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1791, 08, n. 32-35 (6, 13, 20, 27 août)
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( N°. 32. )
SAMEDI 6 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE .
Par MM. MARMONTEL , DE LA HARPE
& CHAMFORT , de l'Académie Françaife
; par M. GINGUENÉ , & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Réda curs.
M. MALLET DU PAN , eft feul chargé
de la partie politique .
Tous les Livros doivent être adrefiés à M. dc
la Harpe , rue Guénégaud , nº . 24 ;
La Potfie , à M. Berquin , ruc & place du Théace
Français;
Les Cartes , Eftampes , la Mufique , & Avis divers ,
à M. Framery , Boulevart du Théatre Italien , au coin
de la rue Favart , n . 342 ; & tout ce qui concerne
l'expédition & les Abennemens , à M. GUTH
hôtel de Thou , rue des Poitevins .
Tous les envois doivent être affranchis .
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume.
Emp. D.82.
COURS DES EFFETS PUBLICS.
Juillet
1791.
CHANGES.
Amft. 4411
Lond. 21.
EFFETS NAT. Lundi 25. Mardi 26. Merc. 27. Jeudi 28. Vend. 29. Samedi 30. Ham. 231.
Act. Indes ....
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80.70.68.70.65.70. 63-65. 48.46.
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46.45.40.
Gen. 114
192224
28.18.16.
Lyon. P.
aPraenvteiuerr,se
( No. 33 )
SAMEDI 13 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
Par MM. MARMONTEL DE LA HARPE
& CHAMFORT . de l'Académie Françaile
; par M. GINGUENE , & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs.
M. MALLET DU PAN , eft feul chargé
de la partie politique .
Tous les Livres doivent être adreflés à M. de
la Harpe , rue Guénégaud , nº . 24 ;
La Poéfie , à M. Berquin , rue & place du Théatre
Français;
Les Cartes , Eftampes , la Mufique , & Avis divers
M. Framery , Boulevart du Théatre Italien , au coin
de la rue Favart , n . 342 ; & tout ce qui concerne
l'expédition & les Abonnemens , à M. GUTH ,
hotel de Thou , rue des Poitevins.
Tous les envois doivent être affranchis .
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tou: le Royaume.
PUECBFOLFUDIERECTSSSS.
CHANGES.
Août
1791. Amft. 43.
Lond. 22.
EFFETS NAT. Jeudi4. | Vend.s.Samedi6.
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1.3.2.1
6.57. 1711.8.8111
16
•
Emprunt. Oct.453..
Emprunt. D. 82.1
Emprunt 125.4
Emprunt 8ms..12. 12.
Id. Cans Bulletin. 4.4.4.4.48
Bulletin ... 86.
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A&t. Caiffe ..... 3760, 65. 37505560 3795.800.
55.55 70.65.
S.10.15.
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Ham. 240.
Mad. 19.S.
Cad. 19.6.
Liv. 128.
Gen. 117
Lyon.r.
Payeurs,6 premiers
mois 1791, Leute.
( N °. 34 )
SAMEDI 20 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
3
Par MM. MARMONTEL , DE LA HARPE
& CHAMFORT , de l'Académie Françaife
; par M. GINGUENÉ , & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacters.
M. MALLET DU PAN eft feul chargé
de la partie politique.
Tous les Livres doivent être adreffés à M. de
Harpe , rue Guénégaud , n°. 24 ;
La Poéfie à M. Berquin , rue & place du Théatre
Français ;
Les Cartes, Eftampes , la Mufique , & Avis divers,
à M. Framery , Boulevart du Théatre Italien , au coin
de la rue Favart , n°. 342 ; & tout c . qui concerne
l'expédition & les Abonnemens , à M. GUTH
hôtel de Thou , rue des Poitevins.
Tous les envois doivent être affranchis.
Le prix de l'Abonnement efl de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume.
COURS DES EFFETS PUBLICS. Août 1791.
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1210.7.5.2200..19.)
CHANGE!
Amft. 43.
Lond. 22.
Ham. 135.
A&t. Indes ...... 2215.121.
20027.
16 Id. me ....
Emprunt Oct.
1420
1417
455-54 ...
Emprunt. D.81. 199
E.m.p.r.u.1n.2mt.5.8
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7.200.
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1.1 3.2
1.2.3-4.2/
817
8.
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14..1.4.
Id. fans Bulletin. 57.5.54.5 .....S
Mad. 18. 19.
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Liv..125.
Gen. 116.
Lyon.p.
Payeurs,6 premier
mois 1791, Lettre C.
Bulletin.
89 91.89.
882.89
88.
Cai.Al.cl.te.
3875.60. 38555045
13855..50.
55.60.$ 5.60. 45.43.55.
Deux Caifles. 1925.28.
·་ 1926 ..... 1920.16..
30.
Empr. National.p ......p ...
P.
( N ° 35. )
SAMEDI 27 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
DR LA HARPE PA MM. MARmontel
& CHAMFOXT , de l'Académie Francaife
; par M. GINGUENÉ , & par MM
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs
MALLET DU PAN eft ful charge
de la partie politique.
Tous les Livres doivent être adreffés à M. de
Harpe , rue Guénégaud , n ° . 24 ;
La Poéfie , à M. Berquin , rue & place du Théatre
Francais ;
Les Cartes , Eftampes , la Mufique , & Avis divers ,
M. Framery , Boulevart du Théatre Italien , au coin
lela rue Favart , n° 342 ; & tout ce qui concerne
(l'expédition & les Abonnemens , à M. GUTH
hotel de Thou , rue des Poitevins.
Tous les envois doivent être affranchis.
Le prix de l'abonnement efl de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume .
COURS DES EFFETS PUBLICS.
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2197.95.
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Emprunt.O&.
253 •
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Emp. D.82.
3.2.1.4.3.123.12.2
8.73..8.
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Id. fans Bulletin. 4.4.
45
Bulletin.
88
CaiAfc.lt.e.
Août 1791-
CHANGES
Amft. 42.
Lond. 221.
Fam. 2351.
Mad. 18. 19
Cad. 18.19.
{ Liv. 125.
Cen. 116.
Lyon.p.
Faveur, stings
nois 1791, LeursE.
3835.40. 3830.28.
36.38. 3.2.35 13830.
Deux Caiffes .... 1920.17 190ƒ… .10
1913.14.
15.162.51.51111.67541....
NatiEomnparl. 143. 1.11
Jer . 133
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ;
(
COMPOSÉ & rédigé , quant à la partie
Littéraire , par MM. MARMONTEL ,
DE LA HARPE & CHAMFORT , tous
trois de l'Académie Françaife ; par M.
GINGUENÉ , & par MM. FRAMERY &
BERQUIN , Rédacteurs.
ཀ།
M. MALLET DU PAN, Citoyen de Genève,
eft feul chargé de la partie Hiftorique
Politique.
SAMEDI 6 AOUT 1791 .
A PARIS ,
Au Bureau du MERCURE , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevias , N. 18.5
TABLE GÉNÉRALE
Du mois de Juillet 1791.
EPIGRAMAFE.
Les Scltures le Murcie.
31Mémoires .
Notices.
Charade , Er. log. 291
34
44
DÉPIT Pur Amine 49 Tab'eru Po itique.
Abouzai
Les Moumens.
Charide , En. Logoe. 52
La Cheté du Clergé.
*peéticles.
f4
Correfponda ce.
Variétés
-70
72
76
79 571
Le, Anours. L
61 |Not ces .
La Réfiſtance inutile. 85 $ ectacles . 111
Chorale , Enig . Log. 88
Pariétés.
117
Leihilinte de Moliere.
Kapp.rt.
102
99
Notices.
119
Charade . Eriy . Lozog. 126 pectacles .
PITRE.
La Folice de Paris.
Bibliotheque.
VERS. 1571Floge. 478
LiVo ture pub! que 18 Variétés. 182
Crvade, En. Lag 160 Avis 192
Poefies d.verjes. 163 Not.ces . 200
121 De 'Autorité. 147
150 128
Norices.
157
་་་
A Paris , de l'Imprimerie de Montard , que
des Mathurins , Hôtel de Chuni .
BIBLIOTHICA
RECLA
MONACENGZ9
MERCURE
DE FRANCE.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
2
CHANT D'AMOUR.
Vous
ou's qui portez un coeur fenfible & tondie ;
Vous que le Ciel fit naître pour aimer ,
Sous ces berceaux accourcz pour m'entendre ,
Et par mes chants laiffez - vous enflammer.
Heureux qui peut , auprès de fon Amie,
Couler des jours filés par les Plaifirs ,
Semer de fleurs le chemin de la vie ,
Et voir l'Amour combler tous les défirs !
t
C'est par l'Amour qu'ici -bas tout refpire :
Tout s'embellit par lui dans l'Univers .
Heureux le coeur foumis à fon empire ,
Qui de bonne heure a fu porter fes fers !
1
A 2
MERCURE
Qui les peindra ces momens pleins de charmes ,
Ou de Rofine embraſſant les genoux ,
Ivre d'amour , les yeux baignés de larmes ,
Je lus mon fort dans l'aveu le plus doux ?
*
Oui , prends mon coeur ; il eft à toi , dit-elle ;
Depuis long-temps j'en avais fait ton bien .
Il eft fenfible ; il re fera fidele ;
Rien ne pourra le féparer du tien.
Si tous mes jours s'écoulent fans orage ;
Si je n'ai plus à former d'autres voeux ,
Tant de bonheur , Rofine , eft ton ouvrage ;
Et ton Amant peut s'égaler aux Dieux .
Toujours fidele au ferment qui nous lie ,
D'un feu conftant je brûlerai pour toi .
Le Ciel te fit pour embellir ma vie ;
Mon bonheur eft de vivre fous ta loi.
A Mme. de Ch.... qui m'avait demandé les
Vers précédens .
Eh quoi ! par vous l'orgueil vient , à fon tour,
D'un coeur déjà trop faible achever la défaite !
J'étais loin de penfer qu'il me fallût un jour,
Comme Amant & comme Poëte ,
Mourir d'amour-propre & d'amour.
( Par un Abonné. )
DE FRANCE.
LES SOLITAIRES DE MURCIE ,
CONTE MORAL.
Seconde Partie.
APRÈS un moment de filence , pourſuivit
le Comte de Creutz , mon Solitaire reprit
ainfi :
Non , ce n'eft point du pouvoir de l'amour
que l'on fe joue impunément : c'eft lorsqu'il
eft le plus naïf & le plus ingénu , qu'il eſt
le plus à craindre.
Ce fentiment , bientôt devenu fombre &
filencieux dans mon ame ,, ne voulut plus
avoir pour
confident que fon objet ; & dèslors
c'était de moi - même que j'aurais dû
me défier ; car du moment que l'innocence
fonge à diffimuler , ce n'eſt déjà plus l'innocence.
Je laiffai donc mon ami fé moquer de
ma folie chevalerefque ; mais je m'occupai
des moyens de faire connaître à fa foeur
que rien n'était plus férieux.
La jeuneffe eft naturellement vaine & préfomptueufe
; & dans l'inquiétude où j'étais
de favoirfi réellement j'avais touché le coeur
de Valérie , ſe mêlait déjà la penſée qu'il y
avait plus que de l'eftime & que de la recon-
Daiffance à ce qu'elle avait fait pour moi.
A 3
6 MERCURE
J'efpérais donc qu'après la fcène du pavit
lon , elle reviendrait plus fouvent rêver à la
fenêtre d'où elle avait vu fon Chevalier; &
tous les jours , à la même heure , au même
lieu , j'allais l'attendre , errant comme une
ombre plaintive , & mille fois levant les yeux
vers la fenêtre où je m'étais atté de la revoir.
L'impitoyable jaloufie fe tint fermée
durant un mois . Enfin elle s'ouvrit ; & par
pitié Valérie daigna paraître avec Therefes
fa fuivante affidée .
C'est donc ici , mon Chevalier , votrepromenade
affidue , me dit-elle d'un air tou
chant ? Ces mots m'apprirent que fans paraire
, elle m'avait du moins apperçu quel
quefois ; ils me firent entendre auffi que je
pouvais , devant Thérefe , parler à Valérie ,
comme un Chevalier à fa Dame ; & ce fut le
ton que je pris .
Oui , Madame , lui répondis - je , c'eſt ici
que je viens rêver , fi toutefois on peut appeler
rêverie une feule penfée dont rien ne
nous diftrait , & dont toute l'ame eft remplie.
Cette penfée unique eft la gloire fans
doute ?-Cui , Madame, la gloire, qui nous
rend dignes du bonheur , la gloire qui peut
feule jullifier les voeux d'une ame élevée &
fenfible , la gloire à qui jamais un noble
coeur n'a réfifté ; ce ferait d'elle que je voudrais
faire l'ércile de ma deftinée . Mais , hélas !
elle femble échapper à qui la pourfuit ; elle
fe refufe long - temps aux vains défirs de là
DE FRANCE.
jeuneffe; & lorfqu'enfin elle fe laife atteindre,
il n'eft plus temps : le feul prix qu'on lui eûr
demandé , a paffé dans les mains d'un autre ;
& tout ce qu'on a fait pour la gloire , eft
perdu pour l'amour . Ce mot , qui m'échap
pair pour la premiere fois , me fic monter le
feu au vifage. Valérie , plus innocente , l'en
tendit fans rougir. Vous faites là , mon Chevalier
, des réflexions bien férieuſes , me
dit- elle ! je vous confeille de ne pas vous y
abandonner. Je penfe , moi , que l'efpe
rance eft la compagne du courage ; & j'exhorre
mon Chevalier, qui ne peut rien vouloir que
denoble & de juite , à ne défefpérer de rien .
Enfaite, changeant de propos, & faifant l'é
loge de ce beau ciel & de ces belles campagnes
qui fe déployaient à fes yeux , je les
quitte à regret , dit-elle , car c'eft mon unique
plaifir.
Mon amour, ou fivous voulez mon amourpropre
, expliqua de fon mieux tout ce que
je venais d'entendre ; & je m'en retournai
l'efprit tout occupé des plus douces illafions
: ces mors fur tout , l'efpérance eft la
compagne du courage , reflercit gravés dans
moncoeur,
Le lendemain , à la même heure , je re
vins dans le même lieu ; mais la grille rettafermée.
Le jour fuivant , j'y revins encor
& la grille s'ouvrir enfin ; mais Thérefe
qui parut feule , m'accabla de tritteffe en
me parlant ainti : Chevalier , Dona Valerie,
A 4
MERCURE
Au nom de ce qu'elle a de plus cher , vous
confure de vouloir bien changer de promenade
, & de ne plus revenir feul fous les
murs de ce pavillen . Elle dit , & ferma la
grille fans me donner le temps de lui ré
pondre. Je me retirai confterné . Ah ! plût au
Ciel , qu'abandonné à ma douleur fans efpérance
, celle qui la caufait m'y eût laiffe luccomber
!
Je pallai une nuit , cruelle. Qu'était-il ar
rivé ? avais-je attiré quelque plainte , quelque
reproche à Valérie ? avais-je fair couler les
pleurs ? Mais non , fans autre caufe , ellemême
, ou Thérefe , avait pu s'alarmer
d'une apparence de rendez vous , & redouter
les bruits qui pouvaient s'en répandre. Cette
réflexion m'appaifa ; & j'approuvai en gémilfant
une fi fage prévoyance. Cependant
plus d'intelligence entre nons , plus aucun
moyen de nous communiquer nos fentimens
& nos penfées : qu'allais - je devenir ?
J'adorais Valérie , & il fallair renoncer à
la voir.
Telle était la fituation de mon efprit &
de mon ame , lorfque je vis entrer chez moi
Léonce av c un air content . Mon ami. , me
dit-il , je viens vous confier une nouvelle
intér ffante. C'eft un fecret que j'ai ferpris,
& que je n'ai pas même encore dit à ma
faur. Il eft question pour elle de la plus
grande affaire.
De quelle affaire , lui demandai-je avec
DE FRANCE. 9
1
an effroi
que je m'efforçai
de cacher : Vous connaiffez
peut être , me dit-il , Ferdinand
d'Ovandès
, fils unique
de l'un des hommes les plus riches de la Caftille
, les plus en
crédit à la Cour ? -Eh bien ? Eh bien , ce Don Ferdinand
eft l'époux
que mon pere donne à ma foeur.
A ces mots , le coup dont mon coeur fe
fentit frappé fut fi rude , que je ne pus le
foutenir. Un éblouillement
foudain , une
pâleur mortelle en fuivirent l'atteinte. Je
frémis , je tombai défaillant , prefque inanimé
. Léonce vit couler de mon front une
fueur froide ; & en mne parlant , il s'apperçut
que je n'entendais
plus fa voix . Mes
yeux étaient fermés , ma bouche livide &
glacé ; & mon fouffle prefque infenfible
fit craindre à mon ami de ine voir éteint
dans les bras. Malheureux
! pourquoi daignas-
tu me rendre la lumiere ? que ne me
laillais tu expirer encore innocent ?
- Dès qu'il m'eurfait reprendre unes efprits,
je prétexrai d'abord un accident tout naturel ;
mais je ne pas lui en impofer ; & voyant
qu'il n'avait que trop bien pénétré le fecret
de mon défefpoir : Oui, mon ami , lui dis -je
en l'embratfant , c'eft le coup de la mort que
yous venez de me donner. Mon coeur en eft
meurtri. Je n'en reviendrai pas. Je vais
mourir loin de Séville. Recevez mon der.
nier adieu .
Ciel , dit Léonce en frémiffant , de quel
A s
ΙΟ MERCURE
malheur je fuis la caufe ! Si ma four le
favait , elle qui eft fi fenfible & fi reconnaillante
de ce que je vous dois ! Oh non ,
qu'à jamais elle ignore le mal qu'elle vous
fait ; elle ferait trop malheureufe. Eh quoi !
fans y penfer & par un fimple badinage ! ....
C'eft donc une terrible paffion que l'amour !
Mais enfin que prétendiez - vous ? La mériter,
lui dis-je , par des actions louables , favoir
d'elle fi , en obtenant l'aveu de votre pere j
je pouvais me flatter de l'aveu de fon coeur ;
avec un nom & des biens qui ne font
pas à dédaigner , ofer afpirer à fa main.
& >
Pourquoi donc vous défefpérer , me dit - il ?
Parlez à mon pere. Je fais qu'il vous eftime ;
il n'eft pas infenfible à ce que vous avez
fait pour moi ; & peut- être en votre faveur
changera - t - il de réfolution . Vous pensez
bien que j'en ferais ravi ; & ma four ellemême
ne s'afligerait pas que vous euffiez
la préférence.
Il faut , lui dis - je , mon ami , l'engager
encore une fois à venir dans fon pavillon ,
& me laiffer fous fa fenêtre caufer un moment
avec elle. C'eft fon coeur que je veux
confulter fans témoins. Il y va de ma vie ,
Vous venez de le voir ; & puifque vous me
l'avez rendue , vous voulez me la conferver.
Obtenez donc de votre aimable foeur qu'elle
daigne m'entendre ; & ne lui dites pas qu'on
lui deftine un autre époux.
Valérie céda fans peine à la priere de
DE FRANCE. II
Léonce ; & Thérefe elle-même , inftruite de
mes intentions , voulut bien ne pas nous
gêner. J'étais feul , elle parut feule ; & en
voyant ouvrir la jaloufie , je crus me voir
ouvrir les Cieux. Quel charme l'amour malheureux
qui efpere d'etre confolé , ajoute
encore , dans ces momens , à là vue de ce
qu'on aime ! Jamais Valérie à mes yeux n'avait
paru fi belle : c'était comme l'étoile qui ,
au moment du naufrage , rend l'efpérance
aux Matelots.
Non, lui dis-je , il n'eft pas poffible d'exprimer
le foulagement que me caufe votre
préfence. Mais autant le bonheur de vous
voir m'eft fenfible , autant les heures que
je paffe loin de vous , font pénibles & doulourenfes.
C'eft un tourment inconcevable
que celui d'en compter tous les momens ,
fans pouvoir en preffer le cours . Je les
compte bien , moi , dit-elle , & je n'ai pas
votre courage. Un mot comme celui qui
lui échappait , m'aurait dédommagé d'un
fiecle de tourmens .
Je redoublai les expreffions les plus vives,
les plus touchantes de l'amour qu'elle m'intpirait
; & j'allais en tremblant la fupplier
de me permettre de la demander à fon pere.
Ce fut elle qui me prévint , tant fon coeur
étair ingénu. Formofe , me dit - elle , la
fidele Thérefe & moi , nous avons réfléchi
que notre intelligence expoferait ma renoumée
, fi elle avait l'air d'une aventare u
A G
12 MERCURE
d'une intrigue de Roman. Vous m'aimez , je
le crois, Léonce me l'affure . Il me ferait cruel
de rendre malheureux celui à qui nous
devons tant. Mon pere aurait perdu fans
vous un fils , fon unique efpérance , le feul
héritier de fon nom . Je fais quelle est votre
naiffance. On dit auffi ( ce qui me touche
moins ) que votre fortune y répond. Profitez
de vos avantages ; & que je puiffe , aux
yeux du monde , être autfi glorieute que je
ferai contente d'aimer dans mon époux
-món noble & vaillant Chevalier.
Idolâtre de fes bontés , je lui promis de
hâter m demande , puifqu'elle voulait bien
m'en donner le courage ; & là finit cet heureux
entretien .
Léonce m'indiqua les perfonnes à qui
fon pere fe rendait le plus acceflible , &
qui pouvaient avoir quelque crédit auprès
de lui. J'en trouvai dans le nombre qui
m'étaient alliés ; je les intéreffai , & je ks
fis agir.
Le Marquis reçut froidement , mais poli--
ment ces ouvertures. Il fit avec hauteur
mais avec bonté , mon éloge. Il ajouta que
men alliance était de celles dont perfonne
n'avait le droit de ne pas s'honorer, qu'il
ne pouvait que me favoir gré d'afpirer à
la fienne ; qu'il me croyait l'ame élevée &
capable d'accroître encore l'éclat du nom
de mes aïeux ; mais que l'établiffement de
fa fille était pour lui l'objet des plus mûres
DE FRANCE. 1-3
réflexions ; & pour le décider , il demanda
du temps.
Cette réponſe n'était pas bien favorable ;
mais auffi n'était- elle pas abfolument décourageante
: le caractere du Marquis la
rendait même affez flatteufe ; car il n'était
prodigue ni de louanges , ni d'eftime . Enfin ,
comme il ne laillalt pas de me revoir
avec fa bienveillance accoutumée , Léonce
& moi nous nous perfuadâmes qu'il avait
pu vouloir ne prendre qu'un délai pour
dénouer l'autre engagement ; & avec moins
de confiance , Valérie & Thérefe le penfaient
comme nous. De là l'intimité de
notre intelligence & celle de nos entretiens.
Ceux de la promenade , s'ils devenaient
fréquens , donnaient prife à la médifance.
Therefe , qui , dans cette crainte , les avait
interdits à fa jeune maîtreffe , trouva plus
prudent elle-même de nous voir fans nous
expofer aux regards malins des paffans :
nouveau pas vers le précipice.
J'avais la liberté d'aller voir mon ami :
le jardin nous était ouvert ; & perfonne
dans le Palais n'épiait notre promenade. Le
pavillon était au bout ; & à quelques momens
d'intervalle , Valérie avec fa ' compagne
, pouvait s'y rendre par un détour .
Fuffions- nous même apperçus enfembler ,
la préfence de mon ami la furveillance
de Thérefe écartait affez toute apparence
de myftere. Ainfi , de piége en piége , mon
funefte fort m'entraînait.
ر
•
14 MERCURE
Rien de plus innocent que la douceur de
nos entretiens dans ce pavillon , folitaire :
la gaîté méme de Lécnce en refpectait la
modeftic. Men amour avait l'air du culter;
la tendrelle de Valérie ne quittait jamais
un inftant le voile d'une pure & fimple
amitié mes regards n'étaient pas moins
rimides que mon langage ; les liens ne fe
devaient fur moi que pour me rendre graces
des voeux que je faifais au Ciel pour qu'elle
fût aufli heureufe qu'elle était belle. Mais
à qui ferait confié le foin de fon bonheur a
Serait-ce à moi ? Je n'ofais le croire. Léonce
était plus confiant. Les mots d'eftime & de
bienveillance qui échappaient à fon pere ,
lorfqu'il parlait de moi , l'accueil qu'il me
faifait encore après & depuis ma demande
le gré qu'il favait à fen fils de cultiver mon
amitié , toutes les lnenrs d'efpérance que
chacun de nous recueillait , & que nous
amallions comme dans un trélor , fen
blaient le réunir pour nous faire une
douce & dangereufe illufion . Ainfi l'idée
de l'hymen épurait toutes nos pensées , &.
communiquair à l'amour la chatteté de les
défirs & la fainteté de fes voeux.
Mais , fatigué d'une paflion qu'il fallait
réprimer fans ceffe , & qui , tous les jours
plus ardente , s'irritait davantage d'être captive
dans mon fein , je crus du meins permis
de faire plaindre à Valérie un coeur qui faifait
fur lurmeme de fi cruels & de fi longs
DE FRANCE.
efforts ; & j'efpérai d'obtenir grace , fi un
billet tombé dans fa main lui exprimait
bien timidement tout ce que j'avais à fouffrir
, pour attendre en filence la réfolution
de fon pere , fans ofer la folliciter .
J'arrivai trifte au pavillon. Léonce me
preffa de lui en dire la caufe. Je répondis
qu'il m'était impoffible de m'expliquer
mais que j'avais en effet fur le coeur un
poids dont j'attendais avec impatience le
moment de me foulager ; & bientôt , profi
tant du trouble & de l'inquiétude où ces
mors avaient mis fa foeur , je rifquai le
billet fatal.
-
Je vais fuccomber à mes peines , lui
écrivais je , & ce n'eft qu'à vous que mon
coeur pear les confier. Confokz-moi , raffurez
moi fovez mon confeil & mon
guide. Et en effayant de lui peindre les tourmens
de l'incertitude où me laiffait le long
filence de fon pere , je lui avouais que de
tous les malheurs qui pouvaient menacer
ma vie , le feul que je n'avais ni le courage
de prévoir ; ni la force de foutenir ,
érait le refus de la main.
Fille trop génércufe & trop fenfible
hélas ! j'ai fu depuis qu'elle avait arrolé
ces caracteres de fes larmes . O Dieu
dit- elle , il a fauvé mon frere , il s'eft luimême
exposé pour nous à un danger mortel
; & fi non pere le refufe ou tarde à le
calmer , il va s'abandonner au plus effrayant
-16
MERCURE
défefpoir. Allons à fcn fecours. Elle me
répondit , & fa réponſe fut , comme elle ,
ingénue , fenfible & fage.
Ne preffez rien , me difait - elle en finiffant.
Mon pere eft abfolu , il ſerait offenfé
de votre impatience. Laiffez - lui décider
votre fort & le mien. Imitez le respect &
le filence de fa fille ; initez auffi fon courage
; & confervez cette conftance'que me
promet votre devife , & qui honore également
l'amour heureux & l'amour malheu →
reux.
: Je répondis par des tranfports d'ivrele
& par des proteftations de dévouement
d'obéiffance , d'abandon à fes volontés ;
mais en lui confiant le foin de ma conduite
, j'établis entre nous cette relation
furtive , cette fatale intimité , qui eft le
plus dangereux des piéges de l'amour.
De fon côté , la raifon , la bonté , les
vertus fimples de la Narure , & tous les
charmes de l'innocence ; du mien , les fentimens
les plus paflionnés , les plus vives
inquiétudes , les plus impatiens défirs , tout
ce qui peut éclore d'une imagination brûlante
& d'un coeur enflammé : telles
étaient ces lettres , que nos deux mains
d'intelligence fe glilaient tour à tour , à
l'infçu de nos deux témoins. Vous penfez
bien que ce feu dévoram que refpiratent
les miennes , pénétrait infenfiblement jutqu'à
l'ame de Valerie , & que fon efprit
DE FRANCE.
17
quelquefois devait fe reffentir du délire du
mien.
Perfuadé qu'elle m'aimait avec fa tendreffe
ingénue , perfuadée que je l'aimais ,
avec le refpect le plus faint & l'ardeur la
plus violente , nous étions déjà fi flattés ,
fi ravis de nos cípérances , qu'il n'était
point de deſtinée au monde dont nous
euflions éré jaloux ; il n'était permis qu'à
nous d'ètre plus heureux que nous-mêmes.
Mais cet enchantement fut bientôt diffipé.
Un jour je vis venir à moi Léonce inquiet
& troublé. Mon ami , me dit - il , je
ne fais quel chagrin a faifi tout à coup ma
four. Je viens de la laiffer dans un abattement
extrême. Therefe & moi nous l'avons
inutilement preffée de nous ouvrir
fon coeur. Obitinée au filence , c'eſt à vous,
nous dit - elle , à vous feul qu'elle veut parler
. Mon pere va fortir ; fes chevaux étaient
mis; nous ferons libres ; venez la voir.
Lorfque nous arrivâmes , Valérie avec fa
compagne était dans le jardin. Elle fit figne
de la main à fon frere de me mener au
pavillon ; & peu d'inftans après , s'y étant
rendue avec Thérefe : Laiffez - moi , leur
dit-elle d'un air froid , fombre & calme ,
laiffez-moi feul avec Don Maurice ; j'ai à
lui révéler ce que lui feul encore il doit
Lavoir.
t Et quand nous fures fans témoins : Vous
m'avez promis , ne dit - elle , d'être foumis
MERCURE
à mes volontés ; voici le moment de l'é
preuve. J'ai deux efforts pénibles à exiger
de men amant ; mais avant que de m'expliquer
, j'attends de lsi le fermer le plus
faint de m'obéir, quoi que je lui commande:
Je vous entends , lui dis- je ; il faut vivre
& ne plus vous voir. Vous ne pouvez plus
être à moi , on vous donne à un autre ; &
vous voulez , cruelle , que je vous perde
fans mourir ! Non , je ne ferai point cet
horrible ferment.
-! Alors fon carur fe déchira , & les yeux
fondirent en larmes . Formofe ', me dit - elle,
il est trop vrai : men pere me l'a prononcé
cet arrêt de ma deftinée . Demain , Ferdinand
a'Ovandès doit arriver. Dans huit jours je
ferai fa femme. C'est un dernier adieu que
j'ai voulu vous dire en vous apprenant mon
malheur. J'ai craint que fi mon frere allait
yous l'annoncer , un mouvement de déleté
poir ne vous fit commettre en grand crime.
Felas ! ils ne fent plus à moi , ces jours
qu'il m'eût été fi doux de rendre heureux ;
mais ils me feront toujours chers ; & f
vou , vattentez , fouvenez-vous , Formofe ,
que yous attentez à ma vie ; vous percez
deux cours au lieu d'en . Je pris furvivre
men malheur , puiſque mon devoir m'ý
condarone mais à votre mort , non , je n'y
furvivrais pas.
Je l'écoutais avec une douleur must e ,
fans pleurer & fans refpiter. Men cavi
DE FRANCE. 19
était ferré , mes yeux étaient aridės , un feu
ardent avait féché mes larmes & dévorait
mon fang
C
1. C'en est donc fait , lui dis - je d'une voix
étouffée , Ovandes vous obtent! On le pré
fere à moi Ovandes: fera votre époux !
Vous ne m'avez donc pas aimé , vous né
m'aimez donc plus , vous m'avez trompé
Valérie Moi , je vous ai trompé cruel ,
s'écria-t- elle ! Avez-vous le courage de tour
ner dans mon coeur le poignard dont il eft
frappé Suis -je à moi , fuis-je libre ? Est- ce
moi qui me donne : Si ce n'eft pas moi
répliquai-je , que vous trompez , ce fera
done..... Elle m'interrompit. Homme impitoyable
, dit-elle , accablez-moi , rendeze
moi vile & coupable à mes propres yeux
vous le pouvez ; mon fol amour vous
donné fur moi ce funefte avantage ; mais
j'ai affez long-temps à vivre & à fouffrir,
pour expier une faibleffe . Obéir à mon pere
eft le premier de mes devoirs. Le Ciel ferá
le refte . Oui, le Ciel , je l'efpere , medonnera
la force... De m'oublier.-Il le faut bien!
-De m'oublier ! vous ! m'écriai - je ; & à
ces mots je tirai mon épée , pour me percer
le coeur. Tremblante , égarée , éperdue , elle
fe précipite , écarte le fer de mon ſein , &
tombe dans mes bras , en me criant grace
& pitié !!
Ah ! quelle révolution le fit tout à coup
dans nos ames Figurez-vous , dans le dé10
MERCURE
fordre de la fouleur , fon fein preffant mon
fein ; fon vilage inondé de larmes , appuyé
fur ma jɔue ; & bientôt , ſous nos levres ,
mos fanglots , nos pleurs confondus . Ah !
fous nos levres , la douleur , l'effroi , le dés
fefpoir , que dis- je ? le reſpect , la pudeur ,
Finnocence , tout expira. Je jette un voile
fur mon crime.
Ce crime d'un moment , ce crime que
j'expie par des fouvenirs déchirans , par des
larmes intariffables , parut avoir changé le
caractere de Valérie ; & à fa timidité naturelle
, fuccéda tout à coup la plus éton
nante réfolution .
-Formofe , me dit- elle , lorfque nous fumes
revenus de notre égarement , je fuis à vous ,
je ne ferai jamais qu'à vous. Ah ! rou pere,
Jui dis- je , ton inflexible pere , le plus haur,
le plus abfolu , le plus violent des hommes ,
zon pere en menaçant commandera. - Mon
peren'obtiendra jamais l'impotlible ; le crime
l'eft pour moi. Il n'obtiendra jamais que de
vos bras je paffe dans les bras d'un autre.
A ces mots , fe bleffant la main , elle me
figna de fon fang le ferment de n'avoir jamais
d'autre époux que Don Maurice Formofe.
( Il est là , me dit-il , en me montrant fon
bracelet , il eft là , ce gage facré de mon
amour) . Je me bleffai de même, & je fignai ,
comme elle , le ferment , hélas ! inutile de
vivre & de mourir l'époux de Valérie de
Vélamare. Dès-lors nos efprits & pos coeurs
DE FRANCE. 21
reprirent un calme perfide , & j'allai rejoindre
Léonce.
Mon ami , lui dis- je , vos craintes n'étaient
que trop bien fondées , vous n'étiez
que trop bien inftruit. Le mariage de votre
foeur eft décidé avec Ovandès ; il arrive ,
& Monfieur le Marquis , votre pere , vient
de l'annoncer à fa fille. Voilà le coup mortel
qu'il s'agit de parer.
J'en Tuis , comme vous , défolé , me ré-
-pondit Léonce froidement ; & vous favez
avec quelle joie je vous aurais vu préféré
mais la volonté de mon pere eft une lei pour
nous , & une loi inviolable. Que voulezvous?
C'eft un malheur : mais il eft fans remede
; & quand mon pere parle , c'eſt à
nous d'obéir. Au refte , le mari qu'il donne
à ma foeur lui convient. Ferdinand réunit
une haute naiffance , une immenfe fortune ,
une figure diftinguée , & la plus brillante
valeur. Ma foeur eût éré plus heureuſe avec
vous , je le crois ; mais j'efpere qu'avec un
tel époux elle fera heureufe encore. Ces
mors me déchiraient le coeur,
Et moi , j'appréhende , lui dis-je , qu'elle
ne le foit pas. Confultez-la vous-même ; &
fi fon coeur répugne à cet hymen , mon cher
Léonce , au nom de la Nature , au nom de
l'amitié , tentez tous les moyens poffibles
d'en diffuader votre pere. Ce difcours parur
l'offenfer.
Ma foeur , me dit- il , eft bien née ; & je
préfume , ne vous déplaife , plus favorable
22
MERCURE
!
ment que vous de fon coeur & de fa raifon.
Mais quand même elle aurait l'éloignement
que vous lui fuppofez pour le choix qu'aura
faitfon pere, je vous préviens que ce n'est pas
à lui qu'on fait changer de réfolution ; que
fa parole eft irrévocable ; & que s'il l'a
donnée , nulle puillance au monde ne l'y
ferait manquer. Il n'y a donc plus pour
Valérie d'autre parti à prendre que celui
-de l'obéiffance , ni pour vous , s'il faut vous
de dire , que celui de l'abfence & de l'éloignement.
J'ai été imprudent moi - même
de trop compter pour vous fur des efpérances
légeres ; mais il eft temps encore de
Temédier au mal que ma complaifance aurá
fait ; & pour votre repos , pour celui de
ma four , je vous d. mande votre parole de
ne plus da revoir , & de rempre avec elle
toute efpece de relation .
Rien n'était plus jufte , fans doute; mais
T'amour , l'amour éperdu fe laiffe-t- il impofer
des loix ? Je ne m'attendais pas , lui
dis-je , à trouver l'amitié fi tranquille & fi
froide dans le coeur de Léonce. Je vois
combien les peines de fon ami le touchent
peu , & combien le courage de me voir
malheureux lui devient commode & facile.
Je lui rends graces de fes confeils ; & quart
à fes défenſes , je ne lui connais pas le droit
de me les prononcer. Comme il prenait ,
pour me répliquer , un air colere & mena
çant , je me retirai fans l'entendre.
1
t
DE FRANCE. 23
Le lendemain , j'appris qu'Ovandès venait
d'arriver, & que la porte du Palais de Vé→
lamare m'était fermce : précaution que le
Marquis aurait pu trouver inutile , mais
que fon fils fans doute avait prife pour lui .
J'appris aufli , par un billet que m'ecrivait
Thérefe , les plaintes que Léonce avait
faites à Valérie de l'audace de ma répoafe.
Celle de Valérie , en me juftifiant , fut courageuse
avec douceur. Mais ce courage
l'abandonna lorſqu'il fallut foutenir l'entrevae
de l'époux qu'on lui préfentait ; & trois
jours d'une fievre ardente ayant mis fa vie
en danger , elle at appeler un faint Religieux
pour lui confier les chagrins dont fon
ame était accablée. Mon Pere , lui dit - elle ,
après lui avoir tout avoué , j'ai pu être
faible ; mais jamais , non jamais je ne ferai
fautfe & perfide ; & quelque amer que foir
le regret de ma faute,la caule en eft vivante
dans le fond de mon coeur. Ce ferait denċ
trahir deux hommes à la fois que de paffer
dans les bras de l'un , le coeur plin de
J'amour dont je brûle pour l'autre. Je n'aurai
point cette batfelle. Obtenez de mon pere
ou qu'il mete la vic , ou qu'il m'envoie
dans un couvent.
Cet homme vertueux & fage en avait affez
entendu pour croire poffible un malheur
que n'avait point prévu l'innocence de
Valérie. Il afa fi bien de l'afcendant que
Jui donnait fon caractere , que Velamare ,
"
24
MERCURE '
foit pour laiffer la fanté de fa fille fe'rétablir
un peu , foit pour ne pas être accufé
de faire violence à fa vocation , céda &
confentit à différer fon mariage.
Cependant mon rival était reçu avec une
froideur qui le bleffait mortellement : non
qu'il fût amoureux ; mais parmi nous l'orgueil
n'eft pas moins jaloux que l'amour.
Ce fut à moi qu'il imputa ce qu'il appelait
fon injure ; & il réfolut d'en tirer vengeance.
Par quelle voie avait il appris que je
pouvais être la caufe du mauvais fuccès de
les voeux ? Léonce aurait- il eu l'imprudence
de l'en inftruire ? Je l'en ai foupçonné, peutêtre
injuftement. Quci qu'il en foit , au
moins eftil vrai que Léonce oublia de
m'avoir aimé ; & dans un accès de colere ,
il alla jufqu'à feconder le reffentiment
d'Ovandès.
Plus d'un mois s'était écoulé fans que le
Marquis de Vélamare eût pris encore fur
le fort de fa fille aucune réſolution. Elle
avait perfifté dans fon humble pricre d'être
mife dans un couvent ; & vous favez com
bien les idées religieufes ont chez nous
de force & d'empire. Lorfqu'une fille a déclaré
que Dieu l'appelle , le pouvoir paternel
lui-même fe permet rarement de réfifter à
cette voix. Velamare oppofait une volonté
ferme à la volonté de fa fille , mais il n'ofait
pas la contraindre ; ainfi tout reftait en fufpens
, lorfqu'un foir Thérefe elle même ,
enveloppée
DE FRANCE. 25
enveloppée d'une marite , vint me trouver
avec la frayeur d'un criminel échappé du
fupplice.
Maurice , me dit- elle , il n'eft plus temps
pour ma malheureuſe maîtreffe de ſe retirer
dans un cloître. Venez la voir. Elle
eft défefpérée ; & au rifque d'être perdue ,
elle vous attend au jardin . Nous vous
tendrons des cordes que nous avons nouées
en échelons pour y monter.
―
Je m'y rendis à la faveur d'une nuit à
demi- obfcure ; je trouvai Valérie dans la
plus profonde défolation . Men ami , me
dit-elle , il faut la nuit prochaine nous échapper.
C'eft mon unique e poir. Soyez ici demain
à la même heure. Il ne s'agit plus ici
de ma vie , mais de celle de votre enfant,
Ah! Monfieur , vous avez aimé , reprit
Maurice en s'adreffant à moi ? Oui, je
connais l'amour. - Avez - vous é é pere 2
Hélas ! non. - Je ne puis donc pas vous faire
concevoir l'impreffion que fit fur moi cette
parole , votre enfant . Tour ce que la nature
& l'amour peuvent infpirer de plus animé ,
de plus tendre , je le dis à ma femme , pour
lui rendre un peu de courage ; & en la
quittant je promis que le lendemain , à la
méme heure , je ferais fous le pavilon ,
avec ma voiture de pofte , & deux chevaux
plus vites que le vent.
Cadix , un navire , & la France nous
N°. 32. 6 Août 1791 . B
26 MERCURE
allaient mettre en fûreté. Efpérance trompeufe
! Il était loin de nous , ce repos dont
je la flattais.
En m'en allant , foit que Léonce eût
épié fa four , foit qu'Ovandès m'eût fait
obferver & fuivre moi-même, à peine avais-je -
fait cent pas au delà des murs du jardin ,
forfqu'à la lueur incertaine du crcillant de
la lune , je vis deux hommes qui m'attendaient.
A l'inftant l'un des deux s'avance ,
jette à bas fon manteau , & fans me dire
un mot , fond fur moi l'épée à la main.
Je me défends : il s'abandonne ; & bientôt
fe fentant percé : Ah ! traître , dit - il en
tombant ! Je crus à cette voix reconnaître
Léonce ; jugez quelle fut ma douleur ! Le
fecond lui fuccede ; & au frémiffement de
rage qu'il fait entendre en m'attaquant , je
vois bien que c'eft mon rival. Il fond fur
moi têre baiffée , il me preffe , il m'atteint
au bras dont je tenais l'épée . Furieux
à mon tour , je la lui plonge dans le fein ;
il refte baigné dans fon fang. Je cours au
pavillon pour déterminer Valérie à defcendre
, & à s'échapper avec moi cette
même nuit ; elle n'y eft plus . L'échelle , eft
retirée , les volets font fermés. J'appelle ;
aucune voix ne me répond.
Sanglant, troublé ( & peut-il ne pas l'être ,
l'homicide même innocent?) , j'allais retourner
fur mes pas . L'horreur de retrouver ces
deux corps percés de mes coups , m'arrête
DE FRANCE. 27
& me fait prendre une route oppofée . Seulement
, pour que les bleffés ne reftaflent pas
fans fecours , j'envoyai deux hommes du
peuple vers l'endroit où j'avais , di̟ſais -je ,
entendu le bruit d'un combat.
La nuit ne fut pour moi qu'un long fupplice.
Meurtrier , malgré moi , & forcé
d'ètre raviffeur , je me voyais , par un enchainement
de crimes tous involontaires, ja
me voyais en proie à la fureur de deux
Maifons puiffantes ; je voyais devant mci
les fers , l'opprobre , l'échafaud , & plus
horrible encore le déshonneur , la honte ,
le défelpoir de celle qui , fans moi , adorée
dans fa patrie , n'aurait eu que des jours
brillans de gloire & de bonheur. Quelle
fatalité quelle effroyable deftinée !
Quand le jour vint me luire , j'envoyai
le plus sûr de mes valets , Francifque , obferver
, écouter ce que l'on difait dans
Séville. On ne parlait , parmi le peuple ,
que du combat de nuit où Ferdinand Ovandes
avait été laiffé mort fur la place , &
Léonce de Vélamare très - dangereuſement
bleffé . Par qui ? pour quelle caufe ? on ne
le difait point encore , & durant ce long
jour je ne fus point nommé.
Vous concevez dans quelle inquiétude &
quelle impatience , tout occupé des apprêts
de ma fuite , je devais attendre la nuit , &
l'heure de me rendre au pavillon . Je m'y
rends. Le moment arrive ; on ne vient point .
B 2
28
MERCURE
L'heure s'écoule ; perfonne ne paraît. La
frayeur me faifit . Je tâche cependant de
ranimer mon eſpérance . Je me tiens immobile
; & refpirant à peine , j'écoute & n'entends
aucun bruit. I es heures fe fuccedent
dans ces longues angoifles , & toujours le
méme filence regne dans les jardins . Mes
chevaux femblaient , comme moi , frémir
& friffonner de frayeur & d'impatience .
Enfin , jufqu'à l'aube du jour , le pavillon
refta fermé.
Rien de plus dangereux pour moi que
de retourner dans Séville . J'y rentrai cependant
; & pouvais - je m'en éloigner fans emmener
avec moi Valérie ? J'employai toute
l'activité de Francifque à découvrir ce qui
s'était paffé dans le Palais de Vélamare, mais
inutilement un filence morne & impénétrable
régnait dans ce Palais . Les gens en
étaient confterrés ; & l'effroi que leur infpirait
la douleur fombre & menaçante de
leur maître , les rendait eux-mêmes farouches.
On aurait dit que Vélamare était fervi par
des muets : il nous fut impoflible d'en tirer
aucune lumiere .
Je ne laiffai pas de veiller, la nuit fuivante
encore, autour du pavillon . Mais mon
attente également trompée ne fur qu'un
tourment inutile. Réduit au défefpoir , je
roulais dans ma tête les plus violens moyens
de tenter l'impoffible ; lorfque je vis entrer
chez moi l'homme religieux dont m'avait
DE FRANCE. 29
parlé Valérie comme de fon fidele & pieux
confident.
,
Formofe , me dit il, éloignez - vous , fuyez,
paffez les mers ne reftez pas encore une
nuit dans Séville. Demain vous fériez arrêté
& vous feriez perdu . Léonce a revu la lumiere
, il refpire , & il va parler. Il refpire !
Ah ! dis-je , mon Pere , le Ciel en foir loué !
Mais noi , pour m'éloigner , favez- vous ce
qu'il faut que je laiffe , & dans quel état ?
Je le fais ; mais elle eft captive , enfermée
avec fa compagne : il leur eft impoffible de
s'échapper. Jufte ciel , m'écriai - je ! & vous
voulez que je penfe à moi ! - C'eft elle qui
le veut,& c'eft elle qui vous l'ordonne .-Ah !
fi vous favez tour , puis- je l'abandonner ?
-
Que feriez-vous pour elle en vous perdant
? Elle eft gardée à vue ; elle eft fous les
yeux de fon pere. Eh bien , c'eft aux
pieds de fon pere que , dans mon défefpoir
, j'irai tomber. C'eſt là ce qu'elle
vous défend. Vous ne connaiffez pas l'incxorable
Vélamare ; il vous ferait traîner de
fes pieds fur un échafaud. Penfez de quelle
horreur il ferait faifi pour un homme qui
s'avouerait & le meurtrier de fon fils & le
féducteur de fa fille. Ah ! loin d'en efpérer
pour vous ni pitié , ni clémence , tremblez
& frémiffez de la violence où , peutêtre
, il s'abandonnerait contre fon propre
fang ! J'écarte cette horrible idée . Mais ce
que je dois vous prédire , c'eft que fi Valérie
B 3
30 MERCURE
-
-
vous fait pris , traîné dans les fers , condamné
au fupplice , elle en mourra fur
l'heure ; & c'cft vous qui l'affaffinez . — Et
fi je l'abandonne, que devient - elle , ô Dieu !
Oui , c'eft Dieu qu'il faut implorer ,
c'eft à lui qu'il faut recourir ; & c'eft ce Dieu
toujours préfent & fecourable que je vous
promets pour appui. Mon efpérance, à moi ,
ajouta-t-il , c'est d'obtenir d'abord que Valérie
foit en sûreté dans un cloître. Là je
prendrai foin de pourvoir au fecret de fa
délivrance. Mais il faut pour cela le temps
de laiffer appaifer dans l'ame de fon pere
un premier accès de douleur.
Saurai-je au moins par vous , lui dis- je ,
quelle fera fa fituation , ce que vous aurez
fait pour elle , & fi je puis moi-même venir
à fon fecours ? Vous faurez tout ; comptez
fur moi , me dit cet homme charitable , je
vous ferai fidele ; & je vous le promets par
tout ce qu'il y a de plus faint. Adieu donc ,
mon Pere , lui dis -je en pleurant & en
l'embraffant , c'eft à vous que je la confie :
ne l'abandonnez pas. Vous faurez où je ſuis .
Devancer à Cadix le bruit de mon combat
, & fortir de la rade fur le premier navire
qui mettrait à la voile , aurait été le
parti le plus fage ; & c'était l'avis de Francifque
. Mais partir de ces bords avant que
de favoir ce que devenait Valérie ! Mettre
un abîme entre elle & moi ! Je ne pus m'y
réfoudre , & mille morts préfentes ne m'y
DE FRANCE. 31
auraient pas déterminé . Eh bien , prenons ,
me dit Francifque , vers les montagnes de
Grenade , un chemin qui , par des détours ,
nous menera dans la Murcie. C'est là que
je fuis né. Mon pere y vit encore. Il vous
donnera l'afile . Là du moins vous ferez
bien sûr de n'être point trahi.
y
Je fuivis ce confeil , & retiré chez le
vieillard , je renvoyai Francifque me fervit
à Séville auprès du bon Religieux. Mais
celui- ci n'avait plus d'accès dans le Palais
de Vélamare. Soit que l'on fe doutât de
notre intelligence , foit qu'on le foupçonnât
d'affermir Valérie dans la réfolution de fe
retirer dans un cloître , il n'était plus admis
près d'elle ; & tout ce que je pus favoir de
lui , c'eft qu'inutilement il avait inſiſté
obtenir de la revoir.
pour
Franciſque en revenant m'apporter ſa
fa
réponſe , m'apprit en même temps que mon
procès était inftruit & pourfuivi à toute
outrance. Vélamare & Léonce n'y étaient
point nommés : l'honneur de Valérie leur
avait impofé filence ; mais le pere de Ferdinand
, l'implacable Ovandès , défefpéré
de la mort de fon fils , en preffait la vengeance
avec des tranfports de fureur. Je ne
fais quels témoins , ceux là mêmes peutêtre
que j'avais envoyés au fecours des bleffés
, dépofaient contre moi , & ma fuite
achevait de me convaincre aux yeux des
Juges. Ma mort fut prononcée , & mes
biens envahis.
32 MERCURE
•
Ah ! le Ciel m'eft témoin que ce ne fut
point là , pour moi , le coup le plus fenible.
Mais que devins - je , un mois après
lorfque Francifque me rendit ce que lui
avait fait entendre mon fidele Hyéronimite !
Non , mon ami , lui avait-il dit , n'attendez
plus rien de mon zele ; je n'ai à vous donner
far le fort de ma pénitente que de triftes
preffentimens. Ce dont je fuis certain , c'eſt
qu'elle n'eft plus enfermée dans le Palais de
Vélamare , qu'elle n'eft pas même à Séville ;
que perfonne n'y fait ce qu'elle eft devenue ,
qu'elle n'eft dans aucun des couvens qui
me font connus . Hélas ! où eft- elle donc ,
lui demanda Francifque avec effroi ? Le Religieux
leva les mains , baiffa la tête , & dit :
Demandez- le à fon pere; c'eft un fecret fans
doute entre le Ciel & lui.
Grand Dieu ! reprit Formofe , ce pere
impitoyable , inftruit de l'état de fa fille ,
bleffé dans fon honneur , outré de douleur
& de rage , aura- t- il ... ………………. Je n'oſe
achever. C'eft cette image horrible qui me
pourfuit dans mon défert. Moi , j'aurais
donc été la caufe de la mort de cette innocente
! moi , la caufe d'un parricide !
Ah ! mon ami , trouverez -vous à préfent
que cette natte , que cette pierre brute
que cette vie obfcure & folitaire ait trop .
de dureté pour la tête proferite qui a caufé
tant de maux ? Voilà pourtant quel eft
mon fort ; voilà quel a été le fruit d'une
!
DE FRANCE. 33
paffion que je croyais fi louable , fi vertueufe
jufqu'à l'inftant fatal où , comme
enveloppé dans les filets du crime , il ne
m'a plus été poffible de m'en dégager .
Francifque, à la mort de fon pere, quitta
Séville , où il avait perdu l'efpérance de
me fervir , & revint me trouver dans cette
folitude. C'est lui qui m'a aidé à conftruire
cette cabane. Il vit auprès de moi , dans le
hameau voifin , rendu à ſon premier état ;
& c'est lui qui pourvoit aux befoins d'une
vie qu'un jufte & cruel repentir confume ,
hélas ! encore trop lentement. Ainti parla
le Solitaire .
J'effayai de lui faire entendre que fon
malheur pouvait n'être pas tel que le lui préfentait
une fombre mélancolie ; qu'un pere
en dérobant fa fille à tous les yeux , avait pu
vouloir à la fois lui fauver la vie & l'honneur
; qu'il était affreux de penfer que la
douleur , même la plus atroce , eût fair
de Vélamare le bourreau de fon fang ; qu'il
le calomniait , qu'il fe calomniait lui-même
en attachant à la faibleffe la plus involontaire
& la plus pardonnable, le remords des
plus noirs forfaits . Ah ! Monfieur , me ditil
, n'euffé - je à m'imputer que fa honte ,
fes larmes , fes chagrins dévorans , & l'amertume
affreufe dont elle a dût étre abreuvée
, & cette langueur confumante qui a
dû la conduire au tombeau ; ferais-je affez
barbare pour me les pardonner ?
BS
34
MERCURE
Je vis que , pour calmer une imagination
fi violemment tourmentée , il fallait du
temps ; & je le priai de permettre que le
confident de fes peines vînt les foulager
quelquefois , les partager du moins s'il ne
pouvait les adoucir.
er
(Par M. Marmontel. )
Lafuite au 1. Mercure de Septembre.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Verdure ; celui
de l'Énigme eft la Rime ; celui du Logogriphe
eft Coeur , où l'on trouve Cou, Ecru,
Roc, Cour, Ver, Cor, Où, Ce, Ocre, Or ,
Cure, Cure, Curé, Reçu , Cu, Cru , Crue d'eau,
Or, Ou, Ecrou, Ré, Rue, Roue.
CHARA D E.
PAR - TOUT eft mon dernier ; mon premier eft
voyelle ;
Mon entier fait gémir l'amant tendre & fidelle .
( Par M. Tacon fils aîné, d'Oyonnax. )
DE FRANCE 31
ENIGM E.
Nous fommes des êtres barbus ,
A l'air caffard , au maintien hypocrite ,
Ailant , venant toujours pieds nus.
Lorfque la faim nous follicite ,
Nous allons humblement quêter
Ce qu'il nous faut pour ſubſiſter ,
Puis nous faifons les bons apôtres.
Chez nous parfois on trouve des Chartreux ;
Et quoique leurs habits foient différens des nôtres,
Comme parens nous vivons avec eux.
( Par M. Benoist , Ingénieur. )
LOGOGRIPHE.
ALCHYMISTE ignorant qui foufflez vos creufets ,
Et qui cherchez en vain le fecret des fecrets ,
Je viens vous enfeigner la route qu'il faut ſuivre
Pour arriver au but & tirer l'or du cuivre.
Prenez de celui- ci quelque plaque ou morceau ,
Que vous alongerez à grand coup de marteau.
Vous en ferez un tout : vous trancherez la tête ;
Et vous aurezpour lors, fans que l'on vous l'apprête,
Non plus du cuivre , mais de l'or.
Cette leçon vaut un tréſor.
( Par M. le Barbier C. de Boudeville,
près Rouen. )
་
36 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
PLAN d'Education nationale , confidérée
fous le rapport des Livres élémentaires ;
par Etienne Barruel . A Paris , chez De- ·
fenne , Libraire , au Palais- Royal , & au
Luxembourg ; & chez Moutard, Lib- Imp .
rue des Mathurins.
CBT
Ouvrage >
comme le dit l'Auteur
lui-même , eft le fruit d'une longue expérience
. Le point de vue fous lequel il
envilaze l'Education eft entiérement nouveau
; & quoiqu'il temble ne la confidérer
que du côté des Livres élémentaires , cela
n'empêche pas que , chemin taifant , il ne
traite la queflion fous tous les rapports
moraux & politiques . Nous croyons , en
effet , comme lui que l'important problème
de l'Education ferait aux trois quarts refolu
, fi nous avions un Cours de I ivres
élémentaires qui renfermât un corps complet
de doctrine , & qui , prenant les enfans
dès le berceau , les conduisît jufqu'à
carriere qu'ils doivent un jour embra ler.
I remonte mème plus haut , car , conûDE
FRANCE. 37
dérant les effets terribles que les paffions
des femmes produifent fur le fruit qu'elles
portent , cette réflexion le conduit naturellement
à penfer qu'un Plan d'Education
bien ordonné , doit commencer par tracer
aux femmes enceintes les devoirs que leur
impofe leur groffeffe ; & il propole, pour
cela un Catéchisme , qui renfermera de plus
tout le Code de l'Education de l'Enfance.
De là il paffe à l'Education des Nourrices,
& veur qu'elles aient auffi leur Code particulier,
fur lequel elles fubiront un examen .
Vient enfuite l'Introduction du premier
âge juſqu'à fix ou fept ans , laquelle il réduit
à favoir lire & folfier , écrire & deffiner.
Tous ces Arts doivent marcher enfemble,
& il faut voir dans l'Ouvrage même toutes,
les idées philofophiques de l'Auteur à ce
fujet. Après avoir tracé le plan des Livres
élémentaires defunés à ces exercices , l'Auteur
entre dans le détail des méthodes
d'enfeignemens qui conviennent à chacun,
& c'eft là fur-tont qu'il nous paraît avoie
profondément médité fon fujet.
Après avoir ainfi traité à fond l'Educa
tion du premier âge , il paffe à celle du
fecond âge , où il parle de l'inftruction qui
convient aux petites & aux grandes Ecoles .
Ce morceau ne laiffe rien à defirer , foit
dans ce qui regarde l'organifation de ces
différentes Ecoles , foit dans ce qui a rapport
aux diverfes connaillances dont elles
38 MERCURE
doivent s'occuper. Tout eft prévu , & il
n'eft aucuns détails dans lefquels l'Auteur
ne foit entré. Jufqu'à préfent nous avons
eu d'excellens Ouvrages fur l'Education en
général ; mais il nous manquait un Pian,
& celui-ci remplit, dans toute fon étendue,
l'idée qu'on peut attacher à ce mot . L'Auteur
veut fur-tout que l'on faffe un grand
ufage de la Gymnafiique dans les Colleges ,
& qu'on n'y renferme plus les jeunes gens
dans des claffes ou des cours fort étroites.
"
"
"3
93
Il faut, dit- il, qu'ils puiffent , à toutes
» les heures , refpirer un air libre & pur,
braver les ardeurs du foleil ou les rigueurs
des frimas . Voyez ces arbustes
emprifonnés dans des ferres , fous la
» garde d'une perfide induftrie , qui défend
» à l'air tout accès : dans quel état d'hu-
» milité & de rachitifme ils végetent ! Si
quelques - uns portent des fruits , ou fe
» couronnent de Heurs , ce font autant de
» témoins qui dépofent contre leur impuiflance.
Jetez les yeux fur cette foule
» d'animaux , élevés à l'ombre des palais
» de nos Rois ; tous font fourds au premier
» voeu de la Nature , tous ne préfentent
» que l'image d'une dégradation qui fem-
» ble déshonorer nos climats . Voyez en-
» core ces plantes que le luxe appelle à
gran's frais fur nos tables ; c'est en vain
» que l'Art a créé des faifons pour elles ,
"
"
l'Aftre du jour ne les a fécondées :
DE FRANCE. 39
» comme elles font faibles , décolorées
"
"
infipides ! Et n'eft- ce pas , à jufte titre ,
» qu'on peut leur comparer ces gens qui,
" fubftituant la nuit au jour & le jour à
la nuit , femblent ne tenir à la vie que
» par une forte d'artifice « ?
"
·
Une idée qui nous a paru très-heureufe,
c'eſt celle de donner à chaque College une
forme conftitutionnelle , & de vouloir parlà
que les jeunes gens y faffent , cn quelque
forte , un Cours pratique de Conftitution
, en y établiffant les grandes bafes
de notre régénération . L'Auteur fait furtout
un ufage continuel de la morale mife ,
tantôt en action , tantôt en inftruction . Il
faut voir tout ce qu'il dit fur les exercices
publics , & les différens Prix qu'il propoſe,
entre autres fur les Prix des Maurs , dont
il veut que l'on faffe une espece de Fête
Civique.
,
La Légiflature académique qu'il établit
pour préder à tout ce qui regarde l'enfeignement
, les Arts , les Lettres & les
Sciences nous paraît encore une trèsgrande
idée qui mérite de fixer toute l'attention
de l'Affemblée Nationale . L'Autear
dit , avec raifon , que c'eft le feul
moyen de réfoudre le grand problême de
l'Education. Son but principal eft d'établir
un Plan d'inftruction qui foit fixe & uniforme
dans tous les Départemens , de maniere
que l'on falle d'autli bonnes études
40 MERCURE
dans le fond du Béarn qu'à Paris. Il enbrale
, autant que cela fe peut , le fyſtème
Encyclopédiqué des connaillances humaines
, & il prévient parfaitement le reproche
qu'on pourrait lui faire , qu'il vest
faire des Savans. Son Cours eft tellement
combiné , qu'on peut y remarquer facilement
diverfes époques pour ceux qui veulent
acquérir plus ou moins de connaiffances
; & c'elt , pour ainfi dire , goutte à
goutte qu'il a l'art de les faire entrer dans
la tête des enfans . Far - tout il jette des
idées nouvelles fur la maniere d'enfeigner
les Langues , l'Hiftoire , la Géographie ,
les Belles - lettres , la Philofophie , les Mathématiques
, P'Hiftoire Naturelle , les Arts
mécaniques , &c .
33
"» Ouvrons , dit-il , aux jeunes gens ces
ateliers où brille par-tout le génie de l'in-
» vention' ; ne dédaignons pas de les in-
» troduire chez l'Artifan pauvre & laborieux
; qu'ils voient l'homme occupé fans
celle à mettre à contribution tous les regnes
» de la Nature , depuis le diamant fuperbe
jufen'à l'humble argile ; depuis les dépouilles
du monftrueux cétacée juſqu'à
la précieuse chryfalide , que l'induftrie
Européenne a conquifs for les riches
» contrées de l'Inde ; depuis le cedre orgueilleux
enfin jufqu'a la fable écorce ,
» dont le tiffa merveilleux rend tous les
"
>>
"
39
ود
Continens tributaires les uns des autres,
DE FRANCE. 41
» & tend à ne faire des hommes épars
qu'une "" feule & même famille «.
Il faut lire les Chapitres où il traite des
Livres élémentaires en général, & des Livres
claffiques ; on y verra les moyens ingénieux
que l'Auteur emploie pour fimplifier l'étude
des Sciences .
Nous ne pouvons nous refufer de citer
encore ce morceau fur Mad. de Sévigné .
"
33
"
>>
"J
و د
Quelle rapidité entraînante dans ces
Lettres enchanterelles , où fe peint fi
bien la mobilité de fon ame ! Comme
» elle fait donner la vie à tout ce qu'elle
touche ! C'est une mesure d'expreffion
à la faveur de laquelle tout palle , un
fonds de fenfibilité qui eft inépuisable ,
» une richeffe d'imagination qui répand la
fécondité par - tour. Ses tableaux ont la
grace de ceux de l'Albane ; incorrecte
comme lui , fes négligences font le plus
» fouvent une bonne fortune . Tour à
» tour gaie , vive , aimable , fublime
» pleine de raifon , tous les tons lui font
" familiers ; elle anime tout , elle jette de
l'intérêt jufque fur les plus petits détails.
Son Recueil , en un mot , eft un
fonds qu'elle a créé , & qui femble être
» un impôt levé fur la bonne compagnie ,
» pour être à jamais la regle & la meſure
» du bon ton ".
33
ور
ور
Cet Ouvrage eft précédé d'une Introduction
, que l'on peut regarder comme
42
MERCURE
un morceau vraiment achevé . Des idées
grandes & neuves, toujours des vues utiles ,
beaucoup de vraie philofophie , un heureux
choix de citations , une méthode claire
& facile à fuivre , un ftyle pur , élégant ,
& qui étonne même dans un Livre qui
n'offre que le titre d'un Plan , par-deffus
tout un grand amour de la vertu & de la
Patrie ; voilà ce qu'on trouvera dans l'Ouvrage
entier de M. Barruel en nous faifant
un devoir de lui rendre toute la juftice
qu'il mérite & comme Homme de
Lettres & comme Citoyen , nous l'invitons
à continuer de confacrer les études & fes
talens à cet objet ſi important, & fur lequel
il vient de répandre tant de lumieres.
SPECTACLE, S.
Tout le monde connaît le charmant
Roman de Faublas , que nous avons rappelé
derniérement , dans ce Journal , à
l'attention du Public. On fe fouvient de
l'épiſode de Lodoiska qui vient répandre
un grand intérêt à travers une foule d'Aventures
d'une gaîté folle. Cet épifode a
frappé en même temps deux Auteurs Dramatiques
; chacun d'eux en a formé une
Piece lyrique , l'un pour le Théâtre Italien ,
"
DE FRANCE. 43
l'autre pour celui de la rue Feydeau. La
premiere n'eft pas encore repréfentée : c'eſt
de la feconde dont nous avons à parler.:
›
Le pere de Lodoïska , pour fe venger de
Floresky , avec lequel un intérêt politique
vient de le brouiller , a conduit fa fille dans
le château d'un de fes amis , Dourlinsky.
Ce fcélérat en eft devenu amoureux &
n'ayant pu la féduire , il l'enferme dans
une tour. Cependant Floresky , en cherchant
fa Maîtrelfe , arrive avec fon Valet ,
ou plutôt fon Confident , auprès du château.
Il eft attaqué par un Chef de Tartares
, qui , voulant fe venger de Dourlinsky
, infefte avec fa Troupe les environs.
Floresky eft vainqueur , & donne la vie à
Tizikan , qui lai promet toute fa reconnaillance.
Refté feul au pied de la tour ,
Floresky voit tomber à fes pieds une brique
qui lui apprend que fa chere Lodoïska eft
enfermée dans ce château. Il trouve un
prétexte pour s'y introduire ; mais le foupçonneux
Dourlinsky ne l'y reçoit que défarmé.
Il demande Lodoïska de la part de
fa mere. Cette demande le rend fufpect.
Le Tyran projette de l'endormir par un
breuvage compofé. Le Valet qui a furpris
le complot , le fait tourner contre fes auteurs
, & en changeant de flacon , les endort
eux-mêmes . Cette rüſe ne leur fert à
rien. Floresky & fon compagnon font fur44
MERCURE
pris & chargés de fers. Dourlinsky fait
venir Lodoïska , & la menace de malfacrer
à fes yeux fon Amant , fi elle refufe de
couronner fa brutale paffion . Pendant le
débat que doit amener une propofition pareille
, on entend une alarme ce font les
Tartares qui attaquent le château déjà livré
aux flammes . On renferme Lodoïska dans
fa tour , & Dourlinsky vole aux armies.
Il eft vaincu : Tizikan paraît , embraffe
fon Libérateur qu'il reconnaît dans la perfonne
de Floresky , & lui donne des armes.
Celui - ci vole vers la tour embrafée qui
renferme fa Maîtreffe. Il la délivre à travers
des poutres enflammées ; mais en traverfant
une galerie , elle s'abîme fous leurs
pas. C'eft l'ami de Floresky qui les fauve
l'un & l'autre . On abandonne à la fureur
des Tartares le barbare Dourlinsky.
On voit dans ce fujet , ainfi difpofé ,
peu de fituations neuves ; mais il y a du
mouvement , des tableaux , un grand fpectacle
, & beaucoup d'effet théâtral. La pantemime
du dénouement , aidée du mécanifme
des décorations , en agitant l'ame ,
fupplée à un intérêt réel . Cer Ouvrage ne
pouvait donc manquer d'avoir du fuccès ,
& en effet il en a beaucoup.
Deux chofes y ont le plus contribué
les décorations & la mufique. Comme elles
font les plus dignes d'éloges , c'eft fur elles
aufli que la critique doit le plus porter.
DE FRANCE.
45
Les décorations font peintes par les
freres Gotti , Italiens , d'une grande réputation
, & elle eft affurément très méritée.
La magie de leur pinceau & l'art avec lequel
ils obfervent les loix de la perfpective
, ont véritablement quelque chofe de
prodigieux ; mais on leur a reproché quelques
fautes contre la vérité . Le château de
Dourlinsky eft très-antique par fa forme ;
mais le ton brillant des murailles le fait
paraître tout neuf. La galerie a une fuite
immenfe ; & lorfqu'elle s'abîme dans l'incendie
, elle laiffe voir la tour , qui était
cenfée derriere , & qui paraît tout près
des Spectateurs ; de forte que cette tour
devait traverſer la galerie. Au furplus , ces
légers défauts ne nuifent pas à l'illufion du
premier coup d'oeil féduit & enchanté par
le talent réel de ces Artiftes. Les machines
font difpofees avec un art qui n'eft pas
moins furprenant , & que la critique ne
faurait atteindre. Elles font de M. Boullé ,
ci-devant Machinifte de l'Opéra.
La mufique eft de M. Chérubini . On
pourrait borner là fon éloge , & c'en ferait
un affez flatteur. Nous lui reprocherons
cependant un excès de beauté , une attention
trop continue à travailler avec un
foin égal toutes les parties de fon Ouvrage ,
une perfection trop fuivie , enfin un manque
d'abandon , & même de cette négligence
qui repofe l'ame , qui la rend plus
46 MERCURE
fenfible aux effets qu'on veut produire fur
elle , & qui la fatiguent quand ils font
trop prodigués. Si l'Auteur s'était plus livré
au chant , même aux dépens des combinaifons
de fon orcheſtre , fans exciter moins
d'admiration , il aurait plu davantage , &
'on peut lui en donner pour preuve les
morceaux qui terminent fon fecond Acte ,
que leur mélodie rende plus flatteurs . Ce
luxe extrême eft , au refte , bien facile . à
réprimer ; & heureux le Compofiteur qui
ne mérite pas d'autres reproches.
Nous voudrions avoir autant d'éloges à
donner aux Acteurs ; mais pour n'affliger
perfonne , nous aimons mieux fupprimer
les détails , & les exhorter tous à redoubler
d'efforts pour mettre plus d'enfemble dans
leur exécution.
NOTICE S.
CODE Univerfel & Méthodique des Loix qui
régiffent la France depuis 1789. Vol . in- 8 ° . de
500 pages. Prix , 4 liv. 10 f. chaque .
Cette Collection , diftinguée par le Public de
toutes celles qui ont paru , & placée aux Archives
de l'Affemblée Nationale , a été publiée d'abord
par M. Alexandre. Elle vient d'être acquife par
M. Planche , Libraire , qui s'engage à en feurnir
la fuite par Numéros de 15 feuilles , de
quinzaine en quinzaine , francs de port dans les
Départemens. Il en paraît actuellement fix VoDE
FRANCE. 47
lumes , dont le prix eft de 27 livres . Les deux
Volumes qui fuivront feront de même de liv 9 .
La Table Chronologique des Loix , & celle des
Matieres par ordre alphabétique , en rendent la
recherche extrêmement facile , & contribuent
beaucoup à l'utilité de cet Ouvrage. M. Planche
promet , à la fin de la Légiflature , deux Tables
générales fur ce même plan , fuivant l'annonce
que M. Alexandre en avait faite.
Aucun Ouvrage ayant le même but , ne nous
a paru l'avoir rempli d'une maniere plus complette
que celui- ci . On trouve les fix Volumes ,
& on s'abonne pour les fuivans , chez Planche ,
Lib. rue Richelieu -Sorbonne , Nº. 3 , à Paris.
On trouve chez le même Libraire , & chez M.
Maillard-Dorivelle , quai des Auguftins , N°. 43 ,
le Tableau Aiphabétique du Tarif des droits d enregistrement
fuivant le nom des Actes , Titres
& Jugemens qui y font fujets ; 3e édition . Prix ,
24 , & 30 franc de port. Il faut affranchir
les lettres & l'argent.
Tarif pour la Contribution fonciere , divifé cn
trois Claffes , formant , pour la commodité des
Particuliers , trois Tarifs différens en raifon des
différentes natures de propriétés ; accompagné de
la Loi & de l'inftruction de l'Affemblée Nationale
, ainfi que du Décret particulier qui fixe la
proportion dans laquelle les Propriétaires doivent
déformais faire la retenue fur les rentes & preftations
dont leurs Biens peuvent être grevés ;
& fuivi du Décret & Tableau de la répartition
des 300 millions de livres de contribution fonciere
& mobil aire entre les 83 Départemens du
Royaume , & de divers articles de la Loi ; &
48 MERCURE DE FRANCE .
inſtruction fur la contribution mobiliaire , qui
indique les proportions dans lefquelles les Propriétaires
peuvent obtenir des réductions fur leur
quote mobiliaire , d'après le prix des Vingtemes
payés par eux en 1790. Ouvrage utile à tous
les Citoyens qui pofledent quelques propriétés ;
par M. Duverneuil Prix , 1 f. A Paris , chez
l'Auteur , rue J. J. Roufleau ( ci - devant Plâtriere) ,
N° . 27 ; Valade fils , Imp-Libraire , même rue ,
No. 12.
Pour empêcher que le Public ne foit trompé.
par les contrefacteurs , l'auteur prévient que tous
les exemp'aires de cet Ouvrage ferour fignés de
fa main .
I eft de la plus grande importance , dans un
Ouvrage de cette na ure fur tout , de rejeter les
cor trefaçons toujours fautives. On fent comb´en
une erreur de ch flres peut devenir préjudiciable .
25 , 25 & 27e. Livraifons du Nouveau Teftament
de N. S. J. C. en latin & en français , de
la Traduction de Saci ; édition ornée de guies
en taille- douce , deffinées par M. Moreau le j . ,
& gravées , fous fa diction , par les plus ha iles
Artiftes de la Capitale . Prix de chaque Livraiſon ,
gof & 2 liv. en pap . vélin. A Paris , chez Saugrin
, rue du Jardinet , N ° . 5 .
CHANT
TABL E.
HANT d'anrur.
Les to itarist , . Part.
Charade , Enig. Legog.
Pl:r.
stop uncles.
34)Notices .
Jer . 133 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 13 AOUT 1791 .
PIECES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
APOTHÉOSE DE VOLTAIRE.
AU Panthéon da Paganiſme ,
On vit long- temps le Fanatiſme
Ufurper l'encens des Mortels ;
Sous le faux titre d'héroïfine ,
Le brigandage eut fes autels ;
Après cent fiecles d'exiſtence ,
Le monde , encor dans fon enfance ,
A des fantômes d'immortels
Qu'honore & prêche l'ignorance ,
Adrefle des voeux criminels ;
Grace à l'encens qu'il proftitue
Pour des Druides éternels 3
N°. ;;. 13 Août 1791.
3
C
so
MERCURE
Le préjugé fe perpétue ;
La raifon feule eft inconnue :
Fléau tardif des Alcorans ,
Sur les Héros des faints Romans
Elle porte enfin fa maffue ,
Renverfe , brife la Statue
De ces Dagons du bon vieux temps.
Toi qui , le premier , fur fa trace ,
Ofas pénétrer dans les Cieux ,
Et les purger de ces faux Dieux ,
Dont la crédule populace
Adorait le bufte orgueilleux ,
Voltaire , viens regne à leur place ,
Reçois notre hommage & nos voeux.
Qui mieux que toi , divin génie ,
Eut droit aux céleftes honneurs ?
Illuftre héritier des Neuf Soeurs ,
Au deffus d'un fiecle d'envie ,
Loin d'une race appefantic
Sous le fardeau de fes erreurs ,
Pour l'avenir , dans tous les coeurs ,
Tu portais ce germe de vie
D'où font fortis nos Rédempteurs ;
Par tes Ecrits , avant-coureurs
Du pacte augufte qui nous lie ,
Tu détruifis la tyrannie ,
Le rang , les abus oppreffeurs
Le préjugé , fous qui tout plic
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACEN619)
•
DE FRANCE. SE
Et ces Tartuffes impofteurs
Qui couvraient la Terre affervic .
Pere de nos Législateurs ,
En leurs travaux reçois l'hommage
D'un Nouveau-Monde , ton ouvrage !
Deviens le Patron de ces lieux.
Un Bonze obfcur , ambitieux ,
N'annoncera point tes oracles
Par des énigmes captieux ;
Il ne vendra point tes miracles :
Non , non , tes prodiges divers ,
Tes oracles , comme ta gloire ,
Appartiennent à l'Univers ;
Son Evangile eft ton Hiftoire ;
Jouis en paix de ta victoire !
Lorfque tes mains brifent nos fers ,
Dieu tolérant , perds la mémoire
De quatre- vingts ans de revers.
"
Trifte rival de Prométhée ,
Jouet des Prêtres & des Sots
Ta vie , hélas ! trop agitée ,
N'offre qu'un long tiffu de maux ;
Et telle fut ta deſtinée ,
Que l'on vit ta cendre indignée
En vain , dans la nuit des tombeaux ,
Demander un lieu de repos.
Sous la pouffiere profanée ·
Par Tyrans & les Bigots.
C 2'
52 MERCURE
Ombre plaintive , ombre chérie ,
Confole-toi vois tes rivaux !
Quand la France te déifie ,
Et quand ta famille affranchie
T'éleve des Autels rouveaux ,
Pour ces fléaux de la Patrie ,
Qu'éleve-t-on des échafauds.
( Par M. Serieys . )
LE MOINEAU ,
FABLE imitée de FE NÉLON.
DEVANT EVANT un Moineau on vantait
Le Phénix : on lui racontait
Comment , à fon heure fuprême , -
Ce bel Oifeau fe confumant lui - même ,
De fes cendres reffufcitait :
Vous m'enchant z , je le confeffe ,
Dit le Moineau furpris ; j'admire un fort fi beau ;
Mais cf -il vrai que cet Oilcau
Soit dans tour l'Univers le feul de fon efpece ?
Certes . L'infortuné ! s'écria le Moineau , -
Il ne peut donc aimer ! il ne peut donc pas l'étre !
Ah ! comment à ce prix défi er de renaitre ?
( Par un Atonné. )
;
DE FRANCE. 53
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Adieu - celui
de l'Enigme eft les Chats ; & celui du Logogriphe
eft Cor , où l'on trouve Or.
LUS
CHARADE.
PLus d'un baudet s'engraiffe en mon premier ;
Plus d'un coquin craint d'être mon dernier ;
Plus d'un nigaud refpecte mon entier.
( Pur M. Lecat , Procureur de la Commune
à Abbeville. Y´
ÉNIGM E.
TRISTE & dernier enfant d'une mere expirante,
Je nais enfin quand tout périt ,.
Quand la Nature eft languiſſante ,
Que dans fon fein tout ſe Aétrit.
Si quelqu . fois , Lecteur , tu me vois avec peine ,
Telle eft du temps la r'goureufe loi ,
Pius tu vicillis , plus ma fin eft prochaine ;
Mais en cela plus à plaindre que toi ,
Aux portes du tombeau j'accompagne ma mere ,
Et le jour qu'elle meurt , je finis ma carriere .
( Par un Abonné. )
C3
34
MERCURE
LOGOGRIP HE.
SEDENTAIRE & lourd dans ma taille ,
Rarement je fors du lògis ,
Et j'habite fous les lambris
Bien plus fouvent que fous les toits de paille .
Tapi triftement dans un coin ,
Un vil emploi bien fouvent me dégrade ;
Les poings fur le rognon , je reçois au befoin
Qui vient me donner l'accolade.
Dans mes huit pieds tu trouveras , Lecteur ,
Ce lieu qui du repos fait goûter la douccur ;
Notre aliment premier ; trois notes de mufique ;
Ce qui fort du fufeau de la belle Angélique ;
Une plante ; un fédiment ;
Un perfonnage déplaifant ;
Deux élémens l'un à l'autre contraire ;
Un terme de mépris ; une forte de pierre ;
Ce que l'on fait quand on faillit ;
L'arbre qui toujours reverdit.
Encore un trait & tu vas me connaître ,
Entre mes bras je te ferre peut -être.
( Par M. S... F... de Lyon. )
༦.༧༩
DE FRANCE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAUX VOYAGES dans les Etats-
Unis de l'Amérique Septentrionale, faits,
en 1788 , par J. P. Briflor ( Warville ) ,
Citoyen Français. 3 Volumes in-8°. A
Paris , chez Buiffon , Libr-Imprim. rue
Haute-feuille , N°. 20. Prix , 13 liv. br.
& 14 1. 10f. franes de port par la Pofte.
A
ON a obfervé , depuis la Révolution ,
que parmi les Ouvrages nouveaux , étrangers
aux affaires publiques , les feuls qui aient
continué à s'attirer l'intérêt & l'attention ,
ce font les Voyages. Il femble que cette
lecture foit le feul délaffement que la Nation
fe permette depuis la conquête de la
liberté . Le Voyage que publie M. Briffor ,
joint à l'intérêt des Ouvrages de ce genre ,
l'avantage de ramener les efprits aux idées
qui occupent aujourd'hui tous les Français .
C'eft la paffion de l'Auteur , pour la liberté ,
qui le lui fit entreprendre en 1788 ; & c'eft
cette même paffion qui le lui fait publier
en 1791. Il a penſé qu'il fallait offrir à un
Peuple nouvellement libre , le tableau des
C 4
36 MERCURE
moeurs qui maintiennent la liberté . On peut ,
dit-il , la conquérir fans moeurs , mais fans
moeurs on ne peut la conferver ; c'eft l'Epigraphe
de fon Livre ; & fans ceffe , dans le
cours de fon Ouvrage , il revient à cette
vérité. On ne peut fe diffimuler ce qu'elle
a d'effrayant pour la France ; mais au milieu
des craintes qu'elle infpire , plufieurs confidérations
font propres à raffurer. La préc
pitation même avec laquelle s'eft opérée la
Révolution, a détruit ou encombré plufieurs
des fources qui fourniffaient un aliment
aux mauvaifes moeurs. Elle force tous
ceux que d'anciennes habitudes n'ont pas
entiérement pervertis , à revenir à des idées
plus faines , à renoncer à des goûts frivoles
& difpendieux , à s'occuper de travaux utiles
pour eux-mêmes. Elle amene forcément une
habitude de raion , qui , après le retour de
l'ordre & du calme , bailera des moeurs privées
aux moeurs publiques. Les Français ,
en fe donnant une Conftitution plus forte
que ne l'était la Nation à l'époque où elle
fe l'eft donnée , fe font mis dans la néceffité
de hâter leur marche vers des meurs fimples
& fortes , dignes de cette Conftitution. Io
progrès que leurs idées ont fait depuis dox
ans , donne la jufte espérance de voir les
mours le mettre en accord avec leurs idees
plus rapidement qu'on ne l'a vu chez aucun
autre Peuple. Ce fera le doub's offer
& de la néceffité des circonftances , & de
DE. FRAN CE. 57
la foupleffe agile du caractere Français . Déjà
des changemens marqués autorifent ces efpérances
trop repouffées par ceux qui veulent
le mal , ou qui veulent trop faiblement
le bien ;, ou enfin par ceux qui débitent
d'anciens axiomes fur unétat de chofes fans
exemple dans l'Hiftoire de tous les temps
connus.
Ce font des Livres tels que le Voyage
de M. Briffot , qui hâteront ce moment dé
firé. Les Lecteurs Patriotes , à qui nous en
recommandons la lecture et du poiſon
pour les autres ) , y veront avec plaifir tous
les effets de la berté politique , la plus
grande qui exifte aujourd'hui parmi les
hommes. Ils y apprendront à évaluer un
grand nombre de maximes politiques , ré
purées inconteftables jufqu'à ce jour. Ils f
fortifieront dans le goût de la fimplicité ,
de l'égalité , de la vie domeftique , de la
vie rurale , du travail ; ils verront les vertus
publiques naitre du fein des vertus privées ,
& la félicité nationale fortir des mêmes
fources que le bonheur particulier. A la vérité
, le Cultivateur Américain avait devancé
M. B...... dans la peinture de ces moeurs fr
intéreffantes ; & les tableaux femblent ne
laiffer rien à défirer. Auffi M. B.... ne rivalife-
t- il point à cet égard avec M. Crevecoeur
, auquel il rend juftice en plufieurs
endroits de fon Ouvrage. Il ne fait qu'indiquer
ou efquiffer rapidement ce que for
CS
58
MERCURE
prédéceffeur avait peint avec délices. L'un
répand avec effufion le fentiment d'un
bonheur qui fut celui de fa vie entiere ;
l'autre jette , en paffant , un coup d'eil fur
ce bonheur qu'il envie. D'ailleurs le but de
fon Voyage en Amérique appelait fon atvention
fur un trop grand nombre d'objets
importans. Les moeurs Américaines ne devaient
point y être fa feule étude : Agriculture
, Manufacture , Arts , Métiers , Induftrie
de toute efpece , Finances , Commerce
intérieur & extérieur , détails d'exportations
, d'importations , &c. voilà ce que
le Voyageur avait à étudier , & il n'avait
que peu de mois à donner à ce Voyage.
Parti de France à l'époque des événemens
qui ont le plus provoqué la Révolution , il
voulait être de retour dans fon pays au
moment où elle allait s'opérer.
Quoique les objets dont M. B..... occupe
fes Lecteurs foient devenus d'un intérêt plus
général & plus fenti depuis que les Français
fe mêlent de leurs affaires , on fent que les
bornes d'un extrait nous obligent de nous
borner à l'indication de plufieurs de ces
objets . Mais nous dénonçons plus formellement
aux Amis de l'humanité le morceau
fur les Quakers , & fur-tout le Chapitre fur
l'état des Negres dans l'Amérique Septentrionale.
On connaît le zele ardent & infatigable
avec lequel il défend depuis plufieurs
années la caufe de ces malheureufes
DE FRANCE.
59
victimes de notre avarice. Il acheve ici de
détruire les fophifmes par lefquels la politique
Européenne s'efforce de juftifier , &
furtout de perpétuer fon crime . Il développe
tous les avantages du travail libre ,
fur le travail efclave , & le prouve par les
faits & par le raiſonnement. On s'obſtinait
à n'accorder aux Noirs qu'une intelligence
médiocre & bornée. M. B...... cite les
noms des Negres libres , qui, en Amérique ,
exercent avec fuccès des profeffions qui
exigent toute l'activité de la penſée : un
Noir entre autres , qui faifait de tête , &
fur le champ , des calculs prodigieux . Si
l'on n'a vu de ces exemples que dans l'Amérique
Septentrionale , c'eft que là feulement
les Negres font traités avec une
indulgence inconnue dans les Illes . Tout
s'y prépare par degrés à leur affranchiffement
général déjà effectué dans plufieurs des
Etats -Unis , dans la majorité de 9 fur 13 .
Déjà la culture du tabac , dans le Mariland
& la Virginie , commence à baiffer
fenfiblement. Celle du blé la remplace ,
& finira par amener l'abolition de la traite
déjà défirée par les Citoyens les plus diftingués
. D'autres caufes concourent encore
à la hâter ; mais la plus puiffante de toutes ,
c'eft la découverte d'un fucre , qui , avec le
temps , peut remplacer celui de la canne .
Cet arbre précieux qui, pour les Noirs, fera
l'arbre de la vie , & qui plus eft de la li-
C 6
MERCURE
berté , c'eft l'érable : il croît naturellement
fe propage avec la plus grande facilité , &
couvre l'Amérique , depuis le Canada jufqu'en
Virginie. Sa féve , pour être extraite ,
n'exige aucuns travaux préparatoires . Chaque
arbre donne , fans fe ruiner , cinquame à
foixante pintes de féve , qui rendent au moins
cinq livres de fucre. Un même arbre , s'il
eft traité avec ménagement , peut fournir
cette liqueur pendant plufieurs années.
On n'a pu voir tant d'avantages fans étre
frappé de l'influence qu'ils pouvaient avoir
fur l'abolition de l'efclavage des Noirs . Il
s'eft formé une Société , dont l'objet particulier
eft de perfectionner la fabrique de
ce fucre ; & dès fon origine , elle a eu les
plus grands fuccès . D'habiles Chimifles ont
publié des procédés utiles . Ils penfent que
fe fucre de canne & le frere d'érable font
les mêmes dans leur nature ; & on croit
qu'en perfectionnant la fabrication , il égalera
un jour le fucre ordinaire. La découverte ,
qui doit le conduire à cette perfection ,
formera une époque heureufe pour l'humanité
; & combien ne le ferait - elle pas
davantage , fi l'on naturalifait l'érable par
toute l'Europe Si l'Amérique , dit M. B...
en offre de vaftes forêts , on peut , en France,
le planter en vergers , fous lefquels on
pourra recueillir encore toute foarte de fruits .
Dans l'âge de leur moyenne vigueur , à trois
livres de fucre par arbre , un acre qui conDE
FRANCE. 61
tiendrait cent quarante arbres , rapporterait
quatre cent vingt livres de fucre. Ce ferait
une grande économie de coups de fouets
pour les Noirs , & une grande économie
d'argent pour les Blancs ; ce qui eft pour
ceux- ci une confidération non moins forte.
Mais quelque adouci que foit , dans l'Amérique
Septentrionale, le fort des Noirs , quelles
que foient les efpérances plus heureufes que
l'avenir préfente à cet égard , les amis de
l'humanité n'en formeront pas des voeux
moins ardens pour le fuccès d'un plan déjà
connu en Amérique , celui de les tranfporter
des Etats - Unis dans leur terre natale
, de les y établir , de les encourager à
y cultiver le fucre , le café , le coton
&c. à y élever des Manufactures , à ouvrir
un commerce avec l'Europe . C'était l'idée
du Philantrope par excellence , le célebre
Foterghill ; c'était celle d'un Citoyen des
Etats - Unis , le Docteur Thornton , qui
comptait exécuter lui - même ce projet. Il
fe propofait d'être lui - même le conducteur
des Negres qui repafferaient en Afrique ;
& déjà il y avait envoyé , à fes frais , un
homme éclairé , pour choisir le lieu le plus
convenable à cette émigration , préparer
l'établiffement de fa Colonie , & indiquer
les moyens de la mettre à l'abri de toute
infulte. La mort l'a prévenu dans l'exécution
de ce plan , auquel on n'a pas renoncé
en Amérique ; & de plus , il s'eſt
62 MERCURE
formé en Angleterre une Société qui fe
propofe de le réaliſer .
Il faut remarquer que c'eft parmi la ſecte
des Quakers que fe trouve le plus grand
nombre de ces hommes à qui l'amour de
l'humanité a fait traverfer les mers , former
ou accomplir les entreprifes les plus périlleufes
, & renouveler , par le zele pur
d'une bienfaifance univerfelle , ce que l'efprit
de profelytifme a fait faire à plufieurs
Chrétiens de la Communion Romaine : Cette
obiervation feule réfuterait fuffisamment
les reproches multipliés contre les Quakers .
La plupart des ridicules qu'on leur a prodigués
en Angleterre , & fur- tout en France ,
ont difparu devant cette philofophie qui
apprécie les hommes & les chofes dans leurs
rapports au bien de la Société générale .
Les noms des Miflin , des Benezets , ont
pris la place qui leur était due. On fonge
à leurs actions , & non plus à leur habillement
, ni à la fingularité de quelques ufages
confacrés dans leur Secte. M. B .... repouſſe
victorieufement les reproches dont on a
voulu les fétrir. De toutes les objections
multipliées contre eux , la plus forte eft
leur refus de prendre part aux guerres , &
de payer les impôts établis pour la faire.
L'Auteur convient avec franchife de
ce que cette conduite peut avoir de blâinable
; mais il oppofe à cet effet nuifible
de leur attachement pour le plus facré de
DE FRANCE. 63
leurs principes religieux , tous les autres
effets utiles de ce même attachement , tous
les actes de bienfaifance dont ce principe
fut la fource intariffable . Les Livres facrés
leur difaient qu'il viendra un temps où les
Nations ne leveront plus le glaive contre
les Nations. Ils ont vu que le moyen d'accélérer
la réalifation de cette prophétie
était de donner l'exemple , & que les difcours
ne ferviraient à rien , fi la pratique
n'y était conforme . La preuve qu'ils portaient
dans leur refus , non le calcul de
l'avarice , mais l'enthoufiafme d'un zele religieux
, c'eft qu'ils fe font laiffés tourmenter
, voler , emprifonner , plutôt que de
déroger à leur principe , qui d'ailleurs leur
avait long- temps réuffi . Les Quakers de la
Penfilvanie avaient trouvé le fecret de garantir
cet Etat du fléau de la guerre , juſqu'à
celle qui éclata , en 1755 , entre l'Angleterre
& la France . Quoique mêlés avec les
Indiens , jamais aucune querelle ne les
divifa ou ne fit couler de fang. C'eft un fait
que ne favait pas M. Mirabeau , obferve
l'Auteur , lorfque répondant , au nom de
l'Affemblée Nationale , à une Députation
de Quakers établis en France , & qui
venaient demander l'exemption de porter les
armes , il leur difait : Et que feraient devenus
vos freres de Penfilvanie , fi de grandes diftances
ne les avaient pas féparés des Sauvages
, fi ces derniers avaient égorgé leurs
64
MERCURE
5
femmes , leurs enfans , & c. ? L'Orateur de
la Députation aurait pu répondre : Notre
juſtice , notre douceur , notre bienfaisance
univerfelle défarment les Sauvages . C'eft
la rapacité & la fourberie des Européens
qui les irritent , & nous avons vécu comme
des freres avec ceux qu'on a repréfentés
comme des brigands , pour avoir le droit
de les exterminer. Cette réponſe n'aurait
pas déplu à Mirabeau , qui n'aurait pas
manqué de la faire , fi , au lieu d'être Préfident
de l'Affemblée Nationale , il cût été
POtateur de la Députation .
C'est ce refus de payer les impôts qui
fut la fource de toutes les calomnies répan-.
dues contre eux parmi leurs Concitoyens ..
On attribuait à leurs principes politiques ce
qui érait l'effet de leurs idées religieufes. Le
Général Washington y fut quelque temps.
trompé lui- même ; mais ayant eu fréquemment
occafion de les obferver , il finit par
leur rendre juftice , conçut pour eux beaucoup
d'eftime , comme a pu le voir l'Auteur.
de ce Voyage dans fes converfations avec cet
homme célebre.
M. B... a trop d'avantage lorſqu'il juftifie
le refus que les Quakers font de prêter le
ferment. Leur probité ayant fait de leur
parole un ferment , ils ont juré lorsqu'ils
ont promis ou affirmé ; & il devrait en
être ainfi de tous les hommes.
Quant à leur principe intérieur , & à la foi
DE FRANCE.
qu'ils lui accordent , les railleurs & les plaifans
ne fongent pas que ce principe des
Quakers fe trouve fous différentes dénominations
chez un grand nombre de Philofophes
anciens ; la grande lumiere de Pythagore
, l'ame divine d'Anaxagore , le Démon
de Socrate , le Dieu au dedans de l'homme
d'Hiéron , & c.
Tout ce morceau fur les Quakers laiffe
peu de chofes à défirer pour la connaiſſance
de cette intéreflante Société , trop peu connue
, & trop calomniée jufqu'aujourd'hui .
Il eft à remarquer que Voltaire , tout porté
qu'il était à répandre le ridicule fur ce qui
en était fufceptible , eft encore , de tous les
Ecrivains Français , celui qui a le plus,
rendu juftice aux Quakers : fon grand fens,
lui faifait apprécier tout ce que leurs prin
cipes avaient de refpectable , & combien
l'exemple de leur morale pratique pouvait
être utile aux hommes. Le bien qu'ils ont
fait en Amérique depuis un fiecle , n'a pas
peu contribué à y répandre parmi les autres
Sectes, cette généreuſe émulation, cer amour
de l'humanité qui fe montre dans tous les
établiffemens publics , & qui , dans ces der
niers temps , a commencé à fe répandre en
Europe. Ce qui s'eft fait en cent ans dans un
pays inculte , & avec de fi faibles moyens ,
montre ce que la liberté peut faire en France
dansun plus court efpace , avec les refources -
de tous les Arts , & d'une civilifation per
66 MERCURE
fectionnée . Nous fommes forcés de renvoyer
à l'Ouvrage de M. Briffot , pour le détail de
tous les établiffemens publics & particuliers ;
ufages , inventions, méthodes que l'exemple ,
le commerce , la communication des deux
Peuples , l'intérêt & le befoin , tranſplanteront
néceffairement parmi nous . Son Livre
ouvre au genre humain la perſpective la
plus confolante. Il eft doux de fe livrer à
l'efpérance de voir un vafte continent conquis
à la civilifation par le courage infatigable
des Américains , par l'activité de leurs
défrichemens , leur ardeur à pénétrer dans
les forêts , à s'y former de nouvelles habitations
; par leur hardieffe dans les entreprifes
de tout genre ; par la découverte
de toutes les communications , entre les
fleuves , & des fleuves aux deux mers ;
par l'audace de leur navigation ; par leur
défir de s'ouvrir le commerce du Miffiffipi .
Il eft doux de voir la liberté voyager & s'étendre
avec eux , fonder par-tout la Société
fur des principes trop long-temps méconnus
de la vieille Europe , qui les retrouve
enfin ; les adoptera progreffivement , & avec
le temps , fera régénérée par le bienfait
d'une terre autrefois engloutie fous les eaux ,
& ignorée pendant des fiecles.
On a propofé au concours , dans ces derniers
temps , la queftion , fi la découverte
de l'Amérique avait été nuifible ou utile
aux hommes. La queftion s'applique - t - elle
DE FRANCE. 67
aux Contemporains de la découverte , &
aux cinq ou fix générations fuivantes ? Il
ne paraît guere douteux que cette découverte
n'ait été une calamité défaftreufe . Se
rapproche- t-on de la génération actuelle
le bien & le mal fe mêlent , fe confondent ,
& la queſtion devient compliquée . Embraffet
- elle les générations à venir ? elle ceffe
d'être une queftion , & la découverte de
l'Amérique devient , pour l'humanité en
tiere, un véritable bienfait du Ciel . Il fuffit,
pour s'en convaincre , de parcourir le Livre
de M. B... Les progrès de la Société, chez les
Américains , progrès fenfibles même depuis
la guerre , & dans un fi petit nombre t'années
, repouffent les prédictions finiftres ,
les augures malveillans des ennemis de la
liberté. Il paraît même que , depuis le départ
d'Amérique de M. B..... ces progrès
ont été d'une rapidité prodigieufe. Voici ce
qu'un favant Américain ( ) , fouvent cité
avec honneur dans ce nouveau Voyage, écrivait
tout à l'heure , vers la fin de Mai, à un
de fes amis actuellement en France .
"
" Nous voyons enfin les efpérances les
» plus étendues des amis de la liberté &
» de l'humanité , accomplies dans les Etats-
» Unis d'Amérique. Notre Gouvernement
» National eft parfaitement établi . Il répand
par- tout la paix , l'ordre & la juf-
"
( 1 ) M. Rush .
•
68 MERCURE
و ر
» tice. Contraire à Brutus , je puis m'écrier,
» en terminant mes travaux politiques :
Liberté, je t'ai adorée comme un être réel,
» & ne t'ai point trouvée un fantôme « !
( C...... )
DICTIONNAIRE. raisonné Univerfel
d'Hiftoire Naturelle , contenant l'Hiftoire
des Animaux , des Végétaux & des Minéraux
, & celle des Corps céleftes , des
Météores & des autres principaux faits
de la Nature ; avec l'Hiftoire des trois
Regnes , & le détail des ufages de leurs
productions dans la Médecine , dans l'Economie
domeftique & champêtre , & dans
les Arts & Métiers ; & une Table concordante
des noms latins , &c . & le renvoi
aux objets mentionnés dans cet Ouvrage ;
par M. Valmont de Bomare , Voyageur
& Démonftrateur d'Hiftoire Naturelle
&c. &c. &c. 4. édition , revue & confide
rablement augm ntée par l'Auteur. 15 Vol.
in- 8° . de plus de 600 pages chacun. A
Lyon , chez les fieres Bravfet , à Paris ,
chez Boffange & Compagnie, rue des
Noyers , No. 33 ; & chez les principaix
Libraires du Royaume.
Nous ne nous arrêterons pas à faire
l'éloge de cet Ouvrage que l'Auteur a eu
DE FRANCE. 69
l'art de rendre également utile aux gens du
monde & aux Savans ; que pourrions- nous
dire à cet égard , que le fuccès des premieres
éditions n'ait prouvé avant nous & beaucoup
mieux que nous ? Nous ne parlerons
donc ni de l'étendue des connaiſfances de
l'Auteur , ni même des foins particuliers
qu'il a donnés à cette nouvelle édition.
Mais nous infifterons fur le mérite de l'exécution
typographique , pour mettre davantage
le Public en garde contre le brigandage
des contrefaçons. Voici ce que difent
les Editeurs .
"
ود
» Nous avons tâché de ne rien laiffer à
» défirer pour l'exécution typographique
» de cet important Ouvrage : chaque feuille
" a paffé fous les yeux de quatre Réviseurs
différens ; & quant au mérite de la correction
, nous espérons avoir renchéri fur
» toutes les éditions qui ont précédé. On a
» choisi le caractere le plus ami de l'oeil ;
» on n'a employé que des fontes neuves ;
» la grandeur des pages , qui furpalle celles
» des éditions précédentes , a fervi à ref-
» ferrer & à diminuer , autant qu'il a été
poffible , le nombre des volumes . On a
employé du papier fin des meilleures Ma-
» nufactures de l'Auvergne , & on n'a rien
négligé pour que le prix de cette Edition
pit être à la portée de tous les Amateurs .
» Elle eft ornée comme la derniere de
و د
n
ود
>
79
MERCURE
""
3.9
ود
Paris , d'une Planche au Frontispice , &
de Vignettes exécutées par un très -bon
Artifte. Elle eft la feule que l'Auteur
» avoue ; & pour la diftinguer des contrefaçons
qui pourraient en être faites
» nous avons mis notre fignature au revers
» de la fauffe page du titre du tome pre-
""
» mier ".
Cette précaution priſe par les Editeurs
de Lyon , n'a pas été inutile , car l'avidité
des contrefacteurs a profité des circonstances
qui ne permettent pas encore aux Loix
d'exercer toute leur yigueur , pour s'emparer
de cette édition nouvelle , & pour
établir un gain illicite fur la propriété d'autrui,
au rifque d'anéantir, pour les ceffionnaires
légitimes de l'Auteur , le fruit de
leur fpéculation.
>
Il eft temps qu'une Loi nouvelle ,
précife
& claire , contre les délits femblables ,
vienne enfin en interrompre le cours & arrêter
des manoeuvres auf attentatoires aux
propriétés. Les Comités de Commerce &
d'Agriculture s'occupent d'un projet de
décret à cet égard , & à l'occafion de ce
même Dictionnaire.
Les bons Citoyens rejetteront fans doute
avec indignation l'idée de favoriſer un commerce
auffi contraire à la juftice & à l'honnêteté
, en préférant les contrefaçons à l'édition
originale ; & ceux même à qui cette
DE FRANCE.
7
confidération morale ne fuffirait pas , feront
mieux éclairés par leur propre intérêt. Il eft
évident que les contrefacteurs font obligés
de donner leur édition à meilleur marché ,
pour s'en défaire. Mais ils n'ont pu y
parvenir qu'en négligeant tous les foins
qu'on a pris pour l'édition originale , & que
non feulement leur édition éft en plus mauvais
papier , en caracteres ufés & inégaux
( la contrefaçon de Paris le faifait de nuit , &
dans vingt Imprimeries différentes à la fois) ;
mais encore qu'elle eft néceffairement trèsincorrecte
, car ils ont été obligés d'épargner
les frais confidérables de la révilion.
Or , dans un Ouvrage fur - tout de la nature
de celui - ci , la correction eft le premier
mérite ; elle eft indifpenfable. Loin donc
qu'on ait fait un bon marché en préférant
cette édition fautive , on y perd en entier
le peu d'argent qu'on y emploie , puifque
le Livre qu'on achete n'eft qu'une fource
continuelle d'erreurs .
NOTICES.
> ON vient de mettre en vente Hôtel de
Thou , rue des Poitevins , No. 18 , le quatrieme
Volume de l'édition in - 4 ° . avec Figures , & les
Tomes VII & VIII de l'édition in - 8 ° . du
Voyage en Nubie & en Abyfinie , par le Chev .
James Bruce.
72. MERCURE DE FRANCE.
De l'Etablillement des Connaiffances humaines ,
& de l'Inftruction publique dans la Conftitution
Françaife ; par M. P. L. la Creteile. 1 Volume
in- 8 ° . de 314 pages. Prix , 3 livres , & franc de
port , 3 liv. 12. A Paris , chez Delenne , Lib.
au Palais-Royal , Num. 1 & 2 .
M. la Cretelle a monté dans tous les Ouvrages
un efprit profond & réfléchi . Il eft d'autant
plus propre à écrire fur l'Inftruction publique
qu'il vient d'être rommé , par le Département
l'un des Commiffaires chargés de s'occuper fpécialement
de cet objct & de tout ce qui en dépend.
Vues philofophiques fur la Religion , in - 8 ° . de
348 pages. A Paris , chez Belin , Lib . rue Saint-
Jacques , près St-Yves .
Si le temps nous le permet , nous reviendrons
fur cet Quvrage intéreffant , où l'Auteur fait parfartement
allier les pncipes de la Philofophie
avec ceux du Chriftianifine .
Decas Prima , icones Plantarum Syriæ ratiorum
, defcriptionibus & obfervationibus illuftratæ
autore Jacobo Juliano la Bilardi.re. M. D.
Prix , 7 liv. 4 f. Lutetia Parifiorum , impenfis
autoris , & proftat venalis Apud Prevoft , Auguftinorum
ripâ , Typog. Circ . Soc. Gallica Comediae
via ; Nº . 4.
Les Gravures de cet Ouvrage intéreffant font
exécutées avec beaucoup de foin .
APOTHEOSE.
Fable.
TABL E.
Charade, Enig. & Lɔg.
49 Nouveaux Voyages.
5219: Fionnaire.
salNonces.
་ ་
68
71
Here,
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 20 AoUT 1791 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
EPITRE
D'UNE RELIGIEUSE A UNE NOVICE.
Non ignara mali miferis fuccurrere difco.
EH! quoi ! quand la Beauté , dans fa premiere
Acur ,
Embellit les vertus qui germent dans ton coeur ,
Riche de ces tréfors que le temps verra croître ,
Tu viens cacher tes jours dans les horreurs d'un
cloître !
L'Efpérance , au front gai , ſourit à tes défirs ;
La Fortune , en naiffant , te promit les plaiúrs ;
Elle applanit pour toi la route de la vie ;
Et fous un joug auſtere à jamais aſſervie ,
N°. 34. 20 Août 1791 .
D
7+
MERCURE
Tu veux fuivre par choix de pénibles chemins ,
Renoncer à toi - même , & mourir aux humains !
Ah ! ma voix qui gémit au fond d'une cellule ,
Doit éclairer l'erreur de ton zele crédule .
Da portique facré tu vas franchir le feuil :
Ou tu cherches le port , crains de trouver l'écueil .
A de tardifs regrets comme moi condamnée ,
Crains de maudire un jour ta chaîne infortunée.
L'Elprit faint qui de Dicu fait entendre la voix ,
Parle- t- il à ton coeur , a - t -il dicté ton choix ,
Et t'appelant parmi fes colombes fidelles' ,
Pour voler juſqu'à lui t'a - t - il prêté fes ailes ?
Je ne te retiens plus : de ton amour jaloux ,
Dieu même t'a choifie : il fera ton époux.
Couverte d'un faint voile, aux pieds du fanctuaire ,
Courbe ton front pieux fous un joug volontaire ,
Et prononçant des voeux applaudis par le Ciel ,
Dis au monde un adieu qui doit être éternel.
Tu pouvais toutefois , fans vêtir le cilice ,
Edifier le Siecle , y confondre le vice ,
Au frein des paffions accoutumer les coeurs ,
Et prêter aux vertus le charme de tes moeurs.
Ma's peut-être on t'a dit qu'in fulgente & facile
La Paix , fille du Ciel , habite cet afile ,
Loin des enclos facrés exile les chagrins ,
Rend tous les coeurs heureux & tous les fronts
fercias ;
MIRYLO
DE FRANCE.
75.
:
Qu'à des Loix fans rigueur la Veftale foumife ,
Y foule aux pieds les fleurs d'une Terre promife ,
Qu'une fainte efpérance y luit à tous les yeux ,
Y peint tous les objets , & nous ouvre les Cieux.
Hélas ! de l'intérêt le faux zele complice ,
Séduit par ces difcours une faible Novice.
Ne livre point ton ame à ces tableaux flatteurs.
Va , crois-moi : le ferpent eft caché fous les fleurs .
Souvent du faint troupeau , la gardienne févere
Affecte avec orgueil un pouvoir arbitraire ,
Du devoir rigoureux appefantit les fers ,
Et fait fouffrir les maux qu'elle-même a ſoufferts .
Des biens que l'on a fui l'image retracée ,
De cent regrets amers vient aigrir la penſée :
Elle revient fans ceffe ; & le goût des plaifirs
Eft le bourreau d'un coeur miné de vains défirs .
La Diſcorde entre , hélas ! fous le facré portique ;
* Elle allume fa torche à la lampe myftique.
Des filles du Seigneur elle ceint le bandeau ,
Et dans des coeurs contrits agite ſon flambeau.
C'eft peu : pour détromper ta docile imprudence ,
Je te dois de mon fort l'entiere confidence .
Je veux té préſerver d'une cruelle erreur.
Malheureuſe ! j'appris à plaindre le malheur.
Je fortais de l'enfance , & commençais la vie ,
Lorfqu'arrachée au monde , & de larmes fuivie ,
D 2
76 MERCURE
Victime par un pere
amenée à l'Autel ,
Je vins y prononcer le ferment folennel.
Quel appareil alors , quelle pompe touchante ,
Fit de ce facrifice une fête impofante !
A la voûte du Temple , orné de toutes parts ,
Cent luftres fufpendus brillant à mes regards ,
Tous ces vales d'encens exhalant leurs offrandes ,
Les Novices , le front couronné de guirlandes ,
Ces vêtemens facrés , ces myftiques apprêts ,
Les careffes des Soeurs , leur doux baifer de paix ,
Les myrtes faints par- tout femés fur mon paffage ,
De la Religion le confolant langage ,
Des Fideles émus la vue & le concours ,
Tout fit d'un jour de deuil le plus beau de mes jours.
Dans ces raviffemens , oui , je crus que mon ame
Volait au fein de Dieu fur des ailes de flamme ,
Et que m'applaudiſſant , la voix des Séraphins
Avait béni mon nom dans leurs Hymnes divins.
Que cette illufion , hélas ! fut peu durable !
Mon coeur fentit bientôt un vide infupportable.
Etrangere à moi-même , un cruel abandon
Montre à mes yeux confus l'horreur de ma prifon.
L'Eden a diſparu : je languis , je foupire.
Les Anges à mes voeux ne viennent plus fourire ;
Et dans l'ombre des nuits , des fonges careffans
Du bonheur des Elus ne flattent plus mes fens.
L'ennui , l'affreux ennui par-tout s'effre à ma vue ,
Diftille fes poifons dans mon ame abattue ,
DE FRANCE.
77
Habille les vertus des plus fombres couleurs ,
Refroidit la priere , & rend amers les pleurs .
Dans le bois folitaire il s'offre à non paffage .
Je le rencontre au fond de la grotte fauvage.
Au bruit de la cafcade il attrifte mes fens :
Dans les fons de l'airain , c'eft fa voix que j'entends.
Hélas ! il m'en fouvient , les larmes de ma mere
M'apprenaient de mon fort le douloureux myftere,
Quand par un mot vouée à d'éternels tourmens ,
Je reçus le dernier de fes embrafiemens ;
Lorfque dans le parloir , aux barreaux de la grille ,
Elle vint recueillir les adieux de ſa fille ;
que Et les yeux fur elle , & lui tendant les bras ,
Mon coeur voulait encor s'éla ncer far fes pas.
Ah ! dut-elle étouffer la pitié maternelle :
Ne devait elle pas pour fa filte , pour elle ,
Interdire à ma voix des fermens inhumains ,
1
Et déchirer le voile arraché par les maius ?
Vains regrets ! d'un époux l'autorité farouche
Lui défendait la plainte , & lui fermait la bouche.
Dans fes yeux attendris elle retint fes pleurs ;
Et fon fein maternel renferma fes douleurs.
>
Et toi , de qui l'orgueil ordonna ma mifere ,
Toi qui t'ofant parer du nom facré de pere ,
Fis d'un titre fi cher le droit de m'opprimer ,
Quel fut mon crime , hélas ! s'il ne fut de t'aimer ?
Quoi ! mes embraffemens , mes careffes fi pures ,
Eraient donc à ton coeur de mortelles bleffures ?
7S MERCURE
Ah ! fi mes premiers foins , fi mon premier amour ,
T'ont fait fentir du fang quelque faible retour ,
Si ce doux fouvenir te trouve encor fenfible ,
O viens ! viens m'arracher à ma priſon horrible...
Qu'ai-je dit ? le cruel plaindrait -il mes tourmens ?
Et la Loi plus barbare a fcellé mes fermens ?
Un jour viendra fans doute , où des Loix plus humaines
Défendront à nos mains de fe forger des chaînes.
Ils tomberent ces murs , ces barrieres de fer ,
Tous ces cachors pieux cimentés par l'Enfer ,
Où des coeurs enchaînés par un voeu politique ,
Ont gémi trop long-temps fous un joug tyrannique .
L'homme a connu fcs droits ; il a brifé fes fers .
La Liberté renaît & change l'Univers.
O vous qui, pratiquant les vertas folitaires ,
Chérillez ja rigueur de vos regles aufteres ,
Et vous , mart res ficrés , fimulacres muets ,
Qui femblez en filence accufer mes regrets ,
Pardonnez. fi ma voix , fi ma bouche profane
Se permet des foupirs que le cloître condamne !
Je ne fuis point venue , à l'ombre des Autels ,
Cacher un front coupable aux regards des mortels,
Et couvrant fa rougeur fous un voile hypocrite ,
Echapper à ma honte en tous les yeux écrite .
Quand je fubis an joug que je devais hair ,
Je m'ignorais moi -même , & ne fus qu'obéit.
DE FRANCE. 79
Déjà je vois mon fort avec un oeil plus ferme ;
Si j'en crois leur excès, mes maux font à leur terme .
L'heure approche ou mes yeux n'auront plus à
pleurer ,
Mes levres à gémir , mon coeur à foupirer.
Toi qu'a dû détromper ta malheureuſe amie ,
Quandje ne ferai plus qu'un corps froid & fans vie ;
Viens d'un baiſer lugubre honorer mon cercueil .
Suis , la torche à la main , les Veftales en deuil.
Mêle à leurs chants pieux ta voix mélancolique ,
Et dis fur mon tombeau le funebre cantique.
A ces voiles facrés , complices de mon fort ,
Tu verras fuccéder les voiles de la mort;
Et me rendant alors un cffice plus tendre ,
Le Prêtre de l'eau fainte arrofera ma cendre.
Mais lórfque defcendue aux funebres caveaux ,
On jetterafur moi la poudre des tombeaux :
Approche, & par tcs pleurs, ô chere & tendre fille
Supplée en ce moment aux pleurs de ma famille .
Ah ! le coeur le plus dur , ému d'un faint respect ,
Génira fur lui-même à ce lugubre afpect ;
Et s'accufant trop tard de ſa rigueur ſévere ,
Un cri pourra fortir même du ſein d'un pere.
( Par M. de Saint- Ange . )
D 4
80 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE
mot de la Charade eft Préjugé; celui
de l'Enigme eſt le mois de Décembre ; celui
du Logogriphe eſt Fauteuil, où l'on trouve
Lit, Lait, Ut, La, Fa, Fil, Laitue, Lie, Fat,
Feu, Eau, Fi, Tuf, Faute, If.
CHARADE.
BIEN malheureux qui n'a pas mon premier ;
Mon tout fe met fous mon dernier .
( Par M. Pannelierfils. )
ÉNIGME.
DE mon empire , implacable ennemie ,
La langue me donne la mort .
Lecteur , vois d'où dépend mon fort !
Un rien fuffit pour terminer ma vie.
L'enfant ne m'aime pas, & la femme encor moins ;
Tout le monde me hait ; mon fort eft de déplaire ;
Le malade , lui feul , me trouve falutaire ,
Emprunte mon fecours , & réclame mes foins.
Je ne puis me nommer : pour me faire connaître ,
Ecrire eft tout ce que je puis ;
Si je difais ce que je luis ,
Au même inftant je cefferais de l'être .
( Par le même. )
A
DE FRANCE. 81
LOGO GRIPHE.
C'EST le foir ordinairement
Que l'on me met en mouvement ;
Mais le refte du jour je deviens inutile :
On me conduit le bâton à la main ,
Et c'est toujours par un chemin
Où l'on dortfort tranquille.
J'ai dix pieds dans lefquels , fans être fort habile ,
Tu trouveras un figne de plaifir ;
Ce métal pour lequel fans ceffe
Nous éprouvons un violent défir ;
Un péché capital qui n'eſt pas la pareffe..
Je t'offre encore , ami Lecteur ,
Deux inftrumens & deux tons de mufique ;
Le Chef d'un Etat Monarchique ; mak
Un quadrupede ; une charmante fleur ;
D'un animal rampant le précieux ouvrage
Un habitant de baffe - cour
Dont on vante peu le ramage ;
Et ce qui de la nuit annonce le retour ..
Je crois en avoir dit affez , je me retire ;
Je t'avertirai feulement
De ne pas trop m'approcher au moment.
Qu'on me promenera , car il pourrait t'en cuire...
( Par un Abonné. )
DS
82
MERCURE
.
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
CORRESPONDANCE particuliere du Comte
de Saint- Germain, Miniftre & Secrétaire
d'Etat de la Guerre , Lieutenant- Général
des Armées de France , Feld - Maréchal
au fervice de Danemarck , Chevalier de
l'Ordre de l'Eléphant ; avec M. Paris
Duverney , Confeiller d'Etat. On y a
joint la Vie du Comte de St- Germain
& plufieurs pieces qui le concernent. A
Paris , chez Buiffon , Imprimeur- Libr.
rue Haute-feuille, No. 20. 2 Vol. in- 8 °.
Prix , 7 l. 4 f. pour Paris , & 8 1. 4 S.
franes de port par la Pofte par tout le
Royaume.
LA
ረ.
A vie de M. de St- Germain eſt aſſez
connue ; & nous ne rappelons au fouvenir
du Public un Ouvrage qui ne lui fut pas
annoncé lorfqu'il parut , ni pour lui retracer
les événemens de cette vie , ni pour
réunir fous les yeux les traits d'un caractere
fingulier , bizarre , & par cela même
piquant ; mais pour indiquer une ſource
DE FRANCE. 8;
de plus dans laquelle on peut puifer des
notions exactes fur le Regne précédent ,
le dernier des Regnes defpotiques dont fera
fouillée l'Hiftoire de France .
En parcourant la Correfpondance de ce
brave Officier , on y trouve fouvent beaucoup
d'humeur , & cela était fort pardonnable
dans les pofitions épineules &
prefque toujours fubalternes où le retenait
le Miniftere , c'est - à - dire la Maîtreffe du
Roi , qui dominait les Miniftres & gouvernait
l'Etat & l'Armée ; mais on y
trouve auffi des idées fortes , lumineufes
originales , & qui font de plus en plus
comprendre comment M. de St-Germain
réuffiffait mal à la Cour. On y voit quelques
prédictions qui fe font accomplies ,
& des indications de réformes , adoptées
enfin par les progrès de la raiſon.
On y voit , par exemple , que ce Général
aurait voulu abolir la peine de mort pour
les léferreurs , dont la plupart , dit- il , méritent
plutôt la pitié que la rigueur. Il fenr-
»
ble en général que l'on ne doit punir les
" hommes que pour les corriger, & don-
" ner des exemples de terreur au Public
Ne peut on donc pas parvenir à ces
deux fins fans détruire l'humanité ? Jamais
perfonne ne s'eft avifé de tuer fon
cheval parce qu'il s'eft cabré : s'il n'eſt
pas propre à être monté , on le met à
la charrette , & on ne fe prive pas , par
33
"3
D 6
34
MERCURE
1
">
22
22
23
22
"
fon anéantiffement , d'un bien réel. Pourquoi
en agit on différemment avec les
hommes ? font-ils moins précieux , moins
utiles , & nous font-ils plus indifférens
que les bêtes « ?2
L'Ecole Militaire , dont M. Duverney
s'occupait beaucoup alors , fournit à M. de
Saint -Germain ces réflexions très-fenfées :
L'intérêt eft le grand mobile de la na-
» ture humaine , & il y a peu d'hommes
qui aient affez de fermeté & de vertu
pour faire le bien pour le bien feul ,
» fans aucune efpérance d'avantage. L'é-
» mulation manque totalement dans les
» Troupes du Roi rien ne l'y excite ; la
» durée de la vie y fait prefque tout le
» mérite. A quoi bon donc une éducation
» de Princes , & meilleure même que celle
des Princes , à de jeunes gens qui n'en
auront jamais befoin que pour fentir leur
fupériorité , & combien ils font déplacés ?
Tant que l'on ne donnera pas au mé-
" rite les premiers emplois des Corps , le
fervice languira ; il y a là - deffus un
exemple parlant dans les Troupes du Roi :
dans cent Régimens , il fera difficile de
» trouver fix bons Lieutenans - Colonels ,
» & encore plus fix mauvais Majors. La
Majorité eft donnée à la capacité , & la
Lieutenance - Colonelle à l'âge «.
»
و ر
/ 33
ود
20
Mais avec toute fa raifon , le bonhomme
payait le tribut au préjugé de la Nobleſſe
DE FRANCE. 81
ود
il convient bien que la Nobleffe pauvre ,
mal élevée faute de moyens , vaut encore
moins que les Bourgeois ; mais il ajoute
en vrai féodal : A la bravoure & aux fentimens
d'honneur près . On ne prend plus la
peine de réfuter ces billevefées nobiliaires.
On confulte fa mémoire , on regarde autour
de foi , & l'on fourit. On pourſuit
fa lecture , & quelques pages plus loin on
trouve des exemples affez finguliers de ces
fentimens d'honneur. » J'ai vu entre les
.mains d'un Marchand de Mulhaufen
» un billet d'Officier qui en avait acheté
à crédit plufieurs douzaines de mou-
» choirs , & qui , pour ne pas payer &
» n'être pas connu , avait figné un faux
» nom , & ajouté , Valet de chambre d'un
» Général qui n'avait jamais exiſté ……..
" Des Officiers ont fait faire fous mon
" nom , chez un Sellier , des harnois pour
plus de 400 liv. Les Officiers faifaient
eux- mêmes, marauder les Soldats , & en
vivaient. Quand on veut que la Troupe
foit bien difciplinée , on lui donne de
quoi vivre. L'Officier & le Soldat qui
» n'ont jamais un fou , volent , & cela eft
» tout fimple «.
و ر
>>
Pas fi fimple , pourrait - on répondre.
Que l'Officier Français ne vole point quand
rien ne lui manque , il n'y a pas grand
fentiment d'honneur à cela ; il y en aurait
à fouffrir le mal-aife , & même le befoin
86 MERCURE
fans defcendre jufqu'à la maraude & aux
plus baffes friponneries. Si l'Officier , dans
les mêmes circonftances , fait les mêmes
chofes que le Soldat , où eft fa fupériorité
réelle ? Pourquoi donc M. de St- Germain
ravale - t - il quelquefois fi bas le Soldat ?
Pourquoi va-t-il jufqu'à le placer, dans quelques
phrafes , au deffous des Valets mêmes
de l'armée , comme il le fait dans celle- ci :
Nous avons perdu beaucoup de traîneurs
& de pareffeux , tant en Officiers
& chevaux , que Valets & Soldats « ?
Cette claffification eft peut-être irréfléchie ;
mais , dans un homme d'efprit , une diſtraċtion
de cette force eft affez furprenante.
Pour la faire oublier , citons un mot auffi
jufte qu'énergique dit par M. de Saint-
Germain pendant l'abfurde & malheurenfe.
campagne de 1758. " Pourquoi , s'écriat-
il un foir , n'exifte t - il pas une Puiffance
capable de bien étriller « ( il accompagna
ce mot d'un mouvement de bras trèsexpreffif
) , de bien étriller les Souverains
ע
D
qui rendent de malheureux Peuples les
» victimes de leurs pations & de leurs
» haines Pourquoi , par exemple , le
Payfan de la plaine de Cologne , dent
» nous mangeons le blé en herbe , eft il
ainfi ruiné , parce que l'Impératrice-
» Reine de Hongrie , l'Impératrice de
Ruffie , & le Roi de France, leur allié ,
» font en colere contre les Rois de Prufle
» & d'Angleterre « 2
DE FRANCE.
87
Nous touchons au moment où les Payfans
ne laifferont plus manger leur blé en
herbe pour la colere des Rois ; & fans recourir
au gefte éloquent de M. de Saint-
Germain , la puiffance de l'opinion publique
fuffira pour étriller tous les Defpores ,
dès qu'elle empêchera les Nations de les
aider à s'étriller entre eux.
( G………….. )
OPUSCULES POÉTIQUES , par Michel
Métrophile.
In tenui labor.
AParis , chez Cailleau & fils , Lib- Imp.
rue Galande , Nº. 64.
麻
LE Métrophile , c'eft - à - dire l'Ami des
Vers , Auteur de ce petit Volume , eft M.
de Cubieres , qui , dans un temps où l'on
n'écrit plus guere qu'en Profe , tient bon
pour la Poéfie. Les Pieces que nous y
avons diftinguées , font , fa Confeffion fur
quelques Poëtes vivans , les Etats - Généraux
de l'Eglife , les Journaux d'à préfent , la Cour
de l'Aigle, les Aveux du Comte Grifolin, &c.
La premiere eft une fuite de cent Quatrains
, à la louange d'autant de Poëtes:
vivans. Ils plairont plus ou moins au Public ,
38 MERCURE
à proportion de la jufteffe des jugemens
qu'ils renferment , & de la maniere plus
ou moins heureufe dont ces jugemens y
font énoncés . Quant aux Poëtes que l'Auteur
y apprécie , il rifque ( faut- il le lui dire ? )
de n'avoir fatisfait aucun d'eux. L'amourpropre
poétique eft fi peu commode , que
quelque favorablement que foit traité dans
chaque Quatrain , celui qui en eft l'objet
l'éloge lui paraîtra peut - être modique
tandis que les quatre- vingt- dix-neuf Confreres
le trouveront excellif.
Voici ceux de ces petits éloges qui nous
ont paru les plus heureux :
M. Berquin.
Sa plume agréable & féconde
Inftruifit aux vertus les Citoyens naiffans :
Il fe dit l'ami des enfans ,
Il doit l'être de tout le monde ..
M. le Brun.
Quand d'une voix fublime & tendre
De les vils détracteurs il a vengé Buffon ,
N'avez-vous pas cru voir, & fouvent même entendre,
Pindare défendant Platon ?
M. l'Abbé de Lille..
De leurs dons trop fouvent avares ,
Sur ce Poëte , à pleines mains ,
Les Muſes ont verfé les faveurs les plus rares..
Tout cft fleur dans fes vers comme dans nos jardins..
DE 89
*
FRANCE.
M. le Mierre.
Ses tragiques tableaux ont honoré fa vie ,
Et doivent le rendre immortel ;
C'est avec la fleche de Tell
Qu'il vient de terraffer l'Envie.
M. Roucher.
Quand il peint les Saifons l'une à l'autre enchaînées,
Sa Mule du Printemps emprunte les couleurs ,
De l'Automne les fruits , de l'Eté les chaleurs.
Il a chanté les Mois , pour vivre des Années .
Nous ne citerons des autres Pieces , où
l'on reconnaît en général la touche facile
de l'Auteur , que celle qui a pour titre ,
l'Affemblée de Sorbonne , ou les Etats- Généraux
de l'Eglife. Ces Etats font convoqués
pour condamner , par un jugement définitif ,
trois Ecrivains très- coupables du crime de
leze- Sorbonne , Buffon , Voltaire & J. J.
Rouffeau. Un Auguftin eft chargé de lire
l'Hiftoire Naturelle , & d'en faire fon rapport
; un Carme , d'examiner & d'accufer
Rouffeau ; & le fort de Voltaire eft remis
à un Jacobin.
Qu'arrive- t-il ? c'eft que chacun d'eux ,
en lifant , en méditant l'Auteur qu'il a promis
de confondre , fe fent confondu luimême,
ou plutôt ému , perfuadé , enchanté ,
au point que tous les trois ne font leur rap-
11.
90 MERCURE
port à l'Affemblée que pour louer les trois
coupables. L'enfant de Dominique parle le
dernier , & prend ainfi la défenfe de ce
Grand Homme , dont un triomphe folennel
vient de venger la mémoire :
Voltaire eft à vos yeux un perfide , un rebelle ;
Mais qu'il raille avec grace , & que la vérité
Qu'il nous offre fouvent fous un mafque emprunté
,
A bien l'art de convaincre , & fur- tour de féduire !
Pope me fait penfer , Lucien me fait rire ;
Je trouve dans Voltaire & Pope & Lucien,
Quel ftyle cft plus piquant , plus léger que le fien ?
Il verfe à pleines mains le fel de l'Atticifine
Sur les fots préjugés , peres du Fanatiſme :
De leurs vieilles erreurs il guérit les mortels ,
Et de l'intolérance il brife les Autels .
Peut-on à l'Univers rendre un plus beau ſervice ?
Depuis que je l'ai lu , que j'ai honte da vice !
Que je hais & maudis la fuperftition ,.
Souvent prife par nous pour la Religion !
Je fus Prêtre jadis , je ceffe enfin de l'être.
Pour remplir dignement les faints devoirs d'un
Prêtre ,
J'ai trop peu de vertus : mon efprit tout charnel
Ne rêve en ce moment qu'à cette Agnès Sorel
Dont je viens d'admirer la peinture charmante :
Son image en tous lieux me fuit & me tourmente.
DE FRANCE.
Je fuis las de tromper les crédules humains ,
Et je fais mes adieux aux Peres Jacobins.
Un Moine Philofophe ! un Moine aimer Voltaire !
L'abomination eft dans le Sanctuaire ,
S'écrie au même inftant le Syndic courroucé :
Ainfi du Saint des Saints l'Autel eft renverſé ………….
Un jeune Picpuffe eft de l'avis du Jacobin ,
& veut fuivre fon exemple ; un Cordelier ,
un Feuillant fe révoltent auffi contre le
Sénat Sorbonique le Préfident fe fent
gagné lui- même ; & toute la Sorbonne eft
enfin convertie & ramenée à la raiſon,
Ainfifoit-il!
( G ...... )
A VIS.
Lafuppreffion momentanée à laquelle nous
fommes forcés , dans la partie Littéraire de
ce Journal , nous empêche d'y donner, d'ici
à quelques femaines , la Notice des Spectacles.
Dès qu'il nous fera poffible , nous rendrons
compte de toutes les Nouveautés qui
auront paru dans cet intervalle.
S:
92 MERCURE
NOTICE S.
Petite Bibliotheque des Théâtres , Tomes X ,
XI , XII & dernier de la 6e . Année de cette
Collection. A Paris , chez Belin , Lib . rue Saint-
Jacques , près St - Yves ; & chez Brunet , Libr .
rue de Marivaux , près le Théâtre Italien .
Ces trois Volumes contiennent les Pieces choifies
de Deftouches , de la Forêt & de Collé , avec
la Vie de ce dernier. Cette entreprife , qui s'eft
continuée avec fuccès jufqu'à fon quatre- vingtieme
Volume , & que nous avons toujours annoncée
avec éloge , à fouffert , dans les dernieres
Livraifons , des retards qu'il ne faut attribuer
qu'aux circonftances de la Révolution . C'eft ce
que nous apprennent les Rédacteurs dans un Avis
qu'ils ont mis au devant du dernier des trois
Volumes que nous annonçons. L'incertitude ou
ils font même de pouvoir mettre plus de célérité
dans les Livraiſons qui leur reftent encore.
les détermine à inviter leurs Soufcripteurs à faire
feulement la foumiffion de prendre les vingtquatre
ou vingt- huit Volumes qu'ils ont à leur
offrir pour compléter leur Collection , fans leur
en envoyer le prix d'avance . On ne tirera les
Exemplaires qu'au nombre des Soufcripteurs qui
auront fait cette foumiffion ; & elle doit étrë
adreffée , franche de port , chez l'un ou l'autre
des deux Libraires indiqués ci- deffus , avant le
premier Janvier prochain , & être conçue en ces
termes , & fignée .
20
» Comme ancien Soufcripteur de la Petite
Bibliotheque des Théâtres , je m'engage à
prendre les vingt-quatre ou vingt- huit VoluDE
FRANCE. 95
•
» mes qui doivent terminer cette Collection , &
» promets payer chacune des Livraiſons , à me-
» fure que je les recevrai , au prix de la Soufcrip-
» tion. Fait à .......
La Soufcription eft de 33 liv . pour Paris , &
de 38 livres pour les autres Départemens du
Royaume , & pour l'Etranger , pour douze Volumes
par an , francs de port.
>
- Ceux des Soufcripteurs auxquels il manquerait
quelques Volumes , quelques Portraits d'Auteurs ,
& des premieres Années de cette Collection
font auffi invités à en faire la réclamation avant
le premier Octobre prochain , temps où l'on les
complétera gratis , & paflé lequel ils ne feront
plus admis a fe compléter , même en payant les
objets qu'ils réclameraient . Les Soufcrip curs qui ,
par abfence ou autrement , auraient négligé de
fuivre leur Soufcription , font prévenus qu'ils
ne pourront fe procurer aucune Année féparée
palé le premier Janvier prochain , époque à laquelle
la Soufcription fera rigoureuſement fermée .
Feuille de Correfpondance du Libraire , ou Notice
des Ouvrages publiés dans les différens Journaux
qui circulent en France & dans l'Etranger ,
& par le moyen de laquelle il mer fes Correfpondans
au courant des Nouveautés , fans fe
donner la peine de les recueillir.
Cette Feuille paraît toutes les femaines ; elle
contient l'annonce de tous les Ouvrages publiés
pendant la femaine , avec le prix ; & quoique les
adreffes n'y foient pas , les Libraires des Départemens
& de l'Etranger peuvent toujours s'adreffer
àleurs Correfpondans , attendu que ceuxci
font à même de les fatisfaire.
94 MERCURE
1
On s'abonne chez Aubry , Libraire & Editeur
de cette Feuille , rue de la Monroie , N°. 5.
Le prix de l'Abonnement eft de 4 liv . 10 fous
les trente feuilles ou 480 pages d'impreffion , pour
Paris , & de 6 livres pour les Départemens. On
préfume que l'impreffion de ces 480 pages pourra
durers à 6 mois à s'exécuter .
De tous les Journaux Bibliographiques qui ort
fucceffivement annoncé les Nouveautés typographiques
, celui que nous publions a le plus d'étendue
, & il réunit à l'avantage d'être peu difpendieux
, celui d'être concis , méthodique , &
de préfenter en peu de mots la quinteffence des
jugemens que nos meilleurs Journaliſtes ont porté
des Ouvrages qu'ils annoncent : dans un moment
où la liberté de la proffe échauffe tous les Ecrivains
, un Journal uniquement confacré à annoncer
leurs Productions , eft véritablement précieux
; auffi nous empreffons - nous de le faire
connaître & aux Gens de Lettres , qu'il fert d'une
maniere toute particuliere , & aux Libraires , dont
il facilite les opérations par un procédé auffi
fimple qu'ingénieux.
Confultation de douze Avocats du Parlement
de Paris , du 1er . Février 1790 , fur l'état de
l'Eglife Métropolitaine d'Utrecht , la conduite
qu'elle doit tenir , & l'affiftance qu'elle a droit
d'attendre des Evêques & des Souverains contre
l'oppreffion de la Cour de Rome ; nouvelle édit.
augmentée de l'Indication des Réquifitoires , où
l'on trouve la doctrine du Royaume fur les limites
de l'autorité du Pape en France . Prix , 36 fous ,
& 2 liv. 8 f. franc de fort pour tout le Royaume.
▲ Paris , chez Leclerc , Lib. rue St - Martin , près
celle aux Ours , Nº . 254.
DE FRANCE.
Il y a peu de circonftances où la réimpreffion
de cet Ouvrage foit plus utile que celle où nous
nous trouvons. On l'imprima pour la premiere
fois en 1786 pour juſtifier les réformes de l'Empereur
Jofeph II , & du Grand-Duc de Tofcane.
On le réimprime aujourd'hui pour juftifier
celles que les Repréfentans de la Nation Françaiſe
viennent d'opérer bien plus en grand.
On verra dans cette belle & favante Confultation
les voeux de nos derniers Conciles & de
tous les grands Hommes les plus éclairés de ce
dernier temps , pour la fuppreffion des abus de
la Difcipline Eccléfiaftique & le retour de la primitive
Eglife . Nous ne pouvons qu'engager tous
nos Lecteurs à fe procurer cet excellent Ouvrage.
Au Porte-feuille Anglais , rue Dauphine , No. 26,
à Paris.
Le Sieur Salmon a l'honneur de prévenir que
l'on trouvera dans fon Magafin un très - grand
affortiment de Boîtes peintes & garnies ; de Papier
tant uni qu'à vignettes & bordé ; Enveloppes
garnies , peintes , & c.; Cire & Pains de toutes
couleurs du plus beau luifant.
Boîtes de Crayons , de Paſtels & autres , de
toutes couleurs , Mine de plomb , tre. qualité ;
Gomme élastique . Elles feront garnies de papier
vélin & autres ivoirés , du plus bel apprêt.
Boîtes de couleur en pains pour le lavis , garnies
de Crayons , Pinceaux , &c .
Il a reçu une affez bonne quantité de Papier
très- tranfparent , pour calquer , qui n'a ni les
défauts ni l'odeur du vernis , & huilé . Il eſt très96
collé
, ce qui donne
la facilité
de lever
les deffins
à la plume
.
MERCURE DE FRANCE.
L'on trouvera des Pupitres , Ecritoires & Néceffaires
de toutes formes , en bois des Ifles &
autres ; Porte - feuilles fermant à clef ; Serrures
de sûreté avec des divifions étiquetées pour les
Affignats , depuis 5 liv. jufqu'à 2000 liv.; Porte- S
feuilles à foufflet ; Ecritoires rabattans & autres ,
dits roulans, dont la forme eft des plus commodes .
Il a reçu un envoi confidérable de Cire d'Hollande,
ire. qualité , & autres , qu'il peut paffer à
bon compte , auffi bien que de très -fortes & belles
Plumes qu'il apprête à la maniere Hollandaife ,
dent le prix eft beaucoup moindre , en ce qu'il
les manufacture lui-même. Elles font parfaitement
dégraiffées , & très-bien taillées.
Il prévient que toutes fes Marchandiſes feront
cotées au prix le plus jufte & fixe; que l'on peut
venir, écrire , ou envoyer avec la plus grande
confiance dans fon Magafin , & l'on n'aura pas
le défagrément de marchander.
Manufacture d'Encre approuvée par l'Académie
Royale des Sciences , à 2 liv . 8 f. la pinte , luifante
; & 2 liv . double , ire . qualité.
Encriers concentrés, dits fans fin , 5 , 9 & 12 liv.
Encre fympathique.
PITRE.
TABLE.
Charade, Enig. Logog.
Correspondance.
731 Opufcules poétiques.
80 Notices .
821
87
92
Jer : 135..
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 AOUT 1791 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE .
A DIEUX
A MON FILS , âgé de cinq ans.
: Sur l'Air Viens repofer contre mon coeur.
APPROCHE de moi , cher Enfant
Viens , dans mes
bras que je te ferre ,
De te quitter voici l'inftant ; }
Reçois les Adieux de ton Pere .
Au fein, même qui t'a nourri
Je te laiffe avec confiance ;
De ta Mere jours chéri , ( bis )
Confole- la de mon abfence .
N°. 35. 27 Août 1791 . E
98
MERCURE
Du fuccès de fes tendres foins ,
Je reviendrai jouir encore ,
Et pourrai cultiver du moins
Les germes qu'elle fait éclore .
Pardonne quand tu me verras
Prendre avec toi le ton févere ;
Un jour toi-même tu plaindras ( bis )
L'Enfant qu'aura gâté fon Pere.
JE crains fur- tout pour toi le temps .
Où d'une jeuneſe bouillante
On voit quelquefois les penchans
Etouffer la raifon naiffante .
Ah ! puiffe le goût des talens
S'emparant de ton ame entiere
A la fougue des jeunes ans ( bis )
Ouvrir une utile carriere !
MALGRÉ nos foins , il faudra bien
Que tu faffes quelque imprudence ;
A ton Pere ne cache rien ,
Et compte fur fon indulgence.
Garde long- temps corte candeur
Que la moindre injuftice étonne ;
Sois cent fos dupe de ten coeur , ( bis )
Plutôt que d'abufer perfonne.
FISKICERICA
BEA
MONZORESS
DE FRANCE. 99
SANS trop regretter les faveurs
D'une aveugle & folle Déeffe ,
Souffre qu'elle difpenfe ailleurs
Et les honneurs & la richeffe.
L'eftime eft un plus digne prix :
Il faut qu'à bon titre on l'obtienne :
Ah ! quoi qu'il t'arrive , ô mon Fils ! (bis )
Conferve au moins toujours la tienne .
C'EST à l'école du malheur
Que l'homme fouvent devient fage ;
S'il faut qu'il foit ton Précepteur ,
Soutiens l'épreuve avec courage.
Mais puiffe à de plus doux moyens
Le fort fe borner pour tinftruire !
Puiffent d'autres maux que les tiens , (bis)
A te rendre fage fuffire !
De la fortune cependant
Tu connaîtras quelques caprices
De l'envieux & du méchant ,
Tu fentiras les injuftices.
Mais il eft deux biens que jamais
De t'arracher rien n'eſt capable :
C'eſt avec toi de vivre en paix , ( bis )
Et d'être utile à ton femblable.
E 2
100 MERCURE
D'UN Dieu bon , jufte & tout-puiffant ,
Sois un adorateur fidele ;
Crois qu'il t'obferve à chaque inftant ;
Crois que ton ame eft immortelle.
Des peines qui doivent finir
Tu craindras bien peu la bleffure ,
Si d'un éternel avenir , ( bis )
L'efpoir confolant te raffure .
L'AMOUR honnête & vertueux
Peut de fleurs orner notre vie ;
L'amour imprudent & honteux
Peut nous conduire à l'infamic .
Puiffes-tu long- temps mettre un frein
A cette paflion rebelle !
Et puiffe un fage & doux lien ( bis )
Te rendre enfia heureux par elle !
Ou l'on connaît la Liberté ,
Il faut favoir mourir pour elle ;
La Loi veut un nom refpecté ;
Ah jamais ne lui fois rebelle .
Quel que foit le Gouvernement
Dont tu vois la forme établie ,
Un invincible fentiment ( bis )
Te dit de chérir ta Patrie .
DE " FRANCE.
MAIS diftingue le mouvement
D'un pur & vrai Patriotiſme ,
Du zele faux & turbulent
D'un ambitieux Fanatifme.
Laiffe d'avides Courtifans >
Le Démagogue incendiaire",
Soit au Peuple , foit aux Tyrans , ( bis )
Offrir un encens mercenaire .
Ан ! puiffai- je avoir le bonheur
De te voir fermer ma paupiere !
Puillai-je après moi dans ton coeur
Laiffer une image bien chere !
Que les défauts même que j'eus
Te foient un avis falutaire ;
Surpaffe les faibles vertus , ( bis )
Evite les torts de ton Pere.
( Par M. R... à Fougeres. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent..
Le mot de la Charade eft Soucoupe ; celui
de l'Enigme eft Silence ; & celui du Logogriphe
et Baffinoire, où l'on trouve Ris , Or,
Ire, Baffe , Bafon, Si, Ré, Roi , Ane, Rofe ,
Soie , Oie , Soir.
102 MERCURE
CHARADE.
SUR la table d'un Financier ,
Dans fa primeur on trouve mon premier ;
Las de chardons , un courfier d'Arcadie
Avec plaifir favoure mon dernier ;
De prux fainéans , la taill rebondie ,
Ne s'entretient qu'aux frais de mon entier.
( Par M. G ... D. . )
ÉNIGM E.
Qu'on ceffe de vanter les Zeuxis , les Apelle ;
Ils darent leurs fuccès à trente ans de travaux ;
Plus habile qu'eux tous, fans couleurs ni pinceaux,
Je rends , & fur le champ , trait pour trait , mon
modele .
Ce n'eft pas là , Lecteur , mon feul talent ;
Lis jufqu'au bont , & tu vas me comprendre.
On rae confulte très-fouvent ,
Et fans pouvoir parler , je fais me faire entendre ; ¨¨
J'ai l'avamage fans égal
De préfider à la toilette
De l'Elégant , de la Coquette ;
Un bonnet va-t - il bien ou mal ?
Pour le favoir, c'eft à moi qu'on s'adreffe :
DE FRANCE. 103
Et d'après mes avis , on fait , défait , redreſſe ;
Dès que je parle , auffi- tôt on me croit ;
En dépit de maint Fat , je fuis toujours fincere.
J'ai de plus , il ne faut rien taire ,
Une qualité finguliere :
Je ne puis voir perfonne , & qui me voit , fe voit.
( Par M. Pannelier fils. )
LOGOGRIP HE.
RÉFLÉCHIS , cher Lecteur , à ce que tu vas life ;
Nous marchons toujours deux à deux ,
Ici (cela vaut bien ce que je pourrais dire )
In naturalibus je me montre à tes yeux :
En changeant mes dix pieds d'une ou d'autre maniere
,
Tu verras un outil qui fert au Bûcheron ;
Ce qu'on aime autant que fa mere ;
Un endroit couvert de gazon ;
Ce qui quelquefois importune ;
L'endroit où les Héros effayaient leur valeur ;
L'animal qui trompa notre mere commane ;
Enfin ce que foutient bien ou mal un Docteur.
Par M. Prévost de Montigny. )
E 4
104
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
DE la Souveraineté du Peuple , & de l'excellence
d'un Etat libre; par Marchament
Needham; traduit de l'Anglais , & enrichi
des Notes de J. Jacques Rouffeau ,
Mably, Boffuet, Condillac, Montefquieu,
le Trofne , Raynal , &c . &c . &c . ; par
Théophile Mandard .
Il faut faifir la circonstance de l'événement
préfent pour monter les ames au
ton des ames antiques.
J. J. Rouss. Gouv. de Pologne.
2 Vol. in-8°. Prix , 6 liv. br. & 7 liv.
francs deport par la Pofle. A Paris, chez
la Pillene , Libraire , Hôtel Bouthillier ,
rue des Poitevins.
PREMIER
EXTRAIT.
L'AUTEUR
'AUTEUR de cet excellent Ouvrage
le publia fous le Protectorat de Cromwel.
Il foutint l'excellence d'un Etat libre au
moment où les Anglais , délivrés d'un Roi
qu'ils haïffaient , fe croyaient libres , parce
DE FRANCE. ios
que leur Tyran n'avait pas pris le titre de
Roi. Needham , en pofant en principe la
Souveraineté du Peuple , Hartait la paffion
qui dominait alors parmi fes Compatriotes ;
mais il devait en même temps , & par la
théorie même qu'il établiffait , leur faire
fentir que leur paffion fe contentait à peu
de frais , & qu'ils étaient encore bien loin
de la jouiffance.
Aujourd'hui que nous en fommes plus
près que les Anglais ne l'étaient alors , il
nous importe extrêmement de ne pas nous
y abandonner en aveugles , & d'en connaître
en quelque forte l'art & la théorie.
Perfonne ne l'a établi avec plus d'ordre &
de méthode que Needham. Suivons-le dans
fes divifions & fes fubdivifions . Comme en
parlant d'un Peuple libre , il a fur - tout
en vue un Peuple qui a récemment conquis
la Liberté , nous nous reconnaîtrons
fouvent dans fes tableaux , & nous n'en profirerons
que mieux de fes préceptes .
Il prouve d'abord par quatorze raifons
que le Peuple, ou plutôt les Citoyens choifis
fucceffivement pour repréſenter le Peuple ,
font les meilleurs gardiens de la Liberté.
I.Le Peuple ne penfe jamais à envahir
les droits d'autrui il ne s'occupe que des
moyens de conferver les fiens .
II . C'eft au Peuple feul qu'il importe de
veiller à ce que l'autorité foit telle , qu'elle
Es
1106 MERCURE
devienne plutôt un fardeau qu'un bien réel
pour ceux qui en font revétus , & qu'ils
y trouvent des avantages fi modérés , qu'ils .
ne piffent jamais exciter l'envie.
III . Le Peuple , au moyen du choix fucceffif
de fes Repréfentans dans les grandes
Affemblées , conferve la Liberté ; parce
que dans les Sociétés civiles , comme dans
les Corps politiques , le mouvement empêche
la corruption.
IV . Cette fucceffion du Pouvoir fuprême
non feulement empêche la corruption , mais
encore détruit l'efprit de faction ( cette pefte
des Républiques ) , qui fe forme un intérêt
féparé & contraire à celui de l'Etat. Avant
que de réuffir dans leurs projets , les factieux
, pour s'affurer de leurs moyens &
de leurs créatures , font obligés de diffimuler
, afin d'écarter fourdement , & avec
adreffe , tous ceux qui leur font oppotés ;
il faut à ces factieux , avant d'éclaier , un
certain laps de temps or la révolution
fucceffive du Pouvoir dans les mains des
Repréfentans du Peuple , eft un fol mouvant
qui renverfe tous les projets conçus par
l'ambition ou par la tyrannie.
Ve. Cette fucceffion eft un obftacle à
l'ambition des particuliers , à toutes les
tentarions de l'intérêt perfonnel. Il faut du
temps pour réuffir dans les deffeins que
l'on a formés pour créer ou pour encourager
un parti : il faut que ces delfins
DE FRANCE. 107
reftent long-temps dans un état de fermentation
, fi l'en veut atteindre le but défiré .
C'eft ce que ne leur permet pas la fucceffion
rapide & continuelle du Pouvoir fuprême.
VI . Un Etat libre eft préférable à un
Etat gouverné par les Grands & les Rois ,
& le Penple peut êtré regardé comme le
meilleur gardien de fa Liberté , parce que
le but de tout Gouvernement eft ou doit
être le bien & la tranquillité du Peuple ,
& la jouiffance affurée de fes droits , fans
contrainte ni oppreffion . Un Peuple libré
peut , avec plus de fageffe & de puiffance
que les Grands & les Rois , recourir aux
remedes qui conviennent à fes maux pour
en diminuer les excès , les fupporter avec
fierté , les vaincre par fa conftance , ou les
furmonter par fon courage .
VII . Les Affemblées fuprêmes & fucceffives
du Peuple font les meilleurs moyens
d'entretenir la Liberté ; par cette raifon
que dans tous les autres modes de Gouvernement
, les feuls qui puiffent y avoir
accès , font ceux qui confentent à le prêter
à la volonté & au moindre caprice du
Prince , ou ceux qui entrent , ou comme
Intéreflés , ou comme Agens , dans quelque
faction puiffante. Dans un Gouvernement
populaire , la porte des dignités eft , au
contraire , ouverte à tous ceux qui parviennemt
jufqu'au feril par les degrés du mé-
E 6
108 MERCURE
rite & de la vertu ; & c'eft ce que produit
dans les Etats libres cette noble & généreufe
émulation qui nous fait concevoir
les plus beaux deffeins , & qui nous porte
aux actions les plus héroïques.
(Cela eft vrai dans les Etats où tous
les honneurs dépendent du choix du Peuple
ou de fes Repréfentans ; mais lorsque,
Tous le nom de Pouvoir exécutif, on a établi
un Pouvoir rival , il faut bien mettre entre
ce Pouvoir & le Souverain , un mur que
la faveur & la corruption ne puiffent franchir.
L'exclufion des dignités donnée aux
Représentans du Peuple , eft un mal peutêtre
, mais qui vient d'un autre mal , & qui
en prévient un plus grand. )
VIII . Les Alfemblées des Repréfentans
du Peuple font feules capables de conferver
la Liberté , parce que c'eft le Peuple
feul que cette Liberté intéreffe. Dans toute
autre effece de Gouvernement , l'intérêt
continuel & l'attention particuliere des
Rais & des Grands , eft de laiffer ignorer
au Peuple en quoi confifte la Liberté ;
attentifs à ne lui laiffer que l'apparence
trompeufe de ce grand bien , ils lui en derobent
la réalité , il n'en connaît que le
nom....
IX . On doit préférer un Erat libre ,
parce que, fous cette forme de Gouvernement
, le Peuple eftmoins adonné au luxe
que ne le font des Nations foumifes à des
DE FRANCE. 109
Rois & à des Grands : or , par-tout où le
luxe s'introduit , on voit auffi la tyrannie.....
La liberté du Peuple fe trouvera plus,
ferme & plus conftante dans un Gouvernement
, à mesure que fes Chefs feront
moins expofés aux attraits du luxe .
X°. Le Gouvernement du Peuple eft fupérieur
à toute autre forme d'Adminiftration
, parce que dans un Etat libre , le
Peuple fe diftingue par plus d'activité , de
magnanimité , de nobleffe & de fentiment
dans le caractere , que fous toute efpece de
Pouvoir permanent . Le Peuple acquiert ces
qualités par les fervices qu'il rend à l'Etat
dans les affaires publiques , & par la certitude
où il eft que fa fortune eft à l'abri
des atteintes du Pouvoir arbitraire ....
Un Citoyen vertueux , brave , ſavant , eftil
récompenfé & élevé aux honneurs & aux
emplois le Citoyen s'en félicite par l'efpérance
d'y parvenir à fon tour , quand il
aura acquis le même degré de mérite.
XI. Dans un Etat libre , les Décrets
n'ayant de force que par le confentement
du Peuple , il fe trouve hors des atteintes
de la tyrannie & des difpofitions arbitraires
d'une autorité ufurpée : le Peuple connaît
parfaitement les Loix auxquelles il s'eft
foumis. La participation qu'il a dans l'établiffement
de fes Loix , &' la févérité des
peines infligées contre ceux qui les violent,
e rend inexcufable quand il a commis une
ute; il s'y foumet plus volontiers.
110 MERCURE
Dans ce paragraphe , Needham cite un
mot de Jacques I , qui prouve combien il
eft important que le Peuple nomme & fes
Juges & fes Evêques. » Tant que j'aurai ,
difait ce Roi ,, le pouvoir de nommer les
Juges & les Evêques , je fuis affuré d'a-
" voir des Loix & un Evangile qui me
plairont ".
و ر
"
XII . La forme d'un Etat libre eft plus
convenable à la Nature & àla faine railon;
F'homme , comme le dit Cicéron , et une
créature noble , née avec des difpofitions
qui le portent plutôt à commander qu'à
obeir. Il y a en lui un défir naturel de la
Souveraineté ; ainfi la raifon pour laquelle
un homme confent à fe foumettre au Gouvernement
d'un autre , n'eft pas qu'il a
moins de droits que lui au commandement
, mais parce que peut- être en feraitil
moms capable , ou penfe-t-il qu'il eft
plus convenable pour lui & pour la Société
dont il e c Membre , de fe laifler gouverner
par un autre. D'où il fuit naturellement
, 1. que la Nature enfeigne au Peuple
à definer & à choisir cette forme de
Gouvernement fous 1 quelle il prétend
vivre ; 2 °. que perfonne ne doit tenir les
rênes du Gouvernement , que celui que le
Peuple aura choifi ; 3 ° . que le Peuple eft
le feul Jnge compétent des avantages ou
des inconveniens du Gouvernement , & de
la conduite des Chefs qu'il s'et chois.
C
DE FRANCE. • IIL
Ces trois inductions ne font qu'une application
de cette maxime : Que le Peuple eft
la fource de la fouveraine Puiffance ; que le
Pouvoir fuprême réfide en les mains , &
qu'il eft lui -méme fon propre Légiſlateur.
Si donc un Etat libre gouverné par le
Peuple , c'est - à - dire par fes Repréfentans
fucceffifs dans fes Alfemblées fuprêmes ,
et le plus convenable & le plus naturel ;
il en refulte que le Gouvernement où le
Pouvoir réfide entre les mains d'un feul ,
ou dans celles d'un certain nombre , affemblé
fous le nom de Sénat , eft contraire
aux principes de la Nature on doit le
regarder comme l'invention de quelques
Grands, qui, voulant fatisfaire leur orgueil
ou leur ambition défordonnée , s'efforcent
d'opprimer le re e des Citoyens par le plus
infupportable efclavage.
XIII . Les Etats libres offrent moins
d'occafions d'opprimer & de tyrannifer le
Peuple , que toutes les autres formes de
Gouvernement. Dans un Etat libre , le
premier objet et de mettre la plus grande
égalité entre tous les Citoyens , afin d'empêcher
qu'un ou plufieurs individus ne
puiffent acquérir un trop grand pouvoir ,
& que qui que ce foit ne puiffe ufurper
des droits & une autorité qui détruiraient
cette harmonie fi néceffaire au maintien &
à la confervation d'une parfaite égalité fans
Laquelle la Liberté n'et qu'un nom .
Par ce
112 MERCURE
moyen, le Peuple met fa liberté à l'abri des
empiétemens de fes propres Officiers . Il eft
en sûreté-contre tous les efforts & l'ambition
de ces petits Tyrans , habiles à ufur-.
per des prérogatives & tout ce qui tient
au Pouvoir & à la grandeur , pour s'élever
au deffus de leurs Concitoyens , à quelque
titre que ce foit.
XIV . Le Gouvernement du Peuple .
confié aux Aflemblées fuprémes & fucceffives
de fes Repréfentans , elt préférable à
tout autre ; parce que fous cette forme ,
tous ceux qui ont eu part aux affaires ,
font , après leur geftion , redevables au
Peuple de la comptabilité de leur Adminiftration
; & l'homme puiffant , rentrant
-bientôt dans la claffe des fimples Citoyens ,
eft foumis à toute la rigueur des Loix : or,
s'il a démérité & fubi quelque punition ,
ceux qui lui fuccedent ont néceffairement
moins de hardieffe ; ils abuſent avec moins
d'audace de leur autorité pour opprimer le
Peuple. C'eft ainfi feulement qu'on peut
fe mettre à l'abri de la tyrannie , qu'on
détruit celle qui paraît la mieux affurée ,
que l'on étouffe celle qui eft encore dans
fa naiffance , & qu'on s'en affranchit pour
toujours.
Après avoir appuyé ces raifons de tous
les exemples que peut fournir l'Hiftoire ,
tant Ancienne que Morne, l'Auteur , dans
fa feconde Partie , paffe en revue les objecDE
FRANCE. 113
tions que l'on peut faire contre fon principe.
و
1re. Objection . Un Gouvernement libre
met tous les hommes de niveau , & tend
à établir la confufion des rangs & des fortunes.
-Réponse . Cela peut être pris dans
un fens favorable & être appliqué avec
vérité à une Conftitution libre ; mais dans
le fens contraire , il n'eft pas vrai que
cette Conftitution confonde les fortunes ,
puifqu'elle protége éminemment les pro-,
priétés. Il n'eft pas vraisemblable de fup-
> pofer qu'un Corps auffi bien choifi que
celui des Repréfentans d'une Nation , s'accorde
à détruire les intérêts & les dreits du
Peuple. D'un autre côté , tous les Décrets
n'ayant de force qu'autant qu'ils feront revêtus
, au moins tacitement , du confen-
-tement général , l'intérêt public ne peut
qu'être bien défendy contre toutes les difpofitions
arbittaires.
Ainfi toute autre maniere de gouverner ,
oppofée à celle - ci , établit elle- même ce
niveau déteftable , en ce qu'elle foumet les
droits de tous les hommes à la volonté d'un
feul cu d'un petit nombre ; ce qui produit
ce defpotifme , qui , fe créant une prérogative
fans limites comme fans reſtriction ,
devient le fléau de la propriété.
2. Objection. Le Gouvernement du
Peuple caule prefque toujours le trouble
& la confufion , par le droit que chaque
114 MERCURE
Citoyen poffe de de voter dans les Affem
blees folennelles , & par celui qu'il a d'être
choifi à fon tour. - Réponse. Il faut , dans
un Etat Libre , confidérer deux chofes :
1°. s'il eft bien conftitué , & fi étant felidement
établi , tous fes Membres font fuppoiés
favorifer cet établiffement ; 2 °. ſi cet
Etat et encore à fon berceau
, au fortir
d'une guerre civile , civile & fi les débris de l'ancien
Gouvernement fubfiftent ; enfin , s'il fe
trouve encore beaucoup de Citoyens qui fe
déclarent les ennemis de la Conftitution
naiffante.
En premier lieu , il eft inconteſtable que
tous les Membres d'un Etat libre, fans dif
tinction, doivent avoir , dans la plus grande
étendue poffible , le droit de choifur leurs
Repréfentans dans les grandes Affemblées ,
& celui d'être éligibles ; l'étendue de ce
droit doit être réglée ſuivant la nature , les
circonftances & les befoins de la Nation .
La feconde décifion de l'Auteur eft
tranchante , elle paraîtrait bien rigoureuſe
dans la pofition où nous fommes ; mais la
Liberté n'eft pas indulgente, & fon régime
eft févere. Il ne veut pas que lorsqu'un
Gouvernement s'éleve fur les débris d'un
ancien Gouvernement , la partie de la Nation
qui vient de fe foumettre à regret ,
ait le droit d'élire & d'être éligible , avec
la même étendue que l'autre partie. » Il eſt
évident, dit- il, que les ennemis de la Liberté,
DE FRANCE.
119
qui , à la fin d'une guerre civile , ont été
fubjugués , ne doivent point partager les
droits du Peuple. Certe faveur leur faciliterait
les moyens d'exciter de nouveaux
troubles, & de perpétuer les divifions ; ce
ferait expofer au hafard la liberté des Citoyens
il eft donc de toute équité qu'ils
foient privés du droit de Cité.... Ceux qui
ont commencé la guerre pour affouvir l'ainbition
des Tyrans , au préjudice des intérêts
du Peuple , ne doivent & ne peuvent être
regardés comme faifant partie de ce Peuple :
mais leurs vainqueurs devenus leurs Souverains
, ont le droit de les traiter comme des
efclaves , parce qu'ils fe font rendus coupables
du crime de LESE-MAJESTÉ DU
PEUPLE
, en combattant contre le Peuple
, dont ils devaient foutenir la caufe ;
& que loin d'affurer l'indépendance , la
dignité & l'inviolabilité de fa puiſſance &
de fes prérogatives , au mépris de toutes
ces, confidérations , ils ont été les affaffins
du Peuple. Ainfi ces ennemis de la Liberté
ont perdu tous leurs droits & tous leurs
priviléges ; & s'il arrivait que par la fuite
& par une grace particuliere , il leur fût accordé
quelque propriété ou quelques jouilfances
, ils ne doivent jamais les confidérer
comme leur appartenant de droit mais
au contraire comme une faveur qu'ils ob
tiennent de la libéralité du Peuple qui leur
pardonne ".
116
MERCURE
3. Objection. Le maniement des affaires
exige un jugement & une expérience qu'on
ne peut attendre des nouveaux Membres
qui compofent , à chaque élection , les
grandes Affemblées . Réponse. Dans tout
Gouvernement on doit confidérer deux
chof: s , les actes de l'Etat & les fécrets de
l'Etat. Par les actes de l'Etat , on entend
les Loix & les Décrets du Pouvoir légifla,
tif ; ces actes ont le plus d'influence fur le
bonheur comme fur les maux de la République.
Ces actes feuls peuvent fervir de
remede contre les abus , les inconvéniens
& les ufurpations qui l'affaibliffent ou la
détruifent : or , les objets fur lefquels portent
les abus qui oppriment le Peuple ,
étant à la connaiffance de tous , qui mieux
que le Peuple fait quand & comment ils
font infupportables ..... L'homme le plus
nouveau dans les affaires eft toujours fuffifamment
inftruit par les feules lumieres
de la raifon , fur ce qui l'intéreffe en qualité
de Citoyen ; ainfi le Pouvoir , quand
il réfide dans les Affemblées fucceffives du
Peuple , ne peut jamais devenir dangereux .
Quant à ce qu'on appelle les fecrets de
l'Etat , ou la partie exécutive du Gouvernement
, on obferve que ces affaires ne
font point à la portée du commun des
hommes ; il eft néceffaire , pour les bien
adminiftrer , de réunir à l'habileté une fageffe
mûrie par le temps ou par l'expéDE
FRANCE. 117
>
rience il peut donc être avantageux , par
cette raison , de les laiffer dans les mêmes
mains , fuivant la bonne ou la mauvaiſe
adminiftration de ceux à qui elles font
confices..... Dans le cas où ils fe permettraient
d'en abufer , ces Adminiftrateurs
font toujours foumis à rendre compte de
leur conduite dans les Affemblées du Peuple.
Les dépofitaires de la confiance du
Peuple ne doivent être continués dans
l'exercice de leurs fonctions qu'autant de
temps qu'il devient néceffaire , foir pour
la sûreté & l'avantage du Peuple , feit
pour mettre un terme aux maux dont il
fe plaint; mais lorsqu'ils y ont pourvu , il
imporre à la République qu'ils rentrent
bientôt dans le même état de dépendance
où fe trouve le refte du Peuple , & qu'ils
obéiflent aux Loix émanées de leur fageffe ,
afin que leur foumiffion à ces mêmes Loix
en affure l'exécution.
4. Objection. Dans tous les Etats libres,
le Public fe trouve fouvent expofá à de
grands malheurs par les tumultes , les orages
de la difcorde , & les divifions qui s'y éle
vent. Réponse. Ces diffentions inteftines
ne font pas inhérentes à la forme de ce
Gouvernement , & les principales cauſes en
font communes à toutes les autres formes.
Mais en admettant même que le Peuple ,
lorfqu'il eft libre , ait un penchant naturel
qui le porte à la fédition , comparez ces
118
MERCURE
tumultes, quand ils arrivent , aux malheurs
que produit la tyrannie des Rois , fecondée
par le zele & l'activité des Favoris , habiles
à prendre les premiers accens de la Liberté
pour le cri de la révolte , & qui préferent
un Peuple avili , hébêté & corrompu , aux
nobles élans du Ciroyen ; vous verrez , 1º .
que les inaux occafionnés par les tumultes
populaires s'érendent fur un petit nombre
de perfonnes déjà coupables , tels que les
trente Tyrans à Athenes , les Décemvirs à
Rome, & tant d'autres, auxquels la fureur
du Peuple a fait porter avec févérité la
jufte peine de leur trahifon : 2 °. que ces
tumultes ne font pas de longue durée ;
mais que femblables à un accès violent
ils finiffent de même : . que s'ils occafionnent
la ruine de quelques particuliers ,
ils finiffent toujours par tourner au plus
grand avantage des Citoyens. C'eft à la fin
de ces tumultes que le Peuple de toutes
les Nations s'eft procuré les meilleures
& les plus fages Loix. Oppofez à cela
fous le Gouvernement des Grands , les réfultats
de leurs confeils , de leurs volontés
, de leurs projets , de leurs divifions .
N'ont- ils pas toujours pour objet ou pour
fuite l'oppreffion du Peuple , le renverfement
de les dr its , de fa propriété , de fa
liberté ? L'Hiftoire attefte que les tumultes
& les diffentions n'ont jamais été que la
fuite des rufes & de l'ambition de quelDE
FRANCE. 119
"
ques Grands , dont les intérêts étaient contraires
à ceux du Peuple , & qui confpiraient
contre fa liberté.
--
se. Objection. Sous le Gouvernement du
Peuple , il y a peu de sûreté pour la claffe
opulente des Citoyens , par la liberté avec
laquelle le Peuple les accufe & les calomnie.
Réponse. La calomnie qui confifte
en entretiens fecrets , en rapports & en
fauffes accufations , a-t elle jamais été accueillie
ou même protégée dans un Etat
libre , fi différent en ce point de toutes les
autres formes ? & n'eft elle pas , au contraire
, un vice attaché au Gouvernement
des Grands ? ..... Ne lifons-nous pas dans
l'Hiftoire de toutes les Monarchies que la
calomnie a toujours été un moyen toutpuiffant
& tonjours prêt dans les mains
des Agens qui la répandent ; qu'on s'en
eft fervi comme d'une arme victorieufe
& dont les Rois & leurs Favoris étaient
affurés ?
Dans un Etat libre , la calomnie n'eſt
jamais un moyen d'oppreffion ; & fi quelquefois
elle paraît devant le Souverain
nous l'y voyons impuillante & muette .......
Quant à la faculté qu'a le Peuple d'accu er
qui bon lui ferible dans fes Affemblées
folennelles , elle eft effentielle dans un Lat
libre. Sans ce droit , il ferait impoffib e.
d'obliger le Citoyen à rendre compte de
fes actions ; il n'y aurait rien de facré dans
120 MERCURE
la République ; la vie , la liberte & la prəédes
Citoyens y teraient én proie à
l'orgueil , à l'avarice & à l'ambition des
gens puiffans.
6º. Objection. Le Peuple eft naturellemen:
factieux , inconftant , & ingrat. -
Réponse . 1 ° . Il a déjà été prouvé que le
Gouvernement du Peuple eft le feul oppofé
à l'efprit de faction , à caufe de la mobilite
des emplois publics & du peu de durée
de tous ceux qui pourraient conférer un
pouvoir dangereux. Ajoutez que le Peuple
n'eft jamais le chef ni l'auteur d'une faction
; qu'il y a toujours éré entraîné par
l'induence étrangere de quelque Pouvoir
permanent qui le fait agir , fous le prétexte
de rendre fa fituation p'us heureufe ,
& que les Grands s'en font toujours fervis
pour affermir leur autorité & pour accroî
tre leur fortune , au préjudice des intérêts
du Peuple , dont ils ne fe foucient qu'en
raifon de l'amour & de la profonde foumillion
avec lefquels le Peuple feconde leur
pouvoir & leur ambition.
2°. Le Peuple fans doute eft inconftant ,
lorfqu'il eft tellement détérioré par le contat
de tous les vices , que dans la perverfité
il ne lui rette plus ni force , ni énergie
, ni courage : déjà le fouvenir de fa
puiffance eft effacé , une inertie morale a
enchaîné fa volonté , on n'apperçoit plais
qu'un Peuple énervé par la tyrannie : l'ignominie
DE FRANCE. 121
-
gnominie & la honte ont achevé de détruire
jufqu'aux moindres traces de fa grandeur
& de fa liberté. Mais ce vice ne lui eft
pas naturel ; la liberté l'en corrige ; & bientôt
il recouvre fon énergie & fa conftance
à vouloir ce qui peut lui être le plus utile.
C'eft le Gouvernement d'un feul ; ce font
toutes les efpeces de Pouvoirs permanens
qui ont toujours été livrés à l'inconftance :
l'Hiftoire l'attefte à chaque page , & la
raifon le démontrerait au défaut de l'Hif-
-toire.
3 °. Enfin l'ingratitude que l'on reproche
au Peuple a prefque toujours pris fa fource
dans la conduite indifcrete , dans les hauteurs
ou dans l'agrandiffement exceffif de
- ceux qui en ont été les objets . La conduite
du Peuple dans ces occafions eft une preuve
-que la Conftitution eft encore faine , pure
& pleine de vie. Le Peuple eft heureux
quand il poffede l'activité & le zele néceffaires
pour conferver fa liberté , quand il
s'oppole avec courage à l'accroiffement des
pouvoirs qui pourraient faciliter aux Grands
les moyens de ravir au Peuple le plus faible
des avantages qu'il retire de fa liberté : ce
moyen eft le plus propre à réprimer leur
ambition ; il fuffit pour les contenir dans
les bornes légitimes & raifonnables . Les
Grands fe perfuadent alors qu'ils ne peuvent
s'agrandir ni augmenter feur autorité
fans s'expofer à toute l'indignation du
N°. 35. 27 Août 1791 . F
2:2 " MERCURE
Peuple. Mais loin que le Peuple foit ingrat
, il a toujours accumulé les récompenfes
& les honneurs fur ceux qui avaient
bien mérité de la Patrie , aufli long- temps
qu'ils fe font conformés aux Loix , & fe
font conduits de maniere à ne point donner
d'ombrage à la Liberté. N'eft - ce pas
fous le Gouvernement du Peuple que les
flatues , ks couronnes , les lauriers , &
l'apothéole enfin , ont été imaginés pour
éternifer la mémoire des Heros qui avaient
défendu la Liberté , qui étaient morts au
fervice de leur Patrie , & dont les vertus
& les talens foutenaient la fplendeur & la
majefté de la République ? C'est donc avec
injuftice que l'on accufe le Peuple d'ingratitude
. Les Faftes de tous les Etats , dont
les Chefs font revêtus d'une autorité permanente
, nous offrent au contraire des
exemples fans nombre de leur ingratitude
envers ceux qui leur avaient rendu les plus
grands fervices ; & c'eft une maxime d'Etat,
chérie des Rois & des Princes , qui, comme
le dit Tacite , fe trouvent toujours offenfes
par les plus belles actions de leurs Sujets.
( G ...... )
DE FRANCE 123
MÉTHODE pour traiter toutes les
Maladies, très-utile aux jeunes Médecins,
aux Chirurgiens , & aux gens charitables
qui exercent. la Médecine dans les campagnes
; dédiée au Roi , par M. Vachier,
Docteur Régent de la Faculté de Médecine
, ancien Profeffeur des Ecoles de
Médecine de Paris , &c. &c. 14 Vol.
in- 12 broc. A Paris , chez l'Auteur , rue
-Michel- le - Comte , No. 54 ; & chez
Méquignon l'aîné , Libr. rue des Cordeliers
, près des Ecoles de Chirurgie.
L'AUTEUR de cette Méthode rapporte
toutes les maladies à vingt- trois claffes . It
indique les figures caractéristiques des ma-
Ladies qui fe rapportent à chacune de ces
claffes différentes . Il trace enfuite des procédés
par lefquels un jeune Médecin peut
facilement rapporter chaque maladie à la
claffe à laquelle elle appartient. Il défigne
enfuite les caufes de chacune de ces maladies
, & en prefcrit les traitemens de la
maniere la plus conforme à la faine prarique.
Cet Ouvrage a été deux fois , & en deux
F 2
124 MERCURE
!
:
occafions différentes , honoré de l'approbation
la plus authentique de la Faculté
de Médecine de Paris . La Faculté s'exprime
ainfi Cette Méthode nous paraît
être l'Ouvrage que Sydenham diſait
" manquer à la Médecine , quoiqu'elle lui
» fût très-néceffaire........... De tous les
Ouvrages de principes de Pratique qui
» ont paru jufqu'à préfent , il n'en elt
point qui foit aufli général , auffi dé-
» taillé, & par conféquent aufi propre à
éclairer & à guider les jeunes Médecins,
» & c. &c. & c. «
و د
و د
""
33
و ر
Cet Ouvrage , fruit d'un travail de 45
ans , a valu à l'Auteur des Lettres de noblefle
en Mars 1789 , récompenfe que les
événemens poftérieurs ont rendu trop infuffifante.
Il eft difficile d'avoir été Noble
moins longtemps ; mais il refte à M.
Vachier la véritable nobleffe , la nobleffe
inamovible , celle de fon mérite , de fcn
travail & de fon fuccès. Un Brevet d'eftime
publique avait fon prix , même avant la
Révolution ; mais il faut convenir qu'elle
lui a donné une grande valeur : ce n'eft
pas le moindre de fes bienfaits .
DE FRANCE. 125
NOTICES.
Sur l'Ariéré du Département des Bit mens du
Roi, fon origine & fes caufes. A Paris , chez les
Marchands de Nouveautés.
Cet expoé de faits fimples & de calculs avérés ,
futhrait pour impofer filence àla calomnie , fi la
vérité lui impofait filene . Il en résulte qu'en
1774 , époque de l'inftal'ation de M. d'Angiviller
dans la place de Dincteur des Bâtimens dự
Roi , l'arriéré , dans cette partie , roulait for 15
millions & demi ; qu'il fe trouve , à peu de chofe
près , au mê re point ca 1790 ; que dans l'inter
valle , & à différentes époques , la fituation des
Bâtimens a été reconnue par les Miniftres des
Finances , & que l'arriété en a été conftaté ; que
Les arrangemens pris pour la liquidation n'ayant
jamais été fuivis , les foins & les efforts de M.
d'Ang vilkr , fous les yeux & fous la direction
du Roi , n'ont pu fuffire pour améliorer l'état
des chores ; qu'il cft d'autant moins éronrant
qu'elles fe trouvent au même point où il les a
prifes , que fous fon adminiftration il s'est fait
dans les Bâtimens plus de travaux utiles , dans
Paris , à Verfailles , à Compiegne , à Fontainebleau
, &c . qu'on n'en avait fait depuis foixante
ans. Nous ne citerons que ceux qui dans Paris
fe font exécutés fous les yeux du Public .
Des travaux confidérables dans la reftauration
du Louvre aux Tuileries , des travaux en tout
genre , & la reconftruction du pavillon incendiés
à l'Obfervatoire , pour le relever de fes ruines ;
20 100
126
MERCURE
au Pont-Neuf , pour en reconftruire une archs
entiere ; pour donner une planimétrie indifpenfable
au trottoir qui va du Qrai de l'Ecole au
Quai de Conti , & pour établir fur le Pont ces
demi-lunes qui ont pris la place des cleaques les
plas infects au Port Royal , pour en rétablir les
trottoirs ; à l'Abbaye du Val - de - Grace , qui eft
à la charge des Bâtimens ; à l'Aqueduc d'Arcucil
, &c.
L'homme qui depuis quarante ans , & dès fa
plus tendre jeuncle , jouit de l'eflime publique
& de la réputation la plus intacte de probité &
de vertu , dans une place confidérable , a dû .
néceflairement fatiguer l'envie : l'homme qui dès
L'enfance du Roi , lui a été attaché de coeur &
d'ame , a pu devenir odieux aux ennemis de la
Royauté. Mais le nombre de ceux aux yeux defquels
de faints devoirs fidélement remplis font
des crimes , diminue de jour en jour ; & M. d'Angiviller
aura pour lui , contre fes calomniateurs ,
la voix publique , la juftice & la vérité .
Nouvelle Adminiftration politique & économique
de la France , à commencer de fa nouvelle orga
nifation , ou Examen réfléchi de tout ce qui fe
paffera d'intereffant dans les Départemens , dans
les Diftricts & dans les Municipalités , & c . par
Auteur du Tableau des Variétés de la vie humaine
, pour fervir de fuite à cet Ouvrage . A
Paris , chez Madame Valade , Imp- Lib . rue des
Noyers.
Quoique cet Ouvrage paraiffe par Numéros ,
ce ne point un Journal . L'Auteur a préféré cette
forme qu'il a cru plas agréable au Public ; mais
il doſt former un Ouvrage complet.. L'Auteur y
DE FRANCE. 127
traite avec intérêt de l'influence de la Révolution
fur le phyfique & le moral des Français , & des
changemens qui doivent en réfúlter , dans tous
les établiffemens publics , particuliérement dans
les Hôpitaux , pour tout ce qui concerne la
Médecine , la Chirurgie & la. Pharmacie.
La Sainte Bible , contenant l'Ancien & le
Nouveau Teftament , traduite en Français für la
Vulgare ; par M. Lemaître de Sacy. Nouvelle
édition , ornée de 300 Figures , gravées d'après
les Deffins de M. Marillior. A Paris , chez Defer
de Mailonneuve , Libr. rue du Foin- St-Jacques ,
Hôtel de la Reine Blanche , No. 11. De l'Imprimerie
de Morficur.
Les Livraiſons de ce chef- d'oeuvre de typographie
& de gravure fe fuccedent avec la plus.
prompte exactitude , fans que l'exécution perde
rin de fa beauré . Cette nouvelle Livraiſon , qui
eft la 6e. & qui forme la re. du Tome II , fera
bientôt fuivie de la féconde , qui complétera ce
fecond Volume , attendu que ces deux Livraiſons
font beaucoup plus fortes que les précédentes .
On foufcrit à Paris , chez Defer de Maiſonneuve
; chez M. Ponce, Graveur , rue St - Hyacinte,
N°. 19 ; dans les Départemens & chez i Etranger
, chez tous les Libraires . On ne paye riem
d'avance ; on fe fait feulement inferire en retirant
les Livraiſons qui paraiffent. A chaque Li
vraifon , on donne les noms des nouveaux Soufcripteurs.
La liste qui accompagne cette nouvelle
Livraifon forme le 4e. Supplément , & prouYS
le fuccès mérité de cette grande entreprife,
$28 MERCURE
La Médecine é: lairée par les Sciences phyfiques,
our Journal des Découvertes relatives aux dfcrentes
parties de l'Art de guérir , rédigé par M.
Fourcroy , Profeffeur de Chimie au Jardin dis
Plantes , de l'Aca émie des Sciences , & c. & c. A
Paris , chez Buiffen , Libr. rue Haute feuille ,
N°. 20. Tome Ier , in-8 ° . grand format , qui
comprend les fix premiers mois de 1791 de ce
Journal. Le prix de l'Abonnement et de 15 - liv.
pour l'année entiere , franc de port par la Pofte,
On tiendra de 25
compte fous
.
aux pour le port
perfonnes qui prendrent au Burau les fix premiers
mois.
Le nom de M. Fourcroy eft bien fait pour
infpirer la confiance . On vit que ce Journal n'a
pas l'inconvénient des autres , qui ne contiennent
que des morceaux fugitifs dont tout l'intérêt finit
avec le jour qui les voit éclore . Celui - ci contient
un grand nombre de morceaux auffi curicut
qu'utiles , & qu'il eft fort intéreflant de confervet.
De la Liberté indéfinie de la Preffe , & Je
Timportance de ne foamet re la communication
des penfes qu'à l'opinion publique , recommandé
aux Soc étés Patrioliques , Populaires & Fran
nelles de l'Empire Français ; par F. Lan -henas de
M... Citoyen Français . A Paris , de l'Imprimerie
du Patriote Français , rue Favart , N ° . 5 .
Cet Ecrit eft r.comman'é à l'attention de tous
les amis de la Liber é. Il traite un fujet que l'Au
teur a depuis longtemps défer du avec fucès.
Les Cheyens qui voudront coopér r à répandre
cet Ecrit avec la célérité qu'on défire , font prés
de s'adreffer à l'Imprimerie du Patriote Français:
on leur rera so exemplaires pour 6 kv . Il cit
DE FRANCE. 119
compofe de 37 pages in- 8 ° . caractere petit rom.
avec couverture . Les Sociétés Patriotiques , les
Sociétés Populaires & Fraternelles fur- tout font
priées d'en faire plufieurs, lectures publiques , &
les Colporteurs patriotes de le débiter.
Pro pectus d'un Ouvrage intitulé Atlas des
Religions , ou Recueil de 167 Cartes , dont chacune
repréfente le Domaine d'un des 167 Caltesqui
exiftent fur le Globe , avec l'expofition des
Opinions religieufes , qui font la bafe de chacun
de ces Cultes .
Nota. On y voit une Carte du Globe , où tous
les pays dont les Cultes different , font illuminés
de couleurs différentes , & une Planche on
les 167 Cultes , claffés par genres & efpeces
font repréfentés fous la forme d'un arbre à 167
branches diverfement coloriées. Un coup d'oeil
jeté fur la Carte & fur l'Arbre méthodique des
Cultes , fuffit pour faifir la liaifon de tous les
Euites du Monde. Ce Profpectus fe diftribue
gratis depuis 10 heures du matin jufqu'à 2 heures
après-midi , au Dépôt de l'Atlas des Religions ,
place du Palais Royal , No. 165 .
On vend au même Dépôt un Précis de la Religion
du Taureau. Prix , 4 f
Les Grandeurs de Marie , ou Méditations pour
chaque Octave des Fêtes de la Sainte Vierge ;
par M. l'Abbé Duquesne. Deux Volumes in- 12 .
A Paris , chez Moutard , Imp-Lib . rue des Mathurins.
Prix , 6 liv . reliés.
Nous reviendrons inceffammont fur cet Ouviage.
Ijo
MERCURE
GRAVURES.
Tableaux de la Révolution Française , ou Collection
de 48 Gravures , repréfentant les événemens
principaux qui ont eu lieu en France depuis
la transformation des Etats-Généraux en Affenblée
Nationale 20 Juin 1789. 2e . Livraiſon .
Ces Gravures feront accompagnées d'un Difcours
hiftorique, composé par Claude Fauchet , Evêque
de Calvados.
On a employé les beaux caracteres de Didot
Fainé , fur papier vélin fuperfin. Depuis le 15
Juin 1791 , il paraît tous les mois une Livraifon
, compofée de deux Gravures & environ 8
pages a Hiftoire explicative . Le prix de l'Abonnement
eft de 6 liv. peur Paris , & 7 liv . 4 f.
pour les Départemens , port franc. On ne déivre
d'argent qu'en recevant chaque Livraiſon.
On Buferit à Patis , chez M. Briffaut de la Charprais
, rue St- Honeré , N ° . 374 , en face de celle
St-Florer tin .
Cette feconde Livraiſon eſt déjà fenfiblement
plus foguée que la premiere , & les Autents prometter
t encore quelques changemens heuleux
dans cette entrepriſe déjà très - magnifique.
Les Fafes de la Révolution Françaife , fuite
d'Eftan pes de 1 pouces de large fur 11 de hauteur
, re réfentant les époques les plus mécrablcs
de la Révolution de 1789 , avec des Notes
intéreffantes au bas de chaque Sujet ; par Mr.
Ponce , Capitalu de la Garde Nationale. A Paris ,
chez l'Auteur, rue St-Hyaciute , N ° . 19.
DE FRANCE. IZI
>
Les deux premieres Eftampes de cette Collection
, qui font actuellement au jour , repréfentent
, l'une la Fédération des Français , avec
létat circonftancie des Gardes Nationales de
chaque Département , l'autre , l'Aſemblée Nationale
, prife dans l'inftant du premier Don pauiotique
préfenté par les Dames Artiſtes , avec
un précis de la Révolution & de la Conftitution.
L'Auteur a fait hommage du premier Sujet , defpar
M. Meunier , aux Gardes Nationales ;
& le fecond , gravé d'après le deflin de M. Borel
, eft dédié aux Femmes patriotes.
finé
Les autres Elampes de ce Recueil , qui paraîtront
fuccellivement , repréfenteront les Magiftrats
arrachés du Temple de la Juftice , la Prife
de la Baftilie , la Sance du Roi à l'Hôtel de
Ville de Paris le 17 Juillet , la Mort de Defilles ,
la Séance du Jeu de Paume , la Séance du Roi à
l'Affemblée Nationale le 4 Février , la Pompe funebre
de Mirabeau , l'Inftallation de la deuxieme
Légiflature , un Frontifpice orné de différens
Epifoles , & c. Il y aura de 12 à 18 Sujets .
Le prix de chaque Eftampe eft de 4 liv. 4 f
& de 9 liv . fupérieurement coloriée . On les diftribuera
fuivant le rang d'infcription.
MUSIQUE.
Recueil d' Airs , avec accompagnement de Forté-
Piano , compofés par Mlle. Frey l'aînée , dédié
à M. fon pere. Cavre 1er. Prix , 4 liv . 4 f. A
Paris , chez l'Auteur , rue St - Dominique , fauxb.
St -Germain , N° . '96 ; & aux adrefles ordinaires
de Mufique.
་
132 MERCURE DE FRANCE.
A VIS.
Mufée , rue Thévenot , No. 18 .
Dans cet Etabliffement public , l'on profeffe
les Cours fuivans : l'Ecriture , l'Arithmétique , la
tenue des Livres & Changes Etrangers , les Mathématiques
, la Fortification , les Langues Françaiſe
, Latine , Anglaife & Allemande , I Hiftoire ,
la Géographic , le Deflin figure & payfage , la
Rhétorique , la Logique , la Danfe , les Armes ,
le Solfége . Ces Cours , en activité depu's quatre
mois , ont lieu tous les jours , excepté les jours
de Féte , depuis 8 heures du matin jufqu'à 2 , &
depuis 4 de l'après -midi jufqu'à 8. L'Abonnement
annuel eft de 300 liv. On peut s'abonner pour
fix ou pour trois mois. On prend des Penfionnaires.
S'adreffer audit Etablilement , à M. St-Omer ,
Secrétaire ; ou rue du Battoir- St -André -des-Arts ,
à M. Sironval , Directeur.
La fomme de Science requife aujourd'hui pour
atteindre aux Emplois , n'étant plus la même
qu'autrefois , les Etabliffemens d'Education , qui
offrent au Public la réunion des Sciences & Arts ,
font d'une grande utilité ; celui que nous annonçons
parait fur-tout mériter fa confiance : un
choix de Profeffeurs zélés & connus , joint à une
adminiftration économique , affure fes fuccès & fa
durée.
TABLE.
971Méthode.
102 Noroes .
223
125
ADIEUX.
Charade, En . Log.
De la Souveraineté , &c. 104
MERCURE
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Francfort-fur-le -Mein, le 23 Juillet.
L'EMPEREUR étoit inceffamment attendu
à Vienne ; on penfe qu'il a dû y arriver
du 20 au 21 : l'Impératrice & les Archiducs
étoient partis dès le 13 pour aller à fa
rencontre , & l'attendre à Greetz . M. de .
Bifchofswerder , ce confitlent du Roi de
Pruffe , qui s'étoit rendu auprès de Sa Majefté
Impériale à Milan , pour une négociation
fecrette , eft arrivé, le ; 14 , ainfi
que l'Ambaffadeur d'Angleterre , Milord
Elgin . Le premier a été préfenté au Prince
de Kaunitz, qui lui a fait un très- bon accueil.
L'on s'attend à voir bientôt arriver
auffi M. le Marquis de Bouillé . Ce général
a reçu à Aix - la - Chapelle , où il a reſté
No. 32. 6 Août 1791. A
( 2 )
quelques jours , des marques publiques de
confidération diftinguée. Sur le bruit que
fa perfonne étoit menacée , on a placé
près de fon hôtel une Garde particulière , &
lorfqu'il fortoit , fa voiture étoit toujours
fuivie d'un détachement de troupes Palatines
. On affure qu'un de ceux qui avoient
fait le projet d'attenter à fa vie , a été arrêté.
Les Princes François font à Worms , à
Coblentz , à Bonn. Rien ne paroît encore
arrêté entre eux : ils fe rendront très -probablement
à Vienne. Les François cantonnés
à Ath dans la Flandre , & dans les
environs , font difpofés à tout entreprendre
pour rendre la liberté & la tranquillité à
leur pays ; mais toutes leurs mefures font
fubordonnées en partie à celles qu'adoptera
la Diète de l'Empire. Le protocole de
fes délibérations n'eft point encore publié ;
l'on fait feulement que le fuffrage Autrichien
& celui de Brandebourg font pour
infifter de nouveau auprès de la Cour de
France à l'effet d'en obtenir juftice , avant
de commencer les hoftilités , & de chercher
même à terminer le tout par voie de
négociation. Mais comme la Cour de
France & le Ministère de France font à-peuprès
aujourd'hui des êtres de raifon, on conçoit
difficilement comment & avec qui les
négociations pourroient s'ouvrir . Il n'est
( 3 )
pas vrai , au refte , que le Miniftre d'Ha
novre ait déclaré que l'Electeur qu'il repréfente
, n'entendoit prendre aucune part
aux mefures qu'on adopteroit , & que
s'il ne s'oppofoit point à ce que les Electeurs
Eccléfiaftiques déclaraffent la guerre,
il ne regardoit point la querelle comme
commune à tous les Membres de l'Empire.
Hanovre a le même intérêt que les
autres États , au maintien des droits de
l'Empire , de la Souveraineté territoriale &
de la paix de l'Europe.
Il est peu d'état en Europe qui n'ait
témoigné quelque douleur de l'arreftation
du Roi de France , & qui ne regarde avec
indignation la captivité prolongée de ce
Prince , le meilleur , le plus honnête homme
& le plus confiant de tous les Monarques.
Aux témoignages de joie que la nouvelle
de fa liberté avoit excitée , a fuccédé une
véritable confternation , quand on a appris
fon emprisonnement & les outrages que
lui & fa malheureufe Famille ont eu à
fouffrir pendant un voyage où fes plus
cruels perfécuteurs infultoient à fa douloureufe
pofition. On n'a pas été moins
étonné , & indigné en même temps , d'apprendre
qu'il fe foit trouvé des hommes
en France à ce point déloyaux , & étranà
l'honneur national , que de fe rendre gers
A 2
( 4 )
caution de la prifon du Roi , & de ré
pondre de fa captivité fur leur tête.
FRANCE.
De Paris , le 20 Juillet.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 23 , féance du foir.
L'Affemblée paroît ne point fe laffer de la lecture
d'adreſſes de compliment & d'adhésion de
directoires , de municipalités , de gardes nationales
, de fociétés d'amis de la coní i ution , qui
cependant ne fauroient être confidérés comme les
organes légaux du vou du peuple qu'aucun de
ces corps ne repréfente . Toutes refpirent le
même civisme , c'eſt- à - dire une admiration foutenue
& un dévouement fans bornes . Dans ce
concert de louanges & de fermens , nous diflinguerons
aujourd'hui la fociété des amis de la
conftitution féinte aux Jacobins de Paris , qui
proteftent de leer fidélité , du plus ardent amour
pour la liberté , de leur foumiffion aux loix de
la patrie , & qui defirent que cette devife facrée
rallie tous les bons citoyens : Vivre libre ou mourir.
L'accufateur public du fixième arrondiffement
de Paris , admis à la barre , a rendu compte
des pourfuites qu'il a faites à l'occafion des crimes
commis au champ de mars le 17. Quatre des
meurtriers des deux particuliers aflaffinés font arêtés
, d'autres font fignales ; on informe contre
l'inconnu qui a couché en joue M. de la Fayette.
La procédure fe poulle avec ardeur , & l'accu(
54)
fareur public a protefte ne craindre ni les poi--
gnards ni la calomnic. Il a reçu des affurances
de la fatisfaction de l'Affemblée.
Une hauffe momentanée du prix du bled a
été la caufe ou le prétexte d'une infurrection
confidérable dans le pays de Caux . Pour ne pas
compromettre la fainteté du mot infurrection
M. Régnault de Saint-Jean-d'Angély a exigé
qu'on dit révolte. Aux environs de Dieppe on
la portée au comble . Le 22 juillet , des municipalités
violentées , a- t - on dit , par des gardes
nationales , & les habitans de 13 à 17 paroiffes
obligèrent des forces envoyées par le diſtrict de
Dieppe à fe retirer . De nombreux attroupemens
ont taxé le bled , maltraité les blatiers & les
laboureurs . Deux cents hommes de la garde
nationale , 25 hommes du régiment de Salis-
Samade , & des cavaliers de Royal - Bourgogne,
envoyés par le directoire , fe font trouvés en
préfence de 5,000 infurgens prêts à les charger,
& parmi lefquels il y avoit 22 drapeaux de garde
nationale , des canons & des municipaux en
écharpe , qui n'ont confenti à fe retirer qu'à
condition qu'on feroit un réglement local pour
la circulation des grains & que le bled feroit
taxé à 24 liv . le fac .
›
Le directoire du département a improuvé cette
pétition ; des malveillans lui ont imputé l'enchériffement
des grains ; il a envoyé 200 hommes
de Salis & des commiffaires conciliateurs . Des
nouvelles plus récentes affurent que les payfans
ont fini par régaler le détachement . Le directoire
& le rapporteur , M. Vieillard , ont attribué ces
troubles aux prêtres réfractaires , fans produire
la moindre preuve. Un évêque du côté droit
d'eft récrié contre ces inculpations vagues ; M.
A 3
( 6 )
Vieillard a prié les mécontens de lui laiffer
continuer fa lecture commencée , & il a propofé
un décret contre les prêtres condamnés
avant même qu'on daigne informer ou les entendre
.
M. Vadier a raconté que , dans le département
de l'Arriège , la municipalité de Foix avoit
intercepté des lettres incendiaires d'un ex- curé ,
membre de l'Affemblée ; qu'on a cru devoir fe
précautionner contre ceux à qui eles étoient
adreffées ; qu'on avoit arrêté & conduit à la
tour , des prêtres , qui partoient pour l'Espagne
avec deux charges de cheval de papiers de Royou,
de Montjoye , de Crapart , de Durofoy...
Des éclats de rire ont attefté le zèle de quelques-
uns des auditeurs pour la foi publique , la
tolérance & les droits de l'homme. Le même
M. Vadier a ajouté qu'à Pamiers il s'étoit ou
vert une églife de non- conformistes , comme à
Paris ; qu'on y avoit mis l'infcription : paix &
liberté , quoiqu'au fond ce fût le fiége de la
révolte ; & il n'a donné aucune preuve à l'appui
d'affertions diffamatoires qui appellent les profcriptions.
L'évêque conftitutionnel lui a écrit
qui étoit découragé , que ces gens auroient
le deffus dans l'opinion du peuple , peut - être
dans fa confcience ; que la garde nationale eft
gagnée en grande partie , & que le département
lui - même montre une mauvaiſe volonté qui
n'eft pas équivoque.
味
Benchériffant encore , M. Palafne a dit que
dans le département des Côtes du Nord , il fe
faifoit des proceffions nocturnes de 12 à 15
mille payfans , pour obtenir du ciel le rétabliſ
fement de l'ancienne religion ; que la nuit du
17 au 18 de ce mois , 300 girdes nationales
( 7)
& le drapeau rouge en furent reçus à coups de
fufils & de piftolets ; que la force publique a
été déployée & qu'heureufement il n'y a pas
eu beaucoup de perfonnes de tuées . Peindroiton
autrement une perfécution ? Et tous ce mal ,
M. Palafne l'impute a ceux que l'on eft convenu ,
malgré les décrets , de nommer les prêtres réfractaires
.
M. Rewbell a dit que , dans le département
du Haut-Rhin , il n'alloit plus perfonne à l'églife
de la cathédrale , depuis qu'il y en avoit
une pour les non- conformistes ; que les prêtres
réfractaires apoftent des gens pour empêcher
à force de menaces & de coups , d'entrer dans
legiſe cathédrale ; que ces gens arrêtés nioient
tcut parce que les prêtres réfractaires leur ont
perfuadé qu'en difant la vérité ils fe damneroient...
& toutes ces allégations dénuées de
preuves aboutifoient unanimement à la propofition
de févir contre les prêtres que M. Lanjuinais
fe bornoit à priver de leur traitement ,
à condamner à mourir de faim par une fufpenfion .
provifoire. Les mesures propofées ont été renvoyées
au comité ecclefiaftique pour en rendre
compte lundi , & le décret a été porté en ces
termes : »
« L'Affemblée nationale , après avoir entendu
le compte qui lui a été rendu par fon comité
des rapports , des événemens qui viennert d'as
voir lieu dans le pays ci -devant de Caux , déclare
qu'elle approuve la conduite des adminif
trateurs compofant le directoire du département
de la Seine inférieure , & de ceux du directoire
du diftri& de Dieppe ; leur crjoint de déployer
tous les moyens que la loi met à leur difpoition
pour exécution des décrets précédemment
A 4
18 )
rendus fur la libre circulation des grains dans
l'intérieur du royaume ; décrète , ´1 °. qu'il fera
informé à la diligence des accufateurs publics ,
& fur leur refponfabilité , contre les auteurs des
troubles qui ont eu lieu dans le pays de Caux
leurs complices & adhérens ; que les admin.ftrateurs
du directoire du département du diftrict
de Dieppe & les officiers municipaux requerront
s'il cft befoin , la force militaire pour faire exécuter
les décrets déjà portés contre quelques
prévenus par le tribunal du diftrict de Dieppe ;
X
2 ° . Que les adminiftrateurs du directoire
du département prendront toutes les informations
néceffaires fur la conduite tenue par les
officiers municipaux des paroifles & communautés
dont les habitans ont participé à la rebellion à
la loi , & en rendront compte inceffamment à
l'Aflemblée nationale ; fauf auxdits adminiftrateurs
à prendre prov foirement , à l'égard defdits
officiers municipaux , toutes les mefures
preferites par les décicts pour le rét bliffement
de la paix & le bien de l'adminiſtration ; »
3. Que les troupes de ligne & gardes na
ionales fe conformeront aux ordres & réquifitions
des corps adminiftratifs & des municipalités
; & que , provifoirement , aucun garde national
ne fortira de foa territoire que fur une
réquifition formelle des corps adminiftratifs , ou
de leurs municipalités provoquées par la Muni
cipalité , à befoin d'afiiſtance . »
4° . L'Allembléc nationale autorife les adminiftrateurs
du direétoire du département de
la Seine inférieure à indiquer provitoirement auxdits
fonctionnaires publics eccléfiaftiques , fécu-
Hers & réguliers , & auxdits religieux , même
non-fonctionnaires , qui n'ont pas prêté le fer(
9 );
ment , les lieux que le département jugora, con,
venables pour la refidence des prêtres & religieux ,
fauf à rendre compte à l'Affemblée nationale
des mefures qu'ils auront prifes à cet égard
& à ftatuer par elle ce qu'il appartiendra .
cc
">
L'Affemblée nationale , d'apiès le témoignage
des départemens , approuve la conduite
du heur d'Avers , qui s'eft cfficacement employé
pour empêcher les effets de la rebellion. »
Du Dimanche , 24 Juillet.
Une lettre de M. Grammont , capitaine au
régiment d'Enghein , annonce que tous les officiers
de ce régiment ont prêté & figné le dernier
ferment , & l'ont envoyé au général Lukner.
Applaudiffemens & mention dans le procès- verbal.
A la fuite de débats peu intéreffans , -M
Champeau a fait adopter un décret portant que.
tous les employés coinmiffionnés , fupprimés par
des décrets , dans les fermes & régies générales ,
à la recette des finances , à celle du clergé , dans
les poftes , la police de Paris , les burcaux de
l'économat , les adminiftrations provinciales &
des pays d'états , octrois , vingtièmes , intendances
, auront droit aux penfious , fecours & gratifications
déterminés ci-après , à raifon de la
durée de leur fervice , & que la loi ( dont c'eſt
ici l'article I ) n'aura pas d'effet pour ceux qui ,
depuis 5 ans , auront joui de 4000 livres en
traitement ou émolument.
,
Les dépenfes de la municipalité de Paris cefferont
d'ètre à la charge du tréfor public
compter du premier de ce meis ; & par le mêine.
décret d'aujourd'hui ' Affemblée fe réserve de
ftatuer inceffamment fur la folde de la garde
AS
>
( 10 )
nationale Parifienne & le paiement des rentes
de l'hôtel- de- ville & des dettes auriérées .
On eft paffé à la difcuffion du projet de loi
concernant la difcipline des troupes de ligne , &
M. Emmery , avocat , a été l'organe du comité
militaire. Sur les difpofitions contre les officiers
nommés transfuges , M. d'Ortans demandet
que ceux qui rentreroient dans le délai de fix
femaines fuffent mis fous la protection spéciale
de la loi , fous la fauve-garde des corps adminiftratifs
refponfables ; M. d'Eftourmel obfervoit
que les officiers émigrés , fans démiffion , & remplacés
ne pouvoient plus être pourfuivis militairement
, mais civilement ; que ceux qui ont
donné leur demiffion n'avoient au plus encouru
que les peines décrétées contre les émigrans
une triple contribution ; M. de Croi ne voyoit
aucune loi qui punît comme criminels les officiers
qui donnoient leur détiffion , & même qui
paffoient chez l'étranger penuant la paix.
Perfuadé que la meilleure manière d'achever
la révolution eft d'oublier le paffé , M. Chabroud
propofoit une amniftie abfolue & par conféquent
l'impunité des horreurs inouies commiſes par les
fubalternes , de foumettre à la loi contre les
émigrans les officiers qui ont été forcés de quitter
feur corps & leur patrie ; & de décréter le projet
du comité depuis l'article IX , jufqu'à la fin ,
« parce qu'il s'agit d'avoir à l'avenir une armée
difciplinée. L'avis d'un général confemmé dans
l'art i difficile de commander aux hommes n'eût
pas été plus vivement applaudi.
»
Il faut renoncer à toute difcipline militaire ,
a dit M. Bureau de Pufy ; confentir à n'avoir
plus d'armée , fi vous pouvez tolérer que des
inférieurs puiffcat impunément repouffer avec
( 11 )
en
violences des perfonnes qui font faites pour leur
commander ( marmures ) ; & s'ils entrent
jouiffance des emplois de ces chefs . M. Emmery
a cité une loi portée , a- t - il affuré , par Louis XIV
( qu'on ne cite cependant plus que comme un
delpate ) , qui condamne aux galères perpétuelles
les officiers qui quitteront leur corps ; & il a
obfervé que cette loi , qu'il n'a pas produite ,
avoit été faite pendant les quartiers d'hiver ; on
ignore fi ces mots lui ont paru les fynorimes du
pendant la paix , objecté par M. de Croi. Quant
aux officiers émigrés après avoir donné leur démillion
, il répétoit qu'on ne les puniroit pas
rentroient .
s'ils
« Qu'on affure la propriété chez moi , s'eft
écrié M. d'Ambly ; on y eft venu pour tuer
mon petit - fils . Cet argument a été refuté par
-des murmures.
לכ
Les dénonciations permifes aux foldats , ont
paru à M. Emmery le feul moyen de purger les
foupçons injuftes dont les officiers étoient les
victimes , le meilleur expédient pour rétablir leur
honneur offenfé & la confiance mutuelle . Mais
s'ils n'ont pas commis de délit , ils étoient du
moins aristocrates , a dit lumineufement M.
Prieur qu'on a beaucoup appiaudi ; la mefiance
& les diffentions recommenceront s'ils rentrent
dans leur corps . M. Tronchet a voulu que l'on
diftinguât la conviction fauffe qui dicte une dénonciation
en vue du bien public , de la dénonciation
calomnieufe feule punillable ; & fon amendement
a été adopté . Ces dénonciations autorifées
paroiffoient dangereufes à MM . Chabroud,
Prieur & Voidel ; mais c'étoit un procédé épuratoire
indifperfable , au jugement de M. d'André
qui tout en convenant de l'ariftocratie des off
A 6
- ( 12 )
ciers , foutenoit que les foldats invités à les
dénoncer après les avoir menacés de la mort &
chaflés , n'avoient été ni ne feroient des factieux ,
& affuroit que pas un des régimens qui ont renvoyé
leurs officiers n'a oublié d'expofer les motifs
du renvoi tirés non- feulement de l'incivifme des
officiers , mais de mauvais traitemens , que l'opinant
n'a pas articulés .
сс
M. Barnave a fagement penfé qu'un renvoi
illégal ne néceffitoit pas une information & de
nouvelles dénonciations des foldats contre les
officers ; qu'avant tout , l'état légal devoit être
Létabli. « Qu'on ne nous parle plus ici d'arifocratie
, a- t-il dit . Je déclare , quant à moi , que
je ne reconnois point , dans les foldats , des
amis de la conftitution , lorfqu'après des fermens
prêtés , des devoirs connus , je les vois manquer
a la loi , & renvoyer ceux contre lefquels ils
peuvent porter des plaintes & s'adreffer à leurs
fupérieurs légitimes ; mais contre lefquels l'intérêt
public & la loi qui les régit ne leur permettent
pas d'agir directement. Il eft temps enfin de dire
qu'on ne défend pas la conftitution , mais qu'on
Panéantit par de par - ils actes . Il est temps de
dire la vérité , & la voici c'est que dans le
corps des officiers François dont un trèsgrand
nombre , & peut- être la majorité , s'eft
montré contraire à la conftitution , ce ne font
pas ceux-là qui ont été l'objet direct de l'ani
mofité de leurs foldats ; ceux dont on fe plaing
n'étoient pas les plus entachés a'arifocratie ,
quelquefois ils l'étoient le moins notamment
dans le régiment de Dauphiné . Il est certain
qu'en général les bous foldats , & véritablement
attaches à la conftitution , n'ont jamais entregris
de pareilles démarches , & qu'elles n'ont
( 13 )
point eu pour principe l'amour de la conftitu
tion , mais bien le defir de quelques fous - officiers
de s'emparer des places qu'ils rendoient vacantes ...
Ce n'eft pas à la loi à encourager les paffions
perverles qui ont fomenté ces rebellions ; ceux
qu'on a expulfés étoient le plus fouvent des
hommes attachés à leur devoir , quelles que
fuffent leurs opinions ; qui avoient le courage
d'élever des plaintes contre l'infubordination qui
fe propagecit ; ceux , au contraire , qui voyoient
fans peine ce défordre & qui ne s'y font point
oppofés , font, reftés fort paifibles .
ככ
Voici les XI articles qu'on a fucceffivement
décrétés :
« Art . I. Les officiers qui , depuis l'époque
du premier mai dernier , ont abandonné volon
tairement leur corps ou leurs drapeaux , fans
avoir donné leur démiffion , & qui font enfuite
paflés à l'étranger , feront inceffamment pour,
fuivis comme transfuges par les commiflairesauditeurs
des guerres , & jugés par les cours
martiales. Il en fera de même à l'égard des officiers
qui , ayant donné leur démiffion , font enfuite
paflés à l'étranger , fi , dans le délai de
fix femaines , à compter du jour de la publica
tion du préfent décret , ils ne font pas rentrés.
dans le royaume . »
« II. Les officiers qui , fans être paffés à l'é
tranger ,
ont abandonné volontairement leur
corps ou leurs drapeaux fans permiffion ni congé ,
feront cenfés avoir renoncé pour toujours au
fervice , & re pourront prétendre à aucun remplacement
i avancement. »
« II . A l'égard des officiers qui ont été forcés
de quitter leur corps en conféquence de foupfons
élevés contre eux , mais non légalement
( 14 )
vérifiés , ils reprendront leurs places , ou , s'i's
J'aiment mieux , feront pourvus de places équivalentes
dans d'autres corps , pourvu que ces
officiers n'ayent pas refufé le ferment preferit
par le adcret du 12 juin dernier ; & , dans le
cas où ils n'auroient pas été à portée de le prêter
à leur régiment , qu'ils le faffent parvenir , ſous
quinzaine , au miniftre de la guerre & à la municipalité
du lieu de leur domicile . »
сс
« IV. Les dénonciateurs qui n'auront pas
adminiftré des preaves fuffifantes pour établir
le mérite de leurs dénonciations , feront punis
comme calomniateurs ; la moindre peine qu'ils
pourront encourir fera celle d'ètre caffés & déclarés
incapables de porter les armes pour le
Tervice de la patrie. »
« V. La difpofition de l'article V du décret
du 24 juin dernier , par laquelle la moitié des
emplois vacans dans les différens corps a été
réfervée aux fous - officiers des corps dans lefqueis
ils vaqueroient , n'aura pas lieu à l'égard des régimens
qui fe font permis des deftitutions illéga'es
; & dans ces mêmes régimens , la romination
aux places d'officiers , fpécialement affectée
aux fous- officiers par la loi du 23 feptembre
1790 , demeurera fofpendue jufqu'a ce
qu'il en ait été autrement ordonné , d'après le
compte qui pourra être rendu par les offiiersgénéraux
& fupérieurs de la bonne conduite de
ces mêmes corps , & fur la demande expreſſe
de leurs chefs . 12
» VI. Toute faute ou délit militaire commis
Jufqu'a ce jour , ( autres néanmoins que les délits
fpécifiés dans les articles précédens , & les
crimes de défertion , d'embauchage ou de tra
hifon ) toutes plaintes portées en conféquence,
( 15 )
2 mais non encore jugéés toutes condamnations
intervenues à l'occafion de ces fautes & délits ,
mais non encore exécutées , feront censées &
réputées non-avenues . En conféquence la liberté
fera rendue aux accufés ou condamnés qui fe
trouvent prifonniers , & il fera cxpédié à tous
ceux qui font dans le cas du préfent article
des cartouches pures & fimples . »
•
« VII . A l'avenir , & à compter de ce jour,
tout acte d'infubordination & de défobéiffance ,
toute contravention aux loix de la difcipline militaire
, feront punis fuivant l'exigence des cas
& la rigueur des ordonnances ; les commisfaires
auditeurs des guerres feront tenus de poursuivre
les délinquans lorfqu'ils leur feront particulière
ment dénoncés ou indiqués par la notoriété ptiblique
, & demeureront perfonnellement refponfables
de leur négligence à cet égard .
"
Vill. Du jour de la publication du préfent
décret , les fogs- officiers ferent perfonnellement
refponfables des mouvemens combinés qui ſe feront
dans les régimens contre la perfonne des
officiers , lorfque les coupables apparens de femblables
défordres ne feront pas d'abord défignés
ou connus . Dans ce cas , les commiffaires- auditeurs
des guerres feront tenus de poursuivre &
faire juger , par les cours nationales , fdits
fou - officiers , qui ne pourront encourir de
moindre peine que celle d'être caffés & déclarés
indignes de porter les armes pour le fervice de
la patrie , à moins qu'ils ne prouvent qu'ils n'ont
point eu de part aux mouvemens , qu'ils ont pris
toutes les précautions qui dépendoient d'eux PCur
les arrêter , & qu'ils en ont averti les chefs dès
qu'ils en ont eu connoiffance. "3
IX. En cas de mouvemens combinés dans
( 16 )
les régimens contre l'ordre & la . difcipline mili
taire en général , les fous - officiers & foldats ca
feront graduellement refponfables , fuivant l'ordre
de leur grade ou de leur ancienneté , lorfque
les coupables apparens de femblables défordres
ne feront pas d'abord défignés ou connus .
Dans ce cas , les commiffaires - auditeurs feront
tenus de rendre plainte contre les fergens - majors
ou maréchaux - des logis en chef , premiers fergens
ou maréchaux- des-logis , premiers caporaux
ou brigadiers , appointés & plus anciens
foldats , cavaliers , dragons , huffards , chaffeurs
ou canonniers , par rapport auxquels il en fera
ufé ainfi qu'il eft dit en l'article précédent . »
« XI . Seront confidérées & punies comme
mouvemens combinés contre l'ordre & la difcipline
en général , toute réunion , foit de mili
taires de différens grades , feit d'officiers , de
fous-officiers ou de foldats , four délibérer entic
eux dans d'autres. circonitances que celles petmifes
qu prefcrites par la loi , à plus forte railon
toute délibération formée & toute émiflion de
vau collectif. »
сс
XI. Auffi long- temps que fubfiftera l'autoité
provifoire accordée aux généraux d'armée
par le décret du 24 juin dernier , de fufperdie
les officiers dont la conduite leur paroitia fulpede
, les commandans en chef des divif.ors
jouiront du même droit chacun dans fa divilion ,
& les confeils de difcipline de chaque régiment
auront auffi provifoitement le pouvoir d'ordonner ,
à la pluralité des cirq- feptièmes des voix , le
renvoi avec une cartouche pure & fimple des
fou -officiers & foldats dont la conduite fera
repréhenfible ; néanmoins le confeil de difciplise
De pourra jamais ufer de ce pouvoir que fur
( 171
2
une demande expreffe & par écrit , qui devra
être fignée , s'il eft queflion d'un fous - officier
par neuf de fes camarades du même grade
& par un officier de fa compagnie ; & s'il eft
queftion d'un foldat , par tous les fous - officiers
de fa compagnie , ou par un fergent ou maréchal
- des logis , un caporal ou brigadier , & par
neuf foldats de fa compagnie .
Du lundi, 25 juillet.
ככ
Le directoire du département de la Seine inférieure
a écrit à l'Aſſemblée , que l'armée des
rebelles du pays de Caux ne s'étoit groflie qu'en
forçant plufieurs gardes nationales à s'unir à
cux, que ceux- ci fe font hâtés de fe joindre au
détachement de Salis , de cavaliers du dix - fcptième
régiment , & de gendarmes nationaux ;
que les rebelles ont pris la fuite , que des
plus féditieux ont été capturés , ainfi qu'un jeune
homme qui vouloit mettre le feu à un canon ;
que
des membres
des amis de la conftitution
de
Dieppe
avoient
éclairé les payfans
, & que la
vente des bleds s'eft faite en liberté . Suivoit
ce
poffcriptum
La difpofition
actuelle
tient plus
de la confternation
& de la crainte que ' du calme
& de la tranquillité
( étrange
effet des lumières
répandues
parmi
les payfans
! ) . L'infurrection
a cu pour premier
mobile
les menées
fourdes
des malveillans
, dont il eft préfumable
que les
prêtres
réfractaires
font les agens . On cite un
de ces derniers, pour avoir , pendant
15 jours ,
fait & diftribué
des cartouches
aux féditieux
.
Nous prenons
tous les moyens
propres
à acquérir
des preuves
contre les prêtres
rebelles
. »
Un décret a décerné
des témoignages
de fa(
18 )
isfaction aux corps adminiftratifs , aux foldatsckoyens
& aux citoyens-foldats .
Sur la propofition de M. d'Auchy , le tréfor
public payera 49,666 liv . 13 fols 6 deniers aux
anciens directeurs des vingtièmes pour dépenfes
d'impreffion des cahiers des vingtièmes de 1790 ,
& pour les loyers & frais de bureaux relatifs à
ladite opération.
M. Camus a repris la fuite des articles concernant
les employés fupprimés. Le nombre immenfe
de ces malheureux privés de leur état ,
nous fait une loi de multiplier les copigs littéras
de la loi qui leur offre quelques refiources.
On a vu , dans la féance précédente , l'article
premier , qui prive de tout fecours ceux qui auroient
joui pendant 5 ans de 4000 liv . de traitement
ou d'émolumens , fans doute comme
ayant pu économifer de quoi fubftanter eur &
keur famille. Voici les 16 articles adoptés aujourd'hui
:
« II. Lefdits employés ferout divifés en trois
claffes . La première comprendra ceux qui ont
vingt ans de fervice révolus & - deffus ; li
feconde " ceux qui ont dix ans de fervice
révolus jufqu'à vinge ; & la troifième , cux qui
out moins de dix ans de fervice . »
« III . Les employés n'auront droit aux pen .
fions , fecours & gratifications mentionnés en
l'article premier du préfe . t décro , que dansi:
cas où l'emploi fupprimé formoit l'état nique
de celui qui l'occupoit ; qu'il en étoit pourvu,
lors de la fuppreffion dudite nploi ; & qu'il n'ait
pas été replacé depuis , ou n'ait pas réfuté de
Tétre , ai fi qu'il fera dit par l'article XI
après. »
« IV . La fuppreffion des fermes , régies 4
( 19 )
autses adminiftrations dénommées dans l'article
premier, n'ayant pas permis à ceux qui y étoient
employés d'atteindre l'époque de fervice fixée
par la loi du 23 août 1790 , pour l'obtention
des penfons , les difpofitions de ladite loi feront
modifiées quant auxdits employés feulement ; en
conféquence , ceux compris dans les articles précédens
, & qui , par leurs difpofitions , fe trouvent
avoir droit aux penfions , fecours & gratifications
dont il y eft fait mention jouiront,
après vingt ans de fervice révolus , du quart de
leurs appointemens , & il leur fera en outre ac
cordé un vingtième des trois quarts reftans par
chaque année de fervice ; de manière qu'après
quarante ans de fervice effectif, ils obtiendront
la totalité de leurs appointemens , qui ne pourra
néanmoins excéder le maximum fixé par l'article
fuivant . »
,
« V. Les traitemens qui feront accordés aux
employés fupprimés , conformément aux difpo
fitions précédentes , ne pourront excéder la fomme
de 2000 liv. , à quelques fommes qu'aient pu
monter les appointemens de leurs grades , & ils
ne pourront être moindres de cent - cinquante
livres. »
« VI. Après dix ans de fervice révolus , lefdits
employés recevront pour retraite le huitième
de leurs appointemens , & il leur fera en outre
accordé un dixième d'un ſemblable huitième pour
chaque année de fervice au- delà de ces dix ans ;
le maximum de ces penfions fera de 800 liv . ,
& le minimum de 60 hv . »
« VII. Tout fervice public que l'employé
aura fait avant d'entrer dans les régies , fermes
& adminiftrations fupprimées , fera compté pour
former fon traitement , en juftifiant de ce fer(
20 )
vice , & qu'il l'a fait & quitté fans reproche . »
« VIII . La loi du 23 août fera au furplus
applicable à tous ceux des employés fupprimés
qui en réclameront les difpofitions .
כ כ
« IX. Tout employé fupprimé ayant moins
'de dix ans de fervice , recevra un fecou.s en
argent , dans la proportion ci- après ; favoir : »
Ceux qui avoient 1200 liv . d'appointemens
& au- deffus , 120 livres par chaque année de
fervice ; »
e Ceux qui avoient de 8 à 1200 liv . d'appointemens
, 90 liv. par chacun an ; »
« Il fera payé 60 liv . par année de fervice à
ceux qui ont moins de 800 liv . d'appointemens ,
& néanmoins le fecours ne pourra être , pour
aucun d'eux , moindre de 100 liv. »
« X. Les employés qui juftifieront que les
emplois ou les diftributions de fel ou de tabac ,
dout ils jouiffoient au moment de leur fuppreffion
, leur ont été accordés comme retraite à
raifon d'ancienneté de leurs fervices , ou pour
caufe d'infirmités conftatées réfultantes du même
fervice , ou de blefiures reçues dans l'exercice
de leurs fonctions , jouiront du même traite
ment auquel ils auroient droit , s'ils avoient
continué d'être en activité de fervice dans leurs
premières places ; & le temps qu'ils ont occupé
ces nouveaux emplois ou géré lefdites places ,
leur fera en outre compté pour former le mon
tant de leur retraite . »
« XI. Les penfions & fecours accordés par le
préfent décret , ne feront pas payés à ceux des
employés qui , depuis leur fuppreffion , aurcient
obtenu une place d'un produit égal aux deux
iers de la première ; il en fera de même à
l'égard de ceux qui en obtiendroient par la fuire,
21
ou qui refuferoient de l'accepter ; & dans chacun
de ces cas , ils n'auront droit à une penfion
qu'autant qu'ils pourront préfenter un fervice
public d'au moins 30 ans , aux termes du titre
premier de la loi du 22 acût 1790. »
« XII. Pour établir les bafes du traitement
auquel chaque employé commiffionné fupprimé
aura droit à raison du produit de fa place , on
ne calculera que les appointemens fixes , les gratifications
ordinaires & annuelles , & le montant
des remifes fixes feulement , fans pouvoir y
comprendre , fous aucun prétexte , les bénéfices
ou gratifications cafuelles , le logement , les excédans
de remifes , les intérêts des cautionnemens
, les bénéfices d'ufance fur la négociation
du papier , ou tous autres émolumens de cette
efpèce. »
XIII. Ceux des employés qui prétendront
des indemnités pour raifon de dégats faits dans
leurs maifons & meubles , par l'effet des mouvemens
qui ont eu lieu depuis le 12 juillet 1789,
remettront leurs mémoires au commiffaire -liqui
diteur , lequel les régiera d'apres les certificats
des départemens ; & néanmoins lefdites indemnités
ne pourront excéder le montant de trois
années de leurs traitemens , calculés conformé➡
ment aux difpofitions du précédent article . »
сс
XI, A l'égard des employés qui avoient des
commiffions directes des compagnies , & dont les
émolumens confiftoient en tout ou en partie en
remifes fixes fur les débits , tels que les entrepofcurs
, les débitans principaux , les receveurs
de gabelles & fel , & les minotiers , il leur fera
accordé des penfions ou indemnités dans les
proportions établies par les articles IV , V , VI
& XII du préfent décret ; le montant des remiſes
( 22 )
qui leur étoient accordées fur leur débit , fera
déterminé d'après la fixation de la vente à laquelle
ils étoient affujettis . »
ce XV. Les penfious de retraite qui exiftoient
fur les régies , fermes , adminiftrations & compagnies
fupprimées , feront rétablies fi elles font
conformes , foit aux règlemens defdites régies ,
fermes , adminiſtrations & compagnies , foit aux
difpofitions de la loi du 23 août dernier ; & cependant
par provifion , lefdites penfions feront
payées conformément au décret du 2 juillet préfent
mois. >>
« XVI. Les penfions & indemnités qui feront
accordées en exécution du préfent décret , commenceront
à avoir cours à compter du premier
juillet 1791 ; & en attendant que le montant
defdites penfions , fecours ou indemnités foit
déterminé , les employés dénommés au préſent
décret jouiront pendant trois mois , des fecours
fixés par le décret du 8 mars dernier ; mais il
leur fera fait déduction de ce qu'ils auront reçu
à titre de secours , lors du paiement des pen-
Lions & indemnités qui leur feront accordées. »
« XVII. Toute perfonne le prétendant attachées
aux régies , fermes , adminiftrations ou
compagnies fupprimées , ne pourra prétendre ni
penfion ni indemnité , qu'autant qu'elle fe trouvera
dans le cas prévu par l'article III du préfent
décret , qu'elle aura prêté le ferment en
juftice , ou qu'elle juftifiera d'une commifli n
ou nomination émanée directement de la compagnie
ou adminiftration à laquelle elle étoit
attachéc , antérieure d'un an au moins à la fuppreffion
defdites régies , fermes , adminiflrations
& compagnies, »
M. Raband a rappelle la demande de M.
( 23 )
Goupil & de M. Bailly , d'un décret portant
amende ou peine contre les habitans de Paris
qui ne déclareroient pas les étrangers logés chez
eux ; & il a défigné le loyer pour bafe de
l'amende. M. Lavigne a prétendu que les maifons
étcient pleines de gens dont on ignoroit
les deffeins . On a renvoyé la motion au comité.
Après de légers débats , l'on a adopté les ar
sicles fuivans fur les délits ruraux :
« Art. I. Les propriétaires ou fermiers des
champs attenant aux chemins vicinaux , qui les
dégraderont ou les détérioreront , de telle manière
que ce foit , en les fillonnant profondément
avec la charrue , ou en ufurpant fur leur largeur,
feront condamnés à la réparation ou à la reftitution
, & à une amende qui ne pourra êtie
moins de 3 liv . , ni excéder un louis . »
, payera
« II . Tout voyageur qui déclôra un champ
pour fe faire un paffage dans fa route
le dommage fait au propriétaire , & de plus , une
amende de la valeur de trois journées de travail
, à moins que le juge de paix du canton ne
décide que le chemin vicinal eft impraticable ;
& alors le dommage & les frais de renclôture
feront à la charge des communautés. »
« III. Le voyageur qui , par la rapidité de fa
voiture ou de fa monture , bleffera ou tuera
des beftiaux fur les chemins , fera condamné à
une amende égale à la fomme du dédommagement
dû au propriétaire, »
« IV. Quiconque coupera ou détériorera des
arbres d'alignement plantés fur les routes , fera
condamné à une amende du double de la valeur
des arbres , & à une détention qui ne pourra
excéder fix mois . »
*
( 24 )) ..
ee V. Les gazons , les terres ou les pierres
des chemins publics , ni les terres des lieux appartenans
aux communautés , ne pourront être
enlevés par perfonne en aucun cas , fans le confentement
de la commune , Celui qui commettra
ce délit fera condamné , fuivant la gravité du
dommage & des circonstances , à une amende
dont le maximum fera un louis , & le minimuni
3 liv. il pourra de plus être condamné à la
détention de police municipale.
"3
ce VI. Sur la réclamation d'une des commuhautés
, le directoire du département , inftruit
par celui du district , ordonnera l'amélioration
d'un mauvais chemin , afin que la communication
ne foit interrompue dans aucune faifon , &
en déterminera la largeur. »
Sur un rapport fit au nom du comité des
finances par M. Dupont , on a rendu un décret
deftiné à affurer l'exécution de celui du 2 mars
dernier , portant fuppreflion des droits perçus ,
foit par la régie générale , foit par des fermiers
particuliers dans les ci- devant pays- d'Etats , &
à faciliter le recouvrement des droits qui étoient
dus & exigibles à l'époque de la fuppreffion .
Du mardi , 26 Juillet .
- Une jufte appréhenfion d'enrichir les ports francs
de Gênes , Nice , Livourne & Triefte , de ce que
les romans d'égalités , les théories générales contre
les priviléges enleveroient à l'induftrie & au com
merce de la ville de Marfeille , qui met en mer
1500 bâtimens chaque année , dont la navigation
eft la bafe des claffes de la Méditerranée , oc
cupe 80 mille ouvriers , & fait annuellement pour
300 millions d'échanges ; cette crainte triomphant
da
( 25 )
du defir d'innover , de tout niveller , de tout régénérer
, a porté le comité , dont M. Meynier
a été l'organe , à faire une nouvelle exception
capitale au fyftême ennemi des priviléges . Voici
le décret adopté à cet égard .
Des relations de Marfeille avec l'étranger.
cc Art . I. Les maîtres , capitaines & patror's
de bâtimens entrant dans le port de Marfeille ,
ou en fortant , continueront de faire à la douare
nationale de ladite ville , dans les vingt - quatre
heures de leur arrivée pour les navires entrant ,
& avant le départ pour ceux fortant , la déclaration
de leur chargement , en obfervant pour
l'entrée , de diftinguer par ladite déclat ition , ies
marchandifes qui feront deſtinées à la confemmation
de Marfeille , de celles que l'on voudra
mettre en entrepôt .
ככ
« Si les bâtimens entrant dins le port de Marfeille
font chargés de marchandifes , dont les unes
foient deftinées pour Marfeille , & les autres pour
l'étranger , il fera fait des déclarations particulières
relativement à chaque deftination ; & par rapport
à celles de ces marchandiſes deftinées pour l'étranger,
il fuffira , fi elles font permifes à Marfei'le ,
d'indiquer le nombre de caifles , balles ou ballots
, leurs marques & numéros ; mais fi elles
font prohibées , les efpeces & quantités feront
énoncées dans la déclaration ; le tout à peine de
' confifcation defdites marchandifes & de 100 liv.
d'amende. »
ke II. La déclaration des bâtimens devra être
fit , quand même ils feroient fur leur left . Les
patrons des bar ues & autres bâteaux pêcheurs ,
en font cependant difpenfés , dans ce cas & dans
celui où ils feroicut feulement chargés du pro-
No. 32. 6 Août 1791 .
B
( 26 )
duit de leur pêche , mais à condition qu'ils le placeront
dans le port à l'endroit particulier qui leur
eft deftiné , ap ès avoir fait leur d'barquement
de poillon frais fur les quais ordinaires , vollins des
marchés publics. »
« III . Toutes les prohibitiors à l'entrée du
royaume , ordonnées par la loi du 15 mars dernier
, fur le tarif général , auront lieu à l'entrée
du port & territoire de Marfeille ; fans cependant
que les marchandifes prohibées chargées fur des
bâtimens de cert tonneaux & au-deffus , & ayant
une deſtination ultérieure pour l'écranger , puitlent
être faifies . »
IV. Le fucre , le café , le cacao , l'indigo ,
le thé , le favor , l'amidon , la poudre a poudrer,
l'eau- de- vie de vin , la bierre , les chairs falées ,
le poiffon autre que le thon mariné , les huiles
de poiflon & les tab.cs , dont l'importation eft
permife par la loi du 15 mars dernier , les cuirs
tannés & corroyés , les ouvrages de cuir , les chapeaux
, les tilus de laine , de fil de chèvre , de
foie , de coton , de chanvre & de lia , les cotons
filés , autres que du Levant , les laines filées ,
les bourres de faie cardées & filées , les filofelles
& fleurets , les plonibs & étains laminés ou autrement
cuvié , le cuivre de toute forte , ' le laiton ,
le bronze , l'airain , & tous autres métaux avec
alliage , le foufie , les papiers , la verroterie , la
cire blanche , la porcelaine , le liége ouvré , la
mercerie , la quincaillerie , la bijouterie , tous
autres ouvrages en or , en argent & en cuivre ,
ainfi que ceux de fer & d'acier , à l'exception des
canons & des ancres , venant de l'étranger à Mirfeille
, feront fujets aux droits d'entrée du nouveau
tarif; & les marchandifes d'Angleterte ,
nommément comprises dans le traité conclu avec
( 27 )
cette puiffance , aux droits fixés par fedit traité..
ee V. Les doits du nouveau tarif feront réduits
à 60liv . le quintal , à l'égard des toiles de
coton blanches étrangères , & a 20 liv . auſſi de
quintal , pour celles provenant du commerce françois
dans ' Inde , lorfqu'elles auront la deſtination
de Marſeille. »
« VI. Seront exemptes de tous droits les marchandifes
& denrées , autres que celles dénommées
dans les articles III , IV & V du préfent
titre , importées par mer de l'étranger à Marseille ,
la déclaration devra néanmoins en être faite dans
la forme preferite par l'article I du préſent titre .
Le droit de poids & caffe qui étoit perçu à Marfeille
, tant für lefdites marchandifes & denrées
quefur toutes autres , demeure fupprimé. »
1
VII. Seront pareillement exemptes de tous
' droits celles des marchandifes comprifes dans l'article
IV du préfent titre , & ci - après défignées ,
lorfque venant de l'étranger à Maifeille par mer ,
elles devront être réexportées auffi par mer ; favoir ,
les tiffus de laine , de poil de chèvre , de foie
de coton , de chanvre ou de lin , les fils retors ,
la verroterie , la quincaillerie , la mercerie , la
bijouterie & tous autres ouvrages en or , argent ,
cuivre , fer & acier , & les objets fortés au traité
de commerce avec l'Angleterre ; leſdites marchandifes
feront mifes en entrepôt. »
« VIII. Pourront également être mis en entrepôt
, tant pour la réexportation à l'étranger par
mer , que pour la conſommation du royaume , les
toiles de chanvre fervant à des emballages , &
venant du Nord en rouleaux , les foies ouvrées ,
les papiers , l'indigo , le cacao , le thé , les chairs
falées , les poiffons falés , autres que la morue sèche
✯ le tabac , importés de l'étranger à Marſeille ,
C
B 2
( 28 )
ainfi que les, huiles de poiffon des Etats - Unis
d'Amérique. »
IX. Les magafins deftinés aux entrepôts
des marchandifes qui ne pourront être entrepolées
qu'àla charge de la récxportation , & de celles qui
jouiront de la même faveur pour la confommat on
du royaume , feront diftincts , & cependant dans
la même enceinte . Lefdits magafins feront aux frais
du commerce , & fous la clef d'un de les prépofés
& de ceux de la régie. »
« X. La durée de l'entrepôt fera de dix -huit
mois . Les marchandifes deftinées à la récxportation
, & énoncées dans l'article VII du pré--
fent titre ; pourront y être divifées , en telle quantité
que ce foit , pour former des affortimens ,
& pour être embarquées fur un ou fur plufieurs
bâtimens. »
сс
« Celles mentionnées dans l'article VIII du
même titre , ne pourront être retirées de l'entrepôt
que par caiffe , tonneau , balle ou ballot , »
XI. Les marchandifes qui , pendant 1 s dixhuit
mois de la durée de l'entrepôt , en feront
retirées pour l'étranger , n'acquitter ont aucun droit ;
celles qui en fortiront pour la confommation de
Marfcille , & de tout autre lieu du royaume , ou
qui fe trouveront en entrepôt après l'expiration
du délai de dix - huit mois , paieront , favoir ,
les toiles d'emballage , 10 liv . par quintal , & les
autres efpèces de marchandifes , les droits d'entrée
du nouveau tarif, »
« XII. Il ne pourra être retiré de l'entrepôt
aucunes marchandifes que fur un permis délivré
au bureau de la régie , vifé par les prépolés à
la garde des magafins , & après la vifite defdites
marchandifes ; celles expédiées pour l'étranger
pourront être accompagnées jufqu'à bord des
( 29 )
bâtimens par les prépofés de la régie ; & des
objets deftinés à la confommation du royaume
feront tranfportés au bureau , à l'effet d'y acquitter
les droits . »
« XIII. Les beftiaux , les vins , les bois feuil-
Jards & l'amurca ou marc d'olive , feront afiujettis
aux droits du nouveau tarif à la fortie de
Marfeille pour l'étranger , à l'exception de ceux
deftinés à l'approvifionnement des équipages des
navires françois . Toutes autres denrées ou mar
chandifes feront exportées de Marfcille en franchife
.
"
« XIV. Les marchandiſes exemptes de droits
à l'entrée de Marſeille , pourront être vifitées
fur les quais au débarquement ou au bureau
de la régie , au choix du propriétaire ou con--
gnataire . Il en fera de même de celles qui ferontcxpédiées
par mer de ce port , foit pour le
royaume , foit pour Pétranger . Les objets foumis
aax droits d'entrée feront vifités dans le buncau
de la régie , & ceux qui devront être entrepolés
lors de leur miſe en entrepôt . 33
« XV. Les prépofés de la régie ne pourront,
dans aucun cas , faire à bord des bâtimens l'ouver
ture d'aucune balle , caifle ou futaille , pour en
vérifier le contenu , ni aucune autre recherche
dans l'intérieur defdits bâtimens ; mais fi , après
la déclaration & pendant le cours du décharÍ
gement , ils appercevoient , parmi les objets déclarés
pour une deftination ultérieure & fans entrepôt ,
quelque balle, caiffe, ou futaille à l'égard defquelles
ils foupçonneroient la fauffeté de la déclaration ,
ils auroient la faculté de les faire tranfporter à
leurs frais au bureau de la douane , pour y
être vifitées en préfence du capitaine de navire
ou de l'un de fes officiers. Dans le cas our après
B
( 30 )
la vifite la déclaration feroit reconnue fincère &
véritable , kfdites marchand: fes feroient remifes
en bon état , & reportées à bord ég.l mert aux
fais deft is prépof's ; fi au contraire la faufleté
eft reconnue , les marchandifes I ront faifies , avec
Pamende indiquée dans l'article fuivant. »
XVI. Les capitaines de navires ne pourront
commencer leur embarquement ou débarquement
qu'après avoir pris un permis des prépolés .
de large ; les mur hindifes feroct failics , avee
lamen e indiquée dans I ar icle fuivant . »
« XVI. Les marchandifes étrangères tranf
portés à Marſeille par mer , & celles expédiées
à la destination de l'étranger , pourront être verfees
de bord à bord en exemption de tous droits ,
à la charge de prendre également un permis ,
& les prépofés pourront furveiller les vertemensde
bord à bord . »
Des relations de Marfi'le avec le royaume.
" Art. I. Les marchantiles qui patleront de :
la ville & du territoire de Marf. ille dans le royaume,
fans juftifier de l'acquit des droits du nouveau !
tarif payés à l'entrée de cette ville , ou du certificat
de leur fabrication dans ladite ville & territoire
, délivré par les officiers municipaux de la :
vilie , & vifé par les prépofés de la douane , acquit ..
teront ces droits aux bureaux de la régie , établis
fur les limites du territoire , ou aux entrées du
royaume. »
II. Les huiles d'olive expédiées defdites villes
& territoire pour les autres parties du royaume ,
continueront d'être accompagnées d'une expé-·
dition de la douane de ladite ville for conftater
leur origine , & les droits en front payés .
fuivant leur efpèce , conformément au tarif gé❤ .
néral . »
( 31 )
« III. Pour éviter que des huiles de la côte
d'Italie foient préfentées aux bureaux d'entrée
comme huiles du Levant ou d'autres qualités inféricures
, afia d'acquitter un moindre droit , la
municipalité de Marſeille arrêtera tous les mois
un état du prix des huiles communes & des frais
de tranfport aux divers ports du royaume , à raifon
du quintal poids de marc . Un double dudit état
figné par les officiers municipaux , fera remis
au bureau de la régie à Marfcilie ; & le prix des
hui'es , conformément au même état , fera porté
fur les expéditions. Lorsque les prépofés de la
régie aux lieux de la deftination foupçonneront que
les huiles qui leur feront préfentées , comme étant
de qualité inférieure , font de la côre d'Italie , ils
pourront les retenir en payant leur valeur , ainfi
qu'elle fera portée aux expéditions , & le dixième
en fus . »
1
« IV. Les productions des fabriques de Marfeille
& de fon territoire , accompagnées des
certificats de la municipalité , vifés par les prépofés
de la douane nationale de ladite ville , ne
paieront à leur paffage aux bureaux fitués fur les
limites du territoire ou aux autres entrées du
royaume , d'autres droits que ceux fixés par le tarif
qui fera annexé au préfent décret , lefquels font
réglés proportionne lement à la franchife dont
lefdites productions jouiffent fur les matières entrées
dans leur fabrication . Lefdits certificats
n'auront cependant leur effet que pour ce qui
fera expédié par mer , qu'autant que l'embarquement
aura été certifié par les employés de la régie
fur le port. "
« Celles deftinées pour la Corfe feront expédiées
en franchiſe de droit. »
u V. Les objets manufacturés dans le royaume ,
B 4
( 32 )
& qui auront été expédiés pour Manfeille , pour-,
ront être reportés par terre dans l'intérieur du
royaume , pour fa confemmation , en acquittant
aux bureaux placés fur les limites du territoire ,
les droits énoncés en l'article IV ci- deffus. »
« VI. Seront cependant exemptes desdits droits
les mêmes marchandifes venues des fabriques de
l'intérieur à Marſeille , que l'on enverra au lieu
de la fabrique , pour les y faire réparer , à la
huge de prendre l'acquit - a- caution fur la fou
miflion de faire rentrer à Marseille lefdités marchandifes
dans le délai de fix mois, »
ec VII. Les fabricans de la ville & territoire
de Marſeille , pourront faire paffer par terres
dans l'intérieur du royaume , les matières premières
qui ont befoin de recevoir quelques apprêts
avant d'être mifes en oeuvre , & de les y
faire reporter après qu'elles auront été apprêtées ;
le tout en exemption de droits & en donnant
par lefdits fabricans , les foumiflions néceffaires
au bureau de la régie pour affurer le retour ,
dans le délai de fix mois , defdites matières apprêtées
, ou le paiement du droit d'entrée , s'il
en eft dû. »
« VIII. Les fabricans de l'intérieur duroyaume
qui ayant blanchi ou fabriqué des cires étrangères
deftinées à la récxportation , les ferent
relortir par Marseille , continueront à recevoir
le rembou:fement des droits acquittés à l'entrée
fur ces cires venues en jaune , à la charge de jufitifier
du paffage defdites cires ouvrées à l'un
des burcaux fitués fur les limites du territoire,
de leur entrepôt à Marfei'le , fi elles y ont
féjourné , & de leur embarquement dans ce port ;
comme encore de rapporter l'acquit des droits
( 33 )
d'entrée délivré dans les deux années antérieures.
»
Le même remboursement continuera à avoir
lieu , & fans aucune déduction fur toutes les cires
blanchies , ou autrement ouvrées , qui feront
renvoyées du royaume à l'étranger , quel que ,
foit le bureau d'importation & d'exportation en
juftifiant de la quittance du droit d'entrée . »
<< IX. Les matières premières , néceffaires à
l'aliment des manufactures de Marfeille , pourront
paffer de l'intérieur du royaume à Marſeille
en exemption de tous droits , mais feulement jufqu'à
la concurrence des quantités qui feront dé
terminées chaque année par le directoire du département
, fur l'avis de celui du district , &
d'après la demande de la municipalité ; ces objets
devront être accompagnés de paffc- avant délivrés
pour lefdites , par les prépofés du bureau de ladite
ville . »
« X. Les befliaux , les vins , les bois de
chauffage , de conftructions & feuillards , l'amurca
, le marc d'olive & tous les charbons .
pourront également paffer du royaume à Marfeille
& dans fon territoire , en exemption de
droits , en telle quantité que ce foit . »
« XI. Les marchandifes & denrées non comprifes
dans les art, IX & X ci- deſſus , feront
fujettes au paffage , de tel lieu du royaume que
ce foit , dans la ville & territoire de Marſeille ,
aux droits & prohibitions qui ont lieu à toutes
les forties du royaume . "
« XII . Les marchandifes & denrées qui devront
paffer d'un lieu à un autre du royaume,
par empruat de la ville & territoire de Marfeille
, feront exemptes de tous droits , à la
charge , elles font tranfportées par mer
B's
•
de
( 34)
ne pouvoir être hargées fur des bâtimens françois
, d'être expédiées par acquie-à- caution pris ',
anlieu du chargcement , & d'être mifes en entrepôt
, comme il eft réglé par l'article VII , au
titre premier du préfent décret ; & fi c'est par
terre , d'ètre pareillement expédié par acquit-acaution
délivré au plus prochain bureau des lieux
d'en'èvement avec deftination pour l'entrepôt.
Le déli dudit ' entrepôt fera de fix mois ; &
ce terme expiré , les droits de fortie , s'il en
étoit dû à la deftination de Marseille , feront
a:quittés.»
сс
XIII. Les marchandifes & denrées qui ferort
retirées de l'entrepôt pour être tranfportées par
mer dans un autre port de France , ne pourront
également être chargées que fur des bâtimens
françois ; elles feront accompagnées d'un acquità
caution , fi elles font fujertes aux droits de fortie
du nouveau tarif , ou & la fortie du royaume en
et prohibée ; & d'un fimple paffe - avant , fi elles
font exemptes des droits de fortie . »
« Celles qui devront rentrer dans l'intérieur
du royaume par le territoire de Marſeille , feront
expédiées par acquit- à- caution pour le premier
bureau d'entrée . "
Du commerce a: -delà du Cap- d -Po ne-Espérance
& des colonies françoifes d'Amérique.
« Art. I. Le port de Marfeill continuera d'être
ouvert aux armémens pour le commerce françois
au-delà du Cap de Bonne-Espérance , & au commerce
des colonies françoifes , foit pour le départ ,
Toit pour le retour des colonies d'Amérique , en
obfervant les formalités qui feront ci - après prefcrites.
>>
II. Les marchandifes fujettes à des droits
àl'entrée du royaume, & que l'on voudra charger
( 35 )
dans les villes & territoire de Marſeille , à la
destination des commerces énoncés en l'article
ci- deffus , feront conduites au bureau des denrées
coloniales établi en ladite ville . Elles y acquitteront
après déclaration & vifite , les droits d'entrée du
nouveau tarif, & ferent enfuite embarquées fur
un permis des prépofés de la régie audit bureau, s
Les chairs , lards , beurres , faumons falés
& chandelles , feront feuls exempts dudit droit ,
quoique chargés à Marseille . »
« III. Jouiront également de l'exception de
tous droits pour lesdites deftinations , les marchandifes
des manufactures de Marſeille , fur la
repréſentation des certificats de f. brication délivrés
par les officiers municipaux ; mais lefdites marchandifes
ne pourront être embarquées qu'avec
le permis du prépofé des denrées coloniales , qui
fera délivré après la déclaration & la vifite , »
ce Les favons & les cires blanches defdites
fabriques feront feuls affujettis à la deftination
des colonies , à un droit de 7 liv . par quintal. »
cc IV. Les denrées & marchandifes expédiées
du royaume pour Marſeille , à la defination de
l'Inde & defdites colonies , feront parcillement
exemptes de tous droits , mais à la charge d'être
expédiées par acquit - à - caution délivré , fi c'eſt par
mer,au bureau du port de l'embarquement ; fi c'eft
par terre , à l'un des bureaux fitués fur les limites
du territoire de Marſeille , à l'effet d'allurer leur
entrepôt réel à leur arrivée à Marseille , leur em
barquement & leur deftination . »
« V. Les capitaines de navires venant des ifles
& colonies françoifes à Marseille , feront affujetis
aux mêmes déclarations & droits que dans les
autres ports ouverts à ce commerce . »
« VI. Les cotons en graine & en laine defdites
B 6
( 36 )
colonies feront mis , à leur arrivée à Marseille ,
en entrepôt ; & s'ils en font retirés autrement que
pour entrer dans le royaume ou dans la ville de
Marſeille , pour l'ufage de fes fabriques dans les
proportions qui feront déterminées , comme il
eft preferit par l'article IX du titre II , ils feront
en ce cas fujets aux droits de douze livres par
quintal . »
« VII. Au moyen des difpofitions portées par
l'art . V du préfent titre , & de celles énoncées
en l'art. IV du titre premier , les fucres , même
rafinés , le cacao , le café & l'indigo pafferont
de Marſeille dans les autres parties du royaume
en exemption de droits , pourvu qu'ils feient
accompagnés de pafle-avant; les autres marchandifes
des colonies françoifes feront , à la même
deftination , fujettes aux droits du nouveau tarif,
à moins qu'à leur arrivée elles n'aient été mifes
en entrepôt . Dans ce dernier cas , elles feront auffi
expédiées par paffe - avant pour le premier bureau
du royaume. »
сс
« VIII. Pour éviter que l'on n'applique aux
cafés du Levant l'exemption de droits dent jouiront
les cafés des colonies françoifesimportés deMarfeil e
dans le royaume , la franchiſe accordée à ceux - ci ne
pourra avoir lieu qu'autant qu'ils pafleront par l'un
des bureaux de Septemes, la Penne , la Gavotte ,
Toulon , Cette , Agde , Vendres & Arles ; &
les prépofés auxdits bureaux pourront retenir les
cafés qui Lur feront préfentés comme provenant
des colonies, ca payant le prix defdits cafés d'après
l'état d'évaluation des denrées coloniales arrêtés
pour l'année , & le dixième en fus . »
Article général & commun .
« L'inexécution des formalités preferites par les
( 37 )
troistitres ci - deffùs , afſujétira les contrėvėnañs aux
peines portées par les loix générales dans tous les
cas auxquels il n'y aura pas été dérogé par le pré, ·
fent décret . » 2
Aujourd'hui que la révolution eft couronné , a
dit alors M. Démeunier , vous avez voulu arrêtet
les mouvemens révolutionnaires ; vous avez pris
l'invariable réfolution de rétablir l'ordre & d'affu
ier , avant votre départ , l'obéillance abfolue aux
loix qui eft le véritable caractère de la liberté. Le
bon emploi de la force publique encouragera les
citoyens honnêtes y……. réduira au filence les calomt
riateurs de vos inftitutions , ... ramènera parmi
nous ceux que la peur a éloigné , garantira
leurs propriétés , fi de nouveaux attentats ne nous
forcent pas à les mettre en féqueftre ... Vengeance
digne de vous & de la grande nation que vous
repréfentez .
..
Dans les raifonnemens du rapporteur & dans le
-projet de décret qui les a fuivis , peut-être n'a-t- on
pas affez diftingué la force populaire , la force nationale
& la force publique . Actuellement tout
rend la première évidente & fenfible dans toutes
les parties du Royaume. Une guerre étrangère
donneroit la mefure de la feconde , où les talens
éprouvés des chefs , la difcipline & l'habitude des
exercices & des fatigues militaires , l'abondance
des munitions & du numéraire , balanceront toujours
le nombre des enrôlés. La troisième paroît
: effentiellement incompatible avec un armement
univerfel. On ne fauroit vouer au maintien de la
police , de la sûreté , des propriétés , qu'une foible
partie de cette maffe énorme , formidable ,
que le flux & le reflux de l'opinion , le choc des
paflions , des intérêts , des fictions pourront empê-
2 chec d'ètre docile à l'afcendant moral de la loi &
7
"
3
( 38-)
au refpect des droits de la liberté politique & individuelle.
Voici les articles tel qu'ils ont été décrétés
après divers amendemens qui n'ont inflivé
que fur quelques termes :
« L'Affemblée nationale , confidérant que la
Liberté confifte uniquement à faire ce qui ne nuit
pas à autrui , & à fe foumettre à la loi ; que tout
citoyen , appelé ou faifi en vertu de la loi , doit
obéir à l'inftant , & fe rend coupable par la réfif
tance ; que les propriétés donnent un droit inviolable
& facré ; qu'enfin la garantie des droits de
f'homme & du citoyen nécelite une force publi
que , décrère ce qui fuit , touchant l'emploi &
J'action de cette force dans l'intérieur du royaume.»
Art. I. Toutes perfonnes furprifes en Alagrant-
dé it , ou pourfuivies par la clameur pu
bique , feront faifies & conduites devant l'officier
de police. "
*
te Tous les citoyens , inferits ou non fur le rôle
de la garde nationale , font tenus , par leur ferment
civique , de prêter fecours à la gendarmerie
nationale , à la garde foldée des villes , & à tout
forCtionnaire public, auffi- tôt que les mots , force
à la loi , auront été prononcés , & fans qu'il ſoit
befoin d'aucune autre réquisition , »
ce II. Les fonctions mentionnées en l'article
premier de la fection deuxième du décret du 16
janvier dernier , que la gendarmerie nationale
doir exercer fans requifition particulière , feront
remplies pareillement par les gardes foldées , dans
les villes où il y en aura , non-feulement en ce
qui concerne les flagrans- délits & la clameur publique
, mais auffi contre les porteurs d'effets
volés ou d'armes enfanglantées , les brigands ,
voleurs & affaffins , les auteurs des voies de
fait & violences contre la sûreté des perfonnes
139. )
& des propriétés , les mendiars & vagabonds
les révoites & attroupemens féditieux, » .
a III. S. des voleurs ou des brigands fe porent
en troupe fur un territoire quelconque , ils feront
repoutlés , failis & livrés aux efficiers de police
par la gendarmerie nationale & la garde foldée
des villes , fans qu'il foir befoin de requifition.
Ceux des citoyens qui fe trouveront en activité
de fervice de garde nationale , prêteront main
forte au befoin , & fi un fupplément de force
eft néceffaire , les troupes de ligne , ainfi que
tous les citoyens inferits , feront tenus d'agir fur
la requifition du procureur de la commune , ou , à
fon défit , de la Municipalité, »
« IV. Alors la réquifition des communes limitrophes
continuera d'être autorifée : celles qui ,
pouvant em , êcher le dommage ne l'auront pas
fait , en demeureront refponfables envers les per
fonnes léfées , & feront pourfaivies , fur la réqui
fition du procureur - général - fyndic du départe
ment , à la diligence du procureur -fyndic du
diſtrict , devant le tribunal le plus voisin. »
> V. Les dépofitaires de la force publique
qui , pour faifir leidits brigands ou voleurs , fe
trouveront réduits à la néceffité de déployer la
force des armes , ne feront point refponfables des
évènemens. »
« VI. Si le nombre des brigands ou voleurs
rendoit néceffaire une plus grande for e avis en fera
donné fur-le-champ par la municipalité , on le
procureur de la cominune , au juge de paix du
canton & au procureur- fyndic du district ; ceuxci
, & tujours le procureur- fyndic à défaut ou
en cas de négligence du juge de paix , feront
tenus de requérir , foit la gendarmerie nationale
, foit la garde foldée , dans les lieux ouì il y
( 40 )
An'auras qui feuvent le trouver dans le canton,
du lieu du délit , ou même dans les autres
cantons du district ; fubfidiairement les troupes
de ligne qui feront à douze milles du lieu de l'incurfion
; & enfin , dans le cas de néceffité , les
citoyens inferits dans le canton & dans le diflrict
pour le fervice de la garde nationale . »
« VII. Quiconque s'oppofera , par violence
ou voie de fait , à l'exécution des contraintes
légales , des faifies , des jugemens ou mandats
de juftice qu de Folice , des condamnations par
corps , des ordonnances de prife-de- corps , fera
contraint à l'obéiffance par les forces attachées
au fervice des tribunaux , par la gendarmerie
nationale , & par la garde foldée des villes . »
CCcc VIII. Si la réfiftance eft appuyée par p'uheurs
perfonnes ou par un attroupement , les
forces feront augmentées en proportion ; & à ce
cri , force à la loi , tous les citoyens feront tenus
de prêter fecours , de manière que force demeure
toujours à justice ; les rebelics feront faifis , livrés
à la police , jugés & punis felon la Loi . »
« IX. Sera réputé attroupement féditieux , &
puni comme tel , tout raffemblement de plus de
quinze perfonnes s'oppofant à 1 exécution d'une
doi , d'une contrainte ou d'un jugement . »
ce X. Les attroupemens féditieux contre la
perception des cens , redevances , agriers & champarts
, contre celle des contributions publiques ,
contre , la liberté abfolue de la circulation des
fabfiftances, des efpèces d'or & d'argent, ou toutes
autres espèces monnoyécs , contre celle du travail
& de l'induſtrie , ainfi que des conventions
:relatives aux prix des falaires , feront diflipés par
Ja gendarmerie nationale , les gardes foldées des
willes, & les citoyens qui fe trouveront de fer(
47)
Vice en qualité de gardes nationales : les coupa
bles ferent faifis pour être jugés & punis felon
là lại . s
le
« XI. Si ces forces fe trouvent iufuffifantes
procureur de la commune fera tenu d'en don '
ner avis fur-le -champ au juge de paix du canten
& au procureur-fyndic du diftrict
« XII. Ceux-ci , & toujours le procureurfyndic
, à défaut ou en cas de négligence du
juge de paix , feront tenus de requérir a l'inftant
le nombre néceffaire de troupes de ligne qui fe'
trouveroient à douze milles ; & fubfidiairement
les citoyens infcrits dans la garde nationale , ſoit
du canton oùle trouble fe manifefte , foit des autres
cantons du dift: ict. Les citoyens actifs des communes
, troublées par ces défordres , feront en même
temps invités à prêter fecours pour d.fiper l'at
troupement , faifir les chefs & principaux coupa
bles , & pour rétablir la tranquillité publique &
l'exécution de la loi . »
« XIII . La même forme de réquifition & d'ac-'
tion aura lieu dans le cas d'attroupement féditieux &
d'émeute populaire contre la sûreté des perfonnes ,
quelles qu'elles puiffentêtre , contre les propriétés ,'
contre les autorités , foit municipales , foit adminif
tratives , foit judiciaires , contre les tribunaux civils
, criminels & de police , contre l'exécution des
jugemens , ou pour la délivrance des prifonniers
o condamnés ; enfin contre la liberté ou la tranquillité
des Affemblées conftitutionnelks. »
сс« XIV. Tout citoyen eft tenu de prêter mainforte
pour faifir fur- le-champ & livrer aux efficiers
de police quiconque violera le refpect dû
aux fonctionnaires publics en exercice de leurs
fonctions , & particulièrement aux juges ou aur
jurés. לכ
29
t
( 42 )
« XV. Les procureurs- fyndics des diſtricts ,
auffi - tôt qu'ils feront dans le cas de requérir des
toupes de ligne , feront tenus , fous leur refponfabilité,
d'en inftruire les procurcu: s - généraux-
Tyndics de départemens , qui , fous la même refponfabilité
, en donneront avis fur - le- champ à la
légiflature & au Roi , & leur tranfmettront la
connoiffance des évènemens , à mesure qu'il
furviendront. »
« XVI. Si la fédition parvenoit à s'étendre
dans une partie confidérable d'un diſtrict , lẹ
procureur-général-fyndic du département fera tenà
de faire les requifitions récaires aux gendarmes
nationaux & gardes foldées , même en cas de
befoin aux troupes de ligne , & fubfidiairement
aux citoyens infcrits comme gardes nationales
dans des districts autres que celui où le défordre.
aéclaté ; d'inviter en même temps tous les citoyens
actifs du diſtrict , troublé par ce défordre , a fe
réunir pour opérer le rétabliſſement de la tran
quill té & l'exécution de la loi . Les procureursgénéraux-
fyndics , auffi - tôt qu'ils prendront cetre .
mefure , feront tenus , fous leur refponfabilité ,
d'en donner avis au Roi , & à la légiflature fi elle
eft affemblée. »
сс
XVII. Les requifitions des juges de paix cefferont
à l'inftant où les procureurs-fyndics en auront
fait , & ceux - ci s'abftiendront pareillement
de toute requifition , auffi - tôt après l'intervention
des procureurs généraux - fyndics . »
XVIII. Les citoyens inferits fur le rôle des
gardes nationales , & non en état de fervice , ne
feront requis qu'à défaut & en cas d'infuffifance
de la gendarmerie nationale , des gardes foldées &
des troupes de ligre. »
« XIX. Il ne pourra , en aucun cas , être fait
( 43 )
de requifition aux gardes nationales d'un autre
département , fi ce n'eft en vertu d'un décret du
corps législatif fanctionné par le Roi . »
« XX. Aucun corps ou détachement de troupes ,
de ligne ne pourra agir dans l'intérieur du royaume
fans une requifition légale , fous les peines établies .
les loix. »
par
D'autres articles n'ont été adoptés que fauf
rédaction . L'un de ces derniers a donné lieu à
M. Démeunier de dire qu'il y a une grande im-.
moralité à changer le cours de la force publique ;
«< que demander à un magiftrat civil des ordres
pour avoir occafion de faire feu , c'eft montrer
une avidité de fang qui ne peut être adoptée » ;
le tout à propos de l'idée de M. Tronchet que
le commandant de la force publique avertit le
magiftrat le plus à fa portée dans un cas d'infurrection
alarmante , & que celui- ci , juge de
paix ou municipal , fût tenu de fe préfenter fur
cet avertiffement .
M. Prieur a defiré que l'officier civil joignit
aux proclamations & au drapeau rouge , un
inftrument qui fe fit entendre mieux & plus .
loin que la voix . C'est au comité à propoſer
l'inftrument qu'il préférera tambour , trompette ,,
fonnette ou crece le.
On a annoncé que les membres du comité de
conftitution ſe réuniront ce foir pour entendre
une première lecture de la charte conftitutionnelle
heureufement achevée . Cette annonce a
été couverte d'applaudiffemens.
Sur la propofition de M. le Clerc , un décret
a ordonné que les compagnons & les ouvriers .
papetiers ne pourront quitter leurs maîtres fans
es avoir prévenus fix femaines auparavant, fous
peine de 100 livres d'amende payables par corps.s
( 44 )
& de 300 livres contre les maîtres fabriquans
qui les recevront ou engageront ; que les maîtres
avertiront de même les compagnons & ou
viiers , ( ks uns & les autres devant témoins ) ,
à peine de les nourrir & payer pendant fix
femaines . Le pouvoir exécutif cft chargé de fire
cxécuter ce décret , & les commiffaires de l'Affemblée
veilleront à fon exécution .
La question s'il y aura des ordres en France ,
rapp ll'e par un mot de M. Boiffy fur l'ordre de
Malthe , a été ajournée à famedi prochain."
Une lettre de M. Thévenard- a invité l'Affemb'ée
à décider fi les gouverneurs des colonics
conferveront le droit de fanctionner qui leur
cft donné par les décrets . M. Begouen a fait
fentir combien il étoit important de prononcer
au plutôt pour la sûreté des colonies . Le corps
conftituant a rendu , fur-le- champ , ´un décret '
affirmatif , & fa féance a été levée .
: Du mardi féance du foir,
Lettres & adreffes des directoires , des gardes
nationales érigés en corps délibérans , & d'amis
de la conftitution , lues avec la même fatisfaction
que toujours & aufli ingénuement applaudies.
Mais une adreffe dont M. Lavigne , l'an dest
fecrétaires , a fait lecture , & qu'il a dite être
quée de 1670 citoyens de Montauban , a donné
hieu aux plus violentes rumeurs qu'on ait vucs:
raitre depuis long-temps dans l'Aflemblee . Nous
en tranferirons ici les principaux pallages pour
caractériser & les correfpondans & l'auditoire ,
par les faits même & non par aucunc opinion .
individuelle.
Les citoyens de Montauban réunis autour
de l'autel de la patrie , y célébroient l'anniver- g
( 45 )
1
,
faire de la liberté conquife... lorfque des mur
mures fourds ... font venus troubler un inftant
la férénité de la fête . Une déclaration de 290
députés à l'Affemblée nationale nous a été remife
; elle a excité parmi nous une indignation
mêlée du plus profond mépris. Quel eft donc
le but de cet écrit coupable , & quel eft l'espoir
de les auteurs ? Prédicateurs finatiques de la
guerre civile , veulent - ils... armer d'un poignard
homicide le fils contre le père ( on applaudit à
gauche ) , & ne faire de ce vafte empire qu'un
théâtre de défolation & d'horreur ? Depuis deux
ans ces hommes barbares ne cellent de fouffler
le feu de la difcoide , tantôt au nom de Dieu ,
tantôt au nom du Roi. Ennemis de l'un & de
fautre , c'eft fur des monceaux de cadavres
qu'ils voudroient rétablir le règne à jamais odieux
des terans & des prêtres... Avec quelle adreffe
perfide ils feignent de s'attendrir fur le fort du
Monarque ! ils le préfentent captif , enchaîné ,
dépouillé de fa prérogative , liyré à la merci de
fes fujets révoltés contre lui . Ils verfent fur fes
malheurs des larines hypocrites (applaudiffemens
du côte gauche ) , les traîtres ! & ce fout cuxmêmes
qui ont creufé l'abîme où ils l'ont précipité.
C'eft par l'effet de leurs confeils , de
leurs complots , de leurs manoeuvres , que ce
prince eft devenu parjure & malheureux. Leur
fied- il de reprocher à la nation le crime qu'ils
ont commis ? Oui , Meffieurs , fans cel pertur
b.teurs du repos public , que des choix peu
réfléchis ont placés dans l'Affemblée de nos
législateurs , où ils étoient fi peu digne de pàroître...
( ici le côté gauche & les galeries ont
retenti d'éclats de rire & de battemens de mains ) .
« Il faut relire cela demain , a dit alors M.
1
( 46)
Perdrix ; ils n'y font pas. » Les membres de la
droite étoient en très -petit nombre. M. Lavigne
a pourfuivi.
La France cûr joui du calme & de la paix ,
la plus belle des révolutions fe fùr opérée fans
ébranlement , les peuples feroient heureux , &
Louis XVI n'eût p : s affoibli , par de fauffes
démarches , le refpect que les citoyens fe plaifoient
à lui témoigner. Mais fi leurs proteftations
ne font dictées que par le tendre a tachement
qu'ils ont pour le Roi , pourquoi ne font- ils pas
le facrifice de ce qui leur eft perfonnel ? On les
eût crus peut-être fi renonçant a l'orgueil du rang
& de la nailfance , rentrant uoblement dans la claffe
des citoyens , fe dépouillant de ces richeffes corruptrices
qui fi long- temps ont fouillé l'autel &
fcandal fé l'églife ( vifs applaudiffement ) , ils fe
fuffent montres vraiment purs & défin : éreffés ;
mais en ce moment ils affectent de poffer des
' cris lamentables fur la perte de la royauté , i's
s'obtinent à retenir des noms , des titres , des
priviléges que la nation entière leur contefe , &
qu'elle ne veut plus reconnoître.. Si l'on jugeoit
cet infame écrit avec toute la rigueur qu'il mérite
, on ne balanceroit pas à invoquer contre fes
auteurs la jufte févérité des loix . Le respect du
à l'inviolabilité des repréfentans de la nation eft.
grand fans doute ; mais vous avez décidé qu'il
exifte des délits dont l'effet eft de priver up
repréfentant de la nation de fon inviolabilité
& s'il en exifte , le crime des 290 députés eft
inconteftablement de ce nombre... »
сс
« Ah ! c'en eft trop , s'eft écrié M. Malouet qui
´s'étoit élancé à la tribune . Je demande la parole.
» On exige , au milien d'un bruit inexpiimable
, que M. Lavigne répète la phrafe ; on
( 47 )
ne fait filence que pour lui fcul ; a relit avec
complaifance & continue .
ncur се
>
Ces amis de la paix & de la liberté jurée des
oprions , fi refpectueux , fi juftes envers leurs
repréfentans , le Monarque & l'églife , appellent
Técrit qu'ils cenfurent , une déclaration de guerre
contre la nation une révolte de la minorité
contre la majorité , un entaffement d'injures
contre la fouveraineté du peuple : « & nous
pourrions fouffrir , ajoutent- ils , que nos ennemis
fiégeaflent encore parmi nos légif.teurs
qu'ils infultalent à la fageile de leurs décrets ,
qu'ils continuafin de préfenter le fcandaleux
exemple de la défobéillance la plus féditieufe ! »
Reprochant aux 290 ce qu'ils ont dit de l'honqui
n'eft plus pour eux dans la route
commune ; l'écrivain affirme que l'honneur
confifte à remplir les engagemens qu'on a contractés
, axiône incontcitable qui peut fervir à
juger tout mandataire parjure à fes commettans.
Il traite les 290 , de repréfentans infidèles , de
lâches , d'égoïltes dangereux ; les accule d'avoir,
à prix d'or , corrompu des collègues que 1.ur
état palé auroit dû rendre incorruptibles .
» I
demande s'ils recevront leur falaire en reftant
dans leur nullité : « exigercz - vous que nous
payions aufli votre inaction , & joindrez - vous
l'injuftice à la révolte ? » Il louc l'Affemblée
nationale d'avoir retisé l'héritier du trône « des
mains que le parjure avoit fouillées » ; de ce
qu'elle a diftingué le Roi de la royauté , le
Prince du trône , le forctionnaire de fes fonctions
, l'homme de fes devoirs . « Tout ce que
vous avez fait , vous avez dû, le faire . » Les
1670 fitiffent par jurer de vivre libres ou mourir ,
d'adhérer à tous les décrets fans réſerve , & par
( 48 )
ces mots : « fi les malveillans ofcient . tenter de
faire rétrograder la révolution , fouvenez - vous
que nos bras font armés pour vous défendre &
pour vous venger . »
reur ,
Des tranfports de joie ont couvert ce vou
civique. M. Malouet a voulu prendre la parole ,
des cris redoublés : à l'ordre du jour , la lui ont
enlevée . On a demandé l'impreffion de l'adrele ' ,
il s'y eft oppofé ; le tumulte étoit au comble
quand M. Rewbell a fait la motion de déclarer
coupables les 290 fignataires & de les envoyer à
'Orléans . M. Maloue: ainfifté , foit comme accufafoit
comme accufé ; il demandoit qu'on fit
juftice de tant d'outrages applaudis ou qu'on fit
le procès à ceux qu'on en accabloit . « C'eft ,
difoit- il , l'injuftice la plus horrible un defpotime
infoutenable, » Un bruit affeux lui a
coupé la voix. On eft paffé à l'ordre du jour .
M. Malouet fe retire , les galeries applaud. Tent ;
il rentre , elles ceffent de battre des mains ; il
fort , eles recommencent , le président leur impofe
fience , & fur la niotion , fans doute peu
diferette , d'imprimer l'étrange adreffe écrite ou
copiée à Montauban , l'Affemblée s'occupe d'un
autre objet.
сс
Nos lecteurs fe fouviennent d'un décret rendu
contre le commiffaire général ordonnateur de la
marine à Toulon , fur l'inculpation hafardée
d'avoir couru le rifque de foulever les ouvriers
du port en affirmant , à tort , qu'il n'y avoit
que 3,000 livres en caiffe lors de la nouvelle du
départ du Roi , tandis que , fuivant un procèsverbal
, on y avoit trouvé 13,690 livres ca
numéraire & une fomme très - confidérable en
affignats . Ils n'ont pas oublié l'énergique réclamation
649
mation de M. Malouet qui fufpendit l'effet de
ce décret d'arrestation illegale dont le titre feuf!
auroit pu livrer un citoyen vénérable , un père
de famille aux fareurs meurtrières d'une multitude
égarée . Eh bien ! aujourd'hui , M. Varin ap
attefté à l'Affemblée nationale qu'au moment de
la déclaration de cet intègre ordonnateur , il n'y
avoit réellement que 3,000 livres en caiffe , &
que ce ne fut que le lendemain qu'il y eut
13,690 livres , graces à des verfemens faits de
l'aveu du tréforier . L'Affembléc a conféquem-”
ment déclaré non avenu fon décret fufpendu z
rétractation honorable , comme tout ce qui eft
julte , mais qui rend évidente la nécefité de
moins adminiftrer ; ou de ne décréter que furl
des inform itions plus probantes qu'un fimple
rapport, & contradictoirement vérifiées .
-
M. Tricdud a fait fon rapport für Téchange
du comté de Sancerre ? Sins révoquer en doute
la vérité des allégations , on peut croire qu'ellesne
feront rigoureufement démontrées que lorfque
les parties intéreffées auront été entendues s
or , M. d'Espagnac a demandé à Fêtre, & le
la féance extraordinaire de vendredi
foft En attendant les réponfés de M. d'Espagnac
& celles de M. de Calonne perfonnellement in
culpé , le comité & le rapporteur ont évalué les
objets , ils y ont joint le domaine de Rhaling
dont l'engagifte ne s'eft pas mis en pofleflion y
& les fommes payées par le trefor public pour
foulte & frais d'évaluation ( 1,160,733 livres ) ,
un total de 5,738,281 livres & ont formé ale comté de Sancerre ne
112 fols: Selon eux ,
་ ་ ་
donne qu'un produit brut annuel de 71,917 liv , g
l'adminiſtration des domaines n'en a même perçu ,
pendant une régie de cinq années , que's 4,057
N° 32 6 Août 1791.
20
C
livres , année commune , fur laquelle fomme il
a fallu acquitter les charges. Les conclufions ultérieures
de M. Fricaud ont donc été le projet
de décret fuivant :
« L'Aemblée nationale , confidérant que rien
ne juftific que le gouvernement ait excité en 1777,
le heur d'espagnac à faire l'acquifition de la
terre de Sancerre ; »
Qu'aucun motif, réel de juftice, ou de convenance
n'a déterminé l'échange de cette terre
ca -1784
בכ
Js Que le confentement donné par le Roi à
cet échange a été furpris par un expoté infidèle du :
fieur de Calonne , alors fop miniftre , devenu
pattie intéreflée dans ce même échange »
сс
..
Que dans le choix des domaines échangés
on a compris des forêts confiderables , contre
l'intention que le Roi avoit expreflément, manifeltée
;
« Que la maffe des domaines donnés en
échange a été progreffivement augmentée , au
préjudice de l'état , par des diftractions & des remplacemens
combines
« Et qu'enfin l'intérêt national , bleſſé , par
la disproportion énorme qui exifte entre le do-,
maine de Sancerre & ceux qui ont été cédés en
échange ne permet pas de confommer un parcil
contrat
so Décrèce ce qui fuit ; »
2
Apvil. L'Ademblée nationale révoque le
contrat d'échange , palé le 30 mars 1785
entre les commullaires du Roi d'une part , & le
S. Jaun-Frédéric Guillaum , Sahuguet d'Efpognac
de l'autre , & tout ce qui a précédé & fulvi
deérète, en conféquence que tous les domaines
compris, audit contrat , & aux lettres - patentes des
1
1
mois de mars & dadût 1786 3 font réunis am
domaine national pour être adminiftrés par les
préposés à la régie desvdomaines : nationaux , à
compreradela publication du préfent décretji
délaiffe audit fieur d'Efpagnac le ci-devant comté
de Sancerre , pour s'en remettre en poffeffion
actuelle , & en jouir comme filedit échange
n'avoit pas eu lieu. »
• 2
« II. L'agent du tréfor public fe pourvoira
par les voies de droit en paiement de la fomme
de 500,000 live , dont il a été donné quittance
audit heur d'Espagnac , par le contrat d'échange .
*C
ག
H. It fe pourvoira également , en répétition .
de pareille fommé de 500,000 liv. , payée en
vertu de l'ordonnance de comptant , du 9 jan, s
vier pour foulte provifoire dudit échange , &
ceo, brant contre ledit fieur d'Espagnac que contre ,
lesfieur des Calonner, qui a fait délivrer cette
fommel contre la décifion du Roi , du 26 ſeptembreta784yi
fansen affuret l'emploi en paic- .
ment des dettes hypothéquées fur le ci-devant
comté de Sancerre.febr 139
IV. d'agent du tréfor public pourſuivṛa en
outre le remboursement de la fomme de 160,733
1. 4 f. , payées en vertu des ordonnances de
comptanta des 28 mars: 17846 10 septembre &
12novembre 17861, fur laquelle fommeil fera fait
déduction au fieur d'Efpagnac des frais relatifs
audit échangéing back step f
¿ c Du mercredi , 27 juillet.
A la fuite de plufieurs adreffes , admiratives &
applaudies , M, Lavigne a fait lecture d'une
lasre des officiers municipaux du Port - au-Princeusqui
mandent que la nouvelle indirecte du
dégek du premier février 1791 , a été reçue avec ,
3
C2
(( 1572 )
tranfport dans les parties de FE & du Sud, &
dans un grand nombre de paroiffes, des parties
du Nord. Ils attendent avec impatience les com
miffaires civils que ce décret leur annonce :
Quand jouirons-nous enfin , comme les autres
» François , du bienfait de la régénération ?……….
» Chacan verroit en eux ( ences commiffaires ) .
les dépoft ires de l'autoritén fuprême, de l'Ad-
» femblée, lleng nei nul shop, LE ..k
"
+
Ils fe plaignent beaucoup des actes de violence
& de tyranme de M. Blanchelando ,oqu'ils
peignent affervi en tout aux idées de feu le colonel
Mauduit & pour donner , des notions
exactes des principes de l'un & de l'autre , ils
envoient une copie d'une lettre écrite de la main
de M. Mauduit , lettre ltrouvées.comme cop en
trouvé depuis la révolution dans des poches,
on dans les papiers ade ceux qu'il ne luffit pas .
d'avoir malacré. Nous extrairons sici d'effentiel
de cette copie , dont des municipaux aflurent
qu'ils polsèdent l'originali qob tab 109in
Lettre écrite par M. Mauduit , dans le tempes
qu'il étoit à Paris en ( février ) 179b , à M.
le comte Fernand - Nunés , ambassadeur d'Ef
pagne.b ch tiny ca
1
+
cc ... Je n'eftimes perfonne plus que de
» comte Fernand-Nunes je lui fais. fi profon
» dément attaché ! mais les circbuftances meb
ent à quitter fa maifon pour allerme logers
tans un hotel garni je ceflerai de le voir ;
mais mon fentiment le fuivra toujours …….
» Je lui dirai avec franchiſe ce qui me détermine
» à cette démarche qui me peinel ... J'aime mas
patrie avec paffion , j'aime le fang de mes !
» Rois comme on ſavoit l'aimer hit y adeur
fècles , je fuis attaché à la conftitution de
( 83 )
mon pays , & tout ce qui arrive me déchire.
55 La démarche actuelle du Roi , en allant à
? l'Affemblée nationale , me paroît déchirante s
c'eft , fuivant moi , la deſtruction totale de la
monarchie 3 c'eft un hommage que le fouverain
rend au crime qui a tout bouleverfé ,
39 tout détruit ;² c'eft fuivant moi , un prince
qui abindonnefes fidèles ferviteurs , les hon-
59 nêtes gens de fon royaume pour aller fe
» mettre à la tête des miférables qui l'ont dé-
5 trôné , & qui ont juré la perte des gens de
» bien ; c'eft un Roi qui fe coalife avec le crime
" pour accabler , anéantir toute overtagetout
33 honneur toute probité: » uri o
V
J
a Voilà ma profeffionde foi M. le comtes
» jugez du déchirement que j'ai éprouvé lorfque
↳ɔ je vous af entendu , mardi au foir dans votre
ɔs appartement , me dire que vous approuviez
» cette démarche ...... Depuis ce moment , je
55 vous évite , je m'évite moi- même , je fuis
bo malheureux...... Comment , M. le Comte ,
vous noble Espagnol , François par votre mère ,
repréfentant un fouverain du fange dennos
Rois , vous approuvez une révolution atroce,
» la deftruction de la religion , le détrônement
de notre Roi , l'aviliffement du fang des Bour-
35 bons, la violation de tous droits , de tobte juftice,
l'ouvrage de l'ingratitude , l'ouvrage de
monftres voués depuis long- temps au mépris
public connus par leurs vices , leurs baf-
» feffes , & c... Vous avez abandonnél là caufe
des fouverains , de la juftice , des honnêtes
gens ; on n'a pas fait un pas pour arrêter le
torrent qui a tout emporté , la politique des
35 repréfentans des Rois de l'Europe a été de
» paroître le réunir au vou des monftres & de
C 3
( 664 )
slá populace parifienne . Quis l'ambaladeur
d'Espagne , & j'ofe vous le dire , pafle dans
sole public pour avoir fervi dans la révolution ...
Vous avez afifté aux funérailles de la Fran
vce... Qu'il oft malheureux pour vous d'avoir
» remplacé Mod'Aranda ! L'Elpagne nous cûr
fecpuru , &ncût entendu , fes; véritables intéz
» rêts. Youssivoyez qu'avec mes opinions, &
mon auftère franchife , je ne puis plus , babiter
chez vous je vous refpecte , vous eftime ,
55 vous aime .... J'ai l'ame - navrée,... Il cft cruel
de renoncer à votre amitié, pour votre eſtime,
vous ne pouvez me la refuſer, » » · TI
0
9
De cette lettre & d'une autre que les mêmes
officiers municipaux ont auffi de bonheur de pofféder
en original , ils concluent que M. , Mau
duity & tour le confeil du gouvernement de la
Colonie ne refpiroient que defpotifme. « Voilà,
écrivent- ils , les véritables intentions de celui
a qui égorgeoit les citoyens , la nuit duy 29
juillet , au nom de la nation , de la loi & du
Rai; voilà les fentimens de refpect qu'avoit
intérieurement pour Affemblée nationale &
pour les travaux , celui dont la conduise a
po cependant obtenu¡ vos éloges .
1
Aux apperçus moraux & politiques , fajfant
fuccéder le récit des événemens le rédacteur
de la lettre municipale raconte que le régiment
du Port-au- Prince , après avoir maslacré lon co
Jonél , s'eft permis plufieurs défordres qui ont
alarméi la colonie , fecondée par un journaliſte
incendiaire du Cap. Une affiche qui prétentoit
da fatyre ou la caricature de ce journaliſte , fut
anachée par un chaleur du régiment du Porte
au -Prince Divers habitans s'y opposèrent les
foldats prirent parti pour leur camarade , & la
155 >
municipalité affoupit cette affaire , au moins pour
la journée. Mais 1s lendemain , les efprits" s/bchauff
èrent davantage? Les gardes nationales
s'affemblèrent , & furent appuyés par les régimens
d'Artois & de Normandie . Réunis , ils propofèrent
d'abord, ils exigèrent enfuite qu'on leur
Haiffat défarmer le régiment du Port- au -Prince.
La municipalité fit la commes d'autics, ent fait
ailleurs , commanda ce qu'on exigeoit pour
n'avoir pas l'air d'obéir , & ce régiment inveſti
dans fes cafernes , par 4000 hommes & du cánon
, rendit les armes fans qu'il y eût de fang
répandu . Il protefta qu'il n'y avoit aucune munition,
& l'on trouva dans une chambre dont les fapeurs
de la garde nationale brifèrent la porte à coups de
hâche , fept cabrouets de poudre , cartouches ,
grenades. & petits boulers , ce qui confirma le
foupçon d'un finiftre deffein conste la ville . On
a conçu le projet de transporter ausi - tôt le régiment
au port de l'Orient ; cette réfolution ne
s'eft pas encore effectuée .
M. de Cernon a fait part à l'Aſſemblée d'une
pétition des créanciers - rentiers , fonciers ou pen
fionnés de M. d'Artois , qui obfervent que l'apa
nage ne remplit pas les objets qui leur font dus.
Sur la demande de M. Camus la pétition eft
renvoyée au comité de liquidation , qui préfentera
un décret général concernant tous les apa
nagés . On a repris la difcuffion des loix relatives
à la force publique . Nous donnerons les articles
décrétés .
M. Rabaud a préfenté & l'Affemblée a dé
crété un article , portant que les habitans de
Paris feront tenus de déclarer à la municipalité
les François & les étrangers qu'ils auront lages
chez eux , fous peine d'une amende du quart
1.
. ( 56.)
du foyer pour chaque étranger ; & tout portier
ou concierge chargé des clefs de maiſons vides ,
fous peine de 8 jours de prifon ou de plus forte
peine. On n'a eu nul égard à la réflexion de M.
Tronchet, que fi les portiers ou concierges étoient
emprisonnés pour avoir donné afyle à des in-
3connus , les maifons reſteroient à l'abandon
pendant l'absence des maîtres .
L'ordre du jour & M. Rabaud ont ramené la
délibération fur l'organiſation des gardes natio- -
nales ; les débats ont été de peu d'impor
tance , & voici les articles décrétés qui en font
réfultés :2-
« Art. I. Les citoyens actifs s'inferiront , four
le fervice de la garde nationale , fur des regiftres
qui feront ouverts à cet effet dans les municipa
lités de leur domicile ou de leur réfidence continuée
depuis un an ; ils feront enfuite diftribués
par: compagnies , comme il fera dit au titre
fuivant. »
II. A défaut de cette infcription & de cette
diftribution par compagnies , ils demeureront
fufpendus de l'exercice, des droits que la conftitution
attache à la qualité de citoyen actif,
ainfi que de celui de porter les armes » .
ice III. Ceux qui , fans être citoyens actifs ,
ont fervi depuis l'époque de la révolution , &
qui font actuellement en état de ſervice habituel ,
pourront , s'ils en font jugés dignes , être honorablement
maintenus , par délibération des confeils
- généraux des communes , dans le droit de
continuer leur fervice , » 313
IV. Aucune raifon d'état , de profeffion ,
d'âge , d'infirmités ou autre , ne difpentera de
Tiscription les citoyens actifs qui voudront con
ferver l'exerci e de leurs droits ; plufieurs d'en((
$7) )
tr'eub feront néanmoins 2difpenfés du fervice
ou l'exercice en demeurera fufpendu , amfi qu'il
fera dit ci-après : »
by Vs Tous fils de citoyen ' actif feront tenus
de s'infcrird, für zlefdits regiftres , & de le faire
diftribuer dans les compagnies , lorfqu'ils feront
parvenus à l'âgendeo 18 ans accomplis .
-kuVI. Ceux qui , à l'âge de dit huit ans , n'au
ons pas fatisfait aux difpofitions de l'article pré-
-cédentl ,and Romtrent prendre , à vingt-un anst,
l'infcription civique ; ils ne feront admis à celle- ci
que trois ans révolus après l'infcription & diftriibution
ci-deffus ordonnées . » i
145 VillinLes citoyens actifs , ou fils de citoyens
actifs, qui font maintenant âgés de plus de dix- huit
ans feront admis , à l'âge de vingt - un aps , à
prendrel'infcription civique , s'ils fe font inferire
& diftribuer dans les compagnies , dans le délai
de trois mois au plus tard après la publication
-du préfent décret . ɔɔɔbi
ככ
2
2' VIII. Les étrangers qui auront rempli des
: conditions prefcrites pour devenir citoyens Fran-
2çois Bleurs er fans , feront traités à cet égard
omme les François naturels onto alt
-1bXiNaline fera reçus siinfcrire par procuration
, mais tous ferono tenus de prendre leur
-feription en perfonne. Eesperes mères ou
tuteurs pourront cependant faire inferise leurs
-enfans iabfens , fi la fuite de leur éducation eft
zla caufende leur abſence.nobby gaq 10 iv
-1bX. Les fils de citoyens actifs , qui auront
¿ fatisfait àlaes devoirs , jouiront après dix ans
ehérolas depuis leur infcription fur le ragiftre de
ida garde nationales, & leur diftribution, par compaghics
judeuous los droits des citoyens, actifs ,
quand ils ne paieroient pas la contribution exigée
1
Cs
( (~~38 ) )
pourvu que d'ailleurs ils rempliffent les conditions
prefcrites par la conſtitution. » gotoxoi so
« XI. Les regiftres d'infcription des munici
palités feront doubles ; & l'un d'eux fera envoyé
tous les ans , & confervé dans le directoire du
difpitalini 2251 C
« XII. Les fils de citoyens actifs , qui.fe
feront infaits dans l'années, feront reçus au fer-
-ment de la garde nationale , qui fe prêtera à la
fête civique du 14 juillet fuivant , dans , le cheflieu
du diftri&t • tzf;
- XIII . Les citoyens inforits & diftribués dans
les compagnies , lorſqu'its feront commandés four
ale fervice , pourront , en cas d'empêchement
légitime , le faire remplacer par leurs enfans âgés
de 18 ans , & Mes fères par leurs frères & par
des citoyens actifs inferits fur les regiftres
ifervant dans la même compagnie , fans pouvoir
jamais en, employer d'autres à ce remplacement
" XIV. A l'égard des citoyens actifs qui n'ab-
27bnt pas jugé à propos de fe fase inferife , ils
-ferent formis , comme les autres , à un tour de
bfervice à la décharge des citoyens inferits ; mais
ils ne feront jamais leurs fervice en perlanner &
-the feront , fut mandement du directoire de dif-
Turich texês -par change municipalité pourdespairment
de ccurides adbyens infonts , quiilestremplacetort
dans lefervide qu'ils auroient dû faire .
XV. Cour des citoyens inlcents qui ne ferviront
pas volontairement , on ne fousmiont pås
volentement laut remplacément au jour indiqué
pour jour forvice , feront pareillement taxks
par la municipálivé à la troisième fois qu'ils
-auront été contraſtits à payer cotte came , ils fe oht
fufpendus pendant un an de l'honneur de fervir
cɔ me judinaoɔ si zag ingin en el basup
( ی و )
25
21
en perfonne , & de l'exercice du droit de citoyens
actifs ou nos salut éligibles. 34 m
« Les femmes ,& les filles feront exemptes de
toute contribution .
Au moment ou tout étoit prêt pour le départ des
trois commiffaires qui devoient aller à S. Domingue
en exécution des décrets , ils ont pris ( hier
foir ) le miniftre de différer leur départ ou d'accepter
leur demiffion . Le miniftre M. Thevenard,
a reçu leur déiniffion , & a prevenu l'Affemblée
'qu'il alloit s'occuper d'en nommer d'autres .
M. Duport du Tertre a remis au corps légitlatif
le ccoompte officiel de la miffion dé M. Ďave
ryer , qui ne contient que le rapport fait à
l'Affemblée par M. Dverryer lui-même, & qu'on
a renvoyé au comité.
Du mercredi , féance extraordinaire du fair.
On lit , on applaudit des adreffes d'adhéſions ,
& l'on paffe à f'objet de la féaace , à l'échange
du comté de Sancerre ..
au nom
>
M. d'Espagnac a été admis à la barre , il
prononce un difcours ou il rend compte des caufes
& des moyens de l'échange du comté de Sancerre
& finit par dire : « Je vous le répète
avec la confiance que j'ai dans votre Hǝyau &
nom de cette garante pour tous les créan¬
ciets du gouvernement : acceptez mal rétondation
à l'échange , délivrez ma fortune dentet
acte oppreffif. Séparez - moi des opérations d'un
miniftre généralement décrié 3 enfin consommez
l'engagement du Roi qui pouvoit acquérir comme
" adminiftrateur , du Roi qui n'a confulté que fa
jufticé M. d'Efpagnac a conclu , en fe foumettant
à une nouvelle évaluation , par dentaler
333 5 9
25 ( 69 )
f
une jufte compenfation des frais & des jouiffancese
12 29 ]
Un membre a rejetté tout l'odieux dont peut
Eure fufceptible cet échange , fur M. de Calonne
à qui il en a donné tout l'avantage . L'opinant
dit que M. de Calonne avoit depuis longtems
des vues fur le marquifat, d'Hattonchâtel , que
l'ayant acquis , il ambitionna de l'aggrandir , dy
réunir la forêt de Sommedieu de 3,500 arpens ,
& l'étendit enfuite , fous le nom de forêt de
Chémilly qui n'exiftoit nulle part , a - t- il affuré
, fous cette dénomination ) de la montagne
d'Hattonchâtel jufqu'aux portes de Verdun , Ila
qualifié l'ex miniftre de chevalier errant d'un
parti méprife, & demandé que l'Aflemblée declarât
qu'il y a lieu à accufation contre M. de
Calonne , & qu'on le dénoncât à la hauté cour
nationale comme coupable de prévarication & de
manoeuvres frauduleuſes dans l'échange de Sancerre
.
Lopinion de M. Bouchotte étoit une combi
naifon du projet du comité & de partie des
- propofitions de M. d'Espagnac ; il vouloit qu'on
d'clarât l'échange nul & la vente bonne, pour , le
comte de Sancerre,
On a annoncé que M, d'Efpagnacavoit des pièces
effentielles à communiquer la difcuffion a été fer-
• mééfans qu'onvoulût les entendre.M . Pifon du Galanda
rappellé qu'un arrêt du confeil avoit évoqué
x une plainte portée au parlement de Paris contre M.
de Calonne , & il a demandé que l'arrêt du
confeil für révoqué & la plainte renvoyée à l'un
des tribunaux de Paris. Le rapporteur a preferé
aque les plaintes en malverſation contre l'ex- miniltre
fuffent renvoyées au comité , ce qui a été
décrété. Sur la motion de M. Turpin on y a
1114
joint la queftion relative àà l'appurement des jou ?
fances ; & l'affaire principale qui a prefque para
n'être qu'une caufe occafionnelle & qu'on auroit
cru de nature à fuppofer un jugement de tribunal
, a eu pour terme un décret rendu confor
mément au projet préfenté par M. Tricaud , &
dans les mêmes termes.
3
t
LE
Du Jeudi , 28 juillet." "
M. Goudard a fait adopter 3 articles additionnels
au décret fur les franchifes de Marfeille.
On a renvoyé au comité un projet de loi
relative aux faux affignats , & M. Camus a indiqué
les fignes fuivans auxquels on peut reconnoître
ces faux affignats : ce
1. L'impreffion des faux, affignats de 2000
livres eft baveufe ; 2° . La couleur de plufieurs
cft plus fale ; 3°. Le cadre eft moins large que
celui des bons affignats ; 4. Il manque le point
final après 1799 , ainfi qu'après le mot Roi .
L'impreffion paroît être faite au burin ; 6 , Le
nom du graveur ( Gatteaux ) n'eft pas au-deffous
des mots deux mille livres ; 7°. Les lettres ne
font point moulées dans la pâte du papier ,
mais imprimées à la thérébentine , & plus nettes
fique dans les bons affignats ; 8. Le timbre eft
" Prefque nul , au lieu qu'il eft parfait dans les
Jons ; 9. Le paragraphe de la fignature Pillet
n'eft pas conforme au véritable ; 10°. La lettre
b , du mot affemblée , et mal faite 110. Les
lettres d & m , aux mots deux mille , font imprimées,
toutes pleines & & ne devroient pas
Têtre ; 12° . La lettre N des numéros fe termine
en haut dans une forme différente de celle des
bons affignatsa
51190
? M. Goudard a la & le corps légiflatif a derété
un titre I de 8 & un tie II de 27 are
•
( 62 )
ticles du droit d'entrée , de fortie & de timbre
"'expédition . De l'entrée & de la fortie des
marchandifes , des déclarations , de la vifite , &c.
On a ramené la délibération fur l'organifation
de la garde nationale , & M. Rabaud en a fait décréter
fucceffivement plus d'une centaine d'articles
que nous tranfcrirons' ailleurs."
.2 .
Dujeudi , féance du foir.
I
Après diverfes adreffes , M. Ramel , fécrétaire
, en a fu une qui , par le fond & le ſtyle
' auroit paru être du nombre de celles qu'il feroit
"tout fimple qu'on ne voulût pas lire. La voici :
L
· 33
lee Vous avez , l'année dernière , promis à la
» nation , par votre décret fur les corps adminiftratifs
, de convoquer le nouveau corps
législatif à une époque très- rapprochée . Le
» comité de conftitutión a annoncé , depuis peu ,
dans l'Affemblée , que le 14 juillet la confitation
feroit fini :. Enfin , après avoir fixé
définitivement au juillet la convocation des
25 ffemblées électorales , vous les avez fufpéndues.
Trois fois l'efpoir de la nation ' a été
ddça , Elle ignore le terme ou fon fort fera
fix , & maintenant des factieux menacent la
patrie de tenverfet Fédifiée de la liberté . Il eft
a temps , Meffieurs , que le peuple exerce a
aub
1 fouveraineté & vous falle connoître fab-
ر ا و
lonte; & comme les dangers de la patrie font
p'effanisi eft de notre devoir de vons déclarer
, Meffieurs , que fi dans quinzaine votre
215 décret qui fufpend les affemblées électorales
n'eft pas révoqué , nous employerons les moyens
que la loi donne a un peuple fouverain & libre
pour parvenir à cette convocatior . Nous
fommes Meffieurs les citoyens de Cler
81. at STN
( 63 )
Ascens perfonnes 2,
pmont -Ferrand. Suivent les fignatures de y
er ub usb )
Cette fingulière adreffe étoit accompagnée
d'une délibération du vendredi 19 juillet 17916
conçue een ces termes,
235 7
T
« Les citoyens de Clermont-Ferrand , conf-
» ternés du décret rendu par l'Allemblée nationale
le 16 du préfent mois de juillet , mais
perfuadés qu'un refpect aveugle pour la loi
eft le feul moyen de préferver la France de
i l'anarchie , & de maintenir la liberté , declarent
qu'en , obéiffant provifoirement à ce
décter , ils ne cefferont d'en demander la reavocation.
Ils font ici leurs remercimens
MM. Péchion , Rober(pierre , Grégoire , Vadier
, Buzot Camus & autres députés à
l'Affemblée nationale , qui ont conftamment
foutenu les bons principes . Ils remercient pa
reillement la fociété des amis de la conftitu
tion féante aux Jacobins , & les autres pciétés
fraternelles pour le patriotilme qu'elles opt
manifefté dans cette circonftance. Ils ont
s» député Jean - Henri Bancol Defeffaris pour
réitéier leurs remerciemens, & durander la
294, révocation de ce décrer , fuivre l'effet de la
193 pétition, faite à l'Affemblée nationale par les
5 citoyens, de Clermont-Ferrand , le 14 de fe
༣
31
mois demander & obtenir la convocation
- prochaine des affemblées électorales , & faire
optout ce que fon patriotifme lui inſpirera pour
- le maintien de la liberté & des droits inalienables
de la nation Françoife, Fait à Cler-
12 monЯFerrandbab Sideloval wi
endiconbesh , 1967 , ANA hup
2 Après quelques débats , ou MM, Blauzat &
abavigne ont établi que ens adrefle était le fruit
zab
(( at)
de l'intrigue d'un certain Bancal Defiffents ",
électeur de 1789 & d'autres comme lui , qui
craignoient de ne point être élus fi les allemblées
électorales reftoient fufpendues plus longtemps
, l'adreffe a été renvoyée au comité des
recherches réuni à celui des rappofts , "
- Des députés de la ville de Saint- Girons ,
département de l'Arriège , font admis à la barre.
Aur hommages & aux fermens aux louanges
de l'héroïfme de l'Aſſemblée , l'orateur à cru
pouvoir & devoir ajouter Pévafion d'un Roi
parjure , mais trompé , avoit double nos forces
en augmentant notre conrage ... A l'ordre , fe
font écriés MM. de Boifrouvrai & de Rochebrune.
-Ha raifon , ont répondu plufieurs voix de
la gauche , & Pon a battu des mains . -- L'ora-
'teur a répété les mots : un Roi parjure. A
Pordre , l'infolent , a dit quelqu'un du côté droit.
Perfonne ne dort fouffrir que le Roi foit infulté
dans l'Affemblée , a repliqué M. de Montlaufier
aux clameurs de ceux qui probablement n'étoient
pas de cet avis. Allons done , e'eft une vérité ;
'écoutez- la , n'a pas hélité de répartir un membre
de la gauche & M. Lofficial a demandé ; en
parlant de M. de Monilaufier qui promettoir des
vérités d'un autre genre , que l'on envoyâr cet
homme- là à l'Abbaye. L'Affemblée a décidé que
Torateur de Saint- Girons feroit entendu , ce qui
a fait retentir la gauche & les galeries d'applaudiffemens
. Mais la harangue n'a plus offert que
ce qu'elles contiennent prefque toutes , de l'enthoufiafme
civique , des éloges du décret du 15
fur l'inviolabilité jurée de ce même Roi aptif
qu'il eft permis d'outrager , des dénonciations
vagues de
qu'il
foujours
réfractaires toujours
armes des forches du fanafilme & de ferment
( ૪ )
de vivre libres ou mourir . Réponse du préfident
impreffion décrétée .
On a repris la fuite du projet de loi fur les
droits d'entrée & de fortie du royaume , & din
nouveaux articles ont été adoptés .
Du vendredi , 29 juillet.
Après quelques adréifes , on a lu une lettre
de M. le prévôt de Beaumont , détenu pendant
22. fous Pancien régime ; il demande aux
légiflateurs le jugement de fon affaire dont le
temps aura vraisemblablement dévoré une partie
des preuves , enlevé beaucoup de témoins . On
l'a renvoyé au comité des rapports .
ر
Sur la propofition de M. Ræderer , le corps
conftituant a décrété que le tabac fabriqué pour
être diftribué aux troupes , fous le nom de tabac
de cantine , ne pourra être vendu à moins de
vingt fous la livre .
LI 100 $3. A 22 2 b
MM. Camus & Lavigne fé font plaints de ce
que l'accufateur public du premier arrondiffeinent
de Paris n'avoit commencé que le 16 de ce mois
l'information contre les prévenus de fabrication
de faux affignats . L'un conclubit à un compte à
rendre tous les jours à l'Aflemblée , de l'état de
la procédure ; Pautre à la deftitution de l'accu
fateur. Mais ce qui le pourfuivra , demandoit
ingénuement M. Camus ? -- Une négligence n'eft
pas toujours un crime , obfervoit M. Lojs. »
Celle d'un accufateur public envers les contrefacteurs
de la monnoie d'un empire , a paru
impardonnable à M. d'André qui , faute de
moyens conftitutionnels de poursuivre la loi , a
Fait adopter le décfet fuivant : sisan
сс
12
L'Affemblée nationale décrète ' que l'accu-
Tateur public du premier arrondiffement de Paris ,
( 66 )
"1
fera provifoirement fufpendu de fes fonctions ;
& que les juges du premier tribunal feront tenus
de nommer dans le jour un homme pour
remplir provifoirement les fonctions de l'accufa
teur public charge le comité de conftitution
de lui préfenter inceffamment fes yues fur la
manière de pourfuivre les accufateurs publics
qui fe rendroient coupables de négligence dans
J'exercice de leurs fonctions. »
X Au nom des comités
des rapports
, des finances
& de Pextraordinaire
, M. Camus
a fait décréter
les quatre
articles
que voici
fur les faux alignats
:
« Art. I. Toute perfonne à qui on préſentera
en paiement des affignats qui feroient trouvés
faux , d'après les caractères qui en ont été rendus
publics , fera tenue d'aller fur- le -champ en
faire la déclaration à Paris au comité de police ;
dans les fections hors Paris , à la municipalité
du lieu dans lequel on lui aura offert ledit
affignat . Po minus
II. Le porteur de l'affignat fufpect de faux
qui l'aura offert en paiement , fera tenu d'accompagner
la perfonne à qui il aura offert ledit
affignat , de faire fa déclaration de la perfonne
de laquelle il a reçu l'affignat fufpect , & de
remettre l'affignat fuffect après l'avoir paraphe ,
pour qu'il foit envoyé à la carte de l'extraordinaire
où il fera vérifié. Il y reftera en dépôt s'il
eft reconnu faux. Si l'affignat eft reconnu bon
il fera remis au propriétaire. »
» Ill. Lorfque les allignats fufpects défignés dans
article premier feront préfentés en paiement
dins les caifles publiques , les tréforiers & cail
fiers feront, tenus de conduire les porteurs , foit
au comité de folice de la fection , foit à la mu
( 87 )
nicipalité , ainfi qu'il eft dit dans l'article précé
dent , pour que leur déclaration y foit réunie ,
l'affignat paraphe & figné
2
aita
IV Dans le cas où celui qui aura préfenté
un affignat fufpect de faux , refuferoit de fe
rendre au comité de police de la fection ou à la
municipalité , d'y représenter l'affignat , qu'il
avoir offert en paiement, ble commiffaire de po-
Jice ou l'un des officiers municipaux chargés de
la police , feront autorisés au domicile du porteur
de l'affignat fufpect , à faire dans fes papiers
telles perquifitions qu'ils croiront néceflaires , &
à faifir foit les affignats fufpects qui s'y trouver
roat , foit les autres, papiers qui pourroient être
relatifs à une fubrication d'affignatsy and
Une difpofition adoptée fur la demande de
Me Camus nous femble auffi mériter , de ne pas
être omife . « Il feroit effentiel , a - t- il dit que
l'Affemblée autorisât , foit le commiffaire du Roi ,
foit le commiffaire de l'extraordinaire à faire fabriquer
du papier de 500 livres lorsqu'il paroîtra
utiler M. Regnault de Saint-Jean-d'Angély, a
dir qu'il vaudroit mieux que les commiffaires
we pullent faire faire du papier que d'aprés un
décret de l'Affemblée ceft le feul moyen de
faire taire les calomies des malveillans dont
nous fommes environnés. La propofition de
M. Camus a été adoptéekappy svoltibiyə qus
En conféquence des demandes des créanciers
de Md'Artois , toujours porté à généralifer fes
plaus d'économie réductive , M. Camus a prés
fenté, & l'Affemblée a décrété fix articles relat
tifs aux derres, des émigrans, Nous trapferions
icides articles kiflib & 2,1chnob mutes al
Art L Les créanciers porteurs de titres
ayant une date certaine antérieure au 24 juin
( 68 )
dernier , & rendus exécutoires fuivant les formes
légales contre les perfonnes abfentes du royaume,
les ouvriers fourniffeurs qui juftifieront de leurs
créances faites avant le 24 juin dernier , & qui
en auront fait prononcer la condamnation en
juftice , feront payés de leurs créances fur les
fommes dues par l'état à leurs débiteurs , échuës
avant ladite époque du 24 juin 1791 pour cauſe
autre que penfion ou traitement poftérieur au
premier janvier 1790.
כ כ
.
» II. Les créanciers mentionnés en l'article
précédent ne pourront être payés que fous les
conditions fuivantes . »
"1 19. Ils feront tenus d'affirmer leurs éréances
fincères & véritables devant le tribunal du diftrict
des lieux où ils fe trouveront. »
1°. Its juftifieront que les impofitions & la
Contribution patriotique , à la charge de leur
débitéur , ont été acquittées ; & dans le cas où
cette juftification ne feroit pas faite , il demeurera
fourni de nantiffement entre les mains des
sréforiers - payeurs de l'état , un dixième des
fommes échues & à payer ; ce dixième fera
remis lorsqu'on juſtifiera du paiement des impofitions
& contributions .
» 3 °. Les créanciers qui voudron't être payés,
juftifieront individuellement qu'ils ont fatisfait
aux conditions requifes par les décrets des 24
& 27 juin dernier . »
» III. Le tréforier de la maiſon de Meſdames,
tantes du Roi , eft autorisé à toucher l'arrièré
liquidé ou à liquider pour les différentes parties
dues à la maifon de Mefdames & échucs avant
le 24 juin dernier , & à diftribuer lefdites fommes
aux ouvriers ; fourniffeurs , & aux diverfes
perfonnes employées dans les états de la maiton
(169 )
1
ing
de Mefdames , lefdites perfonnes étant actuellement
en France, »rows
1» IV. Ant'égard des créanciers de Monfieur
& M. d'Artois , les tréforiers defdites maifons
continueront à recevoir à la tréforeric nationale
les fommes ordonnées par les décrets des 20 &
21 décembre dernier , & l'emploi defdites fommés
fera fait de la manière fuivante .
3 2
7
> La fomme de 500,000 liv , par année , attribuée
aux créanciers de Monfieur, & le fonds
actuel des rentes viagères accordées aux créanciers
Adeſdites rentes fut M. d'Artois , fera em-
-ployé au paiement des créanciers aux termes dudit ,
décret. La fomme d'un million , attribuée à chacun
de Monfieur & de M. d'Artois, à titre deb
traitement annuel, fera employée spécialement au
palement des officiers & domeftiques defdites
maifons étant actuellement dans le royaume ,
tant que leurs charges ne feront pas ſupprimées. 1
La fomme d'un million attribuée à chacun deɔ
Monfieur & M. d'Artois, à titre de rente apanagère
fera employée à payer les créanciers de l 1
Monfieur & de M. d'Artois , qui feroient porteurs :
de titres de la nature mentionnée dans Particle
premier ainsi que les ouvricts fournisseurs , &
autres objets d'entretien dans le royaume,
Treineltréforieri desdites maisons & los féi
queftres: ordonnés par les décrets des 208) 2b
décembre allérabdis pour le paiement des oréanciers
de Monfieur 180) de Md Artoisanjuſtifieront
chaque moisisainfi queste tréforier de Mesdames , s
aux commiffaires de la tréforerie nationale , & aux
commiffaires du comité des finances chargés de la,
farveillance de la trésorerie , des paiemens qu'ils
autont faits en conformité de l'article précédent.
Ils feront refponfablesides paſemens qu'ils aue.
' t
((70 ))
roient faits en contravention defdits articles ) &
toutes les fommes qui n'auront pas été employées t
par mois , feront verfées directement au tréfor
public. »
3
ر
Le même membre à propofé fix articles en
exécution du décret des 24 & 27 juin dernier
dans lefquels M. Moreau de Saint-Méry a ob-:
fervé qu'on préjugeoit la queftion particulière de
la contribution patriotique des colonies de celles
même qu'avoient défolées fix mois de gueries
civile. Elles font partie de l'état qui tear procures
affez d'avantages pour qu'elles contribuent à fes.>
charges , répondoit M. Camus. Mais une objec- :
tion plus grave encore aux yeux de la juftice sen
de l'humanité , a été faite par M. l'abbé Duplaquerra
judicicalement remarqué yfurt'un de
cesarteles , quo on exiger les preuves daq
paiement des impolitions de trois années anté
rieures les ccclefiaftiques ne pourronsotien pow
cheripuifque ci-devantalsime payoient point {
d'impofitions perfonnellesi On n'a pas refurel'objection
le projet de M. Camus eft patlé
tot qu'ilfairioti
Art, Vib L'Affemblée nationalel interprétant
en tant que de befoùvites décrets des6241827 1
juin , fue des juftifications à faire partes créans .
crer's de Etat pour obtenir d'ellesle paiement
das fommes qui leur ont dues décrête : 29 flat
25319 Que les impofitions dont elles entendi
que le paiementofoi juflifiés font les impofi- ";
tions perfonnelles defquielles de paiement fera ›
juftifiés par des quittances vilées ou certificats ,
fait des municipalitési foit desdistricts des lieux
à l'execption de celles qui feront délivrées par les
receveurs des impofitionsi da Pacis . A défaut de
reptéſentations defidices quittances, il faudrajui
71
tifier qu'on ne perçoit aucune impofition perfonnele
dans le lieu où l'on avoit domicile . »
» 2 °. Que la juftification requife par lefdits
décrets du paiement des impofitions de l'année
1790 & années antérieures , fera regardée comme
faite complettement par la production 'de la quittance
des trois dernières années , ».
ככ
VII . Les perfonnes qui , en juftifiant d'ail
leurs de leur domicile actuel & habituel dans le
royaume , ne pourroient pas juftifier à l'inftant
du paiement de leurs impofitions & contributions
, pourront obtenir le paiement de ce qui
leur eft dû , en laiffant , par forme de nantiffement
, entre les mains des tréforiers & payeurs ,
un dixième de ce qu'elles auroient à recevoir
pour chacune des années pour lesquelles elles ne
juftifieront pas du paiement de leurs impofitions
& contributions . Će dixième retenu leur fera
remis en rapportant la quittance des impofitions
& contributions qui étoient dues. »
» VIII . Les tréforiers & payeurs auxquels les
certificats de domicile & les quittances d'impofitions
& contributions auront été exbibés - lesremettront
aux parties , à la charge qu'il feta
fait état dans la quittance donnée par les parties
prenantes , de chacune defdites pièces , de feur
date , & des perfonnes par lefquelles elles ru
ront été expédiées , pout y avoir recours au
befoin. »
100
* ?
2
ub
» IX. Les perſonnes habituellement domiciliées
dans les colonies Françoifes , qui fe trouveront
actuellement à Paris , & les fondes de
procuration defdites perſonnes qui font actuellement
dans les colonies , juftifieront de leur
domicile par la déclaration de deux Colóns
propriétaires , connus, & domiciliés , à Paris, A
Suliyeur?
( 72 )
l'égard des impofitions & contributions , on n'exigera
d'eux d'autre juftification que celle du paiement
de la contribution patriotique ; & à défaut
de cette juftificetion , il fera retenu , par forme
de nantiffement , comme il eft dit ci - deffus , le
douzième des fommes qui devroient leur être,
payées. »
X. Lorsqu'une créance fera établie par un
titre collectif, mais en faveur de plufieurs individus
perfonnellement dénommés , les juftifications requiles
fe feront,par chacun defdits individus, indiftinctement
, lauf aux parties qui fe trouveront
en état de faire lefdites juftifications , à faire
divifer le titre , & à s'en faire délivrer une ampliation
pour ce qui les concerne, »
A l'égard des créances qui appartiennent
foit à de, fociétés , foit à des créanciers unis en
direction avec établiffement de féqueftre , il fuffira
auxdites fociétés de juftifier qu'elles ont
payé collectivement leurs impofitions & contributions
, & aux créanciers unis en direction ,
de juftifier du paiement des impofitions & con
tributions de leur débiteur . »
» XI. Après le premier octobre prochain , les
créanciers de l'Etat & autres perfonnes dénom-,
mées dans le décret du 14 juin dernier , leront
tenus de juftifier qu'ils ont fatisfait au décret
du juin, pareillement dernier , four acquit
des impofitions de la préfente année 1791. »
J'ai àvous informer d'un fait important
, a
dit M. Merlin ; il eft tel que fi vous n'y pour .
voyez fur - le - champ , dans huit jours vous
n'aurez plus d'armée. » On a payé la garnifon
de, Lille en affignats de cent fous , & il n'y
dans cette ville que pour 400 liv, de petite mo
A R $ 2`ilhæɔb
o 12face
"
noic
( 83
83 )
aux inconvéniens de la multitude de papiers
qui circulent aujourd'hui dans le
Commerce. Ce qu'on avoit dit eft arrivé ;
les petits billets ont abfolument fait difparoître
la monnoie , il n'y en aura bientôt
plus , même pour le fervice des marchés
quoiqu'il y a deux mois on en eût encore
un peu . Cette gêne peut amener un foulèvement.
Les petits billets de crédit des fections
& même des particuliers engorgent la circulation
, peuvent être la caufe de grands défordres
au moindre difcrédit , & rien juſqu'à
préfent n'offre de motifs raffurans à cet
égard aux efprits raifonnables. Ils croient
même voir que l'Affemblée nationale aggraveencore
le mal par fes rigueurs conftitutionnelles
, par la perfévérance qu'elle met
à rendre des décrets dans les principes puritains,
décrets qui ne peuvent qu'exafpérerles
paffions individuelles , enhardir les haines
plébéiennes , & donner à penfer que la force
domine dans l'ardeur des decifions légiflàtives.
J
L
Le petit camp formé dans la plaine
de Grenelle fera continué ; les gardes nationales
qui l'occupoient & qui vont partir
pour la frontière feront remplacées par
d'autres tirées du Bourg - la - Reine , de
Saint-Denis & autres lieux du Département
de Paris. On imagine bien à quoi font deftinés
ces camps que l'on forme à différentes
>
"
( 84 )
diftances de la Capitale , principalement
fur les routes de la Flandre & des Départemens
qui l'avoifinent. On les a crus
néceffaires avant de parler de donner au
Roi la liberté de fortir des Tuileries.
C'eft , dit-on , le 25 août , jour de la Saint-
Louis , qu'on doit préfenter au Roi la Charte
conftitutionnelle à figner ; ce préalable eft néceffaire
, ajoute-t - on , pour que l'Affemblée nationale
, les Corps adminiftratifs , les Tribunaux , les
Corps militaires , puiffent rendre au Monarque le
tribut de refpect qui eft dû au Roi des François ,
& qu'on eft dans l'ufage de lui offrir pendant
Poctave de fa fête.
Mais avant de préfenter rien à figner à
Louis XVI , il faut qu'il foit libre , lui & fa
famille ; qu'on ne puiffe révoquer en doute la
liberté de fon adhéfion ; qu'aucune gêne n'attefte
fon état de foumifion forcée ; que par conféquent
, ainfi que nous l'avons déjà dit , la garde
de fa Maifon foit à fes ordres & de fon choix ;
qu'aucune perfonne , aucun fujet de l'Etat ne
foit cenfé garant & caution de fa captivité : il
faut que cet état foit prouvé par des actes fpontanés
& affranchis de toute fujettion . Il est néceffaire
encore que le Prince puifle rejetter ceux
des articles qui répugneroient à fa confcience
ou à fes engagemens comme Roi ; que fans courir
les rifques de nouveaux dangers ou d'une
prolongation de captivité , il lui foit permis de
préfenter les vues , fes moyens fur le rétabliflement
de l'ordre & de la paix en France . Il me
peut , fans manquer à la loyauté , le charger de
l'exécution de choſes qui lui paroîtroient contra(
73 )
noie fabriquée . M Merlin ne fufpectoit point les
intentions de l'ordonnateur , ne,doutoit point du
patriotifme des foldats ; mais il a annoncé que le
régiment d'Ernach , Suiffe , n'étoit plus patriote
( il eft à Maubeuge ) ; accufé l'ordonnateur
d'ineptie ; & fini par ces mots : ce certainement
vos foldats vous abandonneront ou le tourneront
contre vous , fi vous ne les payez pas . » Les
ordres avoient été donnés , l'Affemblée eft paffée
à l'ordre du jour.
On a décrété foixante articles fur les contributions
publiques , & douze, fur les officiers des
fubftituts des procureurs du Roi.
Du Samedi 30 juillet.
Une lettre du tribunal du premier arrondiffement
juftifie fon accufateur public , M. Polverel , qu'un
décret d'hier fufpendit. fans qu'on l'eût entendu.
M. d'André avoit provoqué li fufpenfion , il approuve
la juftification , & veut que la fufpenfion
foit levée. Le préfident annonce que M. Polverel
demande à être admis à la barre, M. Camus
s'écrie qu'il feroit du plus grand danger de rétracter
le décret de la veille ; que l'évènement du 20
au 21 juin a fait laiffer en fouffrance , pendant
trois semaines , la procédure contre les fabricateurs
de faux affignats ; que des fonctionnaires.
publics ne devoient pas fe permettre de dire alors :
il faut voir ce qui arrivera ; que les opérations d
experts , graveurs & papetiers , ont éprouvé du retard
; que c'eft un crime horrible de détenir en
prifon des accufés fans les juger , vérité qui ne
frappe pas M. Polverel tout feul aujourd'hui que
les prifons régorgent ; & M. Camus difoit : « je
demande qu''il ne foit pas entendu parce que vous
l'avez déja jugé avec autant d'affurance que tel
N°. 32. 6 Août 1791 .
D
s des
M
( 74 )
autre membre en auroit mis à foutenir que l'Af
femblée ne doit jamais exercer le pouvoirjudiciaire,
ee qui prouve que tout le dit .
4 .
›
Admis à la barre ', M. Polverel a fimplement
expolé fa conduire & ce qu'il devoit faire . Trois
fabrications de faux affignats ont été renvoyées au
tribunal : une commencée à Paris , les prévenus y
Tont arrêtés ; l'autre à Londres , les accufés ont
été transférés à Paris. La troifième à Limoges
où l'accufé eft détenu . La feconde affaire , celle
de Londres , eft dans un état d'inaction forcée , &
il y auroit de grands inconvéniens à dévoiler les
caufes de cette inaction . Il offroit cependant d'en
rendre compte fi l'Affemblée l'exigeoit ; mais on
Tui a crié non non. Les pièces de Limoges ne
font arrivées que le 26 juillet , & il lès à trouvées
frappées de nullité . Pour l'affaire de Paris , la feule
à l'égard de laquelle on fe plaigne des retards , de
volumineux interrogatoires commencés le 9 juin ,
ne furent finis que le io ; alors le tribunal palla
quelques jours fans rien faire , & les évènemens
du 20 au 21 donnèrent des occupations preffantes
à l'accufateur public , qui d'ailleurs n'avoit dans la
conftitution aucun moyen coërcitif pour hater les
commiffaires inftructeurs accablés eux- mêmes
d'ouvrage. Il a réclamé une jufte & prompte
déclaration de fon innocence. Après quelques
débats un nouveau décrét a révoqué l'autre en
motivant la levée de la fufpenfion de renfeignemens
donnés depuis à l'Affemblée , qui avant de
déshonorer momentanément un magiftrat auroit
bien pu les attendre . ,
De crainte de voir le nombre des patriotes
diminuer à l'époque de la tévifion des décrets
conftitutionnels , de peur que le décret qui fupprime
la nobleffe ne foit mis ; lots de cette révi
( 75 ) Lilo and III »
fion , au rang des loix réglémentaires , M. Bugot
a . vigoureulement combattu ce que, perfoune e
propofoit , le départ des commillaires pour les
provinces avant la fin de l'opération . Pour le
tranquillifer, M, d'André lui a promis qu'on ne
reviendroit pas contre le décret fur la noblefie ,
qu'il s'y oppofoit de toutes les forces ; & la majorité
du côté gauche s'eft jointe à cet élan civique en
-criant : tous , tous . On a ajourné l'inftruction des
commiffaires , jufqu'après la révifion qui , par
sconféquent , ne fera pas le terme des travaux de
Affemblée.a un è
1
· M. Champagny a retracé rapidement les délits
connus des trois régimens coloniaux qui viennent
-d'arriver en France : Ja Martinique , la Guadeloupe
& le Port- au-Prince , dont le premier a
méconnu l'autorité de fes chefs , emprisonné fon
colonel ,s'eft empaté du fort Bourbon & a provoqué
la guerre civile , le fecond, a participé aux
troubles & refufé d'obéir ; & le troisième jeté
par un faux décret & de faux bruits « dans une
erreur bien cruelle , a dit le rapporteur , a été accufé
par fes officiers de l'aflafanat du colonel
Mauduit ) ». Ses conclufions font devenues un
décret ainfi conçu vil oog.c
=
.
ཝ!
« L'Affemblée nationale , oui le rapport de
fes comités militaire , des colonies & de mating,
décrète : fis no
ce Art. I. Il fera furfis à l'organiſation des
troupes coloniales actuellement en France , &
toute promotion fera fufpendue parmi elles , dans
-quelque grade que ce foits cind and
2. II. Les foldats de ces troupes feront tenus
en état de fufpenfion ) & affujettis au fervice
-ordinaire des places dans les lieux où ils font cafernés.
D 2
( 76 )
ce III. Les officiers de ces corps qui en feront
Léparés , pourront être autorifés à ne pas les
rejoindre , en confervant leurs appointement .
IV. Le miniftre de la guerre pourvoira ,
par les moyens convenables , au maintien de
la police & difcipline parmi les troupes coloniales
actuellement en France . »
Sur l'obfervation paffablement énigmatique de
M. Féteau , que « les circonftances forcent l'adminiftration
à prendre toutes les mesures de diligence
& d'infpection au dehors , & même de
communiquer avec plufieurs états autrement que
par lettres ou par envoyés ; un décret , en dérogeant
à ceux des 21 , 22 & 28 juin dernier , a
autorifé le miniftre des affaires étrangères à figner
tous pafle-ports néceffaires au fervice du gouvernement
ou pour motifs graves , avec la précaution
de les numéroter.
L'état de Soleure ayant réclamé le libre paffage
de 80 mille écus de 6 livres adreffés à Soleure
& pour ce Souverain par des banquiers de Paris ,
fomme arrêtée , contre tout droit des gens , depuis
le 22 juin par la municipalité de Bar- fur- Aube ;
toutes les pièces probantes duement examinées par
le comité diplomatique , un décret a enfin ordonné
que les 480,000 liv. en numéraire feroient expédiées
& qu'il fera tenu compte des intérêts & des
frais par les commiflaires de la trésorerie .
On eft paffé à la difcuffion fur les ordres de chevalerie
, & les débats ont fait dire à quelques perfonnes
que l'Affemblée avoit beaucoup de loifir
& craignoit de manquer de détracteurs.-
Les baſes abftraites & métaphyfiques de la nouvelle
conftitution étant égalité & unité , M. Camus
& les comités dont il étoit l'organe , en ont conelu
qu'il ne doit exifter aucune diftin &ion , au(
77 )
31
D
cune récompenfe à laquelle tout citoyen ne puiffet
prétendre à égalité de mérite , non pour
fa race
mais pour lui feuh ; & que l'état formant un
corps unique il ne doit plus y avoir de
corporation, lorsqu'il n'existe plus de noblefle
, il eft impoffible , a dit M. Camus , de concevoir
aucune corporation reconnue par la loi de
l'état , dans laquelle, on ne pourroit entrer qu'e
juftifiant de ce qui n'existe plus. Il n'eft pas poffible
de juftifier du néant ; il ne l'eft pas de juftifier de
la nobleffe en France pour être admis dans aucun
ordre Cette logique a été vivement applaudie ,
M, Camus a continué par un galimathias inintelligible
que nous fupprimons comme inutile, & fini
par propofer les trois articles que voici :
« Art. I. La conftitution françoife n'admet
tant aucun ordre , affociation ni corporations
particulières dans l'état , l'Affemblée nationale
déclare que la décoration militaire actuellement
exiftante ne peut être la bafe d'une corporation ;
que toute récompenfe honorifique n'eft qu'individuelle
& perfonnelle ; & qu'il ne fauroit y
avoir dans le royaume aucun ordre ou corporation
fondé fur des diftinctions de nobleffe &
de rang qui n'exiftent plus .
לכ
II. Tout françois qui demanderoit ou qui
conferveroit l'affiliation à un ordre , affociation
ou corporation établis en pays étrangers , dans
lefquels on exigeroit d'autres conditions que les
talens & les vertus perfonnelles , perara les droits
& la qualité de citoyen françois . »
cc III. Il fera inceffamment ftatué fur l'ap
plication & les conféquences des principes contenus
en l'article premier , à l'égard des différens
ordres actuellement exiftans en France . »
Le mot chevalier déplaifoit fouverainement à
D 3
( 78 )
M. Lanjuinais , comme contraire à l'efprit du
fameux décret de la foirée du 19 juin 1790. M.
Ræderer à trouvé « la difcuffion de cette matière
extrêmement ſimple , le décret à rendré extrémement
ſimple j facile à réduite à un petit
nombre d'expreffions fimples ; telle a été fa
rédaction Tout ordre , toute décoration ,
tout figne extérieur , qui fuppofe des diftinctions
de nailfance , eft fupprimé , & il n'en pourra être
établi à l'avenir . On a parlé de décréter le
principe , a - t -il repris ; il me femble qu'il ne
peut pas être décrété en termes plus fimples...
en balayant les reftes da fumier aristocratique . »
Cette expreffion évidemment épurée de toute
hobleffe , a excité de longs battemens de mains.
M. de Croi demandoit qu'avant de décréter le
principe on en examinât toutes les conféquences .
Une pareille nouveauté n'étoit pas admiffible.
M. Antoine ne vouloit aucune espèce de diftinc
tion , & s'il en accordoit une aux membres de
la dynaftie régnante , c'étoit un ruban aux trois
couleurs nationales : redug jothi aby No
Y Se trouvant naturellement au niveau d'autres
idées , M. Malouer en homme d'état qui në
s'arrête pas à humilier ou à aigrir une puérile
ou baffe vanité déguifée en philofophie , s'eft
attaché à donner d'excellentes raifons pour le
maintien de l'ordre de Malthe en France . Si
aucun citoyen François ne peut être affilié à cet
ordre , l'ordre n'aura plus le même intérêt de
protéger votre commerce , les propriétés , les
commanderies feront données à des étrangers
les François n'auront plus la même influence fur
Fordre & fur fa protection . Vous devez tout le
bénéfice du commerce du Levant à l'ordre de
Mallié . Au nom de la'nation , de l'intérêt na
( 79 )
"
"
tional , je vous prie , difoit M. Malouet d'écarter
le troisième article.
« Vous ne pouvez porter une loi qui devroit
s'exécuter, hors des limites de l'Empire , a dit
M. Chabroud qui oublioit la miffion de M. Duveyrier,
les fermens exigés des envoyés , les loix
relatives aux émigrés , les commiffaires média
teurs autorisés dans le Comtat à requérir la force
publique , &c. Détruifez les ordres chez vous ,
& tout ce que les ordres étrangers auront, de
contraire à vos loix en France. » Et à ces lumineux
confeils il a joint celui d'interdire aux François
les qualifications abolies , même ces qualifications
précédées du mot ci-devant ; de prononcer des
peines contre les citoyens & les officiers publics
qui tranfgrefferont cette nouvelle loi .
i
M. la Poule vouloit qu'on abolît auffi , les
confréries ; M. de Montefquiou que l'on fupprimat
les ftatuts de l'ordre, de St. Louis , le
Jerment de catholicité & la différence de l'ordre
du mérite , qu'il a qualifiés de monument d'intolérance.
La partie qui regarde le Roi dans ce
ferment doit pefer , en fecret , fur plus d'une
confcience . MM. Chabroud , Girault & Tronchet
penfoient qu'il ne falloit qu'une feule décoration
pour tous les citoyens qui la mériteroient
chacun dans fa profeffion , pour ne
pas rompre l'unité de la nation en introduifant
différentes caftes ; moyens d'avilir le figne de la
valeur peu convenables au moment d'une guerre
générale . MM. d'Arambure & de Croi ont déclaré
ne prendre aucune part à cette délibération ,
& le filence d'un grand nombre de membres a
équivalu à une pareille déclaration . De tant
d'avis combinés il eſt réfulté le décret fuivant :
1 1 ° . Tout ordre de chevalerie ou autre ;
1
( 80 )
toute décoration , tout figne extérieur qui fuppofent
quelques diftin &tions de naiffance , font
abolis en France , & il n'en pourra être établi
de femblables à l'avenir . »
1
te 2º. La décoration railitaire actuellement
exiftante , étant une récompenfe purement honorifique
& individuelle , on ne pourra exiger
pour la recevoir , que le ferment civique .
20
« 3°. Aucun françois ne pourra prendre au
cune des qualités fupprimées , foit par le déeret
, du 19 juin 1790 , foit par le préfent décret
, par noms , avec les expreffions de cidevant
, ou autres équivalentes ; & il eft dé-
'fendu à tous officiers publics de donner lesdites
qualités dans les actes . »
« Il eft pareillement défendu à tous officiers
publics de faire aucun acte tendant à la preuve
defdites qualités fupprimées .
ל כ
ce Les comités de conftitution & de jurifprudence
criminelle font chargés de donner leur avis
fur les peines à encourir par ceux qui contreviendront
au préfent décret. »
сс
4° . L'Aſſemblée nationale ſe réſerve de prononcer
fur la diftinction unique & commune
- qui fera accordée aux vertus , aux talens & aux
grands fervices rendus à l'état ; & néanmoins
l'Affemblée nationale conferve aux militaires la
faculté de porter la décoration actuelle , juſqu'au
moment où elle fe fera expliquée à cet
égard .
35
5°. Tout citoyen françois qui demanderoit ,
obtiendroit ou conferveroit dans un pays étranger
l'affiliation à un ordre quelconque , ou corporation
fondée fur des diftinctions de naiſſance
& de rang , perdra la qualité & les droits de
eitoyen françois , mais aura la capacité d'ètre
( 81 ), i
employé au fervice de » rance comme étranger.
L'élection du gouverneur de M. le Dauphin
eft de nouveau renvoyée à huitaine . L'Affem--
blée déterminera , jufques - là , les devoirs de ce
repréfentant de la nation mère inftitutrice . On
doute encore qu'il puiffe fe trouver un homme
affez malheureuſement organifé pour le montrer,
étranger à la juftice naturelle , au point de mé
connoître les droits facrés la paternité & d'en
ufurper les fonctions , au mépris du plus indeftructible
fentiment d'une ame honnête . La féance
s'eft terminée par l'avis de troubles furvenus a
l'Orient où les foldats arrivés de l'Amérique ont
mis en danger les jours de quelques officiers du
corps d'artillerie coloniale , troubles qu'on a
affuré n'être pas encore appaiſés .
de
L'on s'étonne que ce ne foit qu'au mo
ment où tous les pouvoirs fe trouvent concentrés
dans l'Affemblée Nationale , & où
par conféquent elle devient refponfable des
défordres & des fuites de l'anarchie , que
ce ne foit qu'au moment où l'exercice du
Pouvoir Royal cft fufpendu , qu'on prenne
quelques mefures efficaces pour réprimer
une partie de la licence & de l'infubordination
; comme fi l'on avoit pu trouver
quelqu'intérêt à laiffer le Gouvernenient
fans force & foumis à tous les mouvemens
de la fermentation populaire tant qu'il eft
refté dans les mains du Monarque & des
Miniftres chargés d'adminiftrer fous s
DS
( 82 )
ordres. Quoi qu'il en foit de cette réflexion,
l'on remarque depuis la captivité du
Roi , une plus grande attention dans l'Affemblée
à réprimer l'infubordination , qu'avant.
Plufieurs décrets ont été rendus dans
cette intention , & l'on tient la main à leur
exécution tout différemment qu'autrefois.
La loi martiale publiée , des peines prononcées
contre ceux qui provoqueront la défobéiffance
par des écrits , la force publique
employée de tous côtés à réprimer les défordres,
procédures , emprifonnemens , tout
annonce qu'on veut être obéi . Les corps
adminiftratifs fecondent cette fermeté tardive.
La Municipalité de Paris jufqu'à
préfent incertaine dans fa marche , feconde
de fon mieux le nouveau pouvoir exécutif.
Plufieurs arrêtés viennent d'être rendus par
elle , contre les crieurs de feuilles incendiaires
. Il leur eft nommément défendu de
colporter l'Orateur du Peuple , l'Ami du
Peuple , dont le rédacteur n'a point été
relâché comme nous l'avons dit par méprife
dans le dernier Mercure. L'on a porté
fe foin plus loin : fous peine d'être arrêté ,
il eft enjoint aux Colporteurs de ne point
altérer les faits ou les décrets en les criant',
& de les énoncer tels qu'ils font rapportés
dans les papiers qu'il leur eft permis de
J
vendre .
Mais toutes ces précautions d'ordre ne
remédient point à la rareté du numéraire &
( 87 )
tions que ces corps populaires peuvent
commettre , que fuivant l'opinion qu'ils
fe font des chofes . & des perfonnes ,
ils agiffent dans un endroit d'une façon ,
dans un autre , d'une autre. Par exemple
dans ce moment , non- feulement les
convois d'argent , d'armes font par-tout.
arrêtés malgré les ordres des Miniftres ,
& la marche des affaires eft perpétuellement
entravée par cet oubli de la foumif
fion à la loi , mais encore la circulation
des écrits & des lettres eft continuellement
interceptée. Des Journaux ont été arrêtés
dans plufieurs Départemens ; des Municipalités
prennent fur elles d'en empêcher la diftribution
aux Soufcripteurs : la foi publique
& la liberté de la preffe fe trouvent ainfi
jouées & méprifées. De tous côtés on fe
plaint de ce manque de fidélité , de cet
abus de pouvoir qui n'eft qu'une confé
quence des attributions exagérées que l'on
a faites à ces Corps , fans penfer aux inconvéniens
qui pourroient en réſulter dans les
temps d'orages.
L'efpace nous a manqué jufqu'a préfent
pour rapporter la Déclaration du Roi , majs
cette pièce eft fi précieuſe à conferver , les
Journaux , fi l'on en excepte la Gazette de
France , l'ont donnée dans un état fi diffé-
35 2
788 )
rent de ce qu'elle eft , que nous avons cru
ne point en devoir priver plus long- temps
nos Lecteurs nous allons en conféquence
la tranfcrire en entier & telle qu'elle a été
lue à l'Affemblée nationale le 21 Juin.
сс
ce Tant que le Roi a pu efpérer voir renaître
l'ordre & le bonheur du royaume , par les moyens
employés par l'Affemblée nationale , & par fa réfidence
auprès de cette Affemblée dans la capitale
du royaume , aucun facrifice perfonnel ne lui a
coûté; il n'auroit pas même argué de la nullité dont
le défaut abfolu de liberté entache toutes les démarches
qu'il a faites depuis le mois d'octobre
1789 , fi cet efpoir eût été rempli ; mais aujourd'hui
que la feule récompenfe de tant de facrifices eft
de voir la deftruction de la royauté , de voir tous
les pouvoirs méconnus , les propriétés violées , la
füreté des perfonnes mife par-tout en danger ,
les crimes refter impunis , & une anarchie complette
s'établir au- defus des lois , fans que l'apparence
d'autorité que lui donne la nouvelle conftitution
foit fuffifante pour réparer un feul des
maux qui affligent le royaume , le Roi , après
avoirfolemnellement proteſté contre tous les actes
émanés de lui pendant fa captivité , croit devoir
mettre fous les yeux des François & de tout l'u-
Aivers le tableau de fa conduite , & celui du gouvernement
qui s'eft établi dans le royaume , »
« On a vu ſa majefté au mois de juillet 1789 ,
pour écarter tout ſujet de défiance , renvoyer les
troupes qu'elle n'avoit appellées auprès de fa perfonne
, qu'après que les étincelles de révolte
- s'étoient déjà manifeftées dans Paris & dans le régiment
même de fes gardes ; le Roi , fur de fa
confcience & de la droiture de fes intentions ,
789 )
n'a pas craint de venir feul parmi les citoyens
armés de la capitale .
50
« Au mois d'octobre de la même année , le Roi,
prévenu depuis long- temps des mouvemens que
les factieux cherchoient à exciter , fut , dans la
journée dus , averti affez à temps pour pouvoir
fe retirer cu il l'eût voulu ; mais il craignit
qu'on ne fe fervît de cette démarche pour allumer
la guerre civile , & il aima mieux fe facrifier perfonnellement
, & , ce qui étoit plus déchirant pour
fon coeur , mettre en danger la vie des perfonnes
qui lui font les plus chères . Tout le monde fait les
événemens de la nuit du 6 octobre , & l'impunité
qui les couvre depuis près de deux ans . Dieu feul
a empêché l'exécution des plus grands crimes ,
& a détourné de la nation Françoife une tache qui
auroit été ineffaçable . «
« Le Roi , cédant au voeu manifefté par l'armée
des Parifiens , vint s'établir avec la famille
au château des Tuileries . Il y avoit plus de
cent ans que les Rois n'y avoient fait de ré
fidence habituelle , excepté pendant la minorité
de Louis XV . Rien n'étoit prêt pour recevoir
le Roi , & la difpofition des appartemens eft bien
loin de procurer les commodités auxquelles fa
majefté étoit accoutumée dans les autres maifons
royales , & dont tout particulier qui a de l'aifance
peut jouir. Malgré la contrainte qui avoit été apportée
, & les incommodités de tout genre qui fuivirent
le changement de féjour du Roi ; fidèle au
syftême de facrifice que fa majefté s'étoit fait
pour procurer la tranquillité publique , elle crut ,
dès le lendemain de fon arrivée à Paris , devour
raffurer les provinces fur fon féjour dans la ca-
-pitale , & inviter l'Affemblée nationale à fe rap(
90 )
procher de lui , en venänt continuer ſes travaux
dans la même ville . »
сс
« Mais un facrifice plus pénible étoit réſervé
au coeur de fa majefté ; il fallut qu'elle éloignât
d'elle fes gardes - du-corps , de la fidélité defquels
elle venoit d'avoir une preuve bien éclatante dans
la fuaefte matinée du 6. Deux avoient péri vic
times de leur attachement pour le Roi & pour fa
famille , & plufieurs encore avoient été bleflés
grièvement en exécutant ftrictement les ordres de
Roi , qui leur avoir défendu de tirer fur la multitude
égarée. L'art des factieux a été bien grand
pour faire envifager fous des couleurs fi noires
une troupe auffi fidèle , & qui venoit de mettre
le comble à la bonne conduite qu'elle avoit tou
jours tenue. Mais ce n'étoit pas tant contre les
gardes- du- corps que leurs intentions étoit dirigées
, que contre le Roi lui-même ; on vouloit
Pitoler entièrement , en le privant du fervice, de
fes gardes- du- corps dont on n'avoit pas pu égarer
les efprits , comme on avoit réufli auprès de ceux
du régiment des gardes - françoifes , qui , peu de
temps auparavant , étoient le modèle de l'armée . »
« C'eft aux foldats de ce même régiment ,
devenus troupe foldée par la ville de Paris , & aux
gardes nationaux de cette même ville , que la garde
du Roi a été confiée . Ces troupes font entièrement
fous les ordres de la municipalité de Paris , dont
le commandant-général relève ; le Roi , gardé
ainfi , s'eft vu par - là prifonnier dans fes propres
Etats ; car comment peut- on appeller autrement
état d'un Roi qui ne commande que pour les
chofes de parade à fa garde , qui ne nomme à
aucune des places , & qui eft obligé de le voir
entouré de plufieurs perfonnes dont il connoît
les mauvaiſes intentions pour lui & pour la fa191
)
mille. Ce n'eft pas pour inculper la garde natio
nale parifienne & fes troupes du céntré , que le
Roi relèveices faits ; c'eft pour faire connoître
Fexacte vérité ; & , en la faifant connoître , ila
rendú juftice lau zèle pour le bon ordre , & à
Fattachement pour fa perfonne qu'en général
cette troupe lui a montré , lorfque des efprits
ont été laiffés à eux - mêmes , & qu'ils n'ont pas
été égarés par les clameurs & les menfonges des
factieux. » 7643
A
1
44
Jee Mais plus le Roi a fait de facrifices pour
le bonheur de fes peuples plus les factieux ont
travaillé pour en faire méconnoître le prix ; &
préfenter la royauté fous les couleurs les plus
fauffes & les plus odieufessor whooty majo
« La convocation des états - généraux , le doublement
des députés du tiers état , les peines
que le Roi a prifes pour applaniri toutes les dif
ficultés qui pouvoient retarder l'Affemblée des
états- généraux , & celles qui s'étoient élevées
depuis leur ouverture , tous les retranchemens
que le Roi avoit faits fut fa dépense perfon+
nelle , tous les facrifices qu'il a faits à fes peuples
dans la féance du 23 juin ; enfin la réunion des
ordres , opérée par la manifeftation du voeu du
Roi , mefure que fa majefté jugea alors indif→
penfable pour l'activité des états-généraux : tous
fes foins , toutes les peines , toute fa générofité ,
tour fon dévouement pour fon peuple , tout a
été méconnu , tout a été dénaturé . »
cc
*
Lorfque les états - généraux s'étant donné
le nom d'Affemblée nationale , ont commencé
à s'occuper de la conftitution du royaume , qu'on
fe rappelle les mémoires que les facticux ont
eu l'adreffe de faire venir de plufieurs pro
vinces , & les mouvemens de Paris pour faire
+( 92 )
1
mangner les députés à une des principales claufes
portées dans tous leurs cahiers , qui portoient
que la confection des loix fe feroit de concert
avec le Roi Au mépris de cette claufé , IALfemblée
as mis le Roi tout-à-fait hors de la
conftitution , en lui refufant le droit d'ac
corder ou de refuſer ſa ſanction aux articles
qu'elle regarde comme conftitutionnels , en fe
réfervant le droit de ranger dans cette claſſe
ceux qu'elle jugé à propos , & en reftraignant
fur ceux réputés purement légiflatifs la pièro
gative royale à un droit de fufpenfion juſqu'à la
troifième dégiflature , droit purement illufoire.
comme tant d'exemples ne le prouvent que trop.
ec
Que refte- t- il au Roi , autre chofe que le
vain fimulacre de la royauté ? On lui a donné
vingt-cinq millions pour les dépenfes de fa lifte
civile , mais la fplendeur de la maifon qu'il doit
entretenir pour faire honneur à la dignité de fa
couronne de France , & les charges qu'on a ret
jettées deffus , même depuis l'époque où ces fonds
ont été réglés , doivent en abforber la totalité »
сс« On lui a laiffé l'ufufruit de quelques - uns
des domaines de la couronne , avec plufieurs
formes gênantes pour leur jouiffance . Ces domaines
ne font qu'une petite partie de ceux que
les Rois ont poffédés de toute ancienneté , &
des patrimoines des ancêtres de fa majefté , qu'ils
ont réunis à la couronne . On ne craint pas d'avancer
que fi tous ces objets étoient réunis , ils dépafferoient
de beaucoup les fommes allouées pour
l'entretien du Roi & de fa famille , & qu'alors
il n'en coûteroit rien au peuple pour cette
partie. »
« Une remarque qui coûte à faire au Roi ,
eft l'attention qu'on a eue de féparer , dans les
193 }
e
2
arrangemens fur la finance & toutes les autres
parties , les fervices rendus au Roi perfonnelle
ment ou à l'Etat , comme fi ces objets n'étoient
pas vraiment inféparables , & que les fervices
rendus à la perfonne du Roi , ne l'étoient pas aufli
à l'Etat. » 3
Qu'on éxamine enfuite les diverfes parties
du gouvernement : la justices Le Roi n'a aucune
-participation à la confection des loix ; ila le
fimple droit d'empêcher jufqu'à la troisième legiflature
fur les objets qui ne font pas réputés
conftitutionnels , & celui de priere Affemblée
nationale de s'occuper de tels ou tels objets ,
fans avoir le droit d'en faire la propofition formelle.
La juſtice fe rend au nom du Roi , les
provifions des juges font expédiées par lui ; mais
ce n'eft qu'une affaire de ; forme , & le Roi a
fealement la nomination des commiffaires du Roi ,
places nouvellement créées , qui n'ont qu'une
i partie des attributions des anciens procureursgénérauxgel&
font feulement deftinés à faire
maintenir l'exécution des formes : toute la partie
publique eft dévolue à un autre officier de juftice .
Ces commiffaires font à vie & non révocables
pendant que l'exercice de celles de juges ne doit
durer que fix années. Un des derniers décrets de
l'Affemblée vient de priver le Roi d'une des plus
belles prérogatives attachées par- tout à la royauté :
celle de faire grace & de commuer les peines .
Quelque parfaites que foient les loix , i eft
impoffible qu'elles prévoient tous les cas ; & ce
fera alors les jurés qui auront véritablement le
-droit de faire grace , en appliquant fuivant leur
volonté le fens de la loi , quoique les apparences
paroiffent contraires . Combien d'ailleurs cette
• difpofition se diminue - t - elle pas la majesté
.
&
> (1194 ):
籃
:
royale aux yeux des peuples , étant accoutumés
depuis fi long-temps à recourir au Roi dans leurs
befoins & dans leurs peines , & à voir en lui
le père commun qui pouvoit foulager leurs afflic
tions »> !
« L'adminiftration intérieure. Elle est toute
entière dans les mains des départemens , des diftricts
& des municipalités , refforts trop multi-
-pliés , qui nuifent au mouvement de la machine,
& fouvent peuvent fe croifer . Tous ces corps
font élus par le peuple & ne reffortiffent du gouvernement,
d'après les décrets , ou pour leur
exécution ou pour ceux des ordres particuliers
qui en font la fuite . Ils n'ont , d'un côté aucune
grace à attendre du gouvernement , & de l'autre les
manières de punir ou de réprimer leurs fautes ,
comme elles font établies par les décrets , ont dès
formes fi compliquées , qu'il faudroit des cas bien
extraordinaires pour pouvoir s'en fervit ; ce qui
réduit à bien peu de chofe la furveillance que les
miniftres doiventavoir fur eux . Ces corps ont d'ailleurs
acquis peu de force & de confidération. Les
fociétés des amis de la conftitution ( dont on parlera
après ) , qui ne font pas refponfables , fe
trouvent bien plus fortes qu'eux, & par- la l'action
du gouvernement devient nulle. Depuis leur étabiflement,
ona vu plufieurs exemples que quelque
bonne volonté qu'ils euffent pour maintenir le bon
ordre , ils n'ont pas ofé fe fervir des moyens que
la loi leur donnoit , par la crainte du peuple
pouflé par d'autres inftigations. >>
ce Les corps électoraux , quoiqu'ils n'aient aucune
action par eux-mêmes , & foient reftreints aux
élections , ont une force réelle : par leur mafle ,
è par leur durée biennale , & par la crainte narurelle
aux hommes , & fur-tout à ceux qui n'ont pas
J
( 93 )
d'état fixe , de déplaire à ceux qui peuvent fervie
où nuire, el $60.28
« La difpofition des forces militaires eft , pat
fes décrets , dans la main du Roi. Il a été déclaré
cheffuprême de l'armée & de la marine . Mais tout
le travail de formation de ces deux atmées à été fait
par les comités de l'Affemblée , fans la participation
duRois tout , jufqu'au moindre réglement de difcipline,
a été fait par eux ; & s'il reſte au Roi le tiers
ou le quart des nominations fuivant les occafions ,
ce droit dévient à -peu-après illufoire par les obftacles
& les contrariétés fans nombre que chacun
fe permet contre les choix du Roi . On l'a
vu encore obligé de refaire tout le travail -des
officiers- généraux de l'armée , parce que ces choix
déplaifoient aux clubs 3 en cédant ainſi , ſa majeſté
n'a pas voulu expofer d'honnêtes & braves militaires
, & les expofer aux violences qui auroient
fûrement été exercées contre eux , comme on
n'en a vu que de.trop fâcheux exemples. Les
clubs & les corps adminiſtratifs fe mêlent des détails
intérieurs des troupes , qui doivent être abfolument
étrangers , même à ces derniers , qui
-n'ont que le droit de requérir la force publique
lorfqu'ils penfent qu'il y a lieu à l'employer , ils
fe font fervis de ce droit , quelquefois même pour
contrarier les difpofitions du gouvernement fur
la diftribution des troupes ; de manière qu'il eft
arrivé pluſieurs fois qu'elles ne fe trouvoient pas
où elles devoient être . Ce n'eft qu'aux clubs
que l'on doit attribuer l'efprit de révolte contre
les officiers & la difcipline militaire , qui fe
répand dans beaucoup de régimens , & qui , fi
on n'y met ordre efficacement , fera la deftruction
de l'armée. Que devient une armée quand elle
n'a plus ni chefs , ni difcipline ? Au lieu d'être la
( 96 )
i
1
force & la fauve-garde d'un Etat , elle en devient
alors la terreur & le Réau, Combien les foldats
françois , quand ils auront les yeux défillés ,
ne rougiront-ils pas de leur conduite , & ne
prendront-ils pas en horreur ceux qui ont perverti
le bon efprit qui régnoit dans l'armée & la marine
françoife ? Funcftes difpofitions que celles qui ont
encouragé les foldats & les marins à fréquenter
les clubs Le Roi a toujours pensé que la loi
doit être égale pour tous ; les officiers qui font
dans leur tort doivent être panis ; mais ils doivent
l'être , comme les fubalternes , fuivant les difpo
fitions établies par les lois & règlemens ; toutes
les portes doivent être ouvertes pour que le mérite
le montre, & puiffe avancer ; tout le bien- être
qu'on peut donner aux foldats eft jufte & nécef--
faire,mais il ne peut y avoir d'armée fans officiers &
fans difcipline , & il n'y en aura jamais tant que
les foldats fe croiront en droit de juger la conduite
de leurs chefs . » .
? La fin au Journal fuivant.
Les Numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France , du premier Août ,
font : 3 , 33 , 72 , 27 , 40.
L ...
* ..
( ૪૬ )
toires ou injuftes. Un Roi eft auffi le Protecteur
né , le Repréfentant héréditaire du Peuple dont
les intérêts lui font confiés . Il ne peut foufcrire
à des engagemens qu'il croiroit contraires au
bien de l'Etat , ou dont l'exécution ne lui paroîtroit
poffible que par l'exercice d'une rigueur
tyrannique & exagérée.
On peut douter que le Roi accepte librement
la profcription de la Nobleffe & fanctionne le
malheur des plus illuftres familles du royaume!
Une profonde réflexion a dû lui faire connoître
que dans un grand Etat , la Nobleffe , non point
comme ordie , fi l'on veut , mais comme claffe ,
comme élément d'un Sénat national , préſente un
appui durable à la Conſtitution , à la liberté une
meture fage , au trône la fplendeur & la puiffance
qui lui conviennent. Un Corps de Nob'effe
' nationale eft incorruptible ; le tyran n'a point
de moyen de le gagner ; toujours entre les
extrémités orageufes de la démocratie & le defpotifme
des volontés du Prince , la Nobleffe veut
la liberté de tous , parce qu'elle n'a d'intérêt à
l'esclavage de perfonne.
Ces vérités contre lesquelles il eft de mode d'argumenter
aujourd'hui , ne font point détruites par
l'affectation men fongère de confondre la corruption
de quelques Nobles & la féodalité avec l'inftitution
politique de la Nobleffe dans l'Etat. Tant qu'à Rome
le Sénat a joui de la confidération & du pouvoir ,
qu'la balancé la force toujours croiffante du peuple,
la République s'eft élevée au plus haut degré de
gloire & de puiffance ; elle n'a perdu fa liberté ,
elle n'eft devenue le patrimoine des Néron & des
Caligula , que lorfque la Nobleffe avilie & lé
Sénat fans force , n'ont pu empêcher le peuple
de le vendre aux tyrans . Lorfque Cromwell ,
( 86 )
fecondé du parti fanatique , voulut régner par
la crainte , ce fut contre la Chambre des Pairs
qu'il dirigea les fureurs des Communes . Dès
qu'elle fut détruite , la liberté s'anéantit avec
elle , & l'on vit bientôt un Roi foible & malheureux
cimenter de fon fang la fervitude publique.
Ce n'eft pas , au refte , fur l'article de la
Nobleffe feule que le Roi doit être libre d'énoncer
fon vou , de refufer une acceptation qu'il
pourroit croire injufte & nuifible à l'Etat , il en
eft d'autres , à l'égard defquels on ne peut fans
frapper de nullité la Charte conftitutionnelle ,
lui commander un affentiment qu'il n'éprouveroit
point. L'acte de la royauté ne peut être
celui de la contrainte & de la précipitation ; prétendre
le contraire & vouloir concilier l'obéiffance
de fujet avec l'action de l'autorité royale ,
c'eft méconnoître le caractère de la Loi ou la
métamorphofer en axiômes d'une volonté inconftitutionnelle
& fragile.
Les Etrangers ne favent guères ce qu'ils
difent quand ils parlent de la liberté Françoife
, ils ne connoiffent guères la vérité
quand ils célèbrent la révolution comme la
conquête des Droits de l'Homme & de la
Société. Ils ne favent point quefinous avons
donné une grande extenfion à nos droits politiques
, par les nouvelles loix la liberté individuelle
eft réduite à rien dans le droit, &
par le fait livrée à l'arbitraire de foixante.
mille affemblées conftitutionnelles , que
rien ne peut mettre à l'abri des vexaMERCURE
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE .
SUÈDE.
De Stockholm , le 15 Juillet 1791 .
TOUS
ous nos préparatifs militaires reftens
dans le même état : les vaiffeaux de guerre
& la flotte de galères font toujours armés , &
prêts à mettre à la voile ; les magaſins font
approvifionnés , & l'on n'a point ordonné
, comme il eft d'ufage à l'approche
de la paix , la vente des denrées qui ne
font point de garde. Cette attitude hoftile
eft une véritable énigme pour le public ,
aujourd'hui qu'on ne peut pas douter de
la paix du Nord.
Le retour du Roi eft certain ; les yacths
& autres bâtimens qui avoient fervi à conduire
Sa Majesté fur les côtes d'Allemagne ,
font repartis , & doivent ramener le Mo-
No. 33. 13 Août 1791 . E
( 98 )
narque ici . Plufieurs régimens ont reçu
l'ordre de fe raffembler, & de former une
efpèce de camp dans la plaine de Ladugordt,
dans les environs de la capitale .
- M. le Comte de St. Prieft , ancien Miniftre
de S. M. T. C. , vient d'arriver ici
avec fon époufe , qui eft foeur de M. le
Comte de Ludolf, envoyé de l'Empereur
auprès de la Cour de Suède.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 19 Juillet.
Les lettres de Copenhague annoncent
que les trois vaiffeaux de ligne & les deux
frégates , dont le défarmement avoit été
ordonné il y a quelque temps , vont inceffaniment
être armés , & que les ordres
en ont été donnés. On a appris aufli des
frontières de la Pologne , que l'armée-
Ruffe , cantonnée dans la Livonie , fous
les ordres du Général Numfen , eft forte
de près de trente mille hommes , & qu'à
Cmirla, port diftant d'à -peu -près deux lieues
de Riga , fe trouvent 80 chaloupes- canonnières
, toutes bien armées & bien équi
pées. Le Prince de Naffau & le Prince
Potemkin ne font point partis , l'un pour
prendre le commandement de la flotte de
galères , & l'autre celui de l'armée du
Danube , comme on le croyoit ; ils en
199 r
contremandé.
-
avoient bien reçu l'ordre , mais il a été
On avoit répandu le
bruit que l'Impératrice de Ruffie avoit été
dangereufement malade ; cette Souveraine
n'a point été incommodée , & jouit d'une
bonne faité.
De Vienne, le 25 Juillet 1791.
Les Ruffes viennent encore de prouver
ce que peuvent des troupes difciplinées &
commandées par un Général prudent &
éclairé, contre une armée d'hommes réunis
à la hâte & entraînés plus par un fentiment
de courage aveugle , que conduits par le
difcernement & T'habitude des arts de la
guerre.
L'armée Ruffe aux ordres du Général
Repnin , ayant paffé le Danube près de
Galacz dans les premiers jours du mois
pour s'oppofer au mouvement de celle des
Turcs qui s'avançoit fur Maczin , fe trouva
dans la néceffité de livrer combat le 9.
Les difpofitions ayant été faites pour l'attaque
, dès le matin les détachemens de
cavalerie Ruffe engagèrent le gros de l'ar :
mée Ottamane à s'ébranler : l'engagement
fut bientôt général ; & malgré leur réfiftance
& leur bravoure , les Turcs furent
obligés de céder & d'abandonner le champ
de bataille , après avoir perdu 4000 hommes
, un grand nombre de prifonniers &
E 2
( 100 )
laiffé leur eaiffe militaire avec quarante
pièces de canons , dont les Ruffes fe font
emparés.
Parmi les prifonniers fe font trouvés
deux Chefs Afiatiques , Officiers- Généraux
dans l'armée , & le Commandant Mehemet
Arnaut , Pacha à deux queues . Le Vifir
Juffuf Pacha , retiré fur une hauteur , a
eu la douleur de voir fes troupes battues ;
elles fe montoient à 70,000 hommes ; les
Ruffes n'en avoient guère que 25 à 30,000,
& n'ont perdu que 1,500 hommes.
La réunion de la famille Impériale s'eft
faite à Gratz ou Groetz le 16 , & Leurs
Majeſtés , ainſi que les Archiducs , font
arrivés ici le 20 au foir. Leur retour a été
un fujet de joie univerfelle d'autant plus
vive , que l'Empereur eft arrivé fans accident
, & que par - tout il n'a reçu que des témoignages
de la confiance & de l'attachement
du Peuple.
On a été obligé d'arrêter ici quelques
boute- feux qui , par des difcours féditieux ,
& prononcés dans des lieux publics , fembloient
provoquer la rigueur du Gouver
ment contre eux . Plufieurs s'échappoient en
propos indécens contre le Roi &la Reine
de France ; d'autres confeilloient aux habitans
de fuivre l'exemple de Paris , & de
préfenter des pétitions à l'Empereur . On
a plufieurs raifons de croire que ces gens
étoient d'intelligence avec des ennemis de
( 101 )
l'Etat. Si on peut en avoir des preuves ,
on leur fera leur procès.
De Francfort-fur- le- Mein , le 30 Juillet.
M. le Marquis de Bouillé n'ira point à
Vienne comme on le croyoit ; le Roi de
Suède l'a pris à fon fervice avec un de fes
fils ; il leur donne à l'un & à l'autre le
même grade dans fes troupes qu'ils avoient
dans celles de France. On ne doute
point que l'Empereur & le Roi de Pruffe
aient enſemble une entrevue dans la Bohême
; les revues en Siléfie , & le départ
de l'Empereur pour fon couronnement à
Prague qui aura lieu du 6 au 10 de Septembre
, viennent à l'appui de cette conjecture
fondée fur plufieurs autres motifs.
Sans qu'on apperçoive de mouvemers
fenfibles dans le militaire , il eft sûr cependant
qu'il s'en fait . On voit , écrit- on de
Vienne , arriver de temps à autre des Compagnies
& des Bataillons ifolés , dont la
deftination n'eft point connue.
Les lettres de Ratisbonne annoncent que
ce qu'on appelle le conclufum a été préfenté
au Collége Electoral le 11 , & qu'il
y a paffé à la majorité , ainfi que dans
celui des Princes- Etats de l'Empire ; l'avis
des trois Electeurs Eccléfiaftiques a prévalu
, & l'on a décidé que l'Empereur
feroit fupplié de faire de nouvelles repré-
E 3
7102 )
Tentations à Sa Majefté Très - Chrétienne
fur l'infraction des Traités , que dans l'avis
de l'Empire ou le priera également d'enjoindre
aux Cercles & Etats de completter
duement leurs troupes , afin de pouvoir
fournir inceflamment leur contingent au
double pour défendre efficacement la
dignité de l'Empire , fon autorité & fes
droits , par les moyens autorifés par le
droit des gens.
L'on a dit que les Miniftres de Bohême,
de Saxe , de Brandebourg & d'Hanovre ,
avoient marqué de l'oppofition à cette dé
cifion ; cela eft faux ; feulement ils fe font
abftenus de faire connoître leur væu.-
MM. Bouillé fils , Heymann , le Marquis de
Pracomtal & le Comte d'Agoult , Officiers
François , font arrivés à Berlin le 21 ; les
deux premiers fe font auffi- tôt rendus à
Potfdam , où Sa Majefté Pruffienne les a
reçus avec cordialité & diftinction
ESPAGNE.
De Madrid , le 22 Juillet.
Les tentatives de quelques fanatiques
trangers pour exciter des mouvemens factices
parmi le peuple , la diftribution des
libelles contre les foix & la fouveraineté ,
ont obligé le gouvernement à employer des
mefures févères pour prévenir l'un & l'autre
( 103 )
de ces délits contre la sûreté du Royauma
Des ordres ont été envoyés aux Gouverneurs
des Provinces & principalement de celles
qui avoifinent la France pour furveiller ceux
qui fous des déguifemens s'introduiroient
dans les villes pour y répandre l'efprit de
défunion . Les étrangers font obligés de
donner leurs noms , & de protefter de
leur attachement à la Religion Catholique ;
s'il en eft dont la conduite & les difcours
peuvent donner des foupçons , on les oblige
à fe retirer. Par un Edit poftérieur le Gouvernement
déclare que comme il a appris
que par le moyen des Ouvriers ambulans &
des portes-balles on fait circuler , dans
Royaume , des écrits féditieux , il a donné
des ordres à toutes les Juftices de furveillor
ceux qui exerceroient ces Profeflions ambulantes
& de conftituer prifonnier ceux
qui fe feroient rendus coupables du colportage
des ouvrages dont on vient de parler,
précautions rigoureufes fans doute , mais
dont il eft peut-être utile de faire ufage
pour prévenir les défordres & l'effufion
du fang qu'amène toujours le fanatiſme
des nouveaux fyftèmes.
Quelques troubles s'étoient manifeftes
dans la Province de Galice ; ils avoient
pour caufe la cherté des vivres &
quelques abus d'adminiftration qu'il a
été facile au Gouvernement de faire dif-
E 4
104 )
paroltre. Tout eft rentré dans l'ordre &
l'on a mis en prifon ceux des payfans qui
avoient excité des émeutes dans les mar
chés.
-
Depuis le commencement du mois de
Juin il eft arrivé une quantité prodigieufe de
piaftres & de marchandifes dans nos ports ,
venant d'Amérique & de nos Poffeffions
dans l'Inde. Le numéraire & les cargaifons
qu'ils ont apportés ont été d'une grande utilité
au Gouvernement & au Commerce qui
attendoient ces retours avec impatience.-
Il n'eft pas vrai que les Cortes foient convoqués
; on ne fait à quoi attribuer ce
bruit ; il est sûrement fondé fur quelqu'équivoque
. Par l'Etat qu'on a fait de
notre Marine répartie dans nos différens
Ports , il réfulte qu'elle eft forte de 73
vaiffeaux de ligne , parmi lefquels on en
compte dix de 112 canons , 60 de 80 &
5 de 54 à 58. Mais les matelots manquent ,
prefque tous les équipages font incomplets
, & l'on s'occupe dans ce moment
de pourvoir à cet inconvénient. - La
place d'Oran eft toujours bloquée par terre ,
malgré les démarches pacifiques commencées
de part & d'autres pour faire ceffer
les hoftilités . Les Maures au nombre de
plus 40,000 font continuellement des tenlatives
pour s'emparer des ouvrages
extérieurs , jufqu'à préfent ils ont été
(-105-).
repouffés , ont perdu bien du monde &
nous ont tué plufieurs Soldats & Officiers ,
principalement dans les forties que la garnifon
fait fouvent. -- La Gazette de la Cour
vient de publier un acte officiel par lequel
le Roi fait connoître à fon Confeil général
& aux Tribunaux du Royaume qu'au
moyen de la paix conclue avec le Bey &
la Régence de Tunis , les Sujets Efpagnols
pourront jouir fur les côtes & dans
les Domaines de cet Etat , de la liberté de
la Navigation du Commerce , dont ils
étoient privés depuis fi long - temps .
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 2 Août.
; Tout refte dans le même état ; la flotte
eft toujours prête ; cette attitude de guerre
n'influe cependant point fur les fonds ; ils
hauffent , & les nouvelles du Continent
font toutes à la paix : ainfi , l'on doit attendre
pour expliquer cette énigme , que
les évènemens aient amené quelques changemens
dans l'état politique de l'Europe.
Toutes les lettres de l'Amérique annoncent
la tranquillité , la paix & l'abondance
dans nos colonies : les dernières
que
l'on a reçues de la Grenade apprennent
que l'infurrection des Nègres eft calmée
par les foins du Gouverneur , & que la
E S
( 106 )
récolte en fucre eft cette année des plus
belles & des plus abondantes.
A Dublin , les foins du Gouvernement ont
empêché que le 14 Juillet ait donné lieu à des
troubles. Quoiqu'il y ait eu de l'enthoufafme
, de l'exaltation & du mouvement,
il n'a été commis aucun défordre , l'agitation
& l'oifiveté populaires , que produiſent
ordinairement ces fêtes , n'ont point
été prolongées au- delà du jour & du lendemain
de la cérémonie.
les
Les Factieux ou plutôt les ambitieux de tous
pays ont une politique adroite dans le choix des
moyens qu'ils emploient pour foulever le peuple
& tenter d'obtenir par fa force tout ce que lajustice
ur refuferoit. S'ils réuffiffent , bientôt ils tirent
vanité de leurs maximes féditieuſes , & s'enorgueil
iffent de leur fuccès , fur ce qu'ils appellent
la corruption ; fila direction de leurs brûlots trompe
leurs efpérances , & que le réſultat de leurs manoeuvres
ne foit , comme il arrive ordinairement ,.
qu'un malheur ou un délit public , ils rejettent
fur une prétendue perfidie du Gouvernement , les
défordres dont eux-mêmesfont les auteurs . L'affaire
de Birmingham a offert à toutes les perfonnes
fenfées un exemple frappant de ce genre de menées
très- perfectionné aujourd'hui en France.
On connoît les exagérations , les folies ,, les
maximes fubverfives que quelques efprits échauffés
prêchent & s'efforcent de propager en Angleterre ;
depuis deux ans ; à l'approche de la fête du 14.
juillet , que les Clubiftes vouloient célébrer , on
réunit en une forme d'adreffe tous ces principes
anarchie & de féductions populaires ; on les ré
( 107 )
pandit parmi le peuple , & l'on comptoit beaucoup
fur leur effet , pour entrainer la multitude
dans quelque démarche dont on profiteroit pour
exciter un incendie . Voici cette adreffe telle
qu'elle fut affichée & répandue dans Birmingham ;;
tout le monde y reconnoîtra la touche de la ...
State propagatrice
.
«
« La feconde année de la liberté Françoiſe tirant:
« à fa fin , on defire ardemment que le 14 de:
« ce mois , jour où commence la troifième:
« année , tout ennemi du defpotifme civil ou
religieux fanctionne la majestueufe caufe commune
par la célébration publique de cet anniverfaire
; rappellez à votre mémoire que le
« 14 juillet la Baſtille ce grand autel , cette
fortereffe du defpotifme s'écroula ; rappelicz-
« Vous l'enthouſiaſme pour la liberté avec lequel
« cette prifon fut attaquée ; rappellez à vote!
« fouvenir la généreufe humanité des opprimés.
quoique gémiffant fous le fardeau de leurs
« droits léfés , à conferver la vie de leurs oppref
* feurs, »
CC
« Eft-il poffible que vous oubliez que votre:
Parlement eft vénal , que vos Miniftres font
« des hypocrites ; vos Eccléfiaftiques des oppreffeurs
légitimés , la Famille régnante extravagante
; la Couronne d'une perfonne éminente:
« trop lourde pour une tête qui eft foible &
& trop pefante pour un peuple qui l'a décernée ;,
que vos impofitions font partiales & oppreflives ,
Vos Représentans corrompus à prix d'argent
« contre les facrés droits de la propriété , de la.
Religion & de la Liberté . » 66
CC
Montrez donc le 14 que vous honorez la
« branche d'olivier , que vous voulez tout faes
crifier à la tranquillité publique , jufqu'à ce que
E
C
M
( 108 ).
la majorité ait prononcé. La paix de l'esclavage,
eft pire que la guerre de la liberté . »
Mis loin de produire ce qu'on en attendoit , cette
oeuvre de finatifme ne fit qu'exciter l'indignation
des honnêtes gens , & donner lieu à une fermentation
en fens contraire parmi le peuple naturellement
féditieux de Birmingham. Il en résulta
les défordres que nous avons fait connoître . Alors le
parti fanatique, les artiſans de cette ruine publique
attribuèrent à ce qu'ils appellent leurs ennemis
au Roi , au Ministère, cette pièce féditieufe, comme
un moyen de les perdre dans l'efprit du peuple.
Cette tournure en a impofé à quelques perfonnes ,
& l'on a trouvé des gens affez étrangers aux arts
de la nouvelle doctrine , pour croire cette fable ,
accompagnée , précédée & fuivie de tant d'autres.
Les véritables auteurs de l'adreffe font les factieur ,
& ils ne la défavouent que parce qu'elle a trompé
leur attente criminelle.
Au refte , le Gouvernement veut pourfuivre
les anteurs de ce délit contre la tranquillité
& la sûreté publiques. Un Confeit
de tous les Miniftres , & o le Roi s'eft
trouvé , a été tenu le 28. On y a arrêté de`
publier une proclaniation , & d'enjoindre
aux Officiers de la Juftice d'arrêter ceux
qui feront prévenus d'y avoir eu part. Les
recherches font rigoureufes ; déja plus de
foixante perfonnes ont été arrêtées ; mais
Pon paroît bien plus dans l'intention de
connoître les moteurs de ce complot , &
de les punir , que de févir contre des malheureux
qui fe font laiffés aller à des paf(
109 )
fions furieufes qu'on avoit allumées en
eux.
Quelques Non- Conformistes , an nombre
de 60 , ont auffi voulu célébrer à Manchefter
le 14 Juillet dernier. Cette grande
ville manufacturière , où l'on eftime beaucoup
plus le prix du temps & de l'argent,
que celui des agitations populaires , n'a
point imité la fureur des ouvriers de Birmingham
elle s'eft contentée de donneraux
Convives une leçon plaifante. A peine
les Révolutionnaires étoient- ils à table ,
que de nombreuſes Députations du
Peuple font arrivées. Après avoir félicité
ces Meffieurs de leur bonne humeur , ils
les ont priés de boire docilement , d'abord
à la fanté du Roi , enfuite à la confervation
de la Conftitution Britannique ; enfin ,
à la fanté du Roi de France. Ces préliminaires
exécutés , les Convives ont été invités
à fortir fur-le-champ ; ce qu'ils ont
fait auffi-tôt les nouveaux venus ont pris
leurs places , & ont mangé leur dîner déjà
fervi.
Nos Papiers publics ont récapitulé le
nombre de Perfonnes qui , dans les trois
royaunies , ont formé ces célébrations : il
s'élève à cinq mille fur douze millions de
Citoyens.
( 110 )
FRANCE.
De Paris , le 27 Juillet.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 30 , féance du foir.
M. Bailly demande un décret qui ftatue des.
peites contre quiconque oppofera des violences à
Pexécution du décret portant que les officiers
municipaux feront procéder au recenfement des
habitans de Paris . Un des commiffaires de fection
chargés de ce recenfement fe plaint d'infultes qu'il
dit avoirreçues du domeftique de M. de Rochebrune;
le domestique & le maître font traduits au tribunal
de police , en vertu d'un arrêté munici
pal du 29 juillet ; M. de Rochebrune eſt membre
de l'Affemblée nationale . On a renvoyé les pièces
au comité des rapports.
Les amis de la conftitution de Toulouſe , jurent
d'être fidèles à la nation , à la loi & au citoye
revêtu de l'autorité royale conftitutionnelle
circonlocution applaudie comme étant probable
ment dans le véritable formulaire monarchique)
depuis que l'inviolabilité du Roi confifte à f
paller de Roi. Au refte , les négocians de Tou
bufe s'obligent de continuer les appointemens ..
ceux de leurs commis qui marcheront à la dé
fenfe des frontières .
M. Bureau de Pufy parlant au nom des comités
de marine , colonial & militaire , a rendu compt
des événemens furvenus à l'Orient ; ce compte
n'étant qu'un précis de la lettre de M , de Séqueville
rrr )
au miniftre , lue dans la féance du matin , nous
allons en donner un extrait.. Elle eft du 277
juillet.
Hier , la gabarre l'Espérance ,.commandée par
M. Dubreuil, mouilla fur le Port- Louis , elle
portoit 9 officiers d'artillerie des colonies , & un
détachement de ce corps , & devoit fe rendre à
Breft . Deux de ces officiers font defcendus avec
le capitaine de l'Espérance ; ils ont été reconnus
par quelques foldats pour leur avoir fait infliger
diverfes peines en Amérique. Les efprits s'échauf
fant , on pourfuit les officiers , ils ſe retirent
dans le petit quartier , & les foldats les y af
frégent. Arrive la municipalité ; le trouble aug
mente , elle croit que le meilleur moyen de l'ap
paifer eft de mettre les officiers en état d'arreſtation
. On a battu la générale ,, toute la garnifon a
pris les armes ; mais il a été impoffible de trans→
férer les officiers à l'hôtel -de - ville , d'autant que
la moitié des troupes étoit contre eux , & demandoit
à grands cris leur tête.
La nuit a diffipé l'attroupement , cent hommes
ent fuffi à la garde des prifons , où l'humanité
retenoit ces officiers contre toute juftice ; mais
le matin les féditieux ont recommencé . Enfin ,
le mal paroiffant à fon comble , la gardeallantêtre
forcée, la municipalité a pris la réfolution
de confier les prifonniers au foin de la troupe,
de l'artillerie des colonies , qui a promis d'en
répondre jufqu'à ce que la loi art prononcé , s'eft
formée en bataillon quarré , affiftée de toute la
garde de l'Orient , & les a conduits jufqu'à fon
quartier. On a follicité les commiffaires civils
d'accourir de Vannes , M. de Séqueville vouloir
envoyer les fept autres officiers à Nantes , les.
vents s'y font oppofés , & au moment où il
( 112 )
derit , on lui demande de mettre en état d'ar
reftation ces fept officiers demeurés à bord de
l'Espérance ; il ne fait encore ce que cela peut
devenir , ne preffent que bien des malheurs , &
attend avec une vive impatience les ordres du
miniftre.
Dans ces circonftances alarmantes , les conclufions
de M. Bureau de Pufy ont été qu'il pouvoit
être utile de ne pas dicter aux miniftres ce
qu'ils doivent favoir eux- mêmes ; que n'ayant
nullement à fe plaindre d'aucun des fonctionnaires
publics , il fuffifoit d'approuver leur conduite
, de rappeller aux autres leur devoir , &
que fur le furplus il n'y avoit pas lieu à délibérer,
qu'il falloit laiffer aux loix leurs cours.
M. Prieur en renvoyoit l'exécution au pouvoir
exécutif ; M. Bureau de Pufy lui a répondu :
«C'est le pouvoir exécutif , dans la rigueur de
la loi , qui renvoie la queftion à l'Aſſemblée. »
paroît que le miniftre embarraffé recouroit au
corps légiftif , qui ne l'étant pas moins , s'en ,
remet au miniftre . Les conclufions de M. Bureau
de Pufy ont paffé en décret , & l'on a levé la
Léance .
Du Dimanche , 31 juillet.
M. Fermond a quitté le fauteuil , auquel M.
Alexandre de Beauharnois a été appellé par la
majorité du petit nombre des fuffrages qui décident
de la préfidence .
Après de nouveaux hommages épiftolaires confignés
dans le procès - verbal , & un don de
300 liv. , pour la défenfe des frontières , fait
par les challeurs du Hainault , dont le député ,
admis à prêter le ferment , a pris place dans
l'Affemblée au milieu des applaudiffemens , on
( 113 )
a rendu un décret fur la valeur locative des
édifices occupés par les corps adminiftratifs &
judiciaires. La bafe du loyer fera au denier 25
de la valeur eſtimative ; le montant en fera payé
par les adminiftrés & jufticiables ; les corps adminiftratifs
& judiciaires font refponfables de
l'exécution du préfent décret , tenus d'en fupporter
les dommages & intérêts , & d'en payer le montant
aux receveurs des domaines nationaux ou à tous
autres qu'il appartiendra fans en pouvoir rien
réclamer aux adminiftrés & jufticiables .
Une dépêche authentique & officielle de Ratifbonne
, du 21 juillet , que M. Fréteau a communiquée
à l'Affemblée , au nom du comité diplomatique
, porte en fubftance qu'il eft réfulté des
principes combinés du collége électoral & du
collége des princes « une forte de conclufum préparatoire
( a dit le rapporteur ) par lequel les
miniftres impériaux ont été invités à prier l'Empereur
d'ordonner l'armement des cercles dans
le plus court délai ... Nous avons auffi d'autres
avis que je ne crois pas devoir vous communiquer ,
a poursuiviM. Fréteau , parce que nous ne les avons
pas d'une manière officielle , mais qui mettent la
nation dans la néceffité de s'armer férieufement ,
& effectivement fur plufieurs de fes frontières .
Il a propofé de décréter que les miniftres de la
guerre & de l'intérieur fuffent tenus de venir,
de deux jours l'un , rendre compte à l'Affemblée
de l'exécution des décrets concernant la fûreté
de l'état, parce que faute d'accord & d'entente
les mesures effentielles n'étoient pas exécutées.
A l'appui de cette dernière obſervation , il a cité
le camp de gardes nationales raffemblés dans la
plaine de Grenelle . Le raffemblement a - t - il été
fait par vos ordres ? Savez - vous quand ces gardes
ار
( 114 )
сс
nationales doivent fortir de ce camp? A quelle
époque s'établira le cordon entre Paris & la fronsière
, avoit-il demandé à M. Duportail? ce miniftre
lui a répondu : Non , je n'en fais rien
du tout . » Il a adreffé la même queſtion à M.
de la Fayette , & en a reçu la même réponſe .
Enfin il a découvert que c'étoit le département
qui avoit pris une mefure que le v ige de la
capitale rendoit fi peu analogue au belom d'inftrition
& de difcipline , fans aucune espèce de
concert avec le commandant -général & le miniftre
de la guerre ( que M. F éteau qualifioit le chef
principal de la défenfe publique ) . Il y a ajouté
qu'il y a 60 colonels & près de 80 lieutenanscolonels
à nommer ; & a conclu à décréter que
les miniftres le rendiffent dorénavant aux féances
de l'Affemblée , de deux jours l'un , à 2 heures ,
Quant aux places d'officiers vacantes , M. de
Broglie a dit qu'on s'occupoit d'y nommer , mais
que cette nomination devoit être précédée d'un
rapport que M. Emmery , avocat , feroit demain
fur le mode de remplacement de tous les officiers
qui manquent à l'armée . Quant à la levée des
gardes nationales , il a repréfenté l'inconvénient
qu'il y auroit à mettre en général , fans explitation
ni réſerve , les gardes nationales dans les
mains du pouvoir exécutif , c'est- à - dire , le miniftre,
& la néceffité que la levée s'opère par le concours
des départemens ; enfin , que fi l'on n'envoie
fur les lieux des perfonnes autorisées à réfoudre
toutes les difficultés locales , de Dunkerque à
Béfort , cette mefure fouffrira beaucoup de
retard.
M. Rewbell s'eft plaint de ce que M. de Montmorin
n'avoit pas expédié quelqu'un vers le
prince -évêque de Bafle. Le prince- évêque në
7.1155
voudra pas reconnoître cet envoyé de ma part
& en conféquence d'un décret de l'Affemblée ;
on l'arrêtera peut - être , objeétoit le miniftre .
M. Rewbell propofoit naïvement de faire appuyer
l'envoyé par le général Luchner , & il re
pondoit du fuccès de l'ambaffade. Mandez les
miniftres fur l'heure , a dit M. d'André , & que
le comité nous préfente demain un décret qui
fixe l'autorité du miniftre de la guerre fur les
mouvemens des gardes nationales. Au fujet de
Porentruy , il a annoncé que le chargé des af
faires de France en Suiffe , s'acquitteroit de cette
commiffion .
Tout en ne voyant de remède à tant de
maux que « dans une forte organiſation du gou
vernement monarchique » M. Martineau n'a
cependant parlé que des miniftrès . Il les a peints.
emmaillotes de mille manières par les comités
de l'Affemblée , par les départemens , par les
municipalités , défaut de cohérence qui détruit
la refponfabilité & arrête le gouvernement.
Vous avez tout fait pour le pouvoir exécutif
a répondu M. de Beaumetz , en accordant aux
miniftres l'entrée de l'Affemblée à toutes les
heures. S'ils éprouvent des entraves , pourquoi
ne s'en plaignent-ils pas ? Ce n'eft pas des
commiffaires qu'il faut envoyer , a dit M. Lan
juinais. Un trait d'hiftoire bien connu , c'eft
que quand on envoya des commiffaires tirés des
états-généraux , les états- généraux furent difperfés
& plufieurs furent pendus... Le trait d'hif
toire a fait rire .
» --
ce L'Affemblée a décrété que dès demain tous
les miniftres feroient invités à fe rendre tous.
Les deux jours à l'Affemblée , pour rendre compte
de l'état de défenfe du royaume ; & que de(
116 )
main le comité militaire préfenteroit un projet
de décret fur l'autorité qu'il convient de donner
au miniftre pour les mouvemens & la marche
des gardes nationales volontaires . »
L'un des commiffaires revenus des frontières ,
M. Chaffey , a lu un rapport fur la fituation de
eelles qu'il a vifitées . Il a d'abord annoncé un
travail de M. de Cuftine contenant l'indication
de tous les moyens de défenfe , mémoire qui
ne peut , a - t- il dit , être rendu public . Enfuite
il a donné de grands éloges à la garnifon de
Strasbourg renforcée de 6000 gardes nationales ,
a fait le récit d'une faulle alerte & d'une attaque
fimulée dont il a été , témoin ; les forties
& les rentrées ont eu lieu avec une promptitude
incroyable , & aucune des mesures n'a manqué.
Les arfenaux font garnis d'artillerie , & l'on ne
manquera bientôt plus de fufils . Landau & le
Fort Louis ne tarderont pas à être dans le meil-
Ieur état. Au furplus , il n'y a point encore de
troupes fur la rive droite du Rhin : « car on
ne compte pas , fans doute pour une armée ,
i les aventuriers qui font à Ettenheim , ni les
fugitifs retirés à Worms . »
On s'attendoit bien à quelque inculpation vague
contre les prêtres dits réfractaires . Ils ne font pas
grand mal dans les villes où l'on eft affez pl.-
lofophe ; mais ils ont beaucoup d'influence fur
les campagnes. Les adminiftrateurs du Haut Rhin
ont pris à l'égard de ces prêtres qu'on accuſe
par - tout & qu'on ne juge nulle part , un arrêté
à peu- près femblable à celui des adminiſtrateurs
du Bas- Rhin ... Les ventes de biens nationaux
fe font avec fuccès. La perception des impôts
n'eft pas très-active ; mais il n'eft prefque rien
dû de 1789... Quelques foldats fe font permis
( 117 )
•
des actes d'infubordination . Il a fini par demander
& obtenir que le miniftre de la juftice indiqueroit
un tribunal où l'on continueroit la procédure
relative aux délits commis a Haguenau
en juin & juillet 1790 .
Du lundi , 1er. août.
M. Panckouke , Imprimeur- Libraire à Paris ;
l'un des électeurs de 1789 , a envoyé à l'Affem
blée une adreffe civique & un affignat de 1000 liv.
pour l'entretien de deux gardes nationales , avec
fon obligation de pareille fomme pour chaque
année fi la continuation eft néceffaite . Il a fait
auffi hommage d'un exemplaire complet de l'Encyclopédie
par ordre des matières , en obfervant
que cet ouvrage eft le fruit du travail de plus de
iso hommes de lettres . L'Affemblée a reçu cette
offre patriotique avec applaudiffement , & il en
fera fait mention honorable dans le procèsverbal
.
CC
M. Vernier a lu un décret d'exécution du
décret relatif aux émigrans pour ce rappeller dans
le fein de la nation les enfans de la patrie . La“
retenue fur les rentes paroiffoit injufte à M. Martineau
, toute fimple à M. d'Auchy. Elle fera funefte
aux créanciers , felon M. de Praflin ; propre
, fuivant M. Menard , à induire les débiteurs
des émigrans à garder les deux tiers de
la retenue ce qui lui femble une immoralité
criante dans une loi . La crainte des fraudes ne
doit point arrêter , a dit en ſubſtance M. Chabroud;
tous les décrets fur les impofitions font
fufceptibles de fraudes , & on ne les a pas moins
admis . Un grand élan de patriotiſme rendra nulle
cette immoralité.... M. de Croï a demandé que
le triplement de contribution ne tournât pas aut
>
( 118 )
profit des municipalités qui n'ont pu ou voure
Protéger la fûreté des émigrans ce qui feroit
bien une autre immoralité. Mais on a décidé
qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur l'obfer
vation de M. de Croï.
Votre triple impofition étant une peine , difoit
M. Tronchet , vous ne pouvez la faire fupporter
au créancier qui a des titres authentiques.
Ce n'eft point une peine , mais une indemnité ,
répondoit M. Lanjuinais ; or , l'état a la préférence
fur tous les créanciers . « C'eſt une fimple
indemnité des frais de garde , des frais perfonnels,
& de la protection que vous donnez aux biens des
émigrés » ajoutoit M. Rewbell; comme fi ces trois
fortes de frais n'étoient pas les mêmes que ceux de
l'ordre publi , & que les émigrés ne payalent pas
dans les impôts ordinaires leur part de cette protection
fi mal accordée , comme s'il en coûtoit
trois fois plus pour protéger la perfonne de moins
que pour protéger les biens & la perfonne enfemble.
Un émigrant , a dit M. d'André , n'a que
4000 liv. de rentes ; l'impofition foncière lui
prend déja environ 800 liv . Si vous la triplez , ce
fera encore 1600 liv . ( total 2400 1. fur 4000 l . )
Le créancier perdra donc énormément . Cela n'eft
pas propofable ; car ce créancier peut être un patriote.
Toute créance authentique & hypothéquée
doit le prélever , que les autres créanciers perdent
ou qu'ils attendent... M. d'André trouvoit
cela jufte . Voici le décret qui eft réfulté d'une
pareil e difcuffion':
« Art . I. Tous les François abfens du ròyaume
feront tenus de rentrer en France dans
le délai d'un mois à compter de la publication
da préfent décret ; & jufqu'à ce qu'il en ait été
autrement ordonné , aucun citoyen, François ne
( 119 )
pourra fortir du royaume fans avoir fatisfait à
ce qui fera ci-après prefcrit . »
« II. Les émigrés qui rentreront en France
font mis fous la protection fpéciale & la fauve
garde de la loi ; en conféquence les corps adminiftratifs
& les municipalités font tenus , fous
feur refponfabilité , de veiller à leur sûreté , &
de les en faire jouir.
ל כ
ce Il eft pareillement enjoint aux accuſateurs
publics de pourfuivre la réparation ou la punition
de toute contravention aux préfentes difpofitions,
כ כ
>
ce III. Ceux qui ne rentreront pas dans le
délai fixé , paieront , par forme d'indemnité du
fervice perfonnel que chaque citoyen doit à
l'état , une triple contribution foncière & mobiliaire
pendant tout le temps de leur abfence ;
fouffriront en outre une triple retenue fur les
intérêts des rentes preftations & autres redevances
à raifon defquelles la retenue fimple eft
autorifée . Les débiteurs deviendront comptables
de deux portions fur trois de cette même retenue
envers le tréfor public , & à défaut de
paiement , ils feront pourfuivis comme pour
leurs propres contributions ; lefdits débiteurs feront
tenus de faire leur déclaration au diftrict
à peine de demeurer refponfables de toutes les
retenues qui n'auroient pas été faites . »
« Les impofitions excédenes ne pourront
nuire aux créanciers légitimes qui ont des dettes
authentiques antérieures au préfent décret , mais
elles demeureront néanmoins affectées au furplus
des biens & revenus. »
« IV. Les émigrés feront difpenfés , auffitôt
leur retour , du paiement total de cette taxe
qu'ils ne feront tenus d'effectuer qu'au prorata
( 120 ).
du temps de leur abfence , à partir du premier
juillet de la préfente année ; fe réfervant au
furplus l'Affemblée nationale , de prononcer telle
peine qu'il appartiendra contre les réfractaires ,
en cas d'invafion hoftile fur les terres de France . »
ce V. Pour l'exécution des articles précedens ,
chaque municipalité fera tenue de fournir au
directoire de diftrict un état nominatif de tous
les émigrés compris au rôle de la contribution.
foncière & mobiliaire ; & à la fuite des noms
de chacun des émigrés , ils indiquerónt le montant
de la cote d'impofition pour laquelle ils
auront été portés dans les rôles ; ils indiqueront
auffi le montant de la retenue qu'ils fauront devoir
leur être faite fur les rentes , preftations & redevances
à eux appartenantes. »
ce Ces états feront adreffés au directoire de diftrict
qui , à vue d'iceux , & d'après les détails qui
feront à fa connoiffance , fera former un rôle de
la taxe ordonnée à l'égard defdits émigrés . Les
rôles ainfi formés & vifés par les directoires de
diftrict , feront envoyés au département qui les
adreffera au miniftre des impofitions qui donnera
les ordres néceffaires pour en affurer l'exécution . »
« VII. Les fermiers , locataires ou autres redevans
defdits abfens ne pourront acquitter le prix
de leurs baux à ferme , à loyer , des rentes & redevances
par eux dues , fans qu'il leur ait été
juftifié du montant des rôles d'impofitions &
taxations defdits abfens , »
« VII. Sont exceptés des difpofitions ci - deffus '
les François établis en pays étranger avant le
premier juillet 1789. Ceux dont l'ablence eft
antérieure à ladite époque , ceux qui ne fe feront
abfentés qu'en vertu de paffe - ports en bonne
forme ,
( 121 )
forme , ceux qui ont une miffion du gouvernement
, leurs époufes , pères & mères domiciliés
avec eux , les gens de mer , les négocians où
leurs facteurs notoirement connus pour être dans
l'ufage de faire , à raifon de leur commerce , des
voyages chez l'étranger.
ל כ
ce VIII. Les congés ou permiffions de s'abfenter
hors du royaume ne feront accordés à aucun
citoyen que par le directoire de diftrict dans le
reffort duquel il fera domicilié , & d'après l'avis
de la municipalité , pour des caufes néceffaires &
Indifpenfables , reconnues ou conftatées . »
« Celui qui follicitera ladite permiffion , prêtera
individuellement le ferment civique , ou juftifiera
qu'il a déja prêté ce ferment individuel , &
joindra à fa demande une déclaration par écrit
qu'il entend y reſter fidèle . »
Au nom des commiffaires envoyés dans les dé
part mins du Nord , du Pas- de - Calais & de
l'Ailne , M. Biron a fait un rapport où toutes
les places de première ligne font dans le meilleur
é at . Il n'y a pas plus de roupes de ligne que dans
les temps de la plus grande fécurité ; mais le
zèle & le nombre des gardes nationales y fuppleéront.
Les travaux de M. de Rochambeau méritent
l'adaniration de tous les militaires . Les places de
feconde & de troisième ligne ont b.fon de quelques
réparations. Rien n'égale le patriotiſme des
foldats ; mais les ferments ne les ont pas guéris
d'une ext è ne défiance de leurs officiers ; ils veu-
Jent garder eux- mêmes les drapeaux . Quelques
chefs s'y font oppofés , ce qui a occafionné beaucoup
de débats très - fâcheux . M. de Grave , cofonel
du régiment de Chartres a dit à ſes ſoldats :
je vais vous apporter les drapeaux au quartier ,
nous les garderons enfemble. Ce trait de patrio
No. 33. 13 Août 1791 . F
( 122 )
tifme , felon le rapporteur , a porté les foldats à
promettre de renoncer à toute divifion & de remplir
leurs devoirs avec exactitude.
Voici le réfumé des demandes de M. de Rochambeau
: 1 ° . les fonds néceffaires pour le camp
retranché de Maubeuge , 45,000 liv .; 2 °. quelques
fonds extraordinaires , s'il étoit obligé de
faire un raffemblement ; 3 ° . douze ou quinze
mille hommes de gardes nationales , parmi lefquelles
il feroit accordé deux bataillons de la
garde nationale parifienne ; 4°. feize escadrons de
troupes à cheval qui lui deviennent indifpenfables ;
le comité militaire & le miniftre de la guerre font
d'accord fur les trois premiers objets , & le comité
a reconnu l'urgence du dernier & écrit au miniftre
de la guerre en conféquence .
Ces demandes ont été décrétées .
L'âge de M. de Rochambeau ( il n'a que 66
ans ) & fa modeftie , fans doute , lui font defirer
de borner le commandement où il fe montre
dit- on , infatigable. Un membre a penfé qu'il
falloit au moins (upplier ce général , au nom de
la patrie de fe charger de Philippeville , Marierbourg
& Givet, On a décrété le renvoi au miniftre.
A la fuire d'un rapport fur le re.nplacement
des officers de ligne , par M. Emmery , avocat ,
membre du comité militaire , & après une difcuflion
fur cet ebjet , entre MM . Coupé , d'André ,
de Noailles , Prieur , Martineau , Rewbell &
Chabroab , on a décrété les quinze articles fuivans :
« L'Ademblée nationale décrète qu'attendu les
circonftances , le remplacement actuel des officiers
qui manq rent dans les différens corps de l'armée ,
fe fera con me i fuit :
A: t. I. Les règles preferites par les pré(
123 )
dens décrets pour le remplacement des officiersfupérieurs
& des adjudans majors dans les différens
corps des différentes armes , auront leur pleine
& entière exécution, »
« II. Dans chacun des régimens d'infanterie
de ligne où il n'y a pas plus de quatre compagnies
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens lieutenans du régiment . Dans chacun des
bataillons d'infanterie légère où il n'y a pas plus
de deux compagnies vacantes , elles appartiendront
aux plus anciens lieutenans du bataillon . »
сс
III. Les trois quarts au moins du total des
compagnies vacantes dans les régimens d'infanterie
de ligne , & dans les bataillons d'infanterie
légère au - delà du nombre ci - deffus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens Lieutenan's de
toute l'infanterie , qui font actuellement en acti- '
vité ; l'autre quart pourra être donné par le
pouvoir exécutif , foit à des capitaines , foit à
des lieutenans d'infanterie réformés ou retirés ,
qui defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du district
dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte leur
attachement à la conftitution décrétée par l'Affemblée
nationale . »
« IV. Les capitaines qui feront pourvus en
vertu de l'art. I , conferveront leur rang entre
eux , & fe prendront fur tous ceux qui feront
nommés en vertu de l'article II . Ceux de ces
derniers qui feront pris fur la colonne des
lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entre eux , & le prendront fur
tous les officiers ci - devant réformés ou retirés
qui pourroient obtenir des compagnies ; ceux - ci
enfin prendront entre eux le rang que leur affi
}
F 2
( 124 )
gnera le grade qu'ils avoient avant leur reforme
ou leur retraite , & , à grade égal , l'ancienneté
de leur fervice . »
« V. Dans chacun des régimens d'infanterie
de ligne où il n'y aura pas plus de quatre lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous - lieutenans de ce régiment . Dans
chacun des bataillons d'infanterie légère où il
n'y aura pas plus de deux lieutenances vacantes,
elles appartiendront aux plus anciens ſouslieutenans
du batai.lon. »
« VI. Les trois quarts au moins du total des
lieutenances vacantes dans les régimens d'infan
terie de ligne & dans les bataillons d'infanterie
légère , au-delà du nombre ci-deffus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens fous - lieutenans
de toute l'infanterie qui font actuellement en
activité ; l'autre quart pourra être donné Par
pouvoir exécutif , foit à des lieutenans , foit à
des fous lieutenans réformés ou retirés , qui
defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du diſtrict
- dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte
leur attachement à la conſtitution décrétée par
l'Aſſemblée nationale. »
сс
·
VII. Les lieutenans qui feront pourvus en
vertu de l'article V , conferveront leur rang
entr'eux , & le prendront fur tous ceux qui
feront nommés en vertu de l'article VI ; ceux
de ces derniers qui feront pris fur la colonne des
fous- lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entr'eux , & le prendrone
fur tous les officiers ci- devant réformés ou retirés qui
pourroient obtenir des lieutenances ; enfin , ceux-ci
prendront entr'eux le rang que leur aflignera le
( 125 )
grade qu'ils avoient avant leur réforme ou leur
retraite , & , à grade égal , l'ancienneté de leurs
fervices. "
« VIII. Les fous -lieutenances vacantes dans
Pinfanterie de ligne & dans l'infanterie légère
feront données , favoir ; dans les régimens &
bataillons d'infanterie qui n'ont pas deftitué leurs
officiers , moitié aux fous - officiers de ces régimens
, moitié à des fils de citoyens actifs ; dans
les régimens & bataillons qui ont deftitué leurs
officiers , les trois quarts des fous- lieutenances
feront données à des fils de citoyens actifs , l'autre
quart demeurera réservé aux fous - officiers du
régiment , aux termes du décret du…….…..
« IX. Pour le remplacement actuel des capitaines
& des lieutenans du corps - royal d'artillerie ,
on fuivra les règles d'avancement prefcrites par
fes précédens décrets relatifs à cette arme ; les
Tous - lieutenances vacantes feront partagées entre
les élèves du corps & les lieutenans en troisième
qui n'ont pas encore obtenu leur remplacement . »
« X. Les jeunes citoyens ne feront fufceptibles
des fous lieutenances vacantes que depuis
16 juſqu'à 24 ans ; ceux âgés de plus de 18 ans
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tous
feront tenus de rapporter un certificat du directoire
du diſtrict dans l'étendue duquel ils réfident ,
qui attefte leur attachement à la conftitution
décrétée par l'Affemblée nationale . »
сс
-
XI. Dans les régimens de troupes à cheval ,
le tiers des compagnies vacantes fur toute l'arme ,
appartiendra aux plus anciens capitaines de remplacement,
ou de réforme , les autres tiers aux
plus anciens lieutenans actuellement en activité ,
pris fur toute l'arme . »
« XII. Dans chacun des régimens de troupes
F3
( 126 )
à cheval où il n'y aura pas plus de deux lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous- lieutenans de ce régiment ; le furplus
fera donné aux plus anciens fous - lieutenans ac
tuellement en activité , pris fur toute l'arme, »
CC« XIII. Les fous - lieutenances vacantes dans
les troupes à cheval , feront données , moitié aux
fous- officiers de ces régimens , moitié à des fils de
citoyens actifs , ayant au moins 16 ans , & pas plus
de 24 ans d'âge ; ceux qui auront plus de 18 au
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tou
feront tenus de prendre un certificat du diſtric
dans l'étendue duquel ils réfident , qui atteft..
leur attachement à la conftitution décrétée par
l'Affemblée nationale . »
·
« XIV. Dans les régimens de toute arme qui
ont actuellement leur colonel , cet officier fupérieur
indiquera fous huitaine , à compter de la
publication du préfent décret , foit au général
d'arme , foit au commandart en chef de divifion
aux ordres duquel il eft , les fujets qu'il croit
fufceptibles d'obtenir les fous lieutenances va
cantes dans le régiment qu'il commande . Les
généraux d'arme , & les commandans en chef
des divifions , propoferont d'eux - mêmes aux
fous lieutenances vacantes dans les corps qui
font fous leurs ordres , & qui n'ont point actuel
lement de colonel . Les différentes propofition
feront adreffées immédiatement au miniftre de la
guerre , pour le mettre en état de pourvoir , fane
aucun délai , à toutes les fous-lieutenances va
cantes dans l'armée . »
« XV . Pour que rien ne retarde le rempla
cement effectif des officiers qui manquent actuc
lement dans l'armée , les officiers fupérieurs &
autres feront reçus , mis en fonctions , & payes
( 127 )
fans attendre l'expédition de leurs brevets qu
commiffions , fur l'avis de leur nomination
adreffé par le miniftre de la guerre , foit aux
généraux d'armée , foit aux commandans en chef
des divifions & aux chefs des corps dans lefquel
les remplacemens devront s'opérer. »
« Néanmoins les brevets & commiffions feront
enfuite expédiés le plutôt poflible , & vaudroni
du jour de chaque nomination , dont ils rappel
leront la date. »
M. de Leffart , miniftre de l'intérieur , eft venu
dire que la totalité des fufils eft expédiée ; que
Te décret du 21 juin a été envoyé dans tous les
départemens ; que celui du Gers ,
entre autres
a ouvert une foufcription pour le paiement des
97 mille gardes nationales. Ce miniftre leur
écrira de nouveau à tous pour les preffer.
Du mardi , 2 Août.
On lit & on renvoie au comité des recherches
une lettre de M. de Valcourt , commiffaire - ordonnateur
des guerres , qui retenu à Metz en étai
d'arreftation , par un décret du 15 juillet , comnie
ayant eu des relations avec M. de Bouillé , &
ayant fait des préparatifs pour un camp près de
Montmédy , fe juftifie en obfervant qu'il n'étoit
nullement dans le fecret , en rappellant les titres
d'électeur & de préfident du diftrict de Thionville
, & fur- tout que « l'acquifition d'un bien
national de 170,000 livres , le met à l'abri de
tout foupçon d'inciviſme . »
M. le Couteulx s'eft chargé de préfenter à
l'Affemblée un arrêté du directoire du départe
ment de la Seine inférieure , portant que tous
les ci-devant fonctionnaires publics eccléfiaftiques
F 4
( 128 )
·
& les religieux non affermentes , feront tenus
de s'éloigner de 10 lieues de la paroiffe où ils
exerçoient leur ministère , & que même à cette
diftance , ils ne pourront choifir pour retraite
une paroiffe cn fe feroient déjà retiré deux eccléfiaftiques
ci devant fonctionnaires publics , dans
les villages , & fix dans les villes . Les feptuagénaires
& ceux dont les deux tiers au moins de la
commune attefteront la tranquillité ou les infirmités
, font jufqu'à préfent & provifoirement
autorités à refter dans les paroiffes qu'ils habitent
, tant qu'il y aura contre eux aucun fujer
de plainte. Îl eft enjoint aux municipalités d'empêcher
qu'il ne foit commis aucune violence ,
infulte ou menace , envers les eccléfiaftiques
remplacés lors de leur retraite « volontaire ou
forcée. Se réserve le directoire de prendre cette
autre mefure ultérieure que les circonstances pourront
exiger. Fait au directoire , à Rouen , le 29
juillet 1791. « MM. du comité eccléfiaftique ,
difoit M. le Couteulx , m'ont témoigné qu'ils
defiroient que l'Affemblée nationale approuvât
cet arrêté & en autorisât l'exécution . » Depuis
quand les départemens ont- ils le droit de faire
des loix de circonftance ? Ces loix paroiffoient
fi fages , fi juftes , fi légales , fi humaines à M.
Lavigne , qu'il en a demandé le renvoi au comité
des rapports , pour voir s'il ne feroit pas
Foffible de les appliquer à tous les départemens .
La propofition de M. Lavigne a été adoptée .
ככ
Au nom du comité militair , M. Bureau- de-
Pufy a fait adopter , conformément aux états
fournis par le miniftre de la guerre , le décret
fuivant en articles :
« Art. I. En exécution des décrets des 21
( 129 )
juin , 3 & 23 juillet 1791 , & conformément a
la demande de fonds faite par le miniſtre de la
guerre le 27 juillet dernier , dont les objets
Lont fpécifiés tant dans l'état général que dans
les tableaux particuliers fournis par ledit miniftre
, il fera verfé fans délai par la caiffe de
l'extraordinaire à la tréforerie nationale , pour
être employée aux dépenfes de la guerre , une
fomme de 16,518,396 liv. pour être employée
comme il fera dit ci -après , favoir : »
"
cc 1 ° . 12,218,396 liv . , pour frais d'enrôle
ment d'habillement , d'équipement & armement
de 44,242 hommes , tant d'infanterie que
de troupes à cheval & d'artillerie , deftinés à
porter au complet de gueire 73 régimens d'infanterie
de ligne,, 12 bataillons d'infanterie légère
, 2 régimens de carabiniers , 16 de cavalerie
, 14 de dragons , 3 de huffards , 7 de
chaffeurs ; & les 7 régimens d'artillerie le
feront. »
« 2 °. Une fomme de 300,000 liv . deſtinée
à completter les approvifionnemens de première
néceffité pour les hôpitaux ambulans , de trois
années , depuis Dunkerque jufqu'à Béfort . »
3. Une fomme de 4 millions , à compte
des travaux ordonnés , ou qui le feront , pour
mettre les frontières en état de défenſe. »
II. Chaque mois , à compter du premier
juillet 1791 , il fera verfé par la caiffe de l'extraordinaire
à la trésorerie nationale pour les
dépenfes de la guerre , une fomme de 1,215,419
li . fols 1 denier pour folde & maffes des
'hommes & des chevaux d'augmentation mentionnés
à l'article précédent , & pour être payés,
favoir ; les maſſes au complet des corps , & la
F.S.J
( 130 )
folde à l'effectif des revacs ,
tableau nº. 2. »
сс
conformément au
« III. Chaque mois , à compter du premier
août 1791 , il fera fourn: par la caiffe de l'extraordinaire
à la tréforerie nationale pour les
dépenfes de la guerre une fomme de 150,000
liv. pour fubvenir aux frais de loyer , nourri
ture & dépenfes d'acceffoires de deux mille
chevaux d'augmentation dans l'équipage d'artil
lerie , pour être , lefdits frais , payés d'après
l'effectif des revues , y compris quinze jours de
-folde cheval à accorder en forme de gra
tification
, fuivant le marché des entrepre
par
*neurs. >>
« IV. La caiffe de l'extraordinaire fournira à
la trésorerie nationale pour les dépenses de la
guerre , fur la demande du miniftre de ce département
, les fonds, néceffaires pour la folde
& les dépenfes acceffoires des gardes nationales,
raffemblés en vertu du décret du 21 juin 1791,
& ce , jufqu'à la concurrence de 3,200,000 liv .
par mois ; ladite fomme étant la dépente de 158
bataillons formant 96,854 gardes nationales . »
« V. La pièce intitulée : Etat général des
fonds extraordinaires à faire au aépartement de
la guerre , pour le mettre à portée d'exécuter les
difpofitions décrétées par l'Affemblée nationale
les 3 & 23 juillet 1791 , ainti que les tableaux
qui en font le développement , tous fignés &
adreffés par le miniftre au comité militaire , pour
être par lui foumis à l'Aflemblée nationale ,
ainfi que la lettre miffive qui y étoit jointe ,
refterent ann.xés au procès- verbal . »
Du mardi, féance dufoir.
Une lettre que M, de la Tour - Maubourg a
( 131 )
écrite de Metz à M. Emmery , & que celui - ci
a communiquée à l'Aflemblée , peint les foldats
brûlans de patriotisme , travaillant gratis aux )
fortifications avec une activité qui fait craindre.
qu'ils n'en tombent malades. Elle attefte que la
fubordination eft admirable , même dans les
régimens dénués d'officiers. I ne doute pas
qu'après le remplacement , nous n'ayions encore
une armée inviable. Enfin les genéraux & les
municipaux font animés du même efprit , & fe
fecondent les uns les autres .
Des députés de la municipalité & des amis de
la conftitution de Brie Comte Robert admis à
la barre , ont démenti les inculpations que M.
Robe Spierre s'étoit permifes ; & dans la réponſe
du préfident , on a retrouvé peints de couleurs
qui leur conviennent « ces hommes exaltés ou
féduits qui concourent aux manoeuvres ciiminelles
des ennemis de la patrie.
ככ
M. Biauzat a pref nté un arrêté du directoire
du département du Puy - de - Dôme , contenant
les mêmes difpofitions que l'arrêté du département
du Bas-Rhin , contre les malheureux eccléfiaftiques
nommés non- co formiftes par ceux qui
les ont dépouillés . On i'a renvoyé au comité dis
eccléfiaft que.
Le reste de la féance a été rempli par un
rapport de M. le Brun , & par un projet de M.
Biauzat fur les ponts & chauffées , & une difcuffion
où l'on a revu tout ce qui avoit été dit
à ce fujet dans l'Affemblée . Ces débats ont été
prorogés à la première féance du ſoir.
Du mercredi 3 août.
C
MM. Bouche & Régnault de St , Jean - d'Ang
J 1 I
F 6
( 132 )
gely , ont follicité un dernic rapport far M. de
Condé. « C'eft en montrant de la foibleffe , difoit
bravement M. Regnault , que l'on encourage
fes ennemis . Nous avons trop de moyens & de
motifs de ne les pas craindre , pour ne pas déployer
la fermeté qui nous convient » ; & il a
demandé que le comité rendît compte du traitement
qu'a reçu M. Duveyrier , qu'il appelloit
un agent de la nation qui avoit droit « aux
refpects & aux égards de tous les individus &
de toutes les nations voifines » , quoique M.
Duveyrier n'eût aucune commiffion auprès des
étrangers , aucune lettre de créance , puifque
M. de Condé a dû lui demander qui il étoit ;
\ qu'il n'eût qu'un pafleport & un paquet à remettre
, commiflion qui l'affimileit plutôt à un
buiffier qu'à un envoyé , puifqu'il n'a pas même
jugé à propos d'attendre une réponſe .
Je déclare que je n'ai point de part aux
metures molles qu'on paroît avoir adoptées » , a
dit M. Salles four fa décharge perfonnelle. M.
Lavigne exigeoit la repréfentation du décret du
13 juin , qui , felon lui , avoit tout décidé . Le
préfident a annoncé , & l'on a auffi - tôt admis
a la barre , une députation qui venoit , au nom
de 4 às cents citoyens , préfenter une pétition
des banquiers & négocians de Paris. Son objet
etoit les affignats de liv. ; & l'orateur a paru
indiquer les payeurs des rentes comme les premiers
inftrumens d'un véritable agiotage . Il a
conclu à ce que la diftribution de ces petits
affignats & de la monnoie de cuivre fût confice
aux 48 fections . Un décret a chargé les comites
de libeller un projet de loi fur cette pétition.
( 133 )
1
M. Courmenil a préfenté , & l'Aſſemblée a
décrété les 4 articles fuivans :
« Art . I. La diftribution en eſpèces de cuivre ,
qui proviendra de la fonte des cloches , fera faite
par les hôtels des monnoies , entre les départemens
pour chacune de ces monnoies , par l'état
annexé au préfent , & dans les proportions réglées
par le même état. »
сс
II. En conféquence , le directeur de chaque
hôtel des monnoies fera tenu d'envoyer , à la ré
ception du préfent décret , aux directoires des
départemens avec lefquels il devra correfpondre ,
un bordereau certifié de lui , qui annoncera la
fomme fabriquée actuellement exiftante , en monnoie
de cuivre , dont la diftribution pourra être
faite fur-le-champ. »
« III. Les directeurs de chaque hôtel des
-monnoies continueront d'adreſſer aux mêmes die
rectoires de département , le dernier jour de chaque
femaine , un état de la fabrication qui aura eu lieu
dans le cours de la même femaine , tant en eſpèce
de cuivre qu'en métal provenant de la fonte des
cloches. »
"
« IV. Chaque directoire de département connoîtra
, d'après ce bordereau fucceffif , & d'après
la proportion dans laquelle il devra participer au
produit de la fabrication déjà exiftante , & celles
qui auront lieu chaque femaine , le montant de la
fomme qui devra leur revenir , fera les difpof
tions néceffaires pour faire tranfporter de l'hôtel
des monnoies dans les caiffes de diſtricts , la partie
à eux afférente dans les fabrications de chaque
femaine. »
Revenu au décret relatif à M. de Condé, M.
Lavigne l'a lu dans l'efpoir que la fimple expi(
134 )
ct
ration du délai prononceroit fur - le - champ tes
peines fratuées ; mais M. Fréteau a oblervé que
les comités réunis avoient peufé que la queftion
devoit être méditée fous tous les points de vue
de prudence , de politique & de juftice ; que le
rapport du miriftre & le récit de M. Duveyrier
conftatoient bien la réception de l'ordre , mais
que les tribunaux ne prononçoient jamais une
peine fans un témoignage aftermenté ; que fi
I'Affemblée fe croyoit en droit de juger , de
prononcer contre M. de Condé , ele devioit aufli
juger les complices & adhérens de M. de Conaé.
Il n'eft cependant pas dans l'intention de l'Af
femblée de s'éiger en tribunal , & fur- tout en
tribunal à feances continues contre tous ces
complices. Nous fommes en droit , a férieufement
pourfuvi M. Fréteau , de prononcer le
féqueftre des biens , & de mettre M. de Condé
en état d'arrestation .... Il n'y a pas l'ombre du
doute... Mais il y a des limitations & des difficultés
fur la rédaction du décret relativement aux
complices qu'il faut détacher de la condamnation
d'aujourd'hui pour les renvoyer a Orléans , fi
Vous n'y renvoyez pas même M. de Conaé.
Remettez done a demain .... Ne vous eng. g.z
pas à adopter un parti qui peut avoir des fuites
auffi facheufes. ». On a chargé les comités de
s'occuper d'un mode d'exécution ou d'une réduction
.
D'après les plus heureufes expériences , & fur
la propofition de M. Courménil , l'Aſſemblée
prenant une determination définitive contraire à
quelques difpofitions précédentes , a déciété que
les cloches inutiles feront fondues & que de leur
métal mêlé avec une égale quantité de cuivre
( 135 )
C
A
&
il fera fabriqué des pièces de 2 fols , à la taille
de io au marc , d'un fol , à 20 au marc ,
' de fix deniers , à 40 au marc ; & fur la demande
de M. de Cernon , que la diftribution de la nouvelle
monnoie fe fera par les directeurs des hô→
tels des monnoies aux directoires , fuivant un état
décrété .
A propos de l'organiſation de la garde natio
nale de Paris en troupe de ligne , M. de Menou
a donné carrière à fon éloquence & à fa politique
. Organe des cómités militaire & de conf
titution , il a loué l'Affemblée d'avoir rétabli la
liberté сс entre tous les hommes , & fondé le
bonheur des générations futures . » Nous tranf
crirons ici quelques paffages de ce difcours ca
confervant foigneufement fes expreffions .
« O nation généreuse & fière ! Quel génie
t'a donc dominé lorsqu'en 1789 , un feul inf-
-tant à vu naître des millions de foldats ?.... O
François votre fommeil a été comme celui du
lion ; votre réveil a été terrible & a fait trembler
tous les tyrans. Le cri de la liberté a retenti
dans toutes les parties du globe... Ah
pourquoi les monarques du monde veulent - ils
-refter dans leur aveuglement ?... Monarques ,
couvrez les yeux , marchez au devant des évènemers...
Refpectez au moins ceux qui rendent
hommage à la raifon & aux vérités éternelles ;
refectez les François , leur révolution , leur
conftitution≫
Plufi urs voix ont crié à l'ordre dujour. Mais
T'orateur n'en a pas moins continué fes fubiimes
excurfions. « S'il exifte actuellemer t au monde
une monarchie fondée fur des bafes inébranlables *
c'eft celle qui vient d'être établie en France ; ear
( 136 )
elle eft devenue la propriété du peuple , & la
fauve-garde de fa liberté & de fa tranquillité.....
Jugez fi l'Affemblée nationale eft l'ennemie des
Rois & de la Monarchie . Voyez le concert unanime
des volontés & des fentimens ... Mais fi l'erreur
guide vos démarches , fi , vous livrant aux
fuggeftions perfides de nos transfuges , vous
cherchiez à oppofer des barrières à notre liberté...
en fuppofant que la fortune vous favorife , vous
ne trouverez plus que des morts ; car pas un
véritable François ne me démentira ; plutôt que
de devenir la proie de tyrans , il incendiera luimême
fa propriété & s'enfevelira fous fes ruines
( grands applaudiffemens de la gauche & des
galeries ) . Mais avant d'en venir a ces extrémités
, fongez au fang que vous devrez répandre
dans les combats . Si vos armées entrent en contact
avec les notres , dès ce moment le defpotiſme
cft détruit ... Au refte l'Aflemblée nationale
va vous montrer comme elle fait recompenfer
ceux qui l'ont fervie avec courage »
(il parloit fans doute ici de la patrie & non pas
feulement de l'Affemblée .
Alors M. de Menou a retracé tout ce qu'on a
débité des projets de la cour contre les étatsgénéraux
, contre Paris ; le patriotiſme aflez
: connu des gardes- frar çoifes , la prife de la baftille
; d'autres regimens fe joignans à eux & foramant
la garde foldée de Paris ; le courage , les
fatigues , le civifme de cette garde , fa noble réfiftance
à toutes les feductions des ennemis de la
chofe publique , & peut- être , a -t - il ajouté , à
eches & de quelques gouvernemens étrangers...
Ils croyoient apparemment , ces vils féducteurs ,
n'avoir affaire qu'à des mercenaires que l'on
gagne à prix d'argent ; par- tout ils ont trouvé
1137 )
des citoyens indignés qu'on pût les foupçonner
de vendre leurs fervices & leurs opinions ».
2
Etonné de la tranquillité dont a joui Paris au
milieu de la révolution dont cette ville étoit le
centre , il s'eft bien rappellé quelques événemens
facheux. Mais quelle eft l'hiftoire des hommes
mêmes les plus vertueux , dont on ne défirât
pas de déchirer quelques pages ? ... Ne voyons
que le fentiment qui a toujours prédominé » ...
Ses conclufions ont été de propofer de prendre
les 9,792 hommes de la garde foldée au fervice
de la nation « d'en faire , pour ainfi dice , une
propriété nationale ; d'en former deux divifions
de gendarmerie , l'une à pied , l'autre à
cheval ; deux bataillons d'infanterie légère ; trois
régimens d'infanterie de ligne ; de donner des
penfions de retraite à ceux qui n'entreront pas
dans cette compofition ; de conferver la même
paye aux gardes nationales employés , en ne def
tinant que la paye du foldat de ligne aux futures
recrues pour ramener ces corps à la folde générale
, à mefure de la confommation des hommes .
Le projet de décret pourvoyoit aux plus petits
détails .
En avouant franchement qu'il en feroit tour
auſſi mauvais juge que beaucoup d'autres , n'étant
pas militaire , M. Duquesnoy demandoit qu'on
délibérat fur deux ou trois propofitions principales
. Admettre des régimens d'une plus forte
folde que les autres , obfervoit M. Ferrand .
c'étoit jetter le défordre dans l'armée . Pour diffi
per les judicieufes craintes de M. Ferrand , M.
Alexandre de Lameth , & M. d'André ont dit
que la haute paye n'étoit que pour le féjour de
Paris ; que dès que ces troupes fortiront de la
capitale elles n'auront que la paye des autres
( 138 )
( on a crié : non pas , non pas ) . M. de Noailles
demandoit un délai de deux jours pour connoître
& les fommes & leur emplci.
On ne peut nier , a répondu M. Emmery ,
que la garde nationale n'attende avec impatience
l'organifation que l'on vous préfente . Nous
avons befoin du calme le plus profond , & de
toute la force de notre raison pour la revifion
de la charte conſtitutionnelle... Un décret a
fermé la difcuffion en repouffant l'ajournement.
Ces gardes nationales devenues troupes de
ligne , feront- elles fous les ordres du pouvoir
exécutif ? Le corps législatif fe trouvera - t - il au
milieu des troupes de ligne , répétoit M. Péthion ,
qui , en reconnoiffant la juftice de la récompenfe ,
fe plaignoit de l'efpèce de défaveur qu'on répan
doit fur des objections motivées ? ... Il fuffira
d'un décret , a répondu M. de Menou ; d'ailleurs
le commandant - général changera journellement.
M. de la Fayette a dit qu'on cherchoit des
difficultés hors du projet de décret , & qu'il étoit
un de ceux qui , confultés par les comités,
avoient penfé qu'on devoit établir pour Paris
un commandement de rotation , afin d'éviter les
dangers de l'influence d'un chef. Il a follicité
une décision prompte en annonçant « que la garde
nationale , pleine de confiance dans la bienveil
lance & dans les fouvenirs de l'Affemblée , verroit
avec reconnoiffance qu'elle voulut s'en occuper
immédiatement ». On eut difficilement donné
des ra fons plus décifives .
Par la chatte conftitutionnelle , a dit M. Bar
nave , le corps lég..tif aura toujours à fa difpofiti
en la totalité des troupes qui feront dans la
réfidence . Les gardes nationales n'offrent aucun
motif de crainte en devenant troupes de ligne.
( 139 )
Il eft inftant de prononcer fur leur fort. On
s'efforce de leur infpirer de la défiance , d'accufer
l'Aſſemblée de vouloir faire retrograder la li
berté. Ceux mêmes qui devroient concourir aux
travaux du comité de révifion , le calomnient ;
il n'eft pas forti un feul moment de l'efprit des
décrets ( ces affurances ont été vivement applau
dies ). M. Barnave a demandé qu'on mît aux
voix la queftion : « La garde nationale parifienne
fera- t- elle changée en gendarmerie nationale &
en troupe de ligne ? ... Aucun des individus de
cette garde foldée , en entrant dans la nouvelle
formation ( a tout de fuite ajouté M. de Menou)
re perdra aucune partie de la folde & des avan
tages dont il jouiffoit » . Ces deux propofitions
ont été décrétées affirmativement , & l'on a levé
la feance .
Du jeudi , 4 août.
Nous penfions que le dernier décret fur les
97,000 gardes nationales vouées à la défenſe de
la patrie , avoit définitivement fixé leur organifa
tion ; mais au nom du comité militaire dont il eft
membre , M. Emmery a propofé une nouvelle for
mation , & l'Affemblée l'a décrétée en ces termes :
« L'Affemblée nationale voulant prévenir les
difficultés qui pourroient naître de la différence qui
exifte entre le décret du 21 juin dernier, uniquement
applicable à la formation des bataillons des gardes
nationales volontaires , deftinées à la défenfe des
frontières , & le décret du 28 juillet dernier , concernant
en général les gardes nationales qui reftent
dans leurs départemens refpectifs , pour y être , au
befoin , les foldats de la conftitution , les défenfeurs
de la liberté , de l'ordre , & de la paix inté
ricure ; voulant ainfi rapprocher davantage la
( 140 )
formation des bataillons des gardes nationales vo
lontaires , de celles des bataillons de troupes de
ligne , afin de mieux établir l'unité de principe &
d'action dans le fervice pour lequel ils feront réunis ,
a décrété ce qui fuit :
« Art. 1. Les gardes nationales qui fe feront
` préfentées volontairement pour marcher à la défenfe
des frontières , feront divifécs par les commiffaires
des départemens , en corps de cinq cent
foixante-huit hommes chacun , deſtinés à former
un bataillon . Il fera formé dans chaque dépar
tement autant de bataillons qu'il fera poffible d'y
réunir de corps de volontaires ayant cette for c.
Le comité militaire préfentera les moyens d'employer
les hommes d'excédant , dont le nombre
ne s'éleveroit pas à celui fixé pour un bataillon . »
« H. Les commiffaires des départemens commenceront
par diftribuer chaque corps de volon
taires en huit compagnies de foixante-onze hommes
chacune. »
« III. Il fera enfuite extrait de chacune de
ces compagnies , fur l'indication de leurs camarades
, huit hommes de la plus haute taille , pour
en compofer une compagnie de grenadiers , qui
ne fera réunie qu'au moment où le bataillon fera
reçu par le commiffaire des guerres , pour entrer
en activité. »
сс
« IV. Le bataillon fera composé pour lors de
neuf compagnies de foixante -trois hommes
chacune , dont une de grenadiers & huit de
fufiliers. »
« V. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
fuit de fufiliers , fera compofée de trois officiers;
favoir , un capitaine , un lieutenant & unfous - li utenant
; de fept fous- officiers ; un fergent- major,
faifant fonction de fourrier , deux fergens , quatre
( 141 )
caporaux; enfin , de cinquante- deux grenadiers
ou fufiliers , & d'un tambour. »
« VI. Le tambour - maître , tiré du corps des
volontaires , complettera le nombre de cinq cent
foixante-huit hommes ; il fera partie de l'étatmajor
, aura le rang & la folde de fergent, &
commandera tous les tambours . »
VII. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
foit de fufiliers , fera fubdivifée en deux pelotons ;
chaque peloton en deux fections ; chaque fection
fera compofée d'un caporal & de treize gardes . »
cc VIII. Le lieutenant & un fergent feront
fpécialement chargés de la furveillance & du commandement
du premier peloton. Le fous-lieutenint
& un fergent feront fpécialement chargés de
la furveillance & du commandement du fecond
peloton , toujours fous les ordres du capitaine de
la compagnie. »
cc IX. Le fergent - major aura le commandement
fur les deux pelotons , pour tout ce qui a
rapport à l'inftruction , police , diſcipline & comptabilité
de la compagnie.
"
גכ
ce X. L'état-major de chaque bataillon fera
compofé de deux lieutenans -colonels , d'un adjudant
- major & d'un adjudant-fous - officier , d'unt
quartier-maître , d'un tambour- maître & d'un armurier
; en forte. que la force totale du bataillon
fera de cinq cent foixante- quatorze hommes. »
« XI . Chaque bataillon aura fon drapeau aux
couleurs nationales , fur lequel fera inſcrit le nom
du département & le numéro du bataillon , fuppofé
que le même département en ait fourni plufeurs.
Le drapeau fera porté par l'un des fergensmajors
, nommé à cet effet par le premier lieute
nant- colonel. »
CC
XII. Dans le cas où le même département
( 142 )
fourniroit plufieurs bataillons ; ils tireront au fort
le rang qu'ils prendront entr'eux ; le rang des départemens
reftera déterminé par l'ordre alphabétique
de leurs noms . »
ce XIII. Les gardes nationales volontaires étant
diftribuées dans les neuf compagnies qui doivent
former le bataillon , chaque compagnie nommera
les officiers & fous-officicis , par la voix du fcrutin ,"
à la majorité abſolue des fuffrages .
ככ
« XIV. Il fera fait une élection féparée du
capitaine , une du lieutenant , une du. fous- licutenant
& une du fergent-major ; il n'en fera fait
qu'une feule pour les deux fergens , & une feule
pour les quatre caporaux . »
ce Si la majorité abfolue n'eft pas formée après
le fecond tour de ferutin dans chaque élection , le
troiſième ſcrutin ne pourra porter que fur ceux
qui auronteu le plus de voix au précédent ſcrutin ,
en prenant toujours deux concurrens pour chaque.
place. »و ر
« XV. Les officiers & fous- officiers des compagnies
ne pourront être choifis que parmi des
fujets qui auront fervi précédemment , foit dans
les gardes nationales, foit dans les troupes de ligne . »
« XVI. Chaque bataillon nommera les deux
Hieutenans -colonels & fon quartier- maître , par
fcrutin , à la majorité abfolue des fuffrages ; il
fera fait une élection féparée de chacun de ces
officiers , fuivant les règles prefcrites par larticle
XIV. »
cc XVII . Celui des deux lieutenans - colonels
qui fera nommé le premier , aura le commandement
en chef du bataillon ; l'un des deux lieutenans-
colone's , indifféremment , devra être capitaine
, & avoir commandé en cette qualité une
compagnie de troupe de ligne . »
( 143 )
XVIII. L'adjudant-major & l'adjudant-fousofficier
ne feront nommés que lorfque le bataillon.
fera arrivé au lieu où doit commencer fon fervice 3
la nomination à ces deux places appartiendra à
l'officier-général aux ordres duquel le baillon
fe trouvera, »
Pour lors l'officier -général ne pourra choifir
pour adjudant- major qu'un officier ; pour adjudant
qu'un fous- officier , l'un & l'autre actuellement en
activité dans les troupes de ligne . L'adjudant-major
aura le rang & la folde de capitaine ; l'adjudant
aura ang de premier fous-officier , & une demifolde
de plus qu'un fergent. »
"
"
« XIX. Le quartier- maître aura le rang & la
folde de lieutenant. L'armurier choifi par les officiers
de l'état- major , aura le rang & la folde de
caporal. »
« XX. Les diftinctions des grades , dans les
bataillons des gardes nationales volontaires , feront
les mêmes que celles reçues dans les troupes de
ligne.
ל כ
« Lesmêmes règles feront obfervées par rapport
au commandement , à l'ordre & à la diftribution du
fervice. »
M. de Menou a reproduit fon projet de décret
pour ériger les gardes nationales Parifiennes foldées
en troupes de ligne. Cette grande différence
de paie a fait appréhender des troubles dans
l'armée , à M. de Cuftine qui a propofé de folder
Ces nouveaux corps comme les autres , & de
leur payer le furplus en un feul paiement à
compter jufqu'au jour de l'expiration du congé
de chaque foldat . Le rapporteur a objecté que
ces fommes prénumérées feroient bientôt mangées
& rendroient les foldats moins capables de dif
cipline ; & il a ouvert l'avis de ne payer le fup
( 144 )
plément que tous les trois mois , expédient qui
n'obvie point à l'inconvénient redouté.
« Un homme qui fe connoiffoit en guerre
auffi bien que moi , a réparti M. de Cuftine ,
Frédéric fecond , Roi de Pruffe , employa tous
les moyens poffibles pour faire confommer au
plutôt l'argent d'une prife que l'un de fes régi
mens avoit faite dans la guerre de 7 ans , parce
qu'un foldat n'eft jamais bien attaché à la difcipline
que lorsqu'il n'a que la folde . » Et l'honorable
membre a propofé de payer le fupplément ,
moitié au départ , moitié à la fin de l'engagement.
Confondant une forme oratoire qu'une légère
ironic empèche de taxer d'orgueil , & la jactance
outrée qui n'auroit ni pudeur ni fens commun ,
M. Lavigne s'eft permis de dire que le préopinant
avoit eu grande raiſon de citer les connoif-
Tances de Frédéric II par comparaiſon avec les
fiennes . Ce farcafme du plus mauvais goût a
livré M. de Cuftine , militaire eſtimable , aux
ricanemens de ceux qui ne trouvent pas abfurde
qu'un homme comme M. Lavigne voulut fe
mêler de parler de règlement militaire , lui qui
n'a jamais étudié que la chicane.
L'Aſſemblée a décrété la rédaction de M. de
Broglie ainfi conçue :
L'Affemblée nationale décrète que dans le
cas où les régimens de troupes de ligne actuelle
ment employés à Paris , feroient détachés en tout
ou en partie pour fervir fur les frontières , les
individus qui compoferont ces corps recevront
la même paye que celle affectée aux autres régimens
de l'armée ; & il leur fera fait en outre ,
tous les trois mois , un décompte particulier , en
forme
( 145 )
forme de gratification ou fupplément de paye ,
qui eft confervé à tous les individus qui ont
fervi la révolution dans la gardé nationale foldée
de Paris. >>
Après avoir differté vaguement de réclamations
inarticulées , de troubles , de dangers , & gémi
de la douloureuſe néceffité de heurter les principes
de modération qui préfidèrent à tous les
décrets , néceffité juftifiée , felon lui , par les
circonftances , & par cette maxime fi familière
aux defpotes : le falut public eft la fuprême loi ;
M. Legrand a lu un projet de décret en dix ar
ticles , portant en fubftance , que les prêtres
inferits pour vivre en communauté feroient tenus
de fe rendre tous à Paris dans un délai fixé ;
que ceux qui vouloient vivre dans le monde fe
retireroient à 30 lieues de leur réfidence actuelle ,
& que ceux qui n'obéiroient point feroient mis
en état d'arreltation & déchus , de plein droit ,
de tout traitement précédemment décrété.
M. Malouet eſt monté à la tribune . Des
membres de la droite l'ont vivement preffé d'en
defcendre , il s'y eft refufé ; on éclatoit de rire,
du côté gauche. « Il nous eft impoffible , a dit
M. de Foucault avec énergie , il nous eft impoffible
d'affifter froidement à la difcuffion des décrets
dont vous venez d'entendre la lecture ; ils
ne tendent qu'à autorifer & provoquer la perfécution
, le meurtre , les affaffinats , les crimes
de toute eſpèce . Les atroces mesures que vós
comités ont ofé vous propoſer font au- deflus de
toutes les infernales productions de Machiavel.
Nous rendons refponfables les comités & tous
ceux d'entre vous qui y participeront , des effets
fipiftres d'une délibération qui d'avance n'an-
Nº. 33. 13. Août 1791. G
3
( 146 )
nonce que du fang ..... ( & en s'adreffant au
côté droit ) Meffieurs , retirons - nous. »
Plufieurs membres de la droite ayant fuivi
M. de Foucault , la gauche & les galeries ont
retenti d'applaudiffemens , & M. Lavie s'eſt
écrié : « l'armée ennemie eft défolée que fes
efpions foient mis à la raiſon » . De nouveaur
battemens de mains ont couronné cette prétendae
faillie,
M. Goupilleau vouloit que l'on profitât de
l'état de calme & des difpofitions manifeftement
impartiales où étoit la majorité , pour mettre , fur
le champ , en délibération le décret propofé contre
les membres qui fe permettent des proteftations ;
mais le rapporteur ne fe trouvoit pas dans la falle.
Qu'on les déclare au moins déchus de leurs droits
de repréſentans de la nation , infiftoit M. Goupilleau
dont la juftice fe fentoit affez éclairée fans
rapport & fans difcuffion.
Si nous devons entendre de femblables atrocités
, a dit M. de Montlaufier , nous deman
dons à fortir de l'Affemblée . M. Malouet établiffoit
de juftes diftinctions entre protefter de
défobéiffance , & déclarer fes motifs de ne pas
approuver ; mais le tumulte étoit au comble.
Neuf orateurs avoient la parole contre le projet
de loi préfenté par M. le Grand , & M. le
Chapelier l'a repouflé comme aflimilant , dans
La généralité , l'innocent & le coupable , appliquant
des peines fans l'action indifpenfable
des tribunaux , puniffant des hommes qui ne
font point réfractaires pour avoir opté entre un
ferment & leurs fonctions publiques , lorfque la
loi leur donnoit l'option . Ces décrets , at- il
ajouté , feroient trop condamnés par la lecture
très-prochaine de la fuperbe conftitution que
( 147 )
vous avez décrétée . Un de ces hommes pour qui
tout mot eft une raifon fi les ignorans en font
une injure , a crié : c'eft un aristocrate. M.
Dillon defiroit que le comité dit eccléfiaftique
fût renouvellé , il vouloit même qu'on en exclut
les prêtres ( affermentés ) . Le préfident lui
a impofé filence & l'Affemblée a renvoyé le
projet de perfécution aux comités eccléfiaftique
& de jurifprudence criminelle .
Du jeudi , féance du foir.
Don civique de 20 fols par jour pour la défenſe
des frontières , offert par M. Maille ; lettre du
maire de Carcaffonne qui annonce qu'il eft dix
heures du foir & que tous les citoyens de cette
ville placent au- deffus de leur porte un tableau
où les paffans liront , quand il fera jour la conftitution
ou la mort . Ce qui eft vivement applaudi .
à vue ,
8
> a
Quelqu'un a enfuite raconté que des invalides
partis de l'hôtel pour aller vivre dans leur village,
lur la foi des décrets qui affurent leur fort , &
partis avec la certitude de recevoir 8 fols par
lieue ou de peur de diffipation , 4 livres de dix
en dix lieues , ainfi qu'il étoit réglé , n'avoient
pu obtenir les 4 francs que devoit leur payer ,
la municipalité de Senlis . L'un d'eux eft
revenu à Paris chez le miniftre de la guerre
été renvoyé de bureau en bureau & reçu partout
à -peu-près comme fous l'ancien régime .
Il s'eft adreffé à l'Affemblée ; M. de Noailles
s'étant affuré que tout étoit en règle a demandé
que le préfident écrivit au miniftre pour que ces
invalides fuffent payés. Un membre a naïvement
obfervé que les municipalités ne pouvoient payer
fi l'on ne leur donnoit pas des fonds. Il eſt en
ffet de no toriété publique & légale que jul
G. 2
( 148 )
qu'au fein des hôpitaux on y manque de l'abfolu
néceffaire . L'Aſſemblée a décrété le renvoi
au miniſtre avec une lettre du préfident , &
qu'il fera rendu compte dans 8 jours de la fituation
actuelle des invalides de l'hôtel .
"
Les ouvriers qui travaillent au monument
qu'on a voué aux grands hommes après l'avoir
deftiné au culte de Dieu fous l'invocation de
Sainte - Geneviève , ont offert 100 livres par
mois pour la défenſe des frontières . Ils ont reçu
les honneurs de la féance .
A la fuite d'une difcuffion prefqu'entièrement
concentrée entre MM . le Chapelier , Fermont ,
Lavigne , Nogaret , & Biauzat , on a décrété
les trois articles fuivans fur les ponts & chauſfées
:
Art. 1. Il y aura une adminiſtration centrale
des ponts & chauffées , & cette adminiſtration
fera confiée au miniftre de l'intérieur. »
II . Le miniftre préfidera l'aſſemblée des ponts
& chauffées , & pourra , en cas d'abfence , s'y
faire remplacer par un prépofé , ſur ſa refponfabilité.
»
« III. Dans l'Affemblée des ponts & chauffées
qui fera formée , fur cinq infpecteurs , trois feront
pris dans les pays d'Etats » .
Du vendredi , 5 Août.
Des propofitions combinées de MM . Camus
& Lavigne est réfulté le décret fuivant qu'une
exceflive pénurie ne fembloit pas même pouvoir
motiver dans une conftitution philofophique
où le droit civil eft donné pour le complément de
Ja juftice naturelle :
L'Affemblée nationale décrète que tou
ilkers- prifeurs , receveurs des confignations ,
( 149 )
commiffaires aux faifies réelles , notaires féquef :
tres , & tous autres dépofitaires de deniers , ne
remettront aux héritiers , créanciers & autres perfonnes
ayant droit de toucher , les fommes féqueftrées
& déposées , qu'en juſtifiant du paiement des
impofitions mobiliaires & contributions patriotiques
dues par les perfonnes defquel'es lefdites
fommes feront provenues; feront même autorifés ,
autant que de beſoin , lefdits ſéqueftres & dépofitaires
, à payer directement les contributions qui
fe trouveroient dues , avant de procéder à la délivrance
des deniers ; & les quittances deſdites con-›
tributions leur feront pallées en compte. »
« Décrète , en outre , que les règlemens cidevant
faits pour la sûreté du recouvrement des
impofitions perfonnelles , notamment dans la
ville de Paris , relativement aux déclarations que ,
doivent faire les propriétaires & principaux locataires
, feront exécutés provifcirement , & tant
qu'il n'y aura pas été dérogé.
לכ
Après avoir reconnu que depuis la fuppreffion
peu réfléchie des octrois , il eft plufieurs villes
tellement accablées de dettes que , pour fubvenir
aux fimples intérêts , elles feroient obligées
d'ajouter à leurs contributions foncière & mobilière
jufqu'à 15 fols pour livre de ces impôts ,
& cela fans compter les fols additionnels deftinés
fournir aux dépenfes locales des départemens ,
des municipalités , des élections , adminiſtrations,
travaux publics & fecours extraordinaires ; charge
énorme qui , dans la totalité des villes du royac
me , s'élève à des centaines de millions que l'on
n'indique pas même ; M. Lebrun a propofé , &
le corps légiflatif a adopté les & articles que
voici , dont la conféquence implicite eft de
mettre fur le compte du tréfor national De
G.3
( 150 )
maffe de paiemens annuels , auxquels on ne
voit pas comment il pourra fubvenir :
« L'Affemblée nationale , voulant pourvoir
aux befoins des villes & communes , & affurer le
paiement de leurs créanciers par d'autres moyens
que par les octrois ou autres droits qui leur
avoient été concédés ou engagés , & dont le bien
du peuple a demandé la fuppreffion , décrète ce
qui fuit : >>
« Ar . I. Les villes & communes auxquels i '
a été adjugé des domaines nationaux , ferort
tenues d'appliquer au paiement de leurs dettes le
bénéfice qui leur eft attribué par les décrets dans
la revente de ces domaines. »
сс« Il. Les villes & communes qui n'ont point
acquis de domaines nationaux , ou dont les dettes
excèdent le bénéfice qu'elles doivent faire fur la
revente de ces domaines , fercnt tenues de vendre .
Ja partie de leurs biens patrimoniaux , créances ,
& immeubles réels ou fictifs , laquelle fera indiquée
par le directoire du département , fur l'avis
du directoire de diftrict , ou la totalité , s'il eft ;
néceffaire , à la feule exception des édifices &
terreins deftinés au fervice public , dans la forme
& aux conditions décrétées pour les domaines na- ..
tionaux , auxquelles elles feront tenues de le cou- .
former dans le délai de deux mois , & d'en appli- ›
quer le produit au paiement defdites dettes . Les :
dettes contractées par les villes pour le fervice de ,
P'Etat , feront exceptées des difpofitions du préfent
décret , & feront prifes à la charge de
l'Etat. >>
сс
1
« III. Les villes & communes dont les dettes
excéderoient le produit de la vente de leurs biens
patrimoniaux , & le bénéfice à elle attribué dans
la revente des domaines nationaux qui leur auront ›
( 151 )
été adjugés , feront tenus d'ajouter à leur contribu-,
tion foncière & à leur contribution mobiliaire , un
fol pour livre , & d'en appliquer le produit au
paiement des arrérages & au remboursement fucceffif
de leurs dettes ; en telle manière que ce .
fol pour livre , il y en ait au moins deux deniers
deftinés à former le fonds d'amortiſſement
qui s'accroîtra d'année en année par l'extinction
des intérêts , jufqu'à parfait remboursement du
capital dont les dix autres deniers pour livre auront
acquitté les rentes . »
Сс « IV. Il fera libre aux villes & communes
dont les dettes feroient moins confidérables , d'impofer
un moindre nombre de deniers pour livre ,
à la charge néanmoins que le fonds d'amortiffement
foit tel que , joint au produit des intérêts
éteints par le remboursement progreffif , il puiffe
opérer la libération totale en trente années . »
ne
1
« V. Les villes & communes qui , par le béné
fice à elles attribué fur la revente des domaines
nationaux , & par la vente de leurs biens , autres
que ceux exceptés par l'art . II , n'auront pu
fuffire au paiement de toutes leurs dettes ,
feront foumifes fur l'excédant de ce qu'elles refteront
devoir , qu'à l'acquittement d'un capital ,
dont dix deniers pour livre de leurs contributions
foncière & mobiliaire , paieront les intérêts au denier
vingt ; la nation prenant à fa chaige le ſurplus
de leurs dettes . »
« VI . Aucune ville ni commune ne pourra déformais
être autorifée à faire des acquifitions d'immeubles
, ni des emprunts , que par décret du
corps législatif , vu l'opinion du directoire du dif
trict & l'avis du directoire du département. »
cc VII. Les villes & communes feront tenues
de pourvoir à leurs dépenfes locales , à compter
G4
( 152 )
du premier avril 1791 , par le produit qui leur eft
accordé fur les droits de patentes & des fols pour
livre additionnels à la contriburion foncière & à la
contribution mobiliaire , lefquels feront établis
fuivant les formalités preferites par les décrets du
29 mars & du 11 juin derniers , & fur lesquels feront
déduites les fommes déjà impofées , conformément
à l'article V dudit décret . »
e VIII . Les villes & communes qui auroient
des dettes exigibles , pourront , pour les acquitter ,
conformément à l'article II du préfent décret , demander
des avances ſur le bénéfice qui leur eſt attribué
dans la revente des domaines nationaux ; &
celles qui , pour leurs dépenſes locales , éprouveroient
des befoins urgens , pourront demander un
prêt fur les fols pour livre additionnels , deſtinés à
leurs dépenfes municipales ; & vu leurs pétitions ,
l'opinion du directoire de leur diftrict , l'avis du
directoire de département , le certificat de l'acquit
tement complet de la contribution patriotique &
des impofitions ordinaires de l'année 1790 , l'acte
de dépôt , la matrice des rôles des contributions
foncière & mobiliaire defdites villes ,
la caiffe de l'extraordinaire fera autorisée
par décret du corps législatif à faire , mois
par mois , les avances néceffaires contre les délégations
qui lui feront remifes fur les fols pour
livres municipaux additionnels aux contributions
foncière & mobiliaire , & fur le bénéfice de la
revente des biens nationaux , fans néanmoins que
lefdites avances puiffent être étendues plus loin
que le dernier décembre de la préfente année. »
On avoit diftribué la charte conftitutionnelle
que plufieurs membres ont demandé qu'on nommat
l'acte conftitutionnel. A ce moment , M.
dAndré a fait fentir le danger qu'il y auroit à
( 153 )
rendre l'activité aux aſſemblées électorales avant
que cet acte foit décrété & connu ; & il a propofé
de révoquer leur fufpenfion , & de décréter
que les électeurs fe réuniront du 25 août au 5
feptembre. Quelques voix lui crioient c'eft
trop tard ; d'autres : il n'y a pas affez de temps.
Il a répondu que la différence des localités exigeoit
ce délai ; que l'on mettroit la charte en
délibération lundi prochain , le 8 ; que huit jours
de difcuffion fuffiroit amplement , ce qui mêneroit
au 16 , & que l'acte conftitutionnel décrété
parviendroit à toutes les aflemblées électorales
au moment de leur convocation.
A l'obſervation qu'il falloit auffi que les départemens
connuffent l'acceptation du Roi , M.
d'André n'a pas hésité de répondre : » je maintiens
que cela eft abfolument inutile , car notre
conftitution eft abfolument indépendante de
l'acceptation du Roi ( applaudiffemens de la
gauche ». ) Ce langage de M. d'André a dû paroître
étrange , peut - être même téméraire à
ceux qui perfiftent à croire qu'en politique bien
entendue , le Roi n'eft pas feulement un individu
mais un pouvoir ; que le Monarque eft le ,
repréſentant héréditaire & inamovible de la nation
, fon chef fuprême , une partie intégrante ,
élémentaire , radicale , indifpenfable du pouvoir
légiflatifs que l'Affemblée n'eft point la réunion
des repréfentans du peuple François fans le Roi
qu'il eft auffi l'organe néceffaire de ce même
peuple , dont jamais les députés temporaires , f
loyalement convoqués par leur Monarque , ne reçurent
ni la miffion, ni la puiffance de faire une conftitution
indépendamment de l'acceptation libre du
repréfentant permanent . La propofition de M.
d'André a été décrétée , & l'on a fixé à deux
GS
( 110 )
FRANCE.
De Paris , le 27 Juillet
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 30 , féance du foir.
M. Bailly demande un décret qui ftatue des
petes contre quiconque oppofera des violences à¹
Lexécution du décret portant que les officiers
municipaux feront procéder au recenfement des
habitans de Paris . Un des commiffaires de fection
chargés de ce recenfement fe plaint d'infultes qu'il
dit avoirreçues du domeftique de M.de Rochebrune;
le domeftique & le maître font traduits au tribunal
de police , en vertu d'un arrêté munici
pal du 29 juillet ; M. de Rochebrune eft membre
de l'Affemblée nationale. On a renvoyé les pièces
au comité des rapports.
Les amis de la conftitution de Toulouſe , jurert:
d'être fidèles à la nation , à la loi & au citoye
revêtu de l'autorité royale conftitutionnelle
circonlocution applaudie comme étant probable.
ment dans le véritable formulaire monarchique
depuis que l'inviolabilité du Roi confifte à f
paller de Roi. Au refte , les négocians de Tou
bufe s'obligent de continuer les appointemens
ceux de leurs commis qui marcheront à la dé
fenfe des frontières .
M. Bureau de Pufy parlant au nom des comités
de marine , colonial & militaire , a rendu compt
des événemens furvenus à l'Orient ; ce compte
n'étant qu'un précis de la lettre de M. de Séqueville
( err )
au miniftrè , lue dans la féance du matin , nous
allons en donner un extrait .. Elle eft du 277
juillet .
Hier , la gabarre l'Espérance ,.commandée par
M. Dubreuil, mouilla fur le Port- Louis , eller
portoit 9 officiers d'artillerie des colonies , & un:
détachement de ce corps , & devoit fe rendre à
Breft. Deux de ces officiers font defcendus avec
le capitaine de l'Espérance ; ils ont été reconnus
par quelques foldats pour leur avoir fait infliger
diverfes peines en Amérique . Les efprits s'échauf
fant , on pourfuit les officiers , ils fe retirent
dans le petit quartier , & les foldats les y af
frégent. Arrive la municipalité ; le trouble aug
mente , elle croit que le meilleur moyen de l'ap
paifer eft de mettre les officiers en état d'arreſtation
. On a battu la générale ,, toute la garniſon a
pris les armes ; mais il a été impoffible de trans→
férer les officiers à l'hôtel -de- ville , d'autant que!
la moitié des troupes étoit contre eux , & demândoit
à grands cris leur tête .
La nuit a diffipé l'attroupement , cent hommes
ent fuffi à la garde des prifons , où l'humanité
retenoit ces officiers contre toute juftice ; mais
le matin les féditieux ont recommencé. Enfin ,
le mal paroiffant à fon comble , la garde allant
être forcée, la municipalité a pris la réfolution
de confier les prifonniers au foin de la troupe,
de l'artillerie des colonies , qui a promis d'en
répondre jufqu'à ce que la loi att prononcé , s'eft
formée en bataillon quarré, affiftée de toute la
garde de l'Orient , & les a conduits jufqu'à fon
quartier. On a follicité les commiffaires civils
d'accourir de Vannes , M. de Séqueville vouloit
envoyer les fept autres officiers à Nantes , les.
vents s'y font oppofés , & au moment où il
( 112 )
derit , on lui demande de mettre en état d'ar
reftation ces fept officiers demeurés à bord de
l'Espérance ; il ne fait encore ce que cela peut
devenir , ne preffent que bien des malheurs , &
attend avec une vive impatience les ordres du
miniftre .
Dans ces circonftances alarmantes , les conclufions
de M. Bureau de Pufy ont été qu'il pouvoit
être utile de ne pas dicter aux miniftres ce
qu'ils doivent favoir eux- mêmes ; que n'ayant
nullement à fe plaindre d'aucun des fonctionnaires
publics , il fuffifoit d'approuver leur conduite
, de rappeller aux autres leur devoir , &
que fur le furplus il n'y avoit pas lieu à délibérer,
qu'il falloit laiffer aux loix leurs cours.
M. Prieur en renvoyoit l'exécution au pouvoir
exécutif ; M. Bureau de Pufy lui a répondu :
C'eft le pouvoir exécutif , dans la rigueur de
la loi , qui renvoie la queftion à l'Affemblée . »
paroît que le miniftre embarraffé recouroit au
corps légiftif , qui ne l'étant pas moins , s'en ,
remet au miniftre . Les conclufions de M. Bureau
de Pufy ont paffé en décret , & l'on a levé la
féance.
Du Dimanche , 31 juillet.
M. Fermond a quitté le fauteuil , auquel M.
Alexandre de Beauharnois a été appellé par la
majorité du petit nombre des fuffrages qui dé-.
cident de la préfidence .
Après de nouveaux hommages épiftolaires confignés
dans le procès - verbal , & un don de
300 liv. , pour la défenfe des frontières , fait
par les challeurs du Hainault , dont le député ,
admis à prêter le ferment , a pris place dans
l'Affemblée au milieu des applaudiffemens , on
( 113 )
.
a rendu un décret fur la valeur locative des
édifices occupés par les corps adminiftratifs &
judiciaires . La bafe du loyer fera au denier 25
de la valeur eftimative ; le montant en fera payé
par les adminiftrés & jufticiables ; les corps adminiftratifs
& judiciaires font refponfables de
l'exécution du préfent décret , tenus d'en fupporter
les dommages & intérêts , & d'en payer le montant
aux receveurs des domaines nationaux ou à tous
autres qu'il appartiendra fans en pouvoir rien
réclamer aux adminiftrés & jufticiables .
Une dépêche authentique & officielle de Ratifbonne
, du 21 juillet , que M. Fréteau a communiquée
à l'Affemblée , au nom du comité diplomatique
, porte en fubftance qu'il eft réfulté des:
principes combinés du collége électoral & du
collége des princes « une forte de conclufum préparatoire
( a dit le rapporteur ) par lequel les
miniftres impériaux ont été invités à prier l'Empereur
d'ordonner l'armement des cercles dans
le plus court délai... Nous avons auffi d'autres
avis que je ne crois pas devoir vous communiquer,
a pourfuiviM. Fréteau , parce que nous ne les avons
pas d'une manière officielle, mais qui mettent la
nation dans la néceffité de s'armer férieufement ,
& effectivement fur plufieurs de fes frontières . »
Il a propofé de décréter que les miniftres de la
guerre & de l'intérieur fuffent tenus de venir,
de deux jours l'un , rendre compte à l'Affemblée
de l'exécution des décrets concernant la fûreté
de l'état, parce que faute d'accord & d'entente
les mesures effentielles n'étoient pas exécutées.
A l'appui de cette dernière obſervation , il a cité
camp de gardes nationales raffemblés dans la
plaine de Grenelle . Le raffemblement a -t - il été
fait par vos ordres ? Savez- vous quand ces gardes
le
( 114 )
cc
nationales doivent fortir de ce camp? A quelle
époque s'établira le cordon entre Paris & la fronière
, avoit- il demandé à M. Duportail? ce miniftre
lui a répondu : Non , je n'en fais rien
du tout. » Il a adreffé la même queſtion à M.
de la Fayette , & en a reçu la même réponſe.
Enfin il a découvert que c'étoit le département
qui avoit pris une mefure que le v inge de la
capitale rendoit fi peu analogue au belom d'inftrution
& de difcipline , fans aucune espèce de
concert avec le commandant- général & le miniftre
de la guerre ( que M. F. éteau qualifioit le chef
principal de la défenfe publique ) . Il y a ajouté
qu'il y a 60 colonels & près de 80 lieutenanscolonels
à nommer ; & a conclu à décréter que
les miniftres le rendiffent dorénavant aux féances
de l'Affemblée , de deux jours l'un , à 2 heures,
Quant aux places d'officiers vacantes , M. de
Broglie a dit qu'on s'occupoit d'y nommer , mais
que cette nomination devoit être précédée d'un
rapport que M. Emmery, avocat , feroit demain
fur le mode de remplacement de tous les officiers
qui manquent à l'armée. Quant à la levée des
gardes nationales , il a repréfenté l'inconvénient
qu'il y auroit à mettre en général , fans explitation
ni réferve , les gardes nationales dans les
mains du pouvoir exécutif , c'est-à- dire , le miniftre,
& la néceffité que la levée s'opère par le concours
des départemens ; enfin , que fi l'on n'envoie
fur les lieux des perfonnes autorisées à réfoudre
toutes les difficultés locales , de Dunkerque à
Béfort , cette mefure fouffrira beaucoup de
retard .
M. Rewbell s'eft plaint de ce que M. de Montmorin
n'avoit pas expédié quelqu'un vers le
prince-évêque de Bafle . Le prince - évêque në
voudra pas reconnoître cet envoyé de ma part
& en conféquence d'un décret de l'Affemblée ;
on l'arrêtera peut - être , objeétoit le miniftre .
M. Rewbell propofoit naïvement de faire appuyer
l'envoyé par le général Luchner , & il re
pondoit du fuccès de l'ambaffade . Mandez les
miuiftres fur l'heure , a dit M. d'André , & que
le comité nous préfente demain un décret qui
fixe l'autorité du miniftre de la guerre fur les
mouvemens des gardes nationales . Au fujet de
Porentruy , il a annoncé que le chargé des affaires
de France en Suiffe , s'acquitteroit de cette
commiffion .
K
Tout en ne voyant de remède à tant de
maux que « dans une forte organiſation du gou
vernement monarchique » M. Martineau n'a
cependant parlé que des miniftrès. Il les a peints
emmaillotes de mille manières par les comités
de l'Affemblée , par les départemens , par les
municipalités , défaut de cohérence qui détruit
la refponfabilité & arrête le gouvernement.
Vous avez tout fait pour le pouvoir exécutif
a répondu M. de Beaumetz , en accordant aux
miniftres l'entrée de l'Affemblée à toutes les
heures. S'ils éprouvent des entraves , pourquoi
ne s'en plaignent- ils pas ? Ce n'eft pas des
commiffaires qu'il faut envoyer , a dit M. Lan
juinais. Un trait d'hiftoire bien connu , c'eft
que quand on envoya des commiffaires tirés des.
états -généraux , les états- généraux furent difperfés
& plufieurs furent pendus... Le trait d'hif
toire a fait rire .
» --
« L'Affemblée a décrété que dès demain tous
les miniftres feroient invités à fe rendre tous.
Les deux jours à l'Affemblée , pour rendre compte
de l'état de défenfe du royaume ; & que de
( 116 )
main le comité militaire préfenteroit un projet
de décret fur l'autorité qu'il convient de donner
au miniftre pour les mouvemens & la marche
des gardes nationales volontaires. »
L'un des commiffaires revenus des frontières ,
M. Chaffey , a lu un rapport fur la fituation de
selles qu'il a vifitées . Il a d'abord annoncé un
travail de M. de Cuftine contenant l'indication
de tous les moyens de défenfe , mémoire qui
ne peut , a - t-il dit , être rendu public . Enfuite
il a donné de grands éloges à la garnifon de
Strasbourg renforcée de 6000 gardes nationales ,
a fait le récit d'une fauffe alerte & d'une attaque
fimulée dont il a été , témoin ; les forties
& les rentrées ont eu lieu avec une promptitude
incroyable , & aucune des mefures n'a manqué.
Les arfenaux font garnis d'artillerie , & l'on ne
manquera bientôt plus de fufils . Landau & le
Fort Louis ne tarderont pas à être dans le meil-
Ieur état . Au furplus , il n'y a point encore de
troupes fur la rive droite du Rhin : « car on
ne compte pas , fans doute pour une armée
mi les aventuriers qui font à Ettenheim , ni les
fugitifs retirés à Worms. »
On s'attendoit bien à quelque inculpation vague
contre les prêtres dits réfractaires . Ils ne font pas
grand mal dans les villes où l'on eft affez pl.:-
lofophe ; mais ils ont beaucoup d'influence fur
les campagnes. Les adminiftrateurs du Haut Rhin
ont pris à l'égard de ces prêtres qu'on accufe
par-tout & qu'on ne juge nulle part , un arrêté
à peu-près femblable à celui des adminiftrateurs
du Bas- Rhin... Les ventes de biens nationaux
fe font avec fuccès. La perception des impôts
n'eft pas très-active ; mais il n'eft prefque rien
dû de 1789... Quelques foldats fe font permis
( 117 )
"
>
des actes d'infubordination . Il a fini par demander
& obtenir que le miniftre de la juftice indiqueroit
un tribunal où l'on continueroit la pro
cédure relative aux délits commis a Haguenau
en juin & juillet 1790 .
Du lundi , 1er. août.
M. Panckouke , Imprimeur- Libraire à Paris ;
l'un des électeurs de 1789 , a envoyé à l'Affem .
blée une adreffe civique & un affignat de 1000 liv.
pour l'entretien de deux gardes nationales , avec
fon obligation de pareille fomme pour chaque
année fi la continuation eft néceffaite . Il a fait
auffi hommage d'un exemplaire complet de l'Encyclopédie
par ordre des matières , en obfervant
que cet ouvrage eft le fruit du travail de plus de
iso hommes de lettres . L'Affemblée a reçu cette
offre patriotique avec applaudiffement , & il en
fera fait mention honorable dans le procèsverbal
.
CC
M. Vernier a lu un décret d'exécution du
décret relatif aux émigrans pour ce rappeller dans
le fein de la nation les enfans de la patrie . La
retenue fur les rentes paroiffoit injuſte à M. Martineau
, toute fimple à M. d'Auchy. Elle fera funefte
aux créanciers , felon M. de Praflin ; propre
, fuivant M. Menard , à induire les débiteurs
des émigrans à garder les deux tiers de:
la retenue , ce qui lui femble une immoralité
criante dans une loi . La crainte des fraudes ne
doit point arrêter , a dit en ſubſtance M. Chabroud;
tous les décrets fur les impofitions font
fufceptibles de fraudes , & on ne les a pas moins
admis . Un grand élan de patriotiſme rendra nulle
cette immoralité.... M. de Croï a demandé que
le triplement de contribution ne tournât pas au
( 118 )
Profit des municipalités qui n'ont pu ou vour
Protéger la fûreté des émigrans ce qui feroit
bien une autre immoralité. Mais on a décidé
qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur l'obfer
vation de M. de Croï.
Votre triple impofition étant une peine , difoit
M. Tronchet , vous ne pouvez la faire fupporter
au créancier qui a des titres authentiques.
Ce n'eft point une peine , mais une indemnité,
répondoit M. Lanjuinais ; or , l'état a la préférence
fur tous les créanciers. « C'eſt une fimple
indemnité des frais de garde , des frais perfonnels,
& de la protection que vous donnez aux biens des
émigrés ajoutoit M. Rewbell; comme fi ces trois
fortes de frais n'étoient pas les mêmes que ceux de
l'ordre publi , & que les émigrés ne piyaTent pas.
dans les impôts ordinaires leur part de cette protection
fi mal accordée , comme s'il en coûtoit
trois fois plus pour protéger la perfonne de moins
que pour protéger les biens & la perfonne enfemble.
Un émigrant , a dit M. d'André , n'a que
4000 liv. de rentes ; l'impofition foncière lui
prend déja environ 800 liv . Si vous la triplez , ce
fera encore 1600 liv . ( total 2400 1. fur 4000 1. )
Le créancier perdra donc énormément . Cela n'eſt
pas propofable ; car ce créancier peut être un patriote
. Toute créance authentique & hypothéquée
doit le prélever , que les autres créanciers perdent
ou qu'ils attendent ... M. d'André trouvoit
cela jufte. Voici le décret qui eft réſulté d'uns
pareil e difcuffion' :
« Art . I. Tous les François abfens du rayaume
feront tenus de rentrer en France dans
le délai d'un mois à compter de la publication,
da préfent décret ; & jufqu'à ce qu'il en ait été
autrement ordonné , aucun citoyen, François ne
( 119 )
pourra fortir du royaume fans avoir ſatisfait
ce qui fera ci-après prefcrit .
сс
53
II. Les émigrés qui rentreront en France
font mis fous la protection fpéciale & la fauve
garde de la loi ; en conféquence les corps adminiftratifs
& les municipalités font tenus , fours
leur refponfabilité , de veiller à leur sûreté , &
de les en faire jouir. "
« Il eft pareillement enjoint aux accufateurs
publics de pourfuivre la réparation ou la punition
de toute contravention aux préfentes difpofitions,
»>
III. Ceux qui ne rentreront pas dans le
délai fixé , paieront , par forme d'indemnité du
fervice perfonnel que chaque citoyen doit à
l'état , une triple contribution foncière & mobiliaire
pendant tout le temps de leur abſence ;
fouffriront en outre une triple retenue fur les
intérêts des rentes preftations & autres redevances
à raiſon defquelles la retenue fimple eft
autorifée . Les débiteurs deviendront comptables
de deux portions fur trois de cette même retenue
envers le tréfor public , & à défaut de
paiement , ils feront pourfuivis comme pour
leurs propres contributions ; lefdits débiteurs feront
tenus de faire leur déclaration au diftrict ,
à peine de demeurer refponfables de toutes les
retenues qui n'auroient pas été faites . »
>
« Les impofitions excédenes ne pourront
nuire aux créanciers légitimes qui ont des dettes
authentiques antérieures au préfent décret , mais
elles demeureront néanmoins affectées au furplus
des biens & revenus . »
« IV. Les émigrés feront difpenfés , auffitôt
leur retour , du paiement total de cette taxe
qu'ils ne feront tenus d'effectuer qu'au prorata
>
( 120 ).
du temps de leur abfence , à partir du premier
juillet de la préfente année ; fe réfervant au
furplus l'Aflemblée nationale , de prononcer telle
peine qu'il appartiendra contre les réfractaires ,
en cas d'invafion hoftile fur les terres de France . »
ce V. Pour l'exécution des articles précedens
chaque municipalité fera tenue de fournir au
directoire de diftrict un état nominatif de tous
les émigrés compris au rôle de la contribution
foncière & mobiliaire ; & à la fuite des noms
de chacun des émigrés , ils indiqueront le montant
de la cote d'impofition pour laquelle ils
auront été portés dans les rôles ; ils indiqueront
auffi le montant de la retenue qu'ils fauront devoir
leur être faite fur les rentes , preftations & redevances
à eux appartenantes. »
1
ce Ces états feront adreffés au directoire de diftrict
qui , à vue d'iceux , & d'après les détails qui
feront à fa connoiffance , fera former un rôle de
la taxe ordonnée à l'égard defdits émigrés . Les
rôles ainfi formés & vifés par les directoires de
district , feront envoyés au département qui les
adreffera au miniftre des impofitions qui donnera
les ordres néccffaires pour en affurer l'exécution . »
cc VII. Les fermiers , locataires ou autres redevans
defdits abfens ne pourront acquitter le prix
de leurs baux à ferme , à loyer , des rentes & redevances
par eux dues , fans qu'il leur ait été
juftifié du montant des rôles d'impofitions &
taxations defdits abſens , »
ce_VII . Sont exceptés des difpofitions ci - deffus
les François établis en pays étranger avant le
premier juillet 1789. Ceux dont l'ablence eft
antérieure à ladite époque , ceux qui ne ſe ſe--
ront abfentés qu'en vertu de paffe -ports en bonne
forme ,
( 121 )
forme , ceux qui ont une miffion du gouvernement
, leurs épouſes , pères & mères domiciliés
avec eux, les gens de mer , les négocians où
feurs facteurs notoirement connus pour être dans
l'ufage de faire , à raiſon de leur commerce , des
voyages chez l'étranger .
כ כ
VIII. Les congés ou permiffions de s'abſenter
hors du royaume ne feront accordés à aucun
citoyen que par le directoire de diſtrict dans le
reffort duquel il fera domicilié , & d'après l'avis
de la municipalité , pour des cauſes néceffaires &
Indifpenfables , reconnues ou conftatées . »
« Celui qui follicitera ladite permiſſion , prêtera
individuellement le ferment civique , ou juftifiera
qu'il a déja prêté ce ferment individuel , &
joindra à fa demande une déclaration par écrit
qu'il entend y refter fidèle. »
Au nom des commiffaires envoyés dans les dé
part mens du Nord , du Pas- de- Calais & de
' Aifne , M. Biron a fait un rapport où toutes
les places de première ligne font dans le meilleur
é at. Il n'y a pas plus de ' roupes de ligne que dans
les temps de la plus grande fécurité ; mais le
zèle & le nombre des gardes nationales y fuppleéront.
Les travaux de M. de Rochambeau méritent
l'admiration de tous les militaires . Les places de
feconde & de troisième ligne ont b.fon de quelques
réparations . Rien n'égale le patriotifme des
foldats ; mais les ferments ne les ont pas guéris
d'une ext & ne défiance de leurs offi iers ; ils veulent
garder eux- mêmes les drapeaux. Quelques
chefs s'y font oppofés , ce qui a occafionné beaucoup
de débats très - fâcheux . M. de Grave , cofonel
du régiment de Chartres a dit à fes foldats :
je vais vous apporter les drapeaux au quartier ,
nous les garderons enfemble. Ce trait de patrio
No. 33. 13 Août 1791 .
F
( 122 )
tifme , felon le rapporteur , a porté les foldats à
promettre de renoncer à toute divifion & de remplir
leurs devoirs avec exactitude .
Voici le réfumé des demandes de M. de Rochambeau
: 1º . les fonds néceffaires pour le camp
retranché de Maubeuge , 45,000 liv .; 2 ° . quel
ques fonds extraordinaires , s'il étoit obligé de
faire un raffemblement ; 3 ° . douze ou quinze
mille hommes de gardes nationales , parmi lefquelles
il feroit accordé deux bataillons de la
garde nationale parifienne ; 4°. feize escadrous de
troupes à cheval qui lui deviennent indifpenfables ;
le comité militaire & le miniftre de la guerre font
d'accord fur les trois premiers objets , & le comité
a reconnu l'urgence du dernier & écrit au miniftre
de la guerre en conféquence .
Ces demandes ont été décrétées .
L'âge de M. de Rochambeau ( il n'a que 66
ans ) & fa modcftie , fans doute , lui font defirer
de borner le commandement où il fe montre
dit- on , infatigable. Un membre a penfé qu'il
falloit au moins fupplier ce général , au nom de
la patrie de fe charger de Philippeville , Marierbourg
& Givet, On a décrété le renvoi au miniftre
..
A la fuire d'un rapport fur le re.nplacement
des officiers de ligne , par M. Emmery , avocat ,
membre du comité militaire , & après une difcullion
fur cet objet , entre MM . Coupé , d'André ,
de Noailles , Prieur , Martineau , Rewbell &
Chabroab , on a décrété les quinze articles fuivans ;
« L'Affemblée nationale décrète qu'attendu les
circonftances , le remplacement actuel des officiers
qui manquent dans les différens corps de l'armée
fe fera con me il fuit :
Ait. I. Les règles preferites par les pré(
123 )
dens décrets pour le remplacement des officiersfupérieurs
& des adjudans majors dans les différens
corps des différentes armes , auront leur pleine
& entière exécution ,
ן כ
ce II. Dans chacun des régimens d'infanterie .
de ligne où il n'y a pas plus de quatre compagnies
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens lieutenans du régiment. Dans chacun des
bataillons d'infanterie légère où il n'y a pas plus
de deux compagnies vacantes , elles appartiendront
aux plus anciens lieutenans du bataillon . »
« III . Les trois quarts au moins du total des
compagnies vacantes dans les régimens d'infanterie
de ligne , & dans les bataillons d'infanterie
légère au - delà du nombre ci - deffus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens Lieutenans de
toute l'infanterie , qui font actuellement en acti-"
vité ; l'autre quart pourra être donné par le
pouvoir exécutif , foit à des capitaines , foit à
des lieutenans d'infanterie réformés ou retirés
qui defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du district
dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte leur
attachement à la conftitution décrétée par l'Affemblée
nationale . »
сс
cc IV. Les capitaines qui feront pourvus en
vertu de l'art . I , conferveront leur rang entre
eux , & fe prendront fur tous ceux qui feront
nommés en vertu de l'article II . Ceux de ces
derniers qui feront pris fur la colonne des
lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entre eux , & le prendront fur
tous les officiers ci - devant réformés ou retirés
qui pourroient obtenir des compagnies ; ceux- ci
enfin prendront entre eux le rang que leur affi
F 2
( 124 )
gnera le grade qu'ils avoient avant leur reforme
ou leur retraite , & , à grade égal , l'ancienneté
de leur fervice. »
" « V. Dans chacun des régimens d'infanterie
de ligne où il n'y aura pas plus de quatre lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous - lieutenans de ce régiment . Dans
chacun des bataillons d'infanterie légère où il
n'y aura pas plus de deux lieutenances vacantes
, elles appartiendront aux plus anciens fouslieutenans
du batai.lon. »
« VI. Les trois quarts au moins du total des
lieutenances vacantes dans les régimens d'infanterie
de ligne & dans les bataillons d'infanterie
légère , au- delà du nombre ci- deſſus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens fous - lieutenans
de toute l'infanterie qui font actuellement en
activité ; l'autre quart pourra être donné par le
pouvoir exécutif , foit à des lieutenans , foit à
des fous lieutenans réformés ou retirés qui
defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du diſtric
- dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte
leur attachement à la conſtitution décrétée par
l'Affemblée nationale . »
сс
-
?
cc VII. Les lieutenans qui feront pourvus en
vertu de l'article V , conferveront leur rang
entr'eux , & le prendront fur tous ceux qui
feront nommés en vertu de l'article VI:; ceux
de ces derniers qui feront pris lur la colonne des
fous- lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entr'eux , & le prendrone
fur tousles officiers ci- devant réformés ou retirés qui
pourroient obtenir des lieutenances ; enfin , ceux- ci
prendront entr'eux le rang que leur affignera le
( 325 )
grade qu'ils avoient avant leur réforme ou leur
retraite , & , à grade égal , l'ancienneté de leurs
fervices. "
« VIII. Les fous-lieutenances vacantes dans
Tinfanterie de ligne & dans l'infanterie légère
feront données , favoir ; dans les régimens &
bataillons d'infanterie qui n'ont pas deftitué leurs
officiers , moitié aux fous - officiers de ces régimoitié
à des fils de citoyens actifs ; dans
les régimens & bataillons qui ont deftitué leurs
officiers , les trois quarts des fous- lieutenances
feront données à des fils de citoyens actifs , l'autre
quart demeurera réfervé aux fous officiers du
régiment , aux termes du décret du ………..
mens ,
-
« IX. Pour le remplacement actuel des capitaines
& des lieutenans du corps - royal d'artillerie ,
on fuivra les règles d'avancement prefcrites par
les précédens décrets relatifs à cette arme ; les
fous-lieutenances vacantes feront partagées entre
les élèves du corps & les lieutenans en troisième
qui n'ont pas encore cbtenu leur remplacement . »
« X. Les jeunes citoyens ne ferout fufceptibles
des fous lieutenances vacantes que depuis
16 jufqu'à 24 ans ; ceux âgés de plus de 18 ans
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tous
feront tenus de rapporter un certificat du directoire
du diftrict dans l'étendue duquel ils réfident ,
qui attefte leur attachement à la conftitution
décrétée par l'Affemblée nationale . »
« XI . Dans les régimens de troupes à cheval ,
le tiers des compagnies vacantes fur toute l'arme ,
appartiendra aux plus anciens capitaines de remplacement,
ou de réforme , les autres tiers aux
plus anciens lieutenans actuellement en activité ,
pris fur toute l'arme . »
« XII . Dans chacun des régimens de troupes
F 3
( 126 )
à cheval où il n'y aura pas plus de deux lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous- lieutenans de ce régiment ; le furplus
fera donné aux plus anciens fous - lieutenans ac
tuellement en activité , pris fur toute l'arme. »
« XIII. Les fous - lieutenances vacantes dans
les troupes à cheval , feront données , moitié aux
fous- officiers de ces régimens , moitié à des fils de
citoyens actifs , ayant au moins 16 ans , & pas plus
de 24 ans d'âge ; ceux qui auront plus de 18 au
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tous
feront tenus de prendre un certificat du diſtrict
dans l'étendue duquel ils réfident , qui atteft .
leur attachement à la conftitution décrétée par
l'Affemblée nationale . »
-
« XIV. Dans les régimens de toute arme qui
ont actuellement leur colonel , cet officier fupérieur
indiquera fous huitaine , à compter de la
publication du préfent décret , foit au général
d'arme , foit au commandart en chef de divifion
aux ordres duquel il eft , les fujets qu'il croit
fufceptibles d'obtenir les fous lieutenances vacantes
dans le régiment qu'il commande . Les
généraux d'arme , & les commandans en chef
des divifions , propoferont d'eux - mêmes aux
fous lieutenances vacantes dans les corps qui
font fous leurs ordres , & qui n'ont point actuel
lement de colonel . Les différentes propofitione
feront adreffées immédiatement au miniftre de la
guerre , pour le mettre en état de pourvoir , fans
aucun délai , à toutes les fous - lieutenances va
cantes dans l'armée . »
-
« XV. Pour que rien ne retarde le rempla
cement effectif des officiers qui manquent actuc
lement dans l'armée , les officiers fupérieurs &
autres feront reçus , mis en fonctions , & payes
( 127 ) 1
>
fans attendre l'expédition de leurs brevets qu
commiffions fur l'avis de leur nomination
adreffé par le miniftre de la guerre , foit aux
généraux d'armée , foit aux commandans en chef
des divifions & aux chefs des corps dans lefquel
les remplacemens devront s'opérer. »כ כ
cc Néanmoins les brevets & commiffions feront
enfuite expédiés le plutôt poffible , & vaudron
du jour de chaque nomination , dont ils rappel
leront la date. »
M. de Lefart , miniftre de l'intérieur , eft venu
dire la totalité des fufils eft expédiée ; que
que
Je décret du 21 juin a été envoyé dans tous les
départemens ; que celui du Gers , entre autres
a ouvert une foufcription pour le paiement des
97 mille gardes nationales. Ce miniftre leur
écrira de nouveau à tous pour les preffer .
Du mardi , 2 Août .
On lit & on renvoie au comité des recherches
une lettre de M. de Valcourt , commiffaire- ordonnateur
des guerres , qui retenu à Metz en état
d'arreftation , par un décret du 15 juillet , comnie
ayant eu des relations avec M. de Bouillé , &*
ayant fait des préparatifs pour un camp près de
Montmédy , fe juftifie en obfervant qu'il n'étoit
nullement dans le fecret , en rappellant les titres
d'électeur & de préfident du diftrict de Thionville
, & fur- tout que « l'acquifition d'un bien
national de 170,000 livres , le met à l'abri de
tout foupçon d'inciviſme . »
M. le Couteulx s'eft chargé de préfenter à
l'Aſſemblée un arrêté du directoire du départe
ment de la Seine inférieure , portant que tous
les ci-devant fonctionnaires publics eccléfiaftiques
F 4
( 128 )
·
& les religieux non affermentes , feront tenus
de s'éloigner de 10 lieues de la paroiffe où ils
exerçoient leur miniftère , & que même à cette
diftance , ils ne pourront choifir pour retraite
une paroiffe cn fe feroient déjà retiré deux eccléfiaftiques
ci- devant fonctionnaires publics , dans
les villages , & fix dans les villes . Les feptuagénaires
& ceux dont les deux tiers au moins de la
commune atteſteront la tranquillité ou les infirmités
, font jufqu'à préfent & provifoirement
autorités à refter dans les paroiffes qu'ils habitent
, tant qu'il y aura contre eux aucun fujer
de plainte. Il eft enjoint aux municipalités d'empêcher
qu'il ne foit commis aucune violence ,
infulte ou menace , envers les eccléfiaftiques
remplacés lors de leur retraite « volontaire ou
forcée . Se réserve le directoire de prendre cette
autre mefure ultérieure que les circonstances pourront
exiger. Fait au directoire , à Rouen , le 29
juillet 1791. « MM. du comité eccléfiaftique
difoit M. le Couteulx , m'ont témoigné qu'ils
defiroient que l'Affemblée nationale approuvât
cet arrêté & en autorisât l'exécution . » Depuis
quand les départemens ont- ils le droit de faire
des loix de circonftance ? Ces loix paroiffoient
fi fages , fi juftes , fi légales , fi humaines à M.
Lavigne , qu'il en a demandé le renvoi au comité
des rapports , pour voir s'il ne feroit pas
poffible de les appliquer à tous les départemens .
La propofition de M. Lavigne a été adoptée,
Au nom du comité militair , M. Bureau- de-
Pufy a fait adopter , conformément aux états.
fournis par le miniftre de la guerre , le décret
fuivant en 5 articles :
« Art. I. En exécution des décrets des 21
( 129 )
juin, 3 & 23 juillet 1791 , & conformément à
la demande de fonds faite par le miniftre de la
guerre le 27 juillet dernier , dont les objets
font fpécifiés tant dans l'état général que dans
les tableaux particuliers fournis par ledit miniftre
, il fera verfé fans délai par la caiffe de
l'extraordinaire à la trésorerie nationale , pour
être employée aux dépenfes de la guerre , une
fomme de 16,518,396 liv . pour être employée
comme il fera dit ci- après , favoir : »
ment ,
cc 1 ° . 12,218,396 liv . , pour frais d'enrôle
d'habillement , d'équipement & armement
de 44,242 hommes , tant d'infanterie que
de troupes à cheval & d'artillerie , deſtinés à
porter au complet de guerre 73 régimens d'infanterie
de ligne , 12 bataillons d'infanterie légère
, 2 régimens de carabiniers , 16 de cavalerie
, 14 de dragons , de huffards , 7 de
chaffeurs ; & les 7 régimens d'artillerie le
feront. 35 T
2º. Une fomme de 300,000 liv. deftinée
à completter les approvifionnemens de première
Déceffité pour les hôpitaux ambulans , de trois
années , depuis Dunkerque jufqu'à Béfort. »
3. Une fomme de 4 millions , à compte
des travaux ordonnés ,
ou qui le feront , pour
mettre les frontières en état de défenſe . »
CC
r II. Chaque mois , à compter du premier
juillet 1791 , il fera verfé par la caiffe de l'extraordinaire
à la trésorerie nationale pour les
dépenfes de la guerre , une fomme de 1,215,419
li . fols 1 denier pour folde & maffes des
'hommes & des chevaux d'augmentation mentionnés
à l'article précédent , & pour être payés,
favoir ; les maffes au complet des corps , & la
S. F
7130 )
folde à l'effectif des revacs , conformément au
tableau no. 2. »
« III. Chaque mois , à compter du premier
´août 1791 , il fera fourni par la caiffe de l'extraordinaire
à la tréforerie nationale pour les
dépenfes de la guerre une fomme de 150,000
liv . pour fubvenir aux frais de loyer , nourriture
& dépenses d'acceffoires de deux mille
chevaux d'augmentation dans l'équipage d'artil
lerie , pour être , lefdits frais , payés d'après
l'effectif des revues , y compris quinze jours de
-folde par cheval à accorder en forme de gra
tification , fuivant le marché des entrepre
" neurs . >>
<< IV. La caiffe de l'extraordinaire fournira à
la trésorerie nationale pour des dépenses de la
guerre , fur la demande du miniftre de ce département
, les fonds ,néceffaires pour la folde
& les dépenfes acceffoires des gardes nationales,
raffemblés en vertu du, décret du 21 juin 1791 ,
& ce , jufqu'à la concurrence de 3,200,000 liv .
par mois ; ladite fomme étant la dépente de 158
bataillons formant 96,854 gardes nationales. »
« V. La pièce intitulée : Etat général des
fonds extraordinaires à faire au département de
la guerre , pour le mettre à portée d'exécuter les
difpofitions décrétées par l'Affemblée nationale
les 3 & 23 juillet 1791 , ainfi que les tableaux
qui en font le développement , tous fignés &
adreffés par le miniftre au comité militaire , pour
être par lui foumis à l'Affemblée nationale ,
ainfi que la lettre miffive qui y étoit jointe ,
refteront annexes au procès- verbal . »
Du mardi , féance du foir. 30%
Une lettre que M, de la Tour - Maubourg a
( 131 )
écrite de Metz à M. Emmery , & que celui - ci
a communiquée à l'Aflemblée , peint les foldats
brûlans de patriotisme , travaillant gratis aux ;
fortifications avec une activité qui fait craindre )
qu'ils n'en tombent malades . Elle attefle que la
fubordination eft admirable , même dans les
régimens dénués d'officiers . I ne doute pas
qu'après le remplacement , nous n'ayions encore
une armée inviable. Enfin les genéraux & les
municipaux font animés du même efprit , & fe
fecondent les uns les autres . :
Des députés de la municipalité & des amis de
la conftitution de Brie Comte Robert admis à
la barre , ont démenti les inculpations que M.
Robe Spierre s'étoit permifes ; & dans la réponſe
du préfident , on a retrouvé peints de couleurs
qui leur conviennent « ces hommes exaltés ou
féduits qui concourent aux manoeuvres ciiminelles
des ennemis de la patrie.
כ כ
M. Biauzat a pref nté un arrêté du directoire
du département du Puy - de - Dôme , contenant
les mêmes difpofitions que l'arrêté du département
du Bas -Rhin , contre les malheureux eccléfiaftiques
nommés non - co formiftes par ceux qui
les ont dépouillés . On l'a renvoyé au comité dit
eccléfiaft que.
Le refte de la féance a été rempli par un
rapport de M. le Brun , & par un projet de M.
Biauzat fur les ponts & chauffées , & une difcuffion
où l'on a revu tout ce qui avoit été dit
à ce fujet dans l'Affen blée. Ces débats ont été
prorogés à la première féance du foir.
Du mercredi 3 août.
1
Ĉ
MM. Bouche & Régnault de St , Jean - d'Ang
F 6
( 132 )
gely , ont follicité un dernie rapport fur M. de
Condé. « C'eft en montrant de la foibleffe , difoit
bravement M. Régnault , que l'on encourage
fes ennemis . Nous avons trop de moyens & de .
motifs de ne les pas craindre , pour ne pas déployer
la fermeté qui nous convient » ; & il a
demandé que le comité rendît compte du traitement
qu'a reçu M. Duveyrier , qu'il appelloit .
un agent de la nation qui avoit droit « aux
refpects & aux égards de tous les individus &
de toutes les nations voifines » , quoique M..
Duveyrier n'eût aucune commiffion auprès des
étrangers , aucune lettre de créance , puifque
M. de Condé a dû lui demander qui il étoit ;
\ qu'il n'eût qu'un paffeport & un paquet à remettre
, commiffion qui l'affimileit plutôt à un
buiffier qu'à un envoyé , puifqu'il n'a pas même
jugé à propos d'attendre une réponſe .
Je déclare que je n'ai point de part aux
mefures molles qu'on paroît avoir adoptées », a
dit M. Salles pour fa décharge perfonnelle . M.
Lavigne exigeoit la repréfentation du décret du
13 juin , qui , felon lui , avoit tout décidé. Le
préfident a annoncé , & l'on a auffi - tôt admis
a la barre , une députation qui venoit , au nom
de 4 às cents citoyens , préfenter une pétition
des banquiers & négocians de Paris . Son objet
etoit les affignats des liv . ; & l'orateur a paru
indiquer les payeurs des rentes comme les premiers
inftrumens d'un véritable agiotage . Il a
conclu à ce que la diftribution de ces petits
affignats & de la monnoie de cuivre fût confiée
aux 48 fections . Un décret a chargé les comités
de libeller un projet de loi fur cette pétition.
( 133 )
1
M. Courmenil a préſenté , & l'Aſſemblée a
décrété les 4 articles fuivans :
« Art. I. La diftribution en eſpèces de cuivre ,
qui proviendra de la fonte des cloches , fera faite
par les hôtels des monnoies , entre les départechacune
de ces monnoies , par l'état
annexé au préfent , & dans les proportions réglées
par le même état . »
mens pour
сс
ce II . En conféquence , le directeur de chaque
hôtel des monnoies fera tenu d'envoyer , à la réception
du préfent décret , aux directoires des
départemens avec lefquels il devra correfpondre ,
un bordereau certifié de lui , qui annoncera la
fomme fabriquée actuellement exiſtante , en monnoie
de cuivre , dont la diftribution pourra être
faite fur-le-champ. »לכ
« III. Les directeurs de chaque hôtel des
-monnoies continueront d'adreffer aux mêmes directoires
de département, le dernier jour de chaque
femaine , un état de la fabrication qui aura eu lieu
dans le cours de la même femaine , tant en eſpèce
de cuivre qu'en métal provenant de la fonte des
cloches. »
« IV. Chaque directoire de département connoîtra
, d'après ce bordereau fucceffif , & d'après
la proportion dans laquelle il devra participer au
produit de la fabrication déjà exiftante , & celles
qui auront lieu chaque femaine , le montant de la
fomme qui devra leur revenir , fera les difpof
tions néceffaires pour faire transporter de l'hôtel
des monnoies dans les caiffes de diſtricts , la partie
à eux afférente dans les fabrications de chaque
femaine. »
Revenu au décret relatif à M. de Condé , M.
Lavigne l'a lu dans l'efpoir que la fimple expi(
134 )
ct
ration du délai prononceroit fur - le - champ tes
peines ftatuées ; mais M. Fréteau a oblervé que
les comités réunis avoient penfé que la queftion
devoit être méditée fous tous les points de vue
de prudence , de politique & de juftice ; que le
rapport du miriftre & le récit de M. Duveyrier
conftatoient bien la réception de l'ordre , mais
que les tribunaux ne prononçoient jamais une
peine fans un témoignage affermenté ; que fi
Î'Affemblée fe croyoit en droit de juger , de
prononcer contre M. de Condé , elle devioit aufli
juger les complices & adhérens de M. de Conaé.
Il n'eft cependant pas dans l'intention de l'Affemblée
de s'ériger en tribunal , & fur - tout en
tribunal à feances continues contre tous ces
complices. Nous fommes en droit , a férieuſement
pourfuvi M. Fréteau , de prononcer le
féqueftre des biens , & de mettre M. de Condé
en état d'arrestation .... Il n'y a pas l'ombre du
doute... Mais il y a des limitations & des difficultés
fur la rédaction du décret relativement aux
complices qu'il faut détacher de la condamnation
d'aujourd'hui pour les renvoyer à Orléans , fi
-vous n'y renvoyeż pas même M. de Condé.
Remettez donc a demain .... Ne vous eng gez
pas à adopter un parti qui peut avoir des fuites
auffi facheufes . ». On a chargé les comités de
s'occuper d'un mode d'exécution ou d'une réduction
.
D'après les plus heureufes expériences , & fur
la propofition de M. Courménil , l'Affemblée
prenant une détermination définitive contraire à
quelques difpofitions précédentes , a décrété que
les cloches inutiles feront fondues & que de leur
métal mêlé avec une égale quantité de cuivre
( 135 )
&
il fera fabriqué des pièces de 2 fols , à la taille
de io au marc , d'un fol , à 20 au marc ,
´de fix deniers , à 40 au marc ; & fur la demande
de M. de Cernon , que la diftribution de la nouvelle
monnoie fe fera par les directeurs des hô
tels des monnoies aux directoires , fuivant un état
décrété.
A propos de l'organiſation de la garde natio
nale de Paris en troupe de ligne , M. de Menou
a donné carrière à fon éloquence & à fa politique.
Organe des comités militaire & de conf
titution , il a loué l'Affemblée d'avoir rétabli la
liberté CC entre tous les hommes , & fondé le
bonheur des générations futures. » Nous tranfcrirons
ici quelques paffages de ce difcours en
confervant foigneufement fes expreffions.
cc O nation générenfe & fière ! Quel génie
t'a donc dominé lorſqu'en 1789 , un ſeul inf-
-tant à vu naître des inillions de foldats ?.... O
François votre fommeil a été comme celui du
lion ; vore réveil a été terrible & a fait tremabler
tous les tyrans. Le cri de la liberté a retenti
dans toutes les parties du globe... Ah !
pou quoi les monarques du monde veulent - ils
refter dans leur aveuglement ?... Monarques ,
ouvrez les yeux , marchez au devant des évè
nemers ... Refpectez au moins ceux qui rendent
hommage à la raifon & aux vérités éternelics ;
refectez les François , leur révolution ,
conftitution »
leur
Plufi urs voix ont crié : à l'ordre dujour. Mais
l'orateur n'en a pas moins continué fes fublimes
excurfiens. « S'il exifte actuellemert au monde
une monarchie fondée fur des bafes inébrantables
c'eft celle qui vient d'être établie en France ; eat
( 136 )
elle eft devenue la propriété du peuple , & la
fauve-garde de fa liberté & de fa tranquillité.....
Jugez fi l'Affemblée nationale eft l'ennemie des
Rois & de la Monarchie . Voyez le concert unanime
des volontés & des fentimens... Mais fi l'erreur
guide vos démarches , fi , vous livrant aux
fuggeftions perfides de nos transfuges , vous
cherchiez à oppofer des barrières à notre liberté...
en fuppofant que la fortune vous favoriſe , vous
ne trouverez plus que des morts ; car pas un
véritable François ne me démentira ; plutôt que
de devenir la proie de tyrans , il incendiera luimême
fa propriété & s'enlevelira fous les ruines
( grands applaudiffemens de la gauche & des
galeries ). Mais avant d'en venir à ces extrémités
, fongez au fang que vous devrez répandre
dans les combats. Ši vos armées entrent en contact
avec les notres , dès ce moment le defpotiſme
cſt détruit ... Au refte l'Aſſemblée nationale
va vous montrer comme elle fait recompenfer
ceux qui l'ont fervie avec courage
( il parloit fans doute ici de la patrie & non pas
feulement de l'Affemblée.
Alors M. de Menou a retracé tout ce qu'on a
débité des projets de la cour contre les étatsgénéraux
, contre Paris ; le patriotiſme affez
cornu des gardes - frar çoifes , la prife.de la baftille
; d'autres regimens fe joignans à eux & formant
la garde foldée de Paris ; le courage , jes
fatigues , le civisme de cette garde , fa noble réfiftance
à toutes les féductions des ennemis de la
chofe publique , & peut- être , a-t - il ajouté , à
eches & de quelques gouvernemens étrangers ...
lls croyoient apparemment , ces vils féducteurs ,
n'avoir affaire qu'à des mercenaires que l'on
gagne à prix d'argent ; par- tout ils ont trouvé
( 137 )
des citoyens indignés qu'on pût les foupçonner
de vendre leurs fervices & leurs opinions » .
›
Etonné de la tranquillité dont a joui Paris au
milieu de la révolution dont cette ville étoit le
centre , il s'eft bien rappellé quelques événemens
facheux. « Mais quelle eft l'hiftoire des hommes
mêmes les plus vertueux , dont on ne défirât
pas de déchirer quelques pages ? ... Ne voyons
que le fentiment qui a toujours prédominé »
Ses conclufions ont été de propofer de prendre
les 9,792 hommes de la garde foldée au fervice
de la nation « d'en faire , pour ainfi dire , une
propriété nationale » ; d'en former deux divifions
de gendarmerie , l'une à pied , l'autre à
cheval ; deux bataillons d'infanterie légère ; trois
régimens d'infanterie de ligne ; de donner des
penfions de retraite à ceux qui n'entreront pas
dans cette compofition ; de conferver la même
paye aux gardes nationales employés , en ne deftinant
que la paye du foldat de ligne aux futures
recrues pour ramener ces corps à la folde générale
, à meſure de la confommation des hommes.
Le projet de décret pourvoyoit aux plus petits
détails .
En avouant franchement qu'il en feroit tour
auffi mauvais juge que beaucoup d'autres , n'étant
pas militaire , M. Duquesnoy demandoit qu'on
délibérat fur deux ou trois propofitions principales.
Admettre des régimens d'une plus forte
folde que les autres , obfervoit M. Ferrand ,
c'étoit jetter le défordre dans l'armée . Pour diffi
per les judicieufes craintes de M. Ferrand , M.
Alexandre de Lameth , & M. d'André ont dit
que la haute paye n'étoit que pour le féjour de
Paris ; que dès que ces troupes fortiront de la
capitale elles n'auront que la paye des autres
( 138 )
1
( on a crié : non pas , non pas ) . M. de Noailles
demandoit un délai de deux jours pour connoître
& les fommes & leur emplci .
On ne peut nier , a répondu M. Emmery,
que la garde nationale n'attende avec impatience
l'organifation que l'on vous préfente . Nous
avons befoin du calme le plus profond , & de
toute la force de notre raison pour la revifion
de la charte conftitutionnelle ... Un décret a
fermé la difcuffion en repouffant l'ajournement.
Ces gardes nationales devenues troupes de
ligne , feront - elles fous les ordres du pouvoir
exécutif ? Le corps législatif fe trouvera- t- il au
milieu des troupes de ligne , répétoit M. Péthion ,
qui , en reconnoiffant la juftice de la récompenfe ,
fe plaignoit de l'efpèce de défaveur qu'on répandoit
fur des objections motivées ? ... Il fuffira
d'un décret , a répondu M. de Menou ; d'ailleurs
le commandant- général changera journellement.
M. de la Fayette a dit qu'on cherchoit des
difficultés hors du projet de décret , & qu'il étoit
un de ceux qui , confultés par les comités,
avoient penfé qu'on devoit établir pour Paris
un commandement de rotation , afin d'éviter les
dangers de l'influence d'un chef. Il a follicité
une décifion prompte en annonçant « que la garde
nationale , pleine de confiance dans la bienveillance
& dans les fouvenirs de l'Aſſemblée , verroit
avec reconnoiffance qu'elle voulut s'en occuper
immédiatement ». On eut difficilement donné
des ra fons plus décifives .
Par la chatte conſtitutionnelle , a dit M. Bar
nave , le corps législatif aura toujours à fa difpofition
la totalité des troupes qui feront dans la
réfidence. Les gardes nationales n'offrent aucun
motif de crainte en devenant troupes de ligne.
( 139 )
Il eft inftant de prononcer fur leur fort . On
s'efforce de leur infpirer de la défiance , d'accufer
l'Affemblée de vouloir faire retrograder la li
berté. Ceux mêmes qui devroient concourir aux
travaux du comité de révifion , le calomnient ;
il n'eft pas forti un feul moment de l'efprit des
décrets ces affurances ont été vivement applau
dies ). M. Barnave a demandé qu'on mit aux
voix la queftion : « La garde nationale parifienne
fera-t- elle changée en gendarmerie nationale &
en troupe de ligne ? ... Aucun des individus de
cette garde foldée , en entrant dans la nouvelle
formation ( a tout de fuite ajouté M. de Menou)
re perdra aucune partie de la folde & des avanj
tages dont il jouiffoit » . Ces deux propofitions
ont été décrétées affirmativement , & l'on a levé
la feance.
C Du jeudi , 4 août.
Nous penfions que le dernier décret fur les
97,000 gardes nationales vouées à la défenſe de
la patrie , avoit définitivement fixé leur organifa
tion ; mais au nom du comité militaire dont il eft
membre , M. Emmery a propofé une nouvelle for
mation , & l'Affemblée l'a décrétée en ces termes ;
« L'Affemblée nationale voulant prévenir les
difficultés qui pourroient naître de la différence qui
exifte entre le décret du 21 juin dernier, uniquement
applicable à la formation des bataillons des gardes
nationales volontaires , deftinées à la défenſe des
frontières , & le décret du 28 juillet dernier , concernant
en général les gardes nationales qui reftent
dans leurs départemens refpectifs , pour y être , au
befoin , les foldats de la conftitution , les défenfeurs
de la liberté , de l'ordre , & de la paix inté
ricure ; voulant ainfi rapprocher davantage la
( 140 )
formation des bataillons des gardes nationales volontaires
, de celles des bataillons de troupes de
ligne , afia de mieux établir l'unité de principe &
d'action dans le fervice pour lequel ils feront réunis ,
a décrété ce qui fuit :
Art . 1. Les gardes nationales qui fe feront
préfentées volontairement pour marcher à la défenfe
des frontières , feront divifécs par les commiffaires
des départemens , en corps de cinq cent
foixante-huit hommes chacun , deſtinés à former
un bataillon . Il fera formé dans chaque dépar
tement autant de bataillons qu'il fera poffible d'y
réunir de corps de volontaires ayant cette for e .
Le comité militaire préfentera les moyens d'employer
les hommes d'excédant , dont le nombre
ne s'éleveroit pas à celui fixé pour un bataillon . »
« H. Les commiffaires des départemens commenceront
par diftribuer chaque corps de volortaires
en huit compagnies de foixante-onze hommes
chacune. »
« III. Il fera enfuite extrait de chacune de
ces compagnies , fur l'indication de leurs camarades
, huit hommes de la plus haute taille , pour
en compofer une compagnie de grenadiers , qui
ne fera réunie qu'au moment où le bataillon fera
reçu par le commiffaire des guerres , pour entrer
en activité . »
ee IV. Le bataillon fera compofé pour lors de
neuf compagnies de foixante-trois hommes
chacune , dont une de grenadiers & huit de
fufiliers. »
« V. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
foit de fufiliers , fera compofée de trois officiers ;
favoir , un capitaine , un lieutenant & unfous - li utenant
; de fept fous- officiers ; un fergent- major,
faifant fonction de fourrier , deux fergens , quatre
( 141 )
1
caporaux; enfin , de cinquante- deux grenadiers
ou fufiliers , & d'un tambour. »
« VI. Le tambour - maître , tiré du corps des
volontaires , complettera le nombre de cinq cent
foixante-huit hommes ; il fera partie de l'étatmajor
, aura le rang & la folde de fergent , &
commandera tous les tambours . »
VII. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
foit de fufiliers , fera fubdivifée en deux pelotons ;
chaque peloton en deux ſections ; chaque fection
fera compofée d'un caporal & de treize gardes. »
cc VIII. Le lieutenant & un fergent feront
fpécialement chargés de la furveillance & du commandement
du premier peloton. Le fous- lieutenant
& un fergent feront spécialement chargés de
la furveillance & du commandement du fecond
peloton , toujours fous les ordres du capitaine de
la compagnie. »
« IX. Le fergent -major aura le commandement
fur les deux pelotons , pour tout ce qui a
rapport à l'inftruction , police , diſcipline & comptabilité
de la compagnie.
ג כ
ce X. L'état - major de chaque bataillon fera
compofé de deux lieutenans -colonels , d'un adjudant
-major & d'un adjudant- fous - officier , d'un
quartier-maître , d'un tambour-maître & d'un armurier;
en forte que la force totale du bataillon
fera de cinq cent foixante-quatorze hommes. »
« XI : Chaque bataillon aura fon drapeau aux
couleurs nationales , fur lequel fera infcrit le nom
du département & le numéro du bataillon , fuppofé
que le même département en ait fourni plu-
Geurs . Le drapeau fera porté par l'un des fergensmajors
, nommé à cet effet par le premier lieute
nant- colonel . »
« XII. Dans le cas où le même département
( 142 )
fourniroit plufieurs bataillons ; ils tireront au fort
le rang qu'ils prendront entr'eux ; le rang des départemens
reftera déterminé par l'ordre alphabétique
de leurs noms . »
XIII. Les gardes rationales volontaires étant
diftribuées dans les neuf compagnies qui doivent
former le bataillon , chaque compagnie nommera
les officiers & fous - officiers , par la voix du ſcrutin ,
à la majorité abfolue des fuffrages. »
« XIV. Il fera fait une élection féparée du
capitaine , une du lieutenant , une du. fous- licutenant
& une du fergent-major ; il n'en fera fait
qu'une feule pour les deux fergens , & une feule
pour les quatre caporaux. »
« Si la majorité abfolue n'eft pas formée après
le fecond tour de ferutin dans chaque élection , le
troiſième ſcrutin ne pourra porter que fur ceux
qui auronteu le plus de voix au précédent ſcrutin ,
en prenant toujours deux concurrens pour chaque
place . » و د
« XV. Les officiers & fous- officiers des compagnies
ne pourront être choifis que parmi des
fujets qui auront fervi précédemment , foit dans
les gardes nationales,foit dans les troupes de ligne . »
« XVI. Chaque bataillon nommera les deux
lieutenans -colonels & fon quartier- maître , par
fcrutin , à la majorité abfolue des fuffrages ; il
fera fait une élection féparée de chacun de ces
officiers , fuivant les règles prefcrites par larticle
XIV. »
« XVII . Celui des deux lieutenans - colonels
qui fera nommé le premier , aura le commandement
en chef du bataillon ; l'un des deux lieutenans-
colone's , indifféremment , devra être capitaine
, & avoir commandé en cette qualité une
compagnie de troupe de ligne. »
( 143 )
1
XVIII. L'adjudant-major & l'adjudant-fousofficier
ne feront nommés que lorsque le bataillon
fera arrivé au lieu où doit commencer ſon ſervice z
la nomination à ces deux places appartiendra à
l'officier- général aux ordres duquel le baillon
fe trouvera. »
« Pour lors l'officier-général ne pourra choifir
pour adjudant- major qu'un officier ; pour adjudant
qu'un fous- officier , l'un & l'autre actuellement en
activité dans les troupes deligne . L'adjudant -major
aura le rang & la folde de capitaine : l'adjudant
aura ang de premier fous-officier , & une demifolde
de plus qu'un fergent. »כ כ
« XIX. Le quartier-maître aura le rang & la
folde de lieutenant . L'armurier choifi par les officiers
de l'état -major , aura le rang & la clde de
caporal. >>
« XX. Les diftinctions des grades , dans les
bataillons des gardes nationales volontaires , feront
les inèmes que celles reçues dans les troupes de
ligne. »
« Les mêmes règles feront obfervées par rapport
au commandement , à l'ordre & à la diftribution du
fervice . »
M. de Menou a reproduit fon projet de décret
pour ériger les gardes nationales Parifiennes fol
dées en troupes de ligne . Cette grande différence
de paie a fait appréhender des troubles dans
l'armée , à M. de Cuftine qui a propoſé de folder
ces nouveaux corps comme les autres , & de
leur payer le furplus en un feul paiement à
compter jufqu'au jour de l'expiration du congé
de chaque foldat. Le rapporteur a objecté que
ces fommes prénumérées feroient bientôt mangées
& rendroient les foldats moins capables de dif
cipline ; & il a ouvert l'avis de ne payer le fup(
144 )
plément que tous les trois mois , expédient qui
n'obvie point à l'inconvénient redouté.
« Un homme qui fe connoiffoit en guerre
auffi bien que moi , a réparti M. de Cuftine ,
Frédéric fecond , Roi de Pruffe , employa tous
les moyens poffibles pour faire confommer au
plutôt l'argent d'une prife que l'un de ſes régimens
avoit faite dans la guerre de 7 ans , parce
qu'un foldat n'eft jamais bien attaché à la difcipline
que lorsqu'il n'a que la folde . » Et l'honorable
membre a propofé de payerle fupplément ,
moitié au départ , moitié à la fin de l'engagement.
Confondant une forme oratoire qu'une légère
ironie empèche de taxer d'orgueil , & la jactance
outrée qui n'auroit ni pudeur ni fens commun ,
M. Lavigne s'eft permis de dire que le préopinant
avoit eu grande raiſon de citer les connoiffances
de Frédéric II par comparaiſon avec les
fiennes . Ce farcafme du plus mauvais goût a
livré M. de Cuftine , militaire eftimable , aux
ricanemens de ceux qui ne trouvent pas abfurde
qu'un homme comme M. Lavigne voulut le
mêler de parler de règlement militaire , lui qui
n'a jamais étudié que la chicane.
L'Affemblée a décrété la rédaction de M. de
Broglie ainfi conçue :
« L'Aſſemblée nationale décrète que dans le
cas où les régimens de troupes de ligne actuelle,
ment employés à Paris , feroient détachés en tout
ou en partie pour fervir fur les frontières , les
individus qui compoferont ces corps recevront
la même paye que celle affectée aux autres régimens
de l'armée ; & il leur fera fait en outre ,
tous les trois mois , un décompte particulier , en
forme
( 145 )
forme de gratification ou fupplément de paye ,
qui eft confervé à tous les individus qui ont
fervi la révolution dans la garde nationale foldée
de Paris. >>
Après avoir differté vaguement de réclamations
inarticulées , de troubles , de dangers , & gémi
de la douloureuſe néceffité de heurter les principes
de modération qui préfidèrent à tous les
décrets , néceffité juftifiée , felon lui , par les
circonftances , & par cette maxime fi familière
aux defpotes : le falut public eft la fuprême loi ;
M. Legrand a lu un projet de décret en dix articles
, portant en fubftance , que les prêtres
inferits pour vivre en communauté feroient tenus
de fe rendre tous à Paris dans un délai fixé ;
que ceux qui vouloient vivre dans le monde fe
retireroient à 30 lieues de leur réfidence actuelle,
& que ceux qui n'obéiroient point ſeroient mis
en état d'arrestation & déchus , de plein droit ,
de tout traitement précédemment décrété.
M. Malouet eft monté à la tribune . Des
membres de la droite l'ont vivement preffé d'en
defcendre , il s'y eft refufé ; on éclatoit de rire,
du côté gauche . « Il nous eft impoffible , a dir
M. de Foucault avec énergie , il nous eft impoffible
d'affifter froidement à la difcuffion des décrets
dont vous venez d'entendre la lecture ; ils
ne tendent qu'à autorifer & provoquer la perfécution
, le meurtre , les affaffinats , les crimes
de toute eſpèce . Les atroces mesures que vós
comités ont ofé vous propoſer font au- deflus de
toutes les infernales productions de Machiavel.
Nous rendons refponfables les comités & tous
ceux d'entre vous qui y participeront , des effets
Apiſtres d'une délibération qui d'avance n'an-
Nº. 33. 13 Août 1791 .
G
*
3
( 146 )
nonce que du fang.... ( & en s'adreffant au
côté droit ) Meffieurs , retirons - nous. »
Plufieurs membres de la droite ayant fuivi
M. de Foucault , la gauche & les galeries ont
retenti d'applaudiffemens , & M. Lavie s'eft
écrié : ce l'arme ennemie eft défolée que fes
efpions foient mis à la raiſon » . De nouveaux
battemens de mains ont couronné cette prétendae
faillie,
M. Goupilleau vouloit que l'on profitât de
T'état de calme & des difpofitions manifeftement
impartiales où étoit la majorité , pour mettre , fur
le champ , en délibération le décret propofé contre
les membres qui fe permettent des proteftatious ;
mais le rapporteur ne fe trouvoit pas dans la falle .
Qu'on les déclare au moins déchus de leurs droits
de repréfentans de la nation , infiftoit M. Goupilleau
dont la juftice fe fentoit affez éclairée fans
rapport & fans difcuffion.
Si nous devons entendre de femblables atrocités
, a dit M. de Montlaufier , nous deman
dons à fortir de l'Affemblée . M. Malouet établiffoit
de juftes diftinctions entre protefter de
défobéiffance , & déclarer fes motifs de ne pas
approuver ; mais le tumulte étoit au comble.
Neuf orateurs avoient la parole contre le projet
de loi préfenté par M. le Grand , & M. le
Chapelier l'a repoutlé comme aflimilant , dans
La généralité , l'innocent & le coupable , appliquant
des peines fans l'action indifpenfable
des tribunaux , puniffant des hommes qui ne
font point réfractaires pour avoir opté entre un
ferment & leurs fonctions publiques , lorfque la
loi leur donnoit l'option . Ces décrets , at- il
ajouté , feroient trop condamnés par la lecture
très -prochaine de la fuperbe conſtitution que
( 147 )
༣
vous avez décrétée . Un de ces hommes pour qui
tout mot est une raifon fi les ignorans en font
une injure , a crié c'eft un aristocrate. M.
Dillon defiroit que le comité dit eccléfiaftique
fût renouvellé , il vouloit même qu'on en exclut
les prêtres ( affermentés ) . Le préfident lui
a impofé filence & l'Affemblée a renvoyé le
projet de perfécution aux comités eccléfiaftique
& de jurifprudence criminelle .
Du jeudi , féance du foir.
Don civique de 20 fols par jour pour la défenſe
des frontières , offert par M. Maille ; lettre du
maire de Carcaffonne qui annonce qu'il eft dix
heures du foir & que tous les citoyens de cette
ville placent au-deffus de leur porte un tableau
où les paffans liront , quand il fera jour la conftitution
ou la mort . Ce qui eft vivement applaudi .
a
Quelqu'un a enfuite raconté que des invalides
partis de l'hôtel pour aller vivre dans leur village,
fur la foi des décrets qui affurent leur fort , &
partis avec la certitude de recevoir 8 fols par
lieue ou de peur de diffipation , 4 livres de dix
en dix lieues , ainfi qu'il étoit réglé , n'avoient
pu obtenir , les 4 francs que devoit leur payer
à vue , la municipalité de Serlis . L'un d'eux eſt
revenu à Paris chez le miniftre de la guerre ,
été renvoyé de bureau en bureau & reçu partout
à-peu- près comme fous l'ancien régime.
Il s'eft adreffé à l'Affemblée ; M. de Noailles
s'étant affuré que tout étoit en règle a demandé
que le préfident écrivit au miniftre pour que ces
invalides fuffent payés . Un membre a naïvement
obfervé que les municipalités ne pouvoient payer
fi l'on ne leur donnoit pas des fonds. Il eft en
ffet de no toriété publique & légale que jul
*
G. 2
( 148 )
qu'au fein des hôpitaux on y manque de l'abfolu
néceffaire. L'Affemblée a décrété le renvoi
au miniftre avec une lettre du préfident , &
qu'il fera rendu compte dans 8 jours de la fituation
actuelle des invalides de l'hôtel.
"
Les ouvriers qui travaillent au monument
qu'on a voué aux grands hommes après l'avoir
deſtiné au culte de Dieu fous l'invocation de
Sainte - Geneviève , ont offert 100 livres par
mois pour la défenſe des frontières . Ils ont reçu
les honneurs de la féance .
A la fuite d'une difcuffion prefqu'entièrement
concentrée entre MM . le Chapelier , Fermont ,
Lavigne , Nogaret , & Biauzat on a décrété
les trois articles fuivans fur les ponts & chauſfées
:
›
ce Art. 1. Il y aura une adminiſtration centrale
des ponts & chauffées , & cette adminiſtration
fera confiée au miniftre de l'intérieur . »
ос
II. Le miniftre préfidera l'affemblée des ponts
& chauffées , & pourra , en cas d'abfence , s'y
faire remplacer par un prépofé , fur fa refponfabilité
. »
« III . Dans l'Affemblée des ponts & chauffées
qui fera formée , fur cinq infpecteurs , trois feront
pris dans les pays d'Etats 23.
Du vendredi , s Août.
Des propofitions combinées de MM. Camus
& Lavigne eft réfulté le décret fuivant qu'une
exceflive pénurie ne fembloit pas même pouvoir
motiver dans une conftitution philofophique
où le droit civil eft donné pour le complément de
la juftice naturelle :
L'Affemblée nationale décrète que tou
ilkers- prifeurs , receveurs des confignations ,
( 149 )
commiffaires aux faifies réelles , notaires féqueftres
, & tous autres dépofitaires de deniers , ne
remettront aux héritiers , créanciers & autres perfonnes
ayant droit de toucher , les fommes féqueftrées
& dépofées , qu'en juftifiant du paiement des
impofitions mobiliaires & contributions patriotiques
dues par les perfonnes defquel es lefdites
fommes feront provenues; feront même autorifés ,
autant que de befoin , lefdits féqueftres & dépofitaires
, à payer directement les contributions qui
fe trouveroient dues , avant de procéder à la délivrance
des deniers ; & les quittances deſdites contributions
leur feront paflées en compte . »
« Décrète , en outre , que les règlemens cidevant
faits pour la sûreté du recouvrement des
impofitions perfonnelles , notamment dans la
ville de Paris , relativement aux déclarations que ,
doivent faire les propriétaires & principaux locataires
, feront exécutés provifcirement , & tant
qu'il n'y aura pas été dérogé. »
Après avoir reconnu que depuis la fuppreffion
peu réfléchie des octrois , il eſt plufieurs villes
tellement accablées de dettes que , pour fubvcnir
aux fimples intérêts , elles feroient obligées
d'ajouter à leurs contributions foncière & mobilière
jufqu'à 15 fols pour livre de ces impôts ,
& cela fans compter les fols additionnels deftinés :
à fournir aux dépenfes locales des départemens ,
des municipalités , des élections , adminiſtrations ,
travaux publics & fecours extraordinaires ; charge
énorme qui , dans la totalité des villes du royacme
, s'élève à des centaines de millions que l'on
n'indique pas même ; M. Lebrun a propofé , &
le corps légiflatif a adopté les & articles que
voici , dont la conféquence implicite eft de
mettre fur le compte du tréfor national me
G3
( 150 )
maffe de paiemens annuels , auxquels on ne
veit pas comment il pourra fubvenir :
« L'Affemblée nationale , voulant pourvoir
aux befoins des villes & communes , & affurer le
paiement de leurs créanciers par d'autres moyens
que par les octrois ou autres droits qui leur
avoient été concédés ou engagés , & dont le bien
du peuple a demandé la fuppreffion , décrète ce
qui fuit :
לכ
« Ar . I. Les villes & communes auxquels i'
a été adjugé des domaines nationaux , ferort
tenues d'appliquer au paiement de leurs dettes le
bénéfice qui leur eft attribué par les décrets dans
la revente de ces domaines . »
« Il. Les villes & communes qui n'ont point
acquis de domaines nationaux , ou dont les dettes .
excèdent le bénéfice qu'elles doivent faire fur la
revente de ces domaines , fercnt tenues de vendre .
la partie de leurs biens patrimoniaux , créances ,
& immeubles réels ou fictifs , laquelle fera indiquée
par le directoire du département , fur l'avis
du directoire de district , ou la totalité , s'il eft
néceffaire , à la feule exception des édifices &
terreins deftinés au fervice public , dans la forme
& aux conditions décrétées pour les domaines nationaux
, auxquelles elles feront tenues de fe con- .
former dans le délai de deux mois , & d'en appli◄ ›
quer le produit au paiement defdites dettes . Les .
dettes contractées par les villes pour le fervice de .
l'Etat , feront exceptées des difpofitions du préfent
décret , & feront prifes à la charge de
l'Etat . >>
« III . Les villes & communes dont les dettes
excéderoient le produit de la vente de leurs biens
patrimoniaux , & le bénéfice à elle attribué dans
la revente des domaines nationaux qui leur auront
VISI
( 151 )
été adjugés , feront tenus d'ajouter à leur contribu-,
tion foncière & à leur contribution mobiliaire , un
fol pour livre , & d'en appliquer le produit au
paiement des arrérages & au remboursement fucceffif
de leurs dettes ; en telle manière que ce
fol pour livie , il y en ait au moins deux deniers
deftinés à former le fonds d'amortiſſement
qui s'accroîtra d'année en année par l'extinction
des intérêts , jufqu'à parfait remboursement du
capital dont les dix autres deniers pour livre auront
acquitté les rentes . »
Сс IV. Il fera libre aux villes & communes
dont les dettes feroient moins confidérables , d'impofer
un moindre nombre de deniers pour livre ,
à la charge néanmoins que le fonds d'amortifement
foit tel que , joint au produit des intérêts
éteints par le rembourfement progreffif , il puiffe
opérer la libération totale en trente années . »
ne
« V. Les villes & communes qui , par le béné
fice à elles attribué fur la revente des domaines
nationaux , & par la vente de leurs biens , autres
que ceux exceptés par l'art . II , n'auront pu
fuffire au paiement de toutes leurs dettes ,
feront foumifes fur l'excédant dé ce qu'elles refteront
devoir , qu'à l'acquittement d'un capital
dont dix deniers pour livre de leurs contributions
foncière & mobiliaire , paieront les intérêts au denier
vingt ; la nation prenant à fa chaige le ſurplus
de leurs dettes . »
›
« VI. Aucune ville ni commune ne pourra déformais
être autorifée à faire des acquifitions d'immeubles
, ni des emprunts , que par décret du
corps légiflatif , vu l'opinion du directoire du dif
trict & l'avis du directoire du département . »
cc VII. Les villes & communes feront tenues
de pourvoir à leurs dépenfes locales , à compter
G4
( 152 )
du premier avril 1791 , par le produit qui leur eft
accordé fur les droits de patentes & des fols pour
livre additionnels à la contriburion foncière & à la
contribution mobiliaire , lefquels feront établis
fuivant les formalités preferites par les décrets du
~29 mars & du 11 juin derniers , & fur lesquels feront
déduites les fommes déjà impofées , confor
mément à l'article V dudit décret . »
Le VIII. Les villes & communes qui auroient
des dettes exigibles , pourront , pour les acquitter ,
conformément à l'article II du préfent décret , demander
des avances fur le bénéfice qui leur est attribué
dans la revente des domaines nationaux ; &
celles qui , pour leurs dépenſes locales , éprouveroient
des befoins urgens , pourront demander un
prêt fur les fols pour livre additionnels , deftinés à
leurs dépenfes municipales ; & vu leurs pétitions
l'opinion du directoire de leur diftrict , l'avis du
directoire de département , le certificat de l'acquit
tement complet de la contribution patriotique &
des impofitions ordinaires de l'année 1790 , l'acte
de dépôt , la matrice des rôles des contributions
foncière & mobiliaire defdites villes ,
la caiffe de l'extraordinaire fera autorisée
par décret du corps législatif à faire , mois
par mois , les avances néceffaires contre les délégations
qui lui feront remifes fur les fols pour
livres municipaux additionnels aux contributions
foncière & mobiliaire , & fur le bénéfice de la
revente des biens nationaux , fans néanmoins que
lefdites avances puiffent être étendues plus loin
que le dernier décembre de la préfente année . »
On avoit diftribué la charte conftitutionnelle
que plufieurs membres ont demandé qu'on nommât
l'acte conftitutionnel . A ce moment , M.
d'André a fait fentir le danger qu'il y auroit à
( '153-)
rendre l'activité aux affemblées électorales avant
que cet acte foit décrété & connu ; & il a propofé
de révoquer leur fufpenfion , & de décréter
que les électeurs fe réuniront du 25 août au 5
feptembre. Quelques voix lui crioient c'eft
trop tard ; d'autres : il n'y a pas affez de temps.
Il a répondu que la différence des localités exigeoit
ce délai ; que l'on mettroit la charte en
délibération lundi prochain , le 8 ; que huit jours
de difcuffion fuffiroit amplement , ce qui mêneroit
au 16 , & que l'acte conftitutionnel décrété
parviendroit à toutes les aflemblées électorales
au moment de leur convocation.
A l'obfervation qu'il falloit auffi que les départemens
connuffent l'acceptation du Roi , M.
d'André n'a pas hésité de répondre : » je maintiens
que cela eft abfolument inutile ,. car notre
conftitution eft abfolument indépendante de
l'acceptation du Roi ( applaudiffemens de la
gauche ». ) Ce langage de M. d'André a dû paroître
étrange , peut - être même téméraire à
ceux qui perfiftent à croire qu'en politique bien
entendue , le Roi n'eft pas feulement un individu
mais un pouvoir ; que le Monarque eft le
repréſentant héréditaire & inamovible de la nation
, fon chef fuprême , une partie intégrante ,
élémentaire , radicale , indifpenfable du pouvoir
légiflatifs que l'Affemblée n'eft point la réunion
des repréfentans du peuple François fans le Roi
qu'il eft auffi l'organe néceffaire de ce même
peuple , dont jamais les députés temporaires , f
loyalement convoqués par leur Monarque , ne reçurent
ni la miffion, ni la puiffance de faire une conftitution
indépendamment de l'acceptation libre du
repréfentant permanent. La propofition de M.
d'André a été décrétée , & l'on a fixé à deux
G
( 154 )
heures, la lecture de l'acte conftitutionnel .
Après l'adoption de divers articles concernant
les gardes nationales , M. Thouret , prenant le
ton folemnel convenable à la circonftance , eſt
monté à la tribune avec une forte d'enthousiafine
exagéré & a lu le projet de la conftitution françoife ,
qu'il a nommé l'acte conftitutionnel . Nous en
donnerons une copie littérale .
Du famedi 6 août.
M. Bouche a demandé qu'au moment , où ,
felon lui , 15 ou 20 mille afpirans aux fonctions
& aux émolumens de légiflateurs , étoient peutêtre
occupés à mettre le défordre dans les départemens
, on exigeât d'eux des quittances de
toutes les contributions publiques. Que nul ne
foit fonctionnaire public qu'il n'ait payé les contributions
, a dit M. Regnault. Cette motion
amendée par M. d'Auchy a été renvoyée aux
comités des contributions & de conftitution . Si
les fonctionnaires étoient propriétaires dans la
même proportion refpective que les adminif
trés , ce qui eft fort loin du vrai , leur nombre
eft tel qu'ils payeroient , eux feuls , le vingtième
de la maffe impofée fur tout le royaume.
On a envoyé au comité militaire quatre articles
, préfentés par M. de Broglie , fur les officiers
du génié qu'il eft très-inftant de completter
, fur les examens préliminaires pour l'artillerie
& le génie ; & aux comités de conftitution & de
jurifprudence un mémoire du tribunal du fixième
arrondiffement de Paris , qui , après tant de mois
d'exercice , demande que fa jurifdiction , fa compétence
& fon territoire foient nettement déterminés
, & qu'on l'autorife à connoître de tous
les faits connexes aux délits du champ de mars ,
Libelles , calomnies , & c.
( 155 )
L'Affemblé a chargé l'accufateur public qui devra
intervenir , de pourfuivre l'imprimeur d'une
contre- façon de la conftitution françoife , où l'on
a contrefait le type de l'Affemblée nationale & le
nom de Beaudouin , fon imprimeur , qui lui a dé-.
noncé ce faux .
Une légère difcuffion a fini par l'adoption de
quatre nouveaux articles , préfentés par M. le,
Brun , fur les ponts & chauffées ; & le titre XIII,
du projet de loi fur les traites , qu'a lu M. Goudard
, a été décrété , prefque fans débats , en 43
articles .
сс
(
M. de la Fayette a obtenu la parole & a dit :
« Depuis long- tems , Meffieurs , les voeux du
peuple appellent cet acte conftitutionnel , qui ,
formé d'après la meture des lumières actuelles
paroît ne plus admettre de délais utiles , & que
tout , au contraire , nous invite à fixer . C'eſt
lorfque tant de paffions combinées s'agitent autour
de nous , qu'il convient de proclamer ces
principes de liberté & d'égalité , au maintien defquels
chaque François a irrévocablement dévoué
fa vie & fon honneur . L'Affemblée penſe auffi
fans doute , qu'il eft tems que nous donnions à
toutes les autorités conftituées le mouvement &
l'enſemble ; que la nation ait auprès des gouvernemens
étrangers fes organes conftitutionnels ,
afin de leur demander les nombreufes explications
qu'ils nous doivent , que le fommeil des
fonctions royales ceffe , & que la confiance
mutuelle puifle renaître .... Je ne vous parlerai
point de ces devoirs pénibles que la patrie a cu
droit d'attendre de moi , parce que tous les genres
de dévouement lui font dus , mais dont il m'eſt
du moins permis de calculer impatiemment la
durée.... Je propofe , Mefieurs , que le comité
G6
( 156 )
de conftitution foit chargé de préparer un projet
de décret fur les formes d'après lefquelles l'acte
conftitutionnel , auffitôt qu'il aura été définitivement
décrété , fera préfenté , au nom du peuple
frarçois , à l'examen le plus indépendant & à
l'acceptation la plus libre du Roi » .
Qu'il foit ou non poffible au Roi d'examiner
fans aucune dépendance & d'accepter librement
un acte fous peine de déchéance du trône ; que
le fommeil des fonctions royales , que les
devoirs pénibles & tous les genres de dévouement
dont on calcule impatiemment la durée , doivent
être ou non les expreffions qu'adopteront l'Europe
, la France vraiment libre , l'hiftoire impartiale
& la profpérité , le difcours de M. de la
Fayette a été vivement applaudi & l'on a levé
la féance.
La Municipalité a annoncé dimanche
dernier & fait afficher que l'effet de la Loi
Martiale ceffoit , & qu'en conféquence elle
remplaçoit le Drapeau Rouge par le Drapeau
blanc , qui flottera à la fenêtre de
l'Hôtel - de - Ville jufqu'au dimanche 14.
Cette cérémonie futprécédée d'un Difcours
où l'on recommandoit au Peuple la foumiffion
& la paix , & ou M. Charon ,
fon Auteur , auroit bien pu dire les mêmes
chofes , fans employer le galimathias révo
lutionnaire & le ftyle civique qui rend la
lecture de tous les nouveaux écrits infipides
& fatiguante .
Tandis que d'un côté la Municipalité
catéchife le Peuple par des Difcours &
( 157 )
par
des Arrêtés ; des Journaliſtes , des Commis
de Librairie , des Députés Pendoctrinent
des Placards , des Adreffes , des dénonciations
affichées à tous les coins des
rues. Jamais on n'en vit tant ; & jamais
tant de vanité , d'ignorance & de prétentions
au génie , n'obtinrent les honneurs
de la publicité. Ce genre de productions
paroît tourner à prendre la place des brochures
; les noms y font plus en évidence
& l'on eft lu , quelqu'imbécille que foit
l'affiche & celui qui l'a faite. Mais comme
en tout les fuccès font partagés , toutes ces
productions n'ont point une égale vogue ;
celle qui fait le plus de bruit eft intitulée
le Chant du Coq. C'eft un Journal en papier
bleu qu'on affiche tous les matins , où l'on
juftifie les opérations de l'Affemblée , & où
l'on traite fort mal quelques - uns de nos
Grands Hommes tels que MM. Carra ,
Briffot , &c. Une Société particulière a
voulu balancer le poifon du Chant du Coq ,
& vient de régaler le Peuple d'un nouveau
Journal gratuit intitulé l'Ami des Citoyens :
îl paroît colé au coin de la rue tous les
huit jours. Ceux - ci font les puritains de
la Révolution ; de grands ennemis du défordre
& fur tout partifans de l'égalité . Au
refte le Peuple lit peu ces diatribes , ces
homelies civiques dont l'objet n'eft guères
que de favorifer les vues de quelques ambitieux
ou la vanité de quelques fots.
Paris étoit une des Villes d'Europe où l'on
( 158 ) )
jouiffoit plus particulièrement de ce qu'on pent
nommer la liberté morale : l'ancienne police même
avec tous fes défauts avoit refpecté cette production
du fol Patifien , & fi par un abus criminel ,
fes regards s'étendoient jufques dans l'afyle des
citoyens , ce n'étoit qu'avec fecret & circonfpection.
Aujourd'hui l'on n'eft point fi délicat ;
les 768 Commiffaires de police de Paris harcèlent
de leurs vifites , de leurs recherches , de
leurs perquifitions tous les habitans domiciliés
ou non. Sous prétexte de faire le dénombrement
& de claffer , on ne fait pourquoi , les homines
en gens connus , gens inconnus , gens fufpects ,
il n'y a point de queftions indiferettes , infolentes ,
inquifitoriales auxquelles on n'ait à répondre , fous
peine de traitement rigoureux. Les Sections font
devenues de véritables fléaux à cet égard , &
quand on penfe que c'eft-là un des articles du
code de police , que ces actes d'inquifitions fe
répètent dans toutes les Cités du Royaume , on
ne voit point trop ce que devient la liberté de
foi au milieu de cette nuée de fonctionnaires publics
, la plupart très- groffiers & très- ignorans .
Ce que nous avons dit des perfécutions exercées
contre les perfonnes qui déplaifent aux bouillans
amis du patriotifme , continue avec la même
intensité. Il eft peu de femaines , il eft peu de
jours où l'on ne fe livrent contre eux à des
actes de férocité & des dénis de juſtice véritablement
odieux . A Paris , où malgré l'enjouement
politique qui y règne , la légéreté fait toujours
le caractère principal ; on ne porte qu'un regard
diftrait fur ces barbaries , & l'on s'imagine que tout
eft auffi tranquille en Province que dans les Clubs
& les Spectacles ; delà vient l'ignorance profonde
fur l'état du Royaume & les facilités que trouvent
les perturbateurs publics d'avancer leurs affaires.
( 159 )
I
Nous tâcherons de diffiper cette illufion , & nous .
continuerons d'annoncer les faits qui caractérisent
l'état des Provinces & les excès qu'y entretient
le fanatifme contre les perfonnes & les propriétés
.
Le Roi eft toujours captif & fa mal- ·
heureuſe Famille avec lui . Il étoit bien naturel
que n'étant point plus coupable l'un
que l'autre , ils fuffent tous punis du même
châtiment. Il n'en eft pas moins vrai que
c'eft pendant cette rigoureufe captivité du
Monarque que l'on publie la Charte de
la liberté Françoife , contrafte d'autant plus
frappant qu'on a befoin de l'adhéſion royale
pour donner quelque confiftance à cet acte
légiflatif, & que fans fon concours , il n'eft
qu'un titre conteſté & par conféquent obligatoire
pour le temps feulement qu'une
force particulière en foutiendra l'exécution.
Il n'eft pas vrai , au refte , que dans ce
nouveau projet on ait confervé les élémens
de la Conftitution jurée en 1789 ;
la bafe fondamentale de la Monarchie , le
concours de l'autorité Royale , qui n'eft ."
point feulement le Pouvoir exécutif, qui
donne le titre & l'activité à la Loi , s'y
trouve réduit à une fimple forme illufoire,
tandis que dans la Conftitution de 1789 ,
i eft pofitivement déclaré & prononcé
comme effentiel à l'existence de la Loi.
Cette altération que la foibleffe des Miniftres
du Roi & la légèreté Françoiſe no
( 160 )
relèveront sûrement point , feroit la deftruction
des droits de la Nation & de la
liberté publique , fi jamais elle pouvoit
faire le fondément d'une Charte Conftitutionnelle.
Voici ce que porte la Conftitution
de 1789 , articles IX & XII du Décret
du 10 Septembre :
" Nul acte du Corps légiflatif ne pourra
» étre conſidéré comme Loi , s'il n'eſt fanc-
» tionné par le Monarque. Le refus fufpen-
» fif du Roi ceffera à la feconde des Légif-
>> latures qui fuivront celle qui aura pro-
» pofé la Loi. »>
Par où l'on voit qu'un décret n'eft qu'un
projet de Loi dans la Conſtitution de 1789,
que la Sanction eft tellement de l'effence de
la Loi que l'on a cru devoir mettre le Rol
dans l'impuiffance de la refufer ; au lieu
que dans le nouveau projet , il eft feulement
dit qu'on préfentera les Décrets à
la Sanction du Roi ; qu'il pourra la refu
Jer et qu'au bout de deux Législatures elle
fera cenfee accordée ; ce qui détruit la
Royauté, & réduit le Monarque au fimple
état de Prince , c'eft-à- dire , de Pouvoir
exécutif ; ce qui eft en contradiction
avec le titre de Monarchie que l'on donne
au Gouvernement François.
2
Nous devons encore remarquer que
nulle part on n'emploie le mot de Reine ,
que par conféquent on femble mécon-
Hoître ce titre que le Roi a reconnu &
( 161 )
donné à fon Epoufe , & dontil ne peut
3onféquemment pas accepter qu'on la
dépouille aujourd'hui.
Quelle que foit la défiance des gens fages à
la lecture des Papiers publics , on eft bien loin
encore d'imaginer à quel point de mépris pour
la vérité & pour leurs Lecteurs , ces Ecrivains
périodiques font parvenus. Ils fe partegn : les
rôles les uns font chargés des impoftures de
l'intérieur de la France ; les autres ont le département
de l'Etranger. Ces derniers infultent
toutes les Puiſſances , & ſont en ce fèrs les ennemis
les plus coupables , les plus inſenſés de la
Révolution.
:
Pour eux , par exemple , la Suiffe eft cette
petite Province du Canton de Berne qui touche
aux frontières de France , où notre langue eft
en ufage , & qu'on nomme le pays de Vaud.
Ils nous racontent depuis quinze jours les orgies
que quelques habitans de fept à huit bourgades
ont célébrées le 14 juillet , & leurs toasts patriotiques
au milieu des verres & des bouteilles.
Ces folies de quelques particuliers raffemblés par
quelques Procureurs qui s'intitulent des Avocats
, ils nous les préfentent comme le voeu du
Corps Helvétique , & dans leurs caricatures , c'eft
la Nation Suiffe qui , par un élan généreux , va
brifer fes chaînes , pour s'incorporer à la domination
de nos Clubs & de nos Comités des
Recherches .
Le fait eft qu'à la vérité , un petit nombre
d'intrigans , de mécontens ( car il y en a partout
, même fous les meilleurs Gouvernemens ) ,
de petits Bourgeois qui font les capables , & qui
étudient la fcience de la Légiflation dans nos
( 1627
Feuilles publiques , ont effectivement répété en
quelques lieues du Pays de Vaud , les faturnales
bacchiques des Révolutionnaires de Londres &
de Birmingham . S'il falloit une preuve de la li
berté dort jouiffent les Citoyens de cette Contrée
, on la trouveroit dans l'indifférence qu'a
montré le Gouvernement pendant ces burlesques
folemnités.
Il ne faut pas confondre les habitans du Pays
de Vaud avec les Suiffes proprement dits : chez
les premiers , qu'une manie d'imitation a porté
de tout temps à adopter nos modes , nos moeurs ,
nos travers , nos opinions , on retrouve moins
généralement cette maturité d'efprit , ce flegme
de caractère , cet amour de l'ordre & de la véritable
liberté qui diftinguent les Suifles Allemands
; mais à l'exception de certaines mauvaiſes.
têtes , dont les inftigateurs étrangers attifent le
zèle & les efpérances , & auxquels fe joignent.
dans quelques petites villes , de jeunes enthoufiaftes
ignorans , toutes les claffes du Pays de ,
Vaud , & fpécialement les gens de la campagne,
qui forment les trois quarts de fa population ,.
ont confervé toute leur raifon : ils ont hori eur
des troubles où l'on voudroit les plonger ;
l'exemple affreux du Comtat & d'Avignon les
a frappé d'une terreur falutaire , ainfi que leurs
voifins les Genevois ; enfin , ils défendront , au
befoin , leur liberté & leur bonheur contre
quelques Factieux fubalternes qui confpirent à
les priver des bienfaits d'une Adminiſtration , non
exempte de certains abus faciles à réformer ,
mais douce , éclairée & paternelle , pour courir
la chance des difcordes inteftines , des affaffinats
, des dévaſtations , des calamités publiques
& particulières , avec la certitude de n'obtenir
( 163 )
en dernier réfultat que des impôts , que l'apar
chic , que la tyrannie de quelques fripons qu
conduiroient le pays à fa ruine certaine .
Déjà les quatre Paroifles qui forment le fuperbe
vignoble de Lavaux , entre Lauſanne &
Vivay, fe font empreffées de manifefter leurs ,
fentimens de fidélité par une adreffe patriotique .
au Gouvernement , & probablement le reste des
campagnes aura la fageffe d'imiter cet exemple..
Les misères de la France , réduite à la pauvreté
de la Suède & à des défordres publics , contro
lefquels les loix reftent impuiflantes , font un
frein fuffifant pour les peuples éclairés. Au reſte ,
la D ète Helvétique affemblée à Frawenfeld vient
de renouveller , & d'appuyer par des mefurest
efficaces , la garantie de la paix publique & des .
autorités légitimes dans toute l'étendue de la
Suifle c'elt encore au patriotifme & au zèle
des Cantons démocratiques,, que l'on doit cette ,
réfolution tutélaire , 2013
:
Il eft faux , que Zurich &, Baſle aient refufé
leur confentement aux décifions prifes fur les
Troupes Suiffes en France : ces deux Cantons
avoient feulement ouvert un avis différent la
Dière, l'ayant rejetté , ils le font réunis au vou
général , Le célèbre M. Dohm eft actuellement
entSuiffe avec une miffion du Roi de Pruffe
& ' on affure qu'il y traite d'un arrangement de
fubfides militaires , par lequel Sa Majefté Pruffine
pourra faire des levées , dans l'étendue du
Corps Helvétique .
1 m
FIN de la Déclaration du Roi.
21
Affaires étrangères. La nomination aux
places de miniftres dans les cours étrangères à été
( 164 )
réfervée au Roi , ainfi que la conduite des négociations
; mais la liberté du Roi pour ces choix eft
tout auffi nulle que pour ceux des officiers de l'armée
; on en a vu l'exemple à la dernière nomination
. La révifion & la confirmation des traités ,
que s'eft réservées l'Affemblée nationale , & la
nomination d'un comité diplomatique détruiſent
abfolument la feconde difpofition . Le droit de
faire la guerre ne feroit qu'un droit illufoire ,
parce qu'il faudroit être infenfé pour qu'un roi ,
qui n'eft ni ne veut être defpoté , allât , de but en
blanc , attaquer un autre royaume , lorsque le
voeu de fa nation s'y ongoferoit , & qu'elle n'ac-
Corderoit aucun fubfide pour la foutenir. Mais le
droit de faire la paix eft d'un tout autre genre . Le
Roi , qui ne fait qu'un avec toute la nation , qui
ne peut avoir d'autre intérêt que le fien , connoît
fes droits , connoît fes befoins & fes reffources ,
& ne craint pas alors de prendre les engagemens
qui lui paroiffent propres à affurer fon bonheur
& fa tranquillité ; mais quand il faudra que les
conventions fubiffent la révifion & la confirmation
de l'Affemblée nationale , aucune puiffance
ne voudra prendre des engagemens qui
peuvent être rompus par d'autres que par ceux
avec qui elle contracte ; & alors tous les pouvoirs
fe concentrent dans cette Affemblée , d'ailleurs
, quelque franchife qu'on mette dans les régociations
, eft-il poffible d'en confier le fecret à une
affemblée dont les délibérations font néceffairement
publiques ? »
« Finances . Le Roi avoit déclaré , bien avant
la convocation des états-généraux , qu'il reconnoiffoit
dans les affemblées de la nation le droit
d'accorder des fubfides , & qu'il ne vouloir plus
impofer les peuples fans leur confentement.
· ( 165 )
Tous les cahiers des députés aux états-généraux
s'étoient accordés à mettre le rétabliffement des
finances au premier rang des objets dont cette
'Affemblée devoit s'occuper ; quelques - uns y
avoient mis des reftrictions pour des articles a
faire décider préalablement . Le Roi a levé les
difficultés que ces reftrictions auroient pu occafionner
, en allant au- devant lui -même , &
accordant , dans la féance du 23 juin , tout ce
qui avoit été defiré. Le février 1790 , le Roi
a prié lui - même l'Affemblée de s'occuper efficacement
d'un objet fi important : elle ne s'en
eft occupée que tard & d'une manière qui peut
paroître imparfaite. Il n'y a point encore de
tableau exactement fait des recettes , des dépenfes
, & des reffources qui peuvent combler
le déficit ; on s'eft laiffé aller à des calculs hypothétiques.
L'Affemblée s'eft preffée d'abolir
des impôts dont la lourdeur , à la vérité , pefoit
beaucoup fur les peuples , mais qui donnoient
des reffources affurées ; elle les a remplacés par
un impôt , prefque unique , dont la levée exacte
fera peut- être très - difficile . Les contributions ordinaires
font à préfent très- arriérées , & la reffource
extraordinaire des douze cents premiers
millions d'affignats eft prefque confommée . Les
dépenfes des départemens de la guerre & de la
marine au-lieu d'être diminuécs
font augmentées
, fans y comprendre les dépenfes que
des armemens néceffaires ont occafionnées dans
le cours de la dernière année pour l'adminiftration
de ce département ; les rouages en ont été
fort multipliés , en confiant les recettes aux adminiftrations
de diſtricts . Le Roi , qui le premier
n'avoit pas craint de rendre publics les
comptes de fon adminiftration des finances , &c
>
( 166 )
›
>
qui avoit montré la volonté que les comptes
publics fuffent établis comme une règle du gouvernement
a été rendu , fi cela eft poffible
encore plus étranger à ce département qu'aux
autres , & les préventions , les jaloufies & les
récriminations contre le gouvernement ont
été encore plus répandues fur cet objet . Le réglement
des fonds , le recouvrement des impofitions
, la répartition entre les départemens ,
les récompenfes pour les fervices rendus ;
tout a été ôté à l'infpection du Roi il ne
lui refte que quelques ferviles nominations' ,
& pas même la diftribution de quelques gratifications
pour fecourir les indigens: Le Roi conroît
les difficultés de cette adminiſtration ; & s'il étoit
poffible que la machine du gouvernement pût
al'er fans fa furveillance directe fur la geftion
des finances , Sa Majefté ne regretteroit que de
ne pouvoir plus concourir par elle- même à établir
un ordre ftable qui pût faire parvenir à la
diminution des impofitions ( objet qu'on fait bien
que Sa Majefté a toujours vivement defiré , &
qu'elle eût pu effectuer fans les dépenses de la
guerre d'Amérique ) , & de n'avoir plus la diftribution
des fecours pour le foulagement des
inalheureux. 55
Enfin , par les décrets , le roi a été déclaté
chef fuprême de l'adminiftration du royaume ;
d'autres décrets fubféquens ont réglé l'organifation
du ministère , de manière que le roi , que
cela doit regarder plus directement , ne peut pourtant
y rien changer fans de nouvelles décifions
de l'Affemblée . Le fyftême des chefs du parti
dominant a été fi bien fuivi , de jeter une telle
méfiance fur tous les agens du gouvernement ,
qu'il devient prefqu'impoffible aujourd'hui de
( 167 )
remplir les places de l'adminiftration . Tout gouvernement
ne peut pas marcher ni fubfifter fans
une confiance réciproque entre les adminiſtrateurs
& les adminiftrés ; & les derniers réglemens propofés
à l'Affemblée nationale fur les peines à
infliger aux miniftres ou agens du pouvoir exécutif
, qui feroient prévaricateurs , ou feroient
jugés avoir dépaffé les limites de leur puiffance ,
doivent faire naître toutes fortes d'inquiétudes :
ces difpofitions pénales s'étendent même jufqu'aux
fubalternes ; ce qui détruit toute fubordination
, les inférieurs ne devant jamais juger
les ordres des fupérieurs , qui font refponfables
de ce qu'ils commandent . Ces règlemens
la multiplicité des précautions & des genres de
délits qui y font indiqués , ne tendent qu'à inf
pirer de la méfiance , au lieu de la confiance qui
Teroit fi néceffaire . »
>
"
› par
« Cette forme de gouvernement , fi vicieufe
en elle - même le devient encore plus par les
cauſes . 1 °. L'Affen.blée , par le moyen de fes
comités excède à tout moment les bornes
qu'elle s'eft prefcrites ; elle s'occupe d'affaires
qui tiennent uniquement à l'adminiſtration intérieure
du royaume , & à celle de la juſtice ,
& cumule ainfi tous les pouvoirs ; elle exerce
même par fon comité des recherches un véritable
defpotifine plus barbare & plus infupportable
qu'aucun de ceux dont l'hiftoire ait jamais
fait mention . 2º . Il s'eſt établi dans prefque
toutes les villes , & même dans plufieurs bourgs
& villages du royaume , des affociations connues
fous le nom des amis de la conftitution :
contre la teneur des décrets , elles n'en fouffrent
aucune autre qui ne foit pas affiliée avec elles ;
ce qui forme une immenfe corporation plus dan(
168 )
gereuse qu'aucune de celles qui exiftoient auparavant
. Sans y être autorifées , mais même au
mépris de tous les décrets , elles délibèrent fur
toutes les parties du gouvernement , correfpondent
entre elles fur tous les objets , font &
reçoivent des dénonciations , affichent des arrétés
, & ont pris une telle prépondérance , que
tous les corps adminiftratifs & judiciaires , fans
en excepter l'Affemblée nationale elle- même ,
obéiffent prefque toujours à leurs ordres . »
« Le Roi ne pense pas qu'il foit poffible de
gouverner un royaume d'une fi grande étendue
& d'une fi grande importance que la France ,
par les moyens établis par l'Affemblée nationale ,
tels qu'ils exiftent à préfent . Sa Majefté , cn
accordant à tous les décrets indiftinctement une
fanction qu'elle favoit bien ne pas pouvoir refufer
, y a été déterminée par le defir d'éviter
toute difcuffion que l'expérience lui avoit appris
être au moins inutile ; elle craignoit de plus
qu'on ne penfât qu'elle voulût retarder ou faire
manquer les travaux de l'Affemblée nationale.
à la réuffite defquels la nation prenoit un fi grand
intérêt ; elle mettoit fa confiance dans les gens
fages de cette Affemblée , qui connoiffoient
:qu'il eft plus aifé de détruire un gouvernement ,
que d'en reconftruire un fur des bafes toutes *
différentes . Ils avoient plufieurs fois fenti la néceffité
, lors de la révifion annoncée des décrets ,
de donner une force d'action & de réaction néceffaire
à tout gouvernement ; ils reconnoiffoient
auffi l'utilité d'inspirer pour ce gouvernement &
pour les loix , qui doivent affurer la profpérité
& l'état de chacun , une confiance telle qu'elle
ramenât dans le royaume tous les citoyens que
le
( 169 )
05
0
CD
le mécontentement dans quelques - uns , & dans
la plupart la crainte pour leur vie ou pour leurs
propriétés , ont forcés de s'expatrier .
ود
Mais plus on voit l'Affemblée s'approcher
du terme de fes travaux , plus on voit les gens
fages perdre leur crédit , plus les difpofitions
qui ne peuvent mettre que la difficulté , &
mème de l'impoffibilité dans la conduite du gou
vernement , & infpirer pour lui de la méfiance
& de la fureur , augmentent tous les jours 5
les autres règlemens , au- lieu de jetter un baume
falutaire fur les plaies qui faignent encore dans
plufieurs provinces , ne font qu'accroître les inquiétudes
, & aigrir les mécontentemens . L'efprit
des clubs domine & envahit tout ; les mille
journaux & pamphlets calomniateurs , incendiaires
, qui fe répandent journellement , ne font
T que leurs échos , & préparent les efprits de la
# manière dont ils veulent les conduire. Jamais
-l'Affemblée nationale n'a ofé remédier à cette
licence , bien éloignée d'une vraie hberté ; elle
a perdu fon crédit , & même la force dont elle
auroit befoin pour revenir fur fes pas , & changer
ce qui lui paroîtroit bon à être corrigé. On
voit par l'efprit qui regne dans les clubs , & la
manière dont ils s'emparent des nouvelles affemblées
primaires , ce qu'on doit attendre d'eux ;
& s'ils laiffent appercevoir quelques difpofitions
à revenir fur quelque chofe , c'eft pour détruire
les reftes de la royauté , & établir un gouvernement
métaphyfique & philofophique , impoffible
dans fon exécution , »>
GC
François , eft- ce là ce que vous entendiez
en envoyant des repréſentans à l'Affemblée nationale
? defiriez-vous que l'anarchie & le defpotifme
des clubs remplaçaffent le gouvernement mo aky
N° . 33. 13 Août 1791,
H
( 170 )
chique fous lequel la nation a profpéré pendant
quatorze cents ans ? defiriez-vous voir votre roi
comblé d'outrages , & privé de fa liberté , pendant
qu'il ne s'occupoit que d'établir la vôtre ? »
cc L'amour pour les rois eft une des vertus des
François , & fa Majesté en a reçu perfonnellement
des marques trop touchantes , pour pouvoir
jamais les oublier . Les factieux fentoient bien
que tant que cet amour ſubſiſteroit , leur ouvrage
ne pourroit jamais s'achever ; ils fentirent également
que pour l'affoiblir , il falloit , s'il étoit
poffible , anéantir le respect qui l'a toujours
accompagné ; & c'eft la fource des outrages que
le roi a reçus depuis deux ans , & de tous les
maux qu'il a foufferts . Sa Majeſté n'en retraceroit
pas ici l'affligeant tableau , fi elle ne vouloit
faire connoitre à fes fidèles fujets l'efprit de
ces factiepx qui déchirent le fein de leur patrie ,
en feignant de vouloir la régénérer,
,
39
ce Hs profitèrent d'abord de l'espèce d'enthou
-fiafine où l'on étoit pour M. Necker , pour lui
procurer fous les yeux mêmes du roi un triomphe
d'autant plus éclatant , que dans le même inftant
les gens qu'ils avoient foudoyés pour cela , affectèrent
de ne faire aucune attention à la préfence
du roi . Enhardis par ce premier effai , ils
ofèrent , dès le lendemain à Verſailles , faire
infulter M. l'archevêque de Paris , le poursuivre
à coups de pierres, & mettre la vie dans le plus
grand danger. Lorsque l'infurrection éclata dans
Paris , un courier que le roi avoit envoyé fut
arrêté publiquement , fouillé , & les lettres du roi
même furent ouvertes . Pendant ce tems , l'affemblée
nationale fembloit infulter à la douleur
de fa majeſté , en ne s'occupant qu'à combler
de marques d'eftime ces mêmes miniftres , dont
( 171 )
a
C
BA
le renvoi a fervi de prétexte à l'infurrection , &
que depuis elle n'a pas mieux traités pour cela .
Le roi s'étant déterminé à aller porter de luimême
des paroles de paix dans la capitale , des
gens apoftes fur toute la route eurent grand
foin d'empêcher ces cris de vive le roi , fi naturels
aux Français ; & les harangues qu'on lui
fit , loin de porter l'expreffion de la reconnoiffance
ne furent remplies que d'une ironie
•
amère. »
Сс
Cependant l'on accoutumoit de plus en plus
le peuple au mépris de la royauté & des loix :
celui de Verſailles effayoit de pendre deux houfards
à la grille du château , arrachoit un parricide
au fupplice , s'oppefoit à l'envoi d'un détachement
de chaffeurs , deſtiné à maintenir le bon
ordre ; tandis qu'un énergumène faifoit publiquement
au palais - royal la motion de venir enlever
le roi & fon fils , de les garder à Paris & d'enfer
mer la reine dans un couvent , & que cette motion
, au lieu d'être rejetée avec l'indignation
qu'elle auroit dû exciter , étoit applaudie . L'ACfemblée
, de fon côté , non contente de dégrader
la royauté par les décrets , affectoit même de
mépris pour la perfonne du roi , & recevoit
d'une manière impoffible de qualifier convenablement
les obfervations du roi fur les décrets
de la nuit des 4 & S août. "
ee Enfin , artivèrent les journées des 5 & 6
octobre : le récit en feroit fuperflu , & ſa majeſté
l'épargne à fes fidèles fujets ; mais elle ne peur
pas s'empêcher de faire remarquer la conduite
de l'Affemblée pendant ces horribles fcènes. Loin
de fonger à les prévenir , ou du moins à les
arrêter , elle refta tranquille , & fe contenta de
répondre à la motion de fe tranfporter en corps
H 2
( 172
)
*
1.
chez le Roi que cela n'étoit pas de fa die
gnité. »
сс
Depuis ce moment , prefque tous les jours
ont été marqués par de nouvelles fcènes plus
affligeantes les unes que les autres pour le Roi ,
ou par de nouvelles infultes qui lui ont été
faites . A peine le Roi étoit- il aux Tuileries ,
qu'un innocent fut maffacré , & fa tête promenée
dans Paris , prefque fous les yeux du
Roi. Dans plufieurs provinces , ceux qui paro.ffoient
attachés au Roi ou à ſa perfonne , ont
été perfécutés ; plufieurs même ont perdu la
vie , fans qu'il ait été poffible au Roi de fire
punir les affaffins , ou même d'en témoigner fa
fenfibilité. Dans le jardin même des Tuileries ,
tous les députés qui ont parlé contre la royauté
ou contre la religion ( car les factieux dans leur
rage , n'ont pas plus refpecté l'autel que le trône )
ont reçu les honneurs du triomphe pendant
que ceux qui penfent différemment , y font à
tout moment infultés , & leur vie même continuellement
menacée , »
,
« A la fédération du 14 juillet 1790 , I'Af
femblée , en nommant le Roi , par un décret
fpécial , pour en être le chef , s'eft montrée
par-là penfer qu'elle auroit pu en nommer un
autre. A cette même cérémonie , malgré la demande
du Roi , la famille royale a été placée
dans un endroit féparé de celui qu'il occupoit :
chofe inouie jufqu'à préfent ; ( c'eft pendant cette
fédération que le Roi a paffé les momens les
plus doux de fon féjour à Paris . Elle s'arrête
avec complaifance fur le fouvenir des témoi
gnages d'attachement & d'amour que lui ont
donnés les gardes nationaux de toute la France ,
kaffemblés pour cette cérémonie . ) »
( 173 )
1A
%
門
Les miniftres du Roi , ces mêmes miniftres
que l'Aemblée avoit forcé le Roi de rappeller ,
ou dont elle avoit applaudi la nomination , ont
été contraints , à force d'infultes & de menaces
à quitter leurs places , excepté un. » my
Mesdames , tantes du Roi , & qui étoient
reftées conftamment près de lui , déterminées
par motif de religion , ayant voulu fe rendre à
Rome , les factieux n'ont pas voulu leur laider
la liberté qui appartient à toute perfonne , &
qui eft établie par la déclaration des droits de
l'homme. Une troupe , pouffée par eux , s'eft
portée vers Bellevue pour arrrêter Meldames ;
le coup ayant été manqué par leur prompt départ
, les factieux ne fe font pas déconcertés :
ils fe font portés chez Monfieur , fous prétexte
qu'il vouloit fuivre l'exemple de Mcfdames ; &
quoiqu'ils n'ayent recueilli de cette démarche que
le plaifir de lui faire une infulté , elle n'a pas
été tout-à fait perdue pour leur fyftème . Cependant
, n'ayant pu faire arrêter mefdames à Bellevue
, ils ont trouvé le moyen de les faire arrêter
à Arnal- ic- Duc, & il a fillu des ordres de l'Affemblée
nationale pour leur laiffer continuer leur
route , ceux du Roi ayant été méprifés .
ככ
ce A peine la nouvelle de cette arreftation futelle
arrivée à Paris , qu'ils ont effayé de faire approuver
par l'Affemblée nationale gette violation
de toute liberté ; mais leur coup ayant été manqué
, ils ont excité un foulèvement pour contraindre
le Roi à faire revenir mefdames : mais
la bonue conduite de la garde nationale ( dont
elle s'eft cmpreffée de lui témoigner fa fatisfaction
) ayant diffipé l'attroupement , ils eurent
recours à d'autres moyens . Il ne leur avoit pas
été difficile d'obferver qu'au moindre mouvement
3
あ
H
3
( 174 )
qui fe faifoit fentir , une grande quantité de fidèles
fujets fe rendoient aux Tuileries , & formoient
une efpèce de bataillon capable d'en impoſer aux
mal intentionnés ; ils ;; excitèrent une émeute à
Vincennes , & firent courir , à deffein , le bruit
qu'on fe fervitoit de cette occafion pour fe porter
aux Tuileries , afin que les défenseurs du Roi
puffent fe raffembler comme ils l'avoient déjà
fait , & qu'on pût dénaturer les intentions aux
yeux de la garde nationale , en leur prêtant les
projets des forfaits mêmes contre lefquels ils s'armoient.
Ils réuffirent fi bien à aigrir les efprits ,
que le roi cut la douleur de voir maltraiter fous
fes yeux , fans pouvoir le défendre , ceux qui lui
donnoient les plus touchantes preuves de leur
attachement. Ce fut en vain que fa M.jefté leur
demanda elle - même les armes qu'on leur avoir
rendues fufpectes . Ce fut en vain qu'ils lui donnèrent
cette dernière marque de leur dévouement;
rien ne put ramener ces efprits égarés , qui poulfèrent
l'audace jufqu'à fe faire livrer , & brifer
même ces armes , dont le Roi s'étoit rendu dépofitaise
Cependant le Roi , après avoir été malade ,
fe difpofoit à profiter des beaux jours du printemps
pour aller à Saint- Cloud , comme il y
avoit été , l'année dernière , une partie de l'été
& de l'automne. Comme ce voyage tomboit
dans la femaine- fainte , on ofa fe fervir de l'attachement
connu du Roi pour la religion de fes
pères , pour animer les efprits contre lui ; & dès
le dimanche au foir , le club des Cordeliers fe
permit de faire afficher un arrêté , dans lequel le
Roi lui-mêmé eft dénoncé comme réfractaire à
la loi . Le lendemain fa Majefté monte en voiture
pour partir , mais arrivée à la porte des
( 175 )
ཅ;
201
Ra
1
207
? Tuileries une foule de peuple parut vouloir
s'opposer à fon paffage ; & c'eft avec bien de la.
peine qu'on doit dire ici , que la garde nationale
, loin de réprimer les féditieux , fe joignit à
eux & arrêta elle- même les chevaux. En vain ,
M. de la Fayette fit- il tout ce qu'il put pour
faire comprendre à cette garde l'horieur de la
conduite qu'elle tenoit , rien ne put réuffir ; les
difcours les plus infolens , les motions les plus
abominables retentiffoient aux oreilles de fa Majefté
; les perfonnes de fa maiſon qui fe trouvoient
là , s'emprefferent de lui faire au moins
un rempart de leur corps , fi les intentions qu'on ,
ne manifeftoit que trop venoient à s'exécuter ;
mais il falloit que le Roi bût le calice juſqu'à la
lie ; fes fidèles ferviteurs lui furent encore arrachés
avec violence ; enfin , après avoir enduré
pendant une heure trois quarts tous ces outrages,
fa majefté fut contrainte de refter & de rentrer
dans fa priſon car , après cela , on ne fauroit ,
appeller autrement fan palais. Son premier foin.
fui d'envoyer chercher le directoire du département
, chargé par état de veiller à la tranquillité
& à la fureté publique , & de l'inftruire de ce qui
venoit de fe paffer. Le lendemain elle ſe rendit
elle-même à l'Affemblée nationale pour lui faire.
fentir combien cet événement étoit contraire même
à la nouvelle conftitution ; de nouvelles infultes
furent tout le fruit que le Roi retira de ces deux
démarches. Il fut obligé de confentir à l'éloigné- ~~
ment de fa chapelle & de la plupart de fes grandsofficiers
, & d'approuver la lettre que fon miniftre
a écrite en fon nom aux cours étrangères ;
enfin d'affifter , le jour de pâques , à la meſſe du
nouveau curé de St. Germain- l'Auxerrois. »
ce D'après tous ces motifs & l'impoffibilité ou
сс
H
4
( 176 )
le Roi fe trouve d'opérer le bien & d'empêcher.
le mal qui fe commiet , eft-il étonnant que le
Roi ait cherché à recouvrer fa liberté & à fe mettre
en fûreté avec fa famille ? »
сс
François , & vous fur- tour Parifiens , vous
habitans d'une ville que les ancêtres de fa Majefté
le plaifoient à appeller la bonne ville de
Paris , méfi z - vous des fuggeftions & des menforges
de vos . faux amis ; revenez à votre roi ;
il fera toujours votre père , votre meilleur ami :
quel plaifir n'aura - t - il pas à oublier toutes fes
injures perfonnelles , & de fe revoir au milieu
de vous lorfqu'une conftitution , qu'il atra
acceptée librement , fera que notre fainte religion
fera refpectée , que le gouvernement fera
ét bli fur un pied ftable , & que par fon action ,
les biens & l'état de chacun ne feront plus troublés
, que les bix ne feront plus enfieintes impunément
, & qu'enfin la liberté fera poféc fur
des bafes fermes & inébranlables . »
ce A Paris , le 20 juin 1791 , LOUIS . "
сс Le Roi défend à fes miniftres de ligner ancun
ordre ca fon n❤m jufqu'à ce qu'ils ayent
reçu les ordres u'térieurs ; il enjoint au garde
du fceau de l'étt , de le lui renvoyer d'abord
qu'il en fera requis de fa part. »
» A Paris , le 20 juin 1791 , Signé Louis . »
PROJET DE LA CONSTITUTION
FRANÇOISE.
Déclaration des Droits e l'Homme & du Citoyen.
Les repréfe itans du peuple françois , conftitués
en aſſemblée nationale , confiderant que ligno- .
rance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme ,
( 177 )
font les feules caufes des malheurs publics & de
la corruption des gouvernemens , ont réfolu d'expofer
, dans une déclaration folemnelle , l´s droits
naturels , inaliénables & facrés de l'homme ; afin
que cette déclaration , conftamment préſente à
tous les membres du corps focial , leur rappelle
fans ceffe leurs droits & leurs devoirs ; afin que
les actes du pouvoir légiflatif & ceux du pouvoir :
exécutif , pouvant être à chaque inftant comparés
avec le but de toute inftitution politique , en
foient plus refpectés ; afin que les réclamations
des citoyens , fondées déformais fur des principes
fimples & inconteftables , tournent toujours au
maintien de la confiitution , & au bonheur de tous.
En conféquence , l'affemblée nationale reconnoît
& déclare , en préfence & fous les aufpices
de l'être fuprême , les droits fuivans de l'homme
& du citoyen :
Art. I. Les hommes naiffent & demeurent
libres & égaux en droits . Les diftinctions fociales
ne peuvent être fondées que fur l'utilité com
mune.
II. Le but de toute affociation politique eft
la confervation des droits naturels & imprefcriptibles
de l'homme. Ces droits font la liberté , la
propriété , la fûreté & la réfiftance a l'oppreffion .
III. Le principe de toute fouveraineté réfide
effentiellement dans la nation . Nul corps , nul
individu ne peut exercer d'autorité qui n'en
émane expreflément .
:
IV. La liberté confifte à faire ce qui ne nuit
pas à autrui ainfi l'exercice des droits naturels :
de chaque homme n'a de bornes , que celles qui
affurent aux autres membres de la fociété la
jouiffance de ces mêmes droits . Ces bornes në
peuvent être déterminées que par la loi .
HS
( 178 )
V. La loi n'a le droit de défendre que les
actions nuifibles à la fociété . Tout ce qui n'eft
pas défendu par la loi ne peut être empêché , &
nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne
pas.
VI. La loi eft l'expreffion de la volonté générale.
Tous les citoyens ont droit de concourir
perfonnellement , ou par leurs repréſentans , à ſa
formation . Elle doit être la même pour tous ,
foit qu'elle protége , foit qu'elle puniffe. Tous
les citoyens étant égaux à fes yeux , fort également
admiffibles à toutes dignités , places & emplois
publics , felon leur capacité , & fans autre
diſtinction que celle de leurs vertus & de leurs
talens .
VII. Nul homme ne peut être accufé , arrêté ,
ni détenu que dans les cas déterminés par la loi ,
& felon les formes qu'elle a prefcrites . Ceux qui
follicitent , expédient , exécutent ou font exécuter
des ordres arbitraires , doivent être punis ;
mais tout citoyen appelé ou faifi en vertu de la
loi , doit obéir à l'inftant : il fe rend coupable
par la réſiſtance.
VIII. La loi ne doit établir que des peines
ftrictement & évidemment néceffaires , & nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie &
promulgute antérieurement au délit , & légalɩment
appliquée .
IX. Tout homme étant préfumé innocent jufqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable , s'il eft jugé
indifpenfable de l'arrêter , toute rigueur qui ne
feroit pas néceffaire pour s'affurer de la perfonne
, doit être lévérement réprimée par la loi .
X. Nul ne doit être inquietté pour les opinions ,
même religieufes , pourvu que leur manifefta-
1
( 179 )
tion ne trouble pas l'ordre public établi par la
loi.
XI . La libre communication des pensées & des
opinions eft un des droits les plus précieux de
l'homme tout citoyen peut donc parler , écrire ,
imprimer librement , fauf à répondre de l'abus
de cette liberté , dans les cas déterminés par la
loi.
XII. La garantie des droits de l'homme & du
citoyen néceflite une force publique' : cette force
eft donc inftituée pour l'avantage de tous , &
non pour l'utilité particuliere de ceux à qui elle
eft confiée .
XIII. Pour l'entretien de la force publique.,
& pour les dépenses d'adminiſtration , une contribution
commune eft indiſpenſable : elle doit
être également répartie entre tous les citoyens ,
en raifon de leurs facultés.
XIV. Tous les citoyens ont le droit de
conftater par eux -mêmes ou par leurs repréfentans
, la néceſſité de la contribution publique , de
la confentir librement , d'en fuivre l'emploi , &
d'en déterminer la quotité , l'affiette , le recouvrement
& la durée.
• XV. La fociété a le droit de demander
compte à tout agent public de fon adminiſtra
tion .
XVI. Toute fociété dans laquelle la garan
tie des droits n'eft pas affurée , ni la féparation
des pouvoirs déterminée , n'a point de conftitution
.
XVII. Les propriétés étant un droit inviolable
& facré , nul ne peut en être privé , fi ce
n'eft lorfque la néceffité publique , légalement
conftatée , l'exige évidemment , & fous la condition
d'une jufte & préalable indemnité.
H 6
( 180 )
"
L'Affemblée nationale voulant établir la
conftitution françoife fur les principes qu'elle
vient de reconnoître & de déclarer , abolit irrévocablement
les inftitutions qui bieffoient la liberté
& l'égalité des droits .
Il n'y a plus ni nobleſſe , ni pairie , ni diſtinctions
héréditaires , ni diftinctions d'ordres , ni
régime féodal , ni juftices patrimoniales , ni aucun
des titres , dénominations & prérogatives qui
en dérivoient , ni aucun des ordres de chevalerie ,
corportions ou décorations , pour lefquels on exigeoit
des preuves de noblette ; ni aucune autre fupériorité
, que celle des fonctionnaires publics dans
l'exercice de leurs fonctions .
Il n'y a plus ni vénalité ni hérédité d'aucun office
public .
Il n'y a plus , pour aucune partie de la nation ,
ni pour aucun individu , aucun privilége ni exception
au droit commun de tous les François.
Il n'y a plus ni jurandes , ni corporations de
profeffions , arts & métiers .
La loi ne reconnoît plus de voeux religieux , ni
aucun autre engagement qui feroit contraire aux
droits naturels , ou à la conftitution .
TITRE PREMIER.
Difpofitions fondamentales garanties par la
Conftitution.
La conftitution garantit , comme droits naturels
& vils :
1°. Que tous les citoyens font admiffibles aux
places & emplois , fans autre diftinction que celle
des vertus & des talens .
2. Que toutes les contributions feront réparties
entre tous les citoyens , également , en proportion
de leurs facultés .
( 181 )
3°. Que les mêmes délits feront punis des mêmes
peines , fans aucune diftinction des perfonnes .
La conftitution garantit pareillement , comme
droits naturels & civils :
La liberté à tout homme d'aller , de refter , de
partir , fans pouvoir être arrêté , accufé ni détenu ,
que dans les cas déterminés par la loi , & felon
les formes qu'elle a prefcrites ;
La liberté à tout homme de parler , d'écrire ,
d'imprimer fes penfées , & d'exercer le culte religieux
auquel il eft attaché ;
La liberté aux citoyens de s'affembler paifiblement
& fans armes en fatisfaifant aux loix de
police ;
2
La liberté d'adreffer aux autorités conftituécs
des pétitions fignées individuellement.
Comme la liberté ne confifte qu'a pouvoir faire
tout ce qui ne nuit ni aux droits d'autrui , ni à la
sûreté publique , la loi peut établir des peines
contre les actes qui attaquant , ou la sûreté pubique
, ou les droits d'autrui , feroient nuisibles
à la fociété .
La cofftitution garantit l'inviolabilité des propriés
, ou lajufte & préalable indemnité de celles
dont la néceflité publique , légalement conſtatée
exig roit le facrifice .
Les biens qui ont été ci - devant deſtinés à des
fervices d'utilité publique , appartiennent à la nation
ceux qui étoient affectés aux dépenfes du
culte , font a fa difpofition .
2
Il fera ré & organifé un établiffement général
de fecours publics , pour le foulagement des pauvres
in firmes , & des pauvres valides manquant de
travail .
Il fera créé & organifé une inftruction publique,
commune à tous les citoyens , gratuite à l'égard
( 182 )
des parties d'enfeignement indifpenfables pour
tous les hommes , & dont les établiſſemens feront
diftribués graduellement , dans un rapport
combiné avec la divifion du royaume .
TITRE II.
De la divifion du royaume & de l'état des
citoyens.
Art . I. La France eft divifée en quatre-vingttrois
départemens , chaque département en diftricts
, chaque diſtrict en cantons.
II. Sont citoyens François ,
Ceux qui font nés en France d'un père François
;
Ceux qui , nés en France d'un père étranger,
ont.fixé leur réfidence dans le royaume :
Ceux qui , nés en pays étranger , d'un père
François , font revenus s'établir en France , &
ont prêté le ferment civique ;
Enfin ceux qui nés en pays étranger , & defcendant
, à quelque degré que ce foit , d'un
François ou d'une Françoife expatriés pour cauſe
de religion , viennent demeurer en France , &
prêtent le ferment civique .
III . Ceux qui , nés hors du royaume de parens
étrangers , réfident en France , deviennent
citoyens François , après cinq ans de domicile
continu dans le royaume , s'ils y ont en outre
acquis des immeubles ou épousé une Françoife ,
ou formé un établiffement de commerce , & s'ils
ont prêté le ferment civique.
IV. Le pouvoir légiftatif pourra , pour des
confidération importantes , donner à un étranger
un acte de naturaliſation , fans autres conditions
que de fixer fon domicile en France , & d'y
prêter le ferment civique.
( 183 )
V. Le ferment civique eft : je jure d'être
fidèle à la nation , à la loi & au Roi , & de
maintenir de tout mon pouvoir la conftitution du
royaume , décrétée par l'Affemblée nationale conf
tituante aux annéès 1789 , 1790 & 1791 .
VI. La qualité de citoyen François fe perd :
1º . Par la naturaliſation en pays étranger ;
2º. Par la condamnation aux peines qui emportent
la dégradation civique , tant que le co
damné n'eft pas réhabilité ;
3 °. Par un jugement de contumace , tant que
le jugement n'eft pas anéanti :
4°. Par l'affiliation à tout ordre ou corps
étranger qui fuppoferoit des preuves de nobleffe .
Vii. Les citoyens François , confidérés fous
le rapport des relations locales qui naiffent de
leur réunion dans les villes & dans de certains
arrondiffemens du territoire des campagnes ,
forment les communes.
Le pouvoir législatif pourra fixer l'étendue de
l'arrondiffement de chaque commune.
commune
VIII. Les citoyens qui compofent chaque
ont le droit d'élire à temps , fuivant
les formes déterminées par la loi , ceux d'entr'eux
qui , fous le titre d'officiers municipaux , font
chargés de gérer les affaires particulières de la
commune .
I pourra être délégué aux officiers municipaux
quelques fonctions relatives à l'intérêt général de
l'érat .
IX. Les règles que les officiers municipaux
feront tenus de fuivre dans l'exercice , tant des
fonctions municipales que de celles qui leur auront
été déléguées pour l'intérêt général , feront fixées
par les loix.
( 184 )
TITRE III
Des Pouvoirs publics.
Art. I. La fouveraineté eft une , indiviſible ,
& appartient à la nation ; aucune fection du
peuple ne peut s'en attribuer l'exercice .
II. La nation , de qui feule emarent tous les
pouvoirs , ne peut les exercer que par délégation
.
La conftitution françoife eft repréfentative :
les repiéfentans font le corps légiflatif & le Roi.
III. Le pouvoir législatif eft délégué à une
Affemblée nationale compofée de représentans
temporaires , librement élus par le peuple , pour
être exercé , par elle , avec la fanction du Roi ,
de la manière qui fera déterminée ci - après .
IV. Le gouvernement eft monarchique le
pouvoir exécutif eft délégué au Roi , pour être
exercé fous fon autorité , par des miniftres &
autres agens refponfables , de la manière qui
fera déterminée ci - après .
V. Le pouvoir judiciaire eft délégué à des
juges élus à temps par le peuple.
CHAPITRE PREMIER.
De l'Affemblée nationale législative.
Art. I. L'Affemblée nationale , formant le
corps législatif, eft permanente , & n'eſt compolée
que d'une chambre .
II El fera formée tous les deux ans par de
nouvelles élections .
Chaque période de deux années formera une
légiflature .
III. Le renouvellement du corps légiflatif ſe
fera de plein droit,
( 185 )
ne
e
IV. Le corps légiflatif ne pourra être diffous
par le Roi.
SECTION PREMIÈRE.
Nombre des repréfentans . Bafes de la repréfentation.
Art . I. Le nombre des repréfentans au corps
législatif eft de fept cent quarante - cinq , à raifon
des quatre - vingt- trois departemens dont le
royaume eft compofé , & indépendamment de ,
ceux qui pourroient être accordés aux colonics.
II. Les repréfentans feront diftribués entre les
quatre- vingt- trois départemens , felon les trois
Poportions du territoire , de la population , &,
de la contribution directe .
III. Des fept cert quarante cinq repréſentans ,
dex cent quarante-fept font attachés au territone.
Chaque département en nommera trois , à
Pxception du département de Paris , qui n'en
Lo minera qu'un .
IV. Dux cent quarcate - neuf repréfentans
font attr bués à la popul tion .
le nanalation
เน
[
ceive anan La male tot
roysume ft divifée en deux cent quarante -neuf
parts , & chaque dé, artement nomme autant de
députés qu'il y a de parts de population .
V. Deux cent quarante- neuf représentans font
attachés à la contribution directe . La fomme
totale de la contribution directe du royaume eft .
de même divifée en deux cent quarante neuf
parts , & chaque département nomme autant de
députés qu'il paie de parts de contribution .
SECTION II.
Affemblées primaires . Nomination des électeurs .
Art . I. Loifqu'il s'agira de former l'Affem(
186 )
blée nationale légiflative , les citoyens actifs fe
réuniront en affemblées primaires dans les villes
& dans les cantons .
II. Pour être citoyen actif , il faut :
Etre François on devenu François ;
Etre âgé de 25 ans accomplis ;
Etre domicilié dans la ville ou dans le canton
au moins depuis un an ;
Payer , dans un lieu quelconque du royaume ,
une contribution directe au moins égale à la valeur
de trois journées de travail ; & en représenter la
quittance ;
N'être pas dans un état de domefticité , c'est- àdire
, de ferviteur à gages ;
Etre inferit dans la municipalité de fon domicile
, au rôle des gardes nationales ;
Avoir prêté le ferment civique.
III. Tous les fix ans , le corps légiflatif fixera
le minimum & le maximum de la valeur de la journée
de travail , & les adminiftrateurs des départemens
en feront la détermination locale pour cha- ·
que district.
IV. Nul ne pourra exercer les droits de citoyen
actif dans plus d'un endroit , ni fe faire
représenter par un autre.
V. Sont exclus de l'exercice des droits de
citoyen actif,
Ceux qui font en état d'accufation ;
Ceux qui , après avoir été conftitués en état
de faile ou d'infolvabilité , prouvée par pièces .
authentiques , ne rapportent pas un acquit géné
ral de leurs créancie . s .
VI. Les affemblées primaires nommeront des
électeurs , en proportion du nombre des citoyens
actifs domiciliés dans la ville ou le canton .
( 187 )
Il fera nommé un électeur à raifon de cent
citoyens actifs préfens ou non à l'aſſemblée .
Il en fera nommé deux depuis 151 jufqu'à
250 , & ainfi de fuite .
VII. Nul ne pourra être nommé électeur
s'il ne réunit aux conditions néceffaires pour
être citoyen actif , celle de payer une contribution
directe de journées de travail ( 1 ) .
SECTION I I I.
Affemblées électorales . Nomination des repré-
Sentans.
Art. I. Les électeurs nommés en chaque département
le réuniront , pour élire le nombre
des repréfentans dont la nomination fera attribuée
(1) Les comités de conftitution & de réviñon
ont penfé que , pour conferver la pureté de la repréſentation
nationale , qui , dans notre conftitu
tion , eft la première bale de la liberté , il impor
toit d'affurer , autant qu'il eft poffible , l'indépen
dance & les lumières dans les affemblées électorales
, & de ne mettre enfuite aucune borne à
leur confiance & à la liberté des choix qu'elles
font chargées de faire 3 en conféquence , ils propofent
à l'Affemblée de fupprimer la condition du
marc d'argent attachée à l'égibilité des membres du
corps légiflatif, & d'augmenter la contributionexigée
pour les électeurs .
fl eft bien entendu que les corps électoraux fe
trouvant formés avant la préſente difpofition , ces
changemeus ne feroient point applicables aux
choix de la prochaine législature .
( 188 )
à leur département , & un nombre de fuppléans
égal au tiers de celui des repréfentans .
II. Les repréfentans & les fuppléans feront
élus à la pluralité abfolue des ,fuffiages.
III . Tous les citoyens actifs , quels que foient
leur état , profeffion ou contribution , pourront
être choifis pour repréſentans de la nation .
IV. Seront néanmoins obligés d'opter , les
miniftres , & les autres agens du pouvoir exécutif,
révocables à volonté , les commiffaires de la
trésorerie nationale , les percepteurs & receveurs
des contributions directes , les prépofés à la perception
& à la régie des contributions indirectes
, & ceux qui , fous quelque dénomination que
ce foit , fort attachés à des emplois de la maiſon
dom ftique du Roi.
V. L'exercice des fonctions municipales , adminiftratives
, & judiciaires fera incompatible
ahinelle de repréfentant de la nation , pendant
e la durée de la légiflature .
VI. Les membres du corps légiflatifpourront
être réélus a 11 légfuivante , & ne peurront
l'être enfuite qu'après un intervalle de deux
années (1).
VII. Les repréfentans nommés dans les départemens
, ne feront pas repréfentans d'un département
particulier , mais de la nation entière :
& la liberté de leurs opinions ne pourra être
gênée par aucun mandat , foit des affemblées
primaires , foit des électeurs.
(1 ) Les comités de conftitution & de révifion
regardent la limitation contenue dans cet article
comme contraire à la liberte , & nuiſible à l'intérêt
national.
( 189 )
S
SECT ON IV.
Tenue & régime des affemblies primaires &
électorales.
Art. I. Les fonctions des affemblées primaires
& électorales fe bornent à élire ; elles fe fépareront
aufli-tôt après les élections faites , & ne
pourront le former de nouveau que lorfqu'elles
Iroat convoquées .
II. Nul citoyen actif ne peut entrer ni donner
fon fuffrage dans une affemblée , s'il eft armé ou
vêtu d'un uniforme , à moins qu'il ne foit de fervice
; auquel cas , il pourra voter en uniforme ,
Imais fans armes .
III. La force armée ne pourra être introduite
dans l'intérieur , fans le voeu exprès de l'affemblée ,
fi ce n'est qu'on y commît des violences ; auquel
cas , l'ordre du préfident fuffira pour appeller la
force publique.
IV. Tous les deux ans il fera dreffé dans chaque
diftrict , des liftes , par cantons , des citoyens
actifs , & la lifte de chaque canton y fera publiée
& affichée deux mois avant l'époque de l'affemblée
primaire .
Les réclamations qui pourront avoir lieu , foit
pour contefter la qualité des citoyens employés
fur la lifte , foit de la part de ceux qui fe prétendront
omis injuftement , feront portées aux tribunaux
, pour y être jugées fommairement.
La lifte fervira de règle pour l'admiffion des
citoyens dans la prochaine affemblée primaire , en
tout ce qui n'aura pas été rectifié par des jugemens
rendus avant la tenue de l'Affemblée .
V. Les affemblées électorales ont droit de
«vérifice la qualité & les pouvoirs de ceux qui s'y
( 190 )
prefenteront , & leurs décisions feront exécutées
provifoirement , fauf le jugement du corps légiflatif
, lors de la vérification des pouvoirs des députés
.
VI. Dans aucun cas , & fous aucun prétexte ,
le roi , ni aucun des agens nommés par lui , ne
pourront prendre connoiffance des queſtions relatives
à la régularité des convocations , à la tenue
des affemblées , à la forme des élections , ni aux´
droits politiques des citoyens .
La fuite au Journal prochain .
P.S. Par des avis certains , que nous venons
de recevoir à l'inftant du pays de Vaud , il
paroît indubitable que les réjouiffances du
14 Juillet , dans quelques villes de cette
contrée , avoient un tout autre but que de
s'enivrer en l'honneur de l'égalité , & de
fêter la Révolution Françoife ; ce qui au
fond n'emportoit que du ridicule , & rien
de repréhensible auffi le Gouvernement
n'avoit- il pas même fongé à y porter le
moindre obftacle ; mais les brouillons , falariés
de l'Etranger pour incendier la Suiffe,
ont découvert le brûlot . Les feftins commémoratoires
, auxquels ils avoient entraîné
quelques efprits foibles , ont été accompagnés
d'une grêle de libelles , de menaces
fanguinaires , d'outrages au Souverain qui,
depuis deux fiècles & demi , a verfé fur
cette contrée les bénédictions de la paix,
( 191 )
de la profpérité , de la liberté civile . Des
Ecrits atroces ont été difféminés à Berne
même : ' Arſenal de cette capitale , le plus
beau de toute la Suiffe , n'a pas été à l'abri
de tentatives incendiaires , qui ont néceſfité
un redoublement de précautions.
Ces premiers effais des fcélérats , chargés
d'exécuter le plus grand des crinies , celui
de plonger un Peuple , heureux & libre ,
dans l'horreur de la guerre civile ,, pour lui
faire changer de domination , ont prefcrit
au Gouvernement & à la Suiſſe entière de
protéger efficacement contre ces deffeins
pervers , la liberté nationale , la tranquillité
publique, & les loix. Le Confeil Souverain
de Berne , convoqué fous ferment , a
donné un plein pouvoir civil & militaire
au Confeil fecret ( 1 ) . L'Hiftoire de la République
a offert très -rarement l'ufage de
cette eſpèce de Dictature. Trois Commiffaires
, MM. Fifcher , Haller & Friſching,
ont été envoyés dans le pays de Vaud ,
pour prendre connoiffance des derniers
excès, pour éclairer les complots , & en
( 1 ) Ce Confeil eft le Confeil d'Etat pour toutes
les affaires qui exigent le fecret. Il eſt composé
des quatre Bannerets & de deux Sénateurs dits
Secrets , fous la Préfidence de celui des deux
Avoyers alternatifs , hors de charge pendant
l'année courante.
( 192 )
pourfuivre les auteurs : quelques - uns des
Démosthènes de cabaret , employés par
ceux- ci , ont déjà pris la fuite. On lève
deux mille Volontaires dans les Conimunes
du pays , qui ont porté au Gouvernement
l'affurance de leur fidélité , & l'offre de
leur fecours. En outre , trois mille Suiffes
Allemands vont camper près de Berne , &
trois mille autres fe tiendront prêts à marcher
au premier befoin . Ces mefures , louables
& néceffaires , fuffiront à garantir le
Peuple & le Gouvernement contre les atten
tats de quelques boute-feux , dont la punition
ou la fuite raffermira folidement la
tranquillité publique , & remplira les voeux
de tous les Patriotes.
A
"
1
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 30 Juillet 1791 .
ArL'INSTANT même où l'on croit avoir des
preuves que la paix du Nord ne fera point
troublée , des mouvemens , des préparatifs
femblent annoncer de la part des Puiffances
mécontentes le befoin de le mettre dans un
état refpectable de défenfe , ou l'intention
de préparer une attaque puiffante & fimultanée.
L'armement des galères Ruffes eft
fur les côtes de Finlande avec une armée de
débarquement.Le Prince de Naffau s'y rend,
dit-on, par terre , pour en prendre le commandement.
La Suède conferve fa flotte &
tout l'appareil de guerre qu'elle avoit ordonné
à Copenhague , les ordres ont été
donnés pour un armement de fix vaiffeaux-
No. 34. 20 Août 1791 .
I
A
( 194 )
de ligne & de plufieurs frégates ; enfin ,
malgré les divers bruits fur l'armement
Britannique on fait que la flotte eft tou- .
jours complette , & peut faire voile au
premier moment. Il eft difficile de croire
que cette fimultanéité de préparatifs ne
tienne pas à quelqu'enfemble , fi ce n'eſt à
quelque motif fecret d'attaque & d'hoftilités
refpectives entre ceux qui les font ;
ce qu'on ne peut accorder avec le befoin
de la paix & les motifs puiffans de la conferver
que doivent avoir les Etats de l'Europe
aujourd'hui. :
De Vienne , le 30 Juillet.
Pendant que le Prince de Repnin battoit
les Turcs vers le Danube , le Général
Gudowicz leur enlevoit la fortereffe d'Anapa
& près de quatorze mille perfonnes ,
tant troupes qu'habitans qui s'y trouvoient ;
il a de plus fait prifonnier Muftapha , Pacha
à trois queues , fils de Batal , Pacha , & le
fameux Scheik Manfur , qui jouoit le rôle
de Prophète.
Les Ruffes ont trouvé dans cette fortereffe
une foixantaine de pièces de canons ,
des bombes & autres munitions. Les Turcs
ont perdu beaucoup de monde , fuite néceffaire
de la réfiftance opiniâtre avec laquelle
ils fe font défendus .
La conquête d'Anapa eft importante ; cette
(
195 1
1
place eft fituée fur la mer Noire frontières
du Cuban & de la Crimée ; elle n'eſt pas
grande , mais bien fortifiée & fa poſition :
eft très avantageufe. Les Turcs y avoient
un magafin de vivres & un entrepôt de
bois de conftruction ; fa population,y compris
le militaire , s'élevoit à 20,000 ames .
La poffefion de cette place affure aux
Ruffes celle de la Crimée & du Cuban
& les met à portée d'inquiéter toutes les
places fituées fur la côte méridionale de la
mer Noire jufqu'à Conftantinople . Auffi
les Journalistes ont-ils déja publié un plan.
de la priſe de cette Capitale de l'Empire
Ottoman ; déja les flottes Ruffes & les
armées de terre font en marche ſuivant eux
pour en effectuer la conquête , & fi l'on
les en croit , bientôt l'on apprendra cette
intéreffante nouvelle.
De Francfort-fur- le-Mein , le 6 août.
Tout eft aujourd'hui dans une forte de
ftagnation politique ; on femble voir que
pour que le mouvement qu'on appercevoit
il y a deux mois renaiffe , il faut que quelques
combinaiſons profondes aient pris
de la direction & de la folidité. Ce qui
fur tout fait naître cette réflexion eft l'état
des délibérations de Ratisbonne & des
difpofitions de l'Empire dans l'affaire des
Princes poffeffionnés en France . Cette
I 2
( 196 )
grande querelle qui par fes liaifons tient au
droit politique de toute l'Europe , & par
la manière dont elle fera terminée à la
tranquillité refpective des Etats cette
grande querelle ne femble point fuivie
avec l'intérêt que fon importance & la
fituation des chofes exigent. Les petits
Princes & Etats de l'Empire qui font le
grand nombre , ont befoin pour tirer leurs
droits du néant , du fecours des grandes
Puiffances , & celles - ci ne paroiffent point
avoir pris un parti décidé : fans elles cependant
l'on ne peut riem , & sûrement elles
n'agiront qu'avec une grande prudence ,
c'eft-à-dire , lorfqu'elles fe feront affurées
des moyens de fuccès & de cette réciprocité
de fecours qui ne doit jamais être
problématique dans une grande entrepriſe.
En attendant que les chofes en foientlà
, les fuffrages que l'Autriche & la Pruffe
ont manifeftés à la Diète , annoncent des
difpofitions conciliatoires , ou plutôt un
fyftême réfléchi de laiffer mûrir les moyens
& les idées , en refufant d'ouvrir une opinion
péremptoire avant le temps. C'eſt ce
confirme l'énoncé de leur voeu :
celui de l'Autriche porte en fubftance :
« Que la première démarche que l'Empire
raffemblé fous fon Chef fera , pour
prouver publiquement l'intérêt qu'il prend
à cette affaire , fera de prier fa Majeſté Impériale
de faire enforte par des repréſentaque
( 197 )
tions férieufes & preffantes que la France
fe prête à des mefures plus équitables ; que
l'Autriche ne veut point déguifer fon voeu
' de voir , eu égard à plufieurs confidérations
importantes qui n'échapperont point
à la pénétration des illuftres Etats , cette
affaire terminée au plutôt par la voie amicale
, à la fatisfaction univerfelle . »
Le fuffrage du Roi de Pruffe , comme
Prince de Magdebourg , n'eft pas moins
mefuré : «< Sa Majefté, y eft- il dit , eft d'avis
qu'avant de pouvoir fe déterminer à des
réfolutions ultérieures , & nonobftant la
réponſe peu fatisfaifante de la France , l'on
doit pourfuivre toujours la voie des repréfentations
& d'une négociation amicale ,
& prier en conféquence Sa Majefté Impériale
, de la part de l'Empire , d'employer
fes bons offices & fes repréfentations près
de la Cour de France , & d'informer les
Etats Germaniques affemblés de l'effet que
fes inftances auront eu , afin que ceux - ci
puiffent prendre alors les melures qu'ils
jugeront ultérieurement convenables . ">>
Mais ces ménagemens , ainfi que d'autres
que quelques Membres de la Diète Germanique
ont cru devoir marquer pour la
France , ne font point l'effet de la peur , de
l'impuiffance & de la foibleffe , comme on le
dit avec affectation & mépris dans prefque
tous les Journaux révolutionnaires françois
; ils font l'effet de la prudence & du
1
I 3
( 198 )
caractère réfléchi d'une nation puiffante &
modérée ; tout ce que l'orgueil françois
pourroit dire à cet égard , courroit
rifque d'être démenti par l'évènement , fi
la guerre éclatoit malheureufement entre
les deux nations.
Quoiqu'aucune Gazette officielle n'ait
annoncé la nouvelle fuivante , on peut la
regarder comme fondée en motifs , &
comme un apperçu de l'opinion de la Cour
de Vienne relativement à la captivité du
Roi de France & de fa famille , l'on peut
ajouter qu'il n'y a pas , nous ne dirons
point de Monarque , mais d'Etat , de
Peuple , qui ne partagent le fentiment du
Cabinet Impérial & de l'Empire à cet
égard.
Sa Majefté Impériale avoit arrêté que
le
Dimanche 24 , il y auroit après le fervice
divin , un Cercle à la Cour où se trouveroient
les Ambaffadeurs & Miniftres étrangers.
La veille M. le Prince de Kaunitz
déclara à M. de Noailles , Ambaffadeur de
"France à la Cour de Vienne , en préfence
de plufieurs Miniftres étrangers , que , dèsà-
préfent , & tant que le Roi de France
ne fera point tra té avec les égards qui Turi
conviennent & réintégré dans les juftes
droits de fa Couronne , il ne fera plus regardé
comme Ambaffadeur de France , &
que par conféquent il ne pourra plus fe
( 199 )
préfenter en cette qualité au Cercle ordinaire
de la Cour.
On fe rappelle que le Duc de Wirtemberg
avoit rappellé fon Miniftre à la Diète de
Ratisbonne , avant même que fe fit l'ouverture
du protocole des fuffrages . Cette
conduite de la part de ce Prince de l'Empire
avoit donné lieu à une foule de conjectures
, qui toutes avoient pour but
d'établir qu'il refufoit de fe joindre aux
autres Princes qui réclament pour leurs
droits & poffeffions en Alface ; mais l'on
vient d'apprendre que le Miniftre Comitial
de Wirtemberg eft de retour de Stutgard
à Ratisbonne ; qu'il eft chargé par fa Cour
de donner fon avis au protocole , & l'on
ajoute qu'il eft conforme à la déciſion
pille par les autres Princes. Le Due &
la Duchefle de Wirtemberg font partis de
Stutgard pour fe rendre à Vienne.
On a dû trouver étrange qu'un Prince
Souverain , le Margrave d'Anfpach , qui
regnoit fur un pays fertile & connu par
la douceur de fes Habitans , ait en quelque
forte abdiqué , & remis entre les mains du
Ministère Pruffien le gouvernement de fes
Etats , la difpofition & l'emploi des revenus
de fa Souveraineté. Ce qu'il y a de
très - vrai , c'eft que ce Prince a accepté
qu'un Miniftre du Roi de Pruffe , le Baron
de Hartenberg , foit aujourd'hui chargé de
I 4
( 200 )
l'Adminiftration civile & militaire ' des
deux Principautés de Bareith & d'Anipach
& que s'il arrivoit qu'il eût befoin
de fecours , il s'adreffat à Sa Majefté
Pruffienne . Le Margrave voyage
avec la célèbre Miladi Craven , avec qui
ce Prince eft lié d'amitié depuis longtemps
.
On regarde , au refte , cette démarche
du Margrave comme un effet de la politique
Pruffienne , & fur cela l'on apprend
de Berlin qu'il y a un projet qui fe négocie
, & dont on hâte l'exécution . On
affure que M. de Bifchofwerder fait entrer
dans le plan qu'il a préfenté à l'Empereur
des projets d'échanges , & entre autres celui
de la Luface qu'on avoit déjà propofé
pour la fucceffion de la Bavière , & que
la réfignation que fait dans ce moment le
Margrave eft un préliminaire à cet arrangement
que l'on préfente comme utile à
l'affermiffement & à l'arrondiffement de la
Pruffe & de la Maifon d'Autriche . Quelle
que foit l'opinion que l'on peut prendre
de cette conjecture , il n'en eft pas moins
vrai qu'une démarche auffi extraordinaire
que celle du Margrave d'Anfpach , Prince
agé de 55 ans , doit être le réfultat de
quelques combinaifons particulières & inconnues.
( 201 )
FRANCE.
De Paris , le 3 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 6 août , féance du foir.
On a lu diverfes adreffes portant adhéſion au
décret du 15 juillet ; quelques -unes condamnoient
légiflativement ce qu'on perfifte à nommer la
proteftation des 290 , quoique ce ne foit qu'une
déclaration , & qu'elle ait actuellement 315
fignatures .
Ces lectures oifeufes , fi elles ne peignoient
l'intrigue , puifque ceux qui les écrivent ne font
pas les organes légaux des voeux du peuple ,
nous font regretter de n'avoir pas donné connoiffance
à nos lecteurs d'une « adreffe du directoire
du département du Bas -Rhin , réuni au
directoire de diftrict de Strasbourg & au confeilgénéral
de ladite ville , à l'Affemblée nationale ;
de Strasbourg , le 21 juillet 1791. » Il fuffira
des principaux traits . M. Brunk , préfident ; M.
Diétrick , maire, & 24 autres fignataires , s'y expriment
en ces termes :
Lorfque vous avez établi cette conftitution
(monarchique ) , ' vous avez jugé votre fiècle",
& apprécié la morale & les habitudes d'hommes
nés & élevés fous le joug du defpotifme ; & cu
ne pouvant fouftraire le préfent à l'influence du
paflé , vous avez cru ne pouvoir appliquer au
pouvoir exécutif les formes républicaines. Tous
les efprits ne font pas également frappés de
l'impoffibilité abfolue de les établir parmi nous ;
mais vous avez penfé que n'étant pas appellé
pour donner le meilleurfyftême que l'efprit humain
1
Is
( 202 )
pût concevoir, mais pour ordonner ce qui étoit
Fraticable fur-le-champ , l'homme d'état devoit
prévaloir fur le philofophe, & vous avez décrété
la monarchie héréditaire dans la maiſon des
Bourbons... La loi que l'indignation publique
réclamoit n'exiftoit pas encore au moment du délit.
C'eft par le feul fait de l'inexiftence de la loi
que le Roi étoit inaccufable & impuniffable...
Votre décret a excité des attroupemens ... N'étoitce
pas affez d'avoir à détourner nos regards des
emportemens d'une cour atroce & perfide ? Faut- il
qu'ils rencontrent les égaremens d'un peuple
aveuglé ? veut-il faire oublier le crime dont il
pourfuit la vengeance , par le crime même de fa
pourfuite N'eft-il pas affez de rébelles parmi
nous , & faut il que le peuple auffi ait des reproches
à fe faire ? » C'eft ainfi que ces adminiftrateurs
amis de la paix & des loix endoctrinent
le peuple , le portent à bénir le monarque
& à refpecter la monarchie décrétée par l'Àffemblée
nationale .
Allant au même but par une autre route ,
le directoire de l'Ain prie l'Affemblée de l'au orifer
à prendre , à l'égard des prêtres réfractaires,
les mefures qu'elle a permifes aux départemens
du Haut & du Bas-Rhin . Il défigne fa ville de
Château - Thierry pour le lieu où il fe propofe
de réunir les curés & les vicaires non-jureurs &
la ville de la Fère pour les religieux & les chanoines.
Ces mefures font févères , ajoute- t- il; mais les
circonftances en impofent la loi. Un membre
a demandé le renvci au comité ecclésiastique ;
mais M. Grégoire , fe reffouvenant fans doute
qu'on avoit hautement attribué toutes ces incul
pations vagues , toutes ces déportations extrajudiciaires
aux prêtres jureurs , a déclaré que le
( 203 )
comité eccléfiaftique ne fe mêleroit plus de ces
foites d'affaires. L'Affemblée a renvoyé la pétition
du directoire aux comités de conftitution ,
de jurifprudence , des rapports & des recherches .
Les municipaux de Metz atteftent le civifme
du régiment de Reinach, fuiffe, & fa docilité à
recevoir des affignats de 5 liv . Sous l'ancien régime ,
les troupes de l'gne auroient cru leur honneur
com romis , fi l'on avoit imaginé qu'elles euffent
befoin d'un certificat de municipalité . M. Merlin
dont cette atteftation démentoit les nouvelles ,
s'eft permis d'autres inculpations encore contre
tous les régimens Suiffes , & n'a pas héfité d'annoncer
qu'on ne pouvoir plus compter fur eux
files capitulations n'étoient renouvellées . Il veut
que le comité diplomatique en faffe le rapport
fous trois jours . M. Rewbell a obfervé qu'il
falloit atter dre que le pouvoir exécutif fût en
pleine vigueur ; & il a ajouté que « M. de
Vrac , patriote qui n'eft pas chaud , quitte la
Su ffe. » On a r , & M. Merlin a retiré fa
motion.
Enfin , après un dernier rapport des troubles,
proces & dénonciations relatifs à l'affaire de Brie-
Comte Robert, M. Muguet a fait adopter le décret
fuivant :
« L'Aſſemblée nationale , après avoir our fon
comité des rapports fur la dénonciation qui a été
faite par quelques citoyens deBrie- Comte- Robert ,
décrète qu'elle approuve la conduite des membres
compofant le directoire du département de Seine
& Marne , & des détachemens du Hainaut , en
quarrier à Bije ; déclare au furplus qu'il n'y
a lieu à délibérer fur les pétitions des citoyens de
Brie. >>
Les commiffaires médiarcurs envoyés dans le
1
16
( 204 )
+
Comtat Venaiffin , y font mouvoir , à grands
frais , les gardes nationales du voisinage , & dérangent
par- là le fyftême de défenſe des départemens.
M. Vouland a obtenu que les comités diplomatique
& d'Avignon rendront compte après
demain d'une miffion fi extraordinaire .
Du dimanche, 7 août.
De l'air dont il eût proclamé la ceſſation du
déficit , celle de l'anarchie , le falut de l'Etat ,
M. d'André a annoncé que le lendemain , lundi,
on diftribueroit des fo's en échange d'affignats
dans les 48 fections de Paris , mardi des pièces
de Is
& de 30 fols , & mercredi des fols de métal
des cloches . Ces nouvelles ont été applaudies avec
des tranfports qui exprimoient notre profonde
mifère.
M. Anfon a dit que les rôles de la contribution
foncière de Paris feront en recouvrement
pour 1791 , le 10 de ce mois , ceux de la contribution
mobiliaire le 18 ; que déjà plufieurs départemens
du royaume , qu'il n'a pas nommés ,
avoient fait leur répartition. Les battemens de
maius ont recommencé comme pour un prodige.
Une lettre du maire de Paris a informé l'Affemblée
que le drapeau rouge venoit d'être remplacé
par le drapeau blanc à l'une des fenêtres
de l'hôtel-de- ville ; que le calme étoit rétabli , fi
non bien affuré , mais que la police furveille
toujours de près les ennemis de la chofe pu
blique .
Le miniftre de la guerre demande humblement ,
& obtient la permiflion de faire paffer à la diftance
de moins de 30,000 toifes de l'Affemblée ;
deux efcadrons du quatorzième régiment de dragons
, allant de Vendôme à Valenciennes , lė
cinquième de dragons , allant d'Ancénis à Condé ,
( 205 )
こ
W
i
FC
1
& le dixième de cavalerie , allant d'Angers à
Béthune
Ne trouvant pas encore les miniftres affez
fouples , M. Babey a demandé qu'ils fuffent tenus
de donner à l'Affemblée des explications plus
promptes & par écrit , de l'avertir de tous les
dangers , de ne pas fe borner à une apparence
de civilme préparée dans le mystère du cabinet ,
propre à en impofer aux citoyens de bonne foi ,
enfin , de l'informer de tout , jour par jour ;
heure par heure , fous peine d'être « refponfables
de leur inactivité comme d'une activité vraiment
criminelle. Cette mefure , qui ne laiffe aucune
proportion entre les délits & les peines , en affimilant
la négligence au crime prémédité , a été
renvoyée au comité de conftitution .
On a plutôt difcouru que délibéré fur quelques
articles du code rural , les ruches , les vers à
foie , les troupeaux. De nouvelles réflexions fur
les fources , les ruiffeaux , les fontaines , ont
porté l'Affemblée à fufpendre l'effet d'un article
déjà décrété . Dans un autre , M. Goupilleau
vouloit qu'on mît : un ufage valable & non
contefté ; mais M. Lanjuinais obfervoit que cet
amendement jetteroit les légiflateurs dans des
difficultés interminables , & qu'il falloit fe contenter
d'ufage , valable ou non. Si M. Hurat n'y avoit
fubftitué un titre & une poffeffion autorisée fur
les coutumes & les loix , le defir de fimplifier
Fouvrage des législateurs auroit jetté le germe
de milliers de procès parmi les adminiftrés .
Du lundi, 8 Août,
L'ordre du jour appelloit la révifion de l'acte
conftitutionnel. M. Thouret a dit que ce n'étoit
point du fonds des loix que l'on devoit s'occuper
mais du plan adopté par les comités pour la claffification
des matières . « Il eût été poffible , a(
206 )
til ajouté , de n'y faire entrer que la divifion
& l'organiſation des pouvoirs publics ; mais vous
n'avez point fait une conftitution pour un peuple
nouveau qui viendroit habiter une terre vierge;
nous avons penſé que la déclaration des droits de
l'homme devoit précéder l'implantation de la
liberté dans un pays ; qu'après cette déclaration
il falloit placer la garantie formelle de ces droits . »
Alors il a parcouru fucceffivement tous les titres
du plan ou projet de charte conftitutionnelle ,
en foutenant que c'étoit l'ordre le plus clair &
le plus méthodique , affertion qui ne paroîtra pas
indubitable à 25 millions d'intéreflés , puifqu'on
n'en eft pas tombé d'accord dans l'Aſſemblée na
tionale même,
Perfuadé que l'on ne pouvoit délibérer fur
l'admiffion de la totalité du plan propofé , fans.
donner fon opinion fur la conftitution elle-même
réduite aux formes de ce plan , M. Malouet a
prononcé un difcours qui fuffiroit au fuccès comme
à la gloire du véritable homme d'état fi les temps
d'anarchie étoient l'époque de la juftice & de la
saifon. Le voici tel qu'il l'auroit achevé fi quel.
qu'un n'eût trouvé plus facile de l'interrompre
que de le combattre , ou n'avoit cru le réfuter
en lui coupant la parole :
« Je commence par déclarer que fi la conſti
tution peut tenir ce qu'elle promet , elle n'aura
pas de plus zélé partifan que moi ; car , après la
vertu , je ne connois rien au-deffus de la liberté
& de l'égalité. »
« Mais quand j'examine la déclaration des
droits & ce qu'elle a produit , j'y vois une
fource d'erreurs délaftreufes pour le coinmug
des hommes , qui ne doit connoître la fouve
raineté que pour lui obéir , & qui ne peur prétendre
à l'égalité que devant la loi ; car la nature
( 207 )
my ---
ne partage pas également tous les hommes , &
la fociété , l'éducation , l'induftrie accroiflent &
multiplient les différences. Je vois donc les
hommes fimples & groffiers dangereufement égarés
par cette déclaration à laquelle vous dérogez
immédiatement par votre conftitution , puifque
vous avez cru devoir reconnoître & conftater
des inégalités de droits.
« Forcés à une première exception , je ne penſe
pas que , pour le bonheur commun , la liberté
& la sûreté de tous , vous lui ayez donné l'extenfion
qu'elle doit avoir . Nous n'avons aucune
garantie dans les annaks du monde , aucun
exemple du changement que vous opérez par
l'égalité des conditions . La différence ineffaç bie
de celle du riche à celle du pauvre ne femblet-
elle pas devoir être balancée par d'autres modifications
? Cette différence avoit peut-être , plus
1 que les chimères de la vanité , motivé les anciennes
inſtitutions ; nous voyons que les légis
lateurs anciens , qui ont prefque tous été de
vrais fages , ont reconr u la néceffité d'une échelle
de fubordination-morale d'une claffe , d'une profeffion
à une autre ; fi cependant , en croyant
n'attaquer que les ufurpations de l'orgueil & du
pouvoir , vous porticz la hache fur les racines de
la propriété , de la fociabilité , fi ceux auquels la
libe.té ne fuffit pas , s'enivrent de leur indérendance
, quelle autorité de répreffion ne faut rat-
il pas aux magiftrats & aux loix pour maintenir
l'ordre dans cette multitude iminenfe de
nouveaux pairs » ?
« C'est donc dans les pouvoirs délégués , c'eft
dans leur diftribution , leur force , leur indépendance
, leur équilibre , qu'il faut chercher la
garantic des droits naturels & civils que vous
( 208 )
affurez , par le premier titre , à tous les citoyens .
J'aime à le répéter , ces difpofitions fondamentales
ne laillent rien à defirer , chacun , en les
lifant , doit fe dire : voilà mon voeu bien exprimé
; comment ſera- t-il éxaucé » ?
L'expérience fous prouve qu'un droit rèconnu
n'eft rien , s'il n'eft pas mis fous la garde
d'une protection efficace , »
« Une feconde leçon de l'expérience & de la
raifon , c'eft que la plus grande extenſion de la
liberté politique eft infiniment moins précieuſe
& moins utile aux hommes que la sûreté & la
libre difpofition de leurs perfonnes & de leurs
propriétés . C'eft-là le bien folide , le bonheur
de tous les inftans & le but principal de toute
affociation . »
ce Il réfulté de ces deux vérités qu'un gouvernement
ne peut être confidéré comme parfaitement
libre , fage & ftable , qu'autant qu'il
eft combiné , non fur la plus grande liberté
politique , mais fur la plus grande sûreté &
liberté des perfonnes & des propriétés.
ן כ
« Or , quel a été votre premier objet dans l'organiſation
& la diftribution des pouvoirs , la plus
grande extenfion poffible de la liberté politique ,
fauf à y attacher , ce qui eft prefque inconci
liable, la plus grande sûreté poffible des perſonnes &
des propriétés. »
сс
ec Vous avez voulu , par une marche rétrograde
de vingt fiècles , rapprocher intimement le
peuple de la fouveraineté , & vous lui en donnez
continuellement la tentation , fans lui en confier
immédiatement l'exercice . »
сс
«Je ne crois pas cette vue faine , ce fut la
première qui fe développa dans l'enfance des inftitutions
. politiques & dans les petites démocra
( 209 )
CC
ties ; mais à mefure que les lumières fe font perfectionnées
vous avez vu tous les légiflatours
& les politiques célèbres féparer l'exercice de la
fouveraineté de fon principe , de telle manière
que le peuple qui en produit les élémens ne les
retrouve plus que dans une repréſentation fenfible
& impofante qui lui imprime l'obéiffance . »
Si , donc vous vous bornicz à dire que le
príncipe de la fouveraincté eft dans le peuple ,
ce feroit une idée jufte qu'il faudroit encore
fe bâter de fixer en déléguant l'exercice de la
fouveraineté ; mais en difant que la fouveraincté
appartient au peuple , & en ne déléguant que des
pouvoirs , l'énonciation du principe eft aufli
fauffe que dangereufe . Elle eft fauffe , car le
peuple , en corps , dans fes affemblées primaires ,
ne peut rien faifir de ce que vous déclarez lui
appartenir vous lui défendez même de
bérer ; elle eft dangereufe
, car il eft difficile
de tenir dans la condition
de fujet , celui auquel
Vous ne ceffez de dire : tu es fouverain
; ainfi
dans l'impétuofité
de fes paffions , il s'emparera
toujours
du principe
en rejettant
vos conféquences
. >>
« Tel eft donc le premier vice de votre conftitution
, d'avoir placé la fouveraineté en abftraction
; par-là vous affoibliffez les pouvoirs
fuprêmes , qui ne font cfficaces , qu'autant
qu'ils font liés à une repréſentation fenfible &
-continue de la fouveraineté , & qui , par la dépendance
où vous les avez mis , d'une abſtraction
prennent en réalité dans l'opinion du peuple , un
caractère fubalterne . Cette combinaiſon nouvelle
qui paroît à ſon avantage , eft toute à fon détriment
, car elle le trompe dans fes prétentions
& les devoirs , & dans ce genre les écarts de
( 2109)
la multitude font bien redoutables pour la liberté
& la fûreté individuelles. »
« Il n'en feroit pas de même fi voulant conftituer
une monarchie , après avoir reconnu le
principe de la fouveraineté , vous en déléguiez
formellement l'exercice au roi , & au corps é̟-
giflatif ; cette difpofition , je le déclare , me
paroît indifpenfable. »
сс
Après avoir défini la fouveraineté fans la
déléguer , & de manière à favorifer les erreurs
& les paffions de la multitude , le même danger fe
rencontre dans la définition de la loi , que l'on dit
être , d'après Rouffeau , l'expreffion de la volonté
générale. Mais Rouffeau dit auffi que cette vo-
Tonté générale eft intranfmiffible , qu'elle ne
peut être ni repréfentée ni fuppléée , il la fait
iéfulter de l'opinion immédiate de chaque citoyen
; & comme vous avez adopté un gouvernement
repréfentatif , le feul convenable à
une grande nation , comme les repréſentans ne
font liés par aucun mandat impératif , que les
aften blées primaires ne peuvent délibérer , il
réfulte de cette différence que la définition de
Rouffeau , jufte dans fon hypothèſe , eſt abſolument
fauffe dans la nôtre , & tend feulement
à égarer le peuple , à lui perfuader que la volonté
fait la loi , qu'il peut la commander , ce
qui produit , comme la première caufe , un affoiblitlement
fenfible du pouvoir législatif , en
élevant fans ceffe des volontés partielles & audacieuses
à la hauteur menaçante de la volonté
générale ; & je dis plus , même dans le fyftème
de Rouffent , la loi feroit mieux définie , l'expreffion
de la juftice & de la raifon publique ;
car la volonté générale peut être irjulte & paffionnée
, & la loi ne doit jamais l'être . Le ré(
211 )
}
cenfement de la volonté générale eft ſouvent
incertain & toujours difficile ; la manifeſtation
de la raifon publique s'annonce comme le foleil ,
par des flors de lumière. »
« L'abus de ces deux mots : fouveraineté du
peuple , volonté générale , a déjà exalté tant de
êtes , qu'il feroit bien cruel que la conftitution
rendît durable un tel délire . »
« Si les pouvoirs fuprêmes font , comme je
vous le démontre , altérés par leur définition , par
l'opinion qu'elle laiffe au peuple de fa fupériorité ,
als ne le font pas moins par leur organiſation.
Voici la fource de toutes les méprifes & de tous
les défordres d'un gouvernement qu'on veut
rendre trop populaire.
сс
גכ
Chaque homme ne s'unit au bien général
que par fa raifon , tandis que fes paffions l'en
éloignent, »>
Ainfi la fociété , comme collection d'individus
, eft foumife à deux impulfions divergentes
, dont l'une eft fouvent impétueuſe , &
Pautre trop fouvent fobie & incertine, as
Que doit faire une conftitution saiſonnable
pour affurer le bien général ? renforcer la plus
foible de ces impulfions , enchaîner l'autre. »
« Pour parvenir à ce but , il eſt évident
qu'il faut chercher les moyens là où ils fe
trouvent le plus naturellement , & éloigner les
obftacles. »
« Or , quelle eft la condition fociale dans
laquelle il le trouve le plus conftar ment une
habitude de volonté & de moyens tendans au
bien général ? C'est celle qui a le plus befoin
d'ordre & de protection , la condition de propriétaires
ceux-ci ont pour intétêt dominant
la confervation de leur état ; la volonté & l'ef(
212 )
pérance des autres , font de changer le leur.
ce Le gouvernement le mieux ordonné eft donc
celui dans lequel les propriétaires feuls influent ,
car ils ont comme les non- propriétaires , un
intérêt égal à la fûreté & à la liberté individuelle
, & ils ont de plus un intérêt éminent au
bon régime des propriétés .
>
ככ
Ils ne font pas la fociété toute entière ;
mais ils font le tronc & la racine qui doivent alimenter
& diriger les branches. »
CC
Ce ne peut donc être que par un abus
funefte des principes abftraits de la liberté politique
, & fans aucun profit , mais au contraire
au grand détriment du peuple , qu'on peut étendre
au-delà de la claffe des propriétaires , le droit
d'influence directe fur la chofe publique , car
alors la plus forte des impulfions qui met les
·L es en mouvement , celle des paffions , des
intérêts privés , agit toujours en grande maffe ,
tandis que le principe de direction le plus foible ,
celui qui tend au bien général , fe trouve réduit
tout- a - la- fois à une intériorité morale & phyfique.
», י כ כ
« Mais ce n'eft pas affez que la légiflation
d'un empire ne foit confiée qu'aux propriétaires
élus par le peuple. »ככ
« Les mêmes raifons qui féparent la difcuffion
& la confection des lois du tourbillon des paffions
& d'intérêts défordonnés dans lequel fe
meut la multitude , doivent appeller encore fur
les délibérations toutes les précautions quipeuvent
empêcher la précipitation & l'immaturité. »
cc Ainfi la délibération des loix dans une feule
chambre , préfente infiniment moins de sûreté
pour le peuple , & de moyens d'autorité pour la
loi , que fi elle fubiffoit deux examens fucceffits
( 213 )
par des hommes qui ont un efprit & des intérêts ,
non pas oppofés , inais différens . »
сс
« Je penfe donc que la conftitution du corps
législatif, en une feule affemblée , réduiſant à la
feule condition du marc d'argent , l'éligibilité
n'offre point une garantie fuffifante des droits narurels
& civils qu'elle déclare acquis aux citoyens . »,
« Trouverons -nous cette garantie dans un autre
pouvoir fuprême , celui de la royauté ; je ne le
penfe pas , car fon effence eft dénaturée
par le
mode de délégation , & par la définition dans
laquelle vous l'avez retranché . »
ce Le Roi eft le chef du pouvoir exécutif ,
fans l'exercer par lui - même . Je ne m'élève point
contre cette difpofition , la liberté ne peut être
maintenue fans la refponfabilité des agens , la
royauté n'existe plus fi le prince eft refponfable ;
ainfi le terme moyen étoit indifpenfable.
לכ
« Mais la royauté n'existe pas davantage en
la réduifant à la feule direction du pouvoir exécutif
dépendant , par fa refponfabilité , du pouvoir
légiflatif. »
cc La royauté , dans un état libre , ne pouvant
être utile que comme contre- poids d'un autre
pouvoir , doit en avoir un propre , indépendant ,
tel qu'il foit , fuffifant pour mettre obftacle
Bon -feulement aux erieurs , mais aux entrepriſes ,
aux ufurpations du corps légiflatif. Celui- ci ayant
continuellement dans fa main , par la refponfabilité
, les moyens de force que peut employer
le Monarque , il eft indifpenfable , pour conferver
l'équilibre des pouvoirs , que le Monarque
ait une puiffance morale une volonté fouveraine
qui réfifte en certains cas au corps législatif
, & qu'il foit ainfi partie intégrante de la
fouveraineté ; premier motifpour lui en imprimer
ડછોેનક
( 214 )
le caractère , car celui de chef du pouvoir exécutif
, convient également à un doge , un avoyer,
ou préfident des Etats- Unis . »
CC Quel eft donc l'attribut effentiel de la
royauté ? le feul qui la diftingue des hautes magiftratures
, c'eft cette indépendance de pouvoir
inhérent à la perfonne du Monarque , par lequel ,
non- feulement il fanctionne ou rejette les actes
du corps légiflatif , mais il ajourne ou diffout
une affemblée dont les entrepriſes violentes tendroient
à la fubverfion des principes conftitutifs. »
ce Le Roi étant dépouillé de cette autorité ,
quelle eft celle que vous lui avez laiffée pour
défendre la prérogative & fon indépendance ?
Il eft file de vous démontrer qu'il ne lui en
refte aucune. »
« Le veto fufpenfif eft un arme dont il ne
peut ufer fréquemment , fur-tout pour maintenir
une autorité contre laquelle toutes les autres
font habituellement dirigées par leur nature &
par l'appui de l'opinion populaire dont elles
émanent. »
CC« Cependant le corps législatif réuni en un
feul faifceau contre le trône tenant aux corps
adminiſtratifs par la furveillance & les accufa
tions , eft non-feulement le centre effectif de tous
les pouvoirs , mais peut s'emparer , quand il lui
plait , de tous les actes de l'adminiftration publique
, par les évocations & l'extenfion illimitée .
qu'il peut donner à la reſponſabilité , fans que
le Roi y mette obftacle.
« Il eft donc dans une dépendance effective
& continue de cette affemblée , qui s'eſt donnée
d'ailleurs conftitutionnellement une portion confidérable
du pouvoir exécutif , telle que l'orga
sifation détaillée de l'armée , celle de tous les
( 215 )
offices & emplois , la diftribution des honneurs
& des récompenfes , la difpofition des forces
militaires dans la réfidence du Roi , lorſque c'eſt
auffi celle de l'Affemblée . »
<< Comment trouver , dans cette diftribution ,
le balancement & l'équilibre des pouvoirs dont
vous avez eu l'intention ? & fi vous vous rappellez
que pour avoir donné un corps à deux
abſtractions , la fouveraineté du peuple & la
volonté générale , vous leur avez fubordonné ,
dans l'opinion , les pouvoirs fuprêmes ; vous
trouverez toutes les forces phyfiques & morales
réunies contre le trône , qui doit être indépendant
pour protéger efficacement vos droits , & tous
les pouvoirs expirans , en certains cas , devant
ceux qui doivent obéir . »
« La compofition & les fonctions des corps
adminiftratifs ajoutent à cette démonſtration . »
« La divifion du royaume en départemens ,
eft , fans doute , une bonne opération ; la répartition
, la perception de l'impôt par les délégués
du peuple , l'examen , la revifion de toutes les
dépenfes qui s'exécutent dans chaque département
, font encore dans les principes d'un bon
régime ; mais la partie active de l'adminiftration ,
celle qui exige une refponfabilité continue peutelle
être avec sûreté exercée collectivement par
les mêmes délégués ? n'appartient- elle pas toute
entière au pouvoir exécutif? »>
Le Roi a la furveillance de cette adminiftration
, peut en annuller les actes , en fufpendre
les agens ; mais comment feroit- il averti des
négligences , des prévarications ? Ces corps étran
gers à la couronne , où aucun de les agens ne
peut la repréfenter , font néecffairement les rivaux
de l'autorité royale , & tendront toujours , de
( 216 )
concert avec le peuple & le corps législatif , à
l'énerver. »
« La chatte , en n'affignant aucune fonction ,
précile aux municipalités , femble reconnoître le
danger de cette puiffance royale dont elles font
aujourd'hui invefties , & de leur infuffisance pour
l'exercer ; mais fi la conftitution ne guérit pas
ces deux plaies , qui pourra les guérir ? »
« Enfin , Meffieurs , fi à la fuite de tant d'entraves
mifes au pouvoir éxécutif & à la direction
centrale , fi après les mefures extraordinaires , .
récemment adoptées , & contre lesquelles je ne
ceffe de réclamer , je confidère les cas de déchéance
du trône , que vous avez décrétés , &
qu'aucun légiflateur avant vous n'avoit ainfi multipliés
& déterminés , je trouve que la royauté ,
dépouillée dans l'opinion & en réalité de tout ce
qu'elle avoit d'impofant , n'a plus les moyens
d'acquitter ce que vous lui demandez . »
« Je ne dis rien du nouvel ordre judiciaire ,'
le filence de la charte ſemble un aveu tacite de
fes inconvéniens. »
ec Mais l'organiſation & l'emploi de la force
publique préfentent de bien graves confidérations.
Voilà donc la nation toute entière conftituée en
armée permanente ; quel a pu être l'objet de
cette étrange & dangereufe innovation , qui
rappelle parmi nous les moeurs des germains
lorfque tant d'autres habitudes & d'inftitutions
les repouffent ? »
« Il étoit , fans doute , utile d'avoir une milice
non foldés proportionnée à l'armée de ligne ;
mais tous les citoyens actifs convertis en gardes .
nationales , l'ufage habituel des armes Téparé
d'une diſcipline févère , les fonctions , les travaux
militaires
( 217 )
S
militaires le mêlant à tous les actes , à toutes les
profeffions civiles ; je vois dans ces nouvelles'
difpofitions plus d'inquiétudes que de sûreté ,
plus , de mouvemens que d'harmonie , & une
perte immenfe de temps & de travail qui font
la feule propriété du pauvre . »
cc Quant à l'action & à la direction de la force
publique pour l'ordre intérieur , la condition
d'être , requis par les officiers municipaux , eft
une fage mefare ; mais la tranquillité publique ,
ne doit cependant pas dépendre de la complicité
de la foibleffe ou de la terreur des officiers du
peuple ; & le pouvoir exécutif , fous fa refponfabilité
, doit être autorité , comme en Angleterre
, à l'emploi de la force lorfqu'elle eft néceffaire
, »
ee Si des principaux points de la conftitution
je paffois aux détails & au claffement des objets ,
j'adopterois une autre méthode & plus de concifion
; car il eft des détails qui me paroiffent
inutiles . »
« Je termine ici mes obfervations , & je ne
me flatte pas de faire adopter les amendemens
qui en réſultent ; mais je ne faurois accorder
mon fuffrage à une conftitution contraire aux
principes que je viens d'expofer. J'y foumettrai
ma conduite en me rangeant déformais en filence
dans la claffe de ceux qui obéiffent . Je me borne
à demander , fi l'Affemblée ne juge pas à propos
de délibérer fur mes obfervations , qu'on accélère
les mesures qui doivent affurer la plus parfaite
liberté du Roi , & que la délibération fur
la charte conftitutionnelle fe termine par un
appel nominal . »
1.0
Se hêtant d'ar.êter ou de prévenir l'effet que
pouvoient produire des raifons de cette force
Nº. 34. 20 Août 1791 .
K
( 218 )
M. le Chapelier en a brufquement fufpendu le
cous , an paffage remarquable où l'orateur relevoit
la défaftreufe imprudence de déclarer le
peuple fouverain , tout en le retenant dans la
condition de fujet à qui l'on interdit jufqu'au
droit de délibérer dans fes affemblées primaires ;
& il ne prenoit la parole que pour répéter ce
qu'avoit dit M. Thouret , pour obferver qu'il
ne s'agiffoit que de l'ordre dans lequel on devoit
ranger les articles conftitutionnels , & non d'une
critique générale de la conftitution qu'il fappofoit
décrétée de manière que le moindre
changement n'étoit ni dans le pouvoir de l'Affemblée
, ni dans la volonté d'aucun de fes
membres.
Après de vains efforts pour reprendre fon opinion
, & voyant qu'il étoit décidé qu'on ne l'entendroit
pas « fi l'on ne veut pas m'entendre ,
a dit M. Malouet en fupprimant tout ce qu'il
la reftoit à dire , je me borne à déclarer que
je ne puis , comme mandataire du peuple , donner
mon fuffrage à une conftitution qui ne peut
faire fon bonheur ; & à demander à l'Affemblée
qu'elle veuille bien accélérer les mesures qui affureront
la liberté du Roi , & que la délibération
fur le charte fe termine par un appel nominal . »
MM . Buzot & de Saint- Fargeau ont appuyé
la propofition reftrictive de MM. Thouret & le
Chapelier; & M. d'Eprémefnil s'eſt d'abord attribué
les applaudiffemens du côté gauche, en rappellant
quel'ordre de la difcuffion étoit : la méthode
adoptée par les comités eft-elle bonne ? Chacun
des articles propofés eft- il conftitutionnel ? dernière
queition qu'on tenoit pour irrévocablement
décidée. Mais je crains bien , a -t-il ajouté ,
que l'on ne me retire ces applaudiffemens . N
( 219 )
1
好
voulant point profiter de l'ordre de la difcuffion ?
je déclare que nous nous regarderions comme
indignes de l'eftime des honnêtes gens , fi nous
ne perfiftions dans toutes les déclarations que
nous avons faites au fujet des entreprifes prati
quées depuis deux ans contre la religion , l'au-"
torité royale , les principes conftitutifs de la
monarchie & les propriétés » . Tous les membres
du côté droit fe font levés , & chacun d'eux a '
dit je le déclare .
"
•
Pour motiver l'immutabilité de la déclaration'
des droits , M. Thouret a obfervé qu'elle avoit
acquis un caractère religieux & facré , qu'elle'
étoit le fymbole de la foi publique , gravée fous
mille formes , affichée fur la cabane de l'habitant
des campagnes . M. Roederer n'y a vu qu'une
inexactitude de ftyle : les propriétés étant un
droit , pour la propriété. M. Dupont vouloit y
joindre un article renvoyé , dans le temps , aux
comités , portant que tout homme privé par une
infirmité ou par la vieilleffe des moyens de pourvoir
à ſa ſubſiſtance , a droit´aux ſecours de la
fociété. Il prétendoit que les mots confentir
les contributions , fentoient l'efclavage , le defpotifme
; que ce travail avoit été fait en tremblotant
, par de pauvres repréfentans des communes.
Le même membre vouloit encore que
cette déclaration des drcits unît la brièveté impériale
à la clarté philofophique & il foutenoit
qu'il y manquoit beaucoup de ces choſes - là .
Selon M. d'André , tout ce qu'on defire eft
dans la conftitution ; & il efpère qu'elle fera
aufi duzable , auffi inébranlable que la déclaration
. Confentir lui a paru l'équivalent de voter...
Toutes ces vues ont déterminé l'Affemblée
décréter qu'il ne feroit fait aucun changement à
K 2
( 220 )
la déclaration des droits ; & l'on eft paffé à
l'énumération des fuppreffions opérées d'après les
principes.
M. d'Harambure a dit qu'il devoit à fes commettans
de réclamer contre l'abolition de la nobleffe
, d'inviter l'Aſemblée à examiner dans fa
lageffe en quoi cette abolition peut contribuer
au bonheur du peuple , le but des voeux fincères
de l'opinant & de fes commettans . MM. de
Lufignan , de Croix & de Châtenay ont fait la
même déclaration tardive. C'est trop tard , leur
a- t - on crié du côté gauche où ils fiègent , nous
vous tenons .
сс
Au décret qui portoit : la loi ne reconnoit
plus de voeux monaftiques folemnels , on a fubftitué
dans l'acte celui - ci : la loi ne reconnoît
plus de voeux religieux , bien autrement grave
par fes conféquences relatives au célibat des
Prêtres , à l'indébilité du facerdoce , au mariage
confidéré comme facrement. « Pourquoi a- t- on
préféré cette nouvelle rédaction , a demandé M.
Camus parce que c'eft encore plus impie , a
répondu M. d'Eprémefnil ». -- La fuite de l'article
le rend encore plus digne de réflexion :
ni aucun autre engagement , y eft- il dit , qui fe-
Poit contraire au droit naturel ou à la conftitution ;
refte à favoir ce qu'on entendra par le droit
naturel de l'homme qui naît , vit & meurt libre
d'une liberté qui ne le fuppofe pas même le
vaffal de Dieu .
se Les citoyens , a dit M. Thouret , ne peuvent
être confidérés que fous leur rapport
d'homme à homme , nullement fous leur rapport
de l'homme à Dieu , fous les rapports de fimples
engagemens de la confcience. Ces objets ne font
( 221 )
-100
point du domaine de la loi civile , ni de là
conftitution des gouvernemens politiques . »
M. Loys alloit parler des engagemens qui ,
facrés jufqu'ici , peuvent paroître contraires aux
droits naturels ; de violentes rumeurs ont étouffé
cette indifcrétion inutile , & l'article a été mamtenu
dans toute la fécondité de fon équivoque .
4
M. Ræderer a fait ajouter à l'abolition des
preuves de robleffe , celle des diftinctions de
naiffance , pour attaquer plus sûrement ce qu'il a
nommé la maladie incurable , qu'il a tremblé de
voir fe reproduire fous un autre nom que celui de
nobleffe. M. Barnave defiroit que l'acte conftitutionnel
fupprimât les inégalités de partages faits
par la loi ; le flambeau de l'hiftoire les a montrés
à M. le Chapelier éteintes avec la féodalité . La
liberté de la preffe ne paroiffoit pas fuffifamment
garantie , à MM. Péthion & Buzor. M. Dumetz
a longuement infifté fur la fuppreflion du droit de
faire g ae. Défolé que les opinars n'euffent pas
communiqué leurs objections aux comités ,
Duport les a pries de s'y réunir ce foir , ſapropofition
a terminé la féance.
Du mardi , 9 août.
M. Fermont , procureur , a fait un rapport
fur l'organiſation de la juftice de la navigation .
Après quelques débats peu intéreffans , divers
articles ont été adoptés , & l'on eft paffé à la difcuffion
du titre I de l'acte conftitutioneel.
De la déclaration des droits qui , fuivant M.
Thouret , « doit fervir de règle à tous les gouvernemens
>> paffant à la conftitution Françoife , il a
dir qu'elle avoit pour garantie la conftitution ellemême
& les moyens qui en dérivent , ce qui n'eft
pas trop clair ; que les difficultés élevées la veille
K
3
( 222 )
ent éré applanics au comité où MM. Buzot & Péshion
s'étoient rendus ; que le droit de faire grace
& la liberté de la preffe feront traités lorfqu'il
s'agira des fonctions judiciaires .
Revenant à la charge , M. Reederer vouloit
que le droit de faire grace für expreffément ôté
au Roi. M. le Chapelier établiffoit que ce droit
feroit beaucoup mieux placé « dans le juré que
dans le Roi qu'il y auroit de la fageffe à
s'en remettre aux lumières & au patriɔtifme des
légiatures à l'égard d'une inftitution qu'on n'avoit
point éprouvée ; mais que pour ne pas ia
livrer à la né.effité d'une convention , extrémité
toujours dangereufe , il faudroit en traiter dans
Fendroit convenable.
M. Dupont a vu dans le premier paragraphe
tis médailles de nobleff ; il a dit que c'étoit un
nuvais principe d'éducation que de répéter aux
enfans : n'ayez pas peur des revenans ; qu'après
avoir décrété l'égalité des hommes , des impôts,
des peines , il étoit ridicule de fa re an article conf
titutionnel exclufif de toute diſtinction abolie :
né tremblez donc pas devant les spectres que
vous avez détruits ». Les trois médailles , les
speares , les revenans n'ont pas difparu pour
cela , l'on s'eft encore occupé de la liberté de
la preffe en attendant qu'il en foit de nouveau
queftion lorsqu'on differtera fur l'ordre judiciaire.
A la liberté de parler , d'écrire , d'imprimer, M.
Chabroud a fait ajouter celle de publier. Le cours
aflez irrégulier de la difcuffion a ramené vingt
fois les prétendus moyens d'empêcher que les
I'gifltures ne puiffent attaquer les droits confacrés
par la conftitution ; car enfic elle garantit
éminemment les droits de l'homme & du citoyen ,
( 223 ).
1
mais il faut , difoit - on , quelque chofe qui la gatantiffe.
•
L'un craignoit les attaques directes , l'autre
les extenfioas imprefcriptibles d'autorité. « Affurément
, reprenoit un troifième , il n'y a pas de
égiflature qui ofe fe permettre de détruire ce que
la conftitution garantit ; le leur défendre , c'eſt
détruire l'énergie de la conftitution ... I faut une
garantie générale de tous les articles conftitutionnels
difoit M. Démeunier » . Plufieurs auroient
defiré une garantie fféciale pour chaque article .
Si vous ne prefcrivez que des formes legillatives ,
objectoir , en fubftance , M. Duport , vos fucceffeurs
pourront , fans ceffer de les fuivre , infulter
aux droits de l'homme au point même de
foumettre la preffe à des cenfeurs par un décret
duemeut fanctionné ... On a fermé la difcuffion ,
& quelques lignes de M. le Chapelier fout devenues
le rempart qui doit protéger l'oeuvre de l'Af
femblée conftituante.
-
›
On lit le dernier paragraphe du titre premier.
« Par les biens deftinés à des fervices d'ut
lité publique , entendroit on les objets d'utilité
pour une ville , pour un canton a demandé
M. Thévenot ? Cette queftion a réduit
M. Thouret à laiffer échapper une grande vérité :
& nous entendons toujours , a-t- il dit , dans la
conftitution , par utilité publique , ce qui eft
général ; car ce qui n'eft que communal n'eft
pas public, de telle forte que les commune ne
doivent être confidérées que comme individus &
non pas comme chofe publique appartenant à l'organifation
générale . »
M. Gombert a réclamé la ftipulation du falaire
du clergé. Par le décret du 2 novembre , at
obfervé M. Camus ; vous avez dit que les biens
K 4
( 224 )
affectés aux dépenfes du calte étoient à la difpo
fition de la nation , à la charge de pourvoir
aux frais du culte , à l'entretien de fes mini tres
& au foulagement des pauvres. Aujourd'hui l'on
ne met aux voix que la première moitié de cet
article. Je conclus à ce qu'on le renvoye aux
comités . M. d'André, a dit que laiffer la moindre
difficulté fur la folidité de l'hypothèque des affignats
, ne fût - ce que pendant deux heures , ce
feroit ébranler le crédit national jufques dans les
fondemens ; qu'il fuffifoit d'affurer au peuple l'élection
des fonctionnaires publies pour mettre la
conftitution civile du clergé dans la chaite qui
ne devoit pas plus faire mention du falaire des
prêtres que de celui des juges , &c. L'article eft
rédigé d'après ces principes , on le décrète &
l'on pafle aux fecours publics garantis auffi par
un paragraphe.
M. Rabaud y defire plus de moralité , de folemnité
, & pour cela il en fait une dette nationals,
M. Barrère fonge aux enfans - trouvés . Un autre
membre doute qu'il y en tit fous le règne de
la liberté. M. Dupont rédige , l'Affembléc décrè e,
& M. Thouret en vient à l'inftruction publique .
On en dit quelques mots , on approuve , & nous
voier à la divifion du royaume,à l'état du citoyen.
Le nombre des départemens peut changer , dit
M. de Cuftine. M. Rabaud imagine un moyen
infaillible de préferver la France du républica-,
nifme fédératif , c'eft de déclarer que le royaume
eſt un & indiviſible , M. le Chapelier repouffe le
fi's d'un homme expatrié fans perfécution & fem-,
bl : profcrire ainfi la race de nos émigrans qu'il ne
fuppofe pas perfécutés . M. Guillaume prie l'Af-´
1.mblée de conferver la reftriction : pour caufe
de religion , en expiation du crime de Louis XIV.
( 221 )
Applaudiffemens réitérés , la clauſe eft maintenue ,
& la féance eft levée .
Du mardi , féance du foir.
affurer
que
M. de Bouillé a écrit au président de l'Af
femblée nationale , pour M. de
Goguelas , à qui l'on imputoit d'avoir pris part
à l'évafion du Roi , & désigné comme ayant agi
en qualité d'aide- de - camp de ce général , n'
n'étoit
pas fon aide- de-camp. Cette lettre a excité de
grands murmures. M. Guillaume a demandé
qu'on ne lût aucune lettre de M. de Bouillé ,
d'autant plus que l'on devoit préfenter demain
un décret portant que tout contumace fera déchư
du droit descitoyen actif.
•
I
Enfuite M. Chabroud a fait , au nom du comité
des penfions , un nouveau rapport fur les
indemnités dues à la famille de Lowendal. Un
décret a déjà fait payer 300,000 liv . à lá famille
, la part de M. de Lowendal le fils . Les
conclufions du rapporteur y joignoient cent
autres mille liv. & les arrérages échus , fauf à
prononcer fur la penfion de 3,000 liv . M.
Biauzat invoquoit la préalable. MM. Bureau de
Pay & Emmery fouteroient que l'indemnité étoit
de juftice ; mais M. Camus l'a réduite à 50,000
hv.; & un décret en a ordonné le paiement
en réſervant à ſtatuer à l'égard de la penſion.
Du mercredi , 10 août.
M. Thouret reprenant la charte conftitution
nelle , a rapporté que , fur les obſervations de
M. Gombert , plufieurs députés eccléfiaftiquest
( affermentés ) s'étant rendus , au comité , tex
réfultat de la conférence avoit été que l'acte
conftitutionnel confacreroit ces deux articles
K's
( 226 )
1° les citoyens ont le droit d'élire les miiftres
de leur culte ; 2 °. le traitement des minitres
du culte catholique penfionnés , confervés,
élus ou nommés en vertu des décrets de l'Af
femblée nationale , eft compris dans la dette"
nationale. »
Après avoir décrété ces articles & la fuite fans
difcuffion , on eft arrivé aux pouvoirs publics.
M. Raderer a nié que le Roi pût avoir aucun
caractère r :préfentatif , & foutenu que
Phérédité & la repréfentation s'entr'excluent 3
que fi l'on pouvoit attribuer le caractère de repréfentant
à un fonctionnaire héréditaire , tien
a'empêchoit que le corps légiflatif ne fe rendit
un jour héréditaire ; & que ce qui conftitue
cffentiellement la qualité de repiéfentant , c'eſt
l'élection, On a interrompu l'opinant par des
murmures mêlés de reproches de républicanime.
« Je demande , s'eft - il écrié , qu'il fait décrété
qu'on ne prononcera le mot royauté qu'à genoux.
»
En quant la jufteffe des idées de M. Ræderer
, M. Roberfierre s'eft offert à y en joindre
d'autres auffi juftes , pour la déduction defquelles
il n'a réclamé que la patience de l'Aff :mblée.
Un article portoit ; « la fouveraineté eft une &
indivifible . Il a voulu qu'on y ajoutâr : &
inaliénable. Nous ne le fuivrons pas dans fa
théorie . Le pouvoir . ne peut ê re aliéné ; la
délégation qu'on propofe eft perpétuelle , il n'eft
pas même parlé de convention dans tout le projet
d'acte ; c'eft une véritable aliénation de la
fouveraineté ; rien de plus contraire aux droits
de la nation que l'article mê.ne qui concerne le
Fouvoir législatif; ainfi rien de plus funefte à la
nation que la conftitution, Regarder le Roi
--
( 227 )
3
de
comme repréfentant , comme partie du pouvoir
légifl tif , c'étoit anéantir la conftitution , en
faire une autre , fe parjurer , facrifier la liberté
du peuple.....
Aucune fection du peuple , difoit l'article ,
ne peut s'attribuer l'exercice de la fouverainetésɔ.
M. Roberfpierre s'eft efforcé de prouver le contraire
; & l'on eft réduit à l'avouer , quelques
paradoxes érigés en principes depuis deux ans,
lui donnoient affez beau jeu pour qu'on ne pût
lui difputer la rigueur des conféquences » . Le
choix des représentans du peuple eft un acte de
la fouveraineté , difoit- il . N'eft - it pas vrai même
que les députés élus pour une contrée font les
députés de la nation entière ? Ne refulte- t - il pas
de ces faits inconteftables que de fections exercent
, pour ce qui les concerne particllement ,
un acte de la fouveraineté » ? On ne lui a répondu
que par des ah ! ah ! au mo: fats qu'on
fubftitue le mot dérets , ils feront réellement
inconteftables , & les auteurs de ceux - ci n'auront
fien de meilleur à lui répondre que des ah ! ah!
M. Péthion vouloit que la fouveraineté fût
une , indivifible , inaliénable & imprefcriptible ;
perfonne ne demandoit qu'on la rendit effective.
foutenoit que la nation , en déléguant les pou
voirs , ne déléguoit pas fa fouveraineté qu'elle
fe réferve toujours d'exercer , au befoin , par des
conventions ou des infurre &tions .
Le rapporteur , M. Thouret , a cru devoit
reconnoître que la nation ne délègue aucun pouvoir
à perpétuité. L'inaliénab: lité lui fembloit avoir
quelque danger de fauffes interprétations . « C'eft
précifément , a repris M. Péthion , d'après ce
qu'a dit M. le rapporteur , que je foutiens l'addition
des mots inalienable & imprefcriptible; &
K 6
( 228 )
même auffi d'après ce qu'il n'a pas dit ... Des
éclats de rire ont fait une courte diverfion à
cette métaphyfique . Comment 25 millions d'ames
la concevront- elles , fi de fubtils dialecticiens
exercés depuis deux ans à difcuter ces matières
abftrufes , ont tant de peine à convenir de vérités
, qui ne peuvent pourtant opérer le bien
général que par leur évidence ?
之
}
Ont
Des raifonnemens compliqués , des réfutations
analogues , & la condition que le procès - verbal
rendra compte des motifs déterminans ,
amené l'adoption des articles amendés , de manière
que jamais la fouveraineté ne fut ornée de
plus d'épithètes que dans une conftitution qui ,
jufqu'ici , n'en admet la réalité nulle part.
Il a été queftion alors de juftifer le titre ho
noraire de représentant accordé au monarque:
M. Thouret a donné pour première confideration
le refpect dont il eft indifpenfable d'ertourer
ce fonctionnaire public ; puis le veto fufpenfif
& le droit de traiter avec les puiffances
étrangères . Ce qui rend compatibles , felon lui ,
le caractère de repréfentant & la qualité d'héréditaire
, c'est que la royauté eft une compoftion
artificielle , une forte de fiction confacrée
par la propre néceffité .
M. Rewbell voyant que ce n'étoit , comme
attribution , ni au pouvoir judiciaire , ni au
pouvoir adminiftratif , ni au pouvoir législatif ,
qu'on déféroit au Roi le caractère de reprétentant
de la nation , & ne voulant pas convenir
que ce ne fûr qu'une affaire d'étiquette , concuoit
cruement qu'il n'y avoit aucune raifon de
donner au Roi le titre de repréfentant .
Le Roi ftipule pour la nation , par le veto
& en tranfigeant avec les puiflances étrangères ,
(+229 )
a
1
Rom
a dit M. d'André , témoin la formule décrétée
des déclarations de guerre de la part du Roi
des François , au nom de la nation ..... Si vous
n'établifiez le Roi que fonctionnaire public , on'
divifera la royauté , on la dépouillera des fonc
tions que nous avons le plus effentiellement
conftituées ; nous n'aurons plus de monarchie »………
On a vivement applaudi cette finale .
:
M. Barnave a défini la repréfentation déléguée
, le droit de vouloir pour la nation ; & il
a dit le repréfentant eft chargé de vouloir ,
le fonctionnaire public cft chargé d'agir pour la
nation ; le Roi veut pour la nation lorfqu'il
excrce le veto , lorfqu'il traite avec les étranges
; & c'est comme repréſentant & non comme
fonctionnaire qu'il eft inviolable comme le corps
législatif. Si le corps législatif vouloit feul pour
la nation , il deviendroit corps conftituant » . La
doctrine de M. Barnave a excité les plus grands
applaudiffemens ."
Afin d'éviter tout abus du nom de repréfentant
accordé au Roi , M. Rewbell a demandé
qu'on décrétât qu'aucun individu ne pourra s'attribuer
l'exercice de la fouveraineté du peuple ;
& le rapporteur a adopté cet amendement , qui
n'eft que la périphrafe d'inaliénable . Le refte de
la difcuffion ou de la révifion n'a préſenté que
des remarques peu intereffantes que la rédaction
même fuppléera. Sur les mots : le pouvoir exécutif
au Roi , M. Ræderer a obfervé que ce
pouvoir étoit diftribué en différens corps ; & il
rétabliffoit bonnement le décret du mois de feptembre
1789, portant : « le Roi eft le cheffuprême
du pouvoir exécutif » . M. Thouret a rappellé
que le pouvoir exécutif délégué ne s'exerçoit
que par des miniftres refponfables ; & dans la
( 230 )
partie adminiſtrative & judiciaire au moyen des
éus du peuple ; & de l'art des comités à fondre
toutes ces nuances , il eſt réſulté du moins
que,
dans cet article de la charte conftitutionnelle , le
Roi ne fera pas chef fuprême.
On a renvoyé aux comités quelques amendeniens
fur le droit des corps élect ›raux de s'alfembler
d'eux- mêmes , f.ute de convocation , &
fur l'exclufion des banqueroutiers des affemblées
primaires , & la ſéance à été levée .
Du jeudi , 11 août .
Des lettres de M. le baron d'Erlach , bailli
de Lausanne , & de M. de Sinner , bailli de'
Bonmont , ont annoncé aux adininiſtrateurs des
frontières françoiſes , un raffemblement de troupes
Suifles dans le pays de Vaud , dont l'objet
eft de maintenir la tranquillité intérieuré , & que
le canton de Berne defire de conferver la bonne
harmonie & les relations qui le lient à la France .
M. de Prez de Craffier , député du pays de Gex ,
a lu ces lettres , & a propofé de répondre à ces
difpofitions pacifiques par l'envoi de dux ou trois
mille hommes de troupes , avec un général da s le
pays de Gex , de diftribuer des armes aux habitans
du Mont Jura , & que le comté diplomatique
rende compte du degré de cor fiice que
mérite l'ambaffadeur de France chez les Safes.
Le tout a été renvoyé aux comt's diplomar que
& militaire ( vosez à la fin dujournal), Ok į
renvoyé de même aux comités compétens une
lettre de M. de Virieux , Bald . Malthe , qui
1appèle à l'affemblée le principe déciété des indemnités
préalables .
Revenu à l'acte conftitution el , M. Thouret
le rapporteur , a lu l'article ainfi congir : « -Sout
( 231 )
exclus de l'exercice des droits de citoyen actif
ceux qui font en état d'accufation ; ceux qui ,
après avoir été conftitués en état de faillite ou
d'infolvabilité , prouvé par pièces authentiques ,
ne rapportent ja un acquit général de leurs
créances. »
Dans les conférences de la veille on avoir
unanimement voté pour retirer cet article de
l'acte conftitutionnel. A en croire M. Thouret ,
ces difpofitions bonnes pour une ville de commerçans
comme Genève , feroient funeftes chez
un grand peuple agricole , où le malheur ne doit
pas être puni de la dégradation civique . Une
difcuffion contradictoire s'eft prolongée affez
long- tems fur cette matière . MM . Guillaume
Camus , d'André , Thouret , Tronchet , Duport
ont renouvelle pour ou contre , les argumens
debattus antérieurements après quoi l'affemblée
a adopté l'article tel qu'on l'a lu plus haut.
€
L'article VI eft paſſe ſans débats ; mais Particle
VII étoit de nature à en provoquer d'interminables.
Ily eft queftion du marc d'argent
de contribution , exigé par un décret pour être
éligible aux légiflatures . Les comités propofoient
de tranfpofer cette condition des députés aux
electeurs , & de convertir le marc d'argent dans
le prix de 40 journées ; de ftatuer qu'on ne
feroit électeur qu'en ayant 4 journées de contribution
, & que les électeurs cheifiroient librement
les députés fans conditions . M. Thouret
difoit , avec raifon , que cette difpofition ajoutoir
à la liberté d'éire , à l'ég lité du droit de parve-
Eir, aux droits politiques du peuple & àla garantie
que le penple eft intéreffe d'avoir de l'incorruptibilité
de les électeurs . Or il fupputoit que
dans les lieux où la journée de travail eft de 10
( 232 )
fols , 20 livres de contribution annonceroient
120 livres de revenu foncier ou induſtriel ; à 15
fols , 30 livres d'impôt , 180 de revenu à 20
fols , 40 livres , 240 de revenu ; & il obfervoit
que ce mode ne feroit admis que dans deux
ans.
M. Péthion s'est élevé contre ces gênes qui ,
transportées ainfi , grèveroient encore plus de
citoyens ; bienfait apparent , mal réel. Combien
de citoyens feront privés du droit fi précieux
d'être eleurs ? « Jugez , difoit-il , de l'impor
tance qu'on y met , par le fentiment qui nous
porte à défirer de nous placer au milieu de nos
concitoyens & de recevoir leurs hommages , »
L'opinant a ajouré que , quoique le marc d'argent
eût excité les plus vives réclamatious , il
préféroit qu'il reftât où on l'avoit décrété.
сс
Que les électeurs aient une fortune à per
dre & les choix feront meilleurs , obfervoit M.
Prugnon. Ne payer que la valeur, de 3 journées ,
c'est être à -peu-près fur la ligne des mendians.
Rien n'attache un pareil homme au pays ; il
vendra fa voix pour quelques fols , & faute
d'éducation , il manque de lumières . Ne cherchons
pas un mieux idéal , mais le bien poffible.
Je demande que tout François foit éligible aux
légiflatures ; mais que , pour être électeur , il
faille payer un inarc d'argent de cont : ibution . »
Le peuple eft-il libre de choifir fes repréten
tans lorsqu'il ne l'eft pas même de choisir ceux
qu'il eft obligé de charger de ce choix , s'eft
écrié M. Roberfpierre ! Si le décret a excité des
réclamations de toutes parts , c'est qu'il violoit
l'égalité . Ce qu'on vous propofe eft bien plus ,
dingereux encore. Vous avez déclaré que « tout
citoyen -Frençois eft admiffible à tous les em
( 233 )
plois , fans autre diftinction que celle des vertus
& des talens . Que m'importe , à moi citoyen,
qu'il n'y ait plus de nobles , s'il eft une claffe
privilégiée à laquelle je ferai tenu de confier le
droit de difcuter mes plus chers intérêts ? Cette
égalité fi vautée ne feroit donc qu'un vain appât
préfenté à la nation ! vous tomberiez en contradiction
avec vous -mêmes , contradiction qui lui
permettroit de douter de votre bonne foi.......
On nous parle de garantie , de corfiance ! à
quoi les attache- t-on , à la probité ? non , à de
l'argent. L'artifan laborieux , le pauvre 1boureur
ne font ils. pas plus indépendans que le
riche corrompu , corrupteur , dévoré d'une cupidité
que rien ne peut affouvir ?..... Quoique
cs idées foient morales , elles font dignes d'être
préfentées à l'Affemblée nationale ». ( Murmures
à gauche , & le côté droit à vivement applaudi ) .
Volant d'Angleterre en Amérique , de Philadelphie
en Grèce , l'orateur a dit qu'Ariftide &
J. J. Rouffeau ne pourroient pas être électeurs
parmi nous & il a conclu à la révocation de
toute forte de condition impofée à l'éligibilité .
,
-
« Si J. J. Rouffeau n'étoit pas électeur , a
répondu M. de Beaumetz , d'après la loi qu'on -
vous propofe , il feroit législateur . Si les nonpropriétaires
dominent , la propriété court rifque
de n'être pas refpectée . Ne confondons pas les
droits civils avec les droits politiques. Sparte.
commença par mettre en monceau toutes fes
richeles , & par les brûler folemnellement ; le
préopinant voudroit- il nous faire adopter cet ar
ticle de conftitution ? »
« Vous dénaturez tout ce que j'ai dit pour
me calomnier , a repliqué M. Roberfpierre , &
( 234 )
pour favorifer le fyftême des intrigins dont vous
êtes l'organe.
Sins s'affecter de l'apostrophe , M. de Beaumetz
a con iué fon dite . Il a couvert de ridicule ces
rhéteurs qui nonment opulens ariftocrates des
citoye is de 123 ou de 240 liv . de revenu foncier
ou induftrie!; & il a répondu à ceux qui craignent
que les électeurs mieux choifis ne foient trop .
peu nombreux , qu'au fort même de l'enthouſialme
civique les affemblées primaires ont été défertes ,
& que les électeurs ont follicité un traitement.
Apiè M. Burot, qui n'a pas hifité d'annoncer
qu'on propoferoit bientôt de révoquer les déc.
cts fur lanon- rééligibilité & fur la non -admiſſion
âu miniſtère , M. Barnave étonné d'avoir très-
In -temps poftulé la parole , a foutenu qu'il ne
faifoit pas de vouloir être 1bie , qu'il falloit
favoir l'ètre ; que l'on confondoit mal - à - propos
les droits dupeuple , avec la qualité d'électeur , qui
n'eft , felon lui , qu'une fonation publiques qu'un
changement en mieux dans la conftitution n'éto
pas une atteinte au ferment de la maintenir . En
cela , il avoit grande raifon , fans doute ; mais
il nous a paru moins fondé quand il a piétendu que
dans les démocraties on peut fixer à un taux
très- bas le droit de voter dans les affemblées ;
que dans un gouvernement repréfentatif c'eft le
taux intermédiaire des fortunes qu'il faut chrcher
; dans les affemblées électorales le contraire
feroit plus jufte ; car des hommes appellés à dif
cuter , à délibérer des loix , à affeoir des impôts ,
&c. , doivent être choifis moins indiftinctement
que ceux dont la fonction le borne à élire des repréfentans.
Auffi le cens palitique fut- il le premier
objet des légiflateurs anciens . « Je demande à ceux
qui viennent mettre en compataifon ces gouver
CC
( 235 )
}
nemens & le nôrre , a continué M. Barnave , s'ils
voudroient à ce prix acheter la liberté ? Je demande
à ceux qui profeffent fans ceffe ici des idées métaphyfiques
de liberté , parce qu'ils n'ont pas
des idées réelles de liberté ; qui nous plongent
Lass ceffe dans les nuages de la théorie , parce
que les notions fondamentales effenti l'es des gouvernemens
leur font profondément inconrues ,
s'ils ont oublié que par expérience , la démocratie
pure d'une partie du peuple ne peut exifter
que par l'esclavage civil , po'itique , effectif , abſolu
de l'autre partie du peuple ? Maintenant je dis que
le gouvernement représentatif, le premier , le
plus libre , le plus fublime des gouvernemens ,
n'a qu'un échec à éviter , c'eft la corruption...
Toute forme qui tend à mettre l'élection des
repréfentans à la merci du gouvernement ou des
ribes , cit la deftruction du gouvernement re
préfentatif... C'eft dans la claffe moyenne qu'il
faut chercher des électeurs... "
Il nous a femblé qu'on pouvoit objecter à M.
Barnave que , fi la fonction d'électeur n'est pas
un droit , la nation fouveraine n'cxercera jamais
fa fouveraineté que par infunction . Vous la
Bittez qu'elle la déploira dans fes affemblées pri
maires , elle n'y peut délibérer , elle n'y peut
qu'élire ; c'est donc là fa fouveraineté , qui lui
fut préfentée comme un droit. Si ce n'eft plus
un droit , fi ce n'eft plus qu'une fonction , ne,
craignez - vous Fas que fa liberté politique ne
lu: parciffe bientôt n'être qu'une corvée ? Vos
définitions rompeut le char.ne de vos grands.
axlômes auxquels les zélateurs de l'égalité rigoureufe
font beaucoup plus conféquens .
M. Baraave a été bien juftement applaudi
lofqu'il a dit qu'on ne devoit élire ni le riche
( 236 )
qui peut acheter des voix , ni le pauvre qui
voudra vivre de la fienne . « En effet , a - t-il
pourfuivi , parmi les électeurs élus fans payer
30 ou 40 jours de travail , ce n'eft pas l'artifan
ou le laboureur, qui réuniffent les fuffrages ; ce
font des hommes qui vont colportant dans les
affemblées primaires les principes turbulens dont
is font poflédés , qui font occupés de voir fans
ceffe un nouvel ordre de chofes , qui mettent
l'intrigue à la place de la probité , un peu d'efprit
à la place du bon feus , & la turbulence
d'idées à la place de la stabilité des principes.
Si je voulois chercher des exemples de la propofition
que je viens d'avancer , je n'irois pas
les chercher au loin ; ce feroit près de nous
très - près de nous , que je voudrois les prendre ;
& je le demande aux meinbres mêmes de l'Aſſemblée
nationale , qui ont foutenu l'opinion contraire
, mais qui favent bien cominent le font
compotes les corps électoraux les plus prochains ;
font-ce des artifans que l'on y a ves : non ; fort- ce
des agriculteurs ? non ; font- ce des libelliftes ?
ch ! oui ... » ( Les battemens de mains ont retenti
dans toute la falie . ) Après d'autres argumens ,
il a conclu à l'adoption de l'avis des comités .
Un choc d'amendemens a formé & échauffé
le refte de la difcuffion . Se méfiant fagement de
fon état de fermentation , l'Affemblée a fi par
ajourner l'article à demain .
*
Du vendredi , 12 août.
Une lettre du miniftre de la guerre a informé
le corps légiflatif que , pour tirer de l'intérieur
du royaume les 16 efcadrons demandés par M.
de Rochambeau , ce miniftre avoir ordonné que
les cinquième & quatorzième régimens de dia(
237 )
-N
gons & le dixième de cavalerie partiroient des
départemens de la Loire inférieure , de Mayenne
& Loire & du Loir & Cher où ils font en
quarrier ; que le département de Mayenne &
Loir fait les plus fortes repréfentations fur l'embarras
où va le laiffer le départ du régiment de
cavalerie , indifpenfable pour maintenir l'exécu- ›
tion des loix , affurer la perception des contributions
, & en impoſer aux mal – intentionnés .
M.Duportail qui s'attend aux mêmes doléances des .
autres départemens , annonce que dans les lieux
où l'exécution des loix éprouve de la réfiftance ,
il faut peu compter fur une partie des gardes
nationales , & propofe deux moyens d'obvier à
de fi terribles inconvéniens . Sa première idée
eft de prendre des gardes nationales des diſtricts
voifins ; mais un district , une ville pardonne-?
ront-ils à un autre l'emploi de la force contre
eux ? Dans le fyftême d'égalité civique & fraternelle
, des voifins fe prêteront- ils à fufiller
leurs voisins à charge de revanche ? Sa feconde
idée eft de créer & folder de nouveaux bataillons
de gardes nationales volontaires pris dans divers
cantons , que le voisinage & l'amitié n'empê
cheront pas de déployer la rigueur de la loi ,
qui n'exciteront ni haines , ni vengeances générales
ou particulières , Ces obfervations prouvent
qu'il n'y a ni cfprit public , ni force publiqué.
M. Thouret a réſumé tout ce qu'on avoit
débattu dans la dernière féance fur le marc
d'argent & les 40 journées de travail , & a
remarqué , fans aucune amertume , a-t-il dit ,
que l'objection tirée de la crainte de voir les
décrets révoqués les uns après les autres , ren
fermoit, in germe de défiance & de divifion
auifible au fuccès de travaux pour lesquels il fe-
*
( 238 )
roit à defirer qu'on fe dépouillât de tous foupçons
& de tant d'odieufes perfonalités ». Sa
conclufion a été de propofer , au nom des comités
, pour être électeur , une contribution de
40 journées de travail dans les villes au- deífus
de 6000 ames ; de 30 journées dans celles audeffous
; & dans les villages , la condition d'exploiter
une ferme de 4c0 liv . , à moins que les
fermiers ne paient une contribution à raifon de
leurs propriétés particulières . C'étoit le réſultat
d'obfervations & de calc is de M. d'Auchy. Des
murmures ont fréquemment interrompu le rapporteur.
L'évêque conftitutionnel de Blois , M. Grégoire
, qui réclamoir fi chaudement contre le
décret du marc d'argent , a demandé avec autant
d'ardeur , que ce décret fût maintenu tel´
qu'il étoit. MM. Guillaume & Goupil ont foutenu
l'avis des comités . On n'aura pas manqué
de fe convaincre d'un fait affez fingulier , que
la partie du côté gauche qui défend les comités
reproduit exactement , en le nuançant des paradoxes
à la mode , le même fonds de vérités que
les meilleurs orateurs du côté droit avoient fi
perfévéramment expofé au milieu des huées , des
cris à l'ordre , des farcafmes de la gauche , des
menaces des galeries & de la multitude , lorfqu'on
agita difcnta & décréta la plupart des
difpofitions que l'on tâche de réformer , aujourd'hui
que l'expérience & le danger manifestent
les égaremens d'une théorie abſtraite .
Cet afpect vraiment curieux abrègera des analyfes
qui ne feroient que de froides & inutiles
eftampes des tableaux originaux que nos lecteurs
ont encore préfens à la mémoire. Lès orages
partent à préfent de la partie du côté gauche ou
( 239 )
T'on s'obtine à tirer les conféquences directes.
des principes que la majorité fit triompher , en
oppofant au côté droit les mêmes armes dont
fe fervent actuellen ent ceux qui la divifent.
M. Merlin a lu le décret qui créa le comité
de révifion , & qui , en y adjoignant fept nouveaux
membres , leur interdit de rien changer
aux articles décrétés . « Il est bien étrange qu'on
nous tranfporte au barreau , s'eft écrié M. le
Chapelier. Si ces Meffieurs prétendent établir
ainfi la liberté des opinions , je demande que la
féance foit levée » . Le même membre & fes
CO lègues ne parloient point ainfi lorſqu'on cou-
Foit defpotiquement la parole à MM. de Cazalès
, Malouet , Virieu , l'abbé Maury , &c.
« L'intention de l'Aſſemblée , a continué M. le
Chapelier , fut qu'on ne touchât pas aux bafes
de la conftitution ; le droit du peuple n'eft point
d'être électeur , mais d'élire & d'étre élu …………....
Sans le décret que nous propofons , voyons ce
qui eft déjà arrivé »………. Il a prouvé que , dans
tous les départemens , les affemblées électorales
ont à peine offert le cinquième des électeurs
& il a fini par ces mots : c je veux que la -révolution
une fois finie , la conftitution le foit
auffi , & que le retour des conventions nationales
ne nous livre pas aux tentations de changer
de gouvernement, »
Donnant de nouvelles formes aux raifons
employées en faveur des comités , M. d'André
a promis de les répéter juſqu'à ce qu'on les entende.
Des murmures ont interrompu M. d'André
; il a d'abord montré beaucoup de tranquillité
fur l'iffue de la délibération ; mais pouffé à
bout par les clameurs , il a menacé l'Affemblée
d'un torrent de réclamations , fi l'avis des co(
240 )
mités n'étoit pas adopté ; de la défertion des
corps électoraux , & à ce propos , il s'est écrié
très - plaifamment : croyez-vous que j'euffe été
élu fubftitut de l'accufateur public , s'il y avoit
eu plus de 190 votans dans l'affemblée électorate
? On a beaucoup ri , beaucoup applaudi .
Son dernier mot a été qu'il fouhaitoit que ceux
qui repoufferoient l'avis des comités , n'euffent
pas lieu de s'en repentir . Il ne préfageoit pas
moins que la chûte de la conftitution .
La perplexité de l'Affemblee étoit telle que
M. Vernier l'a fenfiblement obligée, en ouvrant
l'opinion dilatoire d'ajourner l'article , après la
révifion de l'acte conftitutionnel , ce qui a été
bien vîte décrété.
Nouvelle queftion. Les électeurs de chaque
département pourront -ils choifir les députés aux
légiatures hors du département ? Un décret
l'avoit déjà décidée négativement. Ce décret
fera- t-il dans l'acte conftitutionnel ? Répétition
d'anciens débats . MM . Goupilleau , Salles , Garat
l'aîné , ont craint que les intrigans de Paris
ne fe fiffent élire dans les provinces ; d'autres,
que le gouvernement n'eût qu'un feul département
à gagner pour exclure un homme quel
qu'un a dévoilé, des brigues d'un particulier
attaché à M. d'Orléans…………. Enfin on a rétabli
dans l'acte conftitutionnel , l'article du décret
du 31 décembre 1789 , ainfi que ceux qui prononcent
diverſes incompatibilités. Pour celui qui
recule l'admiffion des législateurs au ministère ,
& la note du comité à ce fujet , il a été convenu
qu'on y refléchiroit encore.
Du famedi , 13 Août. -
On admet à la barre une députation du dépar →
tement
( 240)
tement de la Gironde . L'orateur Bordelots
peint la ville de Bordeaux dans l'état le plus
allarmant , le pays dépourvu de grains , prêt à
reffentir les horreurs de la famine , la commune
obérée ne pouvant fubvenir à fes dépenses &
fubftanter le nombre des infortunés que chaque
jour augmente. I a imploré les fecours de l'Alfemblée
Le préfident a entretenu ces députés
de la florillante profpérité de leur ville fous le
defpotilme , du nouveau reffort qu'y donnera la
liberté , des grands fervices rendus par les Borde
lois à la chofe publique , & les a exhortés à meſu>
ter leurs efpérances fur leurs titres au fouvenir
de l'Affemblée . Impreffion , dont ils payeront
Jeur part ; honneurs de la ce , & renvoi aux
comités des finances & d'agriculture.
On a lu & décrété fans débats quelques articles
de l'acte conftitutionnel juſqu'à la propofition
qu'a faite M. Saint-Martin , d'y placer le décret
portaut , qu'aucun membre des légiflatures , &c.
ne pourra être promu au miniftère , recevoir ni
laces ni traitement du pouvoir exécutif que
quatre ans après avoir ceffé les fonctions légis
latives. « Nous avons cru que c'étoit une erreur,
a répondu M. Thouret , que de traiter encore le
pouvoir exécutif en ennemi. Ce qui eft bon dans
le mouvement révolutionnaire , feroit funefte
Jorfque la révolution eſt conſommée . Les deux
pouvoirs doivent coopérer fraternellement à la
paix commune. Il n'y a contre ces principes ...
que la corruption ; mais il fe formera une oppofition
, & les parvenus en trouveront à leur tour
une nouvelle qui les furveillera. Si vous n'avez
que l'exclufion pour obvier à l'infuence minif
térielle , vous priverez la liberté nationale des
plus grands talens des législateurs .
N°. 34. 20 Août 1791.
ว
I
( 242 )
сс
Moins flexibles dans leurs principes , MM. Prieur
& Thuault ont infifté fur ce que le décret omis
avoit été rendu comme conftitutionnel , & ont
conclu qu'il falloit l'inférer dans la charte . Cette
conféquence a paru à M. de Tracy « la plus détftable
déraison. » Conftitutionnel ou non , il
fiut voir s'il eft bon ; or il ne l'eft pas . Il fut
rendu dans le plus grand tumulte & fans difcuffion...
Il fut enlevé , a dic M. Duport ; motif
qui , s'il étoit admis , en infirmeroit tant d'autres
; & il a pronostiqué qu'avec cette interdiction
le pouvoir exécutif détruiroit la conftitution
& l'Affemblée ; que la France ferot divifée en
deux partis , & , en fubftance , que l'état n'auroit
ni bons officiers , ni bons négociateurs , ni bɔns
miniftres , fi les membres des corps législatifs ne
pouvoient en accepter les fonctions , ou que fi
ceux, qui en auroient la capacité , s'éloignoient des
affemblées électorales , de crainte de perdre leur
avancement , tous ces employés feroient détournés
de la légiflature.
Après s'être vanté d'avoir répondu , comme il
l'a dit ,.à ce cette foule de fi , de car , de majs »
ce qui a fait rire , M. Goupil a propofé de borner
l'exclufion au tems des fonctions des légiflateurs
. M. Ræderer écartoit jufques aux promeffes
de places de ces hommes qui s'accommodent de
tout. cc Quoi qu'on en puifle dire , s'eft écrié M:
Bugot , j'aimerois autant que les députés actuels
entraffent dans le ministère que ceux à venir ;
mais mon amendement eft qu'on réduife les quatre
à deux. » L'Aſſemblée à inféré l'article dans
l'acte conftitutionnel avec l'amendement de M.
Buzot.
I eft échappé à M. Guillaume d'attribuer aux
vrais amis de la conſtitution l'honneur d'avoir
( 243 )
apperçu plufieurs omillions graves dans l'acte
'difcuté . Nous le fommes tous , a dit M. le Char
pelier ; & ces mots ont été le ſignal du plus violent
& du plus long tumulte. Tout fe pafloit
entre les membres du côté gauche . Ceux du côté
droit n'étoient que fpectateurs. De près d'une
heure , on n'a ceffé de crier fans pouvoir s'entendre
, d'augmenter le vacarme des voix , des
pieds , des mains , & de la Connette pour obte
nir du filence . M, Alexandre de Lameth vouloit
qu'on nît à l'ordre l'extrémité de la gauche.
M. Barnave n'emporte la parole que pour la
céder à M. Guillaume , qui fe difculpe en difant
que , fans défigner perfonne , il avoit eu deſſein .
d'obferver que les comités oublioient le décret
qui attribue au corps légiflatif le droit de décla
rer au Roi que fes miniftres ont perdu la confiance
de la nation . Le tapage a recommencé.
MM. Barnave & Charles de Lameth paroilfoient
défirer que les comités révifeurs , fi obftinément
contrariés , donnaflent leur démiflion ; &
M. d'André a demandé acte des applaudiffemens
de M. Anthoine ... ( A l'ordre ! à l'ordre ! ).
Un membre a repris M. Barnave , dit hier
une partie de l'Affemblée ; nous avons conquis
notre liberté , nous faurons encore la conquérir
en faifant rétablir nos décrets ... Le tumulte
étoit au comble . L'orateur ayant enfin obtenu
d'être écouté , a débité un long difcours fur les
intentions patriotiques des comités , fur les éloges
que s'eft attiré leur travail , fur le befoin d'union
, fur la force que l'union a donnée , & peut
feule conferver à l'Affemblée ; & il a peint ainfi
ceux des adverfaires des comités , qui ne font
pas de bonne foi dans les erreurs du républica
nilme ; « Des hommes qui cherchent un état de
L 2
( 244 )
révolution continuelle , qui ne feroient rien fans
Tévolution , qui affectent un faux patriotifme ,
' s'afleyen ainfi déguifés aux places les plus auguftes
, croyent en impofer fous ce malque , le
coalifent avec de petits écrivains .... gens à projets
dont l'extravagance eft le moindre vice ….. »
(Grands applaudiffemens & murmures . )
Dans l'article 1 de la fection , royauté , M.
Alexandre de Lameth a penfé que le mot déclare
auoit fait fuppofer que l'autorité du Roi étoit
reconnue comme antérieure & non comme déléguée
, qu'il l'avoit de droit divin ; le mot décrété
d'abord a été fupprimé, M. d'Aiguillon a
senouvellé la motion de M. Alexandre de Beauharnois
, que le roi , n'étant pas refponfable
ne pût commander les armées . Ce vou de courtifan
du fouverain actuel & d'autres difpofitions
nt été renvoyés aux comités .
Du famedi , féance du foir.
Madame Guillin Dumontet , dont on lira
plus bas les épouvantables infortunes , a paru ce
foir en habits de deuil à la barre de l'Affemblée
nationale. La vue de cette jeune veuve , dont la
douleur rchauffoit les agrémens d'une figure intéreffante
, préparoit les efprits à la lecture de la
lugubre pétitor:, dont un des fecrétaires a fit
lecture , Madame Dumontet y retrace fommairement
les horreurs commifes fur la perfonne de
fon mari , fur fes propriétés , les malheurs de fa
famille , la longue & vexatoire captivité de M.
Guillin de Pougelon fon beau- frère & tuteur de
fes enfans. L'Affemblée nationale a fait éclater
fa fenfibilité & fon indignation ; mais ces nobles
fentimens ont cu moins de faveur que les âpres
& triftes chicanes de MM. Camus , Rewbell &
( 245 )
-1.
Chabroud: ils font parvenus à faire renvoyer
au comité des recherches , la demande concermant
la liberté à rendre à M. Guillin de Pou
gelon. Vainement M. de Landine , député du
Forez & dont la conduite publiqué , les moeurs ,
les opinions ont mérité l'eftime de tous les hommes
impartiaux, a propofé d'élargir M. Guillin ,
fous caution juratoire
L'Affemblée attendrie , d'ailleurs , fur le fort
de Madame Dumontet , & defirant fans doute y
apporter quelqu'adouciffement par un acte de
juftice nationale , a renvoyé le fond de la pétition
au comité des penfions.
La ville impériale de Nuremberg ayant renouvelé
une ancienne prétention fur le Gouver
nement pour des fournitures de fourrages dans
la guerre de 1756 , M. Camus , rapporteur , &
d'après lui l'Allemblée , l'ont déboutée de La
demande.
La feccaffe qu'imprimèrent dans le royaume
´entier le départ du Roi & les réfolutions du Corps
Législatif à cette époque , reffufcita dans beaucoup
de Départemens la guerre des gens armés
contre ceux qui ne le font pas , des brigands
contre les Propriétaires , & des afffins contrela
vie des Citoyens qu'on leur intime d'opprimer.
On vit les Prêtres , qualifiés de Réfractaires en
dépit de tous les Décrets , perfécutés , maltraités ,.
choilés , volés même , avec toute la féracité du
fanatifme ; on vit le fecret des lettres ouverte.--
ment violé , & des Municipalités audacieufes appofer
leur vifa à la marge de ces dépêches ,.
dont elles le permettoient de rompre le fceau ;,
on vit les lettres - de- cacher & les empi : for nemens-
મે
L 3
( 246 )
arbitraires couvrir la face des campagnes & des
cités ; enfin , la torche & les poignards fe dirigèrent
de nouveau contre les châteaux & contre leurs
Poffeffeurs .
Des catastrophes multipliées de cette crife dont
le mouvement n'eft que rallenti , aucune n'a plus
déshonoré la Société humaine , ni dévoilé d'une .
plus épouvantable perverfité , que la lacération .
de M. Guillin Dumontet , maflacré après avoir
été coupé vivant en morceaux , à la lueur des
flammes de fa maiſon , & par un ramas de fcélérats
qui yenoient de piller toutes les propriétés .
mobilières .
- Pour déguifer l'énormité de ce crime , les Journalites
, fuivant leur morale- pratique , calomnièrent
M. Dumontèt , & juflifièrent les meurtriers
par des impoftures. L'un de ces infatigables
Fcrivains ofa imprimer à la faite d'un tilfu de
faulletés fur ce déplorable évènement , ofa imprimer
, difons-nous , ces exécrables paroles . Il
eft impoffible de plaindre le fort d'un homme , qui
a provoqué fi barbarement la vengeance de fes
Concitoyens. On va juger qui mérite la pitié des
ames honnêtes , de M. Dumontet & de fa Famille
inforturée , ou des Clients du Rédacteur
de la Gazette Univerfelle , dont nous avons emprunté
les expreffions ; on va juger qui mérite
le mieux d'être un objet de vengeance nationale ,
ou le Citoyenirréprochable maffacré fur les foyers
fanglans , ou le cafuifte débonnaire , qui refufe
fa commifération à ce Martyr, pour la réferver
à fes Allaflins.
M. Guillin Dumontet terminoit , à ſon château
de Poleymieux , près de Lyon , une carrière plus
que fexagénaire , employée honorablement dans
( 247 )
1
1
1
la Marine , au fervice de l'Etat ( 1 ) ; étranger
aux affaires publiques , & ne s'étant occupé de
la Conftitution nouvelle , que pour y obéir fcrupuleufement
, & pour recommander à fes voifins
la même foumiffion , il confacroit les reftes
de fa vie à une jeune époufe de 22 ans , non
moins intéreffante par les charmes de fa figure que
par les qualités perfonnelles ; deux enfans à peine
fortis du berceau & nourris par leur mère étoient
le fruit de cette union.
Aucun des prétextes employés pour convertig
la renaiffance de la liberté , en une guerre gra
tuite contre les propriétés & les Propriétaires
ne fembloit devoir troubler la retraite de M
Dumontet, lorsqu'un incident jetta la femence
des calamités de cette déplorable famille.
On le rappelle ce projet vrai ou faux d'appeller
les Princes abfens à Lyon , vers la fin de l'Automne
dernier. M. Guillin de Põugelon , Avocat
diftingué , dont les talens & les fuccès avoient
éveillé la jaloufie d'hommes pervers , & frère de
M. Guillin Dumontet, fut impliqué dans cette
affaire , par des dénonciateurs , dont le caractère ,
les habitudes , & les abfurdes narrations , devoient
difcréditer le témoignage ; mais l'activité
des haines particulières fe joignit à la gravité de
( 1 ) M. Dumontet , ancien Capitaine de
vaiffeau au fervice de la Compagnie des Indes ,
dans le temps où cette Compagnie étoit une
Puiffance , avoit enfuite occupé plufieurs commandemens
importans , entr'autres celui du Sénégal
. On peut voir l'éloge que fait de ce brave
Officier M. Loifeau de Mauleon , dans le 1er .
volume de fes Plaidoyers.
L 4
( 248 )
Paccufation ; la rage de parti l'empoifonna ; M.
Guillin fut arrêté , & par un Décret fubféquent de
PAffemblée nationale , rransféré à l'Abbaye Saint .
Germain , où il gémit depuis huit mois , fans
décifion juridique , fans avoir pu obtenir un
jugement.
L'accufation la plus dangereufe , celle du crime
arbitraire de Lèfe-nation , eft accueillie ; par un
effet de ce renversement de la juftice , qui précipite
la détention d'un Citoyen , du moment où
plus vile délation le défigne fous les traits
d'un Confpirateur, les propriétés , la Famille de
toutinfortuné amfi jetté dans les fers , deviennent
le point d'attaque de la férocité publique . Par
une crame bien fondée que ta populare de Lyon
ne fe porta à des excès contre tout ce qui apparte
noit à M. Guillin ; fa femme , fes foeurs , fes
Mees , transportant leurs effets les plus précieux ,
fe refugièrent chez M Dumontet , au châte. u
de Poleymieux.
Certe maifon devint l' fyle de la douleur
car à l'oppreffion populaire dont M. Guillin étoit
acc - blé , s'étoit jointe , peu avant la retraite de
fa Famille , une cataſtropite domestique , qui
mit en deuil tous ces infortunés . Pendant que
M. Guillin entroit captif dans le tombeau de
l'Abbaye St. Germain , fa bru , jeune & belle .
femme , époufe tendre , & mère vertucufe entend
erier dans les rues de Lyon une de ces brochures
fanguinaires , par lefquel'es on amufe la cruauté
populaire , fans la rail fier , & où l'on annorçoit
le jugement , la décapitation.de M. Guillin.
Au même inftant fa belle fille apprend l'arrivée
fubite d'un Exprès qui lui efe envoyé de Paris;
fon imagination fe bouleverfe ; égarée par
défefpoir , elle arrofe fon cafant de les dermè: c9
larmes, & le précipite par la fonètre .
( 249 )
2
5
s furent les triftes premises de la deſtinée.
qu'on préparoit au refte de fa famille . La haine
de fes canemis la fuivit à Poleymieux.
Déj , au mois de Décembre dernier , la demeure
de M. Dumortet avoit été l'objet d'une
de ces fouilles inquifitoriales , par lefquelles fe
fignaient le defpotifme des municipalités , & l'ardente
inquiétude du Peuple. Un impofteur dé
nonce-t- ilune mailon comme renfermant un arfe-:
nal , ou une mine pour faire fauter le pays , cu
une contre- révolution ; auffi - tôt la multitude v
s'ébranle , la Garde Nationale l'accompagne , des
"Municipaux en écharpe la fuivent , on inveft t
le toît d'un Citoyen paifible , onenfemec les portes
sil les ouvre, on parcours avec l'efpoir de
letrouver coupablé tousles recoins de fon domicile ,
on fème l'effroi dans fa Famille. Trop heureux
fi l'opération ne s'achève par l'incendie , ou le
pillage , ou du moins, par une arreftation arbi--
traire ; mais la maifon ainfi violée , refte notée
& au premier incident , les fénétiques & les bigands
y. portent le ravage . Telle est la police .
publique qui formeaujourd'hui en France latau
garde des Citoyens.
M. Dumontet s'étant plaint au Département
de Rhône & Loire , l'un de ceux qui s'eft fou ---
venu qu'il exiftoit une Loi & un Roi , ce Corps
admiriftratif bâma..l'attentat de cette vilite , &
en défendit de pareilles à l'avenir . En même
temps ilinvita M. Dumontet à fignifier aux
Municipalités qui le vezoiene, le Déctar quides
rend refponfables des dommages..
La reconnoiffance de fa ma fon faite par ces
pairs tyrans de Communautés , fembloit pro- ;
mettre à M. Dimouter we cranquillité dus- ,
sable , puifqu'on avoit conftaté que fon château i
L
S
( 250 )
n'étoit pas plus dangereux que fa perfonne . Néanmoins
, le 26 Juin , par des inftigations dont on
accufe généralement les clubs , & en particulier
celui de Chaffeley , la cataſtrophe le prépare &
s'exécute . A la Meffe & au fortir , on avertit
Madame Dumontet qu'on appercevoit de l'agitation
parmi les Habitans ; mais , fans défiance
fon mari , contre le foupçon même & les
exécrables projets qu'on venoit de fomenter , elle
repouffa les précautions que la circonftance devoit
infpirer. Elle rentra au Château : fon époux ,
ce vieillard couvert de bleffures , fes enfans , dix
femmes de fa famille ou de fon fervice , & un
domeftique nègre , compofoient toute la fociété ,
toute la défenfe de la maifon .
ainfi que
Vers les dix heures du matin , on voit s'ap
procher deux Municipalités en écharpe , jointes à
celle de Poleymieux : 300 gardes nationaux les
accompagnent :: une vifite d'armes fert de prétexte
à cette expédition . Madame Dumontet alliant la
prudence au courage , fe préfente , & avec douceur
, interroge cette armée fur le but de fon raffemblement
on lui répond qu'il eſt deſtiné à reconnoître
le Château & les armes qu'il peut renfermer
. Madame Dumontet leur rappelle la vifite ,
du mois de Décembre précédent , les défenfes du
Département ; elle leur demande l'ordre légal qui
les autorife à cette vifite , & fur leur réplique
négative , elle va prévenit fon mari , en lui recommandant
les voies de douceur. M. Dumontet
defcend , & repréfente de nouveau & la première
vérification & les défenfes du Département ;
il offre de fe foumettre à une nouvelle vifite , fi
on lui exhibe un ordre légal . Cet ordre n'exiftoit
point , & la démarche de ces furieux n'étoit
autre chose qu'une expédition de guerre contre
( 251 )
un Propriétaire. Pendant le dialogue , M. Du
monet qui avo't entr'ouvert la porte , eft faifi au
collet par un nommé Rofier , déferteur de deux
fervices différens , & Capitaine des Gardes nationiles
de Chaffeley. Réduit à défendre la vie & fa
liberté , il tire de fa ceinture un pifiolet qui ne
part point ; mais il parvient à fe débarraffer & à
refermer la porte . Aufli- tôt le tocfin fonne de
toutes parts : trente Paroiffes s'ébranlent , trente
drapeaux font déployés , ks Villages d'alentour
accourent à la réquifition des . Officiers Muri :ipaux
; enfin , deux mille individus viennent affiéger
un vicillard , des femmes & des enfans,
Cette troupe forcenée réitère fes menaces , &
bientôt les exécute. Ele infifte d'abord fur la
vifite intrépide Madame Dumontet ole aberder
ces forcenés , & leur icpréfente qu'une dépu
tation d'entr'eux fuffira pour calmer leur défiance ,
en faifant feule la reconnoiffance du Château ; leś
follicitations de quelques Municipaux fufpendent
un moment les deffeins des fcélérats ; des Députés
en effet , parcourent la maifon , redeſcendent ,
atteſtent n'avoir trouvé que les armes ordinaires ,
A ces mots la fureur animée par l'efpoir du
pillage & par la foif du fang reprend de nouvelles
forces . Une grêle de coup de fufil crible les fenê
tges du Château , à l'inftant où fes infortunés bahitans
yenoient de reprendre quelqu'efpoir. Plus
de doute fur l'imminence du péril : Madame Dumontet
tente un dernier effort pour fauver fon
mati & fa demeure . Elle prend fes deux enfans
dans fes bras , le précipite au milieu des affaflins ,
réclame l'humanité & la juftice , fomme les Municipaux
de faire leur devoir. Sa jeuneffe , les
charmes attendriffans de fa figure pleine de douceur
, fon héroïsme , la préfence de ſes enfars ,
L 6
( 252 )
rien ne défarme ces execrables bourreaux. Is
lentourent & l'entraînent , pour la garder , difentils
, en ôtage..
Pendant qu'une partie de ces monftres la fé-.
quefire dans un lieu , où elle fe trouvoit expofée ,
au feu du Château , fi fon mari eut tenté de
fire feu , le refte enforce les portes , force less
paffages , inonde le Château . Tous les domefti-.
ques étoient en faite le pillage commence ; il fe
confommie. Tout ce qui peut être pris devient la
proie des brigands : l'incendie fuccède à ce faccagemert
les flammes dévorent- le Château. Le
matheureux Grillin , chalé de retraite en retraite
, & réfugié dans le donjon de la maison
enbralée , n'a plus que , le choix, du fupplicè ..
Quelques hommes moins féroces l'encouragent
à le montrer , & répondent de la vie . li fort du
donjon ; à la vue la rage redouble : c'eſt à qui
lui portera les premiers coups : on le hache en
pières vivant; il voit fes membres toniber épars
auprès de lui ; enfin il reçoi le coup de grace.
Auffi - tô: les Cannibales fe difputent les lambeaux.
de fon cadavre ; la tête est coupée , portée ſur une
pique triomphale ; lestriomphateurs civiques laventleurs
mains , lenr . vifage bidenz dan te fang
attyr il s'en part gert les membres déchités
, ils les envoyent aux diffétens Villages ,
comme le Lévite d'Ephraïm fic paffer les débris defon
époufe aux tribus d'Itraël, Erfin , pour dermier
acte de cette abominabic tragédie , ceux deces
Acélérats que la Gendarmerie nationale pourfuività
Chalkley. , furent fatis à table , où ils dévoroient
l'avant- bras de leur victime , après l'avoir
fait-rôsir. La procédure infruite à Lyon
a contate ca f.fin d'urrapephages .
་ Pendant que les Dames conlumoient, fore
(
255.
:
Château pilé ; pendant qu'à la vue de l'écharpe
Municipale & de l'uniforme Nationale , on dépe
çoit M. Damontet, vivant , la génércule épouse
éhappoit au même fort par les foins compatif--
fans de deux Hábitans Parvenus à lafoultraire
fes fatellites , ils lui donnèterrun afyle ; mais
les recherches & l'approche des brigands la forcèrent
d'en fortir. Portant dans fés bras l'an de
fes enfans , confiant Pautre à l'une de fes femmes.
qui l'avoit fuivie , elle erra plufieurs heures , à la
meur de fon Château incendié , au milieu des,
coups de fufil que lui tiroient les affàllins. Un
nouveau darger l'attendoit fur les bords de la.
Saone , où elle arrive les pieds fänglåns un déta
chement des brigands la pourfuit & l'atteint . Elle
ne leur échappe que per la fermeté de M. Felafc ,
Lyonnois , Commandant de la Garde nationale
du lieu , qui , au péril de fes propres jours , dé
fendit Madame Dumontet , & lui procura un
bateau qui la conduifit à Lyon . Là finirent 24,
Heures de dangers affreux : là elle apprît toute
rétendue de fes infortunes & de fes pertes : on
Jui avoit déguifé le fort de fon mari ; elle l'epprit
, en fe rejoignant , à Lyon , à fes belles- feurs & ;
à fes nièces , miraculeufement échappées comme
elle à la horde infame qui venoit de combler les.
malheurs de cette Famille .
Tous les traits du tableau que je viens d'efquiffer
, m'ont été fournis par M. dime Dimanter
clie-même : c'eft de fa bouche que j'ai appris
fes circonftances de ce défaftre , & je, ne les air
pas rendues avec le fentiment d'horreur , d'affiion
profonde , dont l'accent , le fpectable de,
certe veuve ft touchante m'a pénétré .
Autorife par la fignature à garantir l'exącisade
de ce-récir , fajouterai qu'inceífamment elle
( 254 )
publiera la procédure qui le confirme , & qu'elle
pourfuivra jufqu'à la mort , la vengeance de fon
mari & de les enfans.
L'honneur national , l'intérêt de nos nouvelles
Loix, l'opinion que l'Affemblée nationale veut fans
doute que l'on prenne des Corps & des Tribunaux
auxquels e'le a confié la défenfe de la Liberté civile,
nous promettent que Madame Dumonter obriendra
cette vengeance . Déja , il eft vrai , quelquesuns
de ces autres de crime , où les fcélérats ont
déjà fi fouvent trouvé des protecteurs , déjà des
Clubs remuent en faveur des coupables arrêtés ,
intimident le Tribunal du Diſtrict de Lyon , appellent
à l'appui des antrographes le prétexte du
patriotifme , & rejettent , fur l'excès du zèle civique
, ce pillage , cet incendie , cette boucherie,
ce feftin .
Je dois avertir ceux entre les mains de qui eft
aujourd'hui le fort de cette pourfuite , ou qui
peuvent en forcer lá continuation , fi les Clubiftes
réuffiffoient à l'interrompre , que l'opprobre de la
France & de la Conſtitution eft ici atraché à une
décifion de connivence ou de lâcheté ; que ce
Journal portera à l'Europe entière l'hiſtoire de ce
forfait , & que l'Europe entière demandera s'il a
été puni. Il faut décider fi la France eſt ou non un
pays policé , fi elle eft habitée par des hommes ou
par des bêtes féroces , fi le titre de Patriote eft
parmi nous le mafque & la récompenfe de la plus
infâme fcélérate ffe.
Nous ne parlerons pas ici des indemnités fur
lefquelles la veuve & les enfans de M. Dumonter
ont un droit inconteftable . Les Décrets de l'Affemblée
Nationale les leur affurent forme lement.
Tout eft perdu pour ces orphelins ; château ,
258 J
$
1
dépendances , récoltes de l'année dernière , vins
grains , mobilier , argenterie , argent comptant ,
affignats , billets , titres , contrats. Entre autres
propriétés , M. Dumontet avoit 36000 liv. en
rentes viagères fur FEtat ; en l'affaflinant , fes
bourreaux crioient : Tuons- le ; il a des rentes ; »
cefera autant de gagné pour la Nation . Tels font
les épouvantables fuccès de nos maximes fur les
propriétés publiques tels font les progrès de cet
efprit de pillage , que des Rhéteurs ofent appeller
l'efprit public. Il feroit fuperflu d'indiquer à cet
égard ce que l'équité , ce que la générofité d'un
grand Peuple peuvent commander en pareille
circonftance .
Auprès des malheurs de cette Famille , auprès
des crimes qui la plongent dans le deuil & la ruine,
qu'est-ce que le fupplice de Calas , promené juſqu'au
dégoût fur nos Théâtres , & toutes ces déclamations
rimées par lefquelles on accufe des
temps qui ne font plus , pour applaudir aux for
faits de fes contemporains. Ah ! fi , parmi tant
de poëtes fervils , qui , tous couverts des fanges.
du defpotifme , ofent prendre la livrée de la Liberté
, il en étoit un feul qui eût confervé l'inftinct
de l'humanité , qu'il en donne des leçons au
Peuple , en lui retraçant la peinture de fes égaremens
(1 ).
En envoyant à M. Chapelier, qui l'avoit
interrompue , l'Opinion de M. Malouetfur
(1 ) Cet article a été rédigé par M. Mallet,
du Pan , qui reprendra la rédaction entière la
femaine prochaine.
( 256 )
As conflitutionnel, ce dernier lui a écrits
ces mots : to Je vous ai laiffé, travailler fans .
» interruption pendant deux ans & deni ,
---
à un ouvrage que vous appellezſuperbe ;
» il eut étéjufte de m'accorder une derui-
» Heure pour enr dire mon avis . Je vous ?
» prouverois bien , par vos propres axio-
» mes , que le refus ft déloyal & inconftitutionnel;
mais j'aime autant, que nous .
>> reſtions chargés vis-à vis de nos Contem
» porains & de la postérité , vous de la :
» refponfabilité de votre admiration ,
» moi de celle de mes cenfures .>>
&
Cette Opinion de M. Malouet , que nous.
avons rapportée à-peu- près entière dans la ,
Séance du Lundi 8 , ayant été défigurée .
par les Copiftes périodiques des Séances
de l'Affemblée Nationale , l'Auteur nous !
a priés de rendre publique la réclamationque
voici :
Paris , le 17 aout 1791.
Je fais , Monfieur , combien on vous perfécute
pour vos opinions ; mais je fuis feul refponfable des
miennes & puifque vous voulez bien leur donner
place quelquefois dans votre Journal , permetteznoi
de publier par cette.voie que je ne me retrouve
fain & Laufqu'entre vos mains . Les platitudes ,.
les fottifes même que me font dire des Folliculaires
rels que le Moniteur , font un dernier efter de la
démigogis, pour 'apprendre au peuple étonné ,
que muln'a d'esprit que nous & nos amis. On dits
que c'eft auit la divife de l'Amides Patriotes; &±
qu'il prétend férieufement qu'il n'y a pas un
(~257 )
;
1
homme eftimable qui ne trouve la conſtitution
fuperbe , car ce mot eft confacré par M. Chapelier..
Pour moi j'ai une autre prétention c'eft que dans
le grand nombre d'honnêtes gens & de fripons qui,
en font l'éloge ; iln'y a pas un feulhomme au bufte
duque la pollérité attache l'infcription : Aux Grands
Hommes la Patrie reconnoiffante.
MM. de Mirbeck , de St. Lourens &. de
St. Leger font nommés , par M. Thevenard,
Commiffaires de l'Aflemblée Nationale à
St. Domingue , à la place de MM. de la
Haproye , Guillot & Heriffon , choifis par
S.. M. avant l'interrègne. Ces derniers ont
réfigné leur emploi par des motifs eftimables
, qu'on trouvera dans leur lettre fulvante
au Miniftre de la Marine , en date-du:
Juillet dernier.
MONSIEUR ,
Nommés par le Roi , Commiffaires Conciliareurs
à Saint - Domingue , nous avons accepté,
avec enthoufiafme , cette importante iniflion,
dans l'eip ir de payer à notre patrie le tribut qu'elle.
a droit d'attendre de tout citoyen. »
сс Depuis le 29 mars , époque de notre nomination
, jufqu'an 21 juin , neus avons attendu
avec impatience le moment où nos voeux pour
rojent le réaliſer , & nous avons mis ce temps
à profit , foit en puifant dans les correfpondances
des lumières qui nous étoient néceffaires , foit
en entreprenant des rapports fréquens avec les
habitans de la colonie . Les circonftances actuelles
( 258 )
offrant un autre ordre de chofes , nous paroiffent
néceffiter d'autres mefures . »
« L'Affemblée nationale doit préfenter inceffamment
au Roi la charte conftitutionnelle ; fa
détermination peut influer évidemment fur le
fuccès de notre miffion . Daignez donc , Monfieur,
différer notre embarquement jufqu'à ce qu'il ait
manifefté fes intentions ; dès le lendemain vous
nous trouverez prêts à exécuter les ordres que
Vous nous intimerez ; mais fi vous perfiftez dans
la réfolution de preffer notre départ , permetteznous
de vous offrir notre démifiion . »
Nous fommes avec refpe &t , & c. & c, Signés ,
GUILLOT , D'HÉRISSON , DELAHUPROYE .
SUITE du Projet de la Conflitution
Françoife.
SECTION V.
Réunion des repréſentans en Affemblée nationale
légiflative.
Art . I. Les repréfentans fe réuniront le premier
lundi du mois de mai , au lieu des féances de la
dernière légiftrature .
II. Ils le formeront provifoirement , fous la
préfidence du doyen d'âge , pour vérifier les pouvoirs
des repréfentans préfens.
III. Dès qu'ils feront au nombre de trois centsfoixante
treize membres vérifiés , ils fe conftituerout
fous le titre d'Affemblée nationale législative
: elle nommera un préfident , un vice préfilent
& des fecrétaires , & commencera l'exercice
de fes fonctions .
IV. Pendant tout le cours du mois de mai ,
( 259 )
1
fi le nombre des repréfentans préfens eft audeffous
de trois cent foixante-treize , l'Affembléc
ne pourra faire aucun acte législatif.
Elle pourra prendre un arrêté pour enjoindre
aux membres abfens , de fe rendre à leurs fonc
tions dans le délai de quinzaine au plus tard,
à peine de 3000 livres d'amende , s'ils ne propofent
pas une excufe qui foit jugée légitime par
le corps légiflatif.
V. Au dernier jour de mai , quel que foit le
nombre des membres préfens , ils fe conftitueront
en Affemblée nationale légiflative .
VI. Les repréfentans prononeeront tous enfemble
, au nom du peuple François , le ferment
de vivre libre ou mourir.
Ils prêteront enfuite , individuellement , le ferment
de maintenir de tout leur pouvoir la conftitution
du royaume décrétée par l'emblée natio
näle conftituante , aux années 1789 , 1790 &
1791 ; de ne rien propofer ni confertir , dans le
cours de la légifiature , qui puiffe y porter atteinte ,
& d'être en tout fidèles à la Nation , à la Loi &
au Roi.
:
VII. Les repréfentans de la nation font inviolables
ils ne pourront être recherchés , accufés ,
ni jugés en aucun temps , pour ce qu'ils auront
dit , écrit , ou fait dans l'exercice de leurs fonctions
de repréfentans...
VIII. Ils pourront , pour fait criminel , être
faifis en flagrant délit , ou en vertu d'un mandat
d'arrêt ; mais il en fera donné avis , fans délai , au
corps légiflatif , & la pourfuite ne pourra être
Continuée qu'après que le corps légiflatif aura décidé
qu'il y a lieu à accufation,
( 260 )
CHAPITRE II
De la Royauté , de la Régence & des Miniftres.
SECTION PREMIÈRE.
De la Royauté & du Roi.
Art. I. La royauté eft indivifible , & déléguée
héréditairement à la race régnante , de mare en
mâ e , par ordre de primogéniture , à l'exclufion
perpétuelle des femmes & de leur defcendance.
( Rien n'est préjugé fur l'effet des renonciations
, dans la race actuellement régnante . )
H. La perfonae du Rei eft inviolable & facrées.
fon feul titre elt Roi des François.
. n'y a point en France d'autorité ſu
périeure à celle de la loi . Le Roi ne règne que
Har elle , & ce ucft qu'au nom de la loi qu'il
peut exiger l'obiffance.
IV. Le Roi , à fon aveneniert au trone,
cu dès qu'il cura atteint la majorité , pretra
à la nation , on prétence du corps légiftatif , ! :
fernent d'employer tout le pouvoir qui lui eft dá
légé à maintenir la conftitution décrétée par
Pemblée nationale conflituante , aux années
1789 , 1790 & 1791 & à faire exécuter les.
Loix..
"
Si le corps législatif n'étoit pas . 1affen.bé , le
Itoi fera publier une proclamation , dans laquelle.
front exprimés ce ferment & la promeffe de .:
fitérer auffitôt que le corps légifnf fera réuni
V. Si le Roi refute de prêter ce ferm
après l'avitation du corps législatif, ou fi, après
Kavoir pêté , il le rétracte , il fera cenfé avoir
abdiqué la royauté…..
Vi.. Si le Roi fe met à la tête d'une armés
( 261 )
& en dirige les forces contre la nation , ou s'
ne s'oppole pas par un acte formel à une telle
entreprife , qui s'exécuteroit ca fon nom , il
fera cenfé avoir abdiqué .
VII. Si le Roi fort du royaume , & fi , après
avoir été invité par une proclamation du corps
législatif , il ne rentre pas en France , il fera
ceafé avoir abdiqué.
VII . Après l'abdication expreffe ou légale
le Roi fera dans la claffe des citoyens , &
pourra être accufé & jugé comme eux , pour
les actes poftérieurs à fon abdication.
IX. Les biens particuliers que le Roi poffède
à fon avènement au trône , font réunis irrévecablement
au domaine de la nation ; if a la
difpofition de ceux qu'il acquiert à titre finguliers
s'il n'en a pas difpofé , ils font pareillement réunis
à la fin du règne .
X. La nation pourvoit à la fplendeur du trône
par une lifte civile , dont le corps législatif dé
terminera la fomme , à chaque changement de
règne , pour toute la durée du règne.
XI. Le Roi nommera un adminiftrateur
la lifte civile , qui exercera les actions judiciaires
du Roi , & contre lequel perfonnellement les
pourfuites des créanciers de la lifte civile feront
dirigées & les condamnations prononcées & exécutées.
SECTION II.
De la Régence.
Art. I. Le Roi cft mineur jufqu'à l'âge de 18
ans accomplis ; & pendant fa minorité , il y a
un régent du royaume.
II. La régence appartient au parent du Roi ,
( 262 )
le plus proche en degré , fuivant l'ordre de l'hérédité
au trône , & âgé de vingt-cinq ans accomplis
; pourvu qu'il foit François & régnicole ,
qu'il ne foit pas héritier préfomptif d'une autre
couronne , & qu'il ait précédemment prêté le
ferment civique.
Les femmes font exclues de la régence .
III. Le régent exerce jufqu'à la majorité du
Roi , toutes les fonctions de la royauté , & n'eft
pas perfonnellement refponfable des actes de fon
adminiftration .
IV. Le régent ne peut commencer l'exercice
de fes fonctions , qu'après avoir pre é à la na
tion , en préſence du corps législatif , le ferment
d'employer tout le pouvoir délégué au Roi , &
dont l'exercice lui eft confié pendant la minorité
du Roi , à maintenir la conftitution décrétéepar
Affemblée nationale conftituante , aux années
1789 , 1790 & 1791 , & à faire exécuter les
loix.
Si le corps législatif n'eft pas affemblé , le
régent fera publier uné proclamation , dans laquelle
feront exprimés ce ferment & la promeffe
de le réitérer auffitôt que le corps légiſlatif ſera
réuni,
V. Tant que le régent n'eft pas entré en
exercice de fes fonctions , la fanction des loix
demeure fufpendue ; les miniftres continuent de
faire , fous leur refponfabilité , tous les actes
du pouvoir exécutif.
VI. Auffitôt que le régent aura prêté le ferment
, le corps législatif déterminera fon traitement
, lequel ne pourra être changé pendant la
durée de la régence.
VII. La régence du royaume ne confère aucun
droit fur la petfonne du Roi mineur .
( 263 )
P
I
VIII. La garde du Roi mineur fera confiée
à fa mère ; & s'il n'a pas de mère , ou fi elle est
remariée , au temps de l'avènement de fon fils
au trône , ou fi elle fe remarie pendant la minorité
, la garde fera déférée par le corps légill
.tif.
-
Ne peuvent être élus pour la garde du Roi
mineur , ni le régent & les defcendans , ni les
femmes. 3
• IX . En cas de démence du Roi notoirement
reconnue , légalement conftatée , & déclarée
par le corps législatif après trois délibérations
fucceffivement prifes de mois en mois
il y a lieu à la régence , tant que la démence
dure.
SECTION I I I.
De la famille du Roi.
Art . I. L'héritier préfomptif por: era le nom de
prince royal,
Il ne peut fortir du royaume , fans un décret
du corps législatif , & le confentement du Roi.
S'il en eft forti , & fi , après avoir été requis
par une proclamation du corps législatif , il ne
rentre pas en France , il eft cenfe avoir abdiqué
le droit de fucceffion au trôné.
II. Si l'héritier présomptif eft mineur , le
parent majeur , premier appelé à la régence
eft tenu de réſider dans le royaume .
Dans le cas où il en feroit forti , & n'y rentreroit
pas fur la réquifition du corps légiflatif ,
il fera cenfé avoir abdiqué fon droit à la régence,
III . La mère du Roi mineur ayant la garde
bu le gardien élu , s'ils fortent du royaume ..
font déchus de la garde.
( 264 )
Si la mère de l'héritier préfomptif mineur
fortoit du royaume , elle ne pourroit , méme
après fon retour , avoir la garde de fon fils
'mineur devenu Roi , que par un décret du corps
législatif.
IV. Les autres membres de la famiile royale
ne font foumis qu'aux loix communes
tous les citoyens.
V. Il fera fait une loi pour régler l'éducation
du Roi mineur , & celle de l'héritier préfomptif
mineur.
VI. Il ne fera accordé aux membres de la
famille royale aucun apanage réel .
Les fils puînés du Roi recevront à l'âge de
vingt-cinq ans accomplis , ou lors de leur mariage
, une rente apanagère , laquelle fera fixée
par le corps législatif , & finira à l'extinction
de leur postérité mafculine.
SECTION IV.
Des Miniftres.
Art. I. Au Roi feul appartiennent le choix &
la révocation des miniftres.
II. Aucun ordre du Roi ne peut être exécuté
, s'il n'eft figné par lui & contre-figné par
le miniftre ou l'ordonnateur du département
III . Les miniftres font refponfables de tous
les délits par eux commis contre la sûreté nationale
& la conftitution ;
De tout attentat a la propriété & à la liberté
individuelles ;
De toute diffipation des deniers deftinés aux
dépenses de leur département.
IV. En aucun cas , l'ordre du Roi verbal ou
par
( 265 )
2
I
par écrit , ne peut fouftraire un miniftre à fa
refponfabilité.
V. Les miniftres font tenus de préſenter chaque
année au corps législatif , à l'ouverture de la feffion
, l'apperçu des dépenfes de leur départe
ment , de rendre compte de l'emploi des fommes
qui y étoient deftinées , & d'indiquer les abus
qui auroient pu s'introduire dans les différentes
parties du
gouvernement.
VI. Aucun miniftre en place ou hors de place ,
ne peut
être pourfuivi en matière criminelle pour
faitt de fon
adminiftration , fans un décret du
corps législatif.
CHAPITRE II I.
#
De l'exercice du pouvoir législatif.
SETION PREMIÈRE.
Pouvoirs & fonctions de l'Affemblée Nationale
législative.
La
conftitution délègue
exclufivement au corps
législatif les pouvoirs & fonctions ci - après-:
1º. De propofer & décréter les loix : le Roi
peut feulement inviter le corps légiflatif a prendre
un objet en conſidération ;
20. De fixer les dépenfes publiques ;
3 °. D'établir les contributions publiques , d'en
déterminer la nature la quotité & le mode de
perception ;
,
4°. D'en faire la répartition entre les dépar- ;
temens du royaume , d'en farveiller l'emploi &
de s'en faire rendre compte ;
No. 34. 20 Août 1791 . M
( 266 )
´´5º . De décréter la récréation ou la fuppreffion
des offices publics ;
16°. De déterminer le titre , l'empreinte & la
dénomination des monnoies ;.
7º. De permettre ou de défendre Fintroduction
des troupes étrangères fur le territoire
françois , & des forces navales étrangères dans
les ports du royauine ;
80. De ftatuer annuel'ement , après la propofition
du Roi , fur le nombre d'hommes & de
vaiffeaux dont les armées de terre & de mer
feront compofées ; fur la folde & le nombre
d'individus de chaque grade ; fur les règles d'admiffion
& d'avancement , les formes de l'enrôlement
& du dégagement , la formation des
équipages de met ; fur l'admiffion des troupes
ou des forces navales étrangères au fervice de
France , & fur le traitement des troupes en cas
de licenciement ;
9°. De ftatuer fur l'adminiftration , & d'ordonner
l'aliénation des domaines nationaux ;
10° . De pourfuivre devant la haute cour nationale
la refponfabilité des miniftres & des agens.
principaux du pouvoir exécutif ;
D'accufer & de pourfuivre , devant la même
cour , ceux qui feront prévenus d'attentat & de
complot contre la fùreté générale de l'état , ou
contre la conftitution ;
11°. D'établir les règles d'après lefquelles les
marques d'honneur ou décorations purement
perfonnelles feront accordées à ceux qui ont
rendu des fervices à l'état .
12 °. Le corps légiflatif a feul le droit de décerner
les honneurs pofthumes à la mémoire
des grands hommes.
II La guerre ne peut être décidée que par
( 267 )
wa décret du corps ( léginatif , rendu fur la
propofition formelle & néceffaire du Roi , &
fanctionné par lui.
Dans le cas d'hoftilités imminentes ou commencées
, d'un allié à foutenir ou d'un droit à
conferver par la force des armes , le Roi en
donnera , fans aucun délai , la notification au
corps légiflatif , & en fera connoître les mo- :
tifs .
Si le corps légiflatif décide que la guerre ne
doive pas être faite , le Roi prendra fur- le - champ
des mesures pour faire ccffer ou prévenir toutes
hoftilités , les miniftres demeurant refponfables
des délais .
Si le corps législatif trouve que les hoftilités
commencées foient un agreffion coupable de la
part des miniftres on de quelqu'autre agent du
pouvoir exécutif , l'auteur de l'agreffion fera
pourfuivi. criminellement .
Pendant tout le cours de la guerre le corps
législatif peut requérir le Roi de négocier la
paix , & le Roi eft tenu de déférer à cette réquifition
.
>
A f'inftant où la guerre ceffera , le corps légiflatif
fixera le délai dans lequel les troupes
élevées au- deffus du pied de paix , feront congédiées
, & l'armée réduite à fon état ordinaire .
III. I appartient au corps législatif de ratifier
les traités de paix d'alliance & de commerce
; & aucun traité n'aura d'effet que par
cette ratification .
,
IV. Le corps légiflatif a le droit de déterminer
le lieu de fes féances , de les continuer
autant qu'il le jugera néceffaire , & de s'ajourner
au commencement de chaque règne,
M 2
( 268 )
s'il n'étoit pas réuni , il fera tenu³ de ſe raſfembler
fans délai .
Ha le droit dé police dans le lieu de fes
féances , & dans l'enceinte extérieure qu'il aura®
déterminée .
Il a le droit de difcipline fur fes membres ;
mais il ne peut prononcer de punition plus forte
que la cenfure , les arrêts pour huit jours , ou
la prifon pour trois jours.
Il a le droit de difpofer , pour fa fûreté &
pour le maintien du refpect qui lui eft dû , des'
forces qui , de fon confentement ' , feront établies
dans la ville où il tiendra les féances .
V. Le pouvoir exécutif ne peut faire paffer
ou féjourner aucun corps de troupes de ligne ,
dans la diſtance de trente mille toiles du corps
législatif , fi ce n'eft fur la réquifition ou fur
fba autorifation .
SECTION II.
Tenue des féances , & forme de délibérer.
Art. I. Les délibérations du corps législatif
feront publiques , & les procès -verbaux de fes
fearices feront imprimés.
II . Le corps légiflatif pourra cependant , en
toute occafion , le former en " comité général,
Cinquante einbres auront le droit de l'exiger.
Pendant la durée du comité général , les af
fiftans fe retireront , le fauteuil du préfidens
fera vacant , l'ordre fora maintenu par le vicepréfident
.
Le décret ne pourra être rendu que dans une
féance publique.
III. Aucun acte législatif ne pourra être déli(
26) )
béé & décrété que dans la forme fuivante :
IV. Il fera fait trois lectures du projet de
décret à trois intervalles , dont chacun
›
pourra être moindre de huit jours .
ne
V. La difcuffion fera ouverte après chaque
lecture , & néanmoins après la première ou feconde
lecture , le corps législatif pourra déclarer
qu'il y a lieu à l'ajournement , ou qu'il n'y a
pas lieu à délibérer dans ce dernier cas le
projet de décret pourra être repréſenté dans la
même feffion.
;
". VI. Après la troisième lecture le préfident
fera tenu de mettre en délibération , & le corps
législatif décidera s'il fe trouve en état de rendre
un décret définitif , ou s'il veut renvoyer la décifion
à un autre temps , pour recueillir de plus
amples éclairciffemens.
VII. Le corps lég flatif ne peut délibérer , fi
Ja féance n'eft compolée de 200 membres au
moius . & aucun décret ne fera fermé que pas
la pluralité abfolue des fuffrages.
VIII. Tout projet de loi qui , foumis à la
difcuffio , aura été rejeté après la troifième lecture
, ne pourra être représenté dans la même
feffion.
IX. Le préambule de tout décret définitif
énoncera , 1 °. les dates des téances auxquelles
les trois lectures du projet auront été faites ;
2. le décret par lequel il aura été arrêté
après la troisième lecture , de décider définitivement.
X. Le Roi refufera fa fan&ion aux décrets
dont le préambule n'atteftera pas l'obfervation
des formes ci deffus ; fi quelqu'un de ces décrets
étoit fanctionné , les miniftres ne pourront
M
3
( 270 )
Ae feeller ni le promulguer , & leur refponfabilité
à cet égard durera fix années .
XI. Sont exceptés des difpofitions ci - deffus ,
les décrets reconnus & déclarés urgens par une
délibération préalable du corps légiflrif ; mas
ils peuvent être modifiés ou révoqués dans le
cours de la même iffion .
SECTION III.
De la fanion royale..
Art. 1. Les décrets du corps légiflatif font préfentés
au Roi , qui peut leur refuler fon confentement.
II. Dans le cas où le roi refufe fon confentement
, ce refus n'eft que fufpenfif.
Lorfque les deux légiflatures qui fuivront celle
qui aura préfenté le décret , auront fuccefiveinent
repréfenté le même décret dans les méines
tennes , le Roi fera cenfé avoir donné la faction .
III. Le confentement du Roi eft exprimé fur
chaque décret par cette formule fignée du Roi :
Le Roi confent & fera exécuter.
Le refus fufpenfif eft exprimé par celle - ci :
le Roi examinera.
IV. Le roi eft tenu d'exprimer fon cenfentement
ou fon refas fur chaque décret , dans les
deux mois de la préfentation ; & ce délai pafié ,
fen filence cft réputé refus.
V. Tout décret auquel le Roi a refufé fon
contentement, ne peut lui être reprétenté par la
même législature .
VI. Le corps législatif ne peut inférer dans les
déc.ets portant établidement ou continuation
( 271 )
3
3
d'impôts , aucune ditpontion qui leur foit étrangère
, ni préfenter en même tems à la faction
d'autres décrets comme inféparables .
VII. Les décrets fanctionnés par le Roi , &
ceux qui lui auront été préfentés par trois légiflatures
confécutives , ont feuls force de loi ,
& portent le nom & l'intitulé de loix.
VIII. Ne font néanmoins fujets à la fanction
les actes du corps légiflatif, concernant la conftitution
en allembléc délibérante ;
Sa police intérieure ;
La vérification des pouvoirs de fes membres
préfens ;
Les jonctions aux membres abfens ;
La convocation des aflemblées primaires en
retard ;
L'exercice de la police conftitutionnelle fur les
adminiftrateurs.
Les queftions foit d'éligibilité , foit de validité
des élections .
Ne font pareillement fujets à la fanction les
actes relatifs à la refponfabilité des miniftres ,
& Lous décrets portant qu'il y a lieu à accufation.
SECTION IV.
Relations du corps légiflatif avec le Roi.
Art . I. Lorfque le corps législatif eft definitivement
conftitué , il envoie au Roi une députation
pour l'en inftruire . Le Roi peut chaque
année faire l'ouverture de la feffion , & proj ofer
les objets qu'il croit devoir être pris en confidé-
.ration pendant le cours de cette feffion ; fans
M
4
( 272 )
néanmoins que cette formalité puiffe être confidérée
comme néceffaire à l'activité du corps
dégiſlatif.
སྙ་ ་
II. Lorfque le corps légiflatif veut s'ajourner
au-delà de quinze jours , il eft tenu d'en prévenir
le Roi par une députation , au moins huit
jours d'avance .
+
III . Huitaine au moins avant la fin de chaque
feffion , le corps legiflatif envoie au Roi une députation
, pour lui annoncer le jour ou il fe propofc
de terminer les féances : le Roi peut venir
faire la clôture de la feflion .
IV. Si le Roi trouve important au bien de
Pétat que la feffion fcit continuée , cû que l'ajonnement
n'ait pas lieu , ou qu'il n'ait lieu que
pour un tems moins long , il peut à cet effet
envoyer un meffage fur lequel le corps légiflatif
eft tenu de délibérer.
V. Le Roi convoquera le corps légiſlatif ,
dans l'intervalle de fès feffens , toutes Its fois
•
que l'intérêt de l'état lui paroitra exiger , and
que dans les cas que le corps légiflatif aura
prévus & déterminés , avant de s'ajourner.
VI. Toutes les fois que le Roi fe rendra au
lieu des féances du corps légiflatif , il fera reçu
& reconduit par une députation ; il ne pourra
être accompagné dans Pintérieur de la falle que
par les miniftres.
VII . Dans aucun cas le préfident ne pourra
faire partie d'une députation.
VIII. Le corps légiflatif ceffera d'être corps.
délibérant , tant que le Roi fera préfent .
IX. Les des de la correfpondance du Roi
avec le corps légiflatif feront toujours contrefignés
par un miniftre.
( 273 )
い
3
X. Les miniftres du Roi auront entrée dans
' Affemblée nationale légiflatives is Y auront une
place marquée , ils feront entendus fur tous les
objets fur lefquels ils demanderont à l'être , &.
toutes les fois qu'ils feront requis de donner des
éclairciffemens .
CHAPITRE IV.
De l'exercice du Pouvoir exécutif.
Art . 1. Le pouvoir exécutif fuprême réfide
exclufivement dans la main du Roi.
Le Roi eft le chef fuprême de l'adminiftration
générale du royaume le foin de veiller au
maintien de l'ordre & de la tranquillité publique
lui eft cofié.
Le Roi eft le chef fuprême de l'armée de terre
& de l'armée navale .
Au Roi eft délégué le foin de veiller à la
fûreté extérieure du Loyaume , d'en maintenir les
droits & les poffeffions.
II. Le Roi nomme les ambaffideurs & les
autres agens des négociations politiques .
Il confère de commandement des armées & des
flottes , & les grades de maréchal de France &
d'amiral .
Il nomme les deux tiers des contre-amiraux ,
la moitié des lieutenans - généraux , maréchauxde-
camp , capitaines de vaiffeaux & colonel de
la gendarmerie nationale .
Il nomme le tiers des colonels & des lieutėnaus-
colonels , & de fixième des lieutenaus - devaiffeaux
le tout en le conformant aux loix
fur l'avancement.
:
M
S
( 274 ) Il nomme dans l'adminiftration
civile de la
marine les ordonnateurs , les contrôleurs , les tréforiers
des arfenaux , les chefs des travaux , fous - chefs des bâtimens civils ; la moitié des
chefs d'adminiftration
& des fous- chefs de conftruction
.
Il nomme les commiffaires
auprès des tribunaux
.
It nomme les commiffaires
de la tréforerie
nationale , & les prépofás en chef a la régie des
contributions
indirectes.
&
Il furveille la fabrication des monnoies ,
nomme les officiers chargés d'exercer cette ferveillance
dans la commiffion générale & dans les
hôtels des monnoies .
L'effigie du Roi eft empreinte fur toutes les
monnoies du royaume.
III. Le Roi fait délivrer les lettres - patentes ,
brevets & commiffions aux fonctionnaires publics
qui doivent en recevoir .
IV. Le Roi fait dreffer la lifte des penfions
& gratifications , pour être préfentée au corps
légiflatif à chacune de fes feffions .
SECTION PREMIÈRE
.
De la promulgation des Loix.
Art . I. Le pouvoir exécutif eft chargé de
faire fceller les loix du fceau de l'Etat , & de
les faire promulguer.
II. Il fera fait deux expéditions originales de
chaque foi , toutes deux fignées du Roi , contrefignées
par le miniftre de la juftice , & iceliées
du fceau de l'Etat.
( 275)
3
L'une refera déposée aux archives du fceau ,
& l'autre fera remife aux archives du corps lé–
giſlatif.
II . La promulgation des loix fera ainfi conçue
:
« N. ( le nom du Roi ) par la grace de Dieu ,
& par la loi conftitutionnelle de l'Etat , Roi des
François ; à tous préfèns & à venir ; falut' : l'AF
femblée nationale a décrété , & nous voulons &
ordonnons ce qui fuit : »
( La copie littérale du décret fera inférée fans
aucun changement . )
<< Mandons & ordonnons à tous les corps adminiftratifs
, municipalités & tribunaux , que les
préfentes ils faflent tranfcrire fur leurs regiftrés ,
Fire , publier & afficher dans leurs départemens &
refforts refpectifs , & exécuter comme loi du
royaume en foi de quoi nous avons figné ces
préfentes , auxquelles nous avons fait appofer le
fceau de l'Etat. »
IV. Si le Roi eft mineur , les loix , proclamations
& autres actes émanés de l'autorité royale
pendant la régence , feront conçus ainfi qu'il
fuit :
« N. (le nom du régent ) , régent du royaume ,
au nom de N. ( le nom du Roi ) , par la grace de
-Dieu , & par la loi conftitutionnelle de l'Etat ,
Roi des François , & c. & c. & c. »
V. Le pouvoir exécutif eft teau d'envoyer les
loix aux corps adminiftratis & aux tribunaux , de
fe faire certifier cet enyo , & d'en juftifier au
corps législatif.
VI. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucunes
loix , même provifoires , mais feulement des pro-
M 6
( 276 )
clamations conformes aux loix , pour en ordon
ner , ou en rappeler l'exécution .
SECTION I I.
De l'adminiftration intérieure.
Art . 1. Il y a dans chaque département une
adminiſtration fupérieuse , & dans chaque difrict
une adminiſtration fubordonnée .
II. Les adminiftrateurs n'ont aucune caractère
de repréfentation .
Ils font des agens élus à tems par le peuple
pour exercer , fous a furveillance & l'autorné
du Roi , les fonctions adminiftratives.
III. Ils ne peuvent rien entreprendre fur l'ordre
judiciaire ni fur les difpofitions ou opérations
militaires.
IV. Il appartient au pouvoir légiflatif de déterminer
l'étendue & les règles de leurs fonctions .
V. Le Roi a le droit d'annuller les actes des
adminiftrateurs de département , contraires aux
loix & aux ordres qu'il leur aura adreffés .
Il peut , dans le cas d'une défobéiffance perfévérante
, ou s'ils compromettent par leurs actes
la sûreté ou la tranquillité publique , les fufpendre
de leurs fonctions.
VI. Les adminiftrateurs de département ont
de même le droit d'annuller les actes des fousadminiftrateurs
de diftrict , contraires aux loix
ou aux arrêtés des adminiftrateurs de département
, ou aux ordres que ces derniers lear
auront donnés ou tranfmi .
Ils peuvent également , dans le cas d'une défehéiffante
perfévérante des fous-adminiftrateurs ,
-ou & ces derniers compromettent par leurs actes
( 277 )
3
la sûreté ou la tranquillité publique , les fufpendre
de leuis fonctions , à la charge d'en inftruire
le Roi qui pourra lever ou confirmer la
fufpenfion.
VII. Le Roi peut , lorfque les adminiſtrateurs
de département n'auront pas ufé du pouvoir qui
leur eft délégué dans l'article ci - deffus , annuller
directement les actes des fons - adminiftrateurs
& les fufpendre dans les mêmes cas .
>
VIII. Toutes les fois que le Roi aura prononcé
ou confirmé la fufpenfion des adminiſtrateurs
ou des fous adminiftrateurs , il en inftruira
le corps législatif.
›
Celui - ci pourra ou lever la fufpenfion , ou la
.confirmer ou même diffoudre l'adminiftration
coupable ; & s'il y a lieu , renvoyer tous les
adminiftrateurs ou quelques- uns d'eux aux tribunaux
criminels , ou porter contre eux le décret
d'accufation.
SECTION III.
Des relations extérieures.
Le Roi feul peut entretenir des relations politiques
au - dehors , conduire les négociations,
faire des préparatifs de guerre proportionnés à
ceux des états voifins , diftribuer les forces de terre
& de mer , ainfi qu'il le jagera convenable , &
en régler la direction en cas de guerre .
II Toute déclaration de guerre fera faire en
ces termes : De la part du Roi des François ,
au nom de la nation .
III. Il appartient au Roi d'arrêter & de figner
avec toutes les puiffances étrangères , tous les
traités de paix , d'alliance & de commerce , &
( 278 )
:
autres conventions qu'il jugera néceſſaires au
bien de l'état , fauf la ratification du corps légiſlatif.
CHAPITRE V.
Du pouvoirjudiciaire.
Art . I. Le pouvoir judiciaire ne peut , en
aucun cas , être exercé , ni par le corps légis
latif , ni par le Roi.
II. La juftice fera rendue gratuitement par des
juges élus à temps par le peuple , inftitués par
lettres - patentes du Roi , & qui ne pourront être ,
ni deftitués que pour forfaiture duement jugée ,
ni fufpendus que par une accufation admife .
III. Les tribunaux ne peuvent , ni s'immifcer
- dans l'exercice du pouvoir législatif , ou fufpendre
l'exécution des loix , ni entreprendre fur les
fonctions adminiftratives , ou citer devant eux
les adminiſtrateurs pour raifon de leurs fonctions .
IV. Les citoyens ne peuvent être diftraits des
juges que la loi leur affigne , par aucune commillion
, ni par d'autres attributions & évocations
que celles qui font déterminées par les loix.
V. Les expéditions exécutoires des jugemens
des tribunaux feront conçues ainfi qu'il fuit :
« N. ( le nom du Roi ) par la grace de Dieu ,
& par la loi conftitutionnelle de l'état , Roi des
François à tous préfens & à venir , falut : le
'tribunal de a rendu le jugement
Luivant ;
•
(Ici fera copié le jugement . )
« Mandons & ordonnons à tous huiffiers fur
( 279 )
.
ce requis , de mettre ledit jugement à exécution ;
à nos commiffaires auprès des tribunaux d'y tenir
✅ la main , & à tous commandans & officiers de
la force publique , de prêter main - forte , lorfqu'ils
en feront légalement requis en foi de
quoi le préfent jugement a été fcellé , & figné
par le préfident du tribunal & par le greffier. »כ כ
VI. Il y aura un ou plufieurs juges de paix
dans les cantons & dans les villes . Le nombre en
fera déterminé par le pouvoir légiflatif.
VII. Il appartient au pouvoir législatif de régler
les arrondiffemeus des tribunaux , & le nombre
des juges dont chaque tribunal fera com-
* pofé.
VIII. En matière criminelle , nul citoyen ne
peut être jugé que fur une accufation reçue par
des jurés , ou décrété par le corps légifl.tif, dans
le cas où il lui appartient' de poursuivre l'accufation
.
Après l'accufation admife , le fait fera reconnu
& déclaré par des jurés .
L'accufé aura la faculté d'en récufer juſqu'à
vingt.
Les jurés , qui déclareront le fait , ne pourront
être au-deffous de douze .
L'application de la loi fera faite par des
juges.
L'inftruction fera publique .
Tout homme acquitté par un juré légal , ne
peut plus être repris ni accufé à raison du même
fait.
IX. Il y aura pour tout le royaume un feul
tribunal de caffation , établi auprès du corps.
législatif. Il aura pour fonctions de prononcer ,
Sur les demandes en caffation contre les
"
( 280 )
jugemens rendus en dernier reffort par les tribunaux
;
Sur les demandes en renvoi d'un tribunal à
un autre , pour caufe de fufpicion légitime ;
Sur les règlemens de juges & les piles à partie
contre un tribunal entier .
X. Le tribunal de caffation ne pourra jamais
connoître du fond des affaires , mais après avoir
caffé le jugement qui aura été rendu fur une
procédure dans laquelle les formes auront été
violées , ou qui contiendra une contravention expreffe
à la loi , il renverra le fond du procès au
tribunal qui doit en connoître.
XI. Lorsqu'après deux caflations , le jugement
du troisième tribunal fera attaqué par les mêmes
• moyens que les deux premiers , la queftion me
pourra plus être agitée au tribunal de caflation
fans avoir été foumife au corps législatif , qui
portera un décret déclaratoire de la loi auquel le
tribunal de caflation fera tenu de fe conformer.
XII . Chaque année le tribunal de caflation
Tera tenu d'envoyer à la barre du corps légiflatif,"
une députation de huit de fes membres , qui lui
présenteront l'état des jugemens rendus , à côté
de chacun defquels feront la notice abrégée de
J'affaire , & le texte de la loi qui aura déterminé
la décifion .
XIII. Une haute cour nationale , formée de
membres du tribunal de caffation & de hauts jurés
, connoîtra des délits des miniftres & agous
principaux du pouvoir exécutif , & des crimes
qui attaquerant la fûreté générale de l'état ,
dorfque le corps légifatif aura rendu un décret
d'accufation .
( 281 )
12
Elle ne fe raffemblera que fur la proclamation
du corps législatif. * : *
XIV. Les fonctions des commiffaires du Roi
auprès des tribunaux , feront de requérir l'oblervation
des loix dans les jugemens à rendre , & de
faire cxécuter les jugemens rendus .
3.
Ils ne feront point accufateurs publics , mais
ils feront entendus fur toutes les accufations ,
& requerrent pendant le cours de l'inftruction
pour la régularité des formes , & avant le jugement
pour l'application de la loi .
XV. Les commiffaires du Roi auprès des tribunaux
, dénonceront au directeur du juré , ſoit
d'effice , foit d'après les ordres qui leur feront
dornés par le Roi ;
Les attentats contre la liberté individuelle des
citoyens , contre la libre circulation des fubfiftances
& la perception des contributions ;
Les délits par lefquels l'exécution des ordres
donnés par le Roi , dans l'exercice des fonctions
qui lui font déléguées , feroit troublée ou empêchée
;
Et les rébellions à l'exécution des jugemens , &
de tous les actes exécutoires émanés des pouvons
conftiurés .
XVI. Le miniftre de la juftice dénoncera au
tribunal de caffation par la voie du commiffaise
du Roi , les actes par lefquels les juges auroient
excédé les bornes de leur pouvoir .
Le tribunal les annullcia , & s'ils donnent lieu
à la forfaiture , le fait fera dénoncé au corps
législatif , qui rendra le décret d'accufation , &
renverra les prévenus devant la haute cour nationale
.
A
( 282 )
1
TITRE IV .
De la force publique.
Art. I. La force publique eft inftituée pour
défendre l'Etat contre les ennemis du dehors ,
& affurer au dedans le maintien de l'ordre , &
l'exécution des loix .
II. Elle eft composée ,
De l'armée de terre & de mer ;
De la troupe fpécialement destinée au fervice
intérieur ,
Et fubfidiairement des citoyens actifs , & de
leurs enfans en état dé porter les aimes , inferits
fur le rôle de la garde nationale .
1. Les gardes nationales ne forment ni un
corps militaire , ni une inftitution dans l'Etat ; ce
font les citovens eux- mêines appellés au fervice
de la force publique.
IV. Les citoyens ne pourront jamais fe former ,
ni agir comme gardes nationales , qu'en vertu
d'une réquifition ou d'une autorifation légale.
V. Ils font foumis en cette qualité à une orga
niſation déterminée par la loi.
Iis ne peuvent avoir dans tout le royaume ,
qu'une même difcipline , & un mème uniforme.
Les diftinctions de grade , & la fubordination
ne fubfiftent que relativement au fervice & pendant
fa durée.
VI. Les officiers font élus à temps , & ne peuvent
être réélus qu'après un intervalle de fervice ,
comme follats .
Nul ne commandera la garde nationale de plus
d'un diſtrict .
( 283 )
2
VII. Toutes les parties de la force publique
employées pour la sûreté de l'Etat contre les ennemis
du dehors , agiront fous les ordres du Roi.
VIII. Aucun corps ou détachement de troupes
de ligne , ne peut agir dans l'intérieur du royaume,
fans une réquifition légale.
IX. Aucun agent de la force publique ne
peut entrer dans la maifon d'un citoyen , fi ce
n'eft pour l'exécution des mandemens de police
& de juftice , ou dans les cas formellement prévus
par la lɔi.
X/La réquifition de la force publique dans l'intérieur
du royaume , appartient aux officiers civils ,
fuivant les règles déterminées par le pouvoir légiflatif.
XI. Si des troubles agitent tout un département
, le Roi donnera , fous la refponfabilité de
fes miniftres , les ordres néceflaires pour l'exécu
tion des loix & le rétabliſſement de l'ordre ; mais à
la charge d'en informer le corps légiflatif , s'il eft
affemblé , & de le convoquer s'il eft en va-
: cance .
1
XII. La force publique eft effentiellement
obéillante ; nul corps armé ne peut délibérer .
TITRE V.
Contributions publiques.
Art . I. Les contributions publiques feront délibérées
& fixées chaque année par le corps légiflatif
, & ne pourro. fubfifter au- delà du dernier
jour de la feffion fuivante , fi elles n'ont pas été
expreffément renouvellées.
II. Sous aucun prétexte , les fonds néceffaires à
( 284 )
l'acquitement de la dette nationale & au paiement
de la hfte civile , ne pourront être ni refufés , ni
fufpendus.
III. Les administrateurs de département &
fous- adminiftrateurs , ne pourront ni établir aucune
contribution publique , ni faire aucune répartition
au- delà du temps & des fommes fixées
par le corps légiflatif, ni délibérer ou permettre,
fans y être autorifés par lui , aucun emprunt local
à la charge des citoyens du département .
IV. Le pouvoir exécutif dirige & furveille la
perception & le verfement des contributions , &
donne tous les ordres néceffaires à cet effet.
TITRE V I.
Des rapports de la Nation Françoise avec les
Nations étrangères.
La nation françoife renonce à entreprendre aueune
guerre dans la vue de faire des conquêtes
& n'emploiera jamais fes forces contre la hibené
d'aucun peuple.
La conftitution n'admet point de droit d'au
baine.
Les étrangers établis ou non -en France fuccèdent
à leurs parens étrangers ou François .
Ils peuvent contracter , acquérir & recevoir
des biens fitués en France , & en difpofer de
même que tout citoyen François , par tous les
moyens autorisés par les loix.
Les étrangers qui fe trouvent en France font
Toumis aux mêmes droits criminek & de pohce
que les citoyens François : leur perfonne , lurs
( 285 )
biens , leur induftrie , leur culte , font également
protégés par la loi .
Les colonies & poffeffions françoiſes , dans
l'Afie , l'Afrique & l'Amérique , ne font point
compriſes dans la préfente conftitution .
Aucun des pouvoirs inftitués par la conftitution
, n'a le droit de la changer dans fon enſemble
ni dans fes parties .
L'Affemblée nationale conftituante en remet le
dépôt à la fidélité du corps législatif, du Roi &
des juges , à la vigilance des pères de famille
aux épouſes & aux mères , à l'affection des jeunes
citoyens , au courage de tous les François.
A l'égard des loix faites par l'Affemblée nationale
, qui ne font pas comprifes dans l'ade
de conftitution , & des loix antérieures auxquelles
elle n'a pas dérogé , elles feront obſervées tant
qu'elles n'auront pas été révoquées ou modifiées
par le pouvoir légiſlatif.
Signé , les membres des comités de conftitution
& de révifion ,
TARGET, BRIOIS-BEAUMEZ , THOURET, Adrien
DUPORT , BARNAVE , LE CHAPELIER , Alexandre
LAMÉTH , TALLEYRAND - PÉRIGORD , DÉMIUNIER
, RABAUT , Emmanuel SIEYES , PÉTHION ,
BUZOT.
Nota. M. Stanillas CLERMONT - TONNERRE
eft abſent par congé.
Les Numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du feize Août ,
font : 5 , 73 , 59 , 20 , 46. 2
>
1
MERCURE
•
HISTORIQUE
Ꭼ Ꭲ .
POLITIQUE.
TURQUIE.
De Conftantinople , le 22 Juin 1791 .
LA nouvelle de la retraite des Miniftres
Impériaux du Congrès de Siftowe a
produit . ici le plus trifte effet. Le Peuple
a cru voir dans cet évènement la continuation
de la guerre qu'il fupporte avec impatience
, & dont les chances ont toujours
été contre l'Empire Ottoman jufqu'à
préfent. Ce mécontentement a été la caufe
ou le prétexte de.défordres populaires ,
dont les fuites troublent la marche des
affaires , & divifent l'attention du Gouver
nement. Plufieurs quartiers ont prodigieufement
fouffert des incendies , car par-tout
le Peuple dirige fa fureur contre lui - même
pour le venger
des évènemens qu'il n'eft
N°. 35. 27 Août 1791 .
N
( 290 )
au pouvoir de perfonne de commander.
Le commerce languit dans la capitale ;
la plupart des gros Marchands fe font
retirés , plufieurs ont fait faillite , &
les travaux font dans une grande inactivité.
La cherté des vivres fe joint à cet
état de détreffe. Autrefois la Moldavie
& la Valachie fourniffoient Conftantinople
, mais aujourd'hui cette reſſource
manque , & l'on eft obligé de tirer de loin
des fubfiftances. Le numéraire eft rare , &
l'intérêt de l'argent s'élève de quinze à
vingt pour cent , même lorfqu'on fournit
un hypothêque ou une caution affurée.
Un nouveau fujet d'inquiétude eft la flotte
du Capitan Pacha , partie des Dardanelles
le 16 Mai , & dont on n'a point encore
de nouvelles.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 6 Août.
On apprend d'Abbersfort en Finlande ,
qu'il eft arrivé près de Schwenkfund une
flotte de galères accompagnée de quelques
vaiffeaux de ligne ; on fait marcher aufli ,
dit-on , des troupes de ce côté. Cette appaition
, que l'on ne peut regarder comme
hoftile , inquiète néanmoins les Habitans
de la frontière. C'eft le Comte de Suwarow
que l'Impératrice a nommé Comman-
-
( 291 )
dant en chef de fes troupes en Finlande .
Ce Général eft parti pour fa deſtination .
-Les Généraux de Soltikow & de Suchtelen
fe font rendus de Pétersbourg à Riga.
Le Roi de Suède eft arrivé le 26 à Roftock,
yenant d'Aix- la - Chapelle ; Sa Majefté s'eft
rendue fur- le- champ à Warnemande , où
elle s'eft embarquée fur fes yacths qui l'attendoient
, pour fe rendre à Stockholm .
De Vienne , le 6 Août.
Il ne paroît point que l'Empereur prenne
aucune part active aux grands intérêts qui
remuent l'Empire aujourd'hui avant le
Couronnement qui doit avoir lieu à Prague
dans les premiers jours du mois prochain .
Déjà le Sceptre , la Couronne , le Manteau
Royal ont été remis aux Députés qui ,
fuivant l'uſage , étoient venus les chercher
pour les porter à Prague . Leurs Majeftés ne
partiront pour cette ville que du 26 au 27
de ce mois. Lorfque Jofeph II ordonna
la fuppreffion de quelques Monaftères , devenus
inutiles par le petit nombre de Religieux
qui s'y trouvoient , il n'imagina
point d'étendre cette réforme aux établiſfemens
du culte & de la charité publique ;
il fentait que loin de rendre un fervice à
l'Etat ç'eût été le bouleverfer, & , pour le
fecours d'un moment obtenu par la violence
, charger le Tréfor National de frais
N 2
( 292 )
immenfes auffi Léopold n'a - t- il point héfité
à reprendre l'ouvrage de fon Prédéceffeur
, & à continuer une opération qui
ne peut avoir contre elle que la prévention
ou l'intrigue. Il a donc ordonné que
la vente des Moraftères fupprimés fervit
continuée , & qu'une Commiffion feroit
particulièrement chargée de fuivre ce traª
vail avec foin & affiduité.
Depuis que l'on a reçu la nouvelle officielle
que MM. le Baron de Herbert & le
Comte d'Efterhazy fe font rendus aux
Conférences de Siftowe , on ne doute plus
de la paix ici , & l'on eft perfuadé que la
Porte fe montrera difpofée à adopter les
propofitions modérées qui y feront faites
de la part de notre Cour.
Un fait moins extraordinaire peut -êtrè
qu'on le croit , dans les circonstances ac
tuelles , c'eft que Sa Majefté Impériale
ayant reçu plufieurs écrits anonymes fur
des objets d'une grande importance , en
a diftingué un entre autres qui lui a paru
contenir des chofes dignes de remarque.
Elle a en conféquence fait prévenir l'Auteur
par la Gazette de la Cour & les autres
Papiers publics , qu'elle deficout lui parler ,
& qu'elle l'invite à fe rendre auprès d'elle.
Il ne feroit point impoflible , au reste ,
que cette démarche de l'Empereur , qui
peint fon amour pour les talens & les bons
( 293 )
écrits , ne lui attirât une nuée de brochures
politiques , où des Alchimistes en
Légiflation prétendroient au même honneur
en lui donnant des leçons de conduite.
De Berlin , le 2 Août.
Le voyage du Roi en Pruffe n'aura pas
lieu ; Sa Majefté fe rendra en droiture dans
la Siléfie ou deux objets importans l'appellent
, la revue de fes troupes & les mefuses
à prendre avec le Chef de l'Empire
pour les intérêts de l'Allemagne , & peutêtre
quelqu'échange d'Etats à la conimodité
de l'un & l'autre.
Déjà le Cabinet de Berlin fait des difpofitions
dans les Principautés d'Anfpach
& de Bareuth ; les troupes qui s'y trou
vent vont être portées à 15000 hommes ;
elles feront réparties dans les différentes villes
où l'on pourra plus utilement & plus com
modément les loger. Sa Maj . Pruffienne
s'eft enfin décidée à payer pour la Chambre
Impériale de Wetzlar le contingent complet
que doivent fupporter fes Etats en
Allemagne , il s'élève à 3,700 rixdalers ,
dont le paiement eft affigné au mois de
Novembre de cette année..
-
La célébration du Mariage du Duc
d'Yorck, Evêque d'Ofnabruch , avec la
Princefle Frédérique de Pruffe n'aura , dit-
-
N 3
( 294 )
on , lieu qu'au mois d'Octobré , à la même
époque on bénira auffi celui du Prince
héréditaire d'Orange , fils du Statdhouder ,
avec la Princeffe Frédérique Louife , feconde
fille du Roi , & celui du Prince héréditaire
de Deffau avec la Princeffe Frédérique
Louife-Dorothée , fille du Prince Ferdinand
de Pruffe , oncle du Roi.
De Francfort-fur-le - Mein , le 9 Août.
La fermeté de l'Impératrice de Ruffie , fes
fuccès contre les Turcs , labonne tenue de fes
troupes malgré les pertes immenfes qu'elle
a faites , ont réduit les Cours qui s'étoient
d'abord offertes Médiatrices , à ne
jouer d'autre rôle que celui d'interpofer
feurs bons offices pour faciliter les négociations
; c'eſt au moins ce qu'on peut conclure
de la perfévérance de Pimpératrice à
refufer toute médiation & a vouloir traiter
de la paix fans intervention néceffaire ; c'eft
encore ce qu'indiquen la conduite des Mi
niftres de Berlin & de Londres , & les termes
des propofitions qu'ils préfentent à la Cour
de Pétersbourg. Ils n'infiftent plus fur un
abandon de conquêtes que plufieurs victoires
ont affirées , & ne cherchent qu'à
moyenner aux Turcs une paix moins onereufe
& devenue indifpenfable pour eux
-aujourd'hui.... b
{
( 295 )
En attendant que l'art des négociations
mette quelqu'ordre & quelqu'accord au
milieu du conflit des intérêts & des prétentions
, les Généraux Ruffes ne ceffent
de menacer les propriétés Ottomanes ; tout
annonce que le Prince Repnin eft difpofé
à ne point perdre le fruit de la victoire
de Maczin , & qu'il veut en laiffer unr gage
naturel à fa Souveraine. Le mouvement
de fes troupes & la difpofition de fon armée
donnent lieu de croire que la fortereffe de
Braïlow eft aujourd'hui l'objet de fon ambition
, & qu'on pourroit fort bien en
apprendre la prife au premier jour.
D'un autre côté les lettres de la Valachie
du 25 Juillet annoncent que le Grand-
Vifir, qui campe près de Hirfowa , n'a point
perdu courage , qu'il fait ufage de tous les
moyens qui font en fon pouvoir pour
renforcer fon armée , & que déjà il eſt
parvenu à réparer une partie des pertes qu'il
a faites. Il change de pofition & paroît
vouloir choisir un pofte d'où il puiffe à
temps porter des fecours aux endroits menacés
fans crainte d'être forcé à un combat
inattendu. Le 19 Juillet on a vu fon armée
abattre les tentes établies fur la montagne
derrière Hirfowa & fe mettre en marche
en prenant la route de Siliftrie , d'où il
s'étoit avancé avant d'être battu à Maczin.
N
4
( 296` )
De Ratisbonne , le 4 Août.
7
Les Délibérations fur l'affaire des Princes
poffeffionnés en France , font fufpendues ;
il paroît qu'on veut attendre l'effet des
nouvelles difpofitions prifes par l'Affemblée
nationale de France relativement au Roi ,
ou plutôt que ce Monarque étant privé par
fa captivité de l'exercice libre des droits
de fa Couronne on ne pense pas qu'il
foit poffible d'exécuter pour le moment
la réfolation priſe d'infifter une feconde
fois auprès de lui pour en obtenir la justice
que demandent les Princes & la dignité
de l'Empire. Peut - être , & ceci eft plus
probable , la Diète attend - elle l'iffué de
quelques négociations fans l'aide defquelles
elle ne pourroit que foiblement agir dans
cette importante circonftance. Quoi qu'il
en foit les Miniftres ont expédié des
Couriers à leurs Cours refpectives , & les
conférences ne reprendront fur cet objet
qu'à leur retour.
ESPAGNE.
De Madrid , le 5 Août.
Les mefures févères que le Gouvernement
vient de prendre contre les Emiffaires
de l'infurrection françoife , font en(
297 )
core juftifiées par les défordres qu'ils ont
fait naître dans plufieurs Etats de l'Europe
, malgré que la liberté des Perfonnes
& les correfpondances commerciales fe
trouvent en même temps fouffrir des gênes
qui en font le réfultat car tels font les
funeftes effets du fanatifme politique des
Peuples , que pour en préferver les Nations
voilines , il eft de la prudence des
Princes d'employer contre lui les précautions
rigoureufes que commandent les
grandes calamités & les progrès d'une
contagion qu'il eft de l'intérêt de tous
d'arrêter.
Nous avons déjà fait connoître la Cédule
ou Ordonnance Royale qui enjoint
aux Gouverneurs des provinces & Juges
des villes de furveiller les Colporteurs qui
fous prétexte de trafic introduifent des
libelles dans le royaume ; une feconde plus
importante , & d'une exécution plus compliquée,
exige, des domiciliés & voyageurs
étrangers, des déclarations affermentées fur
leur indépendance de toute liaifon , ou correfpondance
étrangère. Cet acte a été fuivi
d'une inftruction générale qui en rappelle
les difpofitions , & dont nous croyons
utile de rapporter la fubftance , comme
un objet important dans les circonftances
actuelles.
« 1°. Dans les villes où il y a des Audiences ou
des Chancelleries , & ou par conféquent les quar
NS
( 298 )
+
tiers font furveillés par des Alcades particuliers ,
les Alcades criminels vérifferont fi , dans les liftes ,
regiftres ou matricules qu'ils ont dû faire, on a
poté tous les Etrangers exiftans dans le Diſtrict ,
ainfi que leurs familles , en fpécifiant leurs noms ,
leur Patrie , leur Religion , leur emploi , leur
deftination & le motif de leur féjour ; on exprimera
s'ils ont déclaré vouloir y demeurer , ou
comme domiciliés & Sujets de Sa Majesté , ou
implement comme paflagers, & dans le cas que
tous ces renfeignemens n'aient pas été pris , on
les prendra immédiatement ; 2 ° . dans les autres
cités , villes & bourgs du royaume , les Corrégidors
& les Juftices feront les mêmes informations ,
en s'aidant des moyens qu'ils trouvent chez les
Notaires , les Alguafils & autres perfonnes de
confiance , pour s'affurer du nombre des domiciliés
; 3. les Errangers qui font ou voudront
être domiciliés, doivent être Catholiques , & prêter
devant les Tribunaux le Serment fuivant : « Je jure
d'obferver la Religion Catholique , de lui garder
fidélité , ainfi qu'au Roi , dont je fuis le Sujet ,
en me foumettant aux loix & aux ufages de ce
royaume, renonçant à tout droit étranger & à
toute relation , union & dépendance du pays
ou je fuis né. Je promets de n'ufer ni de fa
protection ni de celle de fes Ambaffadeurs , Miniftres
ou Confuls , fous les peines . de galères,
prifon ou expulfion abfolue des Etats de S. M. ,
& de confifcation de mes biens , felon ma cortravention
& ma qualité ; » 4°. on notifiera à
ceux qui fe déclareront paffagers , qu'ils ne peuvent
exercer aucun art libéral ni aucune profeffion
mécanique , fans être domiciliés ; en conféquence,
les Etrangers ne pourront être ni Médecins , ni
Chirurgiens , ni Architectes , à moins qu'il n'en
( 299 )
C
aient une licence expreffe de Sa Majefté . Ils ne
pourront ni être Marchands , ni détailleurs d'aùcune
marchandiſe , ni Perruquiers , ni Marchands
de Modes , ni Tailleurs , ni Cordonniers , ni
même domeftiques ; s° . on donnera aux étrangers
compris dans l'article précédent , quinzejours
pour fortir de Madrid , & deux mois pour
fortir du royaume , ou dans le même terme ,
ils devront fe domicilier & prêter le Serment
requis , en fe foumettant aux peines prononcées ;
& ceux qui voudront fe regarder comme des
paffagers , ne pourront le préfenter ni demeurer
à Madrid fans en avoir obtenu la permiflion au
Bureau de la première Secrétairerie d'Etat ; 6 ° . quant
à l'entrée des Etrangers dans le royaume , S. M.
defrant maintenir les Traités qui ſubſiſtent avec
les Puiffances Etrangères pour le commerce de
leurs Sujets refpectifs dans fes Etats , on examinera
les permiffions & les paffe-ports en vertu defquels
ces Commerçans fe rendront dans les ports
& les places de commerce , & on empêchera
qu'ils n'arrivent par d'autres routes ,
fans une
permiffion royale expreffe , les Vice -Rois , Capitaines
Généraux & Gouverneurs des frontières
devant fpécifier à l'égard des Etrangers , dans
leurs paffe- ports , s'ils viennent pour demander
refuge , afyle ou hofpitalité , & tracer les routes
qu'ils doivent tenir dans l'intérieur , après qu'ils
aurontjuré provifoirement obéiffar.ce & foumiffion
aux loix du pays ; 7°. les opérations de la matricule
des déclarations & des fermens des Etrangers qui.
font ou qui voudront êtie domiciliés , étant terminées
, on en rendra compte immédiatement aux Tribunaux
, qui les feront paffer au confeil , avant
même que les liftes foient complettes.
N 6
( 300 )
Des réclamations , des plaintes fe font
élevées contre la gêne que les obligations
prefcrites dans ce Réglement impofent aux
Perfonnes liées par leur commerce ou leur
parentée avec les Etrangers ; il en a donc
faltu expliquer la principale & plus importante
difpofition. En conféquence , le
Confeil a adreffé , le 2 Août , la Note
fuivante aux Officiers de Justice & de
Police , chargés de faire exécuter le Régle-
` ment.
ce Par fuite des réfolutions prifes par le Roi ,
pour que les Etrangers exiftans dans fes Etats
foient inferits fur des registres avec diltinction
des domiciliés & des paffagers , conformément
aux articles de la Cédule du 20 & de la Circulaire
du 29 juillet , Sa Maj ſté déclare auourd'hui
que , pour éviter toutes incertitudes
& toutes difficultés , les perfonnes qui fe préfentent
pour prêter le ferment , ou qui le refufent
, doivent entendre par la renonciation exigée
à toute relation , connexion & dépendances
des pays étrangers , celles qui font fondées fur
des rapports politiques de gouvernement & de
fujettion civile , & non celles qui ont pour
objet des affaires domeftiques , économiques , de
commerce ou des relations perfonnelles & de
parentée . »
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 16 Août.
Tout refte dans le même état , aucun
ordre n'a été donné concernant la flotte;
C
+
SUPPLÉMENT à l'article de Paris , & aux Nouvelles
étrangères.
Du Jeudi 25 Août 179f.
Du lundi 22. On a lu dans l'Affemblée nationale , une
3.
lettre de M. de Blanchelande au Miniftre de la Marine
datée du Cap ; le 3 juillet 1791. La nouvelle du Décret du 15
mai n'y promet que des malheurs. Les efprits les plus froids.
les plus fidèles font aliénés . Il craint la perte de la Cofonie
ou la guerre civile. On n'y voit plus , dans le Décret
relatif aux Elaves & aux Affranchis que des difpofftions
verfatiles qu'un Décret fubféquent abrogera comme
celui du 1 mai anéantit les promeffes folemnelles du iz
octobre. L'Affemblée Coloniale eft convoquée ( à Léogane ) ,
Les principes fur les gens de couleur font toujours ceux de
fon adreffe du mois de juillet. Je ferai tous mes efforts
pour éviter l'effufion du fang , écrit le Gouverneur , mais
mes moyens feront foibles après l'inévitable réunion de
tous les blancs , « en un feul parti qui ne fera pas celui
de l'Allemblée nationale » . Il defire que le Décret fait
modifié , interprêté , & tremble qu'il ne foit l'arret de more
de ceux qu'on vouloit favorifer.
i
D'auffi graves objets de réflexion ont donné matière à
MM. Lanjuinais & Lavic de fe difputer fur la cocarde
blanche. M. de Tracy mandoit le Miniftre ; M. Rewbell
le Gouverneur de Saint-Domingue à la Barre. A peine at-
on écouté M. Moreau de Saint- Méry , porteur de nouvelles
ultérieures confirmatives des premières . Le trouble
étoit extrême. On a renvoyé la lettre au comité Colonial
en y adjoignant fix autres membres ; & le refte de la
féance a été paifiblement rempli de la difcuffion de l'équivalent
de l'habeas corpus des Anglois & de la répreffion
des délits de la prefle , en addition à l'acte conftitutionnel
.
Du mardi 23. Le Général Paoli & 6000 hommes ont heureulement
triomphé de quelques Officiers Municipaux & des
Prêtres & des Moines réfractaires à Baftia . Tous les Citoyens
font défarmés & brûlans de patriotifine. On s'affure de paY
(2 )
pier pour cent millions d'affignats de liv. pour cet hiver.
Un Décret permet d'écrire tout ce qu'on voudra contre les
fonctionnaires publics , fauf la pourfuite pour calomnie volontaire;
d'autres fixent les délais dans les cas
d'abdication
préfumée du Roi.
Du mercredi , 24. M. Goudard a prouvé à
l'Affemblée
que la balance du commerce eft en faveur de la France ,
de 28 millions depuis la
révolution.
Difcuffion fur la garde du
Roi. M. Vadier trouve que 1200 hommes de garde ne conviennent
qu'à un defpote qui veut régner fur des efclaves .
M. Fréteau fait la lifte des boss Rois affaffinés & vote pour
3000 gardes. On décrète 1200 hommes à pied & 600 à cheval.
Sur les droits politiques des parens du Roi , M. d'Orléans
offre d'y renoncer pour être citoyen actif. La falle retentit de
bravo. Le nom de Prince paroît à M. de Sillery une véritable
dégradation civique . Rien n'eft décidé.
-
13 e
201
De
Whitehall , le · 16*
Des notes
miniftérielles portent que LL. MM.
Britannique &
Pinffienne
propoſeront
la Ruffie aux termes de la ceflion du Diſtrict
d'Oczakow
la Porte de conclure la paix avec
du Bog au Dniefter ; que S. M. 1. & la Porte
protégeront
la libre
navigation de ce fleuve , & que les autres
conquêtes
feront reftituées . Le Miniftre de S. M.
l'Impératrice y foufcrit
de la part de fa
Souveraine. LL. MM.
Britannique & Pruffienne
conviennent que fi la Porte fe refufe à ces conditions
la
conclufion de la guerre fera
abandonnée au cours des
évènemens qu'elle peut amener.
nontés plus haut qu'on ne les avoit encore vus depuis la
Les fonds publics font
paix de 1763.
-
( 301 )
11
IG
གྲྭ་
le bruit fe répand de nouveau que le Roi
en fera la revue ; le fpectacle qu'elle offre
attire beaucoup de monde . Les fonds font
très- haut , & fe foutiennent par la certitude
que l'on a non-feulentent de n'avoir point
de guerre avec la Ruffie , mais encore par
l'efpoir de négocier avec elle un Traité de
Commerce avantageux . L'on ne craint
point de rupture avec l'Espagne , & l'on a
la certitude que les arrangemens qui fe
négocient avec elle feront tout à l'avantage
- de notre commerce.
Hier , le Lord Chancelier s'eft rendu à
la Chambre des Pairs , & en préſence de
P'Orateur & des Membres des Communes ,
à la Barre , il déclara l'ordre de Sa Majeſté
qui ajourne le Parlement au 3 Novembre
prochain.
FRANCE.
De Paris , le 10 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du Dimanche , 14 août.
Sur la propofition de M. Cernon , il a étê décrété
que la caiffe de l'extraordinaire paiera au
tréfor public 29 millions 3,472,liv. pour remplir
le deficit du mois de juillet ; 6,372,477 liv. en
remplacement de pareille avance pour la tréfo(
302 )
rerie , pour les dépenfes particulières à l'année 1791 ,
& 7,242,000 liv . en remboursement d'un tirage
de l'emprunt de 1782 , échu au mois de juin
dernier. Ces trois fommes additionnées formest
celle de 42,617,949 liv .
On eft pallé a la révision de l'acte conftitutionnel.
M. Thouret , rapporteur , a dit qu'il étoit
chargé par les comités d'attefter à l'Aſſemblée
qu'ils avoient tout fait pour donner au pouvoir
exécutif l'action , la vigueur , la ftabilité , les
moyens indifpenfables au maintien de la liberté ,
que leur plan ne contenoit que le ftrict néceflaire ;
qu'à la vue des changemens que ce plan vient
d'éprouver , après les entraves mifes à la rééligibilité
& au droit du Roi de choiſir ſes miniftres
dans les légiflatures finiffantes , ils étoient obligés
de déclarer franchement leur immuable & unanime
opinion que la conftitution telle qu'elle exifte
aujourd'hui ne fauroit aller. Lorfque nous touchons
, a-t-il dit , à une refponfabilité commune
qui s'attache encore plus particulièrement aux
comités fur les parties de leur travail , chacun
des membres de l'Affemblée doit méditer à partfor
, froidement , impartialement , fur les grands
intérêts de fes commettans , avant que l'acte
d'où doit dépendre irrévocablement le bonheur ou
le malheur du peuple françois , foit irrévocablement
confommé. » Enfuite il a lu des articles.
.cc
Leur rédaction indiquera bien affez le genre
de débats dont ils ont été le fujet ; nous nous
bornerons à quelques traits caractériſtiques .
« Oui il y a des choſes exiftantes & reconnues
il faut des noms , ou l'on en fait , » a dit M.
Goupil de Préfeln , qui a propofé que les membres
-de la famille régnante , après le Prince- Royal
( 303 )
1
foient foumis aux loix communes à tous les cftoyens,
& ne puiffent porter aucun titre que celui
de prince françois . Alors M. d'Orléans a pris la
parole pour abdiquer fon titre de prince en ces
mots : « Je demande la queftion préalable fur
l'article propofé par M. Goupil ... Sur la qua
lité de prince , a crié M. Camus , MM. Ferrand
& d'André vouloient le renvoi aux comités…………
Pour enfevelir honorablement ce titre , a dit M.
Lanjuinais.
сс
Un décret conftitutionnel , à obfervé M. Prieur ,
a déja aboli la qualité de prince avec la nobleffe ,
en proclamant l'égalité. Oui , la principauté féodale
, a diftingué M. de Beaumetz ( ce que beau
coup d'auditeurs ont feint de comprendre. )
« Je ne m'étonne pas , a - t-il pourfuivi , qu'un
membre de la famille royale fe foir , au fein de
cette Affemblée , oppofé à l'amendement de M.
Goupil. Il n'a fans doute pas compris que le titre
de prince étoit incompatible avec le titre beaucoup
plus précieux , à mon fens & fans doute
au fien , de citoyen actif françois , & par con
féquent la capacité de toute autre fonction publique
, que de la fonction éventuelle de la royauté,
qu'un membre de la dynaſtie pourroit porter .
Ces notions élémentaires l'ont conduit au renvoi
aux comités.
« Je ne me foucie pas plus que M. Lanjuinais ,
du nom de prince & de ceux qui le portent ,
a dit M. Duport. » Mais les membres de la
famille du Roi feront- ils citoyens actifs , pour
ront-ils obtenir des places populaires , être élus
au corps légiflatif , voilà la véritable queftion .
La crainte de rétablir la nobleffe en les nommant
princes eft abfurde ; l'exception d'une feule famille
détruit encore mieux la nobleſſe. Le danger
/( -3041)
eft que les princes foient citoyens actifs ; & deviennent
dans les corps , nationaux , électoraux , des noyaux de faction , M. Charles de Lameth s'étonnoit
de voir que ceux qui s'oppofoient aurenvoi
aux comités , étoient précilément ceuxqui autre fois
opinoient pour l'exclufion des princes du corps
législatif, où toutes ces divagations femblent les
ramener. L'Affemblée , a décrété qu'il n'y avoit
pas lieu à délibérer fur la qualité de prince. On
s'eft difputé la parole , & dans le même inftant ,
un décret a décidé qu'il y avoit lieu à délibérer
fur -le-champ , & un autre a renvoyé l'objet de la délibération aux comités .
Du lundi , is Août.
M. Fricaut a raconté à l'Affemblée que , dans
le Baujolois , des prêtres réfractaires ont perfuadé
aux mères que leurs enfans feroient damnés s'ils
étoient enterrés par les prêtres conftitationne's ';
que ces mères ayant fait enterrer leurs enfans
dans les bois , des loups les ont déterrés , ont
pris goût à la chair humaine , fe font répandus
dans la campagne & y ont dévoré 17 enfan's vivans.
Ces loups qui refpectent depuis des fiècles tant
de cimetières mal fermés , n'ont exhumé l'enfant
de cette mère , qu'on ne nomme pas , que pour
Fanimer la tolérance philofophique de MM . Friaut;
Biauzar & Lanjuinais envers les prêtres nonjureurs
, & pour obtenir un décret qu'on a premis
de préfenter demain contre les éternels réfractaires.
Sur la propofition de M. de Cernon , l'Affemblée
a ordonné qu'il foit payé 5,0000 livies par
mois , pendant trois mois , pour l'achèvement de
la ci-devant églife de Ste . Geneviève aujourd'hui
deftinée à la fepulture des grands hommes.
( ( 305 )
(
Après l'annonce faite par M. de la Rochefou
cault d'un à-compte de 10,015 livres que l'un
des diftris de France a payé fur la contribution
de 1791 , on eft rentré dans la diſcuſſion de l'acte
conftitutionnel par la fection III , de la fanction
royale. སྐལ་
M. Rewbell trouvoit étrange que le Roi fût
cenfé avoir donné fa fanction , s'il perfiftoit
après le terme expiré du veto ſuſpenſif , à refufer
fa fanction. Point de cenfé dans la conftitution ;
décrérez : « le Roi fera tenu de fanctionner.
On a décrété que le miniftre fera tenu de faire
„exécuter la loi.. I
Le droit accordé aux miniftres d'affifter aux
féances du corps légiflatif & d'y être entendus ,
a fingulièrement exercé l'éloquente politique de
MM. Roberfpierre , Barrère de Vieuzac , Goupil ,
le Chapellier , Lanjuinais , Camus , de Beaumetz ,
Péthion , Barnave , Salles & Charles de Lameth.
CC Je demande , a dit M. de Cufine que l'on
entende tous ceux qui veulent pailer contre , &
qu'on aille enfuite aux voix fans entendre ceux
qui veulert parler pour . ":
Si M. Barrère n'eût pas expliqué à l'Affemblée
que voter par aflis & levé pour délibérér
fur une affaire , n'eft pas le véritable voté , celui
qui a de l'influence fur les efprits » ; s'il n'eût
annoncé qu'un Pitt pourroit avoir dans la légiflature
de France la mème influence que dans le
parlement d'Angleterre , & y entraîner la nation
dans le même danger ; fi M. Goupil n'eût obfervé
que ce n'eft pas dans un bal paré mais
dans un boudoir qu'on peut craindre pour la
vertu d'une jolie femme ,
fans
en comparant
doute un miniftre à une jolie femme , les comités
au boudoir , & Aemblée nationale au bal
( 306 )
C
2
"
"
paré ; fi M. Lanjuinais n'eût rappellé l'axiône
de M. Duport : « ce n'eft pas le Roi qui eft le
véritable dépofitaire du pouvoir exécutif , ce
font les miniftres l'un des oracles qui le foit
le mieux vérifié ; fi M. de Beaumetz n'avoit
révélé l'anecdote d'un membre de l'Affemblée ,
concertant dans le cabinet du miniſtre ( alors M.
l'archevêque de Bordeaux ) une motion que ce
membre propofa le lendemain ; ce qui a fait dire
à M. Lanjuinais ce n'eft pas un fait , c'eſt
un menfonge ..... On n'auroit entendu dans
cette difcuffion que les lieux communs que
nous avons fouvent reproduits . Mais M. Barnave
y a développé l'excellent efprit que ne déployoient
autrefois , fur ces mêmes queftions ,
qu'au milieu des huées & des cris à l'ordre ,
quelques orateurs du côté droit . Il a fortement
infifte fur le befoin de ne pas mettre le Roi
dans le cas d'ufer fouvent du veto fufpenfif, &
a foutenu que ce ne feroit point le patriotisme
qui ôteroit la parole à un miniftre , mais l'intrigue
de gens liés à fes rivaux , ou intéreffés
à l'empêcher d'éclairer l'opinion publique.
Le débat s'eft prolongé deux heures avec
beaucoup d'aigreur : enfin il a fallu capituler
& modifier l'article du comité , en décrétant que
les miniftres feront entendus toutes les fois
qu'ils le demanderont fur les objets relatifs à
leur adminiftration , ou qu'ils feront requis de
1 donner des éclairciffemens ; ils feront également
entendus fur les objets étrangers à leur administration
, quand l'Aſſemblée nationale leur accordera
la parole.
Du mardi , 16 Août.
Un bâtiment a fait naufrage à la hauteur
( 307 )
&
d'Aigues - Mortes , l'équipage alloit périr , les
employés aux douanes fe font jettés dans un
efquif & bravant la plus horrible tempête , en
fix voyages confécutifs , ont tranfporté fur le
rivage prefque tous ces infortunés Les applau
diffemens de toute l'Affemblée ont dirigé la lettre
du maire d'Aigues-Mortes , contenant cet intéreffant
récit , au.comité des penfions pour déterminer
la récompenfe due aux braves employés des
douanes.
>
On a repris la difcuffion de l'acte conftitu
tionnel. M. Fermont a répondu à tout & de tout
ce qui regarde les amiraux , contre- amiraux
vice - amiraux , & annoncé un prochain rapport
qui changera la dénomination , fans doute , au
grand avantage de la marine régénérée . Oubliant
les penfions que le Roi payoit aux philofophes
qui , par leurs ouvrages , ont le plus contribué
au développement des principes dont la révolution
n'eft que la conféquence , M. Goupil
defiroit que ce ne fût pas le Roi feul mais auffi
le corps légiflatif qui fit la lifte des gratifications .
M. de la Rochefoucault a obfervé que les frais
Fimpreffion des corps adminiftratifs montent à
des fomines très - conſidérables ; qu'il y a peut
être tel département qui , depuis 15 mois , a
pour 80,000 livres de frais d'impreffion ( ce qui
feroit plus de cinq millions par an pour tout le
royaume en fuppofant que chaque département
ait befoin d'autant d'impreffion , & fans compter
les frais de pofte ) . Les comités s'occuperont
d'arrêter cette fource de dépenfe inutile , inconnue
fous l'ancien régime.
L'efficace & la néceffité de fermens ont tellement
frappé l'imagination de M. Camus , qu'il
Sea exigeoit par tout , qu'il vouloit même qu'on
( 308 )
mandat les miniftres pour favoir s'ils avoient
prêté leur ferment civique. M. de la Roche
foucault craignoit le gaspillage des ferments ; on
en a décrété pour le moins tout ce qu'il en faut.
M. Buzot n'a pas eu la fatisfaction de pouvoir
prendre encore des précautions décifives contre
le droit de faire grace , qu'il eft , felon lui , fi
dangereux de laiffer au Roi..... Les amende
mens, fuppreffions & additions qu'on reconnoitra
facilement en lifant par la fuite la nouvelle
-rédaction des articles , indiqueront allez quelle
a été la nature des autres débats.
·
La féance s'eft terminée par la lecture d'une
fentence du tribunal de la haute cour nationale
provifoire féant à Orléans , qui , vu la déclara
tion des droits de l'homme , & attendu qu'il
n'existe aucune preuve cortie M. Throuar de
Riolles , accufé du crime de tèze- nation , détenu
depuis fi long- temps , & à qui l'on avoit refufé
'jufqu'à la confolution de voir madame fa fiire ,
qui étoit venue demander cette grace a la barre de
l'Aſſemblée nationale, le met en hberté . Au tortir des
baftilles de la liberté, cet innocent, qu'un an plutôt
la maltitude eût égorgé comme un contre- revolutionnaire
, aura-t-il pour unique indemnité
droit d'imprimer & d'afficher le jugement qui
manifefte fon innocence , & cool quemment
l'iniquité de fes accufateurs ? Quant à les détenteurs
, c'eft à l'opinion publique à les juger.
Du mardi , féance dufoir.
Une lettre du Procureur de la commune de
Saint -Girons annonce que nos frontièrs ſont menacées
d'une invafion des troupes Espagnoles
fous le prétexte que nous avons abandonné noue
religion , verlé le fang de nos prêtres , & fait
( 309 )
3
政
de nos églifes des écuries . On a beaucoup ri
Après avoir lu ces nouvelles ,M. Rogera tranquilfifé
fes auditeurs pat des détails topographiques ,
& propofe d'informer du tout le miniftre & le
comité militaire . Som ávis a été fuìvi. 1
Sur le rapport de M. de Syllery , l'Affemblée a
renvoyé M. Négrier à fe pour voir au tribunal de
caffation contre le Jury tenu dans la rade du Portau
- Prince ; qui condamna cet officier pour avoir
permis qu'on embarquât beaucoup de marchandifes
fur la fégate la Favorite qu'il commandoit . Si
Papp étoit de droit , à quoi bon un décret ?
Si n'étoit pas de droit , ne feroit - ce qu'une attribution
ou une évocation arbitraire ? M. de
Sillery a dit que ce commandant de frégate avoit
en fa faveur des certificats de municipalités qui
attestent la bonne conduire.
2
M. Vernier a préfenté & l'Affemblée a décrété
plufieurs articles relatifs à l'organiſation
intérieure de la trésorerie national .
M. Milouet a interprété le voceu públic , en
demandant enfuite un compie général tel
que Affemblée & la Nation connoiffent exactement
l'emploi, des finances & des affignats , depuis
le commencement de la feffion jufqu'au jour où
eile fera terminée. Cette grande queftion une
fois répouffée ne pouvoit plus l'être maintenaat ;
ofl'a ajournée au lendemain,
Da mercredi , 17 août.
On a porté , par un décret , de 8,000 à 12,000
hommes le nombre des gardes nationales deftinés
la défenfe des frontières de Bitche à Béfort . Si
de pareils objets exigent décrets , les légiflatures
pourront être accablées d'occupe-
Il reftoit encore un corps à détruire
ts , exigent au
tion .
२
celui
·( 310 )
des ingénieurs géographes militaires crée en 1777.
Sur le rapport de M. Bureau de Pufy , l'Affemblée
en a décrété la fuppreffion . Ceux qui feront réformés
obtiendront des retraites , conformément
à la loi du 3 août 1790 , & il leur fera tenu
compte de 10 années en fus de leur fervice effectif
, & leurs penfions fe règleront d'après le traitement
dont ils jouiffent ; les autres auront le
choix de prendre leur retraite ou de rentrer dans
la ligne.
Pour que les comités ayent plus de temps à
donner à leurs travaux , l'Affemblée décrète qu'à
moins d'affaires très -preffantes , il n'y aura plus
de féances du foir.
Les hôpitaux de Bordeaux ont befoin de fecours
, la municipalité n'a plus les mêmes revenus ,
les grains ont manqué dans ce département & dans
plufieurs départemens voifins , il faut en aller
chercher dans le Languedoc ; les boulangers de
Bordeaux demandent pour 1,500,000 liv . d'indemnités
. A la fuite de ce trifte expolé M. le
Brun a propofé & l'Aſſemblée a décrété une
avance de 800,000 liv . que la caffe de l'extraor
dinaire fera moitié en août & feptembre , l'autre
moitié par portions égales en octobre & novembre
, à ladite municipalité fur l'hypothèque des
fous additionnels & de fes autres propriées,
M. Dauchy a fait rendre le décret fuivant concernant
les poftes aux lettres .
« L'Affemblée nationale décrète ce qui fuit :
« Art. I. A compter du 1. janvier 1792 ,
le prix du transport des lettres , paquets , or &
argent , fera payé conformément au tarif annexé
au préfent décret . »
II. Pour établir les bafes de ce tarif, il fera
1 .
J
( 311 ) .
fixé un point central dans chacun des 83 dépar
temens. »
« III. Les diftances entre les départemens feront
calculées de point central en point central ,
vol d'oifeau , & à raifon de 2,283 toifes par
lieue . »
« IV. La taxe des lettres & paquets partant
ou arrivant d'un département pour un autre
fera la même pour tous les bureaux des deux
départemens. »
ex V. Il fera dreffé fous la furveillance du miniftre
des contributions publiques , une carte de
France , où feront défignés les points de centre
de chaque département , & les bureaux de poſte
établ's dans leur enceinte . »
CC. VI. Il fera de même dreſſé un tableau divifé
en 6,889 cafes . »
CC
Chaque cafe indiquera la diſtance du point
central d'un département au point central d'un
autre , & la taxe de la lettre fimple d'un département
a un autre. »
« Cette carte & ce tableau feront déposés aux
archives de l'Affemblée nationale. Un double
de l'un & de l'autre feront auffi déposés dans les
archives des poftes , & des exemplaires affichés dans
tous les bureaux de pofte .
22
« VII. Il ne fera fait ufage dans tous les bureaux
de poftes , pour la taxe des lettres & paquets ,
que du poids de marc. »
« VIII. Seront taxées comme lettre ſimple celles
fans enveloppe , & dont le poids n'excédera pas un
quart d'once. »
« IX. La lettre avec enveloppe ne pefant
point au-delà d'un quart d'once ', fera taxée
pour tous les points du royaume un fol en fus
du port de la lettre fimple. »ל כ
?
( 312 )
6
a X. Toate lettre , avec ou fans enveloppe ,
qui paroîtra être du poids de plus d'un quart
d'once , fera pelée.
رد
XI. ' a lettre on piquet pefant plus d'un
quart d'once & au-deffous d'une demi - once
paiera une fois & demie le port de la lettre
fimple.
ל כ
La lettre ou paquet pefant demi - once &
moins de trois quarts d'once , patera double de
la lettre fimple. »>
« La lettre ou paquet pefant trois quarts
d'once , & moins d'une once , paiera trois fuis
le prix de la lettre fimple .
כנ
La lettre ou paquet pefant une once , &
au-deffous de cinq quarts d'once , paiera quatre
fois le port de la lettre fimple , & ainfi à proportion
de quart d'once en quart d'orce. »
« XII. Toutes les fois que le poids des lettres
ou paquets donnera lieu à une fraction de fols ,
certe fraction fera retranchée de la taxe . »
« XIII, Lorfqu'une lettre ou paquet aura été
taxée dans l'un des barcaux de poltes , fa taxe
ne pourra être augmentée dans aucun autre bu
reau . »
« XIV. Les ports de lettres & paquets feront
payés comptant ; il fera libre à tout particulier
de refuter chaque lettre ou paquet au
'moment où il lui fera préfenté , & avant de
l'avoir décacheté . »
« XV. Il y aura dans chaque département
un bureau pour la réduction des taxes faites audeffus
du tarif ; & la remife de la fur-taxe fera
faite au réclamant , auffi tôt que la lettre ou
paquet détaxé , s'il y a ifen , aura été renvoyé
au bureau où il étoit adrellé . »
a XVI.
( 313 )
XVI. Ne feront taxés qu'au tiers du port
fixé par le tarif , les échantillons de marchandifes
, pourvu que les paquets foient préſentés
fous bande , ou d'une manière indicative de ce
qu'ils contiennent. Le port ne fera cependant
jamais au- deffous de celui de la lettre fimple.
¹ce XVII. La taxe des journaux & autres feuilles
périodiques fera la même pour tout . le royaume;
favoir , pour ceux qui paroiffent tous les jours ,
de huit deniers par chaque feuille d'impreffion
& pour les autres de douze deniers . »
сс
כ כ
La taxe fera de moitié pour les ouvrages
qui ne feront que d'une demie - feuille , & les
fupplémens feront taxés en proportion. »
« XVIII. Les livres brochés qui feront mis
à la pofte fous bande , ne feront taxés , dans
tout le royaume , qu'à un fol la feuille . »
ce XIX. L'adminiftration des poftes ne fera
pás refponfable des espèces monnoyées , matières
d'or ou d'argent , diamans & autres effets précieux
qui auroient été inférés dans les lettres ou
paquets . »
XX . Ceux qui voudront faire charger des
lettres ou paquets les remettront aux prépofés
des poftes , qui percevront d'avance le double
Fort , & en chargeront leurs regiftres .
CC
« XXI Lorſqu'une lettre ou paquet , chargé
à la pofte , ne fera pas parvenu à fa deftination
en France dans la quinzaine au plus tard du
jour du chargement , le chargeur ou celui à qui
ils auront été adreffés pourront en faire la réclamation
; & faute de remife de la lettre ou
paquet , dans le mois de la réclamation , l'adminiftration
des poftes fera tenue de payer au
réclamant 300 liv. »
« XXII. Le port des matières d'or & d'as
No. 35. 27 Août 1791 . O
( 314 )
1
gent , mornoyées ou non , fera par tout le
royaume de cinq four cent de leur valeur ; &
l'adminiftration fera refponfable de la totalité de
la fomme dont elle fera chargéc.:
ל כ
« XXIII . L'adminiſtration des poftes fixera
le maximum des fommes qui pourront être expédiées
par chaque courier , de chaque bureau
de pofte. »
сс
XXIV . Les lettres & paquets deftinés pour
les colonies Françoifes feront affranchis jufqu'au
port de l'embarquement ; le port en fera payé
conformément au tarif , & deux fols en fus . »
' ce XXV. Les lettres & paquets venant des
colonies Françoifes , & remis aux commandans
des navires par les directeurs des poftes du lieu
de leur départ , feront taxés à quatre fols dans
le lieu d'arrivée lorsqu'ils feront deſtinés pour
le port de débarquement. »
Ceux dont la deftination fera plus éloignée
feront taxés , conformément au tarif , à raiſon
des diftances du lieu du débarquement à celui
de leur destination , & deux fols en fus. »
ce XXVI. Les commandans de navires partant
pour les colonies , ou des colonies pour la France
, feront tenus de fe charger des lettres &
paquets qui leur feront remis par le directeur
des poftes du port de leur départ , & de les
remettre auffi -tôt leur arrivée au bureau des
poftes du lieu de leur débarquement. »
Il leur fera payé en France deux fols par
chaque lettre ou paquet qu'ils recevront des
prépofés de l'adminiftration , ou remettront au
bureau de la pofte. 33
XXVII. Les lettres de France deftinées pour
les Etats-Unis de l'Amérique feptentrionale fe(
315 )
ront affranchics depuis le bureau de leur départ
jufqu'au port de l'Orient . »
сс Le fera conforme au tarif. Il fera en..
port
outre augmenté d'une liv , par chaque lettre ou
paquet pefant moins d'une once , d'une livre
dix fols pour ceux pefant une once & moins de
deux , & ainfi de fuite en augmentant de dix
fous par once. »
« XXVIII . Les lettres & paquets envoyés .
des Etats -Unis à l'Orient paieront le même port
d'une livre pour la lettre ou paquet pelant
moins d'une once , d'une livre dix fols pour la
lettre ou paquet pefant une once & moins de
deux , & ainfi de fuite en augmentant de dix
fols par once. » .
ce Ils paieront en outre , le port fixé par le
tarif de l'Orient à leur . deftination , »
!
ce XXIX. La lettre fimple envoyée de l'ifle
de Corfe en France , ou de France en Corfe ,
paiera quatre fous en fus de fa taxe , fuivant
le tarif à raifon des diſtances d'Antibes au
lieu de fa deftination ou du lieu du départ
>
à Antibes . »
« XXX . Il ne fera rien changé , quant à
préfent , à la taxe des lettres & paquets arrivant s
des pays étrangers , ou deftinés pour eux , telle
qu'elle eft fixée par des traités ou conventions
exiftans avec les différens offices des poftes étrangères
, non plus qu'à l'obligation de l'affranchiffement
jufqu'aux frontières pour certains
pays , réfultante des conditions defdits traités, »
ce XXXI. Le pouvoir exécutif eft autorifé à
entamer des négociations avec les offices étran
gers pour l'entretien ou le renouvellement des
différens traités qui exiftent avec eux , pour ,
fur le compte qui en fera rendu au corps lé-
O 2
( 16 )
giflatif , être par lui définitivement ftatué ce
qu'il appartiendra .
Tarif des lettres fimples , relativement à la dif
tance.
ec XXXII. Dans l'intérieur du même département
..
« Hors du département , & jufqu'à
20 lieues , inclufivement
De 20 à 30
De 30 à 40
4 fols.
6
7
De 40 à so
De 60 à 80
De 80 à 100
De 100 à 120
De 120 à 150
De 150 à 180
•
•
De 180 & au- delà
8
10
II
12
·
13
14
IS
« XXXIII. L'adminiftration des poftes eft at: -
torifée à former des établiffemens de petite pofte
dans tous les lieux où elle le jugera néceſſaire , »
« Les lettres portées par ces petites poftes
feront taxées favoir : »
La lettre fimple pour l'intérieur de la ville ..
2 fols . »
La lettre fera réputée: fimple juſqu'au poids
d'une once , & lorfqu'elle pefera une once & moins
de deux , elle fera taxée .
4 fols.
Du poids
de deux
onces
& moins
de
trois ...
6 fols .
« Et ainfi de fuite , en augmentant
de 2
fols pour chaque once. »
Pour le fervice de l'arrondiffement la taxe
fera , favoir :
• •
o La lettre fimple
Au poids d'une once
• 3 fols.
?(63170 )
« Deux onces •
7fols « Et ainfi de fuite en augmentant
de deux fols pour chaque once. »,
M. Biauzat vouloit que les journaux payaffent
autant de port que les lettres , ce qui auroit
porté le prix de tel journal patriotique à plus
de 400 liv . pour tel abonné ; mais l'intérêt de la
régie & celui de l'opinion publique ont diffuadé ou
du moins réfuté M. Biauzat.
Dujeudi , 18 août.
Les adminiftrateurs de Perpignan implorent ,
avec les plus vives inftances , des fecours pour
cette frontière qui , felon ce qu'ils écrivent , en
eft totalement dépourvue . Ils réitèrent l'avis des
difpofitions hoftiles de l'Efpagne à notre égard,
de les préparatifs de guerre , & des hoftilités
qui ont déjà été commifes ; de la féqueftration
faite par ordre du Roi d'Efpagne des biens nationaux
fitués fur le territoire de cette puiffance :
ils déclarent que , les mefures générales pour la
défenſe des frontières , ne fuffiroient pas à la leur.
Les forces efpagnoles y feront bientôt portées ,
difent- ils , à 16,000 hommes ; les mécontens
continuent plus que jamais d'émigrer & aucun ne
rentre en France. Trente ci - devant gentilshommes
ont dernièrement franchi la barrière , à
main-armée , pour fortir du Royaume , & tout
annonce que l'invafion doit avoir lieu à la fin
de ce mois ou au plus tard en feptembre. M. de
Cholet , commandant de la dixième diviſion croit
à la poffibilité d'une furpriſe du côté des Pyrénées
, & d'une defcente fur nos côtes , de troupes
que des bateaux plats peuvent , par un vent
frais , y tranfporter d'Oran où elles n'ont plus
à combattre il eft , de plus , convenu avec ces
O 3
( 318 )
1
*
adminiftrateurs de la nullité de leurs moyens de
défenfe . En général , ils défefpèrent à- peu -près
de tout , gardes nationales , efprit public , infcription
très -lente , dégoût vifible de la conftitution
, terreur des excommunications de l'évêque
d'Urgel , attentats contre la cocarde nationale ,
force publique qu'on n'ofe ou ne peut employer
ni dehors ni dedans , tout leur paroît effrayant ,
& leur conclufion eft : « notre pofition eft des
plus critiques ; c'eft pour la dernière fois que
nous réclamons les fecours qu'elle néceffite ; nous
ne ferons plus garans des évènemens . »
1 Il a été décidé que le préfident écriroit aux
miniftres de fe rendre à l'Affemblée , & en attendant
qu'on l'informe de ce qu'elle doit attendre
des préparatifs formidables qui fe font à toutes
les portes du royaume , elle va s'occuper du foin
' de régner à 3 , oco licues , de rétablir le calme
dans Tifle de Bourbon & dans l'ifle de France ,
& même jufqu'à Pondichery & Chandertagor.
Il ne s'agit de rien moins , fuivant M. Monneron
, rapporteur , que d'obliger le confeil fupérieur
de l'ifle de Bourben à prêter le ferment
civique , à ne plus appliquer de reftrictions injuricufes
à l'enregistrement des arrêtés de l'Ademblée
coloniale , & d'y mettre d'accord les trois
pouvoirs qui font entièrement divifés ; de rétablir
la fubordination parmi les foldats , les matelots
& les ouvriers de l'ifle de France où ils
commandent tous au lieu d'obéir ; d'y réclamer
pour 12 millions de créances nationales , de s'y
affurer de S à 6 millions de meubles & d'immeubles
appartenant à la nation , d'y revoir la
comptabilité & d'y organifer économiquement la
meilleure adminiftration . Or , d'après le décret
( 319 )
> rendu des commiffaires pourvoiront à tout
cela.
En explication de l'article onzième du titre I
du décret du 3 acût , portant qu'il ne pourra
être accordé de penfion à ceux qui jouiffent
d'appointemens , ou honoraires , une nouvelle
loi a ftatué que les juges
de paix & les membres
des corps adminiftratifs font exceptés , & jouiront
des penfions qu'ils auront méritées quoiqu'ils reçoivent
l'indemnité attribuée à leurs fonctions ."
mens
Après un court préambule où , par respect ,
non pour le Monarque , mais pour les évènece
qui ne fe conçoit guère , M. Varin
a propofé un décret de récompenfe honorable &
pécuniaire , pour les citoyens qui ont concouru
à l'arreftation du Roi à Varennes . Ce décret eft
tel que , dès qu'on a pu fe réfoudre à l'entendre
, ou à le lire , on eft porté à en defirer une
tranfcription littérale , pour le conſerver ; car il
fera auffi , un jour , confidéré comme un monument
à ce titre nous le devons à nos lecteurs ..
On a demandé à droite le total de la famnie.
décernée , la réponſe a été : 200,000 liv . Une
voix à gauche s'eft écriée le renvoi à la lifte
civile. Il y a quelque foulagement , à ne pas
favoir le nom de celui qui doit avoir roagi le
premier de cette affreufe faillie . Le préfident
brûloit de mettre le décret aux voix . M. Martineau
demandoit le renvoi aux comités des finances
& des penfions réunis ; il trouvoit la
fomme exorbitante .
« Nous n'avons que trop différé à acquitter
la nation envers ceux qui l'ont fi bien fervie ,
a dit M. Muguet. Lorfque nous avons été inftruits
du départ du Roi , fi l'on fût venu nous propoſer
d'en arrêter les funeftes effets moyennant une
4
( 320 )
...
fomme de 200,000 liv . , quel eft eclui d'entre
nous qui s'y feroit oppofé ? Moi , moi , ont
répondu M. de Foucault & quelques membres.
Idu côté droit . --- Qu'elle eft modique cere
récompenfe , a repris M. Muguet , fi on la com-
Pare à celles que décernoit l'ancien gouverne-
3
>
cc
ment non pas à des fervices rendus , mais
fouvent à des baffles ou même à des délits !
Avez-vous déjà oublié toutes les prodigalités du
livre rouge ?... Si l'on peut faire un reproche au
comité , c'eft d'avoir mis des bornes trop étroites
à la munificence nationale. Adoptons donc avec
enthoufiafme le projet de décret , & trouvonsnous
heureux de pouvoir témoigner la reconnoiffance
qui eft due à un fervice aufli important
, En un clin d'oeil le décret a été mis aux
voix & adopté. Le côté droit a voté contre ;
une partie du côté gauche l'a improuvé , & la
majorité pouvoit être confidérée comme trèsdouteufe.
cc Vous avez décrété dans la conftitution
que la perfonne du Roi eft facrée , inviolable ,
a dit M. de Boifrouvraye , au milieu des huées
& des cris à l'ordre du jour , vivement appuyés
de M. Vidor de Broglie , préfident. » Il cit
indigne du fis d'un maréchal de France , a
pou: fuivi M. de Boifrouvraye , d'enlever un
décret , comme celui-là. » Le décret eft rendu ;
l'ordre du jour. Maintenez le décret , difoiest
avec chaleur MM. Prieur & Goupilleau . Je le
maintiendrai , répétoit le préfident ; à l'ordre. ,
M. Boifrouvraye... M. Foucault a nié que les
vox cuffent été bien comptées , & s'eft inferit
en faux ; le bruit des galeries & la fonnette lui
ot coupé la parole . Voici le décret :
« L'Affemblée nationale , après avoir entendu
( 321 )
+
fon comité des rapports fur les récompenfes à
accorder à ceux qui ont empêché le plus efficacement
, à Varennes , l'évafion du Roi ;
Y
« Déclare qu'elle eft fatisfaite du zèle & de
la prudence des membres compofant les directoires
, corps adminiftratifs
& les municipalités
des départemens
de la Meufe , de la Marne &
des Ardennes
du courage des gardes nationales
& de la gendarmerie
de ces départemens
; du civisme des troupes de ligne , qui , en eette
* circonstance
fe font réunies aux citoyens
qu'ils ont bien mérité de la patrie & rempli honorablement
leurs devoirs . ɔɔ
7
>
1º. que « Décrète , en outre ,
deux maiſons
nationales fituées dans la ville de Varennes
occupées autrefois , l'une par des annonciades ,
l'autre par des cordeliers , feront deftinées , tant
à l'emplacement du tribunal de diftrict , qu'a
former un quartier pour un détachement de cavalerie
, & que les frais de ces établiffemens
feront fupportés par le tréfor national ; »
cc 2°. Qu'il fera donné , au nom de la nation
, à la commune de Varennes , deux pièces
de canon & un drapeau aux trois couleurs
« la patrie reconportant
cette infcription :
noiffante à la ville de Varennes ; un fufil &
un fabre à chacun des gardes nationaux de cette
ville ; »
« 3 °. Qu'il fera également donné une pièce
de canon à la ville de Clermont , & 500 fufils
pour être diſtribués aux gardes nationales de ce
district ; 500 fufils & une pièce de canon à la
ville & aux gardes nationales du diftrict de
Sainte-Menehoult ; »
сс
« 4°.Qu'il fera payé fur les 2 millions deftinés
à récompenfer des fervices rendus , aux citoyens ci(
322 )
après dénommés , les fommes qui vont être
déterminées ; favoir , au fieur Drouet , maître
de pofte à Sainte-Menehoult , 30,000 liv . ;
au fieur Sauffe , procureur de la commune de
Varennes , 20,000 liv . ; au fieur Baifon , commandant
de bataillon de la garde parifienne ,
20,000 liv.; au fieur Guilhaume , commis du
diftrict de Sainte - Menehoult , 10,000 liv. ; au
ficur Leblanc , l'aîné , aubergiſte à Varennes ;
au fieur Paul Leblanc orfèvre ; Thevenin , de
Villette , greffier du juge de paix ; Juftin
Georges , capitaine de grenadiers ; Coquillen ,
orfèvre ; Ponfin , garde national ; Roland ,
major de la garde nationale ; Etienne de Chepy ,
Mangin , chirurgien à Varennes ; Bedu , major ,
Carré , colonel de la garde nationale de Clermont
; Fenan , ancien fourrier au régiment de
Limofin , & garde national de Sainte -Menehoult ,
à chacun la fomme de 6,000 l . qu'il fera payé
par le tréfor public fur les deux millions , aux
fieurs Regnierde Montbleuville , Deshou , Drouet
de Monfaucon ; Marie Barthe , gendarme à
Varennes ; Fouches , ancien fourrier du régiment
de Belzunce , garde national à Varennes ,
& le Pointe , gendarme à Sainte- Menehouit , à
chacun la fomme de 3,000 liv . »
"
c5°. Que le fieur Veyrat , marchand à
Sainte- Menehoult , recevra , ainfi que le fieur
leJay , officier de la garde nationale de la même
ville , une fomme de 12,000 liv. »
j
ce 6°. Que la veuve Cotte , de Villers- en-
Argone , recevra celle de 3,000 liv, le feur
la Bande , frère du fieur la Lande , affaffiné ,
la fomme de 2,000 liv . »
« 7º . Au fieur Leniau , gendarme à Cler
mont , 600 liv. »
( 323 )
« 8 ° . Au fieur Pierfon , gendarme furnuméraire
, 400 liv . »
cc Enfin , que le préfident fera chargé d'écrire
une lettre particulière de fatisfaction au directoire
du diftri &t de Clermont & aux officiers
municipaux de cette ville ainsi qu'à ceux de
Sainte -Menehoult . »
>
Sur la demande motivée de M. Malouet , il
a êté décrété ce qui fuit :
« L'Affemblée nationale , voulant mettre fous
les yeux de la nation la fituation des affaires publiques
, en ce qui concerne les recettes , dépenfes
& avances qu'elle a autorifées depuis le premier
janvier 1790 , ainfi que l'état de la dette nationale
, a décrété » :
cc Art. I. Les commiflaires de la trésorerie
nationale préfenteront , d'ici au 15 ſeptembre
prochain , un état général de toutes recettes &
dépenfes fans exception , qui ont eu lieu pendant
l'année 1790 , & jufqu'au premier feptembre
1791. »
Cet état fera divifé , quant à la recette , èn
recettes ordinaires & extraordinaires . »
Dans les recettes ordinaires feront comprifes
toutes les parties du revenu public , telles qu'elles
ont été verfées par chaque mois au tréfor national.
« Dans les recettes extraordinaires feront compris
tous les recouvremens d'arrérages , d'impofitions
, ceux des repriſes , & autres dettes actives
de l'Etat , le produit des emprunts tels
qu'ils ont été verfés chaque mois au tréfor påblic.
"
ee L'Etat des dépenfes fera divifé en dépenfes
ordinaires & extraordinaires . »
« Dans les dépenſes ordinaires feront com-
06
( 324 )
prifes toutes celles arrêtées , & dont les fonds
font affignés par des états de diftribution . »
ce Dans les dépenfes extraordinaires feront
compris tous les objets imprévus acquitt's par des
ordres additionnels , & poftérieurs à la fixation des
états de distribution , quelle que foit la nature de
ces dépenfes , & quelles que foient les parties prenantes.
>>
сс
Dans l'état général ainfi dreffé feront rappeliés
par ordre de date , & par ordre de recette
& de dépenfe , les états produits & certifiés par
les miniftres & ordonnateurs du tréfor public qui
out précédé les commiffaires actuels de la tiéfcrerie
»
« II. L'état général des recettes & dépenfes ,
certifié par les commitfaites de la trésorerie , fera
balancé , quant aux dépenſes , par les états particuliers
que fera tenu de produire chaque ordonnateur
des dépenfes publiques pour l'année 1799 ,
& jufqu'au premier feptembre 1791 ; lefdits états
feront également divifés en recettes & dépenses
ordinaires & extraordinaires . »>>
Co
III. Si , dans les états fournis par les ordonnateurs
, il exifte des articles de recette extraor
dinaire , provenant d'autres fonds que ceux remis
par le tréfor public , lefdits articles feront employés
pour mémoire feulement . »
« IV. Les ordonnateurs des divers fervices ne feront
tenus de certifier que les dépenſes & recettes
qu'ils ont dirigées ; ils rappelleront pour les gel-
Hons qui leur fent étrangères les états de fitua
tion fournis par leurs prédécefleurs . »
сс
« V. L'état général formé par les commiffaires
de la trésorerie fera vérifié , quant aux recettes
, lors de la reddition des comptes partisuliers
, par les récépiffés fournis aux diyers rece7(~
325 )
•
veurs de l'Etat , & à toute partie payante av
tréfor public ; ledit état demeurera à cet effec
pièce à la charge des commiffaires de la tréfoerie
, lors de la reddition & jugement des
comptes de chaque receveur de l'état .
« VI. Le tréforier de la caiffè de l'extraordiraire
préfentera léparément un état général de
toutes les recettes & dépenies , & particulièrement
de différentes fommes d'affignats qui lui ont été délivrés
depuis la première époque de leur émiffion .
L'emploi defdits affignats fera diftingué en verſement
au tréfor public , & emploi immédiat en
remboursement d'offices , refcriptions , arrérages
de rente , & toute autre dette de l'état . »
Les quantités brûlées jufqu'au 1. feptembre
prochain feront fpécifiées par époque. »
« VII . La balance defdits états généraux &
particuliers fera arrêtée au comité de la tréforerie.
»
VIII. I'état de la dette publique fera dreflé
par les commiffaires de la tréforerie , & comprendra
, 1º , la dette conftituée ; 2°. la dette exigible
par rembourfemens à époque . fixe ; 3 °. la fomme
des rembourfemens qui doivent s'opérer d'après
les titres enregistrés au bureau de liquidation ; à
l'effet de quoi le commiffaire- liquidateur en remettra
l'état à la trésorerie , en y éronçant ,
par approximation , les parties non- vérifiées , »
« IX. L'Affemblée nationale décrète , comme
complément ' au tableau général des affaires .
publiques , qu'il lui fera préfenté par le miniftre
des contributions un état expofitif de tous les re-
-venus publics , au rer . juin 1790 , un état de recouvremens
à faire , foit fur les comptables , foit
fur les parties arriérées de revenu , de leur décroiffance
à l'époque de la fuppreflion de chacun.
( 326 )
des impôts directs ou indirects , & de leur remplacement
à l'époque de la perception des nouveaux
impôts qui y ont été fubftitués , ainfi que
des diminutions qu'ont éprouvées les contribuables.
>>
« X. Les états & tableaux ordonnés par les
articles précédens , feront remis à la législature
fuivante pour être vérifiés & repréſentés aux
comptables comme pièces à leur charge , lors de
la reddition des comptes. »
« XI. L'Aflemblée nationale décrète que la .
veille du jour de la clôture de ſes féances , il fera
par fes commiffaires , dreffé procès- verbal de
l'état de la caifle nationale , & de celle de l'extraordinaire
; lequel procès -verbal imprimé &
rendu public fera remis en original à la légiſlature
. »
Les miniftres font venus à deux heures . M.
Duportail a dit que les ordres ont été donnés ,
que l'on avoit compté fur les traités du côté des
Pyrénées ; qu'on pourroit y envoyer des troupes
du Dauphiné , que 150,000 hommes ne fauroient
être par-tout. M. de Montmorin a ajouté qu'il
ne s'agit , en Espagne , que d'un cordon , que
l'ambaffadeur de France à Madrid eft traité
comme un fimple agent de la nation Françoile ;
mais que cela tient à des circonstances que
l'Affemblée eft occupée à faire ceffer , & qu'il
ne connoît pas de motifs d'inquiétude ; M. de
Leffart a affuré que les fufils font expédiés , &
ne manqueront pas d'arriver fi aucune municipalité
ne les arrête. M. Fréteau annonçoit l'approche
de 6000 Heffois , & confeilloit de former
un camp près de Verdun ; le miniftre de la guerre
a expliqué à l'opinant , qu'un camp chez nous
( 327 )
appelléroit un camp chez nos voifins , & l'on a
levé la féance .
Du vendredi 19 Août.
د
MM . François de Sainte- Aldegonde & Defaye,
députés à l'Affemblée nationale , ont donné leur
démiffion.
Sur la propofition de M. Fermont, & prefque
fans débats , on a décrété une fuite d'articles
deſtinés à mettre en activité , dans l'étendue du
royaume , toutes les parties de la régie à laquelle
eft confiée l'adminiftration des domaines nationaux.
On a repris la difcuffion fur le rembourſement
des offices feigneuriaux . Seront - ils rembourfés
par les propriétaires actuels des fiefs ?
Le feront- ils fuivant un mode particulier ? Ne.
le feront- ils pas du tout ? Voilà les queftions
qu'on a agitées. Les partifans de la dernière des
trois queftions réfolue affirmativement , foutenoient
que les loix avoient défendu en tout tems
le commerce de ces offices , & que les décrets
les fupprimoient fans indemnité.
་
M. Guillaume répondoit que , malgré les
hoix , ces charges fe font vendues , que lorfque
Pinobfervation d'une loi eft générale , y contrevenir
n'eft plus une prévarication qu'alors
l'erreur commune fait le droit ; que le décret
du 4 août 1789 , portant que les juftices feigneuriales
font fupprimées fans indemnité , ne
dit rien de ſemblable à l'égard de l'exercice de
ces mêmes juſtices ; que l'Affemblée a dû abolir
des droits qui portoient atteinte à la fouveraineté
nationale ; mais en refpectant les contrats garantis
par la foi publique. Le comité propoſoit
de mettre le remboursement à la charge des pro
( 328 )
priétaires actuels . M. Guillaume demandoit gee
les officiers feigneuriaux de judicature fuffent
liquidés d'après les loix des 2 & 6 ſeptembre
dernier les officiers miniftériels , d'après celles
des 21 & 24 décembre dernier , ceux - ci avec
une indemnité égale à l'indemnité décrétée pour
les officiers royaux de même nature , le tout
par les détenteurs actuels des fiefs auxquels les
juftices étoient attachées .
Ces offices ne peuvent , felon M. Merlin ,
être remboursés ni par la nation qui n'en a pas
reçu le prix , ni par les feigneurs qui n'ont point
concouru à leur fuppreffion ; ainfi il n'y a pas
lieu à délibérer ; M. Baudouin a trouvé que les
feigneurs font trop avantagés par le nouveau
régime , pour ne pas devoir rembourser ces
offices . M. Goupil renvoyoit le tout au pouvoir
judiciaire. Comment jugeroit-il avant que la loi
foit faite , objectoit M. Laurendeau ? Le renvoi
aux tribunaux eft une excellente chofe pour
donner de l'occupation aux avoués , aux avocats
, a dit M. Tronchet ; mais fi vous voulez
fupprimer des milliers de procès , il faut décider
' la queftion . Dans la feule province de Bretagne,
obfervoit M. Merlin , il y aura 8,000 officiers
feigneuriaux à rembourfer'; jugez combien il en
coutera à la nation pour la totalité du royaume .
M. Regnier prétendoit fericufement que c'étoit
bien l'Aflemblée qui avoit fupprimé le droit de
juftice des feigneurs ; mais que ce n'étoit pas
elle qui avoit fupprimé les offices de cette juſtice
qui ne fe trouvoient abolis que par une
conféquence.... La difcuffion a été renvoyée
à demain.
M. de Phélines , ingénieur , commiffaire revenu
des départemens du Haut & du Bas-Rhin,
( 329 )
a fait un rapport où toutes les places font dans
le plus bel état & à l'abri de toute furprife . Les
garnifons affoiblies par le nombre des dé : achemens
néceffaires fe completteront de gardes nationales
. Il a propofé de remplacer dans les
poftes avancés , les invalides par des troupes de
bges ; le refte , il le réferve pour les comités .
La nouvelle de l'approche de 6,000 Helois ne
lui paroit pas certain; ; on la débitoit tandis qu'il
étoit à Strasbourg , & elle ne s'y eft pas confirmée;
fans doute M. de Phélines raifonne mierx
comme ingénieur. I ! a prié l'Affemblée de fe tenir
en garde contre les faux bruits & contre les
plaintes mal fondées ; de fe défier du patriorifme
dépourvu de lumières ; & lui a poſitivement affuré
que tous les hommes éclairés approuvert les mes
fures qu'elle a prifes pour la défenſe du royaume ,
& , en particulier , celle d'un camp central deſtiné
à couvrir Paris , & à fe porter avec promptitude
fur la Meufe & la Mofelle.
Une lettre du miniftre des contributions a longuement
entretenu le corps légiflatif conftituant
de pièces de 15 & de 30 fols , de monnoie de
cuivre & de métal de cloche . On s'occupe à force
de la fabrication & de la diſtribution . Quelqu'un
a obfervé que M. Tarbé regardoit comme une
mefure indifpenfable que les pièces de 1 fols ne
puffent être échangées que contre des écus de fix
liv. , mais que le peuple a'avoit point d'écus de
fix liv . Il en fera de même des monnoies comme
des fortifications , des contributions & des nouvelles
étrangères , on en raifonnera tout à fon aife
dans les comités . Le renvoi eft décrété & la féance
. levée,
( 330 )
Du famedi 20 août.
L'Affemblée s'eft d'abord occupée d'un juge
de paix , que le directoire du département de la
Dordogne a fufpendu de fes fonctions , & que
les électeurs ont réélu à l'unanimité ; un décret
a déclaré nulies les délibérations du directoire ,
réintégré le juge , & renvoyé au pouvoir exécutif
pour l'exécution.
Après avoir autorifé la municipalité de Bordeaux
à s'inftaller dans un collége , & à vendre
l'ancien hôtel - de- ville , toujours aux frais &
profit compenfés des adminiftrés , le corps légiflatif
a reçu 100 livres des ouvriers tai leurs de
pierre occupés à la conftruction de la ci - devant
églife de Sainte - Geneviève de Paris , aujourd'hui
le panthéon national , quoique penthion
fignifie un temple dédié à tous les Dieux , &
quoiqu'aucune des religions admifes en France
' admette encore le polythéifme. Ces 100 tv.
font pour la défenfe des frontières , & il en fera
payé réguliérement autant tous les mois par ces
généreux tailleurs de pierre .
On a repris la difcuffion fur les offices feigncuriaux
, & peu importera de favoir ce qu'en
ont dit MM. Rewbell , Merlin , &c. dès que
l'on faura que cette queftion a été ajournée à
la prochaine légiflature .
Au nom de plufieurs comités , M. Pifon-du-
Galand a fait un rapport & proposé un décret
fur l'établiffement d'une adminiſtration foreftière.
L'admiffion par affis & levé de fes nombreux
articles a été interrompue par une demande
de M. Malouet , relative à la comptabilité générale
, & qui avoit pour objet de faire remonter
au premier mai 1789 , l'époque d'où l'on
>
( 331 )
}
devra partir dans la reddition des comptes ;
époque fixée par un décret au premier janvier
1790 ; propofition que l'Affemblée a renvoyée.
au comité des finances pour être rapportée ou
ce foir ou demain .
Le décret rendu, fur les forêts ftatue en fubftance
, que les forêts & bois dépendans du cidevant
domaine de la couronne , des ci - devant
apanages , du ci -devant clergé , enfin tous les
bois qui font ou pourront faire pattie du domaine
aujourd'hui national , feront l'objet d'une
adminiftration particulière , ainfi que les beis.
poffédés par les maifons d'éducation & de cha
rité , par les établiffemens de main- morte étrangers
, & par l'ordre de Malthe ; les bois appartenans
à des particuliers font les feuls que ce
décret n'y ait pas foumis . Il y aura , fous les
ordres du Roi , une adminiftration centrale ,
fous le titre de confervation générale des forêts ,
compofée de cinq commiffaires , de confervateurs
en nombre proportionné aux diftances ;
& fous ces confervateurs , des infpe &eurs ; &
auprès des confervateurs , des places d'élèves
qui , au bout de trois ans d'activité , pourront
être fuppléans d'infpecteurs . La régie d'enregiftrement
fera le recouvrement des produits dans
chaque diſtrict , & les corps adminiftratifs rempliront
les fonctions de la furveillance . Les gardes
actuellement en place feront maintenus . Les
commiflaires fourniront un cautionnement en
immeubles , jufqu'à la concurrente de 40,000
liv. , les confervateurs jufqu'à 10,000 liv . , les
infpeteurs jufqu'à 6 , oco liv. , les, arpenteurs.
jufqu'à 3,000 liv. , & les gardes jufqu'à 300
livres .
( 332)
Du famedi , féance du foir.
Après la lecture de nombreuſes adreffes , où
l'on demande que l'Affemblée s'occupe de l'éducation
nationale , la démolition des vieux châteaux
, une loi contre le duel meilleure que celles
de Louis XIV ; après l'hommage d'un modèle
en bois de monument deftiné à confacrer l'époque
de la conftitution françoife , chef- d'oeuvre
qui a fait dire au préfident que tous ceux que
les arts ont produits depuis la révolution a fuffiroient
pour prouver , fans le témoignage de
l'hiftcire , que le règne de la liberté est également
celui des arts & du génie » , ce qu'il étoit
plus aifé d'avancer que de prouver ; M. Camus
a entretenu l'Affemblée d'un autre hommage &
d'autres chefs- d'oeuvre. Deux volumes des procès-
verbaux du corps légiflatif, imprimés fur papier
vélin , édition très - couteufe , font le tribut
du zèle de M. Baudouin ; il s'engage à faire
tenir à chacun des membres , même léparés par
la fin de la feffion , à l'adreffe qui fera indiquée ,
les volumes qui lui resteront à fournir. Applau
diffemens & mention honorable au procès verbal
, de manière que M. Baudouin cft chargé
d'immortalifer lui -même fa propre gloire en imprimant
ce décret .
Sur un expofé fommaire , préfenté par M.
Vieillard au nom du comité des rapports , l'Af
femblée a décrété qu'il y a lieu à accufation contre
MM. Bonne -Savardin , détenu depuis fi longtemps
; de Maillebois & leurs complices ; que la
procédure inftruite au Châtelet eft renvoyée à la
Haute -Cour nationale , & que le prifonoir fera
tran fécé à Orléans , pour y être jugé definitivement.
M. Marquereau qui , dans le ditift de
( 333 )
Montargis , avoit fait publier , au fon du tambour
, une défenfe de payer le champart , eft
auffi renvoyé au tribunal de Montargis , après
treize mois de détention à Paris.
Un décret a ftatué que les officiers ou employés
eccléfiaftiques ou laïcs des chapitres &
coilégiales , reçus à vie pour des fonctions relatives
au fervice divin , fans avoir été pourvus
d'aucun titre de bénéfice , auront pour penfion
de retraite la moitié des gages ou émolumens
dont ils jouiffcient , mais que ladite moitié ne
pourra excéder la fomme de 200 liv . Ils en
jouiront même fans prouver par écrit , s'ils ont
so ans d'âge & 20 ans de fervice ; faute de
quoi , ils n'auront droit qu'à une gratification
d'une fenle année . Toute penfion fans activité ,
ou tout fecours accordés par les directoires ,
feront imputés à compte de ces 200 liv . ou de
la fomme moindre . Les comités avoient mis le
maximum à 400 liv .; mais MM . Vadier , Ferrand
& Courmenil l'ont fait réduire de moitié ,
malgré les réclamations de l'humanité & de
l'équité de M. Treilhard , qui très- ingénuement
objectoit : « lorfque vous avez pris les biens du
clergé , ç'a été avec toutes leurs charges . Les
mots : vous avez pris , ont fait rire
droite ;
les mots vous êtes rentrés en poffeffion , qu'il y
a bien vite fubftitués , ont été fort applaudis à
gauche , & le maximum & la moralité font
reftés les mêmes.
сс
Du Dimanche , 21 août .
M. Lofficial propofe un décret de liquidations
montant à 19 millions , qui eft adopté.
Aux 60 articles de réductions de contributions
accordés à divers départemens , M. d'Auchy a
334 )
obtenu qu'ff feroit ajouté cette difpofition géné
rate & fes directoires de département , fur l'avis
de ceux de diftrict , pourront ordonner la levée
du plan du territoire & l'évaluation des revenus
d'une communauté , lorfque cette demande aura
été faite par le confeil géneral de la commune
avant qu'il foit formé aucune demande en réduction
. »
Un décret rendu fur le rapport de M. Dupont
a accordé 300,000 livres par mois à la municipalité
de Paris , à titre d'avance que fera la
caiffe de l'extraordinaire , & à reftituer à ladite
caiffe au moyen des fous additionnels aux contributions
foncière & mobilière de 1791 ; 300,000
livres payables dès la publication du décret , autant
le premier feptembre & autant enfuite le premier
de chaque mois .
Conformément à la motion que fit hier M.
Malouet , le compte général remontera au premier
mai 1789 as lieu de ne commencer qu'en
janvier 1790. Ce compte eft impatiemment attendu
de tous ceux qui calculent en France.
?
Le décret fuivant intéreffant pour une claffe
de rentiers , a été adopté , fans débats , fur la
propofition de M. le Brun :
« L'Affemblée nationale décrète ce qui fuit : »
ce Art . I. Les rentes conftituées fur le clergé
fous le nom des fyndics des diocèles , mais dont
les capitaux feront prouvés appartenir , foit à des
particuliers , foit à des écoles , colleges , fabriques
, hôpitaux & pauvres des paroilles , continueront
de faire partie de la dette de l'état. »
II ., Pour les conftater , les contrats paflés
fous le nom des fyndics feront repréfentés au
directoire des diftrict's refpectifs où ils réfidoient ,
lefquels vérifieront quels font les propriétaires
сс
( 335 )
defdits éapitaux , tant fur les regiftres qu'ont
dû tenir les fyndics , que fur les documens &
reconnoiffance qui doivent être ès -mains des
parties intéreffées.
cc lil. Les directoires de diftrict remettront
le procès -verbal détaillé de leur opération au
directoire du département , qui , après l'avoir
exa.niné , le fera paffer au directoire -général
de la liquidation . »
« IV. Le directoire- général le vérifiera à fon
tour ; & fur le rapport du comité central de
liquidation , il fera , par le corps légiſlatif
ftatué ce qu'il appartiendra. »
>
« V. Les capitaux qui feront reconnus être
de la nature de ceux exprimés dans l'article
premier , feront conftitués en contrats féparés
& individuels au profit des véritables propriétaires
, ou bien ils feront réunis par eux à d'autres
capitaux de rentes fur l'état , s'ils en ont , en
rempliffant les formes prefcrites par la conſtitution
. Dans le premier cas , ils ne paieront qu'un
droit d'enregistrement de 20 fols .
500
53
&
que
les
VI. Néanmoins fi lefdits capitaux ne s'élevoient
pas à la fomme de
liv. ,
propriétaires ne puffent pas les réunir à d'autres
capitaux de rentes pour les reconftituer , lefdits
capitaux feront remboursés . »
Une très- grave queftion eft agitée . Tous les
artiftes auront- ils le droit d'expofer leurs ouvrages
au fallon du Louvre , ou les feuls académiciens
en conferveront- ils le privilége Les membres
de l'académie de peinture font à cet égard , a
dit un membre de l'affemblée législative , dans
un véritable état d'infurrection les uns contre les
autres. M. Barrère parle au nom des comités de
conftitution & des domaines , en faveur des jeunes
123-6 )
artistes qui réclament la liberté indéfinie que promet
1: grand principe de l'égalité ; & un peintre
célèbre , M. David a la philofophie , le civiſme ,
la modeftie ou la coqueterie de defiter que fes ouvrages
ne paroiffent qu'au milieu de tous les
effais qu'on fera libre d'expofer. Le déctet adopté
ftatue que le droit d'expofition au Louvre fera
commun à tous les peintres ; qu'elle n'aura lieu ,
cette année , que le 8 feptembre , & que le
miniftre de l'intérieur & le département de Paris
veilleront à l'ordre & à la décence .
M. le garde du fceau eft venu porter de ter
ribles plaintes contre plufieurs fociété d'Amis de
la Conftitution . Ceux d'Alby ont enlevé , de force ,
du greffe une procédure dirigée contre un affaffin
& l'ont brûlée . Ceux de Caen ont outragé
les magiftrats , enlevé & brûlé la procédure
commencée contre les perfonnes qui ont brifé la
ftatue de Louis XIV , & l'accufateur public a
eu beaucoup de peine à fe dérober à leur vengeance.
Le club de Marfeille a contraint des
officiers municipaux à donner leur démiſſion ,
mandé la municipalité , méconnu l'autorité du
département , infulté les adminiftrateurs , traité
M. d'André de monftre exécrable. Les membres
de celui d'Orléans furveilloient le tribunal de la
hiute cour nationale & y prenoient féance . Les
amis de Dijon ont écrit aux patriotes & ont menacé
les ariftocrates de Laufanne , a dit le miniftre
de l'intérieur ; & M. le bailli de Lapfanne
a écrit que fi l'on n'y mettoit ordre promptement
& décidément , tout habitant de Dijon qui viendroit
en Suiffe y feroit traité comme fufpect.
Au nom du comité des rapports , M. Vieillara
a dénoncé l'évêque du Calvados , M. Claude
Faucher
(337 )
•
Fauchet qui fous le nom de patriotifme & de
fraternité univerfelle , va prêchant , ainfi que
l'abbé d'Etange , fon vicaire
> tant en chaire
que dans les clubs de Caen & .de Bayeux , la
révolte , le mépris des autorités , l'anarchie &
jufqu'aux loix agraires . L'opinant demandoit qu'on
renfermât les évêques conftitutionnels ... dans les
bornes de leurs fonctions .
M. Joubert , évêque d'Angoulême demandoit
qu'on arrêtât ces deux monftres. M. Péthion
trouvoit ces mefures irrégulières & tyrantiques
il oublient le décret de profcription fi chaudemer t
follicité contre la généralité des prêtres nor
jureurs. La dénonciation lui paroiffoit conçue en
des termes qui pouvoient la rendre fufpecte.
Il n'y a que veus de fufpect & à fuffecter
dans l'Affemblée , lui a dit M. de Lufignan . »
Voici les conclufions telles qu'on les a décrétées .
et L'Affemblée nationale , après avoir entendu
fon comité des rapports fur la dénonciation faite
par les officiers municipaux de la ville de
Bayeux , contre le fieur Fauchet , évêque du
Calvados , & le fieur d'Eftange fon vicaire
décrète ce qui fuoe : »
a 19. Le miniftre de la juftice donnera les
Ordres les plus prompts pour qu'il foit incef
famment , par le tribunal de Bayeux , informé
fur les faits dénoncés à l'accufateur public par ,
la municipalité de ladite ville , & que la procédure
foit continuée fans délai ; »
cc
2 ° . Le miniftre de la juftice informera-
P'Affemblée , de jour à autre , de l'état de ces
procédures ; »
« 3 ° . Le préſilent eft chargé d'éaire und
lettre de fatisfaction aux adminiftrateurs du dé
Partement du Calvados , au directoire de difs
No. 35. 27 Août 1791. P
( 338 ) trict de Bayeux , & aux officiers municipaux
de
cette ville. »
Nous n'avons ceffé d'attacher
l'attention
publique
fur les Clubs , leur tyrannie & l'audacieuſe
licence qu'ils ont introduite
dans toutes les parties du Gouvernement
.
Chaque jour des faits graves , des délits
majeurs , un ſyſtême d'oppreflion
, d'abord
timide enfuite infolente
& publique , at- teſtent que ce que nous avions penfé avec tous les honnêtes
gens , de ces affemblées
de menfonge
, n'étoit que trop bien fondé
en raifon pour qu'on fe hâtât d'en prévenir
les effets & l'horrible
corruption
qui en
a été la fuite. Mais l'impuiffance
du Mo- narque , la foibleffe de l'Affemblée
nationale
, l'engouement
des idées républicaihes
, les haines perfonnelles
, la fuite ou le filence des hommes
de bien , ont donné
aux Clubs tous les moyens de fuccès qu'ils pouvoient
attendre ; ils ont pu former un
enfemble
de tyrannie qui étendit fes branches
d'un bout du royaume à l'autre ; punir
par la diffamation
les individus
profcrits
qui n'adoptoient
point leur fyftême ; calomnier
dans leur correfpondance
les hommes
publics qu'ils n'avoient
point nom- més déterminer
le choix des Adminiftrateurs
& des juges ; gouverner
une
;
( 339 )
multitude armée ; enfin , trouver dans
des Ecrivains imbécilles , lâches ou frippons
, des apologiftes , des prôneurs &,
des complices. C'est avec cette monstrueufe ,
puiflance , avec cette effrayante inftitution
du crime , qu'une multitude d'affemblées
prétendues amies de la Conftitution
jettent l'épouvante dans le royaume& forcent .
à l'émigration ou livrent aux poignards des
brigands tout cequi témoigne quelqu'amour.
de la juftice.Voilà les hommes à qui unDécret
dicté par l'erreur , a livré notre armée de
ligne , en permettant que des Soldats , déjà
incertains de leur devoir , allaffent dans les
Clubs de la Conftitution s'affermir dans le
mépris des Loix , l'infubordination & la
défobéiffance au Monarque dont ils ont
fait ferment d'exécuter les ordres & de
refpecter les volontés.
¡ Comme l'impunité a fuivi par-tout leurs
coupables menées , leur perfécution & leur
révolte , ils n'ont plus mis de terme à leurs
prétentions ; après avoir foumis l'armée à
leur fyftême de fanatifme , avoir détruit dans
prefque tous les régimens l'amour desChefs,
du devoir & de l'honneur , ils ont voulu
maîtriſer les Tribunaux & châtier ceux qui
fe montroient réfractaires à leurs ordres ,
ou dont les Membres oublioient à quelles intrigues
ils devoient leur élévation . Une
partie de ces horreurs a été dénoncée à
l'Affemblée nationale par le Miniftre de la
P2
( 340 )
Juftice dans la féance du Dimanche 21 .
Les procès-verbaux , les pièces officiellesont
démontré jufqu'à l'évidence , à quelle ,
corruption politique la régéneration a conduit
une partie de la Nation. Les dépôts ,
de la juftice violés , les procédures arṛachées
à mains armées ; les juges menaces ;
des particuliers fiégeant fans pouvoir ou
plutôt avec tous les pouvoirs au milieu
des organes des Loix ; la force publique
fecondant cette ruine des maurs & de la
Société tel a été le tableau préſenté par
M. Duport du Tertre , comme l'oeuvre des
Clubs des Amis de la Conftitution . Il a'
fallu que les chofes en vinflent à cet excès
pour qu'on osât dénoncer ces affemblées
toutes puiffantes , qui elles - mênies fe vantent
de faire & défaire les Miniftres , &
non fans quelque fondement.
Etoit - ce donc fans raifon que le Roi
fe plaignoit de cette anarchie de Clubs
dans la Déclaration qu'il a laiffée en quittant
Paris ? Pouvoit-il être infenfible aux
malheurs qu'il prévoyoit devoir en naitre ?
Ce qu'il en a dit ne s'eft- il point confirmé
par l'évènement , ou plutôt n'étoit-il point
le réfultat de faits connus de tout le monde,
& devoit - on faire un crime au Prince
d'avoir dit des vérítés qui font aujourd'hui
Fobjet d'une dénonciation portée devant
le Corps Législatif Quelle eft donc cette
prévention qui détériore les idées au point
( 341 )
de méconnoître la raifon , la juftice & de
rendre l'une & l'autre variables , changeantes
comme les goûts , les modes & les
opinions ? Quel eft donc ce fanatifme qui
méconnoît la vérité dans la bouche d'un
Prince vertueux, pour n'écouter que les
cris des factions & les axiomes d'une tyrannie
corruptrice ? Si en attaquant l'ordre
public , en faifant violence aux Tribunaux,
en corrompant l'armée , les Clubs fe font
rendus coupables de révolte & de haute
trahifon ; fi par leurs affiches incendiaires
dans la Capitale ; leurs inftitutions d'affaffins
en titre , ils ont encouru les peines
de perturbateurs publics , les actes d'oppreffion
, de tyrannie dont ils fe font rendus
inftigateurs ou inftrumens envers une foule
de victimes , ne doivent pas moins être
mis au rang des caufes & des motifs qui
rendront execrables à la poftérité ces cornotations
fanatiques & factieufes .
Déja l'on a pu fe convaincre , par ce
qui a été dit dans le Mercure précédent ,
que l'affaffinat impuni du M. Guillin Du
monter , eft un oeuvre de Club ; que la prof
eription de fa famille , la devaftation de
fes biens , l'incendie de fa maifon , effectuées
par
la force armée ont été fomentés ,
commandés , exécutés par ces criminelles
affemblées , dont malheureuſement tous les
P 3
( 242)
membres ont eu foin de s'emparer des
premières places dans les gardes nationales.
Un attentat moins effrayant , mais au
coupable , peut - être , puifqu'il tient aux
mêmes caufes & porte le même caractère
d'oppreffion , vient d'avoir lieu à Béthune
dans la perfonne de M. Defcamps . Voici
ce que nous écrit fur cette affaire un des
Membres de l'Affemblée nationale qui ont
le mieux dévoilé les fureurs des Clubs &
annoncé les excès dont ils fe font rendus
coupables.
« C'eſt à la liberté de la preffe , Monfieur , a
réparer tous les maux que font ceux qui en abufent
, ainfi que ceux qui la violent : je vous prie
donc de publier, fous ma refponfabilité , la ty
tannie exercée par le Tribunal de Béthune contre
un citoyen qui a publié fon opinion fur l'ordre
de chofes actuel , & notamment fur les Clubs ,
fans aucune provocation de défobéillance aux
Loix. Comme il n'y a de coupables que ceux qui
les enfreignent & ceux qui en confeillent l'infrac
tion ; je ne connois rien de plus odieux , de plus
atroce que le fanatifme perlécuteur , employant
les forces & l'autorité de la juſtice pour oppmer
un innocent . Je vous envoie la lettre , l'interro¬
gatoire & le mémoire de M. Defcamps , qui
m'écrit de fon cachot . -- J'ai été porter ces pièces
au Comité des Resherches , qui les avoit déjà
reçues du Piéfident du Tribunal de Béthune . - Ce
Magiftrat fufpend Pinftruction , attendu , dit- il ,
qu'il ne fait pas file ficur Defcamps ne doit pas
être pourfuivi comme criminel de lèze-nation,
N'y a- t-il pas de quoi frémir d'imaginer que feſt
( 343 )
à de tels hommes que le Peuple a donné ſa confiance
pour exercer le pouvoir judiciaire ! c'eſt
lorfque le maffacre de M. Guillin du Montet &
de tant d'autres eft encore impuni qu'un honnête
homme , qui écrit fous le titre de Médiateur pour
inviter à la conciliation , cft pourfuivi comme un
affaffin , & plongé dans un cachot . -- Le Comité
des Recherches s'eft jugé incompétent dans cette
circonftance , & renvoie les pièces au Miniftre de
la Juſtice , a qui je vais m'adreffer . Mais c'cft
auffi à tous les homines fenfibles , généreux , qu'il
faut parler de cette eſpèce d'abrutiffement , qui
produit aujourd'hui la férocité des uns & la lâcheté
des autres. Ah ! lorſque tant de bien étoit poſſible ;
lorfque tout le bonheur auquel une nation peut atteindre
étoit en notre pouvoir , faut- il que nous
ne foyious environnés que de crimes , de folies ,
de malheurs ! --On nous annonce la liberté ,
l'égalité , & la France eft couverte d'efclaves &
de tyrans. On ne voit que des méchans ou des
fous , au milieu defquels tout ce qui eft honnête.
& fenfé fe cache & génit en filence. »
« L'hiftoire de M. Defcamps n'eft pas la feule
de ce genre dont j'ate connoiffance ; il n'eft pointde
Province dont il ne me foit parvenu des détails
de vexations inoties , d'emprifonncmens arbitraires
; & les infortunés qui m'ont adreffé
leurs plaintes m'y ont cru peut être infenfible ,
Parce que je n'ai pu leur procurer juftice ; je n'en
comois plus d'autre que celle de publier les faits ,
de les configner dans des feuilles publiques , &
d'éveiller airfi la nation fur l'oppreffion qui la
menace. Je vous ai déjà propofé , Monfieur , de
vous remettre toutes les pièces que j'ai reçu à
différentes époques ; je vous prie au moins de :
faire mention de celle -ci ; cat s'il y a quelque
み
P 4
( 244 )
moyen de deffiller les yeux les plus fafcinés ,
c'eft de mettre à côté de tant d'horreurs impunies
, l'écrit intitulé le Médiateur, & fon Auteur
au cachot , & fon Juge attendant les ordres du
Comité des Recherche , pour les poursuivre
comme criminel de lèzc- nation, "
« Mais puis je parler avec intérêt d'un opprimé
que je ne connois pas , fans me plaindre
encore une fois de la plus cruelle des oppreffions
que je partage avec tous les bons François ,
alle d'être réduit au filence fur la captivité du
Roi , & fur le Décret qui en récompente les
auteurs. Infertutés qui vous ad effez à moi ,
que voulez - vous que je vous réponde ? que vos
yeux mouiliés de larmes fe fixent fur le Château
des Tuileries. »
Ce 19 Août 1791 .
MALOFIT.
Nous avons fous la vue cet écrit & le
procès - verbal des caufes de la détention
de fon auteur. On lit dans cette dernière
l'interrogatoire le plus defpotique qu'on
puiffe citer. Si la liberté de la preffe eft
un droit du citoyen , qu'il ne foit refponfable
que dans les formes déterminées par
la loi , c'eft - à- dire , qu'il ne puiffe être
puni que pour avoir à deffein prêché
la défobéiffance à la loi , on ne conçoit
pas comment, d'après la procédure même ,
fe Tribunal du District de Béthune a pu
priver de fa liberté un homme connu , pour
avoir annoncé des opinions que l'on retrouve
par-tout, On croit entendre atlifter
( 345 )
à une procédure d'inquifition , quand on
voit le Tribunal faire un crime à M. Def
champs d'avoir dit : « dans la circonftance
actuelle , l'aveu antérieur du peuple exprimé
dans les mandats de doléances n'a
pas été faivi , il a été contrarié , les Députés
ont paffé les bornes de leur Com
miflion , ils n'ont pas propofé , ils ont
décrété & fait exécuter leurs décrets
fans avoir obtenu de confentement pof
térieur ; les décrets qui ne font pas émahés
de la volonté nationale , ne peuvent
être définitivement des loix que du mo
ment où la majeure partie de la Nation
les avouera formellement. Le ferment
individuel exigé des Citoyens actifs pour
être éligible , eft un ferment qui attente
au franc arbitre & à la liberté des fuffrages.
-
-
La vertu outragée , le vice triomphant,
l'autorité arrachée des mains légitimes ,
ufurpée par la violence , un Roi fujet , des
fujets Souverains , la vraie Religion perfécutée
, les fectes protégées. La Conftitution
ne s'eft établie & ne peut fe foutenir
que par l'oppreffion ennemie d'elle- même ,
elle détruit les fondemens. On ne commande
pas à l'opinion , on ne réfifte pas aux
cris de la confcience , que penfer d'une
Religion défavouée par les Apôtres qu'elle
réclame , quelle confiance avoir dans
des Miniftres fans niillion & féparés de
l'Eglife .
PS
( 34.6 . ).
La liberté d'imprimer ne feroit qu'un
malheureux piége tendu à la franchife , au
courage des Ecrivains , fi pour de femblables
opinions l'on pouvoit être plongé dans
les cachots ; le régime des cenfeurs feroit à
préférer , & l'on regretteroit le temps des
Baftilles , où du moins la douceur des
moeurs tempéroit les ordres du defpotifme ,
& où l'on vous avertiffoit toujours du
danger que l'on pouvoit courir à penfer pu
bliquement de telle ou telle façon . Au refte ,
la loi eft pofitive & doit faire la règle des
tribunaux , ce n'eft que dans le cas où un
écrit confeilleroit formellement la révolte,
que l'Auteur eft puniffable ; ce qu'eſt bien
loin de faire M. Defcamps , dont l'Ouvrage
eft bien écrit & recommandable
par
des fentimens folides de liberté & d'attachement
, à fa patrie , à fes Concitoyens
& à fon Roi.
A peine le Drapeau rouge a- t-il été ôté
des fenêtres de l'Hôtel- de- Ville , que les
attroupemens ont recommencé. C'est tou
jours au Palais Royal qu'eft le foyer de
cette fermentation ; c'eft-là que fe niettent
en pratique les maximes des Clubs & les
fyftemes d'injures contre le Roi , fa Famille
& la Liberté publique. Un dernier
évènement prouve à quel point cette licence
eft portée. Des particuliers avoient
( 347 )
bu à la fanté du Prince & de fa Famille ,
dans un des Cafés de ce Jardin ; cette
preuve de loyauté , de juftice & de fenfibilité
déplut aux artifans de difcorde
dont ce lieu est toujours plein. Des infultes
on en vint aux menaces , & des menaces.
aux violences. On conçoit bien qui dans
cette lutte de la tyrannie contre la juftice
eût l'avantage , ce fut le plus fort . Mais en
pareille circonftance la haine de la paix
& du Roi qui feule peut la maintenir
dans un grand état par fa puiffance , auroit
manqué à fon caractere , fi par quelque
figne extérieur elle n'eut manifefté
l'aviliffement où fe trouve la Royauté. On
a donc élevé au lieu de la rixe un haut
mât national au bout duquel on a juché
le Bonnet Républicain , non pas qu'on
ait aucun des fentimens que ce figne de
la liberté fuppofe , c'eft-à- dire , l'amour de
la juftice , le refpect des loix , du Prince &
des droits de tous , mais parce qu'on a cru
bêtement infulter , par ce colifichet , au
Monarque captif dans fa Capitale.
Si quelque chofe pouvoit diminuer l'amertume
que cet acharnement doit jetter
dans l'ame du Roi , c'eft le tendre intérêt
que tous les fidèles François & les Nations
voifines prennent à fa pofition. On peut
juger du fentiment de la Suède à cet égard
P6
( 348 )
par la lettre que le Roi de Suède a adreffé
afon Ambañadeur en France.
Mon cher Baron Stael de Holftein ,
« Dans la profonde affliction que me cauſe
le malheureux évènement qui vient d'arriver au
Roi de France & à fa Famille , affliction que je
ne partage point feulement avec tous les Souverains
, mais fans doute encore avec tout ce
qu'il y a d'ames génércules , je ne puis que
voir avec regret & fenfibilité ce Prince fi vertueux
, fi humain , bon & fi injuftement perfécuté
, retourner dans la captivité à laquelle
fes fujets rebelles l'ont condamné , & d'où il
avoit eu le bonheur de s'échapper . Comme repréfentant
d'un Prince qui , durant le cours de
fa vie , ne s'eft étudié qu'à garantir à fon peuple
me liberté fagement réglée à conferver à lạ
fois la tranquillité publique & la dignité de fa
Couronne , j'attends de vous que contes vos
démarches en cette occafion feront mefurées &
dirigées fur mon caractère connu , la dignité du
trône de Guftave , & fur - tout les fentimens dont
j'ai toujours été pénétré pour Sa Majesté très-
Chrétienne. Les foins affidus , les confolations
que , dans ces triftes conjonctures , vous don
nerez à l'infortuné Monarque , ne les regardez
pas feulement comme un moyen de me plire ,
mais encore comme un devoir rigoureux attaché
à votre place.
,
C'est encore une fuite de vos devoirs , que
Yeus ne communiquicz , que vous ne traitiez ,
en votre qualité de mon AmbalTadeur , avec
qui que ce fait , à moins qu'il n'y foit autorisé
par le Roi erès - Chrétien libre. Depuis le maniefte
que ce Prince a lauffé en s'éloignant de
( 349 )
Paris , depuis qu'il a été contraint d'y retourner,
fa captivité eft trop notoire pour qu'on ne doive
pas regarder tous les actes qui paroiffent en fon.
nom , comme arrachés par la force ou fuppofés ,
& par, conféquent comme étant nuls & de nulle
valeur , c'eft donc ma volonté la plus expreffe
que vous vous abfteniez de toute conférence
avec le Miniftre des affaires étrangères ; & que
vous ne répondiez que verbalement à tout ce
qu'il vous communiquera , foit de bouche , foit
par écrit , dans la forme diplomatique ; & cet
ordre eft rigoureux , que quand même des
circonftances incfpérécs , qui ſurviendroient
paroîtroient devoir le changer , vous ne devez
cependant pas vous permettre de prendre quelque
chofe fur vous avant de recevoir des ordrest
ultérieurs . Vous devez du refte vous régler fur
les démarches des autres Ambaffadeurs , fur-tout
fuivre & appuyer celles qu'ils pourront faire en
faveur de Sa Majesté très - Chrétienne . »
>
« Ce font là les feuls ordres que j'aie à vous
donner pour le moment ; mais en vous prefcrivant
la feule règle de conduite qui convienne à
ma dignité , je ne dois pas oublier les dangers
perfonnels auxquels vous ferez peut - être expolé
& malgré qu'en toute autre circonftance je ne
puiffe douter un feul moment du refpect que l'on
portera au caractère facré dont je vous ai revêtu ,
it m'eft bien permis routefois dans celle - ci de
m'attendre à tout de la part d'un peuple qui a
ofé porter fes mains coupables fur la perfonne
de fon unique Souverain . Je ne puis en conféquence
trop vous recommander d'éviter foigneus
fement toutes les occafions qui compromettroiens
votre perfonne & vote dignité .
20
Que dans l'intérieur de votre maiſon , tout
( 350 )
annonce le deuil & la trifteffe ; au dehors , con
formez -vous feulement à ces loix auxquelles un
Miniftre étranger eft obligé de fe foumettre..
J'attends de vous , mon cher Baron , du courage ,
de la fermeté , de la prudence , & beaucoup de
la ponctualité à fuivre mes ordres ; & croyez que ,
je fuis très - fenfible aux périls & aux facheufes
conjonctures dont vous êtes environné. »
> « Sur ce je prie Dieu qu'il vous ait en fa
fainte garde. »
Signé GUSTAVE.
Par tout ce qu'on a appris des difpofi-.
tions du Corps Helvétique , depuis la captivité
du Roi de France , on devoit penfer
, ou que M. de Verac , notre Ambaffadeur
auprès de cette République , quitteroit
fon pofte , & reviendroit en France , ou
manifefteroit des fentimens analogues aux
fentimens des Cours étrangères fur l'état du
royaume. Il a donné fa démiffion , & a
adreffé la lettre fuivante au Miniftre des
affaires étrangères , qui a dû la mettre fous
les yeux du Roi.
Soleure , 6 juillet 1791.
« Tant qu'il m'a été poffible , Monfieur , de
crci e que le Roi avoit fanctionné librement les
décrets de l'Affemblé : nationale ; tant que lexpreffion
même des ordres que vous me tranf
mettiez au nom de fa Majefté , ne m'a pas fer
mis de douter ( fans me rendre coupable ) qu'ils
fullent librement émanés d'elle , je m'y fuis
conformé avec la plus profonde foumiflion. »
. « Aujourd'hui , Monfieur , qu'une déclara351
)
1
tion folemnelle du Roi , connue de la France &
de l'Europe entière , ne laiffe plus le moindre
prétexte à ceux même qui pourroient défirer de
fe faire illufion ; aujourd'hui que le départ de
Sa Majefté , & fon retour forcé dans la capitale
, ont fait connoître également les véritables
fentimens de Sa Majefté , & la violence qui
peut dorénavant l'empêcher de les manifefter
il me devient impoffible d'être l'interprête de
ceux qu'on pourroit lui fuppofer .
« Je ne tiens ma place que des bontés & de,
la confiance de Sa Majefté , & c'eſt entre fes
mains feules que je dois la remettre , du mo
ment où je ne puis ni parler , ni agir en fon
nom , ni même être cenfé recevoir fes ordres . »
« Ma confcience , mon honneur , mon devoir ,
me prefcrivent impéricufement ce facrifice ; j'en
fens , Monfieur , toute l'amertume , toute l'étendue
, mais les motifs fecrets qui my déterminent
, ne me laiffent qu'un feul regret , celui
de ne plus donner au Roi des preuves de mon
zèle dans la place qu'il m'avoit confiée . Sa
Majefté a reçu mes fermens , & la mort feule
peut m'en dégager.
"
« J'ofe vous prier , Monfieur , de mettre aux
pieds de Sa Majefté 1 : démiffion que j'ai l'honneur
de vous adreffer ci - jointe , de ma place
d'Ambaffadeur du Roi près le Corps Helvétique .
J'espère que Sa Majefté daignera me donner une
nouvelle marque de fes bontés en l'acceptant ,
comme la feule preuve que les circonſtances me
permettent de lui donner dans ce moment , de
mon zèle , de mon profond refpe &t & de mon
inviolable fidélité.
ג כ
Copie de la démiffion.
« Je remets entre les mains de Sa Majesté la
( 352 )
place d'Ambaffadeur du Roi près le Corps Helvétique
, que je ne tiens que des bontés & de la
confiance dont Sa Majeſté a daigné m'honorer . »
A Soleure , ce 6 juillet 1791 .
En tolérant que des Particuliers payaffent
avec des billets de crédit , ou échangeaffent
des affignats contre du papier de leur créa
tion , que ces papiers circulaflent dans le
commerce , comme monnoie , on devoit
bien prévoir qu'il en naîtroit des abus &
que le peuple peu fait à ce genre de numéraire
feroit la victime de l'infidélité
& de la cupidité , qui font toujours compagnes
inféparables . C'eft ce qui eft arrivé ;
une foule de billets de toute couleur &
de toutes figures ont été mis en circulation ;
Pon a profité de la confufion pour multiplier
cette richeffe éphémère ; des fortunes
ont pu s'élever d'un jour à l'autre avec une
main de papier & quelques frais d'impreffion.
Pour mieux atteindre ce but on à
cherché à donner aux Billets circulants la
forme la plus approchante de celle que
les fections ont donnée aux leurs , pour
fuppléer au befoin de monnoie , qui dure
encore .
La Municipalité , qui ne peut pas grand
chofe au milien de la gêne publique , a
cependant cherché de porter remède à ce
mal , avant qu'il ait produit de plus grands
défordres. Elle a publié un arrêté qui fera
( (353 )
un jour un monument curieux de notre
détreffe , & dont voici la fubftance :
ce Le Corps Municipal informé que plufieurs
perfonnes mettent en circulation , pour leur uti
Até privée , des billets de différentes valeurs , &
font imprimer fur ces billets le nom de la Section
fur laquelle ils font domiciliés ; confidérant qu'il
en résulte que fes Citoyens font exposés à recevoir
ces billets , en croyant recevoir des billets
de Section , & que des individus ufurpent ainfi à
la faveur d'une énonciation équivoque un crédit
qui ne leur eft point perfonnel ; voulant détruire
cet abus de la foi publique , arrête que tous
particuliers qui mettront en émiffion leurs billets
particuliers ne pourtout y mentionner le nom
d'aucune Section , & devront en mefurer les
expreffions de manière à ne laiſſer aucun doute
ni aucune équivoque, »
Le raffemblement de deux mille Gardes
Nationales eft toujours aux environs de
Goneffe ; on y va comme au Champ- de-
Mars , en partie de plaifir & d'amufement >
on y danfe , on y donne des fêtes aux
Dames ; fous le déguifement de Soldat ,
vous reconnoiffez le caractère Parifien ,
malgré les efforts de ces jeunes Souverains
pour acquérir l'air martial & belliqueux .
Les maus ne font point ce qui gagne le
plus à ces réunions indifciplinées ; elles fe
détériorent par un mélange de groffièreté
gratuite & d'immoralité d'habitude . Si
parmi les Soldats de Goneffe il fe trouve
( 394 )
des jeunes gens qui ont quelque fentiment
de délicateffe , le très-grand nombre eft
formé d'artifans ruinés ou dévergondés ,
qui ne voient dans le parti d'aller aux frontières
qu'une reffource contre la misère ou
quelqu'efpoir de vivre dans une licence
d'un genre nouveau.
C'eft de cette eſpèce de gens qu'on s'eſt
plaint, & qu'on fe plaindra encore , gens
qui n'ont des Soldats de ligne que l'ignorance
jointe à une fotte prétention de patriotifme.
Il a fallu plus d'une fois les
forcer à refpecter les propriétés & la tranquillité
des Habitans. Piufieurs ont donné
des preuves d'un grand mépris des droits à
cet égard , jufques-là qu'ils n'ont pas même
refpecté ceux de leur corps , Un Caporal &.
un Sergent ont emporté le prêt deftiné à la
pale de leur Compagnie.
On ne réfléchit point affez à la déprava
tion qu'entraîne après foi une inftitution ,
des moeurs & une vie militaires communes
à tous les habitans d'un pays. C'eſt une
chofe dérifoire que d'invoquer une prétendue
régénération , pour croire que les
habitudes fociales n'en fouffriront point de
manière à en être altérées. Avec fon ignorance
, fa fuffifance ordinaire , le Soldat-
Bourgeois deviendra plus féroce & plus
immoral dans fa conduite privée ; c'eft
l'effet de la vie de Corps- de - Garde & de
Cabaret , que le fervice militaire entraîne
( 355 )
néceffairement. J'entends bien que les
moeurs douces doivent paroître indifférentes
ou dangereufes aux partifans d'un
Gouvernement de fer ; mais un pareil
Gouvernenient ne peut plus exifter avec
le fyftême de Commerce , d'induftrie , de
jouiffance que l'Europe a adopté depuis
que la civilifation y a fait des progiês.
Comme les Croifades , l'armement d'une
Nation pourra empêcher pour un temps.
le progrès des arts & des habitudes douces
dans la fociété , mais la force des chofes
& le befoin du repos dans une Nation
riche , ramenera à n'avoir exclufivement
que des Troupes de ligne pour le Service
intérieur & extérieur de l'Etat.
Γ
Lorfqu'au mois de Juillet 1789 , on
prit les armes dans la plupart des villes du
Royaume , les habitans n'avoient point du
tout l'intention d'établir des Gardes Nationales.
Les procès - verbaux d'une multitude
d'Affemblées de Communes , adreífés à
P'Hôtel- de- Ville de Paris, portent tous que,
pour maintenir la tranquillité publique &
réprimer les brigands , les Bourgeois fe font
armés & ont formé une Milice Bourgeoife
, une Garde de Police ; aucun de ces
procès-verbaux ne fait connoître qu'on ait .
voulu compofer des troupes politiques. Ce ,
n'eft qu'à Paris , dans quelques Districts ,
qu'on propofa de changer ces Milices:
+
( 336 )
Bourgeoiles en Gardes Nationales , Gardes
de la Conftitution , & qu'on profita de l'incandefcence
des idées , pour établir un
Corps de troupes , dont le fervice libre
d'abord , eft devenu enfuite tellement de
rigueur , qu'on eft frappé de mort politique
, privé du droit de cité , fi l'on ne fe
fait point infcrire aux rôles deftinés à les
recruter ; comme file droit de cité n'étoit
point antérieur aux autres , & qu'on pût
le faire dépendre d'un fervice pour lequel
on paie , & fort cher. L'état de perfection
fociale confifte à ce que la liberté individuelle
& la sûreté publique , foient main
tenues par les pouvoirs actifs du Gouver
nement établi, fans que les Membres del'Etat
foient obligés d'aller continuellement à fon
fecours : les chofes font ainfi dans l'état fauvage
; la défenfe politique y eft réduite à
l'action de chaque individu ; & c'eft précifement
pour faire ceffer cet état de chofes
que la Société eft établie ; pour que
l'homme formé aux arts , aux foins domeftiques
, ne foit point inopinément livré
au fer meurtrier de l'ennemi dont il n'a
jamais appris à fe défendre. Si la fcience
de défendre l'Etat fans tirer l'Agriculteur
de fa charrue , l'Ouvrier de fon atelier ,.
n'exiftoit point , il faudroit l'inventer ; la
confcription militaire décrétée eft plus
onéreue à Etat , plus deftructive des droits
individuels i que les Milices , touses vi(
337 )
cieuſes & imparfaites qu'elles étoient dans
leur mode d'existence .
Le tableau de Paris eft digne de Tacite
dans ce moment ; une fecrette honte donne
un maintien particulier à ceux qui , publiquement
proclament l'efclavage du Roi ,
comme un moyen de liberté publique ; la
crainte , une circonfpection commandée,
par la force , retient l'indignation de tout
ce qui n'a point oublié ce que
c'eft que
l'honneur & la juftice publique ; la néceffité
de donner une fin à cette violente
pofition , occupe les efprits & trouble
tous les plans de vengeances & de prof
criptions factieufes . L'égarement du Peuple,
fon fanatifme toujours foutenu , fes cruelles
paffions , font l'efpoir des ennemis de la
Royauté; la juftice , les remords du crime ,
l'incalculable chance des évènemens , la
fageffe du Monarque , le courage de fa
malheureuſe famille , foutiennent l'efpérance
des gens de bien & des ennemis de
la fervitude publique. Les premiers mépris,
fent & craignent les Puiffances étrangères ,
les feconds voudroient pouvoir s'en paffer,
mais préféreroient leur intervention puiffanteà
la captivité de leur Prince & à la honte
de la Nation. Cette oppofition de penſée
partage la Société en deux claffes bien
daractérisées aux yeux de l'obfervateur ;
Pune depceux qui s'appuyent fur la fottes
-( 358 )
灌
fouffrent impatiemment les doutes modeftes
de la raifon & les réclamations de
fa juftice ; l'autre de ceux qui fe taiſent ,
fe recueillent , gagnent chaque jour du
terrein dans l'opinion des hommes & s'inftruifent
à l'école de l'expérience ; fans manifefter
aucun fentiment déterminé en public.
Entre ces deux extrêmes de la Société ,
on peut reconnoître une claffe d'individus ,
légers , frivoles , toujours du parti du plus
fort , fans caractère & fans vue , qui fans
être méprifable , eft cependant dédaigné
des deux partis , & va de l'un à l'autre ,
comme une affaire de mode & d'amufement
néceffaire.
P. S. L'on vient de nous adreffer le
Bulletin fuivant ; nous le tranfcrivons tel:
qu'il nous a été envoyé.
Bulletin de St. Domingue
1791 .
au Cap, ce s juille
Le fatal Décret du is Mai , fur les gens
de couleur , eft arrivé ici te 2 Juillet. Il y a
Até reçu avec la plus grande indignation , la
fureur & l'efprit d'une légitime & fainte infurrection
, ont fucceffivement paffé dans tous les
cours . Tous les Citoyens ont résolu de rejetter ,
au péril de leur vie , cette loi exterminatoire . Ils
ont mis bas la Cocarde Nationale , pour en prendre .
une noire & blanche, »
La France peut-être affurée de perdre à jamais
Les Colonics, & le Commerce, tout ce qui lui est
( 359 )
dâ, fi ce Décret fanguinaire n'eft pas retiré. Il n'a
jamais pû être provoqué que par les intrigues infernales
des véritables ennemis de la Nation . Le
malheur eft à ſon comble ici , & l'on ne fauroit
calculer les effets du défeſpoir , ni le carnage que
peut produire un pareil Décret. Les Briffot ,
les Pethion , les Condorcet , & les Roberfpierre ,
doivent être bien contens . »
« L'onnefauroit trop recommander aux Chambres
de Commerce de France de feréurir , fans aucun
délai , pour faire anéantir ce funefte Décret,
La confervation de leur fortune , & celle de la vie
de plufieurs millions d'hommes , en dépendent. Ces
motifs font affez puiffans pour s'occuper d'un tel
objet , toute affaire ceffante..
CC
L'on fait , à n'en point douter , que le Com
merce de Bordeaux , loin de faire aucune démarche
pour faire retirer ce damnable Décret
n'a pas craint de fe déshonorer , en accordant de
vifs applaudiffemens aux difpofitions qu'il renferme
; auffi les Colons font-ils aliénés au dernier
point , contre cette ville , & l'on le propofe de
lui témoigner l'indignation qu'elle a juſtement
encourue , en refufant l'entrée du Cap à tous
les navires Bordelais . Il faut croire que les
autres Ports de la Colonie leur feront également
fermés. »
« Hier 4 , un Négrier Bordelais eft entré
dans le Port ; il a reçu l'ordre d'en fortir , & le
confeil de porter à l'Affemblée Nationale fes
Nègres , pour en faire des Citoyens actifs & des
Repréfentans de la Nation . Le Capitaine , que
set ordre réduifoit au défefpoir , a follicité la
Municipalité avec tant d'inftances & de larmes ,
qu'elle a bien voulu lui permettre de vendre fa
( 360 )
cargaifon ; mais malgre le beſoin d'efſclaves , perfonne
ne veut acheter ceux - là , »
" Des lettres & des Couriers ont été expédiés
pour les trois Provinces , pour propofer une réunion
générale , une coalition univerſelle , & préparer
une oppofition ouverte & bien foutenue contre
Le Décret Conftitutionnel & anti- Colonial , au
moment où il arrivera officiellement . »
OC
L'effigie de l'Abbé Grégoire a été brûlée
en place publique , ainfi que celle du traître &
Mulâtre Monneron.
•
Une indifpofition fubite a empêché M.
Mallet du Pan de reprendre le Journal
cette femaine ce fera probablement pour
la fuivante. )
::
?
AVIS.
Nous croyons rendre un fervice au Public
, & furtout aux Etrangers , de leur
annoncer l'établiffement de la Maifon de
Santé de M. Colon , Docteur en Médecine ,
ancien Chirurgien de Bicêtre , au Grand
Gentilly près Paris . L'on y trouve toutes
les commodités , les égards , les foins & le
fecret que les Perfonnes qui s'y adreffent
peuvent defirer dans leurs maladies ,
LIVRES NOUVEAUX.
L'ECOLE du bonheur ,
ou Tableau des vertus
fociales , dans lequel le
précepte , mis à côté
de l'exemple , préfente
la route la plus sûre
pour parvenir à la féli
cité Ouvrage utile à
l'éducation des jeunes
gens de l'un & de l'autre
fexe , & fait pour intéreffer
toute efpece de
Lecteurs ; 2 vol. in- 12
A Paris , rue & hôtel
Serpente.
;
vant Sergent- Major de
Grenadiers au Régiment
des Gardes-Françaiſes ;
in- 12. Prix , 24f. broch.
& 36 f.rel . franc de port
dans tous les Départemens.
A Paris , chez
Varin , Libraire , rue du
Petit Port , au bas de
la rue Saint -Jacques
n°. 22 ; & chez Bertaud
, Libraire , rue St.-
Paul,
L'Hiftoire univerfelle ,
Comédie en vrs & en
de x Actes , mêlée de
Vaudevilles & d'Airs
Effais fur les moyens
de former de bons Mé
decins , fur les obliga- nouveaux , repréfentée
tions réciproques des
Médecins & de la Socité
; partie d'un projet
d'éducation nationale ,
relative à cetteprofeffior ;
par J. J. Menuret , Docteur
, &c. A Paris chez
Anteur , rue Saint- Honoré
, près celle de l'E
chelle ; & chez Belin ,
rue Saint-Jacques .
1ftuctions patriotiones
& mil taires pour
la Garde Nationale , & c.
par M. Larefche , Capitaine
du centre , ci de
au Théâtre de Mon-
SIEUR par le Coufin-
Jacques. Prix , 151. A
Paris , chez Froullé
- Imprimeur-Lib, qui des
Auguftins , nº 39 ; &
chez l'Auteur , au Bureau
des nouvelles Lunes, rue
Phelipaux
n°. 15.
( Cette Piece n'a pas eu
moins de fuccès que Nicodême
dans la Lune , du
même Auteur).
La Fatalité , Roman
poérique ; par M. Grain
ville , des Académies de
Rouen , de Caen , des
Arcades de Rome , &
du Mufée de Bordeaux ;
Broch . in - 12 . A Paris ,
chez Royez , Lib. quai
des Auguftins , près le
Pont-Ne f.
Pétition à l'Affemblée
Nationale , par Montagne
, Charton , Montef
quieu & Voltaire ; fuivie
d'une Confultation en
Pologne & en Suiffe . A
Paris , chez Defenne ,
Lib. au Pais-Royal.
Le prix de l'abonnement eft de trente trojs liv.
fanc de port , tant pour Paris que pour la Province
li faut affranchir le port de l'argent &de
la lettre , & joindre à cette dernière e reçu du
Directeur des Pftes. O fouferit Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins. On s'adreffera au heur GUTH
Direct ir du Bureau du Mercure L'abonnement, ne
peut avoir lieu que pour l'année entiere.
จน
LIVRES NOUVEAUX,
LETTRE Paftorale de
M. l'Evêque du Déparsement
de la Meurthe
(Nancy ) , dans laquelle
il prouve , d'après les
Auteurs Eccléfiaftiques ,
que l'Affemblée Natione
, dans la Conftitation
civile du Clergé ,
a rien fait qui ne foit
e fon reffort & de fa
compétence ; feconde
édition . Prix 1 liv.
brech. A Paris , chez
Leclerc , Lib. , rue S.-
Martin , n . 24 ; &
Fronllé , quai des Au
guftins , no. 39.
>
Correfpondance d'un
habitant de Paris avec
Les amis de Suiffe &
d'Angleterre , fer les
événemens de 1789
1790 , & jufqu'au 4
Avril 1791 ; in- 8 ° . Prix,
4 liv . 4 f. broch. A Paris ,
chez Defenne & Gattey,
Lib. au Palais Royal.
Nouveau Voyage dans
les Etats - Unis de l'Amérique
feptentrionale ,
fait , en 1788 , par J. P.
Briffot Warville , Citoyen
Français ;; vol.
in- 8 ° . formant environ
1400 pages. Prix , 13 liv.
broch , & 14 liv. 10 f.
franc de port par la
Pofte. A Paris chez
Buiffon , Libraire , rue
Haute- feuille , n°. 20.
La Médecine éclairéa
par les Sciences phyques
, ou Journal des
découvertes
relatives aur
l'Art de guérir
, rédigé
différentes
parties de
feffeur de Chimie
au
par M. Foutcroy , Pro-
Jardin
des Plantes
, de
l'Académie des Sciences.
A Paris , chez le même.
Mémoires fur l'Inde ,
par M. Warren -Haftings,
Ecuyer , ci-devant GouverneurduBengale;
nouvelle
édition , avec des
augmentations , & fon
Difcours prononcé en
préfence des Pairs , le 2
Juin 1791 , premier
jour de la défenfe ; traduits
par M. de la Montagne
, & publiés par M.
le Chevalier de P. A
Paris , chez Roycz , Lib.
quai des Auguftins , près
le Pont-Neuf.
Catéchilme de Morale
pour l'éducation de
la jeunelle ; par M. Har
mand. Prix , 15 f. broch.
A Paris , de l'Imprime-
| rie de Provôt , rue Mazarine
, n° 92 ; & fe
vend chez Planche , Lib.
rue de Richelieu Sorbonne
, nº. ;; chez
Maillard , Lib. quai des
Auguftins , no. 45-
Le prix de l'abonnement eft de trente- trois liv
franc de port, tant pour Paris que pour la P
vince. Il faut affranchir le port de l'argent & d
la lettre , & joindre à cette dernière le reçu du
Directeur des Poftes. On fouferit Hôtel de Thou,
rue des Poitevins. On s'adreffera au fieur GUTH
Dired Bureau du Mercure L'abonnement
peutir lieu que pour l'année entiere.
LIVRES NOUVEAUX.
LA caufe du Pape , vol . in-8°. de près de
avecréfutation d'un Ou - seo pages , orné de fix
vrage imprime fous le
titre d'Entretiens familiers
de deux Curés du
Département de l'Orne ;
par M. L***. A Paris,
grandes Planches en
taille- douce. A Paris
chez Buiffon , Imprimeur
- Libraire , rue Haute-
feuille , n . 20. Prix ,
chez Hartau , Marchands liv. broch. & l. 10 f.
de Nouveautés , à l'Affemblée
Nationale.
Pour le Pape : Réponse
àun fougueux Ecrit ; par
M. L*** ; broch. in- 8°.
45p. A Paris , même
adreffe que ci-deffus.
Traité complet de la
culture , fabrication
&
vente du Tabac , d'après
les procédés pratiqués
dans la Pannonie , la Virginie
, le Danemarck
,
I'Ukraine
, la Valteline ,
la Guyane Françaife , &
ci devant dans la Guienne
; auquel on a joint
d'autres objets d'Economie
rurale, qui , réunis
ou fubftitués au Tabac ,
en rendent la culture encore
plus utile aux Propriétaires,
& très-intéreffante
pour l'Etat ; par
un ancien Cultivateur
;
S
franc de port par la
Pofte.
M. l'Evêque du Dépar
Lettre Paftorale de
tement de la Meurthe
(Nancy ), dans laquelle
il prouve , d'après les
Auteurs Eccléfiaftiques
que l'Affemblée Nationale
, dans la Conftitution
civile du Clergé
n'a rien fait qui ne foit
de fon reffort & de fa
compétence
; feconde
édition. Prix , I liv. liv.
broch. A Paris , chez
Leclerc , Lib. rue St.-
Martin , no. 254 ; &
Froullé , quai des Auguftins
, no. 39.
Méthode pour traiter
toutes les Maladies , trèsutile
aux jeunes Medecins
, aux Chirurgiens &
aux gens charitables qui
exercent la Médec
dans les campagnes ; dédiée
au Roi ; par M.
Vachier , Docteur - Ré-
Comte , no. 54 ; chicz
Méquignon l'aîné , Lb.
rue des Cordeliers , près
gent de la Faculté des Ecoles de Chirurgie ,
Médecine; Tom. 12, 13 ,
145 in- 12. A Paris , chez
l'Auteur , rue Michel - le-
& Croullebois , rue des
Mathurins.
Le prix de l'abonnement eft de trente trois liv.
franc de port, tant pour Paris que pour la Province.
Il faut affranchir le port de l'argent & de
la lettre , joindre à cette dernière le reca da
Directeur des Poftes. On fouferit Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins. On s'adreffera au feur GUTH ,.
Directe du Bureau du Mercure. L'abonnement ne
peut avoir lieu que pour l'année entière.
LIVRES NOUVEAUX.
L'ECOLE du bonheur ,
ou Tableau des vertus
fociales , dans lequel le
précepte , mis à côté
de l'exemple , préfente
la route la plus sûre
pour parvenir à la féli
cité , Ouvrage utile à
l'éducation des jeunes
gens de l'un & de l'autre
fexe , & fait pour inté
ffer toute efpece de
Lecteurs ; 2 vol. in- 12 .
A Paris , rue & hôtel
Serpente.
L'Hiftoire univerfelle ,
Comédie en vers & en
deux Actes , mêlée de
Vaudevilles & d'Airs
nouveaux , repréfentée
au Théâtre de MONSIEUR
; par le Coufingnons
de la France , ou
Traité élémentaire , renfermant
dans un ordre
méthodique les defcriptions
& les figures des
champignons qui croiffent
naturellement en
France ; par M. Bulliard ;
tome 1er. in-fol. Prix ,
14 liv. broch. en carton
avec huit Planches , dont
cinq font coloriées au
moyen de l'impreffion ;
& 186 liv . avec les 177
Planches dont il renfer-"
me les defcriptions. A
Paris , chez l'Auteur ,
Ile Saint-Louis , no. 1 ,
en face du Pont- Rouge' ;
chez Barrois le jeune ,
quai des Auguftins ;
Belin, rue Saint-Jacques;
Jacques. Prix , 15 f. A Bazan , r
Paris , chez Froullé ,
Imprimeur-Lib. quai des
Auguftins, n°. 39 ; &
chez l'Auteur , au Bureau
des nouvelles Lunes, rue
Phelipeaux , n°. 15.
(Cette Piece n'a pas eu
moins de fuccès que Nicodême
dans la Lune, du
même Auteur).
Hiftoire des champi-
& hôtel Serpente
; Croullebois , rue
des Mathurins. Le fecond
& dernier Volume
eft fous preffe.
Plan d'éducation nationale
, confidérée fous
le rapport des Livres élémentaires
; par Etienne
Barruel. Brochure in 8 ° .
de 300 pages . A Paris
chez Defense , Libraire
au Palais-Royal , & au
Luxembourg.
La Fatalité , Roman
poétique ; par M. Grainville
, des Académies de
des Auguftins , près le
Pont-Neuf.
Pétition à l'Affemblée
Nationale , par Montagne
, Charron , Montel
Rouen , de Caen , desquieu & Voltaire; fuivie
Arcades de Rome , &
du Musée de Bordeaux;
Broch. in- 12 . A Paris ,
chez Roycz , Lib. quai
d'e Confultation en
Pologne & en Suiffe. A
Paris , chez Defenne ,
Lib. au Palais- Royal.
Le prix de l'abonnement eft de trente-trois liv.
franc de port , tant pour Paris que pour la I
vince. Il faut affranchir le port de l'argent & de
la lettre , & joindre à cette dernière le recu du
Directeur des Poftes. On fouferit Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins. On s'adreffera au fieur. Gry ,
Directem Au Bureau du Mercure . L'abonnement ne
peut avoir lieu que pour l'année entiere.
SAMEDI 6 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE .
Par MM. MARMONTEL , DE LA HARPE
& CHAMFORT , de l'Académie Françaife
; par M. GINGUENÉ , & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Réda curs.
M. MALLET DU PAN , eft feul chargé
de la partie politique .
Tous les Livros doivent être adrefiés à M. dc
la Harpe , rue Guénégaud , nº . 24 ;
La Potfie , à M. Berquin , ruc & place du Théace
Français;
Les Cartes , Eftampes , la Mufique , & Avis divers ,
à M. Framery , Boulevart du Théatre Italien , au coin
de la rue Favart , n . 342 ; & tout ce qui concerne
l'expédition & les Abennemens , à M. GUTH
hôtel de Thou , rue des Poitevins .
Tous les envois doivent être affranchis .
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume.
Emp. D.82.
COURS DES EFFETS PUBLICS.
Juillet
1791.
CHANGES.
Amft. 4411
Lond. 21.
EFFETS NAT. Lundi 25. Mardi 26. Merc. 27. Jeudi 28. Vend. 29. Samedi 30. Ham. 231.
Act. Indes ....
16 Id. me ...
Emprunt
. Oft,
22204.15. 2210.121. 222( 3.22}.
2225.22. 2220..
10.7.2 15.20. 2.0.
1415 ..... 1410 …………. 147()..
2M22a211218d10....
20.
Cad, 18. 10.
1L2i3v.
Gên. 114.
452 452. 413 Lyon.F
845
4 p.aup.p ...
CHANGES. Emprunt 12sins..
Emprunt80ms
315
8 K
Anft. 44%
13.13134 ·
1--31|
... 13 ....... Lond. 234
BullfeatInidsn. 317
44.5 4. 142. Ham. 231.
Bulletin..
88.83. 88
Act. Caifle..
95.
Deux Caiffes..
25.26
Empr. National ... 13
28.
aupan..p.
88 ...... Mad., 18.12.
Cadix. 18. 11.
Liv ... 124
3930.38903895..90. 3850..55. 3865.60. 3860..553845.48.
80.70.68.70.65.70. 63-65. 48.46.
F
1955.48. 1942..45. 1925. 20. 1930..28. 1924..22
30.35.42.1 32.33.30. 16.2830. 23.
L1em7uo.aa.1riB.p.puau.se...
46.45.40.
Gen. 114
192224
28.18.16.
Lyon. P.
aPraenvteiuerr,se
( No. 33 )
SAMEDI 13 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
Par MM. MARMONTEL DE LA HARPE
& CHAMFORT . de l'Académie Françaile
; par M. GINGUENE , & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs.
M. MALLET DU PAN , eft feul chargé
de la partie politique .
Tous les Livres doivent être adreflés à M. de
la Harpe , rue Guénégaud , nº . 24 ;
La Poéfie , à M. Berquin , rue & place du Théatre
Français;
Les Cartes , Eftampes , la Mufique , & Avis divers
M. Framery , Boulevart du Théatre Italien , au coin
de la rue Favart , n . 342 ; & tout ce qui concerne
l'expédition & les Abonnemens , à M. GUTH ,
hotel de Thou , rue des Poitevins.
Tous les envois doivent être affranchis .
Le prix de l'Abonnement eft de 33 liv.
franc de port par tou: le Royaume.
PUECBFOLFUDIERECTSSSS.
CHANGES.
Août
1791. Amft. 43.
Lond. 22.
EFFETS NAT. Jeudi4. | Vend.s.Samedi6.
AC. Indes ...
22119805..2.0800..
2290.95.. 82.
14. Home.
1405..
1.
54.5.4
5.2.
1415.16..
453.55.53.
1.3.2.1
6.57. 1711.8.8111
16
•
Emprunt. Oct.453..
Emprunt. D. 82.1
Emprunt 125.4
Emprunt 8ms..12. 12.
Id. Cans Bulletin. 4.4.4.4.48
Bulletin ... 86.
.....
A&t. Caiffe ..... 3760, 65. 37505560 3795.800.
55.55 70.65.
S.10.15.
1189160C830aD6..i.ef0.1.fu6670.ex5505.s..
68.63.187997..16980..
Na1tEi11om1n3p4aP4.rl..
2482
Ham. 240.
Mad. 19.S.
Cad. 19.6.
Liv. 128.
Gen. 117
Lyon.r.
Payeurs,6 premiers
mois 1791, Leute.
( N °. 34 )
SAMEDI 20 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
3
Par MM. MARMONTEL , DE LA HARPE
& CHAMFORT , de l'Académie Françaife
; par M. GINGUENÉ , & par MM.
FRAMERY & BERQUIN , Rédacters.
M. MALLET DU PAN eft feul chargé
de la partie politique.
Tous les Livres doivent être adreffés à M. de
Harpe , rue Guénégaud , n°. 24 ;
La Poéfie à M. Berquin , rue & place du Théatre
Français ;
Les Cartes, Eftampes , la Mufique , & Avis divers,
à M. Framery , Boulevart du Théatre Italien , au coin
de la rue Favart , n°. 342 ; & tout c . qui concerne
l'expédition & les Abonnemens , à M. GUTH
hôtel de Thou , rue des Poitevins.
Tous les envois doivent être affranchis.
Le prix de l'Abonnement efl de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume.
COURS DES EFFETS PUBLICS. Août 1791.
ESFaJVFNmeeReAu11Yndd121TSdii3.....
1210.7.5.2200..19.)
CHANGE!
Amft. 43.
Lond. 22.
Ham. 135.
A&t. Indes ...... 2215.121.
20027.
16 Id. me ....
Emprunt Oct.
1420
1417
455-54 ...
Emprunt. D.81. 199
E.m.p.r.u.1n.2mt.5.8
Emp8r0umnst.
7.200.
45553 ... 433…… ..
1.1 3.2
1.2.3-4.2/
817
8.
..8...8.
14..1.4.
Id. fans Bulletin. 57.5.54.5 .....S
Mad. 18. 19.
Cad1i18x8..
Liv..125.
Gen. 116.
Lyon.p.
Payeurs,6 premier
mois 1791, Lettre C.
Bulletin.
89 91.89.
882.89
88.
Cai.Al.cl.te.
3875.60. 38555045
13855..50.
55.60.$ 5.60. 45.43.55.
Deux Caifles. 1925.28.
·་ 1926 ..... 1920.16..
30.
Empr. National.p ......p ...
P.
( N ° 35. )
SAMEDI 27 Août 1791 .
MERCURE
DE FRANCE.
DR LA HARPE PA MM. MARmontel
& CHAMFOXT , de l'Académie Francaife
; par M. GINGUENÉ , & par MM
FRAMERY & BERQUIN , Rédacteurs
MALLET DU PAN eft ful charge
de la partie politique.
Tous les Livres doivent être adreffés à M. de
Harpe , rue Guénégaud , n ° . 24 ;
La Poéfie , à M. Berquin , rue & place du Théatre
Francais ;
Les Cartes , Eftampes , la Mufique , & Avis divers ,
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lela rue Favart , n° 342 ; & tout ce qui concerne
(l'expédition & les Abonnemens , à M. GUTH
hotel de Thou , rue des Poitevins.
Tous les envois doivent être affranchis.
Le prix de l'abonnement efl de 33 liv.
franc de port par tout le Royaume .
COURS DES EFFETS PUBLICS.
ESFaVFJNmEeeAe112Tnud809TSddi..-.
2197.95.
97.
95.21952.19977
Emprunt 125m.. 8118.774
IndAecst..
Id.ne 1416 ...
Emprunt.O&.
253 •
453 413.
Emp. D.82.
3.2.1.4.3.123.12.2
8.73..8.
Emprunt80ms
Id. fans Bulletin. 4.4.
45
Bulletin.
88
CaiAfc.lt.e.
Août 1791-
CHANGES
Amft. 42.
Lond. 221.
Fam. 2351.
Mad. 18. 19
Cad. 18.19.
{ Liv. 125.
Cen. 116.
Lyon.p.
Faveur, stings
nois 1791, LeursE.
3835.40. 3830.28.
36.38. 3.2.35 13830.
Deux Caiffes .... 1920.17 190ƒ… .10
1913.14.
15.162.51.51111.67541....
NatiEomnparl. 143. 1.11
Jer . 133
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ;
(
COMPOSÉ & rédigé , quant à la partie
Littéraire , par MM. MARMONTEL ,
DE LA HARPE & CHAMFORT , tous
trois de l'Académie Françaife ; par M.
GINGUENÉ , & par MM. FRAMERY &
BERQUIN , Rédacteurs.
ཀ།
M. MALLET DU PAN, Citoyen de Genève,
eft feul chargé de la partie Hiftorique
Politique.
SAMEDI 6 AOUT 1791 .
A PARIS ,
Au Bureau du MERCURE , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevias , N. 18.5
TABLE GÉNÉRALE
Du mois de Juillet 1791.
EPIGRAMAFE.
Les Scltures le Murcie.
31Mémoires .
Notices.
Charade , Er. log. 291
34
44
DÉPIT Pur Amine 49 Tab'eru Po itique.
Abouzai
Les Moumens.
Charide , En. Logoe. 52
La Cheté du Clergé.
*peéticles.
f4
Correfponda ce.
Variétés
-70
72
76
79 571
Le, Anours. L
61 |Not ces .
La Réfiſtance inutile. 85 $ ectacles . 111
Chorale , Enig . Log. 88
Pariétés.
117
Leihilinte de Moliere.
Kapp.rt.
102
99
Notices.
119
Charade . Eriy . Lozog. 126 pectacles .
PITRE.
La Folice de Paris.
Bibliotheque.
VERS. 1571Floge. 478
LiVo ture pub! que 18 Variétés. 182
Crvade, En. Lag 160 Avis 192
Poefies d.verjes. 163 Not.ces . 200
121 De 'Autorité. 147
150 128
Norices.
157
་་་
A Paris , de l'Imprimerie de Montard , que
des Mathurins , Hôtel de Chuni .
BIBLIOTHICA
RECLA
MONACENGZ9
MERCURE
DE FRANCE.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
2
CHANT D'AMOUR.
Vous
ou's qui portez un coeur fenfible & tondie ;
Vous que le Ciel fit naître pour aimer ,
Sous ces berceaux accourcz pour m'entendre ,
Et par mes chants laiffez - vous enflammer.
Heureux qui peut , auprès de fon Amie,
Couler des jours filés par les Plaifirs ,
Semer de fleurs le chemin de la vie ,
Et voir l'Amour combler tous les défirs !
t
C'est par l'Amour qu'ici -bas tout refpire :
Tout s'embellit par lui dans l'Univers .
Heureux le coeur foumis à fon empire ,
Qui de bonne heure a fu porter fes fers !
1
A 2
MERCURE
Qui les peindra ces momens pleins de charmes ,
Ou de Rofine embraſſant les genoux ,
Ivre d'amour , les yeux baignés de larmes ,
Je lus mon fort dans l'aveu le plus doux ?
*
Oui , prends mon coeur ; il eft à toi , dit-elle ;
Depuis long-temps j'en avais fait ton bien .
Il eft fenfible ; il re fera fidele ;
Rien ne pourra le féparer du tien.
Si tous mes jours s'écoulent fans orage ;
Si je n'ai plus à former d'autres voeux ,
Tant de bonheur , Rofine , eft ton ouvrage ;
Et ton Amant peut s'égaler aux Dieux .
Toujours fidele au ferment qui nous lie ,
D'un feu conftant je brûlerai pour toi .
Le Ciel te fit pour embellir ma vie ;
Mon bonheur eft de vivre fous ta loi.
A Mme. de Ch.... qui m'avait demandé les
Vers précédens .
Eh quoi ! par vous l'orgueil vient , à fon tour,
D'un coeur déjà trop faible achever la défaite !
J'étais loin de penfer qu'il me fallût un jour,
Comme Amant & comme Poëte ,
Mourir d'amour-propre & d'amour.
( Par un Abonné. )
DE FRANCE.
LES SOLITAIRES DE MURCIE ,
CONTE MORAL.
Seconde Partie.
APRÈS un moment de filence , pourſuivit
le Comte de Creutz , mon Solitaire reprit
ainfi :
Non , ce n'eft point du pouvoir de l'amour
que l'on fe joue impunément : c'eft lorsqu'il
eft le plus naïf & le plus ingénu , qu'il eſt
le plus à craindre.
Ce fentiment , bientôt devenu fombre &
filencieux dans mon ame ,, ne voulut plus
avoir pour
confident que fon objet ; & dèslors
c'était de moi - même que j'aurais dû
me défier ; car du moment que l'innocence
fonge à diffimuler , ce n'eſt déjà plus l'innocence.
Je laiffai donc mon ami fé moquer de
ma folie chevalerefque ; mais je m'occupai
des moyens de faire connaître à fa foeur
que rien n'était plus férieux.
La jeuneffe eft naturellement vaine & préfomptueufe
; & dans l'inquiétude où j'étais
de favoirfi réellement j'avais touché le coeur
de Valérie , ſe mêlait déjà la penſée qu'il y
avait plus que de l'eftime & que de la recon-
Daiffance à ce qu'elle avait fait pour moi.
A 3
6 MERCURE
J'efpérais donc qu'après la fcène du pavit
lon , elle reviendrait plus fouvent rêver à la
fenêtre d'où elle avait vu fon Chevalier; &
tous les jours , à la même heure , au même
lieu , j'allais l'attendre , errant comme une
ombre plaintive , & mille fois levant les yeux
vers la fenêtre où je m'étais atté de la revoir.
L'impitoyable jaloufie fe tint fermée
durant un mois . Enfin elle s'ouvrit ; & par
pitié Valérie daigna paraître avec Therefes
fa fuivante affidée .
C'est donc ici , mon Chevalier , votrepromenade
affidue , me dit-elle d'un air tou
chant ? Ces mots m'apprirent que fans paraire
, elle m'avait du moins apperçu quel
quefois ; ils me firent entendre auffi que je
pouvais , devant Thérefe , parler à Valérie ,
comme un Chevalier à fa Dame ; & ce fut le
ton que je pris .
Oui , Madame , lui répondis - je , c'eſt ici
que je viens rêver , fi toutefois on peut appeler
rêverie une feule penfée dont rien ne
nous diftrait , & dont toute l'ame eft remplie.
Cette penfée unique eft la gloire fans
doute ?-Cui , Madame, la gloire, qui nous
rend dignes du bonheur , la gloire qui peut
feule jullifier les voeux d'une ame élevée &
fenfible , la gloire à qui jamais un noble
coeur n'a réfifté ; ce ferait d'elle que je voudrais
faire l'ércile de ma deftinée . Mais , hélas !
elle femble échapper à qui la pourfuit ; elle
fe refufe long - temps aux vains défirs de là
DE FRANCE.
jeuneffe; & lorfqu'enfin elle fe laife atteindre,
il n'eft plus temps : le feul prix qu'on lui eûr
demandé , a paffé dans les mains d'un autre ;
& tout ce qu'on a fait pour la gloire , eft
perdu pour l'amour . Ce mot , qui m'échap
pair pour la premiere fois , me fic monter le
feu au vifage. Valérie , plus innocente , l'en
tendit fans rougir. Vous faites là , mon Chevalier
, des réflexions bien férieuſes , me
dit- elle ! je vous confeille de ne pas vous y
abandonner. Je penfe , moi , que l'efpe
rance eft la compagne du courage ; & j'exhorre
mon Chevalier, qui ne peut rien vouloir que
denoble & de juite , à ne défefpérer de rien .
Enfaite, changeant de propos, & faifant l'é
loge de ce beau ciel & de ces belles campagnes
qui fe déployaient à fes yeux , je les
quitte à regret , dit-elle , car c'eft mon unique
plaifir.
Mon amour, ou fivous voulez mon amourpropre
, expliqua de fon mieux tout ce que
je venais d'entendre ; & je m'en retournai
l'efprit tout occupé des plus douces illafions
: ces mors fur tout , l'efpérance eft la
compagne du courage , reflercit gravés dans
moncoeur,
Le lendemain , à la même heure , je re
vins dans le même lieu ; mais la grille rettafermée.
Le jour fuivant , j'y revins encor
& la grille s'ouvrir enfin ; mais Thérefe
qui parut feule , m'accabla de tritteffe en
me parlant ainti : Chevalier , Dona Valerie,
A 4
MERCURE
Au nom de ce qu'elle a de plus cher , vous
confure de vouloir bien changer de promenade
, & de ne plus revenir feul fous les
murs de ce pavillen . Elle dit , & ferma la
grille fans me donner le temps de lui ré
pondre. Je me retirai confterné . Ah ! plût au
Ciel , qu'abandonné à ma douleur fans efpérance
, celle qui la caufait m'y eût laiffe luccomber
!
Je pallai une nuit , cruelle. Qu'était-il ar
rivé ? avais-je attiré quelque plainte , quelque
reproche à Valérie ? avais-je fair couler les
pleurs ? Mais non , fans autre caufe , ellemême
, ou Thérefe , avait pu s'alarmer
d'une apparence de rendez vous , & redouter
les bruits qui pouvaient s'en répandre. Cette
réflexion m'appaifa ; & j'approuvai en gémilfant
une fi fage prévoyance. Cependant
plus d'intelligence entre nons , plus aucun
moyen de nous communiquer nos fentimens
& nos penfées : qu'allais - je devenir ?
J'adorais Valérie , & il fallair renoncer à
la voir.
Telle était la fituation de mon efprit &
de mon ame , lorfque je vis entrer chez moi
Léonce av c un air content . Mon ami. , me
dit-il , je viens vous confier une nouvelle
intér ffante. C'eft un fecret que j'ai ferpris,
& que je n'ai pas même encore dit à ma
faur. Il eft question pour elle de la plus
grande affaire.
De quelle affaire , lui demandai-je avec
DE FRANCE. 9
1
an effroi
que je m'efforçai
de cacher : Vous connaiffez
peut être , me dit-il , Ferdinand
d'Ovandès
, fils unique
de l'un des hommes les plus riches de la Caftille
, les plus en
crédit à la Cour ? -Eh bien ? Eh bien , ce Don Ferdinand
eft l'époux
que mon pere donne à ma foeur.
A ces mots , le coup dont mon coeur fe
fentit frappé fut fi rude , que je ne pus le
foutenir. Un éblouillement
foudain , une
pâleur mortelle en fuivirent l'atteinte. Je
frémis , je tombai défaillant , prefque inanimé
. Léonce vit couler de mon front une
fueur froide ; & en mne parlant , il s'apperçut
que je n'entendais
plus fa voix . Mes
yeux étaient fermés , ma bouche livide &
glacé ; & mon fouffle prefque infenfible
fit craindre à mon ami de ine voir éteint
dans les bras. Malheureux
! pourquoi daignas-
tu me rendre la lumiere ? que ne me
laillais tu expirer encore innocent ?
- Dès qu'il m'eurfait reprendre unes efprits,
je prétexrai d'abord un accident tout naturel ;
mais je ne pas lui en impofer ; & voyant
qu'il n'avait que trop bien pénétré le fecret
de mon défefpoir : Oui, mon ami , lui dis -je
en l'embratfant , c'eft le coup de la mort que
yous venez de me donner. Mon coeur en eft
meurtri. Je n'en reviendrai pas. Je vais
mourir loin de Séville. Recevez mon der.
nier adieu .
Ciel , dit Léonce en frémiffant , de quel
A s
ΙΟ MERCURE
malheur je fuis la caufe ! Si ma four le
favait , elle qui eft fi fenfible & fi reconnaillante
de ce que je vous dois ! Oh non ,
qu'à jamais elle ignore le mal qu'elle vous
fait ; elle ferait trop malheureufe. Eh quoi !
fans y penfer & par un fimple badinage ! ....
C'eft donc une terrible paffion que l'amour !
Mais enfin que prétendiez - vous ? La mériter,
lui dis-je , par des actions louables , favoir
d'elle fi , en obtenant l'aveu de votre pere j
je pouvais me flatter de l'aveu de fon coeur ;
avec un nom & des biens qui ne font
pas à dédaigner , ofer afpirer à fa main.
& >
Pourquoi donc vous défefpérer , me dit - il ?
Parlez à mon pere. Je fais qu'il vous eftime ;
il n'eft pas infenfible à ce que vous avez
fait pour moi ; & peut- être en votre faveur
changera - t - il de réfolution . Vous pensez
bien que j'en ferais ravi ; & ma four ellemême
ne s'afligerait pas que vous euffiez
la préférence.
Il faut , lui dis - je , mon ami , l'engager
encore une fois à venir dans fon pavillon ,
& me laiffer fous fa fenêtre caufer un moment
avec elle. C'eft fon coeur que je veux
confulter fans témoins. Il y va de ma vie ,
Vous venez de le voir ; & puifque vous me
l'avez rendue , vous voulez me la conferver.
Obtenez donc de votre aimable foeur qu'elle
daigne m'entendre ; & ne lui dites pas qu'on
lui deftine un autre époux.
Valérie céda fans peine à la priere de
DE FRANCE. II
Léonce ; & Thérefe elle-même , inftruite de
mes intentions , voulut bien ne pas nous
gêner. J'étais feul , elle parut feule ; & en
voyant ouvrir la jaloufie , je crus me voir
ouvrir les Cieux. Quel charme l'amour malheureux
qui efpere d'etre confolé , ajoute
encore , dans ces momens , à là vue de ce
qu'on aime ! Jamais Valérie à mes yeux n'avait
paru fi belle : c'était comme l'étoile qui ,
au moment du naufrage , rend l'efpérance
aux Matelots.
Non, lui dis-je , il n'eft pas poffible d'exprimer
le foulagement que me caufe votre
préfence. Mais autant le bonheur de vous
voir m'eft fenfible , autant les heures que
je paffe loin de vous , font pénibles & doulourenfes.
C'eft un tourment inconcevable
que celui d'en compter tous les momens ,
fans pouvoir en preffer le cours . Je les
compte bien , moi , dit-elle , & je n'ai pas
votre courage. Un mot comme celui qui
lui échappait , m'aurait dédommagé d'un
fiecle de tourmens .
Je redoublai les expreffions les plus vives,
les plus touchantes de l'amour qu'elle m'intpirait
; & j'allais en tremblant la fupplier
de me permettre de la demander à fon pere.
Ce fut elle qui me prévint , tant fon coeur
étair ingénu. Formofe , me dit - elle , la
fidele Thérefe & moi , nous avons réfléchi
que notre intelligence expoferait ma renoumée
, fi elle avait l'air d'une aventare u
A G
12 MERCURE
d'une intrigue de Roman. Vous m'aimez , je
le crois, Léonce me l'affure . Il me ferait cruel
de rendre malheureux celui à qui nous
devons tant. Mon pere aurait perdu fans
vous un fils , fon unique efpérance , le feul
héritier de fon nom . Je fais quelle est votre
naiffance. On dit auffi ( ce qui me touche
moins ) que votre fortune y répond. Profitez
de vos avantages ; & que je puiffe , aux
yeux du monde , être autfi glorieute que je
ferai contente d'aimer dans mon époux
-món noble & vaillant Chevalier.
Idolâtre de fes bontés , je lui promis de
hâter m demande , puifqu'elle voulait bien
m'en donner le courage ; & là finit cet heureux
entretien .
Léonce m'indiqua les perfonnes à qui
fon pere fe rendait le plus acceflible , &
qui pouvaient avoir quelque crédit auprès
de lui. J'en trouvai dans le nombre qui
m'étaient alliés ; je les intéreffai , & je ks
fis agir.
Le Marquis reçut froidement , mais poli--
ment ces ouvertures. Il fit avec hauteur
mais avec bonté , mon éloge. Il ajouta que
men alliance était de celles dont perfonne
n'avait le droit de ne pas s'honorer, qu'il
ne pouvait que me favoir gré d'afpirer à
la fienne ; qu'il me croyait l'ame élevée &
capable d'accroître encore l'éclat du nom
de mes aïeux ; mais que l'établiffement de
fa fille était pour lui l'objet des plus mûres
DE FRANCE. 1-3
réflexions ; & pour le décider , il demanda
du temps.
Cette réponſe n'était pas bien favorable ;
mais auffi n'était- elle pas abfolument décourageante
: le caractere du Marquis la
rendait même affez flatteufe ; car il n'était
prodigue ni de louanges , ni d'eftime . Enfin ,
comme il ne laillalt pas de me revoir
avec fa bienveillance accoutumée , Léonce
& moi nous nous perfuadâmes qu'il avait
pu vouloir ne prendre qu'un délai pour
dénouer l'autre engagement ; & avec moins
de confiance , Valérie & Thérefe le penfaient
comme nous. De là l'intimité de
notre intelligence & celle de nos entretiens.
Ceux de la promenade , s'ils devenaient
fréquens , donnaient prife à la médifance.
Therefe , qui , dans cette crainte , les avait
interdits à fa jeune maîtreffe , trouva plus
prudent elle-même de nous voir fans nous
expofer aux regards malins des paffans :
nouveau pas vers le précipice.
J'avais la liberté d'aller voir mon ami :
le jardin nous était ouvert ; & perfonne
dans le Palais n'épiait notre promenade. Le
pavillon était au bout ; & à quelques momens
d'intervalle , Valérie avec fa ' compagne
, pouvait s'y rendre par un détour .
Fuffions- nous même apperçus enfembler ,
la préfence de mon ami la furveillance
de Thérefe écartait affez toute apparence
de myftere. Ainfi , de piége en piége , mon
funefte fort m'entraînait.
ر
•
14 MERCURE
Rien de plus innocent que la douceur de
nos entretiens dans ce pavillon , folitaire :
la gaîté méme de Lécnce en refpectait la
modeftic. Men amour avait l'air du culter;
la tendrelle de Valérie ne quittait jamais
un inftant le voile d'une pure & fimple
amitié mes regards n'étaient pas moins
rimides que mon langage ; les liens ne fe
devaient fur moi que pour me rendre graces
des voeux que je faifais au Ciel pour qu'elle
fût aufli heureufe qu'elle était belle. Mais
à qui ferait confié le foin de fon bonheur a
Serait-ce à moi ? Je n'ofais le croire. Léonce
était plus confiant. Les mots d'eftime & de
bienveillance qui échappaient à fon pere ,
lorfqu'il parlait de moi , l'accueil qu'il me
faifait encore après & depuis ma demande
le gré qu'il favait à fen fils de cultiver mon
amitié , toutes les lnenrs d'efpérance que
chacun de nous recueillait , & que nous
amallions comme dans un trélor , fen
blaient le réunir pour nous faire une
douce & dangereufe illufion . Ainfi l'idée
de l'hymen épurait toutes nos pensées , &.
communiquair à l'amour la chatteté de les
défirs & la fainteté de fes voeux.
Mais , fatigué d'une paflion qu'il fallait
réprimer fans ceffe , & qui , tous les jours
plus ardente , s'irritait davantage d'être captive
dans mon fein , je crus du meins permis
de faire plaindre à Valérie un coeur qui faifait
fur lurmeme de fi cruels & de fi longs
DE FRANCE.
efforts ; & j'efpérai d'obtenir grace , fi un
billet tombé dans fa main lui exprimait
bien timidement tout ce que j'avais à fouffrir
, pour attendre en filence la réfolution
de fon pere , fans ofer la folliciter .
J'arrivai trifte au pavillon. Léonce me
preffa de lui en dire la caufe. Je répondis
qu'il m'était impoffible de m'expliquer
mais que j'avais en effet fur le coeur un
poids dont j'attendais avec impatience le
moment de me foulager ; & bientôt , profi
tant du trouble & de l'inquiétude où ces
mors avaient mis fa foeur , je rifquai le
billet fatal.
-
Je vais fuccomber à mes peines , lui
écrivais je , & ce n'eft qu'à vous que mon
coeur pear les confier. Confokz-moi , raffurez
moi fovez mon confeil & mon
guide. Et en effayant de lui peindre les tourmens
de l'incertitude où me laiffait le long
filence de fon pere , je lui avouais que de
tous les malheurs qui pouvaient menacer
ma vie , le feul que je n'avais ni le courage
de prévoir ; ni la force de foutenir ,
érait le refus de la main.
Fille trop génércufe & trop fenfible
hélas ! j'ai fu depuis qu'elle avait arrolé
ces caracteres de fes larmes . O Dieu
dit- elle , il a fauvé mon frere , il s'eft luimême
exposé pour nous à un danger mortel
; & fi non pere le refufe ou tarde à le
calmer , il va s'abandonner au plus effrayant
-16
MERCURE
défefpoir. Allons à fcn fecours. Elle me
répondit , & fa réponſe fut , comme elle ,
ingénue , fenfible & fage.
Ne preffez rien , me difait - elle en finiffant.
Mon pere eft abfolu , il ſerait offenfé
de votre impatience. Laiffez - lui décider
votre fort & le mien. Imitez le respect &
le filence de fa fille ; initez auffi fon courage
; & confervez cette conftance'que me
promet votre devife , & qui honore également
l'amour heureux & l'amour malheu →
reux.
: Je répondis par des tranfports d'ivrele
& par des proteftations de dévouement
d'obéiffance , d'abandon à fes volontés ;
mais en lui confiant le foin de ma conduite
, j'établis entre nous cette relation
furtive , cette fatale intimité , qui eft le
plus dangereux des piéges de l'amour.
De fon côté , la raifon , la bonté , les
vertus fimples de la Narure , & tous les
charmes de l'innocence ; du mien , les fentimens
les plus paflionnés , les plus vives
inquiétudes , les plus impatiens défirs , tout
ce qui peut éclore d'une imagination brûlante
& d'un coeur enflammé : telles
étaient ces lettres , que nos deux mains
d'intelligence fe glilaient tour à tour , à
l'infçu de nos deux témoins. Vous penfez
bien que ce feu dévoram que refpiratent
les miennes , pénétrait infenfiblement jutqu'à
l'ame de Valerie , & que fon efprit
DE FRANCE.
17
quelquefois devait fe reffentir du délire du
mien.
Perfuadé qu'elle m'aimait avec fa tendreffe
ingénue , perfuadée que je l'aimais ,
avec le refpect le plus faint & l'ardeur la
plus violente , nous étions déjà fi flattés ,
fi ravis de nos cípérances , qu'il n'était
point de deſtinée au monde dont nous
euflions éré jaloux ; il n'était permis qu'à
nous d'ètre plus heureux que nous-mêmes.
Mais cet enchantement fut bientôt diffipé.
Un jour je vis venir à moi Léonce inquiet
& troublé. Mon ami , me dit - il , je
ne fais quel chagrin a faifi tout à coup ma
four. Je viens de la laiffer dans un abattement
extrême. Therefe & moi nous l'avons
inutilement preffée de nous ouvrir
fon coeur. Obitinée au filence , c'eſt à vous,
nous dit - elle , à vous feul qu'elle veut parler
. Mon pere va fortir ; fes chevaux étaient
mis; nous ferons libres ; venez la voir.
Lorfque nous arrivâmes , Valérie avec fa
compagne était dans le jardin. Elle fit figne
de la main à fon frere de me mener au
pavillon ; & peu d'inftans après , s'y étant
rendue avec Thérefe : Laiffez - moi , leur
dit-elle d'un air froid , fombre & calme ,
laiffez-moi feul avec Don Maurice ; j'ai à
lui révéler ce que lui feul encore il doit
Lavoir.
t Et quand nous fures fans témoins : Vous
m'avez promis , ne dit - elle , d'être foumis
MERCURE
à mes volontés ; voici le moment de l'é
preuve. J'ai deux efforts pénibles à exiger
de men amant ; mais avant que de m'expliquer
, j'attends de lsi le fermer le plus
faint de m'obéir, quoi que je lui commande:
Je vous entends , lui dis- je ; il faut vivre
& ne plus vous voir. Vous ne pouvez plus
être à moi , on vous donne à un autre ; &
vous voulez , cruelle , que je vous perde
fans mourir ! Non , je ne ferai point cet
horrible ferment.
-! Alors fon carur fe déchira , & les yeux
fondirent en larmes . Formofe ', me dit - elle,
il est trop vrai : men pere me l'a prononcé
cet arrêt de ma deftinée . Demain , Ferdinand
a'Ovandès doit arriver. Dans huit jours je
ferai fa femme. C'est un dernier adieu que
j'ai voulu vous dire en vous apprenant mon
malheur. J'ai craint que fi mon frere allait
yous l'annoncer , un mouvement de déleté
poir ne vous fit commettre en grand crime.
Felas ! ils ne fent plus à moi , ces jours
qu'il m'eût été fi doux de rendre heureux ;
mais ils me feront toujours chers ; & f
vou , vattentez , fouvenez-vous , Formofe ,
que yous attentez à ma vie ; vous percez
deux cours au lieu d'en . Je pris furvivre
men malheur , puiſque mon devoir m'ý
condarone mais à votre mort , non , je n'y
furvivrais pas.
Je l'écoutais avec une douleur must e ,
fans pleurer & fans refpiter. Men cavi
DE FRANCE. 19
était ferré , mes yeux étaient aridės , un feu
ardent avait féché mes larmes & dévorait
mon fang
C
1. C'en est donc fait , lui dis - je d'une voix
étouffée , Ovandes vous obtent! On le pré
fere à moi Ovandes: fera votre époux !
Vous ne m'avez donc pas aimé , vous né
m'aimez donc plus , vous m'avez trompé
Valérie Moi , je vous ai trompé cruel ,
s'écria-t- elle ! Avez-vous le courage de tour
ner dans mon coeur le poignard dont il eft
frappé Suis -je à moi , fuis-je libre ? Est- ce
moi qui me donne : Si ce n'eft pas moi
répliquai-je , que vous trompez , ce fera
done..... Elle m'interrompit. Homme impitoyable
, dit-elle , accablez-moi , rendeze
moi vile & coupable à mes propres yeux
vous le pouvez ; mon fol amour vous
donné fur moi ce funefte avantage ; mais
j'ai affez long-temps à vivre & à fouffrir,
pour expier une faibleffe . Obéir à mon pere
eft le premier de mes devoirs. Le Ciel ferá
le refte . Oui, le Ciel , je l'efpere , medonnera
la force... De m'oublier.-Il le faut bien!
-De m'oublier ! vous ! m'écriai - je ; & à
ces mots je tirai mon épée , pour me percer
le coeur. Tremblante , égarée , éperdue , elle
fe précipite , écarte le fer de mon ſein , &
tombe dans mes bras , en me criant grace
& pitié !!
Ah ! quelle révolution le fit tout à coup
dans nos ames Figurez-vous , dans le dé10
MERCURE
fordre de la fouleur , fon fein preffant mon
fein ; fon vilage inondé de larmes , appuyé
fur ma jɔue ; & bientôt , ſous nos levres ,
mos fanglots , nos pleurs confondus . Ah !
fous nos levres , la douleur , l'effroi , le dés
fefpoir , que dis- je ? le reſpect , la pudeur ,
Finnocence , tout expira. Je jette un voile
fur mon crime.
Ce crime d'un moment , ce crime que
j'expie par des fouvenirs déchirans , par des
larmes intariffables , parut avoir changé le
caractere de Valérie ; & à fa timidité naturelle
, fuccéda tout à coup la plus éton
nante réfolution .
-Formofe , me dit- elle , lorfque nous fumes
revenus de notre égarement , je fuis à vous ,
je ne ferai jamais qu'à vous. Ah ! rou pere,
Jui dis- je , ton inflexible pere , le plus haur,
le plus abfolu , le plus violent des hommes ,
zon pere en menaçant commandera. - Mon
peren'obtiendra jamais l'impotlible ; le crime
l'eft pour moi. Il n'obtiendra jamais que de
vos bras je paffe dans les bras d'un autre.
A ces mots , fe bleffant la main , elle me
figna de fon fang le ferment de n'avoir jamais
d'autre époux que Don Maurice Formofe.
( Il est là , me dit-il , en me montrant fon
bracelet , il eft là , ce gage facré de mon
amour) . Je me bleffai de même, & je fignai ,
comme elle , le ferment , hélas ! inutile de
vivre & de mourir l'époux de Valérie de
Vélamare. Dès-lors nos efprits & pos coeurs
DE FRANCE. 21
reprirent un calme perfide , & j'allai rejoindre
Léonce.
Mon ami , lui dis- je , vos craintes n'étaient
que trop bien fondées , vous n'étiez
que trop bien inftruit. Le mariage de votre
foeur eft décidé avec Ovandès ; il arrive ,
& Monfieur le Marquis , votre pere , vient
de l'annoncer à fa fille. Voilà le coup mortel
qu'il s'agit de parer.
J'en Tuis , comme vous , défolé , me ré-
-pondit Léonce froidement ; & vous favez
avec quelle joie je vous aurais vu préféré
mais la volonté de mon pere eft une lei pour
nous , & une loi inviolable. Que voulezvous?
C'eft un malheur : mais il eft fans remede
; & quand mon pere parle , c'eſt à
nous d'obéir. Au refte , le mari qu'il donne
à ma foeur lui convient. Ferdinand réunit
une haute naiffance , une immenfe fortune ,
une figure diftinguée , & la plus brillante
valeur. Ma foeur eût éré plus heureuſe avec
vous , je le crois ; mais j'efpere qu'avec un
tel époux elle fera heureufe encore. Ces
mors me déchiraient le coeur,
Et moi , j'appréhende , lui dis-je , qu'elle
ne le foit pas. Confultez-la vous-même ; &
fi fon coeur répugne à cet hymen , mon cher
Léonce , au nom de la Nature , au nom de
l'amitié , tentez tous les moyens poffibles
d'en diffuader votre pere. Ce difcours parur
l'offenfer.
Ma foeur , me dit- il , eft bien née ; & je
préfume , ne vous déplaife , plus favorable
22
MERCURE
!
ment que vous de fon coeur & de fa raifon.
Mais quand même elle aurait l'éloignement
que vous lui fuppofez pour le choix qu'aura
faitfon pere, je vous préviens que ce n'est pas
à lui qu'on fait changer de réfolution ; que
fa parole eft irrévocable ; & que s'il l'a
donnée , nulle puillance au monde ne l'y
ferait manquer. Il n'y a donc plus pour
Valérie d'autre parti à prendre que celui
-de l'obéiffance , ni pour vous , s'il faut vous
de dire , que celui de l'abfence & de l'éloignement.
J'ai été imprudent moi - même
de trop compter pour vous fur des efpérances
légeres ; mais il eft temps encore de
Temédier au mal que ma complaifance aurá
fait ; & pour votre repos , pour celui de
ma four , je vous d. mande votre parole de
ne plus da revoir , & de rempre avec elle
toute efpece de relation .
Rien n'était plus jufte , fans doute; mais
T'amour , l'amour éperdu fe laiffe-t- il impofer
des loix ? Je ne m'attendais pas , lui
dis-je , à trouver l'amitié fi tranquille & fi
froide dans le coeur de Léonce. Je vois
combien les peines de fon ami le touchent
peu , & combien le courage de me voir
malheureux lui devient commode & facile.
Je lui rends graces de fes confeils ; & quart
à fes défenſes , je ne lui connais pas le droit
de me les prononcer. Comme il prenait ,
pour me répliquer , un air colere & mena
çant , je me retirai fans l'entendre.
1
t
DE FRANCE. 23
Le lendemain , j'appris qu'Ovandès venait
d'arriver, & que la porte du Palais de Vé→
lamare m'était fermce : précaution que le
Marquis aurait pu trouver inutile , mais
que fon fils fans doute avait prife pour lui .
J'appris aufli , par un billet que m'ecrivait
Thérefe , les plaintes que Léonce avait
faites à Valérie de l'audace de ma répoafe.
Celle de Valérie , en me juftifiant , fut courageuse
avec douceur. Mais ce courage
l'abandonna lorſqu'il fallut foutenir l'entrevae
de l'époux qu'on lui préfentait ; & trois
jours d'une fievre ardente ayant mis fa vie
en danger , elle at appeler un faint Religieux
pour lui confier les chagrins dont fon
ame était accablée. Mon Pere , lui dit - elle ,
après lui avoir tout avoué , j'ai pu être
faible ; mais jamais , non jamais je ne ferai
fautfe & perfide ; & quelque amer que foir
le regret de ma faute,la caule en eft vivante
dans le fond de mon coeur. Ce ferait denċ
trahir deux hommes à la fois que de paffer
dans les bras de l'un , le coeur plin de
J'amour dont je brûle pour l'autre. Je n'aurai
point cette batfelle. Obtenez de mon pere
ou qu'il mete la vic , ou qu'il m'envoie
dans un couvent.
Cet homme vertueux & fage en avait affez
entendu pour croire poffible un malheur
que n'avait point prévu l'innocence de
Valérie. Il afa fi bien de l'afcendant que
Jui donnait fon caractere , que Velamare ,
"
24
MERCURE '
foit pour laiffer la fanté de fa fille fe'rétablir
un peu , foit pour ne pas être accufé
de faire violence à fa vocation , céda &
confentit à différer fon mariage.
Cependant mon rival était reçu avec une
froideur qui le bleffait mortellement : non
qu'il fût amoureux ; mais parmi nous l'orgueil
n'eft pas moins jaloux que l'amour.
Ce fut à moi qu'il imputa ce qu'il appelait
fon injure ; & il réfolut d'en tirer vengeance.
Par quelle voie avait il appris que je
pouvais être la caufe du mauvais fuccès de
les voeux ? Léonce aurait- il eu l'imprudence
de l'en inftruire ? Je l'en ai foupçonné, peutêtre
injuftement. Quci qu'il en foit , au
moins eftil vrai que Léonce oublia de
m'avoir aimé ; & dans un accès de colere ,
il alla jufqu'à feconder le reffentiment
d'Ovandès.
Plus d'un mois s'était écoulé fans que le
Marquis de Vélamare eût pris encore fur
le fort de fa fille aucune réſolution. Elle
avait perfifté dans fon humble pricre d'être
mife dans un couvent ; & vous favez com
bien les idées religieufes ont chez nous
de force & d'empire. Lorfqu'une fille a déclaré
que Dieu l'appelle , le pouvoir paternel
lui-même fe permet rarement de réfifter à
cette voix. Velamare oppofait une volonté
ferme à la volonté de fa fille , mais il n'ofait
pas la contraindre ; ainfi tout reftait en fufpens
, lorfqu'un foir Thérefe elle même ,
enveloppée
DE FRANCE. 25
enveloppée d'une marite , vint me trouver
avec la frayeur d'un criminel échappé du
fupplice.
Maurice , me dit- elle , il n'eft plus temps
pour ma malheureuſe maîtreffe de ſe retirer
dans un cloître. Venez la voir. Elle
eft défefpérée ; & au rifque d'être perdue ,
elle vous attend au jardin . Nous vous
tendrons des cordes que nous avons nouées
en échelons pour y monter.
―
Je m'y rendis à la faveur d'une nuit à
demi- obfcure ; je trouvai Valérie dans la
plus profonde défolation . Men ami , me
dit-elle , il faut la nuit prochaine nous échapper.
C'eft mon unique e poir. Soyez ici demain
à la même heure. Il ne s'agit plus ici
de ma vie , mais de celle de votre enfant,
Ah! Monfieur , vous avez aimé , reprit
Maurice en s'adreffant à moi ? Oui, je
connais l'amour. - Avez - vous é é pere 2
Hélas ! non. - Je ne puis donc pas vous faire
concevoir l'impreffion que fit fur moi cette
parole , votre enfant . Tour ce que la nature
& l'amour peuvent infpirer de plus animé ,
de plus tendre , je le dis à ma femme , pour
lui rendre un peu de courage ; & en la
quittant je promis que le lendemain , à la
méme heure , je ferais fous le pavilon ,
avec ma voiture de pofte , & deux chevaux
plus vites que le vent.
Cadix , un navire , & la France nous
N°. 32. 6 Août 1791 . B
26 MERCURE
allaient mettre en fûreté. Efpérance trompeufe
! Il était loin de nous , ce repos dont
je la flattais.
En m'en allant , foit que Léonce eût
épié fa four , foit qu'Ovandès m'eût fait
obferver & fuivre moi-même, à peine avais-je -
fait cent pas au delà des murs du jardin ,
forfqu'à la lueur incertaine du crcillant de
la lune , je vis deux hommes qui m'attendaient.
A l'inftant l'un des deux s'avance ,
jette à bas fon manteau , & fans me dire
un mot , fond fur moi l'épée à la main.
Je me défends : il s'abandonne ; & bientôt
fe fentant percé : Ah ! traître , dit - il en
tombant ! Je crus à cette voix reconnaître
Léonce ; jugez quelle fut ma douleur ! Le
fecond lui fuccede ; & au frémiffement de
rage qu'il fait entendre en m'attaquant , je
vois bien que c'eft mon rival. Il fond fur
moi têre baiffée , il me preffe , il m'atteint
au bras dont je tenais l'épée . Furieux
à mon tour , je la lui plonge dans le fein ;
il refte baigné dans fon fang. Je cours au
pavillon pour déterminer Valérie à defcendre
, & à s'échapper avec moi cette
même nuit ; elle n'y eft plus . L'échelle , eft
retirée , les volets font fermés. J'appelle ;
aucune voix ne me répond.
Sanglant, troublé ( & peut-il ne pas l'être ,
l'homicide même innocent?) , j'allais retourner
fur mes pas . L'horreur de retrouver ces
deux corps percés de mes coups , m'arrête
DE FRANCE. 27
& me fait prendre une route oppofée . Seulement
, pour que les bleffés ne reftaflent pas
fans fecours , j'envoyai deux hommes du
peuple vers l'endroit où j'avais , di̟ſais -je ,
entendu le bruit d'un combat.
La nuit ne fut pour moi qu'un long fupplice.
Meurtrier , malgré moi , & forcé
d'ètre raviffeur , je me voyais , par un enchainement
de crimes tous involontaires, ja
me voyais en proie à la fureur de deux
Maifons puiffantes ; je voyais devant mci
les fers , l'opprobre , l'échafaud , & plus
horrible encore le déshonneur , la honte ,
le défelpoir de celle qui , fans moi , adorée
dans fa patrie , n'aurait eu que des jours
brillans de gloire & de bonheur. Quelle
fatalité quelle effroyable deftinée !
Quand le jour vint me luire , j'envoyai
le plus sûr de mes valets , Francifque , obferver
, écouter ce que l'on difait dans
Séville. On ne parlait , parmi le peuple ,
que du combat de nuit où Ferdinand Ovandes
avait été laiffé mort fur la place , &
Léonce de Vélamare très - dangereuſement
bleffé . Par qui ? pour quelle caufe ? on ne
le difait point encore , & durant ce long
jour je ne fus point nommé.
Vous concevez dans quelle inquiétude &
quelle impatience , tout occupé des apprêts
de ma fuite , je devais attendre la nuit , &
l'heure de me rendre au pavillon . Je m'y
rends. Le moment arrive ; on ne vient point .
B 2
28
MERCURE
L'heure s'écoule ; perfonne ne paraît. La
frayeur me faifit . Je tâche cependant de
ranimer mon eſpérance . Je me tiens immobile
; & refpirant à peine , j'écoute & n'entends
aucun bruit. I es heures fe fuccedent
dans ces longues angoifles , & toujours le
méme filence regne dans les jardins . Mes
chevaux femblaient , comme moi , frémir
& friffonner de frayeur & d'impatience .
Enfin , jufqu'à l'aube du jour , le pavillon
refta fermé.
Rien de plus dangereux pour moi que
de retourner dans Séville . J'y rentrai cependant
; & pouvais - je m'en éloigner fans emmener
avec moi Valérie ? J'employai toute
l'activité de Francifque à découvrir ce qui
s'était paffé dans le Palais de Vélamare, mais
inutilement un filence morne & impénétrable
régnait dans ce Palais . Les gens en
étaient confterrés ; & l'effroi que leur infpirait
la douleur fombre & menaçante de
leur maître , les rendait eux-mêmes farouches.
On aurait dit que Vélamare était fervi par
des muets : il nous fut impoflible d'en tirer
aucune lumiere .
Je ne laiffai pas de veiller, la nuit fuivante
encore, autour du pavillon . Mais mon
attente également trompée ne fur qu'un
tourment inutile. Réduit au défefpoir , je
roulais dans ma tête les plus violens moyens
de tenter l'impoffible ; lorfque je vis entrer
chez moi l'homme religieux dont m'avait
DE FRANCE. 29
parlé Valérie comme de fon fidele & pieux
confident.
,
Formofe , me dit il, éloignez - vous , fuyez,
paffez les mers ne reftez pas encore une
nuit dans Séville. Demain vous fériez arrêté
& vous feriez perdu . Léonce a revu la lumiere
, il refpire , & il va parler. Il refpire !
Ah ! dis-je , mon Pere , le Ciel en foir loué !
Mais noi , pour m'éloigner , favez- vous ce
qu'il faut que je laiffe , & dans quel état ?
Je le fais ; mais elle eft captive , enfermée
avec fa compagne : il leur eft impoffible de
s'échapper. Jufte ciel , m'écriai - je ! & vous
voulez que je penfe à moi ! - C'eft elle qui
le veut,& c'eft elle qui vous l'ordonne .-Ah !
fi vous favez tour , puis- je l'abandonner ?
-
Que feriez-vous pour elle en vous perdant
? Elle eft gardée à vue ; elle eft fous les
yeux de fon pere. Eh bien , c'eft aux
pieds de fon pere que , dans mon défefpoir
, j'irai tomber. C'eſt là ce qu'elle
vous défend. Vous ne connaiffez pas l'incxorable
Vélamare ; il vous ferait traîner de
fes pieds fur un échafaud. Penfez de quelle
horreur il ferait faifi pour un homme qui
s'avouerait & le meurtrier de fon fils & le
féducteur de fa fille. Ah ! loin d'en efpérer
pour vous ni pitié , ni clémence , tremblez
& frémiffez de la violence où , peutêtre
, il s'abandonnerait contre fon propre
fang ! J'écarte cette horrible idée . Mais ce
que je dois vous prédire , c'eft que fi Valérie
B 3
30 MERCURE
-
-
vous fait pris , traîné dans les fers , condamné
au fupplice , elle en mourra fur
l'heure ; & c'cft vous qui l'affaffinez . — Et
fi je l'abandonne, que devient - elle , ô Dieu !
Oui , c'eft Dieu qu'il faut implorer ,
c'eft à lui qu'il faut recourir ; & c'eft ce Dieu
toujours préfent & fecourable que je vous
promets pour appui. Mon efpérance, à moi ,
ajouta-t-il , c'est d'obtenir d'abord que Valérie
foit en sûreté dans un cloître. Là je
prendrai foin de pourvoir au fecret de fa
délivrance. Mais il faut pour cela le temps
de laiffer appaifer dans l'ame de fon pere
un premier accès de douleur.
Saurai-je au moins par vous , lui dis- je ,
quelle fera fa fituation , ce que vous aurez
fait pour elle , & fi je puis moi-même venir
à fon fecours ? Vous faurez tout ; comptez
fur moi , me dit cet homme charitable , je
vous ferai fidele ; & je vous le promets par
tout ce qu'il y a de plus faint. Adieu donc ,
mon Pere , lui dis -je en pleurant & en
l'embraffant , c'eft à vous que je la confie :
ne l'abandonnez pas. Vous faurez où je ſuis .
Devancer à Cadix le bruit de mon combat
, & fortir de la rade fur le premier navire
qui mettrait à la voile , aurait été le
parti le plus fage ; & c'était l'avis de Francifque
. Mais partir de ces bords avant que
de favoir ce que devenait Valérie ! Mettre
un abîme entre elle & moi ! Je ne pus m'y
réfoudre , & mille morts préfentes ne m'y
DE FRANCE. 31
auraient pas déterminé . Eh bien , prenons ,
me dit Francifque , vers les montagnes de
Grenade , un chemin qui , par des détours ,
nous menera dans la Murcie. C'est là que
je fuis né. Mon pere y vit encore. Il vous
donnera l'afile . Là du moins vous ferez
bien sûr de n'être point trahi.
y
Je fuivis ce confeil , & retiré chez le
vieillard , je renvoyai Francifque me fervit
à Séville auprès du bon Religieux. Mais
celui- ci n'avait plus d'accès dans le Palais
de Vélamare. Soit que l'on fe doutât de
notre intelligence , foit qu'on le foupçonnât
d'affermir Valérie dans la réfolution de fe
retirer dans un cloître , il n'était plus admis
près d'elle ; & tout ce que je pus favoir de
lui , c'eft qu'inutilement il avait inſiſté
obtenir de la revoir.
pour
Franciſque en revenant m'apporter ſa
fa
réponſe , m'apprit en même temps que mon
procès était inftruit & pourfuivi à toute
outrance. Vélamare & Léonce n'y étaient
point nommés : l'honneur de Valérie leur
avait impofé filence ; mais le pere de Ferdinand
, l'implacable Ovandès , défefpéré
de la mort de fon fils , en preffait la vengeance
avec des tranfports de fureur. Je ne
fais quels témoins , ceux là mêmes peutêtre
que j'avais envoyés au fecours des bleffés
, dépofaient contre moi , & ma fuite
achevait de me convaincre aux yeux des
Juges. Ma mort fut prononcée , & mes
biens envahis.
32 MERCURE
•
Ah ! le Ciel m'eft témoin que ce ne fut
point là , pour moi , le coup le plus fenible.
Mais que devins - je , un mois après
lorfque Francifque me rendit ce que lui
avait fait entendre mon fidele Hyéronimite !
Non , mon ami , lui avait-il dit , n'attendez
plus rien de mon zele ; je n'ai à vous donner
far le fort de ma pénitente que de triftes
preffentimens. Ce dont je fuis certain , c'eſt
qu'elle n'eft plus enfermée dans le Palais de
Vélamare , qu'elle n'eft pas même à Séville ;
que perfonne n'y fait ce qu'elle eft devenue ,
qu'elle n'eft dans aucun des couvens qui
me font connus . Hélas ! où eft- elle donc ,
lui demanda Francifque avec effroi ? Le Religieux
leva les mains , baiffa la tête , & dit :
Demandez- le à fon pere; c'eft un fecret fans
doute entre le Ciel & lui.
Grand Dieu ! reprit Formofe , ce pere
impitoyable , inftruit de l'état de fa fille ,
bleffé dans fon honneur , outré de douleur
& de rage , aura- t- il ... ………………. Je n'oſe
achever. C'eft cette image horrible qui me
pourfuit dans mon défert. Moi , j'aurais
donc été la caufe de la mort de cette innocente
! moi , la caufe d'un parricide !
Ah ! mon ami , trouverez -vous à préfent
que cette natte , que cette pierre brute
que cette vie obfcure & folitaire ait trop .
de dureté pour la tête proferite qui a caufé
tant de maux ? Voilà pourtant quel eft
mon fort ; voilà quel a été le fruit d'une
!
DE FRANCE. 33
paffion que je croyais fi louable , fi vertueufe
jufqu'à l'inftant fatal où , comme
enveloppé dans les filets du crime , il ne
m'a plus été poffible de m'en dégager .
Francifque, à la mort de fon pere, quitta
Séville , où il avait perdu l'efpérance de
me fervir , & revint me trouver dans cette
folitude. C'est lui qui m'a aidé à conftruire
cette cabane. Il vit auprès de moi , dans le
hameau voifin , rendu à ſon premier état ;
& c'est lui qui pourvoit aux befoins d'une
vie qu'un jufte & cruel repentir confume ,
hélas ! encore trop lentement. Ainti parla
le Solitaire .
J'effayai de lui faire entendre que fon
malheur pouvait n'être pas tel que le lui préfentait
une fombre mélancolie ; qu'un pere
en dérobant fa fille à tous les yeux , avait pu
vouloir à la fois lui fauver la vie & l'honneur
; qu'il était affreux de penfer que la
douleur , même la plus atroce , eût fair
de Vélamare le bourreau de fon fang ; qu'il
le calomniait , qu'il fe calomniait lui-même
en attachant à la faibleffe la plus involontaire
& la plus pardonnable, le remords des
plus noirs forfaits . Ah ! Monfieur , me ditil
, n'euffé - je à m'imputer que fa honte ,
fes larmes , fes chagrins dévorans , & l'amertume
affreufe dont elle a dût étre abreuvée
, & cette langueur confumante qui a
dû la conduire au tombeau ; ferais-je affez
barbare pour me les pardonner ?
BS
34
MERCURE
Je vis que , pour calmer une imagination
fi violemment tourmentée , il fallait du
temps ; & je le priai de permettre que le
confident de fes peines vînt les foulager
quelquefois , les partager du moins s'il ne
pouvait les adoucir.
er
(Par M. Marmontel. )
Lafuite au 1. Mercure de Septembre.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Verdure ; celui
de l'Énigme eft la Rime ; celui du Logogriphe
eft Coeur , où l'on trouve Cou, Ecru,
Roc, Cour, Ver, Cor, Où, Ce, Ocre, Or ,
Cure, Cure, Curé, Reçu , Cu, Cru , Crue d'eau,
Or, Ou, Ecrou, Ré, Rue, Roue.
CHARA D E.
PAR - TOUT eft mon dernier ; mon premier eft
voyelle ;
Mon entier fait gémir l'amant tendre & fidelle .
( Par M. Tacon fils aîné, d'Oyonnax. )
DE FRANCE 31
ENIGM E.
Nous fommes des êtres barbus ,
A l'air caffard , au maintien hypocrite ,
Ailant , venant toujours pieds nus.
Lorfque la faim nous follicite ,
Nous allons humblement quêter
Ce qu'il nous faut pour ſubſiſter ,
Puis nous faifons les bons apôtres.
Chez nous parfois on trouve des Chartreux ;
Et quoique leurs habits foient différens des nôtres,
Comme parens nous vivons avec eux.
( Par M. Benoist , Ingénieur. )
LOGOGRIPHE.
ALCHYMISTE ignorant qui foufflez vos creufets ,
Et qui cherchez en vain le fecret des fecrets ,
Je viens vous enfeigner la route qu'il faut ſuivre
Pour arriver au but & tirer l'or du cuivre.
Prenez de celui- ci quelque plaque ou morceau ,
Que vous alongerez à grand coup de marteau.
Vous en ferez un tout : vous trancherez la tête ;
Et vous aurezpour lors, fans que l'on vous l'apprête,
Non plus du cuivre , mais de l'or.
Cette leçon vaut un tréſor.
( Par M. le Barbier C. de Boudeville,
près Rouen. )
་
36 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
PLAN d'Education nationale , confidérée
fous le rapport des Livres élémentaires ;
par Etienne Barruel . A Paris , chez De- ·
fenne , Libraire , au Palais- Royal , & au
Luxembourg ; & chez Moutard, Lib- Imp .
rue des Mathurins.
CBT
Ouvrage >
comme le dit l'Auteur
lui-même , eft le fruit d'une longue expérience
. Le point de vue fous lequel il
envilaze l'Education eft entiérement nouveau
; & quoiqu'il temble ne la confidérer
que du côté des Livres élémentaires , cela
n'empêche pas que , chemin taifant , il ne
traite la queflion fous tous les rapports
moraux & politiques . Nous croyons , en
effet , comme lui que l'important problème
de l'Education ferait aux trois quarts refolu
, fi nous avions un Cours de I ivres
élémentaires qui renfermât un corps complet
de doctrine , & qui , prenant les enfans
dès le berceau , les conduisît jufqu'à
carriere qu'ils doivent un jour embra ler.
I remonte mème plus haut , car , conûDE
FRANCE. 37
dérant les effets terribles que les paffions
des femmes produifent fur le fruit qu'elles
portent , cette réflexion le conduit naturellement
à penfer qu'un Plan d'Education
bien ordonné , doit commencer par tracer
aux femmes enceintes les devoirs que leur
impofe leur groffeffe ; & il propole, pour
cela un Catéchisme , qui renfermera de plus
tout le Code de l'Education de l'Enfance.
De là il paffe à l'Education des Nourrices,
& veur qu'elles aient auffi leur Code particulier,
fur lequel elles fubiront un examen .
Vient enfuite l'Introduction du premier
âge juſqu'à fix ou fept ans , laquelle il réduit
à favoir lire & folfier , écrire & deffiner.
Tous ces Arts doivent marcher enfemble,
& il faut voir dans l'Ouvrage même toutes,
les idées philofophiques de l'Auteur à ce
fujet. Après avoir tracé le plan des Livres
élémentaires defunés à ces exercices , l'Auteur
entre dans le détail des méthodes
d'enfeignemens qui conviennent à chacun,
& c'eft là fur-tont qu'il nous paraît avoie
profondément médité fon fujet.
Après avoir ainfi traité à fond l'Educa
tion du premier âge , il paffe à celle du
fecond âge , où il parle de l'inftruction qui
convient aux petites & aux grandes Ecoles .
Ce morceau ne laiffe rien à defirer , foit
dans ce qui regarde l'organifation de ces
différentes Ecoles , foit dans ce qui a rapport
aux diverfes connaillances dont elles
38 MERCURE
doivent s'occuper. Tout eft prévu , & il
n'eft aucuns détails dans lefquels l'Auteur
ne foit entré. Jufqu'à préfent nous avons
eu d'excellens Ouvrages fur l'Education en
général ; mais il nous manquait un Pian,
& celui-ci remplit, dans toute fon étendue,
l'idée qu'on peut attacher à ce mot . L'Auteur
veut fur-tout que l'on faffe un grand
ufage de la Gymnafiique dans les Colleges ,
& qu'on n'y renferme plus les jeunes gens
dans des claffes ou des cours fort étroites.
"
"
"3
93
Il faut, dit- il, qu'ils puiffent , à toutes
» les heures , refpirer un air libre & pur,
braver les ardeurs du foleil ou les rigueurs
des frimas . Voyez ces arbustes
emprifonnés dans des ferres , fous la
» garde d'une perfide induftrie , qui défend
» à l'air tout accès : dans quel état d'hu-
» milité & de rachitifme ils végetent ! Si
quelques - uns portent des fruits , ou fe
» couronnent de Heurs , ce font autant de
» témoins qui dépofent contre leur impuiflance.
Jetez les yeux fur cette foule
» d'animaux , élevés à l'ombre des palais
» de nos Rois ; tous font fourds au premier
» voeu de la Nature , tous ne préfentent
» que l'image d'une dégradation qui fem-
» ble déshonorer nos climats . Voyez en-
» core ces plantes que le luxe appelle à
gran's frais fur nos tables ; c'est en vain
» que l'Art a créé des faifons pour elles ,
"
"
l'Aftre du jour ne les a fécondées :
DE FRANCE. 39
» comme elles font faibles , décolorées
"
"
infipides ! Et n'eft- ce pas , à jufte titre ,
» qu'on peut leur comparer ces gens qui,
" fubftituant la nuit au jour & le jour à
la nuit , femblent ne tenir à la vie que
» par une forte d'artifice « ?
"
·
Une idée qui nous a paru très-heureufe,
c'eſt celle de donner à chaque College une
forme conftitutionnelle , & de vouloir parlà
que les jeunes gens y faffent , cn quelque
forte , un Cours pratique de Conftitution
, en y établiffant les grandes bafes
de notre régénération . L'Auteur fait furtout
un ufage continuel de la morale mife ,
tantôt en action , tantôt en inftruction . Il
faut voir tout ce qu'il dit fur les exercices
publics , & les différens Prix qu'il propoſe,
entre autres fur les Prix des Maurs , dont
il veut que l'on faffe une espece de Fête
Civique.
,
La Légiflature académique qu'il établit
pour préder à tout ce qui regarde l'enfeignement
, les Arts , les Lettres & les
Sciences nous paraît encore une trèsgrande
idée qui mérite de fixer toute l'attention
de l'Affemblée Nationale . L'Autear
dit , avec raifon , que c'eft le feul
moyen de réfoudre le grand problême de
l'Education. Son but principal eft d'établir
un Plan d'inftruction qui foit fixe & uniforme
dans tous les Départemens , de maniere
que l'on falle d'autli bonnes études
40 MERCURE
dans le fond du Béarn qu'à Paris. Il enbrale
, autant que cela fe peut , le fyſtème
Encyclopédiqué des connaillances humaines
, & il prévient parfaitement le reproche
qu'on pourrait lui faire , qu'il vest
faire des Savans. Son Cours eft tellement
combiné , qu'on peut y remarquer facilement
diverfes époques pour ceux qui veulent
acquérir plus ou moins de connaiffances
; & c'elt , pour ainfi dire , goutte à
goutte qu'il a l'art de les faire entrer dans
la tête des enfans . Far - tout il jette des
idées nouvelles fur la maniere d'enfeigner
les Langues , l'Hiftoire , la Géographie ,
les Belles - lettres , la Philofophie , les Mathématiques
, P'Hiftoire Naturelle , les Arts
mécaniques , &c .
33
"» Ouvrons , dit-il , aux jeunes gens ces
ateliers où brille par-tout le génie de l'in-
» vention' ; ne dédaignons pas de les in-
» troduire chez l'Artifan pauvre & laborieux
; qu'ils voient l'homme occupé fans
celle à mettre à contribution tous les regnes
» de la Nature , depuis le diamant fuperbe
jufen'à l'humble argile ; depuis les dépouilles
du monftrueux cétacée juſqu'à
la précieuse chryfalide , que l'induftrie
Européenne a conquifs for les riches
» contrées de l'Inde ; depuis le cedre orgueilleux
enfin jufqu'a la fable écorce ,
» dont le tiffa merveilleux rend tous les
"
>>
"
39
ود
Continens tributaires les uns des autres,
DE FRANCE. 41
» & tend à ne faire des hommes épars
qu'une "" feule & même famille «.
Il faut lire les Chapitres où il traite des
Livres élémentaires en général, & des Livres
claffiques ; on y verra les moyens ingénieux
que l'Auteur emploie pour fimplifier l'étude
des Sciences .
Nous ne pouvons nous refufer de citer
encore ce morceau fur Mad. de Sévigné .
"
33
"
>>
"J
و د
Quelle rapidité entraînante dans ces
Lettres enchanterelles , où fe peint fi
bien la mobilité de fon ame ! Comme
» elle fait donner la vie à tout ce qu'elle
touche ! C'est une mesure d'expreffion
à la faveur de laquelle tout palle , un
fonds de fenfibilité qui eft inépuisable ,
» une richeffe d'imagination qui répand la
fécondité par - tour. Ses tableaux ont la
grace de ceux de l'Albane ; incorrecte
comme lui , fes négligences font le plus
» fouvent une bonne fortune . Tour à
» tour gaie , vive , aimable , fublime
» pleine de raifon , tous les tons lui font
" familiers ; elle anime tout , elle jette de
l'intérêt jufque fur les plus petits détails.
Son Recueil , en un mot , eft un
fonds qu'elle a créé , & qui femble être
» un impôt levé fur la bonne compagnie ,
» pour être à jamais la regle & la meſure
» du bon ton ".
33
ور
ور
Cet Ouvrage eft précédé d'une Introduction
, que l'on peut regarder comme
42
MERCURE
un morceau vraiment achevé . Des idées
grandes & neuves, toujours des vues utiles ,
beaucoup de vraie philofophie , un heureux
choix de citations , une méthode claire
& facile à fuivre , un ftyle pur , élégant ,
& qui étonne même dans un Livre qui
n'offre que le titre d'un Plan , par-deffus
tout un grand amour de la vertu & de la
Patrie ; voilà ce qu'on trouvera dans l'Ouvrage
entier de M. Barruel en nous faifant
un devoir de lui rendre toute la juftice
qu'il mérite & comme Homme de
Lettres & comme Citoyen , nous l'invitons
à continuer de confacrer les études & fes
talens à cet objet ſi important, & fur lequel
il vient de répandre tant de lumieres.
SPECTACLE, S.
Tout le monde connaît le charmant
Roman de Faublas , que nous avons rappelé
derniérement , dans ce Journal , à
l'attention du Public. On fe fouvient de
l'épiſode de Lodoiska qui vient répandre
un grand intérêt à travers une foule d'Aventures
d'une gaîté folle. Cet épifode a
frappé en même temps deux Auteurs Dramatiques
; chacun d'eux en a formé une
Piece lyrique , l'un pour le Théâtre Italien ,
"
DE FRANCE. 43
l'autre pour celui de la rue Feydeau. La
premiere n'eft pas encore repréfentée : c'eſt
de la feconde dont nous avons à parler.:
›
Le pere de Lodoïska , pour fe venger de
Floresky , avec lequel un intérêt politique
vient de le brouiller , a conduit fa fille dans
le château d'un de fes amis , Dourlinsky.
Ce fcélérat en eft devenu amoureux &
n'ayant pu la féduire , il l'enferme dans
une tour. Cependant Floresky , en cherchant
fa Maîtrelfe , arrive avec fon Valet ,
ou plutôt fon Confident , auprès du château.
Il eft attaqué par un Chef de Tartares
, qui , voulant fe venger de Dourlinsky
, infefte avec fa Troupe les environs.
Floresky eft vainqueur , & donne la vie à
Tizikan , qui lai promet toute fa reconnaillance.
Refté feul au pied de la tour ,
Floresky voit tomber à fes pieds une brique
qui lui apprend que fa chere Lodoïska eft
enfermée dans ce château. Il trouve un
prétexte pour s'y introduire ; mais le foupçonneux
Dourlinsky ne l'y reçoit que défarmé.
Il demande Lodoïska de la part de
fa mere. Cette demande le rend fufpect.
Le Tyran projette de l'endormir par un
breuvage compofé. Le Valet qui a furpris
le complot , le fait tourner contre fes auteurs
, & en changeant de flacon , les endort
eux-mêmes . Cette rüſe ne leur fert à
rien. Floresky & fon compagnon font fur44
MERCURE
pris & chargés de fers. Dourlinsky fait
venir Lodoïska , & la menace de malfacrer
à fes yeux fon Amant , fi elle refufe de
couronner fa brutale paffion . Pendant le
débat que doit amener une propofition pareille
, on entend une alarme ce font les
Tartares qui attaquent le château déjà livré
aux flammes . On renferme Lodoïska dans
fa tour , & Dourlinsky vole aux armies.
Il eft vaincu : Tizikan paraît , embraffe
fon Libérateur qu'il reconnaît dans la perfonne
de Floresky , & lui donne des armes.
Celui - ci vole vers la tour embrafée qui
renferme fa Maîtreffe. Il la délivre à travers
des poutres enflammées ; mais en traverfant
une galerie , elle s'abîme fous leurs
pas. C'eft l'ami de Floresky qui les fauve
l'un & l'autre . On abandonne à la fureur
des Tartares le barbare Dourlinsky.
On voit dans ce fujet , ainfi difpofé ,
peu de fituations neuves ; mais il y a du
mouvement , des tableaux , un grand fpectacle
, & beaucoup d'effet théâtral. La pantemime
du dénouement , aidée du mécanifme
des décorations , en agitant l'ame ,
fupplée à un intérêt réel . Cer Ouvrage ne
pouvait donc manquer d'avoir du fuccès ,
& en effet il en a beaucoup.
Deux chofes y ont le plus contribué
les décorations & la mufique. Comme elles
font les plus dignes d'éloges , c'eft fur elles
aufli que la critique doit le plus porter.
DE FRANCE.
45
Les décorations font peintes par les
freres Gotti , Italiens , d'une grande réputation
, & elle eft affurément très méritée.
La magie de leur pinceau & l'art avec lequel
ils obfervent les loix de la perfpective
, ont véritablement quelque chofe de
prodigieux ; mais on leur a reproché quelques
fautes contre la vérité . Le château de
Dourlinsky eft très-antique par fa forme ;
mais le ton brillant des murailles le fait
paraître tout neuf. La galerie a une fuite
immenfe ; & lorfqu'elle s'abîme dans l'incendie
, elle laiffe voir la tour , qui était
cenfée derriere , & qui paraît tout près
des Spectateurs ; de forte que cette tour
devait traverſer la galerie. Au furplus , ces
légers défauts ne nuifent pas à l'illufion du
premier coup d'oeil féduit & enchanté par
le talent réel de ces Artiftes. Les machines
font difpofees avec un art qui n'eft pas
moins furprenant , & que la critique ne
faurait atteindre. Elles font de M. Boullé ,
ci-devant Machinifte de l'Opéra.
La mufique eft de M. Chérubini . On
pourrait borner là fon éloge , & c'en ferait
un affez flatteur. Nous lui reprocherons
cependant un excès de beauté , une attention
trop continue à travailler avec un
foin égal toutes les parties de fon Ouvrage ,
une perfection trop fuivie , enfin un manque
d'abandon , & même de cette négligence
qui repofe l'ame , qui la rend plus
46 MERCURE
fenfible aux effets qu'on veut produire fur
elle , & qui la fatiguent quand ils font
trop prodigués. Si l'Auteur s'était plus livré
au chant , même aux dépens des combinaifons
de fon orcheſtre , fans exciter moins
d'admiration , il aurait plu davantage , &
'on peut lui en donner pour preuve les
morceaux qui terminent fon fecond Acte ,
que leur mélodie rende plus flatteurs . Ce
luxe extrême eft , au refte , bien facile . à
réprimer ; & heureux le Compofiteur qui
ne mérite pas d'autres reproches.
Nous voudrions avoir autant d'éloges à
donner aux Acteurs ; mais pour n'affliger
perfonne , nous aimons mieux fupprimer
les détails , & les exhorter tous à redoubler
d'efforts pour mettre plus d'enfemble dans
leur exécution.
NOTICE S.
CODE Univerfel & Méthodique des Loix qui
régiffent la France depuis 1789. Vol . in- 8 ° . de
500 pages. Prix , 4 liv. 10 f. chaque .
Cette Collection , diftinguée par le Public de
toutes celles qui ont paru , & placée aux Archives
de l'Affemblée Nationale , a été publiée d'abord
par M. Alexandre. Elle vient d'être acquife par
M. Planche , Libraire , qui s'engage à en feurnir
la fuite par Numéros de 15 feuilles , de
quinzaine en quinzaine , francs de port dans les
Départemens. Il en paraît actuellement fix VoDE
FRANCE. 47
lumes , dont le prix eft de 27 livres . Les deux
Volumes qui fuivront feront de même de liv 9 .
La Table Chronologique des Loix , & celle des
Matieres par ordre alphabétique , en rendent la
recherche extrêmement facile , & contribuent
beaucoup à l'utilité de cet Ouvrage. M. Planche
promet , à la fin de la Légiflature , deux Tables
générales fur ce même plan , fuivant l'annonce
que M. Alexandre en avait faite.
Aucun Ouvrage ayant le même but , ne nous
a paru l'avoir rempli d'une maniere plus complette
que celui- ci . On trouve les fix Volumes ,
& on s'abonne pour les fuivans , chez Planche ,
Lib. rue Richelieu -Sorbonne , Nº. 3 , à Paris.
On trouve chez le même Libraire , & chez M.
Maillard-Dorivelle , quai des Auguftins , N°. 43 ,
le Tableau Aiphabétique du Tarif des droits d enregistrement
fuivant le nom des Actes , Titres
& Jugemens qui y font fujets ; 3e édition . Prix ,
24 , & 30 franc de port. Il faut affranchir
les lettres & l'argent.
Tarif pour la Contribution fonciere , divifé cn
trois Claffes , formant , pour la commodité des
Particuliers , trois Tarifs différens en raifon des
différentes natures de propriétés ; accompagné de
la Loi & de l'inftruction de l'Affemblée Nationale
, ainfi que du Décret particulier qui fixe la
proportion dans laquelle les Propriétaires doivent
déformais faire la retenue fur les rentes & preftations
dont leurs Biens peuvent être grevés ;
& fuivi du Décret & Tableau de la répartition
des 300 millions de livres de contribution fonciere
& mobil aire entre les 83 Départemens du
Royaume , & de divers articles de la Loi ; &
48 MERCURE DE FRANCE .
inſtruction fur la contribution mobiliaire , qui
indique les proportions dans lefquelles les Propriétaires
peuvent obtenir des réductions fur leur
quote mobiliaire , d'après le prix des Vingtemes
payés par eux en 1790. Ouvrage utile à tous
les Citoyens qui pofledent quelques propriétés ;
par M. Duverneuil Prix , 1 f. A Paris , chez
l'Auteur , rue J. J. Roufleau ( ci - devant Plâtriere) ,
N° . 27 ; Valade fils , Imp-Libraire , même rue ,
No. 12.
Pour empêcher que le Public ne foit trompé.
par les contrefacteurs , l'auteur prévient que tous
les exemp'aires de cet Ouvrage ferour fignés de
fa main .
I eft de la plus grande importance , dans un
Ouvrage de cette na ure fur tout , de rejeter les
cor trefaçons toujours fautives. On fent comb´en
une erreur de ch flres peut devenir préjudiciable .
25 , 25 & 27e. Livraifons du Nouveau Teftament
de N. S. J. C. en latin & en français , de
la Traduction de Saci ; édition ornée de guies
en taille- douce , deffinées par M. Moreau le j . ,
& gravées , fous fa diction , par les plus ha iles
Artiftes de la Capitale . Prix de chaque Livraiſon ,
gof & 2 liv. en pap . vélin. A Paris , chez Saugrin
, rue du Jardinet , N ° . 5 .
CHANT
TABL E.
HANT d'anrur.
Les to itarist , . Part.
Charade , Enig. Legog.
Pl:r.
stop uncles.
34)Notices .
Jer . 133 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 13 AOUT 1791 .
PIECES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
APOTHÉOSE DE VOLTAIRE.
AU Panthéon da Paganiſme ,
On vit long- temps le Fanatiſme
Ufurper l'encens des Mortels ;
Sous le faux titre d'héroïfine ,
Le brigandage eut fes autels ;
Après cent fiecles d'exiſtence ,
Le monde , encor dans fon enfance ,
A des fantômes d'immortels
Qu'honore & prêche l'ignorance ,
Adrefle des voeux criminels ;
Grace à l'encens qu'il proftitue
Pour des Druides éternels 3
N°. ;;. 13 Août 1791.
3
C
so
MERCURE
Le préjugé fe perpétue ;
La raifon feule eft inconnue :
Fléau tardif des Alcorans ,
Sur les Héros des faints Romans
Elle porte enfin fa maffue ,
Renverfe , brife la Statue
De ces Dagons du bon vieux temps.
Toi qui , le premier , fur fa trace ,
Ofas pénétrer dans les Cieux ,
Et les purger de ces faux Dieux ,
Dont la crédule populace
Adorait le bufte orgueilleux ,
Voltaire , viens regne à leur place ,
Reçois notre hommage & nos voeux.
Qui mieux que toi , divin génie ,
Eut droit aux céleftes honneurs ?
Illuftre héritier des Neuf Soeurs ,
Au deffus d'un fiecle d'envie ,
Loin d'une race appefantic
Sous le fardeau de fes erreurs ,
Pour l'avenir , dans tous les coeurs ,
Tu portais ce germe de vie
D'où font fortis nos Rédempteurs ;
Par tes Ecrits , avant-coureurs
Du pacte augufte qui nous lie ,
Tu détruifis la tyrannie ,
Le rang , les abus oppreffeurs
Le préjugé , fous qui tout plic
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACEN619)
•
DE FRANCE. SE
Et ces Tartuffes impofteurs
Qui couvraient la Terre affervic .
Pere de nos Législateurs ,
En leurs travaux reçois l'hommage
D'un Nouveau-Monde , ton ouvrage !
Deviens le Patron de ces lieux.
Un Bonze obfcur , ambitieux ,
N'annoncera point tes oracles
Par des énigmes captieux ;
Il ne vendra point tes miracles :
Non , non , tes prodiges divers ,
Tes oracles , comme ta gloire ,
Appartiennent à l'Univers ;
Son Evangile eft ton Hiftoire ;
Jouis en paix de ta victoire !
Lorfque tes mains brifent nos fers ,
Dieu tolérant , perds la mémoire
De quatre- vingts ans de revers.
"
Trifte rival de Prométhée ,
Jouet des Prêtres & des Sots
Ta vie , hélas ! trop agitée ,
N'offre qu'un long tiffu de maux ;
Et telle fut ta deſtinée ,
Que l'on vit ta cendre indignée
En vain , dans la nuit des tombeaux ,
Demander un lieu de repos.
Sous la pouffiere profanée ·
Par Tyrans & les Bigots.
C 2'
52 MERCURE
Ombre plaintive , ombre chérie ,
Confole-toi vois tes rivaux !
Quand la France te déifie ,
Et quand ta famille affranchie
T'éleve des Autels rouveaux ,
Pour ces fléaux de la Patrie ,
Qu'éleve-t-on des échafauds.
( Par M. Serieys . )
LE MOINEAU ,
FABLE imitée de FE NÉLON.
DEVANT EVANT un Moineau on vantait
Le Phénix : on lui racontait
Comment , à fon heure fuprême , -
Ce bel Oifeau fe confumant lui - même ,
De fes cendres reffufcitait :
Vous m'enchant z , je le confeffe ,
Dit le Moineau furpris ; j'admire un fort fi beau ;
Mais cf -il vrai que cet Oilcau
Soit dans tour l'Univers le feul de fon efpece ?
Certes . L'infortuné ! s'écria le Moineau , -
Il ne peut donc aimer ! il ne peut donc pas l'étre !
Ah ! comment à ce prix défi er de renaitre ?
( Par un Atonné. )
;
DE FRANCE. 53
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Adieu - celui
de l'Enigme eft les Chats ; & celui du Logogriphe
eft Cor , où l'on trouve Or.
LUS
CHARADE.
PLus d'un baudet s'engraiffe en mon premier ;
Plus d'un coquin craint d'être mon dernier ;
Plus d'un nigaud refpecte mon entier.
( Pur M. Lecat , Procureur de la Commune
à Abbeville. Y´
ÉNIGM E.
TRISTE & dernier enfant d'une mere expirante,
Je nais enfin quand tout périt ,.
Quand la Nature eft languiſſante ,
Que dans fon fein tout ſe Aétrit.
Si quelqu . fois , Lecteur , tu me vois avec peine ,
Telle eft du temps la r'goureufe loi ,
Pius tu vicillis , plus ma fin eft prochaine ;
Mais en cela plus à plaindre que toi ,
Aux portes du tombeau j'accompagne ma mere ,
Et le jour qu'elle meurt , je finis ma carriere .
( Par un Abonné. )
C3
34
MERCURE
LOGOGRIP HE.
SEDENTAIRE & lourd dans ma taille ,
Rarement je fors du lògis ,
Et j'habite fous les lambris
Bien plus fouvent que fous les toits de paille .
Tapi triftement dans un coin ,
Un vil emploi bien fouvent me dégrade ;
Les poings fur le rognon , je reçois au befoin
Qui vient me donner l'accolade.
Dans mes huit pieds tu trouveras , Lecteur ,
Ce lieu qui du repos fait goûter la douccur ;
Notre aliment premier ; trois notes de mufique ;
Ce qui fort du fufeau de la belle Angélique ;
Une plante ; un fédiment ;
Un perfonnage déplaifant ;
Deux élémens l'un à l'autre contraire ;
Un terme de mépris ; une forte de pierre ;
Ce que l'on fait quand on faillit ;
L'arbre qui toujours reverdit.
Encore un trait & tu vas me connaître ,
Entre mes bras je te ferre peut -être.
( Par M. S... F... de Lyon. )
༦.༧༩
DE FRANCE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAUX VOYAGES dans les Etats-
Unis de l'Amérique Septentrionale, faits,
en 1788 , par J. P. Briflor ( Warville ) ,
Citoyen Français. 3 Volumes in-8°. A
Paris , chez Buiffon , Libr-Imprim. rue
Haute-feuille , N°. 20. Prix , 13 liv. br.
& 14 1. 10f. franes de port par la Pofte.
A
ON a obfervé , depuis la Révolution ,
que parmi les Ouvrages nouveaux , étrangers
aux affaires publiques , les feuls qui aient
continué à s'attirer l'intérêt & l'attention ,
ce font les Voyages. Il femble que cette
lecture foit le feul délaffement que la Nation
fe permette depuis la conquête de la
liberté . Le Voyage que publie M. Briffor ,
joint à l'intérêt des Ouvrages de ce genre ,
l'avantage de ramener les efprits aux idées
qui occupent aujourd'hui tous les Français .
C'eft la paffion de l'Auteur , pour la liberté ,
qui le lui fit entreprendre en 1788 ; & c'eft
cette même paffion qui le lui fait publier
en 1791. Il a penſé qu'il fallait offrir à un
Peuple nouvellement libre , le tableau des
C 4
36 MERCURE
moeurs qui maintiennent la liberté . On peut ,
dit-il , la conquérir fans moeurs , mais fans
moeurs on ne peut la conferver ; c'eft l'Epigraphe
de fon Livre ; & fans ceffe , dans le
cours de fon Ouvrage , il revient à cette
vérité. On ne peut fe diffimuler ce qu'elle
a d'effrayant pour la France ; mais au milieu
des craintes qu'elle infpire , plufieurs confidérations
font propres à raffurer. La préc
pitation même avec laquelle s'eft opérée la
Révolution, a détruit ou encombré plufieurs
des fources qui fourniffaient un aliment
aux mauvaifes moeurs. Elle force tous
ceux que d'anciennes habitudes n'ont pas
entiérement pervertis , à revenir à des idées
plus faines , à renoncer à des goûts frivoles
& difpendieux , à s'occuper de travaux utiles
pour eux-mêmes. Elle amene forcément une
habitude de raion , qui , après le retour de
l'ordre & du calme , bailera des moeurs privées
aux moeurs publiques. Les Français ,
en fe donnant une Conftitution plus forte
que ne l'était la Nation à l'époque où elle
fe l'eft donnée , fe font mis dans la néceffité
de hâter leur marche vers des meurs fimples
& fortes , dignes de cette Conftitution. Io
progrès que leurs idées ont fait depuis dox
ans , donne la jufte espérance de voir les
mours le mettre en accord avec leurs idees
plus rapidement qu'on ne l'a vu chez aucun
autre Peuple. Ce fera le doub's offer
& de la néceffité des circonftances , & de
DE. FRAN CE. 57
la foupleffe agile du caractere Français . Déjà
des changemens marqués autorifent ces efpérances
trop repouffées par ceux qui veulent
le mal , ou qui veulent trop faiblement
le bien ;, ou enfin par ceux qui débitent
d'anciens axiomes fur unétat de chofes fans
exemple dans l'Hiftoire de tous les temps
connus.
Ce font des Livres tels que le Voyage
de M. Briffot , qui hâteront ce moment dé
firé. Les Lecteurs Patriotes , à qui nous en
recommandons la lecture et du poiſon
pour les autres ) , y veront avec plaifir tous
les effets de la berté politique , la plus
grande qui exifte aujourd'hui parmi les
hommes. Ils y apprendront à évaluer un
grand nombre de maximes politiques , ré
purées inconteftables jufqu'à ce jour. Ils f
fortifieront dans le goût de la fimplicité ,
de l'égalité , de la vie domeftique , de la
vie rurale , du travail ; ils verront les vertus
publiques naitre du fein des vertus privées ,
& la félicité nationale fortir des mêmes
fources que le bonheur particulier. A la vérité
, le Cultivateur Américain avait devancé
M. B...... dans la peinture de ces moeurs fr
intéreffantes ; & les tableaux femblent ne
laiffer rien à défirer. Auffi M. B.... ne rivalife-
t- il point à cet égard avec M. Crevecoeur
, auquel il rend juftice en plufieurs
endroits de fon Ouvrage. Il ne fait qu'indiquer
ou efquiffer rapidement ce que for
CS
58
MERCURE
prédéceffeur avait peint avec délices. L'un
répand avec effufion le fentiment d'un
bonheur qui fut celui de fa vie entiere ;
l'autre jette , en paffant , un coup d'eil fur
ce bonheur qu'il envie. D'ailleurs le but de
fon Voyage en Amérique appelait fon atvention
fur un trop grand nombre d'objets
importans. Les moeurs Américaines ne devaient
point y être fa feule étude : Agriculture
, Manufacture , Arts , Métiers , Induftrie
de toute efpece , Finances , Commerce
intérieur & extérieur , détails d'exportations
, d'importations , &c. voilà ce que
le Voyageur avait à étudier , & il n'avait
que peu de mois à donner à ce Voyage.
Parti de France à l'époque des événemens
qui ont le plus provoqué la Révolution , il
voulait être de retour dans fon pays au
moment où elle allait s'opérer.
Quoique les objets dont M. B..... occupe
fes Lecteurs foient devenus d'un intérêt plus
général & plus fenti depuis que les Français
fe mêlent de leurs affaires , on fent que les
bornes d'un extrait nous obligent de nous
borner à l'indication de plufieurs de ces
objets . Mais nous dénonçons plus formellement
aux Amis de l'humanité le morceau
fur les Quakers , & fur-tout le Chapitre fur
l'état des Negres dans l'Amérique Septentrionale.
On connaît le zele ardent & infatigable
avec lequel il défend depuis plufieurs
années la caufe de ces malheureufes
DE FRANCE.
59
victimes de notre avarice. Il acheve ici de
détruire les fophifmes par lefquels la politique
Européenne s'efforce de juftifier , &
furtout de perpétuer fon crime . Il développe
tous les avantages du travail libre ,
fur le travail efclave , & le prouve par les
faits & par le raiſonnement. On s'obſtinait
à n'accorder aux Noirs qu'une intelligence
médiocre & bornée. M. B...... cite les
noms des Negres libres , qui, en Amérique ,
exercent avec fuccès des profeffions qui
exigent toute l'activité de la penſée : un
Noir entre autres , qui faifait de tête , &
fur le champ , des calculs prodigieux . Si
l'on n'a vu de ces exemples que dans l'Amérique
Septentrionale , c'eft que là feulement
les Negres font traités avec une
indulgence inconnue dans les Illes . Tout
s'y prépare par degrés à leur affranchiffement
général déjà effectué dans plufieurs des
Etats -Unis , dans la majorité de 9 fur 13 .
Déjà la culture du tabac , dans le Mariland
& la Virginie , commence à baiffer
fenfiblement. Celle du blé la remplace ,
& finira par amener l'abolition de la traite
déjà défirée par les Citoyens les plus diftingués
. D'autres caufes concourent encore
à la hâter ; mais la plus puiffante de toutes ,
c'eft la découverte d'un fucre , qui , avec le
temps , peut remplacer celui de la canne .
Cet arbre précieux qui, pour les Noirs, fera
l'arbre de la vie , & qui plus eft de la li-
C 6
MERCURE
berté , c'eft l'érable : il croît naturellement
fe propage avec la plus grande facilité , &
couvre l'Amérique , depuis le Canada jufqu'en
Virginie. Sa féve , pour être extraite ,
n'exige aucuns travaux préparatoires . Chaque
arbre donne , fans fe ruiner , cinquame à
foixante pintes de féve , qui rendent au moins
cinq livres de fucre. Un même arbre , s'il
eft traité avec ménagement , peut fournir
cette liqueur pendant plufieurs années.
On n'a pu voir tant d'avantages fans étre
frappé de l'influence qu'ils pouvaient avoir
fur l'abolition de l'efclavage des Noirs . Il
s'eft formé une Société , dont l'objet particulier
eft de perfectionner la fabrique de
ce fucre ; & dès fon origine , elle a eu les
plus grands fuccès . D'habiles Chimifles ont
publié des procédés utiles . Ils penfent que
fe fucre de canne & le frere d'érable font
les mêmes dans leur nature ; & on croit
qu'en perfectionnant la fabrication , il égalera
un jour le fucre ordinaire. La découverte ,
qui doit le conduire à cette perfection ,
formera une époque heureufe pour l'humanité
; & combien ne le ferait - elle pas
davantage , fi l'on naturalifait l'érable par
toute l'Europe Si l'Amérique , dit M. B...
en offre de vaftes forêts , on peut , en France,
le planter en vergers , fous lefquels on
pourra recueillir encore toute foarte de fruits .
Dans l'âge de leur moyenne vigueur , à trois
livres de fucre par arbre , un acre qui conDE
FRANCE. 61
tiendrait cent quarante arbres , rapporterait
quatre cent vingt livres de fucre. Ce ferait
une grande économie de coups de fouets
pour les Noirs , & une grande économie
d'argent pour les Blancs ; ce qui eft pour
ceux- ci une confidération non moins forte.
Mais quelque adouci que foit , dans l'Amérique
Septentrionale, le fort des Noirs , quelles
que foient les efpérances plus heureufes que
l'avenir préfente à cet égard , les amis de
l'humanité n'en formeront pas des voeux
moins ardens pour le fuccès d'un plan déjà
connu en Amérique , celui de les tranfporter
des Etats - Unis dans leur terre natale
, de les y établir , de les encourager à
y cultiver le fucre , le café , le coton
&c. à y élever des Manufactures , à ouvrir
un commerce avec l'Europe . C'était l'idée
du Philantrope par excellence , le célebre
Foterghill ; c'était celle d'un Citoyen des
Etats - Unis , le Docteur Thornton , qui
comptait exécuter lui - même ce projet. Il
fe propofait d'être lui - même le conducteur
des Negres qui repafferaient en Afrique ;
& déjà il y avait envoyé , à fes frais , un
homme éclairé , pour choisir le lieu le plus
convenable à cette émigration , préparer
l'établiffement de fa Colonie , & indiquer
les moyens de la mettre à l'abri de toute
infulte. La mort l'a prévenu dans l'exécution
de ce plan , auquel on n'a pas renoncé
en Amérique ; & de plus , il s'eſt
62 MERCURE
formé en Angleterre une Société qui fe
propofe de le réaliſer .
Il faut remarquer que c'eft parmi la ſecte
des Quakers que fe trouve le plus grand
nombre de ces hommes à qui l'amour de
l'humanité a fait traverfer les mers , former
ou accomplir les entreprifes les plus périlleufes
, & renouveler , par le zele pur
d'une bienfaifance univerfelle , ce que l'efprit
de profelytifme a fait faire à plufieurs
Chrétiens de la Communion Romaine : Cette
obiervation feule réfuterait fuffisamment
les reproches multipliés contre les Quakers .
La plupart des ridicules qu'on leur a prodigués
en Angleterre , & fur- tout en France ,
ont difparu devant cette philofophie qui
apprécie les hommes & les chofes dans leurs
rapports au bien de la Société générale .
Les noms des Miflin , des Benezets , ont
pris la place qui leur était due. On fonge
à leurs actions , & non plus à leur habillement
, ni à la fingularité de quelques ufages
confacrés dans leur Secte. M. B .... repouſſe
victorieufement les reproches dont on a
voulu les fétrir. De toutes les objections
multipliées contre eux , la plus forte eft
leur refus de prendre part aux guerres , &
de payer les impôts établis pour la faire.
L'Auteur convient avec franchife de
ce que cette conduite peut avoir de blâinable
; mais il oppofe à cet effet nuifible
de leur attachement pour le plus facré de
DE FRANCE. 63
leurs principes religieux , tous les autres
effets utiles de ce même attachement , tous
les actes de bienfaifance dont ce principe
fut la fource intariffable . Les Livres facrés
leur difaient qu'il viendra un temps où les
Nations ne leveront plus le glaive contre
les Nations. Ils ont vu que le moyen d'accélérer
la réalifation de cette prophétie
était de donner l'exemple , & que les difcours
ne ferviraient à rien , fi la pratique
n'y était conforme . La preuve qu'ils portaient
dans leur refus , non le calcul de
l'avarice , mais l'enthoufiafme d'un zele religieux
, c'eft qu'ils fe font laiffés tourmenter
, voler , emprifonner , plutôt que de
déroger à leur principe , qui d'ailleurs leur
avait long- temps réuffi . Les Quakers de la
Penfilvanie avaient trouvé le fecret de garantir
cet Etat du fléau de la guerre , juſqu'à
celle qui éclata , en 1755 , entre l'Angleterre
& la France . Quoique mêlés avec les
Indiens , jamais aucune querelle ne les
divifa ou ne fit couler de fang. C'eft un fait
que ne favait pas M. Mirabeau , obferve
l'Auteur , lorfque répondant , au nom de
l'Affemblée Nationale , à une Députation
de Quakers établis en France , & qui
venaient demander l'exemption de porter les
armes , il leur difait : Et que feraient devenus
vos freres de Penfilvanie , fi de grandes diftances
ne les avaient pas féparés des Sauvages
, fi ces derniers avaient égorgé leurs
64
MERCURE
5
femmes , leurs enfans , & c. ? L'Orateur de
la Députation aurait pu répondre : Notre
juſtice , notre douceur , notre bienfaisance
univerfelle défarment les Sauvages . C'eft
la rapacité & la fourberie des Européens
qui les irritent , & nous avons vécu comme
des freres avec ceux qu'on a repréfentés
comme des brigands , pour avoir le droit
de les exterminer. Cette réponſe n'aurait
pas déplu à Mirabeau , qui n'aurait pas
manqué de la faire , fi , au lieu d'être Préfident
de l'Affemblée Nationale , il cût été
POtateur de la Députation .
C'est ce refus de payer les impôts qui
fut la fource de toutes les calomnies répan-.
dues contre eux parmi leurs Concitoyens ..
On attribuait à leurs principes politiques ce
qui érait l'effet de leurs idées religieufes. Le
Général Washington y fut quelque temps.
trompé lui- même ; mais ayant eu fréquemment
occafion de les obferver , il finit par
leur rendre juftice , conçut pour eux beaucoup
d'eftime , comme a pu le voir l'Auteur.
de ce Voyage dans fes converfations avec cet
homme célebre.
M. B... a trop d'avantage lorſqu'il juftifie
le refus que les Quakers font de prêter le
ferment. Leur probité ayant fait de leur
parole un ferment , ils ont juré lorsqu'ils
ont promis ou affirmé ; & il devrait en
être ainfi de tous les hommes.
Quant à leur principe intérieur , & à la foi
DE FRANCE.
qu'ils lui accordent , les railleurs & les plaifans
ne fongent pas que ce principe des
Quakers fe trouve fous différentes dénominations
chez un grand nombre de Philofophes
anciens ; la grande lumiere de Pythagore
, l'ame divine d'Anaxagore , le Démon
de Socrate , le Dieu au dedans de l'homme
d'Hiéron , & c.
Tout ce morceau fur les Quakers laiffe
peu de chofes à défirer pour la connaiſſance
de cette intéreflante Société , trop peu connue
, & trop calomniée jufqu'aujourd'hui .
Il eft à remarquer que Voltaire , tout porté
qu'il était à répandre le ridicule fur ce qui
en était fufceptible , eft encore , de tous les
Ecrivains Français , celui qui a le plus,
rendu juftice aux Quakers : fon grand fens,
lui faifait apprécier tout ce que leurs prin
cipes avaient de refpectable , & combien
l'exemple de leur morale pratique pouvait
être utile aux hommes. Le bien qu'ils ont
fait en Amérique depuis un fiecle , n'a pas
peu contribué à y répandre parmi les autres
Sectes, cette généreuſe émulation, cer amour
de l'humanité qui fe montre dans tous les
établiffemens publics , & qui , dans ces der
niers temps , a commencé à fe répandre en
Europe. Ce qui s'eft fait en cent ans dans un
pays inculte , & avec de fi faibles moyens ,
montre ce que la liberté peut faire en France
dansun plus court efpace , avec les refources -
de tous les Arts , & d'une civilifation per
66 MERCURE
fectionnée . Nous fommes forcés de renvoyer
à l'Ouvrage de M. Briffot , pour le détail de
tous les établiffemens publics & particuliers ;
ufages , inventions, méthodes que l'exemple ,
le commerce , la communication des deux
Peuples , l'intérêt & le befoin , tranſplanteront
néceffairement parmi nous . Son Livre
ouvre au genre humain la perſpective la
plus confolante. Il eft doux de fe livrer à
l'efpérance de voir un vafte continent conquis
à la civilifation par le courage infatigable
des Américains , par l'activité de leurs
défrichemens , leur ardeur à pénétrer dans
les forêts , à s'y former de nouvelles habitations
; par leur hardieffe dans les entreprifes
de tout genre ; par la découverte
de toutes les communications , entre les
fleuves , & des fleuves aux deux mers ;
par l'audace de leur navigation ; par leur
défir de s'ouvrir le commerce du Miffiffipi .
Il eft doux de voir la liberté voyager & s'étendre
avec eux , fonder par-tout la Société
fur des principes trop long-temps méconnus
de la vieille Europe , qui les retrouve
enfin ; les adoptera progreffivement , & avec
le temps , fera régénérée par le bienfait
d'une terre autrefois engloutie fous les eaux ,
& ignorée pendant des fiecles.
On a propofé au concours , dans ces derniers
temps , la queftion , fi la découverte
de l'Amérique avait été nuifible ou utile
aux hommes. La queftion s'applique - t - elle
DE FRANCE. 67
aux Contemporains de la découverte , &
aux cinq ou fix générations fuivantes ? Il
ne paraît guere douteux que cette découverte
n'ait été une calamité défaftreufe . Se
rapproche- t-on de la génération actuelle
le bien & le mal fe mêlent , fe confondent ,
& la queſtion devient compliquée . Embraffet
- elle les générations à venir ? elle ceffe
d'être une queftion , & la découverte de
l'Amérique devient , pour l'humanité en
tiere, un véritable bienfait du Ciel . Il fuffit,
pour s'en convaincre , de parcourir le Livre
de M. B... Les progrès de la Société, chez les
Américains , progrès fenfibles même depuis
la guerre , & dans un fi petit nombre t'années
, repouffent les prédictions finiftres ,
les augures malveillans des ennemis de la
liberté. Il paraît même que , depuis le départ
d'Amérique de M. B..... ces progrès
ont été d'une rapidité prodigieufe. Voici ce
qu'un favant Américain ( ) , fouvent cité
avec honneur dans ce nouveau Voyage, écrivait
tout à l'heure , vers la fin de Mai, à un
de fes amis actuellement en France .
"
" Nous voyons enfin les efpérances les
» plus étendues des amis de la liberté &
» de l'humanité , accomplies dans les Etats-
» Unis d'Amérique. Notre Gouvernement
» National eft parfaitement établi . Il répand
par- tout la paix , l'ordre & la juf-
"
( 1 ) M. Rush .
•
68 MERCURE
و ر
» tice. Contraire à Brutus , je puis m'écrier,
» en terminant mes travaux politiques :
Liberté, je t'ai adorée comme un être réel,
» & ne t'ai point trouvée un fantôme « !
( C...... )
DICTIONNAIRE. raisonné Univerfel
d'Hiftoire Naturelle , contenant l'Hiftoire
des Animaux , des Végétaux & des Minéraux
, & celle des Corps céleftes , des
Météores & des autres principaux faits
de la Nature ; avec l'Hiftoire des trois
Regnes , & le détail des ufages de leurs
productions dans la Médecine , dans l'Economie
domeftique & champêtre , & dans
les Arts & Métiers ; & une Table concordante
des noms latins , &c . & le renvoi
aux objets mentionnés dans cet Ouvrage ;
par M. Valmont de Bomare , Voyageur
& Démonftrateur d'Hiftoire Naturelle
&c. &c. &c. 4. édition , revue & confide
rablement augm ntée par l'Auteur. 15 Vol.
in- 8° . de plus de 600 pages chacun. A
Lyon , chez les fieres Bravfet , à Paris ,
chez Boffange & Compagnie, rue des
Noyers , No. 33 ; & chez les principaix
Libraires du Royaume.
Nous ne nous arrêterons pas à faire
l'éloge de cet Ouvrage que l'Auteur a eu
DE FRANCE. 69
l'art de rendre également utile aux gens du
monde & aux Savans ; que pourrions- nous
dire à cet égard , que le fuccès des premieres
éditions n'ait prouvé avant nous & beaucoup
mieux que nous ? Nous ne parlerons
donc ni de l'étendue des connaiſfances de
l'Auteur , ni même des foins particuliers
qu'il a donnés à cette nouvelle édition.
Mais nous infifterons fur le mérite de l'exécution
typographique , pour mettre davantage
le Public en garde contre le brigandage
des contrefaçons. Voici ce que difent
les Editeurs .
"
ود
» Nous avons tâché de ne rien laiffer à
» défirer pour l'exécution typographique
» de cet important Ouvrage : chaque feuille
" a paffé fous les yeux de quatre Réviseurs
différens ; & quant au mérite de la correction
, nous espérons avoir renchéri fur
» toutes les éditions qui ont précédé. On a
» choisi le caractere le plus ami de l'oeil ;
» on n'a employé que des fontes neuves ;
» la grandeur des pages , qui furpalle celles
» des éditions précédentes , a fervi à ref-
» ferrer & à diminuer , autant qu'il a été
poffible , le nombre des volumes . On a
employé du papier fin des meilleures Ma-
» nufactures de l'Auvergne , & on n'a rien
négligé pour que le prix de cette Edition
pit être à la portée de tous les Amateurs .
» Elle eft ornée comme la derniere de
و د
n
ود
>
79
MERCURE
""
3.9
ود
Paris , d'une Planche au Frontispice , &
de Vignettes exécutées par un très -bon
Artifte. Elle eft la feule que l'Auteur
» avoue ; & pour la diftinguer des contrefaçons
qui pourraient en être faites
» nous avons mis notre fignature au revers
» de la fauffe page du titre du tome pre-
""
» mier ".
Cette précaution priſe par les Editeurs
de Lyon , n'a pas été inutile , car l'avidité
des contrefacteurs a profité des circonstances
qui ne permettent pas encore aux Loix
d'exercer toute leur yigueur , pour s'emparer
de cette édition nouvelle , & pour
établir un gain illicite fur la propriété d'autrui,
au rifque d'anéantir, pour les ceffionnaires
légitimes de l'Auteur , le fruit de
leur fpéculation.
>
Il eft temps qu'une Loi nouvelle ,
précife
& claire , contre les délits femblables ,
vienne enfin en interrompre le cours & arrêter
des manoeuvres auf attentatoires aux
propriétés. Les Comités de Commerce &
d'Agriculture s'occupent d'un projet de
décret à cet égard , & à l'occafion de ce
même Dictionnaire.
Les bons Citoyens rejetteront fans doute
avec indignation l'idée de favoriſer un commerce
auffi contraire à la juftice & à l'honnêteté
, en préférant les contrefaçons à l'édition
originale ; & ceux même à qui cette
DE FRANCE.
7
confidération morale ne fuffirait pas , feront
mieux éclairés par leur propre intérêt. Il eft
évident que les contrefacteurs font obligés
de donner leur édition à meilleur marché ,
pour s'en défaire. Mais ils n'ont pu y
parvenir qu'en négligeant tous les foins
qu'on a pris pour l'édition originale , & que
non feulement leur édition éft en plus mauvais
papier , en caracteres ufés & inégaux
( la contrefaçon de Paris le faifait de nuit , &
dans vingt Imprimeries différentes à la fois) ;
mais encore qu'elle eft néceffairement trèsincorrecte
, car ils ont été obligés d'épargner
les frais confidérables de la révilion.
Or , dans un Ouvrage fur - tout de la nature
de celui - ci , la correction eft le premier
mérite ; elle eft indifpenfable. Loin donc
qu'on ait fait un bon marché en préférant
cette édition fautive , on y perd en entier
le peu d'argent qu'on y emploie , puifque
le Livre qu'on achete n'eft qu'une fource
continuelle d'erreurs .
NOTICES.
> ON vient de mettre en vente Hôtel de
Thou , rue des Poitevins , No. 18 , le quatrieme
Volume de l'édition in - 4 ° . avec Figures , & les
Tomes VII & VIII de l'édition in - 8 ° . du
Voyage en Nubie & en Abyfinie , par le Chev .
James Bruce.
72. MERCURE DE FRANCE.
De l'Etablillement des Connaiffances humaines ,
& de l'Inftruction publique dans la Conftitution
Françaife ; par M. P. L. la Creteile. 1 Volume
in- 8 ° . de 314 pages. Prix , 3 livres , & franc de
port , 3 liv. 12. A Paris , chez Delenne , Lib.
au Palais-Royal , Num. 1 & 2 .
M. la Cretelle a monté dans tous les Ouvrages
un efprit profond & réfléchi . Il eft d'autant
plus propre à écrire fur l'Inftruction publique
qu'il vient d'être rommé , par le Département
l'un des Commiffaires chargés de s'occuper fpécialement
de cet objct & de tout ce qui en dépend.
Vues philofophiques fur la Religion , in - 8 ° . de
348 pages. A Paris , chez Belin , Lib . rue Saint-
Jacques , près St-Yves .
Si le temps nous le permet , nous reviendrons
fur cet Quvrage intéreffant , où l'Auteur fait parfartement
allier les pncipes de la Philofophie
avec ceux du Chriftianifine .
Decas Prima , icones Plantarum Syriæ ratiorum
, defcriptionibus & obfervationibus illuftratæ
autore Jacobo Juliano la Bilardi.re. M. D.
Prix , 7 liv. 4 f. Lutetia Parifiorum , impenfis
autoris , & proftat venalis Apud Prevoft , Auguftinorum
ripâ , Typog. Circ . Soc. Gallica Comediae
via ; Nº . 4.
Les Gravures de cet Ouvrage intéreffant font
exécutées avec beaucoup de foin .
APOTHEOSE.
Fable.
TABL E.
Charade, Enig. & Lɔg.
49 Nouveaux Voyages.
5219: Fionnaire.
salNonces.
་ ་
68
71
Here,
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 20 AoUT 1791 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
EPITRE
D'UNE RELIGIEUSE A UNE NOVICE.
Non ignara mali miferis fuccurrere difco.
EH! quoi ! quand la Beauté , dans fa premiere
Acur ,
Embellit les vertus qui germent dans ton coeur ,
Riche de ces tréfors que le temps verra croître ,
Tu viens cacher tes jours dans les horreurs d'un
cloître !
L'Efpérance , au front gai , ſourit à tes défirs ;
La Fortune , en naiffant , te promit les plaiúrs ;
Elle applanit pour toi la route de la vie ;
Et fous un joug auſtere à jamais aſſervie ,
N°. 34. 20 Août 1791 .
D
7+
MERCURE
Tu veux fuivre par choix de pénibles chemins ,
Renoncer à toi - même , & mourir aux humains !
Ah ! ma voix qui gémit au fond d'une cellule ,
Doit éclairer l'erreur de ton zele crédule .
Da portique facré tu vas franchir le feuil :
Ou tu cherches le port , crains de trouver l'écueil .
A de tardifs regrets comme moi condamnée ,
Crains de maudire un jour ta chaîne infortunée.
L'Elprit faint qui de Dicu fait entendre la voix ,
Parle- t- il à ton coeur , a - t -il dicté ton choix ,
Et t'appelant parmi fes colombes fidelles' ,
Pour voler juſqu'à lui t'a - t - il prêté fes ailes ?
Je ne te retiens plus : de ton amour jaloux ,
Dieu même t'a choifie : il fera ton époux.
Couverte d'un faint voile, aux pieds du fanctuaire ,
Courbe ton front pieux fous un joug volontaire ,
Et prononçant des voeux applaudis par le Ciel ,
Dis au monde un adieu qui doit être éternel.
Tu pouvais toutefois , fans vêtir le cilice ,
Edifier le Siecle , y confondre le vice ,
Au frein des paffions accoutumer les coeurs ,
Et prêter aux vertus le charme de tes moeurs.
Ma's peut-être on t'a dit qu'in fulgente & facile
La Paix , fille du Ciel , habite cet afile ,
Loin des enclos facrés exile les chagrins ,
Rend tous les coeurs heureux & tous les fronts
fercias ;
MIRYLO
DE FRANCE.
75.
:
Qu'à des Loix fans rigueur la Veftale foumife ,
Y foule aux pieds les fleurs d'une Terre promife ,
Qu'une fainte efpérance y luit à tous les yeux ,
Y peint tous les objets , & nous ouvre les Cieux.
Hélas ! de l'intérêt le faux zele complice ,
Séduit par ces difcours une faible Novice.
Ne livre point ton ame à ces tableaux flatteurs.
Va , crois-moi : le ferpent eft caché fous les fleurs .
Souvent du faint troupeau , la gardienne févere
Affecte avec orgueil un pouvoir arbitraire ,
Du devoir rigoureux appefantit les fers ,
Et fait fouffrir les maux qu'elle-même a ſoufferts .
Des biens que l'on a fui l'image retracée ,
De cent regrets amers vient aigrir la penſée :
Elle revient fans ceffe ; & le goût des plaifirs
Eft le bourreau d'un coeur miné de vains défirs .
La Diſcorde entre , hélas ! fous le facré portique ;
* Elle allume fa torche à la lampe myftique.
Des filles du Seigneur elle ceint le bandeau ,
Et dans des coeurs contrits agite ſon flambeau.
C'eft peu : pour détromper ta docile imprudence ,
Je te dois de mon fort l'entiere confidence .
Je veux té préſerver d'une cruelle erreur.
Malheureuſe ! j'appris à plaindre le malheur.
Je fortais de l'enfance , & commençais la vie ,
Lorfqu'arrachée au monde , & de larmes fuivie ,
D 2
76 MERCURE
Victime par un pere
amenée à l'Autel ,
Je vins y prononcer le ferment folennel.
Quel appareil alors , quelle pompe touchante ,
Fit de ce facrifice une fête impofante !
A la voûte du Temple , orné de toutes parts ,
Cent luftres fufpendus brillant à mes regards ,
Tous ces vales d'encens exhalant leurs offrandes ,
Les Novices , le front couronné de guirlandes ,
Ces vêtemens facrés , ces myftiques apprêts ,
Les careffes des Soeurs , leur doux baifer de paix ,
Les myrtes faints par- tout femés fur mon paffage ,
De la Religion le confolant langage ,
Des Fideles émus la vue & le concours ,
Tout fit d'un jour de deuil le plus beau de mes jours.
Dans ces raviffemens , oui , je crus que mon ame
Volait au fein de Dieu fur des ailes de flamme ,
Et que m'applaudiſſant , la voix des Séraphins
Avait béni mon nom dans leurs Hymnes divins.
Que cette illufion , hélas ! fut peu durable !
Mon coeur fentit bientôt un vide infupportable.
Etrangere à moi-même , un cruel abandon
Montre à mes yeux confus l'horreur de ma prifon.
L'Eden a diſparu : je languis , je foupire.
Les Anges à mes voeux ne viennent plus fourire ;
Et dans l'ombre des nuits , des fonges careffans
Du bonheur des Elus ne flattent plus mes fens.
L'ennui , l'affreux ennui par-tout s'effre à ma vue ,
Diftille fes poifons dans mon ame abattue ,
DE FRANCE.
77
Habille les vertus des plus fombres couleurs ,
Refroidit la priere , & rend amers les pleurs .
Dans le bois folitaire il s'offre à non paffage .
Je le rencontre au fond de la grotte fauvage.
Au bruit de la cafcade il attrifte mes fens :
Dans les fons de l'airain , c'eft fa voix que j'entends.
Hélas ! il m'en fouvient , les larmes de ma mere
M'apprenaient de mon fort le douloureux myftere,
Quand par un mot vouée à d'éternels tourmens ,
Je reçus le dernier de fes embrafiemens ;
Lorfque dans le parloir , aux barreaux de la grille ,
Elle vint recueillir les adieux de ſa fille ;
que Et les yeux fur elle , & lui tendant les bras ,
Mon coeur voulait encor s'éla ncer far fes pas.
Ah ! dut-elle étouffer la pitié maternelle :
Ne devait elle pas pour fa filte , pour elle ,
Interdire à ma voix des fermens inhumains ,
1
Et déchirer le voile arraché par les maius ?
Vains regrets ! d'un époux l'autorité farouche
Lui défendait la plainte , & lui fermait la bouche.
Dans fes yeux attendris elle retint fes pleurs ;
Et fon fein maternel renferma fes douleurs.
>
Et toi , de qui l'orgueil ordonna ma mifere ,
Toi qui t'ofant parer du nom facré de pere ,
Fis d'un titre fi cher le droit de m'opprimer ,
Quel fut mon crime , hélas ! s'il ne fut de t'aimer ?
Quoi ! mes embraffemens , mes careffes fi pures ,
Eraient donc à ton coeur de mortelles bleffures ?
7S MERCURE
Ah ! fi mes premiers foins , fi mon premier amour ,
T'ont fait fentir du fang quelque faible retour ,
Si ce doux fouvenir te trouve encor fenfible ,
O viens ! viens m'arracher à ma priſon horrible...
Qu'ai-je dit ? le cruel plaindrait -il mes tourmens ?
Et la Loi plus barbare a fcellé mes fermens ?
Un jour viendra fans doute , où des Loix plus humaines
Défendront à nos mains de fe forger des chaînes.
Ils tomberent ces murs , ces barrieres de fer ,
Tous ces cachors pieux cimentés par l'Enfer ,
Où des coeurs enchaînés par un voeu politique ,
Ont gémi trop long-temps fous un joug tyrannique .
L'homme a connu fcs droits ; il a brifé fes fers .
La Liberté renaît & change l'Univers.
O vous qui, pratiquant les vertas folitaires ,
Chérillez ja rigueur de vos regles aufteres ,
Et vous , mart res ficrés , fimulacres muets ,
Qui femblez en filence accufer mes regrets ,
Pardonnez. fi ma voix , fi ma bouche profane
Se permet des foupirs que le cloître condamne !
Je ne fuis point venue , à l'ombre des Autels ,
Cacher un front coupable aux regards des mortels,
Et couvrant fa rougeur fous un voile hypocrite ,
Echapper à ma honte en tous les yeux écrite .
Quand je fubis an joug que je devais hair ,
Je m'ignorais moi -même , & ne fus qu'obéit.
DE FRANCE. 79
Déjà je vois mon fort avec un oeil plus ferme ;
Si j'en crois leur excès, mes maux font à leur terme .
L'heure approche ou mes yeux n'auront plus à
pleurer ,
Mes levres à gémir , mon coeur à foupirer.
Toi qu'a dû détromper ta malheureuſe amie ,
Quandje ne ferai plus qu'un corps froid & fans vie ;
Viens d'un baiſer lugubre honorer mon cercueil .
Suis , la torche à la main , les Veftales en deuil.
Mêle à leurs chants pieux ta voix mélancolique ,
Et dis fur mon tombeau le funebre cantique.
A ces voiles facrés , complices de mon fort ,
Tu verras fuccéder les voiles de la mort;
Et me rendant alors un cffice plus tendre ,
Le Prêtre de l'eau fainte arrofera ma cendre.
Mais lórfque defcendue aux funebres caveaux ,
On jetterafur moi la poudre des tombeaux :
Approche, & par tcs pleurs, ô chere & tendre fille
Supplée en ce moment aux pleurs de ma famille .
Ah ! le coeur le plus dur , ému d'un faint respect ,
Génira fur lui-même à ce lugubre afpect ;
Et s'accufant trop tard de ſa rigueur ſévere ,
Un cri pourra fortir même du ſein d'un pere.
( Par M. de Saint- Ange . )
D 4
80 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE
mot de la Charade eft Préjugé; celui
de l'Enigme eſt le mois de Décembre ; celui
du Logogriphe eſt Fauteuil, où l'on trouve
Lit, Lait, Ut, La, Fa, Fil, Laitue, Lie, Fat,
Feu, Eau, Fi, Tuf, Faute, If.
CHARADE.
BIEN malheureux qui n'a pas mon premier ;
Mon tout fe met fous mon dernier .
( Par M. Pannelierfils. )
ÉNIGME.
DE mon empire , implacable ennemie ,
La langue me donne la mort .
Lecteur , vois d'où dépend mon fort !
Un rien fuffit pour terminer ma vie.
L'enfant ne m'aime pas, & la femme encor moins ;
Tout le monde me hait ; mon fort eft de déplaire ;
Le malade , lui feul , me trouve falutaire ,
Emprunte mon fecours , & réclame mes foins.
Je ne puis me nommer : pour me faire connaître ,
Ecrire eft tout ce que je puis ;
Si je difais ce que je luis ,
Au même inftant je cefferais de l'être .
( Par le même. )
A
DE FRANCE. 81
LOGO GRIPHE.
C'EST le foir ordinairement
Que l'on me met en mouvement ;
Mais le refte du jour je deviens inutile :
On me conduit le bâton à la main ,
Et c'est toujours par un chemin
Où l'on dortfort tranquille.
J'ai dix pieds dans lefquels , fans être fort habile ,
Tu trouveras un figne de plaifir ;
Ce métal pour lequel fans ceffe
Nous éprouvons un violent défir ;
Un péché capital qui n'eſt pas la pareffe..
Je t'offre encore , ami Lecteur ,
Deux inftrumens & deux tons de mufique ;
Le Chef d'un Etat Monarchique ; mak
Un quadrupede ; une charmante fleur ;
D'un animal rampant le précieux ouvrage
Un habitant de baffe - cour
Dont on vante peu le ramage ;
Et ce qui de la nuit annonce le retour ..
Je crois en avoir dit affez , je me retire ;
Je t'avertirai feulement
De ne pas trop m'approcher au moment.
Qu'on me promenera , car il pourrait t'en cuire...
( Par un Abonné. )
DS
82
MERCURE
.
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
CORRESPONDANCE particuliere du Comte
de Saint- Germain, Miniftre & Secrétaire
d'Etat de la Guerre , Lieutenant- Général
des Armées de France , Feld - Maréchal
au fervice de Danemarck , Chevalier de
l'Ordre de l'Eléphant ; avec M. Paris
Duverney , Confeiller d'Etat. On y a
joint la Vie du Comte de St- Germain
& plufieurs pieces qui le concernent. A
Paris , chez Buiffon , Imprimeur- Libr.
rue Haute-feuille, No. 20. 2 Vol. in- 8 °.
Prix , 7 l. 4 f. pour Paris , & 8 1. 4 S.
franes de port par la Pofte par tout le
Royaume.
LA
ረ.
A vie de M. de St- Germain eſt aſſez
connue ; & nous ne rappelons au fouvenir
du Public un Ouvrage qui ne lui fut pas
annoncé lorfqu'il parut , ni pour lui retracer
les événemens de cette vie , ni pour
réunir fous les yeux les traits d'un caractere
fingulier , bizarre , & par cela même
piquant ; mais pour indiquer une ſource
DE FRANCE. 8;
de plus dans laquelle on peut puifer des
notions exactes fur le Regne précédent ,
le dernier des Regnes defpotiques dont fera
fouillée l'Hiftoire de France .
En parcourant la Correfpondance de ce
brave Officier , on y trouve fouvent beaucoup
d'humeur , & cela était fort pardonnable
dans les pofitions épineules &
prefque toujours fubalternes où le retenait
le Miniftere , c'est - à - dire la Maîtreffe du
Roi , qui dominait les Miniftres & gouvernait
l'Etat & l'Armée ; mais on y
trouve auffi des idées fortes , lumineufes
originales , & qui font de plus en plus
comprendre comment M. de St-Germain
réuffiffait mal à la Cour. On y voit quelques
prédictions qui fe font accomplies ,
& des indications de réformes , adoptées
enfin par les progrès de la raiſon.
On y voit , par exemple , que ce Général
aurait voulu abolir la peine de mort pour
les léferreurs , dont la plupart , dit- il , méritent
plutôt la pitié que la rigueur. Il fenr-
»
ble en général que l'on ne doit punir les
" hommes que pour les corriger, & don-
" ner des exemples de terreur au Public
Ne peut on donc pas parvenir à ces
deux fins fans détruire l'humanité ? Jamais
perfonne ne s'eft avifé de tuer fon
cheval parce qu'il s'eft cabré : s'il n'eſt
pas propre à être monté , on le met à
la charrette , & on ne fe prive pas , par
33
"3
D 6
34
MERCURE
1
">
22
22
23
22
"
fon anéantiffement , d'un bien réel. Pourquoi
en agit on différemment avec les
hommes ? font-ils moins précieux , moins
utiles , & nous font-ils plus indifférens
que les bêtes « ?2
L'Ecole Militaire , dont M. Duverney
s'occupait beaucoup alors , fournit à M. de
Saint -Germain ces réflexions très-fenfées :
L'intérêt eft le grand mobile de la na-
» ture humaine , & il y a peu d'hommes
qui aient affez de fermeté & de vertu
pour faire le bien pour le bien feul ,
» fans aucune efpérance d'avantage. L'é-
» mulation manque totalement dans les
» Troupes du Roi rien ne l'y excite ; la
» durée de la vie y fait prefque tout le
» mérite. A quoi bon donc une éducation
» de Princes , & meilleure même que celle
des Princes , à de jeunes gens qui n'en
auront jamais befoin que pour fentir leur
fupériorité , & combien ils font déplacés ?
Tant que l'on ne donnera pas au mé-
" rite les premiers emplois des Corps , le
fervice languira ; il y a là - deffus un
exemple parlant dans les Troupes du Roi :
dans cent Régimens , il fera difficile de
» trouver fix bons Lieutenans - Colonels ,
» & encore plus fix mauvais Majors. La
Majorité eft donnée à la capacité , & la
Lieutenance - Colonelle à l'âge «.
»
و ر
/ 33
ود
20
Mais avec toute fa raifon , le bonhomme
payait le tribut au préjugé de la Nobleſſe
DE FRANCE. 81
ود
il convient bien que la Nobleffe pauvre ,
mal élevée faute de moyens , vaut encore
moins que les Bourgeois ; mais il ajoute
en vrai féodal : A la bravoure & aux fentimens
d'honneur près . On ne prend plus la
peine de réfuter ces billevefées nobiliaires.
On confulte fa mémoire , on regarde autour
de foi , & l'on fourit. On pourſuit
fa lecture , & quelques pages plus loin on
trouve des exemples affez finguliers de ces
fentimens d'honneur. » J'ai vu entre les
.mains d'un Marchand de Mulhaufen
» un billet d'Officier qui en avait acheté
à crédit plufieurs douzaines de mou-
» choirs , & qui , pour ne pas payer &
» n'être pas connu , avait figné un faux
» nom , & ajouté , Valet de chambre d'un
» Général qui n'avait jamais exiſté ……..
" Des Officiers ont fait faire fous mon
" nom , chez un Sellier , des harnois pour
plus de 400 liv. Les Officiers faifaient
eux- mêmes, marauder les Soldats , & en
vivaient. Quand on veut que la Troupe
foit bien difciplinée , on lui donne de
quoi vivre. L'Officier & le Soldat qui
» n'ont jamais un fou , volent , & cela eft
» tout fimple «.
و ر
>>
Pas fi fimple , pourrait - on répondre.
Que l'Officier Français ne vole point quand
rien ne lui manque , il n'y a pas grand
fentiment d'honneur à cela ; il y en aurait
à fouffrir le mal-aife , & même le befoin
86 MERCURE
fans defcendre jufqu'à la maraude & aux
plus baffes friponneries. Si l'Officier , dans
les mêmes circonftances , fait les mêmes
chofes que le Soldat , où eft fa fupériorité
réelle ? Pourquoi donc M. de St- Germain
ravale - t - il quelquefois fi bas le Soldat ?
Pourquoi va-t-il jufqu'à le placer, dans quelques
phrafes , au deffous des Valets mêmes
de l'armée , comme il le fait dans celle- ci :
Nous avons perdu beaucoup de traîneurs
& de pareffeux , tant en Officiers
& chevaux , que Valets & Soldats « ?
Cette claffification eft peut-être irréfléchie ;
mais , dans un homme d'efprit , une diſtraċtion
de cette force eft affez furprenante.
Pour la faire oublier , citons un mot auffi
jufte qu'énergique dit par M. de Saint-
Germain pendant l'abfurde & malheurenfe.
campagne de 1758. " Pourquoi , s'écriat-
il un foir , n'exifte t - il pas une Puiffance
capable de bien étriller « ( il accompagna
ce mot d'un mouvement de bras trèsexpreffif
) , de bien étriller les Souverains
ע
D
qui rendent de malheureux Peuples les
» victimes de leurs pations & de leurs
» haines Pourquoi , par exemple , le
Payfan de la plaine de Cologne , dent
» nous mangeons le blé en herbe , eft il
ainfi ruiné , parce que l'Impératrice-
» Reine de Hongrie , l'Impératrice de
Ruffie , & le Roi de France, leur allié ,
» font en colere contre les Rois de Prufle
» & d'Angleterre « 2
DE FRANCE.
87
Nous touchons au moment où les Payfans
ne laifferont plus manger leur blé en
herbe pour la colere des Rois ; & fans recourir
au gefte éloquent de M. de Saint-
Germain , la puiffance de l'opinion publique
fuffira pour étriller tous les Defpores ,
dès qu'elle empêchera les Nations de les
aider à s'étriller entre eux.
( G………….. )
OPUSCULES POÉTIQUES , par Michel
Métrophile.
In tenui labor.
AParis , chez Cailleau & fils , Lib- Imp.
rue Galande , Nº. 64.
麻
LE Métrophile , c'eft - à - dire l'Ami des
Vers , Auteur de ce petit Volume , eft M.
de Cubieres , qui , dans un temps où l'on
n'écrit plus guere qu'en Profe , tient bon
pour la Poéfie. Les Pieces que nous y
avons diftinguées , font , fa Confeffion fur
quelques Poëtes vivans , les Etats - Généraux
de l'Eglife , les Journaux d'à préfent , la Cour
de l'Aigle, les Aveux du Comte Grifolin, &c.
La premiere eft une fuite de cent Quatrains
, à la louange d'autant de Poëtes:
vivans. Ils plairont plus ou moins au Public ,
38 MERCURE
à proportion de la jufteffe des jugemens
qu'ils renferment , & de la maniere plus
ou moins heureufe dont ces jugemens y
font énoncés . Quant aux Poëtes que l'Auteur
y apprécie , il rifque ( faut- il le lui dire ? )
de n'avoir fatisfait aucun d'eux. L'amourpropre
poétique eft fi peu commode , que
quelque favorablement que foit traité dans
chaque Quatrain , celui qui en eft l'objet
l'éloge lui paraîtra peut - être modique
tandis que les quatre- vingt- dix-neuf Confreres
le trouveront excellif.
Voici ceux de ces petits éloges qui nous
ont paru les plus heureux :
M. Berquin.
Sa plume agréable & féconde
Inftruifit aux vertus les Citoyens naiffans :
Il fe dit l'ami des enfans ,
Il doit l'être de tout le monde ..
M. le Brun.
Quand d'une voix fublime & tendre
De les vils détracteurs il a vengé Buffon ,
N'avez-vous pas cru voir, & fouvent même entendre,
Pindare défendant Platon ?
M. l'Abbé de Lille..
De leurs dons trop fouvent avares ,
Sur ce Poëte , à pleines mains ,
Les Muſes ont verfé les faveurs les plus rares..
Tout cft fleur dans fes vers comme dans nos jardins..
DE 89
*
FRANCE.
M. le Mierre.
Ses tragiques tableaux ont honoré fa vie ,
Et doivent le rendre immortel ;
C'est avec la fleche de Tell
Qu'il vient de terraffer l'Envie.
M. Roucher.
Quand il peint les Saifons l'une à l'autre enchaînées,
Sa Mule du Printemps emprunte les couleurs ,
De l'Automne les fruits , de l'Eté les chaleurs.
Il a chanté les Mois , pour vivre des Années .
Nous ne citerons des autres Pieces , où
l'on reconnaît en général la touche facile
de l'Auteur , que celle qui a pour titre ,
l'Affemblée de Sorbonne , ou les Etats- Généraux
de l'Eglife. Ces Etats font convoqués
pour condamner , par un jugement définitif ,
trois Ecrivains très- coupables du crime de
leze- Sorbonne , Buffon , Voltaire & J. J.
Rouffeau. Un Auguftin eft chargé de lire
l'Hiftoire Naturelle , & d'en faire fon rapport
; un Carme , d'examiner & d'accufer
Rouffeau ; & le fort de Voltaire eft remis
à un Jacobin.
Qu'arrive- t-il ? c'eft que chacun d'eux ,
en lifant , en méditant l'Auteur qu'il a promis
de confondre , fe fent confondu luimême,
ou plutôt ému , perfuadé , enchanté ,
au point que tous les trois ne font leur rap-
11.
90 MERCURE
port à l'Affemblée que pour louer les trois
coupables. L'enfant de Dominique parle le
dernier , & prend ainfi la défenfe de ce
Grand Homme , dont un triomphe folennel
vient de venger la mémoire :
Voltaire eft à vos yeux un perfide , un rebelle ;
Mais qu'il raille avec grace , & que la vérité
Qu'il nous offre fouvent fous un mafque emprunté
,
A bien l'art de convaincre , & fur- tour de féduire !
Pope me fait penfer , Lucien me fait rire ;
Je trouve dans Voltaire & Pope & Lucien,
Quel ftyle cft plus piquant , plus léger que le fien ?
Il verfe à pleines mains le fel de l'Atticifine
Sur les fots préjugés , peres du Fanatiſme :
De leurs vieilles erreurs il guérit les mortels ,
Et de l'intolérance il brife les Autels .
Peut-on à l'Univers rendre un plus beau ſervice ?
Depuis que je l'ai lu , que j'ai honte da vice !
Que je hais & maudis la fuperftition ,.
Souvent prife par nous pour la Religion !
Je fus Prêtre jadis , je ceffe enfin de l'être.
Pour remplir dignement les faints devoirs d'un
Prêtre ,
J'ai trop peu de vertus : mon efprit tout charnel
Ne rêve en ce moment qu'à cette Agnès Sorel
Dont je viens d'admirer la peinture charmante :
Son image en tous lieux me fuit & me tourmente.
DE FRANCE.
Je fuis las de tromper les crédules humains ,
Et je fais mes adieux aux Peres Jacobins.
Un Moine Philofophe ! un Moine aimer Voltaire !
L'abomination eft dans le Sanctuaire ,
S'écrie au même inftant le Syndic courroucé :
Ainfi du Saint des Saints l'Autel eft renverſé ………….
Un jeune Picpuffe eft de l'avis du Jacobin ,
& veut fuivre fon exemple ; un Cordelier ,
un Feuillant fe révoltent auffi contre le
Sénat Sorbonique le Préfident fe fent
gagné lui- même ; & toute la Sorbonne eft
enfin convertie & ramenée à la raiſon,
Ainfifoit-il!
( G ...... )
A VIS.
Lafuppreffion momentanée à laquelle nous
fommes forcés , dans la partie Littéraire de
ce Journal , nous empêche d'y donner, d'ici
à quelques femaines , la Notice des Spectacles.
Dès qu'il nous fera poffible , nous rendrons
compte de toutes les Nouveautés qui
auront paru dans cet intervalle.
S:
92 MERCURE
NOTICE S.
Petite Bibliotheque des Théâtres , Tomes X ,
XI , XII & dernier de la 6e . Année de cette
Collection. A Paris , chez Belin , Lib . rue Saint-
Jacques , près St - Yves ; & chez Brunet , Libr .
rue de Marivaux , près le Théâtre Italien .
Ces trois Volumes contiennent les Pieces choifies
de Deftouches , de la Forêt & de Collé , avec
la Vie de ce dernier. Cette entreprife , qui s'eft
continuée avec fuccès jufqu'à fon quatre- vingtieme
Volume , & que nous avons toujours annoncée
avec éloge , à fouffert , dans les dernieres
Livraifons , des retards qu'il ne faut attribuer
qu'aux circonftances de la Révolution . C'eft ce
que nous apprennent les Rédacteurs dans un Avis
qu'ils ont mis au devant du dernier des trois
Volumes que nous annonçons. L'incertitude ou
ils font même de pouvoir mettre plus de célérité
dans les Livraiſons qui leur reftent encore.
les détermine à inviter leurs Soufcripteurs à faire
feulement la foumiffion de prendre les vingtquatre
ou vingt- huit Volumes qu'ils ont à leur
offrir pour compléter leur Collection , fans leur
en envoyer le prix d'avance . On ne tirera les
Exemplaires qu'au nombre des Soufcripteurs qui
auront fait cette foumiffion ; & elle doit étrë
adreffée , franche de port , chez l'un ou l'autre
des deux Libraires indiqués ci- deffus , avant le
premier Janvier prochain , & être conçue en ces
termes , & fignée .
20
» Comme ancien Soufcripteur de la Petite
Bibliotheque des Théâtres , je m'engage à
prendre les vingt-quatre ou vingt- huit VoluDE
FRANCE. 95
•
» mes qui doivent terminer cette Collection , &
» promets payer chacune des Livraiſons , à me-
» fure que je les recevrai , au prix de la Soufcrip-
» tion. Fait à .......
La Soufcription eft de 33 liv . pour Paris , &
de 38 livres pour les autres Départemens du
Royaume , & pour l'Etranger , pour douze Volumes
par an , francs de port.
>
- Ceux des Soufcripteurs auxquels il manquerait
quelques Volumes , quelques Portraits d'Auteurs ,
& des premieres Années de cette Collection
font auffi invités à en faire la réclamation avant
le premier Octobre prochain , temps où l'on les
complétera gratis , & paflé lequel ils ne feront
plus admis a fe compléter , même en payant les
objets qu'ils réclameraient . Les Soufcrip curs qui ,
par abfence ou autrement , auraient négligé de
fuivre leur Soufcription , font prévenus qu'ils
ne pourront fe procurer aucune Année féparée
palé le premier Janvier prochain , époque à laquelle
la Soufcription fera rigoureuſement fermée .
Feuille de Correfpondance du Libraire , ou Notice
des Ouvrages publiés dans les différens Journaux
qui circulent en France & dans l'Etranger ,
& par le moyen de laquelle il mer fes Correfpondans
au courant des Nouveautés , fans fe
donner la peine de les recueillir.
Cette Feuille paraît toutes les femaines ; elle
contient l'annonce de tous les Ouvrages publiés
pendant la femaine , avec le prix ; & quoique les
adreffes n'y foient pas , les Libraires des Départemens
& de l'Etranger peuvent toujours s'adreffer
àleurs Correfpondans , attendu que ceuxci
font à même de les fatisfaire.
94 MERCURE
1
On s'abonne chez Aubry , Libraire & Editeur
de cette Feuille , rue de la Monroie , N°. 5.
Le prix de l'Abonnement eft de 4 liv . 10 fous
les trente feuilles ou 480 pages d'impreffion , pour
Paris , & de 6 livres pour les Départemens. On
préfume que l'impreffion de ces 480 pages pourra
durers à 6 mois à s'exécuter .
De tous les Journaux Bibliographiques qui ort
fucceffivement annoncé les Nouveautés typographiques
, celui que nous publions a le plus d'étendue
, & il réunit à l'avantage d'être peu difpendieux
, celui d'être concis , méthodique , &
de préfenter en peu de mots la quinteffence des
jugemens que nos meilleurs Journaliſtes ont porté
des Ouvrages qu'ils annoncent : dans un moment
où la liberté de la proffe échauffe tous les Ecrivains
, un Journal uniquement confacré à annoncer
leurs Productions , eft véritablement précieux
; auffi nous empreffons - nous de le faire
connaître & aux Gens de Lettres , qu'il fert d'une
maniere toute particuliere , & aux Libraires , dont
il facilite les opérations par un procédé auffi
fimple qu'ingénieux.
Confultation de douze Avocats du Parlement
de Paris , du 1er . Février 1790 , fur l'état de
l'Eglife Métropolitaine d'Utrecht , la conduite
qu'elle doit tenir , & l'affiftance qu'elle a droit
d'attendre des Evêques & des Souverains contre
l'oppreffion de la Cour de Rome ; nouvelle édit.
augmentée de l'Indication des Réquifitoires , où
l'on trouve la doctrine du Royaume fur les limites
de l'autorité du Pape en France . Prix , 36 fous ,
& 2 liv. 8 f. franc de fort pour tout le Royaume.
▲ Paris , chez Leclerc , Lib. rue St - Martin , près
celle aux Ours , Nº . 254.
DE FRANCE.
Il y a peu de circonftances où la réimpreffion
de cet Ouvrage foit plus utile que celle où nous
nous trouvons. On l'imprima pour la premiere
fois en 1786 pour juſtifier les réformes de l'Empereur
Jofeph II , & du Grand-Duc de Tofcane.
On le réimprime aujourd'hui pour juftifier
celles que les Repréfentans de la Nation Françaiſe
viennent d'opérer bien plus en grand.
On verra dans cette belle & favante Confultation
les voeux de nos derniers Conciles & de
tous les grands Hommes les plus éclairés de ce
dernier temps , pour la fuppreffion des abus de
la Difcipline Eccléfiaftique & le retour de la primitive
Eglife . Nous ne pouvons qu'engager tous
nos Lecteurs à fe procurer cet excellent Ouvrage.
Au Porte-feuille Anglais , rue Dauphine , No. 26,
à Paris.
Le Sieur Salmon a l'honneur de prévenir que
l'on trouvera dans fon Magafin un très - grand
affortiment de Boîtes peintes & garnies ; de Papier
tant uni qu'à vignettes & bordé ; Enveloppes
garnies , peintes , & c.; Cire & Pains de toutes
couleurs du plus beau luifant.
Boîtes de Crayons , de Paſtels & autres , de
toutes couleurs , Mine de plomb , tre. qualité ;
Gomme élastique . Elles feront garnies de papier
vélin & autres ivoirés , du plus bel apprêt.
Boîtes de couleur en pains pour le lavis , garnies
de Crayons , Pinceaux , &c .
Il a reçu une affez bonne quantité de Papier
très- tranfparent , pour calquer , qui n'a ni les
défauts ni l'odeur du vernis , & huilé . Il eſt très96
collé
, ce qui donne
la facilité
de lever
les deffins
à la plume
.
MERCURE DE FRANCE.
L'on trouvera des Pupitres , Ecritoires & Néceffaires
de toutes formes , en bois des Ifles &
autres ; Porte - feuilles fermant à clef ; Serrures
de sûreté avec des divifions étiquetées pour les
Affignats , depuis 5 liv. jufqu'à 2000 liv.; Porte- S
feuilles à foufflet ; Ecritoires rabattans & autres ,
dits roulans, dont la forme eft des plus commodes .
Il a reçu un envoi confidérable de Cire d'Hollande,
ire. qualité , & autres , qu'il peut paffer à
bon compte , auffi bien que de très -fortes & belles
Plumes qu'il apprête à la maniere Hollandaife ,
dent le prix eft beaucoup moindre , en ce qu'il
les manufacture lui-même. Elles font parfaitement
dégraiffées , & très-bien taillées.
Il prévient que toutes fes Marchandiſes feront
cotées au prix le plus jufte & fixe; que l'on peut
venir, écrire , ou envoyer avec la plus grande
confiance dans fon Magafin , & l'on n'aura pas
le défagrément de marchander.
Manufacture d'Encre approuvée par l'Académie
Royale des Sciences , à 2 liv . 8 f. la pinte , luifante
; & 2 liv . double , ire . qualité.
Encriers concentrés, dits fans fin , 5 , 9 & 12 liv.
Encre fympathique.
PITRE.
TABLE.
Charade, Enig. Logog.
Correspondance.
731 Opufcules poétiques.
80 Notices .
821
87
92
Jer : 135..
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 AOUT 1791 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE .
A DIEUX
A MON FILS , âgé de cinq ans.
: Sur l'Air Viens repofer contre mon coeur.
APPROCHE de moi , cher Enfant
Viens , dans mes
bras que je te ferre ,
De te quitter voici l'inftant ; }
Reçois les Adieux de ton Pere .
Au fein, même qui t'a nourri
Je te laiffe avec confiance ;
De ta Mere jours chéri , ( bis )
Confole- la de mon abfence .
N°. 35. 27 Août 1791 . E
98
MERCURE
Du fuccès de fes tendres foins ,
Je reviendrai jouir encore ,
Et pourrai cultiver du moins
Les germes qu'elle fait éclore .
Pardonne quand tu me verras
Prendre avec toi le ton févere ;
Un jour toi-même tu plaindras ( bis )
L'Enfant qu'aura gâté fon Pere.
JE crains fur- tout pour toi le temps .
Où d'une jeuneſe bouillante
On voit quelquefois les penchans
Etouffer la raifon naiffante .
Ah ! puiffe le goût des talens
S'emparant de ton ame entiere
A la fougue des jeunes ans ( bis )
Ouvrir une utile carriere !
MALGRÉ nos foins , il faudra bien
Que tu faffes quelque imprudence ;
A ton Pere ne cache rien ,
Et compte fur fon indulgence.
Garde long- temps corte candeur
Que la moindre injuftice étonne ;
Sois cent fos dupe de ten coeur , ( bis )
Plutôt que d'abufer perfonne.
FISKICERICA
BEA
MONZORESS
DE FRANCE. 99
SANS trop regretter les faveurs
D'une aveugle & folle Déeffe ,
Souffre qu'elle difpenfe ailleurs
Et les honneurs & la richeffe.
L'eftime eft un plus digne prix :
Il faut qu'à bon titre on l'obtienne :
Ah ! quoi qu'il t'arrive , ô mon Fils ! (bis )
Conferve au moins toujours la tienne .
C'EST à l'école du malheur
Que l'homme fouvent devient fage ;
S'il faut qu'il foit ton Précepteur ,
Soutiens l'épreuve avec courage.
Mais puiffe à de plus doux moyens
Le fort fe borner pour tinftruire !
Puiffent d'autres maux que les tiens , (bis)
A te rendre fage fuffire !
De la fortune cependant
Tu connaîtras quelques caprices
De l'envieux & du méchant ,
Tu fentiras les injuftices.
Mais il eft deux biens que jamais
De t'arracher rien n'eſt capable :
C'eſt avec toi de vivre en paix , ( bis )
Et d'être utile à ton femblable.
E 2
100 MERCURE
D'UN Dieu bon , jufte & tout-puiffant ,
Sois un adorateur fidele ;
Crois qu'il t'obferve à chaque inftant ;
Crois que ton ame eft immortelle.
Des peines qui doivent finir
Tu craindras bien peu la bleffure ,
Si d'un éternel avenir , ( bis )
L'efpoir confolant te raffure .
L'AMOUR honnête & vertueux
Peut de fleurs orner notre vie ;
L'amour imprudent & honteux
Peut nous conduire à l'infamic .
Puiffes-tu long- temps mettre un frein
A cette paflion rebelle !
Et puiffe un fage & doux lien ( bis )
Te rendre enfia heureux par elle !
Ou l'on connaît la Liberté ,
Il faut favoir mourir pour elle ;
La Loi veut un nom refpecté ;
Ah jamais ne lui fois rebelle .
Quel que foit le Gouvernement
Dont tu vois la forme établie ,
Un invincible fentiment ( bis )
Te dit de chérir ta Patrie .
DE " FRANCE.
MAIS diftingue le mouvement
D'un pur & vrai Patriotiſme ,
Du zele faux & turbulent
D'un ambitieux Fanatifme.
Laiffe d'avides Courtifans >
Le Démagogue incendiaire",
Soit au Peuple , foit aux Tyrans , ( bis )
Offrir un encens mercenaire .
Ан ! puiffai- je avoir le bonheur
De te voir fermer ma paupiere !
Puillai-je après moi dans ton coeur
Laiffer une image bien chere !
Que les défauts même que j'eus
Te foient un avis falutaire ;
Surpaffe les faibles vertus , ( bis )
Evite les torts de ton Pere.
( Par M. R... à Fougeres. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent..
Le mot de la Charade eft Soucoupe ; celui
de l'Enigme eft Silence ; & celui du Logogriphe
et Baffinoire, où l'on trouve Ris , Or,
Ire, Baffe , Bafon, Si, Ré, Roi , Ane, Rofe ,
Soie , Oie , Soir.
102 MERCURE
CHARADE.
SUR la table d'un Financier ,
Dans fa primeur on trouve mon premier ;
Las de chardons , un courfier d'Arcadie
Avec plaifir favoure mon dernier ;
De prux fainéans , la taill rebondie ,
Ne s'entretient qu'aux frais de mon entier.
( Par M. G ... D. . )
ÉNIGM E.
Qu'on ceffe de vanter les Zeuxis , les Apelle ;
Ils darent leurs fuccès à trente ans de travaux ;
Plus habile qu'eux tous, fans couleurs ni pinceaux,
Je rends , & fur le champ , trait pour trait , mon
modele .
Ce n'eft pas là , Lecteur , mon feul talent ;
Lis jufqu'au bont , & tu vas me comprendre.
On rae confulte très-fouvent ,
Et fans pouvoir parler , je fais me faire entendre ; ¨¨
J'ai l'avamage fans égal
De préfider à la toilette
De l'Elégant , de la Coquette ;
Un bonnet va-t - il bien ou mal ?
Pour le favoir, c'eft à moi qu'on s'adreffe :
DE FRANCE. 103
Et d'après mes avis , on fait , défait , redreſſe ;
Dès que je parle , auffi- tôt on me croit ;
En dépit de maint Fat , je fuis toujours fincere.
J'ai de plus , il ne faut rien taire ,
Une qualité finguliere :
Je ne puis voir perfonne , & qui me voit , fe voit.
( Par M. Pannelier fils. )
LOGOGRIP HE.
RÉFLÉCHIS , cher Lecteur , à ce que tu vas life ;
Nous marchons toujours deux à deux ,
Ici (cela vaut bien ce que je pourrais dire )
In naturalibus je me montre à tes yeux :
En changeant mes dix pieds d'une ou d'autre maniere
,
Tu verras un outil qui fert au Bûcheron ;
Ce qu'on aime autant que fa mere ;
Un endroit couvert de gazon ;
Ce qui quelquefois importune ;
L'endroit où les Héros effayaient leur valeur ;
L'animal qui trompa notre mere commane ;
Enfin ce que foutient bien ou mal un Docteur.
Par M. Prévost de Montigny. )
E 4
104
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
DE la Souveraineté du Peuple , & de l'excellence
d'un Etat libre; par Marchament
Needham; traduit de l'Anglais , & enrichi
des Notes de J. Jacques Rouffeau ,
Mably, Boffuet, Condillac, Montefquieu,
le Trofne , Raynal , &c . &c . &c . ; par
Théophile Mandard .
Il faut faifir la circonstance de l'événement
préfent pour monter les ames au
ton des ames antiques.
J. J. Rouss. Gouv. de Pologne.
2 Vol. in-8°. Prix , 6 liv. br. & 7 liv.
francs deport par la Pofle. A Paris, chez
la Pillene , Libraire , Hôtel Bouthillier ,
rue des Poitevins.
PREMIER
EXTRAIT.
L'AUTEUR
'AUTEUR de cet excellent Ouvrage
le publia fous le Protectorat de Cromwel.
Il foutint l'excellence d'un Etat libre au
moment où les Anglais , délivrés d'un Roi
qu'ils haïffaient , fe croyaient libres , parce
DE FRANCE. ios
que leur Tyran n'avait pas pris le titre de
Roi. Needham , en pofant en principe la
Souveraineté du Peuple , Hartait la paffion
qui dominait alors parmi fes Compatriotes ;
mais il devait en même temps , & par la
théorie même qu'il établiffait , leur faire
fentir que leur paffion fe contentait à peu
de frais , & qu'ils étaient encore bien loin
de la jouiffance.
Aujourd'hui que nous en fommes plus
près que les Anglais ne l'étaient alors , il
nous importe extrêmement de ne pas nous
y abandonner en aveugles , & d'en connaître
en quelque forte l'art & la théorie.
Perfonne ne l'a établi avec plus d'ordre &
de méthode que Needham. Suivons-le dans
fes divifions & fes fubdivifions . Comme en
parlant d'un Peuple libre , il a fur - tout
en vue un Peuple qui a récemment conquis
la Liberté , nous nous reconnaîtrons
fouvent dans fes tableaux , & nous n'en profirerons
que mieux de fes préceptes .
Il prouve d'abord par quatorze raifons
que le Peuple, ou plutôt les Citoyens choifis
fucceffivement pour repréſenter le Peuple ,
font les meilleurs gardiens de la Liberté.
I.Le Peuple ne penfe jamais à envahir
les droits d'autrui il ne s'occupe que des
moyens de conferver les fiens .
II . C'eft au Peuple feul qu'il importe de
veiller à ce que l'autorité foit telle , qu'elle
Es
1106 MERCURE
devienne plutôt un fardeau qu'un bien réel
pour ceux qui en font revétus , & qu'ils
y trouvent des avantages fi modérés , qu'ils .
ne piffent jamais exciter l'envie.
III . Le Peuple , au moyen du choix fucceffif
de fes Repréfentans dans les grandes
Affemblées , conferve la Liberté ; parce
que dans les Sociétés civiles , comme dans
les Corps politiques , le mouvement empêche
la corruption.
IV . Cette fucceffion du Pouvoir fuprême
non feulement empêche la corruption , mais
encore détruit l'efprit de faction ( cette pefte
des Républiques ) , qui fe forme un intérêt
féparé & contraire à celui de l'Etat. Avant
que de réuffir dans leurs projets , les factieux
, pour s'affurer de leurs moyens &
de leurs créatures , font obligés de diffimuler
, afin d'écarter fourdement , & avec
adreffe , tous ceux qui leur font oppotés ;
il faut à ces factieux , avant d'éclaier , un
certain laps de temps or la révolution
fucceffive du Pouvoir dans les mains des
Repréfentans du Peuple , eft un fol mouvant
qui renverfe tous les projets conçus par
l'ambition ou par la tyrannie.
Ve. Cette fucceffion eft un obftacle à
l'ambition des particuliers , à toutes les
tentarions de l'intérêt perfonnel. Il faut du
temps pour réuffir dans les deffeins que
l'on a formés pour créer ou pour encourager
un parti : il faut que ces delfins
DE FRANCE. 107
reftent long-temps dans un état de fermentation
, fi l'en veut atteindre le but défiré .
C'eft ce que ne leur permet pas la fucceffion
rapide & continuelle du Pouvoir fuprême.
VI . Un Etat libre eft préférable à un
Etat gouverné par les Grands & les Rois ,
& le Penple peut êtré regardé comme le
meilleur gardien de fa Liberté , parce que
le but de tout Gouvernement eft ou doit
être le bien & la tranquillité du Peuple ,
& la jouiffance affurée de fes droits , fans
contrainte ni oppreffion . Un Peuple libré
peut , avec plus de fageffe & de puiffance
que les Grands & les Rois , recourir aux
remedes qui conviennent à fes maux pour
en diminuer les excès , les fupporter avec
fierté , les vaincre par fa conftance , ou les
furmonter par fon courage .
VII . Les Affemblées fuprêmes & fucceffives
du Peuple font les meilleurs moyens
d'entretenir la Liberté ; par cette raifon
que dans tous les autres modes de Gouvernement
, les feuls qui puiffent y avoir
accès , font ceux qui confentent à le prêter
à la volonté & au moindre caprice du
Prince , ou ceux qui entrent , ou comme
Intéreflés , ou comme Agens , dans quelque
faction puiffante. Dans un Gouvernement
populaire , la porte des dignités eft , au
contraire , ouverte à tous ceux qui parviennemt
jufqu'au feril par les degrés du mé-
E 6
108 MERCURE
rite & de la vertu ; & c'eft ce que produit
dans les Etats libres cette noble & généreufe
émulation qui nous fait concevoir
les plus beaux deffeins , & qui nous porte
aux actions les plus héroïques.
(Cela eft vrai dans les Etats où tous
les honneurs dépendent du choix du Peuple
ou de fes Repréfentans ; mais lorsque,
Tous le nom de Pouvoir exécutif, on a établi
un Pouvoir rival , il faut bien mettre entre
ce Pouvoir & le Souverain , un mur que
la faveur & la corruption ne puiffent franchir.
L'exclufion des dignités donnée aux
Représentans du Peuple , eft un mal peutêtre
, mais qui vient d'un autre mal , & qui
en prévient un plus grand. )
VIII . Les Alfemblées des Repréfentans
du Peuple font feules capables de conferver
la Liberté , parce que c'eft le Peuple
feul que cette Liberté intéreffe. Dans toute
autre effece de Gouvernement , l'intérêt
continuel & l'attention particuliere des
Rais & des Grands , eft de laiffer ignorer
au Peuple en quoi confifte la Liberté ;
attentifs à ne lui laiffer que l'apparence
trompeufe de ce grand bien , ils lui en derobent
la réalité , il n'en connaît que le
nom....
IX . On doit préférer un Erat libre ,
parce que, fous cette forme de Gouvernement
, le Peuple eftmoins adonné au luxe
que ne le font des Nations foumifes à des
DE FRANCE. 109
Rois & à des Grands : or , par-tout où le
luxe s'introduit , on voit auffi la tyrannie.....
La liberté du Peuple fe trouvera plus,
ferme & plus conftante dans un Gouvernement
, à mesure que fes Chefs feront
moins expofés aux attraits du luxe .
X°. Le Gouvernement du Peuple eft fupérieur
à toute autre forme d'Adminiftration
, parce que dans un Etat libre , le
Peuple fe diftingue par plus d'activité , de
magnanimité , de nobleffe & de fentiment
dans le caractere , que fous toute efpece de
Pouvoir permanent . Le Peuple acquiert ces
qualités par les fervices qu'il rend à l'Etat
dans les affaires publiques , & par la certitude
où il eft que fa fortune eft à l'abri
des atteintes du Pouvoir arbitraire ....
Un Citoyen vertueux , brave , ſavant , eftil
récompenfé & élevé aux honneurs & aux
emplois le Citoyen s'en félicite par l'efpérance
d'y parvenir à fon tour , quand il
aura acquis le même degré de mérite.
XI. Dans un Etat libre , les Décrets
n'ayant de force que par le confentement
du Peuple , il fe trouve hors des atteintes
de la tyrannie & des difpofitions arbitraires
d'une autorité ufurpée : le Peuple connaît
parfaitement les Loix auxquelles il s'eft
foumis. La participation qu'il a dans l'établiffement
de fes Loix , &' la févérité des
peines infligées contre ceux qui les violent,
e rend inexcufable quand il a commis une
ute; il s'y foumet plus volontiers.
110 MERCURE
Dans ce paragraphe , Needham cite un
mot de Jacques I , qui prouve combien il
eft important que le Peuple nomme & fes
Juges & fes Evêques. » Tant que j'aurai ,
difait ce Roi ,, le pouvoir de nommer les
Juges & les Evêques , je fuis affuré d'a-
" voir des Loix & un Evangile qui me
plairont ".
و ر
"
XII . La forme d'un Etat libre eft plus
convenable à la Nature & àla faine railon;
F'homme , comme le dit Cicéron , et une
créature noble , née avec des difpofitions
qui le portent plutôt à commander qu'à
obeir. Il y a en lui un défir naturel de la
Souveraineté ; ainfi la raifon pour laquelle
un homme confent à fe foumettre au Gouvernement
d'un autre , n'eft pas qu'il a
moins de droits que lui au commandement
, mais parce que peut- être en feraitil
moms capable , ou penfe-t-il qu'il eft
plus convenable pour lui & pour la Société
dont il e c Membre , de fe laifler gouverner
par un autre. D'où il fuit naturellement
, 1. que la Nature enfeigne au Peuple
à definer & à choisir cette forme de
Gouvernement fous 1 quelle il prétend
vivre ; 2 °. que perfonne ne doit tenir les
rênes du Gouvernement , que celui que le
Peuple aura choifi ; 3 ° . que le Peuple eft
le feul Jnge compétent des avantages ou
des inconveniens du Gouvernement , & de
la conduite des Chefs qu'il s'et chois.
C
DE FRANCE. • IIL
Ces trois inductions ne font qu'une application
de cette maxime : Que le Peuple eft
la fource de la fouveraine Puiffance ; que le
Pouvoir fuprême réfide en les mains , &
qu'il eft lui -méme fon propre Légiſlateur.
Si donc un Etat libre gouverné par le
Peuple , c'est - à - dire par fes Repréfentans
fucceffifs dans fes Alfemblées fuprêmes ,
et le plus convenable & le plus naturel ;
il en refulte que le Gouvernement où le
Pouvoir réfide entre les mains d'un feul ,
ou dans celles d'un certain nombre , affemblé
fous le nom de Sénat , eft contraire
aux principes de la Nature on doit le
regarder comme l'invention de quelques
Grands, qui, voulant fatisfaire leur orgueil
ou leur ambition défordonnée , s'efforcent
d'opprimer le re e des Citoyens par le plus
infupportable efclavage.
XIII . Les Etats libres offrent moins
d'occafions d'opprimer & de tyrannifer le
Peuple , que toutes les autres formes de
Gouvernement. Dans un Etat libre , le
premier objet et de mettre la plus grande
égalité entre tous les Citoyens , afin d'empêcher
qu'un ou plufieurs individus ne
puiffent acquérir un trop grand pouvoir ,
& que qui que ce foit ne puiffe ufurper
des droits & une autorité qui détruiraient
cette harmonie fi néceffaire au maintien &
à la confervation d'une parfaite égalité fans
Laquelle la Liberté n'et qu'un nom .
Par ce
112 MERCURE
moyen, le Peuple met fa liberté à l'abri des
empiétemens de fes propres Officiers . Il eft
en sûreté-contre tous les efforts & l'ambition
de ces petits Tyrans , habiles à ufur-.
per des prérogatives & tout ce qui tient
au Pouvoir & à la grandeur , pour s'élever
au deffus de leurs Concitoyens , à quelque
titre que ce foit.
XIV . Le Gouvernement du Peuple .
confié aux Aflemblées fuprémes & fucceffives
de fes Repréfentans , elt préférable à
tout autre ; parce que fous cette forme ,
tous ceux qui ont eu part aux affaires ,
font , après leur geftion , redevables au
Peuple de la comptabilité de leur Adminiftration
; & l'homme puiffant , rentrant
-bientôt dans la claffe des fimples Citoyens ,
eft foumis à toute la rigueur des Loix : or,
s'il a démérité & fubi quelque punition ,
ceux qui lui fuccedent ont néceffairement
moins de hardieffe ; ils abuſent avec moins
d'audace de leur autorité pour opprimer le
Peuple. C'eft ainfi feulement qu'on peut
fe mettre à l'abri de la tyrannie , qu'on
détruit celle qui paraît la mieux affurée ,
que l'on étouffe celle qui eft encore dans
fa naiffance , & qu'on s'en affranchit pour
toujours.
Après avoir appuyé ces raifons de tous
les exemples que peut fournir l'Hiftoire ,
tant Ancienne que Morne, l'Auteur , dans
fa feconde Partie , paffe en revue les objecDE
FRANCE. 113
tions que l'on peut faire contre fon principe.
و
1re. Objection . Un Gouvernement libre
met tous les hommes de niveau , & tend
à établir la confufion des rangs & des fortunes.
-Réponse . Cela peut être pris dans
un fens favorable & être appliqué avec
vérité à une Conftitution libre ; mais dans
le fens contraire , il n'eft pas vrai que
cette Conftitution confonde les fortunes ,
puifqu'elle protége éminemment les pro-,
priétés. Il n'eft pas vraisemblable de fup-
> pofer qu'un Corps auffi bien choifi que
celui des Repréfentans d'une Nation , s'accorde
à détruire les intérêts & les dreits du
Peuple. D'un autre côté , tous les Décrets
n'ayant de force qu'autant qu'ils feront revêtus
, au moins tacitement , du confen-
-tement général , l'intérêt public ne peut
qu'être bien défendy contre toutes les difpofitions
arbittaires.
Ainfi toute autre maniere de gouverner ,
oppofée à celle - ci , établit elle- même ce
niveau déteftable , en ce qu'elle foumet les
droits de tous les hommes à la volonté d'un
feul cu d'un petit nombre ; ce qui produit
ce defpotifme , qui , fe créant une prérogative
fans limites comme fans reſtriction ,
devient le fléau de la propriété.
2. Objection. Le Gouvernement du
Peuple caule prefque toujours le trouble
& la confufion , par le droit que chaque
114 MERCURE
Citoyen poffe de de voter dans les Affem
blees folennelles , & par celui qu'il a d'être
choifi à fon tour. - Réponse. Il faut , dans
un Etat Libre , confidérer deux chofes :
1°. s'il eft bien conftitué , & fi étant felidement
établi , tous fes Membres font fuppoiés
favorifer cet établiffement ; 2 °. ſi cet
Etat et encore à fon berceau
, au fortir
d'une guerre civile , civile & fi les débris de l'ancien
Gouvernement fubfiftent ; enfin , s'il fe
trouve encore beaucoup de Citoyens qui fe
déclarent les ennemis de la Conftitution
naiffante.
En premier lieu , il eft inconteſtable que
tous les Membres d'un Etat libre, fans dif
tinction, doivent avoir , dans la plus grande
étendue poffible , le droit de choifur leurs
Repréfentans dans les grandes Affemblées ,
& celui d'être éligibles ; l'étendue de ce
droit doit être réglée ſuivant la nature , les
circonftances & les befoins de la Nation .
La feconde décifion de l'Auteur eft
tranchante , elle paraîtrait bien rigoureuſe
dans la pofition où nous fommes ; mais la
Liberté n'eft pas indulgente, & fon régime
eft févere. Il ne veut pas que lorsqu'un
Gouvernement s'éleve fur les débris d'un
ancien Gouvernement , la partie de la Nation
qui vient de fe foumettre à regret ,
ait le droit d'élire & d'être éligible , avec
la même étendue que l'autre partie. » Il eſt
évident, dit- il, que les ennemis de la Liberté,
DE FRANCE.
119
qui , à la fin d'une guerre civile , ont été
fubjugués , ne doivent point partager les
droits du Peuple. Certe faveur leur faciliterait
les moyens d'exciter de nouveaux
troubles, & de perpétuer les divifions ; ce
ferait expofer au hafard la liberté des Citoyens
il eft donc de toute équité qu'ils
foient privés du droit de Cité.... Ceux qui
ont commencé la guerre pour affouvir l'ainbition
des Tyrans , au préjudice des intérêts
du Peuple , ne doivent & ne peuvent être
regardés comme faifant partie de ce Peuple :
mais leurs vainqueurs devenus leurs Souverains
, ont le droit de les traiter comme des
efclaves , parce qu'ils fe font rendus coupables
du crime de LESE-MAJESTÉ DU
PEUPLE
, en combattant contre le Peuple
, dont ils devaient foutenir la caufe ;
& que loin d'affurer l'indépendance , la
dignité & l'inviolabilité de fa puiſſance &
de fes prérogatives , au mépris de toutes
ces, confidérations , ils ont été les affaffins
du Peuple. Ainfi ces ennemis de la Liberté
ont perdu tous leurs droits & tous leurs
priviléges ; & s'il arrivait que par la fuite
& par une grace particuliere , il leur fût accordé
quelque propriété ou quelques jouilfances
, ils ne doivent jamais les confidérer
comme leur appartenant de droit mais
au contraire comme une faveur qu'ils ob
tiennent de la libéralité du Peuple qui leur
pardonne ".
116
MERCURE
3. Objection. Le maniement des affaires
exige un jugement & une expérience qu'on
ne peut attendre des nouveaux Membres
qui compofent , à chaque élection , les
grandes Affemblées . Réponse. Dans tout
Gouvernement on doit confidérer deux
chof: s , les actes de l'Etat & les fécrets de
l'Etat. Par les actes de l'Etat , on entend
les Loix & les Décrets du Pouvoir légifla,
tif ; ces actes ont le plus d'influence fur le
bonheur comme fur les maux de la République.
Ces actes feuls peuvent fervir de
remede contre les abus , les inconvéniens
& les ufurpations qui l'affaibliffent ou la
détruifent : or , les objets fur lefquels portent
les abus qui oppriment le Peuple ,
étant à la connaiffance de tous , qui mieux
que le Peuple fait quand & comment ils
font infupportables ..... L'homme le plus
nouveau dans les affaires eft toujours fuffifamment
inftruit par les feules lumieres
de la raifon , fur ce qui l'intéreffe en qualité
de Citoyen ; ainfi le Pouvoir , quand
il réfide dans les Affemblées fucceffives du
Peuple , ne peut jamais devenir dangereux .
Quant à ce qu'on appelle les fecrets de
l'Etat , ou la partie exécutive du Gouvernement
, on obferve que ces affaires ne
font point à la portée du commun des
hommes ; il eft néceffaire , pour les bien
adminiftrer , de réunir à l'habileté une fageffe
mûrie par le temps ou par l'expéDE
FRANCE. 117
>
rience il peut donc être avantageux , par
cette raison , de les laiffer dans les mêmes
mains , fuivant la bonne ou la mauvaiſe
adminiftration de ceux à qui elles font
confices..... Dans le cas où ils fe permettraient
d'en abufer , ces Adminiftrateurs
font toujours foumis à rendre compte de
leur conduite dans les Affemblées du Peuple.
Les dépofitaires de la confiance du
Peuple ne doivent être continués dans
l'exercice de leurs fonctions qu'autant de
temps qu'il devient néceffaire , foir pour
la sûreté & l'avantage du Peuple , feit
pour mettre un terme aux maux dont il
fe plaint; mais lorsqu'ils y ont pourvu , il
imporre à la République qu'ils rentrent
bientôt dans le même état de dépendance
où fe trouve le refte du Peuple , & qu'ils
obéiflent aux Loix émanées de leur fageffe ,
afin que leur foumiffion à ces mêmes Loix
en affure l'exécution.
4. Objection. Dans tous les Etats libres,
le Public fe trouve fouvent expofá à de
grands malheurs par les tumultes , les orages
de la difcorde , & les divifions qui s'y éle
vent. Réponse. Ces diffentions inteftines
ne font pas inhérentes à la forme de ce
Gouvernement , & les principales cauſes en
font communes à toutes les autres formes.
Mais en admettant même que le Peuple ,
lorfqu'il eft libre , ait un penchant naturel
qui le porte à la fédition , comparez ces
118
MERCURE
tumultes, quand ils arrivent , aux malheurs
que produit la tyrannie des Rois , fecondée
par le zele & l'activité des Favoris , habiles
à prendre les premiers accens de la Liberté
pour le cri de la révolte , & qui préferent
un Peuple avili , hébêté & corrompu , aux
nobles élans du Ciroyen ; vous verrez , 1º .
que les inaux occafionnés par les tumultes
populaires s'érendent fur un petit nombre
de perfonnes déjà coupables , tels que les
trente Tyrans à Athenes , les Décemvirs à
Rome, & tant d'autres, auxquels la fureur
du Peuple a fait porter avec févérité la
jufte peine de leur trahifon : 2 °. que ces
tumultes ne font pas de longue durée ;
mais que femblables à un accès violent
ils finiffent de même : . que s'ils occafionnent
la ruine de quelques particuliers ,
ils finiffent toujours par tourner au plus
grand avantage des Citoyens. C'eft à la fin
de ces tumultes que le Peuple de toutes
les Nations s'eft procuré les meilleures
& les plus fages Loix. Oppofez à cela
fous le Gouvernement des Grands , les réfultats
de leurs confeils , de leurs volontés
, de leurs projets , de leurs divifions .
N'ont- ils pas toujours pour objet ou pour
fuite l'oppreffion du Peuple , le renverfement
de les dr its , de fa propriété , de fa
liberté ? L'Hiftoire attefte que les tumultes
& les diffentions n'ont jamais été que la
fuite des rufes & de l'ambition de quelDE
FRANCE. 119
"
ques Grands , dont les intérêts étaient contraires
à ceux du Peuple , & qui confpiraient
contre fa liberté.
--
se. Objection. Sous le Gouvernement du
Peuple , il y a peu de sûreté pour la claffe
opulente des Citoyens , par la liberté avec
laquelle le Peuple les accufe & les calomnie.
Réponse. La calomnie qui confifte
en entretiens fecrets , en rapports & en
fauffes accufations , a-t elle jamais été accueillie
ou même protégée dans un Etat
libre , fi différent en ce point de toutes les
autres formes ? & n'eft elle pas , au contraire
, un vice attaché au Gouvernement
des Grands ? ..... Ne lifons-nous pas dans
l'Hiftoire de toutes les Monarchies que la
calomnie a toujours été un moyen toutpuiffant
& tonjours prêt dans les mains
des Agens qui la répandent ; qu'on s'en
eft fervi comme d'une arme victorieufe
& dont les Rois & leurs Favoris étaient
affurés ?
Dans un Etat libre , la calomnie n'eſt
jamais un moyen d'oppreffion ; & fi quelquefois
elle paraît devant le Souverain
nous l'y voyons impuillante & muette .......
Quant à la faculté qu'a le Peuple d'accu er
qui bon lui ferible dans fes Affemblées
folennelles , elle eft effentielle dans un Lat
libre. Sans ce droit , il ferait impoffib e.
d'obliger le Citoyen à rendre compte de
fes actions ; il n'y aurait rien de facré dans
120 MERCURE
la République ; la vie , la liberte & la prəédes
Citoyens y teraient én proie à
l'orgueil , à l'avarice & à l'ambition des
gens puiffans.
6º. Objection. Le Peuple eft naturellemen:
factieux , inconftant , & ingrat. -
Réponse . 1 ° . Il a déjà été prouvé que le
Gouvernement du Peuple eft le feul oppofé
à l'efprit de faction , à caufe de la mobilite
des emplois publics & du peu de durée
de tous ceux qui pourraient conférer un
pouvoir dangereux. Ajoutez que le Peuple
n'eft jamais le chef ni l'auteur d'une faction
; qu'il y a toujours éré entraîné par
l'induence étrangere de quelque Pouvoir
permanent qui le fait agir , fous le prétexte
de rendre fa fituation p'us heureufe ,
& que les Grands s'en font toujours fervis
pour affermir leur autorité & pour accroî
tre leur fortune , au préjudice des intérêts
du Peuple , dont ils ne fe foucient qu'en
raifon de l'amour & de la profonde foumillion
avec lefquels le Peuple feconde leur
pouvoir & leur ambition.
2°. Le Peuple fans doute eft inconftant ,
lorfqu'il eft tellement détérioré par le contat
de tous les vices , que dans la perverfité
il ne lui rette plus ni force , ni énergie
, ni courage : déjà le fouvenir de fa
puiffance eft effacé , une inertie morale a
enchaîné fa volonté , on n'apperçoit plais
qu'un Peuple énervé par la tyrannie : l'ignominie
DE FRANCE. 121
-
gnominie & la honte ont achevé de détruire
jufqu'aux moindres traces de fa grandeur
& de fa liberté. Mais ce vice ne lui eft
pas naturel ; la liberté l'en corrige ; & bientôt
il recouvre fon énergie & fa conftance
à vouloir ce qui peut lui être le plus utile.
C'eft le Gouvernement d'un feul ; ce font
toutes les efpeces de Pouvoirs permanens
qui ont toujours été livrés à l'inconftance :
l'Hiftoire l'attefte à chaque page , & la
raifon le démontrerait au défaut de l'Hif-
-toire.
3 °. Enfin l'ingratitude que l'on reproche
au Peuple a prefque toujours pris fa fource
dans la conduite indifcrete , dans les hauteurs
ou dans l'agrandiffement exceffif de
- ceux qui en ont été les objets . La conduite
du Peuple dans ces occafions eft une preuve
-que la Conftitution eft encore faine , pure
& pleine de vie. Le Peuple eft heureux
quand il poffede l'activité & le zele néceffaires
pour conferver fa liberté , quand il
s'oppole avec courage à l'accroiffement des
pouvoirs qui pourraient faciliter aux Grands
les moyens de ravir au Peuple le plus faible
des avantages qu'il retire de fa liberté : ce
moyen eft le plus propre à réprimer leur
ambition ; il fuffit pour les contenir dans
les bornes légitimes & raifonnables . Les
Grands fe perfuadent alors qu'ils ne peuvent
s'agrandir ni augmenter feur autorité
fans s'expofer à toute l'indignation du
N°. 35. 27 Août 1791 . F
2:2 " MERCURE
Peuple. Mais loin que le Peuple foit ingrat
, il a toujours accumulé les récompenfes
& les honneurs fur ceux qui avaient
bien mérité de la Patrie , aufli long- temps
qu'ils fe font conformés aux Loix , & fe
font conduits de maniere à ne point donner
d'ombrage à la Liberté. N'eft - ce pas
fous le Gouvernement du Peuple que les
flatues , ks couronnes , les lauriers , &
l'apothéole enfin , ont été imaginés pour
éternifer la mémoire des Heros qui avaient
défendu la Liberté , qui étaient morts au
fervice de leur Patrie , & dont les vertus
& les talens foutenaient la fplendeur & la
majefté de la République ? C'est donc avec
injuftice que l'on accufe le Peuple d'ingratitude
. Les Faftes de tous les Etats , dont
les Chefs font revêtus d'une autorité permanente
, nous offrent au contraire des
exemples fans nombre de leur ingratitude
envers ceux qui leur avaient rendu les plus
grands fervices ; & c'eft une maxime d'Etat,
chérie des Rois & des Princes , qui, comme
le dit Tacite , fe trouvent toujours offenfes
par les plus belles actions de leurs Sujets.
( G ...... )
DE FRANCE 123
MÉTHODE pour traiter toutes les
Maladies, très-utile aux jeunes Médecins,
aux Chirurgiens , & aux gens charitables
qui exercent. la Médecine dans les campagnes
; dédiée au Roi , par M. Vachier,
Docteur Régent de la Faculté de Médecine
, ancien Profeffeur des Ecoles de
Médecine de Paris , &c. &c. 14 Vol.
in- 12 broc. A Paris , chez l'Auteur , rue
-Michel- le - Comte , No. 54 ; & chez
Méquignon l'aîné , Libr. rue des Cordeliers
, près des Ecoles de Chirurgie.
L'AUTEUR de cette Méthode rapporte
toutes les maladies à vingt- trois claffes . It
indique les figures caractéristiques des ma-
Ladies qui fe rapportent à chacune de ces
claffes différentes . Il trace enfuite des procédés
par lefquels un jeune Médecin peut
facilement rapporter chaque maladie à la
claffe à laquelle elle appartient. Il défigne
enfuite les caufes de chacune de ces maladies
, & en prefcrit les traitemens de la
maniere la plus conforme à la faine prarique.
Cet Ouvrage a été deux fois , & en deux
F 2
124 MERCURE
!
:
occafions différentes , honoré de l'approbation
la plus authentique de la Faculté
de Médecine de Paris . La Faculté s'exprime
ainfi Cette Méthode nous paraît
être l'Ouvrage que Sydenham diſait
" manquer à la Médecine , quoiqu'elle lui
» fût très-néceffaire........... De tous les
Ouvrages de principes de Pratique qui
» ont paru jufqu'à préfent , il n'en elt
point qui foit aufli général , auffi dé-
» taillé, & par conféquent aufi propre à
éclairer & à guider les jeunes Médecins,
» & c. &c. & c. «
و د
و د
""
33
و ر
Cet Ouvrage , fruit d'un travail de 45
ans , a valu à l'Auteur des Lettres de noblefle
en Mars 1789 , récompenfe que les
événemens poftérieurs ont rendu trop infuffifante.
Il eft difficile d'avoir été Noble
moins longtemps ; mais il refte à M.
Vachier la véritable nobleffe , la nobleffe
inamovible , celle de fon mérite , de fcn
travail & de fon fuccès. Un Brevet d'eftime
publique avait fon prix , même avant la
Révolution ; mais il faut convenir qu'elle
lui a donné une grande valeur : ce n'eft
pas le moindre de fes bienfaits .
DE FRANCE. 125
NOTICES.
Sur l'Ariéré du Département des Bit mens du
Roi, fon origine & fes caufes. A Paris , chez les
Marchands de Nouveautés.
Cet expoé de faits fimples & de calculs avérés ,
futhrait pour impofer filence àla calomnie , fi la
vérité lui impofait filene . Il en résulte qu'en
1774 , époque de l'inftal'ation de M. d'Angiviller
dans la place de Dincteur des Bâtimens dự
Roi , l'arriéré , dans cette partie , roulait for 15
millions & demi ; qu'il fe trouve , à peu de chofe
près , au mê re point ca 1790 ; que dans l'inter
valle , & à différentes époques , la fituation des
Bâtimens a été reconnue par les Miniftres des
Finances , & que l'arriété en a été conftaté ; que
Les arrangemens pris pour la liquidation n'ayant
jamais été fuivis , les foins & les efforts de M.
d'Ang vilkr , fous les yeux & fous la direction
du Roi , n'ont pu fuffire pour améliorer l'état
des chores ; qu'il cft d'autant moins éronrant
qu'elles fe trouvent au même point où il les a
prifes , que fous fon adminiftration il s'est fait
dans les Bâtimens plus de travaux utiles , dans
Paris , à Verfailles , à Compiegne , à Fontainebleau
, &c . qu'on n'en avait fait depuis foixante
ans. Nous ne citerons que ceux qui dans Paris
fe font exécutés fous les yeux du Public .
Des travaux confidérables dans la reftauration
du Louvre aux Tuileries , des travaux en tout
genre , & la reconftruction du pavillon incendiés
à l'Obfervatoire , pour le relever de fes ruines ;
20 100
126
MERCURE
au Pont-Neuf , pour en reconftruire une archs
entiere ; pour donner une planimétrie indifpenfable
au trottoir qui va du Qrai de l'Ecole au
Quai de Conti , & pour établir fur le Pont ces
demi-lunes qui ont pris la place des cleaques les
plas infects au Port Royal , pour en rétablir les
trottoirs ; à l'Abbaye du Val - de - Grace , qui eft
à la charge des Bâtimens ; à l'Aqueduc d'Arcucil
, &c.
L'homme qui depuis quarante ans , & dès fa
plus tendre jeuncle , jouit de l'eflime publique
& de la réputation la plus intacte de probité &
de vertu , dans une place confidérable , a dû .
néceflairement fatiguer l'envie : l'homme qui dès
L'enfance du Roi , lui a été attaché de coeur &
d'ame , a pu devenir odieux aux ennemis de la
Royauté. Mais le nombre de ceux aux yeux defquels
de faints devoirs fidélement remplis font
des crimes , diminue de jour en jour ; & M. d'Angiviller
aura pour lui , contre fes calomniateurs ,
la voix publique , la juftice & la vérité .
Nouvelle Adminiftration politique & économique
de la France , à commencer de fa nouvelle orga
nifation , ou Examen réfléchi de tout ce qui fe
paffera d'intereffant dans les Départemens , dans
les Diftricts & dans les Municipalités , & c . par
Auteur du Tableau des Variétés de la vie humaine
, pour fervir de fuite à cet Ouvrage . A
Paris , chez Madame Valade , Imp- Lib . rue des
Noyers.
Quoique cet Ouvrage paraiffe par Numéros ,
ce ne point un Journal . L'Auteur a préféré cette
forme qu'il a cru plas agréable au Public ; mais
il doſt former un Ouvrage complet.. L'Auteur y
DE FRANCE. 127
traite avec intérêt de l'influence de la Révolution
fur le phyfique & le moral des Français , & des
changemens qui doivent en réfúlter , dans tous
les établiffemens publics , particuliérement dans
les Hôpitaux , pour tout ce qui concerne la
Médecine , la Chirurgie & la. Pharmacie.
La Sainte Bible , contenant l'Ancien & le
Nouveau Teftament , traduite en Français für la
Vulgare ; par M. Lemaître de Sacy. Nouvelle
édition , ornée de 300 Figures , gravées d'après
les Deffins de M. Marillior. A Paris , chez Defer
de Mailonneuve , Libr. rue du Foin- St-Jacques ,
Hôtel de la Reine Blanche , No. 11. De l'Imprimerie
de Morficur.
Les Livraiſons de ce chef- d'oeuvre de typographie
& de gravure fe fuccedent avec la plus.
prompte exactitude , fans que l'exécution perde
rin de fa beauré . Cette nouvelle Livraiſon , qui
eft la 6e. & qui forme la re. du Tome II , fera
bientôt fuivie de la féconde , qui complétera ce
fecond Volume , attendu que ces deux Livraiſons
font beaucoup plus fortes que les précédentes .
On foufcrit à Paris , chez Defer de Maiſonneuve
; chez M. Ponce, Graveur , rue St - Hyacinte,
N°. 19 ; dans les Départemens & chez i Etranger
, chez tous les Libraires . On ne paye riem
d'avance ; on fe fait feulement inferire en retirant
les Livraiſons qui paraiffent. A chaque Li
vraifon , on donne les noms des nouveaux Soufcripteurs.
La liste qui accompagne cette nouvelle
Livraifon forme le 4e. Supplément , & prouYS
le fuccès mérité de cette grande entreprife,
$28 MERCURE
La Médecine é: lairée par les Sciences phyfiques,
our Journal des Découvertes relatives aux dfcrentes
parties de l'Art de guérir , rédigé par M.
Fourcroy , Profeffeur de Chimie au Jardin dis
Plantes , de l'Aca émie des Sciences , & c. & c. A
Paris , chez Buiffen , Libr. rue Haute feuille ,
N°. 20. Tome Ier , in-8 ° . grand format , qui
comprend les fix premiers mois de 1791 de ce
Journal. Le prix de l'Abonnement et de 15 - liv.
pour l'année entiere , franc de port par la Pofte,
On tiendra de 25
compte fous
.
aux pour le port
perfonnes qui prendrent au Burau les fix premiers
mois.
Le nom de M. Fourcroy eft bien fait pour
infpirer la confiance . On vit que ce Journal n'a
pas l'inconvénient des autres , qui ne contiennent
que des morceaux fugitifs dont tout l'intérêt finit
avec le jour qui les voit éclore . Celui - ci contient
un grand nombre de morceaux auffi curicut
qu'utiles , & qu'il eft fort intéreflant de confervet.
De la Liberté indéfinie de la Preffe , & Je
Timportance de ne foamet re la communication
des penfes qu'à l'opinion publique , recommandé
aux Soc étés Patrioliques , Populaires & Fran
nelles de l'Empire Français ; par F. Lan -henas de
M... Citoyen Français . A Paris , de l'Imprimerie
du Patriote Français , rue Favart , N ° . 5 .
Cet Ecrit eft r.comman'é à l'attention de tous
les amis de la Liber é. Il traite un fujet que l'Au
teur a depuis longtemps défer du avec fucès.
Les Cheyens qui voudront coopér r à répandre
cet Ecrit avec la célérité qu'on défire , font prés
de s'adreffer à l'Imprimerie du Patriote Français:
on leur rera so exemplaires pour 6 kv . Il cit
DE FRANCE. 119
compofe de 37 pages in- 8 ° . caractere petit rom.
avec couverture . Les Sociétés Patriotiques , les
Sociétés Populaires & Fraternelles fur- tout font
priées d'en faire plufieurs, lectures publiques , &
les Colporteurs patriotes de le débiter.
Pro pectus d'un Ouvrage intitulé Atlas des
Religions , ou Recueil de 167 Cartes , dont chacune
repréfente le Domaine d'un des 167 Caltesqui
exiftent fur le Globe , avec l'expofition des
Opinions religieufes , qui font la bafe de chacun
de ces Cultes .
Nota. On y voit une Carte du Globe , où tous
les pays dont les Cultes different , font illuminés
de couleurs différentes , & une Planche on
les 167 Cultes , claffés par genres & efpeces
font repréfentés fous la forme d'un arbre à 167
branches diverfement coloriées. Un coup d'oeil
jeté fur la Carte & fur l'Arbre méthodique des
Cultes , fuffit pour faifir la liaifon de tous les
Euites du Monde. Ce Profpectus fe diftribue
gratis depuis 10 heures du matin jufqu'à 2 heures
après-midi , au Dépôt de l'Atlas des Religions ,
place du Palais Royal , No. 165 .
On vend au même Dépôt un Précis de la Religion
du Taureau. Prix , 4 f
Les Grandeurs de Marie , ou Méditations pour
chaque Octave des Fêtes de la Sainte Vierge ;
par M. l'Abbé Duquesne. Deux Volumes in- 12 .
A Paris , chez Moutard , Imp-Lib . rue des Mathurins.
Prix , 6 liv . reliés.
Nous reviendrons inceffammont fur cet Ouviage.
Ijo
MERCURE
GRAVURES.
Tableaux de la Révolution Française , ou Collection
de 48 Gravures , repréfentant les événemens
principaux qui ont eu lieu en France depuis
la transformation des Etats-Généraux en Affenblée
Nationale 20 Juin 1789. 2e . Livraiſon .
Ces Gravures feront accompagnées d'un Difcours
hiftorique, composé par Claude Fauchet , Evêque
de Calvados.
On a employé les beaux caracteres de Didot
Fainé , fur papier vélin fuperfin. Depuis le 15
Juin 1791 , il paraît tous les mois une Livraifon
, compofée de deux Gravures & environ 8
pages a Hiftoire explicative . Le prix de l'Abonnement
eft de 6 liv. peur Paris , & 7 liv . 4 f.
pour les Départemens , port franc. On ne déivre
d'argent qu'en recevant chaque Livraiſon.
On Buferit à Patis , chez M. Briffaut de la Charprais
, rue St- Honeré , N ° . 374 , en face de celle
St-Florer tin .
Cette feconde Livraiſon eſt déjà fenfiblement
plus foguée que la premiere , & les Autents prometter
t encore quelques changemens heuleux
dans cette entrepriſe déjà très - magnifique.
Les Fafes de la Révolution Françaife , fuite
d'Eftan pes de 1 pouces de large fur 11 de hauteur
, re réfentant les époques les plus mécrablcs
de la Révolution de 1789 , avec des Notes
intéreffantes au bas de chaque Sujet ; par Mr.
Ponce , Capitalu de la Garde Nationale. A Paris ,
chez l'Auteur, rue St-Hyaciute , N ° . 19.
DE FRANCE. IZI
>
Les deux premieres Eftampes de cette Collection
, qui font actuellement au jour , repréfentent
, l'une la Fédération des Français , avec
létat circonftancie des Gardes Nationales de
chaque Département , l'autre , l'Aſemblée Nationale
, prife dans l'inftant du premier Don pauiotique
préfenté par les Dames Artiſtes , avec
un précis de la Révolution & de la Conftitution.
L'Auteur a fait hommage du premier Sujet , defpar
M. Meunier , aux Gardes Nationales ;
& le fecond , gravé d'après le deflin de M. Borel
, eft dédié aux Femmes patriotes.
finé
Les autres Elampes de ce Recueil , qui paraîtront
fuccellivement , repréfenteront les Magiftrats
arrachés du Temple de la Juftice , la Prife
de la Baftilie , la Sance du Roi à l'Hôtel de
Ville de Paris le 17 Juillet , la Mort de Defilles ,
la Séance du Jeu de Paume , la Séance du Roi à
l'Affemblée Nationale le 4 Février , la Pompe funebre
de Mirabeau , l'Inftallation de la deuxieme
Légiflature , un Frontifpice orné de différens
Epifoles , & c. Il y aura de 12 à 18 Sujets .
Le prix de chaque Eftampe eft de 4 liv. 4 f
& de 9 liv . fupérieurement coloriée . On les diftribuera
fuivant le rang d'infcription.
MUSIQUE.
Recueil d' Airs , avec accompagnement de Forté-
Piano , compofés par Mlle. Frey l'aînée , dédié
à M. fon pere. Cavre 1er. Prix , 4 liv . 4 f. A
Paris , chez l'Auteur , rue St - Dominique , fauxb.
St -Germain , N° . '96 ; & aux adrefles ordinaires
de Mufique.
་
132 MERCURE DE FRANCE.
A VIS.
Mufée , rue Thévenot , No. 18 .
Dans cet Etabliffement public , l'on profeffe
les Cours fuivans : l'Ecriture , l'Arithmétique , la
tenue des Livres & Changes Etrangers , les Mathématiques
, la Fortification , les Langues Françaiſe
, Latine , Anglaife & Allemande , I Hiftoire ,
la Géographic , le Deflin figure & payfage , la
Rhétorique , la Logique , la Danfe , les Armes ,
le Solfége . Ces Cours , en activité depu's quatre
mois , ont lieu tous les jours , excepté les jours
de Féte , depuis 8 heures du matin jufqu'à 2 , &
depuis 4 de l'après -midi jufqu'à 8. L'Abonnement
annuel eft de 300 liv. On peut s'abonner pour
fix ou pour trois mois. On prend des Penfionnaires.
S'adreffer audit Etablilement , à M. St-Omer ,
Secrétaire ; ou rue du Battoir- St -André -des-Arts ,
à M. Sironval , Directeur.
La fomme de Science requife aujourd'hui pour
atteindre aux Emplois , n'étant plus la même
qu'autrefois , les Etabliffemens d'Education , qui
offrent au Public la réunion des Sciences & Arts ,
font d'une grande utilité ; celui que nous annonçons
parait fur-tout mériter fa confiance : un
choix de Profeffeurs zélés & connus , joint à une
adminiftration économique , affure fes fuccès & fa
durée.
TABLE.
971Méthode.
102 Noroes .
223
125
ADIEUX.
Charade, En . Log.
De la Souveraineté , &c. 104
MERCURE
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Francfort-fur-le -Mein, le 23 Juillet.
L'EMPEREUR étoit inceffamment attendu
à Vienne ; on penfe qu'il a dû y arriver
du 20 au 21 : l'Impératrice & les Archiducs
étoient partis dès le 13 pour aller à fa
rencontre , & l'attendre à Greetz . M. de .
Bifchofswerder , ce confitlent du Roi de
Pruffe , qui s'étoit rendu auprès de Sa Majefté
Impériale à Milan , pour une négociation
fecrette , eft arrivé, le ; 14 , ainfi
que l'Ambaffadeur d'Angleterre , Milord
Elgin . Le premier a été préfenté au Prince
de Kaunitz, qui lui a fait un très- bon accueil.
L'on s'attend à voir bientôt arriver
auffi M. le Marquis de Bouillé . Ce général
a reçu à Aix - la - Chapelle , où il a reſté
No. 32. 6 Août 1791. A
( 2 )
quelques jours , des marques publiques de
confidération diftinguée. Sur le bruit que
fa perfonne étoit menacée , on a placé
près de fon hôtel une Garde particulière , &
lorfqu'il fortoit , fa voiture étoit toujours
fuivie d'un détachement de troupes Palatines
. On affure qu'un de ceux qui avoient
fait le projet d'attenter à fa vie , a été arrêté.
Les Princes François font à Worms , à
Coblentz , à Bonn. Rien ne paroît encore
arrêté entre eux : ils fe rendront très -probablement
à Vienne. Les François cantonnés
à Ath dans la Flandre , & dans les
environs , font difpofés à tout entreprendre
pour rendre la liberté & la tranquillité à
leur pays ; mais toutes leurs mefures font
fubordonnées en partie à celles qu'adoptera
la Diète de l'Empire. Le protocole de
fes délibérations n'eft point encore publié ;
l'on fait feulement que le fuffrage Autrichien
& celui de Brandebourg font pour
infifter de nouveau auprès de la Cour de
France à l'effet d'en obtenir juftice , avant
de commencer les hoftilités , & de chercher
même à terminer le tout par voie de
négociation. Mais comme la Cour de
France & le Ministère de France font à-peuprès
aujourd'hui des êtres de raifon, on conçoit
difficilement comment & avec qui les
négociations pourroient s'ouvrir . Il n'est
( 3 )
pas vrai , au refte , que le Miniftre d'Ha
novre ait déclaré que l'Electeur qu'il repréfente
, n'entendoit prendre aucune part
aux mefures qu'on adopteroit , & que
s'il ne s'oppofoit point à ce que les Electeurs
Eccléfiaftiques déclaraffent la guerre,
il ne regardoit point la querelle comme
commune à tous les Membres de l'Empire.
Hanovre a le même intérêt que les
autres États , au maintien des droits de
l'Empire , de la Souveraineté territoriale &
de la paix de l'Europe.
Il est peu d'état en Europe qui n'ait
témoigné quelque douleur de l'arreftation
du Roi de France , & qui ne regarde avec
indignation la captivité prolongée de ce
Prince , le meilleur , le plus honnête homme
& le plus confiant de tous les Monarques.
Aux témoignages de joie que la nouvelle
de fa liberté avoit excitée , a fuccédé une
véritable confternation , quand on a appris
fon emprisonnement & les outrages que
lui & fa malheureufe Famille ont eu à
fouffrir pendant un voyage où fes plus
cruels perfécuteurs infultoient à fa douloureufe
pofition. On n'a pas été moins
étonné , & indigné en même temps , d'apprendre
qu'il fe foit trouvé des hommes
en France à ce point déloyaux , & étranà
l'honneur national , que de fe rendre gers
A 2
( 4 )
caution de la prifon du Roi , & de ré
pondre de fa captivité fur leur tête.
FRANCE.
De Paris , le 20 Juillet.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 23 , féance du foir.
L'Affemblée paroît ne point fe laffer de la lecture
d'adreſſes de compliment & d'adhésion de
directoires , de municipalités , de gardes nationales
, de fociétés d'amis de la coní i ution , qui
cependant ne fauroient être confidérés comme les
organes légaux du vou du peuple qu'aucun de
ces corps ne repréfente . Toutes refpirent le
même civisme , c'eſt- à - dire une admiration foutenue
& un dévouement fans bornes . Dans ce
concert de louanges & de fermens , nous diflinguerons
aujourd'hui la fociété des amis de la
conftitution féinte aux Jacobins de Paris , qui
proteftent de leer fidélité , du plus ardent amour
pour la liberté , de leur foumiffion aux loix de
la patrie , & qui defirent que cette devife facrée
rallie tous les bons citoyens : Vivre libre ou mourir.
L'accufateur public du fixième arrondiffement
de Paris , admis à la barre , a rendu compte
des pourfuites qu'il a faites à l'occafion des crimes
commis au champ de mars le 17. Quatre des
meurtriers des deux particuliers aflaffinés font arêtés
, d'autres font fignales ; on informe contre
l'inconnu qui a couché en joue M. de la Fayette.
La procédure fe poulle avec ardeur , & l'accu(
54)
fareur public a protefte ne craindre ni les poi--
gnards ni la calomnic. Il a reçu des affurances
de la fatisfaction de l'Affemblée.
Une hauffe momentanée du prix du bled a
été la caufe ou le prétexte d'une infurrection
confidérable dans le pays de Caux . Pour ne pas
compromettre la fainteté du mot infurrection
M. Régnault de Saint-Jean-d'Angély a exigé
qu'on dit révolte. Aux environs de Dieppe on
la portée au comble . Le 22 juillet , des municipalités
violentées , a- t - on dit , par des gardes
nationales , & les habitans de 13 à 17 paroiffes
obligèrent des forces envoyées par le diſtrict de
Dieppe à fe retirer . De nombreux attroupemens
ont taxé le bled , maltraité les blatiers & les
laboureurs . Deux cents hommes de la garde
nationale , 25 hommes du régiment de Salis-
Samade , & des cavaliers de Royal - Bourgogne,
envoyés par le directoire , fe font trouvés en
préfence de 5,000 infurgens prêts à les charger,
& parmi lefquels il y avoit 22 drapeaux de garde
nationale , des canons & des municipaux en
écharpe , qui n'ont confenti à fe retirer qu'à
condition qu'on feroit un réglement local pour
la circulation des grains & que le bled feroit
taxé à 24 liv . le fac .
›
Le directoire du département a improuvé cette
pétition ; des malveillans lui ont imputé l'enchériffement
des grains ; il a envoyé 200 hommes
de Salis & des commiffaires conciliateurs . Des
nouvelles plus récentes affurent que les payfans
ont fini par régaler le détachement . Le directoire
& le rapporteur , M. Vieillard , ont attribué ces
troubles aux prêtres réfractaires , fans produire
la moindre preuve. Un évêque du côté droit
d'eft récrié contre ces inculpations vagues ; M.
A 3
( 6 )
Vieillard a prié les mécontens de lui laiffer
continuer fa lecture commencée , & il a propofé
un décret contre les prêtres condamnés
avant même qu'on daigne informer ou les entendre
.
M. Vadier a raconté que , dans le département
de l'Arriège , la municipalité de Foix avoit
intercepté des lettres incendiaires d'un ex- curé ,
membre de l'Affemblée ; qu'on a cru devoir fe
précautionner contre ceux à qui eles étoient
adreffées ; qu'on avoit arrêté & conduit à la
tour , des prêtres , qui partoient pour l'Espagne
avec deux charges de cheval de papiers de Royou,
de Montjoye , de Crapart , de Durofoy...
Des éclats de rire ont attefté le zèle de quelques-
uns des auditeurs pour la foi publique , la
tolérance & les droits de l'homme. Le même
M. Vadier a ajouté qu'à Pamiers il s'étoit ou
vert une églife de non- conformistes , comme à
Paris ; qu'on y avoit mis l'infcription : paix &
liberté , quoiqu'au fond ce fût le fiége de la
révolte ; & il n'a donné aucune preuve à l'appui
d'affertions diffamatoires qui appellent les profcriptions.
L'évêque conftitutionnel lui a écrit
qui étoit découragé , que ces gens auroient
le deffus dans l'opinion du peuple , peut - être
dans fa confcience ; que la garde nationale eft
gagnée en grande partie , & que le département
lui - même montre une mauvaiſe volonté qui
n'eft pas équivoque.
味
Benchériffant encore , M. Palafne a dit que
dans le département des Côtes du Nord , il fe
faifoit des proceffions nocturnes de 12 à 15
mille payfans , pour obtenir du ciel le rétabliſ
fement de l'ancienne religion ; que la nuit du
17 au 18 de ce mois , 300 girdes nationales
( 7)
& le drapeau rouge en furent reçus à coups de
fufils & de piftolets ; que la force publique a
été déployée & qu'heureufement il n'y a pas
eu beaucoup de perfonnes de tuées . Peindroiton
autrement une perfécution ? Et tous ce mal ,
M. Palafne l'impute a ceux que l'on eft convenu ,
malgré les décrets , de nommer les prêtres réfractaires
.
M. Rewbell a dit que , dans le département
du Haut-Rhin , il n'alloit plus perfonne à l'églife
de la cathédrale , depuis qu'il y en avoit
une pour les non- conformistes ; que les prêtres
réfractaires apoftent des gens pour empêcher
à force de menaces & de coups , d'entrer dans
legiſe cathédrale ; que ces gens arrêtés nioient
tcut parce que les prêtres réfractaires leur ont
perfuadé qu'en difant la vérité ils fe damneroient...
& toutes ces allégations dénuées de
preuves aboutifoient unanimement à la propofition
de févir contre les prêtres que M. Lanjuinais
fe bornoit à priver de leur traitement ,
à condamner à mourir de faim par une fufpenfion .
provifoire. Les mesures propofées ont été renvoyées
au comité ecclefiaftique pour en rendre
compte lundi , & le décret a été porté en ces
termes : »
« L'Affemblée nationale , après avoir entendu
le compte qui lui a été rendu par fon comité
des rapports , des événemens qui viennert d'as
voir lieu dans le pays ci -devant de Caux , déclare
qu'elle approuve la conduite des adminif
trateurs compofant le directoire du département
de la Seine inférieure , & de ceux du directoire
du diftri& de Dieppe ; leur crjoint de déployer
tous les moyens que la loi met à leur difpoition
pour exécution des décrets précédemment
A 4
18 )
rendus fur la libre circulation des grains dans
l'intérieur du royaume ; décrète , ´1 °. qu'il fera
informé à la diligence des accufateurs publics ,
& fur leur refponfabilité , contre les auteurs des
troubles qui ont eu lieu dans le pays de Caux
leurs complices & adhérens ; que les admin.ftrateurs
du directoire du département du diftrict
de Dieppe & les officiers municipaux requerront
s'il cft befoin , la force militaire pour faire exécuter
les décrets déjà portés contre quelques
prévenus par le tribunal du diftrict de Dieppe ;
X
2 ° . Que les adminiftrateurs du directoire
du département prendront toutes les informations
néceffaires fur la conduite tenue par les
officiers municipaux des paroifles & communautés
dont les habitans ont participé à la rebellion à
la loi , & en rendront compte inceffamment à
l'Aflemblée nationale ; fauf auxdits adminiftrateurs
à prendre prov foirement , à l'égard defdits
officiers municipaux , toutes les mefures
preferites par les décicts pour le rét bliffement
de la paix & le bien de l'adminiſtration ; »
3. Que les troupes de ligne & gardes na
ionales fe conformeront aux ordres & réquifitions
des corps adminiftratifs & des municipalités
; & que , provifoirement , aucun garde national
ne fortira de foa territoire que fur une
réquifition formelle des corps adminiftratifs , ou
de leurs municipalités provoquées par la Muni
cipalité , à befoin d'afiiſtance . »
4° . L'Allembléc nationale autorife les adminiftrateurs
du direétoire du département de
la Seine inférieure à indiquer provitoirement auxdits
fonctionnaires publics eccléfiaftiques , fécu-
Hers & réguliers , & auxdits religieux , même
non-fonctionnaires , qui n'ont pas prêté le fer(
9 );
ment , les lieux que le département jugora, con,
venables pour la refidence des prêtres & religieux ,
fauf à rendre compte à l'Affemblée nationale
des mefures qu'ils auront prifes à cet égard
& à ftatuer par elle ce qu'il appartiendra .
cc
">
L'Affemblée nationale , d'apiès le témoignage
des départemens , approuve la conduite
du heur d'Avers , qui s'eft cfficacement employé
pour empêcher les effets de la rebellion. »
Du Dimanche , 24 Juillet.
Une lettre de M. Grammont , capitaine au
régiment d'Enghein , annonce que tous les officiers
de ce régiment ont prêté & figné le dernier
ferment , & l'ont envoyé au général Lukner.
Applaudiffemens & mention dans le procès- verbal.
A la fuite de débats peu intéreffans , -M
Champeau a fait adopter un décret portant que.
tous les employés coinmiffionnés , fupprimés par
des décrets , dans les fermes & régies générales ,
à la recette des finances , à celle du clergé , dans
les poftes , la police de Paris , les burcaux de
l'économat , les adminiftrations provinciales &
des pays d'états , octrois , vingtièmes , intendances
, auront droit aux penfious , fecours & gratifications
déterminés ci-après , à raifon de la
durée de leur fervice , & que la loi ( dont c'eſt
ici l'article I ) n'aura pas d'effet pour ceux qui ,
depuis 5 ans , auront joui de 4000 livres en
traitement ou émolument.
,
Les dépenfes de la municipalité de Paris cefferont
d'ètre à la charge du tréfor public
compter du premier de ce meis ; & par le mêine.
décret d'aujourd'hui ' Affemblée fe réserve de
ftatuer inceffamment fur la folde de la garde
AS
>
( 10 )
nationale Parifienne & le paiement des rentes
de l'hôtel- de- ville & des dettes auriérées .
On eft paffé à la difcuffion du projet de loi
concernant la difcipline des troupes de ligne , &
M. Emmery , avocat , a été l'organe du comité
militaire. Sur les difpofitions contre les officiers
nommés transfuges , M. d'Ortans demandet
que ceux qui rentreroient dans le délai de fix
femaines fuffent mis fous la protection spéciale
de la loi , fous la fauve-garde des corps adminiftratifs
refponfables ; M. d'Eftourmel obfervoit
que les officiers émigrés , fans démiffion , & remplacés
ne pouvoient plus être pourfuivis militairement
, mais civilement ; que ceux qui ont
donné leur demiffion n'avoient au plus encouru
que les peines décrétées contre les émigrans
une triple contribution ; M. de Croi ne voyoit
aucune loi qui punît comme criminels les officiers
qui donnoient leur détiffion , & même qui
paffoient chez l'étranger penuant la paix.
Perfuadé que la meilleure manière d'achever
la révolution eft d'oublier le paffé , M. Chabroud
propofoit une amniftie abfolue & par conféquent
l'impunité des horreurs inouies commiſes par les
fubalternes , de foumettre à la loi contre les
émigrans les officiers qui ont été forcés de quitter
feur corps & leur patrie ; & de décréter le projet
du comité depuis l'article IX , jufqu'à la fin ,
« parce qu'il s'agit d'avoir à l'avenir une armée
difciplinée. L'avis d'un général confemmé dans
l'art i difficile de commander aux hommes n'eût
pas été plus vivement applaudi.
»
Il faut renoncer à toute difcipline militaire ,
a dit M. Bureau de Pufy ; confentir à n'avoir
plus d'armée , fi vous pouvez tolérer que des
inférieurs puiffcat impunément repouffer avec
( 11 )
en
violences des perfonnes qui font faites pour leur
commander ( marmures ) ; & s'ils entrent
jouiffance des emplois de ces chefs . M. Emmery
a cité une loi portée , a- t - il affuré , par Louis XIV
( qu'on ne cite cependant plus que comme un
delpate ) , qui condamne aux galères perpétuelles
les officiers qui quitteront leur corps ; & il a
obfervé que cette loi , qu'il n'a pas produite ,
avoit été faite pendant les quartiers d'hiver ; on
ignore fi ces mots lui ont paru les fynorimes du
pendant la paix , objecté par M. de Croi. Quant
aux officiers émigrés après avoir donné leur démillion
, il répétoit qu'on ne les puniroit pas
rentroient .
s'ils
« Qu'on affure la propriété chez moi , s'eft
écrié M. d'Ambly ; on y eft venu pour tuer
mon petit - fils . Cet argument a été refuté par
-des murmures.
לכ
Les dénonciations permifes aux foldats , ont
paru à M. Emmery le feul moyen de purger les
foupçons injuftes dont les officiers étoient les
victimes , le meilleur expédient pour rétablir leur
honneur offenfé & la confiance mutuelle . Mais
s'ils n'ont pas commis de délit , ils étoient du
moins aristocrates , a dit lumineufement M.
Prieur qu'on a beaucoup appiaudi ; la mefiance
& les diffentions recommenceront s'ils rentrent
dans leur corps . M. Tronchet a voulu que l'on
diftinguât la conviction fauffe qui dicte une dénonciation
en vue du bien public , de la dénonciation
calomnieufe feule punillable ; & fon amendement
a été adopté . Ces dénonciations autorifées
paroiffoient dangereufes à MM . Chabroud,
Prieur & Voidel ; mais c'étoit un procédé épuratoire
indifperfable , au jugement de M. d'André
qui tout en convenant de l'ariftocratie des off
A 6
- ( 12 )
ciers , foutenoit que les foldats invités à les
dénoncer après les avoir menacés de la mort &
chaflés , n'avoient été ni ne feroient des factieux ,
& affuroit que pas un des régimens qui ont renvoyé
leurs officiers n'a oublié d'expofer les motifs
du renvoi tirés non- feulement de l'incivifme des
officiers , mais de mauvais traitemens , que l'opinant
n'a pas articulés .
сс
M. Barnave a fagement penfé qu'un renvoi
illégal ne néceffitoit pas une information & de
nouvelles dénonciations des foldats contre les
officers ; qu'avant tout , l'état légal devoit être
Létabli. « Qu'on ne nous parle plus ici d'arifocratie
, a- t-il dit . Je déclare , quant à moi , que
je ne reconnois point , dans les foldats , des
amis de la conftitution , lorfqu'après des fermens
prêtés , des devoirs connus , je les vois manquer
a la loi , & renvoyer ceux contre lefquels ils
peuvent porter des plaintes & s'adreffer à leurs
fupérieurs légitimes ; mais contre lefquels l'intérêt
public & la loi qui les régit ne leur permettent
pas d'agir directement. Il eft temps enfin de dire
qu'on ne défend pas la conftitution , mais qu'on
Panéantit par de par - ils actes . Il est temps de
dire la vérité , & la voici c'est que dans le
corps des officiers François dont un trèsgrand
nombre , & peut- être la majorité , s'eft
montré contraire à la conftitution , ce ne font
pas ceux-là qui ont été l'objet direct de l'ani
mofité de leurs foldats ; ceux dont on fe plaing
n'étoient pas les plus entachés a'arifocratie ,
quelquefois ils l'étoient le moins notamment
dans le régiment de Dauphiné . Il est certain
qu'en général les bous foldats , & véritablement
attaches à la conftitution , n'ont jamais entregris
de pareilles démarches , & qu'elles n'ont
( 13 )
point eu pour principe l'amour de la conftitu
tion , mais bien le defir de quelques fous - officiers
de s'emparer des places qu'ils rendoient vacantes ...
Ce n'eft pas à la loi à encourager les paffions
perverles qui ont fomenté ces rebellions ; ceux
qu'on a expulfés étoient le plus fouvent des
hommes attachés à leur devoir , quelles que
fuffent leurs opinions ; qui avoient le courage
d'élever des plaintes contre l'infubordination qui
fe propagecit ; ceux , au contraire , qui voyoient
fans peine ce défordre & qui ne s'y font point
oppofés , font, reftés fort paifibles .
ככ
Voici les XI articles qu'on a fucceffivement
décrétés :
« Art . I. Les officiers qui , depuis l'époque
du premier mai dernier , ont abandonné volon
tairement leur corps ou leurs drapeaux , fans
avoir donné leur démiffion , & qui font enfuite
paflés à l'étranger , feront inceffamment pour,
fuivis comme transfuges par les commiflairesauditeurs
des guerres , & jugés par les cours
martiales. Il en fera de même à l'égard des officiers
qui , ayant donné leur démiffion , font enfuite
paflés à l'étranger , fi , dans le délai de
fix femaines , à compter du jour de la publica
tion du préfent décret , ils ne font pas rentrés.
dans le royaume . »
« II. Les officiers qui , fans être paffés à l'é
tranger ,
ont abandonné volontairement leur
corps ou leurs drapeaux fans permiffion ni congé ,
feront cenfés avoir renoncé pour toujours au
fervice , & re pourront prétendre à aucun remplacement
i avancement. »
« II . A l'égard des officiers qui ont été forcés
de quitter leur corps en conféquence de foupfons
élevés contre eux , mais non légalement
( 14 )
vérifiés , ils reprendront leurs places , ou , s'i's
J'aiment mieux , feront pourvus de places équivalentes
dans d'autres corps , pourvu que ces
officiers n'ayent pas refufé le ferment preferit
par le adcret du 12 juin dernier ; & , dans le
cas où ils n'auroient pas été à portée de le prêter
à leur régiment , qu'ils le faffent parvenir , ſous
quinzaine , au miniftre de la guerre & à la municipalité
du lieu de leur domicile . »
сс
« IV. Les dénonciateurs qui n'auront pas
adminiftré des preaves fuffifantes pour établir
le mérite de leurs dénonciations , feront punis
comme calomniateurs ; la moindre peine qu'ils
pourront encourir fera celle d'ètre caffés & déclarés
incapables de porter les armes pour le
Tervice de la patrie. »
« V. La difpofition de l'article V du décret
du 24 juin dernier , par laquelle la moitié des
emplois vacans dans les différens corps a été
réfervée aux fous - officiers des corps dans lefqueis
ils vaqueroient , n'aura pas lieu à l'égard des régimens
qui fe font permis des deftitutions illéga'es
; & dans ces mêmes régimens , la romination
aux places d'officiers , fpécialement affectée
aux fous- officiers par la loi du 23 feptembre
1790 , demeurera fofpendue jufqu'a ce
qu'il en ait été autrement ordonné , d'après le
compte qui pourra être rendu par les offiiersgénéraux
& fupérieurs de la bonne conduite de
ces mêmes corps , & fur la demande expreſſe
de leurs chefs . 12
» VI. Toute faute ou délit militaire commis
Jufqu'a ce jour , ( autres néanmoins que les délits
fpécifiés dans les articles précédens , & les
crimes de défertion , d'embauchage ou de tra
hifon ) toutes plaintes portées en conféquence,
( 15 )
2 mais non encore jugéés toutes condamnations
intervenues à l'occafion de ces fautes & délits ,
mais non encore exécutées , feront censées &
réputées non-avenues . En conféquence la liberté
fera rendue aux accufés ou condamnés qui fe
trouvent prifonniers , & il fera cxpédié à tous
ceux qui font dans le cas du préfent article
des cartouches pures & fimples . »
•
« VII . A l'avenir , & à compter de ce jour,
tout acte d'infubordination & de défobéiffance ,
toute contravention aux loix de la difcipline militaire
, feront punis fuivant l'exigence des cas
& la rigueur des ordonnances ; les commisfaires
auditeurs des guerres feront tenus de poursuivre
les délinquans lorfqu'ils leur feront particulière
ment dénoncés ou indiqués par la notoriété ptiblique
, & demeureront perfonnellement refponfables
de leur négligence à cet égard .
"
Vill. Du jour de la publication du préfent
décret , les fogs- officiers ferent perfonnellement
refponfables des mouvemens combinés qui ſe feront
dans les régimens contre la perfonne des
officiers , lorfque les coupables apparens de femblables
défordres ne feront pas d'abord défignés
ou connus . Dans ce cas , les commiffaires- auditeurs
des guerres feront tenus de poursuivre &
faire juger , par les cours nationales , fdits
fou - officiers , qui ne pourront encourir de
moindre peine que celle d'être caffés & déclarés
indignes de porter les armes pour le fervice de
la patrie , à moins qu'ils ne prouvent qu'ils n'ont
point eu de part aux mouvemens , qu'ils ont pris
toutes les précautions qui dépendoient d'eux PCur
les arrêter , & qu'ils en ont averti les chefs dès
qu'ils en ont eu connoiffance. "3
IX. En cas de mouvemens combinés dans
( 16 )
les régimens contre l'ordre & la . difcipline mili
taire en général , les fous - officiers & foldats ca
feront graduellement refponfables , fuivant l'ordre
de leur grade ou de leur ancienneté , lorfque
les coupables apparens de femblables défordres
ne feront pas d'abord défignés ou connus .
Dans ce cas , les commiffaires - auditeurs feront
tenus de rendre plainte contre les fergens - majors
ou maréchaux - des logis en chef , premiers fergens
ou maréchaux- des-logis , premiers caporaux
ou brigadiers , appointés & plus anciens
foldats , cavaliers , dragons , huffards , chaffeurs
ou canonniers , par rapport auxquels il en fera
ufé ainfi qu'il eft dit en l'article précédent . »
« XI . Seront confidérées & punies comme
mouvemens combinés contre l'ordre & la difcipline
en général , toute réunion , foit de mili
taires de différens grades , feit d'officiers , de
fous-officiers ou de foldats , four délibérer entic
eux dans d'autres. circonitances que celles petmifes
qu prefcrites par la loi , à plus forte railon
toute délibération formée & toute émiflion de
vau collectif. »
сс
XI. Auffi long- temps que fubfiftera l'autoité
provifoire accordée aux généraux d'armée
par le décret du 24 juin dernier , de fufperdie
les officiers dont la conduite leur paroitia fulpede
, les commandans en chef des divif.ors
jouiront du même droit chacun dans fa divilion ,
& les confeils de difcipline de chaque régiment
auront auffi provifoitement le pouvoir d'ordonner ,
à la pluralité des cirq- feptièmes des voix , le
renvoi avec une cartouche pure & fimple des
fou -officiers & foldats dont la conduite fera
repréhenfible ; néanmoins le confeil de difciplise
De pourra jamais ufer de ce pouvoir que fur
( 171
2
une demande expreffe & par écrit , qui devra
être fignée , s'il eft queflion d'un fous - officier
par neuf de fes camarades du même grade
& par un officier de fa compagnie ; & s'il eft
queftion d'un foldat , par tous les fous - officiers
de fa compagnie , ou par un fergent ou maréchal
- des logis , un caporal ou brigadier , & par
neuf foldats de fa compagnie .
Du lundi, 25 juillet.
ככ
Le directoire du département de la Seine inférieure
a écrit à l'Aſſemblée , que l'armée des
rebelles du pays de Caux ne s'étoit groflie qu'en
forçant plufieurs gardes nationales à s'unir à
cux, que ceux- ci fe font hâtés de fe joindre au
détachement de Salis , de cavaliers du dix - fcptième
régiment , & de gendarmes nationaux ;
que les rebelles ont pris la fuite , que des
plus féditieux ont été capturés , ainfi qu'un jeune
homme qui vouloit mettre le feu à un canon ;
que
des membres
des amis de la conftitution
de
Dieppe
avoient
éclairé les payfans
, & que la
vente des bleds s'eft faite en liberté . Suivoit
ce
poffcriptum
La difpofition
actuelle
tient plus
de la confternation
& de la crainte que ' du calme
& de la tranquillité
( étrange
effet des lumières
répandues
parmi
les payfans
! ) . L'infurrection
a cu pour premier
mobile
les menées
fourdes
des malveillans
, dont il eft préfumable
que les
prêtres
réfractaires
font les agens . On cite un
de ces derniers, pour avoir , pendant
15 jours ,
fait & diftribué
des cartouches
aux féditieux
.
Nous prenons
tous les moyens
propres
à acquérir
des preuves
contre les prêtres
rebelles
. »
Un décret a décerné
des témoignages
de fa(
18 )
isfaction aux corps adminiftratifs , aux foldatsckoyens
& aux citoyens-foldats .
Sur la propofition de M. d'Auchy , le tréfor
public payera 49,666 liv . 13 fols 6 deniers aux
anciens directeurs des vingtièmes pour dépenfes
d'impreffion des cahiers des vingtièmes de 1790 ,
& pour les loyers & frais de bureaux relatifs à
ladite opération.
M. Camus a repris la fuite des articles concernant
les employés fupprimés. Le nombre immenfe
de ces malheureux privés de leur état ,
nous fait une loi de multiplier les copigs littéras
de la loi qui leur offre quelques refiources.
On a vu , dans la féance précédente , l'article
premier , qui prive de tout fecours ceux qui auroient
joui pendant 5 ans de 4000 liv . de traitement
ou d'émolumens , fans doute comme
ayant pu économifer de quoi fubftanter eur &
keur famille. Voici les 16 articles adoptés aujourd'hui
:
« II. Lefdits employés ferout divifés en trois
claffes . La première comprendra ceux qui ont
vingt ans de fervice révolus & - deffus ; li
feconde " ceux qui ont dix ans de fervice
révolus jufqu'à vinge ; & la troifième , cux qui
out moins de dix ans de fervice . »
« III . Les employés n'auront droit aux pen .
fions , fecours & gratifications mentionnés en
l'article premier du préfe . t décro , que dansi:
cas où l'emploi fupprimé formoit l'état nique
de celui qui l'occupoit ; qu'il en étoit pourvu,
lors de la fuppreffion dudite nploi ; & qu'il n'ait
pas été replacé depuis , ou n'ait pas réfuté de
Tétre , ai fi qu'il fera dit par l'article XI
après. »
« IV . La fuppreffion des fermes , régies 4
( 19 )
autses adminiftrations dénommées dans l'article
premier, n'ayant pas permis à ceux qui y étoient
employés d'atteindre l'époque de fervice fixée
par la loi du 23 août 1790 , pour l'obtention
des penfons , les difpofitions de ladite loi feront
modifiées quant auxdits employés feulement ; en
conféquence , ceux compris dans les articles précédens
, & qui , par leurs difpofitions , fe trouvent
avoir droit aux penfions , fecours & gratifications
dont il y eft fait mention jouiront,
après vingt ans de fervice révolus , du quart de
leurs appointemens , & il leur fera en outre ac
cordé un vingtième des trois quarts reftans par
chaque année de fervice ; de manière qu'après
quarante ans de fervice effectif, ils obtiendront
la totalité de leurs appointemens , qui ne pourra
néanmoins excéder le maximum fixé par l'article
fuivant . »
,
« V. Les traitemens qui feront accordés aux
employés fupprimés , conformément aux difpo
fitions précédentes , ne pourront excéder la fomme
de 2000 liv. , à quelques fommes qu'aient pu
monter les appointemens de leurs grades , & ils
ne pourront être moindres de cent - cinquante
livres. »
« VI. Après dix ans de fervice révolus , lefdits
employés recevront pour retraite le huitième
de leurs appointemens , & il leur fera en outre
accordé un dixième d'un ſemblable huitième pour
chaque année de fervice au- delà de ces dix ans ;
le maximum de ces penfions fera de 800 liv . ,
& le minimum de 60 hv . »
« VII. Tout fervice public que l'employé
aura fait avant d'entrer dans les régies , fermes
& adminiftrations fupprimées , fera compté pour
former fon traitement , en juftifiant de ce fer(
20 )
vice , & qu'il l'a fait & quitté fans reproche . »
« VIII . La loi du 23 août fera au furplus
applicable à tous ceux des employés fupprimés
qui en réclameront les difpofitions .
כ כ
« IX. Tout employé fupprimé ayant moins
'de dix ans de fervice , recevra un fecou.s en
argent , dans la proportion ci- après ; favoir : »
Ceux qui avoient 1200 liv . d'appointemens
& au- deffus , 120 livres par chaque année de
fervice ; »
e Ceux qui avoient de 8 à 1200 liv . d'appointemens
, 90 liv. par chacun an ; »
« Il fera payé 60 liv . par année de fervice à
ceux qui ont moins de 800 liv . d'appointemens ,
& néanmoins le fecours ne pourra être , pour
aucun d'eux , moindre de 100 liv. »
« X. Les employés qui juftifieront que les
emplois ou les diftributions de fel ou de tabac ,
dout ils jouiffoient au moment de leur fuppreffion
, leur ont été accordés comme retraite à
raifon d'ancienneté de leurs fervices , ou pour
caufe d'infirmités conftatées réfultantes du même
fervice , ou de blefiures reçues dans l'exercice
de leurs fonctions , jouiront du même traite
ment auquel ils auroient droit , s'ils avoient
continué d'être en activité de fervice dans leurs
premières places ; & le temps qu'ils ont occupé
ces nouveaux emplois ou géré lefdites places ,
leur fera en outre compté pour former le mon
tant de leur retraite . »
« XI. Les penfions & fecours accordés par le
préfent décret , ne feront pas payés à ceux des
employés qui , depuis leur fuppreffion , aurcient
obtenu une place d'un produit égal aux deux
iers de la première ; il en fera de même à
l'égard de ceux qui en obtiendroient par la fuire,
21
ou qui refuferoient de l'accepter ; & dans chacun
de ces cas , ils n'auront droit à une penfion
qu'autant qu'ils pourront préfenter un fervice
public d'au moins 30 ans , aux termes du titre
premier de la loi du 22 acût 1790. »
« XII. Pour établir les bafes du traitement
auquel chaque employé commiffionné fupprimé
aura droit à raison du produit de fa place , on
ne calculera que les appointemens fixes , les gratifications
ordinaires & annuelles , & le montant
des remifes fixes feulement , fans pouvoir y
comprendre , fous aucun prétexte , les bénéfices
ou gratifications cafuelles , le logement , les excédans
de remifes , les intérêts des cautionnemens
, les bénéfices d'ufance fur la négociation
du papier , ou tous autres émolumens de cette
efpèce. »
XIII. Ceux des employés qui prétendront
des indemnités pour raifon de dégats faits dans
leurs maifons & meubles , par l'effet des mouvemens
qui ont eu lieu depuis le 12 juillet 1789,
remettront leurs mémoires au commiffaire -liqui
diteur , lequel les régiera d'apres les certificats
des départemens ; & néanmoins lefdites indemnités
ne pourront excéder le montant de trois
années de leurs traitemens , calculés conformé➡
ment aux difpofitions du précédent article . »
сс
XI, A l'égard des employés qui avoient des
commiffions directes des compagnies , & dont les
émolumens confiftoient en tout ou en partie en
remifes fixes fur les débits , tels que les entrepofcurs
, les débitans principaux , les receveurs
de gabelles & fel , & les minotiers , il leur fera
accordé des penfions ou indemnités dans les
proportions établies par les articles IV , V , VI
& XII du préfent décret ; le montant des remiſes
( 22 )
qui leur étoient accordées fur leur débit , fera
déterminé d'après la fixation de la vente à laquelle
ils étoient affujettis . »
ce XV. Les penfious de retraite qui exiftoient
fur les régies , fermes , adminiftrations & compagnies
fupprimées , feront rétablies fi elles font
conformes , foit aux règlemens defdites régies ,
fermes , adminiſtrations & compagnies , foit aux
difpofitions de la loi du 23 août dernier ; & cependant
par provifion , lefdites penfions feront
payées conformément au décret du 2 juillet préfent
mois. >>
« XVI. Les penfions & indemnités qui feront
accordées en exécution du préfent décret , commenceront
à avoir cours à compter du premier
juillet 1791 ; & en attendant que le montant
defdites penfions , fecours ou indemnités foit
déterminé , les employés dénommés au préſent
décret jouiront pendant trois mois , des fecours
fixés par le décret du 8 mars dernier ; mais il
leur fera fait déduction de ce qu'ils auront reçu
à titre de secours , lors du paiement des pen-
Lions & indemnités qui leur feront accordées. »
« XVII. Toute perfonne le prétendant attachées
aux régies , fermes , adminiftrations ou
compagnies fupprimées , ne pourra prétendre ni
penfion ni indemnité , qu'autant qu'elle fe trouvera
dans le cas prévu par l'article III du préfent
décret , qu'elle aura prêté le ferment en
juftice , ou qu'elle juftifiera d'une commifli n
ou nomination émanée directement de la compagnie
ou adminiftration à laquelle elle étoit
attachéc , antérieure d'un an au moins à la fuppreffion
defdites régies , fermes , adminiflrations
& compagnies, »
M. Raband a rappelle la demande de M.
( 23 )
Goupil & de M. Bailly , d'un décret portant
amende ou peine contre les habitans de Paris
qui ne déclareroient pas les étrangers logés chez
eux ; & il a défigné le loyer pour bafe de
l'amende. M. Lavigne a prétendu que les maifons
étcient pleines de gens dont on ignoroit
les deffeins . On a renvoyé la motion au comité.
Après de légers débats , l'on a adopté les ar
sicles fuivans fur les délits ruraux :
« Art. I. Les propriétaires ou fermiers des
champs attenant aux chemins vicinaux , qui les
dégraderont ou les détérioreront , de telle manière
que ce foit , en les fillonnant profondément
avec la charrue , ou en ufurpant fur leur largeur,
feront condamnés à la réparation ou à la reftitution
, & à une amende qui ne pourra êtie
moins de 3 liv . , ni excéder un louis . »
, payera
« II . Tout voyageur qui déclôra un champ
pour fe faire un paffage dans fa route
le dommage fait au propriétaire , & de plus , une
amende de la valeur de trois journées de travail
, à moins que le juge de paix du canton ne
décide que le chemin vicinal eft impraticable ;
& alors le dommage & les frais de renclôture
feront à la charge des communautés. »
« III. Le voyageur qui , par la rapidité de fa
voiture ou de fa monture , bleffera ou tuera
des beftiaux fur les chemins , fera condamné à
une amende égale à la fomme du dédommagement
dû au propriétaire, »
« IV. Quiconque coupera ou détériorera des
arbres d'alignement plantés fur les routes , fera
condamné à une amende du double de la valeur
des arbres , & à une détention qui ne pourra
excéder fix mois . »
*
( 24 )) ..
ee V. Les gazons , les terres ou les pierres
des chemins publics , ni les terres des lieux appartenans
aux communautés , ne pourront être
enlevés par perfonne en aucun cas , fans le confentement
de la commune , Celui qui commettra
ce délit fera condamné , fuivant la gravité du
dommage & des circonstances , à une amende
dont le maximum fera un louis , & le minimuni
3 liv. il pourra de plus être condamné à la
détention de police municipale.
"3
ce VI. Sur la réclamation d'une des commuhautés
, le directoire du département , inftruit
par celui du district , ordonnera l'amélioration
d'un mauvais chemin , afin que la communication
ne foit interrompue dans aucune faifon , &
en déterminera la largeur. »
Sur un rapport fit au nom du comité des
finances par M. Dupont , on a rendu un décret
deftiné à affurer l'exécution de celui du 2 mars
dernier , portant fuppreflion des droits perçus ,
foit par la régie générale , foit par des fermiers
particuliers dans les ci- devant pays- d'Etats , &
à faciliter le recouvrement des droits qui étoient
dus & exigibles à l'époque de la fuppreffion .
Du mardi , 26 Juillet .
- Une jufte appréhenfion d'enrichir les ports francs
de Gênes , Nice , Livourne & Triefte , de ce que
les romans d'égalités , les théories générales contre
les priviléges enleveroient à l'induftrie & au com
merce de la ville de Marfeille , qui met en mer
1500 bâtimens chaque année , dont la navigation
eft la bafe des claffes de la Méditerranée , oc
cupe 80 mille ouvriers , & fait annuellement pour
300 millions d'échanges ; cette crainte triomphant
da
( 25 )
du defir d'innover , de tout niveller , de tout régénérer
, a porté le comité , dont M. Meynier
a été l'organe , à faire une nouvelle exception
capitale au fyftême ennemi des priviléges . Voici
le décret adopté à cet égard .
Des relations de Marfeille avec l'étranger.
cc Art . I. Les maîtres , capitaines & patror's
de bâtimens entrant dans le port de Marfeille ,
ou en fortant , continueront de faire à la douare
nationale de ladite ville , dans les vingt - quatre
heures de leur arrivée pour les navires entrant ,
& avant le départ pour ceux fortant , la déclaration
de leur chargement , en obfervant pour
l'entrée , de diftinguer par ladite déclat ition , ies
marchandifes qui feront deſtinées à la confemmation
de Marfeille , de celles que l'on voudra
mettre en entrepôt .
ככ
« Si les bâtimens entrant dins le port de Marfeille
font chargés de marchandifes , dont les unes
foient deftinées pour Marfeille , & les autres pour
l'étranger , il fera fait des déclarations particulières
relativement à chaque deftination ; & par rapport
à celles de ces marchandiſes deftinées pour l'étranger,
il fuffira , fi elles font permifes à Marfei'le ,
d'indiquer le nombre de caifles , balles ou ballots
, leurs marques & numéros ; mais fi elles
font prohibées , les efpeces & quantités feront
énoncées dans la déclaration ; le tout à peine de
' confifcation defdites marchandifes & de 100 liv.
d'amende. »
ke II. La déclaration des bâtimens devra être
fit , quand même ils feroient fur leur left . Les
patrons des bar ues & autres bâteaux pêcheurs ,
en font cependant difpenfés , dans ce cas & dans
celui où ils feroicut feulement chargés du pro-
No. 32. 6 Août 1791 .
B
( 26 )
duit de leur pêche , mais à condition qu'ils le placeront
dans le port à l'endroit particulier qui leur
eft deftiné , ap ès avoir fait leur d'barquement
de poillon frais fur les quais ordinaires , vollins des
marchés publics. »
« III . Toutes les prohibitiors à l'entrée du
royaume , ordonnées par la loi du 15 mars dernier
, fur le tarif général , auront lieu à l'entrée
du port & territoire de Marfeille ; fans cependant
que les marchandifes prohibées chargées fur des
bâtimens de cert tonneaux & au-deffus , & ayant
une deſtination ultérieure pour l'écranger , puitlent
être faifies . »
IV. Le fucre , le café , le cacao , l'indigo ,
le thé , le favor , l'amidon , la poudre a poudrer,
l'eau- de- vie de vin , la bierre , les chairs falées ,
le poiffon autre que le thon mariné , les huiles
de poiflon & les tab.cs , dont l'importation eft
permife par la loi du 15 mars dernier , les cuirs
tannés & corroyés , les ouvrages de cuir , les chapeaux
, les tilus de laine , de fil de chèvre , de
foie , de coton , de chanvre & de lia , les cotons
filés , autres que du Levant , les laines filées ,
les bourres de faie cardées & filées , les filofelles
& fleurets , les plonibs & étains laminés ou autrement
cuvié , le cuivre de toute forte , ' le laiton ,
le bronze , l'airain , & tous autres métaux avec
alliage , le foufie , les papiers , la verroterie , la
cire blanche , la porcelaine , le liége ouvré , la
mercerie , la quincaillerie , la bijouterie , tous
autres ouvrages en or , en argent & en cuivre ,
ainfi que ceux de fer & d'acier , à l'exception des
canons & des ancres , venant de l'étranger à Mirfeille
, feront fujets aux droits d'entrée du nouveau
tarif; & les marchandifes d'Angleterte ,
nommément comprises dans le traité conclu avec
( 27 )
cette puiffance , aux droits fixés par fedit traité..
ee V. Les doits du nouveau tarif feront réduits
à 60liv . le quintal , à l'égard des toiles de
coton blanches étrangères , & a 20 liv . auſſi de
quintal , pour celles provenant du commerce françois
dans ' Inde , lorfqu'elles auront la deſtination
de Marſeille. »
« VI. Seront exemptes de tous droits les marchandifes
& denrées , autres que celles dénommées
dans les articles III , IV & V du préfent
titre , importées par mer de l'étranger à Marseille ,
la déclaration devra néanmoins en être faite dans
la forme preferite par l'article I du préſent titre .
Le droit de poids & caffe qui étoit perçu à Marfeille
, tant für lefdites marchandifes & denrées
quefur toutes autres , demeure fupprimé. »
1
VII. Seront pareillement exemptes de tous
' droits celles des marchandifes comprifes dans l'article
IV du préfent titre , & ci - après défignées ,
lorfque venant de l'étranger à Maifeille par mer ,
elles devront être réexportées auffi par mer ; favoir ,
les tiffus de laine , de poil de chèvre , de foie
de coton , de chanvre ou de lin , les fils retors ,
la verroterie , la quincaillerie , la mercerie , la
bijouterie & tous autres ouvrages en or , argent ,
cuivre , fer & acier , & les objets fortés au traité
de commerce avec l'Angleterre ; leſdites marchandifes
feront mifes en entrepôt. »
« VIII. Pourront également être mis en entrepôt
, tant pour la réexportation à l'étranger par
mer , que pour la conſommation du royaume , les
toiles de chanvre fervant à des emballages , &
venant du Nord en rouleaux , les foies ouvrées ,
les papiers , l'indigo , le cacao , le thé , les chairs
falées , les poiffons falés , autres que la morue sèche
✯ le tabac , importés de l'étranger à Marſeille ,
C
B 2
( 28 )
ainfi que les, huiles de poiffon des Etats - Unis
d'Amérique. »
IX. Les magafins deftinés aux entrepôts
des marchandifes qui ne pourront être entrepolées
qu'àla charge de la récxportation , & de celles qui
jouiront de la même faveur pour la confommat on
du royaume , feront diftincts , & cependant dans
la même enceinte . Lefdits magafins feront aux frais
du commerce , & fous la clef d'un de les prépofés
& de ceux de la régie. »
« X. La durée de l'entrepôt fera de dix -huit
mois . Les marchandifes deftinées à la récxportation
, & énoncées dans l'article VII du pré--
fent titre ; pourront y être divifées , en telle quantité
que ce foit , pour former des affortimens ,
& pour être embarquées fur un ou fur plufieurs
bâtimens. »
сс
« Celles mentionnées dans l'article VIII du
même titre , ne pourront être retirées de l'entrepôt
que par caiffe , tonneau , balle ou ballot , »
XI. Les marchandifes qui , pendant 1 s dixhuit
mois de la durée de l'entrepôt , en feront
retirées pour l'étranger , n'acquitter ont aucun droit ;
celles qui en fortiront pour la confommation de
Marfcille , & de tout autre lieu du royaume , ou
qui fe trouveront en entrepôt après l'expiration
du délai de dix - huit mois , paieront , favoir ,
les toiles d'emballage , 10 liv . par quintal , & les
autres efpèces de marchandifes , les droits d'entrée
du nouveau tarif, »
« XII. Il ne pourra être retiré de l'entrepôt
aucunes marchandifes que fur un permis délivré
au bureau de la régie , vifé par les prépolés à
la garde des magafins , & après la vifite defdites
marchandifes ; celles expédiées pour l'étranger
pourront être accompagnées jufqu'à bord des
( 29 )
bâtimens par les prépofés de la régie ; & des
objets deftinés à la confommation du royaume
feront tranfportés au bureau , à l'effet d'y acquitter
les droits . »
« XIII. Les beftiaux , les vins , les bois feuil-
Jards & l'amurca ou marc d'olive , feront afiujettis
aux droits du nouveau tarif à la fortie de
Marfeille pour l'étranger , à l'exception de ceux
deftinés à l'approvifionnement des équipages des
navires françois . Toutes autres denrées ou mar
chandifes feront exportées de Marfcille en franchife
.
"
« XIV. Les marchandiſes exemptes de droits
à l'entrée de Marſeille , pourront être vifitées
fur les quais au débarquement ou au bureau
de la régie , au choix du propriétaire ou con--
gnataire . Il en fera de même de celles qui ferontcxpédiées
par mer de ce port , foit pour le
royaume , foit pour Pétranger . Les objets foumis
aax droits d'entrée feront vifités dans le buncau
de la régie , & ceux qui devront être entrepolés
lors de leur miſe en entrepôt . 33
« XV. Les prépofés de la régie ne pourront,
dans aucun cas , faire à bord des bâtimens l'ouver
ture d'aucune balle , caifle ou futaille , pour en
vérifier le contenu , ni aucune autre recherche
dans l'intérieur defdits bâtimens ; mais fi , après
la déclaration & pendant le cours du décharÍ
gement , ils appercevoient , parmi les objets déclarés
pour une deftination ultérieure & fans entrepôt ,
quelque balle, caiffe, ou futaille à l'égard defquelles
ils foupçonneroient la fauffeté de la déclaration ,
ils auroient la faculté de les faire tranfporter à
leurs frais au bureau de la douane , pour y
être vifitées en préfence du capitaine de navire
ou de l'un de fes officiers. Dans le cas our après
B
( 30 )
la vifite la déclaration feroit reconnue fincère &
véritable , kfdites marchand: fes feroient remifes
en bon état , & reportées à bord ég.l mert aux
fais deft is prépof's ; fi au contraire la faufleté
eft reconnue , les marchandifes I ront faifies , avec
Pamende indiquée dans l'article fuivant. »
XVI. Les capitaines de navires ne pourront
commencer leur embarquement ou débarquement
qu'après avoir pris un permis des prépolés .
de large ; les mur hindifes feroct failics , avee
lamen e indiquée dans I ar icle fuivant . »
« XVI. Les marchandifes étrangères tranf
portés à Marſeille par mer , & celles expédiées
à la destination de l'étranger , pourront être verfees
de bord à bord en exemption de tous droits ,
à la charge de prendre également un permis ,
& les prépofés pourront furveiller les vertemensde
bord à bord . »
Des relations de Marfi'le avec le royaume.
" Art. I. Les marchantiles qui patleront de :
la ville & du territoire de Marf. ille dans le royaume,
fans juftifier de l'acquit des droits du nouveau !
tarif payés à l'entrée de cette ville , ou du certificat
de leur fabrication dans ladite ville & territoire
, délivré par les officiers municipaux de la :
vilie , & vifé par les prépofés de la douane , acquit ..
teront ces droits aux bureaux de la régie , établis
fur les limites du territoire , ou aux entrées du
royaume. »
II. Les huiles d'olive expédiées defdites villes
& territoire pour les autres parties du royaume ,
continueront d'être accompagnées d'une expé-·
dition de la douane de ladite ville for conftater
leur origine , & les droits en front payés .
fuivant leur efpèce , conformément au tarif gé❤ .
néral . »
( 31 )
« III. Pour éviter que des huiles de la côte
d'Italie foient préfentées aux bureaux d'entrée
comme huiles du Levant ou d'autres qualités inféricures
, afia d'acquitter un moindre droit , la
municipalité de Marſeille arrêtera tous les mois
un état du prix des huiles communes & des frais
de tranfport aux divers ports du royaume , à raifon
du quintal poids de marc . Un double dudit état
figné par les officiers municipaux , fera remis
au bureau de la régie à Marfcilie ; & le prix des
hui'es , conformément au même état , fera porté
fur les expéditions. Lorsque les prépofés de la
régie aux lieux de la deftination foupçonneront que
les huiles qui leur feront préfentées , comme étant
de qualité inférieure , font de la côre d'Italie , ils
pourront les retenir en payant leur valeur , ainfi
qu'elle fera portée aux expéditions , & le dixième
en fus . »
1
« IV. Les productions des fabriques de Marfeille
& de fon territoire , accompagnées des
certificats de la municipalité , vifés par les prépofés
de la douane nationale de ladite ville , ne
paieront à leur paffage aux bureaux fitués fur les
limites du territoire ou aux autres entrées du
royaume , d'autres droits que ceux fixés par le tarif
qui fera annexé au préfent décret , lefquels font
réglés proportionne lement à la franchife dont
lefdites productions jouiffent fur les matières entrées
dans leur fabrication . Lefdits certificats
n'auront cependant leur effet que pour ce qui
fera expédié par mer , qu'autant que l'embarquement
aura été certifié par les employés de la régie
fur le port. "
« Celles deftinées pour la Corfe feront expédiées
en franchiſe de droit. »
u V. Les objets manufacturés dans le royaume ,
B 4
( 32 )
& qui auront été expédiés pour Manfeille , pour-,
ront être reportés par terre dans l'intérieur du
royaume , pour fa confemmation , en acquittant
aux bureaux placés fur les limites du territoire ,
les droits énoncés en l'article IV ci- deffus. »
« VI. Seront cependant exemptes desdits droits
les mêmes marchandifes venues des fabriques de
l'intérieur à Marſeille , que l'on enverra au lieu
de la fabrique , pour les y faire réparer , à la
huge de prendre l'acquit - a- caution fur la fou
miflion de faire rentrer à Marseille lefdités marchandifes
dans le délai de fix mois, »
ec VII. Les fabricans de la ville & territoire
de Marſeille , pourront faire paffer par terres
dans l'intérieur du royaume , les matières premières
qui ont befoin de recevoir quelques apprêts
avant d'être mifes en oeuvre , & de les y
faire reporter après qu'elles auront été apprêtées ;
le tout en exemption de droits & en donnant
par lefdits fabricans , les foumiflions néceffaires
au bureau de la régie pour affurer le retour ,
dans le délai de fix mois , defdites matières apprêtées
, ou le paiement du droit d'entrée , s'il
en eft dû. »
« VIII. Les fabricans de l'intérieur duroyaume
qui ayant blanchi ou fabriqué des cires étrangères
deftinées à la récxportation , les ferent
relortir par Marseille , continueront à recevoir
le rembou:fement des droits acquittés à l'entrée
fur ces cires venues en jaune , à la charge de jufitifier
du paffage defdites cires ouvrées à l'un
des burcaux fitués fur les limites du territoire,
de leur entrepôt à Marfei'le , fi elles y ont
féjourné , & de leur embarquement dans ce port ;
comme encore de rapporter l'acquit des droits
( 33 )
d'entrée délivré dans les deux années antérieures.
»
Le même remboursement continuera à avoir
lieu , & fans aucune déduction fur toutes les cires
blanchies , ou autrement ouvrées , qui feront
renvoyées du royaume à l'étranger , quel que ,
foit le bureau d'importation & d'exportation en
juftifiant de la quittance du droit d'entrée . »
<< IX. Les matières premières , néceffaires à
l'aliment des manufactures de Marfeille , pourront
paffer de l'intérieur du royaume à Marſeille
en exemption de tous droits , mais feulement jufqu'à
la concurrence des quantités qui feront dé
terminées chaque année par le directoire du département
, fur l'avis de celui du district , &
d'après la demande de la municipalité ; ces objets
devront être accompagnés de paffc- avant délivrés
pour lefdites , par les prépofés du bureau de ladite
ville . »
« X. Les befliaux , les vins , les bois de
chauffage , de conftructions & feuillards , l'amurca
, le marc d'olive & tous les charbons .
pourront également paffer du royaume à Marfeille
& dans fon territoire , en exemption de
droits , en telle quantité que ce foit . »
« XI. Les marchandifes & denrées non comprifes
dans les art, IX & X ci- deſſus , feront
fujettes au paffage , de tel lieu du royaume que
ce foit , dans la ville & territoire de Marſeille ,
aux droits & prohibitions qui ont lieu à toutes
les forties du royaume . "
« XII . Les marchandifes & denrées qui devront
paffer d'un lieu à un autre du royaume,
par empruat de la ville & territoire de Marfeille
, feront exemptes de tous droits , à la
charge , elles font tranfportées par mer
B's
•
de
( 34)
ne pouvoir être hargées fur des bâtimens françois
, d'être expédiées par acquie-à- caution pris ',
anlieu du chargcement , & d'être mifes en entrepôt
, comme il eft réglé par l'article VII , au
titre premier du préfent décret ; & fi c'est par
terre , d'ètre pareillement expédié par acquit-acaution
délivré au plus prochain bureau des lieux
d'en'èvement avec deftination pour l'entrepôt.
Le déli dudit ' entrepôt fera de fix mois ; &
ce terme expiré , les droits de fortie , s'il en
étoit dû à la deftination de Marseille , feront
a:quittés.»
сс
XIII. Les marchandifes & denrées qui ferort
retirées de l'entrepôt pour être tranfportées par
mer dans un autre port de France , ne pourront
également être chargées que fur des bâtimens
françois ; elles feront accompagnées d'un acquità
caution , fi elles font fujertes aux droits de fortie
du nouveau tarif , ou & la fortie du royaume en
et prohibée ; & d'un fimple paffe - avant , fi elles
font exemptes des droits de fortie . »
« Celles qui devront rentrer dans l'intérieur
du royaume par le territoire de Marſeille , feront
expédiées par acquit- à- caution pour le premier
bureau d'entrée . "
Du commerce a: -delà du Cap- d -Po ne-Espérance
& des colonies françoifes d'Amérique.
« Art. I. Le port de Marfeill continuera d'être
ouvert aux armémens pour le commerce françois
au-delà du Cap de Bonne-Espérance , & au commerce
des colonies françoifes , foit pour le départ ,
Toit pour le retour des colonies d'Amérique , en
obfervant les formalités qui feront ci - après prefcrites.
>>
II. Les marchandifes fujettes à des droits
àl'entrée du royaume, & que l'on voudra charger
( 35 )
dans les villes & territoire de Marſeille , à la
destination des commerces énoncés en l'article
ci- deffus , feront conduites au bureau des denrées
coloniales établi en ladite ville . Elles y acquitteront
après déclaration & vifite , les droits d'entrée du
nouveau tarif, & ferent enfuite embarquées fur
un permis des prépofés de la régie audit bureau, s
Les chairs , lards , beurres , faumons falés
& chandelles , feront feuls exempts dudit droit ,
quoique chargés à Marseille . »
« III. Jouiront également de l'exception de
tous droits pour lesdites deftinations , les marchandifes
des manufactures de Marſeille , fur la
repréſentation des certificats de f. brication délivrés
par les officiers municipaux ; mais lefdites marchandifes
ne pourront être embarquées qu'avec
le permis du prépofé des denrées coloniales , qui
fera délivré après la déclaration & la vifite , »
ce Les favons & les cires blanches defdites
fabriques feront feuls affujettis à la deftination
des colonies , à un droit de 7 liv . par quintal. »
cc IV. Les denrées & marchandifes expédiées
du royaume pour Marſeille , à la defination de
l'Inde & defdites colonies , feront parcillement
exemptes de tous droits , mais à la charge d'être
expédiées par acquit - à - caution délivré , fi c'eſt par
mer,au bureau du port de l'embarquement ; fi c'eft
par terre , à l'un des bureaux fitués fur les limites
du territoire de Marſeille , à l'effet d'allurer leur
entrepôt réel à leur arrivée à Marseille , leur em
barquement & leur deftination . »
« V. Les capitaines de navires venant des ifles
& colonies françoifes à Marseille , feront affujetis
aux mêmes déclarations & droits que dans les
autres ports ouverts à ce commerce . »
« VI. Les cotons en graine & en laine defdites
B 6
( 36 )
colonies feront mis , à leur arrivée à Marseille ,
en entrepôt ; & s'ils en font retirés autrement que
pour entrer dans le royaume ou dans la ville de
Marſeille , pour l'ufage de fes fabriques dans les
proportions qui feront déterminées , comme il
eft preferit par l'article IX du titre II , ils feront
en ce cas fujets aux droits de douze livres par
quintal . »
« VII. Au moyen des difpofitions portées par
l'art . V du préfent titre , & de celles énoncées
en l'art. IV du titre premier , les fucres , même
rafinés , le cacao , le café & l'indigo pafferont
de Marſeille dans les autres parties du royaume
en exemption de droits , pourvu qu'ils feient
accompagnés de pafle-avant; les autres marchandifes
des colonies françoifes feront , à la même
deftination , fujettes aux droits du nouveau tarif,
à moins qu'à leur arrivée elles n'aient été mifes
en entrepôt . Dans ce dernier cas , elles feront auffi
expédiées par paffe - avant pour le premier bureau
du royaume. »
сс
« VIII. Pour éviter que l'on n'applique aux
cafés du Levant l'exemption de droits dent jouiront
les cafés des colonies françoifesimportés deMarfeil e
dans le royaume , la franchiſe accordée à ceux - ci ne
pourra avoir lieu qu'autant qu'ils pafleront par l'un
des bureaux de Septemes, la Penne , la Gavotte ,
Toulon , Cette , Agde , Vendres & Arles ; &
les prépofés auxdits bureaux pourront retenir les
cafés qui Lur feront préfentés comme provenant
des colonies, ca payant le prix defdits cafés d'après
l'état d'évaluation des denrées coloniales arrêtés
pour l'année , & le dixième en fus . »
Article général & commun .
« L'inexécution des formalités preferites par les
( 37 )
troistitres ci - deffùs , afſujétira les contrėvėnañs aux
peines portées par les loix générales dans tous les
cas auxquels il n'y aura pas été dérogé par le pré, ·
fent décret . » 2
Aujourd'hui que la révolution eft couronné , a
dit alors M. Démeunier , vous avez voulu arrêtet
les mouvemens révolutionnaires ; vous avez pris
l'invariable réfolution de rétablir l'ordre & d'affu
ier , avant votre départ , l'obéillance abfolue aux
loix qui eft le véritable caractère de la liberté. Le
bon emploi de la force publique encouragera les
citoyens honnêtes y……. réduira au filence les calomt
riateurs de vos inftitutions , ... ramènera parmi
nous ceux que la peur a éloigné , garantira
leurs propriétés , fi de nouveaux attentats ne nous
forcent pas à les mettre en féqueftre ... Vengeance
digne de vous & de la grande nation que vous
repréfentez .
..
Dans les raifonnemens du rapporteur & dans le
-projet de décret qui les a fuivis , peut-être n'a-t- on
pas affez diftingué la force populaire , la force nationale
& la force publique . Actuellement tout
rend la première évidente & fenfible dans toutes
les parties du Royaume. Une guerre étrangère
donneroit la mefure de la feconde , où les talens
éprouvés des chefs , la difcipline & l'habitude des
exercices & des fatigues militaires , l'abondance
des munitions & du numéraire , balanceront toujours
le nombre des enrôlés. La troisième paroît
: effentiellement incompatible avec un armement
univerfel. On ne fauroit vouer au maintien de la
police , de la sûreté , des propriétés , qu'une foible
partie de cette maffe énorme , formidable ,
que le flux & le reflux de l'opinion , le choc des
paflions , des intérêts , des fictions pourront empê-
2 chec d'ètre docile à l'afcendant moral de la loi &
7
"
3
( 38-)
au refpect des droits de la liberté politique & individuelle.
Voici les articles tel qu'ils ont été décrétés
après divers amendemens qui n'ont inflivé
que fur quelques termes :
« L'Affemblée nationale , confidérant que la
Liberté confifte uniquement à faire ce qui ne nuit
pas à autrui , & à fe foumettre à la loi ; que tout
citoyen , appelé ou faifi en vertu de la loi , doit
obéir à l'inftant , & fe rend coupable par la réfif
tance ; que les propriétés donnent un droit inviolable
& facré ; qu'enfin la garantie des droits de
f'homme & du citoyen nécelite une force publi
que , décrère ce qui fuit , touchant l'emploi &
J'action de cette force dans l'intérieur du royaume.»
Art. I. Toutes perfonnes furprifes en Alagrant-
dé it , ou pourfuivies par la clameur pu
bique , feront faifies & conduites devant l'officier
de police. "
*
te Tous les citoyens , inferits ou non fur le rôle
de la garde nationale , font tenus , par leur ferment
civique , de prêter fecours à la gendarmerie
nationale , à la garde foldée des villes , & à tout
forCtionnaire public, auffi- tôt que les mots , force
à la loi , auront été prononcés , & fans qu'il ſoit
befoin d'aucune autre réquisition , »
ce II. Les fonctions mentionnées en l'article
premier de la fection deuxième du décret du 16
janvier dernier , que la gendarmerie nationale
doir exercer fans requifition particulière , feront
remplies pareillement par les gardes foldées , dans
les villes où il y en aura , non-feulement en ce
qui concerne les flagrans- délits & la clameur publique
, mais auffi contre les porteurs d'effets
volés ou d'armes enfanglantées , les brigands ,
voleurs & affaffins , les auteurs des voies de
fait & violences contre la sûreté des perfonnes
139. )
& des propriétés , les mendiars & vagabonds
les révoites & attroupemens féditieux, » .
a III. S. des voleurs ou des brigands fe porent
en troupe fur un territoire quelconque , ils feront
repoutlés , failis & livrés aux efficiers de police
par la gendarmerie nationale & la garde foldée
des villes , fans qu'il foir befoin de requifition.
Ceux des citoyens qui fe trouveront en activité
de fervice de garde nationale , prêteront main
forte au befoin , & fi un fupplément de force
eft néceffaire , les troupes de ligne , ainfi que
tous les citoyens inferits , feront tenus d'agir fur
la requifition du procureur de la commune , ou , à
fon défit , de la Municipalité, »
« IV. Alors la réquifition des communes limitrophes
continuera d'être autorifée : celles qui ,
pouvant em , êcher le dommage ne l'auront pas
fait , en demeureront refponfables envers les per
fonnes léfées , & feront pourfaivies , fur la réqui
fition du procureur - général - fyndic du départe
ment , à la diligence du procureur -fyndic du
diſtrict , devant le tribunal le plus voisin. »
> V. Les dépofitaires de la force publique
qui , pour faifir leidits brigands ou voleurs , fe
trouveront réduits à la néceffité de déployer la
force des armes , ne feront point refponfables des
évènemens. »
« VI. Si le nombre des brigands ou voleurs
rendoit néceffaire une plus grande for e avis en fera
donné fur-le-champ par la municipalité , on le
procureur de la cominune , au juge de paix du
canton & au procureur- fyndic du district ; ceuxci
, & tujours le procureur- fyndic à défaut ou
en cas de négligence du juge de paix , feront
tenus de requérir , foit la gendarmerie nationale
, foit la garde foldée , dans les lieux ouì il y
( 40 )
An'auras qui feuvent le trouver dans le canton,
du lieu du délit , ou même dans les autres
cantons du district ; fubfidiairement les troupes
de ligne qui feront à douze milles du lieu de l'incurfion
; & enfin , dans le cas de néceffité , les
citoyens inferits dans le canton & dans le diflrict
pour le fervice de la garde nationale . »
« VII. Quiconque s'oppofera , par violence
ou voie de fait , à l'exécution des contraintes
légales , des faifies , des jugemens ou mandats
de juftice qu de Folice , des condamnations par
corps , des ordonnances de prife-de- corps , fera
contraint à l'obéiffance par les forces attachées
au fervice des tribunaux , par la gendarmerie
nationale , & par la garde foldée des villes . »
CCcc VIII. Si la réfiftance eft appuyée par p'uheurs
perfonnes ou par un attroupement , les
forces feront augmentées en proportion ; & à ce
cri , force à la loi , tous les citoyens feront tenus
de prêter fecours , de manière que force demeure
toujours à justice ; les rebelics feront faifis , livrés
à la police , jugés & punis felon la Loi . »
« IX. Sera réputé attroupement féditieux , &
puni comme tel , tout raffemblement de plus de
quinze perfonnes s'oppofant à 1 exécution d'une
doi , d'une contrainte ou d'un jugement . »
ce X. Les attroupemens féditieux contre la
perception des cens , redevances , agriers & champarts
, contre celle des contributions publiques ,
contre , la liberté abfolue de la circulation des
fabfiftances, des efpèces d'or & d'argent, ou toutes
autres espèces monnoyécs , contre celle du travail
& de l'induſtrie , ainfi que des conventions
:relatives aux prix des falaires , feront diflipés par
Ja gendarmerie nationale , les gardes foldées des
willes, & les citoyens qui fe trouveront de fer(
47)
Vice en qualité de gardes nationales : les coupa
bles ferent faifis pour être jugés & punis felon
là lại . s
le
« XI. Si ces forces fe trouvent iufuffifantes
procureur de la commune fera tenu d'en don '
ner avis fur-le -champ au juge de paix du canten
& au procureur-fyndic du diftrict
« XII. Ceux-ci , & toujours le procureurfyndic
, à défaut ou en cas de négligence du
juge de paix , feront tenus de requérir a l'inftant
le nombre néceffaire de troupes de ligne qui fe'
trouveroient à douze milles ; & fubfidiairement
les citoyens infcrits dans la garde nationale , ſoit
du canton oùle trouble fe manifefte , foit des autres
cantons du dift: ict. Les citoyens actifs des communes
, troublées par ces défordres , feront en même
temps invités à prêter fecours pour d.fiper l'at
troupement , faifir les chefs & principaux coupa
bles , & pour rétablir la tranquillité publique &
l'exécution de la loi . »
« XIII . La même forme de réquifition & d'ac-'
tion aura lieu dans le cas d'attroupement féditieux &
d'émeute populaire contre la sûreté des perfonnes ,
quelles qu'elles puiffentêtre , contre les propriétés ,'
contre les autorités , foit municipales , foit adminif
tratives , foit judiciaires , contre les tribunaux civils
, criminels & de police , contre l'exécution des
jugemens , ou pour la délivrance des prifonniers
o condamnés ; enfin contre la liberté ou la tranquillité
des Affemblées conftitutionnelks. »
сс« XIV. Tout citoyen eft tenu de prêter mainforte
pour faifir fur- le-champ & livrer aux efficiers
de police quiconque violera le refpect dû
aux fonctionnaires publics en exercice de leurs
fonctions , & particulièrement aux juges ou aur
jurés. לכ
29
t
( 42 )
« XV. Les procureurs- fyndics des diſtricts ,
auffi - tôt qu'ils feront dans le cas de requérir des
toupes de ligne , feront tenus , fous leur refponfabilité,
d'en inftruire les procurcu: s - généraux-
Tyndics de départemens , qui , fous la même refponfabilité
, en donneront avis fur - le- champ à la
légiflature & au Roi , & leur tranfmettront la
connoiffance des évènemens , à mesure qu'il
furviendront. »
« XVI. Si la fédition parvenoit à s'étendre
dans une partie confidérable d'un diſtrict , lẹ
procureur-général-fyndic du département fera tenà
de faire les requifitions récaires aux gendarmes
nationaux & gardes foldées , même en cas de
befoin aux troupes de ligne , & fubfidiairement
aux citoyens infcrits comme gardes nationales
dans des districts autres que celui où le défordre.
aéclaté ; d'inviter en même temps tous les citoyens
actifs du diſtrict , troublé par ce défordre , a fe
réunir pour opérer le rétabliſſement de la tran
quill té & l'exécution de la loi . Les procureursgénéraux-
fyndics , auffi - tôt qu'ils prendront cetre .
mefure , feront tenus , fous leur refponfabilité ,
d'en donner avis au Roi , & à la légiflature fi elle
eft affemblée. »
сс
XVII. Les requifitions des juges de paix cefferont
à l'inftant où les procureurs-fyndics en auront
fait , & ceux - ci s'abftiendront pareillement
de toute requifition , auffi - tôt après l'intervention
des procureurs généraux - fyndics . »
XVIII. Les citoyens inferits fur le rôle des
gardes nationales , & non en état de fervice , ne
feront requis qu'à défaut & en cas d'infuffifance
de la gendarmerie nationale , des gardes foldées &
des troupes de ligre. »
« XIX. Il ne pourra , en aucun cas , être fait
( 43 )
de requifition aux gardes nationales d'un autre
département , fi ce n'eft en vertu d'un décret du
corps législatif fanctionné par le Roi . »
« XX. Aucun corps ou détachement de troupes ,
de ligne ne pourra agir dans l'intérieur du royaume
fans une requifition légale , fous les peines établies .
les loix. »
par
D'autres articles n'ont été adoptés que fauf
rédaction . L'un de ces derniers a donné lieu à
M. Démeunier de dire qu'il y a une grande im-.
moralité à changer le cours de la force publique ;
«< que demander à un magiftrat civil des ordres
pour avoir occafion de faire feu , c'eft montrer
une avidité de fang qui ne peut être adoptée » ;
le tout à propos de l'idée de M. Tronchet que
le commandant de la force publique avertit le
magiftrat le plus à fa portée dans un cas d'infurrection
alarmante , & que celui- ci , juge de
paix ou municipal , fût tenu de fe préfenter fur
cet avertiffement .
M. Prieur a defiré que l'officier civil joignit
aux proclamations & au drapeau rouge , un
inftrument qui fe fit entendre mieux & plus .
loin que la voix . C'est au comité à propoſer
l'inftrument qu'il préférera tambour , trompette ,,
fonnette ou crece le.
On a annoncé que les membres du comité de
conftitution ſe réuniront ce foir pour entendre
une première lecture de la charte conftitutionnelle
heureufement achevée . Cette annonce a
été couverte d'applaudiffemens.
Sur la propofition de M. le Clerc , un décret
a ordonné que les compagnons & les ouvriers .
papetiers ne pourront quitter leurs maîtres fans
es avoir prévenus fix femaines auparavant, fous
peine de 100 livres d'amende payables par corps.s
( 44 )
& de 300 livres contre les maîtres fabriquans
qui les recevront ou engageront ; que les maîtres
avertiront de même les compagnons & ou
viiers , ( ks uns & les autres devant témoins ) ,
à peine de les nourrir & payer pendant fix
femaines . Le pouvoir exécutif cft chargé de fire
cxécuter ce décret , & les commiffaires de l'Affemblée
veilleront à fon exécution .
La question s'il y aura des ordres en France ,
rapp ll'e par un mot de M. Boiffy fur l'ordre de
Malthe , a été ajournée à famedi prochain."
Une lettre de M. Thévenard- a invité l'Affemb'ée
à décider fi les gouverneurs des colonics
conferveront le droit de fanctionner qui leur
cft donné par les décrets . M. Begouen a fait
fentir combien il étoit important de prononcer
au plutôt pour la sûreté des colonies . Le corps
conftituant a rendu , fur-le- champ , ´un décret '
affirmatif , & fa féance a été levée .
: Du mardi féance du foir,
Lettres & adreffes des directoires , des gardes
nationales érigés en corps délibérans , & d'amis
de la conftitution , lues avec la même fatisfaction
que toujours & aufli ingénuement applaudies.
Mais une adreffe dont M. Lavigne , l'an dest
fecrétaires , a fait lecture , & qu'il a dite être
quée de 1670 citoyens de Montauban , a donné
hieu aux plus violentes rumeurs qu'on ait vucs:
raitre depuis long-temps dans l'Aflemblee . Nous
en tranferirons ici les principaux pallages pour
caractériser & les correfpondans & l'auditoire ,
par les faits même & non par aucunc opinion .
individuelle.
Les citoyens de Montauban réunis autour
de l'autel de la patrie , y célébroient l'anniver- g
( 45 )
1
,
faire de la liberté conquife... lorfque des mur
mures fourds ... font venus troubler un inftant
la férénité de la fête . Une déclaration de 290
députés à l'Affemblée nationale nous a été remife
; elle a excité parmi nous une indignation
mêlée du plus profond mépris. Quel eft donc
le but de cet écrit coupable , & quel eft l'espoir
de les auteurs ? Prédicateurs finatiques de la
guerre civile , veulent - ils... armer d'un poignard
homicide le fils contre le père ( on applaudit à
gauche ) , & ne faire de ce vafte empire qu'un
théâtre de défolation & d'horreur ? Depuis deux
ans ces hommes barbares ne cellent de fouffler
le feu de la difcoide , tantôt au nom de Dieu ,
tantôt au nom du Roi. Ennemis de l'un & de
fautre , c'eft fur des monceaux de cadavres
qu'ils voudroient rétablir le règne à jamais odieux
des terans & des prêtres... Avec quelle adreffe
perfide ils feignent de s'attendrir fur le fort du
Monarque ! ils le préfentent captif , enchaîné ,
dépouillé de fa prérogative , liyré à la merci de
fes fujets révoltés contre lui . Ils verfent fur fes
malheurs des larines hypocrites (applaudiffemens
du côte gauche ) , les traîtres ! & ce fout cuxmêmes
qui ont creufé l'abîme où ils l'ont précipité.
C'eft par l'effet de leurs confeils , de
leurs complots , de leurs manoeuvres , que ce
prince eft devenu parjure & malheureux. Leur
fied- il de reprocher à la nation le crime qu'ils
ont commis ? Oui , Meffieurs , fans cel pertur
b.teurs du repos public , que des choix peu
réfléchis ont placés dans l'Affemblée de nos
législateurs , où ils étoient fi peu digne de pàroître...
( ici le côté gauche & les galeries ont
retenti d'éclats de rire & de battemens de mains ) .
« Il faut relire cela demain , a dit alors M.
1
( 46)
Perdrix ; ils n'y font pas. » Les membres de la
droite étoient en très -petit nombre. M. Lavigne
a pourfuivi.
La France cûr joui du calme & de la paix ,
la plus belle des révolutions fe fùr opérée fans
ébranlement , les peuples feroient heureux , &
Louis XVI n'eût p : s affoibli , par de fauffes
démarches , le refpect que les citoyens fe plaifoient
à lui témoigner. Mais fi leurs proteftations
ne font dictées que par le tendre a tachement
qu'ils ont pour le Roi , pourquoi ne font- ils pas
le facrifice de ce qui leur eft perfonnel ? On les
eût crus peut-être fi renonçant a l'orgueil du rang
& de la nailfance , rentrant uoblement dans la claffe
des citoyens , fe dépouillant de ces richeffes corruptrices
qui fi long- temps ont fouillé l'autel &
fcandal fé l'églife ( vifs applaudiffement ) , ils fe
fuffent montres vraiment purs & défin : éreffés ;
mais en ce moment ils affectent de poffer des
' cris lamentables fur la perte de la royauté , i's
s'obtinent à retenir des noms , des titres , des
priviléges que la nation entière leur contefe , &
qu'elle ne veut plus reconnoître.. Si l'on jugeoit
cet infame écrit avec toute la rigueur qu'il mérite
, on ne balanceroit pas à invoquer contre fes
auteurs la jufte févérité des loix . Le respect du
à l'inviolabilité des repréfentans de la nation eft.
grand fans doute ; mais vous avez décidé qu'il
exifte des délits dont l'effet eft de priver up
repréfentant de la nation de fon inviolabilité
& s'il en exifte , le crime des 290 députés eft
inconteftablement de ce nombre... »
сс
« Ah ! c'en eft trop , s'eft écrié M. Malouet qui
´s'étoit élancé à la tribune . Je demande la parole.
» On exige , au milien d'un bruit inexpiimable
, que M. Lavigne répète la phrafe ; on
( 47 )
ne fait filence que pour lui fcul ; a relit avec
complaifance & continue .
ncur се
>
Ces amis de la paix & de la liberté jurée des
oprions , fi refpectueux , fi juftes envers leurs
repréfentans , le Monarque & l'églife , appellent
Técrit qu'ils cenfurent , une déclaration de guerre
contre la nation une révolte de la minorité
contre la majorité , un entaffement d'injures
contre la fouveraineté du peuple : « & nous
pourrions fouffrir , ajoutent- ils , que nos ennemis
fiégeaflent encore parmi nos légif.teurs
qu'ils infultalent à la fageile de leurs décrets ,
qu'ils continuafin de préfenter le fcandaleux
exemple de la défobéillance la plus féditieufe ! »
Reprochant aux 290 ce qu'ils ont dit de l'honqui
n'eft plus pour eux dans la route
commune ; l'écrivain affirme que l'honneur
confifte à remplir les engagemens qu'on a contractés
, axiône incontcitable qui peut fervir à
juger tout mandataire parjure à fes commettans.
Il traite les 290 , de repréfentans infidèles , de
lâches , d'égoïltes dangereux ; les accule d'avoir,
à prix d'or , corrompu des collègues que 1.ur
état palé auroit dû rendre incorruptibles .
» I
demande s'ils recevront leur falaire en reftant
dans leur nullité : « exigercz - vous que nous
payions aufli votre inaction , & joindrez - vous
l'injuftice à la révolte ? » Il louc l'Affemblée
nationale d'avoir retisé l'héritier du trône « des
mains que le parjure avoit fouillées » ; de ce
qu'elle a diftingué le Roi de la royauté , le
Prince du trône , le forctionnaire de fes fonctions
, l'homme de fes devoirs . « Tout ce que
vous avez fait , vous avez dû, le faire . » Les
1670 fitiffent par jurer de vivre libres ou mourir ,
d'adhérer à tous les décrets fans réſerve , & par
( 48 )
ces mots : « fi les malveillans ofcient . tenter de
faire rétrograder la révolution , fouvenez - vous
que nos bras font armés pour vous défendre &
pour vous venger . »
reur ,
Des tranfports de joie ont couvert ce vou
civique. M. Malouet a voulu prendre la parole ,
des cris redoublés : à l'ordre du jour , la lui ont
enlevée . On a demandé l'impreffion de l'adrele ' ,
il s'y eft oppofé ; le tumulte étoit au comble
quand M. Rewbell a fait la motion de déclarer
coupables les 290 fignataires & de les envoyer à
'Orléans . M. Maloue: ainfifté , foit comme accufafoit
comme accufé ; il demandoit qu'on fit
juftice de tant d'outrages applaudis ou qu'on fit
le procès à ceux qu'on en accabloit . « C'eft ,
difoit- il , l'injuftice la plus horrible un defpotime
infoutenable, » Un bruit affeux lui a
coupé la voix. On eft paffé à l'ordre du jour .
M. Malouet fe retire , les galeries applaud. Tent ;
il rentre , elles ceffent de battre des mains ; il
fort , eles recommencent , le président leur impofe
fience , & fur la niotion , fans doute peu
diferette , d'imprimer l'étrange adreffe écrite ou
copiée à Montauban , l'Affemblée s'occupe d'un
autre objet.
сс
Nos lecteurs fe fouviennent d'un décret rendu
contre le commiffaire général ordonnateur de la
marine à Toulon , fur l'inculpation hafardée
d'avoir couru le rifque de foulever les ouvriers
du port en affirmant , à tort , qu'il n'y avoit
que 3,000 livres en caiffe lors de la nouvelle du
départ du Roi , tandis que , fuivant un procèsverbal
, on y avoit trouvé 13,690 livres ca
numéraire & une fomme très - confidérable en
affignats . Ils n'ont pas oublié l'énergique réclamation
649
mation de M. Malouet qui fufpendit l'effet de
ce décret d'arrestation illegale dont le titre feuf!
auroit pu livrer un citoyen vénérable , un père
de famille aux fareurs meurtrières d'une multitude
égarée . Eh bien ! aujourd'hui , M. Varin ap
attefté à l'Affemblée nationale qu'au moment de
la déclaration de cet intègre ordonnateur , il n'y
avoit réellement que 3,000 livres en caiffe , &
que ce ne fut que le lendemain qu'il y eut
13,690 livres , graces à des verfemens faits de
l'aveu du tréforier . L'Affembléc a conféquem-”
ment déclaré non avenu fon décret fufpendu z
rétractation honorable , comme tout ce qui eft
julte , mais qui rend évidente la nécefité de
moins adminiftrer ; ou de ne décréter que furl
des inform itions plus probantes qu'un fimple
rapport, & contradictoirement vérifiées .
-
M. Tricdud a fait fon rapport für Téchange
du comté de Sancerre ? Sins révoquer en doute
la vérité des allégations , on peut croire qu'ellesne
feront rigoureufement démontrées que lorfque
les parties intéreffées auront été entendues s
or , M. d'Espagnac a demandé à Fêtre, & le
la féance extraordinaire de vendredi
foft En attendant les réponfés de M. d'Espagnac
& celles de M. de Calonne perfonnellement in
culpé , le comité & le rapporteur ont évalué les
objets , ils y ont joint le domaine de Rhaling
dont l'engagifte ne s'eft pas mis en pofleflion y
& les fommes payées par le trefor public pour
foulte & frais d'évaluation ( 1,160,733 livres ) ,
un total de 5,738,281 livres & ont formé ale comté de Sancerre ne
112 fols: Selon eux ,
་ ་ ་
donne qu'un produit brut annuel de 71,917 liv , g
l'adminiſtration des domaines n'en a même perçu ,
pendant une régie de cinq années , que's 4,057
N° 32 6 Août 1791.
20
C
livres , année commune , fur laquelle fomme il
a fallu acquitter les charges. Les conclufions ultérieures
de M. Fricaud ont donc été le projet
de décret fuivant :
« L'Aemblée nationale , confidérant que rien
ne juftific que le gouvernement ait excité en 1777,
le heur d'espagnac à faire l'acquifition de la
terre de Sancerre ; »
Qu'aucun motif, réel de juftice, ou de convenance
n'a déterminé l'échange de cette terre
ca -1784
בכ
Js Que le confentement donné par le Roi à
cet échange a été furpris par un expoté infidèle du :
fieur de Calonne , alors fop miniftre , devenu
pattie intéreflée dans ce même échange »
сс
..
Que dans le choix des domaines échangés
on a compris des forêts confiderables , contre
l'intention que le Roi avoit expreflément, manifeltée
;
« Que la maffe des domaines donnés en
échange a été progreffivement augmentée , au
préjudice de l'état , par des diftractions & des remplacemens
combines
« Et qu'enfin l'intérêt national , bleſſé , par
la disproportion énorme qui exifte entre le do-,
maine de Sancerre & ceux qui ont été cédés en
échange ne permet pas de confommer un parcil
contrat
so Décrèce ce qui fuit ; »
2
Apvil. L'Ademblée nationale révoque le
contrat d'échange , palé le 30 mars 1785
entre les commullaires du Roi d'une part , & le
S. Jaun-Frédéric Guillaum , Sahuguet d'Efpognac
de l'autre , & tout ce qui a précédé & fulvi
deérète, en conféquence que tous les domaines
compris, audit contrat , & aux lettres - patentes des
1
1
mois de mars & dadût 1786 3 font réunis am
domaine national pour être adminiftrés par les
préposés à la régie desvdomaines : nationaux , à
compreradela publication du préfent décretji
délaiffe audit fieur d'Efpagnac le ci-devant comté
de Sancerre , pour s'en remettre en poffeffion
actuelle , & en jouir comme filedit échange
n'avoit pas eu lieu. »
• 2
« II. L'agent du tréfor public fe pourvoira
par les voies de droit en paiement de la fomme
de 500,000 live , dont il a été donné quittance
audit heur d'Espagnac , par le contrat d'échange .
*C
ག
H. It fe pourvoira également , en répétition .
de pareille fommé de 500,000 liv. , payée en
vertu de l'ordonnance de comptant , du 9 jan, s
vier pour foulte provifoire dudit échange , &
ceo, brant contre ledit fieur d'Espagnac que contre ,
lesfieur des Calonner, qui a fait délivrer cette
fommel contre la décifion du Roi , du 26 ſeptembreta784yi
fansen affuret l'emploi en paic- .
ment des dettes hypothéquées fur le ci-devant
comté de Sancerre.febr 139
IV. d'agent du tréfor public pourſuivṛa en
outre le remboursement de la fomme de 160,733
1. 4 f. , payées en vertu des ordonnances de
comptanta des 28 mars: 17846 10 septembre &
12novembre 17861, fur laquelle fommeil fera fait
déduction au fieur d'Efpagnac des frais relatifs
audit échangéing back step f
¿ c Du mercredi , 27 juillet.
A la fuite de plufieurs adreffes , admiratives &
applaudies , M, Lavigne a fait lecture d'une
lasre des officiers municipaux du Port - au-Princeusqui
mandent que la nouvelle indirecte du
dégek du premier février 1791 , a été reçue avec ,
3
C2
(( 1572 )
tranfport dans les parties de FE & du Sud, &
dans un grand nombre de paroiffes, des parties
du Nord. Ils attendent avec impatience les com
miffaires civils que ce décret leur annonce :
Quand jouirons-nous enfin , comme les autres
» François , du bienfait de la régénération ?……….
» Chacan verroit en eux ( ences commiffaires ) .
les dépoft ires de l'autoritén fuprême, de l'Ad-
» femblée, lleng nei nul shop, LE ..k
"
+
Ils fe plaignent beaucoup des actes de violence
& de tyranme de M. Blanchelando ,oqu'ils
peignent affervi en tout aux idées de feu le colonel
Mauduit & pour donner , des notions
exactes des principes de l'un & de l'autre , ils
envoient une copie d'une lettre écrite de la main
de M. Mauduit , lettre ltrouvées.comme cop en
trouvé depuis la révolution dans des poches,
on dans les papiers ade ceux qu'il ne luffit pas .
d'avoir malacré. Nous extrairons sici d'effentiel
de cette copie , dont des municipaux aflurent
qu'ils polsèdent l'originali qob tab 109in
Lettre écrite par M. Mauduit , dans le tempes
qu'il étoit à Paris en ( février ) 179b , à M.
le comte Fernand - Nunés , ambassadeur d'Ef
pagne.b ch tiny ca
1
+
cc ... Je n'eftimes perfonne plus que de
» comte Fernand-Nunes je lui fais. fi profon
» dément attaché ! mais les circbuftances meb
ent à quitter fa maifon pour allerme logers
tans un hotel garni je ceflerai de le voir ;
mais mon fentiment le fuivra toujours …….
» Je lui dirai avec franchiſe ce qui me détermine
» à cette démarche qui me peinel ... J'aime mas
patrie avec paffion , j'aime le fang de mes !
» Rois comme on ſavoit l'aimer hit y adeur
fècles , je fuis attaché à la conftitution de
( 83 )
mon pays , & tout ce qui arrive me déchire.
55 La démarche actuelle du Roi , en allant à
? l'Affemblée nationale , me paroît déchirante s
c'eft , fuivant moi , la deſtruction totale de la
monarchie 3 c'eft un hommage que le fouverain
rend au crime qui a tout bouleverfé ,
39 tout détruit ;² c'eft fuivant moi , un prince
qui abindonnefes fidèles ferviteurs , les hon-
59 nêtes gens de fon royaume pour aller fe
» mettre à la tête des miférables qui l'ont dé-
5 trôné , & qui ont juré la perte des gens de
» bien ; c'eft un Roi qui fe coalife avec le crime
" pour accabler , anéantir toute overtagetout
33 honneur toute probité: » uri o
V
J
a Voilà ma profeffionde foi M. le comtes
» jugez du déchirement que j'ai éprouvé lorfque
↳ɔ je vous af entendu , mardi au foir dans votre
ɔs appartement , me dire que vous approuviez
» cette démarche ...... Depuis ce moment , je
55 vous évite , je m'évite moi- même , je fuis
bo malheureux...... Comment , M. le Comte ,
vous noble Espagnol , François par votre mère ,
repréfentant un fouverain du fange dennos
Rois , vous approuvez une révolution atroce,
» la deftruction de la religion , le détrônement
de notre Roi , l'aviliffement du fang des Bour-
35 bons, la violation de tous droits , de tobte juftice,
l'ouvrage de l'ingratitude , l'ouvrage de
monftres voués depuis long- temps au mépris
public connus par leurs vices , leurs baf-
» feffes , & c... Vous avez abandonnél là caufe
des fouverains , de la juftice , des honnêtes
gens ; on n'a pas fait un pas pour arrêter le
torrent qui a tout emporté , la politique des
35 repréfentans des Rois de l'Europe a été de
» paroître le réunir au vou des monftres & de
C 3
( 664 )
slá populace parifienne . Quis l'ambaladeur
d'Espagne , & j'ofe vous le dire , pafle dans
sole public pour avoir fervi dans la révolution ...
Vous avez afifté aux funérailles de la Fran
vce... Qu'il oft malheureux pour vous d'avoir
» remplacé Mod'Aranda ! L'Elpagne nous cûr
fecpuru , &ncût entendu , fes; véritables intéz
» rêts. Youssivoyez qu'avec mes opinions, &
mon auftère franchife , je ne puis plus , babiter
chez vous je vous refpecte , vous eftime ,
55 vous aime .... J'ai l'ame - navrée,... Il cft cruel
de renoncer à votre amitié, pour votre eſtime,
vous ne pouvez me la refuſer, » » · TI
0
9
De cette lettre & d'une autre que les mêmes
officiers municipaux ont auffi de bonheur de pofféder
en original , ils concluent que M. , Mau
duity & tour le confeil du gouvernement de la
Colonie ne refpiroient que defpotifme. « Voilà,
écrivent- ils , les véritables intentions de celui
a qui égorgeoit les citoyens , la nuit duy 29
juillet , au nom de la nation , de la loi & du
Rai; voilà les fentimens de refpect qu'avoit
intérieurement pour Affemblée nationale &
pour les travaux , celui dont la conduise a
po cependant obtenu¡ vos éloges .
1
Aux apperçus moraux & politiques , fajfant
fuccéder le récit des événemens le rédacteur
de la lettre municipale raconte que le régiment
du Port-au- Prince , après avoir maslacré lon co
Jonél , s'eft permis plufieurs défordres qui ont
alarméi la colonie , fecondée par un journaliſte
incendiaire du Cap. Une affiche qui prétentoit
da fatyre ou la caricature de ce journaliſte , fut
anachée par un chaleur du régiment du Porte
au -Prince Divers habitans s'y opposèrent les
foldats prirent parti pour leur camarade , & la
155 >
municipalité affoupit cette affaire , au moins pour
la journée. Mais 1s lendemain , les efprits" s/bchauff
èrent davantage? Les gardes nationales
s'affemblèrent , & furent appuyés par les régimens
d'Artois & de Normandie . Réunis , ils propofèrent
d'abord, ils exigèrent enfuite qu'on leur
Haiffat défarmer le régiment du Port- au -Prince.
La municipalité fit la commes d'autics, ent fait
ailleurs , commanda ce qu'on exigeoit pour
n'avoir pas l'air d'obéir , & ce régiment inveſti
dans fes cafernes , par 4000 hommes & du cánon
, rendit les armes fans qu'il y eût de fang
répandu . Il protefta qu'il n'y avoit aucune munition,
& l'on trouva dans une chambre dont les fapeurs
de la garde nationale brifèrent la porte à coups de
hâche , fept cabrouets de poudre , cartouches ,
grenades. & petits boulers , ce qui confirma le
foupçon d'un finiftre deffein conste la ville . On
a conçu le projet de transporter ausi - tôt le régiment
au port de l'Orient ; cette réfolution ne
s'eft pas encore effectuée .
M. de Cernon a fait part à l'Aſſemblée d'une
pétition des créanciers - rentiers , fonciers ou pen
fionnés de M. d'Artois , qui obfervent que l'apa
nage ne remplit pas les objets qui leur font dus.
Sur la demande de M. Camus la pétition eft
renvoyée au comité de liquidation , qui préfentera
un décret général concernant tous les apa
nagés . On a repris la difcuffion des loix relatives
à la force publique . Nous donnerons les articles
décrétés .
M. Rabaud a préfenté & l'Affemblée a dé
crété un article , portant que les habitans de
Paris feront tenus de déclarer à la municipalité
les François & les étrangers qu'ils auront lages
chez eux , fous peine d'une amende du quart
1.
. ( 56.)
du foyer pour chaque étranger ; & tout portier
ou concierge chargé des clefs de maiſons vides ,
fous peine de 8 jours de prifon ou de plus forte
peine. On n'a eu nul égard à la réflexion de M.
Tronchet, que fi les portiers ou concierges étoient
emprisonnés pour avoir donné afyle à des in-
3connus , les maifons reſteroient à l'abandon
pendant l'absence des maîtres .
L'ordre du jour & M. Rabaud ont ramené la
délibération fur l'organiſation des gardes natio- -
nales ; les débats ont été de peu d'impor
tance , & voici les articles décrétés qui en font
réfultés :2-
« Art. I. Les citoyens actifs s'inferiront , four
le fervice de la garde nationale , fur des regiftres
qui feront ouverts à cet effet dans les municipa
lités de leur domicile ou de leur réfidence continuée
depuis un an ; ils feront enfuite diftribués
par: compagnies , comme il fera dit au titre
fuivant. »
II. A défaut de cette infcription & de cette
diftribution par compagnies , ils demeureront
fufpendus de l'exercice, des droits que la conftitution
attache à la qualité de citoyen actif,
ainfi que de celui de porter les armes » .
ice III. Ceux qui , fans être citoyens actifs ,
ont fervi depuis l'époque de la révolution , &
qui font actuellement en état de ſervice habituel ,
pourront , s'ils en font jugés dignes , être honorablement
maintenus , par délibération des confeils
- généraux des communes , dans le droit de
continuer leur fervice , » 313
IV. Aucune raifon d'état , de profeffion ,
d'âge , d'infirmités ou autre , ne difpentera de
Tiscription les citoyens actifs qui voudront con
ferver l'exerci e de leurs droits ; plufieurs d'en((
$7) )
tr'eub feront néanmoins 2difpenfés du fervice
ou l'exercice en demeurera fufpendu , amfi qu'il
fera dit ci-après : »
by Vs Tous fils de citoyen ' actif feront tenus
de s'infcrird, für zlefdits regiftres , & de le faire
diftribuer dans les compagnies , lorfqu'ils feront
parvenus à l'âgendeo 18 ans accomplis .
-kuVI. Ceux qui , à l'âge de dit huit ans , n'au
ons pas fatisfait aux difpofitions de l'article pré-
-cédentl ,and Romtrent prendre , à vingt-un anst,
l'infcription civique ; ils ne feront admis à celle- ci
que trois ans révolus après l'infcription & diftriibution
ci-deffus ordonnées . » i
145 VillinLes citoyens actifs , ou fils de citoyens
actifs, qui font maintenant âgés de plus de dix- huit
ans feront admis , à l'âge de vingt - un aps , à
prendrel'infcription civique , s'ils fe font inferire
& diftribuer dans les compagnies , dans le délai
de trois mois au plus tard après la publication
-du préfent décret . ɔɔɔbi
ככ
2
2' VIII. Les étrangers qui auront rempli des
: conditions prefcrites pour devenir citoyens Fran-
2çois Bleurs er fans , feront traités à cet égard
omme les François naturels onto alt
-1bXiNaline fera reçus siinfcrire par procuration
, mais tous ferono tenus de prendre leur
-feription en perfonne. Eesperes mères ou
tuteurs pourront cependant faire inferise leurs
-enfans iabfens , fi la fuite de leur éducation eft
zla caufende leur abſence.nobby gaq 10 iv
-1bX. Les fils de citoyens actifs , qui auront
¿ fatisfait àlaes devoirs , jouiront après dix ans
ehérolas depuis leur infcription fur le ragiftre de
ida garde nationales, & leur diftribution, par compaghics
judeuous los droits des citoyens, actifs ,
quand ils ne paieroient pas la contribution exigée
1
Cs
( (~~38 ) )
pourvu que d'ailleurs ils rempliffent les conditions
prefcrites par la conſtitution. » gotoxoi so
« XI. Les regiftres d'infcription des munici
palités feront doubles ; & l'un d'eux fera envoyé
tous les ans , & confervé dans le directoire du
difpitalini 2251 C
« XII. Les fils de citoyens actifs , qui.fe
feront infaits dans l'années, feront reçus au fer-
-ment de la garde nationale , qui fe prêtera à la
fête civique du 14 juillet fuivant , dans , le cheflieu
du diftri&t • tzf;
- XIII . Les citoyens inforits & diftribués dans
les compagnies , lorſqu'its feront commandés four
ale fervice , pourront , en cas d'empêchement
légitime , le faire remplacer par leurs enfans âgés
de 18 ans , & Mes fères par leurs frères & par
des citoyens actifs inferits fur les regiftres
ifervant dans la même compagnie , fans pouvoir
jamais en, employer d'autres à ce remplacement
" XIV. A l'égard des citoyens actifs qui n'ab-
27bnt pas jugé à propos de fe fase inferife , ils
-ferent formis , comme les autres , à un tour de
bfervice à la décharge des citoyens inferits ; mais
ils ne feront jamais leurs fervice en perlanner &
-the feront , fut mandement du directoire de dif-
Turich texês -par change municipalité pourdespairment
de ccurides adbyens infonts , quiilestremplacetort
dans lefervide qu'ils auroient dû faire .
XV. Cour des citoyens inlcents qui ne ferviront
pas volontairement , on ne fousmiont pås
volentement laut remplacément au jour indiqué
pour jour forvice , feront pareillement taxks
par la municipálivé à la troisième fois qu'ils
-auront été contraſtits à payer cotte came , ils fe oht
fufpendus pendant un an de l'honneur de fervir
cɔ me judinaoɔ si zag ingin en el basup
( ی و )
25
21
en perfonne , & de l'exercice du droit de citoyens
actifs ou nos salut éligibles. 34 m
« Les femmes ,& les filles feront exemptes de
toute contribution .
Au moment ou tout étoit prêt pour le départ des
trois commiffaires qui devoient aller à S. Domingue
en exécution des décrets , ils ont pris ( hier
foir ) le miniftre de différer leur départ ou d'accepter
leur demiffion . Le miniftre M. Thevenard,
a reçu leur déiniffion , & a prevenu l'Affemblée
'qu'il alloit s'occuper d'en nommer d'autres .
M. Duport du Tertre a remis au corps légitlatif
le ccoompte officiel de la miffion dé M. Ďave
ryer , qui ne contient que le rapport fait à
l'Affemblée par M. Dverryer lui-même, & qu'on
a renvoyé au comité.
Du mercredi , féance extraordinaire du fair.
On lit , on applaudit des adreffes d'adhéſions ,
& l'on paffe à f'objet de la féaace , à l'échange
du comté de Sancerre ..
au nom
>
M. d'Espagnac a été admis à la barre , il
prononce un difcours ou il rend compte des caufes
& des moyens de l'échange du comté de Sancerre
& finit par dire : « Je vous le répète
avec la confiance que j'ai dans votre Hǝyau &
nom de cette garante pour tous les créan¬
ciets du gouvernement : acceptez mal rétondation
à l'échange , délivrez ma fortune dentet
acte oppreffif. Séparez - moi des opérations d'un
miniftre généralement décrié 3 enfin consommez
l'engagement du Roi qui pouvoit acquérir comme
" adminiftrateur , du Roi qui n'a confulté que fa
jufticé M. d'Efpagnac a conclu , en fe foumettant
à une nouvelle évaluation , par dentaler
333 5 9
25 ( 69 )
f
une jufte compenfation des frais & des jouiffancese
12 29 ]
Un membre a rejetté tout l'odieux dont peut
Eure fufceptible cet échange , fur M. de Calonne
à qui il en a donné tout l'avantage . L'opinant
dit que M. de Calonne avoit depuis longtems
des vues fur le marquifat, d'Hattonchâtel , que
l'ayant acquis , il ambitionna de l'aggrandir , dy
réunir la forêt de Sommedieu de 3,500 arpens ,
& l'étendit enfuite , fous le nom de forêt de
Chémilly qui n'exiftoit nulle part , a - t- il affuré
, fous cette dénomination ) de la montagne
d'Hattonchâtel jufqu'aux portes de Verdun , Ila
qualifié l'ex miniftre de chevalier errant d'un
parti méprife, & demandé que l'Aflemblée declarât
qu'il y a lieu à accufation contre M. de
Calonne , & qu'on le dénoncât à la hauté cour
nationale comme coupable de prévarication & de
manoeuvres frauduleuſes dans l'échange de Sancerre
.
Lopinion de M. Bouchotte étoit une combi
naifon du projet du comité & de partie des
- propofitions de M. d'Espagnac ; il vouloit qu'on
d'clarât l'échange nul & la vente bonne, pour , le
comte de Sancerre,
On a annoncé que M, d'Efpagnacavoit des pièces
effentielles à communiquer la difcuffion a été fer-
• mééfans qu'onvoulût les entendre.M . Pifon du Galanda
rappellé qu'un arrêt du confeil avoit évoqué
x une plainte portée au parlement de Paris contre M.
de Calonne , & il a demandé que l'arrêt du
confeil für révoqué & la plainte renvoyée à l'un
des tribunaux de Paris. Le rapporteur a preferé
aque les plaintes en malverſation contre l'ex- miniltre
fuffent renvoyées au comité , ce qui a été
décrété. Sur la motion de M. Turpin on y a
1114
joint la queftion relative àà l'appurement des jou ?
fances ; & l'affaire principale qui a prefque para
n'être qu'une caufe occafionnelle & qu'on auroit
cru de nature à fuppofer un jugement de tribunal
, a eu pour terme un décret rendu confor
mément au projet préfenté par M. Tricaud , &
dans les mêmes termes.
3
t
LE
Du Jeudi , 28 juillet." "
M. Goudard a fait adopter 3 articles additionnels
au décret fur les franchifes de Marfeille.
On a renvoyé au comité un projet de loi
relative aux faux affignats , & M. Camus a indiqué
les fignes fuivans auxquels on peut reconnoître
ces faux affignats : ce
1. L'impreffion des faux, affignats de 2000
livres eft baveufe ; 2° . La couleur de plufieurs
cft plus fale ; 3°. Le cadre eft moins large que
celui des bons affignats ; 4. Il manque le point
final après 1799 , ainfi qu'après le mot Roi .
L'impreffion paroît être faite au burin ; 6 , Le
nom du graveur ( Gatteaux ) n'eft pas au-deffous
des mots deux mille livres ; 7°. Les lettres ne
font point moulées dans la pâte du papier ,
mais imprimées à la thérébentine , & plus nettes
fique dans les bons affignats ; 8. Le timbre eft
" Prefque nul , au lieu qu'il eft parfait dans les
Jons ; 9. Le paragraphe de la fignature Pillet
n'eft pas conforme au véritable ; 10°. La lettre
b , du mot affemblée , et mal faite 110. Les
lettres d & m , aux mots deux mille , font imprimées,
toutes pleines & & ne devroient pas
Têtre ; 12° . La lettre N des numéros fe termine
en haut dans une forme différente de celle des
bons affignatsa
51190
? M. Goudard a la & le corps légiflatif a derété
un titre I de 8 & un tie II de 27 are
•
( 62 )
ticles du droit d'entrée , de fortie & de timbre
"'expédition . De l'entrée & de la fortie des
marchandifes , des déclarations , de la vifite , &c.
On a ramené la délibération fur l'organifation
de la garde nationale , & M. Rabaud en a fait décréter
fucceffivement plus d'une centaine d'articles
que nous tranfcrirons' ailleurs."
.2 .
Dujeudi , féance du foir.
I
Après diverfes adreffes , M. Ramel , fécrétaire
, en a fu une qui , par le fond & le ſtyle
' auroit paru être du nombre de celles qu'il feroit
"tout fimple qu'on ne voulût pas lire. La voici :
L
· 33
lee Vous avez , l'année dernière , promis à la
» nation , par votre décret fur les corps adminiftratifs
, de convoquer le nouveau corps
législatif à une époque très- rapprochée . Le
» comité de conftitutión a annoncé , depuis peu ,
dans l'Affemblée , que le 14 juillet la confitation
feroit fini :. Enfin , après avoir fixé
définitivement au juillet la convocation des
25 ffemblées électorales , vous les avez fufpéndues.
Trois fois l'efpoir de la nation ' a été
ddça , Elle ignore le terme ou fon fort fera
fix , & maintenant des factieux menacent la
patrie de tenverfet Fédifiée de la liberté . Il eft
a temps , Meffieurs , que le peuple exerce a
aub
1 fouveraineté & vous falle connoître fab-
ر ا و
lonte; & comme les dangers de la patrie font
p'effanisi eft de notre devoir de vons déclarer
, Meffieurs , que fi dans quinzaine votre
215 décret qui fufpend les affemblées électorales
n'eft pas révoqué , nous employerons les moyens
que la loi donne a un peuple fouverain & libre
pour parvenir à cette convocatior . Nous
fommes Meffieurs les citoyens de Cler
81. at STN
( 63 )
Ascens perfonnes 2,
pmont -Ferrand. Suivent les fignatures de y
er ub usb )
Cette fingulière adreffe étoit accompagnée
d'une délibération du vendredi 19 juillet 17916
conçue een ces termes,
235 7
T
« Les citoyens de Clermont-Ferrand , conf-
» ternés du décret rendu par l'Allemblée nationale
le 16 du préfent mois de juillet , mais
perfuadés qu'un refpect aveugle pour la loi
eft le feul moyen de préferver la France de
i l'anarchie , & de maintenir la liberté , declarent
qu'en , obéiffant provifoirement à ce
décter , ils ne cefferont d'en demander la reavocation.
Ils font ici leurs remercimens
MM. Péchion , Rober(pierre , Grégoire , Vadier
, Buzot Camus & autres députés à
l'Affemblée nationale , qui ont conftamment
foutenu les bons principes . Ils remercient pa
reillement la fociété des amis de la conftitu
tion féante aux Jacobins , & les autres pciétés
fraternelles pour le patriotilme qu'elles opt
manifefté dans cette circonftance. Ils ont
s» député Jean - Henri Bancol Defeffaris pour
réitéier leurs remerciemens, & durander la
294, révocation de ce décrer , fuivre l'effet de la
193 pétition, faite à l'Affemblée nationale par les
5 citoyens, de Clermont-Ferrand , le 14 de fe
༣
31
mois demander & obtenir la convocation
- prochaine des affemblées électorales , & faire
optout ce que fon patriotifme lui inſpirera pour
- le maintien de la liberté & des droits inalienables
de la nation Françoife, Fait à Cler-
12 monЯFerrandbab Sideloval wi
endiconbesh , 1967 , ANA hup
2 Après quelques débats , ou MM, Blauzat &
abavigne ont établi que ens adrefle était le fruit
zab
(( at)
de l'intrigue d'un certain Bancal Defiffents ",
électeur de 1789 & d'autres comme lui , qui
craignoient de ne point être élus fi les allemblées
électorales reftoient fufpendues plus longtemps
, l'adreffe a été renvoyée au comité des
recherches réuni à celui des rappofts , "
- Des députés de la ville de Saint- Girons ,
département de l'Arriège , font admis à la barre.
Aur hommages & aux fermens aux louanges
de l'héroïfme de l'Aſſemblée , l'orateur à cru
pouvoir & devoir ajouter Pévafion d'un Roi
parjure , mais trompé , avoit double nos forces
en augmentant notre conrage ... A l'ordre , fe
font écriés MM. de Boifrouvrai & de Rochebrune.
-Ha raifon , ont répondu plufieurs voix de
la gauche , & Pon a battu des mains . -- L'ora-
'teur a répété les mots : un Roi parjure. A
Pordre , l'infolent , a dit quelqu'un du côté droit.
Perfonne ne dort fouffrir que le Roi foit infulté
dans l'Affemblée , a repliqué M. de Montlaufier
aux clameurs de ceux qui probablement n'étoient
pas de cet avis. Allons done , e'eft une vérité ;
'écoutez- la , n'a pas hélité de répartir un membre
de la gauche & M. Lofficial a demandé ; en
parlant de M. de Monilaufier qui promettoir des
vérités d'un autre genre , que l'on envoyâr cet
homme- là à l'Abbaye. L'Affemblée a décidé que
Torateur de Saint- Girons feroit entendu , ce qui
a fait retentir la gauche & les galeries d'applaudiffemens
. Mais la harangue n'a plus offert que
ce qu'elles contiennent prefque toutes , de l'enthoufiafme
civique , des éloges du décret du 15
fur l'inviolabilité jurée de ce même Roi aptif
qu'il eft permis d'outrager , des dénonciations
vagues de
qu'il
foujours
réfractaires toujours
armes des forches du fanafilme & de ferment
( ૪ )
de vivre libres ou mourir . Réponse du préfident
impreffion décrétée .
On a repris la fuite du projet de loi fur les
droits d'entrée & de fortie du royaume , & din
nouveaux articles ont été adoptés .
Du vendredi , 29 juillet.
Après quelques adréifes , on a lu une lettre
de M. le prévôt de Beaumont , détenu pendant
22. fous Pancien régime ; il demande aux
légiflateurs le jugement de fon affaire dont le
temps aura vraisemblablement dévoré une partie
des preuves , enlevé beaucoup de témoins . On
l'a renvoyé au comité des rapports .
ر
Sur la propofition de M. Ræderer , le corps
conftituant a décrété que le tabac fabriqué pour
être diftribué aux troupes , fous le nom de tabac
de cantine , ne pourra être vendu à moins de
vingt fous la livre .
LI 100 $3. A 22 2 b
MM. Camus & Lavigne fé font plaints de ce
que l'accufateur public du premier arrondiffeinent
de Paris n'avoit commencé que le 16 de ce mois
l'information contre les prévenus de fabrication
de faux affignats . L'un conclubit à un compte à
rendre tous les jours à l'Aflemblée , de l'état de
la procédure ; Pautre à la deftitution de l'accu
fateur. Mais ce qui le pourfuivra , demandoit
ingénuement M. Camus ? -- Une négligence n'eft
pas toujours un crime , obfervoit M. Lojs. »
Celle d'un accufateur public envers les contrefacteurs
de la monnoie d'un empire , a paru
impardonnable à M. d'André qui , faute de
moyens conftitutionnels de poursuivre la loi , a
Fait adopter le décfet fuivant : sisan
сс
12
L'Affemblée nationale décrète ' que l'accu-
Tateur public du premier arrondiffement de Paris ,
( 66 )
"1
fera provifoirement fufpendu de fes fonctions ;
& que les juges du premier tribunal feront tenus
de nommer dans le jour un homme pour
remplir provifoirement les fonctions de l'accufa
teur public charge le comité de conftitution
de lui préfenter inceffamment fes yues fur la
manière de pourfuivre les accufateurs publics
qui fe rendroient coupables de négligence dans
J'exercice de leurs fonctions. »
X Au nom des comités
des rapports
, des finances
& de Pextraordinaire
, M. Camus
a fait décréter
les quatre
articles
que voici
fur les faux alignats
:
« Art. I. Toute perfonne à qui on préſentera
en paiement des affignats qui feroient trouvés
faux , d'après les caractères qui en ont été rendus
publics , fera tenue d'aller fur- le -champ en
faire la déclaration à Paris au comité de police ;
dans les fections hors Paris , à la municipalité
du lieu dans lequel on lui aura offert ledit
affignat . Po minus
II. Le porteur de l'affignat fufpect de faux
qui l'aura offert en paiement , fera tenu d'accompagner
la perfonne à qui il aura offert ledit
affignat , de faire fa déclaration de la perfonne
de laquelle il a reçu l'affignat fufpect , & de
remettre l'affignat fuffect après l'avoir paraphe ,
pour qu'il foit envoyé à la carte de l'extraordinaire
où il fera vérifié. Il y reftera en dépôt s'il
eft reconnu faux. Si l'affignat eft reconnu bon
il fera remis au propriétaire. »
» Ill. Lorfque les allignats fufpects défignés dans
article premier feront préfentés en paiement
dins les caifles publiques , les tréforiers & cail
fiers feront, tenus de conduire les porteurs , foit
au comité de folice de la fection , foit à la mu
( 87 )
nicipalité , ainfi qu'il eft dit dans l'article précé
dent , pour que leur déclaration y foit réunie ,
l'affignat paraphe & figné
2
aita
IV Dans le cas où celui qui aura préfenté
un affignat fufpect de faux , refuferoit de fe
rendre au comité de police de la fection ou à la
municipalité , d'y représenter l'affignat , qu'il
avoir offert en paiement, ble commiffaire de po-
Jice ou l'un des officiers municipaux chargés de
la police , feront autorisés au domicile du porteur
de l'affignat fufpect , à faire dans fes papiers
telles perquifitions qu'ils croiront néceflaires , &
à faifir foit les affignats fufpects qui s'y trouver
roat , foit les autres, papiers qui pourroient être
relatifs à une fubrication d'affignatsy and
Une difpofition adoptée fur la demande de
Me Camus nous femble auffi mériter , de ne pas
être omife . « Il feroit effentiel , a - t- il dit que
l'Affemblée autorisât , foit le commiffaire du Roi ,
foit le commiffaire de l'extraordinaire à faire fabriquer
du papier de 500 livres lorsqu'il paroîtra
utiler M. Regnault de Saint-Jean-d'Angély, a
dir qu'il vaudroit mieux que les commiffaires
we pullent faire faire du papier que d'aprés un
décret de l'Affemblée ceft le feul moyen de
faire taire les calomies des malveillans dont
nous fommes environnés. La propofition de
M. Camus a été adoptéekappy svoltibiyə qus
En conféquence des demandes des créanciers
de Md'Artois , toujours porté à généralifer fes
plaus d'économie réductive , M. Camus a prés
fenté, & l'Affemblée a décrété fix articles relat
tifs aux derres, des émigrans, Nous trapferions
icides articles kiflib & 2,1chnob mutes al
Art L Les créanciers porteurs de titres
ayant une date certaine antérieure au 24 juin
( 68 )
dernier , & rendus exécutoires fuivant les formes
légales contre les perfonnes abfentes du royaume,
les ouvriers fourniffeurs qui juftifieront de leurs
créances faites avant le 24 juin dernier , & qui
en auront fait prononcer la condamnation en
juftice , feront payés de leurs créances fur les
fommes dues par l'état à leurs débiteurs , échuës
avant ladite époque du 24 juin 1791 pour cauſe
autre que penfion ou traitement poftérieur au
premier janvier 1790.
כ כ
.
» II. Les créanciers mentionnés en l'article
précédent ne pourront être payés que fous les
conditions fuivantes . »
"1 19. Ils feront tenus d'affirmer leurs éréances
fincères & véritables devant le tribunal du diftrict
des lieux où ils fe trouveront. »
1°. Its juftifieront que les impofitions & la
Contribution patriotique , à la charge de leur
débitéur , ont été acquittées ; & dans le cas où
cette juftification ne feroit pas faite , il demeurera
fourni de nantiffement entre les mains des
sréforiers - payeurs de l'état , un dixième des
fommes échues & à payer ; ce dixième fera
remis lorsqu'on juſtifiera du paiement des impofitions
& contributions .
» 3 °. Les créanciers qui voudron't être payés,
juftifieront individuellement qu'ils ont fatisfait
aux conditions requifes par les décrets des 24
& 27 juin dernier . »
» III. Le tréforier de la maiſon de Meſdames,
tantes du Roi , eft autorisé à toucher l'arrièré
liquidé ou à liquider pour les différentes parties
dues à la maifon de Mefdames & échucs avant
le 24 juin dernier , & à diftribuer lefdites fommes
aux ouvriers ; fourniffeurs , & aux diverfes
perfonnes employées dans les états de la maiton
(169 )
1
ing
de Mefdames , lefdites perfonnes étant actuellement
en France, »rows
1» IV. Ant'égard des créanciers de Monfieur
& M. d'Artois , les tréforiers defdites maifons
continueront à recevoir à la tréforeric nationale
les fommes ordonnées par les décrets des 20 &
21 décembre dernier , & l'emploi defdites fommés
fera fait de la manière fuivante .
3 2
7
> La fomme de 500,000 liv , par année , attribuée
aux créanciers de Monfieur, & le fonds
actuel des rentes viagères accordées aux créanciers
Adeſdites rentes fut M. d'Artois , fera em-
-ployé au paiement des créanciers aux termes dudit ,
décret. La fomme d'un million , attribuée à chacun
de Monfieur & de M. d'Artois, à titre deb
traitement annuel, fera employée spécialement au
palement des officiers & domeftiques defdites
maifons étant actuellement dans le royaume ,
tant que leurs charges ne feront pas ſupprimées. 1
La fomme d'un million attribuée à chacun deɔ
Monfieur & M. d'Artois, à titre de rente apanagère
fera employée à payer les créanciers de l 1
Monfieur & de M. d'Artois , qui feroient porteurs :
de titres de la nature mentionnée dans Particle
premier ainsi que les ouvricts fournisseurs , &
autres objets d'entretien dans le royaume,
Treineltréforieri desdites maisons & los féi
queftres: ordonnés par les décrets des 208) 2b
décembre allérabdis pour le paiement des oréanciers
de Monfieur 180) de Md Artoisanjuſtifieront
chaque moisisainfi queste tréforier de Mesdames , s
aux commiffaires de la tréforerie nationale , & aux
commiffaires du comité des finances chargés de la,
farveillance de la trésorerie , des paiemens qu'ils
autont faits en conformité de l'article précédent.
Ils feront refponfablesides paſemens qu'ils aue.
' t
((70 ))
roient faits en contravention defdits articles ) &
toutes les fommes qui n'auront pas été employées t
par mois , feront verfées directement au tréfor
public. »
3
ر
Le même membre à propofé fix articles en
exécution du décret des 24 & 27 juin dernier
dans lefquels M. Moreau de Saint-Méry a ob-:
fervé qu'on préjugeoit la queftion particulière de
la contribution patriotique des colonies de celles
même qu'avoient défolées fix mois de gueries
civile. Elles font partie de l'état qui tear procures
affez d'avantages pour qu'elles contribuent à fes.>
charges , répondoit M. Camus. Mais une objec- :
tion plus grave encore aux yeux de la juftice sen
de l'humanité , a été faite par M. l'abbé Duplaquerra
judicicalement remarqué yfurt'un de
cesarteles , quo on exiger les preuves daq
paiement des impolitions de trois années anté
rieures les ccclefiaftiques ne pourronsotien pow
cheripuifque ci-devantalsime payoient point {
d'impofitions perfonnellesi On n'a pas refurel'objection
le projet de M. Camus eft patlé
tot qu'ilfairioti
Art, Vib L'Affemblée nationalel interprétant
en tant que de befoùvites décrets des6241827 1
juin , fue des juftifications à faire partes créans .
crer's de Etat pour obtenir d'ellesle paiement
das fommes qui leur ont dues décrête : 29 flat
25319 Que les impofitions dont elles entendi
que le paiementofoi juflifiés font les impofi- ";
tions perfonnelles defquielles de paiement fera ›
juftifiés par des quittances vilées ou certificats ,
fait des municipalitési foit desdistricts des lieux
à l'execption de celles qui feront délivrées par les
receveurs des impofitionsi da Pacis . A défaut de
reptéſentations defidices quittances, il faudrajui
71
tifier qu'on ne perçoit aucune impofition perfonnele
dans le lieu où l'on avoit domicile . »
» 2 °. Que la juftification requife par lefdits
décrets du paiement des impofitions de l'année
1790 & années antérieures , fera regardée comme
faite complettement par la production 'de la quittance
des trois dernières années , ».
ככ
VII . Les perfonnes qui , en juftifiant d'ail
leurs de leur domicile actuel & habituel dans le
royaume , ne pourroient pas juftifier à l'inftant
du paiement de leurs impofitions & contributions
, pourront obtenir le paiement de ce qui
leur eft dû , en laiffant , par forme de nantiffement
, entre les mains des tréforiers & payeurs ,
un dixième de ce qu'elles auroient à recevoir
pour chacune des années pour lesquelles elles ne
juftifieront pas du paiement de leurs impofitions
& contributions . Će dixième retenu leur fera
remis en rapportant la quittance des impofitions
& contributions qui étoient dues. »
» VIII . Les tréforiers & payeurs auxquels les
certificats de domicile & les quittances d'impofitions
& contributions auront été exbibés - lesremettront
aux parties , à la charge qu'il feta
fait état dans la quittance donnée par les parties
prenantes , de chacune defdites pièces , de feur
date , & des perfonnes par lefquelles elles ru
ront été expédiées , pout y avoir recours au
befoin. »
100
* ?
2
ub
» IX. Les perſonnes habituellement domiciliées
dans les colonies Françoifes , qui fe trouveront
actuellement à Paris , & les fondes de
procuration defdites perſonnes qui font actuellement
dans les colonies , juftifieront de leur
domicile par la déclaration de deux Colóns
propriétaires , connus, & domiciliés , à Paris, A
Suliyeur?
( 72 )
l'égard des impofitions & contributions , on n'exigera
d'eux d'autre juftification que celle du paiement
de la contribution patriotique ; & à défaut
de cette juftificetion , il fera retenu , par forme
de nantiffement , comme il eft dit ci - deffus , le
douzième des fommes qui devroient leur être,
payées. »
X. Lorsqu'une créance fera établie par un
titre collectif, mais en faveur de plufieurs individus
perfonnellement dénommés , les juftifications requiles
fe feront,par chacun defdits individus, indiftinctement
, lauf aux parties qui fe trouveront
en état de faire lefdites juftifications , à faire
divifer le titre , & à s'en faire délivrer une ampliation
pour ce qui les concerne, »
A l'égard des créances qui appartiennent
foit à de, fociétés , foit à des créanciers unis en
direction avec établiffement de féqueftre , il fuffira
auxdites fociétés de juftifier qu'elles ont
payé collectivement leurs impofitions & contributions
, & aux créanciers unis en direction ,
de juftifier du paiement des impofitions & con
tributions de leur débiteur . »
» XI. Après le premier octobre prochain , les
créanciers de l'Etat & autres perfonnes dénom-,
mées dans le décret du 14 juin dernier , leront
tenus de juftifier qu'ils ont fatisfait au décret
du juin, pareillement dernier , four acquit
des impofitions de la préfente année 1791. »
J'ai àvous informer d'un fait important
, a
dit M. Merlin ; il eft tel que fi vous n'y pour .
voyez fur - le - champ , dans huit jours vous
n'aurez plus d'armée. » On a payé la garnifon
de, Lille en affignats de cent fous , & il n'y
dans cette ville que pour 400 liv, de petite mo
A R $ 2`ilhæɔb
o 12face
"
noic
( 83
83 )
aux inconvéniens de la multitude de papiers
qui circulent aujourd'hui dans le
Commerce. Ce qu'on avoit dit eft arrivé ;
les petits billets ont abfolument fait difparoître
la monnoie , il n'y en aura bientôt
plus , même pour le fervice des marchés
quoiqu'il y a deux mois on en eût encore
un peu . Cette gêne peut amener un foulèvement.
Les petits billets de crédit des fections
& même des particuliers engorgent la circulation
, peuvent être la caufe de grands défordres
au moindre difcrédit , & rien juſqu'à
préfent n'offre de motifs raffurans à cet
égard aux efprits raifonnables. Ils croient
même voir que l'Affemblée nationale aggraveencore
le mal par fes rigueurs conftitutionnelles
, par la perfévérance qu'elle met
à rendre des décrets dans les principes puritains,
décrets qui ne peuvent qu'exafpérerles
paffions individuelles , enhardir les haines
plébéiennes , & donner à penfer que la force
domine dans l'ardeur des decifions légiflàtives.
J
L
Le petit camp formé dans la plaine
de Grenelle fera continué ; les gardes nationales
qui l'occupoient & qui vont partir
pour la frontière feront remplacées par
d'autres tirées du Bourg - la - Reine , de
Saint-Denis & autres lieux du Département
de Paris. On imagine bien à quoi font deftinés
ces camps que l'on forme à différentes
>
"
( 84 )
diftances de la Capitale , principalement
fur les routes de la Flandre & des Départemens
qui l'avoifinent. On les a crus
néceffaires avant de parler de donner au
Roi la liberté de fortir des Tuileries.
C'eft , dit-on , le 25 août , jour de la Saint-
Louis , qu'on doit préfenter au Roi la Charte
conftitutionnelle à figner ; ce préalable eft néceffaire
, ajoute-t - on , pour que l'Affemblée nationale
, les Corps adminiftratifs , les Tribunaux , les
Corps militaires , puiffent rendre au Monarque le
tribut de refpect qui eft dû au Roi des François ,
& qu'on eft dans l'ufage de lui offrir pendant
Poctave de fa fête.
Mais avant de préfenter rien à figner à
Louis XVI , il faut qu'il foit libre , lui & fa
famille ; qu'on ne puiffe révoquer en doute la
liberté de fon adhéfion ; qu'aucune gêne n'attefte
fon état de foumifion forcée ; que par conféquent
, ainfi que nous l'avons déjà dit , la garde
de fa Maifon foit à fes ordres & de fon choix ;
qu'aucune perfonne , aucun fujet de l'Etat ne
foit cenfé garant & caution de fa captivité : il
faut que cet état foit prouvé par des actes fpontanés
& affranchis de toute fujettion . Il est néceffaire
encore que le Prince puifle rejetter ceux
des articles qui répugneroient à fa confcience
ou à fes engagemens comme Roi ; que fans courir
les rifques de nouveaux dangers ou d'une
prolongation de captivité , il lui foit permis de
préfenter les vues , fes moyens fur le rétabliflement
de l'ordre & de la paix en France . Il me
peut , fans manquer à la loyauté , le charger de
l'exécution de choſes qui lui paroîtroient contra(
73 )
noie fabriquée . M Merlin ne fufpectoit point les
intentions de l'ordonnateur , ne,doutoit point du
patriotifme des foldats ; mais il a annoncé que le
régiment d'Ernach , Suiffe , n'étoit plus patriote
( il eft à Maubeuge ) ; accufé l'ordonnateur
d'ineptie ; & fini par ces mots : ce certainement
vos foldats vous abandonneront ou le tourneront
contre vous , fi vous ne les payez pas . » Les
ordres avoient été donnés , l'Affemblée eft paffée
à l'ordre du jour.
On a décrété foixante articles fur les contributions
publiques , & douze, fur les officiers des
fubftituts des procureurs du Roi.
Du Samedi 30 juillet.
Une lettre du tribunal du premier arrondiffement
juftifie fon accufateur public , M. Polverel , qu'un
décret d'hier fufpendit. fans qu'on l'eût entendu.
M. d'André avoit provoqué li fufpenfion , il approuve
la juftification , & veut que la fufpenfion
foit levée. Le préfident annonce que M. Polverel
demande à être admis à la barre, M. Camus
s'écrie qu'il feroit du plus grand danger de rétracter
le décret de la veille ; que l'évènement du 20
au 21 juin a fait laiffer en fouffrance , pendant
trois semaines , la procédure contre les fabricateurs
de faux affignats ; que des fonctionnaires.
publics ne devoient pas fe permettre de dire alors :
il faut voir ce qui arrivera ; que les opérations d
experts , graveurs & papetiers , ont éprouvé du retard
; que c'eft un crime horrible de détenir en
prifon des accufés fans les juger , vérité qui ne
frappe pas M. Polverel tout feul aujourd'hui que
les prifons régorgent ; & M. Camus difoit : « je
demande qu''il ne foit pas entendu parce que vous
l'avez déja jugé avec autant d'affurance que tel
N°. 32. 6 Août 1791 .
D
s des
M
( 74 )
autre membre en auroit mis à foutenir que l'Af
femblée ne doit jamais exercer le pouvoirjudiciaire,
ee qui prouve que tout le dit .
4 .
›
Admis à la barre ', M. Polverel a fimplement
expolé fa conduire & ce qu'il devoit faire . Trois
fabrications de faux affignats ont été renvoyées au
tribunal : une commencée à Paris , les prévenus y
Tont arrêtés ; l'autre à Londres , les accufés ont
été transférés à Paris. La troifième à Limoges
où l'accufé eft détenu . La feconde affaire , celle
de Londres , eft dans un état d'inaction forcée , &
il y auroit de grands inconvéniens à dévoiler les
caufes de cette inaction . Il offroit cependant d'en
rendre compte fi l'Affemblée l'exigeoit ; mais on
Tui a crié non non. Les pièces de Limoges ne
font arrivées que le 26 juillet , & il lès à trouvées
frappées de nullité . Pour l'affaire de Paris , la feule
à l'égard de laquelle on fe plaigne des retards , de
volumineux interrogatoires commencés le 9 juin ,
ne furent finis que le io ; alors le tribunal palla
quelques jours fans rien faire , & les évènemens
du 20 au 21 donnèrent des occupations preffantes
à l'accufateur public , qui d'ailleurs n'avoit dans la
conftitution aucun moyen coërcitif pour hater les
commiffaires inftructeurs accablés eux- mêmes
d'ouvrage. Il a réclamé une jufte & prompte
déclaration de fon innocence. Après quelques
débats un nouveau décrét a révoqué l'autre en
motivant la levée de la fufpenfion de renfeignemens
donnés depuis à l'Affemblée , qui avant de
déshonorer momentanément un magiftrat auroit
bien pu les attendre . ,
De crainte de voir le nombre des patriotes
diminuer à l'époque de la tévifion des décrets
conftitutionnels , de peur que le décret qui fupprime
la nobleffe ne foit mis ; lots de cette révi
( 75 ) Lilo and III »
fion , au rang des loix réglémentaires , M. Bugot
a . vigoureulement combattu ce que, perfoune e
propofoit , le départ des commillaires pour les
provinces avant la fin de l'opération . Pour le
tranquillifer, M, d'André lui a promis qu'on ne
reviendroit pas contre le décret fur la noblefie ,
qu'il s'y oppofoit de toutes les forces ; & la majorité
du côté gauche s'eft jointe à cet élan civique en
-criant : tous , tous . On a ajourné l'inftruction des
commiffaires , jufqu'après la révifion qui , par
sconféquent , ne fera pas le terme des travaux de
Affemblée.a un è
1
· M. Champagny a retracé rapidement les délits
connus des trois régimens coloniaux qui viennent
-d'arriver en France : Ja Martinique , la Guadeloupe
& le Port- au-Prince , dont le premier a
méconnu l'autorité de fes chefs , emprisonné fon
colonel ,s'eft empaté du fort Bourbon & a provoqué
la guerre civile , le fecond, a participé aux
troubles & refufé d'obéir ; & le troisième jeté
par un faux décret & de faux bruits « dans une
erreur bien cruelle , a dit le rapporteur , a été accufé
par fes officiers de l'aflafanat du colonel
Mauduit ) ». Ses conclufions font devenues un
décret ainfi conçu vil oog.c
=
.
ཝ!
« L'Affemblée nationale , oui le rapport de
fes comités militaire , des colonies & de mating,
décrète : fis no
ce Art. I. Il fera furfis à l'organiſation des
troupes coloniales actuellement en France , &
toute promotion fera fufpendue parmi elles , dans
-quelque grade que ce foits cind and
2. II. Les foldats de ces troupes feront tenus
en état de fufpenfion ) & affujettis au fervice
-ordinaire des places dans les lieux où ils font cafernés.
D 2
( 76 )
ce III. Les officiers de ces corps qui en feront
Léparés , pourront être autorifés à ne pas les
rejoindre , en confervant leurs appointement .
IV. Le miniftre de la guerre pourvoira ,
par les moyens convenables , au maintien de
la police & difcipline parmi les troupes coloniales
actuellement en France . »
Sur l'obfervation paffablement énigmatique de
M. Féteau , que « les circonftances forcent l'adminiftration
à prendre toutes les mesures de diligence
& d'infpection au dehors , & même de
communiquer avec plufieurs états autrement que
par lettres ou par envoyés ; un décret , en dérogeant
à ceux des 21 , 22 & 28 juin dernier , a
autorifé le miniftre des affaires étrangères à figner
tous pafle-ports néceffaires au fervice du gouvernement
ou pour motifs graves , avec la précaution
de les numéroter.
L'état de Soleure ayant réclamé le libre paffage
de 80 mille écus de 6 livres adreffés à Soleure
& pour ce Souverain par des banquiers de Paris ,
fomme arrêtée , contre tout droit des gens , depuis
le 22 juin par la municipalité de Bar- fur- Aube ;
toutes les pièces probantes duement examinées par
le comité diplomatique , un décret a enfin ordonné
que les 480,000 liv. en numéraire feroient expédiées
& qu'il fera tenu compte des intérêts & des
frais par les commiflaires de la trésorerie .
On eft paffé à la difcuffion fur les ordres de chevalerie
, & les débats ont fait dire à quelques perfonnes
que l'Affemblée avoit beaucoup de loifir
& craignoit de manquer de détracteurs.-
Les baſes abftraites & métaphyfiques de la nouvelle
conftitution étant égalité & unité , M. Camus
& les comités dont il étoit l'organe , en ont conelu
qu'il ne doit exifter aucune diftin &ion , au(
77 )
31
D
cune récompenfe à laquelle tout citoyen ne puiffet
prétendre à égalité de mérite , non pour
fa race
mais pour lui feuh ; & que l'état formant un
corps unique il ne doit plus y avoir de
corporation, lorsqu'il n'existe plus de noblefle
, il eft impoffible , a dit M. Camus , de concevoir
aucune corporation reconnue par la loi de
l'état , dans laquelle, on ne pourroit entrer qu'e
juftifiant de ce qui n'existe plus. Il n'eft pas poffible
de juftifier du néant ; il ne l'eft pas de juftifier de
la nobleffe en France pour être admis dans aucun
ordre Cette logique a été vivement applaudie ,
M, Camus a continué par un galimathias inintelligible
que nous fupprimons comme inutile, & fini
par propofer les trois articles que voici :
« Art. I. La conftitution françoife n'admet
tant aucun ordre , affociation ni corporations
particulières dans l'état , l'Affemblée nationale
déclare que la décoration militaire actuellement
exiftante ne peut être la bafe d'une corporation ;
que toute récompenfe honorifique n'eft qu'individuelle
& perfonnelle ; & qu'il ne fauroit y
avoir dans le royaume aucun ordre ou corporation
fondé fur des diftinctions de nobleffe &
de rang qui n'exiftent plus .
לכ
II. Tout françois qui demanderoit ou qui
conferveroit l'affiliation à un ordre , affociation
ou corporation établis en pays étrangers , dans
lefquels on exigeroit d'autres conditions que les
talens & les vertus perfonnelles , perara les droits
& la qualité de citoyen françois . »
cc III. Il fera inceffamment ftatué fur l'ap
plication & les conféquences des principes contenus
en l'article premier , à l'égard des différens
ordres actuellement exiftans en France . »
Le mot chevalier déplaifoit fouverainement à
D 3
( 78 )
M. Lanjuinais , comme contraire à l'efprit du
fameux décret de la foirée du 19 juin 1790. M.
Ræderer à trouvé « la difcuffion de cette matière
extrêmement ſimple , le décret à rendré extrémement
ſimple j facile à réduite à un petit
nombre d'expreffions fimples ; telle a été fa
rédaction Tout ordre , toute décoration ,
tout figne extérieur , qui fuppofe des diftinctions
de nailfance , eft fupprimé , & il n'en pourra être
établi à l'avenir . On a parlé de décréter le
principe , a - t -il repris ; il me femble qu'il ne
peut pas être décrété en termes plus fimples...
en balayant les reftes da fumier aristocratique . »
Cette expreffion évidemment épurée de toute
hobleffe , a excité de longs battemens de mains.
M. de Croi demandoit qu'avant de décréter le
principe on en examinât toutes les conféquences .
Une pareille nouveauté n'étoit pas admiffible.
M. Antoine ne vouloit aucune espèce de diftinc
tion , & s'il en accordoit une aux membres de
la dynaftie régnante , c'étoit un ruban aux trois
couleurs nationales : redug jothi aby No
Y Se trouvant naturellement au niveau d'autres
idées , M. Malouer en homme d'état qui në
s'arrête pas à humilier ou à aigrir une puérile
ou baffe vanité déguifée en philofophie , s'eft
attaché à donner d'excellentes raifons pour le
maintien de l'ordre de Malthe en France . Si
aucun citoyen François ne peut être affilié à cet
ordre , l'ordre n'aura plus le même intérêt de
protéger votre commerce , les propriétés , les
commanderies feront données à des étrangers
les François n'auront plus la même influence fur
Fordre & fur fa protection . Vous devez tout le
bénéfice du commerce du Levant à l'ordre de
Mallié . Au nom de la'nation , de l'intérêt na
( 79 )
"
"
tional , je vous prie , difoit M. Malouet d'écarter
le troisième article.
« Vous ne pouvez porter une loi qui devroit
s'exécuter, hors des limites de l'Empire , a dit
M. Chabroud qui oublioit la miffion de M. Duveyrier,
les fermens exigés des envoyés , les loix
relatives aux émigrés , les commiffaires média
teurs autorisés dans le Comtat à requérir la force
publique , &c. Détruifez les ordres chez vous ,
& tout ce que les ordres étrangers auront, de
contraire à vos loix en France. » Et à ces lumineux
confeils il a joint celui d'interdire aux François
les qualifications abolies , même ces qualifications
précédées du mot ci-devant ; de prononcer des
peines contre les citoyens & les officiers publics
qui tranfgrefferont cette nouvelle loi .
i
M. la Poule vouloit qu'on abolît auffi , les
confréries ; M. de Montefquiou que l'on fupprimat
les ftatuts de l'ordre, de St. Louis , le
Jerment de catholicité & la différence de l'ordre
du mérite , qu'il a qualifiés de monument d'intolérance.
La partie qui regarde le Roi dans ce
ferment doit pefer , en fecret , fur plus d'une
confcience . MM. Chabroud , Girault & Tronchet
penfoient qu'il ne falloit qu'une feule décoration
pour tous les citoyens qui la mériteroient
chacun dans fa profeffion , pour ne
pas rompre l'unité de la nation en introduifant
différentes caftes ; moyens d'avilir le figne de la
valeur peu convenables au moment d'une guerre
générale . MM. d'Arambure & de Croi ont déclaré
ne prendre aucune part à cette délibération ,
& le filence d'un grand nombre de membres a
équivalu à une pareille déclaration . De tant
d'avis combinés il eſt réfulté le décret fuivant :
1 1 ° . Tout ordre de chevalerie ou autre ;
1
( 80 )
toute décoration , tout figne extérieur qui fuppofent
quelques diftin &tions de naiffance , font
abolis en France , & il n'en pourra être établi
de femblables à l'avenir . »
1
te 2º. La décoration railitaire actuellement
exiftante , étant une récompenfe purement honorifique
& individuelle , on ne pourra exiger
pour la recevoir , que le ferment civique .
20
« 3°. Aucun françois ne pourra prendre au
cune des qualités fupprimées , foit par le déeret
, du 19 juin 1790 , foit par le préfent décret
, par noms , avec les expreffions de cidevant
, ou autres équivalentes ; & il eft dé-
'fendu à tous officiers publics de donner lesdites
qualités dans les actes . »
« Il eft pareillement défendu à tous officiers
publics de faire aucun acte tendant à la preuve
defdites qualités fupprimées .
ל כ
ce Les comités de conftitution & de jurifprudence
criminelle font chargés de donner leur avis
fur les peines à encourir par ceux qui contreviendront
au préfent décret. »
сс
4° . L'Aſſemblée nationale ſe réſerve de prononcer
fur la diftinction unique & commune
- qui fera accordée aux vertus , aux talens & aux
grands fervices rendus à l'état ; & néanmoins
l'Affemblée nationale conferve aux militaires la
faculté de porter la décoration actuelle , juſqu'au
moment où elle fe fera expliquée à cet
égard .
35
5°. Tout citoyen françois qui demanderoit ,
obtiendroit ou conferveroit dans un pays étranger
l'affiliation à un ordre quelconque , ou corporation
fondée fur des diftinctions de naiſſance
& de rang , perdra la qualité & les droits de
eitoyen françois , mais aura la capacité d'ètre
( 81 ), i
employé au fervice de » rance comme étranger.
L'élection du gouverneur de M. le Dauphin
eft de nouveau renvoyée à huitaine . L'Affem--
blée déterminera , jufques - là , les devoirs de ce
repréfentant de la nation mère inftitutrice . On
doute encore qu'il puiffe fe trouver un homme
affez malheureuſement organifé pour le montrer,
étranger à la juftice naturelle , au point de mé
connoître les droits facrés la paternité & d'en
ufurper les fonctions , au mépris du plus indeftructible
fentiment d'une ame honnête . La féance
s'eft terminée par l'avis de troubles furvenus a
l'Orient où les foldats arrivés de l'Amérique ont
mis en danger les jours de quelques officiers du
corps d'artillerie coloniale , troubles qu'on a
affuré n'être pas encore appaiſés .
de
L'on s'étonne que ce ne foit qu'au mo
ment où tous les pouvoirs fe trouvent concentrés
dans l'Affemblée Nationale , & où
par conféquent elle devient refponfable des
défordres & des fuites de l'anarchie , que
ce ne foit qu'au moment où l'exercice du
Pouvoir Royal cft fufpendu , qu'on prenne
quelques mefures efficaces pour réprimer
une partie de la licence & de l'infubordination
; comme fi l'on avoit pu trouver
quelqu'intérêt à laiffer le Gouvernenient
fans force & foumis à tous les mouvemens
de la fermentation populaire tant qu'il eft
refté dans les mains du Monarque & des
Miniftres chargés d'adminiftrer fous s
DS
( 82 )
ordres. Quoi qu'il en foit de cette réflexion,
l'on remarque depuis la captivité du
Roi , une plus grande attention dans l'Affemblée
à réprimer l'infubordination , qu'avant.
Plufieurs décrets ont été rendus dans
cette intention , & l'on tient la main à leur
exécution tout différemment qu'autrefois.
La loi martiale publiée , des peines prononcées
contre ceux qui provoqueront la défobéiffance
par des écrits , la force publique
employée de tous côtés à réprimer les défordres,
procédures , emprifonnemens , tout
annonce qu'on veut être obéi . Les corps
adminiftratifs fecondent cette fermeté tardive.
La Municipalité de Paris jufqu'à
préfent incertaine dans fa marche , feconde
de fon mieux le nouveau pouvoir exécutif.
Plufieurs arrêtés viennent d'être rendus par
elle , contre les crieurs de feuilles incendiaires
. Il leur eft nommément défendu de
colporter l'Orateur du Peuple , l'Ami du
Peuple , dont le rédacteur n'a point été
relâché comme nous l'avons dit par méprife
dans le dernier Mercure. L'on a porté
fe foin plus loin : fous peine d'être arrêté ,
il eft enjoint aux Colporteurs de ne point
altérer les faits ou les décrets en les criant',
& de les énoncer tels qu'ils font rapportés
dans les papiers qu'il leur eft permis de
J
vendre .
Mais toutes ces précautions d'ordre ne
remédient point à la rareté du numéraire &
( 87 )
tions que ces corps populaires peuvent
commettre , que fuivant l'opinion qu'ils
fe font des chofes . & des perfonnes ,
ils agiffent dans un endroit d'une façon ,
dans un autre , d'une autre. Par exemple
dans ce moment , non- feulement les
convois d'argent , d'armes font par-tout.
arrêtés malgré les ordres des Miniftres ,
& la marche des affaires eft perpétuellement
entravée par cet oubli de la foumif
fion à la loi , mais encore la circulation
des écrits & des lettres eft continuellement
interceptée. Des Journaux ont été arrêtés
dans plufieurs Départemens ; des Municipalités
prennent fur elles d'en empêcher la diftribution
aux Soufcripteurs : la foi publique
& la liberté de la preffe fe trouvent ainfi
jouées & méprifées. De tous côtés on fe
plaint de ce manque de fidélité , de cet
abus de pouvoir qui n'eft qu'une confé
quence des attributions exagérées que l'on
a faites à ces Corps , fans penfer aux inconvéniens
qui pourroient en réſulter dans les
temps d'orages.
L'efpace nous a manqué jufqu'a préfent
pour rapporter la Déclaration du Roi , majs
cette pièce eft fi précieuſe à conferver , les
Journaux , fi l'on en excepte la Gazette de
France , l'ont donnée dans un état fi diffé-
35 2
788 )
rent de ce qu'elle eft , que nous avons cru
ne point en devoir priver plus long- temps
nos Lecteurs nous allons en conféquence
la tranfcrire en entier & telle qu'elle a été
lue à l'Affemblée nationale le 21 Juin.
сс
ce Tant que le Roi a pu efpérer voir renaître
l'ordre & le bonheur du royaume , par les moyens
employés par l'Affemblée nationale , & par fa réfidence
auprès de cette Affemblée dans la capitale
du royaume , aucun facrifice perfonnel ne lui a
coûté; il n'auroit pas même argué de la nullité dont
le défaut abfolu de liberté entache toutes les démarches
qu'il a faites depuis le mois d'octobre
1789 , fi cet efpoir eût été rempli ; mais aujourd'hui
que la feule récompenfe de tant de facrifices eft
de voir la deftruction de la royauté , de voir tous
les pouvoirs méconnus , les propriétés violées , la
füreté des perfonnes mife par-tout en danger ,
les crimes refter impunis , & une anarchie complette
s'établir au- defus des lois , fans que l'apparence
d'autorité que lui donne la nouvelle conftitution
foit fuffifante pour réparer un feul des
maux qui affligent le royaume , le Roi , après
avoirfolemnellement proteſté contre tous les actes
émanés de lui pendant fa captivité , croit devoir
mettre fous les yeux des François & de tout l'u-
Aivers le tableau de fa conduite , & celui du gouvernement
qui s'eft établi dans le royaume , »
« On a vu ſa majefté au mois de juillet 1789 ,
pour écarter tout ſujet de défiance , renvoyer les
troupes qu'elle n'avoit appellées auprès de fa perfonne
, qu'après que les étincelles de révolte
- s'étoient déjà manifeftées dans Paris & dans le régiment
même de fes gardes ; le Roi , fur de fa
confcience & de la droiture de fes intentions ,
789 )
n'a pas craint de venir feul parmi les citoyens
armés de la capitale .
50
« Au mois d'octobre de la même année , le Roi,
prévenu depuis long- temps des mouvemens que
les factieux cherchoient à exciter , fut , dans la
journée dus , averti affez à temps pour pouvoir
fe retirer cu il l'eût voulu ; mais il craignit
qu'on ne fe fervît de cette démarche pour allumer
la guerre civile , & il aima mieux fe facrifier perfonnellement
, & , ce qui étoit plus déchirant pour
fon coeur , mettre en danger la vie des perfonnes
qui lui font les plus chères . Tout le monde fait les
événemens de la nuit du 6 octobre , & l'impunité
qui les couvre depuis près de deux ans . Dieu feul
a empêché l'exécution des plus grands crimes ,
& a détourné de la nation Françoife une tache qui
auroit été ineffaçable . «
« Le Roi , cédant au voeu manifefté par l'armée
des Parifiens , vint s'établir avec la famille
au château des Tuileries . Il y avoit plus de
cent ans que les Rois n'y avoient fait de ré
fidence habituelle , excepté pendant la minorité
de Louis XV . Rien n'étoit prêt pour recevoir
le Roi , & la difpofition des appartemens eft bien
loin de procurer les commodités auxquelles fa
majefté étoit accoutumée dans les autres maifons
royales , & dont tout particulier qui a de l'aifance
peut jouir. Malgré la contrainte qui avoit été apportée
, & les incommodités de tout genre qui fuivirent
le changement de féjour du Roi ; fidèle au
syftême de facrifice que fa majefté s'étoit fait
pour procurer la tranquillité publique , elle crut ,
dès le lendemain de fon arrivée à Paris , devour
raffurer les provinces fur fon féjour dans la ca-
-pitale , & inviter l'Affemblée nationale à fe rap(
90 )
procher de lui , en venänt continuer ſes travaux
dans la même ville . »
сс
« Mais un facrifice plus pénible étoit réſervé
au coeur de fa majefté ; il fallut qu'elle éloignât
d'elle fes gardes - du-corps , de la fidélité defquels
elle venoit d'avoir une preuve bien éclatante dans
la fuaefte matinée du 6. Deux avoient péri vic
times de leur attachement pour le Roi & pour fa
famille , & plufieurs encore avoient été bleflés
grièvement en exécutant ftrictement les ordres de
Roi , qui leur avoir défendu de tirer fur la multitude
égarée. L'art des factieux a été bien grand
pour faire envifager fous des couleurs fi noires
une troupe auffi fidèle , & qui venoit de mettre
le comble à la bonne conduite qu'elle avoit tou
jours tenue. Mais ce n'étoit pas tant contre les
gardes- du- corps que leurs intentions étoit dirigées
, que contre le Roi lui-même ; on vouloit
Pitoler entièrement , en le privant du fervice, de
fes gardes- du- corps dont on n'avoit pas pu égarer
les efprits , comme on avoit réufli auprès de ceux
du régiment des gardes - françoifes , qui , peu de
temps auparavant , étoient le modèle de l'armée . »
« C'eft aux foldats de ce même régiment ,
devenus troupe foldée par la ville de Paris , & aux
gardes nationaux de cette même ville , que la garde
du Roi a été confiée . Ces troupes font entièrement
fous les ordres de la municipalité de Paris , dont
le commandant-général relève ; le Roi , gardé
ainfi , s'eft vu par - là prifonnier dans fes propres
Etats ; car comment peut- on appeller autrement
état d'un Roi qui ne commande que pour les
chofes de parade à fa garde , qui ne nomme à
aucune des places , & qui eft obligé de le voir
entouré de plufieurs perfonnes dont il connoît
les mauvaiſes intentions pour lui & pour la fa191
)
mille. Ce n'eft pas pour inculper la garde natio
nale parifienne & fes troupes du céntré , que le
Roi relèveices faits ; c'eft pour faire connoître
Fexacte vérité ; & , en la faifant connoître , ila
rendú juftice lau zèle pour le bon ordre , & à
Fattachement pour fa perfonne qu'en général
cette troupe lui a montré , lorfque des efprits
ont été laiffés à eux - mêmes , & qu'ils n'ont pas
été égarés par les clameurs & les menfonges des
factieux. » 7643
A
1
44
Jee Mais plus le Roi a fait de facrifices pour
le bonheur de fes peuples plus les factieux ont
travaillé pour en faire méconnoître le prix ; &
préfenter la royauté fous les couleurs les plus
fauffes & les plus odieufessor whooty majo
« La convocation des états - généraux , le doublement
des députés du tiers état , les peines
que le Roi a prifes pour applaniri toutes les dif
ficultés qui pouvoient retarder l'Affemblée des
états- généraux , & celles qui s'étoient élevées
depuis leur ouverture , tous les retranchemens
que le Roi avoit faits fut fa dépense perfon+
nelle , tous les facrifices qu'il a faits à fes peuples
dans la féance du 23 juin ; enfin la réunion des
ordres , opérée par la manifeftation du voeu du
Roi , mefure que fa majefté jugea alors indif→
penfable pour l'activité des états-généraux : tous
fes foins , toutes les peines , toute fa générofité ,
tour fon dévouement pour fon peuple , tout a
été méconnu , tout a été dénaturé . »
cc
*
Lorfque les états - généraux s'étant donné
le nom d'Affemblée nationale , ont commencé
à s'occuper de la conftitution du royaume , qu'on
fe rappelle les mémoires que les facticux ont
eu l'adreffe de faire venir de plufieurs pro
vinces , & les mouvemens de Paris pour faire
+( 92 )
1
mangner les députés à une des principales claufes
portées dans tous leurs cahiers , qui portoient
que la confection des loix fe feroit de concert
avec le Roi Au mépris de cette claufé , IALfemblée
as mis le Roi tout-à-fait hors de la
conftitution , en lui refufant le droit d'ac
corder ou de refuſer ſa ſanction aux articles
qu'elle regarde comme conftitutionnels , en fe
réfervant le droit de ranger dans cette claſſe
ceux qu'elle jugé à propos , & en reftraignant
fur ceux réputés purement légiflatifs la pièro
gative royale à un droit de fufpenfion juſqu'à la
troifième dégiflature , droit purement illufoire.
comme tant d'exemples ne le prouvent que trop.
ec
Que refte- t- il au Roi , autre chofe que le
vain fimulacre de la royauté ? On lui a donné
vingt-cinq millions pour les dépenfes de fa lifte
civile , mais la fplendeur de la maifon qu'il doit
entretenir pour faire honneur à la dignité de fa
couronne de France , & les charges qu'on a ret
jettées deffus , même depuis l'époque où ces fonds
ont été réglés , doivent en abforber la totalité »
сс« On lui a laiffé l'ufufruit de quelques - uns
des domaines de la couronne , avec plufieurs
formes gênantes pour leur jouiffance . Ces domaines
ne font qu'une petite partie de ceux que
les Rois ont poffédés de toute ancienneté , &
des patrimoines des ancêtres de fa majefté , qu'ils
ont réunis à la couronne . On ne craint pas d'avancer
que fi tous ces objets étoient réunis , ils dépafferoient
de beaucoup les fommes allouées pour
l'entretien du Roi & de fa famille , & qu'alors
il n'en coûteroit rien au peuple pour cette
partie. »
« Une remarque qui coûte à faire au Roi ,
eft l'attention qu'on a eue de féparer , dans les
193 }
e
2
arrangemens fur la finance & toutes les autres
parties , les fervices rendus au Roi perfonnelle
ment ou à l'Etat , comme fi ces objets n'étoient
pas vraiment inféparables , & que les fervices
rendus à la perfonne du Roi , ne l'étoient pas aufli
à l'Etat. » 3
Qu'on éxamine enfuite les diverfes parties
du gouvernement : la justices Le Roi n'a aucune
-participation à la confection des loix ; ila le
fimple droit d'empêcher jufqu'à la troisième legiflature
fur les objets qui ne font pas réputés
conftitutionnels , & celui de priere Affemblée
nationale de s'occuper de tels ou tels objets ,
fans avoir le droit d'en faire la propofition formelle.
La juſtice fe rend au nom du Roi , les
provifions des juges font expédiées par lui ; mais
ce n'eft qu'une affaire de ; forme , & le Roi a
fealement la nomination des commiffaires du Roi ,
places nouvellement créées , qui n'ont qu'une
i partie des attributions des anciens procureursgénérauxgel&
font feulement deftinés à faire
maintenir l'exécution des formes : toute la partie
publique eft dévolue à un autre officier de juftice .
Ces commiffaires font à vie & non révocables
pendant que l'exercice de celles de juges ne doit
durer que fix années. Un des derniers décrets de
l'Affemblée vient de priver le Roi d'une des plus
belles prérogatives attachées par- tout à la royauté :
celle de faire grace & de commuer les peines .
Quelque parfaites que foient les loix , i eft
impoffible qu'elles prévoient tous les cas ; & ce
fera alors les jurés qui auront véritablement le
-droit de faire grace , en appliquant fuivant leur
volonté le fens de la loi , quoique les apparences
paroiffent contraires . Combien d'ailleurs cette
• difpofition se diminue - t - elle pas la majesté
.
&
> (1194 ):
籃
:
royale aux yeux des peuples , étant accoutumés
depuis fi long-temps à recourir au Roi dans leurs
befoins & dans leurs peines , & à voir en lui
le père commun qui pouvoit foulager leurs afflic
tions »> !
« L'adminiftration intérieure. Elle est toute
entière dans les mains des départemens , des diftricts
& des municipalités , refforts trop multi-
-pliés , qui nuifent au mouvement de la machine,
& fouvent peuvent fe croifer . Tous ces corps
font élus par le peuple & ne reffortiffent du gouvernement,
d'après les décrets , ou pour leur
exécution ou pour ceux des ordres particuliers
qui en font la fuite . Ils n'ont , d'un côté aucune
grace à attendre du gouvernement , & de l'autre les
manières de punir ou de réprimer leurs fautes ,
comme elles font établies par les décrets , ont dès
formes fi compliquées , qu'il faudroit des cas bien
extraordinaires pour pouvoir s'en fervit ; ce qui
réduit à bien peu de chofe la furveillance que les
miniftres doiventavoir fur eux . Ces corps ont d'ailleurs
acquis peu de force & de confidération. Les
fociétés des amis de la conftitution ( dont on parlera
après ) , qui ne font pas refponfables , fe
trouvent bien plus fortes qu'eux, & par- la l'action
du gouvernement devient nulle. Depuis leur étabiflement,
ona vu plufieurs exemples que quelque
bonne volonté qu'ils euffent pour maintenir le bon
ordre , ils n'ont pas ofé fe fervir des moyens que
la loi leur donnoit , par la crainte du peuple
pouflé par d'autres inftigations. >>
ce Les corps électoraux , quoiqu'ils n'aient aucune
action par eux-mêmes , & foient reftreints aux
élections , ont une force réelle : par leur mafle ,
è par leur durée biennale , & par la crainte narurelle
aux hommes , & fur-tout à ceux qui n'ont pas
J
( 93 )
d'état fixe , de déplaire à ceux qui peuvent fervie
où nuire, el $60.28
« La difpofition des forces militaires eft , pat
fes décrets , dans la main du Roi. Il a été déclaré
cheffuprême de l'armée & de la marine . Mais tout
le travail de formation de ces deux atmées à été fait
par les comités de l'Affemblée , fans la participation
duRois tout , jufqu'au moindre réglement de difcipline,
a été fait par eux ; & s'il reſte au Roi le tiers
ou le quart des nominations fuivant les occafions ,
ce droit dévient à -peu-après illufoire par les obftacles
& les contrariétés fans nombre que chacun
fe permet contre les choix du Roi . On l'a
vu encore obligé de refaire tout le travail -des
officiers- généraux de l'armée , parce que ces choix
déplaifoient aux clubs 3 en cédant ainſi , ſa majeſté
n'a pas voulu expofer d'honnêtes & braves militaires
, & les expofer aux violences qui auroient
fûrement été exercées contre eux , comme on
n'en a vu que de.trop fâcheux exemples. Les
clubs & les corps adminiſtratifs fe mêlent des détails
intérieurs des troupes , qui doivent être abfolument
étrangers , même à ces derniers , qui
-n'ont que le droit de requérir la force publique
lorfqu'ils penfent qu'il y a lieu à l'employer , ils
fe font fervis de ce droit , quelquefois même pour
contrarier les difpofitions du gouvernement fur
la diftribution des troupes ; de manière qu'il eft
arrivé pluſieurs fois qu'elles ne fe trouvoient pas
où elles devoient être . Ce n'eft qu'aux clubs
que l'on doit attribuer l'efprit de révolte contre
les officiers & la difcipline militaire , qui fe
répand dans beaucoup de régimens , & qui , fi
on n'y met ordre efficacement , fera la deftruction
de l'armée. Que devient une armée quand elle
n'a plus ni chefs , ni difcipline ? Au lieu d'être la
( 96 )
i
1
force & la fauve-garde d'un Etat , elle en devient
alors la terreur & le Réau, Combien les foldats
françois , quand ils auront les yeux défillés ,
ne rougiront-ils pas de leur conduite , & ne
prendront-ils pas en horreur ceux qui ont perverti
le bon efprit qui régnoit dans l'armée & la marine
françoife ? Funcftes difpofitions que celles qui ont
encouragé les foldats & les marins à fréquenter
les clubs Le Roi a toujours pensé que la loi
doit être égale pour tous ; les officiers qui font
dans leur tort doivent être panis ; mais ils doivent
l'être , comme les fubalternes , fuivant les difpo
fitions établies par les lois & règlemens ; toutes
les portes doivent être ouvertes pour que le mérite
le montre, & puiffe avancer ; tout le bien- être
qu'on peut donner aux foldats eft jufte & nécef--
faire,mais il ne peut y avoir d'armée fans officiers &
fans difcipline , & il n'y en aura jamais tant que
les foldats fe croiront en droit de juger la conduite
de leurs chefs . » .
? La fin au Journal fuivant.
Les Numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France , du premier Août ,
font : 3 , 33 , 72 , 27 , 40.
L ...
* ..
( ૪૬ )
toires ou injuftes. Un Roi eft auffi le Protecteur
né , le Repréfentant héréditaire du Peuple dont
les intérêts lui font confiés . Il ne peut foufcrire
à des engagemens qu'il croiroit contraires au
bien de l'Etat , ou dont l'exécution ne lui paroîtroit
poffible que par l'exercice d'une rigueur
tyrannique & exagérée.
On peut douter que le Roi accepte librement
la profcription de la Nobleffe & fanctionne le
malheur des plus illuftres familles du royaume!
Une profonde réflexion a dû lui faire connoître
que dans un grand Etat , la Nobleffe , non point
comme ordie , fi l'on veut , mais comme claffe ,
comme élément d'un Sénat national , préſente un
appui durable à la Conſtitution , à la liberté une
meture fage , au trône la fplendeur & la puiffance
qui lui conviennent. Un Corps de Nob'effe
' nationale eft incorruptible ; le tyran n'a point
de moyen de le gagner ; toujours entre les
extrémités orageufes de la démocratie & le defpotifme
des volontés du Prince , la Nobleffe veut
la liberté de tous , parce qu'elle n'a d'intérêt à
l'esclavage de perfonne.
Ces vérités contre lesquelles il eft de mode d'argumenter
aujourd'hui , ne font point détruites par
l'affectation men fongère de confondre la corruption
de quelques Nobles & la féodalité avec l'inftitution
politique de la Nobleffe dans l'Etat. Tant qu'à Rome
le Sénat a joui de la confidération & du pouvoir ,
qu'la balancé la force toujours croiffante du peuple,
la République s'eft élevée au plus haut degré de
gloire & de puiffance ; elle n'a perdu fa liberté ,
elle n'eft devenue le patrimoine des Néron & des
Caligula , que lorfque la Nobleffe avilie & lé
Sénat fans force , n'ont pu empêcher le peuple
de le vendre aux tyrans . Lorfque Cromwell ,
( 86 )
fecondé du parti fanatique , voulut régner par
la crainte , ce fut contre la Chambre des Pairs
qu'il dirigea les fureurs des Communes . Dès
qu'elle fut détruite , la liberté s'anéantit avec
elle , & l'on vit bientôt un Roi foible & malheureux
cimenter de fon fang la fervitude publique.
Ce n'eft pas , au refte , fur l'article de la
Nobleffe feule que le Roi doit être libre d'énoncer
fon vou , de refufer une acceptation qu'il
pourroit croire injufte & nuifible à l'Etat , il en
eft d'autres , à l'égard defquels on ne peut fans
frapper de nullité la Charte conftitutionnelle ,
lui commander un affentiment qu'il n'éprouveroit
point. L'acte de la royauté ne peut être
celui de la contrainte & de la précipitation ; prétendre
le contraire & vouloir concilier l'obéiffance
de fujet avec l'action de l'autorité royale ,
c'eft méconnoître le caractère de la Loi ou la
métamorphofer en axiômes d'une volonté inconftitutionnelle
& fragile.
Les Etrangers ne favent guères ce qu'ils
difent quand ils parlent de la liberté Françoife
, ils ne connoiffent guères la vérité
quand ils célèbrent la révolution comme la
conquête des Droits de l'Homme & de la
Société. Ils ne favent point quefinous avons
donné une grande extenfion à nos droits politiques
, par les nouvelles loix la liberté individuelle
eft réduite à rien dans le droit, &
par le fait livrée à l'arbitraire de foixante.
mille affemblées conftitutionnelles , que
rien ne peut mettre à l'abri des vexaMERCURE
HISTORIQUE
E T
POLITIQUE .
SUÈDE.
De Stockholm , le 15 Juillet 1791 .
TOUS
ous nos préparatifs militaires reftens
dans le même état : les vaiffeaux de guerre
& la flotte de galères font toujours armés , &
prêts à mettre à la voile ; les magaſins font
approvifionnés , & l'on n'a point ordonné
, comme il eft d'ufage à l'approche
de la paix , la vente des denrées qui ne
font point de garde. Cette attitude hoftile
eft une véritable énigme pour le public ,
aujourd'hui qu'on ne peut pas douter de
la paix du Nord.
Le retour du Roi eft certain ; les yacths
& autres bâtimens qui avoient fervi à conduire
Sa Majesté fur les côtes d'Allemagne ,
font repartis , & doivent ramener le Mo-
No. 33. 13 Août 1791 . E
( 98 )
narque ici . Plufieurs régimens ont reçu
l'ordre de fe raffembler, & de former une
efpèce de camp dans la plaine de Ladugordt,
dans les environs de la capitale .
- M. le Comte de St. Prieft , ancien Miniftre
de S. M. T. C. , vient d'arriver ici
avec fon époufe , qui eft foeur de M. le
Comte de Ludolf, envoyé de l'Empereur
auprès de la Cour de Suède.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 19 Juillet.
Les lettres de Copenhague annoncent
que les trois vaiffeaux de ligne & les deux
frégates , dont le défarmement avoit été
ordonné il y a quelque temps , vont inceffaniment
être armés , & que les ordres
en ont été donnés. On a appris aufli des
frontières de la Pologne , que l'armée-
Ruffe , cantonnée dans la Livonie , fous
les ordres du Général Numfen , eft forte
de près de trente mille hommes , & qu'à
Cmirla, port diftant d'à -peu -près deux lieues
de Riga , fe trouvent 80 chaloupes- canonnières
, toutes bien armées & bien équi
pées. Le Prince de Naffau & le Prince
Potemkin ne font point partis , l'un pour
prendre le commandement de la flotte de
galères , & l'autre celui de l'armée du
Danube , comme on le croyoit ; ils en
199 r
contremandé.
-
avoient bien reçu l'ordre , mais il a été
On avoit répandu le
bruit que l'Impératrice de Ruffie avoit été
dangereufement malade ; cette Souveraine
n'a point été incommodée , & jouit d'une
bonne faité.
De Vienne, le 25 Juillet 1791.
Les Ruffes viennent encore de prouver
ce que peuvent des troupes difciplinées &
commandées par un Général prudent &
éclairé, contre une armée d'hommes réunis
à la hâte & entraînés plus par un fentiment
de courage aveugle , que conduits par le
difcernement & T'habitude des arts de la
guerre.
L'armée Ruffe aux ordres du Général
Repnin , ayant paffé le Danube près de
Galacz dans les premiers jours du mois
pour s'oppofer au mouvement de celle des
Turcs qui s'avançoit fur Maczin , fe trouva
dans la néceffité de livrer combat le 9.
Les difpofitions ayant été faites pour l'attaque
, dès le matin les détachemens de
cavalerie Ruffe engagèrent le gros de l'ar :
mée Ottamane à s'ébranler : l'engagement
fut bientôt général ; & malgré leur réfiftance
& leur bravoure , les Turcs furent
obligés de céder & d'abandonner le champ
de bataille , après avoir perdu 4000 hommes
, un grand nombre de prifonniers &
E 2
( 100 )
laiffé leur eaiffe militaire avec quarante
pièces de canons , dont les Ruffes fe font
emparés.
Parmi les prifonniers fe font trouvés
deux Chefs Afiatiques , Officiers- Généraux
dans l'armée , & le Commandant Mehemet
Arnaut , Pacha à deux queues . Le Vifir
Juffuf Pacha , retiré fur une hauteur , a
eu la douleur de voir fes troupes battues ;
elles fe montoient à 70,000 hommes ; les
Ruffes n'en avoient guère que 25 à 30,000,
& n'ont perdu que 1,500 hommes.
La réunion de la famille Impériale s'eft
faite à Gratz ou Groetz le 16 , & Leurs
Majeſtés , ainſi que les Archiducs , font
arrivés ici le 20 au foir. Leur retour a été
un fujet de joie univerfelle d'autant plus
vive , que l'Empereur eft arrivé fans accident
, & que par - tout il n'a reçu que des témoignages
de la confiance & de l'attachement
du Peuple.
On a été obligé d'arrêter ici quelques
boute- feux qui , par des difcours féditieux ,
& prononcés dans des lieux publics , fembloient
provoquer la rigueur du Gouver
ment contre eux . Plufieurs s'échappoient en
propos indécens contre le Roi &la Reine
de France ; d'autres confeilloient aux habitans
de fuivre l'exemple de Paris , & de
préfenter des pétitions à l'Empereur . On
a plufieurs raifons de croire que ces gens
étoient d'intelligence avec des ennemis de
( 101 )
l'Etat. Si on peut en avoir des preuves ,
on leur fera leur procès.
De Francfort-fur- le- Mein , le 30 Juillet.
M. le Marquis de Bouillé n'ira point à
Vienne comme on le croyoit ; le Roi de
Suède l'a pris à fon fervice avec un de fes
fils ; il leur donne à l'un & à l'autre le
même grade dans fes troupes qu'ils avoient
dans celles de France. On ne doute
point que l'Empereur & le Roi de Pruffe
aient enſemble une entrevue dans la Bohême
; les revues en Siléfie , & le départ
de l'Empereur pour fon couronnement à
Prague qui aura lieu du 6 au 10 de Septembre
, viennent à l'appui de cette conjecture
fondée fur plufieurs autres motifs.
Sans qu'on apperçoive de mouvemers
fenfibles dans le militaire , il eft sûr cependant
qu'il s'en fait . On voit , écrit- on de
Vienne , arriver de temps à autre des Compagnies
& des Bataillons ifolés , dont la
deftination n'eft point connue.
Les lettres de Ratisbonne annoncent que
ce qu'on appelle le conclufum a été préfenté
au Collége Electoral le 11 , & qu'il
y a paffé à la majorité , ainfi que dans
celui des Princes- Etats de l'Empire ; l'avis
des trois Electeurs Eccléfiaftiques a prévalu
, & l'on a décidé que l'Empereur
feroit fupplié de faire de nouvelles repré-
E 3
7102 )
Tentations à Sa Majefté Très - Chrétienne
fur l'infraction des Traités , que dans l'avis
de l'Empire ou le priera également d'enjoindre
aux Cercles & Etats de completter
duement leurs troupes , afin de pouvoir
fournir inceflamment leur contingent au
double pour défendre efficacement la
dignité de l'Empire , fon autorité & fes
droits , par les moyens autorifés par le
droit des gens.
L'on a dit que les Miniftres de Bohême,
de Saxe , de Brandebourg & d'Hanovre ,
avoient marqué de l'oppofition à cette dé
cifion ; cela eft faux ; feulement ils fe font
abftenus de faire connoître leur væu.-
MM. Bouillé fils , Heymann , le Marquis de
Pracomtal & le Comte d'Agoult , Officiers
François , font arrivés à Berlin le 21 ; les
deux premiers fe font auffi- tôt rendus à
Potfdam , où Sa Majefté Pruffienne les a
reçus avec cordialité & diftinction
ESPAGNE.
De Madrid , le 22 Juillet.
Les tentatives de quelques fanatiques
trangers pour exciter des mouvemens factices
parmi le peuple , la diftribution des
libelles contre les foix & la fouveraineté ,
ont obligé le gouvernement à employer des
mefures févères pour prévenir l'un & l'autre
( 103 )
de ces délits contre la sûreté du Royauma
Des ordres ont été envoyés aux Gouverneurs
des Provinces & principalement de celles
qui avoifinent la France pour furveiller ceux
qui fous des déguifemens s'introduiroient
dans les villes pour y répandre l'efprit de
défunion . Les étrangers font obligés de
donner leurs noms , & de protefter de
leur attachement à la Religion Catholique ;
s'il en eft dont la conduite & les difcours
peuvent donner des foupçons , on les oblige
à fe retirer. Par un Edit poftérieur le Gouvernement
déclare que comme il a appris
que par le moyen des Ouvriers ambulans &
des portes-balles on fait circuler , dans
Royaume , des écrits féditieux , il a donné
des ordres à toutes les Juftices de furveillor
ceux qui exerceroient ces Profeflions ambulantes
& de conftituer prifonnier ceux
qui fe feroient rendus coupables du colportage
des ouvrages dont on vient de parler,
précautions rigoureufes fans doute , mais
dont il eft peut-être utile de faire ufage
pour prévenir les défordres & l'effufion
du fang qu'amène toujours le fanatiſme
des nouveaux fyftèmes.
Quelques troubles s'étoient manifeftes
dans la Province de Galice ; ils avoient
pour caufe la cherté des vivres &
quelques abus d'adminiftration qu'il a
été facile au Gouvernement de faire dif-
E 4
104 )
paroltre. Tout eft rentré dans l'ordre &
l'on a mis en prifon ceux des payfans qui
avoient excité des émeutes dans les mar
chés.
-
Depuis le commencement du mois de
Juin il eft arrivé une quantité prodigieufe de
piaftres & de marchandifes dans nos ports ,
venant d'Amérique & de nos Poffeffions
dans l'Inde. Le numéraire & les cargaifons
qu'ils ont apportés ont été d'une grande utilité
au Gouvernement & au Commerce qui
attendoient ces retours avec impatience.-
Il n'eft pas vrai que les Cortes foient convoqués
; on ne fait à quoi attribuer ce
bruit ; il est sûrement fondé fur quelqu'équivoque
. Par l'Etat qu'on a fait de
notre Marine répartie dans nos différens
Ports , il réfulte qu'elle eft forte de 73
vaiffeaux de ligne , parmi lefquels on en
compte dix de 112 canons , 60 de 80 &
5 de 54 à 58. Mais les matelots manquent ,
prefque tous les équipages font incomplets
, & l'on s'occupe dans ce moment
de pourvoir à cet inconvénient. - La
place d'Oran eft toujours bloquée par terre ,
malgré les démarches pacifiques commencées
de part & d'autres pour faire ceffer
les hoftilités . Les Maures au nombre de
plus 40,000 font continuellement des tenlatives
pour s'emparer des ouvrages
extérieurs , jufqu'à préfent ils ont été
(-105-).
repouffés , ont perdu bien du monde &
nous ont tué plufieurs Soldats & Officiers ,
principalement dans les forties que la garnifon
fait fouvent. -- La Gazette de la Cour
vient de publier un acte officiel par lequel
le Roi fait connoître à fon Confeil général
& aux Tribunaux du Royaume qu'au
moyen de la paix conclue avec le Bey &
la Régence de Tunis , les Sujets Efpagnols
pourront jouir fur les côtes & dans
les Domaines de cet Etat , de la liberté de
la Navigation du Commerce , dont ils
étoient privés depuis fi long - temps .
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 2 Août.
; Tout refte dans le même état ; la flotte
eft toujours prête ; cette attitude de guerre
n'influe cependant point fur les fonds ; ils
hauffent , & les nouvelles du Continent
font toutes à la paix : ainfi , l'on doit attendre
pour expliquer cette énigme , que
les évènemens aient amené quelques changemens
dans l'état politique de l'Europe.
Toutes les lettres de l'Amérique annoncent
la tranquillité , la paix & l'abondance
dans nos colonies : les dernières
que
l'on a reçues de la Grenade apprennent
que l'infurrection des Nègres eft calmée
par les foins du Gouverneur , & que la
E S
( 106 )
récolte en fucre eft cette année des plus
belles & des plus abondantes.
A Dublin , les foins du Gouvernement ont
empêché que le 14 Juillet ait donné lieu à des
troubles. Quoiqu'il y ait eu de l'enthoufafme
, de l'exaltation & du mouvement,
il n'a été commis aucun défordre , l'agitation
& l'oifiveté populaires , que produiſent
ordinairement ces fêtes , n'ont point
été prolongées au- delà du jour & du lendemain
de la cérémonie.
les
Les Factieux ou plutôt les ambitieux de tous
pays ont une politique adroite dans le choix des
moyens qu'ils emploient pour foulever le peuple
& tenter d'obtenir par fa force tout ce que lajustice
ur refuferoit. S'ils réuffiffent , bientôt ils tirent
vanité de leurs maximes féditieuſes , & s'enorgueil
iffent de leur fuccès , fur ce qu'ils appellent
la corruption ; fila direction de leurs brûlots trompe
leurs efpérances , & que le réſultat de leurs manoeuvres
ne foit , comme il arrive ordinairement ,.
qu'un malheur ou un délit public , ils rejettent
fur une prétendue perfidie du Gouvernement , les
défordres dont eux-mêmesfont les auteurs . L'affaire
de Birmingham a offert à toutes les perfonnes
fenfées un exemple frappant de ce genre de menées
très- perfectionné aujourd'hui en France.
On connoît les exagérations , les folies ,, les
maximes fubverfives que quelques efprits échauffés
prêchent & s'efforcent de propager en Angleterre ;
depuis deux ans ; à l'approche de la fête du 14.
juillet , que les Clubiftes vouloient célébrer , on
réunit en une forme d'adreffe tous ces principes
anarchie & de féductions populaires ; on les ré
( 107 )
pandit parmi le peuple , & l'on comptoit beaucoup
fur leur effet , pour entrainer la multitude
dans quelque démarche dont on profiteroit pour
exciter un incendie . Voici cette adreffe telle
qu'elle fut affichée & répandue dans Birmingham ;;
tout le monde y reconnoîtra la touche de la ...
State propagatrice
.
«
« La feconde année de la liberté Françoiſe tirant:
« à fa fin , on defire ardemment que le 14 de:
« ce mois , jour où commence la troifième:
« année , tout ennemi du defpotifme civil ou
religieux fanctionne la majestueufe caufe commune
par la célébration publique de cet anniverfaire
; rappellez à votre mémoire que le
« 14 juillet la Baſtille ce grand autel , cette
fortereffe du defpotifme s'écroula ; rappelicz-
« Vous l'enthouſiaſme pour la liberté avec lequel
« cette prifon fut attaquée ; rappellez à vote!
« fouvenir la généreufe humanité des opprimés.
quoique gémiffant fous le fardeau de leurs
« droits léfés , à conferver la vie de leurs oppref
* feurs, »
CC
« Eft-il poffible que vous oubliez que votre:
Parlement eft vénal , que vos Miniftres font
« des hypocrites ; vos Eccléfiaftiques des oppreffeurs
légitimés , la Famille régnante extravagante
; la Couronne d'une perfonne éminente:
« trop lourde pour une tête qui eft foible &
& trop pefante pour un peuple qui l'a décernée ;,
que vos impofitions font partiales & oppreflives ,
Vos Représentans corrompus à prix d'argent
« contre les facrés droits de la propriété , de la.
Religion & de la Liberté . » 66
CC
Montrez donc le 14 que vous honorez la
« branche d'olivier , que vous voulez tout faes
crifier à la tranquillité publique , jufqu'à ce que
E
C
M
( 108 ).
la majorité ait prononcé. La paix de l'esclavage,
eft pire que la guerre de la liberté . »
Mis loin de produire ce qu'on en attendoit , cette
oeuvre de finatifme ne fit qu'exciter l'indignation
des honnêtes gens , & donner lieu à une fermentation
en fens contraire parmi le peuple naturellement
féditieux de Birmingham. Il en résulta
les défordres que nous avons fait connoître . Alors le
parti fanatique, les artiſans de cette ruine publique
attribuèrent à ce qu'ils appellent leurs ennemis
au Roi , au Ministère, cette pièce féditieufe, comme
un moyen de les perdre dans l'efprit du peuple.
Cette tournure en a impofé à quelques perfonnes ,
& l'on a trouvé des gens affez étrangers aux arts
de la nouvelle doctrine , pour croire cette fable ,
accompagnée , précédée & fuivie de tant d'autres.
Les véritables auteurs de l'adreffe font les factieur ,
& ils ne la défavouent que parce qu'elle a trompé
leur attente criminelle.
Au refte , le Gouvernement veut pourfuivre
les anteurs de ce délit contre la tranquillité
& la sûreté publiques. Un Confeit
de tous les Miniftres , & o le Roi s'eft
trouvé , a été tenu le 28. On y a arrêté de`
publier une proclaniation , & d'enjoindre
aux Officiers de la Juftice d'arrêter ceux
qui feront prévenus d'y avoir eu part. Les
recherches font rigoureufes ; déja plus de
foixante perfonnes ont été arrêtées ; mais
Pon paroît bien plus dans l'intention de
connoître les moteurs de ce complot , &
de les punir , que de févir contre des malheureux
qui fe font laiffés aller à des paf(
109 )
fions furieufes qu'on avoit allumées en
eux.
Quelques Non- Conformistes , an nombre
de 60 , ont auffi voulu célébrer à Manchefter
le 14 Juillet dernier. Cette grande
ville manufacturière , où l'on eftime beaucoup
plus le prix du temps & de l'argent,
que celui des agitations populaires , n'a
point imité la fureur des ouvriers de Birmingham
elle s'eft contentée de donneraux
Convives une leçon plaifante. A peine
les Révolutionnaires étoient- ils à table ,
que de nombreuſes Députations du
Peuple font arrivées. Après avoir félicité
ces Meffieurs de leur bonne humeur , ils
les ont priés de boire docilement , d'abord
à la fanté du Roi , enfuite à la confervation
de la Conftitution Britannique ; enfin ,
à la fanté du Roi de France. Ces préliminaires
exécutés , les Convives ont été invités
à fortir fur-le-champ ; ce qu'ils ont
fait auffi-tôt les nouveaux venus ont pris
leurs places , & ont mangé leur dîner déjà
fervi.
Nos Papiers publics ont récapitulé le
nombre de Perfonnes qui , dans les trois
royaunies , ont formé ces célébrations : il
s'élève à cinq mille fur douze millions de
Citoyens.
( 110 )
FRANCE.
De Paris , le 27 Juillet.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 30 , féance du foir.
M. Bailly demande un décret qui ftatue des.
peites contre quiconque oppofera des violences à
Pexécution du décret portant que les officiers
municipaux feront procéder au recenfement des
habitans de Paris . Un des commiffaires de fection
chargés de ce recenfement fe plaint d'infultes qu'il
dit avoirreçues du domeftique de M. de Rochebrune;
le domestique & le maître font traduits au tribunal
de police , en vertu d'un arrêté munici
pal du 29 juillet ; M. de Rochebrune eſt membre
de l'Affemblée nationale . On a renvoyé les pièces
au comité des rapports.
Les amis de la conftitution de Toulouſe , jurent
d'être fidèles à la nation , à la loi & au citoye
revêtu de l'autorité royale conftitutionnelle
circonlocution applaudie comme étant probable
ment dans le véritable formulaire monarchique)
depuis que l'inviolabilité du Roi confifte à f
paller de Roi. Au refte , les négocians de Tou
bufe s'obligent de continuer les appointemens ..
ceux de leurs commis qui marcheront à la dé
fenfe des frontières .
M. Bureau de Pufy parlant au nom des comités
de marine , colonial & militaire , a rendu compt
des événemens furvenus à l'Orient ; ce compte
n'étant qu'un précis de la lettre de M , de Séqueville
rrr )
au miniftre , lue dans la féance du matin , nous
allons en donner un extrait.. Elle eft du 277
juillet.
Hier , la gabarre l'Espérance ,.commandée par
M. Dubreuil, mouilla fur le Port- Louis , elle
portoit 9 officiers d'artillerie des colonies , & un
détachement de ce corps , & devoit fe rendre à
Breft . Deux de ces officiers font defcendus avec
le capitaine de l'Espérance ; ils ont été reconnus
par quelques foldats pour leur avoir fait infliger
diverfes peines en Amérique. Les efprits s'échauf
fant , on pourfuit les officiers , ils ſe retirent
dans le petit quartier , & les foldats les y af
frégent. Arrive la municipalité ; le trouble aug
mente , elle croit que le meilleur moyen de l'ap
paifer eft de mettre les officiers en état d'arreſtation
. On a battu la générale ,, toute la garnifon a
pris les armes ; mais il a été impoffible de trans→
férer les officiers à l'hôtel -de - ville , d'autant que
la moitié des troupes étoit contre eux , & demandoit
à grands cris leur tête.
La nuit a diffipé l'attroupement , cent hommes
ent fuffi à la garde des prifons , où l'humanité
retenoit ces officiers contre toute juftice ; mais
le matin les féditieux ont recommencé . Enfin ,
le mal paroiffant à fon comble , la gardeallantêtre
forcée, la municipalité a pris la réfolution
de confier les prifonniers au foin de la troupe,
de l'artillerie des colonies , qui a promis d'en
répondre jufqu'à ce que la loi art prononcé , s'eft
formée en bataillon quarré , affiftée de toute la
garde de l'Orient , & les a conduits jufqu'à fon
quartier. On a follicité les commiffaires civils
d'accourir de Vannes , M. de Séqueville vouloir
envoyer les fept autres officiers à Nantes , les.
vents s'y font oppofés , & au moment où il
( 112 )
derit , on lui demande de mettre en état d'ar
reftation ces fept officiers demeurés à bord de
l'Espérance ; il ne fait encore ce que cela peut
devenir , ne preffent que bien des malheurs , &
attend avec une vive impatience les ordres du
miniftre.
Dans ces circonftances alarmantes , les conclufions
de M. Bureau de Pufy ont été qu'il pouvoit
être utile de ne pas dicter aux miniftres ce
qu'ils doivent favoir eux- mêmes ; que n'ayant
nullement à fe plaindre d'aucun des fonctionnaires
publics , il fuffifoit d'approuver leur conduite
, de rappeller aux autres leur devoir , &
que fur le furplus il n'y avoit pas lieu à délibérer,
qu'il falloit laiffer aux loix leurs cours.
M. Prieur en renvoyoit l'exécution au pouvoir
exécutif ; M. Bureau de Pufy lui a répondu :
«C'est le pouvoir exécutif , dans la rigueur de
la loi , qui renvoie la queftion à l'Aſſemblée. »
paroît que le miniftre embarraffé recouroit au
corps légiftif , qui ne l'étant pas moins , s'en ,
remet au miniftre . Les conclufions de M. Bureau
de Pufy ont paffé en décret , & l'on a levé la
Léance .
Du Dimanche , 31 juillet.
M. Fermond a quitté le fauteuil , auquel M.
Alexandre de Beauharnois a été appellé par la
majorité du petit nombre des fuffrages qui décident
de la préfidence .
Après de nouveaux hommages épiftolaires confignés
dans le procès - verbal , & un don de
300 liv. , pour la défenfe des frontières , fait
par les challeurs du Hainault , dont le député ,
admis à prêter le ferment , a pris place dans
l'Affemblée au milieu des applaudiffemens , on
( 113 )
a rendu un décret fur la valeur locative des
édifices occupés par les corps adminiftratifs &
judiciaires. La bafe du loyer fera au denier 25
de la valeur eſtimative ; le montant en fera payé
par les adminiftrés & jufticiables ; les corps adminiftratifs
& judiciaires font refponfables de
l'exécution du préfent décret , tenus d'en fupporter
les dommages & intérêts , & d'en payer le montant
aux receveurs des domaines nationaux ou à tous
autres qu'il appartiendra fans en pouvoir rien
réclamer aux adminiftrés & jufticiables .
Une dépêche authentique & officielle de Ratifbonne
, du 21 juillet , que M. Fréteau a communiquée
à l'Affemblée , au nom du comité diplomatique
, porte en fubftance qu'il eft réfulté des
principes combinés du collége électoral & du
collége des princes « une forte de conclufum préparatoire
( a dit le rapporteur ) par lequel les
miniftres impériaux ont été invités à prier l'Empereur
d'ordonner l'armement des cercles dans
le plus court délai ... Nous avons auffi d'autres
avis que je ne crois pas devoir vous communiquer ,
a poursuiviM. Fréteau , parce que nous ne les avons
pas d'une manière officielle , mais qui mettent la
nation dans la néceffité de s'armer férieufement ,
& effectivement fur plufieurs de fes frontières .
Il a propofé de décréter que les miniftres de la
guerre & de l'intérieur fuffent tenus de venir,
de deux jours l'un , rendre compte à l'Affemblée
de l'exécution des décrets concernant la fûreté
de l'état, parce que faute d'accord & d'entente
les mesures effentielles n'étoient pas exécutées.
A l'appui de cette dernière obſervation , il a cité
le camp de gardes nationales raffemblés dans la
plaine de Grenelle . Le raffemblement a - t - il été
fait par vos ordres ? Savez - vous quand ces gardes
ار
( 114 )
сс
nationales doivent fortir de ce camp? A quelle
époque s'établira le cordon entre Paris & la fronsière
, avoit-il demandé à M. Duportail? ce miniftre
lui a répondu : Non , je n'en fais rien
du tout . » Il a adreffé la même queſtion à M.
de la Fayette , & en a reçu la même réponſe .
Enfin il a découvert que c'étoit le département
qui avoit pris une mefure que le v ige de la
capitale rendoit fi peu analogue au belom d'inftrition
& de difcipline , fans aucune espèce de
concert avec le commandant -général & le miniftre
de la guerre ( que M. F éteau qualifioit le chef
principal de la défenfe publique ) . Il y a ajouté
qu'il y a 60 colonels & près de 80 lieutenanscolonels
à nommer ; & a conclu à décréter que
les miniftres le rendiffent dorénavant aux féances
de l'Affemblée , de deux jours l'un , à 2 heures ,
Quant aux places d'officiers vacantes , M. de
Broglie a dit qu'on s'occupoit d'y nommer , mais
que cette nomination devoit être précédée d'un
rapport que M. Emmery , avocat , feroit demain
fur le mode de remplacement de tous les officiers
qui manquent à l'armée . Quant à la levée des
gardes nationales , il a repréfenté l'inconvénient
qu'il y auroit à mettre en général , fans explitation
ni réſerve , les gardes nationales dans les
mains du pouvoir exécutif , c'est- à - dire , le miniftre,
& la néceffité que la levée s'opère par le concours
des départemens ; enfin , que fi l'on n'envoie
fur les lieux des perfonnes autorisées à réfoudre
toutes les difficultés locales , de Dunkerque à
Béfort , cette mefure fouffrira beaucoup de
retard.
M. Rewbell s'eft plaint de ce que M. de Montmorin
n'avoit pas expédié quelqu'un vers le
prince -évêque de Bafle. Le prince- évêque në
7.1155
voudra pas reconnoître cet envoyé de ma part
& en conféquence d'un décret de l'Affemblée ;
on l'arrêtera peut - être , objeétoit le miniftre .
M. Rewbell propofoit naïvement de faire appuyer
l'envoyé par le général Luchner , & il re
pondoit du fuccès de l'ambaffade. Mandez les
miniftres fur l'heure , a dit M. d'André , & que
le comité nous préfente demain un décret qui
fixe l'autorité du miniftre de la guerre fur les
mouvemens des gardes nationales. Au fujet de
Porentruy , il a annoncé que le chargé des af
faires de France en Suiffe , s'acquitteroit de cette
commiffion .
Tout en ne voyant de remède à tant de
maux que « dans une forte organiſation du gou
vernement monarchique » M. Martineau n'a
cependant parlé que des miniftrès . Il les a peints.
emmaillotes de mille manières par les comités
de l'Affemblée , par les départemens , par les
municipalités , défaut de cohérence qui détruit
la refponfabilité & arrête le gouvernement.
Vous avez tout fait pour le pouvoir exécutif
a répondu M. de Beaumetz , en accordant aux
miniftres l'entrée de l'Affemblée à toutes les
heures. S'ils éprouvent des entraves , pourquoi
ne s'en plaignent-ils pas ? Ce n'eft pas des
commiffaires qu'il faut envoyer , a dit M. Lan
juinais. Un trait d'hiftoire bien connu , c'eft
que quand on envoya des commiffaires tirés des
états-généraux , les états- généraux furent difperfés
& plufieurs furent pendus... Le trait d'hif
toire a fait rire .
» --
ce L'Affemblée a décrété que dès demain tous
les miniftres feroient invités à fe rendre tous.
Les deux jours à l'Affemblée , pour rendre compte
de l'état de défenfe du royaume ; & que de(
116 )
main le comité militaire préfenteroit un projet
de décret fur l'autorité qu'il convient de donner
au miniftre pour les mouvemens & la marche
des gardes nationales volontaires . »
L'un des commiffaires revenus des frontières ,
M. Chaffey , a lu un rapport fur la fituation de
eelles qu'il a vifitées . Il a d'abord annoncé un
travail de M. de Cuftine contenant l'indication
de tous les moyens de défenfe , mémoire qui
ne peut , a - t- il dit , être rendu public . Enfuite
il a donné de grands éloges à la garnifon de
Strasbourg renforcée de 6000 gardes nationales ,
a fait le récit d'une faulle alerte & d'une attaque
fimulée dont il a été , témoin ; les forties
& les rentrées ont eu lieu avec une promptitude
incroyable , & aucune des mesures n'a manqué.
Les arfenaux font garnis d'artillerie , & l'on ne
manquera bientôt plus de fufils . Landau & le
Fort Louis ne tarderont pas à être dans le meil-
Ieur état. Au furplus , il n'y a point encore de
troupes fur la rive droite du Rhin : « car on
ne compte pas , fans doute pour une armée ,
i les aventuriers qui font à Ettenheim , ni les
fugitifs retirés à Worms . »
On s'attendoit bien à quelque inculpation vague
contre les prêtres dits réfractaires . Ils ne font pas
grand mal dans les villes où l'on eft affez pl.-
lofophe ; mais ils ont beaucoup d'influence fur
les campagnes. Les adminiftrateurs du Haut Rhin
ont pris à l'égard de ces prêtres qu'on accuſe
par - tout & qu'on ne juge nulle part , un arrêté
à peu- près femblable à celui des adminiſtrateurs
du Bas- Rhin ... Les ventes de biens nationaux
fe font avec fuccès. La perception des impôts
n'eft pas très-active ; mais il n'eft prefque rien
dû de 1789... Quelques foldats fe font permis
( 117 )
•
des actes d'infubordination . Il a fini par demander
& obtenir que le miniftre de la juftice indiqueroit
un tribunal où l'on continueroit la procédure
relative aux délits commis a Haguenau
en juin & juillet 1790 .
Du lundi , 1er. août.
M. Panckouke , Imprimeur- Libraire à Paris ;
l'un des électeurs de 1789 , a envoyé à l'Affem
blée une adreffe civique & un affignat de 1000 liv.
pour l'entretien de deux gardes nationales , avec
fon obligation de pareille fomme pour chaque
année fi la continuation eft néceffaite . Il a fait
auffi hommage d'un exemplaire complet de l'Encyclopédie
par ordre des matières , en obfervant
que cet ouvrage eft le fruit du travail de plus de
iso hommes de lettres . L'Affemblée a reçu cette
offre patriotique avec applaudiffement , & il en
fera fait mention honorable dans le procèsverbal
.
CC
M. Vernier a lu un décret d'exécution du
décret relatif aux émigrans pour ce rappeller dans
le fein de la nation les enfans de la patrie . La“
retenue fur les rentes paroiffoit injufte à M. Martineau
, toute fimple à M. d'Auchy. Elle fera funefte
aux créanciers , felon M. de Praflin ; propre
, fuivant M. Menard , à induire les débiteurs
des émigrans à garder les deux tiers de
la retenue ce qui lui femble une immoralité
criante dans une loi . La crainte des fraudes ne
doit point arrêter , a dit en ſubſtance M. Chabroud;
tous les décrets fur les impofitions font
fufceptibles de fraudes , & on ne les a pas moins
admis . Un grand élan de patriotiſme rendra nulle
cette immoralité.... M. de Croï a demandé que
le triplement de contribution ne tournât pas aut
>
( 118 )
profit des municipalités qui n'ont pu ou voure
Protéger la fûreté des émigrans ce qui feroit
bien une autre immoralité. Mais on a décidé
qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur l'obfer
vation de M. de Croï.
Votre triple impofition étant une peine , difoit
M. Tronchet , vous ne pouvez la faire fupporter
au créancier qui a des titres authentiques.
Ce n'eft point une peine , mais une indemnité ,
répondoit M. Lanjuinais ; or , l'état a la préférence
fur tous les créanciers . « C'eſt une fimple
indemnité des frais de garde , des frais perfonnels,
& de la protection que vous donnez aux biens des
émigrés » ajoutoit M. Rewbell; comme fi ces trois
fortes de frais n'étoient pas les mêmes que ceux de
l'ordre publi , & que les émigrés ne payalent pas
dans les impôts ordinaires leur part de cette protection
fi mal accordée , comme s'il en coûtoit
trois fois plus pour protéger la perfonne de moins
que pour protéger les biens & la perfonne enfemble.
Un émigrant , a dit M. d'André , n'a que
4000 liv. de rentes ; l'impofition foncière lui
prend déja environ 800 liv . Si vous la triplez , ce
fera encore 1600 liv . ( total 2400 1. fur 4000 l . )
Le créancier perdra donc énormément . Cela n'eft
pas propofable ; car ce créancier peut être un patriote.
Toute créance authentique & hypothéquée
doit le prélever , que les autres créanciers perdent
ou qu'ils attendent... M. d'André trouvoit
cela jufte . Voici le décret qui eft réfulté d'une
pareil e difcuffion':
« Art . I. Tous les François abfens du ròyaume
feront tenus de rentrer en France dans
le délai d'un mois à compter de la publication
da préfent décret ; & jufqu'à ce qu'il en ait été
autrement ordonné , aucun citoyen, François ne
( 119 )
pourra fortir du royaume fans avoir fatisfait à
ce qui fera ci-après prefcrit . »
« II. Les émigrés qui rentreront en France
font mis fous la protection fpéciale & la fauve
garde de la loi ; en conféquence les corps adminiftratifs
& les municipalités font tenus , fous
feur refponfabilité , de veiller à leur sûreté , &
de les en faire jouir.
ל כ
ce Il eft pareillement enjoint aux accuſateurs
publics de pourfuivre la réparation ou la punition
de toute contravention aux préfentes difpofitions,
כ כ
>
ce III. Ceux qui ne rentreront pas dans le
délai fixé , paieront , par forme d'indemnité du
fervice perfonnel que chaque citoyen doit à
l'état , une triple contribution foncière & mobiliaire
pendant tout le temps de leur abfence ;
fouffriront en outre une triple retenue fur les
intérêts des rentes preftations & autres redevances
à raifon defquelles la retenue fimple eft
autorifée . Les débiteurs deviendront comptables
de deux portions fur trois de cette même retenue
envers le tréfor public , & à défaut de
paiement , ils feront pourfuivis comme pour
leurs propres contributions ; lefdits débiteurs feront
tenus de faire leur déclaration au diftrict
à peine de demeurer refponfables de toutes les
retenues qui n'auroient pas été faites . »
« Les impofitions excédenes ne pourront
nuire aux créanciers légitimes qui ont des dettes
authentiques antérieures au préfent décret , mais
elles demeureront néanmoins affectées au furplus
des biens & revenus. »
« IV. Les émigrés feront difpenfés , auffitôt
leur retour , du paiement total de cette taxe
qu'ils ne feront tenus d'effectuer qu'au prorata
( 120 ).
du temps de leur abfence , à partir du premier
juillet de la préfente année ; fe réfervant au
furplus l'Affemblée nationale , de prononcer telle
peine qu'il appartiendra contre les réfractaires ,
en cas d'invafion hoftile fur les terres de France . »
ce V. Pour l'exécution des articles précedens ,
chaque municipalité fera tenue de fournir au
directoire de diftrict un état nominatif de tous
les émigrés compris au rôle de la contribution.
foncière & mobiliaire ; & à la fuite des noms
de chacun des émigrés , ils indiquerónt le montant
de la cote d'impofition pour laquelle ils
auront été portés dans les rôles ; ils indiqueront
auffi le montant de la retenue qu'ils fauront devoir
leur être faite fur les rentes , preftations & redevances
à eux appartenantes. »
ce Ces états feront adreffés au directoire de diftrict
qui , à vue d'iceux , & d'après les détails qui
feront à fa connoiffance , fera former un rôle de
la taxe ordonnée à l'égard defdits émigrés . Les
rôles ainfi formés & vifés par les directoires de
diftrict , feront envoyés au département qui les
adreffera au miniftre des impofitions qui donnera
les ordres néceffaires pour en affurer l'exécution . »
« VII. Les fermiers , locataires ou autres redevans
defdits abfens ne pourront acquitter le prix
de leurs baux à ferme , à loyer , des rentes & redevances
par eux dues , fans qu'il leur ait été
juftifié du montant des rôles d'impofitions &
taxations defdits abfens , »
« VII. Sont exceptés des difpofitions ci - deffus '
les François établis en pays étranger avant le
premier juillet 1789. Ceux dont l'ablence eft
antérieure à ladite époque , ceux qui ne fe feront
abfentés qu'en vertu de paffe - ports en bonne
forme ,
( 121 )
forme , ceux qui ont une miffion du gouvernement
, leurs époufes , pères & mères domiciliés
avec eux , les gens de mer , les négocians où
leurs facteurs notoirement connus pour être dans
l'ufage de faire , à raifon de leur commerce , des
voyages chez l'étranger.
ל כ
ce VIII. Les congés ou permiffions de s'abfenter
hors du royaume ne feront accordés à aucun
citoyen que par le directoire de diftrict dans le
reffort duquel il fera domicilié , & d'après l'avis
de la municipalité , pour des caufes néceffaires &
Indifpenfables , reconnues ou conftatées . »
« Celui qui follicitera ladite permiffion , prêtera
individuellement le ferment civique , ou juftifiera
qu'il a déja prêté ce ferment individuel , &
joindra à fa demande une déclaration par écrit
qu'il entend y reſter fidèle . »
Au nom des commiffaires envoyés dans les dé
part mins du Nord , du Pas- de - Calais & de
l'Ailne , M. Biron a fait un rapport où toutes
les places de première ligne font dans le meilleur
é at . Il n'y a pas plus de roupes de ligne que dans
les temps de la plus grande fécurité ; mais le
zèle & le nombre des gardes nationales y fuppleéront.
Les travaux de M. de Rochambeau méritent
l'adaniration de tous les militaires . Les places de
feconde & de troisième ligne ont b.fon de quelques
réparations. Rien n'égale le patriotiſme des
foldats ; mais les ferments ne les ont pas guéris
d'une ext è ne défiance de leurs officiers ; ils veu-
Jent garder eux- mêmes les drapeaux . Quelques
chefs s'y font oppofés , ce qui a occafionné beaucoup
de débats très - fâcheux . M. de Grave , cofonel
du régiment de Chartres a dit à ſes ſoldats :
je vais vous apporter les drapeaux au quartier ,
nous les garderons enfemble. Ce trait de patrio
No. 33. 13 Août 1791 . F
( 122 )
tifme , felon le rapporteur , a porté les foldats à
promettre de renoncer à toute divifion & de remplir
leurs devoirs avec exactitude.
Voici le réfumé des demandes de M. de Rochambeau
: 1 ° . les fonds néceffaires pour le camp
retranché de Maubeuge , 45,000 liv .; 2 °. quelques
fonds extraordinaires , s'il étoit obligé de
faire un raffemblement ; 3 ° . douze ou quinze
mille hommes de gardes nationales , parmi lefquelles
il feroit accordé deux bataillons de la
garde nationale parifienne ; 4°. feize escadrons de
troupes à cheval qui lui deviennent indifpenfables ;
le comité militaire & le miniftre de la guerre font
d'accord fur les trois premiers objets , & le comité
a reconnu l'urgence du dernier & écrit au miniftre
de la guerre en conféquence .
Ces demandes ont été décrétées .
L'âge de M. de Rochambeau ( il n'a que 66
ans ) & fa modeftie , fans doute , lui font defirer
de borner le commandement où il fe montre
dit- on , infatigable. Un membre a penfé qu'il
falloit au moins (upplier ce général , au nom de
la patrie de fe charger de Philippeville , Marierbourg
& Givet, On a décrété le renvoi au miniftre.
A la fuire d'un rapport fur le re.nplacement
des officers de ligne , par M. Emmery , avocat ,
membre du comité militaire , & après une difcuflion
fur cet ebjet , entre MM . Coupé , d'André ,
de Noailles , Prieur , Martineau , Rewbell &
Chabroab , on a décrété les quinze articles fuivans :
« L'Ademblée nationale décrète qu'attendu les
circonftances , le remplacement actuel des officiers
qui manq rent dans les différens corps de l'armée ,
fe fera con me i fuit :
A: t. I. Les règles preferites par les pré(
123 )
dens décrets pour le remplacement des officiersfupérieurs
& des adjudans majors dans les différens
corps des différentes armes , auront leur pleine
& entière exécution, »
« II. Dans chacun des régimens d'infanterie
de ligne où il n'y a pas plus de quatre compagnies
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens lieutenans du régiment . Dans chacun des
bataillons d'infanterie légère où il n'y a pas plus
de deux compagnies vacantes , elles appartiendront
aux plus anciens lieutenans du bataillon . »
сс
III. Les trois quarts au moins du total des
compagnies vacantes dans les régimens d'infanterie
de ligne , & dans les bataillons d'infanterie
légère au - delà du nombre ci - deffus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens Lieutenan's de
toute l'infanterie , qui font actuellement en acti- '
vité ; l'autre quart pourra être donné par le
pouvoir exécutif , foit à des capitaines , foit à
des lieutenans d'infanterie réformés ou retirés ,
qui defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du district
dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte leur
attachement à la conftitution décrétée par l'Affemblée
nationale . »
« IV. Les capitaines qui feront pourvus en
vertu de l'art. I , conferveront leur rang entre
eux , & fe prendront fur tous ceux qui feront
nommés en vertu de l'article II . Ceux de ces
derniers qui feront pris fur la colonne des
lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entre eux , & le prendront fur
tous les officiers ci - devant réformés ou retirés
qui pourroient obtenir des compagnies ; ceux - ci
enfin prendront entre eux le rang que leur affi
}
F 2
( 124 )
gnera le grade qu'ils avoient avant leur reforme
ou leur retraite , & , à grade égal , l'ancienneté
de leur fervice . »
« V. Dans chacun des régimens d'infanterie
de ligne où il n'y aura pas plus de quatre lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous - lieutenans de ce régiment . Dans
chacun des bataillons d'infanterie légère où il
n'y aura pas plus de deux lieutenances vacantes,
elles appartiendront aux plus anciens ſouslieutenans
du batai.lon. »
« VI. Les trois quarts au moins du total des
lieutenances vacantes dans les régimens d'infan
terie de ligne & dans les bataillons d'infanterie
légère , au-delà du nombre ci-deffus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens fous - lieutenans
de toute l'infanterie qui font actuellement en
activité ; l'autre quart pourra être donné Par
pouvoir exécutif , foit à des lieutenans , foit à
des fous lieutenans réformés ou retirés , qui
defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du diſtrict
- dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte
leur attachement à la conſtitution décrétée par
l'Aſſemblée nationale. »
сс
·
VII. Les lieutenans qui feront pourvus en
vertu de l'article V , conferveront leur rang
entr'eux , & le prendront fur tous ceux qui
feront nommés en vertu de l'article VI ; ceux
de ces derniers qui feront pris fur la colonne des
fous- lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entr'eux , & le prendrone
fur tous les officiers ci- devant réformés ou retirés qui
pourroient obtenir des lieutenances ; enfin , ceux-ci
prendront entr'eux le rang que leur aflignera le
( 125 )
grade qu'ils avoient avant leur réforme ou leur
retraite , & , à grade égal , l'ancienneté de leurs
fervices. "
« VIII. Les fous -lieutenances vacantes dans
Pinfanterie de ligne & dans l'infanterie légère
feront données , favoir ; dans les régimens &
bataillons d'infanterie qui n'ont pas deftitué leurs
officiers , moitié aux fous - officiers de ces régimens
, moitié à des fils de citoyens actifs ; dans
les régimens & bataillons qui ont deftitué leurs
officiers , les trois quarts des fous- lieutenances
feront données à des fils de citoyens actifs , l'autre
quart demeurera réservé aux fous - officiers du
régiment , aux termes du décret du…….…..
« IX. Pour le remplacement actuel des capitaines
& des lieutenans du corps - royal d'artillerie ,
on fuivra les règles d'avancement prefcrites par
fes précédens décrets relatifs à cette arme ; les
Tous - lieutenances vacantes feront partagées entre
les élèves du corps & les lieutenans en troisième
qui n'ont pas encore obtenu leur remplacement . »
« X. Les jeunes citoyens ne feront fufceptibles
des fous lieutenances vacantes que depuis
16 juſqu'à 24 ans ; ceux âgés de plus de 18 ans
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tous
feront tenus de rapporter un certificat du directoire
du diſtrict dans l'étendue duquel ils réfident ,
qui attefte leur attachement à la conftitution
décrétée par l'Affemblée nationale . »
сс
-
XI. Dans les régimens de troupes à cheval ,
le tiers des compagnies vacantes fur toute l'arme ,
appartiendra aux plus anciens capitaines de remplacement,
ou de réforme , les autres tiers aux
plus anciens lieutenans actuellement en activité ,
pris fur toute l'arme . »
« XII. Dans chacun des régimens de troupes
F3
( 126 )
à cheval où il n'y aura pas plus de deux lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous- lieutenans de ce régiment ; le furplus
fera donné aux plus anciens fous - lieutenans ac
tuellement en activité , pris fur toute l'arme, »
CC« XIII. Les fous - lieutenances vacantes dans
les troupes à cheval , feront données , moitié aux
fous- officiers de ces régimens , moitié à des fils de
citoyens actifs , ayant au moins 16 ans , & pas plus
de 24 ans d'âge ; ceux qui auront plus de 18 au
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tou
feront tenus de prendre un certificat du diſtric
dans l'étendue duquel ils réfident , qui atteft..
leur attachement à la conftitution décrétée par
l'Affemblée nationale . »
·
« XIV. Dans les régimens de toute arme qui
ont actuellement leur colonel , cet officier fupérieur
indiquera fous huitaine , à compter de la
publication du préfent décret , foit au général
d'arme , foit au commandart en chef de divifion
aux ordres duquel il eft , les fujets qu'il croit
fufceptibles d'obtenir les fous lieutenances va
cantes dans le régiment qu'il commande . Les
généraux d'arme , & les commandans en chef
des divifions , propoferont d'eux - mêmes aux
fous lieutenances vacantes dans les corps qui
font fous leurs ordres , & qui n'ont point actuel
lement de colonel . Les différentes propofition
feront adreffées immédiatement au miniftre de la
guerre , pour le mettre en état de pourvoir , fane
aucun délai , à toutes les fous-lieutenances va
cantes dans l'armée . »
« XV . Pour que rien ne retarde le rempla
cement effectif des officiers qui manquent actuc
lement dans l'armée , les officiers fupérieurs &
autres feront reçus , mis en fonctions , & payes
( 127 )
fans attendre l'expédition de leurs brevets qu
commiffions , fur l'avis de leur nomination
adreffé par le miniftre de la guerre , foit aux
généraux d'armée , foit aux commandans en chef
des divifions & aux chefs des corps dans lefquel
les remplacemens devront s'opérer. »
« Néanmoins les brevets & commiffions feront
enfuite expédiés le plutôt poflible , & vaudroni
du jour de chaque nomination , dont ils rappel
leront la date. »
M. de Leffart , miniftre de l'intérieur , eft venu
dire que la totalité des fufils eft expédiée ; que
Te décret du 21 juin a été envoyé dans tous les
départemens ; que celui du Gers ,
entre autres
a ouvert une foufcription pour le paiement des
97 mille gardes nationales. Ce miniftre leur
écrira de nouveau à tous pour les preffer.
Du mardi , 2 Août.
On lit & on renvoie au comité des recherches
une lettre de M. de Valcourt , commiffaire - ordonnateur
des guerres , qui retenu à Metz en étai
d'arreftation , par un décret du 15 juillet , comnie
ayant eu des relations avec M. de Bouillé , &
ayant fait des préparatifs pour un camp près de
Montmédy , fe juftifie en obfervant qu'il n'étoit
nullement dans le fecret , en rappellant les titres
d'électeur & de préfident du diftrict de Thionville
, & fur- tout que « l'acquifition d'un bien
national de 170,000 livres , le met à l'abri de
tout foupçon d'inciviſme . »
M. le Couteulx s'eft chargé de préfenter à
l'Affemblée un arrêté du directoire du départe
ment de la Seine inférieure , portant que tous
les ci-devant fonctionnaires publics eccléfiaftiques
F 4
( 128 )
·
& les religieux non affermentes , feront tenus
de s'éloigner de 10 lieues de la paroiffe où ils
exerçoient leur ministère , & que même à cette
diftance , ils ne pourront choifir pour retraite
une paroiffe cn fe feroient déjà retiré deux eccléfiaftiques
ci devant fonctionnaires publics , dans
les villages , & fix dans les villes . Les feptuagénaires
& ceux dont les deux tiers au moins de la
commune attefteront la tranquillité ou les infirmités
, font jufqu'à préfent & provifoirement
autorités à refter dans les paroiffes qu'ils habitent
, tant qu'il y aura contre eux aucun fujer
de plainte. Îl eft enjoint aux municipalités d'empêcher
qu'il ne foit commis aucune violence ,
infulte ou menace , envers les eccléfiaftiques
remplacés lors de leur retraite « volontaire ou
forcée. Se réserve le directoire de prendre cette
autre mefure ultérieure que les circonstances pourront
exiger. Fait au directoire , à Rouen , le 29
juillet 1791. « MM. du comité eccléfiaftique ,
difoit M. le Couteulx , m'ont témoigné qu'ils
defiroient que l'Affemblée nationale approuvât
cet arrêté & en autorisât l'exécution . » Depuis
quand les départemens ont- ils le droit de faire
des loix de circonftance ? Ces loix paroiffoient
fi fages , fi juftes , fi légales , fi humaines à M.
Lavigne , qu'il en a demandé le renvoi au comité
des rapports , pour voir s'il ne feroit pas
Foffible de les appliquer à tous les départemens .
La propofition de M. Lavigne a été adoptée .
ככ
Au nom du comité militair , M. Bureau- de-
Pufy a fait adopter , conformément aux états
fournis par le miniftre de la guerre , le décret
fuivant en articles :
« Art. I. En exécution des décrets des 21
( 129 )
juin , 3 & 23 juillet 1791 , & conformément a
la demande de fonds faite par le miniſtre de la
guerre le 27 juillet dernier , dont les objets
Lont fpécifiés tant dans l'état général que dans
les tableaux particuliers fournis par ledit miniftre
, il fera verfé fans délai par la caiffe de
l'extraordinaire à la tréforerie nationale , pour
être employée aux dépenfes de la guerre , une
fomme de 16,518,396 liv. pour être employée
comme il fera dit ci -après , favoir : »
"
cc 1 ° . 12,218,396 liv . , pour frais d'enrôle
ment d'habillement , d'équipement & armement
de 44,242 hommes , tant d'infanterie que
de troupes à cheval & d'artillerie , deftinés à
porter au complet de gueire 73 régimens d'infanterie
de ligne,, 12 bataillons d'infanterie légère
, 2 régimens de carabiniers , 16 de cavalerie
, 14 de dragons , 3 de huffards , 7 de
chaffeurs ; & les 7 régimens d'artillerie le
feront. »
« 2 °. Une fomme de 300,000 liv . deſtinée
à completter les approvifionnemens de première
néceffité pour les hôpitaux ambulans , de trois
années , depuis Dunkerque jufqu'à Béfort . »
3. Une fomme de 4 millions , à compte
des travaux ordonnés , ou qui le feront , pour
mettre les frontières en état de défenſe. »
II. Chaque mois , à compter du premier
juillet 1791 , il fera verfé par la caiffe de l'extraordinaire
à la trésorerie nationale pour les
dépenfes de la guerre , une fomme de 1,215,419
li . fols 1 denier pour folde & maffes des
'hommes & des chevaux d'augmentation mentionnés
à l'article précédent , & pour être payés,
favoir ; les maſſes au complet des corps , & la
F.S.J
( 130 )
folde à l'effectif des revacs ,
tableau nº. 2. »
сс
conformément au
« III. Chaque mois , à compter du premier
août 1791 , il fera fourn: par la caiffe de l'extraordinaire
à la tréforerie nationale pour les
dépenfes de la guerre une fomme de 150,000
liv. pour fubvenir aux frais de loyer , nourri
ture & dépenfes d'acceffoires de deux mille
chevaux d'augmentation dans l'équipage d'artil
lerie , pour être , lefdits frais , payés d'après
l'effectif des revues , y compris quinze jours de
-folde cheval à accorder en forme de gra
tification
, fuivant le marché des entrepre
par
*neurs. >>
« IV. La caiffe de l'extraordinaire fournira à
la trésorerie nationale pour les dépenses de la
guerre , fur la demande du miniftre de ce département
, les fonds, néceffaires pour la folde
& les dépenfes acceffoires des gardes nationales,
raffemblés en vertu du décret du 21 juin 1791,
& ce , jufqu'à la concurrence de 3,200,000 liv .
par mois ; ladite fomme étant la dépente de 158
bataillons formant 96,854 gardes nationales . »
« V. La pièce intitulée : Etat général des
fonds extraordinaires à faire au aépartement de
la guerre , pour le mettre à portée d'exécuter les
difpofitions décrétées par l'Affemblée nationale
les 3 & 23 juillet 1791 , ainti que les tableaux
qui en font le développement , tous fignés &
adreffés par le miniftre au comité militaire , pour
être par lui foumis à l'Aflemblée nationale ,
ainfi que la lettre miffive qui y étoit jointe ,
refterent ann.xés au procès- verbal . »
Du mardi, féance dufoir.
Une lettre que M, de la Tour - Maubourg a
( 131 )
écrite de Metz à M. Emmery , & que celui - ci
a communiquée à l'Aflemblée , peint les foldats
brûlans de patriotisme , travaillant gratis aux )
fortifications avec une activité qui fait craindre.
qu'ils n'en tombent malades. Elle attefte que la
fubordination eft admirable , même dans les
régimens dénués d'officiers. I ne doute pas
qu'après le remplacement , nous n'ayions encore
une armée inviable. Enfin les genéraux & les
municipaux font animés du même efprit , & fe
fecondent les uns les autres .
Des députés de la municipalité & des amis de
la conftitution de Brie Comte Robert admis à
la barre , ont démenti les inculpations que M.
Robe Spierre s'étoit permifes ; & dans la réponſe
du préfident , on a retrouvé peints de couleurs
qui leur conviennent « ces hommes exaltés ou
féduits qui concourent aux manoeuvres ciiminelles
des ennemis de la patrie.
ככ
M. Biauzat a pref nté un arrêté du directoire
du département du Puy - de - Dôme , contenant
les mêmes difpofitions que l'arrêté du département
du Bas-Rhin , contre les malheureux eccléfiaftiques
nommés non- co formiftes par ceux qui
les ont dépouillés . On i'a renvoyé au comité dis
eccléfiaft que.
Le reste de la féance a été rempli par un
rapport de M. le Brun , & par un projet de M.
Biauzat fur les ponts & chauffées , & une difcuffion
où l'on a revu tout ce qui avoit été dit
à ce fujet dans l'Affemblée . Ces débats ont été
prorogés à la première féance du ſoir.
Du mercredi 3 août.
C
MM. Bouche & Régnault de St , Jean - d'Ang
J 1 I
F 6
( 132 )
gely , ont follicité un dernic rapport far M. de
Condé. « C'eft en montrant de la foibleffe , difoit
bravement M. Regnault , que l'on encourage
fes ennemis . Nous avons trop de moyens & de
motifs de ne les pas craindre , pour ne pas déployer
la fermeté qui nous convient » ; & il a
demandé que le comité rendît compte du traitement
qu'a reçu M. Duveyrier , qu'il appelloit
un agent de la nation qui avoit droit « aux
refpects & aux égards de tous les individus &
de toutes les nations voifines » , quoique M.
Duveyrier n'eût aucune commiffion auprès des
étrangers , aucune lettre de créance , puifque
M. de Condé a dû lui demander qui il étoit ;
\ qu'il n'eût qu'un pafleport & un paquet à remettre
, commiflion qui l'affimileit plutôt à un
buiffier qu'à un envoyé , puifqu'il n'a pas même
jugé à propos d'attendre une réponſe .
Je déclare que je n'ai point de part aux
metures molles qu'on paroît avoir adoptées » , a
dit M. Salles four fa décharge perfonnelle. M.
Lavigne exigeoit la repréfentation du décret du
13 juin , qui , felon lui , avoit tout décidé . Le
préfident a annoncé , & l'on a auffi - tôt admis
a la barre , une députation qui venoit , au nom
de 4 às cents citoyens , préfenter une pétition
des banquiers & négocians de Paris. Son objet
etoit les affignats de liv. ; & l'orateur a paru
indiquer les payeurs des rentes comme les premiers
inftrumens d'un véritable agiotage . Il a
conclu à ce que la diftribution de ces petits
affignats & de la monnoie de cuivre fût confice
aux 48 fections . Un décret a chargé les comites
de libeller un projet de loi fur cette pétition.
( 133 )
1
M. Courmenil a préfenté , & l'Aſſemblée a
décrété les 4 articles fuivans :
« Art . I. La diftribution en eſpèces de cuivre ,
qui proviendra de la fonte des cloches , fera faite
par les hôtels des monnoies , entre les départemens
pour chacune de ces monnoies , par l'état
annexé au préfent , & dans les proportions réglées
par le même état. »
сс
II. En conféquence , le directeur de chaque
hôtel des monnoies fera tenu d'envoyer , à la ré
ception du préfent décret , aux directoires des
départemens avec lefquels il devra correfpondre ,
un bordereau certifié de lui , qui annoncera la
fomme fabriquée actuellement exiftante , en monnoie
de cuivre , dont la diftribution pourra être
faite fur-le-champ. »
« III. Les directeurs de chaque hôtel des
-monnoies continueront d'adreſſer aux mêmes die
rectoires de département , le dernier jour de chaque
femaine , un état de la fabrication qui aura eu lieu
dans le cours de la même femaine , tant en eſpèce
de cuivre qu'en métal provenant de la fonte des
cloches. »
"
« IV. Chaque directoire de département connoîtra
, d'après ce bordereau fucceffif , & d'après
la proportion dans laquelle il devra participer au
produit de la fabrication déjà exiftante , & celles
qui auront lieu chaque femaine , le montant de la
fomme qui devra leur revenir , fera les difpof
tions néceffaires pour faire tranfporter de l'hôtel
des monnoies dans les caiffes de diſtricts , la partie
à eux afférente dans les fabrications de chaque
femaine. »
Revenu au décret relatif à M. de Condé, M.
Lavigne l'a lu dans l'efpoir que la fimple expi(
134 )
ct
ration du délai prononceroit fur - le - champ tes
peines fratuées ; mais M. Fréteau a oblervé que
les comités réunis avoient peufé que la queftion
devoit être méditée fous tous les points de vue
de prudence , de politique & de juftice ; que le
rapport du miriftre & le récit de M. Duveyrier
conftatoient bien la réception de l'ordre , mais
que les tribunaux ne prononçoient jamais une
peine fans un témoignage aftermenté ; que fi
I'Affemblée fe croyoit en droit de juger , de
prononcer contre M. de Condé , ele devioit aufli
juger les complices & adhérens de M. de Conaé.
Il n'eft cependant pas dans l'intention de l'Af
femblée de s'éiger en tribunal , & fur- tout en
tribunal à feances continues contre tous ces
complices. Nous fommes en droit , a férieufement
pourfuvi M. Fréteau , de prononcer le
féqueftre des biens , & de mettre M. de Condé
en état d'arrestation .... Il n'y a pas l'ombre du
doute... Mais il y a des limitations & des difficultés
fur la rédaction du décret relativement aux
complices qu'il faut détacher de la condamnation
d'aujourd'hui pour les renvoyer a Orléans , fi
Vous n'y renvoyez pas même M. de Conaé.
Remettez done a demain .... Ne vous eng. g.z
pas à adopter un parti qui peut avoir des fuites
auffi facheufes. ». On a chargé les comités de
s'occuper d'un mode d'exécution ou d'une réduction
.
D'après les plus heureufes expériences , & fur
la propofition de M. Courménil , l'Aſſemblée
prenant une determination définitive contraire à
quelques difpofitions précédentes , a déciété que
les cloches inutiles feront fondues & que de leur
métal mêlé avec une égale quantité de cuivre
( 135 )
C
A
&
il fera fabriqué des pièces de 2 fols , à la taille
de io au marc , d'un fol , à 20 au marc ,
' de fix deniers , à 40 au marc ; & fur la demande
de M. de Cernon , que la diftribution de la nouvelle
monnoie fe fera par les directeurs des hô→
tels des monnoies aux directoires , fuivant un état
décrété .
A propos de l'organiſation de la garde natio
nale de Paris en troupe de ligne , M. de Menou
a donné carrière à fon éloquence & à fa politique
. Organe des cómités militaire & de conf
titution , il a loué l'Affemblée d'avoir rétabli la
liberté сс entre tous les hommes , & fondé le
bonheur des générations futures . » Nous tranf
crirons ici quelques paffages de ce difcours ca
confervant foigneufement fes expreffions .
« O nation généreuse & fière ! Quel génie
t'a donc dominé lorsqu'en 1789 , un feul inf-
-tant à vu naître des millions de foldats ?.... O
François votre fommeil a été comme celui du
lion ; votre réveil a été terrible & a fait trembler
tous les tyrans. Le cri de la liberté a retenti
dans toutes les parties du globe... Ah
pourquoi les monarques du monde veulent - ils
-refter dans leur aveuglement ?... Monarques ,
couvrez les yeux , marchez au devant des évènemers...
Refpectez au moins ceux qui rendent
hommage à la raifon & aux vérités éternelles ;
refectez les François , leur révolution , leur
conftitution≫
Plufi urs voix ont crié à l'ordre dujour. Mais
T'orateur n'en a pas moins continué fes fubiimes
excurfions. « S'il exifte actuellemer t au monde
une monarchie fondée fur des bafes inébranlables *
c'eft celle qui vient d'être établie en France ; ear
( 136 )
elle eft devenue la propriété du peuple , & la
fauve-garde de fa liberté & de fa tranquillité.....
Jugez fi l'Affemblée nationale eft l'ennemie des
Rois & de la Monarchie . Voyez le concert unanime
des volontés & des fentimens ... Mais fi l'erreur
guide vos démarches , fi , vous livrant aux
fuggeftions perfides de nos transfuges , vous
cherchiez à oppofer des barrières à notre liberté...
en fuppofant que la fortune vous favorife , vous
ne trouverez plus que des morts ; car pas un
véritable François ne me démentira ; plutôt que
de devenir la proie de tyrans , il incendiera luimême
fa propriété & s'enfevelira fous fes ruines
( grands applaudiffemens de la gauche & des
galeries ) . Mais avant d'en venir a ces extrémités
, fongez au fang que vous devrez répandre
dans les combats . Si vos armées entrent en contact
avec les notres , dès ce moment le defpotiſme
cft détruit ... Au refte l'Aflemblée nationale
va vous montrer comme elle fait recompenfer
ceux qui l'ont fervie avec courage »
(il parloit fans doute ici de la patrie & non pas
feulement de l'Affemblée .
Alors M. de Menou a retracé tout ce qu'on a
débité des projets de la cour contre les étatsgénéraux
, contre Paris ; le patriotiſme aflez
: connu des gardes- frar çoifes , la prife de la baftille
; d'autres regimens fe joignans à eux & foramant
la garde foldée de Paris ; le courage , les
fatigues , le civifme de cette garde , fa noble réfiftance
à toutes les feductions des ennemis de la
chofe publique , & peut- être , a -t - il ajouté , à
eches & de quelques gouvernemens étrangers...
Ils croyoient apparemment , ces vils féducteurs ,
n'avoir affaire qu'à des mercenaires que l'on
gagne à prix d'argent ; par- tout ils ont trouvé
1137 )
des citoyens indignés qu'on pût les foupçonner
de vendre leurs fervices & leurs opinions ».
2
Etonné de la tranquillité dont a joui Paris au
milieu de la révolution dont cette ville étoit le
centre , il s'eft bien rappellé quelques événemens
facheux. Mais quelle eft l'hiftoire des hommes
mêmes les plus vertueux , dont on ne défirât
pas de déchirer quelques pages ? ... Ne voyons
que le fentiment qui a toujours prédominé » ...
Ses conclufions ont été de propofer de prendre
les 9,792 hommes de la garde foldée au fervice
de la nation « d'en faire , pour ainfi dice , une
propriété nationale ; d'en former deux divifions
de gendarmerie , l'une à pied , l'autre à
cheval ; deux bataillons d'infanterie légère ; trois
régimens d'infanterie de ligne ; de donner des
penfions de retraite à ceux qui n'entreront pas
dans cette compofition ; de conferver la même
paye aux gardes nationales employés , en ne def
tinant que la paye du foldat de ligne aux futures
recrues pour ramener ces corps à la folde générale
, à mefure de la confommation des hommes .
Le projet de décret pourvoyoit aux plus petits
détails .
En avouant franchement qu'il en feroit tour
auſſi mauvais juge que beaucoup d'autres , n'étant
pas militaire , M. Duquesnoy demandoit qu'on
délibérat fur deux ou trois propofitions principales
. Admettre des régimens d'une plus forte
folde que les autres , obfervoit M. Ferrand .
c'étoit jetter le défordre dans l'armée . Pour diffi
per les judicieufes craintes de M. Ferrand , M.
Alexandre de Lameth , & M. d'André ont dit
que la haute paye n'étoit que pour le féjour de
Paris ; que dès que ces troupes fortiront de la
capitale elles n'auront que la paye des autres
( 138 )
( on a crié : non pas , non pas ) . M. de Noailles
demandoit un délai de deux jours pour connoître
& les fommes & leur emplci.
On ne peut nier , a répondu M. Emmery ,
que la garde nationale n'attende avec impatience
l'organifation que l'on vous préfente . Nous
avons befoin du calme le plus profond , & de
toute la force de notre raison pour la revifion
de la charte conſtitutionnelle... Un décret a
fermé la difcuffion en repouffant l'ajournement.
Ces gardes nationales devenues troupes de
ligne , feront- elles fous les ordres du pouvoir
exécutif ? Le corps législatif fe trouvera - t - il au
milieu des troupes de ligne , répétoit M. Péthion ,
qui , en reconnoiffant la juftice de la récompenfe ,
fe plaignoit de l'efpèce de défaveur qu'on répan
doit fur des objections motivées ? ... Il fuffira
d'un décret , a répondu M. de Menou ; d'ailleurs
le commandant - général changera journellement.
M. de la Fayette a dit qu'on cherchoit des
difficultés hors du projet de décret , & qu'il étoit
un de ceux qui , confultés par les comités,
avoient penfé qu'on devoit établir pour Paris
un commandement de rotation , afin d'éviter les
dangers de l'influence d'un chef. Il a follicité
une décision prompte en annonçant « que la garde
nationale , pleine de confiance dans la bienveil
lance & dans les fouvenirs de l'Affemblée , verroit
avec reconnoiffance qu'elle voulut s'en occuper
immédiatement ». On eut difficilement donné
des ra fons plus décifives .
Par la chatte conftitutionnelle , a dit M. Bar
nave , le corps lég..tif aura toujours à fa difpofiti
en la totalité des troupes qui feront dans la
réfidence . Les gardes nationales n'offrent aucun
motif de crainte en devenant troupes de ligne.
( 139 )
Il eft inftant de prononcer fur leur fort. On
s'efforce de leur infpirer de la défiance , d'accufer
l'Aſſemblée de vouloir faire retrograder la li
berté. Ceux mêmes qui devroient concourir aux
travaux du comité de révifion , le calomnient ;
il n'eft pas forti un feul moment de l'efprit des
décrets ( ces affurances ont été vivement applau
dies ). M. Barnave a demandé qu'on mît aux
voix la queftion : « La garde nationale parifienne
fera- t- elle changée en gendarmerie nationale &
en troupe de ligne ? ... Aucun des individus de
cette garde foldée , en entrant dans la nouvelle
formation ( a tout de fuite ajouté M. de Menou)
re perdra aucune partie de la folde & des avan
tages dont il jouiffoit » . Ces deux propofitions
ont été décrétées affirmativement , & l'on a levé
la feance .
Du jeudi , 4 août.
Nous penfions que le dernier décret fur les
97,000 gardes nationales vouées à la défenſe de
la patrie , avoit définitivement fixé leur organifa
tion ; mais au nom du comité militaire dont il eft
membre , M. Emmery a propofé une nouvelle for
mation , & l'Affemblée l'a décrétée en ces termes :
« L'Affemblée nationale voulant prévenir les
difficultés qui pourroient naître de la différence qui
exifte entre le décret du 21 juin dernier, uniquement
applicable à la formation des bataillons des gardes
nationales volontaires , deftinées à la défenfe des
frontières , & le décret du 28 juillet dernier , concernant
en général les gardes nationales qui reftent
dans leurs départemens refpectifs , pour y être , au
befoin , les foldats de la conftitution , les défenfeurs
de la liberté , de l'ordre , & de la paix inté
ricure ; voulant ainfi rapprocher davantage la
( 140 )
formation des bataillons des gardes nationales vo
lontaires , de celles des bataillons de troupes de
ligne , afin de mieux établir l'unité de principe &
d'action dans le fervice pour lequel ils feront réunis ,
a décrété ce qui fuit :
« Art. 1. Les gardes nationales qui fe feront
` préfentées volontairement pour marcher à la défenfe
des frontières , feront divifécs par les commiffaires
des départemens , en corps de cinq cent
foixante-huit hommes chacun , deſtinés à former
un bataillon . Il fera formé dans chaque dépar
tement autant de bataillons qu'il fera poffible d'y
réunir de corps de volontaires ayant cette for c.
Le comité militaire préfentera les moyens d'employer
les hommes d'excédant , dont le nombre
ne s'éleveroit pas à celui fixé pour un bataillon . »
« H. Les commiffaires des départemens commenceront
par diftribuer chaque corps de volon
taires en huit compagnies de foixante-onze hommes
chacune. »
« III. Il fera enfuite extrait de chacune de
ces compagnies , fur l'indication de leurs camarades
, huit hommes de la plus haute taille , pour
en compofer une compagnie de grenadiers , qui
ne fera réunie qu'au moment où le bataillon fera
reçu par le commiffaire des guerres , pour entrer
en activité. »
сс
« IV. Le bataillon fera composé pour lors de
neuf compagnies de foixante -trois hommes
chacune , dont une de grenadiers & huit de
fufiliers. »
« V. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
fuit de fufiliers , fera compofée de trois officiers;
favoir , un capitaine , un lieutenant & unfous - li utenant
; de fept fous- officiers ; un fergent- major,
faifant fonction de fourrier , deux fergens , quatre
( 141 )
caporaux; enfin , de cinquante- deux grenadiers
ou fufiliers , & d'un tambour. »
« VI. Le tambour - maître , tiré du corps des
volontaires , complettera le nombre de cinq cent
foixante-huit hommes ; il fera partie de l'étatmajor
, aura le rang & la folde de fergent, &
commandera tous les tambours . »
VII. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
foit de fufiliers , fera fubdivifée en deux pelotons ;
chaque peloton en deux fections ; chaque fection
fera compofée d'un caporal & de treize gardes . »
cc VIII. Le lieutenant & un fergent feront
fpécialement chargés de la furveillance & du commandement
du premier peloton. Le fous-lieutenint
& un fergent feront fpécialement chargés de
la furveillance & du commandement du fecond
peloton , toujours fous les ordres du capitaine de
la compagnie. »
cc IX. Le fergent - major aura le commandement
fur les deux pelotons , pour tout ce qui a
rapport à l'inftruction , police , diſcipline & comptabilité
de la compagnie.
"
גכ
ce X. L'état-major de chaque bataillon fera
compofé de deux lieutenans -colonels , d'un adjudant
- major & d'un adjudant-fous - officier , d'unt
quartier-maître , d'un tambour- maître & d'un armurier
; en forte. que la force totale du bataillon
fera de cinq cent foixante- quatorze hommes. »
« XI . Chaque bataillon aura fon drapeau aux
couleurs nationales , fur lequel fera inſcrit le nom
du département & le numéro du bataillon , fuppofé
que le même département en ait fourni plufeurs.
Le drapeau fera porté par l'un des fergensmajors
, nommé à cet effet par le premier lieute
nant- colonel. »
CC
XII. Dans le cas où le même département
( 142 )
fourniroit plufieurs bataillons ; ils tireront au fort
le rang qu'ils prendront entr'eux ; le rang des départemens
reftera déterminé par l'ordre alphabétique
de leurs noms . »
ce XIII. Les gardes nationales volontaires étant
diftribuées dans les neuf compagnies qui doivent
former le bataillon , chaque compagnie nommera
les officiers & fous-officicis , par la voix du fcrutin ,"
à la majorité abſolue des fuffrages .
ככ
« XIV. Il fera fait une élection féparée du
capitaine , une du lieutenant , une du. fous- licutenant
& une du fergent-major ; il n'en fera fait
qu'une feule pour les deux fergens , & une feule
pour les quatre caporaux . »
ce Si la majorité abfolue n'eft pas formée après
le fecond tour de ferutin dans chaque élection , le
troiſième ſcrutin ne pourra porter que fur ceux
qui auronteu le plus de voix au précédent ſcrutin ,
en prenant toujours deux concurrens pour chaque.
place. »و ر
« XV. Les officiers & fous- officiers des compagnies
ne pourront être choifis que parmi des
fujets qui auront fervi précédemment , foit dans
les gardes nationales, foit dans les troupes de ligne . »
« XVI. Chaque bataillon nommera les deux
Hieutenans -colonels & fon quartier- maître , par
fcrutin , à la majorité abfolue des fuffrages ; il
fera fait une élection féparée de chacun de ces
officiers , fuivant les règles prefcrites par larticle
XIV. »
cc XVII . Celui des deux lieutenans - colonels
qui fera nommé le premier , aura le commandement
en chef du bataillon ; l'un des deux lieutenans-
colone's , indifféremment , devra être capitaine
, & avoir commandé en cette qualité une
compagnie de troupe de ligne . »
( 143 )
XVIII. L'adjudant-major & l'adjudant-fousofficier
ne feront nommés que lorfque le bataillon.
fera arrivé au lieu où doit commencer fon fervice 3
la nomination à ces deux places appartiendra à
l'officier-général aux ordres duquel le baillon
fe trouvera, »
Pour lors l'officier -général ne pourra choifir
pour adjudant- major qu'un officier ; pour adjudant
qu'un fous- officier , l'un & l'autre actuellement en
activité dans les troupes de ligne . L'adjudant-major
aura le rang & la folde de capitaine ; l'adjudant
aura ang de premier fous-officier , & une demifolde
de plus qu'un fergent. »
"
"
« XIX. Le quartier- maître aura le rang & la
folde de lieutenant. L'armurier choifi par les officiers
de l'état- major , aura le rang & la folde de
caporal. »
« XX. Les diftinctions des grades , dans les
bataillons des gardes nationales volontaires , feront
les mêmes que celles reçues dans les troupes de
ligne.
ל כ
« Lesmêmes règles feront obfervées par rapport
au commandement , à l'ordre & à la diftribution du
fervice. »
M. de Menou a reproduit fon projet de décret
pour ériger les gardes nationales Parifiennes foldées
en troupes de ligne. Cette grande différence
de paie a fait appréhender des troubles dans
l'armée , à M. de Cuftine qui a propofé de folder
Ces nouveaux corps comme les autres , & de
leur payer le furplus en un feul paiement à
compter jufqu'au jour de l'expiration du congé
de chaque foldat . Le rapporteur a objecté que
ces fommes prénumérées feroient bientôt mangées
& rendroient les foldats moins capables de dif
cipline ; & il a ouvert l'avis de ne payer le fup
( 144 )
plément que tous les trois mois , expédient qui
n'obvie point à l'inconvénient redouté.
« Un homme qui fe connoiffoit en guerre
auffi bien que moi , a réparti M. de Cuftine ,
Frédéric fecond , Roi de Pruffe , employa tous
les moyens poffibles pour faire confommer au
plutôt l'argent d'une prife que l'un de fes régi
mens avoit faite dans la guerre de 7 ans , parce
qu'un foldat n'eft jamais bien attaché à la difcipline
que lorsqu'il n'a que la folde . » Et l'honorable
membre a propofé de payer le fupplément ,
moitié au départ , moitié à la fin de l'engagement.
Confondant une forme oratoire qu'une légère
ironic empèche de taxer d'orgueil , & la jactance
outrée qui n'auroit ni pudeur ni fens commun ,
M. Lavigne s'eft permis de dire que le préopinant
avoit eu grande raiſon de citer les connoif-
Tances de Frédéric II par comparaiſon avec les
fiennes . Ce farcafme du plus mauvais goût a
livré M. de Cuftine , militaire eſtimable , aux
ricanemens de ceux qui ne trouvent pas abfurde
qu'un homme comme M. Lavigne voulut fe
mêler de parler de règlement militaire , lui qui
n'a jamais étudié que la chicane.
L'Aſſemblée a décrété la rédaction de M. de
Broglie ainfi conçue :
L'Affemblée nationale décrète que dans le
cas où les régimens de troupes de ligne actuelle
ment employés à Paris , feroient détachés en tout
ou en partie pour fervir fur les frontières , les
individus qui compoferont ces corps recevront
la même paye que celle affectée aux autres régimens
de l'armée ; & il leur fera fait en outre ,
tous les trois mois , un décompte particulier , en
forme
( 145 )
forme de gratification ou fupplément de paye ,
qui eft confervé à tous les individus qui ont
fervi la révolution dans la gardé nationale foldée
de Paris. >>
Après avoir differté vaguement de réclamations
inarticulées , de troubles , de dangers , & gémi
de la douloureuſe néceffité de heurter les principes
de modération qui préfidèrent à tous les
décrets , néceffité juftifiée , felon lui , par les
circonftances , & par cette maxime fi familière
aux defpotes : le falut public eft la fuprême loi ;
M. Legrand a lu un projet de décret en dix ar
ticles , portant en fubftance , que les prêtres
inferits pour vivre en communauté feroient tenus
de fe rendre tous à Paris dans un délai fixé ;
que ceux qui vouloient vivre dans le monde fe
retireroient à 30 lieues de leur réfidence actuelle ,
& que ceux qui n'obéiroient point feroient mis
en état d'arreltation & déchus , de plein droit ,
de tout traitement précédemment décrété.
M. Malouet eſt monté à la tribune . Des
membres de la droite l'ont vivement preffé d'en
defcendre , il s'y eft refufé ; on éclatoit de rire,
du côté gauche. « Il nous eft impoffible , a dit
M. de Foucault avec énergie , il nous eft impoffible
d'affifter froidement à la difcuffion des décrets
dont vous venez d'entendre la lecture ; ils
ne tendent qu'à autorifer & provoquer la perfécution
, le meurtre , les affaffinats , les crimes
de toute eſpèce . Les atroces mesures que vós
comités ont ofé vous propoſer font au- deflus de
toutes les infernales productions de Machiavel.
Nous rendons refponfables les comités & tous
ceux d'entre vous qui y participeront , des effets
fipiftres d'une délibération qui d'avance n'an-
Nº. 33. 13. Août 1791. G
3
( 146 )
nonce que du fang ..... ( & en s'adreffant au
côté droit ) Meffieurs , retirons - nous. »
Plufieurs membres de la droite ayant fuivi
M. de Foucault , la gauche & les galeries ont
retenti d'applaudiffemens , & M. Lavie s'eſt
écrié : « l'armée ennemie eft défolée que fes
efpions foient mis à la raiſon » . De nouveaur
battemens de mains ont couronné cette prétendae
faillie,
M. Goupilleau vouloit que l'on profitât de
l'état de calme & des difpofitions manifeftement
impartiales où étoit la majorité , pour mettre , fur
le champ , en délibération le décret propofé contre
les membres qui fe permettent des proteftations ;
mais le rapporteur ne fe trouvoit pas dans la falle.
Qu'on les déclare au moins déchus de leurs droits
de repréſentans de la nation , infiftoit M. Goupilleau
dont la juftice fe fentoit affez éclairée fans
rapport & fans difcuffion.
Si nous devons entendre de femblables atrocités
, a dit M. de Montlaufier , nous deman
dons à fortir de l'Affemblée . M. Malouet établiffoit
de juftes diftinctions entre protefter de
défobéiffance , & déclarer fes motifs de ne pas
approuver ; mais le tumulte étoit au comble.
Neuf orateurs avoient la parole contre le projet
de loi préfenté par M. le Grand , & M. le
Chapelier l'a repouflé comme aflimilant , dans
La généralité , l'innocent & le coupable , appliquant
des peines fans l'action indifpenfable
des tribunaux , puniffant des hommes qui ne
font point réfractaires pour avoir opté entre un
ferment & leurs fonctions publiques , lorfque la
loi leur donnoit l'option . Ces décrets , at- il
ajouté , feroient trop condamnés par la lecture
très-prochaine de la fuperbe conftitution que
( 147 )
vous avez décrétée . Un de ces hommes pour qui
tout mot eft une raifon fi les ignorans en font
une injure , a crié : c'eft un aristocrate. M.
Dillon defiroit que le comité dit eccléfiaftique
fût renouvellé , il vouloit même qu'on en exclut
les prêtres ( affermentés ) . Le préfident lui
a impofé filence & l'Affemblée a renvoyé le
projet de perfécution aux comités eccléfiaftique
& de jurifprudence criminelle .
Du jeudi , féance du foir.
Don civique de 20 fols par jour pour la défenſe
des frontières , offert par M. Maille ; lettre du
maire de Carcaffonne qui annonce qu'il eft dix
heures du foir & que tous les citoyens de cette
ville placent au- deffus de leur porte un tableau
où les paffans liront , quand il fera jour la conftitution
ou la mort . Ce qui eft vivement applaudi .
à vue ,
8
> a
Quelqu'un a enfuite raconté que des invalides
partis de l'hôtel pour aller vivre dans leur village,
lur la foi des décrets qui affurent leur fort , &
partis avec la certitude de recevoir 8 fols par
lieue ou de peur de diffipation , 4 livres de dix
en dix lieues , ainfi qu'il étoit réglé , n'avoient
pu obtenir les 4 francs que devoit leur payer ,
la municipalité de Senlis . L'un d'eux eft
revenu à Paris chez le miniftre de la guerre
été renvoyé de bureau en bureau & reçu partout
à -peu-près comme fous l'ancien régime .
Il s'eft adreffé à l'Affemblée ; M. de Noailles
s'étant affuré que tout étoit en règle a demandé
que le préfident écrivit au miniftre pour que ces
invalides fuffent payés. Un membre a naïvement
obfervé que les municipalités ne pouvoient payer
fi l'on ne leur donnoit pas des fonds. Il eſt en
ffet de no toriété publique & légale que jul
G. 2
( 148 )
qu'au fein des hôpitaux on y manque de l'abfolu
néceffaire . L'Aſſemblée a décrété le renvoi
au miniſtre avec une lettre du préfident , &
qu'il fera rendu compte dans 8 jours de la fituation
actuelle des invalides de l'hôtel .
"
Les ouvriers qui travaillent au monument
qu'on a voué aux grands hommes après l'avoir
deftiné au culte de Dieu fous l'invocation de
Sainte - Geneviève , ont offert 100 livres par
mois pour la défenſe des frontières . Ils ont reçu
les honneurs de la féance .
A la fuite d'une difcuffion prefqu'entièrement
concentrée entre MM . le Chapelier , Fermont ,
Lavigne , Nogaret , & Biauzat , on a décrété
les trois articles fuivans fur les ponts & chauſfées
:
Art. 1. Il y aura une adminiſtration centrale
des ponts & chauffées , & cette adminiſtration
fera confiée au miniftre de l'intérieur. »
II . Le miniftre préfidera l'aſſemblée des ponts
& chauffées , & pourra , en cas d'abfence , s'y
faire remplacer par un prépofé , ſur ſa refponfabilité.
»
« III. Dans l'Affemblée des ponts & chauffées
qui fera formée , fur cinq infpecteurs , trois feront
pris dans les pays d'Etats » .
Du vendredi , 5 Août.
Des propofitions combinées de MM . Camus
& Lavigne est réfulté le décret fuivant qu'une
exceflive pénurie ne fembloit pas même pouvoir
motiver dans une conftitution philofophique
où le droit civil eft donné pour le complément de
Ja juftice naturelle :
L'Affemblée nationale décrète que tou
ilkers- prifeurs , receveurs des confignations ,
( 149 )
commiffaires aux faifies réelles , notaires féquef :
tres , & tous autres dépofitaires de deniers , ne
remettront aux héritiers , créanciers & autres perfonnes
ayant droit de toucher , les fommes féqueftrées
& déposées , qu'en juſtifiant du paiement des
impofitions mobiliaires & contributions patriotiques
dues par les perfonnes defquel'es lefdites
fommes feront provenues; feront même autorifés ,
autant que de beſoin , lefdits ſéqueftres & dépofitaires
, à payer directement les contributions qui
fe trouveroient dues , avant de procéder à la délivrance
des deniers ; & les quittances deſdites con-›
tributions leur feront pallées en compte. »
« Décrète , en outre , que les règlemens cidevant
faits pour la sûreté du recouvrement des
impofitions perfonnelles , notamment dans la
ville de Paris , relativement aux déclarations que ,
doivent faire les propriétaires & principaux locataires
, feront exécutés provifcirement , & tant
qu'il n'y aura pas été dérogé.
לכ
Après avoir reconnu que depuis la fuppreffion
peu réfléchie des octrois , il eft plufieurs villes
tellement accablées de dettes que , pour fubvenir
aux fimples intérêts , elles feroient obligées
d'ajouter à leurs contributions foncière & mobilière
jufqu'à 15 fols pour livre de ces impôts ,
& cela fans compter les fols additionnels deftinés
fournir aux dépenfes locales des départemens ,
des municipalités , des élections , adminiſtrations,
travaux publics & fecours extraordinaires ; charge
énorme qui , dans la totalité des villes du royac
me , s'élève à des centaines de millions que l'on
n'indique pas même ; M. Lebrun a propofé , &
le corps légiflatif a adopté les & articles que
voici , dont la conféquence implicite eft de
mettre fur le compte du tréfor national De
G.3
( 150 )
maffe de paiemens annuels , auxquels on ne
voit pas comment il pourra fubvenir :
« L'Affemblée nationale , voulant pourvoir
aux befoins des villes & communes , & affurer le
paiement de leurs créanciers par d'autres moyens
que par les octrois ou autres droits qui leur
avoient été concédés ou engagés , & dont le bien
du peuple a demandé la fuppreffion , décrète ce
qui fuit : >>
« Ar . I. Les villes & communes auxquels i '
a été adjugé des domaines nationaux , ferort
tenues d'appliquer au paiement de leurs dettes le
bénéfice qui leur eft attribué par les décrets dans
la revente de ces domaines. »
сс« Il. Les villes & communes qui n'ont point
acquis de domaines nationaux , ou dont les dettes
excèdent le bénéfice qu'elles doivent faire fur la
revente de ces domaines , fercnt tenues de vendre .
Ja partie de leurs biens patrimoniaux , créances ,
& immeubles réels ou fictifs , laquelle fera indiquée
par le directoire du département , fur l'avis
du directoire de diftrict , ou la totalité , s'il eft ;
néceffaire , à la feule exception des édifices &
terreins deftinés au fervice public , dans la forme
& aux conditions décrétées pour les domaines na- ..
tionaux , auxquelles elles feront tenues de le cou- .
former dans le délai de deux mois , & d'en appli- ›
quer le produit au paiement defdites dettes . Les :
dettes contractées par les villes pour le fervice de ,
P'Etat , feront exceptées des difpofitions du préfent
décret , & feront prifes à la charge de
l'Etat. >>
сс
1
« III. Les villes & communes dont les dettes
excéderoient le produit de la vente de leurs biens
patrimoniaux , & le bénéfice à elle attribué dans
la revente des domaines nationaux qui leur auront ›
( 151 )
été adjugés , feront tenus d'ajouter à leur contribu-,
tion foncière & à leur contribution mobiliaire , un
fol pour livre , & d'en appliquer le produit au
paiement des arrérages & au remboursement fucceffif
de leurs dettes ; en telle manière que ce .
fol pour livre , il y en ait au moins deux deniers
deftinés à former le fonds d'amortiſſement
qui s'accroîtra d'année en année par l'extinction
des intérêts , jufqu'à parfait remboursement du
capital dont les dix autres deniers pour livre auront
acquitté les rentes . »
Сс « IV. Il fera libre aux villes & communes
dont les dettes feroient moins confidérables , d'impofer
un moindre nombre de deniers pour livre ,
à la charge néanmoins que le fonds d'amortiffement
foit tel que , joint au produit des intérêts
éteints par le remboursement progreffif , il puiffe
opérer la libération totale en trente années . »
ne
1
« V. Les villes & communes qui , par le béné
fice à elles attribué fur la revente des domaines
nationaux , & par la vente de leurs biens , autres
que ceux exceptés par l'art . II , n'auront pu
fuffire au paiement de toutes leurs dettes ,
feront foumifes fur l'excédant de ce qu'elles refteront
devoir , qu'à l'acquittement d'un capital ,
dont dix deniers pour livre de leurs contributions
foncière & mobiliaire , paieront les intérêts au denier
vingt ; la nation prenant à fa chaige le ſurplus
de leurs dettes . »
« VI . Aucune ville ni commune ne pourra déformais
être autorifée à faire des acquifitions d'immeubles
, ni des emprunts , que par décret du
corps législatif , vu l'opinion du directoire du dif
trict & l'avis du directoire du département. »
cc VII. Les villes & communes feront tenues
de pourvoir à leurs dépenfes locales , à compter
G4
( 152 )
du premier avril 1791 , par le produit qui leur eft
accordé fur les droits de patentes & des fols pour
livre additionnels à la contriburion foncière & à la
contribution mobiliaire , lefquels feront établis
fuivant les formalités preferites par les décrets du
29 mars & du 11 juin derniers , & fur lesquels feront
déduites les fommes déjà impofées , conformément
à l'article V dudit décret . »
e VIII . Les villes & communes qui auroient
des dettes exigibles , pourront , pour les acquitter ,
conformément à l'article II du préfent décret , demander
des avances ſur le bénéfice qui leur eſt attribué
dans la revente des domaines nationaux ; &
celles qui , pour leurs dépenſes locales , éprouveroient
des befoins urgens , pourront demander un
prêt fur les fols pour livre additionnels , deſtinés à
leurs dépenfes municipales ; & vu leurs pétitions ,
l'opinion du directoire de leur diftrict , l'avis du
directoire de département , le certificat de l'acquit
tement complet de la contribution patriotique &
des impofitions ordinaires de l'année 1790 , l'acte
de dépôt , la matrice des rôles des contributions
foncière & mobiliaire defdites villes ,
la caiffe de l'extraordinaire fera autorisée
par décret du corps législatif à faire , mois
par mois , les avances néceffaires contre les délégations
qui lui feront remifes fur les fols pour
livres municipaux additionnels aux contributions
foncière & mobiliaire , & fur le bénéfice de la
revente des biens nationaux , fans néanmoins que
lefdites avances puiffent être étendues plus loin
que le dernier décembre de la préfente année. »
On avoit diftribué la charte conftitutionnelle
que plufieurs membres ont demandé qu'on nommat
l'acte conftitutionnel. A ce moment , M.
dAndré a fait fentir le danger qu'il y auroit à
( 153 )
rendre l'activité aux aſſemblées électorales avant
que cet acte foit décrété & connu ; & il a propofé
de révoquer leur fufpenfion , & de décréter
que les électeurs fe réuniront du 25 août au 5
feptembre. Quelques voix lui crioient c'eft
trop tard ; d'autres : il n'y a pas affez de temps.
Il a répondu que la différence des localités exigeoit
ce délai ; que l'on mettroit la charte en
délibération lundi prochain , le 8 ; que huit jours
de difcuffion fuffiroit amplement , ce qui mêneroit
au 16 , & que l'acte conftitutionnel décrété
parviendroit à toutes les aflemblées électorales
au moment de leur convocation.
A l'obſervation qu'il falloit auffi que les départemens
connuffent l'acceptation du Roi , M.
d'André n'a pas hésité de répondre : » je maintiens
que cela eft abfolument inutile , car notre
conftitution eft abfolument indépendante de
l'acceptation du Roi ( applaudiffemens de la
gauche ». ) Ce langage de M. d'André a dû paroître
étrange , peut - être même téméraire à
ceux qui perfiftent à croire qu'en politique bien
entendue , le Roi n'eft pas feulement un individu
mais un pouvoir ; que le Monarque eft le ,
repréſentant héréditaire & inamovible de la nation
, fon chef fuprême , une partie intégrante ,
élémentaire , radicale , indifpenfable du pouvoir
légiflatifs que l'Affemblée n'eft point la réunion
des repréfentans du peuple François fans le Roi
qu'il eft auffi l'organe néceffaire de ce même
peuple , dont jamais les députés temporaires , f
loyalement convoqués par leur Monarque , ne reçurent
ni la miffion, ni la puiffance de faire une conftitution
indépendamment de l'acceptation libre du
repréfentant permanent . La propofition de M.
d'André a été décrétée , & l'on a fixé à deux
GS
( 110 )
FRANCE.
De Paris , le 27 Juillet
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 30 , féance du foir.
M. Bailly demande un décret qui ftatue des
petes contre quiconque oppofera des violences à¹
Lexécution du décret portant que les officiers
municipaux feront procéder au recenfement des
habitans de Paris . Un des commiffaires de fection
chargés de ce recenfement fe plaint d'infultes qu'il
dit avoirreçues du domeftique de M.de Rochebrune;
le domeftique & le maître font traduits au tribunal
de police , en vertu d'un arrêté munici
pal du 29 juillet ; M. de Rochebrune eft membre
de l'Affemblée nationale. On a renvoyé les pièces
au comité des rapports.
Les amis de la conftitution de Toulouſe , jurert:
d'être fidèles à la nation , à la loi & au citoye
revêtu de l'autorité royale conftitutionnelle
circonlocution applaudie comme étant probable.
ment dans le véritable formulaire monarchique
depuis que l'inviolabilité du Roi confifte à f
paller de Roi. Au refte , les négocians de Tou
bufe s'obligent de continuer les appointemens
ceux de leurs commis qui marcheront à la dé
fenfe des frontières .
M. Bureau de Pufy parlant au nom des comités
de marine , colonial & militaire , a rendu compt
des événemens furvenus à l'Orient ; ce compte
n'étant qu'un précis de la lettre de M. de Séqueville
( err )
au miniftrè , lue dans la féance du matin , nous
allons en donner un extrait .. Elle eft du 277
juillet .
Hier , la gabarre l'Espérance ,.commandée par
M. Dubreuil, mouilla fur le Port- Louis , eller
portoit 9 officiers d'artillerie des colonies , & un:
détachement de ce corps , & devoit fe rendre à
Breft. Deux de ces officiers font defcendus avec
le capitaine de l'Espérance ; ils ont été reconnus
par quelques foldats pour leur avoir fait infliger
diverfes peines en Amérique . Les efprits s'échauf
fant , on pourfuit les officiers , ils fe retirent
dans le petit quartier , & les foldats les y af
frégent. Arrive la municipalité ; le trouble aug
mente , elle croit que le meilleur moyen de l'ap
paifer eft de mettre les officiers en état d'arreſtation
. On a battu la générale ,, toute la garniſon a
pris les armes ; mais il a été impoffible de trans→
férer les officiers à l'hôtel -de- ville , d'autant que!
la moitié des troupes étoit contre eux , & demândoit
à grands cris leur tête .
La nuit a diffipé l'attroupement , cent hommes
ent fuffi à la garde des prifons , où l'humanité
retenoit ces officiers contre toute juftice ; mais
le matin les féditieux ont recommencé. Enfin ,
le mal paroiffant à fon comble , la garde allant
être forcée, la municipalité a pris la réfolution
de confier les prifonniers au foin de la troupe,
de l'artillerie des colonies , qui a promis d'en
répondre jufqu'à ce que la loi att prononcé , s'eft
formée en bataillon quarré, affiftée de toute la
garde de l'Orient , & les a conduits jufqu'à fon
quartier. On a follicité les commiffaires civils
d'accourir de Vannes , M. de Séqueville vouloit
envoyer les fept autres officiers à Nantes , les.
vents s'y font oppofés , & au moment où il
( 112 )
derit , on lui demande de mettre en état d'ar
reftation ces fept officiers demeurés à bord de
l'Espérance ; il ne fait encore ce que cela peut
devenir , ne preffent que bien des malheurs , &
attend avec une vive impatience les ordres du
miniftre .
Dans ces circonftances alarmantes , les conclufions
de M. Bureau de Pufy ont été qu'il pouvoit
être utile de ne pas dicter aux miniftres ce
qu'ils doivent favoir eux- mêmes ; que n'ayant
nullement à fe plaindre d'aucun des fonctionnaires
publics , il fuffifoit d'approuver leur conduite
, de rappeller aux autres leur devoir , &
que fur le furplus il n'y avoit pas lieu à délibérer,
qu'il falloit laiffer aux loix leurs cours.
M. Prieur en renvoyoit l'exécution au pouvoir
exécutif ; M. Bureau de Pufy lui a répondu :
C'eft le pouvoir exécutif , dans la rigueur de
la loi , qui renvoie la queftion à l'Affemblée . »
paroît que le miniftre embarraffé recouroit au
corps légiftif , qui ne l'étant pas moins , s'en ,
remet au miniftre . Les conclufions de M. Bureau
de Pufy ont paffé en décret , & l'on a levé la
féance.
Du Dimanche , 31 juillet.
M. Fermond a quitté le fauteuil , auquel M.
Alexandre de Beauharnois a été appellé par la
majorité du petit nombre des fuffrages qui dé-.
cident de la préfidence .
Après de nouveaux hommages épiftolaires confignés
dans le procès - verbal , & un don de
300 liv. , pour la défenfe des frontières , fait
par les challeurs du Hainault , dont le député ,
admis à prêter le ferment , a pris place dans
l'Affemblée au milieu des applaudiffemens , on
( 113 )
.
a rendu un décret fur la valeur locative des
édifices occupés par les corps adminiftratifs &
judiciaires . La bafe du loyer fera au denier 25
de la valeur eftimative ; le montant en fera payé
par les adminiftrés & jufticiables ; les corps adminiftratifs
& judiciaires font refponfables de
l'exécution du préfent décret , tenus d'en fupporter
les dommages & intérêts , & d'en payer le montant
aux receveurs des domaines nationaux ou à tous
autres qu'il appartiendra fans en pouvoir rien
réclamer aux adminiftrés & jufticiables .
Une dépêche authentique & officielle de Ratifbonne
, du 21 juillet , que M. Fréteau a communiquée
à l'Affemblée , au nom du comité diplomatique
, porte en fubftance qu'il eft réfulté des:
principes combinés du collége électoral & du
collége des princes « une forte de conclufum préparatoire
( a dit le rapporteur ) par lequel les
miniftres impériaux ont été invités à prier l'Empereur
d'ordonner l'armement des cercles dans
le plus court délai... Nous avons auffi d'autres
avis que je ne crois pas devoir vous communiquer,
a pourfuiviM. Fréteau , parce que nous ne les avons
pas d'une manière officielle, mais qui mettent la
nation dans la néceffité de s'armer férieufement ,
& effectivement fur plufieurs de fes frontières . »
Il a propofé de décréter que les miniftres de la
guerre & de l'intérieur fuffent tenus de venir,
de deux jours l'un , rendre compte à l'Affemblée
de l'exécution des décrets concernant la fûreté
de l'état, parce que faute d'accord & d'entente
les mesures effentielles n'étoient pas exécutées.
A l'appui de cette dernière obſervation , il a cité
camp de gardes nationales raffemblés dans la
plaine de Grenelle . Le raffemblement a -t - il été
fait par vos ordres ? Savez- vous quand ces gardes
le
( 114 )
cc
nationales doivent fortir de ce camp? A quelle
époque s'établira le cordon entre Paris & la fronière
, avoit- il demandé à M. Duportail? ce miniftre
lui a répondu : Non , je n'en fais rien
du tout. » Il a adreffé la même queſtion à M.
de la Fayette , & en a reçu la même réponſe.
Enfin il a découvert que c'étoit le département
qui avoit pris une mefure que le v inge de la
capitale rendoit fi peu analogue au belom d'inftrution
& de difcipline , fans aucune espèce de
concert avec le commandant- général & le miniftre
de la guerre ( que M. F. éteau qualifioit le chef
principal de la défenfe publique ) . Il y a ajouté
qu'il y a 60 colonels & près de 80 lieutenanscolonels
à nommer ; & a conclu à décréter que
les miniftres le rendiffent dorénavant aux féances
de l'Affemblée , de deux jours l'un , à 2 heures,
Quant aux places d'officiers vacantes , M. de
Broglie a dit qu'on s'occupoit d'y nommer , mais
que cette nomination devoit être précédée d'un
rapport que M. Emmery, avocat , feroit demain
fur le mode de remplacement de tous les officiers
qui manquent à l'armée. Quant à la levée des
gardes nationales , il a repréfenté l'inconvénient
qu'il y auroit à mettre en général , fans explitation
ni réferve , les gardes nationales dans les
mains du pouvoir exécutif , c'est-à- dire , le miniftre,
& la néceffité que la levée s'opère par le concours
des départemens ; enfin , que fi l'on n'envoie
fur les lieux des perfonnes autorisées à réfoudre
toutes les difficultés locales , de Dunkerque à
Béfort , cette mefure fouffrira beaucoup de
retard .
M. Rewbell s'eft plaint de ce que M. de Montmorin
n'avoit pas expédié quelqu'un vers le
prince-évêque de Bafle . Le prince - évêque në
voudra pas reconnoître cet envoyé de ma part
& en conféquence d'un décret de l'Affemblée ;
on l'arrêtera peut - être , objeétoit le miniftre .
M. Rewbell propofoit naïvement de faire appuyer
l'envoyé par le général Luchner , & il re
pondoit du fuccès de l'ambaffade . Mandez les
miuiftres fur l'heure , a dit M. d'André , & que
le comité nous préfente demain un décret qui
fixe l'autorité du miniftre de la guerre fur les
mouvemens des gardes nationales . Au fujet de
Porentruy , il a annoncé que le chargé des affaires
de France en Suiffe , s'acquitteroit de cette
commiffion .
K
Tout en ne voyant de remède à tant de
maux que « dans une forte organiſation du gou
vernement monarchique » M. Martineau n'a
cependant parlé que des miniftrès. Il les a peints
emmaillotes de mille manières par les comités
de l'Affemblée , par les départemens , par les
municipalités , défaut de cohérence qui détruit
la refponfabilité & arrête le gouvernement.
Vous avez tout fait pour le pouvoir exécutif
a répondu M. de Beaumetz , en accordant aux
miniftres l'entrée de l'Affemblée à toutes les
heures. S'ils éprouvent des entraves , pourquoi
ne s'en plaignent- ils pas ? Ce n'eft pas des
commiffaires qu'il faut envoyer , a dit M. Lan
juinais. Un trait d'hiftoire bien connu , c'eft
que quand on envoya des commiffaires tirés des.
états -généraux , les états- généraux furent difperfés
& plufieurs furent pendus... Le trait d'hif
toire a fait rire .
» --
« L'Affemblée a décrété que dès demain tous
les miniftres feroient invités à fe rendre tous.
Les deux jours à l'Affemblée , pour rendre compte
de l'état de défenfe du royaume ; & que de
( 116 )
main le comité militaire préfenteroit un projet
de décret fur l'autorité qu'il convient de donner
au miniftre pour les mouvemens & la marche
des gardes nationales volontaires. »
L'un des commiffaires revenus des frontières ,
M. Chaffey , a lu un rapport fur la fituation de
selles qu'il a vifitées . Il a d'abord annoncé un
travail de M. de Cuftine contenant l'indication
de tous les moyens de défenfe , mémoire qui
ne peut , a - t-il dit , être rendu public . Enfuite
il a donné de grands éloges à la garnifon de
Strasbourg renforcée de 6000 gardes nationales ,
a fait le récit d'une fauffe alerte & d'une attaque
fimulée dont il a été , témoin ; les forties
& les rentrées ont eu lieu avec une promptitude
incroyable , & aucune des mefures n'a manqué.
Les arfenaux font garnis d'artillerie , & l'on ne
manquera bientôt plus de fufils . Landau & le
Fort Louis ne tarderont pas à être dans le meil-
Ieur état . Au furplus , il n'y a point encore de
troupes fur la rive droite du Rhin : « car on
ne compte pas , fans doute pour une armée
mi les aventuriers qui font à Ettenheim , ni les
fugitifs retirés à Worms. »
On s'attendoit bien à quelque inculpation vague
contre les prêtres dits réfractaires . Ils ne font pas
grand mal dans les villes où l'on eft affez pl.:-
lofophe ; mais ils ont beaucoup d'influence fur
les campagnes. Les adminiftrateurs du Haut Rhin
ont pris à l'égard de ces prêtres qu'on accufe
par-tout & qu'on ne juge nulle part , un arrêté
à peu-près femblable à celui des adminiftrateurs
du Bas- Rhin... Les ventes de biens nationaux
fe font avec fuccès. La perception des impôts
n'eft pas très-active ; mais il n'eft prefque rien
dû de 1789... Quelques foldats fe font permis
( 117 )
"
>
des actes d'infubordination . Il a fini par demander
& obtenir que le miniftre de la juftice indiqueroit
un tribunal où l'on continueroit la pro
cédure relative aux délits commis a Haguenau
en juin & juillet 1790 .
Du lundi , 1er. août.
M. Panckouke , Imprimeur- Libraire à Paris ;
l'un des électeurs de 1789 , a envoyé à l'Affem .
blée une adreffe civique & un affignat de 1000 liv.
pour l'entretien de deux gardes nationales , avec
fon obligation de pareille fomme pour chaque
année fi la continuation eft néceffaite . Il a fait
auffi hommage d'un exemplaire complet de l'Encyclopédie
par ordre des matières , en obfervant
que cet ouvrage eft le fruit du travail de plus de
iso hommes de lettres . L'Affemblée a reçu cette
offre patriotique avec applaudiffement , & il en
fera fait mention honorable dans le procèsverbal
.
CC
M. Vernier a lu un décret d'exécution du
décret relatif aux émigrans pour ce rappeller dans
le fein de la nation les enfans de la patrie . La
retenue fur les rentes paroiffoit injuſte à M. Martineau
, toute fimple à M. d'Auchy. Elle fera funefte
aux créanciers , felon M. de Praflin ; propre
, fuivant M. Menard , à induire les débiteurs
des émigrans à garder les deux tiers de:
la retenue , ce qui lui femble une immoralité
criante dans une loi . La crainte des fraudes ne
doit point arrêter , a dit en ſubſtance M. Chabroud;
tous les décrets fur les impofitions font
fufceptibles de fraudes , & on ne les a pas moins
admis . Un grand élan de patriotiſme rendra nulle
cette immoralité.... M. de Croï a demandé que
le triplement de contribution ne tournât pas au
( 118 )
Profit des municipalités qui n'ont pu ou vour
Protéger la fûreté des émigrans ce qui feroit
bien une autre immoralité. Mais on a décidé
qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur l'obfer
vation de M. de Croï.
Votre triple impofition étant une peine , difoit
M. Tronchet , vous ne pouvez la faire fupporter
au créancier qui a des titres authentiques.
Ce n'eft point une peine , mais une indemnité,
répondoit M. Lanjuinais ; or , l'état a la préférence
fur tous les créanciers. « C'eſt une fimple
indemnité des frais de garde , des frais perfonnels,
& de la protection que vous donnez aux biens des
émigrés ajoutoit M. Rewbell; comme fi ces trois
fortes de frais n'étoient pas les mêmes que ceux de
l'ordre publi , & que les émigrés ne piyaTent pas.
dans les impôts ordinaires leur part de cette protection
fi mal accordée , comme s'il en coûtoit
trois fois plus pour protéger la perfonne de moins
que pour protéger les biens & la perfonne enfemble.
Un émigrant , a dit M. d'André , n'a que
4000 liv. de rentes ; l'impofition foncière lui
prend déja environ 800 liv . Si vous la triplez , ce
fera encore 1600 liv . ( total 2400 1. fur 4000 1. )
Le créancier perdra donc énormément . Cela n'eſt
pas propofable ; car ce créancier peut être un patriote
. Toute créance authentique & hypothéquée
doit le prélever , que les autres créanciers perdent
ou qu'ils attendent ... M. d'André trouvoit
cela jufte. Voici le décret qui eft réſulté d'uns
pareil e difcuffion' :
« Art . I. Tous les François abfens du rayaume
feront tenus de rentrer en France dans
le délai d'un mois à compter de la publication,
da préfent décret ; & jufqu'à ce qu'il en ait été
autrement ordonné , aucun citoyen, François ne
( 119 )
pourra fortir du royaume fans avoir ſatisfait
ce qui fera ci-après prefcrit .
сс
53
II. Les émigrés qui rentreront en France
font mis fous la protection fpéciale & la fauve
garde de la loi ; en conféquence les corps adminiftratifs
& les municipalités font tenus , fours
leur refponfabilité , de veiller à leur sûreté , &
de les en faire jouir. "
« Il eft pareillement enjoint aux accufateurs
publics de pourfuivre la réparation ou la punition
de toute contravention aux préfentes difpofitions,
»>
III. Ceux qui ne rentreront pas dans le
délai fixé , paieront , par forme d'indemnité du
fervice perfonnel que chaque citoyen doit à
l'état , une triple contribution foncière & mobiliaire
pendant tout le temps de leur abſence ;
fouffriront en outre une triple retenue fur les
intérêts des rentes preftations & autres redevances
à raiſon defquelles la retenue fimple eft
autorifée . Les débiteurs deviendront comptables
de deux portions fur trois de cette même retenue
envers le tréfor public , & à défaut de
paiement , ils feront pourfuivis comme pour
leurs propres contributions ; lefdits débiteurs feront
tenus de faire leur déclaration au diftrict ,
à peine de demeurer refponfables de toutes les
retenues qui n'auroient pas été faites . »
>
« Les impofitions excédenes ne pourront
nuire aux créanciers légitimes qui ont des dettes
authentiques antérieures au préfent décret , mais
elles demeureront néanmoins affectées au furplus
des biens & revenus . »
« IV. Les émigrés feront difpenfés , auffitôt
leur retour , du paiement total de cette taxe
qu'ils ne feront tenus d'effectuer qu'au prorata
>
( 120 ).
du temps de leur abfence , à partir du premier
juillet de la préfente année ; fe réfervant au
furplus l'Aflemblée nationale , de prononcer telle
peine qu'il appartiendra contre les réfractaires ,
en cas d'invafion hoftile fur les terres de France . »
ce V. Pour l'exécution des articles précedens
chaque municipalité fera tenue de fournir au
directoire de diftrict un état nominatif de tous
les émigrés compris au rôle de la contribution
foncière & mobiliaire ; & à la fuite des noms
de chacun des émigrés , ils indiqueront le montant
de la cote d'impofition pour laquelle ils
auront été portés dans les rôles ; ils indiqueront
auffi le montant de la retenue qu'ils fauront devoir
leur être faite fur les rentes , preftations & redevances
à eux appartenantes. »
1
ce Ces états feront adreffés au directoire de diftrict
qui , à vue d'iceux , & d'après les détails qui
feront à fa connoiffance , fera former un rôle de
la taxe ordonnée à l'égard defdits émigrés . Les
rôles ainfi formés & vifés par les directoires de
district , feront envoyés au département qui les
adreffera au miniftre des impofitions qui donnera
les ordres néccffaires pour en affurer l'exécution . »
cc VII. Les fermiers , locataires ou autres redevans
defdits abfens ne pourront acquitter le prix
de leurs baux à ferme , à loyer , des rentes & redevances
par eux dues , fans qu'il leur ait été
juftifié du montant des rôles d'impofitions &
taxations defdits abſens , »
ce_VII . Sont exceptés des difpofitions ci - deffus
les François établis en pays étranger avant le
premier juillet 1789. Ceux dont l'ablence eft
antérieure à ladite époque , ceux qui ne ſe ſe--
ront abfentés qu'en vertu de paffe -ports en bonne
forme ,
( 121 )
forme , ceux qui ont une miffion du gouvernement
, leurs épouſes , pères & mères domiciliés
avec eux, les gens de mer , les négocians où
feurs facteurs notoirement connus pour être dans
l'ufage de faire , à raiſon de leur commerce , des
voyages chez l'étranger .
כ כ
VIII. Les congés ou permiffions de s'abſenter
hors du royaume ne feront accordés à aucun
citoyen que par le directoire de diſtrict dans le
reffort duquel il fera domicilié , & d'après l'avis
de la municipalité , pour des cauſes néceffaires &
Indifpenfables , reconnues ou conftatées . »
« Celui qui follicitera ladite permiſſion , prêtera
individuellement le ferment civique , ou juftifiera
qu'il a déja prêté ce ferment individuel , &
joindra à fa demande une déclaration par écrit
qu'il entend y refter fidèle. »
Au nom des commiffaires envoyés dans les dé
part mens du Nord , du Pas- de- Calais & de
' Aifne , M. Biron a fait un rapport où toutes
les places de première ligne font dans le meilleur
é at. Il n'y a pas plus de ' roupes de ligne que dans
les temps de la plus grande fécurité ; mais le
zèle & le nombre des gardes nationales y fuppleéront.
Les travaux de M. de Rochambeau méritent
l'admiration de tous les militaires . Les places de
feconde & de troisième ligne ont b.fon de quelques
réparations . Rien n'égale le patriotifme des
foldats ; mais les ferments ne les ont pas guéris
d'une ext & ne défiance de leurs offi iers ; ils veulent
garder eux- mêmes les drapeaux. Quelques
chefs s'y font oppofés , ce qui a occafionné beaucoup
de débats très - fâcheux . M. de Grave , cofonel
du régiment de Chartres a dit à fes foldats :
je vais vous apporter les drapeaux au quartier ,
nous les garderons enfemble. Ce trait de patrio
No. 33. 13 Août 1791 .
F
( 122 )
tifme , felon le rapporteur , a porté les foldats à
promettre de renoncer à toute divifion & de remplir
leurs devoirs avec exactitude .
Voici le réfumé des demandes de M. de Rochambeau
: 1º . les fonds néceffaires pour le camp
retranché de Maubeuge , 45,000 liv .; 2 ° . quel
ques fonds extraordinaires , s'il étoit obligé de
faire un raffemblement ; 3 ° . douze ou quinze
mille hommes de gardes nationales , parmi lefquelles
il feroit accordé deux bataillons de la
garde nationale parifienne ; 4°. feize escadrous de
troupes à cheval qui lui deviennent indifpenfables ;
le comité militaire & le miniftre de la guerre font
d'accord fur les trois premiers objets , & le comité
a reconnu l'urgence du dernier & écrit au miniftre
de la guerre en conféquence .
Ces demandes ont été décrétées .
L'âge de M. de Rochambeau ( il n'a que 66
ans ) & fa modcftie , fans doute , lui font defirer
de borner le commandement où il fe montre
dit- on , infatigable. Un membre a penfé qu'il
falloit au moins fupplier ce général , au nom de
la patrie de fe charger de Philippeville , Marierbourg
& Givet, On a décrété le renvoi au miniftre
..
A la fuire d'un rapport fur le re.nplacement
des officiers de ligne , par M. Emmery , avocat ,
membre du comité militaire , & après une difcullion
fur cet objet , entre MM . Coupé , d'André ,
de Noailles , Prieur , Martineau , Rewbell &
Chabroab , on a décrété les quinze articles fuivans ;
« L'Affemblée nationale décrète qu'attendu les
circonftances , le remplacement actuel des officiers
qui manquent dans les différens corps de l'armée
fe fera con me il fuit :
Ait. I. Les règles preferites par les pré(
123 )
dens décrets pour le remplacement des officiersfupérieurs
& des adjudans majors dans les différens
corps des différentes armes , auront leur pleine
& entière exécution ,
ן כ
ce II. Dans chacun des régimens d'infanterie .
de ligne où il n'y a pas plus de quatre compagnies
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens lieutenans du régiment. Dans chacun des
bataillons d'infanterie légère où il n'y a pas plus
de deux compagnies vacantes , elles appartiendront
aux plus anciens lieutenans du bataillon . »
« III . Les trois quarts au moins du total des
compagnies vacantes dans les régimens d'infanterie
de ligne , & dans les bataillons d'infanterie
légère au - delà du nombre ci - deffus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens Lieutenans de
toute l'infanterie , qui font actuellement en acti-"
vité ; l'autre quart pourra être donné par le
pouvoir exécutif , foit à des capitaines , foit à
des lieutenans d'infanterie réformés ou retirés
qui defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du district
dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte leur
attachement à la conftitution décrétée par l'Affemblée
nationale . »
сс
cc IV. Les capitaines qui feront pourvus en
vertu de l'art . I , conferveront leur rang entre
eux , & fe prendront fur tous ceux qui feront
nommés en vertu de l'article II . Ceux de ces
derniers qui feront pris fur la colonne des
lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entre eux , & le prendront fur
tous les officiers ci - devant réformés ou retirés
qui pourroient obtenir des compagnies ; ceux- ci
enfin prendront entre eux le rang que leur affi
F 2
( 124 )
gnera le grade qu'ils avoient avant leur reforme
ou leur retraite , & , à grade égal , l'ancienneté
de leur fervice. »
" « V. Dans chacun des régimens d'infanterie
de ligne où il n'y aura pas plus de quatre lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous - lieutenans de ce régiment . Dans
chacun des bataillons d'infanterie légère où il
n'y aura pas plus de deux lieutenances vacantes
, elles appartiendront aux plus anciens fouslieutenans
du batai.lon. »
« VI. Les trois quarts au moins du total des
lieutenances vacantes dans les régimens d'infanterie
de ligne & dans les bataillons d'infanterie
légère , au- delà du nombre ci- deſſus déterminé ,
feront donnés aux plus anciens fous - lieutenans
de toute l'infanterie qui font actuellement en
activité ; l'autre quart pourra être donné par le
pouvoir exécutif , foit à des lieutenans , foit à
des fous lieutenans réformés ou retirés qui
defireroient & feroient reconnus fufceptibles de
rentrer en activité , à la condition de préfenter
de leur part un certificat du directoire du diſtric
- dans l'étendue duquel ils réfident , qui attefte
leur attachement à la conſtitution décrétée par
l'Affemblée nationale . »
сс
-
?
cc VII. Les lieutenans qui feront pourvus en
vertu de l'article V , conferveront leur rang
entr'eux , & le prendront fur tous ceux qui
feront nommés en vertu de l'article VI:; ceux
de ces derniers qui feront pris lur la colonne des
fous- lieutenans actuellement en activité , conferveront
auffi leur rang entr'eux , & le prendrone
fur tousles officiers ci- devant réformés ou retirés qui
pourroient obtenir des lieutenances ; enfin , ceux- ci
prendront entr'eux le rang que leur affignera le
( 325 )
grade qu'ils avoient avant leur réforme ou leur
retraite , & , à grade égal , l'ancienneté de leurs
fervices. "
« VIII. Les fous-lieutenances vacantes dans
Tinfanterie de ligne & dans l'infanterie légère
feront données , favoir ; dans les régimens &
bataillons d'infanterie qui n'ont pas deftitué leurs
officiers , moitié aux fous - officiers de ces régimoitié
à des fils de citoyens actifs ; dans
les régimens & bataillons qui ont deftitué leurs
officiers , les trois quarts des fous- lieutenances
feront données à des fils de citoyens actifs , l'autre
quart demeurera réfervé aux fous officiers du
régiment , aux termes du décret du ………..
mens ,
-
« IX. Pour le remplacement actuel des capitaines
& des lieutenans du corps - royal d'artillerie ,
on fuivra les règles d'avancement prefcrites par
les précédens décrets relatifs à cette arme ; les
fous-lieutenances vacantes feront partagées entre
les élèves du corps & les lieutenans en troisième
qui n'ont pas encore cbtenu leur remplacement . »
« X. Les jeunes citoyens ne ferout fufceptibles
des fous lieutenances vacantes que depuis
16 jufqu'à 24 ans ; ceux âgés de plus de 18 ans
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tous
feront tenus de rapporter un certificat du directoire
du diftrict dans l'étendue duquel ils réfident ,
qui attefte leur attachement à la conftitution
décrétée par l'Affemblée nationale . »
« XI . Dans les régimens de troupes à cheval ,
le tiers des compagnies vacantes fur toute l'arme ,
appartiendra aux plus anciens capitaines de remplacement,
ou de réforme , les autres tiers aux
plus anciens lieutenans actuellement en activité ,
pris fur toute l'arme . »
« XII . Dans chacun des régimens de troupes
F 3
( 126 )
à cheval où il n'y aura pas plus de deux lieutenances
vacantes , elles appartiendront aux plus
anciens fous- lieutenans de ce régiment ; le furplus
fera donné aux plus anciens fous - lieutenans ac
tuellement en activité , pris fur toute l'arme. »
« XIII. Les fous - lieutenances vacantes dans
les troupes à cheval , feront données , moitié aux
fous- officiers de ces régimens , moitié à des fils de
citoyens actifs , ayant au moins 16 ans , & pas plus
de 24 ans d'âge ; ceux qui auront plus de 18 au
devront avoir fervi dans la garde nationale ; tous
feront tenus de prendre un certificat du diſtrict
dans l'étendue duquel ils réfident , qui atteft .
leur attachement à la conftitution décrétée par
l'Affemblée nationale . »
-
« XIV. Dans les régimens de toute arme qui
ont actuellement leur colonel , cet officier fupérieur
indiquera fous huitaine , à compter de la
publication du préfent décret , foit au général
d'arme , foit au commandart en chef de divifion
aux ordres duquel il eft , les fujets qu'il croit
fufceptibles d'obtenir les fous lieutenances vacantes
dans le régiment qu'il commande . Les
généraux d'arme , & les commandans en chef
des divifions , propoferont d'eux - mêmes aux
fous lieutenances vacantes dans les corps qui
font fous leurs ordres , & qui n'ont point actuel
lement de colonel . Les différentes propofitione
feront adreffées immédiatement au miniftre de la
guerre , pour le mettre en état de pourvoir , fans
aucun délai , à toutes les fous - lieutenances va
cantes dans l'armée . »
-
« XV. Pour que rien ne retarde le rempla
cement effectif des officiers qui manquent actuc
lement dans l'armée , les officiers fupérieurs &
autres feront reçus , mis en fonctions , & payes
( 127 ) 1
>
fans attendre l'expédition de leurs brevets qu
commiffions fur l'avis de leur nomination
adreffé par le miniftre de la guerre , foit aux
généraux d'armée , foit aux commandans en chef
des divifions & aux chefs des corps dans lefquel
les remplacemens devront s'opérer. »כ כ
cc Néanmoins les brevets & commiffions feront
enfuite expédiés le plutôt poffible , & vaudron
du jour de chaque nomination , dont ils rappel
leront la date. »
M. de Lefart , miniftre de l'intérieur , eft venu
dire la totalité des fufils eft expédiée ; que
que
Je décret du 21 juin a été envoyé dans tous les
départemens ; que celui du Gers , entre autres
a ouvert une foufcription pour le paiement des
97 mille gardes nationales. Ce miniftre leur
écrira de nouveau à tous pour les preffer .
Du mardi , 2 Août .
On lit & on renvoie au comité des recherches
une lettre de M. de Valcourt , commiffaire- ordonnateur
des guerres , qui retenu à Metz en état
d'arreftation , par un décret du 15 juillet , comnie
ayant eu des relations avec M. de Bouillé , &*
ayant fait des préparatifs pour un camp près de
Montmédy , fe juftifie en obfervant qu'il n'étoit
nullement dans le fecret , en rappellant les titres
d'électeur & de préfident du diftrict de Thionville
, & fur- tout que « l'acquifition d'un bien
national de 170,000 livres , le met à l'abri de
tout foupçon d'inciviſme . »
M. le Couteulx s'eft chargé de préfenter à
l'Aſſemblée un arrêté du directoire du départe
ment de la Seine inférieure , portant que tous
les ci-devant fonctionnaires publics eccléfiaftiques
F 4
( 128 )
·
& les religieux non affermentes , feront tenus
de s'éloigner de 10 lieues de la paroiffe où ils
exerçoient leur miniftère , & que même à cette
diftance , ils ne pourront choifir pour retraite
une paroiffe cn fe feroient déjà retiré deux eccléfiaftiques
ci- devant fonctionnaires publics , dans
les villages , & fix dans les villes . Les feptuagénaires
& ceux dont les deux tiers au moins de la
commune atteſteront la tranquillité ou les infirmités
, font jufqu'à préfent & provifoirement
autorités à refter dans les paroiffes qu'ils habitent
, tant qu'il y aura contre eux aucun fujer
de plainte. Il eft enjoint aux municipalités d'empêcher
qu'il ne foit commis aucune violence ,
infulte ou menace , envers les eccléfiaftiques
remplacés lors de leur retraite « volontaire ou
forcée . Se réserve le directoire de prendre cette
autre mefure ultérieure que les circonstances pourront
exiger. Fait au directoire , à Rouen , le 29
juillet 1791. « MM. du comité eccléfiaftique
difoit M. le Couteulx , m'ont témoigné qu'ils
defiroient que l'Affemblée nationale approuvât
cet arrêté & en autorisât l'exécution . » Depuis
quand les départemens ont- ils le droit de faire
des loix de circonftance ? Ces loix paroiffoient
fi fages , fi juftes , fi légales , fi humaines à M.
Lavigne , qu'il en a demandé le renvoi au comité
des rapports , pour voir s'il ne feroit pas
poffible de les appliquer à tous les départemens .
La propofition de M. Lavigne a été adoptée,
Au nom du comité militair , M. Bureau- de-
Pufy a fait adopter , conformément aux états.
fournis par le miniftre de la guerre , le décret
fuivant en 5 articles :
« Art. I. En exécution des décrets des 21
( 129 )
juin, 3 & 23 juillet 1791 , & conformément à
la demande de fonds faite par le miniftre de la
guerre le 27 juillet dernier , dont les objets
font fpécifiés tant dans l'état général que dans
les tableaux particuliers fournis par ledit miniftre
, il fera verfé fans délai par la caiffe de
l'extraordinaire à la trésorerie nationale , pour
être employée aux dépenfes de la guerre , une
fomme de 16,518,396 liv . pour être employée
comme il fera dit ci- après , favoir : »
ment ,
cc 1 ° . 12,218,396 liv . , pour frais d'enrôle
d'habillement , d'équipement & armement
de 44,242 hommes , tant d'infanterie que
de troupes à cheval & d'artillerie , deſtinés à
porter au complet de guerre 73 régimens d'infanterie
de ligne , 12 bataillons d'infanterie légère
, 2 régimens de carabiniers , 16 de cavalerie
, 14 de dragons , de huffards , 7 de
chaffeurs ; & les 7 régimens d'artillerie le
feront. 35 T
2º. Une fomme de 300,000 liv. deftinée
à completter les approvifionnemens de première
Déceffité pour les hôpitaux ambulans , de trois
années , depuis Dunkerque jufqu'à Béfort. »
3. Une fomme de 4 millions , à compte
des travaux ordonnés ,
ou qui le feront , pour
mettre les frontières en état de défenſe . »
CC
r II. Chaque mois , à compter du premier
juillet 1791 , il fera verfé par la caiffe de l'extraordinaire
à la trésorerie nationale pour les
dépenfes de la guerre , une fomme de 1,215,419
li . fols 1 denier pour folde & maffes des
'hommes & des chevaux d'augmentation mentionnés
à l'article précédent , & pour être payés,
favoir ; les maffes au complet des corps , & la
S. F
7130 )
folde à l'effectif des revacs , conformément au
tableau no. 2. »
« III. Chaque mois , à compter du premier
´août 1791 , il fera fourni par la caiffe de l'extraordinaire
à la tréforerie nationale pour les
dépenfes de la guerre une fomme de 150,000
liv . pour fubvenir aux frais de loyer , nourriture
& dépenses d'acceffoires de deux mille
chevaux d'augmentation dans l'équipage d'artil
lerie , pour être , lefdits frais , payés d'après
l'effectif des revues , y compris quinze jours de
-folde par cheval à accorder en forme de gra
tification , fuivant le marché des entrepre
" neurs . >>
<< IV. La caiffe de l'extraordinaire fournira à
la trésorerie nationale pour des dépenses de la
guerre , fur la demande du miniftre de ce département
, les fonds ,néceffaires pour la folde
& les dépenfes acceffoires des gardes nationales,
raffemblés en vertu du, décret du 21 juin 1791 ,
& ce , jufqu'à la concurrence de 3,200,000 liv .
par mois ; ladite fomme étant la dépente de 158
bataillons formant 96,854 gardes nationales. »
« V. La pièce intitulée : Etat général des
fonds extraordinaires à faire au département de
la guerre , pour le mettre à portée d'exécuter les
difpofitions décrétées par l'Affemblée nationale
les 3 & 23 juillet 1791 , ainfi que les tableaux
qui en font le développement , tous fignés &
adreffés par le miniftre au comité militaire , pour
être par lui foumis à l'Affemblée nationale ,
ainfi que la lettre miffive qui y étoit jointe ,
refteront annexes au procès- verbal . »
Du mardi , féance du foir. 30%
Une lettre que M, de la Tour - Maubourg a
( 131 )
écrite de Metz à M. Emmery , & que celui - ci
a communiquée à l'Aflemblée , peint les foldats
brûlans de patriotisme , travaillant gratis aux ;
fortifications avec une activité qui fait craindre )
qu'ils n'en tombent malades . Elle attefle que la
fubordination eft admirable , même dans les
régimens dénués d'officiers . I ne doute pas
qu'après le remplacement , nous n'ayions encore
une armée inviable. Enfin les genéraux & les
municipaux font animés du même efprit , & fe
fecondent les uns les autres . :
Des députés de la municipalité & des amis de
la conftitution de Brie Comte Robert admis à
la barre , ont démenti les inculpations que M.
Robe Spierre s'étoit permifes ; & dans la réponſe
du préfident , on a retrouvé peints de couleurs
qui leur conviennent « ces hommes exaltés ou
féduits qui concourent aux manoeuvres ciiminelles
des ennemis de la patrie.
כ כ
M. Biauzat a pref nté un arrêté du directoire
du département du Puy - de - Dôme , contenant
les mêmes difpofitions que l'arrêté du département
du Bas -Rhin , contre les malheureux eccléfiaftiques
nommés non - co formiftes par ceux qui
les ont dépouillés . On l'a renvoyé au comité dit
eccléfiaft que.
Le refte de la féance a été rempli par un
rapport de M. le Brun , & par un projet de M.
Biauzat fur les ponts & chauffées , & une difcuffion
où l'on a revu tout ce qui avoit été dit
à ce fujet dans l'Affen blée. Ces débats ont été
prorogés à la première féance du foir.
Du mercredi 3 août.
1
Ĉ
MM. Bouche & Régnault de St , Jean - d'Ang
F 6
( 132 )
gely , ont follicité un dernie rapport fur M. de
Condé. « C'eft en montrant de la foibleffe , difoit
bravement M. Régnault , que l'on encourage
fes ennemis . Nous avons trop de moyens & de .
motifs de ne les pas craindre , pour ne pas déployer
la fermeté qui nous convient » ; & il a
demandé que le comité rendît compte du traitement
qu'a reçu M. Duveyrier , qu'il appelloit .
un agent de la nation qui avoit droit « aux
refpects & aux égards de tous les individus &
de toutes les nations voifines » , quoique M..
Duveyrier n'eût aucune commiffion auprès des
étrangers , aucune lettre de créance , puifque
M. de Condé a dû lui demander qui il étoit ;
\ qu'il n'eût qu'un paffeport & un paquet à remettre
, commiffion qui l'affimileit plutôt à un
buiffier qu'à un envoyé , puifqu'il n'a pas même
jugé à propos d'attendre une réponſe .
Je déclare que je n'ai point de part aux
mefures molles qu'on paroît avoir adoptées », a
dit M. Salles pour fa décharge perfonnelle . M.
Lavigne exigeoit la repréfentation du décret du
13 juin , qui , felon lui , avoit tout décidé. Le
préfident a annoncé , & l'on a auffi - tôt admis
a la barre , une députation qui venoit , au nom
de 4 às cents citoyens , préfenter une pétition
des banquiers & négocians de Paris . Son objet
etoit les affignats des liv . ; & l'orateur a paru
indiquer les payeurs des rentes comme les premiers
inftrumens d'un véritable agiotage . Il a
conclu à ce que la diftribution de ces petits
affignats & de la monnoie de cuivre fût confiée
aux 48 fections . Un décret a chargé les comités
de libeller un projet de loi fur cette pétition.
( 133 )
1
M. Courmenil a préſenté , & l'Aſſemblée a
décrété les 4 articles fuivans :
« Art. I. La diftribution en eſpèces de cuivre ,
qui proviendra de la fonte des cloches , fera faite
par les hôtels des monnoies , entre les départechacune
de ces monnoies , par l'état
annexé au préfent , & dans les proportions réglées
par le même état . »
mens pour
сс
ce II . En conféquence , le directeur de chaque
hôtel des monnoies fera tenu d'envoyer , à la réception
du préfent décret , aux directoires des
départemens avec lefquels il devra correfpondre ,
un bordereau certifié de lui , qui annoncera la
fomme fabriquée actuellement exiſtante , en monnoie
de cuivre , dont la diftribution pourra être
faite fur-le-champ. »לכ
« III. Les directeurs de chaque hôtel des
-monnoies continueront d'adreffer aux mêmes directoires
de département, le dernier jour de chaque
femaine , un état de la fabrication qui aura eu lieu
dans le cours de la même femaine , tant en eſpèce
de cuivre qu'en métal provenant de la fonte des
cloches. »
« IV. Chaque directoire de département connoîtra
, d'après ce bordereau fucceffif , & d'après
la proportion dans laquelle il devra participer au
produit de la fabrication déjà exiftante , & celles
qui auront lieu chaque femaine , le montant de la
fomme qui devra leur revenir , fera les difpof
tions néceffaires pour faire transporter de l'hôtel
des monnoies dans les caiffes de diſtricts , la partie
à eux afférente dans les fabrications de chaque
femaine. »
Revenu au décret relatif à M. de Condé , M.
Lavigne l'a lu dans l'efpoir que la fimple expi(
134 )
ct
ration du délai prononceroit fur - le - champ tes
peines ftatuées ; mais M. Fréteau a oblervé que
les comités réunis avoient penfé que la queftion
devoit être méditée fous tous les points de vue
de prudence , de politique & de juftice ; que le
rapport du miriftre & le récit de M. Duveyrier
conftatoient bien la réception de l'ordre , mais
que les tribunaux ne prononçoient jamais une
peine fans un témoignage affermenté ; que fi
Î'Affemblée fe croyoit en droit de juger , de
prononcer contre M. de Condé , elle devioit aufli
juger les complices & adhérens de M. de Conaé.
Il n'eft cependant pas dans l'intention de l'Affemblée
de s'ériger en tribunal , & fur - tout en
tribunal à feances continues contre tous ces
complices. Nous fommes en droit , a férieuſement
pourfuvi M. Fréteau , de prononcer le
féqueftre des biens , & de mettre M. de Condé
en état d'arrestation .... Il n'y a pas l'ombre du
doute... Mais il y a des limitations & des difficultés
fur la rédaction du décret relativement aux
complices qu'il faut détacher de la condamnation
d'aujourd'hui pour les renvoyer à Orléans , fi
-vous n'y renvoyeż pas même M. de Condé.
Remettez donc a demain .... Ne vous eng gez
pas à adopter un parti qui peut avoir des fuites
auffi facheufes . ». On a chargé les comités de
s'occuper d'un mode d'exécution ou d'une réduction
.
D'après les plus heureufes expériences , & fur
la propofition de M. Courménil , l'Affemblée
prenant une détermination définitive contraire à
quelques difpofitions précédentes , a décrété que
les cloches inutiles feront fondues & que de leur
métal mêlé avec une égale quantité de cuivre
( 135 )
&
il fera fabriqué des pièces de 2 fols , à la taille
de io au marc , d'un fol , à 20 au marc ,
´de fix deniers , à 40 au marc ; & fur la demande
de M. de Cernon , que la diftribution de la nouvelle
monnoie fe fera par les directeurs des hô
tels des monnoies aux directoires , fuivant un état
décrété.
A propos de l'organiſation de la garde natio
nale de Paris en troupe de ligne , M. de Menou
a donné carrière à fon éloquence & à fa politique.
Organe des comités militaire & de conf
titution , il a loué l'Affemblée d'avoir rétabli la
liberté CC entre tous les hommes , & fondé le
bonheur des générations futures. » Nous tranfcrirons
ici quelques paffages de ce difcours en
confervant foigneufement fes expreffions.
cc O nation générenfe & fière ! Quel génie
t'a donc dominé lorſqu'en 1789 , un ſeul inf-
-tant à vu naître des inillions de foldats ?.... O
François votre fommeil a été comme celui du
lion ; vore réveil a été terrible & a fait tremabler
tous les tyrans. Le cri de la liberté a retenti
dans toutes les parties du globe... Ah !
pou quoi les monarques du monde veulent - ils
refter dans leur aveuglement ?... Monarques ,
ouvrez les yeux , marchez au devant des évè
nemers ... Refpectez au moins ceux qui rendent
hommage à la raifon & aux vérités éternelics ;
refectez les François , leur révolution ,
conftitution »
leur
Plufi urs voix ont crié : à l'ordre dujour. Mais
l'orateur n'en a pas moins continué fes fublimes
excurfiens. « S'il exifte actuellemert au monde
une monarchie fondée fur des bafes inébrantables
c'eft celle qui vient d'être établie en France ; eat
( 136 )
elle eft devenue la propriété du peuple , & la
fauve-garde de fa liberté & de fa tranquillité.....
Jugez fi l'Affemblée nationale eft l'ennemie des
Rois & de la Monarchie . Voyez le concert unanime
des volontés & des fentimens... Mais fi l'erreur
guide vos démarches , fi , vous livrant aux
fuggeftions perfides de nos transfuges , vous
cherchiez à oppofer des barrières à notre liberté...
en fuppofant que la fortune vous favoriſe , vous
ne trouverez plus que des morts ; car pas un
véritable François ne me démentira ; plutôt que
de devenir la proie de tyrans , il incendiera luimême
fa propriété & s'enlevelira fous les ruines
( grands applaudiffemens de la gauche & des
galeries ). Mais avant d'en venir à ces extrémités
, fongez au fang que vous devrez répandre
dans les combats. Ši vos armées entrent en contact
avec les notres , dès ce moment le defpotiſme
cſt détruit ... Au refte l'Aſſemblée nationale
va vous montrer comme elle fait recompenfer
ceux qui l'ont fervie avec courage
( il parloit fans doute ici de la patrie & non pas
feulement de l'Affemblée.
Alors M. de Menou a retracé tout ce qu'on a
débité des projets de la cour contre les étatsgénéraux
, contre Paris ; le patriotiſme affez
cornu des gardes - frar çoifes , la prife.de la baftille
; d'autres regimens fe joignans à eux & formant
la garde foldée de Paris ; le courage , jes
fatigues , le civisme de cette garde , fa noble réfiftance
à toutes les féductions des ennemis de la
chofe publique , & peut- être , a-t - il ajouté , à
eches & de quelques gouvernemens étrangers ...
lls croyoient apparemment , ces vils féducteurs ,
n'avoir affaire qu'à des mercenaires que l'on
gagne à prix d'argent ; par- tout ils ont trouvé
( 137 )
des citoyens indignés qu'on pût les foupçonner
de vendre leurs fervices & leurs opinions » .
›
Etonné de la tranquillité dont a joui Paris au
milieu de la révolution dont cette ville étoit le
centre , il s'eft bien rappellé quelques événemens
facheux. « Mais quelle eft l'hiftoire des hommes
mêmes les plus vertueux , dont on ne défirât
pas de déchirer quelques pages ? ... Ne voyons
que le fentiment qui a toujours prédominé »
Ses conclufions ont été de propofer de prendre
les 9,792 hommes de la garde foldée au fervice
de la nation « d'en faire , pour ainfi dire , une
propriété nationale » ; d'en former deux divifions
de gendarmerie , l'une à pied , l'autre à
cheval ; deux bataillons d'infanterie légère ; trois
régimens d'infanterie de ligne ; de donner des
penfions de retraite à ceux qui n'entreront pas
dans cette compofition ; de conferver la même
paye aux gardes nationales employés , en ne deftinant
que la paye du foldat de ligne aux futures
recrues pour ramener ces corps à la folde générale
, à meſure de la confommation des hommes.
Le projet de décret pourvoyoit aux plus petits
détails .
En avouant franchement qu'il en feroit tour
auffi mauvais juge que beaucoup d'autres , n'étant
pas militaire , M. Duquesnoy demandoit qu'on
délibérat fur deux ou trois propofitions principales.
Admettre des régimens d'une plus forte
folde que les autres , obfervoit M. Ferrand ,
c'étoit jetter le défordre dans l'armée . Pour diffi
per les judicieufes craintes de M. Ferrand , M.
Alexandre de Lameth , & M. d'André ont dit
que la haute paye n'étoit que pour le féjour de
Paris ; que dès que ces troupes fortiront de la
capitale elles n'auront que la paye des autres
( 138 )
1
( on a crié : non pas , non pas ) . M. de Noailles
demandoit un délai de deux jours pour connoître
& les fommes & leur emplci .
On ne peut nier , a répondu M. Emmery,
que la garde nationale n'attende avec impatience
l'organifation que l'on vous préfente . Nous
avons befoin du calme le plus profond , & de
toute la force de notre raison pour la revifion
de la charte conftitutionnelle ... Un décret a
fermé la difcuffion en repouffant l'ajournement.
Ces gardes nationales devenues troupes de
ligne , feront - elles fous les ordres du pouvoir
exécutif ? Le corps législatif fe trouvera- t- il au
milieu des troupes de ligne , répétoit M. Péthion ,
qui , en reconnoiffant la juftice de la récompenfe ,
fe plaignoit de l'efpèce de défaveur qu'on répandoit
fur des objections motivées ? ... Il fuffira
d'un décret , a répondu M. de Menou ; d'ailleurs
le commandant- général changera journellement.
M. de la Fayette a dit qu'on cherchoit des
difficultés hors du projet de décret , & qu'il étoit
un de ceux qui , confultés par les comités,
avoient penfé qu'on devoit établir pour Paris
un commandement de rotation , afin d'éviter les
dangers de l'influence d'un chef. Il a follicité
une décifion prompte en annonçant « que la garde
nationale , pleine de confiance dans la bienveillance
& dans les fouvenirs de l'Aſſemblée , verroit
avec reconnoiffance qu'elle voulut s'en occuper
immédiatement ». On eut difficilement donné
des ra fons plus décifives .
Par la chatte conſtitutionnelle , a dit M. Bar
nave , le corps législatif aura toujours à fa difpofition
la totalité des troupes qui feront dans la
réfidence. Les gardes nationales n'offrent aucun
motif de crainte en devenant troupes de ligne.
( 139 )
Il eft inftant de prononcer fur leur fort . On
s'efforce de leur infpirer de la défiance , d'accufer
l'Affemblée de vouloir faire retrograder la li
berté. Ceux mêmes qui devroient concourir aux
travaux du comité de révifion , le calomnient ;
il n'eft pas forti un feul moment de l'efprit des
décrets ces affurances ont été vivement applau
dies ). M. Barnave a demandé qu'on mit aux
voix la queftion : « La garde nationale parifienne
fera-t- elle changée en gendarmerie nationale &
en troupe de ligne ? ... Aucun des individus de
cette garde foldée , en entrant dans la nouvelle
formation ( a tout de fuite ajouté M. de Menou)
re perdra aucune partie de la folde & des avanj
tages dont il jouiffoit » . Ces deux propofitions
ont été décrétées affirmativement , & l'on a levé
la feance.
C Du jeudi , 4 août.
Nous penfions que le dernier décret fur les
97,000 gardes nationales vouées à la défenſe de
la patrie , avoit définitivement fixé leur organifa
tion ; mais au nom du comité militaire dont il eft
membre , M. Emmery a propofé une nouvelle for
mation , & l'Affemblée l'a décrétée en ces termes ;
« L'Affemblée nationale voulant prévenir les
difficultés qui pourroient naître de la différence qui
exifte entre le décret du 21 juin dernier, uniquement
applicable à la formation des bataillons des gardes
nationales volontaires , deftinées à la défenſe des
frontières , & le décret du 28 juillet dernier , concernant
en général les gardes nationales qui reftent
dans leurs départemens refpectifs , pour y être , au
befoin , les foldats de la conftitution , les défenfeurs
de la liberté , de l'ordre , & de la paix inté
ricure ; voulant ainfi rapprocher davantage la
( 140 )
formation des bataillons des gardes nationales volontaires
, de celles des bataillons de troupes de
ligne , afia de mieux établir l'unité de principe &
d'action dans le fervice pour lequel ils feront réunis ,
a décrété ce qui fuit :
Art . 1. Les gardes nationales qui fe feront
préfentées volontairement pour marcher à la défenfe
des frontières , feront divifécs par les commiffaires
des départemens , en corps de cinq cent
foixante-huit hommes chacun , deſtinés à former
un bataillon . Il fera formé dans chaque dépar
tement autant de bataillons qu'il fera poffible d'y
réunir de corps de volontaires ayant cette for e .
Le comité militaire préfentera les moyens d'employer
les hommes d'excédant , dont le nombre
ne s'éleveroit pas à celui fixé pour un bataillon . »
« H. Les commiffaires des départemens commenceront
par diftribuer chaque corps de volortaires
en huit compagnies de foixante-onze hommes
chacune. »
« III. Il fera enfuite extrait de chacune de
ces compagnies , fur l'indication de leurs camarades
, huit hommes de la plus haute taille , pour
en compofer une compagnie de grenadiers , qui
ne fera réunie qu'au moment où le bataillon fera
reçu par le commiffaire des guerres , pour entrer
en activité . »
ee IV. Le bataillon fera compofé pour lors de
neuf compagnies de foixante-trois hommes
chacune , dont une de grenadiers & huit de
fufiliers. »
« V. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
foit de fufiliers , fera compofée de trois officiers ;
favoir , un capitaine , un lieutenant & unfous - li utenant
; de fept fous- officiers ; un fergent- major,
faifant fonction de fourrier , deux fergens , quatre
( 141 )
1
caporaux; enfin , de cinquante- deux grenadiers
ou fufiliers , & d'un tambour. »
« VI. Le tambour - maître , tiré du corps des
volontaires , complettera le nombre de cinq cent
foixante-huit hommes ; il fera partie de l'étatmajor
, aura le rang & la folde de fergent , &
commandera tous les tambours . »
VII. Chaque compagnie , foit de grenadiers ,
foit de fufiliers , fera fubdivifée en deux pelotons ;
chaque peloton en deux ſections ; chaque fection
fera compofée d'un caporal & de treize gardes. »
cc VIII. Le lieutenant & un fergent feront
fpécialement chargés de la furveillance & du commandement
du premier peloton. Le fous- lieutenant
& un fergent feront spécialement chargés de
la furveillance & du commandement du fecond
peloton , toujours fous les ordres du capitaine de
la compagnie. »
« IX. Le fergent -major aura le commandement
fur les deux pelotons , pour tout ce qui a
rapport à l'inftruction , police , diſcipline & comptabilité
de la compagnie.
ג כ
ce X. L'état - major de chaque bataillon fera
compofé de deux lieutenans -colonels , d'un adjudant
-major & d'un adjudant- fous - officier , d'un
quartier-maître , d'un tambour-maître & d'un armurier;
en forte que la force totale du bataillon
fera de cinq cent foixante-quatorze hommes. »
« XI : Chaque bataillon aura fon drapeau aux
couleurs nationales , fur lequel fera infcrit le nom
du département & le numéro du bataillon , fuppofé
que le même département en ait fourni plu-
Geurs . Le drapeau fera porté par l'un des fergensmajors
, nommé à cet effet par le premier lieute
nant- colonel . »
« XII. Dans le cas où le même département
( 142 )
fourniroit plufieurs bataillons ; ils tireront au fort
le rang qu'ils prendront entr'eux ; le rang des départemens
reftera déterminé par l'ordre alphabétique
de leurs noms . »
XIII. Les gardes rationales volontaires étant
diftribuées dans les neuf compagnies qui doivent
former le bataillon , chaque compagnie nommera
les officiers & fous - officiers , par la voix du ſcrutin ,
à la majorité abfolue des fuffrages. »
« XIV. Il fera fait une élection féparée du
capitaine , une du lieutenant , une du. fous- licutenant
& une du fergent-major ; il n'en fera fait
qu'une feule pour les deux fergens , & une feule
pour les quatre caporaux. »
« Si la majorité abfolue n'eft pas formée après
le fecond tour de ferutin dans chaque élection , le
troiſième ſcrutin ne pourra porter que fur ceux
qui auronteu le plus de voix au précédent ſcrutin ,
en prenant toujours deux concurrens pour chaque
place . » و د
« XV. Les officiers & fous- officiers des compagnies
ne pourront être choifis que parmi des
fujets qui auront fervi précédemment , foit dans
les gardes nationales,foit dans les troupes de ligne . »
« XVI. Chaque bataillon nommera les deux
lieutenans -colonels & fon quartier- maître , par
fcrutin , à la majorité abfolue des fuffrages ; il
fera fait une élection féparée de chacun de ces
officiers , fuivant les règles prefcrites par larticle
XIV. »
« XVII . Celui des deux lieutenans - colonels
qui fera nommé le premier , aura le commandement
en chef du bataillon ; l'un des deux lieutenans-
colone's , indifféremment , devra être capitaine
, & avoir commandé en cette qualité une
compagnie de troupe de ligne. »
( 143 )
1
XVIII. L'adjudant-major & l'adjudant-fousofficier
ne feront nommés que lorsque le bataillon
fera arrivé au lieu où doit commencer ſon ſervice z
la nomination à ces deux places appartiendra à
l'officier- général aux ordres duquel le baillon
fe trouvera. »
« Pour lors l'officier-général ne pourra choifir
pour adjudant- major qu'un officier ; pour adjudant
qu'un fous- officier , l'un & l'autre actuellement en
activité dans les troupes deligne . L'adjudant -major
aura le rang & la folde de capitaine : l'adjudant
aura ang de premier fous-officier , & une demifolde
de plus qu'un fergent. »כ כ
« XIX. Le quartier-maître aura le rang & la
folde de lieutenant . L'armurier choifi par les officiers
de l'état -major , aura le rang & la clde de
caporal. >>
« XX. Les diftinctions des grades , dans les
bataillons des gardes nationales volontaires , feront
les inèmes que celles reçues dans les troupes de
ligne. »
« Les mêmes règles feront obfervées par rapport
au commandement , à l'ordre & à la diftribution du
fervice . »
M. de Menou a reproduit fon projet de décret
pour ériger les gardes nationales Parifiennes fol
dées en troupes de ligne . Cette grande différence
de paie a fait appréhender des troubles dans
l'armée , à M. de Cuftine qui a propoſé de folder
ces nouveaux corps comme les autres , & de
leur payer le furplus en un feul paiement à
compter jufqu'au jour de l'expiration du congé
de chaque foldat. Le rapporteur a objecté que
ces fommes prénumérées feroient bientôt mangées
& rendroient les foldats moins capables de dif
cipline ; & il a ouvert l'avis de ne payer le fup(
144 )
plément que tous les trois mois , expédient qui
n'obvie point à l'inconvénient redouté.
« Un homme qui fe connoiffoit en guerre
auffi bien que moi , a réparti M. de Cuftine ,
Frédéric fecond , Roi de Pruffe , employa tous
les moyens poffibles pour faire confommer au
plutôt l'argent d'une prife que l'un de ſes régimens
avoit faite dans la guerre de 7 ans , parce
qu'un foldat n'eft jamais bien attaché à la difcipline
que lorsqu'il n'a que la folde . » Et l'honorable
membre a propofé de payerle fupplément ,
moitié au départ , moitié à la fin de l'engagement.
Confondant une forme oratoire qu'une légère
ironie empèche de taxer d'orgueil , & la jactance
outrée qui n'auroit ni pudeur ni fens commun ,
M. Lavigne s'eft permis de dire que le préopinant
avoit eu grande raiſon de citer les connoiffances
de Frédéric II par comparaiſon avec les
fiennes . Ce farcafme du plus mauvais goût a
livré M. de Cuftine , militaire eftimable , aux
ricanemens de ceux qui ne trouvent pas abfurde
qu'un homme comme M. Lavigne voulut le
mêler de parler de règlement militaire , lui qui
n'a jamais étudié que la chicane.
L'Affemblée a décrété la rédaction de M. de
Broglie ainfi conçue :
« L'Aſſemblée nationale décrète que dans le
cas où les régimens de troupes de ligne actuelle,
ment employés à Paris , feroient détachés en tout
ou en partie pour fervir fur les frontières , les
individus qui compoferont ces corps recevront
la même paye que celle affectée aux autres régimens
de l'armée ; & il leur fera fait en outre ,
tous les trois mois , un décompte particulier , en
forme
( 145 )
forme de gratification ou fupplément de paye ,
qui eft confervé à tous les individus qui ont
fervi la révolution dans la garde nationale foldée
de Paris. >>
Après avoir differté vaguement de réclamations
inarticulées , de troubles , de dangers , & gémi
de la douloureuſe néceffité de heurter les principes
de modération qui préfidèrent à tous les
décrets , néceffité juftifiée , felon lui , par les
circonftances , & par cette maxime fi familière
aux defpotes : le falut public eft la fuprême loi ;
M. Legrand a lu un projet de décret en dix articles
, portant en fubftance , que les prêtres
inferits pour vivre en communauté feroient tenus
de fe rendre tous à Paris dans un délai fixé ;
que ceux qui vouloient vivre dans le monde fe
retireroient à 30 lieues de leur réfidence actuelle,
& que ceux qui n'obéiroient point ſeroient mis
en état d'arrestation & déchus , de plein droit ,
de tout traitement précédemment décrété.
M. Malouet eft monté à la tribune . Des
membres de la droite l'ont vivement preffé d'en
defcendre , il s'y eft refufé ; on éclatoit de rire,
du côté gauche . « Il nous eft impoffible , a dir
M. de Foucault avec énergie , il nous eft impoffible
d'affifter froidement à la difcuffion des décrets
dont vous venez d'entendre la lecture ; ils
ne tendent qu'à autorifer & provoquer la perfécution
, le meurtre , les affaffinats , les crimes
de toute eſpèce . Les atroces mesures que vós
comités ont ofé vous propoſer font au- deflus de
toutes les infernales productions de Machiavel.
Nous rendons refponfables les comités & tous
ceux d'entre vous qui y participeront , des effets
Apiſtres d'une délibération qui d'avance n'an-
Nº. 33. 13 Août 1791 .
G
*
3
( 146 )
nonce que du fang.... ( & en s'adreffant au
côté droit ) Meffieurs , retirons - nous. »
Plufieurs membres de la droite ayant fuivi
M. de Foucault , la gauche & les galeries ont
retenti d'applaudiffemens , & M. Lavie s'eft
écrié : ce l'arme ennemie eft défolée que fes
efpions foient mis à la raiſon » . De nouveaux
battemens de mains ont couronné cette prétendae
faillie,
M. Goupilleau vouloit que l'on profitât de
T'état de calme & des difpofitions manifeftement
impartiales où étoit la majorité , pour mettre , fur
le champ , en délibération le décret propofé contre
les membres qui fe permettent des proteftatious ;
mais le rapporteur ne fe trouvoit pas dans la falle .
Qu'on les déclare au moins déchus de leurs droits
de repréfentans de la nation , infiftoit M. Goupilleau
dont la juftice fe fentoit affez éclairée fans
rapport & fans difcuffion.
Si nous devons entendre de femblables atrocités
, a dit M. de Montlaufier , nous deman
dons à fortir de l'Affemblée . M. Malouet établiffoit
de juftes diftinctions entre protefter de
défobéiffance , & déclarer fes motifs de ne pas
approuver ; mais le tumulte étoit au comble.
Neuf orateurs avoient la parole contre le projet
de loi préfenté par M. le Grand , & M. le
Chapelier l'a repoutlé comme aflimilant , dans
La généralité , l'innocent & le coupable , appliquant
des peines fans l'action indifpenfable
des tribunaux , puniffant des hommes qui ne
font point réfractaires pour avoir opté entre un
ferment & leurs fonctions publiques , lorfque la
loi leur donnoit l'option . Ces décrets , at- il
ajouté , feroient trop condamnés par la lecture
très -prochaine de la fuperbe conſtitution que
( 147 )
༣
vous avez décrétée . Un de ces hommes pour qui
tout mot est une raifon fi les ignorans en font
une injure , a crié c'eft un aristocrate. M.
Dillon defiroit que le comité dit eccléfiaftique
fût renouvellé , il vouloit même qu'on en exclut
les prêtres ( affermentés ) . Le préfident lui
a impofé filence & l'Affemblée a renvoyé le
projet de perfécution aux comités eccléfiaftique
& de jurifprudence criminelle .
Du jeudi , féance du foir.
Don civique de 20 fols par jour pour la défenſe
des frontières , offert par M. Maille ; lettre du
maire de Carcaffonne qui annonce qu'il eft dix
heures du foir & que tous les citoyens de cette
ville placent au-deffus de leur porte un tableau
où les paffans liront , quand il fera jour la conftitution
ou la mort . Ce qui eft vivement applaudi .
a
Quelqu'un a enfuite raconté que des invalides
partis de l'hôtel pour aller vivre dans leur village,
fur la foi des décrets qui affurent leur fort , &
partis avec la certitude de recevoir 8 fols par
lieue ou de peur de diffipation , 4 livres de dix
en dix lieues , ainfi qu'il étoit réglé , n'avoient
pu obtenir , les 4 francs que devoit leur payer
à vue , la municipalité de Serlis . L'un d'eux eſt
revenu à Paris chez le miniftre de la guerre ,
été renvoyé de bureau en bureau & reçu partout
à-peu- près comme fous l'ancien régime.
Il s'eft adreffé à l'Affemblée ; M. de Noailles
s'étant affuré que tout étoit en règle a demandé
que le préfident écrivit au miniftre pour que ces
invalides fuffent payés . Un membre a naïvement
obfervé que les municipalités ne pouvoient payer
fi l'on ne leur donnoit pas des fonds. Il eft en
ffet de no toriété publique & légale que jul
*
G. 2
( 148 )
qu'au fein des hôpitaux on y manque de l'abfolu
néceffaire. L'Affemblée a décrété le renvoi
au miniftre avec une lettre du préfident , &
qu'il fera rendu compte dans 8 jours de la fituation
actuelle des invalides de l'hôtel.
"
Les ouvriers qui travaillent au monument
qu'on a voué aux grands hommes après l'avoir
deſtiné au culte de Dieu fous l'invocation de
Sainte - Geneviève , ont offert 100 livres par
mois pour la défenſe des frontières . Ils ont reçu
les honneurs de la féance .
A la fuite d'une difcuffion prefqu'entièrement
concentrée entre MM . le Chapelier , Fermont ,
Lavigne , Nogaret , & Biauzat on a décrété
les trois articles fuivans fur les ponts & chauſfées
:
›
ce Art. 1. Il y aura une adminiſtration centrale
des ponts & chauffées , & cette adminiſtration
fera confiée au miniftre de l'intérieur . »
ос
II. Le miniftre préfidera l'affemblée des ponts
& chauffées , & pourra , en cas d'abfence , s'y
faire remplacer par un prépofé , fur fa refponfabilité
. »
« III . Dans l'Affemblée des ponts & chauffées
qui fera formée , fur cinq infpecteurs , trois feront
pris dans les pays d'Etats 23.
Du vendredi , s Août.
Des propofitions combinées de MM. Camus
& Lavigne eft réfulté le décret fuivant qu'une
exceflive pénurie ne fembloit pas même pouvoir
motiver dans une conftitution philofophique
où le droit civil eft donné pour le complément de
la juftice naturelle :
L'Affemblée nationale décrète que tou
ilkers- prifeurs , receveurs des confignations ,
( 149 )
commiffaires aux faifies réelles , notaires féqueftres
, & tous autres dépofitaires de deniers , ne
remettront aux héritiers , créanciers & autres perfonnes
ayant droit de toucher , les fommes féqueftrées
& dépofées , qu'en juftifiant du paiement des
impofitions mobiliaires & contributions patriotiques
dues par les perfonnes defquel es lefdites
fommes feront provenues; feront même autorifés ,
autant que de befoin , lefdits féqueftres & dépofitaires
, à payer directement les contributions qui
fe trouveroient dues , avant de procéder à la délivrance
des deniers ; & les quittances deſdites contributions
leur feront paflées en compte . »
« Décrète , en outre , que les règlemens cidevant
faits pour la sûreté du recouvrement des
impofitions perfonnelles , notamment dans la
ville de Paris , relativement aux déclarations que ,
doivent faire les propriétaires & principaux locataires
, feront exécutés provifcirement , & tant
qu'il n'y aura pas été dérogé. »
Après avoir reconnu que depuis la fuppreffion
peu réfléchie des octrois , il eſt plufieurs villes
tellement accablées de dettes que , pour fubvcnir
aux fimples intérêts , elles feroient obligées
d'ajouter à leurs contributions foncière & mobilière
jufqu'à 15 fols pour livre de ces impôts ,
& cela fans compter les fols additionnels deftinés :
à fournir aux dépenfes locales des départemens ,
des municipalités , des élections , adminiſtrations ,
travaux publics & fecours extraordinaires ; charge
énorme qui , dans la totalité des villes du royacme
, s'élève à des centaines de millions que l'on
n'indique pas même ; M. Lebrun a propofé , &
le corps légiflatif a adopté les & articles que
voici , dont la conféquence implicite eft de
mettre fur le compte du tréfor national me
G3
( 150 )
maffe de paiemens annuels , auxquels on ne
veit pas comment il pourra fubvenir :
« L'Affemblée nationale , voulant pourvoir
aux befoins des villes & communes , & affurer le
paiement de leurs créanciers par d'autres moyens
que par les octrois ou autres droits qui leur
avoient été concédés ou engagés , & dont le bien
du peuple a demandé la fuppreffion , décrète ce
qui fuit :
לכ
« Ar . I. Les villes & communes auxquels i'
a été adjugé des domaines nationaux , ferort
tenues d'appliquer au paiement de leurs dettes le
bénéfice qui leur eft attribué par les décrets dans
la revente de ces domaines . »
« Il. Les villes & communes qui n'ont point
acquis de domaines nationaux , ou dont les dettes .
excèdent le bénéfice qu'elles doivent faire fur la
revente de ces domaines , fercnt tenues de vendre .
la partie de leurs biens patrimoniaux , créances ,
& immeubles réels ou fictifs , laquelle fera indiquée
par le directoire du département , fur l'avis
du directoire de district , ou la totalité , s'il eft
néceffaire , à la feule exception des édifices &
terreins deftinés au fervice public , dans la forme
& aux conditions décrétées pour les domaines nationaux
, auxquelles elles feront tenues de fe con- .
former dans le délai de deux mois , & d'en appli◄ ›
quer le produit au paiement defdites dettes . Les .
dettes contractées par les villes pour le fervice de .
l'Etat , feront exceptées des difpofitions du préfent
décret , & feront prifes à la charge de
l'Etat . >>
« III . Les villes & communes dont les dettes
excéderoient le produit de la vente de leurs biens
patrimoniaux , & le bénéfice à elle attribué dans
la revente des domaines nationaux qui leur auront
VISI
( 151 )
été adjugés , feront tenus d'ajouter à leur contribu-,
tion foncière & à leur contribution mobiliaire , un
fol pour livre , & d'en appliquer le produit au
paiement des arrérages & au remboursement fucceffif
de leurs dettes ; en telle manière que ce
fol pour livie , il y en ait au moins deux deniers
deftinés à former le fonds d'amortiſſement
qui s'accroîtra d'année en année par l'extinction
des intérêts , jufqu'à parfait remboursement du
capital dont les dix autres deniers pour livre auront
acquitté les rentes . »
Сс IV. Il fera libre aux villes & communes
dont les dettes feroient moins confidérables , d'impofer
un moindre nombre de deniers pour livre ,
à la charge néanmoins que le fonds d'amortifement
foit tel que , joint au produit des intérêts
éteints par le rembourfement progreffif , il puiffe
opérer la libération totale en trente années . »
ne
« V. Les villes & communes qui , par le béné
fice à elles attribué fur la revente des domaines
nationaux , & par la vente de leurs biens , autres
que ceux exceptés par l'art . II , n'auront pu
fuffire au paiement de toutes leurs dettes ,
feront foumifes fur l'excédant dé ce qu'elles refteront
devoir , qu'à l'acquittement d'un capital
dont dix deniers pour livre de leurs contributions
foncière & mobiliaire , paieront les intérêts au denier
vingt ; la nation prenant à fa chaige le ſurplus
de leurs dettes . »
›
« VI. Aucune ville ni commune ne pourra déformais
être autorifée à faire des acquifitions d'immeubles
, ni des emprunts , que par décret du
corps légiflatif , vu l'opinion du directoire du dif
trict & l'avis du directoire du département . »
cc VII. Les villes & communes feront tenues
de pourvoir à leurs dépenfes locales , à compter
G4
( 152 )
du premier avril 1791 , par le produit qui leur eft
accordé fur les droits de patentes & des fols pour
livre additionnels à la contriburion foncière & à la
contribution mobiliaire , lefquels feront établis
fuivant les formalités preferites par les décrets du
~29 mars & du 11 juin derniers , & fur lesquels feront
déduites les fommes déjà impofées , confor
mément à l'article V dudit décret . »
Le VIII. Les villes & communes qui auroient
des dettes exigibles , pourront , pour les acquitter ,
conformément à l'article II du préfent décret , demander
des avances fur le bénéfice qui leur est attribué
dans la revente des domaines nationaux ; &
celles qui , pour leurs dépenſes locales , éprouveroient
des befoins urgens , pourront demander un
prêt fur les fols pour livre additionnels , deftinés à
leurs dépenfes municipales ; & vu leurs pétitions
l'opinion du directoire de leur diftrict , l'avis du
directoire de département , le certificat de l'acquit
tement complet de la contribution patriotique &
des impofitions ordinaires de l'année 1790 , l'acte
de dépôt , la matrice des rôles des contributions
foncière & mobiliaire defdites villes ,
la caiffe de l'extraordinaire fera autorisée
par décret du corps législatif à faire , mois
par mois , les avances néceffaires contre les délégations
qui lui feront remifes fur les fols pour
livres municipaux additionnels aux contributions
foncière & mobiliaire , & fur le bénéfice de la
revente des biens nationaux , fans néanmoins que
lefdites avances puiffent être étendues plus loin
que le dernier décembre de la préfente année . »
On avoit diftribué la charte conftitutionnelle
que plufieurs membres ont demandé qu'on nommât
l'acte conftitutionnel . A ce moment , M.
d'André a fait fentir le danger qu'il y auroit à
( '153-)
rendre l'activité aux affemblées électorales avant
que cet acte foit décrété & connu ; & il a propofé
de révoquer leur fufpenfion , & de décréter
que les électeurs fe réuniront du 25 août au 5
feptembre. Quelques voix lui crioient c'eft
trop tard ; d'autres : il n'y a pas affez de temps.
Il a répondu que la différence des localités exigeoit
ce délai ; que l'on mettroit la charte en
délibération lundi prochain , le 8 ; que huit jours
de difcuffion fuffiroit amplement , ce qui mêneroit
au 16 , & que l'acte conftitutionnel décrété
parviendroit à toutes les aflemblées électorales
au moment de leur convocation.
A l'obfervation qu'il falloit auffi que les départemens
connuffent l'acceptation du Roi , M.
d'André n'a pas hésité de répondre : » je maintiens
que cela eft abfolument inutile ,. car notre
conftitution eft abfolument indépendante de
l'acceptation du Roi ( applaudiffemens de la
gauche ». ) Ce langage de M. d'André a dû paroître
étrange , peut - être même téméraire à
ceux qui perfiftent à croire qu'en politique bien
entendue , le Roi n'eft pas feulement un individu
mais un pouvoir ; que le Monarque eft le
repréſentant héréditaire & inamovible de la nation
, fon chef fuprême , une partie intégrante ,
élémentaire , radicale , indifpenfable du pouvoir
légiflatifs que l'Affemblée n'eft point la réunion
des repréfentans du peuple François fans le Roi
qu'il eft auffi l'organe néceffaire de ce même
peuple , dont jamais les députés temporaires , f
loyalement convoqués par leur Monarque , ne reçurent
ni la miffion, ni la puiffance de faire une conftitution
indépendamment de l'acceptation libre du
repréfentant permanent. La propofition de M.
d'André a été décrétée , & l'on a fixé à deux
G
( 154 )
heures, la lecture de l'acte conftitutionnel .
Après l'adoption de divers articles concernant
les gardes nationales , M. Thouret , prenant le
ton folemnel convenable à la circonftance , eſt
monté à la tribune avec une forte d'enthousiafine
exagéré & a lu le projet de la conftitution françoife ,
qu'il a nommé l'acte conftitutionnel . Nous en
donnerons une copie littérale .
Du famedi 6 août.
M. Bouche a demandé qu'au moment , où ,
felon lui , 15 ou 20 mille afpirans aux fonctions
& aux émolumens de légiflateurs , étoient peutêtre
occupés à mettre le défordre dans les départemens
, on exigeât d'eux des quittances de
toutes les contributions publiques. Que nul ne
foit fonctionnaire public qu'il n'ait payé les contributions
, a dit M. Regnault. Cette motion
amendée par M. d'Auchy a été renvoyée aux
comités des contributions & de conftitution . Si
les fonctionnaires étoient propriétaires dans la
même proportion refpective que les adminif
trés , ce qui eft fort loin du vrai , leur nombre
eft tel qu'ils payeroient , eux feuls , le vingtième
de la maffe impofée fur tout le royaume.
On a envoyé au comité militaire quatre articles
, préfentés par M. de Broglie , fur les officiers
du génié qu'il eft très-inftant de completter
, fur les examens préliminaires pour l'artillerie
& le génie ; & aux comités de conftitution & de
jurifprudence un mémoire du tribunal du fixième
arrondiffement de Paris , qui , après tant de mois
d'exercice , demande que fa jurifdiction , fa compétence
& fon territoire foient nettement déterminés
, & qu'on l'autorife à connoître de tous
les faits connexes aux délits du champ de mars ,
Libelles , calomnies , & c.
( 155 )
L'Affemblé a chargé l'accufateur public qui devra
intervenir , de pourfuivre l'imprimeur d'une
contre- façon de la conftitution françoife , où l'on
a contrefait le type de l'Affemblée nationale & le
nom de Beaudouin , fon imprimeur , qui lui a dé-.
noncé ce faux .
Une légère difcuffion a fini par l'adoption de
quatre nouveaux articles , préfentés par M. le,
Brun , fur les ponts & chauffées ; & le titre XIII,
du projet de loi fur les traites , qu'a lu M. Goudard
, a été décrété , prefque fans débats , en 43
articles .
сс
(
M. de la Fayette a obtenu la parole & a dit :
« Depuis long- tems , Meffieurs , les voeux du
peuple appellent cet acte conftitutionnel , qui ,
formé d'après la meture des lumières actuelles
paroît ne plus admettre de délais utiles , & que
tout , au contraire , nous invite à fixer . C'eſt
lorfque tant de paffions combinées s'agitent autour
de nous , qu'il convient de proclamer ces
principes de liberté & d'égalité , au maintien defquels
chaque François a irrévocablement dévoué
fa vie & fon honneur . L'Affemblée penſe auffi
fans doute , qu'il eft tems que nous donnions à
toutes les autorités conftituées le mouvement &
l'enſemble ; que la nation ait auprès des gouvernemens
étrangers fes organes conftitutionnels ,
afin de leur demander les nombreufes explications
qu'ils nous doivent , que le fommeil des
fonctions royales ceffe , & que la confiance
mutuelle puifle renaître .... Je ne vous parlerai
point de ces devoirs pénibles que la patrie a cu
droit d'attendre de moi , parce que tous les genres
de dévouement lui font dus , mais dont il m'eſt
du moins permis de calculer impatiemment la
durée.... Je propofe , Mefieurs , que le comité
G6
( 156 )
de conftitution foit chargé de préparer un projet
de décret fur les formes d'après lefquelles l'acte
conftitutionnel , auffitôt qu'il aura été définitivement
décrété , fera préfenté , au nom du peuple
frarçois , à l'examen le plus indépendant & à
l'acceptation la plus libre du Roi » .
Qu'il foit ou non poffible au Roi d'examiner
fans aucune dépendance & d'accepter librement
un acte fous peine de déchéance du trône ; que
le fommeil des fonctions royales , que les
devoirs pénibles & tous les genres de dévouement
dont on calcule impatiemment la durée , doivent
être ou non les expreffions qu'adopteront l'Europe
, la France vraiment libre , l'hiftoire impartiale
& la profpérité , le difcours de M. de la
Fayette a été vivement applaudi & l'on a levé
la féance.
La Municipalité a annoncé dimanche
dernier & fait afficher que l'effet de la Loi
Martiale ceffoit , & qu'en conféquence elle
remplaçoit le Drapeau Rouge par le Drapeau
blanc , qui flottera à la fenêtre de
l'Hôtel - de - Ville jufqu'au dimanche 14.
Cette cérémonie futprécédée d'un Difcours
où l'on recommandoit au Peuple la foumiffion
& la paix , & ou M. Charon ,
fon Auteur , auroit bien pu dire les mêmes
chofes , fans employer le galimathias révo
lutionnaire & le ftyle civique qui rend la
lecture de tous les nouveaux écrits infipides
& fatiguante .
Tandis que d'un côté la Municipalité
catéchife le Peuple par des Difcours &
( 157 )
par
des Arrêtés ; des Journaliſtes , des Commis
de Librairie , des Députés Pendoctrinent
des Placards , des Adreffes , des dénonciations
affichées à tous les coins des
rues. Jamais on n'en vit tant ; & jamais
tant de vanité , d'ignorance & de prétentions
au génie , n'obtinrent les honneurs
de la publicité. Ce genre de productions
paroît tourner à prendre la place des brochures
; les noms y font plus en évidence
& l'on eft lu , quelqu'imbécille que foit
l'affiche & celui qui l'a faite. Mais comme
en tout les fuccès font partagés , toutes ces
productions n'ont point une égale vogue ;
celle qui fait le plus de bruit eft intitulée
le Chant du Coq. C'eft un Journal en papier
bleu qu'on affiche tous les matins , où l'on
juftifie les opérations de l'Affemblée , & où
l'on traite fort mal quelques - uns de nos
Grands Hommes tels que MM. Carra ,
Briffot , &c. Une Société particulière a
voulu balancer le poifon du Chant du Coq ,
& vient de régaler le Peuple d'un nouveau
Journal gratuit intitulé l'Ami des Citoyens :
îl paroît colé au coin de la rue tous les
huit jours. Ceux - ci font les puritains de
la Révolution ; de grands ennemis du défordre
& fur tout partifans de l'égalité . Au
refte le Peuple lit peu ces diatribes , ces
homelies civiques dont l'objet n'eft guères
que de favorifer les vues de quelques ambitieux
ou la vanité de quelques fots.
Paris étoit une des Villes d'Europe où l'on
( 158 ) )
jouiffoit plus particulièrement de ce qu'on pent
nommer la liberté morale : l'ancienne police même
avec tous fes défauts avoit refpecté cette production
du fol Patifien , & fi par un abus criminel ,
fes regards s'étendoient jufques dans l'afyle des
citoyens , ce n'étoit qu'avec fecret & circonfpection.
Aujourd'hui l'on n'eft point fi délicat ;
les 768 Commiffaires de police de Paris harcèlent
de leurs vifites , de leurs recherches , de
leurs perquifitions tous les habitans domiciliés
ou non. Sous prétexte de faire le dénombrement
& de claffer , on ne fait pourquoi , les homines
en gens connus , gens inconnus , gens fufpects ,
il n'y a point de queftions indiferettes , infolentes ,
inquifitoriales auxquelles on n'ait à répondre , fous
peine de traitement rigoureux. Les Sections font
devenues de véritables fléaux à cet égard , &
quand on penfe que c'eft-là un des articles du
code de police , que ces actes d'inquifitions fe
répètent dans toutes les Cités du Royaume , on
ne voit point trop ce que devient la liberté de
foi au milieu de cette nuée de fonctionnaires publics
, la plupart très- groffiers & très- ignorans .
Ce que nous avons dit des perfécutions exercées
contre les perfonnes qui déplaifent aux bouillans
amis du patriotifme , continue avec la même
intensité. Il eft peu de femaines , il eft peu de
jours où l'on ne fe livrent contre eux à des
actes de férocité & des dénis de juſtice véritablement
odieux . A Paris , où malgré l'enjouement
politique qui y règne , la légéreté fait toujours
le caractère principal ; on ne porte qu'un regard
diftrait fur ces barbaries , & l'on s'imagine que tout
eft auffi tranquille en Province que dans les Clubs
& les Spectacles ; delà vient l'ignorance profonde
fur l'état du Royaume & les facilités que trouvent
les perturbateurs publics d'avancer leurs affaires.
( 159 )
I
Nous tâcherons de diffiper cette illufion , & nous .
continuerons d'annoncer les faits qui caractérisent
l'état des Provinces & les excès qu'y entretient
le fanatifme contre les perfonnes & les propriétés
.
Le Roi eft toujours captif & fa mal- ·
heureuſe Famille avec lui . Il étoit bien naturel
que n'étant point plus coupable l'un
que l'autre , ils fuffent tous punis du même
châtiment. Il n'en eft pas moins vrai que
c'eft pendant cette rigoureufe captivité du
Monarque que l'on publie la Charte de
la liberté Françoife , contrafte d'autant plus
frappant qu'on a befoin de l'adhéſion royale
pour donner quelque confiftance à cet acte
légiflatif, & que fans fon concours , il n'eft
qu'un titre conteſté & par conféquent obligatoire
pour le temps feulement qu'une
force particulière en foutiendra l'exécution.
Il n'eft pas vrai , au refte , que dans ce
nouveau projet on ait confervé les élémens
de la Conftitution jurée en 1789 ;
la bafe fondamentale de la Monarchie , le
concours de l'autorité Royale , qui n'eft ."
point feulement le Pouvoir exécutif, qui
donne le titre & l'activité à la Loi , s'y
trouve réduit à une fimple forme illufoire,
tandis que dans la Conftitution de 1789 ,
i eft pofitivement déclaré & prononcé
comme effentiel à l'existence de la Loi.
Cette altération que la foibleffe des Miniftres
du Roi & la légèreté Françoiſe no
( 160 )
relèveront sûrement point , feroit la deftruction
des droits de la Nation & de la
liberté publique , fi jamais elle pouvoit
faire le fondément d'une Charte Conftitutionnelle.
Voici ce que porte la Conftitution
de 1789 , articles IX & XII du Décret
du 10 Septembre :
" Nul acte du Corps légiflatif ne pourra
» étre conſidéré comme Loi , s'il n'eſt fanc-
» tionné par le Monarque. Le refus fufpen-
» fif du Roi ceffera à la feconde des Légif-
>> latures qui fuivront celle qui aura pro-
» pofé la Loi. »>
Par où l'on voit qu'un décret n'eft qu'un
projet de Loi dans la Conſtitution de 1789,
que la Sanction eft tellement de l'effence de
la Loi que l'on a cru devoir mettre le Rol
dans l'impuiffance de la refufer ; au lieu
que dans le nouveau projet , il eft feulement
dit qu'on préfentera les Décrets à
la Sanction du Roi ; qu'il pourra la refu
Jer et qu'au bout de deux Législatures elle
fera cenfee accordée ; ce qui détruit la
Royauté, & réduit le Monarque au fimple
état de Prince , c'eft-à- dire , de Pouvoir
exécutif ; ce qui eft en contradiction
avec le titre de Monarchie que l'on donne
au Gouvernement François.
2
Nous devons encore remarquer que
nulle part on n'emploie le mot de Reine ,
que par conféquent on femble mécon-
Hoître ce titre que le Roi a reconnu &
( 161 )
donné à fon Epoufe , & dontil ne peut
3onféquemment pas accepter qu'on la
dépouille aujourd'hui.
Quelle que foit la défiance des gens fages à
la lecture des Papiers publics , on eft bien loin
encore d'imaginer à quel point de mépris pour
la vérité & pour leurs Lecteurs , ces Ecrivains
périodiques font parvenus. Ils fe partegn : les
rôles les uns font chargés des impoftures de
l'intérieur de la France ; les autres ont le département
de l'Etranger. Ces derniers infultent
toutes les Puiſſances , & ſont en ce fèrs les ennemis
les plus coupables , les plus inſenſés de la
Révolution.
:
Pour eux , par exemple , la Suiffe eft cette
petite Province du Canton de Berne qui touche
aux frontières de France , où notre langue eft
en ufage , & qu'on nomme le pays de Vaud.
Ils nous racontent depuis quinze jours les orgies
que quelques habitans de fept à huit bourgades
ont célébrées le 14 juillet , & leurs toasts patriotiques
au milieu des verres & des bouteilles.
Ces folies de quelques particuliers raffemblés par
quelques Procureurs qui s'intitulent des Avocats
, ils nous les préfentent comme le voeu du
Corps Helvétique , & dans leurs caricatures , c'eft
la Nation Suiffe qui , par un élan généreux , va
brifer fes chaînes , pour s'incorporer à la domination
de nos Clubs & de nos Comités des
Recherches .
Le fait eft qu'à la vérité , un petit nombre
d'intrigans , de mécontens ( car il y en a partout
, même fous les meilleurs Gouvernemens ) ,
de petits Bourgeois qui font les capables , & qui
étudient la fcience de la Légiflation dans nos
( 1627
Feuilles publiques , ont effectivement répété en
quelques lieues du Pays de Vaud , les faturnales
bacchiques des Révolutionnaires de Londres &
de Birmingham . S'il falloit une preuve de la li
berté dort jouiffent les Citoyens de cette Contrée
, on la trouveroit dans l'indifférence qu'a
montré le Gouvernement pendant ces burlesques
folemnités.
Il ne faut pas confondre les habitans du Pays
de Vaud avec les Suiffes proprement dits : chez
les premiers , qu'une manie d'imitation a porté
de tout temps à adopter nos modes , nos moeurs ,
nos travers , nos opinions , on retrouve moins
généralement cette maturité d'efprit , ce flegme
de caractère , cet amour de l'ordre & de la véritable
liberté qui diftinguent les Suifles Allemands
; mais à l'exception de certaines mauvaiſes.
têtes , dont les inftigateurs étrangers attifent le
zèle & les efpérances , & auxquels fe joignent.
dans quelques petites villes , de jeunes enthoufiaftes
ignorans , toutes les claffes du Pays de ,
Vaud , & fpécialement les gens de la campagne,
qui forment les trois quarts de fa population ,.
ont confervé toute leur raifon : ils ont hori eur
des troubles où l'on voudroit les plonger ;
l'exemple affreux du Comtat & d'Avignon les
a frappé d'une terreur falutaire , ainfi que leurs
voifins les Genevois ; enfin , ils défendront , au
befoin , leur liberté & leur bonheur contre
quelques Factieux fubalternes qui confpirent à
les priver des bienfaits d'une Adminiſtration , non
exempte de certains abus faciles à réformer ,
mais douce , éclairée & paternelle , pour courir
la chance des difcordes inteftines , des affaffinats
, des dévaſtations , des calamités publiques
& particulières , avec la certitude de n'obtenir
( 163 )
en dernier réfultat que des impôts , que l'apar
chic , que la tyrannie de quelques fripons qu
conduiroient le pays à fa ruine certaine .
Déjà les quatre Paroifles qui forment le fuperbe
vignoble de Lavaux , entre Lauſanne &
Vivay, fe font empreffées de manifefter leurs ,
fentimens de fidélité par une adreffe patriotique .
au Gouvernement , & probablement le reste des
campagnes aura la fageffe d'imiter cet exemple..
Les misères de la France , réduite à la pauvreté
de la Suède & à des défordres publics , contro
lefquels les loix reftent impuiflantes , font un
frein fuffifant pour les peuples éclairés. Au reſte ,
la D ète Helvétique affemblée à Frawenfeld vient
de renouveller , & d'appuyer par des mefurest
efficaces , la garantie de la paix publique & des .
autorités légitimes dans toute l'étendue de la
Suifle c'elt encore au patriotifme & au zèle
des Cantons démocratiques,, que l'on doit cette ,
réfolution tutélaire , 2013
:
Il eft faux , que Zurich &, Baſle aient refufé
leur confentement aux décifions prifes fur les
Troupes Suiffes en France : ces deux Cantons
avoient feulement ouvert un avis différent la
Dière, l'ayant rejetté , ils le font réunis au vou
général , Le célèbre M. Dohm eft actuellement
entSuiffe avec une miffion du Roi de Pruffe
& ' on affure qu'il y traite d'un arrangement de
fubfides militaires , par lequel Sa Majefté Pruffine
pourra faire des levées , dans l'étendue du
Corps Helvétique .
1 m
FIN de la Déclaration du Roi.
21
Affaires étrangères. La nomination aux
places de miniftres dans les cours étrangères à été
( 164 )
réfervée au Roi , ainfi que la conduite des négociations
; mais la liberté du Roi pour ces choix eft
tout auffi nulle que pour ceux des officiers de l'armée
; on en a vu l'exemple à la dernière nomination
. La révifion & la confirmation des traités ,
que s'eft réservées l'Affemblée nationale , & la
nomination d'un comité diplomatique détruiſent
abfolument la feconde difpofition . Le droit de
faire la guerre ne feroit qu'un droit illufoire ,
parce qu'il faudroit être infenfé pour qu'un roi ,
qui n'eft ni ne veut être defpoté , allât , de but en
blanc , attaquer un autre royaume , lorsque le
voeu de fa nation s'y ongoferoit , & qu'elle n'ac-
Corderoit aucun fubfide pour la foutenir. Mais le
droit de faire la paix eft d'un tout autre genre . Le
Roi , qui ne fait qu'un avec toute la nation , qui
ne peut avoir d'autre intérêt que le fien , connoît
fes droits , connoît fes befoins & fes reffources ,
& ne craint pas alors de prendre les engagemens
qui lui paroiffent propres à affurer fon bonheur
& fa tranquillité ; mais quand il faudra que les
conventions fubiffent la révifion & la confirmation
de l'Affemblée nationale , aucune puiffance
ne voudra prendre des engagemens qui
peuvent être rompus par d'autres que par ceux
avec qui elle contracte ; & alors tous les pouvoirs
fe concentrent dans cette Affemblée , d'ailleurs
, quelque franchife qu'on mette dans les régociations
, eft-il poffible d'en confier le fecret à une
affemblée dont les délibérations font néceffairement
publiques ? »
« Finances . Le Roi avoit déclaré , bien avant
la convocation des états-généraux , qu'il reconnoiffoit
dans les affemblées de la nation le droit
d'accorder des fubfides , & qu'il ne vouloir plus
impofer les peuples fans leur confentement.
· ( 165 )
Tous les cahiers des députés aux états-généraux
s'étoient accordés à mettre le rétabliffement des
finances au premier rang des objets dont cette
'Affemblée devoit s'occuper ; quelques - uns y
avoient mis des reftrictions pour des articles a
faire décider préalablement . Le Roi a levé les
difficultés que ces reftrictions auroient pu occafionner
, en allant au- devant lui -même , &
accordant , dans la féance du 23 juin , tout ce
qui avoit été defiré. Le février 1790 , le Roi
a prié lui - même l'Affemblée de s'occuper efficacement
d'un objet fi important : elle ne s'en
eft occupée que tard & d'une manière qui peut
paroître imparfaite. Il n'y a point encore de
tableau exactement fait des recettes , des dépenfes
, & des reffources qui peuvent combler
le déficit ; on s'eft laiffé aller à des calculs hypothétiques.
L'Affemblée s'eft preffée d'abolir
des impôts dont la lourdeur , à la vérité , pefoit
beaucoup fur les peuples , mais qui donnoient
des reffources affurées ; elle les a remplacés par
un impôt , prefque unique , dont la levée exacte
fera peut- être très - difficile . Les contributions ordinaires
font à préfent très- arriérées , & la reffource
extraordinaire des douze cents premiers
millions d'affignats eft prefque confommée . Les
dépenfes des départemens de la guerre & de la
marine au-lieu d'être diminuécs
font augmentées
, fans y comprendre les dépenfes que
des armemens néceffaires ont occafionnées dans
le cours de la dernière année pour l'adminiftration
de ce département ; les rouages en ont été
fort multipliés , en confiant les recettes aux adminiftrations
de diſtricts . Le Roi , qui le premier
n'avoit pas craint de rendre publics les
comptes de fon adminiftration des finances , &c
>
( 166 )
›
>
qui avoit montré la volonté que les comptes
publics fuffent établis comme une règle du gouvernement
a été rendu , fi cela eft poffible
encore plus étranger à ce département qu'aux
autres , & les préventions , les jaloufies & les
récriminations contre le gouvernement ont
été encore plus répandues fur cet objet . Le réglement
des fonds , le recouvrement des impofitions
, la répartition entre les départemens ,
les récompenfes pour les fervices rendus ;
tout a été ôté à l'infpection du Roi il ne
lui refte que quelques ferviles nominations' ,
& pas même la diftribution de quelques gratifications
pour fecourir les indigens: Le Roi conroît
les difficultés de cette adminiſtration ; & s'il étoit
poffible que la machine du gouvernement pût
al'er fans fa furveillance directe fur la geftion
des finances , Sa Majefté ne regretteroit que de
ne pouvoir plus concourir par elle- même à établir
un ordre ftable qui pût faire parvenir à la
diminution des impofitions ( objet qu'on fait bien
que Sa Majefté a toujours vivement defiré , &
qu'elle eût pu effectuer fans les dépenses de la
guerre d'Amérique ) , & de n'avoir plus la diftribution
des fecours pour le foulagement des
inalheureux. 55
Enfin , par les décrets , le roi a été déclaté
chef fuprême de l'adminiftration du royaume ;
d'autres décrets fubféquens ont réglé l'organifation
du ministère , de manière que le roi , que
cela doit regarder plus directement , ne peut pourtant
y rien changer fans de nouvelles décifions
de l'Affemblée . Le fyftême des chefs du parti
dominant a été fi bien fuivi , de jeter une telle
méfiance fur tous les agens du gouvernement ,
qu'il devient prefqu'impoffible aujourd'hui de
( 167 )
remplir les places de l'adminiftration . Tout gouvernement
ne peut pas marcher ni fubfifter fans
une confiance réciproque entre les adminiſtrateurs
& les adminiftrés ; & les derniers réglemens propofés
à l'Affemblée nationale fur les peines à
infliger aux miniftres ou agens du pouvoir exécutif
, qui feroient prévaricateurs , ou feroient
jugés avoir dépaffé les limites de leur puiffance ,
doivent faire naître toutes fortes d'inquiétudes :
ces difpofitions pénales s'étendent même jufqu'aux
fubalternes ; ce qui détruit toute fubordination
, les inférieurs ne devant jamais juger
les ordres des fupérieurs , qui font refponfables
de ce qu'ils commandent . Ces règlemens
la multiplicité des précautions & des genres de
délits qui y font indiqués , ne tendent qu'à inf
pirer de la méfiance , au lieu de la confiance qui
Teroit fi néceffaire . »
>
"
› par
« Cette forme de gouvernement , fi vicieufe
en elle - même le devient encore plus par les
cauſes . 1 °. L'Affen.blée , par le moyen de fes
comités excède à tout moment les bornes
qu'elle s'eft prefcrites ; elle s'occupe d'affaires
qui tiennent uniquement à l'adminiſtration intérieure
du royaume , & à celle de la juſtice ,
& cumule ainfi tous les pouvoirs ; elle exerce
même par fon comité des recherches un véritable
defpotifine plus barbare & plus infupportable
qu'aucun de ceux dont l'hiftoire ait jamais
fait mention . 2º . Il s'eſt établi dans prefque
toutes les villes , & même dans plufieurs bourgs
& villages du royaume , des affociations connues
fous le nom des amis de la conftitution :
contre la teneur des décrets , elles n'en fouffrent
aucune autre qui ne foit pas affiliée avec elles ;
ce qui forme une immenfe corporation plus dan(
168 )
gereuse qu'aucune de celles qui exiftoient auparavant
. Sans y être autorifées , mais même au
mépris de tous les décrets , elles délibèrent fur
toutes les parties du gouvernement , correfpondent
entre elles fur tous les objets , font &
reçoivent des dénonciations , affichent des arrétés
, & ont pris une telle prépondérance , que
tous les corps adminiftratifs & judiciaires , fans
en excepter l'Affemblée nationale elle- même ,
obéiffent prefque toujours à leurs ordres . »
« Le Roi ne pense pas qu'il foit poffible de
gouverner un royaume d'une fi grande étendue
& d'une fi grande importance que la France ,
par les moyens établis par l'Affemblée nationale ,
tels qu'ils exiftent à préfent . Sa Majefté , cn
accordant à tous les décrets indiftinctement une
fanction qu'elle favoit bien ne pas pouvoir refufer
, y a été déterminée par le defir d'éviter
toute difcuffion que l'expérience lui avoit appris
être au moins inutile ; elle craignoit de plus
qu'on ne penfât qu'elle voulût retarder ou faire
manquer les travaux de l'Affemblée nationale.
à la réuffite defquels la nation prenoit un fi grand
intérêt ; elle mettoit fa confiance dans les gens
fages de cette Affemblée , qui connoiffoient
:qu'il eft plus aifé de détruire un gouvernement ,
que d'en reconftruire un fur des bafes toutes *
différentes . Ils avoient plufieurs fois fenti la néceffité
, lors de la révifion annoncée des décrets ,
de donner une force d'action & de réaction néceffaire
à tout gouvernement ; ils reconnoiffoient
auffi l'utilité d'inspirer pour ce gouvernement &
pour les loix , qui doivent affurer la profpérité
& l'état de chacun , une confiance telle qu'elle
ramenât dans le royaume tous les citoyens que
le
( 169 )
05
0
CD
le mécontentement dans quelques - uns , & dans
la plupart la crainte pour leur vie ou pour leurs
propriétés , ont forcés de s'expatrier .
ود
Mais plus on voit l'Affemblée s'approcher
du terme de fes travaux , plus on voit les gens
fages perdre leur crédit , plus les difpofitions
qui ne peuvent mettre que la difficulté , &
mème de l'impoffibilité dans la conduite du gou
vernement , & infpirer pour lui de la méfiance
& de la fureur , augmentent tous les jours 5
les autres règlemens , au- lieu de jetter un baume
falutaire fur les plaies qui faignent encore dans
plufieurs provinces , ne font qu'accroître les inquiétudes
, & aigrir les mécontentemens . L'efprit
des clubs domine & envahit tout ; les mille
journaux & pamphlets calomniateurs , incendiaires
, qui fe répandent journellement , ne font
T que leurs échos , & préparent les efprits de la
# manière dont ils veulent les conduire. Jamais
-l'Affemblée nationale n'a ofé remédier à cette
licence , bien éloignée d'une vraie hberté ; elle
a perdu fon crédit , & même la force dont elle
auroit befoin pour revenir fur fes pas , & changer
ce qui lui paroîtroit bon à être corrigé. On
voit par l'efprit qui regne dans les clubs , & la
manière dont ils s'emparent des nouvelles affemblées
primaires , ce qu'on doit attendre d'eux ;
& s'ils laiffent appercevoir quelques difpofitions
à revenir fur quelque chofe , c'eft pour détruire
les reftes de la royauté , & établir un gouvernement
métaphyfique & philofophique , impoffible
dans fon exécution , »>
GC
François , eft- ce là ce que vous entendiez
en envoyant des repréſentans à l'Affemblée nationale
? defiriez-vous que l'anarchie & le defpotifme
des clubs remplaçaffent le gouvernement mo aky
N° . 33. 13 Août 1791,
H
( 170 )
chique fous lequel la nation a profpéré pendant
quatorze cents ans ? defiriez-vous voir votre roi
comblé d'outrages , & privé de fa liberté , pendant
qu'il ne s'occupoit que d'établir la vôtre ? »
cc L'amour pour les rois eft une des vertus des
François , & fa Majesté en a reçu perfonnellement
des marques trop touchantes , pour pouvoir
jamais les oublier . Les factieux fentoient bien
que tant que cet amour ſubſiſteroit , leur ouvrage
ne pourroit jamais s'achever ; ils fentirent également
que pour l'affoiblir , il falloit , s'il étoit
poffible , anéantir le respect qui l'a toujours
accompagné ; & c'eft la fource des outrages que
le roi a reçus depuis deux ans , & de tous les
maux qu'il a foufferts . Sa Majeſté n'en retraceroit
pas ici l'affligeant tableau , fi elle ne vouloit
faire connoitre à fes fidèles fujets l'efprit de
ces factiepx qui déchirent le fein de leur patrie ,
en feignant de vouloir la régénérer,
,
39
ce Hs profitèrent d'abord de l'espèce d'enthou
-fiafine où l'on étoit pour M. Necker , pour lui
procurer fous les yeux mêmes du roi un triomphe
d'autant plus éclatant , que dans le même inftant
les gens qu'ils avoient foudoyés pour cela , affectèrent
de ne faire aucune attention à la préfence
du roi . Enhardis par ce premier effai , ils
ofèrent , dès le lendemain à Verſailles , faire
infulter M. l'archevêque de Paris , le poursuivre
à coups de pierres, & mettre la vie dans le plus
grand danger. Lorsque l'infurrection éclata dans
Paris , un courier que le roi avoit envoyé fut
arrêté publiquement , fouillé , & les lettres du roi
même furent ouvertes . Pendant ce tems , l'affemblée
nationale fembloit infulter à la douleur
de fa majeſté , en ne s'occupant qu'à combler
de marques d'eftime ces mêmes miniftres , dont
( 171 )
a
C
BA
le renvoi a fervi de prétexte à l'infurrection , &
que depuis elle n'a pas mieux traités pour cela .
Le roi s'étant déterminé à aller porter de luimême
des paroles de paix dans la capitale , des
gens apoftes fur toute la route eurent grand
foin d'empêcher ces cris de vive le roi , fi naturels
aux Français ; & les harangues qu'on lui
fit , loin de porter l'expreffion de la reconnoiffance
ne furent remplies que d'une ironie
•
amère. »
Сс
Cependant l'on accoutumoit de plus en plus
le peuple au mépris de la royauté & des loix :
celui de Verſailles effayoit de pendre deux houfards
à la grille du château , arrachoit un parricide
au fupplice , s'oppefoit à l'envoi d'un détachement
de chaffeurs , deſtiné à maintenir le bon
ordre ; tandis qu'un énergumène faifoit publiquement
au palais - royal la motion de venir enlever
le roi & fon fils , de les garder à Paris & d'enfer
mer la reine dans un couvent , & que cette motion
, au lieu d'être rejetée avec l'indignation
qu'elle auroit dû exciter , étoit applaudie . L'ACfemblée
, de fon côté , non contente de dégrader
la royauté par les décrets , affectoit même de
mépris pour la perfonne du roi , & recevoit
d'une manière impoffible de qualifier convenablement
les obfervations du roi fur les décrets
de la nuit des 4 & S août. "
ee Enfin , artivèrent les journées des 5 & 6
octobre : le récit en feroit fuperflu , & ſa majeſté
l'épargne à fes fidèles fujets ; mais elle ne peur
pas s'empêcher de faire remarquer la conduite
de l'Affemblée pendant ces horribles fcènes. Loin
de fonger à les prévenir , ou du moins à les
arrêter , elle refta tranquille , & fe contenta de
répondre à la motion de fe tranfporter en corps
H 2
( 172
)
*
1.
chez le Roi que cela n'étoit pas de fa die
gnité. »
сс
Depuis ce moment , prefque tous les jours
ont été marqués par de nouvelles fcènes plus
affligeantes les unes que les autres pour le Roi ,
ou par de nouvelles infultes qui lui ont été
faites . A peine le Roi étoit- il aux Tuileries ,
qu'un innocent fut maffacré , & fa tête promenée
dans Paris , prefque fous les yeux du
Roi. Dans plufieurs provinces , ceux qui paro.ffoient
attachés au Roi ou à ſa perfonne , ont
été perfécutés ; plufieurs même ont perdu la
vie , fans qu'il ait été poffible au Roi de fire
punir les affaffins , ou même d'en témoigner fa
fenfibilité. Dans le jardin même des Tuileries ,
tous les députés qui ont parlé contre la royauté
ou contre la religion ( car les factieux dans leur
rage , n'ont pas plus refpecté l'autel que le trône )
ont reçu les honneurs du triomphe pendant
que ceux qui penfent différemment , y font à
tout moment infultés , & leur vie même continuellement
menacée , »
,
« A la fédération du 14 juillet 1790 , I'Af
femblée , en nommant le Roi , par un décret
fpécial , pour en être le chef , s'eft montrée
par-là penfer qu'elle auroit pu en nommer un
autre. A cette même cérémonie , malgré la demande
du Roi , la famille royale a été placée
dans un endroit féparé de celui qu'il occupoit :
chofe inouie jufqu'à préfent ; ( c'eft pendant cette
fédération que le Roi a paffé les momens les
plus doux de fon féjour à Paris . Elle s'arrête
avec complaifance fur le fouvenir des témoi
gnages d'attachement & d'amour que lui ont
donnés les gardes nationaux de toute la France ,
kaffemblés pour cette cérémonie . ) »
( 173 )
1A
%
門
Les miniftres du Roi , ces mêmes miniftres
que l'Aemblée avoit forcé le Roi de rappeller ,
ou dont elle avoit applaudi la nomination , ont
été contraints , à force d'infultes & de menaces
à quitter leurs places , excepté un. » my
Mesdames , tantes du Roi , & qui étoient
reftées conftamment près de lui , déterminées
par motif de religion , ayant voulu fe rendre à
Rome , les factieux n'ont pas voulu leur laider
la liberté qui appartient à toute perfonne , &
qui eft établie par la déclaration des droits de
l'homme. Une troupe , pouffée par eux , s'eft
portée vers Bellevue pour arrrêter Meldames ;
le coup ayant été manqué par leur prompt départ
, les factieux ne fe font pas déconcertés :
ils fe font portés chez Monfieur , fous prétexte
qu'il vouloit fuivre l'exemple de Mcfdames ; &
quoiqu'ils n'ayent recueilli de cette démarche que
le plaifir de lui faire une infulté , elle n'a pas
été tout-à fait perdue pour leur fyftème . Cependant
, n'ayant pu faire arrêter mefdames à Bellevue
, ils ont trouvé le moyen de les faire arrêter
à Arnal- ic- Duc, & il a fillu des ordres de l'Affemblée
nationale pour leur laiffer continuer leur
route , ceux du Roi ayant été méprifés .
ככ
ce A peine la nouvelle de cette arreftation futelle
arrivée à Paris , qu'ils ont effayé de faire approuver
par l'Affemblée nationale gette violation
de toute liberté ; mais leur coup ayant été manqué
, ils ont excité un foulèvement pour contraindre
le Roi à faire revenir mefdames : mais
la bonue conduite de la garde nationale ( dont
elle s'eft cmpreffée de lui témoigner fa fatisfaction
) ayant diffipé l'attroupement , ils eurent
recours à d'autres moyens . Il ne leur avoit pas
été difficile d'obferver qu'au moindre mouvement
3
あ
H
3
( 174 )
qui fe faifoit fentir , une grande quantité de fidèles
fujets fe rendoient aux Tuileries , & formoient
une efpèce de bataillon capable d'en impoſer aux
mal intentionnés ; ils ;; excitèrent une émeute à
Vincennes , & firent courir , à deffein , le bruit
qu'on fe fervitoit de cette occafion pour fe porter
aux Tuileries , afin que les défenseurs du Roi
puffent fe raffembler comme ils l'avoient déjà
fait , & qu'on pût dénaturer les intentions aux
yeux de la garde nationale , en leur prêtant les
projets des forfaits mêmes contre lefquels ils s'armoient.
Ils réuffirent fi bien à aigrir les efprits ,
que le roi cut la douleur de voir maltraiter fous
fes yeux , fans pouvoir le défendre , ceux qui lui
donnoient les plus touchantes preuves de leur
attachement. Ce fut en vain que fa M.jefté leur
demanda elle - même les armes qu'on leur avoir
rendues fufpectes . Ce fut en vain qu'ils lui donnèrent
cette dernière marque de leur dévouement;
rien ne put ramener ces efprits égarés , qui poulfèrent
l'audace jufqu'à fe faire livrer , & brifer
même ces armes , dont le Roi s'étoit rendu dépofitaise
Cependant le Roi , après avoir été malade ,
fe difpofoit à profiter des beaux jours du printemps
pour aller à Saint- Cloud , comme il y
avoit été , l'année dernière , une partie de l'été
& de l'automne. Comme ce voyage tomboit
dans la femaine- fainte , on ofa fe fervir de l'attachement
connu du Roi pour la religion de fes
pères , pour animer les efprits contre lui ; & dès
le dimanche au foir , le club des Cordeliers fe
permit de faire afficher un arrêté , dans lequel le
Roi lui-mêmé eft dénoncé comme réfractaire à
la loi . Le lendemain fa Majefté monte en voiture
pour partir , mais arrivée à la porte des
( 175 )
ཅ;
201
Ra
1
207
? Tuileries une foule de peuple parut vouloir
s'opposer à fon paffage ; & c'eft avec bien de la.
peine qu'on doit dire ici , que la garde nationale
, loin de réprimer les féditieux , fe joignit à
eux & arrêta elle- même les chevaux. En vain ,
M. de la Fayette fit- il tout ce qu'il put pour
faire comprendre à cette garde l'horieur de la
conduite qu'elle tenoit , rien ne put réuffir ; les
difcours les plus infolens , les motions les plus
abominables retentiffoient aux oreilles de fa Majefté
; les perfonnes de fa maiſon qui fe trouvoient
là , s'emprefferent de lui faire au moins
un rempart de leur corps , fi les intentions qu'on ,
ne manifeftoit que trop venoient à s'exécuter ;
mais il falloit que le Roi bût le calice juſqu'à la
lie ; fes fidèles ferviteurs lui furent encore arrachés
avec violence ; enfin , après avoir enduré
pendant une heure trois quarts tous ces outrages,
fa majefté fut contrainte de refter & de rentrer
dans fa priſon car , après cela , on ne fauroit ,
appeller autrement fan palais. Son premier foin.
fui d'envoyer chercher le directoire du département
, chargé par état de veiller à la tranquillité
& à la fureté publique , & de l'inftruire de ce qui
venoit de fe paffer. Le lendemain elle ſe rendit
elle-même à l'Affemblée nationale pour lui faire.
fentir combien cet événement étoit contraire même
à la nouvelle conftitution ; de nouvelles infultes
furent tout le fruit que le Roi retira de ces deux
démarches. Il fut obligé de confentir à l'éloigné- ~~
ment de fa chapelle & de la plupart de fes grandsofficiers
, & d'approuver la lettre que fon miniftre
a écrite en fon nom aux cours étrangères ;
enfin d'affifter , le jour de pâques , à la meſſe du
nouveau curé de St. Germain- l'Auxerrois. »
ce D'après tous ces motifs & l'impoffibilité ou
сс
H
4
( 176 )
le Roi fe trouve d'opérer le bien & d'empêcher.
le mal qui fe commiet , eft-il étonnant que le
Roi ait cherché à recouvrer fa liberté & à fe mettre
en fûreté avec fa famille ? »
сс
François , & vous fur- tour Parifiens , vous
habitans d'une ville que les ancêtres de fa Majefté
le plaifoient à appeller la bonne ville de
Paris , méfi z - vous des fuggeftions & des menforges
de vos . faux amis ; revenez à votre roi ;
il fera toujours votre père , votre meilleur ami :
quel plaifir n'aura - t - il pas à oublier toutes fes
injures perfonnelles , & de fe revoir au milieu
de vous lorfqu'une conftitution , qu'il atra
acceptée librement , fera que notre fainte religion
fera refpectée , que le gouvernement fera
ét bli fur un pied ftable , & que par fon action ,
les biens & l'état de chacun ne feront plus troublés
, que les bix ne feront plus enfieintes impunément
, & qu'enfin la liberté fera poféc fur
des bafes fermes & inébranlables . »
ce A Paris , le 20 juin 1791 , LOUIS . "
сс Le Roi défend à fes miniftres de ligner ancun
ordre ca fon n❤m jufqu'à ce qu'ils ayent
reçu les ordres u'térieurs ; il enjoint au garde
du fceau de l'étt , de le lui renvoyer d'abord
qu'il en fera requis de fa part. »
» A Paris , le 20 juin 1791 , Signé Louis . »
PROJET DE LA CONSTITUTION
FRANÇOISE.
Déclaration des Droits e l'Homme & du Citoyen.
Les repréfe itans du peuple françois , conftitués
en aſſemblée nationale , confiderant que ligno- .
rance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme ,
( 177 )
font les feules caufes des malheurs publics & de
la corruption des gouvernemens , ont réfolu d'expofer
, dans une déclaration folemnelle , l´s droits
naturels , inaliénables & facrés de l'homme ; afin
que cette déclaration , conftamment préſente à
tous les membres du corps focial , leur rappelle
fans ceffe leurs droits & leurs devoirs ; afin que
les actes du pouvoir légiflatif & ceux du pouvoir :
exécutif , pouvant être à chaque inftant comparés
avec le but de toute inftitution politique , en
foient plus refpectés ; afin que les réclamations
des citoyens , fondées déformais fur des principes
fimples & inconteftables , tournent toujours au
maintien de la confiitution , & au bonheur de tous.
En conféquence , l'affemblée nationale reconnoît
& déclare , en préfence & fous les aufpices
de l'être fuprême , les droits fuivans de l'homme
& du citoyen :
Art. I. Les hommes naiffent & demeurent
libres & égaux en droits . Les diftinctions fociales
ne peuvent être fondées que fur l'utilité com
mune.
II. Le but de toute affociation politique eft
la confervation des droits naturels & imprefcriptibles
de l'homme. Ces droits font la liberté , la
propriété , la fûreté & la réfiftance a l'oppreffion .
III. Le principe de toute fouveraineté réfide
effentiellement dans la nation . Nul corps , nul
individu ne peut exercer d'autorité qui n'en
émane expreflément .
:
IV. La liberté confifte à faire ce qui ne nuit
pas à autrui ainfi l'exercice des droits naturels :
de chaque homme n'a de bornes , que celles qui
affurent aux autres membres de la fociété la
jouiffance de ces mêmes droits . Ces bornes në
peuvent être déterminées que par la loi .
HS
( 178 )
V. La loi n'a le droit de défendre que les
actions nuifibles à la fociété . Tout ce qui n'eft
pas défendu par la loi ne peut être empêché , &
nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne
pas.
VI. La loi eft l'expreffion de la volonté générale.
Tous les citoyens ont droit de concourir
perfonnellement , ou par leurs repréſentans , à ſa
formation . Elle doit être la même pour tous ,
foit qu'elle protége , foit qu'elle puniffe. Tous
les citoyens étant égaux à fes yeux , fort également
admiffibles à toutes dignités , places & emplois
publics , felon leur capacité , & fans autre
diſtinction que celle de leurs vertus & de leurs
talens .
VII. Nul homme ne peut être accufé , arrêté ,
ni détenu que dans les cas déterminés par la loi ,
& felon les formes qu'elle a prefcrites . Ceux qui
follicitent , expédient , exécutent ou font exécuter
des ordres arbitraires , doivent être punis ;
mais tout citoyen appelé ou faifi en vertu de la
loi , doit obéir à l'inftant : il fe rend coupable
par la réſiſtance.
VIII. La loi ne doit établir que des peines
ftrictement & évidemment néceffaires , & nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie &
promulgute antérieurement au délit , & légalɩment
appliquée .
IX. Tout homme étant préfumé innocent jufqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable , s'il eft jugé
indifpenfable de l'arrêter , toute rigueur qui ne
feroit pas néceffaire pour s'affurer de la perfonne
, doit être lévérement réprimée par la loi .
X. Nul ne doit être inquietté pour les opinions ,
même religieufes , pourvu que leur manifefta-
1
( 179 )
tion ne trouble pas l'ordre public établi par la
loi.
XI . La libre communication des pensées & des
opinions eft un des droits les plus précieux de
l'homme tout citoyen peut donc parler , écrire ,
imprimer librement , fauf à répondre de l'abus
de cette liberté , dans les cas déterminés par la
loi.
XII. La garantie des droits de l'homme & du
citoyen néceflite une force publique' : cette force
eft donc inftituée pour l'avantage de tous , &
non pour l'utilité particuliere de ceux à qui elle
eft confiée .
XIII. Pour l'entretien de la force publique.,
& pour les dépenses d'adminiſtration , une contribution
commune eft indiſpenſable : elle doit
être également répartie entre tous les citoyens ,
en raifon de leurs facultés.
XIV. Tous les citoyens ont le droit de
conftater par eux -mêmes ou par leurs repréfentans
, la néceſſité de la contribution publique , de
la confentir librement , d'en fuivre l'emploi , &
d'en déterminer la quotité , l'affiette , le recouvrement
& la durée.
• XV. La fociété a le droit de demander
compte à tout agent public de fon adminiſtra
tion .
XVI. Toute fociété dans laquelle la garan
tie des droits n'eft pas affurée , ni la féparation
des pouvoirs déterminée , n'a point de conftitution
.
XVII. Les propriétés étant un droit inviolable
& facré , nul ne peut en être privé , fi ce
n'eft lorfque la néceffité publique , légalement
conftatée , l'exige évidemment , & fous la condition
d'une jufte & préalable indemnité.
H 6
( 180 )
"
L'Affemblée nationale voulant établir la
conftitution françoife fur les principes qu'elle
vient de reconnoître & de déclarer , abolit irrévocablement
les inftitutions qui bieffoient la liberté
& l'égalité des droits .
Il n'y a plus ni nobleſſe , ni pairie , ni diſtinctions
héréditaires , ni diftinctions d'ordres , ni
régime féodal , ni juftices patrimoniales , ni aucun
des titres , dénominations & prérogatives qui
en dérivoient , ni aucun des ordres de chevalerie ,
corportions ou décorations , pour lefquels on exigeoit
des preuves de noblette ; ni aucune autre fupériorité
, que celle des fonctionnaires publics dans
l'exercice de leurs fonctions .
Il n'y a plus ni vénalité ni hérédité d'aucun office
public .
Il n'y a plus , pour aucune partie de la nation ,
ni pour aucun individu , aucun privilége ni exception
au droit commun de tous les François.
Il n'y a plus ni jurandes , ni corporations de
profeffions , arts & métiers .
La loi ne reconnoît plus de voeux religieux , ni
aucun autre engagement qui feroit contraire aux
droits naturels , ou à la conftitution .
TITRE PREMIER.
Difpofitions fondamentales garanties par la
Conftitution.
La conftitution garantit , comme droits naturels
& vils :
1°. Que tous les citoyens font admiffibles aux
places & emplois , fans autre diftinction que celle
des vertus & des talens .
2. Que toutes les contributions feront réparties
entre tous les citoyens , également , en proportion
de leurs facultés .
( 181 )
3°. Que les mêmes délits feront punis des mêmes
peines , fans aucune diftinction des perfonnes .
La conftitution garantit pareillement , comme
droits naturels & civils :
La liberté à tout homme d'aller , de refter , de
partir , fans pouvoir être arrêté , accufé ni détenu ,
que dans les cas déterminés par la loi , & felon
les formes qu'elle a prefcrites ;
La liberté à tout homme de parler , d'écrire ,
d'imprimer fes penfées , & d'exercer le culte religieux
auquel il eft attaché ;
La liberté aux citoyens de s'affembler paifiblement
& fans armes en fatisfaifant aux loix de
police ;
2
La liberté d'adreffer aux autorités conftituécs
des pétitions fignées individuellement.
Comme la liberté ne confifte qu'a pouvoir faire
tout ce qui ne nuit ni aux droits d'autrui , ni à la
sûreté publique , la loi peut établir des peines
contre les actes qui attaquant , ou la sûreté pubique
, ou les droits d'autrui , feroient nuisibles
à la fociété .
La cofftitution garantit l'inviolabilité des propriés
, ou lajufte & préalable indemnité de celles
dont la néceflité publique , légalement conſtatée
exig roit le facrifice .
Les biens qui ont été ci - devant deſtinés à des
fervices d'utilité publique , appartiennent à la nation
ceux qui étoient affectés aux dépenfes du
culte , font a fa difpofition .
2
Il fera ré & organifé un établiffement général
de fecours publics , pour le foulagement des pauvres
in firmes , & des pauvres valides manquant de
travail .
Il fera créé & organifé une inftruction publique,
commune à tous les citoyens , gratuite à l'égard
( 182 )
des parties d'enfeignement indifpenfables pour
tous les hommes , & dont les établiſſemens feront
diftribués graduellement , dans un rapport
combiné avec la divifion du royaume .
TITRE II.
De la divifion du royaume & de l'état des
citoyens.
Art . I. La France eft divifée en quatre-vingttrois
départemens , chaque département en diftricts
, chaque diſtrict en cantons.
II. Sont citoyens François ,
Ceux qui font nés en France d'un père François
;
Ceux qui , nés en France d'un père étranger,
ont.fixé leur réfidence dans le royaume :
Ceux qui , nés en pays étranger , d'un père
François , font revenus s'établir en France , &
ont prêté le ferment civique ;
Enfin ceux qui nés en pays étranger , & defcendant
, à quelque degré que ce foit , d'un
François ou d'une Françoife expatriés pour cauſe
de religion , viennent demeurer en France , &
prêtent le ferment civique .
III . Ceux qui , nés hors du royaume de parens
étrangers , réfident en France , deviennent
citoyens François , après cinq ans de domicile
continu dans le royaume , s'ils y ont en outre
acquis des immeubles ou épousé une Françoife ,
ou formé un établiffement de commerce , & s'ils
ont prêté le ferment civique.
IV. Le pouvoir légiftatif pourra , pour des
confidération importantes , donner à un étranger
un acte de naturaliſation , fans autres conditions
que de fixer fon domicile en France , & d'y
prêter le ferment civique.
( 183 )
V. Le ferment civique eft : je jure d'être
fidèle à la nation , à la loi & au Roi , & de
maintenir de tout mon pouvoir la conftitution du
royaume , décrétée par l'Affemblée nationale conf
tituante aux annéès 1789 , 1790 & 1791 .
VI. La qualité de citoyen François fe perd :
1º . Par la naturaliſation en pays étranger ;
2º. Par la condamnation aux peines qui emportent
la dégradation civique , tant que le co
damné n'eft pas réhabilité ;
3 °. Par un jugement de contumace , tant que
le jugement n'eft pas anéanti :
4°. Par l'affiliation à tout ordre ou corps
étranger qui fuppoferoit des preuves de nobleffe .
Vii. Les citoyens François , confidérés fous
le rapport des relations locales qui naiffent de
leur réunion dans les villes & dans de certains
arrondiffemens du territoire des campagnes ,
forment les communes.
Le pouvoir législatif pourra fixer l'étendue de
l'arrondiffement de chaque commune.
commune
VIII. Les citoyens qui compofent chaque
ont le droit d'élire à temps , fuivant
les formes déterminées par la loi , ceux d'entr'eux
qui , fous le titre d'officiers municipaux , font
chargés de gérer les affaires particulières de la
commune .
I pourra être délégué aux officiers municipaux
quelques fonctions relatives à l'intérêt général de
l'érat .
IX. Les règles que les officiers municipaux
feront tenus de fuivre dans l'exercice , tant des
fonctions municipales que de celles qui leur auront
été déléguées pour l'intérêt général , feront fixées
par les loix.
( 184 )
TITRE III
Des Pouvoirs publics.
Art. I. La fouveraineté eft une , indiviſible ,
& appartient à la nation ; aucune fection du
peuple ne peut s'en attribuer l'exercice .
II. La nation , de qui feule emarent tous les
pouvoirs , ne peut les exercer que par délégation
.
La conftitution françoife eft repréfentative :
les repiéfentans font le corps légiflatif & le Roi.
III. Le pouvoir législatif eft délégué à une
Affemblée nationale compofée de représentans
temporaires , librement élus par le peuple , pour
être exercé , par elle , avec la fanction du Roi ,
de la manière qui fera déterminée ci - après .
IV. Le gouvernement eft monarchique le
pouvoir exécutif eft délégué au Roi , pour être
exercé fous fon autorité , par des miniftres &
autres agens refponfables , de la manière qui
fera déterminée ci - après .
V. Le pouvoir judiciaire eft délégué à des
juges élus à temps par le peuple.
CHAPITRE PREMIER.
De l'Affemblée nationale législative.
Art. I. L'Affemblée nationale , formant le
corps législatif, eft permanente , & n'eſt compolée
que d'une chambre .
II El fera formée tous les deux ans par de
nouvelles élections .
Chaque période de deux années formera une
légiflature .
III. Le renouvellement du corps légiflatif ſe
fera de plein droit,
( 185 )
ne
e
IV. Le corps légiflatif ne pourra être diffous
par le Roi.
SECTION PREMIÈRE.
Nombre des repréfentans . Bafes de la repréfentation.
Art . I. Le nombre des repréfentans au corps
législatif eft de fept cent quarante - cinq , à raifon
des quatre - vingt- trois departemens dont le
royaume eft compofé , & indépendamment de ,
ceux qui pourroient être accordés aux colonics.
II. Les repréfentans feront diftribués entre les
quatre- vingt- trois départemens , felon les trois
Poportions du territoire , de la population , &,
de la contribution directe .
III. Des fept cert quarante cinq repréſentans ,
dex cent quarante-fept font attachés au territone.
Chaque département en nommera trois , à
Pxception du département de Paris , qui n'en
Lo minera qu'un .
IV. Dux cent quarcate - neuf repréfentans
font attr bués à la popul tion .
le nanalation
เน
[
ceive anan La male tot
roysume ft divifée en deux cent quarante -neuf
parts , & chaque dé, artement nomme autant de
députés qu'il y a de parts de population .
V. Deux cent quarante- neuf représentans font
attachés à la contribution directe . La fomme
totale de la contribution directe du royaume eft .
de même divifée en deux cent quarante neuf
parts , & chaque département nomme autant de
députés qu'il paie de parts de contribution .
SECTION II.
Affemblées primaires . Nomination des électeurs .
Art . I. Loifqu'il s'agira de former l'Affem(
186 )
blée nationale légiflative , les citoyens actifs fe
réuniront en affemblées primaires dans les villes
& dans les cantons .
II. Pour être citoyen actif , il faut :
Etre François on devenu François ;
Etre âgé de 25 ans accomplis ;
Etre domicilié dans la ville ou dans le canton
au moins depuis un an ;
Payer , dans un lieu quelconque du royaume ,
une contribution directe au moins égale à la valeur
de trois journées de travail ; & en représenter la
quittance ;
N'être pas dans un état de domefticité , c'est- àdire
, de ferviteur à gages ;
Etre inferit dans la municipalité de fon domicile
, au rôle des gardes nationales ;
Avoir prêté le ferment civique.
III. Tous les fix ans , le corps légiflatif fixera
le minimum & le maximum de la valeur de la journée
de travail , & les adminiftrateurs des départemens
en feront la détermination locale pour cha- ·
que district.
IV. Nul ne pourra exercer les droits de citoyen
actif dans plus d'un endroit , ni fe faire
représenter par un autre.
V. Sont exclus de l'exercice des droits de
citoyen actif,
Ceux qui font en état d'accufation ;
Ceux qui , après avoir été conftitués en état
de faile ou d'infolvabilité , prouvée par pièces .
authentiques , ne rapportent pas un acquit géné
ral de leurs créancie . s .
VI. Les affemblées primaires nommeront des
électeurs , en proportion du nombre des citoyens
actifs domiciliés dans la ville ou le canton .
( 187 )
Il fera nommé un électeur à raifon de cent
citoyens actifs préfens ou non à l'aſſemblée .
Il en fera nommé deux depuis 151 jufqu'à
250 , & ainfi de fuite .
VII. Nul ne pourra être nommé électeur
s'il ne réunit aux conditions néceffaires pour
être citoyen actif , celle de payer une contribution
directe de journées de travail ( 1 ) .
SECTION I I I.
Affemblées électorales . Nomination des repré-
Sentans.
Art. I. Les électeurs nommés en chaque département
le réuniront , pour élire le nombre
des repréfentans dont la nomination fera attribuée
(1) Les comités de conftitution & de réviñon
ont penfé que , pour conferver la pureté de la repréſentation
nationale , qui , dans notre conftitu
tion , eft la première bale de la liberté , il impor
toit d'affurer , autant qu'il eft poffible , l'indépen
dance & les lumières dans les affemblées électorales
, & de ne mettre enfuite aucune borne à
leur confiance & à la liberté des choix qu'elles
font chargées de faire 3 en conféquence , ils propofent
à l'Affemblée de fupprimer la condition du
marc d'argent attachée à l'égibilité des membres du
corps légiflatif, & d'augmenter la contributionexigée
pour les électeurs .
fl eft bien entendu que les corps électoraux fe
trouvant formés avant la préſente difpofition , ces
changemeus ne feroient point applicables aux
choix de la prochaine législature .
( 188 )
à leur département , & un nombre de fuppléans
égal au tiers de celui des repréfentans .
II. Les repréfentans & les fuppléans feront
élus à la pluralité abfolue des ,fuffiages.
III . Tous les citoyens actifs , quels que foient
leur état , profeffion ou contribution , pourront
être choifis pour repréſentans de la nation .
IV. Seront néanmoins obligés d'opter , les
miniftres , & les autres agens du pouvoir exécutif,
révocables à volonté , les commiffaires de la
trésorerie nationale , les percepteurs & receveurs
des contributions directes , les prépofés à la perception
& à la régie des contributions indirectes
, & ceux qui , fous quelque dénomination que
ce foit , fort attachés à des emplois de la maiſon
dom ftique du Roi.
V. L'exercice des fonctions municipales , adminiftratives
, & judiciaires fera incompatible
ahinelle de repréfentant de la nation , pendant
e la durée de la légiflature .
VI. Les membres du corps légiflatifpourront
être réélus a 11 légfuivante , & ne peurront
l'être enfuite qu'après un intervalle de deux
années (1).
VII. Les repréfentans nommés dans les départemens
, ne feront pas repréfentans d'un département
particulier , mais de la nation entière :
& la liberté de leurs opinions ne pourra être
gênée par aucun mandat , foit des affemblées
primaires , foit des électeurs.
(1 ) Les comités de conftitution & de révifion
regardent la limitation contenue dans cet article
comme contraire à la liberte , & nuiſible à l'intérêt
national.
( 189 )
S
SECT ON IV.
Tenue & régime des affemblies primaires &
électorales.
Art. I. Les fonctions des affemblées primaires
& électorales fe bornent à élire ; elles fe fépareront
aufli-tôt après les élections faites , & ne
pourront le former de nouveau que lorfqu'elles
Iroat convoquées .
II. Nul citoyen actif ne peut entrer ni donner
fon fuffrage dans une affemblée , s'il eft armé ou
vêtu d'un uniforme , à moins qu'il ne foit de fervice
; auquel cas , il pourra voter en uniforme ,
Imais fans armes .
III. La force armée ne pourra être introduite
dans l'intérieur , fans le voeu exprès de l'affemblée ,
fi ce n'est qu'on y commît des violences ; auquel
cas , l'ordre du préfident fuffira pour appeller la
force publique.
IV. Tous les deux ans il fera dreffé dans chaque
diftrict , des liftes , par cantons , des citoyens
actifs , & la lifte de chaque canton y fera publiée
& affichée deux mois avant l'époque de l'affemblée
primaire .
Les réclamations qui pourront avoir lieu , foit
pour contefter la qualité des citoyens employés
fur la lifte , foit de la part de ceux qui fe prétendront
omis injuftement , feront portées aux tribunaux
, pour y être jugées fommairement.
La lifte fervira de règle pour l'admiffion des
citoyens dans la prochaine affemblée primaire , en
tout ce qui n'aura pas été rectifié par des jugemens
rendus avant la tenue de l'Affemblée .
V. Les affemblées électorales ont droit de
«vérifice la qualité & les pouvoirs de ceux qui s'y
( 190 )
prefenteront , & leurs décisions feront exécutées
provifoirement , fauf le jugement du corps légiflatif
, lors de la vérification des pouvoirs des députés
.
VI. Dans aucun cas , & fous aucun prétexte ,
le roi , ni aucun des agens nommés par lui , ne
pourront prendre connoiffance des queſtions relatives
à la régularité des convocations , à la tenue
des affemblées , à la forme des élections , ni aux´
droits politiques des citoyens .
La fuite au Journal prochain .
P.S. Par des avis certains , que nous venons
de recevoir à l'inftant du pays de Vaud , il
paroît indubitable que les réjouiffances du
14 Juillet , dans quelques villes de cette
contrée , avoient un tout autre but que de
s'enivrer en l'honneur de l'égalité , & de
fêter la Révolution Françoife ; ce qui au
fond n'emportoit que du ridicule , & rien
de repréhensible auffi le Gouvernement
n'avoit- il pas même fongé à y porter le
moindre obftacle ; mais les brouillons , falariés
de l'Etranger pour incendier la Suiffe,
ont découvert le brûlot . Les feftins commémoratoires
, auxquels ils avoient entraîné
quelques efprits foibles , ont été accompagnés
d'une grêle de libelles , de menaces
fanguinaires , d'outrages au Souverain qui,
depuis deux fiècles & demi , a verfé fur
cette contrée les bénédictions de la paix,
( 191 )
de la profpérité , de la liberté civile . Des
Ecrits atroces ont été difféminés à Berne
même : ' Arſenal de cette capitale , le plus
beau de toute la Suiffe , n'a pas été à l'abri
de tentatives incendiaires , qui ont néceſfité
un redoublement de précautions.
Ces premiers effais des fcélérats , chargés
d'exécuter le plus grand des crinies , celui
de plonger un Peuple , heureux & libre ,
dans l'horreur de la guerre civile ,, pour lui
faire changer de domination , ont prefcrit
au Gouvernement & à la Suiſſe entière de
protéger efficacement contre ces deffeins
pervers , la liberté nationale , la tranquillité
publique, & les loix. Le Confeil Souverain
de Berne , convoqué fous ferment , a
donné un plein pouvoir civil & militaire
au Confeil fecret ( 1 ) . L'Hiftoire de la République
a offert très -rarement l'ufage de
cette eſpèce de Dictature. Trois Commiffaires
, MM. Fifcher , Haller & Friſching,
ont été envoyés dans le pays de Vaud ,
pour prendre connoiffance des derniers
excès, pour éclairer les complots , & en
( 1 ) Ce Confeil eft le Confeil d'Etat pour toutes
les affaires qui exigent le fecret. Il eſt composé
des quatre Bannerets & de deux Sénateurs dits
Secrets , fous la Préfidence de celui des deux
Avoyers alternatifs , hors de charge pendant
l'année courante.
( 192 )
pourfuivre les auteurs : quelques - uns des
Démosthènes de cabaret , employés par
ceux- ci , ont déjà pris la fuite. On lève
deux mille Volontaires dans les Conimunes
du pays , qui ont porté au Gouvernement
l'affurance de leur fidélité , & l'offre de
leur fecours. En outre , trois mille Suiffes
Allemands vont camper près de Berne , &
trois mille autres fe tiendront prêts à marcher
au premier befoin . Ces mefures , louables
& néceffaires , fuffiront à garantir le
Peuple & le Gouvernement contre les atten
tats de quelques boute-feux , dont la punition
ou la fuite raffermira folidement la
tranquillité publique , & remplira les voeux
de tous les Patriotes.
A
"
1
MERCURE
HISTORIQUE
ET
POLITIQUE.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 30 Juillet 1791 .
ArL'INSTANT même où l'on croit avoir des
preuves que la paix du Nord ne fera point
troublée , des mouvemens , des préparatifs
femblent annoncer de la part des Puiffances
mécontentes le befoin de le mettre dans un
état refpectable de défenfe , ou l'intention
de préparer une attaque puiffante & fimultanée.
L'armement des galères Ruffes eft
fur les côtes de Finlande avec une armée de
débarquement.Le Prince de Naffau s'y rend,
dit-on, par terre , pour en prendre le commandement.
La Suède conferve fa flotte &
tout l'appareil de guerre qu'elle avoit ordonné
à Copenhague , les ordres ont été
donnés pour un armement de fix vaiffeaux-
No. 34. 20 Août 1791 .
I
A
( 194 )
de ligne & de plufieurs frégates ; enfin ,
malgré les divers bruits fur l'armement
Britannique on fait que la flotte eft tou- .
jours complette , & peut faire voile au
premier moment. Il eft difficile de croire
que cette fimultanéité de préparatifs ne
tienne pas à quelqu'enfemble , fi ce n'eſt à
quelque motif fecret d'attaque & d'hoftilités
refpectives entre ceux qui les font ;
ce qu'on ne peut accorder avec le befoin
de la paix & les motifs puiffans de la conferver
que doivent avoir les Etats de l'Europe
aujourd'hui. :
De Vienne , le 30 Juillet.
Pendant que le Prince de Repnin battoit
les Turcs vers le Danube , le Général
Gudowicz leur enlevoit la fortereffe d'Anapa
& près de quatorze mille perfonnes ,
tant troupes qu'habitans qui s'y trouvoient ;
il a de plus fait prifonnier Muftapha , Pacha
à trois queues , fils de Batal , Pacha , & le
fameux Scheik Manfur , qui jouoit le rôle
de Prophète.
Les Ruffes ont trouvé dans cette fortereffe
une foixantaine de pièces de canons ,
des bombes & autres munitions. Les Turcs
ont perdu beaucoup de monde , fuite néceffaire
de la réfiftance opiniâtre avec laquelle
ils fe font défendus .
La conquête d'Anapa eft importante ; cette
(
195 1
1
place eft fituée fur la mer Noire frontières
du Cuban & de la Crimée ; elle n'eſt pas
grande , mais bien fortifiée & fa poſition :
eft très avantageufe. Les Turcs y avoient
un magafin de vivres & un entrepôt de
bois de conftruction ; fa population,y compris
le militaire , s'élevoit à 20,000 ames .
La poffefion de cette place affure aux
Ruffes celle de la Crimée & du Cuban
& les met à portée d'inquiéter toutes les
places fituées fur la côte méridionale de la
mer Noire jufqu'à Conftantinople . Auffi
les Journalistes ont-ils déja publié un plan.
de la priſe de cette Capitale de l'Empire
Ottoman ; déja les flottes Ruffes & les
armées de terre font en marche ſuivant eux
pour en effectuer la conquête , & fi l'on
les en croit , bientôt l'on apprendra cette
intéreffante nouvelle.
De Francfort-fur- le-Mein , le 6 août.
Tout eft aujourd'hui dans une forte de
ftagnation politique ; on femble voir que
pour que le mouvement qu'on appercevoit
il y a deux mois renaiffe , il faut que quelques
combinaiſons profondes aient pris
de la direction & de la folidité. Ce qui
fur tout fait naître cette réflexion eft l'état
des délibérations de Ratisbonne & des
difpofitions de l'Empire dans l'affaire des
Princes poffeffionnés en France . Cette
I 2
( 196 )
grande querelle qui par fes liaifons tient au
droit politique de toute l'Europe , & par
la manière dont elle fera terminée à la
tranquillité refpective des Etats cette
grande querelle ne femble point fuivie
avec l'intérêt que fon importance & la
fituation des chofes exigent. Les petits
Princes & Etats de l'Empire qui font le
grand nombre , ont befoin pour tirer leurs
droits du néant , du fecours des grandes
Puiffances , & celles - ci ne paroiffent point
avoir pris un parti décidé : fans elles cependant
l'on ne peut riem , & sûrement elles
n'agiront qu'avec une grande prudence ,
c'eft-à-dire , lorfqu'elles fe feront affurées
des moyens de fuccès & de cette réciprocité
de fecours qui ne doit jamais être
problématique dans une grande entrepriſe.
En attendant que les chofes en foientlà
, les fuffrages que l'Autriche & la Pruffe
ont manifeftés à la Diète , annoncent des
difpofitions conciliatoires , ou plutôt un
fyftême réfléchi de laiffer mûrir les moyens
& les idées , en refufant d'ouvrir une opinion
péremptoire avant le temps. C'eſt ce
confirme l'énoncé de leur voeu :
celui de l'Autriche porte en fubftance :
« Que la première démarche que l'Empire
raffemblé fous fon Chef fera , pour
prouver publiquement l'intérêt qu'il prend
à cette affaire , fera de prier fa Majeſté Impériale
de faire enforte par des repréſentaque
( 197 )
tions férieufes & preffantes que la France
fe prête à des mefures plus équitables ; que
l'Autriche ne veut point déguifer fon voeu
' de voir , eu égard à plufieurs confidérations
importantes qui n'échapperont point
à la pénétration des illuftres Etats , cette
affaire terminée au plutôt par la voie amicale
, à la fatisfaction univerfelle . »
Le fuffrage du Roi de Pruffe , comme
Prince de Magdebourg , n'eft pas moins
mefuré : «< Sa Majefté, y eft- il dit , eft d'avis
qu'avant de pouvoir fe déterminer à des
réfolutions ultérieures , & nonobftant la
réponſe peu fatisfaifante de la France , l'on
doit pourfuivre toujours la voie des repréfentations
& d'une négociation amicale ,
& prier en conféquence Sa Majefté Impériale
, de la part de l'Empire , d'employer
fes bons offices & fes repréfentations près
de la Cour de France , & d'informer les
Etats Germaniques affemblés de l'effet que
fes inftances auront eu , afin que ceux - ci
puiffent prendre alors les melures qu'ils
jugeront ultérieurement convenables . ">>
Mais ces ménagemens , ainfi que d'autres
que quelques Membres de la Diète Germanique
ont cru devoir marquer pour la
France , ne font point l'effet de la peur , de
l'impuiffance & de la foibleffe , comme on le
dit avec affectation & mépris dans prefque
tous les Journaux révolutionnaires françois
; ils font l'effet de la prudence & du
1
I 3
( 198 )
caractère réfléchi d'une nation puiffante &
modérée ; tout ce que l'orgueil françois
pourroit dire à cet égard , courroit
rifque d'être démenti par l'évènement , fi
la guerre éclatoit malheureufement entre
les deux nations.
Quoiqu'aucune Gazette officielle n'ait
annoncé la nouvelle fuivante , on peut la
regarder comme fondée en motifs , &
comme un apperçu de l'opinion de la Cour
de Vienne relativement à la captivité du
Roi de France & de fa famille , l'on peut
ajouter qu'il n'y a pas , nous ne dirons
point de Monarque , mais d'Etat , de
Peuple , qui ne partagent le fentiment du
Cabinet Impérial & de l'Empire à cet
égard.
Sa Majefté Impériale avoit arrêté que
le
Dimanche 24 , il y auroit après le fervice
divin , un Cercle à la Cour où se trouveroient
les Ambaffadeurs & Miniftres étrangers.
La veille M. le Prince de Kaunitz
déclara à M. de Noailles , Ambaffadeur de
"France à la Cour de Vienne , en préfence
de plufieurs Miniftres étrangers , que , dèsà-
préfent , & tant que le Roi de France
ne fera point tra té avec les égards qui Turi
conviennent & réintégré dans les juftes
droits de fa Couronne , il ne fera plus regardé
comme Ambaffadeur de France , &
que par conféquent il ne pourra plus fe
( 199 )
préfenter en cette qualité au Cercle ordinaire
de la Cour.
On fe rappelle que le Duc de Wirtemberg
avoit rappellé fon Miniftre à la Diète de
Ratisbonne , avant même que fe fit l'ouverture
du protocole des fuffrages . Cette
conduite de la part de ce Prince de l'Empire
avoit donné lieu à une foule de conjectures
, qui toutes avoient pour but
d'établir qu'il refufoit de fe joindre aux
autres Princes qui réclament pour leurs
droits & poffeffions en Alface ; mais l'on
vient d'apprendre que le Miniftre Comitial
de Wirtemberg eft de retour de Stutgard
à Ratisbonne ; qu'il eft chargé par fa Cour
de donner fon avis au protocole , & l'on
ajoute qu'il eft conforme à la déciſion
pille par les autres Princes. Le Due &
la Duchefle de Wirtemberg font partis de
Stutgard pour fe rendre à Vienne.
On a dû trouver étrange qu'un Prince
Souverain , le Margrave d'Anfpach , qui
regnoit fur un pays fertile & connu par
la douceur de fes Habitans , ait en quelque
forte abdiqué , & remis entre les mains du
Ministère Pruffien le gouvernement de fes
Etats , la difpofition & l'emploi des revenus
de fa Souveraineté. Ce qu'il y a de
très - vrai , c'eft que ce Prince a accepté
qu'un Miniftre du Roi de Pruffe , le Baron
de Hartenberg , foit aujourd'hui chargé de
I 4
( 200 )
l'Adminiftration civile & militaire ' des
deux Principautés de Bareith & d'Anipach
& que s'il arrivoit qu'il eût befoin
de fecours , il s'adreffat à Sa Majefté
Pruffienne . Le Margrave voyage
avec la célèbre Miladi Craven , avec qui
ce Prince eft lié d'amitié depuis longtemps
.
On regarde , au refte , cette démarche
du Margrave comme un effet de la politique
Pruffienne , & fur cela l'on apprend
de Berlin qu'il y a un projet qui fe négocie
, & dont on hâte l'exécution . On
affure que M. de Bifchofwerder fait entrer
dans le plan qu'il a préfenté à l'Empereur
des projets d'échanges , & entre autres celui
de la Luface qu'on avoit déjà propofé
pour la fucceffion de la Bavière , & que
la réfignation que fait dans ce moment le
Margrave eft un préliminaire à cet arrangement
que l'on préfente comme utile à
l'affermiffement & à l'arrondiffement de la
Pruffe & de la Maifon d'Autriche . Quelle
que foit l'opinion que l'on peut prendre
de cette conjecture , il n'en eft pas moins
vrai qu'une démarche auffi extraordinaire
que celle du Margrave d'Anfpach , Prince
agé de 55 ans , doit être le réfultat de
quelques combinaifons particulières & inconnues.
( 201 )
FRANCE.
De Paris , le 3 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du famedi 6 août , féance du foir.
On a lu diverfes adreffes portant adhéſion au
décret du 15 juillet ; quelques -unes condamnoient
légiflativement ce qu'on perfifte à nommer la
proteftation des 290 , quoique ce ne foit qu'une
déclaration , & qu'elle ait actuellement 315
fignatures .
Ces lectures oifeufes , fi elles ne peignoient
l'intrigue , puifque ceux qui les écrivent ne font
pas les organes légaux des voeux du peuple ,
nous font regretter de n'avoir pas donné connoiffance
à nos lecteurs d'une « adreffe du directoire
du département du Bas -Rhin , réuni au
directoire de diftrict de Strasbourg & au confeilgénéral
de ladite ville , à l'Affemblée nationale ;
de Strasbourg , le 21 juillet 1791. » Il fuffira
des principaux traits . M. Brunk , préfident ; M.
Diétrick , maire, & 24 autres fignataires , s'y expriment
en ces termes :
Lorfque vous avez établi cette conftitution
(monarchique ) , ' vous avez jugé votre fiècle",
& apprécié la morale & les habitudes d'hommes
nés & élevés fous le joug du defpotifme ; & cu
ne pouvant fouftraire le préfent à l'influence du
paflé , vous avez cru ne pouvoir appliquer au
pouvoir exécutif les formes républicaines. Tous
les efprits ne font pas également frappés de
l'impoffibilité abfolue de les établir parmi nous ;
mais vous avez penfé que n'étant pas appellé
pour donner le meilleurfyftême que l'efprit humain
1
Is
( 202 )
pût concevoir, mais pour ordonner ce qui étoit
Fraticable fur-le-champ , l'homme d'état devoit
prévaloir fur le philofophe, & vous avez décrété
la monarchie héréditaire dans la maiſon des
Bourbons... La loi que l'indignation publique
réclamoit n'exiftoit pas encore au moment du délit.
C'eft par le feul fait de l'inexiftence de la loi
que le Roi étoit inaccufable & impuniffable...
Votre décret a excité des attroupemens ... N'étoitce
pas affez d'avoir à détourner nos regards des
emportemens d'une cour atroce & perfide ? Faut- il
qu'ils rencontrent les égaremens d'un peuple
aveuglé ? veut-il faire oublier le crime dont il
pourfuit la vengeance , par le crime même de fa
pourfuite N'eft-il pas affez de rébelles parmi
nous , & faut il que le peuple auffi ait des reproches
à fe faire ? » C'eft ainfi que ces adminiftrateurs
amis de la paix & des loix endoctrinent
le peuple , le portent à bénir le monarque
& à refpecter la monarchie décrétée par l'Àffemblée
nationale .
Allant au même but par une autre route ,
le directoire de l'Ain prie l'Affemblée de l'au orifer
à prendre , à l'égard des prêtres réfractaires,
les mefures qu'elle a permifes aux départemens
du Haut & du Bas-Rhin . Il défigne fa ville de
Château - Thierry pour le lieu où il fe propofe
de réunir les curés & les vicaires non-jureurs &
la ville de la Fère pour les religieux & les chanoines.
Ces mefures font févères , ajoute- t- il; mais les
circonftances en impofent la loi. Un membre
a demandé le renvci au comité ecclésiastique ;
mais M. Grégoire , fe reffouvenant fans doute
qu'on avoit hautement attribué toutes ces incul
pations vagues , toutes ces déportations extrajudiciaires
aux prêtres jureurs , a déclaré que le
( 203 )
comité eccléfiaftique ne fe mêleroit plus de ces
foites d'affaires. L'Affemblée a renvoyé la pétition
du directoire aux comités de conftitution ,
de jurifprudence , des rapports & des recherches .
Les municipaux de Metz atteftent le civifme
du régiment de Reinach, fuiffe, & fa docilité à
recevoir des affignats de 5 liv . Sous l'ancien régime ,
les troupes de l'gne auroient cru leur honneur
com romis , fi l'on avoit imaginé qu'elles euffent
befoin d'un certificat de municipalité . M. Merlin
dont cette atteftation démentoit les nouvelles ,
s'eft permis d'autres inculpations encore contre
tous les régimens Suiffes , & n'a pas héfité d'annoncer
qu'on ne pouvoir plus compter fur eux
files capitulations n'étoient renouvellées . Il veut
que le comité diplomatique en faffe le rapport
fous trois jours . M. Rewbell a obfervé qu'il
falloit atter dre que le pouvoir exécutif fût en
pleine vigueur ; & il a ajouté que « M. de
Vrac , patriote qui n'eft pas chaud , quitte la
Su ffe. » On a r , & M. Merlin a retiré fa
motion.
Enfin , après un dernier rapport des troubles,
proces & dénonciations relatifs à l'affaire de Brie-
Comte Robert, M. Muguet a fait adopter le décret
fuivant :
« L'Aſſemblée nationale , après avoir our fon
comité des rapports fur la dénonciation qui a été
faite par quelques citoyens deBrie- Comte- Robert ,
décrète qu'elle approuve la conduite des membres
compofant le directoire du département de Seine
& Marne , & des détachemens du Hainaut , en
quarrier à Bije ; déclare au furplus qu'il n'y
a lieu à délibérer fur les pétitions des citoyens de
Brie. >>
Les commiffaires médiarcurs envoyés dans le
1
16
( 204 )
+
Comtat Venaiffin , y font mouvoir , à grands
frais , les gardes nationales du voisinage , & dérangent
par- là le fyftême de défenſe des départemens.
M. Vouland a obtenu que les comités diplomatique
& d'Avignon rendront compte après
demain d'une miffion fi extraordinaire .
Du dimanche, 7 août.
De l'air dont il eût proclamé la ceſſation du
déficit , celle de l'anarchie , le falut de l'Etat ,
M. d'André a annoncé que le lendemain , lundi,
on diftribueroit des fo's en échange d'affignats
dans les 48 fections de Paris , mardi des pièces
de Is
& de 30 fols , & mercredi des fols de métal
des cloches . Ces nouvelles ont été applaudies avec
des tranfports qui exprimoient notre profonde
mifère.
M. Anfon a dit que les rôles de la contribution
foncière de Paris feront en recouvrement
pour 1791 , le 10 de ce mois , ceux de la contribution
mobiliaire le 18 ; que déjà plufieurs départemens
du royaume , qu'il n'a pas nommés ,
avoient fait leur répartition. Les battemens de
maius ont recommencé comme pour un prodige.
Une lettre du maire de Paris a informé l'Affemblée
que le drapeau rouge venoit d'être remplacé
par le drapeau blanc à l'une des fenêtres
de l'hôtel-de- ville ; que le calme étoit rétabli , fi
non bien affuré , mais que la police furveille
toujours de près les ennemis de la chofe pu
blique .
Le miniftre de la guerre demande humblement ,
& obtient la permiflion de faire paffer à la diftance
de moins de 30,000 toifes de l'Affemblée ;
deux efcadrons du quatorzième régiment de dragons
, allant de Vendôme à Valenciennes , lė
cinquième de dragons , allant d'Ancénis à Condé ,
( 205 )
こ
W
i
FC
1
& le dixième de cavalerie , allant d'Angers à
Béthune
Ne trouvant pas encore les miniftres affez
fouples , M. Babey a demandé qu'ils fuffent tenus
de donner à l'Affemblée des explications plus
promptes & par écrit , de l'avertir de tous les
dangers , de ne pas fe borner à une apparence
de civilme préparée dans le mystère du cabinet ,
propre à en impofer aux citoyens de bonne foi ,
enfin , de l'informer de tout , jour par jour ;
heure par heure , fous peine d'être « refponfables
de leur inactivité comme d'une activité vraiment
criminelle. Cette mefure , qui ne laiffe aucune
proportion entre les délits & les peines , en affimilant
la négligence au crime prémédité , a été
renvoyée au comité de conftitution .
On a plutôt difcouru que délibéré fur quelques
articles du code rural , les ruches , les vers à
foie , les troupeaux. De nouvelles réflexions fur
les fources , les ruiffeaux , les fontaines , ont
porté l'Affemblée à fufpendre l'effet d'un article
déjà décrété . Dans un autre , M. Goupilleau
vouloit qu'on mît : un ufage valable & non
contefté ; mais M. Lanjuinais obfervoit que cet
amendement jetteroit les légiflateurs dans des
difficultés interminables , & qu'il falloit fe contenter
d'ufage , valable ou non. Si M. Hurat n'y avoit
fubftitué un titre & une poffeffion autorisée fur
les coutumes & les loix , le defir de fimplifier
Fouvrage des législateurs auroit jetté le germe
de milliers de procès parmi les adminiftrés .
Du lundi, 8 Août,
L'ordre du jour appelloit la révifion de l'acte
conftitutionnel. M. Thouret a dit que ce n'étoit
point du fonds des loix que l'on devoit s'occuper
mais du plan adopté par les comités pour la claffification
des matières . « Il eût été poffible , a(
206 )
til ajouté , de n'y faire entrer que la divifion
& l'organiſation des pouvoirs publics ; mais vous
n'avez point fait une conftitution pour un peuple
nouveau qui viendroit habiter une terre vierge;
nous avons penſé que la déclaration des droits de
l'homme devoit précéder l'implantation de la
liberté dans un pays ; qu'après cette déclaration
il falloit placer la garantie formelle de ces droits . »
Alors il a parcouru fucceffivement tous les titres
du plan ou projet de charte conftitutionnelle ,
en foutenant que c'étoit l'ordre le plus clair &
le plus méthodique , affertion qui ne paroîtra pas
indubitable à 25 millions d'intéreflés , puifqu'on
n'en eft pas tombé d'accord dans l'Aſſemblée na
tionale même,
Perfuadé que l'on ne pouvoit délibérer fur
l'admiffion de la totalité du plan propofé , fans.
donner fon opinion fur la conftitution elle-même
réduite aux formes de ce plan , M. Malouet a
prononcé un difcours qui fuffiroit au fuccès comme
à la gloire du véritable homme d'état fi les temps
d'anarchie étoient l'époque de la juftice & de la
saifon. Le voici tel qu'il l'auroit achevé fi quel.
qu'un n'eût trouvé plus facile de l'interrompre
que de le combattre , ou n'avoit cru le réfuter
en lui coupant la parole :
« Je commence par déclarer que fi la conſti
tution peut tenir ce qu'elle promet , elle n'aura
pas de plus zélé partifan que moi ; car , après la
vertu , je ne connois rien au-deffus de la liberté
& de l'égalité. »
« Mais quand j'examine la déclaration des
droits & ce qu'elle a produit , j'y vois une
fource d'erreurs délaftreufes pour le coinmug
des hommes , qui ne doit connoître la fouve
raineté que pour lui obéir , & qui ne peur prétendre
à l'égalité que devant la loi ; car la nature
( 207 )
my ---
ne partage pas également tous les hommes , &
la fociété , l'éducation , l'induftrie accroiflent &
multiplient les différences. Je vois donc les
hommes fimples & groffiers dangereufement égarés
par cette déclaration à laquelle vous dérogez
immédiatement par votre conftitution , puifque
vous avez cru devoir reconnoître & conftater
des inégalités de droits.
« Forcés à une première exception , je ne penſe
pas que , pour le bonheur commun , la liberté
& la sûreté de tous , vous lui ayez donné l'extenfion
qu'elle doit avoir . Nous n'avons aucune
garantie dans les annaks du monde , aucun
exemple du changement que vous opérez par
l'égalité des conditions . La différence ineffaç bie
de celle du riche à celle du pauvre ne femblet-
elle pas devoir être balancée par d'autres modifications
? Cette différence avoit peut-être , plus
1 que les chimères de la vanité , motivé les anciennes
inſtitutions ; nous voyons que les légis
lateurs anciens , qui ont prefque tous été de
vrais fages , ont reconr u la néceffité d'une échelle
de fubordination-morale d'une claffe , d'une profeffion
à une autre ; fi cependant , en croyant
n'attaquer que les ufurpations de l'orgueil & du
pouvoir , vous porticz la hache fur les racines de
la propriété , de la fociabilité , fi ceux auquels la
libe.té ne fuffit pas , s'enivrent de leur indérendance
, quelle autorité de répreffion ne faut rat-
il pas aux magiftrats & aux loix pour maintenir
l'ordre dans cette multitude iminenfe de
nouveaux pairs » ?
« C'est donc dans les pouvoirs délégués , c'eft
dans leur diftribution , leur force , leur indépendance
, leur équilibre , qu'il faut chercher la
garantic des droits naturels & civils que vous
( 208 )
affurez , par le premier titre , à tous les citoyens .
J'aime à le répéter , ces difpofitions fondamentales
ne laillent rien à defirer , chacun , en les
lifant , doit fe dire : voilà mon voeu bien exprimé
; comment ſera- t-il éxaucé » ?
L'expérience fous prouve qu'un droit rèconnu
n'eft rien , s'il n'eft pas mis fous la garde
d'une protection efficace , »
« Une feconde leçon de l'expérience & de la
raifon , c'eft que la plus grande extenſion de la
liberté politique eft infiniment moins précieuſe
& moins utile aux hommes que la sûreté & la
libre difpofition de leurs perfonnes & de leurs
propriétés . C'eft-là le bien folide , le bonheur
de tous les inftans & le but principal de toute
affociation . »
ce Il réfulté de ces deux vérités qu'un gouvernement
ne peut être confidéré comme parfaitement
libre , fage & ftable , qu'autant qu'il
eft combiné , non fur la plus grande liberté
politique , mais fur la plus grande sûreté &
liberté des perfonnes & des propriétés.
ן כ
« Or , quel a été votre premier objet dans l'organiſation
& la diftribution des pouvoirs , la plus
grande extenfion poffible de la liberté politique ,
fauf à y attacher , ce qui eft prefque inconci
liable, la plus grande sûreté poffible des perſonnes &
des propriétés. »
сс
ec Vous avez voulu , par une marche rétrograde
de vingt fiècles , rapprocher intimement le
peuple de la fouveraineté , & vous lui en donnez
continuellement la tentation , fans lui en confier
immédiatement l'exercice . »
сс
«Je ne crois pas cette vue faine , ce fut la
première qui fe développa dans l'enfance des inftitutions
. politiques & dans les petites démocra
( 209 )
CC
ties ; mais à mefure que les lumières fe font perfectionnées
vous avez vu tous les légiflatours
& les politiques célèbres féparer l'exercice de la
fouveraineté de fon principe , de telle manière
que le peuple qui en produit les élémens ne les
retrouve plus que dans une repréſentation fenfible
& impofante qui lui imprime l'obéiffance . »
Si , donc vous vous bornicz à dire que le
príncipe de la fouveraincté eft dans le peuple ,
ce feroit une idée jufte qu'il faudroit encore
fe bâter de fixer en déléguant l'exercice de la
fouveraineté ; mais en difant que la fouveraincté
appartient au peuple , & en ne déléguant que des
pouvoirs , l'énonciation du principe eft aufli
fauffe que dangereufe . Elle eft fauffe , car le
peuple , en corps , dans fes affemblées primaires ,
ne peut rien faifir de ce que vous déclarez lui
appartenir vous lui défendez même de
bérer ; elle eft dangereufe
, car il eft difficile
de tenir dans la condition
de fujet , celui auquel
Vous ne ceffez de dire : tu es fouverain
; ainfi
dans l'impétuofité
de fes paffions , il s'emparera
toujours
du principe
en rejettant
vos conféquences
. >>
« Tel eft donc le premier vice de votre conftitution
, d'avoir placé la fouveraineté en abftraction
; par-là vous affoibliffez les pouvoirs
fuprêmes , qui ne font cfficaces , qu'autant
qu'ils font liés à une repréſentation fenfible &
-continue de la fouveraineté , & qui , par la dépendance
où vous les avez mis , d'une abſtraction
prennent en réalité dans l'opinion du peuple , un
caractère fubalterne . Cette combinaiſon nouvelle
qui paroît à ſon avantage , eft toute à fon détriment
, car elle le trompe dans fes prétentions
& les devoirs , & dans ce genre les écarts de
( 2109)
la multitude font bien redoutables pour la liberté
& la fûreté individuelles. »
« Il n'en feroit pas de même fi voulant conftituer
une monarchie , après avoir reconnu le
principe de la fouveraineté , vous en déléguiez
formellement l'exercice au roi , & au corps é̟-
giflatif ; cette difpofition , je le déclare , me
paroît indifpenfable. »
сс
Après avoir défini la fouveraineté fans la
déléguer , & de manière à favorifer les erreurs
& les paffions de la multitude , le même danger fe
rencontre dans la définition de la loi , que l'on dit
être , d'après Rouffeau , l'expreffion de la volonté
générale. Mais Rouffeau dit auffi que cette vo-
Tonté générale eft intranfmiffible , qu'elle ne
peut être ni repréfentée ni fuppléée , il la fait
iéfulter de l'opinion immédiate de chaque citoyen
; & comme vous avez adopté un gouvernement
repréfentatif , le feul convenable à
une grande nation , comme les repréſentans ne
font liés par aucun mandat impératif , que les
aften blées primaires ne peuvent délibérer , il
réfulte de cette différence que la définition de
Rouffeau , jufte dans fon hypothèſe , eſt abſolument
fauffe dans la nôtre , & tend feulement
à égarer le peuple , à lui perfuader que la volonté
fait la loi , qu'il peut la commander , ce
qui produit , comme la première caufe , un affoiblitlement
fenfible du pouvoir législatif , en
élevant fans ceffe des volontés partielles & audacieuses
à la hauteur menaçante de la volonté
générale ; & je dis plus , même dans le fyftème
de Rouffent , la loi feroit mieux définie , l'expreffion
de la juftice & de la raifon publique ;
car la volonté générale peut être irjulte & paffionnée
, & la loi ne doit jamais l'être . Le ré(
211 )
}
cenfement de la volonté générale eft ſouvent
incertain & toujours difficile ; la manifeſtation
de la raifon publique s'annonce comme le foleil ,
par des flors de lumière. »
« L'abus de ces deux mots : fouveraineté du
peuple , volonté générale , a déjà exalté tant de
êtes , qu'il feroit bien cruel que la conftitution
rendît durable un tel délire . »
« Si les pouvoirs fuprêmes font , comme je
vous le démontre , altérés par leur définition , par
l'opinion qu'elle laiffe au peuple de fa fupériorité ,
als ne le font pas moins par leur organiſation.
Voici la fource de toutes les méprifes & de tous
les défordres d'un gouvernement qu'on veut
rendre trop populaire.
сс
גכ
Chaque homme ne s'unit au bien général
que par fa raifon , tandis que fes paffions l'en
éloignent, »>
Ainfi la fociété , comme collection d'individus
, eft foumife à deux impulfions divergentes
, dont l'une eft fouvent impétueuſe , &
Pautre trop fouvent fobie & incertine, as
Que doit faire une conftitution saiſonnable
pour affurer le bien général ? renforcer la plus
foible de ces impulfions , enchaîner l'autre. »
« Pour parvenir à ce but , il eſt évident
qu'il faut chercher les moyens là où ils fe
trouvent le plus naturellement , & éloigner les
obftacles. »
« Or , quelle eft la condition fociale dans
laquelle il le trouve le plus conftar ment une
habitude de volonté & de moyens tendans au
bien général ? C'est celle qui a le plus befoin
d'ordre & de protection , la condition de propriétaires
ceux-ci ont pour intétêt dominant
la confervation de leur état ; la volonté & l'ef(
212 )
pérance des autres , font de changer le leur.
ce Le gouvernement le mieux ordonné eft donc
celui dans lequel les propriétaires feuls influent ,
car ils ont comme les non- propriétaires , un
intérêt égal à la fûreté & à la liberté individuelle
, & ils ont de plus un intérêt éminent au
bon régime des propriétés .
>
ככ
Ils ne font pas la fociété toute entière ;
mais ils font le tronc & la racine qui doivent alimenter
& diriger les branches. »
CC
Ce ne peut donc être que par un abus
funefte des principes abftraits de la liberté politique
, & fans aucun profit , mais au contraire
au grand détriment du peuple , qu'on peut étendre
au-delà de la claffe des propriétaires , le droit
d'influence directe fur la chofe publique , car
alors la plus forte des impulfions qui met les
·L es en mouvement , celle des paffions , des
intérêts privés , agit toujours en grande maffe ,
tandis que le principe de direction le plus foible ,
celui qui tend au bien général , fe trouve réduit
tout- a - la- fois à une intériorité morale & phyfique.
», י כ כ
« Mais ce n'eft pas affez que la légiflation
d'un empire ne foit confiée qu'aux propriétaires
élus par le peuple. »ככ
« Les mêmes raifons qui féparent la difcuffion
& la confection des lois du tourbillon des paffions
& d'intérêts défordonnés dans lequel fe
meut la multitude , doivent appeller encore fur
les délibérations toutes les précautions quipeuvent
empêcher la précipitation & l'immaturité. »
cc Ainfi la délibération des loix dans une feule
chambre , préfente infiniment moins de sûreté
pour le peuple , & de moyens d'autorité pour la
loi , que fi elle fubiffoit deux examens fucceffits
( 213 )
par des hommes qui ont un efprit & des intérêts ,
non pas oppofés , inais différens . »
сс
« Je penfe donc que la conftitution du corps
législatif, en une feule affemblée , réduiſant à la
feule condition du marc d'argent , l'éligibilité
n'offre point une garantie fuffifante des droits narurels
& civils qu'elle déclare acquis aux citoyens . »,
« Trouverons -nous cette garantie dans un autre
pouvoir fuprême , celui de la royauté ; je ne le
penfe pas , car fon effence eft dénaturée
par le
mode de délégation , & par la définition dans
laquelle vous l'avez retranché . »
ce Le Roi eft le chef du pouvoir exécutif ,
fans l'exercer par lui - même . Je ne m'élève point
contre cette difpofition , la liberté ne peut être
maintenue fans la refponfabilité des agens , la
royauté n'existe plus fi le prince eft refponfable ;
ainfi le terme moyen étoit indifpenfable.
לכ
« Mais la royauté n'existe pas davantage en
la réduifant à la feule direction du pouvoir exécutif
dépendant , par fa refponfabilité , du pouvoir
légiflatif. »
cc La royauté , dans un état libre , ne pouvant
être utile que comme contre- poids d'un autre
pouvoir , doit en avoir un propre , indépendant ,
tel qu'il foit , fuffifant pour mettre obftacle
Bon -feulement aux erieurs , mais aux entrepriſes ,
aux ufurpations du corps légiflatif. Celui- ci ayant
continuellement dans fa main , par la refponfabilité
, les moyens de force que peut employer
le Monarque , il eft indifpenfable , pour conferver
l'équilibre des pouvoirs , que le Monarque
ait une puiffance morale une volonté fouveraine
qui réfifte en certains cas au corps législatif
, & qu'il foit ainfi partie intégrante de la
fouveraineté ; premier motifpour lui en imprimer
ડછોેનક
( 214 )
le caractère , car celui de chef du pouvoir exécutif
, convient également à un doge , un avoyer,
ou préfident des Etats- Unis . »
CC Quel eft donc l'attribut effentiel de la
royauté ? le feul qui la diftingue des hautes magiftratures
, c'eft cette indépendance de pouvoir
inhérent à la perfonne du Monarque , par lequel ,
non- feulement il fanctionne ou rejette les actes
du corps légiflatif , mais il ajourne ou diffout
une affemblée dont les entrepriſes violentes tendroient
à la fubverfion des principes conftitutifs. »
ce Le Roi étant dépouillé de cette autorité ,
quelle eft celle que vous lui avez laiffée pour
défendre la prérogative & fon indépendance ?
Il eft file de vous démontrer qu'il ne lui en
refte aucune. »
« Le veto fufpenfif eft un arme dont il ne
peut ufer fréquemment , fur-tout pour maintenir
une autorité contre laquelle toutes les autres
font habituellement dirigées par leur nature &
par l'appui de l'opinion populaire dont elles
émanent. »
CC« Cependant le corps législatif réuni en un
feul faifceau contre le trône tenant aux corps
adminiſtratifs par la furveillance & les accufa
tions , eft non-feulement le centre effectif de tous
les pouvoirs , mais peut s'emparer , quand il lui
plait , de tous les actes de l'adminiftration publique
, par les évocations & l'extenfion illimitée .
qu'il peut donner à la reſponſabilité , fans que
le Roi y mette obftacle.
« Il eft donc dans une dépendance effective
& continue de cette affemblée , qui s'eſt donnée
d'ailleurs conftitutionnellement une portion confidérable
du pouvoir exécutif , telle que l'orga
sifation détaillée de l'armée , celle de tous les
( 215 )
offices & emplois , la diftribution des honneurs
& des récompenfes , la difpofition des forces
militaires dans la réfidence du Roi , lorſque c'eſt
auffi celle de l'Affemblée . »
<< Comment trouver , dans cette diftribution ,
le balancement & l'équilibre des pouvoirs dont
vous avez eu l'intention ? & fi vous vous rappellez
que pour avoir donné un corps à deux
abſtractions , la fouveraineté du peuple & la
volonté générale , vous leur avez fubordonné ,
dans l'opinion , les pouvoirs fuprêmes ; vous
trouverez toutes les forces phyfiques & morales
réunies contre le trône , qui doit être indépendant
pour protéger efficacement vos droits , & tous
les pouvoirs expirans , en certains cas , devant
ceux qui doivent obéir . »
« La compofition & les fonctions des corps
adminiftratifs ajoutent à cette démonſtration . »
« La divifion du royaume en départemens ,
eft , fans doute , une bonne opération ; la répartition
, la perception de l'impôt par les délégués
du peuple , l'examen , la revifion de toutes les
dépenfes qui s'exécutent dans chaque département
, font encore dans les principes d'un bon
régime ; mais la partie active de l'adminiftration ,
celle qui exige une refponfabilité continue peutelle
être avec sûreté exercée collectivement par
les mêmes délégués ? n'appartient- elle pas toute
entière au pouvoir exécutif? »>
Le Roi a la furveillance de cette adminiftration
, peut en annuller les actes , en fufpendre
les agens ; mais comment feroit- il averti des
négligences , des prévarications ? Ces corps étran
gers à la couronne , où aucun de les agens ne
peut la repréfenter , font néecffairement les rivaux
de l'autorité royale , & tendront toujours , de
( 216 )
concert avec le peuple & le corps législatif , à
l'énerver. »
« La chatte , en n'affignant aucune fonction ,
précile aux municipalités , femble reconnoître le
danger de cette puiffance royale dont elles font
aujourd'hui invefties , & de leur infuffisance pour
l'exercer ; mais fi la conftitution ne guérit pas
ces deux plaies , qui pourra les guérir ? »
« Enfin , Meffieurs , fi à la fuite de tant d'entraves
mifes au pouvoir éxécutif & à la direction
centrale , fi après les mefures extraordinaires , .
récemment adoptées , & contre lesquelles je ne
ceffe de réclamer , je confidère les cas de déchéance
du trône , que vous avez décrétés , &
qu'aucun légiflateur avant vous n'avoit ainfi multipliés
& déterminés , je trouve que la royauté ,
dépouillée dans l'opinion & en réalité de tout ce
qu'elle avoit d'impofant , n'a plus les moyens
d'acquitter ce que vous lui demandez . »
« Je ne dis rien du nouvel ordre judiciaire ,'
le filence de la charte ſemble un aveu tacite de
fes inconvéniens. »
ec Mais l'organiſation & l'emploi de la force
publique préfentent de bien graves confidérations.
Voilà donc la nation toute entière conftituée en
armée permanente ; quel a pu être l'objet de
cette étrange & dangereufe innovation , qui
rappelle parmi nous les moeurs des germains
lorfque tant d'autres habitudes & d'inftitutions
les repouffent ? »
« Il étoit , fans doute , utile d'avoir une milice
non foldés proportionnée à l'armée de ligne ;
mais tous les citoyens actifs convertis en gardes .
nationales , l'ufage habituel des armes Téparé
d'une diſcipline févère , les fonctions , les travaux
militaires
( 217 )
S
militaires le mêlant à tous les actes , à toutes les
profeffions civiles ; je vois dans ces nouvelles'
difpofitions plus d'inquiétudes que de sûreté ,
plus , de mouvemens que d'harmonie , & une
perte immenfe de temps & de travail qui font
la feule propriété du pauvre . »
cc Quant à l'action & à la direction de la force
publique pour l'ordre intérieur , la condition
d'être , requis par les officiers municipaux , eft
une fage mefare ; mais la tranquillité publique ,
ne doit cependant pas dépendre de la complicité
de la foibleffe ou de la terreur des officiers du
peuple ; & le pouvoir exécutif , fous fa refponfabilité
, doit être autorité , comme en Angleterre
, à l'emploi de la force lorfqu'elle eft néceffaire
, »
ee Si des principaux points de la conftitution
je paffois aux détails & au claffement des objets ,
j'adopterois une autre méthode & plus de concifion
; car il eft des détails qui me paroiffent
inutiles . »
« Je termine ici mes obfervations , & je ne
me flatte pas de faire adopter les amendemens
qui en réſultent ; mais je ne faurois accorder
mon fuffrage à une conftitution contraire aux
principes que je viens d'expofer. J'y foumettrai
ma conduite en me rangeant déformais en filence
dans la claffe de ceux qui obéiffent . Je me borne
à demander , fi l'Affemblée ne juge pas à propos
de délibérer fur mes obfervations , qu'on accélère
les mesures qui doivent affurer la plus parfaite
liberté du Roi , & que la délibération fur
la charte conftitutionnelle fe termine par un
appel nominal . »
1.0
Se hêtant d'ar.êter ou de prévenir l'effet que
pouvoient produire des raifons de cette force
Nº. 34. 20 Août 1791 .
K
( 218 )
M. le Chapelier en a brufquement fufpendu le
cous , an paffage remarquable où l'orateur relevoit
la défaftreufe imprudence de déclarer le
peuple fouverain , tout en le retenant dans la
condition de fujet à qui l'on interdit jufqu'au
droit de délibérer dans fes affemblées primaires ;
& il ne prenoit la parole que pour répéter ce
qu'avoit dit M. Thouret , pour obferver qu'il
ne s'agiffoit que de l'ordre dans lequel on devoit
ranger les articles conftitutionnels , & non d'une
critique générale de la conftitution qu'il fappofoit
décrétée de manière que le moindre
changement n'étoit ni dans le pouvoir de l'Affemblée
, ni dans la volonté d'aucun de fes
membres.
Après de vains efforts pour reprendre fon opinion
, & voyant qu'il étoit décidé qu'on ne l'entendroit
pas « fi l'on ne veut pas m'entendre ,
a dit M. Malouet en fupprimant tout ce qu'il
la reftoit à dire , je me borne à déclarer que
je ne puis , comme mandataire du peuple , donner
mon fuffrage à une conftitution qui ne peut
faire fon bonheur ; & à demander à l'Affemblée
qu'elle veuille bien accélérer les mesures qui affureront
la liberté du Roi , & que la délibération
fur le charte fe termine par un appel nominal . »
MM . Buzot & de Saint- Fargeau ont appuyé
la propofition reftrictive de MM. Thouret & le
Chapelier; & M. d'Eprémefnil s'eſt d'abord attribué
les applaudiffemens du côté gauche, en rappellant
quel'ordre de la difcuffion étoit : la méthode
adoptée par les comités eft-elle bonne ? Chacun
des articles propofés eft- il conftitutionnel ? dernière
queition qu'on tenoit pour irrévocablement
décidée. Mais je crains bien , a -t-il ajouté ,
que l'on ne me retire ces applaudiffemens . N
( 219 )
1
好
voulant point profiter de l'ordre de la difcuffion ?
je déclare que nous nous regarderions comme
indignes de l'eftime des honnêtes gens , fi nous
ne perfiftions dans toutes les déclarations que
nous avons faites au fujet des entreprifes prati
quées depuis deux ans contre la religion , l'au-"
torité royale , les principes conftitutifs de la
monarchie & les propriétés » . Tous les membres
du côté droit fe font levés , & chacun d'eux a '
dit je le déclare .
"
•
Pour motiver l'immutabilité de la déclaration'
des droits , M. Thouret a obfervé qu'elle avoit
acquis un caractère religieux & facré , qu'elle'
étoit le fymbole de la foi publique , gravée fous
mille formes , affichée fur la cabane de l'habitant
des campagnes . M. Roederer n'y a vu qu'une
inexactitude de ftyle : les propriétés étant un
droit , pour la propriété. M. Dupont vouloit y
joindre un article renvoyé , dans le temps , aux
comités , portant que tout homme privé par une
infirmité ou par la vieilleffe des moyens de pourvoir
à ſa ſubſiſtance , a droit´aux ſecours de la
fociété. Il prétendoit que les mots confentir
les contributions , fentoient l'efclavage , le defpotifme
; que ce travail avoit été fait en tremblotant
, par de pauvres repréfentans des communes.
Le même membre vouloit encore que
cette déclaration des drcits unît la brièveté impériale
à la clarté philofophique & il foutenoit
qu'il y manquoit beaucoup de ces choſes - là .
Selon M. d'André , tout ce qu'on defire eft
dans la conftitution ; & il efpère qu'elle fera
aufi duzable , auffi inébranlable que la déclaration
. Confentir lui a paru l'équivalent de voter...
Toutes ces vues ont déterminé l'Affemblée
décréter qu'il ne feroit fait aucun changement à
K 2
( 220 )
la déclaration des droits ; & l'on eft paffé à
l'énumération des fuppreffions opérées d'après les
principes.
M. d'Harambure a dit qu'il devoit à fes commettans
de réclamer contre l'abolition de la nobleffe
, d'inviter l'Aſemblée à examiner dans fa
lageffe en quoi cette abolition peut contribuer
au bonheur du peuple , le but des voeux fincères
de l'opinant & de fes commettans . MM. de
Lufignan , de Croix & de Châtenay ont fait la
même déclaration tardive. C'est trop tard , leur
a- t - on crié du côté gauche où ils fiègent , nous
vous tenons .
сс
Au décret qui portoit : la loi ne reconnoit
plus de voeux monaftiques folemnels , on a fubftitué
dans l'acte celui - ci : la loi ne reconnoît
plus de voeux religieux , bien autrement grave
par fes conféquences relatives au célibat des
Prêtres , à l'indébilité du facerdoce , au mariage
confidéré comme facrement. « Pourquoi a- t- on
préféré cette nouvelle rédaction , a demandé M.
Camus parce que c'eft encore plus impie , a
répondu M. d'Eprémefnil ». -- La fuite de l'article
le rend encore plus digne de réflexion :
ni aucun autre engagement , y eft- il dit , qui fe-
Poit contraire au droit naturel ou à la conftitution ;
refte à favoir ce qu'on entendra par le droit
naturel de l'homme qui naît , vit & meurt libre
d'une liberté qui ne le fuppofe pas même le
vaffal de Dieu .
se Les citoyens , a dit M. Thouret , ne peuvent
être confidérés que fous leur rapport
d'homme à homme , nullement fous leur rapport
de l'homme à Dieu , fous les rapports de fimples
engagemens de la confcience. Ces objets ne font
( 221 )
-100
point du domaine de la loi civile , ni de là
conftitution des gouvernemens politiques . »
M. Loys alloit parler des engagemens qui ,
facrés jufqu'ici , peuvent paroître contraires aux
droits naturels ; de violentes rumeurs ont étouffé
cette indifcrétion inutile , & l'article a été mamtenu
dans toute la fécondité de fon équivoque .
4
M. Ræderer a fait ajouter à l'abolition des
preuves de robleffe , celle des diftinctions de
naiffance , pour attaquer plus sûrement ce qu'il a
nommé la maladie incurable , qu'il a tremblé de
voir fe reproduire fous un autre nom que celui de
nobleffe. M. Barnave defiroit que l'acte conftitutionnel
fupprimât les inégalités de partages faits
par la loi ; le flambeau de l'hiftoire les a montrés
à M. le Chapelier éteintes avec la féodalité . La
liberté de la preffe ne paroiffoit pas fuffifamment
garantie , à MM. Péthion & Buzor. M. Dumetz
a longuement infifté fur la fuppreflion du droit de
faire g ae. Défolé que les opinars n'euffent pas
communiqué leurs objections aux comités ,
Duport les a pries de s'y réunir ce foir , ſapropofition
a terminé la féance.
Du mardi , 9 août.
M. Fermont , procureur , a fait un rapport
fur l'organiſation de la juftice de la navigation .
Après quelques débats peu intéreffans , divers
articles ont été adoptés , & l'on eft paffé à la difcuffion
du titre I de l'acte conftitutioneel.
De la déclaration des droits qui , fuivant M.
Thouret , « doit fervir de règle à tous les gouvernemens
>> paffant à la conftitution Françoife , il a
dir qu'elle avoit pour garantie la conftitution ellemême
& les moyens qui en dérivent , ce qui n'eft
pas trop clair ; que les difficultés élevées la veille
K
3
( 222 )
ent éré applanics au comité où MM. Buzot & Péshion
s'étoient rendus ; que le droit de faire grace
& la liberté de la preffe feront traités lorfqu'il
s'agira des fonctions judiciaires .
Revenant à la charge , M. Reederer vouloit
que le droit de faire grace für expreffément ôté
au Roi. M. le Chapelier établiffoit que ce droit
feroit beaucoup mieux placé « dans le juré que
dans le Roi qu'il y auroit de la fageffe à
s'en remettre aux lumières & au patriɔtifme des
légiatures à l'égard d'une inftitution qu'on n'avoit
point éprouvée ; mais que pour ne pas ia
livrer à la né.effité d'une convention , extrémité
toujours dangereufe , il faudroit en traiter dans
Fendroit convenable.
M. Dupont a vu dans le premier paragraphe
tis médailles de nobleff ; il a dit que c'étoit un
nuvais principe d'éducation que de répéter aux
enfans : n'ayez pas peur des revenans ; qu'après
avoir décrété l'égalité des hommes , des impôts,
des peines , il étoit ridicule de fa re an article conf
titutionnel exclufif de toute diſtinction abolie :
né tremblez donc pas devant les spectres que
vous avez détruits ». Les trois médailles , les
speares , les revenans n'ont pas difparu pour
cela , l'on s'eft encore occupé de la liberté de
la preffe en attendant qu'il en foit de nouveau
queftion lorsqu'on differtera fur l'ordre judiciaire.
A la liberté de parler , d'écrire , d'imprimer, M.
Chabroud a fait ajouter celle de publier. Le cours
aflez irrégulier de la difcuffion a ramené vingt
fois les prétendus moyens d'empêcher que les
I'gifltures ne puiffent attaquer les droits confacrés
par la conftitution ; car enfic elle garantit
éminemment les droits de l'homme & du citoyen ,
( 223 ).
1
mais il faut , difoit - on , quelque chofe qui la gatantiffe.
•
L'un craignoit les attaques directes , l'autre
les extenfioas imprefcriptibles d'autorité. « Affurément
, reprenoit un troifième , il n'y a pas de
égiflature qui ofe fe permettre de détruire ce que
la conftitution garantit ; le leur défendre , c'eſt
détruire l'énergie de la conftitution ... I faut une
garantie générale de tous les articles conftitutionnels
difoit M. Démeunier » . Plufieurs auroient
defiré une garantie fféciale pour chaque article .
Si vous ne prefcrivez que des formes legillatives ,
objectoir , en fubftance , M. Duport , vos fucceffeurs
pourront , fans ceffer de les fuivre , infulter
aux droits de l'homme au point même de
foumettre la preffe à des cenfeurs par un décret
duemeut fanctionné ... On a fermé la difcuffion ,
& quelques lignes de M. le Chapelier fout devenues
le rempart qui doit protéger l'oeuvre de l'Af
femblée conftituante.
-
›
On lit le dernier paragraphe du titre premier.
« Par les biens deftinés à des fervices d'ut
lité publique , entendroit on les objets d'utilité
pour une ville , pour un canton a demandé
M. Thévenot ? Cette queftion a réduit
M. Thouret à laiffer échapper une grande vérité :
& nous entendons toujours , a-t- il dit , dans la
conftitution , par utilité publique , ce qui eft
général ; car ce qui n'eft que communal n'eft
pas public, de telle forte que les commune ne
doivent être confidérées que comme individus &
non pas comme chofe publique appartenant à l'organifation
générale . »
M. Gombert a réclamé la ftipulation du falaire
du clergé. Par le décret du 2 novembre , at
obfervé M. Camus ; vous avez dit que les biens
K 4
( 224 )
affectés aux dépenfes du calte étoient à la difpo
fition de la nation , à la charge de pourvoir
aux frais du culte , à l'entretien de fes mini tres
& au foulagement des pauvres. Aujourd'hui l'on
ne met aux voix que la première moitié de cet
article. Je conclus à ce qu'on le renvoye aux
comités . M. d'André, a dit que laiffer la moindre
difficulté fur la folidité de l'hypothèque des affignats
, ne fût - ce que pendant deux heures , ce
feroit ébranler le crédit national jufques dans les
fondemens ; qu'il fuffifoit d'affurer au peuple l'élection
des fonctionnaires publies pour mettre la
conftitution civile du clergé dans la chaite qui
ne devoit pas plus faire mention du falaire des
prêtres que de celui des juges , &c. L'article eft
rédigé d'après ces principes , on le décrète &
l'on pafle aux fecours publics garantis auffi par
un paragraphe.
M. Rabaud y defire plus de moralité , de folemnité
, & pour cela il en fait une dette nationals,
M. Barrère fonge aux enfans - trouvés . Un autre
membre doute qu'il y en tit fous le règne de
la liberté. M. Dupont rédige , l'Affembléc décrè e,
& M. Thouret en vient à l'inftruction publique .
On en dit quelques mots , on approuve , & nous
voier à la divifion du royaume,à l'état du citoyen.
Le nombre des départemens peut changer , dit
M. de Cuftine. M. Rabaud imagine un moyen
infaillible de préferver la France du républica-,
nifme fédératif , c'eft de déclarer que le royaume
eſt un & indiviſible , M. le Chapelier repouffe le
fi's d'un homme expatrié fans perfécution & fem-,
bl : profcrire ainfi la race de nos émigrans qu'il ne
fuppofe pas perfécutés . M. Guillaume prie l'Af-´
1.mblée de conferver la reftriction : pour caufe
de religion , en expiation du crime de Louis XIV.
( 221 )
Applaudiffemens réitérés , la clauſe eft maintenue ,
& la féance eft levée .
Du mardi , féance du foir.
affurer
que
M. de Bouillé a écrit au président de l'Af
femblée nationale , pour M. de
Goguelas , à qui l'on imputoit d'avoir pris part
à l'évafion du Roi , & désigné comme ayant agi
en qualité d'aide- de - camp de ce général , n'
n'étoit
pas fon aide- de-camp. Cette lettre a excité de
grands murmures. M. Guillaume a demandé
qu'on ne lût aucune lettre de M. de Bouillé ,
d'autant plus que l'on devoit préfenter demain
un décret portant que tout contumace fera déchư
du droit descitoyen actif.
•
I
Enfuite M. Chabroud a fait , au nom du comité
des penfions , un nouveau rapport fur les
indemnités dues à la famille de Lowendal. Un
décret a déjà fait payer 300,000 liv . à lá famille
, la part de M. de Lowendal le fils . Les
conclufions du rapporteur y joignoient cent
autres mille liv. & les arrérages échus , fauf à
prononcer fur la penfion de 3,000 liv . M.
Biauzat invoquoit la préalable. MM. Bureau de
Pay & Emmery fouteroient que l'indemnité étoit
de juftice ; mais M. Camus l'a réduite à 50,000
hv.; & un décret en a ordonné le paiement
en réſervant à ſtatuer à l'égard de la penſion.
Du mercredi , 10 août.
M. Thouret reprenant la charte conftitution
nelle , a rapporté que , fur les obſervations de
M. Gombert , plufieurs députés eccléfiaftiquest
( affermentés ) s'étant rendus , au comité , tex
réfultat de la conférence avoit été que l'acte
conftitutionnel confacreroit ces deux articles
K's
( 226 )
1° les citoyens ont le droit d'élire les miiftres
de leur culte ; 2 °. le traitement des minitres
du culte catholique penfionnés , confervés,
élus ou nommés en vertu des décrets de l'Af
femblée nationale , eft compris dans la dette"
nationale. »
Après avoir décrété ces articles & la fuite fans
difcuffion , on eft arrivé aux pouvoirs publics.
M. Raderer a nié que le Roi pût avoir aucun
caractère r :préfentatif , & foutenu que
Phérédité & la repréfentation s'entr'excluent 3
que fi l'on pouvoit attribuer le caractère de repréfentant
à un fonctionnaire héréditaire , tien
a'empêchoit que le corps légiflatif ne fe rendit
un jour héréditaire ; & que ce qui conftitue
cffentiellement la qualité de repiéfentant , c'eſt
l'élection, On a interrompu l'opinant par des
murmures mêlés de reproches de républicanime.
« Je demande , s'eft - il écrié , qu'il fait décrété
qu'on ne prononcera le mot royauté qu'à genoux.
»
En quant la jufteffe des idées de M. Ræderer
, M. Roberfierre s'eft offert à y en joindre
d'autres auffi juftes , pour la déduction defquelles
il n'a réclamé que la patience de l'Aff :mblée.
Un article portoit ; « la fouveraineté eft une &
indivifible . Il a voulu qu'on y ajoutâr : &
inaliénable. Nous ne le fuivrons pas dans fa
théorie . Le pouvoir . ne peut ê re aliéné ; la
délégation qu'on propofe eft perpétuelle , il n'eft
pas même parlé de convention dans tout le projet
d'acte ; c'eft une véritable aliénation de la
fouveraineté ; rien de plus contraire aux droits
de la nation que l'article mê.ne qui concerne le
Fouvoir législatif; ainfi rien de plus funefte à la
nation que la conftitution, Regarder le Roi
--
( 227 )
3
de
comme repréfentant , comme partie du pouvoir
légifl tif , c'étoit anéantir la conftitution , en
faire une autre , fe parjurer , facrifier la liberté
du peuple.....
Aucune fection du peuple , difoit l'article ,
ne peut s'attribuer l'exercice de la fouverainetésɔ.
M. Roberfpierre s'eft efforcé de prouver le contraire
; & l'on eft réduit à l'avouer , quelques
paradoxes érigés en principes depuis deux ans,
lui donnoient affez beau jeu pour qu'on ne pût
lui difputer la rigueur des conféquences » . Le
choix des représentans du peuple eft un acte de
la fouveraineté , difoit- il . N'eft - it pas vrai même
que les députés élus pour une contrée font les
députés de la nation entière ? Ne refulte- t - il pas
de ces faits inconteftables que de fections exercent
, pour ce qui les concerne particllement ,
un acte de la fouveraineté » ? On ne lui a répondu
que par des ah ! ah ! au mo: fats qu'on
fubftitue le mot dérets , ils feront réellement
inconteftables , & les auteurs de ceux - ci n'auront
fien de meilleur à lui répondre que des ah ! ah!
M. Péthion vouloit que la fouveraineté fût
une , indivifible , inaliénable & imprefcriptible ;
perfonne ne demandoit qu'on la rendit effective.
foutenoit que la nation , en déléguant les pou
voirs , ne déléguoit pas fa fouveraineté qu'elle
fe réferve toujours d'exercer , au befoin , par des
conventions ou des infurre &tions .
Le rapporteur , M. Thouret , a cru devoit
reconnoître que la nation ne délègue aucun pouvoir
à perpétuité. L'inaliénab: lité lui fembloit avoir
quelque danger de fauffes interprétations . « C'eft
précifément , a repris M. Péthion , d'après ce
qu'a dit M. le rapporteur , que je foutiens l'addition
des mots inalienable & imprefcriptible; &
K 6
( 228 )
même auffi d'après ce qu'il n'a pas dit ... Des
éclats de rire ont fait une courte diverfion à
cette métaphyfique . Comment 25 millions d'ames
la concevront- elles , fi de fubtils dialecticiens
exercés depuis deux ans à difcuter ces matières
abftrufes , ont tant de peine à convenir de vérités
, qui ne peuvent pourtant opérer le bien
général que par leur évidence ?
之
}
Ont
Des raifonnemens compliqués , des réfutations
analogues , & la condition que le procès - verbal
rendra compte des motifs déterminans ,
amené l'adoption des articles amendés , de manière
que jamais la fouveraineté ne fut ornée de
plus d'épithètes que dans une conftitution qui ,
jufqu'ici , n'en admet la réalité nulle part.
Il a été queftion alors de juftifer le titre ho
noraire de représentant accordé au monarque:
M. Thouret a donné pour première confideration
le refpect dont il eft indifpenfable d'ertourer
ce fonctionnaire public ; puis le veto fufpenfif
& le droit de traiter avec les puiffances
étrangères . Ce qui rend compatibles , felon lui ,
le caractère de repréfentant & la qualité d'héréditaire
, c'est que la royauté eft une compoftion
artificielle , une forte de fiction confacrée
par la propre néceffité .
M. Rewbell voyant que ce n'étoit , comme
attribution , ni au pouvoir judiciaire , ni au
pouvoir adminiftratif , ni au pouvoir législatif ,
qu'on déféroit au Roi le caractère de reprétentant
de la nation , & ne voulant pas convenir
que ce ne fûr qu'une affaire d'étiquette , concuoit
cruement qu'il n'y avoit aucune raifon de
donner au Roi le titre de repréfentant .
Le Roi ftipule pour la nation , par le veto
& en tranfigeant avec les puiflances étrangères ,
(+229 )
a
1
Rom
a dit M. d'André , témoin la formule décrétée
des déclarations de guerre de la part du Roi
des François , au nom de la nation ..... Si vous
n'établifiez le Roi que fonctionnaire public , on'
divifera la royauté , on la dépouillera des fonc
tions que nous avons le plus effentiellement
conftituées ; nous n'aurons plus de monarchie »………
On a vivement applaudi cette finale .
:
M. Barnave a défini la repréfentation déléguée
, le droit de vouloir pour la nation ; & il
a dit le repréfentant eft chargé de vouloir ,
le fonctionnaire public cft chargé d'agir pour la
nation ; le Roi veut pour la nation lorfqu'il
excrce le veto , lorfqu'il traite avec les étranges
; & c'est comme repréſentant & non comme
fonctionnaire qu'il eft inviolable comme le corps
législatif. Si le corps législatif vouloit feul pour
la nation , il deviendroit corps conftituant » . La
doctrine de M. Barnave a excité les plus grands
applaudiffemens ."
Afin d'éviter tout abus du nom de repréfentant
accordé au Roi , M. Rewbell a demandé
qu'on décrétât qu'aucun individu ne pourra s'attribuer
l'exercice de la fouveraineté du peuple ;
& le rapporteur a adopté cet amendement , qui
n'eft que la périphrafe d'inaliénable . Le refte de
la difcuffion ou de la révifion n'a préſenté que
des remarques peu intereffantes que la rédaction
même fuppléera. Sur les mots : le pouvoir exécutif
au Roi , M. Ræderer a obfervé que ce
pouvoir étoit diftribué en différens corps ; & il
rétabliffoit bonnement le décret du mois de feptembre
1789, portant : « le Roi eft le cheffuprême
du pouvoir exécutif » . M. Thouret a rappellé
que le pouvoir exécutif délégué ne s'exerçoit
que par des miniftres refponfables ; & dans la
( 230 )
partie adminiſtrative & judiciaire au moyen des
éus du peuple ; & de l'art des comités à fondre
toutes ces nuances , il eſt réſulté du moins
que,
dans cet article de la charte conftitutionnelle , le
Roi ne fera pas chef fuprême.
On a renvoyé aux comités quelques amendeniens
fur le droit des corps élect ›raux de s'alfembler
d'eux- mêmes , f.ute de convocation , &
fur l'exclufion des banqueroutiers des affemblées
primaires , & la ſéance à été levée .
Du jeudi , 11 août .
Des lettres de M. le baron d'Erlach , bailli
de Lausanne , & de M. de Sinner , bailli de'
Bonmont , ont annoncé aux adininiſtrateurs des
frontières françoiſes , un raffemblement de troupes
Suifles dans le pays de Vaud , dont l'objet
eft de maintenir la tranquillité intérieuré , & que
le canton de Berne defire de conferver la bonne
harmonie & les relations qui le lient à la France .
M. de Prez de Craffier , député du pays de Gex ,
a lu ces lettres , & a propofé de répondre à ces
difpofitions pacifiques par l'envoi de dux ou trois
mille hommes de troupes , avec un général da s le
pays de Gex , de diftribuer des armes aux habitans
du Mont Jura , & que le comté diplomatique
rende compte du degré de cor fiice que
mérite l'ambaffadeur de France chez les Safes.
Le tout a été renvoyé aux comt's diplomar que
& militaire ( vosez à la fin dujournal), Ok į
renvoyé de même aux comités compétens une
lettre de M. de Virieux , Bald . Malthe , qui
1appèle à l'affemblée le principe déciété des indemnités
préalables .
Revenu à l'acte conftitution el , M. Thouret
le rapporteur , a lu l'article ainfi congir : « -Sout
( 231 )
exclus de l'exercice des droits de citoyen actif
ceux qui font en état d'accufation ; ceux qui ,
après avoir été conftitués en état de faillite ou
d'infolvabilité , prouvé par pièces authentiques ,
ne rapportent ja un acquit général de leurs
créances. »
Dans les conférences de la veille on avoir
unanimement voté pour retirer cet article de
l'acte conftitutionnel. A en croire M. Thouret ,
ces difpofitions bonnes pour une ville de commerçans
comme Genève , feroient funeftes chez
un grand peuple agricole , où le malheur ne doit
pas être puni de la dégradation civique . Une
difcuffion contradictoire s'eft prolongée affez
long- tems fur cette matière . MM . Guillaume
Camus , d'André , Thouret , Tronchet , Duport
ont renouvelle pour ou contre , les argumens
debattus antérieurements après quoi l'affemblée
a adopté l'article tel qu'on l'a lu plus haut.
€
L'article VI eft paſſe ſans débats ; mais Particle
VII étoit de nature à en provoquer d'interminables.
Ily eft queftion du marc d'argent
de contribution , exigé par un décret pour être
éligible aux légiflatures . Les comités propofoient
de tranfpofer cette condition des députés aux
electeurs , & de convertir le marc d'argent dans
le prix de 40 journées ; de ftatuer qu'on ne
feroit électeur qu'en ayant 4 journées de contribution
, & que les électeurs cheifiroient librement
les députés fans conditions . M. Thouret
difoit , avec raifon , que cette difpofition ajoutoir
à la liberté d'éire , à l'ég lité du droit de parve-
Eir, aux droits politiques du peuple & àla garantie
que le penple eft intéreffe d'avoir de l'incorruptibilité
de les électeurs . Or il fupputoit que
dans les lieux où la journée de travail eft de 10
( 232 )
fols , 20 livres de contribution annonceroient
120 livres de revenu foncier ou induſtriel ; à 15
fols , 30 livres d'impôt , 180 de revenu à 20
fols , 40 livres , 240 de revenu ; & il obfervoit
que ce mode ne feroit admis que dans deux
ans.
M. Péthion s'est élevé contre ces gênes qui ,
transportées ainfi , grèveroient encore plus de
citoyens ; bienfait apparent , mal réel. Combien
de citoyens feront privés du droit fi précieux
d'être eleurs ? « Jugez , difoit-il , de l'impor
tance qu'on y met , par le fentiment qui nous
porte à défirer de nous placer au milieu de nos
concitoyens & de recevoir leurs hommages , »
L'opinant a ajouré que , quoique le marc d'argent
eût excité les plus vives réclamatious , il
préféroit qu'il reftât où on l'avoit décrété.
сс
Que les électeurs aient une fortune à per
dre & les choix feront meilleurs , obfervoit M.
Prugnon. Ne payer que la valeur, de 3 journées ,
c'est être à -peu-près fur la ligne des mendians.
Rien n'attache un pareil homme au pays ; il
vendra fa voix pour quelques fols , & faute
d'éducation , il manque de lumières . Ne cherchons
pas un mieux idéal , mais le bien poffible.
Je demande que tout François foit éligible aux
légiflatures ; mais que , pour être électeur , il
faille payer un inarc d'argent de cont : ibution . »
Le peuple eft-il libre de choifir fes repréten
tans lorsqu'il ne l'eft pas même de choisir ceux
qu'il eft obligé de charger de ce choix , s'eft
écrié M. Roberfpierre ! Si le décret a excité des
réclamations de toutes parts , c'est qu'il violoit
l'égalité . Ce qu'on vous propofe eft bien plus ,
dingereux encore. Vous avez déclaré que « tout
citoyen -Frençois eft admiffible à tous les em
( 233 )
plois , fans autre diftinction que celle des vertus
& des talens . Que m'importe , à moi citoyen,
qu'il n'y ait plus de nobles , s'il eft une claffe
privilégiée à laquelle je ferai tenu de confier le
droit de difcuter mes plus chers intérêts ? Cette
égalité fi vautée ne feroit donc qu'un vain appât
préfenté à la nation ! vous tomberiez en contradiction
avec vous -mêmes , contradiction qui lui
permettroit de douter de votre bonne foi.......
On nous parle de garantie , de corfiance ! à
quoi les attache- t-on , à la probité ? non , à de
l'argent. L'artifan laborieux , le pauvre 1boureur
ne font ils. pas plus indépendans que le
riche corrompu , corrupteur , dévoré d'une cupidité
que rien ne peut affouvir ?..... Quoique
cs idées foient morales , elles font dignes d'être
préfentées à l'Affemblée nationale ». ( Murmures
à gauche , & le côté droit à vivement applaudi ) .
Volant d'Angleterre en Amérique , de Philadelphie
en Grèce , l'orateur a dit qu'Ariftide &
J. J. Rouffeau ne pourroient pas être électeurs
parmi nous & il a conclu à la révocation de
toute forte de condition impofée à l'éligibilité .
,
-
« Si J. J. Rouffeau n'étoit pas électeur , a
répondu M. de Beaumetz , d'après la loi qu'on -
vous propofe , il feroit législateur . Si les nonpropriétaires
dominent , la propriété court rifque
de n'être pas refpectée . Ne confondons pas les
droits civils avec les droits politiques. Sparte.
commença par mettre en monceau toutes fes
richeles , & par les brûler folemnellement ; le
préopinant voudroit- il nous faire adopter cet ar
ticle de conftitution ? »
« Vous dénaturez tout ce que j'ai dit pour
me calomnier , a repliqué M. Roberfpierre , &
( 234 )
pour favorifer le fyftême des intrigins dont vous
êtes l'organe.
Sins s'affecter de l'apostrophe , M. de Beaumetz
a con iué fon dite . Il a couvert de ridicule ces
rhéteurs qui nonment opulens ariftocrates des
citoye is de 123 ou de 240 liv . de revenu foncier
ou induftrie!; & il a répondu à ceux qui craignent
que les électeurs mieux choifis ne foient trop .
peu nombreux , qu'au fort même de l'enthouſialme
civique les affemblées primaires ont été défertes ,
& que les électeurs ont follicité un traitement.
Apiè M. Burot, qui n'a pas hifité d'annoncer
qu'on propoferoit bientôt de révoquer les déc.
cts fur lanon- rééligibilité & fur la non -admiſſion
âu miniſtère , M. Barnave étonné d'avoir très-
In -temps poftulé la parole , a foutenu qu'il ne
faifoit pas de vouloir être 1bie , qu'il falloit
favoir l'ètre ; que l'on confondoit mal - à - propos
les droits dupeuple , avec la qualité d'électeur , qui
n'eft , felon lui , qu'une fonation publiques qu'un
changement en mieux dans la conftitution n'éto
pas une atteinte au ferment de la maintenir . En
cela , il avoit grande raifon , fans doute ; mais
il nous a paru moins fondé quand il a piétendu que
dans les démocraties on peut fixer à un taux
très- bas le droit de voter dans les affemblées ;
que dans un gouvernement repréfentatif c'eft le
taux intermédiaire des fortunes qu'il faut chrcher
; dans les affemblées électorales le contraire
feroit plus jufte ; car des hommes appellés à dif
cuter , à délibérer des loix , à affeoir des impôts ,
&c. , doivent être choifis moins indiftinctement
que ceux dont la fonction le borne à élire des repréfentans.
Auffi le cens palitique fut- il le premier
objet des légiflateurs anciens . « Je demande à ceux
qui viennent mettre en compataifon ces gouver
CC
( 235 )
}
nemens & le nôrre , a continué M. Barnave , s'ils
voudroient à ce prix acheter la liberté ? Je demande
à ceux qui profeffent fans ceffe ici des idées métaphyfiques
de liberté , parce qu'ils n'ont pas
des idées réelles de liberté ; qui nous plongent
Lass ceffe dans les nuages de la théorie , parce
que les notions fondamentales effenti l'es des gouvernemens
leur font profondément inconrues ,
s'ils ont oublié que par expérience , la démocratie
pure d'une partie du peuple ne peut exifter
que par l'esclavage civil , po'itique , effectif , abſolu
de l'autre partie du peuple ? Maintenant je dis que
le gouvernement représentatif, le premier , le
plus libre , le plus fublime des gouvernemens ,
n'a qu'un échec à éviter , c'eft la corruption...
Toute forme qui tend à mettre l'élection des
repréfentans à la merci du gouvernement ou des
ribes , cit la deftruction du gouvernement re
préfentatif... C'eft dans la claffe moyenne qu'il
faut chercher des électeurs... "
Il nous a femblé qu'on pouvoit objecter à M.
Barnave que , fi la fonction d'électeur n'est pas
un droit , la nation fouveraine n'cxercera jamais
fa fouveraineté que par infunction . Vous la
Bittez qu'elle la déploira dans fes affemblées pri
maires , elle n'y peut délibérer , elle n'y peut
qu'élire ; c'est donc là fa fouveraineté , qui lui
fut préfentée comme un droit. Si ce n'eft plus
un droit , fi ce n'eft plus qu'une fonction , ne,
craignez - vous Fas que fa liberté politique ne
lu: parciffe bientôt n'être qu'une corvée ? Vos
définitions rompeut le char.ne de vos grands.
axlômes auxquels les zélateurs de l'égalité rigoureufe
font beaucoup plus conféquens .
M. Baraave a été bien juftement applaudi
lofqu'il a dit qu'on ne devoit élire ni le riche
( 236 )
qui peut acheter des voix , ni le pauvre qui
voudra vivre de la fienne . « En effet , a - t-il
pourfuivi , parmi les électeurs élus fans payer
30 ou 40 jours de travail , ce n'eft pas l'artifan
ou le laboureur, qui réuniffent les fuffrages ; ce
font des hommes qui vont colportant dans les
affemblées primaires les principes turbulens dont
is font poflédés , qui font occupés de voir fans
ceffe un nouvel ordre de chofes , qui mettent
l'intrigue à la place de la probité , un peu d'efprit
à la place du bon feus , & la turbulence
d'idées à la place de la stabilité des principes.
Si je voulois chercher des exemples de la propofition
que je viens d'avancer , je n'irois pas
les chercher au loin ; ce feroit près de nous
très - près de nous , que je voudrois les prendre ;
& je le demande aux meinbres mêmes de l'Aſſemblée
nationale , qui ont foutenu l'opinion contraire
, mais qui favent bien cominent le font
compotes les corps électoraux les plus prochains ;
font-ce des artifans que l'on y a ves : non ; fort- ce
des agriculteurs ? non ; font- ce des libelliftes ?
ch ! oui ... » ( Les battemens de mains ont retenti
dans toute la falie . ) Après d'autres argumens ,
il a conclu à l'adoption de l'avis des comités .
Un choc d'amendemens a formé & échauffé
le refte de la difcuffion . Se méfiant fagement de
fon état de fermentation , l'Affemblée a fi par
ajourner l'article à demain .
*
Du vendredi , 12 août.
Une lettre du miniftre de la guerre a informé
le corps légiflatif que , pour tirer de l'intérieur
du royaume les 16 efcadrons demandés par M.
de Rochambeau , ce miniftre avoir ordonné que
les cinquième & quatorzième régimens de dia(
237 )
-N
gons & le dixième de cavalerie partiroient des
départemens de la Loire inférieure , de Mayenne
& Loire & du Loir & Cher où ils font en
quarrier ; que le département de Mayenne &
Loir fait les plus fortes repréfentations fur l'embarras
où va le laiffer le départ du régiment de
cavalerie , indifpenfable pour maintenir l'exécu- ›
tion des loix , affurer la perception des contributions
, & en impoſer aux mal – intentionnés .
M.Duportail qui s'attend aux mêmes doléances des .
autres départemens , annonce que dans les lieux
où l'exécution des loix éprouve de la réfiftance ,
il faut peu compter fur une partie des gardes
nationales , & propofe deux moyens d'obvier à
de fi terribles inconvéniens . Sa première idée
eft de prendre des gardes nationales des diſtricts
voifins ; mais un district , une ville pardonne-?
ront-ils à un autre l'emploi de la force contre
eux ? Dans le fyftême d'égalité civique & fraternelle
, des voifins fe prêteront- ils à fufiller
leurs voisins à charge de revanche ? Sa feconde
idée eft de créer & folder de nouveaux bataillons
de gardes nationales volontaires pris dans divers
cantons , que le voisinage & l'amitié n'empê
cheront pas de déployer la rigueur de la loi ,
qui n'exciteront ni haines , ni vengeances générales
ou particulières , Ces obfervations prouvent
qu'il n'y a ni cfprit public , ni force publiqué.
M. Thouret a réſumé tout ce qu'on avoit
débattu dans la dernière féance fur le marc
d'argent & les 40 journées de travail , & a
remarqué , fans aucune amertume , a-t-il dit ,
que l'objection tirée de la crainte de voir les
décrets révoqués les uns après les autres , ren
fermoit, in germe de défiance & de divifion
auifible au fuccès de travaux pour lesquels il fe-
*
( 238 )
roit à defirer qu'on fe dépouillât de tous foupçons
& de tant d'odieufes perfonalités ». Sa
conclufion a été de propofer , au nom des comités
, pour être électeur , une contribution de
40 journées de travail dans les villes au- deífus
de 6000 ames ; de 30 journées dans celles audeffous
; & dans les villages , la condition d'exploiter
une ferme de 4c0 liv . , à moins que les
fermiers ne paient une contribution à raifon de
leurs propriétés particulières . C'étoit le réſultat
d'obfervations & de calc is de M. d'Auchy. Des
murmures ont fréquemment interrompu le rapporteur.
L'évêque conftitutionnel de Blois , M. Grégoire
, qui réclamoir fi chaudement contre le
décret du marc d'argent , a demandé avec autant
d'ardeur , que ce décret fût maintenu tel´
qu'il étoit. MM. Guillaume & Goupil ont foutenu
l'avis des comités . On n'aura pas manqué
de fe convaincre d'un fait affez fingulier , que
la partie du côté gauche qui défend les comités
reproduit exactement , en le nuançant des paradoxes
à la mode , le même fonds de vérités que
les meilleurs orateurs du côté droit avoient fi
perfévéramment expofé au milieu des huées , des
cris à l'ordre , des farcafmes de la gauche , des
menaces des galeries & de la multitude , lorfqu'on
agita difcnta & décréta la plupart des
difpofitions que l'on tâche de réformer , aujourd'hui
que l'expérience & le danger manifestent
les égaremens d'une théorie abſtraite .
Cet afpect vraiment curieux abrègera des analyfes
qui ne feroient que de froides & inutiles
eftampes des tableaux originaux que nos lecteurs
ont encore préfens à la mémoire. Lès orages
partent à préfent de la partie du côté gauche ou
( 239 )
T'on s'obtine à tirer les conféquences directes.
des principes que la majorité fit triompher , en
oppofant au côté droit les mêmes armes dont
fe fervent actuellen ent ceux qui la divifent.
M. Merlin a lu le décret qui créa le comité
de révifion , & qui , en y adjoignant fept nouveaux
membres , leur interdit de rien changer
aux articles décrétés . « Il est bien étrange qu'on
nous tranfporte au barreau , s'eft écrié M. le
Chapelier. Si ces Meffieurs prétendent établir
ainfi la liberté des opinions , je demande que la
féance foit levée » . Le même membre & fes
CO lègues ne parloient point ainfi lorſqu'on cou-
Foit defpotiquement la parole à MM. de Cazalès
, Malouet , Virieu , l'abbé Maury , &c.
« L'intention de l'Aſſemblée , a continué M. le
Chapelier , fut qu'on ne touchât pas aux bafes
de la conftitution ; le droit du peuple n'eft point
d'être électeur , mais d'élire & d'étre élu …………....
Sans le décret que nous propofons , voyons ce
qui eft déjà arrivé »………. Il a prouvé que , dans
tous les départemens , les affemblées électorales
ont à peine offert le cinquième des électeurs
& il a fini par ces mots : c je veux que la -révolution
une fois finie , la conftitution le foit
auffi , & que le retour des conventions nationales
ne nous livre pas aux tentations de changer
de gouvernement, »
Donnant de nouvelles formes aux raifons
employées en faveur des comités , M. d'André
a promis de les répéter juſqu'à ce qu'on les entende.
Des murmures ont interrompu M. d'André
; il a d'abord montré beaucoup de tranquillité
fur l'iffue de la délibération ; mais pouffé à
bout par les clameurs , il a menacé l'Affemblée
d'un torrent de réclamations , fi l'avis des co(
240 )
mités n'étoit pas adopté ; de la défertion des
corps électoraux , & à ce propos , il s'est écrié
très - plaifamment : croyez-vous que j'euffe été
élu fubftitut de l'accufateur public , s'il y avoit
eu plus de 190 votans dans l'affemblée électorate
? On a beaucoup ri , beaucoup applaudi .
Son dernier mot a été qu'il fouhaitoit que ceux
qui repoufferoient l'avis des comités , n'euffent
pas lieu de s'en repentir . Il ne préfageoit pas
moins que la chûte de la conftitution .
La perplexité de l'Affemblee étoit telle que
M. Vernier l'a fenfiblement obligée, en ouvrant
l'opinion dilatoire d'ajourner l'article , après la
révifion de l'acte conftitutionnel , ce qui a été
bien vîte décrété.
Nouvelle queftion. Les électeurs de chaque
département pourront -ils choifir les députés aux
légiatures hors du département ? Un décret
l'avoit déjà décidée négativement. Ce décret
fera- t-il dans l'acte conftitutionnel ? Répétition
d'anciens débats . MM . Goupilleau , Salles , Garat
l'aîné , ont craint que les intrigans de Paris
ne fe fiffent élire dans les provinces ; d'autres,
que le gouvernement n'eût qu'un feul département
à gagner pour exclure un homme quel
qu'un a dévoilé, des brigues d'un particulier
attaché à M. d'Orléans…………. Enfin on a rétabli
dans l'acte conftitutionnel , l'article du décret
du 31 décembre 1789 , ainfi que ceux qui prononcent
diverſes incompatibilités. Pour celui qui
recule l'admiffion des législateurs au ministère ,
& la note du comité à ce fujet , il a été convenu
qu'on y refléchiroit encore.
Du famedi , 13 Août. -
On admet à la barre une députation du dépar →
tement
( 240)
tement de la Gironde . L'orateur Bordelots
peint la ville de Bordeaux dans l'état le plus
allarmant , le pays dépourvu de grains , prêt à
reffentir les horreurs de la famine , la commune
obérée ne pouvant fubvenir à fes dépenses &
fubftanter le nombre des infortunés que chaque
jour augmente. I a imploré les fecours de l'Alfemblée
Le préfident a entretenu ces députés
de la florillante profpérité de leur ville fous le
defpotilme , du nouveau reffort qu'y donnera la
liberté , des grands fervices rendus par les Borde
lois à la chofe publique , & les a exhortés à meſu>
ter leurs efpérances fur leurs titres au fouvenir
de l'Affemblée . Impreffion , dont ils payeront
Jeur part ; honneurs de la ce , & renvoi aux
comités des finances & d'agriculture.
On a lu & décrété fans débats quelques articles
de l'acte conftitutionnel juſqu'à la propofition
qu'a faite M. Saint-Martin , d'y placer le décret
portaut , qu'aucun membre des légiflatures , &c.
ne pourra être promu au miniftère , recevoir ni
laces ni traitement du pouvoir exécutif que
quatre ans après avoir ceffé les fonctions légis
latives. « Nous avons cru que c'étoit une erreur,
a répondu M. Thouret , que de traiter encore le
pouvoir exécutif en ennemi. Ce qui eft bon dans
le mouvement révolutionnaire , feroit funefte
Jorfque la révolution eſt conſommée . Les deux
pouvoirs doivent coopérer fraternellement à la
paix commune. Il n'y a contre ces principes ...
que la corruption ; mais il fe formera une oppofition
, & les parvenus en trouveront à leur tour
une nouvelle qui les furveillera. Si vous n'avez
que l'exclufion pour obvier à l'infuence minif
térielle , vous priverez la liberté nationale des
plus grands talens des législateurs .
N°. 34. 20 Août 1791.
ว
I
( 242 )
сс
Moins flexibles dans leurs principes , MM. Prieur
& Thuault ont infifté fur ce que le décret omis
avoit été rendu comme conftitutionnel , & ont
conclu qu'il falloit l'inférer dans la charte . Cette
conféquence a paru à M. de Tracy « la plus détftable
déraison. » Conftitutionnel ou non , il
fiut voir s'il eft bon ; or il ne l'eft pas . Il fut
rendu dans le plus grand tumulte & fans difcuffion...
Il fut enlevé , a dic M. Duport ; motif
qui , s'il étoit admis , en infirmeroit tant d'autres
; & il a pronostiqué qu'avec cette interdiction
le pouvoir exécutif détruiroit la conftitution
& l'Affemblée ; que la France ferot divifée en
deux partis , & , en fubftance , que l'état n'auroit
ni bons officiers , ni bons négociateurs , ni bɔns
miniftres , fi les membres des corps législatifs ne
pouvoient en accepter les fonctions , ou que fi
ceux, qui en auroient la capacité , s'éloignoient des
affemblées électorales , de crainte de perdre leur
avancement , tous ces employés feroient détournés
de la légiflature.
Après s'être vanté d'avoir répondu , comme il
l'a dit ,.à ce cette foule de fi , de car , de majs »
ce qui a fait rire , M. Goupil a propofé de borner
l'exclufion au tems des fonctions des légiflateurs
. M. Ræderer écartoit jufques aux promeffes
de places de ces hommes qui s'accommodent de
tout. cc Quoi qu'on en puifle dire , s'eft écrié M:
Bugot , j'aimerois autant que les députés actuels
entraffent dans le ministère que ceux à venir ;
mais mon amendement eft qu'on réduife les quatre
à deux. » L'Aſſemblée à inféré l'article dans
l'acte conftitutionnel avec l'amendement de M.
Buzot.
I eft échappé à M. Guillaume d'attribuer aux
vrais amis de la conſtitution l'honneur d'avoir
( 243 )
apperçu plufieurs omillions graves dans l'acte
'difcuté . Nous le fommes tous , a dit M. le Char
pelier ; & ces mots ont été le ſignal du plus violent
& du plus long tumulte. Tout fe pafloit
entre les membres du côté gauche . Ceux du côté
droit n'étoient que fpectateurs. De près d'une
heure , on n'a ceffé de crier fans pouvoir s'entendre
, d'augmenter le vacarme des voix , des
pieds , des mains , & de la Connette pour obte
nir du filence . M, Alexandre de Lameth vouloit
qu'on nît à l'ordre l'extrémité de la gauche.
M. Barnave n'emporte la parole que pour la
céder à M. Guillaume , qui fe difculpe en difant
que , fans défigner perfonne , il avoit eu deſſein .
d'obferver que les comités oublioient le décret
qui attribue au corps légiflatif le droit de décla
rer au Roi que fes miniftres ont perdu la confiance
de la nation . Le tapage a recommencé.
MM. Barnave & Charles de Lameth paroilfoient
défirer que les comités révifeurs , fi obftinément
contrariés , donnaflent leur démiflion ; &
M. d'André a demandé acte des applaudiffemens
de M. Anthoine ... ( A l'ordre ! à l'ordre ! ).
Un membre a repris M. Barnave , dit hier
une partie de l'Affemblée ; nous avons conquis
notre liberté , nous faurons encore la conquérir
en faifant rétablir nos décrets ... Le tumulte
étoit au comble . L'orateur ayant enfin obtenu
d'être écouté , a débité un long difcours fur les
intentions patriotiques des comités , fur les éloges
que s'eft attiré leur travail , fur le befoin d'union
, fur la force que l'union a donnée , & peut
feule conferver à l'Affemblée ; & il a peint ainfi
ceux des adverfaires des comités , qui ne font
pas de bonne foi dans les erreurs du républica
nilme ; « Des hommes qui cherchent un état de
L 2
( 244 )
révolution continuelle , qui ne feroient rien fans
Tévolution , qui affectent un faux patriotifme ,
' s'afleyen ainfi déguifés aux places les plus auguftes
, croyent en impofer fous ce malque , le
coalifent avec de petits écrivains .... gens à projets
dont l'extravagance eft le moindre vice ….. »
(Grands applaudiffemens & murmures . )
Dans l'article 1 de la fection , royauté , M.
Alexandre de Lameth a penfé que le mot déclare
auoit fait fuppofer que l'autorité du Roi étoit
reconnue comme antérieure & non comme déléguée
, qu'il l'avoit de droit divin ; le mot décrété
d'abord a été fupprimé, M. d'Aiguillon a
senouvellé la motion de M. Alexandre de Beauharnois
, que le roi , n'étant pas refponfable
ne pût commander les armées . Ce vou de courtifan
du fouverain actuel & d'autres difpofitions
nt été renvoyés aux comités .
Du famedi , féance du foir.
Madame Guillin Dumontet , dont on lira
plus bas les épouvantables infortunes , a paru ce
foir en habits de deuil à la barre de l'Affemblée
nationale. La vue de cette jeune veuve , dont la
douleur rchauffoit les agrémens d'une figure intéreffante
, préparoit les efprits à la lecture de la
lugubre pétitor:, dont un des fecrétaires a fit
lecture , Madame Dumontet y retrace fommairement
les horreurs commifes fur la perfonne de
fon mari , fur fes propriétés , les malheurs de fa
famille , la longue & vexatoire captivité de M.
Guillin de Pougelon fon beau- frère & tuteur de
fes enfans. L'Affemblée nationale a fait éclater
fa fenfibilité & fon indignation ; mais ces nobles
fentimens ont cu moins de faveur que les âpres
& triftes chicanes de MM. Camus , Rewbell &
( 245 )
-1.
Chabroud: ils font parvenus à faire renvoyer
au comité des recherches , la demande concermant
la liberté à rendre à M. Guillin de Pou
gelon. Vainement M. de Landine , député du
Forez & dont la conduite publiqué , les moeurs ,
les opinions ont mérité l'eftime de tous les hommes
impartiaux, a propofé d'élargir M. Guillin ,
fous caution juratoire
L'Affemblée attendrie , d'ailleurs , fur le fort
de Madame Dumontet , & defirant fans doute y
apporter quelqu'adouciffement par un acte de
juftice nationale , a renvoyé le fond de la pétition
au comité des penfions.
La ville impériale de Nuremberg ayant renouvelé
une ancienne prétention fur le Gouver
nement pour des fournitures de fourrages dans
la guerre de 1756 , M. Camus , rapporteur , &
d'après lui l'Allemblée , l'ont déboutée de La
demande.
La feccaffe qu'imprimèrent dans le royaume
´entier le départ du Roi & les réfolutions du Corps
Législatif à cette époque , reffufcita dans beaucoup
de Départemens la guerre des gens armés
contre ceux qui ne le font pas , des brigands
contre les Propriétaires , & des afffins contrela
vie des Citoyens qu'on leur intime d'opprimer.
On vit les Prêtres , qualifiés de Réfractaires en
dépit de tous les Décrets , perfécutés , maltraités ,.
choilés , volés même , avec toute la féracité du
fanatifme ; on vit le fecret des lettres ouverte.--
ment violé , & des Municipalités audacieufes appofer
leur vifa à la marge de ces dépêches ,.
dont elles le permettoient de rompre le fceau ;,
on vit les lettres - de- cacher & les empi : for nemens-
મે
L 3
( 246 )
arbitraires couvrir la face des campagnes & des
cités ; enfin , la torche & les poignards fe dirigèrent
de nouveau contre les châteaux & contre leurs
Poffeffeurs .
Des catastrophes multipliées de cette crife dont
le mouvement n'eft que rallenti , aucune n'a plus
déshonoré la Société humaine , ni dévoilé d'une .
plus épouvantable perverfité , que la lacération .
de M. Guillin Dumontet , maflacré après avoir
été coupé vivant en morceaux , à la lueur des
flammes de fa maiſon , & par un ramas de fcélérats
qui yenoient de piller toutes les propriétés .
mobilières .
- Pour déguifer l'énormité de ce crime , les Journalites
, fuivant leur morale- pratique , calomnièrent
M. Dumontèt , & juflifièrent les meurtriers
par des impoftures. L'un de ces infatigables
Fcrivains ofa imprimer à la faite d'un tilfu de
faulletés fur ce déplorable évènement , ofa imprimer
, difons-nous , ces exécrables paroles . Il
eft impoffible de plaindre le fort d'un homme , qui
a provoqué fi barbarement la vengeance de fes
Concitoyens. On va juger qui mérite la pitié des
ames honnêtes , de M. Dumontet & de fa Famille
inforturée , ou des Clients du Rédacteur
de la Gazette Univerfelle , dont nous avons emprunté
les expreffions ; on va juger qui mérite
le mieux d'être un objet de vengeance nationale ,
ou le Citoyenirréprochable maffacré fur les foyers
fanglans , ou le cafuifte débonnaire , qui refufe
fa commifération à ce Martyr, pour la réferver
à fes Allaflins.
M. Guillin Dumontet terminoit , à ſon château
de Poleymieux , près de Lyon , une carrière plus
que fexagénaire , employée honorablement dans
( 247 )
1
1
1
la Marine , au fervice de l'Etat ( 1 ) ; étranger
aux affaires publiques , & ne s'étant occupé de
la Conftitution nouvelle , que pour y obéir fcrupuleufement
, & pour recommander à fes voifins
la même foumiffion , il confacroit les reftes
de fa vie à une jeune époufe de 22 ans , non
moins intéreffante par les charmes de fa figure que
par les qualités perfonnelles ; deux enfans à peine
fortis du berceau & nourris par leur mère étoient
le fruit de cette union.
Aucun des prétextes employés pour convertig
la renaiffance de la liberté , en une guerre gra
tuite contre les propriétés & les Propriétaires
ne fembloit devoir troubler la retraite de M
Dumontet, lorsqu'un incident jetta la femence
des calamités de cette déplorable famille.
On le rappelle ce projet vrai ou faux d'appeller
les Princes abfens à Lyon , vers la fin de l'Automne
dernier. M. Guillin de Põugelon , Avocat
diftingué , dont les talens & les fuccès avoient
éveillé la jaloufie d'hommes pervers , & frère de
M. Guillin Dumontet, fut impliqué dans cette
affaire , par des dénonciateurs , dont le caractère ,
les habitudes , & les abfurdes narrations , devoient
difcréditer le témoignage ; mais l'activité
des haines particulières fe joignit à la gravité de
( 1 ) M. Dumontet , ancien Capitaine de
vaiffeau au fervice de la Compagnie des Indes ,
dans le temps où cette Compagnie étoit une
Puiffance , avoit enfuite occupé plufieurs commandemens
importans , entr'autres celui du Sénégal
. On peut voir l'éloge que fait de ce brave
Officier M. Loifeau de Mauleon , dans le 1er .
volume de fes Plaidoyers.
L 4
( 248 )
Paccufation ; la rage de parti l'empoifonna ; M.
Guillin fut arrêté , & par un Décret fubféquent de
PAffemblée nationale , rransféré à l'Abbaye Saint .
Germain , où il gémit depuis huit mois , fans
décifion juridique , fans avoir pu obtenir un
jugement.
L'accufation la plus dangereufe , celle du crime
arbitraire de Lèfe-nation , eft accueillie ; par un
effet de ce renversement de la juftice , qui précipite
la détention d'un Citoyen , du moment où
plus vile délation le défigne fous les traits
d'un Confpirateur, les propriétés , la Famille de
toutinfortuné amfi jetté dans les fers , deviennent
le point d'attaque de la férocité publique . Par
une crame bien fondée que ta populare de Lyon
ne fe porta à des excès contre tout ce qui apparte
noit à M. Guillin ; fa femme , fes foeurs , fes
Mees , transportant leurs effets les plus précieux ,
fe refugièrent chez M Dumontet , au châte. u
de Poleymieux.
Certe maifon devint l' fyle de la douleur
car à l'oppreffion populaire dont M. Guillin étoit
acc - blé , s'étoit jointe , peu avant la retraite de
fa Famille , une cataſtropite domestique , qui
mit en deuil tous ces infortunés . Pendant que
M. Guillin entroit captif dans le tombeau de
l'Abbaye St. Germain , fa bru , jeune & belle .
femme , époufe tendre , & mère vertucufe entend
erier dans les rues de Lyon une de ces brochures
fanguinaires , par lefquel'es on amufe la cruauté
populaire , fans la rail fier , & où l'on annorçoit
le jugement , la décapitation.de M. Guillin.
Au même inftant fa belle fille apprend l'arrivée
fubite d'un Exprès qui lui efe envoyé de Paris;
fon imagination fe bouleverfe ; égarée par
défefpoir , elle arrofe fon cafant de les dermè: c9
larmes, & le précipite par la fonètre .
( 249 )
2
5
s furent les triftes premises de la deſtinée.
qu'on préparoit au refte de fa famille . La haine
de fes canemis la fuivit à Poleymieux.
Déj , au mois de Décembre dernier , la demeure
de M. Dumortet avoit été l'objet d'une
de ces fouilles inquifitoriales , par lefquelles fe
fignaient le defpotifme des municipalités , & l'ardente
inquiétude du Peuple. Un impofteur dé
nonce-t- ilune mailon comme renfermant un arfe-:
nal , ou une mine pour faire fauter le pays , cu
une contre- révolution ; auffi - tôt la multitude v
s'ébranle , la Garde Nationale l'accompagne , des
"Municipaux en écharpe la fuivent , on inveft t
le toît d'un Citoyen paifible , onenfemec les portes
sil les ouvre, on parcours avec l'efpoir de
letrouver coupablé tousles recoins de fon domicile ,
on fème l'effroi dans fa Famille. Trop heureux
fi l'opération ne s'achève par l'incendie , ou le
pillage , ou du moins, par une arreftation arbi--
traire ; mais la maifon ainfi violée , refte notée
& au premier incident , les fénétiques & les bigands
y. portent le ravage . Telle est la police .
publique qui formeaujourd'hui en France latau
garde des Citoyens.
M. Dumontet s'étant plaint au Département
de Rhône & Loire , l'un de ceux qui s'eft fou ---
venu qu'il exiftoit une Loi & un Roi , ce Corps
admiriftratif bâma..l'attentat de cette vilite , &
en défendit de pareilles à l'avenir . En même
temps ilinvita M. Dumontet à fignifier aux
Municipalités qui le vezoiene, le Déctar quides
rend refponfables des dommages..
La reconnoiffance de fa ma fon faite par ces
pairs tyrans de Communautés , fembloit pro- ;
mettre à M. Dimouter we cranquillité dus- ,
sable , puifqu'on avoit conftaté que fon château i
L
S
( 250 )
n'étoit pas plus dangereux que fa perfonne . Néanmoins
, le 26 Juin , par des inftigations dont on
accufe généralement les clubs , & en particulier
celui de Chaffeley , la cataſtrophe le prépare &
s'exécute . A la Meffe & au fortir , on avertit
Madame Dumontet qu'on appercevoit de l'agitation
parmi les Habitans ; mais , fans défiance
fon mari , contre le foupçon même & les
exécrables projets qu'on venoit de fomenter , elle
repouffa les précautions que la circonftance devoit
infpirer. Elle rentra au Château : fon époux ,
ce vieillard couvert de bleffures , fes enfans , dix
femmes de fa famille ou de fon fervice , & un
domeftique nègre , compofoient toute la fociété ,
toute la défenfe de la maifon .
ainfi que
Vers les dix heures du matin , on voit s'ap
procher deux Municipalités en écharpe , jointes à
celle de Poleymieux : 300 gardes nationaux les
accompagnent :: une vifite d'armes fert de prétexte
à cette expédition . Madame Dumontet alliant la
prudence au courage , fe préfente , & avec douceur
, interroge cette armée fur le but de fon raffemblement
on lui répond qu'il eſt deſtiné à reconnoître
le Château & les armes qu'il peut renfermer
. Madame Dumontet leur rappelle la vifite ,
du mois de Décembre précédent , les défenfes du
Département ; elle leur demande l'ordre légal qui
les autorife à cette vifite , & fur leur réplique
négative , elle va prévenit fon mari , en lui recommandant
les voies de douceur. M. Dumontet
defcend , & repréfente de nouveau & la première
vérification & les défenfes du Département ;
il offre de fe foumettre à une nouvelle vifite , fi
on lui exhibe un ordre légal . Cet ordre n'exiftoit
point , & la démarche de ces furieux n'étoit
autre chose qu'une expédition de guerre contre
( 251 )
un Propriétaire. Pendant le dialogue , M. Du
monet qui avo't entr'ouvert la porte , eft faifi au
collet par un nommé Rofier , déferteur de deux
fervices différens , & Capitaine des Gardes nationiles
de Chaffeley. Réduit à défendre la vie & fa
liberté , il tire de fa ceinture un pifiolet qui ne
part point ; mais il parvient à fe débarraffer & à
refermer la porte . Aufli- tôt le tocfin fonne de
toutes parts : trente Paroiffes s'ébranlent , trente
drapeaux font déployés , ks Villages d'alentour
accourent à la réquifition des . Officiers Muri :ipaux
; enfin , deux mille individus viennent affiéger
un vicillard , des femmes & des enfans,
Cette troupe forcenée réitère fes menaces , &
bientôt les exécute. Ele infifte d'abord fur la
vifite intrépide Madame Dumontet ole aberder
ces forcenés , & leur icpréfente qu'une dépu
tation d'entr'eux fuffira pour calmer leur défiance ,
en faifant feule la reconnoiffance du Château ; leś
follicitations de quelques Municipaux fufpendent
un moment les deffeins des fcélérats ; des Députés
en effet , parcourent la maifon , redeſcendent ,
atteſtent n'avoir trouvé que les armes ordinaires ,
A ces mots la fureur animée par l'efpoir du
pillage & par la foif du fang reprend de nouvelles
forces . Une grêle de coup de fufil crible les fenê
tges du Château , à l'inftant où fes infortunés bahitans
yenoient de reprendre quelqu'efpoir. Plus
de doute fur l'imminence du péril : Madame Dumontet
tente un dernier effort pour fauver fon
mati & fa demeure . Elle prend fes deux enfans
dans fes bras , le précipite au milieu des affaflins ,
réclame l'humanité & la juftice , fomme les Municipaux
de faire leur devoir. Sa jeuneffe , les
charmes attendriffans de fa figure pleine de douceur
, fon héroïsme , la préfence de ſes enfars ,
L 6
( 252 )
rien ne défarme ces execrables bourreaux. Is
lentourent & l'entraînent , pour la garder , difentils
, en ôtage..
Pendant qu'une partie de ces monftres la fé-.
quefire dans un lieu , où elle fe trouvoit expofée ,
au feu du Château , fi fon mari eut tenté de
fire feu , le refte enforce les portes , force less
paffages , inonde le Château . Tous les domefti-.
ques étoient en faite le pillage commence ; il fe
confommie. Tout ce qui peut être pris devient la
proie des brigands : l'incendie fuccède à ce faccagemert
les flammes dévorent- le Château. Le
matheureux Grillin , chalé de retraite en retraite
, & réfugié dans le donjon de la maison
enbralée , n'a plus que , le choix, du fupplicè ..
Quelques hommes moins féroces l'encouragent
à le montrer , & répondent de la vie . li fort du
donjon ; à la vue la rage redouble : c'eſt à qui
lui portera les premiers coups : on le hache en
pières vivant; il voit fes membres toniber épars
auprès de lui ; enfin il reçoi le coup de grace.
Auffi - tô: les Cannibales fe difputent les lambeaux.
de fon cadavre ; la tête est coupée , portée ſur une
pique triomphale ; lestriomphateurs civiques laventleurs
mains , lenr . vifage bidenz dan te fang
attyr il s'en part gert les membres déchités
, ils les envoyent aux diffétens Villages ,
comme le Lévite d'Ephraïm fic paffer les débris defon
époufe aux tribus d'Itraël, Erfin , pour dermier
acte de cette abominabic tragédie , ceux deces
Acélérats que la Gendarmerie nationale pourfuività
Chalkley. , furent fatis à table , où ils dévoroient
l'avant- bras de leur victime , après l'avoir
fait-rôsir. La procédure infruite à Lyon
a contate ca f.fin d'urrapephages .
་ Pendant que les Dames conlumoient, fore
(
255.
:
Château pilé ; pendant qu'à la vue de l'écharpe
Municipale & de l'uniforme Nationale , on dépe
çoit M. Damontet, vivant , la génércule épouse
éhappoit au même fort par les foins compatif--
fans de deux Hábitans Parvenus à lafoultraire
fes fatellites , ils lui donnèterrun afyle ; mais
les recherches & l'approche des brigands la forcèrent
d'en fortir. Portant dans fés bras l'an de
fes enfans , confiant Pautre à l'une de fes femmes.
qui l'avoit fuivie , elle erra plufieurs heures , à la
meur de fon Château incendié , au milieu des,
coups de fufil que lui tiroient les affàllins. Un
nouveau darger l'attendoit fur les bords de la.
Saone , où elle arrive les pieds fänglåns un déta
chement des brigands la pourfuit & l'atteint . Elle
ne leur échappe que per la fermeté de M. Felafc ,
Lyonnois , Commandant de la Garde nationale
du lieu , qui , au péril de fes propres jours , dé
fendit Madame Dumontet , & lui procura un
bateau qui la conduifit à Lyon . Là finirent 24,
Heures de dangers affreux : là elle apprît toute
rétendue de fes infortunes & de fes pertes : on
Jui avoit déguifé le fort de fon mari ; elle l'epprit
, en fe rejoignant , à Lyon , à fes belles- feurs & ;
à fes nièces , miraculeufement échappées comme
elle à la horde infame qui venoit de combler les.
malheurs de cette Famille .
Tous les traits du tableau que je viens d'efquiffer
, m'ont été fournis par M. dime Dimanter
clie-même : c'eft de fa bouche que j'ai appris
fes circonftances de ce défaftre , & je, ne les air
pas rendues avec le fentiment d'horreur , d'affiion
profonde , dont l'accent , le fpectable de,
certe veuve ft touchante m'a pénétré .
Autorife par la fignature à garantir l'exącisade
de ce-récir , fajouterai qu'inceífamment elle
( 254 )
publiera la procédure qui le confirme , & qu'elle
pourfuivra jufqu'à la mort , la vengeance de fon
mari & de les enfans.
L'honneur national , l'intérêt de nos nouvelles
Loix, l'opinion que l'Affemblée nationale veut fans
doute que l'on prenne des Corps & des Tribunaux
auxquels e'le a confié la défenfe de la Liberté civile,
nous promettent que Madame Dumonter obriendra
cette vengeance . Déja , il eft vrai , quelquesuns
de ces autres de crime , où les fcélérats ont
déjà fi fouvent trouvé des protecteurs , déjà des
Clubs remuent en faveur des coupables arrêtés ,
intimident le Tribunal du Diſtrict de Lyon , appellent
à l'appui des antrographes le prétexte du
patriotifme , & rejettent , fur l'excès du zèle civique
, ce pillage , cet incendie , cette boucherie,
ce feftin .
Je dois avertir ceux entre les mains de qui eft
aujourd'hui le fort de cette pourfuite , ou qui
peuvent en forcer lá continuation , fi les Clubiftes
réuffiffoient à l'interrompre , que l'opprobre de la
France & de la Conſtitution eft ici atraché à une
décifion de connivence ou de lâcheté ; que ce
Journal portera à l'Europe entière l'hiſtoire de ce
forfait , & que l'Europe entière demandera s'il a
été puni. Il faut décider fi la France eſt ou non un
pays policé , fi elle eft habitée par des hommes ou
par des bêtes féroces , fi le titre de Patriote eft
parmi nous le mafque & la récompenfe de la plus
infâme fcélérate ffe.
Nous ne parlerons pas ici des indemnités fur
lefquelles la veuve & les enfans de M. Dumonter
ont un droit inconteftable . Les Décrets de l'Affemblée
Nationale les leur affurent forme lement.
Tout eft perdu pour ces orphelins ; château ,
258 J
$
1
dépendances , récoltes de l'année dernière , vins
grains , mobilier , argenterie , argent comptant ,
affignats , billets , titres , contrats. Entre autres
propriétés , M. Dumontet avoit 36000 liv. en
rentes viagères fur FEtat ; en l'affaflinant , fes
bourreaux crioient : Tuons- le ; il a des rentes ; »
cefera autant de gagné pour la Nation . Tels font
les épouvantables fuccès de nos maximes fur les
propriétés publiques tels font les progrès de cet
efprit de pillage , que des Rhéteurs ofent appeller
l'efprit public. Il feroit fuperflu d'indiquer à cet
égard ce que l'équité , ce que la générofité d'un
grand Peuple peuvent commander en pareille
circonftance .
Auprès des malheurs de cette Famille , auprès
des crimes qui la plongent dans le deuil & la ruine,
qu'est-ce que le fupplice de Calas , promené juſqu'au
dégoût fur nos Théâtres , & toutes ces déclamations
rimées par lefquelles on accufe des
temps qui ne font plus , pour applaudir aux for
faits de fes contemporains. Ah ! fi , parmi tant
de poëtes fervils , qui , tous couverts des fanges.
du defpotifme , ofent prendre la livrée de la Liberté
, il en étoit un feul qui eût confervé l'inftinct
de l'humanité , qu'il en donne des leçons au
Peuple , en lui retraçant la peinture de fes égaremens
(1 ).
En envoyant à M. Chapelier, qui l'avoit
interrompue , l'Opinion de M. Malouetfur
(1 ) Cet article a été rédigé par M. Mallet,
du Pan , qui reprendra la rédaction entière la
femaine prochaine.
( 256 )
As conflitutionnel, ce dernier lui a écrits
ces mots : to Je vous ai laiffé, travailler fans .
» interruption pendant deux ans & deni ,
---
à un ouvrage que vous appellezſuperbe ;
» il eut étéjufte de m'accorder une derui-
» Heure pour enr dire mon avis . Je vous ?
» prouverois bien , par vos propres axio-
» mes , que le refus ft déloyal & inconftitutionnel;
mais j'aime autant, que nous .
>> reſtions chargés vis-à vis de nos Contem
» porains & de la postérité , vous de la :
» refponfabilité de votre admiration ,
» moi de celle de mes cenfures .>>
&
Cette Opinion de M. Malouet , que nous.
avons rapportée à-peu- près entière dans la ,
Séance du Lundi 8 , ayant été défigurée .
par les Copiftes périodiques des Séances
de l'Affemblée Nationale , l'Auteur nous !
a priés de rendre publique la réclamationque
voici :
Paris , le 17 aout 1791.
Je fais , Monfieur , combien on vous perfécute
pour vos opinions ; mais je fuis feul refponfable des
miennes & puifque vous voulez bien leur donner
place quelquefois dans votre Journal , permetteznoi
de publier par cette.voie que je ne me retrouve
fain & Laufqu'entre vos mains . Les platitudes ,.
les fottifes même que me font dire des Folliculaires
rels que le Moniteur , font un dernier efter de la
démigogis, pour 'apprendre au peuple étonné ,
que muln'a d'esprit que nous & nos amis. On dits
que c'eft auit la divife de l'Amides Patriotes; &±
qu'il prétend férieufement qu'il n'y a pas un
(~257 )
;
1
homme eftimable qui ne trouve la conſtitution
fuperbe , car ce mot eft confacré par M. Chapelier..
Pour moi j'ai une autre prétention c'eft que dans
le grand nombre d'honnêtes gens & de fripons qui,
en font l'éloge ; iln'y a pas un feulhomme au bufte
duque la pollérité attache l'infcription : Aux Grands
Hommes la Patrie reconnoiffante.
MM. de Mirbeck , de St. Lourens &. de
St. Leger font nommés , par M. Thevenard,
Commiffaires de l'Aflemblée Nationale à
St. Domingue , à la place de MM. de la
Haproye , Guillot & Heriffon , choifis par
S.. M. avant l'interrègne. Ces derniers ont
réfigné leur emploi par des motifs eftimables
, qu'on trouvera dans leur lettre fulvante
au Miniftre de la Marine , en date-du:
Juillet dernier.
MONSIEUR ,
Nommés par le Roi , Commiffaires Conciliareurs
à Saint - Domingue , nous avons accepté,
avec enthoufiafme , cette importante iniflion,
dans l'eip ir de payer à notre patrie le tribut qu'elle.
a droit d'attendre de tout citoyen. »
сс Depuis le 29 mars , époque de notre nomination
, jufqu'an 21 juin , neus avons attendu
avec impatience le moment où nos voeux pour
rojent le réaliſer , & nous avons mis ce temps
à profit , foit en puifant dans les correfpondances
des lumières qui nous étoient néceffaires , foit
en entreprenant des rapports fréquens avec les
habitans de la colonie . Les circonftances actuelles
( 258 )
offrant un autre ordre de chofes , nous paroiffent
néceffiter d'autres mefures . »
« L'Affemblée nationale doit préfenter inceffamment
au Roi la charte conftitutionnelle ; fa
détermination peut influer évidemment fur le
fuccès de notre miffion . Daignez donc , Monfieur,
différer notre embarquement jufqu'à ce qu'il ait
manifefté fes intentions ; dès le lendemain vous
nous trouverez prêts à exécuter les ordres que
Vous nous intimerez ; mais fi vous perfiftez dans
la réfolution de preffer notre départ , permetteznous
de vous offrir notre démifiion . »
Nous fommes avec refpe &t , & c. & c, Signés ,
GUILLOT , D'HÉRISSON , DELAHUPROYE .
SUITE du Projet de la Conflitution
Françoife.
SECTION V.
Réunion des repréſentans en Affemblée nationale
légiflative.
Art . I. Les repréfentans fe réuniront le premier
lundi du mois de mai , au lieu des féances de la
dernière légiftrature .
II. Ils le formeront provifoirement , fous la
préfidence du doyen d'âge , pour vérifier les pouvoirs
des repréfentans préfens.
III. Dès qu'ils feront au nombre de trois centsfoixante
treize membres vérifiés , ils fe conftituerout
fous le titre d'Affemblée nationale législative
: elle nommera un préfident , un vice préfilent
& des fecrétaires , & commencera l'exercice
de fes fonctions .
IV. Pendant tout le cours du mois de mai ,
( 259 )
1
fi le nombre des repréfentans préfens eft audeffous
de trois cent foixante-treize , l'Affembléc
ne pourra faire aucun acte législatif.
Elle pourra prendre un arrêté pour enjoindre
aux membres abfens , de fe rendre à leurs fonc
tions dans le délai de quinzaine au plus tard,
à peine de 3000 livres d'amende , s'ils ne propofent
pas une excufe qui foit jugée légitime par
le corps légiflatif.
V. Au dernier jour de mai , quel que foit le
nombre des membres préfens , ils fe conftitueront
en Affemblée nationale légiflative .
VI. Les repréfentans prononeeront tous enfemble
, au nom du peuple François , le ferment
de vivre libre ou mourir.
Ils prêteront enfuite , individuellement , le ferment
de maintenir de tout leur pouvoir la conftitution
du royaume décrétée par l'emblée natio
näle conftituante , aux années 1789 , 1790 &
1791 ; de ne rien propofer ni confertir , dans le
cours de la légifiature , qui puiffe y porter atteinte ,
& d'être en tout fidèles à la Nation , à la Loi &
au Roi.
:
VII. Les repréfentans de la nation font inviolables
ils ne pourront être recherchés , accufés ,
ni jugés en aucun temps , pour ce qu'ils auront
dit , écrit , ou fait dans l'exercice de leurs fonctions
de repréfentans...
VIII. Ils pourront , pour fait criminel , être
faifis en flagrant délit , ou en vertu d'un mandat
d'arrêt ; mais il en fera donné avis , fans délai , au
corps légiflatif , & la pourfuite ne pourra être
Continuée qu'après que le corps légiflatif aura décidé
qu'il y a lieu à accufation,
( 260 )
CHAPITRE II
De la Royauté , de la Régence & des Miniftres.
SECTION PREMIÈRE.
De la Royauté & du Roi.
Art. I. La royauté eft indivifible , & déléguée
héréditairement à la race régnante , de mare en
mâ e , par ordre de primogéniture , à l'exclufion
perpétuelle des femmes & de leur defcendance.
( Rien n'est préjugé fur l'effet des renonciations
, dans la race actuellement régnante . )
H. La perfonae du Rei eft inviolable & facrées.
fon feul titre elt Roi des François.
. n'y a point en France d'autorité ſu
périeure à celle de la loi . Le Roi ne règne que
Har elle , & ce ucft qu'au nom de la loi qu'il
peut exiger l'obiffance.
IV. Le Roi , à fon aveneniert au trone,
cu dès qu'il cura atteint la majorité , pretra
à la nation , on prétence du corps légiftatif , ! :
fernent d'employer tout le pouvoir qui lui eft dá
légé à maintenir la conftitution décrétée par
Pemblée nationale conflituante , aux années
1789 , 1790 & 1791 & à faire exécuter les.
Loix..
"
Si le corps législatif n'étoit pas . 1affen.bé , le
Itoi fera publier une proclamation , dans laquelle.
front exprimés ce ferment & la promeffe de .:
fitérer auffitôt que le corps légifnf fera réuni
V. Si le Roi refute de prêter ce ferm
après l'avitation du corps législatif, ou fi, après
Kavoir pêté , il le rétracte , il fera cenfé avoir
abdiqué la royauté…..
Vi.. Si le Roi fe met à la tête d'une armés
( 261 )
& en dirige les forces contre la nation , ou s'
ne s'oppole pas par un acte formel à une telle
entreprife , qui s'exécuteroit ca fon nom , il
fera cenfé avoir abdiqué .
VII. Si le Roi fort du royaume , & fi , après
avoir été invité par une proclamation du corps
législatif , il ne rentre pas en France , il fera
ceafé avoir abdiqué.
VII . Après l'abdication expreffe ou légale
le Roi fera dans la claffe des citoyens , &
pourra être accufé & jugé comme eux , pour
les actes poftérieurs à fon abdication.
IX. Les biens particuliers que le Roi poffède
à fon avènement au trône , font réunis irrévecablement
au domaine de la nation ; if a la
difpofition de ceux qu'il acquiert à titre finguliers
s'il n'en a pas difpofé , ils font pareillement réunis
à la fin du règne .
X. La nation pourvoit à la fplendeur du trône
par une lifte civile , dont le corps législatif dé
terminera la fomme , à chaque changement de
règne , pour toute la durée du règne.
XI. Le Roi nommera un adminiftrateur
la lifte civile , qui exercera les actions judiciaires
du Roi , & contre lequel perfonnellement les
pourfuites des créanciers de la lifte civile feront
dirigées & les condamnations prononcées & exécutées.
SECTION II.
De la Régence.
Art. I. Le Roi cft mineur jufqu'à l'âge de 18
ans accomplis ; & pendant fa minorité , il y a
un régent du royaume.
II. La régence appartient au parent du Roi ,
( 262 )
le plus proche en degré , fuivant l'ordre de l'hérédité
au trône , & âgé de vingt-cinq ans accomplis
; pourvu qu'il foit François & régnicole ,
qu'il ne foit pas héritier préfomptif d'une autre
couronne , & qu'il ait précédemment prêté le
ferment civique.
Les femmes font exclues de la régence .
III. Le régent exerce jufqu'à la majorité du
Roi , toutes les fonctions de la royauté , & n'eft
pas perfonnellement refponfable des actes de fon
adminiftration .
IV. Le régent ne peut commencer l'exercice
de fes fonctions , qu'après avoir pre é à la na
tion , en préſence du corps législatif , le ferment
d'employer tout le pouvoir délégué au Roi , &
dont l'exercice lui eft confié pendant la minorité
du Roi , à maintenir la conftitution décrétéepar
Affemblée nationale conftituante , aux années
1789 , 1790 & 1791 , & à faire exécuter les
loix.
Si le corps législatif n'eft pas affemblé , le
régent fera publier uné proclamation , dans laquelle
feront exprimés ce ferment & la promeffe
de le réitérer auffitôt que le corps légiſlatif ſera
réuni,
V. Tant que le régent n'eft pas entré en
exercice de fes fonctions , la fanction des loix
demeure fufpendue ; les miniftres continuent de
faire , fous leur refponfabilité , tous les actes
du pouvoir exécutif.
VI. Auffitôt que le régent aura prêté le ferment
, le corps législatif déterminera fon traitement
, lequel ne pourra être changé pendant la
durée de la régence.
VII. La régence du royaume ne confère aucun
droit fur la petfonne du Roi mineur .
( 263 )
P
I
VIII. La garde du Roi mineur fera confiée
à fa mère ; & s'il n'a pas de mère , ou fi elle est
remariée , au temps de l'avènement de fon fils
au trône , ou fi elle fe remarie pendant la minorité
, la garde fera déférée par le corps légill
.tif.
-
Ne peuvent être élus pour la garde du Roi
mineur , ni le régent & les defcendans , ni les
femmes. 3
• IX . En cas de démence du Roi notoirement
reconnue , légalement conftatée , & déclarée
par le corps législatif après trois délibérations
fucceffivement prifes de mois en mois
il y a lieu à la régence , tant que la démence
dure.
SECTION I I I.
De la famille du Roi.
Art . I. L'héritier préfomptif por: era le nom de
prince royal,
Il ne peut fortir du royaume , fans un décret
du corps législatif , & le confentement du Roi.
S'il en eft forti , & fi , après avoir été requis
par une proclamation du corps législatif , il ne
rentre pas en France , il eft cenfe avoir abdiqué
le droit de fucceffion au trôné.
II. Si l'héritier présomptif eft mineur , le
parent majeur , premier appelé à la régence
eft tenu de réſider dans le royaume .
Dans le cas où il en feroit forti , & n'y rentreroit
pas fur la réquifition du corps légiflatif ,
il fera cenfé avoir abdiqué fon droit à la régence,
III . La mère du Roi mineur ayant la garde
bu le gardien élu , s'ils fortent du royaume ..
font déchus de la garde.
( 264 )
Si la mère de l'héritier préfomptif mineur
fortoit du royaume , elle ne pourroit , méme
après fon retour , avoir la garde de fon fils
'mineur devenu Roi , que par un décret du corps
législatif.
IV. Les autres membres de la famiile royale
ne font foumis qu'aux loix communes
tous les citoyens.
V. Il fera fait une loi pour régler l'éducation
du Roi mineur , & celle de l'héritier préfomptif
mineur.
VI. Il ne fera accordé aux membres de la
famille royale aucun apanage réel .
Les fils puînés du Roi recevront à l'âge de
vingt-cinq ans accomplis , ou lors de leur mariage
, une rente apanagère , laquelle fera fixée
par le corps législatif , & finira à l'extinction
de leur postérité mafculine.
SECTION IV.
Des Miniftres.
Art. I. Au Roi feul appartiennent le choix &
la révocation des miniftres.
II. Aucun ordre du Roi ne peut être exécuté
, s'il n'eft figné par lui & contre-figné par
le miniftre ou l'ordonnateur du département
III . Les miniftres font refponfables de tous
les délits par eux commis contre la sûreté nationale
& la conftitution ;
De tout attentat a la propriété & à la liberté
individuelles ;
De toute diffipation des deniers deftinés aux
dépenses de leur département.
IV. En aucun cas , l'ordre du Roi verbal ou
par
( 265 )
2
I
par écrit , ne peut fouftraire un miniftre à fa
refponfabilité.
V. Les miniftres font tenus de préſenter chaque
année au corps législatif , à l'ouverture de la feffion
, l'apperçu des dépenfes de leur départe
ment , de rendre compte de l'emploi des fommes
qui y étoient deftinées , & d'indiquer les abus
qui auroient pu s'introduire dans les différentes
parties du
gouvernement.
VI. Aucun miniftre en place ou hors de place ,
ne peut
être pourfuivi en matière criminelle pour
faitt de fon
adminiftration , fans un décret du
corps législatif.
CHAPITRE II I.
#
De l'exercice du pouvoir législatif.
SETION PREMIÈRE.
Pouvoirs & fonctions de l'Affemblée Nationale
législative.
La
conftitution délègue
exclufivement au corps
législatif les pouvoirs & fonctions ci - après-:
1º. De propofer & décréter les loix : le Roi
peut feulement inviter le corps légiflatif a prendre
un objet en conſidération ;
20. De fixer les dépenfes publiques ;
3 °. D'établir les contributions publiques , d'en
déterminer la nature la quotité & le mode de
perception ;
,
4°. D'en faire la répartition entre les dépar- ;
temens du royaume , d'en farveiller l'emploi &
de s'en faire rendre compte ;
No. 34. 20 Août 1791 . M
( 266 )
´´5º . De décréter la récréation ou la fuppreffion
des offices publics ;
16°. De déterminer le titre , l'empreinte & la
dénomination des monnoies ;.
7º. De permettre ou de défendre Fintroduction
des troupes étrangères fur le territoire
françois , & des forces navales étrangères dans
les ports du royauine ;
80. De ftatuer annuel'ement , après la propofition
du Roi , fur le nombre d'hommes & de
vaiffeaux dont les armées de terre & de mer
feront compofées ; fur la folde & le nombre
d'individus de chaque grade ; fur les règles d'admiffion
& d'avancement , les formes de l'enrôlement
& du dégagement , la formation des
équipages de met ; fur l'admiffion des troupes
ou des forces navales étrangères au fervice de
France , & fur le traitement des troupes en cas
de licenciement ;
9°. De ftatuer fur l'adminiftration , & d'ordonner
l'aliénation des domaines nationaux ;
10° . De pourfuivre devant la haute cour nationale
la refponfabilité des miniftres & des agens.
principaux du pouvoir exécutif ;
D'accufer & de pourfuivre , devant la même
cour , ceux qui feront prévenus d'attentat & de
complot contre la fùreté générale de l'état , ou
contre la conftitution ;
11°. D'établir les règles d'après lefquelles les
marques d'honneur ou décorations purement
perfonnelles feront accordées à ceux qui ont
rendu des fervices à l'état .
12 °. Le corps légiflatif a feul le droit de décerner
les honneurs pofthumes à la mémoire
des grands hommes.
II La guerre ne peut être décidée que par
( 267 )
wa décret du corps ( léginatif , rendu fur la
propofition formelle & néceffaire du Roi , &
fanctionné par lui.
Dans le cas d'hoftilités imminentes ou commencées
, d'un allié à foutenir ou d'un droit à
conferver par la force des armes , le Roi en
donnera , fans aucun délai , la notification au
corps légiflatif , & en fera connoître les mo- :
tifs .
Si le corps légiflatif décide que la guerre ne
doive pas être faite , le Roi prendra fur- le - champ
des mesures pour faire ccffer ou prévenir toutes
hoftilités , les miniftres demeurant refponfables
des délais .
Si le corps législatif trouve que les hoftilités
commencées foient un agreffion coupable de la
part des miniftres on de quelqu'autre agent du
pouvoir exécutif , l'auteur de l'agreffion fera
pourfuivi. criminellement .
Pendant tout le cours de la guerre le corps
législatif peut requérir le Roi de négocier la
paix , & le Roi eft tenu de déférer à cette réquifition
.
>
A f'inftant où la guerre ceffera , le corps légiflatif
fixera le délai dans lequel les troupes
élevées au- deffus du pied de paix , feront congédiées
, & l'armée réduite à fon état ordinaire .
III. I appartient au corps législatif de ratifier
les traités de paix d'alliance & de commerce
; & aucun traité n'aura d'effet que par
cette ratification .
,
IV. Le corps légiflatif a le droit de déterminer
le lieu de fes féances , de les continuer
autant qu'il le jugera néceffaire , & de s'ajourner
au commencement de chaque règne,
M 2
( 268 )
s'il n'étoit pas réuni , il fera tenu³ de ſe raſfembler
fans délai .
Ha le droit dé police dans le lieu de fes
féances , & dans l'enceinte extérieure qu'il aura®
déterminée .
Il a le droit de difcipline fur fes membres ;
mais il ne peut prononcer de punition plus forte
que la cenfure , les arrêts pour huit jours , ou
la prifon pour trois jours.
Il a le droit de difpofer , pour fa fûreté &
pour le maintien du refpect qui lui eft dû , des'
forces qui , de fon confentement ' , feront établies
dans la ville où il tiendra les féances .
V. Le pouvoir exécutif ne peut faire paffer
ou féjourner aucun corps de troupes de ligne ,
dans la diſtance de trente mille toiles du corps
législatif , fi ce n'eft fur la réquifition ou fur
fba autorifation .
SECTION II.
Tenue des féances , & forme de délibérer.
Art. I. Les délibérations du corps législatif
feront publiques , & les procès -verbaux de fes
fearices feront imprimés.
II . Le corps légiflatif pourra cependant , en
toute occafion , le former en " comité général,
Cinquante einbres auront le droit de l'exiger.
Pendant la durée du comité général , les af
fiftans fe retireront , le fauteuil du préfidens
fera vacant , l'ordre fora maintenu par le vicepréfident
.
Le décret ne pourra être rendu que dans une
féance publique.
III. Aucun acte législatif ne pourra être déli(
26) )
béé & décrété que dans la forme fuivante :
IV. Il fera fait trois lectures du projet de
décret à trois intervalles , dont chacun
›
pourra être moindre de huit jours .
ne
V. La difcuffion fera ouverte après chaque
lecture , & néanmoins après la première ou feconde
lecture , le corps législatif pourra déclarer
qu'il y a lieu à l'ajournement , ou qu'il n'y a
pas lieu à délibérer dans ce dernier cas le
projet de décret pourra être repréſenté dans la
même feffion.
;
". VI. Après la troisième lecture le préfident
fera tenu de mettre en délibération , & le corps
législatif décidera s'il fe trouve en état de rendre
un décret définitif , ou s'il veut renvoyer la décifion
à un autre temps , pour recueillir de plus
amples éclairciffemens.
VII. Le corps lég flatif ne peut délibérer , fi
Ja féance n'eft compolée de 200 membres au
moius . & aucun décret ne fera fermé que pas
la pluralité abfolue des fuffrages.
VIII. Tout projet de loi qui , foumis à la
difcuffio , aura été rejeté après la troifième lecture
, ne pourra être représenté dans la même
feffion.
IX. Le préambule de tout décret définitif
énoncera , 1 °. les dates des téances auxquelles
les trois lectures du projet auront été faites ;
2. le décret par lequel il aura été arrêté
après la troisième lecture , de décider définitivement.
X. Le Roi refufera fa fan&ion aux décrets
dont le préambule n'atteftera pas l'obfervation
des formes ci deffus ; fi quelqu'un de ces décrets
étoit fanctionné , les miniftres ne pourront
M
3
( 270 )
Ae feeller ni le promulguer , & leur refponfabilité
à cet égard durera fix années .
XI. Sont exceptés des difpofitions ci - deffus ,
les décrets reconnus & déclarés urgens par une
délibération préalable du corps légiflrif ; mas
ils peuvent être modifiés ou révoqués dans le
cours de la même iffion .
SECTION III.
De la fanion royale..
Art. 1. Les décrets du corps légiflatif font préfentés
au Roi , qui peut leur refuler fon confentement.
II. Dans le cas où le roi refufe fon confentement
, ce refus n'eft que fufpenfif.
Lorfque les deux légiflatures qui fuivront celle
qui aura préfenté le décret , auront fuccefiveinent
repréfenté le même décret dans les méines
tennes , le Roi fera cenfé avoir donné la faction .
III. Le confentement du Roi eft exprimé fur
chaque décret par cette formule fignée du Roi :
Le Roi confent & fera exécuter.
Le refus fufpenfif eft exprimé par celle - ci :
le Roi examinera.
IV. Le roi eft tenu d'exprimer fon cenfentement
ou fon refas fur chaque décret , dans les
deux mois de la préfentation ; & ce délai pafié ,
fen filence cft réputé refus.
V. Tout décret auquel le Roi a refufé fon
contentement, ne peut lui être reprétenté par la
même législature .
VI. Le corps législatif ne peut inférer dans les
déc.ets portant établidement ou continuation
( 271 )
3
3
d'impôts , aucune ditpontion qui leur foit étrangère
, ni préfenter en même tems à la faction
d'autres décrets comme inféparables .
VII. Les décrets fanctionnés par le Roi , &
ceux qui lui auront été préfentés par trois légiflatures
confécutives , ont feuls force de loi ,
& portent le nom & l'intitulé de loix.
VIII. Ne font néanmoins fujets à la fanction
les actes du corps légiflatif, concernant la conftitution
en allembléc délibérante ;
Sa police intérieure ;
La vérification des pouvoirs de fes membres
préfens ;
Les jonctions aux membres abfens ;
La convocation des aflemblées primaires en
retard ;
L'exercice de la police conftitutionnelle fur les
adminiftrateurs.
Les queftions foit d'éligibilité , foit de validité
des élections .
Ne font pareillement fujets à la fanction les
actes relatifs à la refponfabilité des miniftres ,
& Lous décrets portant qu'il y a lieu à accufation.
SECTION IV.
Relations du corps légiflatif avec le Roi.
Art . I. Lorfque le corps législatif eft definitivement
conftitué , il envoie au Roi une députation
pour l'en inftruire . Le Roi peut chaque
année faire l'ouverture de la feffion , & proj ofer
les objets qu'il croit devoir être pris en confidé-
.ration pendant le cours de cette feffion ; fans
M
4
( 272 )
néanmoins que cette formalité puiffe être confidérée
comme néceffaire à l'activité du corps
dégiſlatif.
སྙ་ ་
II. Lorfque le corps légiflatif veut s'ajourner
au-delà de quinze jours , il eft tenu d'en prévenir
le Roi par une députation , au moins huit
jours d'avance .
+
III . Huitaine au moins avant la fin de chaque
feffion , le corps legiflatif envoie au Roi une députation
, pour lui annoncer le jour ou il fe propofc
de terminer les féances : le Roi peut venir
faire la clôture de la feflion .
IV. Si le Roi trouve important au bien de
Pétat que la feffion fcit continuée , cû que l'ajonnement
n'ait pas lieu , ou qu'il n'ait lieu que
pour un tems moins long , il peut à cet effet
envoyer un meffage fur lequel le corps légiflatif
eft tenu de délibérer.
V. Le Roi convoquera le corps légiſlatif ,
dans l'intervalle de fès feffens , toutes Its fois
•
que l'intérêt de l'état lui paroitra exiger , and
que dans les cas que le corps légiflatif aura
prévus & déterminés , avant de s'ajourner.
VI. Toutes les fois que le Roi fe rendra au
lieu des féances du corps légiflatif , il fera reçu
& reconduit par une députation ; il ne pourra
être accompagné dans Pintérieur de la falle que
par les miniftres.
VII . Dans aucun cas le préfident ne pourra
faire partie d'une députation.
VIII. Le corps légiflatif ceffera d'être corps.
délibérant , tant que le Roi fera préfent .
IX. Les des de la correfpondance du Roi
avec le corps légiflatif feront toujours contrefignés
par un miniftre.
( 273 )
い
3
X. Les miniftres du Roi auront entrée dans
' Affemblée nationale légiflatives is Y auront une
place marquée , ils feront entendus fur tous les
objets fur lefquels ils demanderont à l'être , &.
toutes les fois qu'ils feront requis de donner des
éclairciffemens .
CHAPITRE IV.
De l'exercice du Pouvoir exécutif.
Art . 1. Le pouvoir exécutif fuprême réfide
exclufivement dans la main du Roi.
Le Roi eft le chef fuprême de l'adminiftration
générale du royaume le foin de veiller au
maintien de l'ordre & de la tranquillité publique
lui eft cofié.
Le Roi eft le chef fuprême de l'armée de terre
& de l'armée navale .
Au Roi eft délégué le foin de veiller à la
fûreté extérieure du Loyaume , d'en maintenir les
droits & les poffeffions.
II. Le Roi nomme les ambaffideurs & les
autres agens des négociations politiques .
Il confère de commandement des armées & des
flottes , & les grades de maréchal de France &
d'amiral .
Il nomme les deux tiers des contre-amiraux ,
la moitié des lieutenans - généraux , maréchauxde-
camp , capitaines de vaiffeaux & colonel de
la gendarmerie nationale .
Il nomme le tiers des colonels & des lieutėnaus-
colonels , & de fixième des lieutenaus - devaiffeaux
le tout en le conformant aux loix
fur l'avancement.
:
M
S
( 274 ) Il nomme dans l'adminiftration
civile de la
marine les ordonnateurs , les contrôleurs , les tréforiers
des arfenaux , les chefs des travaux , fous - chefs des bâtimens civils ; la moitié des
chefs d'adminiftration
& des fous- chefs de conftruction
.
Il nomme les commiffaires
auprès des tribunaux
.
It nomme les commiffaires
de la tréforerie
nationale , & les prépofás en chef a la régie des
contributions
indirectes.
&
Il furveille la fabrication des monnoies ,
nomme les officiers chargés d'exercer cette ferveillance
dans la commiffion générale & dans les
hôtels des monnoies .
L'effigie du Roi eft empreinte fur toutes les
monnoies du royaume.
III. Le Roi fait délivrer les lettres - patentes ,
brevets & commiffions aux fonctionnaires publics
qui doivent en recevoir .
IV. Le Roi fait dreffer la lifte des penfions
& gratifications , pour être préfentée au corps
légiflatif à chacune de fes feffions .
SECTION PREMIÈRE
.
De la promulgation des Loix.
Art . I. Le pouvoir exécutif eft chargé de
faire fceller les loix du fceau de l'Etat , & de
les faire promulguer.
II. Il fera fait deux expéditions originales de
chaque foi , toutes deux fignées du Roi , contrefignées
par le miniftre de la juftice , & iceliées
du fceau de l'Etat.
( 275)
3
L'une refera déposée aux archives du fceau ,
& l'autre fera remife aux archives du corps lé–
giſlatif.
II . La promulgation des loix fera ainfi conçue
:
« N. ( le nom du Roi ) par la grace de Dieu ,
& par la loi conftitutionnelle de l'Etat , Roi des
François ; à tous préfèns & à venir ; falut' : l'AF
femblée nationale a décrété , & nous voulons &
ordonnons ce qui fuit : »
( La copie littérale du décret fera inférée fans
aucun changement . )
<< Mandons & ordonnons à tous les corps adminiftratifs
, municipalités & tribunaux , que les
préfentes ils faflent tranfcrire fur leurs regiftrés ,
Fire , publier & afficher dans leurs départemens &
refforts refpectifs , & exécuter comme loi du
royaume en foi de quoi nous avons figné ces
préfentes , auxquelles nous avons fait appofer le
fceau de l'Etat. »
IV. Si le Roi eft mineur , les loix , proclamations
& autres actes émanés de l'autorité royale
pendant la régence , feront conçus ainfi qu'il
fuit :
« N. (le nom du régent ) , régent du royaume ,
au nom de N. ( le nom du Roi ) , par la grace de
-Dieu , & par la loi conftitutionnelle de l'Etat ,
Roi des François , & c. & c. & c. »
V. Le pouvoir exécutif eft teau d'envoyer les
loix aux corps adminiftratis & aux tribunaux , de
fe faire certifier cet enyo , & d'en juftifier au
corps législatif.
VI. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucunes
loix , même provifoires , mais feulement des pro-
M 6
( 276 )
clamations conformes aux loix , pour en ordon
ner , ou en rappeler l'exécution .
SECTION I I.
De l'adminiftration intérieure.
Art . 1. Il y a dans chaque département une
adminiſtration fupérieuse , & dans chaque difrict
une adminiſtration fubordonnée .
II. Les adminiftrateurs n'ont aucune caractère
de repréfentation .
Ils font des agens élus à tems par le peuple
pour exercer , fous a furveillance & l'autorné
du Roi , les fonctions adminiftratives.
III. Ils ne peuvent rien entreprendre fur l'ordre
judiciaire ni fur les difpofitions ou opérations
militaires.
IV. Il appartient au pouvoir légiflatif de déterminer
l'étendue & les règles de leurs fonctions .
V. Le Roi a le droit d'annuller les actes des
adminiftrateurs de département , contraires aux
loix & aux ordres qu'il leur aura adreffés .
Il peut , dans le cas d'une défobéiffance perfévérante
, ou s'ils compromettent par leurs actes
la sûreté ou la tranquillité publique , les fufpendre
de leurs fonctions.
VI. Les adminiftrateurs de département ont
de même le droit d'annuller les actes des fousadminiftrateurs
de diftrict , contraires aux loix
ou aux arrêtés des adminiftrateurs de département
, ou aux ordres que ces derniers lear
auront donnés ou tranfmi .
Ils peuvent également , dans le cas d'une défehéiffante
perfévérante des fous-adminiftrateurs ,
-ou & ces derniers compromettent par leurs actes
( 277 )
3
la sûreté ou la tranquillité publique , les fufpendre
de leuis fonctions , à la charge d'en inftruire
le Roi qui pourra lever ou confirmer la
fufpenfion.
VII. Le Roi peut , lorfque les adminiſtrateurs
de département n'auront pas ufé du pouvoir qui
leur eft délégué dans l'article ci - deffus , annuller
directement les actes des fons - adminiftrateurs
& les fufpendre dans les mêmes cas .
>
VIII. Toutes les fois que le Roi aura prononcé
ou confirmé la fufpenfion des adminiſtrateurs
ou des fous adminiftrateurs , il en inftruira
le corps législatif.
›
Celui - ci pourra ou lever la fufpenfion , ou la
.confirmer ou même diffoudre l'adminiftration
coupable ; & s'il y a lieu , renvoyer tous les
adminiftrateurs ou quelques- uns d'eux aux tribunaux
criminels , ou porter contre eux le décret
d'accufation.
SECTION III.
Des relations extérieures.
Le Roi feul peut entretenir des relations politiques
au - dehors , conduire les négociations,
faire des préparatifs de guerre proportionnés à
ceux des états voifins , diftribuer les forces de terre
& de mer , ainfi qu'il le jagera convenable , &
en régler la direction en cas de guerre .
II Toute déclaration de guerre fera faire en
ces termes : De la part du Roi des François ,
au nom de la nation .
III. Il appartient au Roi d'arrêter & de figner
avec toutes les puiffances étrangères , tous les
traités de paix , d'alliance & de commerce , &
( 278 )
:
autres conventions qu'il jugera néceſſaires au
bien de l'état , fauf la ratification du corps légiſlatif.
CHAPITRE V.
Du pouvoirjudiciaire.
Art . I. Le pouvoir judiciaire ne peut , en
aucun cas , être exercé , ni par le corps légis
latif , ni par le Roi.
II. La juftice fera rendue gratuitement par des
juges élus à temps par le peuple , inftitués par
lettres - patentes du Roi , & qui ne pourront être ,
ni deftitués que pour forfaiture duement jugée ,
ni fufpendus que par une accufation admife .
III. Les tribunaux ne peuvent , ni s'immifcer
- dans l'exercice du pouvoir législatif , ou fufpendre
l'exécution des loix , ni entreprendre fur les
fonctions adminiftratives , ou citer devant eux
les adminiſtrateurs pour raifon de leurs fonctions .
IV. Les citoyens ne peuvent être diftraits des
juges que la loi leur affigne , par aucune commillion
, ni par d'autres attributions & évocations
que celles qui font déterminées par les loix.
V. Les expéditions exécutoires des jugemens
des tribunaux feront conçues ainfi qu'il fuit :
« N. ( le nom du Roi ) par la grace de Dieu ,
& par la loi conftitutionnelle de l'état , Roi des
François à tous préfens & à venir , falut : le
'tribunal de a rendu le jugement
Luivant ;
•
(Ici fera copié le jugement . )
« Mandons & ordonnons à tous huiffiers fur
( 279 )
.
ce requis , de mettre ledit jugement à exécution ;
à nos commiffaires auprès des tribunaux d'y tenir
✅ la main , & à tous commandans & officiers de
la force publique , de prêter main - forte , lorfqu'ils
en feront légalement requis en foi de
quoi le préfent jugement a été fcellé , & figné
par le préfident du tribunal & par le greffier. »כ כ
VI. Il y aura un ou plufieurs juges de paix
dans les cantons & dans les villes . Le nombre en
fera déterminé par le pouvoir légiflatif.
VII. Il appartient au pouvoir législatif de régler
les arrondiffemeus des tribunaux , & le nombre
des juges dont chaque tribunal fera com-
* pofé.
VIII. En matière criminelle , nul citoyen ne
peut être jugé que fur une accufation reçue par
des jurés , ou décrété par le corps légifl.tif, dans
le cas où il lui appartient' de poursuivre l'accufation
.
Après l'accufation admife , le fait fera reconnu
& déclaré par des jurés .
L'accufé aura la faculté d'en récufer juſqu'à
vingt.
Les jurés , qui déclareront le fait , ne pourront
être au-deffous de douze .
L'application de la loi fera faite par des
juges.
L'inftruction fera publique .
Tout homme acquitté par un juré légal , ne
peut plus être repris ni accufé à raison du même
fait.
IX. Il y aura pour tout le royaume un feul
tribunal de caffation , établi auprès du corps.
législatif. Il aura pour fonctions de prononcer ,
Sur les demandes en caffation contre les
"
( 280 )
jugemens rendus en dernier reffort par les tribunaux
;
Sur les demandes en renvoi d'un tribunal à
un autre , pour caufe de fufpicion légitime ;
Sur les règlemens de juges & les piles à partie
contre un tribunal entier .
X. Le tribunal de caffation ne pourra jamais
connoître du fond des affaires , mais après avoir
caffé le jugement qui aura été rendu fur une
procédure dans laquelle les formes auront été
violées , ou qui contiendra une contravention expreffe
à la loi , il renverra le fond du procès au
tribunal qui doit en connoître.
XI. Lorsqu'après deux caflations , le jugement
du troisième tribunal fera attaqué par les mêmes
• moyens que les deux premiers , la queftion me
pourra plus être agitée au tribunal de caflation
fans avoir été foumife au corps législatif , qui
portera un décret déclaratoire de la loi auquel le
tribunal de caflation fera tenu de fe conformer.
XII . Chaque année le tribunal de caflation
Tera tenu d'envoyer à la barre du corps légiflatif,"
une députation de huit de fes membres , qui lui
présenteront l'état des jugemens rendus , à côté
de chacun defquels feront la notice abrégée de
J'affaire , & le texte de la loi qui aura déterminé
la décifion .
XIII. Une haute cour nationale , formée de
membres du tribunal de caffation & de hauts jurés
, connoîtra des délits des miniftres & agous
principaux du pouvoir exécutif , & des crimes
qui attaquerant la fûreté générale de l'état ,
dorfque le corps légifatif aura rendu un décret
d'accufation .
( 281 )
12
Elle ne fe raffemblera que fur la proclamation
du corps législatif. * : *
XIV. Les fonctions des commiffaires du Roi
auprès des tribunaux , feront de requérir l'oblervation
des loix dans les jugemens à rendre , & de
faire cxécuter les jugemens rendus .
3.
Ils ne feront point accufateurs publics , mais
ils feront entendus fur toutes les accufations ,
& requerrent pendant le cours de l'inftruction
pour la régularité des formes , & avant le jugement
pour l'application de la loi .
XV. Les commiffaires du Roi auprès des tribunaux
, dénonceront au directeur du juré , ſoit
d'effice , foit d'après les ordres qui leur feront
dornés par le Roi ;
Les attentats contre la liberté individuelle des
citoyens , contre la libre circulation des fubfiftances
& la perception des contributions ;
Les délits par lefquels l'exécution des ordres
donnés par le Roi , dans l'exercice des fonctions
qui lui font déléguées , feroit troublée ou empêchée
;
Et les rébellions à l'exécution des jugemens , &
de tous les actes exécutoires émanés des pouvons
conftiurés .
XVI. Le miniftre de la juftice dénoncera au
tribunal de caffation par la voie du commiffaise
du Roi , les actes par lefquels les juges auroient
excédé les bornes de leur pouvoir .
Le tribunal les annullcia , & s'ils donnent lieu
à la forfaiture , le fait fera dénoncé au corps
législatif , qui rendra le décret d'accufation , &
renverra les prévenus devant la haute cour nationale
.
A
( 282 )
1
TITRE IV .
De la force publique.
Art. I. La force publique eft inftituée pour
défendre l'Etat contre les ennemis du dehors ,
& affurer au dedans le maintien de l'ordre , &
l'exécution des loix .
II. Elle eft composée ,
De l'armée de terre & de mer ;
De la troupe fpécialement destinée au fervice
intérieur ,
Et fubfidiairement des citoyens actifs , & de
leurs enfans en état dé porter les aimes , inferits
fur le rôle de la garde nationale .
1. Les gardes nationales ne forment ni un
corps militaire , ni une inftitution dans l'Etat ; ce
font les citovens eux- mêines appellés au fervice
de la force publique.
IV. Les citoyens ne pourront jamais fe former ,
ni agir comme gardes nationales , qu'en vertu
d'une réquifition ou d'une autorifation légale.
V. Ils font foumis en cette qualité à une orga
niſation déterminée par la loi.
Iis ne peuvent avoir dans tout le royaume ,
qu'une même difcipline , & un mème uniforme.
Les diftinctions de grade , & la fubordination
ne fubfiftent que relativement au fervice & pendant
fa durée.
VI. Les officiers font élus à temps , & ne peuvent
être réélus qu'après un intervalle de fervice ,
comme follats .
Nul ne commandera la garde nationale de plus
d'un diſtrict .
( 283 )
2
VII. Toutes les parties de la force publique
employées pour la sûreté de l'Etat contre les ennemis
du dehors , agiront fous les ordres du Roi.
VIII. Aucun corps ou détachement de troupes
de ligne , ne peut agir dans l'intérieur du royaume,
fans une réquifition légale.
IX. Aucun agent de la force publique ne
peut entrer dans la maifon d'un citoyen , fi ce
n'eft pour l'exécution des mandemens de police
& de juftice , ou dans les cas formellement prévus
par la lɔi.
X/La réquifition de la force publique dans l'intérieur
du royaume , appartient aux officiers civils ,
fuivant les règles déterminées par le pouvoir légiflatif.
XI. Si des troubles agitent tout un département
, le Roi donnera , fous la refponfabilité de
fes miniftres , les ordres néceflaires pour l'exécu
tion des loix & le rétabliſſement de l'ordre ; mais à
la charge d'en informer le corps légiflatif , s'il eft
affemblé , & de le convoquer s'il eft en va-
: cance .
1
XII. La force publique eft effentiellement
obéillante ; nul corps armé ne peut délibérer .
TITRE V.
Contributions publiques.
Art . I. Les contributions publiques feront délibérées
& fixées chaque année par le corps légiflatif
, & ne pourro. fubfifter au- delà du dernier
jour de la feffion fuivante , fi elles n'ont pas été
expreffément renouvellées.
II. Sous aucun prétexte , les fonds néceffaires à
( 284 )
l'acquitement de la dette nationale & au paiement
de la hfte civile , ne pourront être ni refufés , ni
fufpendus.
III. Les administrateurs de département &
fous- adminiftrateurs , ne pourront ni établir aucune
contribution publique , ni faire aucune répartition
au- delà du temps & des fommes fixées
par le corps légiflatif, ni délibérer ou permettre,
fans y être autorifés par lui , aucun emprunt local
à la charge des citoyens du département .
IV. Le pouvoir exécutif dirige & furveille la
perception & le verfement des contributions , &
donne tous les ordres néceffaires à cet effet.
TITRE V I.
Des rapports de la Nation Françoise avec les
Nations étrangères.
La nation françoife renonce à entreprendre aueune
guerre dans la vue de faire des conquêtes
& n'emploiera jamais fes forces contre la hibené
d'aucun peuple.
La conftitution n'admet point de droit d'au
baine.
Les étrangers établis ou non -en France fuccèdent
à leurs parens étrangers ou François .
Ils peuvent contracter , acquérir & recevoir
des biens fitués en France , & en difpofer de
même que tout citoyen François , par tous les
moyens autorisés par les loix.
Les étrangers qui fe trouvent en France font
Toumis aux mêmes droits criminek & de pohce
que les citoyens François : leur perfonne , lurs
( 285 )
biens , leur induftrie , leur culte , font également
protégés par la loi .
Les colonies & poffeffions françoiſes , dans
l'Afie , l'Afrique & l'Amérique , ne font point
compriſes dans la préfente conftitution .
Aucun des pouvoirs inftitués par la conftitution
, n'a le droit de la changer dans fon enſemble
ni dans fes parties .
L'Affemblée nationale conftituante en remet le
dépôt à la fidélité du corps législatif, du Roi &
des juges , à la vigilance des pères de famille
aux épouſes & aux mères , à l'affection des jeunes
citoyens , au courage de tous les François.
A l'égard des loix faites par l'Affemblée nationale
, qui ne font pas comprifes dans l'ade
de conftitution , & des loix antérieures auxquelles
elle n'a pas dérogé , elles feront obſervées tant
qu'elles n'auront pas été révoquées ou modifiées
par le pouvoir légiſlatif.
Signé , les membres des comités de conftitution
& de révifion ,
TARGET, BRIOIS-BEAUMEZ , THOURET, Adrien
DUPORT , BARNAVE , LE CHAPELIER , Alexandre
LAMÉTH , TALLEYRAND - PÉRIGORD , DÉMIUNIER
, RABAUT , Emmanuel SIEYES , PÉTHION ,
BUZOT.
Nota. M. Stanillas CLERMONT - TONNERRE
eft abſent par congé.
Les Numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du feize Août ,
font : 5 , 73 , 59 , 20 , 46. 2
>
1
MERCURE
•
HISTORIQUE
Ꭼ Ꭲ .
POLITIQUE.
TURQUIE.
De Conftantinople , le 22 Juin 1791 .
LA nouvelle de la retraite des Miniftres
Impériaux du Congrès de Siftowe a
produit . ici le plus trifte effet. Le Peuple
a cru voir dans cet évènement la continuation
de la guerre qu'il fupporte avec impatience
, & dont les chances ont toujours
été contre l'Empire Ottoman jufqu'à
préfent. Ce mécontentement a été la caufe
ou le prétexte de.défordres populaires ,
dont les fuites troublent la marche des
affaires , & divifent l'attention du Gouver
nement. Plufieurs quartiers ont prodigieufement
fouffert des incendies , car par-tout
le Peuple dirige fa fureur contre lui - même
pour le venger
des évènemens qu'il n'eft
N°. 35. 27 Août 1791 .
N
( 290 )
au pouvoir de perfonne de commander.
Le commerce languit dans la capitale ;
la plupart des gros Marchands fe font
retirés , plufieurs ont fait faillite , &
les travaux font dans une grande inactivité.
La cherté des vivres fe joint à cet
état de détreffe. Autrefois la Moldavie
& la Valachie fourniffoient Conftantinople
, mais aujourd'hui cette reſſource
manque , & l'on eft obligé de tirer de loin
des fubfiftances. Le numéraire eft rare , &
l'intérêt de l'argent s'élève de quinze à
vingt pour cent , même lorfqu'on fournit
un hypothêque ou une caution affurée.
Un nouveau fujet d'inquiétude eft la flotte
du Capitan Pacha , partie des Dardanelles
le 16 Mai , & dont on n'a point encore
de nouvelles.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 6 Août.
On apprend d'Abbersfort en Finlande ,
qu'il eft arrivé près de Schwenkfund une
flotte de galères accompagnée de quelques
vaiffeaux de ligne ; on fait marcher aufli ,
dit-on , des troupes de ce côté. Cette appaition
, que l'on ne peut regarder comme
hoftile , inquiète néanmoins les Habitans
de la frontière. C'eft le Comte de Suwarow
que l'Impératrice a nommé Comman-
-
( 291 )
dant en chef de fes troupes en Finlande .
Ce Général eft parti pour fa deſtination .
-Les Généraux de Soltikow & de Suchtelen
fe font rendus de Pétersbourg à Riga.
Le Roi de Suède eft arrivé le 26 à Roftock,
yenant d'Aix- la - Chapelle ; Sa Majefté s'eft
rendue fur- le- champ à Warnemande , où
elle s'eft embarquée fur fes yacths qui l'attendoient
, pour fe rendre à Stockholm .
De Vienne , le 6 Août.
Il ne paroît point que l'Empereur prenne
aucune part active aux grands intérêts qui
remuent l'Empire aujourd'hui avant le
Couronnement qui doit avoir lieu à Prague
dans les premiers jours du mois prochain .
Déjà le Sceptre , la Couronne , le Manteau
Royal ont été remis aux Députés qui ,
fuivant l'uſage , étoient venus les chercher
pour les porter à Prague . Leurs Majeftés ne
partiront pour cette ville que du 26 au 27
de ce mois. Lorfque Jofeph II ordonna
la fuppreffion de quelques Monaftères , devenus
inutiles par le petit nombre de Religieux
qui s'y trouvoient , il n'imagina
point d'étendre cette réforme aux établiſfemens
du culte & de la charité publique ;
il fentait que loin de rendre un fervice à
l'Etat ç'eût été le bouleverfer, & , pour le
fecours d'un moment obtenu par la violence
, charger le Tréfor National de frais
N 2
( 292 )
immenfes auffi Léopold n'a - t- il point héfité
à reprendre l'ouvrage de fon Prédéceffeur
, & à continuer une opération qui
ne peut avoir contre elle que la prévention
ou l'intrigue. Il a donc ordonné que
la vente des Moraftères fupprimés fervit
continuée , & qu'une Commiffion feroit
particulièrement chargée de fuivre ce traª
vail avec foin & affiduité.
Depuis que l'on a reçu la nouvelle officielle
que MM. le Baron de Herbert & le
Comte d'Efterhazy fe font rendus aux
Conférences de Siftowe , on ne doute plus
de la paix ici , & l'on eft perfuadé que la
Porte fe montrera difpofée à adopter les
propofitions modérées qui y feront faites
de la part de notre Cour.
Un fait moins extraordinaire peut -êtrè
qu'on le croit , dans les circonstances ac
tuelles , c'eft que Sa Majefté Impériale
ayant reçu plufieurs écrits anonymes fur
des objets d'une grande importance , en
a diftingué un entre autres qui lui a paru
contenir des chofes dignes de remarque.
Elle a en conféquence fait prévenir l'Auteur
par la Gazette de la Cour & les autres
Papiers publics , qu'elle deficout lui parler ,
& qu'elle l'invite à fe rendre auprès d'elle.
Il ne feroit point impoflible , au reste ,
que cette démarche de l'Empereur , qui
peint fon amour pour les talens & les bons
( 293 )
écrits , ne lui attirât une nuée de brochures
politiques , où des Alchimistes en
Légiflation prétendroient au même honneur
en lui donnant des leçons de conduite.
De Berlin , le 2 Août.
Le voyage du Roi en Pruffe n'aura pas
lieu ; Sa Majefté fe rendra en droiture dans
la Siléfie ou deux objets importans l'appellent
, la revue de fes troupes & les mefuses
à prendre avec le Chef de l'Empire
pour les intérêts de l'Allemagne , & peutêtre
quelqu'échange d'Etats à la conimodité
de l'un & l'autre.
Déjà le Cabinet de Berlin fait des difpofitions
dans les Principautés d'Anfpach
& de Bareuth ; les troupes qui s'y trou
vent vont être portées à 15000 hommes ;
elles feront réparties dans les différentes villes
où l'on pourra plus utilement & plus com
modément les loger. Sa Maj . Pruffienne
s'eft enfin décidée à payer pour la Chambre
Impériale de Wetzlar le contingent complet
que doivent fupporter fes Etats en
Allemagne , il s'élève à 3,700 rixdalers ,
dont le paiement eft affigné au mois de
Novembre de cette année..
-
La célébration du Mariage du Duc
d'Yorck, Evêque d'Ofnabruch , avec la
Princefle Frédérique de Pruffe n'aura , dit-
-
N 3
( 294 )
on , lieu qu'au mois d'Octobré , à la même
époque on bénira auffi celui du Prince
héréditaire d'Orange , fils du Statdhouder ,
avec la Princeffe Frédérique Louife , feconde
fille du Roi , & celui du Prince héréditaire
de Deffau avec la Princeffe Frédérique
Louife-Dorothée , fille du Prince Ferdinand
de Pruffe , oncle du Roi.
De Francfort-fur-le - Mein , le 9 Août.
La fermeté de l'Impératrice de Ruffie , fes
fuccès contre les Turcs , labonne tenue de fes
troupes malgré les pertes immenfes qu'elle
a faites , ont réduit les Cours qui s'étoient
d'abord offertes Médiatrices , à ne
jouer d'autre rôle que celui d'interpofer
feurs bons offices pour faciliter les négociations
; c'eſt au moins ce qu'on peut conclure
de la perfévérance de Pimpératrice à
refufer toute médiation & a vouloir traiter
de la paix fans intervention néceffaire ; c'eft
encore ce qu'indiquen la conduite des Mi
niftres de Berlin & de Londres , & les termes
des propofitions qu'ils préfentent à la Cour
de Pétersbourg. Ils n'infiftent plus fur un
abandon de conquêtes que plufieurs victoires
ont affirées , & ne cherchent qu'à
moyenner aux Turcs une paix moins onereufe
& devenue indifpenfable pour eux
-aujourd'hui.... b
{
( 295 )
En attendant que l'art des négociations
mette quelqu'ordre & quelqu'accord au
milieu du conflit des intérêts & des prétentions
, les Généraux Ruffes ne ceffent
de menacer les propriétés Ottomanes ; tout
annonce que le Prince Repnin eft difpofé
à ne point perdre le fruit de la victoire
de Maczin , & qu'il veut en laiffer unr gage
naturel à fa Souveraine. Le mouvement
de fes troupes & la difpofition de fon armée
donnent lieu de croire que la fortereffe de
Braïlow eft aujourd'hui l'objet de fon ambition
, & qu'on pourroit fort bien en
apprendre la prife au premier jour.
D'un autre côté les lettres de la Valachie
du 25 Juillet annoncent que le Grand-
Vifir, qui campe près de Hirfowa , n'a point
perdu courage , qu'il fait ufage de tous les
moyens qui font en fon pouvoir pour
renforcer fon armée , & que déjà il eſt
parvenu à réparer une partie des pertes qu'il
a faites. Il change de pofition & paroît
vouloir choisir un pofte d'où il puiffe à
temps porter des fecours aux endroits menacés
fans crainte d'être forcé à un combat
inattendu. Le 19 Juillet on a vu fon armée
abattre les tentes établies fur la montagne
derrière Hirfowa & fe mettre en marche
en prenant la route de Siliftrie , d'où il
s'étoit avancé avant d'être battu à Maczin.
N
4
( 296` )
De Ratisbonne , le 4 Août.
7
Les Délibérations fur l'affaire des Princes
poffeffionnés en France , font fufpendues ;
il paroît qu'on veut attendre l'effet des
nouvelles difpofitions prifes par l'Affemblée
nationale de France relativement au Roi ,
ou plutôt que ce Monarque étant privé par
fa captivité de l'exercice libre des droits
de fa Couronne on ne pense pas qu'il
foit poffible d'exécuter pour le moment
la réfolation priſe d'infifter une feconde
fois auprès de lui pour en obtenir la justice
que demandent les Princes & la dignité
de l'Empire. Peut - être , & ceci eft plus
probable , la Diète attend - elle l'iffué de
quelques négociations fans l'aide defquelles
elle ne pourroit que foiblement agir dans
cette importante circonftance. Quoi qu'il
en foit les Miniftres ont expédié des
Couriers à leurs Cours refpectives , & les
conférences ne reprendront fur cet objet
qu'à leur retour.
ESPAGNE.
De Madrid , le 5 Août.
Les mefures févères que le Gouvernement
vient de prendre contre les Emiffaires
de l'infurrection françoife , font en(
297 )
core juftifiées par les défordres qu'ils ont
fait naître dans plufieurs Etats de l'Europe
, malgré que la liberté des Perfonnes
& les correfpondances commerciales fe
trouvent en même temps fouffrir des gênes
qui en font le réfultat car tels font les
funeftes effets du fanatifme politique des
Peuples , que pour en préferver les Nations
voilines , il eft de la prudence des
Princes d'employer contre lui les précautions
rigoureufes que commandent les
grandes calamités & les progrès d'une
contagion qu'il eft de l'intérêt de tous
d'arrêter.
Nous avons déjà fait connoître la Cédule
ou Ordonnance Royale qui enjoint
aux Gouverneurs des provinces & Juges
des villes de furveiller les Colporteurs qui
fous prétexte de trafic introduifent des
libelles dans le royaume ; une feconde plus
importante , & d'une exécution plus compliquée,
exige, des domiciliés & voyageurs
étrangers, des déclarations affermentées fur
leur indépendance de toute liaifon , ou correfpondance
étrangère. Cet acte a été fuivi
d'une inftruction générale qui en rappelle
les difpofitions , & dont nous croyons
utile de rapporter la fubftance , comme
un objet important dans les circonftances
actuelles.
« 1°. Dans les villes où il y a des Audiences ou
des Chancelleries , & ou par conféquent les quar
NS
( 298 )
+
tiers font furveillés par des Alcades particuliers ,
les Alcades criminels vérifferont fi , dans les liftes ,
regiftres ou matricules qu'ils ont dû faire, on a
poté tous les Etrangers exiftans dans le Diſtrict ,
ainfi que leurs familles , en fpécifiant leurs noms ,
leur Patrie , leur Religion , leur emploi , leur
deftination & le motif de leur féjour ; on exprimera
s'ils ont déclaré vouloir y demeurer , ou
comme domiciliés & Sujets de Sa Majesté , ou
implement comme paflagers, & dans le cas que
tous ces renfeignemens n'aient pas été pris , on
les prendra immédiatement ; 2 ° . dans les autres
cités , villes & bourgs du royaume , les Corrégidors
& les Juftices feront les mêmes informations ,
en s'aidant des moyens qu'ils trouvent chez les
Notaires , les Alguafils & autres perfonnes de
confiance , pour s'affurer du nombre des domiciliés
; 3. les Errangers qui font ou voudront
être domiciliés, doivent être Catholiques , & prêter
devant les Tribunaux le Serment fuivant : « Je jure
d'obferver la Religion Catholique , de lui garder
fidélité , ainfi qu'au Roi , dont je fuis le Sujet ,
en me foumettant aux loix & aux ufages de ce
royaume, renonçant à tout droit étranger & à
toute relation , union & dépendance du pays
ou je fuis né. Je promets de n'ufer ni de fa
protection ni de celle de fes Ambaffadeurs , Miniftres
ou Confuls , fous les peines . de galères,
prifon ou expulfion abfolue des Etats de S. M. ,
& de confifcation de mes biens , felon ma cortravention
& ma qualité ; » 4°. on notifiera à
ceux qui fe déclareront paffagers , qu'ils ne peuvent
exercer aucun art libéral ni aucune profeffion
mécanique , fans être domiciliés ; en conféquence,
les Etrangers ne pourront être ni Médecins , ni
Chirurgiens , ni Architectes , à moins qu'il n'en
( 299 )
C
aient une licence expreffe de Sa Majefté . Ils ne
pourront ni être Marchands , ni détailleurs d'aùcune
marchandiſe , ni Perruquiers , ni Marchands
de Modes , ni Tailleurs , ni Cordonniers , ni
même domeftiques ; s° . on donnera aux étrangers
compris dans l'article précédent , quinzejours
pour fortir de Madrid , & deux mois pour
fortir du royaume , ou dans le même terme ,
ils devront fe domicilier & prêter le Serment
requis , en fe foumettant aux peines prononcées ;
& ceux qui voudront fe regarder comme des
paffagers , ne pourront le préfenter ni demeurer
à Madrid fans en avoir obtenu la permiflion au
Bureau de la première Secrétairerie d'Etat ; 6 ° . quant
à l'entrée des Etrangers dans le royaume , S. M.
defrant maintenir les Traités qui ſubſiſtent avec
les Puiffances Etrangères pour le commerce de
leurs Sujets refpectifs dans fes Etats , on examinera
les permiffions & les paffe-ports en vertu defquels
ces Commerçans fe rendront dans les ports
& les places de commerce , & on empêchera
qu'ils n'arrivent par d'autres routes ,
fans une
permiffion royale expreffe , les Vice -Rois , Capitaines
Généraux & Gouverneurs des frontières
devant fpécifier à l'égard des Etrangers , dans
leurs paffe- ports , s'ils viennent pour demander
refuge , afyle ou hofpitalité , & tracer les routes
qu'ils doivent tenir dans l'intérieur , après qu'ils
aurontjuré provifoirement obéiffar.ce & foumiffion
aux loix du pays ; 7°. les opérations de la matricule
des déclarations & des fermens des Etrangers qui.
font ou qui voudront êtie domiciliés , étant terminées
, on en rendra compte immédiatement aux Tribunaux
, qui les feront paffer au confeil , avant
même que les liftes foient complettes.
N 6
( 300 )
Des réclamations , des plaintes fe font
élevées contre la gêne que les obligations
prefcrites dans ce Réglement impofent aux
Perfonnes liées par leur commerce ou leur
parentée avec les Etrangers ; il en a donc
faltu expliquer la principale & plus importante
difpofition. En conféquence , le
Confeil a adreffé , le 2 Août , la Note
fuivante aux Officiers de Justice & de
Police , chargés de faire exécuter le Régle-
` ment.
ce Par fuite des réfolutions prifes par le Roi ,
pour que les Etrangers exiftans dans fes Etats
foient inferits fur des registres avec diltinction
des domiciliés & des paffagers , conformément
aux articles de la Cédule du 20 & de la Circulaire
du 29 juillet , Sa Maj ſté déclare auourd'hui
que , pour éviter toutes incertitudes
& toutes difficultés , les perfonnes qui fe préfentent
pour prêter le ferment , ou qui le refufent
, doivent entendre par la renonciation exigée
à toute relation , connexion & dépendances
des pays étrangers , celles qui font fondées fur
des rapports politiques de gouvernement & de
fujettion civile , & non celles qui ont pour
objet des affaires domeftiques , économiques , de
commerce ou des relations perfonnelles & de
parentée . »
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 16 Août.
Tout refte dans le même état , aucun
ordre n'a été donné concernant la flotte;
C
+
SUPPLÉMENT à l'article de Paris , & aux Nouvelles
étrangères.
Du Jeudi 25 Août 179f.
Du lundi 22. On a lu dans l'Affemblée nationale , une
3.
lettre de M. de Blanchelande au Miniftre de la Marine
datée du Cap ; le 3 juillet 1791. La nouvelle du Décret du 15
mai n'y promet que des malheurs. Les efprits les plus froids.
les plus fidèles font aliénés . Il craint la perte de la Cofonie
ou la guerre civile. On n'y voit plus , dans le Décret
relatif aux Elaves & aux Affranchis que des difpofftions
verfatiles qu'un Décret fubféquent abrogera comme
celui du 1 mai anéantit les promeffes folemnelles du iz
octobre. L'Affemblée Coloniale eft convoquée ( à Léogane ) ,
Les principes fur les gens de couleur font toujours ceux de
fon adreffe du mois de juillet. Je ferai tous mes efforts
pour éviter l'effufion du fang , écrit le Gouverneur , mais
mes moyens feront foibles après l'inévitable réunion de
tous les blancs , « en un feul parti qui ne fera pas celui
de l'Allemblée nationale » . Il defire que le Décret fait
modifié , interprêté , & tremble qu'il ne foit l'arret de more
de ceux qu'on vouloit favorifer.
i
D'auffi graves objets de réflexion ont donné matière à
MM. Lanjuinais & Lavic de fe difputer fur la cocarde
blanche. M. de Tracy mandoit le Miniftre ; M. Rewbell
le Gouverneur de Saint-Domingue à la Barre. A peine at-
on écouté M. Moreau de Saint- Méry , porteur de nouvelles
ultérieures confirmatives des premières . Le trouble
étoit extrême. On a renvoyé la lettre au comité Colonial
en y adjoignant fix autres membres ; & le refte de la
féance a été paifiblement rempli de la difcuffion de l'équivalent
de l'habeas corpus des Anglois & de la répreffion
des délits de la prefle , en addition à l'acte conftitutionnel
.
Du mardi 23. Le Général Paoli & 6000 hommes ont heureulement
triomphé de quelques Officiers Municipaux & des
Prêtres & des Moines réfractaires à Baftia . Tous les Citoyens
font défarmés & brûlans de patriotifine. On s'affure de paY
(2 )
pier pour cent millions d'affignats de liv. pour cet hiver.
Un Décret permet d'écrire tout ce qu'on voudra contre les
fonctionnaires publics , fauf la pourfuite pour calomnie volontaire;
d'autres fixent les délais dans les cas
d'abdication
préfumée du Roi.
Du mercredi , 24. M. Goudard a prouvé à
l'Affemblée
que la balance du commerce eft en faveur de la France ,
de 28 millions depuis la
révolution.
Difcuffion fur la garde du
Roi. M. Vadier trouve que 1200 hommes de garde ne conviennent
qu'à un defpote qui veut régner fur des efclaves .
M. Fréteau fait la lifte des boss Rois affaffinés & vote pour
3000 gardes. On décrète 1200 hommes à pied & 600 à cheval.
Sur les droits politiques des parens du Roi , M. d'Orléans
offre d'y renoncer pour être citoyen actif. La falle retentit de
bravo. Le nom de Prince paroît à M. de Sillery une véritable
dégradation civique . Rien n'eft décidé.
-
13 e
201
De
Whitehall , le · 16*
Des notes
miniftérielles portent que LL. MM.
Britannique &
Pinffienne
propoſeront
la Ruffie aux termes de la ceflion du Diſtrict
d'Oczakow
la Porte de conclure la paix avec
du Bog au Dniefter ; que S. M. 1. & la Porte
protégeront
la libre
navigation de ce fleuve , & que les autres
conquêtes
feront reftituées . Le Miniftre de S. M.
l'Impératrice y foufcrit
de la part de fa
Souveraine. LL. MM.
Britannique & Pruffienne
conviennent que fi la Porte fe refufe à ces conditions
la
conclufion de la guerre fera
abandonnée au cours des
évènemens qu'elle peut amener.
nontés plus haut qu'on ne les avoit encore vus depuis la
Les fonds publics font
paix de 1763.
-
( 301 )
11
IG
གྲྭ་
le bruit fe répand de nouveau que le Roi
en fera la revue ; le fpectacle qu'elle offre
attire beaucoup de monde . Les fonds font
très- haut , & fe foutiennent par la certitude
que l'on a non-feulentent de n'avoir point
de guerre avec la Ruffie , mais encore par
l'efpoir de négocier avec elle un Traité de
Commerce avantageux . L'on ne craint
point de rupture avec l'Espagne , & l'on a
la certitude que les arrangemens qui fe
négocient avec elle feront tout à l'avantage
- de notre commerce.
Hier , le Lord Chancelier s'eft rendu à
la Chambre des Pairs , & en préſence de
P'Orateur & des Membres des Communes ,
à la Barre , il déclara l'ordre de Sa Majeſté
qui ajourne le Parlement au 3 Novembre
prochain.
FRANCE.
De Paris , le 10 Août.
ASSEMBLÉE NATIONALE.
Du Dimanche , 14 août.
Sur la propofition de M. Cernon , il a étê décrété
que la caiffe de l'extraordinaire paiera au
tréfor public 29 millions 3,472,liv. pour remplir
le deficit du mois de juillet ; 6,372,477 liv. en
remplacement de pareille avance pour la tréfo(
302 )
rerie , pour les dépenfes particulières à l'année 1791 ,
& 7,242,000 liv . en remboursement d'un tirage
de l'emprunt de 1782 , échu au mois de juin
dernier. Ces trois fommes additionnées formest
celle de 42,617,949 liv .
On eft pallé a la révision de l'acte conftitutionnel.
M. Thouret , rapporteur , a dit qu'il étoit
chargé par les comités d'attefter à l'Aſſemblée
qu'ils avoient tout fait pour donner au pouvoir
exécutif l'action , la vigueur , la ftabilité , les
moyens indifpenfables au maintien de la liberté ,
que leur plan ne contenoit que le ftrict néceflaire ;
qu'à la vue des changemens que ce plan vient
d'éprouver , après les entraves mifes à la rééligibilité
& au droit du Roi de choiſir ſes miniftres
dans les légiflatures finiffantes , ils étoient obligés
de déclarer franchement leur immuable & unanime
opinion que la conftitution telle qu'elle exifte
aujourd'hui ne fauroit aller. Lorfque nous touchons
, a-t-il dit , à une refponfabilité commune
qui s'attache encore plus particulièrement aux
comités fur les parties de leur travail , chacun
des membres de l'Affemblée doit méditer à partfor
, froidement , impartialement , fur les grands
intérêts de fes commettans , avant que l'acte
d'où doit dépendre irrévocablement le bonheur ou
le malheur du peuple françois , foit irrévocablement
confommé. » Enfuite il a lu des articles.
.cc
Leur rédaction indiquera bien affez le genre
de débats dont ils ont été le fujet ; nous nous
bornerons à quelques traits caractériſtiques .
« Oui il y a des choſes exiftantes & reconnues
il faut des noms , ou l'on en fait , » a dit M.
Goupil de Préfeln , qui a propofé que les membres
-de la famille régnante , après le Prince- Royal
( 303 )
1
foient foumis aux loix communes à tous les cftoyens,
& ne puiffent porter aucun titre que celui
de prince françois . Alors M. d'Orléans a pris la
parole pour abdiquer fon titre de prince en ces
mots : « Je demande la queftion préalable fur
l'article propofé par M. Goupil ... Sur la qua
lité de prince , a crié M. Camus , MM. Ferrand
& d'André vouloient le renvoi aux comités…………
Pour enfevelir honorablement ce titre , a dit M.
Lanjuinais.
сс
Un décret conftitutionnel , à obfervé M. Prieur ,
a déja aboli la qualité de prince avec la nobleffe ,
en proclamant l'égalité. Oui , la principauté féodale
, a diftingué M. de Beaumetz ( ce que beau
coup d'auditeurs ont feint de comprendre. )
« Je ne m'étonne pas , a - t-il pourfuivi , qu'un
membre de la famille royale fe foir , au fein de
cette Affemblée , oppofé à l'amendement de M.
Goupil. Il n'a fans doute pas compris que le titre
de prince étoit incompatible avec le titre beaucoup
plus précieux , à mon fens & fans doute
au fien , de citoyen actif françois , & par con
féquent la capacité de toute autre fonction publique
, que de la fonction éventuelle de la royauté,
qu'un membre de la dynaſtie pourroit porter .
Ces notions élémentaires l'ont conduit au renvoi
aux comités.
« Je ne me foucie pas plus que M. Lanjuinais ,
du nom de prince & de ceux qui le portent ,
a dit M. Duport. » Mais les membres de la
famille du Roi feront- ils citoyens actifs , pour
ront-ils obtenir des places populaires , être élus
au corps légiflatif , voilà la véritable queftion .
La crainte de rétablir la nobleffe en les nommant
princes eft abfurde ; l'exception d'une feule famille
détruit encore mieux la nobleſſe. Le danger
/( -3041)
eft que les princes foient citoyens actifs ; & deviennent
dans les corps , nationaux , électoraux , des noyaux de faction , M. Charles de Lameth s'étonnoit
de voir que ceux qui s'oppofoient aurenvoi
aux comités , étoient précilément ceuxqui autre fois
opinoient pour l'exclufion des princes du corps
législatif, où toutes ces divagations femblent les
ramener. L'Affemblée , a décrété qu'il n'y avoit
pas lieu à délibérer fur la qualité de prince. On
s'eft difputé la parole , & dans le même inftant ,
un décret a décidé qu'il y avoit lieu à délibérer
fur -le-champ , & un autre a renvoyé l'objet de la délibération aux comités .
Du lundi , is Août.
M. Fricaut a raconté à l'Affemblée que , dans
le Baujolois , des prêtres réfractaires ont perfuadé
aux mères que leurs enfans feroient damnés s'ils
étoient enterrés par les prêtres conftitationne's ';
que ces mères ayant fait enterrer leurs enfans
dans les bois , des loups les ont déterrés , ont
pris goût à la chair humaine , fe font répandus
dans la campagne & y ont dévoré 17 enfan's vivans.
Ces loups qui refpectent depuis des fiècles tant
de cimetières mal fermés , n'ont exhumé l'enfant
de cette mère , qu'on ne nomme pas , que pour
Fanimer la tolérance philofophique de MM . Friaut;
Biauzar & Lanjuinais envers les prêtres nonjureurs
, & pour obtenir un décret qu'on a premis
de préfenter demain contre les éternels réfractaires.
Sur la propofition de M. de Cernon , l'Affemblée
a ordonné qu'il foit payé 5,0000 livies par
mois , pendant trois mois , pour l'achèvement de
la ci-devant églife de Ste . Geneviève aujourd'hui
deftinée à la fepulture des grands hommes.
( ( 305 )
(
Après l'annonce faite par M. de la Rochefou
cault d'un à-compte de 10,015 livres que l'un
des diftris de France a payé fur la contribution
de 1791 , on eft rentré dans la diſcuſſion de l'acte
conftitutionnel par la fection III , de la fanction
royale. སྐལ་
M. Rewbell trouvoit étrange que le Roi fût
cenfé avoir donné fa fanction , s'il perfiftoit
après le terme expiré du veto ſuſpenſif , à refufer
fa fanction. Point de cenfé dans la conftitution ;
décrérez : « le Roi fera tenu de fanctionner.
On a décrété que le miniftre fera tenu de faire
„exécuter la loi.. I
Le droit accordé aux miniftres d'affifter aux
féances du corps légiflatif & d'y être entendus ,
a fingulièrement exercé l'éloquente politique de
MM. Roberfpierre , Barrère de Vieuzac , Goupil ,
le Chapellier , Lanjuinais , Camus , de Beaumetz ,
Péthion , Barnave , Salles & Charles de Lameth.
CC Je demande , a dit M. de Cufine que l'on
entende tous ceux qui veulent pailer contre , &
qu'on aille enfuite aux voix fans entendre ceux
qui veulert parler pour . ":
Si M. Barrère n'eût pas expliqué à l'Affemblée
que voter par aflis & levé pour délibérér
fur une affaire , n'eft pas le véritable voté , celui
qui a de l'influence fur les efprits » ; s'il n'eût
annoncé qu'un Pitt pourroit avoir dans la légiflature
de France la mème influence que dans le
parlement d'Angleterre , & y entraîner la nation
dans le même danger ; fi M. Goupil n'eût obfervé
que ce n'eft pas dans un bal paré mais
dans un boudoir qu'on peut craindre pour la
vertu d'une jolie femme ,
fans
en comparant
doute un miniftre à une jolie femme , les comités
au boudoir , & Aemblée nationale au bal
( 306 )
C
2
"
"
paré ; fi M. Lanjuinais n'eût rappellé l'axiône
de M. Duport : « ce n'eft pas le Roi qui eft le
véritable dépofitaire du pouvoir exécutif , ce
font les miniftres l'un des oracles qui le foit
le mieux vérifié ; fi M. de Beaumetz n'avoit
révélé l'anecdote d'un membre de l'Affemblée ,
concertant dans le cabinet du miniſtre ( alors M.
l'archevêque de Bordeaux ) une motion que ce
membre propofa le lendemain ; ce qui a fait dire
à M. Lanjuinais ce n'eft pas un fait , c'eſt
un menfonge ..... On n'auroit entendu dans
cette difcuffion que les lieux communs que
nous avons fouvent reproduits . Mais M. Barnave
y a développé l'excellent efprit que ne déployoient
autrefois , fur ces mêmes queftions ,
qu'au milieu des huées & des cris à l'ordre ,
quelques orateurs du côté droit . Il a fortement
infifte fur le befoin de ne pas mettre le Roi
dans le cas d'ufer fouvent du veto fufpenfif, &
a foutenu que ce ne feroit point le patriotisme
qui ôteroit la parole à un miniftre , mais l'intrigue
de gens liés à fes rivaux , ou intéreffés
à l'empêcher d'éclairer l'opinion publique.
Le débat s'eft prolongé deux heures avec
beaucoup d'aigreur : enfin il a fallu capituler
& modifier l'article du comité , en décrétant que
les miniftres feront entendus toutes les fois
qu'ils le demanderont fur les objets relatifs à
leur adminiftration , ou qu'ils feront requis de
1 donner des éclairciffemens ; ils feront également
entendus fur les objets étrangers à leur administration
, quand l'Aſſemblée nationale leur accordera
la parole.
Du mardi , 16 Août.
Un bâtiment a fait naufrage à la hauteur
( 307 )
&
d'Aigues - Mortes , l'équipage alloit périr , les
employés aux douanes fe font jettés dans un
efquif & bravant la plus horrible tempête , en
fix voyages confécutifs , ont tranfporté fur le
rivage prefque tous ces infortunés Les applau
diffemens de toute l'Affemblée ont dirigé la lettre
du maire d'Aigues-Mortes , contenant cet intéreffant
récit , au.comité des penfions pour déterminer
la récompenfe due aux braves employés des
douanes.
>
On a repris la difcuffion de l'acte conftitu
tionnel. M. Fermont a répondu à tout & de tout
ce qui regarde les amiraux , contre- amiraux
vice - amiraux , & annoncé un prochain rapport
qui changera la dénomination , fans doute , au
grand avantage de la marine régénérée . Oubliant
les penfions que le Roi payoit aux philofophes
qui , par leurs ouvrages , ont le plus contribué
au développement des principes dont la révolution
n'eft que la conféquence , M. Goupil
defiroit que ce ne fût pas le Roi feul mais auffi
le corps légiflatif qui fit la lifte des gratifications .
M. de la Rochefoucault a obfervé que les frais
Fimpreffion des corps adminiftratifs montent à
des fomines très - conſidérables ; qu'il y a peut
être tel département qui , depuis 15 mois , a
pour 80,000 livres de frais d'impreffion ( ce qui
feroit plus de cinq millions par an pour tout le
royaume en fuppofant que chaque département
ait befoin d'autant d'impreffion , & fans compter
les frais de pofte ) . Les comités s'occuperont
d'arrêter cette fource de dépenfe inutile , inconnue
fous l'ancien régime.
L'efficace & la néceffité de fermens ont tellement
frappé l'imagination de M. Camus , qu'il
Sea exigeoit par tout , qu'il vouloit même qu'on
( 308 )
mandat les miniftres pour favoir s'ils avoient
prêté leur ferment civique. M. de la Roche
foucault craignoit le gaspillage des ferments ; on
en a décrété pour le moins tout ce qu'il en faut.
M. Buzot n'a pas eu la fatisfaction de pouvoir
prendre encore des précautions décifives contre
le droit de faire grace , qu'il eft , felon lui , fi
dangereux de laiffer au Roi..... Les amende
mens, fuppreffions & additions qu'on reconnoitra
facilement en lifant par la fuite la nouvelle
-rédaction des articles , indiqueront allez quelle
a été la nature des autres débats.
·
La féance s'eft terminée par la lecture d'une
fentence du tribunal de la haute cour nationale
provifoire féant à Orléans , qui , vu la déclara
tion des droits de l'homme , & attendu qu'il
n'existe aucune preuve cortie M. Throuar de
Riolles , accufé du crime de tèze- nation , détenu
depuis fi long- temps , & à qui l'on avoit refufé
'jufqu'à la confolution de voir madame fa fiire ,
qui étoit venue demander cette grace a la barre de
l'Aſſemblée nationale, le met en hberté . Au tortir des
baftilles de la liberté, cet innocent, qu'un an plutôt
la maltitude eût égorgé comme un contre- revolutionnaire
, aura-t-il pour unique indemnité
droit d'imprimer & d'afficher le jugement qui
manifefte fon innocence , & cool quemment
l'iniquité de fes accufateurs ? Quant à les détenteurs
, c'eft à l'opinion publique à les juger.
Du mardi , féance dufoir.
Une lettre du Procureur de la commune de
Saint -Girons annonce que nos frontièrs ſont menacées
d'une invafion des troupes Espagnoles
fous le prétexte que nous avons abandonné noue
religion , verlé le fang de nos prêtres , & fait
( 309 )
3
政
de nos églifes des écuries . On a beaucoup ri
Après avoir lu ces nouvelles ,M. Rogera tranquilfifé
fes auditeurs pat des détails topographiques ,
& propofe d'informer du tout le miniftre & le
comité militaire . Som ávis a été fuìvi. 1
Sur le rapport de M. de Syllery , l'Affemblée a
renvoyé M. Négrier à fe pour voir au tribunal de
caffation contre le Jury tenu dans la rade du Portau
- Prince ; qui condamna cet officier pour avoir
permis qu'on embarquât beaucoup de marchandifes
fur la fégate la Favorite qu'il commandoit . Si
Papp étoit de droit , à quoi bon un décret ?
Si n'étoit pas de droit , ne feroit - ce qu'une attribution
ou une évocation arbitraire ? M. de
Sillery a dit que ce commandant de frégate avoit
en fa faveur des certificats de municipalités qui
attestent la bonne conduire.
2
M. Vernier a préfenté & l'Affemblée a décrété
plufieurs articles relatifs à l'organiſation
intérieure de la trésorerie national .
M. Milouet a interprété le voceu públic , en
demandant enfuite un compie général tel
que Affemblée & la Nation connoiffent exactement
l'emploi, des finances & des affignats , depuis
le commencement de la feffion jufqu'au jour où
eile fera terminée. Cette grande queftion une
fois répouffée ne pouvoit plus l'être maintenaat ;
ofl'a ajournée au lendemain,
Da mercredi , 17 août.
On a porté , par un décret , de 8,000 à 12,000
hommes le nombre des gardes nationales deftinés
la défenfe des frontières de Bitche à Béfort . Si
de pareils objets exigent décrets , les légiflatures
pourront être accablées d'occupe-
Il reftoit encore un corps à détruire
ts , exigent au
tion .
२
celui
·( 310 )
des ingénieurs géographes militaires crée en 1777.
Sur le rapport de M. Bureau de Pufy , l'Affemblée
en a décrété la fuppreffion . Ceux qui feront réformés
obtiendront des retraites , conformément
à la loi du 3 août 1790 , & il leur fera tenu
compte de 10 années en fus de leur fervice effectif
, & leurs penfions fe règleront d'après le traitement
dont ils jouiffent ; les autres auront le
choix de prendre leur retraite ou de rentrer dans
la ligne.
Pour que les comités ayent plus de temps à
donner à leurs travaux , l'Affemblée décrète qu'à
moins d'affaires très -preffantes , il n'y aura plus
de féances du foir.
Les hôpitaux de Bordeaux ont befoin de fecours
, la municipalité n'a plus les mêmes revenus ,
les grains ont manqué dans ce département & dans
plufieurs départemens voifins , il faut en aller
chercher dans le Languedoc ; les boulangers de
Bordeaux demandent pour 1,500,000 liv . d'indemnités
. A la fuite de ce trifte expolé M. le
Brun a propofé & l'Aſſemblée a décrété une
avance de 800,000 liv . que la caffe de l'extraor
dinaire fera moitié en août & feptembre , l'autre
moitié par portions égales en octobre & novembre
, à ladite municipalité fur l'hypothèque des
fous additionnels & de fes autres propriées,
M. Dauchy a fait rendre le décret fuivant concernant
les poftes aux lettres .
« L'Affemblée nationale décrète ce qui fuit :
« Art. I. A compter du 1. janvier 1792 ,
le prix du transport des lettres , paquets , or &
argent , fera payé conformément au tarif annexé
au préfent décret . »
II. Pour établir les bafes de ce tarif, il fera
1 .
J
( 311 ) .
fixé un point central dans chacun des 83 dépar
temens. »
« III. Les diftances entre les départemens feront
calculées de point central en point central ,
vol d'oifeau , & à raifon de 2,283 toifes par
lieue . »
« IV. La taxe des lettres & paquets partant
ou arrivant d'un département pour un autre
fera la même pour tous les bureaux des deux
départemens. »
ex V. Il fera dreffé fous la furveillance du miniftre
des contributions publiques , une carte de
France , où feront défignés les points de centre
de chaque département , & les bureaux de poſte
établ's dans leur enceinte . »
CC. VI. Il fera de même dreſſé un tableau divifé
en 6,889 cafes . »
CC
Chaque cafe indiquera la diſtance du point
central d'un département au point central d'un
autre , & la taxe de la lettre fimple d'un département
a un autre. »
« Cette carte & ce tableau feront déposés aux
archives de l'Affemblée nationale. Un double
de l'un & de l'autre feront auffi déposés dans les
archives des poftes , & des exemplaires affichés dans
tous les bureaux de pofte .
22
« VII. Il ne fera fait ufage dans tous les bureaux
de poftes , pour la taxe des lettres & paquets ,
que du poids de marc. »
« VIII. Seront taxées comme lettre ſimple celles
fans enveloppe , & dont le poids n'excédera pas un
quart d'once. »
« IX. La lettre avec enveloppe ne pefant
point au-delà d'un quart d'once ', fera taxée
pour tous les points du royaume un fol en fus
du port de la lettre fimple. »ל כ
?
( 312 )
6
a X. Toate lettre , avec ou fans enveloppe ,
qui paroîtra être du poids de plus d'un quart
d'once , fera pelée.
رد
XI. ' a lettre on piquet pefant plus d'un
quart d'once & au-deffous d'une demi - once
paiera une fois & demie le port de la lettre
fimple.
ל כ
La lettre ou paquet pefant demi - once &
moins de trois quarts d'once , patera double de
la lettre fimple. »>
« La lettre ou paquet pefant trois quarts
d'once , & moins d'une once , paiera trois fuis
le prix de la lettre fimple .
כנ
La lettre ou paquet pefant une once , &
au-deffous de cinq quarts d'once , paiera quatre
fois le port de la lettre fimple , & ainfi à proportion
de quart d'once en quart d'orce. »
« XII. Toutes les fois que le poids des lettres
ou paquets donnera lieu à une fraction de fols ,
certe fraction fera retranchée de la taxe . »
« XIII, Lorfqu'une lettre ou paquet aura été
taxée dans l'un des barcaux de poltes , fa taxe
ne pourra être augmentée dans aucun autre bu
reau . »
« XIV. Les ports de lettres & paquets feront
payés comptant ; il fera libre à tout particulier
de refuter chaque lettre ou paquet au
'moment où il lui fera préfenté , & avant de
l'avoir décacheté . »
« XV. Il y aura dans chaque département
un bureau pour la réduction des taxes faites audeffus
du tarif ; & la remife de la fur-taxe fera
faite au réclamant , auffi tôt que la lettre ou
paquet détaxé , s'il y a ifen , aura été renvoyé
au bureau où il étoit adrellé . »
a XVI.
( 313 )
XVI. Ne feront taxés qu'au tiers du port
fixé par le tarif , les échantillons de marchandifes
, pourvu que les paquets foient préſentés
fous bande , ou d'une manière indicative de ce
qu'ils contiennent. Le port ne fera cependant
jamais au- deffous de celui de la lettre fimple.
¹ce XVII. La taxe des journaux & autres feuilles
périodiques fera la même pour tout . le royaume;
favoir , pour ceux qui paroiffent tous les jours ,
de huit deniers par chaque feuille d'impreffion
& pour les autres de douze deniers . »
сс
כ כ
La taxe fera de moitié pour les ouvrages
qui ne feront que d'une demie - feuille , & les
fupplémens feront taxés en proportion. »
« XVIII. Les livres brochés qui feront mis
à la pofte fous bande , ne feront taxés , dans
tout le royaume , qu'à un fol la feuille . »
ce XIX. L'adminiftration des poftes ne fera
pás refponfable des espèces monnoyées , matières
d'or ou d'argent , diamans & autres effets précieux
qui auroient été inférés dans les lettres ou
paquets . »
XX . Ceux qui voudront faire charger des
lettres ou paquets les remettront aux prépofés
des poftes , qui percevront d'avance le double
Fort , & en chargeront leurs regiftres .
CC
« XXI Lorſqu'une lettre ou paquet , chargé
à la pofte , ne fera pas parvenu à fa deftination
en France dans la quinzaine au plus tard du
jour du chargement , le chargeur ou celui à qui
ils auront été adreffés pourront en faire la réclamation
; & faute de remife de la lettre ou
paquet , dans le mois de la réclamation , l'adminiftration
des poftes fera tenue de payer au
réclamant 300 liv. »
« XXII. Le port des matières d'or & d'as
No. 35. 27 Août 1791 . O
( 314 )
1
gent , mornoyées ou non , fera par tout le
royaume de cinq four cent de leur valeur ; &
l'adminiftration fera refponfable de la totalité de
la fomme dont elle fera chargéc.:
ל כ
« XXIII . L'adminiſtration des poftes fixera
le maximum des fommes qui pourront être expédiées
par chaque courier , de chaque bureau
de pofte. »
сс
XXIV . Les lettres & paquets deftinés pour
les colonies Françoifes feront affranchis jufqu'au
port de l'embarquement ; le port en fera payé
conformément au tarif , & deux fols en fus . »
' ce XXV. Les lettres & paquets venant des
colonies Françoifes , & remis aux commandans
des navires par les directeurs des poftes du lieu
de leur départ , feront taxés à quatre fols dans
le lieu d'arrivée lorsqu'ils feront deſtinés pour
le port de débarquement. »
Ceux dont la deftination fera plus éloignée
feront taxés , conformément au tarif , à raiſon
des diftances du lieu du débarquement à celui
de leur destination , & deux fols en fus. »
ce XXVI. Les commandans de navires partant
pour les colonies , ou des colonies pour la France
, feront tenus de fe charger des lettres &
paquets qui leur feront remis par le directeur
des poftes du port de leur départ , & de les
remettre auffi -tôt leur arrivée au bureau des
poftes du lieu de leur débarquement. »
Il leur fera payé en France deux fols par
chaque lettre ou paquet qu'ils recevront des
prépofés de l'adminiftration , ou remettront au
bureau de la pofte. 33
XXVII. Les lettres de France deftinées pour
les Etats-Unis de l'Amérique feptentrionale fe(
315 )
ront affranchics depuis le bureau de leur départ
jufqu'au port de l'Orient . »
сс Le fera conforme au tarif. Il fera en..
port
outre augmenté d'une liv , par chaque lettre ou
paquet pefant moins d'une once , d'une livre
dix fols pour ceux pefant une once & moins de
deux , & ainfi de fuite en augmentant de dix
fous par once. »
« XXVIII . Les lettres & paquets envoyés .
des Etats -Unis à l'Orient paieront le même port
d'une livre pour la lettre ou paquet pelant
moins d'une once , d'une livre dix fols pour la
lettre ou paquet pefant une once & moins de
deux , & ainfi de fuite en augmentant de dix
fols par once. » .
ce Ils paieront en outre , le port fixé par le
tarif de l'Orient à leur . deftination , »
!
ce XXIX. La lettre fimple envoyée de l'ifle
de Corfe en France , ou de France en Corfe ,
paiera quatre fous en fus de fa taxe , fuivant
le tarif à raifon des diſtances d'Antibes au
lieu de fa deftination ou du lieu du départ
>
à Antibes . »
« XXX . Il ne fera rien changé , quant à
préfent , à la taxe des lettres & paquets arrivant s
des pays étrangers , ou deftinés pour eux , telle
qu'elle eft fixée par des traités ou conventions
exiftans avec les différens offices des poftes étrangères
, non plus qu'à l'obligation de l'affranchiffement
jufqu'aux frontières pour certains
pays , réfultante des conditions defdits traités, »
ce XXXI. Le pouvoir exécutif eft autorifé à
entamer des négociations avec les offices étran
gers pour l'entretien ou le renouvellement des
différens traités qui exiftent avec eux , pour ,
fur le compte qui en fera rendu au corps lé-
O 2
( 16 )
giflatif , être par lui définitivement ftatué ce
qu'il appartiendra .
Tarif des lettres fimples , relativement à la dif
tance.
ec XXXII. Dans l'intérieur du même département
..
« Hors du département , & jufqu'à
20 lieues , inclufivement
De 20 à 30
De 30 à 40
4 fols.
6
7
De 40 à so
De 60 à 80
De 80 à 100
De 100 à 120
De 120 à 150
De 150 à 180
•
•
De 180 & au- delà
8
10
II
12
·
13
14
IS
« XXXIII. L'adminiftration des poftes eft at: -
torifée à former des établiffemens de petite pofte
dans tous les lieux où elle le jugera néceſſaire , »
« Les lettres portées par ces petites poftes
feront taxées favoir : »
La lettre fimple pour l'intérieur de la ville ..
2 fols . »
La lettre fera réputée: fimple juſqu'au poids
d'une once , & lorfqu'elle pefera une once & moins
de deux , elle fera taxée .
4 fols.
Du poids
de deux
onces
& moins
de
trois ...
6 fols .
« Et ainfi de fuite , en augmentant
de 2
fols pour chaque once. »
Pour le fervice de l'arrondiffement la taxe
fera , favoir :
• •
o La lettre fimple
Au poids d'une once
• 3 fols.
?(63170 )
« Deux onces •
7fols « Et ainfi de fuite en augmentant
de deux fols pour chaque once. »,
M. Biauzat vouloit que les journaux payaffent
autant de port que les lettres , ce qui auroit
porté le prix de tel journal patriotique à plus
de 400 liv . pour tel abonné ; mais l'intérêt de la
régie & celui de l'opinion publique ont diffuadé ou
du moins réfuté M. Biauzat.
Dujeudi , 18 août.
Les adminiftrateurs de Perpignan implorent ,
avec les plus vives inftances , des fecours pour
cette frontière qui , felon ce qu'ils écrivent , en
eft totalement dépourvue . Ils réitèrent l'avis des
difpofitions hoftiles de l'Efpagne à notre égard,
de les préparatifs de guerre , & des hoftilités
qui ont déjà été commifes ; de la féqueftration
faite par ordre du Roi d'Efpagne des biens nationaux
fitués fur le territoire de cette puiffance :
ils déclarent que , les mefures générales pour la
défenſe des frontières , ne fuffiroient pas à la leur.
Les forces efpagnoles y feront bientôt portées ,
difent- ils , à 16,000 hommes ; les mécontens
continuent plus que jamais d'émigrer & aucun ne
rentre en France. Trente ci - devant gentilshommes
ont dernièrement franchi la barrière , à
main-armée , pour fortir du Royaume , & tout
annonce que l'invafion doit avoir lieu à la fin
de ce mois ou au plus tard en feptembre. M. de
Cholet , commandant de la dixième diviſion croit
à la poffibilité d'une furpriſe du côté des Pyrénées
, & d'une defcente fur nos côtes , de troupes
que des bateaux plats peuvent , par un vent
frais , y tranfporter d'Oran où elles n'ont plus
à combattre il eft , de plus , convenu avec ces
O 3
( 318 )
1
*
adminiftrateurs de la nullité de leurs moyens de
défenfe . En général , ils défefpèrent à- peu -près
de tout , gardes nationales , efprit public , infcription
très -lente , dégoût vifible de la conftitution
, terreur des excommunications de l'évêque
d'Urgel , attentats contre la cocarde nationale ,
force publique qu'on n'ofe ou ne peut employer
ni dehors ni dedans , tout leur paroît effrayant ,
& leur conclufion eft : « notre pofition eft des
plus critiques ; c'eft pour la dernière fois que
nous réclamons les fecours qu'elle néceffite ; nous
ne ferons plus garans des évènemens . »
1 Il a été décidé que le préfident écriroit aux
miniftres de fe rendre à l'Affemblée , & en attendant
qu'on l'informe de ce qu'elle doit attendre
des préparatifs formidables qui fe font à toutes
les portes du royaume , elle va s'occuper du foin
' de régner à 3 , oco licues , de rétablir le calme
dans Tifle de Bourbon & dans l'ifle de France ,
& même jufqu'à Pondichery & Chandertagor.
Il ne s'agit de rien moins , fuivant M. Monneron
, rapporteur , que d'obliger le confeil fupérieur
de l'ifle de Bourben à prêter le ferment
civique , à ne plus appliquer de reftrictions injuricufes
à l'enregistrement des arrêtés de l'Ademblée
coloniale , & d'y mettre d'accord les trois
pouvoirs qui font entièrement divifés ; de rétablir
la fubordination parmi les foldats , les matelots
& les ouvriers de l'ifle de France où ils
commandent tous au lieu d'obéir ; d'y réclamer
pour 12 millions de créances nationales , de s'y
affurer de S à 6 millions de meubles & d'immeubles
appartenant à la nation , d'y revoir la
comptabilité & d'y organifer économiquement la
meilleure adminiftration . Or , d'après le décret
( 319 )
> rendu des commiffaires pourvoiront à tout
cela.
En explication de l'article onzième du titre I
du décret du 3 acût , portant qu'il ne pourra
être accordé de penfion à ceux qui jouiffent
d'appointemens , ou honoraires , une nouvelle
loi a ftatué que les juges
de paix & les membres
des corps adminiftratifs font exceptés , & jouiront
des penfions qu'ils auront méritées quoiqu'ils reçoivent
l'indemnité attribuée à leurs fonctions ."
mens
Après un court préambule où , par respect ,
non pour le Monarque , mais pour les évènece
qui ne fe conçoit guère , M. Varin
a propofé un décret de récompenfe honorable &
pécuniaire , pour les citoyens qui ont concouru
à l'arreftation du Roi à Varennes . Ce décret eft
tel que , dès qu'on a pu fe réfoudre à l'entendre
, ou à le lire , on eft porté à en defirer une
tranfcription littérale , pour le conſerver ; car il
fera auffi , un jour , confidéré comme un monument
à ce titre nous le devons à nos lecteurs ..
On a demandé à droite le total de la famnie.
décernée , la réponſe a été : 200,000 liv . Une
voix à gauche s'eft écriée le renvoi à la lifte
civile. Il y a quelque foulagement , à ne pas
favoir le nom de celui qui doit avoir roagi le
premier de cette affreufe faillie . Le préfident
brûloit de mettre le décret aux voix . M. Martineau
demandoit le renvoi aux comités des finances
& des penfions réunis ; il trouvoit la
fomme exorbitante .
« Nous n'avons que trop différé à acquitter
la nation envers ceux qui l'ont fi bien fervie ,
a dit M. Muguet. Lorfque nous avons été inftruits
du départ du Roi , fi l'on fût venu nous propoſer
d'en arrêter les funeftes effets moyennant une
4
( 320 )
...
fomme de 200,000 liv . , quel eft eclui d'entre
nous qui s'y feroit oppofé ? Moi , moi , ont
répondu M. de Foucault & quelques membres.
Idu côté droit . --- Qu'elle eft modique cere
récompenfe , a repris M. Muguet , fi on la com-
Pare à celles que décernoit l'ancien gouverne-
3
>
cc
ment non pas à des fervices rendus , mais
fouvent à des baffles ou même à des délits !
Avez-vous déjà oublié toutes les prodigalités du
livre rouge ?... Si l'on peut faire un reproche au
comité , c'eft d'avoir mis des bornes trop étroites
à la munificence nationale. Adoptons donc avec
enthoufiafme le projet de décret , & trouvonsnous
heureux de pouvoir témoigner la reconnoiffance
qui eft due à un fervice aufli important
, En un clin d'oeil le décret a été mis aux
voix & adopté. Le côté droit a voté contre ;
une partie du côté gauche l'a improuvé , & la
majorité pouvoit être confidérée comme trèsdouteufe.
cc Vous avez décrété dans la conftitution
que la perfonne du Roi eft facrée , inviolable ,
a dit M. de Boifrouvraye , au milieu des huées
& des cris à l'ordre du jour , vivement appuyés
de M. Vidor de Broglie , préfident. » Il cit
indigne du fis d'un maréchal de France , a
pou: fuivi M. de Boifrouvraye , d'enlever un
décret , comme celui-là. » Le décret eft rendu ;
l'ordre du jour. Maintenez le décret , difoiest
avec chaleur MM. Prieur & Goupilleau . Je le
maintiendrai , répétoit le préfident ; à l'ordre. ,
M. Boifrouvraye... M. Foucault a nié que les
vox cuffent été bien comptées , & s'eft inferit
en faux ; le bruit des galeries & la fonnette lui
ot coupé la parole . Voici le décret :
« L'Affemblée nationale , après avoir entendu
( 321 )
+
fon comité des rapports fur les récompenfes à
accorder à ceux qui ont empêché le plus efficacement
, à Varennes , l'évafion du Roi ;
Y
« Déclare qu'elle eft fatisfaite du zèle & de
la prudence des membres compofant les directoires
, corps adminiftratifs
& les municipalités
des départemens
de la Meufe , de la Marne &
des Ardennes
du courage des gardes nationales
& de la gendarmerie
de ces départemens
; du civisme des troupes de ligne , qui , en eette
* circonstance
fe font réunies aux citoyens
qu'ils ont bien mérité de la patrie & rempli honorablement
leurs devoirs . ɔɔ
7
>
1º. que « Décrète , en outre ,
deux maiſons
nationales fituées dans la ville de Varennes
occupées autrefois , l'une par des annonciades ,
l'autre par des cordeliers , feront deftinées , tant
à l'emplacement du tribunal de diftrict , qu'a
former un quartier pour un détachement de cavalerie
, & que les frais de ces établiffemens
feront fupportés par le tréfor national ; »
cc 2°. Qu'il fera donné , au nom de la nation
, à la commune de Varennes , deux pièces
de canon & un drapeau aux trois couleurs
« la patrie reconportant
cette infcription :
noiffante à la ville de Varennes ; un fufil &
un fabre à chacun des gardes nationaux de cette
ville ; »
« 3 °. Qu'il fera également donné une pièce
de canon à la ville de Clermont , & 500 fufils
pour être diſtribués aux gardes nationales de ce
district ; 500 fufils & une pièce de canon à la
ville & aux gardes nationales du diftrict de
Sainte-Menehoult ; »
сс
« 4°.Qu'il fera payé fur les 2 millions deftinés
à récompenfer des fervices rendus , aux citoyens ci(
322 )
après dénommés , les fommes qui vont être
déterminées ; favoir , au fieur Drouet , maître
de pofte à Sainte-Menehoult , 30,000 liv . ;
au fieur Sauffe , procureur de la commune de
Varennes , 20,000 liv . ; au fieur Baifon , commandant
de bataillon de la garde parifienne ,
20,000 liv.; au fieur Guilhaume , commis du
diftrict de Sainte - Menehoult , 10,000 liv. ; au
ficur Leblanc , l'aîné , aubergiſte à Varennes ;
au fieur Paul Leblanc orfèvre ; Thevenin , de
Villette , greffier du juge de paix ; Juftin
Georges , capitaine de grenadiers ; Coquillen ,
orfèvre ; Ponfin , garde national ; Roland ,
major de la garde nationale ; Etienne de Chepy ,
Mangin , chirurgien à Varennes ; Bedu , major ,
Carré , colonel de la garde nationale de Clermont
; Fenan , ancien fourrier au régiment de
Limofin , & garde national de Sainte -Menehoult ,
à chacun la fomme de 6,000 l . qu'il fera payé
par le tréfor public fur les deux millions , aux
fieurs Regnierde Montbleuville , Deshou , Drouet
de Monfaucon ; Marie Barthe , gendarme à
Varennes ; Fouches , ancien fourrier du régiment
de Belzunce , garde national à Varennes ,
& le Pointe , gendarme à Sainte- Menehouit , à
chacun la fomme de 3,000 liv . »
"
c5°. Que le fieur Veyrat , marchand à
Sainte- Menehoult , recevra , ainfi que le fieur
leJay , officier de la garde nationale de la même
ville , une fomme de 12,000 liv. »
j
ce 6°. Que la veuve Cotte , de Villers- en-
Argone , recevra celle de 3,000 liv, le feur
la Bande , frère du fieur la Lande , affaffiné ,
la fomme de 2,000 liv . »
« 7º . Au fieur Leniau , gendarme à Cler
mont , 600 liv. »
( 323 )
« 8 ° . Au fieur Pierfon , gendarme furnuméraire
, 400 liv . »
cc Enfin , que le préfident fera chargé d'écrire
une lettre particulière de fatisfaction au directoire
du diftri &t de Clermont & aux officiers
municipaux de cette ville ainsi qu'à ceux de
Sainte -Menehoult . »
>
Sur la demande motivée de M. Malouet , il
a êté décrété ce qui fuit :
« L'Affemblée nationale , voulant mettre fous
les yeux de la nation la fituation des affaires publiques
, en ce qui concerne les recettes , dépenfes
& avances qu'elle a autorifées depuis le premier
janvier 1790 , ainfi que l'état de la dette nationale
, a décrété » :
cc Art. I. Les commiflaires de la trésorerie
nationale préfenteront , d'ici au 15 ſeptembre
prochain , un état général de toutes recettes &
dépenfes fans exception , qui ont eu lieu pendant
l'année 1790 , & jufqu'au premier feptembre
1791. »
Cet état fera divifé , quant à la recette , èn
recettes ordinaires & extraordinaires . »
Dans les recettes ordinaires feront comprifes
toutes les parties du revenu public , telles qu'elles
ont été verfées par chaque mois au tréfor national.
« Dans les recettes extraordinaires feront compris
tous les recouvremens d'arrérages , d'impofitions
, ceux des repriſes , & autres dettes actives
de l'Etat , le produit des emprunts tels
qu'ils ont été verfés chaque mois au tréfor påblic.
"
ee L'Etat des dépenfes fera divifé en dépenfes
ordinaires & extraordinaires . »
« Dans les dépenſes ordinaires feront com-
06
( 324 )
prifes toutes celles arrêtées , & dont les fonds
font affignés par des états de diftribution . »
ce Dans les dépenfes extraordinaires feront
compris tous les objets imprévus acquitt's par des
ordres additionnels , & poftérieurs à la fixation des
états de distribution , quelle que foit la nature de
ces dépenfes , & quelles que foient les parties prenantes.
>>
сс
Dans l'état général ainfi dreffé feront rappeliés
par ordre de date , & par ordre de recette
& de dépenfe , les états produits & certifiés par
les miniftres & ordonnateurs du tréfor public qui
out précédé les commiffaires actuels de la tiéfcrerie
»
« II. L'état général des recettes & dépenfes ,
certifié par les commitfaites de la trésorerie , fera
balancé , quant aux dépenſes , par les états particuliers
que fera tenu de produire chaque ordonnateur
des dépenfes publiques pour l'année 1799 ,
& jufqu'au premier feptembre 1791 ; lefdits états
feront également divifés en recettes & dépenses
ordinaires & extraordinaires . »>>
Co
III. Si , dans les états fournis par les ordonnateurs
, il exifte des articles de recette extraor
dinaire , provenant d'autres fonds que ceux remis
par le tréfor public , lefdits articles feront employés
pour mémoire feulement . »
« IV. Les ordonnateurs des divers fervices ne feront
tenus de certifier que les dépenſes & recettes
qu'ils ont dirigées ; ils rappelleront pour les gel-
Hons qui leur fent étrangères les états de fitua
tion fournis par leurs prédécefleurs . »
сс
« V. L'état général formé par les commiffaires
de la trésorerie fera vérifié , quant aux recettes
, lors de la reddition des comptes partisuliers
, par les récépiffés fournis aux diyers rece7(~
325 )
•
veurs de l'Etat , & à toute partie payante av
tréfor public ; ledit état demeurera à cet effec
pièce à la charge des commiffaires de la tréfoerie
, lors de la reddition & jugement des
comptes de chaque receveur de l'état .
« VI. Le tréforier de la caiffè de l'extraordiraire
préfentera léparément un état général de
toutes les recettes & dépenies , & particulièrement
de différentes fommes d'affignats qui lui ont été délivrés
depuis la première époque de leur émiffion .
L'emploi defdits affignats fera diftingué en verſement
au tréfor public , & emploi immédiat en
remboursement d'offices , refcriptions , arrérages
de rente , & toute autre dette de l'état . »
Les quantités brûlées jufqu'au 1. feptembre
prochain feront fpécifiées par époque. »
« VII . La balance defdits états généraux &
particuliers fera arrêtée au comité de la tréforerie.
»
VIII. I'état de la dette publique fera dreflé
par les commiffaires de la tréforerie , & comprendra
, 1º , la dette conftituée ; 2°. la dette exigible
par rembourfemens à époque . fixe ; 3 °. la fomme
des rembourfemens qui doivent s'opérer d'après
les titres enregistrés au bureau de liquidation ; à
l'effet de quoi le commiffaire- liquidateur en remettra
l'état à la trésorerie , en y éronçant ,
par approximation , les parties non- vérifiées , »
« IX. L'Affemblée nationale décrète , comme
complément ' au tableau général des affaires .
publiques , qu'il lui fera préfenté par le miniftre
des contributions un état expofitif de tous les re-
-venus publics , au rer . juin 1790 , un état de recouvremens
à faire , foit fur les comptables , foit
fur les parties arriérées de revenu , de leur décroiffance
à l'époque de la fuppreflion de chacun.
( 326 )
des impôts directs ou indirects , & de leur remplacement
à l'époque de la perception des nouveaux
impôts qui y ont été fubftitués , ainfi que
des diminutions qu'ont éprouvées les contribuables.
>>
« X. Les états & tableaux ordonnés par les
articles précédens , feront remis à la législature
fuivante pour être vérifiés & repréſentés aux
comptables comme pièces à leur charge , lors de
la reddition des comptes. »
« XI. L'Aflemblée nationale décrète que la .
veille du jour de la clôture de ſes féances , il fera
par fes commiffaires , dreffé procès- verbal de
l'état de la caifle nationale , & de celle de l'extraordinaire
; lequel procès -verbal imprimé &
rendu public fera remis en original à la légiſlature
. »
Les miniftres font venus à deux heures . M.
Duportail a dit que les ordres ont été donnés ,
que l'on avoit compté fur les traités du côté des
Pyrénées ; qu'on pourroit y envoyer des troupes
du Dauphiné , que 150,000 hommes ne fauroient
être par-tout. M. de Montmorin a ajouté qu'il
ne s'agit , en Espagne , que d'un cordon , que
l'ambaffadeur de France à Madrid eft traité
comme un fimple agent de la nation Françoile ;
mais que cela tient à des circonstances que
l'Affemblée eft occupée à faire ceffer , & qu'il
ne connoît pas de motifs d'inquiétude ; M. de
Leffart a affuré que les fufils font expédiés , &
ne manqueront pas d'arriver fi aucune municipalité
ne les arrête. M. Fréteau annonçoit l'approche
de 6000 Heffois , & confeilloit de former
un camp près de Verdun ; le miniftre de la guerre
a expliqué à l'opinant , qu'un camp chez nous
( 327 )
appelléroit un camp chez nos voifins , & l'on a
levé la féance .
Du vendredi 19 Août.
د
MM . François de Sainte- Aldegonde & Defaye,
députés à l'Affemblée nationale , ont donné leur
démiffion.
Sur la propofition de M. Fermont, & prefque
fans débats , on a décrété une fuite d'articles
deſtinés à mettre en activité , dans l'étendue du
royaume , toutes les parties de la régie à laquelle
eft confiée l'adminiftration des domaines nationaux.
On a repris la difcuffion fur le rembourſement
des offices feigneuriaux . Seront - ils rembourfés
par les propriétaires actuels des fiefs ?
Le feront- ils fuivant un mode particulier ? Ne.
le feront- ils pas du tout ? Voilà les queftions
qu'on a agitées. Les partifans de la dernière des
trois queftions réfolue affirmativement , foutenoient
que les loix avoient défendu en tout tems
le commerce de ces offices , & que les décrets
les fupprimoient fans indemnité.
་
M. Guillaume répondoit que , malgré les
hoix , ces charges fe font vendues , que lorfque
Pinobfervation d'une loi eft générale , y contrevenir
n'eft plus une prévarication qu'alors
l'erreur commune fait le droit ; que le décret
du 4 août 1789 , portant que les juftices feigneuriales
font fupprimées fans indemnité , ne
dit rien de ſemblable à l'égard de l'exercice de
ces mêmes juſtices ; que l'Affemblée a dû abolir
des droits qui portoient atteinte à la fouveraineté
nationale ; mais en refpectant les contrats garantis
par la foi publique. Le comité propoſoit
de mettre le remboursement à la charge des pro
( 328 )
priétaires actuels . M. Guillaume demandoit gee
les officiers feigneuriaux de judicature fuffent
liquidés d'après les loix des 2 & 6 ſeptembre
dernier les officiers miniftériels , d'après celles
des 21 & 24 décembre dernier , ceux - ci avec
une indemnité égale à l'indemnité décrétée pour
les officiers royaux de même nature , le tout
par les détenteurs actuels des fiefs auxquels les
juftices étoient attachées .
Ces offices ne peuvent , felon M. Merlin ,
être remboursés ni par la nation qui n'en a pas
reçu le prix , ni par les feigneurs qui n'ont point
concouru à leur fuppreffion ; ainfi il n'y a pas
lieu à délibérer ; M. Baudouin a trouvé que les
feigneurs font trop avantagés par le nouveau
régime , pour ne pas devoir rembourser ces
offices . M. Goupil renvoyoit le tout au pouvoir
judiciaire. Comment jugeroit-il avant que la loi
foit faite , objectoit M. Laurendeau ? Le renvoi
aux tribunaux eft une excellente chofe pour
donner de l'occupation aux avoués , aux avocats
, a dit M. Tronchet ; mais fi vous voulez
fupprimer des milliers de procès , il faut décider
' la queftion . Dans la feule province de Bretagne,
obfervoit M. Merlin , il y aura 8,000 officiers
feigneuriaux à rembourfer'; jugez combien il en
coutera à la nation pour la totalité du royaume .
M. Regnier prétendoit fericufement que c'étoit
bien l'Aflemblée qui avoit fupprimé le droit de
juftice des feigneurs ; mais que ce n'étoit pas
elle qui avoit fupprimé les offices de cette juſtice
qui ne fe trouvoient abolis que par une
conféquence.... La difcuffion a été renvoyée
à demain.
M. de Phélines , ingénieur , commiffaire revenu
des départemens du Haut & du Bas-Rhin,
( 329 )
a fait un rapport où toutes les places font dans
le plus bel état & à l'abri de toute furprife . Les
garnifons affoiblies par le nombre des dé : achemens
néceffaires fe completteront de gardes nationales
. Il a propofé de remplacer dans les
poftes avancés , les invalides par des troupes de
bges ; le refte , il le réferve pour les comités .
La nouvelle de l'approche de 6,000 Helois ne
lui paroit pas certain; ; on la débitoit tandis qu'il
étoit à Strasbourg , & elle ne s'y eft pas confirmée;
fans doute M. de Phélines raifonne mierx
comme ingénieur. I ! a prié l'Affemblée de fe tenir
en garde contre les faux bruits & contre les
plaintes mal fondées ; de fe défier du patriorifme
dépourvu de lumières ; & lui a poſitivement affuré
que tous les hommes éclairés approuvert les mes
fures qu'elle a prifes pour la défenſe du royaume ,
& , en particulier , celle d'un camp central deſtiné
à couvrir Paris , & à fe porter avec promptitude
fur la Meufe & la Mofelle.
Une lettre du miniftre des contributions a longuement
entretenu le corps légiflatif conftituant
de pièces de 15 & de 30 fols , de monnoie de
cuivre & de métal de cloche . On s'occupe à force
de la fabrication & de la diſtribution . Quelqu'un
a obfervé que M. Tarbé regardoit comme une
mefure indifpenfable que les pièces de 1 fols ne
puffent être échangées que contre des écus de fix
liv. , mais que le peuple a'avoit point d'écus de
fix liv . Il en fera de même des monnoies comme
des fortifications , des contributions & des nouvelles
étrangères , on en raifonnera tout à fon aife
dans les comités . Le renvoi eft décrété & la féance
. levée,
( 330 )
Du famedi 20 août.
L'Affemblée s'eft d'abord occupée d'un juge
de paix , que le directoire du département de la
Dordogne a fufpendu de fes fonctions , & que
les électeurs ont réélu à l'unanimité ; un décret
a déclaré nulies les délibérations du directoire ,
réintégré le juge , & renvoyé au pouvoir exécutif
pour l'exécution.
Après avoir autorifé la municipalité de Bordeaux
à s'inftaller dans un collége , & à vendre
l'ancien hôtel - de- ville , toujours aux frais &
profit compenfés des adminiftrés , le corps légiflatif
a reçu 100 livres des ouvriers tai leurs de
pierre occupés à la conftruction de la ci - devant
églife de Sainte - Geneviève de Paris , aujourd'hui
le panthéon national , quoique penthion
fignifie un temple dédié à tous les Dieux , &
quoiqu'aucune des religions admifes en France
' admette encore le polythéifme. Ces 100 tv.
font pour la défenfe des frontières , & il en fera
payé réguliérement autant tous les mois par ces
généreux tailleurs de pierre .
On a repris la difcuffion fur les offices feigncuriaux
, & peu importera de favoir ce qu'en
ont dit MM. Rewbell , Merlin , &c. dès que
l'on faura que cette queftion a été ajournée à
la prochaine légiflature .
Au nom de plufieurs comités , M. Pifon-du-
Galand a fait un rapport & proposé un décret
fur l'établiffement d'une adminiſtration foreftière.
L'admiffion par affis & levé de fes nombreux
articles a été interrompue par une demande
de M. Malouet , relative à la comptabilité générale
, & qui avoit pour objet de faire remonter
au premier mai 1789 , l'époque d'où l'on
>
( 331 )
}
devra partir dans la reddition des comptes ;
époque fixée par un décret au premier janvier
1790 ; propofition que l'Affemblée a renvoyée.
au comité des finances pour être rapportée ou
ce foir ou demain .
Le décret rendu, fur les forêts ftatue en fubftance
, que les forêts & bois dépendans du cidevant
domaine de la couronne , des ci - devant
apanages , du ci -devant clergé , enfin tous les
bois qui font ou pourront faire pattie du domaine
aujourd'hui national , feront l'objet d'une
adminiftration particulière , ainfi que les beis.
poffédés par les maifons d'éducation & de cha
rité , par les établiffemens de main- morte étrangers
, & par l'ordre de Malthe ; les bois appartenans
à des particuliers font les feuls que ce
décret n'y ait pas foumis . Il y aura , fous les
ordres du Roi , une adminiftration centrale ,
fous le titre de confervation générale des forêts ,
compofée de cinq commiffaires , de confervateurs
en nombre proportionné aux diftances ;
& fous ces confervateurs , des infpe &eurs ; &
auprès des confervateurs , des places d'élèves
qui , au bout de trois ans d'activité , pourront
être fuppléans d'infpecteurs . La régie d'enregiftrement
fera le recouvrement des produits dans
chaque diſtrict , & les corps adminiftratifs rempliront
les fonctions de la furveillance . Les gardes
actuellement en place feront maintenus . Les
commiflaires fourniront un cautionnement en
immeubles , jufqu'à la concurrente de 40,000
liv. , les confervateurs jufqu'à 10,000 liv . , les
infpeteurs jufqu'à 6 , oco liv. , les, arpenteurs.
jufqu'à 3,000 liv. , & les gardes jufqu'à 300
livres .
( 332)
Du famedi , féance du foir.
Après la lecture de nombreuſes adreffes , où
l'on demande que l'Affemblée s'occupe de l'éducation
nationale , la démolition des vieux châteaux
, une loi contre le duel meilleure que celles
de Louis XIV ; après l'hommage d'un modèle
en bois de monument deftiné à confacrer l'époque
de la conftitution françoife , chef- d'oeuvre
qui a fait dire au préfident que tous ceux que
les arts ont produits depuis la révolution a fuffiroient
pour prouver , fans le témoignage de
l'hiftcire , que le règne de la liberté est également
celui des arts & du génie » , ce qu'il étoit
plus aifé d'avancer que de prouver ; M. Camus
a entretenu l'Affemblée d'un autre hommage &
d'autres chefs- d'oeuvre. Deux volumes des procès-
verbaux du corps légiflatif, imprimés fur papier
vélin , édition très - couteufe , font le tribut
du zèle de M. Baudouin ; il s'engage à faire
tenir à chacun des membres , même léparés par
la fin de la feffion , à l'adreffe qui fera indiquée ,
les volumes qui lui resteront à fournir. Applau
diffemens & mention honorable au procès verbal
, de manière que M. Baudouin cft chargé
d'immortalifer lui -même fa propre gloire en imprimant
ce décret .
Sur un expofé fommaire , préfenté par M.
Vieillard au nom du comité des rapports , l'Af
femblée a décrété qu'il y a lieu à accufation contre
MM. Bonne -Savardin , détenu depuis fi longtemps
; de Maillebois & leurs complices ; que la
procédure inftruite au Châtelet eft renvoyée à la
Haute -Cour nationale , & que le prifonoir fera
tran fécé à Orléans , pour y être jugé definitivement.
M. Marquereau qui , dans le ditift de
( 333 )
Montargis , avoit fait publier , au fon du tambour
, une défenfe de payer le champart , eft
auffi renvoyé au tribunal de Montargis , après
treize mois de détention à Paris.
Un décret a ftatué que les officiers ou employés
eccléfiaftiques ou laïcs des chapitres &
coilégiales , reçus à vie pour des fonctions relatives
au fervice divin , fans avoir été pourvus
d'aucun titre de bénéfice , auront pour penfion
de retraite la moitié des gages ou émolumens
dont ils jouiffcient , mais que ladite moitié ne
pourra excéder la fomme de 200 liv . Ils en
jouiront même fans prouver par écrit , s'ils ont
so ans d'âge & 20 ans de fervice ; faute de
quoi , ils n'auront droit qu'à une gratification
d'une fenle année . Toute penfion fans activité ,
ou tout fecours accordés par les directoires ,
feront imputés à compte de ces 200 liv . ou de
la fomme moindre . Les comités avoient mis le
maximum à 400 liv .; mais MM . Vadier , Ferrand
& Courmenil l'ont fait réduire de moitié ,
malgré les réclamations de l'humanité & de
l'équité de M. Treilhard , qui très- ingénuement
objectoit : « lorfque vous avez pris les biens du
clergé , ç'a été avec toutes leurs charges . Les
mots : vous avez pris , ont fait rire
droite ;
les mots vous êtes rentrés en poffeffion , qu'il y
a bien vite fubftitués , ont été fort applaudis à
gauche , & le maximum & la moralité font
reftés les mêmes.
сс
Du Dimanche , 21 août .
M. Lofficial propofe un décret de liquidations
montant à 19 millions , qui eft adopté.
Aux 60 articles de réductions de contributions
accordés à divers départemens , M. d'Auchy a
334 )
obtenu qu'ff feroit ajouté cette difpofition géné
rate & fes directoires de département , fur l'avis
de ceux de diftrict , pourront ordonner la levée
du plan du territoire & l'évaluation des revenus
d'une communauté , lorfque cette demande aura
été faite par le confeil géneral de la commune
avant qu'il foit formé aucune demande en réduction
. »
Un décret rendu fur le rapport de M. Dupont
a accordé 300,000 livres par mois à la municipalité
de Paris , à titre d'avance que fera la
caiffe de l'extraordinaire , & à reftituer à ladite
caiffe au moyen des fous additionnels aux contributions
foncière & mobilière de 1791 ; 300,000
livres payables dès la publication du décret , autant
le premier feptembre & autant enfuite le premier
de chaque mois .
Conformément à la motion que fit hier M.
Malouet , le compte général remontera au premier
mai 1789 as lieu de ne commencer qu'en
janvier 1790. Ce compte eft impatiemment attendu
de tous ceux qui calculent en France.
?
Le décret fuivant intéreffant pour une claffe
de rentiers , a été adopté , fans débats , fur la
propofition de M. le Brun :
« L'Affemblée nationale décrète ce qui fuit : »
ce Art . I. Les rentes conftituées fur le clergé
fous le nom des fyndics des diocèles , mais dont
les capitaux feront prouvés appartenir , foit à des
particuliers , foit à des écoles , colleges , fabriques
, hôpitaux & pauvres des paroilles , continueront
de faire partie de la dette de l'état. »
II ., Pour les conftater , les contrats paflés
fous le nom des fyndics feront repréfentés au
directoire des diftrict's refpectifs où ils réfidoient ,
lefquels vérifieront quels font les propriétaires
сс
( 335 )
defdits éapitaux , tant fur les regiftres qu'ont
dû tenir les fyndics , que fur les documens &
reconnoiffance qui doivent être ès -mains des
parties intéreffées.
cc lil. Les directoires de diftrict remettront
le procès -verbal détaillé de leur opération au
directoire du département , qui , après l'avoir
exa.niné , le fera paffer au directoire -général
de la liquidation . »
« IV. Le directoire- général le vérifiera à fon
tour ; & fur le rapport du comité central de
liquidation , il fera , par le corps légiſlatif
ftatué ce qu'il appartiendra. »
>
« V. Les capitaux qui feront reconnus être
de la nature de ceux exprimés dans l'article
premier , feront conftitués en contrats féparés
& individuels au profit des véritables propriétaires
, ou bien ils feront réunis par eux à d'autres
capitaux de rentes fur l'état , s'ils en ont , en
rempliffant les formes prefcrites par la conſtitution
. Dans le premier cas , ils ne paieront qu'un
droit d'enregistrement de 20 fols .
500
53
&
que
les
VI. Néanmoins fi lefdits capitaux ne s'élevoient
pas à la fomme de
liv. ,
propriétaires ne puffent pas les réunir à d'autres
capitaux de rentes pour les reconftituer , lefdits
capitaux feront remboursés . »
Une très- grave queftion eft agitée . Tous les
artiftes auront- ils le droit d'expofer leurs ouvrages
au fallon du Louvre , ou les feuls académiciens
en conferveront- ils le privilége Les membres
de l'académie de peinture font à cet égard , a
dit un membre de l'affemblée législative , dans
un véritable état d'infurrection les uns contre les
autres. M. Barrère parle au nom des comités de
conftitution & des domaines , en faveur des jeunes
123-6 )
artistes qui réclament la liberté indéfinie que promet
1: grand principe de l'égalité ; & un peintre
célèbre , M. David a la philofophie , le civiſme ,
la modeftie ou la coqueterie de defiter que fes ouvrages
ne paroiffent qu'au milieu de tous les
effais qu'on fera libre d'expofer. Le déctet adopté
ftatue que le droit d'expofition au Louvre fera
commun à tous les peintres ; qu'elle n'aura lieu ,
cette année , que le 8 feptembre , & que le
miniftre de l'intérieur & le département de Paris
veilleront à l'ordre & à la décence .
M. le garde du fceau eft venu porter de ter
ribles plaintes contre plufieurs fociété d'Amis de
la Conftitution . Ceux d'Alby ont enlevé , de force ,
du greffe une procédure dirigée contre un affaffin
& l'ont brûlée . Ceux de Caen ont outragé
les magiftrats , enlevé & brûlé la procédure
commencée contre les perfonnes qui ont brifé la
ftatue de Louis XIV , & l'accufateur public a
eu beaucoup de peine à fe dérober à leur vengeance.
Le club de Marfeille a contraint des
officiers municipaux à donner leur démiſſion ,
mandé la municipalité , méconnu l'autorité du
département , infulté les adminiftrateurs , traité
M. d'André de monftre exécrable. Les membres
de celui d'Orléans furveilloient le tribunal de la
hiute cour nationale & y prenoient féance . Les
amis de Dijon ont écrit aux patriotes & ont menacé
les ariftocrates de Laufanne , a dit le miniftre
de l'intérieur ; & M. le bailli de Lapfanne
a écrit que fi l'on n'y mettoit ordre promptement
& décidément , tout habitant de Dijon qui viendroit
en Suiffe y feroit traité comme fufpect.
Au nom du comité des rapports , M. Vieillara
a dénoncé l'évêque du Calvados , M. Claude
Faucher
(337 )
•
Fauchet qui fous le nom de patriotifme & de
fraternité univerfelle , va prêchant , ainfi que
l'abbé d'Etange , fon vicaire
> tant en chaire
que dans les clubs de Caen & .de Bayeux , la
révolte , le mépris des autorités , l'anarchie &
jufqu'aux loix agraires . L'opinant demandoit qu'on
renfermât les évêques conftitutionnels ... dans les
bornes de leurs fonctions .
M. Joubert , évêque d'Angoulême demandoit
qu'on arrêtât ces deux monftres. M. Péthion
trouvoit ces mefures irrégulières & tyrantiques
il oublient le décret de profcription fi chaudemer t
follicité contre la généralité des prêtres nor
jureurs. La dénonciation lui paroiffoit conçue en
des termes qui pouvoient la rendre fufpecte.
Il n'y a que veus de fufpect & à fuffecter
dans l'Affemblée , lui a dit M. de Lufignan . »
Voici les conclufions telles qu'on les a décrétées .
et L'Affemblée nationale , après avoir entendu
fon comité des rapports fur la dénonciation faite
par les officiers municipaux de la ville de
Bayeux , contre le fieur Fauchet , évêque du
Calvados , & le fieur d'Eftange fon vicaire
décrète ce qui fuoe : »
a 19. Le miniftre de la juftice donnera les
Ordres les plus prompts pour qu'il foit incef
famment , par le tribunal de Bayeux , informé
fur les faits dénoncés à l'accufateur public par ,
la municipalité de ladite ville , & que la procédure
foit continuée fans délai ; »
cc
2 ° . Le miniftre de la juftice informera-
P'Affemblée , de jour à autre , de l'état de ces
procédures ; »
« 3 ° . Le préſilent eft chargé d'éaire und
lettre de fatisfaction aux adminiftrateurs du dé
Partement du Calvados , au directoire de difs
No. 35. 27 Août 1791. P
( 338 ) trict de Bayeux , & aux officiers municipaux
de
cette ville. »
Nous n'avons ceffé d'attacher
l'attention
publique
fur les Clubs , leur tyrannie & l'audacieuſe
licence qu'ils ont introduite
dans toutes les parties du Gouvernement
.
Chaque jour des faits graves , des délits
majeurs , un ſyſtême d'oppreflion
, d'abord
timide enfuite infolente
& publique , at- teſtent que ce que nous avions penfé avec tous les honnêtes
gens , de ces affemblées
de menfonge
, n'étoit que trop bien fondé
en raifon pour qu'on fe hâtât d'en prévenir
les effets & l'horrible
corruption
qui en
a été la fuite. Mais l'impuiffance
du Mo- narque , la foibleffe de l'Affemblée
nationale
, l'engouement
des idées républicaihes
, les haines perfonnelles
, la fuite ou le filence des hommes
de bien , ont donné
aux Clubs tous les moyens de fuccès qu'ils pouvoient
attendre ; ils ont pu former un
enfemble
de tyrannie qui étendit fes branches
d'un bout du royaume à l'autre ; punir
par la diffamation
les individus
profcrits
qui n'adoptoient
point leur fyftême ; calomnier
dans leur correfpondance
les hommes
publics qu'ils n'avoient
point nom- més déterminer
le choix des Adminiftrateurs
& des juges ; gouverner
une
;
( 339 )
multitude armée ; enfin , trouver dans
des Ecrivains imbécilles , lâches ou frippons
, des apologiftes , des prôneurs &,
des complices. C'est avec cette monstrueufe ,
puiflance , avec cette effrayante inftitution
du crime , qu'une multitude d'affemblées
prétendues amies de la Conftitution
jettent l'épouvante dans le royaume& forcent .
à l'émigration ou livrent aux poignards des
brigands tout cequi témoigne quelqu'amour.
de la juftice.Voilà les hommes à qui unDécret
dicté par l'erreur , a livré notre armée de
ligne , en permettant que des Soldats , déjà
incertains de leur devoir , allaffent dans les
Clubs de la Conftitution s'affermir dans le
mépris des Loix , l'infubordination & la
défobéiffance au Monarque dont ils ont
fait ferment d'exécuter les ordres & de
refpecter les volontés.
¡ Comme l'impunité a fuivi par-tout leurs
coupables menées , leur perfécution & leur
révolte , ils n'ont plus mis de terme à leurs
prétentions ; après avoir foumis l'armée à
leur fyftême de fanatifme , avoir détruit dans
prefque tous les régimens l'amour desChefs,
du devoir & de l'honneur , ils ont voulu
maîtriſer les Tribunaux & châtier ceux qui
fe montroient réfractaires à leurs ordres ,
ou dont les Membres oublioient à quelles intrigues
ils devoient leur élévation . Une
partie de ces horreurs a été dénoncée à
l'Affemblée nationale par le Miniftre de la
P2
( 340 )
Juftice dans la féance du Dimanche 21 .
Les procès-verbaux , les pièces officiellesont
démontré jufqu'à l'évidence , à quelle ,
corruption politique la régéneration a conduit
une partie de la Nation. Les dépôts ,
de la juftice violés , les procédures arṛachées
à mains armées ; les juges menaces ;
des particuliers fiégeant fans pouvoir ou
plutôt avec tous les pouvoirs au milieu
des organes des Loix ; la force publique
fecondant cette ruine des maurs & de la
Société tel a été le tableau préſenté par
M. Duport du Tertre , comme l'oeuvre des
Clubs des Amis de la Conftitution . Il a'
fallu que les chofes en vinflent à cet excès
pour qu'on osât dénoncer ces affemblées
toutes puiffantes , qui elles - mênies fe vantent
de faire & défaire les Miniftres , &
non fans quelque fondement.
Etoit - ce donc fans raifon que le Roi
fe plaignoit de cette anarchie de Clubs
dans la Déclaration qu'il a laiffée en quittant
Paris ? Pouvoit-il être infenfible aux
malheurs qu'il prévoyoit devoir en naitre ?
Ce qu'il en a dit ne s'eft- il point confirmé
par l'évènement , ou plutôt n'étoit-il point
le réfultat de faits connus de tout le monde,
& devoit - on faire un crime au Prince
d'avoir dit des vérítés qui font aujourd'hui
Fobjet d'une dénonciation portée devant
le Corps Législatif Quelle eft donc cette
prévention qui détériore les idées au point
( 341 )
de méconnoître la raifon , la juftice & de
rendre l'une & l'autre variables , changeantes
comme les goûts , les modes & les
opinions ? Quel eft donc ce fanatifme qui
méconnoît la vérité dans la bouche d'un
Prince vertueux, pour n'écouter que les
cris des factions & les axiomes d'une tyrannie
corruptrice ? Si en attaquant l'ordre
public , en faifant violence aux Tribunaux,
en corrompant l'armée , les Clubs fe font
rendus coupables de révolte & de haute
trahifon ; fi par leurs affiches incendiaires
dans la Capitale ; leurs inftitutions d'affaffins
en titre , ils ont encouru les peines
de perturbateurs publics , les actes d'oppreffion
, de tyrannie dont ils fe font rendus
inftigateurs ou inftrumens envers une foule
de victimes , ne doivent pas moins être
mis au rang des caufes & des motifs qui
rendront execrables à la poftérité ces cornotations
fanatiques & factieufes .
Déja l'on a pu fe convaincre , par ce
qui a été dit dans le Mercure précédent ,
que l'affaffinat impuni du M. Guillin Du
monter , eft un oeuvre de Club ; que la prof
eription de fa famille , la devaftation de
fes biens , l'incendie de fa maifon , effectuées
par
la force armée ont été fomentés ,
commandés , exécutés par ces criminelles
affemblées , dont malheureuſement tous les
P 3
( 242)
membres ont eu foin de s'emparer des
premières places dans les gardes nationales.
Un attentat moins effrayant , mais au
coupable , peut - être , puifqu'il tient aux
mêmes caufes & porte le même caractère
d'oppreffion , vient d'avoir lieu à Béthune
dans la perfonne de M. Defcamps . Voici
ce que nous écrit fur cette affaire un des
Membres de l'Affemblée nationale qui ont
le mieux dévoilé les fureurs des Clubs &
annoncé les excès dont ils fe font rendus
coupables.
« C'eſt à la liberté de la preffe , Monfieur , a
réparer tous les maux que font ceux qui en abufent
, ainfi que ceux qui la violent : je vous prie
donc de publier, fous ma refponfabilité , la ty
tannie exercée par le Tribunal de Béthune contre
un citoyen qui a publié fon opinion fur l'ordre
de chofes actuel , & notamment fur les Clubs ,
fans aucune provocation de défobéillance aux
Loix. Comme il n'y a de coupables que ceux qui
les enfreignent & ceux qui en confeillent l'infrac
tion ; je ne connois rien de plus odieux , de plus
atroce que le fanatifme perlécuteur , employant
les forces & l'autorité de la juſtice pour oppmer
un innocent . Je vous envoie la lettre , l'interro¬
gatoire & le mémoire de M. Defcamps , qui
m'écrit de fon cachot . -- J'ai été porter ces pièces
au Comité des Resherches , qui les avoit déjà
reçues du Piéfident du Tribunal de Béthune . - Ce
Magiftrat fufpend Pinftruction , attendu , dit- il ,
qu'il ne fait pas file ficur Defcamps ne doit pas
être pourfuivi comme criminel de lèze-nation,
N'y a- t-il pas de quoi frémir d'imaginer que feſt
( 343 )
à de tels hommes que le Peuple a donné ſa confiance
pour exercer le pouvoir judiciaire ! c'eſt
lorfque le maffacre de M. Guillin du Montet &
de tant d'autres eft encore impuni qu'un honnête
homme , qui écrit fous le titre de Médiateur pour
inviter à la conciliation , cft pourfuivi comme un
affaffin , & plongé dans un cachot . -- Le Comité
des Recherches s'eft jugé incompétent dans cette
circonftance , & renvoie les pièces au Miniftre de
la Juſtice , a qui je vais m'adreffer . Mais c'cft
auffi à tous les homines fenfibles , généreux , qu'il
faut parler de cette eſpèce d'abrutiffement , qui
produit aujourd'hui la férocité des uns & la lâcheté
des autres. Ah ! lorſque tant de bien étoit poſſible ;
lorfque tout le bonheur auquel une nation peut atteindre
étoit en notre pouvoir , faut- il que nous
ne foyious environnés que de crimes , de folies ,
de malheurs ! --On nous annonce la liberté ,
l'égalité , & la France eft couverte d'efclaves &
de tyrans. On ne voit que des méchans ou des
fous , au milieu defquels tout ce qui eft honnête.
& fenfé fe cache & génit en filence. »
« L'hiftoire de M. Defcamps n'eft pas la feule
de ce genre dont j'ate connoiffance ; il n'eft pointde
Province dont il ne me foit parvenu des détails
de vexations inoties , d'emprifonncmens arbitraires
; & les infortunés qui m'ont adreffé
leurs plaintes m'y ont cru peut être infenfible ,
Parce que je n'ai pu leur procurer juftice ; je n'en
comois plus d'autre que celle de publier les faits ,
de les configner dans des feuilles publiques , &
d'éveiller airfi la nation fur l'oppreffion qui la
menace. Je vous ai déjà propofé , Monfieur , de
vous remettre toutes les pièces que j'ai reçu à
différentes époques ; je vous prie au moins de :
faire mention de celle -ci ; cat s'il y a quelque
み
P 4
( 244 )
moyen de deffiller les yeux les plus fafcinés ,
c'eft de mettre à côté de tant d'horreurs impunies
, l'écrit intitulé le Médiateur, & fon Auteur
au cachot , & fon Juge attendant les ordres du
Comité des Recherche , pour les poursuivre
comme criminel de lèzc- nation, "
« Mais puis je parler avec intérêt d'un opprimé
que je ne connois pas , fans me plaindre
encore une fois de la plus cruelle des oppreffions
que je partage avec tous les bons François ,
alle d'être réduit au filence fur la captivité du
Roi , & fur le Décret qui en récompente les
auteurs. Infertutés qui vous ad effez à moi ,
que voulez - vous que je vous réponde ? que vos
yeux mouiliés de larmes fe fixent fur le Château
des Tuileries. »
Ce 19 Août 1791 .
MALOFIT.
Nous avons fous la vue cet écrit & le
procès - verbal des caufes de la détention
de fon auteur. On lit dans cette dernière
l'interrogatoire le plus defpotique qu'on
puiffe citer. Si la liberté de la preffe eft
un droit du citoyen , qu'il ne foit refponfable
que dans les formes déterminées par
la loi , c'eft - à- dire , qu'il ne puiffe être
puni que pour avoir à deffein prêché
la défobéiffance à la loi , on ne conçoit
pas comment, d'après la procédure même ,
fe Tribunal du District de Béthune a pu
priver de fa liberté un homme connu , pour
avoir annoncé des opinions que l'on retrouve
par-tout, On croit entendre atlifter
( 345 )
à une procédure d'inquifition , quand on
voit le Tribunal faire un crime à M. Def
champs d'avoir dit : « dans la circonftance
actuelle , l'aveu antérieur du peuple exprimé
dans les mandats de doléances n'a
pas été faivi , il a été contrarié , les Députés
ont paffé les bornes de leur Com
miflion , ils n'ont pas propofé , ils ont
décrété & fait exécuter leurs décrets
fans avoir obtenu de confentement pof
térieur ; les décrets qui ne font pas émahés
de la volonté nationale , ne peuvent
être définitivement des loix que du mo
ment où la majeure partie de la Nation
les avouera formellement. Le ferment
individuel exigé des Citoyens actifs pour
être éligible , eft un ferment qui attente
au franc arbitre & à la liberté des fuffrages.
-
-
La vertu outragée , le vice triomphant,
l'autorité arrachée des mains légitimes ,
ufurpée par la violence , un Roi fujet , des
fujets Souverains , la vraie Religion perfécutée
, les fectes protégées. La Conftitution
ne s'eft établie & ne peut fe foutenir
que par l'oppreffion ennemie d'elle- même ,
elle détruit les fondemens. On ne commande
pas à l'opinion , on ne réfifte pas aux
cris de la confcience , que penfer d'une
Religion défavouée par les Apôtres qu'elle
réclame , quelle confiance avoir dans
des Miniftres fans niillion & féparés de
l'Eglife .
PS
( 34.6 . ).
La liberté d'imprimer ne feroit qu'un
malheureux piége tendu à la franchife , au
courage des Ecrivains , fi pour de femblables
opinions l'on pouvoit être plongé dans
les cachots ; le régime des cenfeurs feroit à
préférer , & l'on regretteroit le temps des
Baftilles , où du moins la douceur des
moeurs tempéroit les ordres du defpotifme ,
& où l'on vous avertiffoit toujours du
danger que l'on pouvoit courir à penfer pu
bliquement de telle ou telle façon . Au refte ,
la loi eft pofitive & doit faire la règle des
tribunaux , ce n'eft que dans le cas où un
écrit confeilleroit formellement la révolte,
que l'Auteur eft puniffable ; ce qu'eſt bien
loin de faire M. Defcamps , dont l'Ouvrage
eft bien écrit & recommandable
par
des fentimens folides de liberté & d'attachement
, à fa patrie , à fes Concitoyens
& à fon Roi.
A peine le Drapeau rouge a- t-il été ôté
des fenêtres de l'Hôtel- de- Ville , que les
attroupemens ont recommencé. C'est tou
jours au Palais Royal qu'eft le foyer de
cette fermentation ; c'eft-là que fe niettent
en pratique les maximes des Clubs & les
fyftemes d'injures contre le Roi , fa Famille
& la Liberté publique. Un dernier
évènement prouve à quel point cette licence
eft portée. Des particuliers avoient
( 347 )
bu à la fanté du Prince & de fa Famille ,
dans un des Cafés de ce Jardin ; cette
preuve de loyauté , de juftice & de fenfibilité
déplut aux artifans de difcorde
dont ce lieu est toujours plein. Des infultes
on en vint aux menaces , & des menaces.
aux violences. On conçoit bien qui dans
cette lutte de la tyrannie contre la juftice
eût l'avantage , ce fut le plus fort . Mais en
pareille circonftance la haine de la paix
& du Roi qui feule peut la maintenir
dans un grand état par fa puiffance , auroit
manqué à fon caractere , fi par quelque
figne extérieur elle n'eut manifefté
l'aviliffement où fe trouve la Royauté. On
a donc élevé au lieu de la rixe un haut
mât national au bout duquel on a juché
le Bonnet Républicain , non pas qu'on
ait aucun des fentimens que ce figne de
la liberté fuppofe , c'eft-à- dire , l'amour de
la juftice , le refpect des loix , du Prince &
des droits de tous , mais parce qu'on a cru
bêtement infulter , par ce colifichet , au
Monarque captif dans fa Capitale.
Si quelque chofe pouvoit diminuer l'amertume
que cet acharnement doit jetter
dans l'ame du Roi , c'eft le tendre intérêt
que tous les fidèles François & les Nations
voifines prennent à fa pofition. On peut
juger du fentiment de la Suède à cet égard
P6
( 348 )
par la lettre que le Roi de Suède a adreffé
afon Ambañadeur en France.
Mon cher Baron Stael de Holftein ,
« Dans la profonde affliction que me cauſe
le malheureux évènement qui vient d'arriver au
Roi de France & à fa Famille , affliction que je
ne partage point feulement avec tous les Souverains
, mais fans doute encore avec tout ce
qu'il y a d'ames génércules , je ne puis que
voir avec regret & fenfibilité ce Prince fi vertueux
, fi humain , bon & fi injuftement perfécuté
, retourner dans la captivité à laquelle
fes fujets rebelles l'ont condamné , & d'où il
avoit eu le bonheur de s'échapper . Comme repréfentant
d'un Prince qui , durant le cours de
fa vie , ne s'eft étudié qu'à garantir à fon peuple
me liberté fagement réglée à conferver à lạ
fois la tranquillité publique & la dignité de fa
Couronne , j'attends de vous que contes vos
démarches en cette occafion feront mefurées &
dirigées fur mon caractère connu , la dignité du
trône de Guftave , & fur - tout les fentimens dont
j'ai toujours été pénétré pour Sa Majesté très-
Chrétienne. Les foins affidus , les confolations
que , dans ces triftes conjonctures , vous don
nerez à l'infortuné Monarque , ne les regardez
pas feulement comme un moyen de me plire ,
mais encore comme un devoir rigoureux attaché
à votre place.
,
C'est encore une fuite de vos devoirs , que
Yeus ne communiquicz , que vous ne traitiez ,
en votre qualité de mon AmbalTadeur , avec
qui que ce fait , à moins qu'il n'y foit autorisé
par le Roi erès - Chrétien libre. Depuis le maniefte
que ce Prince a lauffé en s'éloignant de
( 349 )
Paris , depuis qu'il a été contraint d'y retourner,
fa captivité eft trop notoire pour qu'on ne doive
pas regarder tous les actes qui paroiffent en fon.
nom , comme arrachés par la force ou fuppofés ,
& par, conféquent comme étant nuls & de nulle
valeur , c'eft donc ma volonté la plus expreffe
que vous vous abfteniez de toute conférence
avec le Miniftre des affaires étrangères ; & que
vous ne répondiez que verbalement à tout ce
qu'il vous communiquera , foit de bouche , foit
par écrit , dans la forme diplomatique ; & cet
ordre eft rigoureux , que quand même des
circonftances incfpérécs , qui ſurviendroient
paroîtroient devoir le changer , vous ne devez
cependant pas vous permettre de prendre quelque
chofe fur vous avant de recevoir des ordrest
ultérieurs . Vous devez du refte vous régler fur
les démarches des autres Ambaffadeurs , fur-tout
fuivre & appuyer celles qu'ils pourront faire en
faveur de Sa Majesté très - Chrétienne . »
>
« Ce font là les feuls ordres que j'aie à vous
donner pour le moment ; mais en vous prefcrivant
la feule règle de conduite qui convienne à
ma dignité , je ne dois pas oublier les dangers
perfonnels auxquels vous ferez peut - être expolé
& malgré qu'en toute autre circonftance je ne
puiffe douter un feul moment du refpect que l'on
portera au caractère facré dont je vous ai revêtu ,
it m'eft bien permis routefois dans celle - ci de
m'attendre à tout de la part d'un peuple qui a
ofé porter fes mains coupables fur la perfonne
de fon unique Souverain . Je ne puis en conféquence
trop vous recommander d'éviter foigneus
fement toutes les occafions qui compromettroiens
votre perfonne & vote dignité .
20
Que dans l'intérieur de votre maiſon , tout
( 350 )
annonce le deuil & la trifteffe ; au dehors , con
formez -vous feulement à ces loix auxquelles un
Miniftre étranger eft obligé de fe foumettre..
J'attends de vous , mon cher Baron , du courage ,
de la fermeté , de la prudence , & beaucoup de
la ponctualité à fuivre mes ordres ; & croyez que ,
je fuis très - fenfible aux périls & aux facheufes
conjonctures dont vous êtes environné. »
> « Sur ce je prie Dieu qu'il vous ait en fa
fainte garde. »
Signé GUSTAVE.
Par tout ce qu'on a appris des difpofi-.
tions du Corps Helvétique , depuis la captivité
du Roi de France , on devoit penfer
, ou que M. de Verac , notre Ambaffadeur
auprès de cette République , quitteroit
fon pofte , & reviendroit en France , ou
manifefteroit des fentimens analogues aux
fentimens des Cours étrangères fur l'état du
royaume. Il a donné fa démiffion , & a
adreffé la lettre fuivante au Miniftre des
affaires étrangères , qui a dû la mettre fous
les yeux du Roi.
Soleure , 6 juillet 1791.
« Tant qu'il m'a été poffible , Monfieur , de
crci e que le Roi avoit fanctionné librement les
décrets de l'Affemblé : nationale ; tant que lexpreffion
même des ordres que vous me tranf
mettiez au nom de fa Majefté , ne m'a pas fer
mis de douter ( fans me rendre coupable ) qu'ils
fullent librement émanés d'elle , je m'y fuis
conformé avec la plus profonde foumiflion. »
. « Aujourd'hui , Monfieur , qu'une déclara351
)
1
tion folemnelle du Roi , connue de la France &
de l'Europe entière , ne laiffe plus le moindre
prétexte à ceux même qui pourroient défirer de
fe faire illufion ; aujourd'hui que le départ de
Sa Majefté , & fon retour forcé dans la capitale
, ont fait connoître également les véritables
fentimens de Sa Majefté , & la violence qui
peut dorénavant l'empêcher de les manifefter
il me devient impoffible d'être l'interprête de
ceux qu'on pourroit lui fuppofer .
« Je ne tiens ma place que des bontés & de,
la confiance de Sa Majefté , & c'eſt entre fes
mains feules que je dois la remettre , du mo
ment où je ne puis ni parler , ni agir en fon
nom , ni même être cenfé recevoir fes ordres . »
« Ma confcience , mon honneur , mon devoir ,
me prefcrivent impéricufement ce facrifice ; j'en
fens , Monfieur , toute l'amertume , toute l'étendue
, mais les motifs fecrets qui my déterminent
, ne me laiffent qu'un feul regret , celui
de ne plus donner au Roi des preuves de mon
zèle dans la place qu'il m'avoit confiée . Sa
Majefté a reçu mes fermens , & la mort feule
peut m'en dégager.
"
« J'ofe vous prier , Monfieur , de mettre aux
pieds de Sa Majefté 1 : démiffion que j'ai l'honneur
de vous adreffer ci - jointe , de ma place
d'Ambaffadeur du Roi près le Corps Helvétique .
J'espère que Sa Majefté daignera me donner une
nouvelle marque de fes bontés en l'acceptant ,
comme la feule preuve que les circonſtances me
permettent de lui donner dans ce moment , de
mon zèle , de mon profond refpe &t & de mon
inviolable fidélité.
ג כ
Copie de la démiffion.
« Je remets entre les mains de Sa Majesté la
( 352 )
place d'Ambaffadeur du Roi près le Corps Helvétique
, que je ne tiens que des bontés & de la
confiance dont Sa Majeſté a daigné m'honorer . »
A Soleure , ce 6 juillet 1791 .
En tolérant que des Particuliers payaffent
avec des billets de crédit , ou échangeaffent
des affignats contre du papier de leur créa
tion , que ces papiers circulaflent dans le
commerce , comme monnoie , on devoit
bien prévoir qu'il en naîtroit des abus &
que le peuple peu fait à ce genre de numéraire
feroit la victime de l'infidélité
& de la cupidité , qui font toujours compagnes
inféparables . C'eft ce qui eft arrivé ;
une foule de billets de toute couleur &
de toutes figures ont été mis en circulation ;
Pon a profité de la confufion pour multiplier
cette richeffe éphémère ; des fortunes
ont pu s'élever d'un jour à l'autre avec une
main de papier & quelques frais d'impreffion.
Pour mieux atteindre ce but on à
cherché à donner aux Billets circulants la
forme la plus approchante de celle que
les fections ont donnée aux leurs , pour
fuppléer au befoin de monnoie , qui dure
encore .
La Municipalité , qui ne peut pas grand
chofe au milien de la gêne publique , a
cependant cherché de porter remède à ce
mal , avant qu'il ait produit de plus grands
défordres. Elle a publié un arrêté qui fera
( (353 )
un jour un monument curieux de notre
détreffe , & dont voici la fubftance :
ce Le Corps Municipal informé que plufieurs
perfonnes mettent en circulation , pour leur uti
Até privée , des billets de différentes valeurs , &
font imprimer fur ces billets le nom de la Section
fur laquelle ils font domiciliés ; confidérant qu'il
en résulte que fes Citoyens font exposés à recevoir
ces billets , en croyant recevoir des billets
de Section , & que des individus ufurpent ainfi à
la faveur d'une énonciation équivoque un crédit
qui ne leur eft point perfonnel ; voulant détruire
cet abus de la foi publique , arrête que tous
particuliers qui mettront en émiffion leurs billets
particuliers ne pourtout y mentionner le nom
d'aucune Section , & devront en mefurer les
expreffions de manière à ne laiſſer aucun doute
ni aucune équivoque, »
Le raffemblement de deux mille Gardes
Nationales eft toujours aux environs de
Goneffe ; on y va comme au Champ- de-
Mars , en partie de plaifir & d'amufement >
on y danfe , on y donne des fêtes aux
Dames ; fous le déguifement de Soldat ,
vous reconnoiffez le caractère Parifien ,
malgré les efforts de ces jeunes Souverains
pour acquérir l'air martial & belliqueux .
Les maus ne font point ce qui gagne le
plus à ces réunions indifciplinées ; elles fe
détériorent par un mélange de groffièreté
gratuite & d'immoralité d'habitude . Si
parmi les Soldats de Goneffe il fe trouve
( 394 )
des jeunes gens qui ont quelque fentiment
de délicateffe , le très-grand nombre eft
formé d'artifans ruinés ou dévergondés ,
qui ne voient dans le parti d'aller aux frontières
qu'une reffource contre la misère ou
quelqu'efpoir de vivre dans une licence
d'un genre nouveau.
C'eft de cette eſpèce de gens qu'on s'eſt
plaint, & qu'on fe plaindra encore , gens
qui n'ont des Soldats de ligne que l'ignorance
jointe à une fotte prétention de patriotifme.
Il a fallu plus d'une fois les
forcer à refpecter les propriétés & la tranquillité
des Habitans. Piufieurs ont donné
des preuves d'un grand mépris des droits à
cet égard , jufques-là qu'ils n'ont pas même
refpecté ceux de leur corps , Un Caporal &.
un Sergent ont emporté le prêt deftiné à la
pale de leur Compagnie.
On ne réfléchit point affez à la déprava
tion qu'entraîne après foi une inftitution ,
des moeurs & une vie militaires communes
à tous les habitans d'un pays. C'eſt une
chofe dérifoire que d'invoquer une prétendue
régénération , pour croire que les
habitudes fociales n'en fouffriront point de
manière à en être altérées. Avec fon ignorance
, fa fuffifance ordinaire , le Soldat-
Bourgeois deviendra plus féroce & plus
immoral dans fa conduite privée ; c'eft
l'effet de la vie de Corps- de - Garde & de
Cabaret , que le fervice militaire entraîne
( 355 )
néceffairement. J'entends bien que les
moeurs douces doivent paroître indifférentes
ou dangereufes aux partifans d'un
Gouvernement de fer ; mais un pareil
Gouvernenient ne peut plus exifter avec
le fyftême de Commerce , d'induftrie , de
jouiffance que l'Europe a adopté depuis
que la civilifation y a fait des progiês.
Comme les Croifades , l'armement d'une
Nation pourra empêcher pour un temps.
le progrès des arts & des habitudes douces
dans la fociété , mais la force des chofes
& le befoin du repos dans une Nation
riche , ramenera à n'avoir exclufivement
que des Troupes de ligne pour le Service
intérieur & extérieur de l'Etat.
Γ
Lorfqu'au mois de Juillet 1789 , on
prit les armes dans la plupart des villes du
Royaume , les habitans n'avoient point du
tout l'intention d'établir des Gardes Nationales.
Les procès - verbaux d'une multitude
d'Affemblées de Communes , adreífés à
P'Hôtel- de- Ville de Paris, portent tous que,
pour maintenir la tranquillité publique &
réprimer les brigands , les Bourgeois fe font
armés & ont formé une Milice Bourgeoife
, une Garde de Police ; aucun de ces
procès-verbaux ne fait connoître qu'on ait .
voulu compofer des troupes politiques. Ce ,
n'eft qu'à Paris , dans quelques Districts ,
qu'on propofa de changer ces Milices:
+
( 336 )
Bourgeoiles en Gardes Nationales , Gardes
de la Conftitution , & qu'on profita de l'incandefcence
des idées , pour établir un
Corps de troupes , dont le fervice libre
d'abord , eft devenu enfuite tellement de
rigueur , qu'on eft frappé de mort politique
, privé du droit de cité , fi l'on ne fe
fait point infcrire aux rôles deftinés à les
recruter ; comme file droit de cité n'étoit
point antérieur aux autres , & qu'on pût
le faire dépendre d'un fervice pour lequel
on paie , & fort cher. L'état de perfection
fociale confifte à ce que la liberté individuelle
& la sûreté publique , foient main
tenues par les pouvoirs actifs du Gouver
nement établi, fans que les Membres del'Etat
foient obligés d'aller continuellement à fon
fecours : les chofes font ainfi dans l'état fauvage
; la défenfe politique y eft réduite à
l'action de chaque individu ; & c'eft précifement
pour faire ceffer cet état de chofes
que la Société eft établie ; pour que
l'homme formé aux arts , aux foins domeftiques
, ne foit point inopinément livré
au fer meurtrier de l'ennemi dont il n'a
jamais appris à fe défendre. Si la fcience
de défendre l'Etat fans tirer l'Agriculteur
de fa charrue , l'Ouvrier de fon atelier ,.
n'exiftoit point , il faudroit l'inventer ; la
confcription militaire décrétée eft plus
onéreue à Etat , plus deftructive des droits
individuels i que les Milices , touses vi(
337 )
cieuſes & imparfaites qu'elles étoient dans
leur mode d'existence .
Le tableau de Paris eft digne de Tacite
dans ce moment ; une fecrette honte donne
un maintien particulier à ceux qui , publiquement
proclament l'efclavage du Roi ,
comme un moyen de liberté publique ; la
crainte , une circonfpection commandée,
par la force , retient l'indignation de tout
ce qui n'a point oublié ce que
c'eft que
l'honneur & la juftice publique ; la néceffité
de donner une fin à cette violente
pofition , occupe les efprits & trouble
tous les plans de vengeances & de prof
criptions factieufes . L'égarement du Peuple,
fon fanatifme toujours foutenu , fes cruelles
paffions , font l'efpoir des ennemis de la
Royauté; la juftice , les remords du crime ,
l'incalculable chance des évènemens , la
fageffe du Monarque , le courage de fa
malheureuſe famille , foutiennent l'efpérance
des gens de bien & des ennemis de
la fervitude publique. Les premiers mépris,
fent & craignent les Puiffances étrangères ,
les feconds voudroient pouvoir s'en paffer,
mais préféreroient leur intervention puiffanteà
la captivité de leur Prince & à la honte
de la Nation. Cette oppofition de penſée
partage la Société en deux claffes bien
daractérisées aux yeux de l'obfervateur ;
Pune depceux qui s'appuyent fur la fottes
-( 358 )
灌
fouffrent impatiemment les doutes modeftes
de la raifon & les réclamations de
fa juftice ; l'autre de ceux qui fe taiſent ,
fe recueillent , gagnent chaque jour du
terrein dans l'opinion des hommes & s'inftruifent
à l'école de l'expérience ; fans manifefter
aucun fentiment déterminé en public.
Entre ces deux extrêmes de la Société ,
on peut reconnoître une claffe d'individus ,
légers , frivoles , toujours du parti du plus
fort , fans caractère & fans vue , qui fans
être méprifable , eft cependant dédaigné
des deux partis , & va de l'un à l'autre ,
comme une affaire de mode & d'amufement
néceffaire.
P. S. L'on vient de nous adreffer le
Bulletin fuivant ; nous le tranfcrivons tel:
qu'il nous a été envoyé.
Bulletin de St. Domingue
1791 .
au Cap, ce s juille
Le fatal Décret du is Mai , fur les gens
de couleur , eft arrivé ici te 2 Juillet. Il y a
Até reçu avec la plus grande indignation , la
fureur & l'efprit d'une légitime & fainte infurrection
, ont fucceffivement paffé dans tous les
cours . Tous les Citoyens ont résolu de rejetter ,
au péril de leur vie , cette loi exterminatoire . Ils
ont mis bas la Cocarde Nationale , pour en prendre .
une noire & blanche, »
La France peut-être affurée de perdre à jamais
Les Colonics, & le Commerce, tout ce qui lui est
( 359 )
dâ, fi ce Décret fanguinaire n'eft pas retiré. Il n'a
jamais pû être provoqué que par les intrigues infernales
des véritables ennemis de la Nation . Le
malheur eft à ſon comble ici , & l'on ne fauroit
calculer les effets du défeſpoir , ni le carnage que
peut produire un pareil Décret. Les Briffot ,
les Pethion , les Condorcet , & les Roberfpierre ,
doivent être bien contens . »
« L'onnefauroit trop recommander aux Chambres
de Commerce de France de feréurir , fans aucun
délai , pour faire anéantir ce funefte Décret,
La confervation de leur fortune , & celle de la vie
de plufieurs millions d'hommes , en dépendent. Ces
motifs font affez puiffans pour s'occuper d'un tel
objet , toute affaire ceffante..
CC
L'on fait , à n'en point douter , que le Com
merce de Bordeaux , loin de faire aucune démarche
pour faire retirer ce damnable Décret
n'a pas craint de fe déshonorer , en accordant de
vifs applaudiffemens aux difpofitions qu'il renferme
; auffi les Colons font-ils aliénés au dernier
point , contre cette ville , & l'on le propofe de
lui témoigner l'indignation qu'elle a juſtement
encourue , en refufant l'entrée du Cap à tous
les navires Bordelais . Il faut croire que les
autres Ports de la Colonie leur feront également
fermés. »
« Hier 4 , un Négrier Bordelais eft entré
dans le Port ; il a reçu l'ordre d'en fortir , & le
confeil de porter à l'Affemblée Nationale fes
Nègres , pour en faire des Citoyens actifs & des
Repréfentans de la Nation . Le Capitaine , que
set ordre réduifoit au défefpoir , a follicité la
Municipalité avec tant d'inftances & de larmes ,
qu'elle a bien voulu lui permettre de vendre fa
( 360 )
cargaifon ; mais malgre le beſoin d'efſclaves , perfonne
ne veut acheter ceux - là , »
" Des lettres & des Couriers ont été expédiés
pour les trois Provinces , pour propofer une réunion
générale , une coalition univerſelle , & préparer
une oppofition ouverte & bien foutenue contre
Le Décret Conftitutionnel & anti- Colonial , au
moment où il arrivera officiellement . »
OC
L'effigie de l'Abbé Grégoire a été brûlée
en place publique , ainfi que celle du traître &
Mulâtre Monneron.
•
Une indifpofition fubite a empêché M.
Mallet du Pan de reprendre le Journal
cette femaine ce fera probablement pour
la fuivante. )
::
?
AVIS.
Nous croyons rendre un fervice au Public
, & furtout aux Etrangers , de leur
annoncer l'établiffement de la Maifon de
Santé de M. Colon , Docteur en Médecine ,
ancien Chirurgien de Bicêtre , au Grand
Gentilly près Paris . L'on y trouve toutes
les commodités , les égards , les foins & le
fecret que les Perfonnes qui s'y adreffent
peuvent defirer dans leurs maladies ,
LIVRES NOUVEAUX.
L'ECOLE du bonheur ,
ou Tableau des vertus
fociales , dans lequel le
précepte , mis à côté
de l'exemple , préfente
la route la plus sûre
pour parvenir à la féli
cité Ouvrage utile à
l'éducation des jeunes
gens de l'un & de l'autre
fexe , & fait pour intéreffer
toute efpece de
Lecteurs ; 2 vol. in- 12
A Paris , rue & hôtel
Serpente.
;
vant Sergent- Major de
Grenadiers au Régiment
des Gardes-Françaiſes ;
in- 12. Prix , 24f. broch.
& 36 f.rel . franc de port
dans tous les Départemens.
A Paris , chez
Varin , Libraire , rue du
Petit Port , au bas de
la rue Saint -Jacques
n°. 22 ; & chez Bertaud
, Libraire , rue St.-
Paul,
L'Hiftoire univerfelle ,
Comédie en vrs & en
de x Actes , mêlée de
Vaudevilles & d'Airs
Effais fur les moyens
de former de bons Mé
decins , fur les obliga- nouveaux , repréfentée
tions réciproques des
Médecins & de la Socité
; partie d'un projet
d'éducation nationale ,
relative à cetteprofeffior ;
par J. J. Menuret , Docteur
, &c. A Paris chez
Anteur , rue Saint- Honoré
, près celle de l'E
chelle ; & chez Belin ,
rue Saint-Jacques .
1ftuctions patriotiones
& mil taires pour
la Garde Nationale , & c.
par M. Larefche , Capitaine
du centre , ci de
au Théâtre de Mon-
SIEUR par le Coufin-
Jacques. Prix , 151. A
Paris , chez Froullé
- Imprimeur-Lib, qui des
Auguftins , nº 39 ; &
chez l'Auteur , au Bureau
des nouvelles Lunes, rue
Phelipaux
n°. 15.
( Cette Piece n'a pas eu
moins de fuccès que Nicodême
dans la Lune , du
même Auteur).
La Fatalité , Roman
poérique ; par M. Grain
ville , des Académies de
Rouen , de Caen , des
Arcades de Rome , &
du Mufée de Bordeaux ;
Broch . in - 12 . A Paris ,
chez Royez , Lib. quai
des Auguftins , près le
Pont-Ne f.
Pétition à l'Affemblée
Nationale , par Montagne
, Charton , Montef
quieu & Voltaire ; fuivie
d'une Confultation en
Pologne & en Suiffe . A
Paris , chez Defenne ,
Lib. au Pais-Royal.
Le prix de l'abonnement eft de trente trojs liv.
fanc de port , tant pour Paris que pour la Province
li faut affranchir le port de l'argent &de
la lettre , & joindre à cette dernière e reçu du
Directeur des Pftes. O fouferit Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins. On s'adreffera au heur GUTH
Direct ir du Bureau du Mercure L'abonnement, ne
peut avoir lieu que pour l'année entiere.
จน
LIVRES NOUVEAUX,
LETTRE Paftorale de
M. l'Evêque du Déparsement
de la Meurthe
(Nancy ) , dans laquelle
il prouve , d'après les
Auteurs Eccléfiaftiques ,
que l'Affemblée Natione
, dans la Conftitation
civile du Clergé ,
a rien fait qui ne foit
e fon reffort & de fa
compétence ; feconde
édition . Prix 1 liv.
brech. A Paris , chez
Leclerc , Lib. , rue S.-
Martin , n . 24 ; &
Fronllé , quai des Au
guftins , no. 39.
>
Correfpondance d'un
habitant de Paris avec
Les amis de Suiffe &
d'Angleterre , fer les
événemens de 1789
1790 , & jufqu'au 4
Avril 1791 ; in- 8 ° . Prix,
4 liv . 4 f. broch. A Paris ,
chez Defenne & Gattey,
Lib. au Palais Royal.
Nouveau Voyage dans
les Etats - Unis de l'Amérique
feptentrionale ,
fait , en 1788 , par J. P.
Briffot Warville , Citoyen
Français ;; vol.
in- 8 ° . formant environ
1400 pages. Prix , 13 liv.
broch , & 14 liv. 10 f.
franc de port par la
Pofte. A Paris chez
Buiffon , Libraire , rue
Haute- feuille , n°. 20.
La Médecine éclairéa
par les Sciences phyques
, ou Journal des
découvertes
relatives aur
l'Art de guérir
, rédigé
différentes
parties de
feffeur de Chimie
au
par M. Foutcroy , Pro-
Jardin
des Plantes
, de
l'Académie des Sciences.
A Paris , chez le même.
Mémoires fur l'Inde ,
par M. Warren -Haftings,
Ecuyer , ci-devant GouverneurduBengale;
nouvelle
édition , avec des
augmentations , & fon
Difcours prononcé en
préfence des Pairs , le 2
Juin 1791 , premier
jour de la défenfe ; traduits
par M. de la Montagne
, & publiés par M.
le Chevalier de P. A
Paris , chez Roycz , Lib.
quai des Auguftins , près
le Pont-Neuf.
Catéchilme de Morale
pour l'éducation de
la jeunelle ; par M. Har
mand. Prix , 15 f. broch.
A Paris , de l'Imprime-
| rie de Provôt , rue Mazarine
, n° 92 ; & fe
vend chez Planche , Lib.
rue de Richelieu Sorbonne
, nº. ;; chez
Maillard , Lib. quai des
Auguftins , no. 45-
Le prix de l'abonnement eft de trente- trois liv
franc de port, tant pour Paris que pour la P
vince. Il faut affranchir le port de l'argent & d
la lettre , & joindre à cette dernière le reçu du
Directeur des Poftes. On fouferit Hôtel de Thou,
rue des Poitevins. On s'adreffera au fieur GUTH
Dired Bureau du Mercure L'abonnement
peutir lieu que pour l'année entiere.
LIVRES NOUVEAUX.
LA caufe du Pape , vol . in-8°. de près de
avecréfutation d'un Ou - seo pages , orné de fix
vrage imprime fous le
titre d'Entretiens familiers
de deux Curés du
Département de l'Orne ;
par M. L***. A Paris,
grandes Planches en
taille- douce. A Paris
chez Buiffon , Imprimeur
- Libraire , rue Haute-
feuille , n . 20. Prix ,
chez Hartau , Marchands liv. broch. & l. 10 f.
de Nouveautés , à l'Affemblée
Nationale.
Pour le Pape : Réponse
àun fougueux Ecrit ; par
M. L*** ; broch. in- 8°.
45p. A Paris , même
adreffe que ci-deffus.
Traité complet de la
culture , fabrication
&
vente du Tabac , d'après
les procédés pratiqués
dans la Pannonie , la Virginie
, le Danemarck
,
I'Ukraine
, la Valteline ,
la Guyane Françaife , &
ci devant dans la Guienne
; auquel on a joint
d'autres objets d'Economie
rurale, qui , réunis
ou fubftitués au Tabac ,
en rendent la culture encore
plus utile aux Propriétaires,
& très-intéreffante
pour l'Etat ; par
un ancien Cultivateur
;
S
franc de port par la
Pofte.
M. l'Evêque du Dépar
Lettre Paftorale de
tement de la Meurthe
(Nancy ), dans laquelle
il prouve , d'après les
Auteurs Eccléfiaftiques
que l'Affemblée Nationale
, dans la Conftitution
civile du Clergé
n'a rien fait qui ne foit
de fon reffort & de fa
compétence
; feconde
édition. Prix , I liv. liv.
broch. A Paris , chez
Leclerc , Lib. rue St.-
Martin , no. 254 ; &
Froullé , quai des Auguftins
, no. 39.
Méthode pour traiter
toutes les Maladies , trèsutile
aux jeunes Medecins
, aux Chirurgiens &
aux gens charitables qui
exercent la Médec
dans les campagnes ; dédiée
au Roi ; par M.
Vachier , Docteur - Ré-
Comte , no. 54 ; chicz
Méquignon l'aîné , Lb.
rue des Cordeliers , près
gent de la Faculté des Ecoles de Chirurgie ,
Médecine; Tom. 12, 13 ,
145 in- 12. A Paris , chez
l'Auteur , rue Michel - le-
& Croullebois , rue des
Mathurins.
Le prix de l'abonnement eft de trente trois liv.
franc de port, tant pour Paris que pour la Province.
Il faut affranchir le port de l'argent & de
la lettre , joindre à cette dernière le reca da
Directeur des Poftes. On fouferit Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins. On s'adreffera au feur GUTH ,.
Directe du Bureau du Mercure. L'abonnement ne
peut avoir lieu que pour l'année entière.
LIVRES NOUVEAUX.
L'ECOLE du bonheur ,
ou Tableau des vertus
fociales , dans lequel le
précepte , mis à côté
de l'exemple , préfente
la route la plus sûre
pour parvenir à la féli
cité , Ouvrage utile à
l'éducation des jeunes
gens de l'un & de l'autre
fexe , & fait pour inté
ffer toute efpece de
Lecteurs ; 2 vol. in- 12 .
A Paris , rue & hôtel
Serpente.
L'Hiftoire univerfelle ,
Comédie en vers & en
deux Actes , mêlée de
Vaudevilles & d'Airs
nouveaux , repréfentée
au Théâtre de MONSIEUR
; par le Coufingnons
de la France , ou
Traité élémentaire , renfermant
dans un ordre
méthodique les defcriptions
& les figures des
champignons qui croiffent
naturellement en
France ; par M. Bulliard ;
tome 1er. in-fol. Prix ,
14 liv. broch. en carton
avec huit Planches , dont
cinq font coloriées au
moyen de l'impreffion ;
& 186 liv . avec les 177
Planches dont il renfer-"
me les defcriptions. A
Paris , chez l'Auteur ,
Ile Saint-Louis , no. 1 ,
en face du Pont- Rouge' ;
chez Barrois le jeune ,
quai des Auguftins ;
Belin, rue Saint-Jacques;
Jacques. Prix , 15 f. A Bazan , r
Paris , chez Froullé ,
Imprimeur-Lib. quai des
Auguftins, n°. 39 ; &
chez l'Auteur , au Bureau
des nouvelles Lunes, rue
Phelipeaux , n°. 15.
(Cette Piece n'a pas eu
moins de fuccès que Nicodême
dans la Lune, du
même Auteur).
Hiftoire des champi-
& hôtel Serpente
; Croullebois , rue
des Mathurins. Le fecond
& dernier Volume
eft fous preffe.
Plan d'éducation nationale
, confidérée fous
le rapport des Livres élémentaires
; par Etienne
Barruel. Brochure in 8 ° .
de 300 pages . A Paris
chez Defense , Libraire
au Palais-Royal , & au
Luxembourg.
La Fatalité , Roman
poétique ; par M. Grainville
, des Académies de
des Auguftins , près le
Pont-Neuf.
Pétition à l'Affemblée
Nationale , par Montagne
, Charron , Montel
Rouen , de Caen , desquieu & Voltaire; fuivie
Arcades de Rome , &
du Musée de Bordeaux;
Broch. in- 12 . A Paris ,
chez Roycz , Lib. quai
d'e Confultation en
Pologne & en Suiffe. A
Paris , chez Defenne ,
Lib. au Palais- Royal.
Le prix de l'abonnement eft de trente-trois liv.
franc de port , tant pour Paris que pour la I
vince. Il faut affranchir le port de l'argent & de
la lettre , & joindre à cette dernière le recu du
Directeur des Poftes. On fouferit Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins. On s'adreffera au fieur. Gry ,
Directem Au Bureau du Mercure . L'abonnement ne
peut avoir lieu que pour l'année entiere.
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