'autres rapports
naturels avec celle qu'Elle gouverne , rendoit inté
G &
( 148 )
reffante à les yeux , gênoient fans doute l'ambition
& l'efprit de domination de ceux , qui non
contens de la portion d'autorité que les Loix de
l'Etat leur affignoient , en cherchoient l'extenfion
aux dépens de ces mêmes Loix . Dans cette vue ils
n'ont rien négligé , d'un côté , pour laffer la vigilance
active de l'Impératrice fur l'intégrité d.s
droits & des prérogatives de l'illuftre Nation Polonoife
, & de l'autre pour calomnier la pure :é &
la bienfaifance de fes intentions , en les préfentant
en toute occafion fous un jour, qui leur eft abſolúment
étranger. C'eft ainfi qu'ils ont eu la petfi le
adreffe d'interprêter l'acte , par lequel la Ruffic
garantit les Conftitutions légitimes de cette Nation
, comme un joug onéreux & aviliffant ; tandis
que les plus grands Empires , & entr'autres celui
de l'Allemagne , loin de rejetter ces fortes de
garanties , les ont envifagées , recherchées & reçues
comme le ciment le plus folide de leurs propriétés
& de leur indépendance. L'évènement récent
prouve d'ailleurs mieux que tous les argumens
qu'on pourroit employer , combien une telle
garantie peut être néceffaire & efficace , & que
fans elle la république , après avoir fuccombé fous
les coups de fès ennemis domeftiques , n'auroit eu
aujourd'hui pour s'en relever par l'intervention
de l'Impératrice , d'autre titre auprès d'Elle que
fa feule amitié & fa feule générofité ».
« Cependant , enhardis par le fuccès qu'ils ont
eu de propager toutes fortes de preftiges & d'opinions
erronnées dans une partie de la Nation , ceux
qui méditoient depuis long-temps fon afferviffement
& la ruine de fon antique liberté , n'attendoient
que l'inftant favorable à l'exécution de
leurs deffeins deftructeurs . Ils crurent le faifir
dans les deux guerres , dont la Ruffie fur affaillie à
( 149 )
la fois . A cette époque la Dière s'affembla à Varfovie
. Les inftructions de tous les Palatinats à leurs
Nonces l'ont ordonnée libre & ordinaire . Tout-àcoup
elle fut convertie en Diète confédérée fans
aucune railon connue ni apparente . L'acte de la
Confédération rendu public annonça les travaux
dont elle alloit s'occuper . Ses principaux objets
devoient en être le maintien du Gouvernement
libre républicain , celui des Magiftratures dans
leurs fonctions & bornes ufitées , & la confervation
des propriétés des Citoyens. C'eft à la Nation Polonoife
elle- même à juger par la fuite & le réfultat
des opérations de cette Diète , combien elle
seit écartée de ces objets , qu'elle avoit préfentés
à la confiance publique pour leur en fubftituer
d'autres , qui leur étoient diamétralement oppo-
Lés. Sans entrer dans l'énumération de toutes les
illégalités & de toutes les infractions aux Loix &
immunités de la république , que cette Diète confedérée
, ou plutôt la faction qui y domine , s'eft
perniles , il fuffit de dire qu'après avoir ulurpé ,
confondu & réuni en elle tous les pouvoirs dont
la réunion en une feule main eft incompatible avea
les principes républicains , elle a abuſé de chacun
eces pouvons de la manière la plus tyrannique.
prolongé la durée au - delà de trois ans & demi
terme dont les faites de la Pologne ne préfentent
pas un feul exemple , & enfin couronné toutes les
funeftes entreprifes en renverfant de fond en comble
, le 3 Mai 1791 , l'édifice du Gouvernement ,
fous lequel la république a fleuri & profpéré tant
de fiècles. Ce jour- là vit difparoître & fur les
ruines s'élever une Monarchie qui , n'offrant dans
fes nouvelles Loix , par lesquelles on a prétendu la
Imiter, que contradiction entre elles -mêmes , incóhérence
avec les anciennes & infuffifance completté
de
G3
150 J
re ca.
à tous égards ne laiffe pas même aux Polonois un
vain fimulacre de cette liberté & de ces prérogatives
dont ils fe font toujours montrés fijaloux . Le trône,
d'électif qu'il étoit , eft conftitué héréditaire , &
cette Loi que la fageffe de leurs ancêtres a dictée
& qui défend du vivant d'un Roi de s'occuper
du choix de fon Succeffeur , a été violée
auffi audacieufement , que toutes celles qui garantifoient
la confiftance permanente de la ré.
publique . Les moyens dont on s'eft fervi pour
confommer tous ces actes de violence , étoient
bien faits pour les caractérifer. Le jour de la
Révolution , le château & la falle de la Diète
furent remplis de la populace de Varfovie : on
y introduifit des gens armés ; on fit fortir
non de l'arfenal & on le tint prêt à foudroyer
ceux qui auroient tenté d'empêcher le fuccès
d'un complot. On raffembla le régimert d'artillerie
& les Gardes Lithuanienres pour foutenir
la populace . On excira fa fureur contre ceux
dont on craignoit l'oppofition . Plufieurs Nonces
qui perfévéroient dans leurs fentimens patriotiques
, furent menacés de perdre la vie . Celui
de Kalitfch fe traînant humblement vers le Trône ,
pour rappeller au Roi la fainteté des fermens
qu'il avoit prêtés fur les Pacta Conventa , ce lien
facré & indiffoluble qui l'unit à la Nation , fut
impitoyablement foulé aux pieds , au mépris de
fon caractère inviolable de Répréfentant de cette
Nation & au grand fcandale de tout Polanois
qui n'a pas entièrement perdu les fentimens de
fon honneur & de fa liberté : & c'eft une Révolution
effectuée de cette manière , que les promoteurs
ellaient de faire paffer pour le voeu
libre & fpontanée de la Nation ! Mais ceux - ci ne
Le font point bornés aux maux qu'ils ont caufés
( 151 )
à leur malheureufe Patrie dans fon intérieur z
ils ont encore cherché de toutes les manières à
lui en attirer du dehors , en la précipitant dans
des démêlés capables de dégénérer en une guerre
ouverte avec la Ruffie , l'ancienne alliée & la
meilleure & la plus conftante amie de la république
& de la Nation Polonoife . Il n'a pas fallu
moins que toute la magnanimité de l'Im ; ératrice
& fur tout cette équité & cette jufteffe de lumières ,
avec lesquelles Ele fait diftinguer l'intcation de
l'efprit avec l'intention générale , pour empê、her
les dernières extrémités , auxquelles Eie a été
fans ceffe provoquée . Un expofé fuccint des
faits mettra en évidence la vérité de cette affertion
. »
« A la déclaration de la guerre que la Porte
Ottomane fufcita à la Ruffie , l'Ambaffadeur de
Impératrice remit une Note au Miniſtère de la
république , alors fans Diète , pour le prévenir
fur le paffage des troupes Ruffes par les Etats
de la Pologne , & pour lui propofer de nommer.
dans les Palatinats les plus proches des quartiers
de ces troupes , des Commiffaires , avec lefquels
on puiffe s'entendre fur les livraiſons & le
payement des fourrages Tout fut réglé & étabi
amicalement & à la convenance réciproque ,
malgré les fermentations de la malveillance qui
commençoient déja à percer ; mais dès que la Diète
fe fut formée & que le projet médité depuis
long -temps de détruire la république cût préva
lu fur toutes les confidérations du maintien de
fon repos au dedans & & au ddeehors , non-feulefifta
vivement fur ce que les troupes
Ruffes , fans excepter même le petit nombre
de celles qui étoient piérofées à la garde des
magafins qu'on avoit formés , fuffent inceflamment
on
G
4
( 152 )
ment retirées du Territoire Polonois ; mais on
mit encore toutes fortes d'entraves à leur approvifionnement
, en s'oppofant à la formation de
nouveaux magafins pour leur fubfiftance , & en
exigeant que les anciens fuflent tranfportés hors
les frontières de la république . A cette occafion
la . Commiffion du tréfor mit en avant la préten
ion déraisonnable de percevoir au paflage du
Dniefter des droits de fortie pour ces mêmes magas .
fins , amaffés à grands frais , & à de rès-grands
profits pour les Propriétaires Polonois . De pareils
procédés ne répondent nullement aux égards
que fe doivent deux Etats voifins , unis d'ailleurs
par
des noeuds d'amitié & d'alliance . Les moleftations
de tout genre exercées contre les Sujets de
FImpératrice furent pouffées au point , que quel
ques- uns d'entre eux le trouvant fur les terres
de la République pour leurs affaires de négoce ,.
auxquelles ils fe livroient fur la foi des Traités
& du droit des gens , furent accufés malicieufe
ment d'exciter les habitans du lieu à la révolte,
& fous ce prétexte faifis ,& jettés dans des ca
chots . Les Juges chargés d'inftruire leurs procès
& ne trouvant aucune trace du crime qu'on
leur imputoit , curent recours aux, tourmerisi
pour leur en extorquer l'aven & après l'avoin
arraché de cette manière , ces Juges impitoyables
tes condamnerent au fupplice & les firent exécu
ter inhumainement . Ce premier ellai d'injuftice ,
d'inhumanité & de cruauté ouvrit un value champ
à des inquifitions de toute efpèce , qui s'appéfantirent
fur-tout fur les habitans des Provinces ,
où l'on profeffe le culte de la religion Grecque of
thodoxe non-unie. L'Evêque dePrzejaſlav & Abbé
de Slack, quoique fujetde l'Impératrice , devint une
+
6453 )
des victimes de cette perfecution . Malgré le rang
élevé qu'il occupe dans l'Eglife , malgré la pureté
de les moeurs & la rigidité de fes principes , il
fur fourconné de crimes , qu'il importoit à la
malignité & au défir d'entretenir la fermentation.
qu'elle avoit excitée , de forger à tout inftant ;
& ce Piélat fut arrêté & entraîné à Varfovie ,
où on le détient encore dans une dure captivité.
Le droit des gens ne fut pas plus refpecté dans
le fein même de cette capitale envers les Mrpifties
de l'Impératrice , car leur chapelle , qui
eft cenfée faire partie des hôtels même qu'ils
habitent , & qui par l'écuffon des armes im-
Périales de Ruffie , attaché extérieurement , Ifdique
clairement un endroit privilégie ,
forcée , & des Soldats Polonois en vinient arra
cher un des Defferyans pour le traîner fans
aucune raifon devant un Tribunal nullèmèfic
compétent. La fatisfaction que le Miniftre en a
demandée , a été éludée fous les prétextes les
plus frivoles en un mot , non - feulement tous
les Traités folemnels qui lient la Ruffie & la
Pologne entr'elles , firent violés & transgreffés
dans leurs points les plus importans mais on
poufla l'animofité jufqu'a envoyer une ambaffade
extraordinaire en Turquie , alors en guerie
ouverte avec la Ruffie , pour lui offrir une ligue
offenfive , dirigée contre cette dernière Puiffance
; c'eft de quoi les Archives de correfpon
dance Ministérielle du Cabinet de Varfovie' offriront
les documens & les preuves les plus
claires. Le refpect dû même a la perfonne &
au rang augufte de l'Impératrice e fut point
obfervé dans les difcours qu'on tint en
pcine
féance de la Diète , & ces infolences loin
d'être réprimées comme ciles le méritiert , furent
GS
21
( 134 )
encouragées & applaudies par les Chefs de la
Faction , qui a renversé les Loix & le Gouvernement
de la République .
ל כ
Le moindre deces griefs , fans compter ceux
qu'on fupprime pour en abréger la déduction ,
elt fait pour juft fier & autorifer devant Dieu
& les Puiffances le parti que S. M. Impériale
auroit pris d'en tirer une fatisfaction éclatante .
Mais ce n'eft nullement dans cette intention
qu'elle vient de les faire expofer . Son équiré
naturelle ne lui permet pas de confondre toute
la Nation Polonoife avec une de fes parties qui
avoit furpris & trahi fa confiance : Elle eft, au
contraire , intimément perfuadée que le plus grand
nombre n'a eu aucune part à tout ce qui s'eft
fait contre elle & contre la République , fon
ancienne amie . Auffi S. M. eft- elle prête à facrifier
les juftes reffentimens qu'elle doit éprouver
, à l'efpoir plus conforme à fes fentimens.
généreux & pacifiques de voir réparer tous cès
griefs par l'affemblée d'une nouvelle Diète , plus
fidèle aux prefcriptions de fes Commettans &
aux Loix cardinates & immuables de l'Etat , que
ne l'a été celle d'apréfent , qui les ayant toutes
violées de la manière la plus évidente , a marqué
du fceau de fa propre illégalité toutes celles
de fes opérations qu'elle a exécutées au mépris de
Loix. »
Mais , fi S. M. Impériale ne veut point
écouter la voix de fes propres reffentimens , elle
ne peut, point être infenfible à celle des réclamations
que lui ont adreflées un grand nombre
de Polonois , parmi lefquels il s'en trouve plaheurs
auffi illuftres par leur naiffance & le rang
qu'ils tiennent dans la République , que par leurs
Yeitas Patriotiques & leur capacité pour le fer155
vice de l'Etat . Animés d'un zèle, pur & louable
pour le falut de leur Patrie & le recouvrement
de fon ancienne liberté & indépendance , ils fe
font affociés entre eux pour former une confdération
légitime , comme le feul remède efficace
aux maux que la confédération ' il'égale &
ufurpatrice de Varfovic a caufés à la Nation !
i's ont folicité à cet effet l'appui & l'affiftance
de l'Impératrice , qui n'a pas hésité de les affurer
de l'un & de l'autre , é ant guidée de fon côté
par fes fentimens d'amitié & de bienveillance
pour la République & rempliflant ftrictement à
Ton égard les devoirs de fes Traités.
C'est pour s'acquitter de fes promeffes
que S. M. a ordonné a une partie de les troupes
d'entrer fur la terre de la République . Elles s'y
préfentent comme amies , & pour coopérer à fa
réintégration dans fes droits & prérogatives . Tous
ceux qui les accueilleront fous ce titre , en éprou
veront , outre , T'oubli parfait du paffé toutes
fortes de fecours , de sûreté pour les perfonnes
& de raffermisment dans leurs propriétés: Sa
M. Impériale fe flatte que tout bon Polonois
aimant véritablement fa Patrie , faura apprécier
les intentions de S. M. & fentir que c'eft
fervir la propre caufe que de fe joindre de coeur
& d'ame aux efforts généreux qu'elle va déployer ,
de concert avec tous les vrais Patriotes , pour
rendre à la Républiqué fa liberté & les Loix que
la prétendue Conftitution du 3 Mai lui avoit
ravies . Sil en eft quelques - uns qui croient devoir
balancer à caule des fermens que l'erreur
leur . fit prononcer ,• ou que
la force & la féduction
leur atrachèrent ; qu'ils fongent que le
feul ferment facré & véritable cft celui par lequel
ils jufèrent de maintenir & de défendre jus-
G 6
és
2
of
qu'à la mort le Gouvernement qu'à la libre & Répu-
Blicain , fous lequel ils font nés & que re
prendre cet ancien ferment eft le feul moyen
de réparer le parjure qu'ils ont commi eh piêtant
le nouveau. Mais s'il en eft , qui par une
uite de leur opiniâtreté dans les princifes peryers
, auxquels ils le font files ,entri er , sop
poferont au but bienfaifart de l'Impératrice &
aux voeux patriotiques de leurs Concitoyens
ceux- là n'auront qu'à s'en prendre à eux mêmes
des rigueurs & des maux , auxquels ils feront
expofés a d'autant plus jufte titre, qu'il ne tiendroit
qu'à eux de s'y fouftraire par une prompte &
fincere abjuration de leurs erreurs .
2 Le fouffigné Envoyé extraordinaire & Miniftre
Plénipotentiaire , chargé d'afnoncer ces
intentions de S. M. Impériale & les juftes motifs
qui les ont déterminées , l'eft auffi d'inviter
f'illuftre Nation Polonoile de mettre fa confiance
la plus entière dans la générofité & le défintéreffement
qui préfi lent à la démarche de Sa
M. , & qui lui font defirer vivement de voir
bientôt la République fe raff rmir dans fes bales
par un fage équilibre de pouvoirs , comme le
plus sûr moyen de perpétuer la tranquillité interne
& fes rapports de bon voifinage & de
bonne harmonie avec tous les voisins . »
1
Fait à Vaifovie , le 7 Mai 1792.
Signé , J. DE BULGAKOW.
ALLEMAGNE.
De Francfort-fur- le-Mein , le 2 Juin .
Quelle que foit encore la diverfité des
•
( 157 )
rapports fur les mouvemens de l'Europe
left sûr que la réunion repreffive de
plufieurs Puiffances contre l'anarchie de la
France eft auffi certaine que la haine de
tous les Peuples éclairés contre les principes
& les auteurs des maux & de la tyrannie
qui défolent depuis trois ans cette monarchie.
La Sardaigne , Genève , la Suiffe ,
l'Autriche , la Pruffe , l'Empire , font trèspofitivement
en état de guerre contre l'Affemblée
Nationale de France. Par - tout des
précautions & par tout les mêmes moyens
de repouffer le meurtre & l'incendie révolutionnaires
par la force des armes. Il eft
faux que les Peuples voient cet accord
avec effroi, ce n'eft point la caufe , difent ils ,
des Rois contre celle des Peuples qu'il s'agit
de défendre , il eft queftion de la liberté ,
de la sûreté , de la tranquillité de tous les
Peuples contre le plus oppreilif de tous les
fléaux , celui de la force & du fanatifme
réunis contre l'ordre focial. Aucune Na+
tion ne fera affez aveugle pour fe niéprendre
à de pareils motifs , ni aucun Souverain
pour oublier que la circonftance actuelle
eft d'une nature tellement grave , que fi
des intérêts fubalternes la pouvoient faire
négliger , l'Europe n'offriroit bientôt plus
que le tableau du defordre & de l'oppreffion
, à la place des loix , fauve gardes des
droits & de la propriété des Peuples."
t
( 1I58
)
La marche des troupes Pruffiennes eſt
aujourd'hui connue , & dirigée de manière
ace que leur arrivée coincide avec celle des
troupes Autrichiennes fur les bords du Rhin,
au commencement de Juillet. Le Confeiller
de Harlem eft arrivé le 29 Mai à Caffel ;
fa miffion eft de former des magalins aux
environs de Marbourg pour le fervice dé
l'armée de Pruffe fur le Rhin. Voici l'état
de cette armée & l'ordre de marche qu'elle
fuit en fe rendant à fa deftination .
La première colonne paffe par Hersfeld dans
l'ordre fuivant : le 26 Juin un bataillon de
Chaffeurs ; le 27 un bataillon de Fufillers de
Schenk , le régiment de Tadden & les Huffards
d'Eben ; le 30 , les équipages du Roi , du Prince
Royal , du Prince Louis de Pruffe & du Prince
de Bade ; le 2 Jaillet le régiment de Kleist &
les Dragons de Normann & de Lottum ; le 3 ,
le régiment de Kanitz ; le 4 , le régiment de
Schonfeld ; & les , les trains d'artillerie &
pontons , & c.
La deuxième colonne marche par Gelhaufen
dans l'ordre fuivant : le 8 Juillet les Diagons de
Tschierchki ; le 9 , les Dragons de Schmettau ;
le 10 , un bataillon de Tadden ; le 11 , le régiment
de Wolframsdorf; le 12 , un bataillon
de Forcade ; le 13 , le régiment de Hohenlohe ;
le 15 , train d'artillerie , & c.
La route de la troifième colonne de l'armée
a été changée , en partant à l'époque de la feconde
, elle patfera par Caffel , Frizlar , Marbourg
, Herborn , Hachenbourg , & s'arrêtera à
( 159 )
Coblentz où eft le rendez- vous général , & ou
le Duc de Brunfvick arrivera le 4 Juillet . Cette
dernière colonne eft compofée des bataillons de
Fufiliers de Legat , d'Erneft & de Mufling , du
régiment du Duc de Brunswick de 2,500 hommes
, des Cuiraffiers d'llow , fix eſcadrons , &
des Dragons d'Anfpach , dix efcadrons , train
d'artillerie & chariots de provifions . Total de
l'armée 30,000 & quelques cents hommes .
M. de Bouillé eft arrivé ici le premier du mois ;
i eft réparti enfuite pour Mayence . Les équipages
des Ambaffadeurs pour le couronnement
de l'Empereur arrivent de toutes parts . —L'Evêqué
de Bâle a adreffé un Mémoire à la Dière ou
il réclame les fecours de l'Empire contre les hoftilités
& l'invafion des François dans le pays de
Porentru. Le Roi de Bohême & de Hongrie
a envoyé à Londres un Courier extraordinaire ,
pour réclamer de cette Cour la garantie des Pays-
Bas. Il eft certain que l'on fait quelques magafins
dans le Bannat, mais rien n'annonce d'inquiétude
du côté de la Porte Ottomane , & ces
difpofitions tiennent à d'autres foins . On
apprend de Vienne que le Comte Rafamouski
nouvel Ambaſſadeur de Ruffie a fait le 2
Mai, fa première vifite au Prince de Kaunitz ,
qui l'a très bien reçu , & que le lendemain
-
24
il a remis fa lettre de créance au Roi..
Les Députés des Etats de Hongrie font arrivés
à Vienne le 26 Mai , au nombre de 48 ;
ils ont invité Sa Majesté à venir fe faire couronner
à Bude , ils ont été conduits le lendemain
à l'audience du Roi , à qui ils ont offert au nom
des Etats Hongrois , de lever & entretenir une
armée de 100,000 hommes pour fervi: dans la
guerre contre la France, Un feul Gentilhomme
7.160 )
offre de fournir cent Soldats, --Le 22 du même
mois eft arrivé le Comte de Haugwitz , nouvel
Envoyé extraordinaire de Pruffes le
lendemain il s'eſt rendu chez le Prince de Kau
nitz qui lui a fait l'accueil le plus diftingué
-
eft parti le 25 Mai de Vienne , 400 Canon
niers qui fe rei dent dans le Piémont , ils doivent
être à leur destination vers le 15 Juin. Outre
les 40,000 hommes de troupes Autrichiennes
qui font en marche pour les Pays- Bas & l'Autriche
antérieure , dix régimens d'Infanterie &
deux de Cavalerie ont reçu l'ordre de fe préparer
à partir. On actuellement dans compte
El torat d'Hanovre environ 16,000 hommes
fans ' Etat Major & les Officiers qui forme
soo hommes . Il y a encore quelques milices 6
fa population eft de 850,000 Habitans , fon
étendue 13 milles quarrés .
C)
-
GRANDE - BRETAGNE.
? De Londres , le 6 Juin.
La fermeté du Ministère & la publication
de la proclamation rapportée l'ordinaire dernier,
ont été fuivies des plus heureux effets;
elles ont arrêté les progrès d'une fecte perturbatrice
qui , à force de s'agiter au milieu
du filence des autorités , auroit pu caufer
de grands défordres , & troubler le repos
de l'Etat. Le Peuple qu'on cher hoit à exciter
fent lui-même le piège qu'on vouloit
lui tendre , il comprend que c'est par le
refpect des loix & celui d'une conftitution
1
( 161 )
qui fait la gloire & le bonheur de fon
pays , qu'il peut être heureux ; que le far atilme
anarchique de quelques boute- feux
ne pourroit que caufer la ruine publique
fans rien ajouter à la liberté des individus ,
que l'exemple d'un pays voifin , qui fe
dit libre fous la verge toujours agitée d'une
multitude de tyrans groffiers & avides ,)
doit lui fervir de leçon , & le préferver!
d'un pareil opprobre & d'une pareille fervitude
, qu'enfin , l'Angleterre puiflante ,
refpectée , libre par les antiques loix , ne
doit point facrifier à quelques réformes qui,
demandent une lente prudence , & beaucoup
de calme , la sûreté de l'Etat , la
liberté & la fortune de la Nation . Ces fentimens
font univerfellement le texte des '
nombreuſes adreffes que les Communes
& les Corporations de la Grande- Bretagne
sempreffent de porter au pied du Trône,
pour la proclamation qui en eft émanée ;
toutes y mettent en évidence leur mépris)
pour les principes d'infurrection & de tyrannie
populaire , proclamés par des écri
vains féditieux , des propagandiftes François
, & les habitués d'une fociété connue
fous le nom d'Amis du Peuple , & juſtement
détestée de tous les amis des loix.
C'eft Samedi dernier, vers les trois heures ,
que la Députation Parlementaire , fuivie
de plus de trois cents Membres , est allée
préfenter l'adrelle des deux Chambres à Sa
( 162 )
Majefté. Jamais peut- être le fuffrage du
Public ne fut plus généralement prononcé
qu'en cette occafion , tant la haine des
fictions & des fcélérats , qui favent en pro-,
fiter en les excitant eft vrae chez un
Peuple raifonnable & libre.
cc Ces caractères de juftice & d'une politique
éclairée , fe retrouvent dans les Difcours des
Membres du Parlement qui ont parlé pour l'adreffe
dans les Séances des 25 & 31 Mai . « Pourquoi,
difoit le Garde des Rôles de la Chancellerie qui
a propofé l'adreffe dans la Chambre baffe ; pourquoi
chercher à dégoûter le Peuple du bonheur
dont il jouit , pour l'occuper d'un fyftême de
réforme vifionnaire dont l'adoption lui feroit
perdre tous les avantages qu'il possède ? Tel
étoit cependant le but de différens écrits auxquels.
Sa Majefté fait allufion dans fa Proclamation
royale. Le Peuple devoit être averti du danger
qu'il couroit en lifant ces productioos empoi-,
fonnées . Dans quelques-unes le venin étoit plus
caché que dans d'autres , mais elles ne tendoient
pas moins à la deftruction du Gouvernement.
On les avoit fait adroitement circuler dans les
Ecoles , dans les Univerfités , ces productions de
l'erreur & du crime ; il étoit donc du devoir du
Gouvernement d'arrêter une contagion auffi fu
nefte. Dans un de ces écrits , il étoit dit « que
tout Gouvernement eft une tyrannic , que tous
les Rois font des tyrans , & leurs fujets des
efclaves. N'étoit- ce pas là attaquer directement
toutes les formes de Gouvernement ? Une
reille doctrine , ficelle étoit mife en pratique
ne tendroit elle point à anéantir toute obligation
morale , à rompre les liens par lefquels l'homme
pa-
"
1
( 163 )
tient à la Société , à détruire tous les engages
mens qu'elle fuppofe ? Il étoit du devoir de tout
bon Citoyen d'oppofer des moyens de répreffion
à ces dangereufes tentatives , & le Gouvernement
n'a fait qu'exprimer le voeu & agir d'après
les intérêts communs de tous les fujets de la
Grande- Bretagne . »ל כ
M. Grey a cherché à atténuer ces raifons
folides , par des divagations , des inculpations
vingt fois répondues contre M. Pitt.
« C'étoit ce Miniftre , fuivant lui , qui avoit
choifi cette meſure infidieufe , comme un
moyen de défunir les Membres de l'Oppofition
pour femer la difcorde parmi ceux
qui combattoient fes plans. C'étoit ce Miniftre
, dont la vie politique n'étoit qu'une
fuite d'inconféquences , de promeffes , de
rétractations , qui , dans toutes les mesures
qu'il avoit propofées , avoit toujours eu
l'intention de tromper fes auditeurs , qui
avoit tout promis , & n'avoit rien tenu . »
Ces invectives continuées excitèrent des
réclamations ; on vouloit que M. Grey fût
rappellé à l'ordre; mais le bruit étant appaifé,
il continua fa diatribe, que réfuta M. Dundas,
quoiqu'elle n'eût fait impreffion fur perfonne,
& qu'elle fût dénuée d'objet & de
motifs.
Les Miniftres , dit M. Dundas , font blåmés
par les uns pour avoir négligé de pourfuivre
la punition des auteurs des écrits féditieux , lorfqu'ils
avoient commencé à paroître , & par le
( 164 )
1
autres pour leur avoir donné cours en en prenant
connoiffance . Lorfque la première déclara
tion des droits de l'homme parut , on l'avoit luet
avec étonnement . Il étoit en effet fi étrange qu'un
écrivain foutînt des opinions fi dangerenfes , qu'on
avoit cru que l'extrême abfurdité de ces opinions
les empêcheroit de devenir nuifibles. La feconde
partie n'avoit paru que dans le mois de Février ,
& c'étoit de ce dernier pamphlet qu'étoient tirés
les extraits qu'on avoit fait circuler avec tant de
profufion , ainfi que les réfolutions prifes par quelques
Sociétés. C'étoit alors que les Miniftres
avoient vu le mal & que les ordres avoient été
donnés de pourfuivre toutes fortes d'écrits féditieux
fans diftinction . Il étoit très - notoire qu'il
fe faifoit des pourfuites contre l'Imprimeur du
livre en question . li n'y avoit donc point eu de
négligence de la part du Gouvernement. Les,
ordres pour la pourfuite de tous les ouvrages.
féditieux avoient été donnés avant l'existence de
la Société pour la réforme parlementaire . La proclamation
qui n'eft qu'une fuite de ces ordres'
n'attaque done point la Société en elle - même .
Il eft faux auffi que les Miniftres aient fait la
moindre tentative pour défunir l'oppofition '; il
cft abfurde de trouver une pareille intention dans
le devoir impofé aux Miniftres d'empêcher les .
Principes de fédition de fe propager & d'en
avertir le Peuple par une proclamation .
J
و د
M. Dundas remarqua enfuite que la
fociété pour la réforme parlementaire ne
pouvoit qu'échauffer les efprits , produire
beaucoup de mal , & point de bien ; que
M. Pitt avoit defiré lui- même la réforme
parlementaire , mais que depuis qu'il s'é(
165 )
toit élevé plufieurs fociétés dans le royaume
, dont le but n'étoit point d'établir une
réforme fage & modérée , mais de décla
mer violemment contre l'ariftocratie & la
monarchie , il avoit cru cette tentative dangereufe
, impraticable & fubverfive de la
conftitution ; qu'il n'y avoit point là changement
de principes , mais fageffe & prudence
de la part du Miniſtrè.
Ces même idées , ces vues d'ordre & de
paix ont été foutenues avec un égal fuccès
dans la Chambre des Pairs , le 31 Mai , par
le Lord Grenville.
сс
« L'objet de la difcuffion offre trois points de
vue , dit- il : 1 ° . La fituation actuelle du pays
exigeoit-
elle néceffairement qu'il fût pris une meſure.
quelconque ? 29. en fuppofant cette néceffité ,
la mefure adoptée par les Miniftres de S. M. ,
avoit - elle été bien choisie ? 3 ° . cette mesure autorifoit-
elle la Chambre à préfenter une humble
adrefle à S. M. ? Quant à la première queftion ,
il étoit aifé de la réfoudre . Pouvoit - on ignorer
qu'il y eût eu des écrits féditieux & incendiaires
, qui avoient été non-feulement imprimés &
publiés , mais qu'on les avoit répandus , & fait
circuler à grands frais dans tout le Royaume ,
en employant des moyens extraordinaires & trèsillicites
. L'ouvrage de Payne avoit été répandu
avec la plus grande profufion ; on avoit pris les
peines les plus incroyables , pour inculper les
principes qu'il contenoit . Les progrès du poifon
avoient été beaucoup plus loin ; on avoit diftribué
parmi les foldats des écrits incendiaires dans le
but infâme de les rendre mécontens de leur fi(
166 )
1
tuation préfente ; on leur difoit qu'ils ne jouiffoient
pas des droits qu'ils tenoient de la nature . Quels
effets funeftes ne rélulteroient- ils pas d'une pareille
doctrine ! Si la difcipline de l'armée & de la
marine étoit détruite , quels moyens auroit on
pour conferver la Conftitution ? Les ennemis de
l'ordre ne s'éroient pas bornés à ces tentatives.
Des Sociétés s'étoient formées , & avoient établi
des correfpondances chez l'Etranger , dans le
deffein de renverser la Conftitution . Tous ces
faits démontroient clairement la néceffité de prendre
quelque mefure. »
La feconde queftion n'étoit pas plus difficile
à réfoudre. Le Roi , en fa qualité de père
du Peuple , devoit l'avertir par une proclamation
du danger dont il étoit menacé , & que ce
n'étoit qu'en reftant uui , qu'il n'auroit rien à
craindre. >>
La troisième queftion n'étoit qu'une fuite naturelle
des deux autres . On a demandé fi la preclamation
n'avoit pas été faite en conféquence de la
Société des Amis du Peuple , établie pour une réforme
Parlementaire . Sans doute l'affociation a
été un puiffant motif de plus d'adopter cette mefure.
N'avoit-on pas répandu dans tout le Comité
de Norfolk parmi les Fermiers & les Payfans ,
un écrit dans lequel il étoit dit que les effets de la réforme
parlementaire, feroient de diminuer les taxes,
d'augmenter les gages des ouvriers , & d'introduire
une Loi agraire en vertu de laquelle les terres
feroient également divifées entre tous les individus
du royaume ? y avoit il une doctrine plus dangereufe
, & plus propre à détruire la paix ; & le
bonheur de la fociété ! Quand on examine avec
impartialité la réunion de toutes ces circonstances ,
eft - il poffible de ſe refuſer à voter une adreffe
( 167 )
$
de remerciement au Roi pour la proclamation
dont l'objet eft de prévenir ces dangers. » L'adrefle
a été votée de la même manière que dans
les Communes. »
C'est à tort qu'on regarde en France la
Proclamation du Roi du 25 du mois dernier
comme une affurance de neutralité de
la part de la Grande Bretagne ; cette neutralité
eft , comme les autres , foumife à l'influence
des évènemens & au choc des intérets
qu'ils feront naître.
DE PAR LE ROI.
Attendu qu'il a éclaté des hoſtilités entre Sa
Majefté très - Chrétienne & le Roi de Hongrie ,
Sa Majefté , pour conferver & continuer l'amitié
& la bonne intelligence entre elle & leurfdites
Majeftés , fait , par fa préfente Proclamation
royale ( de l'avis de fon Confeil- Privé ) , prchibition
rigoureufe & défenfes à tous les Sujets
quelconques de prendre aucune Commiffion d'Armateur
, de la part d'aucun Prince on Etat étranger
, contre aucun autre Prince ou Etat étranger
actuellement en amitié avec S. M. ou avec les
Sujets ; ou , en vertu ou fous prétexte d'aucune
Commiffion de cette nature , qu'ils auroient déjà
prife , ou qu'ils prendroient dans la fuite , d'armer
ou d'employer aucun vaiffeau ou bâtimert
de guerre , ou de fervir comme marins dans
aucun vaiffeau ou bâtiment , qui feroit employé
contre aucun Prince ou Etat actuellement en
amitié avec Sa Majeſté ou ſes Sujets , durart la
préfente guerre & tous les Sujets de Sa Majefté
font requis de faire attention à ſon préfent
({ -1681 )
ordre royal , ainfi que de s'y conformer , fous
peine d'encourir le haut déplaifir de Sa Majesté,
& d'être pur is avec la févérité la plus extrême
des Loix & de la Juftice : & comme S. M. T. G.
a fait faire à Sa Majefté la demande , cc que ,
conformément à l'article III du Traité de Navigation
& de Commerce ,, conclu à Versailles le
26 Septemble 1786 , Sa Majesté voulût rappeller
& faire publier , dans tous fes Etats & Domaines ,
la défenfe expreffe & rigoureufe contenue dans
Jedit article ; Si Majefté fait par la préfente
deferfe rigoureule à tous fes Sujets de prendre
ou
aucune Commiffion
ou Patente pour ars
faire des courfes en mer , comme
ni aucunes Lettres de repréfailles ; de la part
d'aucun ennemi de S. M. T. C. , ni en vertu
ou fous prétexte de telles Commiffions , Lettres
de marque ou de repréfailles , de troubler , infefter
ou endommager fes Sujets en aucune façon
, ni d'équiper des bâtimens en Armateurs ou
de faire des courfes en mer , à peine de fubir
les châtimens les plus févères qu'on puiſſe infliger
en pareil cas , in pendamment de l'obligation
à laquelle ils feront foumis de procurer
reftitution & fatisfaction à ceux auxquels ils
auroient caufé quelque dommage. »
Donné en notre Cour de ST. JAMES , le 25
Mai , l'an de grace 1792 , de notre règne le
trente - deuxième. DIEU GARDE LE ROI !
1
f.
ない
3
FRANCE .
( 169 )
+
FRANCE.
De Paris , le 13 Juin 1792 .
› SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du lundi , 4 juin.
9
Samedi , M. Pétion , en préfentant à l'Affemblée
les canoniers de Paris , l'affura qu'on
pouvoit compter « fur la permanence de leurs
canons » ; & l'orateur des canoniers s'exprima
en ces termes : cc Lorfque le defpote Richelieu
afiégeoit la Rochelle, dernier rempart de la li
berté civile & religieufe , le maire de cette ville
parut au milieu de les défenfeurs un poignard à
la main & dit : ce fer percera le fein du
premier
qui parlera de capitulation . Nous venons
au milieu de vous , & nous vous difons : déployez
le glaive de la loi , qu'il frappe le premier
traître , le premier lâche qui parlera de
tranſaction avec les enneinis de la liberté ... Des
bruits infâmes fe répandent; on ofe parler de
rétablir la nobleffe , de créer deux chambres....
Vous avez vengé l'outrage fait à la majeſté dont
le peuple vous a revêtus ; vengez l'outrage fait
à la majesté du peuple lui -même...... Puniffez
ceux qui veulent brifer le niveau de l'égalité
fractionner l'unité lég flative & créer deux véto, »
Ebloui de tant de majeſtés , on a décrété la
mention honorable de cette étrange déclamation
prêtée à des canoniers.
Aujourd'hui , des ferruriers offrent une vingtaine
d'écus , & témoignent leur civique impatience
No. 24, 16 Juin 1794 H
(( 170 )
de forger des piques tandis que le fer eft chaud.
Des citoyens deSézanne , qui fe font tous levés
au bruit de la permanence , font prêts à venir
défendre l'Affemblée ; des citoyens de Nantes
n'attendent qu'un décret qui permette à leurs
bataillons d'accourir ; applaudiffemens & honneurs
de la féance. Quoique la conftitution ( Tit. IV,
art. II , ) reftreigne expreffément la force armée
aux citoyens infcrits fur le rôle de la garde nationale
, & les oblige à n'avoir qu'une même
difcipline & un même uniforme ( art . V. ); des
troupes d'hommes à peine habillés , de femmes
hommales & d'enfans teus armés de fufils , de
broches , de fabres , de faux , l'un d'eux portant
un écriteau avec cette infcription en toutes lettres :
remblez, aristocrates , ouje vousf...... la tête àbas,
&c. ont défilé pendant trois quarts d'heure devant
l'Afemblée , en danſant & ariant : vive la
-pation I vive la liberté , au bruit de tambours
ade lair çaxira. Les forts de la halle font
-Venus demander le titre de porteurs de la loi ,
- Bhonneur de la foutenir fur leurs épaules à
la tête de l'armée , comme les Hébreux portoient
Parche fainte ( grands battemens de mains ) . C'eſt
fe donner le tort , bica grave en législation , de
paroître vouloir une force fans ordre & unc
nouvelle religion fans Dieu .
On a fupprimé le numérotage décrété pour
les futurs affignats de liv . & au- deffous , pour
en hâtér l'émiffion très-urgente , & pour économifer:
600,000 livres . Un décret a rectifié le
procès-verbalen, y rétabliffant le mot fecrettes
nomis dans l'article des 6 millions de dépenfes
qui , fi elles n'euffent été qu'extraordinaires , auroient
obligé M. Dumourier à rendre un compte
dant le mot fecretes le difpenfe ; & afin de s'ate
( 171 )
tacher au trone & non aux branches de Parbre
f vigoureux de la profpérité publique , comme
l'a vivement recommandé M. Lafource , on a
perdu plus de deux heures à écouter des dénonciations
de l'ex- capucin M. Chabot . Nous en
allons . indiquer fommairement & le genre & les
: moyens ftupides & honteux à un point incroyable ,
fi on ne les cite .
J'ai promis , a-t - il dit , à l'Affemblée & à la
nation entière les preuves d'un grand complot
: icontre la liberté & la conftitution ; de démontrer...
l'exiftence d'un comité autrichien. Tous
eles hommes de bonne-foi font forcés de con-
* venir que le fyftême des deux chambres n'eft
-point une chimère dans le coeurde M. Dupore.....
Je dénonce ce fait qui prouve qu'il eft un des
principaux agens du comité autrichien. »
Roi.
: morin.
--
--
--
Sous les titres : Enlèvement du Roi. Diffod
tution de l'Affemblée nationale . -- Raſſemblement
de nobles & de prêtres à Paris. Garde du
Gardes Suiffes . -- Cocardes blanches .
Fabrication d'armes. Efpions. Mont
Comité fecret ; Ale miférable dénonaciateur
n'a cité que des lettres anonymes , des
rapports d'inconnus atteftés par M. Pétion , qu'il
a nommé ce héros de la liberté ; les propos d'un
laquais chaffé de Coblentz , qui révèle à un
marchand mercier de la Gafcogne , que le projet
des princes émigrés eft d'enlever Louis XVI,
ide gré ou de force , ou de l'empoifonner , ou
de le poignarder en rejettant tout l'odieux fur
les jacobins & fur l'Affemblée nationale ; une
lettre d'un foldat anonyme de la garde du Roi ,
à laquelle « le rapport de M. Bazire donne l'au
thenticité néceffaire , -Une lettre de Valenciennes
portant : « Nous favons de bonne part que
"
H
( 172 )
l'on veut affaffiner la municipalité de Paris &
l'Affemblée nationale , & conduire le Roi à Metz
où Bouillé & la nobleffe font enrégimentés. »
,
Quelqu'un écrit de Poitiers : « Un brave cin
toyen m'a dit : j'ai été voir une domestique chez
un noble elle m'a affuré que 30 mille nobles
doivent égorger l'Aſſemblée & mettre le feu aux
quatre coins de Paris . » On a invité un maître
d'école de Paris à brûler fa maiſon , en lui promettant
le double de fa valeur. On parle de
smille chevaux diftribués en relais depuis le
fauxbourg St. Antoine jufqu'aux frontières ; mais
on a la perfidie de ne pas dire fur quelle route.
Un Anglois écrit de Londres : «e Barnave , les
Lameth, Chapelier , la Fayette & autres abominables
de cette eſpèce favorisent les fcélérats
dévouent Briffot & beaucoup d'autres ; le Roi
ne craindra plus des maîtres de pofte trop clairvoyans
. » L'honnête maire de Nantes écrit que
le domeftique d'un noble a dit que des nobles
renforcés d'une partie de la garde nationale de
Paris doivent affaillir le corps législatif.
Pareilles lettres d'Amiens , de Montpellier , de
Bordeaux ; & comme s'il n'y avoit pas dans toutes
les villes des jacobins difpofés à copier les impoftures
que leur envoient les jacobins de Paris ,
le candide M. Chabot conclut de cette concordance
que le complot eft indubitable , & il promet
de lire une lifte des confpirateurs.
33
Le 29 mai , on plaça deux gardes du Roi
dans la cour des princes , au bas des appartemens
de la Reine , fans gardes nationales , avec ordre
de laiffer paffer des gens décorés ; il y entra des
cordons bleus .... cc Et l'on difcute encore fi le
comité autrichien exifte ! » Deux gardes du Roi
difoient en allemand : « Notre camarade fera
( (1734)6
›
1
fauter la falle de l'Affemblée.... Cela détruiroit
un tas de mauvais fujers , à dit un autre... ”
On mande de Rouen ce que la tête des Pétion ,
Briffot , Ifnard , Guadet , Merlin , Vergniaud ,
& d'autres gens de cette trempe , eft à prix » ;
& M. Chabot le plaint que ce font les patriotes
qui en veulent à tant de bonnes têtes fans
compter la fienne. Ici une bordée de lettres d'inconaus
annonce qu'il part des millions d'hornmes
fufpects pour aller défendre à Paris le Roi & fa
f mille. M. de Spinola , ambaffed ur de Gênes ,
donne des paffe - ports à une foule de Génois
qui , fous le prétexte d'aller à Bordeaux , vont
d'Oléans à Paris . Les gardes Suiffes crachent
fur les journaux patriotiques , & fe tangeront
fous les drapeaux des fcélérats titrés . Ils ont les
-mains pleines d'affignats . Cette dénonciation eft :
fecrette , mais le fait de Neuilly en prouve affez
l'authenticité . Il eft clair d'après cela qu'on n'a ↑
pas perdu , fes foins en provoquant le fait de
Neuilly. Cent mille cocardes blanches fe préparent
on ne fait cù ) . Un homme acheta dernièrement
deux piftolets à quatre coups. On
fabrique des ceinturons , des fabres fur lefquels
eft écrit : vivre ou mourir pour le Roi , des
poignards , des efcopetes . Le fieur Beaumarchais
vient d'acheter des milliers de fufils dans les
Pays - Bas.... C'eſt pour le miniftre de la guerre ,
crie-t-on à l'ex - capucin ; n'importe , il a toujours
dé soncé ; il a tout prouvé.
Il commente , il empcifonne la déclaration du
plus malheureux des Rois à la garde licenciée
par un décret ; foutient qu'on épie , qu'on enlève
ceux qui parlent mal du Roi , de la Reine ;
que MM. de Montmorin & Deleffart_payoient
H
3
( 174 )
130,000 hv. au cabinet fecret des poftes ; quo
le comité autrichien achète au poids de l'or les
rognures d'affignats ; que l'autrichianifme de M.
de Montmorin a augmenté le traitement du Miniftre
de France à Bruxelles ; que des blanchiffeufes
affiftent à un confeil d'ariftocrates chez M. de
Montbarray à Farfenal. D'ailleurs , M. de Ni
vernois va tous les matins , à 9 heures , chez le
Roi , & y refte jufqu'à midi . Le comité autrichien
fe tient à la Briche & à Anteuil , chez
Madame de Boufflers , revenue d'Angleterre pour
avoir part aauu gâteau ; MM. de Bertrand & de
Montmorin y étoient le 17 à 6 heures du foir ;
Y fut décidé que 30,000 efpions mettroient le il
défordre dans l'armée..
1
Autres comités chez M. d'Agueffeau , qui donne
à dîner ; chez un bandagifte ; chez les Urfulines
de Saint- Denis qui veulent auffi diffoudre l'Affemblée
& créer deux chambres ; envoi à l'armée d'une
tente qui peut contenir 1,500 tabourets ; homme
qui a emporté , dans fon cabriolet , cinq millions
en or ( pefant environ 3,250 liv . ) ; promenade ,
au bois de Boulogne , de roo voitures remplies de
gens qui fe traitent de comtes , de marquis , &
s'entre crient confidemment par les portières qu'il
faut faire fauter les patriores ; délations de valets :
redifaut les converfations de leurs maîtres ; domef
tique d'émigré qui écrit de Fribourg que M. de i
Broglie reçoit des lettres de MM . de Rochambeau »
& de Briffac ; que M. de Bouillé en reçoit de :
M. de la Faycites qu'ils traitent M. Luckner d'imbécile
, mais qu'ils ont grande confiance en M. de
La Fayette , dont M. d'Artois a reçu deux lettres
a fatisfaifantes ; que M. de Narbonne leur
écrit qu'il fera bientôt de leur côté ; que M. Dillon
privit Monfieur de le juger à fes oeuvres & lui
( 173 )
mandoit que plufieurs membres de l'Aſſemblée
l'exhortoient à ne pas perdre courage . Ce correlpondant
ajoute : « Vous êtes trahis par vos généa
raux. M. de la Fayette veut remporter une vic⇒
toire qui ne feroit pas pour la France. Voici ceux
qui vous trahiffent : Narbonne , Leffart , Duportdu-
Tertre , Briffac , les généraux... S'il m'étoit
poffible de mettre la main fur les lettres de M. de
la Fayette , vous verriez toutes les trames... »
Enfin la patience échappe à la honte . On
s'écrie qu'il eft' odieux de lire de pareilles lettres
que c'est vouloir diffoudre l'armée : « Voilà le
véritable traître » , dit M. de Jaucourt , en parlant
de l'ex - capucin que ces avanies & vingt
promeffes de coups de bâton dont il s'eft vanté
n'empêcheront pas d'être encore un légiflateur .
Sans l'indignation tardive de l'Affemblée , M. La
cépèdetiendroit l'armée pour diffoute dans 8 jours ;
mais cette indignation le tranquillife . Quelqu'un
annonce que des mal- intentionnés font courir le
bruit dans les départemens que les canons font)
braqués contre l'Affemblée , & lie ces manoeuvres
à des rapports auffi propres à tout bouleverfer. M.
Thuriot le plaifante, les tribunes rient M. Dubayet
aftefte avoir vu couler le fang du héros des deux
mondes pour la liberté , & fait l'éloge le plus animé
de M. de la Fayette. Se relevant en fouriant de
deflus le carton d'où il tiroit fes preuves & fur !
lequel il s'étoit nonchalamment accoudé pendant
ces débats , M. Chabot a dit qu'il n'avoit lu tout
cela que pour que M. de la Fayette , inftruit par
les papiers publics , redoublât de zèle ... Au milieu
du tumulte , nous avons entendu plufieurs membres
dire : Oh ! le fcélérat !
Cent cris : à bas , à la cenfure , à l'abbaye, en
prifon ; n'ont pas interrompu le cours de fes dénon
H
4
( 176 )
ciations. Il a critiqué une adreffe imprimée de
MM. Gofferan , Coupe , Sancerre , Efpérons ,
Laroque-Labécède & le Roi-de Flagis , où ils peignent
les difcuffions de l'Affemblée comme des
combats de g'a liateurs , la tyrannie des tributes ,
l'abus d'une fauffe éloquence de clubs , le defpetifme
qui naîtroit du mépris du veto royal ; cù
ils difent que les François le font toujours ruinés ,
battus pour des factieux...De fa longue rapfodie ,
M. Chabot a conclu qu'il falloit armer de fufils ,
de fabres , de piques tous ceux qui prêteroient
ferment à leur municipalité , défarmer tous les
autres , déclarer la ville de Paris en état de
guerre , & pourfuivre 1 : s chefs des comp'ots.
Une courte difcuffion a prouvé , que M. Chabot
n'avoit parlé qu'en fon nom & non pour le comité
de furveillance ; & fur la propofition de
M. Guadet dont la prudente juftice a cru devoir
ménager les généraux contre 1fquels ces.
violentes forties ne réuffiffoient pas , l'Aſſemblée
« a renvoyé aux comité de furveillance , diplomatique
& des douze réunis, les pièces énoncées dars
le rapport de M. Chabot , à l'exception de celles ,
relatives aux généraux & autres officiers de l'armée
, qu'elle voue au mepris qu'elles méritent. »>
M. Ramond a dt qu'aucun bon François ne feroit ,
attention à ce que l'Aſſemblée nationale a méprifé.
M. Raimond Ribes a dénoncé le préterd comité
autrich en en lui reftituant le titre de faction
d'Orléans , & a nommément accufé celle- ci « d'afpiterà
monter furle trône par les degrés du crime;
de vouloir , à la veil'e du grand jour de la juftice
d'une nation enfia déſabuſée , faire oublier les
forfaits par d'autres forfaits, & s'affurer un alyie
où l'amniſtie , au cas de non- ſuccès , en favo(
177
rifant les vues de l'Angleterre relatives à l'indépendance
de nos lles d'Amérique, & à l'établiſſe- .
ment des deux chambres. Nous analyferons ra❤
pidement l'opinion de M. Ribes que la plupart
des journeaux ont affecté de tourner en ridicule en
n'en donnant aucune idée .
Il s'eft chargé de prouver que la faction d'Or
leans a formé leprojet de faire maffacrer le Roi , la
famille Royale ; il a rappellé la fameufe procédure
fur les crimes des 5 & 6 octobre ; a parlé de l'infurrection
du 18 février , des dangers du Roi & de la
Reine ; a dit un mot de la ſcandaleuſe parade des .
galériens de Châteauvieux ; de la confternation
des tuileries pendant ce triomphe de l'impudence ;
de l'amniftie & de l'évasion de Jourdan , & , de la
miffion largement payée de M. Talleyrand à
Londres ; de la correfpondance des clubs François
& Anglois de MM. Robefpere & Chabot
dénonçant aux Jacobins les con plots de cette faction
régicide ; des fix millions obtenus par M, Dumourier
; du filence de M. Roberfpierre , des calomnics
de Carra , des diffamations impunies de
MM. Bazire , Merlin & Chabot ( qui , dit- il , a
viré de bord ) ; du décret lancé contre le juge de
paix ; de l'avis de l'hypocrite M. Pétion fur le
départ du Roi , pour attirer la multitude au château
, tandis qu'on dénonceroit le comité autrichien
& la Reine ; des outrages prodigués en public
à LL. MM. , fous leurs fenêtres & dans les
journaux , où d'infolens aboyeurs les traitoient de
M. & Madame veto ( éclats rire ) , de M. &
Madame Sanguignola , de tygreffe , &c.; de la
lettre de M. Pétion , criée dans les rues : Grande
réponse de M. Pétion à la lettre infâme du Roi ...
Ces divers traits combinés , ont conduit M. Ribes
aux rapports de MM. Genſonné, Briffot & Chabot,
HS
( 178 )
酵
au licenciement de la garde du Roi , au
projet d'appeller des provinciaux armés à
Paris ( qui s'eft vérifié depuis ) ... Et il a
conclu en propofant de décréter d'accufation
MM. d'Orléans , Dumburier , Bonne- Carrère ,
Lebrun & Noël , d'informer , contre les libelliftes
qai Roi , la Reine ; de prendre en conoutragent
l
fidération la procédure inftruite à l'occafion des
forfaits des 5 & 6 octobre , les horreurs commifes
au château le 18 fevrier , les évènemens du 16
juiller ; de mander MM. Pétion & Bonne- Carrère
pour que le comité de légiflation les interroge , &
de diffiper les groupes de factieux.
Ce long difcours interrompu par quelques applaudiffemens
, quelques : cela est vrai , & beauup
de farcafines & de railleries a été bruf
quement couvert du projet impromptu de faire
paffer M. Ribes pour un fou . MM. Goffuin, Ver-
Ton , Aréna & Guadet ont invoqué l'ordre du
jour motive fur ce que tout atteftoit le délire , &
J'Affemblée eft paffée à l'ordre du jour.
Da mardi, s juin.
MM. Coupe & Leroi de Fargis ont voulu ré-
Futer les inculpations de M. Chabot , M. Mayerne
a invoqué l'ordre du jour , fondé fur le motif
que l'Affemblée ayant voué au plus profond
mépris les dénonciations de l'ex - capucin , il étoit
Superflu de s'en juftifier . On eft paffé à l'ordre
du jour. Il feroit difficile de défendre mieux la
caule de M. de Larivière , juge de pair.
Un décret a ordonné aux commifaires - infpecreurs
de la falle de rendre compte , fous deux
jours , des dons patriotiques , & de faire imprimer
lifte nominative des donateurs . ( Les créanciers
du vertueux maire de la Rochelle y devroient
figurer pour les 50,000 livres qu'il a civiqueune
( 179 )
ment données à la nation avant de déclarer fa
banqueroute) .
M. de Narbonne a réclamé , par éécrit , contre
une dénonciation de M. Lecointre ; un membre
a certifié que les compres de cet ex- miniftre font
en règle ; on a fermé la bouche au dénoncia
tcur.
Après de faftidieufes redites pour & contre M.
Duport du Tertre , l'Affemblée, après avoir décrété
l'impreffion d'un volumineux difcours de M. Delaunay
contre M. Duport, a décidé, prefqu'à l'una
nimité , qu'il n'y avoit pas lieu à décréter d'accufation
cet exminiftre .
On a renvoyé au pouvoir exécutif une lettre
qui accule M. d'Ormeffon d'avoir fait tranfporter
dans la bibliothèque du Roi , des titres fouftraits t
au décret qui livre aux flammes tous les parchemins
(de nobles) entaflés aux Auguſtins de Paris.
Du mardi , féance du foir.
Invitée à aſſiſter à la proceffion paroiffiale de
la Fête- Dieu , l'Affemblée a long - temps difcuté
fur l'ufage obfervé par les conftituans , & a décrété
qu'elle y enverroit une députation. Mais
bientôt elle a rapporté ( aboli ), ce décret , à la é
demande de plufieurs membres , fur la remarque
de M. Paftoret qu'il n'y auroit pas de railon
de refuler d'affifter aux cérémonies de tout
autre culte , & que les eccléfiaftiques n'étant ,
pas des fonctionnaires publics , la légiſlature ne
pouvoit concourir au culte de fonctionnaires
privés. M. Audrein difoit ingénuement que
c'étoit une rupture ouverte avec le culte catho
lique. On a décrété que jeudi prochain it n'y (
auroit point de féance .
MM, Arthur Dillon & Chaumont font venus
H 6
( 180 )
réclamer contre des imputations fai es à feu M.
Théobald Dillon & ont reçu les honneurs de la
falle.
•
Deux décrets ont ftatué 1 ° . qu'il fera fait une
avance de 100,000 1. au département de l'Aifne ,
Four achat de grains ; 2 ° . qu'il n'y a pas lieu
délibérer fur la demande du miniftre de l'intérieur
de 6 nouveaux millions pour acquifition de
bleds & autres fecours.
Du mercredi , 6 juin,
2.
Dans la féance du lundi le miniftre de la guerre
avoir propofé de faire élire quatre fantafli is & un
cavalier , bien équipés & armés , par chaque canton
, de réunir tous ces citoyens à Paris , le 14
juillet , pour prêter , avec la garde nationale , un
ferment de fédération , d'en former un camp fous
les murs de la capitale , & d'envoyer divers corps
de la garde nationale aux frontières , en donnant
fes canons aux fédérés . Aujourd'hui ,
M. Couftard , parlant au nom du comité militaire
a cru devoir orner cette propofition des
Aleurs oratoires fuivantes : « Vous devez avoir .
des forces toujours prêtes pour écrafer les factieux .
Il n'y a pas jufqu'aux petits Princes , à ces
atêmes de fouveraineté dont le territoire échappe
à nos yeux , qui ne vinffent , fi nous étions malheureux
, infolenter & frapper le lion malade.
Ce n'eft qu'en faifant de grands piéparatifs , &
en remplaçant , par le nombre , ce qui manque
du côté de la difcipline , qu'on peut eſpérer do
réfiſter à l'ennemi & d'amener une paix hono-
Fable ... Ce projet a excité de longs débats.
Ses partifans l'adoptoient d'emblée comme fublime.
M. Dubayet vouloir qu'on y réfléchir.
MadeJaucourt préféroit l'utile au fublime , voyoit
dans 20 à 25 mille citoyens armés , élus par les
( 181 )
cartons , un caractere de repréfentation d'autant
fupérieur à celui de la légiflature qu'ils feroient.
éfus immédiatement par le peuple & non par des
électeurs . Il redoutoit l'ufuge que pourroient en
faire des factieux ; relevoit l'impoffibilité cu ces
hommes fetoient de le nommer entr'eux leurs
cfficiers ; le danger d'incorper.r des cavaliers
trop peu exercés ; la dépenfe de 13 millions pour
trois mois l'impolitique de créer un nouveau
corps avant que l'armée foit au complet ; le
renchériffement des fubfiftances à Paris . M. - Carnot
le jeune diminuoit le nombre , & fupprimoir
les cavaliers. M. Jean de Bry infiftoit fur la
néceffité de contenir 40 mile brigands , & de
ne pas fatiguer la gaide nationale Parifienne qu'il
tenoit cependant pour infatigable.
M. de Girardin s'eft étonné que ceux qui parloient
le plus de confpirateurs opinaffent pour
T'envoi des gardes nationaux de Paris aux frontières
, & y renvoyoit le corps projeté , ou dans
tel lieu où les fubfiftances feroient moins chères...
M. Ducos la bravement accufé de prêcher la
guerre civile. Très - verfés dans la fcience militaire ,
le miniftreproteftant M. Lafource , & l'avocat M.
Vergniaud, ont difcouru , l'un de la dépenfe « qui
ne devoit pas faire impreflion fur l'Affemblée
( éclats de rire ) » & du deffein , non de remplacer
la garde nationale , cn n'of: pas en venir
là d'abord ; mais « de lui fournir un mo: if de
fécurité , prétexte mal - adroit qui a fait crier :
elle n'a pas peur , Feutre , de la grande idée du
miniftre , des feuls mots : 14 juillet , qui font
palpiter tous les creurs ; des prodiges de l'enthoufiafme....
Et M. Vergriaud a propofé une
augmentation de force publique liée à une fête.
nationale pour le 14 juillet. Enfin , fur la rédac-
1
( 182 )
tion de M. Lecointre- Puiravaux ,
décrété ce qui fuit :
l'Affemblée a
« 1. Il fera fait une levée de 20,000 hommes
, en augmentation de la force armée déjà
décrétée . »
« 2 °. Cette levée fe fera dans les départemens,
& tous les cantons feront admis à fournir
des volontaires pour cette levée . »
cc 3. Ces 20 , coo hommes feront réunis à
Paris au 14 juillet . ›
1
ود
Du mercredi , féance du foir.
כ כ
CC
On a reftreint la franchife des ports de lettres
aux fonctionnaires publics qui feront défignés .
Des Anglois qui ont un rang dans l'armée
Angloife follicitent la protection de M. Paftoret,
pour obtenir de fervir en qualité de volontaires
dans l'armée de la liberté. Cette confidence auffi
politique que vraisemblable , eft renvoyée au
comité militaire .
Le frère d'un accuſé condamné à mort à Rouen
s'étoit préfenté , la veille , à la barre , pour fe
plaindre de ce que la cour de caffation avoit confirmé
le jugement fans avoir lu les pièces . Il
eft revenu ; mais aujourd'hui comme hier , M.
Hérault de Séchelles a perfuadé à l'Affemblée de
paffer à l'ordre du jour , motivé fur chofe jugée .
M. Bazire a eu la fatisfaction de faire décréter
d'acculation M. Alexandre Vigier , ancien gardedu
corps ; & M. Duffaux a remplacé M. Bofcari
dans l'Affemblée ..
Du jeudi , 7 juin , à 6 heures du foir.
Sur l'invitation faite à la légiflature , par les
curé & marguillers de S. Germain l'Auxerrois, l'évêque
du Calvados , M, Fauchet avoit dit mardi ;
( 183
se l'Allemblée nationale eft l'interp : ête de la majorité
de la nation . Si le culte proteftant étoit
voulu par cette majorité , l'Affemblée nationale
fetoit obligée de refpecter ce culte qui feroit celui
de la majorité, » M. Cambon avoit propofé de
décréter qu'il y auroit pas de féance ce matin afin
que chacun put aller , s'il vouloit , à la proceffion
; ce qui avoit beaucoup fait rire . Erfin on
s'en étoit tenu à l'avis de M. Cambon .
瘟
•
Ce foit de finguliers débats entre MM . Lafource,
miniftre proteftant , Delacépède , naturalifte
Fauchet , évêque Paftoret , eexx-- magiftrat
Lacroix , Carnot & Reboul , fur le projet du
miniftre de la guerre , modifié par le comité militaire
, relatif aux 20,000 hommes à extraire de
tous les cantons ; de la crainte des uns que fi
l'on prenoit les premiers infcrits , les aristocrates.
ne gagnaffent de viteffe les patriotes ; de la.
crainte des autres que fi les patriotes étoient élus
ils ne vouluffent trancher des repréfentans ; de
l'appréhenfion de ceux-là que fi les corps adifniftratifs
décidoient du choix , on n'eût pas l'élite
des clubs ; de deux à trois heures de vacarme
de fophifmes, de perfónnalités , d'épreuves douteufes
& de clameurs pour & contre l'appel nominal , font
réfultés quelques articles que nous tranfcritons avec
la totalité du décret . Le rafté fera remis à l'ordre.
du jour.
Du vendredi , & juin.
2
Un apothicaire de Condom envoie des manuf
crits & la recette du bouillon de fanté à l'Affetblée
, & demande à être indemnifé d'un incendie ..
Les adminiftrateurs de St. Denis s'étonnent-
& le plaignent de ce qu'on n'a pas lu à l'Affemblée
une lettre où ils démentoient les affertions™
( 184 )
de MM. Genfonné & Driffot , répétées depuis
par M. Chabot , au fujet de prétendus comités
tenus à St. Denis , atteftent qu'il n'en eft rien ,
& follicitent la publicité de leur feconde lettre.
O l'a renvoyée ( à M. Chabot ) au comité de
furveillance . M. Serva i annonce que la perte
qu'éprouvent les affignats réduit les officiers campés
à manquer du néceffaire , & qu'ils ont le plus
preffan: befoin d'argent . --- La 3. légion de la
garde nationale de Paris vient offiir les refpects
& enviro 4,000 liv. de don patriotique , protefte
qu'elle n'a jamais trouvé le fervice pénible
qu'en toute occafion eile defire avec aideur de
ne point encourir de la part des autres départemens
le reproche de négligence , d'indifférence
ou d'impuiffance fuppofée que paroîtroient confirmer
les levées demandées pour l'aider dans fon
fervice . La députation vivement applaudie a reçu
les honneurs de la féance , & le difcours fera
inféré au procès - verbal.
M. William Priestley , fils de M.Jofeph Priestley,
elf venu préfenter les hommages caux premiers
magiftrats d'un peuplequi s'eft rendu fi cé.èbre chez
toutes les nations qui attachent un prix à la liberté
& à la vertu . » Son cher père luiadit : « Vas habiter
ch z ce peaple courageux & hofpitalier . » Ildefire
dejouir des droits de citoyen François , «titre
qu'il eftime cent fois plus que celui de Roi d'aucun
étar a bitraire. » Le préfident lui a répondu : « Tous
les hommes fout fières » & à cette nouvelle maxime
qui rend indifpenfables les décrets de naturalifation
, à ce motif de préférence raifonnée , il a
aj ɔuté : «< Certes , ce ne fera pas fans plaifir que
France adoptera le fils da docteur Priestley.
Chargé d'un dépôt fi précieux , M. François
de Nantes a faifi l'occafion de déclamer un long
לכ
1185 )
cc
éloge bien emphatique du docteur fi fameux dans
la rue de la Juiverie à Londres , qui piéfida
Flufieurs fois , a - t-il dit gravement , la célèbre
fociété de la révolution......... qui a mérité
l'honneur d'être détefté de tous ceux qui ont
fondé leurs jouillances ou leur pouvoir fur l'ignorance
, l'aveuglement ou la corruption, des peuples.
A peine fe fut - il déclaré le défenfeur de
notre révolution , qu'on lança contre lui cet éternel
déclamateur , ce chevalier crtant de la littérature
Angloife , qui dans les accès vaporeux d'une ima
gination toute pleine de paladins & de prodiges
éleva un monument auffi brillant que honteux à
la gloire de la chevalerie Françoife & à la fervitude
des peuples. Cet extragavant rhéteur appella
les vengeances populaires far la tête du docteur
Priestley , & prépara f profcription par fis écrits ,
comme autrefois un écrivain infime prépara , par
fes comédies ; le fupplice de Socrate. Mais les
noms de Socrate & de Puieftley vivrent honorablement
dans la mémoire des hommes , & ceux
des Ariftophane & des Burke , à mesure qu'ils
traverferont les ficcles , fe chargeront d'opprobres
& de l'exécration de tous les gens de bien. » Ces ,
p.ffages chaudement applaudis donneront la mefure
de M. François & de l'auditoise aux meil
leurs efprits d'Angleterre & de toute l'Europe.
Il a peint l'incend e de la mufon de M. Prieftley
avec les exclamations ampoulées d'un homme
qui ne feroit pas entouré de milliers de châteaux
piliés & brûlés : O hote de la fédition de Bir .
mingham O infam ie é : ernel'e des oppreffeurs !
&c.. , » & a di : que les incendiaires « defcendoient
probablement de ces barba es qu'on vit,
il y a plufieurs fiècles , accourir la hache à la
main , des forêts du Nord , entrer dans une ville
( 186 )
célèbre , renverser fes temples , abattre les ftatues
des dieux... » Sans rechercher d'cu defcendent
les brigands & les protecteurs des brigands impanis
qui ravagent leur patrie & y répandent tous
les fléaux de l'anarchie , de l'immoralité & de
l'athéifme , M. François a pourfuivi : « Si la
Sorbonne , cette fille hideufe des ténèbres , eût
fait brûler les cabinets de Pafcal , de Torricelli ,
combien les fciences ne feroient- elles pas encore
reculées ? Si Séguier , ce perfécuteur éternel du
génie... eût fait brûler les manufcrits de Jean-
Jacques Rouffeau , qui fait fi le premier peuple
du monde ne languitoit pas dans l'esclavage ?...
L'homme de génie ( même en phyfique ! ) eft le
magiftrat de l'univers... L'accueil fait au fils du
dacteur Priestley , honorera plus la France que
celui qu'elle fit autrefois à la rebelle & catholique
poftérité de Stuard. »
Les conclufions de ce dithyrambe jacobinite en
mauvaiſe profe que nous n'avons analyfé qu'afin
de donner une idée de la raiſon calme & froide
qui préfide à certaines délibérations , à certains
fuccès éphémères , ont été de demander des lettres
de naturalifation pour le pupille. On a décrété
l'impreffion de cette invective contre les
honnêtes gens d'Angleterre , aux frais du peuple
François , & le comité de légiflation confacrera
de nouveau quelques heures précieufes à rapporter
ce même projet de décret auffi fimple
qu'inutile au milieu de tant d'objets des plus
urgens , puifqu'on devient citoyen actif à moins
de frais , fuivant la conftitution.
Un décret a étendu la prohibition d'exporter
l'orge , l'avoine , fes légumes , les fourrages &
les beftiaux , de Pontarlier juſqu'au département
des Bouches- du- Rhône.
Organe du comité militaire , M. G ſparin a
7187 )
propofé d'admettre les gardes du Roi licenciés
dans les troupes de ligne , & dans la nouvelle
garde du Roi ceux qui rempliroient les conditions
réquifes. M. Thuriot a dit que l'intention de b
l'Aſſemblée avoit été d'exclure de la future garde
du Roi tous les individus de l'ancienne ; puis il
a foutenu qu'il ne l'avoit pas dit ; d'autres
membres que des hommes fervilement dévoués
à un individu étoient peu propres à fervir
la caufe générale. De ces honteufes chicanes
de quelques raifons & d'un long orage eft forti
Je décret fuivant :
35.
« Les citoyens compofant la di- devant garde
du Roi , licenciée par le décret du 29 mai desnier
, qui , ayant rempli les conditions d'éligibi
lité prefcrites par la conftitution & par le décret !
du mois de février dernier , en obtiendront un
certificat de la municipalité de Patis , & décla
reront défier rentrer dans les corpss dont ils
avoient été précédemment tirés , y reprendront
les grades qu'ils y auroient actuellement , s'ils
ne les avoient point quittés. S'il n'y avoit point
d'emploi vacant dans ces grades au moment out
ils y rentreront , ils en feront les fonctions &
en recevront le traitement jufqu'à ce qu'il s'en
trouve. Ils feront alors les premiers à les remplir ,
fans pouvoir cependant prendre rang fur ceux
qui auroient été placés avant eux dans le même
grade,
D'autres débats ont amené les confidérant & les
XIII articles que voici :
« L'Affemblée nationale , délibérant fur la propofition
du miniftre de la guerre , convertie en
motion par un membre ; & après avoir entendu '
le rapport de fon comité militaire , confidérant
qu'il eft inftant de porter aux frontières les troupes
( 188 )
de ligne qui font dans la capitale ; confidérant
qu'il eft important d'ôter tout efpoir aux ennemis
de la chofe publique qui trament des complets
dans l'intérieur ; confidérant qu'il eft avantageux
de refferter encore , à l'époque du 14 juillet , les
liens de fraternité qui uniffent les gardes nationales
de tous les autres départemens avec celle
de Paris , qui a fi bien fervi la révolution & G
bien mérité de la patrie , par un dévouement
fans bornes & un fervice pénible & continuel ,
décrète qu'il y a uigence. »
Décret définitif.
L'Affemblée nationale , après avoir déciété
l'urgence , décrète ce qui fuit : »
« Art . 1º . La force armée déjà décrétée fera
augmentée de 20,000 hommes . »
II. Certe augmentation fe fera dans les
départemens , & tous les cantons du royaume
feront admis à la completter. »
« III. Les 20,000 hommes d'augmentation (e
réuniont à Paris pour le 14 juillet prochain . "
IV. La répartition des 20,000 hommes ſe
fera dans chaque département proporti nnel ement
à la population , & fuivant l'état annexé
au préfent décret . »
сс
V. Les directoires de département réparti
ront entre les diftricts , & ceux des district , entre
les cantons , le nombre de gardes nationales demandées
à chaque département en raifon de fa
population,
« VI. I. fera en conféquence ouvert dans la
municipalité chef- lieu de canton un r.giftre particulier
d'infcriptions volontaires , fur lequel fe
feront inferire les citoyens qui defireront fervit
( 189 )
en qualité de volontaires nationaux dans cette
augmentation de la force armée. »
VII. Dans le cas où le nombre des gardes
nationales qui fe feront fait inferire excéderoit
celui fixé par le canton , ceux inferits feulement
le réuniront entr'eux pour faire le choix de ceux
qui voudront marcher , en préfence de la municipalité.
»
сс
ce VIII. Nal citoyen ne fera admis à s'i ferire ,
qu'il n'ait fait un fervice perfor nel dans la garde
nationale depuis le 14 juillet 1790 , ou depuis
la formation de la garde nationale du canton de
fa commune , ou enfin depuis qu'il a atteint l'âge
de 18 ans , à moins cependant qu'en fortant des
troupes de ligne avec un congé en bonne forme,
il ne foit entré de feite dans la garde nationale ;
il fera tenu en outre , en fe préfentant à Pinf
cription , de remettre à la municipalité un certificat
de civifme figné des officiers , fous - officiers
& gardes nationales de la compagnie dans laquelle
il fert. »
«IX. Le pouvoir exécutif eft chargé de pourvoir
à l'armement & équipement des citoyens
qui feront partie de la force publique ; il donnera
des ordres afin que les objets nécefaires à
leur habillement foient remis dans les lieux de ftinés
à leur raſſemblement , »
cc X. Va la célérité de la marche , il fera accordé
à chaque volontaire cinq fols par lieue
qui leur feront avancés par le receveur de diftria.
ל כ
XI. La folde fera la même que celle des
autres bataillons volontaires nationaux , ils rece
vront comme eux les gratifications & augmen
tations d'appointemens accordés aux troupes lorf
qu'elles font campées. »
( 190 )
XII. Le pouvoir exécutif donnera des ordres
pour l'approvifionnement des effets de campemens
néceflaires. »
3
XIII. Le comité militaire préfentera , fons
buitaine , un projet de réglement fur tous les
objets de détails relatifs à cette augmentation de
la force publique, » *
Du vendredi , féance du foir.
Le fieur Rébecqui , l'un des commiſſaires nommés
par le département des Bouches-du- Rhône
* mandés à la barre, a lu un long mémoire où il
a cru fe juftifier de fes liaifons publiques & de
fon entrée thriomphale avec Jourdan &c , en
rejettant tout fur les eirconftances , fur la prétendue
ariftocratie des troupes de ligne , & fur
le commiffaire du Roi près le tribunal d'Avignon.
Il a beaucoup exalté fon civilme , s'eft réclamé
• de feu Mirabeau , & a offert de fe rendre dans
les prifons d'Orléans . L'impreffion de fon mémoire
a été décrétée , & l'Affemblée a décidé
* qu'elle entendroit encore MM. Bertin , Beauregard
, Champion , de Folney & Lefort.
-
Un décret a déclaré libres de retourner à Saint-
Pierre- Miquelon , plufieurs particuliers bannis
de cette iflé comme perturbateurs , leur a accordé
200 liv. à chacun à titre d'avances , & a
mis les frais de leur paffage , pour le retour ,
à la charge de la nation. M.- Goſſuin a rendu
compte de troubles caufés , comme toujours ,
par des prêtres in - affermentés nommés réfractaires
, dans la ville d'Iffengeaux . La procédure
-ofera continuée & le miniftre de l'intérieur en
occupera de nouveau les loisirs du corps législatif
pour enféparer d'autantmieux le pouvoir judiciaire.
( 191 ).
Du famedi , 9 juin .
Une adreffe attribuée aux négocians de l'ifle
de Gueruefey , protefte qu'ils ne prendont aucune
part directe ou indirecte à aucun armement
contre les François , tant que l'Angleterre n'aura
pas déclaré la guerre à la France. On applaudit.
Sur la propofition du Roi , contre - fignée du
miniftre de la marine , l'Aſſemblée a décrété que
la caiffe de l'extraordinaire verfera dans la tréforerie
nationale 6 millions 443,252 liv. pour
fubvenir aux dépenfes d'un armement destiné à
faire refpecter le pavillon national & affurer la
liberté du commerce ; & qu'il fera mis actuellement
à la difpofition de ce miniftre 3,507,170 l .
dont 1,482,910 liv . en numéraire ( qui coûteroat
aujourd'hui 2,372,656 liv. ) , & le furplus
à raifon de 489,347 liv . par mois.
La receite & la dépenfe ordinaires de chaque
mois devroient être de 48,666,000 liv . , la dépenfe
ordinaire du mois de mai eft montée , fuivant
les calculs fecrets du comité , à 13,076,0391.
de plus que la recette inconnue ; ce qui fuppofe
: néanmoins 35,589,961 liv . de recerte effectuée
quoique non articulée . Mais , d'après les mêmes
comptes adoptés fur parole , les dépenses extraordinaires
fe font élevées à 41,090,941 liv.
Un décret d'urgence a ftatué que la caiffe de
l'extraordinaire verfera à la trésorerie nationale ,
- d'abord 13,076,039 liv . pour remplir le deficit ;
enfaite 1,605,826 liv . pour les dépenses extraordinaires
appartenantes à l'année 1791 , acquittées
en mai dernier ; 37,525,466 liv. pour les dépenſes
extraordinaires dudit mois ; & 1,958,6491 .
pour avances faites aux départemens , auffi pen(
192 )
f
dant le même mois . Total , 54 millions 165,980 1.
de deficit pour le mois de mai , qui jointes
35 589.961 liv . de recette annoncée , font
89.755.441 liv . de dépente dans ledit mois, Un
parcit déficit répété 12 fois , formeroit un deficit
annuel de 649.991,760 livres . Une pareille dépenfe
répécée 12 £sis , morteroit à un milliard
& 77 millions de dépense annuelle , & l'on n'auroit
encore que trois armées en activité .
MM . Mailhe & Gougeon ont differté pour &
contre la fuppreffio : des droits feigneuriaux que
l'Affenblée conftitua te avoit déclarés rachetables
. Les galeries n'ont applaudi que les projets
de fpoliation réfultant du fyftême de M. Mailhe
de n'admettre comme légitimes , que celles de
ces propriétés qui porteront fur des titres originaires
( après que le civifme a brûlé tant de
titres ! ) ; & on a décrété l'impreílion de les doctes
recherches fur les Romains , les Goths , les Vifigoths,
les Francs & c . oùil atâché de trouver le droit
d'ufurper dans les ténèbres de l'hiftoire épaiffies
par de faux fyftèmes , au rifque d'appauvrir
encore l'état. Le miniftre des contributions a
promis qu'on auroit inceffamment des allignats
de 10 & 15 fous , & il a été chargé de toutes
les opérations de ce que le jargon moderne a
nommé leur timbrage dans un décret .
Dufamedi , féance du foir.
Un des prétendus fignataires de la dénonciation
écrite par M. Merlin contre M. Duport- du-
Tertre , dément cette fignature. On a vivement
applaudi au furcroît de honte qu'en a recueil'i
M. Merlin ; mais les clameurs de MM. Albitte ,
Thuriot , Lacroix & d'autres ont fait paffer à l'ordre
du
i
i
7.1939
du jour fur la propofition fi jufte de M. Chéron , de
.configner dans le procès- verbal l'impofture démontrée
, quei qu'en für l'auteur .
Des gardes nationales du bataillon des Petits-
Auguftins font venus dénoncer une adreffe envoyée
au bataillon pour y être fignée , renvoyée au lecrétariat
de l'état - major , & préfentée , dimanche ,
à midi , au corps légiflatif. Elle demande le rapport
du décret qui ordonne un raffemblement de 20,000
hommes auprès de Paris. Prenant inconftitution
nellement des décrets pour des loix , ces citoyens
jurent à l'Affemblée de n'exécuter que fes décrets ,
& reçoivent les honneurs de la féance.
M. Delmas a vu dans l'adreffe dénoncée « un
acte de rébellion » ; M. Guadet l'intention de défunir
les citoyens & la garde nationale , & il a dit
que «fuppofer qu'il eût été queftion de remplacer
la garde nationale Parifienne par des citoyens des
départemens , c'étoit une infernale invention , aufli
calomnicufe pour la garde de Paris , que pour ceux
qui feroient appellés à former un camp aux environs
de la capitale. » Et devant le même auditoire qui
avoit entendu leminiftre propofér expreffément que
çes hommes armés , arrivés des cantons , fiffent auprès
du Roi & de l'Affemblée le fervice de la garde
Parifienne, dont on enverroit une partie aux frontières
, & dont on livreroit les canons à ces nouveaux-
venus ; le rapporteur du comité propofer
d'établir ces 20,000 hommes fous les murs de la
capitale , M. Guadet oubliant que ces propofitions
retranchées , fufpendues , mais non décidément
repouffées par l'Affemblée , avoient été applaudies
des auteurs mêmes du décrer , traitoit d'invention
infernale & de calomnie l'expofé naïf de ce qui
s'étoit dit à la tribune . Puis à ces affertions infoutenables
ajoutant des inductions horribles à médig
N°. 24. 16 Juin 1792.
1.
( 194 )
ter « S'il eft vrai , comme on l'annonce , a- t- il
pourfuivi , que la fanction de votre décret ait été
retardée parce que dimanche vous devez recevoir
une pétition de la garde nationale de Paris , voys
pouvez voir qui dirige cette infernale & atroce
manoeuvre. » Il étoit difficile de mettre plus d'infernal
dans une pareille difcuffior . S.s conclufions
mandoient le commandant à la barre.
Envain MM. Jouneau & Becquey réclamoient
ils le droit de pétition ; cuvain M. Ramond infiftoit-
il fursa ce dernier droit des opprimés » j
s'élevoit - il contre « une inquifition dictatoriale
qui dénonce un projet d'adrelle qu'on n'a pas
entendue , & ferme la bouche à tous ceux qui
ne parlent pas daus le fens de certaines factions
». On s'obttingit à cenfurer une pétition
individuelle , après en avoir écouté , applaudi
de collectives fignées de bataillons , de régimens
entiers , & de féditieufes fignées de préfidens & de
fecrétaires de clubs , où l'on outrageoit la conftitution
, le Roi , l'Affemblée , où l'on propofoit
le parjure , la fuppreffion du veto , & c. M.
Thuriot a prétendu que les pétitionnaires dénoncés
vouloient que la garde nationale fit la
Joi à l'Aſſemblée . Sa gaucherie a été couverte
de rumeurs ; mais les galeries ont crié : oui ,
oui ; & l'on a mandé le commandant .
Un décret d'urgence a attaché une compagnie
de guides à l'armée du midi.
M. Carnot , l'aîné , a fait un rapport fur la
néceffité d'accorder des réparations honorables
à la mémoire de M. Théobald Dillon , & de
M. Berthois , & des indemnités à leur famille ;
1,500 liv. de penfion à la mère des enfans de
M. Dillon , & 800 liv . à chacun d'eux juſqu'à
feur 21º. année . Les mêmes penfions étoient
( 195 )
demandées pour la veuve & les enfans de M.
Berthois ; la décoration militaire pour MM .
Antoine & Pierre-Dupont- Chaumont M. Lecointre
s'est encore donné l'affreux plaifir d'attaquer
la mémoire de T. Dillon .
}
· L'Aſſemblée a décrété les penfions & les décorations
militaires.
avoit
Le commandant de la garde nationale eft venu
dife le difcours du miniftre de la que guerre
produit une grande fermentation & le defir général
d'une pétition ; que le projet en avoit été diftibué
au moment de l'ordre, mais qu'elle feroit
individuelle . On défroit , on refufoit les honneurs
de la féance au commandant . S'il les reçoit ,
a dit M. Merlin , il faut les accorder à M..
Rebecqui ( à l'abbaye , à l'ordre ) ... M. Vergniaud
a répondu à ces cris , que M. Merlin
avoit ufé de la liberté des opinions . On cbjectoit
la peine infl gée à M. Froudière pour avoir
traité M. Guadet de déclamateur. « C'est tout
fimple , a dit M. Ramond il avoit commis un
crime de lèze- Gironde. » Enfuite M. Vergniaud
eft tombé far les membres qui , ufant auffi de
la liberté des opinions , s'étoient perinis de combattre
le projet du camp de 20,000 hommes ;
leur a imputé d'avoir feuls prétendu qu'on vouloit
enlever les canons de la garde nationale
& de n'avoir tant parlé de factieux que pour
fe dénoncer eux- mêmes ; a confondu , en avocat,
le moment de l'ordre & la voie de l'ordre , ou
l'acte de mettre à l'ordre , pour accufer la garde
nationale de délibérer comme corps armé. M.
·Genfonné a raifonné avec la même bonne -foi ;
& l'objet des débats , & des dénonciations de
fignatures furprifes a été renvoyé aux comités
de légiflation & de furveillance .
1
( 196 )
On a vu dans notre dernier Numéro le
placard de la Municipalité , où , fous le
couvert de la Déclaration des Droits , on
cherche à détruire le culte catholique en
provoquant la fuppreffion d'une des plus
anciennes & des plus pompeufes cérémonies
de l'Eglife ; cette démarche de la
Municipalité a porté plufieurs Habitans .
de Paris à porter des plaintes au Dépa :-
tement ; mais ce Corps , égaré comme les
autres , par les principes faux qu'il s'eft fait
fur la police fociale, a répondu par des
maximes infignifiantes , quand il étoit quef
tion de maintenir des loix de police qu'au
. cun décret n'abroge , & que , d'après la
Conftitution même , on doit protéger
puifqu'elles tiennent effentiellement à la
religion conftituée dans l'Etat . Pour juftifier
les fottifes de M. Manuel , le Procureur-
général Syndic du Département , M.
Ræderer, n'a point rougi de faire afficher
ua placard , où , entr'autres abfurdités , il
dit que la conduite de la Municipalité eft
d'autant moins repréhenfible , qu'elle n'a
fait qu'énoncer un droit , fans donner
aucun ordre obligatoire , comme fi les devoirs
d'un Corps adminiftratif étoient d'énoncer
des droits , & n'étoient point de
maintenir l'exécution des loix ou régle
1
( -197 )
mens pofitifs , comme i le moindre bon
fens n'in liquoit point qu'avec une pareille
conduite le royaume feroit une véritable
tour de Babel , où perfonne ne s'entendroit,
& où les loix pofitives fe trouveroient dominées
par les opinions individuelles & les
paffions des Adminiftrateurs. Il faut être
bien certain qu'on parle à des hommes
inattentifs , ou fubjugués par la crainte ,
pour ofer infulter à la religion d'une grande
capitale par de femblables fophifmes.
Quoi qu'il en foit , la Fête- Dicu s'eſt à
peu près paffée comme de coutume , malgré
la pluie continuelle & le mauvais temps
qu'il a fait toute la journée . Il y a eu des
repofeirs , des proceffions , que la Garde
Nationale a accompagnées en armes & en
uniforme. Autli M. Manuel , par un nouveau
placard plus groffier encore que les
précédens , a- t- il cenfué cette conduite des
Soldats de laloi il n'y a rien là d'étonnant de
la part d'un homme qui , comme M. Manuel,,
n'aime ni fa religion , ni fon Roi ; mais ce
qu'il y a d'étonnant , c'eft de voir des hommes '
braves & honnêtes effuyer les fottifes &
coups de fouets de Pierre Manuel , &
regarder comme un triomphe , proclamer
comme une victoire qu'il ne les ait pas ,
fait punir d'avoir ofé témoigner quelque
refpect pour la religion de leurs pères. Tel
eft l'aviliffement des moeurs & du courage
d'une ville corrompue ; tel eft le réſultat
1
3.
( 198 ) )
des principes de fervitude , déguifés fous
le nom des droits du Peuple ; tels font
les effets de l'anarchie des pouvoirs &
de leur réunion dans les mains d'un parti
profon lément adroit.
Pour accroître fa force & donner un
nouveau degré de puiflance à la faction dominante
, un Décret appeile fous les murs
de Paris une armée de 20,000 hommes ;
bientôt on la verra prendre un accroiflement
formidable & fervir aux factieux de
moyen pour ôter à la Capitale le peu d'énergie
qui lui refte dans fon abaiffement. Et ne
croyez point qu'aucun effort généreux ,
qu'aucune démarche libre aille au devant
de ce nouveau genre de domination , trèsadroitement
combiné . Quand un peuple
s'eft une fois précipité fous le joug de
Maîtres fanatiques & ambitieux , fon aveu
glement devient tel que rien ne l'en peut
retirer que des évènemens orageux & après
des excès qui lui rendent enfin la tyrannie
infupportable : mais c'eft fur- tout quand:
on parvient à lui perfuader qu'il eft libre &
que fes maux ne font que palfagers ou feulement
l'ouvrage des protecteurs qu'il a
choifis , que ce même peuple s'obtine à .
endurer tous les opprobres de la fervitude
avant de jetter un regard fur fa fituation
déplorable.
Ne voit - on pas d'ailleurs qu'à raisonner
dans les principes dela Conftituion actuelle,
( 199 )
ce camp, ce raffeniblement armé , eft une attiste
portée à l'indépendance des deux por ...
voirs conftitués :L'Affemblée ne peut- elle pas
s'en fervir pour arracher du Prince tout ce
qu'elle voudra, pour le foumettre avec plus
de facilité encore à fa volonté abfolue ;
comme il feroit poffible qu'avec de l'ait
& de la combinaifon , un Monarque plus
entreprenant que Louis XVI , s'en fervit par
la corruption contre les Décrets de l'Af
femblée n ême ? Que peut- il donc réfulter
de cet armement arbitraire , finon de la défiance
, de la crainte , & peut- être une guerre
civile entre la Capitale qu'on veut contenir
& les Gardes des Départemens que l'on
femble oppofer à la Garde nationale & à la
Bourgeoffie de Paris ?
Pour répondre à ces réclamations juftes ,
à ces plaintes contre un moyen d'oppreflion ,
l'on affecte de publier que c'eft l'ariftocratie
feule , les partifans des deux Chambres qui
répandent ,des doutes fur les vues , & les
motifs de l'armée confédérée ; l'on égare
le peuple en lui montrant le foutien de fa.
caufe dans la deftruction de la liberté publique
& la captivité du Prince : on traite
d'ennemi du bien public , d'émigré , quiconque
ofe élever la voix contre une aufli
dangereufe confufion des pouvoirs politiques.
Cette tactique a trop long- temps
réuffi pour qu'on puiffe efpérer de deffiller
yeux de la multitude , ardente à perfécu- les
}
( 22 ) '
d
te: au prix mên e de fon bonheur & de
la liberté.
"
Au rette , il ne faut pas fe le diffimuler ,
cette invation d'autorité eft une conféquence :
des manoeuvres dont nous fommes les ftu- ,
pides témoins depuis trois mois . Une trame
infernale eft ourdie contre le Prince &
fur-tout contre fa malheureufe époufe ; l'indifférence
des Princes de la Maiton de Bourbon
, la nullité du Roi , l'imbécilité, la délunion
des Royaliftes , féloignement des ſecours
étrangers , l'audace des factieux , l'in- .
confequence, les petites paffions des Conftitutionnels
, les arts de la tyrannie réunis dans
des mains dignes de les diriger , ne peuvent
qu'infpiter Peffroi & faire preflentir l'affreute
cataft ophe que l'on médite.
Ce font fans doute ces difpofitions
atroces qui infpirent aux étrangers une fi
grande haine de la révolution Françoife &
confeillent à chacun de nos voifins de s'en :
garantir comme d'une contagion défaftreute.
Voici ce qu'on nous écrit de Berne à
cet éga.d.
Extrait d'une lettre de Berne le 3 Juin.
« Le Roi de Sardaigne avoit le 30 Mui , 15
mille hommes effectifs en Savoie dans les deux
princi, aux cantonnemens , à Chambéry & près
de Genève . Ce nombre fera porté à 20 mille.
Le 13 Mai huit mille Autrichiens fous les ordres
du Général Strafoldo font partis du Mantouan
& du Milanois pour le Piémont , avec 24 pièces
de canon ce font les régimens de Caprara ,
( 201 )
-
de Belgiojefo ; quelques bataillons cholfis de gan
nifon , de la Cavalerie , & des Artilleurs . Le
Roi de Sardaigne a encore un corps de 6 m lle
hommes à Nice & aux environs . Le Prince
ni fon pays n'ont aucune inquiétude quelconque ;
la Savoie eft parfaitement tranquille ; aucun germe
d'infurrection ; tous les payfans font dévoués au
Souverain. Les François ont femé par- tout une
telle horreur , qu'on a peur aujourd'hui généra-
Iment de leur Révolution comme de la pefte.
L'armée Piémontoife eft très animée contre vcs
Gardes Nationales . Ces mefures font maintenant
purement défenfives . Je doute fort qu'elles le
foit dans un mois . On a affen bé quelques
régimens à Grenoble , où liègne parmi eux le ,
même défordre que par- tout ailleurs . Les Chaf
furs de Franche- Comté ont été obligés de quitter-
Grenoble par la violence du Club qui les accufaient
d'incivifme ; M. de Montefquiou commande
ce petit corps infubordonné .
Fort peu
de forces dans le Bugey , & 500 Gardes Nationales
dans le pays de Gex qui fera pis d'un
tour de main , fi les Piémontois paffent le Rhône.
Cela arrivera , je crois , dans peu , & alors le
Roi de Sardaigne & les Shiffes feront maîtres
de routes les gorges de la vallée du Jac Léman .
La D.ère Helvétique s'eft ajournée , en tenant les
délibérations fecrettes . Les ordies font donnés
par - tour ; les fignaux préparés ; en 24 heures
80 mille Suiffes peuvent être fous les armes . Le
premier plan eft celui de la neutra'ité armée :
tous les alliés du Corps Helvétique y ont accédé .:
L'Angleterre a envoyé à la Diète Milord Robert
Fitz -Gerald en qualité d'Envoyé Extraordinaire ,
& le Roi de Sardaigne M. de Varax. Les
François ne tiendront pas longtemps dans le
--
1
( 202 )
pays de Porentru , où ils font détefté . Tout ce
que vous lifez fur la prétendue allégreffe des
h bitans eft de la p'us indigne fauffeté . »
ce Je viens d'apprendre 1 : s nouvelles (cè es de
la Capitale , & je fuis dans une vive inquiétude . :
Il ne reste plus perfonne dans Etranger à la
fublime Révolution & à la fainte Conftitution .
Les François , malheureufement , fout horreur
& pitié à toutes les claffes de Citoyens.
לכ
Pour donner un échantillon du ftyle
civique de nos journaux patriotes , nous
rapporterons le récit qu'un d'eux fait de.
la mort du Prince - Evêque de Liége. Voici
comme cet énergumène s'exprime :
« Le Ciel vient encore de frapper une tête
de tyran , le petit Prince , le vieux defpote ,h
l'indigne Evêque de Lège , vient de rendre à la
nature fa vilaine ame. Il eft mort le 4 Juin à
hait heures & demie du foir , &c. ». C'est d'un
pareil ftyle que la mort de l'Empereur , du Roi
de Suède , a été annoncée ; ' c'eft d'une `m.niè e
auffi indécente que celle du Duc de Sadermanie ,
de l'Impératrice de Ruffie , du Roi de Honge
actuel , eft de temps en temps proclamée dansi
nos carrefours , & confignée dans nos feuilles
publiques .
Le Municipal Manuel , l'objet de la
haine & du mépris public , malgré
fa toute puiffance & la popularité
·
menacé plufieurs Curés de Paris , a même ,
conftitutionnels ) , de les traduire devant
les Tribunaux , parce qu'ils avoient
fait des Proceffions fuivant le rite Cathc-,
lique ; il a également vivement réprimandé !
( 203 )
les garde nationales , ainfi que nous l'avons
dit , & lâ né la Bourgeoilie de Paris d'a
voir , contre la volonté , tendu le jour de la
Fète - Dieu. Rien n'égale l'impudence de
cette conduite que la patience vraiment
miraculeufe avec laquelle on la fupporte.-
Le Roi a eule courage de ne point fanctionner
le Décret qui prononçoit la déportation
contre les Prêtres Catholiques Romains.
Ceft beaucoup de hardieffe à lui ; mais il
aime fa Religion , & de tous les devoirs
qu'il a contractés à fon Sacre , c'est le feul
que la rage de fes ennemis ne foit pas parvenue
à lui faire facrifier à leur ambition
audacieufe & paffagère . On efpère qu'il
ne fanctionnera pas non plus le Décret
fur le raffemblement armé près de Paris.
C'est le moyen d'éviter une guerre civile.
M. Bofcary a fait banqueroute ; il eft
remplacé à l'Affemblée par M. Dufaulx ,
de l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres , Auteur d'un bon ouvrage intitulé
de la Paffion du Jeu , dédié à MONSIEUR ,
frère du Roi , imprimé en 1779. M. Dufaulx
eft un Révolutionnaire des plus inconféquens
& des plus fougueux. Il a fait un
Ouvrage amphatique , intitulé l'Hiftoire de la
prife de la Bastille , publié avec affectation
au moment de la Confédération militaire
de 1790. M. de Biron a , dit- on ,
quitté Valenciennes pour aller commander
l'armée du Rhin à la place de M. Luckner.
( 204 )
Quatre bataillons des Volontaires , plufieois
régimens d'Infanterie & deux de Cavalerie , en
sout fx mille hommes , ont paffé le 8 à Valenciennes
, venant du camp de Maubeuge , & ceuxci
ont éé remplacés par plus de dix - huit mille
hommes fous les ordres de M. la Fayette, Le
même jour , à 5 hentes , le Maréchal Luckner a
Paffé la revue générale du camp de Famars , qui
a été levé le 9 en grande partie . Toute l'artillerie
.eft en avant ; on a donné deux pièces de canon
à chaque Compagnie de Grenadiers . Le mouvement
des troupes eft extraordinaire . Il paroît
que le projet eft de réunir les deux armées pour
agt de concert fur Mons , & l'on s'attend à
qelqu'évènement important .
D'après le recenfement des troupes qui compofent
les armées du Nord , du centre & du
Rhin , il réfute que la première a $ 3,000 hommes
, dont 46 bataillons de ligne , 30 bataillons
de Volontaires & 46 efcadrons ; la feconde
63,000 homines , dunt 48 bataillons de ligne ,
41 de Volontaires & 27 efcadrons ; l'armée du
Rhin 50,000 hommes , dont 36 bataillons de
ligne , 34 bataillons de Volontaires & 64 efcadrors.
-
M. Moris , nouveau Miniftre Plénipotentiaire
des Etats Unis d'Amérique , a
été préfenté la femaine dernière au Roi.
M. d'Orléans qui étoit allé à l'armée
du Nord en eft revenu , il paroît que fa
perfonne n'y a pas produit l'effet qu'il
attendoit. M. Raderer y eft auffi allé depuis
qu'y faire ? Il a dû revenir dans la
femaine. Le Roi vient de retirer le porte
feuille à M. Servan , Miniftre de la guerre.
-
1
jusy not supe
1
MERCURE
HISTORIQUE
ET
ixpor
• POLITIQUE
zud hulub 18 asris W zob, nelle glib el é
stlere strigonyra , ob ing moniados nỮ
zelaiarPhOLOGNEoq y'a
snil riosad omlinstieg slotsjer eup
De Varsovie , le 30 Mai 1792 . 17921952
& up) 799ionshA
CONTRE l'efprit des Révolutionnaires
François , la Bologne fortifie le pouvoir
royal à mesure que les dangers menacent
la nouvelle Conftitution: L'on fent ici que
des décretsi ne font rien quand celui qui
doit les faire exécuters veiller à l'ordre pu
blic , à la sûreté des individus , ne jouit
point d'une confiance inaltérable & d'une
autorité parfaite . Ce moyen peutfeulac
racher la Pologne aux maux qui gavagent
la France , balancer des efuccèssréventuels
des forces étrangères , prévenir les fuites
dangerelifes, d'une confédérations fous la
protection de la Ruffie , & donner aux élans
patriotiques une tenue véritablement utile.
Nº. 25. 23 Juin 1792.
K
( 206 )
Nos affaires , au refte , que l'on veut
comparer à celles de France , préfentent und
fionomie bien différente. La , on a
profcrit la Nobleffe , affoibli le pouvoir
royal , donné aux corps populaires une
force de fouveraineté anarchique , ici , la
Nobleffe eft déclarée faire une partie effentielle
de l'ordre public , le Prince eft revêtu
d'une puiffance abfolue , les villes n'ont
ni canons , ni troupes , ni Gardes civiques
à la difpofition des Maires & des Factieux.
Un acharnement de philofophifme exalté
n'y pourfuit point, les inftitutions fociales
que rejette le puritanisme françois . Une
faute cependant que nous avons faite ,
& cette faute eft celle de toutes les grandes
Affemblées qui adminiftrent , comme l'a
fait la confédération doublée de 1791 ,
c'est d'avoir trop peu fait de cas des traités
avec l'étranger , de alavoir ménagé en rien
la Cour de Ruffie , garante , par un traité
pofitif, de Lancienne Conftitution, & d'a,
voir encore fur l'apperçu de quelques projets
françois , décrété la ruine d'une multitude
de familles par la vente des Starofties ,
lorfqu'avec des moyens lents , mais sûrs ,
on eût pu, comme l'Angleterre , éteindre
la dette nationale , & confolider le crédit
publiceol ineb6
Cleft dono cette imprudence , & les fuitės
qui en découlent néceffairement , qui met
tant la Pologne dans l'état d'inquiétude
( 2017 ))
où elle fe trouve aujourd'hui , état qui fes
role encore un smalheur , quand de brif
lans fuccès , achetés au prix du fang Polonoisonous
mettroient à portée de mainte
nit avec rigueur des loix propofées , mifes
ene¶édation , en moins de temps qu'on en
exige pour organiſer Fadminiſtration d'ane
Yetip of dies
paroiffe.
Un autre défaut des grandes Affemblees
joc eft de foutenir avec hauteur ce
qu'elles ont décidé avec imprudence , parce
que anlourpropfe d'un Corps collectif n'é
tang coafonu par ta refponfabilité d'aucun
de ifesiMembres eft nature qui iflette
* la શ éericafourage intele de
paſſions ! que rien ne réprime au milieu de
Jeur impétuofnér eft encore ce qu'offre
da Diète dans ce moient , malgré le dif
cours du Roi flou la circonfpection & les
égard dus à des voiſins puiflans fe reproidaily
fous plufieurs traits , les réfolutions
les plus emphatiques font celles qui vont
y
de plus de Tuccès.
3
Ce qui doir infpiter le plus d'inquié
tuds eft la formation de la confédération
dont nous avons parlé plus haut. Cette
diviſion feroit d'autant plus funefte que
cette forte de Diète appuyée des armes de
da Ruffie argumenteroit de ancienne 'conf
aitation , que la Drète de 1991 n'avolt point
andat de détruire , que les mécontens
K 2
( -208
1
donneroient à leurs plaintes une forme
régulière par les délibérations de cette
Affemblée , qu'un grand nombre retenus
par la crainte ou l'incertitude s'y réuniroient ,
ce qui joint à da corruption des partis ,
aux influences étrangères , pourroit plonger
l'Etat dans une anarchie dont rien ne
pourroit le faire fortir de long- temps.
On avoit paru efpérer quelque chofe
de la Porte- Ottomane. On penfojt que
cette Cour irritée des derniers évènemens
& fâchée de fa dernière paix avec la Ruffic
favoriferoit les efforts de la Pologne pour
le maintien de fa nouvelle Conftitution .
Mais on apperçoit aujourd'hui que cet
efpoir eft chimérique , & que la Porte
occupée de fon Gouvernement intérieur ,
fatiguée d'une longue guerre , a befoin de
repos , & que d'ailleurs la forme de fon
Gouvernement doit naturellement la porter
à s'oppofer aux progrès des principes qui
pourroient l'ébranler .
La garantie de la Pruffe raffure davantage
; cette Puiffance veut Thorn &
Dantzick ; à ce prix, peut être feroit -elle
quelque chofe pour nous ; mais il eft douteux
que la Ruffie fe foit déterminée à
nous déclarer la guerre fans en avoir prévenu
fon alliée , il eft poffible même que
Thorn & Dantzick aient été promis à la
Pruffe par la Ruffie , pour prix de fa neur
209 )
tralité. L'abandon de la part de la Pruffe eft
encore rendu probable par la guerre où elle
fe trouve entraînée avec l'Empire & pour
FEmpire , contre les progrès de l'anarchie
& l'invafion des François fur le territoire
Impérial & Autrichien.
C'est au milieu de ces embarras , & pour
fe mettre en mefure d'en prévenir les fuites,
que la Diete a dans fa féance du 22 Mai
arrêté les articles fuivans.
hr
allurer
,
Le Roi jouira du pouvoir le plus
étendu durant tout
le cours de la guerre
actuelle. Il difpofera des opération à faire ,
portera les troupes par- tout où le befoin
Fexigera , remplacera les Officiers fans Pintervention
de la commiffion de guerre,
prendra enfin toutes les mefures convena
Bles foit la défenfe extérieure ,
foit le maintien de la tranquillité intérieure
du pays ; 2. on met à la difpofition du
Koi fix millions pour les dépenfes fecrettes
& pour récompenfer des fervices rendus
3. le Roi pourra créer une nouvelle dif
finction uniquement militaire deſtinée à
décorer ceux qu'il jugera s'en être rendus
dignes par leurs
es actions.
Lefprit public , fur lequel on ne doit
compter qu'avecimodération dans les momens
de fciffions politiques , paroît feconder
ces meſures de la Diète , on fait des
dons patriotiques on montre de l'empreffenient
à repouffer l'ennemi . Le Prince
K 3
Radziwill as dit- on , donné quarante pièces
de canons ; d'autres Palatins ouvrent leurs
arfenaux ; on a pris aufli des mesures pour
acheter des armes chez l'étranger. On dit
l'armée de 7,000 hommes dans ce moment,
& l'on preffe le recrutement pour la porter
au complet de 100,000 .
A tout cela la Rullie oppofe un corps de
oupes agueries que l'on dit devoir être
porteà 60,000 hommes; déjà le territoire Po
longis eft occupé par plus de 39,000 Ruffes
divifés en plufieurs colonnes qui marchent
par Dunabourg, Nowogorod , Polok &
Totocin en Lithuanie; par Saroka, &
Bata en Ukraine , & par Mohilow du
côté de ce fleuve.
L'armée Polonolfe, du Prince Jofeph Poniatousk
selt retirée dans le pays, à Vinifca fur le Bogs fon
lofophPoniatouse
avant-garde eft relteca Tulézin , pour obferver les
maroeuvres des Ruffes . Il n'y a encore ed qu'une
légère fufillade entre nos troupes & les Railes
lorfque ceux-ci ont paffé le Nicfter. L'armée
de Lithuanie , qui n'eft point encore formée ,
doit s'affembler vers Kiow. Les Etats ont
verski --- Les
accordé deux millions au Roi pour les frais de la
guerre Le contingent
troupes
porté dans
des
le Traité d'Alliance avec la Pruffe dit être incaffamment
réclamé. Le projet de réponse à
L'Impératrice a été arrêté à la Dière le 29. On y
a également décidé de faire une adreffe à la Nation
Polanoife , mefure exaltatoire & fufceptible,
d'autant de mal , pour le moins , que d'utilité,
éelle .
1
ALLEMAGNE.
De Vienne , te 2 Juin 1792.
Le Roi eft parti , le 31 Mai , pour Bude,
Sa Majesté étoit accompagnée de la Reine ,
du Grand-Duc de Tofcane & de l'Archiduc
Jofeph. Si- tôt après fon Couronnement à
Bude , le Roi reviendra ici pour fe rendre
à Francfort. Avant fon départ , il avoit
remis au Prince de Kaunitz les pouvoirs
d'adminiſtration néceffaires, Le Grand-Duc
de Tofcane s'étoit également abouché avec
ce Miniftre fur les mefures à prendre dans
les circonstances , relativement à la neutralité
de la Tofcane & à la sûreté de la navigation
dans le Port de Livourne.
L'on a beaucoup exagéré dans quelques
Gazettes une efcarmouche qui a eu lieu il
y a quelque temps entre deux Corps de
troupes fur les frontières de la Bofnie &
de la Croatie ; cet évènement , qui n'a point
eu de fuite , n'en a pas moins fait hater la
démarcation de ces deux Etats ; les Commiffaires
refpectifs de Vienne & de la Porte.
en ont commencé l'opération , afin de prévenir
de femblables évènemens .. !
Avant fon départ , le Grand Duc de Toscane
avoit reçu l'avis qu'une frégate Françoife arrivée
à Livourne y avoit occafionné du défordre .
L'équipage s'étoit conduit d'une manière fort in-
K4
décente ; il avoit infulté dans la ville plufieurs
Eccléfiaftiques & quelques femmest On a également
appris de Turin que le bruit s'y étoit
répandu qu'on y avoitdécouvert un complot.contre
la vie du Roi de Sardaigne , qu'un François avoit
été arrêté ainfi qu'an Cu.finier du Roi , & que ce-
Jui- ci dans un interrogatoire avoit avoué qu'on
avoit cherché à l'engager à emp, ionner le Roi.
La Nation Hongroife a offert à Sa Majesté
25 millions de foins pour foutenir la guerre.
Quelques bataillons de Croates ont reçu l'ordre
de remplacer le Corps de troupes qui fe rend
du Milancis dans le Piemont. Les Cuirafflers
de Notziz ort paffe par Vienne le 31 Mai Four
fe rendre dans les Pay -Bas. On apprend de
Hanau que 900 hommes de tronpes Hongroites
ont paflé par cette ville pour le rendre dans les
environs de Cologne . Le 26 du mois dernier
, le bataillon Colonel du régiment de Stuart
eft arrivé à Egra ; il le rend fur les frontières
de France ainfi que les bataillons de Holenlohe,
de Settach , &c. O mande de la Hongrie
que le Colonel Michalowich y lève un Corps
de Volontaires de 10,000 hommes ; qu'une grande
partie en eft déjà équipée & drefiée , & qu'il eft
diftiné à fervir fur les bords du Rhin . Los
troupes que Sa Majefté donne au Roi de Sar-
--
à fa folde
Sa Majefte Sade ne fournira que les vivres &
les foufrages . Tous les régimens de Haffards
& de Chevaux I -gers out ordre de fe rendre
dans les Pays - Bas.
daigne comme auxiliaires ,
ret les viviCS &
De Berlin , les Juin.
Il eft faux qu'il règne une divifion à la
( 213 )
Cour relativement aux affaires de France ;
celles de Pologne ne changeront rien non
plus aux difpofitions faites. Avant qu'on
les commençât on connoiffoit l'inten
tion de la Cour de Pétersbourg , & le
Corps de troupes que doit commander
le Général Mollendorf fur les frontières
qui avoifinent la Pologne , n'a d'objet que
la sûreté des Etats de Sa Majefté. On fait
aufli que le defir du Roi feroit que la
Pologne s'arrangeât avec la Ruffic , &
prévint une guerre qui ne pourroit qu'être
fâcheufe dans l'état actuel de l'Europe.
Le Roi eft parti le 2 pour aller faire la
revue des régimens en Pomeranie. Le Prince
Royal s'y eft auffi rendu. Le lendemain le
régiment de Huffards d'Eben a déposé les
timbales à l'Arfenal , ufage qu'il pratique
lorfqu'il fe met en marche pour entrer en
compagne , le 3 , ileft parti pour Coblentz ,
ayant a la tête fon Chef , le Prince Louis
de Pruffe. Le même jour une divifion de
l'artillerie à cheval s'eft miſe en route pour
la même deftination.
De Francfort-fur- le-Mein , le 9 Juin.
La troisième colonne des troupes Pruffiennes
qui fe rendent vers le Rhin , doit
fe mettre en marche aujourd'hui & arriver
le 30 de ce mois entre Minden & Fritgar.
Cinq bâtimens ayant à bord des troupes
Hongroifes ont paffé le 4 près de cette
KS.
- Le
ville pour fe rendre dans les Pays-Bas.
Cercle de Souabe a arrêté d'accéder à
l'affociation des Cercles , mais il a déclaté
queaffociation
ne
pourra
prendre
་
que des mefares préparatoires , & qu'il·
falloit attendre un Conclufum de l'Empire
pour agir Hoftilement contre la France. "
C'eft ce Cercle qui mettra des garnifons à
Kehl , Offenbourg & autres endroits voffins."
-Ii fe confirme que le Maréchal Bender
a reçu l'inftruction de confentirà un armiftice
de quatre ou de fix femaines , fi toutefois
il étoit demandé. Suivant le
même rapport , la guerre offenfive ne
pourra avoir lieu que lorfque toutes les
troupes feront rendues à leur déftination.'
On a fure que les François émigrés ont
enfin obtenu la permiffion du Roi de Hongrie
d'agir en Corps d'armée , mais à condition
de fuivre abfolument le plan d'opé
rations de fes armées , & de fe foumettre
au commandement de fes Généraux . Les
lettres requifitoriales pour le paffage de'
29,030 hommes de troupes Autrichiennes
ont été notifiées à Ratisbonne & aux en
virons . Quatre bataillons pafferont le 28
de ce mois par Ratisbonne.
"
PAY SOBA SE
and b {33SO 17་
De Bruxelles le 14 Juin. "
L'inauguration de Sa Majefté a eu
( 215 )
fieu le 12 ici , fuivant les cérémonies
d'ufage. Il paroît que les François inftruits
de cet évènement avoient penfé
qu'ils pourroient en profiter pour entrer
dans le pays & fe porter fur quelque ville
après avoir effectué la réunion des armées
de Luckner & la Fayette dans les plaines
entre Mons , Valenciennes & Maubeuge.
Mais le Commandant général de nos
troupes , le Duc de Saxe- Tefchen & l'Archiduc
Charles, avertis à temps de ce mouvement
, fe font portés avec un Corps de
troupes de 9 mille hommes fur l'avant garde
de l'armée Françoife de M. de la Fayette
qu'ils ont atteinte à une lieue & demie de
Maubeuge , où le combat s'eft engagé par
une canonnade très vive de part & d'autre.
Le Corps d'armée Françoife a été obligé
de fe replier fous le caron de Maubeuge ,
après avoir laiſſé , dit on , 300 morts fur la
place, entr'autres , le Général Gouvion & tos
autres Officiers qui ont été tués a l'entrée
d'un village nommé la Grifnelle . Voici
ce que le Gouvernement a fait publier
dans un fupplément à la Gazette des Pays-
Bas fur cet évènement , fous la
d'extrait d'une lettre de Mons , en date
du 11 .
que
V « Nous avons attaqué , ce matin , le corps
commandé par M. de Gouvion , que M. de la
Fayette avoit pofté en avant de Maubeuge du
côté de Betigny , Bereilly , Marcieux & la Grif-
16
( 216 )
nelle, Nous l'avons délogé de fon camp & des
batteries qu'il y avoit conftruites , & challe julqrà
Maubeuge , tandis que le reste de l'armée
de la Fayette n'a pas bougé de celui dans lequel
cile eft retranchée derrière cette place . Nous
avons pris quelques tentes , un caiffon de muni
ions & un magafin de fourrage à l'ennemi ,
& nous avons fait prifonniers un Officier &
quelques Soldats. Le Maréchal-de- camp Gouvion
atéte tué à l'entrée du village de la G ifnelle.
Dès que les rapports ultérieurs qué nous attendons
fur cette affiire nous feront parvenus
nous nous emprefferons de les communiquer au
public. L'inauguration d'ici a été célebrée au
fon des trompettes de la victoire. »
Le Général Bender eft définitivement
nommé Gouverneur du Luxembourg ; il
y avoit commandé pendant la dernière
ipfurrection du Brabant. Le Général Clair
fayt le remplace dans le commandement
général des troupes aux Pays Bas. - Les
Etats de Brabant ont été de nouveau affem .
blés pour l'affaire des fubfides ; le Tiers Etat
y veut toujours mettre une condition qui
doit paroître d'autant plus contraire aux
formes ordinaires que les conftitutions du
pays n'autorifent un ou plufieurs Ordres
des Etats à refufer les fubfides, que lorsqu'ils
font injuftement demandés ou trop au deffus
des facultés des Habitans , &jamais રàે y
mettre des conditions puifées dans les évè
nemens ou dans les matières de Gouver
nement politique. Aujourd'hui le Frers(
217 )
Etat exige pour condition le rappel de cinq
Confeilters exilés , l'abolition de la Loi
Martiale ; objets qui font abfolument du
domaine de la grande police de l'Etat , &
ne peuvent jamais , fans confufion de pou
voirs , être invoqués pour un refus de fubfides
, puifqu'il n'en peut rien réfulter qui
les rendent plus ou moins légitinies . Au
refte , on efpère que ces tracafferies , qui
tiennent à un refte d'efprit d'infurrection ,
fomenté par l'étranger en grande partie ,
difparoîtront après le Couronnement de Sa
Majefté, en qualité d'Empereur des Roinains
.
On mande d'Amfterdam que les inquiétudes
qu'on y avoit fur le fort des établiffemers
Hollandois dans l'ifle de Ceylar ,
où l'on avoit annoncé, il y a quelque temps,
une infurrection , viennent d'être diffipées
par une lettre reçue dernièrement : elle porte
que par les foins du Gouverneur de la Colonie
M. Van Graaff, & par fa difcipline
& le courage des troupes & fur tout du
régiment Suiffe de Muron , l'on étoit parvenu
à tenir en échec trois armées de Chi
gulais peuple ennemi des Hollandois, & que
la faifon des pluies les avoit forcé de ran
trer chez eux. L'on a reçu à Ceylan des fecours
du Cap de Bonne Efpérance & de
Batavia , & l'on efpéroit renouveller avec
le Roi de Candie les Traités & PAlliance
218
qui fubfiftent depuis long- temps entre lui
& la République.
Le Prince Stathouder met une grande
activité aux préparatifs militaires que les
circonftances commandent : fes liaifons
avec la Cour de Pruffe , l'influence de Madame
la Princeffe fon épouse & des motifs
de sûreté pour l'Europe paroiffent pouffer la
République à fe joindre à la réunion des
forces combinées contre la France ; la Province
de Hollande feule femble ne pas
montrer le même fentiment que les autres
à cet égard ; mais l'on a lieu de croire qu'elle
en fuivra l'exemple.
FRANCE.
De Paris , le 20 Juin 1792.
b 313h 10JINSIY
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du dimanche , 10 juin.
1
Des citoyens de deux ou trois fections de Paris
témoignent leur fatisfaction du décret relatif aux
20,000 fédérés (grands applaudiffemens ) . M. Santetre
, les hommes à piques & quelques gardes
nationales du fauxbourg St. Antoine , félicitent
Affemblée fur ce décret . Orateur de la députa
tion , M. Santerre a dit « Les esclaves ne s'affemblent
jamais que pour rendre de honteux hom
་ ་ ་་་
ל כ
1
mages à des affaffins couronnés ; les hommes libres
fe réuniffent pour referrer les doux liens de la
fraternité fociale , » Après diverfes harangues , ces
députés & d'autres , hommes & femmes , ont
eu les honneurs de la féance . L'Affèmblée a dé³
crété que le 6 régiment de dragons eft honerabiement
acquitté ; & il a été fait mention de la
conduite louable de M. Duval , le colonel ,
comme du trait oratoire des affaffins couronnés da
braffeur M. Santerre .
•
Quelques détachemens de troupes de ligne de
Paris & leur général, M. Wittincoff, ont reçu la
faveur de défiler devant l'Affemblée nationale au
bruit de les applaudiffemens , des tambours & de
l'air ça ira ; fpectacle vraiment légiflatif , propre
à convaincre que le Roi eft le chef fuprême de
l'armée .
* Six pétitionnaires ayant pour orateur M. Vaf-!
felin , ont demandé , à la barre , un décret d'ac
cufation contre le miniftie de la guerre , comme
s'étant rendu l'inftrument d'une faction en calome
niant la garde nationale de Paris. M. gniaud
a accufé M. Vaffetin de demander à l'Affemblée
un' decret contre elle- même , & de calomnier
tous les patriotes de la France ( on n'a pas oublique
M Vergniaud appelloit Jourdan patriote ,
martyr de la liberté ) . Il a uié vengeance au nom
de la loi , & a refuté les honneurs de la féance
aux pétitionnaires en difant qu'on te les accordo
jamais aux dénonciateurs, Quelle affertion ! M.
Dumolard s'eft cru difpenfé de tout commentaire.
en lui rappellant qu'on y avoit adais es galériens
de Châteauviera. M. Mo tut vouloit que l
procès- verbal porât que M. Pofflin , qui ve
Hoit de fortir , avoit été chaffe ; on n'a pas adopte
220 )
cette rédaction , & a un long vacarme eft réfulté
ce confidérant de M. Vergniaud.
- L'Aflemblée nationale , pleine de confiance
en la garde nationale Parifienne , voulant venger,
L'injure qui lui a été faite ainfi qu'aux gardes nationales
des 83 départemens , qui ne font qu'un
avec celle de Paris ; confidérant que qe ne peut
être que par l'effet de maneuvres coupables &
d'intrigues crimi selles qu'on eft parvenu à égarer
l'opinion de quelques citoyens ; qu'il importe à la
tranquillité publique d'en connere , les auteurs ,
r.nvoie la petition qui lui a été luc aux comités
de légiflation & de turveillance réunis , pour être
fait le plus promptement poffible, un rapport fur
cette affure
190
Plufieurs gardes nationaux de Paris , ont apporté
1a pérition dénoncée fouferite de 8,000 fignatures
feulement pour ne pas trop tarder. Ils accufoient
le miniftre de la guerre de calomnie ; afluroient
que les factieux qui parloient tant de buigand -raignoient
encore plus la ga de nationale Parifione,
dont le courage,n'étoit affoibli , & gymapdoient
le rapport du décret fur les 22,000 hommes.
M. Vergniaud a préte du que les fignatures,
avoient été mendiées . On a renvoyé la pention aux
comités de lég flation & de furveillance, & le pré
fident a invité la députation aux honneurs de la
féance qu'un bruyant orage a terminée.
. Du lundi , 11 juin ,
94
... Zip i
Les, adminiftrateurs du département du Gard
abnoncent que la pefte eft manifeftée à Tunis
& qu'on a pris à Marseille & à Toulon toutes les
melures pour empêcher qu'elle ne feit apportée en
France .
( 221 )
Il pleut à la baire & à la tribune des adreffes ,
pétitions & dénonciations individuelles contre
l'adrefle des 8,000 gardes nationales de Paris ,
& contre des imprimés qui circulent , où l'on ac
cufe les factieux du projet d'enlever le Roi pour
s'en faire un ôtage. On lit auffi des rétractations
de fignatures prétendues furprifes. Tout eft ienvoyé
aux comités de furseillance & de légiflation
réunis , a bruit des battemens de mains des galeries
& d'une partie de l'Affemblée.
Voici la fubftance de deux décrets › rendus ?
1º. l'armée du midi auia un payeur- général & un
Font:ôleur des dépenfes , nommés par la tiélore-
Hie nationale conformément au décret du 27 avril
denis ; 2 ° . le Roi donnera fes oidies pour le
remplacenient de tous les emplois vacans dans le
régiment d'artillerie des colonies. La place d'infpecteur
général ne fera remplie qu'après l'organi
fation définitive . Les officiers rouleront , pour leur
avancement , fur la totalité du régiment , & les
fous-officiers fur la totalité des compagnies réunies
dans le même département. Ceux qui morteront à
des grades vacans antérieurement au premier avril
1792 , feront cenfès avoir été pourvus à ladite
époque ; les autres dateront de la vacance.
22 ,
Des citoyens domiciliés dans l'étendue du bataillon
de Saint- Laurent » de Paris , au nombre de
font venus défavouer la pétition des 8,000
&-dénoncer M. Guyon, adjudant- général , comme
l'ayant diftribuée à l'ordre . Le préſident les a invités
aux honneurs de la féance , peut- être pour confirmer
l'affertion pofitive du veridique M. Vergniaud
que « jamais on ne les accordoit à des dénonciateurs
»,
*
M. Roland a repréfenté que les 12 millions def
timés à fecourir les départemens , étant épuilés , lé
( 222 )
Roi n'avoit pu fanctionner le décret qui ordonne
au miniftrede prendre far cette fomme dépensée
lest:100,000 liv. décernées au département de
FAifne. Un, nouveau décret a mis les 100,000 1 .
à la difpofition du miniftre. -- Tout le refte n'a
éré lu que pour être renvoyé , imprimé , ajourné.
Du lundi , féance dufoir.
Nouvelles dénonciations de fignatures furprifes
à des femmes , à des enfans , pour composer les
8,000 ; & mulle preave légale que ces fraudes
foient l'oeuvre du parti qu'on dénigre , & non de
factieux qui récriminent ; rétractations de fignatures
appofées au bas de la pétition de M. Vaffein
qui follicitoit un décret d'acculation contre le
miniſtre auteur du projet d'appeller 20,000 patiores.
Un particulier entreprend , à la barre , de
juftifier les affaffinats d'Aurillac , fe vante d'avoir
apropagé , dans le département du Cantal & les
départemens.circonvoilies , les lumières & le feu
du patriotisme le plus pur » voit par-tout des
cocardes blanches , des croix blanches , des robles
& des prêtres extrus qui égorgent impunément , la
loi qui fommeille , & peing des aristocrates eme
prifonnés , le peuple fe reffaififfant du glaive de
la juftice, les portes des cachots enfoucés , & les
têtes... Une honorable indignation a éclaté dans
l'Affemblée ; ceux qui avoient traité Jourdan &
fes complices de patriotes , de martyrs de la lis
berté , n'ont pas élevé la voix pour réclamer und
amniftie en faveur de cet exécrable civilme que
M. Goffuin a couvert d'une juſte horreur . Le pétitionnaire
n'attend pas qu'on le chaffe , & l'on
applaudit .
Mademoiſelle d'Eon , auffi connue fous le nom
de M. le Chevalier d'Eon , écrit au corps légifla
1
(( 22:3 ))
uf , qu'impatiento de lesjupes, elle about vendu,
n'a gardé que fon uniforme pfes aumes, & les
manufcrits du Maréchal de Vauban , qu'elle brûle
de faire briller fon épée ailleurs qu'aux proceffion's
de Paris , & d'aller à l'armée vaincre ou mourir
Four la Nation , la Loi & le Roi, H fera fais
mention de la lettre renvoyée au comité militaire.
Du mardi , 12 juin.
141
er
Upe lettre de M. de Blanchelande tend compte
des nouveaus malheurs de St. Domingueson la
renvoie au comité, colonial : M. de la Morliere
adreffe à l'Affemblée le rapport des troubles caulés
à Newbrifack par l'arrestation de voitures char
gées d'armes , expoſe que le bataillon de
Ain & le 6. du Jura fe font très-mal conduits
& demande qu'ils foient jugés par des cours mars
tiales , & licenciés , s'il y a lieu , feul moyen de
rétablir la difcipline . Sa lettre la été remife ap
comité militaire comine le Roi d'éveic plus
le chef fuprême de l'armée , comme s'il falloit
une loi pour chaque fait .
2
La minorité rée le parvenue à jouer le rôle
impofant & précaire d'une majorité factice , a
eru devoir encore uſer du puéril; moyen de faire
préfchter à la barre quelques remercîmens pour
Îe décret relatif aux 20,000 hommes , & quelques
rétractations vraies ou fuppolées de fignatures
compromifes dans les 8000 qui follicitoient l'abo
ligion do ce décret ; mefure impolitique & funefte
qui tend à faire dépendre la valeur d'un décret
du plus ou du moins d'individus qui les approuvent
on défapprouvent au gré des clubs. On
a renvoyé la pétition au comité, & les pétitionnaires
ont reçu les honneurs de la féance , vol . 1
M. Clavière mande à l'Affemblée que la caiffe
( 224 )
patriorique de fecours aémis pour 12,569,312 1
de plus que ne l'ordonne le décret du mois dernier
. Sur l'obfervation de M. Cambon , que
票
décret du 3 avril porte que les municipalités feront
dépoler en affignats la valeur des billets émis ,
on eft paffé à l'ordre du jour.
"
Hier au foir M. Delfaux vit un énergumène
monté fur une chaife , & entouré d'un nombreux
auditoire , dans le jardin des Teilèries , à la porte
de l'Affemblée nationale . Le bénévole législateur
fe place à côté de Forateur & l'écoute , du plus
beau fang froid , déclamer avec beaucoup des
véhémence & en montrant le château , un ouvage
intitulé : La chûte de l'idole des François..
Hentend ce furieux parler ainfi du Roi dont la
perfonne eft facrée aux yeux de tour honnêté-i
homme & d'après la conftitution .
see C'est ce moaſtre qui n'employe le pouvoir
qui fui eft confié que pour anéantir la nation.
Nouveau Charles IX il veut, vous armertler
ans contre les autres & porter dans la France
la défolition , les ravages & la mort . Va peifide ,
ton crime envers une nation ferfible &ˆ généstufe
, tel met dans la claffe des plus grands
criminels. Damiens fut moins coupable que toi ;
s'il eût conformé fon crime , il n'eût privé la
fociété que d'un brigand....Et toi , dont l'attentat
eft 25 millirins de fois plus grave , on ve laitle
impudi Maisaremblez , brigands , qui vous
jouez de la volonté du peuple 3 thenre de la
vengeance approche 3 il eft parmi nous des Scé
vola qui faurout braver les tourmens & la mort j
pour la donner à ceux qui nous oppriment..
Puifque le fucceffeur de tant de tyrans a compu
tous les roeuds qui l'atrachoient à nous , foulons
aux pieds ce vain fimulacre de royauté équis a
( 225 )
prétendu anéantir les loix éunanées de la volonté
de. 25 millions d'hommes. Ployer devant un ins
dividu left un crimes & une monftruafité dans
l'ordre focial. Abattons les reftes de la royautéz
écrafons cette idole des François , quien fe fai
faot déclarerminviolable , a cavili la majesté nat
tionale ; réuniffons nos forces , &c..v suot nɔ
M. Dolfaux ,Vandes repréfentans de la nation ,
loin d'élever la voix contre cet infâme promo
teur de carnagel , contre cet exéérable apô:re
falarié du régicide , a fouffert , au contraire
que la présence , fon attention & la retraite pais
fible paruffent donner une forte. d'approbation
tacite à ces horreurs ; & oubliant philofophique→
ment qu'il nagit fujet du Roi malheureux qu'on
Jivre aux affaffins , oubliant qu'il eft Erançois
homme , législateur , inviolable , & que tout
citoyen devient magiftrat lorsque les magiftrats
laiflent de telles fcélérateffes impunies , M. Delfaux
s'eft réservé de raconterraujourd'hui cette
fcène & fa conduite à Affemblée nationale . Il
die qu'il s'eft approché , qu'il a tout écoutés cite
les lorgs paffages que nous venons d'abiéger ,
dont les premiers mots cuffent été les derniers a
la loi eût régné , fi: l'audacieux inftigateur de
meurtre & d'anarchie avoit rencontré un fcul
homme vertueux & libres dans ce grouppé de
vils efclaves ; & il a demandé que M. Pétion
rendît compte des mesures prifes pour éviter c de
parcils abus »... Le même membre a aufli dénoncé
fe garde- du - fceau comme coupable de nepoint s'oppofer
à la circulation de l'ami du peuple, foujileri
cer diaire qui , depuis le décret d'accufation lancé
contre Marat qui la figne , fe répand plus que
jamais dans la capitale , dans les départemens &
dans l'armée , & il en a rappellé ces phraſes
( 226 )
t
Heſt évident que Théobald Dillon eft criminel
Vous verrez cependant que l'Aſſemblée le blan
chira pour donner aux généraux le droit de trahir
en failant punir les régimens patriotes . Dites
enfuite que le Roi , les miniftres & l'Affemblée
nationale me s'entendent pas comme des larron's
en foire..ɔŽ borot sou archilouby ; stenols
"MM. Lafource , Goupilleau, Duxhem & Saladin
ontrinvoqué l'ordre du jour , l'un parce qu'il
avoits des décrets rendus , l'autres parce que
l'Affemblée pour fe tenir, à la hauteur , & c.
ne doit pas s'amufer à des dénonciations de
gazettes M. Mayerne s'eft écrié : « Quel'in
térêt des Mellieurs ont - ils donc à foutenir de
pareils crimes ( grande tumeur ) ? » Male Roi
de Bagneux , à dénoncé un écrit intitulé Tétén
17
prix. On y met à prix la tête du Roi, celles
des généraux & de plufieurs membres de l'Aï»
femblée. Sar la remarque de M. Beugnot que
ces faits n'étoient pas de la compétence de l'Afſemblée
, son a décrété le renvoi au pouvoit
cxécutif , & Pon eft paffé à l'ordre du jour,
fans faire aucune mention de l'inexcusable négli
gence des principaux chefs de la police municipale
qui voient d'un ceil indulgent & cestpami
phlets & ces déclamateurs des carrefours & des
jardins publics ; on a feulement ordonné que lo
garde- du- fceau rendroit compte des moyens employés
pour arrêter l'Ami du Peuple.
DeCe (miniftre eft venu dire qu'il avoit fait tout
fon poffible , fous les loix actuelles ; qu'il avoit
écrit , preffé , exhorté , & c. M. Bigot a repréſenté
que le crime des libelliftes devoit être conftaté
par un juré civil ou criminel , qu'aucune toi n'a
fixéla marché des tribunaux à cet égard , ni prononcé
des peines ; que la conftitution n'y a pas
( 227 )
pourvu, que la légiflation , n'y a point fupplété
M. Bazire n'a furpris perſonue en trouvant que
de femblables loix auffi bien exécutées étoient
très-fuffifantes. On a néanmoins chargé de comité
de légilarion deisten occuper. Mark JA
"
Deux décrets antiftátué : 19% que la fortie de
route sefpèce d'armes & munitions de guerre
demeure prohibée fous peine de faific & depo' !.
d'amende pour chaque arme , full , piſtolet de
poche & d'arçon épée , fabre , couteau de
chaffe, &c ; 2°. que des fufils réparés & marqués
A Narme nationale , feront diftribués cauk
pay fansi des frontières ; 39. qu'il feia attaché aux
fix légions créées par le décret dus 27 ávril derg
nier une nouvelle compagnie de 130 hommes
fous la dénomination fi fimple de volontaires
gardes - nationaux -chaffeurs à cheval » ; qui
s'équiperont à leurs frais recevront 2 francs
de Cupplement de folde pour leur cheval qui leur
appartiendra à la fin de leur fervice s'ils n'aiment
neuxen recevoir alors soo 1. Dès qu'ils feront au
nombre "de 100 , ils élironts entr'eux un préfi
dent , un fecrétaire , trois fcrutateurs , & nom .
meront au fcrutin individget leurs officiers &
fous- officiers , & en donneront avis au miniſtre
de la guerre , c'est - à-dire , au Roi chefſuprême, ;
Du mardi , féance du foir.
Des citoyens & non les citoyens de la fection
du Palais -Royal , font venus recueillir d'hongrables
applaudiflemens à la baire , en y déſapprouvant
la pétition des 8,000 , & en demandant
le licenciement de l'état -major de la garde
nationale de Paris . En vain M. Huantepréfen
toit - il qu'exiger ainfi ce licenciement , fans
228 )
motif ,fans preuves , c'étoit femèr la déforga
nifation done on avoir vu les effets dans les dé .
routes de Mons & de Tournay . La pécition a
été renvoyée aux comités, arc
T
M. Brival avoit . dit , le matin , qu'il venoit
do voir de fes yeux: canbulletins de la même
érriture portanti 3)Mude Girardin à la vice- pré-1
fidence. Les quatre commiffaires nommés pour
examiner ce, fait parmi lesquels étoit M. Cha
bot ) ont déclaré n'avoir tien vu de femblable.
On a ordonné ùn nouveau ſcrutin , & ſur la
dénonciation Ed'un délit aufli grave , réduite à
une èalomuie honteufe par ce dementi , l'on eft
paffé la l'ordre du jour. i wan
2 2
207
Après que plufieurs citoyens & citoyenpes ,
vêtus:& lautres , fe font acquittés de l'honnête
meliage d'improuver la pétition des 8,000 ,
l'Aſſemblée a décrécé d'urgence huit articles que
leur intérêt commun nous obligé de tranferite :
3 ce. L'Aflemblée nationale , après avoir entendu
le rapport de fes comités de l'ordinaire & de l'extraordinaire
des finances , & apès avoir décrété
l'urgence , décrète :
Art. I. Les propriétaires des créances fufcep
tibles d'être données en paiement de domaines nationaux
, qui auront acquis defdits domaines ,
antérieurement à la publication du préfent décret,
continueront de jouir de la faculté qui leur a été
accordée par les précédens décrets : mais cette
facoké ne fera point tranfiniffible ; elle n'exiſtera
que pour les créanciers directs de l'étar , » , z .
- A l'égard des biens dont l'aliénation eft ac
tuellement décrétée , qui feront adjagés pofté
rieurement à ladite époque du premier juiller, ils
ne pourront être payés qu'en affignats ou en numéraire
;
1
( 209 )
métaite ; & alcune claffe de créanciers ne pourra
donner en paiement des reconnoiffances provifoires
ou définitives de, liquidation . » )
II. Les reconnoiffances provifoires de liqui
dation , dont l'emploi n'a pas été fait , & qui font
encore en circulation , continueront d'être admifes:
en paiement des biens nationaux comme par le
paflé ; mais aucun receveur de diftrict ne pourra ,
à peine d'en demeuter refponfable , recevoir au
cune reconnoiffance d'une date poftérieure à la
publication du préfent décret ; & , à l'exceptiona
des affignats ou du numéraire , il ne pourra recevoir
en paiement des biens nationaux que les récé
piffes du tréforier de la caifle de l'extraordinaire
délivrés conformément aux difpofitions de l'article !
fuivant.
III. A l'avenir , les reconnoiffances provi
E.
foires ou définitives de liquidation , ne feront plus
directement admiflibles en paiement de domaines
nationaux ; mais ceux qui auront acquis des domnes
antérieurement au premier juillet 1792 ,
fergat tenus , s'ils veulent donner ces reconnoif
fances en paiement , de les piéfenter, à l'adminif
trateur de la caiffe de l'extraordinaire . Get ad- b
migiftrateur vérifiera fi le propriétaire eft vraiment i
a : quéreur , & quelle eft la fomme par lui due.
à raifon de fes acquifitions. Après cette vérifi
il fera l'emploi de la totalité ou d'une
partie des fommes énoncées dans lefdites reconnoillances
, en délivrant à l'acquéreur des mane >1
dats fur le tréforier de la caille de l'extraordiopu
naite , dont le récépiffé fera pris pour comptantail.
par les receveurs du diftrict où les biens feront
fitués . " 20.944 ek
« IV Auffi - tôt qu'il aura été fait emploi de
la totalité ou d'une partie des fommes : mention h
No. 25. 23 Juin 1792 .
>
1
L
( 2305
nées dans les reconnoiffances de liquidation , l'adminiſtrateur
de la caiffe de l'extraordinaire adreffera
au commiffaire du Roi , directeur-général de
Ja liquidation , un bordereau des imputations faites
à la caiffe de l'extraordinaire , au profit de chaque
créancier. Le commiffaire du Roi , liquidateur , en
tiendra compte , pour en être fait diſtraction , lors
de l'expédition de la reconnoiffance définitive. »
« V. Le retenues à titre de dépôt d'un dixième ›
fur des créances déjà acquittées , faites aux créanciers
pour nantiffement du non- paiement de leurs
impoficions , contribution mobilière ou contribution
patriotique, lors même que lesdites retenues
excéderoient la fomme de 10,000 liv. , feront rembouffées
aux créanciers , auffi-tôt qu'ils juftikeront
de leur acquittement , & le montant defdits
rembourſemens ne fera pas imputé fur les fommes
definées à rembourfer les reconnoiffances de liquadation
au- deffous de 10,000 liv.
153
VI. Auflistôt que , conformément aux difpofitions
de l'article II du décret du 15 de ce
mois , les porteurs de reconnoiffances définitives
de liquidation , excédant en capital la fomme
de - io, ono liv. , le préfenteront à la caiffe de
l'extraordinaire , Padminiſtrateur de cette caiffe
leur délivrera, après qu'ils auront fait les juftifications
prefcrites par les décrets des 24 , 27
juia & 29 juillet 1791 , un mandat-féparé pour
Je montant des intérêts alors dus & échus aux
termes des précédens décrets . Ces mandats feront
acquittés par le tréforier de la caiffe de l'extraordinaire,
& nesleiferont pas des fonds deftinés au
paiement des seconnoiffances de liquidation audeffus
de 10,000 liv . »
VH. Pour que l'intérêt des reconnoiſſances
de liquidation, arcédant la fomme de 10,000-1 ,
J
8231 )
commence à courir du jour de leur préfentation
à la caiffe de l'extraordinaire , confo mément à
Farticle II du décret du 15 mai dernier , il fuffira
que les créanciers juftifient de leur réfidence
dans le royaume pendant le temps preferit par les
précédens décrets. »
« VIII. Dans le cas où la fomme de 6,000,000 1,
au-delà de laquelle le remboursement de la dette:
liquidée ne peut s'élever chaque mois , feroit
abforbée avant la fin du mois , les porteurs de
créances qui doivent être remboursées au moyen
de cette fomme , feront inferits fur un regiſtre
tenu à cet effet , dans l'ordre de leur préfentation
, & feront remboursés dans le même ordre
fur les fonds du mois ſuivant . L'intérêt leur
fera bonifié , depuis le jour de leur préſentation
jufqu'à celui de leur remboursement , qui ferai
indiqué dans le bordereau numéroté qu'on délivrera
à la caiffe de l'extraordinaire, »
Du mercredi , 13 juin.
On a renvoyé au comité militaire l'état des
dépenfes pour l'habillement des gardes nationales ,
montant à 15 millions. Les employés de Pontoile
au transport des farines , fe plaignent qu'ils
manquent de fubfiftance depuis que Paris ne
s'approvifionne plus à Pontoife. Au comité des
Lecours & les honneurs de la féance .
M. Servan écrit à l'Aſſemblée qu'il accepta
le ministère de la guerre par amour du bien Pu
blic , efpéra triompher des difficultés par la ténacité
à faite tout le bien qui dépendoit de lui ;
qu'en s'entourant d'hommes probes , en marchant
à découvert , en fe prononçant ouverte
ment fur fon defir extrême de faire le bien, il
Comptoit être foutenu & protégé ; qu'au moment
L 2
7232 )
où il étoit encouragé par les concitoyens ( par
les 8,000 fans doute ) , il a reçu l'ordre de remettre
le porte- feuille au miniftre des affaires
étrangères ...... Ces mots ont excité de violens
murmures d'un côté de la falle & dans les galeries.
Ma confcience , ajoute M. Servan , me
dit que je ne dois pas moins compter fur les
bontés de l'Affemblée ( vifs applaudiffemens des
mêmes auditeurs ) ; & il demande à voler aux
frontières dès que fes comptes feront dépolés .
Auffi- tôt M. Duffaulx a prononcé un long &
pompeux éloge académique du miniftre difgracié :
ce nul homme n'a fait plus de bien que lui dans
le département de la guerre. Il a purgé les bureaux
.... Encore quelques jours & les armées
qui manquoient de tout , nageoient dans l'abondance....
Ce foldat- citoyen eft renvoyé au milieu
de fon triomphe ... Le Roi a été surpris par
de perfides manoeuvres . » Le panégyriſte demandes ·
qu'on décrète que M. Servan emporte les re
grets de la nation , myſtère philofophique d'autant
plus merveilleux que la nation ne fe doute
pas encore du renvoi de M. Servan , dont plus
de 20 millions de François ignorent l'existence ."
Tranſports éclatans ; murmures contre M. Hauffi
qui veut qu'on attende que les comptes foient
rendus , comme on l'a décrété à l'égard de M.
de Narbonne ; & contre M. de Vaublanc qui ,
avec tous les ménagemens civiques , propoſe
d'examiner avant de décider. « La comparaifon
entre M. de Narbonne & M. Servan , ne mérite
pas d'être combattue , dit magiftralement M.
Couthon ; & M. Couthon cft sûr qu'il y a des
mains prêtes à l'applaudir. « M. de Narbonne
avoit été dénoncé ; perfonne n'a dénoncé M.
Servan , affirme M. Guadet , fi ce n'eſt peut(
2330)
être les ennemis de la chofe publique ; dénonciation
qui feule devroit peut- être lui obtenir la
déclaration qu'on demande . » ( Si les 8,000
gardes nationaux de Paris qui ont dénoncé M.
Servan , font les ennemis de la choſe publique ,
il faut leur faire leur procès s'ils out agi en
citoyens irréprochables , c'eſt une lâcheté que de
les calomnier , lorfqu'on eft inviolable ). « Quand
finiront donc ces complots , s'écrie M. Guadet?
Quand vous voudrez , lui crie une de fes
connoiffances. » Il conclut comme M. Duffault.
On décrète les regrets nationaux. M. de
Jaucourt demande pourquoi ? M. de Kerfaint
lui dit « parce que la difgrace de M. Servan
fait la joie des mauvais citoyens . » Et fur la
motion de M. Guiton de Morveau , après la
permiffion d'aller à l'armée , l'Affemblée , dans
un enthoufiafme inconcevable , ordonne l'envoi
du décret aux 83 départemens , pour les inftruire
des regrets votés en leur nom .
Le garde- du- fceau a remis au préfident cette
lettre du Roi :
сс
Je vous prie , M. le préfident , de prévenir
T'Affemblée que je viens de changer les minifties
de la guerre , de l'intérieur & des contributions
publiques . J'ai remplacé le premier par M. Dumourier
le fecond par M. Mourgues. M. Naillac ,
'employé auprès du duc de Deux- Ponts , remplace
M. Dumourier. Je n'ai pas encore pourvu
au miniftère des contributions publiques . Je veux
la conftitution. ( Il s'eft élevé des murmures
dans un des côtés , MM, Maribon , Montaut &
quelques autres membres ont demandé l'ordre
du jour. Des murmures d'indignation dans l'autre
côté ont fuivi cette propofition .
) Je veux la
'conftitution ; mais avec la conftitution , je veux
---
-0-
L 3
( 234 )
fordre & l'exécution dans toutes les parties de
adminiftration . Tous mes efforts feront conftamment
dirigés à la maintenir par tout ce qui
fera en mon pouvoir. »
Signé , LOUIS , contre figné Duranthon.
Des cris : à l'ordre dujour , ont coupé la lecture
de cette lettre . Mais une indignation généra.e a impofé
filence à ceux qui fe les permettoient , & M.
de Vaublanc leur a dit : « Vous déchirez la conf-
'titution. »
MM. Clavière & Roland écrivent à l'Affemblée
qu'ils ont reçu l'ordre de remettre leur portefeuille
. Ils fe retirent , l'un avec « la fatisfaction
de l'honnête- homme » & après avoir entrevu que
les finances n'offrent aucun obſtacle dont on ne
puiffe triompher en faifant parler la raifon » ; &
Fautre avec fa confcience & tranquillement
appuyé fur elle » Mais ce dernier envoie à l'Affemblée
la copie d'une lettre confidentielle qu'il
a écrite au Roi lundi dernier. Or fon congé date
du moment même . Cette lettre eft telle que nos
lecteurs nous reprocheroient de ne leur en offrir
qu'un extrait. Nous la tranfcricons ailleurs toute
entière , comme un monument de cynifme réve
Jutionnaire & de la liberté & de la sûreté de
Louis XVI.
Sa miffive audacieufe & infultante , tumultucufement
applaudie d'une partie de l'Affemblée ,
fera imprimée aux frais du peuple , inférée au
procès- verbal , & , à la demande de MM . Lafource
& Larivière , adreffée aux 83 départemens.
On a de plus étendu la faveur des prérendus
regrets nationaux , de M. Servan , à MM,
Roland & Clavière.
M. Dumourier's prefque baffoué à fon entrée
dans la falle , a lu un rapport de M. de la Fayette,
:
{ { a ; ¢ °
-dont- nous renvoyons la fubſtance à notre article
de politique. L'Ademblée a décerné les premiers
honneurs funebres à M. de Gouvion dans le procès
- verbal , & la philofophie du comité d'intruction
en fera probablement encore une belle
fite payenne.
En qualité de miniftre de la guerre , M. Du
moutier a luun mémoire ou il a démontré le
vuide , la jactance puérile des fublimes expreffons
: La nation fe lève ou fe lèvera toute éntière
, loifqu'il eft phyfiquement impoffible d'armer
, d'exercer , de difcipliner , de commander
& d'habiller & nourrir . cette nation toute entière;
où il a foutenu , peut - être avec une exagération
affectée , que les feules troupes de ligne offient
actuellement un déficit de 40,000 hommes &
de près de 10,000 chevaux ; que la plupart des
places frontières font démantelées , que les fonctionnaires
publics n'y infpirent aucune cor fiance ,
que les armes & les provifions manquent ; que,
l'Aflemblée a décrété pour l'armée le recrutement
de 50,000 hommes ; pour le complettement de
180 bataillons , 40 680 hommes ; ; 4 nouveaux
bataillons ; 1,000 hommes par département ' ;
20,000 fédérés ;; légions d'environ 4,000 hommes;
154 compagnies franches , & 1,600 cavaliers thés
de la gendarmerie rarionale , « total , a - t- il dit,
fur le papier , 245 , 280 hommes , dont à- peuprès
, 1,600 chevaux . » Mais que l'Affemb ée
n'a pas même fongé au préliminaire indifpenlab'e
d'afligner des fonds pour chacun de ces
objers .
MM , Laciée & Paganel ont fait ce dilemme :
cu il trahuffoir la patrie en hâtant la guerre fans
moyens de la fourenir ; où il ment en miane
l'exiſtence de ces moyens . On parloit déjà d'Or-
L 4
t
( 296 )
léans. Quelqu'un demandoit qu'il rendit compre
des 6 millions de dépenfes fecrettes . A peine
venoit-on de décréter que M. Servan emportoit
les regrets de la nation ; voilà que M. Lacuée
veut que la nation fache fi c'eft M. Servan ou
M. Dumourier qui l'a trompée ! Ce dernier figne
fon mémoire , le dépofe & fort. L'un lui op-
•poſe les comptes rendus où tout va bien ; l'autre
des rapports du mois de décembre où toutes les
places font dans le meilleur état . M. Rulh répotsd
de celles du haut & du Bas- Rhin ce qui ne manquent
, dit- il , que de défenfeurs . » D'orageux
débats produisent le décret fuivant :
לכ
« L'Affemblée nationale décrète , 1 ° . qu'il fera
formé dans fon fein une commiffion particulière ,
compofée de douze membres , laquelle fera
chargée de vérifier tous les comptes des minifties
qui , depuis le fieur Duportail inclufivement ,
ont été chargés du département de la guerre. »
cc 2°. Cette commiffion eft autorisée à prend: e
dans les bureaux du département de la guerre
tous les renfeignemens néceffaires à la verification
dont elle eft chargée par l'article précédent , &
fe fera repréfenter toutes les pièces justificatives
des comptes. "
3. Le miniftre actuel de la guerre fera
lenu de dépofer dans les vingt- quatre heures for
te bureau de l'Affemblée nationale les pièces jaf
ificatives des faits contenus en fon rapport de
cejourd'hui , notamment la correfpondance des
généraux & chefs de divifion de nos armées . >>
сс 4°. La commiffion rendra compte , fous
huit jours , de ce qui concerne l'état & l'approvifionnement
des armées , ainfi que de l'état des
places fortes en première ligne !
M. Amelot écrit qu'il ne reste que deux mît
( 237 )
lions , qu'il faut en payer plus de 60. Un décret
porte fubitement le maximum des affignats en
circulation effective ( fans compter les reconnoiffancès
de liquidation admifes pour achat de
biens, nationaux & les affignats brûlés ) à 1,800
millions , & l'on a pourvu à tout jusqu'à une
nouvelle crife .
Du mercredi , féance du foir.
-
>
L'auteur d'un placard intitulé : Les complots ;
avis à la garde nationale , dénoncé comme libelle
infâme , écrit à l'Affemblée & le nomme.
Elle avoit applaudi à la dénonciation , elle paffe
à l'ordre du jour. Félicitations fur le décret
relatif aux 20,000 fédérés ; rétractations de
fignatures que rien ne prouve avoir été du nombre
des 8,000 ; qui , de plus , ne vont pas
en tout , à 2 ou 3 cents depuis qu'on applaudit
les rétractations; lettre ferme & noble de M. Guyon ,
adjudant- général , de la 3. légion de la garde
nationale de Paris , cu il réfute les calomnies
débitées à l'occafion de papiers diftribués au
moment de l'ordre & ne faifant nullement partie
de l'ordre , ainfi que l'ufage en eſt établi , &
où il demande un prompt rapport ; enfin un
décret adopté concernant une nouvelle adminif
tration pour la fabrication des affignats .
Du jeudi , 14 juin .
A l'époque où la tolérance philofophique s'indigne
de l'idée du veto royal appliqué au décret inconftitutionnel
relatif à la déportation des prêtres ,
il est tout fimple qu'on faffe arriver des adreffes
ou lettres templies d'inculpations bien vagues
mais bien virulentes contre ces malheureux profcrits.
Les jacobins de toutes les provinces four
LS
( 238 )
niront ailément à cette correfpondance pour la
quelle ils n'auront befoin que de copier des dénonciations
fans preuves légales. Tout ſera bon
Pourvu que la multitude foit augmentée autour
de Tuileries par la lecture d'allégations revenues
de loin. En voici des citoyens des départemens
de Mayenne & Loire , de la Vendée , des deux
Sévres ; & MM . Cambon , Thuriot & Merlin
s'accordent à demander & obtiennent qu on les
renvoye au comité de furveillance & copie co!-
lationnée au Roi « pour qu'il connoiffe la vérité
& fache enfia qu'il faut nous débarraffer de ces
moftres , a dit M. Cambon . »
Plufieurs membres ont differté pour & contre
la fuppreffion , fans indemnités , des droits fo
daux cafuels. Les galeries applaudifoient ceux
qui vouloient l'abolition ; elles huoient ceux qui
montroient quelque refpect pour les propriétés,
Après avoir déciété l'impreflion , aux frais du
peuple , de longues differtations fort inutiles puif
qu'on étoit réfolu de prononcer , fans les lire ;
on a fermé vingt fois la difcuffion , adopté le
principe fauf à difcuter l'application , quoique la
queftion git effentiellement dans le principe; invoqué
l'appel nominal fur le fond & borné l'ap
pel nominal à décider d'un fous - amendement de
M. Dumolard qui avoit l'honnêteté de defirer
que 40 ans de poffeffion & des quittances tinffent
lieu du titre primitif. Enfin , de 497 votans ,
près de 200 font fortis de la falle , par une de
ces lâchetés , qui partagent la honte de l'ini
quité qu'elles laiffent commettre. La majorité de
ceux qui reftoient , a repouflé . violemment le
voeu de lever la féance , brafqué la mife aux
Voix par affis & levé , & rendu ce décret auffi
défaltreux que la rédaction en eft ridicule. « Tous
婆
( 239 )
les droits féodaux cafuels qui ne juftifieront point
par le titre primitif , être le prix d'une conceflion
de fonds font fupprimés , fans indemnités ,
33.
33
Nous n'expliquerons pas dans quel efprit M.
Chéron a propofé , comme article additionnel ,
de « déclarer nationales, toutes les propriétés
dont on ne produiroit pas le titre primordial,
Mais nous obferverons que ne pas le contenter
de la poffeffion centenaile ou immémoriale , &
des quittances , c'eft livrer des propriétés fans
nombre à l'ufurpation des redevables , violer
fcandaleufement le droit le plus facié , appeller
Ja force & la torche incendiaire pour détruire
tous les titres , appauvrir la nation de fommes
énormes , ébranler ruiner les premiers fondemens
de toute fociété & de toute morale , pour
fe populariter auprès d'une multitude erhardie an
brigandage .
Du vendredi , 15 juin.
De foi difant amis de la conftitution de Bouzonville
écrivent à l'Allemblée , la felicitent de
fa contenance fière , & c. la prient de purger la
tene des reftes de la féodalité , & lui communiquent
une adreffe qu'ils ont envoyée au Roi
O demande la lecture , on la décrète , on l'interrompt
, on l'achève . Comment , après tant de
façons , foupçonner que c'eft une cific qui
revient fignée ?
Ces amis ont appris de la notoriété publique
que le château des Tuileries récèle un foyer
de contre-révolution , qui met en danger l'Empire
François . » Ils écrivent au Roi d'éloigner
de lui les conemis communs , de purger La garde
« Il faut quitter le trône ( grands applaudiffemens
) cu foutenir , même au friz de votre
L 6
( 240 )
fang , s'il étoit néceffaire , la fouveraineté de la
nation qui vous y place.... Guidez-vous par fa
volonté du peuple manifeftée par les repréfentans
& par des miniftres patriotes... Que votre
confeil ne foit pas influencé fui-tout par une
perfonne du fexe que la conftitution a fagement
'écarté de toutes les fonctions publiques . » Ces affectueux
amis enjoignent au Roi de fanctionner
le décret contre les prètres , fous peine de perdre
leur eftime , leur protection , la couronne......
C'eft le thême de M. Roland fait d'une autre
manière , mais en ſtyle moins clair , moins civique
. Après quelques débats fur cette infolente
& criminelle adreffe pour en demander l'impreffion
, on eft paffé à l'ordre du jour.
Un apothicaire réclame contre fa fignature
appofée à la pétition des 8,000 , & s'engage à loger,
nourrir, médicamenter & blanchir un des 20,0co
fédérés , tant que durera le camp ; ce qui fuppole
que le fédéré fera de fervice au camp dans
la maifon de l'apothicaire . Toutes ces bêtifes ont
trouvé des admirateurs . Il a été décrété que 24
membres affifteroient au fervice qui fera célébré
demain en l'honneur de M. de Gouvion . » Lerefte
de la féance a été rempli de la plus dégoûtante
des aventures dont jamais légiflateurs puflent s'occuper
?
ર
M. Guadet dénonce des liftes de profcriptions
contre les patriotes ; & que M. Grangeneuve ,
député , a été alfaffiné , la veille , à 9 heures du
foir , près du manege , par M. Jouneau , député .
On nous difpenfera d'analyfer des débats qui ont
duré plus de 4 heures . En voici la fubitance.
Partagés d'opinion au fujet des Arléfiens , MM .
Jouneau & Grangeneuve en vinient aux injures ,
& le donnèrent rendez- vous au beis de Bou(
241 )
logne , pour le battre au piftolet . M. Grangeneuve
promet d'abord , & enfuite il dit qu'il n'ira pas ; fon
adverfaire le traite de lâche , il le traite de j ... f.....
-M . Jouneau a eu la bonhomie de raconter ces
beaux exploits à tribune. Is fe féparent , & fe
rencontrent peu après . Un membre dépofe avoir
' entendu un coup donné à platte main fur une figure;
( avant la régénération on cât dit un foufflet .)
D'autres ont vu les deux Solon fe tenir par les
cheveux & fe battre à coups de poings . Plufieurs
atteftent que M. Grangeneuve ayant reçu des
coups de pieds , de poings & de bâton , avoit
bravement crié on m'affaffine ; que déjà M.
St. Huruge & des quidans crioient de tout côté : on
affaffine les députés patrictes. La garde nationale
aida quelques an is à féparer les combattans qui
étoient alors loyalement au nombre de trois ou
quatre du côté de leur cher M. Grangeneuve ;
mais on refpecta , l'inviclabilité de M. Jouneau ,
non quant aux coups , mais quant à l'arrestation.
M. Guadet perfiftoit à voir un affaffinat un délit
national , & pouffoit fa bonne- foi connue julqu'à
dire que fi l'on portcit la main fur le Roi ,
l'Affemblée déployeroit une jufte févérité , que
le crime étoit exactement le même. On lui a
reproché de vouloir exciter le trouble.
La difcuffion s'eft doctement prolongée fur la
conftitution appliquée à des foufflets , à des coups
de poings , à des volées de coups de caune 3 fur
les droits & la dignité des repréfentans de la nation }
fur les formes que doit obferver l'Aſſemblée dans
les auguftes fonctions de grand juré . On concluoit
à mettre M. Joureau à l'abbaye & le me
lade aux arrêts . M. Lamarque réprouvoit en M.
M. Jouneau » l'honneur de Coblentz . » C'eſt
l'honneur de la nobleſſe , a dit d'un air épigram(
242 )
matique M. Lejofne. L'affaire eft renvoyée
par un décret , au comité. Décret qui ordonne
que les témoins qu'indiqueront MM . Grangeneuve
& Jouneau , feront entendus à la barrę .
( Que fera le comité ? ) Quatre commiffaires ,
MM. Creftin , Croifel , Crochet & Crublier , font
chargés d'al.recevoir la déclaration de M. Grangeneuve,
Six articles adoptés d'urgence , fur la propo
fition de M. Vergniaud , ont autotifé les commiffaires
civils nommés pour la pacification des
colonies , en vertu du décret du 24 mars dernier
, à fufpendre ou diiloudre toutes les affemblées
coloniales , provinciales , adminiſtratives ,
municipales ou populaires ; à fuffendre provifoirement
l'exécution de tour arrêté ; à sétablir
les tribunaux ; à prifeuter de nouveaux juges au
choix du gouverneur- général ; à requérir la force
armée pour le faire reconnoître ; à envoyer en
France , comme criminels de haute - trahison
ceux qui leur défobéiront , & à fe décorer d'un
ruban tricolore portant la nation , la loi , l;
Roi. Commiffaire civil. On fe demande
d'on peut émarer cette autorité dictatoriale déférée
par un décret non - dicuté , fur les colonies
, tous les citoyens ont droit de concourir
perfonnellement ou par leurs repréfentans à la confection
de la loi. ( Déclaration des droits , arr.
6 ) ; fi , les colonies ne font pas comprifes dans
la conftitution ( acte conftitutionnel ) ; & fi elles
n'ont aucun repréfentant au fein du corps légiflatif
qui jura folemnellement de n'y rien changer?
Du vendredi , féance du foir.
-
M. Bertin , l'un des commiflaires du département
des Bouches - du - Rhône , mandé à la barre,
(
243
s'y eft juftifié auffi bien que M. Rebecqui. On a
decrété l'impreffion de fon mémoire .
-❤ Le refte
devant fe reproduite , nous pafferons à l'objet
principal de la délibération , à la déclaration de
M. Grangeneuve & à fes fuites .
L'Allemblée a fucceflivement écouté , comme
témoins ou acteurs de la fcène de la veille ou
de celles qui l'ont amenée , MM. Jouneau , député
Saint- Huruge ; Madame Daigremont , tapitière
; MM . Barbaroux , Régnier , Jacquier ;
parmi les députés encore MM . Taillefer, Baziri,
Montaut , Chabot , Lacuée , Barris , Coufard
Freffenel , Couturier , Lefage , Calvet , Thuriot,
Cares ; & dans la difcuffion , MM . Saladin',
Gamond , de Vaublanc , Laureau , de Ju court',
Charlier, Becquey , Larivière , Dumolard , Lamarque,
Lafource , Gohier , Lagrevol , Lecointre,
Ramond, & le plus fouvent de tous M. Guadet ,
promoteur de ce fcandale inexprimable . Nous
efquiffcrons fommairement les faits & les argu
mens les plus faillaus , & nous vouerons les dé
tails à l'oubli , qui feul peut foulager les ames
honnêtes de l'oppreffion douloureufe que leur
caufe un f humiliant emploi de la fubftance
d'un peuple accablé , par de vils factieux , de tous
les fléaux du crime , de l'opprobre , de l'anarchie
& de la misère .
Chargé de rapporter l'affaire d'Arles , M.
Grangeneuve s'y préparoit en foutenant , dans le
comité , les brigands contre leurs victimes
en-blamant , non les patriotes Maifeillois d'avoit
chriffe les adminiftrateurs , mais ceux - ci de ne pas
s'être laillés égorger par les patriotes Marfeillo's
M. Jouneau lui reprochoit , en termes modérés ,
de n'écouter que la paffion. Vous auriez doné
Sui, lui dit M. Grangeneuve Cent hommes --
( 244 )
:
tels que vous ne me feroient pas fuir. Vous êtes
un infolent.... Ici M. Grangeneuve, déclare qu'il
a répliqué par une expreffion équivalente. Mais
M. Jouncau affure , à la tribune , que M. Grangeneuve
lui dit vous f..iriez le camp ; qu'ayant
répondu cent hommes comme vous ne me feroient
pas perdre un pouce de terrain . M. Gran
gencuve lui répartit vous êtes un f..tu viedaze
(ces mots ont été répétés vingt fois dans l'Affemblée
par le déclarant & par des témoins ) . Oa les
fépare , ils fe retrouvent propofition de fe battre
au bois de Boulogne aux piftolets ; refus de M.
Grangeneuve qui , plus irafcible à la manière des
crocheteurs que brave à la manière des ci-devant
nobles , redit à M. Jouneau , en lui parlant fous le
nez vous êtes un j ... f..... , un f..tu viedaze.
M. Jouneau lui donne un fouflet , évité un pavé
qu'il lui lance , & lui applique quelques coups
d'une petite canne ou budine compofée de trois
joncs tiellés. La confcience fcrupuleufe de M.
Grangeneuve lui a fait mettre auffi , depuis , des
coups de pieds reçus & omnis , à la marge de fon
honorable déclaration .
Selon MM . Jouneau , Freffenel , le Sage ,
Calvet & Thuriot , tout en lançant des pierres ,
le bon M. Grangeneuve crioit arrêtez cet affaffin...
On m'affuffire , arrêtez l'affaffin ; lelon
MM. Barbaroux & Jacquier , il crioit : il m'a
battus il m'a frappé arrêtez... D'après M. St.
H.ruge , on crioit à l'affaffin , qui vient de
donner à M. Grangeneuve , cent coups de pieds
dans le ventre & cent coups de bâton ; & M.
Grangeneuve terraffé pourfuivoit M. Jouneau que
deux patriotes ont arrêté , que M. Sr. Huruge a
tenu penché fur la paliffade ; mais apprenant que
c'étoit un député « grand Dieu ! a dit pic--
( 245 )
、
33
fement M. St. Huruge à la barre ! Je le lâche
bien vite ; c'est une perfonne facrée . ( vifs applaudiffemens
) . » Au moment des dernières injures
, M. Barris a « vu claitement les geftes
provoquants de M. Grangeneuve , & le calme
de M. Jenzreeau ( murmures ). » M. Freffenel a
vu MM. Barbaroux , St. Huruge & d'autres tenir
M. Jouneau & ayant « les poings fur fon vifage.
On le maltraitoit , il étoit panché à la renverfe
& M. Grangeneuve faifoit tous les efforts pour
le frapper. M. Jouneau affare que ces MM. le
tenoient renverfé fur des paliffades aigues qui le
blefloient & qui déchirèrent ſon habit . M. Calvet
a dit : « M. Grangeneuve crioit : 'on m'affaffine';
J'accours , il avoit deux particuliers à fes côtés ,
& un quatrième dont le vifage étoit couvert par
' deş mains. Je reconnus M, Jouneau , M. St.
Hurige & M. Thuriot. Je fus affez heureux , à
T'aide de mes forces , pour léparer ces meffieurs .
M. St. Huruge me parut un peu piqué de ce
que je l'empêchois d'étrangler un homme ( on
rit ) ; il me dit quelques injures d'avoir fauvé
la vie à M. Jouneau ; peu fenfible aux injures
de M. St. Huruge , je me retirai ( nouveaux
éclats de rire ) . » M. Lefage a vu M. Jouneau
' preflé contre la paliffade & M. Grangeneuve le
tenant par la jambe .
Voici le réfumé des débats . M. Guadet vouloit
à tout prix un décret d'accufation , cricit au
délit national , & les galeries : bravo ! M. Gamond
a déclamé contre les duels , a trouvé les
infules légères , & demandé que M. Jouneau für
puni comme un lâche affaffin . M. Chabot a
traité M. Jouneau d'agreffeur fans rien prouver
comme à fon ordinaire . M. Bazine n'a pas dénoncé
, quoiqu'il ne fût rien . Un cii : ah ! le
( 246 )
fcélérat ! parti de l'un des côtés de l'Affemblée ,
tandis que M. Freffenel peignoit M. Jouneas
renversé , a caufé beaucoup de tumulte. Le préfident
s'eft couvert deux for . On a demandé un
comité général. Trente membres ont fait de longurs
évolutions au milieu de la falle ; MM .
Chabot, Merlin & Carrant ( de la Gironde ) s'y
démenoient de toutes leurs forces. Le premier
décret a été rapporté. « Les ennemis du bien
public doivent bien rire , avoit déjà dit M. Marans.
» On inveque à grands cris l'appel nominal
; M. Ramond obfeive que c'eft pour faire
de la lifte des votans un ufage perfide & criminel
.... Enfin , fur la motion de M. Larivière
amendée par M. Lagrevol , écartant l'opinion
fauffe & vifiblement féditieufe , d'affaffinat , de
crime de lèze- nation , l'Aſſemblée a décrété que
M. Jouneau le rendroit pour trois jours à l'abbaye,
fans préjudice de toutes actions à intenter
& à pourfuivre devant les tribunaux. » Le comité
fa un projet de loi contre le duel , & , d'après
M. Ramond , comre ks injur.s.
Du famedi , 16 juin.
On ajourne la troisième lecture d'un projet de
loi fur l'augmentation ( de deux fous ) du poit
des lettres deftimées pour les armées au- delà des
frontières . M. Beaucaron parle de l'hyd.o
féodle à propos de droits de pêche affermés ,
dit il , par M. Bourbon - Penthièvre ; le rapport
en eft renvoyé à ce foir ; perfonue n'y penfera,
Le curé confiitutionnel de St. Lauieit , M.
de Moy , père putatif d'une brochure impie , a
débité du philofophifme pour demander que l'Af
femblée détermine le rité , la liturgie , le cété,
monial de la fète fédérative du 14 juillet , « sfin
de lui imprimer un caractère augulte , impofant ,
1
( 247 )
a
»
9
une phyfionomie véritablement folemnelle &
religiefe . Il a obfervé que « fi chaque portion
d'une fociété religieufe pouvoit féparément
ajouter ou retrancher quelque chofe à fes rites ,
bientôt il n'y auroit plus d'enſemble . » C'eſt une
condamnation naïve des pamphlets ou les faifeurs
de l'opinant ont tâché , fous fon nom
d'anéantir la religion de fes pères . A l'en croire ,
il eft temps de donner à la nation un culte
civique uniforme » ; propofition qui contrafte
fingulièrement avec la maxime moderne que nulle
religion ne doit être dominante , à moins qu'on
ne veuille d'un culte civique fans religion , galimathias
digne d'auffi bonnes têtes . Le comité de
légiflation s'occupera de ces fublimes vues qui
ont déjà prodigieufement avancé le bonheur pu
blic.
ec
--
--
Un décret a ftatué que l'armée du Midi fera
payée comme celle du Nord . Deux articles
d'urgence ont compofé l'état- major de l'armée
de St. Domingue . On a pourvu , fauf rédaction
, à la diftribution de 300,000 fufils aux
elroyens des frontières ; & ajourné le projet de
M. Dumas fur les actes d'infubordination qui
ont eu lieu les 4 , f , 6 & 7 juin dans le camp
fous Brifack , à l'armée du Rhin . Nous ea rendrons
compte lors de la difcuffion .
Du famedi , féance du foir.
L'enthoufiafme à la glace de M. Paftoret sft
exhalé en puériles hype boles pour vanter le ficus
Palloy, qui a vai ca & renverfé la baftile ( dpuis
qu'il y a des vainqueurs de châ eaux ) , c'eſtà
- dire , qui aida , comme beaucoup d'autres , à
la démolir , après qu'on en eut enfoncé les portes
ouvertes , fouinis la garnifon immobile , égo, gé
((
248 )
ïe gouverneur déformé ; qui fit enfuite , fans le
moindre danger , l'envoi d'une pierre de cette
fortereffe à chaque département , & frapper des
médailles avec les chaînes qu'il y trouva . Dans
fon pathos , l'orateur a répété tous les grands
mots ufés contre une prifon d'Etat furabondamment
remplacée par celles d'Orléans , & par les
44 mille cachots civiques du royaume où des
milliers de prêtres & de nobles expient le crime
d'avoir cru pouvoir obéir à leur confcience & à
leurs premiers fermens fous le règne de la tolérance
& de la liberté , où tant d'innocens font
renfermés pour empêcher qu'on ne les égorge!
Il a conclu par un projet de décret , adopté , pertant
il fera formé fur le terrein de la baftile
une place , nommée Place de la liberté ; aú milicu
de la place , on élevera une colonne furmontée
d'une ftatue de la liberté ; la première pierre des
fondations fera polée , le 14 juillet prochain ,
par une députation de l'Affemblée nationale. Le
pouvoir exécutif comparera les plans pour lesquels
il fera ouvert un concours pendant quatre mois.
L'Affemblée accorde au fier Palloy une partie
de ce terrein en témoignage de la reconnoiffance
nationale .
Du dimanche , 17 juin.
Encore des citoyens qui figurent des fections,
dévouent au mépris les 8,000 , & follicitent le
licenciement de l'état- major de la garde natio
nale Parifienne , plein d'une ariftocratie infetti.
On accueille leur petition . A 10 motionnaires
par jour , les 8,000 auroient fourni de ces dépu
tations pour plus de deux années de légiflature.
L'orateur de ceux de la fection dite la Croix
Touge , a parlé en ces termes : « La vérité a pu
1
( 249 )
déplaire aux oreilles très - délicates du Roi... Quel
génie malfaifant conduit Louis XVI ? Nous
avons oublié les parjures , nous l'avons placé fur
le plus beau trône du monde , & il oublie tous ces
bienfaits ! Vous rendez deux décrets utiles ,
l'un contre les prêtres , l'autre pour un camp de
réferve ; il refufe de les fanctionner ! Vous licenciez
une garde audacicufement ariftocrate , & il
la remercie de fa ' conduite par une proclamation
publique ! De bons miniſtres forment fon confel
, les renvoie ! Cette inconcevab'e exatude
à oppofer fans ceffe le mal au bien , '
ne peut plus le tolérer. Il faut reporter la
terreur dans l'ame des confpirateurs . Veuillez
nous donner les moyens d'exécuter nos réfo-.
lutions , accordez aux affemblées de fections
la permanence. C'est là que feront toujours prêts ,
armés VOS défenfeurs , dont l'attitude & le regard
feuls feront rentrer vos ennemis dans la
Pouflière. L'Affemblée a renvoyé l'adreffe au
comité de législation , décrété la mention honorable
& déféré aux pétitionnaires les honneurs de
la féance .
« Il eft temps , s'eft écrié M. Goupilleau
de favoir files pouvoirs législatif & exécutif
doivent être d'accord , ou fi l'un doit étouffer
l'autre. Je demande qu'il foit nommé , à l'inſ- :
tant , une commiflion qui fera chargée de prendre
en confidération les dangers où nous fommes
& d'en faire inceffamment fon rapport. » M..
Lafource defiroit que ce comité recherchât les
caufes qui ont amené la France au point où elle eft.
On a décrété la propofition de MM. Goupilleau
& Lafource . Par un décret d'urgence on
a ordonné à tout garde national de faire fon fervice
en perfonne.
16.2
"
( 250 )
Au milieu de l'inconféquence des principes
& de la verfatilité des opinions , un
feul caractère a conſtamment diftingué la
Révolution , & ce caractère c'eft celui de
la lâcheté , efpèce de crime moral qui confifte
à fe couvrir des dehors d'une fauffe
néceffité pour perfécuter , outrager le
foible , le facrifier aux paffions du plus
fort, & trouver dans l'impunité de nouveaux
moyens d'aggraver des torts qui n'en
font qu'aux yeux de ceux qui ont intérêt
à les créer. Tels font les traits que nous
offre la conduite du dernier Miniftre de
l'intérieur , ou tout au moins la lettre bil-.
lieufe qu'il n'a point rougi d'écrire à fon
Roi , & dont quelques has intrigans fe
font hâtés de vanter la fermeté , comme fi
l'on pouvoit donner ce nom au ſtyle déclamatoire
, aux perfonnalités dures que
M. Roland n'adreffe au Monarque que
parce qu'il le voit foible & malheureux.
On doit aux François de leur conferver
cette pièce ; elle fera une de celles qui
peindront l'aviliffement de nos moeurs actuelles
à la poftérité.
Lettre de M. Roland , Miniftre de l'Intérieur,
au Roi.
Сс SIRE , l'état actuel de la France ne peat.
fubfifter long- temps ; c'eſt un état de crife dont
( 251 )
la violence atteint le plus haut degré ; il faut
qu'il fe termine par un éclat qui doit intéreſſer
Votre Majefté autant qu'il importe à tout l'Empire.
"
« Honoré de votre confiance , & placé dans
un pofle où je vous dois la vérité , j'oferai la
dire toute entière ; c'eſt une obligation qui m'eſt
impofée par vous- même . »
ce Les François fe font donné une Conftitution
; elle a fait des mécontens & des rebels :
la majorité de la Nation la veut maintenir ; elle
a juré de la défendre au prix de fon fang ; &
elle a vu , avec joie , la guerre qui lui offroit
un grand moyen de l'affurer. Cependant la
minorité , foutenue par des espérances , a réuni
tous fes efforts pour emporter l'avantage . De là,
cette lutte inteftine contre les Loix , cette anarchie
dont gémiffent les bons Citoyens , & dont
les malveillans ont bien foin de fe prévaloir pour
calomnier le nouveau régime : de là cette divifion
par-tout répandue & par- tout excitée ; car
nulle part il n'exifte de l'indifférence : on veut
ou le triomphe , ou le changement de la Conftitution
on agit pour la foutenir ou pour l'altérer.
Je m'abffiendrai d'examiner ce qu'elle est en
elle même , pour confidérer feulement ce que les
circonftances exigent ; & me rendant étranger
à la chofe , autant qu'il eft poffible , je chercherai
ce que l'on peut attendre , & ce qu'il
convient de favorifer. »
ce Votre Majefté jouiffoit de grandes prérogatives
qu'elle croyoit appartenir à la royauté,.
Elevée dans l'idée de les conferver , elle n'a pu
fe les voir enlever avec plaifir . Le defr de fe
les faire rendre étoit auffi naturel
que le regret
de les voir anéantir, Ces fentimens , qui tiennent
1,252 )1
à la nature, du coeur humain , ont dû entrer dans
le calcul des ennemi de la Révolution . Ils ont
donc com
té fur une faveur fecrette , jufqu'à ce
que les circonftances permiffent une protection
déclarée. Ces difpofitions ne pouvoient échapper
à la Nation elle - même , & elles ont dû la tenir
en défiance . »´
« Votre Majefté a donc été conftamment dans
l'alternative de céder à fes premières habitudes,
à les affections particulières , ou de faire des facrifices
dictés par la philofophie , exigés par la
néceffité ; par conféquent d'eshardit les rebelles ,
en inquiétant ou la Nation , d'appailer celle - ci en
vous unifant avec elle . Tout a fon temps &
celui de l'incertitude eft enfin arrivé »
сс
>
« Votre Majefté peut- elle aujourd'hui s'allier
ouvertement avec ceux qui prétendent réformer
la Conftitution , au doit - cile généreusement fe
dévouer fans réferve à la faire triompher ? Telle
eft la véritable queftion dont l'état actuel des
chofes rend la folution inévitable . Quant à celle ,
très-métaphyfique , de favoir files François font
mûrs pour la liberté , fa difcuffion ne fait rien
ici ; car il ne s'agit point de jugér ce que nous
ferons devenus dans un fiecte , mais de voir ce
dont eft capable la génération préfente . »>
ce Au milieu des agitations dans lesquelles
nousvivons depuis quatreans , qu'eft - il arrivé 2 ...
Des priviléges onéreux pour le Peuple ont été
abolis , les idées de juftice & d'égalité fe font
univerfellement répandues , elles ont pénétré partout
l'opinion des droits du Peuple a juftifié
le fentiment de ces droits ; la reconnoillance de
ceux- ci , faite folemnellement , eft devenue une
doctrine facrée ; la haine de la Nobleffe , infpiréc
( 253 )
pirée dephis long - temps par la féodalité , s'eft
invérérée , exafpérée par l'oppofition manifefte
de la plupart des Nobles à la Conftitution qui
la détruit: »
CE Durant la première année de la révolution ,
le Peuple voyoit dans ces/Nobles des hommes
odieux par les priviléges oppreffeurs dont ils
avoient joui ; mais qu'ils auroient ceffé de hair
après la deftruction de ces priviléges , fi la conduite
de la Nobleffe , depuis cette époque, n'avoit
fortifié toutes les raifons poffibles de la redouter
& de la con.battre comme une irréconciliable ennemie.
»
ce L'attachement pour la Conftitution s'eft
accru dans la même proportion ; non-feulement le
Peuple lui devoit des bienfaits fer fibles ' , mais
il a jugé qu'elle lui en préparoit de plus grands,
puifque ceux qui étoient habitués à lui faire porter
toutes les charges cherchoient fi puillamment à
la détruire ou à la modifier. »
« La déclaration des droits eft devenue un
évargile politique , & la Conftitution Frarçoile
une religion pour laquelle le Peuple eft prêt à
périr.
"
ce Auffi le zèle a-t- il été déja quelque fois jufqu'à
fuppléer à la Loi ; & lorfque celle - ci n'étoit
Pas allez réprimante pour contenir les pertur
bateurs , les Citoyens fe font permis de les punir
eux mêmes . »
ce C'eft ainfi que des propriétés d'Emigrés ont
été exposées aux ravages qu'infpiroit la vengeance
; c'eft pourquoi tant de Départemens fe
font crus forces de févir contre les Prêtres que
l'opinion avoit profcrits , & dont elle auroit fait
des victimes. »
« Dans ce choc des intérêts , tous les fenti
N. 25. 23 Juin 1792. M
( 254 )
mens ont pris l'accent de la paffion . La Patrie
n'eft point un mot que l'imagination fe foit complu
d'embellir ; c'est un être auquel on a fait des
facrifices , à qui l'on s'attache chaque jour da
vantage par les follicitudes qu'il caufe , qu'on a
créé par de grands efforts , qui s'élève au milicu
des inquiétudes , & qu'on aime par ce qu'il
coûte , autant que par ce qu'on en eſpère , Toutes
les atteintes qu'on lui porte font des moyens
d'enflammer l'enthoufalme pour elle . A quel
point cet enthouſiaſme va- t-il monter , à l'inftant
où les forces ennemies réunies au- dehors , fe
concertent avec les intrigues intérieures pour
porter les coups les plus funeftes ?... La fermentation
eft extrême dans toutes les parties de l'Empire
; elle éclatera d'une manière terrible , à
moins qu'une confiance raifonnée dans les intentions
de Votre Majefté ne puiffe enfin la calmer :
mais cette confiance ne s'établira pas fur des
proteftations ; elle ne fauroit plus avoir pour
bafe que des faits . »
« Il eft évident pour la Nation Françoiſe que
fa Conftitution pent marcher ; que le Gouvernement
aura toute la force qui lui eft néceffaire ,
du moment où Votre Majefté voulant abfolument
le triomphe de cette Conftitution , foutiendra
le Corps Légiflatif de toute la puiflance de
l'exécution , ôtera tout prétexte aux inquiétudes
du Peuple , & tout efpair aux mécontens . »
сс
Par exemple , deux décrets importaus ont
été rendus , tous deux intérellent effentiellement
la tranquillité publique & le falut de l'Etat . Le
retard de leur fanction infpire des défiances ; s'il
eft prolongé , il caufera du mécontentement ; &,
j'ofe le dire , dans l'effervefcence actuelle des efprits
, les mécontentemens peuvent mener à tout , »
( 255 )
« Il n'eft plus temps de reculer, il n'y a même
plas moyen de temporifer. La Révolution eft
faite dans les efprits ; elle s'achèvera au prix du
fang , & fera cimentée par lai , fi la fageffe ne
prévient pas les malheurs qu'il eft encore poffible
d'éviter.
ܕܕ܂
Je fais qu'on peut imaginer , tout opérer &
tout contenir par des mesures extrêmes ; mais ,
quand on auroit déployé la force pour contraindre
l'Affemblée , quand on auroit répandu l'effroi
-dans Paris , la divifion & la ftupeur dans fes
environs , toute la France fe leveroit avec indigration
, & fe déchirant elle - même dans les
horreurs d'une guerre civile , développeroit cette
afombre énergie , mère des vertas & des crimes ,
toujours funefte à ceux qui l'ont provoquée.pɔɔ
cc Le falut de l'Etat & le bonheur de Votre
-Majeſté font intimement liés ; aucune Puiflance
n'eft capable de les féparer ; de cruelles angoiffes
& des malheurs certains environneront votre
trône, s'il n'eft appuyé par vous-même fur les
bafes de la Conftitution , & affermi dans la paix
que fon maintien doit er fin nousiprocurer. Ainfi ,
la difpofition des efprits , le cours des chofes ,
les raifons de la politique , Fiatérêt de Vore
-Majefté , rendent indifpenfable l'obligation de
s'unir au Corps. Législatif , & de répondre au
.voeu de la Nation , ils font une néceffité de ce
que les principes préfentent comme devoir::
-mais la fenfibilité naturelle à ce Peuple : ff Яucux
eft prête à y trouver un motif de reconnoiflance.
O vous a cruellement trompé , Sire , quand on
-vous a inspiré de l'éloignement ou de la méfiance
de ce Peuple facile à toucher ; c'eft en
vous inquiétant perpétuellement , qu'on vous a
- porté à une conduite propre à l'alarmer lui
7
M 2
( 256 )
même. Qu'il voie que vous êtes réfolu à faire
marcher cette Conftitution à laquelle il a attaché
La félicité , & bientôt vous deviendrez le fujet
des actions de graces. "
t
cc La conduite des prêtres en beaucoup d'endroits
, les prétextes que fourniffoit le fanatifme
aux mécontens , ont fait porter une loi fage
contre ces perturbateurs ; que Votre Majesté lui
donne fa fanction , la tranquillité publique la
réclame , & le falut des Prêtres la follicitent.
Si cette Loi n'eft mife en vigueur , les Dépar
temens feront forcés de lui Cubſtituer , comme
ils font de toutes parts , des mefures violentes ;
& le Peuple inité y fuppléera par des excès. »
« Les tentatives de nos ennemis , les agitations
qui fe font manifeftées dans la Capitale ; extrême
inquiétude qu'avoit excitée la conduite de
votre garde , & qu'entretiennent encore les témoignages
de fatisfaction qu'on lui a fait donner
par Votre Majefté , par une proclamation vraiment
impolitique dans les circonstances ; la
fituation de Paris , fa proximité des frontières ,
ont fait fentir le beſoin d'un camp dans fon voifinage.
Cette mefure , dont la fagelle & Turgance
ont frappé tous les bons efprits , n'attend
encore que la fanétion de Votre Majefté. Pourquoi
faut- il que des retards lui donnent l'air du
regret , lorfque la célérité lui mériteroit la reconnoiffance
? »
«Déja les tentatives de l'Etat - Major de la Garde
Nationale Parifienne contre cette mefure ont fait
foupçonner qu'il agiffoit par une infpiration fu-
-périeure ; déja les déclamations de quelques démagogiftes
outrés réveillent les foupçors de leurs
rapports avec les intéreffés au renversement de
la Conftitution ; déja l'opinion publique com-
"
( 257 )
1
promet les intentions de Votre Majefté : encore
quelque délai , & le Peuple contrifté croira ap
percevoir dans fon Roi l'ami & le complice des
confpirateurs. »
« Jufte ciel ! auriez - vous frappé d'aveuglement
les Puiffances de la terre ? & n'auront- elles
jamais que des confcils qui les entraîneront à leur
ruine ? »
Je fais que le langage auftère de la vérité
eft rarement accueilli pès du Trône 3 je fais
audi que c'est parce qu'il ne s'y fait prefque jamais
entendie , que les révolutions deviennent né
ceffaires : fais fur- tout , que je dois le tenir
à Votre Majefté , non -feulement comme Citoyen
foumis aux Loix , mais comme Miniftre honoré
de fa confiance , ou revêtu de fonctions qui la
fuppofent ; & j : ne connois rien qui puiffe m'empêcher
de remplir un devoir dont j'ai la confcience.
»
« C'eft dans le même efprit que je réitérerai
mes reprélen ations à Votre Majefté , fur l'o
bligation & l'utilité d'exécuter la Loi qui pref
crit d'avoir un Secrétaire au Confeil. La feule
exiftence de la Loi parle fi puiflamment , que
F'exécution fembleroit devoir fuivre fans retasdement
; mais il importé d'employer tous les
moyens de conferver aux délibérations la gravité,
la fageffe , la maturité néceffaires ; & pour des
Miniitres refponfables , il faut un moyen de
conftater leurs opinions . Si celui là cût exifté
je ne m'adrefferois pas par écrit , en ce moment ,
à Votre Majefté. »
« La vie n'eft rien pour l'homme qui eſtime
fes devoirs au - deffus de tout ; mais après le
bonheur de les avcir remplis , le bien auquel il
foit cucore fenfible , eft celui de penfer qu'il l'a
M3
( 258 )
fait avec fidélité : & cela même est une obligation
pour homme public . »
Tandis que l'Affemblée décrétoit l'envoi
de cette pièce aux Départemens , avant peutêtre
que le Roi en eût connoiffance , &
cela pour caufe , le Département de Paris
indi quoit dans une lettre à M. Roland la
caufe des troubles que ce Miniftre feignoit
d'ignorer ou qu'il affectoit de chercher dans
des confpirations qu'il favoit bien n'exiſter
que dans l'efprit de ceux qui , par un
thotif diabolique , les ont prétextées pour
avilir le Prince & le priver de fa Garde &
de fes anciens ferviteurs.
« Quant aux conjurations , « difent les
» Adminiftrateurs dans leur lettre » , nous
devons vous affirmer que jufqu'à préfent
» il n'eft venu à notre connoiffance aucun
fait pofitif qui puiffe fonder un fuccès
raifonnable à cet égard....... Nous ne
» négligeons aucune des précautions que
» nous dicte la prévoyance , mais nous
» fommes enmême temps convaincus qu'agiter
le Peuple par des terreurs imaginaires
eft auffi contraire à fa sûreté qu'à
>>>fon bonheur.»>>
On s'imagine bien que le Directoire ne
parlera pas du bonheur du Roi , quoique
ces terreurs foient principalement dirigées
contre lui , mais c'est toujours beaucoup
de courage au Directoire d'avoir dit cela
( 259 )
c'en eft encore plus d'avoir ajouté ce qui
fuit :
« C'eſt au ſein de notre Département , Monfieur
, c'eft prefque fous nos yeux même que fe
travaillent avec tout l'art imaginable les affreux
poifons qu'on répand enfuite dans toutes les panties
du Royaume . Nous ferions de lâches citoyens ,
d'indignes Magiftrats du peuple , fi nous avions la
pufillanimité de vous taire qu'il exifte au milieu
de la Capitale confiée à notre ſurveillance , une
chaire publique de diffamation , ou les citoyens de
tout âge & de tout fexe admis indiſtinctement à
affifter à des prédications criminelles , peuvent
s'abreuver journellement de ce que la calomnie a
de plus inpur , la licence de p'us contagieux. Cer
établiffement placé dans l'ancien local des Jacobins
, rue Saint- Honoré , prend le titre de Société
, mais bien loin d'avoir les caractères d'une
fociété privée , il a au contraire tous ceux d'un
fpectacle public : de vaftes tribunes y font ouvertes
pour les auditeurs des jours & heures fixes en indiquent
au peuple toutes les féances , & un Journal
imprimé & diftribué avec profufion publie les difcoms
qui s'y tiennent. En parcourant au haſard
quelques feuilles de ce Journal , & notamment
celles de quatre ou cinq féances des femains dernières
, vous y verrez que le Roi , les Tribunaux ,
les Adminiſtrateurs les Chefs de nos armées
tout ce qui eft en France revêtu de quelqu'auto
rité , y eft avili & calomnié à deffein . On y dit :
(féance du 21 mai ) que s'il eft impoffible. à un
citoyen patriote de refter au fervice du Roi , c'eft
une preuve de l'adage tel maître , tel valet &
ces paroles dites par le Préfident de la Société
fout, par un arrêté exprès , inférées au Journal
qu'on nomme Procès - verbal. On y dịt : (féance du
M
4
( 260 )
17 ) que les Tribunaux veulent faire la contre- révolution.
On y accufe les Adminiftrateurs du Dé
partement de la Nièvre , d'être des accaparcurs de
bled. (féance du 23 ) . La mémoire de l'infortune
Dillon y eft indignement outragée ; les Généraux
Lafayette & Narbonne y font traités par pficuis
de ces orateurs , de traîtres , de perfides fcélérats
dignes de l'échafaud , & tout prêts à paſſer à l'ennemi.
( Séance du 23. ) La Conſtitution n'eft pas
à l'abri de ces atteintes ; on y dit : (feance du 17)
que le décret du veto n'eft pas plus difficile à renwerfer
que la Baftille. Enfia , Monfieur , vous n'y
verrez pas , fans friffonner , que dans la féance
du 18 mai dernier , le récit d'un meurtie atroce
accompagné des plus cruelles circonstances , a été
couvert d'horribles applaudiffemens. Nous ne
multiplierons pas ces citations ; mais à la lecture
de ce Journal vous pourrez vous convaincre qui
n'eft pas un acte d'infubordination ou de révolte,
pas un outrage à la loi , à la juftice ou à l'huma❤
nité , qui n'y ait été non - ſeulement juſtifié , mais
accueilli avec les fignes d'approbation les plus
éclatans ; vous y verrez la violation des prifoas
d'Avignon applaudie comme le récit d'un triom
phe ; par- tout vous y verrez que le calomniateur y
débite effrontément fes affertions , fans prendre
même la peine d'y joindre les moindres faits , les
indices les plus légers ; & qu'affuré d'avance de
fon fuccès , il infu te à la crédulité du peuple , e
dédaignaut même de déguifer les poifons qu'il
lui diftribue. Malgré le defir qu'on pourroit avoir
de ne voir que de l'égarement , au lieu de préfumer
des projets criminels ; malgré la certitude même
que des citoyens d'ailleurs irréprochables , fefoat
quelquefois laiffé féJuire jufqu'à fe liver cur
êmes à de pareilles déclamations , cependant il
}
( 261 )
eft difficile de ne pas ſoupçonnér de pèrverfité la
plupart de ces artifans de calomnie , quand on cbferve
fur-tout que les plus opiniâtres & les plus
effrontés d'entr'eux , font des hommes ignorés
jufqu'a ce moment dans la Capitale , étrangers à
toutes les fatigues de la révolution , & qui n'ont
encore obtenu aucun témoignage de la confiance
de leurs concitoyens. »
Sans parler ici des autres dangers que préfente
une Société qui par fon influence , fes affiliations
& la correfpondance , exerce fur tout l'Empire
un véritable miniſtère fans titré & ſans refponfabilité
, tandis qu'elle ne laiffe plus aux agens
Jégaux & refponfables qu'un pouvoir illufoire ,
nous nous renfermerons dans ce qui touche de
plus près au Département dont l'adminiftration
nous eft confiée . »
«
Nous ne pouvons vous diffimuler , Monfieur,
qu'un pareil établiffement dont aucun fiècle , aucun
pays n'offre encore le fcandale , pervertit la
morale publique avec la plus effrayante rapidité,
En nous invitant à répandre des inftructions de ci
vifme&de paix , ne nous rappellez - vous pas que
notre premier devoir eft de préferver le peuple de
toutes prédications immorales & de toutes inftigations
criminelles ? Applaudir au meurtre ou le
confeiller , né nous paroît offrir aucune différence }
calomnier tous les dépofitaires de l'autorité , avilir
tous les organes de la loi , nous femble la prevo
cation la plus directe à la délobéiſſance, Autant
l'exercice de la dénonciation civique donne d'é
nergie à un Gouvernement libre , autant de lâches
& abfurdes calomnies contribuent à en brifer tous
les refforts & fur-tout celui de la confiance qut
doit être le plus puiffant de tous . Auffi les effets
que nous redoutons , fe manifeftent- ils déjà d'une
M
S
(.262 ).
manière trop fenfible . Per tout nous retrouvons
Telprt , le ton, & jufqu'aux expreflions de cette
p nceu e école. Les i jules foupçons , les défianc
vagues , le calomnies puifées à cette fource,
ci culent dans les places , dans les marchés , dans
Is affemblées des Citoyens , & jufques dans les
at lies du ravail ; là , elles font toutes répétées
par des bouches fimples & innocentes qui les propagent
avec d'autant plus d'affurance que leurs
intentions font parfaitement pures , »
Encore une fois nous le répétons , ces
confidérations deviennent impuiffantes avec
les principes adoptés par la Conftitution
même.Le jacobinifme n'eft, pour un homme
conféquent qu'un réfultat févère de l'égalité
politique , de la fouveraineté active du Peuple
, de l'abolition de la royauté dans la
perfonne du Roi , dont on a fait un fonctionnaire
à gages , de la profcription de la
Nobleffe , du mépris ou de l'indifférence
pour le culte public , de l'inftitution de fêtes
vagues , qui font dans le fens de la révolution
le plus exagéré , &c. Quand on proclame
un pareil fyftême de Gouvernement ;
que l'on arme pour le défendre , que l'on
appelle cela liberté , que l'on traite les
autres Peuples d'efclaves , qu'on leur fait
la guerre parce qu'ils ne veulent pas fouffrir
au fein de l'Europe un pareil foyer d'incendie
politique , il faut être Jacobin ; & fi
Fon parvient à détruire, les Jacobins , je dis
qu'à moins d'interdire à tous les individus,
L'ufage de la logique , ils tirerontdes mêmes
扉
( 263 )
principes les mêmes conféquences que les
Jacobins. C'eft le cas de dire que tant que
la caufe fubfiftera , l'effet exiſtera .
Auffi ne tes voit- on point étourdis de
l'expulfion de leurs créatures du Ministère ;
ils feront mieux que d'y avoir des créa
tures, il le détruiront entièrement ; & certes
als n'auront pas grand embarras , car il n'eft
déjà plus qu'un nom infignifiant , dont lạ
réalité fe trouvs dans les Comités de l'Af
femblée , les Clubs & quelques individus
de la Municipalité. C'eft à cet avi iffement,
qu'eft due la difficulté que vient d'éprouver
le Roi pour donner des fucceffeurs à MM.
Dumourier , Roland , Clavière ; le premier,
comme on fait , avoit été remplacé dans
les Affaires étrangères par M. de Naillac,
Envoyé aux Deux Pont , & lui-même avoit
demandé le porte feuille de la guerre ;
M.
Roland l'avoit été par M. de Mourgues ,
Directeur , je crois , des travaux de Cherbourg
, tous deux protégés de M. Dumourier
; mais ils n'ont occupé ce pofte que
trente - fix heures ; ils ont été remplacés
famedi foir , favoir : M. Dumourier par
M. Delajard , ancien Aide Major Général
de l'armée Parifienne , ami de M. de la .
Fayette ; M. de Mourgues , fucceffeur de M.
Roland pendant trente- fix heures , par M.,
de Montciel, Préfident du Département du
Jura ; M. de Naillac , fucceffeur de M.
Dumourier dans les Affaires étrangères ,
M 6
( 264 ).
par M. de Chambonas, Maréchal-de canip
& M. Clavière, par M.Beaulieu , premier
Commis des Bureaux de la Comptabilité
H eft inutile d'entretenir le Lecteur des
intrigues , des menées , des caquets , des
efpérances , des craintes , que ces changemens
ministériels ont fait naître ; ils font
en raifon de la légèreté , de l'ignorance , des
prétentions de la multitude incalculable
d'individus qui fe croient aujourd'hui capables
de gouverner l'Empire. M. Duranthon
a encore le fceau ; on voudroit dans
le moment où j'écris le redonner à M.
Duport-du - Tertre.
-
Les nouvelles de l'armée ſe réduisent à peu
de chofes. Celle di Général Luckner a quitté fon
pofte du fauxbourg de Lille , où elle étoit'; elle s'avance
fur Ménin. Le Général promet unemanoeuvre
importante. L'armée Autrichienne de Tournay fe
difpofe à l'attaquer ; elle a renvoyé les bagages.
Celle de M. de la Fayette tient toujours les mêmes
poftes dans les environs de Maubeuge. ... Quelques
Autrichiens fe font rendus à Cifoing , près
de Tournay , & en ont rapporté une cinquantaine
de fufils , après avoir abattu l'arbre de li
liberté que les François avoient planté. -
L'émigration continue ; la plus grande partic
des Officiers du régiment de Bourbon , Dragons ,
en garaifon à Dunkerque , ont paffé à l'étranger
le 8 de ce mois. Ils ont emporté avec eux les
guidons du régiment , & n'ont laidé que les
bâtons & les cravates aux trois couleurs. Le
Colonel eft du nombre de ceux qui s'en fontallés.
La Société des Amis de la Conftitu
.4.
1
19265 )
tion de Toulon s'eft rendue maîtreffe de l'Atfenal
; elle en a fat ôter les canons qui ont été
placés par tour où elle a voulu, De toete
part on entend des menaces contre le courage
du Roi , qui refuſe de fanctionner le Décret atroce
contre les Prêtres non - affermentés , & celui qui
a pour objet de former un camp de vingt mille
hommes . Ou écrit & on public que les fauxbourgs
St. Antoine & St. Marceau , M. Santerre
à la tête , viendront avec leurs piques &
leurs haches planter le mai de la liberté dans les
cours des Tuileries & forcer le Roi à fance
tionner. Tout eft dans l'agitation à l'intérieur,
& l'on croît être à la veille de quelque mouve
ment important ; peut - être n'en réſultera - t- il
que de nouveaux malheurs & un furcroît de captivi
té pour le Rei , & de fervitude pour les opprimés.
--
>
Nous allons tranferire ici la pièce que
nous avons promite plus haut , & qui a étélue
dans la Séance du 13 : nous y joindrons là
lettre de M. de la Fayette , lue à celle du 18 ,
& imprimée par ordre de l'Affen blée .
Rapport de M. Lafayette , qui a été lu dans la
féance du mercredi 13 au matin , par M. Du,
mourier . Aucamp retranché de Maubeuge , le 11
Juin 1792.
« Je vous ai rendu compte , Monfieur , des
mouvemens für Maubeuge . Avant- hier , pendant
que je reconnoiffois le pays entre mon camp &
Mous , il s'engagea une efcarmouche de nos
troupes légères avec celles des ennemis , cu ceux- ci
perdirent trois hommes , & où il y eut de part &
d'autres quelques bleffés. Ce matin les ennemis.
ont attaqué mon avant- garde , qu'ils efpéroient
fans doute furprendre ; mais averti à temps , M
Gouvion a renvoyé les équipages fur Maubeuge
1
7266 )
du canon ,
!
& a commencé , en fe repliant , un combat où fon
infanterie étoit continuellement couverte par des
haies , & où les colonnes ennemies ont beaucoup
fouffert du feu du canon , & particulièrement de
quatre pièces d'artillerie à cheval , fous le Capitaine
Barrois. Les troisième & onzième régimens
de chaffeurs , & le fecond de huſſards ont bien
manoeuvré. Celui- ci a fort maltraité un détachement
de hulans , qui s'étoit aventuré. Un ouragan
très-violent ayant empêché d'entendre les fignaux
a retardé pour nous la connoiſſance
de l'attaque. Auffi tôr qu'elle eft parvenue au
camp , une colonne d'infanterie fous M. Ligneville
, & de la cavalerie fous M. Tracy , ont été
conduites par M. Narbonne fur le flane gauche
des ennemis ; tandis que la réſerve de M. Maubourg
fe portoit au fecours de l'avant- garde , j'ai
fait marcher les troupes en avant , & les ennemis
nous abandonnant le terrein , une partie de leurs
mar.s & de leurs bleffés , fe font retirés dans leur
ancien camp. Nous avons dépaffé de plus d'une
lieue celui de l'avant-garde , qui a repris tous fes
poftes, "
« Je n'aurois donc qu'à me féliciter du peu de
fuccès de cette attaque , fi par la plus cruelle fatafité
elle n'avoit pas enlevé à la patrie un de fes
meilleurs citoyens ; à l'armée, un de fes plus utiles
Officiers , & à moi un ami de 15 ans , M. Gouvion.
Un coup de canon a terminé une vie auffi vertucufe
; il eft pleuré par fes foldats , par toute
l'armée , par tous ceux qui fentent le prix d'un
civifme pur , d'une loyauté inaltérable , & de la
réunion du courage aux talens . Je ne parle pas de
mes chagrins perfonnels, mes amis me plaindront. »
« Les deux lieutenans- colonels du département
de la Côte-d'Or excitent de juftes regrets ; l'un
( 267 )
M. Cazoite , âgé de 75 ans , & connu par so ans
de fervice diftingués dans l'artillerie , avoit dans
la dernière affaire., concouru avec M. Gouvion à
l'action vigoureufe qui fauva du milieu des ennemis
une pièce démontée . Notre perte d'ailleurs fe
.borne à 25 hommes bleffés . Le nombre des morts
cft peu confidérable. Les ennemis en ont laiffé
beaucoup plus que nous , & en ont beaucoup em
porté. Nous avons fait quelques priſonniers , & je
n'ai aucune connoiffance que nous en ayons perdu.
Telle eft , Monfieur , la relation que je m'emprefle
de vous envoyeren rentrant au camp ; elle eft auffi
exacte que je le puis , avant d'avoir reçu les détails
officiels .
Signé , le Général d'armée LAFAYETTE.
Lettre de M. de la Fayette , à l'Affemblée Nationale
, lue à la Séance du 18 Juin 1792 .
Au Camp retranché de Maubeuge , ce 16 Juin
1792 , l'an 4. de la Liberté.
CC Meffieurs , au moment trop différé peutêtre
, ou j'allois appeller votre attention fur de
grands intérêts publics , & défigner parmi nos
dangers la conduite d'un Ministère que ma correfpondance
accufoit depuis long- temps , j'apprends
que , démafqué par fes divifions , il a
luccombé fous fes propres intrigues ; car , fans
doute , ce n'eft pas en facrifiant trois collégues
affervis par leur infignifiance à fon pouvoir ,
que le moins excufable , le plus noté de ces Miniftres
aura cimenté , dans le Confeil du Roi ,
fon équivoque & fcandaleufe existence . »
« Ce n'eft pas affez néanmoins que cette branche
du Gouvernement foit délivrée d'une funcfte
influence . La chofe publique eft en péril ; le fort
de la France repofe principalement fur fes Re(
268 )
préfentas la Nation attend d'eux fon faldt's
mais en fe donnant une Conſtitution , elle leur
a preferit l'unique route par laquelle ils peuvent
la fauver.
« Perfuadé , Meffieurs , qu'ainsi que les droits
de l'honime fost la Loi de toute Alemblée conf
tituante , une Conftitution devient la Loi des
Législateurs qu'elle a établis , c'est à vous - mêmes
que je dois dénoncer les efforts trop paitfans que
l'on fait pour vous écarter de cette règle que vous
avez pomis de fuivre,
« Rien ne m'empêchera d'exercer ce d'oit d'un
home libre, de remplir ce devoir d'un Citoyens
ni les égaremens momentanés de l'op'nion , car
que font les opinions qui s'écartent des principes?
Ni mon refpect pour les Représentans du Peuple
; car je refpecte encore plus le Peuple , dont
la Conftitution eft la volonté fuprême ; ni la
bienveillance que vous m'avez conſtamment `témoignée
; car je veux la conferver comme je l'ai
obtenue , par un infi rible amour de la Liberté . »
Vos circonstances font difficiles ; la France
eft menacée au- dehors & agirée au - de dans : tandis
qe des Cours étrangères annoncent l'intolérable
projet d'attenter à notre Souveraineté nationale,
& fe déclarent ainfi les ennemis de la France ,
des ennemis intérieurs , ivres de fanatifine & d'orgucil
, entretiennent un chimérique efpoir , &
nous fatiguent encore de leur infolente malveillance,
« Vous devez , Meffieurs , les réprimer ; &
vous n'en aurez la puiffance qu'autant que vous
ferez conſtitutionnels & juftes . »
« Vous le voulez fans doute : mais portez
vos regards fur ce qui le pale dans votre fein
& autour de vous . 27 .
( 269 )
« Pouvez-vous vous diffimuter qu'une f Arɔn ,
& , pour éviter les dénominations vazucs , que
la factio Jacobite à caufé tous les défordres ?
C'est elle quen accu´e hautement . Organifée
comme un Empire à part dans la Méno ole &
dans fes affiliations , aveuglément di igée par
quelques Chifambitieux , cette fi &te forme une
corporation d.ftincte au milieu du Peuple. Fran,
çois dont elle ufurpe les pouvoirs en fubjuguant
les Repréfentans & fes mandataires. »
« C'eſt-là que , dans des léances pab'iques ,
l'amour des loix fe nomme ariftocratic , & leur
infraction , patrioifme ; là les affalins de Dé
filles reçuvent des triomphes ; les crimes , de
Jourdun trouvent des panégyriftes ; là le récit
de l'affaflinat qui a fouillé la vile de Metz ,
vientencore dicxciter d'i fernales acclamations. »
« Croira - t- on échapper à ces ieproches en le
targuant d'un minifelte Autrichien cu ces Se
taires font nommés ? Sont -ils devenus facrés
parce que Léopold a prononcé leur nom , & parce
que nous devons combattre les Etrangers qui s'im
mifcent dans nos querelles , fommes-nous difpenfés
de délivrer notre Patrie d'une tyrannic domef
tique ? »
1
« Qu'importent à ce devoir , & les projets des
Etrangers , & leur connivence avec des Contre-
Jévolutionnaires , & leur influence fur des amis
tièdes de la liberté ? C'est moi qui vous dénonce
cette S. &te , moi qui , fans parler de ma vie
paffée , puis répondre à ceux qui feindroient de
me fufpecter : «Approchez dans ce moment de
crife où le cara & ère de chacun va être connu ,
» & voyons qui de nous , plus infl : xible dans
» fes principes , plus opiniâ: re dans la réſiſtance ,
» bravera mieux ces obstacles & ces dangers que
( 270 )
des traîtres diffimulent à leur Patrie , & que
les vrais Citoyens favent calculer & affronter
pour elle . »
Et comment tardercis je plus long-temps à
remplir ce devoir , lorfque chaque jour affoiblit
les autorités conftituées , fubftitue l'efprit d'un
Parti à la volonté du Peuple ; lorfque l'audace
des agitateurs impofe filence aux Citoyens paifibles
, écarte les hommes utiles , & lorfque le dévouement
fectaire tient lieu des vertus privées &
publiques , qui , dans un pays libre , doivent être
l'auftère & unique moyen de parvenir aux premières
fonctions du Gouvernement.
*
C'eft après avoir oppofé à tous les obftacles
, à tous les piéges le courageux & perfévérant
patriotifme d'une armée , facrifiée peutêtre
à des combinaiſons contre fon Chef , que
je puis aujourd'hui oppofer à cette Faction la
correfpondance d'un Miniftère , digne produit de
fon Club , cette correfpondance dont tous les calculsfont
faux , les promeffes vaines , les renseignes
mens trompeurs ou frivoles , les confeils perfides
ou contradictoires ; où , après m'avoir preffé
de m'avancer fans précautions , d'attaquer fans
moyens , on commençoit à me dire que la réfiftance
alloit devenir impoffible , lorfque mon iadignation
a repouffé cette lâche affertion . »
cc
Quelle remarquable conformité de langage ,
Meffieurs , entre les Factieux que l'Ariftocratie
avoue , & ceux qui ufurpent le nom de Patriotes
. Tous veulent renverfer nos loix , le rés
jouiffent des défordres , s'élèvent contre les autorités
que le Peuple a conférées , détestent la Garde
Notionale , prêchent à l'armée l'indifcipline
sèment tantôt la méfiance & tantôt le découragement.
»
( 271 )
* « Quant à moi , Meffieurs , qui époufai la
cauſe Américaine au moment même ou fes Ambaffadeurs
me déclarèrent qu'elle étoit perdue s
qui dès -lors me vouai à une persévérante défenfe
de la liberté , & de la Souveraineté des
Peuples; qui , le 11 Juillet 1789 , en préfentant à
ma Patrie une déclaration des Droits , ofai lui
dire : Pour qu'une Nationfoit libre , ilfaffu qu'elle
veuille l'être, je viens aujourd'hui , plein de confiance
dans la justice de notre caufe , de mépris pour
les lâches qui la défertent , & d'indignation contre
les traîtres qui voudroient la fouiller ; je viens
déclarer que la Nation Françoiſe , fi elle n'eft
pas la plus vile de l'univers , peut & doit réſiſter à
la conjuration des Roisqu'on a coalifés contre ele .
сс
;
Ce n'eft pas fans doute au milieu de ma
brave armée , que les fentimens timides font
permis : patriotisme , énergie , diſcipline , patience ;
confiance mutuelle , toutes les vertus civiques &
militaires , je les trouve ici . Ici les principes de
liberté & d'égalité font chéris , les loix respectées ,
la propriété facrée ici l'on ne connoît ni les
calomnies , ni les factions ; & lorfque je fonge
que la France a plufieurs millions d'hommes qui
peuvent devenir de pareils foldats , je me de
mande à quel degré d'aviliffement feroit donc
réduit un peuple immenfe , plus fort encore par
fes reflonrces naturelles que par les défenfes de
l'art , oppofant à une confédération monftrueufe
l'avantage des combinailons uniques , pour que
la lâche idée de facrifier fa fouveraineté , de
tranfiger fur fa liberté , de mettre en négocia
tion la déclaration des droits , ait pu paroître une
des poffibilités de l'avenir qui s'avance avec ra
pid.té fur nous ! »
:
Mais , pour que nous , foldats de la liberté
( 272 )
combattions avec efficacité , ou mourions avee
fruit pour elle , il faut que le nombre des défe
feurs de la Patrie foit promptement proportionné
à celui de fes adverfaires ; que les appro
vifionnemens de tout genre fe multiplient , &
facilitent nos mouvemens ; que le bien-être des
troupes , leurs fournitures , leur paiement , les
foins relatifs à leur fanté ne foient plus foumis
à de fatales lenteurs , ou à de prétendues épar
gnes qui tournent en ſens inverſe de leur but, ≈
« Il faut furtout que les Citoyens ralliés
autour de la Conftitution , foient affurés que les
droits qu'elle garantit , ferent refpectés avec une
fidélité reigicufe qui fera le défelpoir de les ennemis
cachés ou publics.
33
Ne repouffez pas ce voeu : c'est celui des
nis fincères de votre autorité légitime. Asurés
qu'aucune conféquence injufte ne peut découler
d'un principe pur, qu'aucune mefure tyrannique re
peut fervir une caufe qui doit fa force & la gloire
aux bafes facrées de la liberté & de l'égalité 5
fuites que la julsce criminelle reprenne la marche
conftitutionnelie que l'égalité civile , que la
liberté religieufe jouiffent de l'entière application
des vrais principes . »
Jant
Que le pouvoir royal foit intact , car il eft
garnu par la Conftitution ; qu'il foit indépen
car cette indépendance cft un des rcflotts
de notre liberté ; que le Roi foit révéré , car il
eft inveſti de la Majeſté nationale ; qu'il puille
choifit un Mi ifiè e qui ne porte les chaînes
d'aucune fiction ; & que s'il exifte des confpirateurs
, ils ne périffent que fous le g'aive de
1 Lo : »
« Enfin , que le règne des Clubs , anéanti
par vous , falle place an rège de la Loi , leurs
( 253 )
१
afurpations à l'exercice ferme & indépendant des
autorités conflituées , leurs maxi :nes déforganifatrices
aux vrais principes de la liberté , leur
fureur délirante au courage calme & conftant
d'une Nation qui connoît les droits & les dé
fend ; enfia , leurs combinaiſons fectaires aux
véritables intérêts de la Patrie , qui , dans ce
moment de danger , doit réunir tous ceux pour
qui fon allervillement & fa ruine ne font pas les
objets d'une atroce jouillance & d'une infâme
fpéculation. »
ce Teiles font , Meffieurs , les repréſentations
& les pétitions que foumet à l'Aſſemblée natio .
nale , comme il les a foumifes au Roi , un Citoyen
à qui l'on ne difputera pas de bonne foi
l'amour de la liberté ; que les diverfes factions
haïroient moins , s'il ne s'étoit élevé au - deílus
d'elles par fon défintéellement ; auquel le filence
-eût mieux convenu , fi , comme rant d'aut : es ' ,
il cût été indifférent à la gloire de FAffemblée
nationale , & à la confiance dont il simpane
.qu'elle foit environnée ; & qui lui-même , cofin ,
ne pouvoit mieux lui témoigner la fienne , qu'en
lui montrant la vérité fans déguisement . 20
Meffieurs , j'ai obći à ma conſcience , à mes
fermens : je je devois à la Patrie , à vous , au
Pi , & fur- tout à moi- même , à qui les chances
de la guerre ne permettent pas d'ajourner les
obfervations que je crois utiles , & qui aime à
penfer que l'Allemblée nationale y trouvera un
3 nouvel hommage de mon dévouement à ſon
autorité conftitutionnelle , de ma reconnoiffance
perfonnelle , & de mon respect pour elle. »
Signé , LA FAYETTE,
Nous garantiffons ' exactitude & l'authenticité
des faits confignés dans la lettre
1274 }
que
fuivante , qui font de la plus grande importance
, & nous prévenons nos Lecteurs
la même perfonne qui nous les adreffe nous
fournira fur l'Allemagne les plus sûrs documens
pendant tout le temps de la de la guerre.
Extrait d'une Lettre de Francfort-fur-le -Mein , le
14 Juin 1792 .
ée Les cantons Helvétiques ont placé à Bafc
une garnifon de 1500 hommes , & la Diète en
proclamant fa Neutralité armée pour les cantons
& pour les Alliés du Corps Helvétique , exige
que les François évacuent le pays de Porentru.
-Les délibérations de la Diète ont été arrêtées fur
ce point d'abord , enfuite fur les mefures défeafives
à prendre pour le maintien de leur Neutralité
. Le Roi de Pruffe a demandé & obtenu
Ma garantic de Neuchâtel annexé ainfi que Genève
à cet acte de Neutralité. Elle n'cft que provifoire
, & fubordonnée aux évènemens fubféquens.
On attend les demandes & ouvertures que pourront
faire les Cours de Vienne & de Berlin .
Trois cantons , Lucerne , Soleure & Fribourg
ont porté à la délibération de la Diète la pétition
de quatre régimens Suiffes qui demandent à
quitter le Royaume. Ils ont enfuite généraliſé cet
avis pour tous les Corps au fervice de France , une
décision a été jugée prématurée ; les petits cantons
ne fauroient comment foutenir leurs régimens
dans le pays il faut qu'une autre Paiffance
fe charge de leut folde , jufqu'au moment -
où l'ordre fera rétabli en France,
3
J'ai fait 30 lieues au milieu des Autrichiens ,
depuis Krotzingen à 7 lieues de Balle , jufqu'à
Appenwier près de Raftad ; touc eft plein de
leurs quartiers ils rempliffent de même la partic
( 275 )
n
Tupérieure du Brifgaw dans l'Ortenau , du côté
d'Ettenheim & d'Oberkirch . Fribourg eft le
quartier général. J'y ai trouvé le Général Wallis
qui commande en Chef, en attendant l'arrivée
du Prince de Saxe Cobourg. Cette armée du
Brifgau fera de 30 à 40 mille hommes , il y en
avoit 16 mille à mon paffage , favoir les trois
régimens d'Infanterie entiers & fur pied de guerre ,
de Neugebauer , Gemmingen , & Kletek for
mant 13 mille hommes ; les Chevaux légers de
l'Empereur fuperbe corps ; les Cuiraffiers d'Hozenzollern
& quelques elcadrons de Huffards.
On vifite exactement les paffe ports , mais avec
politefle. Le jour de mon paffage à Kentzingen
entre Fribourg & Offenbourg , on leva un camp
' de 6,000 hommes formé à un quart de lieue
de Kentzingen , afin de ne pas laiffer les Soldats
expofés à l'humidité ; les pluyes ne ceffent pas
depuis quinze jours. Je vis lever les tentes &
partir les Troupes pour leurs cantonnemens . L'après
-midi je défilai pendant fix lieues au milieu
de deux bataillons arrivante du régiment de
Klebeck , de leurs équipages , de leur artillerie .
Près de deux mille hommes , 80 charriots . , huir
pièces de canons , les caiffons , les chevaux de
fervice excellens , bien tenus , tout dans le meilleur
ordre . » A
De ce jour là , dimanche 10 , juſqu'a la
fin du mois , les dernières colonnes arriveront.
J'ai rencontré à Heppenhein dans le Palatinat
la tête d'un de ces Corps qui venoir de Waitzbourg.
Les autres fuivent à grandes journées.
« Ici il en paffe journellement qui defcendenc
le Mein. Depuis trois jours , nous en avons
près de 3 mille le matin à s'heures , mille che
vaux de remonte , & soo Cuiraflices ont paffé
1276 )
Fous mes fenêtres. Tous ces Corps. fe rendent
aux Pays-Bas...
ce
Soyez certain que 200 mille hommes feront
dans la Belgique & fur les bords du Rhin dans
le courant de Juillet. Tout eft en marche rapide,
Hier M. Bethmann m'a fait lire une lettre de
Leipfick , du 7, où l'on mande que hait régimens
Pruffiens venant de la Siléfie , viennent de pallet;
tout le cantonnement de Magdebourg eft en route.
J'ai parlé à un Commiffaire du Cercle du Haut-
Rhin raffemblé ici pour régler les étapes ,
m'a certifié qu'il palleroit dans le Cercle 150
mille hommes au moins. Vous pouvez en toutc
afſurance faire ufage de tout ce que je vous
mande. »
---
3
« Les conférences d'élection s'ouvriront dans
heit jours. Le Couronnement aura lieu au commencement
de Juillet . Je crois que d'ici le Roi
de Hongrie ira fe faire couronner en Bohême,
& ne joindra pas l'armée ; ainfi le Roi de Pruffe
auroit les honneurs de la fête . Il règne le plus
grand fecret dans les plans ; mais je fais qu'en
Juillet la guerre fera pouflée avec vigueur , qu'on '
cattaquera de toutes parts , & qu'on projette d'hi-
:verner à Paris . Plus que jamais je luis coz
-vaincu qu'on eft lein d'exagérer ces espérances. "
« J'ai trouvé ici plus de cent Officiers , Frarçois
de tout grade ; beaucoup d'arti lerie , ils
venaient d'A.face & du Midi pour le rendre dans
J'Electorat de Mayence : avec eux , plufieurs Bas--
Officiers & même des Soldats en affez grand
nombre , fe promènent dans les rues , la cocard:
blanche au chapeau . -- Cette ville garde la plus
grande neutralité. -- L'Abbé Maury , Nonce du
St. Siège au Couronnement , arrive dans hit
jours ; les Secrétaires font déjà ici , & fa maifon
louée . »
Сс
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE
ALLEMAGNE
De Vienne, le 9 Juin 1792
QUICONQUE connoît un peu la topogra=
phie des frontières de France du côté de
Ja Savoie , & de celles de Gênes du côté
du Piémont , fait que les armées combinées
d'Autriche & de Sardaigne , peuvent
fe difpenfer de paffer fur le territoire de
Gênes , pour diriges leurs forces , ou fe
défendre contre les hoftilités de la France.
Ainfi , ce n'eft point un défavantage pour
nous , que Gênes garde la neutralite de for
territoire, auffi long- temps aumoins que des
évènemens majeurs ne forceront point la
République à tenir une conduite différente .
C'eft ce qu'un Courier , arrivé ici , a fait
connoître: il a apporté la nouvelle que le
No. 26. 30 Juin 1792 Que
( 278 )
Sénat de Gênes avoit déclaré qu'il regardera
comme ennemis ceux qui par la force
des armes voudront porter atteinte au fyftême
de neutralité qu'il a adopté , & paffer
ainfi fur fon territoire , fous quelque
prétexte que ce foit.
L'Envoyé du Roi & de la République
de Pologne a remis au Prince de Kaunitz
une note relative à l'entrée des troupes
Ruffes fur le territoire de la République ;
on a dû l'envoyer au Roi à Bude. On penſe
affez généralement que la réponſe ſera
concertée avec la Cour de Berlin , & conforme
au fyftême adopté par cette dernière
, dont l'alliance avec la Pologne étant
antérieure à la Conſtitution du 3 Mai 1791 ,
ne peut s'étendre à la garantie de cette
Conftitution , ainfi que l'a déjà fait connoître
le Miniftre Prullien par deux notes
Temifes à la République. Un Courier ,
dépêché d'ici les pour Bruxelles, porte aux
Emigrés François la permiffion de fe procuter
, dans les Etats du Roi , des armes
& des munitions de guerre , & d'agir fous
les ordres des Commandans de Sa Majesté.
Le Général de Strafoldo eft arrivé dans
cette capitale pour prendre les dernières
inftructions ; auffi- tôt qu'elles feront expédiées
, il
infte rendra
à l'armée d'Italie , dont
le commandement lui a été confié. La
première divifion de la Garde-noble Allemande
eft partie pour Francfort.
279 )
1
De Francfort-fur- le- Mein , le 16 Juin .
Tout annonce qu'enfin les principaux
Etats de l'Europe ont pofitivement adopté
un fyftême de repreffion contre les attentats
de l'anarchie françoife; qu'ils ont fenti
la néceffité d'éteindre un incendie dont
la propagation, les menace d'une ruine inévitable
, & que, fortis de la fauffe fécurité
où le Ministère conftitutionnel de France
les avoit tenus pendant quelque temps ,
i's reconnoiffent aujourd'hui qu'il n'ex fte
de moyen d'arêter les fureurs des factieux
régicides qu'en leur oppofant la force de
nombreuſes armées.
B
3.
Cette conduite eft d'ailleurs conforme
aux intérêts des Nations policées , aux
droits confervateurs de la tranquillité , de
la liberté , de la propriété des Peuples . Les
Etats font entre eux dans la grande famille
de l'Europe , ce que font les individus dags
la fociété. Quand par des excès , des attentats
, un fanatifme de crimes , que que
Peuple trouble le repos , la fécurité des
autres , qu'il prêche un fyftême deftructeur
des droits de la propriété , de l'ordre
focial , qu'il arme pour foutenir ce fyllême,
il est alors de l'intérêt de tous les autres de
foutenir les principes de la juftice , humaine,
les fentimens des vertus faciales ,
par tout ce que la force donne de reffource
N &
( 280 )
mite.
& de moyen contre une femblable cala-
C'eft l'affaire du genre humain, ce
n'eft plus celle de quelques intérêts temporaires
ou privés.
Et certes fans ce droit public , fans cette
fauve- garde de la police générale des peuples
, il fuffiroit qu'une nation fanatique ,
aguerrie , riche ou intrigante , pût alléguer
des raifons de réformes intérieures , pour
offrir à l'Europe le tableau d'attentats impunis
, troubler le repos de fes voifins , protéger
le brigandage & faire chanceller les
Gouvernemens par l'influence des paffions
qu'un pareil défordre ne manque jamais de
faire naître dans les efprits inquiets de tous
pays. Invoquer en pareil cas le droit d'indépendance
nationale , c'eft l'aréantir &
le violer ; c'eft le reconnoître pour foi &
le méconnoître pour les autres . Comme un
individu dans la fociété ne peut point argumenter
du refpect qu'on doit au domicile
pour s'y permettre des excès contre
l'humanité , les moeurs , la divinité , la
fûreté de fes voifins , de même un peuple
foulevé contre tout principe humain , tout
refpect focial , perd fon droit à l'indépendance
politique , foumife d'ailleurs par fa
nature aux loix générales de la police des
Nations, à celles de la propriété , des convenances
& des engagemens réciproques.
Il eft des droits qui font ceux de tous les
Peuples , la propriété de toutes les Nations ,
281
dont ils jouiffent en commun , & dont les
Rois , les Princes , les Chefs de Gouver
nemens font les défenfeurs nés. Tout peuple
qui en proclame le mépris ou la deftruc
tion eft par cela même déclaré perturbateur
public ; il a rompu le contrat légal qui le
lioit avec les autres Nations , & dès - lors la
voie des armes devient pour celles-ci une,
reffource auffi légitime qu'indifpenfable au
maintien de leur tranquillité.
L'Europe eft vraiement outragée des hauteurs
, de l'infolence & des menées de la
faction Françoife. Par-tout une fecte audacieufe
& facrilege s'appuie de fes maximes ,
de fa conduite pour attaquer l'ordre public,
fubftituer l'argument de la force à celui de
Ja Juftice , la logique des bras à celle de la
raifon , & les prétentions du brigandage
aux droits facrés de la propriété. Une multitude
de fanatiques armés de fophifmes
& de tous les moyens de deftruction qu'offre
le plus beau Royaume de l'Europe , eft
prête à fe répandre comme un torrent fur les
pays voifins ; y propager une doctrine qui ,
toute monftrueufe qu'elle eft , n'en trouvera
pas moins de nombreux fectaires parmi
cet ordre d'hommes qui , privés de propriété
, regardent comme une injuftice , une
ufurpation les droits utiles & la propriété
des autres.
Il étoit donc temps que les Etats s'occupaffent
d'apporter un remède à ce mal ;
N 1
( 282 )
"
plus d'indifférence ou de temporifation
pouvoit les réduire à l'impuiffance de s'op
pofer au torrent ; égarés par des rapports
menteurs , ils ont cru que la France receloit
dans fon fein des germes d'ordre qui s'y
développeroient ; ils auroient plutôt dû y
voir une caufe inaltérable de défordre dans
les attentats impunis qui s'y renouvellent ,
dans l'aviliffement de la Royauté , la profcription
des diftinctions politiques , la violation
perpétuelle des propriétés , & les
infultes faites à la religion . Ce qui les apu
tromper encore , mais d'un autre lens , c'eft
l'exagération de l'impuillance des factieux
ils ont cru trop facilement à la défunion des
fanatiques qui gouvernent la France , à la
nullité de leurs moyens , mais ils oublioient
ces factieux , ces fanatiques difpofent
d'une grande force armée , d'un immenſe
tréfor & de tous les moyens qui peuvent
alimenter les palions de l'avarice , de l'am
bition & de la haine ; qu'agir foiblement
contre une pareille maffe , ou attendre du
temps fa diſſolution , c'étoit s'expofer à s'en
voir écrafer après qu'elle auroit parcouru
tous les périodes du crime & de la violation
de droits .
Ceft un grand aveuglement des Cabinets
des Princes de ne voir les dangers de l'anarchie
qu'au moment de fon é uption ; c'en
eft un plus grand encore de penfer qu'elle
peu leur fervir à quelque chofe lorfqu'elle
( 283 )
3.
étend fes ravages fur un état voifin ,- &
ç'en fut un très grand à quelques puiffancès
de n'avoir pas vu que l'exemple fcandaleux
des défordres qu'offre la France , pouvoit
nuire à leurs intérêts d'une manière bien autrement
formidable que la rivalité puiffante
de cette fuperbe Monarchie . J'ajouterai que
fi cette erreur pouvoit être , par impoffible ,
celle des Princes & des Rois , du moins
devroit - elle paroître très - dangereufe à
toutes les claffes de propriétaires , dont les
droits n'ont jamais reçu d'atteintes auffi
funeftes
que celles que leur ont portées las
actes de la Révolution Françoife.
C'eft là ce qu'on ne doit point perdre de
vue , & c'est à cette caufe qu'on doit attribuer,
fans doute en grande partie, les mou
vemens de défenfe qui règnent dans l'Empire
aujourd'hui. Malgré les lenteurs qui
doivent néceffairement accompagner fes
démarches, on y apperçoit une accélération
de préparatifs générale. Le Cercle de Suabe
dont on fen:bloit craindre l'indécifion , s'eft
foumis aux conditions du Conclufum de la
Diète pour le contingent de fecours qu'il
doit fournir. Le Roi de Pruffe vient de
faire notifier par M. de Soden , fon Miniftre
auprès de l'Affemblée du Cercle de
Franconie qu'il fe voit obligé de faire
marcher un Corps de troupes confidérable
vers le Rhin , pour couvrir les frontières
de l'empire , & qu'il propofe à fes co Etats
N 4
( 284 )
'du Cercle de Franconie d'accéder à l'affo
ciation tant des Cours de Vienne & de
Berlin que des autres Cercles , dans l'intention
de maintenir les droits & la paix de
T'empire. » Les troupes défilent les unes
dans les Pays Bas , les autres fur le Rhin.
Le régiment Pruffien de Kleist , Infanterie
eft paffé le 6 par Berlin pour fe rendre à
Coblentz ; les équipages de campagne du
Prince de Pruffe & les Bureaux des Poftes
ont pris hier la même route ; ils ont été
ivis le lendemain par les équipages de
campagne du Roi . Le régiment Pruffien
de Hertzberg eft arrivé de la Siléfie aux
environs de Natchod dans la Bohême pour
fe rendre fur le Rhin ; cinq autres doivent
paffer par Prague dans les derniers jours
du mois pour fe rendre à la même deftimation
, par Bareith & Anfpach ; toutes les
troupes légères deftinées à fe rendre fur le
Rhin font parties de Breflau le premier du
mois ; le régiment de Hohenlohe , conduit
par le Général Prince de Hohenlohe , les
Artilleurs , & un train d'artillerie les ont
fuivis le 3.
On apprend de Vienne que le Baron de
Ulm y eft arrivé de Berlin , avec le plan
des opérations militaires que le Général,
Prince de Hohenlohe , avoit préſenté à Sa
Majefté Pruffienne , dont elle avoit approuvé
tous les détails ; que le Couronnement
de Sa Majesté le Roi de Hongrie a eu
( 285 )
sl
lieu à Bude avec les cérémonies d'ufagele ;
que les Etats de Bohême fe font adreffé au
Koi pour l'inviter à fe faire couronner à
Prague après le Couronnement Impérial ,
& que Sa Majesté leur a répondu qu'elle
s'y rendroit au mois de Septembre prochain
, fi les circonftances le lui permettent.
Quelques bataillons de régimens Hongrois
& deux compagnies d'Artilleurs fe rendent
dans les ports de Triefte & de Fiume. Trente
bataillons d'Infanterie & vingt- une divifions
de Cavalerie compoferont l'armée
Autrichienne , fituée dans le Brifgaw & le
long du Rhin , ce qui , à raifon de 1,500
hommes par bataillon , & de 1000 hommes
par régiment de Cavalerie , ou 335 hommes
par divifion , fait un total de 45,000 hom
mes que commandera le Prince de Hohen-
Lohe. Chaque bataillon a trois pièces de
canon de 6 livres de balle , ce qui fait
90 pièces de canon de ce calibre , outre
8 autres de 12 & 18 livres de balle.
་
Il eft faux que le Duc de Wurtemberg,
à qui la Cour de Vienne auroit propofé
de lever 8000 hommes dans fes Etats , ait
refufé de confentir à cette demande «< pour
ne pas fe compromettre avec la France &
engager fes fujets dans une querelle`qui
lui eft étrangère » ; la Cour de Vienne
n'a point fait cette propofition à ce Prince ;
la conduite qu'il doit tenir , non pas
dans la querelle , mais la guerre actuelle
N S
( 286 )
eft règlée , déterminée par la Conftitution
de l'empire à laquelle le Duc de Wurtem
berg eft foumis , & à laquelle ce Prince
n'eft nullement difpofé à te fouftraire. Ainf
cette affertion de la Gazette du Miniftère
François , eft auffi fauffe que celle par la
quelle elle annonçoit le changement de
Systême à Berlin , relativement à la guerre
contre la France ainfi que le refus pofitif
du Cercle de Souabe d'accéder à l'affociation
des Cercles , refus démenti par la note
Femife au Cercle de Franconie le 26 Mai
par le Miniftre Pruffien , M. de Soden , &
dans laquelle Sa Majefté Pruffienne offre
l'exemple du Cercle de Souabe pour engager
celui de Franconie à l'imiter , ce qu'il a
fait. Les troupes de Bohême & de Hongrie
qui paffent par la Souabe , pour l'ar-
Biée des Pays - Bas , s'élèvent à 9,600 hommes.
88 charriots munitionnaires venant
de l'Autriche ont paffé le 11 par l'Electorat
de Mayence , pour les Pays Bas.
T
PROVINCES - UNIES.
De la Haye, le 12 Juin.
M. de Maulde , Ministre Plénipotenaire
de France , a remis à L. H. P. une
note pour réciamer une cargaifon de
Co,poo fufils achetés pour le compte de la
France, & retenus au port de Tecrevere par
"
( 287 )
3
PAmirauté de Middelbourg. M. de Maulde
n'a reçu d'autre réponſe finon qu'il falloit
que L. H. P. euffent fur ce fait connoiffance
du rapport de l'Amirauté de Middelbourg,
avant de pouvoir prononcer.
$
Au refte , on prétend que ces fufils font
ceux qui ont été ôtés aux infurgens de
Hollande , & qu'une des conditions du
défarmement avoit été que les fufils ne
feroient point vendus en Europe ; ce qui
a donné lieu de les arrêter lorfqu'on a fu
que M. de Beaumarchais les avoit achetés
pour les revendre au Miniftère Prançois.
M. de Maulde a fait également connoître
officiellement à L. H. P. la guerre que l'Af
femblée Nationale a déclarée à la Maifon
d'Autriche par la note fuivante qu'il a
remife le 31 Mai , à M. le Greffier Fagel.
Le fouffigné , Miniftre Plénipotentiaire de
France , a l'honneur de prier M. le Greffier
Fagel , en lui portant une copie de la déclaration
de guerre contre le Roi de Hongrie & de Bohême ,
de la porter au plutôt à la connoiffance de
L. H. P. les Etats- Généraux des Provincesunies
des Pays - Bas.
La réponſe des états- généraux ne fut
pas moins laconique . En voici le texte :
Extrait des Regiftres de L. H. P. les Provinces
unies des Pays- Bas, du 31 Mai 1792 .
сс
« Délibéré fur la note que M. de Maulde
Miniftre de France ,) a préſenté ce matin , il
1
IN 6
( 288 )
été trouvé bon & entendu ; qu'il fera fait de :
remerciemens de la part de L. H. P. à M. d:
Maulde , pour la communication donnée de li
déclaration de guerre contre le Roi de Hongrie ·
& de Bohême. »
« Et a été en outre trouvé bon que l'Agent
Van-hees fera chargé de remettre la préfente réfolution
au fufdit M. de Maulde , Miniftre de
France , auprès de cette République.
»
Signé , H. FAGEl.
Les provinces de Hollande & Weftfriſe ,
celles d'Utrecht , de Groningue , de Frife,
confentent à la continuation des fubfides
pour l'entretien, pendant une année , des
régimens Pruffiens d'Anfpach , de Mecklenbourg
& de Brunſwick ; celle de Zélande
a demandé un délai pour ſe procurer
de nouvelles inftructions , & peut être
qu'au moment où nous écrivons , le confentement
eft-il général à cet égard ; ce qui
prouve les difpofitions de la République
a s'affocier aux opérations de la Pruffe
& de l'Autriche , en cas de befoin.
PAYS- BAS.
De Bruxelles , le x8 Juin 1792.
Les Princes François avoient jufqu'ici demandé
inutilement , à la Cour de Vienre
la permiffion de former un Corps d'armée
d'avoir leurs propres Commandans . Mais
ayant envoyé dernièrement à Vienne pour y re-
"
( 289 )
nouveller les mêmes inftances , ils en reçurent
enfin une réponſe felon leurs voeux , & on leur
a permis de s'affembler , fous la condition que
-leurs entreprifes feroient toujours dirigées par
les Chefs de l'armée alliée . Cette permiflion a été
notifiée ici à M. Laqueille , par la note fuivante:
--
Par ordre de S. A. R. , en date du 21
Mai , il a été accordé , enfuite de la demande
faite par M. le Marquis de Laqueille , qu'il fera
donné aux Soldats François émigrans dans les
cafernes des villes d'Ath , Bruxelles , Enghien ,
les fubfiftances néceffaires , à l'exception des lits
favoir Ath , Bruxelles , Enghien , à raison de
200 hommes chacune , & Tirlemont 400. -Il
eft égalemest accordé audit Marquis de Laqueille ,
là où il n'y a point de garnifon , point de Police
établie , d'entretenir une garde , favoir à Ath 30 ,
à Enghien 30 , & à Titlemont 60 hommes ,
pour le maintien du bon ordre parmi les Soldats
que l'on a accordé d'armer à cet effet. Il
eft auffi permis au Comte de Carnouville de
former un dépôt pour 100 hommes dans les villes
de Mons & de Tournay , ou dans un village
près de ces deux villes . Les articles ci - deffus
énoncés , feront communiqués au Commandant
de la ville , pour règle de fa conduite à cet égard :
il lui eft également enjoint , non - feulement de
ne pas donner empêchement aux Emigrans François
, qui vont rejoindre les Princes , mais au
contraire de leur donner toute l'affifiance poffible.
»
--
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres , le 22 Juin.
Le Parlement eft prorogé au 30 Août
( 290 )
prochain; l'on arme à Portſmouth . quelques
vaiffeaux qui feront commandés par
l'Amiral Hood ; nous ferons connoître ces
objets en détail dans notre prochain numéro
ainfi qu'une émeute affez confidérable
arrivée à Londres dans les premiers
jour du mois , & dont on regarde les
François , finon comme inftigateurs pofttifs
, du moins comme caufe occafionnelle
par les principes d'anarchie qu'ils
affectent de proclamer imprudemment par
tout.
FRANCE.
De Paris, le 27 Juin 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du lundi , 18 juin.
>
Une lettre du Roi , contre-fignée Duranthon ,
a prévenu l'Affemblée que S. M. a nommé M. de
Chambonas , maréchal - de- camp , au département
des affaires étrangères ; M. la Jarre à celui de
la guerre ; M. Terrier- Monciel , préfident da
département du Jura , au ministère de l'intérieur's
que, quant à celui des contributions , le Roi
efpère annoncer bientôt fon choix. On a
décrété , en riant , que M. Mourgues , qui n'a
rien figné pendant fon ministère de quelques
-
1
( 291 )
heures, étoit difpenfé de tendre des comptes.
Dans un rapport fur des fabricateurs de faux
affignats , M. Lecointre a dit que le comité de
furveillance avoit ordonné à la municipalité de
Romainville de faire des vifites domiciliaires . Quelqu'un
a cenfuré cette conduite du comité ; M,
Lecointre a changé l'ordre en un avertiffement
de &c..... L'Affemble a décrété l'impreffion &
Tajournement du projet de décret.
La loi du 29 avril dernier n'autorifoit que les
ordonnateurs des vivres à faire les réquifitions
néceffaires pour les tranfports des vivres & fourrages
de l'armée ; ce qui rendoit fouvent le fer
vie impoffible. Un nouveau déciet y a au orifé
les adminiftrations de diftrict ou leurs commiffaires
.
•
*
A l'occafion d'un projet , lu par M. Jacob
Dupont fur un nouvel impôt de 6 pour cent fur
tout immeuble vendu ou cédé , pour combier le
déficit quecaufe la fuppreffion des droits féodaux,
nous confignerons ici une remarque effentielle
que perfoune ne nous paroît avoir faite. L'ar
cle III du décret rendu mardi dernier , 12 juin,
dans la féance du foir , admet ou crée , d'urgence
& fans la formalité conftitutionnelle de
l'impreffion , & des trois lectures , des mandats de
L'adminiftrateur de la caiffe de extraordinaire
fur le tréforier de ladite caiffe , dont le récépiffé
fera pris pour comptant par les receveurs du
district qu feront fitués les biens nationaux qu'on
voudra acquérir ( voyez le n°. précédent de ce
journal , page 229 ) . N'eft- ce point une nouvelle
forte d'effers publics , dont le maximum ignoré
peut augmenter la dette de l'Etat & diminuer
Thypothèque des affignats, de toute la valeur des
biens nationaux acquis au prix de ces mandats
( 292
& récépiffés , & cela dans une proportion d'autant
plus effrayante qu'elle feroit inconnue ?
Le préfident a fait lire à la tribune une lettre
de M. de la Fayette , datée du camp devant
Maubeuge , & que nous avons rapportée dans
notre dernier numéro.
Plufieurs voix ont demandé l'impreffion & l'envoi
aux 83 départemens . L'impreffion a été décrétée.
M. Vergniaud a dit : « il importe à la
conftitution fi chère à M. de la Fayette , de
diftinguer les pétitions des particuliers & les
confeils d'un général d'armée ; il ne peut en
adreffer à l'Aflemblée que par la voie du miniftre.
Les galeries ont applaudi le rhéteur
Forfqu'il a prétendu que les confeils d'un général
d'armée font des , loix . adreffées à l'Affemblée.
Regrettant que la légiflature ce n'eût pas pris une
confiftance propre à la débarraffer des factions ,
M. Thévenet s'eft écrié qu'il ne falloit rien moins
qu'un homme tel que M. de la Fayette , pour
faire cette utile dénonciation ; que c'étoit le
moment de fauver la patrie des maroeuvres
d'intrigans qui fatiguent le peuple pour le faire
un parti & arriver aux places. » Un vacarme
horrible a coupé la parole à MM. de Vaublanc ,
Couthon & autres . M. Guadet a foutenu que la
lettre n'étoit pas de M. de la Fayette , parce
que , datée du 16 , elle parle de la démiffion de
M. Dumourier , du 16. On lui a répondu que
M. Dumourier en avoit donné une antérieure.
« Eh , Meffieurs laiffez mentir M. Guadet , a
dit une de fes connoiffances. M. Daverhoult
a obfervé que le général avoit pu preffentir la
chûte du miniftre en voyant celui - ci dans la difgrace
de fes créateurs. Cette épigramme a donné
de l'humeur à la députation Bordelviſe,
7
3
( 293 )
сс
L'imp toyable M. Guadet n'a pas lâché priſe,
& a prétendu qu'autrement le blanc - feing de
M. de la Fayette étoit à Paris ce à la difpofition
de ceux qui attendoient l'occafion d'en remplir
le vide d'une doctrine favorable à leur faction
( faction infernale qui veut qu'on ceffe d'outra
ger le Roi ! ) ; » que les fentimens de M. de la
Fayette indiquent affez qu'il n'en eft pas l'auteur.
«, M. de la Fayette fait que lorfque
Cromwell tehoit un langage pareil à celui qu'annonce
cette lettre.... » Ici des huées d'un côté,
des battemens de mains de l'autre ont affourdi
l'auditoire. Le préfident a rappellé, à l'ordre la
majorité de l'Allemblée ; cet incident a redoublé
le tapage. M. Lacroix affirme qu'elle eſt toujours
auffi calme , & que le préfident n'a pas le droit
qu'il s'arroge. Débats indicibles , que termine
efin l'ordre du jour.
Après d'orageufes difcuffions , on a renvoyé
la lettre à la nouvelle commiffion extraordinaire ,
ainfi qu'une lettre de M. Terrier-Monciel, miniftre
de l'intérieur , qui annonce que de nouveaux
troubles ont fignalé l'élection de M. Du
prat le jeune , à la place de maire d'Avignon...
Un membre a battu des mains . M. Vergniaud
a promis des lumières. La commiffion fera fon
rapport vendredi prochain. Voici les noms de
ceux qui la compofent : MM. Bigot , Lacépède,
Lacuée , Paftoret , Muraire , Tardivau , Vaublanc
, Guadet , Lemontey Jean de Bry
Guyton-Morvean & Rulh.
Du lundi , féance dufoir.
Le Roi notific la nomination de M. Beaulieu,
Jun des commiffaires de la comptabilité , au
ministère des contributions publiques. M. Louis
( 294 )
Calas implore , à la barre , des fecours pour
Payer les detres de fon père , & , malgré le décret
qui interdit au préfident les réponses oratoires ,
M. Français de Nantes , qui occupoit le fauteuil
n'a pu refifter au besoin de déclamer
contre les intrigues facerdotales & la tyrannie
parlementaire. On a renvoyé cet objet au comité
& ajourné les autres.
Du mardi, 19 juin.
Des citoyens-foldats du bataillon de St. André
des-Ares , de Paris , obtiennent la permiffion de
planter un mai à la porte de l'Affemblée. Quatre
légiflateurs font chargés d'affifter à cette augufte
cérémonie ; les pétitionnaires haranguent , plan
tent l'arbre de la liberté , haranguent encore ,
défilent , traverfent la falle , au bruit d'une mas
fique guerrière & des applaudiffemens , comme
des triomphatcurs , & reçoivent les honneurs de
la féance.
On fit une lettre de M. Lamorlière , de Strasé
bourg , du 15 juin . Ce général fe plaint de ce
que M. Servan , miniftre de la guerre , lui fait
des inculpations telles qu'un homme parvenus
fans reproche , à 85 ans , ne peut les laiffer enfévelies
dans le fecret d'une fimple correfpondance
. Il envoie copie de la lettre reçue , & de
mande que le miniftre dépofe les pièces pour
que les coupables ou les calomniateurs foient
punis. Dans celle de M. Servan , ce miniftre en
paroillant rendre juſtice aux intentions du géné
ral , l'accufe d'être mal entouré , de fe livrer à
des agens immédiats qui ne font pas purs ;
annonce avoir des avis particuliers qui l'informent
qu'il règne à Strasbourg une fermentation
alarmante; que le fervice s'y fait négligemment }
1295 )
que la citadelle eft fans canonniers , les patrouilles
fans cartouches , la porte principale ouverte la
nuit , la ville remplie d'émigrés , le camp dénué
des chofes les plus indifpenfables ; qu'on reçoit
les trompettes Autrichiens avec peu de précau
tions ; que M. Duteuil , commandant de l'ar
tillerie , a des relations directes avec les émigrés .
Tant de devoirs à mieux remplir lui femblent
pénibles pour un général octogénaire ; il eſpère
pouvoir bientôt le placer d'une manière plus convenable
à fon âge , & attend le moment où M.
de Biron pourra le remplacer en Alface. M.
Lamorlière réfute , article par article , ces allé-'
gations dont beaucoup font fauffes , dont la
plupart ne le regardent pas , relève l'injuſtice d'un
miniftre qui l'inculpe vaguement , & la dénonce
à l'Affemblée nationale , au Roi , à tous les gens
de bien.
Attaqué par M. Servan , M. Victor de Broglie
Fai écrit que , comme chef de l'état - major de
l'armée , il eft feul coupable des fautes imputées
aux alentours du général . « Le rôle que j'ai joué
dans la révolution , mande- t-il , la confiance de
M. Luckner , de M. Lamorlière & de vos prédéceffeurs
fembloient écarter les dénonciations
vagues. Il demande des explications promptes
& cathégoriques , & protefte que le deffein vifible
de déforgan fer les pouvoirs , d'écarter tous
les citoyens fidèles , ajoute à fon zèle .
M. Rulh a propofé , l'Affemblée a décrété ,
que les pièces foient dépofées fur le bureau pour
que les généraux puiffent fe défendre . La lettre
de M. Victor de Broglie offroit à M. Carnot le
jeune un trait fubordination qu'il falloit
punir dans l'officier comme dans le foldat , gen
tilleffe civique fi puérilement motivée que pour
.
( 296. )
la réduire à une calomnie il a fuffi de la logique
de M. Lacroix qui a établi que M. de Broglie
demandoit une explication , non fur un ordre
mais fur des inculpations. On a renvoyé le tout
au comité des douze.
21
Renogvellant la motion d'un meflage au Roi
tel que
que l'avoit conçu M. Ifnard , M. Duquesnoy
a dit « ou le Roi picft Je bonne foi ou il ne
l'eft pas, ou il a des yeux pour voir , ou il n'en
a pas ; s'il a des yeux pour voir , il doit juger
la fcélérateffe de ceux qui l'entourent . Cependant
, quels font ceux qu'il a renvoyés auçurs,
au contraire , il avoit un miniftère patriote , &
il l'a renvoyé !.. Mais s'il n'y voit pas ; s'il
a la vue baſſe ; s'il ne peut être frappé des
rayons de la vérité , il eft temps de lui dire que
les repréfentans du peuple fouverain ne font pas
contens de fa conduite . ( On tit au milieu des
applaudiffemens des tribunes ) . Il eft temps de
fui dire qu'il y a un terme à tout ; il eft temps
de lui dire que les députés ne pouvant opérer
tout le bien qu'ils devroient faire , ils vont en
informer leurs commettans . Les François ne fouffriront
jamais que la chofe publique foit perdue
par négligence , & ils nous donneront despouvoirs,
ou à d'autres ( violens murmures dans l'Allemblée
, applaudiffemens des galeries ) ; & mettront
le glaive dans nos mains pour exterminer... ».
Le bruit & l'ordre du jour n'ont laiffé de cette
criminelle opinion que le fouvenir d'un parjure
gratuit & l'ineffaçable empreinte des coups lâchement
portés à l'un des pouvoirs conftitués.
On a décrété d'urgence was les directoires de
departemens feront brûler tous les titres de ncbleffe
& généalogies qui fe trouverort dans les
dépôts publics que's qu'ils foient. C'cft M. Cons
( 297 )
dorcet qui , pour célébrer Fanniverſaire du 20 juin
en philofophe profond qui croiraux anniverfaires,
a propofé cet acte barbare qui eût fait rougir un
Vandale.
9 1
Le L'Affemblée a permis à M. Dumourier de fe
rendre à l'armée où il defire qu'un coup de canon
concilie toutes les opinions fur fon compre.
-Excepté M. Scipion de Chambonas malade ,
stous les miniftres font venus préfenter leur hommage
au corps légiſlatif , & M. Lajarre a lu
une lettre où M. Luckner annonce qu'il occupe
Menin , que fon armée commence « à s'orga
nifer dans le rapport de fes befoins » mais que
la difcipline n'y règne pas encore . Le même
' miniftre a ajouté que le Roi s'occupoit de ces
objets importans avec la plus active follicitude ,
& que Sa Majefté comptoit fur le bon effet des
difpofitions que manifefteroit l'Aſſemblée nationale.
moyens
i
Alors M. Paftoret a repris la difcuffion fur les
de conftater l'état civil des citoyens , & a
débité de cette philofophie exagérée , qu'on prend
aujourd'hui pour du génie, & qui n'eft au fond, que
l'athéisme & le matérialiſme délayés dans le ver-
-biage infignifiant de l'ignorance présomptueufe au
pointde fe croire ſtupidement fupérieure en lumières
à la fageffe éprouvée de tous les fiècles .
my
Guindé fur les mêmes principes , M. Gohier
n'a prétendu à rien moins qu'à fondre d'un feul jet
une nouvelle religion fans Dieu , un culte civique ;
parce qu'il y a beaucoup moins de maifons
communes que de municipalités , & qu'on doit
bien fe garder de tout ce qui rappelle aux églifes ,
il a élevé des autels à la liberté , à la patrie , à
- la loi , dans tous les carrefours , & propofé , avec
la gravité d'un Numa en jockey, de présenter à ces
( 298 )
bornes les enfans nouveau - nés & les morts , d'y
armer les citoyens actifs , d'y unir les époux ,
fous l'influence philofophique de la déclaration
des droits , & au milieu des cris : vivre libre ou
mourir. Ces fublimes découvertes , qu'avant la
régénération on auroit traitées d'impertinentes
extravagances , ont été couvertes d'applaudiffemens
, & feront imprimées aux frais d'un peuple
qu'ont ruiné les novateurs .
Le miniftre de la juſtice annonce , par écrit ,
que le Roi vient d'appliquer fon veto , la formule
conftitutionnelle : Le Roi examinera , fur
le décret relatif à la déportation des prê res , &
fur le décret portant qu'il fera formé un camp
de 20,000 hommes auprès de Paris . Nous oferóns
comparer ces actions de Louis XVI affailli
d'outrages , entouré de forcenés qui prêchent
impunément le régicide , à ce que les héros
#anciens & les héros chrétiens ont jamais fait de
plus digne d'une gloire immortelle.
M. Rouyer a défié tous les généraux du monde
de pouvoir défendre le royaume avec le peu de
-troupes qui font à la difpofition des généraux
François. Il a rappellé qu'on avoit eu la bon-
-homie d'arrêter le recrutement comme furabondant
, lorfqu'il n'étoit pas même fuffifant , ce
qui prouve la vérité des rapports adoptés par
l'Affemblée. L'opinant infiftant fur la néceffité
è de nouvelles recrues , un légiflateur à farcaſmes
lui a crié que le Roi n'en avoit pas befoin. Des
murmures ont étouffé cette innocente malice ,
& M. Rouyer a dit que le nombre des troupes
- étant fixé , le décret ne feroit pas vetoté , attendu
que le veto blefferoit la conftitution . La com-
* miffion des douze ſdrutateurs de l'état de la France
expliquera tout inceffamment,
( 299 )
二
les a
Du mardi , féance du foir.
Les municipes de St. -Jean- Pied-de-Porc , dénoncent
à l'Affemb'ée un paffe- port délivré à
M. le Comte de Châlons , ambaffadeur de S. M.
T. C. auprès de S. M. T. F. M. Ducos le
renvoyoit à la place Vendôme où l'on brûloit alors
600 volumes de titres de nobleffe , pour la plus
grande félicité du peuple. On a beaucoup ri.
M. Thuriot , moins plaifant législateur , a fait
décréter le renvoi au pouvoir exécutif, afin que
ce crime foit puni..
On a lu & applaudi l'étrange lettre fuivante intitulée
: des citoyens de Marfeille.
cc
« Légiflateurs , la liberté Françoiſe eft en
péril. Les hommes libres du Midi font tous levés
pour la défendre. Le jour de la colère du peuple
eft arrivé. Ce peuple , qu'on a toujours voulu
égorger ou enchaîner , las de parer des coups ,
à fon tour eft près d'en porter ; las de déjouer
les confpirations , il a jetté un regard terrible
fur les confpirateurs. Ce lion généreux , mais
'aujourd'hui trop courroucé , va fertir de fon
repos , pour s'élancer contre la meute de fes
ennemis , Favorilez ce mouvement belliquens ,
vous qui êtes les conducteurs comine les repréfentans
du peuple , vous qui avez à vous fauver
ou à périr avec lui . La force populaire fait toute
votre force vous l'avez en main ; employez- la .
Une trop longue contrainte pourroit l'égarer ou
l'affoiblir. Plus de quartier , puifque nous n'én
avons plus à attendre. Ure lutte entre le defpo
tifme & la liberté ne peut être qu'un combat
‹ à mort ; car fi la liberté eft généreuſe , le defpotiſme
fera tôt ou tard ſon aſſaſſin. Qui penſe
( 300 )
autrement , eft un infenfé qui ne connoît ni
l'hiftoire , ni le coeur humain , ni l'infernal machiavelifme
de la tyrannie. »
сс
Repréfentans , le peuple François forme un
vou celui de fecourir la patrie ; it vous dcmande
un décret qui l'autorife à marcher avec
des forces plus impofantes que celles que vous
avez créées , vers la capitale & les frontières .
Le peuple veut abfolument finir une révolu ion
qui eft fon falut & fa gloire , qui eft l'honneur
de l'efprit humain ; il veut fe fauver & vous
lauver : devez vous empêcher ce mouvement
fublime ? le pouvez- vous , leg flateurs? Vous ne
refuferez pas l'autorisation de la loi à ceux qui
veulent aller mourir pour la défendre. »
M. Charlier en a demandé l'impreffion , la
mention honorable & l'envoi au 83 départemens.
Après toutes les opinions qu'il a débitées à la tribune
, M. Rouyer avoit bonne grace de s'oppofer
à cette motion . Il a parlé de courage de penfer,
d'attitude impofante & de laforce d'en impofer aux
factieux du fublime courage de dire au peuple :
Soyez tranquille. M. Lecointre- Puyravaux lui a
répondu que le jour de la colère du peuple eft
arrivé, que c'est une grande vérité. Oui , oui ,
ont crié les galeries , ce qui a excité de vifs applaudiffemens
, comme fi l'on fe fût félicité de l'effet
qu'on cût voulu produire au moyen d'une
pretendue lettre de Marfeille lue à propos au peuple
de Paris.
cc
-
« Une fage législature , a dit M. Merlet , ne
Proclame jamais ni la colère ni la vengeance populaire.
D'auffi horribles extrémités ne font poffibles
que lorfque les repréfentans de la nation ne
font plus dignes d'elle . -Vous calomniez les
Marfcillois
( 301 )
Matfeillois , crioit M. Cavellier. Il n'appartiene
pas aux repréſentans de maîtriſer le voeu de ceux
qui leur ont donné des mandats. Montrez le
vôtre , crioient plufieurs voix, » On a décrété la
mention hono:able , l'impreffion , & , après deux.
épreuves & un long tumulte , l'envoi aux 83 dé-.
partemens.
Le ministre de l'intérieur adreſſe à l'Aſſemblée
un arrêté du département de Paris relatifà la tranquillité
publique. M. Vergniaud s'oppoſoit à ce
qu'on le lût. On l'a lu . Inftruit , par un arrêté du
confeil -général de la commune du 16 , que des
citoyens des fauxbourgs Saint -Antoine & Saint-
Marceau avoient demandé à s'aflembler vêtus de
leurs habits de 1789 , demain , 20 juin , pour
aller préfenter , en armes , des pétitions au corps,
législatif & au Roi , & que fur cette demande le
confeil étoit paffé à l'ordre du jour , le directoire
confidérant que la loi ne permet que des députa
tions de 20 pétitionnaires fans armes... Arrête
que le Maire , la municipalité & le confeil - général
prendront toutes les précautions de prudence
& de force pour empêcher ces raffemblemens.
L'Affemblée nationale paffe à l'ordre du jour
& décrète , fauf rédaction , divers articles fur l'or
gan fation de l'école des Ponts & Chauffées.
Du mercredi , 20 juin.
Au nom du comité des décrets un membre
informe l'Affemblée que M. de Briffac a fubi
fon interrogatoire à Orléans , & que la hautecour
a rendu une ordonnance qui déclare les
princes , mis en état d'accufation , déchus des
droits de citoyens ( inactifs ) François déchéance
inexplicable qui durera autant que leur contu
mace,
No. 26. 30 Juin 1792 .
1
302 )
Une députation du directoire du département
de Paris étant admiſe à la barro , M. Ræderer
a dit , que des raffemblemens d'hommes armés
avoient lieu dans ce moment malgré la loi &
malgré l'arrêté municipal & l'arrêté du directoire ;
que leur objet étoit de planter un arbre en l'honneur
de la liberté , & d'offrir leur tribut d'hommage
à l'Affemblée ( un journal patriote annonçoit
la veille que les fans- culottes planteroient le
20 un tremble à la porte du château des Tuileries
) ; mais qu'il étoit à craindre ( grands éclats
de rire ) que ces raflemblemens ne ferviffent à
appuyer de l'afpect de la force armée une pétition
adreffée au Roi ; que divers rapports autorifoient
cette crainte ; que le miniftre de l'intérieur
avoit requis le directoire de donner des
ordres pour faire marcher des troupes , pour
écarter du château les dangers qui le menacent.
Le préfident a répondu pour la forme , & la
députation a reçu les honneurs de la féance au
milieu des huées des galeries .
M. Vergniaud , qui avoit repouffé l'arrêté ,
' a vu que du civifme dans l'attroupement qui
menaçoit le château dont il a évité de parler ;
a penfé qu'il auroit été plus conforme aux principes
de n'admettre aucune foule de pétionnaires
armés ; mais , fans éviter de donner licu de .
* croire qu'on n'avoit fi fouvent violé la loi que
pour ménager aux factieux les moyens d'atteindre
aux derniers excès , il n'a pas rougi d'établir que
puifqu'on avoit reçu tant de pétitionnaires armés ,
on ne pouvoit refuſer la même faveur à ceux- ci ;
que s'ils vouloient préfenter une pétition au
Roi , elle feroit probablement portée par des
citoyens non- armés ( après que l'Affemblée les
auroit applaudis & reçus armés ! ) ; qu'à luppoler
>
( 303 )
qu'il y eût du danger , il falloit envoyer chez le
Roi une députation de 60 membres .
ود
Des faits expofés par M. Gilbert & Thorillon
ayant conftaté l'efprit de défobéiffance & de
rébellion de divers raffemblemens qui avoient
mépiifé les ordres des autorités légales , M.
Dumolard a tâché de faire revivre le décret qui
borne toute députation à 10 citoyens fans armes.
« Je vous prie d'obferver , a- t -il ajouté , que li
vous admettez des citoyens armés , & qu'ils fe
portent au château , on pourra en conclure que
le Roi & l'Affemblée ne font pas libres . » Il n'a
recueilli que des huées. Une lettre de M. Santerre
, braffeur , commandant du bataillon de
fauxbourg St. Antoine , annonce à l'Aſſemblée
que les citoyens du fauxbourg , célébrant aujourd'hui
l'anniverſaire du ferment du jeu de paume,
demandoient à être admis à la barre , & aflure
qu'ils font toujours les hommes du 14 juillet.
Après des applaudiffemers frénétiques des galeries
, M. Lafource s'eft dit chargé par l'orateur
de cette députation d'informer l'Affemblée que
ces citoyens defiroient de défiler devant elle ;
qu'ils avoient bien une adreffe à présenter au
Roi , mais que ne voulant pas le rendre au châ
teau , ils la dépoferoient fur le bureau s'en re
mettant au corps législatif. On a vivement applaudi
au leurre groffier dont le miniftre proteftant
étoit inconteftablement ou le perfile inventeur
ou la ftupide dupe , & le grand acteur ,
M. Vergniaud , a repris la parole .
« Si vous ordonnicz , a- t - il dit , l'exécution
rigoureufe de la loi , ce feroi: renouveller la
fcène fanglante du champ de Mars ... S'il étoit
poffible qu'il y cât quelque danger ( aujourd'hui ) ,
je demanderois que demain il fût rendu un décret
O 2
( 304 )
t
qui ne tolérât plus de pareilles admiffions ( viks
applaudiffemens fur le décret que M. Vergniaud.
a l'infigne prudence de ne demander que pour
demain , & que demain il ne fongera pas à propofer
) .
33
сс
On invoque habilement la clôture de la difcuffion
. Quelques voix crient : c'eft infâme. M.
Ramond objecte à M. Vergniaud qu'aucun des
pétitionnaires armés admis contre la loi n'avoit du
mains bravé , comme ceux ci , les ordres des magiftráts...
Le préfident dit que 8,00c pétitionnaires
font prêts à défiler... Rumeur inexpiimable. « Ils
font 8,000 , dit M. Calvet , & nous 745 ; c'eſt
le moment de lever la féance . A l'orare , M.
Calvet ; & M. Ramond afluré que la loi eft la
divinité du peuple , propofe d'offrir à l'Europe
le fpectacle d'une multitude foumife à la loi , à
cette divinité , en exigeant que les pét.tionnaires
dépolent leurs armes a la porte. Toute la théologie
conftitutionnelle ne l'a pas fauvé dis
huées des galeries & d'une partie de fes collègues
.
ne
M. Gradet a revêtu de fon éloquence d'agitateur
les fophifmes de M. Vergniaud , & couronné
d'applaudiffemens , digne prix d'autant de
mauvaife foi que de mal-adreffe , l'opinant a conclu
à l'admiffion. Ceux qui les font venir ,
peuvent pas les renvoyer , a dit M. de Jaucourt.
Les pétitionnaires n'ayant pas attendu
le décret pour Le préfenter à la barre , on a
décrété qu'ils feroiet admis . Voici la ſubſtance
de la harangue de leur orateur :
cc
Légifaceurs , le peuple François vient vous
préfenter les inquiétudes ... Ce jour lui rappelle
l'époque mémorable du 20 juin au jeu de pauline...
Nous venons vous affurer que le peuple eft debout ,
1305 ))
qu'il eft àla haute ir des circonftances , & prêt àfe
fervir de grands moyens pour venger la majesté
du peuple outragée. Ces moyens de rigueur font
juftifiés par l'article II de la déclaration des droits
de l'homme réfifiance à l'oppreffion... La trame
jeft découverte , l'heure eft arrivée ; le fang coulera
, ou l'arbre de la liberté que nous allons
planten fleurita en paix . Que ce langage ne vous
étonne pas... Les ennemis de la patrie s'imagineroient
ils que les hommes du 14 juillet font
endormis ?... Leur, réveil eft terrible ... L'image
de la parrie érant la feule divinité qu'il foir
permis au légflateur d'adorer , cette divinité
trouveroit-elle dans fon temple des réfractaires
afon culte ?¿qu'ils fe romment... Le peuple ,
Je véritable douverain eft là pour les juger....
Le pouvoir exécutif n'eft pas d'accord avec your .
Nous n'en voulons d'autre preuve que le renvoi
des miniftres, patriotes . C'eft donc ainfi que le
bonheur d'un peuple libre dépendra du caprice
d'un Roi ? mais ce Roi doit- il avoir d'autre volonté
que celle de la loi ? Le peuple le veut
ainfi ; & la tête vaut bien celle des defpotes
couronnés . Cette tête eft l'arbre généalogique
de la nation ; & devant ce chêne robuſte , le
foible rofeau doit plier... Nous nous plaignons
de l'inaction de nos armées... Si elle dérive du
pouvoir exécutif , qu'il foit anéanti... La liberté
ne peut être fufpendue . Si le pouvoir exécutif
n'agit point , c'est lui qui doit l'être. Un feul
homme ne doit point i fluencer la volonté de
25 millions d'hommes . Si , par un fouvenir
nous le mainte ons dans fon pofte , c'eſt à condition
qu'il le remplira conftitutionnellement :
s'il s'en écarte , il n'eft plus rien pourle peuple
François... Le peuple eſt là; il attend une réponſe
3
1-
>
Q..3
(( 306").
digne de fa fouveraineté. Nous demandons la
permanence de nos armes jufqu'à ce que la conftitution
foit exécutée... & l'honneur de défiler
devant vous.
Le préfident a répondu à cette députation que
nous ferons bientôt condamnés à décrire & qui
fe donnoit pour le peuple François , que l'Affemblée
verroit toujours avec plaifir autour d'elle les
citoyens de Paris , parce qu'elle eft sûre de leur
patriotifme & « qu'elle fait qu'il n'y a jamais que
les dangers de la patrie qui puiffent exciter leurs
inquiétudes. Le tout ayant été couvert d'applaudiffemens
on en eft venu à la queſtion
principale de favoir fi les pétitionnaires , admis
à la féance , défilereient atmés ; & pour l'intelligence
de la tactique de cette longue fcène ,
il eft bon d'avoir préfent à l'efprit qu'en fortant
de la falle du manège , la foule armée pouvoir
arriver , fans obftacles extérieurs , à la terraffe
des Tuileries , les troupes étant dans les places
Louis XV , Vendôme & du Carroufel : D'orageux
débats ont abouti à la préalable fur tous
les amendemens d'une molle oppofition & à la
permiffion de défi er . Par analogie , M. Girardin
demandoit la préalable for la conftitution & les
loix du royaume . C'étoient des paroles ; les
factieux agiloient d'après un plan visiblement
conçu avant le licenciement de la garde du Roi ,
& qui en cxp'ique aujourd'hui la deftruction .
Alors a commencé la marche d'un nombre
prodigieux d'hommes , de femmes & d'enfans
vêtus de toute manière & dont la plupart étoient
déguenillés , commandés par MM; Sr. Huruge &
Santerrean uniforme . Les individusqui compofoiese
cette cohue portoient des hallebardes , des piques ,
sdes faulx , des épées , des broches , des haches ,
des bâtons auxquels étoient attachées des lames
( 307 )
avec de la ficelle , des rubans , des enfeignes
aux trois couleurs furmontés de bonnets de laine
rouge ; des femmes brandifloient des fabres
des enfans agitoient leurs coûteaux . Deux hommes
portoient une espèce d'étendard en forme de
vieux haillon noir déchiré figurant des culottes,;
fur l'un des côtés , on lifoit : Vivent lesfans - culottes
! Par derrière flottoit un écriteau en papier
où étoient écrits ces mots : Avis à Louis XVI.
Le peuple eft las de fouffrir. La liberté
ou mourir. Un autre vexillaire , homme ou
femme , foutenoit au bout de fa pique dégoûtante
un coeur de veau avec cette infcription :
coeur d'ariftocrate... Le lecteur honnête nous
difpenfera d'énumérer ou configner ici les devifes
fans nombre où l'atroce faleté des expreffions
ne paroiffoit ni être déplacée , ni déparer la folemnité
de cet incroyable cortège. Tambours ,
mufique , air ça ira , clameurs continuelles ,
blafphêmes contre la royauté , applaudiffemens
d'une partie des galeries & d'une partie de
l'Affemblée accompagnoient les propos du
plus effréné civilme. Cette fcène qu'il eft
impoffible de peindre , a duré deux heures , &
a fini par le don que M. Santerre a fait , au nom
des citoyens du fauxbourg St Antoine , à l'Affemblée
, d'un drapeau , « en reconnoiffance de
l'amitié qu'elle venoit de leur témoigner.
ל כ
2
Le préfident en a agréé l'hommage pour l'Affemblée
, & il a annoncé la prife de Courtray ,
& que les habitans avoient ciié : Vive la nation
Françoife ! « je me fuis empreffé , a - t- il dit
de communiquer cette nouvelle au peuple , afin
que ce jour qui infpiroit des défiances & des
allarmes , fe change en un jour de confiance &
d'alegreffe.» La féance a été levéeà 3 heures &demic,
0 4
( 308 )
Du mercredi , féance du foir.
La horde armée pénétroit dans le château par
les premières portes ouvertes à la voix des municipaux
en écharpe. Déjà les furieux fe répandent
dans les corridors , les galeries & jufques fur les
combles , & brifent à coups de haches les portes
qui retardent leur incurfion tumukuanze . A ce
bruit confus plufieurs députés font venus fe renfermer
au manége à 4 heures & demie , & vers
les 5 heures , la falle ayant été ouverte au public ,
on a commencé la féance.
:
Interrompant un rapport du comité des finanees
, M. Beaucaron a dit que les jours du Roi
étoient en danger , & a demandé que l'Affemblée
fe tranfportât en corps auprès de S. M.
On a crié Ah , bah ! bah ! dans l'un des côtés
de la falle , & M. Thariot a dit que le Roi ne
pouvoit être en danger au milieu du peuple ;
que cependant il ne s'oppofoit pas à une députation.
« Ce n'eft point le peuple qui eft chez
Le Roi , a répondu M. Beugnot , ce font des
brigands. Il n'a qu'à fe bien comporter , a
réparti M. Thuriot , & le peuple ne le portera
pas chez lui ( applaudiffemens ) . Ce n'eft pas en
calomniant le peuple qu'on peut fauver la république.....
» L'Affemblée a décréré qu'elle enverroit
une députation . Les uns la vouloient de
24 , les autres de 60 memb.es. M. Thuriot a
demandé que quiconque fe permettroit d'inculper
le peuple fut rappellé à l'ordre. « C'eſt la
motion d'un factieux qui outrage le peuple ea
le voyant dans des fcélérats , a dit M. Brunck, »
On a nommé 24 membres qui font fortis .
*
M. Dumas , qui arrivoic du château , a rapporté
qu'un grand nombre d'hommes a més 1e.n(
309 )
pliffoient les appartemens du Roi , après avoir
forcé fa garde ; que le Roi étoit dans un imminent
danger..... Ces mots n'ont excité que de
longs murmures . M. Charlier a nié les dangers
du Roi , M. Chabot accufoit M. Dumas de calomnier
le peuple...... « Le Roi , a repris M.
Dumas , eft entouré , affailli ; menacé , infuké ,
avili par le figne d'une faction ....... Il avoit le
bonnet rouge fur la tête .... Vifs applaudiffemens
, & les galeries crient : à bas , à bas , à bas.
сс
« Nous demandons juftice , s'écrient MM .
Adam , Baert & quelques autres députés indignés ;
neus dénonçons ces attentats à la France entière.
Quelle is fanie ! que diront les départemens ,
quand ils fauront que le chef fuprême , que
celui qui eft invefti de la majefté nationale , eft
outragé , avili .... -- Le bonnet de la liberté n'eft
pas aviliffant , répondent les membres de Fun
d.s côtés. A l'ordre , à l'abbaye.... & les ga-
Teries battent des mains avec transport . Toutes
les fois que M. Dumas a follicité des précautions
, des mefures de prudence , représenté la
terrible refponfabilité dont fe chargeoit l'Affemblée
, il a été interrompu par des vociférations
& des huées épouvantables .
3.10
Airivant aufli du château , M. Turgand a dit
Edges
' de paix
atteftoient
que
le Roi Eoit en danger , & que la multitude àvoit monté
du canon juques dans les appartemens . Il a de
pusus annoncé que le peuple avoit reçu les députés
avec le plus profond refpect ( contrafte chaudement
applaudi ) ; qu'ils avoient tous vu le Roi
dans l'enibiâfure d'une fenêtre , ayant fur la têre
le bonnet de la liberté (bravo ! applaudiffemens
redoublés ) que MM . Ifnard & Vergniaud
ayant harangué le peuple , avoient été entendus
3
( 310 )
f
כ כ
avec plaifir. ce Des voix , a - t - il ajouté , ont
demandé au Roi qu'il fanctionnât les décrets fur
les prêtres & fur les 20,000 hommes , & qu'il
tappellà: les miniftres patriotes . On a décrété
qu'il feroit envoyé une nouvelle députation chaque
demi heure , pour relever l'autre & en entendre
le rapport.
ود
M. Arbogat , témoin oculaire , a dit que 24
membres ne fufifoient pas , la foule armée ſe
portant auffi dans l'appartement du prince royal.
Quelques plaifans fe font égayés fur les Dames
de la cour. M. Lafource a prodigué les fophifmes
pour prouver qu'on avoit grand tort de craindre
pour le Roi... On ne le croira que lorfque
le Roi aura été affaffiné , a dit M. Léopold à
l'infidieux rhéteur ; mais la nation eft avilie dans
fon repréfentant héréditaire . Les 24 députés
fuffifoient à M. Lafource , parce qu'ils ne feroient
Jà que pour témoigner l'intérêt que l'Affemblée
prend à la perfonne du Roi ; « intérêt qui ne
devoit pas entraîner à des craintes d'un attentat
fanguinaire ; & parce que le prince royal n'avoit
qu'à fe tenir auprès de fon père. L'Affemblée
eft paffée à l'ordre du jour fur la motion de M.
Albogat , & tous ceux qui l'ont appuyée ont
éé baffoués , pour le moins , des galeries.
ל כ
On a lu , de fang raffis , des procès- verbaux
de féances , écouté des harangues , accordé les
honneurs de la falle à des citoyens - foldats pétitionnaires
& M. Ifnard , membre d'une première
défutation , eft venu dire en fubftance :
Un peuple immenfe s'eft préfenté au château ,
les portes lui en ont été ouvertes , le Roi s'eft
Préfenté au devant du peuple. Celui - ci a demandé
la fanction aux deux décrets frappés du
veto , & le rappel des miniftres patriotes , Le Ro
( 311 )
qui , pour qu'on l'entendit mieux , étoit monté
fur une chaife dans l'embrâfure d'une fenêtre de
fon appartement rempli de peuple , a manifefté
que fon zèle à foutenir la conftitution ne pouvoit
être douteux , & qu'elle le rendoit inviolable.
Arrivés au château , nous avons vu le Roi
ayant fur la tête le bonnet de la liberté qu'il
avoit mis lui- même & de fa propre volonté ; &
tenant fon chapeau à la main , il crioit vive
la nation !... J'ai harangué le peuple ; M. Vergniaud
l'a harangué ; M. Pétion , qui eft fur
venu , la harangué dans le même fens .......
L'orateur n'a parlé ni des imprécations vomies
contre le meilleur des Rois & des hommes , ni des
violences , des infolences , des outrages que l'angufte
& digne héritier de tant de héros a dévorés ,
pendant trois mortelles heures avec toute la majefté
d'un Roi qui s'immole à fon horreur pour
le carnage ; ni des portes fracaffées , ni des dégats
& des vols commis dans les appartemens ;
& perfonne n'a proféré le nom de la Reine.
"
M. Brunck a dit que , monté fur un fauteuil ,
il avoit annoncé au Roi la députation envoyée
pour maintenir fa liberté conftitutionnelle & partager
fes périls , s'il y en avoit ( longs murmu
res ) ; que le Roi avoit répondu qu'il étoit fenfible
à la follicitude de l'Affemblée , mais qu'il
étoit tranquille au milieu de fon peuple .... Son
peuple a excité les plus ridicules & les plus odieuſes
réclamations ; heureufement MM . Lejofne &
Leremboure ont affirmé le Roi avoit dit : au
que
milieu du peuple François. On cherchoir à
raffurer le Roi , a ajouté M. Dalloz , il a dit :
l'homme qui a la confcience pure ne craint rien ;
& prenant la main d'un grenadier , il l'a portée
fur fon coeur & lui a dit : voyez s'il bat plus
сс --
•
06
( 312 )
fort qu'à l'ordinaire , & s'il annonce la moindre
frayeur. » Une partie de l'Affemblée a vive.nent
applaudi ce trait parfaitement vrai & unique dans
l'hiftoire , & l'on a repris l'ordre du jour.
C.
•
Nouveau rapport de ce qui fe palle au château
, & les mots fon peuple , infidèlement fubftitués
par une honorable habitude aux mots
Feuple François , préférés par un Roi auffi prudent
qu'infortuné , fenfible , généreux & brave ,
ont encore caufé de ces criailleries de la foutile ,
de la baflefle , de la malignité perfile qui dévouent
un Monarque à la populace qu'elles flattent
, corrompent & enchaînent aux forfaits , &
qui ont le front de fe proclamer génie , grandeur ,
bienfaifante humanité , liberté , patriotifme...
Mon peuple , a dit l'efinable M. Foiffey , auroit
fignifié le peuple que j'aime. Je defirerois que
MM. les cenfeurs fuffent capables de bien fentir
le prix & le charme de cette expreffion paternelle
& Loyale. On a tétabli les véritables paroles
d'un fouverain , trop vertueux , trop grand ,
pour ne pas facrifier à l'efpoir d'épargner le dernier
des crimes à des furieux , jufqu'au langage
affectueux de fon coeur ; & l'orateur a dit qu'il
y avoit eu trois portes brifées & deux ferrures
enlevées .
Le maire de Paris & deux municipaux font
venus à la barre , & M. Pétion , preſque abfo-
Jument hors de lui , a débité un piétendu rapport
des évènemens du jour fi incohérent , fi abfurde ,
fi mal tiffu , d'un ar fi décontenancé , avec une
figure fi hideufement bouleversée , que jamais
patriote fans reproche n'eut le ma heur , bien
involontaire ici , de reffembler davantage à un
impofteur , à un factieux dévoré de remords cu
de regrets & frappé de toutes les terreurs du
( 313 )
3
régicide . Voici les principaux traits du difcours
tès diffus de l'honnête M. Pétion couvert des
applaudiffemens de fes chères galeries .
,
-
Je vous demande de l'indulgence ; car je
n'ai pas eu le temps de mettre de l'ordre dans
mes idées . On a eu des inquiétudes fur un; foule
affez confidérable de citoyens qui s'eft portée
dans les appartemens du Roi . Le Roi n'en a point
eu , parce qu'il connoît mieux les François , parce
qu'il fait que les magiftrats du peuple veillent
toujours pourfaire obferver à fon égard le refpect
qui lui eft du. Ces magiftra: s ont fait aujour
d'hui leur devoir; ils l'ontfait avec le plus grand
zele ; & j'avoue que j'ai été douloureufement
affecté de voir des membres de cette Affemblée
qui ayent pu un inftant en douter... Et nous
en doutons encore , ont dt plufieurs membres
indignés de l'hypocrifie infultante & criminelle
du maire de Paris . » Quelqu'un a voulu qu'on
les rappellât à l'ordre. « On n'a pas ai fi denoncé
ceux qui ont manqué de respect au
Roi , s'eft écrié M. Boulanger ; c'eft qu'ils étoient
du complot. M. Ducos a fommé M. Boulanger
de dévoiler le complot , & l'a menacé d'imprimer
ou lire fur fon front le mot calomniateur. Mais
il étoit ailé de preffentir qu'on ne permettroit
jamais à M. Boulanger de répondre à cette fommation
, quelqu'effort qu'il ait fat pour obte it
la parole en s'élar çant auffi- tôt à la tribune .
Reprenant fa truite apologie , M. Pétion a dit :
la municipalité a rempli fon devoir d'une manière
irréprochable . Elle avoit d'abord refufé aux
citoyens armés qui ne font pas gardes nationaux ,
la permiffion de préfenter des pétitions avec des
piques , des haches , des canons . Mais , ce matin les
chefs lui ayant affuré que les intentions étoient
314 )
civiques , & qu'on ne pouvoit triompher de
l'obftination des efprits , il s'eft offert la meſure
auffi fage que fimple d'autorifer les bataillons à
fe mêler aux pétitionnaires , de faire fraternifer
les fufils & les piques , mefure qui a tout légalife.
« La municipalité en avoit le droit , indépendamment
du département ; car c'eft d'elle
que vient directement l'action fur la force publique.
ג כ
« Delà , on a préfenté une pétition à l'Aſſemblée
on en a préfenté une au Roi. Tout s'eft
paffé dans le plus grand calme. Le meilleur ordre
a régné dans la marche. Perfonne n'a eu à fe
plaindre des citoyens réunis . Les propriétés ont
été refpectées. Les citoyens ont été refpectés.
Qu'est- il arrivé ? On a défilé fous les grilles du
château . C'est là que plufieurs particuliers fe font
précipités dans les appartemens. Ils n'ont infulté
perfonne. Ils ne fe font point conduits en hommes
qui veulent commettre des excès . Le nombre étoit
immenfe , que la force publiquè n'auroit pu
les empêcher de commettre des délits , s'ils en
avoient eu le projet mais il n'en a point
été commis . Auffi- tôt que j'ai été prévenu , j'ai
fait ce que j'ai pu pour faire évacuer les appartemens.
Le Roi lui- même n'a eu à fe plaindre
de perfonne. Au furplus , il a dû s'expliquer ainfi
aux diverfes députations que vous avez envoyées.
Dans le moment actuel il n'exifte plus perfonne
dans le château . Tout eft rentré dans le calme,
Jefpère que tout y reftera ; & les magiftrats du
peuple ne négligeront rien pour cela . »
En homme sûr d'un obigeant filence épuratoire
, M. Pétion a invité les membres qui connoiffoient
ou foupçonnoient des complots à fe
hâter de les révéler aux magiftrats du peuple
( 355 )
--
--
>
qui feroient à l'inftant leur devoir . Bravo !
bravo ! out crié les galeries en applaudiffant de
toutes leurs forces pour étouffer les huées dont
quelques membres accueilloient le maire vifiblement
accablé de fon perfonnage. La mention
honorable , crioient les uns. Fi donc crioiekt
les autres . « Je m'y oppoſe , a dit M. Becquey.
Que ceux qui penfent mal de la municipalité
s'expliquent , difoit M. Albitte... Oai',
qu'ils fe lèvent , s'ils l'ofent , à repris M. Brival...
» Le miniftre de la guerre a communiqué
une lettre de M. Luckner contenant les détails
de la prife de Courtray. M. Pétion eft forti de
la falle applaudi des tribunes au point d'en rougir.
Un bon décret de paffer à l'ordre du jour à
fermé la touche à M. Boulanger qui vouloit
prouver qu'il n'étoit pas un calomniateur lorfqu'il
parbit d'un complot . On a dit que le Roi &
le Prince Royal étoient hors de danger , les appartemens
libres & tout rentré dans l'ordre , & la
féance a été levée .
Du jeudi, 21 juin
M. d'Averhoult a voulu rappeller à l'Aſſemblée
qu'un grand attentat avoit été commis , la veille ;
qu'on avoit porté atteinte à la liberté , à la dignité
du Roi. De fcandaleufes rumeurs lui ont coupé
la parole ; un décret la lui a rendue , mais pour
fordre de midi.
M. Bigot a propofé de décréter qu'il ne pourrait
plus être fait aucun raffemblement d'hommes
armés fous le prétexte de pétitions . Les uns obfervoient
que la loi exifte , d'autres qu'elle eft inutile
, puifque l'Aſſemblée en autorifoit la violation
. M. Lecointre - Puyravaux a déraifonné pour
concilier tous ces argumens négatifs avec le befoin
( 356 )
fuppofé de bien définir ce qu'on doit appeller un
raflemblement armé , avec l'éloge des précautions
prifes par la municipalité , avec l'amour de la conftitution
que les pétitionnaires , les municipaux ,
les Jacobins & lui ne cefferoient d'avoir dans le
coeur , le tout pour invoquer l'ordre du jour. Le
préopinant lui a fait l'honneur de réfuter un parcil
ve: biage , en prouvant que l'ordre du jour n'eft ni
une loi ni la réfurrection d'une loi foulée aux
pieds sque les brigands qu'on affectoit indécemment
de rommer le peuple , n'avoient pas le
droit d'etre armés.. Qui vous l'a dit , lui ont
demandé quelques - uns de ces hommes dont toute
la logique eft dans l'impudence ? -- La loi, leur
a tépondų M. Bigot , la loi fur la force publique ,
dont l'un des articles porte que pour être garde
national il faut être citoyen actif. Il aurcit pa
citer le tire IV ( art. 2 , 3 , 4 ) de la conftitution
fi folemnellement jurée & fi pubiquement
violée . On lui a répliqué par des éclats de rire ,
comme fi le fort de la patrie n'étoit qu'un jeu .
spa-
Dans le cours des divagations abfurdes , M.
Lamarque a cru laver fon parti de la qualific. -
tion de facticux ', en ſe vantant d'être un des
triotes ardens qu'on nomne factieux . -- Quelques
voifins lui ont dit : « Ily a long temps que nous
Je fayons, la rejetté l'injure fur la minorité , a
foutenu que ceux qu'on traitoit de factieux avoient
les fuffrages de tous les départemens. -- Des clubs,
des fociétés fraternelles, des brigands , lui at on
répliqué . -- Les ad effes lui ont paru le voeu de la
nation . Des piques. Elles n'effrayent que
les tyrans & leurs fatellites . Er les proprié
faires . --- Ce dialogue entre M. Lamarque & divers
membres n'aboutiſſoit encore qu'à l'immoral
ordre du jour
--
( 317)
Appuyant la motion de M. Bigot , M. Dumolard,
fans doute par une figure oratoire , a
Faru furpris de voir les mêmes membres qui , la
veille , reconnoiffoient , avec M. Vergniaud , la
néceffité d'empêcher les attroupemers de pétitionnaires
armés , tout au moins le lendemain d'un
crime, foit manqué, foit confommé , ne voulußent
plus aujourd'hui que ces attroupemens fuffent défe
dus. It oppofoit au titre de patriote ardent ,
celui de patriote éclairé . Des huées l'ont interrompu
à chaque phrafe. « Que les inftrumens
ferviles des coupables agitateurs , s'eft-il écrié ,
mendient l'éloge infâmant de quelques folliculaires
& la bienveillance de vos tribares. L'honnête
homme fert le peuple , que fes flatteurs traniffent . »
M. Lafource écartoit tout pétitionnaire armé du
corps lég flutif, & leiſſoir à d'autres ( à M. Pétion
peut- être ) le foin d'en préferver le Roi . Mais
M. Bigot a étendu cette difpofition à toutes les
autorités conftituées , & les deux motions font de-
Venues un décret.
Une députation de la garde nationale de Verfailles
, eft venue féliciter l'Affemblée du décret
relatif au camp de 20,000 hommes auprès de Paris
; appeller la févérité des loix fur la lettre de
M. as Lafayette , dise que M. Luckner « prend
des villes & ne fe concerte pas avec des intrigans
& menacer de la réfiftance à l'oppreffion , fi la
Cour perfiftoit dans fa conduite. Ces pétitionnaires
féditieux , hommes , femmes & enfans ont
défilé , fans armes , au bruit des tambours , d'une
mufique militaire & des applaudiffemens .
M. d'Averhoult folliciteit la parole fur l'attentat
commis contre la liberté du Roi ; un membre
a demandé qu'on s'occupât à faire des loix , & a
dit que a les départemens n'avoient pas envoyé
318 )
20
leurs députés pour voir jouer des farces & des parades.
On exigeoit le rapport du décret qui affuroit
la parole à M. d'Averhoult. Après la honte
de deux épreuves fur l'ordre du jour , malgré l'énergique
obfervation de M. Ramond que c'étoit
le réclamer en faveur du crime ; que ceux qui l'invoquoient
pouvoient y avoir quelqu'intérêt ; que
l'Allemblée commettroit une infigne lâcheté en
héfitant à entendre M. d'Averhoult……. On a enfin
décrété qu'il feroit écouté , mais non qu'il ne feroit
pas baffoué à chaque fyllabe . Il a demandé
qu'on informât des caufes des trouble de la veille ,
des moyens de les réparer & d'en éviter de femblables
. M. Goupilleau qui fe difpofoit à lui
répondre , s'eft plaint qu'un membe le traitoit
de fcélérat ; fa plainte eft tombée comme
tant d'autres. M. Lamarque a entrepris l'apologie
des brigands qu'un excès de confufion
a interrompue . M. Quinette a dit que les députations
avoient toutes rapporté , au fort de l'alarme,
que le calme régnoit aux Tuileries , que le
Roi étoit d'une férénité inaltérable , que le peuple
ne montroit que de bonnes intentions..... C'eft
abominable , lui ont crié plufieurs voix . -- Vous
avez perdu toute pudeur , lui a dit M. Boulanger.
Les portes ont été brifées à coups de leviers,
de hache & de maffue , difoient d'autres membres
, & l'on ofe nous vanter les intentions de
ces brigands ? On ne peut paffer à l'ordre du
jour fans fe déshonorer , a ajouté M. Deuzy....
Le ministre de la juftice a coupé cet étrange
débat en annonçant une lettre du Roi . M. Lamarque
a foutenu qu'on ne pouvoit pas , pour
entendre la lecture d'une lettre da Roi , interrompre
une délibération du corps légiflatif.... II
nommoit ainfi fon éloge des régicides . On a lu,
--
--
( 319 )
applaudi , & renvoyé au comité, des douze cetté
lettre fimple & nebie :
сс
Meffieurs , l'Affemblée nationale a déjà connoiffance
des évènemens de la journée d'hier.
Paris en eft fans doute dans la confternation ; la
France les apprendra avec un étonnement mêlé
de douleur. J'ai été très - fenfible au zèle que l'Affemblée
nationale m'a témoigné dans cette circonftance
. Je laiffe à fa prudence de rechercher
les caufes de cet évènement , d'en peſer toutes
les circonstances , & de prendre les mesures néceffaires
Pour maintenir la conftitution , affurer
l'inviolabilité & la liberté conftitutionnelle du repréfentant
héreditaire de la nation . »
« Pour moi , rien ne peut m'empêcher de faire
en tout temps & dans toutes les circonstances ec
qu'exigeront les devoirs que m'impofe la conftitution
que j'ai acceptée , & les vrais intérêts de la
nation françoife . »
Signé , LOUIS. Contrefigné, DURANTHON.
Après de violentes & peu diferettes altercations,
on a décrété que M. Pétion remettroit, par écrit ,
le prétendu compte qu'il avoit balbutié le foir
de la veille à la barre. इ
M. Terrier- Monciel a rendu celui des mefures
qu'il avoit prifes . Un tumulte ignominieux pour
ceux qui le faifoient , a d'abord accueilli ce
rapport ; mais le préfident a enfin obtenu de la
tranquillité. Avis de raffemblemens , lettre du
miniftre au directoire , réponſe que les raffembiemens
armés ont été défendus . Lettre de la
municipalité au directoire , écrite à minuit , du
mardi au mercredi , qui confirme les projets
d'attroupemens , annonce l'obftination des chefs ,
affure que les intentions font bonnes , & propofe
de mêler les gardes nationales aux citoyens armés
( 320 )
de piques ( contre la conftitution , tit . IV , art. 5).
Réplique du directoire qui perfifte dans fon arrêté
, & ne veut point compofer avec la loi.
Avis de la marche des fanxbourgs vers le chitean...
Le ministre pourfuit :
ce Tout a été tranquille jufqu'à trois heures &
denie. Les portes du château étoient fermées.
Nous nous fommes rendus auprès de la perfonne
du Roi. Un grand tumulte fe fifoit entendre
au- dehors . Le Roi s'eſt avancé jufqu'à la falle
des gardes ; alois nous avons entenda un grand
bruit ; la hache frappoit les portes . Le Roi a
donné des ordres pour les faire ouvrir ; aufli- tôt
le château a été inondé de peuple . Le Roi s'eft
retité vers une croifée , où il a été entouré de
perfonnes qui vouloient le couvrir de leurs corps,
& le garantir d'un premier coup ; car , qui auroit
pu répond e que dans un fi grand raffemblement,
i ne fe trouvoit pas quelqu'un affez malveil'as
pour faire porter an deuil éternel à la France . (Il
s'eft élevé des murmures dans l'extrémité d'un des
côtés une partie de la falle a applaudi ) . Je rel
pecte trop mon pays , a repris vivement le miniftre
; pour ne pas croire que tous les bons citoyens
y prendroient le deuil , fi un grand đề it
étoit commis ( On a vivement applandi ) . Piufieurs
des membres de l'affemb'ée étoient préfens
; ils ont vérifié par leurs yeux les effractions
faites aux portes de l'appartement du Roi & de
celui du Prince royal . C'eft à l'Afemblée à remonter
à la fource pour découvrir les caufes inconnues
de faits très-connus. M. Petion n'eft
arrivé qu'à fix heures. Les informations de la
juftice donneront des lumières à l'Aſſemblée , qui,
fans doute , dans cette dirconftance , montrera fa
( 321 )
ཀ །
volonté ferme pour le maintien de la conflitu
tior . "
Le département écrit à l'Affemblée nationale
pour la remercier du décret qu'elle vient de
rendre contre les pétitions armées , & lui obferve
que la prompte publication de ce décret
revêtu de la fanction royale produiroit le meil
leur effer . On a tout de fuite envoyé à la fanction
la rédaction que voici :
ce L'Aff niblée nationale confidérant que tout
ce qui a Fapparci de la force doit être écarté
des corps délibérans , & qu'il eft inftant de rap .
peler ce principe effentiellement lié aux baſes de
la Conftitution & de l'ordre focial , décrète qu'il
y a urgence : T
« L'Aflemblée nationale , après avoir décrété,
l'urgence , décrète qué déformais , fous aucun prétexe
que ce puiffe être , aucune réunion de ciroyens
armés ne pourra fe présenter à la barre ,
défi er dans la falie de fes frances , ni fe préfenter
à aucune autorité conftituée. »
M. de Chambonas a préfenté fon hommage
civique en fa qualité de miniftre des affaires
ét angères , & a annoncé la neutralité de la république
de Gênes .
On a confpué la propofition de M. Merlin de
porter de nouveau à la faction le décret contre
les piêtres frappé du veto , vraie propofition de
parjure.
Úa décret a ordonné le paiement de 6,443,252.
liv. pour fubvenir aux frais de l'armement def→
tié par le Roi , à protéger le pavillon & le
commerce national.
M. Couthon n'a pas rougi de répéter , avec la
plus indécente & la plus plate ironie , les tou
chantes proteftations de l'amour du Roi pour le
(322 )
2
"
peuples de dire que le refus de fanctionner les
deux décrets , fur les prêtres & fur le camp de
Paris , démentoit ces belles proteftations ; ce qui
étoit s'infcrire dans la lifte & fe déclarer complice
des brigands . Puis , ajoutant : ce n'eft pas
de cela que je veux parler ; il s'eft raccroché à
It motion déjà repouflée d'exempter de la fanction
les décrets d'urgence ou de circonftances .
On a demandé l'ordre du jour . M. Ramond vouloit
que l'opinant fùt cenfuré. « Voilà le but des
mouvemens d'hier , a dit M. Baert , & en voilà
les auteurs > en montrant M. Couthon & les
autres promoteurs de parjures que M. Couthon
motivoit de l'infâme prétexte que « le Roi
feroit , fans cela , le maître de s'opposer à tel
décret qui tendroit à prévenir la guerre civile ,
Jamais l'impudent mépris de toute conſcience &
de toute logique , de fes propres fermens & de
tout un peuple ne fut plus lâchement calomniateur.
Divers partis ont réclamé l'appel nominal
comme lifte de profcription , ou comme lifte
d'opprobre. M. Delmas exemptoit momentanément
ces décrets de la fanction . Que les parjures
fe lèvent , difoient M. Chéron. M. de Girardin
pofoit ainfi la queſtion : violera- t - on la conftitution
? oui , ou non. M. Paftoret a développé
la théorie métaphyfique d'un gouvernement repréfentatif
qui n'a que des phrafes à oppoſer à
Les principes d'anarchie ; l'impraticable ſyſtème
où des repréfentans élus expriment la volonté
de la nation , fous la condition que le repiéfentant
héréditaire affirmera que c'eſt réellement
la volonté nationale ; & le refpect dû à des pouvoirs
dont rien ne garantit les droits... Un vacarme
affreux & les réclamations de MM, Mer(
3239
lin , Lafource , Condorcet & autres publiciftes de
cette morale , n'ont cependant pas empêché la
préalable d'écarter la motion de M. Couthon , &
la féance a été levée .
Du jeudi , féance du foir.
M. Brival , qui n'avoit rien dit des dangers
du Roi , dénonce que des municipaux ont été
maltraités à coups de poings , malgré leur écharpe ,
dans les Tuileries... On avertit l'Aſſemblée qu'un
attroupement armé s'avance vers le château , &
que le Roi a fait demander fi le corps législatif
tenoit fa féance . Une lettre de M. Ræderer ,
procureur- général fyndic , notifie qu'un raſſemblement
de gens armés fe porte aux Tuileries .
Sur diverfes propofitions d'envoyer une députation
au Roi , & la pentée de M. Lacroix que ,
dans l'incertitude fi le château eft menacé ,
l'Affemblée ne doit prendre aucune mefure , on
étoit paffé à l'ordre du jour. M. Hébert vote
encore une députation de 24 membres , d'autres
en préfèrent une de 60 ; M. Cailhafon voudroit
que toute l'Affemblée le rendît chez le Roi.
M. Cambon veut que chacun meure à fon pofte ,
& qu'on laiffe aux miniftres le foin de pourvoir
à la sûreté du Roi , parce que le corps législatif
ne doit jamais empiéter fur le pouvoir exécutif,
& ne doit pas plus fe mêler de Paris & du château
qu'il ne fe mêleroit d'un foulèvement qui
auroit lieu à Marseille , à 200 lieues. Les faits
du raffemblement & du meffage clandeftin du
Roi font enfin contredits. Quelques juges de
paix étoient venus démentir ces faux bruits . On
a foupçonné M. de Girardin , qui préfidoit
d'avoir éconduit les juges. A l'abbaye le préfident...
Ces cris tombent, M. Kerfaint voit
t324 )
dans tout cela une favante tactique d'infurree--
tion fuppofée pour qu'elle le réalife , & récufe
M. Roederer qu'il vient d'appercevoir au château
, comme n'étant pas à fon pofte.
ל כ
Nouveaux bruits rapportés , commentés . M.
Pétion vient , à la barre , dire qu'il n'y a pas
d'attroupement à craindre : « les magiftrats ont
fait leur devoir ; ils l'ont toujours fait , & un .
jour peut- être on leur rendra plus de juftice.
It entre applaudi des galeries & d'une partie de
l'Affemblée. M. Thuriot a piétendu qu'on fonnoit
l'alarme « pour attirer le peuple , faire
avancer du canon & canonner le peuple. » Il
mandoit tout le monde . & décrétoit d'accuſation ·
ceux qui fonnoient l'alarme . M. Lacoſte a dit
que M. Ramond fonnoit le tocfin dans les comités
. M. Ramond a répondu qu'il avoit feu- :
lement invité les membres des coinités à fe rendre .
dans la falle ainfi que l'ordonnoit un décret du
moment. Paraphrafant l'opin on de M. Thurios,
M. Guadet a fouteau que pour maſſacrer le
peuple on avoit choifi le 21 juin 1792 , « parce ,
que le peuple de Paris ne fut jamais plus majestueux
que le 21 juin 1791 ... M. Ræderer écrit
que l'attrouppement eft diffipé. M. Pétion dé-;
clare avoir donné ( pour rien ) , l'ordre de doubler
les poftes ; & loin qu'on eût fonné l'alarme
ou le tocfin , le maire ignore fi l'on a battu la
générale ou du moins ne l'a point ordonné . . .
Tout cela s'appel e une féance du corps législatif..
On a pu voir, & nous l'avons conſtamment
annoncé , qu'une trame criminelle ,
ourdie contre la Famille Royale , doit fe
terminer
1
( 325 )
terminer er fin par le dernier des crimes ,
des évènentens repreffifs n'en arrêtoient le
cours par l'impuiffance ou la punition des
fcélérats qui la conduifent. Chaque jour.
de nouveaux attentats ajoutent à la certitude
de ce deffein , & ce qui s'eft paffé
le 20 , porte à cet égard la conviction .
auffi loin qu'il eft poffible de le defirer.
Depuis la deftruction de la Garde du
Roi & l'emprisonnement arbitraire de fon
Commandant , le château livré à la fimple
garde Bourgeoife , n'offroit plus qu'une
défenfe incertaine contre les attroupemens
tumultueux qui l'entouroient ou le menaçoient
journellement. Le Roi s'eft ainfi trouvé
exposé à devenir le jouet, la victime ou
leprifonnier d'un Commandant ignorant ou
factieux; fes jours & ceux de fa Famille
foumis aux chances multipliées d'inquiétude
que doivent naturellement inſpirer
les opinions faratiques qui règnent même
parmi une grande partie des Membres de
ia Garde Nationale.
Dans une ville corrompue , livrée au
verbiage , à la diffipation , le Roi , dans
un moment de danger , ne pouvoit d'ailleurs
compter fur ce qu'on appelle bons
Citoyens , honnêtes gens ; ces deux expreffions
ne préfentent , à quiconque connoît
l'état actuel de Paris , qu'une infignifiance
abfolue. La pareffe , l'oifiveté , l'irréfolution
, la crainte , le défaut de caractère dé-
No. 26. 30 Juin 1792 .
P.
( 326 )
aucun
gradent tout ce qu'elles veulent défigner ;
& puis , nul centre de réunion ,
moyen de s'entendre , & d'oppofer avec
fuccès une réfiftance combinée aux efforts
tout-puiffans d'une multitude ardente .
Voilà dans quelle pofition la Cour fe
trouvoit lorfqu'un Miniftre groffier ofoit
infulter à fon Roi , lorfque l'Aſſemblée
Nationale accueilloit avec diftinction des
pétitions où ce Prince malheureux étoit
infulté de la manière la plus grave ; lorfque
de toutes parts , au lu de cette même
Affemblée , on vomiffoit contre lui les
plus coupables calomnies ; lorfqu'on le
menaçoit des dernières violences , s'il ne
donnoit point force d'exécution à deux
décrets que fa juftice & fon hunianité repouffoient
également.
Cet état de douleur & de perfécution
du Roi ne fit qu'enhardir la horde factieufe
& fanguinaire. Tous les moyens
d'exalter la férocité populaire , de donner
une nouvelle ardeur à fon fanatiſme , de
rendre plus certaine la direction de ſes
mouvemens , furent mis en ufage avec
fùccès par les Sociétés fraternelles, les Clubs
& les Affemblées régicides.
Les places , s portes des corps degardes
furent en huit jours de temps garnies
d'immenfes Mais furmontés des attributs
de la Révolution , & bardés d'infcriptions
meurtrières & fanatiques ; d'affreux
( 327 )
placards appelloient à la deftruction de la
Royauté , au meurtre du Prince une mul
titude d'autant plus audacieufe , qu'à peu
de chofe près , l'impunité l'a conftamnient
accompagnée dans les actes de révolte ; de
hideux harangueurs enfeignoient au Peuple
dans les rues , les maximes des Cannibales ;
enfin , tous ces moyens de crime étoient
fur- tout développés dans les fauxbourgs
St. Antoine & St. Marcel par les leçons
qu'ony donne publiquement fur les Droits
de l'homme & la Conftitution Françoiſe ,
avec un fuccès dont les maîtres mêmes ne
concevoient point l'efpérance ; ajoutez que
la ftupide crainte , la confternation lâche
des gens riches , beaucoup plus nombreux
qu'on ne croit à Paris , relevoit encore
l'audace populaire , & lui promettoit un
triomphe facile dans toutes fes expéditions.
C'eſt avec cette affurance que le 16 , une
députation nombreuſe de toutes fortes de
gens , fous le nom de citoyens des Fauxbourgs
Saint- Antoine & Saint-Marcel , fe
rendit au Confeil- Général de la Commune
lui fignifier que le mercredi 20 , ils iroient
planter un Mai à la porte de l'Affemblée
nationale & préfenter au Roi une adreffe, fur
fon veto, fur les Miniftres patriotes renvoyés,
& qu'ils s'y rendroient avec les armes & les
habits du 14 Juillet 1789. Cette démar
che dont le Peuple n'avoit point befoin ,
mais qu'il ne fit que par égard pour les
P 2
( 328 )
fcélérats qui vouloient donner à fes démarches
je ne fais quelle forme régulière, parut
infpirer quelque crainte. Le côté conftitutionnel
duConfeil - Général auffi erroné dans
fon fyftême de Gouvernement , mais moins
conféquent aux principes de la révolution
que fes collègues du côté Jacobin , parla
& obtint qu'après avoir rappellé au peuple
la loi qui défend les attroupemens armés ,
l'on pafferoit à l'ordre du jour & que le
Procès- verbal de la féance feroit envoyé au
Département.
Ce n'eft point quand un peuple eft Souverain,
qu'il s'en laiffe impofer par une improbation
auffi fragile , fur tout quand il
peut appuyer fes démarches d'armes , de
canons & de 20,000 piques , réputées
conftitutionnelles. Auffi ne laiffa til ignorer
fon deffein à perfonae , il fit fes préparatifs
, continua de planter des Mais , d'outrager
le Roi dans fes propos & de lire
très -foigneufement les écrits fanatiques
dont on alimente fa fouveraineté depuis
qu'il n'en reconnoît plus d'autre.
Le Département fit alors une de ces
demi - démarches qui ne remédient à rien
& montrent la foibleffe du parti qui y a
recours. Il placarda une forte d'arrêté , où la
foibleffe fe montre avec la peur qui en eft
l'effet & la caufe ; quoiqu'il fût bien que
PAffemblée nationale ne couroit aucun
rifque par ce raffemblement armé , elle qui
( 329 )
en avoit reçus & applaudis de nombreux , il
affectât de ne parler que de fes dangers &
garda un filence pofitif fur les périls trèsgrands
, très-connus de lui , que couroient le
Roi , la Reine & leur augufte Famille , dans
cette infurrection évidemment dirigée &
fomentée contr'eux. Nous devons à nos
1.ecteurs de leur produire cette pièce ; avec
d'autant plus de motif que nous ne voulons
rien avancer d'incertain dans le récit de cet
affreux évènement , & que nous nous fommes
mis àportée de lui donner , en quelque forte ,
T'exactitude & l'authenticité d'un Procèsverbal.
On peut compter deffas.
ce Le Directoire inftruit par un arrêté du Confeil
général de la Commune du 16 de ce mois ,
que des Pétitionnaires , au nom des Citoyens
des fauxbourgs St. Antoine & St. Marcel , avoient
démandé la permiflion de s'affembler vêtus des
habits qu'ils portoient en 1789 , & avec leurs
armes , demain zo Juin , pour préſenter à l'Affemblée
Nationale & au Roi des pétitions .....
Que le Confeil général confidéiant Fillégalité de
tout raffemblement armé fans une réquifition de
l'autorité publique , a ariêté de paffer à l'orde
du jour fur la dernière pétition . Inftruit par des
rapports multipliés que nonobftant l'arrêté du
Confeil de la Commune & les précautions
ailtérieures prifes par la Municipalité , il y a lieu
de craindre que des malveillans ne veuillent former
des raffemblemens armés , fous prétexte de
préfenter des pétitions. Confidérant que nonfeulement
la Loi rappellée par le Confeil général
de la Commune , interdit des réunions de Citoyens
P
3..
1 ·330 )
armés ; fans une réquifition préalable ; mais
encore que le Code municipal de Paris en permettant
aux Citoyens de fe réunir paiſiblement
& fans armes , pour rédiger des adreffes & pétitions
, y met la condition de ne pouvoir députer
que 20 Citoyens pour apporter & préfenter
ces adreffes & pétitions ; que ces Loix ont été
rappellées dans l'arrêté de la Municipalité du 11
Février derni r... Que le pouvoir municipal
feroit méconnu & outragé , fi malgré le refus
motivé du Confeil général , d'acquiefcer à la
pétition qui lui a été préfentée , il fe réalifoit
des raffemblemens illégaux & propres à troubler
la tranquillité publique ; que des pétitionnaires
offenferoient la Majefté des Repréſentans du
Peuple , en fe préfentant en armes devant eux...
Le Procureur Général fyndic entendu ... Arrête
que M. le Maire , la Municipalité & le Comman
dant général feront prévenus de prendre , fans
délai , toutes les mefures qui font à leur difpofition
pour empêcher tous raffemblemens qui
pourroient bleffer la Loi ; de faire toutes les
difpofitions de force publique néceffaires pour
contenir & réprimer les perturbateurs du repos
public ; recommande fpécialement aux Citoyens
Gardes Nationales & à toutes perfonnes compofant
la force armée , de fe tenir prêts à y
donner affiftance , s'il y a lieu de les requérir ;
arrête en outre , que le préfent arrêté fera imprimé
&.affiché dans les lieux accoutumés. Fait
au Directoire , le 19 Juin 1792. L'an 4º. de la
Liberté. »
Cette proclamation vague ne produifit
aucun effet ; les Citoyens ne s'emprefsèrent
pas plus que de coutume d'aller
•
( 331 )
•
au fecours des Loix , du Roi , des Magiftrats
contre les voies de fait qu'annonçoit
le Directoire ; une partie de la Garde
nationale mênie fe trouva mêlée avec les
attroupés. On avoit trouvé d'avance
moyen de donner à ce mépris des Loix
conftitutionnelles , une légalité apparente ,
la Municipalité prit le 20 au matin , l'arrêté
fuivant qui fut envoyé à tous les Commandans
de Légions , & de Bataillons ainfi
qu'aux Officiers qui devoient en connoître.
Cette pièce eft précieufe.
316
« Le Corps Municipal étant informé qu'un
grand nombre de Citoyens de toutes armes &
de tous uniformes , fe propofent de le préfenter
aujourd'hui à l'Affemblée Nationale & chez le
Roi , pour remettre une adreffe & célébrer en
même temps l'anniverſaire du ferment du jeu
de paume. Le Procureur de la Commune
entendu , arrête que le Chef de Légion , Commandant
Genéral de la Garde Nationale de
Paris , donnera à l'inftant des ordres néceffaires
pour raffembler fous les Drapeaux les Citoyens
de tout uniforme & de toutes armes , lefquels
marcheront ainfi réusis fous le commandement
des Officiers de bataillons . »
On parut cependant vouloir contenir les
excès , & comme ils étoient bien vifiblement
prémédités contre le Roi , ce fut aux
environs des Tuileries qu'on ne put fe refufer
de faire placer des troupes de ligne ,
des Gardes nationales & de la Gendarmerie.
La Garde montante fut placée fous les
P 4
( 332 )
인
Galeries qui font face au jardin , & de
nombreux détachemens arrivés de midi à
une heure furent fucceffivement répartis
dans le jardin , les cours du château & la
place du Carrouſel ; on avoit donné l'ordre .
de tenir toutes les portes fermées ; ceper
dant , par une circonftance qu'on ne peut
expliquer , celle du Pont Royal fe trouva
ouverte à l'heure ordinaire de midi , ce qui
permit à une multitude de Peuple d'entrer ,
& de cerner une pièce de caron , placée
de bonne heure fur la terraffe qui règre le
long de la façade du château du côté du
jardin ; ce ne fut même qu'après qu'un fort
détachement de Garde Nationale fe fut
rangé en bataille le long de cette terraffe ,
qu'il fut poffible de faire évacuer le Peuple
qui , de- là , tenoit les propos les plus atroces
contre le Roi & fa Famille. La cohorte
armée n'étoit point encore au château ; dès
qu'on eut connoiffance de fon approche ,
on plaça fix pièces de conon , une force
confidérable de Gardes Nationales , de la
Gendarmerie Nationale & un détachemer.t
de Gardes Suiffes dans la grande cour ,
appellée Cour Royale.
Ces difpofitions de défenfe que la sûrété
du Roi rendoit indifpenfabies , furent
détruites , par une divilion , une infubordination
, une niéfance , une déforganiſation
de difcipline , qui , tout-à- coup ,
fe développèrent dans a force armée ; à
( 333 )
qui , d'ailleurs , les Officiers Municipaux ,
de fervice dans ce moment au château , ne
firent aucune réquifition légale de repouffer
la violence par la force. Ces Officiers Municipaux
étoient MM. Patris , Mouchet ,
Sergent , Hue & Lefevre , en écharpe. Les
Canonniers ont donc annoncé qu'ils ne tireroient
point , même quand ils en feroient
requis ; la Gendarmerie a déclaré qu'elle
étoit deftinée à garder l'extérieur du château
& non le Roi; a dit qu'elle ne vouloit
point de Suiffes ; & après avoir chargé les
armes elle en a jetté les amorces , auffi tot
qu'elle fut que les Suiffes avoient reçu l'ordre
de fe retirer. M. de Romainvilliers commandoit
ce jour- là les Gardes Nationales ,
M. de Wittingoff , Général de la troupe de
ligne , & M. de Rhulières , Commandant
de la Gendarmerie étoient alors au château.
.
On avoit en même- temps répandu un
bruit inquiétant & avec affectation contre
plufieurs perfonnes attachées au Roi , qui
Te trouvoient dans ce moment au château ,
enforte que le Roi craignant plus le danger
pour les fidèles ferviteurs que pour luimême
ordonna qu'ils fe retirallent
qu'ils firent , à l'exception de M. le Maréchal
de Mouchy , de M. d'Hervilly , & de.
quelques autres vêtus de noir , qui ne
voulurent point quitter Sa Majefté.
ce
L'agitation , la terreur , avoient atteint
tout le monde excepté Leurs Majeftés , qui
PS
( 334 )
-
confervèrent un courage , un fang - froid
admirable , lorfque l'Etat - Major inftruit
vers les une heure après midi , que la
troupe armée défiloit dans l'Affemblée
Nationale au milieu des applaudiffemens ,
& quelle alloit fe porter au château , dé.
libéra d'en fermer les portes ; ce qui fut
exécuté , malgré l'oppofition du Commandant
Général , Romainvilliers , qui
vouloit qu'elles reftaffent libres.
A deux heures la tête de l'attroupement
fe préfenta à la porte du jardin qui donne
fur la cour du Manége. Des coups , des
cris , des ordres d'ouvrir de la part du
Peuple , des menaces fe firent entendre. La
Garde Nationale de pofte dans cet endroit ,
voulut refter fidèlle à la configne ; mais des
Officiers Municipaux en écharpe lui fignifièrent
l'ordre d'ouvrir , elle obéit.
Auffi - tôt une troupe hideufe & défordonnée
, armée de fourches , de piques ,
de bâtons , de haches , d'inftrumens meurtriers
de toute efpèce , garnis de rubans nationaux
, de bonnets rouges , pouffant des
hurlemens de vive la Nation , à bas le Veto ,
précédée d'un nombre confidérable de
Gardes Nationaux en arme , fe précipite
commie un torrent & dirige fa marche fur
Te perron , défilant devant un bataillon
quarré de Gardes Nationaux placé au même
endroit. Cette bande de quinze mille individus
au moins , offroit un affemblage
monftrueux de tous les fexes , de tous les
1
"
1 3357
états ; c'étoit la proceffion de la ligue ,
mais avec un caractère de fureur , de
rage , de férocité bien fupérieur encore .
Des enfans , des femmes portoient au haut
de piques & de broches , les maximes civiques
de la Révolution , infcrites fur des
cartons ornés des couleurs Nationales. On
y'voyoit encore un coeur enfanglanté , avec
ces mots en écriteau : coeur des Ariftocrates.
D'autres portoient des ballets , enblême
groffier des traitemens infâmes qu'ils difoient
hautement deftinés à la Reine ; enfin
il fembloit que tous les crimes fe fuffent
perfonnifiés pour former cette horrible
cohorte. Le Roi voyoit tout d'une des fenêtres
du Château.
La bande armée arriva bientôt à la porte
du Pont Royal , criant toujours vive la Nation,
vivent les Sans - Culottes , à bas le Veto ;
fa tête fe porta enfuite à la place du Carroufel
par les guichets du Louvre . A ce
pofte un piquet de Garde Nationale fut
encore obligé de laiffer paffer la troupe ,
un Officier Municipal en écharpe le lui
ayant fignifié.
Bientôt l'attroupement , au milieu duquel
nous avors oublié de dire que fe
trouvoient plufieurs pièces de canons fuivies
d'un caiffon de munitions , fe répand
dans le Carroufel , recommence les cris de
vive la Nation , à bas le Veto , s'avance vers
la Porte Royale & demande avec menace
P6
( 336 )
qu'on la lui ouvre . En vain M. Acloque ,
chef de Légion , propofe- t-il à cette nultitude
effrénée de choisir quarante individus
pour porter au Roi leur pétition , afſurant
que Sa Majefté confent à la recevoir. Il
n'eſt point écouté ; les hurleniens recommencent
, les furieux chargent un canon ,
le braquent fur la porte & menacent des
dernières violences , fi on ne les laiffe
entrer.
pas
Aucun ordre n'eft donné à la Garde , aucune
évolution n'eft commandée pour s'oppofer
à la violence. Les troupes qui étoient
Tur la place du Carroufel étoient rangées de
nianière , que fi l'on eût donné l'ordre de
faire feu , elles fe feroient fufillées les unes
les autres. Les Gardes de l'intérieur n'étoient
pas difpofés ; au lieu d'être en bataille ,
elles étoient rangées en colonne : les canons
de défenſe fitués devant la porte & près
le veftibule du Château , l'étoient de façon à
en rendre l'ufage impoffible au moment de
Pirruption ; il auroit foudroyé la Garde
nationale placée près la porte de dehors.
Enfin dans cette anarchie & impuiffance
de la force publique , la porte du Carrouſel
eft ouverte, & les féditieux traînent leurs
canons chargés , entrent en criant triomphalement
vive la Nation , à bas le Veto , à bas
ta Calotte & yomiffant une foule de blafphêmes
contre le Roi & la Famille Royale.
Als trouvent un Suifle fous le veftibule , lui
( 337 )
préfentent une pique fur le coeur , lui font
crier vive la Nation , & lui prennent fes cartouches
dans fa giberne . On leur dit que les
-portes font fermées , auffi tôt , un canon
eit porté fur leur épaule & placé dans la
chambre des Gardes , menaçant de faire feu,
fi quelqu'un fait la moindre réſiſtance ; les
Gardes nationaux font frappés , renversés,
forcés & les portes ouvertes à coups de hache.
Cependant M. Actocque , ce brave homme
qui , avec un petit nombre , a partagé le
bonheur rare d'avoir fauvé la vie àfon Roi ,
étoit retourné auprès de Sa Majefté : il la
trouva entourée de MM. de Mouchy, Dhervilly,
de Bourcet, celui- ci en habit national ,
de M. Joly , canonnier , frère de Melle.
Joly , l'actrice , cinq à fix Gardes nationaux.
Le Roi venoit de quitter fes enfans
& la Reine , qui d'un ton plein d'ame &
de confiance dit aux perfonnes préfentes ,
François , mes amis , Grenadiers , fauvez
votre Roi.
Ces braves ferviteurs , ces vrais François
entouroient leur Prince le ferroient & s'avançoient
au devant des affaffirs , dont les
hurlemens affreux fe faifoient entendre à la
porte de la chambre du lit de Sa Majeſté.
Madame Elifabeth , cette Princeffe fi
véritablement grande , fi digne de partager
les dangers de fon Roi , de fon frère , ne
voulut point l'abandonner & le fuivit
avec ces courageux François qui favoient
7338 )
.
•
encore mourir pour la défenſe de leur
Prince. Soyez tranquille , Sire , lui difoient
ils, nous périrons avant vous ; mettez
la main fur mon coeur, répondoit le Roi , et
vous verrezfi j'ai peur.
Le bruit redoubloit à la porte , elle eſt
forcée , ouverte , & une multitude de furieux
a/més de piques , de bâtors , de ſabre ,
fe précipite dans la chambre où étoit alors
le Roi , accompagné comme nous venons
de le dire. Un de ces coquins crioit où eftil
le B..... M. Vanot , Commandant du
Bataillon de Saint - Opportune , écarte l'arme
de ce fcélérat , évidemment dirigée
contre la performe du Roi . Un Grenadier
du même Bataillon pare un coup d'épée
dont le mouvement indiquoit le même
: crime.
Le peu de Soldats qui étoient auprès du
Roi veut mettre le fabre à la main ; M. Aclocque
a la prudence de faire fentir le danger
de cette impuiffante réfiftance : point d'armes
, dit- il , vous allez faire affffiner le
Roi.
La foule monftrueufe & forcenée croif-
-foit , la chambre dite du lit', étoit pleine ,
deux mille perfonnes l'occupoient , le Roi
& ceux qui l'accompagnoient s'avancent
vers une embrafure de fenêtre , Madame
Elifabeth, cette courageufe Princelle , refte
à celle qui la précédoit. Alors un hurlement
fe fait entendre , on veut que le Roi fe
339 )
•
montre, malgré Is dangers de cette démar
che qui lui ' coupoit toute retraite, en cas de
violence ouverte , Sa Majefté n'héfite point ;
Elle monte fur une fenêtre & fes fidèles défenfeurs
l'entourent , lui font un rempart de
Teur corps , & foutiennent avec efforts les
Aots de la multitude armée qui fe portoit
vers le Roi .C'eft de-là qu'il entendit, pendant
trois heures & demie , les plus groffières injures
, les outrages les plus criminels : les
mots de trafire , de fcelerat , de parjuré ,
d'affaffin ved furent prodigués au meilleur
des Princes , qui n'eft malheureux que pour
avoir voulu le bien de ceux - là mênie qui
Poutrageoient.
Le Miniftre de la guerre , M. Delajarre ,
qui avoit été témoin des dangers que cou
roit le Roi , lorfqu'il le vit dans l'embrâfure
de la fenêtre , un bonnet rouge fur
la tête , defcendit par un efcalier détourné
dans la cour Royale. Vingt Grenadiers à
"mbi , dit - il , camarades , fauvez le Roi !
faites -lui un rempart de vos corps. Les vingt
Grenadiers montent pár l'efcalier du cabinet
du Roi ils veulent paffer , le paffage
eft obftrué ; de toutes parts on n'entend
que cris , cliquetis d'armes , menaces &
outrages contre Sa Majefté . Suivez moi ,
dit M. Delajarre , & il les conduit d'un
autre côté. Ils entrent par une porte qui
figure croifée , dans la pièce où le Roi
étoit feulement entouré , comme nous l'a
•
4
( 340 )
t
t
vons dit , de quelques Serviteurs & de cinq
ou fix Gardes Nationaux , & où le trouvoit
également Madame Elifabeth, mais dans
une autre croifée , avec les Miniftres. Ce
renfort de Gardes Nationaux qui firent une
haie devant le Roi & devant elle , lui permirent
de paffer pour aller trouver la
Reine , refugiée dans la Salle du Confeil.
Depuis quatre heures la multitude ne
ceffoit de défiler devant le Roi ; on vit
paffer là tous les hommes de la révolution ;
il fembloit qu'ils fortiffent des pavés tant
leur revue fut longue & leur nombre confidérable.
Ils affectèrent de faire paffer trèsprès
du Roi une infcription portée au bout
d'un bâton , où l'on lifvit , Tremble tyran :
un coeur de boeuf fanglant , avec la devife
que nous avons rapportée plus haut. Le
Roi montroit au Peuple, d'un air affable ,
une large cocarde qui étoit à fon cha
peau , & ceft dans ce moment qu'un
homme détacha celle qu'il avoit au fien
pour la donner à Madame Elifabeth, qui
T'avoit lorfqu'elle fe rendit chez la Reine
quand le paffage fut rendu un peu plus
libre.
Un moment avant,un ouvrier préfenta de
Join fon bonnet à S. M.; elle fait un gefte
d'acquiefcement, M. Moucher, Officier Municipal
en écharpe, le prend, & le fait paſfer.
Ileft mis fur la tête du Roi : Bravo ! bravo !
& des trepignemens de pied fe font en(
341 )
•
;
P
·
tendre . Un inftant avant on avoit entendu
Il faut qu'il prenne le bonnet de la liberté,
ou nous le poignarderons.
M. Moucher effaie vainement à fe faire
écouter ; le Roi veut parler ; trois quarts
d'heure fe paffe dans un vacarme épouvantable
lorfque le Roi peut être entendu. Jai
toujours aime le Peuple , dit- il , j'aime la
Conftitution ; je la maintiendrai de tout mon
pouvoir. Bravo ! un cri de vive le Roi s'élève
; point de vive le Roi , répond - on ;
vive la Nation. D'autres voix : Ce font des
promeffes; ily a long temps qu'il nous amufe,
la fanilion du Décret contre les Prêtres ;
point de Prêtres; le camp de 20,000 hommes;
le renvoi des Miniftres nous voulons M.
Servan , M. Roland."
Cependant M. Freffenel , Député à l'Affemblée
Nationale , effrayé des dangers
que couroit la Famille Royale , avoit
réuni une douzaine de fes Collègues , &
s'étoit porté au château . I's y virent le Roi
dans l'état que nous venons de peindre ,
fe firent jour à travers la multitude pour
parvenir auprès de lui ; ils fe angèrent
parmi les fix Gardes Nationaux & les autres
perfonnes qui depuis deux heures & demie
défendoient le Roi avec tant de courage ,
de modération , de prudence. Plufieurs de
ces Députés , qui n'étoient point venus
par ordre de l'Aflemblée , là féance du
matin étant levée , il étoit à peu- près trois
( 342 )
heures & demie , voulurent haranguer le
Peuple , mais il ne leur fut pas poffible
de fe faire écouter . Ils entendirent des
imprecations affreufes contre la Majesté
Royale ; un homme habillé en Sapeur ,
cria : cematin eft in ligne de vivre, montrant
le Roi.
Sa Majefté inquiète du fort de la Reine
& de fes enfans , voyant des Députés , demanda
que quelques uns d'eux paffaffent
près d'elle . MM . Freffenel, Bigot, Lacombe
de St. Michel fe rendirent dans la faile du
Confeil où cette Princeffe s'étoit arrêtée ,
lorfqu'elle vit qu'on brifoit les portes de
fon appartement , & que des fcélérats la
cherchoient . Elle étoit affife devant une
grande table , fur laquelle étoit Mgr. le
Dauphin , coëffé d'un bonnet rouge ; Madame , fille du Roi , étoit à côté de fon
augufte mère , qu'accompagnoient
encore
quelquesDames de la Cour, en petit nombre.
Sa Majefté avoit les yeux gonflés de larnies ,
mais la phyfionomie étoit calme , & peignoit
une grande fupériorité de caractère
& une férénité admirable ; la multitude
qu'on étoit parvenu à faire filer de la
chambre du Roi , paffoit devant S. M. avec
plus de refpect , c'eft- à - dire , une fureur
moins atroce que devant le Roi , quoiqu'on
ait vomi contre elle toutes les horreurs
dont les Manuel , les Carra , les Tallien
épouvantent impunément chaque jour les
oreilles des honnêtes gens ; peut- être dut-on
1
( 343 )
cet effet à la préfence du Braffeur Santerre.
Ce Roi du fauxbourg St. Antoine regar
doit avec dureté la populace armée qui
défiloit ; il la faifoit accélérer le pas lorf
qu'elle lui paroiffoit trop lente c'étoit
l'Aga des Janiffaires qui s'eft emparé de la
perfonne de fon Maître .
:
Monfgr. le Dauphin fuoit fous le lourd
bonnet de laine qui le couvroit ; le jeune
Prince n'ofoit s'en débarraffer ; Santerre ,
fans s'adreffer à perfonne dit : orez- lui donc
ce bonnet la Reine l'ôta , & le Dauphin
garda le bonnet à la main. Dans le même
moment arriva Madame Elifabeth qui , en
fe louant des Gardes Nationaux , fauta au
cou de la Reine ainfi que fes deux enfans.
Elle avoit une cocarde de laine à fon bonnet
, & la Reine arbora tout de fuite celle
que lui donna une des perfonnes qui étoient
près d'elle. M. de Freffenel & les Députés
qui l'accompagnoient ayant appris que
le
Maire étoit arrivé , ( il étoit fept heures &
demie ) que le Roi recevoit des Députations
, qu'il étoit paffé dans fa chambre
en inftruifirent la Reine , qui fortit auffi- tôt
avec fes deux enfans & Madame Elifabeth
pour fe rendre auprès de Sa Majeſté par
des paffages dérobés.
Avant cette retraite du Roi une Députation
de l'Affemblée nationale , s'étoit rendue
auprès. Un Membre porte la parole à S. M.
& lui dit au milieu du tumulte , Sire ,
}
344 )
•
PAffemblée Nationale inftruite de vos
dangers nous envoie pour les partager et
vous fervir d'égide . Je ne crains rien , répond
Sa Majeſté , jefuis au milieu des François ,
au milieu de ma Garde Nationale , vous voyez
le refte.
MM. Vergniaud & Ifnard montent fur
les épaules de quelques perfonnes & haranguent
vainement la multitude qui ne
montre pas plus de docilité. Cependant , à
force de remontrances , d'exhortations , de
la part des Huiffiers de l'Affemblée qui
accompagnoient la Députation , de la Députation
elle - même , l'on parvint à imprimer
un mouvement de circulation à la
foule ; la multitude une fois entraînée dans
ce courant fut obligée de filer , la pièce fe
débarrafla un peu , on put concevoir l'ef
pérance d'en faire fortir le Roi , & l'on y
penfoit lorfque M. Pétion arriva ; il étoit
fix heures. Depuis trois quarts - d'heure un
grand jeune homme adreiloit la parole au
Roi d'une manière très fanatique & trèsgroffière
; & lui faifoit les demandes les plus
abfurdes.
Le Roi répondit fort tranquillement ;
ce n'eft pas plus le moment de me faire de
pareilles demandes que celui de les obtenir ;
écoutez vos Magistrats et les organes de la
Loi , ils vous répondront. Dans ce moment,
M. Petion , d'un air étonné , furpris , expliquoit
au Peuple que toute violence en(
345 )
vers le Roi étoit illégale. Citoyens , leur
difoit- il , d'un air de lâcheté hypocrite
vous êtes venus avec l'énergie d'hommes
libres , fortez maintenant avec la même di
gnité avec laquelle vous êtes venus. La foule
défile lentement .
Le Roi tomboit de fatigue , on lui préfente
une bouteille ; il la reçoit , la renverfe
fur fa bouche , en mettant le pouce dans le
goulot : Sa Majesté n'a point bu de la liqueur
qu'elle pouvoit contenir. Il étoit 7 heures
& demie , & le Roi depuis 4 heures étoit
affublé du bonnet rouge : on propofa de
faire paffer le Roi dans fon petit appartement
; J'attroupement étoit encore trèsmenaçant.
Les ferviteurs du Roi , MM .
Aclocque , Vanot Vanot , Guibout , Defmouf
feaux , Goffe , de Bourcet et Joly , tous
de la Garde Nationale , & d'autres braves
Grenadiers qui ne quittèrent point le
Roi , lui firent un rempart de leurs corps ,
& après des efforts & des dangers infinis ,
on parvint à fouftraire le Roi à la furie
populaire ; il entre dans une chambre voiline
; ceux qui l'avoient fauvé en gardent la
porte & réfiftent long- temps à la rage de la
multitude qui fembloit menacer encore ce
refuge du Roi.
MM. Pétion & Sergent étoient dans
l'Oeil de Bauf , ils paffent dans la
chambre à coucher du Roi , où le Peuple)
abondoit encore ; ils le haranguent , il s'é(
346 )
vade enfin ; on ferme les grilles ; à 8 heures
& demie les appartemens étoient évacués ;
un quart- d'heure après une nouvelle Députation
fe préfente chez le Roi , elle s'informe
de l'état des chofes pour en rendre compte à
l'Affemblée.
La Reine cependant accourrut avec fes
enfans auprès du Roi , fi tôt qu'elle l'avoit
fu libre ; elle fe jette dans fes bras , tandis
que fes enfans l'arrofoient de leurs larmes ;
mes amis , dit le Roi , à tous ceux qui
l'avoient accompagné , embraffez moi , je
vous dois la vie , je vous dois celle de mes
enfans , de ma Famille. Cette illuftre Famille
, ne parut jamais fi grande , & l'Europe
n'apprendra point fans étonnement ,
fans admiration , fans horreur l'évènement
atroce que nous venons d'efquiffer.
Les ferviteurs du Roi , ces bons François ,
étoient auprès de lui , à fes pieds ; les opprobres
dont on s'étoit efforcé de couvrir
la Majefté Royale , ne la rendoient que plus
grande à leurs yeux ; ils étoient péné
trés d'amour & d'admiration , pour un
Roi à-la- fois fi bon & fi courageux dans les
revers.
Cette épouvantable journée ouvrira peutêtre
les yeux enfin aux Princes alliés de la
Maifon de Bourbon ; aux Peuples qui vivent
fous leurs Gouvernemens protecteurs.
La Royauté , comme la divinité eft une
propriété de tous les hommes ; ils ont
347 )
tous un égal intérêt à punir les attentats , les
Outrages qui pourroient l'avilir. Louis XVI
a été le jouet du crime & de la licence ; tous
les fentimens de juftice , de raifon , d'humanité
ont été violés dans fa perfonne facrée ,
& ce crime , non-feulement reftera impuni ,
mais fervira de motif & d'encouragement
pour en commettre un plus affreux encore
fi l'Europe n'en demande point la punition.
Car , & l'on ne doit point le diffimuler
les projets régicides contre la Famille royale
font toujours les mêmes ; l'activité des fcélérats
s'eft enhardie par le filence des loix de
vant leur audace facrilége , & l'on peut être
affuré qu'avec un peu d'art ,& ils n'en manquent
point , ils parviendront au but qu'ils
fe propofent : la vengeance fera tardive après
le crime commis .
Que peut en effet oppofer le Roi contre
la rage toute - puiflante de fes ennemis
, appuyés de décrets ambigus où
le Prince et méconnu , s'il n'eſt point
niême facrifié ; que peut - il contre une
majorité fanatique avec une Conftitution
qui le ravale au rang de Fonctionnaire
à gages , qui ne lui donne pas même
le droit de requérir la force pour fa propre
sûreté , & le prive de tous les moyens
d'autorité morale qui fait une des principales
attributions de la Royauté . Affez
d'évènemens , au refte , nous donneront oc(
348 )
cafion d'appuyer fur ces confidérations dont
dépend le falut de la France & de la Monarchie.
Plufieurs Actes ont fuivi cette affreufe
journée du 20 ; d'abord un Décret du
Corps Législatif où le Roi n'eft pas même
nommé, & où l'on femble craindre d'infpirer
trop d'horreur pour les crimes de la
veille : il a été affiché par tout l'aris. Nous
l'avons rapporté dans l'expofé de la féance
du 20 ; le fecond Acte eft une Proclamation
du Roi , qui attefte l'effraction des portes &
l'apport d'un canon dans la falle des Gardes.
Le Corps Municipal a auifi fait publier un
arrêté , où , fuivant les formules prévaricatrices
de MM. Pétion & Manuel, on dit
au Peuple de conferver fon calme et fa
dignité , après un pareil attentat. Le Dépar
tenient a fait placarder en même temps un
chapitre de morale fur la violation de la
loi ; comme fi c'étoit avec de pareils moyens
qu'on pût efpérer de contenir un Peuple
fanatique & tout puiffant.
Il est queftion auffi d'informer contre les
auteurs de l'attentat : déjà des difpofitions
ont été entendues ; mais à quoi fervirontelles
? à ce qu'a fervi la procédure du 6 Octobre
. Nous donnerons la Prociamation
du Roi dans notre prochain . Numéro , &
quelques détails que le défaut d'efpace ne
nous a pas permis de rapporter.
PEUCFBOFLUDEI1JRTE7Cu9iSSSS2n..
ITS NAT. Mardi 29. Merc.¡o. Jeudi, 31. Vend.1 J. Sam.2.
tions ....
s.fes.
mprunt Oct..
Décembre82,
d'Avril ...
d'Octobre.
ing brunt 125
80 millions ..
s Bulletin.
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brunt 120ms,
He. Ch.
Te d'Efcompt.
demi- act.
2x35.
11019040
..
IP..
1440b.
146.
860.79
19
Natior.n. a.l
Sp.
xdeP.
2155
155.11 1180f.
Lundi4.
CHANdGuEzSo.
Amft. 30.
Lond. 16.
Ham.38.36.
Mad. 26.11.
Cad. 26.12.
Liv. 180.
Gen. 170.
Lyodpnc...
CHANGES du
Amit. 31.
Lond. 174
Ham. jjo.
2.1b..
1.726.
1.7b.
72. Mad. 26.13.
Cad. 26.S.
Liv. 178.
3899.98 ..
1946.4.8.
Gên. 168.
2.
p.
Lyon, pâq.p.
Paycura année
1721, toutes Lettres,
AVIS TRES IMPORTANT
LE Public eft prévenu qu'on ne recevra ja
mais dans ce Journal aucune réclamation , aucun
détail d'intérêt particulier employé dans d'autres
Feuilles . On ne fait ufage que des lettres fignées
qui rendent compte de faits biex conftates.
On obferve encore que les Rédacteurs n'ont
rien de commun avec l'Abonnement , la diflribution
, &c. C'est à M. GUTH , feul Directeur
du Journal , hotel de Thou , rue des Poitevins
& non è aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets; autrement des lettres
fouvent importantes pourraient refter au rebn
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Affignats , doivent étre chargées .
à la Pofte, pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
le
Le prix de l'abonnement eft de trenre fix liv
franc de port , pour la Province , Affemblée Ne
tionale , par fon Décret du 17 Août , ayant doublé
port de ce Journal. L'abonnement pour Paris
eft de trente-trois liv. Il faut affranchir le port
de l'argent & de la lettre , & joindre à cette
dernière le reçu du Directeur des Poftes. On fouf
erit Hôtel de Then , rus des Poitevins, Ons
dreffera an fieur GUT , Diredear da Purean du
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que
pour l'année entiere.
COURS DES EFFETS PUBLICS, hin CHANGESdu
Assaft. 52.
EFFETS NAT. Mardi5. Merc.6. Jeudi7.
s.
Vend& Sam. Bundirt.
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Do.16.
Emprunz Oct
Id. Décembre82
Lot. d'Avril.
Lot. d'Octobre
Emprunt 125m
d. 80 millions.
Sans Bulletin.
Bulletin
Emprunt 110in.
Borde Ch..
Caille d'Efcompt.
Dr. desiat.
70.67
117511
445.45.4
2p.
14174 4447.
tahl.pt..pp2.
70.671. 2367.65.. 2865.
[ 157. 16: L160 1170 875.40 jog•}[ **
170
447
...165.
res
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13.226.
3910-1 3910.
196. EauxdeP.
Empr. Marional.
3.2b.
71.71b..
3.900S..
1.52.43.[ 250.48.. 1945.48
Anifl. 34.
Lond. 18.
Ham. es.
Mad. 25 4-5+
Liv1.
Cad 24-15.
Lyan.p.8.
P aup.ip. 1.b.
AVIS TRES IMPORTANT.
On obferve encor Ref
Le Public eft prévenu qu'on ne recevra jamais
dans ce Journal alcune réclamation , aucun
détail d'intérêt particulier employs dans d'autres
Feuilles. On ne fait ufage que des lettres fignees,
& qui rendent compte de faits bien confliés .
rien de commun avec l'Abonnement, ta diftri
les Réducteurs n'ont
bution , &c. C'est à M. GUTH , foul Diretur
du Journal , hotel de Thou , rue des Poiterius ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adrefer tone te
qui concerne ces objets ; autrement des leurs-
Jouvent importantes pourraient refler au rebut,
Les perfonnes qui enverront à . Guth des
effets fur Paris , pour acquit de teur Abonne- &
ment , voudront bien les faire timbrer i faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés. Les lettres
cone nant des difignais , doivent être chargéer,
a la Pofle , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
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franc de pers , pour la Province , Affmblée No
tionile , parfon Décret du 17 Aoûs , ayant doublé
te port de ce Journal. L'abonnement pour Patis
eft de trente- trois liv . 1: fami affranchir le port
de l'argent de la lettre , & joindre à cauze
dernière le récu da Dir.tour des Pejics. On Jouf.
cris Hotel de Thou rus des Peiterius. O
dreffera au four Guen , Diredan in "Bureau du
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que
Pour l'année entiere.
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Id. Décembre82 aup.
Gen.. 158.
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me!
CHANGESdu13.
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b..
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lub.
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13.2
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Bulletin
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72.7 73 73.
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Mad4
Borde Ch ...
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Caille d'Efcempt. 3900 3915 391 5.3959
De decai-a.
EauxdeP..
1195 2.55 1955-55
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3910.391233991006..31G99ê11n22.
450.
1954.56.
1950.55. 195L6y.o5nb2...
sb ... 3
b.
Payurs,
Tx, lettre T.
année
AVIS TRÈS - IMPORTANT.
LE Public eft prévens qu'on ne recevra jamais
dans ce Journal alcune réclamation , aucun
détail d'intérêt particuler employé dans d'autres
Feuilles. On ne fait ufage que des lettre : fignées ,
& qui rendent compte de faits bien conflates.
On obferve encore que les Rédacteurs n'oat
rien de comun avec l'Abonnement , la difinbution
, &c. Cell à M. GUTH , feul Direder
du Journal , hotel de Thon , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets ; autrement des lettres
fouvent importantes pourraient refler au rebut.
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Afignats , doivent être chargées
à la Pofte , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix de l'abonnemext eft de trente ûx liv.
frane de port , pour iz Province , Affemblee Nationale
, par fon Décret du 17 Aoûr , ayant doublé
le port de ce Journal. L'abonnement pour Paris
eft de trente-tros liv. Il faut affranchir le port
de l'argent & de la lettre & joindre à cette
dernière le resa de Directeur des Potes . On fouf.
crit Hôtel de Thou rue des Poitevins. On 3'xdreffera
an four TE , Direcer la Duran da le
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que
pour l'année entiere.
EFFETS NAT. Mardi 19. Merc. 20.
PEUFCBFOLEUDITRECSSSS
.
Juin
1
Jeudi 21. Vend. 22. Sam. 23.
Lundi
CHANGES du19.
Amit. 34.
Lond. 18.
25 Ham. 300.
Mad. 24.
Actions.
216717.0. 21672.1766057. 2167.
Cad. 24.
Id. Décembre82.
Does.
Emprunt Oct.1447
Lot.d Avril.
Lot. d'Octobre.
Empruntme
Id
.
80 millions
1045.40 .. Ic06,20...1000.10.
1018.22. Liv. 162.
447 1447..
446.. Gên. 152.
12p. IU1P5p.3..
p.1b. Lyon.b.
CHANGE duz 25.
21b.
2.b.
A1 331-
BullSeatnisn,
Bullerin
1731
Emprunt 126
Bord. Ch
Caiffe d'Efcompt. 3910,3908
D. demi- act.
EauxdeP...
Empr.
National
3912.3908 3912.1930
1953.56. 1958.64.
1953-57.
b. ip .... ib
Lonel. 18.
Hain. 306.
Med. 14.10.
Cadix 24S
Ly 165. Diys
155. 3925-3920 Gen.
1958.6010
.b.
rb ...... Payeers,
année
le1m0tT1e
26.
73
AVIS TRÈS - IMPORTANT .
LE Public eft prévenu qu'on ne recevra ja
is dans ce Journal aucune réclamation , aucun
détail d'intérêt particulier employé dans d'ou'res
Feuilles . On ne fait ufage que des lettres fignies
& qui rendent compte de faits bien conftates ,
On obferve encore que les Rédacteurs n'ont
rien de commun avec l'Abonnement , la diftribution
, &c. C'est à M. GUTH , feal Directeu
du Journal , hotel de Thou , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut àdreffer tou ge
qui concerne ces objets ; eutrement des lettres
fouvent importantes pourraient refter au rebut.
tout
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Affignats , doivent être chargées
à la Poſte Bour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix
l'abonnement
et de trente-fix liv.
franc de po pour la Province
, l'Affemblée
Nationale
, par n Décret du 17 Août , ayant doublé
le port de ce Journal
. L'abonnement
pour Paris
eft de trente-trois liv. Il faur affranchir
le port
de argent & de la lettre , & joindre
à cette
dernière
le reçu du Directeur
des Pofies . On foutcris
Hôtel de Thou , rue des Poitevins
On s'adreffera
au fieur GUTH , Directeur
du Bureau
du
Mercure
. L'abonnement
SAMEDI 2 Juin 1792.
MERCURE
FRANÇAIS ,
Courosi par M. DE LA PARPE quant
la partie littéraire par M. MARMONTEL ,
pour les Contes , & par M. FRAMERY ,
pour les Spectacles.
M. MALLET DU PAN eft feul charge
de la partie politique,
Tous les Livres , Cartes , Eftampes , Mufique
Avis divers, doivent être adreffés à M. de
la Harpe , rue du Mafard , n . 2,
Le prix de l'Abonnement eft de 36 liv.
frane de port par tout le Royaume .
CALENDRIER
POUR L'ANNÉE 1792 .
JUIN a 40 jours & la Lune go. Du prem. au 15 les jours
crement , mata & foir , de 8 ; & du 26 au go , ils décroient de 2.
OURS
du
Mors.
Temps moyen
eu Midi vrai, NOMS DES SAINTS.
1 vend, Pamphile.
2 fam. Pothin , Évêque .
D. LA TRINITE.
lundi Optat , Evêque.
mardi Boniface , Evêque.
merc. Norbert , Évêque.
jeudi. FrE- DIEU.
8 , vend , Médard , Évêque .
fam. Prime.
2. Landry , Evêque.
lundi Barnabé , Apôtre .
mardi Bafilide.
merc. Antoine de Padoue.
14jeudi. Octave Fête- Dieu.
I vend Guy , Martyr.
16 ( am, S. Fargeau & S. Fergeon .
3D.Avir, Abbé. I
18lundi Ste. Marine , Vierge.
19 mardi S. Gervais & S. Pronais.
20 merc, Silvere , Pape. Ex . 69.
jeudi. Lefroy , Abbé.
2 vend. Paulin , Évêque.
3fam . Vigile-Jeûne.
24 4 D. Nativ, S. Jean - Baptifle.
25 lundi. Profper,
26mardi Babolein , Abbé.
17 merc. Ladifias , Roi,
28cudi Vigile June.
29ver.d.. Pierre & S. Paul , Ap.
ofam. Commém. de S. Paul .
16 1
J. PHASES
de de la
LUNY. H. M. S.
II 57 39
231
II 57.40
14 P. 1. 1 57 59
$7 49
1158
و
ת ו
11 58 20
11 58 37
42
13
12
6
41 59 48
11 59 30
17
h. 2
128
du mat
.
20
21
22
CD. Q.
23e11 ,
e
24 h. 43 m.
19 42
11 19-55
21 du foir.
26
271 20
281 33
29 N. L. 46
о
13
26
32
52
17
30
2 h 51 m.
3 da foir.
Dr. Q.
à 2
10fle 27,
11h , 27 m.
12 du foir.
00
102
42
2 14
6
18
468
MERCURE
FRANÇAIS,
POLITIQUE , HISTORIQUE
ET LITTÉRAIRE ;
COMPOSÉ par M. DE LA HARPE ,
quant à la partie Littéraire ; par M.
MARMONTEL , pour les Contes ; & par
M. FRAMERY , pour les Spectacles.
M. MALLET DU PAN , Citoyen
de Genêve , eft feul chargé du Mercure
Politique & Hiftorique.
SAMEDI 2 JUIN 1792.
A PARIS ;
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou ;
rue des Poitevins , Nº . 18 .
TABLE GÉNÉRALE
Du mois de Mai 1792.
C
A Malame G...
Les Bateliers de Befons.
Charade , En. Log.
EPIGRAMME.
Stances à Julie V...
Chanfon.
Charade , Enig , Log.
Précis hiftorique .
PROPHETIE.
Charade, Enig. Logog.
Nouvelles
Nouvelles
.
STANCES.
3 Le Retour du Mari.
Annonces & Notices.
21
37 Expofition.
23
28
39 Spectacles .
38 Bibliotheque.
48
52
40,Notices.
55
421 58
61 Spectacles.
64 Notices.
80
84
66
Charade, Enig, Logog.
8 Le Collatéral.
.90 87 Annonces & Notices . 102
A Paris , de l'Imprimerie de Moutard , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni.
BIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENS12.
م س
MERCURE
FRANÇAIS.
PIECES FUGITIVES.
VERS
A Mad. de B... pour la Fête de Ste. Sufanne,
fa Patrone.
Voous portez à bon droit le beau nom de Suſanne
Sufanne , ainfi que vous , eut l'art un peu profane
De plaire & d'infpirer l'amour & les défirs.
La vieilleſſe , réduite à l'honneur d'être fage
Retrouve à vos genoux plus que des fouvenirs
L'adolefcence y prend l'ufage des foupirs.
Tout s'empreffe à vous rendre hommage ;
Et près de vous , il n'eft qu'un âge ;
C'est toujours celui des plaifirs.
( Par M. Saint-Ange.
1
A 1
MERCURE
LES BATELIERS DE BESONS ,
CONTE MORAL.
ON
Seconde Partie.
MoN hiftoire , dit le bon pere en prenant
la parole , n'a rien d'affez intéreffant pour
occuper ces Dames ; & fans le malheur de
ma fille , je ne parlerais pas du mien. Le
Ciel me l'a rendue : voilà ce que ma deftinée
a de plus merveilleux ; le reste en eft
tout fimple : ce qui m'eft arrivé peut arriver
à tout le monde.
Mon pere , Etienne Lorizan , était un
habile Horloger . Il fut du nombre des
Artiftes que le Czar Pierre fit venir de
Paris en Ruffie . J'étais bien jeune encore.
J'accompagnai mon pere. Dans un pays
où les Arts d'agrément étaient nouveaux
& rares , il fut facile à un bon Horloger
de faire une honnête , fortune en peu de
temps. Mais vous favez que dans un pere
la faibleffe la plus commune eft de vouloir
donner à fes enfans un état au deffus du
fien. Mon pere , qui peut être n'eftimait
pas affez cet Art qui l'avait enrichi , me
le fit négliger pour les Mathématiques
dont Pierre avait fondé l'Ecole. Je n'y
·
FRANÇAIS.
étais pas encore bien avancé , lorfque le
Czar defcendit au tombeau ; mon père l'y
fuivit de près. Sa fanté frêle & délicate ne
put réfifter au climat.
Avant la mort , il m'avait marié à une
jeune Mofcovite , dont les biens étaient
fitués dans le Royaume de Kazan , vers les
plaines où le Volga eft le plus voisin du
Tanais. Par-là fa tendre prévoyance avait
voulu me fauver du péril auquel il fuccombait
lui-même ; & redoutant pour moi
ce froid mordant du Nord de la Ruffie :
Mon fils , m'avait - il dit , crois-mci , vat'en
vieillir fous le ciel du Midi. Je différai
de fuivre ce confeil ; & la faveur de Cstherine
& d'Anne me retint auprès de leur
Cour. Mais quand vint la Révolution que
fit dans cet Empire le courage d'Elifabeth ;
attrifté de voir la difgrace de deux protec
teurs de mon pere , Ofterman & Munik
les premiers hommes de l'Etat , plus affligé
encore du dépérillement de la fanté
de ma femme,, que je voyais laeguir ,
depuis qu'elle avait mis au jour fa fille
unique , je me fouvins de l'avis fage que
mon pere m'avait donné , & peu jaloux
de la célébrité qu'auraient pu m'acquérir
de fayantes études , j'allai fur le Volga
chercher un ciel plus doux , & un repos
plus affuré.
Vous croyez bien , ajouta- t- il , que dans
un pays où les hommes appartiennent au
A 3
6 MERCURE
fol & en font la richeffe , ce n'eſt pas moins
pour le propriétaire une regle d'économie
qu'un principe d'humanité de ménager les
fiens ; & que s'il lui était facile de leur
apprendre à être libres , il n'aurait garde
de négliger ce moyen de les rendre heureux.
C'était là mon ambition ; & par
les progrès des lumieres , de l'exemple &
de l'habitude , en leur donnant de bonnes
moeurs , j'efpérais les mettre en état de
mériter de douces loix.
-
Cette efpérance fut détruite par un évé- .
nement que j'aurais dû prévoir dans un
temps de Révolution. Les Tartares , yoifins
des rives du Volga , y firent des courfes
fréquentes ; & par l'une des bandes qui
faifaient le butin , ma demeure fut faccagée.
Ma femme n'était plus ; ma fille me
fut enlevée à l'âge de quinze ans ; & moi
je fus réduit en efclavage. Hélas ! ce ne
fut ni mon bien ni ma liberté que je
pleurai. J'étais pere ; ma fille était dans les
mains des Tartares ; & je croyais la perdre
pour jamais c'était la feule de mes
peines qui pesât fur mon coeur ; le refte
n'était rien. Mais ma fille ! ma fille ! je
n'ofais pas même penfer au fort qu'elle
avait dû fubir.
Plus d'une fois , parmi les Mufulmans
j'aurais fervi des Maîtres affez doux , fi
j'avais eu quelqu'un des talens d'un Efclave.
J'étais docile & diligent , mais faiFRANÇAIS.
7.
ble , mal- adroit , & inhabile à tout ; la
bêche et le feul inftrument que je maniais.
affez bien , encore étais- je bientôt las de
cet exercice pénible. Lorſqu'on me demandait
ce que j'avais appris , pour ſavoir à
quoi j'étais bon , je répondais toujours
les Langues, les Mathématiques . Ce n'était
pas ce qu'il fallait à mes bons Mufulmans ,
& fans me quereller , me trouvant inutile,
ils me revendaient à vil prix .
Ainfi de place en place , je me vis promené
dans cette Afie , autrefois fi célebre
qu'on appelle la Natolie . Je cheminais
patieniment fur les ruines de l'Empire de
Darius & d'Alexandre , & dans les plaines
où Scipion avait défait Anticchus. Je vis le
détroit où Xercès avait fait paffer fon armée ;
je me rappelai fon retour. Je parcourus le
Royaume de Mithridate & celui de Créfus.
J'apperçus de loin , dans Byzance , ce Sérail
qui occupe la place de l'antique palais
de Conftantin. Je traverfai les champs où
s'élevaient les murs de Troie ; & je crus
diftinguer encore le Scamandre & le Sim is.
Quelquefois , béchant un jardin fur les
ruines enfevelies d'Ephefe , de Nyfe , ou
de Sardes , je penfais à Munik , qui était
en Sibérie , béchant la terre comme moi.
Vous croyez bien qu'auprès de ces Révolutions
, celle de ma fortune me femblait
peu de chofe.
Enfin j'avais trouvé ma place chez un
A 4
8 MERCURE
Négociant de Damas ; & mon talent pour
le calcul m'en faiſait eſtimer. C'était un
honnête homme : fenfible , indulgent , équitable
, fon caractere était un mélange de
douceur & de gravité ; mais par malheur
je ne favais pas qu'il était Sectateur de la
Doctrine de Pithagore. - De Pithagore !
-Oui , Mefdames , j'ai retrouvé là toute
Fancienne Philofophie ; des Ecoles de
Stoiciens , d'Epicuriens , de Sceptiques .
Pourquoi s'en étonner ? j'étais dans leur
pays ; il n'eft pas bien étrange qu'après
quelques mille ans , les efprits de Zénon
d'Epicure, de Pithagore y rodent encore çà
& là .
?
Mon Philofophe ayant donc entendu
crier un chien que j'avais chaffe de la
maifon : Pourquoi , me dit- il doucement ,
avez-vous battu ce chien-là ? Savez - vous
quelle ame l'anime c'eft bien certainement
celle d'un homme vigilant , ferviable , reconnaiffant
, d'un ami fenfible & fidele ;
pourquoi donc la faire fouffrir ? Que l'on
perce de coups un fanglier , un tigre , un
loup vorace , on ne fait que punir l'ame
d'un méchant homme , l'ame d'un Bacha ,
d'un Vifir. Mais dans le chien , dans le
chameau , dans l'éléphant , refpectons ,
mon ami , le malheur d'un homme de
bien , dont l'ame n'eft qu'en pénitence de
quelque faute , hélas ! peut- être bien légere
, que le Ciel lui fait expier. Comme
1
FRANÇAIS. 9
il me vit un peu furpris de fa Doctrine
il voulut bien me l'expliquer.
Quand l'homme expire , me dit - il , 'fr
fon ame n'eft pas bien pure, fon châtiment
eft de paffer dans le corps de quelque
animal d'un caractere analogue au fien ( &
il me fit un long détail de ces diverfes métamorphofes
) ; mais après une expiation
plus ou moins longue , ajouta - t - il , elle
revient, purifiée , animer un homme naillant,
Rien ne ferait plus confolant , lui disje
, que votre Doctrine , fi l'on fe fouve
nait de ce qu'on a été ; mais malheureufement
l'oubli coupe le fil de l'exiſtence
& à chaque mutation , " c'eft une ame nouvelle
& un homme nouveau. Il m'écouta ,
les yeux baiffés ; & après avoir réfléchi
quelques momens Vous me faites- là , me
dit - il , l'objection d'un incrédule. Vous
avez du fentir qu'elle m'affligerait ; & ce
n'eft pas à vous de vouloir m'affliger. Je
ne vous ai fait aucun mal , & vous m'en
faites un cruel en me troublant dans ma
croyance. Le lendemain il me vendit.
On cherchait pour le Dey d'Alger un
Efclave , Interprete des Langues de l'Europe.
J'en favais quelques - unes ; on m'acheta
pour lui , & je paffai à fon fervice.
C'était l'homme du monde qui fe donnaie
le moins la peine de penfer . Il était enrieux
& grand queftionneur , mais trèsfacile
à fatisfaire; & pourvu qu'on lai sé
A s
10 MERCURE
4
pondit , comme aux enfans , quelque chofe
qu'il crût entendre , vrai ou non , il était
content.
Par exemple , quand je lui ees dit d'où
je venais , il me demanda s'il y avait dans
ce pays - là un Soleil , des Etoiles & une
Lune. Je répondis que non ; mais que de
loin on s'y chauffait à fon Soleil , & que la
nuit on était éclairé par fa Lune & par les
Etoiles . Je vis qu'il était fier que tout cela
ne fût qu'à lui.
Toi qui es favant , me dit - il un foir
fais-tu ce que deviennent les Etoiles qui
tombent ? Je me gardai bien de lui dire que
les Etoiles ne tombaient pas ; il fe ferait mis
en colere. Je rae fouvins du mot de Fontenelle
, & je répondis que ces Etoiles allaient
former les nouvelles Lunes. Fort
bien , dit- il , & les vieilles Lunes ? - Elles
fe brifent en Etoiles , pour remplacer celles
qui tombent. J'entends , dit - il ; & cela
m'explique ce que devint la Lune que fendit
Mahomet.
Une autre fois il me demanda pourquoi
les bêtes ne parlaient point. Les unes , répondis-
je , ne parlent point , parce qu'elles
ne favent que dire ; les autres , parce
qu'elles ont peur de dire des fottifes , &
qu'elles aiment mieux fe taire que de parler
imprudemment. Celles - là , dit - il , ont
raifon ; & fi mon perroquet eût été auffì
fage , je ne lui aurais pas fait couper la
FRANÇAI S.
tête pour une impertinence qu'il me dit
T'autre jour. Cet exemple du perroquet fut
un avis pour l'Interprete.
و
A propos des Arts de l'Europe , il me
demanda fi on y favait faire la pluie & le
beau temps. Je répondis qu'oui , mais que
c'était un Art exercé par les femmes . Il
m'en demanda le fecret. Je ne le fais past
bien , lui disje ; mais c'eft avec des girouettes
, qu'elles font tourner à leur gré.
Il crut entendre ce mécanisme . Je veux
dit-il , que l'on m'amene quelqu'une de ces
ouvrieres ; & fi jamais , pour quelque Antbaffade
, je t'envoie dans ton pays , tu me
feras ce plaifir-là. Je l'affurai de tout mon
zele. Mais je lui étais néceffaire dans mes
fonctions d'Interprete ; & je ferais encore
auprès de lui , fi le Ciel , qui voulait me
réunir avec ma fille , n'eût pas permis
qu'une belle pendule , dont le Roi avait
fait préfent à mon curieux Barbarefque, fe
fût tout à coup dérangée.
D'abord on s'apperçoit qu'elle eft privée
de mouvement : grande alarme dans le palais.
On la remonte ; mais elle avance , elle
retarde , elle s'arrête encore ; le Dey prétend
qu'elle a perdu l'efprit , & promet
tout au monde à qui le lui rendra ; car ,
à quelque prix que ce foit , il veat favoir
F'heure qu'il eft. Je m'apperçus même qu'il
regardait cet accident comme un mauvais
préfage , & qu'il en perdait le fommeil.
A 6
12 MERCURE
Alors me fouvenant des premieres leçons
que j'avais prifes de mon pere , dans l'Art
qu'il m'avait fait quitter , j'efperai d'en
favoir encore affez pour remédier à l'accident
de la pendule ; & j'ofai dire que fi,
pour récompenfe , le Dey voulait bien
m'accorder la liberté , je croyais affez bien
connaître cette merveilleufe machine pour
en rétablir les refforts . La liberté me fut
promile avec ferment par Mahomet , ferment
qu'un vrai Croyant n'a jamais violé..
Je parvins , en effet, à remettre la pendule
dans fon bon fens ; & le Dey , ravi de la
voir plus raifonnable que jamais , tint fa
parole , & confentit que je fuffe du nombre
des Captifs rachetés .
Cà , me dit- il , lorfqu'en me profternaut
devant lui je lui rendis graces , fouvienstoi
de ma commiflion . Je n'ai ici que des
girouettes que le vent fait aller; j'en veux
avoir de celles qui font aller le vent ; &
i tu peux m'en procurer , je t'en aurai
encore plus d'obligation que d'avoir guéri
ma pendule. Voilà , Mefdames , par quel
moyen je fortis d'esclavage ; & comment
par de longs détours , mais par la pente
caturelle du courant de la vie , mené de
Paris à Moskou, de Ruffie en Afrique, &
d'Alger à Befons , je me trouve avec mes
nfans.
En effet , dirent mes deux compagnes ,
il n'y a rien dans tout cela que de fimple
& de naturel.
FRANÇA I S.
13
Pour intermede , on nous fervit la ma
telote . Nous la trouvâmes délicieufe ; &
après le fouper , ce fur le tour de la Bate
Jiere de répondre au défir que nous avions
d'entendre ce qui lui était arrivé .
و د
Quand je fus prife par les Tartares
nous dit Bathilde , j'avais dans l'ame deux
fentimens qui , grace au Ciel , ne m'ont
jamais abandonnée , la pudeur & la piété.
Je n'avais qu'une idée bien confule de
feur objet ; mais je favais que pour être
fans tache devant Dieu & devant le monde,
je ne devais permettre aucune liberté à
aucan homme qu'à mon mari ; & que nuk
homme ne pouvait être mon mari qu'il
ne füit Chrétien. Voilà , Meldames , ce qui
rout fimplement a confervé mon innocence.
Quoi ! dit Adélaïde , même chez les
Tartares ! Chez les Tartares , reprit- elle ,
je dus , il eft vrai , mon falut à l'avarice
du brigand dont j'étais le butin ; car il
me regardait comme un diamant pur , qui
eût perdu fa valeur fi on l'avait terni.
En m'enlevant , il m'avait prife en croupė :
le cheval qu'il montait allait plus vite que
le vent ; & moi , toure éplorée , toute
épezdce que j'étais , j'avais encore , il faut
que je l'avoue , a peur de me laiffer tomber.
Je pleurais , je me défolais , j'appelais
mon pere à mon aide ; mais par un mouvement
involontaire , je me tenais toujours
à la ceinture du Tartare. Le cruel , avec
14 MERCURE
un fourire & un regard dont je frémis encore
, tournant vers moi la tête , infultait
à la fois à ma crainte & à ma douleur.
Nous arrivâmes dans fon camp ; & là ,
je vis fes compagnons m'entourer , le féliciter
, & lui s'applaudir de fa proie , mais
la garder à vue , appuyé fur fon arc , &
prêt à la défendre fi quelqu'un eût ofé
vouloir la lui ravir .
Quand nous fumes feuls dans fa tente ,
il m'offrit , d'un air auffi doux que pouvait
l'avoir un Tartare , de partager avec
lui fon fouper c'étaient quelques lambeaux
de chair crue & fanglante , feulement
un peu attendrie fous la felle de fon
cheval. Je refufai cette pâture'; mais fes
inftances , redoublées d'un air impatient ,
me forcerent enfin de boire un peu de lait.
Il fallut obéir. J'étais en fon pouvoir ; je
voulais , s'il étais poffible , qu'il eût quelque
pitié de moi. Mais je vous laide à
penfer , Meldames , quelle eft la pitié
d'un Tartare pour une fille de quinze ans.
Celui- ci me voyait pleurer fans être touché
de mes larmes , & fon regard , ſi j'avais
pu l'entendre , exprimait autre chofe
que de la compaffion. Cependant , fans
favoir ce qu'il ruminat en lui-même , je
vis bien qu'il le combattait & qu'il ſe faifait
violence. Tout à coup murmurant tout
bas quelques paroles, il quitta brufquement
le fiége du gazon où nous étions affis , fir
FRANCAIS.
J
quelques pas hors de fa tente , rêva quelques
momens , puis revenant à moi en fecouant
la tête, me montra la peau d'ours fur
laquelle j'allais coucher. Faible , tremblante,
à la merci , le corps excédé de fatigue & de
douleur , qu'aurais-je fait ? J'invoquai mon
bon Ange , je me recommandai à lui , &
couchée auprès du Tartare que j'entendais
frémir , je veillai , je pleurai long- temps ;
mais je finis par céder au fommeil . Non
jamais l'innocence n'a couru plus de rifques.
Mais , je vous l'ai dit , j'étais là
comme un tréfor fous la main d'un avare ;
& le prix qu'il en attendait le fit s'abftenir
d'y toucher.
Le lendemain , nous arrivâmes au port
d'Azow , où je fus vendue pour le Sérail
du Grand - Seigneur ; & le vaiffeau fur
lequel je paffai , fut un afile où je fus
gardée avec le plus humble refpect.
En débarquant fous les murs du Sérail,
je fus conduite par le Kuflir-Aga , Chef
des Eunuques noirs , dans l'appartement
des Novices. Là , fous les yeux d'une
Surintendante , appelée Kadan- Kahia , je
fus , ainfi que mes compagnes , élevée
avec foin dans les moeurs du Sérail. Une
févere modeftie , une docilité parfaite ,
quelques jeux innocens , quelques travaux
légers , une étude affidue des Langues.
Orientales , & l'émulation la plus vive
pour les talens qui rendent la beauté plus
1
16 . MERCURE
to
aimable , comme la Danfe & la Mufique
telle était à peu près , la regle de cette
efpece de Couvent. Je m'affligeais d'y
être captive , mais je ne m'en défolais pas .
Loin de me défier du foin que l'on prenait
de nous enfeigner l'art de plaire, je
m'étonnais qu'on eût pour nous tant de
bonté. L'élégance de nos parures , l'attention
& la diligence que l'on avait à neus
fervir , ne m'alarmait pas davantage ; &
fans favoir ce qu'on voulait de moi je
n'en augurais ancun mal. Mais dans le
premier entretien que je pus avoir en fecret
avec l'une de mes compagnes , j'appris ma
deftinée ; & dès ce moment- là je fus dans
la douleur. Etre livrée aux fantaifies d'un
homme qui ne ferait pas mon mari , qui
n'était pas même Chrétien ; être captive
dans fon palais , jufqu'au moment où je
ferais mere , ou que laffé de moi , il daignerait
me céder pour femme à quelqu'un
de fes Favoris ; enfin être réduite à diffimuler
ma Croyance pour m'accommoder
à la fienne ; me faire Mafulmane , parce
qu'il était Mufulman : tout cela me fut
odieux.
Les femmes qui nous inftruifaient , &
Ja Sultane mere , à qui l'on nous menait
faire la cour , ne ceffaient de nous dire
que pour nous le bonheur fuprême ferait
de plaire au fublime Sultan , & de mériter
les faveurs. Ces humiliantes leçons
FRANÇA I´S. 17
me flétriffaient le coeur ; j'étais d'une triftelle
que rien ne pouvait diffiper. Je ne
favais comment me faire renvoyer , j'aurais
voulu de bon coeur être laide ; j'eus
bien des fois l'envie de me défigurer ; je
n'en eus jamais le courage. Soir & matin,
je priais mon bon Ange de me tirer de là;
& je veux croire que ce fut lui qui m'en
infpira le moyen.
it
Un jour que mes compagnes , pour
fatter la Sultane mere , difaient merveilles
de la grandeur & de la gloire de fon fils :
Hélas ! mon fils , dit - elle , ferait le plus
heureux des Souverains du Monde , comme
i en eft le plus puiffant & le plus magnifique
, fans le malheur qu'il eut dans
fon enfance de voir un chat croquer une
fouris. L'impreffion qui lui en eft reſtée
lui a fait prendre en averfion ces deux
efpeces d'animaux. S'il en voit un , s'il
croit l'entendre , il en a des friffons & des
treffaillemens qu'on a de la peine à calmer..
C'est un fecret , ajouta la Sultane , dont
il faut bien que vous foyez inftruites , afin
que fi jamais cet accident lui arrive lorfque
vous ferez avec lui , vous me faffiez
appeler bien vite ; car le plus prompt remede
à fes convulfions , c'eft la préſence
de fa mere .
L'une de mes compagnes prit la liberté
de lui dire qu'il devait être bien aifé de
prévenir cet accident. Hé non , dít la Sul18
MERCURE
:
tale , cela n'eft pas facile. Si le Sultan
ne déteftait que les fouris , les chats feraient
fa fauve- garde ; s'il ne haïffait que
les chats , on négligerait les fouris. Mais
fans les uns , comment fe garantir des autres
? Les piéges ne font pas un moyen
sûr quelques fouris s'y prennent , mais
le grand nombre s'en échappe ; & pour
n'en pas laiffer peupler tout le Sérail , il
a fallu du moins y fouffrir quelques chats.
Tel a été le réfultat de la fageffe de nos
confeils felon cette grande maxime , que
de deux maux , dont l'un fert de remede
à l'autre , & qu'on ne peut détruire enfemble
, c'eſt le moindre qu'il faut choifir.
Nous parûmes toutes fenfibles à l'afflic
tion de la Sultane ; & moi - même je dis
que c'était bien dommage qu'une cauſe fi
mince & fi futile en apparence , troublât
tant de profpérités.
Lorfqu'on put fe flatter de nous avoir
donné affez de talens & de graces pour
plaire aux yeux de notre Souverain , l'on
obtint de lui la faveur de nous voir & de
nous entendre. J'eus d'abord peu de fuccès
devant lui. Mon chant , ma danfe , ma
figure , tout lui parut froid comme glace ;
& en parlant de moi , j'eus le plaifir de
lui entendre dire qu'il ne manquait à cela
qu'une ame. Ah ! cette ame , je l'avais
bien , mais je ne l'avais pas pour lui.
Celles de mes compagues qui , dès l'enFRANÇA
I S.
19
fance , deftinées à l'efclavage , n'avaient
prefque aucun fentiment de pudeur ni de
liberté , fe difputerent fes regards ; mais
ni la vive Napolitaine , ni la tendre Efpagnole
qui partageaient mon fort , ne me
firent rougir pour elles. Avec une noble
décence , elles attendirent du moins l'hommage
dû à leur beauté . La préférence leur
fut donnée ; je ne la leur enviai .point.
Toutes les fois que le Sultan venait
choisir une nouvelle Favorite , je tremblais
que ce ne fût moi . Je me tenais les yeux
baiffés , immobile , interdite , le friffon
dans le coeur , la confufion fur le vifage ;
& fi la trifteffe avait pu le rebuter , j'étais
fauvée. Mais il la prit , cette trifteffe
pour de la jaloufie , & ma froideur pour
du dépit. Emire eft mécontente , dit-il en
fouriant ( Emire était le nom que l'on
m'avait donné ) ; elle a raifon d'être piquée.
J'ai trop tardé à faire voir combien
elle eft belle à mes yeux. Mais je ménage
mes plaifirs , & je fais.réparer mes torts.
A ces mots , croyant me combler de bon-
Feur & de gloire , il me préfenta le mou--
choir. Peu s'en fallut que ma main tremblante
ne le laifsât tomber ; mais que n'eûtil
pas fait de moi fi je l'avais mis en colere
! Je parus donc foumife fans paraître
Alattée , & j'eus bien de la peine à fléchir
le gendu. J'en fus févérement grondée par
la vieille Surintendante ; & il me fut bien
20 MERCURE
recommandé d'oublier , le foir , avec lui ,
cette ridicule pudeur.
Par M. MARMONTEL.
( La fin au 1. Mercure de Juillet. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Guitare , celui
de l'Enigme eft Fauteuil , & celui du Loge
griphe et Potage , où l'on trouve Otage's
Tage ( ville & fleuve ) , Age , Pot.
CHARA D E.
LA fille cache mor dernier ;
Et mon premier te fert à cuire mon entier.
ON
ENIGME A DOUBLE MOT..
N me bat, & men bruit infpire la terreur
En me coupant la tête , & m'arrachant le coeur
Je fais le Dieu malia qui tient fous fon Empire .
Les Rois , & les Bergers , & tout ce qui refpire,?
LOGO GRIPHE.
RACINE , fur fix pieds , cuite au pot , je nourris ..
Sur cinq , pour m'éviter , c'eft befogne à Paris . !
FRANÇAIS.
21
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
MÉMOIRES de la Minorité de Louis XV,
par J. B. MASSILLON , Evêque de
Clermont , Membre du Confeil de Confcience
fous la Régence de Philippe d'Orléans
,& l'un des Quarante de l'Académie
Françaife. In-8°. A Paris , chez Buiffon ,
Imp-Lib. rue Haute-feuille, N° . io . Prix,
3 liv. 10f. br. & 4 liv. franc de port.
UN des titres donnés ici à Maillon
fait fourire de pitié l'homme qui réfléchit
fur les fottifes humaines , en fe rappelant
celles de notre ancien Gouvernement. Un
Confeil de confcience ! A- t- on jamais plus
ridiculement affemblé deux idées qui s'excluent
l'une l'autre ? Quel rapport entre
la confcience & un Confeil ? Comment la
chofe qui , par la nature , appartient le
plus indépendamment à chaque individu ,
Feut- elle être foumile à un Confeil? Nous
ne fommes pas encore affez avancés pour
que de pareilles réflexions foient inutiles ;
il faut que l'on nous faffe rougir encore
long temps avant que nous foyons corrigés
, & l'on ne doit négliger aucune occafion
de nous accoutumer à cette rectitude
d'idées , qui nous a été fi long - temps
étrangere,
22
MERCURE
Au refte , ce n'était pas la faute de
Maffillon , s'il y avait un Confeil de confeience
fous une Adminiſtration qui avait
fort peu de confcience. Il en avait lui ; il
avait celle d'un homme honnête & éclairé ;
c'eft un témoignage que la Poftérité a
rendu à fa mémoire , & l'Ouvrage dont il
s'agit ici fert encore à le confirmer.
·
J
>
Il fait voir non feulement que Maffillon
avait un très bon efprit , ce qui était
prouvé , puifqu'il était grand Órateur
mais que cet efprit pouvait s'appliquer
avec fuccès , à des objets fort éloignés de
l'éloquence de la Chaire , qui était ſon
talent particulier ; qu'il était très- inftruit
en matiere de Gouvernement , & avait
jeté un coup d'oeil attentif & jufte fur les
événemens dont il fut témoin , & fur les
acteurs qui occupaient alors la grande
Scène du Monde.
Ce fut en 1730 que Louis XV engagea
Maffillon à rédiger pour lui ce Précis hiftorique
fur les affaires de la Régence . Il
n'eft pas à préfumer que ce fût à l'infçu ,
& même fans l'avis du Cardinal de Fleuri,
que le jeune Roi fon éleve donna cette
marque de confiance à Maffillon ; & cependant
il eſt à remarquer que l'Auteur
de ces Mémoires ne donne aucune louange
au Cardinal de Fleuri.
Ils font intéreffans & inftructifs par
beaucoup de faits particuliers & de détails
FRANÇA I S. 23
de l'intérieur de la Cour , qu'on ne trouve
pas ailleurs , par le ton de bonne foi &
l'efprit de juftice qu'on y voit dominer
d'un bout à l'autre . Le ftyle en eſt facile
& fimple , quelquefois même un peu négligé
, c'est plutôt celui d'e correfpondance
que de l'Hiftoire , & en cela l'Auteur
allait à fon but ; il devait être plus
occupé d'écrire pour le Roi qui le confultait
, que pour le Public & la Poftérité
qui vraisemblablement ne devaient pas lire
ces Mémoires ; mais la clarté du récit &
la netteté des développemens , qualités
importantes & qui manquent quelquefois
à ces fortes d'Ecrits confidentiels , marquent
une main exercée & un Ecrivain
fupérieur à fon travail.
-
Il ne perd point l'occafion d'inculquer
au Roi des maximes de Gouvernement
très judicieuſes , qui ne font point tournées
avec une affectation de profondeur
mais qui n'en font pas moins d'un grand
fens , frappantes d'évidence , d'une application
étendue , & d'une utilité conftante.
La confiance du Prince , qui femblait demander
la vérité , & fon âge, qui en paraît
moins ennemi que tout autre autorifent
Maffillon à ne lui rien diffimuler, ni
de ce que le paffé avait de honteux, ni de
ce que l'avenir avait de menaçant. On
s'apperçoit que Maffillon connaiſfait les
plaies profondes de notre Gouvernement,
1
a
24
MERCURE
ce que la corruption de la Régence y avait
ajouté , & ce qu'on pouvait craindre de
la difpofition que montrait déjà le Monarque
à fe laiffer gouverner. Il a le courage de
lui dire que les Princes qui ne gouvernent
pas par eux-mêmes , font toujours mineurs.
Il femble prévoir de loin toutes les fuites
que peut avoir , chez une Nation comme
la nôtre , cette habitude de méprifer l'autorité
, que j'indiquais , il n'y a pas longtemps
( 1 ) , comme une des caufes primitives
de notre Révolution ; il avertit le
Roi que les Grands , qu'on eft porté à
croire les appuis naturels de l'Autorité
Souveraine , la fouffrent très- impatiemment
dès qu'elle ne fait pas tout pour eux , &
au fond ne l'aiment gueres que pour euxmêmes.
Enfin il réfulte de la lecture de
ces Mémoires, que fi Louis XV a toujours
voulu être mineur , ce n'eft pas faute d'avoir
reçu de bons confeils. Mais que fert
cette inftruction tardive , toujours trop fai-
-ble contre le caractere que l'éducation peut
feule modifier ? & l'on fait que celle de
-Louis XV avait toujours tendu à lui ôter
tout reffort & toute volonté.
1.
Il n'y a que deux endroits fur leſquels
je trouverais quelque reproche à faire à
Maffillon voici le premier.
: " On avait
( 1 ) Voyez l'Article des Mémoires du Miniftere
du Duc d'Aiguillon , 28 Avril dernier.
proposé
FRANCAIS.
25
propofe au Régent de déclarer le Pci quitte
envers les Sujets de ce qu'il leur devait ;
& c'eût été faire aux Français une banqueroute
d'environ dix huit cent millions.
Le Duc d'Orléans trouva ce plan odieux
& effectivement il l'é ait ; dérer le parti en lui me , quoiqu'à confi-
1
& le comparant .
le
avec les opérations que l'on fit depuis , l'Etat
en général en cút été mieux , fi on Feût
fuivi . J'avoue que je n'en crois rien . Je
crois que le plus mauvais de tous les partis
eft celui qui par une violation onverte
& abfolue de la foi publique , donne
le plus grand de tous les fcandales , & détruit
toute reffonrce pour l'avenir. Je fais
bien que les liquidations & réductions du
fameux Vifa où aboutit le Syfteme de Law,
furent une espece de banqueroute partielle
& palliée; mais pourtant les circonstances
font quelque chofe en pareille matiere ;
& Kaviliffement d'un papier, dont l'intérêt
avait été poré cent fois au delà de fa valeur
, ne pouvait , quelque mal qu'il fît à
beaucoup de Particuliers , fe comparer
ni dans fon principe , ni dans les effets
à la fpoliation avouée & authentique de
tous ceux qui avaient de fi bonne foi
avancé leurs fonds à l'Etat. Qu'on fe figure
quelle longue impreffion d'effroi &
d'horreur aurait pu produire un Edit tel
que celui qu'on propofait au Régent , &
qui aurait dit à d'innombrables
créanciers
qui avaient d'autres créanciers ; L'Etat a
N °. 22. 2 Juin 1794 Amouriɔ zəi B
16
MERCURE
reçu votre argent , & l'Etar déclare qu'il
he vous doit rien. C'eût été un boulever-
Tement cent fois plus odieux & plus dangereux
que la chute d'une Banque de papiermonnie
; c'eût été élever une barriere
éternelle entre les befoins de l'Etat
& les fecours qu'il pouvait attendre des
Citoyens. Ils porterent encore leur argent ,
& en quantité , dans les nombreux emprunts
qui fuivirent le Syme ; mais après
une banqueroute totale & folennelle, telle
qu'on voulait que le Régent la fît , jamais
on n'eû, trouvé un écu . Il y a des impreffions
dont les hommes ne reviennent pas
& je fais furpris que Maffillon air avancé
une opinion fi erronée en morale & , en
politique .
""
L'autre endroit dont je veux parler regarde
ces énormes for unes que l'on vit
s'élever dans le temps où ce qu'on appelait
la grande machine de la Finance était un
myflere profond , impénétrable même au
Gouvernement , & connu feulement des
principaux Agens de la Ferme générale.
Mafillon dit à ce fujet : La néceflité de
dépenfes promptes , & qui ne permettent
pas d'attendre le temps de recette , porte
chercher das fecours extraordinaires , & ce
font les cas où l'on eft bien heureux de
trouver des bouffes fortes , qui puiffent
faire des avances , au moyen de certain
intérêt que le Roi donne à gagner. Si ces
fortunes font donc un mal en elles - mêmes,
il y a des circonftances où elles font utiles
à
FRANÇAIS. 27
è l'Etat ou au Roi , qui doivent ne faire
qu'un «.
Voltaire & beaucoup d'autres Ecrivas
ont fait la même remarque. Elle n'eft pas
deftituée de tout fondement ; mais dans ces
fortes d'obfervations , qui ne font vraies
que fur un fait , il eft de devoir de prévenir
les conféquences très- faufles & trèsdangereufes
qui pourraient en faire un
principe d'erreur. Ce fair prouve feulement
une vérité très - commune , c'eft qu'il n'y
a gueres de mal général dent il ne puiffe
réfuker quelque avantage particulier
comme il n'y a point de bien général dont
il ne puiffe nitre quelque abus . Mais il
fallait d'abord reconnaître qu'il était de la
plus mauvaife politique de tolérer ces for
tunes abufives, fondées, fur une perception,
d'impôts arbitraire & ignorée , & fur la
disproportion inconnue entre ce que la
Ferme générale tirait des Peuples , & ca
qu'elle rendait au Roi. L'expérience a
prouvé depuis que non feulement la juf
tice était blue par cette cppreflion des
Peuples , mais que l'Autorité même faifais
un très- mauvais calcul , en tariffant la ré
Litable fource des vichefes de l'Etat , c'eft
à- due l'aifance générale & la fécurité des
properts , pour fe procurer des relfources
palfageres & difpendieufes , qui devaient
péccffaiement fir par une ruine toalet
c'était , en effet , raifonner précisément
comme ces riches diffipareurs qui le laif
faient voler par leurs Lendans , pourvu
28 MERCURE
qu'ils puffent leur emprunter au befoin de
gates fommes , dont les prêteurs étaient
stde fe payer largement par leurs mains .
On fait cu bouriffit cetre conduité :
toute la fortinė allait à la fin aux hom-'
mes d'affaires , & le maître à l'Hôpital.
Voilà ce qui eft arrivé en France : après
avoir long-temps emprunté de ceux à qui
elle permettide pilerle People , elle a
vu celui- ci réduit à ne pouvoir plus rien
donner , ceux - là à ne pouvoir plus rien
prendre , elle même réduite à ne pouvoir
plus rien recevoir , & tout a croûlé. L'ordre
, Fordre , en tout & par - tout il n'y a
que a la de bon & de sûr.
-A ces deux paffages près , tout ce que
dit Maillon eft en foi- même une leçon
excellente , & de plus , approprice au Prince
qu'il inftruifair , & dat il parait avoir
cennu de benne heure tous les défauts :
qu'on en juge par le morceau fuivant. » JI
fenible que parce que nos Princes font
grands , ils fcient difpenfis de parler , &
c'elt certainement me grande erreur, Hy
a mille occafions dans lefquelles un Prince
qui fait parler à la multitude gagne plus
que par le poids de toute fon autorité . Les
mécontens même n'aborder.t jamais leur
maître que dans le defir intérieur d'être
défarmés , & ils le font sûrement quand le
Prince veut dire un mot. Combien Henri
IV, par exemple , ne rencontra - t - il pas
d'obftacles qu'il furmonta , parce qu'il favait
parler J'infifle fur cet Article par
FRANÇAIS. 29
l'amour & l'attachement que je lens pour
mon Roi ".
Il eut bean infifter : on fait combien la
leçon a été inutile. Louis XV était peutêtre
le feul à ignorer le ridicule que dans
toute l'Europe en verfait à pleine main
fur cette impuillance de parler , qu'on appelait
un des tics de la Maifon de Bourbon ,
& que les Latins , par une expreflion éner
gique qui manque à notre Langue & qu'on
ne peut fuppléer , eppelaient infantia (1 )
Tandis qu'il n'était queftion parmi nous
que des converfations toujours intéreffantes
que tout Voyageur , un peu connu , ne
manquait jamais d'avoir avec les Souve
rains de l'Europe , en Angleterre , en Pruffe,
en Ruffie , dans toute l'Allemagne , on fa
vait par coeur , à Verfailles , les trois on
quatre queftions infignifiantes que le Roi
ne marquant pas de faire à tout Etranger
qui lui était préfenté , & qui étaient conftamment
les mêmes. On peut imaginer
combien ce protocole faifait rire , fur- tour
quand on le rapprochait de ce que nous
( 1) Il eft bon d'avertir ceux qui ne favent pas
le latin , que ces mots enfant & enfance , que nous
avens ties dinfans & ďinfintia , fignifient pro
preme: t ner-parlant , non-parler ; & que les Lains
les appliquaient à ceux qui n'ayant point profire
du dévelop, ement des facultés de l'homme ,
fen b'aient encore être reflés dans l'âge où l'on ne
fait pas parler. B.3 1
30 MRCURE
1.
répétions fans celle de la morgue Allemande
& de l'urbanité Française.
- -
Pour faive fentir combien à ce sujet les
idées & les muis des E rangers étaient
éloignées des nôtres , il ne fera pas hors
de propos de rapporter une converfation
que j'eus avec un Prince d'une des premiers
Maifons Souveraines d'Alemagne ,
homme de beat coup de mérite & de fene,
chez qui j'avais demeuré quelque temps.
Il me demenda fi le Roi Louis XV m'avait
jamais fait l'aonneur de me parler. →
Jamais . Vous n'avez donc jamais cu cccafion
de le v . it ? Jeus l'honneur de
lui ê re préfenté lors de mon premier Ouvrage
qui fut joué devant lui avec beaucoup
de fuccès , & ce fut lui- même qui
youlur en voir l'amédr.. Et il ne vous
dir tieNn : il me regarda beaucoup ,
& fe contena de dire à ceux qui étaient
au pur de lui , que j'ais ben jeune . -
Mais n'a - t - il j mais parlé ' atix homines
célebres de fon Royaume , à Voltaire , à
Bffon , à Rukau , à d'Alembert , & c. ?
--Jamais . Mais à qui parle-t-il donc ?
( Je répec les propres paroles du Prince. )
-
Je vais vous dire une ch fe ( ajoutai -je )
qui vous fe comprendre les raif ns de
ce filence , fans que je les explique Je
fuppofe qu'à la chatfe ; dans un de ces
momensù le Roi fe trouve quelquefois
à peu prè, fut , & n'ayant autour de lui
que quelques Valets , il apperçoive un de
ces hommes que vous vencz de nommer,
FRANÇAIS. 31
qu'il connaît fort bien , & que la circonftorice
amene alors tout près de lui ; vous
pouvez être sûr que ce n'eft pas à lui qu'il
adrelle a li parole , mais de préférence au
poſtillen , au cocher , on au piqueur. —Je
vous- entends , me ddur le Pri: ce; & j'avais
dit l'exact vérité.
Les gens fenfis verront bien que ce n'et
nullement par efp it de fati e que je fuis
entré dans ces détails. Je n'ai jamais rien
en de common avec ces déclamateurs feanda'eux
, qui s'imaginent que l'eſprit dè
Patriote & d: Libe té confite à invectiverec
1 plus b uale in cence contre
celui dont la dignité conflituti nnell : commande
le relpect , fans que ce ref ect légitime
& cellaire rufe em Acher de
dire ne fet le des vérités utiles à la chofe
publique. Je me fuis même plus d'une
fois devé publiquement contre cos forces
nés qui prétendent on courage , lërfqu'il
n'y en a plus que dis a jutte mefare de
nos avantages : c'eil à enx que l'on peut
appliquer , en le parodiant , ce vers fameux
de Corneille :
Pour in ulter un Roi , tú te crois quelque chofel
Quant à moi , je n'ai d'aure objet dans
ce que j'écris que de donner une idée de .
1 fré des couleus & de la n tre des
inftructions que purra employer 1 Hif
toire , lofqu'avec fon imparti le f vérité
elle peinde ce que nous étions & ce que
nous femmes.
32 MERCURE
Maillen n'y manque pas dans les M'-
moires : il y et toujours le fincere interprote
de l'opinion publique . Il dit , on par-
Lint de Ponchorrain , que fon Adminif
tration , derɛment arbitare , avait fait détefter
de toute la Marine : S: retraite
lui permit de s'apercevoir du mépris gé
nér 1 d ns lean 1 il était tombé «. Rien
n'est plus vrai , & voici une An- calore cartaine
qui en eft la preuve. Un Offic
de Marine , qavat affaire auprès du
Miniftre , arrive en pofte chez Penchartrain
avans de favoir qu'il venait d'être
renvoyé. Il est introduit fur le champ ,
également furpris de la flitude qu'il rencontre
& de li fa. Té de l'ac ès. Timide.
& les yeux baffes , il expofe in affaire à
l'ex- Minire , qui lui répond d'un ten
fort peli Monfieur , cela ne me regarde
plus. Quoi ! ( dit P'Officier en filant
un pas en a rière & relevant les yeux pour
toifer fon home ) eft- ce que Monfeigneur
ne fe ait plus ? ………….. Non , Monfieur,
L'Officier le regarde quelque temps , &
tout à coup frappant dans les mains , s'écrie
avec toute la brufq e fanchife d'un
vrai Marin : Four çà , j'en fais bien aife.
Et il fe retire plus content qu'il n'était
venu.
-
L'Editeur a mis an devant de res MS
moires une Not ce hiftorique fur la Vie &
tes Ecrits de Maillon , dans laquelle il
n'y a d. b n que ce qu'il cire de ce grand
Orateur . On s'apperçoit d'a:Feurs , au preFRANÇAIS.
33
**
·
mier coup d'oeil , qu'il n'a i les connaiffances
, ni le jugement , ni le ftyle nécef
faires pour traiter les objets qu'il veut
embaffer. I appelle Maffillon un Ecrivain
Révolutionnaire , expreflion très-déplacée y
car Maffillon n'était & ne pouvait être
alors que du nombre des honnêtes gens ,
qui déuraient que fous un jeune Roi le
Gouvernement fentît la néceffité de le réformer
lui-même ; & c'eft dans ce déffein
que , comme Oateur & comme Hiſtorien ,
il montrait le mal & indiquait les remedes
. Ce n'eft que long temps après , &
lorfque le mal fur à fon cémble , que des
hfophes , tels que Voraire , Roffeau,
Mably , Helvetius , comprirent & firent
comprendre qu'il n'y avait de reffources
que dans une Revolution totale : ce font
ceux-là qui furent vraiment des Ecrivains
Révolutionnaires. Helvetius n'efpérait rien
que de la conquête il ne nous croyait pas
dignes d'une guerre civile. Mably voyait
nieux , & devina jufte d'où viendrait le
premier ébrankment , des Parlemens , qui
finiraient par demander les Etats - Généraux ."
Calci , naturelement auftere & brufque ,
fe fa.hait très - férieufement contre ceux
qui applaud ffient à quelques- unes de ces
reformes d'un moment , qui ne guériffent
jamais rien dans un Etat , dont l'inftabilité
de principes & d'adminiftration eft un des
vices cffentiels . Tant pis ( difait il ) fi l'on
fait quelque bien ; cela foutiendra quelque
temps la vieille machine qu'il faut renverfer.
34
MERCURE
pas
L'Editeur dit beaucoup de m: 1 de notre
ancien Clergé , & alluren ent il y ade quoi ;
mis il s'en faut bien qu'il fache frapper
julte . Il prétend que la prélature ét.it en
gentral inepte &. ignorante. Il fe trompe
beaucoup s ce n'est pas par- là qu'elle péchait ;
elle ne manquait ni de lunieres ni de talens.
I fe plaint que le Clergé ne fic
all.z
d'accueil au mérité . Cela n'eft pas plus jute ,
Il n'y avait point de caniste cù le mérite
fuc plus fûr de perser que dans celle de
FEgile , par deux raifons , d'abord parce
qu'il n'y en avait point cù les récompenfes
Coûtaffent moins , enfuite parce qu'on y fen
tait la nécefité de fe fortifier dhommes qui
euffent des moyens ; car déjà l'en comme.-
çait à s'appercevoir des forces & des fuccès
de l'ennemi. Je fais , à n'en pouvoir douter ,
que tel d'entre eux fe bornait à défirer que
Les chefes duraffent autant que lui. Si l'on
demande pourquoi do c ils ne firant rien
pour prévenir leur chute , c'eft que cela était
impoffible ; que l'efprit de corps ne recule
point ; que la partie fanatique était bien
foin d'être d'accord avec la partie éclairée
c'eft fur- tout que leur exillence abufive était
immédiatement life aux intérêts du defputifme
, qu'elle ne pouvait rétrograder qu'avec
lui , & qu'elle tait par cor féquent nécef-
Grée à re tomber qu'avec lui.
Ilaline que les Eccléfiaftiques diftingués
n'obtenaientque du pain & de modiques recom
penfes. Non , hors Epifcopar , ils obtenaieut
sont, & allez facilement. L'Abbé Paulle
FRANÇAIS. 35
pour fept ou hit Sermons , eur une Abbaye
de trente mille livres de rente , & ne prêcha
plu . L'Abbé Maury , pour des Sermo s
bien inf rieurs à ceux de l'Abbé Poulle ,
eut neuf ou dix mille livres en bénéfices .
Les places de Grinds -Vicaires , ordinairement
accompagnées lus tô: ou plus tard de
bénéfices contidérables , étaient remplie le
plus Youvent par des gars d'efprit & de
mérite L'Editerr n'a rafon one fur Exifcapt.
Cette exclufion habirnelle dont il y
a pen d'exceptions , telles que Maffillon
Fle hier , l'Abbé de Beauvais , renait à l'infurmontable
pr'jugé de la Nob'effe , nerfual'e
que toutes les places éminentes lui
appartenaient exclufiv ment , & qui ne
ponvait pas plus fouffin ' m'me concevoir
un Rotorier Evêque , que Capitaine de vaiffeau
Royal , ou Maréchal de France. Ge
prajugé , fi fort chez elle qu'on ne l'aurait
jamai derrit , cf en même tempe la plus
forte preuve qu'il ne reftait d'auke remede
que de la détruire elle-même . Ele confer tait
pourtant , en faveur des Rouriers d'un
mérite pr dominant , qu'on leur donnât
quelques -uns de ces Frêch's qu'on a pelait
à la Cour des Evchés de laquais , & c'étaient
ces petits Dioccfes enfoncés dans les montagnes
de Provencs .
Parmides Orateurs de la Chaire , qui ont
( dit il ) mérité l'attention de leurs contemporains
, l'Editeur cite fur la même ligne
L-tour- du Pin , Neuville , Poulle & Maury.
Il ne fait pas que les deux premiers , qui
16 MERCURE FRANÇAIS.
•
n'étaient que de froids Rhéteurs à antithefes,
ont été oubliés dès qu'ils ont été imprimés ;
que l'Abbé Poulle , feul véritable Orateur
que nous avons vu dans la chaire depuis
Maillon , ne devait pas être confonda avec
cox , & que FAbbé Maury , dont nous
avons que deux Panégyriques de Saints ,
a montré cans ce genre un talent eftimable:
ile vri , p'us fain & plus fort que celui
de Neuville & de Latour-du -Pin , mais
à une grande diftance de l'Abbé Poulle.
Il cite encore M. Farchet , déclamateur
ridicule aux yeux de tout homme de g út ,
qui , avant la Révolution , n'était cornu
que par des morceaux dun très mauvais
fyle , n'avait montré , lorfqu'il prêcha devant
l'Académie , qu'an - talent très - inégal , &
qui , dans ce qu'il a publé depuis , est loia
d'avoir fair quelque progrès.
1 L'Editeur nomine quelques aut es Eccléfiftiques
, dont on a , depuis la Révolution ,
des Ouvrages oft més , & qui fe four diftin
gués comme Citoyens & comme Ecrivains ,
mais qui ne peuvent être encore comptés
parmi les Orateurs .
” , ”
T A BLE.
Les Bare cers, ze . Part.
7511
"
Chorale, En . Log .
4 Mémoires.
20
21
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 9 JUIN 1792 .
PIECES FUGITIVES.
HISTOIRE
DE M. L'ÉVÊQUE DE
UN jour deux jeunes Mousquetaires ,
Gris ou Noirs, il n'importe gueres ,
Difputant vivement au jeu ,
1 97
L'un reçut un foufflet de l'autre.
Dans un pays comme le nôtre
Un fouffler fe pardonne peu.
La Difcorde , artifant. le feu ,
Veut qu'on fe hatte , qu'on fe tue
Le fouffleteur s'y préparait ,
Mais le fouffleté regardait
La chofe fous le point de vue
Que la Prudence lui montrait.
No. 23. 9 Juin 1792.
C
MERCURE
La crainte de perdre la vie ,
Le der de fauver l'honneur
Lurrent quelque temps dans fon coeur .
L'honneur l'aiguillonne & lui crie :
Arme- toi d'un noble courroux
>
Venge-toi , va percer de coups
L'auteur de ton
ignominic.syki
Mais la Raifon lui dit : Tout doux !
Ceux qui fe battent font des fous.*******
Trends un milieu qui concilie
T'honneur avec l'opinion
A qui le Monde facrific .
Pardonne à la main étoudic
Qui , fans mauvaiſe intention
A pa faire cette action . A
La Raifon-parlait d'or fans doute ;
Mais chacun fait de quels mépris
Ses, avis , que le Sage goûte ,
Etaient d'ordinaire accueillis
Des Moufquetaires Noirs & Gris ( 1 ) .
Celui- ci cependant l'écoute ,
Se difpofe à fuivre fes loix ;
Et c'eft pour la premiere fois
Que fu l'efprit d'un Moufquetaire
La Raifon , dit-on , a fu faire
Reconnaître & valoir les droits.
( 1 ) Ceci n'eft pas fans exception ; j'en ai connu de
fort raifonnables .
BYET CORA
WRCIA
FRANÇAIS. 39
Il avait l'ame pacifique
Et peu propre , dit la chronique ,
Pour le noble métier de Mars.
Bientôt quittant fes étendards ,
Il va dans une folitude
Se mettre à l'abri des brocards
De fes compagnons goguenards ,
Donner quelque temps à rétude.
Là , d'un coftume ume trop mondain
Abjurant
le luxe profane
A l'aide d'un peu de latin
On l'affuble
d'une foutane,
Ce n'eft plus ce jeune Aigrefin
Portant
fon chapeau
fur foreille
;
C'eft Monfieur
l'Abbé Chérubin
En manteau
court. en rabat fin ,
Qui fait le conduire
à merveille
Auprès
du fexe féminin ,
วิ
Ses titres en vieux parchemin
*** Prouvent fon antique nobleffe ;
Et même on dit qu'une Princeffe
L'appelle fon petit - couſin ;
Jugez s'il fera fon chemin ,
Pour la forme , il entre en Licence;
La Sorbonne en fait un Docteur,
It eft fair Prêtre par difpenfe
D'âge auffi bien que de fcience,
¿
MERCURE
Bientôt , charmant Prédicateur ,
Songeant moins à toucher qu'à plaire ,
Il amufe fon Auditeur
Par des portraits de caractere ,
Par des phrafes , des traits brillans
Tirés , non pas de l'Evangile ,
Ni des Sermons de Saint Bafile ,
Mais de nos modernes Romans .
Sur la tête l'on accumule
Bénéfices & penfions ;
Et la Cour n'a point de fcrupule
De l'emploi qu'il fait de fes dons.
Enfin celui que la fottife
Avait mis au rang des Poltrons
Aujourd'hui , Prince de l'Eglife ,
Donne des Bénédictions,
( Par M. J. T. Montaffi, )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
Le mot de la Charade eft Potage , ceux
de l'Enigme font Tambour & Amour , ceux
du Logogriphe font Carotte & Crottes
+
FRANÇAIS.
CHARA DE.
L'HOMME défire mon premier 3
La Coquette craint mon dernier ;
Le Laboureur redoute mon entier.
PAR un
( Par M. Waton. )
É
N 1G
M
&
41
AR un très - grand miracle , & non pas dans
un rêve ,
D'une côte d'Adam Dieu fit notre mère Eve :
Je vous en offre autant ; fur fept pieds mafculin
doublez m , je fuis mon féminin .
Otez P ,
Encore un mot , Lecteur
blême ;
Vous Laurez mon pro-
Pour tout vrai bon Chrétien , fans nous point de
baptême.
(Par un Abanně. )
L GOGRIP HE.
Dix pieds , Lecteur , forment mon tout :
Pour la centieme fois je vais encor paraître.
Cent fois tu m'as trouvé ; du premier coup, pestêtre
;
N'importe , j'entreprends de te pouffer à bout,
C 3
42
MERGURE
Décomposé , d'abord je te préfente
Un vale à mettre des liqueurs ;
Un grand Prophete ; & ce que des Acteurs
S'efforcent de bien faire une graine abondante
des
vapeurs 5
Ce qui fait de Julie une beauté charmante 3
~~~ Le mot qui lui donnait à dix ans
Un noble inftrument de musique ;
Le plus défiré des métaux ;
Un terme très-académique ;
Un délice fouvent bachique ;
&
Ce qui refte au fond des tonneaux ;
Le fynonyme de cabane ;
Un Saint Orfévres un animal ; qa
Un péché nommé capital ;
Le deffus de la peau d'un âneo
Un fleuve en France
smoke france , un autre loin de nous. I
Une volaille domestique
;
Un nom qui fait tant de jaloux vora del ?
Ce qu'il faut fuivre fans réplique
Enfin
pour ne rien échapper ,
L'inftrument dont le fon te dira : va fouper,
( Par MD... )
" CI
εύ
8 37:3
FRANÇAIS . 41
NOUVELLES LITTÉRAIRES U
od
des
LA VIE DE GUILLAUME PENNA
Fondateur de la Pensilvanie , premier Le
giflateur connu des Etats- Unis de l'Amé
rique. Ouvrage contenant historique, des
premiers fondemens de Philadelphi
Loix & de la Conftitution des Etats- Unis
de l'Amérique , des principes & actions de
la Société des Amis , vulgairement connus
fous le nom de Quakers , &c. Volum !
in-8°. Par J. MARSILLAC , Docteur en
Médecine , Député extraordinaire des
Amis de France à l'Affemblée Nationale.
A Paris , de l'Imprimerie du Cercle Social,
rue du Théâtre de la Nation , Nº,
LAESEs Quakers font la feule fociété d'Illuminés
qui ait été enthoufiafte fans être
intolérante , la feule qui n'ait jamais voulu
s'armer pour quelque efpece de guerre
que ce fût. Ils fe croient infpirés de Dieu ,
mais ils ne condamment nullement les opinions
religieufes des autres Sectes , & penfent
qu'il n'est point de caufe légitime qui
C 4
44
MERCURE
puiffe autorifer des hommes à fe battre
contre des hommes. Voilà ce qui les diftingue
véritablement aux yeux de la Philofophie
; car d'ailleurs les petites fingularités
dans l'extérieur & dans les manieres,
la contuine de turoyer , de ne point porter.
de boutons , de ne point fe découvrir la
tête, font en elles- mêmes très- indifférentes
& ne valent pas même la peine d'être remarquées.
Elles peuvent appartenir, comme
toutes les chofes de cette nature , à des
charlatans au bien qu'à des hommes raifonnables.
Il y a plus : c'eft une petiteffe & un
en êtement de mettre de e à ces
fortes de chofes qui n'en ont aucune.
L'Auteur de la Vie de Penn raconte un
fair qui peut fervir de preuve à cette vérité.
Son pere, qui tenait un rang confidérable
à la Cour , défirait qu'il fe préfentât
devant le Roi & le Duc d'Yorck , ce qu'il
ne pouvait faire fans avoir , comme tout le
monde , le chapeau bas. » Penn demanda
» du temps pour y réfléchir...... Il fe
retira , s'humilia profondément devant
fon Créateur , le fupplia de lui faire
connaître fa volonté célefte à cet égard.
Sa confcience ne tarda pas à lui faire
» fentir qu'il ne devait pas découvrir fa
» tête devant des hommes , ni leur prodi
" guer des honneurs & des hommages
réfervés au feul Créateur
D
ן ג
FRANÇAIS.
Je ne fuis pas furpris qu'un Quaker ,
Ecrivant la Vie de Penn , applaudiffe &
confacre , autant qu'il eft en lui , toutes
les actions , toutes les paroles , toutes les
maximes de fon Saint : c'eft précisément
un Moine écrivant l'Hiftoire du ondateur
de fon Ordre , ou un Janfén fte faifant le
panégyrique d'Auguftin . Mais je dirai au
Quaker : Mon ami , il eſt de principe chez
toi de rapporter tout à la raison & de la
prendre feule pour regle. He bien ! pourrais-
tu me dire comment la volonté célefte
& la confcience peuvent, fuivant la raifon ,
faire fentir à quelqu'un qu'il y a du mal
à ôter fon chapeau devant des hommes
que c'eft prodiguer à la créature l'hommage
réfervé au Createur ? N'eft ce pas au contraite
la raifon qui devrait te faire fentir
qu'avoir la rêre couverte ou découverte
devant des hommes , eft un ufage purement
arbitraire , & tellement arbitraire que levant
des Afiatiques il ferait indécent d'ôter
fon turban , comme devant des uropéens
de gar ler fon chapeau ? Je te conjure de me
dire où tu as pris que ce fût un hommage
réfervé au Créateur d'avoir la tête que en lui
parlant. Qu'importe à Dieu , je te prie ,
que tu aves on tu n'ayes pas de chapeau ?
Quel plaifir peut-il trouver à ce que tu
t'enthumes pour l'honore ? Mon ami, ne
devrais tu pas favoir qu'il faut diftinguer
entre les figues naturels & les fignes de
46
MERCURE
1
convention? Il y a des fignes naturels qui
ont la même valeur cheztous les Peuples
d'un bout du Monde à l'autre , c'eft un
figne d'infériorité & de fupplication de
fléchir les genoux. Tu aurais donc raifon
d'en conclure que la genuflexion eft un
hommage que Thomme ne doit pas à
l'homme, & qui eft refervé au maître de
tous les hommes. Voilà qui eft raiſonnable.
Quant aux fignes de convention , ce font
des marques de déférence réciproque que
les hommes ont imaginées pour fe témoi
gner des égards mutuels qui rendent à les
adoucir & qui appartenant à tout le
monde , n'élevent ni n'humilient perfonne.
S'il y en a même de particuliers pour les
hommes conftitués en digniré , la raifon
ne défend point de les obferver , quand
la Loi les a établis & qu'ils ne blellent ;
en rien la nature huname or , la Lei
peur les établir très conféquemment, puik
qu'elle veut que les Repréfentans de la
Loi portent des marques extérieures qui
avertiffent de refpecter en eux la Loi , à
qui tout le monde doit refpect. Donc , fi
la Loi veut que tu parles à ton premièr
Magiftrat , à ton Roi , à ton Juge , à ton
Maire , chapeau bas , tu as tort de t'y refufer;
cat ces fignes convenus ne dégradent
en rien la dignité d'homme , qui eft la prémiere
, & ils fervent à maintenir la dignité
de la Loi , dent but humme libre¹à
FRANÇAIS .
befoin & tu fais que les hommes ayant
des fens font fufceptibles d'être menés part
les lens , & que par conséquent gles im
preflions fenfibles doivent venità, l'appui
des idées morales & poutiques , & ne doiv
vent pas être négligées par le Législateurs
Je voudrais bish favoir a préfent ce que ta
volonté célefle & la confcience , que tu as hi?
mal à propos invoquées pour un chapeau.
peuvent opposer à ces reflexions qui feslientl
Barurellement a Chapitre des Chapeaud
lysa peut - être un peniplus de difti - l
ouhé fur l'article de la guerre . La réfor
lions de ne la faire jamais , confidence.
fous le point de vue d'une philantropre
univerfelle , infpire d'abord l'admirations
mais en y regardant de près , on trouve;
que ce n'estencore qu'en extrême , & tons .
les extremes font des erteurs. Sans doute,
fi l'on pouvaitfelatter qu'un pareil exem
ple fûr , pour les autres Peuples i d'une
eficacité probable , & du moins pas trop
éloignée , cet avantage précieux pourrait
balancer bien des inconvéniens mais il y
a plus d'un fiecle que cet exemple fubfile
, & il n'a encore en produit. Si nous
avons plus d'espérance pour l'avenir , c'eft
uniquement d'après cette présomption mo
tale , qu'à mesure que les Peuples , en s'eclairant
, le rapprocheront de la Libertés
is feront moms exposés à guerroyer pour
d'intézet oų danganraiſe des Rois ou des
C G
MERCURE
Miniftres , & s'appercevront que ceuxfont
en effer les teuls qui puiffent quel
quefois gagner à la guerre, au lieu que les
Peuples , vainqueurs ou vaincus, ne peu
vent jamais qu'y perdre beaucoup. Cente
expérience réfléchie doit done , avec le
temps , rendre les guerres de plus en plus
rares ; mais cette expérience , contrariée
par les paffions qui dans tous les temps
Teront les mêmes, fera néceffairement lente,
& d'autant plus que toutes les Nations de
Europe le rouchant par des intérêts politiques,
long - temps l'ébranlement d'une
feule fuffra pour entraîner les autres.
Quant à ceux qui , depuis deux ans , rêvent
tous les matins la régénération totale
& la fraternité univerfelle qu'ils s'arrendent
à voir au premier jour , comme les Juifs
à voir le Mellie , il faur renvoyer ces grands
Miffionnaires aux vitions beatifiques de
l'Abbé Faucher , qui appelait , de route la
force de fa vox , tous les habitans des quatre
coins du Globe au Cirque du Palais-
Royal, pour les réunir par l'amour, ou bien
aux prophéties apocalyptiques de l'Orateur
du gen e humain , qui , trois ou quatre fois
pa femaine , nct tous les Rois à nos pieds.
C'eft un fing alier perfonnage que cet Anaeharfis
, & qui ne fe doute pas que for
grant férieux eft grandemens plaifant. Ca
ferait tenté de s'égaver un peu fur fon
compte il y aurait de quor; mais enfa
FRANÇAIS.
il nous a donné douze mille franes pour
la guerre , & à vingt fous par ligne , cela
peut faire pardonner douze mille folies
L'Aretio dirait peut - être , comme autres
fois, que c'est bien peu ; mais l'argent, eft
rare, & les fottifes font bien communes :
ce n'eft pas le moment de le rendre & dif
ficile. Je reviens à mes bons Quakers.
Ne ferait- il pas plus raifonnable de ne
fe permettre de combattre que dans le cas
d'une défenſe légitime & néceffaire ? Cha
que individu n'eft pas obligé à autre chofe ;
& pourquoi , fur ce point , la morale des
Nations irait- elle plus loin que celle des
particuliers ? J'avoue que je ne fuis point
du tout content de l'obftination que montrerent
les Quakers à ne pas vouloir prendre
les armes avec leurs concitoyens & leurs
freres d'Amérique pour repouffer la tyran
nie des Anglais. Quoi ! l'on viendra chez
moi , de la part du Roi Ceorge , la ba onnette
au bout du fufil, pour prendre mon
champ , ma mafon , ma femme , mes enfans
, & je me ferai un fcrupule de confcience
de repouffer ces brigands enrégimen
és ! Je ferai comme les Juifs qui fe
Jaffaient égorger le jour du Sabbar A 11
a point de lumiere célefte qui puiffe ordon
sner ou juſtifier cet imbécille devouement,
Mais ce bel exemple touchera les hom
mes , & j'aurai des imitateurs , & l'on ne
fe battra plus. Oui, comptez - y ; cela
A
MERCURE!
peut arriver dans quelques centaines dank
nées ; & en attendant , favez-vous ce quel
vous faites? vous encouragez des méchang
que vous voulez converting Que ferait il
arrivés toute l'Amérique et pentead
agi comme les Quakers? Croyez vous quer
le Parlement d'Angleterre fe fûr convering
L'Amérique ferant aujourd'hui plus eliana
qu'elle ne l'avait jamais éré , plus accable
d'impôts arbitraires , & c'eit alors vraie
quiun bel exemple await été perlu poun
l'Univers , non pas l'exemple des bonnes
gens qui fe laiffent garrotter ; mais celui
des braves gens qui favent fe battre pour
être libres. Mais l'Evangile ordonne à
celui qui reçoit un foufflet , de tendre l'aus
tre joue.Oui , cela cft fort bon , comme
on difait dans un drôle de Livre , pont gan
gner le Paradis & être chaffé de fon Regi
ment : mais foyez sûr que s'il y avait beau
coup de foufflerés qui tendillent l'autre
Joue , il y aurait beaucoup de foufflerans.
qui recommenceraient. Les brutaux affoms
ment ceux qui fe laiffent faire , &. font
très-polis avec ceux qui ipoften . Les op
preffeurs cherchent les victimes , comme les
fipons cherchent les dupes . En un mot
je fuis de l'avis de l'Hector d'Homere com
tre, tous les Quakers du Monde : on lei
oppofeit auffi la Religion des Angures. On
fait ce qu'il répondit :
རྩ
Difendte få Tatrie eft le meilleur augure.
FRANÇAIS.
Il y a un beau vers dans Lucain : le Gé
néral la Fayette , qaifair fes vieux Auteurs,
de fut gravet fur la Médaille décernée à nos
brates Gardes Françaifese rokove poin
Ignorant ne datos , nè quifquam ferviat, enfes?
Le fer nous fut donné pour que nul n'ait un maître,
Je fais bien qu'on s'en eft fervi long- temps,
pour faire tour le contraire ; mais les modes
changent, & le monde le déuaife peu à
Pell
། : ཏོ Au refte , cette Hiftoire, de Pennt eft
curieufe. Elle eft compofee , en grande par
tie , de les Lettres aux Amis , des Interro
gatoires qu'il eur à fubir devant les Tribunaux
, des Iuftractions qu'il envoyait à
fes freres de tous les pays , du Code de
Légiflation qui fut la premiere bafe du
Gouvernement Fraternel de Penfilvanie , &
qui , cent ans après , a fervi de modele
aux Etats - Unis . Les Quakers font les
feuls qui aient donné au Monde l'exemple
d'une Société politique , uniquement fondée
fur la morale. Ils durent cet avantage
unique à leur établiffement dans des con
ées lointaines d'un autre hémisphere , à
leur inébranlable fermeté dans leurs principes
, & en même temps à l'opinion que
l'on avait de leur caractere pacifiques
qui raffurait contre les alarmes qu'infpirent
toujours des Secaites & des Novateurs .
52. MERCURE
Les Puiffances prirent le parti de les failler
tranquilles , en voyant qu'elles ne pou
vaient rien gagner fur eux , & qu'elles
n'en avaient rien à craindre.. Mais left
bon de remarquer que jamais ils ne fe
feraient multipliés au point où ils le font,
& n'auraient acquis tant de confiftance
s'ils n'avaient été animés de l'efprit de
profelytifine & de l'enthoufiafme religieux ,
fur-tout dans les premiers temps de la fin
dation de leur Secte. S'ils n'avaient eu que
des principes philofophiques , ils auraient
toujours éré difperfés , obfeurs , & peu
nombreux , & ne feraient jamais parvenus
à former un Peuple. La raifen feule ne
fonde rien ; elle ne peut que régler & ordonner
plus ou moins ce que les paffions
ont établi celles- ci feules , on ne laurait
trop lere lire , font un mobile l'action. En le
croyant infpirés , les Quakers l'ont fait croire
aux autres enrhoufiaftes , ils ont fait des
enthouſiates & ont vaincu la plus redou
table des persécutions , le ridicule. Les
vertus douces & pa ieures obtiennent tout
au plus l'eftime des hommes , mais ne les
entraînent pas ; au lieu que les Quak rs
parlant toujours à leurs Juges au nom de
Dieu, bravant toutes Is Puiffa ces par
Pidée d'une Poiffance fuper eure , fe difant
touiours remplis de l'fprit & conduits par
fprit , agirent fur l'imagination , & fe
frem d'ailleurs , de leur fingularité extêFRANÇAIS.
享受
rieure , un type caractéristique & un fignal
de ralliement. Leur fondateur Penn fut un
homme véritablement vertueux ; il ne fe
démentit pas dans le cours de fa longue
carriere , & , ce qui fait plaifir à penfer , if
fur heureux autant qu'un homme peut
l'être. Les perfécutions qu'il éprouva ne
troublerent point ce bonheur : il fe retirait
dans fa confcience , & voyait les progrès
de fa Secte accrue par ces perfecutions
mêmes , & les profpérités de la cofonie
naiffante , aimée des Sauvages fes
voifins , & autorifée par la mere - Patrie.
Il trouva dans fa femme & dans fes enfans.
toutes les jouiffances domeftiques , les prémieres
& les plus sûres de toutes , parce
qu'elles tiennent aux fentimens naturels , &
qu'elles font de tous les momens ; il eut
une exiſtence honorée , une mort douce ,
& laiffa une mémoire à jamais chérie,
Comparez à cette deftinée celle des Cortès ,
des Pizarres , & de tous les Conquérans
du Nouveau - Monde , & jugez fi la place
brillante qu'ils occupent dans les faftes de
la Renommée , peut valoir , aux yeux de la
raifon, la place que Penn occupera toujours
dans l'Hiftoire des Amis de l'Humanité
14 MER CUARTE
SPECTACLES.
AUCUN Théâtre , depuis notre dernier Article
, n'a eu de fuccès affer brillant pour que
nous devions en entretenir nos Lecteurs ; fi
ee n'eft peut- être celui de la rue de Louvois ,
où le Public va voir avec affluence Agnès de
Châtillon , Opéra-comique en trois Actes , mis
avec beaucoup de pompe , d'éclat & d's foins
infinis de la part des Acteurs & des Entrepreneurs.
Le fujet de cette Piere , fans érre
ni très-neuf , ni d'un intrêt prior , eft sz
agréable pour ajouter au plaifir que caufent la
beauté du Spectacle , ainfi que la richeffe &
la fidélité du coftume & des décorations. La
Mufique offre auff des beautés qui ont été
fenties : elle eft d'un Amateur de Lyon . Les
paroles font de M. Plantaire , Comédien,
"
que
mais
Ne pouvant annoncer de nouvelles richeffes
fur les autres Théatres , nous parlerons d'une
perte vraiment fâcheufe que vient de faire le
Théâtre Italien. Peu de temps avant la clôture
des Spectacles , les Journaux annoncerent qu
M. Clairval avait demandé la retraite
its apprirent en même temps qu'une députa
tion de la Comédie , qui honorait également &
cet Acteur eftimable , & fes Camarades qui la
lui adreffaient , l'avait engagé à refter. Depuis
l'ouverture , de nouvelles inftances de fa part
ont été acceptées , & il fe retire avec une penfion
bien méritée par trente-trois ans de travaux
& de fuccès non interrompus.
FRANGAMS.
M. Clairval débuta , très - jeune , à l'ancien
Opéra - comique. Une très jolie figure , uné
voix agréable , une maniere de chanter rem
plie d'expreffion,, & parfaitement d'accord avec
les paroles qu'il chantait ; une diction pure
toujours jufte , dans laquelle on reconnaiffait
le ton du monde choifi qu'il voyait , & l'é
ducation foignée qu'il s'était donne lui-même,
un maintien noble , & cependant fufceptible,
lorfqu'il le voulait de beaucoup de comique
& de gaieté telles étaient les qualités que
cet Acteur montra conftamment jufqu'à la fin
de fa carriere , & qui , dès fes débuts , l'éleverent
au premier emploi.y .
:
1
On a vu la preuve de la flxibilité prodi
gieufe de fon talent dans le premier rôle qui
de fit connaître , celui d'Da ne s'aviſe jamais de
ront , où ronr à tour jeune homme charmant ,
vieillard infirme , laquais begue , & vieille de
crépite , il donnait à tous ces déguifemens le
jufte caractere qui leur convenait. Dans le Pierrot
du Tableau Parlant, qui contrattait fi bienavec les
Amoureux nobles , fon emploi ordinaire ; un rôle
encore plus remarquable peut-être , fur celui de
Montaucial , jeune Soldat toujours ivre , anais
toujours aimable & gai , que M. Clairval fu
rendre avec cette nuance délicare de décence
qu'il était fi difficile de faifir fans affaiblir de
comique , & en évitant la caricature où un Aceur
médiocre n'eût
pane
de tomber.
Qui ne fe rappelle , dans ces derniers temps ,
& le ton noble & paffionné qu'il mettait dans
l'Amant jaloux , & l'infouciante légèreté du
Marquis des Evénemens imprévus , & de vifintérêt
qu'il répandais fur le rôle de Blonde , &
la vérité fi comique du Convalefcent de qualité
56
MERCURE
& de tant d'autres rôles où M. Clairval développa
des talens propres à faire la réputation
de dix Acteurs? Il n'en eft aucun qui ne laiffe
le regret de ce qu'une carriere fi longue a
pourtant été fi-tôt terminée.
Ceux qui l'ont connu dans fa vie privée ,
auraient encore d'autres éloges à lui donner.
Ses Camarades n'ont point oublié combien fes
confeils & fes foins leur ont été utiles dans
toutes les affaires ; & les Auteurs fe rappellent
avec plaifir que dans les lectures de Pieces ,
nul n'en fentait mieux le mérite & les défauts ,
n'en faififfait l'enfemble & les détails avec plus
de facilité. La foule d'Acteurs nouveaux que
la Liberté a fait éclore , ne fera point oublier
M. Clairval. On peut multiplier à l'infini les
Théâtres , mais créer des Artiftes diftingués
eft le fecret de la Nature , & n'eft pas celui
de la Comédie.
ANNONCES ET NOTICES.
. ו י ל ו ה
AU CORPS LEGISLATIF , fur la propofition
faite de vendre les Forêts Nationales ; par M,
Kaimworth. A Paris , de l'Imprimerie de H... Fol
Janfen , Cloitre St-Honoré,
ཏི, REFLEXIONS d'un Patriote fur les Affignats
&c, par M, Mercier. Même adreffe...
EUVRES POSTHUMES D'ATHANASE AUGER.
Tome I. in- 8 °, A Paris , même adreſſe que
dallus.
FRANÇA I´S. 37
:
ARLEQUIN AFFICHEVR , Comédie - Parade en
un Acte & en profe , mêlée de Vaudevilles , analogue
à l'ouverture du Théâtre du Vaudeville ;
par MM. Radet , Desfontaines & Barré repréfentée
pour la premiere fois , fur ledit Théâtre ,
le Lundi 9 Avril 1792. Prix , 1 livre . A Paris ,
chez Brunet , Libr. rue de Marivaux , place de
la Comédie Italienne , & au Théâtre du Vaudeville
, rue de Chartres.
ARABELLE ET ALTAMONT , Tragédie en trois
Actes & en vers ; par M. de la Montagne , Auteur
de plufieurs Poëmes Dramatiques , Poéfies
diverfes & autres Ouvrages,, traduits de l'Anglais .
A Paris , de l'Imprimerie de Creuzet & Comp.
rue des Prêtres St-Paul , Nº. 5.
JEAN SANSTERRE ou la Mort d'Arthur ,
Tragédie en trois Actes & en vers ; par M. Ducis ,
l'un des Quarante de l'Académie Françaife ; repréfentée
pour la premiere fois , fur le Théâtre
Français de la rue de Richelieu , le Mardi 28
Juin 1791. A Paris , chez Gueffier , Impr- Libr.
quai des Auguſtins , Nº. 17.
RÉFLEXIONS CRITIQUES d'un Laïque fur la
fuite du Préfervatifcontre le Schifme , ou M. de
Larriere réfuté par lui- même. A Paris , de l'Imprimerie
de Guerbaert , rue Dauphine , Hôtel de
Genlis , No. 92. Prix , 25 l.
DES SOCIÉTÉS POPULAIRES, confidérées comme
une branche effentielle de l'inftruction publique ;
par F. Lanthenas . A Paris , chez les Directeurs
de l'Imprimerie du Cercle Social , rue du Théâtre
Français , No. 4.
58
MERCURE
VOYAGE dans les Départemens de la France "
enrichi de Tableaux géographiques & d'Eftampes.
A Paris , chez Brion , Definateur, rue de Vaugirard
, Nº . 98 , près le Théâtre de la Nation ;
chez Buiffon , Imprim-Libr. rue Haute - feuille ,
No. 20 ; Defenne , Lib. au Palais- Royal , Num ,
T & 2 ; & chez les Directeurs de l'Imprimerie du
Cercle Social , rue du Théâtre de la Nation ,
N. 4.
Cet Ouvrage , d'une Société d'Artiftes & de
Gens de Lettres, eft arès-foigné dans les détails ,
& d'une belle exécution. Il en paraît un Cahier
tous les quinze jours , à compter du 1er Avril
1792. On peut fe procurer chaque Cahier féparément
; on ſouſcrit pour le tout. Chaque Cahier
cofitera 2 liv. 10 L. pour Paris , & 3 liv. Four les
Départemens , franc de port. Ceux qui s'inferiront
pour la totalité auront les premieres Epre
ves , & chaque 12 ° . Cahier gratis , ainſi que les
deux derniers.
20
LES VEILLEES de la bonne Mere Gérard , traduites
du Bas- Breton ; par un des Amis de la
Conftitution à Bernay. A Paris , chez Froullé ,
Libr. quai des Auguſtins,
LEFTRE au Comité d'Inftruction publique , on
Expofition raifonnée du nouveau Syflême de
Lecture , applicable à toutes les Langues ; par
J. B. Maudrų. A Paris , chez l'Auteus , rue St-
Martin maifon de M. Perret , Limonadier , N
3441 & Bluet pere , Libr. Font St-Michel..
FRANCAIS
LE GUIDE DES ETRANGERS qui voyagent en
Angleterre par M. Dutens , de la Société R.
de Londres , & de l'Académie des Infcriptions
& Belles - Lettres do Paris . In-12 . Piix , 30 f. br.
A Londres ; & le trouve à Paris , chez Legrasi
Libr . quai Conti, en face du Pont - Neuf; & chez
Delalain jeune , Libr. rue St-Jacques , No. 13.
·LETTRE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE DI
FRANCE , par un de les Membres , actuellement
à Londres. In & A Paris , chez Audiffret , Commiffionnaire
en Librairie , rue Poupée , Nº. 11
& chez les Marchands de Nouveautés.
PLAN NOUVEAU fur les Hypotheques , pré- ,
fenté à l'Affemblée Nationale Législative , le 18
Décembre 1791 , & renvoyé par elle à fon Ce
mité de Législation ; par M. Mengin, A Paris ,
de l'Imprimerie de Gueffier , Libr. quai des Auguftins
, No. 17.
RÉGLEMENS pour l'Etabliffement des Sourds-
Muets & des Aveugles -nés , fondé par les Dév
crets de l'Affemblée Nationale , du 21 Juillet &
du 28 Septembre 1791 , fanctionnés par le Roi.
Brochure in-4° . A Paris , chez les Marchands de
Nouveautés."
ANTIQUITÉS NATIONALES , ou Recueil de
Monumens pour fervir à hiftoire générale & particuliere
de l'Empire Français , tels que Tombeaux
Infcriptions , Statues , Vitraux , Frefques , & c. tirés
des Abbayes , Monafteres, Châteaux, & autres lieux,
60 MERCURE FRANÇAIS.
devenus Domaines Nationaux . Préfentées à l'Aſſemblée
Nationale , & favorablement accueillies par
elle. Par Aubin Louis Millin ; fixieme Livraiſon
de la deuxieme année de foufcription ; fin du
troifieme Volume.
On fouferit à Paris , chez M. Drouhin , Editeur
& Propriétaire dudit Ouvrage , rue Chriftine ,
N. 2 ; chez Defenne , au Palais- Royal ; chez
Blanchon , rue Gift- le - Coeur , vis -à - vis celle de
l'Irondelle ; chez Garnery , rue Serpente , N° 17 ;
& chez tous les principaux Libraires de l'Europe.
Le prix de la Souſcription , compoſée d'environ
96 feuilles , belle typographie , & d'environ 120
Eftampes > le tout faifant deux volume's
in 4° . eft de 84 liv. & 92 liv,,
franc de port
jufqu'aux frontieres.
gros
JZÉLIDE ET CALDIGNY , Drame en cinq actes ,
en profe , refufé au Théâtre Français de la rue
de Richelieu , le 4 Avril 1791. A Paris , chez
Dupont , Imprimeur- Libraire , rue de Richelieu ,
N° . 14.
GRAVURE.
寶
a
PORTRAIT de Charles Linné , de pouces ,
fur 8 , de forme ovale , gravé en couleur au lavis ,
par P. M. Alix , faifant pendant à ceux de Voltaire ,
J. J. Rouffeau , Mably & Montaigne , gravés
par le même. Prix , 6 livres chacun. A Paris , chez
M. Drouhin , Editeur & Propriétaire des Antiquités
Nationales , tue Chriftine , No. 2 , F. S. G.
ISTOIRE.
TABLE.
Charade , Eng. Log.
La Vie de Penn,
37 Spectacles.
41 Annonces & Notices.
4sl
54
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 16 JUIN 1792.
PIECES FUGITIVES.
LE VEAU D'OR
É PIGRAM ME.
DANS un cercle on traitait de la Métempſycoſe.
Damis foutenant cette cauſe ,
Dit Je fus jadis le Veau d'or ,
:
Meffieurs , & c'eſt chofe très -sûre
Le fouvenir m'en reste encor.
Vous n'avez , lui dit-on , perdu que lá dorure.
( Par M. Dayde. )
No. 24. 16 Juin 1792.
D
62 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eft Orage ; ceux de
l'Enigme font Compere, Commere ; celui du
Logogriphe eft Logogriphe , où l'on trouve
Phiole,Elie, Role, Orge, Gorge, Ogre, Lire,
Or, Pole, Orgie, Lie , Loge, Eloi, Loir, Ire,
Poil, Loire, Po, Oie, Roi, Loi, Horloge.
CHARADE.
MON tout fe fert de mon premier ,
Four becqueter mon dernier.
ÉN I G M E.
LA terre me produit fous une forme vile ;
Mais de l'art & du feu j'en reçois une utile .
Cette forme , Lecteur , obéit à ta voix.
Me veux - tu courte , longue , ou plate , ou circulaire
?
Dis , l'ouvrier de moi fera tout pour te plaire .
Je puis me replier , m'enfoncer à ton choix.
Tu dois juger par-là combien je fuis docile.
Ne crois pas cependant que je fois fans défaut.
Du crime quelquefois inftrument trop fervile ,
Contre mes attentats on dreſſa l'échafaut.
FRANÇAIS. 63
Jen pourrais citer mille , & malgré ton reproche ,
Peut-être, cher Lecteur, me tiens-tu dans ta poche,
LOGO GRIP HE.
JE fuis fur mes fix pieds Royaume & Nation
D'un loyal caractere a dérivé mon nom ;
Malgré ma répugnance , en me coupant la tête ,
Du vieux & mauvais lard je deviens l'épithete ;
Sur cinq pieds , feu Fréron de moi voulut un jour ,
Pour l'ami Pcinfinet créer charge à la Cour ;
Sur cinq encor je fuis une grande coquille ;
Sur cinq autres retiens un vaiffeau fur fa quille ;
Toujours fur cinq enfin , fpectacle familier ,
Moliere m'annoblit dans le fiecle dernier.
Je ne finirais pas fi je voulais m'ébattre ,
Avec cinq pieds reftans , fur deux , fur trois , fur
quatre :,
Je finis donc fur trois par l'inftrument vanté ,
Qui valut à la Suiffe entiere liberté. ,
D 1
64
MERCURE
1
*** NOUVELLES LITTÉRAIRES
LE PASSÉ , LE PRÉSENT LAVENIR
Comédies , chacune en un Acte & en vers,
reçues au Théâtre de la Nation le 30
Juillet 1791 ; par L. B. PICARD.
Quæ fint , quæ fuerint , qua mók
ventura trahantur C VIRG.?
Prix , 30f. A Paris , à l'Imprimerie du
Poftillon , rue Baffe du Rempart de la
Magdeleine, No. 12 ; chez Fievée, Imp-
Libr. rue Serpente ; chez Mlle. Sulan',
Libr. au Palais - Royal ; au Bureau du
Journal du Soir, rue de Chartres ; & chèz
tous les Marchands de Nouveautés.
mlorob zlul : 5
CET Ouvrage eft le coup d'effai d'uh
jeune homme qui annonce des difpofitions
naturelles , & dont les fautes font celles de
l'inexpérience dans un Art très- difficile : elles
méritent donc quelque excufe , & les difpofitions
méritent quelque encouragement .
Son objet a été de préfenter trois actions
différentes dans trois Actes ifolés , mais où
il fait revenir les mêmes Acteurs à des
FRANÇAIS. 65
pas
•
époques plus ou moins éloignées , & de
montrer dans ces trois actions ce que nous
étions avant la Révolution , ce que nous
fommes, & ce que nous ferons . On voit
que ce cadre n'eft pas dans les formes ordinaires
; mais ce n'eft le feul de ce genre ,
& ce ne ferait pas un grand inconvénient ,
fi d'ailleurs il était bien rempli. Un défaut
plus réel , c'eft de faire de l'avenir un ſujet
dramatique. On fait que cette peinture eft
néceffairement trop arbitraire , & que , déterminée
par l'imagination de l'Auteur , elle
peut fort bien ne pas fe trouver d'accord
avec les idées du Spectateur , ni avec la
raifon des bons Juges. Cette partie de l'Ouvrage
de M. Picard eft auffi la plus défectueufe
dans l'exécution . Celle du premier
Atte était facile , & le fond n'en était que
trop riche pour un feul Acte : c'eft le tableau
des abus du Defpotifme.
Un M. Dunoir , riche Bourgeois , veut
donner la fille en mariage , fans qu'on fache
trop pourquoi , à un Abbé fans fortune
Précepteur du neveu d'un Archevêque.
Il veut lui faire quitter le petit coller pour
ce mariage , affez extraordinaire dans l'ancien
Régime , & qui devait en conféquence
être. beaucoup plus motivé qu'il ne l'eft .
Madame Dunoir , qui a d'autres vûes que
fon , mari , ideftine fa fille au Marquis
Duribar , frere de ce même Archevêque ,
& affez accrédité à la Cour pour prétendre
1
D3
66 MERCURE
au Miniftere , d'ailleurs homme auffi depravé
qu'il eft poffible. La fille , de fon côté ,
a fait un autre choix ; c'eſt un jeune Auteur
nommé Dulis , qui n'a pour toute fortune
que fon mérite & fon talent. Le Marquis
imagine un expédient fort fimple pour écar
ter ce rival ; c'eft de l'envoyer à la Baftille
par Lettre de cachet ; & cela lui eft
d'autant plus aifé que fa foeur vient d'être
déclarée Maîtreffe du Roi. Il s'en félicite
avec fon frere l'Archevêque ; l'un s'attend
à être nommé Miniftre au premier moment ;
l'autre compte fur la Feuille des Bénéfices
LE MARQUIS.
Ah ! çà , mon cher Prélat , ne perdons pas de temps ,
Et prenons entre nous quelques arrangemens.
Comment nous comporter quand nous ferons Miniftres
?
L'ARCHEVÊQUE.
Bon ! écarter du Roi tous préfages finiftres
Epargner au Sultan le fardeau de régner ,
Ne lui laiffer de foin que celui de figner ;
Nous repofer , tandis que force Secrétaires ,
Payés bien cher , feront bien ou mal les affaires ;
Avoir de Beaux - Efprits honnêtement gagés,
Faire des efpions de tous nos protégés ,
Aimer , jouer & boire en l'honneur de la France
Nous monter un moment à nos jours d'audience
Fromettre à tout le monde & tenir à bien peu ,
Tout cela, dans le fond, mon frere , n'eft qu'un jeu.
FRANÇAIS.
67
C'était en effet un jeu , mais que le
Peuple payait un peu cher. Il y a dans ce
morceau de la facilité , & ce qui fuit eft
allez gai.
LE
MARQUIS.
A merveille ; mais moi , je fuis noyé de dettes ,
L'ARCHEVÊQUE.
Je le fuis comme vous ; mais réflexions faites ,
Je ne les payerai pas ; chargeons nos héritiers
Du foin de s'arranger avec nos créanciers .
L'Archevêque fort pour aller répéter le
rôle de Colin , qu'il doit jouer le foir avec
Madame Duncir. Ce trait ne manque pas
de vérité. Nous avons eu un Prédicateur du
Roi , l'Abbé de Boifment , qui jouait la Co
médie avec diftinction dans for Château du
Landin , & un Garde des Sceaux qui excellait
dans les Crifpin .
"
Survient un Garde - chaffe du Marquis ,
qui amene un Payfan , arrêté pour avoir
tiré fur les lapins de Monfeigneur. Ce
Payfan fe trouve le pere de Deschamps
Valet de Chambre du Marquis & fon agent
dans les grandes occafions , comme on va
le voir. Il demande, à fon Maître la grace
de fon pere ; mais le Maître eft inflexible
dès qu'il s'agit de lapins . Defchamps , qur
le connaît affez pour le prendre par fon
faible , court chercher fa four , une fort
D
4
68 MERCURE
jolie Payfanne , & la préfente au Marquis
celui-ci , en la voyant , ne trouve plus le
pere fi coupable & lui fait grace , quoique
l'honnête Payfan n'en veuille pas à ce prix ;
& reproche à Defchamps fon infamie . Mais
Defchamps, auffi corrompu que fon Maître ,
entraîne de force fon pere , de concert avec
les deux Gardes- challe . La petite Payſanne
refufe les offres de Monfeigneur , & le retire.
Mais le Marquis a recours à fon fidele Defchamps
. Il lui dit :
Tu n'es pas fcrupuleux , toi ?
DESCHAMP S.
Fi donc , Monfeigneur !
A la petite , à moi , vous faites trop d'honneur.
Je me fuis bien défait de mes façons groffieres ;
J'ai des gens comme il faut adopté les manieres ;
Tout le monde , à Paris , fe conduit comme moi ..
Je fais pour Monfeigneur ce qu'il fait pour le Roi.
Je fuis au fait.
Ce dernier trait eft fort , & , de Valet à
Maître , pourrait s'appeler une infolence , fi
l'on pouvait traiter fes complices d'infolens .
Auffi le Marquis s'en garde bien , & trouve
même Defchamps fort aimable , pourvu
qu'il parvienne à conduire la Payfanne
revêche à la petite maifon de Monfeigneur.
Deschamps s'en charge avec joie ; mais on
apprend un moment après que Dulis s'eft
rencontré fort à propos fur la route , au
FRANÇAIS.
6.9
•
moment où Defchamps enlevait fa foeur de
force dans une voiture du Marquis . Dulis
eft tombé à grands coups de fouet fur le
raviffeur , qui vient conter fa déconvenue
au Marquis , occupé dans le même moment
avec un Gripart , fon Procureur , fon Bailli ,
fon Juge Fifcal : il le chargeait de faire
tomber le billet noir de la milice à Lucas ,
jeune Payfan aimé de la foeur de Deschamps ;
car cet homme ne manque pas de moyens
d'éconduire les rivaux. Cependant , comme
celui dont il s'eft fervi contre la Payfanne
n'a pas réuffi , il chaffe Defchamps
pour
avoir été fi mal adroit . M. & Madame Duhoir
, inftruits de cette horrible aventure , fe
rénniffent pour rompre avec le Marquis.
Mais un Exempt arrive d'un côté pour
arrêter Dulis , & de l'autre un Courrier apporte
au Marquis la nouvelle des premiers
effets du crédit de fa four : il eft nommé
Miniftre , & fon frere a la Feuille . Dulis s'en
ya coucher à la Baftille , l'Abbé Préceptenr
, qui a voulu faire des leçons de Morale
à l'Archevêque , eft envoyé pour deux ans
au Séminaire, & l'Archevêque & le Marquis
s'en vont régner.
Il y a dans ce canevas des intentions
comiques & dramatiques qui ne pouvaient
pas être remplies dans un feul Acte , & cette
difproportion eft une premiere faute qui en
a entraîné d'autres.
Dans l'intervalle de ce premier Acte , qui
DS
701 MERCURE
s'appelle le Temps Paffé , au fecond qui
s'appelle le Temps Prefent , la Révolution
a eu lieu ; ce qui fuppofe un laps de temps
affez confidérable , car l'aventure de cette
Maîtreffe du Roi & de fes freres n'eft
fûrement pas applicable au regne actuel.
Les chofes , comme on peut fe l'imaginer ,
font bien changées. La fille de Dunoir
pour tirer fon amant de prifen & fon pere
de l'exil , avait confenti à époufer le Marquis
, ce qui n'eft nullement vraisemblable :
comment fuppofer qu'un Miniftre toutpuiffant
ait épousé la fille d'un Bourgeois ,
amoureufe d'un autre ? Au refte , ce mariage.
n'a pas été heureux : le Marquis n'a rien
tenu de ce qu'il avait promis. Dulis , devenu
libre , eft allé on ne fait où ; le Marquis
eft féparé de fa femme ; il a pris la fuiteau
moment de la Révolution , il eft revenu
pour échapper à l'impofition triple ; il eſt
ruiné à peu près & demeure par grace
chez fon beau- pere , qui lui a accordé un
logement dans fa maifon. Defchamps s'eft
fait Journaliſte Ariftocrate , quoiqu'il penfe ,
dit-il , tout le contraire au fond de l'ame ;,
mais il a voulu s'enrichir . Il conte tout ce
qu'on vient d'entendre à Lafleur , nouveau
Valet du Marquis . Leur dialogue eft plaiſant,
& mérite d'être cité ..
X
LAFLEUR.
་ །
Quoi ! Deſchamps Journaliſte à peine fais-tu lire .
FRANÇA I S. 71
( Ce n'eft affurément pas le feul à qui l'on:
puiffe faire cette obfervation. )
DESCHAMP S.
Tu dis vrai ; cependant je fais métier d'écrire.
J'ai huit mille abonnés.
Ariftocrates.
LAFLEUR..
Et tes principes font ?....
DESCHA MP S.,
LAFLEUR.
Bien ; mais ne crains - tu pas
DESCHAMPSNo
La Loi nous garantit des fureurs populaires .
,
Cela eft jufte ; mais la Loi ne devrait pass
garantir du carcan ceux qui violent la Loi;
& c'eft la violer bien formellement que de
prêcher la révolte contre toutes les Autorités
conftituées que d'appeler ouvertement
les Français au maffacre , au pillage , à
l'incendie , que de dreffer des liftes de profcriptions
, de défiguer , de nommer pour
victimes les Repréſentans de la Nation , le
Roi , les Généraux , les Miniftres , less
Magiftrats , & c.; tout cela s'eft fair mille
fois , & n'a pas encore été puni une feule,
Français , quand faurez-vous que la puni-
DC
72 MERCURE
tion des méchans eft la fauve- garde de la
Liberté Souvenez - vous de ce Peuple qui
a mis fur les portes de la prifon publique ,
Libertas. Vouloir gouverner fans punir
c'est vouloir faire la guerre fans fe fervir de
fes armes. Continuons..
Et le Peuple d'ailleus à nous ne fonge gueres.
Il eft quelques momens de tribulation ;
Mais tout cela fe borne à des coups de bâton .
Du refte , de l'efprit des autres je profite ;
Sans y mettre du mien , ma Feuille a du mérite .
D'un ci-devant Marquis je reçois un Couplet,
Un bon Mot d'un Abbé ; contre certain Décret ,
L'un fait un Calembour , l'autre une Parodie ;
Chacun , pour m'errichir , épuife fon génie.
Ce qu'on m'envoie au fond n'eft pas bien merveilleux
,
Et fi je m'en mêlais , je ferais beaucoup mieux .
Je paye un pauvre Auteur qui prend beaucoup de
peine
Pour refondre le tout , & moi je me promene ;
Je dine chez les Grands , j'ai le cabriolet ,
Les femmes que je veux , & le petit Jockey.
Je pourfuis vivement un certain Monaftere ,
Que j'obtiendrai malgré la chaleur de l'enchere.
Je joue à tous les jeux , je gagne énormément ;
On me paye en écus , & je vends mon argent.
Le Marquis , correfpondant de Coblentz,
tient,dans la maifon de M. Dunoir , abfent
depuis deux jours , des affemblées d'Emigrés ,
pendant la nuit. Il fe propofe auffi d'amener
à Coblentz Henriette , la feconde fille de
M. Dunoir , qu'il veut faire épouser à fon
FRANÇAIS . 73
و
neveu. Affemblée d'Emigrés qui finiffent
par s'injurier tous , les Nobles ne voulant
point des Parlemens , les Parlemens ne voulant
point du Clergé & e. cette fcène ,
bien imaginée pour le fond , mais qui
pouvait être plus piquante dans l'exécution,
a éré imprimée dans la Chronique . Cet
Abbé , que nous avons vu au premier
Acte , relégué dans un Séminaire par
l'Archevêque , & qui eft devenu Curé conftitutionnel
, n'en eft pas moins amoureux
d'Henriette ; mais il attend le divorce comme
bien d'autres . Il évente & déjoue les projers
du Marquis fur elle ; il met en fuite l'affemblée
qu'il a découverte.
Les projets de l'Ariftocratie
( Leur dit Henriette )
Ne font bons aujourd'hui qu'à mettre en Comédie .
Rien n'eft plus vrai , pourvu qu'on n'empêche
pas nos amés & féaux La Fayette &
Lukner de battre les Autrichiens. Sans les
factieux , les Ariftocrates ne feraient que
ridicules mais auffi les factieux les fervent
fi bien !....
Au troifieme Acte , nous fommes dans
l'Avenir :
L'efpa e eft vafte ; auffi s'y promene - t- il bien.
i Métrom.
Cet Avenir ne faurait fe fuppofer fort
74
MERCURE
éloigné , car nous retrouvons les mêmes
Acteurs ; & c'eft ce qui aurait dû avertir
l'Auteur de ne pas aller fi vite dans fon
Avenir. Voltaire a dit , dans un de ses accès
de gaîté folâtre :
J'ai fouhaité cent fois , dans ma verte jeuneſſe ,
De voir notre Saint Pere , au fortir de la Meffe
Avec le grand Lama danſant un cotillon .
ر
L'Auteur , qui apparemment a pris
cela au férieux comme aurait pu faire
Anacharfis Klootz , ne manque pas de faire
arriver ici le grand Lama , que fes Sujets
du Tibet ont chaffé , & à qui la France fait
mille écus de penſion : il y joint le Mogol
& le Sophi , qui viennent voir à Paris la
Fédération de l'Univers. Comme l'Auteur
a fu quelquefois mettre de la vérité dans
fes peintures , il faut lui dire férieuſement
qu'il doit ôter de fa Pièce , s'il veut la faire
jouer, ces caricatures grotesques. Il eft fort
douteux que dans plufieurs fiecles on fache
feulement au Mogol , en Perfe & au Tiber
ce que c'eft que notre Révolution ; & d'ail-
Jeurs qu'avons - nous befoin du Tibet & du
Lama Soyons bien chez nous , & les
autres deviendront , avec le temps , ce qu'ils
pourront . S'occuper fi fort de l'Univers
c'est s'occuper peu de fa Patrie , & l'on ne
fext point fa Patrie par des rêves .
FRANCA I S. 75
TRAITÉ curieux fur les Cataclyfmes ou
Déluges , les Révolutions du Globe , le
principe fexuel & la génération des Miné
raux ; par un Membre de l'Académie de
Cortone. A Mr. FERDINAND MAZ
ZANTI. Brochure in- 8 °. A St- Germainen-
Laye , de l'Imprimerie de Goujon
Libraire , rue des Récollets
Ce n'eft point des idées nouvelles qu'il
faut chercher dans ce Traité : l'Auteur ne
fait gueres qu'y rendre compte de les
lectures à un ami occupé comme lui de
phyfique & d'érudition. Son Traité eft divifé
en Lettres. La premiere roule fur les incpdations
que le globe a éprouvées à différentes
époques, & l'Auteur répete à ce fujet
ce que les Savans , depuis Voffius jufqu'à
Voltaire , ont écrit fur l'impoffibilité d'uns
déluge univerfel & fur les différentes dates
que l'on y affigne. Dans la feconde , il expofe
les conjectures & les calculs de M. Bianchini
& de Nog *** , fur les laves du
Véfuve , & fur l'efpace de temps que fuppofe
la formation des différentes couches
que ces laves ont dépofées. Il y a quelque
différence entre les réfultats de ces deux
Savans ; mais tous deux remontent au delà
76 MERCURE
de l'époque marquée pour la création du
Monde dans la Chronologie facrée . Dans
la troifieme , il traite des tremblemens de
terre , des éruptions volcaniques , de tous
les bouleverfemens caufés par l'action combinée
de l'air & du feu dans les entrailles
de la terre , & des déplacemens occafionnés
par ces fecouffes inteftines. Il rappelle à ce
fujet les opinions de divers Phyficiens , & y
mêle , quelquefois fes propres conjectures .
Il parait ne pas croire que l'ifle de Ceylan ,
la Serendib des Arabes , foit la Taprobane
des Anciens ; opinion cependant qui paraît
très- probable , & confirmée par le fuffrage
des hommes les plus inftruits.
L'Auteur parle d'une tentative auffi finguliere
que hardie de M. l'Abbé B.. , connu
'par d'excellens Mémoires fur la théorie de
la foudre afcen lante , découverte qui eft de
nos jours . M. l'Abbé B *. propofe d'établir
des paratr.mblemens de terre , comme nous
avons des paratònnerres. Ce feraient de
'longues barres de ter , enduites d'un vernis
bitumineux , afin de les préferver de la
touille , & dont la parrie extérieure ferait
armée de plufieurs pointes divergentes trèsaiguës
, qu'il appelle verticiles . Les verticiles
de la partie enfoncée ferviraient à fous- tirer
la matiere électrique fur - abondante , tranfmife
alors par toute la longueur de cette
fubftance métallique & déchargée dans l'atmofphere
, fous la forme d'aigrettes , par
FRANÇAIS. 77
les pointes fupérieures. La premiere objection
qui fe préfente contre cette efpece de
préfervatif , eft précisément cellé que fait
l'Auteur du Traité : qui peut favoir où
font ces foyers fubterranés & leur diſtance
dans l'intérieur de la terre ? Comment
efpérer qu'on puiffe en approcher d'affez
près pour y placer une de ces barres électriques
? On ne voit gueres de folution
à cette difficulté , & pourtant il eſt vrai de'
dire avec l'Auteur, que cette idée eſt d'un
génie inventif, qui a confidéré la Nature
d'affez près pour fentir que nous ne pouvons
pas favoir où s'arrête la faculté que nous,
avons de prévenir & de combattre fes
fléaux en dirigeant fes forces , & que par
conféquent tous les efforts en ce genre
doivent être encouragés , les plus infructueux
pouvant nous conduire, avec le temps ,
aux plus efficaces .
,
La quatrieme Lettre offre des détails fur
les innombrables ifles de la mer du Sud .
qui favorisent l'hypothefe de Maillet
adoptée par Buffon , & ridiculifée par
Voltaire , mais affez probable , quoi qu'on
en ait voulu dire , que diverfes parties du
globe ont été fuceffivement couvertes ou
abandonnées par les eaux. Il s'arrête un
moment fur l'ile des Anachoretes , qu'il
voudrait que l'on eût nommée l'ifle des
Sages , parce que fes habitans , difperfés
dans des pirogues , & occupés à la pêche ¿
78 MERCURE
ne daignerent pas fe détourner un moment
de leur travail pour regarder la frégate la
Boudeufe , qui paffait à la vue de leurs.
côtes , lorfque M. de Bougainville revenait
de Taïti. Il eft fûr que cette profonde
indifférence forme un contrafte très- marqué
avec la curiofité ordinaire aux peuplades
fauvages . Mais qui fait fi cette indifférence ,
peu naturelle à l'homme toujours avide de
connaître & curieux de nouveauté , n'eft
pas le dernier terme de l'ignorance & de
Pabrutiflement ? Dans tous les cas , elle ne
pourrait être nommée fageffe qu'autant
qu'il ferait prouvé qu'elle eft la fuite de
prinsipes réfléchis . L'Auteur fe répand ici
en exclamations & en apoftrophes , qui font
précisément les mêmes que celles de J. J.
Rouffeau , en faveur de la vie fauvage , &
contre l'état civilifé. » O Nations policées
29
>
& vous , dédaigneux Européens , fi fiers
» de vos Loix , de vos Arts , de votre menfongere
induftrie..... Sauvages de Rome ,
de Paris & de Londres , olez jeter quelques
regards fur ces heureux enfans de
» la Nature , & rougiffez de votre ſtupide
barbarie "..
f
Au lieu de rebattre fans ceffe ces lieux
communs que les jeunes têtes prennent pour
de la philofophie , je voudrais qu'on effayât
de répondre une fois à ce qui a déjà été
obfervé à propos de cette facile & monotone
fatire des Nations civilifées , fondée fur l'é
FRANÇAIS. 79
loge tout auffi frivole des Peuples ignorans
que l'on nomme Sauvages. La queftion eft de
favoir fi l'homme étant effentiellement fociable
2 il peut contredire fa deſtination
naturelle qui le conduit, avec le temps , à tous
les progrès , & , par une conféquence fimultanée
, à tous les abus de la civiliſation , &
fi , ce premier point une fois réfolu comme
il doit l'être en bonne Logique , c'eſt - à-dire
que
par
l'inévitable néceffité de fuivre le voeu
de la Nature , proportionnellement
au developpement
des facultés de l'efpece , plus ou
moins accéléré par les caufes occafionnelles
,
il est d'un véritable Philofophe de prétendre
à faire rétrograder l'homme vers l'ignorance ,
au lieu de lui apprendre à mieux profiter
de fes lumieres. Ce fecond point n'eft pas
plus difficile à réfoudre que le premier par
l'expérience
& l'analogie ; & il s'enfuit
toutes ces belles phrafes , fi aifément éloquentes
, ne font autre chofe qu'une décla
mation de Rhéteur , puifqu'au fond elles ne
peuvent ni rien prouver , ni rien enſeigner ,
ni rien produire. Je fais que c'eft réduire
à peu de chofe une partie des Ouvrages de
Rouffeau, Mais je dirai à ceux qui fe paffionnent
pour un nom , qu'eft- ce qu'un nom
devant la vérité ? Faut-il que la vérité ait
tort , afin que Rouffeau ait raison ? Si vous
ne pouvez rien oppofer aux raiſonnemens
qui le réfutent , eh bien , il n'aura eu dans
fes premiers Ouvrages que l'éloquence
des
86 MERCURE
mots ; mais il aura eu l'éloquence des chofes
dans celles des Lettres de fon Héloïfe , où
il y a de la vraie paffion ; dans fon Emile ,
ou
il
a
prêté
le
charme
de
fon
élocution
aux
vérités
établies
par
Locke
fur
FEducation
;
dans
fon
Contrat
Social
,
où
il
a
renforcé
de
toute
l'énergie
de
fon
ftyle
les
principes
politiques
de
ce
fage
Anglais
, le
premier
penfeur
du
Monde
. N'y
a- t- il pas
là
encore
affez
de
gloire
? Celle
-là
eft
réelle
&
que
fert
-il
de
vouloir
lui
en
donner
une
autre
Il
eft
temps
plus
que
jamais
de
ne
jurer
par
perfonne
, mais
feulement
par
la
vérité
&
par
la
liberté
. Dans la cinquieme Lettre , l'Auteur déve
loppe avec autant de précifion que d'élégance
les différences fexuelles des fleurs ,
& ce fyftême de génération végétale , entrevu
autrefois par Pline le Naturalifte ;
enfuite par Camerarius , à la fin du feizieme
fiecle , dáns fon Traité de Plantis , puis par
le favant Ray , cent ans après , dans fon
Hiftoire des Plantes , & enfin démontré
de nos jours par le fameux Linné . Ce ſujet
mene l'Auteur à une digreffion fur lafeve ,
qui eft l'objet de la fixieme Lettre , & qui
renferme plufieurs obfervations curieufes
d'un des meilleurs Phyficiens de de fiecle ,
l'Abbé Fontana .
L'Auteur emploie la feptieme & derniere
Lettre à foutenir Fhypothefe de la géné
sation des métaux , un peu moins prouvée
FRANGA, I S.
que celle des végétaux , mais qui de nos jours
a déjà été appuyée de beaucoup d'indices
& de probabilités. Si ce fyftême général
d'un moyen uniforme dans la reproduction
des êtres , celui de la génération fexuelle ,
acquérait une certitude décidée, que devient
drait cette diftinction des trois regnes de
la Nature , fi long-temps confacrée parmi les
Savans ?
En combattant quelques paffages de ces
Lettres , je n'ai pas prétendu , à beaucoup
près ,, diminuer rien de leur mérité . Elles
Jont d'un homme à qui la plupart des Sciences
phyfiques paraiffent familieres , & qui a
porté dans cette étude toute la chaleur
d'une imagination que le travail des recherches
n'a point refroidie ; auffi anime- t - elle
fon ftyle , quel que foit le fujet qu'il traite :
fon élocution eft auffi abondante que flexible,
auffi noble que facile. Il a de la richeffe
dans l'expreffion , & crée fouvent des mots
à la fois fcientifiques & pittorefques , qui ,
lom d'obfcurcir fés idées par le néologifme ,
leur donnent plus de clarté & de force ,
parce que ces termes nouveaux font formés
fuivant les regles de l'analogie , qui ne font
connues que des hommes inftruits . On peut
remarquer quelques incorrections , quelques
fautes de goût : " Il eft trifte que les
hommes veulent toujours déifier leur igno-
› rance & que des obfcurités infolubles
» à leur faibleffe , &c, « . Veulent eſt proba81
MERCURE
blement une faute d'impreffion ; la conf
truction demandait veuillent ; mais des
obfcurités ne font ni folubles ni infolubles ;
ici l'expreffion figurée eft fauffe ; le mot
propre était , impénétrables. » Des heures
qui ne devraient être que le patrimoine
» de la vérité « , font une expreffion recherchée
, & qui n'a aucune jufteffe. Mais
fi l'on remarque ces fautes , c'eft qu'elles
font très-rares , & qu'en général le ſtyle eft
celui qui embellit les Sciences & l'érudition
du coloris qui leur eft propre , comme
la philofophie de l'Auteur ( fi l'on excepte
le paffage où il a répété Rouffeau ) eft celles
qui peut conduire à la vérité , en éloignant
de toute fuperftition & de tout préjugé.
ANNONCES ET NOTICES.
DÉFENSE DES DROITS DES FEMMES , fuivie de
quelques confidérations fur des fujets politiques
& moraux. Ouvrage traduit de l'Anglais , de Mary
Wolstonecraft , & dédié à M. l'ancien Evêque
d'Autun ; 2 vol . in - 8 ° . Prix , 6 livres broché , &
6 livres 12 fols franc de port par la pofte. A
Paris , chez Buiffon , Libraire , rue Haute - Feuille ,
N°. 20.
On reviendra für cet Ouvrage.
FRANÇAIS. 33
MANUEL DES BUREAUX DE PAIX & de Jurifprudence
charitable ; contenant des Inftructions
la folution de beaucoup de queftions relatives
aux Bureaux de Paix , aux fonctions des Membres
qui les compofent , à leur caractere , & aux actes
qui fe paffent dans ces Bureaux , avec une Table
des matieres par ordre alphabétique . Ouvrage
utile aux Membres des Bureaux de Paix , & à
l'inftruction des Citoyens qui veulent éviter des
procès. Par un ancien Avocat , Membre d'un Bureau
de Paix . Petit in- 12 . Prix , 1 livre to fols
broché. A Paris , chez Knapen , Imprimeur-
Libraire , au bas du Pont St. -Michel.
LE HAMEAU DE LAGNIELAS , fuivi du Ruiffean
& de Cecile & Blondel ou l'Oratoire , & du Nid
de la Fauvette, & c. Par l'Auteur du Citoyen des
Alpes. Petit in- 12, A Paris de l'Imprimerie de C.-
F. Perlet , rue S. André- des-Arcs.
DISCOURS fur ce fujet : Combien il nous importe
d'avoir la paix , quels font les moyens de
nous la procurer ; lu dans la Société des Amis
de la Vérité ; par Athanafe Auger fuivi de
quelques Réflexions fur la néceffité d'obér à la
Loi. Prix , 8 f. A Paris , de l'Imprimerie de L...
P... Couret , rue Chriftine , No. 2 ; Gattey
Libr. au Palais - Royal ; Leclere , Lib. rue Saint-
Martin , à côté de la rue aux Qurs.
LETTRE fur la Séance Royale du 23 Juin
1789. Prix , 6 L. Mêmes adrefes que ci-deus,
84 MERCURE FRANÇAIS.
MÉMOIRE du Baron de Capellan de Marfch ,
Membre de l'Ordre Equeftre du Comté de Zutphen
& des Etats Souverains du Duché de Gueldre
, Député extraordinaire de l'Aſſemblée de LL.
HH. PP. les Etats- Généraux des Provinces - Unies ;
condamné à perdre la tête par une Sentence de
la Cour de Gueldre , du 8 Août 1788 , après le
bouleversement de la République par les Troupes
Pruffiennes traduit du Hollandais ; in - 8 °. A
Paris , de l'Imprimerie de H. J. Janfen , Cloître
Saint- Honoré.
, LES RIVAUX AU CARDINALAT ou la Mort
de l'Abbé Maury , Poëme Héroï - comique en
trois Chants ; par Dorat - Cubieres . A Paris ,
de
I'Imprimerie d'Urbain Domergue ' , rue Saint-
Thomas du Louvre , maifon d'Orléans.
MÉMOIRES DU COMTE DE MAUREPAS
Miniftre de la Marine ; 3. Edition , corrigée
& augmentée , avec onze Caricatures du temps ,
gravées en taille- douce. 3 Volum . in - 8 ° . Prix ,
To liv. br. & 11 liv . 10 f. francs de port par la
Pofte. A Paris , chez Buiffon , Impr - Libr . rue
Haute-feuille , N ° . 20. On peut fe procurer
même Ouvrage à Lyon , chez les FF. Bruyfet ,
rue St-Dominique.
Nous reviendrons fur ces Mémoires,
TABLE.
EPIGRAM PIGRAMME.
Charade , Enig. Logog.
Le Paffe , &c.
61 Traité.
le
75
62 Annonces & Notices. 82
641
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 23 JUIN 1792.
PIECES FUGITIVES,
CHAN SON
POUR L'ARMÉE FRANÇAISE.
AIR Auffi-tôt que la lumiere , &c.
JADES ADIS aux Champs de la Guerre ,
Automate obéiffant ,
Pour les Maîtres de la Terre
Le Soldat donnait fon fang,
Le laurier de la Victoire
Couronnait-il fa valeur ?
Un Tyran avait la gloire ,
Un Peuple entier le malheur,
N°, 25. 23 Juin 1792.
84
MERCURE
O la fotte idolatrie
De s'égorger pour des Rois !.
Nous , armés pour la Patrie ,
Né défendons que fes droits.
Du brave Soldat en France
On a bien changé le fort ;
Vainqueur , on le récompenfe ,
On l'honore après la mort.
ewe
MONTREZ enfin qui vous êtes ,
Peuples de tout l'Univers ;
Levez fiérement vos têtes "
Et brifez d'indignes fers.
Réunis , lancez la foudre
Sur le Defpote effronté :
A l'inftant il tombe en poudre
Aux pieds de la Liberté.
( Par M. D.. T... Grenadier-volontaire
de la Garde Nationale Parifienne. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du MERCURE dernier.
LE mot de la Charade eft Becfigue, celui
de l'Enigme eft le Fer , celui du Logogriphe
eft France, où-Kon trouvé Rance, Loran,
Nacre , Ancre , Farce , Arc.
FRANÇAIS.
CHAR A D E.
DE la mere de mon premier
Vous avez tout l'éclat , adorable Glicere ;
Depuis près de vingt ans vous êtes ma derniere ;
Et mon cout, fans vous voir , me femble un fiecle
entier.
É N I G
M E.
JE fuis , Lecteur
, une maiſon
gentille
;
Avcé plaifir
l'ouvrier
m'arrondir
,
Légérement
fur un pivot me mit ,
Si que je tourne
& même
je frétille
.
Une commere
habite
le premier
,
Qui de parler
fait fon unique
affaire
,
Ange & Démon
, nuifible
& falu aire ,
Sage parfois
, fouvent
fo e à lier.
A mon fecond
demeure
un locataire
,
Inceffamment
d'ua catarie
affligé ,
Sale & bruyant
, mais le propriétaire
Poist
ne voudrair
lui donner
fon congé .
Mon troifieme
eft une double
guérite
,
Où deux gémeaux
font poftés
pour tout voir
Et rien n'échappe
à ce couple
hypocrite
;
Mais il cft fourd
: on ne peut tout avoir.
Deux
pavillons
fis à l'une & l'autre
aile
Servent
d'afile à deux autres
gémeaux
;
;
E 2
88 MERCURE
T
Aveugles-nés , qui , de leurs foupiraux ,
Ecoutent tout ce que dit la femelle .
LOGO GRIPHE.
LE Laboureur , le Jardinier ,
De moi , dans leurs travaux , font le plus grand
ufage
Et quoique je ne fois qu'un abject aſſemblage
Ils favent bien m'apprécier :
Mais je vais , cher Lecteur, m'expliquer davantage..
Retourne mes fix pieds , & tu verras dedans
L'ouvrage principal de la maçonneric ;
L'Empire de Neptune ; un des quatre élémens
Ce qui donne à la Poéfie
Sa cadence & fon harmonic i
Le fynonyme de hautain ;
Deux notes ; un pronom ; un terme de dédain ,
Ce tranfport violent qui naît de la colere ,
Et fouvent des plus dangereux ;
Un fruit très-doux ; un métal néceſſaire
Quoique pourtant peu précieux.
Ami Lecteur , la/ choſe eſt affez claire ,
Devine à préfent fi tu veux.
( Par M, D ... de Lyon . )
FRANÇAIS.
89
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
MÉMOIRES du Comte de Maurepas ,
Miniftre de la Marine , &c. Troifieme
Edition , avec onze Caricatures du temps,
gravées en taille douce 3 Volum. in- 8°.
Prix , 10 liv. br. & 11 liv. 10 f.francs
de port par la Pofte. A Paris , chez
Buiffon , Impr- Libr. rae Haute feuille ,
N. 10 ; & à Lyon , chez les Freres
Brayler , rue Saint Dominique...
La. PREMIER EXTRAIT.
Ceux qui , fur le titre de ce Livre &
1
fur le nom de fon Auteur , qui a été
long-temps Miniftre , & qui l'était quand
it écrivit, s'attendraient à lire les Mémoires
d'un homme d'Etat , feraient bien
trompés. Si l'on excepte deux morceaux
qui font une partie du III : Volume , &
qui font une efpece de compte rendu au
Roi , en 1730 , fur le commerce extérieur
du Royaume , & fur les encouragemens
dont il eft fufceptible , on ne trouve rien
d'ailleurs qui concerne la Politique & le
Gouvernement ; on peut même douter que
1
E 3
58
MIERGIURIE
par
ces deux morceaux foient du Comte de
Maurepas , attendu l'ufage affez généralement
établi dans le Miniftere , d'emprunter
la plume d'un premier Commis pour
ces fortes de pieces oftenfibles , dont un
Miniftre fe faifait honneur dans le Cont
fel, mais que rarement il était en état
de faire lui - même. Plus cet ufage érait
commun , plus les exceptions étaient remarquées
; elles font fi connues des gens
inftruits que je ne crains pas qu'on m'accufe
d'avoir voulu les diffimuler pour généralifer
le reproche. On n'ignore point,
par exemple , que M. Turgot & M. Necker
ne fe fervaient que de leur plume , &
auraient eu tort d'emprunter celle d'aucun
autre. Ce n'eft pas que dans cette tourbe
fi fuperficielle qu'on appelait le grand
mondes on n'ait répété mille fois que
que
Thomas était le faifeur de M. Necker , &
que les Economiftes qui entouraient Tur
got , étaient les Rédacteurs de fes Edits.
Ces propos de l'ignorance ou de l'envie
étaient fondés principalement fur l'opinion
reçue , qu'un homme en place ne faifait
rien par lui-même. On oubliait que MM.
Necker & Turgot étaient Hommes de
Lettres dans toute l'étendue de ce terme
& les hommes à portée de voir & de juger
ne pouvaient s'empêcher de rire , quand
ils entendaient affirmer , avec un grand
férieux , que Thomas faifait les Ouvrages
r
FRANÇAIS.
de M. Necker , quoiqu'il n'y eût pas le
moindre rapport entre le ftyle & la mapiere
de ces deux Ecrivains . Ces mêmes
hommes , qui favaient que l'Abbé de Boifment
avait fait le préambule fameux du
fameux Lit de Juftice de 1765 , favaient
auffi que fi le Chancelier , Maupeou était
hors d'état de rien écrire qui approchât de
ce préambule , aucun des Economiftes
amis de Turgot , n'écrivait auffi bien que
lui. Mais cela n'empêche pas que tous
ces ridicules oui - dire ne fe répetent dans
des Recueils d'Anecdores reproduits fous
toutes les formes , commandés à tant la
feuille par des Libraires avides , compofes
par de pauvres Diables qui n'ont jamais
rien vu , & reçus comine parole de l'Evangile
par des fots qui croient y enten fre
finelle.
Il n'eft pas à craindre du moins que l'on
contefte au Comte de Maurepas les Mémoires
: ils font écrits avec une telle négligence
& en fi mauvais langage , qu'il
n'y a perfonne qui n'ait pu , les faire ils
reffemblent affez , pour le ftyle , au gravid
Livre de Mad. Doublet , & aux Mémoires
de Bachaumont ( dont on a fait depuis les
Mémoires fecrets) ; mais il y a cette dif
férence effentielle que ceux- ci , rédigés
quiconque apportait fa nouvelle , ou , faute
de mieux , par un Valet de chambre , du
vieux Préfident de Bachaumont , font rein-
EA
par
92 MERCURE
plis de fottifes & de fauffetés , & que les
Mémoires de Maurepas , quoique toulant
, le plus fouvent , fur d'allez petits
objets , font du moins l'ouvrage d'un
homme qui voit les chofes de près &
qui fait d'origine ce que le Public ne fait
qu'avec le temps après.Ils font donc, fous ce
point de vue , très- curieux : on peut d'ailleurs
s'affurer de la véracité de l'Auteur ,
en rapprochant fon récit de beaucoup d'autres
Mémoires que nous avions déjà fur
la fin du regne de Louis XIV , fur la Régence
, fur le regne de Louis XV ; épo-
Iques qui nous font aujourd'hui , graces à
tant de fecours , affez bien connues , jufques
dans les détails les plus fecrets , pour
qu'il foit facile à préfent d'en faire une
Hiftoire aut fidelle qu'inftructive. 179
Ces Mémoires ont un autre avantage ,
c'eft de faire bien connaître leur Aureur ,
& de confirmer l'opinion qu'il laiffa de
lui , lorfque rappelé au Gouvernement par
un hafard imprévu & fans exemple , dans
un âge qui eft celui de l'expérience & de
la fageffe , après trente ans de retraite qui
fuppofent de longues réflexions , près d'un
jeune Roi dont il avait toute la confiance ,
il n'apporta pas dans l'Adminiftration une
feule idée qui pût faire voir qu'il avait
tiré quelque profit de fes années , de fón
expérience & de fa retraite. Il revenait cependant
avec des préfages avantageux . Il
FRANÇAIS . 93
avait été renvoyé , en 1749 , pour avoir
choqué une Favorite , & cela feul était un
titre de popularité ; il paffait pour aimer
les Lettres , & c'était à lui que les Philofophes
avaient dédié l'Encyclopédie. Ennemi
des perfécutions religieufes qu'exerçait
le Cardinal de Fleury avec un grand
air de bénignité ; affez favorable à la li
berté d'écrite & de penfer , autant du
moins qu'un Miniftre pouvait l'être fous
Louis XV , on pouvait préfumer que fous
un nouveau Regne qui annonçait toute
forte d'encouragemens & de réformes , il
ferait jaloux d'y contribuer autant que le
permettait la place éminente qu'il occupait.
Mais dès qu'il y fut , il parut également
au deffous & de ce qu'il pouvait par
certe place , & de ce qu'on avait efpéré
de fon retour. Il n'affecta que la fupério
rité d'un vieux Courtifan dans l'art de fe
maintenir , & la facilité de mettre , fa
vieilleffe au ton d'une jeune Cour , de lui
tracer même des leçons d'infouciance & de
frivolité , & de dire le premier bon mot
-du quart d'heure fur chaque événement
du jour. Ce qui fe fit de bien dans quelques
parties , il le laiffa faire fans y prendre
part , & fit congédier les Miniftres qui
l'avaient fait , dès qu'ils ne parurent pas
affez dépendans de lui . Il ne témoigna pas
le moindre intérêt pour les Lettres ; il
n'eut pas même l'efprit d'oublier fes pe-
Es
嘴
94
MIERCURE
tires animofités contre Voltaire , pour fe
faire honneur d'appeler à Verlailles cer
illuftre vieillard qui avait la faibleffe de le
défirer ; & il eut la mal-adrefle de laiffer
voir à la France & à l'Europe que l'opinion
publique était devenue une puiffancebien
prépondérante , puifque Paris décer
nait à Voltaire des honneurs fans exemple,
dont la Cour demeurait fpectatrice im
mobile & muette , entre les réclamations.
furieufes de l'Archevêque & du Clergé ,.
& les fourdes menaces du Parlement. Il
n'a pas échappé aux obfervateurs que ce
triomple inoui qui confterna Verſailles, cu
Fon ofait à peine en parler , & pluheurs.
circonftances fingulieres du féjour de Voltaire
à Paris , étaient un des événemens :
publics qui annonçait déjà un grand changement
dans les efprits.
Tout ce caractere du Comte de Mau
repas fe trouve dans fes Mémoires ; pour
peu qu'on y porre un oeil attentif , on y
voit ce fond de frivolité , cette vanité jafoufe
, ce goût & cette habitude des petites
chofes qui étaient fes qualités diſtinctives.
Ils offrent l'extrait de 2 Volumes
rédigés entre lui & fon Secrétaire Sale, en
partie pendant le cours de fon Miniftere, &
avec le plus grand foin. Qui croirait que ces.
Volumes , compofés par un homme qui
devait être occupé d'objets fi importans ,
ne continffent queres , à en juger par l'exFRANCAIS
.
trait , que les petites anecdores , les petites
intrigues , les petites hiftoires de la Cour
& de la ville , ne fuffent , en un mot ,
qu'une espece d'Ana , ramaffé ( pour me
fervir ici des jolis vers de Greflet
viennent fort à propos ,;)
Par un de ces oififs errans
Qui chaque jour , far lear pupitre ,
Rapportent tous les vers courans , 21
Et qui , dans le changeant Empire
Des Amours & de la Satire
Acteurs , Spectateurs tour à tour
Poffedent toujours à merveile
L'hiftoriette de la veille
Avec l'étiquette du jour ?
Qui croirait
qu'on
y e
3 ,
s qui
'on y emploie la moitié
d'un Volume à nous faire l'hiftoire détail-
Fée & raifonnée du Régiment de la Calotte,
fottife aujourd'hui fi profondément oùbliée
, que bien des Lecteurs demanderont
ce que c'eft , & je leur en faurai bon
gré ) , que cette hiftoire , enrichie d'une
foule de pieces juftificatives , ne nous eft
donnée que comme une très- petite partie
de la grande Hiftoire de ce Régiment , dighe
Ouvrage d'un Miniftre d'Etat , qu'on nous
affure qu'elle contient plus de 400 pieces
contre Voltaire feul ; jugez du refte ! )
qu'enfin ce rare morceau commence ainfi -
Un des plus beaux monumens de l'HICtoire
du 18 Siecle , eft , fans contredie,
E 6-1
56
MERCURE
» celui du Régiment de la Calotte ? Et
qu'on n'imagine pas que c'eft une ironie ;
rien n'eft plus férieux ; la fuite ne perinet
pas d'en douter j'y reviendrai tout à
l'heure.
Le Comte de Maurepas fait de juftes
reproches au Cardinal de Fleury fur l'abandon
où il laiffa la Marine , fur fon ridicule
entêtement pour la Bulle , fur fon
dévouement fervile à la Cour de Rome ,
& fur les opprellions arbitraires dont les
Janféniftes furent les victimes : il a raiſon ;
mais ce qui fait voir que ce n'eft pas par
un efprit de juftice , c'eft qu'il n'en rend
aucune à ce que ce Miniftre a fait de
bon , au foin qu'il eut d'écarter de nous
la guerre , fur- tout avec les Anglais , repos
néceffaire qui donna le temps à la France
de revenir de l'épuifement des dernieres
années de Louis XIV & des fecouffes du
Systême , & qui la rendit , vers l'an 1740,
auffi riche & auffi floriflante qu'elle avait
jamais pu l'être fous un Gouvernement abfolu.
Il dénigre beaucoup toute la politique
extérieure du Cardinal à l'époque de la
guerre de 1734 ; & il eft de fait que cette
guerre eft la feule du regne de Louis XV
qui ait été bien entendue , la feule qui
ait été heureufe fous tous les rapports ,
d'abord parce qu'elle fur très- courte , ce
qui prouve que les mefures étaient bien
prifes ; enfuite parce qu'on n'y eut que
FRANÇAI S.
97
"
des avantages , & qu'ils coûterent peu ;
enfin parce qu'elle diminua capitalement
la puiffance de la Maifon d'Autriche en
Italie , où la Maifon de Bourbon acquir
le Trône de Naples & de Sicile ; enfin ,
parce qu'elle augmenta de la Lorraine &
du Barrois la puiffance territoriale des
Français.
Il montre beaucoup d'humeur contre
les premieres Maîtrelles de Louis XV' ;
mais en examinant l'état des chofes au
moment où il écrivait , on fent trop que
fa cenfure n'a pour fondement, ni la morale
ni la politique. Pour la morale , il
ne fe montre nulle part auftere en principes
, & il en était fort éloigné : on pourrait
même , en fe rappelant la réputation
du Comte de Maurepas en fait de galanterie
, lui, citer la Fable du Renard fans
queue , qui voulait l'ôter à tous fes confreres
les Renards. Pour la politique , il
faut fe fouvenir que , de fon aveu, Mad.
de Mailly ne fe mêla de rien que d'aimer
le Roi , & ne coûta rien à la France ;
quant à elle , il lui en coûta le long repentir
d'une faibleffe excufable & paffagere ,
repentir qui dura toute fa vie , & dont la
juftice du Peuple fe fouvint plus que de
fa faure ; qu'à l'égard de Mad . de Chateauroux
, à l'inftant même où il fe déchaine
contre elle ( tous ces écrits ont une
date marquée ) , elle montrait un carać+
98
MERCURE
tere noble & élevé , attefté par tous fes
contemporains ; elle voulait faire de fon
Amant un homme & un Roi ; elle le détermainait
à le mettre à la tête de fes
Armées , démarche qui le rendit fi cher
alors à tout un Peuple facilement enthoufiafte
, & réellement lui faifait honneur
; elle voulait qu'il fortît de fon indolence
& gouvernât par lui-même il en
exifte des preuves. Sa inor auffi affreufe
que fubite , fut auribuée au poilon , &
pour cette fois , ce crime , tonjours fi aifénient
foupçonné .& fi difficilement prouve,
n'était pas fans vraisemblance. Il eft permis
de préfumer que l'animofité que le
Comte de Maurepas montre contre elle ,
& qu'il fignala de même contre celle qui
lur fuccéda , n'était au fond qu'une jaloufie
d'autorité.
[I
A confidérer la chofe en elle - même
ce n'eft pas un plus grand tort dans un
Roi que dans un autre homme , d'avoir
des Maîtreffes, quand il n'eft pas affez heureux
pour trouver auprès de lui un bonheur
légitime , affurément le plus défirable
de tous , mais qui ne dépend pas tou
jours de nous ce qui eft important &
difficile , c'eft de ne pas donner fon autorité
avec fon coeur , & pourtant nous en
avons vu un exemple dans un Prince naturellement
paffionné pour les femmes ,
Henri IV ; fès amours n'influereur point
FRANGA I S. 99
·
moins dans les chofes graves , fur fon
Gouvernement. Il foutint conftamment fon
ami Sulli contre toutes fes Maîtrefles ; on
fait même qu'il alla jufqu'à donner un
fouffler à la plus emportée de toutes la
Marquife de Verneuil.. Ce fouffler n'eft
peut-être pas ce qu'il y a de plus louable ,
ce pouvait bien n'être qu'une vivacité d'Amant
; mais ce qui eft d'un homme &
d'un Roi , ce font ces paroles que tout
monde a retenues : Apprenez , Madame,
queje trouverai plutôt dix Maîtreffes comme
vous qu'un Minifire comme lui. Quand fa
conduire répond à un tel langage, & que
le lendemain la Mairrelle , après avoir
bien pleuré , eft obligée de faire les premieres
démarches près du Miniftre qu'elle
voulait renvoyer, qquuaanndd ddeeppuuiiss ce temps;
elle n'ofe plus ouvrir la bouche conte
lui , cela eft peut - être plus beau que de
n'avoir point de Maîtreffes. Ainfi , loin de
dire comme Bayle ( qui a laiffé , je ne fais
comment , échapper de fa plume cette
phrafe groffiere & ridicule ) , il n'a manquéà
Henri IV , pour fa gloire , que de n'ere
pas Eunuque * je dirai rien na manqué à
fa gloire , puifqu'il a eu celle de régner
même fur fes paffions..
:
L'Auteur des Mémoires , en remontant
jufqu'aux derniers temps de Louis XIV
fair un précis de la naiffance & des commencemens
de la célebre Maintenon & des :
ico MERCURE
principaux événemens de fa vie. Il n'y a
là que ce qui a été écrit par-tout ; mais à
propos de la prédiction qui lui fut faite
par un maçon , qu'elle ferait un jour époufe
du Roi, il ajoute » On a affuré que dès :
» ce moment elle ne fir pas un pas qui
" ne tendît à parvenir à la place qui lui
avait été promife , quoiqu'elle en parit
extrêmement éloignée ". Très éloignée
en effet , puifqu'alors elle était Mad . Scarfon
. Comment un homme de quelque efprit
peut- il énoncer férieufement une pareille
ineptie ? Si la femme de Scarron avait
1
-
fonger réellement à devenir celle de
Louis XIV , elle eût été réellement folle.
Celle qui eut affez de fens pour voir jour
à tant d'élévation , lorfque l'amour du
Roi pour elle rendit au moins la chofe
poffible , avait auffi trop de fens pour rêver
un femblable projet , quand il était
hors de toutes les vraifemblances morales ;
& ceux qui , dans les deftinées extraordinaires
, veulent toujours voir un même
deffein depuis le premier pas jufqu'au dernier
, montrent une bien grande ignorance
des hommes & des chofes. Plus un homine
eft habile , plus il regle fa marche fur les
moyens que le hafard lui préfente , & qui,
le plus fouvent , ne font pas ceux qu'il a
prévus ou préparés. Madame Scarron ne
pouvait pas deviner que le hafard la ferair
choifir pour élever en fecret les enfans de
FRANÇAIS.
c1
Mad . de Montefpan : ce fut là le premier
échelon de fa fortune. Quand les circonftances
l'eurent fait connaître du Roi , elle
put encore moins s'attendre qu'à l'âge de
quarante-cinq ans elle lui infpirerait une
grande paflion , & d'autant moins qu'il
commença par avoir pour elle un éloignement
marqué. Elle ne put donc jufquclà
, fans être infenfée , avoir le moindre
preffentiment de fon avenir. Mais quand
elle vit le Roi très- amoureux , & qu'elle
le connut très - dévot , c'eft alors qu'avec
beaucoup d'efprit , elle put concevoir le
projet de l'amener jufqu'au mariage. Cer
efprit après tout ( car il en fallait ) n'eſt
pas très rare dans une femme. Quelle eft la
femme ( parmi celles qui ne font ni fones
ni amoureufes ) qui ne fache pas à peu
près ce qu'elle peut faire de fon Amant?
Madame de Maintenon n'était ni l'un ni
l'autre. Elle était aimable , ainbitieufe &
adroite ; le Roi était fur le retour , tendre ,
faible , crédule , bigot. Elle dut voir alors
qu'avec des refus & des coquetteries d'un
-côté , de l'autre , avec des défirs & des
fcrupules, il y avait de quoi parvenir à
tout; & elle y parvint. Perfonne n'y fut
trompé dans le temps ; & toute fon hiftoire
eft très-bien expliquée dans le fameux
Sonnet qui finit par ce vers :
Il eut peur de l'Enfer ; le lâche , & je fus Reine.
102 MERCURE
•
Voilà le mot , & l'amour une fois donné ,
toute cette aventure n'eft au fond qu'un
mariage de confcience , que les noms de
Louis XIV & de Scarron rendent plus
fingulier qu'un autre.
A peine a - t on parlé de celui du Dau
phin , Menfeigneur , avec Mlle. Choin ,
qui n'eft pas moins réel & gueres moins
hors des convenances , & qui eut les mêmes
motifs d'autres Mémoires l'avaient
attefté il l'eft encore & avec détail
dans ceux de M. de Maurepas. On fait
ce qui fut dit alors : On s'allie finguliérement
dans cette Maifon là . Si Louis XV
eût vécu , qu'il eût confervé une certaine
fanté , & acquis une certaine dévotion ,
qui peut répondre qu'il n'eût pas époufé
Mad. du Barry ? Avec un Prêtre & du lecret
, n'eft-il pas fort commode d'arranger
fon plaifir & fa confcience pour ce mondeci
& pour l'autre ??
M. de Maurepas paraît croire que Mad.
de Maintenon
avait cé lé à fon Amant
, long-temps
avant
de l'époufer
. Certe
opinion
, contraire
à celle de tous les Hifto- riens du temps
, eft bien peu réfléchie
.
Quand
nous n'aurions
pas les lettres
de la ·Favorite
, quand
nous n'y aurions
pas tu ce
mot fi connu
& fi décifif
: Je le renvoie toujours
affligé
& jamais
défeſpéré
; il ſuffi- rait de favoir
quel plan de conduite
elle
FRANÇAIS. 101
a fuivi dès le commencement , pour comprendre
qu'elle ne pouvait pas céder fans
aller directement contre fon but , ce dont
elle était incapable avec fon efprit & ſon
caractere . C'eft fur-tout en mêlant la Rehigien
à l'amour qu'elle avait affujetti l'ame
à la fois timorée & fenfible de Louis XIV ;
c'est en jouant auprès de lui le double
rôle d'une femme qui aime & d'une dés
vote qui prêche , en l'effrayant d'une liais
fon illégitime & lui faifant entrevoir les
charmes d'une union irréprochable, qu'elle
Pavait arraché des bras de Mad. de Montefpan
. Comment aurait-elle pu fe démentir
elle-même au point de faire ce qu'elle
regardait comme fi coupable ? Elle perdair
dès- lors tout fon afcendant , & n'était plus
qu'une femme comme une autre aux yeux
d'un homme qui avait le befom d'aimer
confciencieufement . L'excellente fcène que
Racine eût pu faire d'une converfation
entre deux Amans de ce genre, de celle,
par exemple , qui décida le mariage ! Sans
doute , le charme de fes vers n'eût érẻ
qu'à lui ; mais les deux perfonnages avaient
allez d'efpritpour qu'il ne leur eût pas prêté
d'autres idées & d'autres fentimens que
ceux qu'ils ont pu exprimer entre eux .
( La fuite au N° . prochain.)
C
2.11 .
104 MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
DEVAUX , Libraire , à Paris , rue de Chartres
N°. 382 , & au Palais- Royal , Nº. 181 , vient
de mettre en vente le X. Volume de la Nou-
VELLE LEGISLATION , du Collection complete
& par ordre de Matieres de tous les Décrets
rendus par l'Affemblée Nationale conftituante .
Ce Volume cft le premier du Code de l'Extraordinaire
des Finances , & contient les Décrets
relatifs aux Dons Patriotiques & à l'Aliénation
des Domaines Nationaux.
Les Volumes qui ont paru , font : 1º . les Pouvoirs
Légiflatif , Exécutif & Adminiftratif ; Partie
complette , Vol . 2 °. Code Judiciaire ; Partie
complette , 2 Vol . 3 ° . Code Eccléfiaftique ; Part:
complette , 2 Vol . 4. Code de l'Ordinaire des
Finances , 2 Volum .; le 3. qui complette cette
Partie , va paraître. Le prix de chaque Volume
eft de 3 liv. 15 fous pour MM. les Abonnés de
Paris , & 4 liv. 10 f. pour ceux des Départemens ;
chaque Code fe vend féparément 4 liv. 10 fous
pour Paris , & liv. frane de port par la Pofte. !
Cette Collection fera terminée par une Table
générale & féparée des Matieres , par ordre alphabétique.
Cette Table , qui aura 7 à 800
pages , fera délivrée gratis à MM. les Soufcripteurs
& à ceux qui fouferiront encore jufqu'au
15 Juillet prochain . Les perfonnes qui défireront
foufcrire voudront bien faire paffer le montant
des dix Volumes qui paraiffent : ils ne payeront
enfuite qu'en recevant chaque Livraiſon ; & la
derniere ne fe payera qu'en recevant la Table générale
des Matieres, Il y aura 18 Volumes.
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Nouveau-Teftament , traduite en français fur la
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édition , ornée de 300 Figures , gtavées d'après
les Deffins de M. Marill er. 1. Livraison , qui
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Cette fuperbe Edition , chef- d'oeuvre de typo
graphie & de gravure , fe continue toujours avec
le même foin & la même perfection.
LA CONSTITUTION FRANÇAISE , décrétée. par
l'Affemblée Nationale conftituante , aux années
1789 , 1790 & 1791 , acceptée par le Roi le 14
Septembre 1791 ; fuivie d'une Table alphabétique
des 83 Départemens , de celle des villes & des
Bourgs où le trouvent des Diſtricts , de l'origine
des noms des Départemens , du tableau des Tribunaux
, de Paris divifé en 48 Sections & fes fix
Tribunaux , du tableau des 28 Divifions de la
Gendarmerie Nationale , & des Entretiens du P.
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Soirées du Bois de Boulogne ; Recueil de ces
Meffieurs ; Hiftoire nouvelle & Mémoires ramaflés
; les Manteaux ; le Pot-pourri , Ouvrage
de ces Dames & de ces Meffieurs ; Contes Orien
taux ; Féeries nouvelles ; Cinq Contes de Fées ;
Cadichon & Jeannette ; Hiftoire de Guillaume
Cocher de fiacre ; Aventures des Bals de bois
les Fêtes roulantes & les Regrets des petites Rues ;
Mémoires de l'Académie des Colporteurs ; les
Etrennes de la Saint -Jean ; les Ecoffeufes ou les
;
ufs de Pâques ; Recueil de ces Dames ; Effais
hiftoriques fur les Lanternes ; Hiftoire des Chats
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Mémoires de l'Académie de ces Dames & de ces
Mefheurs.
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Fenfées détachées , Traits d'Hiftoire , & Anecdotes
des Hommes célebres depuis la renaiſſance
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d'or , paffage de l'ancien Café de Foy ; à Lyon ,
chez M. Garnier , place de la Comédie.
Cet Ouvrage , affez recommandé par le nom
de l'Auteur , traite de l'exécution de la Mufique
en général , & de la vraie maniere d'accorder la
Harpe & le Piano,
TABLE.
8, Mémoires .
871Notices.
CHANSON.
Charade, Enig. Log.
194
MERCURE
FRANÇAIS.
SAMEDI 30 JUIN 1792.
PIECES FUGITIVES.
AU VILLAGE D'A V* *.
AIR : Je fuis Lindor , de PAESIELLO ,
SÉJOUR charmant , las ! qu'il faut que je laiſſe,
Où l'on n'eft point fatisfait à demi ;
C'eſt dans ton fein qu'il me refte un ami ,
Un tendre ami que j'aimerai fans ceffe !
Quoi ! j'oublirais , fans devenir coupable ,
Son coeur aimant , fon coeur droit , généreux ,
Et ce penchant à faire des heureux ,
Qui des humains le rend le plus aimable ?
N °, 26. 30 Juin 1792 .
F
110
MERCURE
Он ! que de fois dans fon ame fenfible
Je dépofai mes chagrins , mon ennui ;
Et que de fois je fortis d'avec lui
Plus foulagée , & pourtant moins paifible !
POUR mon bonheur je devins fon amie ;
C'eft de fon fort que dépend mon deftin ;
Contre mon choix fi je livre ma main ,
Mon coeur au moins eft à lui pour la vie.
SOUR charmant , fi doux à ma mémoirɛ ‚
Toi qui ne peux jamais être oublié ,
Si mes accens font chers à l'amitié ,
A te chanter je veux mettre ma gloire ,
( Par Stella Werenfelt. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent .
TE mot de la Charade eft Journée ; celui
de l'Enigme eft la Tete ; celui du Logogriphe
eft Fumier , où l'on trouve Mur, Mer,
Feu, Rime, Fier, Mi , Ré , Me , Fi , Furie ,
Mûre , Fer.
FRANÇAI S. III
CHAR A D E.
MON fecond eft trois fois contenu dans mon
tout ;
Mon premier vous le dit , & c'eft inconteſtable ;
Mais pour venir de moi plus aifément à bout ,
Cherchez-moi dans la main d'un des Dieux de
la Fable .
É N, I G M E.
Nous fommes bon nombre de foeurs ,
Dont l'étroite union & l'heureux
affemblage
Plaifent fort à nos poffeffeurs
.
Si quelqu'une de nous à la maifon fait rage ,
Elle fort , & fouvent caufe bien des douleurs.
Chez nous la qualité de belles
Ne va point fans la dureté ;
Et plus nous avons de bonté ,
Plus on nous éprouve cruelles.
LOGO GRIPHE.
LECTEUR , je fuis dans ce moment
Couvert du plus épais feuillage ,
Et mainte fois fous mon ombrage ,
J'ai vu le Poëte & l'Amant
F 2
112 MERCURE
Tous deux s'exercer au langage
De l'efprit & du fentiment.
Neuf pieds compofent tout mon être :
Retourne-les , tu vois paraître
Un arbre qui n'a point de fruit ;
Un obfcur & trifte réduit ;
Un amas d'eau fouvent croupie ;
Une riviere d'Italie ;
Un quadrupede ; un élément ;
Un mal terrible ; un mois charmant ;
Ce qui fert à notre défenſe ;
Une riviere de la France ;
Deux notes ; deux pronoms divers ;
Ce qu'on trouve à la fin d'un vèrs ;
Un meuble utile à la toilette ;
Ce que toujours fage fillette
A dix- huit ans défire avoir ;
Un Art très -utile à ſavoir ,
Sur-tout quand par mer on voyage ;
De Dieu le plus parfait ouvrage ;
Le riche féjour des métaux ;
Le plus ftupide des oifeaux ;
Un amas d'eau confidérable ;
Un Saint ; un mortel eſtimable ;
Un Patriarche ; un Magiftrat ;
Un fynonyme à Potentat ;
Une ville en Héros féconde ,
Jadis Capitale du Monde ;
Enfin , dans moi l'on trouve encor
Ce métal.en France fi rare .
Ah ! s'il en eft dans ton tréfor ,
Lecteur , fois- en donc moins avare .
(Par un Abonne. )
FRANÇAIS.
113
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
-૨
MEMOIRES du Comte de Maurepas ,
Miniftre de la Marine , &c. Troisieme
Edition , avec onze Caricatures du temps,
gravées en taille douce. 3 Volum. in-» °.
Prix , 10 liv. br. & 11 liv . 10 f.francs
de port par la Pofte. A Paris , cheż
Buiffon , Impr- Libr. rue Haute - feuille ,
N°. 20 ; & à Lyon , chez les Freres
Bruyfet , rue Saint- Dominique.
SECOND EXTRAIT .
PUISQUE UISQUE nous en fommes aux mariages
extraordinaires , il ne faut pas oublier celui
de Boffuet avec Mlle . de Mauleon . On a
beaucoup crié contre Voltaire pour en
avoir parlé le premier : M. de Maurepas le
rapporte comme un fait certain.
Un autre mariage qui ne laiffe pas d'avoir
auffi fes fingularités , c'eft celui d'un
Roi de France avec la fille d'un Staroſte
Polonais , que les armes de Charles XII
avaient fait un moment Roi de Pologne
& qui depuis , dépouillé & fugitif , s'était
retiré à Veiffembourg , où il était dans une
F3
114
MERCURE
telle mifere , qu'il fallut d'abord envoyer
des chemiſes à fa fille en lui offrant la couronne
de France. Ce n'était pas qu'elle
fût dans le cas de la belle Mazarin , à qui
Mad . de Sévigné écrivait fi plaifamment :
Vous voyagez comme une Heroine de Roman
; force diamans & point de chemiſes.
La fille de Staniflas n'avait pas plus de
l'un que de l'autre ; & pour premier préfent
de noces , elle reçut un trouffeau complet.
Le Comte de Maurepas trouve cette
alliance monftrueufe : il eft bien vrai que
c'était l'ouvrage d'une Madame de Prie ,
Maîtreffe du premier Minire , M. Le Duc,
& qui lui perfuada que pour rendre fon
pouvoir inébranlable , il fallait donner au
Roi une femme qui ne fût rien par ellemême
, & qui devant tout au Miniftre
fût auffi toute entiere à lui . Mais on peut
quelquefois , par des motifs très - perfonnels
, faire une chofe bonne & fage en
elle-même. Les mariages de nos Rois avec
des Princeffes étrangeres ont eu le plus
fouvent des fuites funeftes , parce qu'ils
font naître des prétentions qui font des
fources de guerre , & qu'on fait entrer les
Peuples comme une propriété dans les
claufes du contrat : or , tout ce qui eft une
caufe prochaine d'ambition & de guerre ,
eft certainement un grand mal dans la
faine politique , qui ne doit fonger qu'au
bonheur des Peuples. Quant à la politique
FRANÇA I S.
115
perfonnelle de M, Le Duc & de Mad . de
Prie , elle ne valait rien du tout : il ne faut
point compter fur la reconnaiffance , & à la
Cour moins qu'ailleurs ; & puis , ce qu'une
Reine de France peut être dans le Gouvernement
ne dépend point de ce qu'elle
était avant fon mariage , mais de fon caractere,
du plus ou moins d'envie de dominer
, des moyens qu'elle peut avoir pour
y parvenir , & des circonftances où elle fe
trouve. Catherine de Médicis n'était rien
moins qu'une grande Dame par fa naiffance
, & on fait quel terrible pouvoir
elle exerça fous trois Regnes .
1 >
Le Comte de Maurepas a raffemblé le
plus qu'il a pu de pieces fatiriques conte
le Gouvernement de fon temps ; outre le
goût naturel qu'il avait pour la fatire , il
ne pouvait fouffrir la domination du Catdinal
de Fleury, qui afferviffait les autres
Minidres, & la plupart de ces pieces étaient
contre le Cardinal. C'en était affez pour
les rendre précieufes à Maurepas , qui
d'ailleurs , ne montre pas , dans la maniere
dont il parle de tous ces pamphlets , beaucoup
de tact ni de jugement. Il rapporte
une lettre écrite à Henri IV par des jeunes
gens ivres , & il n'y a rien du tout dans
cette lettre qui fente l'ivreffe ; elle eft amere
& quelquefois injufte , mais raifonnée. Il
en cire une autre écrite au nom de Louis
XIV à fon fucceffeur , & qui eft une cri-
M
FA
116 MERCURE
tique fanglante de toute l'adminiſtration de
Fleury ; il a l'air de la regarder comme
une piece victorieufe, qu'il n'était pas poffible
de méprifer , & il ne s'apperçoit pas
qu'elle eft d'un bout à l'autre d'une maladreffe
ridicule , en ce qu'elle fuppofe
Louis XIV reprochant à fon fucceffeur
tout ce que lui - même avait fait , & lui
donnant des kçons qui retombent de tout
leur poids fur celui qui les donne : paffe
encore fi le mort qu'on fait parler était
cenfé faire une confeffion , & s'il avait foin
de dire Ne faites pas ce que j'ai fait.
Point du tout il ne s'excufe que fur la
Bulle : fur ce feul point , il avoue qu'il a
été trompé ; & fur tout le refte , il s'exprime
comme un Mentor avec fon Eleve.
Il lui fait for - tout un grand crime de ne
pas déférer aux remontrances de fes Parlemens
. Cela n'a-t-il pas bonne grace dans
la bouche d'un Prince qui avait fupprimé
même le droit de remontrances ? Rien au
monde n'était plus facile que de faire à
cette fatire , fi mal imaginée, une réponse
péremptoire , & qui plus eft très- plaifante .
Le Cardinal aima mieux la faire brûler par
le Parlement. Brûler n'eft pas répondre
dit fort bien Maurepas . Il à d'autant plus
raifen , que répondre n'était pas difficile ,
comme on vient de le voir ; ce qui n'empêche
pas que ce mot ne foit fort pour un
Min.fre de ce temps - là : mais c'était un
Miniftre mécontent.
FRANÇAIS.
117
On trouve ici les J'ai vu , qui firent
mettre Voltaire à la Baftille pendant treize
mois. Ils n'étaient pas de lui ; il eft facile
de s'en convaincre en les lifant , quand on
ne faurait pas que fur ce point l'innocence
de Voltaire fut reconnue. Cependant l'Auteur
des Mémoires paraît perfuadé qu'ils
font de Voltaire. En voici des paffages :
J'ai vu même l'erreur en tous lieux triomphante
La vérité trahie & la Foi chancelante ;
J'ai vu le lieu faint avili ....
J'ai vu de faints Prélats devenir la victime
Du feu qui les anime , &c .
Indépendamment de la platitude de ces
vers , qui ne voit qu'il s'agit ici des querelles
du Janfénifme ? & qui peut ignorer
quel mépris Voltaire , dès ce temps - là
avait affiché pour toutes ces folies : "Neftil
pas plaifant d'entendre Voltaire s'apitoyer
fur la Foi chancelante ? &c. Vous
verrez que Voltaire avait beaucoup de Foi !
lui que fes Profefleurs de Rhétorique défignaient
d'avance comme le Drapeau des
Incrédules ; c'étaient les expreffions du Jéfuire
Lejay. Qui peut douter que ces vers
ne foient de quelque fuppôt du Janfénifme
? Mais , comme difait très -bien Lagrange-
Chancel ( qui eut raifon cette fois )
en parlant , dans les Philippiques , de cette
inique détention du jeune Arouet :
FS
118 MERCURE
On punit les vers qu'il peut faire ,
Plutôt que les vers qu'il a faits .
Nous trouvons auffi deux Couplets fur
Villeroi , cet homme fi nul & fi vain , le
feul que Louis XIV daigna nommerSon
Favori , & qu'il fit entrer au Confeil avant
le vainqueur de Dénain , quoique Villeroi
fût de la même force au Confeil qu'à
l'Armée. Il s'agit ici de l'affaire de Crémone,
& des deux Couplets , il y en a un
de joli , fur l'air du Branle de Metz.
Villéroi , grand Prince Eugene ,
Vous fait lever de matin .
Pâris fit moins de chemin
Pour prendre la belle Hélene .
On vous l'aurait envoyé
Sans vous donner tant de peine ;
On vous l'aurait envoyé
Si vous l'aviez demandé .
Il eſt étonnant que Maurepas , grand
collecteur de Couplets & d'Epigrammes
n'ait pas cité ce quatrain , qui pouvait être
de quelque Soldat , le Louftic du Régiment ,
mais qui n'en eft pas moins le meilleur ,
fans comparaifon , qu'on ait fait fur cette
affaire de Crémone .
Palfembleu , l'aventure eft bonne
Et notre bonheur fans égal ;
Nous avons recouvré Crémone >
Et perdu notre Général.
FRANÇAI S. 115
Au refte , on fut toujours affez heureux
en Couplets fur ce Courtifan dont la fortune
nous a été fi fatale. En voici un dont
les Mémoires ne font pas mention , & qui
méritait bien de n'être pas oublié il eft
fur l'air Vendôme , Vendôme , qui ajoute
beaucoup au fel des paroles.
Villeroi , Villeroi
A fort bien fervi le Roi .
Guillaume , Guillaume.
...
:
Cette naïveté fi piquante & fi rare eft
la perfection de ce genre.
I y a loin des Couplers de cerre tournure
à ces Calottes , qui tiennent une fi
grande place dans les travaux & dans l'opinion
du Comte de Maurepas. S'il n'y a
pas de quoi s'en étonner , puifqu'il avone
franchement que la plupart font de lui ,
il n'y a pas non plus de quoi fe vanter ;
car elles font toutes de la derniere platitude.
Je m'en rapporte à qui pourra les lire
jufqu'au bout : en voici des échantillons .
Que dites- vous de la momie ? ( Voltaire)
La foif de l'or le feche ainfi ,
Et le corrofif de l'envie.
Eft-il affis , debout , couché ?
Non , fur deux fiageolets il flotte ,
Entouré d'une redingotte ,
Qu'à Londre il eut à bon marché.
Son corps tout diflcqué cano.te ;
Sa mâchoire avide grignotte ;
F &
120 MERCURE
Son regard eft cffarouché.
Vous connaiffez ce Don Quichotte
Qui dans la cage eft attaché ;
Son fec cadavre eft embroché
A fa rapiere encor pucelle , &c.
Venez , favante Académie
Encenfez-le fur votre feuil ;
Ces Meffieurs lui feront accueil ,
Ou l'excufe la plus polie
De n'avoir pas incorporé
Chez eux un mortel fi taré ...
Voltaire avec mépris les traite ,
C'eft leurs jetons feuls qu'il regrette , & c.
Mais Ciel qui bouche les paffages ?
Qu'entendons - nous ? quelles clameurs !
Haro fur le Roi des Rimeurs.
On veut l'arrêter pour les gages ;
C'eft un monde de Soufcripteurs ,
De Libraires & d'Imprimeurs ,
Parlant de vols , de brigandages , & c .
En voici un autre :
2
"
Nous les Régens de la Calctie ,
Aux fideles de la Marotte ,
A qui ces préfentes verront ;
Salut Arouet , dit Voltaire
Par un efprit loin du vulgaire ,
Par fes mémorables Ecrits ,
Comme auffi rar fes faits & dits ,,
S'étant rendu recommandable ,
FRANÇAIS.
121
Et ne croyant ni Dieu ni Diable ;
Ayant de plus riches talens
Qu'aucun autre à quatre-vingts ans ;
Savoir , Boutique d'infolence ,
Grand Magafin d'impertinence ,
Grenier plein de rats les plus gros , &c.
En voilà bien affez : tout eft de cette
force. Ce n'eft pas-là tout- à-fait le ton de
plaifanterie de Chapelle & d'Hamilton ;
mais chacun a le fien , & c'était apparemment
celui du Comte de Maurepas . Au
reſte , un Miniftre n'eft pas obligé de bien
faire des vers , ni même de s'y connaître ;
mais peut-être l'eft- il de s'occuper d'autre
chofe que de recueillir avec tant de foin de
fi pitoyables rapfodies , & de les groffir de
fes productions .
Il infifte beaucoup fur l'importance dont
étaient , felon lui , ces Calottes dans l'opinion
publique ; il affure que les Miniftres
les commandaient dans l'occafion , & favaient
en tirer parti pour écarter des hom-
' ines dangereux ou de fauffes opérations.
Tout cela eft infiniment exagéré , & peut
mériter quelques obfervations qui réduiront
le tout à l'exacte vérité.
-
On n'ignore pas que le ridicule a toujours
été une arme puiffante , fur tout
chez les Français , Nation regardée de
tout temps comme prodigieufement vaine ,
& chez qui cette vanité s'eft exaltée en
122 MERCURE
raifon de l'efprit de fociété , devenu , depuis
Louis XIV , le plus dominant de tous
les efprits. De là l'Empire de la mode, du
bon ton , & de toutes les petites chofes
qui infuaient tant fur les grandes , avant
même que cet efprit fût formé ; & du temps
de la Ligue , la fatire Ménippée combattit
avec fuccès les fermons du Fanatifme &
l'or de l'Efpagne . Elle eft reftée dans toutes
les Bibliotheques comme un monument
hiftorique très- précieux , parce que , malgré
l'imperfection du langage encore un
peu groffier , elle joint un fel très- piquant
au développement très- inftructif des intér
rêts & des menées de tous les partis. Le
Français , naturellement vif & malin , &
auffi fufceptible de recevoir la vérité que
l'erreur , accueillit beaucoup les différentes
pieces qui compofent cette fatire , écrites
d'ailleurs par les meilleurs efprits & les
meilleurs Citoyens du temps , & l'on ne
peut douter qu'elles n'aient contribué beaucoup
à l'abaiffement des factieux & au
rétabliffement de Henri IV .
Du temps de la Fronde , on ne négligea
pas non plus cette arme du ridicule ; tous
les partis s'en fervirent d'autant mieux que
tous y prêtaient également. Les Mémoires
du fiecle dernier nous ont confervé quelques-
unes de ces nombreuſes Marinades,
qu'on voyait éclore chaque jour : quoique
meilleures que les Calottes , elles ne font
FRANÇAIS. 113
pas bonnes , & l'on ne fe fouvient aujourd'hui
que de quelques Couplets de Blot
& de Marigny, qui font véritablement fort
heureux. Quant aux Mazarinades , toutes
celles qui ne font pas dans les Mémoires
du temps ( & c'eft , fans nulle comparaifon
, le plus grand nombre ) , font tellement
anéanties , que rien ne ferait plus
difficile aujourd'hui que d'en trouver un
Recueil ; & quand par hafard on en voit
un annoncé dans les Catalogues de ventes,
c'eft vraiment une rareté. Dès que les intérêts
du moment font paffés , tout ce qui
n'a pas quelque mérite réel fait pour tous
les temps , tombe néceffairement dans le
plus profond oubli . M. de Maurepas nous
affure gravement que les Bibliotheques ont
confervé les Calottes je fuis convaincu
qu'excepté chez quelques curieux Bibliomanes
, qui mettent leur amour - propre à
pofféder ce que peu de perfonnes peuvent
avoir & ce dont perfonne ne fe foucie ,
on aurait d'ailleurs bien de la peine à trouver
ces copies ; & quiconque a des Livres
a la fatire Ménippée.
Il y a bien des raifons pour que ces
Calottes , que les Mémoires de Maurepas
ne feront pas revivre , aient depuis longtemps
difparu de la mémoire des hommes.
1º . Elles font d'un goût déreftable ; & paffé
l'inftant de la curiofité & de la malignité ,
deux paffions pour qui tout eft bon , la
124 MERCURE
-
lecture en eft dégoûtante. 2 ° . L'uniformité
d'un cadre toujours le même devait , à la
longue , rebuter le Public qui veut une
forte de variété, même dans la méchanceté
qui l'amufe. 3. Pour vaincre cette monotonie
, le talent même n'aurait pas fuffi , '
& fi le talent fe permet quelquefois une
faillie , une facétie , foit pour s'égayer , foit
pour le venger , il ne fait pas métier de
brocarder indifféremment tout le monde :
il n'y en a point d'exemple. C'étaient donch
les derniers des Ecrivains , ou quelques
méchans obfcurs & timides , ou des hommes
médiocres & vains qui fe faifaient
une occupation & une jouifance de cas
fortes de Libelles , & les productions de
ces gens - là ne font jamais de durée . 4º.
Dès que ce cadre fut connu , l'efprit de
parti s'en empara , & fi quelques gens.
avaient été attaqués avec juftice , quoique
groffiérement, bientôt on s'adteffa fur- tout
au mérite & à la réputation en tout genre,
parce que les méchans & les jaloux ont
un instinct , ( & c'eft le feul qu'ils aient )
qui les avertit qu'en rabaiffant tout ce qui
vaur quelque chofe , ils auront tous les
fots pour eux. C'eft ce calcul sûr & facile
qui a fait fubfifter tellement quellement
les Fréron , les Sabatiers de Caftres ,
les Clément , les Linguet , les Royou , &
autres de la même trompe , qui n'avaient
précisément que ce qu'il faut d'efprit pour
FRANÇAIS. 125
être parmi les fots ce que les beliers font
parmi les moutons ; c'est - à - dire pour fe
mettre à la tête du troupeau & le mener.
On fait ce qu'ils font devenus , & chacun
eft à portée d'apprécier leur caractere.
Si l'on veut avoir une idée de toute la
bêtife de l'efprit de parti , il faut lire dans
ces Mémoires la Culotte faite au fujet des
miracles du cimetiere de Saint - Médard.
On croirait d'abord que c'eft pour s'en
moquer , & le champ était vafte : point
du tout ; c'eft pour en parler du ton de
l'admiration la plus niaiſement férieufe :
double ineptie ; car ce férieux forme une
difparate également ridicule avec le fujet
& avec le genre. Que dire des convulfionnaires
de St-Médard , diſtribuant des brevers
de folie car c'eft ce que fignifiaient
les Calottes )? Ne font-ce pas les Petites-
Maifons affemblées pour rendre un arrêt
en forme contre le bon fens ? & c'eſt ainfi
que M. de Maurepas s'imagine qu'on formait
l'efprit public !
Ces Mémoires offrent à toutes les pages
des preuves non feulement de fon peu de
difcernement & de goût , mais même du
peu de connaiffance qu'il avait de la Langue
, défaut , on doit l'avouer , affez rare
à la Cour , où l'on le piquait à un certain
point de parler du moins paffablement.
M. de Teffé ( dit-il ) fans être un for ,
» était bien l'un des bonnes gens de fon
"
126 MERCURE
" temps en fait de Spiritualité " . Peu de
Courtifans auraient ignoré que , quoiqu'on
dife fort bien un homme fpirituel , le mot
de fpiritualité ne s'applique jamais dans
notre Langue qu'aux chofes de la Religion
& du falut , & par oppofition aux chofes
temporelles .
•
Il dit en propres termes que les Fables
de la Mottefont fort fottes ; c'est ce jugement
qui eft une fottife. Les Fables de la
Motte ne font rien moins que fottes , &
ce n'eft pas l'efprit qui lui manquait ; il
s'en faut de beaucoup ; ces Fables font
prefque toutes fort ingénieufes ; ce qui
leur manque , c'eft le naturel & la grace,
genre d'efprit rare & précieux , néceffaire
fur tout dans la Fable ; & pourtant la
Motte eft parvenu , feulement à force d'ef
prit , à faire quelques Fables qui font encore
les plus jolies que nous ayons , je ne
dirai pas après La Fontaine , mais depuis
La Fontaine ; car après lui il n'y a rien .
ود
"3
-
La premiere idée de la formation du
Régiment de la Calotte ( dit encore l'Au-
» teur des Mémoires , toujours avec la
» même gravité ) , fut de former une So-
» ciété qui aurait pour but de corriger les
moeurs , de réformer le ftyle à la mode ,
" en le tournant en ridicule , & d'ériger
" un Tribunal oppofé à celui de- l'Acadé-
» mie Françaiſe ".
FRANÇAI'S.
127
On a vu dans ce que j'ai cité , & l'on
peut voir dans tout le refte , avec quel ftyle
ces Meffieurs voulaient réformer le ftyle des
autres ; on a vu par les calomnies atroces
& impudentes contre Voltaire , comment
ils prétendaient corriger les moeurs ; & pour
ce qui eft de l'Académie , fi le ftyle des
complimens de réception & des pieces
couronnées a long- temps prêté au ridicule,
ce font les bons Ecrivains de l'Académie
même qui l'ont fait fentir , & qui l'ont
corrigé un peu mieux que l'ignorante grofhéreté
de Meffieurs de la Calotte.
39
ود
„ La derniere des Calottines un peu
» connues eſt de 1744. Madame de Pompadour
, qui a un ton grivois & bourgeois
à la Cour , où elle eût dû porter
" pour plaire le grand ton des premieres
» Favorites du Roi , entrait en convulfion
» au nom du Régiment de la Calotte ; &
» comme elle fuccéda , pour l'empire de la
» Cour , au Cardinal de Fleury , ce Régiment,
battu par l'autorité, difparut du
Royaume de France , où l'on rira peu
» déformais tant que Mad. de Pompadour
» régnera «.
و ر
">
و ر
On reconnaît aifément à ce paffage le
Miniftre que la Favorite fit renvoyer non
pas précisément pour une Calottine , mais
pour une Chanfon affez jolie que tout le
monde connaît & qui eft par-tout :
128 MERCURE
Une petite Bourgeoife ,
Elevée à la grivoife , &c.
Cette Chanfon fut attribuée à Maurepas
, ennemi déclaré de la Favorite , & qui
avait réellement fait le Couplet , contre
elle , fur les Fleurs : celui - là était de fa
force ; ce n'était qu'un Calembour ; mais
la Chanfon était d'un homme de fa fociété
, de Pont-de-Veyle : elle courut toute
la France : la Marquife ne la pardonna pas,
non plus que le Couplet , & parvint à s'en
venger. Il eft plaifant que l'Auteur des
Mémoires , qui dit lui-même que rien n'a
jamais empêché les Français de rire & de
chanfonner , prétende que fon cher Régiment
de la Calotte a difparu , battu par
l'Autorité. Ce n'eft pas l'Autorité qui détruit
ces Régimens - là ; c'eſt le dégoûr &
l'ennui. Il eft encore plus plaifant qu'il ne
veuille plus qu'on rie en France , parce
qu'il n'eft plus à la Cour. On y a pourtant
ri depuis , & fouvent de fort bonne
grace. Jamais le Français n'a perdu le talent
du Couplet & de l'Epigramme ; & il
n'y a pas d'année qui n'ait vu des Pieces
de ce genre , heurcufement un peu meilleures
que les Calottines. M. de Maurepas
a beau nous répéter en termes exprès , que
toutes ces Calottines font d'un plaifant &
d'unfel infiniment piquant ; on lui répondra,
avec Moliere :
FRANÇA I Sa̸ 129
Pour les trouver ainfi , vous avez vos raifons ;
Mais vous trouverez bon qu'on en puiffe avoir
d'autres ,
Qui fe difpenferont de fe foumettre aux vôtres.
( La fin au Mercure fuivant. )
4
JÉSUS- CHRIST , ou la Véritable Religion ,
Tragédie ; par M. DE BOH AIRE.
Paris , chez la veuve Duchefne & Fils ,
Libraires , rue Saint- Jacques, au Temple
du Goût.
VOLTAIRE reçut un jour,une lettre du
Gardien d'une Capuciniere de Province :
le Moine lui mandait qu'on avait joué
dans fon Couvent la Tragédie chrétienne
de Zaire avec la plus grande édification ;
que la Piece avait été fort bien exécutée ;
que le rôle de Zaïre était parfaitement
rempli par un jeune Novice d'une trèsjolie
figure , dont on avait caché la barbe
dans un facher couleur de rofe , &c. Il
ajoutait , après beaucoup de complimens à
Auteur , qui avait été affez heureux pour
trouver un fujet fi touchant & fi édifiant ,
qu'il ne lui manquait plus , pour mettre
le comble à fa gloire , que de traiter un
fujet bien plus touchant encore & plus
1301 MERCURE
édifiant , la Paffion de Notre- Seigneur J. C..
Là - deffus , le bon Gardien s'échauffait
merveilleufement & déployait toute fon
éloquence pour prouver qu'aucun fujet de
Tragédie ne pouvait entrer en comparaiſon
avec celui - là . J'ai vu la lettre ; elle était
curieufe , mais pas tant que la Piece de
M. Bohaire .
Voltaire répondit qu'il ne fe fentait pas
un génie capable de foutenir un fi grand
fujet. M. Bohaire n'a pas été auffi modefte
ni auffi timide. Il nous apprend dans une
Lettre aux Comédiens , que fa Tragédie eft
d'un genre nouveau. Il eft bien vrai que
depuis long- temps nous avons une foule
de genres nouveaux , fi nous en croyons les
Préfaces des Auteurs ; mais il faut avouer
qu'en effet la Piece de M. Bohaire a quelque
chofe de particulier.
Il nous prévient que la lecture d'un Ouvrage
auffi important ne convient pas aux
efprits faibles & fufceptibles de préjugés ;
que ces gens là ne voudront jamais voir
d'un bon oeil la repréfentation d'un tel fujet
fur le Théâtre. C'eſt dommage ; mais peutêtre
, en récompenfe , cet important Ouvrage
conviendra - t - il mieux aux efprits
forts : ce qui eft certain , c'eft qu'il faudrait
avoir de l'humeur pour le voir d'un
mauvais oeil.
L'Auteur défire modeler le Spectacle de
cette Piece fur celui d'Athalie , former des
FRANÇA I S. 131
Chours & même des Danfes , & prier l'Académie
de Mufique de fe joindre aux Comé-.
diens Français . Pourquoi pas ? Il y a déjà
quelques années que j'attends le Maffacre
des Innocens en Opéra - comique , & le
Déluge univerfel en Ballets. En attendant,
voilà qu'on nous promet la Paffion en
Choeurs & en Danfes : il eft clair que nous
avançons .
M. Bohaire eft convaincu qu'un enfemble
auffi parfait ne pourrait manquer d'avoir
un grandfuccès. Cela eft extrêmement vraifemblable.
Maintenant , pour donner une idée du
genre & du ftyle de la Piece , je crois que
quelques vers fuffiront.
Et Salomon lui-même , en fon plus grand éclát ,
Ne fut pas mieux vêtu que l'eft le feringat.
Couronné d'une épine , & le viſage en fang ,
De tous ces affaflins , Jéfus eft vers le flanc ,
Un rofeau dans la main , vêtu de l'écarlate ,
Suivi de Magdeleine , & de Marie & Marthe.
Dans leurs forfaits , c'eft peu de le myſtifier ;
Ils ont déjà la croix pour le crucifier,
On nous difpenfera , fans doute , d'en
citer davantage ; mais il eft bon d'avertir,
de peur qu'on ne s'y méprenne , que cet
Ouvrage a été compofé le plus férieuſe132
MERCURE
FRANÇAIS
.
ment du monde , & que & les Juifs ont
myftifié le Sauveur , l'Auteur très - certainement
n'a voulu myftifier perfonne.
ANNONCES ET NOTICES .
la
TOME IV & dernier des MÉMOIRES du Comte
DE MAUREPAS , Miniftre de la Marine
&c. &c. &c.; avec onze Caricatures du temps ,'
gravées en taille - douce. Volume in- 8 °. Prix ,
liv. br. & 3 liv. 10 fous franc de port par
Pofte. A Paris , chez Buiffon , Impr - Libr . rue
Haute-feuille , N ° . 20. On peut fe procurer le
même Ouvrage à Lyon , chez les FF. Bruyfet ,
rue St- Dominique .
3
Ce Volume le vend féparément aux perfonnes
qui ont acquis les trois premiers.
Nous rendrons compte de ce IV . Volume , à
la fuite des autres. Il y a des endroits qui contredifent
quelques inductions que nous avons tirées
des premiers Volumes ; mais il fera aifé de faire
voir , en rapprochant les paffages , que c'eft
l'Auteur qui n'a pas toujours été d'accord avec
lui-même , parce qu'écrivant fur les mêmes perfonnes
en différens temps , il a fuivi les différentes
impreffions dont il était affecté.
Av
TABLE.
U Village d'Av **. 109 Jésus - Chrift.
Charade , Eng. Logog. 111 Notices .
Mémoires , 2e. Ex.
149
732
MERCURE
HISTORIQUE
E
E T
POLITIQUE.
SUÈDE.
De Stockholm , le 4 Mai 1792.
Le Duc de Sudermanie Régent du
royaume, que les Feuilles de France avoient
tué , s'occupe avec fuccès des affaires
Le crédit s'affermit chaque jour fous fon
Gouvernement ferme & prudent ; le calme
eft rétabli dans la capitale , & tout donne
à penfer que la paix intérieure fera conf
tamment maintenue par la vigueur du nouveau
règne , & la haine que le dernier
évènement a infpiré à un Peuple fage &
libre contre les fcélérats qui pour regner
ont fait affaffiner leur Roi.
Il n'eft pas vrai , comme les Papiers François
l'ont auffi débité, que la Ruffie intrigue
parmi nous pour y exciter des troubles : le
N°. 22. 2 Juin 1794.
*
'dernier malheur eft l'oeuvre du fanatiſme ,
& non celui de la corruption de cette Cour;
& c'eft un menfonge affreux de le donner
à entendre, quand tout annonce & prouve
le contraire.
Le Comte de Stackelberg, Miniftre de
Ruffie à Stockholm , a reçu ordre de fa
Cour de propofer au Roi d'entretenir des
Amballadeurs réciproques , en affurant le
Ministère Suédois que Sa Majefté iTmpératrice
étoit prête de nommer un Ambaffadeur,
& de prouver par la combien elle
étoit jaloufe d'entretenir la même intelligence
& l'harmonie qui régnoient entre
les deux Etats avant la mort du Roi.
Cette invitation a été reçue de notre Cour
avec fatisfaction , & l'on s'attend à voir
inceffamment le Comte de Stackelberg déployer
ici le caractère d'Ambaffadeur.
La cérémonie des Ord es a eu lieu , comme
à l'ordinaire , dans la Chapelle du Château
Je 28 Avril . Le Duc de Sudermanie a préſidé
le Chapitre , comme Tuteur du jeune Roi , &
a décoré , de l'Ordre des Séraphins , M. le
Comte de Rareth , qui avoit été nommé par
le feu Roi à la fuite de la dernière Dièté tenue à
Gefle.
Une Ordonnance du Magiftrat vient
d'annoncer que la tranquillité étant rétablie
dans la ville , on peut maintenant for
tir la nuit fans feu.
A
( 3 )
ESPAGNE.
De Madrid, le 10 Mai 1792.
M. de la Vauguyon , ci - devant Ambaſfadeur
du Roi de France , a eu fon audience
de congé , & a remis au Miniftre fes
lettres de rappel . Il eft remplacé par M.
Bourgoing: ce dernier a été préfenté le 6 à
la Cour.
L'on attend quelque changement important
dans le Ministère : voici un état des
forces de l'armée d'Efpagne.
OC
-
Trente- un régimens d'infanterie Espagnole ,
à préfent de treize compagnies pat bataillon , done
chacune eft de so Fufiliers , de deux Sergens &
d'un Tambour , ce qui fait 64,077 hommes .
Trois régimens d'infanterie Iriandoife , qui font fix.
bataillons , formant 4, 13 4 hommes. Trois ré
gimens d'infanterie Italienne, formant fix bataillons
qui donnent également 4,134 hommes . -- Trois.
régimens d'infanterie Wallonne , faiſant le même
nombre 4,134 hommes. Six régimens d'infan
terie Suiffe , dont deux font de quatre bataillons
& quatre de deux bataillons chacun , formant
11,024 hommes. Cinq régimens de gardescotes
qui doanent enſemble 5,220 hommes ;
de forte que l'infanterie s'élève , fans compter
les Officiers , à 92,723 hommes. 33 1égimens
de cavalerie de trois efcadrons , faifant
11,880 hommes , ce qui fait 18,360 hommes de
cavalerie. La maison militaire du Roi d'Eſpa- .
gne eft compofée de trois efcadrons de gardes, ducorps
, d'un efcadron des Grenadiers à cheval
Ce qui fait 750 hommes de cavalerie. L'infante
A 2
( 4 ))
rie eft composée du régiment des Gardes Efpagnoles
& de celui des Gardes Wallonnes , montant
enfemble , à 8,000 hommes ; ainfi la totalité de
l'armée Espagnole monte à 119,800 hommes , indépendamment
des milices, »
1 ALLEMAGNE.
De Vienne le 14 Mai 1791. tory l
Marie - Louife , Infante d'Espagne , âgée
de 47 ans , Impératrice , Reine de Hongrie
& de Bohême , époufe de feu Sa Majefté
Impériale , Léopold II , eft morte le
12 de ce mois , à quatre heures après midi ,
après avoir reçu les derniers Sacremens en
préſence du Roi & de la Reine , des Archiducs
, Archiducheffes & autres Perfonnes
de la Cour,
L'on met chaque jour une nouvelle activité
dans les difpofitions militaires qu'exige
la guerre contre la France . Quinze mille .
hommes font partis de la Bohême le 10 ;
l'ordre eft donné d'en hâter la marche...
Cette troupe fe réunira aux Pruffiens tirés
de la Siléfie au nombre de 1.2,000 , & ira :
groir l'armée des Pays - Bas , où fe rendront
auffi le Prince de Waldeck , le Géneral
de Clairfait & l'Archiduc Charles.
Indépendamment des deux Corps d'armée.
fur le Rhin & aux Pays Bas , on paroit,
porté à en faire agir un du côté de l'a
lie ; au moins des ordres ont-ils été donnés
detenir un Corps de 8 à 9 mille hommes des
( 05 )
troupes du Milanois prêt à fe porter où les
évènemenspourroient l'appeller . LeComte
de Strafoldo le commandera.
Malgré les dépenfes que ces préparatifs
occafionneront le Roi a déclaré que fon
intention n'étoit point d'établir de noueveaux
fubfides , pas même celui de guerre
& qu'il trouve dans fon patrimoine des reffources
fuffifantes fans furcharger les Peuples
de fes Etats.
J
Au refte on peut connoître par la précipitation
que l'on met dans les préparatifs
, le peu de précautions qu'avoient
prifes contre un peuple entreprenant les
Cours de Vienne , de Berlin & de l'Allemagne
; elles étoient mal inftruites de
Tétat de la France , on leur en avoit trop
exagéré la foibleffe ou les moyens de réfiltance
intérieure du parti des mécontens. Il
n'eft pas même sûr qu'avant le raffemblement
des forces fuffifantes pour porter
quelque coup décifif , les François n'aient
pris les devants & effectué quelques - uns
des plans qu'ils ont depuis long temps le
projet de tenter. Tel eft l'effet inévitable
de l'incurie & de l'habitude de ne voir les
forces de fon ennemi que d'après les rap❤
-ports de fon propre parti .
De Ratisbonne , le 17 Mai.
Les Miniftres de Vienne & de Berlin , á
la Diète de l'Empire , ont remis aux autres
A 3
( ( 6 )
Miniftres une note de réquifition & d'exhortation
relative aux affaires préfentes :
voici cette pièce importante qui doit faire
ceffer tous les refus de forme & les neutralités
apparentes des Etats qui ne s'étoient
point encore ouvertement déclarés .
*
D'après l'affociation faite entre tous les
Princes , fur l'invitation de l'Empereur défunt ,
pour la sûreté & la défenfe de l'Empire , les
Rois de Hongrie & de Prufle effèrent conjoin.
tement , qu'aucun des Etats de l'Empire ne fe
détachera , que tons au contraire fe hâteront de
contribuer , par tous les moyens qui font en leur
pouvoir , à foutenir la guerre contre la France
qui menace l'Empire . Leurs Majeftés demandent
que les fufdits Etats , fans entrer en aucune
difcuffion fur la queftion qu'on pourroit faire ,
fi ladite guerre eft contre l'Empire ou contre la
Maifon d'Autriche , s'expliquent cathégoriquement
fur les fecours qu'ils voudront donner , &
fur lefquels toutefois on leur laiffe le libre arbitre
, le flattant néanmoins qu'ils feront próportionnés
à la grandeur des Etats refpectifs .
Ces fecours pourront être donnés ou en troupes,
ou en attirails de guerre & armes , ou en argent,
ou en vivres , ou encore dans la pleine liberé
aux armées beliigérantes de fe recruter days
lefdits Etats . Si , contre toute attente , il fa
trouvoit quelqu'Etat qui , par quelque raifon
que ce fut , renonçât à l'affociation lefd.res
Majeftés le verroient obligés de couvrir parement
& fimplement leurs propres Eats , ainh
que ceux de leurs alliés , abandonnant les auties
à leur propre fort. Elles adopteroient même ce
principe , qui n'eft pas pour nous eft contre nous ,
( 7)
& le mettroient en pratique fuivant que les cir
conftances pourroient l'exiger. Mais leurs Ma
jeftés comptent trop fur le patriotisme de tous
les Etats de l'Empire , pour ne pas être affurées
d'avance de recevoir de chacun d'eux prompte
& fatisfaifante réponſe. »
Cette déclaration , dans laquelle le Parti
François , agillant en Allemagne , a voulu
faire trouver aux Princes qu'elle concerne
des motifs de réclamation , n'a excité aucune
plainte réelie ; elle accélérera la levée
contingens. Déjà l'Electeur de Cologne
a demandé & obtenu des Etats de l'Electorat
les fommes qui lui font néceffaires
pour fournir fon contingent en troupes ,
fuivant les loix de l'Empire.
des
Tout annonce la réfolution d'avancer
l'époque du Couronnement de l'Empereur.
Sur la propofition de l'Electeur de Mayence,
le College Electoral doit fe raffembler un
mois plutôt qu'on ne l'avcit annoncé ; ce
fera dans les premiers jours de Juin au lieu
' de Juillet.
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres , le 23 Mai.
1
Les évènemens du continent ne nous ont
point permis de fixer l'attention du Lecteur
fur les intrigues avortées , dont on a
fait ufage pour exciter des divifions dans
le Parlement & le Gouvernement Britan-
A 4
( 8 )
nique. Les Inftigateurs de la réforme parlementaire
, dans un moment où tous les
brûlots de la France font aux aguets pour
femer la difcorde parmi nous , ont été démafqués
, & leurs tentatives repouffées par
les délibérations du Parlement. Nous rewviendrons
fur ces faits importans ; mais
aujourd'hui , pour préfenter un enſemble
des négociations & des menées qu'occafonne
la guerre entre la France & les Cours
d'Allemagne , nous rapporterons une note
remife officiellement au Ministère , pour
en obtenir la déclaration formelle d'une
neutralité effective . En attendant que l'Angleterre
prononce cette neutralité , dont
peut être elle auroit à fe repentir , fi l'infurrection
françoife gagnoit fes Etats ; voici
la pièce en queftion , remife au Lord Grenville
,le 12 Mai. On y trouve le ftyle du
' nouveau Miniſtère François ; mais on fera
difficilement convaincu que ce foit pour le
bonheur de la Frar ce que le Roi ait déclaré
la guerre aux Peuples protecteurs de fa
Famille , & à des Rois qui vouloient fouftraire
les Etats à la rage d'un parti vraiment
fanatique & meurtrier.
« Le Roi des François , en envoyant un Miniftre
Plénipotentiaire à Londres , l'a fpécialement
chargé de commencer fa miffion par måmifefter
au Gouvernement Britannique les raiſons
zimpérieufes qui ont décidé la France à la guerre
contre le Roi de Hongrie & de Bohême ,
2
9 )
pensé qu'il doit cette manifeftation à la pureté
des intentions qui l'animent , autant qu'aux loix
du bon voisinage & au prix qu'il attache à tabt
ce qui peut entretenir la confiance & l'amitiś
entre deux Empires qui ont aujourd'hui , plus
que jamais , des motifs de fe rapprocher & de
s'unir. Devenu Roi d'une Nation libre après
avoir juré le maintien de la Conftitution qu'elle
s'eft donnée , il n'a pas peu fenti profondément
toutes les atteintes qu'on vouloit porter à cette
même Constitution & fa feule probité et luffi
pour lui commander de les prévenir & de les
.combattre. ”
Le Roi a vu une grande corjuration ſe former
contre la France , les agens de cette ligue
couvrir d'une outrageante pitié pour lui , les apprêts
de leurs deffeins ; & Sa Majefté a eu la
douleur de compter parmi eux les François dont
tant de puiffans motifs & des liens fi particuliers
fembloient lui garantir la fidélité . Le
Roi n'a point épargné les voies de la perfuafion ,
pour les ramener à leur devoir & pour diffiper cotre
igue menaçante que foutenoient & fortifioient
leurs coupables efpérances ; mais l'Empereur
Léopold , moteur & chef déclaré de ce vaſte
complot , & après ſon décès , François , Roide
Hongrie & de Bohême n'ont fatisfait à aucure
des demandes franches & réitérées du Roi ; après
avoir fatigué par des délais & des réponses vagues
, l'impatience des François accrue chaque jour par
de nouvelles provocations , ces Princes ont face
ceffivement avoué la coalition des Puiffances
contre la France ; ils ne fe fort point défendus de
Ja part qu'ils y avoient prife , ri de celle qu'ils
y prenoient encore ; lein de fe difpofer à la
diffoudre par leur influence , ils ont cherché à
1!
A
S
( 10 )
110
la lier à des faits qui , d'abord étoient étran
gers , & fur lefquels la France n'a jamais te fuf
juftice aux perfonnes intéreffées , & comme fi
le Roi de Hongrie vouloit confaérer la erpétuité
de l'atteinte qu'il porte à la fouveraineté
de l'Empire François , il a déclaré
que cette coalition également injurieuſe pour le
Roi & pour la Nation ne pouvoit ceffer , tant
que la Frar ce ne ferit pas celler les motifs graves
qui en avoient provoqué l'ouverture , c'est - àdire
, tant que la France , jaloufe de fon indépendance
, ne fe relâch roit en rien de fa nouvelle
conflitution . Une telle réponse , précédée
& foutenue des préparatifs les plus évidemment
hoftiles , & d'une protection mal diffimulée
pour des rebelles , a dû paroître à l'Affemblée
Nationale , au Roi & à la France entière , une
agreffion manif:fte ; car c'eft commencer la
guerre que d'annoncer qu'on ramaffe , qu'on
appelle de toutes parts des forces , pour contraindre
les habitans d'un pays à altérer la forme du
Gouvernement qu'ils ont librement choifi , &
: qu'ils ont fait ferment de défendre. Or c'eſt là
le fens & comme la fubftance de toutes les
réponſes évalives du Miniftre de l'Empereur &
du Roi de Hongrie aux explications fimples &
loyales que le Roi leur a demandées . Ainfi
: le Roi s'eft vu contraint à entrer dans une
guerre qui lui étoit déjà déclarée : mais religieufement
fidele aux principes de fa conftitution
, quel que puiffe être d'finitivement le fo: t
des armes dans cette guerre , la France repoufle
toute idée d'agrandiflement elle veut conferver
fes limites , fa liberté , fa conftitution , fon
droit incommutable de fe réformer elle - même
quand elle le jugera à propos , elle ne confentira
"
--
r
jamais que , fous aucun rapport , des Puiffances
étagères entreprennent de lui donner des loix ,
ou ofent en conferver l'eſpoir : mais cette fièrté
' même , fi paturelle & fi jufte , eſt un sûr
>
1
garant
à toutes les Puiffances qui ne l'auront pas
provoquée non - feulement de fes difpofitions
conftamment pacifiques , mais auffi
du refpect que les François fauront mon
trer , dans tous les temps , pour les Loix ,
les ufages & toutes les formes des Gouvernemens
des différens Peuples , auffi le Roi veut
que l'on fache qu'il désavoueroit hautement &
avec févérité tous ceux de fes agens dans les
Cours Erangères en paix avec la France , qui
oferoient s'écarter un inftant de ce refpect , foit
en fomentant , ou favorifant des foulèvemens
contre l'ordre établi , foit en intervenant , de
qelque manière que ce puiffe être dans la po-
Lique intérieure de ces Etats , fous le prérezte
d'un profelitifme , qui , exercé chez des Puilfances
amies , feroit une véritable violation du
droit des gens . --- Le Roi efpère que le Gogvernement
Britannique verra dans cet expofé la
juftice incontestable & la néceffité de la guerre
que foutient la Nation Françoile contre le Roi
de Bohème & de Hongrie ; & qu'il y trouvera
de plus un principe commun de liberté & d'indépendance
dont il ne doit pas être moins jaloux
que la France; car l'Angleterre auffi eft libre , parce
qu'elle a voulu l'être ; & certes , elle n'a pas
fouffert que d'autres Puiffances vinffent la
contraindre à changer la Conftitution qu'elle
a adoptée , qu'elles prêtaffent le moindre appui
à fes fujets rebelles , ni qu'ils prétendiffent s'immifcer
, fous aucuns prétextes , dans fes débats
intérieurs. Perfuadé que Sa Majefté Britan-
C*
A 6
C
nique ne défire pas moins ardemment que fai
de voir comfolder & refferrer la bonne intelligence
& l'union entre les deux Etats
le Roi demande que , conformément à l'art . III
du traité de navigation & de commerce , du 26
Septembre 1786 , Sa Majefté Britannique veuille
rappeler à tous les Sujets de la Grande- Bretagne
& d'Irlande , & faire publier en la forme ordinaire,
dans ces deux Royaumes , & les Illes & Pays qui
en dépend nt , la défenfe expreffe d'exercer contre
la France ou contre les navires François , aucune
hoftilité par des courfes en mer , & de prendre
aucune patente , commiffien ou lettres de repréfailles
des différens Princes ou Etats qui font ou
feront en guerre avec la France ou d'ufer en au-
'cune manière de teles patentes en commiſſions.
£
Le Roi demande en outre que tous les articles
au fufdit traité , qui ont rapport au cas où l'une
des Puiffances contractantes fe trouveroit en
guerre , & fpécialement les art . 3 , 16 , 24 , 39 ,
140 & 41 , folent ponctuellement obfervés & exé-
"cutés , ainfi que Sa Majesté eſt déterminée à en
ufer de fon côté pour toutes les ftipulations de
Traité,
PROVINCES- UNIES.
De la Haye, le 22 Mai.
Milord Auckland, Ambaffadeur extraordinaire
de Sa Majefté Britannique , eft
arrivé ici de Londres le 12. Le 14 il a
"bot fé fon rétour au Préfident des Etats-
Généraux , qui lui a rendu vifite fuivant
Tufage. Les négociations ont été reprifes
13
fur lescirconftances préfentes. M. de Maulde,
Envoyé de France , eft également arrivé le
16 , il a remis fes lettres de créance le
18 & rendu fes vifites ordinaires les jours
fuivans . M. de Gouvernet eft parti le même
jour pour Paris.
.
Rien ne paroît encore indiquer le parti
que nos provinces prendront dans les circonftances
actuelles ; on peut feulement
juger que leurs intérêts leur preſcrivent
de ne le déclarer que lorfqu'elles connof
front bien pofitivement les intentions de
l'Angleterre , & , tout mûrement pefé , il
ne feroit pas trop abfurde de conclure
qu'elles accéderont au Traité d'alliance défenfive
arrêté entre les Cours de Vienne &
de Berlin; c'est même ce qu'il eft poffible de
préfunier de la démarche que vient de faire
le Miniftre de Pruffe , Comte de Keller , en
communiquant la Note qui fuit à leurs
Hautes Puiffances le 24 Avril dernier.
« Les liaifons de confiance & d'amitié , depuis
quelque temps projettées auffi bien à Berlin qu'à
Vierne , ont été cimentées formellement entre
les deux cours par un traité d'alliance défenfive
figné à Berlin , le 7 Février & ratifié peu avant
le décès de l'Empereur . »
« Le Roi de Prutfe , qui n'a pas voulu tar
der de communiquer ce Traité à V. H. P. a
autorifs le fouffigné , fon Envoyé extraordinaire
& Miniftre Plénipotentiaire , à leur en remettre
une copie , qu'il a l'honneur de leur préfenter
aujourd'hui,
( 14 )
Les ftipulations qui y font contenues ayant
pour but la tranquillité générale de l'Europe , le
repos & le bonheur des Peuples , Sa Majefté
les croit de nature à être appliquées fans le
moindre inconvient à la pofition & aux intérêts
des Provinces -Unies. »
« Le Roi de Hongrie & de Bohême , de fon
côté , fe difpofant , Hauts & Puiffaus Seigneurs
à vous inviter à concourir à cette alliance , &¸à
vous propofer des engagemens défenfifs anal gues
à ceux du fufdit Traité , l'amitié & les relations
étroites qui unifient déjà la Cour de
Pruffe à la République , engagent S. M. Pruffienne
à prévenir V. H. P. fur les ouvertures
que S. M. Apoftolique va leur faire. Le Roi ne
fauroic fe difpenfer de témoigner en même-temps
la fatisfaction qu'il reffentiroit à voir la Répu
blique adopter les mêmes principes qui ont déterminé
l'alliance de S. M. avec la maifon d'Autriche,
Souhaitant que V. H. P. enviſagent
fous le même point de vue , l'utilité & les avantages
qui réfulteront de ces liaiſons , le Roi fe
félicitera de pouvoir , autant qu'il dépendra de
S. M. , contribuer au fuccès d'une négociation
qui ne fauroit manquer de tourner au bien de
la République , & à la fati faction de toutes les
Puiflances intéreffées .
La Haye , le 24 Avril 1792.
Le Comte de KELLER .
PAYS- BAS.
De Bruxelles , le 20 Mai.
Le camp formé à Leuze , entre Mons &
( 15 )
3
2
•
Tournay , vient d'être transféré da : s cette
première ville. On a cruette pofition plus
avantageufe , parce quelle concentre davantage
les troupes & les met à portée de
fecourir plus promptement les frontières
fur la Meufe , menacées par l'armée de
M. de la Fayette. Les poftes que ce Général
occupe lui donnent des moyens multipliés
de nous furprendre & de fe porter inopinément
fur Namur ou Charleroi , c'eft en
même temps celle des trois armées dont
la tenue , la difcipline & les mouvemens
ont le plus d'enfemble & de régularité.
Auffi infpire t- elle , comme nous venons
de le dire , plus d'inquiétude que les autres.
Depuis l'affaire de Quiévrain , il ne s'eft
rien paffé de bien important , tout fe reduit
à quelques rencontres de partis , &
quelques tentatives de part & d'autre fur
les bourgs voifins...
Le 7 dans l'après midi une foixantair e
de Gardes Nationaux François , ont fait
une incurfion à Waton , dans la Flandre
maritime , du côté d'Ypres . Ils y font árrivés
tambour bat ant , enſeignes déployées ,
& après avoir abattú un arbre , ils l'ont
planté fur la place en y attachant le drapeau
National , ils ont défendu au Bailly de
l'endroit d'y toucher , & lui ont ordonné
d'inftruire le Peuple de cette difpofition.
Le 16 , pendant la nuit un détachement
d'Infanterie & de Chaffeurs Autrichiens
( 16 )
eft allé attaquer un pofte François , fous
le canon de Condé , ce pofte étoit compofe
de treize hommes qui fe défendirent
avec beaucoup de courage , & dont dix
furent tués & les trois autres faits prifonniers.
Les Autrichiens ont perdu autant de
monde que les François. Le 11 , un détachement
de Huffards Autrichiens a fait
rencontre d'un parti de Dragons François ;
ils fe font chaudement battus , & les derniers
ont perdu neuf hommes , fept ont été
faits prifonniers & conduits à Mons , notre
perte a été à peu près égale.
Depuis , une affaire plus férieufe a eu
lieu a Bavey , entre Maubeuge & Valenciennes
, dans le Hainault François.
Voici ce que le Gouvernement vient d'en
publier
« Son Alteffe Royale ayant eu avis qu'ily avoit
a Bavey un corps de troupes Françoifes , compofé
de Huffards , de Chaffeurs & d'Infántérie
de ligne , ordonna les difpofitions pour
les furprendre.
Ele détacha , à cet effet , pendant
la nuit du 16 au 17 de ce mois un corps de
troupe de Sa Majeflé , fuffifant . I arriva devant
Bavey à la pointe du jour. Les Hudlards François
gag èrent à l'inftant les portes du côté oppofé,
& le fauvèrent à toute bride ; l'Infanterie
tenta quelque réliftance ; mais nos troupes
après avoir tiré fept à huit coups d'obufier
ayant foncé dans la ville , le drapeau blanc fut
arboré , & on fir prifonier de guerre le ref
tant de la garnifon , confiftant en quatre Offi
( 17 )
ciers , cent huit bas - Officiers & Soldats du re
-giment de Vintimille & des Chaffeurs de Gévaudan
. On ne fait pas encore à combien monte
le nombre des François tués dans cette affaire,
& la perte , de notre côté , ſe rédait à un
Hoffard & un Chaffeur , quatre de nos Chalfeurs
y ont auffi été bleſſés . »
་
&
Pour éclairer le Peuple fur les moyens
de féduction qu'on emploie pour l'entraîner
dans la révolte & prévenir la pu
blication des libelles , le Gouvernement
a adreffé la lettre fuivante aux Confeillers-
fifeaux des provinces des Pays - Bas ;
elle eft datée du 28 Avril. Un double en a
été envoyé aux Magiftrats & Officiers des
principales villes.
Marie & Albert , Lieutenans , Gouverneurs,
& Capitaines Généraux des Pays - Bas , & c . Sa
Majefté ayant été informée que , malgré les
mefures févères , & fouvent réitérées du Gouvernement
, il circule dans ces Provinces , quantité
de libelles & de pamphlets , qui continuent
à y entretenir les haines & 1 efprit de parti ; elle
nous a fait connoître , par dépêche datée de
Vienne , du 23 Mars dernier , que fon intention
eft qu'on redouble de furveillance & de
févérité , à l'effet d'empêcher efficacement l'im-
-preffion , la publication & le débit de tout écrit
attaquant , foit directement, foit indirectement
les particuliers ou les corps , ou Communautés
Religieufes ou Laïques , quand même , il ne
contiendroit quedes chofes vraics , mais fâcheufes
à entendre ; & qu'au furplus fon intention eft ,
qu'aucune infulte d'un parti contre l'autre , ne
refe impunie, En vous faifant paffer dès
718 )
(
ordres pofitifs de Sa Majefté , nous devons nous
rappeler ainfi que nous l'avons déjà fait , conbien
il intéreffe au bien - être de ces pays , d'y
fair : ceffer irrévocablement tout efprit de parti ,
& en conféquence , en vous chargeart de nouveau
de veiller avec la plus grande exactitude ,
à l'obfervation ponctuelle des édits exiftans contre
l'impreffion & la publication de libelles & de
-pamphlets , ainfi que des ordonnances contre les
perturbateurs du repos public , notamment de
celle du 2 Mars 1791. Nous voulons que toute
contravention quelconque à ces édits & ordonnances
, foit l'objet de la plus rigoureufe , comme
de la plus diligente pourfuite de votre Ministère ;
'à tant &c.
Cependant l'agitation intérienre fomentée
, entretenue par les intrigues & les ménaces
du parti Révolutionnaire François ,
continue de donner lieu à des défordres ,
qui partagent les foins du Gouvernement.
A Wavre , à Nivelle , à Tirlemont , il y
a eu des infurrections , & l'on a été obligé
d'y faire marcher de la troupe le 14 il y
a eu une rixe affez vive à Malines entre
le parti foi difant patriote , & auteur des
troubles , comme tout parti qui porte ce
:nom l'eft ordinairement , & le parti Royalifte.
On croit qu'il eft refté 8 à 10 perfonnes
fur la place dans cette fâcheufe querelle.
Le Magiltrat a envoyé ici une eftafette
demander du fecours. Plufieurs autres
villes , Anvers & Louvain continuent d'être
des foyers de révolte ; l'affaire des fubfides
1( 19 )
me fe termine point , ces deux dernières
villes fe font réunies aux nations de Bruxelles
, pour mettre des reftrictions à la
levée confentie par les deux Ordres premiers
des Etats. Dans une pofition fi critique
la vigilance de la police fe porte
principalement fur les François , qui font
arêtés s'ils ne font porteurs d'un paffeport
des d'Uzès et de Villequier ;
dars lequel cas on les fait paffer à Varmés
des Princes François.
...
Mais fi l'agitation règne parmi le peuple ,
le militaire eft ferme dans fon devoir ; autcan
foldat n'eft paífé à l'é'ranger , les offi
ciers f. nt actifs & vigilans. On efpère avec
ce fecours & les autres moyens de pru-
-dence , de fageffe & de fermeté empêcher
les progrès de la fermentation .
Le Courier Herden , dépêché à Berlin
Pour y porter la nouvelle des hoftilités
commencées par les François , eft revenu
ici le 12 & a apporté la nouvelle officielle
de la marche de l'armée Pruffienne
Les lettres de Bonn , du 18 Mai , annoncent
que l'Electeur de Cologre avoit reçu
le 13 , une lettre du Roi de Pruffe ; Sa Majefte
le prévient de la marche de fe troupes
fur le Rhin , & que le Général de Schonfeld
eft chargé de tous les arrangemes relatifs
à leur marche pour laquelle Sa Majesté
fait les réquifitions d'u'age.
(( 20 )
Le Prince Charles de Ligne , Colonel au
Corps du Génie , & qui s'eft fi fort diffingué
par fes talens militaires dans la guerre
contre les Turcs , vient d'arriver ici avec le
-Comte de Dietrichstein , Major dans le
même Corps. L'Archiduc Charles , frère
de Sa Majefté , doit inceffamment arriver.
Ils fe rendront tous à l'armée de Mons , où
fe trouve notre Gouverneur - Général , le
Duc de Saxe-Tefchen , fon époufe refte ici .
FRANCE.
De Paris , le 30 Mai 1792.
N. B. Nos Lecteurs ayant lieu d'attendre de
dous déformais plus de récit d'actions que d'analyfe
de verbiage déclamatoire , cette partie-ci du
Journal fe réduira naturellement à la fubftance ou
au texte des Décrets d'intérêt commun , & aux
.principaux traits des débats , évènemens ou fcènes
qui pourront caractériser l'efprit dominant de la
Légiflature & la moralité de fes féances.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du dimanche, 20 mai.
Un article additionnel a étendu les difpofitions
du décret fur les étrangers , à tous les diftricts
extérieurs de la capitale ; & après let offrandes
accoutumées , M. Hua a lu un rapport fur la
queftion du garde- du -fceau : accordera- t- on des
lettres de grace aux accufés jugés avant l'inftallation
des jurés , dans les cas où les conclufions ™
des jurés, feroient , fubftituées à la clémence
royale ? M. Lacroix a fait décréter qu'on s'occu
peroit de la dénonciation de l'ex- miniftre M.Duport
du Tertre , avant de difcuter le projet de permettre
au Roi d'accorder ou grace ou commutation
de peine .
-On eft revenu au juge de paix . Un décret
l'avoit renvoyé au comité ; M. Lacroix a exigé !
qu'on y revînt fur- le- champ. « Ce qui s'eft paffés
hier , a crié M. Bréard , intéreffe la sûreté de
l'Empire... Décerner contre des repréſentans de
la nation des mandats d'amener fans preuves légales
( eux- mêmes s'étoient vantés d'avoir fourni
farticle au libellifte ! ). Il n'auroit pu le faire
tout au plus que contre un vagabond; mais un député
eft un citoyen domicilié... » Des clameurs
ont demandé la révocation du décret de renvoi.
M. Ramond a tenu le langage de la raiſon &
a été hué . « Il faut , difoit-il , que notre juge
ment n'ait pas l'air d'un mouvement de colère...
Quelle étrange opinion on auroit du corps légis
latif , fi l'on croyoit ( avec M. Guadet ) qu'il ne
s'y trouveroit pas 200 membres étrangers aux
factions : que des mandats d'amener pourroient
vider la falle ? Mais pour regagner un peu de
popularité , il a cru devoir ajouter : « Si le pou
voir judiciaire vouloit détruire le corps législatif ,
la conftitution verroit s'élever des millions de
défenfeurs ; alors l'infurrection feroit le plus faint
des devoirs pour fauver les deux pouvoirs menacés
de l'invafion du troiſième . » Ces maximes
étoient d'autant plus déplacées que le pou
voir législatif a fini par immoler le pouvoir ju
diciaire , malgré la déclaration des droits qui die
expreffément toute fociésé dans laquelle la gar
( 22 )
rantie des droits n'eſt pas affurée , ni lafeparation
des pouvoirs déterminée , n'a pas de conf
titution ( art. XVI ) . Or , tout citoyen a´le droit !
de n'être ni calomnié , ni livré aux phalanges de
délateurs inviolables ; & fi pour maintenir &
venger l'impunité d'affaffinats moraux , les légis
lateurs incarcèrent un juge qu'ils devoient en
voyer au tribunal de caslation , le pouvoir législatif
foule aux pieds le pouvoir judicaire , il n'y
a plus de conftitution .
Eu promettant modération & fageffe , M .:
Gusdet a feint de ne vouloir pas liér le mandat
d'amener à de grands complots fous - entendus ; a
Lutenu que le juge auroit dû le borner à examiner
les preuves contre M. Carra , fi leur déclaration
juftifiit M. Carra . « La conflitution ne ,
permet , à l'égard d'un législateur , qu'un mandat
d'arrêt & non un fimple mandat d'amener ; &
ici qui peut le plus ne peut pas le moins . Nos
nouvelles loix n'ont pas mis la diffamation au
nombre des crimes ; le mandat d'amener ( pourĮ
ue diffamation avouée , qui expofe les citoyens ,
calomniés a être égorgés ) , étoit donc un attentat
contre la liberté du peuple. Il existe réellement ,
un comité autrichien , a t - il poursuivi , puiſque
MM. Bertrand & Montmorin ont figné ; mi-:
niftres d'Etat. Dequel état , fi ce n'eft deCoblentz ?..
Ici la falle a retenci d'applaudiemens & de bravo!;
réitérés. Ce comité autrichien ( de Coblentz ! ) . !
c'eſt la réunion des hommes qui veulent divifer ,
le peuple & la garde nationale de Paris , perdre,
nos finances , femer la divifion dans l'armée
exciter les foldats contre les officiers ( bravo !,
bravo ! ). Etoit-il fi difficile au juge Larivière de
découvrir que le miniftre qui a laiffé avilir autant,
qu'il a pu la majeſté du peuple François aux yeux
(23 )
des nations étrangères , für un homme vendu
& néceffairement membre de cette faction qui
veut nous détruire ?... Que cet autre miniftre
qui a laiffé échapper de fes mains toute notre
marine , qui a impudemment menti au corps
législatif afin de l'endormir da is la fécurité , étoit
encore un des membres de cette faction ? »
Enfin fes conclufions ont été un décret d'ac-:
cufation contre M. Larivière , au grand contentement
des galeries & d'une partie de l'Affemblée.
Le garde- du- fceau , M. Duranthon , eft entré
& a dit :
ງ
« Le Roi vient de m'appeller pour m'annoncer
la réfelution qu'il a prite de dénoncer aux
tribunaux les calomnies qui fe répandent depuis
quelques jours , avec une licence qui n'a plus
de fiein , fur l'existence d'un prétendu comité
Autrichien . Peut - être S. M. auroit- elle dédaigné
ces rumeurs me fongères , fi elles n'avoient exiſté
que dans ces libelles que vous avez justement
Youés à la vengeance des loix ; mais comme el es
font parvenues au corps législatif , elle craint
que prenant quelque confiftance dans le fanétu ire
dès loix , elles n'obtiennent l'effet qu'on en defire,
celui de déforgauife : l'armée & l'Etat ; ele
m'a en conféquence chargé de communiquer à
l'Affemblée nationale le parti qu'elle a pris de
dénoncer aux tribunaux les auteurs de cette calomnie.
Elle veut que le fantôme avec lequel
la calomnie cherche à effrayer le peuple , loir
enfin diffipé , & qu'au moyen d une procédure.
juridique & légale , la nation foit pleinement
convaincue de la loyauté de ſes démarches , de
fon attachement à la conftitution & de fa per
( 24)
févérance dans le ferment qu'elle a fait pour la
défendre. »
Ce miniftre a remis la lettre du Roi conçue
en ces termes :
« J'ai chargé , M. le préfident , le miniftre
de la juftice de faire part à l'Affemblée nationale
de l'ordre qu'il vient d'adreffer de ma part
accufateur public , au fujet du prétendu comiré
autrichien ; il importe au bien de l'Etat
que cette affaire foit parfaitement éclaircie . Je
pente que l'Affemblée nationale ordonnera de
communiquer au tribunal les renfeignemens que
plufieurs de fes membres ont dit avoir fur cette
affaire . Elle fentira aifément l'inconvenance qu'il
y a de recevoir de pareilles dénonciations , de
n'en laiffer percer que ce qui peut entretenir les
foupçons dans le public , & le danger de m'en
laiffer ignorer les auteurs. » Signé , LOUIS. ,
Contre figné , DURANTHON,
M. Hebert a demandé un rapport en comité
général. Une foule de membres ont accouru au
bureau pour figner cette demande ; mais , avec
la candeur qui règne dans ces fortes de débats ,
M. Genfonné a repréfenté que pour obtenir un
comité général , il ne fuffifoit pas de la motion
d'un feul membre , & de violens murmures en
ont étouffé la propofition . Faifant arme de tout,
M. Guyton de Morveau a cité un décret du 23
juin 1789 , portant qu'aucun député ne pourra
être arrêté ni jugé pour les opinions qu'il auroit
prononcées dans les états -généraux. Quelqu'un l'a
renvoyé aux états- généraux , plaifanterie qui n'a
pas pris ; & l'on a ajourné la difcuffion fur la
lettre da Roi jufqu'après la difcuffion actuelle fi
utile au peuple, qui la paye.
Du
( 25 )
1
Du nacré vrai des faits , M. Hauffi de Robe
et a conclu que l'Affemblée ayant pallé à
l'ordre du jour conformément à la motion de M.
Dumolard , n'avoit d'abord vu dans cette affaire
qu'ane pourfuite très - conftitutionnellement judi
caire contre trois de fes membres pour objets
étrangers aux fonctions lég flatives ; que la diffa
mation eft un crime , puifque la conſtitution
( ch. III. ) dit que la réparation peut en être
pourfuivie par voie criminelle ; que la déclara
tion des droits dit que tout citoyen appellé on
faifi , doit obéir ; que « communiquer à un li
bellifte , publier des calomnies , n'eft pas une
fonction de législateur » ; que c'eſt à la cour de
calation à juger les juges qui excèdent leurs
droits qu'il feroit affreux de vivre dans un pays [
( libre ! ) ou 745 perfonnes auroient le droit de
calomnier fous l'inviolabilité... Ces obfervations
ont été baffouées . Des huées ont coupé la parole.
à M. Robin Léonard qui rappelloit que l'Affemblée
avoit ouvert la carrière au juge qu'elle
vouloit punir ; des cris : à l'abbaye , ont réduit
au filence M. Genty qui réclamoit la juftice,
Beaucoup de membres font fortis de la falle
& après ces défertions inexcufables , une orageufe
majorité a décrété d'accufation M. Etienne de
Larivière , au bruit des battemens de mains , &
les galeries ont crié vive l'Affemblée nationale !
M. Briffot s'eft engagé à dénoncer mercredi le
comité autrichien , cà en démontrer l'exiſtence , à
faire tomber fur les coupables le coup qu'on vou
loit tourner contre l'Affemblée » ; affertion maladroite
qui tendoit à rendre l'Affemblée folidaire
des calomnics imputées à MM. Chabot , Bagire.
& Merlin. M. Carnot l'aîné a dit que MM. Che
ton , Dumolard & de Vaublanc avoient paffé
N. 22. 2 Juin 1792. B
( 26 )
avec le juge de paix acculé , la nuit qui précéda les
mandats. Ils ont tous protesté que c'étoit une impofture.
Alors M. Carnot a attribué cette confidence
à M. Juéry , M. Juéry à M. Merlin , celuici
à M. Ingard , ce dernier à l'évêque conftitutionnel
de Limoges ; ces caquets , dignes décoliers
qui fe traitent mutuellement de peftards
one confumé un temps précieux . Enfin l'obfervation
de M. Genfonné , qu'on ne pouvoit attenter
à l'inviolabilité des légiflateurs qu'autant
qu'ils auroient été corrompus par de l'argent ,
l'ordre du jour ont terminé la féance .
Du lundi 21 mai.
>
Neuf des ci- devant Cent - Suiffes de la garde du
Roi ,fe retiroient dans leur patrie manis de congés
& de paffe-ports ; ils font arrêtés par la municipalité
de Béfort , en vertu d'une lettre de M. Lecointre.
Sur leur jufte plainte , M. Lecointre a lu ,
dans une longue apologie écrite , que quatre des
Cent-Suifles étoient venus , le 11 du courant
lui dénoncer que 18 de leurs camarades , fufpects
d'incivilme , fous le prétexte d'aller en Suiffe,
émigroient pour fe rendre à Coblentz. Il fe hâte
d'écrite aux municipaux de Béfort de feiller les
équipages & les malles de ces voyageurs : « on
croit , leur mande- t-il , qu'ils peuvent être porteurs
de lettres de leur capitaine commandant
M. Coffé -Briffac pour les Princes ; vous fentez
quel parti il y auroit à tirer fi on les trouvoit
chargés de pièces femblables... Le comité de furveillance
n'ayant pu être affemblé , je figne feul
la préfente , Les neuf Cent - Suifles interrogés ,
incarcérés , réclament leur liberté. Les munipaux
onreu le guignon ou la gaucherie de ne trouver
dans les porte - feuilles arbitrairement vifités comme
((27 )
en Turquie à l'ordre d'un Pacha qu'une notë
contenant ces mots : « Voici ce qu'il feroit bon
d'apporter guêtres noires , ceinturon blanc , cha->
peau uni , culottes & veſtes blanches , boutons
uniformes. »
6C
Défolé de n'avoir que cela , M. Lecointre en atiré
le meilleur parti qu'il a pu en découvrant
un projet de contre- révolution dans chaque
fyllabe & pour entretenir l'auditoire d'autres
chofe que de culottes , & c. il a dit , fort à propos :
Tout le monde fait qu'un Cent Suiffe , nomméi
Clerinde , ci-devant caporal , caffé par une déli
bération unanime du corps , malgré les inftances
de M. Briffac , pour caufe de lâcheté , de baffeffe ,
de vol & de tromperies , a été , par lui , pourvu
d'une place de lieutenant dans la garde actuelle
du Roi , & décoré de la Croix de St. Louis. » D'ai
dit encore : A la journée du 5 octobre 1789
lorfqu'appellé par ma place à faifir le commande
ment des forces nationales que les chefs fupérieurs
laifsèrent s'échapper de leurs mains , j'arrêtai les
voitures du Roi , de la Reine , de M. de St. Priest,
malgré la permiffion par écrit que la municipalité
de Verſailles avoit donnée à M. d'Estaing d'ac
compagner le Roi jufqu'au lieu de fa retraite ; la
patrie a reconnu que j'avois lauvé la France , &
il me fut voté des remercimens... Et ces diffamations
gratuites , cette platte jactance hyperbo-
Jique avoient pour but de démontrer que les neuf
Cent-Suiffes étoient fufpects & la lettre - de- cachet
du fauveur de la France un acte légitime . Puis
M. Lecointre a parlé de fa confcience & s'en eft
remis à la juftice de l'Affemblée .
M. Merlet a divague pour conclure à ce que
M. Lecointre fût livré à la févérité de la loi s'il
avoir agi , non ca qualité de repréſentant de la
B2
(: 2-8- );
EX
Nation , mais en particulier ( diftinction qui pre
jugeoit MM . Bazire , Merlin & Chabot ) ; il
demandé qu'on mandat les municipes de Béfort
la barre & qu'on indemnisât les Suiffes, Les gale
ries l'ont bravement hué. L'évêque du Calvados ,
a redit cent fois que ces neuf Suiffes étoient
fufpects.
*
M. de Girardin a repréfenté que l'Affemblée , ayant puni la veille un juge de paix , pour des ordres arbitraires , elle devoit avoir la même
impartialité à l'égard de tous les citoyens , prou- ver qu'elle n'a pas deux poids & deux meſures ; & il a follicité un décret d'accufation contre
M. Lecointre. « Il faut , a dit M. Lacroix , que , les députés fachent que hors de l'Affemblée , ils ne
font que fimples particuliers ( hier ils agiffoient
toujours en repréſentans de la nation ) . L'opi-
M. Le- que
nant a ponfé & l'Affemblée a décrété
cointre devoit aller paffer trois jours à l'Abbaye.
Celui-ci s'eft foumis à la peine avec la refpec
tueule réfignation de l'homme qui en feroit convenu
d'avance , & il a été décrété que le pouvoir ,
exécutif donneroit les ordres néceffaires pour
l'élargiffement
des neuf Suiffes.
Du lundi , féance dufoir
8
53
Les nouveaux adminiftrateurs
des postes , jacobins
leftement fubftitués à des citoyens irrépro
chables , au moyen d'un ordre abfolu de M.
Clavière qui a figaifié à ceux - ci qu'on les deftituoit
fans examiner leur conduite , font venus à la
barre dénigrer leurs prédéceffeurs , l'ancien régime
defpotique , promettre des miracles de civilme,
le fecret des lettres auquel on eroira fi"
l'on veur , la sûreté des affignats , & recevoir
gs bonneurs de la féance, ma non <
(~29 )
On a renvoyé aux comités une lettre du Rof,
contre-fignée du miniftre de la marine , qui demande
5147,408 liv. de fonds exraordinaires
pour ce département .
Le miniſtre de l'intérieur a notifié la nomination
de MM. Borelly & Fabre à la place de
MM. Rebecqui & Bertin , commiffaires révoqués
par le département des Bouches-du - Rhône . --Un
projet de M. François de Nantes a été ajourné ,
& la queſtion préalable a brufquement écarté un
projet relatif a la liquidation & aux indemnités
des commiffaires au châtelet de Paris .
Du mardi, 22 mai.
Les départemens des Landes , des Baffes - Pyrénées
, des Pyrénées orientales , de l'hère & de
l'Ain , ont pris des arrêtés pour fufpendre l'exportation
des orges , avoines , légumes , fourrages
& beftiaux de toute efpèce. Par un décret
d'urgence motivé fur l'extenfion , inconftitutionnelle
des droits adminiſtratifs , & fur les funeftes
effets politiques de pareils arrêtés , l'Aſſemblée
a ftatué que le pouvoir exécutif donnera des
ordres pour qu'ils demeurent fans effet , & que
le miniftre rendra compte des mesures qu'il aura
prifes. La conftitution dit : Le Roi eft le chef
fuprême de l'adminiſtration générale du royaume
(tit. III , ch. IV , art. I )... Les adminißrateurs
font des agens élus.... pour exercer , fous la furveillance
& l'autorité du Roi , les fonctions adminiftratives
( ibid , fe&t , II , art , II ... Le Rai
à le droit d'annuller les actes des adminiftrateurs.....
contraires aux loix & aux ordres qu'il
leur aura adreffés ( art . V) . Ce n'eft point exercer
un droit fuprême que de n'agir que d'après un
décret ſpécial pour chaque objet . En ne fe bor
B 3
7301)
ant pas à rendre des loix générales , en autori .
-fant ces fortes de rapports directs entre elle &
alos directoires zien décrétant pour tous les faits ,
l'Affemblée n'admet que fon propte pouvoir , &
ne voir qu'un inftrument paffif à fes ordres dans
celui qu'ellesa cependant reconnu chef fuprême.
Au milieu de l'effervefcence , des paffions les
plus ardentes & du fanatifme , l'attention eft
tellement diftraite , abforbée , qu'à peine le pu
blic fe doutera-t - il que la législature a fixé ,
adopté de confiance , aujourd'hui , ce qu'il a plâ
à M. Cambon de nommer les tableaux des dettes
& reflources nationales . Auffi les a- t - on décrétés ,
article par article , en fe levant & s'aflèyant
en beaucoup moins de temps qu'il n'en a fallu
pour favor fi l'ex- capucin M. Chabot zauroit
I'honneur d'être diffamateur civique inviolable ,
& fi le juge de paix , M. de la Rivière , étoit
criminel de lèze - nation dans la perfonne de
MM. Chabot , Bazire & Merlin. Nous donne-
Frons ou analyferons ces tableaux lorfque la fuite
ten aura été décrétée . Il nous fuffira d'obferver
*ici que M. Cambon a hypothéqué les rentes que
doit l'Etat , fur les propriétés de tous les François
, & a dit : « le comité auroit pu calculer
ainfi , s'il avoit voulu vous faire riches ; cent
millions de rentes forment un capital de deux
milliards à cinq pour cent , d'un milliard à dix
Pour cent ; les propriétés de tous les François
valent 40 milliards , nous aurions donc un excédent
de 38 à 39 milliards .... » A côté de tant
de zéro , nous nous difpenferons de tenir le
menu compte des écus & des fous que produi
fent les offrandes quotidiennes.
Du mardi , féance du foi
This
Un décret d'urgence ordonné aux municipali
·( 31 )
tés des villes maritimes de recevoir , dans heir
jours , à compter de la publication du décret , en
préfence des juges de commerce , & des nouveaux
receveurs , les comptes des anciens prépolės , greffiers
& receveurs du ci - devant amiral de France ;
& elles feront le versement du produit de tous
droits dans les caiffes de diftrict , fous l'autorifation
des corps adminiſtratifs qui arrêteront définiivement
lefdits comptes , conformément à la loi
du 13 acût 1791. L'état rembourfera à l'amital
les frais de l'impreffion des congés & pafle - potts
de mer délivrés par lui depuis le s mai 1791. II
fera donné des appointemens provifoires aux nouveaux
prépofés à la police des ports . Les paffeports
de mer feront expédiés au nom du Roi &
contre - fignés du miniftre de la matine . ( Pourquoi
charger des municipaux de fonctions qui ne font
nullement municipales ? ).
La féance n'a produit d'ailleurs qu'un fecond
décret ,
auffi d'urgence , qui accorde à 25 départemens
dénommés, 1,200,000 liv . en tout , diftribuées
de manière que tel recevra 10,000 liv .,,. &
tél autre 150,000 liv . à titre d'avance , pour la
confection & l'entretien des routes ; & qui autorife
le pouvoir exécutif à faire acquitter provifoirement
les dépenfes des travaux publics à la con
currence de deux millions fo0,000 liv . jufqu'au
premier juillet prochain . Cinq articles y font, relatifs
au traitement des ingénieurs des Ponts &
Chauffées .
Du mercredi , 23 mai.
L'Affemblée a fixé , par un décret , la fomme
à attribuer à chaque officier ou employé de l'armée
pour tenir lieu du logement qui ne pourra être
fourni en nature dans les établilemens militaires.
B 4
( 2 )
Elle ita depuis too liv . par mois , pour le général
d'armée , & so liv. pour le colonel , jufqu'à 18
v. pour le capitaine , & 12 liv. pour l'aumsnier
, & c.
Sur le rapport de M. Lacombe de Saint - Michel,
les quatre articles fuivans ont été décrétés d'urgence
.
сс L'Affemblée nationale , après avoir décrété
l'urgence , décrète ce qui fuit : »
Art. I. Il fera accordé aux officiers du corps
de l'artillerie la moitié des places des lieutenans
en fecond , vacantes en ce moment , & la moitié
de celles qui viendront à vaquer d'ici au premier
août prochain ; mais à cette époque défignée ,
il fera nommé aux places , conformément à l'article
II du titre II de la loi du 27 avril 1791. "
II. Le pouvoir exécutif donnera les ordres
néceffaires pour qu'au premier août prochain , il
foit fait à Châlons un examen , tant des élèves de
l'artillerie , que des afpirans qui fe préfenteront
pour les remplacer . »
« III. Les fujets qui fe préfenteront pour être
élèves , pourront y être admis jufqu'à l'âge de
30 ans , &, s'ils ont fervi dans le corps , à tout
âge. »
IV. Le pouvoir exécutif fera délivrer des
lettres d'examen aux fous -officiers & foldats de
toutes les armes qui croiront avoir les connoiffances
fur lefquelles ils feront examinés , & moyenmant
qu'ils aient juftifié préalablement des autres
conditions exigées par la loi . »
Abordant enfin le principal objet de la féance
fous la forme de motion d'ordre , M. Boiftard
a repréfenté à l'Affemblée que l'Europe alloit
la juger fur le calme qui règneroit dans la difution
qu'on alloit ouvrir 5 & croyant cetre
( 33 )
attitude infuffifante , il a dit : Je prie M. le
président de rappeller aux excellens citoyens qui
occupent les tribunes , le décret qui leur défend
tout figne d'approbation ou d'improbation. » Le
préfident a rempli les voeux de l'opinant , &
M. Genfonné a pris la parole.
Il a dénoncé la lettre par laquelle le Roi informe
l'Affemblée de l'ordre qu'il a donné de pourſuivre
les calomniateurs qui afpirent à troubler le peuple,
à diriger des phalanges de fcélérats vers le château,
en fuppofant un comité autrichien . Cette lettre a
paru à M. Genfonné injurieuſe au corps légiſlatif,
dangereuse pour la sûreté publique , attentatoire àla
conftitution, une preuve de plus de l'exiſtence du comité
autrichien , « LeRoi n'a ni pu ni dû enjoindre
au miniftre d'enjoindre à l'accufateur de pourfuivre
l'affaire de ce comité... La pourfuite de ces
délits eft exclufivement attribuée aux légiflateurs
( ici l'orateur confond le comité autrichien avec
les lâches diffamateurs qui le fuppofent )... Sans
doute il importoit pour la fécurité des confpirateurs
d'annuller votre furveillance , d'en fubordonner
l'action aux pourfuites d'un officier de
police de prévenir l'accufation du corps législatif
par des procédures commencées devant les tribunaux
ordinaires , d'enchaîner les citoyens qui
-les furveillent , dans la crainte de ſe voir compromis
; de trouver leur fauve- garde dans l'excès de
leur audace... Ah ! qu'il n'y ait plus de coupables ,
& il n'y aura plus de dénonciations . Au lieu de
s'attacher à réfroidir votre zèle , pourquoi ne pas
chercher à l'exciter davantage ? Au lieu de marquer
un fi tendre intérêt à des hommes pourſuivis
par des foupçons trop légitimes , pourquoi ne pas
annoncer le deffein de les voir accufés & convaincus
? Tel eft l'unique vou que le Roi des François
B
S.
( 34 )
seur exprimé s'il eût été délivré de la fanefte obfef
fion qui l'environne...
Après avoir dit du plus grand férieux «J'at
prouvé que l'ordre donné au tribunal criminel eft
contraire à la conftitution » ; M. Genfonné s'eft
chargé de jetter des torrens de lumières fur ces
trois questions y a - t - il un comité autrichien ?
A- t-on des preuves fuffifantes contre quelques- uns
des chefs de cette confpiration ? Quelles mefurqs
faut-il prendre pour en découvrir les complices ? It
' auroit ajouté : que faut- il faire pour déterrer quelque
part les premières preuves de ce que je vais
affi:mer , que fon amplification n'en eût pas acquis
-un degré de plus de ridicule .
Quant à la première de fes trois queftions ,
voici les moyens la corruption de la cour , la
conduite qu'elle a tenue depuis la révolution
( peut- être de Varennes à Paris ! ) ; la coalition
des puiflances en faveur d'un Roi fi bien traité ;
la guerre ( déclarée par l'Affemblée au nom du
Roi obligé d'y foufcrire ) ; les machinations , les
dénonciations ; des notes indicatives , qu'on n'indique
pas ; les raffemblemens à Paris , à Saint-
Denis , à Auteuil , à Bagatelle , defquels en ne
donne nulle preuve ; des parens d'émigrés attachés
au fervice du château ( le Roi lui-même a
des frères émigrés ) ; l'aviliffement de la légiſlature
; la plainte de MM . de Bertrand & de
Montmorin , l'action du juge de paix , & la
kettre du Roi tendante à démafquer les calomniateurs
. Ici M. Genfonné a répété toutes les
inculpations des clubs de Breft , & c. contre M.
de Bertrand , lars tenir compte des réfutations ;
puis faifant de fa diatribe comme une formule
bannale où l'on peut mettre tel nom qu'on veut,
a prolixement appliqué à M. de Montmorin
( 35 )
tout ce que d'autres déclamateurs avoient déjà
débité contre M. Deleffart.
tille ».
V
Succeffeur de M. Genfonné à la tribune , M.
Briffot a finement furpris le comité autrichien
dans le germe , l'a vu éclore en 1756 , dicter
le traité qui , felon lui , facrifia le peuple à une
famille , la France à l'Autriche . Ce comité devint
un fil qui dirigeoit ccles Montmorin & les
Deteffart , qui n'étoient que des manequins.....
Et Mercy ( on dit M. Carra & Mercy tout court )
dirigeoit encore ce fil après la chute de la baf-
« Voici les traits caractériſtique du comité
: 1 °. dévouemnt abfolu à la prérogative
royale ; 20. dévouement aux intérêts de la maifon
d'Autriche ; 3 ° . point d'alliance avec la
Prufle & l'Angleterre, quelque facile que cela füt ;
4. indulgence pour les émigrés , fans cependant
-adhérer à tous leurs voeux ; . compofition pour
la guerre avec la maifon d'Autriche , après avoir
fait tout ce qui pouvoit la provoquer ( qu'on fe
rappelle les voeux pacifiques de M. Briffot , & fa
dénonciation contre M. Deleffart pour avoir tâché
d'éloigner la guerre ) ; 6°. protection pour le fyf
tême des deux chimbres . »
Si je prouve , s'est écrié vingt fois M. Briffot ;
& pour accomplir fes faftucufes promeffes , if s'eft
humblement rabattu fur quelques lignes d'une
note trouvée par lui & M. Lafource dans les archives
des affaires étrangères livrées à de pareilles
mains . M. de Montmorin écrivoit à M. de Noailles,
à Vienne , le 3 août 1791 :
« Les meilleurs efprits de l'Aſſemblée nationale
-fe lont réunis , & fe concertent avec les véritables
ferviteurs du Roi pour foutenir la monarchie &
Four rendre au Roi toute l'autorité néceffaire
pour gouverner ; & il ne fe paffera pas quinze
B 6
( 38 )
1
jours fans qu'il y ait eu des changemens à l'étar
vraiment déplorable dé cette famille. »
L
›
S'accrochant au nom de M. de Montmorin
pour le foutenir à la tribune , le rhéteur oubliant
l'amniftie accordée même à Jourdan a fait des
crimes à l'ex-miniftre de ce que la France rninée' ,
livrée à des factieux , vomiffant des outrages &
des calomnies contre tous les peuples de l'Europe
, n'a pas un allié ; de n'avoir pas révélé à
l'Affemblée tout ce qu'elle favoit , vouloit , &
-caufoit des myſtères de gazettes ; la coalition
- des Rois , & dès 1791 , les armemens de la
Ruffie & de la Suède qui même encore aujour-
-d'hui font problématiques ; & ce qu'il y a de
plus plaifant dans ce délire , d'avoir ménagé le
fecours de la France à l'Autriche , fachant à quel
- point l'Autriche étoit épouvantée de l'idée de
rompre avec la France ; & de n'avoir pas répondu
aux lettres de M. Geneft que perfonne
ne voyoit à Pétersbourg , & qui , plus généreux
patriote que M. Wolney , a fait don à la patrie
d'une médaille qu'il avoit reçue de Guftave III.
Il faut que la malignité ait un charme fecret pour
faire écouter patiemment de pareilles inepties .
Toujours également heureux en citations de pièces
: probantes , M. Briffot a cité jufqu'à une lettre
de l'envoyé de France à Genève , datée du 5
- acût 1790 , commençant & finiffant par ces mots
qui l'auroient fait tomber des mains de tout
autre dénonciateur : «lorfque j'eus l'honneur de
prendre congé de vous , l'année dernière , vous
me permites... fi vous n'approuviez pas ce que
je fais... » En quoi une femblable lettre peutelle
compromettre celui qui la reçoit & l'inculper
de connivence contre - révolutionnaire avec M. le
comte d'Artois ? Enfin , M. Briſſot a imputé à
"
·( 37 )
M. de Montmorin l'aristocratie de tous les envoyés
, les punitions infligées aux propagandistes ,
l'indignatie de toutes les cours pour des profeffeurs
de régicide , &c .
De M. de Montmorin il eft paffé à MM.
Deleffart , Duport-du- Tertre & de Bertrand ; il
a redit tout ce qu'en ont débité fes propres libelles
; mais toujours vague , il n'a rien parti
cularifé. Il n'a étonné perfonne en imputant à
M. de Bertrand les maffacies & les incendies de
St. Domingue ; dès qu'il avoit le front d'en
parler , il n'y avoit pas plus de honte à en accufer
cet ex- miniftre que tout autre. Enfin , les
déroutes de Mons & de Tournay , l'affaffinat
de M. Dillon , les plans de guerre abfurdement
conçus par le miniftre des affaires étrangères
protégé de M. Briffot , & la démiflion de M.
de Rochambeau ....... Telles font les oeuvres du
comité autrichien , Cette déclamation digne dest
groupes de la Rapée , a fini par le rabachage
des phrafes vides de M. Genfonné , & par les
conclufions : décret d'accufation contre M. de
Montmorin ; prompt rapport contre M. Duportdu-
Tertre ; ordre au miniftre de la marine de
livrer des pièces relatives aux colonies qui puiffent
incriminer M. de Bertrand ; & recherches ,
informations du comité de furveillance , regiſtre
ouvert aux délations pour découvrir le comité
autrichien , dont on a fi bien démontré l'exiftence
, & qui coûte déjà plus de cent mille francs
de difcuffion au peuple qui payera encore l'impreffion
de ces volumineufes extravagances .
Un long filence a été l'expreffion involontaire
de la furprife univerfelle de voir des montagnes
en travail ne pas accoucher même d'une fouris.
On a joué aux orateurs confus le mauvais toux
38 J
de décréter auffi l'impreffion de leurs pièces jultificatives.
M. Rouyer a promis de dénoncer M.
Duranthon , comme aristocrate peine ou comme
patriote ignare. M. de Vaublanc le croyant ac
cufé de favorifer les deux chambres , a prié les
bons citoyens de lui plonger un poignard dans
le coeur , s'il adoptoit ce fyftême. On n'a pas
même applaudi aux coups de poignards de bons
citoyens . Le miniftre de la juftice a écrit au
préfident : «Vous apprendrez , fans doute , avec
un fenfible plaifir que tout eft rentré fous l'empire
de la loi , que la plupart des brigands
d'Avignon font en fuite. De longs éclats de
rire , & la féance eft levée.
-
Du mercredi , féance dufoir.
Deux articles décrétés d'urgence , ont décerné
à tous les armateurs François qui fe livreront à la
pêche de la baleine & du cachalot dans les mers
du Nord & du Midi , la prime de so livres par
tonneau de jauge accordée le mai 1786 , aux
Nantukois établis en France ; & ordonné le paiement
des primes dues à ceux- ci . L'Affemblée
50
a déclaré qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur
l'extradition de trois particuliers arrêtés depuis
long- temps à Huningue , & réclamés par la cour
de Vienne comme accufés d'avoir fabriqué de
faux billets de la banque de Vienne . A ce fujet ,
M. Condorcet dit dans fa chronique « les chefs
de cette maifon ( d'Autriche ) ont dû ceffer de
prétendre aux égards ufités entre les gouvernemens
des nations civilifées . » Et il figne , bien
sur de ne pouvoir pas fe déshonorer aux yeux
de l'Europe.
Du jeudi , 24 mai.
M. Lejofne a follicité des mefures pour un
( 391
recrutement très- inftant de canoniers , dont
manque plus de 3,300 à l'armée ; & il a obfervé
qu'il y en avoit dans tous les corps militaires ,
que même il y en a qui végètent dans la garde
du Roi ... Le comité nilitaire s'occupera d'un
mode de recrutement.
Il a été préfenté une pétition en faveur des
administrateurs des poftes deftitués par M. Cla
vière , & une dénonciation de cet acte arbitraire
du miniftre jacobin qui prive de leur état des
citoyens eftimables , des pères de famille. On a
demandé le renvoi au pouvoir exécutif ( à M.
Clavière ) , au comité des finances ; on eft paffé
à l'ordre du jour.
Retombé de tout fon poids fur les prêtres nonaffermentés
, M. Ichon , prêtre conftitutionnel ,
leur a bravement imputé tous les malheurs de la
France , & a vu en eux le véritable comité autrichien
, ce qui a beaucoup réjoui ceux qui le
tiennent fi bien en priant qu'on le cherche . M.
Lecointre- Puyravaux ne voyoit rien de fi fimple
que de décréter l'un des projets , n'importe lequel .
M. Lacroix fe pafloir de rapport , & exholtoit
l'Affemb ée à fe débarraffer de la tutelle des comités...
Et de la tutelle de la précipitation , a
dit M. de Girardin en ajoutant que tous les
factieux n'étoient pas en foutanne . D'orageux
-débats le font terminés par la priorité accordée
au projet de M. François de Nantes .
"
7
Celui de M. Benotton a été difcuté article par
article ; il donnoit aux corps adminiftratifs le
droit, inoui de prononcer la déportation fur toute
plipte portée par 20 citoyens actifs . MM. Hua ,
Becquey & Ramond ont réclamé les jurés & des
juges . M. Lacroix admettoit la déportation
comme peine ; mais M. Guadet a pouflé la fran
(1940 ))
chiffe de l'atroce injuftice jufqu'à répouffer le
mot peine en admettant la déportation , parce
que ce feroit préjuger qu'elle devroit être prononcée
par les tribunaux , & que leur laiffer ce
' droit ce feroit s'expofer à ne voir punir aucun
prêtre. Par le comble de cet aveuglement qui
naît de l'oubli de toute humanité , M. Guadet
a eru juftifier fa melure inconftitutionnelle en
alléguant le nombre des malheureux qu'elle dé
voueroit ; il a trouvé les raisons de M. Ramond
bonnes pour quelques prévenus , mais les fiennes
meilleures contre so mille prêtres . Les galeries
l'ont fétti de leurs applaudiffemens , & la mòtion
a été décrétée en ces termes :
ce L'Alfemblée nationale décrète , comme me-
.fare de sûreté publique & de police générale
la déportation de tous eccléfiaftiques non- affer-
-mentés , dans les cas & de la manière énoncés
ci- après .
Du vendredi , 25 mai.
L'Europe connoît peu M. Brival comme orateur
& législateur ; mais il eft très connu pour
savoir écrit au Roi des François de lui faire rendre
ou payer une canne à dard , qu'une fentinelle
avoit retenue à l'entrée des Tuileries , & pour
s'être exprimé en ces termes : Vous êtes inviolable
, je le fais auffi .... Tandis que je vais
m'occuper des intérêts de mon fouverain & du
vôtre , le peuple , il faut qu'on ne porté aucune
atteinte à ma propriété. » Aujourd'hui , ce M.
Brival a lu à l'Affemblée une lettre particulière
de Valenciennes du 22 mai . Elle annonce que
le famedi , 46 foldats-citoyens & citoyens-foldats
ayant apperçu « une colonne Autrichienne,
(41 )
?
de 400 hommes ", tirèrent des coups de canon
à mitraille que l'ennemi s'étant cantonné dans
une maifon rouge , ils l'en délogèrent à coups
de canon à boulets , & trouvèrent 15 morts
parmi lesquels trois prêtres ingénieufement déguilés
en dragons. Ces nouvelles ont été fort
applaudies.
-
Une députation de citoyens qui ne fe font
pas nommés publiquement , eft venue à la barre
Te plaindre d'une lettre que le Roi a écrite au
fujet des faux bruits que M. Pétion accréditoit
de fon mieux fur une prochaine évafion de Sa
Majefté. Ils ont dit que M. Pétion méritoit la
confiance publique ; qu'ils vouloien bien ne pas
examiner le Roi avoit pu écrire au département
fans faire contre figner fa lettre par un
miniftre ; mais qu'ils en dénonçoient la publication
comme un délit national . Ils ont répété que
le maire , « inftruit que le Roi devoit partir
dans la nuit du 22 au 23 ... » On a interrompu
le harangueur ; plufieurs membres ont invoqué
l'ordre du jour au bruit des huées des galeries,
M. Lacroix a , pour s'inftruire des faits , ob
tenu que la pétition feroit entendue ; les galeries
ont crié bravo ! bravo ! comme aux théâtres
de la foire , & la falle a retenti de leurs applau
diffemens & de ceux de quelques législateurs .
L'orateur a dit que le commandant de la garde
nationale avoit communniqué au Roi l'ordre
fecret de M. Pétion de doubler les gardes &
les patrouilles ; que c'étoit une trahifon qui fe
lioit avec les mandats d'amener décernés contre
MM. Bazire , Merlin & Chabot , & a fini par
ces mots : « Si M. Pétion perdoit la confiance
publique , il n'y auroit plus de sûreté pour nous,
La députation applaudie des galeries & de quel
( 42 )
ques membres , a reçu les honneurs de la féance;
& entre M. Pétion flagorné , & Louis XVI
inculpé , l'Affemblée eft paffée à l'ordre du jour.
Deux décrets d'urgence ont ftatué : 1. que
le corps d'artillerie fera recruté de foldats de
l'infanterie de ligne ; 2 °. que le 5. régiment de
dragons ayant livré les coupables fauteurs de
l'infubordination , de la déroute & des affaffinats ,
ce régiment étoit honorablement acquitté , & que
I'Affemblée renvoyoit au pouvoir exécutif.
M. Condorcet a fait le rapport des dépenfes
annuelles qu'exigera le plan d'éducation natio
nale que propofent les moraliftes du comité d'inftruction
. Elles s'éleveront à 24 millions.
Sur la motion de M. Charlier qu'il étoit importanre
de couler à fond l'affaire des prêtres
il s'eft engagé de nouveaux débats qui n'ont
offert aucune nouvelle idée , pas même de cruauté.
On eft revenu au projet de les déporter en vertu
d'une fimple dénonciation de 20 citoyens actifs .
M. Thuriot écartoit l'obligation de prouver leur
qualité de citoyens actifs , & vouloit que les di
rectoires ne fuffent pas autorisés à en vérifier les
plaintes. MM. Voyfin , Véron , Dalmas d'Aubenas
& Ferrière , ont foutenu que rien ne prouvoit
mieux l'atrocité de la mefure propofée ;
que c'étoit confacrer l'iniquité , le defpotifme ,,
Fimmoralité , livrer tous les prêtres à la merci
de 20 brigands ou d'un fcélérat qui en payeroit
19. Que fera- t-on fi 20 , 40 , fi 100 citoyens
nient ce qu'affirmeront 20 dénonciateurs , demandoit
M. Bigot ? Quand deux témoins
atteftent qu'un homme eft un affaffin , mille
témoins qui le nieroient ne le fauveroient pas ,
lui a répondu M. Lecointre- Puiravaux. M.
Genfonné s'en remettoit à la fageffe des admi-
··
7.43·)
niftrateurs, Selon M. Lacroix , la dénonciation
de deux témoins & l'avis du directoire , ou celle
de 20 citoyens actifs fans avis de directoire
fr ffifoient pour déporter un prêtre inaffermenté.
Le bon & doux M. Ifnard trouvoit que la déportation
étoit non une mesure de rigueur, mais
une mesure d'indulgence . On a accordé la prio-.
ité à la rédaction de M. Robin , portant que
« Les directoires de département pourront
fur la demande de 20 citoyens actifs du même
canton , & fur l'avis du directoire du diftrict ,
ordonner la déportation contre les prêtres nonaffermentés
, comme inftigateurs de troubles . »
'
M. Hérault de Séchelles arrêtoit , fans délai ,
incarceroit tout prêtre fur la dénonciation de 20
bandits payant trois journées de contribution.
annuelle ; & laifoit au directoire , compofé même
de proteftans , & c. , le droit de prononcer la
déportation . Toujours auffi prudentes la juftice
& l'humanité de M. Guadet l'ont fait frémir du
doute que jettoit fur l'exécution le mot pourront
ou pourra ; il a exigé qu'on y fubftituât feront
tenus ou fera tenu , & l'article couvert d'applau
diffemens & de bravo ! a été décrété en ces
sermes :
Lorfque 20 citoyens actifs d'un canton de
manderont qu'un eccléfiaftique non fermenté
quitte le royaume , le directoire du département
fera tenu de l'ordonner , fi l'avis du district eft
conforme. Si l'avis du diftrict n'eft pas conforme
à la demande des 20 citoyens actifs , le
directoire du département fera vérifier , par des
commiffaires , fi la préfence de cet eccléfiaftique
nuit à la tranquillité publique ; & fur l'avis des
commiflaires , s'il eft conforme à la demande
( 44 )
des 20 petitionnaires , la déportation fera éga
lement ordonnée . »
Du vendredi , féance du foir.
On renvoie au comité des douze les pièces
relatives à de nouveaux troubles élevés dans
plufieurs points du département du Var. --- Ce
matin , la fociété ambulante des amis de la
conftitution de la Vendée , dont M. Goupilleau
a dit aux rieurs qu'elle va de village en village propager
les principes de la révolution , avoit offert
490 livres. Ce foir les patriotes , ambulans ou
autres , de cette même Vendée , follicitent la
déportation des prêtres . --- Un harangueur donne
trois louis d'or , & prédit qu'inceffamment les
tyrans défileront enchaînés devant l'Affembléc
comme dans Rome libre le vainqueur traînoit
les Rois au capitole, --- Sur le rapport du comité
de liquidation , il a été décrété que la caiffe de
l'extraordinaire payera 16 millions 724,969 liv .
montant de 2,114 offices de judicature ou mimiftériels
liquidés ,
Du famedi , 26 mai.
Des châteaux dévaftés , des propriétés de fimples
citoyens pillées ou faccagées , des excès
commis contre les magiftrats du peuple outragés
dans l'exercice de leurs fonctions , ont motivé
une adreffe des adminiftrateurs du Var. L'AL
femblée en a décrété la mention honorable.
Un décret a autorifé la municipalité de Mon
tauban à emprunter 8,000 liv . pour achat des
armes néceffaires à la garde nationale , à rembourfer
avec les fous additionnels de 1793 .
--MMP Bertin & Rebeequi écrivent qu'on les a
calom.iés , attribuent à des préventions le décret
45. >
qui fufpend leurs fonctions de commiſſaires. Ils
ne fe font fait escorter par les brigands , n'ont ,
partagé le triomphe des Jourdan , &c. , que pour,
raffurer les bons citoyens ; cet expédient moral
Leur a parfaitement réuffi . Forts de leur confcience
, ils le hâtent de venir rendre compte
& fe repofent fur la juftice que promet l'édifiante
complaifance avec laquelle on écoute de pareilles
lettres de prévenus , mandés à la batre.
›
M. Michel a fait , à grands coups de figures
de rhétorique , le fiège des tours du château deg
St. Malo , a propofé de les rafer , & a obſervé,
fans fe douter de ce que fa remarque offroit de
plaifant , que ce ne fut qu'en efcaladant ce château
, en l'enlevant aux facieux aux révoltés
aux ligueurs , au duc de Mayenne , que les ,
habitans de St. Malo fecouèrent le joug des rébelles
& parvinrent à conferver une place fi importante
à Henri IV. Un décret a ordonné que
le pouvoir exécutif feroit fon rapport fur l'inutilité
où le danger de ces tours.
L'Affemblée a ftatué d'urgence , qu'il pourra
être tiré des trois régimens de ligne & des deux
bataillons d'infanterie légère qui font à Paris .
dés détachemens qu'on portera , felon les befoins ,
dans les départemens de l'Cife , de Seine &
Marne & de Seine & Oife , d'ou font partis des
bataillons pour les frontières. Elle a auffi décrété
d'urgence les articles fuivans :
ૐ
ce Art. I. Les places de guerre & poftes militaires
dont l'état eft ci -après , feront , jufqu'à
ce qu'il ait été autrement ftatué , comme étart
en état de guerre fauf les cas où ils feroient
déclarés par les généraux d'armée , être en état
de frege , conformément aux articles X , XI &
XII du titre premier de la loidu 10 juillet 1791. ❤
( 46 )
II . Indépendamment des places & poftes
militaires portés au tableau annexé à la loi du
10 juillet 1791 , le Roi propofera an corps légiflatif
les poftes que , par leur pofition , il
croira devoir être confidérés comme étant en
état de
guerre.
III. Les généraux d'armée font autorisés à
déclarer & faire proclamer que tels ou tels poftes
qu'ils occuperont font en état de guerre , toutes
les fois qu'ils le jugeront néceffaire à . la sûreté
& à la police de l'armée ; ils feront également
proclamer lorfque cet état devra ceffer . Le pouvoir
exécutif demeure chargé d'en rendre compte
fur- le-champ au corps législatif. »
.M. Merlin a voulu dénoncer le miniftère actuel
, lui reprocher e l'inexécution de la volonté
générale » foutenir qu'après avoir e puifé à
pleines mains dans le tréfor pour les préparatifs
de guerre , aujourd'hui que les armées regorgent
de provifions , & qu'il ne s'agit que de
chaffer 40,000 efclaves de la Belgique & porter
la liberté au-delà de Bruxelles , l'inaction eft un
crime... Le tumulte & l'ordre du jour ont
arrêté brufquement les victoires de M. Merlin ,
ce qu'il a trouvé affreux .
ל כ
On a repris la difcuffion fur les prêtres. Un
membre avoit cité , la veille , des paffages du
contrat focial ou J. J. Rouffeau établit qu'il eft
une profeffion de foi civile fans laquelle on n'eft
ni bon citoyen ni fujet fidèle. Il faut croire un .
Dieu , la vie à venit , fes peines pour le méchant ,
Les récompenfes pour le jufte , à peine d'être
chaffé . Il bannifloit auffi ceux qui diroient :
hors l'églife point de falut. Il réfulteroit de fa
morale que nos philofophes devroient être bannis.
' Son efprit de parti contredifoit manifefte
47 )
ment fa morale en banniffant auffi les Catho
liques ; les athées qu'il repouffoit feront pro-"
tégés , les prêtres que fa haine calomnioit feront
déportés.
Aujourd'hui , après des redites du même parti
qui , fous le prétendu règne de la liberté , couvre
impudemment la juftice & l'humanité violées des
mots , mefure de police , on a décrété plufieurs
articles que nous tranferirons loifqu'on en aura
fixé la rédaction définitivé.
Ces débats avoient été interrompus par la
lecture d'une relation de M. de la Fayette , du
24 mai . Il annonce & décrit un avantage remporté
, entre Hamptinne & Philippeville , par
M. Gouvion commandant 4,000 hommes , fur
JesAutrichiens qui en avoient , dit- il , 8,000 , qu'il
a repouffés deux fois, qui l'ont repouffé la troiſième
fois , lui ont pris trois canons & des chevaux , tué
24 hommes , dont trois officiers ; bleffé 67 , dont
dix officiers , & fait perdre une demi-lieue de
terrain . Mais l'ennemi ayant retrogradé , la pofition
où l'on avoit combattu étoit occupée , deux
heures après l'affaire , par les François qui ont
montré le plus beau fang- froid , la plus grande
difcipline , le plus brillant courage & fauvé an
canon . De bruyans applaudiffemens ont accueilli
d'aufli heureufes nouvelles.
- Du famedi , féance du foir.
L'un des commiffaires civils envoyés à Saint-
Domingue , M. de Mirebeck , a détaillé , à la
barre de l'Affemblée , le compte de fa miffion qu'il
avoit déjà rendu ou prédifpofé dans la fociété
des amis de la conftitution de Bordeaux . Un
parti féditieux opprime la colonie ; c'eft , felon
( 48 ).
1
lui , la faction des 85 ou des Léopardins ing
nieulement appellés ainfi du nom du vaifeau ,
qui les tranfporta tous en France en 1790 .
Excepté les chefs des brigands , qu'il a bien
traités , & les vrais promoteurs du carnage qu'il
s'eft fcrupuleufement gardé d'indiquer , M. de
Mirbeck a bâmé tout le monde en ne louant
que lui feul & fes collègues.
ל כ
A l'en croire fur la parole , l'Affemb'ée coloniale
a provoqué le meurtre en déclarant
l'éternelle vérité que a les traités arrachés par la
force & la perfidic ne peuvent avoir qu'un fuccès
paflager. Si le décert du 15 mai 1791 eût été
foutenu de forces impofantes ( pour plus de
liberté ) , la colonie étoit fauvée ; c'eſt- à - dire
les mulâtres impunis y auroient triomphé de leurs
bienfaiteurs devenus leurs victimes légales . En
arrivant au Cap , les commiffaires reçurent des
députations de l'affemblée générale , en écharpes
noires , fignes de deuil ; de l'affemblée provin
ciale du Nord , en écharpes rouges , fignes da
fang qui fumoit encore . Inftallatien pompeufe ,
harangues , proclamations philantropiques , amniftie.
Toujours aufli prudens que véridiques ,
les commiffaires furent bientôt dans l'opinion de
l'orateur , les dieux tutélaires de la colonic .
Ils ont une entrevue avec Jean - François
généraliffime des nègres . Ils en furent très -contens
, parce que Jean- François defcendit de che
val , fe mit à genoux à leurs pieds , implora
l'amniftie pour fon état major , aflura que c'étoit
par humanité qu'il avoit coupé la tête au féroce
Jeannot , & leur envoya 21 prifonniers . Mais
les intrigues ( non prouvées ) de l'hôtel de Maf
Lac à Paris , celles des Léopardins au Cap , firent
foupçonner
( 49 )
N
foupçonner ces prôncurs de l'égalité fraternelle ,
de principes anti - coloniaux . « Notre conduite
nous a mérité l'eftime & la vénération des gene
debien , a dit modeftement M. deMirbeck. » Mais
raffemblée coloniale , les trois affemblées provinciales
& tous les corps populaires convinrent
que perfonne ne correfpondroit avec des com
miffaires fi révérés . Is devoient recevoir us
avifo tous les 15 jours ; point d'avifo . Ceci
retombe fur le miniftre . On contefte la validité
de leurs pouvoirs , on croit qu'ils afpirent à
donner la liberté aux efclaves & à ne protéger
que les mulâtres . Quelle calomnie ! M. Romme
pérore ; M. de Mirbeck écrit des pcëmes en
profe où il s'écrie : « Grands Dieux ! où fommesnous
? ... Les cris des malheureux retentiffent
déjàjufqu'aux voûtes du ciel ( bravo ! ) . » Il court
le rifque d'être embarqué malgré lui . Délibérant
la comme ailleurs , les galeries opinent tout
haut pour qu'on le noye. M. de Blanchelande
n'étoit épargné que parce que tous craignoient
d'effayer d'un nouveau général, « Quant à nous
on nous fouhaita un bon voyage... Le général
defiroit un entretien avec nous 3 j'ai déjoué
l'affreux complot , & me fuis rendu pendant la
nuit , avec mes porte - feuilles , fur un vaiſſeau
marchand. » -- Un mémoire expliquera le refte de
cette miffion fi bien remplie. L'orateur couvert d'ap
plaudiffemens , reçoit les honneurs de la féance .
On décrète le remboursement de 5,511,815 liv .
de jurandes & maîtriſes .
Du dimanche , 27 mai.
Le procureur de la commune de Paris , M
Manuel, décrété d'ajournement perfonnel comme
prévenu d'un vol de manufcrits imprimés en
fraude , eft-il interdit par le feul fait du décret ?
Nº. 22 , 2 Juin 1792 . C
( 50 )
L'ancienne ordonnance & l'antique honneur prononcent
affirmativement . M. Pétion foumet la
queftion au corps légiflutif , fans parler des
feènes fcandaleufes qui l'ont fuivie dans les
affemblées municipales où M. Manuel a traité
de gredins , & c . ceux qui le croyoient fuf
pendu. Le même comité en fera ſon rapport ſons
trois jours.
---
On a décrété l'impreffion de quelques objets
qui fe reproduiront. Le comité des douze
rendra compte jeudi prochain de la dénonciation
d'une correfpondance où les adminiftrateurs du
Tarn , M. Lacombe St. Michel & M. Lafource,
miniftre proteftant , ont impliqué MM. Vigier
& de Lautrec & tous les prêtres du midi de la
France comme tramant une grande conſpiration.
---
Le ministre de la guerre expliquera inces
famment à M. Rouyer pourquoi l'Etat folde
400,000 hommes & n'en a que 150,000 dans
fes trois armées . - Voici la rédaction définitive
du décret fur les prêtres non - affermentés , ineroyable
exemple de la tolérance & de l'humahite
philofophiques. Il eft de notre juftice d'ob
ferver que depuis que la déportation de ces infortunés
a été décrétée en principe , contre tous
les principes , la prefque totalité des membres
qui fiégent dans l'an des côtés de fa falle n'a
voulu prendre aucune part à fa délibération .
L'Affemblée nationale , confidérant que les
efforts auxquels fe livrent conftamment les eccléfiaftiques
non- fermentés pour renverser la
conftitution , ne permettent pas de fuppofer à
ces eccléfiaftiques la volonté de s'anir au paste .
focial , & que ce feroit compromettre le falut
public que de regarder plus long-temps comme
membres de la fociété des hommes qui cherchene
( ST )
évidemment à la diffondre ; confidérant que les
loix pénales font fans force contre des hommes
qui , agillant fur les confciences pour les éga
rer, derobent preſque toujours leurs mancouvres
criminelles aux yeux de ceux qui pourroient les
faire réprimer & punir ; après avoir décrété
l'urgence , décrète ce qui fuit : »
Art. I. La déportation des eccléfiaftiques
iffermentés aura lieu , comme meſure de sûrété
publique & de police générale , dans les cas
& fuivant les formes énoncés ci- aprèss
ec II. Seront confidérés comme occléfiaftiques
infermentés tous ceux qui , affujettis au ferment :
prefcrit par la loi du 26 décembre 1790 , ne
l'auroient pas prêté ; ceux auffi qui , n'étant pas
foumis à cette loi , n'ont pas prêté le ferment
civique poftérieurement au 3 feptembre , dernier
jour où la conftitution Françoife fut déclarée
achevées ceux enfin qui auront rétracté l'un ou
l'autre ferment .
a III. Lorfque 20 citoyens actifs d'un même
canton fe réuniront pour demander la déportation
d'un eccléfiaftique non-fermenté , le directoire
du département fera tenu de prononcer la
déportation , fi l'avis du directoire de diftrict eft .
conforme à la pétition . »
cé IV. Lorsque l'avis du directoire de diſtrict ;
ne fera pas conforme à la pétition , le directoire
de département fera teau de faire vérifier , par
des commiffaires , fi la préfence de l'eccléfiaftique
on des eccléfiaftiques dénoncés , nuit à la tranquillité
publique ; & , fur l'avis de ces commilaires
, s'il eft conforme à la pétition , le directoire
du département fera également tenu de
prononcer la déportation , "
fa V5 Dans lesboubun eccléfiaſtique.mone
1
С 2
('52 )
fermenté auroit , par des actes extérieurs , excité,
des troubles , les faits pourront être dénoncés au
directoire du département par un ou plufieurs ,
citoyens actifs ; après la vérification des faits ,:
la déportation fera pareillement prononcée. »>
« VI. La demande ou pétition dont il eft parlé
dans les précédens articles , devant être fignée
de ceux qui la formeront , fera remife par eux
au directoire du diſtrict ; ils en affirmeront la
vérité devant le même directoire , qui leur fera
délivrer , par fon fecrétaire , fur papier libre &
fans frais , un certificat du dépôt de cette pétition.
»
« VII. Le dire&oire du diſtrict vérifiera fur
les tableaux qui doivent être déposés dans fon
fecrétariat , ou par tout autre moyen , fi les fignataires
de la pétition font véritablement citoyens
actifs . D'après cette vérification , il donnera fon
avis & le fera paffer à l'adminiſtration du département
dans les trois jours qui fuivront la
date du dépôt. »
VIII Dans le cas où les citoyens actifs qui
auront à fermer la pétition prefcrite , ne fauroient
écrire , elle fera reçue en préfence du
procureur - fyndic , par le fecrétaire du diſtrict ,
qui , après l'avoir rédigée , en donnera lecture
aux pétitionnaires , & relatera leur déclaration
de ne favoir figner. »
« IX. Lorſque les préalables preferits par les
articles précédens auront été remplis , tant de la
part des pétitionnaires , que de la part du di
rectoire de district , le directoire de département
fera tenu de ftatuer , dans trois jours , fi l'avis
du directoire de diftrict cft conforme à la pétition.
»
< X. Lorsque l'avis du directoire de diſtric
753 ( 53 )
C
ne fera pas conforme à la pétition , le directoire
de département aura quinze jours pour faire
procéder aux vérifications prefcrites en pareil
cas, & pour ftatuer définitivement. »
ou « XI. L'avis du directoire de diftrict ,
celui des commiffaires- vérificate ars , étant conforme
à la pétition , il fera enjoint par l'arrêté
du directoire de département , aux cccléfiaftiques
fujets à la déportation ' , de fortir & fe retirer
dans les vingt quatre heures hors des limites du
diſtrict de leur réfidence ; dans trois jours hors des
limites du département , & dans le mois hors
du royaume ces différens délais courront du
jour où la fommation leur en fera faire à la
requête du procureur - fyndie du département
fuites & diligences du procureur fyndic du diftrict.
35
<< XII. Copie de l'arrêté du département fera
no ifite à chacun des eccléfiaftiques , fi jets à la
déportation , ou à leur dernier domicile connu ,
avec fammation d'y obéir & s'y cor former ; cette
rotification fe fera fur papier libre , fans auties
frais que les vacations de l'huiffier , modérés aux
deux tiers des vacations ordinaires , & fera foumiſe
à l'enregistrement gratuit. »
XIII. Si- tôr après cette notification , l'eccléfiaftique
fera tenu de déclarer devant la mupicipalité
du lieu de fa réfidence ou devant le
directoire de district , le pays étranger dans lequel
il entend fe retirer ; & illai fera dé ivré , furle
-champ , par la municipalité ou le directoire
du diftrict , un paffe port qui contiendra fon
fignalement , fa déclaration , la route qu'il doit
tenir , & le délai dans lequel il doit être forti
du royaume. »
·
XIV. Dans le cas où l'eccléfiaftique n'o-
C 3
( 34 )
béiroit pas à la fommation à lui faite , le pro
cureur-fyndic du diftrict fera tenu de requérir
la gendarmerie nationale , pour le faire transférer
de brigades en brigades au- delà des frontières
les plus voifines du lieu de fon départ ;
& les frais de cette tranflation , dont il ſera
dreffé procès -verbal , feront retenus fur fa penfion
ou fes revenus. »
XV. Lorfque l'eccléfiaftique contre lequel
la déportation fera prononcée , n'aura ni penfion ,
ni revenu , i recevra trois livres par journée de
dix licues jufqu'aux frontières , pour le faire
fubfifter pendant la route : ces frais feront fup→
portés par le tréfor public & avancés par la
caiffe du diftrict fur lequel réfidoit cet ecclés
fiaftique. »ככ
« XVI. Ceux des eccléfiaftiques contre lef
quels la déportation aura été prononcée , qui
refteroient dans le royaume après avoir déclaré
leur retraite , ou qui rentreroient après leur
forties, feront condamnés à la peine de détention
pendant dix ans . »
« XVII. Les directoires de département ſeront
tenus d'envoyer chaque mois au pouvoir exé
cutif, qui en rendra compte à l'Affemblée na❤
tionale , l'état nominatif des eccléfiaftiques dont
il aura prononcé la déportation . »
ce XVIII. L'Affemblée nationale n'entend
par les précédentes difpofitions , fouftraire aux
peines établies par le code pénal , les ecclé
fiaftiques non- fermentés qui les auroient encourues
, ou pourroient les encourir par la fuite. »
XIX. Le préfent décret fera porté, dans le
jour , à la ſanction, »
C'eft un grand trait de l'hiftcire des
7351
hommes & de la contagion des efprits ,
qu'en moins de trois ans de temps on foit
parvenu à établir , par l'opinion feule , une
effrayante tyrannie fur vingt millions d'individus,
en leur perfuadant qu'ils font libres,
qu'on en ait entraîné une grande partie à ſe
précipiter fousle joug de quelques agitateurs,
à fe dévouer à la mort pour enfoutenir les
volontés , lors même qu'ils croient ne com
battre que pour la liberté ; qu'on ait à ce
point renversé toutes les lumières naturelles ,
que des hommes, d'ailleurs probes, fe croient
appuyés de la juſtice en protégeant les écarts
d'une oppreffion inhumaine ; qu'on ait
pu donner au fanatifme une activité telle
que tout- à - coup une multitude de perfonnes
, ci- devant fenfées , aient facrifié au
pouvoir des dominateurs la juſtice natu
relle , & jufqu'aux fentimens de l'amour
filial & paternel ; que cette corruption des
idées , de la conduite & des moeurs ait été
qualifiée du nom de régénération ; qu'on
ait appellé volonté nationale , une doctrine
confufément énoncée , & violemment.combattue
; que la délation & le crime aient
reçu les honneurs du triomphe ; qu'on ait
méprifé à ce point la foi des Peuples que
de femer parmi eux des germes de révolte
& d'anarchie , pour fervir une injuſte ambition
; qu'on ait juftifié ces attentats par
des fuccès & par l'impunité qu'aflure une
C
158 )
force redoutable & menaçante ; que le droit
de confervation perfonnelle foit devenu un
titre de profcription , & qu'une fociété
troublée , agitée , par tant des caufes , ne
préfente que des hommes fanatiques , ou
livrés à une diffipation journalière . Tel eft
cependant le tableau qu'offre la France aujourd'hui
, & que déjà plufieurs époques
de l'hiftoire avoient préfenté , mais avec un
caractère moins prononcé , & des traits
moins capables de faire connoître la perver
fité des hommes. Mais cet état violent n'en
déforganife pas moins la fociété , ne la fait
pas moins rétrograder par l'aviliffement
ou la deftruction de tous les arts de
la civilifation. Cette fecouffe a rendu les
habitudes féroces , lorfqu'on s'imagine
qu'elles font devenues guerrières ; les procédés
durs , injuftes , quand on croit qu'ils
ne font que francs ; enfin , la corruption
s'eft accrue de tous les moyens que les
paffions politiques ajoutent à ceux de la
cupidité & de l'ignorance populaire. ;
Mais c'eft dans la Capitale fur tout , c'estlà
qu'on peut voir l'effet de la fubverfion
des droits fur les mouvemens & les opinons
d'une immenfe multitude , qui croit
être libre en détruifant , en déchirant le fein
de la Patrie & traînant dans la boue , ce que
les temps & la morale avoient appris aux
hommes à oppofer aux arts de la tyrannie
& de la ferverfité ambitieufe.
( 57 )
Le Prince avili , entouré d'un Peuple
infultant à fes peines , fans lui marquer allez
de confiance pour le mettre à portée de les
faire ceffer en travaillant au bonheur public
& à la liberté commune ; une tourbe d'agi- "
táteurs marqués d'un refpect extérieur pour
lès loix , & ne cherchant que leur intérêt ,
une avidité de gagner dans les malheurs publics
, & de faire tourner la fortune naticnale
à l'avantage des intérêts privés ; l'aveuglement
fur ces calamités & la facilité qu'il
donne de les attribuer indifféremment au
parti qu'il eft utile aux dominateurs d'opprimer.
à
C'eft ce qu'atteftent les derniers évè
nemens ; ils étoient préparés dès la
fête des Soldats de Châteauvieux ;
ce moment on vouloit favoir à quoi s'en
tenir fur les forces du parti , comme fi l'on
avoit doué de fa toute - puiffance ; mais les
Bourdonnemens impuiffans de ce qu'on
nomme Feuillans avoient choqué l'oreille
des Jacobins , ceux ci par une adreffe qui
leur eft propre, vouloient fonder l'opinion ;
its engagèrent le combat , & le fuccès ne
fut point douteux ; cet avantage dont ils
étoient bien sûrs diffipa toutes leurs
inquiétudes ; leur plan ne pouvoit plus
trouver d'obſtacle ; on pouvoit tourner le
peuple à volonté lorfqu'on lui avoit fait
fubir une auffi bonne épreuve , les menées
contre la Cour recommencèrent ; elles
cs
( 58 )
avoient été comme impuiffantes pendant
un temps , ainfi que quelques tentatives trop .
prématurées contre la garde du Roi . Deux
placards fameux par leur fanatifm.e, réchauf
fèrent les efprits ; il falloit tenir le peuple
en délire fur les évènemens de la guerre ,
faire retomber fur la Cour les pertes que
nous effuyerions & prendre garde que des
fuccès n'attiraffent au Roi quelque . confidération
qui nuiroit au projet , bien ſuivi ,
bien combiné de l'avilir de plus en plus.
On ne fut embarraſſé que fur le choix des
moyens , on trouva dans les feuilles la
dénomination de comité autrichien ; cette
découverte étoit de nature à faire d'autant
plus d'impreffion fur le peuple , qu'il n'eft."
poffible à perfonne d'entendre ce que peut
fignifier un comité Autrichien. On infulta
la Reine ; on redoubla de fanatifme dans les
écrits journaliers , dans les tribunes ; & ce
con ité fut dénoncé à l'Affemblée nationale.
Cependant la crainte d'échouer dans les
fuites qu'on vouloit donner à cette dénonciation
, fuites que tout le monde fait &
qu'il faut cependant dire , le procès contre
les perfonnes les plus refpectables & la Reine
elle- même , cette crainte d'échouer fit publier
une calomnie affreufe contre le Prince ;
on accrédita qu'il vouloit s'en aller , comme
s'il n'avoit pas dit pofitivement que fon intention
étoit de refter à Paris ; comme fi ce
malheureux Prince ne fe conformoit point
759 )
ainfi que fa trifte famille , à l'état que les
évènemens leur prefcrivent ; mais ces bruits
étoient eux-mêmes élevés afin que par les
nombreux outrages qu'ils attirent à S. M.
elle pût laifler échapper quelque defir de
voir enfin fes enfans , fes amis , fouftraits à
un pareil opprobre & à une dégradation
auffi peu méritée ,
Quoi qu'il en foit pendant qu'on dénonçoit
à l'Aifemblée , M. le Maire de Paris
écrivoit au Commandant de la Garde de
prendre des fûretés contre l'évafion du Roi;
on verra dans les pièces que nous allons
rapporter fur quel fondement M. Pétion
établiffoit des foupçons aufli injurieux à la
juftice du Monarque & à fon amour pour
la paix nous ajouterons qu'un arrêté du
Confeil- Général de la Commune du 26 a
approuvé la conduite du Maire & fa ' ettre'
au Commandant , nouvelle preuve que le
parti Feuillant , conftitutionnel , qui forme
une des fractions de ce Confeil , ne peut
point tenir dans la difcuffion contre l'autre
parti , qui dans toutes les melures qu'il lui
plaît d'ordonner, n'eft que feulement confé
quent, non pas précisément à la conftitu
tion , il n'eſt déjà plus queſtion de cela ,
mais aux principes qui ont fervi de me tifs a
la conduite & de texte aux loix de l'Ailem
blée nationale ,
Св
( 60 )
Lettre du Roi au Directoire du Département de Paris,
le 23 Mai.
2
2 Je vous envoie , MM. la copie d'une
lette que j'écris à la Municipalité , fur une lettre
que M. le Mine a écrite au Commandant de la
Garde Nationale ; vous fentirez aisément la méchanceté
de ce bruit répandu dans les circonftances
où nous nous trouvons. Je ne doute pas
le Directoire ne redouble de vigilance &
de foin pour le maintien de la tranquillité publique
. »
que
Signé , LOUIS.
Copiede la lettredu Roià la Municipalité de Paris,
le 13 Mai 1792.
ce J'ai vu, MM. , une lettre que M. le Maire
a écrite , hier au foir , au Commandant de la.
Garde Nationale , où il le prévient d'inquiétude fur
mon départ pendant la nuit , fondé , dit-il , fur
des probabilités & des indices. Il mêle cette nouvelle
avec des bruits de mouvemeus & d'émeutes
& il lui ordonne de niultiplier les patrouilles , &
de les rendre nombreuſes . Pourquoi M. le Maire
fur de pareils bruits , donne- t-il des ordres à
M. le Commandant- Général , & ne m'en fait - il
rien dire , lui qui , par la Conftitution , doit
faire exécuter fous mon ordre les Loix pour le
maintien de la tranquillité publique ? A- t- il oublié,
la lettre que j'ai écrite à la Municipalité au mois
de Février dernier ? Vous reconnoîtrez aifément
MM. , que ce bruit , dans les circonftances
Préfentes ; eft une nouvelle & horrible calomnie
, à l'aide de laquelle on espère foulever le
Peuple , & l'égarer fur la caufe des mouvemens
actuels, Je fuis informé de toutes les manoeuvres
·
( 61 )
qu'on emploie pour échauffer les efprits , & pour
m'obliger à m'éloigner de la Capitale ; mais on
lé tentera envain. Lorfque la France à des ennemis
à combattre au - dedans & au- dehors , c'eft
das la Capita'e que ma place eft marquée ;
c'eft-là que j'effère parvenir à tromper l'efpérence
coupable des Factieux . Je me fie fans
réferve aux Citoyens de Paris , à cette Garde,
Nationale qui s'eft toujours refpectée , & dont'
lés Détachemens , employés fur nos frontières ,'
viennent de donner une nouvelle preuve de leur
excellent efprit . Elle fentira que fon honneur
exige en ce moment qu'elle redouble de zèle¹
& de vigilance ; entouré d'elle , & fort de la
pureté de mes intentions , je ferai toujours tranquille
fur les évènemens qui pourront arrivers
& quelque chofe que l'on faffe , rien n'altérera
ma follicitude & mes foins pour le bien du
royaume . »
Lettre du Maire de Paris à fes Concitoyens , a
l'occafion de celle adreffée par le Roi à la Municipalité
de Paris.
2
CITOYENS ,
ee Il m'étoit difficile de prévoir qu'ure réquifition
, fimple en elle- même , dictée par la
prudence , confiée à celui à qui la loi a remis le
dépôt de la force armée de la Capitale , devien
droit une affaire grave , portée au Tribunal de
l'opinion. 1
כ כ
Les crconftances dans lefquelles nous nous
trouvons font diffi iles ; les efprits font agités ,
des Etrangers , dont la plupart font très - fufpects ,
affluent à Paris ; la France entière en conçoir
des inquiétudes ; on parle hautement de pro(
· 6.2 )·
jets de contre-révolution ; l'on parle d'exciter
des mouvemens violens , au milieu defquels .
on commettroit des attentats & on enlèveroit le
Roi. »ל כ
Des lettres , des avis fans nombre , dénoncent
ces faits & les environnent , les uns de vrailemblances
, les autres de preuves. »
Le 23 Mai étoit le jour fixé par l'Affem ,
blée Nationale pour une difcuffion importante ;
ce jour étoit attendu avec une vive impatience .
Je vis la veille plufieurs Citoyens qui me
dirent qu'il y avoit des mouvemens extraordi
naires au château . Je reçus une lettre qui m'anno
çoit pofitivement que la fcène des poignards
devoit le renouveller. Le foir , à dix heures
une femme , très - digne de foi , vint me faire
part de quelques détails qui n'étoient pas à négliger.
Dans le même moment différentes perfonnes m'affurè
ent que des raffemblemens com nençoient à fe
fo: mer autour des Tuileries , & me prefsèrent avec
inftance de prendre des mefures. M'étoit-il permis
de refter dans l'inaction ? L'indifférence eût été un
délit . »
«J'écrivis la lettre fuivante , le 22 , à dix heures
& demie du foir :
Plufieurs perfonnes , M. le Commandant-
Général , me font part d'inquiétudes fur le dé-,
part du Roi pour cette nuit ; on parle auffi , pour.
ce: te nuit , de mouvemens & d'émeutes. On accompagne
le tout de probabilités & d'indices . Je
vous prie en conféquence de ne pas perdre un
inftant , & de prendre toutes les mesures d'eblervation
& de prudence , de multiplier les pa-,
trouilles dans les environs , & de les rendre nom
breuſes , »
( 63 )
« Il mesemble que cette lettre eft fage & corçue .
dans les termes les plus mefurés . »
K
Que j'aie eu le droit de l'adreffer à M. le
Commandan : -Général ; que j'aie eu le droit d'engaer
ce dernier à employer tous les moyens de
prudence , & à multiplier les patrouilles ; c'et
ce qui ne peut pas faire de doute . Il ett gliffe ,
à cet égard , une erieur très - remarquable dans la
lettre du Roi ; par la Co ftitution , le Roi , comme
Chef fuprême de l'administration , peut donner des
ordres au Département , qui les tranfmet aux Municipalités
, & voilà la chaîne defcendante ; inais
pour toutes les fonctions qui font dans l'effence
des pouvoirs municipaux , comme la Police , qui
Jeur eft attribuée , les Municipalités exercent ces
fonctions immédiatement & fans recevoir d'ordres ;
les Départemens les furveillent , & le Roi domine
fur le tout ; voilà la chaîne afcendante . Il n'eft
donc pas ex at de dire que je devois prendre les
ordres du Roi , car alors ce feroit lui qui feroit
la Police de Paris , qui communiquereit fes volontés
au Maire , lequel les feroit paſſer au Ch:f
de la Garde. Le Roi fe trouveroit même , par là
commander la Garde Nationale , qui , par la loi ,
n'eft pas entre les mains . »
"
« Je crois donc que ma lettre , en elle- même
étoit prudente , & que j'avois caractère pou l'écrire
. Je dirai plus que j'en avois l'obligation .
« Elle ne devoit être connue que de M. le
Commandant & de moi , comme toutes celles que
je lui écris pour l'ordre du fervice & le maintien
de la tranquillité publique . Ici , je veux croire qu'il
n'y a qu'iadifciétion de la part de M. le Com
mandant , ou de celui à qui il a confié ma lettre
mais Intrigant qui l'a remife au Roi , &
qui a cherché , à quelque prix que ce für , à
( 64 )
lui donner de la publicité , a manifeftement eu
de mauvaifes intentions , celle , par
exemple , de faire croire que le Roi n'étoit pas
libre , qu'on cherchoit à l'enchaîner . On fait
que c'est le fyftême favori , & conftamment
fuivi d'une claffe d'hommes , ennemis implacables
de notre Révolution & de notre Conf
titution . »
« Le Roi regarde comme une horrible calomnie
le bruit que l'on a répandu, de fon dé
part . Eh bien qui eft ce qui a accrédité
ce bruit ? Ce font ceux qui ont donné de la publicité
à une lettre cor fidenti : l'e. »
<<
Mais , puifqu'elle eft fous les yeux de tout
le monde , je demande qu'on la juge avec févérisé
: tour homme impartial remarquera fans
peine que fi le Roi , lui- même , avoit eu des
précautions à prendre pour la tranquillité publique
& pour la sûreté de fa perfonne , il n'en
eût pas imaginé d'autres . »
« Eût-il voulu réſiſter à un parti de Factieux
qui eût tenté de le ravir à la Nation ? Il auroit
commandé force & furveillance. »
сс
« Eût-il voulu empêcher que des malveillans
fe précipitaffent en foule dans le château ?
Hauroit commandé force & furveillance. »
EC
גכ
Qu'ai - je requis ? Force & furveillance."
Qu'ai-je fait ? J'ai veillé , quand mes Concitoyens
dorinoient. » PÉTION .
Paris , le 24 Mai , l'an 4º. de la Liberté.
Ce galimathias double de M. Pétion a produit
l'effet qu'on defiroit ; c'eft encore le
Roi qui a tort, & pour le lui prouver, pour
rénouveller les fcènes du 6 Octobre , une
bande de gens armés de piques , de bâtons ,
( 65 )
eft allée mardi 29 , dans la matinée , provoquer
la Gaide du Roi , planter au - deffus
de la principale porte du château le Drapeau
& le Bonnet de l'anarchie , & infulter
d'une manière indécente à la foibleffe de
ce Prince. Sa famille étoit dans le plus
grand danger. Des difcours de meurtre fe
tenoient publiquement dans les cours.
L'Affemblée avoit déclaré Ja veille la permanence
de fes féances ; la garde du Roi eft
détruite. Tout Paris eft dans une forte d'agi
tat on ; il ne s'eft cependant commis auc
meurtre cette fois . La faction eft plus puiffante
que jamais , & à moins d'évènemens
favorables, on eft fondé en motifs pour dire
que l'on doit s'attendre à voir les derniers
excès fe commettre contre le Roi & fa Famille.
Les maifons ont été éclairées la
nuit.
Quand une fois en effet le Peuple eft con
vaincu d'un principe erroné , il doit en tirer
toutes les conféquences qui naiffent des
paflions violentes & de la cupidité ; cette
manière d'agir eft le réfultat du fyftême
de fa fouveraineté abfolue , comme de
l'égalité abftraite , érigée en maxime d'état
, réfulte bien clairement que quiconque
pofsède une propriété confidérable eft un
traître , un aristocrate ; auffi les Clubs
Jacobins qui font très - conféquens dans
l'application des adages de la révolu166
)
tion , traitent ils également les Nobles
& les Propriétaires ; ils dépouillent ceuxci
, comme ils ont profcrit les autres,
Lorfque l'abfence n'en peut pas être le prétexte
, l'incirifme doit fuffire, c'eft là fur- tout
la doctrine des provinces du Midi . Les
Propriétaires y font affujettis à toutes les
oppreffions des Clubs , & s'attendent Tils
ont la foibleffe de l'avouer ) à voir publier
la loi agraire. En attendant , on leur fait
dans quelques endroits payer des contributions.
A Beauffet près Toulon , voici
ce qui vient de fe paffer. On les condamne
à l'amende de 2 ou 300 liv . lorfqu'ils ne
prouvent point leur affiliation à un elub ,
Pluieurs ayant voulu refufer de payer
ont été mis en prifon . Un refte de courage
engagea quelques perfonnes à dénoncer
ces excès du Club. Deux témoins
furent entendus par l'Accufateur public ;
ils atteſtèrent les violences. Le Club'inftruit
de cet incivilme des témoins s'aſſembla ,
courut chez eux , les fit traîner fur la place
publique où ils furent fufillés. D'autres actes
de patriotifme , acceffoires de celui - là
furent en même temps commis , fans qu'on
puiffe efpérer de les voir punis. Qui vou
doit fervir de témoins ?
M. de Narbonne , ex-Miniftre de la guerre &
M. de Hefe ont été nommés Lieutenans - Généraux
dans l'armée Françoife . MM. de Crillon & de
Noailles ont donné leur démiflion.
( 67 )
Il paroit que les défordres qui ont ravagé , dépeuplé
le Comtar & la ville d'Avignon , vont
érendre leur empire fur Porentru & les environs ;
le Palais du Prince a été forcé , dévasté , incendié :
les principaux habitans font menacés & l'on fait
déjà dire à la populace qu'elle veut la réunion à
la France.
La Diète Helvétique eft affemblée à Fravenfeld
pour délibérer fur deux points importans
; 1. le parti à prendre relativement
aux régimens Suifles au fervice de
France ; 2 °. la déclaration d'une neutralité
armée , & la levée de troupes pour border
& garder les frontières du côté de la
France. Le régiment d'Erneft eft parti
par Romans ; fa route eft déterminée par le
fort de l'Eclufe : on le croit deftiné à garnir
la frontière entre Cafpel & la montagne..
A Genève on prend des sûretés ; on fait
des difpofitions contre les entreprifes qui
pourroient compromettre le repos de l'Etat
à l'intérieur ou au dehois.
Les troupes Sardes fous le commandement
du Comte de Lazari , fe cantonnent dans la
Savoie & le Comté de Nice ; elles s'élèvent
à 15,000 hommes . Elles feront , en cas
de befoin, appuyées de celles du Milanois.
Il n'y a guère moins de 12,000 hommes
de troupes Allemandes & 24 bouches à feu
dans le Brifga . Le camp eft actuellement
entre Saarpach & Appenweyer.. Ily arrive
( 68 )
journellement des provifions de bouche &
de guerre ; elles font tirées fur- tout des
pays de Baden , de Wirtemberg & du Palatinat
ces trois Etats n'ont , comme les
autres , qu'une neutralité apparente qui ceffera
fi- tôt qu'ils pourront oppofer à la violence
& aux hoftilités une force fuffifante..
Le nombre des Emigrés augmente dans le
pays deLiège; ils font répandus dans les villes
des environs , fur tout à Vifé , Verviers ,
Hui , St.-Tront. Ils viennent de recevoir
1200 fufils qui ont été diftribués. Il eft
arrivé plufieurs pelotons de leur Cavalerie
à Hui & à Stavelot , ces jours derniers,
Le Corps détaché de l'armée de M. de la
Fayette , fous les ordres de M. de Gouvion ,
s'eft porté dans les environs de Florence
pour y intercepter des fourrages deſtinés à
Farmée Autrichienne avec 4,000 hommes
& fix pièces de canons . Le Comte de Starays
pofté dans les environs de Charleroi , eft
allé l'attaquer avec vingt cinq compagnies
d'infanterie & chaffeurs , & quatre efca ,
drons de cavalerie légère , ce qui fut exé
cuté le 23 Mai matin . En conféquence
M. de Gouvion a fait fa retraite fur Philippe
ville & a laiffé en chemin quelques équipages
& trois canons. Il a perdu 23 hommes
; le nombre des bleffés s'élève à 67 ; la
perte des Autrichiens , en hommes , eft àpeu
-près la même .
( 69 )
Il y a eu , le 18 & 19 , quelques quelques efcarmouches
à Rume , village Autrichien près
d'Orchies , où 200 dragons François s'étoient
avancés & fe font retirés après un
combat ou nous avons perdu 4 ous hommes
; un détachement de chaffeurs tyroliens
eft allé dans un autre village abattre l'arbre
de la libertéfrançoife, & emporter lebonnet.
Le lendemain les François font revenus en
plus grand nombre , mais le Général la
Tour s'étant préfenté avec 3,000 hommes
de troupes , nous nous fommes retirés . On
apprend qu'il y a eu une autre action à Rumigies
, village François , dont on ne connoît
point les détails & ou les Autrichiens
ont chaffé le Curé conftitutionnel & emmené
quelques chevaux ; on dit que M. de
Biron marche avec 6,000 hommes .
Lettre au Rédacteur.
Extrait d'une lettre de St. Marc , 12 avril 179 2..
-« Le canon retentit tous les jours ; les Citoyens
de Couleur fe font emparés de 104 Blancs ;
ils propofent de les rendre pour fix perfonnes , vrais
auteurs des maux de ce quartier. M. de St, Léger,
vient de s'en aller fur la Galathée ; les Mulâtres
font fortis au nombre de 400 , & ont attaqué & pris
le camp Borel , à l'Artibonitte ; tout a été faccagé
chez ce Membre de l'Affemblée , & il doit ſon falut
à la fuite ; c'eft un Factieux des plus acharnés. Il y
a cu peu de perte , dans cette action , du côté des
( 73 )
Mu'atres. Deux des camps de l'Artibonitte fe fert
diffous d'eux-mêmes ; le dérachement de troupes de
ligne , fans Chef , a été très- maltraité ; les fuyards
fe font ralliés à la Saline , »
« L'Arcahayevient d'éprouver une infurrection
de Nègres ; quelques Blancs ont été malfacrés ; une
feule habtation (Robert ) brûlée , toutes les grandes!
cafes piliées . Les Gens de Couleur le font replés
d'abord dans les mornes ; ils font redefcendus
quelques jours après , & ont rétabli les atteliers fur
les habitations , où ils ont repris leurs travaux . Le.
premier mouvement de révolte étoit parti de la
plaine du Cul - de- Sac , ou les gens du Port - au-
Prince étoient campés à lá Croix- des- Bouquets ,
dent ils venofent de s'emparer depuis quelques
jours , ils avoient avec eux des Nègres armés quit
ont porté le levain de la révolte à l'Arcahaye ; mais
ils viennent d'en être bien punis , ces inftrumens)
d'une vengeance aveugle. »
ce
L'armée de la Croix - des -Bouquets , diffoute
d'après les inftances du Commiffaire St. Léger,
s'étoit retirée au Mirrebalais , où on ſut bientôt la
nouvelle invafion du Port -au -Prince , & le malfacre
de quelques Mu'âtres reftés dans le bourg.
-Les Nègres nombreux de cette plaine ont re-s
gardé avec mépris certe horde de brigands , &
pendant qu'elle le croyoir en fûreté dans les refranchemens
de l'ancienne armée , ils ont prévenu les
Mulâtres du Mirrebalais , qui , de concert avec
cur , ont attaqué ce camp nutamment , ont tué
fro hommes & difperfé le refte , ils ont repris
toare l'artillerie & font maîtres du pofte ; on l'armée
fe tallier fans doute . -AL-Les Gens de Coulëur
ne veulent plus parmi eux de Branes. Dans
cette partie , ils ont promis , à leur tour, le pillage .
azenie Negrés que la Paroiffe & les environs:
de la Croix - des-Bouquets fourniffent ; ils veulent
e trer au Port - au- Prince, & y mettre tout à feu
& à fang.
"
« Les hauteurs de tout le Port-au - Prince font
dépeuplées de Blancs fugitifs ou immolés . »
сс
que tout
Léoganne fut envahi par une irruption que
M. deSt. Léger a repouffée avec les Gens de Cou
leur & ceux de la frégate la Galachée. Toutes les
pièces & grandes caunes de ces plaines ont été incendiées,
ce qui d'abord avoit fait croise
étoit détruit. Le Chef de cette entreprife , qui fe
diftingue par la cruauté , fe nomme Romaine ; fa
réfidence étoit au Trou- Coffi , hauteurs de Léogane
; il mène fa horde , compofée de libres &
d'efclaves , pêle-mêle , par la fuperftition , aux
forfaits les plus inouis ; il ne fait nulle diftinction
de Parti , d'âge ni de fexe ; il fe mêle de prédictions.
M. de St. Léger a manqué d'être affaffiné. par Pun
de fes Emiflaires qui partoit peut- être de plus loin
un homme de couleur s'eft dévoué pour lui , ainfi
que le Chevalier d'Affus à Gloftercamp . Cette
même claſſe a refufé la propofition des Nègres de
ce Romaine , de s'unir pour maflacrer les Blancs ;
elle a, au contraire , marché de concert avec ces
derniers au trou Coffi , s'en eft emparé , ainſi quede
plufieurs Satellites de Romaine , qu'on a manqué ,
& qui reprêche encore fon infernale doctrine. M.
de St. Léger, avant fon départ , avoit rétabli les
Nègres dans la plaine, »
« Au Petit-Goave , on a repouflé les brigands ,
on y eft affez tranquille & uni . »
Au Petit - Trou , aux Baladeures , on eft en
proie aux infurrections qui fe font répandues dans
la partie du Sud , toute incendiée à la fuite d'une
action entre les Gens de Gouleur & ceux du régiment
de Provence, Depuis , les premiers contipuent
( 72 )
keurs incurfions ; cependant on n'a pas de nouvelles
récentes de ce pays-là.
93
« Jacmel eft prefqu'entièrement dépeuplé par
des fuccès divers qui nous conduiront bientôt à
notre anéantiffement total , fur- tout les forces
qui nous arrivent égorgent les gens de bien capables
de faire renaître l'autorité , & qui fupportent avec
courage tant d'adverſité. »
Ajoutez à cet horrible cadre une difette (1)
générale dans les quartiers en proie aux troubles.
Nos Affemblées coupables ont armé des forbans
qui interceptenttous les navires & caboteurs qui
pourroient alimenter tous les endroits qui ne font
pas dans leurs principes d'antropophage. Le bas de
la côte , entre lePort-au- Prince & Jérémie , manque
de tout. Nous envoyons un navire à Léogane
pour l'approvifionner. La Croix - des - Bouquets &
hauteurs font menacés de la famine. »
« Le Borée eft toujours au Port-au -Prince en
infurrection , & ne peut fortir. M. de Cambis , qui
commande la Galathée , traite ces Corfaires en
camarades ; ils font comme lui , dit- il , bâtiment
de l'Etat & légalement armés. Cependant , ils
sançonnent les bâtimens du commerce , canonnent
la côte , égorgent les Paffagers qui leur déplaifent,
pillent les habitations , volent les Nègres , les beftiaux
& les denrées . »
( 1 ) Le numéraire difparoît , & la dilapidation
des Affemblées eft énorme.
ERRATA. Dans le dernier Numéro , page 222 ,
dernière ligne , lifez 1791 , au lieu de 1790 ; &
page 287 , lifez Vicquemont au lieu de . Nicque
mont.
MERCURE
LE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE,
RUSSIE.
De Pétersbourg , le 4 Mai 1792 .
E Traité d'alliance entre les Cours de
Vienne & de Berlin a été notifié à l'Impératrice
avec invitation d'y accéder ; on
ne connoît point encore fa réponſe , mais
tout laiffe à penfer qu'elle ne fe refuſera
pas à un moyen de sûreté qui ne peut
qu'affurer la tranquillité de l'Europe par
la ftabilité des Gouvernemens & des Etats
respectifs.
Les principes dangereux propagés ici
par les François , comme ailleurs , les ont
fait furveiller plus particulièrement ; plufieurs
ont été arrêtés , & mis en prifon.
Cette rigueur , qu'en tout autre temps l'on
blâmeroit , eft regardée , généralement ,
No. 23. 9 Juin 1792. D
( 74 )
comme une mefure de sureté indifpenfable.
C'eſt le même motif qui a porté l'Impératrice
à éloigner tous ceux de cette Nation
qui font à fon fervice , & particulièrement
attachés à la cuifine. Au refte , deux des
François détenus ont été relâchés ; S. M.
a même fait témoigner à l'un d'eux qu'elle
reconnoiffoit avec plaifir qu'il ne partageoit
point les opinions de ceux de fa Nation
qui s'étoient attiré par leur conduite la
haine publique & la févérité du Gouvernement.
Les autres , encore en priſon , n'en
fortiront qu'aux conditions de quitter la´
Ruffie , ou feront exilés dans les provinces
du Nord ; c'est au moins l'opinion générale
ici .
On a remarqué que les conférences entre
le Comte de Cobenizel, Miniftre de Vienne,
le Comte de Golz, Miniftre de Pruffe , &
le Comte Offermann font très fréquentes.
It eft aifé de foupçonner quel en peut être
le fujet politique ; cependant on doit attendre
des évènemens à juger des véritables.
intentions des Cours , & de leurs réfolutions
définitives . L'efcadre de Cronftadt
fe borne à trois vaiffeaux & quatre frégates
en armement ; ils iront attendre neuf autres
vaiffeaux de ligne & fix frégates conftruites
à Archangel , pour les ramener dans le port
de Cronfadt ; mais jufqu'à préfent on ne
leur connoît point d'autre deſtination.
( 75 )
7
POLOGNE.
De Varfovie , le 14 Mai 1792.
L'oppofition de la Cour de Pétersbourg
aux changemens effectués fubitement dans
notre Gouvernement , & fur-tout à la loi
qui rend héréditaire la Couronne, d'élective
qu'elle étoit , cette oppofition prend
un caractère prononcé , & menace d'une
guerre effective la nouvelle Conſtitution.
de la République.
Cette détermination de la Cour de Pétersbourg
a été accélérée par nos difpofitions
militaires & la marche des troupes.
depuis le Décret de la Diète du 16 Avril
dernier. Plufieurs régimens font arrivés ici
pour y être paffés en revue , & de là répartis
dans les Corps d'armée de la Lithuanie &
de l'Ukraine. Le régiment du Prince de
Wurtemberg, avec celui de Potocki , cavalerie
, font partis , ainfi que celui de Dziatinski
, infanterie , avec du canon & les munitions
néceffaires .
De fon côté l'Impératrice de Ruffie a
donné ordre à un corps de 25 à 30 mille
hommes de troupe d'élite de fe rendre fur
nos frontières . Ils feront bientôt fuivis d'un
plus grand nombre , & les Officiers qui
doivent les commander font pattis .
En même-temps le Miniftre de Péters-
D 2
( 76 )
bourg a notifié au nom de fa Souveraine ,
que
defirant maintenir l'ordre , la paix & la
forme du Gouverment Polonois , & notamment
le droit d'élire un Roi , qui appartient
à la République , elle ne peut approu
ver la nouvelle Conftitution , & qu'elle
s'oppoſera à ſon exécution.
Ce nouvel orage , que quelques perfonnes
ardentes méprifent, jettent de l'inquiétude
& de l'embarras dans les affaires ;
il donne un moyen d'activité aux mécontehs
, & peut fournir des reffources trèsfolides
au parti de l'oppofition . Ces commencemens
de troubles fe trouveront encore
accrus par l'enthoufiafme que l'on
paroît vouloir répandre parmi le Peuple
; enthoufiafme qui n'eft point du
courage , qui mène au fanatifme , à la perfecution
, & fait d'un obftacle facile à
détruire , une infurmontable réfiftance . Au
moins les expreffions, que l'on met dans la
bouche du Roi , à un repas donné par le
Corps-de -ville le 13 de ce mois , femblentelles
annoncer cet efprit d'ardeur . Ce
Prince , dit -on , répondit aux fantés qu'on
lui porta par ces paroles : « Le moment eſt
venu où les diftinctions font détruites ; où
l'homme eft rapproché de l'homme , & c . »
C'eft avec des maximes à peu près femblables
, des adages pareils , que la France
a fait de l'exercice du droit national , de .
faire dans fon Gouvernement les réformes
( 77 )
que les Etats - généraux auroient trouvées
utiles , un moyen d'anarchie & de divifions
politiques dont on ne voit point le terme.
ALLEMAGNE.
"
De Berlin , le 24 Mai 1792 .
Le Roi part pour les revues de Magdebourg
; il fe rendra enfuite à celles de Poméranie,
& delà à Anfpach , Bareith & à
l'armée. Sa Majefté avoit paffé en revue ,
la
femaine dernière , les régimens arrivés des
garnifons voifines, & la revue générale a eu
lieu enfuite , fuivant l'ufage. Il a été donné
des ordres aux régimens en garnifon dans
la Poméranie de fe tenir prêts à marcher ;
l'on croit qu'il en paffera une partie fur
les frontières de la Pologne ; ceux de Braun
& de Lignowky , qui font partie de notre
garnifon , doivent fe rendre en Siléfie .
Ces foins militaires font peut être la
caufe du retard de la marche des troupes
à leur deſtination du Rhin & des Pays-
Bas ; ce qu'il y a de vrai c'eft qu'on n'apprend
point encore que l'on en ait vu pafler dans
aucune des villes qui fe rencontrent fur la
route qu'elles doivent tenir ; lenteur que
l'on voudroit attribuer à des incertitudes
dans notre Cabinet , quoique jufqu'à préfent
on ne connoiffe aucun motif qui ait pu
le faire changer de détermination.
Le Prince de Hohenlohe , Général de
D.3.
( 78 )
l'Artillerie , au fervice de l'Autriche , eft
arrivé le 18 de Poftdam dans cette capitale
; il a defcendu chez l'Ambaffadeur de
Vienne , & a foupé avec la Reine à Monbijoux.
Le Duc de Brunswick eft à Poftdam.
Le Roi a nommé M. de Heymann ,
autrefois Officier au fervice de France , Major-
général de Cavalerie ; il fera employé
dans l'armée qui doit s'avancer fur le Rhin ,
De Francfort-fur- le-Mein , le 25 Mai.
C'est le 23 de ce mois que le Cercle du
Directoire du Cercle du Haut- Rhin a reçu
la réquifition de la Cour de Berlin pour
le paffage des quatre régimens d'Infanterie
& de deux de Huffards qui doivent
arriver dans nos quartiers le 13 Juillet prochain
; ce qui , comme l'on voit , n'annonce
pas une grande célérité dans l'arrivée
des troupes Pruffiennes fi impatiemment
attendues . Celles de l'Autriche arrivent
, mais lentement ; les Corps qui
doivent fe mettre en marche pour le Brifgaw
de la Bohême & de la Moravie , n'ont
dû en partir que le 14 de ce mois . Il a
été conclu un marché par le Ministère Autrichien
, pour le tranfport des so pièces
de canon du calibre de 12 , 18 & 24 livres
de balles.
Nous rapporterons ici le texte du traité
d'alliance arrêté entre les Rois de Pruffe &
圜
( 79 )
de Hongrie , le 7 février , dont il a été plufieurs
fois queſtion dans les numéros précédens
, & que le Roi de Pruffe a ratifié le
17 février.
« Sa Majefté l'Empereur , Roi de Hongrie
& de Bohême , & Sa Majefté le Roi de Pruffe ,
animées du plus grand zèle pour la tranquillité
publique , & defirant affurer le repos & la profpérité
de leurs Etats héréditaires fur une baffe
inébranlable , le font déterminées à refferrer , par
les noeuds d'une alliance intime & perpétuelle , les
'fentimens de confiance , d'amitié & de bon voifinage
qui les uniffent. Elles ont autorifé , pour
cet effet , S. M. l'Empereur , &c . , le Prince
Henry XIV de Reuff, fon Envoyé Extraordinaire
à la Cour de Pruffe , &c.; Sa Majeſté le
Roi de Pruffe , & c.; fes Miniftres d'Etat de
Guerre & de Cabinet , Charles Guillaume, Comte
de Finckeftein , Frédéric , Comte de Schulembourg
& Philippe , Baron d'Alvenfleben , lefquels après
s'être communiqué leurs pleins pouvoirs , font
convenus des articles fuivans :
« Art. I. Il y aura une amitié & une union
fincère & conftante entre S. M. l'Empereur &
S. M. le Roi de Pruffe , leurs héritiers & fucceffeurs
, Royaumes , Etats & Sujets héréditaires ;
en conféquence les hautes parties contractantes
apporteront la plus grande attention à maintenir
entr'elles & leurs Etats & Sujets , une bonne
intelligence & correfpondance réciproques , &
elles éviteront tout ce qui pourroit altérer à
l'avenir la tranquillité & l'union heureuſement
établies entr'elles , & donneront au contraire tous
leurs foins à procurer , en toute occafion , leur
utilité , honneurs & avantages mutuels, »
D
4
780 )
1
II. Tous les Traités intérieurs , & nommément
ceux de Bre flau , de Diefde , de Hubert'sbourg
& de Tefchen , font renouvellés & confirmés
par le préfent Traité dans la meilleure
forme , comme s'ils étoient inférés ici de mot à
mot, »
« III. S. M. l'Empereur & S. M. Pruffienne,
promettent & s'engagent , pour elles & leurs
héritiers , de garantir & de défendre tous les
Etats , Provinces & Domaines héréditaires qu'elles
pofèdent actuellement de part & d'autre , Comre
les attaques de quelque Puiffance que ce foit . »
« IV. Par une fuite de cette garantie réci
proque , les deux hautes parties contractantes
travailleront , de concert , pour le maintien de
la paix ; elles employeront , dans le cas cù les
Etats de l'une d'entr'elles feroient menacés d'une
invafion , leurs bons cffices les plus efficaces pour
l'empêcher. Mais fi ces bons offices n'avoient pas
l'effet defiré , & que T'une ou l'autre d'entr'elles
fût réellement attaquée , elles s'obligent , pour
ce cas , à fe fecourir mutuellement avec un corps
de 15000 hommes d'Infanterie , 5000 de Cavalerie.
»
« V. Ce fecours fe mettra en marche deux
mois après la réquifition faite par la partie astaquée
, & demeurera à fa difpofition pendant
toute la durée de la guerre dans laquelle elle fe
trouvera engagée . Il fera payé & entretenu , par
la puiffance requife , par- tout cu fon alliée fera
agir mais la partie requérante lui fournira le
Pain & fourrage néceffaires , fur le pied unité
dans fes propres troupes , fi néanmoins la partie
réquérante préféroit aux fecours effectifs en
hommes , l'équivalent en, argent , elle en aura
le choix , & , dan's ce cas , le fecours fera évalué
( 81 )
à 60,000 écus en argent blanc , par an , pour
1,000 hommes d'Infanterie , & à 80,000 écus
pour 1,000 hommes de Cavalerie ; le tout payable
annuellement , ou , dans la même proportion
par mois , cet argent fe payera d'après le titre
des monnoies , reçu dars l'Empire , & appellé
convention , Golden fuffe ; le marc d'argent rendant
13 écus & un tiers . »
« VI. Dans le cas ou les fecours, ftipulés ne
feroient pas fuffifans pour la défenſe de la Puif-
Lance requérante , la Puiflance requife les augmentera
fucceffivement felon le befoin de fon
allié , les circonftances & le concert qu'on prendra
alors . »
« VII. Pour atteindre complettement les vucs
falutaires que les deux Hautes Puiffances , contractantes
, le propofent de ce préfent Traité
elles fe réferveit d'inviter de concert la Cour
Impériale de Ruffie , les deux Puiffances martimes
& S. A. Electorale de Saxe , à s'unir mutuellement
avec elles ; par les engagemens ,
analogues aux ftipulations ci - deffus. »
ce VIII. Et comme elles n'ont en particulier
rien plus à coeur , que de voir perpétuer la tranquillité
& la profpérité de l'Allemagne , & qu'elles ,
'envifagent cet objet comme undes plus principaux ,
de leur union , les deux hautes parties contrac→
promettent & s'engagent , mutuellément
, de veiller foigneufement , à maintenir"
la Conftitution Germanique , dans toute fon
intégrité , telle qu'elle a été établie par les Loix
& les Traités . »
tantes ,
ce IX. Elles s'engagent auffi à ne contracter
aucune autre alliance , à l'infu l'une de l'autre
& donneront ordre à leurs Miniftres dans les
Gours Etrangères , de fe communiquer , ami
D S
( 82 )
calement , tout ce qu'il importeroit de parvenir
à la connoiſſance des Puiffances unies . »
« X. Le préfent Traité d'alliance défenfive ,
fera ratifié de part & d'autre , & l'échange des
rat fications le fera dans l'efpace de trois femaines ,
on plutôt , fi faire fe put. »
En foi de quoi , nous fouffignés , munis de
pleins pouvous de Leurs Majeftés Impériale &
Prullienne, avons appofés le cachet de nos armes.
Fait à Berlin , le 7 Février 1792 .
•
On apprend de Bareith qu'un Courier
y a apporté le 16 , l'état des troupes Pruffiennes
qui de la Siléfie fe rendent fur le
Rhin en paffant par cette Principauté. Elles
s'élèvent à dix mille hommes. On doit y
joindre une partie de celles qui font dans
les deux Margraviats d'Anfpach & de Bareith
, & déjà le régiment de Renouart , en
garnifon à Bareith a reçu l'ordre depuis le 8
de ce mois de fe tenir prêt à marcher. Cet
ordre eft conçu en ces termes : « Comme il
pourroit arriver que Sa Majefté feroit obligée
de faire marcher un corps de troupes.
contre l'Affemblée nationale de France ,
ce régiment doit fe tenir prêt à marcher
le 30 de ce mois , fi l'ordre pour le départ
cft apporté la veille . »
De Ratisbonne , le 24 Mai.
La Diète s'eft conftituée en activité fous,
l'autorité des Vicaires de l'Empire , qui font
les Electeurs Palatin & de Saxe; il paroît
( 83 )
cependant que cette démarche éprouve
quelqu'oppofition de la part de quelques
Miniftres , ce qui donne lieu de penfer
que le commiffaire principal , prorogera
Tes Séances jufqu'après l'élection de l'Em .
pereur. Ce Commiffaire eft le Prince-Evêque
de Ratisbonne.
L'affociation des Cercles antérieurs de
l'Empire pour le maintien de leurs droits
& autorités , vient d'être renouvelléé ; le
Cercle de Souabe invité à y accéder a pris
le 19 Avril dernier l'arrêté fuivant , porté à
la dictature de la Diète.
1. Décidé qu'on répondroit aux deux Cours
de Hongrie & de Pruffe , qu'on étoit difpofé ,
dans le temps à fe prêter à une affociation avec
les Cercles du Haut -Rhin & Electoral , & par
la fuite ayce ceux de Franconie & de Bavière , mais
uniquement pour la confervation de la tranquillité
intérieure , & pour s'aider l'un & l'autre
en cas de befoin , contre leurs mouvemens extérieurs
& intérieurs , cependant fans préjudice
de toutes les refolutions que le St. Empire ca
corps pourroit prendre pour la tranquillité de
l'Empire ; 2 ° . décidé de mettre le militaire fur
Je pied de guerre ( à-peu-près quatorze mille
hommes ) ; 3 ° . décidé de mettre 600 hommes
de garniton à Offenbourg , defquels 300 ref,
teront dans ladite ville , so détachés à Kehl
& 150 à Gigenbach ; 4° . laiffer à la prudence
du Directoire & du Duc de Vurtemberg , de
ftatuer fur ce que les circonftances pourroient
exiger à l'égard de ce détachement,
D 6
( 84 )
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 19 Mai.
Les tentatives multipliées pour exciter le
peuple à la révolte & renverfer la forme du
Gouvernement fous le prétexte de le régénérer
, ont enfin décidé le miniſtère à oppofer
des mesures de vigueur aux menées des
perturbateurs de l'ordre public ; & la proclamation
fuivante a été rendue le 21 , &
publiée le 22 de ce mois.
« DE PAR L. E RO 1. Plufieurs écrits
féditieux & incendiaires
ayant été imprimés , pubiés & répandus , adroitement , pour exciter
des tumultes & des défordres , en s'efforç.nt de
faire naître des foupçons & des mécontentemens
dans l'efprit de nos fidèles Sujets , à l'égard des Loix & de l'heureufe Conftitution
du Gouvernement
civil & religieux établi dans le royaume ; & en travaillant à avilir & à faire méprifer les
inftitutions fages & falutaires , fondées à l'époque
de la glorieufe, Révolution , & depuis
fortifiées & affermies par les Loix ſubféquentes
, pour la fauve-garde & le maintien des droits &
franchifes de nos amés & fidèles Sujets ; & comme
différens écrits ont été auffi imprimés , publiés & diftribués avec adreffe , recommandons
lefdites
malicieufes & coupables publications
à l'attention. de tous nos fidèles & chers Sujets , & d'autant que
nous fommes auffi fondés à croire qu'il s'eft établi
des correfpondances
avec plufieurs perfonnes dans les pays Etrangers , dans l'intention de faire
réuffir les criminels & perfides projets ci- deffus mentionnés , & comme la richeffe , le bonheur
& la profpérité de ce Royaume dépendent prin(
85 )
-
cipalement , fous la protection de la providence
divine , d'une foumiffion légitime aux Loix)
d'une jufte confiance dans l'intégrité & la fageffe
du Parlement , & d'une continuation de cet attachement
fans bornes au Gouvernement & à
la Conftitution du Royaume , qui a toujours d.ftingué
fes habitans ; n'y ayant rien d'ailleurs que
nous defirions fi ardemment que d'affuter la paix
& la profpérité publique , & de garantir à nos
chers Sujets la pleine jouiffance de leurs droits &
franchifes , fous les rapports religieux & civils :
nous étant donc déterminés a réprimer autant
qu'il eft en nous ces machinations perverfes &
féditieufes , & à détourner toutes perfonnes de
fuivre un exemple auffi dangereux , avons jugé
à propos , par l'avis de notre Confeil privé
de publier cette proclamation Royale afin qu'elle
ferve d'avertiffement folemnel à tous nos chers
Sujers , pour ' eur propre bor hour & celui de leur
poftérité , de fe garder de toutes ces tentatives ,
dont le but eft vifiblement de renve: fr tout Gouvernement
régulier dans ce Royaume , & qui font
incompatibles avec la paix & l'ordre de la fociété ,
& pour les exhorter vivement dans tous les temps,
& de tout leur pouvoir , à éviter & à décourager
toutes déma: ches tendantes à produire des émeutes
& des troubles ; & nous enjoignons ftrictement
& ordonnons à tous nos Magiftrats dans toute
l'étendue de notre Royaume de la Grande - Bre
tagne , de faire des . enquêtes & informations
diligentes pour arriver à la découverte des Auteurs
& imprimeurs des ces écrits pervers & féditieux
, ainfi que de toutes autres perfonnes
qui répandront lefdits écrits , & de plus nous
enjoignons & ordonnons à tous nos Sherifs &
juges de Paix , Magiftrats principaux dans nos
( 86 )
bourgs , villes & corporations , & à tous nos
autres Officiers & Magiftrats dans notre Royaume
de la Grande - Bretagne , de prendre dans leur
différentes & refpectives ftations les mesures les
plus promptes & les plus efficaces pour prévenir
& réprimer toute émeute , tous tumulres &
défordres que pourroient effayer de fufciter certaines
perfonnes ; lefquels tumultes , quelque
prétexte qu'on veuille leur donner , vont nonfeulement
contre les Loix ; mais même nuiſent
aux intérêts les plus importans de ce Royaume .
Et nous enjoignons de plus & ordonnons à
chacun de nos Magiftrats ci - deffus mentionnés
de faire paffer de temps à autre à un de nos
principaux Secrétaires d'Etat des renseignemens
complets fur le compte de telles ou telles perfonnes
, qui feront trouvées coupables des délits
ci - deffus énoncés , ou qui aideront ,
quelque manière que ce foit , les coupables ;
étant fermement décidés pour la paix & le bonheur
de nos fidèles & chers Sujets , à faire éxécuter
à la rigueur les Loix contre lesdits coupables
. "
› en
« Donné à notre Cour , au Palais de la Reine ,
le 21. jour de Mai 1792 , dans la 32º , année
de notre règne. သ
Cette proclamation a été l'objet d'une
difcuffion longue & agitée dans la Chambre
des Communes le 26. Il étoit queſtion de
décider fi l'on préfenteroit au Roi une
adreffe de remercîment pour cet acte de
l'autorité royale néceffaire au maintien de
l'ordre public. Le parti de l'oppofition , en
cela vraiment oppofé aux intérêts du peu
( 87 )
ple , a fait quelques efforts pour empêcher
que l'adreffe pafsât ; mais le parti Miniftériel
, fur le banc duquel s'eft rangé depuis
quelque temps le fameux Burke &
d'autres orateurs diftingués , appuyé fur des
raifons folides de liberté & de paix publique
, a décidé la Chambre à cette démarche
utile & conftitutionnelle ; & l'adreffe a
été votée à une grande majorité.
Le 23 , le confeil de la ville de Londres ,
qui repréſente cette grande cité, a également
voté une adreffe de remercîmens à Sa Majefté
pour la proclamation , qu'il regarde
comme une marque de l'attention éclairée
du Roi à préferver la conftitution des atteintes
qu'on veut y porter.
A ces moyens de répreffion contre les
propagateurs des principes de révolte & de
violence , le Gouvernement en réunit d'autres
plus efficaces encore ; on va former dans
cette intention un camp à Bagshot , village
fitué à environ 15 milles de Londres . Il fera
compofé de 5,000 hommes d'infanterie , de
deux efcadrons de dragons légers & de deux
bataillons d'artilleurs . Il fera fous les ordres
du Duc d' Yorck ; on croit que le Roi s'y
rendra pour le paffer en revue dans le mois
de Juillet , époque où il fera formé.
Il y a eu plufieurs émeutes depuis quelque
temps en différentes villes , fur tout
àBirmingham , où les féditieux ont démoli
5 ou 6 maifons ; on en attribue la cauſe à
( 88 )
une rixe dans laquelle un cavalier du régiment
d'Oxford a été tué dans un lieu
de débanche ; dix ou douze des plus mutins
ont été arrêtés . A Nottingham la cherté
des denrées a donné lieu également à des
attroupemens qu'on a heureufement diffipés,
ainfi qu'a Norwich , fans qu'il y ait eu perfonne
de tué.
Le Roi a retiré les fceaux au Lord
Thurlow , Grand Chancelier d'Angleterre ,
le 18 de ce mois . On croit affez généralement
que les principes du Lord Thurlow
étoient en oppofition avec ceux de M. Pitt ,
& quecette divifion ne pouvoit qu'affoiblir
le Ministère qui a befoin d'une grande union
dans ce moment. Le Lord George Bridge
Rodney , Amiral de l'efcadre blanche , &
Vice Airal d'Angleterre , eft mort le 24
dans fa 74 année. Son fils George , à préfent
Lord Rodney , fuccède à fes titres & à
fes biens.
-
Voici la réponse que le Lord Grenville
a faite , le 24 , à la note officielle qui lui a
été remife par M. Chauvelin , & que nous
avons rapportée dans le dernier n° . Nous
ferons connoître dans le fuivant une proclamation
de Sa Majeſté du 25 qui annonce
une neutralité temporaire de la part de la
Grande- Bretagne dans la guerre qui vient
d'éclater entre la France & la Cour deVienne.
Le Souffigné , Secrétaire du Roi , a eu l'hon,
( 89 )
neur de mettre fous les yeux de Sa Majefté la
note officielle que M. Chauvelin lui a remife le
15 de ce mois , il a l'ordre de témoigner à ce Miniftre
combien Sa Majesté est toujours fe fible
aux preuves d'amitié & de confiance qu'elle reçoit
de la part de Sa Majefté très -chrétienne , &
avec combien de fincérité elle y tépond par des
fentimens parfaitement réciproques.……. Sa Majeſté
n'a pu apprendre qu'avec le regret le plus profond
la nouvelle de la guerre qui a malheureufement
éclaté entre Sa Majefté le Roi très - chrétien
& Sa Majesté le Roi de Hongrie & de Bohême ;
ce fentiment lui eft également dicté par l'amour
de l'humanité, par l'intérêt qu'elle prend au maintien
de la tranquilité de l'Europe , & par les voeux
qu'elle fait toujours pour le bonheur perfonnel de
leurs Majeftés très - chrétiennes & apoftoliques
& pour la profpérité de leurs Etats . Dans les circonftances
actuelles , elle croit devoir s'abftenir
d'entrer dans la difcuffion des motifs & des démarches
de part & d'autre qui ont amené une
rupture fi afflgeante pour un Souverain voifin &
ami des deux Parties Belligérantes . En le bornant
donc à examiner les voeux qu'elle ne ceffera de
former pour le rétabl flement prompt & permanent
de la paix , elle n'héfite cependant pas de donner
à Sa Majesté très - chrétienne l'affurance directe &
pofitive de fon empreffement à remplir de la manière
la plus exacte les ftipulations du traité de
navigation & de commerce dont Sa Majesté trèschrétienne
demande l'exécution . Fidèle à tous les
engagemens , Sa Majefté apportera le plus grand
foin au maintien de la bonne intelligence qui fubfifte
fi heureusement entre elle & Sa Majellé trèschrétienne
, s'attendant avec confiance qu'animée
des mêmes fentimens , Sa Majefté très - chrétienne
4
+
.
( 90 )
ne manquera pas de contribuer au même but ,
en faifant refpecter de fa part les droits de Sa Majefté
& de fes Alliés , en défendant rigoureuſement
toute démarche qui pourroit troubler cette
amitié que Sa Majesté à toujours défiré de con.
folider & de perpétuer pour le bonheur des deux
Empires.
Signé , GRENVILLE .
PAY S - B A S.
De Bruxelles , le 25 Mai 1792.
Les Magiftrats de la ville de Mons ont
adreffé au Général de Beaulieu une lettre
pleine de fentimens de reconnoiffance pour
le fuccès avec lequel le général a diffipé l'armée
Françoife & Quiévrain le mois dernier.
» Nous ne manquerons pas , difent- ils ,
de faire paffer à la poftérité la plus reculée ,
que vous avez fauvé notre ville du pillage ,
de l'incendie & du maffacre auxquels elle
devoit néceffairement être livrée le 30 du
mois dernier par des ennemis deftructeurs
de la Religion & de toute organifation fociale
; & que cette victoire a préfervé en
même temps les Pays - Bas de leur deftruc
tion totale. Nous n'avons pu voir qu'en
frémiffant conduire en triomphe , dans
notre capitale , les forges , les fourneaux ,
les grils deftinés à rougir les boulets qui
avoient été pris par nos généreux défen(
91 )
feurs , fur des ennemis fe difant philofophes
, & qui nous ont laiffé après leur
fuite honteufe , la preuve la plus évidente
des horreurs & des calamités qu'ils nous
deftinoient, & dont ils ont fait éprouver une
partie aux infortunés Habitans deQuiévrain
& de Bouffu. » Signé les Magiftrats de la
ville de Mons.
La Gazette du Gouvernement vient de
publier le bulletin officiel de ce qui s'eft
paffé entre un détachement de l'armée
Françoife , aux ordres du Général la Fayette,
& celui commandé par le Comte Sztaray,
Le voici ;
« Le corps détaché de l'armée de M. de la
Fayette, & commandé par M. de Gouvion , ayant
quitté la poſition qu'il avoit gardée pendant quelque
temps près la rive gauche de la Meufe , pour
fe porter du côté de Florenne , M. le Général
Comte de Sztaray , pofté dans les environs de
Charleroi , forma le projet de l'y attaquer avec
vingt Compagnies d'Infanterie & Chaffeurs , &
quatre efcadrons de Cavalerie légère , ce qui fut
exécuté le 23 au matin , avec tant de réfolution &
de bravoure , que malgré la pofition avantageufe
de l'ennemi , foutenu d'un grand feu d'artillerie ,
l'on parvient non- feulement à l'en déloger & à
s'emparer de tout le terrein de fon camp , dont
une partie deviat la proie des vainqueurs , mais
encore à le pouffer jufques dans la fortereffe de
Philippeville , & à lui enlever trois pièces de canon
& l'affut d'une quatrième dans fa retraite.
La défaite de l'ennemi cût vraiſemblablement été
( 92 )
plus complette encore fans le voifinage de Philippeville
, fous le canon de laquelle il a pu fe
rallier , & qui obligea le général Sztaray a artêter
fts progrès . li fe borna en conféquence à refter
encore quelque temps fur le terrein occupé par
fes troupes à la fin du combat , & après avoir
fait ramaffer tous les bleffés , ainfi que les canons
& autres trophées , & avoir fait rafraîchir
les Soldats , il fe mit en marche , tambour battant
, fans être fuivi que de loin par le corps
qu'il avoit attaqué , dont on ne vit avancer
que quelque Cavalerie vers le terrein de leur
ancien camp. La perte que nous avons faite
en cette journée , ne monte qu'à fept ou huit
de tués & une vingtaine de bleffés , celle de
l'ennemi monte à près de deux cents morts
parmi lefquels le Colonel Maubourg & un Chevalier
de St. Louis , dont on ignore le nom . »
441
Le Gouvernement a également publié le
bulletin que voici :
сс« Le 27 , à trois heures du matin , nos troupes
ont attaqué un détachement d'Infanterie Françoife
, placé en avant de Condé , dans le pofte
appelé le Coq. Les François ont été repouffés
julque dans Condé , après avoir eu une trentaine
d'hommes tant fabrés que tués , outre trois
prifonniers. Nous avons eu hait bleffés & un
mort. »
L'Archiduc Charles eft de retour de Vienne .
Le Général d'artillerie , Comte de Clairfayt, étoit
arrivé avant, S. A. R. , auffi de Vienne ; il a déja
pris infpection des campemens de notre armée . :
L'ar eftation de M. Ruelle , Secrétaire de
la Légation Françoife , n'eft point une vio(
93 )
lation du droit des gens , comme on l'avoit
d'abord publié avec affectation . Ce Jacobin
s'étoit permis des difccus & des démarches
qui ne tendoient à rien moins qu'à
répandre parmi nous les maximes de fa
fecte , maximes qui ont fi bien régénéré la
Fiance , qu'après une longue anarchie intérieure
, il lui faut aujourd'hui foutenir une
guerre défaftreufe contre fes voifins . On
apprend , au refte , que la liberté vient de
lui être rendue .
FRANCE.
De Paris , le 6 Juin 1792.
SECONDE ASsembléb naTIONALI.
Du lundi , 28 mai.
M. Lecointre a dit à l'Affemblée : « Meffieurs,
de toute part vous avez été trompés . Jamais
vous n'avez voulu entendre la vérité . Vous aurez
des armes quand vous voudrez .... » & il alu une
lettre emphatique du maire de Saint-Etienne
qui commençoit par Vivre libre ou mourir, &
qui lui promettoit des fufils par milliers . On l'a
renvoyée au comité militaire .
Un membre a énuméré les obftacles qui , jufqu'à
préfent , ont rallenti l'activité de la hautecour.
Obfcurité , incommodité du local , héfitation
de l'Affemblée fur l'organiſation définitive
de se tribunal & fur les moyens d'y mettre la
dernière main en éludant la fanction royale ,
*
2
( 94 )
difficultés relatives au nombre & au délai des récufations
de jurés , incxactitude de leur lifte ,
infuffifance du même commiffaire du Roi pour
le diſtrict d'Orléans & pour la haute-cour ; telles
font les principales caufes de ce retard . Elle a 17
procès à juger. MM. Varnier , Tardy & Noirot
feront les premiers expédiés.
сс
Après un long rapport de M. Tourneur fur
les travaux de Cherbourg , le miniftre de la
guerre a follicité l'armement des communes des
frontières , même maritimes. Le général Cuftines
& toutes les municipalités qui bordent les Alpes,
depuis Huningue jufqu'à Antibe , demandent
qu'on les arme. C'eſt l'affaire , au plus , de
200,000 fufils , fans compter les 30,000 néceffaires
pour remplacer ceux qui ont été enlevés
à Lyon , dans la Vendée & à Lille , & la quantité
qu'il en faut encore pour les volontaires nationaux.
Mais M. Servan y pourvoit en offrant
24 à 30 liv. par fufi . « Pendant la guerre , qui
doit toujours être une calamité publique , a-t-il
dit , nous devons , à l'inftar des Romains , ne
plus nous permettre que l'habit militaire
(bravo ! )... Le moment eft arrivé où la nation
doit fe lever toute entière ( applaudiffemens redoublés
). Il a propofé auffi de former , dans
chaque département , un corps de 1000 hommes
, qui s'engageroient pour un an , s'exerceroient
les dimanches , & recevraient 3 à 4 fous
par jour ; & il a foutenu que ces corps le formeroient
bien plus facilement que ceux d'auxiliaires.
Au refte , M. Servan a repréfenté le
danger de tout compte des forces militaires rendu
ca public , & a très-inftamment prié l'Affemblée
de terminer ce qui regarde les légions , les compagnies
franches , l'envoi de quelques troupes
( 95 )
de Paris à l'armée , les rations de pain , de vian
de , les logemens , &c..
4
M. Duhem a loué le miniftre actuel aux dépens
de M. de Narbonne , inſiſté ſur une nombreufe
fabrication de piques , & l'Aſſemblée a
décrété l'impreffion du difcours de M. Servan ,
& a mis cette matière urgente à l'ordre de tous
les jours .
Le miniftre de la marine a dit que , depuis
deux mois qu'il eft en place , il n'a rien pu faire
entre des dimiffions , un vide affreux , des loix
inexécutables & , pour les modifier , des queftions
qui demeurent indecifes. Les détails qu'il
a produits des incohérences , des abfurdités du
cade maritime que le procureur M. Fermond &
d'autres légiflateurs de cette trempe ont leftement
donné à la France régénérée , ayant cxcité les
applaudiffemens de ceux qui fe flattent d'y remédier
, on a mis le comité de marine à l'ordre
du jour , comme le comité militaire , pour s'oc- ,
cuper d'objets plus férieux.
Franchiffant tous les intermédiaires conftitu-.
tionnels , les municipaux de Neuilly adreffent
directement à l'Affemblée un procès- verbal , portant
qu'une douzaine ou environ de foldats
gardes - Suiffes danfoient , chez un marchand de
vin , avec des cocardes blanches ; qu'on a battu
la générale , fans ordre ; que ces Suiffes ont bleffé
des citoyens en difant que la cocarde blanche
étoit celle de leur Roi & gravée dans leur ame;
que le commandant des calernes de Courbevoye
a cavoyé un fergent pour chercher ces greñadiers
arrêtés , & a promis route fatisfaction ; que
tout eft rentré dans l'ordre. Cette miſérable
fcène de cabaret , ces cocardes qui n'ont peutêtre
paru blanches que parce que les couleurs en
"
896 )
étoient fanées , on: provoqué les exclamations
de M. Lafource , miniftre proteftant , coutre
« des étrangers qui prêchent la révolte aux portes
de la falle des repréfentans du peuple. » Il a
demandé qu'on fit une loi. M. Guadet lui a
prouvé qu'elle étoit faite fous le titre de provocation
à la défobéiflance . Les municipaux parloient
de bleffés , fans nommer perfonne ; M.
Guadet a parlé de meurtre ; a lié le fait aux
projets des confpirateurs anonymes de Paris ; a
dit : »on eft informé qu'un grand nombre de cocardes
blanches s'y préparent ( ce qui peut rappeler
au lecteur le pré ute des maffacres de
Nimes ) . On a mentionné honorablement le zèle
dès municipaux ; & un évènement non moins
extraordinaire , a fixé toute l'attention de l'auditoiré
.
3
Encore un procès-verbal de municipalité ( de
St. Cloud ) . L'adminiſtrateur de la lifte civile ,
M. de Laporte , a fait brûler 52 ballots de papier
dans le four de peinture de la fabrique de porcelaine
de Sèves , appartenante au Roi . Délations
, tranſport , épaiffe fumée , quatre bouches
ardentes le public , difent les honnêtes municipaux
, preffent déjà que c'eſt quelque chofe de
conféquence que l'on a voulu fouftraire à la vue
de nos auguftes légiflateurs ... Le directeur , M.
Regnier, y affiftoit , & un abbé inconnu.
:
Tout cela annonce un délit criminel..... » M.
Merlin foupçonne que ce font les archives du
comité autrichien , comme fi de pretendus confpirateurs
avoient befoin d'archives . Cette ineptie
eft couverte d'éclats de rire & de battemens de
mains , ainfi que Boileau l'avoit prédit.
La perfpicacité de M. Chabot voit dans ces
25 ballots
197
12 ballots de papiers ; dans la plainte en calòme
nie rendue contre lui , MM. Bazire & Merlin;
dans la querelle des foldats vifiblement enivrés
à Neuilly ; dans tout ce qui fe paffe ( & qu'on
ignote ) à Paris , le complot de diffoudre l'Affemblée
nationale ; & fon impartialité demande le
renvoi du tout au comité de furveillance , c'eftà-
dire à lui- même & à MM. Merlin & Batires
MM. Ifnard & Guadet veulent que M. de Laporte
foit mandé à la barre , & M. Guadet affirme
gravement que rien n'intéreſſe plus ce la sûreté
de l'Etat & la confiance dont le Roi a befoin
de s'inveftir . » Un décret mande M. de Laporte à
la barre.
En attendant , on repouffe un projet de M.
Lafond- Ladebat , tendant à créer une place d'ordonnateur
- général des dépenfes particulières du
corps législatif , projet appuyé de M. Cambon ,
qui difoit « Si le pouvoir exécutif a d'autres
prérogatives que hous , nous ne lommes que fes
fubalternes . Arrive M. de Laporte , & le préfidenț
commence l'interrogatoire,
:
Il en résulte que les papiers brûlés étoient en 3
ballots ( & non 52 ) , contenant l'édition entière
des mémoires de Madame de Lamothe , achetés
à M. Gueffier , libraire ; aucun abbé n'a affiſté
au brûlement. On permet à M. de Laporte de fe
retirer . M. Merlin demande que M. Régnier
efoic amené fans communication avec perfonne» ,
& fe fâche contre ceux qui invoquent les principes
quand il s'agit de fauver la chofe publique . »
Un décret mande M. Gueffier fur- le- champ.
CB
Revenu à la charge , M. Chabot s'engage à
prouver qu'ily a 60,000 cocardes blanches commandées
à Paris ; que des officiers fe promènent
fous les portes des Tuileries en criant : au diable:
N°. 23. 9 Juin 1792. E
798 )
La nation que ce des journaux ariftocratiques
voudroient, ravaler jufquès , dans la boue la première
aflemblée de l'univers ; & promet de
lire 182 pièces probantes ; mais feulement le
jour du rapport , pour que les accufés n'imitent
pas M. de Montmorin , qui vient de s'embarquer
à Boulogne - fur - Mer , avec Madame de
Lamballe & M. de Caraman « Nous en avons ,
a- t-il dit , la preuve acquife par la municipalité
de cette ville ; & M. Genfonné a bâri des
phrafes fur le départ certain de M. de Montmorin.
32
Par une gradation bien remarquable , cette
difcuffion nourrie ainfi de vérités toujours plus.
importantes pour le falut de l'Etat , a conduit
M. Bazire à dénoncer la garde conftitutionnelle
du Roi , où il a dit qu'il y a des prêtres réfrac
taires des émigrés , & « pas un feul individu
qui fûr éligible aux termes de la conftitution .
Enfuite , il a parlé d'orgies où l'on boit à la
fanté du Roi , de la Reine , de M. le comte.
d'Artois. M. Lacroix a dit : « L'Aſſemblée eft
fur un volcan ; l'orage eft prêt à crever... Qu'on
entende M. Bagire ce foir , M. Bazire demande
jufqu'au lendemais , pour préſenter un léger tra-
Vail ou lh annonce qu'il ne meura pas de prétention
, n'ayant pas le temps de le rendre auf :
éloquent qu'il le pourroit dans d'autres circonf .
tances. M. Carnot jeune propofe de tenir féance
jour & nuit , & comme à l'époque du départ
du Roi pour Varennes ( grands applaudiffemens ) .
M. Gamond voudroit quà l'imitation des confúls
de Rome, l'Affemblée fit une proclamation ,
bien utile , en ces termes : Citoyens , la répu
blique eft en péril ; prenez les armes , & tenequ
vous fur vos gardes, Ce M. Gamond n'a pas
:
1991
T'air de le douter que les confuls étoient le pou
voir exécutif & avoient feuls des licteurs à Rome ,
& que les citoyens y étoient des privilégiés à
l'égard de la multitude .
L'Affemblée a décrété que les gardes feroient
doublées , que le maire rendroit compte tous les
matins de la fituation de Paris ; & à propos de
foldats ivres qui portent des cocardes blanches ,
fanées ou retournées , de ballots de papier brûlés
dans un four , d'émigrés & de prêties qu'on
prétend faire partie d'une garde conftitutionnelle
dont la totalité re va pas à 1800 hommes , au
milieu de 4 millions de bras armés , l'Aſſemblée
fe voit en danger & déclare que fa féance fera
permanente.
Du lundi , 28 mai , féance permanente , à fept
heures du foir.
M. Mayerne a vainement exigé que l'affertion
de MM. Chabot & Genfonné, relative au prétendu
départ de M. de Montmorin , fût inférée au pros
cès-verbal ; M. d'Averhoult qu'on y rétablit ce
fait omis ; on a réclamé l'ordre du jour . M. Thuriot
a dit qu'il faudroit y configner auffi que
M. d'Averhoult annonçoit depuis mois des
fufils qui n'arrivoient pas de Hollande ; M. Meri
lin , , que M. Dumas avoit répondu fur la tête du
civilme du régiment de Royal- Allemand . Ces exa
cellentes défaites ont amené l'interrogatoire de
M. Gueffier , libraire , ceux de M. Régnier , di
recteur de la manufacture de Sève , de M. Gérard,
entrepreneur & peintre & de deux ouvriers de
cette manufacture interrogés féparément , dont
nous ne ferons ici qu'un feul extrait.
[
Il en eft réfulté les éclairciffemens fuivans . Un
Jibraire ou un imprimeur de Londres a envoyé à
E 2
( 100 )
--
M. Gueffier , à Paris , toute l'édition des Mémoires
de Madamede Lamothe. M. Rifton , défenſeur offi-
\ cieux & muni de pouvoirs de M. de Lamothe a
acheté cet ouvrage pour le fupprimer comme immoral
& dangereux même à l'intérêt bien entendu
de la patrie. Les 30 ballots enveloppés de natte
angloiſe ont été brûlés dans le four à Sève. Nous
croyons devoir nous difpenfer de citer des queftions
puériles minutieufes , & des réponfes cathégoriques
, mais tenant de la fade fimplicité des
demandes , telles que : Quelles font vos occupations
habituelles ? Je fuis libraire... Je
fuis peintre... Je fuis journalier , -Les ballots
étoient-ils entiers ? On les éventroit . -- Quelle
en étoit l'enveloppe ? La première d'écorce de
tilleul . Y travaillez - vous quelquefois ( au four)?
- Oui , M. le Préſident . Que contenoit le
papier ? Parbonheur pour moi je ne fais ni A
ni B, ( exclamation remarquable dans un fiècle de
lumières ) &c... » Ces traits fuffiront pour donner
une idée de ce qu'un membre a ofé comparer aux
procédés d'un tribunal d'inquifition , rapprochement
qui a excité de violentes clameurs à
l'ordre , & qui a fait dire à M. Charlier : « Nous
ne fommes pas ici un tribunal d'inquifition ; mais
un tribunal de vérité ; nous rempliffons les fonctions
juridiques & les plus importantes. « M. Lecointre
auroit defiré qu'on déroulât quelques
eftampes indécentes que M. Regnier avoit fouftraites
aux flammes & offroit de dépofer fur le
bureau ; des murmures ont coupé la parole à
M. Lecointre & M. Regnier a remporté ſes eſtampes
roulées.
110
On a lu 1º . une lettre des adminiſtrateurs de
Longwy , qui annoncent que M. Gaston , commandant
de la place , 17 officiers & 15 foldats
( 101 )
viennent d'émigrer ; que la place eft fans mun
tons , en partie dén a iclée , que beaucoup d'ha
bitans défertent. M. Gaston , le député , a dit
que fon frère lui écrivoit , le 23 : «Je sens que
je n'en puis plus , mais j'irai toujours ... Quand
on s'eft dévoué à une bonne caufe , impavidum
ferient ruina, » --- 2º . Unclettre de M. de Montmorin
confond l'impofture de fon départ de Boulogne
pour l'Angleterre & protefte qu'il n'est
forti & ne fortira de Paris qu'après avoir eu fatisfaction
des calomniateurs ; démenti fuperflu ,
puifque M. Chabot lui - même favoit très - bien
que M. de Montmorin l'avoit dénoncé à Paris
depuis le jour où il le fuppofoit parti.
+
3
Pour obvier au trouble qu'on a tant de peine à
prifuader afin qu'il commence , M. Chiron a
propolé un récenfement , des vifites , le défarmement
de tout homme non infcrit dans la garde
nationale. L'ordre du jour a écarté cette mal-adreffe
contre les protecteurs des piques.
En difant de M. de Montmorin : « J'ignore s '
eft parti & revenu , ´ » M. Chabot a communiqué
la copie d'une lettre des municipaux de Boulogne
qui atteftent que l'ex- miniftre Montmorin eft
parti , le 8 , pour Londres , avec Madame de Lambefc.
(Il avoit dit : Madame de Lamballe. ) Cette
cope lui eft envoyée par M. Pétion , maite de Paris.
On s'eft aufi- tôt retrouvé à l'ordre du jour ; &
Fon a fu que deux fections de Paris vouloient fe
déclarer permanentes . Les orateurs ont reçu les
honneurs de la féance .
Un décret en 22 articles a ordonné la levée de
54 compagnies fianches , de 200 hommes chacure
, y compris les officiers ; de trois légions franches
, une de 18 compagnies d'infanterie légère &
de 8 à cheval , dont les huffards ci devant Saxe &
E 3 .
( 102 )
les cavaliers ci-devant Royal - Allemand formeront
le noyau ; cette légion fera formée par les foins
du général Kellermann ; les deux autres pareilles
feront attachées aux armées de MM. Luckner &
Lafayette. La moitié au moins des places y devront
être réservées à des citoyens brevetés
comme ayant fervi depuis la révolution dans les
troupes de ligne ou dans la garde nationale ; le
refte au choix des généraux , même à des étrangers
. L'engagement fera de s liv . pour le premier
mois & 30 fous pour chaque mois , de fervice en
fus de la folde
Suite de la féance permanente du mardi
29 mai.
?
Organe du comité militaire , M. Couftard a
rapporté que le premier mai une chaife fat
arrêtée en traverfant le camp de Tiercelet. M. de
Riccé , maréchal- de- camp , accourut. C'étoit la
voiture de M. Oberlin , lieutenant - colonel du
premier régiment de huffards qu'entouroiens
1,500 foldats qui le traitoient en émigré quoi
qu'il fût là préfent. Toutes les inftances du général
furent inutiles , ils fe permirent même de
lui faire des reproches fur des ordres qu'il avoit
donnés relativement au fervice , & , malgré lui
ils vifitèrent la voiture. On y trouva du galon de
livrée. A la motion de pendre M. Oberlin fuccé
dèrent des centaines de coups de fufil auxquels il
n'échappa que par la viteffe de fon cheval. M. de
Riccé , ou ré de menaces , attendit M. de Crillon
pour rem tre le commandement. Le comité &
I'Affembiée ont jugé fa conduite irréprochable , &
on a décrété la pou fuite des fauteurs de cette in
furrection , 28 jours après le délit.
( 103 )
M. Pétion eft venu dire , à la barre : ce Paris
eft le rendez-vous de gens fans aveu , de mécon
tens & d'ennemis de la chofe publique ... Il femble
qu'on fe fait le fyftême pernicieux de dépraver
l'opinion... Cet attentat moral doit être réprimé
par vous. Tout anhorçoit une crife violente ....
Vous avez parlé , les citoyens de Paris fe font
tous levés... La garde nationale a montré le zèle
te plus actif. On eft sûr de la trouver dans le
chemin de l'honneur & de la loi……. La maſſe des
c'toyens eft excellente ... Les hommes du 14 juillet
exiftent encore... La nuit a été calme , & rien ne
préfage un jour orageux ... Montrez - vous conftamment
grands , conftamment inflexibles ; gardeż
toujours l'attitude impofante qui vous convient.
Déployez votre caractère , & alors foyez tranquilles...
לכ
Le préfident lui a répondu : «L'Affemblée pren
dra dans la plus férieuſe confidération les détails
que vous venez de lui donner. » On a décrété
l'impreffion des phra'es du maire & la mention
honorable du zèle de la garde nationale .
Un décret a permis aux citoyens de la fection
des gobelins de traverfer la falle . Deux à trois mille
hommes , femmes , enfans , armés de fufils , fabres
, piques , bâtons , faulx , ferpes , &c . ont défilé
au bruit de fix tambours , des applaudiffemen's
& des cris : vive la nation ! ayant pour bannière le
bonnet rouge de la liberté... & ators M. Bazire a
fait fon rapport fur la garde du Roi.
- Après avoir dit que lorfqu'il accufe , fa langue
fe désèche & fon ftyle n'a plus de belles couleurs ,
il a non prouvé , mais affirmé , que la garde du
Roi , peu nombreuſe lorfqu'elle prêta le ferment
s'eft groffie depuis , de gens inaffermentés ; qu'on
en a congédié dés patriotes pour les remplacer pat
E
4
( 104 )
d'anciens gardes- du -corps , des comtes , des valets ,
des féminaristes , des chiffoniftes d'Arles & par « de
ees hommes qui tour-a-tour affaffment ou font
affaffinés . Pouvant , felon lui , fe borner à la
conviction intime de chacun des auditeurs , il a
bien voulu démontrer ce que tout le monde favoit,
& pour le démontrer il s'eft mis à répéter : je déelare...
Ses pièces probantes fe font réduites à des
dénonciations anonymes & à une brochure intitulée
: Bouquet au Roi T. C. Louis XVI , le jour
de fa fête 1791 , « ouvrage qui fut fait , a - t-il dit,
quand le Roi étoit prifonnier, & qui contient la
cenfure la plus amère & la plus aftucieufe des
nouvelles loix . » A l'en croire , chacun des gardes
La trouvé fur fon lit fans favoir qui l'y avoit
dépofé. Il en a fait un crime aux chefs , comme fi
de femblables tours étoient impoffibles aux Jacobins
, mais ces étranges preuves ont été renforcées
, 1 °. d'un commentaire fur la poignée du
fabre des gardes qui eft une tête de coq couronné ,
gallus & rex ; de propos contre la nation atteſtés
fur des oui dire ; de plaifanteries fur les poux aux
urois couleurs , d'imprécations contre le corps refpectable
des fans - culottes; de témoignages de
joie à la nouvelle des éch: cs de Mons & deTournay
auxquels l'Affemblée elle-même femb'e applaudir
tacitement, tant qu'elle protège & careffe l'obferde
miniftre qui les caufa , & qui fe vanta de n'avoir
compré que fus l'infurrection des Belges , & non
fur une attaque regulière & loyale des fantés
de M. de Condé , de M. d'Artois , de M. de Lambefe
; des mots Prince Royal échappés à un garde
que les camarades vouloient étrangler pour lui
apprendre à dire Dauphin ; de l'affertion que le
Roi feroit parti le jour de la faturnale des galé-
Liens de Châteauvieux , que l'orateur a la civique
( 105 )
bonne-foi d'appeller la fête de la liberté , fi les
relais n'cuflent manqué... Tel a été l'échaffaudage
de fa miférable dénonciation .
Selon lui , il ne refte d'honnêtes citoyens dans
cette garde que ceux qui s'y couvrent du maſque
de l'ariftocratie pour êt e les délateurs des autres .
Sans avoir produit une ombre d'information légale
, authentique , contradictoirement débattue ,
ni le nom de deux témoins feulement pour un
feul fait , il a dit je vous ai prouvé... Et afin
de préferver le Roi des entreprifes d'une garde
où l'efprit de corps eft de défendre le Roi , de
fervir le Roi , & pour délivrer Paris peuplé de
31000 gardes nationaux & d'autant d'hommes à
piques , du redoutable fléau de cette garde de
1200 fantaffins & de 600 cavaliers , parmi lefquels
M. Bazire en dénonce une vingtaine fur
la foi de dénonciateurs qu'il re nomme pas ; de
cette garde dont il a dit : « ce tes les gardes- ducorps
qui ont caufé le réveil du peuple, & pro
voqué la fameuse journée du 6 octobre ( 1789 ) ,
avoient bien moins abufé de 1. patience des bons
citoyens
" ... İl a cor clu à ce que la garde conftitutionnelle
du Roi demeurât licenciée ( bravo !) ;
à ce que le comité militaire préfentât un mode
d'organifation conforme aux loix ; & que les
Gardes- Suiffes en fillent provifoirement le ferviceconjointement
avec lagarde nationale ( grands
applaudillemens ).
On a demandé la lecture des pièces ; mais des
invalides font venus à point dénoncer que leurs
commandans avoient donné hier la configne d'ouvrir
les portes de l'hôtel à toute troupe armée
qui le préfenteroit pendant la nuit , foit de la
garde nationale , foit de la garde du Roi « qui
ne pourroit le préfentes fans trahison , ( même
E
S
( 106 )
1
1
Pour la sûreté ! ) "; & après avoir honteufement
dénoncé leurs chefs , ils ont protefté qu'ils crieront
toujours vive la nation ! vive la loi ! vivè
le Roi ! & aufli : vivre libres ou mourir ( bravo ! )
L'affemblée leur témoigne fa fatisfaction , les
invite aux honneurs de la féance , & pande les
chefs.
La lecture des pièces ayant été trouvée trop
Tongue , on l'a interrompue pour ouvrir la difcuf
fion que le peu de membres a fait ajourner à
7 heures. Nous en rapporterons le commencement
avec la fuite en réfumant le tout.
Suite de la féance permanente , du mardi 29 mai
au foir.
Mandé à la barre , M. de Sombreuil , lieute
nant- général , commandant des invalides , a fubi
úa interrogatoire dont voici la fubftance. Il
apprit hier qu'il y avoit du trouble à Paris ; la
veille , on avoit volé les vafes facrés de la chapelle
de l'hôtel & jetté les hofties . Craignant de
nouveaux defordres , il donna , de fon propre
mouvement , la configne d'offiir azyle à tous
ceux qui le réclameroient , tant gardes nationaux
que gardes du Roi ; de laiffer entrer toute troupe
qui fe préfenteroit en armes , parce qu'il ne
voyoit aucun moyen de réfifter à une attaque ,
& pour éviter l'effufion du fang. Dans fon récit
il a gémi du relâchement de la difcipline , qui
étoit caufe qu'on avoit volé fes vafes facrés
dans fa facriftie , comme un dépofitaire fidèle &
fenfible peut dire mon trifor , mon coffre , més
clefs . Jouant impitoyablement fur le mot , au
rifque de livrer aux fureurs de la multitude un
vicillard en qui foixante ans de fervice ſemblaient
( 107 )
excufer des expreffions inexactes , mais cordiales ,
dans une langue qui n'eft pas la fienne ; M.
Rouyer , que s'avoit pas ému la profanation de
ce que la religion a de plus facté , s'eft écrié :
« Je ne puis entendre blafphémer la nation que
je n'en fois indigné . Depuis une heure , M.
Sombreuil répond : ma facriftie , mes vafes facrés....
Ils appartiennent à la nation . » Les galeries
ont applaudi à ce cruel civilme ; mais
plufieurs membres l'ont rappellé à l'ordre . M. de
* Sombreuil retiré , on a interrogé M. Rifton ,
acquéreur des 30 ballots de papier , qui a confirmé
les dépofitions précédentes , & la diſcuffien
s'eft engagée fur la garde du Roi.
Déjà M. Couthon avoit invité J'Afemblée à
déployer un grand caractère , à prendre l'attitude
impolante , & c. en difant « tout l'empire eft
couvert de confpirateurs , ce qui faifoit à tort
de la confpiration une vraie loi , la volonté générale
; & il avoit ajouté « le centre de ces
confpirateurs eft , nous le favons tous , au château
des Tuileries » ; pour conclure , au bruit
des applaudiffemens , qu'il falloit « purger le
voifinage de la falle nationale de cette troupe
de brigands qui confpite contre la patrie » , &
licencier la garde du Roi , par une meſure de
police , afin d'éluder le fatal veto ....
M. Carnot jeune avoit douté que l'Affemblée
eût le droit de licencier la garde conftitutionnelle
du Roi , fubftitué la fufpenfion au licenciement
, demandé une députation de 60 membres
au Roi , que les accufés fuffent entendus
& M. de Briffac mandé ...... « C'eft à Orléans
qu'il faut le mander , s'étoit écrié le miniftre
proteftant M. Lafource . On avoit hué M. Durnás
qne foutehoit que l'Affemblée ne pouvoit i
E 6
( 108 )
*
fufpendre ni licencier la garde du Roi , & qu'il
falloit ne punir que les individus coupables. M.
Lafource ne la licencioit pas , mais la déclaroit
nulle ; M. Lacroix tiroit le droit de la licer cier
de la conftitution qui ne le défend pas ; il adoptoit
deux conftitutions une pofitive & une négative,
Après avoir réfuté M. Lacroix , M. Ramond
inffté fur l'injuftice du licenciement qui pupiroit
les innocens ( murmures ) ; a cité l'exemple
du procédé contraire de l'Affemblée à l'égard des
régimens réintégrés dès qu'ils ont livré les traitres
, les affaffins de la déroute de Tournay. Il
vouloit prévenir le Roi , pourfuivre les violateurs
de la loi , des preuves , un rapport , des décrets
rendus en connoiffance de caufe.
M.. Guadet prenoit la parole , M. Froudière
l'a prié de parler plus en log cien qu'en décla
mateur; ces mots ont excité un long orage.
Les
membres & les galeries crioient en chorus : à
T'abbaye. M. Lafource invite M. Guadet à couvrir
de mépris cette profonde indécence » ; &
M. Jean de Bry provoquoit l'Affemblée à punir
cet excès d'audace ………….. Oui , oui , ont crié les
galeries . « Si en me rappellant à l'ordre , on
pouvoit le rétablir dans les 83 départemens , a
repris M. Froudière... » Après un long vacarme
& trois décrets , M. Froudière a été condamné
à fe rendre à Fabbaye pour trois jours.
Libre de pérorer à fon aife , M. Guadet a redit
tout ce qu'on favoit , foutenu que le licenctement
n'étant ni un acte du pouvoir exécutif, ni
un acte du pouvoir judiciaire , il étoit réfervé au
pouvoir législatif. Il ne manquoit que de prou
ver que le licenciement étoit l'unique mefure
poffible & juftes mais on n'y regarde pas de fi
1
((-1094 )
près le licenciement détruita l'efprit de corps
qui eft un efprit de révolte . Un rapport n'ajou
teroit pás un rayon aux lumières de M. Guadet .
Licenciez le corps , accufez les chefs ; le Roi
fanctionnerace il fait tout ce que l'intérêt
blic lui commande . »
ל כ
pu-
M. de Girardin eft convenu de l'existence
d'une vafte conſpiration , du projet d'avilir &
diffoudre Affemb é ; mais il a vu qu'on cherchoit
à exciter la révolte contre un autre pouvoir
forti de la même fource , de la fouveraineté du
peuples que fi d'un côté l'on prêche l'affaffinat
contre l'Affemblée , de l'autre on prêche impu
nément le régicide , on excite le peuple à fe
porter au château . Selon lui , l'intérêt de ces
deux factions eft le même ; c'eft de faire partir
le Roi , « l'une pour le placer à fa tête , l'autre
pour le mettre fous fes pieds... Ayant donné
carrière à la vénération conftitutionnelle pour la
perfonne facrée du Roi des François , qu'il a fouvent
traité d'individu , de l'homme , &c. , l'élève de
J. J. Roufféau a établi que les François n'écou
teroient pas une poignée d'intrigans qui cherchent
à troubler l'Empire , que l'Affemb'ée s'attacherojt
à la conftitution qui donne une garde au Roi ,
que le licenciement le laifferoit fans garde , violeroit
la conftitution folemnellement jurée , que
Je prétendu droit de licencier & de recréer cette
garde n'auroit aucun terme , qu'on fe retraceroit
Fépoque où la garde de Charles I fut licenciée ,
& que « ce rapprochement feroit extrêmement
facheur. Il propoſoit un meflage au Roi . Nous
ranonçons à donner une idée du tumulte indéfiniffable
, affreux , qui a fouvent interrompu M.
de Girardin , applaudi des galeries tant qu'il a
parlé de l'homme , de l'individu qui ſeroit aufli
•
20
( 110 )
bien à Coblentz . M. Cambon qui lui a fuccédé,
s'eft maintenu à la hauteur de MM. Chabot',
Bazire , &c.n
Le licenciement a paru à M. d'Averhoult ne
pouvoir être prononcé ni par le Roi , ni par
Affemblée , & il a dit que fi chaque parti obtenoit
, dictoit des décrets d'accufation , ce feroit
renouveller les profcriptions de Marius & de
Sylla . Si 24 millions d'hommes armés rafluroient
M. Larivière contre 1800 gardes du Roi , il redoutoit
ceux- ci non comme moſſe armée , mais comme
corps ; & ces raifonnemens ont trouvé des mains
pour les applaudir . M. Dalmas d'Aubenas a parlé
le langage du bon fens & de la juſtice , demandé
des informations , des preuves , la punition dés
feuls coupables. Mais M. Vergniaud a differté
fur les factieux qui ne plaignent que le Roi , ne
nomment que le Roi ( bravo ! ) ; il a compaté
1800 gardes aux gardes Prétoriennes , aux Ja-
-nilaires ; ' il a per fé qu'un décret fanctionné
librement comme tous les autres , pouvoit tout ;
& que l'Affemblée ayant eu le droit d'empêcher
la garde Roi de venir à l'existence , avoit celui
de lui ôter l'existence ( bravo ! ) , & a ſubſtitâé
renouvellement à licenciement. M. Ramond à dit
qu'on avoit aufli peu le droit de licencier la garde
du Roi que de renvoyer fa cuifine ou le miniftère
, fous le prétexte d'efprit de corps. Sur la
rédaction de M. Guadet , l'Affemblée a décrété
d'urgence ce qui fuit :
« Art. 1. La garde foldée actuelle du Roi eft
licenciée , & fera fans délar renouvelée conformément
aux loix . 591510. *
11. Jufqu'à la formation de la nouvelle garde
du Roi , la garde nationale de Paris fera le fervice
auprès de fa perfonne , ainfi & de la même
manière qu'il fe faifoit avant l'établiffement de
la garde du Roi. »
On paffe à M. de Briffac. M. Becquey obſerve
qu'il n'y a ni rapport , ne plainte , ni preuves3
que M. Bazire eft le feul qui ait lu les pièces;
que ce membre a dénoncé M. Varnier fur des
lettres dont les fignatures ont été démontrées
fauffes & M. Varnier eft en prifon depuis fi
long- temps ! ) ; que le départ de M. de Montmorin
s'eft trouvé une fauffe nouvelle ; qu'on a
reçu des dénonciations de mécontens expulfés de
la gardes que rien ne confirme l'admiffion alléguée
de fujets inéligibles ; qu'il n'y a que des
Préfomptions vagues , des propos. Il a défié M.
Bazire de produire les moindres preuves. Les
pièces lui ont paru fufpectes comme fournies
par des anonymes ou fignées de noms inconnus
M. Bazire lui- même ; & il invoquoit la préalable.
L'ex- capucin M. Chabot a répondu que ces
obfervations étoient toutes fauffes & les preuves
excellentes ; a pris à témoin la députation de
l'Aveyron qui n'a rien dit ; a fini par remarquer
que fi les pièces étoient ignorées de cinq
des douze membres du comité , cela venoit de
ce que la confiance ( des dénonciateurs ) ne fe
commandoit pas . M. Calvet a traité ces déla
teurs anonymes de canaille , de gredins.... Tu
multe horrible. A l'ordre... à l'abbaye ... justice...
on veut décourager les bons citoyens qui dénon
cent... « Lors de la lecture des pièces , a repris
M. Calvet , j'ai toujours entendu hire MM.
tels & tels en blanc. » Eclats de rire , à l'ordre
à l'abbaye... M. Lacroix l'accufe d'être un exprivilégié
, veut qu'il faffe une réparation éclab
tante au peuple. M. Boulanger croit bonnement
( 112 )
que c'eft une fédition dans la falle. « Je fais du
peuple , réplique M. Calvet ; un délateur anonyme
eft un gredin . Ce n'eft point infulter le
peuple que de le dire, Caron le nomma en dé,
nonçant des confpirateurs. Ces lâches délations
nous ramèneroient aux temps des Tibère & des
Séjan, à ces temps que vous me rappellez fouvent
; je vous parle avec franchiſe .... » Le vaearme
a été au comble. « Jamais outrage ne fut
auffi grave , s'eft écrié M. Guadet. » M. Dumas
demande la parole pour l'acculé. M. Saladin
Jui impute de vouloir faire croire que l'Affembléc
eft compofée de Séjan & de Tibère . « Qu'on
chaffe tous les contre - révolutionnaires , répète
M. Merlin. ». On décrète que M. Calvet ne
fera pas entendu , & qu'il ira pour trois jours
à l'abbaye.
сс
M. Chabot fe vante humblement tout haut
que M. de Jaucourt vient de le menacer de cent
coups de bâton , & il proteste qu'il ne craint ni
bâtons , ni épées . M. de Jaucourt répond n'avoir
tenu cette converſation confidentielle qu'a l'homme
& non au légiflateur . L'Affemblée paffe à l'ordre
du jour , & M. Chabot , qui s'y trouve , affirme
, fur fon honneur , que les dénonciateurs de
M. de Briffac font des gens recommandables par
Jeur patriotisme , & obferve que fi M. Bazire
n'a pas conclu à l'acculation , c'étoit parceque
M. Bagire favoit que d'autres membres la voroient
( Locke avoit raifon d'établir qu'en tour
al falloit s'entendre ) ..... Enfin l'Affemblée décrète
M. de Briffac d'accufation , & ajourne la
même féance au lendemain, au lieu de la ievers
ce qui cût été bien différent pour le falut de
l'Etat,
( 113 )
Suite de la féance permanente , du mercredi
30 mui.
a con- Un décret d'urgence , en 17 articles ,
firmé , déterminé , organifé les foldes , demifoldes
& fecours payables aux invalides de la
marine , aux veuves , aux ouvriers des ports &
arfenaux & à leurs enfans . Nous reviendrons
ailleurs à divers objets dont on a décrété l'impreffion
& l'ajournement .
M. deKerfaint a lu' un long difcours fur l'abolition
de la courſe ou des corfaires , & l'Aſſemblée
a difcuté le projet du comité portant , ' rº . qu'il
ne fera plus délivré de lettres de marque ; 20%
qu'aucun vaiffeau de commerce ni même de
l'Etat ne pourra s'emparer d'un vaiffeau de commerce
, à moins qu'il n'y foit contraint par l'agref
fion ; 3 ° . que les corfaires pris feront interrogés
par l'accufateur public , & que s'il s'y trouve
des François , ils feront punis de mort ; 4° . qué
les pertes & dommages , du fait de cortaires
formeront la matière de réclanjations en indemnités
préalables à toute négociation pour la paix ;
5°. Que le Roi fera invité à négocier la fuppreffion
générale des corfaires . It cût été
difficile d'imaginer un projet de loi plus roma
nefque dans les moyens , & plus abfurde dans
fa rédaction .
M. Lafource a tâché de concilier le principe de
ne pas faire la guerre aux particulièrs , & la prise
des vaifleaux marchands de l'ennemi. Il adoptoit
le premier article , & renvoyoit les détails après le
fuccès des ambaffades . M. Rouyer a foutenu que
les corfaires étoient fort utiles , & qu'il falloit
conferver les anciennes loix , attendu que les Rois
ne font pas d'aufli grands philofophes que ceux
114 )
qui ont fait rotre fublime conftitution . » --- M.
Arena ne vouloit abfolument qu'une guerre pros
tectrice , bienfaifante , amicale , fraternelle , « en
un mot , difoit - il du plus beau férieux , un genre
de guerre tout nouveau qui puiffe nous attirer
Peftime , l'amitié & la reconnoiffance de tous les
hommes , & nous faire refpecter de tous les trônes
de l'univers . Plus fin , M. Gougé s'emparoit,
au paffage , de tous les tréfors qui alloient dans
les ports enrichir l'ennemi & payer des bataillons,
& voyoit la courſe peupler la marine de Duquesne,
de Jean- Bart , de Dugué Trouin , &c.
I Après beaucoup de difcuffions femblables ;
l'Affemblée a décrété que le Roi feroit prié de nés
gocier, le refte demeurant ajourné .
La difcuffion avoit été ia'errompue par la lec
ture d'une lettre de M. Pétion , portant : « Toutes
les ames ont fraternifé ... l'air a retenti de cris
d'allégreffe & de cet air fameux (ça ira ) qui rés
jouit les bons citoyens & fait trembler les méchans;
Tout nous a retracé la première image de la révolution
... La nuit a été tranquille. »
Suite de la féance permanente , du mercredi foir,
Divers rapports ou projets renvoyés fe repro
duiront. L'auteur du Roman de Faublas , M.
Louvet , admis à la barre , comme orateur de la
fection de Paris dire des Lombards , a dit en
fubftance : « La foudre vient de tomber fur ceux
qui la préparoient contre nous. Plufieurs Catilina
font ou vont à Orléans ... Les hommes du 14
juillet font toujours autour de vous... Mais nous
avions alors une police active & puiffante. Les
magiftrats pouvoient furprendre le confpirateur
jafques dans fon repaire...: La liberté ne peur
être bien défendue , dans ce moment de crife.
( 115 )
que par les mêmes moyens qui , dans des cír
conftances à- peu près femblables , l'ont conquife....
Il vaut mieux prévenir les crimes que d'avoir
les punir ; fur-tout il importe d'empêcher , par
de fages précautions , qu'enfin le jour n'arrive
où nous ferions réduis à l'affreule néceffité de
faire ruiffeler , dans les rues de la capitale , le
fang des rebelles ... Le jour où ils oferoient attaquer
ce temple de liberté , ce jour - là , nous
le jurons par la liberté même , leur race impie
difparoîtroit. Ses conclufions ont été de donner
aux magiftrats du peuple de plusvigoureux moyens
de répreffion & d'autorifer les affemblées des
fections à être permanentes ; ce qui étoit menacer
du carnage pour accréditer de féditieufes
chimères , & demander , au nom de la liberté ,
de violer la liberté. On a décrété l'impreffion du
difcours & le renvoi au comité .
»
Les adminiftrateurs du département de l'Aifne,
follicitent de prompts fecours pour leurs admi
niftrés prêts à manquer de pain , les grains allant
tous ou à Paris ou à l'armée . On les a renvoyés
au comité compétent.
M. Genfonné , dont l'éloquence , la logique
& la politique font trop connues pour qu'on doive
ici tranfcrire vingt pages de fes oraifons , en a
terminé une des plus vides d'idées faines , par
un projet de loi d'occafion en 18 articles qui
déféreroit une dictature abfolue à chacun des cent
milliers d'adminiſtrateurs & magiſtrats qui gou
vernent le royaume , érigeroit le moindre propos
en crime d'Etat & le puniroit philofophiquement
d'une année de cachot au gré d'autant de fou
verains & de leurs délateurs irrefponfables. L'Al
femblée a fixé l'ajournement de la difcuffion du
( 116 )
projet à 4 jours après la diftribution , Nous rẻ-
famerons les 18 articles lors de la diſcuſſion .
Un décret d'urgence a ftatué que les officiers
de tous grades des ci -devant grenadiers royaux ,
régimens provinciaux & bataillons de garnifons ,
jouiront des avantages accordés aux officiers des
troupes de ligne réformés..
Suite de la féance permanente , du jeudi 31 maí.
Après quelques dons proclamés , deux citoyens
d'Arles , admis à la barre , ont dénoncé , au
nom de 110 propriétaires , des vexations exercées
fous l'autorifation des fieurs Rebeequi &
Bertin , commiffaires du département , propriétés
violécs , maifons pillées & détruites , des grains
volés pour 100,000 livres . On a renvoyé leur
plainte au comité.
M. Emméry
a communiqué
à l'Aſſemblée
une
déclaration
du Roi de Hongrie
& des gouverneurs
des Pays-Bas , qui permet
, par provifion
,
tout ravire François non armé & n'ayant à bord
aucune munition de guerre , d'arriver dans le
port d'Oftende & d'en fortit en sûreté , tant que
ladite permiflion ne fera pas révoquée publiquement
& que la France en agira réciproquement
à l'égard des navires marchands Autrichiens .
Le mairé de Paris écrit : « la journée d'hier
donnoit quelque inquiétude ; on craignoit que
l'exécution du décret contre la garde du Roi ne
fut pas paifible : mais les précautions de prudence
, qui ont été prifes , ont affuré à la loi le
refpect qui lui eft dû. » La vérité du fait eft qu'il
n'y avoit aucune appréhenfion fondée d'oppofi
tion quelconque. M. Pétion ajoute que , la veille ,
il y a eu un peu de mouvement à l'occafion de
117 )
la cherté du pain , mais qu'il a fuffi d'inftruire
le peuple de fon devoir par des affiches. Cette
importante correfpondance a été applaudie.
M. Dumourier a lu la note officielle remife ,
le 15 mai , au Lord Grenville par M. Chauvelin
, & la réponse du Lord Grenville au nom
du Roi d'Angleterre. S. M. Britannique y témoigne
combien elle eft fenfible aux preuves
d'amitié & de confiance qu'elle reçoit de la part
de S. M. T. C. & avec combien de fincérité
elle y répond par des fentimens réciproques ; fon
profond regret de la déclaration de guerre faite
au Roi de Hongrie , dicté par les voeux qu'elle
fait toujours pour le bonheur perfonnel de Leurs
M. T. C. & A. , & pour la profpérité de leurs
Etats s'abftient de toute difcuffion de motifs
dans les circonftances actuelles ; affure S. M. T. C.
de fon empreffement à remplir le traité ( affez
avantageux ) de commerce & de navigation , à
maintenir la meilleure intelligence << entre elle
& SM. T. C. » & s'attend que S. M. T. C
fera refpecter les droits de S, M. B. & de fes
alliés,
Le même miniftre a lu une proclamation du
25 mai , ou le Roi d'Angleterre défend à fes
fujets de prendre aucune lettre de marque « contre
quelque Prince ou Etat que ce loit , à préfent
ami de S. M. ou contre leurs fujets ... d'accepter
aucune commiffion pour armer ou pour exercer
for mer , le corfairage , ainfi qu'aucune lettre de
repréfaille de tout Prince quelconque ennemi du
Roi T. C. , ou de troubler , en quelque manière
que ce foit , les fujets de ladite Majefté. »
Après avoir lu , cette pièce vifiblement obtenue
par le miniftre d'Autriche , autant que par M
Chauvelin & fon confeil d'ambaſſade.
( 118 )
Des rumeurs d'impatience ont fermé la bouche
à M. Lafource qui difoit que l'Angleterre avoit
prévenu l'Aflemblée dans le beau projet d'abolir
la courfe ; & à un autre membre qui a pensé tout
haut que le Roi de Hongrie , agiffant tandis qu'on
diſcouroit , venoit de donner aux légiflateurs du
centre du globe un exemple de philofophie pratique.
Tout ce dont il a été queftion d'ailleurs fe
reproduira aux époques des ajournemens , ainfi
que les inftances de M. Amelot pour hâter la fabrication
des affignats , parce qu'il ne reftoit hier
au foir , que 5,300,000 liv. pour arriver au maximum
des affignats à mettre en circulation , &
que la tréforerie avoit encore à recevoir 23 millions
fur les 56 que devoit y verfer dernièrement la
caiffe extraordinaire .
Suite & fin de la féance permanente , du jeudi
foir.
Les rapports ordonnés feront connoître , dans
leur temps ; 1º . ce qu'a mandé le miniſtre de la
marine d'un combat qui a eu lieu entre une frégate
Napolitaine & deux corfaires d'Alger fur les
côtes de France ; 2°. un projet d'équiper les volortaires,
à la charge, par chacun d'eux , de payer aux
entrepreneurs 10 ou 15 fous par femaine ; 3 ° . ce
que propofera l'un des comités des finances fur la
demande qu'a faite M. Clavière , de 30,000 liv.
pour meubler le rez - de- chauffée de fon nouvel
hôtel de miniftre des contributions de 30,000 liv.
pour meubler le premier étage , & de 25,000 liv,
pour meubler le logement de fes domestiques ;
mémoires économico - civiques dont on a beaucoup
ri & que M. Bagire renvoyoit au comité de
furveillance,
Des invalides auffi bons patriotes aujourd'hui
( 119 )
qu'ils le furent la femaine dernière en accu
fant leurs officiers , font venus dénoncer , à la
batre , M. de Sombreuil comme ayant trompé l'A
femblée , en affirmant qu'il n'y avoit pas d'armes
à l'hôtel. Heureufement le miniftre de la guerre
avoit averti l'Affemblée le matin qu'on venoit d'y.
dépofer 2,400 fabres. Quel perionnage on fait
jouer à des législateurs & à des invalides !
Enfin M. Bazire ayant réfléchi que la permanence
n'étoit plus indiſpenſable , & obfervé qu'elle
mettoit tous les efprits en fufpens , que «< tout)
pourroit être en feu dans le royaume fi l'Affenblée
prolongeoit encore un état qui paroit prouver
que la France eft en péril ; » un décret a déclaré
que la féance n'étoit plus permanente ; un autre
a voté des remercîmens au directoire , à la mú- ,
nicipalité , à la garde nationale & à la gendarmee
nationale pour le zèle avec lequel ils ont maintenu
la tranquillité publique pendant la permanence
du corps légiſlatif.
7
Du vendredi , premier juin .
A 10 heures & demie il n'y avoit pas affez
de membres pour délibérer fur les moyens de .
taxation propofés pour tâcher d'obtenir que l'Aſfemblée
fût une autrefois affez nombreuſe.
>
Sur un rapport de M. Thévenin , on a décrété
que les commiffaires de police , dans toute la
France , feront élus pour deux ans & pourront
être réélus à chaque nomination , au ſcrutin individuel
, à la pluralité des fuffrages , en obfervant
les mêmes conditions que pour les élections
des municipaux ; & que leurs fonctions feront
incompatibles avec celles d'officier municipal , de'
notaire & d'avoué qu'ils porteront un chaperon
au trois couleurs , & ne pourront être révo
20
( 120 )
qués , mais deftitués pour forfaiture jugée . La
ville de Paris demeure exceptée des difpofitions
du préfent décret.
-
M. Chabot aura l'honneur de faire lundi fon
grand rapport fur la conjuration dont la France
eft menacée. Il trembloit qu'il ne fûr trop tard .
lundi pour fauver la pátrie ; mais la fête décrétée
au fajet de l'affaffinat de Simonneau à motivé le
délai de 24 heures, On a mis au rabais les
appointemens des miniftres . Celui des affaires
étrangères a été réduit à 7,000 liv .; les autres à
50,000 livres. Ils avoient le double . Les débats
n'intérefferoient perfonne. Nous remarquerons .
feulement que M. Merlin a dit que le premier
avoit affez des 6 millions décrétés pour les dépenfes
fecrètes , & que M. Guadet a établi fans
conteftation que le miniftre devoit rendre compte
de ces 6 millions , variante qui paroît promettre
de nouveaux orages.
Le maire de Paris écrit que tout eft tranquille,
& qu'il ne parlera pas d'un affaffinat & d'un vol
confidérable fait dans une églife. Il demande s'il
doit continuer ces fortes de rapports quotidiens .
Malgré leur utilité un décret l'en difpenfe .
Des Bo:delois apportent foixante & quelques
mille livres , des bijoux & un ducaton du Pape ,
qui a excité des rires très - ingénieux. Leur orateur
, M. Delpech , a débité une harangue véhémente
qui fera imprimée aux frais de la nation.
On y a diftingué ces traits un tyran de plus
dans la ligue auroit- il changé nos réfolutions?...
C'eft au coeur qu'il faut frapper l'hydre ... Vous
avez foudroyé les vils agens des confpirateurs...
La France entière eft un camp... Augufte Affemblée
, ton unité fait ra grandeur ! Qu'il eft :
beau
beau , qu'il eft majeftueux ce tout indiviſible !..
Point de nobles , jamais deux chambres... & c.
( Bravo ! bravo !)
M. Cambon difoit des miniftres ( que M. de
Kerfaint renvoyait leftement à la lifte civile ) :
ce qu'ils demeurent en chambre garnie... Qu'ils
entrent dans leur hôtel avec leur bonnet de nuit...
qu'on leur donne des bureaux cù ils iront comme
tous les fonctionnaires publics . » Le même M.
Cambon trouvoit que l'honneur étcit Ja , partie
effentielle du falaire de pareils miniffres , mais
que leurs commis n'auroient pas affez d'un maximum
de 8,000 liv. Un décret a cependant fixé
le maximun des commis à 8,000 liv. On avoic
déjà décrété les articles fuivans :
t
ce Art. I. La tréfoteric nationale paiera pour
la lifte civile en 1792 , la fomme de vingt-cinq
millions , conformément au décret du 26 mai &
à l'acte conftitutionnel .
לכ
cc II. A Louis-Jofeph Philippe prince françois
, pour fa rente apanagère , un million ,
ce III. Pour le traitement de Louis- Staniflas-
Xavier, & Charles - Philippe , frères du Roi ,
jufqu'au 12 février dernier , date de la fuppreffion
des deux millions de traitement qui leur
avoient été accordés par la loi du 6 avril , dépenfes
extraordinaires pour cette année , deux
cent trente- trois mille trois cent trente- trois liv.
"fix fuls huit deniers. »
ce IV. Pour la rente apanagère de ces deux
princes , affectée au paiement de leurs créan
ciers , dépenfes extraordinaires , deux millions. »
« V. Ces dépenfes feront payées par la tréforerie
nationale dans les formes décrétées . »
сс
VI. L'Affemblée nationale fupprime les
N°. 23. 9 Juin 1792.
F
( 122 )
quatre-vingt mille livres attribuées par loi du 25
mai 1791 , au confeil particulier du Rɔi . »
« La tréforerie nationale payera 300,000 liv.
pour les dépenses de la haute-cour. »>
Du vendredi , féance du foir.
Les vétérans de la patrie , autrement les inva
lides , ont lu à la barre , une adrefle à l'arméc
pour lui faire aimer la fubordination . Ilssy rappellent
les journées de Fontenoy , Lawfeld , Rau-
Cour , & difent : « Les Autrichiens fuyo ent
devant nos armes , les villes fe rendoient , leurs
murailles s'écrouloient à l'afpe& du nom François.
Saxe , Lowendal ne font plus ; mais , vous êtes
commandés par des guerriers qui , comme eux ,
font de vrais héros . » Cette adreffe dictée par
des fentimens refpectables , mais qu'on auroit dû
mieux écrire , fera imprimée & envoyée aux arhées
de citoyens - foldats & de foldats - citoyens.
Du famedi , 2 juin.
M. Mayerne a obfervé que les prétendues
pièces juftificatives du dernier difcours de M. Briffot
, ne font que des fragmens de lettres interprétées
par M. Briffot. L'imprimeur a reçu l'ordre
de n'imprimer que les pièces qui feront certifiées
par les comités réunis ; mais M. Briffot lui a dit :
« Imprimez toujours , qu'elles foient certifiées ou
mon ; c'cft fur mon compto. » La nation ne
payera pas du moins ces rapfodies de la plus impudente
intrigue.
M. Saladin a reffaffé tous les griefs allégués
contre M. Duport du Tertre , & y en a joint
de nouveaux des galeriens retenus malgré l'am
niftie ; le département de l'Aude omis , le département
de l'Aube répété deux fois dans la liſte imprimés
des hauts - jurés ( ce qui eft probablement
123 }
une faute d'impreflion , un 6 pour un d3l'étrange
crime de lèze nation ! ) le nom d'un juré infcrit
pour un autres erreur qu'on a tardé de rectifier .
M. Quatremère a défendu M. Duport du Tertre
en prouvant que l'intérêt du corps législatif doit
être de ne point expofer légèrement le crédit de
fon opinion aux cenfures des jugemens de la hautecour
nationale ; »... en accufant , dans le cas contraire
, de perverfité les auteurs d'une loi qui
repoufferois des places la timide honnêteté, & en
auroit fait l'appât & la proie d'hommes affez ftu
pides pour efpérer d'échapper à cet inextricable
tiffu d'une immorale & perfile refponſabilité , on
allez fcélérats pour fe inénager les moyens de
l'éluder . En repréfentaut à l'Affemblée que
toutes ces ordénonciations & accufations ne
laiffent au Roi que le droit illufoire de nommer
feul, derévoquer feul les miniftres , quoique la réa
lité de ce droit foit acquife au Roi par la conftiturion
que ces infatigables accufateurs ont pourtantjuré de
maintenir. Le ner yeux orateur a réduit les chefs
de la dénonciation à ce qu'ils font aux yeux de .
tout homme impartial . Puis recourant à une
tournure oratoire , il a dir :
*
44
Meffieurs , fi la caufe de la liberté pouvoit
être ou trahie , cu mak défendues file fol efpoir
des révoltés de Coblentz pouvoit fe réa
lifer ; files robes rouges du parlement de Tour
nay revenoient à leur fuite féger de nouveau
dans la grande chambre , certes , M. Duport
feroit accufé ; mais feroit- ce pour de pareils
fujets Non ; mais il le feroit pour avoir été ,
lui troisième sélecteur , réuni à l'hôtel - de- ville
dans la nuit 'du 12 juillet 1789. Il le feroit
Supour avoir figné la pétition d'armer les citoyens de
Paris, le feroit pour avoir , dans les jours
E &
:
( 124 )
de famine , fauvé Paris du fléau qu'on avoit
préparé coptre lui. Il le feroit pour avoir préfidé
pendant une année à la clairvoyante police
qui a lauvé Paris..ceIl le feroit pour avoir , J:21
juin , contre les ordres exprès du Roi , reçu des
pouvoirs de la nation , & dépofé dans cette affemblée
, le fceau de l'état, ( on a beaucoup applaudi.
) »
сс
Modeftement perfuadé que les miniſtres comme
lui font des Ariftides , le miniftre de l'intérieur
eft venue remercier l'Affemblée de les avoir
honorés d'une réduction qu'elle jugeoit bien que
leur civisme applau tiroit ; » demander la faculté
d'organifer & réformer toutes les parties de
fon département ced'après les principes d'ordre
& d'économie dontl'Affemblée doune l'exemple ; »
folliciter un -payement de 6 millions pour acheter
encore des bleds ; le renvoi de plus de 300
députés des corps adminiſtratifs qui font à Paris -
au lieu d'être à leur pofte ; & un maximum fupérieur
à 8,000 liv. pour fes commis……. aux comités
compétens.
Du famedi , féance du foir.
M. Saint Léger l'un des commiſfaires civils envoyés
à St. Domingue admis à la barre , a rendu
compte de fa miffion , avec autant de vérité que
M. de Mirbeck, Op a décrété l'impreffion de fon
discours , le renvoi au comité colonial ,. & le
harangueur a reçu les honneurs de la féance .
a Une députation de citoyens de couleur de
St. Domingue , a protesté que le décret du
48 mars dernier rend la vie à leurs commettanš ;
qu'ils ont tous juré l'égalité ou la mort ; que cetre
égalité eft le you, de tous les colons blancs , à
pl'exception de quelques aventuriers, « Légifa11(
21-251)
teurs , & vous tous , François , non , vous n'au
rez pas d'amis plus fidèles , de frères plus attachés
que les hommes de couleur de St. Domingue » ..
Ces affurances que tant de faits démentent , ont
été couvertes d'applaudiffemens , en attendant
qu'on puiffe en déférer d'auffi fincères à quelque
député des amis & frères nègres quand ils auront
fout incendié , tout égorgé , pour tout égalifer
& la députation a reçu les honneurs de la falle.
Si quelque chofe peut ajouter à l'indigna
aion qu'infpire le fuccès de l'intrigue infernale
qui a détruit la Garde du Roi , c'eft
Phypocrifie atroce de ceux qui l'ont préparée
, & fi heureufement conduite à fa fin.
Un refte de pudeur les retenoit encore ; ils
n'ofoient à ce point avilir l'autorité royale ,
fans s'étayer, de quelqu'abfurde dénonciation
, fans appeller à leur fecours la férocité
populaire & la haine des ennemis du
Roi, qui ne leur a jamais fait de mal. On
eut donc recours aux délations , aux piques ,
aux journaux , aux groupes , & bientôt une
viile imbécille & forcenée parut.demander
& approuver un acte , qui devient tyrannique
, dès là qu'il n'eft la punition d'au
-cún délit prouvé , d'aucun attentat poſitif
ax loix de l'Etat.
Ii eft impoffible à quiconque n'eft point
par le fait des évènemens à portée de fuivre
ces menées coupables , d'apprécier la pro-
F
3.
7126 )
fonde aftuce , l'habileté , la terue , Fintelligence
du crime que les agitateurs révolutionnaires
mettent dans la guerre qu'ils
ont déclarée au trône & à la libertépublique.
Suivant toutes les chances , ils doivent atteindre
le but qu'ils fe propofent , à moins
que des circonftances affez fortes ne les
arrêtent au milieu de leurs fuccès . On ne
voit pas même qu'à la première tentative
ils aient befoin d'autre prétexte de conduite
que leur confcience & le civisme de leurs
intentions. Quand un Peuple eft avili à ce
point qu'on peut le mener à la fervitude
par la haine , il n'eft pas même digne qu'on
mette quelqu'art à le tromper , ou qu'on
déguife des motifs qu'on peut toujours lui .
faire refpecter par la force.
C'eft néanmoins encore par une formalité
de ménagement pour lui que le Décret
-contre la Garde du Roi futporté à la fanction
la nuit même qu'il fut rendu . On voulut
donner à cette démarche de parti les.
couleurs de la loi , & perfuader le Peuple
de fon utilité , de fa juftice , par l'attache
d'un confentement qu'on étoit bien sûr
d'obtenir , ou dont on avoit moyen de fe
paffer en cas de refus . La Garde fut donc
relevée le même jour par un bataillon national,
fans la moindre apparence de réſiſtance .
On ne croit pas au refte que le Roi recom
pofe fa Garde de fi- tôt , à moins qu'on ne l'y
oblige , quelque dur qu'il foit pour lui de
( 127 )
fe dorner des Gardes qui ne feroient pas.
de fon choix. En attendant , voici l'Ordonnance
qu'il a rendue fur le fort des Serviteurs
qu'on vient de lui ôter.
« Sa Majesté voulant donner à fa garde une
preuve de fon affion & de la fatisfaction
qu'elle a de fon fervice , continue les appointe
mens de folde de tous les Officiers , fous- Offciers
, Gardes , & de tout ce qui compofe l'Etat-
Major , jufqu'à ce qu'elle ait fait connoître fes
intentions ultérieures à cet égard ; & néanmcins
leur accorde des cor gés pour fe retirer ou bon
leurfemblera . Le Roi accorde à ceux de la Garde
qui n'ont pas d'afyle à Paris , & qui voudront
y refter , de conferver leur logement actuel a
I'Ecole Militaire , jufqu'à ce qu'ils s'en foient
procuré, »
· « Les Gardes qui ne resteront pas à Paris ,
donneront leur adreffe bien détaillée au Quartier
Maître - Tréforier , afin que l'on puiffe
prendre les mesures néceffaires pour les faire
jouir , fans retard , du traitement que Sa Majefté
leur conferve , & qu'elle auroit defiré pouvoir
améliorer encore , pour leur témoigner la fatisfaction
de leur conduite diftinguée . »
Quiconque a vu les affaffinats de MM.
Berthier , Foulon , Launay , quiconque a
été témoin des applaudiflemens qu'on leur
a prodigués , de l'hypocrifie lâche avec laquelle
on a publié que de pareils accidens
étoient fâcheux , mais l'effet de la jufte
colère d'un peuple long- temps opprimé ,
quiconque a réfléchi fur l'impunité des
crimes du 6 Octobre , a dû prévoir les
F 4
( 128 )
1
meurtres de MM . Mauduit , Macnemara ,
Dillon , Simoneau , & c . égorgés par ceux
qui devoient , en les défendant , maintenir
le refpect des loix fous leur autorité. C'est
ainfi que l'efprit de vengeance & de parti
en facrifiant la juft ce a l'intérêt , au patriotifme
, jette dans les habitudes du peuple
un germe de baffeffe atroce que l'impunité
ne fait qu'accroître & qu'on tente enfuite
vainement de détruire par des fêtes & des
amuſemens populaires . Tel a cependant été
J'objet de la cérémonie funèbre exécutée Dimanche
en l'honneur de M. Simoneau , Maire
d'Etampes , affaliné , comme on fait , par
des fcélérats qui le haïffoient & le punirent
d'être honnête homme & ennemi du
défordre .
On n'a rien négligé pour donner à cette
expiation une pompe & un appareil de gra.
vité qui puffent faire impreflion fur la
multitude : la Loi y étoit repréfentée fous
toutes les formes , on y voyoit fon Autel ,
fon Glaive , fa forme Coloffale , fes attri-
-buts , & la bastille , enfeigne d'infurrection ,
de peur fans doute que le peuple n'en perde
T'habitude. Ces peintures , accompagnées ,
fuivant l'ufage , des Membres des quarantehuit
Souverainetés de Paris , connues fous le
nom de Sections , des Enfeignes des 83
Départemens , des Juges de paix , des
Miniftres , de la Municipalité , de Gardes
nationales , &c. ont traverfé Paris , au mi-
U
'´( 1291)
Heu d'an Penple qui fembloit interroger
Fun & l'autre pour favoir ce qu'on lui voutoit
dire avec cet appareil Romain , auffi
étranger à nos moeurs que les coutumes &
la vie privée de cette ancienne nation.
Arrivé au Champ de Mars , on y a
chanté , fait mouvoir les drapeaux , les
hommes , les peintures , & l'on a terminé
Ja Fête par un morceau de Mufique triomphate
de M. Goffec.
Tels font les moyens qu'on croit bonnement
propres à ramener le peuple à l'amour
de fes devoirs & des Loix , tandis
que d'un autre côté Fon affecte de traîner
dans la boue tout ce que la Religion , la
Juftice & l'intérêt public lui ordonnent
de refpecter , tandis qu'on autorife toutes
les diatribes contre le Prince & la Religion
, les feuls moyens de force & de
Liberté publique qu'on puifle conftamment
employer pour le bonheur du peuple
mênie.
Autli plus conféquent qu'on ne le croiroit
, le peuple sa t- il , dès le lendemain
de cette Fête de la Loi , donné une nou
velle preuve de fon oubli des Loix. Malgré
celles qui défendent les raffemblemens armés
, qui nereconnoiffent de force publique
que dans les Gardes nationales & de ligne ,
une multitude de gensi armés de piques , de
bâtons , de crochets , de fufils , a été tumul
trairement à l'Affemblée nationale y des
2. Milding us"
( 1301
mander l'incorporation des anciens Gardes
Françoifes dans la troupe de Paris , en promettant
dans fa route d'en obtenir la fuppreffion
du veto , la diminution du prix des
denrées & du pain , qui véritablement augmente
chaque jour.
L'inquiétude à cet égard commence à
devenir férieufe , & comme on n'a plus
comme en 1789 & 1790 , un Vauvilliers ,
dont l'active adminiftration a fu prévenir
la difette par des approvifionnemens confidérables
, il eft à craindre que la Municipalité
ne devienne un beau matin, la victime
de fon ignorance ou de fon incurie
à cet égard. En attendant elle s'occupe à
infulter à la religion , à chercher les moyens
de la détruire par tout ce que les maximes
de la Révolution offrent de facilité contre
elle, comme elles en offrent contre le Trône;
c'eft en conféquence de cette doctrine &
de la déclaration des droits , que le Corps
Municipal vient de faire afficher , à l'oc
cafion de la Fête Dieu ; 1º. qu'aux termes
de la Conftitution il ne peut forcer les
Citoyens à tendre ni tapiffer , en aucun
temps , l'extérieur de leurs maiſons ; ne
pouvant gêner en aucune manière les opinions
religieufes ; 2 °. que les Citoyens ne
devant fe mettre fous les armes que pour
Fexécution de la Loi , & la sûreté publique
, la Garde Nationale. ne peut affiſter
aux cérémonies d'un culte quelconques
a que la profpérité publique & l'intérêt
•
( 131 )
privé ne permettant pas de fufpendre la
liberté & l'activité du commerce , les Ci
toyens ont le droit d'exercer en tout temps
leurs facultés induftrielles. En conféquence ,
le Corps Municipal enjoint aux Officiers.
de Police & à la Garde Nationale de veiller à
l'ordre public conformément à ces maximės.
Il eft probable que le Corps Municipal
fera éconduit par le Public qui , libre de
manifefter fon opinion , continuera de
rendre au culte les honneurs qui lui font
dûs , & appréciera ces baffes menées dont
le motif & les refforts font connus.
M. Manuel, furnommé l'anti- Roi , fobriquet
dont il fe fait honneur , s'eft tiré
d'affaire ; le Décret d'ajournement perfonnel
, lancé contre lui pour la vente qu'il
a faite des écrits de Mirabeau , appartenans
de droit à fa famille , a été levé
& le tout civilifé . Quiconque connoît
l'efprit de Paris & l'engouement populaire
devoit bien s'attendre à ce réſultat . On doit
cependant dire que M. Verrières , Commiffaire
du Roi auprès du Tribunal qui
avoit décrété M. Manuel , a foutenu avec
courage les principes du droit & de la
raifon ; mais le vertueux Procureur de la
Commune pourfuivi par les ennemis de la
Révolution , l'a vertement réprimandé de
cet incivisme , qui ne reftera sûrement pas
impuni. Mais en tout ceci , comme dans le
F 6
( 132 )
refte , on ne voit de conféquent que les
Jacobins , qui favent profiter de l'égarenient
qu'eux - mêmes ont fait naître , &
qu'ils favent fi bien entretenir.
Le petit échec qu'ils ont éprouvé il y
a quelque temps à Soiffons , où le Peuple
fe mutina contre une de leurs loges , vient
d'être avantageufement reparé . L'arrivée
d'un bataillon du Département du Calvados
leur en a fourni Poccafion , le 17
du mois dernier. Ces Volontaires ont crié
vive la Nation ; les fenêtres de quelques
Citoyens ennemis du Club ont été caffées ;
plufieurs perfonnes maltraitées , deux entr'autres
ont éprouvé les plus indignes
traitemens ; ils ont vingt fois manqué de
perdre la vie qu'ils n'ont confervée que
par la reffource ordinaire de les envoyer
en prifon , au milieu d'une troupe de furieux
qui demandoient leur tête à grands
eris. Cette expédition patriotique a rétabli
le Club qui va reprendre fes féances avec
un nouveau civiſme.
Une lettre que nous recevons de l'Auvergne
, nous apprend que M. Laftic , ha
bitant riche & refpectable de la Paroiffede
St. Martin , a eu le 18 & jours fuivans
fa maifon pillée , fes propriétés ravagées
, fa famille difperfée , & s'eft vu
obligé de fe fauver pour ne point être
égorgé par des brigands armés qu'on avoit
( 133 )
ameutés contre lui c'étoit un Propriétaire.
On vient de fe convaincre enfin , que le
prétendu Comité Autrichien n'étoit qu'un
leurre effroyable dont on s'eft fervi pour
abufer le Public , qui ne s'en corrigera pas
plus pour ce a. Le rapport du dénonciateur
Chabot a paru à fes partifans même
abfurde & contradictoire. Mais ce qu'on
vouloit , on la cbtenu ; le Comité Autrichien
peut devenir ce qu'il voudre . Quelques
Membres ont propofé d'envoyer le
rapporteur à l'Abbaye c'eft la petite
guerre de ces Meffieurs , dont perfonne n'eft
dupe.
La dénonciation contre M. Duport , ce
Minifire Plebeien , dont le civifnie a été
à fi jufte titre proclamé , & qui , fars carac
tère dans fa place , pour ne point avoir ſu
défendre fon Roi , n'en a pas moins ene
couru la difgrace de fes ennemis , ce Miniftre
qui a pouffé le refpect fuperftitieux
pour le parti régnant , jufqu'à nuire ,
par zèle , à ceux qui ne le menageoient
point comme lui , cette dénonciation n'a
point eu un caractère aufli atroce que
celle de MM. de Montmorin & de Bertrand.
L'un & l'autre viennent de publier leurs
bfervations juftificatives. Nous regrettons
de ne pouvoir les rapporter , nous ferons
feulenient connoître le fommaire de celles
du premier.
( 134 )
M. de Montmortin y fuit M. Briffot dans
fes points d'accufation , 1 °. celui - ci accufe
le Miniftre de s'être entendu avec l'Autriche
lorfqu'on prit la Bafti : le ; & à cette époque.
M. de Montmorin n'étoit point dans le Miniftère.
Il en fortit le 12 Juillet , & n'y rentra
que le 20 ; 2 °. d'avoir facrifié les intérêts
de la Nation à l'Etranger , favorifé les
Emigrés , difcrédité l'Affemblée Nationale
; enfin , depuis l'Acte Conftitutionnel
jufqu'au 10 Mars , d'avoir été
d'un Comité Autrichien pour prouver
tout cela , M. Briffot invoque la cortefpondance
de M. de Montmorin , & fe plaint en
même temps qu'on en a retiré les principales
pièces du dépôt des Affaires Etrangères ;
fur quoi le Miniftre lui obferve que cette
fouftraction eft impoffible , puifque toutes
les pièces font numérotées , & qu'avec un
peu d'attention on s'appercevroit des lacu
mes. Quant au refte , c'eft avec la correfpondance
même que M. de Montmorin répond à
M. Briffot , & il efpère que l'Affemblée
Nationale en ayant ordonné l'impreflion ,
il lui fuffit d'y renvoyer le Public , pour
prouver la droiture de fes intentions . Il
faut en effet que cette correfpondance foit
bien décifive en faveur de l'Accufé , puifque
M. Briffot a eu la mauvaiſe foi de ne faire
imprimer à la fuite du Difcours qu'il a
prononcé à l'Affemblée , que quelques
fragmens de cette correfpondance ; frag-
1
71359
mens tronqués,& qui ne préfentent les chofes
que comnie il plaît à l'Accufateur.
M. Briffot paffe enfuite à d'autres prétendus
délits , & la fatigue qu'il met à les
réunir & à les gonfler prouve bien & leur
infuffifance & la haine du Journaliſte Briffot,
dont l'acharnement contre tout ce qui
eft plus que lui , attefte la baffeffe &l'ignc
rance féroce. Il reproche donc au Miniftre ;
1º. la journée du 18 Février ; 2 °. la décla
ration des intentions du Roi fur la Révolu
tion , & qui , dit-il , ne fut point envoyée
aux Cours étrangères ; 3 ° . la démiffion que
donna & que retira à cette époque M. de
Montmorin; 4°. la plainte que le Miniftre
porta contre une lettre inférée dans le Moniteur
, où ce papier évidemment livré à la
faction dominante , inculpoit d'une manière
grave M. de Montmorin ; s ° . le paffe-port
donné deux fois à Madame de Korff, pour
faciliter le voyage à Varennes , ce qui
prouve , fuivant M. Briffot , la part que
le Miniftre a eu au complot.
A quoi M. de Montmorin répond qu'il
ignore ce que veut dire M. Briffot par la
journée du 18 Février ; 1 °. que la déniffion
donnée & retirée par lui , n'eft point une
comédie , comme le dit le Journaliste-
Député , mais qu'il fut forcé à refter dans
le Ministère , parce que des deux perfonnes
que le Roi nomma dans le temps , aucune
n'accepta ; 2 °, que les plaintes contenues
( 236 )
au Moniteur & le pafle-port de Madame
Korff, ont été jugés par l'Affemblée conftituante
, & la conduite de M. de Montmorin
déclarée irréprochable ; & c'eft une
méchanceté groffiere à M. Briffon d'affecter
de rendre problématique ce qui a été
difcuté & jugé.
LeJournaliſte Briffot trouve enfuite trèsmauvais
que M. de Montmorin ait écrit le
3 Août 1791 à M. de Noailles , notre Miniftre
à Vienne , que les meilleurs efprits
de l'Affemblée fe font réunis & concertés
avec les véritables ferviteurs du Roi pour
foutenir la Monarchie , & rendre à S. M.
l'autorité néceffaire pour gouverner » ;
comme s'il n'étoit point vrai qu'à cetté
époque les Membres les plus diftingués
fe font réunis afin de profiter
de la révifion de l'Acte Conftitutionnel
pour rétablir la tranquillité du Royaume
& faire ceffer la captivité du Roi ; &
comme s'il y avoit de la forfaiture à em
ployer le mot de ferviteurs du Roi pour
defigner les Miniftres & ceux qui fervent
Etat ,fous fes ordres ? M. Briffot reproche
encore à M. de Montmorin d'avoir
u des nouvelles qu'il recevoit de M. de
Noailles ; & il eft prouvé que le Miniftre
n'en recevoit point qu'il ne les communiquât
au Comité Diplomatique , quil
décidoit quellès étoient celles qu'il étoit
atile de faire connoître à l'Affeniblée ; &
1
( 137 )
remarquez que le Comité Diplomatique
étoit grolli de prefque tous les autres Comités
dans les chofes importantes , enforte
que fuivant M. Briot ils feroient tous
coupables d'avoir eu de la prudence dans
un moment où elle étoit fur- tout néceffaire.
Quant au nombre des troupes qui
étoient dans les Pays Bas , dont parle M.
Briot , l'Affemblée Conftituante en a
toujours été inftruite :. ce nombre n'a point
varié , & ce n'est que depuis la déclaration
de guerre qu'elles ont été effectivement
augmentées.
Le dénonciateur veut encore trouver M.
de Montmorin coupable d'avoir penis que
M. Caflelnau le rendit auprès de M. le
Comte d'Artois , à la perfonne de qui il
étoit attaché , quoiqu'il fût Miniftre de
France à Genève ; cela fe paffoit en Juillet
1789 ; M. d'Artois venoit de quitter la
France , il n'y avoit point de railon de le
lui refufer , niais fi tôt que M. de Montmorin
eut connoiffance de quelques démarches
fufpectes de M. de Cafielnau , la
place fut fupprimée , & une lettre qu'il
écrivi au Miniftre , le 5 Août 1790 , refta
fans réponſe , ainfi qu'on peut s'en affurer
par l'apoftille qui fut mife deffus la lettre
dans le temps.
6
Voilà en bref les réponses aux prétendus
griefs de M. Briffot contre M. de Montmorin
; on peut ajouter que ce Miniftre a
( 138 )
tellement conduit les affaires & ménagé
les Cours étrangères , qu'à fa retraite il n'y
avoit aucun préparatif de guerre contre
la France , & que nous étions véritablement
en paix avec tout le monde. On ne
peut pas dire la même chofe aujourd'hui
que M. Briffot dirige la politique de l'Etat.
Toutes ces intrigues au refte , toute cette
guerre d'accufations & de dénonciations, tendent
évidemment à effrayer lePrince maiheu
reux & à l'obliger au prix d'un abandon de
pourfuite contre tant d'hommes innocens , à
renoncer au droitde fanction, dont l'uſage im
puiffant déplaît à nos Souverains modernes.
A défaut des moyens employés jufqu'à
préfent , on en a de plus pofitifs ; déjà les
porteurs de piques , de haches , de fufiis ,
qui font allés , comme nous venons de le
dire à l'Aſſemblée , ont crié publiquement
& hautement à bas le veto ; & l'on faura
accufer comme auteur de la réfiftance du
Roi une tête fi chère , qu'il faudra bien
qu'il cède enfuite on fera ce que l'on
voudra. Au milieu de ces dangers , Paris
eft auffi tranquille qu'au milieu de la
paix & de l'abondance , les gens riches
font infouciaas , le Peuple eft fanatique
, & foumis aux Factieux . Il fait la
loi par eux & eux par lui ; & le Peuple
ici défigne fur-tout la petite Bourgeoifie .
La Diète Helvétique a dû fe féparer au commencement
du mois. Elle a arrêté par fes déli7
139 F
bérations , 1. d'obferver une neutralité armées
2º. de faire part de cette neutralité aux Puiffances
Belligérantes ; 3º . de fournir un contine
gent de deux à trois mille hommes , pour faire
refpecter le territoire de Bâle fur lequel les Fran
çois pourroient s'avancer.
Il est sûr que la République de Genève accé
dera à cette neutralité armée ; & elle a entamé
dés négociations , pour cet objet , avec les Can
tons voifins, La Milice de cette République a
été paffée en revue ; on y fait les difpofitions
néceflaires pour la défenfe en cas d'arcaque ou
d'hoftilités quelconques , Les intrigues & le fyftême
des Révolutionnaires François y font gé
néralement dércités , ainfi que dans la Suiffe &
les Etats de Savcic.
La Toscane veut auffi faire refpecter la nett
tralité , c'est- à - dire , en d'autres termes , qu'elle
fe met en défenfe contre les attaques inopinées.
Le port de Livourne , les forts & le mole ont
été garnis de canons ; les tours qui s'étendert
fur ces côtes ont également été garnies d'artillerie
, & l'on a fait renouveller la publication
de la neutralité.
Il n'y a aucune nouvelle importante des ar
mées ; les évènemens fe préparent , & il faut les
attendre pour fe former quelque idée de notre .
fituation future . La défertion continue, Les Princes
ont annoncé aux Officiers retirés près d'eux que
leur intention étoit qu'on ne portât aucune
marque des grades ou diftinctions que le Roi auroit
accordés depuis la Révolution , & fur-tous
depuis fa captivité.
M. de Blumendorf, qui depuis la retraite de
-M. le Comte de Mercy- Argenteau a été chargé
( 140 )
des affaires de la Cour de Vienne ici , & M.
Le Comte de Golz , Miniftre de Pruffe , font
paitis , ils vont l'on & l'autre à Bruxelles . Le
chargé d'affaires de Suède fe retire par congé ,
& doit fe rendre également à Bruxelles , ai fi que
le chargé d'affaires de Ruffie . Ces deux derniers
ne font pas encore partis .
-
Le Roi anommé M. de Serviere, Gouver
neur général de St. Domingue. . M. de
Narbonne a refufé le grade de Lieutenantgénéral
auquel il avoit été nommé.
Lettre au Rédacteur.
Extrait d'une lettre de Mahé , côte Malabar
le 9 Décembre 1795.
La frégate la Refolue filant partie de la ſtation
de l'Inde a été deltinée par M. de Saint- Félix ,
qui la commande , à protéger le commerce Fran
çois contre les ma attes fur la côte Malabar pendant
la mouflon du N. E.; en conféquence nous
Loys fommes rendus le 16 Novembre 1791
Mahé , comproi: François fur cette côte , nous en
fommes partis le 19 Novembre au matin , efcbttaut
les navires l'Indien , de la Rochele , & le Marquis
de la Fayette , de Saint -Malo . Le premier alloit à
Mangalor prendre un chargement de riz pour la
Colonie de Mahé qui eft dans la plus grande dé
t effe de vivres , & le fecord devoit remonter la
côre sjufqu'à Bombay . A fept heures du matin
nous avons paffé à une heué de Talichery , étabiffement
Aglois , voifin de Mahé , & fur la
ride duquel étoient mouillées trois frégates Anglifes
. Nous en avons apperçu deux qui mettoient
fous voies & qui dirigeoient leurs routes
fur nous, Adeux heures après midi, elles étoient à
( 141 )
•
portée du canon , une d'elle a tiré deux coups de
canon à poudre auquel nous avons répondu pas
un même nombre nous avons jugé qu'elles
avoient quelque chofe à nous dire ; on a mis
en panne en faifant fignal au convoi de continuer
fa route fans avoir égard à la manoeuvre de la
frégate. Une d'elles nommée le Phenix de 40
canons de 18 eft venue fe mettre en panne fous
le vent à nous , en nous difant quelque chofe
que nous n'avons pas compris , puis elle nous a
cavoyé un Officier à bord, qui a dit au Capitaine
que ces frégates avoient ordre du Commodore
Cornwallis , commandant la ſtation Angloise qui
eft à Talichery , de visiter les deux navires fous
notre escorte ; le Capitaine a demandé à cet
Officier fi la Grande Bretagne étoit en guerre
avec la France , qu'il n'ignoroit pas celle que les
Anglois ont avec Tippo - Sultan , mais que le
commerce de la Nation Françoiſe ne devoit pas
être troublé , qu'il étoit ici pour aſſurer ſa liberté
& le protéger contre les Corfaires marattes , qu'à
la mer comme nous n'étions en vue d'aucune
place de leurs ennemis ils ne pouvoient vifiter
batimens fous la protection du pavillon François
fans enfreindre le droit des gens & outrager
I gloire de la Nation , qu'il ne le fouffriroit jamais
& qu'il repoufferoit la force par la force
es'ils vouloient l'entreprendre , ce dont M. de
Callamand a prié l'Officier Anglois de bien inftruire
le Capitaine du Phoenix. A peine le canot
avoit- il debordé de la Réfolue que l'on a vu la
Perfévérance , l'autre frégate Angloife de même.
force , aborder le Marquis de la Fayette & un
canot fe diriger fur l'Indien qu'il a bientôt
atteint ,, & un Officier Anglois eft monté à bord.
Nous étions alors vergue à vergue du Phanix
( 142 )
qui avoit déja tiré plufieurs coups de canon à
boulet fur les bâtimens marchans . M. de Callamand
a ordonné d'envoyer la volée à laquelle le
Phoenix a ripofté & le combat s'eft engagé , la
Perfévérance voyant l'action commencée , a dirigé
fa route de l'avant à nous , où elle nous a canonnés
à portée du piſtoler. Après plusieurs volées
dans lesquelles notie barre de gouvernail a été
brifée , & le gouvernail iui -même très - avai , ce
qui nous a empêché de gouverner le refte du
combat , le Phænix s'eft laiflé culer & eft vēna
nous paffer de l'arrière fi près qu'il nous a caffé
la vergue de brigantine & emporté le pavillon
qui a refté dans les manoeuvres. Le combat a
duré dans cette pofition pendant une heure &
demie. Alors M. de Callumand , qui n'avoit pu
éviter ni fortir de cette pofition , ne gourvenant
plus & ayant fes manoeuvres coupées , les voiles
abattues , fes gaillards abandonnés , un grand
nombre de canons de la batterie démontés , n'en
ayant que quelques - uns qui puffent atteindre les
Frégates Angloifes , qui évitoient de ſe tenir par
le travers, le feu étant dans la Cambufe & dans
' Archipompe ; M. de Callamand , dis - je , s'eft
vu dans la néceffité ciuelle d'amener pour éviter
une plus grande deſtruction dans fon équipage.
Dans cet évènement malheureux nous avons perdu .
13 hommes , & nous avons eu 5 bleffés ; dans
le nombre de ces derniers fontMM. de Callamand,
de Bellamy, & Molenaer Sous - Lieutenant , mais
peu dangereufement.
Après le combat , nos Bâtimens ont été vifités
par les Frégates Angloiles qui les ont laiffés aller
enfuite à leurs deftinations refpectives,
Unofficier du Phoenix eft venu à bord , & a dir ,
M. de Callamand , que fon Capitaine étoit
( 14 ; )
fâché de l'évènement qui venoit de fe paffer;
mais qu'ayant l'ordre de vifiter nos Bâtimens
Marchands , il l'avoit exécuté , mais que n'ayant
pas celui . de nous amariner , il prioit feulement
M. de Callamand de remettre fon pavilon ,
d'envoyer un Officier à fon bord , ou d'y aller luimême
& faire fuivre la Fégate la Réfolue , jufqu'à
Talichery , pour avifer avec le Commodore
Cornwalis, au parti à prendre dans cette circonftance
fa :heufe. M. de Callamand lui a répondu qu'il
avoit été infuité par les Erégates Angloiſes en tirant
à boulet fur les Batimens fous fon eforte ,
qu'il avoit employé les forces qui lui avoient été
confiées à repoutler cette infulte , mais qu'ayant
été infuffi antes , il s'étoit rendu aux forces fupérieures
qui l'avoient attaqués , & qu'il fe reconnoifloit
prifonnier de la Grande Bretagne , qu'ils
pouvoient difpofer de lui & de fa Frégate , comme
il leur plairoit ; fur ce , ils ont amené le fecond
de la Refolue à bord du Phenix , & ont envoyé
un Lieutenant de la Perfeverance , trois Officiers ,
& quarante hommes d'équipage de la même Frégate
pour conduire la Refolue à Talichery , toujours
efcortée de la Perfeverance , où nous avons
mouillé le 23 Novembre au foir. Le 24 , à 7
heures du matin , M. de Cornwallis a fait dire à
M. de Callamand qu'il ne le reconnoiflcit pas
comme prifonnier , & qu'il réfervoit de traiter
cette affaire avec M. de St. Felix , commandant
la Station , auflitôt fon arrivée à la Côte , & qu'en
conféquence il alioit faire reconduire la Réfolue
en rade de Mahé , cù nous avons mouillé le 24
au foir. Auflitôt les Offi.iers Anglois & leuts.
équipages , ont retourné à bord de leur Frégate.
qui étoit venue nous escorter ; ils ont laiffé à M. de
( 144 )
Callamand le foin de difpofer de fa Frégate ,
comme il le jugeroit à propos. ~
Nous attendons toujours M. de St. Felix , qui
fera lui - même extrêmement embarraffé du parti
qu'il aura à prendre , étant très - inférieur en
forces aux Anglois, qui fe permettent journellement
de vifiter tous les bâtimens qui naviguent fur cette
côte , de crainte que l'on ne porte du fecours à
Tippoo-Sultan leur ennemi.
! J'ignore quel parti prendra la France , mais
notre commerce eft entièrement perdu fi on n'en
voye des forces navales , capables de tenir tête
aux Anglois dans ces mers. Je ne me permets pas
d'autres réflexions , de peur qu'elles ne foient
trop amères . Je charge l'Officier que l'on envoye
en France rendre compte de cet évènement , dè
vous remettre lui - même cette lettre.
M. Blin vient de publier la quarante - fixième
livraison de fa galerie des portraits des Grands
Hommes , Femmes illuftres & fujets mémorables
de l'Hiftoire de France , gravés en couleur. Cette
livraiſon contient , 1º . le Préfident Molé & l'évènement
de 1648 , où ce Magiftrat calma par
fes difcours fermes , le Peuple ameuté contre
Jui ; .2°. le Chancelier d'Agueffeau , & l'ouver
ture des dépôts de bled qu'il fit faire en la préfence
dans la difette de 1709.*
M. Colon , Mé lecin & ancien Chirurgien de
Bicêtre , tient à Gentilly près Paris , une jolie
Maifon de Santé , où il reçoit des Malades des
deux fexes. On y eft traité avec tout le foin',
l'attention & le fecret qu'on peut defirer .
MERCURE
ai
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
POLOGNE
De Karfovie , le 21 Mai 1792 .
La guerre avec la Ruffle eſt maintenant
inévitable. Cette Puiffance requife d'effectuer
la garantie de l'ancienne forme du Gouvernement
Polonois , par ceux qui ne veulent
point de la nouvelle , a donné des
ordres pour la marche d'un Corps d'armée
de 30 à 40 mille hommes fur les terres
de la république par l'Ukraine. Ces forces
feront augmentées à mesure que les befins
l'exigeront , & l'on peut s'attendre
à les voir accrues des efforts des mécontens
, dont le nombre eft devenu confidérable
par le décret de vente des Starofties
& les changemens trop inopinément faits
No. 24. 16 Juin 1792 .
:
G
( 146 )
dans les formes anciennes de la République.
Cet évènement auquel on auroit dû s'attendre,
rend incertaines aujourd'hui les opérations
du nouveau régime , & jette dans les
affaires un embarras que rend plus difficultueufe
encore la multitude de mesures qu'il
eft inftant de prendre pour maintenir la sûreté
au dehors & au dedans de l'Etat. L'emprunt
de 30 millions , fur lequel on comptoit
, & dont les fonds devoient être faits
dans l'étranger , eft à - peu - près défefpéré ,
puifque repofant fur la vente des Starofties
, on peut craindre que l'évènement de
la guerre n'en détruife l'hypothèque en
remettant les chofes fur l'ancien pied.
Comme toutes les grandes Affemblées
dans les momens de crife , la Diète cherche
par de nombreux Décrets & des difpofitions
hâtives de foutenir fon ouvrage
contre le choc violent que la guerre & les
troubles intérieurs lui préparent. Déjà l'on
a adopté les propofitions de rappeller les
Emigrés , de confifquer les biens de ceux
qui fe joindroient aux étrangers pour
effectuer le rétabliſſement de l'ancien Gouvernement,
ce que très - irrégulièrement l'on
appelle porter les armes contre fa patrie ,
de négocier l'alliance de quelque Puiffance
, d'indemnifer ceux qui auroient
fouffert des évènemens de la guerre ; enfin
( 147 )
de réunir au Corps de l'armée Polonoiſe
tous les petits Corps de troupes que les
grands proprietaires étoient en poffeffion
d'entretenir pour leur propre fervice .
On recrute en même temps avec beaucoup
d'activité , afin de compléter les régimens
qui font ou doivent fe rendre aux frontières
, & l'on s'attend à voir paroître une
réponse à la déclaration motivée de guerre,
que l'Impératrice a fait notifier à la république.
Voici au refte cette déclaration dé
Ja Cour de Pétersbourg , qui parmi les motils
de différens genres qu'elle renferme , en
préfente de très légitimes , & fans le refpect
defquels il n'y auroit aucune folidité entre
les engagemens refpectifs & protecteurs
que les Peuples contractent entre eux ,
conme moyens de paix & de liberté politique.
« La liberté & l'indépendance de la féréniffime
république de Po'ogne a dars tous les temps excité
l'attention & l'intérêt de tous les voifins . S. M.
l'Impératrice de toutes les Ruffies , qui à ce titre
joint celui de les engagemens formels & pofitifs
avec la répub ique , s'eft encore plus particulièremert
attachée à veiller à la confervation intacte
de ces deux a tributs précieux de fon exiſtence PGlirique.
Ces foins conftans & magnanimes de Sa
Majefté , effets de fon amour de la justice & de
l'ordre , autant que de fon affection & de fa
bienveillance pour une Nation , que l'identité
d'origine , de langue & de tant d'autres rapports
naturels avec celle qu'Elle gouverne , rendoit inté
G &
( 148 )
reffante à les yeux , gênoient fans doute l'ambition
& l'efprit de domination de ceux , qui non
contens de la portion d'autorité que les Loix de
l'Etat leur affignoient , en cherchoient l'extenfion
aux dépens de ces mêmes Loix . Dans cette vue ils
n'ont rien négligé , d'un côté , pour laffer la vigilance
active de l'Impératrice fur l'intégrité d.s
droits & des prérogatives de l'illuftre Nation Polonoife
, & de l'autre pour calomnier la pure :é &
la bienfaifance de fes intentions , en les préfentant
en toute occafion fous un jour, qui leur eft abſolúment
étranger. C'eft ainfi qu'ils ont eu la petfi le
adreffe d'interprêter l'acte , par lequel la Ruffic
garantit les Conftitutions légitimes de cette Nation
, comme un joug onéreux & aviliffant ; tandis
que les plus grands Empires , & entr'autres celui
de l'Allemagne , loin de rejetter ces fortes de
garanties , les ont envifagées , recherchées & reçues
comme le ciment le plus folide de leurs propriétés
& de leur indépendance. L'évènement récent
prouve d'ailleurs mieux que tous les argumens
qu'on pourroit employer , combien une telle
garantie peut être néceffaire & efficace , & que
fans elle la république , après avoir fuccombé fous
les coups de fès ennemis domeftiques , n'auroit eu
aujourd'hui pour s'en relever par l'intervention
de l'Impératrice , d'autre titre auprès d'Elle que
fa feule amitié & fa feule générofité ».
« Cependant , enhardis par le fuccès qu'ils ont
eu de propager toutes fortes de preftiges & d'opinions
erronnées dans une partie de la Nation , ceux
qui méditoient depuis long-temps fon afferviffement
& la ruine de fon antique liberté , n'attendoient
que l'inftant favorable à l'exécution de
leurs deffeins deftructeurs . Ils crurent le faifir
dans les deux guerres , dont la Ruffie fur affaillie à
( 149 )
la fois . A cette époque la Dière s'affembla à Varfovie
. Les inftructions de tous les Palatinats à leurs
Nonces l'ont ordonnée libre & ordinaire . Tout-àcoup
elle fut convertie en Diète confédérée fans
aucune railon connue ni apparente . L'acte de la
Confédération rendu public annonça les travaux
dont elle alloit s'occuper . Ses principaux objets
devoient en être le maintien du Gouvernement
libre républicain , celui des Magiftratures dans
leurs fonctions & bornes ufitées , & la confervation
des propriétés des Citoyens. C'eft à la Nation Polonoife
elle- même à juger par la fuite & le réfultat
des opérations de cette Diète , combien elle
seit écartée de ces objets , qu'elle avoit préfentés
à la confiance publique pour leur en fubftituer
d'autres , qui leur étoient diamétralement oppo-
Lés. Sans entrer dans l'énumération de toutes les
illégalités & de toutes les infractions aux Loix &
immunités de la république , que cette Diète confedérée
, ou plutôt la faction qui y domine , s'eft
perniles , il fuffit de dire qu'après avoir ulurpé ,
confondu & réuni en elle tous les pouvoirs dont
la réunion en une feule main eft incompatible avea
les principes républicains , elle a abuſé de chacun
eces pouvons de la manière la plus tyrannique.
prolongé la durée au - delà de trois ans & demi
terme dont les faites de la Pologne ne préfentent
pas un feul exemple , & enfin couronné toutes les
funeftes entreprifes en renverfant de fond en comble
, le 3 Mai 1791 , l'édifice du Gouvernement ,
fous lequel la république a fleuri & profpéré tant
de fiècles. Ce jour- là vit difparoître & fur les
ruines s'élever une Monarchie qui , n'offrant dans
fes nouvelles Loix , par lesquelles on a prétendu la
Imiter, que contradiction entre elles -mêmes , incóhérence
avec les anciennes & infuffifance completté
de
G3
150 J
re ca.
à tous égards ne laiffe pas même aux Polonois un
vain fimulacre de cette liberté & de ces prérogatives
dont ils fe font toujours montrés fijaloux . Le trône,
d'électif qu'il étoit , eft conftitué héréditaire , &
cette Loi que la fageffe de leurs ancêtres a dictée
& qui défend du vivant d'un Roi de s'occuper
du choix de fon Succeffeur , a été violée
auffi audacieufement , que toutes celles qui garantifoient
la confiftance permanente de la ré.
publique . Les moyens dont on s'eft fervi pour
confommer tous ces actes de violence , étoient
bien faits pour les caractérifer. Le jour de la
Révolution , le château & la falle de la Diète
furent remplis de la populace de Varfovie : on
y introduifit des gens armés ; on fit fortir
non de l'arfenal & on le tint prêt à foudroyer
ceux qui auroient tenté d'empêcher le fuccès
d'un complot. On raffembla le régimert d'artillerie
& les Gardes Lithuanienres pour foutenir
la populace . On excira fa fureur contre ceux
dont on craignoit l'oppofition . Plufieurs Nonces
qui perfévéroient dans leurs fentimens patriotiques
, furent menacés de perdre la vie . Celui
de Kalitfch fe traînant humblement vers le Trône ,
pour rappeller au Roi la fainteté des fermens
qu'il avoit prêtés fur les Pacta Conventa , ce lien
facré & indiffoluble qui l'unit à la Nation , fut
impitoyablement foulé aux pieds , au mépris de
fon caractère inviolable de Répréfentant de cette
Nation & au grand fcandale de tout Polanois
qui n'a pas entièrement perdu les fentimens de
fon honneur & de fa liberté : & c'eft une Révolution
effectuée de cette manière , que les promoteurs
ellaient de faire paffer pour le voeu
libre & fpontanée de la Nation ! Mais ceux - ci ne
Le font point bornés aux maux qu'ils ont caufés
( 151 )
à leur malheureufe Patrie dans fon intérieur z
ils ont encore cherché de toutes les manières à
lui en attirer du dehors , en la précipitant dans
des démêlés capables de dégénérer en une guerre
ouverte avec la Ruffie , l'ancienne alliée & la
meilleure & la plus conftante amie de la république
& de la Nation Polonoife . Il n'a pas fallu
moins que toute la magnanimité de l'Im ; ératrice
& fur tout cette équité & cette jufteffe de lumières ,
avec lesquelles Ele fait diftinguer l'intcation de
l'efprit avec l'intention générale , pour empê、her
les dernières extrémités , auxquelles Eie a été
fans ceffe provoquée . Un expofé fuccint des
faits mettra en évidence la vérité de cette affertion
. »
« A la déclaration de la guerre que la Porte
Ottomane fufcita à la Ruffie , l'Ambaffadeur de
Impératrice remit une Note au Miniſtère de la
république , alors fans Diète , pour le prévenir
fur le paffage des troupes Ruffes par les Etats
de la Pologne , & pour lui propofer de nommer.
dans les Palatinats les plus proches des quartiers
de ces troupes , des Commiffaires , avec lefquels
on puiffe s'entendre fur les livraiſons & le
payement des fourrages Tout fut réglé & étabi
amicalement & à la convenance réciproque ,
malgré les fermentations de la malveillance qui
commençoient déja à percer ; mais dès que la Diète
fe fut formée & que le projet médité depuis
long -temps de détruire la république cût préva
lu fur toutes les confidérations du maintien de
fon repos au dedans & & au ddeehors , non-feulefifta
vivement fur ce que les troupes
Ruffes , fans excepter même le petit nombre
de celles qui étoient piérofées à la garde des
magafins qu'on avoit formés , fuffent inceflamment
on
G
4
( 152 )
ment retirées du Territoire Polonois ; mais on
mit encore toutes fortes d'entraves à leur approvifionnement
, en s'oppofant à la formation de
nouveaux magafins pour leur fubfiftance , & en
exigeant que les anciens fuflent tranfportés hors
les frontières de la république . A cette occafion
la . Commiffion du tréfor mit en avant la préten
ion déraisonnable de percevoir au paflage du
Dniefter des droits de fortie pour ces mêmes magas .
fins , amaffés à grands frais , & à de rès-grands
profits pour les Propriétaires Polonois . De pareils
procédés ne répondent nullement aux égards
que fe doivent deux Etats voifins , unis d'ailleurs
par
des noeuds d'amitié & d'alliance . Les moleftations
de tout genre exercées contre les Sujets de
FImpératrice furent pouffées au point , que quel
ques- uns d'entre eux le trouvant fur les terres
de la République pour leurs affaires de négoce ,.
auxquelles ils fe livroient fur la foi des Traités
& du droit des gens , furent accufés malicieufe
ment d'exciter les habitans du lieu à la révolte,
& fous ce prétexte faifis ,& jettés dans des ca
chots . Les Juges chargés d'inftruire leurs procès
& ne trouvant aucune trace du crime qu'on
leur imputoit , curent recours aux, tourmerisi
pour leur en extorquer l'aven & après l'avoin
arraché de cette manière , ces Juges impitoyables
tes condamnerent au fupplice & les firent exécu
ter inhumainement . Ce premier ellai d'injuftice ,
d'inhumanité & de cruauté ouvrit un value champ
à des inquifitions de toute efpèce , qui s'appéfantirent
fur-tout fur les habitans des Provinces ,
où l'on profeffe le culte de la religion Grecque of
thodoxe non-unie. L'Evêque dePrzejaſlav & Abbé
de Slack, quoique fujetde l'Impératrice , devint une
+
6453 )
des victimes de cette perfecution . Malgré le rang
élevé qu'il occupe dans l'Eglife , malgré la pureté
de les moeurs & la rigidité de fes principes , il
fur fourconné de crimes , qu'il importoit à la
malignité & au défir d'entretenir la fermentation.
qu'elle avoit excitée , de forger à tout inftant ;
& ce Piélat fut arrêté & entraîné à Varfovie ,
où on le détient encore dans une dure captivité.
Le droit des gens ne fut pas plus refpecté dans
le fein même de cette capitale envers les Mrpifties
de l'Impératrice , car leur chapelle , qui
eft cenfée faire partie des hôtels même qu'ils
habitent , & qui par l'écuffon des armes im-
Périales de Ruffie , attaché extérieurement , Ifdique
clairement un endroit privilégie ,
forcée , & des Soldats Polonois en vinient arra
cher un des Defferyans pour le traîner fans
aucune raifon devant un Tribunal nullèmèfic
compétent. La fatisfaction que le Miniftre en a
demandée , a été éludée fous les prétextes les
plus frivoles en un mot , non - feulement tous
les Traités folemnels qui lient la Ruffie & la
Pologne entr'elles , firent violés & transgreffés
dans leurs points les plus importans mais on
poufla l'animofité jufqu'a envoyer une ambaffade
extraordinaire en Turquie , alors en guerie
ouverte avec la Ruffie , pour lui offrir une ligue
offenfive , dirigée contre cette dernière Puiffance
; c'eft de quoi les Archives de correfpon
dance Ministérielle du Cabinet de Varfovie' offriront
les documens & les preuves les plus
claires. Le refpect dû même a la perfonne &
au rang augufte de l'Impératrice e fut point
obfervé dans les difcours qu'on tint en
pcine
féance de la Diète , & ces infolences loin
d'être réprimées comme ciles le méritiert , furent
GS
21
( 134 )
encouragées & applaudies par les Chefs de la
Faction , qui a renversé les Loix & le Gouvernement
de la République .
ל כ
Le moindre deces griefs , fans compter ceux
qu'on fupprime pour en abréger la déduction ,
elt fait pour juft fier & autorifer devant Dieu
& les Puiffances le parti que S. M. Impériale
auroit pris d'en tirer une fatisfaction éclatante .
Mais ce n'eft nullement dans cette intention
qu'elle vient de les faire expofer . Son équiré
naturelle ne lui permet pas de confondre toute
la Nation Polonoife avec une de fes parties qui
avoit furpris & trahi fa confiance : Elle eft, au
contraire , intimément perfuadée que le plus grand
nombre n'a eu aucune part à tout ce qui s'eft
fait contre elle & contre la République , fon
ancienne amie . Auffi S. M. eft- elle prête à facrifier
les juftes reffentimens qu'elle doit éprouver
, à l'efpoir plus conforme à fes fentimens.
généreux & pacifiques de voir réparer tous cès
griefs par l'affemblée d'une nouvelle Diète , plus
fidèle aux prefcriptions de fes Commettans &
aux Loix cardinates & immuables de l'Etat , que
ne l'a été celle d'apréfent , qui les ayant toutes
violées de la manière la plus évidente , a marqué
du fceau de fa propre illégalité toutes celles
de fes opérations qu'elle a exécutées au mépris de
Loix. »
Mais , fi S. M. Impériale ne veut point
écouter la voix de fes propres reffentimens , elle
ne peut, point être infenfible à celle des réclamations
que lui ont adreflées un grand nombre
de Polonois , parmi lefquels il s'en trouve plaheurs
auffi illuftres par leur naiffance & le rang
qu'ils tiennent dans la République , que par leurs
Yeitas Patriotiques & leur capacité pour le fer155
vice de l'Etat . Animés d'un zèle, pur & louable
pour le falut de leur Patrie & le recouvrement
de fon ancienne liberté & indépendance , ils fe
font affociés entre eux pour former une confdération
légitime , comme le feul remède efficace
aux maux que la confédération ' il'égale &
ufurpatrice de Varfovic a caufés à la Nation !
i's ont folicité à cet effet l'appui & l'affiftance
de l'Impératrice , qui n'a pas hésité de les affurer
de l'un & de l'autre , é ant guidée de fon côté
par fes fentimens d'amitié & de bienveillance
pour la République & rempliflant ftrictement à
Ton égard les devoirs de fes Traités.
C'est pour s'acquitter de fes promeffes
que S. M. a ordonné a une partie de les troupes
d'entrer fur la terre de la République . Elles s'y
préfentent comme amies , & pour coopérer à fa
réintégration dans fes droits & prérogatives . Tous
ceux qui les accueilleront fous ce titre , en éprou
veront , outre , T'oubli parfait du paffé toutes
fortes de fecours , de sûreté pour les perfonnes
& de raffermisment dans leurs propriétés: Sa
M. Impériale fe flatte que tout bon Polonois
aimant véritablement fa Patrie , faura apprécier
les intentions de S. M. & fentir que c'eft
fervir la propre caufe que de fe joindre de coeur
& d'ame aux efforts généreux qu'elle va déployer ,
de concert avec tous les vrais Patriotes , pour
rendre à la Républiqué fa liberté & les Loix que
la prétendue Conftitution du 3 Mai lui avoit
ravies . Sil en eft quelques - uns qui croient devoir
balancer à caule des fermens que l'erreur
leur . fit prononcer ,• ou que
la force & la féduction
leur atrachèrent ; qu'ils fongent que le
feul ferment facré & véritable cft celui par lequel
ils jufèrent de maintenir & de défendre jus-
G 6
és
2
of
qu'à la mort le Gouvernement qu'à la libre & Répu-
Blicain , fous lequel ils font nés & que re
prendre cet ancien ferment eft le feul moyen
de réparer le parjure qu'ils ont commi eh piêtant
le nouveau. Mais s'il en eft , qui par une
uite de leur opiniâtreté dans les princifes peryers
, auxquels ils le font files ,entri er , sop
poferont au but bienfaifart de l'Impératrice &
aux voeux patriotiques de leurs Concitoyens
ceux- là n'auront qu'à s'en prendre à eux mêmes
des rigueurs & des maux , auxquels ils feront
expofés a d'autant plus jufte titre, qu'il ne tiendroit
qu'à eux de s'y fouftraire par une prompte &
fincere abjuration de leurs erreurs .
2 Le fouffigné Envoyé extraordinaire & Miniftre
Plénipotentiaire , chargé d'afnoncer ces
intentions de S. M. Impériale & les juftes motifs
qui les ont déterminées , l'eft auffi d'inviter
f'illuftre Nation Polonoile de mettre fa confiance
la plus entière dans la générofité & le défintéreffement
qui préfi lent à la démarche de Sa
M. , & qui lui font defirer vivement de voir
bientôt la République fe raff rmir dans fes bales
par un fage équilibre de pouvoirs , comme le
plus sûr moyen de perpétuer la tranquillité interne
& fes rapports de bon voifinage & de
bonne harmonie avec tous les voisins . »
1
Fait à Vaifovie , le 7 Mai 1792.
Signé , J. DE BULGAKOW.
ALLEMAGNE.
De Francfort-fur- le-Mein , le 2 Juin .
Quelle que foit encore la diverfité des
•
( 157 )
rapports fur les mouvemens de l'Europe
left sûr que la réunion repreffive de
plufieurs Puiffances contre l'anarchie de la
France eft auffi certaine que la haine de
tous les Peuples éclairés contre les principes
& les auteurs des maux & de la tyrannie
qui défolent depuis trois ans cette monarchie.
La Sardaigne , Genève , la Suiffe ,
l'Autriche , la Pruffe , l'Empire , font trèspofitivement
en état de guerre contre l'Affemblée
Nationale de France. Par - tout des
précautions & par tout les mêmes moyens
de repouffer le meurtre & l'incendie révolutionnaires
par la force des armes. Il eft
faux que les Peuples voient cet accord
avec effroi, ce n'eft point la caufe , difent ils ,
des Rois contre celle des Peuples qu'il s'agit
de défendre , il eft queftion de la liberté ,
de la sûreté , de la tranquillité de tous les
Peuples contre le plus oppreilif de tous les
fléaux , celui de la force & du fanatifme
réunis contre l'ordre focial. Aucune Na+
tion ne fera affez aveugle pour fe niéprendre
à de pareils motifs , ni aucun Souverain
pour oublier que la circonftance actuelle
eft d'une nature tellement grave , que fi
des intérêts fubalternes la pouvoient faire
négliger , l'Europe n'offriroit bientôt plus
que le tableau du defordre & de l'oppreffion
, à la place des loix , fauve gardes des
droits & de la propriété des Peuples."
t
( 1I58
)
La marche des troupes Pruffiennes eſt
aujourd'hui connue , & dirigée de manière
ace que leur arrivée coincide avec celle des
troupes Autrichiennes fur les bords du Rhin,
au commencement de Juillet. Le Confeiller
de Harlem eft arrivé le 29 Mai à Caffel ;
fa miffion eft de former des magalins aux
environs de Marbourg pour le fervice dé
l'armée de Pruffe fur le Rhin. Voici l'état
de cette armée & l'ordre de marche qu'elle
fuit en fe rendant à fa deftination .
La première colonne paffe par Hersfeld dans
l'ordre fuivant : le 26 Juin un bataillon de
Chaffeurs ; le 27 un bataillon de Fufillers de
Schenk , le régiment de Tadden & les Huffards
d'Eben ; le 30 , les équipages du Roi , du Prince
Royal , du Prince Louis de Pruffe & du Prince
de Bade ; le 2 Jaillet le régiment de Kleist &
les Dragons de Normann & de Lottum ; le 3 ,
le régiment de Kanitz ; le 4 , le régiment de
Schonfeld ; & les , les trains d'artillerie &
pontons , & c.
La deuxième colonne marche par Gelhaufen
dans l'ordre fuivant : le 8 Juillet les Diagons de
Tschierchki ; le 9 , les Dragons de Schmettau ;
le 10 , un bataillon de Tadden ; le 11 , le régiment
de Wolframsdorf; le 12 , un bataillon
de Forcade ; le 13 , le régiment de Hohenlohe ;
le 15 , train d'artillerie , & c.
La route de la troifième colonne de l'armée
a été changée , en partant à l'époque de la feconde
, elle patfera par Caffel , Frizlar , Marbourg
, Herborn , Hachenbourg , & s'arrêtera à
( 159 )
Coblentz où eft le rendez- vous général , & ou
le Duc de Brunfvick arrivera le 4 Juillet . Cette
dernière colonne eft compofée des bataillons de
Fufiliers de Legat , d'Erneft & de Mufling , du
régiment du Duc de Brunswick de 2,500 hommes
, des Cuiraffiers d'llow , fix eſcadrons , &
des Dragons d'Anfpach , dix efcadrons , train
d'artillerie & chariots de provifions . Total de
l'armée 30,000 & quelques cents hommes .
M. de Bouillé eft arrivé ici le premier du mois ;
i eft réparti enfuite pour Mayence . Les équipages
des Ambaffadeurs pour le couronnement
de l'Empereur arrivent de toutes parts . —L'Evêqué
de Bâle a adreffé un Mémoire à la Dière ou
il réclame les fecours de l'Empire contre les hoftilités
& l'invafion des François dans le pays de
Porentru. Le Roi de Bohême & de Hongrie
a envoyé à Londres un Courier extraordinaire ,
pour réclamer de cette Cour la garantie des Pays-
Bas. Il eft certain que l'on fait quelques magafins
dans le Bannat, mais rien n'annonce d'inquiétude
du côté de la Porte Ottomane , & ces
difpofitions tiennent à d'autres foins . On
apprend de Vienne que le Comte Rafamouski
nouvel Ambaſſadeur de Ruffie a fait le 2
Mai, fa première vifite au Prince de Kaunitz ,
qui l'a très bien reçu , & que le lendemain
-
24
il a remis fa lettre de créance au Roi..
Les Députés des Etats de Hongrie font arrivés
à Vienne le 26 Mai , au nombre de 48 ;
ils ont invité Sa Majesté à venir fe faire couronner
à Bude , ils ont été conduits le lendemain
à l'audience du Roi , à qui ils ont offert au nom
des Etats Hongrois , de lever & entretenir une
armée de 100,000 hommes pour fervi: dans la
guerre contre la France, Un feul Gentilhomme
7.160 )
offre de fournir cent Soldats, --Le 22 du même
mois eft arrivé le Comte de Haugwitz , nouvel
Envoyé extraordinaire de Pruffes le
lendemain il s'eſt rendu chez le Prince de Kau
nitz qui lui a fait l'accueil le plus diftingué
-
eft parti le 25 Mai de Vienne , 400 Canon
niers qui fe rei dent dans le Piémont , ils doivent
être à leur destination vers le 15 Juin. Outre
les 40,000 hommes de troupes Autrichiennes
qui font en marche pour les Pays- Bas & l'Autriche
antérieure , dix régimens d'Infanterie &
deux de Cavalerie ont reçu l'ordre de fe préparer
à partir. On actuellement dans compte
El torat d'Hanovre environ 16,000 hommes
fans ' Etat Major & les Officiers qui forme
soo hommes . Il y a encore quelques milices 6
fa population eft de 850,000 Habitans , fon
étendue 13 milles quarrés .
C)
-
GRANDE - BRETAGNE.
? De Londres , le 6 Juin.
La fermeté du Ministère & la publication
de la proclamation rapportée l'ordinaire dernier,
ont été fuivies des plus heureux effets;
elles ont arrêté les progrès d'une fecte perturbatrice
qui , à force de s'agiter au milieu
du filence des autorités , auroit pu caufer
de grands défordres , & troubler le repos
de l'Etat. Le Peuple qu'on cher hoit à exciter
fent lui-même le piège qu'on vouloit
lui tendre , il comprend que c'est par le
refpect des loix & celui d'une conftitution
1
( 161 )
qui fait la gloire & le bonheur de fon
pays , qu'il peut être heureux ; que le far atilme
anarchique de quelques boute- feux
ne pourroit que caufer la ruine publique
fans rien ajouter à la liberté des individus ,
que l'exemple d'un pays voifin , qui fe
dit libre fous la verge toujours agitée d'une
multitude de tyrans groffiers & avides ,)
doit lui fervir de leçon , & le préferver!
d'un pareil opprobre & d'une pareille fervitude
, qu'enfin , l'Angleterre puiflante ,
refpectée , libre par les antiques loix , ne
doit point facrifier à quelques réformes qui,
demandent une lente prudence , & beaucoup
de calme , la sûreté de l'Etat , la
liberté & la fortune de la Nation . Ces fentimens
font univerfellement le texte des '
nombreuſes adreffes que les Communes
& les Corporations de la Grande- Bretagne
sempreffent de porter au pied du Trône,
pour la proclamation qui en eft émanée ;
toutes y mettent en évidence leur mépris)
pour les principes d'infurrection & de tyrannie
populaire , proclamés par des écri
vains féditieux , des propagandiftes François
, & les habitués d'une fociété connue
fous le nom d'Amis du Peuple , & juſtement
détestée de tous les amis des loix.
C'eft Samedi dernier, vers les trois heures ,
que la Députation Parlementaire , fuivie
de plus de trois cents Membres , est allée
préfenter l'adrelle des deux Chambres à Sa
( 162 )
Majefté. Jamais peut- être le fuffrage du
Public ne fut plus généralement prononcé
qu'en cette occafion , tant la haine des
fictions & des fcélérats , qui favent en pro-,
fiter en les excitant eft vrae chez un
Peuple raifonnable & libre.
cc Ces caractères de juftice & d'une politique
éclairée , fe retrouvent dans les Difcours des
Membres du Parlement qui ont parlé pour l'adreffe
dans les Séances des 25 & 31 Mai . « Pourquoi,
difoit le Garde des Rôles de la Chancellerie qui
a propofé l'adreffe dans la Chambre baffe ; pourquoi
chercher à dégoûter le Peuple du bonheur
dont il jouit , pour l'occuper d'un fyftême de
réforme vifionnaire dont l'adoption lui feroit
perdre tous les avantages qu'il possède ? Tel
étoit cependant le but de différens écrits auxquels.
Sa Majefté fait allufion dans fa Proclamation
royale. Le Peuple devoit être averti du danger
qu'il couroit en lifant ces productioos empoi-,
fonnées . Dans quelques-unes le venin étoit plus
caché que dans d'autres , mais elles ne tendoient
pas moins à la deftruction du Gouvernement.
On les avoit fait adroitement circuler dans les
Ecoles , dans les Univerfités , ces productions de
l'erreur & du crime ; il étoit donc du devoir du
Gouvernement d'arrêter une contagion auffi fu
nefte. Dans un de ces écrits , il étoit dit « que
tout Gouvernement eft une tyrannic , que tous
les Rois font des tyrans , & leurs fujets des
efclaves. N'étoit- ce pas là attaquer directement
toutes les formes de Gouvernement ? Une
reille doctrine , ficelle étoit mife en pratique
ne tendroit elle point à anéantir toute obligation
morale , à rompre les liens par lefquels l'homme
pa-
"
1
( 163 )
tient à la Société , à détruire tous les engages
mens qu'elle fuppofe ? Il étoit du devoir de tout
bon Citoyen d'oppofer des moyens de répreffion
à ces dangereufes tentatives , & le Gouvernement
n'a fait qu'exprimer le voeu & agir d'après
les intérêts communs de tous les fujets de la
Grande- Bretagne . »ל כ
M. Grey a cherché à atténuer ces raifons
folides , par des divagations , des inculpations
vingt fois répondues contre M. Pitt.
« C'étoit ce Miniftre , fuivant lui , qui avoit
choifi cette meſure infidieufe , comme un
moyen de défunir les Membres de l'Oppofition
pour femer la difcorde parmi ceux
qui combattoient fes plans. C'étoit ce Miniftre
, dont la vie politique n'étoit qu'une
fuite d'inconféquences , de promeffes , de
rétractations , qui , dans toutes les mesures
qu'il avoit propofées , avoit toujours eu
l'intention de tromper fes auditeurs , qui
avoit tout promis , & n'avoit rien tenu . »
Ces invectives continuées excitèrent des
réclamations ; on vouloit que M. Grey fût
rappellé à l'ordre; mais le bruit étant appaifé,
il continua fa diatribe, que réfuta M. Dundas,
quoiqu'elle n'eût fait impreffion fur perfonne,
& qu'elle fût dénuée d'objet & de
motifs.
Les Miniftres , dit M. Dundas , font blåmés
par les uns pour avoir négligé de pourfuivre
la punition des auteurs des écrits féditieux , lorfqu'ils
avoient commencé à paroître , & par le
( 164 )
1
autres pour leur avoir donné cours en en prenant
connoiffance . Lorfque la première déclara
tion des droits de l'homme parut , on l'avoit luet
avec étonnement . Il étoit en effet fi étrange qu'un
écrivain foutînt des opinions fi dangerenfes , qu'on
avoit cru que l'extrême abfurdité de ces opinions
les empêcheroit de devenir nuifibles. La feconde
partie n'avoit paru que dans le mois de Février ,
& c'étoit de ce dernier pamphlet qu'étoient tirés
les extraits qu'on avoit fait circuler avec tant de
profufion , ainfi que les réfolutions prifes par quelques
Sociétés. C'étoit alors que les Miniftres
avoient vu le mal & que les ordres avoient été
donnés de pourfuivre toutes fortes d'écrits féditieux
fans diftinction . Il étoit très - notoire qu'il
fe faifoit des pourfuites contre l'Imprimeur du
livre en question . li n'y avoit donc point eu de
négligence de la part du Gouvernement. Les,
ordres pour la pourfuite de tous les ouvrages.
féditieux avoient été donnés avant l'existence de
la Société pour la réforme parlementaire . La proclamation
qui n'eft qu'une fuite de ces ordres'
n'attaque done point la Société en elle - même .
Il eft faux auffi que les Miniftres aient fait la
moindre tentative pour défunir l'oppofition '; il
cft abfurde de trouver une pareille intention dans
le devoir impofé aux Miniftres d'empêcher les .
Principes de fédition de fe propager & d'en
avertir le Peuple par une proclamation .
J
و د
M. Dundas remarqua enfuite que la
fociété pour la réforme parlementaire ne
pouvoit qu'échauffer les efprits , produire
beaucoup de mal , & point de bien ; que
M. Pitt avoit defiré lui- même la réforme
parlementaire , mais que depuis qu'il s'é(
165 )
toit élevé plufieurs fociétés dans le royaume
, dont le but n'étoit point d'établir une
réforme fage & modérée , mais de décla
mer violemment contre l'ariftocratie & la
monarchie , il avoit cru cette tentative dangereufe
, impraticable & fubverfive de la
conftitution ; qu'il n'y avoit point là changement
de principes , mais fageffe & prudence
de la part du Miniſtrè.
Ces même idées , ces vues d'ordre & de
paix ont été foutenues avec un égal fuccès
dans la Chambre des Pairs , le 31 Mai , par
le Lord Grenville.
сс
« L'objet de la difcuffion offre trois points de
vue , dit- il : 1 ° . La fituation actuelle du pays
exigeoit-
elle néceffairement qu'il fût pris une meſure.
quelconque ? 29. en fuppofant cette néceffité ,
la mefure adoptée par les Miniftres de S. M. ,
avoit - elle été bien choisie ? 3 ° . cette mesure autorifoit-
elle la Chambre à préfenter une humble
adrefle à S. M. ? Quant à la première queftion ,
il étoit aifé de la réfoudre . Pouvoit - on ignorer
qu'il y eût eu des écrits féditieux & incendiaires
, qui avoient été non-feulement imprimés &
publiés , mais qu'on les avoit répandus , & fait
circuler à grands frais dans tout le Royaume ,
en employant des moyens extraordinaires & trèsillicites
. L'ouvrage de Payne avoit été répandu
avec la plus grande profufion ; on avoit pris les
peines les plus incroyables , pour inculper les
principes qu'il contenoit . Les progrès du poifon
avoient été beaucoup plus loin ; on avoit diftribué
parmi les foldats des écrits incendiaires dans le
but infâme de les rendre mécontens de leur fi(
166 )
1
tuation préfente ; on leur difoit qu'ils ne jouiffoient
pas des droits qu'ils tenoient de la nature . Quels
effets funeftes ne rélulteroient- ils pas d'une pareille
doctrine ! Si la difcipline de l'armée & de la
marine étoit détruite , quels moyens auroit on
pour conferver la Conftitution ? Les ennemis de
l'ordre ne s'éroient pas bornés à ces tentatives.
Des Sociétés s'étoient formées , & avoient établi
des correfpondances chez l'Etranger , dans le
deffein de renverser la Conftitution . Tous ces
faits démontroient clairement la néceffité de prendre
quelque mefure. »
La feconde queftion n'étoit pas plus difficile
à réfoudre. Le Roi , en fa qualité de père
du Peuple , devoit l'avertir par une proclamation
du danger dont il étoit menacé , & que ce
n'étoit qu'en reftant uui , qu'il n'auroit rien à
craindre. >>
La troisième queftion n'étoit qu'une fuite naturelle
des deux autres . On a demandé fi la preclamation
n'avoit pas été faite en conféquence de la
Société des Amis du Peuple , établie pour une réforme
Parlementaire . Sans doute l'affociation a
été un puiffant motif de plus d'adopter cette mefure.
N'avoit-on pas répandu dans tout le Comité
de Norfolk parmi les Fermiers & les Payfans ,
un écrit dans lequel il étoit dit que les effets de la réforme
parlementaire, feroient de diminuer les taxes,
d'augmenter les gages des ouvriers , & d'introduire
une Loi agraire en vertu de laquelle les terres
feroient également divifées entre tous les individus
du royaume ? y avoit il une doctrine plus dangereufe
, & plus propre à détruire la paix ; & le
bonheur de la fociété ! Quand on examine avec
impartialité la réunion de toutes ces circonstances ,
eft - il poffible de ſe refuſer à voter une adreffe
( 167 )
$
de remerciement au Roi pour la proclamation
dont l'objet eft de prévenir ces dangers. » L'adrefle
a été votée de la même manière que dans
les Communes. »
C'est à tort qu'on regarde en France la
Proclamation du Roi du 25 du mois dernier
comme une affurance de neutralité de
la part de la Grande Bretagne ; cette neutralité
eft , comme les autres , foumife à l'influence
des évènemens & au choc des intérets
qu'ils feront naître.
DE PAR LE ROI.
Attendu qu'il a éclaté des hoſtilités entre Sa
Majefté très - Chrétienne & le Roi de Hongrie ,
Sa Majefté , pour conferver & continuer l'amitié
& la bonne intelligence entre elle & leurfdites
Majeftés , fait , par fa préfente Proclamation
royale ( de l'avis de fon Confeil- Privé ) , prchibition
rigoureufe & défenfes à tous les Sujets
quelconques de prendre aucune Commiffion d'Armateur
, de la part d'aucun Prince on Etat étranger
, contre aucun autre Prince ou Etat étranger
actuellement en amitié avec S. M. ou avec les
Sujets ; ou , en vertu ou fous prétexte d'aucune
Commiffion de cette nature , qu'ils auroient déjà
prife , ou qu'ils prendroient dans la fuite , d'armer
ou d'employer aucun vaiffeau ou bâtimert
de guerre , ou de fervir comme marins dans
aucun vaiffeau ou bâtiment , qui feroit employé
contre aucun Prince ou Etat actuellement en
amitié avec Sa Majeſté ou ſes Sujets , durart la
préfente guerre & tous les Sujets de Sa Majefté
font requis de faire attention à ſon préfent
({ -1681 )
ordre royal , ainfi que de s'y conformer , fous
peine d'encourir le haut déplaifir de Sa Majesté,
& d'être pur is avec la févérité la plus extrême
des Loix & de la Juftice : & comme S. M. T. G.
a fait faire à Sa Majefté la demande , cc que ,
conformément à l'article III du Traité de Navigation
& de Commerce ,, conclu à Versailles le
26 Septemble 1786 , Sa Majesté voulût rappeller
& faire publier , dans tous fes Etats & Domaines ,
la défenfe expreffe & rigoureufe contenue dans
Jedit article ; Si Majefté fait par la préfente
deferfe rigoureule à tous fes Sujets de prendre
ou
aucune Commiffion
ou Patente pour ars
faire des courfes en mer , comme
ni aucunes Lettres de repréfailles ; de la part
d'aucun ennemi de S. M. T. C. , ni en vertu
ou fous prétexte de telles Commiffions , Lettres
de marque ou de repréfailles , de troubler , infefter
ou endommager fes Sujets en aucune façon
, ni d'équiper des bâtimens en Armateurs ou
de faire des courfes en mer , à peine de fubir
les châtimens les plus févères qu'on puiſſe infliger
en pareil cas , in pendamment de l'obligation
à laquelle ils feront foumis de procurer
reftitution & fatisfaction à ceux auxquels ils
auroient caufé quelque dommage. »
Donné en notre Cour de ST. JAMES , le 25
Mai , l'an de grace 1792 , de notre règne le
trente - deuxième. DIEU GARDE LE ROI !
1
f.
ない
3
FRANCE .
( 169 )
+
FRANCE.
De Paris , le 13 Juin 1792 .
› SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du lundi , 4 juin.
9
Samedi , M. Pétion , en préfentant à l'Affemblée
les canoniers de Paris , l'affura qu'on
pouvoit compter « fur la permanence de leurs
canons » ; & l'orateur des canoniers s'exprima
en ces termes : cc Lorfque le defpote Richelieu
afiégeoit la Rochelle, dernier rempart de la li
berté civile & religieufe , le maire de cette ville
parut au milieu de les défenfeurs un poignard à
la main & dit : ce fer percera le fein du
premier
qui parlera de capitulation . Nous venons
au milieu de vous , & nous vous difons : déployez
le glaive de la loi , qu'il frappe le premier
traître , le premier lâche qui parlera de
tranſaction avec les enneinis de la liberté ... Des
bruits infâmes fe répandent; on ofe parler de
rétablir la nobleffe , de créer deux chambres....
Vous avez vengé l'outrage fait à la majeſté dont
le peuple vous a revêtus ; vengez l'outrage fait
à la majesté du peuple lui -même...... Puniffez
ceux qui veulent brifer le niveau de l'égalité
fractionner l'unité lég flative & créer deux véto, »
Ebloui de tant de majeſtés , on a décrété la
mention honorable de cette étrange déclamation
prêtée à des canoniers.
Aujourd'hui , des ferruriers offrent une vingtaine
d'écus , & témoignent leur civique impatience
No. 24, 16 Juin 1794 H
(( 170 )
de forger des piques tandis que le fer eft chaud.
Des citoyens deSézanne , qui fe font tous levés
au bruit de la permanence , font prêts à venir
défendre l'Affemblée ; des citoyens de Nantes
n'attendent qu'un décret qui permette à leurs
bataillons d'accourir ; applaudiffemens & honneurs
de la féance. Quoique la conftitution ( Tit. IV,
art. II , ) reftreigne expreffément la force armée
aux citoyens infcrits fur le rôle de la garde nationale
, & les oblige à n'avoir qu'une même
difcipline & un même uniforme ( art . V. ); des
troupes d'hommes à peine habillés , de femmes
hommales & d'enfans teus armés de fufils , de
broches , de fabres , de faux , l'un d'eux portant
un écriteau avec cette infcription en toutes lettres :
remblez, aristocrates , ouje vousf...... la tête àbas,
&c. ont défilé pendant trois quarts d'heure devant
l'Afemblée , en danſant & ariant : vive la
-pation I vive la liberté , au bruit de tambours
ade lair çaxira. Les forts de la halle font
-Venus demander le titre de porteurs de la loi ,
- Bhonneur de la foutenir fur leurs épaules à
la tête de l'armée , comme les Hébreux portoient
Parche fainte ( grands battemens de mains ) . C'eſt
fe donner le tort , bica grave en législation , de
paroître vouloir une force fans ordre & unc
nouvelle religion fans Dieu .
On a fupprimé le numérotage décrété pour
les futurs affignats de liv . & au- deffous , pour
en hâtér l'émiffion très-urgente , & pour économifer:
600,000 livres . Un décret a rectifié le
procès-verbalen, y rétabliffant le mot fecrettes
nomis dans l'article des 6 millions de dépenfes
qui , fi elles n'euffent été qu'extraordinaires , auroient
obligé M. Dumourier à rendre un compte
dant le mot fecretes le difpenfe ; & afin de s'ate
( 171 )
tacher au trone & non aux branches de Parbre
f vigoureux de la profpérité publique , comme
l'a vivement recommandé M. Lafource , on a
perdu plus de deux heures à écouter des dénonciations
de l'ex- capucin M. Chabot . Nous en
allons . indiquer fommairement & le genre & les
: moyens ftupides & honteux à un point incroyable ,
fi on ne les cite .
J'ai promis , a-t - il dit , à l'Affemblée & à la
nation entière les preuves d'un grand complot
: icontre la liberté & la conftitution ; de démontrer...
l'exiftence d'un comité autrichien. Tous
eles hommes de bonne-foi font forcés de con-
* venir que le fyftême des deux chambres n'eft
-point une chimère dans le coeurde M. Dupore.....
Je dénonce ce fait qui prouve qu'il eft un des
principaux agens du comité autrichien. »
Roi.
: morin.
--
--
--
Sous les titres : Enlèvement du Roi. Diffod
tution de l'Affemblée nationale . -- Raſſemblement
de nobles & de prêtres à Paris. Garde du
Gardes Suiffes . -- Cocardes blanches .
Fabrication d'armes. Efpions. Mont
Comité fecret ; Ale miférable dénonaciateur
n'a cité que des lettres anonymes , des
rapports d'inconnus atteftés par M. Pétion , qu'il
a nommé ce héros de la liberté ; les propos d'un
laquais chaffé de Coblentz , qui révèle à un
marchand mercier de la Gafcogne , que le projet
des princes émigrés eft d'enlever Louis XVI,
ide gré ou de force , ou de l'empoifonner , ou
de le poignarder en rejettant tout l'odieux fur
les jacobins & fur l'Affemblée nationale ; une
lettre d'un foldat anonyme de la garde du Roi ,
à laquelle « le rapport de M. Bazire donne l'au
thenticité néceffaire , -Une lettre de Valenciennes
portant : « Nous favons de bonne part que
"
H
( 172 )
l'on veut affaffiner la municipalité de Paris &
l'Affemblée nationale , & conduire le Roi à Metz
où Bouillé & la nobleffe font enrégimentés. »
,
Quelqu'un écrit de Poitiers : « Un brave cin
toyen m'a dit : j'ai été voir une domestique chez
un noble elle m'a affuré que 30 mille nobles
doivent égorger l'Aſſemblée & mettre le feu aux
quatre coins de Paris . » On a invité un maître
d'école de Paris à brûler fa maiſon , en lui promettant
le double de fa valeur. On parle de
smille chevaux diftribués en relais depuis le
fauxbourg St. Antoine jufqu'aux frontières ; mais
on a la perfidie de ne pas dire fur quelle route.
Un Anglois écrit de Londres : «e Barnave , les
Lameth, Chapelier , la Fayette & autres abominables
de cette eſpèce favorisent les fcélérats
dévouent Briffot & beaucoup d'autres ; le Roi
ne craindra plus des maîtres de pofte trop clairvoyans
. » L'honnête maire de Nantes écrit que
le domeftique d'un noble a dit que des nobles
renforcés d'une partie de la garde nationale de
Paris doivent affaillir le corps législatif.
Pareilles lettres d'Amiens , de Montpellier , de
Bordeaux ; & comme s'il n'y avoit pas dans toutes
les villes des jacobins difpofés à copier les impoftures
que leur envoient les jacobins de Paris ,
le candide M. Chabot conclut de cette concordance
que le complot eft indubitable , & il promet
de lire une lifte des confpirateurs.
33
Le 29 mai , on plaça deux gardes du Roi
dans la cour des princes , au bas des appartemens
de la Reine , fans gardes nationales , avec ordre
de laiffer paffer des gens décorés ; il y entra des
cordons bleus .... cc Et l'on difcute encore fi le
comité autrichien exifte ! » Deux gardes du Roi
difoient en allemand : « Notre camarade fera
( (1734)6
›
1
fauter la falle de l'Affemblée.... Cela détruiroit
un tas de mauvais fujers , à dit un autre... ”
On mande de Rouen ce que la tête des Pétion ,
Briffot , Ifnard , Guadet , Merlin , Vergniaud ,
& d'autres gens de cette trempe , eft à prix » ;
& M. Chabot le plaint que ce font les patriotes
qui en veulent à tant de bonnes têtes fans
compter la fienne. Ici une bordée de lettres d'inconaus
annonce qu'il part des millions d'hornmes
fufpects pour aller défendre à Paris le Roi & fa
f mille. M. de Spinola , ambaffed ur de Gênes ,
donne des paffe - ports à une foule de Génois
qui , fous le prétexte d'aller à Bordeaux , vont
d'Oléans à Paris . Les gardes Suiffes crachent
fur les journaux patriotiques , & fe tangeront
fous les drapeaux des fcélérats titrés . Ils ont les
-mains pleines d'affignats . Cette dénonciation eft :
fecrette , mais le fait de Neuilly en prouve affez
l'authenticité . Il eft clair d'après cela qu'on n'a ↑
pas perdu , fes foins en provoquant le fait de
Neuilly. Cent mille cocardes blanches fe préparent
on ne fait cù ) . Un homme acheta dernièrement
deux piftolets à quatre coups. On
fabrique des ceinturons , des fabres fur lefquels
eft écrit : vivre ou mourir pour le Roi , des
poignards , des efcopetes . Le fieur Beaumarchais
vient d'acheter des milliers de fufils dans les
Pays - Bas.... C'eſt pour le miniftre de la guerre ,
crie-t-on à l'ex - capucin ; n'importe , il a toujours
dé soncé ; il a tout prouvé.
Il commente , il empcifonne la déclaration du
plus malheureux des Rois à la garde licenciée
par un décret ; foutient qu'on épie , qu'on enlève
ceux qui parlent mal du Roi , de la Reine ;
que MM. de Montmorin & Deleffart_payoient
H
3
( 174 )
130,000 hv. au cabinet fecret des poftes ; quo
le comité autrichien achète au poids de l'or les
rognures d'affignats ; que l'autrichianifme de M.
de Montmorin a augmenté le traitement du Miniftre
de France à Bruxelles ; que des blanchiffeufes
affiftent à un confeil d'ariftocrates chez M. de
Montbarray à Farfenal. D'ailleurs , M. de Ni
vernois va tous les matins , à 9 heures , chez le
Roi , & y refte jufqu'à midi . Le comité autrichien
fe tient à la Briche & à Anteuil , chez
Madame de Boufflers , revenue d'Angleterre pour
avoir part aauu gâteau ; MM. de Bertrand & de
Montmorin y étoient le 17 à 6 heures du foir ;
Y fut décidé que 30,000 efpions mettroient le il
défordre dans l'armée..
1
Autres comités chez M. d'Agueffeau , qui donne
à dîner ; chez un bandagifte ; chez les Urfulines
de Saint- Denis qui veulent auffi diffoudre l'Affemblée
& créer deux chambres ; envoi à l'armée d'une
tente qui peut contenir 1,500 tabourets ; homme
qui a emporté , dans fon cabriolet , cinq millions
en or ( pefant environ 3,250 liv . ) ; promenade ,
au bois de Boulogne , de roo voitures remplies de
gens qui fe traitent de comtes , de marquis , &
s'entre crient confidemment par les portières qu'il
faut faire fauter les patriores ; délations de valets :
redifaut les converfations de leurs maîtres ; domef
tique d'émigré qui écrit de Fribourg que M. de i
Broglie reçoit des lettres de MM . de Rochambeau »
& de Briffac ; que M. de Bouillé en reçoit de :
M. de la Faycites qu'ils traitent M. Luckner d'imbécile
, mais qu'ils ont grande confiance en M. de
La Fayette , dont M. d'Artois a reçu deux lettres
a fatisfaifantes ; que M. de Narbonne leur
écrit qu'il fera bientôt de leur côté ; que M. Dillon
privit Monfieur de le juger à fes oeuvres & lui
( 173 )
mandoit que plufieurs membres de l'Aſſemblée
l'exhortoient à ne pas perdre courage . Ce correlpondant
ajoute : « Vous êtes trahis par vos généa
raux. M. de la Fayette veut remporter une vic⇒
toire qui ne feroit pas pour la France. Voici ceux
qui vous trahiffent : Narbonne , Leffart , Duportdu-
Tertre , Briffac , les généraux... S'il m'étoit
poffible de mettre la main fur les lettres de M. de
la Fayette , vous verriez toutes les trames... »
Enfin la patience échappe à la honte . On
s'écrie qu'il eft' odieux de lire de pareilles lettres
que c'est vouloir diffoudre l'armée : « Voilà le
véritable traître » , dit M. de Jaucourt , en parlant
de l'ex - capucin que ces avanies & vingt
promeffes de coups de bâton dont il s'eft vanté
n'empêcheront pas d'être encore un légiflateur .
Sans l'indignation tardive de l'Affemblée , M. La
cépèdetiendroit l'armée pour diffoute dans 8 jours ;
mais cette indignation le tranquillife . Quelqu'un
annonce que des mal- intentionnés font courir le
bruit dans les départemens que les canons font)
braqués contre l'Affemblée , & lie ces manoeuvres
à des rapports auffi propres à tout bouleverfer. M.
Thuriot le plaifante, les tribunes rient M. Dubayet
aftefte avoir vu couler le fang du héros des deux
mondes pour la liberté , & fait l'éloge le plus animé
de M. de la Fayette. Se relevant en fouriant de
deflus le carton d'où il tiroit fes preuves & fur !
lequel il s'étoit nonchalamment accoudé pendant
ces débats , M. Chabot a dit qu'il n'avoit lu tout
cela que pour que M. de la Fayette , inftruit par
les papiers publics , redoublât de zèle ... Au milieu
du tumulte , nous avons entendu plufieurs membres
dire : Oh ! le fcélérat !
Cent cris : à bas , à la cenfure , à l'abbaye, en
prifon ; n'ont pas interrompu le cours de fes dénon
H
4
( 176 )
ciations. Il a critiqué une adreffe imprimée de
MM. Gofferan , Coupe , Sancerre , Efpérons ,
Laroque-Labécède & le Roi-de Flagis , où ils peignent
les difcuffions de l'Affemblée comme des
combats de g'a liateurs , la tyrannie des tributes ,
l'abus d'une fauffe éloquence de clubs , le defpetifme
qui naîtroit du mépris du veto royal ; cù
ils difent que les François le font toujours ruinés ,
battus pour des factieux...De fa longue rapfodie ,
M. Chabot a conclu qu'il falloit armer de fufils ,
de fabres , de piques tous ceux qui prêteroient
ferment à leur municipalité , défarmer tous les
autres , déclarer la ville de Paris en état de
guerre , & pourfuivre 1 : s chefs des comp'ots.
Une courte difcuffion a prouvé , que M. Chabot
n'avoit parlé qu'en fon nom & non pour le comité
de furveillance ; & fur la propofition de
M. Guadet dont la prudente juftice a cru devoir
ménager les généraux contre 1fquels ces.
violentes forties ne réuffiffoient pas , l'Aſſemblée
« a renvoyé aux comité de furveillance , diplomatique
& des douze réunis, les pièces énoncées dars
le rapport de M. Chabot , à l'exception de celles ,
relatives aux généraux & autres officiers de l'armée
, qu'elle voue au mepris qu'elles méritent. »>
M. Ramond a dt qu'aucun bon François ne feroit ,
attention à ce que l'Aſſemblée nationale a méprifé.
M. Raimond Ribes a dénoncé le préterd comité
autrich en en lui reftituant le titre de faction
d'Orléans , & a nommément accufé celle- ci « d'afpiterà
monter furle trône par les degrés du crime;
de vouloir , à la veil'e du grand jour de la juftice
d'une nation enfia déſabuſée , faire oublier les
forfaits par d'autres forfaits, & s'affurer un alyie
où l'amniſtie , au cas de non- ſuccès , en favo(
177
rifant les vues de l'Angleterre relatives à l'indépendance
de nos lles d'Amérique, & à l'établiſſe- .
ment des deux chambres. Nous analyferons ra❤
pidement l'opinion de M. Ribes que la plupart
des journeaux ont affecté de tourner en ridicule en
n'en donnant aucune idée .
Il s'eft chargé de prouver que la faction d'Or
leans a formé leprojet de faire maffacrer le Roi , la
famille Royale ; il a rappellé la fameufe procédure
fur les crimes des 5 & 6 octobre ; a parlé de l'infurrection
du 18 février , des dangers du Roi & de la
Reine ; a dit un mot de la ſcandaleuſe parade des .
galériens de Châteauvieux ; de la confternation
des tuileries pendant ce triomphe de l'impudence ;
de l'amniftie & de l'évasion de Jourdan , & , de la
miffion largement payée de M. Talleyrand à
Londres ; de la correfpondance des clubs François
& Anglois de MM. Robefpere & Chabot
dénonçant aux Jacobins les con plots de cette faction
régicide ; des fix millions obtenus par M, Dumourier
; du filence de M. Roberfpierre , des calomnics
de Carra , des diffamations impunies de
MM. Bazire , Merlin & Chabot ( qui , dit- il , a
viré de bord ) ; du décret lancé contre le juge de
paix ; de l'avis de l'hypocrite M. Pétion fur le
départ du Roi , pour attirer la multitude au château
, tandis qu'on dénonceroit le comité autrichien
& la Reine ; des outrages prodigués en public
à LL. MM. , fous leurs fenêtres & dans les
journaux , où d'infolens aboyeurs les traitoient de
M. & Madame veto ( éclats rire ) , de M. &
Madame Sanguignola , de tygreffe , &c.; de la
lettre de M. Pétion , criée dans les rues : Grande
réponse de M. Pétion à la lettre infâme du Roi ...
Ces divers traits combinés , ont conduit M. Ribes
aux rapports de MM. Genſonné, Briffot & Chabot,
HS
( 178 )
酵
au licenciement de la garde du Roi , au
projet d'appeller des provinciaux armés à
Paris ( qui s'eft vérifié depuis ) ... Et il a
conclu en propofant de décréter d'accufation
MM. d'Orléans , Dumburier , Bonne- Carrère ,
Lebrun & Noël , d'informer , contre les libelliftes
qai Roi , la Reine ; de prendre en conoutragent
l
fidération la procédure inftruite à l'occafion des
forfaits des 5 & 6 octobre , les horreurs commifes
au château le 18 fevrier , les évènemens du 16
juiller ; de mander MM. Pétion & Bonne- Carrère
pour que le comité de légiflation les interroge , &
de diffiper les groupes de factieux.
Ce long difcours interrompu par quelques applaudiffemens
, quelques : cela est vrai , & beauup
de farcafines & de railleries a été bruf
quement couvert du projet impromptu de faire
paffer M. Ribes pour un fou . MM. Goffuin, Ver-
Ton , Aréna & Guadet ont invoqué l'ordre du
jour motive fur ce que tout atteftoit le délire , &
J'Affemblée eft paffée à l'ordre du jour.
Da mardi, s juin.
MM. Coupe & Leroi de Fargis ont voulu ré-
Futer les inculpations de M. Chabot , M. Mayerne
a invoqué l'ordre du jour , fondé fur le motif
que l'Affemblée ayant voué au plus profond
mépris les dénonciations de l'ex - capucin , il étoit
Superflu de s'en juftifier . On eft paffé à l'ordre
du jour. Il feroit difficile de défendre mieux la
caule de M. de Larivière , juge de pair.
Un décret a ordonné aux commifaires - infpecreurs
de la falle de rendre compte , fous deux
jours , des dons patriotiques , & de faire imprimer
lifte nominative des donateurs . ( Les créanciers
du vertueux maire de la Rochelle y devroient
figurer pour les 50,000 livres qu'il a civiqueune
( 179 )
ment données à la nation avant de déclarer fa
banqueroute) .
M. de Narbonne a réclamé , par éécrit , contre
une dénonciation de M. Lecointre ; un membre
a certifié que les compres de cet ex- miniftre font
en règle ; on a fermé la bouche au dénoncia
tcur.
Après de faftidieufes redites pour & contre M.
Duport du Tertre , l'Affemblée, après avoir décrété
l'impreffion d'un volumineux difcours de M. Delaunay
contre M. Duport, a décidé, prefqu'à l'una
nimité , qu'il n'y avoit pas lieu à décréter d'accufation
cet exminiftre .
On a renvoyé au pouvoir exécutif une lettre
qui accule M. d'Ormeffon d'avoir fait tranfporter
dans la bibliothèque du Roi , des titres fouftraits t
au décret qui livre aux flammes tous les parchemins
(de nobles) entaflés aux Auguſtins de Paris.
Du mardi , féance du foir.
Invitée à aſſiſter à la proceffion paroiffiale de
la Fête- Dieu , l'Affemblée a long - temps difcuté
fur l'ufage obfervé par les conftituans , & a décrété
qu'elle y enverroit une députation. Mais
bientôt elle a rapporté ( aboli ), ce décret , à la é
demande de plufieurs membres , fur la remarque
de M. Paftoret qu'il n'y auroit pas de railon
de refuler d'affifter aux cérémonies de tout
autre culte , & que les eccléfiaftiques n'étant ,
pas des fonctionnaires publics , la légiſlature ne
pouvoit concourir au culte de fonctionnaires
privés. M. Audrein difoit ingénuement que
c'étoit une rupture ouverte avec le culte catho
lique. On a décrété que jeudi prochain it n'y (
auroit point de féance .
MM, Arthur Dillon & Chaumont font venus
H 6
( 180 )
réclamer contre des imputations fai es à feu M.
Théobald Dillon & ont reçu les honneurs de la
falle.
•
Deux décrets ont ftatué 1 ° . qu'il fera fait une
avance de 100,000 1. au département de l'Aifne ,
Four achat de grains ; 2 ° . qu'il n'y a pas lieu
délibérer fur la demande du miniftre de l'intérieur
de 6 nouveaux millions pour acquifition de
bleds & autres fecours.
Du mercredi , 6 juin,
2.
Dans la féance du lundi le miniftre de la guerre
avoir propofé de faire élire quatre fantafli is & un
cavalier , bien équipés & armés , par chaque canton
, de réunir tous ces citoyens à Paris , le 14
juillet , pour prêter , avec la garde nationale , un
ferment de fédération , d'en former un camp fous
les murs de la capitale , & d'envoyer divers corps
de la garde nationale aux frontières , en donnant
fes canons aux fédérés . Aujourd'hui ,
M. Couftard , parlant au nom du comité militaire
a cru devoir orner cette propofition des
Aleurs oratoires fuivantes : « Vous devez avoir .
des forces toujours prêtes pour écrafer les factieux .
Il n'y a pas jufqu'aux petits Princes , à ces
atêmes de fouveraineté dont le territoire échappe
à nos yeux , qui ne vinffent , fi nous étions malheureux
, infolenter & frapper le lion malade.
Ce n'eft qu'en faifant de grands piéparatifs , &
en remplaçant , par le nombre , ce qui manque
du côté de la difcipline , qu'on peut eſpérer do
réfiſter à l'ennemi & d'amener une paix hono-
Fable ... Ce projet a excité de longs débats.
Ses partifans l'adoptoient d'emblée comme fublime.
M. Dubayet vouloir qu'on y réfléchir.
MadeJaucourt préféroit l'utile au fublime , voyoit
dans 20 à 25 mille citoyens armés , élus par les
( 181 )
cartons , un caractere de repréfentation d'autant
fupérieur à celui de la légiflature qu'ils feroient.
éfus immédiatement par le peuple & non par des
électeurs . Il redoutoit l'ufuge que pourroient en
faire des factieux ; relevoit l'impoffibilité cu ces
hommes fetoient de le nommer entr'eux leurs
cfficiers ; le danger d'incorper.r des cavaliers
trop peu exercés ; la dépenfe de 13 millions pour
trois mois l'impolitique de créer un nouveau
corps avant que l'armée foit au complet ; le
renchériffement des fubfiftances à Paris . M. - Carnot
le jeune diminuoit le nombre , & fupprimoir
les cavaliers. M. Jean de Bry infiftoit fur la
néceffité de contenir 40 mile brigands , & de
ne pas fatiguer la gaide nationale Parifienne qu'il
tenoit cependant pour infatigable.
M. de Girardin s'eft étonné que ceux qui parloient
le plus de confpirateurs opinaffent pour
T'envoi des gardes nationaux de Paris aux frontières
, & y renvoyoit le corps projeté , ou dans
tel lieu où les fubfiftances feroient moins chères...
M. Ducos la bravement accufé de prêcher la
guerre civile. Très - verfés dans la fcience militaire ,
le miniftreproteftant M. Lafource , & l'avocat M.
Vergniaud, ont difcouru , l'un de la dépenfe « qui
ne devoit pas faire impreflion fur l'Affemblée
( éclats de rire ) » & du deffein , non de remplacer
la garde nationale , cn n'of: pas en venir
là d'abord ; mais « de lui fournir un mo: if de
fécurité , prétexte mal - adroit qui a fait crier :
elle n'a pas peur , Feutre , de la grande idée du
miniftre , des feuls mots : 14 juillet , qui font
palpiter tous les creurs ; des prodiges de l'enthoufiafme....
Et M. Vergriaud a propofé une
augmentation de force publique liée à une fête.
nationale pour le 14 juillet. Enfin , fur la rédac-
1
( 182 )
tion de M. Lecointre- Puiravaux ,
décrété ce qui fuit :
l'Affemblée a
« 1. Il fera fait une levée de 20,000 hommes
, en augmentation de la force armée déjà
décrétée . »
« 2 °. Cette levée fe fera dans les départemens,
& tous les cantons feront admis à fournir
des volontaires pour cette levée . »
cc 3. Ces 20 , coo hommes feront réunis à
Paris au 14 juillet . ›
1
ود
Du mercredi , féance du foir.
כ כ
CC
On a reftreint la franchife des ports de lettres
aux fonctionnaires publics qui feront défignés .
Des Anglois qui ont un rang dans l'armée
Angloife follicitent la protection de M. Paftoret,
pour obtenir de fervir en qualité de volontaires
dans l'armée de la liberté. Cette confidence auffi
politique que vraisemblable , eft renvoyée au
comité militaire .
Le frère d'un accuſé condamné à mort à Rouen
s'étoit préfenté , la veille , à la barre , pour fe
plaindre de ce que la cour de caffation avoit confirmé
le jugement fans avoir lu les pièces . Il
eft revenu ; mais aujourd'hui comme hier , M.
Hérault de Séchelles a perfuadé à l'Affemblée de
paffer à l'ordre du jour , motivé fur chofe jugée .
M. Bazire a eu la fatisfaction de faire décréter
d'acculation M. Alexandre Vigier , ancien gardedu
corps ; & M. Duffaux a remplacé M. Bofcari
dans l'Affemblée ..
Du jeudi , 7 juin , à 6 heures du foir.
Sur l'invitation faite à la légiflature , par les
curé & marguillers de S. Germain l'Auxerrois, l'évêque
du Calvados , M, Fauchet avoit dit mardi ;
( 183
se l'Allemblée nationale eft l'interp : ête de la majorité
de la nation . Si le culte proteftant étoit
voulu par cette majorité , l'Affemblée nationale
fetoit obligée de refpecter ce culte qui feroit celui
de la majorité, » M. Cambon avoit propofé de
décréter qu'il y auroit pas de féance ce matin afin
que chacun put aller , s'il vouloit , à la proceffion
; ce qui avoit beaucoup fait rire . Erfin on
s'en étoit tenu à l'avis de M. Cambon .
瘟
•
Ce foit de finguliers débats entre MM . Lafource,
miniftre proteftant , Delacépède , naturalifte
Fauchet , évêque Paftoret , eexx-- magiftrat
Lacroix , Carnot & Reboul , fur le projet du
miniftre de la guerre , modifié par le comité militaire
, relatif aux 20,000 hommes à extraire de
tous les cantons ; de la crainte des uns que fi
l'on prenoit les premiers infcrits , les aristocrates.
ne gagnaffent de viteffe les patriotes ; de la.
crainte des autres que fi les patriotes étoient élus
ils ne vouluffent trancher des repréfentans ; de
l'appréhenfion de ceux-là que fi les corps adifniftratifs
décidoient du choix , on n'eût pas l'élite
des clubs ; de deux à trois heures de vacarme
de fophifmes, de perfónnalités , d'épreuves douteufes
& de clameurs pour & contre l'appel nominal , font
réfultés quelques articles que nous tranfcritons avec
la totalité du décret . Le rafté fera remis à l'ordre.
du jour.
Du vendredi , & juin.
2
Un apothicaire de Condom envoie des manuf
crits & la recette du bouillon de fanté à l'Affetblée
, & demande à être indemnifé d'un incendie ..
Les adminiftrateurs de St. Denis s'étonnent-
& le plaignent de ce qu'on n'a pas lu à l'Affemblée
une lettre où ils démentoient les affertions™
( 184 )
de MM. Genfonné & Driffot , répétées depuis
par M. Chabot , au fujet de prétendus comités
tenus à St. Denis , atteftent qu'il n'en eft rien ,
& follicitent la publicité de leur feconde lettre.
O l'a renvoyée ( à M. Chabot ) au comité de
furveillance . M. Serva i annonce que la perte
qu'éprouvent les affignats réduit les officiers campés
à manquer du néceffaire , & qu'ils ont le plus
preffan: befoin d'argent . --- La 3. légion de la
garde nationale de Paris vient offiir les refpects
& enviro 4,000 liv. de don patriotique , protefte
qu'elle n'a jamais trouvé le fervice pénible
qu'en toute occafion eile defire avec aideur de
ne point encourir de la part des autres départemens
le reproche de négligence , d'indifférence
ou d'impuiffance fuppofée que paroîtroient confirmer
les levées demandées pour l'aider dans fon
fervice . La députation vivement applaudie a reçu
les honneurs de la féance , & le difcours fera
inféré au procès - verbal.
M. William Priestley , fils de M.Jofeph Priestley,
elf venu préfenter les hommages caux premiers
magiftrats d'un peuplequi s'eft rendu fi cé.èbre chez
toutes les nations qui attachent un prix à la liberté
& à la vertu . » Son cher père luiadit : « Vas habiter
ch z ce peaple courageux & hofpitalier . » Ildefire
dejouir des droits de citoyen François , «titre
qu'il eftime cent fois plus que celui de Roi d'aucun
étar a bitraire. » Le préfident lui a répondu : « Tous
les hommes fout fières » & à cette nouvelle maxime
qui rend indifpenfables les décrets de naturalifation
, à ce motif de préférence raifonnée , il a
aj ɔuté : «< Certes , ce ne fera pas fans plaifir que
France adoptera le fils da docteur Priestley.
Chargé d'un dépôt fi précieux , M. François
de Nantes a faifi l'occafion de déclamer un long
לכ
1185 )
cc
éloge bien emphatique du docteur fi fameux dans
la rue de la Juiverie à Londres , qui piéfida
Flufieurs fois , a - t-il dit gravement , la célèbre
fociété de la révolution......... qui a mérité
l'honneur d'être détefté de tous ceux qui ont
fondé leurs jouillances ou leur pouvoir fur l'ignorance
, l'aveuglement ou la corruption, des peuples.
A peine fe fut - il déclaré le défenfeur de
notre révolution , qu'on lança contre lui cet éternel
déclamateur , ce chevalier crtant de la littérature
Angloife , qui dans les accès vaporeux d'une ima
gination toute pleine de paladins & de prodiges
éleva un monument auffi brillant que honteux à
la gloire de la chevalerie Françoife & à la fervitude
des peuples. Cet extragavant rhéteur appella
les vengeances populaires far la tête du docteur
Priestley , & prépara f profcription par fis écrits ,
comme autrefois un écrivain infime prépara , par
fes comédies ; le fupplice de Socrate. Mais les
noms de Socrate & de Puieftley vivrent honorablement
dans la mémoire des hommes , & ceux
des Ariftophane & des Burke , à mesure qu'ils
traverferont les ficcles , fe chargeront d'opprobres
& de l'exécration de tous les gens de bien. » Ces ,
p.ffages chaudement applaudis donneront la mefure
de M. François & de l'auditoise aux meil
leurs efprits d'Angleterre & de toute l'Europe.
Il a peint l'incend e de la mufon de M. Prieftley
avec les exclamations ampoulées d'un homme
qui ne feroit pas entouré de milliers de châteaux
piliés & brûlés : O hote de la fédition de Bir .
mingham O infam ie é : ernel'e des oppreffeurs !
&c.. , » & a di : que les incendiaires « defcendoient
probablement de ces barba es qu'on vit,
il y a plufieurs fiècles , accourir la hache à la
main , des forêts du Nord , entrer dans une ville
( 186 )
célèbre , renverser fes temples , abattre les ftatues
des dieux... » Sans rechercher d'cu defcendent
les brigands & les protecteurs des brigands impanis
qui ravagent leur patrie & y répandent tous
les fléaux de l'anarchie , de l'immoralité & de
l'athéifme , M. François a pourfuivi : « Si la
Sorbonne , cette fille hideufe des ténèbres , eût
fait brûler les cabinets de Pafcal , de Torricelli ,
combien les fciences ne feroient- elles pas encore
reculées ? Si Séguier , ce perfécuteur éternel du
génie... eût fait brûler les manufcrits de Jean-
Jacques Rouffeau , qui fait fi le premier peuple
du monde ne languitoit pas dans l'esclavage ?...
L'homme de génie ( même en phyfique ! ) eft le
magiftrat de l'univers... L'accueil fait au fils du
dacteur Priestley , honorera plus la France que
celui qu'elle fit autrefois à la rebelle & catholique
poftérité de Stuard. »
Les conclufions de ce dithyrambe jacobinite en
mauvaiſe profe que nous n'avons analyfé qu'afin
de donner une idée de la raiſon calme & froide
qui préfide à certaines délibérations , à certains
fuccès éphémères , ont été de demander des lettres
de naturalifation pour le pupille. On a décrété
l'impreffion de cette invective contre les
honnêtes gens d'Angleterre , aux frais du peuple
François , & le comité de légiflation confacrera
de nouveau quelques heures précieufes à rapporter
ce même projet de décret auffi fimple
qu'inutile au milieu de tant d'objets des plus
urgens , puifqu'on devient citoyen actif à moins
de frais , fuivant la conftitution.
Un décret a étendu la prohibition d'exporter
l'orge , l'avoine , fes légumes , les fourrages &
les beftiaux , de Pontarlier juſqu'au département
des Bouches- du- Rhône.
Organe du comité militaire , M. G ſparin a
7187 )
propofé d'admettre les gardes du Roi licenciés
dans les troupes de ligne , & dans la nouvelle
garde du Roi ceux qui rempliroient les conditions
réquifes. M. Thuriot a dit que l'intention de b
l'Aſſemblée avoit été d'exclure de la future garde
du Roi tous les individus de l'ancienne ; puis il
a foutenu qu'il ne l'avoit pas dit ; d'autres
membres que des hommes fervilement dévoués
à un individu étoient peu propres à fervir
la caufe générale. De ces honteufes chicanes
de quelques raifons & d'un long orage eft forti
Je décret fuivant :
35.
« Les citoyens compofant la di- devant garde
du Roi , licenciée par le décret du 29 mai desnier
, qui , ayant rempli les conditions d'éligibi
lité prefcrites par la conftitution & par le décret !
du mois de février dernier , en obtiendront un
certificat de la municipalité de Patis , & décla
reront défier rentrer dans les corpss dont ils
avoient été précédemment tirés , y reprendront
les grades qu'ils y auroient actuellement , s'ils
ne les avoient point quittés. S'il n'y avoit point
d'emploi vacant dans ces grades au moment out
ils y rentreront , ils en feront les fonctions &
en recevront le traitement jufqu'à ce qu'il s'en
trouve. Ils feront alors les premiers à les remplir ,
fans pouvoir cependant prendre rang fur ceux
qui auroient été placés avant eux dans le même
grade,
D'autres débats ont amené les confidérant & les
XIII articles que voici :
« L'Affemblée nationale , délibérant fur la propofition
du miniftre de la guerre , convertie en
motion par un membre ; & après avoir entendu '
le rapport de fon comité militaire , confidérant
qu'il eft inftant de porter aux frontières les troupes
( 188 )
de ligne qui font dans la capitale ; confidérant
qu'il eft important d'ôter tout efpoir aux ennemis
de la chofe publique qui trament des complets
dans l'intérieur ; confidérant qu'il eft avantageux
de refferter encore , à l'époque du 14 juillet , les
liens de fraternité qui uniffent les gardes nationales
de tous les autres départemens avec celle
de Paris , qui a fi bien fervi la révolution & G
bien mérité de la patrie , par un dévouement
fans bornes & un fervice pénible & continuel ,
décrète qu'il y a uigence. »
Décret définitif.
L'Affemblée nationale , après avoir déciété
l'urgence , décrète ce qui fuit : »
« Art . 1º . La force armée déjà décrétée fera
augmentée de 20,000 hommes . »
II. Certe augmentation fe fera dans les
départemens , & tous les cantons du royaume
feront admis à la completter. »
« III. Les 20,000 hommes d'augmentation (e
réuniont à Paris pour le 14 juillet prochain . "
IV. La répartition des 20,000 hommes ſe
fera dans chaque département proporti nnel ement
à la population , & fuivant l'état annexé
au préfent décret . »
сс
V. Les directoires de département réparti
ront entre les diftricts , & ceux des district , entre
les cantons , le nombre de gardes nationales demandées
à chaque département en raifon de fa
population,
« VI. I. fera en conféquence ouvert dans la
municipalité chef- lieu de canton un r.giftre particulier
d'infcriptions volontaires , fur lequel fe
feront inferire les citoyens qui defireront fervit
( 189 )
en qualité de volontaires nationaux dans cette
augmentation de la force armée. »
VII. Dans le cas où le nombre des gardes
nationales qui fe feront fait inferire excéderoit
celui fixé par le canton , ceux inferits feulement
le réuniront entr'eux pour faire le choix de ceux
qui voudront marcher , en préfence de la municipalité.
»
сс
ce VIII. Nal citoyen ne fera admis à s'i ferire ,
qu'il n'ait fait un fervice perfor nel dans la garde
nationale depuis le 14 juillet 1790 , ou depuis
la formation de la garde nationale du canton de
fa commune , ou enfin depuis qu'il a atteint l'âge
de 18 ans , à moins cependant qu'en fortant des
troupes de ligne avec un congé en bonne forme,
il ne foit entré de feite dans la garde nationale ;
il fera tenu en outre , en fe préfentant à Pinf
cription , de remettre à la municipalité un certificat
de civifme figné des officiers , fous - officiers
& gardes nationales de la compagnie dans laquelle
il fert. »
«IX. Le pouvoir exécutif eft chargé de pourvoir
à l'armement & équipement des citoyens
qui feront partie de la force publique ; il donnera
des ordres afin que les objets nécefaires à
leur habillement foient remis dans les lieux de ftinés
à leur raſſemblement , »
cc X. Va la célérité de la marche , il fera accordé
à chaque volontaire cinq fols par lieue
qui leur feront avancés par le receveur de diftria.
ל כ
XI. La folde fera la même que celle des
autres bataillons volontaires nationaux , ils rece
vront comme eux les gratifications & augmen
tations d'appointemens accordés aux troupes lorf
qu'elles font campées. »
( 190 )
XII. Le pouvoir exécutif donnera des ordres
pour l'approvifionnement des effets de campemens
néceflaires. »
3
XIII. Le comité militaire préfentera , fons
buitaine , un projet de réglement fur tous les
objets de détails relatifs à cette augmentation de
la force publique, » *
Du vendredi , féance du foir.
Le fieur Rébecqui , l'un des commiſſaires nommés
par le département des Bouches-du- Rhône
* mandés à la barre, a lu un long mémoire où il
a cru fe juftifier de fes liaifons publiques & de
fon entrée thriomphale avec Jourdan &c , en
rejettant tout fur les eirconftances , fur la prétendue
ariftocratie des troupes de ligne , & fur
le commiffaire du Roi près le tribunal d'Avignon.
Il a beaucoup exalté fon civilme , s'eft réclamé
• de feu Mirabeau , & a offert de fe rendre dans
les prifons d'Orléans . L'impreffion de fon mémoire
a été décrétée , & l'Affemblée a décidé
* qu'elle entendroit encore MM. Bertin , Beauregard
, Champion , de Folney & Lefort.
-
Un décret a déclaré libres de retourner à Saint-
Pierre- Miquelon , plufieurs particuliers bannis
de cette iflé comme perturbateurs , leur a accordé
200 liv. à chacun à titre d'avances , & a
mis les frais de leur paffage , pour le retour ,
à la charge de la nation. M.- Goſſuin a rendu
compte de troubles caufés , comme toujours ,
par des prêtres in - affermentés nommés réfractaires
, dans la ville d'Iffengeaux . La procédure
-ofera continuée & le miniftre de l'intérieur en
occupera de nouveau les loisirs du corps législatif
pour enféparer d'autantmieux le pouvoir judiciaire.
( 191 ).
Du famedi , 9 juin .
Une adreffe attribuée aux négocians de l'ifle
de Gueruefey , protefte qu'ils ne prendont aucune
part directe ou indirecte à aucun armement
contre les François , tant que l'Angleterre n'aura
pas déclaré la guerre à la France. On applaudit.
Sur la propofition du Roi , contre - fignée du
miniftre de la marine , l'Aſſemblée a décrété que
la caiffe de l'extraordinaire verfera dans la tréforerie
nationale 6 millions 443,252 liv. pour
fubvenir aux dépenfes d'un armement destiné à
faire refpecter le pavillon national & affurer la
liberté du commerce ; & qu'il fera mis actuellement
à la difpofition de ce miniftre 3,507,170 l .
dont 1,482,910 liv . en numéraire ( qui coûteroat
aujourd'hui 2,372,656 liv. ) , & le furplus
à raifon de 489,347 liv . par mois.
La receite & la dépenfe ordinaires de chaque
mois devroient être de 48,666,000 liv . , la dépenfe
ordinaire du mois de mai eft montée , fuivant
les calculs fecrets du comité , à 13,076,0391.
de plus que la recette inconnue ; ce qui fuppofe
: néanmoins 35,589,961 liv . de recerte effectuée
quoique non articulée . Mais , d'après les mêmes
comptes adoptés fur parole , les dépenses extraordinaires
fe font élevées à 41,090,941 liv.
Un décret d'urgence a ftatué que la caiffe de
l'extraordinaire verfera à la trésorerie nationale ,
- d'abord 13,076,039 liv . pour remplir le deficit ;
enfaite 1,605,826 liv . pour les dépenses extraordinaires
appartenantes à l'année 1791 , acquittées
en mai dernier ; 37,525,466 liv. pour les dépenſes
extraordinaires dudit mois ; & 1,958,6491 .
pour avances faites aux départemens , auffi pen(
192 )
f
dant le même mois . Total , 54 millions 165,980 1.
de deficit pour le mois de mai , qui jointes
35 589.961 liv . de recette annoncée , font
89.755.441 liv . de dépente dans ledit mois, Un
parcit déficit répété 12 fois , formeroit un deficit
annuel de 649.991,760 livres . Une pareille dépenfe
répécée 12 £sis , morteroit à un milliard
& 77 millions de dépense annuelle , & l'on n'auroit
encore que trois armées en activité .
MM . Mailhe & Gougeon ont differté pour &
contre la fuppreffio : des droits feigneuriaux que
l'Affenblée conftitua te avoit déclarés rachetables
. Les galeries n'ont applaudi que les projets
de fpoliation réfultant du fyftême de M. Mailhe
de n'admettre comme légitimes , que celles de
ces propriétés qui porteront fur des titres originaires
( après que le civifme a brûlé tant de
titres ! ) ; & on a décrété l'impreílion de les doctes
recherches fur les Romains , les Goths , les Vifigoths,
les Francs & c . oùil atâché de trouver le droit
d'ufurper dans les ténèbres de l'hiftoire épaiffies
par de faux fyftèmes , au rifque d'appauvrir
encore l'état. Le miniftre des contributions a
promis qu'on auroit inceffamment des allignats
de 10 & 15 fous , & il a été chargé de toutes
les opérations de ce que le jargon moderne a
nommé leur timbrage dans un décret .
Dufamedi , féance du foir.
Un des prétendus fignataires de la dénonciation
écrite par M. Merlin contre M. Duport- du-
Tertre , dément cette fignature. On a vivement
applaudi au furcroît de honte qu'en a recueil'i
M. Merlin ; mais les clameurs de MM. Albitte ,
Thuriot , Lacroix & d'autres ont fait paffer à l'ordre
du
i
i
7.1939
du jour fur la propofition fi jufte de M. Chéron , de
.configner dans le procès- verbal l'impofture démontrée
, quei qu'en für l'auteur .
Des gardes nationales du bataillon des Petits-
Auguftins font venus dénoncer une adreffe envoyée
au bataillon pour y être fignée , renvoyée au lecrétariat
de l'état - major , & préfentée , dimanche ,
à midi , au corps légiflatif. Elle demande le rapport
du décret qui ordonne un raffemblement de 20,000
hommes auprès de Paris. Prenant inconftitution
nellement des décrets pour des loix , ces citoyens
jurent à l'Affemblée de n'exécuter que fes décrets ,
& reçoivent les honneurs de la féance.
M. Delmas a vu dans l'adreffe dénoncée « un
acte de rébellion » ; M. Guadet l'intention de défunir
les citoyens & la garde nationale , & il a dit
que «fuppofer qu'il eût été queftion de remplacer
la garde nationale Parifienne par des citoyens des
départemens , c'étoit une infernale invention , aufli
calomnicufe pour la garde de Paris , que pour ceux
qui feroient appellés à former un camp aux environs
de la capitale. » Et devant le même auditoire qui
avoit entendu leminiftre propofér expreffément que
çes hommes armés , arrivés des cantons , fiffent auprès
du Roi & de l'Affemblée le fervice de la garde
Parifienne, dont on enverroit une partie aux frontières
, & dont on livreroit les canons à ces nouveaux-
venus ; le rapporteur du comité propofer
d'établir ces 20,000 hommes fous les murs de la
capitale , M. Guadet oubliant que ces propofitions
retranchées , fufpendues , mais non décidément
repouffées par l'Affemblée , avoient été applaudies
des auteurs mêmes du décrer , traitoit d'invention
infernale & de calomnie l'expofé naïf de ce qui
s'étoit dit à la tribune . Puis à ces affertions infoutenables
ajoutant des inductions horribles à médig
N°. 24. 16 Juin 1792.
1.
( 194 )
ter « S'il eft vrai , comme on l'annonce , a- t- il
pourfuivi , que la fanction de votre décret ait été
retardée parce que dimanche vous devez recevoir
une pétition de la garde nationale de Paris , voys
pouvez voir qui dirige cette infernale & atroce
manoeuvre. » Il étoit difficile de mettre plus d'infernal
dans une pareille difcuffior . S.s conclufions
mandoient le commandant à la barre.
Envain MM. Jouneau & Becquey réclamoient
ils le droit de pétition ; cuvain M. Ramond infiftoit-
il fursa ce dernier droit des opprimés » j
s'élevoit - il contre « une inquifition dictatoriale
qui dénonce un projet d'adrelle qu'on n'a pas
entendue , & ferme la bouche à tous ceux qui
ne parlent pas daus le fens de certaines factions
». On s'obttingit à cenfurer une pétition
individuelle , après en avoir écouté , applaudi
de collectives fignées de bataillons , de régimens
entiers , & de féditieufes fignées de préfidens & de
fecrétaires de clubs , où l'on outrageoit la conftitution
, le Roi , l'Affemblée , où l'on propofoit
le parjure , la fuppreffion du veto , & c. M.
Thuriot a prétendu que les pétitionnaires dénoncés
vouloient que la garde nationale fit la
Joi à l'Aſſemblée . Sa gaucherie a été couverte
de rumeurs ; mais les galeries ont crié : oui ,
oui ; & l'on a mandé le commandant .
Un décret d'urgence a attaché une compagnie
de guides à l'armée du midi.
M. Carnot , l'aîné , a fait un rapport fur la
néceffité d'accorder des réparations honorables
à la mémoire de M. Théobald Dillon , & de
M. Berthois , & des indemnités à leur famille ;
1,500 liv. de penfion à la mère des enfans de
M. Dillon , & 800 liv . à chacun d'eux juſqu'à
feur 21º. année . Les mêmes penfions étoient
( 195 )
demandées pour la veuve & les enfans de M.
Berthois ; la décoration militaire pour MM .
Antoine & Pierre-Dupont- Chaumont M. Lecointre
s'est encore donné l'affreux plaifir d'attaquer
la mémoire de T. Dillon .
}
· L'Aſſemblée a décrété les penfions & les décorations
militaires.
avoit
Le commandant de la garde nationale eft venu
dife le difcours du miniftre de la que guerre
produit une grande fermentation & le defir général
d'une pétition ; que le projet en avoit été diftibué
au moment de l'ordre, mais qu'elle feroit
individuelle . On défroit , on refufoit les honneurs
de la féance au commandant . S'il les reçoit ,
a dit M. Merlin , il faut les accorder à M..
Rebecqui ( à l'abbaye , à l'ordre ) ... M. Vergniaud
a répondu à ces cris , que M. Merlin
avoit ufé de la liberté des opinions . On cbjectoit
la peine infl gée à M. Froudière pour avoir
traité M. Guadet de déclamateur. « C'est tout
fimple , a dit M. Ramond il avoit commis un
crime de lèze- Gironde. » Enfuite M. Vergniaud
eft tombé far les membres qui , ufant auffi de
la liberté des opinions , s'étoient perinis de combattre
le projet du camp de 20,000 hommes ;
leur a imputé d'avoir feuls prétendu qu'on vouloit
enlever les canons de la garde nationale
& de n'avoir tant parlé de factieux que pour
fe dénoncer eux- mêmes ; a confondu , en avocat,
le moment de l'ordre & la voie de l'ordre , ou
l'acte de mettre à l'ordre , pour accufer la garde
nationale de délibérer comme corps armé. M.
·Genfonné a raifonné avec la même bonne -foi ;
& l'objet des débats , & des dénonciations de
fignatures furprifes a été renvoyé aux comités
de légiflation & de furveillance .
1
( 196 )
On a vu dans notre dernier Numéro le
placard de la Municipalité , où , fous le
couvert de la Déclaration des Droits , on
cherche à détruire le culte catholique en
provoquant la fuppreffion d'une des plus
anciennes & des plus pompeufes cérémonies
de l'Eglife ; cette démarche de la
Municipalité a porté plufieurs Habitans .
de Paris à porter des plaintes au Dépa :-
tement ; mais ce Corps , égaré comme les
autres , par les principes faux qu'il s'eft fait
fur la police fociale, a répondu par des
maximes infignifiantes , quand il étoit quef
tion de maintenir des loix de police qu'au
. cun décret n'abroge , & que , d'après la
Conftitution même , on doit protéger
puifqu'elles tiennent effentiellement à la
religion conftituée dans l'Etat . Pour juftifier
les fottifes de M. Manuel , le Procureur-
général Syndic du Département , M.
Ræderer, n'a point rougi de faire afficher
ua placard , où , entr'autres abfurdités , il
dit que la conduite de la Municipalité eft
d'autant moins repréhenfible , qu'elle n'a
fait qu'énoncer un droit , fans donner
aucun ordre obligatoire , comme fi les devoirs
d'un Corps adminiftratif étoient d'énoncer
des droits , & n'étoient point de
maintenir l'exécution des loix ou régle
1
( -197 )
mens pofitifs , comme i le moindre bon
fens n'in liquoit point qu'avec une pareille
conduite le royaume feroit une véritable
tour de Babel , où perfonne ne s'entendroit,
& où les loix pofitives fe trouveroient dominées
par les opinions individuelles & les
paffions des Adminiftrateurs. Il faut être
bien certain qu'on parle à des hommes
inattentifs , ou fubjugués par la crainte ,
pour ofer infulter à la religion d'une grande
capitale par de femblables fophifmes.
Quoi qu'il en foit , la Fête- Dicu s'eſt à
peu près paffée comme de coutume , malgré
la pluie continuelle & le mauvais temps
qu'il a fait toute la journée . Il y a eu des
repofeirs , des proceffions , que la Garde
Nationale a accompagnées en armes & en
uniforme. Autli M. Manuel , par un nouveau
placard plus groffier encore que les
précédens , a- t- il cenfué cette conduite des
Soldats de laloi il n'y a rien là d'étonnant de
la part d'un homme qui , comme M. Manuel,,
n'aime ni fa religion , ni fon Roi ; mais ce
qu'il y a d'étonnant , c'eft de voir des hommes '
braves & honnêtes effuyer les fottifes &
coups de fouets de Pierre Manuel , &
regarder comme un triomphe , proclamer
comme une victoire qu'il ne les ait pas ,
fait punir d'avoir ofé témoigner quelque
refpect pour la religion de leurs pères. Tel
eft l'aviliffement des moeurs & du courage
d'une ville corrompue ; tel eft le réſultat
1
3.
( 198 ) )
des principes de fervitude , déguifés fous
le nom des droits du Peuple ; tels font
les effets de l'anarchie des pouvoirs &
de leur réunion dans les mains d'un parti
profon lément adroit.
Pour accroître fa force & donner un
nouveau degré de puiflance à la faction dominante
, un Décret appeile fous les murs
de Paris une armée de 20,000 hommes ;
bientôt on la verra prendre un accroiflement
formidable & fervir aux factieux de
moyen pour ôter à la Capitale le peu d'énergie
qui lui refte dans fon abaiffement. Et ne
croyez point qu'aucun effort généreux ,
qu'aucune démarche libre aille au devant
de ce nouveau genre de domination , trèsadroitement
combiné . Quand un peuple
s'eft une fois précipité fous le joug de
Maîtres fanatiques & ambitieux , fon aveu
glement devient tel que rien ne l'en peut
retirer que des évènemens orageux & après
des excès qui lui rendent enfin la tyrannie
infupportable : mais c'eft fur- tout quand:
on parvient à lui perfuader qu'il eft libre &
que fes maux ne font que palfagers ou feulement
l'ouvrage des protecteurs qu'il a
choifis , que ce même peuple s'obtine à .
endurer tous les opprobres de la fervitude
avant de jetter un regard fur fa fituation
déplorable.
Ne voit - on pas d'ailleurs qu'à raisonner
dans les principes dela Conftituion actuelle,
( 199 )
ce camp, ce raffeniblement armé , eft une attiste
portée à l'indépendance des deux por ...
voirs conftitués :L'Affemblée ne peut- elle pas
s'en fervir pour arracher du Prince tout ce
qu'elle voudra, pour le foumettre avec plus
de facilité encore à fa volonté abfolue ;
comme il feroit poffible qu'avec de l'ait
& de la combinaifon , un Monarque plus
entreprenant que Louis XVI , s'en fervit par
la corruption contre les Décrets de l'Af
femblée n ême ? Que peut- il donc réfulter
de cet armement arbitraire , finon de la défiance
, de la crainte , & peut- être une guerre
civile entre la Capitale qu'on veut contenir
& les Gardes des Départemens que l'on
femble oppofer à la Garde nationale & à la
Bourgeoffie de Paris ?
Pour répondre à ces réclamations juftes ,
à ces plaintes contre un moyen d'oppreflion ,
l'on affecte de publier que c'eft l'ariftocratie
feule , les partifans des deux Chambres qui
répandent ,des doutes fur les vues , & les
motifs de l'armée confédérée ; l'on égare
le peuple en lui montrant le foutien de fa.
caufe dans la deftruction de la liberté publique
& la captivité du Prince : on traite
d'ennemi du bien public , d'émigré , quiconque
ofe élever la voix contre une aufli
dangereufe confufion des pouvoirs politiques.
Cette tactique a trop long- temps
réuffi pour qu'on puiffe efpérer de deffiller
yeux de la multitude , ardente à perfécu- les
}
( 22 ) '
d
te: au prix mên e de fon bonheur & de
la liberté.
"
Au rette , il ne faut pas fe le diffimuler ,
cette invation d'autorité eft une conféquence :
des manoeuvres dont nous fommes les ftu- ,
pides témoins depuis trois mois . Une trame
infernale eft ourdie contre le Prince &
fur-tout contre fa malheureufe époufe ; l'indifférence
des Princes de la Maiton de Bourbon
, la nullité du Roi , l'imbécilité, la délunion
des Royaliftes , féloignement des ſecours
étrangers , l'audace des factieux , l'in- .
confequence, les petites paffions des Conftitutionnels
, les arts de la tyrannie réunis dans
des mains dignes de les diriger , ne peuvent
qu'infpiter Peffroi & faire preflentir l'affreute
cataft ophe que l'on médite.
Ce font fans doute ces difpofitions
atroces qui infpirent aux étrangers une fi
grande haine de la révolution Françoife &
confeillent à chacun de nos voifins de s'en :
garantir comme d'une contagion défaftreute.
Voici ce qu'on nous écrit de Berne à
cet éga.d.
Extrait d'une lettre de Berne le 3 Juin.
« Le Roi de Sardaigne avoit le 30 Mui , 15
mille hommes effectifs en Savoie dans les deux
princi, aux cantonnemens , à Chambéry & près
de Genève . Ce nombre fera porté à 20 mille.
Le 13 Mai huit mille Autrichiens fous les ordres
du Général Strafoldo font partis du Mantouan
& du Milanois pour le Piémont , avec 24 pièces
de canon ce font les régimens de Caprara ,
( 201 )
-
de Belgiojefo ; quelques bataillons cholfis de gan
nifon , de la Cavalerie , & des Artilleurs . Le
Roi de Sardaigne a encore un corps de 6 m lle
hommes à Nice & aux environs . Le Prince
ni fon pays n'ont aucune inquiétude quelconque ;
la Savoie eft parfaitement tranquille ; aucun germe
d'infurrection ; tous les payfans font dévoués au
Souverain. Les François ont femé par- tout une
telle horreur , qu'on a peur aujourd'hui généra-
Iment de leur Révolution comme de la pefte.
L'armée Piémontoife eft très animée contre vcs
Gardes Nationales . Ces mefures font maintenant
purement défenfives . Je doute fort qu'elles le
foit dans un mois . On a affen bé quelques
régimens à Grenoble , où liègne parmi eux le ,
même défordre que par- tout ailleurs . Les Chaf
furs de Franche- Comté ont été obligés de quitter-
Grenoble par la violence du Club qui les accufaient
d'incivifme ; M. de Montefquiou commande
ce petit corps infubordonné .
Fort peu
de forces dans le Bugey , & 500 Gardes Nationales
dans le pays de Gex qui fera pis d'un
tour de main , fi les Piémontois paffent le Rhône.
Cela arrivera , je crois , dans peu , & alors le
Roi de Sardaigne & les Shiffes feront maîtres
de routes les gorges de la vallée du Jac Léman .
La D.ère Helvétique s'eft ajournée , en tenant les
délibérations fecrettes . Les ordies font donnés
par - tour ; les fignaux préparés ; en 24 heures
80 mille Suiffes peuvent être fous les armes . Le
premier plan eft celui de la neutra'ité armée :
tous les alliés du Corps Helvétique y ont accédé .:
L'Angleterre a envoyé à la Diète Milord Robert
Fitz -Gerald en qualité d'Envoyé Extraordinaire ,
& le Roi de Sardaigne M. de Varax. Les
François ne tiendront pas longtemps dans le
--
1
( 202 )
pays de Porentru , où ils font détefté . Tout ce
que vous lifez fur la prétendue allégreffe des
h bitans eft de la p'us indigne fauffeté . »
ce Je viens d'apprendre 1 : s nouvelles (cè es de
la Capitale , & je fuis dans une vive inquiétude . :
Il ne reste plus perfonne dans Etranger à la
fublime Révolution & à la fainte Conftitution .
Les François , malheureufement , fout horreur
& pitié à toutes les claffes de Citoyens.
לכ
Pour donner un échantillon du ftyle
civique de nos journaux patriotes , nous
rapporterons le récit qu'un d'eux fait de.
la mort du Prince - Evêque de Liége. Voici
comme cet énergumène s'exprime :
« Le Ciel vient encore de frapper une tête
de tyran , le petit Prince , le vieux defpote ,h
l'indigne Evêque de Lège , vient de rendre à la
nature fa vilaine ame. Il eft mort le 4 Juin à
hait heures & demie du foir , &c. ». C'est d'un
pareil ftyle que la mort de l'Empereur , du Roi
de Suède , a été annoncée ; ' c'eft d'une `m.niè e
auffi indécente que celle du Duc de Sadermanie ,
de l'Impératrice de Ruffie , du Roi de Honge
actuel , eft de temps en temps proclamée dansi
nos carrefours , & confignée dans nos feuilles
publiques .
Le Municipal Manuel , l'objet de la
haine & du mépris public , malgré
fa toute puiffance & la popularité
·
menacé plufieurs Curés de Paris , a même ,
conftitutionnels ) , de les traduire devant
les Tribunaux , parce qu'ils avoient
fait des Proceffions fuivant le rite Cathc-,
lique ; il a également vivement réprimandé !
( 203 )
les garde nationales , ainfi que nous l'avons
dit , & lâ né la Bourgeoilie de Paris d'a
voir , contre la volonté , tendu le jour de la
Fète - Dieu. Rien n'égale l'impudence de
cette conduite que la patience vraiment
miraculeufe avec laquelle on la fupporte.-
Le Roi a eule courage de ne point fanctionner
le Décret qui prononçoit la déportation
contre les Prêtres Catholiques Romains.
Ceft beaucoup de hardieffe à lui ; mais il
aime fa Religion , & de tous les devoirs
qu'il a contractés à fon Sacre , c'est le feul
que la rage de fes ennemis ne foit pas parvenue
à lui faire facrifier à leur ambition
audacieufe & paffagère . On efpère qu'il
ne fanctionnera pas non plus le Décret
fur le raffemblement armé près de Paris.
C'est le moyen d'éviter une guerre civile.
M. Bofcary a fait banqueroute ; il eft
remplacé à l'Affemblée par M. Dufaulx ,
de l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres , Auteur d'un bon ouvrage intitulé
de la Paffion du Jeu , dédié à MONSIEUR ,
frère du Roi , imprimé en 1779. M. Dufaulx
eft un Révolutionnaire des plus inconféquens
& des plus fougueux. Il a fait un
Ouvrage amphatique , intitulé l'Hiftoire de la
prife de la Bastille , publié avec affectation
au moment de la Confédération militaire
de 1790. M. de Biron a , dit- on ,
quitté Valenciennes pour aller commander
l'armée du Rhin à la place de M. Luckner.
( 204 )
Quatre bataillons des Volontaires , plufieois
régimens d'Infanterie & deux de Cavalerie , en
sout fx mille hommes , ont paffé le 8 à Valenciennes
, venant du camp de Maubeuge , & ceuxci
ont éé remplacés par plus de dix - huit mille
hommes fous les ordres de M. la Fayette, Le
même jour , à 5 hentes , le Maréchal Luckner a
Paffé la revue générale du camp de Famars , qui
a été levé le 9 en grande partie . Toute l'artillerie
.eft en avant ; on a donné deux pièces de canon
à chaque Compagnie de Grenadiers . Le mouvement
des troupes eft extraordinaire . Il paroît
que le projet eft de réunir les deux armées pour
agt de concert fur Mons , & l'on s'attend à
qelqu'évènement important .
D'après le recenfement des troupes qui compofent
les armées du Nord , du centre & du
Rhin , il réfute que la première a $ 3,000 hommes
, dont 46 bataillons de ligne , 30 bataillons
de Volontaires & 46 efcadrons ; la feconde
63,000 homines , dunt 48 bataillons de ligne ,
41 de Volontaires & 27 efcadrons ; l'armée du
Rhin 50,000 hommes , dont 36 bataillons de
ligne , 34 bataillons de Volontaires & 64 efcadrors.
-
M. Moris , nouveau Miniftre Plénipotentiaire
des Etats Unis d'Amérique , a
été préfenté la femaine dernière au Roi.
M. d'Orléans qui étoit allé à l'armée
du Nord en eft revenu , il paroît que fa
perfonne n'y a pas produit l'effet qu'il
attendoit. M. Raderer y eft auffi allé depuis
qu'y faire ? Il a dû revenir dans la
femaine. Le Roi vient de retirer le porte
feuille à M. Servan , Miniftre de la guerre.
-
1
jusy not supe
1
MERCURE
HISTORIQUE
ET
ixpor
• POLITIQUE
zud hulub 18 asris W zob, nelle glib el é
stlere strigonyra , ob ing moniados nỮ
zelaiarPhOLOGNEoq y'a
snil riosad omlinstieg slotsjer eup
De Varsovie , le 30 Mai 1792 . 17921952
& up) 799ionshA
CONTRE l'efprit des Révolutionnaires
François , la Bologne fortifie le pouvoir
royal à mesure que les dangers menacent
la nouvelle Conftitution: L'on fent ici que
des décretsi ne font rien quand celui qui
doit les faire exécuters veiller à l'ordre pu
blic , à la sûreté des individus , ne jouit
point d'une confiance inaltérable & d'une
autorité parfaite . Ce moyen peutfeulac
racher la Pologne aux maux qui gavagent
la France , balancer des efuccèssréventuels
des forces étrangères , prévenir les fuites
dangerelifes, d'une confédérations fous la
protection de la Ruffie , & donner aux élans
patriotiques une tenue véritablement utile.
Nº. 25. 23 Juin 1792.
K
( 206 )
Nos affaires , au refte , que l'on veut
comparer à celles de France , préfentent und
fionomie bien différente. La , on a
profcrit la Nobleffe , affoibli le pouvoir
royal , donné aux corps populaires une
force de fouveraineté anarchique , ici , la
Nobleffe eft déclarée faire une partie effentielle
de l'ordre public , le Prince eft revêtu
d'une puiffance abfolue , les villes n'ont
ni canons , ni troupes , ni Gardes civiques
à la difpofition des Maires & des Factieux.
Un acharnement de philofophifme exalté
n'y pourfuit point, les inftitutions fociales
que rejette le puritanisme françois . Une
faute cependant que nous avons faite ,
& cette faute eft celle de toutes les grandes
Affemblées qui adminiftrent , comme l'a
fait la confédération doublée de 1791 ,
c'est d'avoir trop peu fait de cas des traités
avec l'étranger , de alavoir ménagé en rien
la Cour de Ruffie , garante , par un traité
pofitif, de Lancienne Conftitution, & d'a,
voir encore fur l'apperçu de quelques projets
françois , décrété la ruine d'une multitude
de familles par la vente des Starofties ,
lorfqu'avec des moyens lents , mais sûrs ,
on eût pu, comme l'Angleterre , éteindre
la dette nationale , & confolider le crédit
publiceol ineb6
Cleft dono cette imprudence , & les fuitės
qui en découlent néceffairement , qui met
tant la Pologne dans l'état d'inquiétude
( 2017 ))
où elle fe trouve aujourd'hui , état qui fes
role encore un smalheur , quand de brif
lans fuccès , achetés au prix du fang Polonoisonous
mettroient à portée de mainte
nit avec rigueur des loix propofées , mifes
ene¶édation , en moins de temps qu'on en
exige pour organiſer Fadminiſtration d'ane
Yetip of dies
paroiffe.
Un autre défaut des grandes Affemblees
joc eft de foutenir avec hauteur ce
qu'elles ont décidé avec imprudence , parce
que anlourpropfe d'un Corps collectif n'é
tang coafonu par ta refponfabilité d'aucun
de ifesiMembres eft nature qui iflette
* la શ éericafourage intele de
paſſions ! que rien ne réprime au milieu de
Jeur impétuofnér eft encore ce qu'offre
da Diète dans ce moient , malgré le dif
cours du Roi flou la circonfpection & les
égard dus à des voiſins puiflans fe reproidaily
fous plufieurs traits , les réfolutions
les plus emphatiques font celles qui vont
y
de plus de Tuccès.
3
Ce qui doir infpiter le plus d'inquié
tuds eft la formation de la confédération
dont nous avons parlé plus haut. Cette
diviſion feroit d'autant plus funefte que
cette forte de Diète appuyée des armes de
da Ruffie argumenteroit de ancienne 'conf
aitation , que la Drète de 1991 n'avolt point
andat de détruire , que les mécontens
K 2
( -208
1
donneroient à leurs plaintes une forme
régulière par les délibérations de cette
Affemblée , qu'un grand nombre retenus
par la crainte ou l'incertitude s'y réuniroient ,
ce qui joint à da corruption des partis ,
aux influences étrangères , pourroit plonger
l'Etat dans une anarchie dont rien ne
pourroit le faire fortir de long- temps.
On avoit paru efpérer quelque chofe
de la Porte- Ottomane. On penfojt que
cette Cour irritée des derniers évènemens
& fâchée de fa dernière paix avec la Ruffic
favoriferoit les efforts de la Pologne pour
le maintien de fa nouvelle Conftitution .
Mais on apperçoit aujourd'hui que cet
efpoir eft chimérique , & que la Porte
occupée de fon Gouvernement intérieur ,
fatiguée d'une longue guerre , a befoin de
repos , & que d'ailleurs la forme de fon
Gouvernement doit naturellement la porter
à s'oppofer aux progrès des principes qui
pourroient l'ébranler .
La garantie de la Pruffe raffure davantage
; cette Puiffance veut Thorn &
Dantzick ; à ce prix, peut être feroit -elle
quelque chofe pour nous ; mais il eft douteux
que la Ruffie fe foit déterminée à
nous déclarer la guerre fans en avoir prévenu
fon alliée , il eft poffible même que
Thorn & Dantzick aient été promis à la
Pruffe par la Ruffie , pour prix de fa neur
209 )
tralité. L'abandon de la part de la Pruffe eft
encore rendu probable par la guerre où elle
fe trouve entraînée avec l'Empire & pour
FEmpire , contre les progrès de l'anarchie
& l'invafion des François fur le territoire
Impérial & Autrichien.
C'est au milieu de ces embarras , & pour
fe mettre en mefure d'en prévenir les fuites,
que la Diete a dans fa féance du 22 Mai
arrêté les articles fuivans.
hr
allurer
,
Le Roi jouira du pouvoir le plus
étendu durant tout
le cours de la guerre
actuelle. Il difpofera des opération à faire ,
portera les troupes par- tout où le befoin
Fexigera , remplacera les Officiers fans Pintervention
de la commiffion de guerre,
prendra enfin toutes les mefures convena
Bles foit la défenfe extérieure ,
foit le maintien de la tranquillité intérieure
du pays ; 2. on met à la difpofition du
Koi fix millions pour les dépenfes fecrettes
& pour récompenfer des fervices rendus
3. le Roi pourra créer une nouvelle dif
finction uniquement militaire deſtinée à
décorer ceux qu'il jugera s'en être rendus
dignes par leurs
es actions.
Lefprit public , fur lequel on ne doit
compter qu'avecimodération dans les momens
de fciffions politiques , paroît feconder
ces meſures de la Diète , on fait des
dons patriotiques on montre de l'empreffenient
à repouffer l'ennemi . Le Prince
K 3
Radziwill as dit- on , donné quarante pièces
de canons ; d'autres Palatins ouvrent leurs
arfenaux ; on a pris aufli des mesures pour
acheter des armes chez l'étranger. On dit
l'armée de 7,000 hommes dans ce moment,
& l'on preffe le recrutement pour la porter
au complet de 100,000 .
A tout cela la Rullie oppofe un corps de
oupes agueries que l'on dit devoir être
porteà 60,000 hommes; déjà le territoire Po
longis eft occupé par plus de 39,000 Ruffes
divifés en plufieurs colonnes qui marchent
par Dunabourg, Nowogorod , Polok &
Totocin en Lithuanie; par Saroka, &
Bata en Ukraine , & par Mohilow du
côté de ce fleuve.
L'armée Polonolfe, du Prince Jofeph Poniatousk
selt retirée dans le pays, à Vinifca fur le Bogs fon
lofophPoniatouse
avant-garde eft relteca Tulézin , pour obferver les
maroeuvres des Ruffes . Il n'y a encore ed qu'une
légère fufillade entre nos troupes & les Railes
lorfque ceux-ci ont paffé le Nicfter. L'armée
de Lithuanie , qui n'eft point encore formée ,
doit s'affembler vers Kiow. Les Etats ont
verski --- Les
accordé deux millions au Roi pour les frais de la
guerre Le contingent
troupes
porté dans
des
le Traité d'Alliance avec la Pruffe dit être incaffamment
réclamé. Le projet de réponse à
L'Impératrice a été arrêté à la Dière le 29. On y
a également décidé de faire une adreffe à la Nation
Polanoife , mefure exaltatoire & fufceptible,
d'autant de mal , pour le moins , que d'utilité,
éelle .
1
ALLEMAGNE.
De Vienne , te 2 Juin 1792.
Le Roi eft parti , le 31 Mai , pour Bude,
Sa Majesté étoit accompagnée de la Reine ,
du Grand-Duc de Tofcane & de l'Archiduc
Jofeph. Si- tôt après fon Couronnement à
Bude , le Roi reviendra ici pour fe rendre
à Francfort. Avant fon départ , il avoit
remis au Prince de Kaunitz les pouvoirs
d'adminiſtration néceffaires, Le Grand-Duc
de Tofcane s'étoit également abouché avec
ce Miniftre fur les mefures à prendre dans
les circonstances , relativement à la neutralité
de la Tofcane & à la sûreté de la navigation
dans le Port de Livourne.
L'on a beaucoup exagéré dans quelques
Gazettes une efcarmouche qui a eu lieu il
y a quelque temps entre deux Corps de
troupes fur les frontières de la Bofnie &
de la Croatie ; cet évènement , qui n'a point
eu de fuite , n'en a pas moins fait hater la
démarcation de ces deux Etats ; les Commiffaires
refpectifs de Vienne & de la Porte.
en ont commencé l'opération , afin de prévenir
de femblables évènemens .. !
Avant fon départ , le Grand Duc de Toscane
avoit reçu l'avis qu'une frégate Françoife arrivée
à Livourne y avoit occafionné du défordre .
L'équipage s'étoit conduit d'une manière fort in-
K4
décente ; il avoit infulté dans la ville plufieurs
Eccléfiaftiques & quelques femmest On a également
appris de Turin que le bruit s'y étoit
répandu qu'on y avoitdécouvert un complot.contre
la vie du Roi de Sardaigne , qu'un François avoit
été arrêté ainfi qu'an Cu.finier du Roi , & que ce-
Jui- ci dans un interrogatoire avoit avoué qu'on
avoit cherché à l'engager à emp, ionner le Roi.
La Nation Hongroife a offert à Sa Majesté
25 millions de foins pour foutenir la guerre.
Quelques bataillons de Croates ont reçu l'ordre
de remplacer le Corps de troupes qui fe rend
du Milancis dans le Piemont. Les Cuirafflers
de Notziz ort paffe par Vienne le 31 Mai Four
fe rendre dans les Pay -Bas. On apprend de
Hanau que 900 hommes de tronpes Hongroites
ont paflé par cette ville pour le rendre dans les
environs de Cologne . Le 26 du mois dernier
, le bataillon Colonel du régiment de Stuart
eft arrivé à Egra ; il le rend fur les frontières
de France ainfi que les bataillons de Holenlohe,
de Settach , &c. O mande de la Hongrie
que le Colonel Michalowich y lève un Corps
de Volontaires de 10,000 hommes ; qu'une grande
partie en eft déjà équipée & drefiée , & qu'il eft
diftiné à fervir fur les bords du Rhin . Los
troupes que Sa Majefté donne au Roi de Sar-
--
à fa folde
Sa Majefte Sade ne fournira que les vivres &
les foufrages . Tous les régimens de Haffards
& de Chevaux I -gers out ordre de fe rendre
dans les Pays - Bas.
daigne comme auxiliaires ,
ret les viviCS &
De Berlin , les Juin.
Il eft faux qu'il règne une divifion à la
( 213 )
Cour relativement aux affaires de France ;
celles de Pologne ne changeront rien non
plus aux difpofitions faites. Avant qu'on
les commençât on connoiffoit l'inten
tion de la Cour de Pétersbourg , & le
Corps de troupes que doit commander
le Général Mollendorf fur les frontières
qui avoifinent la Pologne , n'a d'objet que
la sûreté des Etats de Sa Majefté. On fait
aufli que le defir du Roi feroit que la
Pologne s'arrangeât avec la Ruffic , &
prévint une guerre qui ne pourroit qu'être
fâcheufe dans l'état actuel de l'Europe.
Le Roi eft parti le 2 pour aller faire la
revue des régimens en Pomeranie. Le Prince
Royal s'y eft auffi rendu. Le lendemain le
régiment de Huffards d'Eben a déposé les
timbales à l'Arfenal , ufage qu'il pratique
lorfqu'il fe met en marche pour entrer en
compagne , le 3 , ileft parti pour Coblentz ,
ayant a la tête fon Chef , le Prince Louis
de Pruffe. Le même jour une divifion de
l'artillerie à cheval s'eft miſe en route pour
la même deftination.
De Francfort-fur- le-Mein , le 9 Juin.
La troisième colonne des troupes Pruffiennes
qui fe rendent vers le Rhin , doit
fe mettre en marche aujourd'hui & arriver
le 30 de ce mois entre Minden & Fritgar.
Cinq bâtimens ayant à bord des troupes
Hongroifes ont paffé le 4 près de cette
KS.
- Le
ville pour fe rendre dans les Pays-Bas.
Cercle de Souabe a arrêté d'accéder à
l'affociation des Cercles , mais il a déclaté
queaffociation
ne
pourra
prendre
་
que des mefares préparatoires , & qu'il·
falloit attendre un Conclufum de l'Empire
pour agir Hoftilement contre la France. "
C'eft ce Cercle qui mettra des garnifons à
Kehl , Offenbourg & autres endroits voffins."
-Ii fe confirme que le Maréchal Bender
a reçu l'inftruction de confentirà un armiftice
de quatre ou de fix femaines , fi toutefois
il étoit demandé. Suivant le
même rapport , la guerre offenfive ne
pourra avoir lieu que lorfque toutes les
troupes feront rendues à leur déftination.'
On a fure que les François émigrés ont
enfin obtenu la permiffion du Roi de Hongrie
d'agir en Corps d'armée , mais à condition
de fuivre abfolument le plan d'opé
rations de fes armées , & de fe foumettre
au commandement de fes Généraux . Les
lettres requifitoriales pour le paffage de'
29,030 hommes de troupes Autrichiennes
ont été notifiées à Ratisbonne & aux en
virons . Quatre bataillons pafferont le 28
de ce mois par Ratisbonne.
"
PAY SOBA SE
and b {33SO 17་
De Bruxelles le 14 Juin. "
L'inauguration de Sa Majefté a eu
( 215 )
fieu le 12 ici , fuivant les cérémonies
d'ufage. Il paroît que les François inftruits
de cet évènement avoient penfé
qu'ils pourroient en profiter pour entrer
dans le pays & fe porter fur quelque ville
après avoir effectué la réunion des armées
de Luckner & la Fayette dans les plaines
entre Mons , Valenciennes & Maubeuge.
Mais le Commandant général de nos
troupes , le Duc de Saxe- Tefchen & l'Archiduc
Charles, avertis à temps de ce mouvement
, fe font portés avec un Corps de
troupes de 9 mille hommes fur l'avant garde
de l'armée Françoife de M. de la Fayette
qu'ils ont atteinte à une lieue & demie de
Maubeuge , où le combat s'eft engagé par
une canonnade très vive de part & d'autre.
Le Corps d'armée Françoife a été obligé
de fe replier fous le caron de Maubeuge ,
après avoir laiſſé , dit on , 300 morts fur la
place, entr'autres , le Général Gouvion & tos
autres Officiers qui ont été tués a l'entrée
d'un village nommé la Grifnelle . Voici
ce que le Gouvernement a fait publier
dans un fupplément à la Gazette des Pays-
Bas fur cet évènement , fous la
d'extrait d'une lettre de Mons , en date
du 11 .
que
V « Nous avons attaqué , ce matin , le corps
commandé par M. de Gouvion , que M. de la
Fayette avoit pofté en avant de Maubeuge du
côté de Betigny , Bereilly , Marcieux & la Grif-
16
( 216 )
nelle, Nous l'avons délogé de fon camp & des
batteries qu'il y avoit conftruites , & challe julqrà
Maubeuge , tandis que le reste de l'armée
de la Fayette n'a pas bougé de celui dans lequel
cile eft retranchée derrière cette place . Nous
avons pris quelques tentes , un caiffon de muni
ions & un magafin de fourrage à l'ennemi ,
& nous avons fait prifonniers un Officier &
quelques Soldats. Le Maréchal-de- camp Gouvion
atéte tué à l'entrée du village de la G ifnelle.
Dès que les rapports ultérieurs qué nous attendons
fur cette affiire nous feront parvenus
nous nous emprefferons de les communiquer au
public. L'inauguration d'ici a été célebrée au
fon des trompettes de la victoire. »
Le Général Bender eft définitivement
nommé Gouverneur du Luxembourg ; il
y avoit commandé pendant la dernière
ipfurrection du Brabant. Le Général Clair
fayt le remplace dans le commandement
général des troupes aux Pays Bas. - Les
Etats de Brabant ont été de nouveau affem .
blés pour l'affaire des fubfides ; le Tiers Etat
y veut toujours mettre une condition qui
doit paroître d'autant plus contraire aux
formes ordinaires que les conftitutions du
pays n'autorifent un ou plufieurs Ordres
des Etats à refufer les fubfides, que lorsqu'ils
font injuftement demandés ou trop au deffus
des facultés des Habitans , &jamais રàે y
mettre des conditions puifées dans les évè
nemens ou dans les matières de Gouver
nement politique. Aujourd'hui le Frers(
217 )
Etat exige pour condition le rappel de cinq
Confeilters exilés , l'abolition de la Loi
Martiale ; objets qui font abfolument du
domaine de la grande police de l'Etat , &
ne peuvent jamais , fans confufion de pou
voirs , être invoqués pour un refus de fubfides
, puifqu'il n'en peut rien réfulter qui
les rendent plus ou moins légitinies . Au
refte , on efpère que ces tracafferies , qui
tiennent à un refte d'efprit d'infurrection ,
fomenté par l'étranger en grande partie ,
difparoîtront après le Couronnement de Sa
Majefté, en qualité d'Empereur des Roinains
.
On mande d'Amfterdam que les inquiétudes
qu'on y avoit fur le fort des établiffemers
Hollandois dans l'ifle de Ceylar ,
où l'on avoit annoncé, il y a quelque temps,
une infurrection , viennent d'être diffipées
par une lettre reçue dernièrement : elle porte
que par les foins du Gouverneur de la Colonie
M. Van Graaff, & par fa difcipline
& le courage des troupes & fur tout du
régiment Suiffe de Muron , l'on étoit parvenu
à tenir en échec trois armées de Chi
gulais peuple ennemi des Hollandois, & que
la faifon des pluies les avoit forcé de ran
trer chez eux. L'on a reçu à Ceylan des fecours
du Cap de Bonne Efpérance & de
Batavia , & l'on efpéroit renouveller avec
le Roi de Candie les Traités & PAlliance
218
qui fubfiftent depuis long- temps entre lui
& la République.
Le Prince Stathouder met une grande
activité aux préparatifs militaires que les
circonftances commandent : fes liaifons
avec la Cour de Pruffe , l'influence de Madame
la Princeffe fon épouse & des motifs
de sûreté pour l'Europe paroiffent pouffer la
République à fe joindre à la réunion des
forces combinées contre la France ; la Province
de Hollande feule femble ne pas
montrer le même fentiment que les autres
à cet égard ; mais l'on a lieu de croire qu'elle
en fuivra l'exemple.
FRANCE.
De Paris , le 20 Juin 1792.
b 313h 10JINSIY
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du dimanche , 10 juin.
1
Des citoyens de deux ou trois fections de Paris
témoignent leur fatisfaction du décret relatif aux
20,000 fédérés (grands applaudiffemens ) . M. Santetre
, les hommes à piques & quelques gardes
nationales du fauxbourg St. Antoine , félicitent
Affemblée fur ce décret . Orateur de la députa
tion , M. Santerre a dit « Les esclaves ne s'affemblent
jamais que pour rendre de honteux hom
་ ་ ་་་
ל כ
1
mages à des affaffins couronnés ; les hommes libres
fe réuniffent pour referrer les doux liens de la
fraternité fociale , » Après diverfes harangues , ces
députés & d'autres , hommes & femmes , ont
eu les honneurs de la féance . L'Affèmblée a dé³
crété que le 6 régiment de dragons eft honerabiement
acquitté ; & il a été fait mention de la
conduite louable de M. Duval , le colonel ,
comme du trait oratoire des affaffins couronnés da
braffeur M. Santerre .
•
Quelques détachemens de troupes de ligne de
Paris & leur général, M. Wittincoff, ont reçu la
faveur de défiler devant l'Affemblée nationale au
bruit de les applaudiffemens , des tambours & de
l'air ça ira ; fpectacle vraiment légiflatif , propre
à convaincre que le Roi eft le chef fuprême de
l'armée .
* Six pétitionnaires ayant pour orateur M. Vaf-!
felin , ont demandé , à la barre , un décret d'ac
cufation contre le miniftie de la guerre , comme
s'étant rendu l'inftrument d'une faction en calome
niant la garde nationale de Paris. M. gniaud
a accufé M. Vaffetin de demander à l'Affemblée
un' decret contre elle- même , & de calomnier
tous les patriotes de la France ( on n'a pas oublique
M Vergniaud appelloit Jourdan patriote ,
martyr de la liberté ) . Il a uié vengeance au nom
de la loi , & a refuté les honneurs de la féance
aux pétitionnaires en difant qu'on te les accordo
jamais aux dénonciateurs, Quelle affertion ! M.
Dumolard s'eft cru difpenfé de tout commentaire.
en lui rappellant qu'on y avoit adais es galériens
de Châteauviera. M. Mo tut vouloit que l
procès- verbal porât que M. Pofflin , qui ve
Hoit de fortir , avoit été chaffe ; on n'a pas adopte
220 )
cette rédaction , & a un long vacarme eft réfulté
ce confidérant de M. Vergniaud.
- L'Aflemblée nationale , pleine de confiance
en la garde nationale Parifienne , voulant venger,
L'injure qui lui a été faite ainfi qu'aux gardes nationales
des 83 départemens , qui ne font qu'un
avec celle de Paris ; confidérant que qe ne peut
être que par l'effet de maneuvres coupables &
d'intrigues crimi selles qu'on eft parvenu à égarer
l'opinion de quelques citoyens ; qu'il importe à la
tranquillité publique d'en connere , les auteurs ,
r.nvoie la petition qui lui a été luc aux comités
de légiflation & de turveillance réunis , pour être
fait le plus promptement poffible, un rapport fur
cette affure
190
Plufieurs gardes nationaux de Paris , ont apporté
1a pérition dénoncée fouferite de 8,000 fignatures
feulement pour ne pas trop tarder. Ils accufoient
le miniftre de la guerre de calomnie ; afluroient
que les factieux qui parloient tant de buigand -raignoient
encore plus la ga de nationale Parifione,
dont le courage,n'étoit affoibli , & gymapdoient
le rapport du décret fur les 22,000 hommes.
M. Vergniaud a préte du que les fignatures,
avoient été mendiées . On a renvoyé la pention aux
comités de lég flation & de furveillance, & le pré
fident a invité la députation aux honneurs de la
féance qu'un bruyant orage a terminée.
. Du lundi , 11 juin ,
94
... Zip i
Les, adminiftrateurs du département du Gard
abnoncent que la pefte eft manifeftée à Tunis
& qu'on a pris à Marseille & à Toulon toutes les
melures pour empêcher qu'elle ne feit apportée en
France .
( 221 )
Il pleut à la baire & à la tribune des adreffes ,
pétitions & dénonciations individuelles contre
l'adrefle des 8,000 gardes nationales de Paris ,
& contre des imprimés qui circulent , où l'on ac
cufe les factieux du projet d'enlever le Roi pour
s'en faire un ôtage. On lit auffi des rétractations
de fignatures prétendues furprifes. Tout eft ienvoyé
aux comités de furseillance & de légiflation
réunis , a bruit des battemens de mains des galeries
& d'une partie de l'Affemblée.
Voici la fubftance de deux décrets › rendus ?
1º. l'armée du midi auia un payeur- général & un
Font:ôleur des dépenfes , nommés par la tiélore-
Hie nationale conformément au décret du 27 avril
denis ; 2 ° . le Roi donnera fes oidies pour le
remplacenient de tous les emplois vacans dans le
régiment d'artillerie des colonies. La place d'infpecteur
général ne fera remplie qu'après l'organi
fation définitive . Les officiers rouleront , pour leur
avancement , fur la totalité du régiment , & les
fous-officiers fur la totalité des compagnies réunies
dans le même département. Ceux qui morteront à
des grades vacans antérieurement au premier avril
1792 , feront cenfès avoir été pourvus à ladite
époque ; les autres dateront de la vacance.
22 ,
Des citoyens domiciliés dans l'étendue du bataillon
de Saint- Laurent » de Paris , au nombre de
font venus défavouer la pétition des 8,000
&-dénoncer M. Guyon, adjudant- général , comme
l'ayant diftribuée à l'ordre . Le préſident les a invités
aux honneurs de la féance , peut- être pour confirmer
l'affertion pofitive du veridique M. Vergniaud
que « jamais on ne les accordoit à des dénonciateurs
»,
*
M. Roland a repréfenté que les 12 millions def
timés à fecourir les départemens , étant épuilés , lé
( 222 )
Roi n'avoit pu fanctionner le décret qui ordonne
au miniftrede prendre far cette fomme dépensée
lest:100,000 liv. décernées au département de
FAifne. Un, nouveau décret a mis les 100,000 1 .
à la difpofition du miniftre. -- Tout le refte n'a
éré lu que pour être renvoyé , imprimé , ajourné.
Du lundi , féance dufoir.
Nouvelles dénonciations de fignatures furprifes
à des femmes , à des enfans , pour composer les
8,000 ; & mulle preave légale que ces fraudes
foient l'oeuvre du parti qu'on dénigre , & non de
factieux qui récriminent ; rétractations de fignatures
appofées au bas de la pétition de M. Vaffein
qui follicitoit un décret d'acculation contre le
miniſtre auteur du projet d'appeller 20,000 patiores.
Un particulier entreprend , à la barre , de
juftifier les affaffinats d'Aurillac , fe vante d'avoir
apropagé , dans le département du Cantal & les
départemens.circonvoilies , les lumières & le feu
du patriotisme le plus pur » voit par-tout des
cocardes blanches , des croix blanches , des robles
& des prêtres extrus qui égorgent impunément , la
loi qui fommeille , & peing des aristocrates eme
prifonnés , le peuple fe reffaififfant du glaive de
la juftice, les portes des cachots enfoucés , & les
têtes... Une honorable indignation a éclaté dans
l'Affemblée ; ceux qui avoient traité Jourdan &
fes complices de patriotes , de martyrs de la lis
berté , n'ont pas élevé la voix pour réclamer und
amniftie en faveur de cet exécrable civilme que
M. Goffuin a couvert d'une juſte horreur . Le pétitionnaire
n'attend pas qu'on le chaffe , & l'on
applaudit .
Mademoiſelle d'Eon , auffi connue fous le nom
de M. le Chevalier d'Eon , écrit au corps légifla
1
(( 22:3 ))
uf , qu'impatiento de lesjupes, elle about vendu,
n'a gardé que fon uniforme pfes aumes, & les
manufcrits du Maréchal de Vauban , qu'elle brûle
de faire briller fon épée ailleurs qu'aux proceffion's
de Paris , & d'aller à l'armée vaincre ou mourir
Four la Nation , la Loi & le Roi, H fera fais
mention de la lettre renvoyée au comité militaire.
Du mardi , 12 juin.
141
er
Upe lettre de M. de Blanchelande tend compte
des nouveaus malheurs de St. Domingueson la
renvoie au comité, colonial : M. de la Morliere
adreffe à l'Affemblée le rapport des troubles caulés
à Newbrifack par l'arrestation de voitures char
gées d'armes , expoſe que le bataillon de
Ain & le 6. du Jura fe font très-mal conduits
& demande qu'ils foient jugés par des cours mars
tiales , & licenciés , s'il y a lieu , feul moyen de
rétablir la difcipline . Sa lettre la été remife ap
comité militaire comine le Roi d'éveic plus
le chef fuprême de l'armée , comme s'il falloit
une loi pour chaque fait .
2
La minorité rée le parvenue à jouer le rôle
impofant & précaire d'une majorité factice , a
eru devoir encore uſer du puéril; moyen de faire
préfchter à la barre quelques remercîmens pour
Îe décret relatif aux 20,000 hommes , & quelques
rétractations vraies ou fuppolées de fignatures
compromifes dans les 8000 qui follicitoient l'abo
ligion do ce décret ; mefure impolitique & funefte
qui tend à faire dépendre la valeur d'un décret
du plus ou du moins d'individus qui les approuvent
on défapprouvent au gré des clubs. On
a renvoyé la pétition au comité, & les pétitionnaires
ont reçu les honneurs de la féance , vol . 1
M. Clavière mande à l'Affemblée que la caiffe
( 224 )
patriorique de fecours aémis pour 12,569,312 1
de plus que ne l'ordonne le décret du mois dernier
. Sur l'obfervation de M. Cambon , que
票
décret du 3 avril porte que les municipalités feront
dépoler en affignats la valeur des billets émis ,
on eft paffé à l'ordre du jour.
"
Hier au foir M. Delfaux vit un énergumène
monté fur une chaife , & entouré d'un nombreux
auditoire , dans le jardin des Teilèries , à la porte
de l'Affemblée nationale . Le bénévole législateur
fe place à côté de Forateur & l'écoute , du plus
beau fang froid , déclamer avec beaucoup des
véhémence & en montrant le château , un ouvage
intitulé : La chûte de l'idole des François..
Hentend ce furieux parler ainfi du Roi dont la
perfonne eft facrée aux yeux de tour honnêté-i
homme & d'après la conftitution .
see C'est ce moaſtre qui n'employe le pouvoir
qui fui eft confié que pour anéantir la nation.
Nouveau Charles IX il veut, vous armertler
ans contre les autres & porter dans la France
la défolition , les ravages & la mort . Va peifide ,
ton crime envers une nation ferfible &ˆ généstufe
, tel met dans la claffe des plus grands
criminels. Damiens fut moins coupable que toi ;
s'il eût conformé fon crime , il n'eût privé la
fociété que d'un brigand....Et toi , dont l'attentat
eft 25 millirins de fois plus grave , on ve laitle
impudi Maisaremblez , brigands , qui vous
jouez de la volonté du peuple 3 thenre de la
vengeance approche 3 il eft parmi nous des Scé
vola qui faurout braver les tourmens & la mort j
pour la donner à ceux qui nous oppriment..
Puifque le fucceffeur de tant de tyrans a compu
tous les roeuds qui l'atrachoient à nous , foulons
aux pieds ce vain fimulacre de royauté équis a
( 225 )
prétendu anéantir les loix éunanées de la volonté
de. 25 millions d'hommes. Ployer devant un ins
dividu left un crimes & une monftruafité dans
l'ordre focial. Abattons les reftes de la royautéz
écrafons cette idole des François , quien fe fai
faot déclarerminviolable , a cavili la majesté nat
tionale ; réuniffons nos forces , &c..v suot nɔ
M. Dolfaux ,Vandes repréfentans de la nation ,
loin d'élever la voix contre cet infâme promo
teur de carnagel , contre cet exéérable apô:re
falarié du régicide , a fouffert , au contraire
que la présence , fon attention & la retraite pais
fible paruffent donner une forte. d'approbation
tacite à ces horreurs ; & oubliant philofophique→
ment qu'il nagit fujet du Roi malheureux qu'on
Jivre aux affaffins , oubliant qu'il eft Erançois
homme , législateur , inviolable , & que tout
citoyen devient magiftrat lorsque les magiftrats
laiflent de telles fcélérateffes impunies , M. Delfaux
s'eft réservé de raconterraujourd'hui cette
fcène & fa conduite à Affemblée nationale . Il
die qu'il s'eft approché , qu'il a tout écoutés cite
les lorgs paffages que nous venons d'abiéger ,
dont les premiers mots cuffent été les derniers a
la loi eût régné , fi: l'audacieux inftigateur de
meurtre & d'anarchie avoit rencontré un fcul
homme vertueux & libres dans ce grouppé de
vils efclaves ; & il a demandé que M. Pétion
rendît compte des mesures prifes pour éviter c de
parcils abus »... Le même membre a aufli dénoncé
fe garde- du - fceau comme coupable de nepoint s'oppofer
à la circulation de l'ami du peuple, foujileri
cer diaire qui , depuis le décret d'accufation lancé
contre Marat qui la figne , fe répand plus que
jamais dans la capitale , dans les départemens &
dans l'armée , & il en a rappellé ces phraſes
( 226 )
t
Heſt évident que Théobald Dillon eft criminel
Vous verrez cependant que l'Aſſemblée le blan
chira pour donner aux généraux le droit de trahir
en failant punir les régimens patriotes . Dites
enfuite que le Roi , les miniftres & l'Affemblée
nationale me s'entendent pas comme des larron's
en foire..ɔŽ borot sou archilouby ; stenols
"MM. Lafource , Goupilleau, Duxhem & Saladin
ontrinvoqué l'ordre du jour , l'un parce qu'il
avoits des décrets rendus , l'autres parce que
l'Affemblée pour fe tenir, à la hauteur , & c.
ne doit pas s'amufer à des dénonciations de
gazettes M. Mayerne s'eft écrié : « Quel'in
térêt des Mellieurs ont - ils donc à foutenir de
pareils crimes ( grande tumeur ) ? » Male Roi
de Bagneux , à dénoncé un écrit intitulé Tétén
17
prix. On y met à prix la tête du Roi, celles
des généraux & de plufieurs membres de l'Aï»
femblée. Sar la remarque de M. Beugnot que
ces faits n'étoient pas de la compétence de l'Afſemblée
, son a décrété le renvoi au pouvoit
cxécutif , & Pon eft paffé à l'ordre du jour,
fans faire aucune mention de l'inexcusable négli
gence des principaux chefs de la police municipale
qui voient d'un ceil indulgent & cestpami
phlets & ces déclamateurs des carrefours & des
jardins publics ; on a feulement ordonné que lo
garde- du- fceau rendroit compte des moyens employés
pour arrêter l'Ami du Peuple.
DeCe (miniftre eft venu dire qu'il avoit fait tout
fon poffible , fous les loix actuelles ; qu'il avoit
écrit , preffé , exhorté , & c. M. Bigot a repréſenté
que le crime des libelliftes devoit être conftaté
par un juré civil ou criminel , qu'aucune toi n'a
fixéla marché des tribunaux à cet égard , ni prononcé
des peines ; que la conftitution n'y a pas
( 227 )
pourvu, que la légiflation , n'y a point fupplété
M. Bazire n'a furpris perſonue en trouvant que
de femblables loix auffi bien exécutées étoient
très-fuffifantes. On a néanmoins chargé de comité
de légilarion deisten occuper. Mark JA
"
Deux décrets antiftátué : 19% que la fortie de
route sefpèce d'armes & munitions de guerre
demeure prohibée fous peine de faific & depo' !.
d'amende pour chaque arme , full , piſtolet de
poche & d'arçon épée , fabre , couteau de
chaffe, &c ; 2°. que des fufils réparés & marqués
A Narme nationale , feront diftribués cauk
pay fansi des frontières ; 39. qu'il feia attaché aux
fix légions créées par le décret dus 27 ávril derg
nier une nouvelle compagnie de 130 hommes
fous la dénomination fi fimple de volontaires
gardes - nationaux -chaffeurs à cheval » ; qui
s'équiperont à leurs frais recevront 2 francs
de Cupplement de folde pour leur cheval qui leur
appartiendra à la fin de leur fervice s'ils n'aiment
neuxen recevoir alors soo 1. Dès qu'ils feront au
nombre "de 100 , ils élironts entr'eux un préfi
dent , un fecrétaire , trois fcrutateurs , & nom .
meront au fcrutin individget leurs officiers &
fous- officiers , & en donneront avis au miniſtre
de la guerre , c'est - à-dire , au Roi chefſuprême, ;
Du mardi , féance du foir.
Des citoyens & non les citoyens de la fection
du Palais -Royal , font venus recueillir d'hongrables
applaudiflemens à la baire , en y déſapprouvant
la pétition des 8,000 , & en demandant
le licenciement de l'état -major de la garde
nationale de Paris . En vain M. Huantepréfen
toit - il qu'exiger ainfi ce licenciement , fans
228 )
motif ,fans preuves , c'étoit femèr la déforga
nifation done on avoir vu les effets dans les dé .
routes de Mons & de Tournay . La pécition a
été renvoyée aux comités, arc
T
M. Brival avoit . dit , le matin , qu'il venoit
do voir de fes yeux: canbulletins de la même
érriture portanti 3)Mude Girardin à la vice- pré-1
fidence. Les quatre commiffaires nommés pour
examiner ce, fait parmi lesquels étoit M. Cha
bot ) ont déclaré n'avoir tien vu de femblable.
On a ordonné ùn nouveau ſcrutin , & ſur la
dénonciation Ed'un délit aufli grave , réduite à
une èalomuie honteufe par ce dementi , l'on eft
paffé la l'ordre du jour. i wan
2 2
207
Après que plufieurs citoyens & citoyenpes ,
vêtus:& lautres , fe font acquittés de l'honnête
meliage d'improuver la pétition des 8,000 ,
l'Aſſemblée a décrécé d'urgence huit articles que
leur intérêt commun nous obligé de tranferite :
3 ce. L'Aflemblée nationale , après avoir entendu
le rapport de fes comités de l'ordinaire & de l'extraordinaire
des finances , & apès avoir décrété
l'urgence , décrète :
Art. I. Les propriétaires des créances fufcep
tibles d'être données en paiement de domaines nationaux
, qui auront acquis defdits domaines ,
antérieurement à la publication du préfent décret,
continueront de jouir de la faculté qui leur a été
accordée par les précédens décrets : mais cette
facoké ne fera point tranfiniffible ; elle n'exiſtera
que pour les créanciers directs de l'étar , » , z .
- A l'égard des biens dont l'aliénation eft ac
tuellement décrétée , qui feront adjagés pofté
rieurement à ladite époque du premier juiller, ils
ne pourront être payés qu'en affignats ou en numéraire
;
1
( 209 )
métaite ; & alcune claffe de créanciers ne pourra
donner en paiement des reconnoiffances provifoires
ou définitives de, liquidation . » )
II. Les reconnoiffances provifoires de liqui
dation , dont l'emploi n'a pas été fait , & qui font
encore en circulation , continueront d'être admifes:
en paiement des biens nationaux comme par le
paflé ; mais aucun receveur de diftrict ne pourra ,
à peine d'en demeuter refponfable , recevoir au
cune reconnoiffance d'une date poftérieure à la
publication du préfent décret ; & , à l'exceptiona
des affignats ou du numéraire , il ne pourra recevoir
en paiement des biens nationaux que les récé
piffes du tréforier de la caifle de l'extraordinaire
délivrés conformément aux difpofitions de l'article !
fuivant.
III. A l'avenir , les reconnoiffances provi
E.
foires ou définitives de liquidation , ne feront plus
directement admiflibles en paiement de domaines
nationaux ; mais ceux qui auront acquis des domnes
antérieurement au premier juillet 1792 ,
fergat tenus , s'ils veulent donner ces reconnoif
fances en paiement , de les piéfenter, à l'adminif
trateur de la caiffe de l'extraordinaire . Get ad- b
migiftrateur vérifiera fi le propriétaire eft vraiment i
a : quéreur , & quelle eft la fomme par lui due.
à raifon de fes acquifitions. Après cette vérifi
il fera l'emploi de la totalité ou d'une
partie des fommes énoncées dans lefdites reconnoillances
, en délivrant à l'acquéreur des mane >1
dats fur le tréforier de la caille de l'extraordiopu
naite , dont le récépiffé fera pris pour comptantail.
par les receveurs du diftrict où les biens feront
fitués . " 20.944 ek
« IV Auffi - tôt qu'il aura été fait emploi de
la totalité ou d'une partie des fommes : mention h
No. 25. 23 Juin 1792 .
>
1
L
( 2305
nées dans les reconnoiffances de liquidation , l'adminiſtrateur
de la caiffe de l'extraordinaire adreffera
au commiffaire du Roi , directeur-général de
Ja liquidation , un bordereau des imputations faites
à la caiffe de l'extraordinaire , au profit de chaque
créancier. Le commiffaire du Roi , liquidateur , en
tiendra compte , pour en être fait diſtraction , lors
de l'expédition de la reconnoiffance définitive. »
« V. Le retenues à titre de dépôt d'un dixième ›
fur des créances déjà acquittées , faites aux créanciers
pour nantiffement du non- paiement de leurs
impoficions , contribution mobilière ou contribution
patriotique, lors même que lesdites retenues
excéderoient la fomme de 10,000 liv. , feront rembouffées
aux créanciers , auffi-tôt qu'ils juftikeront
de leur acquittement , & le montant defdits
rembourſemens ne fera pas imputé fur les fommes
definées à rembourfer les reconnoiffances de liquadation
au- deffous de 10,000 liv.
153
VI. Auflistôt que , conformément aux difpofitions
de l'article II du décret du 15 de ce
mois , les porteurs de reconnoiffances définitives
de liquidation , excédant en capital la fomme
de - io, ono liv. , le préfenteront à la caiffe de
l'extraordinaire , Padminiſtrateur de cette caiffe
leur délivrera, après qu'ils auront fait les juftifications
prefcrites par les décrets des 24 , 27
juia & 29 juillet 1791 , un mandat-féparé pour
Je montant des intérêts alors dus & échus aux
termes des précédens décrets . Ces mandats feront
acquittés par le tréforier de la caiffe de l'extraordinaire,
& nesleiferont pas des fonds deftinés au
paiement des seconnoiffances de liquidation audeffus
de 10,000 liv . »
VH. Pour que l'intérêt des reconnoiſſances
de liquidation, arcédant la fomme de 10,000-1 ,
J
8231 )
commence à courir du jour de leur préfentation
à la caiffe de l'extraordinaire , confo mément à
Farticle II du décret du 15 mai dernier , il fuffira
que les créanciers juftifient de leur réfidence
dans le royaume pendant le temps preferit par les
précédens décrets. »
« VIII. Dans le cas où la fomme de 6,000,000 1,
au-delà de laquelle le remboursement de la dette:
liquidée ne peut s'élever chaque mois , feroit
abforbée avant la fin du mois , les porteurs de
créances qui doivent être remboursées au moyen
de cette fomme , feront inferits fur un regiſtre
tenu à cet effet , dans l'ordre de leur préfentation
, & feront remboursés dans le même ordre
fur les fonds du mois ſuivant . L'intérêt leur
fera bonifié , depuis le jour de leur préſentation
jufqu'à celui de leur remboursement , qui ferai
indiqué dans le bordereau numéroté qu'on délivrera
à la caiffe de l'extraordinaire, »
Du mercredi , 13 juin.
On a renvoyé au comité militaire l'état des
dépenfes pour l'habillement des gardes nationales ,
montant à 15 millions. Les employés de Pontoile
au transport des farines , fe plaignent qu'ils
manquent de fubfiftance depuis que Paris ne
s'approvifionne plus à Pontoife. Au comité des
Lecours & les honneurs de la féance .
M. Servan écrit à l'Aſſemblée qu'il accepta
le ministère de la guerre par amour du bien Pu
blic , efpéra triompher des difficultés par la ténacité
à faite tout le bien qui dépendoit de lui ;
qu'en s'entourant d'hommes probes , en marchant
à découvert , en fe prononçant ouverte
ment fur fon defir extrême de faire le bien, il
Comptoit être foutenu & protégé ; qu'au moment
L 2
7232 )
où il étoit encouragé par les concitoyens ( par
les 8,000 fans doute ) , il a reçu l'ordre de remettre
le porte- feuille au miniftre des affaires
étrangères ...... Ces mots ont excité de violens
murmures d'un côté de la falle & dans les galeries.
Ma confcience , ajoute M. Servan , me
dit que je ne dois pas moins compter fur les
bontés de l'Affemblée ( vifs applaudiffemens des
mêmes auditeurs ) ; & il demande à voler aux
frontières dès que fes comptes feront dépolés .
Auffi- tôt M. Duffaulx a prononcé un long &
pompeux éloge académique du miniftre difgracié :
ce nul homme n'a fait plus de bien que lui dans
le département de la guerre. Il a purgé les bureaux
.... Encore quelques jours & les armées
qui manquoient de tout , nageoient dans l'abondance....
Ce foldat- citoyen eft renvoyé au milieu
de fon triomphe ... Le Roi a été surpris par
de perfides manoeuvres . » Le panégyriſte demandes ·
qu'on décrète que M. Servan emporte les re
grets de la nation , myſtère philofophique d'autant
plus merveilleux que la nation ne fe doute
pas encore du renvoi de M. Servan , dont plus
de 20 millions de François ignorent l'existence ."
Tranſports éclatans ; murmures contre M. Hauffi
qui veut qu'on attende que les comptes foient
rendus , comme on l'a décrété à l'égard de M.
de Narbonne ; & contre M. de Vaublanc qui ,
avec tous les ménagemens civiques , propoſe
d'examiner avant de décider. « La comparaifon
entre M. de Narbonne & M. Servan , ne mérite
pas d'être combattue , dit magiftralement M.
Couthon ; & M. Couthon cft sûr qu'il y a des
mains prêtes à l'applaudir. « M. de Narbonne
avoit été dénoncé ; perfonne n'a dénoncé M.
Servan , affirme M. Guadet , fi ce n'eſt peut(
2330)
être les ennemis de la chofe publique ; dénonciation
qui feule devroit peut- être lui obtenir la
déclaration qu'on demande . » ( Si les 8,000
gardes nationaux de Paris qui ont dénoncé M.
Servan , font les ennemis de la choſe publique ,
il faut leur faire leur procès s'ils out agi en
citoyens irréprochables , c'eſt une lâcheté que de
les calomnier , lorfqu'on eft inviolable ). « Quand
finiront donc ces complots , s'écrie M. Guadet?
Quand vous voudrez , lui crie une de fes
connoiffances. » Il conclut comme M. Duffault.
On décrète les regrets nationaux. M. de
Jaucourt demande pourquoi ? M. de Kerfaint
lui dit « parce que la difgrace de M. Servan
fait la joie des mauvais citoyens . » Et fur la
motion de M. Guiton de Morveau , après la
permiffion d'aller à l'armée , l'Affemblée , dans
un enthoufiafme inconcevable , ordonne l'envoi
du décret aux 83 départemens , pour les inftruire
des regrets votés en leur nom .
Le garde- du- fceau a remis au préfident cette
lettre du Roi :
сс
Je vous prie , M. le préfident , de prévenir
T'Affemblée que je viens de changer les minifties
de la guerre , de l'intérieur & des contributions
publiques . J'ai remplacé le premier par M. Dumourier
le fecond par M. Mourgues. M. Naillac ,
'employé auprès du duc de Deux- Ponts , remplace
M. Dumourier. Je n'ai pas encore pourvu
au miniftère des contributions publiques . Je veux
la conftitution. ( Il s'eft élevé des murmures
dans un des côtés , MM, Maribon , Montaut &
quelques autres membres ont demandé l'ordre
du jour. Des murmures d'indignation dans l'autre
côté ont fuivi cette propofition .
) Je veux la
'conftitution ; mais avec la conftitution , je veux
---
-0-
L 3
( 234 )
fordre & l'exécution dans toutes les parties de
adminiftration . Tous mes efforts feront conftamment
dirigés à la maintenir par tout ce qui
fera en mon pouvoir. »
Signé , LOUIS , contre figné Duranthon.
Des cris : à l'ordre dujour , ont coupé la lecture
de cette lettre . Mais une indignation généra.e a impofé
filence à ceux qui fe les permettoient , & M.
de Vaublanc leur a dit : « Vous déchirez la conf-
'titution. »
MM. Clavière & Roland écrivent à l'Affemblée
qu'ils ont reçu l'ordre de remettre leur portefeuille
. Ils fe retirent , l'un avec « la fatisfaction
de l'honnête- homme » & après avoir entrevu que
les finances n'offrent aucun obſtacle dont on ne
puiffe triompher en faifant parler la raifon » ; &
Fautre avec fa confcience & tranquillement
appuyé fur elle » Mais ce dernier envoie à l'Affemblée
la copie d'une lettre confidentielle qu'il
a écrite au Roi lundi dernier. Or fon congé date
du moment même . Cette lettre eft telle que nos
lecteurs nous reprocheroient de ne leur en offrir
qu'un extrait. Nous la tranfcricons ailleurs toute
entière , comme un monument de cynifme réve
Jutionnaire & de la liberté & de la sûreté de
Louis XVI.
Sa miffive audacieufe & infultante , tumultucufement
applaudie d'une partie de l'Affemblée ,
fera imprimée aux frais du peuple , inférée au
procès- verbal , & , à la demande de MM . Lafource
& Larivière , adreffée aux 83 départemens.
On a de plus étendu la faveur des prérendus
regrets nationaux , de M. Servan , à MM,
Roland & Clavière.
M. Dumourier's prefque baffoué à fon entrée
dans la falle , a lu un rapport de M. de la Fayette,
:
{ { a ; ¢ °
-dont- nous renvoyons la fubſtance à notre article
de politique. L'Ademblée a décerné les premiers
honneurs funebres à M. de Gouvion dans le procès
- verbal , & la philofophie du comité d'intruction
en fera probablement encore une belle
fite payenne.
En qualité de miniftre de la guerre , M. Du
moutier a luun mémoire ou il a démontré le
vuide , la jactance puérile des fublimes expreffons
: La nation fe lève ou fe lèvera toute éntière
, loifqu'il eft phyfiquement impoffible d'armer
, d'exercer , de difcipliner , de commander
& d'habiller & nourrir . cette nation toute entière;
où il a foutenu , peut - être avec une exagération
affectée , que les feules troupes de ligne offient
actuellement un déficit de 40,000 hommes &
de près de 10,000 chevaux ; que la plupart des
places frontières font démantelées , que les fonctionnaires
publics n'y infpirent aucune cor fiance ,
que les armes & les provifions manquent ; que,
l'Aflemblée a décrété pour l'armée le recrutement
de 50,000 hommes ; pour le complettement de
180 bataillons , 40 680 hommes ; ; 4 nouveaux
bataillons ; 1,000 hommes par département ' ;
20,000 fédérés ;; légions d'environ 4,000 hommes;
154 compagnies franches , & 1,600 cavaliers thés
de la gendarmerie rarionale , « total , a - t- il dit,
fur le papier , 245 , 280 hommes , dont à- peuprès
, 1,600 chevaux . » Mais que l'Affemb ée
n'a pas même fongé au préliminaire indifpenlab'e
d'afligner des fonds pour chacun de ces
objers .
MM , Laciée & Paganel ont fait ce dilemme :
cu il trahuffoir la patrie en hâtant la guerre fans
moyens de la fourenir ; où il ment en miane
l'exiſtence de ces moyens . On parloit déjà d'Or-
L 4
t
( 296 )
léans. Quelqu'un demandoit qu'il rendit compre
des 6 millions de dépenfes fecrettes . A peine
venoit-on de décréter que M. Servan emportoit
les regrets de la nation ; voilà que M. Lacuée
veut que la nation fache fi c'eft M. Servan ou
M. Dumourier qui l'a trompée ! Ce dernier figne
fon mémoire , le dépofe & fort. L'un lui op-
•poſe les comptes rendus où tout va bien ; l'autre
des rapports du mois de décembre où toutes les
places font dans le meilleur état . M. Rulh répotsd
de celles du haut & du Bas- Rhin ce qui ne manquent
, dit- il , que de défenfeurs . » D'orageux
débats produisent le décret fuivant :
לכ
« L'Affemblée nationale décrète , 1 ° . qu'il fera
formé dans fon fein une commiffion particulière ,
compofée de douze membres , laquelle fera
chargée de vérifier tous les comptes des minifties
qui , depuis le fieur Duportail inclufivement ,
ont été chargés du département de la guerre. »
cc 2°. Cette commiffion eft autorisée à prend: e
dans les bureaux du département de la guerre
tous les renfeignemens néceffaires à la verification
dont elle eft chargée par l'article précédent , &
fe fera repréfenter toutes les pièces justificatives
des comptes. "
3. Le miniftre actuel de la guerre fera
lenu de dépofer dans les vingt- quatre heures for
te bureau de l'Affemblée nationale les pièces jaf
ificatives des faits contenus en fon rapport de
cejourd'hui , notamment la correfpondance des
généraux & chefs de divifion de nos armées . >>
сс 4°. La commiffion rendra compte , fous
huit jours , de ce qui concerne l'état & l'approvifionnement
des armées , ainfi que de l'état des
places fortes en première ligne !
M. Amelot écrit qu'il ne reste que deux mît
( 237 )
lions , qu'il faut en payer plus de 60. Un décret
porte fubitement le maximum des affignats en
circulation effective ( fans compter les reconnoiffancès
de liquidation admifes pour achat de
biens, nationaux & les affignats brûlés ) à 1,800
millions , & l'on a pourvu à tout jusqu'à une
nouvelle crife .
Du mercredi , féance du foir.
-
>
L'auteur d'un placard intitulé : Les complots ;
avis à la garde nationale , dénoncé comme libelle
infâme , écrit à l'Affemblée & le nomme.
Elle avoit applaudi à la dénonciation , elle paffe
à l'ordre du jour. Félicitations fur le décret
relatif aux 20,000 fédérés ; rétractations de
fignatures que rien ne prouve avoir été du nombre
des 8,000 ; qui , de plus , ne vont pas
en tout , à 2 ou 3 cents depuis qu'on applaudit
les rétractations; lettre ferme & noble de M. Guyon ,
adjudant- général , de la 3. légion de la garde
nationale de Paris , cu il réfute les calomnies
débitées à l'occafion de papiers diftribués au
moment de l'ordre & ne faifant nullement partie
de l'ordre , ainfi que l'ufage en eſt établi , &
où il demande un prompt rapport ; enfin un
décret adopté concernant une nouvelle adminif
tration pour la fabrication des affignats .
Du jeudi , 14 juin .
A l'époque où la tolérance philofophique s'indigne
de l'idée du veto royal appliqué au décret inconftitutionnel
relatif à la déportation des prêtres ,
il est tout fimple qu'on faffe arriver des adreffes
ou lettres templies d'inculpations bien vagues
mais bien virulentes contre ces malheureux profcrits.
Les jacobins de toutes les provinces four
LS
( 238 )
niront ailément à cette correfpondance pour la
quelle ils n'auront befoin que de copier des dénonciations
fans preuves légales. Tout ſera bon
Pourvu que la multitude foit augmentée autour
de Tuileries par la lecture d'allégations revenues
de loin. En voici des citoyens des départemens
de Mayenne & Loire , de la Vendée , des deux
Sévres ; & MM . Cambon , Thuriot & Merlin
s'accordent à demander & obtiennent qu on les
renvoye au comité de furveillance & copie co!-
lationnée au Roi « pour qu'il connoiffe la vérité
& fache enfia qu'il faut nous débarraffer de ces
moftres , a dit M. Cambon . »
Plufieurs membres ont differté pour & contre
la fuppreffion , fans indemnités , des droits fo
daux cafuels. Les galeries applaudifoient ceux
qui vouloient l'abolition ; elles huoient ceux qui
montroient quelque refpect pour les propriétés,
Après avoir déciété l'impreflion , aux frais du
peuple , de longues differtations fort inutiles puif
qu'on étoit réfolu de prononcer , fans les lire ;
on a fermé vingt fois la difcuffion , adopté le
principe fauf à difcuter l'application , quoique la
queftion git effentiellement dans le principe; invoqué
l'appel nominal fur le fond & borné l'ap
pel nominal à décider d'un fous - amendement de
M. Dumolard qui avoit l'honnêteté de defirer
que 40 ans de poffeffion & des quittances tinffent
lieu du titre primitif. Enfin , de 497 votans ,
près de 200 font fortis de la falle , par une de
ces lâchetés , qui partagent la honte de l'ini
quité qu'elles laiffent commettre. La majorité de
ceux qui reftoient , a repouflé . violemment le
voeu de lever la féance , brafqué la mife aux
Voix par affis & levé , & rendu ce décret auffi
défaltreux que la rédaction en eft ridicule. « Tous
婆
( 239 )
les droits féodaux cafuels qui ne juftifieront point
par le titre primitif , être le prix d'une conceflion
de fonds font fupprimés , fans indemnités ,
33.
33
Nous n'expliquerons pas dans quel efprit M.
Chéron a propofé , comme article additionnel ,
de « déclarer nationales, toutes les propriétés
dont on ne produiroit pas le titre primordial,
Mais nous obferverons que ne pas le contenter
de la poffeffion centenaile ou immémoriale , &
des quittances , c'eft livrer des propriétés fans
nombre à l'ufurpation des redevables , violer
fcandaleufement le droit le plus facié , appeller
Ja force & la torche incendiaire pour détruire
tous les titres , appauvrir la nation de fommes
énormes , ébranler ruiner les premiers fondemens
de toute fociété & de toute morale , pour
fe populariter auprès d'une multitude erhardie an
brigandage .
Du vendredi , 15 juin.
De foi difant amis de la conftitution de Bouzonville
écrivent à l'Allemblée , la felicitent de
fa contenance fière , & c. la prient de purger la
tene des reftes de la féodalité , & lui communiquent
une adreffe qu'ils ont envoyée au Roi
O demande la lecture , on la décrète , on l'interrompt
, on l'achève . Comment , après tant de
façons , foupçonner que c'eft une cific qui
revient fignée ?
Ces amis ont appris de la notoriété publique
que le château des Tuileries récèle un foyer
de contre-révolution , qui met en danger l'Empire
François . » Ils écrivent au Roi d'éloigner
de lui les conemis communs , de purger La garde
« Il faut quitter le trône ( grands applaudiffemens
) cu foutenir , même au friz de votre
L 6
( 240 )
fang , s'il étoit néceffaire , la fouveraineté de la
nation qui vous y place.... Guidez-vous par fa
volonté du peuple manifeftée par les repréfentans
& par des miniftres patriotes... Que votre
confeil ne foit pas influencé fui-tout par une
perfonne du fexe que la conftitution a fagement
'écarté de toutes les fonctions publiques . » Ces affectueux
amis enjoignent au Roi de fanctionner
le décret contre les prètres , fous peine de perdre
leur eftime , leur protection , la couronne......
C'eft le thême de M. Roland fait d'une autre
manière , mais en ſtyle moins clair , moins civique
. Après quelques débats fur cette infolente
& criminelle adreffe pour en demander l'impreffion
, on eft paffé à l'ordre du jour.
Un apothicaire réclame contre fa fignature
appofée à la pétition des 8,000 , & s'engage à loger,
nourrir, médicamenter & blanchir un des 20,0co
fédérés , tant que durera le camp ; ce qui fuppole
que le fédéré fera de fervice au camp dans
la maifon de l'apothicaire . Toutes ces bêtifes ont
trouvé des admirateurs . Il a été décrété que 24
membres affifteroient au fervice qui fera célébré
demain en l'honneur de M. de Gouvion . » Lerefte
de la féance a été rempli de la plus dégoûtante
des aventures dont jamais légiflateurs puflent s'occuper
?
ર
M. Guadet dénonce des liftes de profcriptions
contre les patriotes ; & que M. Grangeneuve ,
député , a été alfaffiné , la veille , à 9 heures du
foir , près du manege , par M. Jouneau , député .
On nous difpenfera d'analyfer des débats qui ont
duré plus de 4 heures . En voici la fubitance.
Partagés d'opinion au fujet des Arléfiens , MM .
Jouneau & Grangeneuve en vinient aux injures ,
& le donnèrent rendez- vous au beis de Bou(
241 )
logne , pour le battre au piftolet . M. Grangeneuve
promet d'abord , & enfuite il dit qu'il n'ira pas ; fon
adverfaire le traite de lâche , il le traite de j ... f.....
-M . Jouneau a eu la bonhomie de raconter ces
beaux exploits à tribune. Is fe féparent , & fe
rencontrent peu après . Un membre dépofe avoir
' entendu un coup donné à platte main fur une figure;
( avant la régénération on cât dit un foufflet .)
D'autres ont vu les deux Solon fe tenir par les
cheveux & fe battre à coups de poings . Plufieurs
atteftent que M. Grangeneuve ayant reçu des
coups de pieds , de poings & de bâton , avoit
bravement crié on m'affaffine ; que déjà M.
St. Huruge & des quidans crioient de tout côté : on
affaffine les députés patrictes. La garde nationale
aida quelques an is à féparer les combattans qui
étoient alors loyalement au nombre de trois ou
quatre du côté de leur cher M. Grangeneuve ;
mais on refpecta , l'inviclabilité de M. Jouneau ,
non quant aux coups , mais quant à l'arrestation.
M. Guadet perfiftoit à voir un affaffinat un délit
national , & pouffoit fa bonne- foi connue julqu'à
dire que fi l'on portcit la main fur le Roi ,
l'Affemblée déployeroit une jufte févérité , que
le crime étoit exactement le même. On lui a
reproché de vouloir exciter le trouble.
La difcuffion s'eft doctement prolongée fur la
conftitution appliquée à des foufflets , à des coups
de poings , à des volées de coups de caune 3 fur
les droits & la dignité des repréfentans de la nation }
fur les formes que doit obferver l'Aſſemblée dans
les auguftes fonctions de grand juré . On concluoit
à mettre M. Joureau à l'abbaye & le me
lade aux arrêts . M. Lamarque réprouvoit en M.
M. Jouneau » l'honneur de Coblentz . » C'eſt
l'honneur de la nobleſſe , a dit d'un air épigram(
242 )
matique M. Lejofne. L'affaire eft renvoyée
par un décret , au comité. Décret qui ordonne
que les témoins qu'indiqueront MM . Grangeneuve
& Jouneau , feront entendus à la barrę .
( Que fera le comité ? ) Quatre commiffaires ,
MM. Creftin , Croifel , Crochet & Crublier , font
chargés d'al.recevoir la déclaration de M. Grangeneuve,
Six articles adoptés d'urgence , fur la propo
fition de M. Vergniaud , ont autotifé les commiffaires
civils nommés pour la pacification des
colonies , en vertu du décret du 24 mars dernier
, à fufpendre ou diiloudre toutes les affemblées
coloniales , provinciales , adminiſtratives ,
municipales ou populaires ; à fuffendre provifoirement
l'exécution de tour arrêté ; à sétablir
les tribunaux ; à prifeuter de nouveaux juges au
choix du gouverneur- général ; à requérir la force
armée pour le faire reconnoître ; à envoyer en
France , comme criminels de haute - trahison
ceux qui leur défobéiront , & à fe décorer d'un
ruban tricolore portant la nation , la loi , l;
Roi. Commiffaire civil. On fe demande
d'on peut émarer cette autorité dictatoriale déférée
par un décret non - dicuté , fur les colonies
, tous les citoyens ont droit de concourir
perfonnellement ou par leurs repréfentans à la confection
de la loi. ( Déclaration des droits , arr.
6 ) ; fi , les colonies ne font pas comprifes dans
la conftitution ( acte conftitutionnel ) ; & fi elles
n'ont aucun repréfentant au fein du corps légiflatif
qui jura folemnellement de n'y rien changer?
Du vendredi , féance du foir.
-
M. Bertin , l'un des commiflaires du département
des Bouches - du - Rhône , mandé à la barre,
(
243
s'y eft juftifié auffi bien que M. Rebecqui. On a
decrété l'impreffion de fon mémoire .
-❤ Le refte
devant fe reproduite , nous pafferons à l'objet
principal de la délibération , à la déclaration de
M. Grangeneuve & à fes fuites .
L'Allemblée a fucceflivement écouté , comme
témoins ou acteurs de la fcène de la veille ou
de celles qui l'ont amenée , MM. Jouneau , député
Saint- Huruge ; Madame Daigremont , tapitière
; MM . Barbaroux , Régnier , Jacquier ;
parmi les députés encore MM . Taillefer, Baziri,
Montaut , Chabot , Lacuée , Barris , Coufard
Freffenel , Couturier , Lefage , Calvet , Thuriot,
Cares ; & dans la difcuffion , MM . Saladin',
Gamond , de Vaublanc , Laureau , de Ju court',
Charlier, Becquey , Larivière , Dumolard , Lamarque,
Lafource , Gohier , Lagrevol , Lecointre,
Ramond, & le plus fouvent de tous M. Guadet ,
promoteur de ce fcandale inexprimable . Nous
efquiffcrons fommairement les faits & les argu
mens les plus faillaus , & nous vouerons les dé
tails à l'oubli , qui feul peut foulager les ames
honnêtes de l'oppreffion douloureufe que leur
caufe un f humiliant emploi de la fubftance
d'un peuple accablé , par de vils factieux , de tous
les fléaux du crime , de l'opprobre , de l'anarchie
& de la misère .
Chargé de rapporter l'affaire d'Arles , M.
Grangeneuve s'y préparoit en foutenant , dans le
comité , les brigands contre leurs victimes
en-blamant , non les patriotes Maifeillois d'avoit
chriffe les adminiftrateurs , mais ceux - ci de ne pas
s'être laillés égorger par les patriotes Marfeillo's
M. Jouneau lui reprochoit , en termes modérés ,
de n'écouter que la paffion. Vous auriez doné
Sui, lui dit M. Grangeneuve Cent hommes --
( 244 )
:
tels que vous ne me feroient pas fuir. Vous êtes
un infolent.... Ici M. Grangeneuve, déclare qu'il
a répliqué par une expreffion équivalente. Mais
M. Jouncau affure , à la tribune , que M. Grangeneuve
lui dit vous f..iriez le camp ; qu'ayant
répondu cent hommes comme vous ne me feroient
pas perdre un pouce de terrain . M. Gran
gencuve lui répartit vous êtes un f..tu viedaze
(ces mots ont été répétés vingt fois dans l'Affemblée
par le déclarant & par des témoins ) . Oa les
fépare , ils fe retrouvent propofition de fe battre
au bois de Boulogne aux piftolets ; refus de M.
Grangeneuve qui , plus irafcible à la manière des
crocheteurs que brave à la manière des ci-devant
nobles , redit à M. Jouneau , en lui parlant fous le
nez vous êtes un j ... f..... , un f..tu viedaze.
M. Jouneau lui donne un fouflet , évité un pavé
qu'il lui lance , & lui applique quelques coups
d'une petite canne ou budine compofée de trois
joncs tiellés. La confcience fcrupuleufe de M.
Grangeneuve lui a fait mettre auffi , depuis , des
coups de pieds reçus & omnis , à la marge de fon
honorable déclaration .
Selon MM . Jouneau , Freffenel , le Sage ,
Calvet & Thuriot , tout en lançant des pierres ,
le bon M. Grangeneuve crioit arrêtez cet affaffin...
On m'affuffire , arrêtez l'affaffin ; lelon
MM. Barbaroux & Jacquier , il crioit : il m'a
battus il m'a frappé arrêtez... D'après M. St.
H.ruge , on crioit à l'affaffin , qui vient de
donner à M. Grangeneuve , cent coups de pieds
dans le ventre & cent coups de bâton ; & M.
Grangeneuve terraffé pourfuivoit M. Jouneau que
deux patriotes ont arrêté , que M. Sr. Huruge a
tenu penché fur la paliffade ; mais apprenant que
c'étoit un député « grand Dieu ! a dit pic--
( 245 )
、
33
fement M. St. Huruge à la barre ! Je le lâche
bien vite ; c'est une perfonne facrée . ( vifs applaudiffemens
) . » Au moment des dernières injures
, M. Barris a « vu claitement les geftes
provoquants de M. Grangeneuve , & le calme
de M. Jenzreeau ( murmures ). » M. Freffenel a
vu MM. Barbaroux , St. Huruge & d'autres tenir
M. Jouneau & ayant « les poings fur fon vifage.
On le maltraitoit , il étoit panché à la renverfe
& M. Grangeneuve faifoit tous les efforts pour
le frapper. M. Jouneau affare que ces MM. le
tenoient renverfé fur des paliffades aigues qui le
blefloient & qui déchirèrent ſon habit . M. Calvet
a dit : « M. Grangeneuve crioit : 'on m'affaffine';
J'accours , il avoit deux particuliers à fes côtés ,
& un quatrième dont le vifage étoit couvert par
' deş mains. Je reconnus M, Jouneau , M. St.
Hurige & M. Thuriot. Je fus affez heureux , à
T'aide de mes forces , pour léparer ces meffieurs .
M. St. Huruge me parut un peu piqué de ce
que je l'empêchois d'étrangler un homme ( on
rit ) ; il me dit quelques injures d'avoir fauvé
la vie à M. Jouneau ; peu fenfible aux injures
de M. St. Huruge , je me retirai ( nouveaux
éclats de rire ) . » M. Lefage a vu M. Jouneau
' preflé contre la paliffade & M. Grangeneuve le
tenant par la jambe .
Voici le réfumé des débats . M. Guadet vouloit
à tout prix un décret d'accufation , cricit au
délit national , & les galeries : bravo ! M. Gamond
a déclamé contre les duels , a trouvé les
infules légères , & demandé que M. Jouneau für
puni comme un lâche affaffin . M. Chabot a
traité M. Jouneau d'agreffeur fans rien prouver
comme à fon ordinaire . M. Bazine n'a pas dénoncé
, quoiqu'il ne fût rien . Un cii : ah ! le
( 246 )
fcélérat ! parti de l'un des côtés de l'Affemblée ,
tandis que M. Freffenel peignoit M. Jouneas
renversé , a caufé beaucoup de tumulte. Le préfident
s'eft couvert deux for . On a demandé un
comité général. Trente membres ont fait de longurs
évolutions au milieu de la falle ; MM .
Chabot, Merlin & Carrant ( de la Gironde ) s'y
démenoient de toutes leurs forces. Le premier
décret a été rapporté. « Les ennemis du bien
public doivent bien rire , avoit déjà dit M. Marans.
» On inveque à grands cris l'appel nominal
; M. Ramond obfeive que c'eft pour faire
de la lifte des votans un ufage perfide & criminel
.... Enfin , fur la motion de M. Larivière
amendée par M. Lagrevol , écartant l'opinion
fauffe & vifiblement féditieufe , d'affaffinat , de
crime de lèze- nation , l'Aſſemblée a décrété que
M. Jouneau le rendroit pour trois jours à l'abbaye,
fans préjudice de toutes actions à intenter
& à pourfuivre devant les tribunaux. » Le comité
fa un projet de loi contre le duel , & , d'après
M. Ramond , comre ks injur.s.
Du famedi , 16 juin.
On ajourne la troisième lecture d'un projet de
loi fur l'augmentation ( de deux fous ) du poit
des lettres deftimées pour les armées au- delà des
frontières . M. Beaucaron parle de l'hyd.o
féodle à propos de droits de pêche affermés ,
dit il , par M. Bourbon - Penthièvre ; le rapport
en eft renvoyé à ce foir ; perfonue n'y penfera,
Le curé confiitutionnel de St. Lauieit , M.
de Moy , père putatif d'une brochure impie , a
débité du philofophifme pour demander que l'Af
femblée détermine le rité , la liturgie , le cété,
monial de la fète fédérative du 14 juillet , « sfin
de lui imprimer un caractère augulte , impofant ,
1
( 247 )
a
»
9
une phyfionomie véritablement folemnelle &
religiefe . Il a obfervé que « fi chaque portion
d'une fociété religieufe pouvoit féparément
ajouter ou retrancher quelque chofe à fes rites ,
bientôt il n'y auroit plus d'enſemble . » C'eſt une
condamnation naïve des pamphlets ou les faifeurs
de l'opinant ont tâché , fous fon nom
d'anéantir la religion de fes pères . A l'en croire ,
il eft temps de donner à la nation un culte
civique uniforme » ; propofition qui contrafte
fingulièrement avec la maxime moderne que nulle
religion ne doit être dominante , à moins qu'on
ne veuille d'un culte civique fans religion , galimathias
digne d'auffi bonnes têtes . Le comité de
légiflation s'occupera de ces fublimes vues qui
ont déjà prodigieufement avancé le bonheur pu
blic.
ec
--
--
Un décret a ftatué que l'armée du Midi fera
payée comme celle du Nord . Deux articles
d'urgence ont compofé l'état- major de l'armée
de St. Domingue . On a pourvu , fauf rédaction
, à la diftribution de 300,000 fufils aux
elroyens des frontières ; & ajourné le projet de
M. Dumas fur les actes d'infubordination qui
ont eu lieu les 4 , f , 6 & 7 juin dans le camp
fous Brifack , à l'armée du Rhin . Nous ea rendrons
compte lors de la difcuffion .
Du famedi , féance du foir.
L'enthoufiafme à la glace de M. Paftoret sft
exhalé en puériles hype boles pour vanter le ficus
Palloy, qui a vai ca & renverfé la baftile ( dpuis
qu'il y a des vainqueurs de châ eaux ) , c'eſtà
- dire , qui aida , comme beaucoup d'autres , à
la démolir , après qu'on en eut enfoncé les portes
ouvertes , fouinis la garnifon immobile , égo, gé
((
248 )
ïe gouverneur déformé ; qui fit enfuite , fans le
moindre danger , l'envoi d'une pierre de cette
fortereffe à chaque département , & frapper des
médailles avec les chaînes qu'il y trouva . Dans
fon pathos , l'orateur a répété tous les grands
mots ufés contre une prifon d'Etat furabondamment
remplacée par celles d'Orléans , & par les
44 mille cachots civiques du royaume où des
milliers de prêtres & de nobles expient le crime
d'avoir cru pouvoir obéir à leur confcience & à
leurs premiers fermens fous le règne de la tolérance
& de la liberté , où tant d'innocens font
renfermés pour empêcher qu'on ne les égorge!
Il a conclu par un projet de décret , adopté , pertant
il fera formé fur le terrein de la baftile
une place , nommée Place de la liberté ; aú milicu
de la place , on élevera une colonne furmontée
d'une ftatue de la liberté ; la première pierre des
fondations fera polée , le 14 juillet prochain ,
par une députation de l'Affemblée nationale. Le
pouvoir exécutif comparera les plans pour lesquels
il fera ouvert un concours pendant quatre mois.
L'Affemblée accorde au fier Palloy une partie
de ce terrein en témoignage de la reconnoiffance
nationale .
Du dimanche , 17 juin.
Encore des citoyens qui figurent des fections,
dévouent au mépris les 8,000 , & follicitent le
licenciement de l'état- major de la garde natio
nale Parifienne , plein d'une ariftocratie infetti.
On accueille leur petition . A 10 motionnaires
par jour , les 8,000 auroient fourni de ces dépu
tations pour plus de deux années de légiflature.
L'orateur de ceux de la fection dite la Croix
Touge , a parlé en ces termes : « La vérité a pu
1
( 249 )
déplaire aux oreilles très - délicates du Roi... Quel
génie malfaifant conduit Louis XVI ? Nous
avons oublié les parjures , nous l'avons placé fur
le plus beau trône du monde , & il oublie tous ces
bienfaits ! Vous rendez deux décrets utiles ,
l'un contre les prêtres , l'autre pour un camp de
réferve ; il refufe de les fanctionner ! Vous licenciez
une garde audacicufement ariftocrate , & il
la remercie de fa ' conduite par une proclamation
publique ! De bons miniſtres forment fon confel
, les renvoie ! Cette inconcevab'e exatude
à oppofer fans ceffe le mal au bien , '
ne peut plus le tolérer. Il faut reporter la
terreur dans l'ame des confpirateurs . Veuillez
nous donner les moyens d'exécuter nos réfo-.
lutions , accordez aux affemblées de fections
la permanence. C'est là que feront toujours prêts ,
armés VOS défenfeurs , dont l'attitude & le regard
feuls feront rentrer vos ennemis dans la
Pouflière. L'Affemblée a renvoyé l'adreffe au
comité de législation , décrété la mention honorable
& déféré aux pétitionnaires les honneurs de
la féance .
« Il eft temps , s'eft écrié M. Goupilleau
de favoir files pouvoirs législatif & exécutif
doivent être d'accord , ou fi l'un doit étouffer
l'autre. Je demande qu'il foit nommé , à l'inſ- :
tant , une commiflion qui fera chargée de prendre
en confidération les dangers où nous fommes
& d'en faire inceffamment fon rapport. » M..
Lafource defiroit que ce comité recherchât les
caufes qui ont amené la France au point où elle eft.
On a décrété la propofition de MM. Goupilleau
& Lafource . Par un décret d'urgence on
a ordonné à tout garde national de faire fon fervice
en perfonne.
16.2
"
( 250 )
Au milieu de l'inconféquence des principes
& de la verfatilité des opinions , un
feul caractère a conſtamment diftingué la
Révolution , & ce caractère c'eft celui de
la lâcheté , efpèce de crime moral qui confifte
à fe couvrir des dehors d'une fauffe
néceffité pour perfécuter , outrager le
foible , le facrifier aux paffions du plus
fort, & trouver dans l'impunité de nouveaux
moyens d'aggraver des torts qui n'en
font qu'aux yeux de ceux qui ont intérêt
à les créer. Tels font les traits que nous
offre la conduite du dernier Miniftre de
l'intérieur , ou tout au moins la lettre bil-.
lieufe qu'il n'a point rougi d'écrire à fon
Roi , & dont quelques has intrigans fe
font hâtés de vanter la fermeté , comme fi
l'on pouvoit donner ce nom au ſtyle déclamatoire
, aux perfonnalités dures que
M. Roland n'adreffe au Monarque que
parce qu'il le voit foible & malheureux.
On doit aux François de leur conferver
cette pièce ; elle fera une de celles qui
peindront l'aviliffement de nos moeurs actuelles
à la poftérité.
Lettre de M. Roland , Miniftre de l'Intérieur,
au Roi.
Сс SIRE , l'état actuel de la France ne peat.
fubfifter long- temps ; c'eſt un état de crife dont
( 251 )
la violence atteint le plus haut degré ; il faut
qu'il fe termine par un éclat qui doit intéreſſer
Votre Majefté autant qu'il importe à tout l'Empire.
"
« Honoré de votre confiance , & placé dans
un pofle où je vous dois la vérité , j'oferai la
dire toute entière ; c'eſt une obligation qui m'eſt
impofée par vous- même . »
ce Les François fe font donné une Conftitution
; elle a fait des mécontens & des rebels :
la majorité de la Nation la veut maintenir ; elle
a juré de la défendre au prix de fon fang ; &
elle a vu , avec joie , la guerre qui lui offroit
un grand moyen de l'affurer. Cependant la
minorité , foutenue par des espérances , a réuni
tous fes efforts pour emporter l'avantage . De là,
cette lutte inteftine contre les Loix , cette anarchie
dont gémiffent les bons Citoyens , & dont
les malveillans ont bien foin de fe prévaloir pour
calomnier le nouveau régime : de là cette divifion
par-tout répandue & par- tout excitée ; car
nulle part il n'exifte de l'indifférence : on veut
ou le triomphe , ou le changement de la Conftitution
on agit pour la foutenir ou pour l'altérer.
Je m'abffiendrai d'examiner ce qu'elle est en
elle même , pour confidérer feulement ce que les
circonftances exigent ; & me rendant étranger
à la chofe , autant qu'il eft poffible , je chercherai
ce que l'on peut attendre , & ce qu'il
convient de favorifer. »
ce Votre Majefté jouiffoit de grandes prérogatives
qu'elle croyoit appartenir à la royauté,.
Elevée dans l'idée de les conferver , elle n'a pu
fe les voir enlever avec plaifir . Le defr de fe
les faire rendre étoit auffi naturel
que le regret
de les voir anéantir, Ces fentimens , qui tiennent
1,252 )1
à la nature, du coeur humain , ont dû entrer dans
le calcul des ennemi de la Révolution . Ils ont
donc com
té fur une faveur fecrette , jufqu'à ce
que les circonftances permiffent une protection
déclarée. Ces difpofitions ne pouvoient échapper
à la Nation elle - même , & elles ont dû la tenir
en défiance . »´
« Votre Majefté a donc été conftamment dans
l'alternative de céder à fes premières habitudes,
à les affections particulières , ou de faire des facrifices
dictés par la philofophie , exigés par la
néceffité ; par conféquent d'eshardit les rebelles ,
en inquiétant ou la Nation , d'appailer celle - ci en
vous unifant avec elle . Tout a fon temps &
celui de l'incertitude eft enfin arrivé »
сс
>
« Votre Majefté peut- elle aujourd'hui s'allier
ouvertement avec ceux qui prétendent réformer
la Conftitution , au doit - cile généreusement fe
dévouer fans réferve à la faire triompher ? Telle
eft la véritable queftion dont l'état actuel des
chofes rend la folution inévitable . Quant à celle ,
très-métaphyfique , de favoir files François font
mûrs pour la liberté , fa difcuffion ne fait rien
ici ; car il ne s'agit point de jugér ce que nous
ferons devenus dans un fiecte , mais de voir ce
dont eft capable la génération préfente . »>
ce Au milieu des agitations dans lesquelles
nousvivons depuis quatreans , qu'eft - il arrivé 2 ...
Des priviléges onéreux pour le Peuple ont été
abolis , les idées de juftice & d'égalité fe font
univerfellement répandues , elles ont pénétré partout
l'opinion des droits du Peuple a juftifié
le fentiment de ces droits ; la reconnoillance de
ceux- ci , faite folemnellement , eft devenue une
doctrine facrée ; la haine de la Nobleffe , infpiréc
( 253 )
pirée dephis long - temps par la féodalité , s'eft
invérérée , exafpérée par l'oppofition manifefte
de la plupart des Nobles à la Conftitution qui
la détruit: »
CE Durant la première année de la révolution ,
le Peuple voyoit dans ces/Nobles des hommes
odieux par les priviléges oppreffeurs dont ils
avoient joui ; mais qu'ils auroient ceffé de hair
après la deftruction de ces priviléges , fi la conduite
de la Nobleffe , depuis cette époque, n'avoit
fortifié toutes les raifons poffibles de la redouter
& de la con.battre comme une irréconciliable ennemie.
»
ce L'attachement pour la Conftitution s'eft
accru dans la même proportion ; non-feulement le
Peuple lui devoit des bienfaits fer fibles ' , mais
il a jugé qu'elle lui en préparoit de plus grands,
puifque ceux qui étoient habitués à lui faire porter
toutes les charges cherchoient fi puillamment à
la détruire ou à la modifier. »
« La déclaration des droits eft devenue un
évargile politique , & la Conftitution Frarçoile
une religion pour laquelle le Peuple eft prêt à
périr.
"
ce Auffi le zèle a-t- il été déja quelque fois jufqu'à
fuppléer à la Loi ; & lorfque celle - ci n'étoit
Pas allez réprimante pour contenir les pertur
bateurs , les Citoyens fe font permis de les punir
eux mêmes . »
ce C'eft ainfi que des propriétés d'Emigrés ont
été exposées aux ravages qu'infpiroit la vengeance
; c'eft pourquoi tant de Départemens fe
font crus forces de févir contre les Prêtres que
l'opinion avoit profcrits , & dont elle auroit fait
des victimes. »
« Dans ce choc des intérêts , tous les fenti
N. 25. 23 Juin 1792. M
( 254 )
mens ont pris l'accent de la paffion . La Patrie
n'eft point un mot que l'imagination fe foit complu
d'embellir ; c'est un être auquel on a fait des
facrifices , à qui l'on s'attache chaque jour da
vantage par les follicitudes qu'il caufe , qu'on a
créé par de grands efforts , qui s'élève au milicu
des inquiétudes , & qu'on aime par ce qu'il
coûte , autant que par ce qu'on en eſpère , Toutes
les atteintes qu'on lui porte font des moyens
d'enflammer l'enthoufalme pour elle . A quel
point cet enthouſiaſme va- t-il monter , à l'inftant
où les forces ennemies réunies au- dehors , fe
concertent avec les intrigues intérieures pour
porter les coups les plus funeftes ?... La fermentation
eft extrême dans toutes les parties de l'Empire
; elle éclatera d'une manière terrible , à
moins qu'une confiance raifonnée dans les intentions
de Votre Majefté ne puiffe enfin la calmer :
mais cette confiance ne s'établira pas fur des
proteftations ; elle ne fauroit plus avoir pour
bafe que des faits . »
« Il eft évident pour la Nation Françoiſe que
fa Conftitution pent marcher ; que le Gouvernement
aura toute la force qui lui eft néceffaire ,
du moment où Votre Majefté voulant abfolument
le triomphe de cette Conftitution , foutiendra
le Corps Légiflatif de toute la puiflance de
l'exécution , ôtera tout prétexte aux inquiétudes
du Peuple , & tout efpair aux mécontens . »
сс
Par exemple , deux décrets importaus ont
été rendus , tous deux intérellent effentiellement
la tranquillité publique & le falut de l'Etat . Le
retard de leur fanction infpire des défiances ; s'il
eft prolongé , il caufera du mécontentement ; &,
j'ofe le dire , dans l'effervefcence actuelle des efprits
, les mécontentemens peuvent mener à tout , »
( 255 )
« Il n'eft plus temps de reculer, il n'y a même
plas moyen de temporifer. La Révolution eft
faite dans les efprits ; elle s'achèvera au prix du
fang , & fera cimentée par lai , fi la fageffe ne
prévient pas les malheurs qu'il eft encore poffible
d'éviter.
ܕܕ܂
Je fais qu'on peut imaginer , tout opérer &
tout contenir par des mesures extrêmes ; mais ,
quand on auroit déployé la force pour contraindre
l'Affemblée , quand on auroit répandu l'effroi
-dans Paris , la divifion & la ftupeur dans fes
environs , toute la France fe leveroit avec indigration
, & fe déchirant elle - même dans les
horreurs d'une guerre civile , développeroit cette
afombre énergie , mère des vertas & des crimes ,
toujours funefte à ceux qui l'ont provoquée.pɔɔ
cc Le falut de l'Etat & le bonheur de Votre
-Majeſté font intimement liés ; aucune Puiflance
n'eft capable de les féparer ; de cruelles angoiffes
& des malheurs certains environneront votre
trône, s'il n'eft appuyé par vous-même fur les
bafes de la Conftitution , & affermi dans la paix
que fon maintien doit er fin nousiprocurer. Ainfi ,
la difpofition des efprits , le cours des chofes ,
les raifons de la politique , Fiatérêt de Vore
-Majefté , rendent indifpenfable l'obligation de
s'unir au Corps. Législatif , & de répondre au
.voeu de la Nation , ils font une néceffité de ce
que les principes préfentent comme devoir::
-mais la fenfibilité naturelle à ce Peuple : ff Яucux
eft prête à y trouver un motif de reconnoiflance.
O vous a cruellement trompé , Sire , quand on
-vous a inspiré de l'éloignement ou de la méfiance
de ce Peuple facile à toucher ; c'eft en
vous inquiétant perpétuellement , qu'on vous a
- porté à une conduite propre à l'alarmer lui
7
M 2
( 256 )
même. Qu'il voie que vous êtes réfolu à faire
marcher cette Conftitution à laquelle il a attaché
La félicité , & bientôt vous deviendrez le fujet
des actions de graces. "
t
cc La conduite des prêtres en beaucoup d'endroits
, les prétextes que fourniffoit le fanatifme
aux mécontens , ont fait porter une loi fage
contre ces perturbateurs ; que Votre Majesté lui
donne fa fanction , la tranquillité publique la
réclame , & le falut des Prêtres la follicitent.
Si cette Loi n'eft mife en vigueur , les Dépar
temens feront forcés de lui Cubſtituer , comme
ils font de toutes parts , des mefures violentes ;
& le Peuple inité y fuppléera par des excès. »
« Les tentatives de nos ennemis , les agitations
qui fe font manifeftées dans la Capitale ; extrême
inquiétude qu'avoit excitée la conduite de
votre garde , & qu'entretiennent encore les témoignages
de fatisfaction qu'on lui a fait donner
par Votre Majefté , par une proclamation vraiment
impolitique dans les circonstances ; la
fituation de Paris , fa proximité des frontières ,
ont fait fentir le beſoin d'un camp dans fon voifinage.
Cette mefure , dont la fagelle & Turgance
ont frappé tous les bons efprits , n'attend
encore que la fanétion de Votre Majefté. Pourquoi
faut- il que des retards lui donnent l'air du
regret , lorfque la célérité lui mériteroit la reconnoiffance
? »
«Déja les tentatives de l'Etat - Major de la Garde
Nationale Parifienne contre cette mefure ont fait
foupçonner qu'il agiffoit par une infpiration fu-
-périeure ; déja les déclamations de quelques démagogiftes
outrés réveillent les foupçors de leurs
rapports avec les intéreffés au renversement de
la Conftitution ; déja l'opinion publique com-
"
( 257 )
1
promet les intentions de Votre Majefté : encore
quelque délai , & le Peuple contrifté croira ap
percevoir dans fon Roi l'ami & le complice des
confpirateurs. »
« Jufte ciel ! auriez - vous frappé d'aveuglement
les Puiffances de la terre ? & n'auront- elles
jamais que des confcils qui les entraîneront à leur
ruine ? »
Je fais que le langage auftère de la vérité
eft rarement accueilli pès du Trône 3 je fais
audi que c'est parce qu'il ne s'y fait prefque jamais
entendie , que les révolutions deviennent né
ceffaires : fais fur- tout , que je dois le tenir
à Votre Majefté , non -feulement comme Citoyen
foumis aux Loix , mais comme Miniftre honoré
de fa confiance , ou revêtu de fonctions qui la
fuppofent ; & j : ne connois rien qui puiffe m'empêcher
de remplir un devoir dont j'ai la confcience.
»
« C'eft dans le même efprit que je réitérerai
mes reprélen ations à Votre Majefté , fur l'o
bligation & l'utilité d'exécuter la Loi qui pref
crit d'avoir un Secrétaire au Confeil. La feule
exiftence de la Loi parle fi puiflamment , que
F'exécution fembleroit devoir fuivre fans retasdement
; mais il importé d'employer tous les
moyens de conferver aux délibérations la gravité,
la fageffe , la maturité néceffaires ; & pour des
Miniitres refponfables , il faut un moyen de
conftater leurs opinions . Si celui là cût exifté
je ne m'adrefferois pas par écrit , en ce moment ,
à Votre Majefté. »
« La vie n'eft rien pour l'homme qui eſtime
fes devoirs au - deffus de tout ; mais après le
bonheur de les avcir remplis , le bien auquel il
foit cucore fenfible , eft celui de penfer qu'il l'a
M3
( 258 )
fait avec fidélité : & cela même est une obligation
pour homme public . »
Tandis que l'Affemblée décrétoit l'envoi
de cette pièce aux Départemens , avant peutêtre
que le Roi en eût connoiffance , &
cela pour caufe , le Département de Paris
indi quoit dans une lettre à M. Roland la
caufe des troubles que ce Miniftre feignoit
d'ignorer ou qu'il affectoit de chercher dans
des confpirations qu'il favoit bien n'exiſter
que dans l'efprit de ceux qui , par un
thotif diabolique , les ont prétextées pour
avilir le Prince & le priver de fa Garde &
de fes anciens ferviteurs.
« Quant aux conjurations , « difent les
» Adminiftrateurs dans leur lettre » , nous
devons vous affirmer que jufqu'à préfent
» il n'eft venu à notre connoiffance aucun
fait pofitif qui puiffe fonder un fuccès
raifonnable à cet égard....... Nous ne
» négligeons aucune des précautions que
» nous dicte la prévoyance , mais nous
» fommes enmême temps convaincus qu'agiter
le Peuple par des terreurs imaginaires
eft auffi contraire à fa sûreté qu'à
>>>fon bonheur.»>>
On s'imagine bien que le Directoire ne
parlera pas du bonheur du Roi , quoique
ces terreurs foient principalement dirigées
contre lui , mais c'est toujours beaucoup
de courage au Directoire d'avoir dit cela
( 259 )
c'en eft encore plus d'avoir ajouté ce qui
fuit :
« C'eſt au ſein de notre Département , Monfieur
, c'eft prefque fous nos yeux même que fe
travaillent avec tout l'art imaginable les affreux
poifons qu'on répand enfuite dans toutes les panties
du Royaume . Nous ferions de lâches citoyens ,
d'indignes Magiftrats du peuple , fi nous avions la
pufillanimité de vous taire qu'il exifte au milieu
de la Capitale confiée à notre ſurveillance , une
chaire publique de diffamation , ou les citoyens de
tout âge & de tout fexe admis indiſtinctement à
affifter à des prédications criminelles , peuvent
s'abreuver journellement de ce que la calomnie a
de plus inpur , la licence de p'us contagieux. Cer
établiffement placé dans l'ancien local des Jacobins
, rue Saint- Honoré , prend le titre de Société
, mais bien loin d'avoir les caractères d'une
fociété privée , il a au contraire tous ceux d'un
fpectacle public : de vaftes tribunes y font ouvertes
pour les auditeurs des jours & heures fixes en indiquent
au peuple toutes les féances , & un Journal
imprimé & diftribué avec profufion publie les difcoms
qui s'y tiennent. En parcourant au haſard
quelques feuilles de ce Journal , & notamment
celles de quatre ou cinq féances des femains dernières
, vous y verrez que le Roi , les Tribunaux ,
les Adminiſtrateurs les Chefs de nos armées
tout ce qui eft en France revêtu de quelqu'auto
rité , y eft avili & calomnié à deffein . On y dit :
(féance du 21 mai ) que s'il eft impoffible. à un
citoyen patriote de refter au fervice du Roi , c'eft
une preuve de l'adage tel maître , tel valet &
ces paroles dites par le Préfident de la Société
fout, par un arrêté exprès , inférées au Journal
qu'on nomme Procès - verbal. On y dịt : (féance du
M
4
( 260 )
17 ) que les Tribunaux veulent faire la contre- révolution.
On y accufe les Adminiftrateurs du Dé
partement de la Nièvre , d'être des accaparcurs de
bled. (féance du 23 ) . La mémoire de l'infortune
Dillon y eft indignement outragée ; les Généraux
Lafayette & Narbonne y font traités par pficuis
de ces orateurs , de traîtres , de perfides fcélérats
dignes de l'échafaud , & tout prêts à paſſer à l'ennemi.
( Séance du 23. ) La Conſtitution n'eft pas
à l'abri de ces atteintes ; on y dit : (feance du 17)
que le décret du veto n'eft pas plus difficile à renwerfer
que la Baftille. Enfia , Monfieur , vous n'y
verrez pas , fans friffonner , que dans la féance
du 18 mai dernier , le récit d'un meurtie atroce
accompagné des plus cruelles circonstances , a été
couvert d'horribles applaudiffemens. Nous ne
multiplierons pas ces citations ; mais à la lecture
de ce Journal vous pourrez vous convaincre qui
n'eft pas un acte d'infubordination ou de révolte,
pas un outrage à la loi , à la juftice ou à l'huma❤
nité , qui n'y ait été non - ſeulement juſtifié , mais
accueilli avec les fignes d'approbation les plus
éclatans ; vous y verrez la violation des prifoas
d'Avignon applaudie comme le récit d'un triom
phe ; par- tout vous y verrez que le calomniateur y
débite effrontément fes affertions , fans prendre
même la peine d'y joindre les moindres faits , les
indices les plus légers ; & qu'affuré d'avance de
fon fuccès , il infu te à la crédulité du peuple , e
dédaignaut même de déguifer les poifons qu'il
lui diftribue. Malgré le defir qu'on pourroit avoir
de ne voir que de l'égarement , au lieu de préfumer
des projets criminels ; malgré la certitude même
que des citoyens d'ailleurs irréprochables , fefoat
quelquefois laiffé féJuire jufqu'à fe liver cur
êmes à de pareilles déclamations , cependant il
}
( 261 )
eft difficile de ne pas ſoupçonnér de pèrverfité la
plupart de ces artifans de calomnie , quand on cbferve
fur-tout que les plus opiniâtres & les plus
effrontés d'entr'eux , font des hommes ignorés
jufqu'a ce moment dans la Capitale , étrangers à
toutes les fatigues de la révolution , & qui n'ont
encore obtenu aucun témoignage de la confiance
de leurs concitoyens. »
Sans parler ici des autres dangers que préfente
une Société qui par fon influence , fes affiliations
& la correfpondance , exerce fur tout l'Empire
un véritable miniſtère fans titré & ſans refponfabilité
, tandis qu'elle ne laiffe plus aux agens
Jégaux & refponfables qu'un pouvoir illufoire ,
nous nous renfermerons dans ce qui touche de
plus près au Département dont l'adminiftration
nous eft confiée . »
«
Nous ne pouvons vous diffimuler , Monfieur,
qu'un pareil établiffement dont aucun fiècle , aucun
pays n'offre encore le fcandale , pervertit la
morale publique avec la plus effrayante rapidité,
En nous invitant à répandre des inftructions de ci
vifme&de paix , ne nous rappellez - vous pas que
notre premier devoir eft de préferver le peuple de
toutes prédications immorales & de toutes inftigations
criminelles ? Applaudir au meurtre ou le
confeiller , né nous paroît offrir aucune différence }
calomnier tous les dépofitaires de l'autorité , avilir
tous les organes de la loi , nous femble la prevo
cation la plus directe à la délobéiſſance, Autant
l'exercice de la dénonciation civique donne d'é
nergie à un Gouvernement libre , autant de lâches
& abfurdes calomnies contribuent à en brifer tous
les refforts & fur-tout celui de la confiance qut
doit être le plus puiffant de tous . Auffi les effets
que nous redoutons , fe manifeftent- ils déjà d'une
M
S
(.262 ).
manière trop fenfible . Per tout nous retrouvons
Telprt , le ton, & jufqu'aux expreflions de cette
p nceu e école. Les i jules foupçons , les défianc
vagues , le calomnies puifées à cette fource,
ci culent dans les places , dans les marchés , dans
Is affemblées des Citoyens , & jufques dans les
at lies du ravail ; là , elles font toutes répétées
par des bouches fimples & innocentes qui les propagent
avec d'autant plus d'affurance que leurs
intentions font parfaitement pures , »
Encore une fois nous le répétons , ces
confidérations deviennent impuiffantes avec
les principes adoptés par la Conftitution
même.Le jacobinifme n'eft, pour un homme
conféquent qu'un réfultat févère de l'égalité
politique , de la fouveraineté active du Peuple
, de l'abolition de la royauté dans la
perfonne du Roi , dont on a fait un fonctionnaire
à gages , de la profcription de la
Nobleffe , du mépris ou de l'indifférence
pour le culte public , de l'inftitution de fêtes
vagues , qui font dans le fens de la révolution
le plus exagéré , &c. Quand on proclame
un pareil fyftême de Gouvernement ;
que l'on arme pour le défendre , que l'on
appelle cela liberté , que l'on traite les
autres Peuples d'efclaves , qu'on leur fait
la guerre parce qu'ils ne veulent pas fouffrir
au fein de l'Europe un pareil foyer d'incendie
politique , il faut être Jacobin ; & fi
Fon parvient à détruire, les Jacobins , je dis
qu'à moins d'interdire à tous les individus,
L'ufage de la logique , ils tirerontdes mêmes
扉
( 263 )
principes les mêmes conféquences que les
Jacobins. C'eft le cas de dire que tant que
la caufe fubfiftera , l'effet exiſtera .
Auffi ne tes voit- on point étourdis de
l'expulfion de leurs créatures du Ministère ;
ils feront mieux que d'y avoir des créa
tures, il le détruiront entièrement ; & certes
als n'auront pas grand embarras , car il n'eft
déjà plus qu'un nom infignifiant , dont lạ
réalité fe trouvs dans les Comités de l'Af
femblée , les Clubs & quelques individus
de la Municipalité. C'eft à cet avi iffement,
qu'eft due la difficulté que vient d'éprouver
le Roi pour donner des fucceffeurs à MM.
Dumourier , Roland , Clavière ; le premier,
comme on fait , avoit été remplacé dans
les Affaires étrangères par M. de Naillac,
Envoyé aux Deux Pont , & lui-même avoit
demandé le porte feuille de la guerre ;
M.
Roland l'avoit été par M. de Mourgues ,
Directeur , je crois , des travaux de Cherbourg
, tous deux protégés de M. Dumourier
; mais ils n'ont occupé ce pofte que
trente - fix heures ; ils ont été remplacés
famedi foir , favoir : M. Dumourier par
M. Delajard , ancien Aide Major Général
de l'armée Parifienne , ami de M. de la .
Fayette ; M. de Mourgues , fucceffeur de M.
Roland pendant trente- fix heures , par M.,
de Montciel, Préfident du Département du
Jura ; M. de Naillac , fucceffeur de M.
Dumourier dans les Affaires étrangères ,
M 6
( 264 ).
par M. de Chambonas, Maréchal-de canip
& M. Clavière, par M.Beaulieu , premier
Commis des Bureaux de la Comptabilité
H eft inutile d'entretenir le Lecteur des
intrigues , des menées , des caquets , des
efpérances , des craintes , que ces changemens
ministériels ont fait naître ; ils font
en raifon de la légèreté , de l'ignorance , des
prétentions de la multitude incalculable
d'individus qui fe croient aujourd'hui capables
de gouverner l'Empire. M. Duranthon
a encore le fceau ; on voudroit dans
le moment où j'écris le redonner à M.
Duport-du - Tertre.
-
Les nouvelles de l'armée ſe réduisent à peu
de chofes. Celle di Général Luckner a quitté fon
pofte du fauxbourg de Lille , où elle étoit'; elle s'avance
fur Ménin. Le Général promet unemanoeuvre
importante. L'armée Autrichienne de Tournay fe
difpofe à l'attaquer ; elle a renvoyé les bagages.
Celle de M. de la Fayette tient toujours les mêmes
poftes dans les environs de Maubeuge. ... Quelques
Autrichiens fe font rendus à Cifoing , près
de Tournay , & en ont rapporté une cinquantaine
de fufils , après avoir abattu l'arbre de li
liberté que les François avoient planté. -
L'émigration continue ; la plus grande partic
des Officiers du régiment de Bourbon , Dragons ,
en garaifon à Dunkerque , ont paffé à l'étranger
le 8 de ce mois. Ils ont emporté avec eux les
guidons du régiment , & n'ont laidé que les
bâtons & les cravates aux trois couleurs. Le
Colonel eft du nombre de ceux qui s'en fontallés.
La Société des Amis de la Conftitu
.4.
1
19265 )
tion de Toulon s'eft rendue maîtreffe de l'Atfenal
; elle en a fat ôter les canons qui ont été
placés par tour où elle a voulu, De toete
part on entend des menaces contre le courage
du Roi , qui refuſe de fanctionner le Décret atroce
contre les Prêtres non - affermentés , & celui qui
a pour objet de former un camp de vingt mille
hommes . Ou écrit & on public que les fauxbourgs
St. Antoine & St. Marceau , M. Santerre
à la tête , viendront avec leurs piques &
leurs haches planter le mai de la liberté dans les
cours des Tuileries & forcer le Roi à fance
tionner. Tout eft dans l'agitation à l'intérieur,
& l'on croît être à la veille de quelque mouve
ment important ; peut - être n'en réſultera - t- il
que de nouveaux malheurs & un furcroît de captivi
té pour le Rei , & de fervitude pour les opprimés.
--
>
Nous allons tranferire ici la pièce que
nous avons promite plus haut , & qui a étélue
dans la Séance du 13 : nous y joindrons là
lettre de M. de la Fayette , lue à celle du 18 ,
& imprimée par ordre de l'Affen blée .
Rapport de M. Lafayette , qui a été lu dans la
féance du mercredi 13 au matin , par M. Du,
mourier . Aucamp retranché de Maubeuge , le 11
Juin 1792.
« Je vous ai rendu compte , Monfieur , des
mouvemens für Maubeuge . Avant- hier , pendant
que je reconnoiffois le pays entre mon camp &
Mous , il s'engagea une efcarmouche de nos
troupes légères avec celles des ennemis , cu ceux- ci
perdirent trois hommes , & où il y eut de part &
d'autres quelques bleffés. Ce matin les ennemis.
ont attaqué mon avant- garde , qu'ils efpéroient
fans doute furprendre ; mais averti à temps , M
Gouvion a renvoyé les équipages fur Maubeuge
1
7266 )
du canon ,
!
& a commencé , en fe repliant , un combat où fon
infanterie étoit continuellement couverte par des
haies , & où les colonnes ennemies ont beaucoup
fouffert du feu du canon , & particulièrement de
quatre pièces d'artillerie à cheval , fous le Capitaine
Barrois. Les troisième & onzième régimens
de chaffeurs , & le fecond de huſſards ont bien
manoeuvré. Celui- ci a fort maltraité un détachement
de hulans , qui s'étoit aventuré. Un ouragan
très-violent ayant empêché d'entendre les fignaux
a retardé pour nous la connoiſſance
de l'attaque. Auffi tôr qu'elle eft parvenue au
camp , une colonne d'infanterie fous M. Ligneville
, & de la cavalerie fous M. Tracy , ont été
conduites par M. Narbonne fur le flane gauche
des ennemis ; tandis que la réſerve de M. Maubourg
fe portoit au fecours de l'avant- garde , j'ai
fait marcher les troupes en avant , & les ennemis
nous abandonnant le terrein , une partie de leurs
mar.s & de leurs bleffés , fe font retirés dans leur
ancien camp. Nous avons dépaffé de plus d'une
lieue celui de l'avant-garde , qui a repris tous fes
poftes, "
« Je n'aurois donc qu'à me féliciter du peu de
fuccès de cette attaque , fi par la plus cruelle fatafité
elle n'avoit pas enlevé à la patrie un de fes
meilleurs citoyens ; à l'armée, un de fes plus utiles
Officiers , & à moi un ami de 15 ans , M. Gouvion.
Un coup de canon a terminé une vie auffi vertucufe
; il eft pleuré par fes foldats , par toute
l'armée , par tous ceux qui fentent le prix d'un
civifme pur , d'une loyauté inaltérable , & de la
réunion du courage aux talens . Je ne parle pas de
mes chagrins perfonnels, mes amis me plaindront. »
« Les deux lieutenans- colonels du département
de la Côte-d'Or excitent de juftes regrets ; l'un
( 267 )
M. Cazoite , âgé de 75 ans , & connu par so ans
de fervice diftingués dans l'artillerie , avoit dans
la dernière affaire., concouru avec M. Gouvion à
l'action vigoureufe qui fauva du milieu des ennemis
une pièce démontée . Notre perte d'ailleurs fe
.borne à 25 hommes bleffés . Le nombre des morts
cft peu confidérable. Les ennemis en ont laiffé
beaucoup plus que nous , & en ont beaucoup em
porté. Nous avons fait quelques priſonniers , & je
n'ai aucune connoiffance que nous en ayons perdu.
Telle eft , Monfieur , la relation que je m'emprefle
de vous envoyeren rentrant au camp ; elle eft auffi
exacte que je le puis , avant d'avoir reçu les détails
officiels .
Signé , le Général d'armée LAFAYETTE.
Lettre de M. de la Fayette , à l'Affemblée Nationale
, lue à la Séance du 18 Juin 1792 .
Au Camp retranché de Maubeuge , ce 16 Juin
1792 , l'an 4. de la Liberté.
CC Meffieurs , au moment trop différé peutêtre
, ou j'allois appeller votre attention fur de
grands intérêts publics , & défigner parmi nos
dangers la conduite d'un Ministère que ma correfpondance
accufoit depuis long- temps , j'apprends
que , démafqué par fes divifions , il a
luccombé fous fes propres intrigues ; car , fans
doute , ce n'eft pas en facrifiant trois collégues
affervis par leur infignifiance à fon pouvoir ,
que le moins excufable , le plus noté de ces Miniftres
aura cimenté , dans le Confeil du Roi ,
fon équivoque & fcandaleufe existence . »
« Ce n'eft pas affez néanmoins que cette branche
du Gouvernement foit délivrée d'une funcfte
influence . La chofe publique eft en péril ; le fort
de la France repofe principalement fur fes Re(
268 )
préfentas la Nation attend d'eux fon faldt's
mais en fe donnant une Conſtitution , elle leur
a preferit l'unique route par laquelle ils peuvent
la fauver.
« Perfuadé , Meffieurs , qu'ainsi que les droits
de l'honime fost la Loi de toute Alemblée conf
tituante , une Conftitution devient la Loi des
Législateurs qu'elle a établis , c'est à vous - mêmes
que je dois dénoncer les efforts trop paitfans que
l'on fait pour vous écarter de cette règle que vous
avez pomis de fuivre,
« Rien ne m'empêchera d'exercer ce d'oit d'un
home libre, de remplir ce devoir d'un Citoyens
ni les égaremens momentanés de l'op'nion , car
que font les opinions qui s'écartent des principes?
Ni mon refpect pour les Représentans du Peuple
; car je refpecte encore plus le Peuple , dont
la Conftitution eft la volonté fuprême ; ni la
bienveillance que vous m'avez conſtamment `témoignée
; car je veux la conferver comme je l'ai
obtenue , par un infi rible amour de la Liberté . »
Vos circonstances font difficiles ; la France
eft menacée au- dehors & agirée au - de dans : tandis
qe des Cours étrangères annoncent l'intolérable
projet d'attenter à notre Souveraineté nationale,
& fe déclarent ainfi les ennemis de la France ,
des ennemis intérieurs , ivres de fanatifine & d'orgucil
, entretiennent un chimérique efpoir , &
nous fatiguent encore de leur infolente malveillance,
« Vous devez , Meffieurs , les réprimer ; &
vous n'en aurez la puiffance qu'autant que vous
ferez conſtitutionnels & juftes . »
« Vous le voulez fans doute : mais portez
vos regards fur ce qui le pale dans votre fein
& autour de vous . 27 .
( 269 )
« Pouvez-vous vous diffimuter qu'une f Arɔn ,
& , pour éviter les dénominations vazucs , que
la factio Jacobite à caufé tous les défordres ?
C'est elle quen accu´e hautement . Organifée
comme un Empire à part dans la Méno ole &
dans fes affiliations , aveuglément di igée par
quelques Chifambitieux , cette fi &te forme une
corporation d.ftincte au milieu du Peuple. Fran,
çois dont elle ufurpe les pouvoirs en fubjuguant
les Repréfentans & fes mandataires. »
« C'eſt-là que , dans des léances pab'iques ,
l'amour des loix fe nomme ariftocratic , & leur
infraction , patrioifme ; là les affalins de Dé
filles reçuvent des triomphes ; les crimes , de
Jourdun trouvent des panégyriftes ; là le récit
de l'affaflinat qui a fouillé la vile de Metz ,
vientencore dicxciter d'i fernales acclamations. »
« Croira - t- on échapper à ces ieproches en le
targuant d'un minifelte Autrichien cu ces Se
taires font nommés ? Sont -ils devenus facrés
parce que Léopold a prononcé leur nom , & parce
que nous devons combattre les Etrangers qui s'im
mifcent dans nos querelles , fommes-nous difpenfés
de délivrer notre Patrie d'une tyrannic domef
tique ? »
1
« Qu'importent à ce devoir , & les projets des
Etrangers , & leur connivence avec des Contre-
Jévolutionnaires , & leur influence fur des amis
tièdes de la liberté ? C'est moi qui vous dénonce
cette S. &te , moi qui , fans parler de ma vie
paffée , puis répondre à ceux qui feindroient de
me fufpecter : «Approchez dans ce moment de
crife où le cara & ère de chacun va être connu ,
» & voyons qui de nous , plus infl : xible dans
» fes principes , plus opiniâ: re dans la réſiſtance ,
» bravera mieux ces obstacles & ces dangers que
( 270 )
des traîtres diffimulent à leur Patrie , & que
les vrais Citoyens favent calculer & affronter
pour elle . »
Et comment tardercis je plus long-temps à
remplir ce devoir , lorfque chaque jour affoiblit
les autorités conftituées , fubftitue l'efprit d'un
Parti à la volonté du Peuple ; lorfque l'audace
des agitateurs impofe filence aux Citoyens paifibles
, écarte les hommes utiles , & lorfque le dévouement
fectaire tient lieu des vertus privées &
publiques , qui , dans un pays libre , doivent être
l'auftère & unique moyen de parvenir aux premières
fonctions du Gouvernement.
*
C'eft après avoir oppofé à tous les obftacles
, à tous les piéges le courageux & perfévérant
patriotifme d'une armée , facrifiée peutêtre
à des combinaiſons contre fon Chef , que
je puis aujourd'hui oppofer à cette Faction la
correfpondance d'un Miniftère , digne produit de
fon Club , cette correfpondance dont tous les calculsfont
faux , les promeffes vaines , les renseignes
mens trompeurs ou frivoles , les confeils perfides
ou contradictoires ; où , après m'avoir preffé
de m'avancer fans précautions , d'attaquer fans
moyens , on commençoit à me dire que la réfiftance
alloit devenir impoffible , lorfque mon iadignation
a repouffé cette lâche affertion . »
cc
Quelle remarquable conformité de langage ,
Meffieurs , entre les Factieux que l'Ariftocratie
avoue , & ceux qui ufurpent le nom de Patriotes
. Tous veulent renverfer nos loix , le rés
jouiffent des défordres , s'élèvent contre les autorités
que le Peuple a conférées , détestent la Garde
Notionale , prêchent à l'armée l'indifcipline
sèment tantôt la méfiance & tantôt le découragement.
»
( 271 )
* « Quant à moi , Meffieurs , qui époufai la
cauſe Américaine au moment même ou fes Ambaffadeurs
me déclarèrent qu'elle étoit perdue s
qui dès -lors me vouai à une persévérante défenfe
de la liberté , & de la Souveraineté des
Peuples; qui , le 11 Juillet 1789 , en préfentant à
ma Patrie une déclaration des Droits , ofai lui
dire : Pour qu'une Nationfoit libre , ilfaffu qu'elle
veuille l'être, je viens aujourd'hui , plein de confiance
dans la justice de notre caufe , de mépris pour
les lâches qui la défertent , & d'indignation contre
les traîtres qui voudroient la fouiller ; je viens
déclarer que la Nation Françoiſe , fi elle n'eft
pas la plus vile de l'univers , peut & doit réſiſter à
la conjuration des Roisqu'on a coalifés contre ele .
сс
;
Ce n'eft pas fans doute au milieu de ma
brave armée , que les fentimens timides font
permis : patriotisme , énergie , diſcipline , patience ;
confiance mutuelle , toutes les vertus civiques &
militaires , je les trouve ici . Ici les principes de
liberté & d'égalité font chéris , les loix respectées ,
la propriété facrée ici l'on ne connoît ni les
calomnies , ni les factions ; & lorfque je fonge
que la France a plufieurs millions d'hommes qui
peuvent devenir de pareils foldats , je me de
mande à quel degré d'aviliffement feroit donc
réduit un peuple immenfe , plus fort encore par
fes reflonrces naturelles que par les défenfes de
l'art , oppofant à une confédération monftrueufe
l'avantage des combinailons uniques , pour que
la lâche idée de facrifier fa fouveraineté , de
tranfiger fur fa liberté , de mettre en négocia
tion la déclaration des droits , ait pu paroître une
des poffibilités de l'avenir qui s'avance avec ra
pid.té fur nous ! »
:
Mais , pour que nous , foldats de la liberté
( 272 )
combattions avec efficacité , ou mourions avee
fruit pour elle , il faut que le nombre des défe
feurs de la Patrie foit promptement proportionné
à celui de fes adverfaires ; que les appro
vifionnemens de tout genre fe multiplient , &
facilitent nos mouvemens ; que le bien-être des
troupes , leurs fournitures , leur paiement , les
foins relatifs à leur fanté ne foient plus foumis
à de fatales lenteurs , ou à de prétendues épar
gnes qui tournent en ſens inverſe de leur but, ≈
« Il faut furtout que les Citoyens ralliés
autour de la Conftitution , foient affurés que les
droits qu'elle garantit , ferent refpectés avec une
fidélité reigicufe qui fera le défelpoir de les ennemis
cachés ou publics.
33
Ne repouffez pas ce voeu : c'est celui des
nis fincères de votre autorité légitime. Asurés
qu'aucune conféquence injufte ne peut découler
d'un principe pur, qu'aucune mefure tyrannique re
peut fervir une caufe qui doit fa force & la gloire
aux bafes facrées de la liberté & de l'égalité 5
fuites que la julsce criminelle reprenne la marche
conftitutionnelie que l'égalité civile , que la
liberté religieufe jouiffent de l'entière application
des vrais principes . »
Jant
Que le pouvoir royal foit intact , car il eft
garnu par la Conftitution ; qu'il foit indépen
car cette indépendance cft un des rcflotts
de notre liberté ; que le Roi foit révéré , car il
eft inveſti de la Majeſté nationale ; qu'il puille
choifit un Mi ifiè e qui ne porte les chaînes
d'aucune fiction ; & que s'il exifte des confpirateurs
, ils ne périffent que fous le g'aive de
1 Lo : »
« Enfin , que le règne des Clubs , anéanti
par vous , falle place an rège de la Loi , leurs
( 253 )
१
afurpations à l'exercice ferme & indépendant des
autorités conflituées , leurs maxi :nes déforganifatrices
aux vrais principes de la liberté , leur
fureur délirante au courage calme & conftant
d'une Nation qui connoît les droits & les dé
fend ; enfia , leurs combinaiſons fectaires aux
véritables intérêts de la Patrie , qui , dans ce
moment de danger , doit réunir tous ceux pour
qui fon allervillement & fa ruine ne font pas les
objets d'une atroce jouillance & d'une infâme
fpéculation. »
ce Teiles font , Meffieurs , les repréſentations
& les pétitions que foumet à l'Aſſemblée natio .
nale , comme il les a foumifes au Roi , un Citoyen
à qui l'on ne difputera pas de bonne foi
l'amour de la liberté ; que les diverfes factions
haïroient moins , s'il ne s'étoit élevé au - deílus
d'elles par fon défintéellement ; auquel le filence
-eût mieux convenu , fi , comme rant d'aut : es ' ,
il cût été indifférent à la gloire de FAffemblée
nationale , & à la confiance dont il simpane
.qu'elle foit environnée ; & qui lui-même , cofin ,
ne pouvoit mieux lui témoigner la fienne , qu'en
lui montrant la vérité fans déguisement . 20
Meffieurs , j'ai obći à ma conſcience , à mes
fermens : je je devois à la Patrie , à vous , au
Pi , & fur- tout à moi- même , à qui les chances
de la guerre ne permettent pas d'ajourner les
obfervations que je crois utiles , & qui aime à
penfer que l'Allemblée nationale y trouvera un
3 nouvel hommage de mon dévouement à ſon
autorité conftitutionnelle , de ma reconnoiffance
perfonnelle , & de mon respect pour elle. »
Signé , LA FAYETTE,
Nous garantiffons ' exactitude & l'authenticité
des faits confignés dans la lettre
1274 }
que
fuivante , qui font de la plus grande importance
, & nous prévenons nos Lecteurs
la même perfonne qui nous les adreffe nous
fournira fur l'Allemagne les plus sûrs documens
pendant tout le temps de la de la guerre.
Extrait d'une Lettre de Francfort-fur-le -Mein , le
14 Juin 1792 .
ée Les cantons Helvétiques ont placé à Bafc
une garnifon de 1500 hommes , & la Diète en
proclamant fa Neutralité armée pour les cantons
& pour les Alliés du Corps Helvétique , exige
que les François évacuent le pays de Porentru.
-Les délibérations de la Diète ont été arrêtées fur
ce point d'abord , enfuite fur les mefures défeafives
à prendre pour le maintien de leur Neutralité
. Le Roi de Pruffe a demandé & obtenu
Ma garantic de Neuchâtel annexé ainfi que Genève
à cet acte de Neutralité. Elle n'cft que provifoire
, & fubordonnée aux évènemens fubféquens.
On attend les demandes & ouvertures que pourront
faire les Cours de Vienne & de Berlin .
Trois cantons , Lucerne , Soleure & Fribourg
ont porté à la délibération de la Diète la pétition
de quatre régimens Suiffes qui demandent à
quitter le Royaume. Ils ont enfuite généraliſé cet
avis pour tous les Corps au fervice de France , une
décision a été jugée prématurée ; les petits cantons
ne fauroient comment foutenir leurs régimens
dans le pays il faut qu'une autre Paiffance
fe charge de leut folde , jufqu'au moment -
où l'ordre fera rétabli en France,
3
J'ai fait 30 lieues au milieu des Autrichiens ,
depuis Krotzingen à 7 lieues de Balle , jufqu'à
Appenwier près de Raftad ; touc eft plein de
leurs quartiers ils rempliffent de même la partic
( 275 )
n
Tupérieure du Brifgaw dans l'Ortenau , du côté
d'Ettenheim & d'Oberkirch . Fribourg eft le
quartier général. J'y ai trouvé le Général Wallis
qui commande en Chef, en attendant l'arrivée
du Prince de Saxe Cobourg. Cette armée du
Brifgau fera de 30 à 40 mille hommes , il y en
avoit 16 mille à mon paffage , favoir les trois
régimens d'Infanterie entiers & fur pied de guerre ,
de Neugebauer , Gemmingen , & Kletek for
mant 13 mille hommes ; les Chevaux légers de
l'Empereur fuperbe corps ; les Cuiraffiers d'Hozenzollern
& quelques elcadrons de Huffards.
On vifite exactement les paffe ports , mais avec
politefle. Le jour de mon paffage à Kentzingen
entre Fribourg & Offenbourg , on leva un camp
' de 6,000 hommes formé à un quart de lieue
de Kentzingen , afin de ne pas laiffer les Soldats
expofés à l'humidité ; les pluyes ne ceffent pas
depuis quinze jours. Je vis lever les tentes &
partir les Troupes pour leurs cantonnemens . L'après
-midi je défilai pendant fix lieues au milieu
de deux bataillons arrivante du régiment de
Klebeck , de leurs équipages , de leur artillerie .
Près de deux mille hommes , 80 charriots . , huir
pièces de canons , les caiffons , les chevaux de
fervice excellens , bien tenus , tout dans le meilleur
ordre . » A
De ce jour là , dimanche 10 , juſqu'a la
fin du mois , les dernières colonnes arriveront.
J'ai rencontré à Heppenhein dans le Palatinat
la tête d'un de ces Corps qui venoir de Waitzbourg.
Les autres fuivent à grandes journées.
« Ici il en paffe journellement qui defcendenc
le Mein. Depuis trois jours , nous en avons
près de 3 mille le matin à s'heures , mille che
vaux de remonte , & soo Cuiraflices ont paffé
1276 )
Fous mes fenêtres. Tous ces Corps. fe rendent
aux Pays-Bas...
ce
Soyez certain que 200 mille hommes feront
dans la Belgique & fur les bords du Rhin dans
le courant de Juillet. Tout eft en marche rapide,
Hier M. Bethmann m'a fait lire une lettre de
Leipfick , du 7, où l'on mande que hait régimens
Pruffiens venant de la Siléfie , viennent de pallet;
tout le cantonnement de Magdebourg eft en route.
J'ai parlé à un Commiffaire du Cercle du Haut-
Rhin raffemblé ici pour régler les étapes ,
m'a certifié qu'il palleroit dans le Cercle 150
mille hommes au moins. Vous pouvez en toutc
afſurance faire ufage de tout ce que je vous
mande. »
---
3
« Les conférences d'élection s'ouvriront dans
heit jours. Le Couronnement aura lieu au commencement
de Juillet . Je crois que d'ici le Roi
de Hongrie ira fe faire couronner en Bohême,
& ne joindra pas l'armée ; ainfi le Roi de Pruffe
auroit les honneurs de la fête . Il règne le plus
grand fecret dans les plans ; mais je fais qu'en
Juillet la guerre fera pouflée avec vigueur , qu'on '
cattaquera de toutes parts , & qu'on projette d'hi-
:verner à Paris . Plus que jamais je luis coz
-vaincu qu'on eft lein d'exagérer ces espérances. "
« J'ai trouvé ici plus de cent Officiers , Frarçois
de tout grade ; beaucoup d'arti lerie , ils
venaient d'A.face & du Midi pour le rendre dans
J'Electorat de Mayence : avec eux , plufieurs Bas--
Officiers & même des Soldats en affez grand
nombre , fe promènent dans les rues , la cocard:
blanche au chapeau . -- Cette ville garde la plus
grande neutralité. -- L'Abbé Maury , Nonce du
St. Siège au Couronnement , arrive dans hit
jours ; les Secrétaires font déjà ici , & fa maifon
louée . »
Сс
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE
ALLEMAGNE
De Vienne, le 9 Juin 1792
QUICONQUE connoît un peu la topogra=
phie des frontières de France du côté de
Ja Savoie , & de celles de Gênes du côté
du Piémont , fait que les armées combinées
d'Autriche & de Sardaigne , peuvent
fe difpenfer de paffer fur le territoire de
Gênes , pour diriges leurs forces , ou fe
défendre contre les hoftilités de la France.
Ainfi , ce n'eft point un défavantage pour
nous , que Gênes garde la neutralite de for
territoire, auffi long- temps aumoins que des
évènemens majeurs ne forceront point la
République à tenir une conduite différente .
C'eft ce qu'un Courier , arrivé ici , a fait
connoître: il a apporté la nouvelle que le
No. 26. 30 Juin 1792 Que
( 278 )
Sénat de Gênes avoit déclaré qu'il regardera
comme ennemis ceux qui par la force
des armes voudront porter atteinte au fyftême
de neutralité qu'il a adopté , & paffer
ainfi fur fon territoire , fous quelque
prétexte que ce foit.
L'Envoyé du Roi & de la République
de Pologne a remis au Prince de Kaunitz
une note relative à l'entrée des troupes
Ruffes fur le territoire de la République ;
on a dû l'envoyer au Roi à Bude. On penſe
affez généralement que la réponſe ſera
concertée avec la Cour de Berlin , & conforme
au fyftême adopté par cette dernière
, dont l'alliance avec la Pologne étant
antérieure à la Conſtitution du 3 Mai 1791 ,
ne peut s'étendre à la garantie de cette
Conftitution , ainfi que l'a déjà fait connoître
le Miniftre Prullien par deux notes
Temifes à la République. Un Courier ,
dépêché d'ici les pour Bruxelles, porte aux
Emigrés François la permiffion de fe procuter
, dans les Etats du Roi , des armes
& des munitions de guerre , & d'agir fous
les ordres des Commandans de Sa Majesté.
Le Général de Strafoldo eft arrivé dans
cette capitale pour prendre les dernières
inftructions ; auffi- tôt qu'elles feront expédiées
, il
infte rendra
à l'armée d'Italie , dont
le commandement lui a été confié. La
première divifion de la Garde-noble Allemande
eft partie pour Francfort.
279 )
1
De Francfort-fur- le- Mein , le 16 Juin .
Tout annonce qu'enfin les principaux
Etats de l'Europe ont pofitivement adopté
un fyftême de repreffion contre les attentats
de l'anarchie françoife; qu'ils ont fenti
la néceffité d'éteindre un incendie dont
la propagation, les menace d'une ruine inévitable
, & que, fortis de la fauffe fécurité
où le Ministère conftitutionnel de France
les avoit tenus pendant quelque temps ,
i's reconnoiffent aujourd'hui qu'il n'ex fte
de moyen d'arêter les fureurs des factieux
régicides qu'en leur oppofant la force de
nombreuſes armées.
B
3.
Cette conduite eft d'ailleurs conforme
aux intérêts des Nations policées , aux
droits confervateurs de la tranquillité , de
la liberté , de la propriété des Peuples . Les
Etats font entre eux dans la grande famille
de l'Europe , ce que font les individus dags
la fociété. Quand par des excès , des attentats
, un fanatifme de crimes , que que
Peuple trouble le repos , la fécurité des
autres , qu'il prêche un fyftême deftructeur
des droits de la propriété , de l'ordre
focial , qu'il arme pour foutenir ce fyllême,
il est alors de l'intérêt de tous les autres de
foutenir les principes de la juftice , humaine,
les fentimens des vertus faciales ,
par tout ce que la force donne de reffource
N &
( 280 )
mite.
& de moyen contre une femblable cala-
C'eft l'affaire du genre humain, ce
n'eft plus celle de quelques intérêts temporaires
ou privés.
Et certes fans ce droit public , fans cette
fauve- garde de la police générale des peuples
, il fuffiroit qu'une nation fanatique ,
aguerrie , riche ou intrigante , pût alléguer
des raifons de réformes intérieures , pour
offrir à l'Europe le tableau d'attentats impunis
, troubler le repos de fes voifins , protéger
le brigandage & faire chanceller les
Gouvernemens par l'influence des paffions
qu'un pareil défordre ne manque jamais de
faire naître dans les efprits inquiets de tous
pays. Invoquer en pareil cas le droit d'indépendance
nationale , c'eft l'aréantir &
le violer ; c'eft le reconnoître pour foi &
le méconnoître pour les autres . Comme un
individu dans la fociété ne peut point argumenter
du refpect qu'on doit au domicile
pour s'y permettre des excès contre
l'humanité , les moeurs , la divinité , la
fûreté de fes voifins , de même un peuple
foulevé contre tout principe humain , tout
refpect focial , perd fon droit à l'indépendance
politique , foumife d'ailleurs par fa
nature aux loix générales de la police des
Nations, à celles de la propriété , des convenances
& des engagemens réciproques.
Il eft des droits qui font ceux de tous les
Peuples , la propriété de toutes les Nations ,
281
dont ils jouiffent en commun , & dont les
Rois , les Princes , les Chefs de Gouver
nemens font les défenfeurs nés. Tout peuple
qui en proclame le mépris ou la deftruc
tion eft par cela même déclaré perturbateur
public ; il a rompu le contrat légal qui le
lioit avec les autres Nations , & dès - lors la
voie des armes devient pour celles-ci une,
reffource auffi légitime qu'indifpenfable au
maintien de leur tranquillité.
L'Europe eft vraiement outragée des hauteurs
, de l'infolence & des menées de la
faction Françoife. Par-tout une fecte audacieufe
& facrilege s'appuie de fes maximes ,
de fa conduite pour attaquer l'ordre public,
fubftituer l'argument de la force à celui de
Ja Juftice , la logique des bras à celle de la
raifon , & les prétentions du brigandage
aux droits facrés de la propriété. Une multitude
de fanatiques armés de fophifmes
& de tous les moyens de deftruction qu'offre
le plus beau Royaume de l'Europe , eft
prête à fe répandre comme un torrent fur les
pays voifins ; y propager une doctrine qui ,
toute monftrueufe qu'elle eft , n'en trouvera
pas moins de nombreux fectaires parmi
cet ordre d'hommes qui , privés de propriété
, regardent comme une injuftice , une
ufurpation les droits utiles & la propriété
des autres.
Il étoit donc temps que les Etats s'occupaffent
d'apporter un remède à ce mal ;
N 1
( 282 )
"
plus d'indifférence ou de temporifation
pouvoit les réduire à l'impuiffance de s'op
pofer au torrent ; égarés par des rapports
menteurs , ils ont cru que la France receloit
dans fon fein des germes d'ordre qui s'y
développeroient ; ils auroient plutôt dû y
voir une caufe inaltérable de défordre dans
les attentats impunis qui s'y renouvellent ,
dans l'aviliffement de la Royauté , la profcription
des diftinctions politiques , la violation
perpétuelle des propriétés , & les
infultes faites à la religion . Ce qui les apu
tromper encore , mais d'un autre lens , c'eft
l'exagération de l'impuillance des factieux
ils ont cru trop facilement à la défunion des
fanatiques qui gouvernent la France , à la
nullité de leurs moyens , mais ils oublioient
ces factieux , ces fanatiques difpofent
d'une grande force armée , d'un immenſe
tréfor & de tous les moyens qui peuvent
alimenter les palions de l'avarice , de l'am
bition & de la haine ; qu'agir foiblement
contre une pareille maffe , ou attendre du
temps fa diſſolution , c'étoit s'expofer à s'en
voir écrafer après qu'elle auroit parcouru
tous les périodes du crime & de la violation
de droits .
Ceft un grand aveuglement des Cabinets
des Princes de ne voir les dangers de l'anarchie
qu'au moment de fon é uption ; c'en
eft un plus grand encore de penfer qu'elle
peu leur fervir à quelque chofe lorfqu'elle
( 283 )
3.
étend fes ravages fur un état voifin ,- &
ç'en fut un très grand à quelques puiffancès
de n'avoir pas vu que l'exemple fcandaleux
des défordres qu'offre la France , pouvoit
nuire à leurs intérêts d'une manière bien autrement
formidable que la rivalité puiffante
de cette fuperbe Monarchie . J'ajouterai que
fi cette erreur pouvoit être , par impoffible ,
celle des Princes & des Rois , du moins
devroit - elle paroître très - dangereufe à
toutes les claffes de propriétaires , dont les
droits n'ont jamais reçu d'atteintes auffi
funeftes
que celles que leur ont portées las
actes de la Révolution Françoife.
C'eft là ce qu'on ne doit point perdre de
vue , & c'est à cette caufe qu'on doit attribuer,
fans doute en grande partie, les mou
vemens de défenfe qui règnent dans l'Empire
aujourd'hui. Malgré les lenteurs qui
doivent néceffairement accompagner fes
démarches, on y apperçoit une accélération
de préparatifs générale. Le Cercle de Suabe
dont on fen:bloit craindre l'indécifion , s'eft
foumis aux conditions du Conclufum de la
Diète pour le contingent de fecours qu'il
doit fournir. Le Roi de Pruffe vient de
faire notifier par M. de Soden , fon Miniftre
auprès de l'Affemblée du Cercle de
Franconie qu'il fe voit obligé de faire
marcher un Corps de troupes confidérable
vers le Rhin , pour couvrir les frontières
de l'empire , & qu'il propofe à fes co Etats
N 4
( 284 )
'du Cercle de Franconie d'accéder à l'affo
ciation tant des Cours de Vienne & de
Berlin que des autres Cercles , dans l'intention
de maintenir les droits & la paix de
T'empire. » Les troupes défilent les unes
dans les Pays Bas , les autres fur le Rhin.
Le régiment Pruffien de Kleist , Infanterie
eft paffé le 6 par Berlin pour fe rendre à
Coblentz ; les équipages de campagne du
Prince de Pruffe & les Bureaux des Poftes
ont pris hier la même route ; ils ont été
ivis le lendemain par les équipages de
campagne du Roi . Le régiment Pruffien
de Hertzberg eft arrivé de la Siléfie aux
environs de Natchod dans la Bohême pour
fe rendre fur le Rhin ; cinq autres doivent
paffer par Prague dans les derniers jours
du mois pour fe rendre à la même deftimation
, par Bareith & Anfpach ; toutes les
troupes légères deftinées à fe rendre fur le
Rhin font parties de Breflau le premier du
mois ; le régiment de Hohenlohe , conduit
par le Général Prince de Hohenlohe , les
Artilleurs , & un train d'artillerie les ont
fuivis le 3.
On apprend de Vienne que le Baron de
Ulm y eft arrivé de Berlin , avec le plan
des opérations militaires que le Général,
Prince de Hohenlohe , avoit préſenté à Sa
Majefté Pruffienne , dont elle avoit approuvé
tous les détails ; que le Couronnement
de Sa Majesté le Roi de Hongrie a eu
( 285 )
sl
lieu à Bude avec les cérémonies d'ufagele ;
que les Etats de Bohême fe font adreffé au
Koi pour l'inviter à fe faire couronner à
Prague après le Couronnement Impérial ,
& que Sa Majesté leur a répondu qu'elle
s'y rendroit au mois de Septembre prochain
, fi les circonftances le lui permettent.
Quelques bataillons de régimens Hongrois
& deux compagnies d'Artilleurs fe rendent
dans les ports de Triefte & de Fiume. Trente
bataillons d'Infanterie & vingt- une divifions
de Cavalerie compoferont l'armée
Autrichienne , fituée dans le Brifgaw & le
long du Rhin , ce qui , à raifon de 1,500
hommes par bataillon , & de 1000 hommes
par régiment de Cavalerie , ou 335 hommes
par divifion , fait un total de 45,000 hom
mes que commandera le Prince de Hohen-
Lohe. Chaque bataillon a trois pièces de
canon de 6 livres de balle , ce qui fait
90 pièces de canon de ce calibre , outre
8 autres de 12 & 18 livres de balle.
་
Il eft faux que le Duc de Wurtemberg,
à qui la Cour de Vienne auroit propofé
de lever 8000 hommes dans fes Etats , ait
refufé de confentir à cette demande «< pour
ne pas fe compromettre avec la France &
engager fes fujets dans une querelle`qui
lui eft étrangère » ; la Cour de Vienne
n'a point fait cette propofition à ce Prince ;
la conduite qu'il doit tenir , non pas
dans la querelle , mais la guerre actuelle
N S
( 286 )
eft règlée , déterminée par la Conftitution
de l'empire à laquelle le Duc de Wurtem
berg eft foumis , & à laquelle ce Prince
n'eft nullement difpofé à te fouftraire. Ainf
cette affertion de la Gazette du Miniftère
François , eft auffi fauffe que celle par la
quelle elle annonçoit le changement de
Systême à Berlin , relativement à la guerre
contre la France ainfi que le refus pofitif
du Cercle de Souabe d'accéder à l'affociation
des Cercles , refus démenti par la note
Femife au Cercle de Franconie le 26 Mai
par le Miniftre Pruffien , M. de Soden , &
dans laquelle Sa Majefté Pruffienne offre
l'exemple du Cercle de Souabe pour engager
celui de Franconie à l'imiter , ce qu'il a
fait. Les troupes de Bohême & de Hongrie
qui paffent par la Souabe , pour l'ar-
Biée des Pays - Bas , s'élèvent à 9,600 hommes.
88 charriots munitionnaires venant
de l'Autriche ont paffé le 11 par l'Electorat
de Mayence , pour les Pays Bas.
T
PROVINCES - UNIES.
De la Haye, le 12 Juin.
M. de Maulde , Ministre Plénipotenaire
de France , a remis à L. H. P. une
note pour réciamer une cargaifon de
Co,poo fufils achetés pour le compte de la
France, & retenus au port de Tecrevere par
"
( 287 )
3
PAmirauté de Middelbourg. M. de Maulde
n'a reçu d'autre réponſe finon qu'il falloit
que L. H. P. euffent fur ce fait connoiffance
du rapport de l'Amirauté de Middelbourg,
avant de pouvoir prononcer.
$
Au refte , on prétend que ces fufils font
ceux qui ont été ôtés aux infurgens de
Hollande , & qu'une des conditions du
défarmement avoit été que les fufils ne
feroient point vendus en Europe ; ce qui
a donné lieu de les arrêter lorfqu'on a fu
que M. de Beaumarchais les avoit achetés
pour les revendre au Miniftère Prançois.
M. de Maulde a fait également connoître
officiellement à L. H. P. la guerre que l'Af
femblée Nationale a déclarée à la Maifon
d'Autriche par la note fuivante qu'il a
remife le 31 Mai , à M. le Greffier Fagel.
Le fouffigné , Miniftre Plénipotentiaire de
France , a l'honneur de prier M. le Greffier
Fagel , en lui portant une copie de la déclaration
de guerre contre le Roi de Hongrie & de Bohême ,
de la porter au plutôt à la connoiffance de
L. H. P. les Etats- Généraux des Provincesunies
des Pays - Bas.
La réponſe des états- généraux ne fut
pas moins laconique . En voici le texte :
Extrait des Regiftres de L. H. P. les Provinces
unies des Pays- Bas, du 31 Mai 1792 .
сс
« Délibéré fur la note que M. de Maulde
Miniftre de France ,) a préſenté ce matin , il
1
IN 6
( 288 )
été trouvé bon & entendu ; qu'il fera fait de :
remerciemens de la part de L. H. P. à M. d:
Maulde , pour la communication donnée de li
déclaration de guerre contre le Roi de Hongrie ·
& de Bohême. »
« Et a été en outre trouvé bon que l'Agent
Van-hees fera chargé de remettre la préfente réfolution
au fufdit M. de Maulde , Miniftre de
France , auprès de cette République.
»
Signé , H. FAGEl.
Les provinces de Hollande & Weftfriſe ,
celles d'Utrecht , de Groningue , de Frife,
confentent à la continuation des fubfides
pour l'entretien, pendant une année , des
régimens Pruffiens d'Anfpach , de Mecklenbourg
& de Brunſwick ; celle de Zélande
a demandé un délai pour ſe procurer
de nouvelles inftructions , & peut être
qu'au moment où nous écrivons , le confentement
eft-il général à cet égard ; ce qui
prouve les difpofitions de la République
a s'affocier aux opérations de la Pruffe
& de l'Autriche , en cas de befoin.
PAYS- BAS.
De Bruxelles , le x8 Juin 1792.
Les Princes François avoient jufqu'ici demandé
inutilement , à la Cour de Vienre
la permiffion de former un Corps d'armée
d'avoir leurs propres Commandans . Mais
ayant envoyé dernièrement à Vienne pour y re-
"
( 289 )
nouveller les mêmes inftances , ils en reçurent
enfin une réponſe felon leurs voeux , & on leur
a permis de s'affembler , fous la condition que
-leurs entreprifes feroient toujours dirigées par
les Chefs de l'armée alliée . Cette permiflion a été
notifiée ici à M. Laqueille , par la note fuivante:
--
Par ordre de S. A. R. , en date du 21
Mai , il a été accordé , enfuite de la demande
faite par M. le Marquis de Laqueille , qu'il fera
donné aux Soldats François émigrans dans les
cafernes des villes d'Ath , Bruxelles , Enghien ,
les fubfiftances néceffaires , à l'exception des lits
favoir Ath , Bruxelles , Enghien , à raison de
200 hommes chacune , & Tirlemont 400. -Il
eft égalemest accordé audit Marquis de Laqueille ,
là où il n'y a point de garnifon , point de Police
établie , d'entretenir une garde , favoir à Ath 30 ,
à Enghien 30 , & à Titlemont 60 hommes ,
pour le maintien du bon ordre parmi les Soldats
que l'on a accordé d'armer à cet effet. Il
eft auffi permis au Comte de Carnouville de
former un dépôt pour 100 hommes dans les villes
de Mons & de Tournay , ou dans un village
près de ces deux villes . Les articles ci - deffus
énoncés , feront communiqués au Commandant
de la ville , pour règle de fa conduite à cet égard :
il lui eft également enjoint , non - feulement de
ne pas donner empêchement aux Emigrans François
, qui vont rejoindre les Princes , mais au
contraire de leur donner toute l'affifiance poffible.
»
--
GRANDE-BRETAGNE.
De Londres , le 22 Juin.
Le Parlement eft prorogé au 30 Août
( 290 )
prochain; l'on arme à Portſmouth . quelques
vaiffeaux qui feront commandés par
l'Amiral Hood ; nous ferons connoître ces
objets en détail dans notre prochain numéro
ainfi qu'une émeute affez confidérable
arrivée à Londres dans les premiers
jour du mois , & dont on regarde les
François , finon comme inftigateurs pofttifs
, du moins comme caufe occafionnelle
par les principes d'anarchie qu'ils
affectent de proclamer imprudemment par
tout.
FRANCE.
De Paris, le 27 Juin 1792.
SECONDE ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du lundi , 18 juin.
>
Une lettre du Roi , contre-fignée Duranthon ,
a prévenu l'Affemblée que S. M. a nommé M. de
Chambonas , maréchal - de- camp , au département
des affaires étrangères ; M. la Jarre à celui de
la guerre ; M. Terrier- Monciel , préfident da
département du Jura , au ministère de l'intérieur's
que, quant à celui des contributions , le Roi
efpère annoncer bientôt fon choix. On a
décrété , en riant , que M. Mourgues , qui n'a
rien figné pendant fon ministère de quelques
-
1
( 291 )
heures, étoit difpenfé de tendre des comptes.
Dans un rapport fur des fabricateurs de faux
affignats , M. Lecointre a dit que le comité de
furveillance avoit ordonné à la municipalité de
Romainville de faire des vifites domiciliaires . Quelqu'un
a cenfuré cette conduite du comité ; M,
Lecointre a changé l'ordre en un avertiffement
de &c..... L'Affemble a décrété l'impreffion &
Tajournement du projet de décret.
La loi du 29 avril dernier n'autorifoit que les
ordonnateurs des vivres à faire les réquifitions
néceffaires pour les tranfports des vivres & fourrages
de l'armée ; ce qui rendoit fouvent le fer
vie impoffible. Un nouveau déciet y a au orifé
les adminiftrations de diftrict ou leurs commiffaires
.
•
*
A l'occafion d'un projet , lu par M. Jacob
Dupont fur un nouvel impôt de 6 pour cent fur
tout immeuble vendu ou cédé , pour combier le
déficit quecaufe la fuppreffion des droits féodaux,
nous confignerons ici une remarque effentielle
que perfoune ne nous paroît avoir faite. L'ar
cle III du décret rendu mardi dernier , 12 juin,
dans la féance du foir , admet ou crée , d'urgence
& fans la formalité conftitutionnelle de
l'impreffion , & des trois lectures , des mandats de
L'adminiftrateur de la caiffe de extraordinaire
fur le tréforier de ladite caiffe , dont le récépiffé
fera pris pour comptant par les receveurs du
district qu feront fitués les biens nationaux qu'on
voudra acquérir ( voyez le n°. précédent de ce
journal , page 229 ) . N'eft- ce point une nouvelle
forte d'effers publics , dont le maximum ignoré
peut augmenter la dette de l'Etat & diminuer
Thypothèque des affignats, de toute la valeur des
biens nationaux acquis au prix de ces mandats
( 292
& récépiffés , & cela dans une proportion d'autant
plus effrayante qu'elle feroit inconnue ?
Le préfident a fait lire à la tribune une lettre
de M. de la Fayette , datée du camp devant
Maubeuge , & que nous avons rapportée dans
notre dernier numéro.
Plufieurs voix ont demandé l'impreffion & l'envoi
aux 83 départemens . L'impreffion a été décrétée.
M. Vergniaud a dit : « il importe à la
conftitution fi chère à M. de la Fayette , de
diftinguer les pétitions des particuliers & les
confeils d'un général d'armée ; il ne peut en
adreffer à l'Aflemblée que par la voie du miniftre.
Les galeries ont applaudi le rhéteur
Forfqu'il a prétendu que les confeils d'un général
d'armée font des , loix . adreffées à l'Affemblée.
Regrettant que la légiflature ce n'eût pas pris une
confiftance propre à la débarraffer des factions ,
M. Thévenet s'eft écrié qu'il ne falloit rien moins
qu'un homme tel que M. de la Fayette , pour
faire cette utile dénonciation ; que c'étoit le
moment de fauver la patrie des maroeuvres
d'intrigans qui fatiguent le peuple pour le faire
un parti & arriver aux places. » Un vacarme
horrible a coupé la parole à MM. de Vaublanc ,
Couthon & autres . M. Guadet a foutenu que la
lettre n'étoit pas de M. de la Fayette , parce
que , datée du 16 , elle parle de la démiffion de
M. Dumourier , du 16. On lui a répondu que
M. Dumourier en avoit donné une antérieure.
« Eh , Meffieurs laiffez mentir M. Guadet , a
dit une de fes connoiffances. M. Daverhoult
a obfervé que le général avoit pu preffentir la
chûte du miniftre en voyant celui - ci dans la difgrace
de fes créateurs. Cette épigramme a donné
de l'humeur à la députation Bordelviſe,
7
3
( 293 )
сс
L'imp toyable M. Guadet n'a pas lâché priſe,
& a prétendu qu'autrement le blanc - feing de
M. de la Fayette étoit à Paris ce à la difpofition
de ceux qui attendoient l'occafion d'en remplir
le vide d'une doctrine favorable à leur faction
( faction infernale qui veut qu'on ceffe d'outra
ger le Roi ! ) ; » que les fentimens de M. de la
Fayette indiquent affez qu'il n'en eft pas l'auteur.
«, M. de la Fayette fait que lorfque
Cromwell tehoit un langage pareil à celui qu'annonce
cette lettre.... » Ici des huées d'un côté,
des battemens de mains de l'autre ont affourdi
l'auditoire. Le préfident a rappellé, à l'ordre la
majorité de l'Allemblée ; cet incident a redoublé
le tapage. M. Lacroix affirme qu'elle eſt toujours
auffi calme , & que le préfident n'a pas le droit
qu'il s'arroge. Débats indicibles , que termine
efin l'ordre du jour.
Après d'orageufes difcuffions , on a renvoyé
la lettre à la nouvelle commiffion extraordinaire ,
ainfi qu'une lettre de M. Terrier-Monciel, miniftre
de l'intérieur , qui annonce que de nouveaux
troubles ont fignalé l'élection de M. Du
prat le jeune , à la place de maire d'Avignon...
Un membre a battu des mains . M. Vergniaud
a promis des lumières. La commiffion fera fon
rapport vendredi prochain. Voici les noms de
ceux qui la compofent : MM. Bigot , Lacépède,
Lacuée , Paftoret , Muraire , Tardivau , Vaublanc
, Guadet , Lemontey Jean de Bry
Guyton-Morvean & Rulh.
Du lundi , féance dufoir.
Le Roi notific la nomination de M. Beaulieu,
Jun des commiffaires de la comptabilité , au
ministère des contributions publiques. M. Louis
( 294 )
Calas implore , à la barre , des fecours pour
Payer les detres de fon père , & , malgré le décret
qui interdit au préfident les réponses oratoires ,
M. Français de Nantes , qui occupoit le fauteuil
n'a pu refifter au besoin de déclamer
contre les intrigues facerdotales & la tyrannie
parlementaire. On a renvoyé cet objet au comité
& ajourné les autres.
Du mardi, 19 juin.
Des citoyens-foldats du bataillon de St. André
des-Ares , de Paris , obtiennent la permiffion de
planter un mai à la porte de l'Affemblée. Quatre
légiflateurs font chargés d'affifter à cette augufte
cérémonie ; les pétitionnaires haranguent , plan
tent l'arbre de la liberté , haranguent encore ,
défilent , traverfent la falle , au bruit d'une mas
fique guerrière & des applaudiffemens , comme
des triomphatcurs , & reçoivent les honneurs de
la féance.
On fit une lettre de M. Lamorlière , de Strasé
bourg , du 15 juin . Ce général fe plaint de ce
que M. Servan , miniftre de la guerre , lui fait
des inculpations telles qu'un homme parvenus
fans reproche , à 85 ans , ne peut les laiffer enfévelies
dans le fecret d'une fimple correfpondance
. Il envoie copie de la lettre reçue , & de
mande que le miniftre dépofe les pièces pour
que les coupables ou les calomniateurs foient
punis. Dans celle de M. Servan , ce miniftre en
paroillant rendre juſtice aux intentions du géné
ral , l'accufe d'être mal entouré , de fe livrer à
des agens immédiats qui ne font pas purs ;
annonce avoir des avis particuliers qui l'informent
qu'il règne à Strasbourg une fermentation
alarmante; que le fervice s'y fait négligemment }
1295 )
que la citadelle eft fans canonniers , les patrouilles
fans cartouches , la porte principale ouverte la
nuit , la ville remplie d'émigrés , le camp dénué
des chofes les plus indifpenfables ; qu'on reçoit
les trompettes Autrichiens avec peu de précau
tions ; que M. Duteuil , commandant de l'ar
tillerie , a des relations directes avec les émigrés .
Tant de devoirs à mieux remplir lui femblent
pénibles pour un général octogénaire ; il eſpère
pouvoir bientôt le placer d'une manière plus convenable
à fon âge , & attend le moment où M.
de Biron pourra le remplacer en Alface. M.
Lamorlière réfute , article par article , ces allé-'
gations dont beaucoup font fauffes , dont la
plupart ne le regardent pas , relève l'injuſtice d'un
miniftre qui l'inculpe vaguement , & la dénonce
à l'Affemblée nationale , au Roi , à tous les gens
de bien.
Attaqué par M. Servan , M. Victor de Broglie
Fai écrit que , comme chef de l'état - major de
l'armée , il eft feul coupable des fautes imputées
aux alentours du général . « Le rôle que j'ai joué
dans la révolution , mande- t-il , la confiance de
M. Luckner , de M. Lamorlière & de vos prédéceffeurs
fembloient écarter les dénonciations
vagues. Il demande des explications promptes
& cathégoriques , & protefte que le deffein vifible
de déforgan fer les pouvoirs , d'écarter tous
les citoyens fidèles , ajoute à fon zèle .
M. Rulh a propofé , l'Affemblée a décrété ,
que les pièces foient dépofées fur le bureau pour
que les généraux puiffent fe défendre . La lettre
de M. Victor de Broglie offroit à M. Carnot le
jeune un trait fubordination qu'il falloit
punir dans l'officier comme dans le foldat , gen
tilleffe civique fi puérilement motivée que pour
.
( 296. )
la réduire à une calomnie il a fuffi de la logique
de M. Lacroix qui a établi que M. de Broglie
demandoit une explication , non fur un ordre
mais fur des inculpations. On a renvoyé le tout
au comité des douze.
21
Renogvellant la motion d'un meflage au Roi
tel que
que l'avoit conçu M. Ifnard , M. Duquesnoy
a dit « ou le Roi picft Je bonne foi ou il ne
l'eft pas, ou il a des yeux pour voir , ou il n'en
a pas ; s'il a des yeux pour voir , il doit juger
la fcélérateffe de ceux qui l'entourent . Cependant
, quels font ceux qu'il a renvoyés auçurs,
au contraire , il avoit un miniftère patriote , &
il l'a renvoyé !.. Mais s'il n'y voit pas ; s'il
a la vue baſſe ; s'il ne peut être frappé des
rayons de la vérité , il eft temps de lui dire que
les repréfentans du peuple fouverain ne font pas
contens de fa conduite . ( On tit au milieu des
applaudiffemens des tribunes ) . Il eft temps de
fui dire qu'il y a un terme à tout ; il eft temps
de lui dire que les députés ne pouvant opérer
tout le bien qu'ils devroient faire , ils vont en
informer leurs commettans . Les François ne fouffriront
jamais que la chofe publique foit perdue
par négligence , & ils nous donneront despouvoirs,
ou à d'autres ( violens murmures dans l'Allemblée
, applaudiffemens des galeries ) ; & mettront
le glaive dans nos mains pour exterminer... ».
Le bruit & l'ordre du jour n'ont laiffé de cette
criminelle opinion que le fouvenir d'un parjure
gratuit & l'ineffaçable empreinte des coups lâchement
portés à l'un des pouvoirs conftitués.
On a décrété d'urgence was les directoires de
departemens feront brûler tous les titres de ncbleffe
& généalogies qui fe trouverort dans les
dépôts publics que's qu'ils foient. C'cft M. Cons
( 297 )
dorcet qui , pour célébrer Fanniverſaire du 20 juin
en philofophe profond qui croiraux anniverfaires,
a propofé cet acte barbare qui eût fait rougir un
Vandale.
9 1
Le L'Affemblée a permis à M. Dumourier de fe
rendre à l'armée où il defire qu'un coup de canon
concilie toutes les opinions fur fon compre.
-Excepté M. Scipion de Chambonas malade ,
stous les miniftres font venus préfenter leur hommage
au corps légiſlatif , & M. Lajarre a lu
une lettre où M. Luckner annonce qu'il occupe
Menin , que fon armée commence « à s'orga
nifer dans le rapport de fes befoins » mais que
la difcipline n'y règne pas encore . Le même
' miniftre a ajouté que le Roi s'occupoit de ces
objets importans avec la plus active follicitude ,
& que Sa Majefté comptoit fur le bon effet des
difpofitions que manifefteroit l'Aſſemblée nationale.
moyens
i
Alors M. Paftoret a repris la difcuffion fur les
de conftater l'état civil des citoyens , & a
débité de cette philofophie exagérée , qu'on prend
aujourd'hui pour du génie, & qui n'eft au fond, que
l'athéisme & le matérialiſme délayés dans le ver-
-biage infignifiant de l'ignorance présomptueufe au
pointde fe croire ſtupidement fupérieure en lumières
à la fageffe éprouvée de tous les fiècles .
my
Guindé fur les mêmes principes , M. Gohier
n'a prétendu à rien moins qu'à fondre d'un feul jet
une nouvelle religion fans Dieu , un culte civique ;
parce qu'il y a beaucoup moins de maifons
communes que de municipalités , & qu'on doit
bien fe garder de tout ce qui rappelle aux églifes ,
il a élevé des autels à la liberté , à la patrie , à
- la loi , dans tous les carrefours , & propofé , avec
la gravité d'un Numa en jockey, de présenter à ces
( 298 )
bornes les enfans nouveau - nés & les morts , d'y
armer les citoyens actifs , d'y unir les époux ,
fous l'influence philofophique de la déclaration
des droits , & au milieu des cris : vivre libre ou
mourir. Ces fublimes découvertes , qu'avant la
régénération on auroit traitées d'impertinentes
extravagances , ont été couvertes d'applaudiffemens
, & feront imprimées aux frais d'un peuple
qu'ont ruiné les novateurs .
Le miniftre de la juſtice annonce , par écrit ,
que le Roi vient d'appliquer fon veto , la formule
conftitutionnelle : Le Roi examinera , fur
le décret relatif à la déportation des prê res , &
fur le décret portant qu'il fera formé un camp
de 20,000 hommes auprès de Paris . Nous oferóns
comparer ces actions de Louis XVI affailli
d'outrages , entouré de forcenés qui prêchent
impunément le régicide , à ce que les héros
#anciens & les héros chrétiens ont jamais fait de
plus digne d'une gloire immortelle.
M. Rouyer a défié tous les généraux du monde
de pouvoir défendre le royaume avec le peu de
-troupes qui font à la difpofition des généraux
François. Il a rappellé qu'on avoit eu la bon-
-homie d'arrêter le recrutement comme furabondant
, lorfqu'il n'étoit pas même fuffifant , ce
qui prouve la vérité des rapports adoptés par
l'Affemblée. L'opinant infiftant fur la néceffité
è de nouvelles recrues , un légiflateur à farcaſmes
lui a crié que le Roi n'en avoit pas befoin. Des
murmures ont étouffé cette innocente malice ,
& M. Rouyer a dit que le nombre des troupes
- étant fixé , le décret ne feroit pas vetoté , attendu
que le veto blefferoit la conftitution . La com-
* miffion des douze ſdrutateurs de l'état de la France
expliquera tout inceffamment,
( 299 )
二
les a
Du mardi , féance du foir.
Les municipes de St. -Jean- Pied-de-Porc , dénoncent
à l'Affemb'ée un paffe- port délivré à
M. le Comte de Châlons , ambaffadeur de S. M.
T. C. auprès de S. M. T. F. M. Ducos le
renvoyoit à la place Vendôme où l'on brûloit alors
600 volumes de titres de nobleffe , pour la plus
grande félicité du peuple. On a beaucoup ri.
M. Thuriot , moins plaifant législateur , a fait
décréter le renvoi au pouvoir exécutif, afin que
ce crime foit puni..
On a lu & applaudi l'étrange lettre fuivante intitulée
: des citoyens de Marfeille.
cc
« Légiflateurs , la liberté Françoiſe eft en
péril. Les hommes libres du Midi font tous levés
pour la défendre. Le jour de la colère du peuple
eft arrivé. Ce peuple , qu'on a toujours voulu
égorger ou enchaîner , las de parer des coups ,
à fon tour eft près d'en porter ; las de déjouer
les confpirations , il a jetté un regard terrible
fur les confpirateurs. Ce lion généreux , mais
'aujourd'hui trop courroucé , va fertir de fon
repos , pour s'élancer contre la meute de fes
ennemis , Favorilez ce mouvement belliquens ,
vous qui êtes les conducteurs comine les repréfentans
du peuple , vous qui avez à vous fauver
ou à périr avec lui . La force populaire fait toute
votre force vous l'avez en main ; employez- la .
Une trop longue contrainte pourroit l'égarer ou
l'affoiblir. Plus de quartier , puifque nous n'én
avons plus à attendre. Ure lutte entre le defpo
tifme & la liberté ne peut être qu'un combat
‹ à mort ; car fi la liberté eft généreuſe , le defpotiſme
fera tôt ou tard ſon aſſaſſin. Qui penſe
( 300 )
autrement , eft un infenfé qui ne connoît ni
l'hiftoire , ni le coeur humain , ni l'infernal machiavelifme
de la tyrannie. »
сс
Repréfentans , le peuple François forme un
vou celui de fecourir la patrie ; it vous dcmande
un décret qui l'autorife à marcher avec
des forces plus impofantes que celles que vous
avez créées , vers la capitale & les frontières .
Le peuple veut abfolument finir une révolu ion
qui eft fon falut & fa gloire , qui eft l'honneur
de l'efprit humain ; il veut fe fauver & vous
lauver : devez vous empêcher ce mouvement
fublime ? le pouvez- vous , leg flateurs? Vous ne
refuferez pas l'autorisation de la loi à ceux qui
veulent aller mourir pour la défendre. »
M. Charlier en a demandé l'impreffion , la
mention honorable & l'envoi au 83 départemens.
Après toutes les opinions qu'il a débitées à la tribune
, M. Rouyer avoit bonne grace de s'oppofer
à cette motion . Il a parlé de courage de penfer,
d'attitude impofante & de laforce d'en impofer aux
factieux du fublime courage de dire au peuple :
Soyez tranquille. M. Lecointre- Puyravaux lui a
répondu que le jour de la colère du peuple eft
arrivé, que c'est une grande vérité. Oui , oui ,
ont crié les galeries , ce qui a excité de vifs applaudiffemens
, comme fi l'on fe fût félicité de l'effet
qu'on cût voulu produire au moyen d'une
pretendue lettre de Marfeille lue à propos au peuple
de Paris.
cc
-
« Une fage législature , a dit M. Merlet , ne
Proclame jamais ni la colère ni la vengeance populaire.
D'auffi horribles extrémités ne font poffibles
que lorfque les repréfentans de la nation ne
font plus dignes d'elle . -Vous calomniez les
Marfcillois
( 301 )
Matfeillois , crioit M. Cavellier. Il n'appartiene
pas aux repréſentans de maîtriſer le voeu de ceux
qui leur ont donné des mandats. Montrez le
vôtre , crioient plufieurs voix, » On a décrété la
mention hono:able , l'impreffion , & , après deux.
épreuves & un long tumulte , l'envoi aux 83 dé-.
partemens.
Le ministre de l'intérieur adreſſe à l'Aſſemblée
un arrêté du département de Paris relatifà la tranquillité
publique. M. Vergniaud s'oppoſoit à ce
qu'on le lût. On l'a lu . Inftruit , par un arrêté du
confeil -général de la commune du 16 , que des
citoyens des fauxbourgs Saint -Antoine & Saint-
Marceau avoient demandé à s'aflembler vêtus de
leurs habits de 1789 , demain , 20 juin , pour
aller préfenter , en armes , des pétitions au corps,
législatif & au Roi , & que fur cette demande le
confeil étoit paffé à l'ordre du jour , le directoire
confidérant que la loi ne permet que des députa
tions de 20 pétitionnaires fans armes... Arrête
que le Maire , la municipalité & le confeil - général
prendront toutes les précautions de prudence
& de force pour empêcher ces raffemblemens.
L'Affemblée nationale paffe à l'ordre du jour
& décrète , fauf rédaction , divers articles fur l'or
gan fation de l'école des Ponts & Chauffées.
Du mercredi , 20 juin.
Au nom du comité des décrets un membre
informe l'Affemblée que M. de Briffac a fubi
fon interrogatoire à Orléans , & que la hautecour
a rendu une ordonnance qui déclare les
princes , mis en état d'accufation , déchus des
droits de citoyens ( inactifs ) François déchéance
inexplicable qui durera autant que leur contu
mace,
No. 26. 30 Juin 1792 .
1
302 )
Une députation du directoire du département
de Paris étant admiſe à la barro , M. Ræderer
a dit , que des raffemblemens d'hommes armés
avoient lieu dans ce moment malgré la loi &
malgré l'arrêté municipal & l'arrêté du directoire ;
que leur objet étoit de planter un arbre en l'honneur
de la liberté , & d'offrir leur tribut d'hommage
à l'Affemblée ( un journal patriote annonçoit
la veille que les fans- culottes planteroient le
20 un tremble à la porte du château des Tuileries
) ; mais qu'il étoit à craindre ( grands éclats
de rire ) que ces raflemblemens ne ferviffent à
appuyer de l'afpect de la force armée une pétition
adreffée au Roi ; que divers rapports autorifoient
cette crainte ; que le miniftre de l'intérieur
avoit requis le directoire de donner des
ordres pour faire marcher des troupes , pour
écarter du château les dangers qui le menacent.
Le préfident a répondu pour la forme , & la
députation a reçu les honneurs de la féance au
milieu des huées des galeries .
M. Vergniaud , qui avoit repouffé l'arrêté ,
' a vu que du civifme dans l'attroupement qui
menaçoit le château dont il a évité de parler ;
a penfé qu'il auroit été plus conforme aux principes
de n'admettre aucune foule de pétionnaires
armés ; mais , fans éviter de donner licu de .
* croire qu'on n'avoit fi fouvent violé la loi que
pour ménager aux factieux les moyens d'atteindre
aux derniers excès , il n'a pas rougi d'établir que
puifqu'on avoit reçu tant de pétitionnaires armés ,
on ne pouvoit refuſer la même faveur à ceux- ci ;
que s'ils vouloient préfenter une pétition au
Roi , elle feroit probablement portée par des
citoyens non- armés ( après que l'Affemblée les
auroit applaudis & reçus armés ! ) ; qu'à luppoler
>
( 303 )
qu'il y eût du danger , il falloit envoyer chez le
Roi une députation de 60 membres .
ود
Des faits expofés par M. Gilbert & Thorillon
ayant conftaté l'efprit de défobéiffance & de
rébellion de divers raffemblemens qui avoient
mépiifé les ordres des autorités légales , M.
Dumolard a tâché de faire revivre le décret qui
borne toute députation à 10 citoyens fans armes.
« Je vous prie d'obferver , a- t -il ajouté , que li
vous admettez des citoyens armés , & qu'ils fe
portent au château , on pourra en conclure que
le Roi & l'Affemblée ne font pas libres . » Il n'a
recueilli que des huées. Une lettre de M. Santerre
, braffeur , commandant du bataillon de
fauxbourg St. Antoine , annonce à l'Aſſemblée
que les citoyens du fauxbourg , célébrant aujourd'hui
l'anniverſaire du ferment du jeu de paume,
demandoient à être admis à la barre , & aflure
qu'ils font toujours les hommes du 14 juillet.
Après des applaudiffemers frénétiques des galeries
, M. Lafource s'eft dit chargé par l'orateur
de cette députation d'informer l'Affemblée que
ces citoyens defiroient de défiler devant elle ;
qu'ils avoient bien une adreffe à présenter au
Roi , mais que ne voulant pas le rendre au châ
teau , ils la dépoferoient fur le bureau s'en re
mettant au corps législatif. On a vivement applaudi
au leurre groffier dont le miniftre proteftant
étoit inconteftablement ou le perfile inventeur
ou la ftupide dupe , & le grand acteur ,
M. Vergniaud , a repris la parole .
« Si vous ordonnicz , a- t - il dit , l'exécution
rigoureufe de la loi , ce feroi: renouveller la
fcène fanglante du champ de Mars ... S'il étoit
poffible qu'il y cât quelque danger ( aujourd'hui ) ,
je demanderois que demain il fût rendu un décret
O 2
( 304 )
t
qui ne tolérât plus de pareilles admiffions ( viks
applaudiffemens fur le décret que M. Vergniaud.
a l'infigne prudence de ne demander que pour
demain , & que demain il ne fongera pas à propofer
) .
33
сс
On invoque habilement la clôture de la difcuffion
. Quelques voix crient : c'eft infâme. M.
Ramond objecte à M. Vergniaud qu'aucun des
pétitionnaires armés admis contre la loi n'avoit du
mains bravé , comme ceux ci , les ordres des magiftráts...
Le préfident dit que 8,00c pétitionnaires
font prêts à défiler... Rumeur inexpiimable. « Ils
font 8,000 , dit M. Calvet , & nous 745 ; c'eſt
le moment de lever la féance . A l'orare , M.
Calvet ; & M. Ramond afluré que la loi eft la
divinité du peuple , propofe d'offrir à l'Europe
le fpectacle d'une multitude foumife à la loi , à
cette divinité , en exigeant que les pét.tionnaires
dépolent leurs armes a la porte. Toute la théologie
conftitutionnelle ne l'a pas fauvé dis
huées des galeries & d'une partie de fes collègues
.
ne
M. Gradet a revêtu de fon éloquence d'agitateur
les fophifmes de M. Vergniaud , & couronné
d'applaudiffemens , digne prix d'autant de
mauvaife foi que de mal-adreffe , l'opinant a conclu
à l'admiffion. Ceux qui les font venir ,
peuvent pas les renvoyer , a dit M. de Jaucourt.
Les pétitionnaires n'ayant pas attendu
le décret pour Le préfenter à la barre , on a
décrété qu'ils feroiet admis . Voici la ſubſtance
de la harangue de leur orateur :
cc
Légifaceurs , le peuple François vient vous
préfenter les inquiétudes ... Ce jour lui rappelle
l'époque mémorable du 20 juin au jeu de pauline...
Nous venons vous affurer que le peuple eft debout ,
1305 ))
qu'il eft àla haute ir des circonftances , & prêt àfe
fervir de grands moyens pour venger la majesté
du peuple outragée. Ces moyens de rigueur font
juftifiés par l'article II de la déclaration des droits
de l'homme réfifiance à l'oppreffion... La trame
jeft découverte , l'heure eft arrivée ; le fang coulera
, ou l'arbre de la liberté que nous allons
planten fleurita en paix . Que ce langage ne vous
étonne pas... Les ennemis de la patrie s'imagineroient
ils que les hommes du 14 juillet font
endormis ?... Leur, réveil eft terrible ... L'image
de la parrie érant la feule divinité qu'il foir
permis au légflateur d'adorer , cette divinité
trouveroit-elle dans fon temple des réfractaires
afon culte ?¿qu'ils fe romment... Le peuple ,
Je véritable douverain eft là pour les juger....
Le pouvoir exécutif n'eft pas d'accord avec your .
Nous n'en voulons d'autre preuve que le renvoi
des miniftres, patriotes . C'eft donc ainfi que le
bonheur d'un peuple libre dépendra du caprice
d'un Roi ? mais ce Roi doit- il avoir d'autre volonté
que celle de la loi ? Le peuple le veut
ainfi ; & la tête vaut bien celle des defpotes
couronnés . Cette tête eft l'arbre généalogique
de la nation ; & devant ce chêne robuſte , le
foible rofeau doit plier... Nous nous plaignons
de l'inaction de nos armées... Si elle dérive du
pouvoir exécutif , qu'il foit anéanti... La liberté
ne peut être fufpendue . Si le pouvoir exécutif
n'agit point , c'est lui qui doit l'être. Un feul
homme ne doit point i fluencer la volonté de
25 millions d'hommes . Si , par un fouvenir
nous le mainte ons dans fon pofte , c'eſt à condition
qu'il le remplira conftitutionnellement :
s'il s'en écarte , il n'eft plus rien pourle peuple
François... Le peuple eſt là; il attend une réponſe
3
1-
>
Q..3
(( 306").
digne de fa fouveraineté. Nous demandons la
permanence de nos armes jufqu'à ce que la conftitution
foit exécutée... & l'honneur de défiler
devant vous.
Le préfident a répondu à cette députation que
nous ferons bientôt condamnés à décrire & qui
fe donnoit pour le peuple François , que l'Affemblée
verroit toujours avec plaifir autour d'elle les
citoyens de Paris , parce qu'elle eft sûre de leur
patriotifme & « qu'elle fait qu'il n'y a jamais que
les dangers de la patrie qui puiffent exciter leurs
inquiétudes. Le tout ayant été couvert d'applaudiffemens
on en eft venu à la queſtion
principale de favoir fi les pétitionnaires , admis
à la féance , défilereient atmés ; & pour l'intelligence
de la tactique de cette longue fcène ,
il eft bon d'avoir préfent à l'efprit qu'en fortant
de la falle du manège , la foule armée pouvoir
arriver , fans obftacles extérieurs , à la terraffe
des Tuileries , les troupes étant dans les places
Louis XV , Vendôme & du Carroufel : D'orageux
débats ont abouti à la préalable fur tous
les amendemens d'une molle oppofition & à la
permiffion de défi er . Par analogie , M. Girardin
demandoit la préalable for la conftitution & les
loix du royaume . C'étoient des paroles ; les
factieux agiloient d'après un plan visiblement
conçu avant le licenciement de la garde du Roi ,
& qui en cxp'ique aujourd'hui la deftruction .
Alors a commencé la marche d'un nombre
prodigieux d'hommes , de femmes & d'enfans
vêtus de toute manière & dont la plupart étoient
déguenillés , commandés par MM; Sr. Huruge &
Santerrean uniforme . Les individusqui compofoiese
cette cohue portoient des hallebardes , des piques ,
sdes faulx , des épées , des broches , des haches ,
des bâtons auxquels étoient attachées des lames
( 307 )
avec de la ficelle , des rubans , des enfeignes
aux trois couleurs furmontés de bonnets de laine
rouge ; des femmes brandifloient des fabres
des enfans agitoient leurs coûteaux . Deux hommes
portoient une espèce d'étendard en forme de
vieux haillon noir déchiré figurant des culottes,;
fur l'un des côtés , on lifoit : Vivent lesfans - culottes
! Par derrière flottoit un écriteau en papier
où étoient écrits ces mots : Avis à Louis XVI.
Le peuple eft las de fouffrir. La liberté
ou mourir. Un autre vexillaire , homme ou
femme , foutenoit au bout de fa pique dégoûtante
un coeur de veau avec cette infcription :
coeur d'ariftocrate... Le lecteur honnête nous
difpenfera d'énumérer ou configner ici les devifes
fans nombre où l'atroce faleté des expreffions
ne paroiffoit ni être déplacée , ni déparer la folemnité
de cet incroyable cortège. Tambours ,
mufique , air ça ira , clameurs continuelles ,
blafphêmes contre la royauté , applaudiffemens
d'une partie des galeries & d'une partie de
l'Affemblée accompagnoient les propos du
plus effréné civilme. Cette fcène qu'il eft
impoffible de peindre , a duré deux heures , &
a fini par le don que M. Santerre a fait , au nom
des citoyens du fauxbourg St Antoine , à l'Affemblée
, d'un drapeau , « en reconnoiffance de
l'amitié qu'elle venoit de leur témoigner.
ל כ
2
Le préfident en a agréé l'hommage pour l'Affemblée
, & il a annoncé la prife de Courtray ,
& que les habitans avoient ciié : Vive la nation
Françoife ! « je me fuis empreffé , a - t- il dit
de communiquer cette nouvelle au peuple , afin
que ce jour qui infpiroit des défiances & des
allarmes , fe change en un jour de confiance &
d'alegreffe.» La féance a été levéeà 3 heures &demic,
0 4
( 308 )
Du mercredi , féance du foir.
La horde armée pénétroit dans le château par
les premières portes ouvertes à la voix des municipaux
en écharpe. Déjà les furieux fe répandent
dans les corridors , les galeries & jufques fur les
combles , & brifent à coups de haches les portes
qui retardent leur incurfion tumukuanze . A ce
bruit confus plufieurs députés font venus fe renfermer
au manége à 4 heures & demie , & vers
les 5 heures , la falle ayant été ouverte au public ,
on a commencé la féance.
:
Interrompant un rapport du comité des finanees
, M. Beaucaron a dit que les jours du Roi
étoient en danger , & a demandé que l'Affemblée
fe tranfportât en corps auprès de S. M.
On a crié Ah , bah ! bah ! dans l'un des côtés
de la falle , & M. Thariot a dit que le Roi ne
pouvoit être en danger au milieu du peuple ;
que cependant il ne s'oppofoit pas à une députation.
« Ce n'eft point le peuple qui eft chez
Le Roi , a répondu M. Beugnot , ce font des
brigands. Il n'a qu'à fe bien comporter , a
réparti M. Thuriot , & le peuple ne le portera
pas chez lui ( applaudiffemens ) . Ce n'eft pas en
calomniant le peuple qu'on peut fauver la république.....
» L'Affemblée a décréré qu'elle enverroit
une députation . Les uns la vouloient de
24 , les autres de 60 memb.es. M. Thuriot a
demandé que quiconque fe permettroit d'inculper
le peuple fut rappellé à l'ordre. « C'eſt la
motion d'un factieux qui outrage le peuple ea
le voyant dans des fcélérats , a dit M. Brunck, »
On a nommé 24 membres qui font fortis .
*
M. Dumas , qui arrivoic du château , a rapporté
qu'un grand nombre d'hommes a més 1e.n(
309 )
pliffoient les appartemens du Roi , après avoir
forcé fa garde ; que le Roi étoit dans un imminent
danger..... Ces mots n'ont excité que de
longs murmures . M. Charlier a nié les dangers
du Roi , M. Chabot accufoit M. Dumas de calomnier
le peuple...... « Le Roi , a repris M.
Dumas , eft entouré , affailli ; menacé , infuké ,
avili par le figne d'une faction ....... Il avoit le
bonnet rouge fur la tête .... Vifs applaudiffemens
, & les galeries crient : à bas , à bas , à bas.
сс
« Nous demandons juftice , s'écrient MM .
Adam , Baert & quelques autres députés indignés ;
neus dénonçons ces attentats à la France entière.
Quelle is fanie ! que diront les départemens ,
quand ils fauront que le chef fuprême , que
celui qui eft invefti de la majefté nationale , eft
outragé , avili .... -- Le bonnet de la liberté n'eft
pas aviliffant , répondent les membres de Fun
d.s côtés. A l'ordre , à l'abbaye.... & les ga-
Teries battent des mains avec transport . Toutes
les fois que M. Dumas a follicité des précautions
, des mefures de prudence , représenté la
terrible refponfabilité dont fe chargeoit l'Affemblée
, il a été interrompu par des vociférations
& des huées épouvantables .
3.10
Airivant aufli du château , M. Turgand a dit
Edges
' de paix
atteftoient
que
le Roi Eoit en danger , & que la multitude àvoit monté
du canon juques dans les appartemens . Il a de
pusus annoncé que le peuple avoit reçu les députés
avec le plus profond refpect ( contrafte chaudement
applaudi ) ; qu'ils avoient tous vu le Roi
dans l'enibiâfure d'une fenêtre , ayant fur la têre
le bonnet de la liberté (bravo ! applaudiffemens
redoublés ) que MM . Ifnard & Vergniaud
ayant harangué le peuple , avoient été entendus
3
( 310 )
f
כ כ
avec plaifir. ce Des voix , a - t - il ajouté , ont
demandé au Roi qu'il fanctionnât les décrets fur
les prêtres & fur les 20,000 hommes , & qu'il
tappellà: les miniftres patriotes . On a décrété
qu'il feroit envoyé une nouvelle députation chaque
demi heure , pour relever l'autre & en entendre
le rapport.
ود
M. Arbogat , témoin oculaire , a dit que 24
membres ne fufifoient pas , la foule armée ſe
portant auffi dans l'appartement du prince royal.
Quelques plaifans fe font égayés fur les Dames
de la cour. M. Lafource a prodigué les fophifmes
pour prouver qu'on avoit grand tort de craindre
pour le Roi... On ne le croira que lorfque
le Roi aura été affaffiné , a dit M. Léopold à
l'infidieux rhéteur ; mais la nation eft avilie dans
fon repréfentant héréditaire . Les 24 députés
fuffifoient à M. Lafource , parce qu'ils ne feroient
Jà que pour témoigner l'intérêt que l'Affemblée
prend à la perfonne du Roi ; « intérêt qui ne
devoit pas entraîner à des craintes d'un attentat
fanguinaire ; & parce que le prince royal n'avoit
qu'à fe tenir auprès de fon père. L'Affemblée
eft paffée à l'ordre du jour fur la motion de M.
Albogat , & tous ceux qui l'ont appuyée ont
éé baffoués , pour le moins , des galeries.
ל כ
On a lu , de fang raffis , des procès- verbaux
de féances , écouté des harangues , accordé les
honneurs de la falle à des citoyens - foldats pétitionnaires
& M. Ifnard , membre d'une première
défutation , eft venu dire en fubftance :
Un peuple immenfe s'eft préfenté au château ,
les portes lui en ont été ouvertes , le Roi s'eft
Préfenté au devant du peuple. Celui - ci a demandé
la fanction aux deux décrets frappés du
veto , & le rappel des miniftres patriotes , Le Ro
( 311 )
qui , pour qu'on l'entendit mieux , étoit monté
fur une chaife dans l'embrâfure d'une fenêtre de
fon appartement rempli de peuple , a manifefté
que fon zèle à foutenir la conftitution ne pouvoit
être douteux , & qu'elle le rendoit inviolable.
Arrivés au château , nous avons vu le Roi
ayant fur la tête le bonnet de la liberté qu'il
avoit mis lui- même & de fa propre volonté ; &
tenant fon chapeau à la main , il crioit vive
la nation !... J'ai harangué le peuple ; M. Vergniaud
l'a harangué ; M. Pétion , qui eft fur
venu , la harangué dans le même fens .......
L'orateur n'a parlé ni des imprécations vomies
contre le meilleur des Rois & des hommes , ni des
violences , des infolences , des outrages que l'angufte
& digne héritier de tant de héros a dévorés ,
pendant trois mortelles heures avec toute la majefté
d'un Roi qui s'immole à fon horreur pour
le carnage ; ni des portes fracaffées , ni des dégats
& des vols commis dans les appartemens ;
& perfonne n'a proféré le nom de la Reine.
"
M. Brunck a dit que , monté fur un fauteuil ,
il avoit annoncé au Roi la députation envoyée
pour maintenir fa liberté conftitutionnelle & partager
fes périls , s'il y en avoit ( longs murmu
res ) ; que le Roi avoit répondu qu'il étoit fenfible
à la follicitude de l'Affemblée , mais qu'il
étoit tranquille au milieu de fon peuple .... Son
peuple a excité les plus ridicules & les plus odieuſes
réclamations ; heureufement MM . Lejofne &
Leremboure ont affirmé le Roi avoit dit : au
que
milieu du peuple François. On cherchoir à
raffurer le Roi , a ajouté M. Dalloz , il a dit :
l'homme qui a la confcience pure ne craint rien ;
& prenant la main d'un grenadier , il l'a portée
fur fon coeur & lui a dit : voyez s'il bat plus
сс --
•
06
( 312 )
fort qu'à l'ordinaire , & s'il annonce la moindre
frayeur. » Une partie de l'Affemblée a vive.nent
applaudi ce trait parfaitement vrai & unique dans
l'hiftoire , & l'on a repris l'ordre du jour.
C.
•
Nouveau rapport de ce qui fe palle au château
, & les mots fon peuple , infidèlement fubftitués
par une honorable habitude aux mots
Feuple François , préférés par un Roi auffi prudent
qu'infortuné , fenfible , généreux & brave ,
ont encore caufé de ces criailleries de la foutile ,
de la baflefle , de la malignité perfile qui dévouent
un Monarque à la populace qu'elles flattent
, corrompent & enchaînent aux forfaits , &
qui ont le front de fe proclamer génie , grandeur ,
bienfaifante humanité , liberté , patriotifme...
Mon peuple , a dit l'efinable M. Foiffey , auroit
fignifié le peuple que j'aime. Je defirerois que
MM. les cenfeurs fuffent capables de bien fentir
le prix & le charme de cette expreffion paternelle
& Loyale. On a tétabli les véritables paroles
d'un fouverain , trop vertueux , trop grand ,
pour ne pas facrifier à l'efpoir d'épargner le dernier
des crimes à des furieux , jufqu'au langage
affectueux de fon coeur ; & l'orateur a dit qu'il
y avoit eu trois portes brifées & deux ferrures
enlevées .
Le maire de Paris & deux municipaux font
venus à la barre , & M. Pétion , preſque abfo-
Jument hors de lui , a débité un piétendu rapport
des évènemens du jour fi incohérent , fi abfurde ,
fi mal tiffu , d'un ar fi décontenancé , avec une
figure fi hideufement bouleversée , que jamais
patriote fans reproche n'eut le ma heur , bien
involontaire ici , de reffembler davantage à un
impofteur , à un factieux dévoré de remords cu
de regrets & frappé de toutes les terreurs du
( 313 )
3
régicide . Voici les principaux traits du difcours
tès diffus de l'honnête M. Pétion couvert des
applaudiffemens de fes chères galeries .
,
-
Je vous demande de l'indulgence ; car je
n'ai pas eu le temps de mettre de l'ordre dans
mes idées . On a eu des inquiétudes fur un; foule
affez confidérable de citoyens qui s'eft portée
dans les appartemens du Roi . Le Roi n'en a point
eu , parce qu'il connoît mieux les François , parce
qu'il fait que les magiftrats du peuple veillent
toujours pourfaire obferver à fon égard le refpect
qui lui eft du. Ces magiftra: s ont fait aujour
d'hui leur devoir; ils l'ontfait avec le plus grand
zele ; & j'avoue que j'ai été douloureufement
affecté de voir des membres de cette Affemblée
qui ayent pu un inftant en douter... Et nous
en doutons encore , ont dt plufieurs membres
indignés de l'hypocrifie infultante & criminelle
du maire de Paris . » Quelqu'un a voulu qu'on
les rappellât à l'ordre. « On n'a pas ai fi denoncé
ceux qui ont manqué de respect au
Roi , s'eft écrié M. Boulanger ; c'eft qu'ils étoient
du complot. M. Ducos a fommé M. Boulanger
de dévoiler le complot , & l'a menacé d'imprimer
ou lire fur fon front le mot calomniateur. Mais
il étoit ailé de preffentir qu'on ne permettroit
jamais à M. Boulanger de répondre à cette fommation
, quelqu'effort qu'il ait fat pour obte it
la parole en s'élar çant auffi- tôt à la tribune .
Reprenant fa truite apologie , M. Pétion a dit :
la municipalité a rempli fon devoir d'une manière
irréprochable . Elle avoit d'abord refufé aux
citoyens armés qui ne font pas gardes nationaux ,
la permiffion de préfenter des pétitions avec des
piques , des haches , des canons . Mais , ce matin les
chefs lui ayant affuré que les intentions étoient
314 )
civiques , & qu'on ne pouvoit triompher de
l'obftination des efprits , il s'eft offert la meſure
auffi fage que fimple d'autorifer les bataillons à
fe mêler aux pétitionnaires , de faire fraternifer
les fufils & les piques , mefure qui a tout légalife.
« La municipalité en avoit le droit , indépendamment
du département ; car c'eft d'elle
que vient directement l'action fur la force publique.
ג כ
« Delà , on a préfenté une pétition à l'Aſſemblée
on en a préfenté une au Roi. Tout s'eft
paffé dans le plus grand calme. Le meilleur ordre
a régné dans la marche. Perfonne n'a eu à fe
plaindre des citoyens réunis . Les propriétés ont
été refpectées. Les citoyens ont été refpectés.
Qu'est- il arrivé ? On a défilé fous les grilles du
château . C'est là que plufieurs particuliers fe font
précipités dans les appartemens. Ils n'ont infulté
perfonne. Ils ne fe font point conduits en hommes
qui veulent commettre des excès . Le nombre étoit
immenfe , que la force publiquè n'auroit pu
les empêcher de commettre des délits , s'ils en
avoient eu le projet mais il n'en a point
été commis . Auffi- tôt que j'ai été prévenu , j'ai
fait ce que j'ai pu pour faire évacuer les appartemens.
Le Roi lui- même n'a eu à fe plaindre
de perfonne. Au furplus , il a dû s'expliquer ainfi
aux diverfes députations que vous avez envoyées.
Dans le moment actuel il n'exifte plus perfonne
dans le château . Tout eft rentré dans le calme,
Jefpère que tout y reftera ; & les magiftrats du
peuple ne négligeront rien pour cela . »
En homme sûr d'un obigeant filence épuratoire
, M. Pétion a invité les membres qui connoiffoient
ou foupçonnoient des complots à fe
hâter de les révéler aux magiftrats du peuple
( 355 )
--
--
>
qui feroient à l'inftant leur devoir . Bravo !
bravo ! out crié les galeries en applaudiffant de
toutes leurs forces pour étouffer les huées dont
quelques membres accueilloient le maire vifiblement
accablé de fon perfonnage. La mention
honorable , crioient les uns. Fi donc crioiekt
les autres . « Je m'y oppoſe , a dit M. Becquey.
Que ceux qui penfent mal de la municipalité
s'expliquent , difoit M. Albitte... Oai',
qu'ils fe lèvent , s'ils l'ofent , à repris M. Brival...
» Le miniftre de la guerre a communiqué
une lettre de M. Luckner contenant les détails
de la prife de Courtray. M. Pétion eft forti de
la falle applaudi des tribunes au point d'en rougir.
Un bon décret de paffer à l'ordre du jour à
fermé la touche à M. Boulanger qui vouloit
prouver qu'il n'étoit pas un calomniateur lorfqu'il
parbit d'un complot . On a dit que le Roi &
le Prince Royal étoient hors de danger , les appartemens
libres & tout rentré dans l'ordre , & la
féance a été levée .
Du jeudi, 21 juin
M. d'Averhoult a voulu rappeller à l'Aſſemblée
qu'un grand attentat avoit été commis , la veille ;
qu'on avoit porté atteinte à la liberté , à la dignité
du Roi. De fcandaleufes rumeurs lui ont coupé
la parole ; un décret la lui a rendue , mais pour
fordre de midi.
M. Bigot a propofé de décréter qu'il ne pourrait
plus être fait aucun raffemblement d'hommes
armés fous le prétexte de pétitions . Les uns obfervoient
que la loi exifte , d'autres qu'elle eft inutile
, puifque l'Aſſemblée en autorifoit la violation
. M. Lecointre - Puyravaux a déraifonné pour
concilier tous ces argumens négatifs avec le befoin
( 356 )
fuppofé de bien définir ce qu'on doit appeller un
raflemblement armé , avec l'éloge des précautions
prifes par la municipalité , avec l'amour de la conftitution
que les pétitionnaires , les municipaux ,
les Jacobins & lui ne cefferoient d'avoir dans le
coeur , le tout pour invoquer l'ordre du jour. Le
préopinant lui a fait l'honneur de réfuter un parcil
ve: biage , en prouvant que l'ordre du jour n'eft ni
une loi ni la réfurrection d'une loi foulée aux
pieds sque les brigands qu'on affectoit indécemment
de rommer le peuple , n'avoient pas le
droit d'etre armés.. Qui vous l'a dit , lui ont
demandé quelques - uns de ces hommes dont toute
la logique eft dans l'impudence ? -- La loi, leur
a tépondų M. Bigot , la loi fur la force publique ,
dont l'un des articles porte que pour être garde
national il faut être citoyen actif. Il aurcit pa
citer le tire IV ( art. 2 , 3 , 4 ) de la conftitution
fi folemnellement jurée & fi pubiquement
violée . On lui a répliqué par des éclats de rire ,
comme fi le fort de la patrie n'étoit qu'un jeu .
spa-
Dans le cours des divagations abfurdes , M.
Lamarque a cru laver fon parti de la qualific. -
tion de facticux ', en ſe vantant d'être un des
triotes ardens qu'on nomne factieux . -- Quelques
voifins lui ont dit : « Ily a long temps que nous
Je fayons, la rejetté l'injure fur la minorité , a
foutenu que ceux qu'on traitoit de factieux avoient
les fuffrages de tous les départemens. -- Des clubs,
des fociétés fraternelles, des brigands , lui at on
répliqué . -- Les ad effes lui ont paru le voeu de la
nation . Des piques. Elles n'effrayent que
les tyrans & leurs fatellites . Er les proprié
faires . --- Ce dialogue entre M. Lamarque & divers
membres n'aboutiſſoit encore qu'à l'immoral
ordre du jour
--
( 317)
Appuyant la motion de M. Bigot , M. Dumolard,
fans doute par une figure oratoire , a
Faru furpris de voir les mêmes membres qui , la
veille , reconnoiffoient , avec M. Vergniaud , la
néceffité d'empêcher les attroupemers de pétitionnaires
armés , tout au moins le lendemain d'un
crime, foit manqué, foit confommé , ne voulußent
plus aujourd'hui que ces attroupemens fuffent défe
dus. It oppofoit au titre de patriote ardent ,
celui de patriote éclairé . Des huées l'ont interrompu
à chaque phrafe. « Que les inftrumens
ferviles des coupables agitateurs , s'eft-il écrié ,
mendient l'éloge infâmant de quelques folliculaires
& la bienveillance de vos tribares. L'honnête
homme fert le peuple , que fes flatteurs traniffent . »
M. Lafource écartoit tout pétitionnaire armé du
corps lég flutif, & leiſſoir à d'autres ( à M. Pétion
peut- être ) le foin d'en préferver le Roi . Mais
M. Bigot a étendu cette difpofition à toutes les
autorités conftituées , & les deux motions font de-
Venues un décret.
Une députation de la garde nationale de Verfailles
, eft venue féliciter l'Affemblée du décret
relatif au camp de 20,000 hommes auprès de Paris
; appeller la févérité des loix fur la lettre de
M. as Lafayette , dise que M. Luckner « prend
des villes & ne fe concerte pas avec des intrigans
& menacer de la réfiftance à l'oppreffion , fi la
Cour perfiftoit dans fa conduite. Ces pétitionnaires
féditieux , hommes , femmes & enfans ont
défilé , fans armes , au bruit des tambours , d'une
mufique militaire & des applaudiffemens .
M. d'Averhoult folliciteit la parole fur l'attentat
commis contre la liberté du Roi ; un membre
a demandé qu'on s'occupât à faire des loix , & a
dit que a les départemens n'avoient pas envoyé
318 )
20
leurs députés pour voir jouer des farces & des parades.
On exigeoit le rapport du décret qui affuroit
la parole à M. d'Averhoult. Après la honte
de deux épreuves fur l'ordre du jour , malgré l'énergique
obfervation de M. Ramond que c'étoit
le réclamer en faveur du crime ; que ceux qui l'invoquoient
pouvoient y avoir quelqu'intérêt ; que
l'Allemblée commettroit une infigne lâcheté en
héfitant à entendre M. d'Averhoult……. On a enfin
décrété qu'il feroit écouté , mais non qu'il ne feroit
pas baffoué à chaque fyllabe . Il a demandé
qu'on informât des caufes des trouble de la veille ,
des moyens de les réparer & d'en éviter de femblables
. M. Goupilleau qui fe difpofoit à lui
répondre , s'eft plaint qu'un membe le traitoit
de fcélérat ; fa plainte eft tombée comme
tant d'autres. M. Lamarque a entrepris l'apologie
des brigands qu'un excès de confufion
a interrompue . M. Quinette a dit que les députations
avoient toutes rapporté , au fort de l'alarme,
que le calme régnoit aux Tuileries , que le
Roi étoit d'une férénité inaltérable , que le peuple
ne montroit que de bonnes intentions..... C'eft
abominable , lui ont crié plufieurs voix . -- Vous
avez perdu toute pudeur , lui a dit M. Boulanger.
Les portes ont été brifées à coups de leviers,
de hache & de maffue , difoient d'autres membres
, & l'on ofe nous vanter les intentions de
ces brigands ? On ne peut paffer à l'ordre du
jour fans fe déshonorer , a ajouté M. Deuzy....
Le ministre de la juftice a coupé cet étrange
débat en annonçant une lettre du Roi . M. Lamarque
a foutenu qu'on ne pouvoit pas , pour
entendre la lecture d'une lettre da Roi , interrompre
une délibération du corps légiflatif.... II
nommoit ainfi fon éloge des régicides . On a lu,
--
--
( 319 )
applaudi , & renvoyé au comité, des douze cetté
lettre fimple & nebie :
сс
Meffieurs , l'Affemblée nationale a déjà connoiffance
des évènemens de la journée d'hier.
Paris en eft fans doute dans la confternation ; la
France les apprendra avec un étonnement mêlé
de douleur. J'ai été très - fenfible au zèle que l'Affemblée
nationale m'a témoigné dans cette circonftance
. Je laiffe à fa prudence de rechercher
les caufes de cet évènement , d'en peſer toutes
les circonstances , & de prendre les mesures néceffaires
Pour maintenir la conftitution , affurer
l'inviolabilité & la liberté conftitutionnelle du repréfentant
héreditaire de la nation . »
« Pour moi , rien ne peut m'empêcher de faire
en tout temps & dans toutes les circonstances ec
qu'exigeront les devoirs que m'impofe la conftitution
que j'ai acceptée , & les vrais intérêts de la
nation françoife . »
Signé , LOUIS. Contrefigné, DURANTHON.
Après de violentes & peu diferettes altercations,
on a décrété que M. Pétion remettroit, par écrit ,
le prétendu compte qu'il avoit balbutié le foir
de la veille à la barre. इ
M. Terrier- Monciel a rendu celui des mefures
qu'il avoit prifes . Un tumulte ignominieux pour
ceux qui le faifoient , a d'abord accueilli ce
rapport ; mais le préfident a enfin obtenu de la
tranquillité. Avis de raffemblemens , lettre du
miniftre au directoire , réponſe que les raffembiemens
armés ont été défendus . Lettre de la
municipalité au directoire , écrite à minuit , du
mardi au mercredi , qui confirme les projets
d'attroupemens , annonce l'obftination des chefs ,
affure que les intentions font bonnes , & propofe
de mêler les gardes nationales aux citoyens armés
( 320 )
de piques ( contre la conftitution , tit . IV , art. 5).
Réplique du directoire qui perfifte dans fon arrêté
, & ne veut point compofer avec la loi.
Avis de la marche des fanxbourgs vers le chitean...
Le ministre pourfuit :
ce Tout a été tranquille jufqu'à trois heures &
denie. Les portes du château étoient fermées.
Nous nous fommes rendus auprès de la perfonne
du Roi. Un grand tumulte fe fifoit entendre
au- dehors . Le Roi s'eſt avancé jufqu'à la falle
des gardes ; alois nous avons entenda un grand
bruit ; la hache frappoit les portes . Le Roi a
donné des ordres pour les faire ouvrir ; aufli- tôt
le château a été inondé de peuple . Le Roi s'eft
retité vers une croifée , où il a été entouré de
perfonnes qui vouloient le couvrir de leurs corps,
& le garantir d'un premier coup ; car , qui auroit
pu répond e que dans un fi grand raffemblement,
i ne fe trouvoit pas quelqu'un affez malveil'as
pour faire porter an deuil éternel à la France . (Il
s'eft élevé des murmures dans l'extrémité d'un des
côtés une partie de la falle a applaudi ) . Je rel
pecte trop mon pays , a repris vivement le miniftre
; pour ne pas croire que tous les bons citoyens
y prendroient le deuil , fi un grand đề it
étoit commis ( On a vivement applandi ) . Piufieurs
des membres de l'affemb'ée étoient préfens
; ils ont vérifié par leurs yeux les effractions
faites aux portes de l'appartement du Roi & de
celui du Prince royal . C'eft à l'Afemblée à remonter
à la fource pour découvrir les caufes inconnues
de faits très-connus. M. Petion n'eft
arrivé qu'à fix heures. Les informations de la
juftice donneront des lumières à l'Aſſemblée , qui,
fans doute , dans cette dirconftance , montrera fa
( 321 )
ཀ །
volonté ferme pour le maintien de la conflitu
tior . "
Le département écrit à l'Affemblée nationale
pour la remercier du décret qu'elle vient de
rendre contre les pétitions armées , & lui obferve
que la prompte publication de ce décret
revêtu de la fanction royale produiroit le meil
leur effer . On a tout de fuite envoyé à la fanction
la rédaction que voici :
ce L'Aff niblée nationale confidérant que tout
ce qui a Fapparci de la force doit être écarté
des corps délibérans , & qu'il eft inftant de rap .
peler ce principe effentiellement lié aux baſes de
la Conftitution & de l'ordre focial , décrète qu'il
y a urgence : T
« L'Aflemblée nationale , après avoir décrété,
l'urgence , décrète qué déformais , fous aucun prétexe
que ce puiffe être , aucune réunion de ciroyens
armés ne pourra fe présenter à la barre ,
défi er dans la falie de fes frances , ni fe préfenter
à aucune autorité conftituée. »
M. de Chambonas a préfenté fon hommage
civique en fa qualité de miniftre des affaires
ét angères , & a annoncé la neutralité de la république
de Gênes .
On a confpué la propofition de M. Merlin de
porter de nouveau à la faction le décret contre
les piêtres frappé du veto , vraie propofition de
parjure.
Úa décret a ordonné le paiement de 6,443,252.
liv. pour fubvenir aux frais de l'armement def→
tié par le Roi , à protéger le pavillon & le
commerce national.
M. Couthon n'a pas rougi de répéter , avec la
plus indécente & la plus plate ironie , les tou
chantes proteftations de l'amour du Roi pour le
(322 )
2
"
peuples de dire que le refus de fanctionner les
deux décrets , fur les prêtres & fur le camp de
Paris , démentoit ces belles proteftations ; ce qui
étoit s'infcrire dans la lifte & fe déclarer complice
des brigands . Puis , ajoutant : ce n'eft pas
de cela que je veux parler ; il s'eft raccroché à
It motion déjà repouflée d'exempter de la fanction
les décrets d'urgence ou de circonftances .
On a demandé l'ordre du jour . M. Ramond vouloit
que l'opinant fùt cenfuré. « Voilà le but des
mouvemens d'hier , a dit M. Baert , & en voilà
les auteurs > en montrant M. Couthon & les
autres promoteurs de parjures que M. Couthon
motivoit de l'infâme prétexte que « le Roi
feroit , fans cela , le maître de s'opposer à tel
décret qui tendroit à prévenir la guerre civile ,
Jamais l'impudent mépris de toute conſcience &
de toute logique , de fes propres fermens & de
tout un peuple ne fut plus lâchement calomniateur.
Divers partis ont réclamé l'appel nominal
comme lifte de profcription , ou comme lifte
d'opprobre. M. Delmas exemptoit momentanément
ces décrets de la fanction . Que les parjures
fe lèvent , difoient M. Chéron. M. de Girardin
pofoit ainfi la queſtion : violera- t - on la conftitution
? oui , ou non. M. Paftoret a développé
la théorie métaphyfique d'un gouvernement repréfentatif
qui n'a que des phrafes à oppoſer à
Les principes d'anarchie ; l'impraticable ſyſtème
où des repréfentans élus expriment la volonté
de la nation , fous la condition que le repiéfentant
héréditaire affirmera que c'eſt réellement
la volonté nationale ; & le refpect dû à des pouvoirs
dont rien ne garantit les droits... Un vacarme
affreux & les réclamations de MM, Mer(
3239
lin , Lafource , Condorcet & autres publiciftes de
cette morale , n'ont cependant pas empêché la
préalable d'écarter la motion de M. Couthon , &
la féance a été levée .
Du jeudi , féance du foir.
M. Brival , qui n'avoit rien dit des dangers
du Roi , dénonce que des municipaux ont été
maltraités à coups de poings , malgré leur écharpe ,
dans les Tuileries... On avertit l'Aſſemblée qu'un
attroupement armé s'avance vers le château , &
que le Roi a fait demander fi le corps législatif
tenoit fa féance . Une lettre de M. Ræderer ,
procureur- général fyndic , notifie qu'un raſſemblement
de gens armés fe porte aux Tuileries .
Sur diverfes propofitions d'envoyer une députation
au Roi , & la pentée de M. Lacroix que ,
dans l'incertitude fi le château eft menacé ,
l'Affemblée ne doit prendre aucune mefure , on
étoit paffé à l'ordre du jour. M. Hébert vote
encore une députation de 24 membres , d'autres
en préfèrent une de 60 ; M. Cailhafon voudroit
que toute l'Affemblée le rendît chez le Roi.
M. Cambon veut que chacun meure à fon pofte ,
& qu'on laiffe aux miniftres le foin de pourvoir
à la sûreté du Roi , parce que le corps législatif
ne doit jamais empiéter fur le pouvoir exécutif,
& ne doit pas plus fe mêler de Paris & du château
qu'il ne fe mêleroit d'un foulèvement qui
auroit lieu à Marseille , à 200 lieues. Les faits
du raffemblement & du meffage clandeftin du
Roi font enfin contredits. Quelques juges de
paix étoient venus démentir ces faux bruits . On
a foupçonné M. de Girardin , qui préfidoit
d'avoir éconduit les juges. A l'abbaye le préfident...
Ces cris tombent, M. Kerfaint voit
t324 )
dans tout cela une favante tactique d'infurree--
tion fuppofée pour qu'elle le réalife , & récufe
M. Roederer qu'il vient d'appercevoir au château
, comme n'étant pas à fon pofte.
ל כ
Nouveaux bruits rapportés , commentés . M.
Pétion vient , à la barre , dire qu'il n'y a pas
d'attroupement à craindre : « les magiftrats ont
fait leur devoir ; ils l'ont toujours fait , & un .
jour peut- être on leur rendra plus de juftice.
It entre applaudi des galeries & d'une partie de
l'Affemblée. M. Thuriot a piétendu qu'on fonnoit
l'alarme « pour attirer le peuple , faire
avancer du canon & canonner le peuple. » Il
mandoit tout le monde . & décrétoit d'accuſation ·
ceux qui fonnoient l'alarme . M. Lacoſte a dit
que M. Ramond fonnoit le tocfin dans les comités
. M. Ramond a répondu qu'il avoit feu- :
lement invité les membres des coinités à fe rendre .
dans la falle ainfi que l'ordonnoit un décret du
moment. Paraphrafant l'opin on de M. Thurios,
M. Guadet a fouteau que pour maſſacrer le
peuple on avoit choifi le 21 juin 1792 , « parce ,
que le peuple de Paris ne fut jamais plus majestueux
que le 21 juin 1791 ... M. Ræderer écrit
que l'attrouppement eft diffipé. M. Pétion dé-;
clare avoir donné ( pour rien ) , l'ordre de doubler
les poftes ; & loin qu'on eût fonné l'alarme
ou le tocfin , le maire ignore fi l'on a battu la
générale ou du moins ne l'a point ordonné . . .
Tout cela s'appel e une féance du corps législatif..
On a pu voir, & nous l'avons conſtamment
annoncé , qu'une trame criminelle ,
ourdie contre la Famille Royale , doit fe
terminer
1
( 325 )
terminer er fin par le dernier des crimes ,
des évènentens repreffifs n'en arrêtoient le
cours par l'impuiffance ou la punition des
fcélérats qui la conduifent. Chaque jour.
de nouveaux attentats ajoutent à la certitude
de ce deffein , & ce qui s'eft paffé
le 20 , porte à cet égard la conviction .
auffi loin qu'il eft poffible de le defirer.
Depuis la deftruction de la Garde du
Roi & l'emprisonnement arbitraire de fon
Commandant , le château livré à la fimple
garde Bourgeoife , n'offroit plus qu'une
défenfe incertaine contre les attroupemens
tumultueux qui l'entouroient ou le menaçoient
journellement. Le Roi s'eft ainfi trouvé
exposé à devenir le jouet, la victime ou
leprifonnier d'un Commandant ignorant ou
factieux; fes jours & ceux de fa Famille
foumis aux chances multipliées d'inquiétude
que doivent naturellement inſpirer
les opinions faratiques qui règnent même
parmi une grande partie des Membres de
ia Garde Nationale.
Dans une ville corrompue , livrée au
verbiage , à la diffipation , le Roi , dans
un moment de danger , ne pouvoit d'ailleurs
compter fur ce qu'on appelle bons
Citoyens , honnêtes gens ; ces deux expreffions
ne préfentent , à quiconque connoît
l'état actuel de Paris , qu'une infignifiance
abfolue. La pareffe , l'oifiveté , l'irréfolution
, la crainte , le défaut de caractère dé-
No. 26. 30 Juin 1792 .
P.
( 326 )
aucun
gradent tout ce qu'elles veulent défigner ;
& puis , nul centre de réunion ,
moyen de s'entendre , & d'oppofer avec
fuccès une réfiftance combinée aux efforts
tout-puiffans d'une multitude ardente .
Voilà dans quelle pofition la Cour fe
trouvoit lorfqu'un Miniftre groffier ofoit
infulter à fon Roi , lorfque l'Aſſemblée
Nationale accueilloit avec diftinction des
pétitions où ce Prince malheureux étoit
infulté de la manière la plus grave ; lorfque
de toutes parts , au lu de cette même
Affemblée , on vomiffoit contre lui les
plus coupables calomnies ; lorfqu'on le
menaçoit des dernières violences , s'il ne
donnoit point force d'exécution à deux
décrets que fa juftice & fon hunianité repouffoient
également.
Cet état de douleur & de perfécution
du Roi ne fit qu'enhardir la horde factieufe
& fanguinaire. Tous les moyens
d'exalter la férocité populaire , de donner
une nouvelle ardeur à fon fanatiſme , de
rendre plus certaine la direction de ſes
mouvemens , furent mis en ufage avec
fùccès par les Sociétés fraternelles, les Clubs
& les Affemblées régicides.
Les places , s portes des corps degardes
furent en huit jours de temps garnies
d'immenfes Mais furmontés des attributs
de la Révolution , & bardés d'infcriptions
meurtrières & fanatiques ; d'affreux
( 327 )
placards appelloient à la deftruction de la
Royauté , au meurtre du Prince une mul
titude d'autant plus audacieufe , qu'à peu
de chofe près , l'impunité l'a conftamnient
accompagnée dans les actes de révolte ; de
hideux harangueurs enfeignoient au Peuple
dans les rues , les maximes des Cannibales ;
enfin , tous ces moyens de crime étoient
fur- tout développés dans les fauxbourgs
St. Antoine & St. Marcel par les leçons
qu'ony donne publiquement fur les Droits
de l'homme & la Conftitution Françoiſe ,
avec un fuccès dont les maîtres mêmes ne
concevoient point l'efpérance ; ajoutez que
la ftupide crainte , la confternation lâche
des gens riches , beaucoup plus nombreux
qu'on ne croit à Paris , relevoit encore
l'audace populaire , & lui promettoit un
triomphe facile dans toutes fes expéditions.
C'eſt avec cette affurance que le 16 , une
députation nombreuſe de toutes fortes de
gens , fous le nom de citoyens des Fauxbourgs
Saint- Antoine & Saint-Marcel , fe
rendit au Confeil- Général de la Commune
lui fignifier que le mercredi 20 , ils iroient
planter un Mai à la porte de l'Affemblée
nationale & préfenter au Roi une adreffe, fur
fon veto, fur les Miniftres patriotes renvoyés,
& qu'ils s'y rendroient avec les armes & les
habits du 14 Juillet 1789. Cette démar
che dont le Peuple n'avoit point befoin ,
mais qu'il ne fit que par égard pour les
P 2
( 328 )
fcélérats qui vouloient donner à fes démarches
je ne fais quelle forme régulière, parut
infpirer quelque crainte. Le côté conftitutionnel
duConfeil - Général auffi erroné dans
fon fyftême de Gouvernement , mais moins
conféquent aux principes de la révolution
que fes collègues du côté Jacobin , parla
& obtint qu'après avoir rappellé au peuple
la loi qui défend les attroupemens armés ,
l'on pafferoit à l'ordre du jour & que le
Procès- verbal de la féance feroit envoyé au
Département.
Ce n'eft point quand un peuple eft Souverain,
qu'il s'en laiffe impofer par une improbation
auffi fragile , fur tout quand il
peut appuyer fes démarches d'armes , de
canons & de 20,000 piques , réputées
conftitutionnelles. Auffi ne laiffa til ignorer
fon deffein à perfonae , il fit fes préparatifs
, continua de planter des Mais , d'outrager
le Roi dans fes propos & de lire
très -foigneufement les écrits fanatiques
dont on alimente fa fouveraineté depuis
qu'il n'en reconnoît plus d'autre.
Le Département fit alors une de ces
demi - démarches qui ne remédient à rien
& montrent la foibleffe du parti qui y a
recours. Il placarda une forte d'arrêté , où la
foibleffe fe montre avec la peur qui en eft
l'effet & la caufe ; quoiqu'il fût bien que
PAffemblée nationale ne couroit aucun
rifque par ce raffemblement armé , elle qui
( 329 )
en avoit reçus & applaudis de nombreux , il
affectât de ne parler que de fes dangers &
garda un filence pofitif fur les périls trèsgrands
, très-connus de lui , que couroient le
Roi , la Reine & leur augufte Famille , dans
cette infurrection évidemment dirigée &
fomentée contr'eux. Nous devons à nos
1.ecteurs de leur produire cette pièce ; avec
d'autant plus de motif que nous ne voulons
rien avancer d'incertain dans le récit de cet
affreux évènement , & que nous nous fommes
mis àportée de lui donner , en quelque forte ,
T'exactitude & l'authenticité d'un Procèsverbal.
On peut compter deffas.
ce Le Directoire inftruit par un arrêté du Confeil
général de la Commune du 16 de ce mois ,
que des Pétitionnaires , au nom des Citoyens
des fauxbourgs St. Antoine & St. Marcel , avoient
démandé la permiflion de s'affembler vêtus des
habits qu'ils portoient en 1789 , & avec leurs
armes , demain zo Juin , pour préſenter à l'Affemblée
Nationale & au Roi des pétitions .....
Que le Confeil général confidéiant Fillégalité de
tout raffemblement armé fans une réquifition de
l'autorité publique , a ariêté de paffer à l'orde
du jour fur la dernière pétition . Inftruit par des
rapports multipliés que nonobftant l'arrêté du
Confeil de la Commune & les précautions
ailtérieures prifes par la Municipalité , il y a lieu
de craindre que des malveillans ne veuillent former
des raffemblemens armés , fous prétexte de
préfenter des pétitions. Confidérant que nonfeulement
la Loi rappellée par le Confeil général
de la Commune , interdit des réunions de Citoyens
P
3..
1 ·330 )
armés ; fans une réquifition préalable ; mais
encore que le Code municipal de Paris en permettant
aux Citoyens de fe réunir paiſiblement
& fans armes , pour rédiger des adreffes & pétitions
, y met la condition de ne pouvoir députer
que 20 Citoyens pour apporter & préfenter
ces adreffes & pétitions ; que ces Loix ont été
rappellées dans l'arrêté de la Municipalité du 11
Février derni r... Que le pouvoir municipal
feroit méconnu & outragé , fi malgré le refus
motivé du Confeil général , d'acquiefcer à la
pétition qui lui a été préfentée , il fe réalifoit
des raffemblemens illégaux & propres à troubler
la tranquillité publique ; que des pétitionnaires
offenferoient la Majefté des Repréſentans du
Peuple , en fe préfentant en armes devant eux...
Le Procureur Général fyndic entendu ... Arrête
que M. le Maire , la Municipalité & le Comman
dant général feront prévenus de prendre , fans
délai , toutes les mefures qui font à leur difpofition
pour empêcher tous raffemblemens qui
pourroient bleffer la Loi ; de faire toutes les
difpofitions de force publique néceffaires pour
contenir & réprimer les perturbateurs du repos
public ; recommande fpécialement aux Citoyens
Gardes Nationales & à toutes perfonnes compofant
la force armée , de fe tenir prêts à y
donner affiftance , s'il y a lieu de les requérir ;
arrête en outre , que le préfent arrêté fera imprimé
&.affiché dans les lieux accoutumés. Fait
au Directoire , le 19 Juin 1792. L'an 4º. de la
Liberté. »
Cette proclamation vague ne produifit
aucun effet ; les Citoyens ne s'emprefsèrent
pas plus que de coutume d'aller
•
( 331 )
•
au fecours des Loix , du Roi , des Magiftrats
contre les voies de fait qu'annonçoit
le Directoire ; une partie de la Garde
nationale mênie fe trouva mêlée avec les
attroupés. On avoit trouvé d'avance
moyen de donner à ce mépris des Loix
conftitutionnelles , une légalité apparente ,
la Municipalité prit le 20 au matin , l'arrêté
fuivant qui fut envoyé à tous les Commandans
de Légions , & de Bataillons ainfi
qu'aux Officiers qui devoient en connoître.
Cette pièce eft précieufe.
316
« Le Corps Municipal étant informé qu'un
grand nombre de Citoyens de toutes armes &
de tous uniformes , fe propofent de le préfenter
aujourd'hui à l'Affemblée Nationale & chez le
Roi , pour remettre une adreffe & célébrer en
même temps l'anniverſaire du ferment du jeu
de paume. Le Procureur de la Commune
entendu , arrête que le Chef de Légion , Commandant
Genéral de la Garde Nationale de
Paris , donnera à l'inftant des ordres néceffaires
pour raffembler fous les Drapeaux les Citoyens
de tout uniforme & de toutes armes , lefquels
marcheront ainfi réusis fous le commandement
des Officiers de bataillons . »
On parut cependant vouloir contenir les
excès , & comme ils étoient bien vifiblement
prémédités contre le Roi , ce fut aux
environs des Tuileries qu'on ne put fe refufer
de faire placer des troupes de ligne ,
des Gardes nationales & de la Gendarmerie.
La Garde montante fut placée fous les
P 4
( 332 )
인
Galeries qui font face au jardin , & de
nombreux détachemens arrivés de midi à
une heure furent fucceffivement répartis
dans le jardin , les cours du château & la
place du Carrouſel ; on avoit donné l'ordre .
de tenir toutes les portes fermées ; ceper
dant , par une circonftance qu'on ne peut
expliquer , celle du Pont Royal fe trouva
ouverte à l'heure ordinaire de midi , ce qui
permit à une multitude de Peuple d'entrer ,
& de cerner une pièce de caron , placée
de bonne heure fur la terraffe qui règre le
long de la façade du château du côté du
jardin ; ce ne fut même qu'après qu'un fort
détachement de Garde Nationale fe fut
rangé en bataille le long de cette terraffe ,
qu'il fut poffible de faire évacuer le Peuple
qui , de- là , tenoit les propos les plus atroces
contre le Roi & fa Famille. La cohorte
armée n'étoit point encore au château ; dès
qu'on eut connoiffance de fon approche ,
on plaça fix pièces de conon , une force
confidérable de Gardes Nationales , de la
Gendarmerie Nationale & un détachemer.t
de Gardes Suiffes dans la grande cour ,
appellée Cour Royale.
Ces difpofitions de défenfe que la sûrété
du Roi rendoit indifpenfabies , furent
détruites , par une divilion , une infubordination
, une niéfance , une déforganiſation
de difcipline , qui , tout-à- coup ,
fe développèrent dans a force armée ; à
( 333 )
qui , d'ailleurs , les Officiers Municipaux ,
de fervice dans ce moment au château , ne
firent aucune réquifition légale de repouffer
la violence par la force. Ces Officiers Municipaux
étoient MM. Patris , Mouchet ,
Sergent , Hue & Lefevre , en écharpe. Les
Canonniers ont donc annoncé qu'ils ne tireroient
point , même quand ils en feroient
requis ; la Gendarmerie a déclaré qu'elle
étoit deftinée à garder l'extérieur du château
& non le Roi; a dit qu'elle ne vouloit
point de Suiffes ; & après avoir chargé les
armes elle en a jetté les amorces , auffi tot
qu'elle fut que les Suiffes avoient reçu l'ordre
de fe retirer. M. de Romainvilliers commandoit
ce jour- là les Gardes Nationales ,
M. de Wittingoff , Général de la troupe de
ligne , & M. de Rhulières , Commandant
de la Gendarmerie étoient alors au château.
.
On avoit en même- temps répandu un
bruit inquiétant & avec affectation contre
plufieurs perfonnes attachées au Roi , qui
Te trouvoient dans ce moment au château ,
enforte que le Roi craignant plus le danger
pour les fidèles ferviteurs que pour luimême
ordonna qu'ils fe retirallent
qu'ils firent , à l'exception de M. le Maréchal
de Mouchy , de M. d'Hervilly , & de.
quelques autres vêtus de noir , qui ne
voulurent point quitter Sa Majefté.
ce
L'agitation , la terreur , avoient atteint
tout le monde excepté Leurs Majeftés , qui
PS
( 334 )
-
confervèrent un courage , un fang - froid
admirable , lorfque l'Etat - Major inftruit
vers les une heure après midi , que la
troupe armée défiloit dans l'Affemblée
Nationale au milieu des applaudiffemens ,
& quelle alloit fe porter au château , dé.
libéra d'en fermer les portes ; ce qui fut
exécuté , malgré l'oppofition du Commandant
Général , Romainvilliers , qui
vouloit qu'elles reftaffent libres.
A deux heures la tête de l'attroupement
fe préfenta à la porte du jardin qui donne
fur la cour du Manége. Des coups , des
cris , des ordres d'ouvrir de la part du
Peuple , des menaces fe firent entendre. La
Garde Nationale de pofte dans cet endroit ,
voulut refter fidèlle à la configne ; mais des
Officiers Municipaux en écharpe lui fignifièrent
l'ordre d'ouvrir , elle obéit.
Auffi - tôt une troupe hideufe & défordonnée
, armée de fourches , de piques ,
de bâtons , de haches , d'inftrumens meurtriers
de toute efpèce , garnis de rubans nationaux
, de bonnets rouges , pouffant des
hurlemens de vive la Nation , à bas le Veto ,
précédée d'un nombre confidérable de
Gardes Nationaux en arme , fe précipite
commie un torrent & dirige fa marche fur
Te perron , défilant devant un bataillon
quarré de Gardes Nationaux placé au même
endroit. Cette bande de quinze mille individus
au moins , offroit un affemblage
monftrueux de tous les fexes , de tous les
1
"
1 3357
états ; c'étoit la proceffion de la ligue ,
mais avec un caractère de fureur , de
rage , de férocité bien fupérieur encore .
Des enfans , des femmes portoient au haut
de piques & de broches , les maximes civiques
de la Révolution , infcrites fur des
cartons ornés des couleurs Nationales. On
y'voyoit encore un coeur enfanglanté , avec
ces mots en écriteau : coeur des Ariftocrates.
D'autres portoient des ballets , enblême
groffier des traitemens infâmes qu'ils difoient
hautement deftinés à la Reine ; enfin
il fembloit que tous les crimes fe fuffent
perfonnifiés pour former cette horrible
cohorte. Le Roi voyoit tout d'une des fenêtres
du Château.
La bande armée arriva bientôt à la porte
du Pont Royal , criant toujours vive la Nation,
vivent les Sans - Culottes , à bas le Veto ;
fa tête fe porta enfuite à la place du Carroufel
par les guichets du Louvre . A ce
pofte un piquet de Garde Nationale fut
encore obligé de laiffer paffer la troupe ,
un Officier Municipal en écharpe le lui
ayant fignifié.
Bientôt l'attroupement , au milieu duquel
nous avors oublié de dire que fe
trouvoient plufieurs pièces de canons fuivies
d'un caiffon de munitions , fe répand
dans le Carroufel , recommence les cris de
vive la Nation , à bas le Veto , s'avance vers
la Porte Royale & demande avec menace
P6
( 336 )
qu'on la lui ouvre . En vain M. Acloque ,
chef de Légion , propofe- t-il à cette nultitude
effrénée de choisir quarante individus
pour porter au Roi leur pétition , afſurant
que Sa Majefté confent à la recevoir. Il
n'eſt point écouté ; les hurleniens recommencent
, les furieux chargent un canon ,
le braquent fur la porte & menacent des
dernières violences , fi on ne les laiffe
entrer.
pas
Aucun ordre n'eft donné à la Garde , aucune
évolution n'eft commandée pour s'oppofer
à la violence. Les troupes qui étoient
Tur la place du Carroufel étoient rangées de
nianière , que fi l'on eût donné l'ordre de
faire feu , elles fe feroient fufillées les unes
les autres. Les Gardes de l'intérieur n'étoient
pas difpofés ; au lieu d'être en bataille ,
elles étoient rangées en colonne : les canons
de défenſe fitués devant la porte & près
le veftibule du Château , l'étoient de façon à
en rendre l'ufage impoffible au moment de
Pirruption ; il auroit foudroyé la Garde
nationale placée près la porte de dehors.
Enfin dans cette anarchie & impuiffance
de la force publique , la porte du Carrouſel
eft ouverte, & les féditieux traînent leurs
canons chargés , entrent en criant triomphalement
vive la Nation , à bas le Veto , à bas
ta Calotte & yomiffant une foule de blafphêmes
contre le Roi & la Famille Royale.
Als trouvent un Suifle fous le veftibule , lui
( 337 )
préfentent une pique fur le coeur , lui font
crier vive la Nation , & lui prennent fes cartouches
dans fa giberne . On leur dit que les
-portes font fermées , auffi tôt , un canon
eit porté fur leur épaule & placé dans la
chambre des Gardes , menaçant de faire feu,
fi quelqu'un fait la moindre réſiſtance ; les
Gardes nationaux font frappés , renversés,
forcés & les portes ouvertes à coups de hache.
Cependant M. Actocque , ce brave homme
qui , avec un petit nombre , a partagé le
bonheur rare d'avoir fauvé la vie àfon Roi ,
étoit retourné auprès de Sa Majefté : il la
trouva entourée de MM. de Mouchy, Dhervilly,
de Bourcet, celui- ci en habit national ,
de M. Joly , canonnier , frère de Melle.
Joly , l'actrice , cinq à fix Gardes nationaux.
Le Roi venoit de quitter fes enfans
& la Reine , qui d'un ton plein d'ame &
de confiance dit aux perfonnes préfentes ,
François , mes amis , Grenadiers , fauvez
votre Roi.
Ces braves ferviteurs , ces vrais François
entouroient leur Prince le ferroient & s'avançoient
au devant des affaffirs , dont les
hurlemens affreux fe faifoient entendre à la
porte de la chambre du lit de Sa Majeſté.
Madame Elifabeth , cette Princeffe fi
véritablement grande , fi digne de partager
les dangers de fon Roi , de fon frère , ne
voulut point l'abandonner & le fuivit
avec ces courageux François qui favoient
7338 )
.
•
encore mourir pour la défenſe de leur
Prince. Soyez tranquille , Sire , lui difoient
ils, nous périrons avant vous ; mettez
la main fur mon coeur, répondoit le Roi , et
vous verrezfi j'ai peur.
Le bruit redoubloit à la porte , elle eſt
forcée , ouverte , & une multitude de furieux
a/més de piques , de bâtors , de ſabre ,
fe précipite dans la chambre où étoit alors
le Roi , accompagné comme nous venons
de le dire. Un de ces coquins crioit où eftil
le B..... M. Vanot , Commandant du
Bataillon de Saint - Opportune , écarte l'arme
de ce fcélérat , évidemment dirigée
contre la performe du Roi . Un Grenadier
du même Bataillon pare un coup d'épée
dont le mouvement indiquoit le même
: crime.
Le peu de Soldats qui étoient auprès du
Roi veut mettre le fabre à la main ; M. Aclocque
a la prudence de faire fentir le danger
de cette impuiffante réfiftance : point d'armes
, dit- il , vous allez faire affffiner le
Roi.
La foule monftrueufe & forcenée croif-
-foit , la chambre dite du lit', étoit pleine ,
deux mille perfonnes l'occupoient , le Roi
& ceux qui l'accompagnoient s'avancent
vers une embrafure de fenêtre , Madame
Elifabeth, cette courageufe Princelle , refte
à celle qui la précédoit. Alors un hurlement
fe fait entendre , on veut que le Roi fe
339 )
•
montre, malgré Is dangers de cette démar
che qui lui ' coupoit toute retraite, en cas de
violence ouverte , Sa Majefté n'héfite point ;
Elle monte fur une fenêtre & fes fidèles défenfeurs
l'entourent , lui font un rempart de
Teur corps , & foutiennent avec efforts les
Aots de la multitude armée qui fe portoit
vers le Roi .C'eft de-là qu'il entendit, pendant
trois heures & demie , les plus groffières injures
, les outrages les plus criminels : les
mots de trafire , de fcelerat , de parjuré ,
d'affaffin ved furent prodigués au meilleur
des Princes , qui n'eft malheureux que pour
avoir voulu le bien de ceux - là mênie qui
Poutrageoient.
Le Miniftre de la guerre , M. Delajarre ,
qui avoit été témoin des dangers que cou
roit le Roi , lorfqu'il le vit dans l'embrâfure
de la fenêtre , un bonnet rouge fur
la tête , defcendit par un efcalier détourné
dans la cour Royale. Vingt Grenadiers à
"mbi , dit - il , camarades , fauvez le Roi !
faites -lui un rempart de vos corps. Les vingt
Grenadiers montent pár l'efcalier du cabinet
du Roi ils veulent paffer , le paffage
eft obftrué ; de toutes parts on n'entend
que cris , cliquetis d'armes , menaces &
outrages contre Sa Majefté . Suivez moi ,
dit M. Delajarre , & il les conduit d'un
autre côté. Ils entrent par une porte qui
figure croifée , dans la pièce où le Roi
étoit feulement entouré , comme nous l'a
•
4
( 340 )
t
t
vons dit , de quelques Serviteurs & de cinq
ou fix Gardes Nationaux , & où le trouvoit
également Madame Elifabeth, mais dans
une autre croifée , avec les Miniftres. Ce
renfort de Gardes Nationaux qui firent une
haie devant le Roi & devant elle , lui permirent
de paffer pour aller trouver la
Reine , refugiée dans la Salle du Confeil.
Depuis quatre heures la multitude ne
ceffoit de défiler devant le Roi ; on vit
paffer là tous les hommes de la révolution ;
il fembloit qu'ils fortiffent des pavés tant
leur revue fut longue & leur nombre confidérable.
Ils affectèrent de faire paffer trèsprès
du Roi une infcription portée au bout
d'un bâton , où l'on lifvit , Tremble tyran :
un coeur de boeuf fanglant , avec la devife
que nous avons rapportée plus haut. Le
Roi montroit au Peuple, d'un air affable ,
une large cocarde qui étoit à fon cha
peau , & ceft dans ce moment qu'un
homme détacha celle qu'il avoit au fien
pour la donner à Madame Elifabeth, qui
T'avoit lorfqu'elle fe rendit chez la Reine
quand le paffage fut rendu un peu plus
libre.
Un moment avant,un ouvrier préfenta de
Join fon bonnet à S. M.; elle fait un gefte
d'acquiefcement, M. Moucher, Officier Municipal
en écharpe, le prend, & le fait paſfer.
Ileft mis fur la tête du Roi : Bravo ! bravo !
& des trepignemens de pied fe font en(
341 )
•
;
P
·
tendre . Un inftant avant on avoit entendu
Il faut qu'il prenne le bonnet de la liberté,
ou nous le poignarderons.
M. Moucher effaie vainement à fe faire
écouter ; le Roi veut parler ; trois quarts
d'heure fe paffe dans un vacarme épouvantable
lorfque le Roi peut être entendu. Jai
toujours aime le Peuple , dit- il , j'aime la
Conftitution ; je la maintiendrai de tout mon
pouvoir. Bravo ! un cri de vive le Roi s'élève
; point de vive le Roi , répond - on ;
vive la Nation. D'autres voix : Ce font des
promeffes; ily a long temps qu'il nous amufe,
la fanilion du Décret contre les Prêtres ;
point de Prêtres; le camp de 20,000 hommes;
le renvoi des Miniftres nous voulons M.
Servan , M. Roland."
Cependant M. Freffenel , Député à l'Affemblée
Nationale , effrayé des dangers
que couroit la Famille Royale , avoit
réuni une douzaine de fes Collègues , &
s'étoit porté au château . I's y virent le Roi
dans l'état que nous venons de peindre ,
fe firent jour à travers la multitude pour
parvenir auprès de lui ; ils fe angèrent
parmi les fix Gardes Nationaux & les autres
perfonnes qui depuis deux heures & demie
défendoient le Roi avec tant de courage ,
de modération , de prudence. Plufieurs de
ces Députés , qui n'étoient point venus
par ordre de l'Aflemblée , là féance du
matin étant levée , il étoit à peu- près trois
( 342 )
heures & demie , voulurent haranguer le
Peuple , mais il ne leur fut pas poffible
de fe faire écouter . Ils entendirent des
imprecations affreufes contre la Majesté
Royale ; un homme habillé en Sapeur ,
cria : cematin eft in ligne de vivre, montrant
le Roi.
Sa Majefté inquiète du fort de la Reine
& de fes enfans , voyant des Députés , demanda
que quelques uns d'eux paffaffent
près d'elle . MM . Freffenel, Bigot, Lacombe
de St. Michel fe rendirent dans la faile du
Confeil où cette Princeffe s'étoit arrêtée ,
lorfqu'elle vit qu'on brifoit les portes de
fon appartement , & que des fcélérats la
cherchoient . Elle étoit affife devant une
grande table , fur laquelle étoit Mgr. le
Dauphin , coëffé d'un bonnet rouge ; Madame , fille du Roi , étoit à côté de fon
augufte mère , qu'accompagnoient
encore
quelquesDames de la Cour, en petit nombre.
Sa Majefté avoit les yeux gonflés de larnies ,
mais la phyfionomie étoit calme , & peignoit
une grande fupériorité de caractère
& une férénité admirable ; la multitude
qu'on étoit parvenu à faire filer de la
chambre du Roi , paffoit devant S. M. avec
plus de refpect , c'eft- à - dire , une fureur
moins atroce que devant le Roi , quoiqu'on
ait vomi contre elle toutes les horreurs
dont les Manuel , les Carra , les Tallien
épouvantent impunément chaque jour les
oreilles des honnêtes gens ; peut- être dut-on
1
( 343 )
cet effet à la préfence du Braffeur Santerre.
Ce Roi du fauxbourg St. Antoine regar
doit avec dureté la populace armée qui
défiloit ; il la faifoit accélérer le pas lorf
qu'elle lui paroiffoit trop lente c'étoit
l'Aga des Janiffaires qui s'eft emparé de la
perfonne de fon Maître .
:
Monfgr. le Dauphin fuoit fous le lourd
bonnet de laine qui le couvroit ; le jeune
Prince n'ofoit s'en débarraffer ; Santerre ,
fans s'adreffer à perfonne dit : orez- lui donc
ce bonnet la Reine l'ôta , & le Dauphin
garda le bonnet à la main. Dans le même
moment arriva Madame Elifabeth qui , en
fe louant des Gardes Nationaux , fauta au
cou de la Reine ainfi que fes deux enfans.
Elle avoit une cocarde de laine à fon bonnet
, & la Reine arbora tout de fuite celle
que lui donna une des perfonnes qui étoient
près d'elle. M. de Freffenel & les Députés
qui l'accompagnoient ayant appris que
le
Maire étoit arrivé , ( il étoit fept heures &
demie ) que le Roi recevoit des Députations
, qu'il étoit paffé dans fa chambre
en inftruifirent la Reine , qui fortit auffi- tôt
avec fes deux enfans & Madame Elifabeth
pour fe rendre auprès de Sa Majeſté par
des paffages dérobés.
Avant cette retraite du Roi une Députation
de l'Affemblée nationale , s'étoit rendue
auprès. Un Membre porte la parole à S. M.
& lui dit au milieu du tumulte , Sire ,
}
344 )
•
PAffemblée Nationale inftruite de vos
dangers nous envoie pour les partager et
vous fervir d'égide . Je ne crains rien , répond
Sa Majeſté , jefuis au milieu des François ,
au milieu de ma Garde Nationale , vous voyez
le refte.
MM. Vergniaud & Ifnard montent fur
les épaules de quelques perfonnes & haranguent
vainement la multitude qui ne
montre pas plus de docilité. Cependant , à
force de remontrances , d'exhortations , de
la part des Huiffiers de l'Affemblée qui
accompagnoient la Députation , de la Députation
elle - même , l'on parvint à imprimer
un mouvement de circulation à la
foule ; la multitude une fois entraînée dans
ce courant fut obligée de filer , la pièce fe
débarrafla un peu , on put concevoir l'ef
pérance d'en faire fortir le Roi , & l'on y
penfoit lorfque M. Pétion arriva ; il étoit
fix heures. Depuis trois quarts - d'heure un
grand jeune homme adreiloit la parole au
Roi d'une manière très fanatique & trèsgroffière
; & lui faifoit les demandes les plus
abfurdes.
Le Roi répondit fort tranquillement ;
ce n'eft pas plus le moment de me faire de
pareilles demandes que celui de les obtenir ;
écoutez vos Magistrats et les organes de la
Loi , ils vous répondront. Dans ce moment,
M. Petion , d'un air étonné , furpris , expliquoit
au Peuple que toute violence en(
345 )
vers le Roi étoit illégale. Citoyens , leur
difoit- il , d'un air de lâcheté hypocrite
vous êtes venus avec l'énergie d'hommes
libres , fortez maintenant avec la même di
gnité avec laquelle vous êtes venus. La foule
défile lentement .
Le Roi tomboit de fatigue , on lui préfente
une bouteille ; il la reçoit , la renverfe
fur fa bouche , en mettant le pouce dans le
goulot : Sa Majesté n'a point bu de la liqueur
qu'elle pouvoit contenir. Il étoit 7 heures
& demie , & le Roi depuis 4 heures étoit
affublé du bonnet rouge : on propofa de
faire paffer le Roi dans fon petit appartement
; J'attroupement étoit encore trèsmenaçant.
Les ferviteurs du Roi , MM .
Aclocque , Vanot Vanot , Guibout , Defmouf
feaux , Goffe , de Bourcet et Joly , tous
de la Garde Nationale , & d'autres braves
Grenadiers qui ne quittèrent point le
Roi , lui firent un rempart de leurs corps ,
& après des efforts & des dangers infinis ,
on parvint à fouftraire le Roi à la furie
populaire ; il entre dans une chambre voiline
; ceux qui l'avoient fauvé en gardent la
porte & réfiftent long- temps à la rage de la
multitude qui fembloit menacer encore ce
refuge du Roi.
MM. Pétion & Sergent étoient dans
l'Oeil de Bauf , ils paffent dans la
chambre à coucher du Roi , où le Peuple)
abondoit encore ; ils le haranguent , il s'é(
346 )
vade enfin ; on ferme les grilles ; à 8 heures
& demie les appartemens étoient évacués ;
un quart- d'heure après une nouvelle Députation
fe préfente chez le Roi , elle s'informe
de l'état des chofes pour en rendre compte à
l'Affemblée.
La Reine cependant accourrut avec fes
enfans auprès du Roi , fi tôt qu'elle l'avoit
fu libre ; elle fe jette dans fes bras , tandis
que fes enfans l'arrofoient de leurs larmes ;
mes amis , dit le Roi , à tous ceux qui
l'avoient accompagné , embraffez moi , je
vous dois la vie , je vous dois celle de mes
enfans , de ma Famille. Cette illuftre Famille
, ne parut jamais fi grande , & l'Europe
n'apprendra point fans étonnement ,
fans admiration , fans horreur l'évènement
atroce que nous venons d'efquiffer.
Les ferviteurs du Roi , ces bons François ,
étoient auprès de lui , à fes pieds ; les opprobres
dont on s'étoit efforcé de couvrir
la Majefté Royale , ne la rendoient que plus
grande à leurs yeux ; ils étoient péné
trés d'amour & d'admiration , pour un
Roi à-la- fois fi bon & fi courageux dans les
revers.
Cette épouvantable journée ouvrira peutêtre
les yeux enfin aux Princes alliés de la
Maifon de Bourbon ; aux Peuples qui vivent
fous leurs Gouvernemens protecteurs.
La Royauté , comme la divinité eft une
propriété de tous les hommes ; ils ont
347 )
tous un égal intérêt à punir les attentats , les
Outrages qui pourroient l'avilir. Louis XVI
a été le jouet du crime & de la licence ; tous
les fentimens de juftice , de raifon , d'humanité
ont été violés dans fa perfonne facrée ,
& ce crime , non-feulement reftera impuni ,
mais fervira de motif & d'encouragement
pour en commettre un plus affreux encore
fi l'Europe n'en demande point la punition.
Car , & l'on ne doit point le diffimuler
les projets régicides contre la Famille royale
font toujours les mêmes ; l'activité des fcélérats
s'eft enhardie par le filence des loix de
vant leur audace facrilége , & l'on peut être
affuré qu'avec un peu d'art ,& ils n'en manquent
point , ils parviendront au but qu'ils
fe propofent : la vengeance fera tardive après
le crime commis .
Que peut en effet oppofer le Roi contre
la rage toute - puiflante de fes ennemis
, appuyés de décrets ambigus où
le Prince et méconnu , s'il n'eſt point
niême facrifié ; que peut - il contre une
majorité fanatique avec une Conftitution
qui le ravale au rang de Fonctionnaire
à gages , qui ne lui donne pas même
le droit de requérir la force pour fa propre
sûreté , & le prive de tous les moyens
d'autorité morale qui fait une des principales
attributions de la Royauté . Affez
d'évènemens , au refte , nous donneront oc(
348 )
cafion d'appuyer fur ces confidérations dont
dépend le falut de la France & de la Monarchie.
Plufieurs Actes ont fuivi cette affreufe
journée du 20 ; d'abord un Décret du
Corps Législatif où le Roi n'eft pas même
nommé, & où l'on femble craindre d'infpirer
trop d'horreur pour les crimes de la
veille : il a été affiché par tout l'aris. Nous
l'avons rapporté dans l'expofé de la féance
du 20 ; le fecond Acte eft une Proclamation
du Roi , qui attefte l'effraction des portes &
l'apport d'un canon dans la falle des Gardes.
Le Corps Municipal a auifi fait publier un
arrêté , où , fuivant les formules prévaricatrices
de MM. Pétion & Manuel, on dit
au Peuple de conferver fon calme et fa
dignité , après un pareil attentat. Le Dépar
tenient a fait placarder en même temps un
chapitre de morale fur la violation de la
loi ; comme fi c'étoit avec de pareils moyens
qu'on pût efpérer de contenir un Peuple
fanatique & tout puiffant.
Il est queftion auffi d'informer contre les
auteurs de l'attentat : déjà des difpofitions
ont été entendues ; mais à quoi fervirontelles
? à ce qu'a fervi la procédure du 6 Octobre
. Nous donnerons la Prociamation
du Roi dans notre prochain . Numéro , &
quelques détails que le défaut d'efpace ne
nous a pas permis de rapporter.
PEUCFBOFLUDEI1JRTE7Cu9iSSSS2n..
ITS NAT. Mardi 29. Merc.¡o. Jeudi, 31. Vend.1 J. Sam.2.
tions ....
s.fes.
mprunt Oct..
Décembre82,
d'Avril ...
d'Octobre.
ing brunt 125
80 millions ..
s Bulletin.
etin..
brunt 120ms,
He. Ch.
Te d'Efcompt.
demi- act.
2x35.
11019040
..
IP..
1440b.
146.
860.79
19
Natior.n. a.l
Sp.
xdeP.
2155
155.11 1180f.
Lundi4.
CHANdGuEzSo.
Amft. 30.
Lond. 16.
Ham.38.36.
Mad. 26.11.
Cad. 26.12.
Liv. 180.
Gen. 170.
Lyodpnc...
CHANGES du
Amit. 31.
Lond. 174
Ham. jjo.
2.1b..
1.726.
1.7b.
72. Mad. 26.13.
Cad. 26.S.
Liv. 178.
3899.98 ..
1946.4.8.
Gên. 168.
2.
p.
Lyon, pâq.p.
Paycura année
1721, toutes Lettres,
AVIS TRES IMPORTANT
LE Public eft prévenu qu'on ne recevra ja
mais dans ce Journal aucune réclamation , aucun
détail d'intérêt particulier employé dans d'autres
Feuilles . On ne fait ufage que des lettres fignées
qui rendent compte de faits biex conftates.
On obferve encore que les Rédacteurs n'ont
rien de commun avec l'Abonnement , la diflribution
, &c. C'est à M. GUTH , feul Directeur
du Journal , hotel de Thou , rue des Poitevins
& non è aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets; autrement des lettres
fouvent importantes pourraient refter au rebn
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Affignats , doivent étre chargées .
à la Pofte, pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
le
Le prix de l'abonnement eft de trenre fix liv
franc de port , pour la Province , Affemblée Ne
tionale , par fon Décret du 17 Août , ayant doublé
port de ce Journal. L'abonnement pour Paris
eft de trente-trois liv. Il faut affranchir le port
de l'argent & de la lettre , & joindre à cette
dernière le reçu du Directeur des Poftes. On fouf
erit Hôtel de Then , rus des Poitevins, Ons
dreffera an fieur GUT , Diredear da Purean du
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que
pour l'année entiere.
COURS DES EFFETS PUBLICS, hin CHANGESdu
Assaft. 52.
EFFETS NAT. Mardi5. Merc.6. Jeudi7.
s.
Vend& Sam. Bundirt.
Actions.
Do.16.
Emprunz Oct
Id. Décembre82
Lot. d'Avril.
Lot. d'Octobre
Emprunt 125m
d. 80 millions.
Sans Bulletin.
Bulletin
Emprunt 110in.
Borde Ch..
Caille d'Efcompt.
Dr. desiat.
70.67
117511
445.45.4
2p.
14174 4447.
tahl.pt..pp2.
70.671. 2367.65.. 2865.
[ 157. 16: L160 1170 875.40 jog•}[ **
170
447
...165.
res
up.p. Lyen.g1b.
13.226.
3910-1 3910.
196. EauxdeP.
Empr. Marional.
3.2b.
71.71b..
3.900S..
1.52.43.[ 250.48.. 1945.48
Anifl. 34.
Lond. 18.
Ham. es.
Mad. 25 4-5+
Liv1.
Cad 24-15.
Lyan.p.8.
P aup.ip. 1.b.
AVIS TRES IMPORTANT.
On obferve encor Ref
Le Public eft prévenu qu'on ne recevra jamais
dans ce Journal alcune réclamation , aucun
détail d'intérêt particulier employs dans d'autres
Feuilles. On ne fait ufage que des lettres fignees,
& qui rendent compte de faits bien confliés .
rien de commun avec l'Abonnement, ta diftri
les Réducteurs n'ont
bution , &c. C'est à M. GUTH , foul Diretur
du Journal , hotel de Thou , rue des Poiterius ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adrefer tone te
qui concerne ces objets ; autrement des leurs-
Jouvent importantes pourraient refler au rebut,
Les perfonnes qui enverront à . Guth des
effets fur Paris , pour acquit de teur Abonne- &
ment , voudront bien les faire timbrer i faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés. Les lettres
cone nant des difignais , doivent être chargéer,
a la Pofle , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix de l'abonnement of de trente fi liv
franc de pers , pour la Province , Affmblée No
tionile , parfon Décret du 17 Aoûs , ayant doublé
te port de ce Journal. L'abonnement pour Patis
eft de trente- trois liv . 1: fami affranchir le port
de l'argent de la lettre , & joindre à cauze
dernière le récu da Dir.tour des Pejics. On Jouf.
cris Hotel de Thou rus des Peiterius. O
dreffera au four Guen , Diredan in "Bureau du
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que
Pour l'année entiere.
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EFFETS NAT. Mardi 12.| Merc. 13.| Jeudi 14. Vend. 15. Sam. 16. Lundi18.
267 .... 2:5765.. 2167.65.
CHANGESCH12.
Amft.
334.
Lond.
18%
Mar.
310.
M2a14d0...,
Actions
2175.
216.70.
ls 2410.
Do 1%
25
105.63.
Emprunt 0447.48... 44743:
447, 447
1055 44.1012.42.
447 ...
Liv.. 168.
Id. Décembre82 aup.
Gen.. 158.
Faup..
p.. IP..
Lot. d'Avtl.
Lyon. pâq.h.
I
Lot. d'Octobre,
Emprunt12 ms 3.2.35 ... 26.
14. 80 mil
me!
CHANGESdu13.
b.
b..
2.b
lub.
Amft. 341.
Sans Bulletin..
13.2
b. 3.2b.
Lond. 19.
ib 2b. 2.3b..
Bulletin
Ham. 300.295.
72.7 73 73.
Emprunt 120ms
Mad4
Borde Ch ...
Cad. 3.5.
Liv. 160.
Caille d'Efcempt. 3900 3915 391 5.3959
De decai-a.
EauxdeP..
1195 2.55 1955-55
Empr, National
3910.391233991006..31G99ê11n22.
450.
1954.56.
1950.55. 195L6y.o5nb2...
sb ... 3
b.
Payurs,
Tx, lettre T.
année
AVIS TRÈS - IMPORTANT.
LE Public eft prévens qu'on ne recevra jamais
dans ce Journal alcune réclamation , aucun
détail d'intérêt particuler employé dans d'autres
Feuilles. On ne fait ufage que des lettre : fignées ,
& qui rendent compte de faits bien conflates.
On obferve encore que les Rédacteurs n'oat
rien de comun avec l'Abonnement , la difinbution
, &c. Cell à M. GUTH , feul Direder
du Journal , hotel de Thon , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut adreffer tout ce
qui concerne ces objets ; autrement des lettres
fouvent importantes pourraient refler au rebut.
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Afignats , doivent être chargées
à la Pofte , pour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix de l'abonnemext eft de trente ûx liv.
frane de port , pour iz Province , Affemblee Nationale
, par fon Décret du 17 Aoûr , ayant doublé
le port de ce Journal. L'abonnement pour Paris
eft de trente-tros liv. Il faut affranchir le port
de l'argent & de la lettre & joindre à cette
dernière le resa de Directeur des Potes . On fouf.
crit Hôtel de Thou rue des Poitevins. On 3'xdreffera
an four TE , Direcer la Duran da le
Mercure. L'abonnement ne peut avoir lieu que
pour l'année entiere.
EFFETS NAT. Mardi 19. Merc. 20.
PEUFCBFOLEUDITRECSSSS
.
Juin
1
Jeudi 21. Vend. 22. Sam. 23.
Lundi
CHANGES du19.
Amit. 34.
Lond. 18.
25 Ham. 300.
Mad. 24.
Actions.
216717.0. 21672.1766057. 2167.
Cad. 24.
Id. Décembre82.
Does.
Emprunt Oct.1447
Lot.d Avril.
Lot. d'Octobre.
Empruntme
Id
.
80 millions
1045.40 .. Ic06,20...1000.10.
1018.22. Liv. 162.
447 1447..
446.. Gên. 152.
12p. IU1P5p.3..
p.1b. Lyon.b.
CHANGE duz 25.
21b.
2.b.
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BullSeatnisn,
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1731
Emprunt 126
Bord. Ch
Caiffe d'Efcompt. 3910,3908
D. demi- act.
EauxdeP...
Empr.
National
3912.3908 3912.1930
1953.56. 1958.64.
1953-57.
b. ip .... ib
Lonel. 18.
Hain. 306.
Med. 14.10.
Cadix 24S
Ly 165. Diys
155. 3925-3920 Gen.
1958.6010
.b.
rb ...... Payeers,
année
le1m0tT1e
26.
73
AVIS TRÈS - IMPORTANT .
LE Public eft prévenu qu'on ne recevra ja
is dans ce Journal aucune réclamation , aucun
détail d'intérêt particulier employé dans d'ou'res
Feuilles . On ne fait ufage que des lettres fignies
& qui rendent compte de faits bien conftates ,
On obferve encore que les Rédacteurs n'ont
rien de commun avec l'Abonnement , la diftribution
, &c. C'est à M. GUTH , feal Directeu
du Journal , hotel de Thou , rue des Poitevins ,
& non à aucun d'eux , qu'il faut àdreffer tou ge
qui concerne ces objets ; eutrement des lettres
fouvent importantes pourraient refter au rebut.
tout
Les perfonnes qui enverront à M. Guth des
effets fur Paris , pour acquit de leur Abonnement
, voudront bien les faire timbrer ; faute de
quoi ils ne feraient pas acquittés . Les lettres
contenant des Affignats , doivent être chargées
à la Poſte Bour ne pas courir le rifque de
s'égarer.
Le prix
l'abonnement
et de trente-fix liv.
franc de po pour la Province
, l'Affemblée
Nationale
, par n Décret du 17 Août , ayant doublé
le port de ce Journal
. L'abonnement
pour Paris
eft de trente-trois liv. Il faur affranchir
le port
de argent & de la lettre , & joindre
à cette
dernière
le reçu du Directeur
des Pofies . On foutcris
Hôtel de Thou , rue des Poitevins
On s'adreffera
au fieur GUTH , Directeur
du Bureau
du
Mercure
. L'abonnement
Qualité de la reconnaissance optique de caractères